PSS EC SL SE f f HARVARD UNIVERSITY LIBRARY OF THE Museum of Comparative Zoology TTECVPERENETIMI AT OF THE Class of 18 s LAN TU / ( {1 D 7 d leuc op Un à Abe / | " 14 J 4 " ARCHIVES LOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPERIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE HENRI pe LACAZE-DUTHIERS MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences) PROFESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF (FINISTÈRE) ET DE LA STATION MARITIME DE BANYULS-SUR-MER (PYRÉNÉES-ORIENTALES) (Laboratoire Arago) ————— DEUXIEME SÉRIE TOME PREMIER 1883 “PARIS LIBRAIRIE DE C. REIN WALD 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 45 f L : me _ . pompnptees k FE FA: Ba: re 4h 4 Fr J Li 4 n Es 1 # LAN NM ne 2 nel ; Nes x * RE" d ; AARQN RUE. x 2 \ . + CPR it = vi ve L'an Nuit NM RE TL QE LA CR * | L “: FAR 3 Un À SR er , " ri Er RSR PA 1 | a Ze E % ‘ N: + t ONE és 0 oi 4 PR AP PQ ACT ! à DEA He ar ve A AQU: ': | ) AA Nr " » LA F'he Le LR . vu ETS Ps UP 1% ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPERIMENTALE ET GÉNÉRALE INTRODUCTION. Lorsqu’en tête des Archives, fondées à mes risques et périls, j'exprimais, en 4872, ma grande confiance dans l'avenir, J'éprou- vais cependant, il m'est permis aujourd’hui de l’avouer, quelques craintes, et des doutes traversaient mon esprit, bien que je fusse résolu à ne pas faiblir. À cette époque, nous sortions des épreuves terribles de 1871; le découragement était grand et général, aussi était-il difficile de prévoir les suites que pouvait avoir mon entreprise. Pour les sciences naturelles, les moyens de travail étaient loin d'être ce qu'ils sont devenus depuis. Les laboratoires étaient à cette époque en petit nombre et quelques-uns trop modestement dotés pour permettre de recevoir des élèves. Les miens, en par- ticulier, étaient à la Sorbonne, si réduits et si insuffisants qu’il m'était impossible d’avoir plus d’un seul élève travaillant d'une façon continue. Les moyens d'action en zoologie, fort inégalement répartis, avaient élé alors réunis dans les mains de quelques personnes. ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, — 2 SÉRIE, — T, 1, 1883, 1 9 INTRODUCTION. Dans ces conditions, il devenait difficile de recueillir les maté- riaux nécessaires pour composer des volumes ; et plus d’une fois, j'ai ressenti ce commencement de défaillance que font naître des forces prêtes à s'épuiser. , D'ailleurs, un recueil périodique de la nature des Archives, ne répondant pas à cette curiosité que veulent satisfaire ceux qui dé- sirent, sans peine, aisément, et avec peu de travail arriver à une instruction superficielle, n’a pas grande chance de faire de bril- lantes affaires ! Les déficits des premiers jours furent pénibles à supporter, car ils étaient considérables. Les éditeurs, si aimables pour les auteurs, et toujours sou- cieux du progrès de la science, jugent et voient mieux que nous le côté positif des publications. Aussi, peu de temps après les débuts, fallut-il modifier les conditions de la fabrication du re- cueil. On le comprend; les efforts et la persévérance ont dû être en commençant aussi grands que continus. à | Mais j'avais confiance, et l'espérance ne m’abandonna jamais, malgré des moments passagers de découragement. J’entrepris la création successive des stations maritimes de Roscoff et de Banyuls-sur-Mer et je la poursuivis avec la ténacité dont les lec- teurs des Archives connaissent toute l'étendue, et cela au milieu des difficultés dont on ne tient plus compte après la réussite, mais qu'on n’oublie pas, quand on a dû enlever chaque amélioration, pour ainsi dire, de haute lutte, au milieu des changements perpé- tuels d’une administration toujours agitée par les fluctuations et les influences diverses de la politique. | Bientôt les Archives ne tardèrent pas à se ressentir de la créa- tion des laboratoires maritimes, et elles devinrent naturellement, c'était mon but, les Archives mêmes de ces stations zoologiques. Lorsque, dans la station de Banyuls, de création encore toute INTRODUCTION. 3 nouvelle, de nombreux travailleurs auront passé des hivers entiers à explorer cette partie des côtes méditerranéennes si riches, et' ces eaux si éminemment propices au développement des animaux: pélagiques, il n’en faut point douter, les publications préndront une extension nouvelle qui ira toujours croissant. La génération des jeunes naturalistes qui se forme, doit sentir tout ce qui est fait pour elle, et si elle utilise les moyens nombreux de travail mis à sa disposition, elle estimera, qu’étant ainsi favo- risée, elle a le devoir de faire progresser à son tour la zoologie française, et plus rapidement encore que ses devanciers qui étaient loin d’avoir les ressources qu’elle possède, et qui, cepen- dant, ont beaucoup travaillé. En commençant une nouvelle série, je tiens à constater que, malgré les conditions défavorables du début, mes espérances n'ont point été déçues. Le mouvement scientifique s’est accentué de plus en plus et l’étude de la zoologie a fait de grands progrès. C'est donc avec raison qu’en 4872 je disais : En réfléchissant froidement, sans parti pris, sans préoccupation politique, aux événements qui viennent de s’accomplir, en cherchant avec calme à reconnaître quels en peuvent être les effets, il est impossible qu'après un premier abattement inséparable des grandes douleurs, après une lassitude et un découragement, funestes s'ils se pro- longent, mais en présence aussi d’une vitalité semblable à celle dont fait preuve la France, on ne soit pris d’un sentiment pro- fond de confiance et d’espoir en l'avenir. Les espérances qu'avait fait naître l'amour vif de mon pays, et qu'à un moment on avait pu prendre pour des illusions, se sont réalisées. Après une durée de dix années, les Archives ont pris, on peut le dire, leur place dans le monde scientifique, et aujour- d'hui leur existence est assurée. Je n'ai pas voulu que les lecteurs ouvrissent le premier volume 4 INTRODUCTION. de la seconde série, sans y retrouver l’expression des sentiments qui m'assiégeaient au commencement de la publication et sans y lire la manifestation de la joie qu'aujourd'hui me donne la réussite. Je tenais surtout à exprimer, dans ces premières pages, les remerciements que J adresse cordialement à tous ceux qui, ayant eu confiance dans mon œuvre et continuant à m'’assurer leur concours dans les moments difficiles, ont éloigné de moi le décou - ragement et m'ont conduit à réussir. Il me reste à prouver, par les soins et le développement qui seront donnés à la nouvelle série, quel prix j'attache à l'estime de ceux qui m'ont si puissamment aidé à faire progresser la science que J'aime par-dessus tout et à qui j'ai voué ma vie entière. Ne faut-il pas ajouter encore que M. C. Reinwald, l'éditeur si connu par les efforts qu’il a faits pour vulgariser en France les œuvres de Darwin, s’est associé à mon entreprise et que ses désirs les plus ardents sont de voir l’éclat et l’extension des Archives s’accroître tous les jours davantage ? Henri DE LACAZE-DUTHIERS. En Sorbonne, le 4er de janvier 1883. LES REPTILES PRIMAIRES" Par ALBERT GAUDRY Membre de l’Institut de France, Dès 1710, d'après les invitations de Leïibnitz, un médecin deBerlin, nommé Spener, a décrit un reptile qui avait été tiré des schistes permiens de la Thuringe?. Mais c'est seulement vers 1847, lors de la découverte des Archegosaurus, que l'attention des paléontologistes a été attirée vers les quadrupèdes des temps primaires. D’intéressants travaux sur ces animaux ont été publiés : en Russie, par Kutorga, Fischer de Waldheim, Eichwald ; en Allemagne, par Goldfuss, Her- mann de Meyer, MM. Fritsch, Credner, Geinitz, Deichmüller; en Angleterre, par MM. Owen, Huxley, Wright, Hancock, Miall, Athey ; au Canada, par M. Dawson; aux États-Unis, par MM. Wyman, New- berry, Leidy, Cope, Marsh, etc. En France, sauf l’Aphelosaurus*, trouvé par M. de Rouville auprès de Lodève, on n'avait signalé avant 1867 aucun reptile primaire. Aujourd'hui nous avons le Protriton, le Pleuronoura, l'Actinodon, l'Euchirosaurus, le Stereorachis, tous extraits du permien des envi- rons d’Autun ; c’est surtout à MM. Roche père et fils, directeurs des usines d'Igornay, que nous sommes redevables de leur découverte. L'abondance des reptiles qu'on a retirés de couches où on n’en avait Jamais rencontré jusqu’à ces dernières années, prouve combien nous 1 Ce travail fait partie d’un ouvrage de M. Albert GAUDRY, intitulé : Enchaîne- ments du monde animal dans les temps géologiques (Fossiles primaires). ? On a donné à cet animal le nom de Proterosaurus (mpérepcs, prédécesseur, et cadocs, lézard). + ’Apekns, Simple, et aaÿpos, lézard, L’Aphelosaurus a été décrit et figuré par GEr- VAIS, dans la Paléontologie française. 6 ALBERT GAUDRY. devons prendre garde d’attribuer à la nature des lacunes qui n’exis- tent que dans nos esprits ignorants. Les:plus anciens reptiles connus appartiennent aux terrains car- bonifère et permien, c’est-à-dire à la partie supérieure des forma- tions primaires. Tandis que les {invertébrés ont été nombreux dans les temps siluriens, et que les poissons, plus élevés que les inverté- brés, ont eu leur règne dès l’époque dévonienne, les reptiles, supé- rieurs aux poissons, ne se sont multipliés qu’à partir de la période carbonifère. Il y a là des faits favorables à l'idée d’un développement progressif du monde animal. La classe des reptiles est divisée en deux : la sous-classe des rep- tiles anallantoïdiens, représentée de nos jours par les batraciens, et la sous-classe des reptiles proprement dits, ou allantoïdiens, tels que les crocodiles, les lézards, les tortues, les serpents. Tous les natu- ralistes s'accordent à considérer cette seconde sous-classe comme plus élevée que la première, car l’allantoïde est une extension du feuillet interne du blastoderme qui sert à envelopper le fœtus, et est destinée, dans la plupart des êtres parvenus au stade de mam- mifère, à former le placenta. Comme le placenta met le fœtus en communication intime avec sa mère, et lui permet de prendre un grand développement avant de venir au jour, il marque un notable perfectionnement. A la vérité, chez les reptiles proprement dits et chez les oiseaux, l’allantoïde ne se change pas en placenta ; mais sa seule présence révèle une tendance vers les états les plus élevés de l’organisation. Il est impossible d'affirmer que les plus anciens rep- tiles aient été des anallantoïdiens ; néanmoins, il est assez vraisem - blable qu’il en a été ainsi, attendu qu’à en juger par leur squelette ils se rapprochent plus des batraciens actuels que des reptiles allan- toïdiens. Il y aurait là encore un indice favorable à l'idée d'un déve- loppement progressif. Je ne peux exposer ici les formes si variées que plusieurs paléon- tologistes habiles ont mises en lumière. Je m'’attacherai particuliè- rement à l'étude du Protriton, du Pleuronoura, de l'Archegosaurus, LES REPTILES PRIMAIRES. 7 de l’Actinodon, de l’Æ‘uchirosaurus et du Stereorachis. Je choisis ces genres par la seule raison que je les connais mieux que les autres. Is me semblent, d’ailleurs, assez bien représenter les principales gradations des reptiles primaires : le Protriton et l'Archegosaurus sont des types très peu élevés, l’Actinodon est plus avancé, l’£uchiro- saurus l’est plus encore, et le Sferéorachis est une des créatures les plus parfaites qui aient été découvertes dans les terrains primaires. Protriton et Pleuronoura. — En 1875‘, j'ai appelé l'attention des paléontologistes sur des quadrupèdes d'une petitesse extrême quel’on trouve dans le permien des environs d’Autun. Ils ont l'apparence de toutes jeunes salamandres qui auraient une queue très courte; je les ai appelés Protriton ? petrolez. On en voit la gravure dans la plan- che I, figure 1. Jusqu'à présent, l’époque primaire paraissait avoir été caractérisée par des reptiles distincts des batraciens actuels, qui ont été décrits sous les noms, tantôt de Labyrinthodontes *, tantôt de Ganocéphales * tantôt de Séégocéphales *. Il m'a semblé que le Protriton, comme aussi un petit fossile d'Allemagne, l’Apateon’, et un autre des États- ! Sur la découverte de batraciens proprement dits dans le terrain primaire (Comp- tes rendus de l'Acad. des sciences, 15 février 1875, et Bull. de la Soc. géol. de France, 3+ série, vol. III, séance du 29 mars 1875, pl. VII et VIII). 2 Pro, avant; triton, salamandre aquatique. Le terrain qui renferme le Protriton est exploité pour en tirer du pétrole. 8 Aafôowôos, labyrinthe; 696, dent. Ce nom a été donné par Hermann de Meyer, parce que les labyrinthodontes du trias, qui ont été étudiés les premiers, ont dés dents d’une structure compliquée, où les plis de dentine prennent un aspect laby- rinthiforme. * Tévos, éclat; xepaan, tète. Le nom de cet ordre, dit M. Owen, est tiré des plaques osseuses sculptées et polies exiérieurement ou ganoïdes qui protégeaient toute la téle. Ces plaques comprennent les post-orbitaires et les sus-lemporaux qui couvrent d'un toit les fosses temporales. M. Owen a réservé le nom de RIT UNE aux labyrin- thodontes où la notocorde est persistante. 5 Zréyn, toit; xeooxn, tête. M. Cope comprend sous ce nom les labyrinthodontes, les ganocéphales et les petits reptiles du houiller américain que M. Dawson a nom- més microsauriens (uexpoc, petit; oxdpos, lézard). $ Le docteur GErGENs crut que l’Apateun était une petite salamandre ; Hermann 8 | ALBERT GAUDRY. Unis, le Æaniceps', ne différaient pas autant des batraciens. Voici les raisons qui m'ont frappé : pour tous les paléontologistes, le prin- cipal caractère des labyrinthodontes est d’avoir les os placés der- rière les yeux (post-orbitaires, post-frontaux, sus-temporaux) si développés, qu'ils s'unissent pour former un toit continu ; chez les batraciens, ces os sont très réduits ou supprimés, de sorte que les cavités des yeux sont relativement si grandes qu'il en résulte une forme de tête très différente. Dans le Protriton, les os situés en arrière des yeux sont bien moins développés que chez les labyrin- thodontes?, et Les orbites ont une grandeur qui rappelle l'apparence des batraciens. Un autre caractère important des labyrinthodontes, c'est la forme bizarre de leur ceinture thoracique, avec un grand entosternum sur lequel s'appuient des clavicules (épisternum), élar- gies enavant (pl. I, fig. 3, et pl. IV, fig. 1); or, je n’ai pas su voir d’'en- tosternum ossifié chez les Protriton, et les clavicules n’ont point l'élargissement qui est si remarquable dans les labyrinthodontes. Ce qui distingue encore les labyrinthodontes, ce sont des côtes très grandes, compliquées ; au contraire, chez le Protriton le système costal est simplifié comme chez la plupart des batraciens. Enfin, les labyrinthodontes ont sous le ventre un système d'’écailles tout à fait curieux (voir pl. I, fig. 3, et pl. II, fig. 2), au lieu qu’à en juger par sa fossilisation, le corps du Protriton a été aussi nu que celui des batra- ciens. C'est pourquoi le Protriton m'a paru un reptile dans lequel ne se sont pas encore accusées les divergences qui ont caractérisé le groupe des labyrinthodontes ; j'ai pensé qu'il s’écartait moins du type commun des reptiles anallantoïdiens actuels, et notamment des salamandres. À côté de quelques traits de ressemblance avec l’état jeune des de Meyer supposa qu’il y avait là une erreur, et, pour rappeler que ce fossile avait donné lieu à une méprise, il le nomma Apateon (ärarewv, trompeur). 1 Rana, grenouille; ceps, en composition pour caput, tête. Wyman a rangé le Raniceps parmi les batraciens. ? Le Loxomma, qu'on a classé dans les Labyrinthodontes, fait exception par ia grandeur de ses cavités orbitaires, LES REPTILES PRIMAIRES. y salamandres, le Protriton montre des différences. Une des plus appa- rentes consiste dans la brièveté de la queue. Parmi les échantillons de Millery qui m'ont été communiqués par M. Pellat, j'en ai remar- qué un (pl. I, fig. 2) qui est long de 51 millimètres, dont la queue est proportionnément plus longue; elle compte 16 vertèbres, sur les premières desquelles on voit des côtes. Autour du squelette, la pierre à pris une teinte plus foncée, comme s'il y avait eu une peau plus résistante que dans le Protriton. J'ai inscrit ce fossile sous le nom de Pleuronoura 1. Les petits reptiles qui ont l'aspect de salamandres ne sont pas rares dans les environs d'Autun. Les premiers Protriton que j'ai vus ont été découverts par MM. Roche, Loustau, François Delille; à peine les eus-je décrits, que MM. l’abbé Duchêne, Durand, Pellat, Chanlon en retrouvèrent un grand nombre à la base de la couche du permien de Millery, appelée le boghead; M. Bernard Renault et M. Tarragonet me remirent des spécimens très bien conservés du boghead de Margennes ; MM. Roche, Jutier en découvrirent à Dracy- Saint-Loup, dans des couches permiennes, qui sont à 2000 mètres plus bas que celles de Millery. Ces créatures, qui se sont tant multi- pliées et ont vécu si longtemps, ont dû offrir bien des variations. Par une heureuse coïncidence, on a également trouvé dans les schistes bitumineux du permien de la Bohême et de la Saxe une mul- titude de petites bêtes qui se rapprochent des nôtres ; l’une d'elles, qui a été décrite sous le nom de PBranchiosaurus®, ressemble au Protriton et surtout au Pleuronoura; le Melanerpeton* pustllum en parait aussi très voisin. M. Fritsch a fait sur ces fossiles un ouvrage 1 Ievpov, côte ; duo, queue. Les repliles de l'époque permienne aux environs d’Au- tun (Bull. Soc. géol. de France, séance du 16 décembre 1878). Au moment où je livre ces lignes à l'impression, M. SranisLas MEUNIER vient de me donner pour leMuséum un bel échantillon de Pleuronoura du permien d'Autun avec une longue queue. ? Ainsi appelé parce que les savants allemands ont vu qu’il avait des branchies en arrière de la tête comme l’Archegosaurus. Je suppose que c'est le même genre que le Pleuronoura. 3 Méhas, noir; éomerov, reptile, Ce genre a été d’abord découvert dans les couches carbonifères de l'Irlande. 10 ALBERT GAUDRY. accompagné de belles figurest. M. Geinitz? a publié dernièrement, en collaboration avec M. Deichmüller, un supplément à son magni- fique travail sur le Dyas, et il y a décrit plusieurs reptiles de la Saxe, qui se rapprochent de ceux de la Bohème. M. Credner * s’est occupé aussi des fossiles permiens de la Saxe. On ne peut manquer d’être frappé de la remarque que les petits fossiles d'apparence salamandriforme se trouvent dans les mêmes terrains où l’on rencontre les labyrinthodontes. Ainsi, l'Apateon à été recueilli dans des couches semblables à celles de Leiïbach, où l’'Archegosaurus abonde ; dans le terrain de Dracy-Saimt-Loup, (près d’Autun, on voit, à côté des Protriton, l'Actinodon etl E'uchirosaurus.; en Bohême et en Saxe, MM. Fritsch, Geinitz et Deichmüller ont découvert, outre le Branchiosaurus, des animaux tels que le Dawsonia et le Melanerpeton pulcherrimum *, qui semblent des labyrinthodon- tes. En présence de ces coïncidences, il est naturel de penser que, parmi les petits fossiles d'aspect salamandriforme, il doit y en avoir qui représentent l’état jeune des labyrinthodontes. Mais il n’est pas toujours facile de distinguer les différences dues à l’âge et les diffé- rences spécifiques chez des animaux qui ont pu être sujets à des métamorphoses, comme le sont plusieurs des batraciens actuels. Ainsi, l’Apateon d'Allemagne et la plupart des Protriton décou- verts jusqu'à présent aux environs d’Autun, sont d’une extrême peti- iesse (de 26 à 45 millimètres, y compris la queue); le Pleuronoura, les Branchosaurus salamandroides et gracilis, le Melanerpeton pusil- lum sont encore bien petits, car ils ne’dépassent guère 70 millimè- ires, On peut supposer que cette ténuité provient de ce que c'étaient 1 Voir le grand ouvrage de M. Frirsou, intitulé : Fauna der Gaskohle und der Kalksteine der Permformation Bühmens, in-40, Prague, 1879. ? GemniTz und DercamuLuer. Nachträge zur Dyas Il; in-4° avec planches, 1882. $ CREDNER. Die Stegocephalen {(Labyrinthodonten) aus dem Rothliegenden des Plauen’schen Grundes bei Dresden (Zeitschrift der deutschen geologischen Gesellschaft, 33e vol., p. 298, Berlin, 1881). Ce mémoire est accompagné de très bonnes figures. * Cet animal paraît assez différent du Melanerpeton pusillum ; il a un entosternum et un épisternum comme les vrais labyrinthodontes. LES REPTILES PRIMAIRES. 11 des individus très jeunes. Mais il serait possible aussi que ce fussent des animaux adultes; car, s'il est vrai que les êtres ont été soumis à la loi d'évolution, on doit admettre qu'ils ont, dans les temps pri- maires, présenté en partie les caractères de ceux de l’époque actuelle à l’état d'enfance ou même à l'état d'embryon ; par conséquent, il faut s'attendre à trouver dans les terrains anciens, non seulement des êtres très simples, mais aussi des êtres très petits. Dans le Protriton, l'espace orbitaire me paraît avoir été plus grand que dans le franchiosaurus*, etilest encore un peu plus grand dans le Branchiosaurus que chez les labyrinthodontes, tels que l’'Archegosaurus et l'Actinodon. Est-ce parce que les os en arrière du crâne (post-orbitaire, post-frontal?, sus-temporal) se sont agrandis pendant la vie des individus ? Est-ce parce qu'ils se sont agrandis pendant la série des développements des espèces ? Je n’ai pas vu d’entosternum ossifié dans le Protriton* ; MM. Fritsch et Credner en ont observé de très rares exemples dans le Branchro- saurus ; Chez l'Archegosaurus, l'Actinodon, le Dawsonia, cet os est devenu très grand, solide, losangique au lieu d’être ovale. Les cla- yicules sont étroites dans le Protriton, le lleuronoura d'Autun, le Branchiosaurus de Bohême, larges chez les vrais labyrinthodontes, dans la partie qui s’insère sur l’entosternum. Sont-ce là des progrès d’ossification qui indiquent des différences d'âge ou des différences spécifiques ? Le Protriton avait le corps tout nu, avec une peau très molle ; le Pleuronoura avait une peau plus consistante ; M. Fritsch a trouvé un spécimen de Branchiosaurus avec une peau écailleuse ; les écailles de la peau du ventre s’accusent bien chez de petits sujets de Dracy- 1 Surtout si l’on juge le Branchiosaurus par la restauration que M. Frirscu en a donnée. 2 Comme M. Fritscn l’a reconnu, il y avait un post-frontal chez les reptiles salamandriformes ; seulement il était extrêmement mince dans le Protriton. $ Sur la plaque de Pleuronoura, j'ai remarqué une petite empreinte ovale dont je nai pas osé parler, parce qu’elle m’a paru trop problématique; elle a à peu es l'aspect de l’entosternum que M. CREDNER a attribué au Branchiosaurus. 1 12 ALBERT GAUDRY. Saint-Loup, que j'attribue aux genres Æuchirosaurus où Actinodon. Ces variations nous font-elles assister à des changements de crois- sance individuelle ou à des changements dans l’évolution des es- pèces? Il n’est pas aisé de répondre à ces questions ; néanmoins, je suis porté à croire que les différences ne sont pas uniquement dues à l'âge des individus. Par exemple, le Protriton que j'ai représenté (pl. I, fig. 1), est presque aussi grand que le Pleuronoura ; je n'ai donc pas de raison de supposer que ses différences avec le Pleuro- noura proviennent de ce qu'il est plus jeune, d'autant plus que, d’après l'inspection des salamandres actuelles, la brièveté de la queue ne me paraît pas être un caractère embryonnaire. Il me semble éga- lement difficile de penser que les Protriton sont de jeunes individus d'Actinodon, d'Euchirosaurus ou d’Archegosaurus, attendu que leurs vertèbres semblent plus ossifiées. Toutes ces questions sont très intéressantes, car elles nous font sentir combien les évolutions spécifiques ont pu ressembler aux évolutions individuelles ; mais on ne peut présenter une opinion qu'avec la plus grande réserve, car aux difficultés que je viens de signaler se joint celle qui résulte de l’état, le plus souvent imparfait, dans lequel se trouvent des créatures chétives enfouies dans des ter- rains d’une immense antiquité. Archegosaurus. — De même que le Protriton, le Pleuronoura, le Branchiosaurus simulent, à quelques égards, l’état jeune du genre Archegosaurus, l'Archegosaurus, par ses vertèbres et les os de ses membres, simule l’état jeune des genres Actinodon et Euchirosaurus, dont je parlerai plus loin. De petits squelettes, découverts à Dracy- Saint-Loup par M. Roche, à côté des individus adultes d’Acfinodon et d'£uchirosaurus, ont une étonnante ressemblance avec l’Archego- saurus ; je suppose néanmoins que ce sont des jeunes, soit de l'Acti- nodon, soit de l'£uchirosaurus, attendu qu’on n’a pas encore décou- vert à Autun d'Archegosaurus adulte. Ces ressemblances sans doute LES REPTILES PRIMAIRES. 13 sont des indices d’une filiation, ou tout au moins d’une unité de plan dans le développement des quadrupèdes anciens. L'Archegosaurus! se trouve dans le permien de Leibach (Prusse rhénane) ; il a été étudié par Goldfuss et Hermann de Meyer. Les recherches du docteur Jordan ont amené la découverte d’un très grand nombre d'échantillons ; plusieurs Musées en possèdent, et, notamment, le Muséum de Paris en a une très instructive collec- tion. On voit le dessin de l’un d’eux dans la planche, fig. 3 ; sa tête forme un triangle très allongé ; ses inter-maxillaires 2. m. et ses maxillaires ». portent de nombreuses dents pointues qui annoncent des mœurs carnassières. Le ventre est couvert de petites écailles ée, minces, aciculées. La ceinture thoracique a une curieuse disposi- tion, sur laquelle des avis très divers ont été émis; selon moi, la grande pièce médiane ent. est l’entosternum des lézards et des tor- tues ; les deux pièces cl. qui s'appuient sur ent. sont les clavicules, c'est-à-dire les homologues des épisternum des tortues et des grands os arqués de la ceinture thoracique des poissons ; les pièces s. cl. sont les sus-claviculaires, homologues de ceux des poissons, qu'on appelle quelquefois des sus-scapularres, et homologues peut-être aussi de l’épine de l’omoplate des mammifères ; om. sont les parties plates des omoplates. Il y a deux paires de membres, sensiblement égaux, tournés en arrière, servant à la natation ; leurs os sont dépourvus d'épiphyses, et sont d’une grande simplicité ; les éléments osseux ont envahi imparfaitement leurs cartilages, de sorte que leur tissu est peu dense et facile à comprimer; c’est pour cette raison qu'en passant à l’état fossile, ils se sont souvent déformés. La colonne vertébrale offre une disposition très intéressante pout l’étude de la formation du type vertébré ; elle est au premier abord difficile à comprendre, parce qu’elle est restée dans un état en partie Cartilagineux, et que ses éléments, n'étant pas soudés, ont été dis- joints dans la fossilisation. Mais je pense que les naturalistes pour- l’Aoymyes, qui est à la tête; oaÿoos, lézard, 14 ALBERT GAÜDRY. ront en avoir une idée exacte en examinant la figure que j'en donne, d’après un de nos échantillons du Muséum (pl. I, fig. 4); on y voit quatre vertèbres brisées verticalement ; les arcs neuraux sont dis- tincts des centrum, chaque centrum est formé d’une pièce infé- rieure 2. c. et de deux pièces latérales p/. c.; on comprendra encore mieux cette disposition une fois qu’on aura regardé (pl. V, fig. 4 et 5) la figure d’une des vertèbres de l’£uchirosaurus, qui, étant dans un état d’ossification plus avancé, se sont mieux conservées à l’état fossile. Les parties d. qui s’aperçoivent au-dessous du conduit de la moelle épinière, sont les avances des arcs neuraux qui ont servi à l'insertion des côtes ; ce sont des diapophyses qui n’appartiennent pas au centrum. Actinodon, — Les schistes permiens des environs d'Autun, qu’on exploite pour le pétrole, renferment de nombreux ceprolithes (pl. I, fig. 4). Leur forme indique qu'ils proviennent d'animaux dont l'in- testin avait des valvules spirales comme chez les squales actuels et les Zchthyosaurus secondaires; les écailles de Palæoniscus qui y sont contenues, annoncentque ces animaux étaient descarnivores. On con- naît maintenant plusieurs reptiles qui ont pu faire ces coprohthes. Le premier qui ait été découvert est l’Actinodon ; M. Frossard l’a trouvé à Muse, et m'a confié le soin de le décrire. La figure 4 de la planche III représente la face inférieure de sa tête ; des dents pointues garnis- sent les mancibules, les inter-maxillaires, les maxillaires, les pala- üns ; le vomer, outre deux grandes dents, est-couvert de dents en carde comme chez certains poissons. Dans le crâne qui est dessiné ici, les os placés en arrière sont brisés ; mais j'ai d’autres échanül- lons dans lesquels le sphénoïde, le ptérygoïde et le basilaire sont en bon état ; on y remarque deux condyles occipitaux. La figure 2 de la planche Il montre un crâne ? d’Actinodon avec 1'Aurts, tv0c, Tayon; cdüv, dent. J’ai proposé ce nom, pour rappeler que l'Aclino- don se distingue des labyrinthodontes du trias par la texture de ses dents qui ue présentent pas de circonvolutions. 2 Je crois que ce crâne indique uné espèce différente de l’Actinodon Frossardi. LES RÉPTILES PRIMAIRES. 15 ses os sculptés comme ceux des crocodiles, ses deux orifices nasaux placés en avant, etses orbites enarrière desquelles les sus-temporaux, les sus-squameux et les post-orbitaires sont développés de telle sorte que le crâne forme un toit continu ; on a ici un bon exemple de la disposition qui a fait imaginer, pour les labyrinthodontes, les noms de Ganocéphales et de Stégocéphales. J'ai représenté (pl. I, fig. 3) un des singuliers os en forme de selle de cheval, qui constituent [a partie inférieure du centrum des vertèbres. Les pièces de la ceinture thoracique que M. Frossard a trouvées, sont excellentes pour l'étude (pl. IV, fig. 4), car elles sont libres et jouent les unes sur les autres dans leur position naturelle : on voit en ent. un entosternum plus large et plus sculpté que dans l’Arche- gosaurus ; sur ses bords antérieurs s'appuient des épisternum ou clavicules qui ne se dirigent pas en arrière comme chez l’Archego- saurus, mais sur les côtés ; ces pièces ont un prolongement qui s’ar- ticule par glissement avec des os s. cl. allongés, plats, en forme de rames, que j'appelle des sus-claviculaires, et qui peut-être sont les homologues des acromions des omoplates dans les mammifères ; en 0, on voit une omoplate plus développée que dans l’Archegosaurus, avec un épaississement sur le côté interne dans la partie où adhérait le coracoïde et où s’articulait l’os du bras. Quelques pièces des membres sont représentées dans la planche I, figure 5, et dans la planche IV, figures 1 et 2 ; elles n’ont pas d’épi- physes; on croirait voir des os de fœtus de mammifères, ou plutôt des os comme ceux des poissons, qui ont des extrémités creuses remplies par une substance cartilagineuse molle. L'absence des épi- physes est un caractère important, car c’est sur elles principalement ue les muscles et les ligaments s’insèrent chez les animaux supé- P Ïl est notablement plus petit, quoique ses os, très bien soudés, semblent annoncer un animal adulte. Il est plus large que long, au lieu que l’Actinodon Frossardi est plus long que large; la partie médiane de son bord postérieur ne forme pas une profonde cavité, comme dans l’Actinodon Frossardi. 16 ALBERT GAUDRY. rieurs. Cette absence paraît indiquer des membres qui n'avaient que des mouvements généraux ; plusieurs de leurs os devaient avoir entre eux les mêmes genres de rapports que ceux de la colonne ver- tébrale. Il y avait sur le ventre, entre les membres de devant et de der- rière, des écailles d'une forme singulière ; elles variaient suivant leur place ; quelques-unes étaient très pointues. Leur disposition était sans doute la même que dans l’Archegosaurus ; comme leur dimension est notablement plus grande, il est plus facile de s’en rendre compte. On a représenté (pl. Il, fig. 2), de grandeur natu- relle, un échantillon qui a été donné au Muséum par M. Jutier, ingénieur en chef des mines ; les écailles sont placées par rangées qui sont disposées en chevrons. Elles sont très longues, minces, étroites. Celles qu'on remarque en avant montrent leur pointe acérée qui s’enfonçait dans la peau. A droite, en arrière, sont deux centrum de vertèbres, vus sur le côté ventral; pour les rendre appa- rents, on a enlevé les écailles qui les recouvraient, Euchirosaurus, — Les recherches qui ont été faites dans le per- mien d'Autun ont amené la découverte de nombreux ossements dif- férents de ceux de l’Actinodon Frossardi ; je réunis ici leur descrip- tion sous un même nom, celui d'Zuchirosaurus, en prévenant que c'est là un rapprochement tout à fait provisoire ; comme les os ont été trouvés par différentes personnes, à différentes places, à diffé- rentes époques, il est difficile de décider quels sont ceux qui doivent aller ensemble. Lorsque Cuvier a classé les pièces fossiles du gypse de Paris, il a pu attribuer chacune à son espèce, parce qu'il a eu, pour se guider, les êtres de la nature actuelle, qui ont des affinités avec ceux des temps tertiaires. Mais l'examen des animaux récents ne peut jeter qu'une lumière bien affaiblie sur des créatures d’une aussi immense antiquité que celles des temps permiens. Parmi les pièces dont la détermination m'embarrasse, je citerai d'abord une portion de crâne qui ressemble beaucoup à celui de LES REPTILES PRIMAIRES. 17 l’'Actinodon Frossardi pour la disposition du sphénoïde, du ptéry- goïde et de ses doubles condyles occipitaux, concaves au lieu d’être convexes; mais il est plus grand, proportionnément plus élargi; sa portion postérieure est bien moins excavée dans le milieu, et, si je ne suis pas trompé par de fausses apparences dues à des compres- sions, les yeux paraissent avoir été placés plus en avant que chez l'A ctinodon. Les figures 4 et 5 de la planche V présentent un essai de restau- ration de vertèbres que MM. Roche ont trouvées dans le permien d'Igornay et de Dracy-Saint-Loup ; je les attribue provisoirement à l'£uchirosaurus. Tout est singulier dans ces vertèbres. Leur neur- épine, au lieu d’avoir la forme d'une apophyse épineuse, se dilate transversalement, produisant de grandes avances latérales; je ne connais dans nos pays! aucun animal vivant ou fossile qui offre une pareille conformation. Non seulement les centrum ne sont pas soudés aux arcs neuraux, mais encore ils sont composés de trois parties non soudées entre elles, et, comme ces parties ont été en général isolées dans la fossi- lisation, elles offrent des énigmes aux paléontologistes ; je n’ou- blierai jamais la singulière impression que je ressentis la première fois que je dégageai, du schiste où elles étaient cachées, ces pièces qui nous font saisir sur le fait la manière dont la vertèbre s’est con- stituée : je vis d'abord (pl. V, fig. 2) des morceaux lisses en dessous, rugueux en dessus, qui me rappelaient ceux que j'avais autrefois observés dans l’Actinodon (pl. IT, fig. 3) ; ils représentent l’ossifica- tion isolée de la partie inférieure du centrum, et, pour cette raison, on peut les appeler ypocentrum”. Je remarquai ensuite d’autres 1 Les vertèbres d’un reptile permien du Texas, signalées par M. Core sous le nom d’Epicordylus, marquent une tendance vers la disposition des neurépines d’Euchirosaurus (Proceedings of ihe Amer. Philosophical Society, vol. XVII, p. 545, 1878). 2 Ÿro, sous; xévrpey, centrum ou corps de vertèbre. Le nom d’inter-vertébral em- ployé par HERMANN DE Meyer, et celui d’inler-centrum, employé par M, Copg, n’ont pas eu, dans la pensée de ces savants auteurs, la même signification que j’attache ARCH, DE ZOOL, EXPe ET GÉN, == 2€ SÉRIE, == T, 1, 1883, 2 18 ALBERT GAUDRYŸ. rudiments d’ossification (pl. V, fig. 3) qui avaient une facette arti- culaire en dessus, et je m'aperçus que cette facette correspondait parfaitement avec une facette placée de chaque côté au-dessous des arcs neuraux des vertèbres (pl. V, fig. 1, cen.); j'ai donné à ces petits os le nom de pleurocentrum® pour indiquer qu'ils forment les parties latérales du centrum. En mettant ces pièces en connexion, on a une vertèbre comme celle des figures 4 et 5 de la planche V, où la partie centrale devait être à l’état cartilagineux ; la notocorde n'était pas encore complé- tement envahie par l’ossification. Ainsi, à la fin des temps primaires, c’est-à-dire au moment où vont commencer les vertébrés des temps secondaires à vertèbres complètement ossifiées, il y avait des verté- brés où les éléments des vertèbres, agencés ensemble, ne man- quaient plus que d’un peu de carbonate et de phosphate de chaux pour que leur ossification fût achevée. Ce qui rend cette constatation plus saisissante pour le naturaliste, qui tâche de surprendre les secrets de l’évolution des anciens êtres, c’est que ce n’est pas là un fait isolé; l’Actinodon devait être dans le même cas. La colonne vertébrale de l’Archegosaurus (pl. IT, fig. 4) offrait une disposition analogue; mais l’ossification était moins avancée, et les pleurocentrum n'avaient pas de facettes articulaires en rapport avec les arcs neuraux; il y avait plus de cartilage. M. Cope a découvert dans le permien du Texas de nombreux animaux qui semblent avoir été à peu près aux mêmes stades d'évolution que ceux de nos pays. Il a notamment fait connaître le 7rèmerorachis *, dont les vertèbres avaient, comme dans l’Archegosaurus, l'Actinodon, l’£'uchirosaurus de l’ancien monde, leur centrum formé de trois par- au nom d’hypocentrum. Selon moi, l’hypocentrum est la partie fondamentale du centrum, tandis que l’inter=vertébral ou l’inter-centrum a élé regardé comme une pièce distincte du centrum, intercalée entre deux vertèbres consécutives, 1 Hhevoëv, CÔLÉ; xévrpoy, centrum de vertèbre. ? Tests, trois, pésos, partie; bäyus, colonne vertébrale. Il faut ranger les recherches de M. Cors sur les reptiles primaires parmi les plus curieuses découvertes de ce naturaliste, LES REPTILES PRIMAIRES. 19 ties; seulement ces parties étaient si incomplètement développées qu'elles ne formaient qu'une enveloppe autour de la notocorde. Dans le même terrain, M. Cope a signalé, sous le nom de Rachitomus !, d’autres vertèbres où l’ossification était au même degré que dans l’Æuchirosaurus. J'ai représenté, pl, IV, fig. 4, une partie d’un bloc qui me paraît intéressant, parce que, les os ayant été trouvés à côté les uns des autres, il est vraisemblable qu'ils appartiennent à un même indi- vidu ; je suppose que ce reptile était l’£uchirosaurus. On y voit des arcs neuraux, un hypocentrum, un pleurocentrum comme ceux dont je viens de parler, et en même temps des côtes que leurs larges expansions ne rendent pas moins singulières que les vertèbres. Il y a des écailles qui se distinguent de celles de l’Actinodon par leur plus grande largeur : de semblables écailles se sont retrouvées sur plusieurs autres morceaux; j'en représente ici qui sont isolées et vues de grandeur naturelle (pl. IV, fig. 5). La pièce d’après laquelle j'ai proposé le nom d'Æuchirosaurus? est un humérus d’un aspect bizarre, fort différent de tout ce qu'on a découvert dans nos pays ; M. Cope m'a dit qu'il en avait vu d'assez semblables dans le permien du Texas. Cet os (pl. VI, fig. 4) indique une plus grande bête que les autres quadrupèdes de nos formations primaires; il a 0,120 de long; ilest très trapu ; il atteint 0",085 de largeur. Sa portion proximale est développée d’arrière en avant, tandis que sa portion distale s'étale transversalement dans la région de l’épitrochlée. Il porte plusieurs apophyses très saillantes, comme chez les animaux fouisseurs. Deux d’entre elles forment la terminaison inférieure d’une forte crête deltoïde ; un peu au-dessous de celle qui est placée sur le bord externe, il y en a une autre qui est située au-dessous de l’épicondyle: j'ignore si ce sont des atta- ches de muscles ou bien si elles représentent les rudiments d’une arcade pour le passage d’un vaisseau, Notre collection renferme des 1 Péyu, colonne vertébrale; roues, section. ? Eüyupos, qui est adroit de ses mains; oaÿoos, lézard, 20 ALBERT GAUDRY. os del’avant-bras de l’£'uchirosaurus ; malheureusement nous n'avons pas de pièces de sa main qui nous aident à saisir la signification de son singulier humérus. On voit dans la planche IV, fig. 4, f, la moitié proximale d’un fémur trapu comme l’humérus, avec une très large dilatation tro- chantérienne qui rappelle un peu la disposition de certaines tortues et des mammifères amphibies. Les recherches de MM. Roche, Jutier, Chanlon ont mis à jour plu- sieurs autres os qui ont beaucoup de ressemblance avec ceux de l’Actinodon découvert à Muse par M. Frossard ; mais ils sont notable- ment plus grands; je donne dans la planche IV, fig. 3,le dessin d’un entosternum, et dans la planche VI, fig. 2, celui d’une plaque de schiste où l’on voit l’omoplate en connexion avec un petit coracoïde, la claviculs (épisternum) et un fragment de sus-claviculaire. Je n'ose décider si ces pièces proviennent d’un grand Actinodon ou d'un Æ£u- chirosaurus. Quel que soit le genre auquel il faille les rapporter, elles me sont précieuses, parce qu'elles me permettent de mieux déter- miner les homologies des os de la ceinture thoracique des labyrin- thodontes ; comme jusqu’à présent je n’avais observé que trois pièces de chaque côté de la ceinture thoracique, il m'avait paru naturel de supposer que ces pièces étaient l’omoplate, la clavicule et le cora- coïde. Aujourd’hui, je connais quatre pièces ; en regardant les échan- tillons représentés dans la figure 2 dela planche VI, et dans la figure du Stereorachis (pl. VII, fig. 4), je constate que l'os regardé d’abord comme un coracoïde est une omoplate au bord de laquelle le cora- coïde est attaché; il résulte de là que je ne peux appeler omoplate l'os s. cl. de l'Archegosaurus (pl. I, fig. 3) et de l’Actinodon (pl. IV.fig.1), qui s'articule par glissement avec la clavicule (épisternum) c£.; je suppose que cet os est une pièce qui manque dans beaucoup de rep- tiles; ce serait peut-être l'homologue de l'hyosternum des tortues, du sus-claviculaire des poissons et de l’épine de l’omoplate des mam- mifères, qui, ici, ne serait pas soudée à l’omoplate, LES REPTILES PRIMAIRES. 94 Stereorachis. — Le Muséum de Paris doit à la générosité de MM. Roche un bloc du permien inférieur d'Igornay, où sont réunis de nombreux ossements d’un même reptile'; j'ai proposé de l’inscrire sous le nom de Stereorachis Rocher. On a représenté une partie de ce bloc dans la figure 4 de la planche VIL et plusieurs pièces isolées dans les planches VI, fig. 3, pl. VIL fig. 2, 3, 4, 5. Le Stereorachis est une preuve frappante de l’inégalité avec laquelle l'évolution s'estproduite, car onle trouve dans le même gisement que l'£uchirosaurus, et pourtant c'était un typg bien plus perfectionné. Les deux mandibules ont été conservées ; l’une d'elles se voit dans . la figure 1 de la planche VII, aux 2/5 de grandeur ; une des mâchoires supérieures est représentée dans la figure 3 de la planche VI aux 2/3 de grandeur; malheureusement, les deux dents les plus fortes sont brisées ; mais, telles qu’elles sont, elles indiquent que le Sfereorachis devait être une bête redoutable. Les dents ont une insertion théco- donte. Un coprolithe qu’on aperçoit dans la figure 1 de la planche VII, cop., renferme des écailles de Palæoniscus qui montrent que le Ste- reorachis mangeait des poissons. Les vertèbres (fig. 1, pl. VID) contrastent avec celles de l’A4rchegosau- rus (pl. IL, fig."1), de l’Actinodon (pl. UE, fig. 3) et de l’'Euchirosaurus (pl. V, fig 4-5) ; j'ai dit que, dans ces animaux, leurs éléments n’é- taient pas encore soudés, et qu’une partie de la notocorde subsis- tait à l’état cartilagineux. Dans le Stereorachis, les vertèbres étaient complétement ossifiées ; c’est pour marquer le progrès de solidifi- cation réalisé par ce reptile que j'ai proposé le nom de Stereorachis ?. On voit dans la planche VII, fig. 4, une de ses vertèbres, et fig. 5, la coupe verticale d’un centrum. Quoique les vertèbres soient solidi- 1 Ce morceau, qui est d’une extrême dureté, et plusieurs autres échantillons figu- rés dans le présent ouvrage, ont été dégagés avec beaucoup de talent par un artiste du Muséum, M. Srau. ? Zrepeos, solide; fäyxe, colonne vertébrale ou rachis. Régulièrement, ce mot devrait s’écrire Stereorhachis, mais, comme l’usage est d'écrire rachis et non rhachis, je crois pouvoir mettre Slereorachis. C’est pour la même raison que j'ai écrit Rachi- tomus, Trimerorachis, 29 ALBERT GAUDRY. fiées, on pourra remarquer dans la figure de la coupe verticale que leur centrum est bi-concave comme chez les poissons et les Zchthyo- saurus ; c’est là un reste d'infériorité. La-partie de bloc représentée dans la figure 1 de la planche VII montre un entosternum ent., large en avant, rétréci en arrière; il est entouré de côtes ; il y a, près de cet os, une grande clavicule c/. arquée comme chez les poissons etle Protriton ; elle s'appuie sur une omo- plate om. qui porte à son bord interne le coracoïde cor. L'os le plus cu- rieux du groupe découvertpar M.Roche est l’humérus qui est dessiné à part (pl. VIL fig. 8). Ainsi que M. Richard Owen l’a déjà constaté sur des humérus de reptiles triasiques, l’humérus du Sfereorachis offre la singularité d’avoir quelques traits de ressemblance avec celui des mammifères monotrèmes. Comme dans les monotrèmes, sa partie proximale se porte d’arrière en avant, sa partie distale s’élargit extraordinairement de gauche à droite par suite du développement de l’épitrochlée et de:l’épicondyle; on voit aussi, comme dans ces animaux, une perforation pour le passage d’une artère. Les humé- rus de plusieurs reptiles actuels ont un petit trou au-dessus de l’épi- condyle. Il y a déjà longtemps, un savant russe, Kutorga, avait signalé dans le permien de l’Oural un humérus qui avait à la fois une per- foration près du bord interne, comme chez le lion, et près du bord externe, comme chez les lacertiens; il l'avait attribué à un mammi- fère, et l'avait inscrit sous le nom de Brithopus". Les importantes recherches de M. Owen sur les reptiles triasiques de l'Afrique aus- trale, tels que le C'ynodraco et le Platypodosaurus, et celles de M. Cope sur les reptiles permiens du Texas, ont montré que de nombreux quadrupèdes des temps anciens ont eu leur humérus perforé?. 1 Bouds, lourd; æoùc, pied. KurorGaA, Beiträge zur Kenntniss der organischen Ueber- reste des Kupfersandsteins am westlichen Abhange des Urals, in-89, 1838. — En 1842, Fischer de Waldheim a reconnu que l'os attribué par Kutorga à un mammifère provenait d’un reptile auquel il a donné le nom d'Eurosaurus. Le nom de Brithopus proposé par KUTORGA a la priorité; il doit donc être préféré. 2 Ces animaux ont élé décrits par M. Owen sous le nom de Thériodonthes, et par M. Core sous les noms de Pélycosauriens et de Théromorphes. LES REPTILES PRIMAIRES, 23 On voii dans le bloc (pl, VII, fig. 1) plusieurs écailles ; deux sont re- présentées à part, de grandeur naturelle (pl. VIT, fig.2). Ges écailles ont l'aspect de piquants, elles sont plus étroites, plus aiguës et propor- tionnément plus petites que dans l’Actinodon et surtout dans l'Fu- chirosaurus ; peut-être pouvaient-elles se redresser et servir d'armes défensives. L'Ophiderpeton, dont les caractères ont été mis en lumière par M. Huxley et M. Fritsch, avait aussi des écailles en forme d'épines,. La présence dans le permien inférieur d’un quadrupède aussi per- fectionné que le Stereorachis dominans entraîne pour les évolution- nistes la pensée de tout un monde de quadrupèdes qui devront être découverts dans les époques carbonifères et dévoniennes, Déjà on a constaté dans les couches houillères des quadrupèdes d’une organi- sation assez avancée. Ainsi, dès 1863, M. Dawson a publié, au Canada, un livre intitulé : The Air-breathers of the coal period, où il a fait con- naître plusieurs reptiles, notamment une petite bête appelée Æ/ylo- nomus”, à vertèbres bien ossifiées, qui aurait été capable de respirer hors de l’eau, de grimper et de sauter dans les arbres. M. Huxley a signalé dans le houiller de la Grande-Bretagne divers reptiles, parmi lesquels on peut citer l’Anthracosaurus®?, animal long de 2 mètres, trouvé dans une houillère du bassin de Glascow. M. Atthey a figuré une vertèbre bien ossifiée de ce grand reptile*. En 1844, le docteur King a vu dans le houiller de Greensburg, en Pensylvanie, des empreintes d’un énorme animal*; les traces des pas de derrière mesuraient près d’un pied d2 long, et par conséquent dépassaient en grandeur celle des labyrinthodontes triasiques. Ces empreintes indiquent une bête qui avait une respiration aérienne, 1 Yan, forêt; voubs, demeure, parce que M, Dawson l’a trouvé dans un tronc d'arbre. 2 Àybo2Ë, axoc, charbon; oaügos, lézard. 8 Annals and Magazine of natural history, 4° série, vol. XVIII, pl. X, fig. 4, 1876. * Ces empreintes ont été décrites sous le nom de Batrachopus (Bérozyos, gre- nouille ; æoùs, pied). CHARLES LyELL en a parlé dans ses Éléments degéologie (traduc” tion française, vol. Il, p. 136). 24 ALBERT GAUDRY. car, d’après leur mode de dépôt, il est évident qu'elles ont été faites par un quadrupède marchantsur l'argile molle d’un rivage, que cette argile s’est desséchée au soleil et s’est crevassée ; ensuite du sable aura recouvert l'argile, et enfin le sable se sera changé en grès.Ainsi a pu se conserver la preuve de l'existence de quelque géant resté inconnu ; enfoncée dans la nuit des temps géologiques, cette créa- ture est perdue pour nous, comme tant d'autres qui se sont épa- nouies sous le seul regard de Dieu, et dont l’homme n'aura jamais la vision. Des empreintes de pas de reptiles encore plus anciens! ont été observées par Lea, dans la Pensylvanie, à 520 mètres plus bas que celles de Greensburg ; on a pensé qu'elles pouvaient appartenir au dévonien. Remarques générales. — Si insuffisantes qué soient ces études, elles offrent quelques enseignements pour l’histoire de l’évolution. Quand on voit les vertèbres incomplètement formées dans l'Archegosaurus et même dans l’Actinodon et l’Euchirosaurus, qui, à certains égards, sont des êtres assez perfectionnés, on ne peut se défendre de l’idée que l’on surprend le type vertébré en voie de formation, au mo- ment où va s'achever l’ossification de la colonne vertébrale. Et, lorsque l’on considère les os des membres de l’Archegosaurus et de l’Actinodon, avec leurs extrémités creuses, autrefois remplies par du cartilage, ne pouvant exécuter que des mouvements généraux, il est naturel de croire qu'ils indiquent des animaux dont l’évolution n’était pas terminée. M. Dawson, en faisant les découvertes de rep- tiles que j'ai citées dans la page précédente, a été frappé de l’état imparfaitement ossifié de leurs os; voilà ce qu'il a dit de l’A/ylono- mus + « Rien n’est plus remarquable dans le squelette de cette créa- ture que le contraste entre les formes parfaites et belles de ses os et leur condition imparfaitement ossifiée, circonstance qui soulève la 1 Elles ont été citées sous le titre de Sauropus (oaÿpos, lézard; mods, pied). LES REPTILES PRIMAIRES, 29. question de savoir si ces spécimens ne représentent pas les jeunes de quelques reptiles de plus grande taille”. » Comme le savant paléontologiste du Canada, je crois que ces os représentent un état de jeunesse ; seulement je suppose qu'il faut distinguer dans les animaux fossiles deux sortes de jeunesse : la jeunesse des individus et la jeunesse de la classe à laquelle ils appartiennent. A l’époque primaire, la classe des reptiles était jeune, plusieurs de ses types étaient peu avancés dans leur évolu- tion ; c’est pour cela qu’à l’état adulte quelques-uns de leurs carac- tères pouvaient refléter ceux des reptiles actuels à l’état jeune ou même à l’état embryonnaire ; ce sont là les applications des belles idées qui ont été mises en avant par Louis Agassiz sur les rapports de l’embryogénie et de la paléontologie. L'examen des reptiles primaires permet encore de faire une addi- tion à des remarques que j'ai présentées précédemment sur la ques- tion de l'archétype. La persistance de la notocorde, le faible déve- loppement du cerveau, l'imperfection des membres portent à croire que l'Archegosaurus et l'Actinodon se rapprochent des êtres inconnus que l’on peut supposer avoir été les prototypes reptiliens. S'il en est ainsi, nous sommes sollicités à nous faire une question analogue à celle que nous a suggéréel’étude des poissons anciens: les prototypes des reptiles ont-ils réalisé l’idée qu'on s’est faite de leur archétype ? Comme pour les poissons, je réponds : les fossiles primaires n’ont pas réalisé l'idée de l’archétype, car l’archétype du reptile devrait avoir pour axe une colonne vertébrale, et la paléontologie nous apprend que plusieurs des anciens reptiles, de même que les anciens poissons, ont eu les centrum de leurs vertèbres incomplétement ossifiés. Dans l'archétype du reptile, les membres auraient dù pro- céder des vertèbres; or, il est vraisemblable que les membres des reptiles ont été formés avant les vertèbres, puisqu'ils sont déjà très perfectionnés chez l’£Æuchirosaurus, dont les vertèbres sont encore ! Air-breathers of the coal period, p. 42, in-8, Montréal, 1863, 26 ALBERT GAUDRY. incomplétement ossifiées, Dans l’archétype reptilien, les côtes de- vraient être une dépendance des vertèbres; mais, s’il en est ainsi, comment se fait-il qu’elles aient dans l'£uchirosaurus un grand déve- loppement, alors que les vertèbres sont incomplétement formées ? Dans l’archétype reptilien, les mandibules devraient s’attacher à la vertèbre frontale, et, au contraire, chez l'Actinodon et l’Archego- saurus, elles s’attachent tout en arrière du crâne. Dans l’archétype reptilien, le crâne devrait être composé de vertèbres encore peu modifiées et très reconnaissables : or, dans l’Actinodon et l'E uchiro- saurus, quoiqu'il y ait des condyles occipitaux, on ne peut pas dire qu'il y ait une vertèbre occipitale. En vérité, rien ne ressemble moins à une réunion de vertèbres que le crâne d’un Archegosaurus ou d’un Actinodon. Quand d’une part je vois l’occipital, le pariétal, les fron- taux, les temporaux si complétement développés, si solides, si bril- lants qu’ils ont fait imaginer le nom de ganocéphales, quand d’autre part je constate l’état rudimentaire des vertèbres, je ne peux croire que le crâne des premiers reptiles ait été le résultat d’une simple extension des vertèbres. Chez les reptiles des époques plus récentes, on trouve plus de ten- dance vers la forme que l’on a attribuée à l’archétype ; par exemple, dans le varan, le basilaire forme le centrum d’une vertèbre crânienne bien reconnaissable, et même le sphénoïde peut être considéré comme le centrum d’une seconde vertèbre crânienne. Il est donc probable que les vertèbres du crâne se sont formées tardivement dans les temps géologiques, lorsque le cerveau des animaux, ayant pris plus de développement, a eu besoin d’être mieux protégé. L’his- toire des vertébrés fossiles montre que, loin d’être dérivés de l’arché- type, ils en ont été à l’origine très éloignés. Ceux mêmes des reptiles primaires où l’on observe des caractères d’infériorité n'établissent pas de liens entre la classe des reptiles (allantoïdiens ou anallantoïdiens) et celle des poissons. Ainsi l'Ar- chegosaurus, qui, d’après l’état de sa colonne vertébrale et des os de ses membres, paraît un type assez rudimentaire, s’éloignait des pois- LES REPTILES PRIMAIRES. 27 sons par plusieurs caractères, notamment par son grand sternum, ses côtes sternales, son membre de devant avec un long humérus, un radius, un cubitus, des doigts distincts et son membre de derrière avec des doigts, une jambe et un fort fémur soutenu par un large bassin. Le Protriton et le Pleuronoura étaient aussi très différents des poissons. Ce sont là des faits qui me paraissent dignes de quelque intérêt. Si l’état de nos connaissances des êtres primaires nous porte à admettre des passages d'espèces à espèces, de genres à genres, de familles à familles, il faut avouer qu'il ne nous montre pas les pas- sages de classes à classes dans un même embranchement. Il est naturel de penser que, dans les temps géologiques, il n’y a pas eu un seul enchaînement, mais plusieurs enchaïnements; les êtres de classe différente semblent avoir formé de très bonne heure des branches distinctes dont le développement s’est produit d’une ma- nière indépendante. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE I. $ Fic. 1. Protriton petrolei, grandeur naturelle, vu sur le ventre, — Permien de Millery, près d’Autun (Saône-et-Loire). Collection du Muséum. 2, Pleuronoura Pellati, vu sur le dos, grandeur naturelle ; 0, orbite ; m, man- dibule; c, clavicule ; om, omoplate ; h, humérus ; r. c, radius et cubitus ; v, vertèbres avec leurs côtes bien visibles ; vw. c, vertèbres caudales avec côtes ; à, iliaque ; f, fémur; {. p, tibia et péroné ; on voit en p, tout au- tour du squelette, la limite d’une teinte plus foncée, due sans doute au corps de lanimal, — Permien de Millery. Collection de M. Pellat. 3. Archegosaurus Dechenii, aux 2/5 de grandeur, vu sur la face ventrale ; les os de la face inférieure du crâne, étant en partie brisés, laissent voir le dessous de ceux de la face supérieure. L'artiste s’est aidé pour ce dessin de l'empreinte et de la contre-empreinte : à. m, inter-maxilläire avec de fortes dents ; m, maxillaire et m. à, mâchoire inférieure avec de nombreuses petites dents pointues; 7, nasal; fr, frontal; p. f, préfrontal ; or, orbite; ju, jugal; par, pariétal; sph, sphénoïde, en arrière duquel est un prolongement b. oc, qui représente le basi- occipital ; c, côtes ; ent, entosternum sur lequel s’appuient des côtes u 28 ALBERT GAUDRY. sternales ; cl, clavicule (épisternum); s. c{, sus-claviculaire ; om, omo- plate ; h, humérus ; à, iliaque ; f, fémur; f et p, traces du tibia et du péroné ; cop, coprolithe dans sa position naturelle près de l’anus ; la face inférieure du corps est couverte d’écailles fines dc. La queue a été détruite. — Dans un nodule du permien de Leibach (Prusse rhénane). Collection du Muséum. Fi, 4, Coprolithes qui proviennent peut-être de l’Actinodon Frossardi, grandeur naturelle ; dans celui de gauche, on voit des écailles de Palæoniscus. Permien de Dracy-Saint-Loup, près Autun. Collection du Muséum. Pièces qui sont supposées pouvoir être un fémur et un tibia de l’Actinadon Frossardi, aux 2/5 de grandeur. — Permien de Muse (Saône-et-Loire). Collection de M. Frossard. PLANCHE II. Fi. 1, Portion de colonne vertébrale d'Archegosaurus Dechenüi, brisée de telle sorte. que les vertèbres sont partagées en deux moitiés latérales ; on a représenté ici la moitié droite vue en dedans, aux 3/4 de grandeur, en s’aidant, pour la restaurer, des parties osseuses restées dans la moitié gauche : n, neurépine ; a, côté antérieur ; p, côté postérieur ; c, trou de conjugaison; €. r, canal rachidien ; 3. a, zygapophyse antérieure ; z. p, zygapophyse postérieure ; d, diapophyse ; pl. c, pleurocentrum ; ci. €, pièce inférieure du centrum. — Permien de Leibach (Prusse rhénane). Collection du Muséum. ; 2, Fragment d’une portion ventrale de l’Actinodon Frossardi, avec les écailles, grandeur naturelle. Pour faire ce dessin, on s’est servi de l'empreinte et de la contre-empreinte. — Permien de Dracy-Saint-Loup. PLANCHE III, Fi. 1. Crâne de l’Aclinodon Frossardi, vu en dessous aux 2/5 de grandeur ; on a légèrement modifié la position des os pour les rendre plus compré- hensibles. Ce dessin a été fait d’après une pièce trouvée par M. Fros- sard, mais les inlter-maxillaires ont été ajoutés d’après un échantillon du muséum d’Autun : m, maxillaire ; m. i, mâchoire inférieure ; vo, vomer avec des dents en carde ; pal, palatin ; pt, ptérygoïde ; sph, sphé- noïde. On a marqué par une teinte plus foncée les os de la paroi supé- rieure du crâne rendus visibles par l’aplatissement et la disparition d’une partie des os de la face inférieure : fr. p, frontal principal ; la, la- crymal ou préfrontal ; par, pariétal avec un trou vers le milieu; 7, ju- gal ; sq, squameux ; 5.5q, Sus-Squameux; mas, mastoïde ; {ym, tympa- nique, — Schistes bitumineux du permien de Muse. Collection de M. Frossard,. 2, Crâne de l’Actinodon brevis, vu en dessus, aux 3/4 de grandeur. — Per- mien de Dracy-Saint-Loup. Donné au Muséum par M. Roche. 5. Hypocentrum ou partie inférieure du centrum d’une vertèbre d’Aclinodon LES REPTILES PRIMAIRES. 29 Frossardi, grandeur naturelle. A, vu de côté ; B, vu sur la face posté- rieure ; C, vu en dessous. — Permien de Muse. Collection de M. Fros- sard. PLANCHE IV. Fig. 1. Ceinture thoracique de l'Actinodon Frossardi, vue sur la face ventrale, aux 2/5 de grandeur: ent, entosternum recouvert par les deux clavicules ou épisternum 6p.; s. cl, sus-claviculaires ; 0,, omoplate. — Permien de Muse. Collection de M. Frossard. 2. Patte de devant de l’Actinodon Frossardi, aux 2/5 de grandeur; les deux os de l’avant-bras sont restés croisés, comme ils l’étaient sans doute à l'état vivant ; on ne voit pas d’os du carpe. — Permien de Muse. Collec- tion de M. Frossard. 3. Entosternum d'Euchirosaurus (?), vu sur la face ventrale, aux 2/5 de gran- deur ; on remarque de chaque côté de sa partie supérieure une dépres- sion correspondant à l’appui des clavicules {épisternum). — Permien de Dracy-Saint-Loup. Collection du Muséum. h. Portion d’un bloc de schiste renfermant plusieurs pièces de l’Euchirosau- rus Rochei, à 1/2 grandeur ; on a noté dans l’arc neural d’une des ver- tèbres : 7, neurépine, m, trou de la moelle, not, place de la notocorde, z, zygapophyse, d, diapophyse, f. c, facette en rapport avec le centrum ; 0. $, os supplémentaire qui unissait la diapophyse avec la côte; c, côtes ; h. c. hypocentrum; #p. c, pleurocentrum; f, fémur; t{, sa tête; é, écailles. —Permien de Dracy-Saint-Loup. Recueilli par MM. Roche et donné par eux au Muséum. 5, Ecailles d’Euchirosaurus Rochei, grandeur naturelle. — Permien de Dracy-Saint-Loup. Collection du Muséum, PLANCHE V. Fi. 1. Arc neural de vertèbre d’Euchirosaurus Rochei, de grandeur naturelle. À, vu en avant; B, vu en dessous : n, neurapophyse ; c.r, canal rachi- dien ; £, !, trou pour l’attache d’un ligament; 3. a, zygapophyse anté- rieure ; 3. p, Zygapophyse postérieure; d, diapophyse ; ec, facette d’in- sertion de la côte ; cen, facette articulaire en rapport avec le pleurocen- trum. — Permien inférieur d’Igornay (Saône-et-Loire). Collection de la Sorbonne. 2. Hypocentrum d’une vertèbre d’Euchirosaurus Rochei, grandeur naturelle, À, vu de côté; B, vu sur la face postérieure ; C, vu en dessous.—Permien inférieur d’Igornay. Collection de la Sorbonne. 5, Pleurocentrum d'Euchirosaurus Rochei, de grandeur naturelle, A, vu de côté ; B, vu en dessus, montrant sa facette d’articulation avec la neur- apophyse de l’arc neural, — Permien inférieur d’Igornay. Collection de la Sorbonne. k, Restauration d’une vertèbre d’Euchirosaurus Rochet, vue sur la face pos« 30 ALBERT GAUDRY. térieure, de grandeur naturelle ‘: n, neurépine avec de larges expansions latérales al. ; s, suture de la neurépine avec les neurapophyses ; 3. a, zygapophyse antérieure ; z. p, zygapophyse postérieure ; d, diapophyse; c, facette d’articulation de la côte ; c. r, canal rachidien ; p/. c, pleuro- centrum ; à. C, pièce inférieure du centrum; not, vide qui était rempli par la notocorde. — Permien inférieur d’Igornay. Fic. 5. Même vertèbre, vue de côté. Mêmes lettres. PLANCHE VI. Fic, 1. Humérus d'Euchirosaurus Rochei, vu de face et de côté, à 1/2 grandeur. — Permien inférieur d’Igornay. Donné par M. Roche au Muséum. 2, Os de la ceinture thoracique de l’Euchirosaurus ou d’un grand Actinodon, aux 2/5 de grandeur : c/, clavicule (épisternum) ; s. c, sus-claviculaire ; om, omoplate ; cor, coracoïde.—Permien de Dracy-Saint-Loup (Saône- et-Loire). 3. Mächoire supérieure du Stereorachis dominans, vue sur la face externe, aux 2/3 de grandeur; on a complété au trait la partie des dents qu’on suppose avoir été brisée, — Permien inférieur d’Igornay. Collection du Muséum. PLANCHE VII. Fig. 1, Portion d’un bloc qui a été recueilli par MM. Roche ; on y trouve réu- nis plusieurs os du Slereorachis dominans, dessinés aux 2/5 de gran- deur : ent, entosternum; cl, clavicule ou épisternum ; om, omoplate ; cor, coracoïde ; c, côtes ; »m, mandibules ; v. é, vertèbre vue latéralement ; v. p, vertèbre vue sur la face postérieure ; cop, coprolithe. — Permien inférieur d’Igornay. Donné au Muséum par MM. Roche. 2, Ecailles en forme d’épines du Sfereorachis dominans, grandeur naturelle. — Permien d’Igornay. 3. Humérus du Stereorachis dominans, vu sur la face antérieure, à 1/2 gran- deur. — Permien inférieur d’Igornay. h, Vertèbre de Stereorachis, vue de côté, grandeur naturelle. Toutes ses parties sont soudées : n, neurépine non bifurquée ; 3. a, zygapophyse antérieure ; Z. p, Zygapophyse postérieure; c, face avtérieure du cen- trum. Permien d’Igornay. 5. Coupe verticale d’une autre vertèbre du Sfereorachis dominans, faite dans le milieu du centrum pour montrer sa forme biconcave, — Même gise- ment, CONTRIBUTIONS A L’HISTOIRE DE * L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSICO-CHIMIQUES SUR LES ÊTRES VIVANTS PAR EMILE YUNG Privat-docent à l’Université de Genève. LE INFLUENCE DES DIFFÉRENTES ESPÈCES D'ALIMENTS SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA GRENOUILLE (RANA ESCULENTA). On a déjà souvent et depuis longtemps constaté l'influence consi- dérable exercée par le mode d'alimentation sur diverses fonctions (respiration, reproduction, ete.) chez les animaux. Toutefois, si cette influence à été nettement reconnue, on ne l’a pas mesurée daus ses éléments, et il manque à la science des résultats précis obtenus à la suite d'expériences comparatives poursuivies avec toute la rigueur de la méthode scientifique. L'étude dont je rends compte ici est le commencement d'une série de recherches sur ce sujet, que j'ai l’intention de poursuivre cet hiver sur des animaux invertébrés et des mammifères. Une difficulté qui se présente au début de ces expériences est d'o- pérer sur un matériel propice, dont les éléments soient absolument comparables. Il est nécessaire d’agir sur des êtres apportant au début une même somme de caractères communs, une même aptitude à la lutte pour l'existence. Il est avantageux également de prendre ces êtres dès l’âge le plus tendre, et à ce dernier point de vue, le mieux est de s'adresser à des œufs fraîchement fécondés. l Voir E. YuNG, Archives de 3oelogie expérimentale, t, VII, p. 251, 1878, Lo 32 ÉMILE YUNG. Ces considérations m'ont conduit à choisircomme base les œufs de la grenouille (Rana esculenta) , qui, pondus en grande quantité, per- mettent d'opérer sur un nombre assez grand pour établir des moyen- nes indispensables et qui, pondus par une même mère et fécondés par un même père, apportent la même somme d’influences héré- ditaires. Ces œufs, placés dès le premier jour dans les conditions expérimentales voulues, permettent la constatation de résultats comparables. On comprendra comment, la base étant une fois éta- blie, on pourra appliquer les mêmes procédés à d’autres animaux. Avant d'entrer dans l'exposé de mes propres recherches, je grou- perai ici brièvement les données que possède actuellement la science sur l'alimentation. F.-W. Edwards, qui le premier a étudié expérimentalement l’in- fluence des agents physiques sur les animaux ‘, mentionne de la manière suivante, sans fournir de données expérimentales, le rôle: de l'alimentation sur les têtards de grenouille. « Le point qu'il importe le plus d’éclaircir est l'influence des agents physiques sur leurs métamorphoses. L'action de ces agents sur la forme des animaux est l’une des plus curieuses de la physiologie. Une des conditions que l’on connaît le mieux est la nécessité de l'alimentation pour le développement des formes. C’est pourquoi, lorsqu'on veut hâter la métamorphose des têtards, on a soin de mêler à l’eau dans laquelle on les garde, de petites quantités de sub- stances nutritives, et de renouveler ce liquide pour que la décom- position de ces matières ne leur devienne pas funeste. On peut de même retarder leur développement en les gardant dans de l’eau qui ne contient pas une nourriture suffisante. » Il est regrettable qu'un aussi bon observateur n'ait pas institué des expériences dans le but de mesurer cette influence de la nourriture sur le développement, Il ne donne aucun chiffre à cet égard. Je pas- UF,-W. Epwanps, De l'influence des agenis physiques sur la vie, Paris, 1824, p, 107, INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES ÈTRES VIVANTS. 33 serai sous silence les données souvent fantaisistes et contradictoires auxquelles ont donné lieu les discussions entre végétariens et par- tisans du régime animal. Il est généralement admis, à l'heure qu'il est, que pour l'homme et quelques animaux supérieurs ,une alimen- tation mêlée, c'est-à-dire renfermant une égale proportion de subs- tances hydro-carbonées ou respiratoires, et de substances azotées ou plastiques, est la plus rationnelle. On sait que Magendie a, à différentes reprises, entrepris des expé- riences propres à déterminer les propriétés nutritives de certains aliments simples, et quoiqu'il ait opéré sur des animaux adultes, et sans porter son attention sur la rapidité du développement, je rap- pellerai qu’il a montré la nécessité de la présence de substances azotées pour l'entretien de la vie chez les chiens. Il soumit plusieurs de ces animaux à l’usage exclusif de sucre et d’eau distillée, de gomme, de beurre, d'huile, etc.; et constata toujours l'apparition de troubles très graves amenant immédiatement la mort au bout de quelques semaines". Il en fut à peu près de même pour un chien nourri, au contraire, exclusivement de fibrine, et qui succomba d’inanition au bout de deux mois”. Cependant ce dernier point semble sujet à caution, il est en contradiction avec une expérience de Bischoff, qui prétend avoir conservé en vie un chien, en ne lui donnant à manger que de la viande dépouillée de graisse *. Nous verrons bientôt que dans nos recherches nous avons réussi à faire développer des têtards jusqu'à l’état de jeune grenouille, en ne leur accordant que de l’albumine d'œuf de poule coagulée, substance qui, à elie seule, estinsuffisante, selon M. Boussingault, pour entretenir la vie d'animaux supérieurs, tels que les canards“. 1 MAGENDIE, Mémoire sur les propriétés nutrilives des substances qui ne contiennent pas d'azole (Journal de médecine de Leroux, 1817, t. XXX VIII). ? MaGENDIE, Rapport sur la gélatine| Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1841, t. XIII, p. 272). 3 Biscaorr et C. Voir, Die Gesetze der Ernährung des Fleischfressers, 1860. * BOUSSINGAULT, Expériences slaliques sur la digestion (Annales de chimie el de physique, 3° série, t. XVIII, 1846.) ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GÉN, == 29 SÉRIE, — T, 1, 1888, 3 34 ÉMILE YUNG. Milne-Edwards, résumant cette question dans ses Lecons sur la physiologie et l'anatomie ‘comparées, dit que, pour l’ahmentation normale des animaux, il faut la réunion de trois sortes de substan- ces : des matières organiques plastiques, des matières organiques essentiellement combustibles et des matières minérales, lesquelles se trouvent effectivement associées dans presque toutes les substan- ces alimentaires telles que la nature nous les fournit", Spallanzani, Lavoisier et Séguin, Boussingault, Bidder et Schmidt, etc., ont étudié l'influence de l'alimentation sur la fonc- tion respiratoire, et ils sont arrivés à celte conclusion générale que la respiration s'accélère chez les animaux bien nourris et se ralentit, au contraire, chez ceux qui sont soumis à l’abstinence. Voici, par exemple, pour fixer les idées, les chiffres trouvés par les derniers de ces auteurs (Bidder et Schmidt) en opérant sur un chat qui, soumis à l’inanition, a vécu pendant dix-huit jours en dimi- nuant constamment la quantité d'acide carbonique exhalée : Pendant les cinq premiers jours de l’état d’abstinence, la quantité en vingt-quatre heures était, terme moyen, de 458,09 Pendant les cinq jours suivants .,..,.,...,,.. costs dus 18776 Pendant la troisième période de cinq jours ........, 34 ,93 Le seizième Joe es eue PCR Pense Es ST OA Le dix-septième jaur .,,4.4, 44h vost os 087,07 Le dix-huitiète, Join. Ans ans satire ren IUT M. Marchand a fait sur la grenouille — animal qui nous intéresse plus particulièrement — des expériences analogues qui l’ont conduit aux mêmes résultats. Je rappelle ces faits, parce qu'ils permettent d’'entrevoir la voie dans laquelle devront s'engager les physiologistes qui voudront ana- lyser d’une manière plus intime les résultats auxquels je suis par- venu. Ces phénomènes de la nutrition sont extrêmement complexes, et les produits de la respiration sont des indices utiles à consulter pour les éclairer. Il pourra devenir important, en suivant la marche 1 Micne-Epwarvs, Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparées, t, VITE, p. 151, INFLUENCE DÉS MILIEUX SUR LES ÊTRES VIVANTS. 38 des auteurs que je viens de citer, de se rendre compte de l'influence des divers aliments sur la fonction respiratoire, Quant à la valeur nutritive relative des divers aliments, elle a été étudiée avec des aliments complexes, au point de vue surtout de l’homme et des animaux domestiques, C’est M. Boussingault surtout qui a institué de vastes expériences sur ce sujet. Il à agi en particu- lier sur les animaux de ferme, le cheval et la vache par exemple, et ses recherches l'avaient conduit à poser en principe que la puissance nutritive des végétaux dont se nourrissent les animaux est propor- tonnelle à la quantité d'azote qui entre dans leur composition. Mais jusqu'ici les recherches ultérieures de ce savant éminent, et celles d'auteurs plus récents ne sont pas venues confirmer cette donnée principale. Ceci tient, comme je le disais tout à l'heure, à ce que la nutrition est un phénomène très compliqué, pour l'explication duquel il est nécessaire de s'adresser aux substances élémen- taires. | Carl Semper! a touché à la question qui nous occupe, en étudiant les conditions d'existence des Lymneus stagnalis. Selon l’éminent professeur de Würzhourg, deux catégories de causes peuvent agir sur la croissance : 1° Celles qui sont directement utiles par leur présence et nui- sibles par leur absence ; 2 Celles qui sont ordinairement nuisibles par leur présence, mais qui, dans certains cas, peuvent devenir indirectement utiles. _ Aux premières, il rattache la nourriture, l'air atmosphérique, la chaleur, la lumière, le mouvement, Aux secondes, les gaz nuisibles, tels que l'acide carbonique, etc.; les produits de sécrétion des animaux, les courants d’eau, l'influence des autres animaux, etc. On voit que la nourriture est citée au premier rang des substances \ 1 Voir, C. Semprer, Uber die Wachsthums Becdingungen des Lymneus stagnalis, in Arbeiten aus dem Zoologisch-Zoolomischen Institut in WVürtzbourg, Band I, 1874, p. 137. \ 36 ÉMILE YUNG. actives, maisle mémoire de M. Semper ne fournit pas äe données numériques sur ce point. « Dans mes expériences, dit-il, l'influence de la nourriture était évitée par le fait que celle-ci était partout la même et partout en quantité surabondante pour le nombre des animaux auxquels elle s’adressait. » Mais le point important mis en évidence par les recherches de M. Semper, et dont nous avons dû tenir compte dans notre tra- vail, est l'influence très grande que joue la quantité d’eau attribuée à chaque individu Lymnée. Cette influence est tellement grande qu'elle fait penser à l'existence dans l'eau d’une substance active hypothétique qui favoriserait le développement de ces animaux. Nous rapporterons tout à l'heure une expérience qui tend à mon- trer que, chez les têtards, cette influence de la quantité proportion- nelle d’eau accordée par individu est peu appréciable. Cependant nous avons tenu compte, dans la mesure du possible, des données de M. Semper, et nous avons fait en sorte que nos bocaux soient comparables entre eux. M. Semper a trouvé que, plus le nombre des individus Lymnée, se partageant une même quantité d'eau, était petit, plus ces individus devenaient gros dans un même temps. Voici, comme exemple, une de ses expériences typiques. Le 9 août 1871, il plaçca, dans cinq vases renfermant chacun 2 000 centimètres cubes d’eau, et comme nourriture, des Æ{lodea ca- nadensis, des quantités différentes de jeunes individus de Zymneus stagnalis provenant tous d'une même mère, et il les laissa respective- ment 71 jours (jusqu’au 18 octobre). Pendant ce temps, ils se déve- loppèrent inégalement, comme le montre le tableau suivant : Dans le vase n° 5 et renfermant 2 individus, ceux-ci mesuraient en moyenne, longueur .,.., 15mm 7 n° 1 Æ 5 — s STE en n° 2 — 12 _— …... 151 ii n° 3 ES © 30 HS .... 5.0 jee n° . T4 105 ts 1... 2,7 INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES ÊTRES VIVANTS. 37 Les différences sont, on le voit, très considérables et se réflètent dans toutes les autres expériences, que M. Semper a beaucoup variées. Elles ont conduit leur auteur aux conclusions suivantes : 14° La croissance, c'est-à-dire l'assimilation des substances nutri- tives, ne dépend pas seulement de la quantité et de la qualité de la nourriture, de la température, de l'oxygène, de l’eau etde l’air, mais encore d’une matière contenue dans l’eau, et jusqu'ici inconnue, sans la présence de laquelle les autres conditions de croissance favo- rables ne peuvent pas exercer leur influence; 2° Que le maximum de l'influence du volume de l’eau provenant de cette cause inconnue se manifeste lorsque la quantité d’eau est est de 2 000 à 4000 centimètres cubes par individu, à la température moyenne de l'été. Dans un travail récent, dont je dois la communication à l’obli- seance de M. le professeur H. Fol, le docteur G. Born, de Breslau, a fait une série d'expériences en vue de connaître l'influence de la qualité de la nourriture sur la production des sexes’. Nous emprun- tons à ce mémoire quelques données relatives au développement. M. Born a opéré sur des œufs de Rana fusca fécondés artificielle- ment, dont il plaçca de 300 à 500 exemplaires dans une série de vingtetun aquariums, dont les quatre premiers ne recevaient, en fait de nourriture, que des substances végétales, notamment des lentilles : tous les autres, les têtards, recevaient, outre la substance végétale, de la viande, consistant en larves de Grenouille et de Pélobate hachées, et le plus souvent en fragments de Grenouille adulte déjà en décomposition. Ni l’un ni l’autre de ces régimes n'était naturel, car, selon M. Born, la nourriture première des jeunes batraciens serait de la fange, c’est-à-dire une accumulation d’infusoires, de rotifères, de diatomées, d'algues de toute espèce, qui se retrouvent dans l'estomac des têtards. L'auteur rappelle à ce propos que Leydig a trouvé des Pélobates bien développés dans un milieu où ils * Born, Experimentelle Unlersuchungen über die Entstehung der Geschlechls unter- schiede. Breslauer ärzllichen Zeitschrift, 1881, 38 ÉMILE YUNG. n'avaient pas d'autre nourriture qu’un limon ne contenant aucune plante visible à l'œil nu. Gette sorte de nourriture mêlée manquait (sauf un cas) dans les expériences de M. Born, comme dans les miennes, et ila constaté que son absence retardait le développement de ses larves. C'est ainsi que pendant que les têtards, se développant en liberté, mesuraient en moyenne 18 millimètres, les siens n'en avaient que 12 à 15. L’ex- cellence de ces détritus organiques, mêlés à la vase des marais comme nourriture, est confirmée encore par le fait que, l’un des aquariums de M. Born ayant reçu accidentellement du limon, les têtards renfermés là étaient plus grands de 2 à 3 millimètres que ceux des autres aquariums, et se rapprochaient, par conséquent, des têterds se développant en liberté. Les têtards soumis au régime végétal restaient plus petits que ceux nourris avec la viande (10-114 millimètres), ce qui s'accorde avec mes résultats ; mais en outre, M. Born a obtenu, dit-il, quelques Gre- nouilles adultes dans les aquariums avec plantes, quoique en plus petit nombre que dans les autres. Ce dernier fait serait en complète contradiction avec l’une des conclusions auxquelles j'ai été conduit, si l'expérience de M. Born était comparable avec les miennes. Il n’en est pas ainsi, car l’auteur du mémoire a soin de faire observer que ses larves végétariennes avaient la liberté de manger les cadavres de leurs frères morts dans le même vase, et comme la mortalité était assez grande, il en résulte que leur alimentation s’est trouvée par ce fait fortement mélangée. Il est certain que les têtards ont des tendances carnivores, et c'est une circonstance à laquelle j'ai donné beaucoup de soins, que de veiller à enlever de mes bocaux les têtards morts, qui sans cela auraient troublé mes résultats. Tels sont à ma connaissance les travaux ayant quelque analogie avec celui dont je donne ici la première partie, et qui a en vue sur- tout l'influence de la nourriture sur la rapidité du développement individuel. Le 24 mars 1881, j'obtiens dans le laboratoire une ponte de Gre- INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES ÊTRES VIVANTS. 39 nouilles fécondée dans une grande caisse de zinc, où l’on tient les grenouilles destinées aux expériences physiologiques. Les premières phases du développement se passent régulièrement. Le 27 ont lieu les premières éclosions, et le 4% avril commencent les expériences. Les jeunes têtards frères sortis de l'œuf sont complètement isolés de la matière albuminoïde qui entoure leur œuf, et dont ils se nour- rissent pendant les premiers jours de leur vie, puis ils sont distribués en nombre égal dans une série de vases de même forme et renfer- mant le même volume d’eau, Ces vases sont exposés aux mêmes conditions physico-chimiques, la même intensité lumineuse, le même degré de température, ete. — L'eau y est changée régulière- ment, en même temps. — Une seule condition varie, la condition nourriture, Le vase À renferme seulement des plantes aquatiques (Anacharis canadensis et Spirogyras) soigneusement lavées auparavant, de ma- nière à en éloigner les débris organiques qui leur adhèrent dans les marais. Le vase B n'offre comme nourriture que de la viande de poisson, ce sont des jeunes vérons (Phoxinus) coupés en morceaux et fré- quemment renouvelés. Le vase G contient de la viande de bœuf également taillée en frag- ments de même grosseur que ceux de poisson du vase B. Le vase D offre à ses hôtes, dans la première partie de l'expé- rience, l’albumine enveloppant l'œuf de Grenouille; cette substance que l’on peut appeler le lait des têtards, a été continuée pendant un mois, jusqu'à ce que, étant épuisée et ne pouvant plus s’en procurer dans les marais des environs, on dut la remplacer par de l’albumine d'œuf de poule liquide. Ce n’est donc que pendant les quatre pre- mières semaines que la comparaison de sa valeur nutritive avec les autres substances peut être établie. Le vase E ne contient que de l’albumine de l’œuf de poule coagu- lée et coupée en fragments nombreux souvent renouvelés. 40 EMILE YUNG. Le vase F enfin renfermait du jaune d’œuf de poule également fragmenté. Je ne puis, pour le moment, donner les résultats obtenus avec d’autres aliments tels que la gomme, le sucre, la graisse, etc. Des accidents d’expérimentation ont laissé trop d'incertitude aux don- nées de cette première série pour que je les publie avant confir- mation. Le nombre des têtards primitivement placés dans chaque vase était de cinquante, mais la mortalité ayant frappé différemment, l'inégalité du nombre survint dès les premiers jours, et l’on pouvait prévoir les différences dues à cette cause en se basant sur les expé- riences de M. Semper. Il est certain à priori que, dans un espace restreint et en face d'une faible quantité de nourriture, un petit nom- bre d'individus vivront mieux qu’un grand nombre, et que pour eux la lutte pour l'existence sera facilitée ; mais ces conditions de faible quantité de nourriture et des autres nécessités physiologiques n’exis- taient pas. Les têtards avaient une surabondance de nourriture à leur portée, la table était servie pour un beaucoup plus grand nombre. Quant à la substance hypothétique admise dans l’eau par M. Semper, comme favorisant le développement des Lymnées, elle ne parait pas, si elle existe, avoir une grande influence sur les têtards. Je me suis assuré de cela dans l’expérience suivante : Deux vases G et H, absolument comparables sous tous les rapports aux vases mentionnés plus haut, reçurent, pendant tout le temps nécessaire au développement du têtard, jusqu’à sa transformation en Grenouille, exactement la même nourriture, en égale quantité et également renouvelée. Seulement le vase G ne reçut que vingt-cinq _têtards, tandis que le vase H en recut cent. La quantité de matière vivante était donc dans les deux vases dans le rapport de 1 à 4, etce rapport a été maintenu pendant toute la durée de l'expérience, en retirant un vivant dans un vase chaque fois qu’il mouraiït un indi- vidu dans l’autre. Eh bien, dans ces conditions bien comparables, le développement INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES ÊTRES VIVANTS. 41 des jeunes animaux s'opéra de la même manière dans les deux vases, et j’obtins leur transformation à peu près à la même époque, quoique le vase G ait montré, sous ce rapport, un petit avantage. Cette expérience nous montre que dans les mêmes conditions de milieu, là où la nourriture est abondante, le développement s’effec- tue de la même manière. — Je n'ai donc pas tenu compte de la mor- talité dans les vases, et je n'ai pas cru nécessaire de maintenir léga- lité du nombre des individus, ce qui, dans le cas de la mort de tous les têtards dans un vase, eût entraîné le vide dans tous les autres. Nous avons donc six vases renfermant des têtards soumis aux mêmes circonstances, mais dont l'alimentation diffère; cette seule condition suffit pour provoquer de grandes différences dans le déve- loppement. Ces différences se manifestèrent dès les premiers jours dans tous les bocaux. Elles ne devinrent très sensibles, cependant, que vers le quinzième jour. Le degré relatif du développement a été mesuré au compas par les dimensions en longueur (de l'extrémité du museau à celle de la queue), et en largeur (à la hauteur des branchies), d’un certain nombre de têtards dans chaque vase. J’ai eu soin de choisir, pour établir les moyennes, les individus les plus différents, afin de faire plus large la part des différences individuelles. Voici les résultats obtenus : Vase A. Pendant les premiers jours, les jeunes têtards se jetèrent avec avidité sur les plantes qui leur étaient offertes. Ils sont vifs, alertes, et consomment beaucoup de nourriture. La santé est géné- rale jusqu'au 20 avril, jour auquel il n’y a encore aucun mort. L’eau est renouvelée tous les jours afin d’atténuer le nombre des infusoi- res qui peuvent, dans une certaine mesure, influer sur les condi- tions de l'expérience. Le 20 avril, les dimensions mesurées en millimètres étaient les suivantes : 42 ÉMILE YUNG. Vase A (20 avril). D Longueur, RP 21mm 5mm 14 3 16 3.9 Totalsssus de COL 11.5 Moyenne... 17 3.8 À partir de ce jour, l’appétit semble diminuer, ies têtards s’éloi- gnent des plantes et montent à la surface. Le développement se ralentit. Les têtards sont toujours très vifs; un choc sur la table les met tous en mouvement, Il n'y à pas de mort jusqu'au! 12 mai, époque à laquelle les dimensions sont : Vase À (12 mai). Ce. Longueur. Largeur, 23mm 5 6mm 15 3 16.5 3.5 Totale... 155 12.5 Moyenne.,.,. 18.33 4,16 La majorité est restée de petite taille et a fait peu de progrès depuis le 20 avril. Deux ou trois mdividus seulement atteignent au- dessus de 20 millimètres, et le premier mesuré est le plus gros du vase, tandis que le second esi apparemment le plus petit. Il n'y a donc en somme que très peu d’accroissement. Les tôêtards s’entre- tiennent, mais le régime végétal est insuffisant pour les faire grandir. Le 13 mai, il y a deux morts. L'accroissement cesse tout à fait et la mortalité augmente de jour en jour. Le 8 juin, ilne reste plus dans le même vase que quatre têtards de même taille qu'au 142 mai, ils ont de la peine à se mouvoir. Aucun d'eux n’a pris les pattes postérieures; ils ne mangent plus et se com- portent à ja manière des têtards livrés à l’inanition. Le dernier meurt le 4 juillet, sans qu'aucune métamorphose se soit accomplie. Il mesurait 17 millimètres. Ces résultats négatifs ont été confirmés par une autre expérience faite sur vingt-cinq individus seulement, dont aucun n’est arrivé à la INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES ÊTRES VIVANTS. 43 première métamorphose. Et ce qui prouve bien que cet arrèt de développement est dû au régime, c'est que si on accorde un peu de viande aux végétariens, alors qu’ils ont cessé de grandir avec les algues, ils reprennent aussitôt leur accroissement. | Vase B. Les têtards y sont placés le 1° avril, avec une abondance de nourriture pour laquelle ils se montrent très voraces, La viande de poisson leur est avantageuse ; elle est renouvelée tous les trois jours, non qu'elle soit gâtée au bout de ce temps, mais parce qu'il se développe à la surface des champignons qui troubleraient à la longue les résultats. Le 20 avril, ils sont déjà gros, forts et robustes. Trois individus sont morts par accident au moment où l’on changeaïit l'eau. Les quarante-sept restants mangent toujours avec avidité. Voici leurs dimensions à ce jour : Vase B (20 avril). Longueur. Largeur. 3omm 7m 26 6 31 6.75 di RAR 87 19.75 Moyenne...,.. 29 6.58 On voit par ces chiffres que la différence de taille est considérable avec leurs frères nourris au régime végétal. Le 42 mai, tous les têtards sont en bonne santé, ils grandissent beaucoup. Aucun d'eux ne possède les pattes postérieures, mais elles sont indiquées par une saillie chez plusieurs. Ils sont, en général, plus tachetés que les plus petits des autres vases. Vase B (12 mai). Longueur. Largeur. 41mm 9.50 35 8 38 8.75 Total.....,.. 144 26.25 Moyenne..... 38 8.78 Le 20 mai, un têtard montre les pattes postérieures ; et cinq autres, 44 ÉMILE YUNG. dans les quatre jours suivants. Sept individus sont morts. Le 3 juin un têtard prend les quatre pattes, alors que trois individus du vase n’en ont encore aucune. Ce fait donne une idée des différences individuelles. Huit tètards sont morts étant sur le point de subir cette métamorphose. Les transformations en jeunes Grenouilles s'effectuent durant le mois de juin. On a disposé dans le vase un bloc de tuf qui leur per- met de venir respirer l'air en nature ; mais à partir de la métamor- phose complète, les animaux cessent de prendre la nourriture et meurent au bout de quelques jours. Ils sont conservés dans l'alcool. Le {er juillet, la dernière petite Grenouille meurt. Sur les cinquante têtards nourris à la viande de poisson, vingt- quatre ont subi leurs métamorphoses complètes, à peu près la pro- portion 4 à 2. Cette alimentation est donc favorable. Je dois dire qu’on admet que, dans la nature, la mortalité est beau- coup plus grande, et quoiqu'il ne soit pas possible de recueillir sur ce point des données statistiques, il est très probablement exact, car dans nos vases, les jeunes animaux sont très soignés, à l'abri des dangers mécaniques, et sans autres ennemis que les champignons qui, se développant sur leurs branchies, sont toujours cause de la mort de quelques-uns. D'autre part, je dois noter que les premières Grenouilles apparaissent dans les marais des environs seulement vers le milieu du mois de juin. Vase C. Les cinquante têtards placés dans ce vase ne reçoivent que de la viande de bœuf (maigre) en quantité approximativement égale à celle de la viande de poisson dans le vase B, et toujours surabondante pour le nombre des convives. Le 20 avril, tous les têtards sont en vie et montrent toujours un grand appétit. Deux d’entre eux sont bossus, la queue forme un angle avec la longitudinale du dos, ils ne peuvent pas se mouvoir aussi facilement que les autres. Leur difformité les empêche de décrire une ligne droite et leur rend difficile la recherche de la nourriture. Ils sont restés très petits. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES ÈTRES VIVANTS. 45 Voici du reste les dimensions à ce jour : Vase C (20 avril). Les deux bossus, D mm RO Longueur. Largeur. Longueur, Largeur. 34mm 7.25 A4mm 3mm 25 2.50 11 2,5 29 6 Polti... 1.88 18.75 Moyenne... 929.33 6.95 Les têtards de ce vase, beaucoup plus gros et mieux nourris, ont montré une résistance considérable à l’inanition, qu'il est intéres- sant de rapporter, en comparaison avec celle offerte dans les mêmes circonstances par les végétariens. Le 20 avril, trois têtards moyens furent pris dans les vases A et CO, et soumis à l’inanition dans une même quantité d’eau également renouvelée et aérée. Les trois têtards du vase À, nourris jusque là avec des plantes, périrent les dixième, onzième et treizième jours qui sui- virent leur privation de nourriture, tandis que ceux nourris à la viande de bœuf supportèrent l’inanition quarante-sept, cinquante- cinq et soixante-huit jours, montrant ainsi combien ils avaient accumulé davantage de réserve nutritive que les premiers. Je rappellerai à ce propos que MM. Chossat, Boussingault, Letel- lier, d’un côté, en opérant sur des tourterelles, et MM. Bidder et Schmidt, d'autre part, en opérant sur un chat, ont montré que pen- dant l'inanition ces animaux ne cessent pas de respirer et de con- sommer de leurs tissus, mais que les substances usées de cette manière, et qui se retrouvent dans les différentes excrétions, ne sont pas seulement fournies par la graisse accumulée dans l'organisme et par le sang, c’est-à-dire par les matières constituant ce que M. Milne- Edwards a appelé la réserve nutritive, mais aussi par les muscles et par toutes les autres parties vivantes de l'organisme. Et de fait, les têtards dont il vient d'être question avaient beaucoup maigri et rape- tissé, 1 Minne-Enwanps, Leçons, etc,, t, VILL, fig, 132 et suiv, 46 EMILE YUNG. Du 20 avril au 49 mai, j'enlève six morts. Le 12 mai, les quarante et un survivants sont en bonne santé, ils sont devenus en somme plus gros que ceux nourris à la viande de poisson, mais la différence n’est pas grande. Les deux bossus n'ont augmenté que de ou 2 millimètres; ils gisent au fond du vase et ne se meuvent que lorsqu'on les touche. Lorsqu'on les approche d’un morceau de viande, ils en mangent, mais ne savent pas y aller seuls. Vase C (12 mai). En, Longueur. Largeur. 47mm Omm k.15 9.50 42 9 Dotals cree. 430.5 97.50 Moyenne..... 43.5 9,16 Le 18 mai, le premier têtard montre les pattes postérieures ; les 20 et 21, le même phénomène se passe chez deux autres individus, et les jours suivants chez un grand nombre. Le 20 mai, mort d'un des bossus. Le 27 mai, les trois quarts de la population de ce bocal possède les pattes de derrière. Il y a eu cinq morts. Le 1° juin, deux têtards ont pris dans la nuit les pattes antérieures. Un seul sur la masse (outre le bossu survivant, qui continue à donner de temps en temps quelques coups de queue, mais qui ne grossit pas) n’a pas encore les membres postérieurs. Le 8 juin, un quart des têtards se sont transformés en Grenouilles, la queue se résorbe rapidement, mais plusieurs meurent avant de l'avoir perdue complètement. Les métamorphoses se continuent jus- qu'au 2% juin. Le 98, tous les individus transformés sont morts. Un seul survit à ses frères, c'est le petit têtard tortueux, qu'il n’est pas possible de mesurer; en ligne droite il aurait à peu près 20 millimè- tres ; on voit que son infirmité l'empêche de grandir, il n’a aucun membre. Ce vase m’a donné trente-trois petites Grenouilles, en comptant commeayant dû se transformer les trois individus prélevés pour l'ex- INFLUENCE DÉS MILIEUX SUR LES ÊTRES VIVANTS. 41 périence comparative citée plus haut. C'est, de tous les vases, celui dans lequel, grâce évidemment à la nourriture, les têtards se sont le plus rapidement développés. Vase D. Nous avons dit que ce vase a recu des têtards qu'on a essayé de nourrir avec la substance albuminoïde qui enveloppe l'œuf de Grenouille, et qui, normalement, sert de nourriture première aux jeunes. Cette tentative n’a pas réussi parce qu'après un mois il nous fut impossible de nous procurer cette matière. À parür du 1‘ mai, on fut donc obligé de varier les conditions de l'expérience, et afin de continuer une alimentation de même ordre, on donna aux têtards de l’albumine d'œuf de poule liquide, que l’on renouvelait souvent. Pendant les premiers jours, les tètards consomment beaucoup d'al- bumine de Grenouille, mais peu à peu ils restent en arrière sur leurs frères nourris à la viande ou à l’albumine coagulée. Le 20 avril, les têtards ne montrent pas beaucoup d'agilité, ils sont très lents dans leurs mouvements. Ils se rapprochent beaucoup de leurs frères végétariens. Voici leurs dimensions : Vase D (20 avril). ns Longueur. Largeur, 19mm 4.95 15.5 3.00 18.5 4.50 PO ES un ds 1308 12,25 Moyenne...... * 17.66 k.8 Le 1% mai, on leur verse de l’albumine de poule liquide, à laquelle ils viennent prendre de copieux repas. Malheureusement quelques- uns pénètrent dans la masse albumineuse, s’y enchevêtrent et y meu- rent asphyxiés. J'en perds une dizaine de cette manière. II est vrai qu'au contact de l’eau l’albumine subit une demi-coagulation qui protége le plus grand nombre contre un pareil accident. La faim des premiers jours ne dure pas, les têtards ne mangent plus que rare- ment, et l’on ne tarde pas à se convaincre que, sous cette forme, l’albumine n’est pas un aliment favorable. 48 ÉMILE YUNG. Le 12 mai, les dimensions sont les suivantes : Vase D (12 mai). Longueur. Largeur. 96nm pm 19.5 4.5 24 5.9 Total... PART EN TN Moyenne..... 23.16 5.33 il existe d'assez grandes différences individuelles ; la majorité des têtards survivants (ils sont au nombre de vingt-huit)oscille entre 22et 96 millimètres. Trois ou quatre se rapprochent de 19,5, longueur du plus petit du vase. Je laisse de côté cinq bossus qui le sont devenus depuis le changement de nourriture et qui ne grandissent que très peu. À partir du 12 mai jusqu'au 29 du même mois, la mortalité s’est montrée très grande dans le vase; l’albumine liquide ne suffit plus pour entretenir la nutrition. Le dernier têtard succombe le 29 mai, il mesure 28 millimètres de long et met fin, de cette manière, à l’ex- périence. Vase Æ. Les têtards reçoivent de l’albumine d'œuf de poule coa- gulée par la chaleur. Elle leur est donnée sous forme de lamelles dont ils mordent irrégulièrement la tranche avec leurs lèvres. Cet aliment leur est agréable, la plupart se développent au-delà des premières métamorphoses. Les morceaux d’albumine sont souvent renouvelés afin d'éviter le développement de champignons à leur surface. Le 20 avril, je n'ai eu que quatre morts, les autres paraissent très alertes. Leur taille tient le milieu entre les végétariens et ceux nourris de viande, mais se rapprochent davantage de ces derniers. Vase E (20 avril). Longueur. Largeur. / 27.5 6um 22 n 28 :\ 0,70 Total, FOR 15.75 Moyenne, 25,83 5,25 INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES ÊTRES VIVANTS, 49 A partir de ce moment, ils ne croissent plus proportionnellement aussi vile que ceux nourris à la viande, et il se montre chez eux, pendant cette période, de singulières monstruosités qui se rappor- tent à des déviations de l’axe de la queue. Celle-ci pousse selon une ligne tortueuse, et forme un angle plus ou moins accusé avec la ligne médiane du corps. Quelques-uns sont tellement estropiés qu'il leur est impossible de se mouvoir.'Ils demeurent inertes jusqu’à ce qu'on les excite ; ils font alors quelques efforts pour se déplacer. Onzé individus sont ainsi déformés et restent petits. Si on rapproche ce nombre de celui indiqué plus haut pour les têtards nourris à l’al- bumine liquide, il est naturel de supposer que la substance alimen- taire n'est pas étrangère à ces monstruosités. Je ne fais, du reste, qu'indiquer le fait. Nos connaissances relatives aux causes physiques des cas tératologiques sont encore très restreintes; il y a là peut-être une direction à suivre pour de nouvelles études. Le 12 mai, douze individus sont encore morts: les vingt-trois survivants, non estropiés, paraissent en bonne santé. Is mesurent : | Vase E (12 mai). ee Longueur. Largeur ; 34mm 6.50 36 29 29 6 Palat.:.. 99 107» Moyenne. 33 6.58 Le 93 mai, les pattes postérieures émergent sur un individu, mais c'est un cas unique de précocité, car ce n’est que six Jours après que de nouvelles métamorphoses se montrent. Il y a dans ce fait un retard bien accusé sur les têtards nourris à la viande, qui, à cette époque, étaient déjà presque tous en possession de ces membres. Les juin, des inégalités assez fortes existent entre les individus du vase. Aujourd'hui seulement un jeune têtard apparaît portant ses quatre pattes. Sur les dix-huit autres survivants, dix ont les pattes ARCH, DE ZOOLe EXP, ET GÉN, = 29 SÉRIE, = T, 1. 1883, , o0 ÊMILE YUNG. postérieures et huit, parmi lesquels six bossus, ne les possèdent pas encore. Le 16 juin, deuxième petite Grenouille. Les jours suivants, il se fait encore huit métamorphoses com- piètes. Le 30 juin, il ne reste plus que des bossus sans membres. Le nom- bre total des jeunes Grenouilles obtenues a été de dix, un cinquième du nombre primitif. Le fait d'avoir obtenu la transformation et le développement complet de plusieurs têtards uniquement alimentés d’albumine, me paraît intéressant, car il atlénue pour ces animaux la portée de la loi sur le mélange nécessaire des aliments plastiques et respiratoires, que Je rapportais àu commencement de cet article. Vase F. Les têtards de ce vase sont nourris avec le jaune coagulé de l'œufde poule. Cette substance, beaucoup plus complexe que le blanc, renferme, on le sait, une assez forte proportion de graisse, et, sous ce rapport, il était intéressant de la comparer avec le blanc. Or, elle nous a donné ce résultat inattendu qu'elle nourrit les têtards moins bien que le blanc et qu’elle retarde un peu leur développement. Les jeunes animaux en mangent cependant sans répugnance. Onles surprend fréquemment en train de dévorer les fragments en les atta- quant par leurs tranches. Voici leurs dimensions au 20 avril : Vase F (20 avril). SR UE QU Longueur. Largeur, 24mm mm 20 #. 99,5 js Totale 2: 60:00 13.50 Moyenne. 22.16 4.50 1 se produit aussi dans ce vase, comme dans le précédent, un cer- tain nombre de monstres, tordus, bossus. Au 20 avril, il y a 7 morts et 5 déformés. Les autres continuent à manger, Toutefois, la mortalité devient assez grande et l’on peut se INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES ÊTRES VIVANTS. 51 convaincre déjà, à l'œil nu, que plus on avance et plusle jaune d’œuf se montre inférieur au blanc. C’est ainsi qu'au 12 mai les dimensions sont : , Vase F (12 mai). Longueur. Largeur, 24;mm 9.9 25 5.0 29 6.5 Total. 78 47.5 Moyenne . 26 5.8: Les bossus ne s’accroissent que très peu, comme dans les cas déjà cités. Le 8 juin, alors que parmi les têtards nourris au blanc d'œuf, dix ont déjà les pattes postérieures, et que l’un d'eux a même celles de devant , les premiers de ces membres apparaissent chez un individu nourri au jaune. Il est vrai qu'il est bientôt suivi d’autres dans le même Cas. Le 24 juin, j'obtiens la première Grenouille. La mortalité a beaucoup frappé ces derniers jours. Le 30 juin, il n'y à eu que sept métamorphoses complètes, tout le reste est mort. Résumé général. — La première série d'expériences dont je viens de fournir les éléments essentiels, nous conduit à conclure : 1° Que les têtards de Grenouille issus d’une même ponte se déve- loppent d’une manière très différente selon l'espèce de nourriture qu'on leur accorde ; 2% Que les aliments dont il est question ici avantagent l’évolution individuelle dans l’ordre suivant : viande de bœuf, viande de pois- son, albumine d'œuf de poule coagulée, jaune d'œuf de poule, substance albuminoïde de l’œuf de grenouille et albumine liquide de l'œuf de poule, substances végétales (algues). Ce fait ressortira plus évidemment des tableaux comparatifs sui- vants, où nous grouperons les moyennes indiquées plus haut isolé- ment pour chaque vase.l 52 ÉMILE YUNG. TABLEAU Î. Dimensions moyennes en millimèlres des télards dans les différents vases, vingt jours après le commencement de l'expérience. Vase À, VaseB, VaseC, Vase D, VaseE. VaseF, Longueur... 17 29 29.23 17.66 25.83 29.16 Largeur ..... 3.8 6.58 6.95 4.08 5.25 4.50 TABLEAU Il. Dimensions au 12 mai, quarante-deux jours après le commencement de l'expérience Vase A. Vase B. Vase C. Vase D, VaseE, Vas KF. Longueur.... 18.33 38 43.50 23.16 33 26 Largeur ..... 4.16 8.78 9.16 5 6.58 5.82 TABLEAU III. Nombre relalif des jeunes grenouilles obtenues au 30 juin sur les cinquante télards placés dans chaque vuse. Nombre. Proportion. Vase Ads 0 0 Nase bre: 24 1/2 Vase init, 33 2/3 Vase Dire 0 0 Vase M.:740: 10 1/5 Nabe Pine ï 1/7 Les vases peuvent se ranger dans l'ordre suivant, sous le rapport de la rapidité du développement, en tenant compte de la date à laquelle s’est montrée la première Grenouille : TABLEAU IV. Vase 6.24: . le 4cr juin 2 grenouilles. Vase Bic le 3 — 1 ee Vase E.5.6:. le/8:u— 1 + Ve Re rt le 24 -- 1 ge Ce dernier tableau n'est pas à lui seul très significatif, si l’on tient compte des grandes différences individuelles mentionnées plus haut. 3° Que le régime purement végétal est insuffisant pour transfor- mer le têtard en Grenouille. 4° Que, contrairement à ce qui est admis ordinairement, une sub- stance relativement simple et essentiellement plastique, telle que l’al- bumine d'œuf de poule, suffit au développement du têtard, Ce INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES ÊTRES VIVANTS. )3 INFLUENCE DE LA QUALITÉ DES ALIMENTS SUR LA PRODUCTION DU SEXE, Dans le travail cité plus haut de M. le docteur Born, de Breslau, l'auteur a surtout porté son attention sur la proportion des sexes dans les différentes conditions où il avait placé les petits têtards. Il trouva que, parmi ceux qui subissaient toutes leurs métamorphoses sous l'influence d'une alimentation plus spécifiée, le sexe féminim se trouvait en prédominance. Dans l’ensemble de ses aquariums, sur 1 443 têtards métamorphosés et examinés, 95 pour 100 étaient femelles et 5 pour 100 mâles. Dans quelques-uns de ses aquariums, la proportion des femelles était même de 100 pour 100. M. Born attribue ces résultats étonnants au fait de l'absence chez ses ani- maux d'une nourriture mêlée, telle que celle que leur présentent dans la nature les agglomérations de détritus organiques qui constituent la vase ou le limon des marais, et il appuie cette supposition sur l'observation d'un certain aquarium dont nous avons déjà parlé et qui, ayant reçu accidentellement de la vase susmentionnée, four- nit une proportion de 28 pour 100 de mâles, tous bien reconnais- sables et de plus forte taille que les autres. D'autre part, M. Born a constaté que normalement, dans la nature, le nombre des mâles chez les jeunes égale le nombre des femelles. Ces singuliers résultats ont naturellement appelé mon atten- tion sur un point aussi important, et quoique mes expériences aient porté sur un nombre beaucoup moins considérable d'individus, 1l ne sera pas inutile de rapporter ce que j'ai constaté à cet égard. Pour reconnaître le sexe sur de si jeunes animaux, M. Born s'est contenté, dans la plupart des cas, de détacher les reins et avec eux les organes génitaux de la paroi postérieure du corps, puis de les examiner sous le microscope, à la lumière directe. Selon lui, on peut souvent atteindre de cette manière le but que l’on poursuit, car « l'ovaire est plus grand que le testicule, sa longueur est plus de la moitié de la longueur du rein, de même que la largeur. Son extré- D4 ÉMILE YUNG. mité émoussée va au-delà des reins, en avant. Les contours sont irrégulièrement frangés, et la superficie est couverte de taches rondes transparentes, séparées par des lignes blanches, Quant aux testicules, ils sont cinq ou six fois plus courts, étroits, ovalaires, comprimés latéralement, à contours nettement arrondis, un peu pointus vers le pôle aboral. A leur surface, on remarque des taches blanches, ovalaires, entassées l’une vers l’autre. Sous le microscope, ces taches se montrent remplies de spermatogones ». On voit, par cette description, que l'examen de la forme et de l’apparence exté- rieures peut laisser l'observateur dans le doute. Les deux organes étant tous deux bosselés de proéminences de forme semblable, la détermination est difficile, et afin d'atteindre à une plus grande cer- titude, j'ai suivi le conseil de M. le professeur H. Fol en pratiquant des coupes à la hauteur des organes génitaux de mes jeunes gre- nouilles. Après les avoir colorées entièrement au picro-carminate d'ammoniaque, je les plaçai dans la paraffine !. Sur les coupes fines (M. Born en a pratiqué également un grand nombre) la détermina- tion de ce qui est œufs ou ce qui est cellules spermatiques est ordi- nairement plus sûre, elle n’est toutefois pas certaine dans tous les cas. En opérant de cette manière, j'ai trouvé dans tous mes bocaux une majorité de femelles, quoique leur proportion vis-à-vis des mâles soit moins forte que dans les expériences de M. Born. Voici du reste les chiffres.obtenus : Nombre total des jeunes G' @ Douteux. Perte. Proportion sur 100 grenouilles observées. des femelles. Vase 24 [A 47 9 il 70 ofo Vaso C4 33 6 95 2 2 75 0h Vase E.... 10 3 7 — 1 70 Vase Frs il () 5 2 _— 71 0)o Enfin, dans un vase mixte dont il n'a pas été question dans le cours de ce travail, et dans lequel 38 têtards étaient nourris simul- 1 Je signalerai à ce propos l'avantage qu'il y a à se servir, dans ce cas particulier comme dans beaucoup d’autres, de l'essence de girofle à la place de l'essence de térébenthine avant l'inclusion dans la paraffine. La térébenthine ratatine beaucoup les tissus, INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES ÊTRES VIVANTS. 0) tanément de viande et d'algues, et même de blanc d'œuf coagulé, sans qu'il renfermât de la vase, le nombre des femelles a été de 30, et celui des mâles, de 6 seulement. Deux des jeunes Grenouilles n'ont pas été déterminées. Il ne faudrait pas accorder aux chiffres qui précèdent une valeur exagérée. Le nombre des individus expérimentés est évidemment trop petit. Toutefois, lorsqu'on les rapproche de ceux donnés par M. Born, ils prennent une signification. Ils paraissent en particulier démontrer que la qualité des espèces alimentaires que j'ai expéri- mentées ne joue pas de rôle distinct sur le sexe, puisque le jaune d'œuf produit une moyenne analogue à celle produite par la viande de bœuf. Il sera intéressant de multiplier ces recherches en les éten- dant à d’autres aliments (graisses, sucre, etc.), car la viande de bœuf, la viande de poisson, le blanc et le jaune d'œuf sont assez voisins. Pour le moment, il paraît donc confirmé qu'une nourriture spéciale accordée aux jeunes têtards, dès leur sortie de l'œuf, favo- rise chez eux le développement d’une glande génitale femelle. \ LA i FE | : {un tONALAT 400 1ANTUANN RS [a ‘ J 63 AUDI ET IS k 2: { CANAL pe { NS en Pl" te | à 10 J \ »11 ! Qu: ALT: 1320 16 4 PDF au VA 12 «te dr ne Er vs ee 1 TT (17414 1 HET: 64 jar k. 4 4 + LU y D des - A LA « NE FRS PVNRE | \ + LE L : » \ ’ > + « OBSERVATIONS SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRACHIOPODES PAR M. KOWALEVSKI. Aualyse par MM. OruLerT et DENIKER. * Le directeur des Archives a été prié, à plusieurs reprises et par divers savants abonnés ne connaissant pas le russe, de pu- blier dans les Votes ef revue un résumé des observations im- portantes de M. le professeur Kowalevski sur l’embryogénie des Brachiopodes. | | [ lui a paru que pour répondre à ce désir un ‘simple résumé ne suffirait pas ; qu'il fallait introduire des figures dans le texte pour mieux satisfaire à la demande. L'étendue de ce résumé, ac- compagné de 15 figures, ne permettait plus de le placer dans les Notes et revue. C'est pourquoi on trouvera ici, dans le corps de l'ouvrage, ce résumé qui date déjà de longtemps, mais qui n'en conserve pas moins son importance capitale. H, De L. D. L'histoire embryogénique des Brachiopodes est encore très incom- plète et très obscure. : En 1854, Oscar Schmidt’ décrivit etfigura une larve étranglée à la partie médiane, qu’il rapporta à une espèce du genre Térébratule. Quelques années plus tard, de courtes descriptions de Fritz 1 Die neuesten Untersuchungen über die Brachiopoden, p. 355 (Zeitschrift für ges. Nalurwiss., 1854, et Ann. and Mag. of Natur. Hist., 2 série, tome XVI, 1855). _ ? Beschreibung einer Brachiopoden Larve(Reicuerr und du Bors-RayMonD Archiv, — für Anatomie and Physiologie, p.72, 1860, et Wiegmann’s Archiv, p.53, 1961), 08 KOWALEVSKI. Muller‘, et de Mac Crady* montrèrent que les larves de quelques Brachiopodes nagent à l'état libre, qu'elles sont pourvues d’une co- quille bivalve, d’un tube digestif, de taches pigmentaires et de vési- cules auditives. Cependant on ne savait encore rien sur l’'embryogénie des Bra- chiopodes, et c’est M. le professeur de Lacaze-Duthiers ÿ qui, le pre- mier, dans son Aistoire de la Thécidie, décrivit l'œuf, ainsi que plu- sieurs phases du développement embryonnaire jusqu’au moment où Ja larve, devenant libre, nage en liberté. Ensuite vinrent les recherches de Morse* sur le développement de la Terebratulina septentrionalis, qui firent connaître la segmentation de l'œuf, la fixation de la larve et ses métamorphoses, que l’auteur put suivre d’une manière assez complète. Enfin, tout récemment, M. Brooks* a donné la description de la larve libre de la Lingule jusqu’au moment où elle se fixe. Mais de toutes les observations concernant l'embryogénie des Brachiopodes, les plus complètes sont dues à Kowalevski®, qui, dans un mémoire publié en russe il y a quelques années, décrit et figure les premières phases embryonnaires de Terebratula, Terebratulina, Thecidium, et plus particulièrement de l'Argiope(Cistella) neapolitana, dont il à pu suivre le développement depuis les premières modifi- cations de l'œuf jusqu'au moment où la larve, étant fixée, parvient à l'état adulte. Un des principaux résultats auxquels l’auteur soit arrivé dans ce 1 Notice on a larval Brachivpod (Proc. Elliot, Soc. of Natur. Hist. of Charleston, S. C., 1860). 2? Histoire naturelle des Brach. vivants de la Méditerranée (Annales des Sciences nat. z00l., ke série, 1861). cs 3 On the ecarly stages of Terebratulina septentrionalis (Boston Soc. of Nat. Hist., vol. IT, 1869). — On the early stages of Terebratulina septentrionalis (Ann. and Magaz. of Natur. Hist., 1871, p. 414), — On the Oviducts ana Embryology of Terebratulina (Ann. Journ. of Sc. and Arts, vol. IV, p. 262, 1872). — Embryology of Terebratulina (Boston Soc. of Natur. History, 1873), * The development of Lingula and the systematic position of the Brachiopoda (Chesa- peake zoological Laboratory, 1879). Observations sur le développement des Brachiopodes (Moscou, 1874). DÉVELOPPEMENT DES BRACHIOPODES. . 09 travail, est d’avoir reconnu chez les espèces qu'il a examinées deux différents modes de formation du blastoderme : l’un se produisant ‘par invagination (Cistella, Terebratula, Terebratulina), l'autre par simple dédoublement ou délamination des cellules (Thecidium). De même dans l'étude si détaillée qu'il a faite de Cistella neapoli- tana, il a pu voir quelles étaient les parties de la larve qui, après avoir traversé une série de modifications graduelles, produisaient la cavité générale, le tube digestif, le mésentère et la plupart des muscles. Le développement des branchies et l'endroit où il a lieu offraient un intérêt tout particulier par suite des diverses hypothèses aux- quelles il avait donné lieu. Kowalevski a démontré, d’une manière évidente, que les premières traces des branchies se montrent sur un épaississement sub-marginal du lobe dorsal, où elles apparaissent d'abord sous la forme de quatre mamelons, qui ne sont que des pro- longements du bourrelet, et qui bientôt s’allongent en même temps que leur nombre se multiplie. Quant aux soies qui bordent le manteau de l'adulte, les recher- ches de l’auteur sont venues confirmer ce qu'en avait dit Morse, c'est-à-dire qu'elles sont le résultat d’une production spéciale, et qu elles n'ont rien de commun avec les soies caduques qu'on observe sur le manteau de la larve, avant que celui-ci ne se soit retourné. Nous citerons enfin les observations du savant russe relatives à la formation du test et à l'apparition des canaux tubulaires qui se pro- duisent à la partie antérieure de la coquille, formée en premier lieu, tandis que la partie postérieure en est dépourvue. Les recherches de Kowalevski concernant la Thécidie, quoique fort incomplètes, ainsi qu'il le dit lui-même, ont cependant ajouté quel- ques renseignements nouveaux aux connaissances que le beau travail de M.de Lacaze-Duthiers avait apportées sur ce sujet. Ces renseignements concernent principalement la segmentation de l'œuf, que M. de Lacaze-Duthiers n’avait pu examiner; les autres observations sont conformes à celles du savant professeur de la Sor- 60 KOWALEVSKL. bonne, sauf en ce qui concerne le segment thoracique de la Thécidie, sur lequel il n'avait pas constaté l'existence de cils vibratiles. En terminant, l'auteur russe compare le développement et l'or- ganisation des Brachiopodes à ceux des groupes voisins, et sans con- naître la note de Morse sur la position systématique des Brachio- podes, il arrive à la même conclusion que le naturaliste américain, qui propose d’éloigner les Brachiopodes des Mollusques et des Bryo- zoaires, pour leur ;assigner une place iparmi les Vers annelés, tout près des Chétopodes, avec lesquels ils offriraient de très grandes ressemblances. L'intéressant travail de Kowalevski ne peut malheureusement pas être facilement consulté, par suite de la langue difficile et peu répan- due dans laquelle il est écrit, et la plupart de ceux qui y ont recours en sont réduits au simple examen des figures. C'est pour obvier à cet inconvénient que nous avons pensé à résumer les observations de l'auteur et à reproduire les figures qui nous ont paru les plus inté- ressantes. DÉVELOPPEMENT DE L'ARGIOPE NEAPOTALINA. Les œufs, après s'être détachés de l'ovaire, tombent dans la cavité générale du corps, pénètrent dans les oviductes par l'orifice in- fundibuliforme de ces organes, et passent enfin dans les poches incubatrices situées dans le lobe ventral de l'individu-mère, où ils se développent. La fécondation doit sans doute s’accomplir, soit pendant le par- cours de l'œuf le long de l’oviducte, soit dans la cavité générale. PREMIÈRE PÉRIODE, —- Depuis le commencement du développement de l'œuf jusqu'au moment où la larve se fixe. — Dans l’état le moins avancé qu'ait pu observer l’auteur, l'œuf présentait l'aspect d'une vésicule dont les parois étaient composées de cellules cylindriques entourant une petite cavité (fig. 1); bientôt après, une partie du blas- toderme s'invagine (fig. 2), et les extrémités de la gastrula se rap- DÉVELOPPEMENT DES BRACHIOPODES. 6l prochent en laissant seulement entre elles la place d’un orifice. A ce moment l'embryon présente deux couches de cellules : l’une est le F1G. 1. — Coupe d'un embryou à sa FiG.2, — L'œuf après l'invagination d'une partie supérieure; k, fente corres- partie du blastoderme ; d, cavité formée par pondant à la cavité de segmenta- l'invagination; a, orifice de cette cavité; tion rétrécie. 0, feuillet externe (supérieur) ”, feuillet interne. feuillet externe du blastoderme, l’autre le feuillet interne; c’est aux dépens de ce dernier que se produira le feuillet moyen ainsi que toutes les modifications ultérieures. Dans le stade qui vient ensuite, la cavité se divise‘ en trois lobes (un médian et deux latéraux) qui com- muniquent entre eux dans la partie la plus rapprochée de l'orifice (fig. 3). Get orifice est en rapport avec le lobe mé- 7T- cd ri % dian au moyen d’un canal étroit dont les AN parois présentent deux petites proémi- nences formées de cellules nettement pic. 3. — Feuillet interne; la cavité " divisée en trois lobes; a, dernière différenciées. trace de l'orifice de l'invagination ; r, cavité du tube intestinal; 0, cavité : A à ) CR générale du corps; dd’, communi- Bientôt apres, l'embryon se divise cations entreles cavités la térales et la cavité médiane. transversalement en deux segments (fig. 4) : l'un supérieur et large (segment céphalique), l’autre plus étroit et'plus conique (segment caudal). A cette période, les trois lobes de la cavité interne se séparent complètement l’un de l’autre et forment trois cavités isolées ; la cavité médiane présente à la partie 1 Cette division se produit sans dôtte par suite de modifications du feuillet moyen comme chez Sagitta (Kow.) ou comme chez les larves des Ecçhinodermes (Agassiz et Metchnikoff}, 62 KOWALEVSKI. postérieure un tel rapprochement de ses parois, qué ces dernières simulent presque une cloison. À la partie antérieure, cette même cavité médiane est entourée, outre ses parois propres formées de cellules cylin- driques comme les enveloppes des autres cavités, d’une seconde couche de cellules hexagonales de couleur pâle qui, sur une certaine étendue, sont en relation directe Fic. 4. — Embryon divisé en deux EC le feuillet externe (fig. 5). L’auteurn’a segments. : ST A A : . . . pu expliquer ni l’origine, ni la signification de cette couche.— Plus tard, la cavité médiane se transformera en tube digestif; on peut, par conséquent, considérer ses parois comme for- mant la couche intestino-glandu- laire. Les cavités latérales forme- ront la cavité générale du corps ; la partie interne de leurs parois Fi. 3. — Coupe passant par la partie antérieure produira le mésentère et peut- de l'embryon; 4, feuillet glandulo-intestinal ; b, feuillet musculo-cutané; d, feuillet vasculo- tre quelques fibres musculaires intestinal; c, cavité générale du corps; #7, cou- ches de cellules de l’exoderme (feuillet supé- rieur). feuillet moyen); la partie externe donnera naissance aux muscles principaux (couche musculo-cutanée (couche intestino-musculaire du du feuillet moyen). Quant à la couche de cellules hexa- gonales entourant la cavité médiane du côté céphalique, elle serait peut-être l'ébauche du système nerveux. 4 . . a -d Pis: 6. — 1 Vient ensuite un stade où l'embryon ment thoracique ; 5, segment caudal; r , : M féiscecux de ice US * est partagé en trois segments (fig. 6); le dernier segment apparu, qui est le segment médian ou segment thoracique, s'est probablement formé par la division du segment caudal, Le segment thoracique porte quatre faisceaux de soies, dont deux médians et deux latéraux; chaque faisceau est composé de DÉVELOPPEMENT DES BRACHIOPODÉS. 63 quatre ou cinq soies immobiles, cylindriques et non acuminées. L'auteur, qui n’a pu suivre très nettement le développement de ces soies, suppose qu'elles se produisent aux dépens des cellules cylin- driques de la peau. Au stade suivant, le manteau commence à apparaître sous la forme de deux replis couverts de cils qui naissent sur le côté ventral et sur le côté dorsal du segment thoracique. Dans les stades qui viennent ensuite, ce repli de la peau (futur manteau) se développe et recouvre en partie le segment caudal 4e LES TRES ES CSSS > (fig. 7). Les soies, qui se trouvent alors si- SN tuées sur ce repli, s’agrandissent et dépas- sent le segment caudal. En même temps il apparaît deux taches pigmentaires sur le côté dorsal du segment céphalique. 2 9 . L'auteur n’a pu observer les phases inter- & > _ Embryon dont le repti médiaires entre ce stade et celui où lalarve Ge du scement cudile à. se ceaux de soies. sort de la poche incubatrice et nage libre- ment (fig. 8). À cette période du développement larvaire, le man- teau recouvre déjà tout le segment caudal, tandis que le segment céphalique, qui est revêtu de cils vibratiles, a pris une forme d'om- brelle au sommet de laquelle on distingue une partie plus ou moins séparée du reste (tête), et qui porte quatre yeux (taches pigmentaires jaunes ou brunes avec corps réfringents); cette tête correspond à celle que M. de Lacaze-Duthiers a décrite chez la Thécidie. Le tube digestif est compris presque tout entier dans le segment thoracique ; sa partie antérieure pénètre cependant un peu dans le segment céphalique. Ce dernier se relie au segment suivant au moyen d'un organe de forme cylindrique. L'auteur n’a pu voir de traces du système nerveux. Le système musculaire de la larve est représenté par des fibres dé- licates, qui vont de la partie postérieure de l'intestin aux parois laté- rales du segment thoracique. 65 KOWALEVSKI. Le manteau se compose de deux couches : l'une externe, formée par un épithélium pavimenteux, l’autre interne, formée de cellules cylindriques. Entre ces deux couches il existe des fibres mus- culaires très délicates. Les bords , € 2 (7 =... re Rata RS RPC AR AN ms re - du manteau portent toujours du \ À {' ANNE ,, \N VA] 1e 35 PA re ASE 77} nuit < NN côté ventralles quatre faisceaux 4 Ju où de soies qui existaient déjà dans les phases précédentes, mais qui se sont accrus en lon- gueur. A cet état, la larve nage libre- ment à l’aide de ses cils vibra- tiles et de légers mouvements de laitêle. À l'approche du danger, elle se contracte vigou- reusement et hérisse ses soies dans toutes les directions. Tous ces mouvements rappellent , 4 A Fic. 8. — Larve adulte nageant librement ; y, yeux ; ceux des larves d Annélides, et r, bord du segment céphalique ; w, partie cylin- Ê . . drique réunissant le sméot Suhique au ps en particulier ceux de la Wi- ment thoracique; m, manteau; ?, rudiment de l'intestin ; e, mesentère ; #’, une partie du man- fait. teau recouvrant le segment caudal ; 4, muscle al- lant de la partie dorsale à la partie ventrale de la . : + 4 valve ; b, muscles abdominaux; €, muscle du seg- La larve, apres avoir nage ment céphalique ; 5, soies. pendant quelque temps, se fixe, et c'est alors que commence la seconde période de développe- ment. SECONDE PÉRIODE, — La fixation de la larve a lieu à l’aide d'une sub- stance gluante qui est exsudée par le segment caudal ; aussitôt fixée, Ja larve commence à retrousser son manteau et à le relever au- dessus de sa tête, de sorte qu’au bout de peu de temps, il dépasse et enveloppe tout le segment céphalique (fig. 9). Par suite de ce reploie- ment, la partie externe de chaque lobe du manteau devient interne, d'où il résulte que les soies qui étaient à l'extérieur se trouvent re- DÉVELOPPEMENT DES BRACHIOPODES. 65 portées en dedans, et alors, devenant inutiles, elles tombent au bout de deux ou trois jours. On voit donc que ce ne sont pas ces soies qui produisent celles qui bordent le manteau de l'adulte; du reste, Argiope ne possède pas de soies marginales; mais dans les espèces sé MS > \ ÿT RDATETA iN TI FiG, 9. — Argiope (Cistella) jeune, aussitôt après la fixation; s, soies; y, yeux: m, muscles allant à la base des soies; md, muscles diducteurs ; mp, muscle ventral du pédoncule. où on les rencontre, elles sont le résultat d’une formation nouvelle et beaucoup plus tardive. Les lobes du manteau commencent alors à se recouvrir d'une cu- ücule épaisse et rigide qui ne leur permet plus de se mouvoir que dans le sens vertical. En même temps le segment caudal se trans- forme en pédoncule, et les muscles qui allaient de ce dernier seg- ment au segment thoracique, deviennent les muscles pédonculaires veñntraux ; la paire de muscles moyens se change probablement en divaricateurs. La tête prend une forme sphérique; les yeux persistent. Au stade suivant, le segment thoracique s’est amoindri, le canal digestif est devenu rond, et il s’est produit dans le segment cépha- ARCII. DE ZOOI. EXP. ET CÈEN.— 9€ SÉRIE. — T. I. 1883. 5 66 KOWALEVSKI. lique un enfoncement en entonnoir qui descend vers ce canal, et qui est vraisemblablement l’œsophage. Mais le trait caractéristique de ce stade consiste dans l’appa- rilion des branchies (fig. 10) ; elles naissent sous la forme de quatre mamelons dirigés en dedans et situés sur un épaississement du lobe dorsal, près de son bord. M. Balfour, en parlant du déve- loppement des Brachiopodes, dans son excellent traité d’em- bryologie (7reatise of comparative Embryology, 1881, vol. I), n’est pas absolument sûr de l’emplace- F1G. 10. — Jeune brachiopode ayant perdu ses ment où apparaissent les bran- soies; b, les quatre premières branchies en forme de bourgeons et faisant saillie à l'inté- rieur de la cavité interne; @, œsophage ; À * e, estomac; y, derniers vestiges des yeux; nOMME. Induit en erreur par d, petites dents de la valve inférieure ; r, seg- en LROENGINOES RS ESC SRIRES l'analyse de l'ouvrage de Kowa- chies ou tentacules, comme il les levski, faite en allemand dans le recueil de MM. Hoffmann et Schwalbe, et inexacte en ce qui concerne ce point, M. Balfour sup- pose que l'apparition des branchies a lieu soit sur le bord du segment céphalique, par la transformation des cils qui bordent ce segment (voir fig. 5, II, Kow.), soit sur le bord du manteau, soit enfin sur le lobe dorsal (/. c., p. 259). Il est facile de voir, d’après notre analyse, que la dernière supposition seule est juste et conforme à l'idée de Kowalevski. Cependant M. Balfour est plutôt porté à accepter la première sup- position, car plus loin (/. c., p. 212 et 263) il combat les arguments que l’on invoque pour rapprocher les Brachiopodes des Chætognates, en se basant justement sur cette interprétation erronée. Il dit en effet : ‘ « Tout en ressemblant à la larve mésothoracique des Chætopodes, la larve d’une Brachiopode ne peut pas toutefois être assimilée aux larves trochosphères ou aux larves plus typiques décrites jusqu'ici DÉVELOPPEMENT DES BRACHIOPODES. 67 des Chætopodes, en ce que le cercle de tentacules qui provient pro- bablement, comme il a été dit plus haut, dela couronne ciliée (fig. 45, Kow.) est post-oral et non pré-oral. » Or, d'après le travail de Kowalevski, le cercle de tentacules n'ayant rien de commun avec la couronne ciliée, et se développant sur le manteau, après le retourne- ment de ce dernier, est préci- sément pré-oral. (voir fig. 14). Ceci dit, revenons au déve- loppement des branchies. L'épaississement dorsal prend bientôt la forme d’un bourrelet presque circulaire et le nombre des. branchies s'é- lève à dix (fig. 11). A l'intérieur du bourrelet il existe une cou- che cuticulaire qui semble sou- Fic. 11. — Larve avant la formation de la coquille; b, branchies; f, faisceau musculaire de la branchie du côté interne; #, tète et œsophage; z, muscles diducteurs ; ?, estomac ; mp, musele ventral du pé- . r ; : doncule; #4, muscle allant de la valve ventrale sur et quiest percée d’un trou vis- Ja partie postérieure de la valve dorsale; ei, enve- loppe interne; p, pédoncule. tenir tout l'appareil branchial, à-vis de chaque branchie. Les branchies, qui ne sont que des prolongements du bourrelet, sont tapissées intérieurement de cils vibratiles et sont pourvues de mus- cles fléchisseurs (elles se redressent par leur propre élasticité). Les extrémités des branchies convergent vers l'ouverture buccale. Au stade suivant, il existe douze branchies. En même temps la coquille se forme, par suite du dépôt sur la cuticule chitineuse des minces couches de calcaire, dans lesquelles on ne voit point encore les perforations tubulaires. Les yeux ont disparu. Parmi les stades ultérieurs, l’auteur n'a pu en surprendre qu'un seul : la coquille est alors constituée par une couche chitineuse et par des prismes de calcaire qui cessent de se déposer à une certaine distance du bord (fig. 19): c’est dans cette partie, la plus jeune de 68 KOWALEVSKI. la coquille, que commencent à se former les canaux tubulaires ; on n’en voit pas de traces à la partie postérieure. Les branchies, au = HAN PR — mn mn mn mn FiG. 12. — Formation de la coquille; d, dent de la valve ventrale enfoncée dans les fossettes de la valve dorsale ; a, bord postérieur de la valve dorsale ; æ, bord postérieur de la valve ventrale ; r, restant du segment du Corps; p, pé- doncule. Les stades ultérieurs sont s De ue - FiG. 13. — Larve après la formation de la coquille; æ, œsophage; f, foie; 00”, occluseurs; md, diducteurs mé- dians; md, diducteurs postérieurs ; d, dents ; p, pédoncule. ches, chitineuses, provenant nombre de dix-huit, sont disposées symétriquement en cercle ; au som- met de ce cercle, on voit un mamelon correspondant à l'emplacement sous lequel se formera plus tard le septum longitudinal de la valve dorsale et qui divisera les appendices branchiaux en deux lobes. Il se forme alors une nouveile paire de muscles allant de la partie posté- rieure de la valve dorsale à la valve inférieure (divaricateurs). L’estomac présente deux lobes la- téraux : c'est ie commencement du foie (fig. 13). L'auteur n'a pu trouver de cœur. ans importance. L'animal adulte a été déjà déerit par Suess et par Dall. Comme com- plément de cette description, Kowa- levski signale les faits suivants : L'appareil branchial est disposé en forme de fer à cheval et rappelle sin- gulièrement la disposition du lopho- phore des Bryozoaires d’eau douce. Les canaux tubulaires de la coquille sont remplis par des prolongements du manteau. À la valve dorsale, on trouve de cha- que côté deux plaques rondes, blan- de l'épaississement de la couche chi- DÉVELOPPEMENT DES BRACHIOPODES. 69 tineuse sous-cutanée ; elles sont sans doute, ainsi que les spicules de la Thécidie, destinées à protéger les organes génitaux. Les oviductes sont conformes à la description qu’en ont faite Huxley, Hancock, de Lacaze-Duthiers, et correspondent absolument aux organes segmentaires des vers. Les poches incubatrices sont formées par des replis du manteau, DÉVELOPPEMENT DE TAECIDIUM MEDITERRANEUM. Première période. — La segmentation de l’œuf commence dans la poche incubatrice ; il se forme d’abord une cavité entourée de cel- lules (fig. 44); bientôt des cellules provenant probablement des premiè- res remplissent cette cavité. L'inté- rieur se partage alors en trois lobes, analogues à ceux qui ont été signalés dans le développement d’Argiope. D ed emeunt : Coupe longitudinale de l'embryon après Peu de temps après, l'embryon se la segmentation. divise en deux segments ; le segment céphalique présente un enfon- cement dont la signification est restée inconnue à l’auteur. Cet état correspond au plus jeune stade figuré par de Lacaze-Duthiers. Ilse forme ensuite le troisième segment, sur lequel apparaît le repli cutané qui deviendra le manteau, et qui se développe beaucoup plus du côté dorsal que du côté ventral; on y voit une couche de cellules remplies de fines granulations, laquelle se continue dans toute la partie du corps longeant le repli. Ce sont ces granulations qui pro- duiront plus tard la couche chitineuse de la coquille. Les cellules sont très transparentes au sommet de l'embryon, au point où celui-ci est fixé par un pédoncule aux branchies de la mère. Cet embryon passe à l’état de larve ‘par suite de la formation d'une tête pourvue de quatre yeux sur le segment céphalique, et de cils vibratiles sur ce même segment et sur le segment caudal 10 KOWALEVSKI. (fig. 15). D'après Kowalevski, le segment thoracique ne porterait pas de cils vibratiles. « L'absence de cils sur cette partie du corps est difficile à voir, ajoute l’auteur, par suite des contractions brusques de la larve et-de l'immobilité de son manteau, et c'est seulement à l’aide de coupes que cette constatation a pu être faite. » Deuxième période. — La fixation de la larve à lieu par le segment caudal, puis peu à peu la coquille se forme et le man- ieau se relève, L'auteur reconnait l'insuffisance de ses observations relativement au développe- ment de la Thécidie. Cependant, d’une manière générale, on peut conclure que F16.15.— Larve'de Thécidie ;'«, seg- SON développement est analogue à celui ment céphalique ; 6, tète avec qua- tre yeux; €, segment thoracique d'Argiope, sauf que le manteau ne se recouvert complétement par le manteau; d, segment caudal. relève pas sur la tête brusquement, mais peu à peu et à mesure que la coquille s'agrandit et devient plus consistante ‘. Le manteau ne produit que la valve dorsale ; pour élucider la for- mation de la valve ventrale, de nouvelles recherches sont néces- saires. Les transformations ultérieures n'ont pu être suivies régu- lièrement par l’auteur, DÉVELOPPEMENT DE LA TEREBRATULA MINOR. Les observations de l’auteur sont peu importantes en ce qui con- cerne cette espèce. Les principales différences qu'il signale, avec le développement d’Argiope, consistent dans les caractères suivants : 1° Il n'existe pas de poches incubatrices ; 1 L'auteur pourrait aussi ajouter comme différence, la formation du blastoderme : le second feuillet n'étant pas le résultat d’une invagination du premier comme dans Argiope, mais d'un dédoublement des cellules de celui-ci. DÉVELOPPEMENT DES BRACHIOPODES. 71 90 Le manteau se forme avant la différenciation du segment caudal ; | 3° Le segment céphalique ne porte pas (de tête distincte munie d'yeux. DÉVELOPPEMENT DE LA TEREBRATULINA CAPUT SERPENTIS, Kowalevski n’a fait que constater à nouveau les observations faites par Morse, et n’a apporté aucun renseignement sur la question. Il a seulement reconnu, contrairement à l'opinion émise par Morse, que toutes les Térébratules ont les sexes séparés. RÉSUMÉ GÉNÉRAL. Traits généraux et dissemblances dans le développement des quatre types de Brachiopodes étudiés. — Toutes les larves sont formées de trois segments : segment céphalique, segment caudal et segment thoracique ; dans la Thécidie et l’Argiope, la tête se sépare un peu du segment céphalique. Le segment thoracique, seul, ne porte pas de cils vibratiles ; chez la Thécidie, il est peu développé du côté ventral et très bombé du côté dorsal. Ce même segment donne naissance à un repli qui produit le man- teau ; ce dernier présente (excepté dans la Thécidie) deux lobes séparés par une échancrure. Chez la Thécidie, le lobe ventral est, ou rudimentaire, ou complètement absent: en outre, le manteaw reste immobile, tandis que chez les autres Brachiopodes il est sus- ceptible de fortes contractions. Le manteau ne porte de cils vibratiles qu'à sa partie marginale, le reste en est dépourvu, et Morse a dû se tromper en figurant sa sur- face ciliée. Sur son iobe ventral, le manteau porte quatre faisceaux de soies fixées sur des mamelons et pouvant être redressées par l’animal dans “6 KOWALEVSKIT. toutes les directions. Chez la larve de la Thécidie, le manteau n'ayant pas de lobe ventral ne porte pas de soies. Les larves sont très agiles (excepté celle de la Thécidie). Le système musculaire n'a été étudié que chez l'Argiope et la Térébratule. Les muscles principaux sont au nombre de quatre paires, qui sont toutes situées sur le segment thoracique : deux paires, de chaque côté du tube digestif, se rendant aux mamelons qui portent les soies (plus tard occluseurs internes, occluseurs externes) ; une paire allant au segment caudal, du côté ventral (muscles pédon- culaires ventraux); et, enfin, une paire allant de la paroi ventrale à la paroi dorsale. Chez l’Argiope, ce muscle médian se transforme en divaricateurs, et une autre paire se forme ensuite. Chez la Térébra- tule, il existe en outre une paire de muscles pédonculaires dor- sSaux. Il existe chez les Brachiopodes deux modes de développement, qui se distinguent dès la formation des feuillets du blastoderme. Dans l’un (Argiope, Térébratule), le feuillet interne se forme par l'invagination du premier feuillet; dans l’autre (Thécidie), le second feuillet embryonnaire est constitué aux dépens du feuillet externe dont les cellules se dédoublent. La formation du feuillet moyen et Les premiers stades de l’em- bryon sont à peu près les mêmes dans les deux modes jusqu'à l’ap- parition du manteau ; de nouvelles recherches sont nécessaires rela- tivement au développement de ce dernier chez la Thécidie. L'auteur est disposé à croire que dans la coquille de la Thécidie, il n’y a que la valve supérieure (valve dorsale) oui soit formée par le lobe du manteau, la valve ventrale (par suite de l’atrophie du lobe ventral) devant être produite, en grande partie, par la paroi du seg- ment caudal, et son bord postérieur par l’épaississement des parois de la partie du corps située vis-à-vis du manteau. Ainsi donc, la valve inférieure (valve ventrale) de la Thécidie ne correspondrait pas, morphologiquement, à la valve inférieure des Brachiopodes pédon- culés. DÉVELOPPEMENT DES BRACHIOPODES. 73 L'œsophage se forme chez tous les types par un enfoncement tubulaire de la paroi de la tête. Le segment céphalique, ainsi que la tête, diminue avec les pro- grès du développement et disparaît au moment où naissent les bran- chies ; celles-ci, chez l’Argiope, se forment aux dépens du manteau; il est probable que chez la Thécidie elles sont tout à la fois pro- duites par le manteau et par le segment céphalique. Comparaison du développement et de l'organisation des Brachiopodes adultes avec d'autres groupes (Mollusques et Vers). -— Les larves des Brachiopodes n’ont rien de commun avec celles des Mollusques. En les comparant aux larves des Vers, nous verrons si elles n’offrent pas plus d’analogie avec celles-ci. Prenons d’abord les Bryozoaires. Les travaux de Nitsche, Claparède, Mestchnikoff, Schneider, Uljanin et Kowalevski montrent que ces derniers animaux sont très différents des larves des Brachiopodes t; cependant la famille des Pedicellinæ, à laquelle se rattache le genre Loxosoma, présente quelques rapports avec eux. La larve du Loxo- some, qui est en effet formée, comme la larve des Brachiopodes, de trois segments dont l’un porte un repli cutané (manteau), se fixe, de même que celle-ci, par son segment caudal, qui se transforme ensuite en pédoncule. Mais la famille des Pedicellinæ est encore peu étudiée et les dissemblances des Brachiopodes avec les autres Bryozoaires sont si frappantes qu’il semble difficile d'établir, comme le veut Huxley, une parenté entre ces deux types. Prenons maintenant les autres classes des Vers, nous verrons une très grande ressemblance entre les Brachiopodes et les Vers annelés (Chætopodes). Les larves des Brachiopodes ont, comme celles des Vers,ftrois segments, et, de même que chez ces derniers, elles n’ont ni velum, ni pied, ni coquille, et elles sont segmentées ?. 1 Dans un récent travail sur le développement de la Lingule, M. Broocxs arrive à une conclusion toute différente. Pour lui « les Brachiopodes sont les représentants les plus hautement spécialisés de la branche Bryozoaire ». 2 La segmentation qu’on observe chez Chiton, Pneumodermon et Dentalium est absolument superficielle. 14 KOWALEVSKI. ce sont les segments céphalique et caudal qui apparaissent tout d’a- bord et entre lesquels apparaît ensuite le segment thoracique; la seule différence consiste en ce que, chez les Brachiopodes, le déve- loppement s'arrête à ce moment, tandis que chez les Vers de nouveaux segments viennent s'ajouter à la suite du segment intercalé. Les faisceaux de soies sont disposés de même, chez l’une comme chez l’autre larve ; ils n'existent que sur le segment thoracique et manquent sur le segment céphalique. Ce n’est que par suite d’un développement ultérieur que ces soies se trouvent reportées sur le manteau des Brachiopodes ; à cette période, leur disposition et leurs mouvements offrent la plus grande ressemblance avec ceux des soies de la Mitraria. — L'absence de soies chez la Thécidie s’ex- plique par le peu de développement du côté ventral, qui est dû, à son tour, à l'absence de pédoncule. L'existence de soies pendant la période larvaire des Brachiopodes a une importance capitale; on ne les trouve, en effet, ni chez les Mollusques, n! chez les Echinodermes, ni même chez d’autres Vers que les Chætopodes, ce qui semble démontrer d’une manière évi- dente la parenté de ces derniers avec les Brachiopodes. L’analogie ne se borne pas seulement à des similitudes extérieures, mais elle existe encore dans la structure interne. Prenons le tube digestif : des sections de larve de Chætopode (par exemple Nerine) montrent que le canal intestinal est appliqué immédiatement contre la paroi dorsale du corps, exactement comme chez une larve de Brachiopode, et à l’état adulte ce canal est fixé par deux mésentères: l’un ventral, l’autre dorsal, absolument comme chez le Brachiopode adulte. | Le système musculaire nous offre, à côté de quelques dissem- blances, des analogies marquées. Si l’auteur n’a pu trouver, il est vrai, ni chez la larve du Brachiopode, ni chez l'animal adulte, les ho- mologues des muscles circulaires des Vers, d'autre part il a vu que les muscles qui se rendent aux soies chez les larves des Brachiopodes, DÉVELOPPEMENT DES BRACHIOPODES. 75 et qui plus tard deviennent les occluseurs, ont leurs homologues chez les Vers. De même les muscles ventraux de la larve, qui se transforment plus tard en muscles pédonculaires, et les muscles dorsaux du pédoncule ont, comme homologues, les muscles ven- traux et dorsaux des Vers. Quant aux divaricateurs, il est difficile de leur trouver des homologues dans les muscles des Vers, à moins toutefois qu'ils ne correspondent aux muscles des cloisons des Vers, d'autant plus qu'ils sont toujours situés du côté postérieur du seg- ment thoracique. L'auteur s’abstient d'établir aucune comparaison ayant rapport au système nerveux, vu qu'il n'a pas étudié ce dernier chez les Bra- * chiopodes. On retrouve les mêmes analogies dans les organes génitaux : la structure des ovaires, suspendus à l’aide d’un mésentère, et la forme des oviductes, si semblables aux organes segmentaires des Vers, tous ces caractères indiquent la parenté des deux types. Il nous reste encore à parler des branchies. Nous avons vu qu’elles se forment toujours sur le côté dorsal du manteau ; on pourrait donc peut-être les homologuer avec les branchies dorsales des Dorsi- branches (Eunice, Nerine). D'autre part, comme chez la Thécidie, le segment céphalique entre aussi dans la formation des branchies ; ces dernières pourraient être encore les homologues de celles des Céphalobranches ; du reste, cette différenciation n’a pas d’impor- tance, et, dans les deux cas, qu’elles soient des dépendances ou de la tête ou du manteau, on peut toujours les comparer avec les bran- chies des Vers annelés. La partie la plus embarrassante est la coquille, car les tubes qui enveloppent les Vers tubicoles ne peuvent lui être assimilés, puis- qu'ils sont complètement indépendants du corps de l’animal. Il y à cependant quelque analogie entre les canaux tubulaires de la coquille et le derme des Vers ; de même, les prolongements du manteau qui remplissent ces tubules présentent, après la dissolution du test dans l'acide, une grande ressemblance avec les éminences qui se 76 KOWALEVSKI. trouvent dans la couche gélatineuse et sous-cutanée des Chlorèmes. Ainsi, tout rapproche les Brachiopodes des Vers ; mais il reste à savoir si ces animaux doivent former un ordre ou une classe à part dans l’embranchement des Vers. Kowalevski pense qu'ils ne se dis- tinguent pas suffisamment de la classe des Vers annelés (Annélides) pour en être séparés. « Après avoir pesé tous les pour et tous les contre, dit-il, je crois que les Brachiopodes doivent être considérés simplement comme un ordre des Annélides, car ils présentent au moins autant de ressemblance avec les C’hxtopodes que les Disco- phores *, par exemple. » 1 Une partie du travail de M. Kowalevski était déjà imprimée lorsque l’auteur eut connaissance de l'ouvrage de Mons (1873). Il déclare qu’il fut tout à la fois surpris et satisfait de voir que le savant américain était arrivé aux mêmes résultats que lui en étudiant les formes adultes de Brachiopodes appartenant à d’autres genres que ceux qu’i: avait observés. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LA SPORULATION DU ALOSSIA OCTOPTANA AVEC DEUX PLANCHES (VIII ET IX) Par AIMÉ SCHNEIDER Professeur de zoologie à la Faculté des sciences de Poitiers. Le Ælossia octopiana n'est pas une Coccidie inconnue aux lecteurs des Archives de Zoologie expérimentale et générale. Je Ia leur ai déjà présentée dans une courte note, sous le nom générique de Bene- denia. Convaincu aujourd’hui que ce genre ne saurait être distingué facilement du genre Klossia, j'ai converti ma précédente appellation en celle qu’on vient de voir. Le Alossia octopiana a 616 rencontré d’abord par Eberth ? dans plu- sieurs organes profonds de quelques Céphalopodes. J’ignorais ce fait quand j'ai rédigé ma note; j'ai fait honneur de la trouvaille à M. Beneden, parce que je n'avais vu cette espèce mentionnée que dans le livre de l’auteur sur les Parasites et Commensaux du règne animal. Bütschli* a bien voulu relever mon erreur, et je l’en remercie. Les quelques lignes que j'avais consacrées au Æossia octopiana avaient moins pour but d'en faire l’histoire que de le prendre pour point de comparaison dans le parallélisme qui, suivant mon opinion, conforme à celle de mes devanciers, existait entre les Psorospermies 1 Voyez les Archives, t. IV, notes 13 et 14. ? Ueber die Psorospermienschläuche der Cephalopoden (Zeitsch. für wiss. zool., 1862, p. 397-401, pl. XXXIV). $ Burscurr, O. Protozoa, formant le premier volume du Thier-Reich, de Bronn, en cours de publication. 78 AIMÉ SCHNEIDER. et les Grégarines. Aussi, préoccupé surtout de ces rapports généraux et adonné dans le moment à l'étude spéciale des Grégarines, ai-je négligé de scruter minutieusement l'organisme du ÂÆlossia. Mais, vers le mois de juiliet de l’année 1882, un professeur de Rochefort, M. Robert, qui-suivait les conférences de la licence, ayant bien voulu nous expédier fréquemment, pour les besoins du laboratoire, de très belles Seiches provenant des pêcheurs de Fouras, mon attention s'est portée à nouveau sur la Coccidie des Céphalo- podes et j'ai pu réparer de la sorte quelques-unes des nombreuses omissions que présentait la courte note rédigée à Roscoff. Mes recherches ont porté surtout sur la manière d’être du noyau. Il me semble que l'incertitude qui règne encore sur l'existence de cet élément dans les Psorospermies justifie et au delà ma publi- cation. Prenons d'abord les deux travaux les plus complets que nous pos- sédions sur les Coccidies, celui de Kloss! et celui d'Eimer*, et voyons ce que pensent leurs auteurs sur le point qui nous occupe. Kloss à représenté un noyau à sa Psorospermie dans presque toutes ses figures, sous l’aspect d’une tache pâle, comme dans ses figures 12, 13, 15. Quelquefois, surtout dans les exemplaires jeunes, il y a un nucléolé bien marqué, comme dans ses figures 30, 37, 42, 90. Dans certains dessins, on distingue vaguement deux éclair- cies, par exemple dans ses figures 46, 37, 62. Voici maintenant ce . qu'il dit dans son texte. Le contenu du parasite, dans lequel, par analogie avec l'œuf, il voit un vitellus ou quelque chose d’approchant (Dotteraehnliche Kürper), renferme un noyau clair sans paroi, avec un nucléole (enthält einen nicht wandständigen hellen Kern mit Kernkôrperchen). L'action de l’eau rend ce noyau apparent, s'il ne l'était déjà. On peut alors surtout se convaincre qu'il n’est pas vési- 1 Ueber Parasiten in der Niere von Helix (Abhandl. der Senckenberg. Naturf. Ge- sellsch., 1855, t. Ler, pl. XV et XVI). ? Ueber die ei-oder kugelfürmigen Psorospermien der Wierbellhiere, Wurzbourg, 1870, SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 11 culeux, mais plutôt solide (scheint massiv zu sein). On ie distingue déjà dans les plus jeunes exemplaires sous forme d’un champ cen- tral ou excentrique, transparent, sans limites précises (mit unbes- timmter Grenze). {l n’est circonserit par un trait net qu'à partir du moment où les granulations vitellines viennent troubler la Himpidité primitive du plasma de la Coccidie. Il se conserve jusqu'au début de la segmentation. Le mémoire de Kloss renferme maintenant un certain nombre de détails sur des noyaux situés en dehors du tégument propre de la Psorospermie. L'auteur, qui semble croire un moment que ces noyaux sont issus du noyau central du kyste et sortis de la Psorospermie à la faveur d’une déchirure de son tégument, ré- fute ensuite lui-même cette idée. Nous ne croyons donc pas devoir rechercher autrement ce qu'il dit sur ces noyaux extérieurs. Re- venant au nucléus propre et abordant le phénomène de la seg- mentation, il constate que le premier indice de celle-ci est la dispa- rition à la vue du noyau (Kein Kern mehr sichtbar). La partie fon- damentale des petites sphères en lesquelles se résout le contenu est constitué pour l’auteur par un noyau, en dehors duquel se trouve un fluide clair. Puis ce noyau devient plus petit, et l’on voit les corpus- cules paraître. Ce noyau est au début à fines granulations, à con- tour assez net; plus tard, il devient grossièrement granuleux, à limite indécise. Les autres détails donnés par l’auteur et les figures auxquelles il renvoie prouvent surabondamment qu'il s’agit ici du nucléus de reliquat. Dans les corpuscules falciformes, Kloss signale une région plus claire, mais sans tendance à voir en celle-ci l'ex- pression d’un noyau. Rendons cette justice à Kloss que tout ce qu’on pouvait aperce- voir sans le secours de la technique actuelle, sauf peut-être un dé- tail qui sera mentionné plus loin, il l’a vu. Il n'y a à critiquer dans cette partie de son étude que l'assimilation du nucléus de reliquat à un noyau de cellule. Venons maintenant au mémoire du docteur Eimer. L'auteur nie 80 AIMÉ SCHNEIDER. l'existence d'un noyau dans le corpuscule falciforme (ein Kern war nirgends zu bemerken). Les amibes qui résultent pour lui de la transformation des corpuscules, n’ont pas non plus de nucléus. Quand l’amibe se chargeant de granulations et devenant immobile a fait place à la Psorospermie typique, il y a ou non un noyau (Cys- tenlose Psorospermien mit oder ohne Kern). Plus loin, on lit : « Aber auch die ausgebildeten Psorospermien haben zuweilen einen Kern, zuweilen nicht. » L'auteur, au lieu de conclure que le nucléus existe peut-être toujours, sans se laisser distinctement apercevoir dans certains cas, se laisse tout de suite aller au pen- chant de l'hypothèse : « Andere Beobachter stellen, wie wir sehen werden, ganz dieselben Uebergænge von Kernlosen zu Kernhaltigen Zellen als einer Entwicklungsreihe desselben Organismus zugehürig auf, wie sie im Vorstehenden gegeben sind. » Je conclus de ces citations que, sous le rapport de la manière d'être du noyau dans les Coccidies, le docteur Eimer est moins riche, moins exact que Kloss. A parür des plus jeunes Psorosper- mies qu'on puisse distinguer, Kloss voit le noyau dans toute la série des états suivants, jusqu'au kyste. M. Eimer ne le distingue pas dans les cas les plus favorables, dans les Psorospermies jeunes, sans gra- nules encore ou avec très peu de granulations, et chez lesquelles on le reconnait toujours aisément”. Il n’a pas contrôlé ses observa- tions sur le vivant par l'examen de préparations colorées. Il s'est rejeté sur une hypothèse pour tout arranger. Enfin plaçons ici cette phrase de Leuckart, dans sa description du Coccidium oviforme? : « Einen wirklichen Kern habe ich bei den hier in betracht kommenden Objecten niemals auffinden kœænnen. » Ainsi, trois auteurs, trois manières de voir. Pour Kloss, un noyau, depuis l’état le plus jeune jusqu’au kyste ; pour Eimer, autant d'états avec que sans noyau ; pour Leuckart, impossibilité de trouver 1 Je me permets de parler ainsi par analogie avec l'£imeria, que j'ai fait con- naître. 8 LEUCKART, Die Parasilen des Mensthen (2° édition, p. 255). SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 81 un nucléus dans tous les individus de l’espèce considérée par lui. Parmi les auteurs plus récents, je citerai Bütschli et moi-même. Bütschli ! a décrit une espèce nouvelle de Coccidie provenant du tube digestif du Zithobius forcipatus. La Psorospermie elle-même et les corpuscules falciformes sont nucléés. Parmi les espèces que j'ai fait connaître ?, deux m'ont offert un noyau incontestable ; les autres, que je n'ai pu soumettre à l'action des réactifs, ont seulement décelé sur le vivant une éclaircie cen- trale, que j'ai tout lieu de considérer comme un nucléus, bien que je désire ne pas m’engager sur ce point. Quelle conclusion peut-on tirer de ce court historique ? A prendre les données existantes, sans les discuter, on devrait admettre que le noyau est un élément variable, inconstant, de la Coccidie. C'est l'opinion des auteurs qui voient volontiers naître et disparaitre les noyaux sous leurs yeux. A cette magie nucléaire, les travaux les plus récents ont substitué la notion de transformations de l’état moléculaire et figuré du noyau, notion que je crois autrement féconde que la première. En conséquence, il me semble plus conve- nable de penser que le nucléus existe toujours dans les Coccidies, bien que sa présence puisse être difficile à déceler. Ce qui me con- firme dans cette opinion, c’est que le rôle de ce noyau paraît toul autre qu'insignifiant dans les phénomènes de la sporulation ; c’est qu'ici, comme presque partout, c'est le noyau qui gouverne la repro- duction et imprime à celle-ci son type caractéristique. Je pense le montrer par les détails dans lesquels je vais maintenant entrer. Le Alossia octopiana arrive, à l’état adulte, aux tailles les plus diffé- rentes; il suffira, pour le prouver, de dire qu’on trouve des kystes, avec spores incluses, depuis le diamètre de 30 à 404. jusqu à celui de 4 millimètre. Dès lors aussi, toutes les phases successives de la 1 Burscuzi (0.). Kleine Beiträge zur Kenninis der Gregarinen (Zeilsch. für Wiss. Zool., t. XXXV, p. 405 à 407.) ? Voyez ces Archives : Sur les Psorospermies oviformes ou Coccidies, espèces nou- velles ou peu connues, t. IX, p. 387, pl. XXII. ARCH. DE ZOOf. EXP ET GÉN. — 9€ SÉRIE. — T. 1. 1883. 6 82 AIMÉ SCHNEIDER. sporulation peuvent se rencontrer indifféremment sous tel ou tel volume du kyste. Ainsi, ce serait errer que penser qu’un état pourra être considéré comme postérieur à un autre, uniquement parce qu'on l’aura observé dans un kyste plus volumineux. La grosseur ici ne prouve rien pour l’âge relatif, et, si l’on ne veut se tromper, le mieux est de ne comparer entre eux que des individus de même taille. C’est ce que je ferai dans tous les rapprochements que j'éta- blirai dans cette note. Le Ælossia octopiana appartient aux Psorospermies oviformes dont il est le plus facile d'observer le noyau, surtout à l’état jeune. Gette constatation est aisée sur le vivant ; elle l’est surtout après l’action des réactifs, tels que l’acide osmique, comme agent fixateur, et le carmin, ou mieux le picrocarmin, comme agent colorant. Tant que la Psorospermie n’est pas enkystée, ces deux substances font d’elles- mêmes leur office ; si l'enkystement a déjà eu lieu, la production de l’épaisse paroi qui en est la conséquence oppose une barrière à l’ac- tion de ces fluides, et il est nécessaire de déchirer l’enveloppe par un moyen ou par un autre pour arriver à quelque chose de net. Voici maintenant les observations auxquelles le noyau donne lieu : Dans les psorospermies les plus jeunes rencontrées libres et pour- vues d’une paroi encore mince, le noyau est déjà vésiculeux, offrant la distinction nette d'une enveloppe et d’un contenu. Il est remar: quable par sa taille relative considérable, Les chiffres suivants montrent que jusqu’à un certain point les dimensions du nucléus augmentent beaucoüp plus rapidement que celles de la masse granuleuse : Dimensions Dimensions de la masse Dimensions du nucléole granuleuse. du nucléus. (unique et solide). 92p. 29 p. 114 105 41 13 114 62 13 159 88 18 SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 83 Mais il est aisé de prouver qu'on ne saurait formuler aucune loi, à l'examen des chiffres suivants comparés aux premiers : 66 33 1514 111 48 12 114 48 18 166 59 22 Il est donc vraisemblable que si, dans le même exemplaire, le nucléus croît en même temps que la masse granuleuse, c’est dans un rapport extrêmement variable d'un individu à l'autre. La orme du nucléus est rarement ovalaire, presque toujours sphérique. Les nombres que nous venons de donner expriment la longueur du diamètre. La paroi du noyau est très nelte, à double contour. Dans le cas de rupture, on la voit plissée diversement. Son existence ne peut ainsi donner prise au moindre doute. Le contenu est formé par un fluide, le suc nucléaire des auteurs, en quantité souvent considérable et par un ou plusieurs nucléoles formant un ensemble souvent très complexe que j'appellerai le corps nucléolaire. Dans certains cas, tels que ceux qui sont visés dans le tableau ci- dessus, le corps nucléolaire ne comprend qu'un seul nucléole, et ce nucléole unique est, en outre, homogène et plein et solide, autant du moins qu'il est permis d'en juger à travers la paroi de la psoro- spermie et de la fraction de masse granuleuse qui recouvre le noyau. Dans d’autres exemplaires, le nucléole, tout en demeurant unique, offre la différenciation d'une couche corticale plus dense, d'une épaisseur variable, et d’une aire centrale relativement claire, plus fluide, moins réfringente, plus pure aussi, c’est-à-dire sans les fines granulations que l’on remarque dans l'écorce. À part ce détail, les dimensions du nucléole restent comprises dans les mêmes limites que celles des nucléoles du tableau précédent; comme ce dernier, elles sont sans rapport direct avec la taille du nucléus lui-même. LA 84 AIMÉ SCHNEIDER. Dans d'autres exemplaires, les choses sont tout autres. Le nu- cléole que nous venons d'étudier subsiste ; il se reconnait à sa taille plus considérable, à sa structure; mais il est entouré d’un nombre très variable de nucléoles secondaires ou nucléolites, qui paraissent bien, dans tous les cas où les rapports n’ont pas été dérangés, être toujours situés d’un seul côté du nucléole principal, soit qu'ils for- ment une petite couronne à l’un des pôies de celui-ci, soit qu'ils figurent un groupe s’éloignant en direction radiaire, quelque chose comme la queue d’une comète. En d’autres termes, la seule appa- rence conduit à supposer que ces nucléolites sont issus du nucléole principal par une prolifération quelconque s’accomplissant en un point circonscrit, à partir duquel les produits nouveaux seraient successivement repoussés. il est difficile de penser que le mécanisme de cette multiplication du corps nucléolaire soit celui d’une scissiparité. Je n'ai vu, dans aucune demes préparations, chez le Âlossia dont il s'agit, un seul nu- cléole qui fût étranglé par le milieu et en voie de division. Cependant, comme je suis assuré qu'il y a des exemples d’une division de ce genre dans les nucléoles des Grégarines, je ne voudrais pas affirmer qu'on n’en trouvera pas dans les Coccidies. En tout cas, il est évi- dent que l’on ne saurait guère rencontrer ici la scissiparité égale, puisqu'il y a, dans l'immense majorité des cas, une disproportion énorme entre les produits, et qu’on peut encore reconnaître le nu- cléole principal dans des cas où le nombre des nucléolites dé- passe 20 (voyez fig. 1 et 2). Le phénomène devrait donc prendre la forme du bourgeonnement. C’est bien aussi d’un bourgeonnement qu'il s'agit dans ma pen- sée, mais si spécial que le nom ne convient qu'à demi. Ce bour- geonnement, en effet, est précédé d’une différenciation ou conco- mitant de celle-ci, et, par là, se présente sous forme d’excrétion. Mais il sera temps de créer un nom quand on connaîtra mieux la chose; voici ce que je vois : La figure 7, qui n’est pas schématique, mais prise à la chambre SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 85 claire, peut servir à traduire ma pensée, On y remarque que la couche corticale est percée d’un canal en un point (a), mettant en communication l’espace central du nucléole avec le suc nucléaire. Ce canal micropylaire est surmonté d’un nucléolite qui semble s’en être échappé, et l'espace central du nucléole principal offre inclus un second nucléolite qui semble destiné à être expulsé. Toutes mes observations ayant porté sur des préparations colorées, je ne viens pas dire J'ai suivi de visu la marche du phénomène, mais l’interpréta- tion que je suggère se présentera certainement la première à la pensée de tous, et j'avoue n’en pas découvrir une autre. Si le mécanisme que j'invoque est bien celui qui préside à la mul- tiplication du corps nucléolaire, on doit toujours reconnaître dans le nucléole faisant fonction de producteur, la structure que nous avons décrite dans le cas précédent, et en particulier le canal mi- cropylaire. Dans les figures 3, 4, 6, on voit plusieurs nucléoles (et ce sont toujours les plus gros) offrir nettement la distinction d’une couche corticale et d’une zone centrale; mais le canal micropylaire ne s'observe pas. On comprend qu'il faut un cas exceptionnel pour le rencontrer en coupe optique suivant tout son trajet comme dans la figure 7 et que, quand il s’offre de face, l'observation puisse en être rendue impossible. Je suppose que c’est ce qui arrive dans les figures 3, 4 et 6, et cela ne serait-il pas, que la seule conclusion qu'on pourrait logiquement tirer de ce résultat négatif, ce serait que le canal n’est perceptible peut-être qu'à l'époque où se prépare une expulsion. L'exemple de la figure 7 n’est pas, en effet, le seul que j'aie rencontré, et ces faits doivent avoir une signification précise. Corrélativement à la multiplication du corps nucléolaire, le nu- cléole principal diminue de volume. C’est un point sur lequel les mesures micrométriques ne permettent pas le moindre doute; il est donc impossible de venir dire ici, comme on l’a fait ailleurs, que les nucléoles apparaissent de toutes pièces, par genèse, par prise de forme d'une matière préalablement répandue à travers le suc nu- cléaire. Tous les petits nucléoles qu’on observe dans le corps nu- 80 AIMÉ SCHNEIDER. cléolaire me paraissent descendre aussi sûrement du nucléole pri- mitif ou ancêtre que les jeunes d’une espèce de leurs parents. Les nucléolites, une fois produits, grossissent et, d’homogènes qu'ils étaient d'abord, peuvent offrir à leur tour la différenciation d’une couche corticale et d’une zone centrale et faire office de pro- ducteursnouveaux. C’est ce que l'inspection des figures 4 et 6 auto- rise à penser, el ces aspects sont extrêmement fréquents. Quel que soit le mode suivi, quele nucléole primitif conserve seul la fonction productrice, ou que plusieurs des nucléolites dérivés la partagent avec lui, le résultat final est le même; c’est toujours un morcellement du nucléole primitif avec remaniement de la sub- stance même du nucléole. Je ne puis naturellement répondre à aucune des questions dont la solution dépend de l’observation d’un exemplaire en vie durant toute la durée des phénomènes, et je doute que cette observation soit bien facile. Je ne dirai donc pas à quel degré s'arrête la multi- plication du corps nucléolaire, mais je la crois susceptible de varier beaucoup d'un individu à l’autre ; je ne déciderai pas non plus avec assurance de la structure des nucléolites au terme de cette multi- plication, mais j'ai de bonnes raisons de penser qu'à ce moment tous les nucléolites produits sont de taille sensiblement égale et qu’ils paraissent tous homogènes. Qu'on me permette maintenant de donner les dimensions des parties de quelques-uns des corps nucléolaires auxquels s’appli- quent les considérations précédentes. J'ai cru devoir reléguer à la fin cet exposé de mensurations. Voici un nucléus, celui de la figure 3, par exemple, dont le dia- mètre est de 66 1. On trouve à l’intérieur un nucléole principal d’un diamètre de 19 p, offrant une couche corticale épaisse de 24,5. Il ya quatre nucléolites un peu écartés dans le dessin du pôle qui regarde l'observateur et où ils ont pris naissance. Deux, un peu plus gros, mesurent 6 p.; les autres 3 y. Cet autre nucléus mesurait 62 x, Il renfermait deux groupes nu- SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 81 cléolaires. Le premier groupe présentait lui-même un nucléole prin- cipal de 41 & et neuf nucléolites : un de 8 &, un de 6 & et sept de 4 y environ. Dans le second groupe, le nucléole principal mesu- rait 84,8. Il y avait quatre nucléolites de 6 y à 64,5 et plusieurs plus petits. Ces deux exemples peuvent suffire sans doute, et l’on aura hâte de poursuivre pour connaître le sort de ces nucléolites. Je dois dire qu'il y a ici une lacune dans mes observations ; je n’ai pas vu ce que deviennent ces fragments du nucléole, quelque soin que j'aie mis à scruter leur destinée. Je suppose que l'enveloppe du noyau se rompt, que les nucléolites mis en liberté gagnent par des mouvements propres la zone superficielle de la masse granu- leuse pour s’y diviser activement. Ceite hypothèse peut invoquer en sa faveur plusieurs considéra- tions ; je n'ignore pas qu'elle doit en repousser d’autres qui lui sont contraires. Voici celles dont je réclame pour elle le bénéfice. — Hertwig ! est arrivé à une hypothèse semblable pour les Radiolaires ; c’est une hypothèse qui en soutient une autre, peut-on dire, et elles tombe- ront toutes deux. En attendant, elles s'appuient et se fortifient mutuellement. En second lieu, je ferai remarquer que, si étrange que puisse paraître une conception qui reproduit des noyaux par des nucléoles, elle devient moins extraordinaire dès qu'on suppose que l'enveloppe du noyau peut être un produit du plasma cellulaire lui- même et non une dépendance du noyau. Admettons un moment que telles soient, ici du moins, l’origine et la signification de la prétendue paroi du noyau, la destinée de cette paroi n’a plus à nous occuper ; en se dissolvant, elle fait retour à la masse dont elle était issue. Que reste-t-il pour représenter la matière nucléaire elle-même ? Le nucléole ou les nucléoles, avec le suc dit nucléaire. Mais ce suc 1 HerwiG, Zur Hislologie der Radiolarien, Leipzig, 1876, in-40, L’exposé des vues de Hertwig à ce sujet se trouve aussi dans les Protozoa du règne animal allemand, t. Ier, p. 427, 88 AIMÉ SCHNEIDER. nucléaire peut être conçu, lui aussi, comme complètement étranger au noyau, à l'essence du noyau, si on peut ainsi dire. En effet, il peut fort bien représenter seulement un milieu intermédiaire, une sorte de lymphe, subvenant aux besoins des nucléoles, recevant les déchets organiques abandonnés par eux, milieu se renouvelant lui- même par échanges exosmo-endosmotiques à travers la paroi nu- cléaire. Il ne resterait ainsi, comme répondant au noyau véritable, que ce que j'ai appelé le nucléole ou les nucléoles ou plus complète- ment le corps nucléolarre. Je sais bien que dans les noyaux des cellules ordinaires cette idée ne serait pas acceptable, parce qu'il existe presque toujours chez celies-ci un réficulum nucléaire avec points nodaux et nucléoles aux croisements des mailles. Mais, ici, rien de pareil. Jamais, ni chez les Coccidies, ni chez les Grégarines véritables, je n'ai pu apercevoir rien qui ressemble à ce schéma de la constitution du nucléus des cellules animales ou végétales habituelles. Ce n’est pas la première fois, sans doute, que l'assimilation du noyau des Protozoaires à celui des Métazoaires rencontre de l'opposition. Tout le monde sait que Huxley a même proposé un nom spécial pour le premier, celui d’endoplasme. Mais, même pour le noyau des Métazoaires, il s’en faut que la paroi et le suc nucléaire aient une importance bien grande dans tous les cas. Si mon hypothèse était fondée, le corps nucléolaire mis en liberté dans le plasma du kyste représenterait en réalité les débris de la fortune d’un noyau; ce serait le noyau lui-même, segmenté, mor- cellé, et le nom employé, celui de nucléoles, serait complètement impropre. Deux cas pourraient alors se produire : ou bien tous les fragments du noyau persistant, ils deviendraient les nucléus dont nous aurons bientôt à nous occuper, ou bien, par un phénomène analogue à celui qui a lieu chez les Infusoires (certaines Vorticelles ayant un nucléus sans nucléole),un certain nombre de ces fragments seraient expulsés, les autres se fusionneraient entre eux pour don- ner un nucléus rajeuni destiné à se diviser rapidement. Mais, ici, je SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 89 n'ai pu apercevoir le moindre signe d’une expulsion quelconque de fragment nucléaire hors la masse granuleuse. D'autre part, je n'ai pas non plus trouvé le moindre aspect qui conduisit à l’idée d’une telle reconstitution d’un nucléus unique. Je ne vois ainsi de fondée que l'hypothèse qui tire directement les nouveaux noyaux des nucléolites. Les noyaux qui se présentent maintenant dans la zone superfi- cielle y sont déjà en voie de division. Leur constitution est simple ; ils n’ont ni paroi ni nucléole et sont ainsi homogènes, ce qui s’ac- corde bien avec l’origine que je leur assigne. Les noyaux gardent cette structure primitive très longtemps, jusqu'à la fin des phéno- mènes de la sporulation et même jusqu'après l’entier achèvement de constitution des Sporozoïtes. Le nucléus de ces derniers est homogène en effet; il ne pourra devenir vésiculeux que dans la jeune Psorospermie, vivant d’une vie intracellulaire. La division des noyaux dans la zone superficielle donne lieu à des aspects très variables. Il y a d’abord celui que j'appellerai les noyaux en bretelles, qui me paraît précéder les autres. Il est caractérisé par un long cordon légèrement sinueux, renflé à chaque extrémité en une patte ovalaire ou pyriforme. Une masse granuleuse de 77 y de diamètre offrait en tout 12 à 13 bretelles. La longueur totale de celles-ci était de 33 p.; la largeur des pattes de 6 à 7 p ; le filament interposé d'une très grande min- ceur au milieu (fig. 9). Une masse granuleuse de 116 1 avait des noyaux en bretelles de 37 t. de long ; une autre masse de 111 {. de diamètre portait 7 bre- telles d’une longueur totale de 40 y. Dans ces deux cas, le milieu des bretelles était près de se rompre. Les divisions‘ que nous venons de constater sur les noyaux dans la zone superficielle de la masse granuleuse ne donnent qu'un petit 1 Malgré toute ma bonne volonté et mon attention, il m’a été impossible de dis- 90 AIME SCHNEIDER. nombre de nucléus, très espacés les uns des autres, Mais ceux-ci, à peine individualisés, commencent eux-mêmes à se diviser, ainsi qu'on peut le constater en jetant les yeux sur les figures. Bien que ce soient là des questions de détail presque insignifiantes, je noterai cependant que le facies de leur division, qui au fond est identique, diffère un peu. Les extrémités des noyaux en voie de scission s’étalent moins en pattes et restent plus sphériques ; le milieu du noyau garde longtemps une largeur relative plus consi- dérable, si bien que les images ressemblent assez à des os de Gre- nouille, kumerus par exemple. Voici quelques chiffres : Une masse granuleuse de 127 & de diamètre était uniformément couverte de ces noyaux en os de Grenouille. La longueur totale de ceux-ci était en général de 144; quelques-uns pourtant n'avaient que 11 p. Les têtes étaient larges d'environ 5 pm, et la distance moyenne des noyaux les uns aux autres était d'environ 7 y (fig. 10). Ainsi, tandis que la longueur des bretelles varie de 30 à 40 x, celle des os de Grenouille n’est environ que le tiers. Il ne faut pas croire, en effet, que par les progrès de la division les têtes s’écartent davan- tage l’une de l’autre, en même temps que le corps s’effilerait en s’étirant. La matière du corps reflue sans doute dans les têtes, et le corps diminue corrélativement; mais il n'y a pas étirement plus con- sidérable, C'est ce qui résulte au moins de l’aspect des masses gra- nuleuses, chez lesquelles, à côté de nucléus qui ont encore l'aspect que nous venons de décrire, s’en trouvent d’autres dont la division est effectuée. Si on mesure la distance qui sépare les deux fractions de la division, on ne la trouve pas plus considérable, ou peu s’en faut, que celle des os de Grenouille adjacents (fig. 19). Au fur et à mesure que la multiplication des noyaux s’accomplit, la masse granuleuse s’éclaircit de plus en plus et, comme je crois devoir l’admettre, bien que je n’aie pu le constater directement, tinguer si dans les noyaux en voie de division dont il est ici question, aussi bien que dans ceux, plus petits, des phases suivantes, il y avait une différenciation fibrillaire, SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 91 augmente de diamètre, s'étend en surface. Il me paraît aussi que les noyaux fixent de mieux en mieux la matière colorante, car dans aucune préparation je n'ai pu obtenir des bretelles aussi bien colo- lorées que des os de Grenouille, par exemple, ce qui revient à dire dans le langage adopté que la matière chromatophile augmenterait de plus en plus. Sous la forme qui succède, l'aspect de la Psorospermie est suscep- tible de varier beaucoup (fig. 20 à 23). Elle peut, ce qui doit être considéré comme le cas typique, de- meurer sphérique ; elle est alors vésiculeuse au centre, à paroi con- stituée seulement par une mince épaisseur d'un sarcode dans lequel sont disséminés à intervalles réguliers, d'environ 2p,5 à 3 4, des noyaux sphériques n'excédant pas en général 2 p de diamètre. Quand l'élection du carmin pour la matière nucléaire a été parfaite, rien n'égale l'élégance de ces sphères dont le diamètre atteint 1 p et plus, et toutes criblées à la surface de points rouges sur fond transparent. Pour éviter toute périphrase, je désignerai cet état sous le nom de Nucleosphera. C'est un de ceux qu'on rencontre le plus souvent, sans doute parce qu’il dure plus longtemps que les autres. La Nucléosphère correspond à l’achèvement du travail de division et de multiplication des noyaux ; elle marque, d'autre part, le stade initial de la formation des spores; elle a donc une signification aussi nelte qu'importante dans la reproduction de la Psorospermie. Une particularité à noter aussi, c'est l’accroissement de diamètre de la Psorospermie à cet état. Comme je n'ai pas cultivé sur le porte- objet la -Psorospermie de la Seiche, bien que la chose soit possible sans doute à partir du moment où a eu lieu l’enkystement, ce n'est pas comme résultat immédiat de mensurations micrométriques effectuées sur le même individu au cours des phénomènes de la sporulation que je donne cette extension de surface. Je n’en crois pas moins l'augmentation certaine, La Nucléosphère, en effet, est toujours beaucoup moins écartée de l'enveloppe du kyste que ne sont les Psorospermies aux stades antérieurs ; souvent même la 92 AIMÉ SCHNEIDER. paroi de la Nucléosphère s'applique immédiatement sous celle du kyste, Mais la preuve paraît bien plus nette encore, quand, par suite même de cette extension de surface, se répartissant inégalement, la Nucléosphère quitte la forme sphérique pour prendre les configura- tions les plus variées. Je n'ai pas craint de représenter plusieurs de ces déformations, parce que je les trouve intéressantes et instructives. Quelques-unes sont rares, d’autres fréquentes, plusieurs très communes. Au nombre des rares, on peut placer celle dessinée figure 22, dans laquelle l’état sphérique a fait place à une sorte de fuseau enroulé sur lui-même en corne de bélier. Au nombre des fréquentes, se classe celle dans laquelle la paroï de la Nucléosphère se déprime et peu à peu s’invagine, de facon qu'au terme de l’invagination le feuillet infléchi soit contigu au feuillet externe, comme dans la figure 24. L'invagination ne va pas toujours jusque-là et, souvent, entre les deux parois, reste un intervalle, plus ou moins considérable, dernier vestige ,de la cavité primitive de la Nucléosphère. Comme on le voit, si la Nucléosphère normale mime une Alastula, la Nucléosphère déformée peut singer une Gastrula. - Ce qu'il peut y avoir d’intéressant dans ce phénomène, c’est que cet état n’est pas acquis ici en vertu d’une direction héréditaire impri- mée au phénomène, c'est qu'il est produit adventivement par la seule conséquence des lois de la mécanique et que, pour n'avoir aucune signification morphologique, il n’en peut pas moins servir par ana- logie à expliquer comment la Blastula des Métazoaires se convertit en Gastrula. Dans un des cas que J'ai sous les yeux, par exemple, la configu- ration générale est celle d’un dôme ou d’un hémisphère dont la hau- teur mesure 66 y, dont le plus grand diamètre, situé dans un plan quelque peu supérieur à la base, vaut 99 . Le diamètre de base mesure 52 y. ; la hauteur du feuillet infléchi à l’intérieur est de 52 ce qui fait qu'entre les deux parois subsiste un intervalle d'environ 1% LL au sommet. SPORULATION DU K£LOSSIA OCTOPIANA. 93 J'ai représenté une de ces sortes de Gastrula dans la figure 24 ; mais j'ai omis d'y laisser apercevoir par transparence le feuillet interne, qu’on distingue Loujours aisément. Parmi les déformations les plus communes de la Nucléosphère se placent celles qui, déprimant ici sa surface, la relevant à côté, la transforment en un système de montagnes et de vallées quelquefois assez simple, plus souvent compliqué. On voit un exemple d’une légère modification de ce genre dans la figure 21; l'hémisphère regardant l'observateur présente sur la zone tropicale un bourrelet saillant circonscrivant une dépression polaire. La figure 23 rend, au contraire, une modification beaucoup plus considérable ; les dépres- sions sont devenues si profondes qu’elles atteignent jusqu'au centre, et les saillies piriformes qui en résultent, rattachées toutes à un même point, dessinent un nombre variable de ballons divergents. On pourrait noter beaucoup d’autres aspects analogues; ceux que Jai donnés comme types me paraissent suffire amplement. Il est cependant nécessaire d'ajouter que quand la tension n’est pas éga- lement répartie, la Nucléosphère peut se déchirer en plusieurs points, ce qui ne nuit en rien à la continuation de la sporulation. Ainsi, dans la figure 26, on voit, à un état plus avancé, trois massifs sporifères distincts résultant de la scission d’une Nucléosphère. Aïlleurs on compte six ou sept de ces îlots, les uns subsphé- riques, d’autres étirés en cordon, quelques-uns étalés en membrane. Ainsi qu'on le voit, la conclusion inévitable à laquelle conduit cet examen, c'est qu'il y a corrélativement à la constitution de la Nucléosphère une extension de surface. La cause de ce phénomène est-elle bien éloignée ? Je ne le crois pas; du moins, il est une explication très simple qui se présente de suite. Primitivement, nous l'avons vu, la masse granuleuse est massive et compacte ; comparons-la, si vous le voulez, à ce qu’est une Morula chez les Métazoaires. De même que la Morula pour se convertir en Blastula reporte à la périphérie pour les étaler, sur un seul plan en épaisseur, ceux de ses éléments qui étaient situés au centre, ainsi 94 AIMÉ SCHNEIDER: la partie plastique profonde de la masse granuleuse, suivant l’émi- gration du corps nucléaire du centre à la surface, afflue graduelle- ment dans la zone superficielle, s'interposant aux noyaux qui se divisent de plus en plus, pendant que la partie non plastique, équi- valente à la masse résiduelle des autres formes, se liquéfie à l’inté- rieur de la vésicule ainsi constituée. J'ai déjà eu loccasion de dire que le nom de Psorospermies oviformes avait été singulièrement heu- reux ; ne semble-t-il pas impossible de concevoir dans le cadre d’un organisme unicellulaire une reproduction aussi complète du tableau qui se déroule sous l'enveloppe de l'œuf fécondé des Métazoaires ? Cette marche parallélique et concordante des phénomènes prouve que ce sont des nécessités d'ordre physico-chimique et mécanique qui dans un cas comme dans l'autre, en vertu des besoins iden- tiques de la substance vivante, impriment à l’évolution les mêmes errements, un tracé analogue. Mais en voilà assez sur ce sujet. Quelle destinée maintenant at- tend la Nucléosphère ? Elle passe à l’état d’£chinospheère. Bientôt, en effet, les noyaux qui gisaient dans la zone superficielle sans faire la moindre saillie à l’ex- térieur sont comme poussés au dehors, et les voilà qui viennent s’as- seoir à l'extérieur, revêtus d'un manteau si mince de plasma, qu'il est invisible, et que c’est à une sorte de pudeur histologique qué j'obéis ici en jetant cette frêle enveloppe sur ces noyaux à jour. Sé- rieusement, sur des préparations éclaircies à l'essence et conservées dans le baume, on a toutes les peines du monde à deviner au-dessus des noyaux une gaze de plasma. Ainsi la Nucléosphère, perdant sa surface lisse, devient toute échinulée, ses éminences n'étant encore constituées en grande partie que par les noyaux (fig. 95 et 26). Quelle est la forme de ces noyaux? Dans tous les exemplaires que j'ai sous les yeux, je la trouve co- noïde ou pyramidale et nullement et jamais sphérique. C'est un fait intéressant, puisqu'il prouve que la substance du noyau elle-même s’allonge dans le sens du rayon dans une direction centrifuge, et que. SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 95 le noyau participe activement à la constitution des sporoblastes. La hauteur du cône égale environ le diamètre de la base; je trouve pour ces deux dimensions dans un cas 31,2, avec quelques variations d’un noyau à l’autre; quelques-uns donnent 3 4,5; d’autres 31 seulement ou même un peu moins. La distance qui sépare les bases des noyaux est ici de 414,5 en moyenne. Il va sans dire que l’aspect échinulé ne succède pas seulement à la Nucléosphère normale, mais encore à toutes les déformations dont elle est susceptible et qu'on a ici une série parallèle d’aspects. L'état qui succède mène à une Echinosphère plus prononcée, exa- gérée, ce qui tient non plus à l'allongement individuel des noyaux dans le sens du rayon, mais à ce que, au-dessous de chacun d’eux, le sarcode se soulève, de façon qu'ils sout deux maintenant à consti- tuer les éminences ; le nucléus, toujours conoïde à l'extrémité dis- tale, un socle sarcodique à l’extrémité proximale. Chacune des émi- nences ainsi construite peut recevoir le nom de Sporoblaste, et la sur- face sphérique qui les porte, prise avec l’ensemble des mamelons qui la couvrent, peut recevoir le nom de Sporosphère (fig. 27). Il est manifeste qu'au lieu de dire que le sarcode se soulève au- dessous de chaque noyau, de façon à constituer un support spécial au nucléus, on peut dire que le plancher de la sphère s’affaisse dans l'intervalle qui sépare les noyaux ; le résultat est le même, c’est tou- Jours une augmentation de la surface libre offerte aux échanges phy- sico-chimiques qui s’accomplissent entre la substance en voie de transformation et le milieu extérieur. Toutefois, le socle de chaque noyau n’est pas creux, mais plein et solide; chaque nucléus est donc une sorte de centre d'attraction appelant à soi le sarcode développé en surface dans la vallée circum- ambiante, ce qui entraîne une diminution correspondante dans l’é- paisseur du fond de la vallée. Aussi l'existence de la Sporosphère est-elle des plus limitées, Une seule fois j'en ai vu une atteignant l’état représenté figure 27, dans lequel les Sporoblastes, encore ratta- chés à leur base par un peu de sarcode, sont ordonnés suivant une 96 AIMÉ SCHNEIDER. surface régulièrement sphérique. Le plus souvent l'appel exercé par le Sporoblaste en voie de constitution sur le sarcode valléculaire amène presque de suite la perforation et la destruction totale du fond de la vallée, et les Sporoblastes sont par là même isolés ou réunis seulement en groupes disséminés, destinés eux-mêmes à se dissocier bientôt !. En même temps que le sarcode de l'Echinosphère se rendait ainsi aux Sporoblastes naissants, la forme conoïde de chacun de ceux-ci se modifiait ainsi qu'on le peut voir à l'inspection de la figure 27. Les rap- ports sont maintenant renversés ; l’extrémité distale du Sporoblaste est renflée en ampoule et l'extrémité proximale effilée. Celle-ci demeure telle aussilongtemps que dure la concentration du sarcode dans les Sporoblastes. Dès que l'immigration s’arrête, la jeune spore libérée est régulièrement sphérique. Pendant que l'aspect général de l’éminence se modifiait, la forme du noyau changeait corrélativement et lui aussi, de conoïde deve- nait subsphérique. Sa position toutefois ne change pas et permet. par là même d’orienter le Sporoblaste et de distinguer entre un hé- misphère distal, celui au pôle duquel est placé le nucléus et un hémisphère proximal. La constitution des Sporoblastes est par là même connue ; résu- mons-la en deux lignes. C’est une pelote de sarcode régulièrement sphérique, à substance fondamentale à peine granuleuse, nue, à noyau superficiel au pôle distal. Pour ne pas interrompre l'exposé de ce que je considère comme 1 On sait que chez les Grégarines véritables, dans le genre Stylorhynchus, les Spo- roblastes d’abord formés à la surface en un seul rang en épaisseur, conformément à ce qui a lieu ici, se retrouvent à l’état de spores, vantonnés dans un hémisphère, l’autre étant occupé par la masse résiduelle. Il me paraît qu’on peut dès à présent admettre que ce phénomène est la conséquence de la rupture de la voûte sur la- quelle ils sont nés et de leur densité un peu plus faible que celle du liquide résul- tant de la liquéfaction de la portion non utilisée de la masse granuleuse. En effet, dans les Slylorhynchus et Trichorhynchus, le pseudokyste occupe toujours l’hémi- sphère inférieur du kyste, quand celui-ci n’a pas été déplacé au cours des phénomènes de la sporulation, SPORULATION DU KLOSSTA OCTOPIANA, 97 la marche normale de la sporulation et la succession régulière des états, j'ai cru devoir laisser de côté, dans les Hgnes précédentes, un aspect que l'on rencontre assez souvent et que rend bien la figure 17. Les kystes qui l’offrent, tantôt ne renferment qu'une masse granu- leuse, tantôt présentent deux, trois où quatre amas différents. De toute la surface du massif ou des massifs ainsi constitués s'élèvent des prolongements grèles, si grèles même que la plupartse penchent ‘au sommet, comme sous un poids trop lourd, et terminés chacun par un noyau. On dirait l'androcée d’une ficur. Sans doute il n'est pas difficile de rattacher cet aspect à une Echi- nosphère ou à une Sporosphère, dont les écainules o'1 les spores ont été étirés à la filière. Mais quelle est la signification de cet étire- ment? À priori, il s’en présente deux : ou bien c’est un phénomène cadavérique, et j'avoue que je penche vers cette explication, ou bien cet allongement des Sporoblastes précéderait leur libération et mar- querait peut-être une période d'activité, de mouvement libre, comme celle dont les Sporoblastes des Stylorhynchus nous offrent l'exem- ple. Je répète que je me range plus volontiers à la première hypo- thèse. Avant de poursuivre, qu'on me permette un retour sur les figures et les descriptions antérieurement données par moi-même ou par d’autres. Je ne vois rien dans les figures de Kloss qui puisse trahir ce qui se passe dans les phases précédentes, depuis la constitution de la Nucléosphère jusqu'à ceile de la Sporosphère. Cela m'étonne de la part d'un observateur aussi attentif. S'il est vrai qu'on ne peut décider de la nature réelle des faits que par l'action des réactifs co- lorants, il n’en demeure pas moins, en cffet, que les phénomènes qui s'accomplissent dans la masse se révèlent imparfaitement au: regards, sans le secours d'aucun agent étranger. Si l'on veut bien s: reporter à la figure que j'ai donnée ailleurs du Ælossra soror', aux figures 61 et 62, par exemple, on n'aura pas de peine à reconnaître qu? 1 SCHNEIDER (AIMÉ). Sur les Psorospe.mies oviformes (dana ces Archives, tome IX, p. 387, pl. XXI1). RAC DE ZNOL /EAPOUET CIN. — 26 SÉRIE. — T, 1. 1803, -1 28 AIMÉ SCHNEIDER. les taches pâles qui effleurent la surface ou font même légèrement saillie, ne sont autre chose que les noyaux, et que ces dessins expri- ment ainsi la coupe optique d’une Nucléosphère. Dans tous les kystes de Grégarines, dans lesquels j'ai parlé d’une gemmation des Spo- roblastes, les petites perles qu’on voit se détacher d’abord de la surface, ne sont certainement autre chose que les noyaux d’une .Nucléosphère passant à l’état d'Echinosphère, et enfin à celui de Sporosphère. Si, en dehors de preuves directes, et j'en ai que je pro- duirai bientôt, il fallait une confirmation a posteriort de la chose, je ne l'irais pas chercher ailleurs que dans la position excentrique du noyau des Sporoblastes et même des jeunes spores du S/ylorhynchus longicollis, pour ne pas sortir des faits connus. J'ai l’intime convic- tion que dans toutes les spores jeunes, le noyau est, non central, mais polaire. Je crois de même que dans le Cyclospura glomericola, les deux pôles de la masse granuleuse, dans les figures 26 et 27 du tra- vail précité, aussi bien que les extrémités opposées plus claires des Sporoblastes dans les figures 28, 29, 30 et 31 sont occupés par les noyaux. J'admets encore que les figures 27 et 28 du docteur Eimer (loc. cit.) répondent à une Nucléosphère peut-être encore incomplète. Voici les chiffres les plus ordinaires pour les dimensions des Sporo- blastes et celles de leur noyau : Diamètre du Sporoblaste : 64,6. Diamètre du noyau : 24,2 à 21,4. On voit que le nucléus n’a pas varié de volume depuis la constitu- tion de la Nucléosphère. Si l’on prend la spore définitivement constituée, on lui trouve un diamètre notablement supérieur. Il est en règle de 8,8 à 9 p, mais il peut atteindre, comme je le dirai plus tard, dans certains cas, des dimensions beaucoup plus élevées. La spore faite offre un double tégument, ainsi qu'il est aisé de le constater sur celles qui sont encore assez jeunes. En portant d’abord l'observation sur celles-ci, on se convaincra qu’en dehors de l’enve- loppe à double contour très marquée, réfringente, qui constitue par SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 99 excellence l'appareil protecteur de la spore, est une bordure pâle, à peine limitée, qui est souvent plus renflée, suivant un ou deux points, que sur le reste de son pourtour. J’appellerai cette tunique externe l'£'prspore, l’interne, £'ndospore. Je ne suis pas entièrement fixé sur la signification de cette enve- loppe externe; eile me paraît devoir précéder l’endospore, qui se formerait ainsi au-dessous d'elle. Elle disparait, semble-t-il, de bonne heure. Ici, comme dans les Grégarines, se rencontrent des spores concrètes, des spores doubles, si l’on veut. Le mode de gemmation des Sporo- blastes permet aisément de comprendre que souvent deux mamelons voisins demeurent unis en se soulevant, ou que, primitivement dis- üncts, il se soudent en venant à se toucher. Les spores concrètes du Ælossia octopiana offrent l'aspect d'un bissac ; renflés aux deux extré- mités, elles sont, à des degrés divers, étranglées au milieu. Voici quelques chiffres pour leurs dimensions : Ainsi que je l'ai dit, si la plupart des spores simples mesurent environ 9 p, on trouve souvent:des kystes à spores d’un volume plus considérable, et le même kyste peut aussi présenter, sous ce rapport, des différences notables. Voici d’abord un kyste à spores peu nombreuses. Parmielles j'en trouve, les plus grosses, qui mesurent 15 4; d’autres, les moyennes, ont 11 &; les plus petites enfin portent seulement 4 L; ce qui établit entre ces dernières et les premières une différence voisine de 1 à 4. C'est un écart considérable, on le voit. Je devais d'autant plus le signaler qu'il conduit à prouver que les microspores et les macrospores, partout où on les observe, appartiennent à la même espèce, bien que souvent elles soient localisées dans des kystes différents. Dans un autre kyste les grosses spores, peu nombreuses, mesu- rent 22 p; beaucoup ont 18 y. ; il n’y en a pas ayant moins de 11 y; la différence entre les extrêmes est de 4 à 2. Des kystes dont toutes les spores mesurent régulièrement 11 k ne sont pas rares. 1 00 AIMÉ SCHNEIDER. J'ai dessiné dans l’une des planches, fig. 4, un kyste à macrospo- res. Comme toujours, dans ce cas, les spores sont peu nombreuses ; elles mesurent ici, les unes 25 4, les autres 20 y, les autres 48. J'ai même vu une macrospore mesurant 2! p dans un sens et 27 dans l’autre, car elle était légèrement ovalaire. En résumé, on voit que les termes extrêmes, dans les séries obser- vées par moi sont 4 p et 24 à 25 p., c'est-à-dire qu'ils sont dans le rap- port de 1 à 6 pour les diamètres. Entre les microspores et les ma- crospores s’observent tous Jes termes intermédiaires, et enfin, le même kyste peut contenir des spores de tous diamètres, bien que souvent aussi il n’offre que des corps reproducteurs de taille absolu- ment égale. Une question se pose ici: celle de savoir à quelle cause 1l convient de rapporter l’origine des macrospores. Deux explications sont pos- sibles a priori. Ou bien le kyste contient pour la même quantité de matière nucléaire une plus forte portion de plasma, ou bien les proportions relatives de matière nucléaire et de plasma dans le kyste étant normales, il y a arrêt Gans la division des nucléus à un certain moment. Dans la première hypothèse l'excès de taille des macrospores viendrait de ce que le noyau restant le même, elles offriraient plus de plasma. Il suffit de jeter les yeux sur la figure 14 pour se convaincre que les mesures micrométriques donnent raison à la seconde hypothèse. Le noyau y est plus gros que dans les Spo- roblastes ordinaires, et la quantité relative de plasma n'y est pas moindre, puisque le plasma s’est réparti entre un moins grand nom- bre de centres d'attraction et quil n’y a aucune raison de supposer qu'il fût proportionnellement moindre au début que dans les kystes ordinaires. Je suppose donc que dans les kystes qui doivent donner des ma- crospores, le phénomène de la gemmation des Sporoblastes com- mence à un état analogue à ceux des figures 12 et 13. Dans ces deux figures même, les gros noyaux qu'on observe, régulièrement dispo- sés, se soulèvent déjà légèrement au-dessus de la surface, ainsi SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 101 qu'on le voit bien par ceux qui sont représentés en coupe optique. Je n'ai pas vu d'état plus avancé, mais il faut bien dire que les kystes à macrospores ne sont pas fréquents non plus. Dans les kystes offrant un mélange de microspores et de macro- spores, la production de ces dernières viendrait d'un arrêt de cer- tains noyaux, les autres continuant à se diviser. Il règne ici une lacune dans mes observations; je n'ai pu recon- naître nettement comment le noyau de la spore constituée, noyau qui reste toujours excentrique, se comporte dans la division qu’il subit pour fournir les nucléus des sporozoïtes. Ce qui est certain, c'est qu'il ne change pas ou qu'ilne change que très peu de position ; quel que soit le mode de groupement des sporozoïtes dans leur étroite prison, on constate que toujours les trois ou quatre noyaux qui leur correspondent se trouvent cantonnés dans la même région de la spore, excentriquement, non loin de la paroi. Ainsi, même quand la spore est arrivée au terme de ses changements profonds, on peut toujours reconnaitre le point qui répond au pôle distal du Sporoblaste. Le nombre normal des sporozoïtes est de trois, exceptionnelle- ment de quatre ‘. Il est probable que dans les spores concrètes il est le double ou le triple, car c’est le cas pour les spores concrètes des _ Gregarines. Quand le nombre est de trois, les trois noyaux sont presque tou- Jours ainsi disposés que deux s’écartant, l’un à droite, l’autre à gau- che, figurent un V dont le sommet est vcisin de la paroi de la spore, dont les branches ne se rejoignent pas complètement à ce sommet, ! Je donne le chiffre de 8 à 15 dans ia note rédigée à Roscoff. La Porospermie du poulpe diffère-t-elle spécifiquement de celle de ja seiche, ou ai-je eu sous les veux un kyste à microspores ? Je dois prévenir que pour estimer le nombre des spo- rozoites, il est absolument nécessaire de les compter après les avoir fait sortir d'une spore isolée. Si on se bornait à fixer leur nombre d’après la seule considéralion de leur position dans la spore, on se tromperait souvent. Ainsi, ici, la longueur de chaque sporozoïte étant supérieure notablement à celle d’un méridien, on a presque toujours, en coupe optique, deux cercles opposés pour un seul corpuscule. 10 AIMÉ SCHNEIDER. ce qui se comprend,i puisque les noyaux appartiennent à à des sporo- zoïtes différents, et dont le troisième, contenu dans l'ouverture du V, est dans un plan ‘perpendiculaire aux deux autres, ce qui fait qu'au lieu de le voir suivant sa longueur, on ne l’aperçoit que par un bout. Telles sont les observations que Je présente aujourd'hui sur les phénomènes de la sporulation de la Coccidie. J'ai parfaitement con- science des lacunes qui règnent encore, et je tiendrais beaucoup en particulier, à suivre de visu la destinée des nucléolites; je ne dés- espère pas d'y arriver dès que je pourrai obtenir de nouvelles seiches des ports voisins. J’ai entrepris des recherches analogues dans les Grégarines propres, et je pense ainsi pouvoir obtenir bientôt une vue d'ensemble sur ces phénomènes aussi intéressants que peu scrutés encore. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE VIII. FiG, 1. Psorospermie detaille moyenne, présentant une paroi, un contenu granuleux et dans celui-ci un noyau ovalaire, dont le corps nucléolaire est constitué par un nucléole principal et une légiou de nucléolites disposés en queuc de comète. 2, Un corps nucléolaire analogue à celui qui se rapporte à la figure précédente, mais d’un grossissement beaucoup plus fort. On a dû renoncer, par dé- faut de place, à figurer les limites du noyau lui-même. Le nucléole principal est vacuolarisé au centre; au-dessus de lui est une grappe de nucléolites homogènes, réfractant peu la lumière, se colorant faiblement par les réactifs. 3, Noyau d'une Psorospermie montrant au sein du liquide qu'il renferme un corps nucléolaire formé par un nucléole principal à couche corticale dense, à centre vacuolarisé, et par quatre nucléolites homogènes et faiblement colorés. | | 4. Noyau d’une Psorospermie renfermant deux groupes nucléolaires.L’inférieur renferme un seul nucléole à couche corticale différenciée du reste; le supérieur renferme deux nucléoles semblables. Les autres nucléoles de chaque groupe sont homogènes, peu réfringents. 5, Noyau renfermant sept nucléoles homogènes, peu réfringents, tous semblables, SPORULATION DU KLOSSIA OCTOPIANA. 103 Fi. 6. Noyau renfermant deux groupes nucléolaires, formés chacun de trois nu- cléoles dont les plus gros sont à couche corticale très différenciée, 7. Corps nucléolaire d’un noyau dont les limites ne sont pas dessinées, faute d'espace. Il offre une couche corticale dense, très différenciée du reste, percée en un point (a) d’un canal ou micropyle mettant l’intérieur du nucléole en communication avec le fluide nucléaire. Au-dessus de ce nucléopyle, on distingue un nucléole qui semble s'être fait jour par ce canal. Il présente déjà au centre le commencement d’une vacuole qui au- rait dû être laissée en blanc dans le dessin. La cavité elle-même du noyau semble occupée par un autre nucléole qui ne la comble qu'impar- faitement. 8. Psorospermie chez laquelle la sporulation commence quand Pindividu n’est encore arrivé qu’à la moitié ou environ de la taille qui correspond à la maturité chez le plus grand nombre. On distingue sur l'hémisphère représenté dans le plasma granuleux deux noyaux rétrécis au centre, . renflés aux extrémités, en voie de division. 9. Psorospermie de taille normale montrant dans la zone périphérique de son plasma sur l'hémisphère tourné du côté de l'observateur un assez grand nombre de ces noyaux que j'ai appelés noyaux en bretelles. Dans cette figure comme dans les précédentes et les suivantes, on n’a représenté que le contenu granuleux du kyste. L’enveloppe externe et le liquide interposé entre elle et la masse granuleuse ont été laissés de côté pour ménager la place. 10, Phase qu’on peut considérer comme succédant habituellenent à la précé- dente. Les noyaux en voie de division y ont l’aspect d’os de grenouille, Tous ces noyaux sont logés dans la couche périphérique de la masse granuieuse. 11, Etat plus avancé de la division des noyaux, conduisant à des noyaux d’un diamètre assez petit. 12, Psorospermie de faible diamètre, mais pourtant en voie de sporulation. On voit de face les noyaux d’un hémisphère et en coupe optique (a) ceux de la zone équatoriale. On observe qu’ils font tous une légère saillie ar- rondie, ce que montrent particulièrement ceux de la zone équatoriale. 13. Même état sur une Psorospermie plus âgée, à noyaux plus distants. (a) les noyaux de la zone équatoriale en coupe optique; (b) les noyaux, vus de face, de l'hémisphère tourné vers l'observateur. Tous ces noyaux faisant légèrement hernie à l'extérieur. 14. Un kyste entier montrant en dedans de son enveloppe, au sein du fluide qui la remplit, un volumineux nucleus de reliquat sans noyau et un cer- tain nombre de gros Sporoblastes à volumineux noyau excentrique, comme si ces sporoblastes dérivaient directement des états précédents. 15. Une spore qui vient de se constituer. Elle offre deux enveloppes concen- triques, un contenu granuleux et un noyau excentrique (n); (a) Kpis- pore ; (b) Endospore. 16. Spore mûre sortie de son épispore|déchiré et plissé (c) et revêtue seulement de son endospore (4), On distingue au centre (a) un nucleus de reliquat, 104 Fic. 17. M1G. 18. 19. +9 Oz 0 mue AIME SCHNEIDER. et, disposés régulièrement à la périphérie, les sporozoïtes dont on voit la coupe optique (b) sous forme de demi-cercle. Kyste entier correspondant sans doute à un état cadavérique. On distingue sous l'enveloppe, au sein du fluide qui la remplit, trois amas granuleux dont chacun est le point d’attache d’une infinité de prolongements minces et filiformes qui, les uns droits et les autres recourbés, se ter- minent tous par un bouton renflé qui n’est autre qu’un noyau. Chaque amas offre l’image de l’androcée d’une fleur à étamines indéfinies. PLANCHE IX. Une Psorospermie très jeune, n’ayant pas encore de paroi à double contour. Noyau à nucléole unique. Masse granuleuse d’un kyste à un état qu'on peut considérer comme suite de la figure 11. Les noyaux sont disposés par paires; il y a même deux de ces paires qui montrent un trait d’union entre leurs éléments. Masse granuleuse d’un kyste quand la multiplication des noyaux a cessé. La périphérie est uniformément ornée de noyaux très petits et très superficiels. Masse granuleuse d’un kyste au même état que la précédente, mais dont la surface s’est plissée sur l'hémisphère tourné vers l'observateur, de manière à montrer eu saillie un gros bourrelet subannulaire (a). Autre mode de déformation d’une masse granuleuse au même stade que les deux précédentes. Autre mode et très fréquent de déformation analogue; production de grosses vésicules rattachées à un centre commun. Mode de déformation nullement rare dans lequel une partie de la paroi s’invaginant à l’intéricur de la sphère simule une Gastrula. Etat de la masse granuleuse qu’on peut considérer comme succédant à celui des figures précédentes et plus particulièrement à celui de la figure 20. Les noyaux sont tout à fait en saillie, formant chacun le sommet d’un petit cône de protoplasma hyalin. Phase de la gemmation des Spo- roblastes. Le même état réalisé par le contenu d'un kyste préalablement indivi- dualisé en trois masses granuleuses. Etat plus avancé de la gemmation des Sporoblastes. Kyste rempli de Sporoblastes montrant tous un noyau excentrique placé an pôle distal du sporoblaste. Spore dont l’endospore rompu a laissé sortir les quatre sporozoïtes gardant encore, après expulsion,-la trace de la torsion et de l’enroulement aux- queis ils étaient soumis à intérieur de la spore. Chacun d’eux est muni d’un aoyau ovalaire allongé. dus 0 Arts if CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES CRUSTACES SCHIZOPODES (MYSIS Larr.) PAR Le Docteur Yves DELAGE Professeur de zoologie à la Faculté des sciences de Caen. Examinant un jour, à Roscoff, des Myses à un faible grossissement sous le microscope, je fus frappé de la disposition particulière qu'of- fraient les lacunes de la carapace. Je n’attachai pas d'abord grande importance à ce fait; mais plus tard, en étudiant la singulière bran- chie céphalique que j'ai fait connaître chez les Zanais ‘, je fus frappé de la ressemblance des deux appareils et je fus ainsi conduit à me demander s’il n'y avait pas dans la carapace des Mysis quel- que disposition particulière en rapport avec la respiration. Mais, l'étude de cette fonction ne pouvait être complète sans celle de la circulation, qui lui est toujours rattachée par des liens si étroits. Je dus par conséquent étudier l’une et l’autre. Telle est l’origine de ce travail. Pour l’étude de l'appareil circulatoire, j'ai employé, naturellement. les procédés qui m'avaieut rendu de si grands services chez les idriophthalmes *. C’est, en effet, seulement par Finjection des vais- 1 Contrib. à l'étude des Crust. édriophthalmes, p. 134 à 158, pl. XI (in Arch, de :00!. exp., vol. IX, 1881). 2 Loc. cit. 106 YVES DELAGE. seaux, combinée avec l'observation du mouvement des globules, que l’on peut arriver à une connaissance complète de tous les faits. L'un ou l’autre de ces procédés, employé seul, ne peut donner que des résultats insuffisants chez des êtres dont la circulation est en partie lacunaire. Je commencerai par décrire la circulation et la respiration, discu- tant, chemin faisant, seulement les questions de fait. Les considé- rations générales et la discussion des opinions diverses feront l’objet d’un chapitre spécial. IT APPAREIL CIRCULATOIRE. Planche X. Cœur et péricarde. Le cœur {c, fig. 1,3, 4, 7), situé dans le thorax, est très allongé et ‘rappéile, par sa forme tubuleuse, celui des Amphipodes. Gé caräc- itère, qui est peut-être un peu variable selon les espèces, a été par- faitement reconnu par Thompson! et par Sars?. Selon Van Beneden*, cette longueur aurait été exagérée et lecœur occuperait seulement le quart de la longueur du céphalothorax. Pour déterminer exacte- ment la longueur du cœur, il faut d’abord en bien préciser les limites. Or, ces limites ne sont pas très faciles à reconnaître, car le diamètre du cœur ne diffère pas sensiblement de celui dés aôrtes au point d’origine de ces dernières, Elles sont marquées par la présence de valvules cardio-aortiques que personne jusqu'ici n'avait signa- 1J.-V. THompson, Zoological Researches and illustrations of Natural History, Mémoire IT (On the genus Mysis or Opossum Schrimp Cork, 1840). 2 G.-0. Sans, Histoire naturelle des crustacés d'eau douce de Norwége. 1'c livraison, les Malacostracés. (Christiania, 4867). à ue À 3 P.-J. VAN BENEDEN, Recherches sur les crustacés du litloral de Belgique (in Mém. de l'Acad. roy. de Belgique, 1. XXXIII, 1861). CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 107 lées. Ces valvules sont, d’ailleurs, tout à fait identiques à celles que l'on trouve à la même place chezles Amphipodes. Elles sont formées de deux lames qui se détachent de la paroi latérale interne du cœur et qui, s’avançant à la rencontre l’une de l’autre, s’adossent sur la ligne médiane et remontent ensemble dans la cavité du vaisseau où leur bord libre est flottant. Elles s’écartent sous l'effort de la poussée sanguine, et se rapprochent automatiquement dès que la pression dans le cœur est devenue moindre que dans le vaisseau. Le cœur ainsi délimité s'étend depuis le niveau du dernier anneau maxillaire jusqu'à la partie supérieure du dernier anneau thora- éique, occupant ainsi près de la moitié du céphalothorax. En bas‘il déborde la carapace de la longueur d’un anneau environ. Il n’est pas absolument cylindrique ; sa partie la plus large est située un peu au-dessous de son milieu, et à partir de ce point ilest légèrement conique dans les deux sens. Au niveau de sa portion la plus large, il est percé de deux paires d'ouvertures (v, fig. 4, 3, 4, 7), l’une dorsale, l’autre ventrale, comme Claus l’a décrit dans le genre Siriella?. Les deux paires sont à peu près au même niveau ; la ventrale est cependant un peu au-dessous de la dorsale. Elles sont limitées par deux lèvres musculeuses d’où partent deux replis membraneux qui font saillie dans l’intérieur du cœur et jouent le rôle de valvules. Celles de la paire dorsale sont les plus grandes. Elles sont en outre munies chacune de deux tractus musculaires qui se portent, en divergeant, vers les parois voisines, où ils s’insèrent et jouent sans doute un rôle actif dans la dilatation du cœur. Cet organe est percé, en outre, de nombreux orifices artériels, mais les quatre ouvertures dont nous venons de parler sont les seules par lesquelles le sang entre dans sa cavité. Les autres orifices situés dans le voisinage de ses extrémités, et décrits d’abord par Frey et Leuc- 1 L'animal est supposé placé verticalement. Il est indispensahle d’avoir toujours cela présent dans l’esprit pour bien comprendre les descriptions. 2? C. CLaus, Grundzüge der Zoologie, 4e édition, p. 613 (Marburg, 1880), 108 YVES DELAGE. kart!, puis par Van Beneden* et par Sars*, n'existent certainement pas. Le cœur est contenu dans un péricarde (p, fig. 1, 2, 3, 7) faisant fonction d'oreillette. Ce péricarde entoure assez étroitement le cœur de manière à ne laisser qu'une cavité péricardique assez restreinte, excepté au niveau des orifices d'entrée du cœur, où elle est plus vaste. C'est dans ce point que le péricarde recoit la plus grande-partie du sang qu'il doit transmettre au cœur. Dans la portion dorsale de cette cavité s'ouvrent les canaux qui amènent le sang des lacunes de la carapace; dans la portion ventrale, et tout auprès des précédents, débouchent ceux qui ramènent le sang qui revient des pattes. Le péricarde communique en outre, en bas, avec les lacunes de la région dorsale, mais en haut, il nous a paru complètement clos, et les globules que Van Beneden‘* à cru voir, venant des pédoncules oculaires et du cerveau se jeter dans le cœur, entrent en réalité dans un sinus veineux sous-jacent au péricarde. Le sang ne s’amasse point dans le péricarde, et l’on voit toujours les globules le traverser en ligne droite pour se rendre aux orifices d'entrée du cœur. Système artériel. Le cœur donne naissance, en haut, à une aorte céphalique, en bas, à une aorte abdominale, et, en avant, à un certain nombre d'artères, dont l’une, impaire et très volumineuse, est l'artère sternale, tandis que les autres, très petites, sont destinées aux viscères. Nous avons décrit les valvules des aortes. À l’origine de l’artère * Beiträge zur Kennlniss der W'irbellosen Thiere Braunschweig, 1847). ® Recherches sur les crustacés du lilloral de Belgique (in Mém. de lV'Acad. rou. de Beigique, t. XXXIII, 186)). 3 Hist. nat. des crustacés d'eau douce de Norwège. 1, Malacostracés (Christiania, 1867). » Loc. cit. CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 109 sternale se trouve une valvule semblable, quoique un peu moins dé- veloppée. Je n'ai pu en distinguer à l'entrée des autres artères, mais l’analogie porte à croire qu'il en existe également. Aorte abdominale (aa, fig. 1, 9, 3, 4, 5). — Née de l'extrémité infé- rieure du cœur, elle traverse le dernier article thoracique et descend dans l'abdomen, sur la ligne médiane du dos, en arrière de l'intes- tin, qu'elle accompagne jusqu’à sa terminaison. Arrivée à la partie supérieure du sixième article abdominal, elle se divise en deux branches (fig. 5) : l’une, véritable continuation du tronc primitif, qui descend dans le telson, dans lequel elle se termine, l’autre qui se dirige en avant et en bas, passe au contact du rectum, à gauche de lui, et, arrivée près de la paroi ventrale du corps, à la base du telson, se divise en deux branches, une inférieure, qui se partage en quatre canaux conduisant le sang aux appendices natatoires du sixième anneau, et l’autre, supérieure, qui, après un court trajet ascendant, se termine en perdant ses parois et déverse son contenu dans Île courant centripète que l’on voit remonter le long de la paroi ven- trale de l'animal. Dans ce long trajet, l’aorte descendante fournit de nombreuses branches collatérales. Premièrement, dans chacun des cinq premiers segments de l'abdomen elle fournit une fine branche (mn, fig. 1 et 5) qui descend superficiellement en suivant la courbure de l'anneau et pénètre, pour s'y terminer, dans l’appendice correspondant. Ces appendices, petits et peu actifs, n’avaient pas besoin, en effet, d’un vaisseau volumineux. En outre, l'aorte abdominale donne, dans chacun ‘des anneaux qu'elle traverse, une petite branche {n) qui s'avance dans le plan mé- dian, vers la face ventrale, passant tantôt à droite, tantôt à gauche de l'intestin et fournit des ramifications aux muscles moteurs de l’abdo- men. Parmi ces ramifications, certaines sont particulièrement remar- quables en ce qu'elles se portent verticalement soit en haut, soit en bas, à la rencontre des voisines, et donnent ainsi naissance à deux 110 YVES DELAGE. | vaisseaux, l’un qui suit la face antérieure de l'intestin, l’autre qui accompagne la chaine nerveuse, et leur fournissent sans doute des ramifications (fig. 5). Même dans les animaux les plus finement injectés, je n’ai pu voir ces deux vaisseaux complètement continus, et je doute fort qu'ils le soient en réalité. Toujours, dans un point ou dans l’autre, quelqu’une des ramifications verticales qui aurait dû entrer dans sa constitution venait à manquer. Il y a d’ailleurs des variations individuelles. La figure 5 représente une des dispositions les plus ordinaires. A orte céphalique (ac, fig. 4, 2, 3, 4).— L'’aorte ascendante, née dela pointe supérieure du cœur, monte verticalement en suivant les flexuosités de la carapace jusque vers le milieu de la région cépha- lique proprement dite (un léger sillon marque la limite entre la por- tion céphalique et la portion thoracique du céphalothorax). Arrivée au niveau du cerveau, elle se recourbe horizontalement pour passer entre cet organe et l'estomac, puis, après avoir franchi l'anneau æsophagien, s’incurve denouveau pour descendre dans la lèvre supé- ricure qui forme une forte saillie au devant de la bouche (fig. 4). Dans ce long et tortueux parcours elle fournit des branches qui naissent toutes de la convexité de sa courbure. Elles sont au nom- bre de quatre, savoir : le tronc commun des artères ophthalmiques, l'artère cérébrale et les deux artères antennaires. L'artere ophthalmique commune (ao, fig. 3 et 4) se détache de l'aorte au moment où celle-ci se recourbe pour passer dans le col- lier œsophagien. Continuant le trajet ascendant du trone primitif, elle monte jusqu’au sommet de la tête, où elle se divise en deux branches, une pour chacun des énormes appendices oculaires. Gha- cune d'elles (fig. 3), relativement très volumineuse, monte dans le pédoncule de l'œil en suivant son bord interne, et, arrivée au niveau de la cornée, se divise en deux rameaux qui la contournent et four- nissent dans 1eur trajet un riche lacis d’artérioles. Remarquons ici que les artères ophthalmiques sont de vrais vaisseaux à parois propres CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 111 et non des courants. Bien remplis par l'injection, ils se montrent régulièrement cylindriques et limités par un bord absolument net. Seule l'injection peut fournir ces données précises. Toutes les fois qu'un vaisseau est large, les globules qui le parcourent paraissent avoir dans leur marche une certaine liberté d’allures, et si les parois vasculaires ne sont pas visibles, comme cela arrive fort souvent, on croit à l'existence d'un simple courant plus ou moins endigué, là où existe un véritable vaisseau. L’artère cérébrale (fig. 4) est un petit ramuscule qui, né de la por- tion recourbée de l'aorte, se porte en haut et se ramifie dans les gan- glions cérébroïdes (C). Enfin les artères antennaires (an, fig. 4) forment de chaque côté un seul tronc qui bientôt se divise en deux branches qui se distribuent dans chaque antenne à leurs différents appendices. On voit sans peine la différence entre notre description et celle des autres auteurs, qui n’ont point vu l'aorte au delà du point où elle plonge entre l’estomac et le cerveau et qui ont considéré le tronc commun des artères ophthalmiques comme la continuation du tronc aortique lui-même. En un point de son parcours, l’aorte ascendante présente une disposition qu'il est intéressant de signaler. Au niveau du bord infé- rieur de l'estomac, elle subit un léger enfoncement, et là, de chaque côté, elle émet une sorte de grosse branche qui, immédiatement, se termine en cul-de-sac en s'appliquant exactement sur la paroi sto- macale (x, fig. 2, 3, 4). Avant d'accepter cette terminaison en cul- de-sac, qu'il me répugnait d'admettre, j'ai fait tous mes efforts pour trouver une issue, et cela avec d'autant plus de soin que van Beneden ‘ avait décrit, non en ce point il est vrai, mais à l’ori- gine de l'aorte, une communication des voies artérielles avec le sys= 1 Loc, cit. 112 YVES DELAGE. tème veineux. L'observation par transparence montre parfaitement l'origine de ces deux troncs, mais Jamais, même sur les individus les plus propices, je n’ai réussi à voir un globule s'y engager. L’injec- tion donne des résultats plus nets encore. Ces deux troncs se rem- plissent avec la plus grande facilité, et, sur les individus les plus par- faitement injectés aussi bien que chez ceux où je n'avais réussi à remplir que l'origine des principales artères, toujours ils se pré- sentaient sous l’aspect d’un tronc gros et court, n'émettant aucune branche, mal limité à sa terminaison, ainsi que je l'ai figuré. Pensant que la matière employée était peut-être trop peu péné- trante, j'ai essayé d'une injection filtrée au carmin. Le résultat n’a pas changé. Il faut opter entre trois hypothèses : ou bien ce tronc s'ouvre dans les voies veineuses, ou bien il se résout en artérioles extrèmement fines, ou enfin il se termine en cul-de-sac. Pour qui connaît la déplorable facilité avec laquelle s’injectent les lacunes de ces petits êtres, les preuves négatives indiquées plus haut sont bien concluantes contre la première hypothèse. S'il y avait communication avec les lacunes, l'injection trouvant de larges voies toujours ouvertes s’y précipiterait, et la difficulté serait d'in- jecter, non pas elles, mais les ramifications artérielles situées au delà. Après avoir vainement cherché de petites artérioles sur l'estomac ou dans le voisinage, j'ai dù abandonner aussi la seconde. Reste la troisième, qui consiste à admettre sur un point de l'aorte une sorte d'anévrisme, et que l’on pourra adopter, je crois, jus- qu’à ce qu'un anatomiste plus heureux ou plus adroit ait fourni une explication plus satisfaisante. Passons maintenant aux artères nées de la face antérieure du cœur. Tout près de l’origine de l'aorte supérieure, on rencontre d’abord les artères hépatiques (h, fig. 4 el 1). Ces artères se portent en haut et en avant vers le pylore, c'est-à-dire vers le point d'insertion des tubes CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 113 hépatiques, et là se divisent en deux branches, l’une supérieure pour le groupe de tubes supérieur, l’autre inférieure pour le groupe corres- pondant. Ce dernier est composé de trois tubes (H), qui cheminent parallèlement le long de l'intestin. L'artère les accompagne, couchée dans le sillon qu'ils Hmitent entre eux, et fournit à chacune un grand nombre de ramifications transversales qui vont en diminuant de la base au sommet. En examinant au microscope un tube hépa- tique que l’on vient d’arracher sur un animal vivant, on voit qu'il présente des étranglements transversaux qui paraissent déterminés par une sorte de constriction. Au fond de ces étranglements, appa- raissent des bandes transparentes à double contour, qui ont l'aspect de vaisseaux et qui correspondent certainement aux ramifications transversales de l'artère hépatique. Ces vaisseaux sont réunis entre eux par de très fines ramifications longitudinales. Je n'ai jamais réussi à les injecter; mais on les voit avec la plus grande netteté, et je ne doute pas qu’elles n’appartiennent au système vasculaire du foie. Elles sont si étroites que les globules ne doivent pas pouvoir s'y engager. Get appareil circulatoire du foie des Mysis offre une ressemblance frappante avec celui que nous avons décrit et figuré chez les Iso- podes !, Plus bas que les artères hépatiques naissent, de la face anté- rieure du cœur, dans sa partie moyenne, deux artères si fines que je n'ai pu que rarement les apercevoir (fig. 4). De la première, jen’ai pu apercevoir qu'un tronçon; aussi ne puis-je rien dire de sa distri- bution. La seconde, impaire comme la précédente et un peu plus volumineuse qu'elle, se porte diréctement en avant, croise l'intestin en passant à gauche de lui et se perd dans les tissus ambiants en ramifications déliées et assez nombreuses. Il ne m'a pas été possible de voir si elle se distribuait à un organe particulier. Reste enfin l'artère sternale (s, fig. 1, 4, 6, 7). Cette artère, qui a 1 Loc. cit., p. 24 et 25, pi. II, fig. 3. ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. — 9 SÉXIE = T. 1, 1883. 8 114 YVES DELAGE. échappé à van Beneden et que Sars a entrevue au moins à son origine, se comporte, avec une extension moindre, comme celle des Déca- podes. Née à peu de distance de la partie inférieure du cœur, elle se porte directement en avant, passe constamment à gauche de l’intes- ün, qu'elle touche en le croisant, puis se réfléchit en haut pour deve- nir verticale et remonte, comme l'artère prénervienne des Isopodes, entre la chaîne ganglionnaire et les téquments, jusqu’à la bouche. Dans ce long trajet, elle fournit diverses branches. 1° Un peu en arrière de l’angle que forment ses portions horizon- tale et verticale, elle émet un fort rameau qui se porte en bas, donne aux deux derniers anneaux thoraciques des branches analogues à celles que le tronc lui-même fournit, comme nous allons le voir, aux pattes précédentes, puis se recourbe en arrière pour se perdre dans les muscles de la région avoisinante (fig. 4). 2° Dans tout son trajet, elle fournit à la chaîne ganglionnaire de nombreuses artérioles richement ramifiées. j 3° Dans chacun des quatre premiers anneaux thoraciques, elle émet de chaque côté une branche transversale qui se porte vers l’ar- ticle basilaire de la patte et s'y ramifie, sans se prolonger dans le reste de l’appendice (fig. 6). Pour les deux derniers articles du thorax, des branches analogues venues de la première ramification de l'artère sternale se compor- tent de même, avec cette différence qu’elles envoient en outre un petit rameau dans chacun des appendices lamellaires que portent les pattes de ces articles. On sait que ces appendices foliacés servent chez la femelle à circonscrire la cavité incubatrice, et que chez le mâle, où ils sont beaucoup plus petits, c’est à l'extrémité du dernier que s'ouvre le canal déférent. 4 Entre les branches qui se dirigent vers les pattes, l'artère ster- nale en émet d’autres plus courtes qui se ramifent dans la paroi ventrale du corps. > Enfin, dans l’anneau qui porte la deuxième patte-mâchoire, elle se comporte comme dans ceux munis de pattes ambulatoires ; mais CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES., 115 dans celui qui porte les pattes-mâchoires de la première paire, elle envoie une branche beaucoup plus forte qui parcourt jusqu’à leur extrémité toutes les parties de ces appendices. Au delà, l'artère sternale continue son irajet ascendant et paraît se terminer dans la lèvre inférieure, après avoir fourni, à ce que nous avons cru voir, de petits filets aux mâchoires et peut-être aux mandibules. Il est facile de voir que le système artériel des Mysis est notable- ment plus parfait et plus compliqué d’après notre description que d’après celle qu’en ont donnée les autres auteurs. Cependant van Beneden à décrit une paire d’artères dont nous n'avons pas parlé parce que nous en nions l'existence. Voieï en quels termes l'auteur belge s'exprime à son sujet: « Sur le côté, naît (du cœur), à droite et à gauche (de l'aorte céphalique) un autre tronc qui se dirige obliquement d’arrière en avant, four- nit une artère pour les autres appendices de la tête (autres que les yeux) se recourbe en formant une crosse et se dirige ensuite en bas, d'avant en arrière sur la ligne médiane, jusqu'au telson. » Et plus loin : « La crosse de l'artère latérale du cœur reçoit en avant un courant veineux qui revient des appendices céphaliques et qui se mêle à la colonne artérielle. Ce liquide mêlé arrive au milieu de la région thoracique, et s’unissant avec celui du côté opposé pour former un courant médian unique, échappe en partie de chaque côté en cinq petits torrents qui confluent au momentmême de péné- trer dans le cœur, se jetant avec violence dans cet organe »°. Cette crosse est aussi admise par Sars ?, mais comme cet auteur en parle et ne la figure pas, il est possible qu'il l'ait admise sur la foi de van Beneden. Pour nous, nous croyons pouvoir affirmer qu'elle n'existe pas. Cette artère étant en effet assez volumineuse 1 Van BENEDEN, Crustacés du littoral de Belaique (Mém. de Acad. roy. de Belgique, t. XXX, 1861). 2 G.-0. Sans, Crustacés d’eau douce de Norwège, 1867. 116 YVES DELAGE. et surtout établissant une communication avec le système veineux, aurait dû, pour les raisons indiquées plus haut (p. 119), s'injecter avec la plus grande facilité. D'autre part, nous avons vu avec une netteté parfaite les artères des antennes venir de l'aorte elle-même et s'en détacher tout près de sa terminaison. Enfin nous croyons avoir reconnu quelle est l’apparence qui a induit van Beneden en erreur et nous la signalerons bientôt en étudiant le système veineux des Mysis. Système veineux. Il n’existe pas de capillaires, et les courants veineux, dénués de parois propres, sont plus ou moins bien endigués, selon les points, par les parties qui les entourent. Dans l'intérieur du thorax, tout l’espace qui n’est pas occupé par les viscères (foie, tube digestif, glandes génitales) et par les masses musculaires chargées de mouvoir les pattes, constitue une grande lacune générale (fig. 7) où viennent confluer plusieurs forts courants veineux. Ces courants sont au nombre de trois, deux inférieurs et un supérieur. Le courant supérieur amène dans la lacune thoracique une partie du sang qui à circulé dans la tête et dans ses appendices, le reste prenant une autre voie pour aller respirer dans la carapace. Les courants inférieurs ramènent le sang qui s’est engagé dans l'aorte abdominale. L'un d’eux accompagne cette aorte, l’autre suit la chaîne nerveuse abdominale. Ils sont l’unet l’autre ascendants, et je ne puis admettre l'opinion de van Beneden qui considère le courant ventral comme centrifuge. L'un et l’autre communiquent entre eux, comme l’a fort bien vu le même auteur, par de petits cou- rants superficiels qui vont dans chaque anneau du courant ventral vers le dorsal, Arrivés à la base du thorax, ils ont une destination différente. Le courant ventral se jette tout entier dans la grande lacune tho- racique. CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 117 Le courant dorsal se jette au contraire dans le péricarde. Mais auparavant, il envoie vers le courant ventral deux torrents bien nour- ris qui suivent une direction parallèle à celle des petites anasto- moses des anneaux précédents, mais en sens inverse. En résumé, le sang qui revient de l’abdomen se jette donc, en partie dans le péricarde et en partie dans la grande lacune qui occupe le thorax. Mais de là où va-t-il ? Il pénètre, comme l'ont bien vu Frey et Leuckart', dans la base des appendices du thorax et, dans chacun des articles basilaires, se divise en autant de petits courants que le membre à de parties. Pour les pattes, l’un va donc dans la rame natatoire, l’autre dans la palpe sans cesse agitée d’un mouvement de rotation. Cependant la masse de sang accumulée dans le thorax ne s’épuise pas tout entière de cette façon et un fort courant (z, fig. 2) s’en dé- tache vers la partie antérieure pour aller grossir le courant afférent de la branchie du bouclier dorsal. Après avoir circulé dans les appen- dices du thorax, le sang, nullement endigué dans des parois pro- pres, se rassemble de nouveau dans l’article basilaire commun et forme pour chaque membre un tronc unique, à parois propres, qui remonte le long des côtés du corps sans entrer en rapport avec la carapace qui reste en dehors d'eux. Les vaisseaux ainsi formés, au nombre de sept de chaque côté, (g, fig. 3,7), se rapprochent, à leur terminaison, pour se jeter dans le péricarde, en face des valvules du cœur et plus profondément que le courant qui arrive de la branchie. Seul, le vaisseau du septième anneau reste éloigné des artères et entre dans le péricarde avec le courant veineux dorsal de l'abdomen (r, fig. 3). Ce sont là les cing petits torrents que van Beneden (voir p. 115) avait cru voir naître directement du courant thoracique médian. Leur origine est tout autre, et les injections le prouvent bien, car ils ne se remplissent jamais dans les injections purement veineuses 1 Loc. cit. 118 YVES DELAGE. si les pattes elles-mêmes n'ont donné passage à l'injection. Ils s’in- jectent au contraire très bien si l’on pousse l'injection soit par une patte, soit par le péricarde. Il est à remarquer qu'il n'y à que sept vaisseaux cruro-péricar- diques, un pour chacune des six pattes thoraciques et un pour la deuxième patte-mâchoire. La première patte-mâchoire, les mà- choires et la mandibule, qui reçoivent leur sang du système arté- riel (de l'artère sternale), envoient leur sang veineux dans le courant marginal afférent de la branchie. Pour la mandibule, le fait est très facile à vérifier. Circulation branchiale. Là disposition générale de la carapace et de la cavité sous-jaéente est trop bien connue pour qu'il soit utilé de la décrire. Rappelons seulement que le bouclier dorsal est libre én avant et en bas et adhérent par son bord supérieur. Sur là ligne médiane dorsale, il est aussi attaché au corps sur une bande d’une certaine largeur *. Sa structure est très remarquable et rappelle absolument celle des lames branchiales des isopodes supérieurs ou de la branchie céphalique des Tanaïs. Entre la paroi externe relativement épaisse et la paroi interne, mince et membraneuse, se trouve un système de lacunes très régulières, séparées par des points d’adhérence des déux parois, disposés en quinconce, allongés, et à grand axe convergeant vers l'embouchure commune dans le péricarde (fig. 2). Le long du bord libre antérieur de la carapace règne un canal arrondi, néttément limité (‘), qui est presque déjà un vaisseau, et qui communique avec le système afférent de la branchie. Ce système afférent est constitué de chaque éôté par un courant très vif (6), qui file le long du bord antérieur du Corps, en suivant toutes ses ondulations et qui, de mieux en mieux limité, reCoit, che- min faisant, des affluents des appendices dévant lesquels il passe. Il 1 Nous rappelons que l'animal est supposé placé verticalement. CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 119 commence à la base de l’œil dans lequel il puise sa source, recueille en descendant la majeure partie du sang des antennes, des mandibules et sans doute aussi des mâchoires et de la première patte-mâchoire, etse continue à l’angle antéro-supérieur de la branchie avec lecanal(é) que nous avons vu régner le long du bord antérieur de celle-ci. Mais un de ses principaux affluents est ce torrent veineux (z) dont nous avons déjà parlé, qui sort de la lacune thoracique et vient s’anasto- moser avec lui peu de temps avant son entrée dans la branchie. C’est très probablement ce Courant qui a été pris par van Beneden pour une artère latérale du cœur. Tout concorde dans la description, la place, là direction, l'anastomose avec un courant veineux venant des yeux uñe seule chose diffère, et c’est là qu'est l'erreur de l’auteur belge: ce courant vient de la lacune veineuse thoracique et non du cœur; il émerge de dessous le péricarde et non de dessus. Aussi bien qu'une observation attentive, les injections le prouvent surabon- damment; on voit souvent dans une injection purement veineuse, la branchie de la carapace se remplir par là, sans qu'une goutte du liquide soit entrée dans le péricarde ou dans les vaisseaux. Dans la branchie (qu’on nous permette d'appeler ainsi, pour abré- ger l’appareil d’hématose du bouclier dorsal), le sang s'étale en nappe; les globules sans cesse arrêtés dans leur élan rectiligne sont obligés, pour la traverser, de suivre un trajet tortueux et assez long pendant lequel ils ont tout le temps de faire les échanges gazeux nécessaires avec l’eau qui circule autour de |la carapace, sans cesse renouvelée par le mouvement tournoyant des palpes natatoires et par le jeu du fouet de la première patte-mâchoire. Finalement, le sang arrive au péricarde dans lequel il se jette par un large orifice (y, fig. 3) situé plus superficiellement que ceux des vaisseaux cruro-péricardiques. En résumé, le sang sorti du cœur par les aortes se répand dans les artères qui le distribuent seulement aux appendices céphaliques 120 YVES DELAGE. aux premiers appendices buccaux, à l'abdomen et à ses membres, aux articles basilaires des pattes thoraciques et enfin aux viscères y compris le système nerveux. De là il tombe, sans passer par des capillaires, dans les lacunes et, conduit par des courants sans parois propres et plus ou moins bien circonscrits, il se divise en trois par- ties : l’une, la plus petite, rentre directement dans le péricarde, l’autre, la plus considérable, se répand dans les pattes d'où elle retourne au péricarde et au cœur; enfin la troisième arrive aussi au même point, mais après avoir subi dans les lacunes de la carapace des échanges gazeux qui lui ont rendu ses propriétés vivifiantes. La circulation chez les Mysis est donc en partie vasculaire, en partie lacunaire, et la séparation est incomplète entre le sang vei- neux et le sang artériel. III CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Les auteurs ne sont pas d'accord sur la partie du corps à laqueiie est dévolue la fonction respiratoire. Thompson * l’attribuait aux rames externes des pattes, se fondant surtout sur leur état continuel d’agitation. Frey et Leuckart* plaçaient dans la carapace le siège de cette fonction et avaient vu du sang veineux y arriver, s'y établir en nappe mince dans des lacunes sans paroi et retourner au péricarde. Milne-Edwards * pense que le fouet des pattes-mâchoires de la première paire est «le seul appendice qui paraisse être modifié dans sa structure, de manière à devenir plus propre que le reste du corps à remplir les fonctions d’un organe de respiration ». Pour van Beneden, c’est dans les feuillets de la carapace que s’ac- complit la respiration; mais cet auteur ne paraît pas avoir remarqué la structure si particulière des lacunes de cet organe. En outre il 1 Loc. cit. 2 Loc. cit. 3 Hist, nal. des crustacés, II, p. 458. CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 121 n’a pas reconnu les connexions vasculaires de ces lacunes. Il dit bien qu’il existe une petite circulation, mais il la décrit d'une ma- nière qui contredit sa propre opinion sur le siège de la fonction respiratoire. « Le sang, dit-il', sort du cœur, et après avoir parcouru la place qu’occupent les branchies dans les autres Décapodes et sur- tout après avoir reçu un confluent veineux des appendices cépha- liques, retourne rapidement au cœur pour en être chassé de nou- veau. » Au premier abord cette description paraît correspondre à la réalité, mais si l’on se demande par quelle voie le sang retourne au cœur, on voit qu'il ne s’agit pas du tout de la carapace. Il suffit pour cela de relire le passage que nous avons cité plus haut (p. 115). Les cëng petits torrents qui ramènent au cœur le sang en question sont sous la carapace ainsi que l’a fort bien vu Sars, et non dans son intérieur. Si M. van Beneden les place dans leur situation véritable, la cara- pace n’est plus sur le trajet de la petite circulation; s'il les place dans la carapace, il fait là tout simplement une erreur d'observation. Cette trop longue discussion n'aurait pas été nécessaire si le savant belge avait exprimé son opinion avec cette netteté qui ne laisse aucune place au doute et ne permet pas de supposer que la vérité a été connue dans l’un comme dans l’autre cas. Oui, la carapace est bien physiologiquement l'organe de l’héma- tose ; mais, à proprement parler, il n'y a pas de petite circulation. Quoique nous ayons déjà décrit comment les choses se passent, nous le rappellerons en peu de mots. Le sang veineux qui revient des appendices de la tête s'engage en partie dans un canal marginal qui suit le bord antérieur du céphalo- thorax. Ce courant reçoit un fort affluent de la grande lacune thora- cique, et, grossi par lui, s'engage dans le bouclier dorsal dont il suit le bord libre antérieur. Le sang qu'il apporte circule dans les lacunes spéciales de cet organe et arrive au péricarde, et de là au cœur dans ‘ Loc. cit. 122 YVES DELAGE. lequel il entre par sa double {paire d’orifices cardio-péricardiques. La branchie céphalique recoit donc du sang veineux de la circula- tion générale et renvoie au cœur du sang artérialisé. Une autre opinion sur le siège de la fonction respiratoire est celle de Sars. Cet auteur à été frappé d’une disposition particulière des vaisseaux qui remontent sur la paroi interne de la cavité branchiale et qui, venant de la base des pattes, convergent vers là région moyenne du cœur. Il a vu ces vaisseaux très saillants, volumineux, sinueux et munis chacun de deux renflements sacciformes qui s’im- briquent sur ceux des vaisseaux voisins et forment sur les flancs de l'animal deux séries longitudinales. Gette disposition l'a amené à considérer ces vaisseaux comme les vraies branchies de l’animal, « Il est facile de se représenter, dit-il ‘, que chez les Décapodes, les branchies ne sont, au fond, que des saillies latérales des vaisseaux branchiaux qui n'ont pour but que de faire subir au sang qu’elles renferment son aération en le soumettant à l’action prolongée du courant d’eau qui se renouvelle constamment dans les cavités bran- chiales. Chez le groupe de Crustacés en question, nous voyons l’ap- pareil de la respiration, comme appareil séparé, à son degré de développement primitif, Les vaisseaux branchiaux se chargeant eux-mêmes par leur puissant développement des fonctions de bran- : chies, n'y présentent que de légers symptômes de saillies latérales particulières, » Je n'ai constaté chez les Mysis Chamæleo qu'une seule saillie latérale et tout à fait rudimentaire (fig. 7) sur chacun des vaisseaux en question. Mais c’est là une question secondaire, et ces vaisseaux seraient-ils toujours comme Sars les a décrits chez Mysis oculata (Fabric.), var, relicta, que je ne saurais accepter son interprétation. Au point de vue physiologique, les vaisseaux à ampoules de Sars ne sauraientreprésenter des branchies, et au point de vue morphologique la chose est au moins douteuse. Physiologiquement, comment la respiration pourrait-elle se faire 1 Loc. cit., p. 26, CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 1923 dans un organe cylindrique, volumineux, où le sang passe en colonnes sérrées, n’exposant au voisinage de l’eau qué ses couches superfi- cielles ? Partout où existe un appareil respiratoire, nous voyons les vaisseaux ou les lacunes s’étaler, se subdiviser et multiplier les sur- facés qui sont, au contraire, réduites au minimum dans un organe cylindrique, gros et court. La question morphologique est plus difficile à trancher. Lorsque l’on examine le point exact où s’insèrent Les branchies chez un Déca- pode adulte, on constate que les üñes se fixent sur le premier article des membres, les autres naissént directement de la paroi du corps. Après les avoir arrachées, on voit sur le squelette, à leur place, un orifice rond, séparé de la cavité d'insertion de la patte correspon- dañnté par une distance qui peut aller à plusieurs millimètres. Lâquelle de ces deux dispositions est primordiale? Laquelle dérive de l’autre par un processus d’accroissement ultérieur et se- condaire ? L'embryogénie seule peut répondre à cette question. Si le bour- geon branchial se développe primitivement sur la paroi même du corps, l'opinion de Sars peut être acceptée. Si, au contraire, le bour- géon branchial naît toujours sur le bourgeon de la patte, elle doit être repoussée. Or, les embryogénistes sont muets. Ceux qui ont étudié le développement des Décapodes donnent peu de détails sur la formation des branchies, et ne nous renseignent pas sur le cas particulier qui nous intéresse. J'ai entrepris moi-même, sur les zoès, quelques recherches à ce sujet, mais elles ne sont pas assez avancées pour que je puisse me prononcer nettement. Cependant je puis dire que le peu que j'ai vu jusqu'ici ne paraît pas favorable à l'opinion de Sars. Si les recherches ultérieures nous obligeaient à la repousser tout à fait, où devrions-nous chercher le représentant morphologique de la branchie, si toutefois il en existe ? Je m'étais demandé, au cours de mon travail, s’il n’y aurait pas quelque raison de considérer la moitié longitudinale postérieure de 124 YVES DELAGE. la rame dorsale des pattes comme une branchie soudée au membre dont elle est une dépendance. Voici, en peu de mots, les raisons qui m'avaient suggéré cette opinion. La rame dorsale des pattes est composée de deux parties bien dis- tinctes, l'une, basilaire, est une large lame, peu épaisse, l’autre, ter- minale, est une tige arrondie pluriarticulée. Sil’on examine avec attention la circulation des globules dans la rame dorsale de la patte, on observe ce qui suit. Ces organites entrent dans l’appendice en suivant son bord antérieur. Un :très petit nom- bre seulement continuent leur trajet jusque dans la portion mul- tiarticulée, la grande majorité s’en retournent après avoir circulé dans la lame basilaire seulement (fig. 8) et, dans leur trajet rétro- grade, ils suivent le bord dorsal ou postérieur de celle-ci (celui qui est à droite dans la figure 8). Mais ce qui attire surtout l’at- tention et qu’on ne voit bien qu’en regardant de champ l’appendice (fig. 9), c'est le mode de communication des voies d’aller et de retour. Elles communiquent entre elles par une série d’arcades quadrilatères à angles arrondis qui s'étendent de l’une à l’autre des faces de la lame. Ces arcades sont au nombre de neuf à dix. Elles sont assez larges pour que plusieurs globules puissent y passer de front. De chaque côté de cette série d’arcades, les voies afférente et efférente sont larges et ne paraissent pas posséder de parois propres. Je ne saurais mieux comparer la disposition que je viens de dé- ecrire, qu'à deux couloirs parallèles et contigus, séparés par une rangée de larges et basses colonnes ménageant entre elles des ou- vertures de communication. Les globules du sang seraient repré- sentés par de nombreux promeneurs qui arriveraient par l’une des galeries et reviendraient par la seconde, passant ceux-ci par une ouverture, ceux-là par l’autre, les uns prenant la voie de retour dès leur apparition dans la galerie d'entrée, les autres parcourant toute la longueur de la première avant de s'engager dans la seconde ; d'au- tres enfin suivant une route intermédiaire. CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 195 Il est possible que cette disposition n'ait aucune signification mor- phologique. Mais s’il venait à être démontré que la branchie est tou- jours une dépendance de la patte, il serait peut-être permis de voir dans une disposition si singulière quelque chose d’analogue à un rudiment de branchie, peut-être même un acheminement vers une branchie régulière? Qu'est-ce, en effet, qu'une branchie de Décapode sinon une saillie différenciée avec deux vaisseaux parallèles commu- niquant entre eux par des anastomoses transversales ? Que l'on sup- pose les anastomoses très raccourcies et les deux vaisseaux accolés et réunis sous la même enveloppe, et nous obtiendrons la disposition qui vient d'être décrite chez les Mysis. La branchie de certaines Caprelles est constituée à peu près de cette façon !. Les connexions vasculaires, la situation, la disposition des voies circulatoires, sont les mêmes que dans une branchie confondue avec le fouet de la patte, et qui pourrait, par une scission longitudinale, conquérir son individualité. | Je ne me dissimule pas qu'il y a un côté faible à mon hypo- thèse, car ni phylogénétiquement, ni ontogénétiquement, la bran- chie des Décapodes ne paraît se constituer en se détachant par scission longitudinale du fouet des pattes. Mais nos connaissances au moins embryogéniques sur cette question sont encore peu avan- cées,fet il me paraît prudent d'attendre que l’embryogénie ait parlé avant d'adopter l'opinion de Sars ou celle que j'ai hasardée. Je tiens peu, d’ailleurs, à la faire prévaloir et l'ai rappelée surtout pour mieux atürer l'attention sur la disposition singulière des lacunes dans un point spécial de l’organisme. En tout cas, au point de vue physiologique, l'appareil en question n’est pas une branchie. Les parois sont trop épaisses, les voies de communication entre les courants d’aller et de retour trop brèves pour permettre des échanges respiratoires suffisants. La carapace suffit d'ailleurs largement à cette fonction. 1 Yves Delage, loc, cit., pl. X, fig. 11 et 12. 126 YVES DELAGE. Avant de clore ce chapitre, il est encore un point sur lequel je crois utile d'attirer l’attention du lecteur. Tous les auteurs ont signalé les ressemblances des Mysis et en général des sous-ordres inférieurs des podophthalmes avec les Dé- capodes macroures et surtout avec leurs larves. Ces ressemblances sont très réelles, et je crois que quelques-uns des faits indiqués dans ce travail viennent en grossir le nombre. L’artère sternale, chez les Décapodes, dans sa marche ascendante le long de la face ventrale du thorax, fournit à droite et à gauche des branches qui s’avancent dans les pattes et constituent les artères propres de ces appendices. Les branchies, au contraire, recoivent leur sang des sinus latéraux du thorax. Chez les Mysis, la différenciation est moins avancée. Pattes et branchies (en admettant l'homologie, très discutable, dont nous avons parlé) reçoivent leur sang en partie de l’artère sternale, en partie de la lacune thoracique. Nous avons vu en effet que l'artère sternale fournissait dans chaque zoonite une paire de branches laté- rales qui s’avançait vers les pattes et se ramifiait dans l’article basi- laire commun aux deux rames; que même, dans les deux derniers articles thoraciques, elle envoyait des rameaux dans les lames qui enclosent la cavité incubative chez la femelle et dans leurs homo- logues chezles mâles. Mais la plus grande partie du sang qui eireule dans les membres leur vient de la lacune générale du thorax. Il suffit d'admettre un agrandissement dans l’extension des voies endiguées et une diminution dans celle des voies lacunaires pour obtenir la même disposition que chez les Décapodes. À mesure que la branchie s’est séparée dela palpe natatoire (toujours en admettant notre théorie), les vaisseaux dépendant de l'artère sternale du Schi- zopode se sont prolongés dans les pattes, et les connexions avee la lacune thoracique ont persisté pour la branchie seulement. Les appareils se sont formés, ici comme toujours, dans les types les plus élevés par un perfectionnement et une spécialisation de plus CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 127 en plus marquée de ce qui est uniforme et confondu ehez les types inférieurs. Enfin un trait de ressemblance des plus remarquables est fourni par cet appareil respiratoire du bouclier dorsal que l’on croirait au contraire devoir éloigner les Mysis des Décapodes. Les Décapodes macroures, à l'état larvaire, possèdent ce même appareil à titre d'organe provisoire de l’hématose avant l’apparition des branchies. Chez de jeunes zoès que j'ai eu occasion d'observer, les globules étaient encore très rares, mais on les voyait nettement circuler dans les lacunes de la carapace, et ces lacunes avaient une disposition tout à fait comparable à celles des Mysis. Chez des larves dont la détermination précise ne m'a pas été pos- sible, mais qui paraissaient appartenir à des salicoques et représen- taient un état moins avancé que le stade mégalope des brachyures, la chose était des plus évidentes. Elles avaient été recueillies à la pêche pélagique. Dans les plus jeunes, il n’y avait encore que deux paires de pattes bifides ; la troisième paire apparaissait sous la forme d’un bourgeon. Les branchies n'étaient pas encore visibles. Le cœuret les principaux faits de la circulation périphérique se voyaient admirablement à cause de la transparence de l'animal. Le dos était recouvert d’une carapace transparente, et cette carapace était creusée de larges la- cunes séparées par d'étroites colonnettes qui s'étendaient de l’une à l’autre de ses faces. Dans ces lacunes, on voyait circuler de nom- breuxglobulessanguins, quientraient par la partie supérieure, venant sans doute des espaces lacunaires des régions supérieures du thorax, descendaient en se portant vers le dos et, après un trajet sinueux, S élançaient vers le péricarde et entraient dans le cœur par les orifices en boutonnières. La seule différence avec un Mysis consis- tait en ce que les trabécules de séparation des lacunes étaient plus longs et plus fins. Chez d’autres larves, un peu plus avancées, montrant la troisième paire de pattes et le rudiment de la quatrième, ainsi que de petits 128 YVES DELAGE. bourgeons qui étaient peut-être le commencement des branchies, la circulation s’accomplissait absolument de la même manière. Enfin, dans un état beaucoup plus avancé, chez de jeunes Palæmon serratus de 10 millimètres de long, parfaitement reconnaissables, on observait dans la carapace la même structure que chez les Mysis. Dans les branchies sous-jacentes, déjà bien formées, se voyait une circulation active de globules sanguins, et, dans la carapace, d’au- tres globules, mais bien plus rares, venaient se jeter avec les pre- miers dans le péricarde, après avoir parcouru les lacunes à la manière ordinaire. Sans nul doute, ces jeunes crevettes nous met- taient sous les yeux cet état transitoire, dans lequel la branchie cutanée provisoire de la larve commence à abandonner son rôle pour le céder aux vraies branchies qui, seules, devront le remplir désormais jusqu'à la mort de l'animal. En présence de ces observalions, encore trop peu nombreuses et que j'espère compléter, je ne crois pas trop hardi de conclure qu’il existe chez les larves de Décapodes un organe transitoire de l’héma- tose, représenté par le bouclier dorsal ; que cet organe, d’abord sans rival, perd peu à peu sa prépondérance à mesure qu’apparaissent les vraies branchies, et finit par perdre tout à fait cette fonction pour se borner par la suite, en s’endurcissant, à protéger les tissus dé- licats qu'il recouvre; que chez les Schizopodes sans branchies bien définies, qui à tant d’autres égards représentant des larves de Déca- podes arrêtées dans leur développement, le bouclier dorsal conserve toute la vie ses fonctions d’organe respiratoire ; que l'appareil cir- culatoire chez ces êtres (au moins chez les Mysis) représente celui des Décapodes avec un cachet spécial d’infériorité et de différen- ciation moins parfaite; enfin que la transition que nous avons essayé de montrer ailleurs ‘ entre les Edriophthalmes de la famille des Tanaïdés et les Podophthalmes se trouve adoucie par l'étude des formes les plus dégradées de ce groupe et par celle de l’état larvaire chez les Décapodes qui en sont les types les plus élevés. 1 Yves DELAGE, loc. cit. CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES SCHIZOPODES. 129 EXPLICATION DE LA PLANCHE X. C, cœur. p, péricarde. ac, aorte céphalique. aa, aorte abdominale. v, valvules cardio-péricardiques. an, artères antennaires. h, artères hépatiques. s, artère sternale. à æ, ramification en cul-de-sac de l’aorte céphalique. g, vaisseaux cruro-péricardiques. r, le dernier (7e) des vaisseaux cruro-péricardiques. z, affluent du système afférent de la branchie, venant de la grande lacune thora- cique. 8, affluent du système afférent de la branchie, venant de la tête et recueillant le sang qui a circulé dans les yeux, les antennes et les premiers appendices buccaux. t, vaisseau marginal afférent de la branchie du bouclier céphalo-thoracique. m, vaisseaux artériels des pattes abdominales, n, branches médianes de l’aorte abdominale. Y, orifice de communication du péricarde avec les lacunes du bouclier. P, pattes-ambulatoires. M, pattes mâchoires. M', mâchoires. M", mandibules. À, antennes. OÔ, œil. G, glandes génitales. [, intestins. E, estomac. H, foie. N, système nerveux de la chaîne ganglionnaire. C, ganglions cérébroïdes. F1G. 1. L'animal injecté, vu de dos, grossi environ 3 fois. 2. Partie céphalo-thoracique du mème, vue de côté, grossie environ 9 fois, pour montrer la disposition des lacunes de la carapace. M", partie qui porte la mandibule. 3. Partie céphalo-thoracique de l'animal, vue de dos, grossie environ 410 fois. ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GEN, == 9€ SÉRIE, == T, 1. 1883. 9 + a À YVES DELAGE. Le bouclier céphalo-thoracique a été excisé sur les côtés pour laisser voir les vaisseaux cruro-péricardiques (q) et l’orifice (y) en forme de fente par lequel le sang qui a circulé dans le bouclier se jette dans le péricarde. Fic. 4. Coupe sagittale de l'animal injecté, Cette figure n’est pas schématique et a été faite d’après les dissections. 5. Abdomen vu de profil par transparence. 6. Céphalothorax, vu de la face ventrale. 7. Coupe à demi-schématique au niveau du céphalo-thorax. 8. Partie basilaire de la rame dorsale des pattes, vue de profil, pour montrer la disposition des trabécules qui la cloisonnent. 9, La mème, vue de champ, par le bord dorsal. * MONOGRAPHIE DES MEÉLICERTES PAR LUCIEN JOLIET, maître de conférences de zoologie à la Sorbonne. ZOOLOGIE. — ANATOMIE, — BIOLOGIE. — EMBRYOGÉNIE. Au cours de recherches que je poursuis depuis plusieurs étés sur les Rotateurs, les Mélicertes que j'ai rencontrées en grande abon- dance dans plusieurs étangs et qui pullulent dans les mares les plus modestes me parurent particulièrement propres à servir de type à une étude détaillée, tant de l’organisation que du développement et des habitudes. Ceux qui ont étudié les Rotateurs ont certainement éprouvé comme moi l'ennui extrême que cause souvent la recherche du sujet d'étude. Sans doute quelques espèces pullulent à tel point dans certaines localités qu’on est assuré en puisant une goutte d’eau d’y rencontrer plusieurs individus. Mais pour beaucoup d’autres et sou- vent pour les plus intéressantes il n’en est pas de même, Dix ou douze fois de suite quelquefois, il faut laver sur le porte-objet des frag- ments de mousse, et autant de fois porter le tout sous le mi- croseope pour obtenir une Ptérodine ou un Notommate. Quantaux œufs, si on ne les voit pondre ou si l'animal ne les porte suspendus à la base de la queue, c’est un grand hasard de les trouver et une grande difficulté de les reconnaître. Au contraire, dès qu’on connaît une localité où vivent les Méli- certes, il est facile de les trouver, car elles sont d’assez grande taille et leur étui est visible à l'œil nu; on peut donc faire sa récolte à coup sûr. De plus, ces animaux, après avoir pondu leur œuf, ont l’ha- bitude de le garder à l'abri dans leur tube, et comme ils pondent presque toutes les vingt-quatre heures, que l'embryon d’autre part 41 32 L. JOLIET. se développe en trois jours environ, on trouve presque toujours dans chaque tube, deux, trois ou même quatre œufs à différents états de développement et qui continuent d’ailleurs leur évolution sur le porte-objet, pourvu qu’on renouvelle la goutte d’eau qui les contient. Ce sont là, on le voit, des conditions excellentes pour l'étude de l'anatomie et surtout du développement. Ehrenberg! ne connaissait encore en 1838 que la seule Melicerta ringens des anciens auteurs, dont il donne, dans son magnifique ouvrage, une bonne figure d'ensemble mais où les détails manquent. Dujardin”, en 1841, ne cite également que cette espèce, et Leydig”, en 1855, faisant la récapitulation des Rotateurs sédentaires alors connus, n’en mentionne pas d'autre. | Les microscopistes anglais qui se livrent à la recherche de ces ani- maux avec beaucoup d’ardeur, en ont récemment découvert deux nouvelles, la Melicerta pilula, décrite par Collins * en 1872, et la Meli- certa tyro, trouvée par Hudson’ en 1879. La première est de petite taille, les globules qui composent son tube sont juxtaposés irrégu- lièrement et élaborés, suivant l’auteur, dans une sorte de sac abdo- minal dépendant de l'appareil digestif ; la seconde a les antennes très longues et habite un tube gélatineux et transparent. Les des- criptions et figures de ces deux observateurs renferment, d’ailleurs, peu de détails, seulement ce qui est nécessaire pour la diagnose. Mes recherches ont été faites sur deux espèces de Mélicertes qui d’ailleurs diffèrent très peu l’une de l’autre : la Mehcerta ringens des auteurs, et une deuxième forme qui, n'étant ni la Welicerta pilula ni la Melicerta tyro, doit être considérée comme nouvelle et que j'ap- pellerai Melicerta pedunculata. Le tube lui-même diffère de celui de la Melicerta ringens ; il est en effet dans l'adulte notablement plus long 1 EHRENBERG, Die Infusions thierchen als Volkommene Organismen, Leipzig, 1838. ? DusaRDiIN, /nfusoires, suiles à Buffon, Roret, 1841. 3 LeypiG, Ueber den Bau u. syslematische Stellung der Räderthiere (Zeitschr. Wiss. Zool., t. III, 1851 t. VI, 1854)° # Corrins, Floscularia Campanulata et Melicerta pilula(Science gossip, janvier 1872.) 5 Hupson, On a new Melicerta (Monthly microscopical Journal, t. XIV, 1879). MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 133 relativement à sa largeur et généralement un peu courbé vers la base, tandis que celui de la Melicerta ringens m'a toujours paru plus court, plus large et plus droit. Cette différence dans la forme du tube des deux espèces correspond à un détail anatomique qui con- stitue à lui seul à peu près toute la différence qui existe entre elles. Quand on veut obtenir à découvert la Melicerta ringens en parfait état il suffit sous la loupe d’épointer avec deux aiguilles l'extrémité inférieure du tube, l'animal ne tarde-pas à sortir de lui-même par l’autre extrémité et à nager dans l’eau ambiante. | Si l’on a affaire à la Melicerta pedunculata, cet artifice ne réussit plus ; au bout d’un certain temps elle sort plus ou moins, mais elle demeure attachée à son fourreau et si on veut l'obtenir en liberté et entière il faut, après l’avoir obligée à se retirer tout au fond de son tube, couper celui-ci le plus bas possible. L'animal ne pouvant rester longtemps aussi contracté sort bientôt de ce qui reste de son habi- tation, au fond de laquelle il n’est plus attaché que par une longue soie; dès qu'on voit cette soie dépasser le bord coupé du tube, on la rompt et l’animal est libre. On le voit, la Welicerta ringens est libre dans son tube, tandis que la Melicerta pedunculata y est attachée par une soie qui est fixée d'autre part à l'extrémité de la queue. Dans la Me/icerta ringens bien étendue, on peut décrire la queue comme un long étui irrégulière- ment arrondi, souvent bossué et plissé transversalement, terminé en cul-de-sac à l'extrémité inférieure et parcouru dans toute sa lon- gueur par un faisceau de fibres musculaires, qui s'insèrent, d’une part, au fond de ce cul-de-sac et de l’autre sur la paroi du corps au niveau des viscères. Quand l'animal contracte ses muscles, ils en- traînent vers la tête le fond de ce cul-de-sac, auquel ils sont attachés, et le forcent à s’invaginer et à rentrer à l'intérieur de l’étui extérieur formé par la partie supérieure de la queue. Dans cet état la queue est composée sur une certaine longueur de deux tubes emboîtés l'un dans l’autre. Dans la Welicerla ringens, on n'observe rien autre chose que cette 134 L. JOLIET. disposition, un simple épaississement de la membrane indique seu- lement l'endroit où s’insèrent les muscles au fond du cul-de-sac, l’animal se maintient dans son tube soit en se servant de l'extrémité de sa queue comme d'une ventouse, ce que la disposition qui vient d'être décrite rend facile, soit en la repliant et l’appliquant sur les parois. Dans la Welicerta pedunculata, les choses se passent autrement; l'épaississement qui est au fond du cul-de-sac devient un bouton arrondi, qui sert d'une part d'insertion aux muscles et de l'autre d'attache à la soie qui y est fixée et semble en être le prolongement. Cette soie, de nature chitineuse, est fort longue et va par son extré- mité inférieure, s'attacher au support, plus ou moins enchevêtrée d’ailleurs avec les boulettes qui composent l'extrémité inférieure du tube (pl. XI, fig. 4). | Lorsque l'animal est complètement étendu, le bouton caudal ter- mine inférieurement la queue dont la soie semble être alors le pro- longement direct. Vient-il à se rétracter? les choses se passent comme dans la Melicerta ringens, avec cette différence que la soie rentre dans l'intérieur de la queue à la suite du bouton qui s’inva- gine ; il n'est pas rare de voir son extrémité supérieure remonter jusqu'au niveau de l'intestin et au delà. Dans ces conditions, la queue présente, dans toute sa longueur, l'aspect de deux tubes emboîtés l’un dans l’autre avec une baguette au centre du système, l'animal est comme empalé sur la soie qui lui sert de support. Cette soie dont je n'ai vu aucune trace dans les spécimens de Melicerta ringens que j'ai eus sous les yeux, caractérise évidemment par sa longueur et par son rôle, l'espèce qui nous occupe. Elle ne constitue pas d’ailleurs un organe complètement spécial à cette espèce, car plusieurs Rotateurs sédentaires appartenant à des genres différents, comme l'ŒÆcistes et certaines Flosculaires, sont fixés sur leur support à l’aide d’une soie qui est morphologiquement homologue bien qu’elle soit incomparablement plus courte et inca- pable de rentrer à l’intérieur de la queue. MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 135 Dans ces éspèces, le retrait de l’animal, lorsqu'on l’inquiète, n'est dû qu’à la contraction de la queue. Dans la Welicerta pedunculata, la queue peut, non seulement se contracter, mais se raccourcir encore de moitié par l’invagination de l'extrémité à l'intérieur de la pre- mière partie ; aussi l’animal peut-il se retirer très profondément à l'intérieur de son tube, puis reparaître à l’orifice de celui-ci, malgfé sa longueur, hissé qu'il est sur cette espèce d’échasse qui le sup- porte. | J'ai trouvé ces deux espèces dans les localités suivantes : Melicerta ringens. Dans l'étang de l’Ecrevisse à Chaville, près Paris, sûr les brindilles dé bois mort au fond de l’eau et à la face inférieure des feuilles de l’Zlodea canadense. Près d’Iliers (Eure-et-Loir), à la Charmoie, dans une mare dite les Marûâs: À la face inférieure des feuilles des renoncules d’eau. Toujours sous les vieilles feuilles à face inférieure noire, jamais sur les jéunes à surface verte. Près de Chartres, à Nogent-la-Phaye, dans une mare dite des Saules de Villiers, sous les mêmes feuilles. Melicerta pedunculata. Je ne l'ai encore rencontrée que dans une seule localité, au même Nogent-la-Phaye, dans une mare dite de /a Sablonniere. Elle pullule dans cette station d’une facon incroyable sur les hypnum qui en sont couverts et sur les feuilles mortes qui täpissent le fond. Sur une seule de ces feuilles j’ai compté parfois uñe centaine de tubes. Elle vit là en compagnie d’OEcites et d’un autre type de Rotateur sédentaire dont j'espère avoir bientôt occasion de parler. Il n’est pas sans intérêt de remarquer que j’ai trouvé, ces deux dernières années, cette espèce également abondante dans cette petite mare, qui était restée précédemment complètement à sec pendant plusieurs années. Ce fait montre combien est résistante la vie des œufs d'hiver des Rotateurs, œufs qu'on ferait mieux d’ap- peler Statoblastes comme ceux des Bryozoaires d’eau douce, car, comme nous le verrons par la suite, ils ne sont pas pondus seule- ment à l'automne, mais pendant toute la saison, et sont destinés, _ 136 L. JOLIET, comme ces derniers, à résister non seulement à la gelée, mais à la dessiccation. Ce qui vient d’être dit de cette mare et de cette espèce s'applique également à beaucoup d’autres. Le sol du pays que j'habite l'été se compose d’un sable argileux tertiaire qui a été exploité en beaucoup d’endroits pour la construc- tion, la briqueterie ou pour l'extraction des grès ladères. Il en résulte une grande quantité de trous ou cuvettes, dont le fond est bientôt rendu imperméable par l'argile qui s'y dépose pro- venant du sable lavé par les pluies. Les trous pleins d’eau sont alors abandonnés à la nature, les ar- bres et les broussailles ne tardent pas à les entourer, les plantes d’eau à s’y multiplier et toute une faune à s’y constituer d'année en année. En général, on ne vient pas laver dans ces mares souvent éloignées de toute habitation, c’est une excellente condition pour le développement régulier de la vie, et les périodes de sécheresse vien- nent seules en interrompre le cours. Chacune de ces flaques d’eau a sa faune et est caractérisée par quelques espèces qui ne se trouvent pas dans les autres. Un certain nombre d'auteurs se sont occupés des Mélicertes, ce- pendant aucune bonne figure et aucune description suffisamment complète n’a encore été donnée de leur organisation ; il n'existe, que je sache, à leur sujet, aucun travail comparable à celui de Leydig sur la Lacinularia socialis. Malgré la grande ressemblance qui existe en- ire ces deux types, cette lacune m’a déterminé à encadrer dans une description générale les recherches plus particulièrement dirigées sur l’embryogénie et sur quelques points particuliers de l'anatomie et de la biologie de la Mélicerte. Si vous rencontrez sur les hypnum ou sur les feuilles mortes un petit tube brunâtre long de un millimètre et demi, et que porté sous un objectif faible il vous offre l’aspect d’un pavage ou d’une marqueterie régulière, vous avez sans doute affaire à un tube de Mélicerte. MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. . 137 Ce tube, rigide en lui-même, n’est pourtant pas fixé au support d’une manière étroite, caril peut s’incliner dans toutes les directions, ballottant au gré de l’eau, c'est qu'il n’est attaché sur ce support que par une portion membraneuse et parcheminée qui se prête mieux à ces mouvements que le reste du tube. Gelui-ci est formé par la juxtaposition d'un très grand nombre de pièces qui donnent, lors- qu'on les regarde de face, cet aspect de pavage dont nous venons de parler. Au premier coup d'œil, ces pièces, toutes semblables, paraissent avoir la forme de disques ou d’hexagones obtus marqués au centre d’une tache claire, mais si on déchire le tube on se rend compte _ que cette forme n’est réelle que sur la vue de face, que la surface extérieure du tube, vue de trois quarts, se montre hérissée de pointes et que la surface interne est comme criblée de trous. Enfin, si l’on isole avec des aiguilles l’un des éléments composants de ce tube on reconnaît qu'il a, suivant la comparaison fort juste de Bedwell!, la forme d’une balle Remington ou, si l’on veut, la forme d’un obus; seulement ce que l’auteur anglais ne semble pas avoir vu, c'est que le fond de cet obus est évidé suivant l’axe dans toute la partie cylin- drique. C’est ce vide qui produit, sur la vue de face et sous la lumière transmise, cette tache claire qui marque le centre de chaque pièce de la mosaïque (pl. XI, fig. 13). Nous reviendrons plus tard sur la manière dont ce tube est con- struit peu à peu par l’animal qui l’habite. Plusieurs auteurs ont pré- tendu que chacune des petites pièces ou boulettes qui le composent était formée par les excréments de l'animal ; en ce qui concerne les Melicerta ringens et pedunculata, je ne puis admettre cette manière de voir et puis confirmer complètement les observations de Gosse, de Williamson, de Bedwell. Ces pièces sont formées dans un appa- reil spécial, que nous décrirons plus loin, à l’aide des particules te- nues en suspension dans l'eau amassées et mélangées avec un mucus 1 BepweLc, On the Building apparatus of Melicerta ringens (Monthly micr. Journ., t. XVIII, 1877, p. 214). 138 : L. JOLIET. agglutinant sécrété par une glande particulière. Quand une de ces boulettes est faite et prête à employer, l'animal se recourbe sur lui- même et la colle, s’il s’agit d’un adulte, sur les bords du tube déjà fait, et si c’est un jeune, sur une bordure de mucus déposé autour de son pied. Cela est si vrai que le tube n’est pas de la même couleur dans les différentes mares ; cette couleur varie avec la nature du fond, c’est- à-dire des matériaux qui sont employés. Bien plus, il arrive souvent qu'un tube présente dans sa longueur deux ou trois changements de nuance correspondant aux pluies qui sont survenues et, en aügmen- tant le volume d'eau de la mare, ont diminué sa richesse en particules tenues en suspension. J'ai pu souvent reconnaître combien de rangées avaient été ajoutées à un tube, dans un certain laps de temps, sur des animaux que je tenais en captivité dans mes cuvettes, les ran- gées faites pendant la captivité contrastaient par leur couleur grisé avec la nuance ocreuse de la base. Si nous abandonnons à lui-même dans une goutte d’eau le tube fraîchement pêché et placé sur le porte-objet, nous ne tarderons pas à voir se montrer timidement, à l'extrémité libre, deux sortes de baguettes, les antennes bientôt suivies de la partie céphalique ré- tractée, cambrée du côté dorsal, avec ses deux pointes en bec de corbin. Au moindre choc, ou moindre bruit, car ces animaux sont certai- nement sensibles aux sons, bien que jé n’aie pu reconnaître d'appareil auditif, le tout se renfonce rapidement dans le fond du tube pour réapparaître bientôt si le calme revient. On voit alors se produire dans la partie céphalique un mouvement de dévagination qui a pour effet d'épanouir les lobes céphaliques qui constituent l'organe rotateur, on le voit prendre toutes les positions, se présenter de face sous la forme d’un trapèze régulier à angles ar- rondis et à côtés excavés dont le pourtour présente un mouvement ciliaire régulier et continu (fig. 3, pl. XI). Mais tant qu'elle se trouve dans les conditions normales, la Méli- ES MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 139 certe ne sort guère de son tube que les lobes céphaliques, et il serait impossible d'étudier son organisation si on n'arrivait à l'en extraire, suivant l'espèce, par les procédés indiqués plus haut. Description extérieure. — L'animal, extrait de son tube et non épa- noui (fig. 1), ressemble un peu, avec sa longue queue, à une grosse virgule. Son tégument est une membrane chitineuse, mince, dou- blée intérieurement d’une membrane vivante, en apparence anhiste, et probablement de nature sarcodique dans la majeure partie de son étendue, bien qu'elle présente en certains points définis et rares quelques épaississements à noyau. A travers ces enveloppes transpa- rentes, toute l’organisation interne se voit à merveille. L'animal présente une queue longue, pouvant s'invaginer en elle- même, comme il a été dit plus haut, et parcourue par des muscles dans toute sa longueur; elle se continue directement et sans transi- tion brusque avec le corps proprement dit auquel on peut distinguer un bord supérieur à peu près rectiligne sur le profil, terminé d’un côté par un bourrelet, de l’autre par deux petites dents crochues, et interrompu en son milieu par deux tentacules ou antennes qui le dé- passent, mais qui s'insèrent au-dessous ; un bord ventral qui, sauf une petite échancrure en haut, est régulièrement convexe ; enfin un bord dorsal qui est convexe depuis les deux dents crochues précitées jusqu'à l’orifice cloacal et concave à partir de là jusqu’au niveau où il rejoint la queue. Lesauteurs ne s'entendent pas tous au sujet de la position à donner aux Mélicertiens, plusieurs regardant comme dorsal le côté que nous appelons ventral. Nous leur donnerons ici la position qu'on doit donner à tous les Rotateurs chez lesquels le côté dorsal est celui qui correspond à l'anus, à l'organe tactile impair et à la majeure partie du système nerveux, tandis qu'au côté ventral correspondent la bouche et les glandes génitales. Nous justifierons plus tard cette manière de voir (fig. 4, pl. XD). Epanoui, l'animal est surmonté par l'appareil rotateur qui peut être regardé comme une expansion horizontale de la partie cépha- 140 JOLIET. lique. Cette expansion, au lieu de s'étendre régulièrement en cercle, comme celle de l’OEcistes, estdécoupée en quatre lobes arrondis, deux antérieurs plus grands et deux postérieurs plus petits. Cette expan- sion lobée est formée de deux membranes qui sont presque partout en contact, l’une forme la surface supérieure de l'organe, l’autre est continue avec la première sur les bords, la double inférieurement dans toute la partie libre de l’organe et se continue vers sa base avec les parois du corps. Entre ces deux membranes se trouvent de minces espaces lacunaires dans lesquels vibrent plusieurs pavillons ciliés que nous décrirons plus loin. Elles sont d’ailleurs soutenues par des sortes de nervures saillantes, disposées diversement et constituées elles-mêmes par un tissu assez rigide pour soutenir l'organe dans l’eau et lui conserver une forme déterminée. Le bord des quatre lobes ainsi constitués est garni d’une rangée de grands cils vibratiles qui, en battant d’une manière régulière et continue dans un même sens, produisent cet aspect de gouttes d’eau remarquable sur les tentacules des Bryozoaires (fig. 3). En dedans de cette ligne marginale de cils se trouve une deuxième ligne presque concentrique à la première dans une grande partie de son étendue et qui forme sous les lobes comme un bourrelet bril- lant (fig. 3). Sur ce bourrelet sont insérés des cils beaucoup plus pressés et plus fins que les cils extérieurs (fig. 49); comme ils ne pro- duisent pas le même effet en battant, ils sont souvent passés inaper- cus; cependant on les décrit généralement depuis que Huxley! en a démontré l'existence et fait ressortir avec beaucoup de raison l’im- portance morphologique de cette double rangée de cils. Nous avons dit que la rangée interne est presque concentrique à la première, cependant elle s’en rapproche beaucoup du côté dorsal ; au contraire, en avant, vers la ligne médiaire ventrale, elle s’écarte tout à fait, non pas seulement de la rangée externe, mais des lobes eux-mêmes, pour se continuer avec les cils de la lèvre inférieure 4 Huxzey, Lacinularia socialis (Trans.micr. Soc., vol. I, 1851 fig. 27, p’ et suiv.). MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 141 (pl. XI, fig. 2 et pl. XIIT, fig. 49). La lèvre inférieure semble se détacher de la face ventrale comme un lambeau en forme de pyramide triangu- laire (pl XI, fig.2). Qu'on suppose cette pyramide plantée par sa base sur la face ventrale avec une deses arêtes dirigée vers le bas, les deux arêtes supérieures rejoignent les bourrelets internes de l'appareil rotateur et sont garnis de cils, ainsi que, d’ailleurs, la face supé- rieure qu'elles comprennent et aussiune partie des surfaces latérales inférieures. La surface supérieure de cette lèvre, un peu excavée, limite inférieurement l’orifice buccal qui est limité, d'autre part, par la face inférieure même des lobes rotateurs antérieurs. Immédiatement au-dessous de cette lèvre se voit une fossette qui a la forme d’une coquille de noix (fig. 2) placée longitudinalement et dont le fond est tout tapissé de cils vibratiles courts et serrés. Ces cils, quand on les observe attentivement, se continuent, quoi qu’en pense Huxley, avec ceux de la lèvre inférieure, et dans leur mouve- ment incessant ils remuent sans cesse les particules terreuses qu’ils ont attirées et qu'ils mêlent aux produits de la sécrétion d’une glande assez volumineuse située immédiatement au-dessous. Cette fossette, qualifiée d’argone olfactif par Huxley, n’est autre que l'appareil ser- vant à élaborer les matériaux du tube. Un peu au-dessous de cette fossette, sur ses côtés, et dirigées en avant, se voient les deux antennes dont nous avons déjà parlé et sur la structure desquelles nous reviendrons (fig. 2). Au-dessous de la même fossette et sur la ligne médiane existe un bourrelet formé par la peau de la tête à l'endroit où elle vient se rattacher à l'enveloppe chitineuse générale qui s'arrête en ce point et ne recouvre que d’une enveloppe beaucoup plus mince les organesrotateurs. De même, à l'opposé de ce bourrelet, sur la ligne médiane dor- sale, et à peu près entre les deux lobes supérieurs se voient les deux petites dents crochues dont nous avons parlé en décrivant (fig. 1) l'a- nimal fermé, et immédiatement au-dessus d'elles, une très petite cupule du fond de laquelle s'élèvent deux ou trois courtes soies rigides et fines ; c'est l'organe tactile impair (pl. XI, fig. 4 et 2). 142 L. JOLIET. Supposons que l'animal se referme, la fossette vibratile et la lèvre sont les premières entraînées, puis les lobes suivent le mouvement, de telle sorte que toutes les parties qui s'élèvent au-dessus de la ligne joignant les dents dorsales au bourrelet ventral se trouvent in- vaginées et occupent la position supérieure et dorsale du corps; la peau se referme sur elles comme une bourse. Toutes les parties, au contraire, situées au-dessous de cette ligne se trouvent un peu refou- lées par l'organe rotateur, mais conservent néanmoins leur position. Appareil digestif. — Nous lui distinguerons les parties suivantes : la bouche, le pharynx, le mastax, l'œsophage, l'intestin antérieur, l'intestin postérieur et le cloaque. L'ouverture buccale est comprise, comme nous l'avons vu, entre la lèvre inférieure et la face inférieure des lobes rotateurs antérieurs ; elle donne accès dans un canal large et court, tapissé d’un épithé- lium à cils longs et actifs ; c’est la cavité buccale. En arrière, elle se prolonge en une portion dilatée qui n'est guère distincte de la précédente que par la présence, à son entrée, d’un faisceau de trois petites membranes tremblottantes qui se rejoignent en un même point et forment comme les trois arêtes d'un angle trièdre. C’est à cette chambre postérieure que je donne ici le nom de pharynx et elle me paraît devoir être distinguée de la bouche propre- ment dite, précisément à cause de la présence de ces membranes tremblottantes qui se retrouvent chez un grand nombre de Rotateurs et en particulier chez les Flosculaires où elles caractérisent, en avant du mastax, une chambre spacieuse. Le pharynx conduit au mastax qui est un sac trilobé et présente un peu l'aspect d’un cœur large et court disposé transversalement. Ses parois sont épaisses et musculeuses, et il contient une armature solide, toujours en mouvement, sur la conformation de laquelle je ne m'étendrai pas; elle a déjà été figurée d’une manière exacte par Williamson !. 1 WILLIAMSON, On the Anatomy of Melicerta ringens (Quarterley Journal of micros- Copical science, t. I, pl. 1, fig. 47). MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 143 Le lobe médian est surmonté, du côté ventral, d’une poche à parois résistantes et minces qui contient ordinairement un liquide rosé, Cette poche existe aussi chez l’Okcistes et la Lacinularia où Huxley l’a décrite; j'ignore quel peut être son rôle. Le mastax est l'organe de mastication ; dans les Mélicertiens il reste toujours au même niveau et est incapable de faire saillie au dehors comme dans les Notommates qui se servent de leur armature comme d’une arme offensive et la projettent au dehors comme les Nereïdes font de leur trompe. A cause de cette faculté de protrusion que possèdent plusieurs Rotateurs, à cause ausside son origine ectodermique et du revêtement chitineux qui le tapisse intérieurement, nous regardons le mastax comme un organe analogue à la partie armée d’une trompe d’Anné- lide plutôt que comme un estomac proprement dit et donnons le nom d’œsophage à la portion suivante du tube digestif. Cet œso- phage est un simple canal très court dans les Mélicertes où on le découvre entre les deux glandes stomacales dont il vaêtre question, grâce au mouvement cilaire actif dont il est le siège. Il a une forme sinueuse et se rend obliquement d'avant en arrière vers l’entrée de l'estomac. Dans certains Rotateurs, par exemple dans les Ptérodines et dans les Notommates, il est beaucoup plus long et plus distinct. Chez ces derniers, il forme un tube étroit, à parois minces et transparentes, qui contraste avec les grandes divisions de l’estomac et les parois épaisses du gésier. L’estomac est une poche cylindrique assez longue, qui s'étend depuis le niveau de l’anus jusque vers l'extrémité inférieure de l'ovaire, Ses parois sont comme bouillonnées et chacune de ces bour- soufflures correspond à l’une des grandes cellules qui composent l'organe. Ces grandes cellules sont plus ou moins chargées de gra- nulations brunâtres, évidemment de nature hépatique. Sur leur surface interne, elles sont revêtues de cils, car on voit les matières alimentaires agitées d’un mouvement incessant et, lorsqu'on écrase 144 L. JOLIÉF. une Mélicerte sous le microscope, il arrive souvent que ces grandes cellules se désagrègent; en les voyant alors flotter dans l’eau on peut constater qu'elles sont à la fois cellules glandulaires et cellules cilées. L’estomac débouche par un orifice étroit dans l'intestin qui s’en distingue aussi bien par un repli qui l’en sépare que par l'épaisseur de ses parois, leur nature moins glandulaire et les très longs cils qui les couvrent et impriment aux matières qui y sont contenues un mouvement de rotation très particulier. L’intestin qui est comme on voit assez ramassé, envoie de son angle inférieur et dorsal une courte branche qui va au cloaque. Le cloaque, que certains auteurs nomment à tort le rectum, est un tube, à parois minces et transparentes, qui va en se rétrécissant vers le haut où il s'ouvre à l'extérieur sur la ligne médiane dorsale. Il est fort long dans les Mélicertes; je crois devoir lui donner le nom de cloaque à cause de ses fonctions et de son mode de formation. Il n’est pas, en effet, la simple continuation de l'intestin dont il reçoit la branche afférente ; l’oviducte y débouche au même ni- veau et il est chargé, non seulement de l'expulsion des matières fécales, mais de l'évacuation des œufs et des produits d’excrétion. En outre, comme nous le verrons plus loin, il se forme dans l’em- bryon, non pas aux dépens de l’endoderme, mais par une invagina-: tion de l’ectoderme. Dans les Flosculaires il est réduit à une simple fossette ciliée ; dans la plupart des Rotateurs il est beaucoup plus court et plus réduit. Les parois sont intérieurement extrêmement contractiles et re- vêtues de cils vibratiles fort longs. Quand ils’agit d’expulser les ma- tières fécales, sa partie supérieure se dévagine et le reste du tube, déjà raccourci par ce procédé, se contracte au point d’amener l’ori- fice de l'intestin fort près de l’orifice extérieur,le contenu de l’in- testin est alors versé presque directement au dehors. Outre les cellules hépatiques, qui forment les parois mêmes de l'estomac, l'appareil glandulaire comprend encore ce qu’on appelle NOTES ET REVUE. UN NOUVEAU MODÈLE DE DRAGUE POUR RÉCOLTER LES ANIMAUX DU FOND DE LA MER, Par Hermann For, Professeur à l'Université de (renève, Les dragues qui ont été construites ces dernières années, dans le but de gratter le sol du fond de la mer pour récolter les êtres vivants qui s’y trou- vent, sont toutes plus ou moins la copie du modèle qui a rendu de si bons services aux expéditions anglaises pendant les croisières zoologiques du Por- cupine, du Lightning et du Challenger. Wyville Thomson en a donné une des- cription détaillée et accompagnée de bonnes figures !, Les instruments qui ont été employés depuis lors ont subi quelques changements de détail, mais le type reste toujours lê même; et pourtant l'engin laisse énormément à désirer sous beaucoup de rapports. Sans doute il a fait ses preuves, mais son succès me parait attribuable aux puissants moyens mis en œuvre pour le faire fonc- tionner, bien plus qu’à sa construction défectueuse. Pour bien comprendre la manière dont se comporte une drague, rien ne vaut un essai dans une eau assez peu profonde pour permettre d’observer de- puis le bateau tous les détails du fonctionnement, sur les divers genres de terrain, sur un fond de vase, de sable ou de cailloux. La Méditerranée, avec ses eaux si transparentes, est particulièrement propice à ce genre d'essais, Un racloir rectiligne, comme le sont les racloirs de la drague mentionnée, produit toujours devant lui un bourrelet de vase ou de sable, et, en avançant, il pousse ce bourrelet. Une partie du matériel soulevé entre dans la drague, mais Ja majeure partie est repoussée de part et d'autre. Les objets légers qui sont posés sur le fond de l’eau sont repoussés par le bourrelet et le plus sou- vent rejetés sur les côtés ; la drague n’en prend qu’un ou deux sur dix qu’elle a rencontrés sur son chemin, les neuf autres étant simplement déplacés comme par une charrue. De temps à autre, la traction devenant plus vive, lorsque par exemple le bateau est soulevé sur le dos d’une vague, la drague passe par-dessus le bourrelet et plonge dans le matériel mou dont elle avale une portion, pour, aussitôt après, se retrouver derrière un ados mouvant. Si le bord de la drague est tranchant et dirigé fortement en dehors, il s’en- fonce immédiatement dans la vase, et la drague se trouve aussitôt remplie de 1 The Deplhs of the sea, p. 250 et suiv., Londres, 1873. ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. = 20 SÉRIE, == T, 1, 1883, A Fi NOTES ET REVUE. matériaux sans valeur; si ce rebord est émoussé et tourné parallèlement au fond, la drague ne se remplit pas. De toute manière, le racloir droit ne prend presque pas d'animaux. Sa forme paraît avoir été copiée des engins dont se servent les pècheurs d’huîtres. L’huitre étant attachée à un sol ferme qui ne remplit pas la drague, l'engin de pêche atteint bien ce but spécial; mais il est inapproprié à un usage général sur des fonds de toute consistance et plus souvent mous que fermes. Il en est tout autrement des outils de pèche dont on se sert sur les bords de la Méditerranée pour récolter les animauxsi divers qui abondent dans les faibles profondeurs et dont les habitants de ce littoral sont très friands. L’in- gegno où demi-cercle est une bande de fer en forme de fer à cheval, courbée sur le plat, et portant sur ses extrémités un demi- cercle en bois qui sert à tenir ouverte l'entrée du filet. Les deux arcs de cercle qui portent le bord du filet sont donc dans des plans perpendiculaires, le cerceau de bois restant vertical, tandis que le grand fer à cheval glisse à plat sur le fond. II résulte de cette disposition que les animaux qui se trouvent au bord de l’espace balayé sont d’abord rejetés vers le milieu, pour être enfin ramassés sûrement dans le sac. Même des ani- maux vifs et alertes comme des poissons ou des cépha- lopodes s’y laissent prendre. À Le seul inconvénient du demi-cercle est de ne fonc- tionner que sur une de ses faces ; s’il tombe mal, c’est- à-dire s’il touche le fond par le cercle de bois, il ne prend rien et il se détériore. C’est une difficulté que les pêcheurs de profession ont surmontée depuis long- temps, et leur habileté est telle, qu'ils lancent leur engin à des profondeurs assez respectables, sans jamais le laisser tomber à rebours. Pour le naturaliste, l'in- convénient est grave, et lorsqu'il s’agit de profondeurs qui dépassent 300 mètres, je crois que mêine le pêcheur de profession ne pourrait plus répondre de son jet. Partie antérieure de 1 Jai donc cherché à réunir les avantages de la drague drague, vue de profil. anglaise et de l’ingegno dans un seul instrument, et, après quelques réflexions et quelques tâtonnements, je suis parvenu à créer un engin d’une simplicité et d’une efficacité merveil- leuses. Son seul inconvénient est d’être difficile à décrire, comme l’est un objet formé de surfaces courbes; je vais m'’efforcer d’en donner une idée aussi claire qu’il me sera possible. | Que le lecteur veuille bien prendre entre les mains un anneau découpé dans une surface plane, un disque de papier, par exemple, dont on a découpé et enlevé le milieu, ou bien un de ces anneaux de caoutchouc dont on se sert pour réunir des paperasses ; j'entends ceux de ces anneaux qui sont découpés dans le plat et non pas ceux qui sont une section de cylindre. Si maintenant on plie cet anneau en deux, de façon à obtenir deux arcs de cercle presque NOTES ET REVUE. ll parallèles et reliés par des courbures assez courtes, on aura une idée assez exacte de la pièce principale de ma drague. (Voyez la figure.) Ge cadre de drague est donc fait d’une seule pièce de fer annulaire plate, puis forgée et recourbée comme il est dit ci-dessus. On peut décomposer par la pensée cette pièce en deux grandes courbes de plat et deux petites courbes de champ. Les premières sont dans des plans qui forment un angle très aigu; les secondes sont dans des plans perpendiculaires à ceux des grandes courbures. Les 4 ea deux grands arcs de cercle servent de NA point d'attache au filet et jouent le rôle des arcs de cercle de l’ingegno avec cette différence que l'instrument peut travailler indifféremment avec \ \Q l'une comme avec l’autre. Le bord AN { 7 hi externe est légèrement dirigé en de- Lit &;: SE A NL “| EL hors et taillé en biseau. Les petites courbures reçoivent chacune un an- neau, auquel s'attache la corde. Ces anneaux étant mobiles se pla- cent toujours d'eux-mêmes dans la position la plus favorable à la traction, et tant que la corde a une inclinaison de moins de 45 degrés, l’on peut être sûr que le demi-cercle inférieur racle à plat. Si la profondeur est considé- rable et la corde un peu courte, on fait bien de la munir, à quelque dis- AU tance de la drague, d’un poids suf- \HL À fisant pour que la dernière partie de la corde ne dépasse pas l’inclinaison de 45 degrés. C’est un proc édéque W. Thomson a fort bien décrit. Il est bon aussi de prendre deux morceaux de corde de forces inégales pour re- lier les anneaux à la corde principale, afin que si l’on accroche un rocher, le morceau le plus faible cède le pre- mier et permette à la drague de se placer de côté et de contourner l’ob- stacle. Je me suis servi de filet assez fort dont les mailles vont en se resserrant vers le fond de la poche. On peut employer du filet à mailles assez larges, pourvu que l’on en prenne une largeur qui suffirait à la rigueur à faire deux fois le tour de l'anneau. De la sorte le filet, étiré par le poids des objets qui se trouvent au fond du sac, forme des mailles très allongées qui retiennent les menus objets tout en laissant fort bien passer l’eau. Mon filet est ouvert au bjl jt Embouchure et fond de la dragu?, vues de face. 1Y NOTES ET REVUE. fond et fermé seulement par une attache, Si elle est bien mise, cette attache ne s'ouvre jamais spontanément, et il est bien plus facile de vider le contenu de la drague que s’il fallait retourner la poche. Je protège les faces planes de mon filet, dans le voisinage du cadre, par des morceaux de toile à voile qui sont seulement attachés de loin en loin par les bords et laissent l’eau s'échapper entre filet et toile, tout en protégeant très bien le sac contre les aspérités des rochers. I va sans dire qu'on peut ajouter des fauberts sur les côtés de la drague en les attachant aux anneaux. L’engin que je décris a éfé fait sur mes dessins pour mon ancien labora- toire de Villefranche-sur-Mer, et m'a rendu d’excellents services dans les dragages que j'ai faits dans les environs à l’aide d’un petit bateau à vapeur de louage. Il FAUNE DES VERTÉBRÉS DE LA SUISSE, Par Victor Fario, docteur de philosophie. La direction des Archives a reçu le volume IV de l'ouvrage de M. le doc- teur V. Fatio, intitulé : L’'HISTOIRE NATURELLE DES Poissons. Ar° partie. I. Anarthroptérygiens ; IT, Physostomes, Cyprinidés. Ce volume est accompagné de 5 planches, dont 2 en couleur, comprenant 178 figures originales. L'auteur à donné une grande extension à sa publication. Il a dû séparer les Poissons des Reptiles et des Batraciens, qui ne devaient primitivement former avec ceux-ci qu'un seul et même volume. « J'ai encore été amené, dit-il, petit à petit, en considération des conditions hydrauliques tout à fait particulières de la Suisse et par l'abondance des matériaux, à étendre forcément les pro- portions premières de cette étude et à la partager en deux volumes à peu près d'égale importance. » Les traités généraux deviennent aujourd’hui des œuvres qu’un seul homme a bien de la peine à entreprendre. Aussi doit-on en accueillir les ouvrages re- latifs à l’histoire naturelle des diverses contrées avec une vive reconnais- sance. Nous citerons quelques passages de l’avant-propos de l'Histoire naturelle des Poissons de la Suisse; ils donneront, mieux que nous ne pourrions le faire nous-même, une idée de l’esprit qui a guidé l’auteur : «Une faune locale, n'ayant de valeur à nos yeux qu’autant qu’elle repré- sente, sous leur aspect local, les espèces d’un pays, telles qu’elles résultent des conditions diverses de milieu de celui-ci, pour permettre des comparai- sons utiles avec des études analogues faites dans d’autres régions, j'ai voulu que mes descriptions et discussions de caractères reposassent toujours sur l'examen minutieux de types vraiment suisses et sur la comparaison de pute pris, à divers âges, dans différentes conditions. NOTES ET REVUE. V « La Suisse, source de plusieurs des grands fleuves de l'Europe, comprend à divers titres,‘sur une petite surface, quatre bassins principaux dépendant de quatre mers différentes ; je néglige à dessein l’Adige, qui ne touche que par un très petit point à notre sol. Nous avons les bassins du Rhin (mer du Nord), du Rhône (mer Méditerranée), du Pô (mer Adriatique) et du Danube (mer Noire), dont il importe d'étudier et comparer les faunes ichthyologiques dans les lacs et rivières tributaires de chacun, ainsi qu’au sud et au nord des Alpes à différents niveaux. « Comptant revenir plus tard sur les questions de distribution géographique et d'influence des milieux, je me bornerai à dessiner ici sommairement les principaux fractionnements du champ dans lequel à été faite cette première partie de mon travail comprenant vingt-six (ou vingt-sept) espèces, réparties en dix-neuf genres : cinq Anarthroptérygiens de quatre familles, et vingt et un Cyprinidés, avec trois sous-espèces, trois hybrides et bon nombre de variétés. Treize autres espèces et six hybrides ne sont décrits brièvement dans ce vo- lume que comme se trouvant non loin de nos frontières et ayant peut-être quelque chance de se rencontrer un jour dans nos eaux, ou pour avoir été cités à tort dans les limites du pays. « Le bassin du Rhin, en Suisse, de beaucoup le plus important et le plus riche, embrasse à la fois la grande majorité des lacs et des rivières du pays au nord des Alpes, et le plus grand nombre des Poissons décrits dans ce volume. Sur vingt-quatre espèces (cinq Anarthroptérygiens et dix-neuf Cyprinides) qui habitent le Rhin ou ses affluents, en Europe moyenne, nous en trouvons encore vingt dans les limites de notre pays, parmi lesquelles trois ne se montrent guère en dehors du fleuve lui-même ou de ses environs immédiats, tandis que les dix-sept autres sont assez répandues dans les divers sous-bas- sins de ce premier réseau de lacs et de rivières, dans le centre, le nord et l'est du pays. À l’exception d’un échange sur une espèce, le Rhin, au-dessous de Schaffhouse, et le lac de Constance possèdent les mèmes Poissons et le même total que les tributaires de ce fleuve au-dessous de sa chute. « Le bassin du Rhône suisse qui arrose la partie occidentale du pays, est relativement bien plus pauvre que le précédent, puisqu'il ne compte plus que onze espèces seulement sur les vingt-six (sept Anarthroptérygiens et dix- sept Cyprinides), qui se rencontrent communément dans le Rhône et ses prin- cipaux tributaires en France. En effet, la perte du Rhône, à Bellegarde, prive le bassin du Léman de bon nombre de poissons qui, autrement, remontent par la Saône jusque sur nos frontières jurassiques, dans le Doubs, rivière que J'ai, bien que limitrophe, considérée comme appartenant plutôt à un bassin étranger, et dont je n’ai traité subsidiairement que pour montrer jusqu’à quel point cet accident du fleuve contribue à la pauvreté en espèces du bassin du Léman. «Ilest intéressant de comparer dans leurs représentants les faunes ichthyo- logiques du bassin du Rhin, au-dessus de la chute, et du bassin du Rhône, au-dessus de la perte, plus spécialement celles des lacs de Constance et du Léman, de régimes hydrauliques différents et également isolés depuis des siècles. « Le bassin du P6, représenté en Suisse, au sud des Alpes, par les lacs et vi NOTES ET REVUE. rivières du Tessin, nous fait participer en partie à la faune italienne. Nous comptons ici quinze espèces sur les vingt-trois (huit Anarthroptérygiens et quinze Cyprinides) qui habitent la Lombardie ; et parmi les quinze espèces tes- sinoises, nous ne trouvons plus que neuf des poissons qui vivent dans le Rhin» tandis que nous y recueillons un nouveau contingent de six espèces entièrement étrangères au reste de la Suisse, contingent qui vient porter à vingt-six le total des espèces indigènes du sol helvétique. Trois des neuf espèces du Tessin que je rapproche comme races méridionales de celles du Rhin, bien qu’elles soient considérées encore comme spécifiquement différentes par la majorité des ichthyologistes, sont ici décrites séparément, avec un numéro d'ordre répété, pour bien accuser à la fois les rapports et les différences qu’elles peuvent présenter dans ces conditions avec les faunes analogues ou plus ou moins parallèles, qui vivent au nord et de l’autre côté des Alpes. « Le bassin du Danube représenté seulement, en Suisse, par l’Inn et quel- ques petits lacs en Engadine, ne compte enfin plus, grâce à son niveau très élevé, que trois espèces, dont l’une probablement importée sur les trente (sept Anarthropterygiens et vingt-trois Cyprinides) qui habitent le Danube et ses principaux affluents. « Deux poissons, sur nos vingt-six espèces, dans ces deux groupes, remon- tent jusqu'à 2400 mètres environ dans nos courants alpestres ; la grande ma- Jorité des autres demeurent, par contre, au-dessous de 900 mètres. » Si nous ne craignions pas de dépasser les limites d’une note, nous aurions à reproduire tout l’avant-propos, pour indiquer combien l’auteur suisse a ap- porté de soin à faire connaître les espèces de son pays. « Ce ne sont pas seulement les conditions de milieu et ‘d'alimentation qui peuvent faire varier nos Poissons et compliquer leur étude, dit-il. J'ai re- marqué que certaines disproportions dépendant de l’âge ou du sexe dans di- verses parties de la tête, du corps ou des nageoires, ont contribué aussi fort souvent à changer la synonymie d’une foule de noms spécifiques peu justifés, et à entraîner maintes contradictions et confusions dans les descriptions de bien des auteurs. » « Pour ces descriptions, les caractères ont été tirés « de l’examen détaillé « du maxillaire des sous-orbitaires, de l'appareil masticateur, meule et os « pharyngiens, et des écailles ». « Au lieu d'introduire ou de conserver dans la nomenclature, comme tous les auteurs jusqu'ici, des noms spéciaux pour les divers bâtards reconnus. J'ai cherché plutôt à construire avec les noms des espèces mères, des noms composés qui rappelassent à la fois l’origine et les tendances de ces bâtards. « Les Hybrides ont paru moins fréquents dans les eaux généralement froides des rivières rapides de Suisse et plus ou moins encaissées, que dans les cours d’eau plus lents, plus riches et plus réchauffés d’autres pays de la France et de l'Allemagne en particulier, où beaucoup d'espèces se trouvent souvent réunies temporairement dans de petits bassins latéraux, calmes et peu pro- fonds, eaux mortes, relativement rares dans les vallées suisses. » Où l’on doit louer M. le docteur Fatio, c’est quand il dit : « Si je n'ai pas voulu créer de nouvelles espèces avec quelques-unes des variétés assez con- NOTES ET REVUE, vil stantes que j'ai rencontrées dans cette étude, c’est que, bien placé pour peser la valeur de celle-ci, il m'a paru plus utile de montrer les liens qui les unis- sent à la souche que d’attacher mon nom à quelques formes plus ou moins discutables, alors que je m'efforçais, d’un autre côté, de réduire autant que possible le catalogue des titres censés spécifiques de nos Poissons indigènes. » L'auteur a cité les groupes et les espèces d'Europe qui manquent à la Suisse, et il a bien fait, car cela évite des recherches synonymiques inutiles. Quant aux poissons véritablement indigènes, ils ont été étudiés et comparés en détail dans les diverses conditions ; avant tout, l’auteur a voulu, par une description très circonstanciée, permettre de pouvoir apprécier la variabilité dans différentes conditions et différents états; enfin, il a fait suivre ces des- criptions monographiques des données qu’il a pu recueillir sur la distribution, les mœurs, la reproduction et les parasites. A la fin du volume se trouvent des diagnoses comparées et réduites à leur plus simple expression, qui sont rapprochées dans quatre tableaux synoptiques qui pourront faciliter les recherches. Quand l'ouvrage sera complété par un deuxième volume, la faune ichthyo- logique de la Suisse se trouvera bien représentée dans les collections d'ouvrages spéciaux, et les naturalistes en cours de recherches seront redevables à M. le docteur Fatio de moyens précieux facilitant singulièrement leurs recherches en leur permettant de déterminer les anciens objets de leurs études. HI FORMATION DE L'HYPOPHYSE CHEZ PETROMYZON PLANERI, Par le professeur Ant. Dom, à Naples. (Traduit du Zoologischer Anzeiger du 6 novembre 1882.) Dans ses Contributions à l’embryogénie des Lamproies (Morphol. Jahrbuch, 7 Bd., p. 158), M. W. B. Scott s'exprime ainsi: « L’organe olfactif est une des parties les plus remarquables de tout l'organisme des Cyclostomes. « L'’ébauche de l'organe est d’abord impaire. La première indication en pa- rait comme un faible enfoncement au-dessus de la bouche, que nous pouvons considérer comme l’invagination commune servant à former la fosse olfactive et l'hypophyse.. L’ectoderme qui recouvre la tête s’épaissit brusquement en un point pour former l’épithélium sensoriel qui est épais à la partie antérieure du cerveau. Les cellules deviennent hautes vers le fond de la fossette, tandis que celles qui revêtent la paroi opposée (le prolongement labial supérieur) sont très plates. » Balfour s’est élevé contre cette description (Comp. Embryology, I, p. 358) dans la remarque suivante : « Je n’ai pas suivi complètement le développe- ment du corps pituitaire chez la Lamproie, mais j'ai observé un léger diverti- \ vil NOTES ET REVUE. culum du stromodæum, que je suppose lui servir d'origine. Dans tous les cas, des détails plus complets sont nécessaires avant qu'on puisse admettre un mode de développement aussi anormal que celui indiqué par Scott. » A la suite de recherches poursuivies pendant cet été, la question ne se dé- cide ni en faveur de Scott, ni en faveur de Balfour. L’hypophyse se forme plutôt comme un enfoncement spécial de l’ectoderme entre les dépressions nasale et buccale. Ses relations avec la dépression na- sale sont secondaires et causées par la formation rapide et hâtive de la lèvre supérieure. Elle n’a d’ailleurs aucun rapport avec la cavité buccale dont elle est complètement séparée par la lèvre supérieure. IV SUR LE DÉVELOPPEMENT DES CONDUITS ÉVACUATEURS DES GLANDES SEXUELLES CHEZ LES INSECTES, Par Joseph NusBauM, de Warschan. (Extrait du Zoologischer Anzeiger du 27 novembre 1882.) L'auteur est arrivé aux conclusions suivantes : 4° 11 faut rejeter la donnée jusqu'ici admise suivant laquelle les cordons postérieurs, dans l’ébauche des glandes sexuelles formeraient, en se soudant ensemble, la totalité des conduits évacuateurs. Les cordons postérieurs, en effet, donnent naissance uniquement soit aux canaux déférents, soit à l’ovi- ducte ; 2° Toutes les autres parties de l'appareil génital (utérus, vagin, recepta- culum seminis, conduit éjaculateur, pénis et glandes annexes) se dévelop- pent aux dépens de l’épiderme ; 3° Les enveloppes externes du tissu conjonctif et la musculature de l’appa- reil évacuateur ont pour origine des cellules mésodermiques qui se trouvent dans la cavité générale de la larve en voie de développement ; 4° Les conduits évacuateurs apparaissent sous forme de rudiments pairs, et toutes les parties définitivement impaires (utérus, pénis, receptaculum se- minis, glandes impaires, etc.) sont primitivement doubles. On doit donc con- sidérer l’appareil évacuateur impair des insectes comme une forme secondaire et supérieure; ï 5° Les conduits évacuateurs mâles et femelles sont complètement homo- logues; 6o Les cavités de l’oviducte, de l'utérus et du vagin chez les femelles, comme celles des canaux déférents, des glandes annexes et du canal éjacula- teur chez les mâles, se développent tout à fait indépendamment les unes des autres et entrent seulement plus tard en communication. NOTES ET REVUE. IX y REMARQUES SUR LE NOUVEL ANIMAL SEMBLABLE A UN FLAGELLÉ, DÉCOUVERT PAR J. KUNSTLER : LE ÆXUNCKELIA GYRANS KUNSTL, Par O. Burscuui, professeur à Heidelberg (Traduit du Zoologischer Anzeiger, du 27 décembre 1882.) Dans ses Contributions à l'étude des Flagellés (Bull. Soc. zool. de France, 1882, p. 119, pl. 3), récemment parues, J. Künstler publie une série de dé- couvertes des plus merveilleuses qu’il a faites sur l'organisation des Flagellés. Il a reconnu chez ces êtres une structure incomparablement plus compliquée que ses prédécesseurs n'avaient été capables de le faire, et principalement des rapports qui ne conduisent à rien moins qu'à ruiner de fond en comble la théorie cellulaire graduellement et péniblement édifiée et à lui substituer une autre hypothèse qui permet de comparer directement tout infusoire, tout Flagellé au métazoaire le plus élevé en organisation, voire même à identifier ces deux êtres. Sans m'’attarder iei sur cette théorie et ses prétendues preuves, je veux indiquer seulement que Künstler rencontre chez le Flagellé qu'il a le mieux étudié ! les principaux organes suivants : Un tégument complexe qui n’est pas composé de moins de quatre couches dont deux contractiles ; une cavité du corps limitée par ce tégument, remplie d'un plasma très fluide. Dans la cavité du corps se trouve un appareil digestif des plus complets avec estomac, orifice buceal, intestin tubulaire s’ouvrant par un anus à l’extré- mité postérieure du corps. De la vacuole contractile partent des canaux qui se distribuent dans le corps en diverses directions. Le nucléus est l'organe de reproduction pourvu d’un canal excréteur spécial qui s'ouvre au dehors à la partie antérieure du corps. Du nucléus se détachent des germes qui se déve- loppent dans une sorte d’utérus ou de poche incubatrice formée par une dila- tation du canal et naïssent avec la forme de petits Flagellés. A côté du nu- cléus se trouve encore un autre organe qui possède aussi un canal excréteur s’ouvrant à la partie antérieure. Cet organe, par opposition au nucléus, doit être considéré comme l'organe mâle. La tache rouge oculaire qui existe par- fois et qui est connue chez un grand nombre de Flagellés renferme un organe lenticulaire et brillant, et peut être comparée aux veux simples d’un grand nombre de métazoaires. Les flagellums présentent à peu près la structure d’une fibre musculaire striée des animaux supérieurs. Je suis loin de vouloir critiquer ici cette description que l’auteur donne de son Flagellé, bien que mes précédentes études sur des Flagellés très sembla- bles m’aient confirmé dans cette conviction que ces êtres ne sont nullement 1 Ille regarde comme proche allié du Cryptomonas ovata, Ehrbg, et lui donne cependant plus tard le nom de Heteromitus olivaceus. x NOTES ET REVUE. doués d’une organisation aussi compliquée, mais que leur structure corres- pond absolument à celle d’une simple cellule. Au contraire, je veux ici attirer l'attention du lecteur sur un très’ étrange Flagellé décrit par Künstler dans ses mêmes contributions, sa soi-disant nou- velle espèce Künckelia gyrans. J'y suis déterminé par les raisons suivantes : Il y a, encore aujourd'hui, un certain nombre de zoologistes qui ne peu- vent pas s’accoutumer à l’idée que les Protozoaires les plus élevés soient des ètres unicellulaires. Pour ces zoologistes, les données de Künstler sur l’orga- nisation des Flagellés ne serait rien moins que l’eau nécessaire à leur moulin. Je ne doute donc pas que plusieurs zoologistes qui, n’étant pas éclairés par des observations personnelles sur ce sujet, n’accueillent pas des découvertes aussi étonnantes avec la froide critique nécessaire, n’acceptent les données de Künstler soit en totalité, soit en partie, avant que l’épreuve n’en ait été faite. Je veux, pour le moment, montrer par l'exemple de ce merveilleux or- ganisme, la Æünckelia gyrans, combien cependant il est nécessaire de se com- porter avec réserve vis-à-vis de ces découvertes. Künstler l’a trouvé dans l'eau douce et le regarde comme un être voisin des Flagellés; «les seuls êtres dont on puisse le rapprocher sont les noctiluques. » Je ne veux pas ici décrire la Künckelia, mais seulement constater ce que c’est. À qui lit la description que Künstler donne de cet organisme dans la principale partie de son travail, peut bien rester quelques doutes sur la nature de cet animal merveilleux, et c’est, suivant toute vraisemblance, ce qui a dû arriver à mon collègue de la Faculté des sciences de Lille, qui a laissé passer librement et sans obstacle dans le travail de Künstler, imprimé comme thèse, cette nouvelle et étrange énormité. (Sans doute il n’a pas eu connaissance de l’appendice que Künstler a an- nexé à son mémoire, car il ne lui serait plus resté aucun doute sur la nature de la Künckelia). Heureusement, toutefois, Künstler a ajouté un appendice dans lequel figure la Künckelia par quelques gravures sur bois, lesquelles, à mon avis, ne peuvent laisser subsister aucun doute sur sa nature dans l'esprit de tout homme compétent. Qu’est-ce donc que cet être merveilleux voisin des noctiluques? Loin d’être nouveau, il est connu depuis cent cinquante ans, il n’a aucune parenté avec les noctiluques, ce n’est pas même un Protozoaire, ce n’est ni plus ni moins qu'un véritable Cercaire. Si je pouvais reproduire ici les gra- vures de Künstler, il ne resterait aucun doute à ceux qui ont quelque con- naissance des Cercaires. Il me suffira d'indiquer quelle signification Künstler a attribuée aux quelques parties de son Cercaire, qu’il a observées d’une façon d’ailleurs éminemment superficielle et incomplète. La queue du Cercaire est, pour lui, un tentacule particulier comparable à celui des noctiluques. Sur la structure de ce tentacule, dans lequel il n’a pas vu de cellules, il fait grand fondement pour le renversement de la théorie cellulaire. Naturellement, avec ces idées sur la queue du Cercaire, il en prend la partie postérieure pour faire la partie antérieure de la Künckelia. La ventouse postérieure est un enfoncement infundibuliforme au fond du- NOTES ET REVUE. x! quel se trouve la bouche qui conduit dans une cavité digestive simple en forme de sac. À la partie postérieure, l’auteur découvre un merveilleux spi- cule enfermé dans une cavité tubulaire. Le lecteur comprend que ce spicule n’est rien de plus que l’aiguillon céphalique du Cercaire ; Künstler avait sous les yeux une forme de Cercaire armé. La ventouse antérieure est décrite comme une sorte de membrane en forme de cloche, mais d’une manière si vague, que je ne sais pas au Juste ce que l’auteur a entendu par là. La vési- cule de l’appareil excréteur, elle aussi, a été observée de même que deux vaisseaux qui en partent pour gagner les côtés du corps. Il ne s’explique pas sur la nature de la vésicule, mais il décrit un canal qui en part et parcourt la queue du Cercaire. Bien que Künstler, pour rester d'accord avec sa théorie, ne puisse pas regarder la Künckelia comme un organisme unicellulaire, pas plus que comme pluricellulaire, il cherche cependant à mettre en évidence un simple noyau de cellule qui doit se trouver dans le voisinage du tube digestif. Cette remarque peut prendre fin ici, et j'espère que pour juger les autres résultats du mémoire de Künstler, on procédera avec la prudence que com- mandent ses découvertes sur la Æünckelia gyrans. VI ÉTUDES SUR LA STRUCTURE ET LA CROISSANCE DE LA CARAPACE DU HOMARD ET DE LA COQUILLE DES MOLLUSQUES, Par Tycxo TULLBERG. (Kongl. svenska vetensk., Akad. Handlinger, Bd. 19, no 3, 1882.) Sous ce titre, Tycho Tullberg publie une étude comparative entre la cara- pace des Crustacés représentés par le Homard, et la coquille des Mollusques, représentés par les Mytilus edulis, Modiola modiolus, Margaritana margariti- fera, Ostrea edulis, Buccinum undatum. Les Mytilus edulis et Buccinum un- datum sont surtout pris pour types et forment le sujet d'observations dé- taillées. Une coupe verticale à travers une carapace de Homard bien développée, se montre à l'examen microscopique composée de trois couches bien distinctes. La couche extérieure est très mince, très brillante, et paraît dépourvue de stratifi- cätions ou de stries transversales. La seconde est beaucoup plus épaisse, formée de minces lamelles et marquée de stries transversales qui sont plus distinctes en dehors que vers l’intérieur. La troisième couche qui, dans une carapace complètement développée, forme la partie principale, comprend deux subdi- visions principales plus ou moins nettement délimitées, toutes deux strati- fiées comme la précédente ; mais tandis que la plus épaisse est striée transver- salement, l’autre, plus intense, ne présente presque aucune trace de striation. XII NOTES ET REVUE. L'auteur résume ainsi lui-même la partie de son mémoire qui est relative au Homard. La plus grande partie de la carapace du Homard est formée par la trans- formation successive de la partie extérieure des cellules de la couche mère. Ces cellules se résolvent en filaments entre lesquels se dépose une substance interstitielle stratifiée. La couche la plus extérieure non stratifiée est proba- blement aussi le résultat de la transformation des mèmes cellules avec ou sans formation fibreuse. Les relations intimes qui existent entre la carapace du Homard et la couche mère résultent de ce fait que les cellules mêmes se prolongent dans la ca- rapace. Ce qu’on appelle les pores canaliformes ne sont ni à l'intérieur des fibres ni dans leur voisinage, mais présentent une disposition tout à fait irrégulière et sont dus probablement au dessèchement de la carapace. La coquille de la Moule commune est composée des couches suivantes : Extérieurement, une cuticule ou périostracum qui se réfléchit sous les bords de la coquille et vient se fixer dans un repli du manteau. En dedans du pé- riostracum se trouve la coquille solide dont la masse principale est formée d’une substance extérieure bleue et d’une intérieure blanche. La première forme toute la marge de la coquille en dehors de la charnière. Par les sections transversales, on voit qu’elle enveloppe entièrement d'une manière complète toute la substance blanche. En dedans, la substance blanche forme la plus grande partie de la surface interne, et c’est en elle que sont marquées les dé- pressions correspondant aux insertions des muscles adducteurs, pédieux et rayonnants du manteau. Toutes les impressions musculaires sont revêtues d’une substance transpa- rente particulière. Enfin, on remarque une quatrième substance qui forme la ligne surélevée de la charnière. Cette dernière présente une structure assez compliquée, qui est décrite avec détail. Relativement à l’accroissement des diverses parties de la coquille, l’auteur arrive aux conclusions suivantes : La coquille s'accroît par ce fait que des couches successives sont produites par l’épithélium pallial sous-jacent. Ces couches sont produites à la fois sur toute la surface de la coquille. La formation de la substance qui les constitue se fait de deux manières dif- férentes, Aux endroits où les muscles sont fixés, soit sur les parties solides de la coquille, soit sur le périostracum, elle est due à la transformation des cellules en substance coquillière, à peu près de la même manière que la cara- pace du Homard est produite par les cellules chitinogènes ; c'est donc une véritable cuticule. Tout le reste de la coquille, c’est-à-dire la partie la plus importante, est un produit de sécrétion des cellules sous-jacentes. Dans une partie de la coquille, la substance extérieure, le carbonate de chaux, mêlé à la substance fondamentale, présente des formes cristallines. Dans la Modiola modiolus, la masse principale de la coquille est également NOTES ET REVUE. XIII formée de deux couches qui correspondent à celles qu’on rencontre dans la moule ; seulement, la couche extérieure est ici peu épaisse; elle renferme aussi des bâtonnets calcaires à formes cristallines. Dans la substance interne, les canaux perpendiculaires aux lignes d’accroissement sont beaucoup plus nettes. Le périostracum est revêtu d’épines qui ne sont pas sa continuation, mais lui sont, au contraire, très peu adhérentes. Dans la Margaritana margarilifera, la couche extérieure est composée de corps prismatiques à peu près perpendiculaires à la ligne d’accroissement. Par la décalcification, on voit que ces prismes calcaires sont enfermés entre des parois organiques qui sont en continuité de substance avec le périos- tracum. La couche intérieure est formée d’une substance dépourvue de canaux. 11 ne paraît pas y avoir de substance particulière à la ligne de charnière. Dans l’Huiître, la couche extérieure écailleuse, en dehors et sur les bords, est formée de prismes analogues à ceux de la Margaritana. La couche interne est formée de stratifications alternativement dures et molles. On y trouve, en outre, de grandes cavités qui sont sans doute dues à un retrait partiel du manteau entre le dépôt d’une couche et celui de la suivante. Dans le Buccin ondé, il y a beaucoup plus de matière calcaire et beaucoup moins de matière organique que dans Ja coquille de la Moule. On y doit dis- tinguer une paroi externe qui forme la plus grande partie de la coquille et la lèvre extérieure, et une paroi interne qui, à l'orifice, forme la lèvre interne. Les sections de la paroi extérieure montrent qu’elle est ormée de trois couches ; la plus extérieure est composée de formations columnaires irrégu- lières ; la seconde, de colonnes beaucoup plus régulières et disposées perpen- diculairement par rapport à la surface interne ; la troisième montre un entre- croisement de lignes obliques quirappellent les faces cristallines des éléments dans la couche extérieure de la Moule, avec cette différence qu’il y a ici deux systèmes de cristaux. En outre, vers le sommet de la coquille, on distingue intérieurement une quatrième couche qui ressemble, pour la structure, à la deuxième, et qui forme à elle seule les cloisons transversales qui se forment de distance en distance pour séparer les parties abandonnées par l'animal. Par-dessus toutes ces couches se voit extérieurement un périostracum. Après avoir étudié la structure du manteau des impressions musculaires et des corpuscules, l’auteur arrive aux conclusions générales suivantes : 1° La carapace du Homard est formée par les cellules sous-jacentes dont la partie extérieure se change directement en coquille. Les stries résultent de ce fait que des fibres sont enfouies dans la substance fondamentale. Ces fibres se forment sur la partie extérieure des cellules en même temps que se dépose la substance enveloppante ; 2° La coquille des Mytilus, Modioia, Margaritana et Ostrea, comme aussi celle du Buccin, est au contraire en grande partie un produit de sécrétion des cellules du manteau ; XIV NOTES ET REVUE. 3° Au contraire, sur les impressions musculaires, aussi bien chez les La- mellibranches que sur le Buccin, s’est rencontrée une substance qui, par sa structure, rappelle celle qui forme la carapace du Homard; car, là aussi, les parties extérieures des cellules se changent en substance coquillière ; 4 L'opercule du Buccin parait se former de la même manière que sa co- quille. Ces recherches ont été faites sur un nombre d'espèces trop restreint pour amener à des conclusions générales relativement à la formation de la coquille des Mollusques et de la chitine. Cependant, si l’on songe à la grande ressemblance de toutes les formations chitineuses, il ne semblera peut-être pas téméraire de penser que toutes doivent se former comme la carapace du Homard. Et si, d’autre part, on remarque que chez des formes aussi éloignées l'une de l’autre que sont la Moule et le Buccin, les coquilles ont pourtant la même structure générale, il ne paraitra pas invraisemblable de supposer que le mode de formation de la coquille est, au fond, le même chez les Lamel- libranches et les Gastéropodes. VIT ORGANISATION DES CHITONS DE L’ADRIATIQUE, Par BELA HALLER. (4rb. zool. Inst. Wien., t. IV, p. 3). Nous résumons spécialement dans cet intéressant travail le chapitre re- latif au système nerveux, qui a fait l’objet principal des recherches de l’au- teur. Les Chitons n’ont pas de ganglions proprement dits, tels que ceux qu’on trouve chez les Gastéropodes élevés et que nous connaissons sous les noms de ganglions cérébral, pédieux, etc. Mais le système nerveux est plutôt com- posé de cordons formés à la fois de cellules nerveuses et de fibres, ainsi que Jhering l’a déjà remarqué. C’est de ces cordons que partent les nerfs. Trois paires de petits ganglions seulement, plus le ganglion viscéral antérieur (gan- glion buccal des auteurs), font exception à cette règle constituant de vérita- bles ganglions distincts des cordons auxquels ils sont rattachés par de véri- tables commissures, c’est-à-dire par des cordons formés exclusivement de fibres. Nous trouvons par exemple dans le collier æsophagien, dans les nerfs palléaux et pédieux primaires de Jhering, un ensemble dans lequel les ganglions et les commissures qui les relient ne sont pas distinctes. Sur les coupes de ces cor- dons nerveux, on trouve une couche corticale de cellules dont les prolonge- ments pénètrent dans les parties centrales ou se poursuivent dans le tronc. Au point de vue histologique, la qualification de nerf n’est pas légitime ; au point de vue anatomique, il ne l’est pas davantage de conserver le nom de nerf palléal, car le cordon que V. Jhering désigne comme nerf palléal primaire NOTES ET REVUE. XV n’innerve pas seulement le manteau ou les parties qui en dérivent, comme la branchie, mais il donne aussi des nerfs aux viscères !. L'auteur adopte les noms de cordons pédieux et cordon branchio-viscéral, Le collier œsophagien, qui mérite ce nom peut-être mieux que chez aucun autre Mollusque, entoure la masse buccale. C’est un demi-anneau relative- ment large et ample. De son bord supérieur en des points précis partent des nerfs destinés aux parties céphaliques du manteau, et, de son bord inférieur, d’autres nerfs en nombre moindre se rendant aux lèvres, au fond de la bouche et aux muscles de la bouche. Une section transversale du collier montre qu'il n’est pas aplati en ruban, mais dé forme ovale. V. Jhering a cru qu’il était double et a décrit un sillon médian qui n’existe pas en réalité. Cette appa- rence est produite par une trainée de cellules nerveuses plus abondantes et colorées en jaune foncé. Sur les côtés et assez bas, le collier se divise en deux branches ; la branche externe forme les cordons branchio-viscéraux, la branche interne se divise à son tour en deux rameaux dont les premiers forment les cordons pédieux, tandis que les deux autres se réunissent sur la ligne médiane pour compléter le collier inférieurement, On peut diviser les nerfs qui partent du collier en quatre groupes : 4° Les nerfs du manteau qui, au nombre de treize de chaque côté, partent de la surface supérieure du collier ; 2° Les nerfs céphaliques, en mème nombre que les précédents ; 3° Un groupe de nerfs se rendant aux lèvres supérieure, inférieure et aux muscles buccaux ; 4° La moitié inférieure du collier fournit d’abord la commissure des gan- glions viscéraux antérieurs, et un peu pius en dedans celle qui unit les deux ganglions de la radula; enfin, au milieu, on voit deux nerfs qui se dirigent en avant et correspondent à ceux qu’on rencontre chez la Patelle, les Zeugobran- ches, les Trochus et la Paludine. Les ganglions viscéraux antérieurs sont, chez les Patelles, Zeugobranches et Trochidés, réunis en une masse impaire, en forme de fer à cheval, située au-dessous de l’œsophage et au-dessus de la gaine de la Radula. De ce ganglion partent un nerf œsophagien supérieur, un nerf de la voûte buccale, un nerf œsophagien inférieur, et un nerf destiné à l’épithélium péritonéal qui revêt la moitié inférieure des muscles buccaux. Un peu après son origine, le nerf branchio-viscéral émet une branche que V. Jhering a pris pour une commissure des ganglions viscéraux antérieurs. L'auteur, après avoir suivi son trajet, qui est compliqué, l’a vue aboutir à deux ganglions extrêmement petits reliés par une commissure et situés sous l'estomac. Ce nerf prendra donc le nom de nerf stomacal. Le cordon branchiv-vésical lui-même court sur les côtés du corps, le long 1 Depuis longtemps M. Lacaze-Duthiers avait désigné sous le nom de centre infé- rieur ou asymétrique, les parties du système nerveux des gastéropodes ordinaires qui correspondent au « nerf palléal » du chiton. — fl avait, en effet, reconnu que cette dernière dénomination était insuffisante, les parties en question fournissant des nerfs, non seulement au manteau età la branchie, mais encore à divers viscères, au cœur, au rein, aux organes génitaux (Arch. de z60/. exp.). xvI | NOTES ET REVUE. de la ligne d'insertion des branchies, au milieu d’un tissu musculaire qui le sépare de l'artère située au dessous, et de la veine située au dessus. Il se réunit en arrière à son congénère, au-dessus de l'intestin et très près de l'anus. Chaque branchie reçoit du cordon deux nerfs qui suivent l'artère et la veine. Chaque nerf du manteau peut sortir du cordon de deux manières, ou bien à quelque distance du nerf de la veine branchiale, ou bien dans son voisinage immédiat, un peu au dessus. Dans le premier cas, il s’incurve autour de la veine principale pour gagner le bord du manteau; dans le second, il accom- pagne le nerf branchial jusqu’à l'entrée de la branchie, et se relève alors vers la surface du corps. Jusqu’au-dessous de la sixième pièce de la coquille, aucun autre nerf ne se détache du cordon. Vers ce niveau, trois nerfs se détachent du bord interne du cordon, se dirigent en dedans, traversent la paroi du corps, et s'enfoncent au milieu de la substance du rein. Sans avoir pu les suivre, l’auteur pense qu'ils appartiennent à cet organe. Des épaississements postérieurs du cordon partent deux nerfs qui se diri- gent vers le cœur. Cependant, comme on rencontre dans le péritoine des cellules nerveuses entre la couche musculaire et l’épithélium, il ne faudrait pas affirmer que ce dernier nerf comme les trois précédents se distribuent exclusivement au cœur et au rein. La troisième, des nerfs rénaux se divise en deux branches dont l’une pé- nètre dans la cavité du corps, tandis que l’autre la contourne et va se relier à une branche du système pédieux. Ainsi serait réalisée, à la partie postérieure, la commissure palléopédieuse observée par V. Jhering dans le Chiton sala- mander, et qui, seule, représenterait dans les Chitons la série de commis- sures semblables observées par Hubrecht dans la Protoneomenia Sluiteri. Les cordons pédieux parcourent toute la longueur du pied; ils sont légère- ment dilatés après leur séparation d'avec le collier. Au centre, ils sont composés de fibres, tandis que l’écorce est formée de cellules nerveuses sur plusieurs rangs. Vers le deuxième tiers de la longueur du corps, la surface extérieure et supérieure fournit un nerf, celui des muscles latéraux, qui se répète sept ou huit fois de chaque côté. Le dernier de ces nerfs s’anastomose, comme il a été dit, avec l’une des branches du troisième nerf rénal. Au-dessous naissent les nerfs pédieux externes, au nombre de 40 à 50, qui, en s’anasto- mosant entre eux, forment un riche réseau. Les nerfs pédieux internes sont un peu moins nombreux. De la surface interne des cordons naissent les com- missures qui sont à peu près toutes d’égale grosseur, fort nombreuses, et qui, au lieu d’aller directement d’un cordon à l’autre, s’anastomosent entre elles et courent obliquement de manière à former un véritable réseau. L'auteur a observé, tant dans le cœur que dans le péritoine, un plexus ner- veux formé de fibres très ténues, de cellules nerveuses bipolaires volumi- neuses et de cellules multipolaires plus petites. Ce plexus est toujours situé entre la couche musculaire et l'épithélium. Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le gérant : G. REINWALD. IH. lormant del, Fig. 4 Ju 22 L- AA 10) 5 F7 111 1 #, 11 À = h, # => > LAS ENS È Y Ni SS N DS y (L QE D RSS I NS: SSSR ST RS SR SS EYE »7 RSS NES ND LSARS AP 4 È SX » CP 2£ REPTILES PRIMAIRES RICE: der H. Formant del. REPTILES PRIMAIRES DIE 7 AAA DIE NEA 5 + Ra NAN (]l y IL. Formant del. REPTILES PRIMAIRES £ : ' & L , ‘ « 4 … Û » + La + l =- 2 Se | + Fe CAE Le (| LI] L 4 # e ‘ S « e : ’ ë rs ! . a 4 | Neïele Arch. de Zoo! Exp! et Gén! [e Série, Vol. I. ( 1883) HN 17 1] (er had tiU] ES ATOUT NA EEl HS QT H. Formant del. REPTILES PRIMAIRES x A. Ver UP de MA PA ct "rive { et 4 ve FO ne) : Ar Arch. de Zool Exp! et Céni Hhééue Mol 11888) PI, VW JR fre) & = À LCL LL Il. Formant del. REPTILES PRIMAIRES ab fl | Va jt! ANT H. Formant del. REPTILES PRIMAIRES ba ï 2 . "1 Li ge | 11e ® Le * sé ‘ ; | . F L i | E « ( ) x 4 . « 4 ss | À . : «- k | v Ë k k % * nt RE | F- . ste gd “: Fi “ | ; e . ; : ”; jt R y ù ) Mer, ) | N E | “ sn . ‘À : L : # . £ ”. 1" | OU y £ ‘ | 5 AS £ ] ? ur PERTE ; j MT Le de PC U ; . à L | + # ; s « No R ‘ et | = VAR TU Ù 1% | y 11 20 x \ a ET inù ; Ç un CM RE te 3 Car ; + tra f: : n =. un 0 æ = 5 » » * y ”æ . « 4 æ î E« ; 1h ss : ES s 14 ire | Ps « Fr 4 2 Le POP 72 « { E Ÿ LE CRE A. H 4" .. D -%$ > ; 21, | S'EUR NS alt og £ D à x *4 : re ) ‘ 2 Ton é } EX — TI til pen (D NA JR AK 1) VE MN ANA \ \ j (HAN (Li \ Ron | CA wii | \\ À / LL ! nl | \ lu | LA \\ “ nl NY N ( El MU. A je Ne ‘Al Il. Formant del. REPTILES PRIMAIRES | des 114 ûl d rch np. Ch.Chardon aine . be odA: OC TOPTAN A Libaine Pasweld De LE Lg T ÿ h ARLES “ # #ht bo LI ds 2 serre. Vol.[ PLIX. } | Li Arch de Zool Exp!° et Génif Ha à + re he UT? ÿ 44 2 ge: ; Le 1 à {mp.CRÀ. Chardon aine. ZLagesse se , ; ROME LA, 06 TOPTANA librairie Reinwald. Arch. de Zool. Expl° et Génli® Poe Ch. Chardon aine. D UORQUSSIA OCTOPIANA Librairie Reinwald. Zagesse se. MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 145 les glandes stomacales, dont la présence, chez les Rotateurs, est aussi constante que leurs formes sont variées. Dans nos Mélicertes elles occupent la position ordinaire, e’est-à-dire les deux angles latéraux supérieurs de l'estomac et sont sessiles; ce sont deux poches ovales assez volumineuses, toujours remplies d’une matière grise finement granuleuse et dans lesquelles on ne distingue guère qu'un grand nombre de petits noyaux arrondis et réfringents. Comme nous l'avons vu, elles masquent presque complètement, sur une vue de profil, l’œsophage qui est compris dans leur intervalle (pl. XI, fig. 1, gl. st.) Appareil musculaire. — I se compose principalement de huit cor- dons musculaires, qui vont s'insérer, d’une part, à l'extrémité de la queue qu'ils parcourent dans toute sa longueur, et de l’autre, symé- triquement à différents niveaux sur la face ventrale, sur la face dor- sale et sur les côtés du corps. Ces muscles, qu'on peut appeler grands rétracteurs, ont pour effet, lorsqu'ils se contractent tous en- semble, de faire rentrer l'animal au fond de son tube. Lorsque l’animal étant épanoui, ils se contractent au contraire isolément, ils lui font prendre les positions les plus variées. Chacun d'eux se compose, d'ailleurs, d'une seule fibre musculaire finement striée (pl. XI, fig. 1, m). Dans la très jeune larve, cette fibre n'est qu'une grande cellule fusiforme avec un noyau volumi- neux; plus tard le noyau disparaît, la cellule s’allonge en cordon et la striation se manifeste. Outre ces grands muscles; qui servent à accomplir les mouvements généraux du corps, il est d’autres fibres isolées destinées à remuer tel ou tel organe. Par exemple, deux fibres longitudinales, placées dans la partie supérieure et dorsale du corps, s’insèrent d’une part à la paroi et de l’autre à l'organe rotateur, qu'elles sont chargées de rétracter. D'autres, également longitudinales, vont de la paroi du corps à l'intestin, ou d’un point de la paroi à un autre, comme à l’orifice cloacal. Enfin, des fibres tranversales se voient en différents endroits ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 9€ SÉRIE, — T. 1. 1883. 10 146 L. JOLIET. comme aux environs du cloaque, où elles forment une série de brides arquées, propres à faciliter l’évagination de cet organe au moment de la défécation ou de la ponte. Appareil excréleur.— H ressemble beaucoup à celui de la Lacinularia socialis tel que l'ont décrit Leydig et Huxley. Il se compose de deux canaux (pl. XI, fig. 1, ce), placés sur les deux côtés de l’estomac et de l'intestin et qui débouchent à côté l'un de l’autre, non pas dans une vésicule contractile comme 1l en existe chez beaucoup de Rotateurs; non pas non plus, directement dans l'intestin ou le cloaque, mais à l'extrémité inférieure de l'oviducte, très près du pont où cet organe aboutit au cloaque. Leydig a décrit une vésicule contractile dans la Lacinularia. Huxley n'a pu la découvrir. Dans les Mélicertes, elle n'existe pas. À partir de lorifice, chacun des canaux reste indivis jusqu’à ce qu'il arrive au niveau des glandes stomacales. Il présente seulement, comme implantés sur sa paroi, trois de ces cornets vibratiles, bien connus chez les Rotateurs et quile mettent en communication avec la cavité générale. Ces cornets se trouvent: le premier vers l'extrémité supérieure de l'estomac; le second à la hauteur des glandes stoma- cales; le troisième un peu plus haut (fig. 4, pl. XI). Ils ont la forme d’un tube court et rigide très légèrement évasé vers l'extrémité libre, en un mot d’un cornet peu ouvert. J'ai pu voir distinctement en plu: sieurs circonstances leur orifice dans la cavité générale. Quant aux cils qu’on voit vibrer à l’intérieur, bien que l'observation en soit dif- ficile, on peut affirmer que, contrairement à ceux qu'on remarque dans certains Notommates, ils sont peu nombreux (probablement deux ou trois) et très longs ; aussi leur mouvement onduleux produit-il sur l’œil une impression particulière qui leur a fait donner souvent, dans les descriptions, le nom de flammes vibratiles. | Déjà au niveau du troisième cornet, le canal commun s'élargit notablement et ses parois s'épaississent. Sur l'animal fermé, il est difficile de le suivre plus loin et de comprendre les relations qu’il à avec les trois flammes qu'on voit vibrer un peu plus haut : l’une au es di: - MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 147 milieu de l'organe rotateur replié, l’autre au-devant ct la dernière en arrière, très près de la tache oculaire. On reconnaît seulement ainsi qu'il se trouve de chaque côté du corps et vers la partie supé- rieure six cornets vibratiles (pl. XI, fig. 1). Si, au contraire, on observe un animal épanoui, on reconnaît que sur ces six cornets, trois appartiennent bien réellement au tronc et s’implantent directement sur le canal excréteur, tandis que les trois supérieurs se trouvent dans l'expansion céphalique et vibrent dans l’espace compris entre les deux membranes quiconstituent l'appareil rotateur.L'unestsitué dansle lobe antérieur(pl. XI, fig.2), l’autre dans le lobe postérieur tout à fait en arrière, le troisième dans l'intervalle; tous trois terminent les ramifications du canal excréteur commun, ramifications qui sont comme empâtées dans une masse glandulaire grise, à granules irréguliers, située en arrière du mastax et au-des- sous des cellules nerveuses et de l'œil. Cette masse glandulaire, qui appartient certainement à l'appareil excréteur, pourrait être facile- ment prise pour un ganglion à cause de sa position et du voisinage de l’œil, lorsqu'on regarde l'animal de profil et rétracté, mais en réalité elle est double, chaque moitié (pl. XI, fig. 1 et 8) correspon- dant à l'une des moitiés de l'appareil excréteur, puis sa structure est celle d’une glande et suivant son contenu elle varie tellement de dimension, chez les différents individus, qu'il est impossible de méconnaître sa véritable nature. D'ailleurs le système excréteur que nous venons de décrire res- semble absolument à celui représenté par Huxley et par Leydig dans la Lacinularia socialis et, comme dans tous les Rotateurs, il se com- pose d’un canal rameux, seulement dans la portion céphalique, pré- sentant sur son trajet des épaississements et amas glandulaires, et communiquant avec la cavité du corps par plusieurs pavillons ciliés, situés tant dans le tronc que dans les Iobes rotateurs. Il n'y a pas dans nos Mélicertes de vésieule contractiie correspon- dant à celle qu’on connaît dans la plupart des Rotateurs. Leur vaste cloaque paraît en tenir lieu, car on le voit, tantôt flasque et 148 L. JOLIET. étroit, tantôt gonflé et distendu comme par un liquide transparent. Deux glandes spéciales nous restent encore à décrire : la glande caudale et la glande de la fossette, La glande caudale n'est bien développée que dans la larve, plus tard elle s’atrophie, et dans l'adulte il n’en reste plus aucune trace. C’est une glande formée de deux lobes longs, étroits et transpa- rents, mamelonnés, et qui occupe dans la larve (fig. 47, pl. XII) toute la partie de la queue que les muscles laissent libre. Lorsque la larve nage avant de se fixer, on voit souvent des particules terreuses ou des débris de feuilles ou des diatomées adhérer à l’extrémité de la queue, formant un petit amas nébuleux. Ces particules sont, sans aucun doute, agglutinées par un mucus et ce mucus est sécrété par la glande caudale. Si la larve vient à poser l’extrémité de sa queue sur quelque objet et à y séjourner un certain temps, elle ne tarde pas à y adhérer, et c’est en effet ainsi qu'elle se fixe. La glande caudale a donc pour objet de fournir la sécrétion qui sert à fixer la larve, et il est naturel qu’elle soit atrophiée dans l'adulte. | Comme nous le verrons plus loin, la larve, une fois fixée, entoure sa queue d'un manchon gélatineux et transparent, qui rappelle com- plètement l’étui protecteur des OEcistes et des Floculaires et qui, suivant toute vraisemblance, est également sécrété, comme chez ces animaux, par la glande caudale. C'est cet étui gélatineux qui sert de support aux premières bou- lettes (fig. 48, pl. XIID) que l'animal dépose sur son bord pour con- struire son tube; c’est lui aussi qui, ayant acquis par la suite une consistance parcheminée, forme l'articulation qui unit le tube de l'adulte aux objets auxquels il adhère et qui lui permet d’osciller sans se briser. La glande de la fossette, bien que relativement plus considérable dans la jeune Mélicerte que dans l'adulte, persiste néanmoins toute la vie et continue à jouer un rôle actif. Sur l'animal adulte et rétracté, on l’aperçcoit comme un triangle MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 149 transparent et allongé quioccupe l’angle supérieur ventral et s'étend en bas jusqu'au voisinage du mastax (fig. 4, pl. XP. Sur l’animal épanoui, on la voit au-dessous de la lèvre inférieure et de la fossette vibratile (fig. 2). Celle-ci, comme nous l'avons vu plus haut, est une petite dépres- sion, en forme de bateau ou de coquille de noix, limitée sur les côtés par deux légers bourrelets, en haut par la lèvre et en bas par une languette saillante, visible par transparence à la base de l'antenne sur notre figure 2, et qui sert de truelle dans la construction du tube. C’est à la base de cette languette et en dessus, par conséquent au fond de la fossette vibratile, qu'est attaché le sommet de la glande, sans doute par son canal excréteur. La glande, elle-même transparente, présente dans sa masse un semis de petits points bril- lants et rappelle l'aspect des glandes stomacales. Sa partie la plus large, qui, dans l’animal rétracté, est tournée en haut, est au con- traire en bas dans l’animal épanoui et elle correspond au bourrelet qui imite en haut le corps de l'animal rétracté. Il est facile, d’après cette disposition, de comprendre comment les particules accumulées dans la fossette se trouvent, par le mouve- : ment incessant des cils vibratiles, agglutinées et mêlées au mucus sécrété. Il se produit ainsi une boulette qui, tout le temps qu’elle grossit, tourne dans un plan qui correspond au plan médian de l'animal. Lorsqu'elle est arrivée à acquérir un volume suffisant, il est extrèmement curieux d'observer l’artifice, comparable au tra- vail des tourneurs, à l’aide duquel l’animal lui donne la forme ogi- vale qu'elle doit conserver et comment il la dépose sur celles précé- demment mises en place. À ce moment, en effet, la languette infé- rieure, qui était Jusqu'ici restée rigide, se recourbe de telle façon vers le haut, que son extrémité forme avec sa base un angle droit (pl. XI, fig. 2). En se courbant ainsi, cette extrémité de la languette pé- nètre dans la boulette, qui se trouve ainsi enfilée comme une boule d'argile dans laquelle on enfoncerait le doigt. Or, à ce moment, le mouvement des cils de la fossette change de sens, et au lieu de se 150 L. JOLIET. produire de haut en bas, se produit de gauche à droite autour d'un axe qui se trouve précisément correspondre à l'extrémité recourbée de la languette. La boulette se met donc à tourner autour de cet axe rigide qui la traverse et qui l’applique contre la paroi de la fossette. Or, nous avons dit que la fossette avait la forme d’un bateau, mais comme elle est tronquée en bas par la languette, il serait plus exact de dire qu'elle à la forme de l'avant d'un bateau, c’est-à-dire la forme ogivale ; la boulette tournant autour de l'axe de l’ogive en prend pré- cisément la forme.Quand elle est suffisamment moulée etconsolidée, car le mucus sécrété paraît se durcir assez rapidement dans l’eau, l'animal, la tenant toujours enfilée sur sa languette, se soulève au- dessus de son tube, se recourbe et dépose sur le bord, dans Pimter- yalle de deux boulettes déjà placées, le nouveau moellon qui doit accroître son habitation. Quand l’animal est jeune et vient de se fixer, il attache les pre- mières boulettes sur le mucus qui entoure sa queue, la formation des boulettes est alors très active, car il faut que le tube non-seule- ment atteigne et dépasse l'extrémité supérieure de l'animal, mais s’accroisse en même temps que lui, Gomme, d'autre part, les bou- lettes qui se moulent sur la fossette sont beaucoup plus petites que celles qui occupent la partie supérieure du tube, il en faut un bien plus grand nombre pour couvrir la même surface ; aussi Gosse a-t-il pu voir un individu jeune déposer une boulette chaque minute. Dans l'adulte, au contraire, il se passe souvent un temps très long sans qu'aucun nouvel élément ne soit apporté au tube. En revanche, lors- qu'on peut en surprendre la confection et la pose, les détails que je viens de donner relativement au rôle jusqu'ici inconnu dela languette sont beaucoup plus faciles à observer. Il n’est pas moins curieux de voir comment cet habile constructeur arrive à mesurer les dimen- sions de ses boulettes, assez exactement pour qu'elles offrent, une fois en place, l'aspect de la plus régulière mosaïque; comment, avec des yeux atrophiés qui ne peuvent lui rendre aucun service, il arrive, en tâtant avec sa lèvre inférieure les bords de son tube, à pla- MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES, 151 cer chaque boulette précisément là où un vide existait et assez en ligne pour qu'aucune irrégularilé ne se remarque dans ce tube par- faitement calibré qui se compose de plusieurs centaines d'éléments. Telles sont, aussi complètes, je crois, qu'il est possible de les ob- server, les habitudes architecturales des Mélicertes qui ont excité la curiosité de tous ceux qui ont eu occasion de les observer. Ehren- berg croyait que les pièces du tube étaient formées par les excré- ments. Cubbit soutient encore une opinion semblable en ce qui con- cerne sa Melicerta pilula, dont le tube serait formé d'éléments grossiers, irrégulièrement disposés et élaborés dans la dernière por- tion de l'intestin. Gosse, le premier, reconnut que ces éléments, dans la Melicerta ringens, se forment dans la fossette vibratile. Williamson et Huxley firent allusion à cette observation sans la confirmer, et Bedwell y ajouta quelques faits nouveaux, relativement à la forme ogivale de la boulette. Enfin, au mois de février dernier, Grube publia, dans le Zoologis- cher Anzciger, des observations faites par lui, indépendamment de celles de Gosse, qu'il ne connaissait pas, bien qu'elles datent de 1853 ; il paraît également ignorer celles plus complètes et plus récentes de Bedwell et décrit les boulettes comme des boules ayant au centre un point clair dont il ne comprend pas la raison d’être. Système nerveux et organes des sens. — Je n’ai pas d'observations aussi complètes que je l'aurais désiré, à présenter sur le système nerveux des Mélicertes ; l’extrème mobilité de ces animaux, lorsqu'ils sont épanouis, rend très difficile à étudier le système nerveux quine peut bien être observé que dans ces conditions. Je tiens cependant à rectifier une erreur qui a été introduite dans la science par Huxleyet qui s’est répandue depuis. Dans son travail sur la Zacinularia socialis, d’ailleurs si plein de faits intéressants et d’apercus judicieux, cet éminent observateur s’est laissé tromper par les apparences et a décrit comme élant le ganglion nerveux, un organe qui bien certainement n’est autre que l'homologue de la glande de la fossette que nous ve- 159 L. JOLIET. nons de décrire dans les Mélicertes"'. Huxley a même fait l'application aux Mélicertes, des idées que lui avait suggérées l'étude des Lacinu- laria et représenté, sur un de ces animaux, le ganglion à la place précise qu'occupe la glande en question*. Or, placer le ganglion là où est la glande, c'est le faire passer du côté dorsal, qu'il occupe chez tous les Rotateurs connus, au côté ventral; c'est renverser toute l'organisation. Aussi Cubbit, repre- nant la théorie pour son compte, en 1872, en accepte-t-il toutes les conséquences et n'hésite:t-1l pas à diviser les Rotateurs séden- taires en deux sections : les Mélicertadæ à anus hémal et les Flos- culariadæ à anus neural”. Comme je le disais tout à l'heure, c’est opposer les Mélicertes à tous les autres Rotateurs. Or rien, nous allons le voir, ne jusüfie cette opposition; les Mélicertes rentrent complètement dans le type général. Huxley à pu facilement, chez les Lacinularia, qui ne possèdent au'un étui gélatineux, méconnaître les fonctions de la glande alors que cela est vraiment impossible chez les Mélicertes, où ces fonctions sont, comme nous l'avons vu, fort actives. De plus Ie savant anglais n'a pas accordé grande attention à la structure du corps qu'il prenait pour le ganglion, sans quoi il n'au- rait pu reconnaître un centre nerveux dans cette masse semi-fluide, transparente et parsemée de petits noyaux brillants, qui constitue la glande de la fossette et lui donne la plus grande ressemblance avec d'autres glandes, notamment les glandes stomacale et caudale. L'organe en question n'a, comme on le voit, rien de commun avec le système nerveux et celui-ci doit être cherché ailleurs. Sur la face dorsale du pharynx, immédiatement au-dessus de l’'amas glandulaire dépendant du système excréteur, se voient deux 1 Huxzey, On Lacinularia socialis (Transact. of the Microscopical Society, I, 1851, p.19, Een) » 2 Huxzer, 14... PILE: 3 (CUBBIT, Remarks on the homological posilion of the members constiluling the ‘h.cated section of the Class Rotatoria (Monthly Microscopical Journal, VI, 5, 1872). MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 153 ou quatre cellules (pl. XI, fig. 1) transparentes qui occupent pré- cisément la position où l’on a décrit le ganglion chez tous les Ro- tateurs où il à été vu. Elles sont pourvues d’un noyau volumineux qui leur donne beaucoup l'apparence d’une cellule nerveuse et deux d’entre elles (pl. XI, fig. 4, n) envoient un filet à l'organe tactile impair. Ces différentesraisons m'engagent à considérer ces cellules quin’ont rien de glandulaire, comme constituant un système nerveux central qui n’est pas sans ressembler à ce que Leydig à décrit dans la Laci- nularia. Il ne m'a pas été possible de voir s'il existait un rapport entre ce groupe de cellules et les organes tactiles latéraux. Je ne connais rien non plus de la distribution des nerfs. Il y a bien tout du long de la queue quatre fins filets qui ressemblent beaucoup à des nerfs et qui peut-être animent les muscles rétracteurs; d’autres fila- ments existent encore en différents points du corps, notamment du côté dorsal, mais les Mélicertes se prêtent peu à une étude détaillée d'un tel système et je ne saurais actuellement décider si tous ces cordons sont réellement des nerfs. Organes des sens. — Deux sens seulement, chez les Mélicertes, pa- raissent s'exercer à l'aide d'organes spéciaux, ce sont la vue et le toucher, et encore la vue n'est-elle servie chez l'adulte que par des instruments bien imparfaits. Un simple point de pigment rouge représente l'œil. On l’apercoit, quand l’animal est rétracté, à la base des cellules nerveuses (pl. XI, fig. 8), et, pendant l'épanouissement, très près de l’origine des deux lobes rotateurs postérieurs des deux côtés de la ligne médiane dor- sale et un peu écartés l’un de Pautre (pl. XI, fig. 3). Dans la larve l'œil est plus complet et relativement plus volu- mineux, la tache de pigment est plus vive, mieux marquée et ac- compagnée d’un petit corps réfringent qui ressemble à une perle transparente et représente évidemment le cristallin (pl. XI, fig. 44). Je n'ai pas pu retrouver de traces de ce cristallin dans l'adulte et je pense qu'il s'atrophie vers l’époque où la larve cesse de mener une 154 LS JOLEET. vie errante et se fixe pour ne plus quitter le tube qu'elle construit. Dans l'œuf, l'œil se montre d’abord sous forme d’une traînée oblique de pigment rouge, qui se ramasse plus tard en une petite tache arrondie au-devant de laquelle paraît le cristallin peu de temps seulement avant l'éclosion (fig. 42-45, pl. XIIT). Les organes qui, indépendamment de la lèvre inférieure dont nous avons vu le rôle dans la construction dw tube, paraissent servir à l'exercice du toucher, sont les antennes et les soies dorsales. Les antennes, dont nous avons déjà parlé, sont deux baguettes in- sérées sur la face ventrale et des deux côtés du cou, un peu au- dessous et sur les côtés de la fossette vibratile. Elles se terminent brusquement, mais supportent un bouquet de soies tactiles fines et raides, qui divergent quand elles sont bien épanouies, mais qui peuvent, ainsi que Williamson l’a montré, se serrer en faisceau et rentrer dans la tige de l'organe comme dans un étui. La tige est parcourue dans sa longueur par une trainée de tissu, qui aboutit à la base du bouquet de soies et qui doit être en partie de nature ner- veuse, en partie de nature musculaire. Je n'ai ni fait les manipula- tions ni employé les grossissements convenables pour vérifier ces données. Les soies dorsales forment un petit bouquet en tout semblable à ceux qui terminent les antennes et attaché au fond d’une petite cu- pule placée entre les deux cornes dorsales. Quand l'animal est rétracté, cet organe tactile impair occupe donc l'angle [supérieur dorsal du corps (pl. XI, fig. 4, sd); quand il est épanoui, on le voit un peu au-dessous des deux lobes postérieurs. Nous avons déjà vu à l'article Système nerveux, qu'il est relié à l’une des grandes cellules nerveuses par un filament qui ne peut être que sensitif. Ces trois bouquets de soies,fdeux pairs et un impair, se retrouvent à peu près chez tous les Rotateurs, mais tantôt ils sont sessiles, tantôt ils sont pédonculés. Dans un genre nouveau, voisin des Limnias et que j'aurai bientôt l’occasion de décrire, on voit à cet égard précisément l'inverse de MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 155 ce qui existe chez les Mélicertes ; les bouquets pairs sont, en effet, sessiles, tandis que le bouquet impair est porté par un pédoncule d’une longueur remarquable. Cette mème disposition existe dans le genre Rotifer, et dans les genres Notommata, Polyarthra et autres, les soies paires non-seulement sont sessiles, mais reportées près de l'extrémité postérieure du corps. Quelle que soit la position de ces trois organes tactiles, leur pré- sence et leurs connexions sont constantes, et c’est avec raison que Moxon! a insisté sur la valeur de l’organe tactile impair pour dis- tinguer la face dorsale de la face ventrale des Rotateurs. Cet organe est en effet toujours situé sur la face dorsale et sur la limite de la portion antérieure et rétractile du corps. Il est d'autant plus nécessaire d’insister sur ce point que la valeur des observations antérieures de Moxon me paraît avoir été méconnue à la fois par Hudson? et par Ray Lankester. Le premier dit, en effet, que la plupart des Rotateurs tubicoles ont leurs antennes sur la face ventrale, tandis que les antennes des Nageurs sont au nombre de trois et toutes trois dorsales. | Ray Lankester, en 1872, confondant aussi les organes tactiles pairs et impairs, dit que le « calcar » est tantôt impair, tantôt double, « comme chez les Mélicertes » 3, Or, nous avons vu que chez les Mé- licertes il existe, aussi bien que chezles Nageurs, trois organes tactiles: l’un toujours dorsal, les autres latéraux, et qu'ils ne sauraient être eonfondus. Comme tous les auteurs, je donne à ces organes le nom d'organes tactiles, bien que je ne puisse rien affirmer quant à leur fonction qui pourrait peut-être aussi être auditive. 1 Moxow, Noles on some points in the Anat. of Rotatoria (Trans. Lin. Soc., XXIV, 1864. 2 Hupson, 1s Pedalion a Rotifer (M. micr. Juurn., VIII, 209, 1875). 3 Ray LANKESTER, Remarks on Pedalion (Quart. of J. micr. sc., XII, 1876, p. 338.) 156 L:. JOLIET: REPRODUCTION. Nous voici arrivés au chapitre de la reproduction. De tous ceux qui composent l’histoire des Rotateurs, c'est celui qui, sans contre- dit, présente le plus de complication, le plus d’obscurité et aussi le plus d'intérêt. Longtemps on a cru les Rotateurs hermaphrodites, alors même qu'on eut reconnu que l'appareil mâle décrit par Ehrenberg n'était qu'un appareil excréteur ; l'existence manifeste de zoospermes dans la cavité générale de certaines espèces sédentaires, laissait encore subsister des doutes. Cependant, depuis que Brightwell, Darlymple et Gosse en An- gleterre, Cohn en Allemagne, ont mis hors de doute le fait de la distinction et du dimorphisme des sexes dans plusieurs espèces, on a découvert des mâles dans toutes les familles des Rotateurs, celle des Philodinæ exceptée. Celui des Mélicertes restait toutefois in- connu, j'ai le plaisir de le présenter aux zoologistes. Mais ce n’est pas tout que d’avoir découvert le mâle, reste à savoir quel est son rôle. Cette question, fort simple ailleurs, ne l’est point du tout chez les animaux qui nous occupent. Comme la plupart des Rotateurs, les Mélicertes pondent, en effet, trois sortes d'œufs : Des œufs de petite taille, qui se forment rapidement et produisent des mâles; Des œufs plus gros, qui se développent aussi uniformément jus- qu'à l’éclosion et produisent des femelles ; Enfin, des œufs plus gros encore et surtout plus foncés au moment de la ponte, qui, arrivés à un certain point de leur développement, s'arrêtent, s'enkystent et, résistant dans cet état au froid et à la séche- resse, permettent à l’espèce de réapparaître lorsque la vie lui est re- devenue possible ; on appelle improprement ces œufs « œufs d'hiver.» Chaque femelle paraît avoir sa spécialité pour la production de ces différents œufs et dans chaque tube on n’en trouve jamais que d’une seule sorte. À quoi attribuer ces différences? MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 157 On a soutenu que l'œuf d'hiver n'était pas un œuf à proprement parler, mais un corps reproducteur formé de la réunion de plusieurs œufs et se développant sans fécondation. (Huxley.) On a affirmé, d'autre part, que ce même œuf était au contraire le seul qui fût fécondé, tous les œufs d'été se développant par parthé- nogénèse. On s’est fondé, pour soutenir cette opinion, sur la rareté des mâles qui ne pourraient, pense-t-on, suffire à féconder toutes les femelles, et sur cet autre fait que les femelles; portant des œufs d'hiver, paraissent en plus grand nombre, lorsque les mâles sont eux-mêmes plus nombreux. Cette théorie, d’après laquelle les œufs d'été se développent sans le concours des mâles, est aujourd'hui fort répandue, surtout depuis les travaux de Cohn, qui, après l'avoir énoncée, a pourtant fait ses réserves à son endroit et indiqué les contradictions qu'elle implique. ; Quant au mode de développement de l’œuf d'hiver, personne jus- qu'ici ne l’a suivi ni ne l’a comparé à celui de l’œuf d'été. Ce simple exposé suffit à montrer quelle somme d’inconnu est en- core accumulée autour de l’histoire de la reproduction chez les Ro- tateurs. Après avoir suivi Cette histoire chez les Mélicertes, autant que les circonstances nous l’ont permis, nous nous décidons, malgré de nombreuses lacunes que nous espérons combler un jour, à faire part dès aujourd’hui de ce qui nous paraît acquis et de ce qui nous semble probable. Appareil femelle. Oogénèse. — L'organe femelle des Mélicertes est tout entier sur la face ventrale de l'animal, entre la paroi du corps et l'intestin. Il se compose essentiellement d’une glande enfermée dans une poche membraneuse aux parois de laquelle elle est sus- pendue. Cette poche est un cul-de-sac, dont le fond est tourné vers la tête de l'animal et dont le col s'ouvre dans le cloaque au même niveau que l'intestin. La membrane qui la forme est mince, transparente et extensible. L'ovaire proprement dit est une masse compacte, de forme allongée lorsqu'elle est bourrée d’œufs, mais dont le volume, à partir d’un 158 L. JOLIET, certain moment, diminue graduellement à mesure que ces œufs sont évacués, de manière à se trouver souvent fort réduit dans l’arrière- Saison. Vers son tiers supérieur, il présente, sur son côté droit, une échan- crure dans laquelle paraissent toujours les œnfs qui commencent à mürir (pl. XI, fig. 9). Si l'on examine un ovaire en plein développement, on voit immé- diatement trois choses qui ont frappé tous les observateurs : une masse ovalaire, plus ou moins volumineuse, uniformément remplie de granules foncés et présentant une belle tache circulaire plus claire, c'est l’œuf qui va être (pl. XI, fig. 4) prochainement pondu; à côté de cet œuf, une masse encore plus importante, mais moins granu- leuse et d'aspect grisâtre, c'est le stroma de l'ovaire; enfin, au mi- lieu de ce stroma, un certain nombre de taches claires et ovoides pourvues d’un gros noyau, ce sont les vésicules germinatives avec leur tache de Wagner (pl. XIE, 57). En général, il est impossible de voir à l’état frais, dans ce stroma, des divisions correspondant aux différentes vésicules; mais en employant les réactifs, comme le pi- crocarminate, on voit ce qui est d’ailleurs visible naturellement dans les ovaires réduits de l’arrière-saison, c'est que chacune des vésicules germinatives est entourée d’une petite sphère de plasma granuleux qui lui constitue un vitellus. Dans un ovaire bien plein, ces vitellus, étant pressés l’un contre l’autre, ne semblent pas être distincts, mais paraissent former un stroma commun et uniformément granuleux comme je l'ai cru quelque temps. Lorsqu'on individualise ainsi les œufs par les réactifs, aussi bien que lorsqu'on les observe dans un ovaire appauvri, on remarque qu'ils sont tous semblables pour les dimensions et la coloration, à l’excep- tion d’un seul, qui, situé ou parvenu dans l’échancrure que nous avons (pl. XI, fig. 9) vu exister dans l'ovaire, se charge de granules et grossit si rapidement que son volume cevient cinquante fois plus grand dans l’espace de quinze à vingt heures, jusqu'à ce qu’il soit pondu, après quoi un autre prend immédiatement sa place. MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 159 Leydig! a fort bien décrit ces apparences, qui se reproduisent chez la plupart des Rotateurs. La rapidité avec laquelle l'œuf grossit l'a frappé et il parle d'une partie de l'ovaire, qui, plus foncée que le reste, formerait un vitellogène et fournirait à l'œuf les matériaux de sa nutrition. Je n'ai rien vu de semblable dans les Mélicertes où l'on trouve simplement un ovaire uniformément granuleux et à côté un œuf en voie de maturation et beaucoup plus foncé. J'ai cru, au début de mes recherches, que les granules étaient fournis par le stroma de l'ovaire et que l'œuf n'avait plus qu’à les agglutiner. J'ai exprimé cette opinion dans une note aux Comptes rendus *. Je crois encore que l'œuf, en maturation, est nourri par le reste de la glande, sans quoi 1l serait difficile de s’expliquer un accroissement aussi rapide; mais les granules m'ont depuis paru se former en place au sein de la substance de l'œuf, plutôt que pro- venir du dehors. Aussi le nom de vitellogène donné par Leydig à une partie de l'ovaire des Rotateurs, ne me semble-t-1 pas suffisamment justifié, du moins en ce qui concerne les Mélicertes. Ed. van Beneden, dans son mémoire classique sur la constitution de l'œuf, discute avec détail les observations de Leydig et d’autres auteurs et arrive à des conclusions qui me paraissent un peu con: fuses et contradictoires; il admet, en effet, avec Leydig, l'existence d’un vitellogène et en même temps 1l croit que les éléments nutritifs du vitellus se forment à l’intérieur même de la cellule œuf qui fonc- tionne comme cellule sécrétoire. Seulement ces cellules, ne jouant ce rôle que dans une région déterminée de l'appareil sexuel, cette région mérite, d’après lui, le nom de vitellogène. Un vitellogène est, ce me semble, aussi bien au sens habituel qu'au sens étymologique du mot, quelque chose qui produit le vitellus et non un lieu où le vitellus s'accroît. Dans les Trématodes, qui ont 1 Leypic, Ueber den Bau und die systematische Steliung der Räderthiere (Zeilschr. für Wiss. Zool., VI, 1854). ‘2 Voir L. Jouer, Observations sur les Rotaleurs du genre Mélicerte (Comptes rendus de l'Académie des sciences du 7 novembre 1881). 160 L."JOLHIET fourni à Ph. van Beneden le type d’un vitellogène, ce vitellogène consiste en une glande dont les produits viennent s'ajouter à l'œuf primitif. Au contraire à une portion de l'appareil sexuel, à une poche dans laquelle le vitellus primitif augmente de volume, on ne peut sans confusion attribuer le même nom. Aussi, sans rien préjuger de ses fonctions, je préfère donner le nom de poche de maturatiun à la portion de l'appareil sexuel, dans laquelle l'œuf müûrit et atteint son volume définitif. Cette poche de maturation n'est, en somme, qu'une partie de la cavité limitée par la membrane enveloppante de l'ovaire. Je ne sau- rais dire actuellement par quel procédé l'œuf qui y arrive grossit aussi rapidement qu'il le fait, les granules, dont sa substance se charge, se produisent certainement dans cette substance même et si le reste de la glande ovarienne ou bien les parois mêmes de la poche de maturation, lui fournissent les éléments de sa nutrition, il est probable qu'ils ne s'accolent pas simplement à sa surface, mais qu'ils sont absorbés par lui. Il est bien entendu que tout ceci ne s'applique qu'aux Mélicertes et que je ne eux en rien préjuger de ce qui peut exister ailleurs. Des faits mêmes que j'ai pu observer chez certaines Flosculaires, mais dont j'ai besoin d'avoir la confirmation, me font penser, con- curremment avec les observations de Leydig, que dans certaines espèces des granules vitellins tout formés peuvent être adjoints au vitellus primitif. Tant qu'il est en maturation, et même au moment où il se dé- tache de l'ovaire, l'œuf est dépourvu de membrane vitelline; c’est dans l’oviducte que celle ci se produit, peu de temps après le moment où la fécondation doit ou pourrait avoir lieu, et c'est seulement dans la portion terminale de l’oviducte qu'elle acquiert toute sa con- sistance. Lorsque l'œuf commence à entrer en maluration, il se montre dans léchancrure de l'ovaire, comme un triangle à angles arrondis, dont l'un serait dirigé vers le bas. Pendant qu'il augmente de volume MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 161 ce sommet inférieur descend de plus en plus, couvrant petit à petit toute la surface de l’ovaire, tandis que la base ne change pas de place, conserve toujours ses rapports avec la glande et reste droite jusqu’à ce que l’œuf arrive à son volume définitif; c'est alors qu'en s’arron- dissant elle-même elle se détache de l'ovaire et constitue le bout supérieur ou gros bout de l’œuf. Tant que l'œuf présente un bout inférieur arrondi et un bout supérieur tronqué, on peut dire que la maturation n’est pas terminée ; mais si les deux bouts sont sembla- bles à la grosseur près et tous deux arrondis, on peut juger que l'acte de la pont: commence. Ponte. — Cohn, dans le Conochilus volvox, n’avait réussi à dé- couvrir ni les voies servant à l’expulsion de l’œuf ni la manière dont cette expulsion se produisait. J’ai eu maintes fois l’occasion d'observer l’acte de la ponte dans toutes ses phases, qui se suc- cèdent pendant environ quatre heures et qui sont fort curieuses, car le cloaque des Mélicertes étant fort long et son orifice exté- rieur très haut sur le dos, l’œuf qui se forme sur la face ventrale, c'est-à-dire juste à l’opposé, doit suivre un parcours à la fois long et compliqué, puisqu'il peut être représenté par les deux branches d'un U. On peut distinguer dans l’acte de la ponte, trois périodes qui cor- respondent aux trois parties de la courbe que doit décrire l'œuf : la période de descente, la période de mise en place et la période d’ex- pulsion. La première est de beaucoup la plus longue, car elle demande les neuf dixièmes du temps, la seconde emploie seulement quelques minutes et la dernière ne dure qu'un instant. Pendant la première période, l’animal se livre à des mouvements qui, s'ils ne sont pas les plus violents, sont du moins les plus multi- pliés. Il s’'épanouit, puis se rétracte brusquement, se retourne, se replie en arc, en un mot, se contorsionne de mille manières, et, à chacun de ces mouvements, on voit l'œuf se déplacer alternative- ment de bas en haut, et, au début, changer de forme à tout instant ARCH. DE ZOO!,. EXP, ET GEN, æ 9€ SÉRIE. — T. 1, 1883. 41 162 L. JOLIET. sous la pression qu'il subit. Ces mouvements alternatifs ont sans doute pour objet de le détacher complètement de l'ovaire et, peu à peu, on le voit lentement glisser sur la surface de cet organe et len- tement descendre dans la portion sous-jacente de l’oviducte. À mesure qu il descend, l'œuf, qui, tant qu'il est en maturation, est mou et se moule sur les organes environnants, prend dans l’oviducte, grâce à la production de sa membrane vitelline, une forme déter- minée, une forme ovale avec le petit bout dirigé vers le bas. Il atteint ainsi le point le plus bas de sa course et la deuxième pé- riode commence; l'intestin refoulé remonte pour lui faire place. Grâcé aux contractions variées de l’animal, l’œuf se place d’abord obliquement (pl. XI, fig. 9), puis en travers du corps, présentant son petit bout à l’orifice interne du cloaque. Depuis quelque temps déjà, dans les efforts faits, on voit le cloaque s’évaginer plus ou moins au dehors et former sur le dos une bosse qui, alternativement, fait saillie puis disparaît, Une dernière con- traction survient, plus violente que les autres et telle que le cloaque se dévagine presque en entier et que son orifice interne est presque porté au dehors; l'œuf passe brusquement au travers et se trouve dans l’eau ambiante, tandis que le cloaque, comme épuisé par ce dernier effort, ne revient que lentement sur lui-même et ne reprend qu'après quelques minutes sa position normale. Pour.exécuter le dernier mouvement d'expulsion, l’animal s’est compiètement épanoui, développant largement ses lobes céphaliques, puis il s’est contracté subitement de Îa façon la plus énergique. Après l'expulsion, il reste quelque temps en place et à demi con- tracté, comme se reposant d’une parturition si laborieuse. Si l'on tient compte des dimensions énormes de l'œuf : la moitié du corps en diamètre, le quart en volume; si l’on observe le nombre et l'énergie des contractions et je dirai presque, la physionomie et l'ex- pression de l'animal, on sera convaincu que l'expulsion de l'œuf, qui dure près de trois heures, est pour la mère une phase très pénible à traverser. Cependant elle se termine toujours bien, tant que les di- MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 163 vers muscles constricteurs et rétracteurs sont intacts, et peut souvent s'effectuer encore, alors que plusieurs de ces muscles sont rompus. La description que nous venons de faire de l'appareil femelle, de l’oogénèse et de la ponte chez une femelle produisant des œufs d'été femelles, s'applique tout aussi exactement aux pondeuses d'œufs mâles et aux pondeuses d'œufs d'hiver. Il suffira seulement de remarquer les quelques détails suivants : Relativement aux pondeuses d'œufs d'été femelles, les pondeuses d'œufs mâles sont un peu plus petites et les pondeuses d'œufs d'hiver plus grandes, leur taille est donc en rapport avec Les œufs qu’elles produisent. À part cette différence dans les dimensions, aucun caractère exté- rieur ne m'a paru différencier les unes des autres ces trois sortes de femelles. Il est au contraire trèsfacile de les reconnaître d’après leur ovaire, d'après les produits qu’elles contiennent et d’après les œufs que contiennent les tubes qu’elles habitent. L'ovaire des pondeuses d'œufs mâles est plus transparent que celui des pondeuses d'œufs femelles, et l’œuf qui s’y forme est lui-même moins foncé, moins chargé de granules. Il est, en outre, beaucoup plus petit, son volume n'étant guère plus du tiers du premier. Aussi ne met-il pour mürir que le tiers environ du temps qui est nécessaire à parfaire un œuf d'été femeile. Dans l’espace de cinq à six heures, un œuf mâle peutapparaitre dans l’angle de l'ovaire, grandir, arriver à ma- turité et être pondu.Comme, d'autre part, le développementembryon- naire de l’œuf mâle, une fois pondu, n’est pas beaucoup plus rapide que celui de l’œuf femelle, il en résulte que tandis que dans un tube à œufs femelles on ne trouve que deux ou trois œufs, dans un tube à œufs mâles on en trouve généralement de six à dix et même douze. Il faut encore conclure de ces faits que les mâles sont, en somme, plus nombreux qu'on ne pense généralement, puisque, si les femelles qui les produisent sont rares, en revanche elles en produisent au moins trois fois plus que les autres ne produisent de femelles, Si l’on 164 L. JOLIET. a rarement occasion de voir les mâles, cela tient surtout à ce que leur vie est incomparablement plus courte que celle des femelles. Tous ces détails étant donnés, on peut dire que l'œuf mâle est formé müri et pondu absolument comme l’œuf femelle. Les pondeuses d'œufs d'hiver se reconnaissent au premier coup d'œil, grâce au grand volume et surtout à la couleur foncée de leur ovaire et de leurs œufs. L'ovaire est souvent tellement chargé de granules, d’un noir pro- fond, que c’est à peine si l’on distingue les taches claires formées par les vésicules germinatives. C’est cette apparence qui a certainement trompé Huxley lorsqu'il a représenté les œufs d'hiver de la Lacinu- laria socialis comme des «agrégations de cellules»; il a pris l’ovaire pour l’œuf et a cru que l'ovaire tout entier devenait une sorte de corps reproducteur. S'il avait, non pas seulement examiné cet ovaire, mais suivi son évolution, il aurait bientôt vu, dans son échancrure, apparaître une masse noire, non plus parsemée de taches claires, mais uniformément noire et d'un noir plus foncé. Ce corps, qui pré- sente seulement une vésicule germinative et qui se forme et mürit sur l'ovaire, absolument comme l'œuf d'été, est le véritable œuf d'hiver que nous représentons figure 58, pl. XIII, au moment où, presque mûr, il va se détacher de l'ovaire. Cette même figure, mieux que toute explication, rendra compte de ce que le savant anglais a pris pour un œuf composé. L’œuf d'hiver, on le voit, se forme absolument comme l'œuf d'été; nous verrons plus loin qu'il se développe de même. Mâle. — Après la descripüon de l'appareil femelle doit venir celle de l'appareil mâle, ce qui nous entraîne à parler tout d’abord du mâle lui-même. Dans son mémoire classique On the Dioæcious Character ofthe Roti- fera, publié en 1857, Gosse décrit, comme l’œuf mâle des Méhicertes, un corps asymétrique, qu'il avait trouvé dans un tube et déjà figuré, en 1853, et qui n’est autre que l’œuf d'hiver‘. ! Gosse, On the Dioæcious Charact. of the Rotifera (Philosoph. Transact., 1857, MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 165 Parmi les Rotateurs sédentaires, Cohn a figuré, en 1862, le mâle du . Conochilus volvox! et Hudson, en 1875, celui de la Zacinularia socrialis et de la Floscularia campanulata*. Je ne sache pas que jusqu'ici on ait décrit le mâle des Mélicertes. Je l’ai rencontré très rarement pendant l'été de 1881, plus fréquem- ment l’été dernier. Il suffit, pour se le procurer, de chercher un tube habité par une pondeuse d'œufs mâles, on y trouvera habituellement sept ou huit œufs. En les plaçant dans un verre de montre, où l’on entretiendra l’eau, on verra tous les œufs éclore dans l’espace de trois à quatre jours. On pourra alors, sous ja loupe, prendre les mâles avec une pipette, au fur et à mesure de leur éclosion et les placer sur le porte-objet pour les étudier. Ainsi observé, le mâle ressemble, pour la forme extérieure, à la larve femelle, dont il n’a toutefois en longueur que les deux tiers environ. Sa tête est aussi plus arrondie et séparée du corps par un léger étranglement qui n’est pas à beaucoup près aussi marqué dans la femelle (pl. XIIT, fig. 51). La partie antérieure est couverte de cils vibratiles à l’aide desquels le petit être nage avec agilité. Du côté dorsal et non loin du bord cilié, on voit deux yeux rouges avec cristallin, qui sont relativement plus gros que ceux de la larve femelle. Le corps est à peu près cylindrique et terminé par une queue assez courte et conique. Comme dans la larve femelle la queue est, à son extrémité, terminée par un bouquet de cils vibratiles (pl. XI, fig. 11). Près de sa base, on observe sur le dos un petit mamelon protrac- tile, qui, tantôt s’efface, comme on le voit dans la figure 51, pl. XIII, tantôt, au contraire, fait saillie, comme dans la figure 11, pl. XI. Ce p. 321, et Onthe struct.\ Function and habits of Melicerta ringens (Quart. J. of micr. sc., I, pl. II, fig. XXIII, p. 73). 1 Con, Bemerkungen uber Räderthiere (Zeitschr. für Wiss. Zoo!., t. XII, 1863, p.197), 2 Hupson, On some male Rotifers (Monthly Microscopical Journai, t. XILI, 1875, p. 45). 166 L. JOLIET, ._mamelon est ce qu’on nomme le pénis dans toutes les descriptions de Rotateurs mâles; en somme, bien que situé un peu plus bas,: il correspond exactement à l’orifice cloacal de la larve femelie. Get orifice est garni de cinq ou six soies fines et raides qui ne sont pas des cils vibratiles, car elles restent immobiles. L'organisation est des plus simples. Comme dans tous ies mâles connus jusqu'ici, l'appareil digestif fait défaut. Tout ce qu'il en reste consiste en un ou deux amas de corpuscules noirâtres, situés vers l’origine de la queue, et qui me paraissent représenter le méconium présent dans l'intestin de toutes les larves femelles au moment de l'éclosion, et en deux taches claires qui se voient des deux côtés du testicule vers le milieu de sa longueur et qui peut-être représentent: les deux glandes stomacales,. Le sac à sperme est volumineux et occupe toute la partie centrale du corps ; on peut certainement lui donner le nom de testicule, car les zoospermes s’y forment en place dans de volumineuses cellules- mères et il représente morphologiquement l'ovaire de la femelle. Pyriforme, il s’insère en bas par son extrémité étroite sur le tube pénial ou cloacal. Au moment de l’éclosion il est bourré de z00- spermes, mais qui sont difficilement reconnaissables, car ils sont pressés les uns contre les autres et en général immobiles, Onne voit qu'un enchevêtrement de cordons flexueux et brillants. Ce n’est que quelques heures plus tard qu'ils commencent à remuer; le sac spermatique présente alors un fourmillement des plus actifs et qui ne peut laisser aucun doute sur la nature du contenu. D'ailleurs, si l’on écrase légèrement l'animal sous le couvre-objet, le contenu du testicule se répand dans l’eau et, pour peu qu'on se hâte, on obtient des zoospermes le dessin représenté figure 59, a, pl. XI. On voit alors qu'ils sont composés d'une tête assez longue, immobile, un peu recourbée à son extrémité antérieure et d’une queue qui lui fait suite et qui ressemble à un ruban, dont l’un des bords resterait droit, tandis que l’autre exécuterait d'incessants mouvements ondulatoires. Cette forme rubanée de la queue et le MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 167 mouvement ondulatoire de l’un de ses bords, ont été signalés par plusieurs observateurs et semblent assez caractéristiques des z00- spermes chez les Rotateurs sédentaires ; la forme de la tête seule semble varier sensiblement avec les espèces, comme nous le verrons un peu plus loin. Quand on écrase un mâle avant la période d'activité des zoospermes que nous avons signalée, ceux-ci apparaissent avec la forme repré- sentée figure 59, b, c, pl.XIIL, c'est-à-dire avec une forme plus courte et plus ramassée et avec des mouvements plus lents que lorsqu'ils sont arrivés à l’état de maturité. A côté de cet appareil sexuel, qui occupe presque tout le corps de l'animal, il ne nous reste plus que trois organes à signaler, ce sont : 4° Un organe en écusson court, situé derrière la nuque et qui re- présente peut-être le système nerveux (fig. 11, pl. XI); 2° Quelques brides musculaires qui, allant des parois moyennes du corps à l'extrémité de la queue, représentent évidemment les muscles rétracteurs de la femelle ; 3° L'appareil excréteur. Je n’en ai pu distinguer que deux flammes vibratiles, visibles des deux côtés du cou (fig.54, pl. XIID), les canaux excréteurs m'ont échappé ; je pense qu'ils doivent aboutir à l’ori- gine du eloaque près de l'insertion de la poche spermatique. On voit, par cet exposé succinct, que le mâle des Mélicertes res- semble beaucoup à celui des Lacinularia figuré par Hudson. Dans ce dernier on reconnaît à peu près tous les organes que je viens de dé- crire, les yeux seuls semblent manquer; en revanche, l'organe tactile impair est figuré, tandis que je n’ai pu le reconnaître dans le mâle des Mélicertes. La figure de Cohn, représentant le mâle du Conochilus volvox, est un peu petite pour représenter tous ces détails; on doit aussi re- marquer que cet auteur fait à tort aboutir le canal spermatique à l'extrémité de la queue, tandis qu'il débouche en réalité sur le ma- melon dorso-latéral ou cloacal. Les zoospermes, que le même observateur représente et sur les- 168 L. JOLIET. quels il a parfaitement observé le mouvement ondulatoire, semblent être dépourvus detête etne consister que dans la partie qui correspond à la queue chez ceux des Mélicertes, c'est-à-dire le ruban ondulant. Si on laisse les zoospermes dans l’eau, on les voit au bout de quel- ques minutes s’altérer et se décomposer. Les mouvements de la queue s'affaiblissent, puis disparaissent, des vacuoles se montrent dans la substance protoplasmique qui se déforme et disparaît. Maintenant que nous connaissons, d’une part, le mâle, de l’autre, les femelles, il nous faut aborder l’histoire de leurs rapports. Brightwell!, Darlymple?, Cohn* et Gosse * ont observé l'accouple- ment chez des Notommates, des Hydatines et des Brachions, mais d'une manière incomplète, car ils ont seulement vu des rapproche- ments rapides et n'ont pu ni constater l’intromission, ni préciser la situation de l’orifice par lequel les zoospermes sont introduits dans le corps de la femelle. Dans le Conochilus volvox, Gohn a pu voir des mâles se rapprocher de plusieurs femelles et essayer de se fixer sur leur nuque, mais ils étaient toujours renvoyés promptement par les brusques contractions de ces dernières. Malgré des observations attentives, je n'ai pas été plus heureux que lui avec les Mélicertes, chez lesquelles les deux sexes m'ont toujours paru montrer, l'un vis-à-vis de l’autre, la plus complète in- différence. Une première fois, je plaçai sous le microscope un mâle bien vivant, je l’acculai dans un angle de la goutte d’eau et l’entourai de six tubes contenant chacun une femelle. Il se promena longtemps tout alentour sans paraitre s’en soucier aucunement, se fixant de temps en temps par la queue sur l’orifice des tubes comme sur tout 1 BricaTweLz, Some account of a Dioæcious Rotifer (Ann. nat. Hist., 2e série, t. II, 1848, p. 153). ? DarcyMPpze, Descript of an infusory animal allied to the gen. Notommata (Philos. Transact., 1849, CXXXIX). 8 Con, Zeüischr. für Wiss. Zool., t. VIT, 1856 ; t. IX, 1858. * Gosse, On the Dioæcious Charact. of Rotifera (Philos. Transact., 1857, p. 313). MONOGRAPHIE DES MEÉLICERTES. 169 autre objet et agitant ses cils. Je l’'observai six heures de suite, pen- dant lesquelles il ne fit que se promener ou se poser un instant sur les tubes ou dans le voisinage. Les femelles s’épanouissaient ou se rétractaient à ses côtés sans qu'il s’en inquiétât. Une seule fois il entra dans le tube de l'une des femelles, qui aussitôt se retira tout au fond ; je crus le moment arrivé, mais après s'être promené dans le tube un instant, il en sortit en flânant comme il était venu. La nuit étant arrivée, je plaçai le porte-objet dans la chambre hu- mide et le lendemain je trouvai les six femelles bien portantes, tandis que le mâle touchait à la fin de son existence et ne se remuait plus qu'avec peine. Il mourut une ou deux heures après. Son testicule était encore plein de zoospermes, mais altérés. Il avait, en tout, vécu dix-sept heures dans le voisinage immédiat de plusieurs femelles, sans avoir même cherché à s’en approcher. Je pensai que les femelles mises en expérience étaient peut-être trop âgées ou déjà fécondées. Dans une de ses observations, Gosse dit en effet que la femelle de Brachionus angularis fécondée sous ses yeux ne portait pas encore d'œufs mûrs. En conséquence, ayant pris le lendemain un nouveau mâle qui venait d’éclore, je braquai sur lui les orifices de quarante tubes fe- melles. Sur ces quarante femelles il y en avait certainement une et probablement deux dont l'ovaire ne produisait pas encore d'œufs mürs et Je pensais qu'il devrait y en avoir, sur ce nombre, au moins quelqu'une en condition d’être recherchée par le mâle. Ce dernier se comporta absolument comme son confrère de la veille; pendant sept heures que je l'observai sans quitter l’oculaire de mon microscope, il tourna, vira etse promena au travers et au-devant des tubes femel- les, sans paraître s’en soucier en aucune facon; il entra dans trois tubes, mais toujours comme en se promenant. Dans l’un d'eux cepen- dant, la femelle qui portait un œuf d'hiver s’étant retirée au fond, il revint trois fois à la charge et me parut cette seule fois avoir des intentions agressives. Mal lui en prit, car, au moment où il cherchait à s’insinuer entre la paroi du tube et le dos de la femelle, celle-ci le 170 L. JOLIET. pressa si bien contre cette paroi et le rudoya de telle façon avec ses cornes, qu'il s’en alla à reculons, manifestement meurtri et, une fois dehors, passa quelques minutes à se remettre avant de recommencer ses promenades. L'une des femelles, sur ces entrefaites, ayant son tube endommagé, en sortit tout à fait; j'espérais dans ces conditions, si le rapproche- ment avait lieu, l'observer dans tous ses détails qui m’auraient été un peu masqués dans le tube. Par deux fois le mâle vint dans ses excur- sions buter contre cette femelle, mais chaque fois il s'enfuit dans une autre direction. Surpris de voir de la part de mon sujet si peu d'activité, je me demandai si la femelle ne devait pas être fécondée pendant sa vie errante; justement parmi les nombreux œufs contenus dans mes quarante tubes, plusieurs étaient déjà mürs et deux larves vinrent à éclore. Mâles et larves femelles se croisèrent et se recroisèrent plu- sieurs fois sous mes yeux, mais sans aucun résultat. Je répétai cette expérience un troisième jour, en mettant ensemble dans une petite goutte d’eau deux mâles et quatre larves femelles. Ils n’arrivèrent qu'à se rencontrer et à s'éloigner aussitôt. Dans une quatrième expérience, je plaçai, dans un espace fort étroit, six mâles et quatre femelles, dont deux portaient sur leur tube deux autres femelles très jeunes. Même indifférence. Deux fois j'assistai au spectacle suivant: un mâle étant venu à se poser sur l’ouverture du tube d’une femelle qui était rétractée, lorsque celle- ci s'épanouit, le mâle ne s’étant pas dérangé, fut entraîné par le mouvement des cils de la femelle et roulé dans le courant pendant quelques instants comme une paille ; il reprit ensuite sa course et s'éloigna. Je me demandai alors si l’accouplement n'avait pas plutôt lieu la nuit que le jour; je plaçai dans un verre de montre un mâle avec une femelle jeune et ne portant pas encore d'œufs mûrs. Après les avoir observés en vain, pendant tout une après-midi, puis entre huit heuresetdix heures dusoir,je me remis à les suivre au milieu dela nuit MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 171 entre une heure et quatre heures du matin. Non-seulement je ne vis survenir aucun rapprochement, mais je vis toujours le mâle conserver les mêmes allures que pendant le jour, c'est-à-dire se promener activement pendant une grande partie de son existence, puis sur son déclin se cantonner dans un coin et devenir de moins en moins re- muant, jusqu'à sa fin, qui survint toujours, dans mes observations, de dix-sept à vingt-quatre heures après l’éclosion. Lorsqu'il fut mort, je pus constater, avec un fort grossissement, que le sac à sperme était encore plein. Tant d'insuccès était, il faut l’avouer, fort peu encourageant et j'aurais été tenté de croire, ce fait pourtant invraisemblable, que le mâle des Mélicertes ne joue aucun rôle dans la conservation de l’es- pèce, si je n’avais eu, d'autre part, la preuve manifeste du contraire. Cohn est, je crois, le seul observateur qui, dans ses excellentes re- cherches sur les Rotateurs, se soit préoccupé du sort ultérieur du sperme après l’accouplement. Il a vu les spermatozoïdes circuler dans la cavité générale de la femelle de l’Æydatina senta et du C'ono- chilus volvox, et il a donné une interprétation juste des observations de Külliker, de Leydig et de Huxley, qui avaient déjà vu le fait dans le Megalotrocha alboflavicans et dans la Lacinularia soctalis, mais sans en bien comprendre la signification. Je puis, en ce qui concerne les Mélicertes, confirmer complètement les données de l’habile observateur de Breslau. Dans la cavité générale de trois des nombreuses femelles que j'ai observées cet été, j'ai trouvé un certain nombre de spermatozoïdes bien actifs, tels qu’on les obtient en écrasant un mâle bien à point, tels, en un mot, que les représente la figure 59, a, pl. XII, avec leur longue tête et leur queue ondulante. Ils étaient répandus par tout le corps au sein du liquide cavitaire et y circulaient librement, tant sous l'influence, assez faible d’ailleurs, de leurs mouvements propres que sous l'impulsion que le liquide lui-même recoit pendant les con- tractions de l'animal. J'en ai observé dans la queue, au milieu du corps, sur les côtés de l'intestin, autour du cloaque, dans la nuque, 172 L. JOLIET. près des cellules nerveuses, en un mot, en tous les points du corps (pl. XI, fig. 10). Une femelle que j'observai le 4 août dernier, présentait cinq de ces zoospermes actifs, puis sur la face ventrale, entre la paroi du corps et l'ovaire, on voyait un petit amas allongé de corpuscules bril- lants, enchevêtrés et présentant encore des mouvements ondulatoires faibles qui les faisaient reconnaître, sans contestation possible, pour des zoospermes qui s'étaient réunis en ce point. Ceci se passait à dix heures du matin ; un des zoospermes encore libres vint sous mes yeux se réunir au groupe commun. À cinq heures du soir, il n’y avait plus aucun zoosperme libre dans la cavité générale et au milieu de l’amas ventral aucun mouvement ondulatoire n'était plus visible. Tous les zoospermes, libres le matin, s'étaient réunis sur la surface de l'ovaire et avaient perdu toute mobilité (pl. XI, fig. 40 et 12). Quelque temps après j'écrasai la femelle, l’amas sus-ovarien se désagrégea et je pus constater qu'il était composé de corpuscules allongés, pointus des deux côtés, immobiles, et qui résultaient évi- demment de la transformation des zoospermes libres. J'en conclus qu’au moment où j'avais commencé à l’observer cette femelle était fécondée depuis peu et que petit à petit les zoospermes répandus dans la cavité générale étaient venus se fixer, pour s’y trans- former, sur la surface de l’ovaire. Deux fois, dans le courant de l’été, j'ai renouvelé cette observation et de ces deux faits : 4° que tous les zoospermes sont mobiles à un moment donné; 2 que le volume de l’amas sous-ovarien correspond à peu près à celui {du sac à sperme du mâle, je crois pouvoir con- clure que tous les zoospermes qui composent cet amas sont fournis par un même mâle qui, lors de l'accouplement, doit se vider com- plètement. . Pour confirmer cette induction il faudrait l’observation directe, mais on à vu que je n'ai pas réussi à l'obtenir. Depuis l'observation que je viens de relater, j'ai rencontré plu- sieurs femelles portant autour de l'ovaire de ces zoospermes trans- MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 473 formés et immobiles ; tantôt ils étaient nombreux et formaient sous l'ovaire un amas semblable à celui qui vient d’être décrit, tantôt ils étaient rares et disséminés sur la surface de l'ovaire. L’explication la plusnaturelle de ce faitsemblerait être que le nom- bre des zoospermes réunis sur l'ovaire peu après le rapprochement, diminue à mesure qu'ils sont utilisés pour la fécondation des œufs. Dans tous les cas, qu’elles possédassent sur l’ovaire peu ou beau- coup de corpucules mâles, les femelles, ainsi manifestement fécon- dées, m'ont paru beaucoup plus rares que celles sur lesquelles, malgré l'observation la plus attentive, je n'ai pu découvrir aucune trace de ces corpuscules. Bien que je n’aie pas fait à cet égard de relevé précis, je pense que, pour vingt des dernières, on ne rencontre pas plus de trois à cinq des premières. Dans une note dépendant de son mémoire sur la ZLacinularia so- cialis, Huxley dit avoir aperçu, près de l’ovaire des Mélicertes, un sac contenant un certain nombre de particules réfringentes, ressem- blant beaucoup, pour la taille et la forme, aux têtes des zoospermes de Lacinularia. Cohn, toutefois, est le seul auteur qui ait parlé de la tendance que les zoospermes libres, ont dans la Conochilus volvox, à se rassembler autour de l’ovaire et à s’y transformer. D'après lui, les zoospermes rubanés du Conochilus se réduisent à un simple filament qui était situé dans leur axe. Dans ceux des Mélicertes, je n’ai pas vu ce filament, tandis que j'ai fréquemment observé la forme de losange étroit et quelquefois arqué qu'ils affectent habituellement. Pas plus que l’auteur allemand, je ne suis malheureusement à même de donner actuellement, ia solution de deux énigmes relatives à la présence des zoospermes dans la cavité générale. 1° Comment expliquer leur présence dans la cavité générale ? 2° Comment, élant dans la cavité générale, peuvent-ils féconder les œufs, qui en sont toujours séparés par la membrane de la poche de maturation, puis par celle de l’oviducte ? 174 L. JOLIET., L'orifice naturel de la génération est évidemment le cloaque:; c'est par le cloaque que sont évacués, chez la femelle, les œufs, chez le mäle, les zoospermes. Or, le cloaque communique avec l'oviducte et la poche de l'ovaire qui a toujours été considérée comme un sac clos et dans laquelle je n'ai pu reconnaître moi-même aucun orifice. Comment donc les zoospermes, introduits dans le cloaque, pour- raient-ils passer de là dans la cavité générale? Pourquoi, d’ailleurs, se trouvant ainsi placés sur le passage des œufs, iraient-ils dans la cavité générale où ils en sont séparés par une membrane. Cohn se demande s’il n'existe pas un orifice particulier pour l’accouplement, conduisant directement dans la cavité générale. Pour en décider, il faudrait assister à l'accouplement. Cette opinion, un peu étrange en elle-même, semblerait confirmée par ce fait que, sur les femelles fraichement fécondées et contenant encore des zoospermes en pleine activité, je n'ai, pas plus que Cohn, jamais vu aucun de ces derniers dans le cloaque ; mais elle est en contradiction avec le peu que l'on sait sur l’accouplement des Rotateurs, Gosse, ayant vu plusieurs fois le mâle s'attacher sur l'orifice cloacal de la femelle et y introduire son pénis. En l'absence d'observations précises, je ne saurais encore rien décider en ce qui concerne les Mélicertes, ni sur la manière dont les zoospermes arrivent dans la cavité générale, ni sur celle dont ils pénètrent jusqu'à l'œuf. Cependant deux ou trois faits m'in- clinent à croire qu'il existe sur la paroi de l’oviducte, un orifice invisible dans les circonstances ordinaires et mettant en communi- cation l'oviducte et la cavité générale. Le premier de ces faits résulte de ce que j'ai souvent vu, lorsque j'écrasais légèrement une femelle portant un œuf màr, le contenu de l'œuf écrasé se répandre presque toujours en grande partie dans la queue. Le fait peut certainement être accidentel et dû à une rupture se produisant dans la paroi de l'oviducte, mais je l’ai vu se reproduire trop ordinairement pour négliger de le mentionner. En second lieu, M. Balbiani, dans son intéressant travail sur le Notommate de Werneck, après avoir parlé de la rupture probable des à MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 175 parois de l'ovaire et de la chute des œufs dans la cavité générale qu'ils remplissent à un certain moment, décrit un peu plus loin la ponte de ces mêmes œufs qui sont évacués un à un. Pour qu'ils puis- sent passer ainsi, de la cavité générale à l'extérieur, il faut bien qu'il existe, dans cette espèce, au moins une communication entre la cavité générale et l’oviducte ‘. Enfin, dans la Floscularia prohoscidea d'Ehrenberg, j'ai pu observer une fois la maturation d’un œuf d'hiver qui se produisit sous mes yeux dans de telles conditions et en un point si éloigné de l'ovaire, qu'elle me parut bien se produire dans la cavité générale. Arrivons enfin à la question si controversée des rapports que peut avoir la production des œufs d'hiver avec l'acte de la fécondation. Dans ses deux mémoires de 1856 et de 1858, Cohn, s'appuyant sur l'insuffisance des mâles à féconder toutes les femelles et sur la coexis- tence en plus grand nombre à l'automne et au printemps des mâles et des femelles à œufs d'hiver, émit cette opinion que les œufs d'été sont produits par des femelles non fécondées et se développent par parthénogénèse, tandis que les œufs d'hiver ne se développent qu'avec le concours du mâle. Cette opinion fut acceptée et est encore aujourd'hui généralement répandue, bien que, dès 1863, son auteur même ait été amené à faire sur son bien fondé des réserves impor- tantes. Dans les observations relatées dans son troisième mémoire, l'ha- bile observateur de Breslau fut mis à même de constater la présence des zoospermes, non seulement dans les femelles de Conochilus qui portaient des œufs d'hiver, mais aussi dans les pondeuses d'œufs d'été, ce qui, de fait, Ôte beaucoup de sa valeur à hypothèse com. munément admise. De mon côté, j'ai pu constater la présence de zoospermes, d'une manière douteuse, dans les pondeuses d'œufs d'hiver, mais, d'une ‘1 BaLBIANI, Observ. sur le Notommate de Werneck (Ann. sc. nat. Zzo0l., 1878, vol. VII, art. 4er), 176 L. JOLIET. manière certaine, dans des pondeuses d'œufs d'été femelles et aussi dans des pondeuses d'œufs mâles. Si je n’ai pas pu encore constater d’une manière précise l'existence des zoospermes dans les pondeuses d'œufs d'hiver, je l’attribue, d’une part, à la rareté relative des fe- melles de cette catégorie, de l’autre, à la difficulté qu'apporte à l’ob- servation la teinte opaque et foncée de leur ovaire. En ce qui concerne au contraire les deux autres catégories, J’ai pu constater que sur quatre pondeuses d'œufs mâles, que j'ai observées à ce point de vue, trois étaient fécondées, tandis que parmi les pondeuses d'œufs d’été femelles, il s’en trouvait à peine trois ou quatre pour vingt dans les- quelles des zoospermes, soit actifs, soit immobiles, étaient recon- naissables. De ces observations, combinées avec celles de Cohn sur le Cono- chilus, il ressort clairement : Le Que les femelles des trois catégories, pondeuses d'œufs d'hiver, pondeuses d'œufs d'été femelles, pondeuses d'œufs mâles, sont toutes également aptes à être fécondées ; 2° Que, cependant, dans ces trois catégories, un nombre plus ou moins grand de femelles mûrissent et pondent des œufs, bien qu'elles n'aient point été fécondées et ne contiennent aucun spermato- zoïde. Je dois encore ajouter : 1° que dans les pondeuses d'œufs femelles, aussi bien que dans les pondeuses d’œufs mâles, j'ai rencontré des zoospermes libres et actifs et par conséquent nouvellement intro- duits dans la femelle ; 2° Que deux ou trois œufs en voie de développement, contenus dans les tubes de ces femelles et pondus par elles, très probablement avant la fécondation, étaient de même sorte que ceux que ces mêmes femelles mürissaient une fois fécondées. Ces observations contredisent formellement l’opinion d’après la- quelle l'acte de la fécondation pourrait amener un changement dans la nature des œufs produits et faire, par exemple, qu’une femelle, ayant produit jusqu’à ce qu’elle soit fécondée des œufs d'été femelles, / MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 177 se mette, à partir de là, à pondre soit des œufs d'hiver, soit des œufs mâles. | Il ne faut donc plus songer à faire, au point de vue de la féconda- tion, une distinction entre les œufs d’hiver et les œufs d'été, et à dire, avec Cohn et avec la plupart des auteurs, que les premiers se développent avec le concours du mâle et les seconds par parthéno- génèse. La vérité est que tous sont également aptes à se reproduire et à se développer, avec comme sans le concours du mâle. Les produits, toutefois, sont-ils les mêmes dans les deux cas? C'est ce qu'il est difficile de décider. J’espérais pourtant toucher à la so- lution de cette question, lorsque la sécheresse, en tarissant mes mares dans le courant de cet été, m'a privé de matériaux et forcé de sus- pendre mes expériences. Cet accident est cause que je me décide à publier ces observations, tout incomplètes qu'elles sont, car je ne sais quand je pourrai les reprendre dans des conditions aussi favorables. Voici, en attendant que je puisse donner mieux, les différentes hypothèses qui peuvent être faites sur ce sujet : 4° Les zoospermes devenus immobiles et séparés de l’œuf par une membrane imperforée n'auraient sur lui aucune action. J'avoue que cette supposition émise par Cohn, en 1863, me répugne. J'ai peme à croire que les mâles soient aussi inutiles : 2 Les œufs fécondés ou non fécondés produisent des résultats identiques. Cette hypothèse est encore désagréable à admettre; je ne m'y rangerai que si j'échoue dans les tentatives que j'espère faire pour vérifier l'hypothèse suivante que je ne donne encore que pour une hypothèse, bien qu’elle me paraisse avoir pour elle a priorr plu- sieurs argument sérieux ; 3° L’argument qui avait inspiré à Cohn sa théorie de l'œuf d'hiver fécondé, subsiste encore avec toute sa valeur : presque tous les au- teurs s'accordent à dire qu'ils ont vu, au printemps et à l’automne, les mâles et les œufs d'hiver devenir concurremment plus abondants, ARCH. DE ZO91. EXP. ET GÉN,.-— 90 SÉRIT, — T, 1, 1883, 19 178 L. JOLIET. tandis que, pendant la belle saison, les œufs d'été dominaiént presque à l'exclusion des autres. J’ajouterai, pour ma part, que, pendant l'été de 1881, les mâles étaient si rares que je n'ai eu l’occasion d’en ob- server qu'un très petit nombre vers le mois d'octobre; les femelles fécondées si rares aussi qu’elles m'’avaient échappé tout à fait. L'eau, alors, était abondante dans les mares. Cet été dernier, au contraire, l’eau baissait de jour en jour; je comptais quinze pondeuses d'œufs d'hiver contre quarante-cinq d'œufs d’été, c’est-à-dire juste le tiers, proportion énorme relativemént à ce qui s’observe d'ordinaire. En même temps J'avais des mâles en abondance et les femelles fécon- dées n'étaient pas rares et m'ont frappé dès mes premières journées d'observation. Si l’on songe que lorsqu'une mare se dessèche pour un temps, comme il arrive si souvent, la production des œufs d'hiver est l’unique moyen de conservation que possède l'espèce, on compren- dra pourquoi les pondeuses d'œufs d'hiver étaient si nombreuses cette année, et l’on ne pourra s'empêcher de remarquér que la co- existence des mâles, en plus grand nombre dans ces conditions, est aussi significative que leur multiplication ordinaire et bien connue à l'entrée de l'hiver. ll me paraît donc certain qu’il existe une relation entre l’appari- tion des mâles et celle des œufs d'hiver : beaucoup de mâles, beau- coup d'œufs d'hiver; peu de mâles, peu d’œufs d’hivet, et Cohn, en pensant que ces derniers étaient le résultat de la fécondation, était assurément logique. Nous avons vu pourtant que son hypothèse était contredite par les faits. Pour ma part, de ces trois faits : Que la relation qui existe entre le nombre des mâles et celui des œufs d'hiver est très frappante ; Que la proportion des femelles fécondées, relativement à celles qui ne le sont pas, me parait correspondre assez bien à celle des pondeuses d'œufs d’hiver relativement aux pondeuses d'œufs d'été : Que les pondeuses d'œufs d'hiver, indépendamment de toute fé- MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 179 condation, se distinguent par leur taille et par la teinte foncée de leur ovaire. Je suis disposé à induire que, tandis que du développement d’un œuf femelle non fécondé, résulte une pondeuse d'œufs d'été, au con- traire, un semblable œuf d'été femelle étant fécondé etrecevant par là une impulsion plus vigoureuse, de son développement résulte un être dont l’évolution est plus complète, la taille plus grande, lovaire plus riche en matériaux nutritifs, en un mot une pondeuse d’œufs d'hiver. Le fait incontestable de la propagation de nombreuses générations de femelles par parthénogénèse, et cet autre fait de la coexistence en plus grand nombre des mâles et des pondeuses d’œufs d'hiver, trou - veraient dans cette hypothèse une explication naturelle. Fespère arriver quelque jour, à l’appuyer sur autre chose que des probabi- hités.Mais, dès aujourd'hui, je veux prévenir quelques objections qui déjà se présentent à l'esprit. En premier lieu, les pondeuses d’œufs mâles, nous l'avons vu, ne sont pas toutes fécondées. Faudra-t-il encore établir une distinction entre les mâles provenant d'œufs fécondés et ceux produits par par- thénogénèse? A cette question, j'avoue que je ne saurais actuel- lement répondre. Ensuite, nous avons toujours parlé des pondeuses d’œuf mâles, des pondeuses d'œufs d’été femelles et des pondeuses d'œufs d’hiver, comme de trois catégories de femelles parfaitement distinctes les unes des autres ; en cela nous sommes d'accord, il est vrai, avec la généralité des auteurs et avec tous les faits qu'il nous a été donné d'observer, puisque dans aucun tube nous n’avons jamais trouvé deux sortes d'œufs. Cependant il existe, à l'encontre de cette donnée, uné observation de M. Balbiani, fort soignée et qu'il n’est pas possible de révoquer en doute. Ce savant a constaté la coexistence d'œufs d'été et d'œufs d'hiver dans la cavité générale de plusieurs femelles du Notommate de Werneck. Une même femelle peut donc au moins dans cette espèce, produire simultanément des œufs d’été et des œufs d’hiver et cela, sans que l’action antérieure du mâle 180 L. JOLIET. puisse être invoquée, puisqu'il paraît faire défaut dans cette espèce. Cette deuxième objection, toutefois, ne me paraît pas avoir autant de vaieur que la précédente, pour deux raisons : D'abord le Notommate de Werneck est, à plusieurs égards, très anormal, puisque tous ses œufs mürissent en même temps et sont pondus au même moment, ce qui n'a lieu, que je sache, dans aucun autre Rotateur ; ensuite, il n’est pas impossible que le mâle, qui, chez les Rotateurs, est souvent fort rare, ait échappé aux observations, mais cependantexiste et puisse féconder de jeunes femelles pendantla période de leur vie errante. A cet égard, l'observation de M.Balbiani, qui est tout à fait contraire à la théorie de Cohn, est beaucoup moins fatale à celle que je viens de proposer. Pour l'instant et en attendant de nouvelles observations, je me borne à la donner comme une hypothèse qui, si elle soulève encore quelques difficultés, rend toutefois assez bien compte des faits les plus généraux et les plus importants. Nous connaissons l’œuf et les conditions dans lesquelles il doit se développer, suivons maintenant l’histoire de ce développement et commençons par l'œuf d'été femelle. DÉVELOPPEMENT DE L'ŒUF D'ÉTÉ FEMELLE. Historique. — Il n'existe encore que peu de travaux relatifs à l’em- bryogénie des Rotateurs, et la plupart d’entre eux sont si incomplets, qu'ils ne peuvent donner qu'une idée très confuse du mode de dé- veloppement dans cette classe intéressante d'animaux. Külliker! nous a donné les premiers renseignements sur l'évolu- tion du genre Megalotrocha, renseignements d’ailleurs succincts et non accompagnés de figures. La brochure de Nägeli?, sur le développement des Rotifères, pu- bliée en 1852, contient plusieurs observations soigneuses et intéres- 1 KôzzKer, Megalotrocha albo-flavicans Froriep's neue Notizen, 1843, Bd. 28. ? NAGELI, Beiträge zur Entwickelungsgeschichte der Räderthiere, Zurich, 1852, MONOGRAPHIE DES MELICERTES. 181 santes sur la formation de l’œuf et sur la constitution du blastoderme, mais elle n’a trait qu'aux genres Rotifer et Philodina et laisse encore d'importantes lacunes dans leur histoire ; le mode de segmentation, qui est la partie du développement du Rotifer la plus complètement décrite, n’est pas suivie d’assez près pour nous en donner une juste idée et l’auteur passe brusquement de là à la description de l’em- bryon cilié et près d’éclore, sans nous faire assister aux transforma- tions qui conduisent de l’un à l’autre état. Leydig!, à la même époque, est le premier qui, dans sa belle étude sur la ZLacinularia socialis, ait, sinon décrit exactement le mode de segmentation, au moins reconnu qu'il présente au dé but quelque chose de particulier qui le distingue des processus ordinaires et lui donne une physionomie spéciale. On trouve, toutefois, dans son travail, les mêmes lacunes que dans celui de Nägeli. À part la description de la larve qui est fort bonne, l’opuscule de Huxley?, publié presque en même temps sur le même sujet, nous fournit encore moins de renseignements. Les deux petites brochures de Weiss?, parues en 1862 et 1864, ne sont pas en progrès sur celles de leurs devanciers, elles contiennent plutôt une description extérieure de l'œuf qu'une étude des proces- sus embryonnaires. Ces différents travaux nous fournissent, 1l est vrai, quelques don- nées sur l’embryogénie des Rotateurs, mais sont loin de constituer une histoire du développement. Les figures qui les accompagnent sont, d’ailleurs, fort petites et peu lisibles. Il nous faut arriver jusqu’en 4872, pour trouver dans le mémoire de Salensky , le premier exemple d’une étude vraiment approfondie i Levpic, Zur analomie und Entwickelungsgeschichte der Lacinularia socialis (Siebold u. Kolliker’s Zeitschrift, 1852). ? Huxzey, Lacinularia socialis a contribution to the Anat. and Physiology of the Rotifera (Trans. of the Microscopical Society, lu le 31 décembre 1851, publié le 9 juillet 1852). j 3 Wess, Zoologie der Raderthiere : 19 Mémoires de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, 7° série, t, IV, n° 8, 1862; 20 Mélanges biologiques, t. V, 1864. 182 L, JOETET, et complète de l’évolution d’un animal appartenant à ce groupe, le Brachionus urceolaris. Là, pour la première fois, sur des figures bien détaillées, on peut suivre, d’une manière satisfaisante, la transfor- mation graduelle de l’œuf en embryon et l’apparition des différents organes. Depuis lors, une note de M. Barrois, lue devant l’Association scien- tifique de France, au congrès du Havre, a paru dans la Revue scien- tifique?; c'est un simple aperçu, mais qui donne assez bien l'idée des principaux traits de l’évolution du Pédalion, pour nous permettre de la comparer à celle du Brachion et des Mélicertes, Je dois encore signaler quelques figures accompagnées d’une courte description de l’oogénèse et des préliminaires du développement dans la Zacinularia socialis, publiées incidemment par Fleming ?, au cours de son travail sur l’'embryogénie des Naïadés. L'œuf n’est suivi que jusqu'après la première partition, mais les figures sont bonnes et représentent les premiers asters qui aient été décrits dans l’œuf des Rotateurs. Enfin, quelques faits relatifs aux premiers phénomènes du déve- loppement ont été publiés avec deux figures à l'appui, en 1876, par Bütschli, dans son mémoire sur la division de la cellule *. On le voit par cette énumération, le seul travail important et com- plet que nous possédions sur l’'embryogénie des Rotateurs, est celui de Salensky et il n’a trait qu'au seul Brachion. Il est évidemment d’un grand intérêt de faire, pour les différentes familles de Rotateurs, ce que ce savant a fait pour l’une d'elles, de voir en quoi elles se ressemblent au point de vue du développement et en quoi elles dif- 1 SALENSKY, Beiträge zur Entwickelungsgeschichte der Brachionus urceolaris (Zeilschr. fur Wiss. Zuol., Bd. XXII). + ? Barrotis, Sur le développement du Pédalion (Revue scientifique, XIII, 303, 1877). 3 FLEMING, Développement des Najadés (Sitzungsherichte Akad. Wien, 1871, t. LXXI, Physiologie, p. 181, pl. I, fig. 22, 27). * Bürscait, Sludien uber die Ersten Entwickelungsworgänge der Eïzelle, die zellthei!g und die conjug. der Infusorien (Abhandlungen der senkenbergischen Gesellschaft X. Francfort, 1876). | | MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 183 fèrent, de chercher, enfin, quels renseignements la marche de l’évo- lution peut nous fournir sur les affinités des Rotateurs et sur la place qu'ils doivent occuper dans la classification. Les facilités particulières qu'offre la recherche des œufs dans les Mélicertes, m'ont engagé à commencer par ce genre, l'un de ceux, d'ailleurs, qui s'éloigne le plus, pour la structure, des Brachions et du Pédalion. Je ne prétends pas que ce travail soit complet, je sais qu'il présente encore plusieurs lacunes qu’il est difficile de combler par l’étude d’un seul type, mais que j'espère au moins restreindre bientôt, par les recherches que je poursuis sur des formes voisines des Mélicertes. PRÉLIMINAIRES DU DÉVELOPPEMENT ANTÉRIEURS À L'EXPULSION DE L'ŒUF. Dans plusieurs Rotateurs, par exemple, dans le Conochilus volvox et la Lacinularia sociales, les phénomènes de la segmentation com- mencent souvent à se produire avant l'expulsion de l'œuf, durant son passage dans l'oviducte. Dans les Mélicertes, je n'ai jamais ob- servé chose semblable et n'ai jamais rencontré dans le corps de la mère aucun œuf en voie de division. | Toutefois, entre le moment où l’œuf mür se sépare de l'ovaire et celui où il est évacué, c’est-à-dire pendant l’acte même de la ponte, on observe en lui certains changements intéressants qui constituent les préliminaires du développement et dont il est utile de parler. Occupons-nous d'abord d’un œuf produit par une femelle non fécondée, ou, du moins, dans laquelle n’est visible aucun zoosperme mobile ou immobile. Cet œuf mûr et sur le point de se détacher de l'ovaire, présente au milieu d’un vitellus homogène uniformément et finement granuleux, qui le rend foncé mais non opaque, une vésicule germinative ronde et claire, à contour bien défini et pourvue d’une tache germinative petite et souvent difficile à bien distinguer. Il est alors mou et se moule sur les organes environnants (pl. XIE, fig. 57). 184 L. JOLIET. Peu après le moment où l'œuf séparé de l’ovaire, commence à descendre et à glisser sur cet organe, on voit disparaitre toute trace de la tache germinative ; en même temps la vésicule germinative se dilate lentement et graduellement. perdant, au fur et à mesure qu'elle grandit, à la fois son brillant et la netteté de son contour (pl. XII, fig. 2). Elle s’estompe ainsi peu à peu et finit par s'évanouir, dans l’espace d'une heure ou une heure et demie. Il n’en reste plus au centre de l’œuf qu'un espace plus clair, de forme indéterminée et incessamment variée. Pendant ce temps l'œuf, descendant toujours, arrive dans la ré- gion inférieure de l’oviducte. | Bien des fois, sur un tel œuf, j'ai cherché avec grand soin à voir la sortie d'un globule polaire, jamais je n'ai pu observer ni aucun glo- bule ni rien qui me fît croire qu’il s’en formät. Je ne veux pas encore être trop affirmalif, car, si ces premiers phénomènes du développement sont déjà d'une observation délicate, lorsqu'on a sous les yeux un œuf à nu et immobile, combien n'’est- il pas plus difficile de les saisir lorsque l’œuf est renfermé dans la mère qui, par ses mouvements incessants, en change à chaque in- stant la position. Au moment où l’on espère suivre un changement de forme de la tache claire centrale, l'animal se retourne et interpose entre son œuf et l’œil, son intestin ou son ovaire plus ou moins opa- ques. Dans ces conditions, il m'est impossible de dire qu'aucun détail ne m'est échappé, je puis seulement déclarer que, au cours d’obser- vations nombreuses, pendant lesquelles j'ai contemplé fréquemment les changements de forme et les mouvements amæboïdes de l’espace central, jamais je n'ai observé aucun amphiaster semblable à ceux qui accompagnent d'ordinaire l'expulsion d’un globule polaire. La tache claire centrale prend des formes variées, parfois s’efface com- plètement, en d’autres temps ressemble à un aster simple, mais je ne l'ai jamais vue être le siège de divisions comparables à celles que je décrirai un peu plus loin à propos de la segmentation. Cependant l'œuf atteint l'extrémité inférieure de l’oviducte. Quel- MONOGRAPHIE DES MÉLICÉRTES. 185 que temps avant qu'il ne s'engage dans sa portion terminale et hori- zontale, on voit se former autour de lui une membrane mince qui, peu à peu, dans l’espace d'environ vingt minutes, acquiert une épaisseur et une consistance assez grandes : c’est la membrane vitel- line, oui, en se solidifiant, donne à l’œuf sa forme définitive et fait qu'il la conserve et cesse de se mouler sur les organes environnants. Quelque temps après, le vitellus subit, à l’intérieur de cette mem- brane, un retrait assez marqué qui laisse aux deux extrémités de l’œuf un espace libre entre lui et sa membrane. La tache claire cen- trale conserve toujours son apparence amæboïde. C'est dans cet état que l'œuf est pondu. Les femelles fécondées que j'ai rencontrées cet été, ayant été, comme on l’a vu, assez rares et m’ayant servi pour d’autres obser- vations, je n'ai pu suivre que chez une seule d’entre elles, d’une ma- nière assidue, les phénomènes de la ponte et les préliminaires du développement. L'œuf dont il s’agit était un œuf mâle. Relativement à la dilatation et à l’'évanouissement de la vésicule germinative, relativement à la forme amæboïde de la tache claire centrale, relativement, enfin, à la formation de la membrane vitel- line et au retrait du vitellus, il s’est comporté en tout comme l’œuf de femelle vierge dont je viens de parler. Je n'ai pas pu voir, non plus, d'’amphiaster de rebut, mais il m'a paru voir, d’une manière assez nette, deux globules polaires sortir vers le milieu de l’œuf dans une dépression du vitellus. Je représente ces apparences par la fi- gure 7, pl. XI, gp, mais n’en parle encore qu'avec réserve, ne voulant pas me baser sur une observation unique pour établir une distinction entre l’œuf fécondé et l’œuf se développant par parthénogénèse. Quoi qu'il en soit, l'œuf fécondé ou non fécondé, mâle ou femelle, d’été ou d'hiver, présente, dans la région centrale au moment de la ponte, une tache claire amæboïde. Quelques instants après, cette tache claire, sans changer de place, reprend une forme arrondie, un contour net; il semble que ce soit la vésicule germinative elle-même revenue à sa forme primitive. 186 L. JOLIET. Est-ce cette vésicule germinative entière, ou n’en est-ce qu’une por- tion ? Est-ce un simple pronucléus femelle, est-ce le résultat de la fusion de deux pronucléus dont l’un, au moins, m'aurait échappé complètement? Je l’ignore, et, sans rien préjuger, pour le moment, sur ces questions, nous arrêterons cette période des préliminaires du développement au moment où se constitue ce premier noyau de segmentation (pl. XII, fig. 3). L'œuf pondu conserve, pendant toute la durée du développement, la forme qu'il prend dans l'oviducte. Ce n’est point une sphère, mais un ovoide allongé et'irrégulier. | Non seulement il présente un petit bout et un gros bout, mais une face bombée et une face cylindrique qui se traduisent par une ligne arquée et une ligne droite sur le profil, On peut donc lui distinguer deux côtés et, comme ces distinctions nous seront fort commodes pour l'étude du développement, nous allons, dès maintenant, adopter une nomenclature et poser l'œuf. Pour cela nous anticiperons sur les faits qui vont être exposés plus loin, nous orienterons l'œuf, d’après la position que la larve y occupera pendant le cours de son développement. Celle-ci, très re- muante vers le temps de son éclosion, est, au contraire, immobile à l’époque où commencent à se former les organes; elle a alors in- variablement (pl. XIII, fig. 42) la bouche placée près du gros bout et du côté convexe, la queue du côté du petit bout, le dos le long du bord rectiligne. Nous placerons donc, dans toutes nos descriptions et figures, l'œuf dans la situation suivante : le gros bout en haut, le petit bout en bas et nous lui considérerons : Un gros bout supérieur ou céphalique ; Un petit bout inférieur ou caudal ; Une face convexe, buccale ou ventrale ; Une face rectiligne ou dorsale ; Un côté droit ; Un côté gauche. MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 187 Il nous paraît, en outre, convenable de diviser la série des phéno- mènes du développement en trois périodes, que nous décrirons suc- cessivement : 1° Période de segmentation, comprise entre le moment où, dans l'œuf pondu, apparaît le premier noyau de segmentation et celui où, le blastopore étant fermé et les dernières divisions achevées, le blastoderme est complètement constitué (pl. XII et XIIT, fig. 3-36); 2° Période de formation des organes, depuis cette dernière époque jusqu’au moment de l’éclosion de la larve (pl. XIIT, fig. 37-45) ; 3° Période larvaire, depuis le moment où la larve est mise en li- berté jusqu’à celui où, s'étant fixée et ayant commencé à fabriquer son tube, elle a reyêtu les caractères de l'adulte (pl. XIIL, fig. 46-49). PÉRIODE DE SEGMENTATION. Nous avons laissé le premier noyau de segmentation au milieu de l'œuf pondu dans une position à peu près centrale. On le voit bientôt se déplacer; il chemine lentement vers le pôle inférieur de l’œuf en se rapprochant de Ia face ventrale et souvent en diminuant de volume. Il atteint ainsi le niveau où apparaitra le premier plan de segmenta- tion (pl. XII, fig. 4). Ces déplacements du noyau ne sont pas sans amener des change- ments remarquables dans l'apparence du vitellus. Nous avons vu que dans l'œuf, considéré immédiatement après la ponte, à part la tache claire, formée par le noyau, le vitellus présentait un aspect uniformément granuleux. Il semble que, dans son déplacement, le noyau entraîne avec lui la partie du vitellus la plus claire, la plus riche en protoplasme, pour l’amener au pôle inférieur. En effet, ce pôle présente bientôt une apparence moins foncée que le reste de l’œuf, et, lorsque le premier sillon apparaîtra, il séparera de la masse générale un segment inférieur sensiblement plus clair. Nous avons laissé le noyau non loin du pôle inférieur, il augmente sur place et peu à peu de diamètre, puis se dédouble (fig. 5). Les 138 L: JOHIET. deux noyaux, qui résultent de cette division, s’éloignent rapidement en sens inverse, l’un gagnant le pôle inférieur, l’autre le pôle supé- rieur, en prenant, à mesure qu'ils s’éloignent, la forme d’un am- phiaster à rayons fins et nombreux (fig. 6). | Pendant ce temps, l’aster inférieur, qui s'était d’abord beaucoup rapproché du pôle, regagne la région moyenne du segment qui s’ébauche, y reste stationnaire et y reprend la forme de noyau ar- rondi, forme qui correspond aux périodes de repos, comme l’aster correspond aux périodes d'activité (fig. 7 et 8). L’aster supérieur se comporte tout différemment ; il chemine assez loin vers le pôle supé- rieur, puis, à un certain moment, se déforme et prend l’aspect d’un sillon courbé en forme de virgule, plus épais en bas qu'en haut et à concavité dorsale (fig. 7). Cette virgule s’allonge vers le bas, la tête cheminant dans cette direction, la queue elle-même suit ce mouve- ment, puis elle se ramasse et finit par être absorbée par la tête qui forme bientôt un noyau d’abord irrégulier, puis arrondi, placé près de la face ventrale et du premier plan de segmentation (fig. 8, 9, 10, 11 et 42). Pendant que ces changements se sont produits, la première parti- tion s’est opérée et a détaché de la masse principale de l’œuf, par un plan perpendiculaire au grand axe, un segment dont le volume n'excède pas le tiers de la masse restante et dont l'aspect est sensi- blement moins granuleux (fig. 9 et suivantes). La surface de sépara- tion est d’abord courbe et à concavité supérieure (fig. 44), mais, lorsque la contraction qui accompagne la période d'activité a cessé de déformer les masses vitellines, cette surface devient plane (fig.12). À ce moment, les deux noyaux présentent la forme arrondie, tout est au repos et l'œuf est divisé en deux masses, l’une petite, que nous appellerons À, l’autre plus volumineuse B. Ce repos n’est pas de longue durée. Après un moment, le noyau su- périeur, qui était assez près du sommet de l’angle formé par le premier sillon de segmentation et le contour ventral de l'œuf, commence à s'éloigner suivant à peu près la bissectrice de cet angle. Arrivé à une MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 189 certaine position, qui correspond au nouveau sillon qui va se former, il se dédouble, les deux moitiés prennent la forme d’asters reliés pen- dant un certain temps par une trainée claire et s’éloignant comme précédemment en sens inverse, l’un regagnant l'angle d’où il vient, l’autre reculant obliquement vers le pôle supérieur (fig. 13, 14 et 15). A ce moment, un commencement d’échancrure apparaît vers le milieu du bord ventral de l'œuf indiquant une nouvelle partition (fig. 15). Fig. 145. Des deux asters nouvellement formés, l’inférieur prend bientôt la forme arrondie vers la région moyenne du segment qui se dessine ; quant à l’autre, il passe par les mêmes phases que nous avons déjà indiquées, c’est-à-dire que, arrivé au point culminant de sa course, il prend la forme en virgule pour rétrograder vers une posi- tion moyenne. Pendant que ces diverses phases se succèdent dans les positions et aspects des asters, la surface de séparation entre les deux seg- ments primitifs de l'œuf, que nous avons laissée plane, redevient fortement convexe vers le haut, grâce à la poussée causée par les contractions qui se produisent dans le plus gros segment. C'est alors que l’échancrure latérale, dont nous avons parlé comme ayant apparu vers le milieu du bord ventral, s’accentue et qu'on en voit partir un sillon à peu près perpendiculaire à la ligne parcourue par les asters et qui vient aboutir au sommet de la convexité du seg- ment À. Ce plan oblique détache par conséquent de la masse B un segment en forme de coin qui vient s’intercaler sur la face ventrale, entre lui et le segment A {fig. 16). À peine ces faits se sont-ils produits, et avant même que le nouveau segment ne soit détaché de la masse principale, on voit s'effectuer une division presque simultanée dans le segment A. Cette division est produite par un plan de segmentation passant par le pôle inférieur et par le sommet de la surface convexe de séparation. Le plan divise le segment en deux autres d’égal volume, l’un dorsal, l’autre ventral. Au moment où cette partition allait s'opérer, le noyau, que nous 190 L. JOLIET. avons laissé dans une position centrale, s’est dédoublé en deux asters qui, après s'être écarté au maximum, ont repris, dans leurs segments respectifs, une position moyenne et la forme arrondie sans passer par la forme en virgule qui paraît être particulière aux partitions iné- gales du plus gros segment (fig. 45, 16 et 17). De ces détails on pourra tirer, relativement à la marche des noyaux pendant la segmentation, les remarques suivantes : Les noyaux arrondis correspondent aux périodes de repos, les as- ters aux périodes d’activité. | | Les asters ressemblent à des Rhizopodes envoyant des pseudopes au sein de la masse vitelline, afin de la ramasser ensuite autour d'eux. | La division des noyaux précède toujours l'apparition des sillons dans le vitellus. Elle est accompagnée par des contractions dans les masses vitel- lines qui semblent se grouper autour des noyaux. Ces contractions donnent souvent lieu à l'apparition passagère de craquelures bientôt disparues et qu’il ne faut pas confondre avee les sillons définitifs. Ces contractions sont souvent assez fortes pour masquer momen- tanément les sillons de segmentation déjà produits. Lorsqu'un noyau se dédouble, c’est toujours au point où se pro- duira le sillon nouveau. A partir de là les asters s’éloignent au maxi mum pour reprendre, un peu plus tard, en rétrogradant, une position moyenne. Ces noyaux semblent danser une sorte de quadrille qui constitue un spectacle vraiment intéressant. Ces conclusions, que nous suggère l'observation des premières phases de la segmentation, s'appliquent également au phases subsé- quentes. Longtemps encore nous verrons des asters se produire au sein des sphères de segmentation devenues de plus en plus petites, répétant les mêmes phénomènes avec une grande uniformité. Nous n'y reviendrons plus avec autant de détails, nous saurons que les mêmes faits se reproduisent à peu près et en plus petit et nous con- MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 191 éentrerons principalement notre attention sur la marche même de la segmentation. Soit un œuf pondu à midi; les transformations que nous venons de décrire demandent, pour s'effectuer, un temps variant de une heure à une heure un quart, suivant la température; suivons les transfor- mations dans l’ordre chronologique inscrit sur mes croquis pris à la chambre claire : 149,55 du matin, l'œuf est pondu. Midi 45, le premier sillon est formé. 4%,10, le deuxième sillon (sillon oblique) se produit. 4%,10, le troisième sillon divisant le segment inférieur apparait. Voici l'œuf arrivé en une heure vingt minutes au point où nous l'avons laissé. Il se compose à ce moment de quatre sphères de seg- méntation, trois petites et une grosse. | Cet état correspond très probablement au premier stade observé par M. Barrois dans le genre Pédalion. C’est évidemment lui que représente encore Nägeli, chez le Rotrfer vulgaris, dans sa figure 25.J’ai eu moi-même l’occasion de l’observer dans l’'Œ'cistes cristallinus et dans plusieurs Flosculaires, et de voir qu'il est réalisé par la même voie que dans les Mélicertes. Il est indispensable, pour décrire la suite des phénomènes, d’éta- blir dès à présent une nomenclature et de désigner ces sphères par des lettres qui nous permettront de les reconnaître et de suivre leur fiation. Nous avons déjà désigné par les lettres A et B les deux premiers segments produits ; À s'applique au segment inférieur, le plus petit, le plus clair, en un mot au segment animal ; B, au segment supérieur plus foncé et trois fois plus volumineux. La première sphère détachée de À sera désignée par la lettre a; la première sphère détachée de B, par la lettre . Toutes les sphères résultant de la division ultérieure de ces quatre sphères primitives À, B, a, b porteront respectivement les mêmes lettres. 192 L. JOLIET. Il résulte de ces conventions que, dans l'œuf à quatre sphères que nous décrivons, les deux sphères inférieures plus claires portent les lettres À et a. La troisième des petites sphères portera la désigna= tion 4. Enfin, la quatrième sphère, plus volumineuse encore que les trois autres ensemble, portera le nom de B. Il doit être convenu, en outre, que quand nous parlons de sphères, nous entendons ce mot dans le sens purement embryologique et ne préjugeons rien de la forme que ces segments affectent et qui est en général fort modifiée et en rapport avec l’ovoide allongé et irrégulier de l’œuf. Reprenons la suite des observations. Fig. 17. 1",40. b, a et À sont formées, mais les contours ne sont pas encore fixés. Fig. 48. 1°,30. Les contours sont maintenant bien nets, b a une forme triangulaire, l’angle qui limite B en bas est assez aigu etle sillon qui Sépare a de A part du sommet de cet angle pour aboutir à peu près exactement au pôle inférieur. Fig. 19. 3 heures. À, au lieu de conserver sa position ventrale, est descendu sensiblement et correspond maintenant exactement au pôle inférieur. a repoussé par lui, au contraire, est remonté et occupe maintenant une position franchement dorsale ; 4 a suivi le même mouvement et est descendu occuper la place laissée par A. Par suite, l’angle qui limite B inférieurement s’est sensiblement ouvert. Nous devons signaler spécialement ces faits, comme constituant la première manifestation du mouvement de rotation, que nous verrons se continuer pendant toute la durée de la segmentation et qui tend à amener les dérivés de À au pôle supérieur, en passant le long de la face dorsale et inversement les dérivés de B vers le pôle inférieur. Fig.20. L’angle qui limite B inférieurement est presque effacé, a et à étant maintenant au même niveau. De plus, les trois sphères 4, A et B perdent leurs formes anguleuses pour devenir arrondies. C'est le prélude des changements qui vont se produire dans les minutes suivantes : Fig. 21, 29 et 93, 3,30, À ce moment, par suite des contractions MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 193 qui se produisent dans toutes les sphères, mais principalement en B et b, les contours deviennent très obscurs et ce n’est qu'après un grand nombre d'observations que je suis parvenu à saisir les diffé- rentes phases qui se succèdent rapidement. Ce n’est qu'après un certain temps que les sphères reviennent au repos et que l'on peut voir, figure 23, que leur nombre et leur position ont changé dans cet intervalle. On reconnaît, en effet, dans cette figure, que le segment supérieur à diminué de volume et que les sphères situées au pôle inférieur sont maintenant au nombre de cinq. Que s'est-il passé dans l'intervalle et comment s’est faite cette multiplication ? Les figures 21 et 22 vont nous l’apprendre. La figure 21 nous montre, en effet, que, lorsque le premier moment de confusion est passé, on peut reconnaître : 1° qu’une échancrure apparaît sur B indiquant une nouvelle division; 2° que à descend et empiète maintenant sur le contour de A. En effet, un nouveau plan oblique a divisé B en deux segments, l’un inférieur en formé de coin, comme était b, et l’autre supérieur plus gros. Pendant que ce nouveau segment se détachait, & lui-même, comme il est facile de s’en rendre compte en examinant à ce moment- là la face dorsale de l'œuf, se divise, suivant un plan antéro-posté- rieur, en deux sphères latérales et ces deux sphères, repoussées par le segment nouvellement formé, glissent en se séparant sur les côtés de a et commencent ainsi à prendre sur les faces latérales la position où nous les verrons s'établir. Pendant que ces divisions s’opéraient, le mouvement de rotation, dont nous avons parlé plus haut, continuait de telle sorte que le nou- veau segment est descendu maintenant à peu près au même niveau qu'occupait b, figure 17, tandis que a remontait d'autant et que A prenait une position décidément dorsale. Fig. 22. Nous voyons le nouveau segment dessiner sa forme en coin, tandis que » descend de plus en plus et gagne le côté. Mais ce ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GÉN, = 2 SÉRIE. — T. 1, 1883, 13 194 L. JOLIET. qui caractérise ce stade, c'est la division de À, non pas par un plan transversal, mais par un plan longitudinal antéro-postérieur qui le partage en deux sphères, dont l’une glisse sur l’autre en remontant vers 4, qui continue son mouvement ascensionnel et subit d’ailleurs au même moment une transformation de même ordre. En effet, a se trouve bientôt divisé par un plan longitudinal antéro-postérieur en deux sphères qui se comportent absolument comme les deux moitiés de b, et qui se séparent pour gagner les faces latérales, tandis que l’une des moitiés de À, ayant complètement glissé sur l’autre, s’insère entre elles deux comme un coin. Nous avons alors l’appa- rence représentée par la figure 23. Nous pouvons résumer cette série de transformations de la manière suivante : un nouveau seg- ment s’est détaché de la masse supérieure. Quant aux sphères b, A et a, qui figuraient aux stades précédents, elles ont été toutes suc- cessivement divisées par un plan longitudinal et dorso-ventral. Les deux sphères dérivées de A sont seules restées sur la ligne médiane grâce à un glissement, tandis que les dérivées de 4 et de a tendent à se placer sur les côtés. En somme, l’œuf, représenté par la figure 23, se compose de huit sphères : quatre impaires et quatre paires, de sorte que six seulement sont visibles sur la coupe optique. Fig. 24. 3",40. Nous remarquerons dans cette figure deux ordres de faits : 4° les opérations, commencées au stade précédent, se sont achevées ; les deux dérivées de À sont franchement ventrales, tandis que les moitiés de a et b se sont placées définitivement sur les côtés et se sont rejointes par leur bord interne; 2° B s’est divisé en deux moitiés encore un peu inégales, et un moment après le segment sous- jacent a fait de même, de telle sorte que l'œuf est à ce moment formé de deux moitiés, l’une ventrale et supérieure, composée de quatre grosses sphères foncées, dont le volume va en augmentant vers le pôle supérieur, l’autre dorsale et inférieure, composée de deux sphères médianes claires et de quatre latérales; en tout dix sphères. Fig.25. 3,50. Les masses ventrales restent stationnaires ainsi que les deux dérivés de A ; au contraire, les deux sphères latérales a et 6 MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 195 s’allongent, on y voit fort bien le jeu des noyaux et des asters, une échancrure transversale apparaît sur chacune d'elles qui, un moment après, se trouve divisée en deux. On a alors de chaque côté quatre cellules latérales, en tout quatorze sphères. Fig. 28. Les deux dérivées de A, jusqu'ici restées stationnaires, se divisent chacune en deux et, comme le mouvement de rotation continue, la ligne médiane dorsale est occupée maintenant dans ses deux tiers inférieurs par quatre cellules dérivées de À, L’œuf est alors au stade 16. Fig. 29. 4,15. Les quatre cellules latérales commencent à s’al- longer dans le sens transversal, puis les trois supérieures s'échan- crent et se trouvent bientôt divisées, de sorte que les cellules se trou- vent portées au nombre de sept de chaque côté. Pendant ce temps, la rotation a continué, la cellule supérieure de la rangée médiane et dorsale a dépassé le niveau du premier tiers supérieur et le segment inférieur de B atteint presque maintenant le pôle inférieur. Peu après ce segment lui-même est divisé par un plan antéro- postérieur et longitudinal ; un peu plus tard les quatre cellules mé- dianes dorsales se trouvent divisées de la même manière et, à partir de là, il devient presque impossible, à cause de la rapidité des trans- formations et du nombre des cellules qui composent l'œuf désormais, de suivre la segmentation pas à pas et cellule par cellule comme nous l'avons fait jusqu'ici; nous sommes obligés de nous borner à recon- naître et à indiquer la marche générale des choses. Nous pouvons résumer l’état auquel l'œuf est parvenu de la ma- nière suivante : les cellules dérivées du plus petit segment primitif A, refoulées par les autres, occupent la face dorsale presque tout en- tière, les quatre dernières sphères, dérivées du plus gros segment primitif B, leur sont opposées et elles occupent la face ventrale; elles sont de plus en plus grosses et aussi de plus en plus foncées à mesure qu'on se rapproche du pôle supérieur ; il semble que chacune d'elles ait pour ainsi dire son degré d’animalité, le degré le plus bas cor- respondant à la plus grosse, que nous verrons tout à l'heure fournir 196 L. JOLIET. . les éléments de la majeure partie de l'intestin. Enfin, de chaque côté de cette file de quatre grosses sphères, se voit la double rangée de cellules latérales qui tendent, de plus en plus, à les envahir du côté de la face ventrale. On se souvient que, parmi ces cellules, les supérieures dérivent de # et les inférieures de b, c’est-à-dire, de la partie la moins animale de A et de la partie la plus animale de B; elles sont donc à peu près toutes d'ordre équivalent. Nous devons encore, avant de poursuivre le développement, insister sur la physionomie très particulière que présente ce mode de seg- mentation et qui avait, nous l’avons dit, déjà frappé Leydig. Salensky, dans son {stoire embryogénique du Brachion, figure un stade deux où l'œuf est divisé, comme celui des Mélicertes, en deux moitiés très inégales, puis il dit que la plus grosse reste stationnaire longtemps, pendant que la plus petite se divise et se subdivise. Barrois, qui n'a observé l’œuf du Pédalion qu’à partir du stade quatre et ne paraît pas, d’ailleurs, avoir accordé beaucoup d’atten- tion au mode de segmentation, dit simplement dans son résumé, qu'à partir de ce moment les trois plus petites sphères se segmentent rapidement pour recouvrir la grosse. On le voit, de la description de ces deux auteurs, il ressort que la grosse moitié de l’œuf resterait stationnaire, pendant que la plus petite se subdivise pour l’englober. C'est tout simplement la segmentation totale classique. Dans nos Mélicertes, les choses se passent d’une manière sensiblement diffé- rénte: Nous voyons d’abord, immédiatement après le stade deux, le plus gros segment, qui devrait rester stationnaire, se diviser le premier pour fournir la troisième sphère, tandis que le plus petit ne se seg- mente que quelques instants après (fig. 16). Dans tous les cas, au stade quatre, deux des sphères appartiennent au gros segment et deux au petit (fig. 18). Un peu plus tard, c’est encore le reste du plus gros segment qui ouvre cette série de divi- sions qui conduit au stade huit. Le stade huit lui-mêmefse compose de quatre sphères dérivées de A et de quatre dérivées de B (fig. 23). | MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 197 Au stade dix (fig. 24), c’est encore B qui est en avance , six des sphères existantes lui appartiennent, tandis que A n’en a encore fourni que quatre. Au stade quatorze (fig. 25), huit cellules encore sont ses dé- rivées. Enfin, au stade seize (fig. 28) l'égalité se rétablit. C'est à partir de ce stade seize seulement que le nombre des dérivées de À commence à prédominer ; au stade représenté figure 30, il y en a seize contre douze dérivées de B; elles se multiplient alors rapidement et l'inéga- lité s’accentue de plus en plus. C’est à partir de ce moment seulement qu'elles tendent à englober les autres, mais jusque-là, jusqu’à ce stade seize on voit que les partitions s’opèrent dans les deux segments pri- mitifs d’une facon absolument simultanée et parallèlement. Chacun d'eux concourt dans la même mesure à former les cellules latérales et deux choses seulement les distinguent: l'inégalité des sphères dé- rivées de B qui vont en grossissant du pôle A au pôle B, tandis que toutes celles dérivées de A sont semblables, et la manière dont les dérivées de B se détachent obliquement de la masse primitive. Ces sillons obliques, qui constituent, avec le parallélisme dont il vient d’être parlé, l’un des traits Les plus saillants de la segmentation des Mélicertes avaient été vus dès 18592, dans la Lacinularia sociales, par Leydig, qui les avait interprétés d'une manière inexacte. N'ayant pas sans doute suivi pas à pas le sort de chaque segment, il à admis que des fragments d’égale valeur se détachaient successivement de la masse de l'œuf jusqu'à épuisement; les six ou huit sphères résul- tantes auraient alors commencé à se diviser pour leur propre compte. En réalité nous avons vu que les deux segments primitifs sont seuls d’égale valeur et fournissent chacun huit des sphères qui composent l'œuf au stade seize. Si l’on excepte la partition toute spéciale du gros segment, les sphères obéissent chacune pour leur compte à cette loi: toute cellule qui vient de se diviser transversalement se divisera la prochaine fois dans un sens perpendiculaire au premier. 198 L. JOLIET. Nous devons encore noter le mouvement de rotation remarquable que nous avons vu commencer à se produire dès le stade trois. Les deux segments primitifs étaient séparés par un plan perpendi- culaire au grand axe de l'œuf; le plan qui sépare les cellules dérivées de ces deux segments, s'incline de plus en plus et tend à se confondre avec le grand axe, en sorte qu'au stade seize nous voyons que les cellules dérivées de A ont quitté le pôle inférieur pour devenir dor- sales, et que celles dérivées de B occupent la ligne venirale. Un peu plus tard, ce mouvement s'étant continué, nous verrons une grande partie de ces dérivées de À occuper le pôle supérieur, c'est-à-dire le pôle opposé à celui dont elles sont issues. Ces résultats ont été obtenus : 4° grâce à la tendance qu'a toujours le dernier sillon oblique, formé dans le gros segment, à prendre la position horizontale ; 2 grâce au déplacement des deux moitiés des segments a et b qui, en glissant sur les côtés, permettent aux divisions de À de monter et à B de descendre occuper leur place. Nous résumerons comme suit les phénomènes essentiels de la seg- mentation de nos Mélicertes : 1° Le plus gros segment primitif loin de rester inactif se segmente jusqu'au stade seize parallèlement au plus petit; 2 Il ne s’en distingue, au point de vue de la segmentation, que par l'obliquité des sillons qui le partagent et par l'inégalité régulière- ment croissante des segments qui en dérivent ; 9° Si l’on met à part ces partitions obliques, on peut dire que toute sphère qui se segmente se segmente dans un sens perpendiculaire au sens de la division précédente ; 4° Les sillons obliques tendent toujours à prendre une position horizontale; il en résulte un mouvement de rotation qui tend à transporter au pôle opposé les cellules dérivées du plus petit segment primitif qui occupait le pôle inférieur. Au point où nous avons laissé l'œuf, les dispositions sont déjà prises pour l’mvestissément des sphères ventrales par les plus petites, MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 199 puisque celles-ci occupent à la fois la face dorsale et les deux côtés des premières. À mesure que les petites cellules se multiplient elles se glissent entre la membrane de l'œuf et les plus grosses, dont la forme se modifie graduellement. Ces dernières tendent, en effet, à oc- cuper, vers le centre de l'œuf, la place laissée vide par les cellules dorsales et latérales qui, en se multipliant, diminuent d'épaisseur et forment une couche d'autant plus mince qu’elle devient plus étendue. Les grosses sphères, surtout les deux moyennes, en gagnant dans ce mouvement en profondeur, perdent sensiblement en largeur et perdent l'aspect qu’elles avaient encore figure 30. Il arrive enfin un moment où elles se divisent, les segments glis- sent alors les uns sur les autres et l'œuf présente l'aspect représenté figures 31 et 32. La grosse sphère supérieure elle-même suit ce mouvement, elle s’'amincit vers le bas, tandis qu'elle se laisse envahir du côté dorsal par les dérivées de A, qui complètent leur mouvement de rotation. . Les cellules latérales débordent aussi sur les côtés et nous voyons, figure 32, la dernière sphère encore entière mais presque complète- tement envahie. 5,10. La figure 33 nous la montre au moment où, recouverte en dessus, en dessous et sur les côtés, par les cellules superficielles qui se rejoignent, elle s'enfonce définitivement à l'intérieur de l’œuf. Le point où se sont rejointes les cellules recouvrantes, est le blastopore, mais nous devons remarquer tout de suite que les cellules qui, à ce moment, le circonserivent, ont des origines bien différentes. Les cel- lules qui, dans la figure 33, occupent le bout supérieur de l'œuf m'ont . paru provenir, partie des cellules dorsales, partie des cellules laté- rales ; celles qui se trouvent de chaque côté de la sphère incluse, dérivent aussi de ces dernières, mais les premières cellules qui bor- dent le blastopore du côté ventral et inférieur proviennent certaine- ment de la division des deux grosses sphères moyennes. L'ectoderme de l'embryon, du côté dorsal et sur les faces latérales, se constitue certainement aux dépens des cellules dorsales et latérales; du côté 200 L. JOLIET., ventral je ne saurais décider actuellement s’il résulte de l'extension de ces mêmes cellules par-dessus les dérivées des sphères ventrales; ou s’il se forme sur place aux dépens d’une partie de ces dernières. J'inclinerais plutôt cependant vers la première opinion. La figure 34 nous montre la dernière grosse sphère encore indivise gagnant le centre de l’œuf; bientôt elle s’y divise en plusieurs seg- ments qui conservent une position centrale (fig. 35). Du côté ventral du groupe de cellules qui en résultent, on peut remarquer, figure 35, quelques cellules assez volumineuses qui sont encore reconnaissa- bles comme dérivées des deux grosses sphères moyennes. Sidonc,à cette époque,nousexaminonsla constitution del’embryon, nous voyons qu’il est formé par une couche superficielle de cellules, qui proviennent en grande partie, sinon en totalité, des cellules dor- sales et latérales, d’une masse centrale de cellules plus volumineuses et plus foncées qui, toutes, dérivent de la grosse sphère supérieure, et, enfin, de cellules dérivées des sphères moyennes dont quelques-unes occupent la face ventrale de ces dernières et ont pu être suivies, tandis que le reste, disséminé au milieu des autres, n’est plus recon- naissable. La masse centrale de cellules occupe exactement la position de l'intestin qu'elle servira à former; elle constitue donc un endoderme bien caractérisé. Il en est de même de la couche superficielle qui est, dès maintenant, reconnaissable comme ectoderme. Je considère, comme représentant une partie du mésoderme, les cellules dérivées des deux sphères moyennes qui occupent encore, du côté ventral de l'endoderme, une position où, plus tard, se trou- veront dans la larve les organes génitaux. Ces cellules ne sont pas les seules, certainement, qui résultent de la résolution des sphères moyennes, qui étaient beaucoup plus volu- mineuses. Que sont devenues leurs sœurs? Je ne puis en ce moment répondre à cette question, je n’ai pu suivre leur destinée, mais il est probable qu'elles se sont glissées sous les cellules extérieures, où elles formeraient les muscles et l'appareil excréteur. Ce ne sont là MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 201 que des conjectures qui réclament l'appui d'observations précises. En tout cas, nous voyons que l’embryon, représenté figure 35, se compose, sinon de feuillets continus, au moins de masses cellulaires qui correspondent assez bien, par leur situation et leur destination, à l’endoderme, à l’ectoderme et au mésoderme des animaux supé- rieurs. Nous voyons aussi que ces masses cellulaires dérivent précisé- ment des sphères de segmentation dans l’ordre correspondant à leur degré d’animalité. L'endoderme est entièrement dérivé de la grosse sphère supérieure, le mésoderme des deux ou trois suivantes, l’ecto- derme et les parties céphaliques des cellules latérales et dorsales. Cette disposition, bien reconnaissable encore au stade que nous venons de décrire, ne tarde pas à devenir très obscure, grâce à la subdivision qui continue à s’opérer dans toutes les cellules et les rend de plus en plus semblables par les dimensions. Il en résulte qu'au stade représenté figure 36, l'embryon ne se compose plus que d’une masse finement framboisée, plus foncée au centre et dans la région inférieure, plus claire sur le pourtour et dans la partie cépha- lique. À ce moment le blastoderme est constitué, la segmentation est terminée et nous allons voir se marquer les premiers traits de la physionomie de l'embryon. DEUXIÈME PÉRIODE OU PÉRIODE DE FORMATION DES ORGANES. La première phase de cette nouvelle période s’inaugure, chez les Mélicertes, par la formation de la queue, qui se sépare de la masse générale, par un processus fort curieux et qui semble commun à beaucoup de Rotateurs, puisqu'il a déjà été observé dans le Brachion et dans le Pédalion. Sur l’œuf vu de profil, on voit un sillon d’abord léger, partir du milieu de la face convexe et se diriger obliquement en arrière vers le sommet du bout inférieur que, toutefois, il n’at- teint pas (fig. 37). Ce sillon se présente symétriquement de l’autre côté et si l'on examine l’œuf par la face ventrale, on voit que l’ensemble de ces 202 L. JOLIET. deux sillons a la forme d’un U renversé dont les deux branches sont sur les côtés et le sommet de la courbe au milieu de la face ventrale (fig. 39). Ge sillon s’approfondit de plus en plus et pince ainsi sur la face ventrale un épais bourrelet de blastoderme qui va s’élargissant vers le bout inférieur et qui, bientôt complètement séparé, sauf à la base, du reste de la masse, devient la queue de l'embryon. L'embryon se compose donc, à cette époque, d’une queue frepliée sous la face ventrale et d'un corps proprement dit en forme de massue, formé par le reste de la masse blastodermique. Pendant que ce processus s'achève, un nouveau fait commence à se manifester. Sur l'embryon, vu par la face ventrale, on voit, immé- diatement au-dessus de l'extrémité de la queue, une tache claire qui va s'élargissant et qui est due à la formation d’une dépression, d'ail- leurs peu profonde, qui enfonce à ce niveau la surface du blastoderme et se trouve bordée en dessous et sur les côtés par un bourrelet étroit et légèrement saillant, tandis que vers le haut elle ne paraît pas avoir de limites aussi nettes (fig. 39). Je pense que cette dépression est l'homologue de celle décrite par Salensky dans le Brachion. Toutefois elle en diffère par les caractères suivants : D'abord elle apparaît plus tard, car, dans le Brachion, elle précède la formation de la queue. Elle semble, ensuite, avoir beaucoup moins d’étendue, en particu- lier sur les côtés. Elle reste toujours peu profonde. Un peu plus tard, deux bourgeons des bourrelets, qui la limitent latéralement, naissent à quelque distance au-dessus de son bord in- férieur ; ils vont à la rencontre l’un de l’autre et se rejoignent sur la ligne médiane ; ainsi se forme ce qui sera la lèvre inférieure. Ce pro- cessus diffère de celui décrit par Salensky, en ce que, pour cet auteur, la lèvre est un organe impair qui se développe comme une sorte de bouton émergeant du fond de la dépression ventrale, tandis qu'elle nous a paru formée par la réunion de deux parties symétriques. Cette sorte de pont ou plutôt de barrage, que forme cette lèvre rudi- MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 203 mentaire, divise la dépression ventrale en deux champs : l’un infé- rieur, limité en bas par le bourrelet primiüf et en haut par la lèvre, présente l’apparence d’une tache claire circulaire; l’autre supérieur, est terminé en bas par la lèvre, mais vers le haut n’a pas de limites nettes (fig. 39). C'est dans ce champ supérieur que nous verrons, tout à l'heure, se creuser la bouche. Au contraire, le champ inférieur deviendra la fossette vibratile qui sert à l'adulte pour construire son habitation. Quelle est donc, d'après ces faits, la signification dans les Méli- certes de la dépression ventrale. Elle rappelle pour nous, d’une ma- nière frappante, un organe rotateur semblable à celui que l’on peut observer chez certains Rotateurs vermiformes, par exemple dans le Diglena forcipata adulte. Là, l'organe rotateur n'est point formé de lobes, ni de couronnes ciliaires, mais d’une simple surface ciliée, uniformément recouverte de cils courts et qui s'étend sur un bon tiers de la face ventrale, comprenant la bouche en son milieu. L'animal se sert de cette sur- face ciliée moins pour nager, comme un Rotifère, que pour marcher et glisser dans l’eau comme font les Planaires. Quand il se fixait, je l'ai souvent vu attirer vers sa bouche les particules alimentaires, à l’aide des cils qui couvrent la partie antérieure de l'organe, tandis que la partie infra-buccale se creusait parfois en forme de coupe et roulait des parcelles de boue ou de détritus organiques, comme font les Mélicertes avec leur fossette vibratile. Si une lèvre s'était trouvée sur cet organe pour le diviser en deux champs d’une manière permanente, on aurait eu là une véritable fossette vibratile. Dans la Mélicerte adulte il est facile de voir que les cils, qui couvrent même la face inférieure et convexe de la lèvre, se continuent avec ceux de la fossette; ces cils de la fossette, cils ras et courts, sont les pre- miers que nous allons voir apparaître par la suite du développement ; ils sont visibles bien avant les grands flagellums de l'appareil rota- teur définitif. 204 L. JOLIET. Je crois pouvoir conclure de ces faits que la dépression centrale des Mélicertes représente l'organe rotateur primitif, tel, à peu près, “qu'il se trouve réalisé dans le genre Diglena et composé simplement d’une surface ciliée en forme d’ellipse allongée s'étendant depuis le sommet de la tête jusque vers le tiers de la surface ventrale, c’est-à- dire bien au-dessous de la bouche. La première modification venant altérer la simplicité de cette disposition est l'apparition de la lèvre qui vient couper en deux l'organe rotateur primitif. Dans nos Méli- certes, la portion inférieure devient la fossette ciliée; il est probable qu'elle s’atrophie dans les espèces où cette fossette n’existe pas. Dans la portion supérieure, les cils ras ne me paraissent se développer que sur le bourrelet quien forme la limite extérieure ; un peu plus tard, une couronne de cils beaucoup plus longs apparaîtra en dedans de ce bourrelet et au-dessus de la bouche. Mais suivons l’ordre des faits. La fossette vibratile étant constituée ne tarde pas à se creuser, ou plutôt la lèvre, en devenant plus saillante, accuse davantage la dé- pression située au-dessous. Enfin, avec beaucoup d'attention, on peut voir onduler d’un mouvement lent et saccadé sur sa surface comme un gazon transparent formé par des cils courts et serrés (fig. 40). Un peu plus tard, ces cils se prolongent un peu au-dessus de la lèvre, mais ils sont si courts, si fins et si transparents qu'il n’est pos- sible de les voir que lorsqu'ils se détachent sur un fond bien éclairé. Or, un peu au-dessus de la lèvre, les bourrelets latéraux s’écartent pour contourner la masse céphalique et il est impossible de songer à suivre ces cils délicats sur le fond brun constitué par le blasto- derme. En revanche, quelques heures après que les cils de la lèvre sont devenus visibles, en regardant toujours sur le bord et sur le fond lumineux du champ, on voit battre de chaque côté, lentement et à longs intervalles, un ou deux cils très longs; ce sont les cils de l'appareil rotateur définitif, ceux qui bordent extérieurement les lobes de l’adulte. La couronne intérieure est formée (fig. 42). A l’époque où ces choses se passent aucun des organes internes MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 205 n’est encore apparent, si ce n’est les yeux représentés par deux trai- nées rouges et l'intestin indiqué par une tache noirâtre qui est le méconium. Il m'a été impossible de saisir rien qui ressemble à la formation de ce que Salensky appelle les lobes rotateurs. Cela tient peut-être à la simplicité de l’organe rotateur des Mélicertes qui ne se compose encore dans la larve éclose que de deux couronnes de cils à peu près concentriques. Rien autre chose que les cils dès qu'ils apparaiïsssent et quelque temps avant le bourrelet qui supporte la rangée inférieure, ne carac- térise l'organe rotateur dans l'embryon. Quelque temps avant l'apparition des cils, on voit s’accuser, sur les côtés de l'embryon, une ligne délicate, qui part d’un point situé un peu au-dessous de la fossette vibratile et se dirige vers le dos en montant obliquement. Cette ligne indique la limite du revêtement chitineux qui couvre les parties du corps situées au-dessous d’elle et sépare les parties inférieures de la partie céphalique capable de s’in- vaginer à l’intérieur de la première (fig. 40). Peu après le moment où les cils se sont montrés sur la fossette vibratile, on voit au-dessus de la lèvre inférieure se produire, par conséquent dans le champ supérieur de la dépression ventrale, un enfoncement qui se manifeste comme une échancrure sur le profil (fig. 43, 44 et 45). Cet enfoncement est la bouche. Elle se forme, comme nous l'avons dit, à l'endroit même où s’est fermé le blasto- pore, mais très tardivement, comme on le voit, et toute trace de cet orifice primitif a disparu depuis si longtemps qu'on ne peut, Je pense, regarder la position de l’un comme la conséquence de celle de l’autre. L’enfoncement qui forme la bouche m'avait d'abord-paru peu profond, mais de nouvelles préparations m'ont prouvé qu'il s’étend au contraire assez loin se dirigeant obliquement en bas vers le dos, j'ai donc été trop affirmatif dans ma première note‘ en disant qu'il ne 1 L. Jorrer, Développement de l'œuf des Mélicertes (C. R. de l'Ac. des sciences du 21 novembre 1881, 206 L, JOLIET. pouvait former le mastax; sans avoir pu l’observer directement, je suis au contraire disposé à croire que Salensky a raison de consi- dérer cet organe comme se formant au fond de l’invagination buc- cale. Si, vers la même époque, on retourne l'œuf de manière à examiner la face dorsale, on peut y voir, vers le tiers inférieur, une petite tache claire arrondie qui indique une dépression del’ectoderme (fig. 41, a). C'estl’orifice du cloaque. Le cloaque lui-même résulte donc, comme le préintestin, d'une invagination de l’ectoderme ; il est très court dans la larve au moment de l’éclosion, de même, d’ailleurs, que dans les Flosculaires et la plupart des Rotateurs adultes; dans les Méli- certes il s’allonge beaucoup pendant la vie larvaire. Au moment où toute cette série de modifications extérieures a commencé à se produire par la séparation de la queue, l'embryon était encore formé d’une masse blastodermique composée de cellules arrondies encore reconnaissables et assez fortement granu- leuses. Plus le développement avance, plus on voit les granules disparaî- tre, la masse de l'embryon devenir par suite plus claire et plus transparente, tandis que les cellules qui la composent sont de moins en moins distinctes. À cause de cette grande transparence, qui rend les limites des cel- lules presque impossibles à reconnaître, et aussi de l’état de compres- sion dans lequel se forment les organes, il est fort difficile de suivre les changements qui se produisent à l’intérieur de l'embryon. Ce qui est certain, c'est que les cellules dérivées de ia dernière sphère de segmentation se sont, à l'époque de la formation du blas- toderme, groupées dans la région précise où se formera l'intestin, tandis que la région céphalique, toujours plus claire, ne contient que des cellules ectodermiques, associées à un certain nombre d’autres mésodermiques. Ces dernières ne m'ont pas paru constituer, comme l'a cru voir Salensky, une couche continue, elles se disposent sans doute seulement aux endroits où doivent se former des fibres mus- MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 207 culaires ou quelque portion de l'appareil excréteur, mais je ne puis rien affirmer à cet égard. Je n'ai rien non plus à dire du système nerveux. Cela n'étonnera pas, d’ailleurs, si l’on songe que dans les Mélicertes, ce système, loin de constituer, comme on le représente dans le Brachion, un ganglion volumineux, se réduit dans l'adulte à un petit nombre de simples cel- lules nerveuses. Les yeux apparaissent de bonne heure comme deux points rouges accompagnés d'un petit cristallin; ils sont alors assez près du bord ventral, au-dessus de la bouche; plus tard, ils se retirent plus en arrière. A mesure que l'embryon approche de son état parfait, la queue se retire graduellement sur elle-même de facon à laisser la face ventrale à découvert et à se cantonner de plus en plus au petit bout de l’œuf; lorsque la larve est près d’éclore, l'axe de son corps est le même que l’axe de la queue, de sorte que celle-ci se trouve fortement com- primée de haut en bas et comme épatée sur le bout de l'œuf; la pres sion qu'elle exerce ainsi sur la paroi de l'œuf détermine la rupture et l'éclosion (fig. 45). À partir du moment où la queue se retire ainsi la larve qui, jusque- là, était immobile, se met à remuer à l'intérieur de sa prison, se con- tractant sur elle-même et prenant des positions fort variées, bien qu'elle n’arrive jamais à se retourner bout pour bout. Toujours la tête reste du côté du gros bout de l'œuf, mais elle est constamment en mouvement, et dans les derniers temps on voit la portion supérieure avec l'appareil rotateur s’invaginer comme dans la larve éclose et dans l'adulte. C'est aussi vers l’époque où l'embryon devient actif que le gésier devient visible, grâce à l’armature qui le revêt à l’intérieur et qui se constitue très rapidement. L’intestin inférieur est aussi reconnaissable à une tache foncée qu'il contient et qui devient à la fin tout à fait noire ; c'est le méco- nium ; on le retrouve encore quelque temps dans le cloaque de la larve éclose. 208 L. JOLIET. En résumé, les changements qui se produisent dans l'embryon, de- puis le moment où le blastoderme est constitué, peuvent se résumer de la manière suivante : Changements extérieurs. — Séparation de la queue. Formation de la dépression centrale. Sa division par la lèvre inférieure en deux champs, dont l’inférieur constitue la fossette vibratile. Apparition de l'enveloppe chitineuse, dont le bord sert à l'insertion des parties qui s’invaginent. Apparition successive des cils de la fossette vibratile, de ceux de la lèvre et de la couronne supérieure. Creusement de la bouche. Formation de l’anus. Redressement de la queue. Changements intérieurs. — Changement d'aspect dû à l'absorption des granules de matière nutritive. Invagination buccale formant aussi le pharynx et le mastax. Invagination anale formant le cloaque. Constitution de l'intestin entre les deux et sur place aux dépens des cellules de l'endoderme. Mise en communication postérieure de ces trois divisions, Apparition des yeux. TROISIÈME PÉRIODE OU PÉRIODE LARVAIRE. Nous venons de voir qu’un dernier effort de la queue a rompu la paroi de l'œuf; la larve en sort d’abord toute ratatinée (pl. XII, fig. 46), mais une fois dans l’eau, elle ne tarde pas à se distendre : ses tissus aussi, probablement, absorbent de l’eau, si bien qu’au bout d’une heure, n’ayant encore rien mangé, elle atteint une longueur et un volume tellement supérieurs à ceux de l’œuf, qu’on a peine à con- cevoir qu'elle y ait pu tenir quelques instants auparavant (fig.-47). La larve éclose et nageante présente une forme à peu près co- nique; la queue est encore très courte et l’appareil rotateur très peu développé. Cet appareil est formé simplement par la circonférence de base du cône en question, qui est seulement légèrement ondu- leuse et porte deux rangées de cils, l’une, extérieure, marginale, formée de longs flagellums, l’autre, de cils plus fins, plus courts et MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. | 209 plus serrés et qui borde la première en dedans et en dessous, par- tout, sauf sur la ligne médiane antérieure. Là, en effet, elle s’écarte notablement de la couronne supérieure pour laisser entre elles deux l’orifice buccal; elle se trouve alors sup- portée par les bords de la lèvre inférieure (fig. 47, /). Au-dessous de cette lèvre, se voit la fossette vibratile, limitée in- térieurement par une languette mobile et couverte de cils vibratiles sans cesse en mouvement (fig. 47, f). Sur les côtés de la lèvre et attachés sur les flancs sont deux ba- guettes ou antennes qui, terminées par un bouquet de soies rigides et rétractiles, sont probablement des organes de tact, homologues de ceux qui existent sur les côtés du corps d'un grand nombre de Rotateurs. Sur la ligne médiane dorsale, entre les deux yeux, se voit encore l’organe sétigère impair et sessile. | Les deux yeux rouges avec leur cristallin, se voientsymétriquement placés très près de la marge de l’organe rotateur du côté dorsal. Si, maintenant, on examine la larve de profil, on voit : 1° Que, accolée au fond de la fossette vibratile se trouve intérieu- rement, une glande très volumineuse ; 2° Que la bouche conduit par un canal eilié au mastax qui, vu de face, présente l'aspect d’un cœur de cartes à jouer et est pourvu d'une armature fort compliquée ; 3° Que l'intestin qui lui fait suite est assez large et court, divisé en deux parties, dont l’inférieure communique avee un tube cloacal court, qui va s'ouvrir à peu de distance sur la ligne médiane dorsale et contient encore, ordinairement, un méconium : 4° Que des flammes vibratiles appartenant au système excréteur et qui se voyaient déjà dans l’œuf, vibrent dans la région céphalique et sur les côtés de l'intestin supérieur; 5° Qu'un ovaire, dans lequel on remarque déjà des taches claires correspondant à autant d'œufs primitifs, existe déjà sur la face ven- trale de l'intestin ; ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. = 96 SÉRIE, = T,1, 1883, 1: 210 L. JOLIET. 6° Enfin, que la queue, encore fort courte, est remplie par les fibres des muscles rétracteurs et aussi par des glandes volumineuses qui n'existent plus dans l'adulte. Elle porte, à son extrémité, un bouquet de cils vibratiles. La larve que nous venons de décrire mène, suivant les cas, pen- dant douze ou vingt-quatre heures, une vie errante, tantôt déployant son appareil rotateur et nageant avec rapidité, tantôt le rétractant et se tenant immobile. Quand le moment en est venu, elle se pose sur quelque brin de bois ou sur quelque feuille d’hypnum et S'y at- tache probablement à l’aide de la sécrétion fournie par les glandes de la queue. Les ondulations du cercle des cils supérieurs s’accusent et le découpent en quatre lobes symétriques, deux ventraux plus grands, deux dorsaux plus petits. Ces lobes n’ont plus qu’à accroître leurs dimensions pour réaliser l’état adulte. Cependant, la larve fixée s’entoure d’un mucilage transparent, et, peu après, elle commence à construire son tube. Ce travail à été trop longuement décrit plus haut pour que j'aie besoin d’ÿ revenir. Les particules terreuses en suspension dans l’eau, sont recueillies par les cils de la fossette, accumulées dans la concavité de cet organe et roulées au milieu d’une sécrétion fournie par la glände sous- jacente qui les agglutine. Elles finissent par former de petites bou- lettes qui ont la forme d’un obus, et qui, pincées par la languette placée au-dessous de la fossette, sont appliquées, d’abord, sur le mucilage qui enveloppe l'animal, puis, ensuite, les unes sur lés au- tres, rangée par rangée (fig. 48). Au moment où le tube commence ainsi à se construire, le jeune animal a revêtu tous les caractères de l'adulte, dont il ne diffère plus que par la taille et par les dimensions relatives des lobes rotateurs, de la queue et de sa soie (fig. 49). MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 211 ŒUF MALE, Nous avons vu plus haut que Gosse a pris pour l’œuf mâle un corps qui n'est en réalité que l'œuf d'hiver. L'œuf mâle des Mélicertes, non plus que le mâle lui-même, n’a encore été observé. Comme je l'ai déjà dit, je n'en ai trouvé que fort peu pendant l'été de 1881. Au contraire, l'été dernier, pendant les mois d’août et septembre, alors que l’eau baissait de jour en jour dans mes mares, j'ai trouvé quatre tubes contenant des œufs mâles, contre quarante- cinq contenant des œufs d'été femelles. Seulement comme.chaque tube contenait de sept à douze œufs mâles, au lieu de trois ou quatre qu'on trouve dans les tubes à œufs femelles, j'ai obtenu au total trente-quatre œufs mâles, contre quatre-vingt-cinq œufs fe- melles. Du développement de cet œuf, je n’ai pu suivre que les premières phases, qui sont calquées sur celles par où passe l'œuf femelle, Tout, jusqu'à la fermeture du blastopore, se passe absolument comme dans la femelle et la segmentation suit absolument la même marche. Il serait intéressant, à coup sûr, de suivre le sort de la dernière grosse sphère de segmentation, de celle qui, dans l'œuf femelle, sert à former l'intestin. Je n’ai pu malheureusement le faire. | En ce qui concerne les stades ultérieurs, je puis seulement dire qu'au bout de quelque temps l'embryon se montre avec la queue repliée sous le ventre, dans cette attitude qui semble caractéristique pour un si grand nombre d’embryons de Rotateurs. Quelque temps après, cette queue se retire à l'extrémité de l'œuf, les deux yeux rouges paraissent, le jeune devient agile et, à cette époque, on ne peut le reconnaître d'une femelle dans l’œuf que par sa petitesse et par l’absence de mastax. Les cils de la tête et de la queue remuent activement; on aperçoit 212 L. JOLIET. même deux flammes vibratiles sur les côtés de la tête, et toute la partie centrale du corps est remplie comme par un parenchyme, formé de cellules arrondies qui sont les cellules mères. Dans cet état le mâle éclot. FORMATION, DÉVELOPPEMENT ET ROLE DES ŒUFS D'HIVER. De nombreuses discussions ont eu et ont encore lieu relativement à l’origine aussi bien qu’au mode de développement de l'œuf d'hiver. Ehrenberg a le premier parlé des œufs d'hiver ou à double enve- loppe des Rotateurs. Külliker, en 1843, les a décrits dans le genre Megalotrocha, comme des œufs ordinaires subissant une évolution particulière. Weiss, en 1851, observa au mois de mai l’éclosion du jeune ren- fermé dans l'œuf d'hiver du Brachionus urceolaris. En 1852, Huxley, dans son travail sur la Lacinularia socialis, pré- tendit que les œufs d'hiver n'étaient pas des œufs unicellulaires su- bissant une segmentation ordinaire, mais des sortes de corps repro- ducteurs semblables aux œufs d'hiver des Daphnies et formés par l'agrégation d’un grand nombre de cellules, par la transformation de tout ou partie de l'ovaire. A la même époque, Leydig, étudiant la même ZLacinularia socials, regardait les œufs d'hiver comme de véritables œufs et décrivait même leur mode de segmentation. Cohn regarde aussi les œufs d'hiver comme de véritables œufs, mais il ne sait rien de leur développement. Remarquant que ces œufs sont pondus aussi bien au printemps qu’à l’automne, et même pendant l'été, il s'élève contre la dénomi- nation d’œufs d'hiver qu’on leur applique généralement, et les dé- signe sous le nom d'œufs durables, « Dauereier ». Enfin, en 1868, dans son mémoire classique sur la composition et la signification de l’œuf, Ed. van Beneden déclare qu’on n’a pas en- core observé le phénomène du fractionnement des œufs d'hiver. MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 213 « Le développement de ces œufs paraît, dit-il, s'accomplir sans frac- tionnement, la vésicule germinative se divise en un certain nombre de portions qui se portent à la périphérie de l’œuf ; la masse proto- plasmatique de la cellule-œuf finit par se diviser autour de chacune d'elles pour former autant de cellules embryonnaires, qui se nour- rissent aux dépens des éléments nutritifs du vitellus amassés au centre de l'œuf. » — « La coque des œufs d'hiver, ajoute le même auteur, représente le chorion; elle existe en même temps que la membrane vitelline qui estimmédiatement appliquée sur le vitellus.» Plusieurs questions, on le voit d’après ce résumé, restent en litige. 4° Les œufs d'hiver sont-ils de véritables œufs, ou bien, comme le veut Huxley, des corps reproducteurs agames et pluricellulaires ? 2° Les œufs d'hiver présentent-ils ou non les phénomènes de la segmentation ? 3° Leur coque résistante est-elle intérieure ou extérieure à la membrane vitelline ? 4° Méritent-ils bien le nom d'œufs d'hiver qu’on leur donne habi- tuellement? On trouvera, je pense, la réponse à ces questions, du moins en ce qui concerne les Mélicertes, dans les observations suivantes : Relativement à la première question, c’est-à-dire au mode de for- mation de l'œuf d'hiver, je ne puis que renvoyer à ce que j'ai dit plus haut au chapitre de la formation de l'œuf en général. Il est évident que Huxley à pris, dans la ZLacinularia socialis, l’ovaire pour _ l’œuf, et en ce qui concerne les Mélicertes et l’OBcistes, la chose ne peut faire l’objet d'aucun doute; l'œuf d'hiver est un œuf véritabie qui naît et mürit dans l’ovaire, absolument comme l’œuf d'été, dont ilne diffère que par sa grande taille et sa coloration foncée. Comment donc maintenant, une fois pondu, se comporte l'œuf d'hiver ? Absolument comme l’œuf d'été, jusqu’à l’époque où le blas- toderme est constitué. — Au bout de peu d'instants, on le voit entrer en évolution. Gomme 214 L L. JOLIET. l'œuf d'été, ilse divise en deux segments dont l’un est environ trois fois plus petit que l’autre (pl. XIIT, fig. 53). Je n’ai pas suivi les phé- nomènes de la segmentation avec autant de détail que pour l'œuf d'été, mais les figures 5 et 6 de la planche XI, prises à la chambre claire et correspondant exactement aux stades de l'œuf d’été repré- sentés pl. XII, fig. 25 et 24, suffisent à montrer que la marche est exactement la même. Dans le genre voisin, OEcistes, j'ai pu constater la même concor- dance dans le développement de l’œuf d'été et de l'œuf d'hiver. Il est donc bien établi, du moins en ce qui concerne les genres Melicerta et OEcistes, que non seulement l'œuf d'hiver se forme et mûrit dans l'ovaire, absolument comme l'œuf d'été, mais qu'il se segmente en suivant une marche identique. Il est possible que le mode de développement décrit par Ed. van Beneden s’observe dans certains genres, puisque quelque chose de fort analogue a été observé par Nägeli dans les œufs d’été des Philo- dines; mais il n’est plus possible de nier que la segmentation, et la segmentation totale, n’intervienne au moins dans plusieurs genres. La segmentation étant achevée, notre œuf n’est plus qu’une masse framboisée qui remplit à peu près la cavité de la membrane vi- telline. À ce stade, les processus ordinaires du développement semblent s'arrêter, la masse framboisée subit un retrait qui l'isole de la mem- brane vitelline, à l’intérieur de laquelle elle s'enkyste dans une deuxième membrane qui va devenir la coque de i’œuf. Gette deuxième membrane, quoi qu’en dise Ed. van Beneden, est intérieure à la membrane vitelline; elle se forme sur la surface même. de l'embryon; elle n’est pas anhiste comme la membrane witelline, mais formée d’un grand nombre de petites cellules juxtaposées ; elle semble se produire sur l'embryon comme une membrane épider- mique. Elle présente en certains points des épaississements qui affec- tent la forme de lignes ou de côtes concentriques qui la renforcent ei enceignent l'œuf en formant une sorte d'’ornementation, Peu à MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 215 peu cette membrane, d'abord molle, devient résistante, coriace, chi- tineuse. L'œuf, ainsi enfermé, présente non plus une forme ovoïde, mais celle d'une moitié de noix, c’est-à-dire une face bombée et une face plane ; la face bambée est seule ornementée par les crêtes sail- lantes, la face plane est unie (fig. 54 et 55, pl. XIIT). On voit encore pendant quelque temps la membrane vitelline au- tour de cette membrane interne (fig. 54); mais au bout d'un ou deux mois, elle se détruit, et vers la fin de l'hiver on ne trouve plus que ces œufs plan-convexes dessinés par Gosse, qui les avait pris pour des œufs mâles (fig. 55). Pendant que ces changements se sont opérés, l'œuf a perdu peu à peu sa coloration noire pour prendre une teinte Jaune d’ocre pâle. Ce changement de coloration, joint à la perte de la membrane vi- telline, a été une cause d'erreur pour les auteurs qui n'ont pas voulu voir dans ces deux corps le même œuf. En somme, il n’y a rien de plus dans ce fait que ce qui se passe dans l’œuf d'été, lorsque de foncé qu'il était il devient grisâtre et presque transparent par suite de l'assimilation des granules de ma- tière nutritive qui le rendaient opaque. Seulement, l'œuf d'hiver, étant, à l’origine, presque noir, au lieu de devenir grisâtre, prend cette teinte jaune qui le distingue. Pourquoi maintenant les auteurs ne s’entendent-ils pas relative- ment aux positions respectives des différentes membranes, et décri- vent-ils la coque comme se formant en dehors de la membrane vi- telline ? Weiss, le seul auteur qui, à ma connaissance, ait assisté à l'éclo- sion de l’œuf d'hiver du Brachionus urceolaris, montre fort bien que lorsque la coque est brisée, l'embryon est encore obligé de se débar- rasser d’une seconde enveloppeintérieure à la coque, et qu'il appelle l'amnios. Get amnios doit-il être identifié avec la membrane vitel- line? Je ne le crois pas. N'ayant pas assisté à l’éclosion, je n'ai pas yu dans les Mélicertes ce qui correspondrait à l'amnios de Weiss, mais comme j'ai assisté maintes et maintes fois à la formation de la 216 L. JOLIET. coque en dedans de la membrane vitelline, tant chez les Mélicertes que chez l’OEcistes, j'en conclus que si plus tard il exisle une mem- brane en dedans de la coque, ce n’est point la membrane vitelline, mais une troisième membrane de formation postérieure à la coque elle-même. En ce qui concerne les Mélicertiens, le fait est indiscu- table : l’œuf d’hiver est pondu avec une simple membrane vitelline; l'embryon s’entoure bientôt, à l'intérieur de cette membrane, d'une deuxième membrane, la coque. Peut-être enfin se produit-il, par la suite du développement à l’in- térieur de la coque, une troisième membrane comparable à l’am- nios de Weiss, mais, à cet égard, je n’ai pas d'observations person- nelles. Toujours est-il que la coque est une membrane cellulaire, une sorte de production épithéliale de l'embryon qui se chitinise. Cette structure cellulaire a été observée par plusieurs auteurs, et sur des œufs de différentes espèces. Sur les œufs d'hiver de certaines Flosculaires, elle est des plus remarquables, ainsi que j'espère le montrer bientôt, et rappelle d’une manière frappante la structure de la coque des statoblastes de Bryozoaires. Cette structure cellulaire de la coque des œufs d'hiver serait inex: plicable si cette coque se produisait réellement en dehors de la mem- brane vitelline, tandis qu’elle s’explique fort bien si on la considère comme un produit des cellules superficielles ou épithéliales de l’em- bryon. La membrane interne ou amnios de Weiss, bien que non chitineuse, est probablement un produit analogue, et il est difficile de ne pas voir dans la formation successive de dehors en dedans de ces deux membranes quelque chose de comparable à la mue des chrysalides et des larves d’arthropodes. Je n’ai malheureusement pu, ni suivre le développement de l’em- bryon au-delà de la formation de la coque, ni assister à son éclosion. Je ne sais si à partir de l’enkystement le développement s’arrête tout à fait pour un temps, ou s’il se poursuit graduellement et lentement, mais je suis plutôt disposé à admettre la première hypothèse, car MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 917 si le temps pendant lequel l'embryon peut rester à l'intérieur de sa coque avant d’éclore n’est pas indéfini, il est du moins, comme nous le verrons, dans certaines circonstances, indéterminé. Il est fort dif- ficile, au travers de la coque opaque et ornementée, de voir ce qui se passe dans l'embryon. Quand on écrase l’œuf, on n’en voit sortir généralement qu'une matière granuleuse. Quand on l’examine par transparence, on remarque qu'il est divisé, comme la plupart des œufs d'hiver, en deux parties inégales, par une ligne transversale foncée dont j'ignore la signification. Moins heureux que Weiss ne l’a été avec son Brachion, je n’ai pu assister à l’éclosion, mais un Jour que, au mois d'avril, j'ouvrais un tube renfermant des œufs qui avaient passé l'hiver, je trouvai parmi eux un être que j'ai représenté planche XII, figure 56, et que je crois être une Mélicerte nouvellement éclose d’un œuf d'hiver. Elle res- semble à peu près exactement à une Mélicerte adulte et rétractée, si ce n’est que sa queue est plus courte et qu’elle est encore immo- bile et comme engourdie. Ses dimensions correspondent parfaite- ment à celles de l'œuf d'hiver qui venait probablement de la laisser échapper. On admet généralement que les œufs d’hiver sont pondus pendant l'automne, qu'ils sont destinés à supporter les froids de l'hiver et à éclore au printemps suivant pour reproduire l’espèce. C’est en effet ce qui arrive pour un grand nombre d’entre eux ; on sait depuis longtemps qu'ils sont généralement pondus en plus grande abondance à l’automne, et Weisse les a vus, à Saint-Péters- bourg, éclore en grand nombre au mois de mai. Cependant, ce n’est pas là probablement leur unique rôle. Plu- sieurs auteurs, et Cohn surtout, ont observé que des œufs d’hiver étaient pondus en grand nombre au printemps, et même qu'ils n'étaient pas rares en été. J'ai moi-même insisté plus haut sur ce fait que j'ai trouvé chez les Mélicertes des pondeuses d’œufs d'hiver pendant tout le cours de la belle saison, depuis le mois d’avril jus- qu'à la fin d'octobre, et même que, en août et en septembre 1882, 218 L. JOLIET. alors que mes mares allaient se desséchant, les pondeuses d'œufs d'hiver étaient particulièrement nombreuses. En considération de ce fait que les œufs d'hiver peuvent être pondus dès le printemps, Cohn avait proposé de substituer à ce nom celui d'œufs durables, « Dauereier ». Je me rallie complètement, pour ma part, à cette pensée, étant convaincu que ces œufs à coque résistante ont pour objet de résister à la‘ sécheresse aussi bien qu'au froid. Comme je l'ai déjà dit au commencement de ce travail, la mare qui m’a fourni les matériaux de ce travail était précédemment, à ma connaissance, restée à sec pendant plusieurs années. Après avoir été pleine pendant deux ans, la voici de nouveau tarie; à l'heure où j'écris, les mousses sur lesquelles l’an dernier je faisais d'abondantes récoltes, sont sèches et pulvérulentes. Cependant, je ne désespère pas, si l'hiver est pluvieux, d’y retrouver, l’été prochain, des sujets d'étude. En effet, ayant cet été pris des mousses qui garnissaient le fond d’une autre mare complètement tarie depuis treize mois, et les ayant mises à infuser dans une cuvette avec de l’eau filtrée, j'ai obtenu, au bout d’une quinzaine de jours, plusieurs des espèces qui peuplaient cette mare dix-huit mois auparavant. Comme aucune de ces espèces ne jouit de la propriété qu'ont les Rotifères de revivre après avoir été desséchés, j'en conclus qu’elles devaient à leurs œufs durables d'avoir ainsi reparu dans mes cuvettes. Plusieurs fois j'ai répété cette expérience, el toujours avec le même succès, du moins en ce qui concerne les espèces les plus communes, c’est-à-dire celles qui s’arrangent le mieux de toutes les conditions, J'ai commencé quelques expériences en vue de savoir pendant combien de temps l'embryon peut, à l'intérieur de sa coque, résister à la sécheresse et se conserver dans un état de vie latente. J'espère en pouvoir un jour publier ici les résultats; mais les faits que je viens d'exposer me semblent, pour le moment, suffire à démontrer que les œufs à coque résistante, improprement appelés œufs d'hiver, sont aptes et destinés à résister à la dessiccation aussi bien qu'au MONOGRAPHIE DES MELICERTES. 219 froid, et que le nom d'œufs durables leur conviendrait davantage. Iln'’est pas vrai que pendant l'hiver la vie cesse complètement pour les Rotateurs. Pendant l'hiver peu rigoureux de 1881-82, j'ai pu ob- server des Mélicertes et des ŒÆEcistes vivants au mois de décembre, au mois de février, et jusqu’au printemps. Ils étaient, en effet, en petit nombre, et les fonctions, particulièrement les fonctions de re- production, paraissaient peu actives, car plusieurs ovaires ne me montrèrent aucun œuf en maturation. Au contraire, pendant les pé- riodes de sécheresse, la vie active est nécessairement complètement abolie. On peut encore ajouter que les Rotateurs pondent des œufs du- rables aussi bien dans les pays où il ne gèle jamais que dans les ré- gions froides ; que Schmarda en a trouvé au Caire, aussi bien que Weiss à Saint-Pétersbourg, et que moi-même j'ai eu l’occasion d’en obseryer à Menton, où la vie des Rotateurs n’est en aucune façon ralentie au milieu de l'hiver. RÉSUMÉ. 4° Aux trois espèces de Mélicertes connues : M. ringens, M. pilula Collins, #. tyro Hudson, il convient d'ajouter une quatrième espèce, la M, pedunculata ; 2° Il ne doit pas être fait d'opposition au point de vue de la posi- tion du système nerveux et des organes tactiles entre les Mélicertes el les autres Rotateurs. Comme tous les Rotateurs, les Mélicertes ont le système nerveux central situé sur la face dorsale, c’est-à-dire sur la face qui correspond à l’orifice cloacal et à l’organe tactile impair, Comme tous les Rotateurs, les Mélicertes ont trois organes tactiles, un impair dorsal et deux pairs latéraux ; 3° L'organe pris par Huxley pour le ganglion est une glande des- tinée à fournir le mucus pour la confection des éléments de l’étui protecteur, La fabrication de cet étui a été décrite d'une manière 220 L. JOLIET. satisfaisante par Gosse, Bedwell et Grübe. La languette mobile située sous la fossette vibratile joue le rôle de l’axe dans un tour; 4° Dans les Mélicertes, les femelles peuvent être divisées en pon- deuses d'œufs mâles, pondeuses d'œufs d’été femelles, pondeuses d'œufs d'hiver. Chacune paraît avoir sa spécialité ; 5° Toutes sont également aptes à être fécondées, mais toutes ne le sont pas; 6° Le mâle ressemble à celui de la Zacinularia socialis. Les z00- spermes sont rubanés, à mouvement ondulatoire et à tête allongée. Ils deviennent immobiles dans le corps de la femelle et s'accumulent sur la surface de l’ovaire ; 1° Sauf que peut-être l’œuf fécondé expulse des globules polaires, il n’y a aucune différence dans le développement de deux œufs dont l'un provient d’une femelle fécondée et l’autre d’une femelle vierge ; 8° La théorie de Cohn, d’après laquelle les seules femelles fécon- dées seraient les pondeuses d'œufs d'hiver, tandis que les œufs d'été se développeraient tous par parthénogénèse, est contredite par les faits ; 9 Il y a des raisons de croire que d’un œuf d'été femelle fécondé se développe une pondeuse d'œufs d'hiver, tandis que d’un œuf d'été non fécondé ne se développerait qu'une pondeuse d'œufs d’été mâles ou femelles ; 40211 y a certainement un rapport entre le nombre de mâles exis- tant à un moment donné et le nombre des œufs d’hiver existant vers la même époque; 14° Les œufs d’hiver mériteraient mieux le nom d'œufs durables, car ils sont destinés à résister au moins autant à la sécheresse qu’au froid ; 19° Les œufs d'hiver naissent et mürissent comme les œufs d'été. Is ne s’en distinguent, au moment de la ponte, que par la taille et la couleur. Ils se segmentent suivant la même marche. A un certain moment, l'embryon s'enkyste dans une membrane cellulaire inté- rieure à la membrane vitelline. Plus tard, cette membrane cellulaire MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 221 se chitinise et s’ornemente, tandis que la membrane vitelline exté- rieure disparaît ; 43° Jusqu'à la fermeture du blastopore, l’œuf mâle se segmente absolument comme l’œuf femelle ; 44 L'œuf d'été non fécondé n’émet pas de globules polaires ; 15° Pondu, il se divise en deux segments inégaux. Ces deux seg- ments primitifs se divisent d’une manière parallèle et symétrique jusqu'au stade 16. À partir de là, des dérivés du petit segment pré- dominent et enveloppent les autres. Lorsque le blastoderme est constitué, il existe dans l'embryon : a. Un feuillet interne dérivé entièrement de la dernière et plus grosse sphère de segmentation et qui forme en entier l’intestn; b. Un feuillet externe formant l’ectoderme dérivé en grande partie, probablement même en totalité, du plus petit segment primitif et de la première sphère détachée du gros segment: ec. Un feuillet moyen formant sinon une couche continue, au moins des groupes de cellules disposées entre les feuillets externe et in- terne, dérivant des deux sphères moyennes du gros segment primitif etservant à former probablement les organes génitaux et les muscles. Cette disposition est un exemple frappant de la manière dont l'ordre de succession des feuillets correspond à l’ordre de la seg- mentation, la sphère la plus éloignée du pôle animal servant exclu- sivement à former l’intestin, les deux sphères moyennes, les organes génitaux et les muscles; enfin, les trois sphères inférieures plus claires, l’ectoderme ; 16° Le blastoderme étant constitué, les phénomènes embryolo- giques se poursuivent dans l'ordre suivant : pincement de la queue; apparition de la fossette vibratile; des cils ras qui la recouvrent; des traînées de pigment oculaires ; des grands cils de l'appareil ro- tateur; formation de la cavité buccale et du cloaque par invagina- tion de l’ectoderme; apparition du méconium, du mastax ; des flam- mes vibratiles ; éclosion. La larve, après avoir mené pendant quelque temps la vie errante, se fixe et se met à construire son tube. 222 17 Fi1G. 14. L. JOLIET. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XI. Femelle non fécondée rétractée, — sd, soies dorsales; sv, soies ventrales et antennes. Au-dessous, à droite, se voit la glande de la fossette. — n, cellules nerveuses: au-dessus, trois cornets vibratiles. — gl st, glandes stomacales ; au-dessus, le mastax et le pharynx avec ses trois membranes tremblotantes ; par transparence on voit les cils vibratiles de l’œso- phage. — st, estomac; in, intestin ; ce, canal excréteur ; sur son trajet, en haut, trois cornets vibratiles. Il débouche dans l’oviducte, non loin du cloaque ; à droite, ovaire et œuf en maturation. — », cloaque; m, mus- cles rétracteurs. . Femelle épanouie, vue de profil, pour montrer la fossette vibratile; la lèvre (!) au-dessus, la languette et la glande au-dessous. . Femelle épanouie, vue de dos, pour montrer les lobes céphaliques. . Extrémité de la queue de la M. pedonculata pour montrer la soie et son insertion. OŒEuf d'hiver, au stade correspondant à celui représenté fig. 25. . Le même, au stade correspondant à celui représenté fig. 24, pour l'œuf d’été. OEuf mâle, observé dans l’oviducte d’une femelle fécondée et présentant deux globules polaires (?) . Cellule nerveuse et glande de l’appareil excréteur. . Région moyenne d’une femelle pendant la ponte au commencement de la période de mise en place; od, oviducte ; r, cloaque. . Femelle fécondée, montrant des zoospermes actifs en différents points de la cavité du corps et d’autres réunis sous l’ovaire. Mâle; p, pénis. . Ovaire d'une femelle fécondée avec l’amas sous-ovarien de zoospermes immobiles. . Eléments du tube. PLANCHES XII ET XIII. OEuf dans l’oviducte. La tache germinative est encore visible. . OEuf dans l’oviducte, la tache germinative a disparu et la vésicule germi- native n’a plus un contour aussi net. OEuf fraîchement pondu. Au centre de l’œuf se voit le premier noyau de segmentation. Le noyau se déplace vers le pôle inférieur de l'œuf. . Le noyau se dédouble. Les deux nouveaux noyaux s'éloignent en formant un amphiaster. . Les deux noyaux s’éloignent, le noyau supérieur prend la forme en virgule. 9, 40, 44 et 12. Retour des deux noyaux à la position moyenne. MONOGRAPHIE DES MÉLICERTES. 223 Fi1@. 9, 10, 41, 42. Formation du premier sillon de segmentation. 13. 414 15. 16. £7. 28. Division du noyau supérieur. Formation du second amphiaster. Division du noyau inférieur. Début de la formation du deuxième sillon de segmentation. Achèvement du deuxième sillon de segmentation. Formation du troisième sillon, divisant la sphère inférieure. Stade quatre parachevé. . Commencement de la rotation qui fait descendre b et remonter a. . Commencement de la partition longitudinale de b. . Deuxième partition de B. Subdivision de A. . Partition longitudinale de a. Les deux moitiés de a el de b se rejoignent pour former les cellules latérales. Les deux segments de B se sont subdivisés et forment les quatre sphères dorsales. Stade dix. . Subdivision des cellules latérales, Stade quatorze. . Même stade, vu de trois quarts. . Même stade, vu par la face ventrale. Subdivision des sphères ventrales. Slade seize. 29 et 30. Subdivision transversale des trois cellules latérales supérieures. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42, 43. 44, 45 Stade vingt-deux. Les cellules dorsales et latérales se multiplient et envahissent les gros- ses cellules ventrales dont les trois inférieures se subdivisent. La dernière sphère supérieure ventrale restée seule indivise est de pius en plus enveloppée. Cette dernière sphère s'enfonce définitivement et le blastopore se ferme au point bp. La dernière sphère prend dans l'œuf une position centrale. Elle se divise à son tour et reste environnée quelque temps de plusieurs cellules résultant de la division des cellules moyennes ventrales. Constitution définitive du blastoderme. Formation de la queue. Formation de la dépression ventrale. Dépression ventrale et sa subdivision en un champ supérieur et en un champ inférieur qui sera la fossette vibratile, vue de face. Première apparition de la couronne de cils ras. La ligne inférieure arquée indique la limite du futur revêtement chitineux. Vue du côté dorsal montrant la ligne formée par le revêtement chitineux et l’orifice cloacal a. Apparition des flagellums de l’organe rotateur définitif et des cils de l'extrémité de la queue. On reconnaît déjà le méconium et l’œil. Formation de la dépression buccale. La bouche, la lèvre inférieure et la fossette vibratile s’accusent. Redressement de la queue. Apparition de l’armature du gésier et des flammes vibraliles, la larve devient active et se retourne dans l’œuf, 48. 28. L. JOLIET. La larve, au moment de l’éclosion, est encore embarrassée par le haut dans l’enveloppe de l’œuf. Larve éclose et nageante montrant la lèvreinférieure, la fossette vibratile, le gésier, l'intestin, le cloaque et les glandes pédieuses. Celles-ci sécrè- tent un mucus auquel viennent se coller quelques particules terreuses et végétales flottant dans l’eau, Larve fixée. Sur la couronne qui formait l’organe rotateur de la larve nageante, commencent à s’accuser ies quatre lobes de l’adulte. Dans la fossette vibratile, se voit une boulette de particules terreuses qui sera bientôt placée à côté de celles déjà posées pour former le tube. . Jeune individu dans son tube ayant revêtu tous les caractères essen- tiels de l’adulte. . OEuf mâle près d’éclore. Mâle nouvellement éclos montrant le sac à spermé, {la couronne ciliée, les yeux, les flammes vibratiles et la queue ciliée. . Le même de profil. . OEuf d'hiver, après l’apparition du premier sillon de segmentation. . OEuf d'hiver, après l’achèvement de la segmentation et revêtu de sa coque intérieure à la membrane de l’œuf. . Le même plus avancé et débarrassé de la membrane de l'œuf. . Larve issue de l’œuf d’hiver. . Formation de l’œuf d’été. Formation de l’œuf d’hiver. . Zoospermes. RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES PAR Le Docteur Pauz GIROD, Chargé de Conférences de Zoologie à la Faculté de Clermont, Pendant un séjour que je fis cette année à la station zoologique de Roscoff, j'ai porté mes investigations sur les Mollusques céphalo- podes, qui sont très abondants sur cette portion des côtes de la Manche. La structure de la peau et des parties qui s’y rattachent présen- tant dans son étude générale et comparative des lacunes impor- tantes, mon attention a été plus particulièrement attirée sur ce sujet. Du reste, mes recherches antérieures m'avaient déjà conduit à esquisser à grands traits les résultats d'observations préliminaires. Je me suis attaché à compléter les données acquises, constatant les différences et les ressemblances qui se recontrent dans les dispo- sitions spéciales des divers types, et faisant ressortir les caractères fondamentaux de la peau de ces Mollusques. C'est à H. Müller que reviennent les premières recherches appro- fondies sur la question qui nous occupe. Dans son remarquable tra- vail sur l’organisation des Céphalopodes ! publié en 1853, il expose le résultat de ses observations microscopiques et donne une descrip- tion rapide des parties constituantes du tégument et de leurs rap- ports réciproques. De H. Müller il faut arriver à Franz Boll pour trouver des données 1 H. Muzcer, Zeülschrift fur Wiss. Zool., III, 1853. ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GËN, = 2€ SÉRIE, == T, 1, 1883, 45 296 PAUL GIROD. plus précises et plus complètes. Ce naturaliste fut amené, par ses études sur l'histologie du type Mollusque', faites pendant l’an- née 1868, à revoir les questions se rapportant aux épithéliums et aux tissus conjonctifs dermiques et à réunir ainsi de nombreux ma tériaux et des observations précieuses. À côté de ces deux travaux d'ensemble se groupent un grand nombre de publications plus spéciales qui trouveront leur indication dans les descriptions ultérieures. Mais nous devons accorder une place à part aux observations de Cuvier et de Delle Chiaje qui, res- treintes à l’anatomie macroscopique, n'en constituent pas moins le point de départ des investigations sur le tégument. Les recherches présentes ont porté sur les divers Céphalopodes de la côte française de la Manche : Oclopus vulgaris Lam., qui se retire sous les rochers de la grève de Roscoff ; Sepia officinalis Lin., qui vit et pond dans les herbiers voisins du laboratoire. Sepiola Rondeletii Gesn., qui abonde sur les plages de sable de Batz et de Pempoul. — La drague ramène en septembre des pontes de ce petit Céphalopode. Loligo vulgaris Lam., qui fréquente le chenal de l'île de Batz. La peau des Céphalopodes comprend deux couches superposées : l’'épiderme et le derme. Ces couches, essentiellement variables dans eur épaisseur, puisque l’épiderme est réduit à une simple assise de cellules, sont en même temps de nature très différente. Leur union est des plus étroites et des plus fixes; elles se recouvrent et se suivent sur tous les points et la putréfaction ou la macération dans des liquides particuliers peut seule permettre de les séparer l’une de l’autre. Si l’on prend un morceau de peau, dans une des régions où elle 1 F. Bor, Histiologie des Molluskentypus, in Archiv fur Mikroskopische Anatomie. Suppl. 1868, | RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 227 présente sa plus grande épaisseur, et si l'on fait une section vive, on peut, à l’aide de la loupe, distinguer déjà ces deux couches, à stries réciproquement perpendiculaires. Une section fine, portée sous le microscope, permet de reconnaître dans le derme une série d'assises successives à caractères nettement distincts, en sorte que, si l’on examine la coupe en marchant des couches extérieures vers la profondeur, on trouve dans la peau les parties suivantes : À, épiderme ; B, derme : a, couche fibreuse superficielle ; #, couche des chromatophores; ec, Couche des iridocystes; d, couche fibreuse profonde. l IT ÉPIDERME. L'épiderme se monire réduit à une seule couche de cellules. C’est un épithélium cylindrique formé d'éléments qui se juxlaposent et constituent une enveloppe ininterrompue et régulière (pl. XIV, fig. 1, a). Cette couche forme ainsi un moyen de protection très efficace par la continuité de sa surface. Elle est très adhérente à la couche der- mique sous-jacente et les réactifs qui ont la propriété de dissocier les éléments sont nécessaires pour obtenir une séparation facile. L'alcool au tiers et le sérum iodé rendent cette opération aisée et permettent d'étudier les éléments séparés. Les cellules qui constituent cette couche (pl. XIV, fig. 2) sont de forme très variable et l’on peut observer dans une même dissocia- tion les types les plus différents et les plus opposés. La forme commune est une cellule cylindrique allongée, rendue plus ou moins polygonale par la pression réciproque des éléments voisins. Chaque cellule se trouvant en rapport avec six autres cel- lules qui l’entourent se trouve limitée ainsi par six faces allongées et irrégulières. Cette disposition est surtout évidente sur les lambeaux 228 PAUL GIROD. d’épiderme qui se montrent de face présentant à l'observateur l’ex- trémité libre des cellules. On voit alors un damier formé de pièces hexagonales irrégulières qui donnent la projection de chaque cellule constituante. L’extrémité de la cellule, en rapport avec l'extérieur, est recou- verte par une pellicule brillante, réfractant vivement la lumière et présentant une épaisseur assez considérable, Cette membrane con- stitue la cuticule que ia macération permet de détacher en lames plus ou moins étendues, ce qui montre sa continuité d’une cellule aux cellules voisines et la manière dont elle s'étend ainsi sur toute la surface du tégument. Si l’on prend un lambeau cuticulaire obtenu par le procédé que j'indique et si, après l'avoir étalé avec soin, on l'examine au micro- scope, ilest impossible de saisir, même avecles plus forts grossisse- ments, des lignes correspondant à celles qui indiquent la séparation des cellules. Examinée de champ, soit sur une coupe, soit sur une rangée de cellules, la cuticule présente une striation particulière. Ge sont des lignes alternativement sombres et claires qui forment par leur réunion l’ensemble de la membrane. Ces lignes sont perpendi- culaires à la face libre de la cuticule et s'étendent de cette face à l'extrémité libre des cellules épidermiques. Cette disposition particu- lière signalée sur la plupart des cuticules, se montre ici avec la plus grande évidence; on peut même observer une striation beaucoup plus légère dirigée parallèlement à la surface et qui semble indiquer la présence d'assises successives et superposées. L'examen de cette apparence spéciale conduit à considérer la cuticule comme formée de parties plus réfringentes alternant avec des parties réfractant moins vivement la lumière; il y a là deux états divers d'hydratation d’une même substance, mais les réactifs ne peuvent permettre de reconnaître ni présence de matières empruntées au dehors et rem- plissant les fins canalicules, ni la nature protoplasmique de prolon- gements pénétrant la cuticule dans son épaisseur. L’extrémité de la cellule en rapport avec le derme présente un RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 229 grand nombre de prolongements, groupés en faisceau terminal. Ces fibrilles sont en nombre très variable, pouvant atteindre le nombre de vingt ou être réduites à deux ou trois seulement. On trouve même des cellules terminées par une pointe obtuse et qui n’ont aucun appendice analogue. Ces prolongements forment une couche continue ou bien 1ls sont groupés en faisceaux secondaires ordinairement au nombre de deux et occupant les angles de l'extrémité cellulaire. Chaque fibrille semble émaner du protoplasma cellulaire et être limitée par la membrane qui l'entoure : son extrémité est marquée par un point arrondi et très réfringent, Cette disposition si intéressante a été étudiée et signalée dans les couches épidermiques de beaucoup d'invertébrés et surtout de Mol- lusques ‘. Il est aisé de reconnaître des caractères analogues dans beaucoup d’épithéliums digestifs. L'œæsophage des Céphalopodes donne à la dissociation des cellules munies des mêmes prolonge- ments fixateurs. C'est à la présence de ces prolongements cellulaires profonds qu'est due l’adhérence si complète entre l’épiderme et le derme. Ces filaments déliés s’insinuent parmi la couche fibreuse sous-jacente et forment ainsi une couche fixatrice continue et de la plus grande résistance. Le corps même de la cellule renferme un protoplasma granuleux et un gros noyau. Ce noyau se colore vivement par le carmin. Il occupe ordinairement le centre de la cellule, mais souvent il présente une situation qui le rapproche plus ou moins d’une des extrémités. I est volumineux et souvent plus allongé suivant son diamètre trans- versal. Dans les cellules effilées, il devient au contraire ovalaire, sui- vant la longueur. Ce noyau est rempli de granulations nombreuses dont quelques- unes plus développées simulent des nucléoles multiples. Il est du 1 Voir Bou, loc. cit. 230 PAUL GIROD. reste très variable : rond, ovalaire, quelquefois bilobé, toujours grand et très distinct du protoplasma qui l'entoure. La cellule ainsi constituée est très variable dans sa forme : à côté de la cellule cylindrique commune se placent des éléments fusi- formes, mais surtout des cellules beaucoup plus élargies et qui pré- sentent des aspects divers : Les unes sont de vastes rectangles feaucoup plus larges que longs et limités en bas par une frange continue de filaments fixateurs (pl. XIV, fig. 2, a). Les autres ont la forme d'une massue dont la tête contient le noyau et porte la cuticule, tandis que le manche, plus délié, se bifurque en deux pointes terminales (pl. XIV, fig. 2, 6). D'autres, très élargies à la base, sont plus effilées au sommet et présentent la forme d’un cône tronqué répondant par sa base à la région dermique (pl. XIV, fig. 2, c). D’autres enfin sont arrondies dans la région nucléaire, s’étalent en table du côté de la cuticule et se rétrécissent en un faisceau de pro- longements déliés (pl. XIV, fig. 2, d). Les cellules de ces nombreuses variétés sont étroitement appli- quées les unes contre les autres. Sur une coupe longitudinale de la peau, on voit ces éléments former par leur réunion un revêtement complet. Comme la longueur des éléments est triple ou quadruple de leur épaisseur dans le cas le plus général, leur réunion simule alors une palissade régulière, limitée à l'extérieur par la membrane cuticulaire et à l'extrémité opposée par une frange formée par les filaments fixateurs (pl. XIV, fig. 4, à). La membrane cuticulaire n’est pas une couche indépendante des cellules sous-jacentes ; elle est formée par elles et vient contribuer à augmenter leur puissance de protection. L'étude de diverses régions du Céphalopode où cette cuticule présente un développement plus propre à l'observation fera l’objet d’un travail ultérieur, et permettra de revenir avec plus de détail sur cette partie si intéressante du tégument, et sur les glandes qui s’y rattachent. RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 231 IT. DERME. Au-dessous de l'épiderme se succèdent les différentes couches énumérées précédemment. Toutes ces couches nettement distinctes à un faible grossissement, sur une coupe de la peau perpendiculaire à sa surface, n’en constituent pas moins un ensemble où toutes les parties se relient intimement et que des dissections artificielles, aidées par des réactifs dissociateurs, peuvent seules permettre de résoudre en parties secondaires. Cet ensemble constitue le derme. Le derme peut être considéré comme une couche homogène, limité à l'extérieur par l’épiderme et reposant sur les couches mus- culaires qui forment l'enveloppe contractile qui limite le Céphalo- pode. Il est transparent, blanchâtre, très extensible et très résistant. Très développé sur certains points du corps, il s’atténue et s’amin- cit sur d’autres, modifiant ainsi l'épaisseur de la peau suivant les régions considérées. On peut considérer le derme comme essentiellement formé par du tissu conjonctif, mais ce qui le rend plus particulièrement intéres- sant à étudier chez le Céphalopode, c'est que chez l’adulte on ren- contre dans cet ensemble les variétés typiques de ce tissu et que, partant de l'embryon, on peut suivre avec facilité la manière dont se constituent ces formes histologiques si différentes. C'est ainsi que la cellule conjonctive primitive peut devenir le centre de formation de tissu réticulé, de faisceaux conjonctifs, de cellules pigmentaires, ou de cellules spéciales connues sous le nom d'éridocystes. Par ce fait, au sein de la masse fibreuse fondamentale, se montrent deux strates superposées : l’une formée de cellules pig- mentaires à contour mobile, les chromatophores; la seconde con- stituée par la réunion des erédocystes. Cette double couche divise ainsi le derme en deux couches fibreuses : une couche superficielle et une couche profonde, et ainsi est établie la série des couches 232 PAUL GIROD. indiquées au commencement de cette étude. Mais, étant donnés les liens si étroits qui rattachent ces deux couches de la gangue fibreuse commune, je réunirai leur étude, que je ferai après avoir décrit les chromatophores et les iridocystes. Couche des chromatophores. La couche des chromatophores constitue la partie la plus inté- ressante de la peau des Céphalopodes. C'est elle qui préside aux changements de couleur si multiples et si divers que présentent ces animaux. Tout naturaliste qui a suivi dans l'aquarium une sépiole, placée dans ses conditions de vie et de mouvement, n'a pu retenir son étonnement et son admiration à la vue des modifications con- tinuelles de la teinte de son tégument suivant la couleur du fond, suivant les émotions et les terreurs de l’animal. Ce phénomène est dû, comme l'ont démontré les recherches de San Giovanni et de Carus, à des petites masses colorées, douées de mouvement et désignées par ces auteurs sous le nom de chroma- tophores (pl. XIV, fig. !, c). Pour se faire une idée de la disposition de ces corpuscules, il suffit de détacher un morceau de peau d'un poulpe vivant et de le porter dans l’eau de mer sous le microscope. On voit alors ces plaques colorées brunes ou jaunes qui s’étalent ou se contractent, et donnent à l'œil le plus curieux spectacle. Denombreuses recherches ont porté sur les chromatophores. Dans son histologie du type Mollusque, Boll a signalé les divers auteurs qui l'avaient précédé dans ses recherches. Depuis, les recherches anatomiques de Harting' et les observations physiologiques de Frederick?, Kruckenberg, Klemensieviez* et E. Yüng*, se rapportant surtout à l’action des poisons sur ces corpuscules, sont venues 1 P. Harnnc, Niederland. Archiv f. Zoologie, vol. II, 1875. 2 L. Freperick, Archives de Zool. exp., t. VII, 1878. 3 Kiemuexsiewicz, Sizb, der k. Akad. der Wissensch.,t. XX VIII, 1878. * E. Yunc, Mittheilungen aus der Zoolog. St. zu Neapel, t. III, 1881. RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 233 compléter la liste des mémoires concernant les chromatophores. Jusqu'à l'apparition du remarquable travail de Külliker! sur le développement des Céphalopodes, travail où cet illustre naturaliste consacre à l'étude des taches pigmentées de longs développements, le chromatophore fut considéré comme constitué uniquement par une tache pigmentée à contour mobile. Pour Rud. Wagner?, cette tache est une cellule munie d'un noyau central et limitée par une membrane propre contractile, qui préside aux mouvements de l'ensemble. Pour Harless*, au contraire, cette tache est formée par une enve- loppe propre et par un contenu pigmenté : l'enveloppe propre n'est pas une membrane cellulaire, mais est formée par la réunion de nombreuses cellules ; la cavité limitée par cette membrane devient une lacune remplie de pigment, mais ne présentant jamais de noyau de cellule. Ces deux théories, essentiellement distinctes, se basaient sur les études faites par Wagner sur Eledone et par Harless sur Loligo. Kôülliker, en découvrant autour de chaque tache pigmentée une série de fibres divergentes, lança la question dans une nouvelle voie. Dès lors, la nature cellulaire de la tache n'est plus contestée; mais les discussions s'engagent sur la présence ou l'absence de membrane cellulaire et surtout sur la nature de ces fibres diver- gentes périphériques. Avant d'exposer le résumé des opinions émises sur ces divers points, je tiens à préciser les termes qui seront employés dans la suite de cette étude. Je reconnais deux parties constituantes dans le chromatophore : { KozuKer, Entwickelungsgeschichte der Cephalopoden, Zurich, 1844. 2 R. WaGner, Archiv fur Naturgesch. 1841. 3 E, HarLess, Archiv fur Naturgesch. 1846. 234 PAUL GIROD. La cellule pigmentaire, qui n’est autre que la tache centrale remplie de granulations colorées ; Les faisceaux radiaires, qui forment autour de la cellule pigmen- taire une couronne complète. Le chromatophore, ainsi constitué, se meut dans un espace qui l'entoure. Cet espace, délimité par un contour précis, recevra le nom d'espace périphérique. Pour Külliker, la cellule pigmentée est dépourvue de membrane propre. Les faisceaux radiaires sont des fibres musculaires, présidant par leur contractilité aux mouvements du chromatophore. Pour H. Müller, la cellule pigmentaire est une cellule complète, avec noyau et membrane limite; les faisceaux radiaires sont des fibres contractiles, présidant à l'expansion du chromatophore ; la membrane cellulaire préside à la contraction. À cette seconde manière de voir se rattachent les observations antérieures de Brücke!, qui défendit la nature cellulaire de la tache pigmentée, et les recherches de Boll et de Klemensiewicz, qui confirment celles de H. Müller. Klemensiewicz se sépare cependant, par la manière dont il décrit la membrane qui entoure la masse pigmentaire. Pour lui, cette enveloppe est formée par des éléments cellulaires spéciaux, contribuant par leur élasticité à la contraction de l’ensemble. Pour Harting, les faisceaux radiaires ne peuvent être considérés comme des fibres contractiles, peut-être constituent-ils un appareil nerveux terminal ; les renflements terminaux sont, en ce cas, des cellules nerveuses ; l’action des fibres radiaires se bornerait à l’in- nervation. ; En résumé, pour tous ces naturalistes, ia tache pigmentée est une cellule, et les faisceaux radiaires sont : 1 Bruce, Si/zungsber. der math. naturw. (C1, der E Akad. d. Wiss. Wien., t. VIII, 1859.) RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 235 Ou bien des fibres musculaires présidant aux mouvements du chromatophore ; Ou bien des terminaisons nerveuses spéciales sur le chromato- phore. J'ajoute que mes recherches, tant sur l'embryon que sur l'adulte, confirment pleinement la nature cellulaire de la tache pigmentaire ; mais quant à l'interprétation de la nature des vaisseaux radiaires, je ne puis me rattacher ni à l’une ni à l’autre de ces théories. Je ne puis voir dans ces faisceaux ni des fibres musculaires, ni un appareil nerveux terminal. Mes propres recherches m'amènent donc à un résultat bien différent, que je vais développer, en indiquant le détail de mes observations et la marche suivie dans mes investigations *. Le choix de l'animal est loin d’être indifférent dans l'étude des chromatophores. C’est l’éledone, le poulpe, la sèche officinale et le grand calmar qui ont fourni les sujets d'observation aux divers naturalistes. Profitant de la richesse des plages de Batz et de Pempoul, j'ai porté mes recherches sur la sépiole, qui présente les plus grandes facilités pour ce genre de préparation, tandis que les autres cépha- lopodes auxquels j'ai eu si souvent recours, comme points de comparaison, donnent à l’anatomiste des difficultés souvent insur- montables. C'est grâce à ce petit animal, exceptionnel au point de vue qui nous occupe, que j'ai pu pénétrer plus avant dans le détail de la structure du chromatophore. 1 Le résumé de mes recherches sur les chromatophores a fait l’objet d’une pre- mière note insérée dans la Notice sur les travaux des professeurs de la Faculté des sciences, année 1882. Deux communications à l’Académie (Comptes rendus, t. XOVI, nos9 et 19) ont complété ces courtes indications. M. le dosteur Raphaël Blanchard a rappelé à ce sujet (Comptes rendus, id., n° 10) qu'il avait émis en novembre 1882 (Bulletin de la Sociélé zoologique de France, t. VIII, Procès-verbaux, p. xxxix) l’idée que les fibres rayonnantes de Harting étaient de simples fibres de tissu conjonctif. Je m’empresse de rétablir dans ces termes la partie historique se rapportant à cette question. 236 PAUL GIROD. Les diverses couches qui forment les assises successives de la peau de la plupart des Géphalopodes, sont fortement réunies sur leurs limites extrêmes. Aussi, l'étude des chromatophores à l’état frais ne peut être faite que sur des lambeaux formés par toute l’épais- seur de la peau, c'est-à-dire à travers la couche épidermique doublée de tractus conjonctifs, et sur le fond opaque et grisâtre formé par la couche des paillettes. Chez la sépiole seulement, ces adhérences multipliées sont réduites à un minimum de développe- ment, etil est possible, même sur l’animal vivant, de détacher, par une dissection attentive, des lambeaux dépourvus d’épiderme et séparés des couches les plus profondes, réduits, en un mot, à la couche unique des chromatophores. A cet effet, l’animal est fixé sous l’eau de mer par des épingles traversant les bras et les nageoires, puis une incision peu profonde et transversale est faite sur le milieu de la face dorsale du manteau. Avec une pince très fine et à mors exactement ajustés, il est alors possible de saisir le bord du lambeau épidermique et, par une trac- tion ménagée, de dénuder une partie assez vaste de la surface. Un second pincement et une nouvelle traction dégagent alors un lambeau de la couche des chromatophores, que l’on peut aisé- ment séparer de l’animal, en même temps qu’on la reçoit et qu'on l’étale sur une lame à préparation. Une goutte d’eau de mer est laissée sur la portion ainsi détachée, et une lamelle est placée sur l'ensemble. Par ce procédé, il est alors possible d'examiner directement et à l'état frais les chromatophores et leurs faisceaux radiaires. L'inter- vention de réactifs destinés à rendre plus transparents certains élé- ments de la peau pour faire paraître avec plus d'évidence les faisceaux radiaires, modifie profondément l’état de ces parties. Boll joignait à l’eau de mer l'acide acétique et l'acide oxalique en solution, d’autres naturalistes ont employé les réactifs alcalins, Il me semble que le procédé que je viens d'indiquer, nécessitant il est vrai de nombreux essais souvent infructueux et une grande légèreté de RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 234 main, est plus en rapport avec les nécessités d'étude pour des parties aussi délicates, Sur les préparations ainsi faites, on suit avec la plus grande facilité, souvent pendant un temps assez long, le jeu des chromatophores. On voit les masses arrondies et sombres s'étendre brusquement en prenant une forme irrégulière, puis revenir avec rapidité à la forme primitive. Ces mouvements d'expansion et de contraction du chromatophore se font avec une vitesse trop grande, pour permettre à l'œil de suivre les modifications qui se passent dans ses éléments constituants, surtout avec les grossissements nécessaires à ces observations. Les réactifs fixateurs m'ont permis de suivre, pour ainsi dire pas à pas, les détails de ces changements. C'est sur des lambeaux préparés suivant les indications anté- rieures que j'ai agi. L’acide osmique a été appliqué selon les règles ordinaires pour obtenir son action fixatrice seule; mais j'ai aussi employé le bichlorure de mercure, et voici le procédé qui m'a le mieux réussi : Le lambeau de peau, maintenu en extension, est mis en contact avec une faible quantité d’eau distillée, où l’on à mis dissoudre un cristal de sublimé. On lave à l'alcool, on colore au picrocarmin ou à la cochenille et, après action de l'alcool absolu, on éclaircit à l'essence de girofle. On peut conserver dans le baume du Canada. J'ai pu, par ces procédés si simples, obtenir des préparations présentant les chromatophores aux diverses phases de l’extension et de la contraction, et, c'est en combinant ces résultats avec ceux obtenus par l'observation directe sur le frais que je commence l'étude de la structure du chromatophore, en m'occupant successi- vement de ses parties constituantes. Cellule pigmentaire. — La cellule pigmentaire présente les parties constituantes d’une cellule complète : une masse protoplasmique, un noyau et une membrane d’enveloppe. La masse protoplasmique est remplie par une infinité de petites 238 | PAUL GIROD. granulations pigmentaires, qui donnent à la cellule sa coloration particulière. Au centre de ces granulations, on observe un gros noyau ; à la périphérie, une membrane mince, délicate, transparente, qui forme un sac complet et sert de limite à la cellule elle-même. Le protoplasma présente deux formes très différentes, suivant que le chromatophore est en contraction ou en extension. L'examen direct doit se faire sur les membranes étalées et sur des coupes de la peau dans diverses directions. Lorsque la contraction a été portée à son maximum, lejprotoplasma a une forme très voisine de celle d’une sphère à peu près régulière. En effet, longitudinalement et trans- versalement, la masse présente la même image, celle d’un cercle géométrique. Mais à mesure que l’on s'éloigne de ce point extrême, la sphère s’aplatit de haut en bas, s’étalant suivant son diamètre transversal, Lorsque le chromatophore a atteint sa plus grande extension, le protoplasma se présente comme une véritable lamelle : c’est une couche extrêmement ténue, remplie par les granulations pigmen- taires et qui est appliquée contre la membrane périphérique. Dans ce mouvement, les granulations pigmentées se sont espacées et permettent de saisir nettement la forme du noyau cellulaire. Le protoplasma, arrondi dans sa phase de contraction, semble avoir pour état normal la forme d’une lentille biconvexe ; c’est en effet à cet état, que l’on pourrait appeler de tonicité, qu’on peut l’observer chez l'animal au repos. En extension 1l s'étale pour occu- per l’espace qui le contient. Le noyau semble se rencontrer dans toutes les cellules en activité. Chez tous les embryons, on constate sa présence dans les chroma- tophores, et, chez l'aaulte, on peat le reconnaître dans tous les éléments d'une dimension petite ou moyenne. Ce n'est guère que dans les grands chromatophores de Loligo et de Sépiola qu'il semble disparaître, et encore peut-on, avec quelque persévérance. le retrouver dans beaucoup de ces cellules géantes, RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 239 Je répète que c’est dans la phase d'expansion qu'il faut rechercher ce noyau. On le trouve alors plus ou moins rapproché du centre et se distinguant au milieu des granulations pigmentaires par sa trans- parence parfaite. Il est arrondi, nettement limité par une ligne sombre et contient un nucléole brillant dans sa partie centrale. I m'a été impossible jusqu'ici de le constater en place sur une coupe et de fixer s’il se rapproche de la périphérie, ou s’il conserve sa place cen- trale dans la cellule pigmentaire. La membrane qui entoure la cellule a été longtemps contestée. Kôlliker considérait son existence comme peu vraisemblable. Il est facile cependant de reconnaître sa présence.En faisant agir de l'alcool à 70 degrés sur des morceaux de peau que l’on vient de détacher, on peut observer, sur beaucoup de cellules pigmentaires des lignes sombres occupant la partie la plus superficielle de la cellule. Sous l’action du réactif, la membrane fixée dans la phase d’extension se plisse pour suivre la masse protoplasmatique. Gette expérience est facile à réussir sur la Sépiole, et l’on obtient ainsi des préparations où la membrane présente ces plissements, que la plus grande épais- seur sur ces points traduit à l'œil sous forme de lignes ou de zones sombres transversales La membrane que je décris est essentiellement mince, transpa- rente et ne présente aucune structure appréciable. Elle semble un simple sac périphérique chargé d'arrêter les granulations pigmen- taires et de limiter le protoplasma. Kiemensiewicz a constaté chez Loligo une membrane beaucoup plus épaisse, qu'il décrit comme formée de cellules distinctes. Ces cellules, allongées et irrégulières, constitueraient à la masse pigmentée une enveloppe de cellules disposées en palissade. Cette enveloppe présente des espaces dans lesquels viennent s’enchâsser, les faisceaux radiaires. Je n'ai pas observé de dispositions analogues dans les divers Céphalopodes que j'ai eus à ma disposition. 940 PAUL GIROD. La matière pigmentaire des chromatophores se présente sous deux états différents : sous forme de granulations et en dissolution. En effet, outre la coloration donnée par les granulations,-le pro- toplasma a une teinte propre, en rapport avec celle des granulations elles-mêmes, mais beaucoup plus pâle et très faiblement indiquée. Les colorations observées dans les Céphalopodes que j'ai eus sous la main peuvent s'indiquer de la manière suivante : jaune, brun, noir, violet, carmin. Le brun, le noir et le violet peuvent se réunir comme formant dans un même type des catégories mal accusées et se reliant entre elles par tous les intermédiaires insensibles. Et, en effet, la teinte la plus fréquente est un noir teinté d’un brunâtre violacé. On l’ob- serve chez tous les Géphalopodes que j'ai examinés. La teinte jaune est aussi commune. La teinte carmin m'a semblé spéciale aux calmars. Mais il est facile de suivre chez l'embryon les gammes intermédiaires qui s'étendent du noir violacé au jaune, d’une part, et de l’autre au carmin le mieux accusé. Au microscope, les granulations se montrent suspendues dans le protoplasma cellulaire. Ce sont des corpuscules d'une ténuité extrême, à contour cependant nettement accusé aux plus forts grossissements. Les filtres ne peuvent retenir ces corpuscules ; aussi ne peut-on songer à faire, sur leur composition chimique, des recherches approfondies. Je les ai cependant soumis à quelques essais, effectués sur la platine même du microscope. Les granulations sont insolubles dans l’alcoo!, l’éther et l’eau, dans les alcalis, dans les acides à froid. L’acide nitrique à chaud les détruit avec les tissus environnants L'alcool, cependant, dissout une partie de matière colorante ; si l’on isole des lambeaux de la couche des chromatophores, et sion leslaisse dans l'alcool à 90 degrés pendant dix à douze jours, on obtient, en faisant évaporer l'alcool sur une feuille de papier blanc, une colora- tion violette, rosée sur la limite extrême de la teinte. Comme les chromatophores préparés après l’action de l'alcool ne présentent RECHERCIIES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 241 plus la coloration du plasma cellulaire, je suis Dent à croire que c’est la faible quantité de matière soluble dans le plasma, qui est prise par l'alcool et peut se dénoter comme je viens de l'indiquer. La résistance des granulations pigmentaires aux divers réactifs les rapproche des granulations contenues dans le produit de la sécré- tion de la poche du noir de ces animaux et me pousse à établir la plus grande ‘analogie entre ces productions si différentes de lieu et d'origine. Faisceaux radiaires. — Les faisceaux radiaires se présentent à un faible grossissement comme des éléments fusiformes s’insérant d’une part sur la cellule pigmentaire et se perdant par leur extrémité effi- lée au milieu des fibres conjonctives environnantes. Ces faisceaux sont ordinairement au nombre de dix-huit, vingt, vingt-quatre autour d’un même chromatophore. Les extrémités qui sont en rapport avec la cellule pigmentaire forment autour de cette cellule une couronne qui répond à son cercle équatorial, si l’on prend pour ligne des pôles la ligne qui réunit le point le plus superficiel de la cellule pigmentaire à son point le plus profond. Ce sont ces faisceaux qui ont été décrits iour à tour comme des fibres musculaires et comme des terminai- sons nerveuses ; leur étude complète ne peut être faite dans son détail qu'avec les objets puissants à partir du 7 à imm. Nachet. Pendant la contraction, les faisceaux radiaires sont tous rappro- chés au point de se toucher latéralement dans leur partie la plus voisine de la cellule pigmentaire et forment ainsi une ceinture com- plète et ininterrompue. Chaque faisceau se montre alors constitué de deux parties dis- tinctes (pl. XIV, fig. 3) : l’une basilaire, en rapport avec la cellule pig- mentaire, l’autre terminale, qui s’effile vers la périphérie. La partie basilaire est arrondie, elle est transparente et porte en son centre un gros noyau qui se colore vivement par les réactifs. Ce noyau à la forme arrondie et présente quelquefois une échancrure inférieure qui lui donne l'aspect d’un bissac, Il contient de nombreuses gra- ARCII. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, ==90 SÉRIE, — T, 1, 1883. 16 242 PAUL GIROD. nulations et estnettement limité par une ligne accusée et sombre. Le protoplasma qui l'entoure forme un corps cellulaire homogène: c’est une masse arrondie sans membrane d’enveloppe, mais qui présente une condensation périphérique suffisante pour rendre son contour indiqué et précis (pl. XIV, fig. 3, g). Chacune de ces cellules de base est en rapport immédiat avec les deux cellules voisines latérales et c'est par cette réunion continue qu'est constituée la couronne qui entoure la cellule pigmentaire suivant son équateur. La portion terminale est formée par un long filament qui semble faire suite à la portion élargie que je viens de décrire. Ce filament présente une structure particulière, il est constitué par une série de fibres délicates, étroitement appliquées les unes contre les autres en formant un faisceau dense et compact (pl. XIV, fig. 3, fr). On observe sur ce faisceau de distance en distance des noyaux entourés de granulations plasmatiques et qui semblent faire corps avec les fibres superficielles. Ces noyaux et le protoplasma qui les entoure rappellent, par tous leurs caractères, les éléments cellu- laires conjonctifs qui forment dans cette couche un réseau très dé- veloppé ou les éléments identiques qui accompagnent les faisceaux conjoncüfs de soutien (pl. XIV, fig. 8, o, 0). Les fibres qui constituent le filament du faisceau radiaire subis- sent des modifications considérables par les réactifs; elles s’effacent par l’action des alcalis et prennent, par l’action des acides, un aspect vaguement strié sous lequel Boll les a observées et décrites. Ces ca- ractères, Joints à la présence de cellules conjonctives aplaties accom- pagnant les fibres, me portent à considérer le filament du faisceau radiaire comme un faisceau de fibres conjonctives accompagnées des vestiges des cellules primitives et formatrices. Cette indication, tirée de l'observation de la partie médiane du faisceau, est confirmée par l’étude de ses terminaisons (pl. XIV, fig. 4, /, l). Examiné à un grossissement moyen, le faisceau semble s’effiler à RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES, 243 mesure que l’on s'éloigne de sa base et paraît enfin s’épuiser dans le tissu voisin. A l’aide de l'objectif 7 à imm. Nachet il est facile de suivre les fibres qui se détachent du tronc commun et s’étalent en divergeant en différents sens. En un point donné, le faisceau pri- mitif se divise en trois ou quatre faisceaux secondaires qui se divi- sent à leur tour et finissent par former des épanouissements termi- naux de leurs fibres déliées. Du côté de la portion basilaire, le faisceau radiaire s'écarte et se développe pour envelopper la cellule basilaire. Avec des grossisse- ments suffisants, on voit les fibres se séparer et former sur le pro- toplasma transparent des stries nettes et régulières. On peut suivre chacune de ces fibres qui souvent se divise à son tour et disparaît sur le fond opaque de la cellule pigmentaire, Lorsque, par un ha- sard de préparation, un chromatophore déchiré a laissé échapper la plus grande partie de son pigment, on voit ces fibres poursuivre leur trajet sur la membrane de la cellule pigmentaire, contribuant à for- mer avec les fibres des faisceaux voisins une sorte de capsule péri- phérique extrèmement lâche et d’une transparence d'autant plus grande que l'on s'éloigne de la base des faisceaux (pl. XIV, fig. 4, p). Ces détails nous amènent aux conclusions suivantes : Le faisceau radiaire se compose d’une cellule basilaire et d’un faisceau de fibres conjonctives s’épanouissant d’une part sur la cel- lule pigmentaire correspondante et se divisant d'autre part vers la périphérie en fibres déliées qui prennent part à la constitution du réseau conjonctif de la couche des chromatophores. Dans la phase d'expansion du chromatophore, les éléments dont nous étudions la constitution présentent une disposition essentiel- lement différente de celle que nous venons de décrire (pl. XIV, fig. 8). Si l’on examine en effet un faisceau radiaire d’un chromatophore à son maximum d'extension, on a peine à retrouver la cellule basi- laire. Elle s’est considérablement aplatie et son noyau, suivant le mouvement du protoplasma, a pris la forme d’un cordon allongé, 244 PAUL GIROD. , appliqué contre la paroi de la cellule pigmentaire. La cellule basi- laire a donc suivi l'extension même de la portion de la paroi sur la- quelle elle reposait et a passé de l’état sphérique à la forme d’un fuseau étiré. Mais, malgré ces modifications de forme, ses parties ont conservé leurs caractères et le noyau granuleux est nettement limité et se détache sur le protoplasma plus clair et transparent (pl: XIV, fig5, gsm). Les cellules basilaires ne forment donc plus une couronne d'élé- ments saillants et arrondis autour de la cellule pigmentaire, mais une ceinture d'éléments fusiformes appliqués, selon leur longueur et suivant une ligne continue, sur la membrane cellulaire. Le prolongement terminal a considérablement augmenté d’épais- seur. Les fibres constituantes sont devenues mieux indiquées. Elles se sont séparées les unes des autres et forment un faisceau lâche et rectiligne. Le faisceau s’est pour ainsi dire dissocié pour suivre l’ex- pansion de l’ensemble. Les cellules conjonctives qui accompagnent le faisceau participent à cet étirement de fibres, et les noyaux allongés dans le sens du faisceau se distinguent à sa surface et sur- tout sur ses bords latéraux (pl. XIV, fig. 5, fr). La terminaison périphérique du prolongement est des mieux in- diqués. Boll, qui, confirmant les idées de Külliker et de H. Wagner, considérait les faisceaux radiaires comme des fibres musculaires, prétend avoir suivi leur prolongement unique et indivisible jusqu’à un chromatophore voisin. De cette façon chaque fibre s'étend entre deux chromatophores « qui souvent peuvent être considérablement éloignés l’un de l’autre. Gette disposition montre clairement pourquoi jamais un chromatophore n'entre en contraction isolément, etc. » Pour ces observations, Boll soumettait la peau « à l'action pro- iongée et énergique de l'acide acétique ou de l’acide oxalique..… etalors les muscles se dessinaient plus nettement sur le tissu cellu- laire. » Les préparations faites avec le procédé indiqué conduisent à une interprétation toute différente. On suit avec la plus grande netteté RECHERCHES SUR LA PEAU DES CEPHALOPODES. 245 la terminaison périphérique du prolongement. On voit les groupes de fibres d’abord parallèles se détacher en divergeant à diverses hauteurs, À une certaine distance de la cellule basilaire, le faisceau lui-même se divise. Les trois ou quatre groupes de fibres qui ont conservé jusqu’en ce point des rapports étroits se séparent enfin, soit deux à deux, soit successivement et se dirigent en sens opposé. Chaque groupe forme ainsi un petit faisceau qui se divise à son tour, et ainsi de suite, jusqu'au moment où les divisions ultimes sont réduites aux fibres primitives et constituantes (pl. XIV, fig. 4, fr) Des fibres terminales ainsi dissociées, les unes s'élèvent vers la couche fibreuse sus-jacente, d’autres s’enfoncent entre les irido- cystes, d’autres enfin, en petit nombre, s'unissent aux faisceaux ra - diaires de chromatophores voisins, mais le plus grand nombre reste libre et les fibres s’entre-croisent dans tous les sens avec les fibres des faisceaux radiaires les plus proches et avec les fibres semblables qu'émettent sur leur parcours les faisceaux conjonctifs intermé- diaires. De nombreuses cellules conjonctives, à noyau très apparent, à protoplasma granuleux, forment un réticulum lâche par leurs pro- longements effilés et occupent les mailles laissées libres entre les fibres elles-mêmes. Ainsi se constitue le tissu fondamental de la couche des chromatophores. L'extrémité basilaire du prolongement se présente ici avec des ca- ractères particuliers. On observe encore les fibrilles qui passent au- devant et au-dessous de la cellule pigmentaire pour former une sorte de capsule périphérique; mais l'extension extrême les a sépa- rées et les montre avec leurs divisions nombreuses et filiformes. Mais outre ces fibrilles longitudinales on voit que le faisceau envoie res- pectivement aux deux faisceaux les plus proches deux groupes de fibres qui se recourbent, forment comme un pont intermédiaire et se réunissent aux fibres constituantes de ces faisceaux. Ainsi les fais- ceaux sont reliés entre eux par des ponts de fibres arciformes inter- médiaires ei chaque faisceau se montre constitué par ces fibres laté- 246 PAUL GIROD. rales réfléchies, et par les fibres longitudinales qui s’épanouissent sur la cellule pigmentaire après avoir enfermé dans leur épanouisse- ment la cellule basilaire correspondante. Chaque pont de fibres arciformes supporte ordinairement une grosse cellule fusiforme à noyau très accusé. : / Il est aisé d'observer tous les intermédiaires entre les deux phases extrêmes que je viens de décrire, mais le seul point sur lequel je veux insister, consiste dans les modifications qui se passent dans la forme et les rapports de la cellule pigmentaire et des cellules basi- laires qui l'entourent (pl. XIV, fig. 4). Si l’on suit la cellule pigmentaire au moment de l'expansion, on voit que cette expansion se fait par aplatissement de la masse sui- vant la ligne des pôles et extension de la ligne équatoriale. De plus, cette dernière ligne ne conserve pas les caractères d’un cercle régu- lier, mais devient sinueuse, et présente ainsi une série de saillies périphériques. Ces saillies sont d'autant plus évidentes que l’exten- sion est portée à son optimum; en effet, au-delà d’une certaine limite, la cellule pigmentaire tend à prendre de nouveau la forme arrondie. L'apparition de la saillie périphérique suit des modifications cor- respondantes dans la cellule située sur ce point. C'est, en effet, tou- jours au point occupé par une cellule basilaire que la saillie se produit. Gette saillie tend à prendre la place occupée par le proto- plasma de la cellule basilaire et c’est pour permettre ce déplacement que le protoplasma s’aplatit et s’allonge, ce que permet alors l’écar- tement latéral des fibres du faisceau radiaire. Le noyau est plus résis- tant que le protoplasma, aussi accompagne-t-il la saillie en la limi- tant pour ainsi dire. D'abord légèrement arrondi, il tronque la pointe de saillie, puis il cède, s’aplatit à son tour, transformant de plus en plus l’angle aigu de la saillie en un contour arrondi ;et mousse. Tels sont les résultats que fournissent les états intermédiaires de contraction et d'expansion du chromatophore. RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 247 Ces données acquises nous portent donc à considérer le chroma- tophore comme formé : 1° Par la cellule pigmentaire centrale ; 2° Par les faisceaux radiaires, qui sont constitués eux-mêmes par la cellule basilaire et par un faisceau de fibres conjonctives s’épa- nouissant d’une part au milieu du réticulum de fibres périphériques et venant former autour de la cellule pigmentaire une sorte de cap- sule qui l'enveloppe. Espace périphérique. — Le chromatophore se meut dans un espace qui l’entoure. Cet espace, sur lequel Klemensiewicz a appelé l’atten- tion, est nettement limité et représente une sorte de cavité dans jaquelle la cellule pigmentaire peut s'étendre. Sur une préparation où les chromatophores sont contractés, on voit, si l’on observe un de ces chromatophores, que ses faisceaux radiaires émettent à une certaine distance des ponts très déliés qui sautent de l’un à l’autre et les relient ainsi par une ligne circulaire. Cette ligne constitue une courbe allongée parallèle à celle qui limite la masse pigmentaire. Elle est interrompue au niveau de chaque faisceau radiaire dont elle dépend et se présente entre deux faisceaux successifs comme un tractus arciforme à concavité périphérique. Deux faisceaux radiaires et le tractus correspondant limitent un espace vaguement triangu- laire dont la base est le tractus lui-même et dont le sommet corres- pond à la ligne de séparation de deux cellules basilaires. Dans cet espace on distingue ordinairement un gros noyau et quelques lignes estompées irrégulières, Ce noyau appartient à une cellule conionc- tive dont la place est extrêmement variable suivant le point examiné (pl. XIV, fig. 4, c, n). Si on fait un semblable exarnen sur un chromatophore en état d’ex- pansion moyenne, on retrouve la ligne limite de l’espace périphé- rique, mais elle est beaucoup plus rapprochée de la cellule pigmen- taire, qui, dans son mouvement d’expansion, s’est avancée de ce côté. Les espaces triangulaires curvilignes compris entire les fais- 248 PAUL GIROD. ceaux ont pris la forme semi-lunaire, échancrés en croissant sur leur base, gagnant en largeur ce qu'ils perdaient en hauteur; le noyau de chacun d'eux conserve sa forme arrondie et sa position variable. Lorsque l'expansion est complète, la ligne qui limite la cellule pigmentaire s’est confondue avec la ligne qui circonscrit l’espace périphérique. Les espaces interfasciculaires se sont effacés, s’élar- gissant et S'amincissant de plus en plus. Il est aisé cependant de reconnaître encore le tractus arciforme et le noyau inclus dans l’es- pace quise montre plus ou moins aplati et saillant à la surface de la ligne terminale (pl. XIV, fig. 5, c, n). Il résulte de ces faits que l’espace périphérique cède devant la cel- lule pigmentaire dont il limite l'expansion. La portion des faisceaux radiaires comprise entre cette cellule et le point d'insertion des tractus doit donc s’incurver et tendre à se confondre avec ces trac- tus latéraux à mesure que les prolongements de la cellule pigmen- taire chassant devant eux les cellules basilaires, s’enfoncent à l'inté- rieur des faisceaux radiaires. Les faits importants qui ressortent de l'étude des parties consti- tuantes du chromatophore et de l’espace périphérique sont les sui- vanis : 4. La cellule pigmentaire est essentiellement variable dans son étendue suivant le degré de contraction ou d'expansion du chroma- tophore ; 2. La cellule basilaire du faisceau radiaire est arrondie pendant la contraction, effilée et aplatie parallèlement à la ligne qui limite la cellule pigmentaire pendant l'expansion; 3. Les fibres qui constituent le faisceau radiaire sont rapprochées pendant la contraction, lâches et séparées pendant l'expansion ; 4. Les espaces interfasciculaires, allongés pendant la contraction, s’élargissent et s’aplatissent pendant l'expansion. RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 419 Les rapports des faisceaux et tractus arciformes qui limitent les espaces interfasciculaires sont des plus importants à bien apprécier. L'espace qui sépare un tractus du centre du chromatophore est invariable. 11 suffit de fixer un tractus sur la ligne périphérique d’un chromatophore vivant pour s'assurer de ce fait; au moment de l’ex- pansion, la cellule pigmentaire vient heurter contre le tractus qui reste immobile. Ce point est de la plus haute importance. En effet, les tractus étant fixés sur un point nettement déterminé des fais- ceaux radiaires, il s'ensuit que, le point d'insertion étant fixe, des modifications ne peuvent se passer dans le faisceau qu'au-dessus ou au-dessous de ce point. Du côté de la périphérie, le faisceau s'élargit, se dissocie pour ainsi dire ; du côté de la cellule pigmentaire, les modifications sont plus considérables. Il y a aussi dissociation des fibres, mais de plus il y a ploiement de ces fibres, qui se moulent sur la limite de la cel- lule pigmentaire et tendent d'autre part vers les tractus arciformes. De cette facon, au moment de l'expansion complète, on peut ob- server en un même point la membrane de la cellule pigmentaire, la cellule basilaire aplatie ou ses prolongements latéraux, les fibres recourbées des faisceaux radiaires et le tractus interfasciculaire. Si le faisceau radiaire se raccourcit, il ne se raccourcit pas à la manière d’un muscle qui entraînerait dans sa contraction les tractus arciformes latéraux; il se dissocie dans son ensemble à la façon d'un faisceau conjonctif, puis il cède et se replie devant les parties qui le pressent, mais seulement dans ces points où une pression particulière se développe et s’accentue. Les recherches histologiques et ces observations me poussent à refuser aux faisceaux radiaires toute nature contractile et muscu- laire et me portent à les considérer comme de simples faisceaux conjJonctifs. La différence entre un faisceau radiaire et une fibre musculaire de céphalopode est si nette, si évidente, que je saisis difficilement 250 PAUL GIROD. les caractères microscopiques qui ont servi de base à une pareille assimilation. La facilité d'établir sur la présence de ces éléments contractiles une théorie physiologique en rapport avec les faits ob- servés est le fait qui plaiderait avec le plus de force en faveur de la nature musculaire de ces prolongements ; l'observation directe me semble en complet désaccord. Le faisceau radiaire est un élément géant pouvant, chez la Sépiole, devenir très visible à la loupe et même à l'œil nu; c'est une forme complexe, constituée par des parties multiples, et il suffit de rapporter les figures 3, 4 et 5 de la planche qui accompagne cette étude avec les représentations dé fibres musculaires de Céphalopodes données dans un précédent mé- moire, pour être frappé du contraste et de l'erreur d’une semblable interprétation. En refusant à ces faisceaux la nature musculaire, je leur refuse en même temps la contractilité et par conséquent le rôle actif qu’on leur fait jouer dans l'expansion du chromatophore. Mais je les coa- sidère comme ayant une importance capitale pour la fixation des cellules pigmentaires dans la couche qu'elles occupent. Gette couche dont je suivrai bientôt le développement, n'est en réalité formé que par des faisceaux conjoncüfs, c’est-à-dire par un réticulum, lâche et délicat, au milieu desquels les cellules pigmentaires devaient être solidement retenués: à cet effet, les faisceaux conjonctifs se repliant en anses et s’envoyant des fibres rectilignes sont venus li- miter des espaces comprenant les cellules pigmentaires. L'étude embryogénique de ces parties nous donnera bientôt l'explication de cette apparence radiée et de la formation de ces faisceaux con- Jonctifs. Les cellules basilaires observées dans les phases successives d’ex- pansion et de contraction du chromatophore permettent ainsi de tirer des conclusions sur leur rôle probable. À mesure que la cellule pigmentaire se développe, elles s’étalent, paraissant céder sous la pression de la membrane, et permettent ainsi la formation RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES.' 251 de ces saillies périphériques qui donnent à la cellule pigmentaire la forme d'une étoile à nombreux rayons très obtus. Les fibres qui relient les faisceaux radiaires soutiennent, sur les points intermé- diaires, la pression venue du dedans, Mais, au niveau des faisceaux, cette force de résistance n'existe pas et les points correspondants se dépriment, accentuant encore le développement des saillies intermédiaires. Cependant, l'extension peut atteindre un terme tel, que les fibres des faisceaux, chassées avec force contre les tractus arciformes de l’espace périphérique, tendent à aplanir la courbe terminale et à donner à l’ensemble un contour sans prolongements et sans saillies. Dans la phase de contraction, au contraire, les cellules basilaires sont arrondies ainsi que leur noyau, et tout permet de considérer cette forme comme celle qui est normale et propre à ces éléments. Je me crois donc autorisé à penser que ces protoplasmas, ayant subi une traction et une distension considérables, tendent à revenir à la forme primitive et doivent jouer dans la contraction un rôle important, rôle qui est voisin, comme résultat, de celui de la cellule musculaire; mais il y a ici une différence essentielle, car l'extension de la cellule est produite par une cause extérieure à elle-même. Du reste, la forme histologique ne pourrait aucunement permettre cette assimilation. L'élasticité de la membrane de la cellule pigmentaire doit entrer en compte dans la contraction de l’ensemble. Cette enveloppe élastique s'étale, sous la force d'expansion qui agit sur elle, mais, lorsque l'impulsion cesse, elle tend à reprendre sa forme primitive et sert d’adjuvant à l'anneau des cellules basilaires que nous venons d'étudier ; de plus, la membrane qui tapisse la cellule pigmentaire, suit exactement les mouvements du protoplasma elle se moule sur la masse contractile qu’elle entoure et forme une limite exacte aux granulations pigmentaires, 252 PAUL GIROD. Ces données nous permettent de comprendre comment se fait la contraction du chromatophore, assignant à l’élasticité de la capsule et à la force de contraction des cellules basilaires un rôle prépondérant dans cette phase d'état de l’ensemble. Mais elles ne nous donnent aucune indication sur la manière dont se fait l’ex- pansion du chromatophore, phase active du mouvement. Je suis porté à placer dans le protoplasma de la cellule pigmentaire l’agent de l'extension de la cellule. Il tend à rapprocher ses pôles et glisse en s’étalant dans la cavité formée et limitée par les faisceaux radiaires. Dans ce mouvement, le protoplasma entraîne sa membrane cellulaire et la ceinture équatoriale des cellules basilaires. Lors de la contraction, le protoplasma est ramené à la forme sphérique par l’élasticité de sa capsule et par l’action des cellules basilaires, qui, aplaties et tiraillées, tendent à reprendre la forme primitive. Il y a donc, pour ainsi dire, deux éléments contractiles en présence — la cellule pigmentaire et les cellules basilaires — forces opposées et présidant, la première à l’expansion, la seconde à la contraction du chromatophore. Cette interprétation physiologique répond aux résultats obtenus par les expérimentateurs, tant pour déterminer les rapports des chromatophores avec le système nerveux que pour suivre les modi- fications apportées par les excitants dans les phases de mouve- ment des cellules pigmentaires. De plus, elle permet de faire concorder les résultats si particuliers obtenus par l’action des poisons sur le Géphalopode. Sans vouloir insister, dans ce travail essentiellement anatomique, sur le détail des expériences faites sur ce dernier point, je veux relever seulement l'observation suivante : Si l’on administre à un Céphalopode une dose toxique de strychnine, le poison « provoque des mouvements tétaniques dans les muscles du manteau et des bras... agit sur les fibres radiaires des chro- matophores, les relâche et conduit à un pâlissement durable de la peau‘.» L'expérience est aisée à répéter. Mais, ce qui frappe, c'est de 1 ES, Yung, loc. cit., p. 114. RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 253 voir les cellules pigmentaires se contracter. Si l’on admet la nature musculaire des fibres radiaires, on ne peut s'expliquer comment ces muscles échappent seuls à l’action tétanisante de la strychnine et présentent des phénomènes entièrement différents. Les chromatophores ainsi constitués sont disposés, soit dans un seul rang, soit sur deux rangs superposés. Dans ce dernier cas, il y a alors alternance, et les cellules présentent un pigment différent. Souvent, à côté des chromatophores pigmentés, on observe des ensembles qui rappellent les chromatophores, maïs qui en diffèrent par des caractères fondamentaux. Disons seulement qu'il faut voir dans cette apparence des chromatophores non encore arrivés à l’état de complet développement et dont je démontrerai bientôt la struc- ture particulière, en m'occupant de l’'embryogénie de la peau. Couche des iridocystes. Comme je me suis attaché à le démontrer dans un précédent mémoire, cette couche est formée par une série de lames planes qui peuvent être considérées comme constituées aux dépens de cellules conjonctives primitives. Ces lames présentent en leur centre un noyau qui se colore en rose par le picrocarmin, et sont constituées elles-mêmes par une série de bâtonnets aux formes et aux dispositions les plus diverses, suivant les espèces consi- dérées, bâtonnets qui prennent, par le réactif précédent, une co- loration d'un jaune vif. J’ai insisté ailleurs sur les modifications fondamentales de ces lames, suivant les espèces ; je me bornerai à signaler ici que cetie couche est formée chez les octopodes étudiés, par de petits îlots peu étendus, tandis que chez les décapodes (Sépia, Sepiola, Loligo), elle forme un revêtement à peu près continu, très développé au-dessous des chromatophores. Cette couche, qui à reçu 1 Voir pour l'historique de cette question mon travail sur : La Poche du noir des Céphalopodes, p. 50-53, dans Archiv. Zool, exp., 18892, 1er fase. 254 PAUL GIROD. aussi le nom de couche des paillettes, couche argentine, donne à la peau des Céphalopodes les reflets chatoyants et argentés : la lumière venant se réfléchir sur ces paillettes ténues et donner naissance à ces colorations, qui forment, pour ainsi dire, le fond sur lequel s'étendent et se contractent les chromatophores. Ces lames s’observent avec la plus grande netteté sur la sépiole. La figure 6 donne la représentation des formes les plus communes. Le noyau est très apparent et limité par une zone transparente. Au pourtour s’étalent les paillettes qui, dans ce cas présent, sont rubannées, allongées et forment une série de tractus parallèles plus ou moins incurvés. Ces lames ne sont pas limitées par une membrane périphérique ; le bord est festonné par l'extrémité libre des paillettes. En somme, chaque plaque peut être considérée comme une cellule conjonctive, dont le protoplasma a subi une modification profonde, constituant une sorte de faisceau aplati de fibrilles adjacentes. Sur de nombreux points, les iridocystes sont disposés sur une seule couche, mais alors leur nombre augmente ; ils se pressent les uns contre les autres, et, de cette union intime, résulte la formation de faisceaux portant de nombreux noyaux, et où une dissociation attentive est nécessaire pour mettre en évidence les lames consti- tuantes. Couches congonctives. Les chromatophores et les iridocystes sont séparés de l’épiderme et des couches musculaires profondes par des couches épaisses de tissu conjonctif. L'une double l’épiderme et forme ainsi une couche superficielle ; l’autre sert de soutien à la couche argentine et devient une couche profonde. Cette dernière est la plus épaisse ; elle contient les faisceaux, les nerfs et les faisceaux musculaires du derme. Mais, si l'on ne tient RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 255 pas compte de ces caractères, dus à l’adjonction de parties distinctes, toute la masse conjonctive du derme présente les mêmes carac- tères. Le tissu conjonctif dermique des Céphalopodes comprend dans sa conslitution des fibres conjonctives et des cellules conjonctives. Ces deux éléments sont ordinairement réunis en faisceaux, les fibres formant la masse et les cellules étant placées de distance en distance à la surface. Ces faisceaux ondulés sont d'autant plus abondants, que l'on marche de la périphérie au centre; en outre, à mesure que l’on approche des couches plus profondes, ils s'orientent et finissent par former des masses de tissu dense et serré, ou alternent les lits de fibres parallèles et les cellules conjonctives intermédiaires. L'espace qui sépare les faisceaux est occupé par la substance fondamentale. On y observe de nombreuses fibres conjonctives libres, s’entre-croisant en tous sens et formant un réticulum lâche et des cellules conjonctives espacées, en rapport avec les points où convergent et se réunissent plusieurs fibres voisines. Sur les faisceaux comme au sein du réticulum, les cellules conjonctives présentent un gros noyau entouré par une masse protoplasmique dépourvue de membrane limitante. Ce protoplasma se dispose en un fuseau allongé dans les cellules qui accompagnent les faisceaux, tandis qu'il s'étale dans les cellules libres, envoyant des prolongements ténus qui vont se réunir aux prolongements des cellules voisines, établissant ainsi une série de mailles protoplasma- tiques qui donnent aux cellules la forme étoilée. ‘ Au-dessous de l'épiderme, les faisceaux sont peu nombreux ; ils se montrent orientés plus ou moins parallèlement à la surface ; mais, cependant, ils se coupent et s’entrecroisent. Ils se réduisent à leurs extrémités en leurs fibres constituantes, et forment ainsi le réticu- lur intermédiaire. Au niveau des chromatophores et des iridocystes, les faisceaux se réduisent de plus en plus, mais, immédiatement 256 PAUL GIROD. au-dessous, ils augmentent de nombre et atteignent leur maximum dans les parties les plus profondes. La couche dermique profonde est traversée par les faisceaux musculaires et les vaisseaux. Ces faisceaux musculaires sont très apparents sur les coupes. Ils occupent deux niveaux distincts, et séparent ainsila couche en trois zones superposées. Ils sont constitués par les fibres lisses que nous avons décrites dans un précédent mémoire. Les vaisseaux du derme proviennent des artères cutanées et abou- tissent aux veines correspondantes. Les artères, après avoir perforé endirection rectiligne les couches musculaires profondes, atteignent la masse profonde du derme. Elles s’incurvent alors, donnant des rameaux sur leur parcours et viennent se terminer au-dessous des chromatophores. Les rameaux dermiques occupent les trois zones limitées par les faisceaux musculaires. Ils se divisent à l'infini et aboutissent à un réseau de capillaires parfaits que l’on injecte avec la plus grande facilité (pl. XIV, fig. 7). Les veines nées de ces capil- laires accompagnent les artères dans leur distribution générale. Les faisceaux musculaires et les ramifications vasculaires forment, pour ainsi dire, des centres autour desquels s’infléchissent et se recourbent les faisceaux conjonctifs, qui les renforcent ainsi par une série d’enveloppes périphériques. Dans la partie la plus profonde du derme, ces parties n'étant pas en rapport avec le tissu conjonc- tif, les faisceaux deviennent rectlignes, et, en même temps, se rapprochent de manière à constituer un üssu plus dense et plus serré. Ges couches forment ainsi, à la partie profonde de la peau, une assise qui la limite nettement et la sépare de l'enveloppe musculaire épaisse, qui constitue un second tégument au Cépha- lopode. RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 257 lA'é DÉVELOPPEMENT. La formation de l’épiderme aux dépens de la couche ectoder- mique ne présente aucun fait particulier à signaler ; il n’en est pas de même des modifications profondes qui se passent dans les cou- ches superficielles du mésoderme pour la constitution de la portion dermique de la peau. Les couches mésodermiques sont constituées au début par des cellules embryonnaires indifférentes qui présentent un noyau très développé et un corps protoplasmique sans membrane limitante. L'observation sur des coupes parallèles ou perpendiculaires à la sur- face permet de saisir les rapports d'ensemble de ces éléments qui forment ainsi la masse de ce tissu primitif. Cette disposition se montre sur les embryons de Sépia et de Sépiola jusqu’au moment où les masses oculaires se chargent de pigment jaune. Mais à partir de cette époque du développement, le derme se limite et prend in- sensiblement ses caractères fondamentaux. Les œufs de Seiche que les herbiers de Roscoff donnent en grande quantité en août-septembre et les pontes de Sépiole que la drague ramène souvent des bas-fonds sablonneux à la même époque ont servi à mes recherches. Ün appareil à pisciculture permet de fournir à ces œufs les conditions nécessaires à leur développement régulier. Les embryons recus dans le sérum iodé peuvent, après un séjour souvent très court, être dépouillés avec la plus grande facilité de leur revêtement épidermique; il suffit d’agiter doucement le bocal qui les contient pour arriver à ce premier résultat. Si l’on prend alors l'embryon et si, après l’avoir fixé, on exerce avec la pince des tractions légères, on peut séparer les couches successives qui consti- tuent le tégument. Ces lambeaux étalés et colorés donnent des pré- parations parfaites et d’une netteté des plus grandes. On obtient ainsi des ensembles que les coupes les plus minces ne pouvaient ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GÉN, = 90 AÉRIE: = T. 1, 1883, 17 258 PAUL GIROD. réaliser et l’on peut suivre ainsi pas à pas les phases successives du développement de chaque couche. Couche des chromatophores. — Avant l'apparition du pigment dans les masses oculaires, la couche des chromatophores est consti- tuée par des éléments tous semblables et qui ne sont autres que des cellules embryonnaires. Ces cellules sont placées les unes contre les autres s’unissant par leurs protoplasmas dépourvus de membrane et ne s'individualisant pour ainsi dire que par la présence du gros noyau qui occupe leur protoplasma. À partir de ce moment, certaines cellules se caractérisent (cellules initiales) et peuvent dès lors se distinguer de leurs voisines (pl. XIV, fig. 8, p,p). Les modifications se passent du côté du noyau qui devient plus volumineux, s’arrondit et présente ordinairement un nucléole brillant. À ce caractère du noyau on peut déjà désigner la cellule comme devant devenir une cellule pigmentaire. Ces cellules à noyau arrondi occupent une place définie de la cou- che par rapport aux cellules voisines. En effet, chaque noyau arrondi se montre entouré de quatre cellules qui forment ainsi une cou- ronne à son pourtour (cellules de bordure). L'ensemble forme un groupe chromatophorique. Ces groupes ainsi constitués se répondent par la périphérie, chacune des quatre cellules de bordure étant en rapport avec un groupe voisin. De cette façon chaque groupe est en rapport avec quatre groupes qui présentent chacun, avec les groupes voisins, upe disposition similaire. On observe des cellules communes (pl. XIV, fig. 8, ce) occupant les espaces laissés libres entre les divers groupes (cellules intermédiaires) et qui servent de centre à des for- mations nouvelles. Le groupe est la première ébauche du chromatophore avec la cel- lule pigmentaire à noyau arrondi et les cellules de bordure qui de- viendront les cellules basilaires. Les cellules de bordure présentent la plus grande tendance à se multiplier; aussi observe-t-on déjà souvent à cette époque des RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 259 groupes limités par cinq et même dix cellules alternant avec des groupes présentant les quatre cellules typiques périphériques. Cette multiplication ne fera dès lors que s’accentuer et amener des modi- fications nombreuses dans le stade suivant. A ce moment, on voit apparaître dans le protoplasma des cellules à noyau arrondi, une coloration plus foncée et bientôt des granula- tions d’une ténuité extrême qui se montrent dans toute sa masse. Dès lors la cellule pigmentaire est constituée ; elle est encore dépour- vue de membrane, mais elle présente déjà ses caractères fondamen- taux : son grand noyau nucléolé et ses granulations colorées (pl. XIV, fig. 9, p). La division des cellules de bordure en a poussé le nombre jusqu'à cinq, six, huit. Elles forment ainsi une couronne complète. Cette division est nécessitée par l'accroissement rapide de la cellule pig- mentaire qui a rapidement doublé, puis triplé de volume. Les cellules communes sont demeurées jusque-là inactives, elles semblent des cellules de réserve pour des formations ultérieures. On les voit alors se diviser et constituer ainsi des groupes intermé- diaires qui augmentent rapidement d'étendue, tandis que les cellules pigmentaires semblent ralenties dans leur développement. De cette multiplication cellulaire intermédiaire résulte un accroissement rapide de la superficie et la dissociation des groupes primitifs. Il est aisé d'observer les cellules pigmentaires déjà chargées de granu- lations et entourées de leurs noyaux de bordure, séparés mainte- nant par de vastes champs intermédiaires formés de cellules em- bryonnaires. Les cellules d’un groupe intermédiaire ont un développement ultérieur variable suivant leur position : les unes se différencient en cellules initiales, s’entourent d’un anneau de cellules de bordure et forment de nouveaux groupes chromatophoriques, les autres con- stituent le tissu conjonctif de la couche des chromatophores; les autres enfin deviennent de nouvelles cellules intermédiaires. Sur beaucoup de points, les cellules d’un champ intermédiaire se 260 PAUL GIROD. groupent en deux ou plusieurs couches superposées et donnent ainsi des groupes chromatophoriques situés sur plusieurs plans. Les cellules intermédiaires se comportent comme celles qui leur ont donné naissance. Cette formation continuelle de nouvelles cel- lules et des groupes qui en dérivent, se poursuit tant que le tégument s’accroit, ce qui explique la présence de chromatophores en dé- veloppement que l’on rencontre sur de grands exemplaires de Céphalopodes. Ainsi donc, dans le développement de la couche des chromato- phores, le premier fait est la transformation de certaines cellules en cellules pigmentaires autour de chacune desquelles s'oriente une - couronne de cellules de bordure; le second est la multiplication des cellules intermédiaires qui forment des champs intermédiaires où se constituent de nouvelles cellules pigmentaires et de nouvelles cellules communes capables de proliférer à leur tour. La cellule pigmentaire, une fois constituée, se modifie par l’aug- mentation rapide de son étendue, par la multiplication des granu= lations pigmentaires, par l’adjonction d’une membrane périphé- rique. En suivant la série des préparations faites depuis les premières phases embryonnaires, on voit que le noyau restant identique dans sa forme et sa grandeur, le protoplasma s'accroît dans des propor- tions considérables, pour atteindre le développement qu’il présente dans l’adulte. En même temps, la pigmentation devient plus intense et la cellule pigmentaire se remplit de granulations plus nom- breuses à la périphérie et finissant par constituer ces masses vive- ment colorées que l’on observe chez l'adulte. Les cellules de bordure continuent à se diviser pour atteindre le nombre de vingt à trente. Cette division est très facile à suivre sur les préparations de peau d’embryons de Sépiola, chez lesquels la colora- tion brunâtre devient sensible. On observe en effet, parmi les cellules de bordure, certains éléments qui ont un noyau plus ou moins étiré et étranglé en bissac; d’autres qui contiennent deux noyaux plus petits et appliqués l’un contre l’autre. La division de la masse proto- RECHERCHES SUR LA PEAU DES C£PHALOPODES. 261 plasmique suit cette scission du noyau. Le protoplasma de chaque cellule de bordure se prolonge vers la périphérie et se met en rap- port avec les protoplasmas irréguliers qui entourent les noyaux in- termédiaires aux chromatophores. La cellule pigmentaire se trouve ainsi limitée à ce moment par ses cellules de bordure plus nom- breuses et par un réseau périphérique de cellules embryonnaires qui se rattachent par leur prolongement à cette assise première (pl. XIV, fig. 40, 6, 6). Dans la suite du développement, les cellules de bordure, arrivées à leur nombre définitif, persistent avec leurs caractères indiqués et, sur le chromatophore contracté, on observe dès lors, en contact avec la cellule pigmentaire, cette ceinture de cellules sans membrane qui, lors de la dilatation, s’aplatissent et s’étalent comme je l’ai indiqué. Mais les cellules du réticulum périphérique se groupent, devien- nent fusiformes et se réunissent par leurs extrémités en faisceaux réguliers divergents. Bientôt une fine striation se manifeste dans les bandes protoplasmatiques; des fibres succèdent à cette striation primitive et constituent ainsi des faisceaux conjonctifs sur lesquels persistent les noyaux et quelques traces du protoplasma des cellules primitives. Ainsi apparaissent et se constituent les faisceaux ra- diaires du chromatophore. La formation des faisceaux conjonctifs, aux dépens de cellules embryonnaires réunies bout à bout sur une ou plusieurs files adja- centes, est des plus faciles à observer sur les préparations de peau d'embryon. Et c'est par ce procédé que se forment les nombreux faisceaux qui, sans connexion avec les cellules pigmentaires, s’épa- nouissent à leurs extrémités et mêlent ainsi leurs fibres à celles des faisceaux radiaires pour former le substratum général de la couche qui nous occupe. En résumé, chaque groupe chromatophorique donne la cellule pig- mentaire et les cellules basilaires du chromatophore. Les cellules inter- médiaires constituent les faisceaux conjonctifs dont les uns se dis- posent sans ordre et forment le réticulum fondamental de la couche 262 PAUL GIROD. et dont les autres convergent comme autant de rayons sur les cel- lules basilaires des chromatophores, pour constituer les faisceaux radiatres. Couche des iridocystes. — Les iridocystes se constituent directe- ment aux dépens des cellules embryonnaires primitives. Le proto- plasma s'étale en une lame d’abord homogène et transparente, dans laquelle se montre une striation d’abord très légère. Bientôt les stries s’accentuent et, suivant l'espèce considérée, prennent les carac- ières que j'ai décrits dans les divers Céphalopodes adultes observés. Couches fibreuses. — Pour la formation des couches fibreuses, les cellules réunies d'abord par leur protoplasma tendent à se désunir, les noyaux s’éloignent en même temps que la superficie du tégument augmente, entraînant le protoplasma correspondant qui s’étire en ponts intermédiaires. Ainsi se forme un réticulum dont chaque maille quadrangulaire présente à chaque angle un noyau commun avec l'angle correspondant des mailles adjacentes. Des couches su- perposées s’établissent de cette manière, reliées entre elles par des ponts de protoplasmas s'étendant des unes aux autres. Le proto- plasma qui entoure les noyaux et qui forme les bandes intermé- diaires se divise alors en fibres et constitue ainsi un vaste réticulum conjonctif, dont les mailles vont grandissant avec le développement de l'embryon pour aboutir à la constitution observée chez l'adulte. y Les descriptions données précédemment se rapportent à la peau typique, mais, autour de ces dispositions caractéristiques, viennent se grouper des modifications particulières suivant les différentes régions considérées. L'étude de la ventouse, de la lèvre, de l'appareil fixateur du man- teau et autres parties annexes de la peau fera l’objet de mémoires ultérieurs. Je veux insister ici seulement sur les caractères particu- liers de la peau réfléchie sur le sac viscéral et sur ses dépendances. RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 263 A la région postérieure du sac du Poulpe, on constate la dispari- tion presque complète des chromatophores. On compte à peine une dizaine de ces corpuscules pigmentés sur un espace de 40 centimè- tres carrés. Une coupe pratiquée en ce point montre l'énorme réduc- tion de la couche conjonctive dermique. C’est surtout sur la partie profonde que cette réduction a porté. En effet, si le rasoir a rencon- tré un des rares chromatophores présents, on voit qu'il partage pour ainsi dire le derme en deux couches d’égale épaisseur. La couche des iridocystes a disparu et les faisceaux musculaires dermiques ne sont plus représentés que par quelques fibres éparses. Dans toutes les autres régions du Poulpe, la peau réfléchie est privée de chromatophores et le derme est réduit ainsi à une seule masse conjonctive traversée par les faisceaux et quelques fibres musculaires. Chez la Seiche, la Sépiole et le Calmar, on suit des modifications analogues, mais on ne trouve pas l’état intermédiaire où les chroma- tophores ont presque disparu. Toutefois une différence essentielle persiste, c'est le {développement de la couche argentine qui, même dans les régions où le derme atteint son minimum, continue à former la limite entre une couche conjonctive süperficielle et une couche profonde. Aussi, lorsqu'on ouvre le manteau d’un de ces animaux, on voit toute la partie intérieure présenter les reflets dorés etirisés caractéristiques de la présence des paillettes. Les faisceaux musculaires sont entièrement réduits dans la peau des Décapodes,; ils se montrent disposés irrégulièrement, affectant des directions divergentes. Les cellules lisses qui les constituent sont conformées comme chez les Octopodes. Le tissu conjonctif dermi- que ne présente du reste aucune différence quant à sa constitution; l'épaisseur seule est moindre, mais la disposition concentrique des fibres autour des vaisseaux persiste dans la couche superficielle pour passer plus profondément à la formation de lits denses de: fibres serrées et plus ou moins parallèles. Si la peau varie, quant à sa structure, lorsqu'on la considère dans 264 PAUL GIROD. les diverses régions du Céphalopode, elle n’en présente pas moins des différences essentielles quant à ses dispositions macroscopiques. On est frappé, à la vue d'un Poulpe et d’une Seiche nageant dans l'aquarium, de l'aspect caractéristique de la surface externe de la peau, considérée dans l’un et l’autre animal. Le Poulpe a la peau granuleuse et chagrinée, et cette disposition est rendue encore plus saisissante par la présence de taches plus sombres correspondant aux parties saillantes. Ges taches ont été dé- crites et sont dues à la disposition particulière des cellules à pail- lettes au-dessous de la couche des chromatophores. Si l'on excite l'animal, en même temps que la coloration passe du brun-clair au noir-brunâtre, les mamelons se hérissent et se transforment en ver- rues saillantes qui donnent au Poulpe l'aspect hideux et terrible. Les papilles situées au-dessus des yeux et sur la tête s’allongent de facon à constituer de véritables cornes. La Seiche, au contraire, présente une peau douce au toucher, lisse et régulière. C’est une surface égale et qui s'étend sans mamelons et sans plissements sur les parties qu’elle recouvre. L'excitation n’a- mène aucune modification dans cet état de la surface. Tous les changements se passent dans les chromatophores qui donnent à l'animal ces aspects variés déjà décrits. Le Calmar, la Sépiole ont la même enveloppe lisse et régulière. Il y a donc entre les Décapodes et les Octopodes une différence marquée dans la conformation extérieure du tégument. Cette différence ne tient, en réalité, qu’au développement plus grand de la couche musculaire chez les Octopodes : des faisceaux de fibres groupés comme des rayons autour des centres multiples forment, par leur contraction, les mamelons et les tubercules qui couvrent la peau. | Ces caractères de la peau du Poulpe sont surtout marqués dans la région dorsale du manteau. Sur les bras, les mamelons disparais- sent et la peau présente sur ces points la plus grande analogie avec celle des Décapodes. Du reste, le tégument qui tapisse le sac bran- RECHERCHES SUR LA PEAU DES CÉPHALOPODES. 265 chial à l'intérieur présente, dans les deux groupes, les plus grandes analogies pour la régularité de la surface, l'épaisseur seule présente des modifications importantes. L'épaisseur de la peau diffère non seulement avec les régions, mais aussi avec les espèces considérées. Elle se réduit à sa plus simple expression dans toute la partie qui tapisse la grande veine, le rectum, la poche du noir et la région rénale. Elle s’épaissit dans la portion réfléchie du sac branchial et surtout à la partie pos- térieure de la masse viscérale où apparaissent quelques chromato- phores isolés, Ce sont dansles régions exposées directement à l’action du milieu extérieur et aux pressions qui s'y rapportent, que la peau offre sa plus grande épaisseur. Il est facile de bien saisir ces diffé- rences en comparant des lambeaux détachés dans la région dorsale du manteau avec ceux empruntés au sac viscéral et à la face interne de l’entonnoir. La peau jouit d'une grande mobilité sur les couches musculaires sous-jacentes. C’est surtout chez le Poulpe que cette indépendance est facile à constater et elle semble ici en rapport avec l’épaisseur plus considérable, car c'est surtout dans la région dorsale du man- teau qu’elle se montre plus développée. Si l’on pratique une incision dans la peau d’un Poulpe vivant, on voit aussitôt les deux lèvres s’écarter et glisser pour ainsi dire sur les couches plus profondes. Cette expérience fait saisir à la fois la mobilité et l'indépendance de la peau, mais en même temps les propriétés qui lui sont particulières. La peau revient sur elle-même, grâce à son élasticité et sa contrac- tilité. Ces considérations sur la structure de la peau des Géphalopodes me permettront de présenter avec plus de facilité les résultats de mes recherches sur les parties annexes du tégument dont l'étude se rattache directement à l’ensemble des observations anatomiques que je viens d'exposer. PAUL GIROD. ; ‘EXPLICATION DE LA PLANCHE. Coupe de la peau de Sepia officinalis. (Objectif, 2 ; Ocul., 3. Nach.) — a, épiderme ; b, couche fibreuse superficielle ; c, couche des chromato- phores ; d, couche des iridocystes ; e, couche fibreuse profonde ; f, cou- che limile; mm, faisceaux musculaires coupés transversalement ; v,v, coupe des vaisseaux cutanés. . Cellules épidermiques séparées après action du sérum iodé. (Obj., 7 imm.; oc., 3 N.) Leur extrémité libre porte une cuticule épaisse ; l’autre extré- mité se termine par des fibrilles fasciculées ; a, grosse cellule rectan- gulaire ; b, cellule bilobée ; c, cellule conique ; d, cellule cylindrique. . La cellule pigmentaire du chromatophore dans ses rapports avec les fais- ceaux radiaires, Phase de contraction. Sepiola Rondeletii. (Obj., 7 imm.; Oc., 3 N.) p, cellule pigmentaire; fr, fr, faisceaux radiaires ; ce, espaces interfasciculaires iimités au dehors par les tractus arciformes h,h;n,n, cellules conjonctives contenues dans ces espaces; 9, 9, cellules basilaires des faisceaux avecleurs noyaux m,m ; 0,0, cellules conjonctives accom- pagnant les faisceaux radiaires. Même préparation que la précédente sur un chromatophore en demi- extension, Même grossissement et mèmes lettres. Cette figure montre la terminaison périphérique du faisceau radiaire r, r, fibrilles terminales d,d, cellules conjanctives fusiformes ou étoilées formant avec les fibrilles le réseau de la couche des chromatophores. 5. Même préparation sur un chromatophore au maximum d'extension. Mèmes lettres. Iridocystes de Sepiola Rondeleili. (Obj., 7 imm.; oc. 3 N.) Terminaisons vasculaires dans la peau de Sepiola (Obj., 3, oc. 3 N.) 8. Développement des chromatophores. Les cellules p, p se différencient parmi les autres cellules embryonnaires a, a, et forment la première ébauche des chromatophores ; c, cellule intermédiaire. (Obj., 7 imm. ; oc. 3 N.) . Le protoplasma de la cellule s’est accru et s’est rempli de granulations pigmentaires. La cellule pigmentaire est constituée ; a, a, cellules em- bryonnaires se groupant pour former les cellules de bordure ; n, noyau de la cellule pigmentaire. (0Obj., 7, oc. 3 N.) Les cellules de bordure a, a se multiplient et constituent la couronne des cellules basilaires. Les cellules embryonnaires s’orientent pour consti- tuer les tractus cellulairesqui formeront les faisceaux radiaires. (Obj., 7, oc. 3 N.) mer ot pie rm _— RECHERCHES HISTOLOGIQUES SUR LES CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTEÉBRES PAR W. VIGNAL Répétiteur à l’Ecole des hautes études. TRAVAIL DU LABORATOIRE DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF ET DU LABORATOIRE D'HISTOLOGIE DU COLLÈGE DE FRANCE. Dans ce travail, j'ai l'intention d'étudier l’histologie des centres nerveux d’un certain nombre de types choisis dans diverses classes d'invertébrés. Les animaux qui font l’objet de ce travail ont toujours été pris parmi ceux qu'il est facile de se procurer et qui ont déjà été l'objet de l'étude de nos devanciers; car l’histologiste doit toujours avoir à sa disposition un grand nombre de sujets, les préparations qu'il est obligé de faire subir aux tissus peuvent manquer, elles sont aussi très nombreuses et il doit contrôler l’une par l’autre. Je pense aussi que le meilleur moyen de renverser les théories et les interpréta- tions plus ou moins défectueuses consiste à permettre, à tous ceux qui désirent s'occuper de la question de pouvoir facilement contrô- ler les travaux antérieurs. Pour la mème raison, et en cela je n'ai fait que suivre l’enseignement de mon maître, M. Ranvier, j'ai tou- jours indiqué scrupuleusement et en détail les procédés que j'ai em- ployés, afin que mes préparations puissent être facilement répétées. Dans ce travail, qui, je l'espère, n’est que la première partie d’une recherche sur la structure des centres nerveux des invertébrés, je n'étudierai que quelques animaux pris parmi les plus hautes divi- sions de ce grand embranchement du règne animal, 268 W. VIGNAL. Je profite de la publication de ce mémoire pour remercier M, de Lacaze-Duthiers de l’aimable hospitalité qu'il a bien voulu me don- ner pour la seconde fois de juin à septembre 1881, dans son labora- toire de Roscoff, HISTORIQUE. Malgré la valeur incontestable, au point de vue anatomique et morphologique, des travaux de Cuvier, d’Audouin, de Quatrefages, de de Lacaze-Duthiers, etc., je ne parlerai pas de leurs travaux, car dans cet exposé historique, je ne m'occuperai que des recherches qui se rapportent directement à l’histologie des centres nerveux des invertébrés et même je ne m'étendrai avec quelques détails que sur les dernières en date. Outre les auteurs dont je parlerai ici, 1l en existe d’autres qui ne traitent que d’une façon incidente de l'histologie de ces centres, mais si leurs travaux ne sont pas cités dans cette étude historique, toutes les fois que j'aurai l'occasion de le faire je m'empresserai, dans l'exposé de mes propres recherches, de signaler leurs opinions. L'auteur qui me paraît s'être le premier occupé de la structure du système nerveux des invertébrés est Roth, qui, en 1895, leur consacra quelques mots dans sa thèse inaugurale. Il dit que les nerfs des Lombrics sont formés par deux substances : l’une, grise et péri- phérique, est composée d’une infinité de globules allongés disposés sans ordre; l’autre, centrale, est formée par les mêmes globules, mais disposés dans un ordre régulier. Morren*, qui le suit du reste de près, adopte la même opinion. Ehrenberg”*, qui leur succéda, fit des recherches plus étendues sur les nerfs et les ganglions de l’Astacus marinus et fluvratilis, de Palæmon squillus, du (Geotrupus nasicornis 1Rotu, De animalium invertebratorum systematinervoso. Dissertation inaugurale, Viceburgi, 1825. 2 Morren, Histoire du lombric terrestre. Bruxelles, 1829. 3 ExRENBERG, Beobacht. einer bisher unbek. auffäll. Slructur des Seelenorgans bei Menschen und Thier. (Mémoires de l’Acad. de Berlin, 1834, p. 605). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 269 et de l’Hirudo medicinalis ; il commit de si nombreuses erreurs au point de vue histologique, que je crois inutile d'analyser son tra- vail, tout en n’oubliant pas le mérite qu'il eut à faire ces études à l’époque où il vécut et qu'il est réellement le premier à ouvrir la voie à l'examen histologique des centres nerveux des inver- tébrés. Des recherches de Valentin® sur la Sangsue et l'Astacus fluviatilés nous ne retiendrons que la partie importante et nous laisserons de côté toutes les erreurs, qui sont devenues tout à fait évidentes de nos jours. Il a reconnu : 1° que les nerfs sont formés par des fibres primitives, distinctes les unes des autres, composées d’une enve- loppe transparente recouvrant une matière finement granuleuse ; 20 que les cellules sont formées par une enveloppe renfermant une matière granuleuse, au milieu de laquelle se trouve un noyau; 3° que les cellules sont placées à la périphérie et au centre des gan- glions. Valentin compare les éléments du système nerveux des inverté- brés à ceux des vertébrés et les rapproche des éléments du sympa- thique de ces derniers. Newport?, dont nous ne parlerons qu’en passant, décrit le trajet des différents cordons nerveux dans l’Astacus marinus et le Sypyna ligustri. Il divise ces cordons en deux groupes : les moteurs et les sensitifs, il ne s’est point servi du microscope. Mais la partie impor- tante de son travail est la partie physiologique, où il cherche à ap- pliquer à l’écrevisse les découvertes de Gh. Bell et de Marschall-Hall. Le travail de Carpenter* est fait aussi sous l'influence de la découverte de ce dernier. 1 VALENTIN, Nova actla Academ. nat. Cur., 1826, t. X VIII, p. 202, pl. — Idem, De functionibus nervorum cerebralium et nervi sympathici. Bernæ, 1839, liv. I, chap. 1er,p. 8. 2 NewporT, Philos. Trans., 1831-39, p. 43. 5 CARPENTER, Disserlatio on the physiological enterjerences, to be deduced from he structure of the nervous systems in the inverlebrated classe of animals. Edin- burgh, 1839. 270 W. VIGNAL,. Helmholtz!, qui s’est surtout occupé du trajet des fibres nerveuses dans les connectifs, dit que chez la sangsue une partie des fibres nerveuses traversent le ganglion, d’autres fibres se dégagent au ni- veau des cloisons du ganglion et se rendent dans les nerfs latéraux, tandis que les dernières vont aux connectifs et aux cellules qui se trouvent situées à la périphérie du ganglion. Il a reconnu chez l’écrevisse qu'une partie des fibres s'étendent seulement entre deux ganglions, tandis que d’autres suivent toute la longueur de la chaîne ; d’autres fibres enfin se rendent aux nerfs latéraux. Il n’admet pas la division en fibres sensitives et fibres motrices que Newport avait voulu établir. Hannover?, quoiqu'il n’entre pas dans les détails de la structure du système nerveux des invertébrés, le compare à celui du grand sympathique des mammifères. Nous allons passer de suite aux tra- vaux de Remak ?, car avec lui s’ouvre réellement la période de l'étude histologique des éléments du système nerveux des invertébrés. Les tubes nerveux des connectifs de la chaîne ganglionnaire de l’Astacus fluviatilis et de l'Astacus marinus qui, d’après cet auteur, mesurent entre un soixantième et un trentième de ligne, sont formés par une double paroi mince, dans l’intérieur de laquelle on voit des noyaux granuleux ; au centre de ces tubes se trouve un faisceau de fibrilles occupant environ le quart ou le cinquième du diamètre in- terne, les fibrilles formant ce faisceau sont parallèles, ne s’anasto- mosent pas entre elles et mesurent en largeur moins de deux dix- millièmes de ligne ; le liquide situé entre les fibrilles nerveuses et la paroi est transparent et clair lorsqu'on l’examine dans des tubes frais. 1 HELMHoLTz, De fabrica systemalis nervosi evertebratorum. Berol., 1842. ? Hannover, Recherches microscopiques sur le système nerveux, Copenhague, Paris, Leipzig, 1844. $ ReMak, Ueber den Inhalt der Nervenprimiliv-rœhren (Muller’s Archiv, 1843; p. 197). CENTRES NERVEUX DE QUÉLQUES INVERTÉBRÉS. 971 Dans les tubes nerveux des connectifs et des nerfs qui sont au-des- sous d’un soixantième de ligne, cet anatomiste n’a Jamais vu de fibrilles; ils lui ont paru être formés par une paroi contenant un liquide limpide ou finement granuleux. Remak discute la question de savoir si l’on doit faire, des tubes nerveux contenant un faisceau de fibrilles, une quatrième espèce de fibres nerveuses, ou si elles sont l’analogue des tubes à moelle des vertébrés; il se range à cette dernière opinion. Dans ce mémoire, ce savant anatomiste dit que les fibres nerveuses contenant des fibrilles s'engagent dans la substance grise des gan- glions, et qu'il n’a jamais vu les fibrilles de ces tubes en rapport avec les cellules ganglionnaires, mais qu'il a vu le prolongement des cellules en rapport avec les gros tubes nerveux; le prolongement de ces cellules contient un liquide limpide et clair, ou un peu gra- nuleux ; de plus, l'enveloppe de la cellule est en continuité directe avec celle du tube. Il y a aussi d’après lui, dans les ganglions, des cellules sans prolongements. L'année suivante, dans un autre mémoire, Remak! parle encore des tubes et des cellules de l’Ecrevisse, et il y est encore plus affir_ matif sur la complète identité du faisceau de fibrilles des gros tubes des connectifs de l’Ecrevisse avec le cylindre d’axe des nerfs des ver- tébrés, que dans le mémoire précédent ; il donne un dessin d’un tel tube; plus loin, il ajoute qu'il n’a pas pu suivre ces faisceaux dans les tubes fins qui se rendent aux cellules, mais qu'il a vu dans l'inté- rieur de ceux-ci une substance ponctiforme s’arrangeant en fibrilles et que, dans l’intérieur de la cellule, cette substance ponctiforme prend, surtout autour du noyau, un aspect encore plus fibrillaire ; il donne une figure d'une telle cellule. Entre les deux mémoires de Remak, Will? en a publié un, dans lequel il étudie le système nerveux d’un assez grand nombre de 1 RemaK, Neurologische Erläuterungen (Muller’s Archiv, 1844, p. 468), 2 Wie, Vorläufige Mittheilung über die structur des ganglions, und den Ursprung der Nerven bei Wirbellosen Thieren (Muller's Archiv, 1844, p. 76). 212 W. VIGNAL. types pris parmi les invertébrés. Il dit qu’il a toujours deux enve- loppes; sur les nerfs et les ganglions, une première}externe gélati- neuse et molle; une seconde interne ou névrilème, dure, est formée de fibrilles très fines. Les cellules nerveuses sont, lorsqu'on les exa- mine à l’état frais, transparentes, leur contenu est limpide comme du verre, sauf chez l'Æelix pomatia, où elles ont souvent une striation concentrique foncée; par l’action des réactifs, le contenu devient granuleux, en outre elles renferment de fines granulations pigmen- taires d’une couleur variable, suivant les animaux, Souvent le pro- longement cellulaire se divise en plusieurs fins rameaux qui pénè- trent entre les fibres nerveuses et qui deviennent à leur tour des tubes nerveux. Cet auteur ajoute que la grande finesse des tubes nerveux jointe à la difficulté qu’on éprouve à les isoler, lui a rendu leur étude presque impossible, I termine son travail par la description des rapports des cellules ganglionnaires et des nerfs; ceux-ci passeraient d’un côté du ganglion et les cellules seraient situées de l’autre. H. Lebert et Ch. Robin, dans un mémoire sur la structure des lissus dé quelques invertébrés, arrivent à la conclusion que chez les crustacés on voit le cylindre d’axe avec un fort clair double contour, mais que chez les insectes et les mollusques, les nerfs sont difficiles à distinguer du tissu cellulaire fibrillaire*® ou des fibres musculaires homogènes. Les cellules nerveuses sont au contraire très faciles à voir, elles sont rondes ou oviformes, mesurent d’un trentième à un quarantième de millimètre, ont un contenu granuleux, légèrement pigmenté en jaune, renferment un, deux ou trois noyaux contenant eux-mêmes un ou deux nucléoles (p. 128). D'après Bruch, chez la Sangsue, les fibres des connectifs qui en- 1 H. Lesernr et Ch. RogiN, Kurze Notiz ueber allgemeine vergleichende Anatomie niederer Thiere. (Muller’s Archiv, p. 120). 2 ZELLGEWEBEFASERN. , 8 Bruon, Ueber d. Nervensystem d. Blutegels (Zeilschrift fur Wiss, Zool., 1849 p. 161). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRES. - 273 trent dans le ganglion en avant, en sortent en partie à l'extrémité opposée, sans mêler leurs fibres. A l'intérieur du ganglion, les fibres des connectifs qui ne sortent pas du ganglion à la partie postérieure, se dirigent vers les nerfs latéraux antérieurs et postérieurs et contri- buent à les former avec le concours des fibres formées par la réu- nion des prolongements des cellules. Ceux-ci passent dans le gan- glion de droite à gauche et de gauche à droite, de sorte que les cellules situées à droite du ganglion contribuent à former par leurs prolongements les nerfs latéraux gauches, tandis que celles qui sont à gauche concourent à la formation des nerfs latéraux droits. Mais la complexité est encore augmentée par le fait que les prolongements cellulaires qui sortent dans une direction interne et inférieure se dirigent en bas pour quitter le ganglion avec le connectif, qui se trouve de leur côté, et les cellules situées à la partie postérieure du ganglion paraissent se diriger en dedans et en haut. Il ne sait s'ils se rendent dans les nerfs latéraux ou s'ils ne contribuent pas à for- mer les commissures supérieures en s’y rendant par un trajet ascen- dant. Bruch ajoute qu’à chacune des bifurcations des nerfs latéraux an- térieurs, on trouve des petits renflements contenant des cellules ganglionnaires apolaires; on rencontre aussi sur les nerfs postérieurs des cellules isolées qui ont deux prolongements, l’un se rendant au centre, l’autre à la périphérie. Cet auteur pense que les grosses cellules qui se trouvent dans les centres ganglionnaires des sangsues sont apolaires. D’après Faivre’, on rencontre chez la sangsue des cellules nerveuses dans les ganglions de la chaîne ventrale, sur les renflements placés sur le trajet des connectifs, sur les troncs et les branches nerveuses de la vie animale et enfin sur le trajet des nerfs de la vie organique. Ces cellules appartiendraient surtout à deux groupes, les unipolaires et les bipolaires, les multipolaires sont très rares. Toutes les cellules 1 FAIvRE, Etude sur l'histologie comparée du système nerveux de quelques Annélides. Th. de doct., Faculté des sciences, Paris, 1856. ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GEËN, == 90 SÉRIE, — T, I, 1882. 18 274 W. VIGNAL. sont formées par une enveloppe contenant une substance granu- leuse et un noyau. La membrane est mince, le contenu est formé par une foule de petits grains gris où jaunâtres, qu'on dirait reliés par une substance amorphe qui échappe à l’observation. Le noyau a un contour très net et réfracte fortement la lumière. Les cellules apolaires dans les ganglions ventraux occupent la facé inférieure, il en est de même dans les ganglions cérébroïdes. Les cellules unipolaires composent la masse principale des ganglions, leur prolongement est formé de la même matière que la cellule elle- même. Les fibres nérveuses constituant les connectifs ‘ réunissent les dif: férents ganglions entre eux et les nerfs sont formés par une enve- loppe anhiste, sans trace de structure, contenant uné matièré gra: nuleuse analogue à celle qui forme les cellules. Les fibres nerveuses s’anastomosent fréquemment entre elles. Faivre pense qu’elles sont l’analogue des fibres pâles des vertébrés et qu’elles représentent le cylindre d’axe et la matière médullaire dés tubes nerveux des mam- mifères. Faivre, après avoir fait l'histologie des éléments, passe à la struc- ture des ganglions; comme cette partie de sa recherche déjà vieillé a été considérablement modifiée par les travaux de ceux qui l'ont suivi, je ne l’analyserai pas et je passerai de suite à l’examen de là partie de son travail qui traite du gastro-intestinal, dont le nerf prin- cipal avait déjà été décrit par Brandt, mais qui n'avait pas été vu par les auteurs qui se sont occupés de cette question, entre l’époque du travail de Brandt et celui de Faivre?, c’est-à-dire de 1836 à 1852. Ce dernier ne s’est pas contenté de retrouver le nerf principal de ce 1 Parmi eux, on doit faire rentrer le nerf intermédiaire que nous désignerons dorénavant sous le nom de nerf intermédiaire de Faivre. D’après cet auteur, ce hetf se trouve entre les deux cordons connectifs, avec lesquels il s’anastomose assez fré: quemment; arrivé à la hauteur des ganglions, il passe en s’élalant à leur surface et se reforme à l’autre extrémité. 2 BRANDT, Ann. des Sc. nat., 1835, et Isis, 1835. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 215 système, il a poussé plus loin ses recherches et sa description du gastro-intestinal est encore fort exacte pour les grosses choses; il a trouvé qu'il s'étend dans tout le tube digestif, sauf sur les poches postérieures de l'estomac, sur l’æœsophage ét sur l’intéstin. Les cellules qu’on y trouve et qui sont assez irrégulièrement dis- persées sur les branches du plexus, ont une enveloppe mince, un noyau au milieu d'une matière granulo-graisseuse (quelquefois les gouttelettes graisseuses sont fort volumineuses, et Faivre croit qu'elles représentent la myéline des nerfs des vertébrés). Les fibres nerveuses sont entourées d’une membrane qui paraît être la conti- nuation de celle des cellules, car elle en a tous les caractères. Le contenu de ces tubes est semblable au protoplasma des cellules qui sont en rapport avec eux par des prolongements très variables en nombre, car le prolongement peut être unique ou bien il en existe deux, trois, quatre, cinq ou six. Faivre, quoiqu'il refuse de se prononcer d'une facon catégorique sur la terminaison des nerfs, dit cependant qu’il a vu une fois un tube nerveux sympathique se terminer d’une facon fort nette dans un vaisseau. Cet auteur n’a pas étudié la portion dite sympathique céphalique. Après avoir décrit le système nerveux de la sangsue, Faivre passe à celui du lombric. Il nous dit que les cellules se rencontrent dans toute la moelle ventrale et dans le plexus pharyngien. Elles ont gé- néralément une forme elliptique, mais comme elles sont apolaires ou bipolaires, ou multipolaires, cette forme subit des variations, elles ont une enveloppe sans structure, un contenu granuleux et à con- tour réfractant fortement la lumière et renfermant d'un à trois nu- cléoles. Les cellules apolaires occupent la face inférieure et les côtés de la chaîne, les unipolaires sont bien développées dans le cerveau, mais dans la moelle, où on les rencontre sur les côtés, elles le sont moins bien; les bipolaires et les mullipolaires sont distribuées fort irrégulièrement dans toute la moelle, les dernières sont fort rares. Les tubes nerveux viennent manifestement des cellules et le contenu 276 W. VIGNAL. de ces deux éléments est en continuité directe. Les tubes nerveux présentent entre eux et les cellules bipolaires des degrés de transi- tion, car on voit de ces tubes s’élargir et au point d’élargissement on trouve un noyau placé au milieu du tube, en dedans des enve- loppes. Faivre n'ayant pas fait de coupes et s'étant borné à examiner à plat des chaînes traitées par l'acide acétique, nous ne pouvons pas, quoiqu'il recommande de ne pas faire de compression, nous fier à la description qu'il donne de la topographie des différentes parties de la chaine, aussi n’analyserons-nous pas cette partie de son travail. Faivre considère comme devant être rattachés au système de la vie organique les tubes et cellules nerveuses, qui, d’après lui, se trouvent logés dans le pharynx, entre la couche épithéliale et la couche mus- culaire et surtout äans l'épaisseur de celle-ci. Les fibres nerveuses de ce système forment un plexus si compli- qué que Faivre dit qu'il est inutile d’essayer de le décrire. On y trouve des cellules unipolaires et apolaires très petites, semblables à celles de la chaîne, et des fibres nerveuses de la vie animale. Ce sys- tème est borné au pharynx, il ne s'étend pas plus loin sur le tube digestif. Faivre croit que si l’on peut comparer avec raison le système ner- veux gastro-intestinal de la sangsue au système sympathique des vertébrés, le plexus pharyngien des lombrics est analogue morpho- logiquement au pneumogastrique du même groupe d'animaux. Dans le Proceedings de la Société royale de Londres, nous trouvons en 4857 une note de Lockhart-Clarke', dans laquelle il décrit le plexus pharyngien d’une manière un peu différente de Faivre; il s’é- tend, d’après lui, des deux côtés le long de l’œsophage, suit les vais- seaux abdominaux etse trouve en rapport par des fibres très fines avec la chaîne nerveuse sous-ventrale, 1l dit que la surface entière du plexus dans le pharynx est couverte d’une couche de cellules rondes, 1 LOCKHART-CLARKE, On fhe nervous system of Lumbricus terrestris, Proceedings of the Royal Society of London, t. VIT, 1856-57, p, 343). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 277 ovales, piriformes, et que ces cellules sont surtont nombreuses aux points d’anastomose des branches, mais à mesure que le plexus des- cend le long du pharynx les ganglions diminuent en nombre, et sur le reste du tube intestinal on n’en trouve plus; les nerfs cependant continuent à s'étendre sur lui et à s’y anastomoser, comme des capillaires. D'après cet auteur, la chaîne abdominale est formée de deux cordes nerveuses accolées l’une à l’autre. La substance vésiculaire (cellulaire) se trouve sur leurs faces inférieures et est composée de deux couches de cellules, elle forme deux colonnes; ces cellules, quoique un peu plus grosses, ont la même forme que celles que l’on trouve dans le plexus pharyngien, Chacun des ganglions de la chaîne ventrale envoie deux nerfs qui énervent les septa, les muscles longitudinaux, obliques et circulaires; entre deux ganglions chaque corde donne un nerf quise distribue aux muscles profonds du corps. Dans l'intérieur des ganglions les racines des nerfs se divisent en trois faisceaux; le premier longitudinal forme une portion de la co- lonne fibreuse de chaque corde et les fibres qui le composent cou- rent en égale quantité dans les deux directions, c’est-à-dire en haut et en bas, tout le long de la corde qui leur correspond; cependant quelques fibres, celles situées sur les bords, entrent dans les co- lonnes des cellules, vont jusqu’au nerf le plus proche, avec lequel elles forment un nœud, et en continuant leur trajet font probable- ment la même chose avec les autres nerfs qu'elles rencontrent. Le deuxième faisceau, formé d’un moins grand nombre de fibres, tra- verse la corde dans laquelle ils arrivent, pénètre dans celle qui leur est opposée et s'y infléchissent à angle droit, concourant ainsi à la formation de la colonne fibreuse. Le troisième se perd dans toutes les directions, mais se rend surtout dans l’intérieur de la substance grise. On voit que cette description se rapproche beaucoup de celle que cet auteur donne de la moelle épinière des vertébrés. Lockhart-Clarke n’a vu que deux fois, dit-il, la continuité d’une cellule nerveuse avec un tube, mais, ajoute-t-il, il y a lieu de suppo- 278 W. VIGNAL. ser qu'elle est constante, quoiqu'il y ait certainement des nerfs qui se terminent en anse. | Des expériences physiologiques qu'il ne décrit pas, lui ont montré que le plexus pharyngien est indépendant du cerveau et de la chaîne ventrale, quoique soumis jusqu'à un certain point à leur influence. E. Haeckel', dans son étude sur les tissus] de l’écrevisse, dit que les cellules nerveuses des ganglions de ces animaux sont très sem- blables à celles des ganglions sympathiques des vertébrés, elles sont formées par une membrane très épaisse à double contour, conte- nant un liquide granuleux et un gros noyau avec un nucléole. La membrane est enveloppée par une capsule très épaisse de tissu con- jonctif contenant beaucoup de noyaux. Les tubes nerveux sont formés par une enveloppe épaisse renfer- mant un liquide visqueux, transparent. Les cellules sont en rapport direct avec les tubes nerveux, et le ou les prolongements de la cel- lule ne sont que des nerfs. Ceux-ci dans le cours de leur trajet se divisent dicotodiquement ou bien émettent des branches considéra- blement plus petites qu'eux-mêmes. La grande majorité des cellules sont unipolaires. Owsjanniskow ?, qui à étudié principalement la structure des cen- tres nerveux du homard, dit que lorsque l’on examine les fibres ner- veuses de ce crustacé dans du sérum, elles paraissent n'avoir qu'un contenu liquide, mais que si l’on vient à y ajouter un peu d’eau on y voit apparaître des fibrilles. Le cerveau et les ganglions lui ont paru contenir deux sortes de cellules nerveuses : des grandes multipo- laires et des petites unipolaires. Elles ont une membrane d’enveloppe et dans l’intérieur du protoplasma un noyau ; il pense que celui-ci n’est pas un corps rond, isolé au milieu du protoplasma cellulaire, mais un élément en forme de tuyau intimement lié avec les fibres ‘ E. HarcxeL, Ucber die Gewebe des Fluskrebses (Muller’s Archiv, 1857, p. 469). ? OwsJannisxow. Recherches sur la structure interne du système nerveux des crustacés et principalement du Homard (Annales des Sciences naturelles. Zool., 4s série, t, XV; 1861, p, 129). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 279 nerveuses !. Cet auteur pense que les cellules multipolaires normales doivent avoir quatre prolongements, l'un se dirigeant vers le cerveau, l'autre vers l'extrémité de la chaîne ganglionnaire et les deux der- niers aux racines des nerfs périphériques. Buchholz?, qui a étudié le système nerveux des mollusques d’eau douce, arrive aux conclusions suivantes : que dans beaucoup de cel- lules un prolongement part du noyau (mais je dois dire de suite que l'inspection seule des figures jointes à ce mémoire montre qu'il a dù prendre souvent des cellules déformées et altérées pour nor- males) et qu'il n'existe pas de cellules unipolaires, car, dit-il, le prolongement primitif (dans le cas où il n'y en a qu’un) se divise toujours en plusieurs fibrilles proportionnellement à la grandeur de la cellule. Les fibres nerveuses ont la forme de cellules allongées, elles ren- ferment un noyau, elles sont homogènes et non formées de fibrilles. Nous ferons remarquer que cet auteur n’a fait usage d'aucun réac- tif, il s’est contenté de dissocier les tissus frais dans l'humeur aqueuse et de les y laisser macérer; or, cette méthode, excellente dans certains cas, demande une grande habitude et en outre ne doit être employée que comme moyen de contrôle ou doit au moins être contrôlée par d’autres. Le travail suivant est celui de Baudelot*, qui, en 1865, a étudié le système nerveux de la Clepsine ; il nous dit qu'un ganglion de cette hirudinée est divisé en six compartiments disposés du haut en bas sur deux rangs parallèles. L’enveloppe est hyaline et renferme un réseau de fibres élastiques au milieu duquel se trouyent les cellules ganglionnaires. Les con- 1 «J’ai pu voir dans quelques préparations la substance du noyau se prolonger en forme de lignes grêles et claires dans l’une des fibres de la cellule la plus large d'entre toutes. » Loc. cit., p. 139. 2 Bucaxozz, Bemerkungen über den hist. Bau des Central nervensyslems d. Süss- wassermollusiien (Muller’s Archiv, 1863, p. 234-264;. 3 Entre autres, pl. VI, fig. 5; pl. VII fig. 7 et 16. * BaupeLoT, Observations sur le syslème nerveux de la Clepsine (Ann. des sciences nal., 5° série, vol, [II 1865, p. 127). 280 W. VIGNAL. nectifs et les nerfs sont formés par une matière fibro-granuleuse, sans fibres nerveuses bien distinctes. Outre les cellules nerveuses contenues dans les ganglions, on trouve, d’après Baudelot, chez cet animal, d’autres cellules nerveuses isolées et appendues d'espace en espace, comme les grains de rai- sin sur la grappe, aux nerfs mêmes, jusque sur leurs extrémités les plus déliées. « Ces faits, dit-il, me semblent jeter quelques lumières sur ce point encore obscur. Il me paraît tout à fait probable que les cel- lules nerveuses appendues sur les tubes nerveux sont les représen- tants du réseau gastrique de la sangsue... Aïnsi donc chez les hiru- dinées, on trouverait, entre les nerfs de la vie animale et ceux de la vie végétative, cette confusion du travail physiologique que M. de Quatrefages a signalée précédemment chez certains annélides". Les cellules tant isolées que réunies par groupes dans les gan- glions seraient formées par une enveloppe mince, un contenu gra- nuleux, un noyau ovalaire et un ou plusieurs nucléoles. Schwable ?, dans son étude sur les cellules ganglionnaires, décrit autour de celle de la limace* une enveloppe concentrique fibrillaire, dans laquelle le ‘prolongement cellulaire entre sous la forme d’un pinceau de fibrilles. Leydig*, dans les deux tfavaux que nous allons analyser ici, mo- difie et développe ce qu'il avait précédemment écrit sur l’histologie du système nerveux des hirudinées et des lombrics ; aussi ne tien- drons-nous pas compile de ses travaux antérieurs, mais par contre nous analyserons ceux-ci avec grand soin. Les cellules ganglionnaires, dit-il, chez les hirudinées indépen- damment de leur grosseur peuvent être divisées en plusieurs caté- t Voyez page. 430. ? ScHwABLE. Ueber den Bau der Spinalganglien u. Bemerk. ü. d. Sympathischen Ganglienzellen (M. Schultse’s Archiv, B. IV, 1866, p. 46. Taf. IV, fig. 14). 3 Linax empiricorum. * Levpic, Ueber das Nervensystem der Anniliden ‘Reichert und Dubois Raymond’s Archiv, 1862, p. 90, Partie hist., 117 et suiv.). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 281 gories. Par exemple, chez la Prscicola, on rencontre des cellules qui, formées par un protoplasma granuleux, renferment un noyau con- tenant de nombreux nucléoles, et d’autres cellules qui, outre leur volume plus considérable, ont un protoplasma granuleux, semblable à une substance coagulée légèrement jaunâtre. D’autres cellules, comme chez la Sanguisuga, renferment une substance réunie en petits grains et qui paraît être de nature graisseuse. Ces différentes espèces de cellules ne sont pas mêlées dans le gan- glion, mais sont réunies par petits groupes. Leydig dit que s'il est certain que les prolongements cellulaires sont l’origine des nerfs, le rapport qui existe entre les cellules gan- glionnaires et les nerfs n’est pas celui qu'on décrit généralement. En effet, les prolongements cellulaires, s'ils ne servent pas à la réunion des cellules entre elles, se perdent en fibrilles très fines dans la substance centrale du ganglion (substance finement granuleuse, Punktsubstanz) et les nerfs naissent de cette substance. Cette dispo- sition, du reste, ne s’observe pas seulement chez les hirudinées, mais chez les insectes, l’écrevisse, les vers et les mollusques pul- monés. Les cellules ganglionnaires, chez les hirudinées, ne se trouvent pas seulement dans le cerveau et les ganglions de la ehaîne, mais aussi sur les nerfs latéraux (Sanguisuga) ; quelquefois elles ne déter- minent pas un renflement du nerf, tandis que, dans d’autres cas, elles forment de véritables petites boules ; on les rencontre comme chez la sangsue et la Carinaria jusque dans les fins nerfs qui vont à la peau. Les commissures et les nerfs n’ont pas exactement la même struc- ture, tandis que dans les nerfs, la fibrillation est parfaitement nette; dans les commissures, elle l’est beaucoup moins; ainsi, si l’on examine une coupe de la chaine ganglionnaire, on voit qu'elle est formée à la périphérie de fibrilles, tandis qu'au centre on rencontre une masse granuleuse. Les cellules ganglionnaires se trouvent aussi dans les commissures ; ainsi le pont qui, dans le premier ganglion, Lu 82 W. VIGNAL. 19 réunit les deux commissures, contient de très petites cellules ner- veuses et dans les commissures tendues entre deux ganglions quel- conques de la chaine abdominale, on rencontre un corps ovale très net montrant à sa surface une ligne transversale très marquée, ce corps est, quoiqu il en diffère un peu comme aspect, un noyau. Les fibres nerveuses n'ont pas d'enveloppe isolée (vagina nervi), mais lorsqu'elles se détachent du tronc principal, une partie de l'enveloppe de celui-ci les accompagne et se termine ou en pointe ou va se fixer sur le cylindre musculaire. Cette enveloppe renfermerait des fibres musculaires lisses. La di- vision des fibres nerveuses dans l'intérieur du tronc commun comme l'a décrit Faivre, existe en réalité; les fibres sont plates et non cylin- driques comme ce dernier l’a dit. Le plexus céphalique, qu'on s'accorde à considérer comme la par- tie centrale du nerf gastro-intestinal, en diffère au point de vue de la structure histologique. Les nerfs de ce plexus ont un névrilème, le gastro-intestinal n'en a pas, les nerfs eux-mêmes ont la même structure que les nerfs partant des ganglions, tandis que, comme nous le verrons plus loin, la structure du gastro-intestinal est fort différente ; en effet, il n'y a pas d’enveloppe sur le tronc médian, ni sur les rameaux du gastro-intestinal; ceux-ci ont une striation longi- tudinale vague, leurs bords sont finement dentelés et ils rappellent les fibres sympathiques des vertébrés. Les cellules ganglionnaires ne sont pas réunies ensemble, mais sont dispersées sur les rameaux nerveux, Jusque sur les plus fins. Les nerfs se divisent et s’anastomosent fréquemment entre eux, comme les nerfs du système cérébro-spinal. Si l’on suit le nerf gastro-intestinal depuis son point de départ jus- qu'à sa terminaison, on voit qu'il est plus mince qu’un nerf latéral, qu'il va en diminuant depuis son point d'origine jusqu'à sa termi- naison, quoiqu'il paraisse recevoir autant de branches qu'il en émet. Les cellules se rattachent à ce tronc et à ses branches, tantôt par un seul pédicule, tantôt par plusieurs. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 283 Leydig décrit ensuite ainsi la structure du système nerveux des lombrics : les cellules ganglionnaires, tant de ia chaîne abdominale que du cerveau, sont des cellules piriformes à long pédicule et les plus grosses, outre leur contenu granuleux ordinaire, renferment une tache granuleuse jaunâtre; elles dirigent leur prolongement vers une masse centrale pulvérulente. Cependant Leydig (Tafeln zur Ver- gleichenden Anatomie, pl. V, fig. 1) dessine des cellules ayant leurs prolongements tournés vers la périphérie. Les fibres nerveuses ne laissent pas voir aussi distinctement que chez les hirudinées les fibrilles, et les nerfs semblent être formés par une masse ponctuée arrangée en fibrilles,. Sur une coupe transversale faite sur un animal durei dans l'alcool, on voit facilement la musculature du névrilème de la chaîne, la gaine homogène et l’on reconnait que la partie supérieure de la moelle est formée par deux cordons longitudinaux, tandis que les cellules en occupent la partie inférieure et les côtés. Sur une telle coupe, il est facile de constater que les deux moitiés de la moelle ne sont pas séparées par une ligne nette, mais pénètrent plus ou moins l’une dans l’autre, comme dans la moelle des vertébrés. Il établit nettement le siège des trois grosses fibres à contour foncé (Riesige dunkelrandigen Prinutivfasern) que Claparède (Recherches sur les Oligochetes, Mém. de la Soc. de phys. et d'hist. nat. de Genève, 1861) avait décrites comme un canal central, en les plaçant à la par- tie supérieure de la moelle, contre le névrilème interne. Leydig dé- crit la fibre centrale comme se divisant en deux dans le premier ganglion, et se dirigeant dans chacune des commissures du cerveau. Comme règle générale, Leydig pense que les nerfs venant du sys- tème central ne naissent pas comme on le dit généralement des prolongements cellulaires, mais de la substance granuleuse centrale, qui forme le centre des ganglions et dans laquelle se perdent les prolongements cellulaires, mais il est des cas, ajoute-t-il, où la fibre nerveuse peut naître directement du prolongement cellulaire, et il cite comme exemple bien net de cette origine des fibres nerveuses, 284 W. VIGNAL. les fibres qui forment une partie du système sympathique des hiru- dinées. D'après lui, le système dit sympathique du pharynx des vers ne renferme pas seulement des cellules nerveuses dans les ganglions, mais aussi dans les fibres du plexus *. Les deux auteurs qui s’occupèrent après Leydig du système ner- veux des invertébrés, sont Walter et Waldeyer, qui, tous les deux, publièrent en 1863 leurs mémoires; j'analyserai d'abord celui de Walter?, car il est facile de voir, en lisant le travail de Waldeyer, que celui de Walter, qu'il cite à plusieurs reprises, lui est antérieur. Cet auteur a étudié le système nerveux de l’ÆZirudo medicinalis, du Lombricus agricola, de la Scolopendra electrica, de l’Astacus fluviatilis et du Limnæus stagnalis; nous analyserons successivement le résultat de ses recherches sur chacun de ces animaux. Sangsue.— Une partie des prolongements des cellules qui se trou- vent dans le cerveau servent à la formation des nerfs qui partent de ce dernier, l’autre portion va former les bandes nerveuses qui devien- dront les connectifs reliant le cerveau et les autres ganglions entre eux, cette bande s'engage dans la partie centrale du premier gan- glion, les fibres qui la forment s’entrecroisent en partie et juste en dessous de cet entrecroisement, la division en deux du connectif commence à s'effectuer. Une partie des cellules du premier gan- glion iles cellules sont situées à la périphérie) concourent par leurs prolongements à former les nerfs qui s’en échappent, et les autres vont s'ajouter aux fibres de la commissure, soit sans ou après s'être anastomosées avec des cellules multipolaires qui se trouvent dans l'intérieur du ganglion, ces fibres ne s’entrecroisent pas, de sorte que celles qui viennent des cellules de droite concourent à la for- mation de la bande nerveuse connective droite, celles de gauche à la bande nerveuse de gauche. 1 Vom Bau des thierischen Kôrpers. Tubingen, 1864. 2? G. Water. Mikroscopische Studien ueber das Ceniral-Nervensystem wirbelloser lhiere, In-4, Bonn, 1863. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉEBREÉS. 285 Les ganglions seraient, d’après cet auteur, ainsi constitués : arri- vées en haut du ganglion une partie des fibres de la commissure, celles situées du côté externe pour chaque moitié du connectif, se rendent en passant en dedans des cellules directement aux nerfs la- téraux; une autre partie de ces fibres, celles situées à l’intérieur du connectif, ne font que le traverser pour aller contribuer à former la commissure qui réunit ce ganglion au suivant. Les fibres de la par- tie centrale de chaque moitié du connectif s’étalent pour former le centre du ganglion, dans l'intérieur de celui-ci une partie des fibres venant de la moitié gauche du connectif passeraient à droite et une partie de celles de droite à gauche. Les cellules situées au-des- sus du point de départ des nerfs latéraux mêleraient leurs prolon- gements avec les fibres des connectifs pour contribuer à la formation de ces nerfs. Les nerfs seraient en rapport l’un avec l'autre par une fibre qui va de l’un à l’autre au point où ils quittent la substance centrale; quelquefois au lieu d’une fibre nerveuse on rencontre une cellule multipolaire qui envoie un prolongement dans chaque nerf. Les cellules situées au-dessous de ceux-ci enverraient leurs pro- longements dans la commissure qui réunit ce ganglion avec le sui- vant. Cet auteur n'admet pas que le nerf intermédiaire de Faivre soit un nerf, mais un vaisseau qui traverserait simplement le ganglion. Les parties périphériques seraient formées par des cellules unipolaires dont souvent les prolongements se trouveraient en rapport avec des cellules multipolaires situées dans des fibres nerveuses formant le centre du ganglion. Le nerf intermédiaire de Faivre, le vaisseau intermédiaire de Wal- ter, se termine dans le centre du dernier ganglion, qui n'a pas la même structure que les autres. Le connectif entre par le haut, mais ces deux bandes nerveuses restent dans tout le ganglion par- faitement distinctes; leurs fibres en s’inclinant presque à angle droit à gauche et à droite forment une partie de chacun des seize nerfs qui en partent, l’autre partie de ces nerfs est formée par les prolon- 286 W. VIGNAL. sements des cellules; il n'y a pas d’entrecroisement entre les fibres des deux moitiés gauche et droite de la commissure, mais les prolon- gements des cellules s’entrecroisent un peu en se rendant à quel- ques cellules multipolaires, qui se trouvent au milieu des fibres commissurales; la majorité des cellules, comme dans les autres gan- glions, se trouvent à la périphérie et sont unipolaires. D'après cet auteur, les connectifs sont formés par une enveloppe de tissu conjonctüf, contenant des noyaux et enveloppant une subs- tance granuleuse, qui renferme des fibrilles. Dans les nerfs on ré- trouve encore la même substance, mais les fibrilles nerveuses pa- raissent être plus tenaces. Walter comme Bruch a rencontré dés masses ganglionnaires sur les nerfs latéraux, mais il n’y à pas vu de cellules apolaires ; toutes celles qu'il a rencontrées étaient ou unipo- laires ou bipolaires; du reste il dit n'avoir jamais rencontré nulle part de cellules apolaires. Lombricus agricola. — Walter, comme du reste la majorité de ses prédécesseurs qui se sont occupés de la structure des centres ner- veux des vers, ne paraît pas avoir fait des coupes de la chaîne gan- glionnaire, et comme eux il n’a fait que dissocier les éléments de cette chaîne et l’examiner en entier plus ou moins comprimé à plat. Il distingue trois groupes de cellules ganglionnaires dans la chaîne, l’un est situé au centre et est séparé des deux autres par deux co- lonnes de fibres nerveuses à direction longitudinale, traversées cependant presque à angle droit par les prolongerments des cellules des deux autrés groupes, qui vont sé réunir à celles du groupe cen- tral. Les nerfs qui se détachent de la chaîne sont formés en partie par des fibres venant des deux colonnes de la chaîne et en partie par les prolongements dés cellules qui se trouvent dans le voisinage de ces nerfs et qui, étant unipolaires, ne peuvent pas se mettre comme les autres en rapport avec celles du groupe central, envoient leurs pro- longements dans les nerfs. | À la hauteur du point d’émergence dé ceux-ci il y à un entre- CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRES. 287 croisement d’un certain nombre de fibres des deux colonnes de la chaîne, Les cellules des deux groupés latéraux sont toutes unipolaires, celles du groupe central, multipolaires, Nous avons vu plus haut que Walter a dit que les cellules des groupes latéraux se mettaient en rapport avec Celles du groupe central. Ge rapport serait très intime, car cet auteur représente ces cellules se tenant les unes aux autres par leurs prolongements et même (pl. Il, fig. 8) il dessiné un groupe formé par huit cellules dont deux unipolaires etles six autres multipolaires se tenant toutes les unes les autres. Les cellules unipolaires possèdent une membrane très nette, un contenu en partie homogène, en partie granuleux, et un noyau avec un nuéléole. Quant aux cellules multipolaires, Walter dit que, quoiqu'avec un fort grossissement il lui a été possible de reconnaître une disposition concentrique du protoplasma, il lui a été impossible de voir une membrane d'enveloppe nettement différenciée, etil croit que le contenu de la cellule est retenue dans sa formé par un nombre considérable de petites fibrilles. Les fibres nerveuses des cordons de la chaîne ganglionnaire lui paraissent être formées par des fibrilles mesurant de 8 à 46 p de large. Quant aux nerfs latéraux, ils sont composés d’un newrilèéme con- tenant beaucoup de noyaux, et des fibrilles brillantes mesurant 8 & enveloppées d’une matière finement granuleuse, englobant en outre des noyaux. Outre les cellules que nous venons d’énumérer Walter décrit, dans la chaîne ganglionnaire, un certain nombre de corpuscules qu'il divise en trois groupes : 1° des corpuscules sans noyau et très réfringents ; 2 des corpuscules avec noyau et à contenu granuleux ; 3° des corpuscules peu réfringents et à contenu homogène ; il pense que ces corpusCcules sont destinés à devenir des cellules nerveuses. Scolopendra electrica. — La structure du centre nerveux ganglion- naire de ce myriapode lui paraît avoir une grande ressemblance avec celui de la sangsue, le cerveau se trouvé en rapport avec les 288 W. VIGNAI. ganglions abdominaux par une commissure double; les ganglions renferment deux espèces de cellules : des unipolaires qui se trouvent à la périphérie et qui forment par la réunion de leurs prolonge- ments ces fibres nerveuses, d’autres situées au centre et qui sont multipolaires. Astacus fluviatilis. — Walter divise les cellules nerveuses qui se trouvent dans les ganglions de l’écrevisse en cinq groupes: 1° de grosses cellules unipolaires à prolongements brillants, à membrane enveloppante nettement dessinée, à contenu granuleux offrant un arrangement concentrique entourant un noyau peu visible, qui renferme des nucléoles très réfringents; ces cellules se trouvent dans le cerveau, le premier, le dernier ganglion thoracique et ceux de l’abdomen ; 2% de petites cellules unipolaires ayant un gros noyau au milieu duquel se trouve unnucléole peu visible; le contenu de ces cellules est presque homogène, et leurs prolonge- ments se réunissent souvent ensemble pour former un nerf assez volumineux ; 3° des cellules multipolaires, ayant une membrane très facilement déchirable et un noyau très visible renfermant deux nucléoles; 4 des corpuseules nucléés ayant un prolongement fili- forme 1; ces corps sont ovalaires, ou plutôt ont la forme d’un triangle; ils réfractent fortement la lumière, le prolongement est toujours très fin, part d’un pôle ou du sommet du triangle; il est nécessaire d'employer un grossissement d'environ 600 diamètres pour le voir; »° des corpuscules complètement libres et sans prolongement ?; ces corpuscules se trouvent seulement dans les deux renflements les plus postérieurs du cerveau; ils sont un peu granuleux, ont une membrane à double contour, un petit nucléole et réfractent forte- ment la lumière. Cet auteur, en s'appuyant sur les points où se trouve la majo- rité des cellules, émet l’opinion que les petites cellules unipolaires 1eKernähniiche Kôrper mit fadenformigen Anhange. 2 Wiklich freie, anhanglose Kerne. NOTES ET REVUE. XVI VII NOTE SUR LE SYSTÈME GANGLIONNAIRE DES POISSONS CARTILAGINEUX, / Par W. VIGNAL. M. Ranvier !, dans son cours de 1877-1878, a démontré que, dans le cœur de la Grenouille, il existe deux appareils nerveux bien distincts, l’un est un centre moteur, l’autre un centre frénateur. Guidé par ses recherches, j'ai entrepris d'étudier, au point de vue anatomique et au point de vue physiolo- gique, l'appareil nerveux du cœur dans différents tvpes pris à divers degrés de l'échelle zoologique, et, aujourd’hui, je viens donner les résultats que j'ai obtenus, à Roscoff, sur le cœur des Raies et des Chiens de mer (Raja clavala et maculata, Acanthias vulgaris et Scyllium canicula). Lorsque l’on ouvre une Raïe ou un Chien de mer qui ontété pêchés depuis quelques heures, on trouve généralement le cœur immobile et distendu par l'accumulation du sang, phénomène dû à l'asphyxie ; mais vient-on à livrer au sang un passage en coupant le bulbe «ortique, le cœur reprend de suite ses mouvements et les continue pendant plusieurs heures, soit qu’on le laisse dans la poitrine, qui ne tarde pas à se remplir de sang, soit qu’on le porte dans une soucoupe avec un peu de sang et qu’on le recouvre d'une cloche, pour éviter qu’il ne se dessèche. Si un cœur, placé dans ces conditions, c’est-à-dire parfaitement vivant, est excité légèrement avec la pointe d’un bistouri, au niveau du point où l'oreillette débouche dans le ventricule, les pulsations ne tardent pas à deve- nir plus fréquentes, et continuent de J’être quelques minutes après l'exci- tation. Mais vient-on à augmenter l'intensité de l'excitation, le cœur s'arrête et ne reprend ses contractions qu'au bout de quelques minutes; il ne les reprend pas tout d’un coup, mais petit à petit. Remplace-t-on l'excitation produite par le stylet par une ligature (ligature de Stannius ?), le cœur, après avoir donné une seule contraction, s'arrête cet ne reprend ses contractions, comme dans l'expérience précédente, qu’au bout de quelques minutes. Pour bien réussir à arrêter le cœur avec cette ligature, il faut avoir soin de Ja placer non exactement à la limite de l'oreillette et du ventricule, mais un peu plus sur celle-ci; nous en verrons plus loin la raison. Si on sépare sur cœur battant énergiquement le ventricule de l’oreiliette, 1 RANVIER, Leçons d’anal. gén., année 1877-78. Appareil nerveux terminal des muscles de la vie organique, p. 74 et suiv. ? STANNIUS, Z'wei Reihen physiologischer Versuche (Arch. de Muller, 1859, p. 85). Voir aussi la traduction que Ranvier donne de la première partie de ce mémoire in Loc. cil., p. 123 et suiv. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN, == 92€ SÉRIE. = T,. I. 1883. B XVI NOTES ET REVUE. opération qui doit être faite avec de petits ciseaux bien tranchants, ces deux parties, pour quelques minutes, continuent à battre avec la même rapidité ; mais bientôt les pulsations du ventricule diminuent de nombre et enfin celui- ei s'arrête ; le même phénomène se produit, à la longue, avec les oreillettes, mais l’arrèt n'aura lieu qu'au bout de cinq à six heures, et quelquefois plus. Maintenant, vient-on à exciter mécaniquement le ventricule en le frappant ie plusieurs petits coups rapidement répétés à l’aide de Ja pointe d’un bis- touri, on ne tarde pas à lui voir reprendre ses mouvements; ceux-ci seront d'abord fréquents, puis ils diminueront petit à petit de nombre, et finalement le ventricule s'arrêtera de nouveau, pour reprendre ses contractions, si on le soumet à une nouvelle excitation. Le ventricule isolé se contracte lorsqu'il est ainsi excité pendant un temps très variable, mais toujours d'accord avec le degré de vitalité de l'animal, c'est-à-dire suivant que celui-ci a été plus ou moins longtemps hors de l’eau : un ventricule de Raie pêchée deux heures avant que lon fit l'expérience se contracta pendant cinq minutes. Ce temps est considérablement plus long que celui pendant lequel bat un cœur de Grenouille pris dans les conditions les plus favorables, ce qui doit tenir à ce que les cellules ganglionnaires qui, comme nous le verrons plus loin, setrouvent sur le ventricule, emmagasinent une petite quantité de force et ne la dépensent que petit à petit. Porte-t-on sur l'oreillette isolée et se contractant la même excitation que sur le ventricule, elle s'arrête subitement, et ne reprend que lentement son rythme, lorsqu'elle l'aura retrouvée; l’excite-t-on de nouveau, elle s'arrête, puis se remet à battre, et ainsi de suite. L’excitation électrique, fournie par le courant induit d’un appareil à chariot, détermine les mêmes phénomènes que l'excitation mécanique, avec un cou- rant induit, Juste assez fort pour déterminer ne contraction à la rupture, on peut bien observer le phénomène d’emmagasinement dont nous avons parlé plus haut, phénomène déjà observé par M. Ranvier sur le ventricule de la Grenouille, mais qui se montre d’une façon remarquable dans le ventricule de la Raie. Voici comment on doit opérer : après avoir cherché quel est le courant qui ne détermine qu’une contraction à la rupture, on excite quatre à cinq fois le cœur par des clôtures et des ruptures successives ; alors, après qu'on a cessé, on le voit continuer ses contractions pendant quelques se- condes. Le froid a une action assez marquée sur les contractions cardiaques ; un jour, ayant laissé dans ma chambre un cœur de Chien de mer sur une table entre deux fenêtres, et par conséquent dans un courant d’air assez vif, je le trouvai, à mon retour, arrêté; je crus que l’évaporation qui avait dû se pro- duire, avait tué le cœur, et je le plaçai, à peu de distance de moi, sur une table que le soleil frappait; au bout de quelques minutes, je le vis reprendre ses contractions ; pensant que c'était le froid qui avait dû être la cause de cet arrêt, après l'avoir arrosé avec du sang, je rendis l’évaporation plus active à l’aide d’un soufflet de cheminée, et je ne tardai pas à le voir s’arrêter et ne reprendre ses battements que lorsqu'on le réchauffait, soit en le plaçant dans la main, soit en l’exposant aux rayons du soleil; j'ai répété cette expérience NOTES ET REVUE. XIX plusieurs fois avec des cœurs de Raies et de Chiens de mer, en abaissant la température, comme je viens de le dire, ou en plaçant le cœur sous une pe- tite cloche, sur laquelle je faisais tomber de l’éther goutte à goutte, et tou- jours j'ai obtenu le même résultat ?. J'ai répété cette expérience sur le cœur de plusieurs Poissons d’eau douce, sans pouvoir jamais amener l'arrêt du cœur. Il me semble que nous nous trouvons en présence d’un phénomène dû au milieu dans lequel ces animaux vivent; en effet, jamais l’eau de l'Océan, surtout à la profondeur à laquelle se trouvent les Poissons cartilagineux, n’a une aussi basse température que celle des rivières et des étangs. _ Les expériences que je viens de décrire me semblent bien montrer que, chez les Poissons cartilagineux, 1l existe, dans le cœur même, un centre ner- veux moteur et un centre nerveux frénateur, que le premier se trouve dans le ventricule et le second dans l'oreillette ; qu’en outre, le centre frénateur, lorsqu'il est excité, continue à agir un certain temps après que l'excitation a cessé, et que le centre moteur peut emmagasiner une certaine quantité de force qu’il dépense peu à peu; ces conclusions sont complètement d'accord avec celles que M. Ranvier avait tirées de ses expériences sur le cœur de la Grenouille, conclusions que j'ai trouvé être applicables au cœur des Poissons osseux, à celui de la Tortue, et que J'ai cru pouvoir généraliser à celui des Vertébrés à sang chaud ?. L'anatomie confirme la physiologie, et si J'ai commencé à exposer les expériences, c'est qu'elles peuvent être plus facilement répétées que les pré- parations anatomiques ne peuvent être faites. Dans le cœur des Poissons cartilagineux, il existe deux groupes bien dis- tincts de cellules ganglionnaires, situés, l'un et l’autre, en dessous du péri- carde; le premier se trouve sur l'oreillette et forme un collier complet autour de cette sorte de veine qui fait communiquer celle-ci avec le ventricule; en outre, les cellules s'étendent un peu sur la partie de l'oreillette qui se trouve entre le sinus veineux et le ventricule ; les cellules qui composent ce groupe sont très nombreuses, surtout dans la partie qui ferme le collier, elles sont logées entre les fibres nerveuses qui sont écartées pour les recevoir, presque toutes sont unipolaires, elles sont formées d’une enveloppe présentant plu- sieurs noyaux appartenant à des cellules endothéliales, cette enveloppe pro- toplasmique à la périphérie duquel se trouve un noyau volumineux. Le second groupe, formé d’un bien moins grand nombre de cellules que le premier, est situé le long d’une grosse branche nerveuse qui, partant du col- lier nerveux de l'oreiilette, suit la face droite de celle-ci pour aller se perdre dans le bulbe aortique, les cellules qui le forment sont des cellules bipolaires, elles paraissent avoir la même structure que celles qui forment les ganglions spinaux, cellules que M. Ranvier à figurées dans son Traité d’histologie (voir p. 712, fig. 234), elles sont cependant considérablement plus petites, et leur ‘ Je me plaçais dans de telles conditions que l’éther ne pouvait avoir aucune ac- tion sur le cœur, car ses vapeurs ne pouvaient pas arriver à se {trouver en contact avec lui. 2? Sociélé de biologie, 12 juin 1878, 30 octobre 1880, 20 novembre 1880. XX NOTES ET REVUE. volume n'excède pas 130 micromillimètres ; dans le groupe situé sur les oreil- lettes on rencontre quelques-unes de ces cellules f. Le meilleur mode de préparation pour mettre en évidence les groupes gan- glionnaires, préparation qu'il est impossible de faire à l’état frais à cause de l'abondance et de la dureté du tissu conjonctif du cœur, consiste à faire ma- cérer celui-ci pendant vingt-quatre heures dans une solution au centième d'acide acétique, ou au cinquantième d'acide acétique; au bout de ce temps, le tissu conjonctif devenu mou et transparent permet de mettre les groupes ganglionnaires en évidence à l’aide d’une rapide dissection. Ce procédé, excellent pour la dissection à la loupe, ne vaut rien pour l'étude des cellules nerveuses elles-mêmes, de petits morceaux du cœur pris aux endroits convenables et placés pendant vingt minutes à un quart d'heure dans une solution à 49 pour 400 de potasse caustique, donnent par dissocia- tion de fort belles cellules nerveuses, mais les préparations ainsi obtenues ont le grave inconvénient de ne pouvoir pas se conserver au-delà de quelques heures ; aussi, afin d'obtenir des préparations persistantes, je recommande le procédé suivant: d’un animal vivant on détache le cœur, puis, après l'avoir rapidement lavé, pour le débarrasser du sang qu'il contient, à l’aide d'un courant d’eau salée à la dose physiologique (% pour 1000), on le suspend sous une cloche au-dessus d’un godet contenant quelques gouttes d'acide osmique ; au bout de quinze à vingt minutes, on sépare, dans les régions où se trou- vent les groupes nerveux, de petits morceaux qui, après avoir macéré pendant quaraute-huit heures dans le sérum faible, donnent par dissociation de fort belles cellules ganglionnaires que l’on conserve en préparations persistantes dans la glycérine. IX NÔTES ON ECHINODERM MORPHOLOGY (Ne V); ON THE HOMOLOGY OF THE APICAL SYSTEM, WITH SOME REMARKS ON THE BLOOD-VESSELS, Par P. Herbert Carpenter, M.-A. Assistant master at Elton College (Brochure de 16 pages, 1882.) M. Carpenter s'étonne du désaccord qui règne entre l’école zoologique française et l’école allemande à l'égard de la circulation chez les Echino- dermes, 1 Leydig (Traité d’histologie comparée, trad. fr., p. 202) dit que, chez les pois- sons, € on voit dans le sympathique des giobules ganglionnaires qui paraissent être unipolaires », mes recherches me portent à penser que chez ces animaux toutes les cellules du système sympathique sont unipolaires, tandis que les cellules des gan- glions du système cérébro-spinal sont toutes bipolaires. NOTES ET REVUE. xx! MM. Perrier, Apostolidès, Jourdain et Kochler sont tous d'accord pour re- fuser au prétendu cœur des Echinodes, Astérides et Ophiures une fonction dans la circulation. Ils décrivent cet organe comme ne communiquant pas avec le système vasculaire, mais s’ouvrant au dehors par l'intermédiaire de la plaque madréporique ; en somme, ils lui refusent toute connexion avec le système vasculaire sanguin, et la regardent comme étant de nature glandu- laire. D'autre part, Ludwig déclare que cet organe communique avec un cercle vasculaire aboral chez les Echinodes. Considérant l’unanimité d'opinion de l’école française, M. Carpenter dé- clare qu’ «en présence de ces observations détaillées faites sur des animaux frais, ilest difficile de s'empêcher de soupçonner que le prétendu plexus cen- tral des Echinodermes est de nature glandulaire, après tout, et dépourvu de connexion avec le système vasculaire, quoique pourtant il soit possible que ses connexions avec un cercle oral aient échappé aux naturalistes fran- çais ». Les arguments que peut fournir M. Carpenter à la discussion pendante, ne sont pas de nature à soutenir la théorie française. En effet, chez les Crinoïdes, M. Carpenter a vu des connexions très nettes entre le plexus central (g/ande piriforme d'Apostolidès, Herz et Herzgeflecht des Allemands) et le système vascülaire péri-buccal (Antedon, Actinometra, Bathicrinus et Hyocrinus); l’au- teur anglais reconnait cependant que la structure en est glandulaire, mais n’admet pas de communication entre lui et l’extérieur. Si donc les faits dé- crits par les naturalistes français sont exacts, en çe qui concerne le prétendu cœur, il y aurait plus de différence qu’on ne l’a cru jusqu'ici entre les Cri- noïdes et les autres Echisodermes. « En ce qui concerne les vaisseaux radiés des Ophiures, cependant, pour- suit M. Carpenter (p. 3), je doute peu qu’Apostolidès ne soit entièrement dans l'erreur, et qu'il ne les ait absolument pas vus, bien qu’ils aient été figurés par Simroth, Lange, Reuscher et Ludwig, dans des sections longitudi- nales et transverses des bras de sept espèces différentes. Apostolidès a en partie confondu le vaisseau radié avec l’espace périhæmal qui le surmonte (vaisseau nervien de l’auteur), bien que les travaux de Ludwig lui fussent fa- miliers, travaux dans lesquels ces deux parties sont nettement distinguées. Il décrit à nouveau ce dernier sous le nom d’espace radial et le considère comme faisant partie d’un système vasculaire composé d’une série de lacunes existant entre les différents organes, système complètement clos et ne com- muniquant nullement avec l’extérieur. En réalité, cependant, la totalité de ce système est la cavité du corps, réduite, subdivisée en diverses parties, un peu comme on le voit dans les bras des Crinoïdes ; et le petit vaisseau sanguin radial situé juste au-dessus du côté dorsal du nerf a échappé à Apostolidès, ou à été mal interprété par lui : il essaye de montrer que les auteurs alle- mancs l’ont confondu avec le vaisseau aquifère, bien que les deux soient sé- parés par toute la hauteur du canal périhæmal, l’espace radial ou vaisseau nervien. » M. Carpenter passe ensuite à une analyse du dernier travail de Ludwig, XXII NOTES ET REVUE. portant sur le développement de l’Aster gibbosa 1, et d’où il ressort, d’après M. Carpenter, qu’ « à l'égard du système vasculaire sanguin, aussi bien qu’à beaucoup d’autres points de vue, les Ophiures semblent occuper une posi- tion à mi-chemin entre les Astérides et les Crinoïdes ». La majeure partie du travail de Carpenter est consacrée à l’homologation des plaques calyeinales des Crinoïdes avec les plaques apicales des Echinodes. Pour M. Carpenter, il faut nommer basales les plaques de position interradiale situées immédiatement au-dessous des radius. S'il existe un cercle de plaques de position radiale, séparant les basales de l'article terminal de la tige, à faut considérer ces plaques comme un élément surajouté, et les nommer sous-basales (infrabasilia). | Tout le monde admet l’homologie des radius d’un Crinoïde et des plaques ocellaires d’un Oursin ; il faut regarder les plaques sous-jacentes (basales vraies ; subradiales ou parabasales de la nomenclature) comme les homologues des plaques génitales des Oursins. Cette dernière proposition est fortement contestée par Ludwig, qui regarde les plaques génitales des Oursins et Asté- rides comme homologues des plaques orales des Crinoïdes et Ophiures. C'est sur ce point que Carpenter engage le débat, ou plutôt le poursuit, puisqu'il a déjà émis l'opinion qu’il soutient. La discussion ne se prête pas à l'analyse : elle voudrait être citée en entier, car pasun mot, pas un fait ne sont inutiles dans l’argumentation de Carpenter. Les données sur lesquelles s'appuie l'auteur anglais sont principalement tirées des travaux de Ludwig lui-même, et de ses recherches sur le développement du squelette des Ophiures ?. « Je continue donc, dit-il en manière de conclusion, à regarder le système abac- tinal du Crinoide comme l’homologue de celui des Oursins et Astérides. La théorie de Ludwig supprime dans l’apex des Oursins et Astérides tout repré- sentant de la plaque dorso-centrale et des basales du Crinoïde ; elle supprime chez le Crinoïde tout représentant de la plaque sous-basale de l’Oursin ; elle ne tient aucun compte de la ressemblance frappante qui existe entre le système calycinal du Crinoïde et le système apical de l’Oursin ou de l’Astérie. » ee X RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ANATOMIQUE ET HISTOLOGIQUE DES BRACHIOPODES. ARTICULÉS, Par J. F. VAN BEMMELEN. (Zeitschr. f. Naturwissenschaft, XVI, N. F. IX, 1, 2.) L'auteur a entrepris des recherches anatomiques et histologiques sur quatre espèces de Brachiopodes : les Waldheimia cranium, Terebratulina caput ser- u 1 Zeilsch. für Wiss. Zool., t. XXXVII, p. 1-98. ? Zeitsch. für Wiss. Zool., t. XXXVI, p. 181-329. NOTES ET REVUE., XXUI pentis, et Rhynchonella psillaceu provenant des dragages de l'expédition néer- landaise dans la mer de Barent, et la Terebratula vitrea provenant de la station de Naples. Il résume lui-même son travail dans la série de conclusions suivantes : 1° La peau est partout recouverte d’un simple épithélium ectodermique ; 20 Sous cet épithélium ectodermique se trouve partout une couche de sub- stance fondamentale homogène parsemée d'éléments conjonctifs éloilés, c'est- à-dire un mésenchyme ; 3° Aux points d'insertion des muscles, cette substance acquiert un grand développement et constitue les formations tendineuses ; & Toutle pédoncule est formé d’un tissu nel mésenchymateux : ° Dans la couche de mésenchyme se trouve enfoui le système nerveux re. n’est en rapport avec l’ectoderme que vers le bord supérieur du ganglion sous-æsophagien ; 6° Le système nerveux central est formé d’un anneau œæsophagien compre- nant non seulement une paire de ganglions sous-æsophagiens, mais encore un centre sus-æsophagien assez important. Ces deux centres envoient des nerfs dans les bras, ceux du centre supérieur sont même les plus gros ; 7° Les centres nerveux sont formés de très petites cellules ganglionnaires et de fibres nerveuses. Les nerfs périphériques contiennent des fibres en lèles entre lesquelles on voit des noyaux de tissu conjonctif et peut-être des cellules nerveuses ; 8° Les nerfs des bras sont en rapport avec un plexus ganglionnaire qui se distribue dans la substance fondamentale de la paroi du bras, immédiatement au-dessous de l’épithélium ectodermique, etse compose de deux éléments de grosses cellules multipolaires et des fibres à noyau fines et rameuses. Les re- lations de ce plexus avec l’épithélium ne sont pas certaines, mais très pro- bables ; 9 La cavité des corps est revêtue d’un épithélium à cellules plates sur une seule couche ; 10° Les glandes sexuelles sont produites par des plis de la substance fonda- mentale dans laquelle se développent des cavités ; 41° Les cellules sexuelles sont des cellules de l'épithélium péritonéai trans- formées ; 12° Les Brachiopodes à coquille articulée ont les sexes séparés ; 13° Les muscles sont formés de simples fibres parallèles de substance con- tractile, qui ne sont presque pas unies, et s'étendent probablement d’un bout à l’autre du muscle. Sur leur surface on voit des noyaux entourés d’un pro- toplasma très rare et granuleux, Sous tous les autres rapports, les muscles striés ont la même structure que les muscles lisses ; 14° L’accroissement de Ja coquille se fait seulement par apposition et non par intus-susception ; 15° Ce que Hancock a déerit comme un système de lacunes dans la couche de mésenchyme n'existe pas. C’est probablement le tissu conjonctif réticu- laire que cet observateur a pris pour un réseau d’espaces sanguins. S'appuyant sur ces conclusions, l’auteur pense que par la structure his- XXIV NOTES ET REVUE. tologique de la paroi du corps, par les muscles, par les organes génitaux, les Brachiopodes correspondent tout à fait au type entérocælien ‘des frères Hertwig et doivent être rapprochés des Chétognathes. L. J. À! SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT DU DINOPHILUS APATRIS, Par le docteur Eugène KoRscHELT. (Zeilschr. f. Wiss.. Zool., XXX VII, 3 1882.) Le Dinophilus apatris a été découvert par l’auteur dans l'aquarium marin de l'Institut zoologique de Fribourg, où 1l se tient en abondance parmi les algues qui en couvrent les parois. Comme les autres espèces du même genre, on le trouve aussi fréquemment dans le voisinage immédiat ou même sur les tentacules des Actinies, où il parait vivre aux dépens des matières incomplète- ment digérées rejetées par ces animaux. Les Dinophilus peuvent donc être resardés comme des commensaux des Actinies. Le mâle est beaucoup plus petit que la femelle et en diffère beaucoup. Celle-ci est longue d'environ 1%,2. Le corps peut se diviser en trois par- ties : la tête, le tronc, la queue. La surface ventrale est ciliée et huit an- neaux ciliés enceignent le corps, deux pour la tête et six pour le tronc et la queue. La cavité du corps comprise entre la paroi et l'intestin est, contraire- ment à ce qui a lieu d'ordinaire chez les Turbellariés, une cavité spacieuse traversée par des fibres conjonctives et remplie seulement, vers la tête et la queue, par un tissu mésenchymateux. Il est probable cependant que cette ca- vité n’est qu’un schizocæle agrandi. La bouche ventrale conduit dans un pharvynx large et cilié auquel succède un pré-estomac pourvu de glandes annexes, l'estomac est vaste, l'intestin court et rectiligne. L'animal est pourvu d’une trompe qui rappelle pour la structure celle des prostomes, mais en diffère par la situation, car elle est ventrale par rapport à la bouche au lieu d’être dorsale. Le système nerveux est difficile à reconnaître sur de jeunes individus ; on le voit comme une masse sombre située entre deux yeux et un peu en arrière dans une position qui correspond bien à celle du ganglion chez les Turbel- lariés. Ce ganglion envoie deux prolongements en avant vers les yeux et deux autres en arrière. Les yeux sont colorés en rouge foncé et munis de cris- tallins. Comme système aquifère, l’auteur a observé plusieurs flammes vibratiles en différents points du corps, deux canaux latéraux ciliés qu’il n'a pu suivre dans toute leur étendue et qui paraissent s'ouvrir sur la face ventrale ; enfin, un système superficiel et sous-cutané de canalicules extrêmement fins. Les NOTES ET REVUE. Le TN relations de ce réseau avec les canaux principaux et avec les flammes vibra- tiles lui ont échappé. L'ovaire est situé sur la face ventrale de l'intestin, les œufs, une fois mürs, tombent dans la cavité générale et sont évacués par un pore situé sur la ligne médiane près de l'anus. Ce pore est peu dilatable, et, pour le franchir, l'œuf se déforme et s’étrangle complètement et reprend seulement au dehors son contour arrondi. Les œufs se groupent souvent par deux ou par trois sous une enveloppe commune ou capsule. Ils sont plus gros ou plus petits, suivant qu’ils sont femelles ou mâles, comme chez les Rotateurs. Tandis que les sexes sont à peu près semblables chez le D. vorticoïdes, ils sont extrèmement différents chez l'espèce présente. Le mâle estextrêèmement petit, sa partie antérieure seule rappelle pour la forme celle de la femelle. La surface ventrale est ciliée ; on observe en outre, en avant, un anneau de cils. Le corps est terminé par un organe copulateur et rempli par les zoospermes qui flottent dans la cavité générale. Il n’y a ni bouche ni tube digestif. La segmentation de l'œuf est totale et inégale. L'auteur pense que le genre Dinophilus mérite une place à part auprès des Turbellariés, et insiste sur les rapports qu'ils présentent avec les Rotateurs. il est aux Turbellariés ce que les Archi-Annélides sont aux Annélides, 1 L XII SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA DOUVE DU FOIE, Fe Par RtupoLr LEUCKART. (Résumé du Zoologischèr Anzeiger du 9 octobre 1882.) Nous avons déjà résumé ici les premiers résultats des recherches que l’au- teur a entreprises sur l’histoire de la douve du foie ; il les a poursuivies ré- cemment et nous donne sur cette histoire les intéressants détails qui suivent. Le Limnœus minutus est le véritable hôte de ce dangereux parasite à l’état larvaire. Dans le Limnœus pereger, qui avait d’abord servi de sujet aux expé- riences, les larves ne viennent jamais à bien. Au lieu de produire des Cer- caires, les Rédies y meurent toujours au bout de quatre à cinq semaines. Au contraire, le développement suit son cours dans le Limnœus minutus. Cette espèce se laisse beaucoup plus facilement infecter que l’autre et est apte à recevoir le parasite à tout âge. Dans le cours de la cinquième semaine après l'infection commence le déve- loppement des Gercaires qui éclosent après quatorze jours environ. L'auteur avait cru précédemment que le £ercaire était sans queue et devait être ingéré avec la mère par les moutons au pâturage. En réalité, les Cercaires du Distomum hepaticum sont pourvus d’une queue comme ceux de la plupart des Distomes, etse développent au nombre de À5 ou 20 dans une Rédie qui a près de 2 millimètres. Ils sont évacués süccessi- XXVI NOTES ET REVUE, vement par un orifice impair situé sous le cou de la Rédie, qui contient des Cercaires à tous les états de développement. Le Cercaire rappelle fort peu l'aspect de la Douve dont le revêtement de bâtonnets si caractéristique lui manque. Il possède en revanche un organe granuleux qui joue un rôle dans l’enkystement. En effet, après un certain temps de vie active, le Cercaire perd sa queue et s'enkyste. Si par des manipulations soigneuses on l'extrait de son kyste, on trouve l'aspect bien changé, l'organe granuleux a disparu, le parenchyme du corps est transparent, l’inteslin et l'appareil excréteur sont reconnaissables. Ces faits ne sont pas complètement isolés, et plusieurs cas analogues ont été signalés par de Filippi et Ercolani. Dans cet état, la larve ressemble beau- coup plus à la forme parfaite, mais il n’a pas encore été possible à l’auteur de suivre les dernières transformations. En effet, autant il est facile d’infecter les Limnées, autant il est difficile, dans les aquariums les mieux entretenus, de les conserver vivants ct en bonne santé pendant des semaines et des mois. Il sera cependant sans doute possible d'arriver avant longtemps à une con- clusion. LL: XIII LA TRICHINE ET LA TRICHINOSE, Par J. CHATIN. (4 vol. in-80, J.-B. Baillière.) On se souvient que l'attention du publie a été attirée, il y a peu de temps, ar ‘annonce d’une épidémie de trichinose, produite par l'importation en France des viandes de porc américaines, infestées du dangereux parasite qui produit cette affection. Le public s’émut, et la question fut portée jusque devant le Parlement où elle donna lieu, dans les deux Chambres, à des discus- sions approfondies, à la suite desquelles le ministre du commerce fit installer au Havre un observatoire micrographique, spécialement affecté à l’examen des viandes de porc, qui, comme l’on sait, arrivent en grande quantité dans cette ville. M. J. Chatin, qui fut chargé de la direction des travaux de ce labora- toire, vient de rendre compte, en un volume accompagné de planches, des opérations qui y ont été effectuées. L'auteur rappelle en commençant les causes que nous venons d'indiquer, qui ont amené le gouvernement à le charger de cette mission, puis, dans un résumé rapide, il indique l’état dans lequel se trouvaient les connaissances des zoologistes au moment où il a entre- pris l'étude de ces parasites. | Ce sont surtout les travaux de Virchow qui jetèrent un premier jour sur la question; il vit, en effet, la forme sexuée de la Trichine, mais l'honneur de la découverte des métamorphoses de cet helminthe revient surtout à un médecin de Dresde, Zenker, qui, par ses expériences sur des animaux et ses observations cliniques, débrouilla le cycle complet de l'évolution ; Virchow NOTES ET REVUE, XXVH enfin reprit cette étude et arriva à formuler l’étiologie complète de la trichi- nose. En examinant le genre Trichina, au point de vue des espèces qu'il renferme, on voit qu'il faut ramener toutes celles qui ont été établies Jusqu'à présent à la seule Trichina spiralis; la plupart des autres espèces créées sontdues à des erreurs de diagnose, et d’autres à des observations incomplètes. La Trichine sexuée, c’est-à-dire adulte, présente tous Les caractères du nématoïde type; le corps, pointu aux deux extrémités, est large de 122,4 chez le mâle, et de 3 à 4 millimètres chez la femelle; les parois du corps formées par la cuti- cule, l’épiderme et les muscles sous-cutanés, renferment un tube digestif dont la bouche est garnie de papilles, dont l'intestin présente deux petits cæœcums latéraux, et dont l'anus est subterminal, L’organe sexuel mâle, le testicule, suivi d’un long canal déférent, muni d'une vésicule séminale, et pourvu de muscles qui en font un vrai canal éjaculateur, se termine dans un cloaque étendu au-dessous de la région terminale du corps, en une bourse caudale qui renferme deux stylets copulateurs. Chez la femelle, l’organisation de l'appareil sexuel est identique, un utérus considérable renferme les œufs, qui y subissent un premier développement et y acquièrent la forme larvaire. La vulve, qui fait suite à cet utérus, est transversale, munie d’un appareil mus- culaire spécial, formé de deux couches, l’une superficielle resserrant l’ouver- ture, une profonde le dilatant. La Trichine adulte ainsi constituée, se trouve constamment dans le tube digestif de son hôte, qui peut être l’homme, le pore, le rat, le lapin, le cobaye, etc., et la plupart des oiseaux. Mais, chose remarquable, les jeunes Trichines qui peuvent quitter la mère dans le tube digestif des oiseaux, sont inaptes à se disséminer dans les tissus de ces animaux. L'étude du développement des Trichines présente des faits intéressants. Et d’abord où se forme l’ovule? La question a été étudiée par divers auteurs, et les opinions varient presque pour chacun d’eux. M. Chatin, cherchant à résoudre ce problème, prend de jeunes Trichines, récemment écloses, et con- state que le tube ovarien présente, à son extrémité cœcale, un plasma abou- - dant rempli de noyaux, autour desquels se condense le plasma, ce qui forme l'œuf, Quant au vitellus, dont l’origine n’est pas moins controversée, il se formerait, après l’ovule, par différenciation du protoplasma qui deviendrait de plus en plus granuleux autour de cet ovule ; enfin les cellules de l’oviducte garnissent l’œuf, après sa fécondation, d’une coque protectrice. La segmen- tation, consécutive à une division du noyau, suivant le mode ordinaire, donne lieu à deux cellules, puis à une troisième, puis à cinq et à sept, enfin on a Ja morula classique ; la forme gastrula précède l’apparition du méso- derme ; puis une dépression se fait à l’extrémité céphelique, «elle refoule le feuillet moyen et se met en rapport avec l’endoderme, déterminant ainsi la formation de la bouche et de la partie initiale de l’œsophage. L’embryon est constitué ». Il lui reste à sortir du corps de la mère dans l'intestin de son hôte, et à l'infester, après quoi il s 'enkysie et devient la Trichine larvaire, dont l'aspect est variable (en forme de S, de 8, ou droite). Elle a ali de huit dixièmes de millimètre à 12m,9, et présente, comme l'adulte, une XXVIIL NOTES ET REVUE. utricule susépidermique et une couche musculaire ; le tube digestif est très volumineux et les organes génitaux rudimentaires, ce qui donne un démenti à la théorie généralement admise, d’après laquelle les nématodes larvaires seraient absolument dépourvus d'organes reproducteurs. La Trichine larvaire n’envahit pas toujours les tissus de l'hôte dans lequel elle est née ; mais certains animaux, au premier rang desquels on doit citer l'homme, le porc etle rat, ont le fâcheux privilège de donner asile dans leurs tissus aux Jeunes Trichines écloses dans leur intestin. Les reptiles sont rebelles à la trichinose ; mais cette immunité, due à leur basse température, disparait si on les porte à 30 degrés environ. Généralement on admet que les larves de Trichine vont s’enkyster dans le tissu musculaire ; mais l'observation démontre que ces kystes se rencontrent le plus souvent, non pas « dans les faisceaux musculaires, mais bien dans le tissu conjonctif interfasciculaire, ou dans les cloisons adipeuses du périmy- sium ». Ces faits conduisaient naturellement à examiner les masses grais- seuses et le tissu conjonctif du reste du corps, qui furent trouvés, en effet, infestés par la Trichine enkystée, et ces kystes, administrés à des rats, leur donnèrent la trichinose. Enfin, des observations ultérieures montrèrent que les parois mêmes du tube digestif pouvaient renfermer des kystes. La Trichine enkystée présente des caractères particuliers ; elle est enroulée sur elle-même, ses organes génitaux sont encore rudimentaires, mais cepen- dant bien distincts. Mais cette jeune Trichine est plongée dans une masse granuleuse, due à l’irritation produite par ses mouvements sur les tissus voi- sins, notamment sur le tissu conjonctif, qui va fournir les premiers matériaux du kyste; les cellules connectives s’hypertrophient, leur plasma (devient gra- nuleux, et il se forme de véritables cellules embryonnaires qui se multiplient rapidement et ne tardent pas à produire les premiers linéaments de l’enve- loppe du kyste. Ces cellules renferment alors du glycogène. Le kyste formé, comme on vient de le voir, par un processus inflammatoire, ne tarde pas à s’indurer et à s’épaissir ; dès lors, il reste stationnaire Jusqu'à ce que se pro- duise une des causes qui doit mettre la jeune Trichine en liberté, à moins qu'elle ne soit atteinte de dégénérescence pigmentaire, adipeuse ou calcaire qui, envahissant son contenu, tue la jeune Trichine. Le kyste peut prendre des formes variées ; il peut être ovoïde, allongé, à contours sinueux, séparant des loges par leurs étranglements. Cette formation du kyste ne va pas sans endommager profondément les tissus voisins ; le tissu conjonctif peut disparaître entièrement autour du kvste, qui s’appuie alors directement sur le tissu musculaire; dans les masses adipeuses, Ja graisse disparaît, etles cellules voisines prolifèrent ; c’est surtout le tissu mus- culaire quiestatteint; il subitune dégénérescence adipeuse ou granulo-adipeuse; mais quelquefois il peut se produire des cellules embryonnaires qui repro- duisent le tissu musculaire. Ces troubles dans les tissus environnant les kystes amènent la maladie que l'on connaît sous le nom de trichinose. L'étude de cette affection forme la deuxième partie de l'ouvrage que nous résumons en ce moment. On comprendra que dans une revue essentielle- ment zoologique, cette étude pathologique ne doive venir qu’à l’arrière-place ; NOTES ET REVUE. XXIX aussi nous contenterons-nous d’un résumé très restreint de l’étiologie de la trichinose. On peut y constater deux phases, la phase intestinaie et la phase tissulaire ; la première est déterminée par l’ingestion de la viande trichinée, et le développement des Trichines pour arriver à l’état adulte et reproducteur. Elle est caractérisée par la soif, l'anorexie, l'abattement, quelquefois des spasmes et des vomissements ; la mort survient après quinze jours. La phase tissulaire coïncide avec l’arrivée des jeunes nématodes dans les tissus ; elle est facilement reconnaissable à la bouffissure de la face, qui se généralise en un ædème compliqué de furoncles, d’ecthyma, etc. Les muscles sont indurés, notamment les muscles masticateurs, des paupières, de l'oreille ; enfin, la broncho-pneumonie est la terminaison ordinaire de cet état. Ce pronostic sombre ne doit pas être cependant porté dans beaucoup de cas, car le malade peut guérir si l'infection n’a pas été trop considérable. Quant à la thérapeu- tique, on doit avouer qu’elle est impuissante à empêcher les accidents de la trichinose, et, pour éviter cette infection, il n’est guère d’autres préservatifs que ceux qu’un examen sévère des viandes de porc peut indiquer ; d’ailleurs le meilleur remède est de commencer par préserver les pores eux-mêmes, en surveillant leur alimentation, par des soins nombreux que l’auteur indique en détail, mais sur lesquels nous n’insisterons pas. Quant aux préparations de viandes par la salure et la fumure, opérations que l’on a longtemps considérées comme rendant inoffensives les viandes trichinées, il faut être, au contraire, bien convaincu qu'elles n’ont aucun effet sur l’helminthe qui nous occupe. M. Chatin a entrepris sur des cobayes une série d'expériences à ce sujet, il a constaté que ces animaux mouraient tous après avoir pris de la viande de porc salée et trichinée, tantôt après une seule ingestion de chair contaminée, tantôt après deux ou plusieurs ingestions. Chez les rats, la résistance à la trichi- nose est très marquée, et dans plusieurs cas, les sujets ont parfaitement guéri, Il est donc avéré que les préparations subies par les viandes de porc sont insuffisantes pour tuer la Trichine ; la cuisson de ces viandes, outre leur salure ou leur fumure, était aussi fort souvent incomplète, surtout au centre des gros morceaux ; le nématode conserve parfaitement intacte toute sa vita- lité. Ces résultats ont amené diverses personnes à tenter la réfrigération ; mais, là encore, on dut constater que les Trichines avaient conservé leur acti- vité, et de plus, que les morceaux de viande expérimentés étaient devenus impropres à se conserver, et par conséquent à entrer dans le commerce. Ce préservatif doit être écarté. Le seul remède efficace est donc d’examiner les viandes avant de les livrer au consommateur, et d’en exclure toute partie infectée de Trichine. Ce remède radical n’a d’ailleurs pas besoin d’être appliqué souvent pour les pores indi- gènes; il vise surtout ceux d'origine étrangère, allemande ou américaine. L'auteur rend ensuite compte des opérations fort nombreuses du laboratoire qu'il a dirigé, et établit des statistiques intéressantes sur les rapports existant entre la quantité des viandes saines et de celles qui étaient infectées du para- site, On comprendra que nous ne le suivions pas dans ces détails de chiffres qui nous entraineraient trop loin, surtout si l’on considère qu'il entre par le Havre 28 millions de kilogrammes de porc salé par an. Xix NOTES ET REVUE. En somme l’auteur, dont nous venons de résumer rapidement le travail, sans apporter à la science zoologique un grand nombre de faits nouveaux, a cependant résumé, d'une façon intéressante, l'histoire de ce parasite et fixé nos connaissances actuelles sur la Trichine et la trichinose. L. Jougin. XIV ÉTUDES SUR LES LAMPYRES, Par H. de WIiELOWIïEJSKI. {Zeitschr. fur Wiss. Zool., XXX VII, p. 355.) L'auteur résume son travail dans les conclusions suivantes : Les « cellules terminales des trachées » noircissant sous l’action de l'acide osmique, que M. Schulz a découvertes, ne sont pas, comme leur nom le ferait supposer, les véritables terminaisons des tubes respiratoires. Ces derniers, en effet, se ramifient encore en bouquets de canalicules beaucoup plus fins, qui n'ont plus de fil spiral, mais conservent leur revêtement péritonéal et se dis- tribuent abondamment dans le tissu photogène. Les capillaires trachéens se terminent assez rarement en cul-de-sac, le plus souvent ils s’anastomosent entre eux, formant une sorte de réseau irrégulier. Ces capillaires ne pénètrent pas dans les cellules du parenchyme photo- gène, mais serpentent à leur surface, les environnant de tous côtés. Les cellules terminales des trachées ne sont rien de plus qu’une dilatation de la membrane péritonéale enveloppant la base du bouquet de capillaires qui partent d’un même tronc pourvu d’un fil spiral, leurs pointes périphéri- ques représentent les prolongements de la membrane sur les capillaires. Les cellules terminales des trachées ne sont ni le siège ni le point de départ des phénomènes lumineux. Si ces derniers commencent à se manifester dans leur voisinage, cela tient simplement à ce que ces prétendues cellules, gràce à leur affinité pour l'oxygène, constituent un réservoir de ce gaz qu'elles fournis- sent en grande abondance aux cellules avoisinantes du parenchyme. Les propriétés photogènes résident exclusivement dans les cellules du pa- renchvyme et sont dues à l'oxydation lente d’une matière qui entre dans leur composition, sous le contrôle du système nerveux. Les cellules du parenchyme dont sont formées les deux couches distinguées par les auteurs dans les organes lumineux ventraux, sont, au point de vue morphologique (forme, grosseur, rapports avec les nerfs et les trachées), tout à fait semblables. Les différences consistent uniquement dans la constitution chin:ique de leur contenu. Les cellules du parenchyme (peut-être toutes?) sont en rapport avec de fins ramuscules nerveux. Les organes lumineux sont morphologiquement analogues aux corpuscules graisseux. L. J. NOTES ET REVUE. XXx! XV SUR LES VARIATIONS OBSERVÉES DANS LA SEGMENTATION DE L'OŒUF DE LA RENILLA, Par Edmund B. Wizson, avec le concours de H.-L, Ossorx et de J. MEeREDITH WILSON, (Résumé du Zoologischer Anseiger du 23 octobre 1882.) M.E. Wilson ayant remarqué des variations dans le mode de segmentation des œufs de Renilla, s’adjoignit deux observateurs, MM. Osborn et M. Wil- son, et tous remarquèrent que les œufs pouvaient se segmenter suivant cinq modes différents, bien qu’ils suivissent ultérieurement un mode de dé- veloppement normal. | 4° Dans le cas le plus fréquent, l'œuf se divise d’abord en 16 sphères qui sont tantôt semblables, tantôt très inégales, Ensuite se fait avec plus ou moins de régularité une division en 32.64 sphères, etc. Chaque période d'activité était suivie par une période de repos pendant laquelle les sphères sont si bien pressées les unes contre les autres que leurs contours sont souvent indistincts. Règle générale, l’une des sphères se divise en deux parties égales à chaque période; mais il arrive souvent qu'une on plusieurs sphères passent sans se diviser par-dessus une des périodes d’acti- vité. Dans ce cas, quand la division se produit, elle se fait en deux parts; 2° Dans le tiers environ des œufs observés, la première division amène la formation de 8 sphères au lieu de 16. Elles sont alors égales ou inégales. La suite du développement rentre dans le premier cas; 3° Le troisième mode a été observé seulement sur cinq ou six œufs. Tout d'abord, quatre ou cinq petites sphères se forment à l’un des pôles, le reste demeurant indivis. L’œuf ressemble alors à un œuf méroblastique tel que celui du Pyrosome, Il y a alors une période de repos, mais qui manque par- fois ; à la seconde partition, le reste de l'œuf se divise en sphères qui sont habi- tucllement un peu inégales. [1 y a alors 16 sphères, et on rentre dans l’appa- rence présentée par le premier cas; 4° Une seule fois le docteur Wilson a vu l'œuf se diviser d'emblée en 32 sphères un peu inégales, le reste du développement étant normal; 5° Une seule fois aussi M. B. Wilson observa un œuf divisé en deux parties égales. Chacune se partagea en quatre ; puis, après une période de repos, le stade 16 se produisit. Des sections pratiquées sur des œufs durcis un peu avant les diverses parti- tions ont montré que les noyaux se divisent avant que les sphères qui les ac- compagnent se manifestent. Les auteurs pensent que les différences qu'ils ont observées dans la segmentation des divers œufs tiennent à la plus ou moins grande rapidité avec laquelle la division du vitellus suit la division des noyaux. EE XXII NOTES ET REVUE. X VI SUR LES PÊCHERIES DE CORAIL SUR LA COTE DE L'ILE DU CAP VERT, SAN-THIAGO, Par le docteur Richard GRAFF, Prof, à Marboureg. (Traduit du Zoologischer Anzeiger du 25 septembre 1882.) Jusqu'en ces dernières années, on ne connaissait le Corail que dans la Mé- diterranée et l’Adriatique. Les côtes d'Algérie et de Tunisie constituaient l’en- trepôt de ce riche produit qui, delà, était répandu par le commerce sur toute la terre. Depuis quelque temps, cependant, le Corail rouge se pêche autour de l'ile du cap Vert, San-Thiago ; et, comme J'ai pu le constater pendant mon séjour dans l’île, de novembre 1879 à avril 1880, avec beaucoup de succès. Suivant la statistique officielle pendant l’année 1879-80, on a exporté de San-Thiago 2 914 kilogrammes de Corail d’une valeur totale de 16 802 milreis portugais (le milreis valant un peu plus de 5 francs). Les pêcheries de Corail, qui étaient jusqu'ici exclusivement exploitées par des entreprises françaises et italiennes, sont donc devenues pour l'ile de San-Thiago une source de commerce et de richesse. J'ai rapporté de là quelques jolies branches de Coraii, et j'en ai reçu depuis un certain nombre d’autres. Toutes, comme je le pensais bien, sont identiques au Corallium rubrum de la Méditerranée. Les spicules calcaires de l’écorce sont tout semblables, aussi bien que la structure de l’axe étudiée sur une section polie. Bien que la plupart des échantillons que j'ai examinés soient d'un rouge foncé, comme cela a lieu aussi pour le Corail de la Méditerranée, plusieurs cependant sont d’un rouge plus tendre. Autant que j'ai pu le constater, les pêcheries de Corail sont limi- tées aux côtes sud et sud-ouest de San-Thiago. Toutefois, nos connaissances sur la distribution géographique du Corail sont étendues d’une manière remar- quable par le fait de sa présence dans l'Atlantique, et il est très vraisemblable que sa présence dans l'Océan n'est pas limitée aux côtes de San-Thiago ou même aux iles du cap Vert, mais que bientôt on le rencontrera sur d’autres points de la côte ouest d'Afrique et de ses îles, et peut-être aussi sur les côtes des Indes occidentales et du Brésil, si l’on en juge par les relations étroites qui existent entre les faunes de ces deux rivages de l'Atlantique. de 4: Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le gérant : C. RerInwaLn. 2Éerie._Vol,l. PL:A. nt de | Lagesse se. ed rie ki 15 het — aa RES Se Nes e 1 EEE = > En ; Imp. Ch. Chardon aine o CIRCULATION DES MYSIS. Librairie Reinwald XI né Vol I.P1. € Serie 2 MELICERTA RINGENS LI L.Joliet ad nat.del. Imp. Ch. Chardon aine . MELICERTA RINGENS,. Librairie. Reinwald. e ; % e* 1 ‘ * + 4% | « LC] ‘ . . A sd n rè . LU * ’ ÿ \ n , Ve [. 1 LOT ñ * Ÿ d LE r * L' A \ à Le * { L hs ." LM P7rar LUAAVAN REVUE 2e Sèmie, Vol. [ P1 XIII. h. de Zool, Expl ct Déni. % \u A AE ET © y MELICERTA RINGENS, rairie Reinwald, T1b cr bird À (Tee (à à Te 24 - er ” # REP ñ Pas À + A Arch.de Zool, Exp° et GCenl®, 2° Serie, Vol, I. P b "2 _ a 0 "0 > ? LL 2 5 2 Ce one, 7 €) ART « Re R TAN. f } mA HERVE > à RTE, DS TUE pe. por. — E- LÉ tetecs Er ? 4 = » 2. DE tape. TR TR KE = P Cad nat.del. Jmp.Ch.Chardon aine. L. Mercier se. CM OEM OPIEORBS. DE, LA SEPIOLE, Vol TEL 7% S Ÿ Ra à [®] - [en © UN ss N Ê à . s ë se a OU (D ne) D] RE Re 5 LE È ; È 2 À ÉPReE à : nu ®) Fe è ROLE DIMNERVEUX DES CRUSTACES. Ath de Zoo! Expl° et Geni°. 2©-Série. Vol L P1. XVI. # PC IN FOR) CRAN MOTS É # Imp. Ch. Chardon ainé.. x N SYSTEME NERVEUX, DES MOLLUSQUES Prerre. se. A 2€ Série Vol,I. PE XVIIE 1 EN RD NUE ep Vice ; CAR ET LUE sa PE Imp. Ch. Chardon ainé.. .. Prerre se. CR TEMRINERVEUX DU LOMBRIC. DE LS 18 1 Sa à (WA TES h \ DAUTE { L PART th va fl AT) ee i l ve CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRES. 289 sont motrices, les cellules, qu'il désigne sous le nom de corpuscules nucléés, avec un prolongement fibrillaire, sensitives; les grosses cel- lules unipolaires sympathiques et les multipolaires réflexes. Il s'accorde avec Remak, Leydig et Hannover sur la structure des nerfs et dit que si Reichert avait traité avec de l'alcool faible, de l’acide chromique ou acétique les nerfs de l’écrevisse, il n'aurait pas pu mettre en doute l'existence des fibres nerveuses colossales qui renferment un faisceau de fibrilles. Limnæus stagnalis. — Walter finit son étude des centres nerveux des invertébrés par celle du Zimnæus stagnalis ; il divise aussi en cinq groupes les cellules nerveuses qui se trouvent dans les gan- glions de ce mollusque : 1° de grosses cellules unipolaires à noyau, à contours foncés, à protoplasme sombre, en partie homogène, en partie renfermant des grains jaunâtres, dans la partie non colorée duquel on aperçoit facilement des lignes concentriques ; le prolon- gement de la cellule qui est homogène se divise rapidement en fibres plus petites ; ces cellules mesurent 8304; 2° des cellules bipo- laires ayant un volume de 50 &.; 3° de petites cellules unipolaires à contenu homogène et clair ; la membrane cellulaire est difficile à voir ; ces cellules renferment un gros noyau contenant un ou plu- sieurs nucléoles, elles ont un volume de 144; leur prolongement a, dans toute sa longueur, sensiblement le même diamètre ; 4° des cel- lules multipolaires (26 à 364) à protoplasma homogène, renfermant un noyau finement granuleux dans lequel se trouve un nucléole, Walter dit qu'il n’a pas pu leur reconnaitre une enveloppe; ces cel- lules sont anastomosées avec les cellules unipolaires ; sur la plan- che XXX (fig. 144, 15 et 17), on voit plusieurs de ces groupes. Dans le premier on voit huit cellules, dont une grosse unipolaire, lesautres multipolaires ; dans le second, quatre cellules unipolaires moyennes et six bipolaires; le troisième, une cellule unipolaire moyenne et dix multipolaires; 5° enfin, de toutes petites cellules unipolaires mesurant de 5 à 34, elles ont un noyau brillant et leurs prolon- gements s’accolent toujours ensemble en grand nombre. ARCH. DE ZOOL,. EXPe ET GEN. == 2€ SÉRIE, — T, I. 1883, 19 290 W. VIGNAL. Walter considère les grosses cellules unipolaires comme des cellules végétatives ou sympathiques, les très petites unipolaires comme sensitives, les petites unipolairés comme motrices et les multipolaires comme réflexes. Les cellules unipolaires sont situées à la péripherie des ganglions et les multipolaires au centre. Waldeyer !, dans cette recherche, s'occupe surtout, ainsi que son titre l'indique, de la naissance du trajet et de la terminaison du cy- lindre d’axe, chez les vertébrés et les invertébrés, il établit une ana- logie complète entre l'élément nerveux transmetteur de ces deux grandes classes d'êtres vivants. Ces recherches ont porté sur un grand nombre d’invértébrés, appartenant aux quatre groupes suivants : insectes, crustacés, mol- lusquées et annélides. Nous ne pourrons pas suivre Waldeyer dans tous les développements qu'il donne à son sujet, mais nous éssaye- rons de refléter les principaux points de son travail. Chez les crustacés, il n’a pas vu que les grosses cellules unipolaires eussent une membrane d’enveloppe et que leur protoplasma fût strié concentriquement, mais dit qu'il est un peu granuleux ; il ne croit pas non plus que les cellules que Walter place dans ses troisième, quatrième et cinquième groupes soient des cellules nerveuses, mais il pense que le prolongement des cellules unipolaires se met en rapport avec un de ceux des petites cellules’ multipolaires qui se trouvent dans l'intérieur du ganglion, et que les fibres nerveuses (axenfibrillen) prennent directement naissance des prolongements de ces cellules; ce n’est qu'après être sortis du ganglion que les nerfs s'enveloppent d'une gaine conjonctive contenant des noyaux. Ces nerfs peuvent se diviser, dans ce cas, en un certain nombre de fbrilles suivant un trajet, pendant que d'autres en suivent un autre. Chez les mollusques (Planorbis corneus), on observe la même Structure fondamentale ; les grosses cellules unipolaires périphéri- 1 WWALDEYER, Untersuch. über d. Ursprung u. Verlauf d. axencylinders bei wirbel- losen u. wirbelthieren. (Zeitschr. f. Rat. Med., Bd. XX, 1863, p. 193). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 291 ques s’anastomosent avec de plus petites cellules bipolaires ou multipolaires et les nerts naissent des prolongements de ces cellules, qui forment souvent de grandes chaînes ; il en représente une formée de quatre cellules (pl. VII, fig. 6). Chez les hirudinées (sangsues méd.), on trouve encore la même structure. La périphérie d’un ganglion est composée de grosses cel- Jules unipolaires qui se mettent en rapport avec des cellules multi- polaires formant le centre du ganglion, et ce sont ces cellules qui, par leurs prolongements, composent les nerfs; elles sont également en rapport avec les fibrilles qui constituent les commissures. Waldeyer fait remarquer que dans les trois connectifs (car il reconnait que Île nerf intermédiaire de Faivre est bien un nerf et non pas un vaisseau, comme Walter l'avait prétendu) les fibrilles nerveuses ne sont pas divisées en faisceaux par des enveloppes conjonctives, comme elles le sont dans les nerfs ; qu'entre les deux nerfs latéraux il existe une petite commissure qui va d’un nerf à l’autre; au point où elle se met en rapport avec les nerfs il existe sur chacun d'eux un amas de cellules nerveuses. Cette commissure occuperait la place que Walter a assignée à la grosse cellule multipolaire qui réunirait les deux nerfs latéraux. | Chez les insectes on trouve la même structure, les nerfs (Dylicus marg.) sont formés par une série de fines fibrilles, entourées par une enveloppe renfermant des noyaux ovalaires. La division s'y effectue de la même facon que dans les nerfs des crustacés. Les conclusions de Waldeyer sur l’origine des nerfs des inverté- brés sont les suivantes : les cylindres d'axe prennent naissance du ou des prolongements ou d’une branche des prolongements des petites cellules nerveuses bipolaires ou multipolaires, qui se trou- vent dans l'intérieur des ganglions. Dans aucun cas ils ne puisent leurs origines des grosses cellules unipolaires qui forment la por- tion périphérique des ganglions, Pour rendre son idée, relativement à la structure, à l'origine et à la terminaison du cylindre d’axe chez les vertébrés et les invertébrés, 292 W. VIGNAL. bien claire, Waldeyer a construit deux schémas, l’un se rapporte aux vertébrés, l’autre aux invertébrés. Les cylindres d'axe venant de cellules nerveuses en se réunissant forment, dans le premier, un corps solide‘, allongé, enfermé dans une enveloppe, ce corps se divise de nouveau en fibrilles au voisi- nage de sa terminaison. Dans le second, relatif aux invertébrés, les cylindres d'axe venant des cellules nerveuses suivent dans une enve- loppe commune un trajet parallèle, mais ne se soudent pas ensemble, souvent ils se divisent lorsqu'ils approchent de leur terminaison. R. Lancaster”, dans son travail qu'il publia en 1865 sur l'anatomie du lombric, n'a fait, relativement au système nerveux, que confirmer, comme il le dit lui-même, les observations de Lockart Clarke. Nous ne ferons qu'une simple remarque, il reproche à Rorie* d'avoir prétendu que les cellules nerveuses du lombric étaient multipo- laires, tandis que les recherches antérieures de L. Clarke, qu'il confirme, ont établi qu'elles étaient toutes unipolaires, et R. Lan- caster dessine dans la planche VI, fig. 8, sous la dénomination de « derniers constituants des ganglions », plusieurs cellules, parmi celles-ci, une ayant quatre prolongements. Est-ce le texte ou le dessin qui à raison ? Je dirai mon opinion lorsque j'exposerai mes propres recherches. Claparède publia en 1867 un travail sur l'histologie du lombric 1 Mehrere feinste Fibrillen, die von kleinen Zellen kommen, setzen einen soliden, homogenen Strang. 2? Ray Lancaster, On the anatomy of earthworm (Quart. Journ. of Mic. Science, Système nerv., p. 110, 1865). 3 J'ai cru qu’il était inutile de consacrer plus qu’une courte note au travail de cet auteur : On the anat. of nerv. syst. in Lombricus terr. (Quart. J. of Mic. Sc., 1863, p. 106), car, ne sachant comment expliquer la solidarité du système nerveux si les cellules ganglionnaires étaient unipolaires, Rorie a trouvé tout simple de se les figu- rer multipolaires, de les décrire et de les dessiner ainsi, s’anastomosant les unes avec les autres. Nous ne savons comment cet auteur a pu obtenir des préparations lui permettant de faire des dessins aussi fantaisistes que ceux qui accompagnent son travail. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 293 terrestre, dans lequel il consacre un chapitre au système nerveuxtf, Il reconnut que la chaîne ganglionnaire est recouverte de trois névrilèmes, le premier, épithélial, est formé de cellules polygonales ayant de 27 à 384, elles ont un noyau allongé qui a environ 7x. Le second est formé de fibres musculaires longitudinales et circulaires, séparées les unes des autres par du tissu conjonctif; le troisième, qui existe seul sur les nerfs, est mince, homogène, n'a pas de struc- ture et paraît être une cuticule. L'auteur étudie ensuite les fibres nerveuses géantes (vide Leydig) dont il avait parlé dans un précé- dent travail, il reconnaît avoir mal indiqué leur situation, mais il ajoute que Leydig, en voulant corriger son erreur, en a commis également une, car elles ne sont pas, dit-il, contre la paroi interne du troisième névrilème, mais en dehors de celui-ci. Elles n’ont aucune ramification avec la moelle et les nerfs, il ne croit pas à la division en fourche de la centrale, que Leydig a décrite dans le cerveau. Claparède croit qu'elles naissent brusquement au bas de celui-ci et se terminent brusquement un peu avant la terminaison deila chaine; les deux fibres latérales, toujours plus petites que la centrale, se terminent les premières. Ces fibres sont formées par une gaine médullaire, sur laquelle se voient des stries circulaires indiquant une structure lamelleuse, l’axe est fibrillaire; lorsqu'on place une chaîne dans une solution très faible d'acide osmique, on les voit se colorer rapidement les premières. La moelle est formée de deux substances, les cellules ganglion- naires et de la substance ponctuée fibrillaire de Leydig, les fibrilles courent dans toutes les directions, il est impossible de mesurer leur volume au micromètre, tant il est petit. Les cellules nerveuses ont des diamètres très variables (12 à 354), elles sont rondes, piriformes, ont un seul prolongement, qu'elles envoient généralement vers le centre de la moelle, elles ont un 1 E. CLAPARÈDE, Histologische Untersuchungen ueber den Regenwurm (Zeitschrift fur Wiss. Zool., 1869, p. 563). 294 W. VIGNAL. noyau rond avec un nucléole très net. Il n'existe pas de cellules multipolaires et les cellules de différents diamètres sont mêlées ensemble. Dans la chaîne ganglionnaire elles sont disposées sur quatre co- lonnes, une de chaque côté de la ligne médiane et les deux autres de chaque côté de la moelle. Dans toute la longueur de la moelle, il existe une cloison Ia divi- sant en deux parties égales, elle paraît venir du névrilème interne; sur ces bords et sur les bords du névrilème, on voit une quantité de noyaux ayant 5:41 de diamètre. À l’aide d'un fort grossissement on constate que ce noyau appartient à une cellule, qui envoie vers le centre de chaque moitié de la moelle des prolongements fibrillaires. Le centre est généralement libre de cellules. Claparède se pose ensuite la question de savoir si ces éléments sont nerveux, ou conjonctifs, il reconnaît qu'il est difficile de répondre, cependant après une longue discussion il arrive à la conclusion, qu'on doit les considérer comme étant des éléments conjoncüifs, il ajoute qu'il exisie des éléments semblables dans les nerfs où ils forment un réticulum facilement visible sur des coupes. Il a trouvé que le ganglion pharyngien ou sympathique était bien logé dans l’intérieur même du pharynx, comme Faivre l'avait dit, et non pas à la surface de cet organe, comme Quatrefages, Clarke et Lankaster l'ont décrit. Il n’a pas vu de rapport direct entre le nerf commissural du cerveau et ce ganglion, mais il doit exister. Dans toute la longueur du tube digestif, il n’y a pas d’autres gan- glions que ceux du pharynx. Ïl reproche avec raison à L. Clarke de n'avoir pas décrit les expé- riences par lesquelles il dit s'être assuré que le système pharyngien est indépendant de la chaîne nerveuse. Boll*, dans un travail sur les tissus des mollusques, consacre quel- ques mots au système nerveux, dans lequel il dit que les cellules 1 Bozr, Beiträge zur vergleichenden Histologie des Molluskentypus (Maæ. Schultze Archiv. Supplément, Bd. V, 1869, Syst. nerv., p. 19). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRES. 295 sont formées par de fines fibrilles et une substance interfibrillaire, un noyau avec un nucléole brillant ; qu'il est rare de voir le prolon- gement partir du noyau, que les nerfs ont une structure fibrillaire, qu'ils se divisent dichotomiquement ou qu'ils émettent des branches et qu'au point de division on trouve un noyau, que les fibrilles sont contenues dans une substance protoplasmique granuleuse ayant des noyaux allongés. Solbrig en 1870 présenta à la Faculté de Munich, pour concourir à un prix quelle offrait, un travail sur la structure du système ner- veux des gastéropodes. Il a employé pour l'étude de ce système une série de réactifs parmi lesquels nous trouvons les acides sulfurique, chlorhydrique, azotique, en solutions très faibles (à gouttes pour 100 centimètres cubes d'eau) ; les acides osmique, chromique, le sérum iodé et un mélange de 5 parties d’eau et de 1 partie d'alcool commercial, dont il se loue beaucoup; j'ai employé ce réactif comme il le conseille et j'y ai, à son exemple, fait macérer pendant plusieurs jours tout un animal, et je n'ai jamais obtenu que des élé- ments altérés, peut-être mon alcool commercial était-il moins fort que celui de Solbrig, mais la faute reste à cet auteur d’avoir fourni des renseignements trop vagues. Solbrig dit que les cellules nerveuses des mollusques sont ordinai- rement dépourvues de membrane et que c’est dans des cas très rares qu’on en rencontre une, que celle qui recouvre le noyau est difficile à voir, que le protoplasma, tant des grosses que des petites cellules, est tantôt une masse granuleuse, tantôt une masse homo- gène qui ne laisse voir qu'après l’action des réactifs une striation concentrique, qu'il n'existe pas de cellules apolaires et que les.uni- polaires sontles plus nombreuses. Le prolongement cellulaire, sans subir aucune division, devient une fibre nerveuse ou bien il se divise en plusieurs fibres et donne ainsi naissance à plusieurs fibres ner- veuses, cette division a lieu suivant plusieurs modes : ainsi il peut se ? SocBric, Ueber die feinere Structur der Nervenelemenle bei den Gasteropoden, München, 1870. 236 W. VIGNAL. partager en deux branches égales ou bien il émet des rameaux plus petits que lui en nombre variable ; d'autres fois, il se dissocie en un grand nombre de fibrilles et ressemble alors à un pinceau. Les recherches de cet auteur ne lui ont jamais permis de voir deux cellules nerveuses s’anastomoser directement. Le prolongement cellulaire viendrait, d’après lui, dans la plupart des cas, du protoplasma de la cellule. Cependant, sur certaines cel- lules, on en voit un partir du noyau; dans ce cas, la cellule a tou- jours au moins deux prolongements. Les fibres nerveuses des gastéropodes ne possèdent pas de mem- brane de Schwann, et dans ces fibres il n'y a pas à considérer une enveloppe de myéline et un cylindre d’axe, car les fibres nerveuses de ces animaux sont l'équivalent du cylindre d'axe des nerfs des vertébrés ; elles ressemblent à l’état frais, à une bande homogène, mais l’action des réactifs y montre une striation longitudinale très nette, indiquant qu’elles sont formées de cellules très fines. Solbrig termine en disant que la naissance des nerfs se fait de deux manières : ou bien elle est directe, c'est-à-dire que les pro- longements cellulaires les forment de suite, ou bien elle est indirecte; dans ce cas les fibres nerveuses naissent d'une masse granuleuse finement fibrillaire, dans laquelle viennent se perdre les prolonge- ments de la cellule. Hermann ! avait présenté en même temps que Solbrig un travail sur le système nerveux de la sangsue médicinale, ce travail, il l’éten- dit, le compléta et le publia en 1875, c'est ce dernier que nousallons analyser. Get auteur décrit chez cet animal plusieurs espèces de cel- lules : 1° celles quiforment la masse des ganglions sont des cellules unipolaires n'ayant pas d'enveloppe, elles sont formées par un tissu granuleux et fibrillaire (Æornig fibrillære gewebe) ; le prolongement de ces cellules n’a pas de structure, elles renferment un noyau volu- mineux qui lui-même a un nucléole qui n’est pas un corps libre à 1 HERMANN, Das Central Nervensystem von Hirudo medicinalis, München, 1875. Gekr. preis. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 297 l’intérieur de la cellule, mais bien un épaississement lenticulaire de celle-ci; 2° des cellules à trois prolongements qui sont logés dans l'épaisseur de l'enveloppe du ganglion, entre les nerfs latéraux de chaque côté, envoient un prolongement dans chaque nerf et un troisième dans l'intérieur du ganglion : cet auteur la considère comme une cellule intercurrente ; 3° des cellules longues multipo- laires, ayant leur grand axe dirigé suivant l’axe du corps de l’ani- mal, elles sont logées entre les connectifs au milieu du ganglion, elles ont plusieurs prolongements (mediane Z'elle) ; 4° des cellules bipolaires, surtout abondantes dans les nerfs. Les cellules du système sympathique sont formées par un proto- plasma grossièrement granuleux et un noyau qui n’a pas le contour net des cellules des ganglions, elles sont recouvertes par une mem- brane homogène. Les nerfs sont formés d'une névrilème élastique recouvrant des fibres nerveuses ayant en moyenne 4 à 2 y de diamètre. Ces fibres sont formées d’une substance amorphe protoplasmique et de fibrilles ; sur le trajet de ces fibres, Hermann, comme Bruck, place des cellules surtout aux points de bifurcation, ces cellules sont en majorité des cellules bipolaires. Dans les commissures, les fibres sont plus grosses, car elles mesurent de 6 à 8 u; on y ren- contre de grosses cellules bipolaires, presque aussi larges que la commissure elle-même, le grand axe de ces cellules a la même di- rection que celui des connectifs. Dans le système sympathique ce ne sont plus des fibrilles qu'on rencontre comme derniers constituants des nerfs, mais bien de grosses fibres formées de matière granuleuse. | D'après cet auteur, la partie corticale cellulaire des ganglions serait séparée de la centrale fibrillaire par une capsule conjonctive (ennere Kapsel) qui non seulement séparerait les cellules du centre du ganglion, mais les diviserait en différents groupes. Nous ne décrirons pas le trajet que cet auteur attribue dans le ganglion aux fibres nerveuses venant des connectifs, des nerfs et des 298 W. VIGNAL. cellules, car cette description nous entraînerait trop loin, nous nous contenterons de dire qu'il croit qu'il existe des fibres allant des cel- lules d'un côté du ganglion à celles qui sont situées de l’autre, d’au- ires fibres se rendant d’un nerf dans l’autre ou dans celui qui lui est opposé ou dans un des connectifs, etc. Dans le ganglion, les connectifs demeurent isolés, mais sont réu- nis parles cellules allongées dont nous avons parlé plus haut et par des fibres commissurales allant de l’un à l’autre. Les cellules se ren- contrent surtout à la partie dorsale des ganglions. E. Yung! étudie, dans un travail publié en 1878, la structure des centres nerveux des crustacés décapodes (Homard, Palémon, Ecre- visse, Cancer menas et Paragus, Muia squinado, Portunus puber). TI constate d’abord que le cordon de la chaîne ganglionnaire est formé de deux cordons chez l'écrevisse, le homard et la langouste, et que ces cordons sont parallèles sans que les fibres qui les forment présentent d’entre-croisement; qu’elles peuvent être considérées comme les homologues des fibres de Remak, du sympathique et du nerf olfactif des vertébrés. Ces fibres, ou plutôt ces tubes, sont cylin- driques, entourés d’une enveloppe élastique contre laquelle se trou- vent appliqués des noyaux ovalaires, ils sont remplis d’une substance visqueuse, claire et homogène. Dans les tubes fins, la paroi est sim- ple et les noyaux paraissent être accolés à la paroi interne, qui est double dans les tubes larges et s’épaissit dans les points où se rencontrent des noyaux. Yung, d'accord avec Haeckel, signale la coagulation en zones concentriques du contenu des tubes sous l'influence de l'acide chro- mique ; tous les autres réactifs, sauf l'acide osmique, déterminent une séparation de ce contenu en deux parties, l’une claire, l’autre granuleuse ; il reconnaît avec Haeckel que les nerfs du Palémon ne se comportent pas exactement de la même façon, mais il pense que ce dernier a attribué à ce phénomène une importance exagérée. Il 1 E. Yunc, Recherches sur la struclure iniime et les fonctions du système nerveux central chez les crustacés décapodes (ces Archives, 1880, t. VIII, p. 401). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 299 n’a jamais vu le faisceau de fibrilles que Remak a signalé dans le centre des gros tubes nerveux des connectifs des crustacés. La seule chose qu’on aperçoive, dit-il, est un état nébuleux, indiquant un épaississement du protoplasma qui se trouve au centre du tube, l'aspect fibrillaire ne lui est apparu que lorsqu'il eut traité des grosses fibres par des réactifs (glycérine, hématoxyline). Il n'a jamais vu de ramifications des tubes nerveux dans la chaîne connective, mais souvent dans les nerfs. Il pense qu'il est inutile de diviser les tubes en {ubes larges et tubes minces, cette division ne pouvant être qu'ar- tificielle, car entre les deux extrêrnes (150 p et 10 x} de diamètre) tous les intermédiaires existent. Cet auteur assimile les cellules ganglionnaires des crustacés aux cellules ganglionnaires du système sympathique des vertébrés, il les décrit comme étant formées par une enveloppe à contenu semblable à celui des tubes, dans lequel flotte un noyau assez volumineux, qui, lui-même, renferme un ou plusieurs nucléoles. Elles sont enve- loppées par une membrane très mince, peu élastique, ayant seule- ment sur les grosses cellules un double contour, et quoique l’on n’y remarque pas de noyau, il ne faut pas moins la considérer comme étant un simple renflement de la gaine des nerfs. Cette enveloppe est elle-même recouverte d’une couche épaisse de tissu conjonctif. Les réactifs déterminent une coagulation du contenu de la cellule, qui devient alors granuleuse. Cet état granuleux est surtout marqué autour du noyau. Sous l'influence de l'acide picrique et de l'acide azotique, le protoplasma se coagule en stries longitudinales. Le noyau à un Contour peu net, pas d’'enveloppe, une grande réfrin- gence, le ou les nucléoles sont très nets, et paraissent être formés par un amas de granulations. _ Yung dit qu'il faut admettre l’existence de cellules apolaires, car le principal argument qu'on a invoqué contre elles tombe, si l’on considère qu’elles ne présentent jamais la moindre trace d’avoir été déchirées ou brisées. Les cellules sont apolaires, unipolaires, bipolaires et multipolaires 300 W. VIGNAL, à trois prolongements : ces dernières sont très rares, leur volume est aussi varié que celui des tubes (200 y à 30 p). Il pense que les tubes nerveux doivent être considérés comme de simples prolongements cellulaires. La gaine externe des nerfs, des connectifs et des ganglions, de même que le tissu conjonctif qui se trouve entre les tubes et les cellules nerveuses, lui semble devoir être considérée respectivement comme l’'homologue de la gaine lamelleuse et du tissu intra-fasci- culaire des nerfs des vertébrés (vide Ranvier, Traëf. tech., p. 762 et suiv.). Il a retrouvé dans les ganglions des crustacés les corpuscules à zones concentriques que Zenker ‘ avait déjà signalés chez les Pycno- gonides, il pense que ce sont des produits de décomposition. Quant à la topographie des différentes parties du système nerveux, que donne Yung, nous pouvons la résumer rapidement dans les propositions suivantes. Les tubes larges et minces sont intimement mêlés ; même dans les ganglions il n'y a pas d’entre-croisement des fibres. Les cellules des ganglions se trouvent généralement à la sur- face, à la face supérieure et aux faces latérales. La partie supérieure de chaque ganglion est occupée par des fibres longitudinales qui le traversent sans s’y arrêter. Dans chaque ganglion, il existe trois fais- ceaux de fibres commissurales qui unissent les parties latérales d’un même ganglion. Les ganglions thoraciques des crustacés macroures sont le résultat de la soudure de plusieurs ganglions, le rapproche- ment est encore plus accusé chez les Brachyures. Peu de temps après le travail de Yung, H. Schultze? publia une étude sur la structure des éléments nerveux de quelques mollusques, du lombric et de la sangsue. Il a employé pour son étude des mé- thodes incontestablement supérieures à celles de ses devanciers. Il s'est servi comme réactifs dissociateurs du sérum iodé, du sang de l ZENKER, Untersuchungen über die Pycnogoniden (Muller's Archiv, 18592, p. 379). ? H. ScxuLTze, Die fibrillære Structur der Nervenelemente bei Wirbellosen (Archiv für Mikroskopische Anatomie, 1879, Bd. XVI, p. 57). | CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 301 l'animal, du bichromate de potasse à 0,02 pour 100, de l'alcool au tiers, 1l a coupé les tissus durcis dans l'alcool, frais après congéla - tion, et a mis ensuite les coupes dans l'acide osmique. Il s’est servi du chlorure d’or (méthode de Lœæwit) pour l'étude des nerfs intesti- naux. Pour H. Schultze, les cellules nerveuses sont formées par une substance fibrillaire noyée au milieu d’une autre substance liquide réfractant la lumière, cette dernière par l’action des réactifs se résout en une substance finement granuleuse. Les nerfs ont la même structure fondamentale. Cet auteur admet (pl. V, fig. 3, 4 et 5) que, chez les mollusques, du noyau de beaucoup de cellules part un prolongement, tandis que du protoplasma de la cellule il en part un autre. L'étude du système nerveux intestinal des gastéropodes lui fit voir que toutes les fibres et les cellules ganglionnaires avaient certaine- ment une structure fibrillaire et qu'entre les fibres il existait une * substance finement granuleuse ; les contours des cellules lui ayant apparu brillants, il croit qu’elles ont une membrane d’enveloppe anhiste, semblable à celle que Hermann a décrite sur le plexus in- testinal de la sangsue. Dans les trois classes d’invertébrés‘ qu'il a étudiés, il dit qu'il n'y a pas de fibres nerveuses nettement différenciées comme chez les vertébrés, mais il pense qu’on doit considérer le paquet de fibrilles enfermé dans une cloison du névrilème comme l'équivalent de la fibre nerveuse des vertébrés. Le prolongement central de la cellule n'est pas, d’après lui, le point de départ direct d’une fibre nerveuse périphérique, car il se perd par division dans la substance centrale du ganglion, celle-ci est granuleuse, réticulée et fibrillaire et c’est dans cette dernière que se construit la fibre nerveuse. Chez les élatobranches, il a vu un autre mode de formation indirecte des nerfs; de petites cel- 1 Gastéropodes, Elatobranches, Vers. 302 W. VIGNAL. lules multipolaires se trouvent entre les grosses cellules périphé- riques et la substance centrale; elles sont anastomosées avec les deux. Ces deux modes d’origine des nerfs se rapprochent beau- coup, comme on le voit, de ceux admis par Leydig et de celui décrit par Valdeyer. Dans la peau et les bâtons tactiles de l’hélix, il existe, d’après cet auteur, comme Flemming l'avait déjà dit, des cellules ganglhion- naires caractéristiques ; ces cellules, enfermées dans une substance spécifique interfbrillaire, qui lui paraît être l’analogue de celle que Flemming a décrite autour des nerfs du manteau dela moule, il la nomme « substance granuleuse ». De plus, dans les troncs et les branches nerveuses des élatobranches, on rencontre souvent une substance réfractant fortement la lumière, se colorant en noir par l'acide osmique et qui lui paraît être d'une composition myélinique ; cette substance est interfibrillaire et intercellulaire. Les cellules des ganglions des élatobranches, des vers et celles du sympathique des gastéropodes sont recouvertes, ainsi que leurs prolongements, d’une membrane sans structure. | Krieger !, en 4880, dans un travail dont nous n’analyserons qué la partie se rapportant à la structure des éléments nerveux de l'écre- visse, en laissant de côté la partie topographique, car ellé nous entrainerait trop loin, dit que les cellules n’ont pas de membrane propre, mais une enveloppe conjonctive très fine, homogène, que leur protoplasma examiné sur une cellule fraiche est très finement granuleux, mais qu'après l’action des réactifs cet état granuleux devient plus net, que leur noyau est rond, possède une membrane très nette, que leur noyau est sphérique et est entouré par une membrane très accusée, le contenu semble être homogène, mais, après l’action des réactifs, on y voit apparaître un réticulum qui tient suspendus les nucléoles. Le prolongement cellulaire est homogène; s’il y en a plusieurs, ils 1 KRixGER, Ueber das Centralnerven-System des Flusskrebses (Zeitschr. f. Wiss. Zool.; 1880, p. 527). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 303 partent tous du même point de la cellule : quelquefois la cellule possède un second prolongement très fin, qui fait un tour de spire autour de l’autre. Cet auteur reconnaît que les fibres nerveuses ont la structure que Haeckel et Yung y ont décrite. Il s'éloigne de ce dernier en ce qu’il admet dans l’intérieur des grosses fibres des commissures la fibrilla- tion centrale de Remak. Il pense avec Leydig que la substance des ganglions est composée d’un réseau nerveux dans lequel les prolon- gements cellulaires, d'un côté; de l’autre, les fibres nerveuses périphériques, viennent se résoudre. Il s'éloigne ainsi de Claus, qui la considère comme étant surtout de nature conjonctive. CRUSTACÉS. Homard (A sfacus marinus). Langouste (Palinurus vulgaris). Palæmon (P. ser- ratus). Ecrevisse (Astacus fluviatilis). Crabe commun (Cancer menus), C. Arai- gnée (Maia squinado). C. Tourteau (Cancer paragus). Tubes nerveux des connectifs, des commissures et des nerfs, — Des tubes nerveux formant les connectifs de la chaine et les nerfs des crustacés sont, comme on le sait depuis longtemps, de volume très variable, ainsi chez un homard ayant 40 centimètres de long, j'ai trouvé dans la chaîne abdominale un tube nerveux ayant 140 & de diamètre, et dans la même préparation j'en ai trouvé un n'ayant que 8 . Quelques auteurs ont même trouvé des tubes considérablement plus gros. Yung (/oe. cit., p. 423) pense qu'il est inutile de diviser les tubes nerveux en iubes larges et tubes minces, car, dit-il, « on trouve entre les deux extrêmes toute une série d’intermédiaires ». Il a raison en thèse générale, cependant cette division est commode pour la description, aussi la conserverons- nous, mais en la précisant et en ne prenant plus pour base de notre division le diamètre des tubes, mais en désignant sous le nom de 1 C£aus, Der Organismus der Phronimidien (Arbeiten aus dem Zool. Inst., Wien, 1879). 304 W. VIGNAL. rubes larges ceux dont la membrane d’enveloppe présente un double contour et sous celui de tubes étroits ou minces, ceux dont la mem- brane n’a qu’un simple contour. | L'étude des tubes nerveux se fait à l’état frais avec la plus grande facilité, si on a soin d'ouvrir en long, soit avec des ciseaux, soit avec un bistouri, la gaine enveloppant les nerfs ou la chaîne nerveuse, et d'effectuer la dissociation dans une goutte de sérum iodé faible, ou de lymphe de l'animal. Les tubes nerveux ainsi préparés paraissent avoir un contenu homogène, peu réfringent, dans lequel se trouvent quelquefois des granulations brillantes ; ce contenu est entouré par une membrane soit à simple, soit à double contour, sur laquelle on voit çà et Ià des noyaux ovalaires. Les tubes à double contour examinés avec un fort objectif, de préférence avec un objectif à immersion, paraissent renfermer de fines fibrilles, rappelant par leur aspect les fibrilles du cylindre d’axe, mais ces fibrilles ne sont jamais bien nettes et souvent on se demande si on n’est pas le jouet d’une illusion d'optique. Au bout de deux ou trois heures, si on a pris soin de border la préparation avec de la paraffine pour éviter l'évaporation, l’intérieur des tubes, surtout des gros tubes, devient nuageux et cet état sera surtout marqué au centre. Yung, qui a étudié des préparations faites à l’aide de ce procédé, considère cet état granuleux comme étant l'indice d’une plus grande condensation du contenu du tube; il me semble que c’est une erreur d'interprétation et je ne puis adopter cette manière de voir, car cet état nuageux ne se voit pas de suite dans les tubes, mais nécessite une certaine macération. En effet, si, après avoir dissocié des tubes nerveux sans aucun réactif additionnel, on borde le couvre-objet avec de la paraffine, pour empêcher l’évaporation, ce n’est qu’au bout de vingt-quatre heures que ce phénomène se produit. Les tubes nerveux deviennent, du reste, beaucoup plus rapidement granuleux si, après les avoir dissociés, on ajoute une goutte d’eau ; on verra, à mesure que l’eau sera arrivée en contact avec les tubes CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 305 nerveux, ceux-ci devenir granuleux. Le centre de ces tubes reste granuleux, tandis que les bords redeviennent quelque temps après homogènes, ce qui est dû, je pense, à une diffusion qui se produit _à travers les parois. Il est facile de démontrer, de la facon suivante, que l’état granu- leux est bien dû à un dédoublement du contenu du tube; on dissocie quelques tubes et, après les avoir recouverts d'une lamelle, on fait sortir leur contenu par pression, il s’en écoule un liquide limpide, on ajoute une goutte d’eau sur le bord de la lamelle lorsqu'elle arrive en contact avec le liquide sorti des tubes, celui-ci devient granuleux. Je passe de suite à l’étude des tubes à l’aide des réactifs, pour éviter l’action de l’eau et pour les mettre, aussi rapidement que pos- sible, en contact avec l'acide osmique, il est bon de l’employer en injections interstitielles. Un nerf ou un connectif préparé de cette manière peut être examiné de suite par dissociation ou Ctre mis à macérer préalablement vingt-quatre heures dans du sérum 1odé6 faible. La dissociation est très facile, on obtient, en enlevant la gaine et en les écartant les uns des autres, des tubes de toutes les gran- deurs, isolés sur une grande longueur, mais il est indispensable de faire cette dissociation avec les plus grands ménagements, Car non seulement les points des tubes touchés par les aiguilles sont défor- més, mais les tiraillements amènent des aspects étranges. Un tube large examiné dans le sérum iodé, ou après coloration par le picro-carminate d’ammoniaque, dans la glycérine qui y aura été substituée avec la plus grande lenteur, paraît être formé par une membrane à double contour, dans l'épaisseur de laquelle se trouvent des noyaux ovalaires dont le grand diamètre est dirigé suivant l’axe du tube, et d'un contenu presque homogène coloré en brun clair, dans lequel on ne voit que çà et là quelques fines granulations. Les moyens et les minces ont la même structure, mais leur mem- brane d’enveloppe ne possède pas de double contour et les noyaux font saillie à l'extérieur ; dans quelques tubes de moyen diamètre, ARCH. DE ZOOÏ, EXP, ET GÉN.=—= 2€ SÉRIE,— T, I. 1883, 20 306 W. VIGNAL. la paroi, ainsi que Yung l'a déjà signalé, s’épaissit au niveau des noyaux et présente un double contour. Les noyaux ne sont pas distribués régulièrement le long des tubes, mais se trouvent çà et 1à, sans qu'aucun ordre paraisse procéder à leur arrangement. Ils ont une forme ovalaire, aplatie, se colorent vivement par le carmin et l'hématoxyline, deviennent plus foncés que le contenu des tubes par l'acide osmique. Surtout après l’action de l’acide osmiqueet des matières colorantes, ils paraissent renfermer de fines granulations ou plutôt des grumeaux dispersés dans toute leur masse. Mais parmi celle-ci on distingue toujours quelques granulations plus foncées à contour net, paraissant être formées par une matière plus dense et que je considère, malgré l’opinion contraire de Yung (loc. cit., p. 419), commie des nucléoles, leur posi- tion ni leur nombre n’est pas constant, car ils peuvent varier de 2 à 10 par noyau. Après macération dans l’acide chromique et les chromates alcalins, le contenu des noyaux se rétracte au centre et leur enveloppe devient alors très visible. Je n'ai jamais pu déceler par aucun procédé une masse protoplasmique autour d'eux autre que la substance qui remplit les tubes. Sur les coupes des nerfs ou des connectifs durcis par l'acide osmique et colorés par le picro-carminate d'am- moniaque, on voit avec la plus grande facilité que les noyaux recouvrent comme une tuile les petits tubes nerveux, et qu’ils sont situés dans l’épaisseur de la membrane d’enveloppe des gros; leur volume est variable, ainsi qu'il résulte des chiffres suivants : Diamètre du tube, 15 p.. Longueur du noyau, 30 p. Largeur, 10 p. 30 12. — 25 pu. — 10 p. — 50 p.. _.. 10 p. + 12 p.. Les tubes nerveux exposés simplement aux vapeurs de l’acide osmique, soit avant d’avoir été dissociés, soit après l'avoir été, pré- sentent tout à fait le même aspect que ceux qui sont préparés par l'emploi des injections interstitielles. Après la macération dans l'acide chromique à 3 pour 4000, le CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 307 bichromate d’ammoniaque à 2 pour 100, les acides picrique et azotique, la solution de Kleinenberg, etc., les tubes nerveux parais- sent avoir un contenu granuleux dont l'aspect est semblable à celui qui est déterminé par l’eau pure. Yung dit que la glycérine même très étendue d’eau amène un ratatinement des tubes nerveux ; ce fait indique que le plasma qu'ils contiennent renferme une quantité considérable d’eau, dont la gly- cérine très hygrométrique s'empare, c'est pour cette raison qu'il est nécessaire de la faire pénétrer très lentement dans les prépara- tions qu’on désire conserver. J'ai employéle nitrate d'argent d'aprèsla méthode de H.Schutlze!, et en la modifiant de différentes manières, afin de mettre en relief le faisceau de fibrilles que Remak et divers auteurs à sa suite ont signalé dans les tubes larges, et je n'ai obtenu que des résultats né- gatifs. Je commençais même à douter de l'exactitude de l’observa- tion de Remak et à croire que les fibrilles que j'avais vues à l’état frais devaient être dues à une illusion d'optique, lorsque j'ai employé les méthodes suivantes qui les mettent en relief d’une façon remar- quable. Après avoir fixé par les vapeurs d'acide osmique un gros nerf ou un connectif et l'avoir dissocié dans une goutte de sérum iodé, on le colore fortement par une solution d’hématoxyline, puis, après avoir lavé la coupe avec de l’eau et légèrement décoloré par de l’eau contenant quelques gouttes d'acide acétique, on déshydrate lente- ment la préparation en faisant couler sur la lamelle de l'alcool de plus en plus fort en commençant par de l’alcool à 40 degrés cen- tigrades, jusqu’à ce qu'on arrive à l'alcool absolu, puis on la monte dans la résine dammar, après l'avoir éclaircie soit par l’essence de térébenthine, soit par l'huile de girofle. En examinant avec un objectif, à grand angle d’ouverture, un tube large contenu dans une de ces préparations, on voit qu'il contient 1 H. ScnuLrrze, Die fibrillare Structur der Nervenelemente bei Wirbellosen (Arch. de M. Schultze, 1879, p. 57). 308 W. VIGNAL. des fibrilles d’une grande finesse (environ un dixième de micro- millimètre), parallèles à son grand axe. Les fibrilles ne sont pas toujours réunies en un faisceau central, comme Remak l'a décrit et figuré (Neurologische Erlaüterungen, loc. cit.), mais sont souvent dispersées dans toute l'épaisseur du tube. Remak, qui ne les a obser- vées que dans des tubes nerveux dissociés à l’état frais, dit que leur trajet à l’intérieur du tube est légèrement sinueux; si on a soin de tendre la chaîne nerveuse avant de la fixer par l'acide osmique, on reconnaitra que leur trajet est parfaitement rectiligne. De plus, cet anatomiste dit qu'on ne trouve ce faisceau de fibrilles que dans les gros tubes nerveux des connectifs de la chaîne nerveuse; par le procédé que je viens d'indiquer, on les rencontre non seulement dans les gros tubes de cette chaîne, mais aussi dans les moyens, et nous verrons plus loin qu'ils se trouvent dans la grande majo- rité des tubes nerveux, tant des connectifs que des commissures et des nerfs. Le second procédé que j'ai employé donne des résultats encore plus démonstratifs, mais la dissociation est plus difficile à effectuer, il consiste à fixer les éléments nerveux par le chlorure d’or proyres- sif' (Ranvier). Au bout de trois à quatre jours l'or est assez réduit et la pièce peut être dissociée; comme les éléments conjonctifs deviennent par ce procédé très résistants, il est avantageux de n’effectuer la dissociation qu'après avoir fait macérer le nerf ou la commissure pendant quelques heures dans une solution étendue d'acide formique (un quart à un cinquième). Dans une préparation de tubes nerveux traités par ce moyen et 1 Chlorure d’or à 1 pour 100 pendant quelques minutes, auquel on ajoute petit à pelit un mélange bouilli ct refroidi de 4 parties de chlorure d’or à 1 pour 100 et de 1 partie d'acide formique. La pièce doit y séjourner au moins, suivant son vo- lume, pendant une heure à une heure et demie, puis, après avoir été lavée, le chlo- rure d'or doit être réduit à la lumière dans de l’eau acidulée (1 goutte d’acide acétique pour 50 grammes d’eau distillée), la coloration est augmentée en la plaçant pendant quelques heures dans 5 à 6 centimètres cubes d’une solution à 1 pour 100 de chlorure d'or et de nolassium. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 309 montés dans la glycérine, on constate que ce n’est pas seulement les gros tubes nerveux qui possèdent dans leur intérieur des fibrilles, mais qu'elles se trouvent aussi dans beaucoup de tubes fins, où tantôt elles forment un faisceau central unique (fig. 1 et 5), ou bien sont réunies en plusieurs petits faisceaux (fig. 2), ou sont dispersées irrégulièrement dans toute l'épaisseur ; enfin, dans les tubes très fins on ne voit qu'une ou deux fibrilles. L'élément que nous sommes porté à considérer comme une fibrille unique, se divise souvent en deux, ce qui indique qu'il a une structure plus complexe que nous ne l’aurions cru tout d'abord et qu'il est lui-même formé par la réu- nion de plusieurs fibrilles. Cette observation est surtout facile à faire sur les fibrilles isolées dans l'intérieur d’un tube nerveux, ou lors- qu’une seule se trouve dans des tubes fins. La division des tubes nerveux, niée par Helmholtz, affirmée par Haeckel et de nouveau et dernièrement par Yung (p. 423), n’est pas discutable avec les méthodes actuelles (acide osmique en vapeur ou injection), mais pour la voir il est préférable de prendre des nerfs se rendant dans les organes, ou des tubes nerveux dans les ganglions, car les fibres nerveuses des connectifs et des commissures présen- tent rarement des traces de division entre deux ganglions. La divi- sion des tubes nerveux se présente sous deux formes principales : dans la première le tube nerveux se divise dichotomiquement, on observe surtout cette forme dans les nerfs musculaires au point de leurs propres divisions, tandis que dans les ganglions on rencontre surtout des tubes nerveux, grêles, émis ou reçus par des tubes beau- coup plus gros. Pour achever l’étude des tubes nerveux, nous devons faire des coupes de nerfs, de connectifs et de commissures. Si nous examinons des coupes de tubes nerveux durcis par l'acide osmique !, puis l’alcool, ou dans un mélange à parties égales d’acide chromique et d'acide osmique?, puis par l’alcoo!, dans l'acide chro- 1 Dans une solution de 1 pour 100 pendant vingt-quatre heures. ? Vingt-quatre heures dans le mélange, 310 W. VIGNAL. mique à 3 pour 100", dans le bichromate de potasse à 2 pour 400 ?, puis par l'alcool ou par l’acide chromique suivant le procédé de Deithers *, après qu'ils auront été colorés par l’hématoxyline ou ie picro-carminate d’ammoniaque, on voit qu'ils sont enfermés dans une enveloppe conjonctive sur laquelle nous reviendrons plus loin, et qu'ils sont réunis entre eux par un tissu conjonctif lâche, disposé en lamelles, dans lequel se trouvent des noyaux, qu’il est facile de reconnaître les noyaux des tubes nerveux, car ils sont généralement plus volumineux. Leur forme, quoique toujours ovale, est plus ronde ; outre ces éléments, on rencontre des cellules lymphatiques 1 Pendant un mois environ. ? Pendant un mois à un mois et demi. $ Quinze jours dans la solution de bichromate à 2 pour 400 et quinze autres dans une solution à 3 pour 1000 d’acide chromique. Mais après que les pièces ont été durcies par ces réactifs il faut achever le durcissement par l'alcool, qu’il faut faire agir avec une très grande lenteur, pour éviter la déformation des tubes et la rétrac- tion de leur contenu. Aussi, après divers essais infructueux, je suis arrivé à obtenir de bons résultats en plaçant les nerfs et les commissures, après les avoir lavés, dans de l’alcool ordinaire étendu de son volume d’eau (alcool à 42 degrés centigrades) pendant douze heures environ, puis pendant le même nombre d’heures dans de l'alcool ordinaire auquel on avait ajouté seulement un quart d’eau (alcool à 68 degrés centigrades), alors seulement dans l’alcool ordinaire (90 degrés centigrades). IL est inutile d'essayer le durcissement par la gomme, car sous son influence les tubes nerveux se ratatinent énormément, et un séjour prolongé dans l’eau ne peut leur faire reprendre leur forme et leur volume normal. Les coupes, toujours très difficiles à exécuter par suite du peu d’adhérence qu’ont les tubes nerveux entre eux, doivent être faites à main levée en enfermant la pièce dans un mélange de cire et d’huile. On peut aussi procéder de cette manière : la pièce, après avoir été colorée en masse par le picro-carminate d’ammoniaque ou l’hématoxyline, est lavée, puis déshydratée par l’alcoo!l fort et l'alcool absolu, éclaircie par l'essence de girofle, placée quelques minutes dans l’essence de térébenthine, puis dans un mélange à parties égales d'essence de térébenthine et de paraffine pure maintenue juste en fusion; au bout d’une demi-heure elle est portée dans de la paraffine pure également maintenue à son point de fusion où, après avoir séjourné une heure environ, elle est montée dans un petit bloc de paraffine. Les coupes sont mises sur une lame de verre et la paraffine entourant et pénétrant la préparation est dissoute par du xylène (benzine). Les préparations sont montées en préparations persistantes dans du baume dissous dans du xylène. Toutes les fois que cela est possible les connectifs et les nerfs doivent être tendus avant d’être mis dans les réactifs durcissants. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 311 en assez grand nombre, celles-ci sont faciles à reconnaître, à cause de la zone protoplasmique qui entoure leur noyau, zone que je n’ai jamais pu voir autour des noyaux conjonctifs et des noyaux de la paroi des tubes nerveux. Les tubes nerveux sont de diamètres très différents, ils ont tous la forme circulaire, si toutefois l’action des réactifs durcissants n’a pas été trop brusque, ils sont limités par une membrane présentantsoit un double contour, soit un contour simple et à la surface de laquelle on voit des croissants rouges ou bleuâtres, peu épais, que nous reconnaissons pour être la coupe transversale des noyaux; dans quelques tubes, ceux qui possèdent un double contour, ces crois- sants sont logés dans l’intérieur de la membrane. Le contenu des tubes varie d'aspect avec l'agent durcissant qui aura été employé. Après l'acide osmique, il a pris une teinte brune et renferme quelques fines granulations ne se colorant pas par le picro-carminate d'ammoniaque. Après le durcissement dans un mé- lange d’acide chromique et d'acide osmique, il est coloré moins fortement en brun et prend alors, par l'action du picro-carminate d'ammoniaque,une lègère coloration rouge-brique persistante, tandis que les noyaux des tubes et de la gaine et du tissu conjonctif lâche se colorent en rouge vif, surtout après que la préparation a éé traitée par la glycérine formiquée. Pour obtenir de bonnes préparations des tubes nerveux après que le nerf ou la commissure ont été traités par le mélange d'acide os- mique et d'acide chromique, il faut couper la pièce en tronçons de quelques millimètres de long, la colorer par l’hématoxyline, par un séjour variant entre trois et six heures, suivant le diamètre de la pièce, puis, après lavoir lavée à l’eau ordinaire, pour enlever l'excès de matière colorante, l’infilirer de collodion!, après l'avoir traitée par ? Pour infiltrer une pièce de collodion, après l'avoir placée daus l’‘ther, on la met dans un petit vase largement ouvert avec du collodiou irès ‘iquide; petit à petit, il se concentre et lorsqu'il est arrivé à avoir une bonne consistance, on le place dans de l’alcool jusqu'au moment de couper la pièce. 342 W. VIGNAL. l'alcool et l’éther ou dela gélatine en la maintenant pendant trois ou quatre heures dans de la gélatine placée sur un bain-marie à 35 de- grés et fondue dans l’eau, qu’elle absorbe en y séjournant environ une heure. Les coupes sont ensuite montées dans la glycérine. On peut se débarrasser du collodion en les traitant par l’éther, mais elles de- viennent alors excessivement friables, et comme le collodion ne gêne pas l'observation, il vaut mieux les monter simplement dans la glycérine. Ces coupes laissaient voir dans l’intérieur des gros tubes nerveux des commissures, des connectifs et des nerfs, Les fibrilles que nous avons déjà décrites sur les fibres nerveuses dissociées. On y constate que les fibrilles ne forment pas toujours un faisceau cen- tral, mais sont souvent dispersées dans tout le tube ; quelques tubes nerveux ne contiennent quelquefois que deux ou trois fibrilles. Mais, pour étudier la disposition de ces fibrilles, il vaut mieux employer le chlorure d’or en suivant le procédé que j'ai décrit plus haut (voir p. 308), seulement les pièces ne sont pas mises, après la réduction de l’or, dans l’acide formique étendu, elles sont, au con- traire, durcies par l'alcool faible, puis fort, et rendues d’une consis- tance homogène par le collodion ou la gélatine. Nous pouvons constater sur des préparations faites par ce procédé les faits suivants : les gros tubes nerveux qui se trouvent à la partie postérieure de la chaîne chez les macroures renferment généra- lement un gros faisceau central de fibrilles, composé de plusieurs centaines de celles-ci. Mais quelquefois les fibrilles sont dispersées irrégulièrement dans tout le tube nerveux, d’autres fois, mais plus rarement, elles sont rangées contre la paroi du tube, et le centre de celui-ci est occupé seulement par le protoplasma. Dans les tubes nerveux moyens des connectifs, des commissures et des nerfs des macroures et des brachyures, les fibrilles sont aussi souvent réunies en un faisceau central, composé d’un nombre très variable de fibrilles, que de fibrilles dispersées dans tout le tube. Enfin, dans tous les tubes fins il existe de quatorze environ à CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 313 une fibrilles dispersées dans tout le tube. Lorsque la fibrille est unique, elle se trouve généralement au centre du tube. Même après avoir été traités par ce procédé on rencontre, dans les commissures et les nerfs, quelques tubes qui paraissent être dé- pourvus de fibrilles. N’en contiennent-ils pas en réalité? je ne le pense pas, et si la démonstration me fait défaut, je pense qu’elle tient à l’imperfection de la méthode, car le chlorure d’or, employé même d’après ce procédé, donne des résultats très variables, lors- qu’on se place même dans des conditions identiques. D'autre part, il serait difficile d’admettre que quelques tubes (la majorité) renfer- ment des fibrilles comparables morphologiquement au cylindre d’axe des vertébrés, tandis que d’autres (la minorité) en seraient dépourvus. | Connectifs, commissures! et nerfs. — Les connectifs, les commis- sures et les nerfs doivent être étudiés sur des coupes transversales et longitudinales. Les coupes minces sont difficiles à exécuter, ce qui tient à plusieurs causes, parmi lesquelles je ne ferai que signaler la friabilité des tissus, le peu d’adhérence qu'ont entre eux les tubes nerveux, et enfin l’action de presque tous les réactifs durcissants, qui déterminent, s'ils ne sont pas employés avec les plus grands ménagements, une rétraction du contenu des tubes. Parmi tous les réactifs que j'ai employés, celui qui m'a donné les meilleurs résultats pour les études d'ensemble, est le mélange d'acide osmique et d’acide chromique à 3 pour 1000, les pièces doivent y séjourner de vingt-quatre à trente-six heures, et le durcis- sement être complété par Palcool de plus en plus fort, comme je Vai décrit plus haut. La pièce est alors ou colorée en masse par le picro-carminate d’ammoniaque ou l'hématoxyline, ou bien les coupes sont colorées séparément, il est toujours avantageux de les imbiber de collodion, de gélatine ou de paraffine ; à ce propos, je 1 Nous étudions ici les commissures qui sont libres, c’est-à-dire celles qui sont recouvertes d’une membrane, comme celle qui réunit les deux petits ganglions de l'anneau œsophagien. 314 W. VIGNAL. dois mentionner l'inclusion dans l’albumine, ce procédé doit être absolument rejeté, car l’albumine, une fois coagulée, ne peut être retirée de l’intérieur des tubes, comme il est facile de le faire pour le collodion, la gélatine et la paraffine, et, restant dans l’intérieur des tubes, elle peut être la cause de graves erreurs d'interprétation et donne toujours à la préparation un aspect flou. Les connectifs, les commissures et les nerfs, préparés par l’une de ces méthodes, font voir que les tubes nerveux sont enfermés dans une double gaine. La plus externe a une épaisseur variable suivant les différentes espèces, mais cette différence est encore plus accusée suivant l’âge, le moment plus ou moins rapproché de la prochaine mue, elle me semble devoir être, par ses réactions histo-chimiques, rangée parmi les membranes cuticulaires !, et je me rallie complète- ment à l’opinion de Leydig *, qui la considère comme un produit de sécrétion de la seconde gaine ou névrilème interne. Yung dit qu'elle présente une striation longitudinale très fine et qu'elle est tapissée de nombreux noyaux; je confirme ici la première partie de son obser- vation, mais je pense qu'il y a une erreur d'interprétation, quant aux noyaux qui se trouvent à sa face interne, car il est facile de reconnaître qu'ils ne sont que des cellules lymphatiques appliquées contre sa paroi ou des noyaux appartenant à la seconde gaine et entraînés par arrachement. En effet, si on plonge un nerf ou un connectif dans l'acide osmique en solution à 4 pour 100, juste assez de temps pour fixer seulement les couches superficielles, c'est- à-dire cinq à sept minutes, puis qu'on le fend sous l’eau et qu’à l’aide d’une pince on arrache le névrilème externe, qu'après l'avoir étendu, sa face externe reposant sur la lame de verre, on le brosse avec un pinceau, afin d'enlever tous les éléments qui ne font pas corps avec lui, on obtient une lame homogène brune, se colo- 1 Ranvier, Leçons d'anatomie génërale recueillies par M. Weber, Paris, 1881. Membrane de Descemet, p. 126. 2? Leypie, Manuel d'histologie comparée, trad, fr., p. 206, et V Band, Th, Korper, ps: 72, CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 315 rant en rouge vif par le carmin ammoniacal, en rouge-brique par le picro-carminate d'ammoniaque, qui résistera à l’action des acides et qui conservera çà et là l'empreinte des noyaux de la seconde gaine sur lesquels elle était appliquée. La seconde gaine, toujours beaucoup plus épaisse que la première, est formée par une série de lamelles se recouvrant l’une l’autre, et à la surface desquelles se trouvent des noyaux aplatis. Ces lamelles, qu'il est facile d'isoler par la dissociation après que le nerf ou le connectif aura macéré dans n'importe quel réactif, sont formées par des faisceaux de fibrilles brillantes, peu élastiques, se colorant en rouge par le picro-carminate d'ammoniaque, mais se décolorant en- suite lorsqu'on les traite par l'acide formique, elles se gonflent par l'acide acétique, en un mot, présentent tous les caractères des fibres conjonctives. Je n'ai jamais trouvé dans ces fibres de traces de fibres élas- tiques. Les lames formant la gaine conjonctive me paraissent avoir ici la même disposition que dans la gaine lamelleuse des nerfs des vertébrés. J'ai employé pour étudier cette gaine les procédés que mon maître M. Ranvier ‘ recommande pour l'étude de la gaine lamelleuse des vertébrés et j'ai obtenu des résultats identiques. Cependant, j'ai trouvé qu'il était plus avantageux d'employer une solution de nitrate d’argent à 1 pour 50 et non à 4 pour 100. L'épaisseur de cette gaine est très variable, mais elle est généra- lement proportionnelle à celle du nerf qu'elle recouvre. Dernièrement, M. Ranvier? a démontré que l'enveloppe des gan- glions périphériques des vertébrés est formée non par une gaine lamelleuse, mais par une couche de tissu conjonctif ordinaire; rien de pareil n'existe chez les crustacés et les gaines des ganglions ont exactement la même structure que la gaine des connectifs et des 1 Leçons sur l'histologie du système nerveux, recuillies par M. Weber, Paris, 1878, p. 179 et suiv. Gaine lamelleuse. ? RANviER, Leçons d'anat. générale du Collège de France. Leçon du 20 avril 1881, 316 W. VIGNAL. nerfs, plus loin, nous verrons que la partie interne de cette gaine prend une structure particulière dans les ganglions, mais la partie externe ne présente aucune modification. Les connectifs des crustacés macroures sont, à partir du premier ganglion thoracique, plus ou moins intimement soudés ensemble, c’est-à-dire qu'ils ont une gaine commune. Cependant, même dans les points où ils sont le plus intimement soudés, ils sont séparés l’un de l’autre par une cloison formée de tissu conjonctif lamel- laire venant de la gaine interne. Cette cloison (voir fig. 6) pré- sente les mêmes caractères histologiques que la gaine interne, cependant les lamelles qui la composent y sont plus lâchement disposées. Chez les crustacés brachyures, les commissures etles nerfs, mais surtout les ganglions, sont généralement entourés de tissu conjonctif lâche, qui adhère plus ou moins fortement aux gaines propres du ganglion, il est cependant toujours possible par une. dissection un peu soignée de les en séparer. Dans les nerfs et les connectifs, les tubes nerveux sont réunis entre eux par du tissu conjonctif lâche renfermant un grand nombre de cellules dont les noyaux se voient avec une admirable netteté sur des coupes colorées à l’hématoxyline, après que la pièce aura été durcie par le mélange d’acide osmique et d'alcool dont j'ai parlé plus haut. Cellules nerveuses. — Si on examine les cellules nerveuses des ganglions d'un crustacé, après qu'on aura dissocié un ganglion qui aura macéré pendant vingt-quatre heures dans du sérum iodé, ou celles qui proviennent d’un ganglion enlevé à l'animal encore vivant et dissociées sans autre préparation dans une goutte de la lymphe de l’animal, on constatera d'abord qu’elles sont de volume très variable (500 4 à 12 L), qu'elles sont entourées d’une enveloppe homogène semblable à celle des fins tubes nerveux, mais sur laquelle il ne se trouve aucun noyau, que leur protoplasma est granuleux et qu’il contient un noyau volumineux, peu réfringent, renfermant un, l CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 317 généralement deux, quelquefois trois ou quatre nucléoles brillants, qui paraissent être un épaississement de l'enveloppe nucléaire. Presque toutes les cellules sont unipolaires, nulles ne sont apo- laires, comme quelques auteurs l'ont prétendu, car toutes celles qu’on serait tenté de considérer comme telles, présentent toujours en un point de leur surface une brisure qu'il est facile de recon- naître, quelques-unes, mais elles sont très rares, ont deux et même trois prolongements. Quelques-unes sont bipolaires, d’autres encore plus rares sont multipolaires. La matière qui les forme est excessivement molle, aussi faut-il avoir soin de soutenir le couvre-objet avec une cale, si on ne veuten voir un grand nombre écrasées par le poids de la lamelle. L'emploi de tous les autres réactifs dissociateurs (alcool au tiers, potasse caustique, acide chromique etchromates en solution étendue) donne des résultats bien inférieurs à celui qui est fourni par la dissociation dans la Iymphe ou le sérum iodé. Remak, dans le remarquable mémoire que ‘nous avons cité plus haut (Historique, p. 271), dit que dans les cellules nerveuses de ces articulés il existe une disposition concentrique de fibrilles granu- leuses autour du noyau, mais qu'il ne lui a pas été possible de voir si ces fibrilles étaient en rapport avec celles des gros troncs ner- veux. | Maintenant que nous savons que ces fibrilles ne se trouvent pas seulement dans les gros tubes nerveux, mais aussi dans les fins tubes, la solution de cette question s'impose encore plus forte- ment. L'acideosmique employé d’une manière convenable, je le savais par l’enseignement de mon maître et mon expérience personnelle, donne d'excellents résultats pour l'étude de la structure intime des cellules nerveuses, aussi m'est-il venu de suite à l’idée de l’employer en in- jection interstitielle. Mes tentatives ne furent pas couronnées de succès ; en effet, par suite de la disposition des cellules dans un tissu 318 W. VIGNAL. très lâche en communication avec les vaisseaux Iymphatiques (san- guins), il arrive que si l'extrémité de la canule ne se trouve pas au milieu d'un groupe ganglionnaire, le liquide injecté fuse entre les tubes et laisse les cellules intactes, et même lorsque la canule se trouve au milieu d'elles, les voies de communication étant large- ment ouvertes de tous côtés, l'acide osmique passe entre les tubes et les cellules qui seules entourent l'extrémité de la canule sont atteintes par le réactif qui les noircit tellement, que l'étude de leur structure est rendue impossible. Aussi, en présence de cet insuccès, ai-je modifié l'emploi de l’acide osmique, et je me suis arrêté à la méthode suivante. La partie inférieure d'un ganglion, celle qui contient les cellules ner- veuses, est dissociée grossièrement sans l'addition d'aucun réactif sur une lame de verre qui est exposée pendant deux ou trois mi- nutes aux vapeurs d'acide osmique, les cellules nerveuses sont ainsi- plus ou moins fixées par cet agent, on ajoute alors une goutte de sérum iodé et la dissociation est achevée; on mêle avec le sérum iodé une toute petite goutte de picro-carminate d'ammoniaque et la préparation est recouverte d'une lamelle. Parmi les cellules qui se trouvent dans la préparation, quelques-unes sont légèrement fixées par l’acide osmique ; ce sont celles-là qu'il convient d'étudier avec un puissant objectif, On y voit que les fines fibrilles que nous avons décrites dans les tubes nerveux se distribuent en s'écartant les unes des autres dans tout le globe ganglionnaire et contournent le noyau; entre ces fibrilles se trouvent des granulations qui naturellement reproduisent la disposition de ces dernières, ce sont probablement celles que Remak a signalées. Le ou les prolongements des cellules nerveuses se conti- tinuent avec les tubes nerveux par une disposition en T, et quoique je soupçonne les figures de Haeckel d’être un peu schéma- tiques, elles ne reproduisent pas moins ce qui existe. Gette observa- üon est fort difficile à faire sur l’écrevisse et les grands crustacés, CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 319 mais se fait beaucoup plus facilement chez les petits, comme le Palémon, sion dissocie avec une grande lenteur. La mollesse du-protoplasma et la rétraction qu'il subit sous l’in- fluence de presque tous les réactifs font que ces cellules prennent souvent des figures bizarres, et comme il se rétracte inégalement, souvent il créait des apparences de cellules multipolaires. Structure des ganglions. — Nous ne décrirons point ici la struc- ture des ganglions sus-æsophagiens ou cerveau des crustacés, car sa composition très complexe ne nous servira pas à comprendre les rapports des cellules et des tubes nerveux; en outre, ils renferment un tissu ponctiforme qu'on ne retrouve pas dans les autres gan- glions, sur la nature duquel nous sommes loin d’être fixé. Notre description se bornera à un des ganglions de la chaîne abdominale du homard, car ceux de la chaîne thoracique présentent la même structure fondamentale, quoiqu'au premier abord elle paraisse plus complexe, mais cette complicité est due seulement à ce que plu- sieurs ganglions sont soudés à la suite les uns des autres, il en est de même pour les ganglions des décapodes. Coupe transversale passant à la partie supérieure d’un ganglion abdominal. — Une coupe passant à la partie supérieure d’un ganglion abdominal (fig. A) montre que la partie abdominale des con- nectifs est rendue plus épaisse par une cou- che du tissu conjonctif d’un aspect particu- lier, car il est formé de grandes, cellules rs : Fic. A.— Coupe transversale de vésiculeuses polygonales par suite de Ia ja partie supérieure d’un gan- . : ; glion abdominal du homard. pression qu'elles se font subir l’une à l’autre Figure à demi schématique : a, gaine ou névrilème ; b, tissu conjonctif cellulaire; €, cel- lules nerveuses; d, tissu con- e j : . re jonctif rétieulé, dans lequel tissu congjoncthif cellulaire b), au milieu du- Sons la Dtphe ss ce éspic occupé par les tubes longitu- quel on remarque quelques rares cellules dinaux nerveux (fconnectifs) qui ne sont pas représentées sur cette figure. (nous désignerons ce tissu sous le nom de nerveuses (c) desquelles on ne voit partir aucun prolongement. Cette couche connective cellulaire est séparée des déux connectifs par une cloison assez fine, venant de l’enve- 320 W. VIGNAL. loppe des connectifs et formée comme elle par des lamelles con- jonciüves. Les deux connectifs (e) sont séparés l’un de l’autre par une cloison, qui prend dans ce point une plus grande épaisseur que dans les autres. Le tissu connectif réticulé, dans lequel circule la Ivymphe ou sang, qui dans les connectifs n'occupe qu'un fai- bie espace situé sous la gaine à la partie interne et inférieure de chaque connec- F1ic. B. — Coupe transversale d'un 1: ee ganglion abdominal du homard tif (voir pl. XV, fig. 9), prend un assez passant par l'origine des nerfs. Fi- À gure à demi schématique : a, gaine grand développement et entoure le haut, du ganglion; 6, tissu conjonctif cellulaire: c, cellules nerveuses; le bas et le côté externe de chaque con- d, tissu connectif aréolaire : e, nerfs latéraux naissant de la substance centrale ; g: g”, espace oceupé par les fibres nerveuses longitudinales " = qui ne sont pas représentées dans Coupe transversale passant au point d'o- cette figure; f, tubes nerveux en- roulés (partie centrale). rigine des nerfs. — La coupe que nous nectif. étudierons à présent est une coupe passant au point d'origine des nerfs, elle présente une surface beaucoup plus considérable que la précédente. Sa partie ventrale est toujours formée par du issu conjonctif cellulaire qui s'étend dans le segment inférieur, compris entre les deux nerfs latéraux. Au milieu de ce tissu, on remarque de nombreuses cellules nerveuses qui sont toutes réu- nies dans les points où ce tissu touche la substance centrale et laissent ainsi libre entre la paroi et elles une couche assez épaisse de ce tissu, qui semble jouer ainsi un rôle protecteur. Les cellules nerveuses ont toutes leurs prolongements dirigés vers le centre du ganglion, qui est formé par des tubes nerveux enroulés les uns sur les autres, de façon à former un feutrage très serré et fort compliqué (7), c’est de cette partie entrale que partent les tubes nerveux qui vont former les nerfs latéraux. Les tubes ner- veux qui composaient les connectifs (g, g'), et qui ont une direc- tion longitudinale, sont situés en arrière de cette partie centrale, leur groupement a perdu la forme ovale qu'il avait dans les con- nectifs proprement dits et présente pour chaque connectif une CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRES. +21 forme assez complexe qu'il est facile de voir sur la figure ci-joimnte (fig. B) ; ils renferment au milieu d’eux et sont séparés des tubes enroulés les uns sur les autres par des cloisons formées d’une sub- stance qui me parait être de nature cuticulaire, et la cloison qui séparait les deux connectifs a disparu et n’est plus représentée que par cette substance cuticulaire. Autour de ces tubes nerveux entre eux et la gaine du ganglion, s'étendant dans tout le grand segment compris entre les nerfs, se trouve du tissu connectif réticulé. Coupe transversale d'un ganglion du homard passant au-dessous des nerfs latéraux. — Nous examinerons à présent une coupe trans- versale passant en dessous des nerfs (fig. G). Dans ce point le gan- glion est plus volumineux, sa partie abdominale est toujours formée par du tissu connectif cellulaire (a), dans lequel sont logées de petites cellules nerveuses réunies en deux groupes situés de chaque côté de la coupe (b). Les groupes de tubes nerveux (d) for- mant les connectifs sont nettement Là CNET + Fi. C. — Coupe transversale d’un gan- délimités et beaucoup plus volumi- glion édiaEt du homard dastat c au-dessous du point d'origine des nerfs neux que dans les connectifs propre- latéraux. Figure à demi schématique : ; a, tissu connectif cellulaire ; b, groupe ment dits, ce qui paraît être dû à ce latéral des cellules nerveuses ; €, tissu cs conjonctif aréolaire : d, espace occupé par les tubes nerveux longitudinaux qui ne sont pas représentés sur cette figure. que dans ce point ils renferment les prolongements des cellules nerveuses des deux groupes latéraux. La partie centrale formée de tubes enroulés a disparu. Les connectifs sont séparés l’un de l’autre et entourés de toutes parts, sauf dans les points où arrivent les fibres nerveuses, par du tissu conjonctif aréolaire. Il me semble que l’examen de ces différentes coupes conduit aux résultats suivants : les cellules nerveuses plongées dans une couche d'une substance de protection, fissu connectif cellulaire, envoient leurs prolongements, qui se dirigent tous vers le centre du ganglion, dans la substance centrale formée de tubes enroulés : c’est ce qui ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, = 9€ SÉRIR, = T, 1. 1883, 21 322 W. VIGNAL, “explique pourquoi on ne voit pas, sur une Coupe passant à l’origine du ganglion, les prolongements des cellules; c’est aussi la raison pour laquelle, sur une coupe transversale passant en dessous des nerfs, les connectifs ont un volume si considérable qu'ils ne conser- veront pas dans la suite : en effet, dans ce point, les prolongements cellulaires, après être entrés dans Iles connectifs, gagnent par un trajet ascendant la substance centrale. Dans les ganglions, outre le tissu connectif cellulaire qui paraît jouer un rôle protecteur, on trouve en abondance du tissu conjonctif réticulé, formant de vastes aréoies, dans lesquelles circule la Ivmphe qui fournit aux cellules nerveuses les matériaux nécessaires à leur nutrition. Système gastro-intestinal (Système sympathique). — Depuis les travaux de Succow!, de Cuvier?, de Lemoine”, de Brandt4, on considère comme étant des ganglions sÿmpathiques les deux petits renflements qui sont situés sur les connectifs au voisinage de l’æso- phage, entre le premier ganglion thoracique et les ganglions céré- broïdes ; de plus, Lemoine * considère comme étant de nature sym- pathique la portion inférieure du dernier ganglion abdominal. Quoi qu'il en soit, aucun de ces auteurs n1 aucun de ceux dont j'ai analysé les travaux dans l'historique, ne nous renseigne sur l'existence ou la non existence de centres ganglionnaires dans l’épaisseur de la tu- nique musculaire de l'estomac et de l'intestin. Pour résoudre celte question, j'ai fait des préparations à l’aide de l'acide osmique faible” et du chlorure d’or‘, Les dernières permettent ' Suocow, Recherches sur les crustacés. Paris, 1868. 2 Cuvier, Analomie comparée, t. III, p. 328, Paris. 3 LEMOINE, loc. cit. (Ann. des sciences naturelles, 1868, p. 203). k BRANDT, Ann. des sciences nat., 1836, p. 88. 5 Le tube digestif cst disténdu avec une solution de chlorure de sodium à la dose physiologique (6 pour 1006), puis mis jusqu'à ce qu'il commence à brunir dans la mème solution, à laquelle on ajoute pour 9 parties 1 partie de solution à 4 pour 100 d'acide osmique, puis le tube digestif est mis à macérer pendant vingt-quatre heures dans le sérum jodé, Ge procédé à été employé par M. Ranvier pour l'étude de la vessie de la grenouille. 6 Le procédé d'imprégnation par le chlorure d’or que j'ai employé, dû à M. Ran- CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 323 de faire de grandes préparations, utiles surtout pour montrer la disposition du système nerveux dans ces organes ; car, après la ma- cération dans l’acide formique, la cuticule et l’épithélium s’enlèvent avec la plus grande facilité à l’aide d’un pinceau, et la musculeuse peut être facilement dédoublée en deux couches. En examinant la préparation à l’aide d’un faible grossissement, on constate qu'entre le plan longitudinal et le plan transversal du tube digestif se trouvent plusieurs gros faisceaux nerveux à direction lon- gitudinale et que ces faisceaux sont réunis entre eux par plusieurs petites branches se rendant directement de l’un à l’autre, de {sorte que ces fibres nerveuses créent un plexus assez simple, ayant un aspect assez semblable à un treillage formé de piquets de bois réunis ensemble par des fils de fer ; il faut cependant noter que les branches de réunion ne sont pas toutes situées à la même hauteur. Sur tout le plexus on ne rencontre aucune trace de l’existence des cellules ganglionnaires. Mais pour étudier la structure des faisceaux de fibres nerveuses formant le plexus gastro-intestinal, il est préférable de s'adresser à des préparations faites à l’aide de l'acide osmique et colorées au picro-carminate d'ammoniaque. Pour obtenir des préparations convenables, il faut, après avoir enlevé l’épithélium et la cuticule par raclage, dédoubler la musculeuse en détachant les deux plans à l’aide des pinces : on peut alors, en s’aidant des aiguilles et d’une forte loupe, isoler complètement les tubes nerveux. Ceux-ci sont formés d’une réunion de fibrilles entourées d’une membrane com- mune sur laquelle se trouvent appliqués des noyaux dispersés sans aucun ordre. Les fibres nerveuses s’anastomosent fréquemment entre elles (voir fig. 9). Entre les fibres se trouve une matière se vier, est le suivant : cinq minutes dans le jus de citron (il est avantageux de dis- tendre le tube digestif avec ce liquide), lavage rapide dans l’eau distillée, séjour d’une demi-heure dans le chlorure d’or en solution à 1 pour 100, puis, après nouveau lavage à l’eau distillée, le chlorure d’or est réduit dans un mélange de 1 partie d'acide formique et de 4 d’eau, qu'on place pendant vingt-quatre heures dans l'obscurité. 324 W. VIGNAL. colorant en brun par l'acide osmique. Elle paraît être, à l’état vivant, homogène et très réfringente ; par suite de l’action de tous les réac- tifs autres que l’acide osmique, elle devient granuleuse. Du plexus que nous avons décrit et qui forme le plexus fonda- mental de cet organe, part un grand nombre de fibres beaucoup plus fines qui, après s'être anastomosées dans l'épaisseur des couches musculaires, paraissent aller se perdre au milieu de fibres musculaires. Le tube digestif des crustacés ne contient donc pas de cellules nerveuses, quoiqu'il renferme un plexus nerveux, et les centres de ce système gastro-intestinal sont donc situés en dehors des parois de celui-ci. L’anatomie est ici confirmée par la physiologie, car, si on place sous le levier d'un myographe un tube digestif de crus- tacé distendu modérément avec de l’eau salée, on verra que la plume du stylet trace seulement une ligne droite sur le cylindre enregistreur, et dans ces conditions, le tube digestif d’un animal dont les parois du tube digestif contiendraient des cellules ner- veuses tracerait une série de courbes, provenant de la contrac- tion de la paroi musculeuse. Quels sont les centres du système sympathique ou plutôt gastro-intestinal? C'est certes une question fort intéressante que jai essayé d'élucider par des expériences physiologiques, dont l'exposition m'entrainerait trop loin dans ce mémoire, destiné uniquement à l'étude de la structure histologique : aussi je me bornerai seulement à dire que je pense que les deux petits ganglions situés au voisinage de l’æœsophage me paraissent être des centres gastro-intestinaux, tandis que la portion inférieure du dernier ganglion intestinal ne me parait jouer aucun rôle dans ce système. Résumé. — 1° Les cellules des ganglions cérébroïdes, abdominaux et thoraciques, sont presque toutes unipolaires ; elles sont formées presque toutes par une substance visqueuse, épaisse, granuleuse ct très malléable; elles renferment un noyau peu réfringent ayant un où deux nucléoles réfractant fortement la lumière : il existe aussi CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS, 329 des cellules bipolaires et multipolaires, toutes renfermant des fibrilles très fines qui viennent se perdre dans le globe lui-même. 2° Les fibres nerveuses formant les connectifs, les commissures et les nerfs ont une paroi propre présentant tantôt un double, tantôt un simple contour, suivant leur volume qui est très variable. A la surface ou dans l'intérieur de la paroi se trouvent des noyaux ovalaires allongés. La substance qui renferme ces tubes est trans- parente, visqueuse, demi-liquide, peu granuleuse ; elle contient ou un faisceau central de fibrilles ou des fibrilles dispersées et isolées l’une de l’autre. Les fibres nerveuses se divisent dichotomiquement ou émettent des fibres plus petites qu'elles. 3° La chaîne nerveuse centrale et les nerfs sont recouverts de deux gaines : l’une anhyste, paraît être cuticulaire, l’autre est formée de lamelles imbriquées les unes sur les autres; celle-ci forme la cloison qui divise en deux les connectifs chez les crustacés ma- croures. 4° Les tubes nerveux sont réunis entre eux par du tissu con- jonctif fibrillaire renfermant de nombreuses cellules conjonc- lives. 5° Les cellules nerveuses situées à la face ventrale des ganglions envoient leurs prolongements dans le centre de celui-ci. 6° Le centre des ganglions est formé par des fibres nerveuses d’un côté, des prolongements cellulaires de l’autre; ces fibres et ces pro- longements se mêlent intimement et forment un plexus d’où par- tent les nerfs. | 7° Les nerfs du système gastro-intestinal sont composés de fines fibres ayant la même structure que celles venant de la chaîne ven- trale. Ils forment un plexus fondamental, et un second plexus plus fin et à mailles plus étroites dans l’épaisseur des plans musculaires. On ne trouve pas de cellules nerveuses sur toute l'étendue de ce plexus. 326 W. VIGNAL. , MOLLUSQUES Escargot et colimaçon (elix pomatia et hortensis). Limaces (Limax marxi- mus). Arion (A. empiricorum). Paludine (Paludina vivipara). Limnée (Limnæa stagnalis). Aplysie (Aplysia depilans). Peigne (Pecten maximus et opercularis). Anodonte (A. cygneus). Mye (Miya arenaria). Cellules nerveuses des ganglions. — Tous les réactifs dissociateurs, même la simple dissociation dans un liquide indifférent, permettent d'obtenir facilement des cellules nerveuses isolées, tant elles sont faciles à séparer les unes des autres; mais ni la macération dans l’al- cool au tiers, qui donne de si bons résultats avec les cellules des vertébrés, ni la macération dans le sérum, ni dans les solutions faibles d'acide chromique ou des chromates ne permettent d'obtenir aussi facilement des cellules complètement isolées que les injec- tions interstitielles d'acide osmique en solution à 1 pour 100, suivies d’une macération de quelques heures dans le sérum iodé; de plus, les détails de structure, qui se reconnaissent assez difficile- ment avec les autres procédés, se voient avec une remarquable facilité à l’aide de ce dernier {. En examinant des cellules ainsi préparées et dissociées à l’aide dés aiguilles dans une goutte de sérum iodé, on verra qu’en général leur volume est très variable; ces différences sont très marquées chez 1 Pour faire ces injections, une petite seringue munie d’une fine canule tranchante à pointe très courte, en acier ou mieux en platine, est suffisante pour les gros gan- glions des limaces et des escargots; mais pour les petits ganglions de ces animaux et des autres mollusques, les canules qu'on trouve dans le commerce sont trop grosses, aussi ai-je dû faire des seringues avec un tube de verre ayant environ 6 millimètres de diamètre interne, dont j'étirai à la lampe une extrémité que je fai- sais aussi fine que nécessaire, par l'autre j'introduisais une baguette de verre d’un diamètre plus petit que je recouvrais, sur la longueur de 4 centimètre environ, d’un petit tube de caoutchouc. Souvent, au milieu de la lymphe qui baigne le ganglion, il est impossible de voir si la pointe du verre a pénétré dans son intérieur, et on est obligé d’injecter un peu au hasard : aussi me semble-t-il qu'il serait avantageux d'employer des tubes de verre fortement teintés, comme j'en ai trouvé dans le commerce lorsque ce mémoire était sur le point d’être livré à l'impression. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 327 les mollusques gastéropodes; chez les acéphales, elles le sont beau- coup moins. Par exemple, chez l’escargot ou les limaces, nous trou- vons des cellules mesurant 450 pu, à côté d’autres ayant seule- ment 10 ; chez l’aplysie, nous trouvons des cellules mesurant 500 , et à leur voisinage des cellules n'ayant que 5 p, tandis que chez la mye les extrêmes sont 50 |. et 10 11. Quel que soit l'animal ou le ganglion dans lesquels elles auront été prises, les cellules sont toujours en majorité unipolaires ; les bipo- laires et les multipolaires sont toujours très rares chez les mollusques gastéropodes, mais sont plus nombreuses chez les acéphales. Quelle que soit leur forme, leur structure fondamentale diffère de fort peu. Prenons comme exemple les cellules unipolaires d’un volume moyen qu'on trouve en gbondance dans n'importe quel ganglion de l'escargot ou de la limace. Elles nous paraîtront formées par un globe ganglionnaire peu ré- fringent, presque homogène, renfermantun noyau volumineux assez réfringent, contenant un nucléole, quelquefois plusieurs, irréguliè- rement dispersés dans toute sa masse; la. surface du globe est re- couverte par de fines fibrilles venant du prolongement cellulaire, et qui, après avoir contourné le globe ganglionnaire, retournent à celui-ci en s’entre-croisant avec les afférentes !, ou plus souvent en suivant un trajet parallèle à ces dernières; entre les fibrilles, nous remarquons une substance visqueuse, homogène, renfermant de nombreuses granulations graisseuses n’ayant guère que de 2 à 4 1x de diamètre. Généralement cette disposition des cellules nerveuses se voit facilement, si on étudie des cellules suffisamment fixées par l'acide osmique, sans cependant l'être trop; on la met en relief d'une façon remarquable par la modification suivante: aussitôt la dissociation effectuée, on ajoute au sérum iodéune très petite goutte d’une solution de picro-carminate d’ammoniaque à 4 pour 100, puis 1 Nous aurons à revenir à propos du sympathique sur cet entre-croisement, 328 W. VIGNAL. au bout de quelques minutes, la préparation est recouverte du cou- vre-objet. Sous l'intluence du picro-carminate d'ammoniaque, le noyau se colore en rouge vif, le globe ganglionnaire devient d’un rose clair, tandis que la substance qui se trouve entre les fibrilles, ou bien reste incolore ou se teinte légèrement en jaune. Ces prépara- tions, très démonstratives sur le moment, ont legrand inconvénient de ne pouvoir pas se conserver en préparations persistantes, comme celles qui sont simplement préparées à l’aide de l'acide osmique. Les cellules bipolaires ont la même structure fondamentale, seu- lement les fibrilles arrivent à un pôle de la cellule pour sortir dans une autre direction; dans les multipolaires, les fibrilles arrivent par un prolongement, et le quittent en plusieurs faisceaux ou vice versa. Le prolongement des cellules moyennes (unipolarres) et des petites cellules a quelquefois une très grande longueur (quatre à cinq fois la longueur du globe), et présente rarement des divisions ; celui des grosses cellules unipolaires se divise fréquemment en plusieurs branches; d’autres fois, le long de son trajet, il émet des branches plus petites que lui. Du reste, pour la description de la forme que présentent les prolongements cellulaires, je m'accorde complètement avec Solbrig?, qui, dans son travail, en a fait une description très complète. H. Schultze à décrit, ainsi que Solbrig, des cellules bipolaires dont l’un des deux prolongements viendrait du noyau de la cellule. Je n'ai jamais rencontré de cellule de ce genre dans aucun des molf lusques que j'ai examinés, et mon attention était attirée spécialement sur ce sujet; aussi, il me semble probable que ces auteurs se sont laissé entraîner par des descriptions de prolongement nucléaire faites à propos de quelques cellules des vertébrés par divers auteurs, Arnold et Kollmann entre autres. 1 Pour faire des préparations persistantes, il faut monter les cellules nerveuses dans du sérum iodé phéniqué ; souvent elles s’altèrent même assez rapidement : cependant on parvient toujours à en conserver pendant longtemps quelques-unes. 2? SOLBRIG, loc. cit, CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 329 Les granulations graisseuses dont j'ai parlé plus haut sont, chez les escargots, incolores ; chez d’autres mollusques, elles sont colo- rées en jaune, en rouge, etc., et contribuent, en partie du moins, à donner aux ganglions de ces animaux la coloration qui facilite leur recherche. Elles sont réparties fort inégalement dans toute la masse enveloppant le globe ganglionnaire, et quelquefois elles s'étendent un peu dans le prolongement cellulaire. Quel est leur rôle? Quelques auteurs les regardent comme des formations myéliniques ou des formations analogues à la myéline, mais dégénérées. Je les considère plutôt comme des réserves, du moins chez l’es- cargot, le seul mollusque qu’il m'a été possible d'examiner pendant l'hivernation, car, ayant pris quatre escargots pendant l'hiver, j'enouvris immédiatement deux, et je vis que leurs cellules ner- veuses contenaient relativement moins de granulations graisseu- ses que celles des deux autres, qui, placés dans une chambre : F1G. D. — Cellules nerveuses des ganglions de la chaude » avec une nourriture Mya arenaria, isolées après injection intersti- tielle dans les ganglions d'acide osmique. 300 diamètres : aa, cellules unipolaires ; bb, cellu- les bipolaires; ec, cellules multipolaires; d, forme phragmes, et ne furent tués que rare de cellules multipolaires. abondante, percèrent leurs épi- trois semaines plus tard. Nerfs et connectifs. — Nous étudierons ici ensemble les nerfs de la vie de relation et de la vie animale, ainsi que les connectifs re- liant entre eux les divers ganglions, car l'étude que j'en ai faite m'a montré que tous avaient la même structure. Lorsqu'on essaye de dissocier un nerf, après qu'il aura été fixé par un séjour de quelques minutes dans une solution d'acide osmique, on éprouve une assez grande difficulté, et il est impossible de pous- ser excessivement loin cette dissociation; l'examen des fragments ainsi obtenus montre que le nerf est entouré par une gaine con- 330 W. VIGNAL. » jonctive à structure lamelleuse assez dense, qui est, chez les mol- lusques gastéropodes, recouverte par des {cellules vésiculaires, que Renaut ! a décrites et comparées à celles qui forment le nodule sésamoïde du tendon d'Achille de la grenouille ; cette couche de cellules se trouve sur presque toute l'étendue des nerfs, et n’aban- donne ceux qui se perdent dans les organes que dans les points proches de leur terminaison. Les nerfs des mollusques lamelli- branches sont dépourvus de cette gaine surajoutée qui se trouve également sur les vaisseaux. Si on colore la préparation avec du picro-carminate d'ammo- niaque, par exemple, on verra des noyaux rouges dans l’intérieur du nerf et dans l'épaisseur de la gaine propre. Pour étudier cette gaine, il faut, après qu'ils auront été durecis, faire des coupes transversales du nerf ou du connectif. A peu près tous les réactifs ordinaires donnent pour cela de bons résultats ; l'alcool fort est surtout excellent, car, outre qu'il permet de faire des coupes au bout de deux ou trois heures, il ne gêne aucune colora- tion. Sur une coupe suffisamment mince et colorée avec le picro- carminate d'ammoniaque, avec la purpurine ou avec l’hématoxyline, on constate que la gaine propre du nerf est formée par une série de lamelles imbriquées les unes dans les autres, et contenant çà et là des noyaux vivement colorés; si, après avoir fait une coupe assez épaisse, on la dissocie à l’aide des aiguilles, on constatera que les lamelles sont formées de faisceaux de fibrilles de tissu conjonctif, à la surface desquels se trouvent des cellules endothéliales, dont nous avons aperçu les noyaux sur les coupes. f L'épaisseur de la gaine propre est très variable, suivant le nerf et l'espèce; mais, en règle générale, elle est beaucoup plus mince chez les lamellibranches que chez les gastéropodes : ce fait montre com- bien un même organe peut subir de modifications, suivant les besoins de l'être auquel il appartient; le lamellibranche, enfermé dans sa 1 RENAUT, Arch. de phys., 1850. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS, 331 coquille dure, est exposé à bien moins de chocs que le gastéropode ; aussi celui-ci a-t-il une gaine nerveuse épaisse, renforcée d’une couche de cellules élastiques, tandis que le premier a les organes transmetteurs de la volonté et de la sensibilité protégés simplement par une mince gaine. Sur les coupes qui ont été faites par le procédé que j'ai indiqué plus haut, on voyait dans l’intérieur des nerfs des cloisons, mais il était difficile d'en reconnaître la disposition ; aussi faut-il s'adresser à d’autres méthodes pour y arriver. Parmi tous les procédés que j'ai employés, je n’en ai trouvé que deux, qui donnassent des résultats satisfaisants : le premier et le moins bon est le durcissement dans une solution à 1 pour 400 d’acide osmique, que l’on achève par l'alcool! ; les coupes sont ensuite colo- rées par l’hématoxyline. Le second, qui lui est incontestablement su. périeur, est le chlorure d’or réduit à la lumière‘. Pour l'étude de l’ensemble, on à un grand avantage à couper le nerf dans la paraffine après l’ÿ avoir inclu suivant le procédé de Gaule ; mais pour les détails il est avantageux de décolorer les coupes par une solution faible de cyanure de potassium, puis de les colorer par le picro-carminate d’ammoniaque et de les monter dans la gly- cérine. Sur de telles préparations on constate les dispositions suivantes : de la paroi interne de la gaine propre du nerf ou du conneclif se dé- tachent destravées conjonctives formées de fineslamelles, à direction 1 La meilleure manière d'employer le chlorure d’or consiste à fixer d’abord le nerf en place, en promenant à sa surface un pinceau mou chargé de solution aurique à 1 pour 100 ; lorsqu'on juge que le chlorure d’or a fixé suffisamment le nerf, on le détache et on le plonge pendant une heure dans un mélange bouilli et refroidi de chlorure d’or et d’acide formique, puis l’or est réduit à la lumière; si on ne veut pas le décolorer par le cyanure de potassium, on augmente la coloration par une immer- ion de quelques heures dans le chlorure d’or et de potassium. L'élection de l’or sur les nerfs des mollusques se produit dans un sens inverse à ce qui se passerait chez les mammifères ; en effet, chez eux le tissu conjonctif serait à peine teinté, tandis qu'ici il est fortement coloré, et le contenu des cloisons (la substance nerveuse) ne l’est presque pas. 332 W. VIGNAL. longitudinale, qui se dirigent vers le centre du nerf; ces travées en nombre variable, mais proportionnel au volume du nerf, joint au nombre plus grand des lamelles qui les forment, rend l'étude des gros nerfs plus instructive que celle des fins. A mesure que les travées s'avancent vers le centre, leurs lamelles périphériques se détachent en s'inclinant suivant un angle plus ou moins ouvert, puis elles se dédoubleni de nouveau et limitent, en se soudant avec les lamelles venant d’autres travées, des espaces de formes et de grandeurs différentes. De la paroi interne du nerf, d'autres lamelles très fines se détachent de la gaine et viennent se joindre à celles qui viennent des travées. On voit assez souvent des lamelles qui ne se contentent pas de limiter un espace, mais qui envoient, dans l’intérieur de ce dernier, des petites cloisons incom- plètes : ces sortes de cloisons se remarquent surtout dans les grands espaces, où on dirait que le cloisonnement a avorté. Dans l’intérieur des grosses travées et à la surface des lamelles on rencontre, assez irrégulièrement disposés, un assez grand nombre de noyaux qu’on reconnaît comme appartenant à des cellules conjonc- tives, semblables à celles qui se trouvent sur les faisceaux des gaines. Comme je l'ai dit plus haut, ce procédé ne convient pas pour étudier la partie nerveuse des connectifs et des nerfs, car le contenu des cloisons, c’est-à-dire la portion nerveuse, ne prend presque aucune coloration par le chlorure d’or et paraît être homogène ; l’acide osmique fait également apparaître le contenu des cloisons homogène, seulement il le colore en gris foncé. La dissociation d'un nerf ou d’un connectif, après qu'il aura ma- céré dans les liquides dissociateurs généralement employés en histo- logie, donne des résultats qui laissent, dans l'esprit de l'observateur, bien des doutes sur la structure des nerfs; car, quoique quelquefois on apercoive d'assez longs filaments, on se demande si on n’a pas sous les veux une fibrille de tissu conjonctif, et comme il est impossible d'isoler sur une très grande longueur ces fibrilles, la difficulté est CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 333 encore augmentée. Cependant si, après avoir disposé sous l'objectif un petit nerf, on fait arriver de l’acide acétique faible (1 pour 100), on verra celui-ci prendre un aspect fibrillaire, qui persistera pen- dant assez longtemps ; mais comme il est impossible de se fier à cê réactif qui donne si souvent des images trompeuses et plus ou moins fugitives, je recommande le procédé suivant, qui me paraît être le meilleur. Lorsqu'on fait une injection interstitielle d'acide osmique dans l'intérieur d'un ganglion, il arrive assez souvent que cet agent, après avoir pénétré entre les éléments du ganglion, arrive au milieu de ceux qui forment les nerfs et les fixe sur une certaine longueur. Les nerfs ainsi fixés par l’acide osmique fournissent d’excellents objets pour l'étude par dissociation des éléments des nerfs, car ils se lais- sent dissocier avec une plus grande facilité que ceux qui auront été préparés par n'importe quel autre procédé. Sur l’extrémité des fragments d’un nerf, qu’on dissocie après qu'il aura été préparé comme je viens de l’indiquer, on aperçoit, à l’aide d’un faible grossissement, des pinceaux de fibrilles écartées les unes des autres et quelquefois isolées sur une grande longueur. A l’aide d’un fort objectif (6-700), on voit que chaque fibrille est formée, en réalité, par un faisceau de fines fibrilles excessivement grèles et entre lesquelles se trouve une matière transparente, se colorant peu par l'acide osmique et renfermant quelques fines granulations peu réfringentes ; cette matière entoure le faisceau de fibrilles et lui con- situe une sorte de gangue ; quelquefois la fibrille est entourée par les cloisons qui lui forment ainsi une gaine. Pour voir cette structure fibrillaire sur des coupes, il faut les pra- tiquer sur un nerf ou un connectif durci pendant un mois environ, dans une solution à 3 pour 1000 d'acide chromique, ou mieux encore pendant quinze jours dans le bichromate d'ammoniaque à 2 pour 100 ; puis pendant quinze autres dans la solution d'acide chromique (méthode de Deiters), puis après avoir complété le durcissement par la gomme et l'alcool, la coupe devra être colorée à l’aide du picro- 334 W. VIGNAL. carminate d’'ammoniaque et traitée par l'alcool formique (alcool, 4; acide formique, 4), comme l’a fait M. Ranvier pour les nerfs des verté- brés, puis elle devra être déshydratée par l’alcool absolu et éclaircie par l'essence de girofle. On voit alors dans l’intérieur des nerfs des coupes transversales de fibrilles rouges entourées par une masse lé- gèrement jaunâtre, dans laquelle se trouvent de grosses vacuoles; si la coupe est colorée par l’hématoxyline, les fibrilles apparaissent alors comme des points violet intense. Les fibrilles se voient d’une manière encore plus nette sur des coupes faites sur un nerf durci dans le mélange d’acide chromique et d'acide osmique dont j'ai parlé plus haut à propos des nerfs des crustacés et colorées ensuite par l’hématoxyline. Sur les coupes pratiquées sur des nerfs durcis par ce procédé ona l'avantage de voir d’une facon très distincte les cloisons, qui ne se voient jamais fort clairement sur les nerfs et connectifs durcis dans l'acide chromique seul. Structure des ganglions. — Dans ce chapitre je ne passerai pas en revue la structure ou plutôt la topographie de chaque ganglion, je n'étudierai que la structure intime des ganglions considérés dans leur ensemble. Ce n’est pas que je ne croie à l'utilité de cette étude, mais dans ce mémoire Je ne cherche qu'à exposer la structure intime des masses ganglionnaires. L'autre étude, qui devra porter en même temps sur la structure intime des ganglions moteurs, sensitifs et sympathiques considérés séparément, et sur des recherches physiologiques qui en sont le corollaire indispensable, fera l’objet, je l’espère, d’un prochain mé- moire. Nous commencerons notre étude par celle d’un ganglion simple, comme un des ganglions bronchiaux de la mye, 1 Pour étudier la structure des ganglions, le meilleur procédé me paraît être le suivant : durcissement du ganglion isolé dans le bichromate de potasse, puis dans l’acide chromique à 3 pour 100 pendant quinze jours pour chacun de ces réactifs, lavage à l’eau, séjour dans l’alcool pendant vingt-quatre heures. Si le ganglion est CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 335 La première chose qui frappe est la délimitation nettement tranchée entre les cellules ganglionnaires et le tissu fibreux du gan- olion ; en effet, les cellules nerveuses sont disposées à la périphérie juste en dessous de la membrane d'enveloppe et entourent le centre du ganglion formé par une matière fibreuse. On remarque que dans la Couche des cellules nerveuses, celles qui sont situées le plus à la périphérie sont toutes des cellules unipo- laires, tandis que parmi celles qui sont plus rapprochées du centre du ganglion, il s’en trouve un grand nombre qui paraissent être des cellules bipolaires ou multipolaires ; mais les prolongements de toutes ces cellules se dirigent plus ou moins directement, soit isolémeni, soit par groupes (fig.18), vers le centre du ganglion. Les cellules sont isolées et réunies entre elles par du tissu conjonctif lâche, dont on voit les noyaux colorés en rouge ou en violet foncé, suivant qu’on a coloré le ganglion par le picro-carminate d’ammoniaque ou l'héma- toxyline. Le centre du ganglion est formé toujours uniquement par les pro- longements cellulaires et les fibres nerveuses des connectifs qui s’y rendent, ces fibres sont entremèêlées dans tous les sens. Les fibrilles d’un petit volume, on a alors avantage à le colorer en masse, soit par l’hématoxy- line, soit par le picro-carminate d’ammoniaque, car les coupes sont alors plus faci- lement retrouvables et on risque moius de les briser dans les différentes manipula- tions. Le ganglion, après avoir séjourné dans une solution de gomme que l’on durcit par l'alcool, est alors coupé à main levée dans un mélange de cire et d’huile. Les coupes reçues dans l'alcool sont alors chargées sur une lame de verre, et après avoir été recouvertes par une lame de verre sont dégommées à l’aide d’un courant d’eau; lorsque la gomme est chassée, elles sont déshydratées par l'alcool et l’alcool absolu, éclaircies par l’huile de girofle et montées dans le baume du Canada ou la résine dammar. Ces précautions sont indispensables, car si on porte les coupes dans un baquet d’eau au sortir de l’alcool, les éléments, surtout les cellules nerveuses, se détachent par suite du tournoiement. L’acide osmique ne donne pas de bons résullats pour cette étude, car il rend les tissus trop noirs. Un peut avantageusement employer un mélange d’alcool et d’acide osmique en solution à 1 pour 100 par parties égales, mais les préparations obtenues par ce procédé sont inférieures pour les études d’ensemble à celles que donne l’emploi du bichromate de potasse et de l’acide chromique, en revanche elles leur sont supé- rieures pour les études de détail, car les cellules ne sont pas ratatinées. 336 W. VIGNAL, qui les forment sont entourées comme dans les nerfs et les connec- tifs par une substance presque homogène peu granuleuse, qui est la punhsubstance de Leydig. Il n'existe, dans la partie centrale de ces ganglions, aucun arrangement défini des fibres nerveuses, sauf dans les points voisins d'un nerf ou d’un connectif, on voit les fibres s’ordonner pour les former. Dans les ganglions branchiaux de la mye, Fic. E.— Coupe transversale leS Cellules sont en couche beaucoup plus d'un ganglion latéral du col- lier æsophagien de l'aplysie. épaisse aux deux extrémités du grand dia- 50 diamètres : a, connectif le j réunissant au ganglion sus- ’e : 1 à On did Nc mètre de la coupe transversale ? que dans les réunissant au ganglion latéral : s Abe opposé; e, membrane d'enve- autres points, et, en règle générale, chez les loppe; d, masse fibro-cranu- $ - leuse centrale; e, groupe de mollusques, si le ganglion repose sur un plan cellules ganglionnaires ex- terne ; e’, groupe de cellules ganglionnaires interne; g, fibres nerveuses se disposant AN parallèlement pour former un abondantes sur ce côté que sur les autres : le nerf, et coupées transversale- ment. voisinage du point de départ ou d'arrivée des résistant, les cellules nerveuses seront moins nerfs ou des connectifs est aussi dépourvu de cellules. Nous étudierons maintenant un ganglion composé par la soudure de deux ganglions, comme est celui qui forme le ganglion sus-æ@so- phagien des gastéropodes. La coupe qui nous fournira les renseigne- ments ies plus utiles est une coupe transversale, perpendiculaire à l’axe du corps et passant par le centre du ganglion. Celui que nous prendrons comme type est le ganglion sus-æsophagien de l’aplysie, dont les deux masses ganglionnaires qui le forment sont visibles à l'œil nu, sans aucune dissection. Sur une coupe faite comme nous venons de le décrire (fig. F), on voit que les cellules occupent la partie supérieure du ganglion et que leurs prolongements se dirigent vers la partie inférieure du ganglion, où ils forment un plexus fort compliqué dans lequel domine un arrangement longitudinal (par rapport à la coupe) des fibres ner- veuses, qui forment de cette manière une commissure réunissant 1 Nous avons fait représenter une de ces extrémités, Voir fig. 18. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 397 entre eux les ganglions sus-æsophagiens et deux connectifs, qui en partent pour les réunir aux ganglions latéraux du collier. Si le ganglion est formé par la réunion de plusieurs autres, comme par exemple le ganglion sous-æsophagien des limaces et escargots, le même arrangement général présidera à leur réunion, Fic. F.— Coupe transversale et longitudinale d’un ganglion sus-æsophagien de l'aplysie. 50 dia- mètres : s, partie supérieure du ganglion ; à, partie inférieure du ganglion ; «, un des connec- tifs le réunissant aux ganglions latéraux ; a’, commissure réunissant les deux moitiés gauche et droite du ganglion ; b, enveloppe propre; €, partie centrale fibro-granuleuse ; e, fibres ner- veuses se rangeant parallèlement pour former un nerf, et coupées transversalement, c'est-à-dire que les cellules seront situées à la périphérie, surtout à la partie supérieure, que leurs prolongements formeront la partie centrale en s'entremêlant dans tous les sens, et que quelques fibres nerveuses, spécialement les plus inférieures, se rendront d’un groupe ganglionnaire à l’autre et formeront ainsi les commissures les réunissant entre eux. Les nerfs et les commissures qui sortiront de ce ganglion seront formés par la réunion et la disposition parallèle des fibres nerveuses de la masse fibro-granuleuse des ganglions, qui ne s’entourent de gaines conjonctives qu'au moment où le nerf ou le connectif a un trajet isolé. Tissu conjonctif intra-ganglionnatre. — Le tissu conjonctif lâche qui se trouve entre les cellules nerveuses dans les ganglions, affecte une forme particulière qu'il est intéressant de noter, car il repré- sente simplifiées les fameuses cellules araignées de la névroglie des mammifères. Il paraît être formé par des cellules ayant en moyenne une longueur de 45 à 20 x, ovales, contenant un noyau énorme d'un volume presque égal à celui de la cellule et de deux longs prolon- gements fibrillaires partant des deux pôles de la cellule et allant se mêler avec les autres prolongements de même nature, de manière ARCH, DE ZOOL, EXP« ET GEN, == 9€ SÉRIE, — T, 1. 1883, 29 338 W. VIGNAL. à constituer un feutrage fort compliqué qui explique comment, par dissociation, on obtient si peu de cellules ayant leurs prolongements intacts!, Toutes les fibres nerveuses qui se trouvent dans les ganglions viennent-elles des prolongements des cellules? Telle est la question qu'on se pose naturellement : il est fort difficile d’y répondre.Cepen- dant, lorsqu'on considère l'abondance des cellules dans les gan- glions, on est porté à y répondre affirmativement. De plus, on est peu tenté de penser que les fibres nerveuses des nerfs concourent à la formation de la partie centrale des ganglions, lorsque l’on considère que les fibres nerveuses des ganglions ne possèdent pas une gaine semblable à celle qui entoure les fibres des nerfs; gaine qui est formée, comme nous l’avons dit plus haut, par des lamelles conjonctives émanant de l'enveloppe générale des nerfs". Système gastro-intestinal. — Je n'ai l'intention d'étudier ici que la portion du système gastro-intestinal qui est logée dans les parois du tube digestif. La majeure partie de ce système se trouve entre la couche de fibres musculaires longitudinale et la couche de fibres musculaires transversale ou annulaire ?. Dans l’épaisseur même des deux couches on voit aussi une assez grande quantité de fibres nerveuses, mais elles partent toujours de la partie logée entre les deux couches musculaires. Si nous examinons un fragment du tube digestif, de préférence de l'estomac (car la minceur des parties facilitera notre étude), après qu'il aura été traité par le chlorure d’or ou l’acide osmique, on verra que le système gastro-intestinal se compose de gros fais- ceaux nerveux, à direction longitudinale, réunis entre eux par un nombre assez considérable de faisceaux plus grêles, à direction 1 Le meilleur procédé pour observer ces cellules est l'injection interstitielle d’acide osmique, puis la coloration au picro-carminate d’ammoniaque. 2 Ces deux couches sont assez facilement isolables l’une de l’autre, surtout après l'action des réactifs dissociateurs. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 339 transversale plus ou moins oblique, et, entre ces gros faisceaux, un nombre considérable de plus petits rameaux qui en partent et qui s’anastomosent entre eux et avec les gros faisceaux, de façon à constituer un plexus à mailles de grandeur et de forme très dif- férentes !. Ainsi que M. Ranvier l’a fait remarquer, les fibres de ce plexus, constituées par un ensemble de fibrilles qui forment des faisceaux plus ou moins volumineux et distincts, seraient l’analogue des cylindres d’axe des vertébrés ; les fins nerfs paraissent formés par un unique faisceau de fibrilles nerveuses (/oc. cit., p. 491). Tout 1 Méthode de l’or.— On injecte dans le tube digestif un mélange refroidi de 4 par- ties de chlorure d’or et de 1 d’acide formique bouillis ensemble (Ranvier, Trait. tech., p. 900). Après qu'il y a séjourné dix minutes et que le tube digestif a été lavé à l’eau distillée, on le place pour vingt-quatre heures à l'obscurité dans un mélange de 4 parties d’eauet de 1 d’acide formique ; au bout de ce temps, après l'avoir lavé dans l’eau distillée, opération pendant laquelle l'épithélium est enlevé avec un pinceau, on l’étale sur une lame de verre, la face muqueuse sur la plaque et la couche musculaire en haut, la supérieure est enlevée par arrachement à l’aide de pinces fines. Il est préférable d’enlever cette couche, car le plexus y est moins adhérent qu’à l’autre, qui de plus a l'avantage d’être plus mince. Les fragments ainsi obtenus sont montés en préparations persistantes dans la glycérine. En faisant agir avant le chlorure d’or le jus de citron pendant cinq à dix minutes, on détache plus facilement les deux couches musculaires l’une de l’autre, mais la fine structure des éléments est moins bien conservée. Méthode avec l'acide osmique. Ce procédé est une modification de celui que M. Ranvier {Leçons d'anat. générale, Paris, 1880, p. 469) a employé pour l'étude du plexus vésical de la grenouille; il m’a rendu surtout des services pour l’étude de l'ap- pareil gastro-intestinal des mollusques marins, dont je ne suis pas parvenu à obtenir de bonnes préparations à l’aide du chlorure d'or. Il consiste à distendre le tube digestif avec de l’eau salée (eau à 6 pour 1000 pour les mollusques terrestres, eau de mer filtrée pour les mollusques marins), puis à le mettre pour environ une heure dans un mélange de 9 parties de l’eau salée et de 1 d’une solution à 1 pour 100 d’acide osmique. L’acide osmique passe par diffusion à travers la paroi du tube digestif où il rencontre les fibres musculaires et les éléments nerveux avant ceux qui forment la muqueuse, de sorte que ceux-ci étant moins durcis que les autres sont plus faciles à détacher. On facilite singulièrement leur enlèvement en faisant macérer le tube digestif pendant vingt-quatre heures dans le sérum iodé, ou simplement dans l’eau salée. Les préparations ainsi obtenues sont ou colorées avec le picro-carminate d’ammoniaque et conservées dans la glycérine ou montées sans coloration dans une cellule avec de l’eau phéniquée. 340 W. VIGNAL. ce système est enveloppé par une membrane qui, d’après cet auteur, ne serait pas un névrilème, mais l’analogue de la gaine de Henle. Cette membrane, cependant, diffère de la membrane de Henle, car les fibres nerveuses que recouvre cette dernière ont leur enveloppe propre (la membrane de Schwann), tandis que les fibres nerveuses des mollusques n’en ont point; elles sont entourées par des émanations de la gaine externe, qui forme un système de cloi- sons analogue à celui que nous avons décrit dans les nerfs de la vie animale. Les noyaux qui se voient contre la paroi interne de la gaine et entre les faisceaux de fibres nerveuses, surtout sur les fibres ner- veuses traitées par l’acide osmique et colorées par le picro-carminate d’'ammoniaque, appartiennent à des cellules conjonctives plates dépendant de la gaine nerveuse. Cette disposition se voit facilement si on étudie des coupes transversales de la paroi intestinale, après qu'elle aura été traitée par le chlorure d’or réduit à la lumière dans l’eau acidifiée. Sur les gros troncs nerveux, les petites branches et même jusque sur les ramifications les plus fines, on remarque un grand nombre de cellules nerveuses. Ces cellules sont appendues aux fibres nerveuses par des pédicules plus ou moins longs, ou se trouvent appliquées sur une branche nerveuse, ou enfin sont placées sur le trajet de gros nerfs ou de fines fibrilles ; d’autres, enfin, se rencon- trent au point d’entre-croisementdes fibres nerveuses. Ces différentes positions des cellules en créent des unipolaires, des bipolaires et des multipolaires. Si nous observons avec un fort grossissement n'importe laquelle de ces cellules, nous verrons qu’elles sont toutes éminemment mul- tipolaires, car dans toutes le globe ganglionnaire est pénétré par des fibrilles nerveuses venant des rameaux au voisinage desquels elles se trouvent. De cette disposition « il résulte, comme le fait remarquer avec justesse M. Ranvier, que ces cellules, recevant ou CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 341 émettant un grand nombre de fibrilles nerveuses, sont multipolaires à un haut degré ». M. Ranvier a signalé une disparition de certaines cellules appen- dues aux nerfs par un pédicule très court : c’est que les fibrilles qui pénètrent dans la cellule s’entre-croisent dans son pédicule (loc. cit., p. 492). On sait que Klebs ‘, à propos de la vessie de la grenouille, a admis l'existence de trois plexus dans les organes à fibres lisses muscu- laires : le plexus fondamental formé de grosses travées nerveuses Fic. G.-- Une portion du plexus myentérique de l’escargot préparé par le chlorure d’or. 50 dia- mètres : a, grosses fibres nerveuses longitudinales ; b, grosses fibres nerveuses transversales réunissant les branches longitudinales, et formant avec elles le plexus fondamental; c, plexus intermédiaire ; d, cellules nerveuses. qui partent des cellules ganglionnaires ; un plexus intra-musculaire duquel dépendent les terminaisons nerveuses, et un plexus intermé- diaire qui n'est pas, comme on pourrait le penser, un réseau se trouvant entre le plexus fondamental et le plexus intra-musculaire, mais un plexus spécial, partant de la base de la vessie et qui s’étend sur tout l'organe par des fibres qui s’anastomosent souvent entre Kregs, Die Nerven der organischer Muskelfasern. (Archives de Virchow, 1881, t. XXXII, p. 168). 342 W. VIGNAL. elles. Ces trois plexus ont été depuis admis par la majorité des anatomistes quise sont occupés des organes musculeux à fibres lisses. Chez les mollusques, nous retrouvons les trois plexus de Klebs, quoiqu’ils ne se comportent pas exactement comme cet auteur l’a admis dans la vessie de la grenouille. En effet, on peut considérer le plexus formé par les gros faisceaux de fibres nerveuses longitudi- nales et transversales, comme le plexus fondamental, dont les mailles contiennent un plexus formé par de plus fins rameaux, qui seraient le plexus intermédiare ; sur les deux se trouvent des cellules ganglionnaires. Le plexus intra-musculatre sera formé par des fibrilles qui se détachent de ces deux plexus, mais surtout du second, et qui pénètrent, après un trajet plus ou moins long, entre les plans mus- culaires dans l'épaisseur desquelles elles vont se perdre. Résumé. — 1° Les cellules nerveuses des ganglions des mollusques sont généralement unipolaires ; les bipolaires et multipolaires sont assez rares, surtout chez les gastéropodes. Elles sont formées d’un globe ganglionnaire à la surface et dans l’intérieur duquel se trouvent de fines fibrilles qui forment le ou les prolongements de la cellule ; entre les fibrilles se trouvent de fines granulations graisseuses, quelquefois diversement colorées. Le globe ganglionnaire renferme un noyau volumineux contenant un ou plusieurs nucléoles. Ces cellules n’ont pas de membrane d’enveloppe. 2 Les cellules du plexus myentérique ont la même structure fondamentale ; elles sont recouvertes par l'enveloppe générale de ce plexus, qui à Pair de leur constituer, lorsqu'elles ont un long pé- dicule, une enveloppe particulière. 3° Les nerfs et les connectifs sont formés par des fibres ayant des volumes très variables ; elles sont séparées les unes dés autres par des eloisons conjonctives venant de la gaine propre du nerf, Les fibres nerveuses sont formées par des fibrilles englobées, dans une substance peu réfringente et peu granuleuse. 4 Les nerfs formant le plexus myentérique ou sympathique ont la même structure que les nerfs de la vie animale. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. | 343 5° Le plexus myentérique forme dans toute la longueur du tube digestif un triple plexus, sur les branches duquel se trouvent dis- persées sans ordre des cellules ganglionnaires. 6° Le centre des ganglions est formé par une substance fibrillaire et une matière peu réfringente. Cette substance est de même nature que la matière périphérique des cellules. Les fibrilles, dans le centre des ganglions, ne présentent aucun ordre défini : c’est au milieu d'elles que les nerfs prennent naissance. 1° L’enveloppe des ganglions des nerfs, des connectifs et les cloi- sons de ceux-ci sont formées par du tissu conjonctif lamellaire formé par de fines fibrilles. 8 Dans les ganglions, entre les cellules, se trouve une espèce particulière de cellules conjonctives formées par une cellule ova- laire renfermant un noyau volumineux. Des deux pôles de la cellule partent de longues fibrilles. Je pense que ces cellules sont une forme simplifiée des cellules araignées des centres nerveux des mammi- fères. HIRUDINÉES Sangsues (7. med. et off.) Sangsue chevaline (/æmopis vorax). Pontobdelle (Pont. muricata). Clepsine (Clep. bioculata). Piscicole (P. geometra), Cellules du cerveau et des ganglions de la chaîne abdominale. — La dissociation rapide d’un ganglion, dans le plasma de l'animal, sans qu'on y ajoute aucun réactif, mais en ayant soin de maintenir la préparation humide à l’aide de l’haleine pendant la dissociation, et en l’empêchant de se dessécher durant l'examen en le recouvrant d'une lamelle lutée sur le porte-objet avec de la paraffine, donne des cellules nerveuses qui paraissent être toutes, malgré leur volume très variable (15 1 à 100 4), unipolaires, piriformes, formées d'un globe légèrement granuleux, peu transparent, à la surface duquel se trouve un noyau très réfringent; en se servant de grossisse- ments convenables (300 à 400 et plus), on voit que la surface du globe - J44 | W. VIGNAL. ganglionnaire est striée concentriquement, et que cette striation s'étend dans le prolongement cellulaire, où elle devient longitudi- nale : celui-ci est toujours volumineux par rapport à la grosseur de la cellule. L'examen, à l’état frais, ne nous permettant pas de nous pronon- cer sur la structure intime des cellules, j'ai eu recours à l’emploi des réactifs. Dans une préparation faite en dissociant, dans un peu d’eau et de sérum iodé mêlés ensemble, un ganglion de sangsue, on rencontre facilement des cellules brisées ayant laissé échapper leurs noyaux; celui-ci paraît alors sous la forme d’un corps lenticulaire à sur- faces convexes; son contenu homogène et clair réfracte fortement la lumière, et sa membrane d’enveloppe laisse voir un double contour fort net; de plus, il est facile de constater, comme Hermann l’a déjà décrit (voir loc. cit., p. 32, et Aist., 297), que le nucléole n’est pas un corps libre à son intérieur, mais un épaississement lenticulaire de son enveloppe (fig. 23 B). Pour étudier les cellules ganglionnaires, il faut faire, soit une dissociation d’un ganglion frais sans l'addition d’aucun réactif, puis fixer les cellules en les exposant quelques instants aux vapeurs d'acide osmique, soit dissocier un ganglion, qu’on aura au préalable mis pendant dix ou quinze minutes dans les vapeurs de cet acide ; mais, dans Ce dernier cas, la dissociation est plus difficile, tout en ne donnant pas d'aussi beaux résultats que le premier procédé. Les cellules ainsi obtenues sont conservées dans l’eau salée (6 pour 1000) phéniquée ou dans la glycérine très étendue d’eau. Sur des préparations faites par l’un de ces procédés, il est facile de voir que, sauf en ce qu'elles sont devenues plus foncées par l’ac- tion de ce réactif, l'aspect des cellules nerveuses fraîches ou fixées par l'acide osmique est sensiblement le même, et cette coloration, loin de gêner, favorise au contraire nos recherches en mettant en relief certains détails de structure : ainsi, il nous est à présent facile de constater que la striation qui couvre la surface de la cellule est CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRES. 349 due à de fines fibrilles qui forment le prolongement cellulaire, et qui enveloppent le globe ganglionnaire (fig, 23 A). Le globe lui-même nous paraîtra formé par une substance très finement granuleuse, contenant chez quelques hirudinées des grains de pigment brun ou jaune ; il n’est pas exactement sphérique, mais se prolonge généralement un peu dans le pédicule. Nous verrons le noyau toujours posé à la surface du globe, entre lui et les fibrilles ; il affecte la disposition que M. Ranvier a le pre- mier signalée sur les cellules nerveuses des ganglions spinaux des raies (Voir Zraité technique, p. T12). Sa substance se colore ra- pidement en brun par l'acide osmique, tandis que son enveloppe reste incolore, et permet de bien voir la disposition du nucléole. Son siège est très variable : tantôt il se trouve proche du prolonge- ment, tantôt au milieu, tantôt en haut de la cellule ; cette dernière disposition est la plus fréquente. | L’enveloppe fibrillaire de la cellule peut être vue aussi très faci- lement sur des cellules nerveuses venant d'un ganglion ayant macéré vingt-quatre heures dans une solution très faible d'acide chromique (1 pour 5000); mais les préparations obtenues par ce procédé ne se conservent pas très bien, car au bout de quelques jours elles s'altèrent. Le prolongement cellulaire, toujours unique, va se perdre dans la substance centrale du ganglion, où les fibrilles qui les forment se séparent les unes des autres ; il est assez difficile d'obtenir une cel- lule dont le prolongement ne soit pas brisé avant le point où ces fibrilles se dissocient : pour avoir la chance de voir cette division, il est nécessaire de dilacérer le ganglion en commençant par le centre eten agissant avec une grande lenteur. Les fibrilles contiennent entre elles à la surface de la cellule, dans le prolongement cellulaire et dans la masse centrale du ganglion, une matière qui, examinée à l’état frais et après l'emploi de l'acide osmique, paraît sans structure; elle se révèle seulement par sa diffé- rence de réfringence : si on fait agir l'acide chromique, elle devient 340 W. VIGNAL, très légèrement granuleuse, mais cet acide paraît agir par coagu- lation ; le picro-carminate d'ammoniaque la colore en jaune clair; Elle renferme partout où elle se trouve un nombre considérable de petites granulations très brillantes, mesurant environ 2 pm, qu'il est facile de reconnaître comme étant de nature graisseuse, grâce à la coloration noire qu'elles ‘prennent sous l'influence de l'acide osmique et la teinte bleu intense qu’elles ont après le traitement des cellules par l'alcool et la coloration de la préparation par le bleu de quinoléine; elles se dissolvent aussi dans l’éther, si la cel- lule a été mise au préalable dans l'alcool. Connectifs. — En examinant, sans l'addition d'aucun réactif, un connectif mis à plat sur une lame de verre, on voit qu'il est formé par une membrane épaisse, transparente, renfermant trois cylindres plus obscurs : les deux périphériques ont-chacun un peu moins de la moitié de sa largeur, et le troisième, d’un volume considérable- ment plus petit, se trouve situé entre les deux premiers, avec les- quels il s’anastomose assez souvent ‘. Les deux gros cylindres sont les connectifs ou les bandes nerveuses du connectif ; le troisième est le nerf éntermédiaire de Faivre : ces trois systèmes nerveux ont une striation longitudinale vague et peu définie; souvent, au centre des deux plus gros, on remarque un cylindre homogène et transparent. Si on ajoute de l’eau à la prépa- ration, du centre de chacun des deux cylindres principaux, examinés à leurs extrémités, on voit s’écouler une faible quantité de substance claire homogène, rappelant, par sa manière de sortir de l’extrémité du connectif et de se gonfler en boule, la myéline des nerfs des ver-: tébrés, mais les transformations qu'elle présente se manifestent sur une beaucoup plus petite échelle; si le connectif n’a pas de cylindre central, la sortie de cette matière sera encore beaucoup plus lente, et aussi beaucoup moindre. 1 Je n’ai pas fait représenter la figure d’un connectif vu en long, car on trouve cette figure dans presque tous les travaux des auteurs qui, se sont occupés de ces animaux, CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 347 L'examen de connectifs traités par différents réactifs et examinés de la même manière, de même que l'étude de connectifs dissociés (dissociation très difficile à exécuter), ne permet pas de se prononcer d'une façon certaine sur leur structure ; car, même par la dissocia- tion dans Ja potasse caustique à 40 pour 100, on n'obtient que des fibrilles très fines et une matière granuleuse. Pour arriver à la con- naître, il est indispensable de faire des coupes transversales. Parmi les agents durcissants, le meilleur me semble être le chlorure d’or ; l'acide osmique, l'acide chromique et ses sels, l'alcool, etc., donnent des résultais. bien inférieurs, mais cependant, dans certains cas, très instructifs. Nous commencerons par examiner la coupe d’un connectif dureci par un séjour de dix jours dans l'acide chromique faible {4 pour 3000), puis mis dans l’alcool ordinaire pendant vingt-quatre heures, colorée par le picro-carminate d’ammoniaque, et montée dans la glycérine {. 1 Comme les connectifs sont très grèles, il est difficile de les couper entre deux lames de moelle de sureau, ou dans un mélange de cire et d’huile ; aussi ai-je eu récours avantageusement à l’inclusion dans la gélatine, suivant une méthode due à M. Malassez, qui l’avait autrefois employée, en 1872, pour faire des coupes de che- veux atteints d’affections parasitaires. Elle consiste à étaler, sur une lame de verre, de la gélatine fondue dans l’eau qu’elle absorbe en s'y gonflant, puis à placer bien parallèlement à côté les uns des autres des tronçons de connertif et à les recouvrir d'une nouvelle couche de gélatine fondue. Lorsque celle-ci s’est solidifiée par le refroidissement, on détache le tout de la lame de verre et on le porte dans l’alcoo!. Au bout de vingt-quatre heures la géla- tine est devenue assez dure pour qu’il soit possible, en la saisissant entre deux lames de moelle de sureau, d’en faire des coupes. Avec cette méthode on a en outre ravantage de pouvoir couper à la fois plusieurs connectifs, Les sections toujours incluses dans la gélatine sont reçues dans l’alcool et de là portées sur une lame de verre, à laquelle on les rend adhérentes en enlevant l'alcool et en hydratant la gélatine avec l’haleine, puis, après avoir ajouté de la glycérine et recouvert d’une lamelle, on fait dissoudre la gélatine en chauffant légèrement la préparation. Les coupes se trouvent ainsi montées dans la glycérine Gelly des Anglais. Si on désire colorer ou décolorer la préparation, il est avantageux de se débarrasser de la gélatine ; dans ce cas on ajoute de l’eau au lieu de glycérine, et on renouvelle celle-ci en entretenant sous la lamelle légèrement chauffée un courant d’eau, en plaçant sur un côté une goutte de ce liquide, qu’on force à passer par capillarité en absorbant celui qui se trouve sous la lamelle avec du papier joseph. Avant d'inclure les connectifs ayant séjourné dans l’acide osmique, il est néces- 348 W. VIGNAL. Examinée à un faible grossissement, la section d’un tel connectif montre que celui-ci a la forme d’un parallélogramme allongé à angles mousses, et que dans son intérieur se trouvent trois zones circulaires plus foncées : deux sont placées à la même hauteur, ont le même diamètre et sont considérablement plus grandes que la troisième, qui se trouve placée en avant, entre les deux premières (fig. 2 D). Les deux grandes zones représentent la coupe des deux gros cylindres nerveux du Cconnectif; la troisième est la coupe du nerf intermédiaire de Faivre. L'enveloppe des bandes nerveuses est composée de deux séries de lamelles : la première série entoure les cylindres nerveux du con- nectif ; la deuxième, formée seulement de quelques lames, renferme celles qui recouvrent les connectifs et le nerf de Faivre, de sorte que la partie nerveuse du connectif est solidement protégée par Sa gaine, qui mesure sur un connectif tendu 10 x d'épaisseur en moyenne. | Les lamelles de la gaine sont formées par des fibrilles très fines, contenant entre elles des cellules plates à noyaux ovalaires ; ces cel- lules se voient avec une grande facilité sur des coupes, où elles sont “surtout abondantes au voisinage des bandes nerveuses. Cette dispo- sition lamellaire, si nette et en même temps si considérable, m'au- torise pleinement à considérer cette enveloppe comme l’analogue de la gaine lamelleuse des nerfs (névrilème) des vertébrés supérieurs, ou bien encore représentant les deux enveloppes de la moelle épi- nière (pie-mère et dure-mère rachidienne). J'ai, dans toute cette description, fait abstraction de l'enveloppe externe pigmentaire de la chaîne ganglionnaire, et j'ai supposé qu'on étudiait un connectif débarrassé de sa gaine externe, car on saire de les débarrasser complètement de l’acide non fixé, car celui-ci, en se combinant avec la gélatine, non-seulement lui donne une coloration brune, mais aussi, ainsi que M. Ranvier l’a déjà dit (Leçons d'anatomie générale, Paris, 1880) la rend com— plètement insoluble : aussi faut-il, avant d'inclure les connectifs, les laisser séjourner quarante-huit heures dans l’eau légèrement phéniquée, puis vingt-quatre autres dans l'alcool. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 349 sait que beaucoup de zoologistes, se rangeant à l'opinion de Leydig !, que j'adopte également, considèrent cette enveloppe comme un vaisseau contenant la chaine nerveuse. Si maintenant nous abordons l'étude des cylindres nerveux du connectif, nous verrons que la gaine envoie à son intérieur une série de minces cloisons disposées assez régulièrement, et qui, en se sou- dant les unes avec les autres, limitent des espaces de grandeurs et de formes différentes ; souvent elles s'arrêtent avant d'atteindre le centre du connectif, et, en se soudant les unes avec les autres, environnent un espace central circulaire; quelquefois cet espace n’est pas unique, mais 1l en existe deux ou trois. Pour mieux me faire comprendre, j'emprunterai à un objet familier un terme de comparaison : les cloisons sont disposées à peu près comme les rayons d’une roue, et l’espace qu’elles limitent au centre est le trou par lequel passe l’essieu, tandis que le cercle qu'elles forment en se soudant ensemble (cercle quelquefois très épais) autour de ce der- nier représente le moyeu. Le durcissement à l’acide chromique altère le contenu des cloi- sons; il paraît granuleux, mais il est impossible de pouvoir rien affirmer sur sa structure ; pour arriver à le connaître, il est nécessaire d'étudier une coupe faite sur un connectif traité par le chlorure d’or ?. Sur une telle coupe, on voit que le contenu des cloisons est un protoplasma presque homogène, se colorant peu par l'or, et renfer- mant de très fines fibrilles longitudinales fortement colorées, dont l'aspect rappelle celui des fibrilles formant les fibres de Remak des vertébrés; cependant ces fibrilles sont plus volumineuses et plus écartées les unes des autres. Leur étude à un fort grossissement me 1 Leypic, Bau d. thierischen Kôrper, p. 149, 169. -2 Séjour d’une demi-heure dans un mélange refroidi de 4 parties de solution de chlorure d’or à 4 pour 100, bouillies avec 1 partie d’acide formique et réduc- tion à la lumière dans l’eau acidulée de 4 goutte d’acide acétique par 50 grammes d’eau (RANviER, Leçons d'anatomie générale, Paris, 1880, p. 117). 350 W. VIGNAL. conduit à penser qu’elles sont formées elles-mêmes par une série de fibrilles plus fines. L'espace central ou les espaces centraux, siils existent, paraissent renfermer une matière protoplasmique finement granuleuse, presque homogène, se colorant peu par le chlorure d'or. Le tissu conjonctif formant la gaine des connectifs et les cloisons ne se colorent pas par le chlorure d’or, mais les cellules de la gaine, et surtout leurs noyaux, prennent une belle coloration pourpre. Pour bien voir la disposition des cloisons et des fibrilles, il est nécessaire non seulement de faire une coupe mince, mais une coupe bien perpendiculaire à l’axe du connectif. Il arrive assez souvent, lorsqu'on examine une coupe même bien transversale et assez fine d'un connectif, de voir que les fibrilles paraissent avoir une direc- tion oblique : cela tient à ce que, au moment où on a plongé le con- nectif dans le chlorure d’or, il était, grâce à sa grande élasticité, re- venu sur lui-même; mais si on prend la précaution de le tendre même modérément, avant de le plonger dans la solution aurique, on ne retrouve plus cet aspect. Les fibrilles formant les conneetifs sont très élastiques; car, si on les examine sur un connectif forte- ment tendu, elles sont infiniment plus fines que celles qu’on trou- vera sur un autre connectif soumis, au moment où il fut plongé dans la solution aurique, à une tension modérée ‘. Le nerf intermédiaire de Faivre (fig. 21 D) présente une structure semblable à celle des grosses bandes nerveuses connectives; il est divisé en trois ou quatre loges, par quelques cloisons qui contien- nent une substance presque homogène, au milieu de laquelle se trouvent des fibrilles. ; La structure des connectifs peut aussi très bien s'étudier après durcissement dans l'acide osmique, mais il est nécessaire de faire des coupes d’une minceur extrème ; la disposition des cloisons se 1 Je me suis servi pour tendre les connectifs d’une allumette évidée, préparée comme celles que recommande M. Ranvier, pour l'étude des nerfs (Voir RANVIER, Traité technique, page 120). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 351 voit aussi d’une manière remarquable sur des coupes de conneclif dorées par la méthode que j'ai indiquée plus haut, puis décolorées par une solution faible de cyanure de potassium, et traitées, après lavage, par le picro-carminate d’ammoniaque : les fibrilles se colorent en rouge clair, les cloisons en rouge vif, et le protoplasma reste à peu près incolore. Leydig (Taf. 3, Vergl. Anat., pl. Il, fig, 4) a dessiné une coupe transversale d’une bande connective de la sangsue chevaline, sur la- quelle on voit chacun des deux gros cylindres nerveux divisé en cinq parties. Hermann (/oc. cit, pl. XII, fig. 46) donne une figure très sem- blable, prise sur la sangsue officinale. Cette fragmentation des cylindres se présente fréquemment chez toutes les hirudinées : elle est due, je crois, à ce que quelques-unes des cloisons que j'ai dé- crites plus haut prennent, dans certains cas, un développement énorme. Les éléments que je considère comme des cellules conjonctives ont été décrits et dessinés par Leydig comme des fibres musculaires. Je ne puis me rendre à son avis, Car si on les examine, non plus sur une Coupe, où il est impossible de reconnaître leur vraie na- ture, mais en dissociant une gaine colorée par le picro-carminate d'ammoniaque, après avoir été traitée par l'acide osmique et éclaircie par l'acide formique ou acétique, on se convaincera que ces éléments sont vraiment des cellules connectives ; car ils sont aussi longs que larges, aplatis, etne présentent aucun des caractères des fibres musculaires : l'erreur de Leydig!, qui avait découvert la gaine musculaire de la chaîne nerveuse des vers, et qui n’a vu probable- ment ces éléments que sur des coupes, est fort explicable. - La physiologie vient ici en aide à l'anatomie ; car si après avoir en- levé rapidement une chaîne nerveuse d’hirudinée, on la fixe au petit bras d’un fort sensible et fort léger myographe très amplificateur et en même temps très exactement équilibré, aucun mouvement ne 1 Levni6, Bau d. thierischen Kôrper, p. 149-169, Taf. 3, Vergl. Anat., pl. I et If, fig. 4 et 4. 352 W. VIGNAL. s’observe lorsqu'on la fait traverser par des courants induits de plus en plus énergiques, et la plume tracera seulement sur le cylindre enregistreur un trait continu parallèle à l’abcisse. Nerfs périphériques de la vie animale. — Que le nerf examiné pro- vienne d’un animal vivant ou qu'il ait séjourné dans les réactifs, on voit de suite qu’il est formé par une membrane transparente à struc- ture lamelleuse, assez épaisse, quelquefois même fort épaisse, et renfermant une série de fibres plus foncées, de volume variable, mesurant en moyenne 4 k de large, séparées les unes des autres par une matière transparente, paraissant être homogène; plus le nerf sera gros, plus il renfermera de ces fibres. Lorsque lenerf se bifurque, il est très facile de voir que non-seulement une partie des fibres suit l’une ou l’autre direction, mais aussi qu’assez souvent quelques fibres se divisent décatodiquement dans le nerf, ainsi que Leydig et divers autres auteurs l'avaient déjà décrit. Lorsqu'on essaye de dissocier un nerf, soit frais, soit après qu'il a subi l’action des réactifs, on éprouve une grande difficulté à obtenir des fibres assez fines, ayant une certaine longueur, car elles se cas- sent rapidement en petits fragments ; cette difficulté est aussi grande après l’action des réactifs dissociateurs, qu’après celle de ceux qu’on désigne sous le nom de durcissants. Les acides acétique et formique à 1 pour 100 permettent, il est vrai, de séparer assez facilement les fibres les unes des autres, mais ils ont le grand désavantage de les rendre granuleuses. Examinées à un fort grossissement, les fibres obtenues par dis- sociation paraissent être enveloppées par une gaine d'épaisseur va- riable, manquant souvent dans certains points et paraissant être déchirées sur les bords, ceux-ci n'étant jamais nets. Les fibres elles- mêmes montrent une série de stries longitudinales qu'un examen plus approfondi fait reconnaitre comme étant dues à des fibrilles 1 Sur les nerfs préparés par la méthode de l’or (cinq minutes jus de citron, quinze minutes chlorure d’or à 1 pour 100, vingt-quatre heures acide formique au quart (Ranvier, Leçons d'anat, générale, p. 388), il est facile de faire cette observation. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 353 contenues dans une substance homogène, que l'acide osmique colore peu, mais cependant d’une facon plus foncée que la gaine enveloppante. Si l’on traite un nerf par la potasse caustique à 40 pour 100, il se décompose en bandes d’une longueur indéfinie (je dis indéfinie, car il est impossible d'en voir une se terminer sans cassure); ces bandes mesurent environ 4 y de large, ce qui, sans les autres caractères, tels que la striation, suffirait à les faire reconnaître pour les fibres ner- veuses ; elles ont perdu l'enveloppe irrégulière que nous avons vue à leur surface lorsqu'on les avait dissociées, ce qui indique, avec le ramollissement qu'on obtient par les acides, que cette enveloppe est de nature conjonctive. Pour pouvoir nous prononcer avec certitude sur la structure des nerfs, il est nécessaire d’en faire, comme pour les connectifs, des coupes transversales’, Une telle coupe laisse voir, à un faible grossis- sement, qu’elle est formée par un disque clair, présentant des stries concentriques et renfermant une série de petits espaces polygonaux plus foncés (colorés en brun par l’acide osmique, en violet par le chlorure d’or), séparés les uns des autres par une matière transpa- rente. Un plus fort grossissement montre que le disque clair est la gaine du nerf et qu’elle est semblable, quant à sa structure, à celle des connecüfs, et que les espaces polygonaux (fig. 25) sont la coupe des fibres dont nous avons parlé. Ils sont séparés les uns des autres par des émanations de la mem- brane d’enveloppe, qui leur constitue à chacun une enveloppe se- condaire propre qui ne peut être cependant séparée de l'enveloppe générale du nerf: cette disposition explique la difficulté qu'on éprouve à dissocier les fibres. La coupe des fibres, examinées à un fort grossissement, montre qu'elles sont formées par un faisceau de fibrilles noyées, au milieu 1 L’acide osmique donne pour l’étude des nerfs de meilleurs résultats que pour celle des connectifs ; le chlorure d’or est également excellent. ARCH, DE ZOO, EXP, ET GÉN, =« 2 SÉRIE, — T. 1, 1883, 23 354 W. VIGNAL. d’une matière protoplasmique presque homogène, se colorant peu par l'acide osmique et le chlorure d'or’. Sur ces coupes transversales, on voit que les fibres nerveuses ne sont pas aplaties, comme l’a dit Leydig (loc. cit., pl. IL, fig. 3), mais qu'elles offrent toutes les formes que peut déterminer la pression réciproque. Plus le nerf est petit, plus les fibres qui le composent diminuent en nombre et aussi en volume; on trouve même des nerfs formés d’une seule fibre, n'ayant pas plus de 2 s et entourées d’une gaine fort nette. Leydig, ainsi que nous l'avons vu plus haut (loc. cit., p. 240), dit que la gaine nerveuse se termine ou en pointe, ou s’accole à celle du cylindre musculaire. Je n’ai jamais vu que sur une seule prépa- ration la terminaison de la ‘gaine, c'était sur celle qui a permis au docteur Hansen de décrire la terminaison des nerfs dans les muscles volontaires de la sangsue officinale et sur chacune des deux branches terminales que contenait sa préparation; la gaine mourait en pointe fine, fort près de la tache motrice. Les nerfs volontaires des sangsues, d’après les recherches de M. Hansen, se terminent «par un épanchement triangulaire ou plutôt conique qui se confond avec la couche corticale de la fibre mus- culaire ?. » Puisque nous nous occupons de la structure des nerfs, des nerfs partant des ganglions de la chaîne ventrale, il convient de rappeler ici que Walter, Bruch, Leydig, Hermann, ont décrit des cellules gan- glionnaires sur leurs trajets. Je suis obligé de contredire d’une ma- nière catégorique cette assertion, et de chercher ce qui a pu induire ces auteurs en erreur. Je Jaisserai de suite de côté Baudelot, car il recommande, pour bien voir cette disposition, la macération dans 1 Je ferai remarquer ici qu’il existe une identité parfaite entre la matière pro- toplasmique qui se trouve dans les nerfs, dans les connectifs à la surface des cel- lules, et dans la portion centrale des ganglions, sauf qu’en ces deux derniers endroits elle contient des granulations graisseuses. ? À. FaANsEN, Terminaison des nerfs dans les muscles volontaires du corps de la sangsue (Arch. de physiol., 1881, p. 739). CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 355 l'acide azotique faible et l'arrachement en masse du système ner- veux en tirant sur la chaîne ganglionnaire, Lors je prétends qu'après une macération dans l'acide azotique on peut bien voir des renfle- ments sur le trajet d’un nerf d’une hirudinée, mais qu’il est impos- sible de dire si ces renflements sont dus à des cellules nerveuses ou à tout autre chose; ainsi donc, nous n'’irons pas chercher chez la clep- sine « la confusion entre les nerfs de la vie animale et de la vie vé- gétative », car chez cet animal le système gastro-intestinal est aussi nettement séparé du système ganglionnaire abdominal que chez les autres hirudinées. Quant à l'erreur des autres auteurs, j’avouerai que j'ai été fort longtemps sans pouvoir me l'expliquer, et que ce n’est que lorsque j'ai eu employé leurs méthodes, moins perfectionnées que celles que j'ai apprises sous la direction de M. Ranvier, que j'ai vu ce qui avait pu leur faire croire à l'existence des cellules nerveuses le long des nerfs ; je ne dis pas cela par esprit de critique, mais seulement pour indi- quer les progrès très réels que la technique a fait faire à l’étude des tissus. . Je ferai d’abord remarquer que si l’on examine des nerfs traités par l'acide acétique, deux graves causes d'erreur se présentent : premiè- rement, il devient très difficile de reconnaître les cellules nerveuses des petits parasites unicellulaires qui se trouvent souvent logés dans la gaine des nerfs ; ces parasites sont très abondants chez les pon- dobdelles et les sangsues officinales récemment pêchées hors des marais, rares chez celles qui ont été conservées quelque temps dans des vases et de l’eau propre; deuxièmement, sous l'influence de cet acide, le protoplasma des fibres nerveuses se rétracte assez souvent, de sorte qu'il crée l'apparence d’une cellule bipolaire : le même effet $e produit avec la plus grande facilité sur les nerfs trop tendus ou comprimés dans certains points, puis plongés dans des réactifs dur- cissants, tel que l'acide osmique, l'alcool, etc. ; cependant, par là je ne veux pas dire que tous les auteurs dont j'ai parlé aient pris des parasites ou des déformations pour des cellules nerveuses, car il 356 W. VIGNAL. existe une autre cause d'erreur plus importante que celle-là, c’est la présence, en dehors des renflements ganglionnaires, de la chaîne médiane ventrale, de ganglions, que je désignerai de suite sous le nom de ganglhons latéraux. Sur chacun des nerfs latéraux antérieurs il existe un petit gan- glion formé de quelques cellules unipolaires (six à dix) ; il se trouve au point où les nerfs se divisent pour la première fois, après leur sortie du ganglion médian, et, autant que j'ai pu m'en assurer, les prolongements des cellules de ces ganglions vont dans la direc- tion du ganglion de la chaîne ventrale; mais cependant il est bien probable qu'ils se réunissent avec les fibres nerveuses du nerf, par une réunion en T, analogue à celle que M. Ranvier à décrite à propos des ganglions vertébraux!. Il me semble probable que les auteurs, et Bruch en particulier, en disant que des cellules ganglionnaires se trouvaient à chaque divi- sion importante du nerf antérieur, ont généralisé un fait particulier. Il convient de rappeler ici que les zoologistes ont signalé depuis longtemps, sur les nerfs sortant des derniers ganglions de la chaîne ventrale, des pondobdelles, des amas ganglionnaires situés latérale- ment à cette chaîne, et j'ai constaté que cet amas de cellules ner- veuses (sauf pour le dernier ganglion ?) était mes ganglions latéraux présentant un développement considérable : il est facile de s'assurer, même par une dissection incomplète, qu'ils se trouvent sur le nerf antérieur ?. 1 Ranvier, Des tubes nerveux en T'ef de leur relation avec les cellules ganglionnaires (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 20 décembre 1875). ? Comme nous le verrons plus loin, ce ganglion a une structure plus complexe que celle des autres ganglions ventraux. 3 Je crois devoir, pour éviter toute erreur d’interprétation, faire remarquer ici que les nerfs, sortant des ganglions chez les hirudinées, sont situés à la même hauteur, et par conséquent que les mots antérieur et postérieur n’ont pas la même signifi- cation que chez les vertèbres, ils signifient plus proche et plus éloigné de la tête. J’ai cru nécessaire de faire cette remarque, car, quoique je n’aie pas l'intention de traiter ici la question de l'anatomie comparée de l’ensemble du système nerveux des verté- brés et des invertébrés, je désire éviter toute confusion possible. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 391 A l'appui de mon opinion, je dois citer les paroles du docteur Hansen (loc. cit., p. 741), qui, à propos des nerfs se rendant aux muscles volontaires, dit: « On peut se convaincre qu'il n’y a ni plexus, ni cellules ganglionnaires sur le trajet des nerfs », et j'avais, lorsqu'il travaillait au laboratoire d’histologie du Collège de France, attiré son attention à ce sujet. En présence de l'existence d’un ganglion sur le trajet du nerf an- térieur, et de son absence sur celui du nerf postérieur, il serait in- téressant de chercher si un de ces nerfs est sensitif, l’autre moteur ; j'ai fait à ce sujet plusieurs expériences, sans toutefois arriver à une solution assez nette pour pouvoir être publiée, même sous la forme dubitative. Pour terminer cette étude des nerfs, nous dirons donc qu'ils ne font pas exception à la règle générale ainsi formulée par M. Ranvier!: « Les muscles volontaires, qu'ils soient striés ou non, reçoivent des nerfs qui leur viennent directement des centres nerveux, et il n'existe pas sur le trajet de ces nerfs des ganglions qui puissent mo- difier l'incitation motrice venant des centres », et il faut donc cher- cher, chez des êtres dont les éléments soient moins différenciés que les hirudinées, la confusion nerveuse du travail physiologique ani- mal et végétatif. Leydig (Traité d'hastol. comp., p. 216), après avoir posé la question de savoir s'il existait des capsules surrénales chez les invertébrés, et cité ses recherches sur la Paludina vivipera, ajoute : « Dans les ganglions du Pontobdella verrucosa, on remarque encore des cellules particulières renfermant des granulations jaunâtres », et il donne une figure de ces ganglions (fig. 98) sur laquelle on remarque quel- ques cellules claires au centre, à bord granuleux, qu'il désigne comme pouvant être des organes analogues aux capsules surrénales; mais, dit-il, «malheureusement leur tirage n’a pas réussi». Je ne puis donc comparer ce que j'ai vu avec la figure de Leydig. Cependant, \ Ranvier, Leçons d'anatomie générale, recueillies par MM: Weber et Lataste. Paris, 1880, p. 464. 358 W. VIGNAL. en fait de cellules particulières autres que les cellules nerveuses et conjonctives, je n'ai jamais vu sur les ganglions des pontobdelles que les mêmes parasites dont j'ai parlé un peu plus haut, et qui sont en effet considérablement plus gros que les cellules ganglionnaires, et qui souvent renferment des granulations jaunâtres. Structure des ganglions de la chaîne nerveuse. — Nous examinerons successivement la structure du cerveau, du premier, du dernier, et d'un des ganglions intermédiaires ventraux. Cerveau ou ganglion sus-æsophagien. — Le cerveau ou ganglion sus-æsophagien est formé par la réunion de deux ganglions soudés l’un à Pautre sur la ligne médiane. De ses deux extrémités s’échap- pent deux gros rameaux nerveux qui le réunissent avec le premier ganglion abdominal. Les autres rameaux nerveux qu'il émet, dirigés en avant ou sur les côtés latéraux, sont ou des nerfs ou des connectifs le réunissant aux trois ganglions accessoires du cerveau, que Brandt, et à sa suite divers auteurs, ont considérés comme étant la portion cérébrale ou céphalique du système sympathique, mais auquel Leydig, en démontrant qu’ils sont simplement destinés à innerver les mâchoires ou le pharynx, semble avoir attribué leur véritable signification. Si nous examinons une coupe longitudinale du ganglion céré- broïde (transversale à l’axe du corps), nous verrons qu’il est enve- loppé d’une gaine épaisse, envoyant des prolongements à son intérieur qui divisent incomplètement celui-ci en plusieurs segments, et que sa partie supérieure est formée par des cellules nerveuses dont la grosse extrémité est tournée en haut et se trouve en contact avec la gaine, tandis que la partie effilée, formée de fines fibrilles, se perd au milieu de la partie inférieure du ganglion, formée de fines fibrillesnoyées au milieu d’un protoplasma semblable à celui que nous avons déjà vu dans les nerfs, mais qui contient de fines granulations graisseuses similaires à celles qui se rencontrent dans la substance centrale des cellules nerveuses. La majorité des fibrilles formant la base de ce ganglion se diri- CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 339 gent vers les deux connectifs qui les réunissent au ganglion sous- œæsophagien ; mais celles qui viennent des prolongements cellulaires prennent presque toutes les directions et se mêlent intimement avec les fibrilles déjà existantes. C'est de cette substance fibrillaire que partent les nerfs et les connectifs qui n’en sont qu'une émanation directe. Les cloisons venant de la gaine et qui ne divisent qu’incomplète- ment le ganglion cérébroïde, ne pénètrent pas plus loin que la couche des cellules nerveuses. Sur une coupe transversale de ce ganglion (parallèle à l’axe du corps) on voit que les cellules nerveuses n’occupent pas seulement la partie supérieure du ganglion, mais aussi ses côtés. Les ganglions cérébroïdes accessoires ont la même structure fon- damentale ; les cellules occupent la partie supérieure et les côtés du nerf sur le trajet duquel ils se trouvent. Premier ganglion. — Le premier ganglion veniral ou ganglion sous- œsophagien, auquel est attaché le cerveau par deux commissures, a une forme triangulaire. Lorsqu'on le détache et l’examine à un faible grossissement, sans le comprimer, on voit qu'il présente à sa partie inférieure un sillon transversal qui semble indiquer qj'il est formé par la réunion de deux ganglions soudés l’un à l’autre',le supérieur ayant un volume considérablement plus grand que l’inférieur. Il s'échappe latéralement de ce ganglion un assez grand nombre de nerfs ; les deux premiers, qui se dirigent un peu obliquement en haut et qui sont très volumineux, sont les deux commissures qui le relient avec le cerveau (ganglion sus-æsophagien) ; les deux infé- rieurs, encore plus volumineux, partent de son sommet et sont les deux connectifs qui vont le relier avec les autres ganglions abdomi- naux. 1 Un excellent procédé pour bien voir que le premier ganglion est formé par la réunion de deux ganglions réunis par un connectif très court consiste à le dorer en entier ; le tissu conjonctif, restant transparent, permet de voir avec facilité la dispo- sition de la partie nerveuse. 360 W. VIGNAL. Les autres nerfs, généralement au nombre de trois de chaque côté, se dégagent entre les connectifs cérébroïdes et ganglionnaires, en se dirigeant un peu obliquement en bas. Dans l'historique qui précède l'exposé de mes propres recher- ches, on a pu voirque beaucoup d'auteurs décrivaient un trajet fort compliqué des cordons nerveux dans le cerveau et les ganglions ainsi qu'une disposition des cellules ganglionnaires permettent à un certain groupe de ces dernières d'envoyer leurs prolongements ren- forcer les nerfs qui partent des ganglions, à un autre d'augmenter les fibres àes connectifs, etc.; mes recherches ne me conduisent pas à un tel résultat et, sauf sur quelques points de détails, je suis d'accord avec Leydig (voir loc. cet. et Hist., p.281). Les fibres nerveuses formant la partie inférieure du cerveau, après avoir dépassé le point où se trouventles cellules ganglionnaires, con- tinuent à contourner l'æsophage en se dirigeant un peu oblique- ment en bas et pénètrent dans le ganglion sous-æsophagien aux angles formés par sa base et ses côtés ; après qu'ils y ont pénétré, leur volume devient considérablement plus grand, par l’adjonction à leur masse des prolongements des cellules qui occupent la parte corücale de ce dernier. Les fibres de chaque côté se rencontrent sur la ligne médiane et se mêlent pour former la substance centrale. Celle-ci reproduit en petitet grossièrement la forme du ganglion, c'est-à-dire que, du haut de la moitié supérieure du ganglion jusqu’à la partie inférieure de celle-ci, elle diminue petit à petit de volume pour se renfler de nouveau jusqu’au centre de la partie inférieure. A partir de là, elle diminue progressivement de volume jusqu'à sa sortie, point où elle commence à former les connectifs ‘. ‘ Le meilleur procédé pour étudier les ganglions sur des coupes consiste à les faire durcir pendant huit à dix jours dans de l’acide chromique à 1 pour 2000, puis pendant vingt-quatre heures dans de l'alcool, et enfin de les colorer en masse par un séjour de quarante-huit heures dans la purpurine. Pour les couper on trouvera un grand avantage à les monter dans de la gélatine, comme je l’ai décrit à propos des nerfs. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 361 Si nous examinons maintenant une coupe longitudinale et horizontale, passant à peu près par le centre du ganglion, nous verrons, avec la plus grande facilité, la disposition dont nous venons de parler; de plus, nous pourrons constater que la substance centrale est formée de fines fibrilles entre lesquelles se trouve une matière semblable à celle qui entoure les fibrilles des connectifs et des nerfs; elle contient de fines granulations graisseuses analogues à celles que nous avons signalées dans les cellules. Les fibrilles formant cette substance ne présentent aucun arran- gement nettement défini, sauf en ce que la majorité semble se diri- ger de haut en bas. C'est dans cette masse centrale que viennent se perdre les pro- longements cellulaires, les fibrilles qui les composent s'écartent les unes des autres ou se confondent intimement avec celles qui forment une des parties constituantes de la substance centrale. C'est de cette substance que partent les nerfs ; dans les points voisins de leurs lieux de naissance, les fibrilles convergent vers eux, mais elles ne sont pas encore réunies en faisceaux : cette dispo- sition ne commence qu'au point où le nerf quitte le ganglion. De la partie inférieure du premier ganglion ventral part non seulement, comme je l’ai déjà dit, les deux gros cylindres nerveux au connectif, mais un peu en avant d’eux s'échappe le nerf inter- médiaire de Faivre qui naît de la même facon que les deux autres cylindres nerveux connectifs. La capsule qui recouvre le ganglion a la même structure que l'enveloppe des connectifs et des nerfs, c'est-à-dire qu’elle est con- jonctive, lamelleuse, et elle est en continuité directe avec eux. Ganglhons intermédiaires ventraux. — Si nous étudions maintenant un des ganglions ventraux, nous verrons d’abord qu'il semble être traversé du haut en bas par les connectifs (la partie nerveuse) qui entrent à une des extrémités pour ressortir à l’autre ; de chacun de ces côtés sortent deux nerfs (les nerfs latéraux). En dessous de son enveloppe propre, on aperçoit un grand nombre de cellules gan- 362 F W. VIGNAL. glionnaires, dont l'extrémité renflée est tournée à la périphérie ; en abaissant un peu plus l'objectif, on peut voir que les connectifs, en pénétrant dans le ganglion, ne tardent pas à se souder en s’élargis- sant de plus en plus jusqu'à son centre, puis, de là, jusqu’à l’autre extrémité, ils vont en diminuant petit à petit jusqu’à ce qu’ils réfor- ment les connectifs. Dans le ganglion, les trois cylindres connectifs paraissent être soudés ensemble et ne former qu'une seule masse ; ils présentent cependant le long de la ligne médiane deux sillons, le dorsal plus profond que le ventral. Afin de connaitre avec précision la disposition des différentes parties d’un ganglion, nous allons en examiner des coupes trans- versales. La première que nous étudierons sera (fig. H) une coupe passant un peu au-dessous de l’entrée des connec- tifs dans le ganglion. On y voit que celui-ci n'est pas exactement sphérique, qu'il est un peu aplati sur ses faces antérieure et FiG. H. — Coupe transversale d’un re . " ganglion abdominal de la sang- POstérieure, de sorte que son diamètre sue, passant un peu au-dessus de l'entrée des connectifs. Figure à {ransversal l'emporte sur le longitudinal Jerni schématique, 50 diamètres : a, Capsule; , groupe supérieur 6 donne à sa section la forme d’une el- de cellules nerveuses ; ce!', grou- pes latéraux de cellulesnerveuses ; d,substance centrale du ganglion. lipse. Le centre est occupé par la substance nerveuse des bandes du connectif qui se sont soudées, mais il est cependant encore facile de les distinguer l’une de l’autre à cause des deux sillons. Entre la capsule du ganglion et la substance nerveuse centrale, se trouvent les cellules ganglionnaires, dont la grosse extrémité est tournée vers la périphérie, tandis que l’effilée se perd dans la sub- stance centrale, au milieu de laquelle il est facile de voir, en em- ployant un grossissement convenable, les fibrilles la formant prendre des directions différentes. Cette observation est surtout facile sur des coupes minces, faites sur un ganglion durci dans l'acide osmique et l'alcool. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 363 En examinant maintenant une coupe faite un peu plus bas (fig. D, à peu près entre le commencement et le milieu du ganglion, nous retrouvons la même structure et la même disposition générale, sauf en ce que la partie centrale a considérablement augmenté de volume, tandis que l’espace occupé par les cellules est resté sensi- blement le même. Une coupe (fig. J) faite encore plus bas, c'est-à-dire juste au point où les nerfs latéraux se détachent du ganglion, montre que nons eulement la substance centrale a augmenté proportionnelle- ment au volume du ganglion en ce point, mais a pris une grande extension, surtout dans le sens transversal, de facon à lui permettre de donner naissance aux fibres nerveuses, lorsqu'elle arrive au bord du ganglion. F1G. [. — Coupe transversale : a, capsule; F1G, J.— Coupe. 50 diamètres : a, capsule ; bd b, groupe supérieur de cellules nerveu- groupe abdominal des cellules nerveuses ; cc’, ses ; cc’, groupes latéraux des cellules groupes latéraux des cellules nerveuses ; d, nerfs nerveuses ; d, substance centrale du latéraux à la surface desquels se continue la cap- ganglion, sule pour leur former une gaine. Les prolongements des cellules nerveuses ne pénètrent pas dans la substance centrale dans tous les points, mais ils convergent vers trois points principaux; un ventral, se trouvant être le fond du sillon ventral, et deux latéraux ; de sorte que les cellules nerveuses sont divisées en trois groupes : un ventral et deux latéraux. Les cellules formant le groupe ventral sont généralement plus volumi- neuses que celles qui forment les deux autres groupes, mais pré- sentent cependant la même structure. Nous allons maintenant examiner une section longitudinale d’un ganglion passant très proche de son centre, de manière à nous per- mettre de voir comment se comportent, par rapport l’un à l’autre, 364 W. VIGNAL. l'enveloppe des connectifs, celle des ganglions et la gaine des nerfs, et comment les connectifs se soudent ensemble. Sur une telle coupe, il est facile de voir que la gaine du connectif en s’élargissant forme l'enveloppe du ganglion, et que celle des nerfs est en rapport direct avec l'enveloppe, elle paraît même en venir, de sorte qu'entre les trois il est impossible de trouver la moindre trace de soudure, et on est en présence d’une gaine unique recouvrant et se modelant sur les différentes parties du système nerveux. La gaine du connectif, à l'entrée et à la sortie du gan- glion, présente un étranglement annulaire qui se traduit sur la coupe par une légère dépression diminuant considérablement lépais- seur du connectif. Longtemps je me suis demandé quelle était l'explication de cet étranglement, et je ne l'ai trouvée que lorsque j'eus fait une coupe transversale passant à cette hauteur. Il pro- vient de ce qu'en ce point les cloisons, divisant les fibrilles ner- veuses des connectifs, cessent ou commencent brusquement proche de ce sillon, suivant qu’on examine un connectif efférent ou afférent au ganglion. Les cylindres nerveux des connectifs, s'élargissant dans tous les sens à mesure qu'ils descendent dans le ganglion, ne tar- dent pas à se rencontrer et à se souder ensemble. Que devient dans le ganglion le nerf intermédiaire de Faivre ? Pour le voir, il est nécessaire de faire une coupe longitudinale pas- sant par son axe, coupe difficile à exécuter, car la moindre obliquité peut induire en erreur, Aussi est-il plus pratique d'examiner une série de sections transversales commencant sur le connectif et com- prenant la partie supérieure du ganglion, on verra alors qu'il ne fait pas uniquement que traverser le ganglion; comme Waldeyer (Loc. cit.) l’a dit, mais qu'il se confond avec la substance centrale, dans laquelle ces fibres gardent pendant quelque temps une direction longitudinale, puis s’y mêlent si intimement qu'il est bientôt impos- sible de les reconnaître au milieu des autres. Il prend naissance de la même manière, mais, naturellement, les transformations sont en sens inverse. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 365 Les deux moitiés supérieure et inférieure des ganglions ne sont pas exactement symétriques, la moitié supérieure est un peu plus grande que l'inférieure. Dernier ganghon ventral. — Ce ganglion, ainsi que les auteurs l'ont signalé, est difficilement isolable des tissus environnants auquel il adhère très fortement. Il a une forme ovoïde allongée et émet un nombre beaucoup plus considérable de nerfs que les autres gan- glions : il y en a généralement sept de chaque côté. Faivre dit que, si on considère le volume des connectifs qui y ar- rivent et celui des nerfs qui en sortent, on arrive à la conclusion que la plupart des fibres nerveuses qui forment les nerfs doivent prendre naissance dans le ganglion lui-même ; je suis de son avis. La physiologie vient ici confirmer l'anatomie, et montrer que le ganglion à une grande indépendance; car, si on le sépare du reste de la chaine, en coupant les connectifs, l’hirudinée continue à se fixer par sa ventouse, sans que les muscles qui la forment parais- sent présenter le moindre signe de paralysie. Examiné dans son entier, on voit de suite que ce ganglion a une structure plus complexe que les autres ; il paraît être divisé par des cloisons en autant de loges qu’il émet de nerfs. Cette structure nous porte de suite à penser qu'il est formé par la soudure de plusieurs ganglions : nous en étudierons une coupe longitudinale passant par son Centre et parallèle à son grand axe. Sur une telle coupe, il est facile de voir que les connectifs for- mant la substance centrale sont presque entièrement séparés l’un de l'autre par le pont de tissu conjonctif qui les sépare dans les bandes connectives et qui ici les accompagne presque jusqu’en bas du ganglion, au lieu de disparaître comme il le fait lorsqu'ils pénè- trent dans d’autres ganglions. Les cloisons qu'on aperçoit sur le ganglion entier s’avancent jus- qu’au voisinage de la substance centrale et se trouvent entre chaque nerf. Les cellules nerveuses sont disposées entre les cloisons ; elles se comportent comme dans les autres ganglions, c’est-à-dire qu'elles 366 W. VIGNAL. ont leur grosse extrémité tournée vers la périphérie, tandis que leurs prolongements vont se perdre dans la substance centrale du ganglion. Les nerfs, de même que dans les autres ganglions, naissent de la substance centrale. Les nerfs partant de ce ganglion et ceux venant des deux ou trois avant-derniers, partent latéralement chez les pontobdelles de petits ganglions; ceux-ci, sur les avant-derniers ganglions, se rencon- trent sur le nerf latéral antérieur, comme j'ai déjà eu l’occasion de le dire. Ceux du dernier ganglion, chez ces animaux, se trouvent placés sur le trajet de plusieurs nerfs, qui se soudent pour les tra- verser ; chez les autres hirudinées, ces ganglions peuvent exister ou être absents ; sur quelques-uns des nerfs qui s’échappent du dernier ganglion, leur distribution et leur position sont aussi irrégulières qué leur présence, et ne me paraît rien offrir de fixe. Walter a décrit le nerf intermédiaire de Faiyre comme un vais- seau qui se terminerait en pointe, au bas du dernier ganglion (Loc. cit., pl. I, fig. 4). Mes recherches me conduisent à un résultat différent, Ce nerf, avant ou après avoir pénétré dans le dernier gan- glon, se perd dans l’un des deux connectifs ; une fois je l'ai vu se diviser en deux branches à peu près égales, se rendant chacune dans un connectf presque à la même hauteur. Cette description de la structure des ganglions diffère considéra- blement, comme on peut le voir dans l'exposé historique, de celles que Bruch, Walter, Hermann, etc., en donnent. En effet, je n'ad- mets pas comme eux un trajet croisé et fort compliqué, tant des fibres nerveuses venant des connectifs que des nerfs et de la réunion des prolongements cellulaires; je n'ai point vu aussi les cellules multipolaires que Walter a logées dans la masse centrale du gan- glion, cellules qui, d’après cet auteur, devraient expliquer les actes réflexes; j'avoue que je ne puis m'expliquer comment il a pu décrire ces cellules, rien dans les ganglions n’y ressemble : aussi ne puis-je m'empêcher de croire que Walter s'est laissé guider par des idées CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 367 préconçues, car non seulement il a décrit des cellules de ce genre dans les ganglions des hirudinées, mais aussi dans le système ner- veux du lombric, de l’écrevisse, de la limne et du scolopendre, et il leur suppose à toutes la même fonction. Je ne suis pas également de l'avis de Waldeyer, qui dit que le centre des ganglions est formé de petites cellules bipolaires ; cet auteur aussi, je pense, s’est laissé guider par des vues théoriques. Je me rapproche plus de Leydig, mais cependant j'en diffère en ce | que je crois que la substance centrale (Ponksubstanz) n'est pas sim- plement une substance granuleuse, mais est formée par le mélange intime des fibrilles formant les connectifs, les nerfs et les prolonge- ments cellulaires, et le protaplasma qui les entoure contient de fines granulations graisseuses. Je n’ai point vu entre l’origine des nerfs latéraux, la cellule bipo- . laire (Leydig), multipolaire (Hermann, Walter), que ces auteurs y ont placée et qu'ils décrivent comme cellule sympathique ou réflexe. Système nerveux gastro-intestinal (système sympathique). — Pour étudier le système nerveux gastro-intestinal, je me suis servi des mêmes méthodes que celles que j'avais déjà employées en 1879 pour l'étude du tube digestif de la sangsue, lorsque M. Ranvier m'avait chargé de contrôler le travail de Gscheidlen! sur la terminai- son des nerfs dans les fibres musculaires des culs-de-sac gastriques de la sangsue, Ces méthodes sont toutes applicables aux diverses espèces d'hirudinées, et par suite de la simplicité de structure du tube digestif des Pontobdelles sont surtout chez elles d’un emploi facile. 4° Après avoir fait dégorger l’hirudinée, si elle est pleine de sang, et l'avoir immobilisée en la plaçant soit dans l’eau douce ou l’eau de mer chloroformisée (suivant son habitat), soit plus simplement sous une cloche avec quelques gouttes de cet agent anesthésique, on in- jecte dans son tube digestif, à l’aide d'une canule introduite dans 1 GSsCHE1DLEN, Beitrüge zur Lehre von den Nervenendigungen in den glalten Mus- kelfasern (Archiv für Microsc. Anatomie, 1877, t. XIV, p. 321). 368 W. VIGNAL. 1 LL l’æsophage et maintenue à l’aide d’une ligature de l’alcool au tiers ou du sérum iodé, et on laisse l’animal macérer pendant vingt-quatre heures dans un flacon contenant le même liquide. Il est alors facile, en fixant l'animal sur une lame de liège à l'aide de quelques épingles, de disséquer dans son entier le tube digestif, qu'on débarrassera, autant que possible, des faisceaux musculaires qui s'y insèrent ; on enlèvera de même la plus grande quantité du tissu conjonctif lâche, on ouvre alors ce dernier, dont on découpe des morceaux d’une grandeur convenable, qui seront étendus sur une lame de verre, la face épithéliale en haut, afin qu'on puisse, à l’aide d’un pinceau, chasser l’épithélium qui s’y trouve; onreconnaït qu'ilestchassélorsque sa paroi intestinale perd l'aspect blanchâtre qu'elle avait, et devient tout à fait transparente. Puis, à l’aide de la demi-dissécation, on la tend légèrement et bien exactement dans tous les sens, avant de la colorer au picro-carminate d’ammoniaque, que je conseille de laisser agir, dans la chambre humide, au moins vingt-quatre heures, avant d'y substituer la glycérine pour en faire une préparation persis- tante. | L’hématoxyline donne une coloration très vive qui met très nette- ment les nerfs en relief, mais qui ne permet pas d'étudier la struc- ture des nerfs et des ganglions. 2 Ce procédé, dû à M. Ranvier et que j'ai employé pour chercher les terminaisons des nerfs dans les fibres musculaires gastriques des hirudinées, ne convient guère pour se faire une idée de l’ensemble du système nerveux gastro-intestinal, car il est difficile, sinon impos- sible, d’en obtenir une grande étendue convenablement préparée. Mais il montre d’une facon admirable les dernières ramifications de ce système : « L'animal étant fixé, comme je l’ai dit (chloroformé et tendu à l’aide d’épingles sur une lame de liège), du jus de citron a été injecté dans je tube digestif, ces culs-de-sac détachés et ouverts à leur tour dans l’eau distillée. Leur épithélium ayant été chassé au pinceau, ils ont été plongés dans une solution de chlorure d’or à 4 pour 100, CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 369 après y avoir séjourné vingt minutes, ils ont été placés dans une solution d'acide formique au quart. Le lendemain, l'or étant réduit, des lambeaux de culs-de-sac ont été lavés dans l’eau distillée et montés dans la glycérine. » (Ranvier, loc. cit., p. 496.) Si nous faisons abstraction des grosses bandes musculaires trans- versales qui se trouvent accolées à la surface tégumentaire de la paroi musculaire de l’estomac des hirudinées, nous verrons qu'elle est formée par des fibres musculaires très longues ayant, d’après Weissmann, plus d’un millimètre de long, et je pense, avec M. Ranvier, que ce chiffre est bien au-dessous de la moyenne. La majorité des fibres musculaires est disposée transversalement par rapport à l’axe du corps, et elles sont réunies entre elles par quelques anastomoses; entre les fibres se trouve une substance unissante ren- fermant quelques cellules conjonctives aplaties et ayant des prolon- gements excessivement grêles. Ces fibres musculaires, dissociées par l’action de la potasse à 40 pour 100, sont bifurquées à leurs extré- mités, quelquefois une cinquième et même une sixième pointe se détache latéralement ; elles sont formées par une partie axile pro- toplasmique granuleuse et d’une couche corticale contractile ; dans la partie protoplasmique se trouve un noyau sphérique très petit, renfermant quelquefois deux nucléoles ; il existe aussi quelques fibres longitudinales généralement plus grêles. S1 nous examinons, après l'avoir préparé par l’alcool au tiers et coloré par le picro-carminate d’ammoniaque, un morceau de la paroi stomacale d’un pontobdelle, car, par suite de l’absence de culs-de- sac chez cet animal, il nous sera facile de l’obtenir dans toute sa lar- geur, NOUS verrons qu'un gros nerf, qui se trouve situé au milieu de la paroi inférieure (le nerf de Brandt), suit toute la longueur de l'estomac et croise, à angle droit, les fibres musculaires ; parallèle- ment à lui, mais beaucoup plus grêles, se trouvent quelques autres nerfs, qui lui sont réunis par un nombre considérable d’anasto- moses suivant un trajet plus ou moins régulièrement parallèle aux fibres musculaires. De ces rameaux d’anastomose et des gros ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GËNe — 20 SÉRIE, == T, I, 1883, 24 370 W. VIGNAL. troncs nerveux partent de plus petites branches, qui atteignent presque les fibres musculaires, s’infléchissent à leur voisinage à angle droit, pour continuer leur trajet en suivant leur bord, pour aller s'anastomoser avec d’autres rameaux nerveux, de façon à con- stituer un second plexus nerveux, renfermant les fibres musculaires : quelquefois la fibre, au point où elle s'infléchit au voisinage de la cellule musculaire, se divise en deux fibres plus fines qui suivent son bord en sens inverse. Lorsqu'on étudie ce plexus sur des estomacs de sangsues, prépa- rés par le procédé de l’or que j'ai indiqué plus haut, on voit souvent la fibre nerveuse, au moment où elle va s’infléchir pour suivre un trajet parallèle à la cellule musculaire, émettre un petit prolonge- ment très court, qui va se terminer dans la substance corticale de la fibre musculaire, sous la forme d’une petite tache motrice (voir Ranvier, loc. cit., p. 504, et fig. 83). Le gros rameau sympathique diminue petit à petit de haut en bas de volume, quoiqu'il recoive autant de rameaux qu’il en émet, le long de son trajet; car, par suite de l'existence des deux plexus dont nous venons de parler, il est impossible de le considérer comme un nerf émettant simplement des rameaux et n’en recevant pas. Ce plexus existe sur tout le’ tube intestinal et ses dépendances et non comme Leydig (voir Æast.) l'a dit, sur une partie seulement. Les nerfs gastro-intestinaux des hirudinées sont formés par de fines fibrilles, considérablement plus grêles que celles des nerfs se distribuant aux muscles volontaires ; elles sont contenues dans un protoplasma qui paraît être homogène à l’état vivant et dans les pré- parations faites après macération dans le sérum iodé. Légèrement granuleuses après celui de l'alcool au tiers, elles sont contenues dans une enveloppe très fine qui les suit dans toutes leurs divisions, et paraît être doublée de noyaux endothéliaux. Sur ces fibres, ainsi que sur celles qui partent des ganglions ventraux, on ne voit pas la moindre trace de l'existence d’un noyau pouvant être attribué au protoplasma de ces fibres. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 371 Les fibres nerveuses formant le système gastro-intestinal des hifu- dinées portent, distribuées d’une façon fort inégale, des cellules sanglionnaires, généralement isolées, rarement réunies en groupes. Gës céllules se rencontrent sur tous les rameaux, sauf lés plus fins, qui sont, comme je l’ai dit, parallèles aux fibres musculaires ; elles n'existent également pas sur les plexus de l’æœsophage et de l’intes- tin. Le mode d’union de ces cellules avec les fibres nerveuses est aussi arié que leur distr ibution est inégale. Elles sont essentiellement formées par un globe ganglionnaire homogène réfractant, à l'état frais, fortement la lumière, contenant uïi noyau sphérique, qui lui-même renferme un ou deux nücléoles (ce globe, par l’action des réactifs, devient granuleux); des fibrilles venant des fibres nerveuses recouvrent sa surface, elles sont enfer- mées dans la membrane qui enveloppe les fibres nerveuses. Noüs pouvons les diviser en cinq groupes différents : 4° des cellules uripolaires (fig. K, a); dans ce cas lé nerf, à quelque distance duquel elles sont situées, envoie quelques fibrilles qui contournent le globe de là cellule et qui reviennent, en suivant le même trajet, au nerf dont ellés sont parties: 2 &es cel- lules bipolaires situées hors du trajet F1G. K.--— Différentes formes de cellules ner- veuses de plexus myentérique de la sangsue, PE - w dessinés d’après une préparation faite à l'aide P' incipaldu ne f(ig. K, eb), comme du sérum iodé et coloré au piero-carminate d'ammoniaque. 220 diamètres. Les dessins dans la forme précédente ; quel- ont été faits à la chambre claire : à, cellule unipolaire : b, cellule bipolaire située hors du ques fibrilles partent de la fibre trajet principal du nerf; €, cellule bipolaire située sur le trajet du nerf ; c, cellules mul- nerveuse, s’écartent dans un point tipolaires de différentes formes. de leur trajet pour aller envelopper une cellule nerveuse et reviennent un peu plus loin se confondre avec la fibre dont elles sont venues ; 3° des bipolaires siluées sur le trajet d'une fibre nerveuse (fig. K, c). Däns cette forme, le globe protoplasmique est pris entre les fibrilles nerveuses qui s’écartent pour le recevoir et qui, en se réunissant de nouveau après l'avoir dépassé, reforment uñ nerf semblable au nerf 372 W. VIGNAL. afférent ; 4° des cellules qui sont simplement appliquées sur un faisceau nerveux dont quelques fibrilies s’infléchissent et quelquefois s’entre- croisent pour le contourner ; 5° des cellules multipolarres (fig. K, d), dans ces cellules, les fibrilles venant d’un seul point d’un nerf, ou de plusieurs points, ou enfin de plusieurs nerfs, après avoir con- tourné sa surface en effèrent par un ou plusieurs rameaux. Lorsqu'on a examiné un certain nombre de ces cellules, on arrive à la conclusion que leur forme fondamentale est la sphère, plus ou moins altérée et étirée dans un sens ou dans plusieurs; secondement, que toutes les cellules sont, en réalité, multipolaires, car elles se trouvent en rapport avec un grand nombre de fibrilles, sur la signi- fication morphologique desquelles nous reviendrons plus loin . Résumé. — 1° Les cellules nerveuses du cerveau et des ganglions ventraux sont toutes unipolaires ; elles sont formées d’un globe gan- glionnaire à la surface duquel se trouve un noyau; il est recouvert par de fines fibrilles qui en constituent le prolongement. Ces cellules n’ont pas de membrane d’enveloppe, ce qui les rapproche de celles des centres des vertébrés ; 2° Les cellules du système gastro-intestinal ou système sympathi- que ontla même structure fondamentale ; mais, quoiqu'’elles n'aient pas de membrane d’enveloppe propre, elles sont recouvertes par la gaine générale de ce système, que M. Ranvier compare à celle des fins * Pour bien mettre en évidence la structure fibrillaire des nerfs et de la substance corticale des cellules du système gastro-intestinal des hirudinées, les procédés que j'ai indiqués plus haut ne sont pas les meilleurs ; aussi vais-je en indiquer deux qui donnent de bons résultats. 19 Après avoir détaché un estomac d’hirudinée, je l’ex- posais, pendant quelques minutes, aux vapeurs d’acide osmique, sa face épithéliale appliquée contre une lame de verre; puis j’enlevais l’épithélium après avoir fait macérer la membrane pendant vingt-quatre heures dans le sérum iodé ou l'alcool au tiers, je la montais ensuite sans la colorer dans l’eau phéniquée à 1 pour 1000. 20 Après avoir ouvert une sangsue en long et l’avoir étalée sur une plaque de liège, je la faisais macérer pendant vingt-quatre heures dans une solution au {deux-millième d'acide chromique (1 pour 2000) et je détachais de petits lambeaux du tube digestif qui, examinés dans l’eau, me montraient la strialion des nerfs et de l’enveloppe cor- ticale des cellules d’une façon remarquable ; mais les préparations obtenues par ce procédé s’altèrent assez vite et ne valent plus rien au bout de quatre à cinq jours. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 373 rameaux nerveux des vertébrés, connu sous le nom de gaine Henle. Les fibrilles qui recouvrent le globe ganglionnaire de ces cellules, pour retourner au nerf dont elles partent, ne suivent pas toujours le même chemin que celui qu'elles ont pris pour s'épanouir à sa surface ; de cette façon elles créent des cellules bipolaires, multipo- laires, etc. Mais ce fait n’a pas d'importance morphologique, si on considère la structure fibrillaire de leur couche corticale qui les rend, comme l’a fait remarquer M. Ranvier à propos des cellules du plexus mésentérique de l’escargot, éminemment multipolaires ; 3° Les cellules des trois ganglions accessoires du cerveau, gan- glions improprement décrits par quelques auteurs comme étant la partie céphalique du sympathique, ainsi que les cellules des ganglions latéraux, ont la même structure que les cellules des ganglions de la chaîne ventrale ; 4° Les nerfs venant des ganglions sont formés par des fibres de volume variable, séparées les unes des autres par des cloisons épaisses dépendant de la gaine conjonctive du nerf, et ces fibres sont composées de faisceaux de fibrilles englobées dans un protoplasma légèrement granuleux; en dehors des ganglions, il n’existe pas sur leur trajet de cellules nerveuses venant modifier l'impression qu'ils transmettent; 5° Les nerfs formant le système gastro-intestinal ou sympathique sont également formés de fibrilles enveloppées par un protoplasma peu granuleux ; ils sont recouverts par une membrane d’enveloppe très fine. Les trois ganglions accessoires du cerveau ne peuvent être considérés comme dépendant de ce système, s’il existe des con- nexions entre lui et le système nerveux central; ces connexions doivent avoir lieu par l'intermédiaire de fines branches qui percent la paroi stomacale pour se rendre d’un système à l’autre ; 6° Le système sympathique forme, sur toute la longueur du tube digestif, un double plexus qui enferme les fibres musculaires de cet organe ; on rencontre sur ces branches nerveuses un grand nombre de cellules ganglionnaires dispersées d’une façon fort inégale ; 314 W. VIGNAL, 7° La chaîne conneclive est formée par trois cylindres nerveux, composés de fibrilles séparées en petits faisceaux par des eloisons, souvent le centre des deux plus gros est occupé par une substance granuleuse analogue au protoplasma des nerfs, ou bien chaque gros cylindre est divisé en plusieurs faisceaux secondaires. Le proto- plasma entourant chaque fibrille est enveloppé d’une fine mem- brane venant des cloisons. On ne remarque pas plus, dans le proto- plasma des connectifs que dans celui des nerfs, de noyaux indiquant une formation cellulaire ; 8° Les cellules nerveuses dans les ganglions ventraux occupent la périphérie ; on ne rencontre jamais dans le centre des ganglions, ou dans la capsule même, comme l'ont dit Walter et Hermann, des cel- lules multipolaires, qu'ils y avaient placées afin de pouvoir expli- quer les actes réflexes ; 9° Le centre des ganglions est formé par une substance fibrillaire et un protoplasma presque homogène, renfermant cependant quel- ques granulations graisseuses; de cette substance partent les cylin- dres connectifs et les fibres des tubes nerveux. Les fibrilles qui la forment ne présentent aucun arrangement défini; elles s’entre- croisent dans tous les sens. Les nerfs prennent naissance dans cette substance, et au voisinage de leur point de sortie on voit les fibrilles converger pour les former; 40 L’enveloppe des ganglions ventraux et du cerveau et la gaine des connectifs et des nerfs est formée par des lamelles de tissu conjonctif très dense; elle constitue un tout continu qui n’est ouvert qu'aux points voisins de la terminaison des nerfs. VERS. — OLIGOCHÈTES TERRICOLES. Lomeric (Lombricus' agricola Hof., terrestris Lin.).— Gaines. — La chaîne nerveuse ventrale des lombrics, composée d’une série de ganglions soudés bout à bout, est recouverte de trois gaines ou névrilèmes, comme Leydig et Claparède (voir loc. cit. et Hist.) l'avaient constaté, CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 319 La première de ces gaines est formée d'une seule couche de cel- lules épithéliales plates et polygonales, qu'il est très facile de mettre en relief en employant le nitrate d’argent, suivant le procédé qu'in- dique M. Ranvier, à propos de l’épithélium de l’épiploon (voir Traité tech. d'hist., p.105). Claparède a décrit les noyaux de cet épithélium comme ayant la forme d’une baguette longue et étroite, en impré- gnant une chaîne nerveuse parle nitrate d'argent faible (4 pour 1000), puis, après l’avoir colorée par un séjour de quelques heures dans le picro-carminate d'ammoniaque ; si on la traite par une solution sa- turée d'acide oxalique, il est facile de se convaincre que ces noyaux ne sont pas des baguettes, mais bien des corps sphériques, avec un nucléole très distinct. La deuxième gaine, la gaine musculaire, qui jusqu'ici à paru n’exister que chez quelques familles d'animaux rentrant dans le groupe des annélides, mérite d'arrêter quelque temps notre atten- tion. Sa raison d’être trouve son explication toute naturelle dans la manière dont se meuvent les animaux qui la possèdent, et en parti- culier celui qui fait l’objet de cette étude. Les fibres qui la forment sont des fibres musculaires lisses‘; elles ontune forme de fuseau très allongée, avec un noyau situé à peu près au milieu de la fibre et autour de lui et s’allongeant le long du grand axe ; on remarque une matière granuleuse protoplasmique. Sur une coupetransversale, elles paraissent rondes ou prismatiques; elles sont peu volumineuses, car leur diamètre transversal n'est pas même la centième partie de leur longueur ; en effet, elles ont 41. delarge(6 met 2 y. étant les deux extrêmes), et 635 4 de long (400 et 950 p), sur un lombric de 30 centimètres de long, tendu et mesuré en état de relà- chement musculaire. Ces fibres musculaires ne sont pas disposées régulièrement dans toute la longueur de la chaîne nerveuse, sur les premiers ganglions 1 Pour isoler ces fibres musculaires, le meilleur réactif est la potasse caustique à 40 pour 100. Si on désire les conserver, il faut employer le sérum iodé faible pen- dant quarante-huit heures au moins. 376 W. VIGNAL. (sauf le premier ganglion sous-æsophagien), ‘environ jusqu'à la moitié du corps, elles sont très nombreuses et forment une couche épaisse (fig. 29, 30,31); le tissu conjonctif qui les réunit et les sépare en même temps esttrès rare et peu visible, tandis que, sur la partie inférieure de la chaîne, il domine (pl. XVII, fig. 32) et ne renferme que quelques fibres musculaires largement espacées les unes des autres ; sur les derniers ganglions, on trouve à peine quelques fibres musculaires. Elles sont aussi plus abondantes dans divers points de la circonférence de la chaine que dans d’autres. Elles sont toujours en couche moins épaisse en avant et en arrière de la chaîne que sur ses côtés; cette disposition se voit avec la plus grande facilité sur les coupes transversales de gaaglions durcis par n'importe quel procédé. La troisième gaine est formée par une substance homogène, transparente, difficile à déchirer, ayant une assez grande épaisseur, surtout dans les parties supérieures de la chaîne; elle se brise lors- qu’on essaye de la dissocier avec des aiguilles, les cassures se pro- duisent dans toutes les directions; examinée sur une coupe trans- versale, elle se montre limitée par deux bords plus foncés que son milieu. Ces caractères suffisent pour indiquer que nous nous trouvons en présence d’une membrane cuticulaire; aussi ai-je fait agir sur elle tous les réactifs que M. Ranvier avait employés pour faire l'analyse de la membrane de Descemet!, et j'ai obtenu les mêmes réactions; ansi, elle se colore en rouge avec la teinture de carmin ammonia- cale; en rouge orangé avec le picro-carminate d’ammoniaque; en violet foncé avec l’hématoxyline, et en brun par l'acide osmique. Elle résiste à l'action de l’eau bouillante, à celle des alcalis causti- ques et aux acides concentrés. Comme M. Ranvier l'avait fait pour la membrane postérieure de la cornée, je l’ai soumise à l’action de l’eau bouillante pendant plu- \ Ranvier, Lecons d'anatomie générale, recueillies par M. Weber, Cornée, Paris, 1881, Membrane de Descemet, p. 127. CENTRES NERVEUX DÉË QUELQUES INVERTÉBRÉS. 371 sieurs jours! ; au bout de trente heures, il est possible de la diviser en lamelles ; au bout de quatre jours, elle se décompose en lamelles très minces, qui flottent dans le liquide, enroulées sur elles- mêmes. En se plaçant dans les conditions que M. Ranvier donne pour la membrane de Descemet, on observe qu'elle est, comme cette der- nière, monoréfringente et biréfringente ?. Nous devons donc en con- clure que la troisième gaine de la chaîne nerveuse du lombric est une cuticule analogue à la membrane postérieure de la cornée des vertébrés. Je dois en terminant signaler qu'elle envoie quelquefois de fins prolongements entre les fibres musculaires de la deuxième gaine, et que des prolongements de même nature pénètrent dans l’intérieur de la chaîne nerveuse, Quels sont les organes sécréteurs de cette cu- ticule? Le tissu conjonctif intra-fasciculaire de la gaine musculaire, ou les cellules conjonctives de l’intérieur de la chaîne. Je dois dire de suite et j'exposerai plus loin les raisons qui me font penser que ces dernières sont les organes formateurs. Cellules nerveuses du cerveau et des ganglions ventraux. — Si nous étudions les cellules nerveuses venant du cerveau ou d’un ganglion ventral dissocié, aussitôt après avoir été enlevé, dans le liquide de la cavité viscérale de l'animal, nous en obtiendrons quelques-unes complètement isolées, qui seront presque toujours unipolaires. Ge sont des corps piriformes, réfractant peu la lumière, formés par une 1 L'appareil dont M. Ranvier s’est servi et que j'ai employé, se compose d’un tube à expérience dans lequel la membrane est placée avec 4 ou 5 centimètres cubes d’eau. Le bouchon qui le ferme est percé d’un trou dans lequel s’engage un long tube de verre légèrement coudé. L'appareil est placé au-dessus d’une petite flamme de gaz. La vapeur de l’eau se condense le long du tube mince et retombe en gouttes dans le tube à expérience, de sorte que le liquide ne diminue presque pas et l’on peut continuer l’ébullition pendant longtemps sans être obligé de rajouter de l’eau. 2 La coupe venant d’une chaîne desséchée, ramollie et gonflée dans l’eau, est monoréfringente. Une coupe faite sur même chaîne, après avoir été gonflée dans l’eau et abandonnée à la dessiccation sur une lame de verre, puis montée dans la : résine Dammar, est biréfringente. 375 W. VIGNAL. masse légèrement granuleuse, contenant un noyau homogène très réfringent, nettement limité, et des granulations graisseuses. Les granulations n'ont pas l'aspect ordinaire qu’elles affectent gé- néralement. En effet, elles ne sont pas nettes, rondes, mais au con- traire diffuses, peu définies, ont un aspect nuageux qui semble indiquer simplement une plus grande condensation de la substance cellulaire ; en un mot, ce sont des grumeaux. Ces grumeaux sont surtout visibles dans les parties supérieures de la cellule, au-dessus du noyau, qui se trouve généralement situé assez proche du prolongement. Ce dernier est homogène, et sa sub- stance offre le même aspect que celle de la cellule, si toutefois nous faisons abstraction des grumeaux. La dissociation à l’état frais dans le liquide de la cavité viscérale étant excessivement pénible et ne donnant que peu d'éléments isolés, j'ai essayé si le sérum iodé, fait avec le Hiquide amniotique d'un mammifère, exercerait une action altérante sur les éléments nerveux de ces animaux. Dans ce but, j'ai dissocié dans le liquide de la cavité viscérale un ganglion, et, dans du sérum iodé faible, un autre ganglion venant du même animal. Après avoir examiné suc- cessivement les deux préparations, Je me suis convaincu que le sérum ivdé, préparé d'après les procédés classiques, n'avait aucune action altérante sur les éléments nerveux, aussi l'ai-je employé comme réactif dissociateur. Un morceau de chaîne nerveuse, après y avoir macéré quarante- huit heures, se laisse dissocier avec la plus grande facilité, surtout si on a au préalable fendu les gaines avec la pointe d’un scalpel. Après la macération dans ce liquide, on obtient par dissociation un grand nombre de cellules nerveuses; la grande majorité sont unipolaires, mais on en trouve quelques-unes ayant deux, trois et même quatre prolongements. Les premières et les plus abondantes sont fusiformes (fig. 66, b), et un prolongement part de chacune de leurs extrémités ; les autres, plus rares (fig. 66,c), sont piriformes, et les deux prolongements CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 379 quittent la cellule l'un à côté de l’au tre; enfin, les multipolaires sont de formes fort irrégulières : j'ai dessiné (fig, 66, d) l'aspect le plus commun. Pour arriver à me convaincre que les cellules n'avaient pas une structure plus complexe que celle que je viens de décrire après les avoir dissociées à l’état frais ou après que la chaîne avait macéré Fic. L. — Diverses cellules nerveuses de la chaine ganglionnaire du lombrie. 500 diamètres ; aa, cellules unipolaires; b, cellules bipolaires fusiformes; €, bipolaires piriformes; d, multi- polaires, dans le sérum iodé, je les ai exposées comme j'avais fait pour celles des ganglions des hirudinées, aux vapeurs de l'acide osmique (voir p. 350), puis je les ai examinées dans l'eau. L'emploi des vapeurs osmiques ne m'a pas permis de reconnaitre plus de détails que ceux que j'avais vus dans les méthodes précé- dentes. Le manque de membrane cellulaire, la condensation de la matière cellulaire dans les parties supérieures, le noyau et son nu- eléole, ainsi que les granulations graisseuses, apparaissent seulement d'une facon plus nette. Plusieurs auteurs, et entre autres Walter (loc. cit., p. 19; Hist., p. 284), ont décrit une striation concentrique dans les cellules ner- veuses du lombric ; d’autres pensent qu’elles sont des corps très gra- nuleux. Pour arriver à connaître dans quelles conditions les stries et les granulations apparaissaient, je les ai traitées par différents réactifs et de diverses manières. Voici les résultats de mes observa- tions : l'acide osmique à 1 pour 109, soit qu'il pénètre par diffusion dans la chaîne, soit qu'on en fasse tomber une goutte sur des cellules 1 Si on désire conserver ces préparations, il est nécessaire de faire la dissociation dans fort peu de sérum et de les monter en cellules dans de l’eau phéniquée à 1 pour 1000. 380 W. VIGNAL. dissociées sur une lame de verre, les rend très granuleuses. L’acide chromique à 4 pour 500 y fait apparaître des stries ou les rend gra- nuleuses, suivant qu'on y laisse macérer la chaîne ou qu on le fasse agir quelques instants sur des cellules isolées. L’acide picrique et le liquide de Kleinenberg, le second surtout, détermine l'apparition d'une série de stries en même temps qu'un état granuleux. Mais ces stries et ces granulations doivent, à mon avis, être considérées comme étant des produits artificiels dus à l’action des réactifs, car cette action se révèle par des stries ou des granulations, suivant que le réactif agit lentement ou rapidement; l’eau qu'ils contiennent joue aussi un rôle important : il suffit, pour s’en convaincre, d’étu- dier des cellules surprises par les vapeurs de l’acide osmique et des cellules sur lesquelles ce réactif aura agi en solution aqueuse. Walter (loc. cit., p. 21, et pl. IL, fig. 3 et 7) décrit et figure de nombreuses cellules unipolaires s’anastomosant avec des cellules multipolaires ; je n'ai jamais obtenu de préparations semblables à ces dessins, et toutes les fois que j'ai cru voir une anastomose entre deux cellules, un léger mouvement dans la préparation m’a montré que j'avais sous les yeux une simple juxtaposition. Le volume des cellules est très variable et il augmente avecla grandeur de l'animal, il est aussi en rapport avec le volume des ganglions dont elles viennent. Aussi sont-elles proportionnellement plus volumineuses dans les premiers ganglions que dans les derniers ; le volume extrème de deux cellules que j'ai mesuré dans la chaîne d’un lombric de 30 centimètres de long était 75m et 9 pm; la moyenne de 50 mensurations est de 22 1. Tubes nerveux ordinaires de la chaîne nerveuse. — Les tubes ner- veux de la chaîne ganglionnaire du lombric sont de deux sortes : 1° les tubes nerveux des colonnes fibreuses, et 2° les trois tubes géants. Nous étudierons les premiers d’abord. Lorsqu'on cherche à les voir sur un ganglion dissocié à l’état frais, dans un peu de liquide de la cavité viscérale, on ne trouve dans la préparation que quelques baguettes réfringentes, homogènes, for- CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 381 mées d’une substance molle, ayant une faible cohésion, car elles se brisent facilement ou elles se déforment au moindre attouchement des aiguilles ou des corps flottant avec elles dans la préparation. Après macération d'une chaîne dans le sérum iodé, il est encore . plus difficile d'obtenir de ces baguettes ; la substance qui les forme se réduit, sous l'influence des tiraillements, en une infinité de petits globules qui flottent dans la préparation, et les quelques rares ba- guettes qu’on obtient ne nous révèlent rien de plus que celles que nous avons obtenues par la dissociation à l'état frais. Si nous les examinons sur des coupes longitudinales de ganglions, qui auront été durcis dans l'acide osmique ‘, nous verrons que les 1 Le procédé qui m'a donné les meilleurs résultats, pour l'étude de la chaîne ganglionnaire dans son ensemble et ses détails, est le suivant : après avoir anes- thésié un lombric en le plaçant sous une cloche avec quelques gouttes de chloro- forme, on le fend sur un côté dans toute sa longueur, puis à l’aide de quelques épingles on le tend sur une plaque de liège et on dégage la chaîne ganglionnaire, qu'on laisse adhérente à la paroi tégumentaire en enlevant le tube digestif, les cloi- sons, etc. La chaîne étant ainsi mise à nu est arrosée de quelques gouttes d’une solution d'acide osmique à 1 pour 100, et on recouvre le tout d'une cloche. Au bout de quelques minutes la chaîne est fixée ou plutôt la gaine musculaire, étant atteinte par le réactif, ne peut plus se contracter, s’enrouler et déformer les ganglions, comme elle ne manquerait pas de le faire, si on la détachaït encore vivante. La chaîne est alors mise pendant vingt-quatre heures dans une solution à 1 pour 100 d'acide osmique; au bout de ce temps, on la lave, puis, après l’avoir divisée en frag- ments, on la porte dans de l'alcool faible d’abord, puis plus fort, et enfin dans de l'alcool à 99 degrés centigrades. Au premier abord on pourrait croire qu'un séjour de vingt-quatre heures dans l'acide osmique rend les éléments si noirs que leur étude en devient impossible, il n’en est rien ; après vingt-quatre heures ils sont à peine colorés en brun foncé. Il n’est pas non plus inutile de compléter le durcissement par de l’alcool faible dont la richesse est augmentée graduellement (alcool 50, 70 et 90 degrés centigrades), car si on emploie de suite de l’alcool fort, les éléments se rétractent. J’ai fait mes coupes en englobant les chaînes dans un mélange à parties égales de cire et d'huile, et elles ont été montées en préparations persistantes dans la gly- cérine, Il est bon de ne pas attendre, une fois qu'elles ont été dans l'alcool, trop longtemps avant de couper les chaînes ganglionnaires, car au bout de quelques jours elles deviennent très cassantes. Les matières colorantes, le picro-carminate d'ammoniaque, l’éosine du commerce, l’hématoxyline en solution aqueuse, ou en solution glycérinée (Renaut), l’éosine chlorhydrique, {a purpurine même, n’ont pas la moindre élection sur les éléments constituant la chaîne ganglionnaire ; aussi ces matières ne peuvent-elles servir qu’à 382 W. VIGNAL. colonnes sont formées par une série de tubes de diamètres fort dif- férents, peu colorés par l’acide osmique et séparés les uns des autres par des lignes de différentes épaisseurs plus colorées. Dans ces conditions, il ne nous reste que l'étude de coupés trans- versales des tubes : nous les ferons sur une chaïne de lombric, préalablement traitée par l'acide osmique. Sur de telles coupes les colonnes fibreuses de la chäîne apparais- sent, à un faible grossissement, comme étant de forme généralement circulaire, divisées en une série d'éspaces plus petits par des cloisons assez épaisses, formées de plusieurs lamelles de tissu conjonctif. Ces cloisons partent du bord de l’espace circulaire ét se dirigent gé- néralement vers son centre ; mais le long de leur trajet elles émet- tent à droite et à gauche des travées plus petites, des lamelles qui, à leur tour, se divisent de plus en plus, et finalement des lamelles isolées limitent des espaces de forme et de grandeur très va- riables. La forme fondamentale de ces espaces paraît être le cercle, mais il est plus ou moins modifié par la pression réciproque ‘. Le diamètre transversal de ces espaces varie dans une proportion très considérable, car, ayant mesuré deux tubes parfaitement circu- laires qui me paraissaient être deux extrêmes d’une préparation, j'ai trouvé pour le gros 30 { et pour le petit 3 y L'intérieur des espaces limités par les lamelles conjonctives est occupé par une matière si faiblement colorée par l'acide osmique, qu'on se demande si elle existe en réalité et siles mailles ne sont pas uniquement occupées par le liquide dans lequel se trouvent les modifier l'indice dé réfringence des parties constitutives de la chaîne, mais nulle- ment à distinguer les différentes parties des éléments l’une de l'autre, aussin’en ai-je presque pas fait usage, et celle à laquelle je donne la préférence est l’éosine chlorhydrique de Fischer (Arch. f. Mik. Anat.,1875, t. XII, p. 249, et Ranvier, Traité tech., p. 629). 1 Les figures qui accompagnent cette fecherche ont toutes été faites d’après des préparations de chaîne tendue, mais j'ai examiné des coupes de ganglions venant de chaîne en état de contraction (tétanisme) ; la forme, sinon le volume, des tubes était sensiblement la même que sur les chaînes tendues. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 383 coupes, Mais le doute n’est plus permis si on colotre la préparation avec l’éosine de Fischer. Sous l'influence de ce réactif, l'intérieur des cloisons se colore vivement en rouge et apparaît comme une sub- stance presque homogène, contenant çà et là quelques granulations excessivement fines, dans d’autres points des grumeaux formés par une condensation de là matière des tubes. Un autre procédé pour mettre le contenu des cloisons en évidence est le suivant : après avoir retiré la chaîne de l'acide osmique et J’avoir lavée, on la plonge brusquement dans de l’alcoo! fort (90 de- grés centigrades), où on la laisse séjourner pendant quelques heures. Sous l'influence de Palcoo!l fort, employé sans ménagemient, la matière contenue dans les cloisons se rétracte partiellement dans certains points et prend une forme étoilée, permettant de constater, par la différence de coloration qui existe entre l’espace vide et la substance même, la présence de cette dernière. Maintenant que nous connaissons l'aspect des tubes sur unecoupe transversale, nous pouvons mieux interpréter les coupes longitudi- nales. Les lignes sombres qui limitent les tubes sont les coupes longitü- dinales des cloisons, et ces lignes sont plus où moins épaisses, Suivant que la coupe porte sur uñe grosse travée où sur l'enveloppe d’un espäce. De ce que nous avons vu, tant sur les dissociations qué sur les coupes longitudinales et transversales, nous pouvons en déduire la structure des tubes nerveux : ils sont donc formés d’une masse molle, réfringente, contenant quelques fines granulations et des grumeaux, ils se colorent faiblement par l'acide osmique et sont dépourvus d'une paroi propre, mais entourés d’une lamelle de tissu conjonctif. Quelle est la longueur de ces fibres nerveuses ? Il est impossible de le dire, car elles ne sont pas rigoureusement paral- _lèles, mais en tous cas cette longueur doit être assez grande et au moins égaler, pour beaucoup de fibres, celle de plusieurs gan- glions. 384 W. VIGNAL. Tubes géants de la chaîne nerveuse ‘. — Ces tubes, ainsi qu'on à pu le voir dans l’Historique (p. 281 et 393), ont été découverts par Cla- parède, puis étudiés par Leydig, et de nouveau par le premier de ces auteurs. Leydig les place à la face antérieure de la moelle, à l'intérieur et contre le névrilème interne ; c’est là, en effet, qu'ils se trouvent et non pas comme Claparède l’a dit, en dernier lieu, dans l’épaisseur de cette membrane. Lorsqu'on examine, sans l'addition d’aucun réactif, une chaîne ganglionnaire de lombric reposant par sa face ventrale sur la lame de verre, en abaissant un peu l'objectif au-dessous des gaïînes, on ne tarde pas à découvrir les trois fibres nerveuses géantes. Leurs bords réfractent fortement la lumière et présentent le même aspect que ceux des tubes à myéline des vertébrés. Si nous mettons sur la lame une goutte d'acide osmique, nous verrons le bord de ces fibres se colorer rapidement en noir, tandis que le centre volumineux ne prendra point de coloration ; si au lieu d'acide osmique nous ajou- tons une solution de bleu de quinoléine, le bord des tubes se colo- rera en bleu intense, le centre restera toujours incolore. Ces deux réactions histo-chimiques, jointes à la réfringence par- ticulière des tubes, nous indiquent que nous avons affaire à une substance grasse, peut-être analogue à la myéline des nerfs des vertébrés. Pour nous en assurer, détachons la chaîne d’un animal complè- tement anesthésié, pour éviter l’action de la contractilité muscu- laire, et après l’avoir placée sur une lame de verre, divisons-la, à l’aide d’un bistouri, par une section franche, puis, après l’avoir recou- verte d’une lamelle, examinons l'extrémité d’un fragment et faisons arriver une goutte d’eau par capillarité. On voit alors la substance centrale du tube sortir lentement de celui-ci, sous la forme d’un cylindre, quelquefois très long, d’abord homogène, réfringent, qui \ Dunkelrandige riesigen Primilivfasern. LEyDiG (loc. cit., p. 170, CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS, 385 I ne tarde pas à devenir granuleux et à perdre sa réfringence. Si nous continuons l'observation plus longtemps (une à deux heures), nous le verrons se réduire petit à petit en fines granulations qui flottent dans le liquide environnant. Ce cylindre entraine avec lui une certaine quantité de la substance réfringente des bords qui, aussitôt sa sortie du tube, se ramasse en boules, en gouttelettes, mais ne se gonfle pas et ne présente pas les métamorphoses si connues de la myéline. Leydig (Taf. II, Vergl. Anat., pl. V, fig. 9) a représenté l'aspect qu’elle offre dans ces conditions. Ce n’est donc pas de la myéline, mais une autre matière grasse, car, si on traite une chaîne par l’alcoo!, puis par l’éther, l’acide os- mique et le bleu de quinoléine ne colorent plus le bord de ces tubes d'une façon aussi intense ; cependant, cette matière paraît toujours être plus compacte que la substance centrale du tube. Leydig a décrit et figuré la substance centrale de ces fibres comme étant un cylindre d’axe fibrillaire. Dans l’eau nous l’avons vue se comporter d'une manière toute différente que celle qu’'aurait un cylindre d’axe de nerf de vertébré placé dans les mêmes conditions ; aussi, pour nous en assurer, nous avons traité une chaîne nerveuse par le nitrate d'argent à 4 pour 1000, comme l'indique H. Schultze. J'ai appliqué cette méthode dans son intégrité à plusieurs reprises et en modifiant le titre de la solution argentifère et la durée de l’im- mersion, et je n'ai jamais vu dans l'intérieur de ces tubes la moindre trace de striation ; ils devenaient seulement granuleux. Sur des préparations de chaînes entières qui ont macéré seule- ment un temps très court dans l'acide osmique (une demi-heure), suffisant pour les fixer sans les rendre trop noires, ces tubes pré- sentent des aspects différents, suivant qu'ils sont examinés, sur une chaîne tendue au moment où l'acide osmique a agi, ou suivant qu'elle n’était pas tendue. Dans le premier cas, le cylindre grais- seux a presque partout la même épaisseur ; dans le second, il pré- 1 H. ScaucTzr, Die fibrillare structur der Nervenelemente bei Wirbellosen (Arch. f. Mik. Anat., Bd. XVI, 1879, p. 57). ARCH, DE ZOOL,. EXP. ET GÉN, == 9€ SÉRIE, — T, 1, 1883, [Ka ©t 3806 W. VIGNAL. sente à son intérieur des saillies, des pointes plus ou moins accusées, dues, sans aucun doute, au plissement que les fibres musculaires font subir au tube par leurs contractions. Lorsqu'on étudie ces tubes sur des coupes transversales de la chaîne ganglionnaire, on voit qu'ils sont situés presque contre la gaine anhiste, mais en sont cependant toujours séparés par une couche plus ou moins épaisse de tissu conjonctif qui les isole égale- ment les uns des autres. Il n’y a rien, ainsi que je m'en suis con- vaincu par l'examen d’un grand nombre de coupes, de rigoureuse- ment régulier dans l’épaisseur de la couche conjonctive, séparant les tubes de la gaine anhiste et les uns des autres, non seulement elle varie d’un lombric à l’autre et d’un ganglion à un autre, mais aussi aux différentes hauteurs d’un même ganglion, même pris sur une chaîne tendue; car sur celles qui ne le sont pas, la variation est encore plus considérable, mais cette disposition n’a pas grande im- portance et on peut dire comme règle générale « que ces tubes géants se trouvent très proches de la gaine anhiste, mais jamais en contact avec elle ». Ils ne paraissent pas avoir de membrane propre, mais seulement être, comme les autres tubes nerveux, entourés par des cloisons de tissu conjonctif. Sur une coupe, il est fort difficile de voir s'ils sont dépourvus de gaine propre par suite de la densité du tissu conjonctif qui les entoure. A l’aide de la dissociation, on arrive à des résultats plus concluants, sans qu'ils soient cependant absolument certains. Les conditions qui me paraissent être les plus favorables pour la dissociation sont les suivantes : la chaîne, après avoir séjourné pen- dant vingt à trente minutes dans la solution à 1 pour 100 d’acide osmique, est mise pendant deux ou trois jours dans un flacon avec de l’eau distillée à laquelle on ajoute, par précaution contre la putré- faction, quelques gouttes d’une solution aqueuse au millième d'acide phénique. Dans ces conditions, le tissu conjonctif se ramollit ; alors on disso- cie à la loupe et avec beaucoup dé ménagement les tubes, puis on - CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRES. 387 enlève un lambeau de l'enveloppe qui les protège : on constate alors que la gaine qui les entoure n’est pas formée d’une seule lamelle, mais de plusieurs intimement soudées ensemble et venant du tissu conjonctif ambiant. Sur les coupes transversales, la disposition concentrique de la sub- stance graisseuse se voit admirablement bien ; on constate qu'elle forme une couche mince, d’une épaisseur assez régulière, fortement colorée en noir tout autour des tubes nerveux ; en un mot, elle constitue un cylindre creux renfermant la substance centrale du tube, substance que nous avons vue s’en échapper sous l'influence de l’eau. Cette dernière se colore peu par l'acide osmique, renferme quel- ques rares fines granulations et des grumeaux ; en un mot, elle parait être tout à fait l’analogue de la substance formant les tubes des colonnes. Leydig (voir Æist., p. 280) à décrit une bifurcation du tube central gisant dans le premier ganglion sous-œæsophagien et ces branches vont, d’après lui, se perdre dans les commissures reliant ce dernier avec le ganglion sus-æsophagien. Claparède ( voir Hist., p. 293) ne partage pas l'opinion de Leydig, car il prétend que ce tube com- mence comme un tube nerveux ordinaire dans le premier ganglion et revêt petit à petit les caractères d’un tube foncé. Pour résoudre cette question, il m'a paru qu’il n’y avait, étant donné que l'examen à plat donne des résultats contestables, qu’une seule chose à faire, c'est de faire une série de coupes transversales de tout le premier ganglion. C'est ce que J'ai fait, en examinant, à mesure que je les faisais, toutes les coupes les unes après les autres. J'ai ainsi vu que ce tube central commence invariablement sous la forme d’une pointe fusiforme dans le premier ganglion, générale- ment un peu au-dessus de sa moitié, et qu'il s’élargit assez rapi- dement. La figure 33 représente une coupe transversale du premier gan- 388 W. VIGNAL. glion, passant très proche de son milieu; on y voit seulement le tube central considérablement plus étroit qu'il ne l’est plus bas, mais ayant déjà les caractères des tubes géants. Les deux autres tubes géants naissent dans la partie inférieure du premier ganglion, ou plus souvent encore seulement dans le deuxième ganglion et quelquefois même dans le troisième. Ces tubes géants se terminent dans les derniers ganglions, sans qu'il soit possible d'établir avec précision dans lesquels. Cependant, on peut dire que le tube central finit généralement dans le dernier ganglion et les deux autres tubes géants latéraux un ou deux gan- glions plus haut: leur terminaison s'effectue, pour tous les trois, comme leur naissance, par une pointe fine. Pour le moment, nous ne parlerons pas des relations de ces tubes entre eux, Car nous y reviendrons lorsque nous exposerons quels sont les rapports que les tubes géants, les tubes ordinaires et les cel- lules nerveuses paraissent avoir entre eux. Tissu conjonctif de la chaïne nerveuse. — Parmi les éléments con- stitutifs de la chaîne ganglionnaire, nous trouvons le tissu et les cellules conjonctives. Les cellules conjonctives se présentent sous la forme de corps granuleux, peu réfringents, formés d’un noyau transparent, entouré d’un protoplasma très granuleux. Les granulations rondes qu’elles contiennent sont très petites, réfractent un peu plus la lumière que la matière qui les réunit; elles se colorent en brun par l'acide osmi- que, ne me paraissent pas être de nature graisseuse, car elles deviennent foncées par suite de l’action de ce réactif, même lors- qu'elles sont examinées sur une chaîne traitée au préalable par l'alcool absolu et l’éther; cependant, comme elles ne deviennent jamais aussi foncées, je suis porté à penser qu'elles renferment un peu de graisse larvée. Les formes de ces cellules, lorsqu'on les étudie par dissociation, sur une chaîne ayant séjourné quelque temps (une demi-heure) dans l’acide osmique, sont très variées ; elles sont fusiformes, trian- CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 389 gulaires, prismatiques, piriformes, etc. On comprend pourquoi elles présentent des formes si dissemblables, si on les examine sur une préparation qui aura été obtenue par la dissociation d'une chaine fraîche dans le liquide viscéral de l'animal ; ou mieux encore, lorsque la chaîne aura macéré quarante-huit heures dans le sérum iodé, on verra alors que ces cellules sont excessivement malléables, et qu'elles prennent toutes les formes sous l'influence des courants qu'on déter- mine dans la préparation. Toutes les cellules n’ont pas exactement le même aspect, quel- ques-unes sont si granuleuses, qu'il est presque impossible de voir leurs noyaux, d'autres, au contraire, le sont beaucoup moins ; pour le présent, nous ne ferons que signaler cette différence, car nous serons obligé d'y revenir plus loin. Les matières colorantes ne pa- raissent pas avoir grande élection sur elles, car elles prennent une coloration presque uniforme sous leur influence. Le tissu conjonctif, au milieu duquel elles se trouvent, me paraît être formé de lamelles intimement unies entre elles par un cément qui ne se révèle que par une légère différence de réfringence ; dans certains points, il est dense et serré (contre la gaine anhiste, cloi- son), les lamelles sont fortement appliquées lesunescontre les autres; dans d’autres points, au contraire, il se présente sous la forme de minces et élégantes lamelles isolées (colonnes des fibres nerveuses). Il m'a été impossible de décomposer ces lamelles en fibres. Fibres nerveuses venant de la chaîne ganglionnaire. — Les nerfs ve- nant des ganglions sont enveloppés dans une double gaine, qui les accompagne jusqu'à ce qu'ils pénètrent dans les tissus, où la pre- mière gaine parait les abandonner. Cette dernière est formée par les cellules épithéliales que nous avons déjà vues recouvrir la chaîne ; la seconde gaine est formée par la cuticule composant la troisième gaine des ganglions ventraux. Lorsqu'on parvient à dissocier un nerf, on voit qu'il est formé par de fines fibrilles ayant 2 à 3 & de diamètre environ ; les fibrilles sont polygonales ou rondes. Elles paraissent être formées par une matière peu réfringente, 390 W. VIGNAL. visqueuse, peu granuleuse, se colorant en brun très clair par l’acide osmique. | Pour pousser plus loin l’analyse histologique des nerfs, il est né- cessaire d'en faire des coupes transversales après durcissement *. J'ai employé comme agents durcissants presque tous les réactifs usés dans la technique histologique et j'ai trouvé que le meilleur était l’acide osmique et le chlorure d’or ?. A l'aide de ces deux réac- tifs, je suis arrivé à comprendre de la façon suivante la structure des nerfs : en-dessous des deux gaines se trouve une mince couche de tissu conjonctif renfermant quelques cellules aplaties, granu- leuses et analogues à celles qui doublent la gaine anhiste de la chaîne ventrale. Cette couche de tissu conjonctif envoie dans l’intérieur des nerfs des cloisons qui, en s’anastomosant entre elles, limitent des espaces ovalaires ronds ou polygonaux de 2 à 3 x de diamètre, qui sont remplis par une matière analogue à celle qui remplit les cloisons de colonnes des fibres de la chaîne ventrale. Il m'a été de toute impossibilité de trouver une structure plus complexe; j'ai eu beau essayer de trouver des fibrilles au sein de cette substance, il m'a été impossible d’en déceler l'existence. Mais je ne veux pas, cependant, nier qu'elles n'existent, je dirai même que je pense que lorsqu'on aura trouvé un moyen de modifier la réfringence du contenu des cloisons, on reconnaîtra qu'ils en ren- ferment. Structure du cerveau et des ganglions de la chaîne ventrale. — Dans cette étude nous ne suivrons pas l’ordre anatomique, car, pour plus de facilité dans l’étude, nous commencerons par faire une description anatomique de l’un des ganglions de la chaîne ventrale, puis du premier ganglion sous-æsophagien et enfin du cerveau. Ganglions de la chaîne ventrale. — Tous les ganglions de cette 1 Ilest absolument nécessaire d'inclure les nerfs dans la gélatine. ? Or bouilli pendant une heure, réduction à la lumière. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 391 chaîne, sauf le premier et le dernier, sont semblables entre eux. Ils ont une forme ovoïde allongée, et sont aplatis d'avant en arrière, émettant chacune six nerfs, trois de chaque côté. Les deux premiers sortent immédiatement l’un au-dessus de l’autre : nerfs jumeaux ; le troisième quitte le ganglion un peu au-dessus du point de soudure du ganglion auquel il appartient et du suivant. Cette disposition macroscopique nous indique de suite les différentes zones que nous devons étudier. Ge sont : 4° entre le commencement du ganglion et les nerfs jumeaux; 2° les nerfs jumeaux; 3° entre ces derniers et le nerf unique; 4° le nerf unique ; 5° au-dessous de lui jusqu’au point de soudure, Nous ferons donc une série de coupes transversales, comprenant ces régions, et les coupes que nous décrirons seront prises, autant que possible, au centre de la zone, car celles qui seront au-dessus et au-dessous présenteront des transitions faciles à imaginer entre cette coupe et la suivante. 4° Coupe passant entre le commencement du ganglion et les nerfs jumeaux.—Cette coupe, ayant la formed'une ellipse allongée, montre que les ganglions sont formés de deux moitiés latérales et symétri- ques; il nous suffira donc de décrire une seule moitié‘! (pl. XVII, fig. 30). Les trois gaines sont nettement délimitées, la gaine épithé- liale paraît sous la forme d’une simple ligne, la gaine musculaire (a) présente les sections transversales ou un peu obliques des fibres mus- culaires par suite de l’obliquité assez grande du ganglion à ce niveau. La gaine anhiste est fort nette (b), elle envoie quelquefois des pro- longements entre les fibres musculaires. Gette gaine est fort épaisse, car sur cette coupe elle mesure 10 & et le plus grand diamètre de cette coupe, sans les gaines, est de 160 &. ; donc elle à une épaisseur égale au seizième de la longueur du plus grand diamètre de la coupe. En dedans de cette gaine et appliquée contre elle, nous voyons une couche de cellules granuleuses (c), brunes sur cette préparation faite 1 Par suite de nécessité d’arrangement de planche, j'ai été obligé de ne faire des- siner qu'une partie de l’épaisseur de la couche musculaire, 392 W. VIGNAL. à l’aide de l'acide osmique ; elles sont entremèêlées de lames de tissu conjonctif. Gette couche conjonctive ne se contente pas seulement de doubler la gaine anhiste, mais elle s'étend entre les deux moitiés du ganglion et contribue à les séparer ; ici, elle ne divise pas com- plètement le ganglion, car la cloison qu'elle forme, allant en s'amin- cissant des bords supérieurs et inférieurs vers le centre, cesse com- plètement avant d’y être arrivée. Dans la partie supérieure de cette couche, dans son milieu et proche de la gaine cuticulaire se trouvent les trois tubes géants (e). Appliquées immédiatement contre la couche des cellules conjonc- tives, à sa partie inférieure et sur les côtés, au milieu de lamelles conjonctives, on voit les cellules nerveuses (gg). Ges cellules parais- sent être toutes unipolaires et diriger leur prolongement vers le centre de la moitié du ganglion dans lequel elles se trouvent, de sorte que, comme elles sont piriformes, leur grosse extrémité s’ap- puie sur la couche des cellules conjonctives. Elles nous paraissent granuleuses, mais nous savons que l’acide osmique en solution aqueuse détermine cet état du protoplasma. Limitée en bas et sur un côté par les cellules nerveuses, en haut et sur l’autre côté par la couche conjonctive, se trouve la colonne fibreuse (d), de la moitié de la chaine. Sur cette coupe il est facile de voir que les fibres nerveuses qui la forment sont séparées les unes des autres par des émanations de la couche conjonctive qui, ici, paraît former un réticulum fort compliqué, limitant des fibres de volume très va- riable. La colonne fibreuse ne se trouve pas au milieu de la moitié du ganglion, mais un peu plus à sa partie supérieure et proche du centre de la chaîne. Sur cette coupe les deux colonnes se touchent dans une faible étendue, car la cloison ne s'étendant pas dans toute la largeur de la chaîne, laisse un espace par lequel elles peuvent se trouver en contact. Que quelques fibres de la colonne de droite passent dans celle de gauche, el vice versa, je n’en serais point étonné, et mème je pense que cela doit avoir lieu, mais des coupes transver- CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 393 sales ne permettent pas d’être affirmatif, et les coupes longitudinales passant par les deux colonnes fibreuses ne jettent pas beaucoup plus de lumière, mais, en tout cas, il est possible de dire que s'il y a entre-croisement, cet entre-croisement n’est jamais bien considé- rable. 2° Coupe passant par l'origine d'un des nerfs jumeaux (fig. 31). — La couche conjonctive, prise à cette hauteur, présente un grand développement ; elle est beaucoup plus épaisse que dans la coupe précédente, mais c’est surtout sa partie lamellaire qui s’est étendue. La cloison qu’elle forme entre les deux moitiés du ganglion le divise complètement, car elle ne présente pas de solution de continuité, comme nous en avons vu une dans la coupe précédente; quelquefois à son centre on rencontre une ou deux petites colonnes (4) de fibres nerveuses, d’une structure semblable à celle des deux grosses co- lonnes nerveuses de la chaîne, Dans cette couche conjonctive, on retrouve les trois tubes géants, qui sont logés toujours proche de la paroi interne de la gaine anhiste. La couche des cellules nerveuses est représentée ici seulement par quelques globes ganglionnaires, emprisonnés dans le tissu con- jonctif; ils sont généralement situés sur les côtés du ganglion (g), et ils paraissent envoyer leurs prolongements dans les colonnes ner- veuses ; l'espace qu'elles occupaient dans la section précédente est envahi, dans celle-ci, par la couche conjonctive, de sorte que les co- lonnes des fibres nerveuses occupent les mêmes points que dans la coupe précédente ; elles y ont le même aspect, sauf en ce que de leurs côtés latéraux (n) se dégagent les nerfs. Ceux-ci quittent la coupe en suivant à peu près son grand diamètre, mais en s’inclinant cependant pour gagner le bord dela chaîne, un peu de haut en bas. À leur sortie, ils ne sont accompagnés que par la gaine anhiste et la gaine épithéliale, 3° et 4° Coupe passant entre les nerfs jumeaux et le nerf unique. Coupe passant par le nerf unique.— La troisième coupe que nous 394 W. VIGNAL. devons étudier passe entre les nerfs jumeaux et le nerf unique ; sa structure est exactement la même que celle de la première coupe ; aussi ne la décrivons-nous pas plus que celle de la quatrième coupe ; qui passe par l’origine du nerf unique ; car cette dernière, sauf un volume moindre, a le même aspect que celle qui passe par l’origine des nerfs jumeaux. 5° Coupe passant par le point de soudure de deux gangtions (fig. 29). — On voit, au premier coup d'œil, que cette Coupe à une surface considérablement plus petite que les précédentes, ce qui est dû à ce qu’en ce point le ganglion, qui a la forme d’un ovoïde, y est beaucoup plus étroit. La couche conjonctive a pris un très grand développement : la cloison est très accusée, les cellules conjonctives paraissent y être beaucoup plus nom- breuses que dans les autres parties du ganglion. Dans la couche conjonctive, on rencontre quelquefois quelques rares cellules nerveuses, mais souvent elles font complètement défaut: les Fic. M. — Figure schématique destinée trois tubes nerveux géants occupent à représenter les rapports des diffé- rentes parties d’un ganglion de la ]eur place normale. chaîne abdominale du lombric, vu sur une coupe longitudinale : A, portion : - d'un ganglion situé à la partie supé- Outre la couche conJonctive, cette rieure du ganglion B, qui est repré- . senté en entier : «8, moitiés gaucheet COUPE NE renferme que les deux co- droite du ganglion; a, gaine épithé- : liale; b, gaine musculaire ; e, gaine lonnes de fibres nerveuses qui ont leur anhiste : d, couche de tissu conjonc- tif doublant la gaine anhiste et formant - + 2 à + les cloisons; €, cellules nerveuses ; /, aspect habituel, quelquefois il vient tubes nerveux longitudinaux formant , . . : les colonnes ; g, tubes nerveux venant $ ajoindre à ces deux colonnes une des colonnes et formant les nerfs ju- k meaux; 4h’, nerfs uniques. ou deux autres plus petites colonnes de fibres nerveuses qui occupent toujours le centre de la cloison. Si nous examinons à présent des coupes faites sur des ganglions, pris à différentes hauteurs et en descendant de plus en plus, nous retrouvons toujours la même structure fondamentale ; seulement à CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 395 mesure que nous descendons, nous remarquons que la couche des cellules conjonctives perd de son importance. Ainsi nous prendrons comme type une coupe faite sur un gan- glion se trouvant être au commencement du 25° centimètre sur un ver qui, après avoir été anesthésié et complètement tendu, mesurait 30 centimètres de long. Sur cette coupe, qui passe entre les nerfs jumeaux et le nerf unique, on constate la disparition presque totale de la couche des cellules conjonctives, et sur les côtés latéraux et à la partie inférieure de la chaîne, les cellules nerveuses sont presque en contact immé- diat avec la gaine anhiste (6); la couche conjonctive n’a conservé son épaisseur normale que dans les parties supérieures du ganglion, et encore n’y trouve-t-on que peu de cellules conjonctives. Les cellules nerveuses, leur arrangement, la disposition et la struc- ture des colonnes de fibres nerveuses sont exactement les mêmes que sur les coupes faites sur les ganglions supérieurs. Nous signalerons aussi dans cette coupe la minceur de la gaine | anhiste (e) et de la gaine musculaire {b), qui est réduite à quelques fibres cellules dispersées au milieu d’une couche de tissu conjonctif fibrillaire. Si la coupe passe par le point de soudure de deux ganglions, les cellules conjonctives redeviennent très abondantes, et si ce n’était de la minceur des gaines anhiste et musculaire, il serait impossible, sauf par la différence de surface, de reconnaître si la coupe vient d'un des ganglions supérieurs ou d’un des inférieurs. Lorsque nous avons parlé des cellules conjonctives (voir p. 388); nous avons dit que toutes ne présentaient pas le même aspect, que quelques-unes étaient si granuleuses que l’on voyait à peine le noyau, tandis que d’autres l’étaient beaucoup moins ; si nous exami- nons une coupe faite à n'importe quelle hauteur du ganglion, nous verrons, en commençant notre examen, vers le centre, que les cel- lules qui s’y trouvent sont peu granuleuses, mais qu’à mesure que l’on s'approche de la gaine anhiste, elles le deviennent de plus en 396 W. VIGNAL. plus, et que celles qui sont appuyées contre celle-ci sont si granu- leuses que le noyau devient invisible. Je pense que ces cellules sont les organes formateurs de la gaine anhiste, et que les granulations qu'elles renferment sont des maté- riaux destinés à l'édification de la cuticule. Je ne pense pas que cette membrane soit formée par le tissu conjonctif fibrillaire inter-mus- culaire, car nous arriverions, si nous l’admettions, à ce résultat étrange, c’est qu'il forme une cuticule d'autant plus épaisse, qu'il est moins abondant; car c’est dans les points où il est le plus abon- dant qu'elle est le plus mince (ganglions inférieurs), et elle est le plus épaisse dans les points où il est le plus rare (ganglions supé- rieurs). Tandis que si nous admettons la formation de cette gaine par les cellules conjonctives, nous trouvons qu'elle est beaucoup plus épaisse dans les points où elles sont le plus abondantes, et dans les points où elles sontle plusrares, elleest réduite à une fine membrane. Les cellules et la couche conjonctive, mais en particulier les pre- mières, ont un rôle fort important, pour assurer l'intégrité du système nerveux. Nous voyons ces cellules doubler partout la gaine anhiste et former, pour ainsi dire, un quatrième névrilème. Nous avons vu plus haut que ces cellules sont excessivement malléa- bles, qu'elles prennent avec la plus grande facilité toutes les formes : aussi suis-je porté à penser qu’elles sont destinées à amortir les chocs, que doivent recevoir les éléments nerveux, dans les divers mouvements de l'animal, en un mot, je crois qu’elles jouent le rôle de coussin d'eau. Premier ganglion sous-æsophagien. — Le premier ganglion sous- œæsophagien a la forme d’un écu légèrement échancré au milieu de sa partie supérieure et dont les deux angles supérieurs se prolongent sous la forme de deux commissures, embrassant l’œsophage pour le réunir au ganglion sus-æsophagien ou cerveau. Ce ganglion émet quatre nerfs de chaque côté, ces nerfs se dirigent fort obliquement en haut. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 397 Si nous en examinons une Coupe transversale passant un peu au- dessus de son point de soudure avec le second ganglion sous-æso- phagien, ontrouve qu'elle a presque la même structure qu’une coupe passant entre le commencement d’un ganglion ventral et le double nerf (fig. 30), seulement la cloison est beaucoup plus épaisse et divise complètement le ganglion en deux moitiés latérales. Souvent on n'y rencontre qu'un seul tube géant, le central, les autres ne sont pas encore nés. À mesure que nous faisons des coupes successives mon- tant de plus en plus haut, nous voyons ce ganglion subir une série de modifications qui lui donnent un aspect distinct de celui des autres ganglions. Nous étudierons une coupe passant à peu près au milieu du premier ganglion (fig. 33), car à cette hauteur sa structure, encore assez semblable par certain point avec celle des ventraux, s’en éloigne par d’autres et nous indiquera dans quel sens les modi- fications ultérieures s’effectueront. Les trois gaines, épithéliale musculaire (a) et cuticulaire (b), existent : la gaine musculaire est moins riche en éléments contrac- tiles que sur les ganglions situés au-dessous, les deux autres gaines sont en tout point semblables à celles des autres ganglions supé- rieurs. La couche conjonctive (c) a à peu près partout la même épaisseur; elle envoie une forte travée entre les deux moitiés du ganglion, de sorte qu’elles sont complètementisolées l’une de l’autre. En dedans de la couche conjonctive, on rencontre les cellules ner- veuses disposées en deux groupes principaux : le premier est logé à la partie inférieure, dans l’angle que forme la couche conjonctive avec la cloison (g'); le second est situé sur le côté latéral (9). Ces cel- lules sont généralement un peu plus grosses que celles qui se trou- vent dans les autres ganglions: elles ont la même forme et la même position, c’est-à-dire qu’elles sont piriformes et envoient leurs pro- longements vers le centre de chaque moitié, occupé par les colonnes de fibres nerveuses. La colonne nerveuse (d) est ici moins rejetée en haut et sur le côté que dans les autres ganglions. Sa forme est assez irrégulière et 398 W. VIGNAL, divisée comme elle l’est, par une série de cloisons assez épaisses : elle paraît être formée par plusieurs colonnes secondaires. Dans la couche conjonctive, au centre de sa partie supérieure, on voit la coupe transversale du tube géant central, son volume est considérablement plus petit qu'il ne l’est dans les ganglions situés en-dessous de celui-ci : cela tient à ce que cette coupe passe très proche de son point de naissance, qui se trouve un peu au-dessus. Si nous faisons des coupes au-dessus de celle-ci, nous verrons petit à petit la disparition de la couche des cellules situées contre Le côté latéral, etl’envahissement de l’espace qu'elle occupe par les colonnes nerveuses ; en échange, les cellules situées dans l'angle de la cloison et de la partie inférieure de la chaîne remonteront le long de Ia cloison en augmentant de nombre. Lorsque le ganglion arrive à être échancré, la coupe transversale est divisée en deux parties isolées. Chacune d'elles est formée des trois gaines, d’une couche conjonctive annulaire, d’une colonne de fibres nerveuses et d’une couche de cellules nerveuses qui occupe le côté interne entre la couche conjonctive et la colonne de fibres nerveuses. Puis si nous continuons à faire des sections, en ayant soin toute- fois de changer l’angle d’inclinaison de la pièce pour avoir des coupes transversales, nous voyons les cellules disparaître presque tout à coup : nous sommes alors dans les connectifs réunissant ce ganglion avec le ganglion sous-æsophagien. Les nerfs naissent très obliquement de ce ganglion, mais leur mode d'origine est exactement le même que celui que nous avons décrit à propos des nerfs des autres ganglions. Ganglion sus-æsophagien ou cerveau. — Le cerveau ou ganglion sus- œæsophagien est formé par la réunion de deux ganglions soudés en- semble sur la ligne médiane. Ces ganglions, comme on peut les voir dessinés dans beaucoup de mémoires ou de traités de zoologie ‘, se présentent sous la forme de 1 Leynic, Taf, 111, Vergl. Anat., pl, IV, fig. 7. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 399 deux petits renflements ovoïdes, échancrés en haut et en bas à leur point de soudure ; ils sont réunis au premier ganglion de la chaîne ventrale par les deux bandes connectives dont nous avons parlé précédemment. Les connectifs sont deux cylindres ayant une assez grande lon- gueur entre lesquels passe l’æœsophage. Sur une coupe tranversale, on voit qu'ils sont formés par les trois gaines que nous avons décrites sur les ganglions ventraux, mais elles sont fort peu épaisses. Contre la paroi interne de la gaine cuticulaire, se trouve la couche de tissu conjonctif qui renferme quelques cellules granuleuses, et dans l’intérieur de cette couche se trouve une des colonnes des fibres nerveuses de la chaîne qui a exactement la même structure que dans les ganglions ventraux. Ces colonnes se continuent dans les ganglions cérébroïdes, où, par suite de l'augmentation des cloi- sons, les fibres deviennent beaucoup plus fines : celles de chaque côté se réunissent au point de soudure des deux moitiés du cerveau, formant de la sorte une anse. Sur des coupes longitudinales du cerveau, non seulement la con- tinuité des fibres nerveuses se voit très bien, mais on reconnaît aussi qu'elles occupent la face ventrale du ganglion, tandis que la face supérieure l’est par les cellules nerveuses. Pour bien se rendre compte de la structure des ganglions céré- broïdes, il est nécessaire d’en faire des coupes transversales. Si on étudie une telle coupe passant proche du connectif, on voit que la couche conjonctive a augmenté d'épaisseur et qu’elle con- tient quelques cellules nerveuses en tout point semblables ‘ et dis- posées de la même façon que celles qui se trouvent dans les gan- glions ventraux ; la couche conjonctive est moins épaisse, mais en échange les cellules nerveuses sont beaucoup plus nombreuses et enferment presque la colonne de fibres nerveuses dans un cercle 1 Ces cellules sont généralement plus petites que celles des autres ganglions, 400 W. VIGNAL. interrompu qui est cependant ouvert en bas, où les fibres ner- veuses sont en contact direct avec la couche conjonctive. Au point de soudure des deux moitiés du ganglion, point marqué par un sillon, il n’existe pas de cellules nerveuses. Les ganglions cérébroïdes sont recouverts seulement par deux gaines, car l'enveloppe musculaire disparaît au haut des connec- tfs. Les nerfs qui viennent du cerveau naissent de la même manière, des colonnes de fibres nerveuses, que dans les ganglions ventraux. Des rapports des cellules nerveuses avec les tubes nerveux et des rap- ports des tubes nerveux ordinaires avec les tubes nerveux géants. — Nous avons vu plus haut combien les éléments nerveux des lom- brics, surtout les tubes nerveux, sont friables, n'ayant pas d’en- veloppe propre ; de plus, étant contenus dans des cloisons de tissu conjonctif formant un tout continu, leur dissociation presque im- possible ne peut en tout cas que nous éclairer imparfaitement sur le rapport des tubes et des cellules nerveuses, car même le plus puis- sant réactif dissociateur que nous connaissions, la potasse caustique à 40 pour 100, dissout bien le tissu conjonctif, mais même lors- qu'on a pris la précaution d'ouvrir par avance la gaine anhiste, les éléments qu'on obtient sont altérés. Dans ces conditions, il ne reste qu'à examiner les coupes. J'en ai pratiqué un grand nombre, et je n'ai vu que deux fois une cellule en rapport avec un tube nerveux; cette réunion était une réunion en T, homologue à celie que M. Ran- vier a décrite dans les ganglions des vertébrés. On sera peut-être étonné du peu de fois que j'aie pu constater ce mode d'union, mais au milieu de cloisons prenant toutes les directions il est fort diffi- cile de faire cette observation : car il ne suffit pas de voir un tube à direction tranversale déboucher dans un autre tube longitudi- nal, il faut que la cellule soit attenante au tube transversal (le pro- longement cellulaire); en un mot, il faut que l’on voie le globe cellu- laire en continuité directe, par son prolongement, avec la coupe d’un tube nerveux, CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 401 Je suis cependant disposé à croire que ce mode d'union doit être, malgré les rares observations que j'aie pu faire, le vraietle seul, car j'ai aussi d’autres raisons qui, si elles ne sont pas affirmatives de ce mode, sont du moins exclusives de tout autre. Si on rejette la réunion en T, on est forcément conduit à admettre que le prolongement cellulaire devient un tube nerveux ; or, comme les cellules sont rangées tout autour des colonnes de fibres nerveuses et qu'elles envoient, d'une manière manifeste, directe- ment et horizontalement leurs prolongements dans l'intérieur de ces colonnes, ces prolongements doivent se courber ensemble à angle droit pour devenir des fibres nerveuses. Sur des coupes lon- gitudinales de ganglions, Je n'ai jamais pu voir la moindre cour- bure des prolongements cellulaires ; au contraire, on constate facilement que les prolongements cellulaires horizontaux, par rap- port aux fibres nerveuses des colonnes, s'arrêtent brusquement au milicu d'elles. De plus, quels que soient les ménagements employés, il estimpos- sible d'obtenir par dissociation des cellules avec de longs prolonge- ments ; ils ont au maximum à peine deux fois la longueur du globe ganglionnaire, et si le prolongement devenait un tube nerveux, il est bien certain qu'avec des précautions convenables on obliendrait des prolongements cellulaires plus longs. Un autre fait milite encore en faveur de ma manière de voir : si on admet que les prolongements cellulaires deviennent simplement des fibres nerveuses, il faut admettre que les fibres nerveuses des connectifs, reliant entre eux les ganglions cérébroïdes et au premier ganglion ventral les fibres formant les nerfs qui prennent leur ori- gine des ganglions, sont toutes fournies par les prolongements des cellules de ces ganglions ; or, si par la pensée on compare le volume de ces connectifs et de ces nerfs avec le volume que peuvent fournir tous les prolongements cellulaires réunis ensemble, on verra que ce dernier est fort au-dessous du premier, Prises isolément, ces observations, je le reconnais le premier, ne ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN, == 2€ SÉRIE, = T, 1. 1883. 26 402 W. VIGNAL. sont pas absolument concluantes pour la réunion en T que je sou- tiens, mais si nous les joignons à la première observation, je crois avoir une base assez solide pour émettre une hypothèse qui, si elle n’est pas la vérité même, n’est pas du moins irrationnelle. J’avouerai que je n'ai pu rien voir quant aux relations des cellules bipolaires et multipolaires ; je suis cependant disposé (et ici je suis dans le domaine de l’hypothèse pure) à penser queles cellules ayant deux prolongements dirigés dans le même sens, sont en rapport avec deux tubes nerveux, el que les autres relient entre elles quel- ques cellules nerveuses et se trouvent par un autre prolongementen rapport avec les fibres des colonnes nerveuses. Les tubes ordinaires s’anastomosent-ils entre eux ou ont-ils tout le temps un trajetséparé dansles colonnes ? Cette question, quoiqu’elle soit moins difficile à résoudre que la précédente, n’est pas moins entourée de difficultés. Sur des coupes transversales, on voit assez souvent dans l’intérieur des tubes une cloison diviser plus ou moins profondément le tube. Est-elle l'indice d’une division ou d’une anas- tomose ? L'étude des coupes longitudinales ne pouvant pas nous être de grand secours pour élucider cette question, car il est à peu près impossible d'affirmer qu’elles ne sont pas obliques à un tube donné, j'ai employé le moyen suivant : sur une coupe transversale, j'ai cherché un tube présentant une cloison et se trouvant dans une position bien déterminée, facile à retrouver (de préférence, je le choisissais parmi les tubes qui se trouvent dans les petites colonnes que contient assez souvent la cloison qui sépare le ganglion en deux moitiés latérales), puis j'examinais la coupe suivante et ainsi de suite. Le résultat a été que j'ai trouvé presque autant de fois que cette cloison était plutôt l'indice d’une anastomose que d’une divi- sion (27 fois, anastomoses ; 33 divisions). Dans ces conditions, il faut bien admettre l’anastomose!, 1 1l est bien entendu que nos coupes allaient toujours de haut en bas, car si on ne prend pas la précaution de noter le sens dans lequel elles se font, l'observation perd toute valeur, CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS, 403 Quant à la division des tubes, elle est incontestable ; car si on étudie des coupes longitudinales et horizontales d’un ganglion pas- sant par l’origine des nerfs, on verra que la majorité des fibres qui forment ce dernier naissent au voisinage de son point d'origine de la division des fibres des colonnes et qui s'infléchissent presque à angle droit pour y pénétrer. Leydig admet que les tubes géants (voir Taf.3, Vergl. Anat., pl.IV, fig. 8) s'anastomosententre eux. Je n'ai jamais pu constater ce mode de réunion, mais, par contre, j’ai vu que ces tubes étaient en rap- port avec les colonnes de fibres nerveuses. Si on examine un grand nombre de coupes, on verra certainement sur quelques-unes d’entre elles un fin tube, venant des colonnes, déboucher dans l’un ou dans l’autre tube géant. Je pense que ces tubes sont destinés à assurer la solidarité des dif- férentes parties de la chaîne et surtout de ces deux moitiés Car je crois qu'elle ne le serait qu'insuffisamment par le peu de contact qu'ont les tubes nerveux de chaque moitié entre eux. On a vu plus haut que je rejetais d’une façon absolue la description du trajet des fibres nerveuses donnée par L. Clarke, et d’une façon non moins absolue la colonne de cellules multipolaires que Walter a mise au centre de la chaîne du lombric, Système gastro-pharyngien (système sympathique). — Le meilleur procédé pour préparer le système nerveux pharyngien, ou système sympathique, consiste, il me semble, à fendre la peau de l'animal sur la ligne médiane dorsale et à disséquer avec soin le tégument externe, en la tendant avec quelques épingles sur une lame de liège ; on arrive ainsi sur les ganglions cérébroïdes, et en suivant avec soin un des connectifs qui les réunissent avec la chaïne ventrale, on ne tarde pas à arriver sur quelques fibres nerveuses se dirigeant sur les côtés du pharynx où elles se réunissent pour former un petit ganglion blanchâtre visible à l'œil nu. On isole le ganglion en enle- vant le tissu conjonctif qui le recouvre, puis on prépare de même l’autre côté, alors, à l’aide d'un pinceau chargé d’une solution à 40% W. VIGNAL. 1 pour 100 d'acide osmique, on fixe ces deux ganglions et la mus- culeuse du pharynx sur laquelle ils sont appuyés ; celle-ci est ensuite enlevée et mise pendant vingt-quatre heures dans du sérum iodé faible. Il est alors facile, en s’aidant d’une forte loupe, de la débar- rasser de tout le tissu conjonctif lâche qui gène l'observation, puis on enlève, en la grattant légèrement avec un bistouri, la couche épithéliale. La musculeuse étant alors étalée sur une lame de verre et légère- ment comprimée avec unelamelle, on constate à l’aide d’un faible grossissement l'exactitude de la description de Faivre, et on se con- vaine que Clarke était dans l'erreur. En effet, les nerfs partant des commissures se réunissent une pre- mière fois pour former de chaque côté le ganglion qui nous a servi de guide, puis se divisent en efférant des ganglions et s’étalent sur la paroi et dans l'épaisseur du pharynx, où elles forment un plexus des plus compliqués, couvert de cellules ganglionnaires, abondantes sur- tout au voisinage des points nodaux ; de ce plexus part un grand nombre de fibres plus fines qui se dirigent en se ramifiant et s’anas- tomosant sur les portions inférieures du tube digestif !. Pour étudier la structure des fibres nerveuses et des cellules, il faut, après avoir préparé, comme je l'ai dit plus haut, ce plexus, en dissocier une faible portion dans une goutte de sérum. On con- state alors que les nerfs ont la même structure que ceux venant des ganglions de la chaine abdominale. Les cellules sont d’un plus petit volume que celles de la chaîne, et leur structure est un peu plus 1 Je n'ai pas eu l’occasion de disséquer de Chælogaster diaphanus, chez lequel Leydig dit que ce système forme un demi-anneau à convexité inférieure et par- tant des connectifs (voir B. Th. Korp., p. 172, et T'af. 3, Verg. An., pl. III, fig. 6 et 7). Si on désire conserver la préparation, il faut, après avoir étalé la musculeuse pharyngienne sur une lame de verre, fixer le couvre-objet avec quelques gouttes de paraffine et faire pénétrer avec une très grande lenteur la glycérine; mais générale- ment ces préparations ne se conservent pas très longtemps, car le tissu musculaire devient si noir qu’il masque le plexus nerveux. \ CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 405 complexe ; en effet, elles renferment une série de fines granulations peu réfringentes, disposées concentriquement autour du noyau : ces granulations et leur disposition sont encore plus visibles si on étudie des cellules dissociées à l’état frais dans une goutte de sérum iodé, et fixée ensuite par les vapeurs de l'acide osmique. Le noyau sphé- rique est généralement situé à la périphérie proche de la grosse extrémité ; elles paraissent dépourvues de membrane d’enveloppe ; elles sont seulement recouvertes, aux points où elles font saillie, par l'enveloppe générale du système, qui se moule à leur surface, et leur forme une enveloppe particulière. Si on désire faire des coupes du système nerveux pharyngien, coupes qui seules peuvent renseigner sur les rapports exacts et les enveloppes de ce système, il faut injecter, en pénétrant sous la peau à l’aide d’une canule tranchante, quelques gouttes d'acide osmique, puis on détache la portion céphalique de l’animal, dont le durcisse- ment est complété par le passage successif dans l'alcool, la gomme et l'alcool. Les coupes peuvent être colorées avec la purpurine, ou mieux encore avec l’éosine chlorhydrique, puis elles sont montées dans la glycérine. Sur les coupes, on constate qu’au niveau des gan- glions et entourant les cellules, on retrouve ces cellules granuleuses conjonctives, que nous avons déjà vues dans la moelle; l'enveloppe générale du système est formée par une membrane cuticulaire et un endothélium qu'il est facile de mettre en relief par l’imprégnation au nitrate d'argent; de plus, il est facile de voir que ce système ne se trouve pas seulement à la surface de la musculeuse pharyngienne, mais aussi dans son intérieur. Sur tout le reste de l'étendue du tube digestif, on ne trouve qu'un plexus formé de fines fibres s’anastomosant les unes avec les autres, et qui affectent, ainsi que L. Clarke l’a signalé, une disposition assez semblable à celle des capillaires ; sur ce plexus, il m'a été impossible de trouver aucune cellule nerveuse. Il m'est à peu près impossible d'indiquer l’origine de ces fibres : viennent-elles toutes du plexus pharyngien, comme Faivre et Clarke 406 W. VIGNAL, semblent le croire? Viennent-elles toutes ou en partie des nerfs de la chaîne ventrale? La réponse à ces questions est hérissée de difficu)- tés; cependant, je suis porté à penser qu'une partie vient du système pharyngien, l’autre des nerfs de la chaïne ventrale, car si on exa- mine un tube digestif étendu à plat sur sa face muqueuse et sans qu'il soit aplati par une lamelle de verre, on voit, dans différents points de sa surface, des nerfs se terminer par des extrémités brisées qui paraissent être dirigées vers le point qu’occuperait la chaîne nerveuse ventrale, si elle n'avait pas été enlevée par la dissec- tion:t, Résumé. — 1° Les cellules nerveuses des ganglions ventraux et cérébroïdes, en majorité unipolaires, sont formées par une substance demi-liquide, visqueuse, excessivement malléable, peu granuleuse. Elles contiennent un noyau réfringent homogène et des granula- tions graisseuses situées à son voisinage. Il existe aussi des cellules bipolaires et même multipolaires, mais elles n’occupent pas de place déterminée, comme l'ont dit quelques auteurs, car elles sont dis- persées irrégulièrement dans toute la chaine ; 2° Les fibres nerveuses forment les colonnes de la chaîne, et les connectifs sont dépourvus de parois propres et limitées simplement par des cloisons de tissu conjonctif, La matière qui forme ces tubes est visqueuse, presque homogène, contient quelques rares granula- tions qui paraissent être simplement des grumeaux plus condensés. Elle se colore peu par l’acide osmique, n’a aucune élection pour les 1 Le meilleur procédé pour préparer le système gastro-pharyngien sur les por- tions inférieures du tube digestif consiste à détacher celui-ci de l'animal, puis de leifendre en long dans du jus de citron, où on le débarrasse à l’aide d’un pinceau de tout ce qu’il contient, puis, après qu’il a séjourné quatre à cinq minutes dans ce liquide, on le porte dans une solution de chlorure d’or à 1 pour 100 où on le laisse environ une heure; au bout de ce temps, après qu’il aura été lavé à l’eau distillée, on le met à l’obscurité pendant vingt-quatre heures dans une solution d’acide for- mique (ac. f. 1, eau 4). Le lendemain la muqueuse est chassée dans l’eau distillée à l’aide d’un pinceau, puis de très petits morceaux de tube digestif sont étalés sur une lame de verre. Si l’imbibition a réussi, les nerfs sont colorés en violet foncé, tandis que la paroi intestinale est presque incolore et transparente. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 407 matières colorantes, et se rétracte considérablement sous l'influence de l'alcool. Ces fibres s’anastomosent entre elles ; 3° Les tubes nerveux géants, au nombre de trois, placés au voisi- nage de la partie postérieure de la chaîne et à la partie interne de la troisième gaine, s'étendent dans presque toute la longueur de la chaîne. Le central et le plus volumineux commence au milieu du premier ganglion; les deux autres, généralement plus bas, dans le deuxième ganglion; ils se terminent dans les derniers ganglions. Sur leurs bords, on remarque une zone noire de nature graisseuse, tandis que la matière centrale a les mêmes réactions physiques et chimi- ques que celle qui remplit les tubes des deux colonnes fibreuses de la chaîne. Ces tubes géants me paraissent être assez souvent en rapport avec les colonnes des fibres nerveuses de la chaîne; 4° Les fibres nerveuses formant les nerfs paraissent avoir la même structure que celles qui forment les colonnes de la chaîne ; 5° La chaîne nerveuse en entier (sauf les ganglions cérébroïdes) est tout entière enveloppée de trois gaines : la première est épithéliale, la seconde est musculaire, et la troisième anhiste est de nature cuti- culaire. La première et la troisième gaine recouvrent seules les gan- glions cérébroïdes; 6° La chaîne ventrale est formée de ganglions tous semblables entre eux (sauf le premier), émettant six nerfs, trois de chaque côté. Les ganglions sont formés de deux moitiés symétriques et latérales séparées par une cloison conjonctive plus ou moins complète ; de plus, chaque ganglion est séparé du suivant par une autre cloison conjonctive, qui ne laisse de passage que pour les colonnes de fibres nerveuses; 7° Les cellules nerveuses forment dans chaque moitié du gan- glion deux groupes de cellules nerveuses : l’un est logé entre l'ori- gine du ganglion et les nerfs jumeaux, l’autre entre ces nerfs et le nerf unique ; | 8 Le premier ganglion présente une notable division de ces deux moitiés latérales, car la cloison conjonctive est complète dans toute 408 W. VIGNAL. sa longueur, et les colonnes de fibres nerveuses s’y portent de plus en plus en dehors latéralement, afin de former les connectifs réunis- sant ce ganglion aux ganglions cérébroïdes ; 9° Les connectifs cérébroïdes sont formés par les colonnes ner- veuses recouvertes d’une couche de tissu conjonctif et des trois gaines ; 10° Dans les ganglions cérébroïdes, des cellules nerveuses s’ajou- tent à la surface supérieure et sur les côtés des connectifs ; A1° Les cellules nerveuses, tant des ganglions cérébroïdes que ventraux, me paraissent être en rapport avec les fibres des colonnes par une réunion en T ; 12% L'’enveloppe anhiste est doublée intérieurement par une couche conjonctive renfermant de nombreuses cellules granuleuses essentiellement malléables, qui me semblent jouer le rôle de cous- sin d’eau, et être en même temps les organes sécréteurs de la gaine anhiste ; 13° Le système nerveux pharyngien ou système sympathique forme un plexus très compliqué, couvert de cellules ganglionnaires et à la surface et dans l'épaisseur de la paroi pharyngienne. De ce plexus partent des fibres qui contribuent à former, avec des fibres venant probablement de la chaîne ventrale, le plexus qui s'étend sur le tube digestif dans toute son étendue ; (de 14 Les nerfs ont la même structure que ceux qui partent des ganglions de la chaîne abdominale. Les cellules sont d’un plus petit volume que celles de la chaîne; de plus, elles en diffèrent, en ce qu'elles ont des rangées de granulations disposées concentrique - ment autour du noyau. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 409 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XV. . 4. Un petit tube nerveux d’un connectif de l’écrevisse. 600 diamètres. Ce tube renferme un faisceau central de fibrilles, Préparation au chlorure d’or ; e, paroi du tube ; a, contenu liquide du tube ; c, noyau ; b, faisceau cen- tral de fibrilles. 2, Un petit tube nerveux d’un nerf d’une écrevisse. 600 diamètres. Ce tube renferme plusieurs fibrilles dispersées dans sa masse, l’une d’elles se divise : a, paroi du tube; b, contenu liquide du tube; ©, noyau; e, fibrilles. 3. Coupe transversale d'un nerf de l’écrevisse. 230 diamètres. Ce nerf a été préparé au chlorure d’or ; une portion prise au centre est seule repré- sentée. Toutes les fibrilles qui se voient dans l’intérieur des tubes nerveux sont dispersées dans leur épaisseur. 4. Coupe transversale d’un gros tube nerveux des connectifs de l’écrevisse. 230 diamètres. Le connectif avait été préparé au chlorure d’or; on voit dans son intérieur la substance granuleuse qui le remplit et le faisceau central de fibrilles, 5. Cette figure représente également un des gros tubes nerveux d’un connectif de l’écrevisse, seulement la coupe est un peu oblique et montre bien que le faisceau central est formé par des fibrilles. 230 diamètres. 6, Coupe transversale d’un connectif de l’écrevisse prise entre deux ganglions abdominaux. 200 diamètres. La moitié gauche du connectif est seule repré- sentée. Ce connectif a été préparé par un mélange d’acides osmique et chromique, puis coloré par l’hématoxyline : a, gaine; b, cloison divisant les deux cordons du conneectif; d, tissu conjonctif intertubulaire avec noyaux de cellules conjonctives ; c, tubes nerveux, dans quelques-uns on voit le faisceau de fibrilles. Tissu conjonctif lâche dans lequel circule la lymphe. 7. Coupe d’un ganglion abdominal de homard. 200 diamètres. Un groupe seul de cellules avec une partie de la substance centrale a été dessiné ; on voit la différence de volume des cellules : quelques-unes ont été cou- pées, quoique la coupe soit assez épaisse : a, grosses cellules ; b, petites cellules ; c, substance centrale. 8. Une cellule nerveuse d’un ganglion thoracique du homard. 450 diamètres. Vapeur d’acide osmique; on voit la membrane d’enveloppe, le globe ganglionnaire avec des fibrilles et des granulations et le noyau. 8 bis. Un noyau isolé d’une cellule d'un ganglion abdominal de l'écrevisse, pour faire voir que les nucléoles sont un épaississement de la mem- brane nucléaire. 500 diamètres. 9, Fibres de plexus myentérique de l’écrevisse. Acide osmique et picro- carminate d’ammoniaque. 240 diamètres. PLANCHE XVI. 10. Une cellule unipolaire d’un des ganglions pédieux de mye arenaria. 500 diamètres. Cette cellule a été isolée après injection d’acide osmique 410 FiGs 41, 12. 13, 14 154 16. 17, 18. 19: 20 91. W. VIGNAL. dans l’intérieur du ganglion et macération dans le sérum iodé pendant vingt-quatre heures, Cellule bipolaire du ganglion sous-æsophagien de l’aplysie. 500 diamètres Cette cellule a été préparée comme la précédente. Cellule unipolaire du ganglion sus-æsophagien de l’escargot. 250 dia- mètres. Cette cellule a été préparée comme la précédente. Cellule bipolaire d’un ganglion branchial de la mye. 500 diamètres. Même préparation que les précédentes. Ces cellules montrent la structure fibril- laire de l’écorce. Deux cellules connectives d’un ganglion sous-æsophagien de l’escargot. 250 diamètres. Une cellule nerveuse du ganglion sous-æsophagien de la limace. 230 dia- mètres. Cette cellule a été préparée comme les précédentes, Le pro- longement émet presque à sa sortie du globe cellulaire un faisceau de fibrilles. Coupe transversale d’un nerf de l’escargot préparé par le chlorure d’or. 250 diamètres : &, gaine propre du nerf; b, grosses travées en partant pour constituer les cloisons; c, nerfs contenus dans les cloisons. Coupe transversale d’un nerf de l'escargot préparé par le chlorure d’or, décoloré par le cyanure de potassium et traité par le picro-carminate d’añmoniaque; une partie seule de la coupe est représentée. 550 diamè- tres : a, gaine propre du nerf; b, noyau de la gaine; c, travées; d, cloi- sons ; e, noyau des cloisons. Coupe transversale d’un ganglion branchial de la mye arenaria. Bichro- mate de potasse, acide chromique, alcool, hématoxyline, gomme et alcool, et monté dans le baume. 100 diamètres : a, couche de cellules nerveuses; b, portion centrale fibreuse. Un tube nerveux du plexus myentérique de l’aplysie. 200 diamètres. Acide osmique, picro-carmin. On voit sur cette préparation que quelques noyaux sont situés à l’intérieur du tube : a, fibres ; b, noyaux superficiels; c, noyaux profonds. Une petite portion du plexus myentérique de lescargot préparé par le chlorure d’or. 120 diamètres. a, grosse branche longitudinale ; b,grosses branches réunissant entre elles les branches transversales ; sur ces bran- ches et sur les plus fines qui en partent on voit des cellules nerveuses. PLANCHE XVII. Coupe transversale d’un connectif de la sangsue off. 350 diamètres. Ce connectif avait été durci dans l’acide chromique et l'alcool ; on y voit très bien la disposition des cloisons. Le cylindre connectif droit et le nerf intermédiaire de Faivre sont seuls représentés : 4, lamelles con- jonctives recouvrant celles qui enveloppent les cylindres connectifs; d, nerf intermédiaire de Faivre; b, lamelles conjonctives formant la gaine des cylindres connectifs; c, cloisons divisant les cylindres con- nectifs. CENTRES NERVEUX DE QUELQUES INVERTÉBRÉS. 411 Fi&.22, Coupe transversale d’un connectif de la sangsue off, 740 diamètres. Ce connectif a été traité par la méthode de l'or bouilli, puis durci dans l'alcool, IL présente une partie centrale protoplasmique très nette. Le cylindre connectif gauche et le nerf intermédiaire de Faivre sont seuls représentés : 4, lamelles conjonctives formant la gaine des cylindres connectifs au milieu desquelles on voit les cellules connectives ; d, nerf intermédiaire de Faivre ; b, épaisse cloison centrale provenant de la soudure des cloisons rayonnées ; c, fibrilles nerveuses entourées de protoplasma. 93 A. Une cellule d’un ganglion ventral dissociée à l’état frais, puis exposée aux vapeurs d'acide osmique et examinée dans l’eau. 370 diamètres ; on voit très nettement Ja couche de fibrilles formant la partie corticale de la cellule et le prolongement cellulaire ainsi que le globe cellulaire avec le noyau situé à sa surface. 23B. Noyau détaché de la cellule. Il est facile de voir que le nucléole n’est qu’un épaississement lenticulaire de sa membrane. 1 100 diamètres. 24. Un fin rameau nerveux traité par l’acide osmique et examiné à plat. 460 diamètres : a, gaine conjonctive; b, fibres nerveuses ; c, cellules conjonctives. 25, Coupe d’un nerf se rendant aux muscles. Acide osmique. 460 diamètres : a, gaine conjonctive; c, fibres nerveuses ; b, cloisons venant de la gaine et séparant les fibres les unes des autres. 27 et 28. Deux cellules du système gastro-intestinal de la sangsue. La paroi gastrique a été traitée ainsi qu’il est décrit page 372 et conservée dans l’eau phéniquée.500 diamètres. La cellule que représente la figure 28 est une cellule se trouvant sur le trajet d’un nerf, quelques-unes des fibrilles le formant se détachent pour contourner le globe ganglionnaire et re- tourner, après avoir décrit une ellipse plus ou moins complète, au nerf d’où elles étaient venues : à, nerf ; b, globe ganglionnaire ; c, noyau n'ayant pas été assez fixé par l’acide osmique s’est légèrement déformé sous l’action de l’eau. La cellule que représente la figure 27 se trouve en dehors du trajet du nerf, à une courte distance de celui-ci; les fibrilles qui environnent le globe ganglionnaire partent du nerf et y reviennent en suivant le même trajet après l'avoir entouré. 26, Une portion de la paroi d’un cul-de-sac gastrique de la sangsue. Alcool au tiers, picro-carminate d'ammoniaque, glycérine. 130 diamètres : a, fibres musculaires transversales coupées par des fibres musculaires longitudinales ; c, grosses branches nerveuses longitudinales formant les plexus. Sur elles on voit des cellules nerveuses. Sur cette prépa- ration il est facile de voir les anastomoses des fibres nerveuses et les plexus qu’elles forment. Les anastomoses des fibres musculaires sur- tout celles des fibres longitudinales se voient excessivement facilement, PLANCHE XVIII. 30. Coupe transversale du sixième ganglion de la chaîne nerveuse ventrale du lombric agricole. Acide osmique, glycérine. 230 diamètres. Coupe A2 W. VIGNAL. passant entre le commencement du ganglion et les nerfs jumeaux. La moitié droite de la coupe est seule représentée. Par suite d’une néces- sité de l’arrangement de la mise en planche, une partie de l’épaisseur de la gaine musculaire a été supprimée; le névrilème épithélial n’est représenté ici que par une mince ligne : a, névrilème musculaire ; b, névrilème anhiste (cuticule) ; c, couche des cellules conjonctives ; 99, cellules nerveuses ; h, cloison divisant le ganglion en deux moitiés symétriques; d, colonnes de fibres nerveuses ; e, tubes nerveux géants ; f, vaisseaux. Fic. 31. Coupe transversale du sixième ganglion de la chaîne nerveuse ventrale du lombric agricole. Acide osmique, glycérine. 230 diamètres. Coupe passant par l’origine d’un des nerfs jumeaux. La moitié droite de la coupe est seule représentée : h, petites colonnes de fibres nerveuses prises dans la cloison ; n, un des nerfs jumeaux. Les autres lettres ont la même signification que dans la figure précédente. 29. Coupe transversale du sixième ganglion de la chaîne nerveuse ventrale du lombric agricole. Acide osmique, glycérine. 230 diamètres. Coupe passant par le point de soudure des sixième et septième ganglions. Les lettres ont la même signification que dans les figures précédentes. 32, Coupe transversale du ganglion se trouvant au commencement du vingt- cinquième centimètre d’un lombric mesurant 30 centimètres de long. Acide osmique, glycérine. 230 diamètres. La coupe passe entre les nerfs jumeaux et le nerf unique. Les lettres ont la même signification _ que dans les figures précédentes. 33, Coupe transversale du premier ganglion de la chaîne ventrale. 180 dia- mètres. Par suite d’une nécessité d’arrangement de mise en planche, j'ai été obligé de faire dessiner cette coupe à un plus faible grossissement que les autres; si elle avait été dessinée au même grossissement que les autres, elle serait d’un quatrième plus large, c'est-à-dire qu’elle aurait 57 millimètres de long au lieu de 45. Les lettres ont la même signi- fication que dans les figures précédentes, il n’y a dans cette coupe qu’un seul tube géant dont le diamètre est très petit. 34. Une portion de la couche conjonctive de la chaîne nerveuse; ce dessin a été pris sur une coupe transversale d’un ganglion en un point où les cellules conjonctives étaient particulièrement nettes. Acide osmique, glycérine. 400 diamètres : a, cuticule (troisième névrilème) ; b, cellules conjonctives ; ©, lamelles conjonctives séparant les tubes nerveux. 35. Une cellule nerveuse de la chaine du lombric, isolée après macération dans le sérum iodé, puis exposée aux vapeurs d'acide osmique et examinée dans l’eau. 550 diamètres : b, globe nerveux renfermant des grumeaux et des granulations graisseuses autour du noyau. 36. Névrilème épithélial imprégné par le nitrate d'argent et vu à plat sur la chaîne nerveuse. Glycérine. 240 diamètres ; à travers les cellules épi- théliales on voit les fibres musculaires du névrilème moyen. SUR L'AUTOTOMIE OU MUTILATION PAR VOIE RÉFLEXE COMME MOYEN DE DÉFENSE CHEZ LES ANIMAUX PAR LÉON FREDERICQ Professeur à l’Université de Liège. On assure que le Kat, lorsqu'il est pris au piège par une patte, n'hésite pas à sacrifier le membre captif pour reconquérir sa liberté, et pratique bravement l’amputation au moyen de ses propres dents. J'ignore si le fait est exact. Quoi qu'il en soit, des animaux apparte- nant à des groupes zoologiques très différents usent parfois, pour échapper à leurs ennemis, d’un moyen de défense qui n’est pas sans présenter quelque analogie avec l’amputation pratiquée intention- nellement par le Rat. L'Orvet, le Lézard brisent leur queue, beau- coup de Crustacés, d’Arachnides et un certain nombre d’Insectes (Acridiens, Tipuliens) cassent leurs pattes dans des circonstances pareilles, et sauvent ainsi leur vie en faisant le sacrifice d'un ou de plusieurs membres. Peut-être la rupture si fréquente des bras des Comatules et des Ophiures est-elle également un cas d'autotomie ou amputation provoquée. Je suis persuadé que les exemples de ce curieux moyen de défense se multiplieront lorsque l'attention des naturalistes aura été spécialement attirée sur ce point. Je me suis occupé principalement de la rupture des pattes chez les Crustacés décapodes et de la rupture de la queue chez l’Orvet et le Lézard, Quelques-uns des faits consignés dans cette notice ont déjà été publiés, l’année dernière, sous forme de communication préli- 414 LÉON FREDERICQ. minaire {. Depuis cette époque, j'ai pu, à Roscoff, répéter et com- pléter les expériences sur de grands Crustacés marins placés dans les meilleures conditions biologiques. M. le professeur de Lacaze-Duthiers a bien voulu m’accorder, pour la quatrième fois, l'hospitalité si libé_ rale de ses laboratoires de zoologie expérimentale. J’ai rencontré à Roscoff le même accueil cordial que les années précédentes et j’ai eu le plaisir de retrouver la station zoologique notablement agrandie. Il l'ous ceux qui ont manié des Crabes savent avec quelle facilité ces animaux perdent leurs pattes. Il suffit de saisir brusquement un Crabe (Carcinus mœnas) par une patte, en la pinçant fortement, pour que celle-ci casse près de sa base et vous reste entre les doigts ; l'animal, délivré par ce singulier moyen de défense, s'enfuit aussi vite que le lui permettent les jambes qui lui restent. De cette façon, on peut, sur un même Crabe, provoquer successivement la rupture des dix pattes, y comprises deux pinces. Un grand nombre de Crustacés présentent le même phénomène. La cassure est circulaire et des plus nettes; elle siège, non au niveau d’une articulation, mais dans la continuité du deuxième article, à partir du corps. Cet article se trouve brisé en deux parties, l'une qui tombe avec la patte, l’autre qui reste adhérente au moi- gnon. La portion conservée est la plus petite et ne représente qu’un anneau solide de peu d'importance. Ce deuxième article des pattes du Crabe représente, en réalité, deux articles des pattes du Homard ou de l’'Écrevisse (le deuxième ou basipodite et le troisième ou ischiopodite) soudés en une seule pièce. C’est au niveau du sillon qui correspond à cette soudure que se fait invariablement la rupture de la patte. 1 Léon FREDERICO, Amputation des pattes par mouvement réflexe chez le Crabe (Archives de biologie, III, p. 235-240, 1882). — Notes de physiologie comparée. Sur la rupture de la queue chez l’Orvet (Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 3e série, t. IV, n° 8; août 1882), SUR L'AUTOTOMIE CHEZ LES ANIMAUX. 415 La figure 4 représente la première et la deuxième paire de pattes d’un Crabe tourteau vues par la face ventrale. A droite, la ligne ab indique sur chaque patte le niveau du deuxième article auquel se fait la rupture. A gauche, le premier article et la portion du second article qui restent adhérents sont représentés par des traits pleins. La portion caduque de la patte est figurée par des traits interrompus. di ‘ 11 QL à 8 ‘1 4 A mn - L, / UN f Fiac. 1. — Les deux premières paires de pattes du Crabe tourteau, vues par la face ventrale. 1, Coxopodite ou premier article ; 22, deuxième article résultant de la soudure du basipodite et de l’ischiopodite. A droite de la figure, la ligne pointillée a b indique le niveau auquel se fait la rupture. A gauche, le premier article et la portion du deuxième, qui restent adhérents au corps, sont représentés en traits pleins. La portion caduque de la patte est indiquée en traits interrompus. Chez tous les autres Crabes que j'ai eu l’occasion d'examiner (Car- cinus, Portunus, Xantho, Maja, Hyas, etc.) et chez la Langouste, la rupture se fait également dans la substance du deuxième article au niveau de la soudure du basipodite et de l’ischiopodite. Chez le Homard, la première paire de pattes qui porte la pince présente seule cette disposition anatomique. Sur les quatre autres pattes, le basipodite et l’ischiopodite sont des pièces distinctes, mo- 416 LÉON FREDERICQ. biles l'une sur l’autre et reliées par une véritable articulation, C’est au niveau de celte articulation, entre le deuxième et le troisième article, que se fait la rupture de la patte chez le Homard, quand on réussit à la provoquer. Car le Homard se prête bien moins que le Crabe à cette étude, et l'expérience n’est pas toujours couronnée de succès. Il est nécessaire d'opérer sur des sujets fraîchement capturés Lg F1c. 2. — Première et deuxième patte de drole du Homard, vues par la facé ventrale. La pre- mière est constituée comme les pattes du Crabe. L'article n° 2 est formé par la soudure du basipodite avec l'ischiopodite réunis au niveau de la ligne pointillée a b. Sur la deuxième patte et sur les suivantes, le basipodite 2’ est séparé de l’ischiopodite 2” par l'articulation a b, au niveau de laquelle se produit la rupture de la patte. et possédant toute leur vigueur. Je n'avais pu obtenir la rupture des pattes sur un Homard vivant acheté au marché de Liège. L'expérience ne m'a pas réussi chez l'Écrevisse, quoique je l’aie essayée sur une demi-douzaine d'individus vigoureux. Huxley affirme cependant dans son livre sur l’Écrevisse ! que, lorsque cet animal est 1 Huxzey, The Crayfish, p. 37. SUR L'AUTOTOMIE CHEZ LES ANIMAUX. 417 retenu par une de ses pinces, de façon à ce qu'il ne puisse s’échap- per, il est capable de résoudre la difficulté en rompant le membre qui reste dans la main du pêcheur, tandis que l’Écrevisse s'échappe. Je montrerai plus loin que la rupture des pattes a, chez les autres Crustacés, une signification différente. C’est un acte réflexe entiè- rement soustrait à la volonté de l'animal. La rupture des pattes n’est due en aucune façon à leur fragilité exagérée, comme on pourrait être tenté de le croire. L'expérience directe prouve que chez un Crabe mort, ou dont le système nerveux est paralvsé, les pattes sont fort résistantes et supportent, avant de se rompre, un effort de traction de plusieurs kilogrammes. Sur un petit Carcinus mœnas (céphalothorax ayant 5 centimètres de large sur 4 de haut) à masse nerveuse ventrale détruite, la pre- mière patte, portant la pince, résista à une traction de 3 kilogrammes et demi, mais fut arrachée par un poids de 4 kilogrammes., La deuxième patte céda entre 4 kilogrammes et demi et 5 kilogrammes. La troisième et la quatrième entre 3 kilogrammes et demi et 3“1,7. La troisième entre 3 kilogrammes et demi et 4 kilogrammes. Voici comment ces valeurs ont été déterminées. On charge les poids sur un plateau de balance formé d'une planchette carrée sou- tenue par quatre ficelles qui forment œæillet en haut, à leur point de réunion. On passe la patte à travers l’œillet jusqu’à sa base, et c’est par cette patte que l’on soutient le Crabe; de cette façon, le plateau et les poids dont on le charge exercent leur traction sur le corps de l'animal. Lorsqu'on arrache une patte par traction sur l’animal mort, elle se rompt d'ordinaire entre le céphalothorax et le premier article, par- fois à l'articulation suivante. La surface de rupture porte souvent une houppe de muscles qui se sont détachés en même temps. Presque jamais la cassure ne présente l'aspect décrit plus haut; presque jamais non plus elle ne siège dans la continuité du deuxième article, Comme nous allons le voir, l’amputation de la patte chez l'animal vivant n'est pas le résultat d’un accident, mais est provoquée par ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN,. — 9€ SÉRIE, — T1, 1, 1883, 97 418 LÈON FREDERICQ. un mouvement actif. Le Crabe rompt lui-même sa patte à l'endroit d'élection par une contraction musculaire énergique. C'est une vé- ritable action réflexe, à laquelle président la masse nerveuse ven- trale, les nerfs sensibles et moteurs de la patte. On sait avec quelle facilité les pattes repoussent. On trouve fré- quemment des Crabes présentant une ou plusieurs pattes de forma- tion récente, plus petites que les autres. Chez eux la patte nouvelle est greffée sur le moignon de l’ancienne, au niveau du milieu du deuxième article. C’est donc également là que se fait la rupture chez l’animal vivant à l’état de nature. La rupture de la patte se produit chaque fois que le nerf sensible de la patte est vivement excité soit mécaniquement, soit par une action chimique, soit par l’électricité, soit par la chaleur. E'æcitation mécanique du nerf de la palte. — Pour obtenir à coup sûr la rupture spontanée de la patte, il convient d'opérer de la facon suivante : On soulève un Crabe vivant en le saisissant par le milieu d’une patte (au niveau du troisième article, par exemple), entre le pouce et l'index. Sur l’animal ainsi suspendu, le corps en bas, on coupe brus- quement l'extrémité de la patte (au niveau du quatrième ou ein- quième article, par exemple) qui dépasse. L'excitation du nerf sensible causée par la section provoque immédiatement une violente contraction des muscles de la patte, qui se porte vivement dans l’ex- tension forcée et casse aussitôt près de sa base au niveau du deuxième article. Le bout de patte reste entre les doigts, le Crabe tombe à terre et s’enfuit. On peut répéter la section sur chacune des dix pattes que l’animal rompra successivement lui-même. L'expérience est plus étonnante encore si on place le Crabe sur le dos, sans le suspendre et sans le fixer. L’animal cherche à se re- tourner; pendant qu'il agite les pattes en signe de détresse, on coupe brusquement l’extrémité de l’une d'elles. Aussitôt la patte se porte dans l'extension forcée, vient butter contre la carapace et casse à l'endroit d'élection. SUR L’AUTOTOMIE CHEZ LES ANIMAUX. A19 Le nerf sensible de la patte paraît ne pas s'étendre jusqu’à l’extré- mité de l’avant-dernier article et manquer totalement dans le dernier article (doigt mobile de la pince, griffe qui termine les autres pattes). Ces parties sont insensibles à la section : on peut impunément couper le doigt mobile de la pince ou la griffe et l’extrémité de l’avant-der- nier article des autres pattes. La patte ne se détache que si l’on coupe à partir des trois quarts internes du cinquième article ou plus près du corps. Il est bon de tenir compte de ce fait lorsqu'on veut saigner des Crabes par la section des pattes. Ils laisseront tomber toutes leurs pattes si l’on coupe celles-ci autre part qu’à leur extré- mité. Les moignons résultant de l’amputation spontanée ne saignent presque pas. Pour être efficace, l'excitation du nerf par la section de la patte doit être brusque : il faut employer des ciseaux bien tranchants. Excritant chimique. — Si l’on comprime lentement la patte entre les lames des ciseaux, on écrasera le nerf graduellement et l’on pourra arriver à opérer la section complète sans provoquer la rup- ture spontanée. Si l’on plonge alors l’animal entier dans un liquide irritant, de l’alcool par exemple, le nerf mis à nu sera excité, et l’on pourra dans quelques cas assister à la rupture de la patte. Excitant thermique. — 1] suffit d'approcher une patte de la flamme d’une bougie pour qu'elle se rompe immédiatement à la base, Excitant électrique. — Si l'on soulève un Crabe par une patte et qu’on applique la pince électrique à l'extérieur, sur le trajet du nerf sensible, par exemple au niveau de l'articulation entre le troisième et le quatrième article, la patte se rompt brusquement à l'endroit d'élection, au moment où l’on tétanise le nerf par des chocs d’induc- tion (chariot de du Bois-Reymond). Il n'est pas difficile de mesurer, au moyen de la méthode gra- phique, là durée du temps qui s’écoule entre l'excitation électrique du nerf et la rupture de la patte. On suspend le Crabe par la patte vers le milieu d’un levier horizontal muni d’un style écrivant. Ce levier est soutenu par un fil de caoutchouc ou tout autre ressort 420 LÉON FREDERICQ. dont l’élasticité fait équilibre au poids du Crabe. Le ressort est chargé de relever brusquement le levier, en vertu de son élasticité, au moment où le Crabe tombera et de faire tracer à la plume du levier le signal de la rupture de la patte sur le papier enregistreur. On enre- gistre sur le même cylindre tournant le signal de rupture et le signal d’excitation électrique du nerf au moyen de l’appareil Marcel Des- prez. Le retard du premier signal sur le second correspond au temps qui s'écoule entre l'excitation du nerf et la section de la patte. Ce temps m'a paru extrêmement variable, depuis quelques centièmes de seconde jusqu’à une seconde entière et davantage. À quel centre aboutit l'excitation provoquée dans le nerf sensible de la patte? Est-ce la masse ganglionnaire sus-æsophagienne ou la masse ventrale qui préside au mouvement de rupture de la patte ? Pour répondre à cette question il convient d’opérer successivement et isolément l'ablation, puis l’excitation de chacun de ces centres nerveux. J'ai pu enlever la masse nerveuse sus-æsophagienne et réséquer une portion très notable de la partie dorsale de l’animal sans suppri- mer le phénomène de la rupture des pattes. L’essai se faisait comme il a été dit précédemment, en soulevant l’animal par la partie moyenne d’une patte et en en coupant brusquement l’extrémité à l’aide de forts ciseaux bien tranchants ; la patte casse presque chaque fois et l’animal tombe à terre. Dès que l’on détruit la masse nerveuse ventrale, on supprime au contraire la réaction de rupture. On peut alors couper successivement toutes les pattes, exercer en même temps sur elles de fortes tractions sans obtenir une seule fois la cassure si caractéristique qui se produit sur l’animal intact. Comme contre-épreuve, j'ai essayé à plusieurs reprises de porter l’excitant électrique sur la masse nerveuse ventrale ; dans un cas, j'ai pu provoquer la rupture d’une patte par irritation directe des ganglions de la masse ventrale. Le siège anatomique du centre nerveux qui préside au mouvement SUR L'AUTOTOMIE CHEZ LES ANIMAUX. 421 de rupture de la patte fait déjà présumer qu'il s'agit d'une action purement réflexe dans laquelle la volonté de l’animal n'intervient en aucune façon. C'est ce que me semblent établir clairement les ex- périences suivantes : un Crabe capturé, que l’on retient solidement par une patte, s'épuisera en vains efforts pour fuir, mais n'aura pas l'idée de se sauver en brisant le membre captif, Pour obtenir la rup- ture au lieu d'élection, il est nécessaire de pincer vivement la patte ou d'irriter d’une autre façon le nerf sensible. Placons un Crabe dans un bocal, avec une éponge imbibée d'éther ou de chloroforme. Les vapeurs de la substance anesthésique pro- voquent d’abord une vive excitation de l'animal, puis les mouve- ments cessent peu à peu et le Crabe reste immobile. Si on le Isous- trait aux vapeurs anesthésiques avant qu'il ne soit tout à fait mort, on pourra constater la disparition des fonctions intellectuelles et des mouvements spontanés : l'animal ne cherche plus à fuir. Mais il n’est pas encore paralysé complètement : quelques mouvements réflexes persistent encore à cette phase de l’empoisonnement. On peut no- tamment encore provoquer le réflexe de rupture par l'excitation du nerf sensible de la patte. L'amputation des pattes par voie réflexe suppose l'intégrité phy- siologique des parties suivantes : É 1° Voie nerveuse centripète : les fibres sensibles du nerf mixte de la patte; 2° Centre nerveux réflexe : la masse ganglionnaire ventrale; 3° Voie nerveuse centrifuge : les nerfs moteurs des muscles dont la contraction provoque la cassure de la patte. Il nous reste à déterminer par quel mécanisme musculaire s'opère la rupture. Comme l'a montré Milne-Edwards dans ses belles recherches sur l'histoire naturelle des Crustacés, chaque article d’une patte de Crabe est constitué par une coque dure en forme d’étui plus ou moins cylindrique. L’articulation de deux tubes voisins est disposée de façon à ne permettre que des mouvements de flexion ou d’extension, 422 LÉON FREDERICQ. Les bases de deux articles voisins ne sont ni planes, ni circulaires ; elles ne se touchent que par deux points en saillie, situés aux extré- mités du grand diamètre de cette base (axe de l'articulation). Ces deux points de contact servent comme de charnière à l'articulation. Les mouvements de flexion et d'extension de chaque article sur le précédent sont produits par l’action de deux muscles, un fléchisseur et un extenseur. Les fibres de ces muscles s’insèrent sur un tendon chitinisé qui aboutit à l'extrémité proximale de l’article à mouvoir; d'autre part elles se fixent à la face interne de l’article précédent. Ainsi, pour prendre un exemple, l’extenseur et le fléchisseur du cin- quième article, sur le quatrième se fixent d’une part à la base de ce cinquième article et de l’autre à toute la surface interne du qua- trième article qu’ils remplissent presque complètement. Le second article de la patte, au niveau duquel se fait la rupture, est constitué sur le même plan général. Il s’artieule avec le premier article par deux saillies situées aux extrémités d’un diamètre de sa base; c’est l’axe de l'articulation, autour duquel le second article exécute sur le premier des mouvements très étendus d’extension ou de flexion. L’extenseur « et le fléchisseur 4 (fig. 3) s’attachent au bord proxi- mal du second article, suivant les extrémités d'un diamètre perpen- diculaire à l’axe de l’articulation. Ces deux muscles s’insèrent donc sur la partie du deuxième article qui n’est pas soutenue par le premier article et qui porte à faux. Tous deux interviennent probablement dans la rupture de la patte, mais l'expérience directe prouve que l’extenseur seul est indispensable. On peut, au moyen de ciseaux fins et pointus, que l’on glisse sous la membrane articulaire, sectionner le tendon du fléchisseur, sans empêcher ultérieurement le réflexe de rupture. Au contraire, la section isolée du tendon de l’extenseur pratiquée par le même procédé m'a paru supprimer dans tous les cas le phénomène de cas- sure réflexe de la patte. Ce muscle est donc indispensable à cette cassure, SUR L’AUTOTOMIE CHEZ LES ANIMAUX, 423 Voici comment je me rends compte de son mode d'action. (Voir fig. 3, qui représente schématiquement l’action du muscle exten- seur a et du fléchisseur #.) Dès qu’on irrite le nerf sensible d’une patte, on provoque par voie réflexe une contraction énergique de l’extenseur (a) du deuxième article et probablement d’autres muscles, ce qui amène une exten- sion forcée de la patte. La patte vient alors butter contre le bord de la carapace (en c, fig. 3), où son mouvement d'extension se trouve F1G. 3. — (Demi-schématique), destinée à illustrer le mécanisme de la cassure du deuxième ar- ticle, de la patte du Crabe ou de la Langouste. L'animal est placé sur le dos, la figure repré- sente une patte de droite, vue par la face postérieure, un premier article logeant le fléchisseur b et l'extenseur a du deuxième article 2. La fente entre 2’ et 2” indique le niveau de la rupture du deuxième article ; e, carapace contre laquelle vient butter la patte par les contractions de l'extenseur a. La patte étant fixée, le muscle continue à se contracter et sépare 2’ de 2”. arrêté. L’extrémité distale 2” du deuxième article participe forcé- ment à ce mouvement et se trouve fixée médiatement de cette facon. Le muscle extenseur a, continuant à se contracter, exerce une trac- tion sur la partie proximale 2’ (en forme d’anneau) du deuxième article et finit par la séparer de la portion distale 2” qui se trouve retenue. Il existe là un sillon circulaire entaillant plus ou moins profondément la carapace du deuxième article, surtout à sa face interne, et constituant un locus minoris resistentiæ au niveau duquel s'effectue la rupture. La condition sine qua non de la rupture est donc l'intégrité du muscle extenseur (a) du deuxième article. Il faut également que la patte et la partie distale du deuxième article trouvent un point 424 LÉON FREDERICQ. d'appui résistant soit contre la carapace de l’animal, soit entre les doigts de l’expérimentateur qui a saisi la patte. Le profit que l'animal retire du sacrifice de sa patte est double : d’abord il échappe à un ennemi sérieux, puisque celui-ci avait en- tamé la coque dure de la patte, et atteint le nerf sensible ; en outre il n’est pas exposé à périr d’hémorrhagie. La plaie formée par la cassure ne saigne presque pas ; je crois qu’il faut attribuer cette absence d’hémorrhagie à la contraction persis- tante du muscle extenseur; ce muscle, gonflé par la contraction tonique, bouche l’orifice, qui correspond à la cavité de la patte et ne permet pas au sang de s’écouler. La coque du deuxième article, les nerfs et les vaisseaux sont déchirés’ mais les muscles paraissent intacts : ceux qui meuvent le deuxième article sur le premier restent en entier dans le moignon qu'ils fixent solidement et dont ils empêchent l’hémorrhagie. Ceux qui meuvent le troisième article sur le second paraissent entièrement contenus dans la partie qui tombe. Outre le Homard, la Langouste et les différents Crabes que j'ai cités précédemment, j'ai observé la rupture des pattes chez le Bernard- l'Hermite, et chez les Palæmon et Crangon. La rupture ne présente pas le même caractère étrange chez tous ces Crustacés. Ainsi c’est par des contractions musculaires générali- sées par de violentes secousses imprimées à tout le corps, que le Homard dont on pince la patte se délivre en arrachant celle-ci au niveau de l'articulation, entre le hosipodite et le coxopodite. L’ani- mal me paraît incapable de provoquer cette rupture à la facon du Crabe, par la contraction d’un seul ou d’un petit nombre de muscles. III Quelques expériences faites récemment sur un Orvet m'ont con- vaincu que la rupture de la queue était également ici provoquée par une contraction musculaire, et n’était nullement due à la fragilité SUR L'AUTOTOMIE CHEZ LES ANIMAUX. 425 exagérée de cet appendice, comme pourraient le faire supposer les noms Angus fragilis et Serpent de verre. Je cilerai d’abord l’expé- rience suivante, faite sur l'animal alors que la mort remontait à vingt-quatre heures, et que les muscles et les nerfs étaient définili- vement paralysés. Je fixe à l'extrémité de la queue, au moyen de bandelettes collodionnées, un lien auquel je suspends un petil pla- teau de balance que je charge de poids. Je suis obligé d'exercer une traction de plus de 490 grammes avant de rompre la queue. L'Orvet pesait 19 grammes ; il a donc fallu, pour arracher la queue, un poids vingt-cinq fois plus fort que celui de l'animal entier. L'Orvet vivant se comporta tout autrement. Suspendu par la queue la tête en bas, il se tordit dans différentes directions, mais sans chercher à s'échapper par la rupture de la queue. J'irritai alors vi- vement l'extrémité de la queue, en l’amputant par une section brus- que au moyen de ciseaux tranchants. Aussitôt la portion de queue située au-dessous du point par lequel l'Orvet était suspendu exécuta une série de mouvements de latéralité ayant pour résultat de détacher complètement l’animal, qui tomba à terre et s'enfuit. Je repris l’animal et le maintins suspendu en le saisissant par l'extrémité du reste de la queue que je froissais vivement entre les doigts. L'animal se brisa de nouveau immédiatement au-dessous du point saisi, par le même mécanisme de contractions alternatives du côté droit et gauche du corps. Je crois donc qu'il s’agit ici, comme chez le Grabe, d’une rupture active, d’un mouvement musculaire provoqué par voie réflexe, à la suite d’une vive irritation des nerfs sensibles de la queue. Le fragment de queue sectionné par les ciseaux et les deux mor- ceaux amputés par l'animal présentèrent un phénomène des plus curieux. Pendant plus de dix minutes, chacun d’eux exécuta un mouvement oscillatoire d’incurvation alternativement à droite et à gauche. La destruction de la moelle épinière , pratiquée au moyen d’une épingle sur l’un des fragments, y supprima immédiatement le mouvement. 426 LÉON FREDERICQ. Sur les deux fragments, le mouvement rythmé alla peu à peu en s’affaiblissant, puis finit par s’éteindre complètement. Une irri- tation produite par une nouvelle section le fit réapparaître, J’ai constaté au microscope que, dans la queue brisée de l’Orvet, la rup- ture des muscles s'était partout opérée au niveau des tendons, et jamais dans la substance contractile des fibres. Enfin, à la suite d'expériences faites sur un Lézard, sur plusieurs Arachnides et sur plusieurs Insectes, j’ai acquis la conviction que ces animaux présentent également le phénomène de la mutilation ac- tive ou autotomie. me ie me ee eee msn CONTRIBUTION A L'ÉTUDE NORPHOLOGIQUE ET ANATOMIQUE INFUSOIRES CILIÉS Conservateur adjoint de la Bibliothèque-musée d'Alger. L'étude scientifique des Infusoires ne commence réellement qu'avec Ehrenberg et Dujardin. Quand on veut apprécier les antécédents et la filiation historique des travaux récents, on peut négliger les pu- blications antérieures à ces deux grands observateurs. La raison de ce fait se trouve dans l'insuffisance des instruments optiques dont se servaient les vieux auteurs. À l’époque d’'Ehrenberg et de Dujardin, le microscope composé se perfectionna rapidement, et leur permit de donner à leurs observations une précision et une certitude qui manquaient presque totalement auparavant. . Dès le début de leurs recherches, ces deux grands zoologistes se trouvèrent en opposition complète par l'esprit de leurs travaux et fondèrent deux écoles dont les tendances contradictoires se sont maintenues en face l’une de l’autre jusqu’à nos jours. Ehrenberg prétendait retrouver chez les Infusoires toute la com- plexité de structure, tous les appareils et toutes les différenciations des animaux supérieurs. Confondant les êtres les plus différents, entassant hypothèses sur hypothèses, il aboutit à sa théorie de la polygastricité et de la sexualité, théorie que l’on peut considérer comme une des plus grosses erreurs que notre science ait enregistrées, 428 | E. MAUPAS. Malgré cela, ces idées, appuyées sur des travaux réellement très vastes, furent acceptées par beaucoup de zoologistes, et des observa- teurs aussi éminents que Lachmann et Claparède ne purent jamais se soustraire à leur influence, bien qu'ils les aient modifiées et atténuées , Q r F U . dans ce qu'elles avaient de plus exagéré. Jusque dans ces derniers temps, cette influence se faisait encore sentir dans les travaux de Bal- biani, dont les erreurs, sur les soi-disant organes sexuels et les fausses interprétations morphologiques, ne le cèdent guère en importance à celles d'Ehrenberg. Mais ce dernier‘ représentant de l’école ehren- bergienne vient tout récemment? de passer avec armes et bagages dans le camp adverse, de sorte qu'aujourd'hui on peut considérer cette école comme définitivement morte et enterrée. Dujardin, tout au contraire d'Ehrenberg, voit partout simplicité et absence de structure et d'appareils différenciés, et fonde son admi- rable théorie du sarcode. Malheureusement toutes ses recherches étaient terminées et ses idées arrêtées avant la publication du fameux livre de Schwann, dans lequel la théorie cellulaire générale fut fondée. Aussi est-ce à de Siebold que revient l’honneur d’avoir donné aux idées de Dujardin leur formule complète et définitive, en démontrant que l'organisme des Cytozoaires* pouvait se réduire aux éléments 1 Je ne cite pas ici Künstler. On a déjà relevé dans les travaux de cet auteur des erreurs si grossières que, jusqu’à nouvel ordre, on est en droit de ne pas en tenir compte. Voir Zoologischer Anseiger, t. V, 1882, p. 679, et Archives de zuologie, 1883, Notes et Revue, p. IX. ? Journal de micrographie, années 1881 et 1882. $ Dujardin, en effet, dans son livre sur les Infusoires (1841), a réédité, sans chan-— gements, les résultats généraux qu’il avait déjà formulés dans son grand mémoire de 1838 (Ann. des sc. nat., t. X). Le traité de Schwann fut publié en 1839. k Il me paraît utile d'abandonner les dénominations de Protozoaires et Méta- zoaires pour les remplacer par celles de Cytozoaires et Histozoaires. Ces deux nouveaux termes ont l’avantage, sur les anciens, de préciser nettement, par leur sens étymologique, le caractère morphologique dominant des deux grandes divisions dont ils deviennent les vocables. D’une part, en effet, nous avons les animaux composés d’une cellule (KÜTos) indépendante, d’autre part les animaux dont l’organisation complexe est formée d’agrégats de cellules réunies en fissus (isrés). En outre, en Biologie générale on distingue depuis longtemps l'étude des ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 429 d’une simple cellule. Depuis lors, les travaux de Kæ@ælliker, Stein, Claus, Haeckel, Wrzesniowski, pour ne citer que les plus célèbres, n’ont fait que consolider cette théorie. Bütschli, enfin, lui a donné la dernière confirmation en renversant les travaux de Balbiani, qui, pendant près de vingt ans, en avaient entravé le progrès. Ce dernier coup a été un véritable triomphe pour l’école de Dujardin, puisque, comme je l’ai dit, il a contraint son dernier adversaire à déposer les armes et à se rallier. Aujourd’hui, la théorie unicellulaire est univer- sellement admise par tous les zoologistes compétents. Après cette brève esquisse historique, inutile de dire que les recherches morphologiques et anatomiques contenues dans les pages suivantes se rattachent complètement à l’école de Dujardin. Cher- cher dans les propriétés générales du sarcode l'explication des phé- nomènes spéciaux, ramener les structures particulières et leurs adap- tations fonctionnelles chez les Infusoires à la vie et à la morphologie cellulaire, tels ont été l’esprit et les tendances qui m'ont toujours guidé. Dans cette direction, je n'ai fait que marcher sur les traces des savants illustres, qui ont su étendre si loin la voie déjà si bien indiquée par Dujardin. Et qu'il me soit permis d'exprimer ici toute l'admiration que m'inspirent les travaux de cet éminent maître. Aujourd'hui il semble devenu de bon ton de les passer sous silence, et on a vu paraître, il y a quelques années, une morphologie des Infusoires (1) dans laquelle tissus par le mot Histologie, et les magnifiques travaux, accomplis en ces derniers temps sur la morphologie cellulaire, sont en voie de constituer une nouvelle branche scientifique, à laquelle on peut, dès maintenant, appliquer le nom de Cytologie. Dans le règne végétal on pourra également distinguer les Cytophytes et les Histophytes. — En proposant cette réforme de nomenclature, je ne me dissimule pas l'inconvénient résultant du changement et de l’abandon de termes consacrés par un long usage. Mais il me semble que cet inconvénient est large- ment compensé par l’avantage d’avoir des dénominations beaucoup plus expres- sives et dont les radicaux peuvent s'appliquer à toutes les branches de la morpho- logie biologique. Inutile de faire remarquer que ces dénominations ne laissent aucune place aux Protistes d’Haeckel, qui, d’ailleurs, n’ont jamais existé que dans l'imagination exubérante du célèbre professeur. 1 Haeckez, Zur Morphologie der Infusorien, 1873, 430 E. MAUPAS. son nom n’est même pas cité une seule fois, Cependant presque tout ce qu'il y a de fondamental et d’essentiel dans les idées du jour se trouve déjà en germe et souvent même assez développé dans les pu- blications de Dujardin. Quand on se reporte à l’époque où elles ont été achevées, on ne sait ce que l’on doit le plus admirer de l’habileté des observations, ou de la profonde sagacité des interprétations de l’auteur. Puissent mes faibles efforts lui faire rendre la justice qui lui est due et attirer de nouveau l’attention sur ses travaux, dont la lecture est encore fort utile dans les recherches sur la morphologie des Cytozoaires ! k Les observations contenues dans ce travail remontent pour la plu- part déjà à plusieurs années. La plus grande partie a été recueillie à Alger, le reste au laboratoire de Roscoff, dans lequel son illustre directeur, M. de Lacaze-Duthiers, avait bien voulu m’accueillir en 1878. Ces recherches s'étendent à tous les groupes des Infusoires ciliés, à l'exception, cepeudant, des Vorticellides, Ophrydides et Urcéolarides, que j'ai complètement réservées pour m'en occuper plus tard, Alger, 15 juin 1883. CoLropa CucULLUS, O.-F. MULLER. (PI. XIX, fig. 1-6.) O.-F. Muzzer, Animalcula infusoria, 1786, p. 102, pl. XIV, fig. 7-14. EBRENBERG, Die Infusionsthierchen, 1838, p. 347, pl. XXXIX, fig. v, 1-11. Dusarpin, /nfusoires, 1841, p. 480, pl. XIV, fig. 5. Perry, Zur Kenntniss kleinster Lebensformen, 1852, p. 145. Le corps a la forme d’un rein un peu comprimé. La bouche étant située dans l’échancrure du rein, 1l en résulte que les faces ventrale et dorsale sont beaucoup plus étroites (fig. 5) que les faces latérales, qui, elles, sont larges et amplement développées (fig. 1,2, 3). La face dorsale décrit une ligne convexe assez régulière, la ventrale est à peu près rectiligne, coupée un peu en avant du milieu de sa longueur par l’échancrure du rein. Cette échancrure est toujours très marquée; sa forme est celle d’un sillon large et profond qui coupe obliquement ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 431 la face ventrale, d'avant en arrière et de gauche à droite (fig. 5, a). Les extrémités antérieure et postérieure s’arrondissent régulière- ment, l'extrémité antérieure cependant légèrement rétrécie et comme déjetée vers la face ventrale. Get Infusoire est complètement dépourvu de contractilité ; mais en revanche il jouit d’une grande élasticité, qui lui permet de reprendre de suite sa forme, lorsqu'il a subi quelque déformation. Il est incolore, d'aspect noirâtre et assez transparent lorsqu'il est vide de nourriture, mais très opaque lorsqu'il est bourré de globules alimentaires (fig. 4). Sa longueur, sur les individus assez nombreux que j’ai mesurés, variait entre 0"%,040 et 0nx,100. Ces lon- gueurs concordent très bien avec celles données par O.-F. Muller*, Ebhrenberg et Dujardin. Le chiffre minimum d’Ehrenberg est beau- coup plus faible que le mien ; mais cela vient de ce que cet observa- teur avait confondu avec C’. cucullus l’espèce que je décris à la suite de celle-ci sous le nom de C’. Steinü. La largeur des faces latérales est toujours égale aux deux tiers environ de la longueur. L'enveloppe tégumentaire est fine et nettement différenciée du cytosome ?. Elle porte un système de stries fines et serrées, qui, vues par les faces latérales, prennent naissance en avant sur l’espèce de lobe ou front formé par la région ventrale antérieure à la bouche. De ce point les stries décrivent une courbe parallèle à la convexité du dos et viennent se terminer à l'extrémité postérieure en convergeant vers le point où se trouvent l'anus et l'orifice de la vacuole contrac- tile. Les légers sillons produits par ces stries sont beaucoup plus 1 O.-F. Muller n’a indiqué nulle part la taille des Infusoires observés par lui, ni le grossissement de ses dessins. J'ai essayé d'obtenir ces deux données en procédant de la façon suivante : j'ai choisi quelques-unes des espèces d’Infusoires les mieux connues et dont nous avons de bonnes descriptions accompagnées de mesures exactes. J’ai pris la moyenne de ces mesures et avec cette moyenne j'ai divisé la longueur des dessins de Muller. Par ce procédé, j'ai reconnu que les dessins du vieux micrographe, au moins pour les espèces de taille moyenne, ont dù être fails avec un grossissement d'environ 200 fois. Le grossissement connu, il suffit de diviser par ce chiffre la longueur des dessins pour obtenir la taille. 2 Par ce nouveau terme je désigne tout le corps sarcodique, y compris l’endosarc et l’ectosarc. On en trouvera une définition détaillée et complète aux résultats gé- néraux. 432 E. MAUPAS. accusés sur le lobe fronto-ventral, de sorte que cette région, vue de côté, apparaît bordée de fines dentelures au nombre de 9 à 10 et très caractéristiques pour cet Infusoire. Le cytosome, composé d'un sarcode amorphe et transparent, obéit à un mouvement continuel de rotation. On le constate assez aisément sur les individus immobiles et vides de bols alimentaires. La masse est entraînée d’un mouvement circulatoire général comme chez Paramecium aurelia. Cette cyclose, lorsqu'on observe un Col- pode par la face latérale droite (fig. 3), se dirige en remontant le long du bord ventral, passe à l’extrémité antérieure de gauche à droite, redescend le long du bord dorsal, puis, à l'extrémité posté- rieure, passe de droite à gauche pour venir reprendre le bord ven- tral. Cette direction est identique à celle des aiguilles d’une montre. L'appareil ciliaire locomoteur se compose de cils vibratiles, fins et peu longs, distribués en rangées le long des stries qui sillonnent les diverses faces du corps. Tous ces cils, même ceux qui avoisinent le pourtour de la bouche, sont de force et développement semblables. La bouche (fig. 1, 4, 5, d) est située dans l’échancrure du rein, immédiatement sur le bord, à droite. Elle se compose d’une ouverture toujours béante, de forme elliptique, en arrière de laquelle existe un œsophage (fig. 4, æ) court, mais assez spacieux. Quand on observe un Colpode complètement immobile, vu par sa face latérale droite et avec un fort grossissement (objectif à immersion, n° 9, de Hartnack), on aperçoit, sur la paroi supérieure de l'æsophage, une série de lignes droites, en forme de bâtonnets, dirigées transversalement à l'axe ongitudinal de l’æsophage. Ces bâtonnets, par leur aspect, leur forme et leur disposition, ressemblent complètement aux lignes transversales qui coupent la zone d'insertion des membranelles buc- cales chez les Euplotides et les Oxytrichides. Je considère donc la bande formée dans l’œsophage du Colpode, par l’ensemble de ces bâtonnets, comme constituant un appareil vibratile analogue à celui des Ruplotides el des Oxytrichides. Chacun des bâtonnets est l'indice de l’existence d’une membranelle vibratile, que mes moyens optiques NOTES ET REVUE. XXXIII XVII ESSAI SUR LE CANAL CONARIO-HYPOPHYSAIRE ET SUR LA POSITION DU CORPS CHEZ LES VERTÉBRÉS ET LES INVERTÉBRÉS, Par Richard OWEN. (Londres, 1883.) Avant d'analyser le mémoire de l'illustre professeur anglais, traduisons l'introduction par laquelle il en motive la publication : «L'idée de génie sur laquelle repose l'œuvre de « l'Unité de composition « organique dans le règne animal », qui guida les travaux de Geoffroy Saint- Hilaire et fut proposée dans sa première contribution à la « Philosophie « anatomique », souleva lescommentaires des plus célèbres parmi ses contem- porains. — Flourens discuta le sujet en ce qui concerne le type Vertébré.— Le mémoire suivant, de Geoffroy, appuyant les mêmes idées sur des observa- tions de monstruosités, fut également l’objet d’une analyse élogieuse de la part de Frédéric Cuvier. « Dugès combattant les généralisations de Geoffroy à l’aide d’arguments tirés de l'anatomie des Invertébrés, celui-ci ren voya à la figure 2 de la VII planche, « où se trouve représenté un Homard couché sur le dos et montrant distinc- « tement ses viscères dans la position où le sont les viscères des Mammifères « placés sur le ventre ». « Cuvier intervint alors en publiant dans les Annales des sciences naturelles. un mémoire demeuré célèbre. « Cette phase de la discussion à laquelle j'eus la faveur d'assister, en 1831, dans la salle des séances de l’Académie des sciences, a été, depüis, rarement absente de ma pensée dès que quelques nouvelles recherches ou observations semblaient y apporter quelque lumière ». L’exposé de la nature des dispositions que Cuvier croyait fatales aux vues de Geoffroy forme le principal objet des deux essais qui suivent : Les glandes pinéale et pituitaire, dans l'Homme, ont été décrites bien des fois et avec grand soin. Récemment encore, le docteur Sapolini a constaté la communication de la cavité du corps pituitaire avec le troisième ventricule, et il a attribué à ce corps les fonctions d’une véritable glande dont les pro- duits serviraient à remplir la cavité des ventricules et du canal de la moelle, Ed. van Beneden, Julin et Balfour ont pensé que le tubercule ou corps cilié qui s’ouvre chez les Tuniciers, dans la cavité branchiale, pourrait représenter l’hypophyse des Vertébrés, et le premier lui attribue une fonction urinaire. En réalité, on n’a pas encore éclairci la véritable nature du corps pitui- taire, mais tout tend à le faire considérer plutôt comme un organe dégradé que comme un organe rudimentaire. Suivons l’ensemble des corps pinéal et pituitaire, autrement dit le canal conario-hypophysaire, dans toute la série des Vertébrés, depuis l'Homme jus- qu'à l’Amphioxus, chez lequel l’expansion cérébrale étant très faiblement ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. = 20 SÉRIE, —— T. 1. 1883. C XXXIV NOTES ET REVUE. indiquée, l’homologue de ce canal a déjoué toutes les recherches, à moins qu’on ne considère comme tel le canal cilié. Dans la série des Mammifères, on remarque que plus le cerveau perd de son importance dans les types inférieurs, plus, au contraire, en gagnent les corps pituitaire et pinéal, qui, en même temps, se rapprochent de la forme tubulaire. Chez les Reptiles, les proportions de ces corps relativement au cerveau augmentent encore; et, chez un grand nombre, particulièrement chez les Reptiles éteints, on voit un cordon tubulaire se détacher de la partie creuse de la glande pinéale et perforer le crâne soit au niveau des pariétaux, soit, plus rarement, entre les pariétaux et le frontal, soit, enfin, au niveau du frontal lui-même. À travers ce passage, connu sous le nom de foramen parietale, et qu’on fe- rait mieux d'appeler foramen pineale, le tube pinéal monte et n’est arrêté que par la peau du crâne. (Ex. Iguane.) Dans l'embryon, la glande pinéale apparaît comme un diverticulum de Ja vésicule cérébrale moyenne. Dans les Vertébrés à sang froid, ce diverticulum s'incline en avant ; chez les Mammifères, et aussi chez plusieurs oiseaux, il s’incline en arrière. Chez tous, il semble en quête d’un orifice extérieur : chez les uns, la peau exté- rieure ; chez les autres, le crâne lui font obstacle. Dans la classe des Poissons, l'importance et le caractère tubulaire du canal trans-cérébral sont encore mieux marqués. — Suivant le professeur Ehlers, chez les Plagiostomes, le corps pinéal se présente comme un tube membra- neux allongé s’ouvrant d’un côté dans le troisième ventricule, et de l’autre se dirigeant vers l'extérieur, où il se trouve arrêté soit par la peau, soit par les cartilages du crâne. Dans l’Ammocète, les parois de la partie périphérique de ce canal sont plissées ; dans la Lamproie, elles forment une expansion sacciforme. Un infundibulum tubuleux, prolongement inférieur du troisième ventricule, existe chez tous les Poissons osseux, quelque forme qu'il prenne d’ailleurs, soit qu’il soit sessile, comme chez la Morue, soit qu'il ait la forme d’un long tube, comme dans le genre Lophius. Dans le Lépidosiren, le troisième ventricule communique à la fois avec un corps pinéal tubuleux qui monte jusque sous la peau, et avec un large infun- dibulum qui n’est, à sa partie périphérique, séparé de la cavité buccale que par une mince expansion lamelliforme de la base du crâne. Dans l'embryon, une fois le canal spinal constitué, la vésicule cérébrale moyenne formée envoie en haut et en bas deux diverticulums qui sont : l’un le tube pinéal, l’autre le tube hypophysaire. Pendant ce temps, le tube digestif acquiert un ‘premier orifice buccal qui reste définitif seulement chez les Radiaires, et qui est l’ombilic. Une deuxième bouche ou deutostome, également transitoire ou bouche neu- rale, se forme alors, grâce à la mise en communication avec la partie anté- rieure de l'intestin du canal conario-hypophysaire, qui n’est alors séparé de l'extérieur que par l'épaisseur de la peau. NOTES ET REVUE. XXXV Enfin, une troisième bouche outritostome, ou bouche hémale, met en com- munication l'intestin avec la chambre branchiale primitive. C’est la bouche définitive du Vertébré. La bouche définitive de l’Insecte et de l’Invertébré correspond exactement au deutostome du Vertébré. Le canal conario-hypophysaire est l’homologue modifié de la bouche et du pharynx des insectes. Le cerveau proprement dit des Vertébrés correspond, par suite, aux ganglions sus-æsophagiens, ou mieux hem-æsophagiens des insectes, tandis que la moelle épinière correspond à la chaîne ventrale, et les parties de l’encéphale postérieures à la glande pinéale sont les homologues des ganglions sous-œæsophagiens ou neur-æsophagiens des invertébrés. — Ainsi se trouvent justifiées les vues exposées dans le traité de l'Unité d'organisation et de composition. Les pédoncules cérébraux, ou crura cerebri, fort longs chez plusieurs Poissons, et en particulier chez la Chimère, ressemblent beaucoup aux connectifs circum-æsophagiens des Inver- tébrés qu'ils représentent réellement. Les observations tératologiques de glandes pinéales ou de corps pituitaires tubuleux observés chez les Vertébrés supérieurs et rADPORIERS par Geoffroy Saint-Hilaire et le professeur Cleland, viennent encore à l'appui des données fournies par l’anatomie comparée et l'embryologie. Les dénominations de dos et de ventre pour désigner les faces homologues du corps des différents animaux sont mauvaises, parce que les critériums em- ployés pour les définir sont également mauvais. Le dos ou le ventre ne peuvent pas, en effet, être définis par la position de l'animal dans ja locomotion, car cette position varie. La position du cerveau ne doit pas non plus être prise pour critérium, mais bien les positions relatives des systèmes nerveux et vasculaire. Les différents animaux n’ont donc, en anatomie comparée, ni dos ni ventre, mais une face hémale et une face neurale qui sont homologues chez les Ver- tébrés et les Invertébrés, si on adopte les idées précédemment énoncées sur la position du deustostome, Dans ces conditions, le dos des Invertébrés cor- respondant au ventre des Vertébrés, la position du sac vitellin par rapport au corps de l'embryon est la même pour l'Insecte et pour le Mammifère. Seule la direction de la courbure des membres varie ; car partant, chez les Verté- brés comme chez les Invertébrés, de la partie du corps la plus rapprochée des centres nerveux qui leur fournissent des nerfs, ils s'infléchissent chez les premiers vers la face hémale, chez les seconds vers la face neurale. Si, enfin, on suppose que la chaîne ventrale des Annelés s'enroule autour de son axe en pinçant un peu de la peau du ventre, on obtiendra la structure même de la moelle épinière des Vertébrés; car les cellules de la substance grise, disposées à la face inférieure chez l’'Invertébré, se trouveront ainsi occuper le centre de la moelle. Les homologies qui existent entre les ganglions sus-æœsophagiens et sous- œsophagiens des Insectes, et respectivement les hémisphères, les cérébraux et la moelle allongée des Vertébrés sont des plus complètes si l’on tient compte non-seulement de la disposition des parties, mais aussi de la distribution des nerfs qui en partent, XXXVI NOTES ET REVUE. En effet, l’encéphale des Vertébrés se trouve divisé en deux parties par le canal hypophysaire. Les hémisphères cérébraux placés sur le prolongement des pédoncules cérébraux fournissent en avant les nerfs olfactifs, en arrière les nerfs optiques, c’est-à-dire précisément les mêmes nerfs qui naissent des Sanglions sus-æsophagiens des Insectes. En arrière se voit l’ensemble des centres connus sous les noms de corps quadrijumeaux, moelle allongée et cervelet, et qui fournit les nerfs de la face, du goût, des organes masticateurs et de l’ouie. À ces mêmes fonctions se rapportent les nerfs qui partent, chez les Articulés, du ganglion sous-æso- phagien ou de ceux qui le suivent ; car, chez les Orthoptères, où un appareil auditif spécial a été reconnu, cet appareil est innervé par le premier ganglion thoracique. Chez les Poulpes, que Cuvier avait pris pour exemple dans sa réponse à Geoffroy, le cerveau correspond à celui des Insectes, les ganglions sous-œæs0 - phagiens à la chaîne ventrale, et les mêmes arguments sont applicables. En résumé, il existe chez les Vertébrés et les Invertébrés une face neurale occupée par le système nerveux, et une face hémale occupée par les organes essentiels de la circulation et parfaitement homologues chez les uns et chez les autres. Le tube digestif des Invertébrés est en partie neural, en partie hémal. Il en était de même primitivement chez les Vertébrés, qui n’ont acquis que pos- térieurement une bouche hémale ou tritostome, ce qui a rendu leur tube di- gestif complètement hémal. Le tube conario-hypophysaire est le dernier ves- tige de l’ancienne disposition. La distinction absolue établie par Cuvier entre les Vertébrés et les Inverté- brés tombe par ce fait, et les idées exprimées par Geoffroy Saint-Hilaire dans « l'Unité de composition organique » se trouvent justifiées. Le Vertébré est un Invertébré placé sur le dos. L. J. Une question semblable à celle qui est ici de nouveau soulevée, et qui a occupé plusieurs générations de savants, ne peut être traitée en quelques lignes, La véritable nature et la signification de la glande pinéale et du corps pituitaire demanderont sans doute encore pour être éclaircies de longues re- cherches. Cependant, quand des arguments nouveaux sont produits, il est permis de produire aussi les objections que de prime abord soulève leur em- pl'oi; aussi nous permettrons-nous de faire suivre cette analyse de quelques courtes réflexions. Si l’on nous montrait dans l'embryon du Vertébré, d’une part un diverti- culum de l'intestin primitif formant la cavité de l’hypophyse, de l’autre un diverticulum de la peau de la nuque formant la cavité de la glande pinéale, si l’on nous montrait ces deux diverticulums marchant à la rencontre l’un de l’autre, puis se rejoignant et se soudant entre les crura cerebri, nous serions bien obligés de reconnaître, dans un tube trans-cérébral ainsi formé, une portion du tube digestif et quelque chose d’assez semblable à la bouche et au pharynx d’un Insecte. Mais d’après R. Owen lui-même, qui ne fait d’ailleurs, en cela, que repro- NOTES ET REVUE. EE duire les données embryologiques acquises, les choses se passent tout diffé- remment. Le tube pinéal d’une part, le tube hypophysaire de l’autre, sont deux diverticulums du troisième ventricule se dirigeant en sens inverse. — Ils sont donc tous deux de nature essentiellement nerveuse par leur origine, et la seule communication essentielle et constante qu'ils conservent chez tous les Vertébrés est leur communication avec le troisième ventricule et avec le canal de la moelle. Ce serait certainement un singulier œsophage que celui qui conduirait les aliments peut-être dans le tube digestif, mais à coup sûr dans les ventricules de l’encéphale et dans leur prolongement médullaire. Le canal conario-hypophysaire est donc essentiellement une dépendance du système nerveux; son mode d’origine et ses rapports ne permettent de l'assimiler ni à une portion du tube digestif en général, ni en particulier au pharynx des insectes, qu’on n’a jamais vu se former aux dépens d’une partie quelconque du système nerveux. Il faut encore considérer que, si la direction des tubes pituitaire et pinéal semble indiquer une double communication avec l’extérieur d’une part, avec l'intestin de l’autre, cette communication n’a été, en fait, constatée chez aucun Vertébré. Si chez les Tuniciers on veut, avec Julin, identifier le sac cilié avec l’hvpo- physe et y trouver la preuve que l’hypophyse communiquait primitivement avec la cavité branchio-buccale, personne, du moins que je sache, n’a trouvé chez ces animaux rien qui rappelle la glande pinéale, ni aucune trace d'un orifice extérieur nucal. — Bien mieux, les courants qui parcourent le sac cilié chez les Tuniciers, sont toujours dirigés de la cavité branchiale vers le fond du sac, c’est-à-dire vers le ganglion !, alors que dans la théorie que nous discutons l'inverse devrait se produire. Dans l’Amphioxus, si le cornet vibratile est encore comparé à l’hypophyse, il n’y a rien non plus qui corresponde à la glande pinéale, ni aucun vestige d’une bouche nucale. En réalité, du haut en bas de l'échelle des Vertébrés et des animaux qui peuvent s’en rapprocher, nulle part on n’a pu constater l'existence de cette bouche nucale ou de ce « deutostome neural » que réclame impérieusement la théorie, et le tube conario-hypophysaire qui vient se terminer en cul-de- sac à l’endroit où cette bouche devrait être, ne saurait être légitimement assi- miié à une portion du tube digestif, tant à cause de son origine que des rap- ports constants qu'il conserve avec la cavité du « myelon ». En dehors de ces deux objections fondamentales, il y en aurait encore plus d’une à produire. Nous nous contenterons de faire remarquer que l'homo- logie indiquée par R. Owen entre, d’une part, chez les Vertébrés, le pro-en- céphale et le post-encéphale; d’autre part, chez les Invertébrés, les ganglions sus et sous-æsophagiens n’est peut-être pas aussi complète qu'il le pense, Si les nerfs de l'organe décrit chez les Acridiens par Johannes Müller émanent { 1 L. Jouer, Sur le développement du ganglion et du sac cilié dans le bourgeon du Pyrosome (C. r. Ac. sc., 3 avril 1882). XXXVIII l NOTES ET REVUE. du premier ganglion thoracique, il ne faut pas oublier que chez la généralité des Mollusques, ainsi que l’ont montré les travaux de de Lacaze-Duthiers et de ceux qui l'ont suivi, le nerf auditif est fourni par les ganglions sus-æsopha- giens, c’est-à-dire, suivant la théorie, par l'équivalent des hémisphères. D'après plusieurs auteurs même, les antennes serviraient à l'exercice de l’ouiïe chez un grand nombre d’Arthropodes. Assurément, la tentative faite pour restaurer la théorie de Geoffroy Saint- Hilaire est d’un haut intérêt, fort satisfaisante à plusieurs égards, et justifiée, jusqu’à un certain point, par l'obscurité qui continue, malgré des recherches récentes, à régner sur la nature morphologique et physiologique du corps pituitaire. Cependant, avant de s'établir, la théorie nouvelle aura à répondre à plusieurs objections graves dont nous avons essayé de faire pressentir les plus saillantes. | L. Jouer. XVII RECHERCHES D’ANATOMIE COMPARÉE SUR L'ORGANE DES CÉPHALOPODES AUQUEL ON A DONNÉ LE NOM DE PANCREAS, Par le docteur Viéezrus, de Dordrecht (Hollande). Ce prétendu pancréas présente un aspect fort différent, suivant qu'on l’examine chez les Octopodes ou chez les Décapodes. Chez les uns c'est une masse glandulaire, presque confondue avec le foie dans lequel elle est enfon- cée; chez les autres il est constitué par des appendices particuliers des canaux hépatiques. Brock le premier ! a émis l'opinion que masse glandu- laire et appendices représentent des organes morphologiquement homolo- gues : les recherches auxquelles s’est livré le docteur Vigelius l’ont conduit à des résultats qui confirment cette manière de voir. Les espèces que ce dernier naturalisie a examinées peuvent se ranger, au point de vue de l’étude qu’il en a faite, en huit groupes: le premier com- prenant les Sepia officinalis, Rossia macrosoma Fev. et D'orb. et Sepiola Ron- deletti Schneïd. ; le deuxième le Loligo vulgaris Lam. ; le troisième les Octo- podes en général : Octopus vulgaris, Octopus tetracirrus, Octopus macropus, Eledone Aldrovandi, Eledone moschata et Tremectopus violaceus. Chez la Seiche, les deux canaux hépatiques dès leur sortie du foie se dirigent séparément vers l'arrière et traversent la cavité urinaire. Le canal de droite va contourner la partie pylorique de l'intestin qu’on sait réuni au cœcum spiral, revient vers le canal de gauche, se joint à lui, et tous deux se jettent dans le cæœcum par une ouverture unique. Dans leur parcours à travers le sac urinaire, ils sont pourvus abondamment de volumineux appendices qui, 4 Morph. Jahrb., Bd VI NOTES ET REVUE. XXXIX comme les appendices des veines caves, flottent librement dans la cavité. Ces appendices sont constitués par la réunion d’un nombre plus ou moins grand d’ampoules de dimensions variées communiquant entre elles et avec un espace central qui, lui, est en communication avec le canal hépatique. Quel- ques appendices sont également attachés à la -partie supérieure du cœcum spiral et communiquent directement avec cet organe. Les appendices, comme les canaux hépatiques, sont entourés d’un riche réseau de vaisseaux très fins. D'une part, la veine mésentérique et la veine génitale ; d'autre part, deux branches artérielles issues de l'aorte céphalique participent à la formation de ces vaisseaux. Artérioles et petites veines sui- vent des directions parallèles autour des ampoules. Fait-on la coupe transversale d'une ampoule, on trouve: à l’extérieur, un épithélium à grosses cellules cylindriques ou cubiques renfermant un noyau rond ou ovale; à l’intérieur, une couche de cellules spéciales limitant complè- tement la cavité de l’organe ; entre ces deux couches, le réseau vasculaire composé de branches artérielles et veineuses qui vont dans tous les sens. Les injections démontrant qu'il y a communication entre ces deux séries de vais- seaux, l’auteur en conclut que ce sont des capillaires. En fait, c’est la couche interne de cellules qui physiologiquement a le plus d'importance. C’est à elle sans doute que revient la fonction de sécrétion. Non-seulement l'aspect microscopique de ces cellules, mais encore la dépo- sition des capillaires autour d’elles autorisent cette supposition. Chaque cellule renferme, placé presque au centre, un gros noyau arrondi qui recèle à son tour nombre de petits corpuscules variés; elle renferme en outre de petits corps ronds ayant quelque ressemblance avec ceux qu’on rencontre partout dans les capillaires. L'auteur regarde ces derniers comme des corpuscules sanguins; quant aux autres, il hésite à se prononcer sur leur origine. Ces cellules, qu’on ne peut mieux caractériser qu’en les appelant glandu- laires, présentent dans leur manière d’être des particularités remarquables. Lorsqu’elles ont acquis leur complet développement, elles ne tardent pas à perdre leur contour tranché : la membrane cellulaire se remplit, le contenu de la cellule s’en échappe, et noyaux cellulaires, liquide cellulaire, débris de membranes s'écoulent vers le canal évacuateur commun de toutes les ampoules de l’appendice pour arriver ensuite au canal hépatique lui-même, Cette sorte de dégénérescence cellulaire ne se fait pas pour toutes les cellules à la fois, il s’ensuit que sur la coupe transversale de l'organe l'aspect de la couche qu’elles constituent est fort irrégulier. il paraît vraisemblable que la destruction successive de toutes les cellules glandulaires est un phénomène inhérent à la sécrétion, sinon la sécrétion elle-même. Au reste les cellules se régénèrent dès après l'achèvement du processus de destruction. Chez les genres Rossia et Sepiola on trouve la même disposition des orga- nes prétendus pancréatiques que chez la Sèche, et dans ces organes se passent les mêmes phénomènes que ceux décrits précédemment. L'auteur signale seulement quelques particularités propres à ces animaux. Ainsi il n'y a jamais d’appendices sur le cœcum spiral, ils sont tous sur les canaux hépa- x NOTES ET REVUE. tiques. La forme des ampoules est plutôt cylindrique que sphérique et l’épi- thélium externe qui les revêt partout se continue même sur le canal hépa- tique correspondant. Le Loligo vulgaris se présente immédiatement comme très différent des Décapodes ci-dessus. Les deux canaux hépatiques, qui sont larges et gros, après s'être unis au préalable, vont se jeter par une seule ouverture dans un cæcum spiral puissamment développé, mais ils manquent absolument d’ap- pendices indépendants. On pourrait croire à première vue que l'appareil csécrétoire qui nous occupe fait défaut; mais un examen attentif des canaux hépatiques a montré à Vigelius que leur paroi très épaisse est une véritable paroi glandulaire, traversée partout par un système ramifié de cavités plus ou moins grandes qui s'étendent jusqu’à la périphérie et communiquent non seulement entre elles, mais encore avec le canal correspondant. Vigelius donne à ces cavités le nom de follicules aglandulaires. Elles sont revêtues d’une seule couche de cellules glandulaires qui se poursuit sur la paroi in- terne de tout le canal et par conséquent limite l'intérieur de l’appareil entier. Cette couche est partout entourée par un réseau de vaisseaux qui sont des capillaires au même titre que ceux qui entourent la zone glandulaire des am- poules des appendices de la Seiche. Physiologiquement, les cellules glandu- laires du Loligo se conduisent dans leur développement comme dans leur destruction de la même façon que celles de la Seiche. Les canaux hépatiques des Octopodes sont dépourvus d'appendices séparés, et leur paroi n’est en aucune façon glandulaire, mais on trouve à l’extrémité postérieure du foie la partie d'où sortent les canaux hépatiques occupée par une zone de tissu glandulaire qui à la vérité appartient à la masse du foie, mais en diffère par sa couleur plus ou moins claire. Cette zone est limitée en avant et par la masse du foie et par la poche à encre. La partie aborale de celle-ci est habituellement eflilée en pointe et s'enfonce sur une plus ou moins grande étendue dans le milieu de la partie antérieure de l’organe pré- tendu pancréatique, de façon à le partager en deux moitiés plus ou moins nettement séparées. Cette division est poursuivie en apparence par un sillon qui se prolonge jusqu’à la limite postérieure. Il y a entre les espèces d'Octopodes des différences d’aspect extérieur qui n’ont qu'une importance secondaire. La structure elle-même de l'organe est, quant aux points essentiels, la même chez toutes; aussi Vigelius s’en tient-il pour la description à une seule : l'Eledone. L’organe considéré est libre en avant et n'est recouvert que par une bande de tissu appartenant à la capsule du foie ; en haut et sur les côtés, il est au contraire en grande partie entouré par la masse du foie avec laquelle il est lié inséparablement. On ne peut suivre la limitation des deux organes qu’en raison de leur structure différente, car le prétendu pancréatique n’est pas recouvert d’une couche épithéliale, comme on en a vu chez les organes glandulaires des Décapodes. Le tissu pancréatique est traversé dans le sens de la longueur par les ca- naux hépatiques issus du foie; mais ceux-ci, dans presque tout ce premier parcours, sont privés des caractères de véritables canaux d'évacuation. Ils manquent de paroi propre et constituent plutôt des élargissements en forme NOTES ET REVUE. XLI de sinus qui s'étendent irrégulièrement dans le tissu. Ce n’est qu'un peu avant leur sortie qu’une paroi se dessine à tissu conjonctif dans lequel on distingue des fibres musculaires et des vaisseaux. La totalité de l'organe pan- créatique est composée d’un système de nombreuses petites cavités qui sont en communication non-seulement les unes avec les autres, mais encore avec les canaux hépatiques par l'intermédiaire des nombreuses ramifications que fournissent ces derniers. Ce système de cavités s'étend jusqu’à la périphérie, mais il est parfaitement clos à la frontière du foie et à l’intérieur. Les cavités elles-mêmes ont la signification des ampoules des appendices de la Seiche ainsi que des follicules glandulaires du Loligo. Mêmes dispositions d’ailleurs que chez ce dernier et quant à la couche de cellules glandulaires qui revêt la cavité, et quant aux vaisseaux capillaires qui entourent cette couche. Enfin les cellules glandulaires passent par les mêmes périodes de développement et de dégénérescence que celles dont il a été question jusqu'ici. La sécrétion à donc aussi la même origine. L'union entre le foie et le prétendu pancréas est extrêmement simple. Là où le tissu pancréatique est en connexion avec la masse du foie, les follicules glandulaires du premier et les follicules du second sont accolés de telle façon que le réseau capillaire qui est commun fait seul la séparation. En somme chaque follicule glandulaire n’est composé que d’une seule couche de cellules entourée par les vaisseaux capillaires. Tels sont les faits exposés dans le travail de Vigelius. On voit que, quelque différents qu’ils paraissent au premier abord, les organes qu’il a étudiés se présentent partout avec la même constitution anatomique et histologique. On voit aussi que chez tous les Céphalopodes la sécrétion de ces organes se pro- duit de la mème façon, et on est conduit à reconnaitre entre eux une com- plète analogie. Si maintenant on fait intervenir le grand principe de la division du travail, on mettra au bas de la série des Céphalopodes les Octopodes. Leur système pancréatique parait, il est vrai, presque indépendant, mais son union si intime avec le foie donne à supposer que primitivement les deux organes n’en for- maient qu'un seul. Ce n’est que peu à peu qu'il s’est fait une division du travail progressive qui a donné à chacun d’eux l'indépendance qu'on leur trouve chez les Octopodes actuels. Chez le Loligo cette indépendance s’ac- centue davantage : l'organe parcréatique n’est plus, à proprement parler, en connexion avec le foie, mais il fait encore partie de la paroi des canaux hépatiques. Enfin, chez les espèces Sepia, Sepiola et Rossia, l'organe en ques- tion devient un ensemble d’appendices indépendants et n'ayant d’autre rap- port avec le foie que parce qu'ils déversent leur sécrétion dans les canaux hépatiques. Gette fois on ne peut concevoir de division du travail plus avan- cée qu’en supposant le système pancréatique pourvu d’un canal spécial qui se rendrait directement dans l’estomac lui-même. Une telle disposition n’a pas été observée. E. B. XLII NOTES ET REVUE. XIX SUR LE GENRE RHODOPE, Par le docteur R. BERG, de Copenhague. (Traduit du Zoologischer Anzeiger du 23 octobre 1882.) Le genre Rhodope est resté, depuis Külliker (1847), un intéressant problème de morphologie. Dans un tout récent travail, Graffremarque que le genre Rhodope est iden- tique au genre Sidonia de M. Schulze (1854). D'accord avec Külliker, il montre que cet animal possède un gros ganglion sus-æsophagien et un petit sous- œæsophagien, des yeux et des otocystes ciliés en rapport avec le premier. Une bouche située à la partie antérieure conduit dans un pharynx peut-être dé- roulable et inerme. Le tube digestif est en cul-de-sac, le foie réduit à un épi- thélium hépatique rare. On ne trouve aucune trace de cœur, ni de vaisseaux, ni de rein s’ouvrant dans le péricarde et correspondant au rein des Mollusques. Au contraire, il existe un système aquifère construit sur le même type que celui des Plathelminthes. | Le follicule antérieur de la longue giande hermaphrodite est ovarique; le follicule postérieur forme un testicule; tous deux s'ouvrent sur le côté droit par des canaux séparés. De ses recherches, Graff conclut que le Rhodope n’est en aucune façon un Turbellarié, mais un véritable Nudibranche, ainsi que Kôlliker lavait déjà pensé. Le Rhodope, d'après lui, ne peut être un Turbellarié; son système nerveux central présente une forme toute différente ; toutefois, Graff fait lui- même remarquer que chez le Microstomum, on trouve aussi une commissure péri-æsophagienne. Ensuite, l’otocyste cilié dont est pourvu le Rhodope paraît manquer à tous les Turbellariés. Enfin, les organes génitaux s'ouvrent sur le côté au lieu de s’ouvrir sur le ventre. Il est vrai que ce sont là des caractères très différents de ceux des Turbel- lariés ordinaires, mais bien plus grandes encore sont les différences qui existent entre le genre Rhodope et les Gastéropodes Nudibranches auxquels Graff veut les réunir. : Parmi ces derniers, on ne connaît aucune forme dépourvue de cœur, au- cune qui ne possède un rein s’ouvrant d’un côté à l'extérieur et de l’autre dans le péricarde, aucune qui présente un système vasculaire ressemblant à celui des vers, aucune enfin qui présente un foie aussi réduit. Il faut encore considérer que la disposition des organes génitaux internes ne s’écarte pas notablement de celle qu’on rencontre chez les Turbellariés, et que l'extrémité caudale dilatée en spatule est garnie de papilles cutanées comme on en trouve chez beaucoup de Turbellariés, alors que semblable chose n'existe jamais chez les Mollusques. En somme, l'introduction du genre Rhodope parmi les Nudibranches doit NOTES ET REVUE. XLUI être considérée comme un contre-coup de l'apparition du livre riche en hypo- thèses de V. Jhering, sur le système nerveux et la phylogénie des Mollusques. Comme on sait, Jhering, après la proscription des Amphineures, a divisé les Gastéropodes en deux grands groupes : les Arthrocochlidés qui, par l’inter- médiaire des Amphineures, doivent se rattacher aux vers annelés, et les Platycochlidés qui, issus des Turbellariés, se transforment de Protocochlidés en Nephropneustes, d’un côté par les Phanérobranches, et de l'autre en Steganobranches et Branchiopneustes. Malheureusement, V. Jhering a mal compris le système nerveux de la Tethvs, Il regarde le « Protuganglienmasse » comme une masse ganglionnaire simple. et non comme un composé de ganglions. Il s’ensuit que cette masse est pour lui toute semblable à celle du Rhodope. Les Protocochlidés doivent être les Ichnopodesles plus simplement organisés; « Tethys et Rhodope doivent avoir Les plus grands rapports.» Toutes ces données et leurs conséquences sont inexactes. Le système nerveux central des Tethys, ainsi que je l’ai fait voir il y a déjà plu- sieurs années, et Dietl après moi, n’est pas sensiblement différent de celui des autres Eolidiens. Les Tethys ne sont en aucune façon les plus simples des Ichnopodes, non plus que le point de départ des Nudibranches ; ce sont des Eolidiens aberrants et dégradés. Si Jhering avait enlevé la capsule qui enve- loppe les ganglions, il n'aurait pas été conduit à cette idée malheureuse de voir dans les Tethys une forme inférieure servant de passage vers les Turbel- lariés, non plus qu’à placer dans ce dernier groupe l’origine d’un grand nombre de Gastéropodes, ni à admettre l'hypothèse peu vraisemblable d’une origine multiple pour les Mollusques. 11 aurait peut-être vu d’étroites relations entre les Turbellariés et les Limapontiadés qui leur ressemblent tant exte- rieurement. Cependant, ces derniers ne sont nullement les formes primitives du groupe si riche des Ascoglosses, mais celles-ci doivent plutôt être cher- chées parmi les Oxynoïdés ou dans leur voisinage ; ceux-ci dérivent des Ste- ganobranches (Tectibranches), et doivent être probablement regardés comme représentant la forme primitive des Nudibranches. Le Rhodope n’est certainement pas un « véritable Nudibranche », une forme de passage entre les Turbellariés et les Platycochlidés, comme Graff veut le faire entendre. Le Rhodope reste simplement un Turbellarié modifié à cer- tains égards et qui, par la disposition de son système nerveux, se rapproche des Némertes. L'ontogénie du Rhodope est jusqu'ici complètement inconnue; suivant Max Schulze, l'animal n’est pas rare à Trieste, et maintenant que Graff a in- diqué la localité et attiré l'attention sur ce sujet, nous n’attendrons probable- ment pas longtemps des éclaircissements propres à déterminer les affinités de cet animal. La larve de Rhodope n'aura certainement ni vélum ni coquille larvaire. [l serait certainement curieux d'expliquer ce fait bien connu que tous les Nudibranches dont l’embryogénie a été faite sont pourvus d’une coquille larvaire s'ils dérivent directement des Plathelminthes. Il est très vraisemblable que la Rhodope présentera le simple développement direct des Turbellariés. LEA À XLIV NOTES ET REVUE. XX SUR LA FORME ANCESTRALE DES CHORDATA, Par HuBrecuT, professeur à l’Université d’Utrecht. (Q. J. micr. sc., juillet 1883.) Depuis que les lois de l’évolution sont connues s'est posée cette impor- tante question : Quelle souche parmi les Invertébrés a donné naissance aux Vertébrés? Quels sont parmi les Invertébrés actuellement vivants ceux qui ressemblent le plus aux Vertébrés ? En 1868, il semblait que les magnifiques recherches de Kowalevsky sur le développement comparé de l’Amphioxus et des Ascidies eussent donné la solution du problème. Le têtard de l’Ascidie fut proclamé le plus proche allié du grand embranchement. | Depuis lors l'aspect des choses a changé, des recherches postérieures et particulièrement celles de Dohrn et Ray Lankester ont à peu près prouvé que les Tuniciers doivent au contraire être regardés comme des Vertébrés dégé- nérés ne pouvant nous être que de peu de secours dans la question. Dohrn, Semper, Hatschek, Leydig, Kleinenberg et Eisig ont surtout soupçonné et brillamment montré que les Annélides offrent le plus grand nombre de points de ressemblance avec les Vertébrés, que ces animaux sont, concurremment avec les Vertébrés, les descendants d’un type primitif ressem- blant de loin au Polygordius. Le seul postulatum que cette manière de voir réclame est la démonstration de l’homologie de la face ventrale d’un Annelé avec la face dorsale d’un Vertébré, suivant l’ancienne théorie de Geoffroy Saint-Hilaire. Ces naturalistes expliquent les différences de position de la bouche et de l'œsophage par rapport au ganglion cérébral à l'aide d’hypothèses plus ou moins subtiles qui généralement sont en désaccord les unes avec les autres. Malgré cela, leurs vues gagnent rapidement du terrain, bien que l’école de Gegenbaur et &e Hæckel n’ait jamais consenti à pactiser. La plus grande difficulté qu’aient rencontrée les tentatives faites pour rap- procher les Vertébrés des Invertébrés réside dans l’absence totale chez ces derniers de quoi que ce soit qui ressemble à la corde dorsale. Tous les essais ont été jusqu'ici infructueux. Il semble pourtant qu'un groupe d'animaux possède un organe équivalent à la notochorde et comble l'intervalle Jusqu'ici existant sans qu’on soit obligé d'invoquer un retournement problématique. Vraisemblablement en effet la trompe des Némertiens, qui se présente comme un organe déroulable (entièrement dérivé pour la phylogénie comme pour l’ontogenie de l’épiblaste) et qui traverse une partie du ganglion céré- bral est l'homologue de l’organe rudimentaire qu’on rencontre sans exception dans toute la série des Vertébrés, l’hypophyse du cerveau. La gaine de la NOTES ET REVUE. XLY trompe est comparable pour la situation et le développement à la chorde dorsale des Vertébrés. Comme l’hypophyse, la trompe des Némertiens se forme comme une inva- gination de l’épiderme. Chez les Rhabdocæles,on reconnaît souvent cet organe comme une simple dépression de la partie antérieure de la tête au point où se trouvent les nématocystes, et dans la famille des Proboscida de Graff cet organe est très bien développé et comparable à celui des Némertiens. La gaine de la trompe, par sa situation et par son origine probablement hypodermique, semble correspondre à la notochorde des Vertébrés; c'est, il est vrai, un organe creux dans la plupart des Némertiens et surtout chez les armés, mais dans plusieurs genres il est plus ou moins plein. Les ressemblances que les Vertébrés ont avec les Némertiens ne portent pas seulement sur la trompe et sa gaine, mais s'étendent beaucoup plus loin. On sait que dans l’embryon d'Amphioxus l’archenteron émet des diverticulums latéraux qui deviennent des somites mésoblastiques, on trouve de semblables diverticulums dans la Gunda segmentata et dans les Némertiens. Au début du développement des Némertiens, deux diverticulums de l'œso- phage vont s'ouvrir à l'extérieur des deux côtés de la tête et pourraient représenter les rudiments d’un appareil branchial. Ce sont ces sacs qui, se séparant plus tard complètement de l’œsophage, servent à une sorte de res- piration cérébrale, comme l’auteur l’a démontré dans un travail précédent. Des organes transitoires fort analogues se voient dans l'embryon d’Amphioxus. L, J. XXI OBSERVATIONS SUR LES MEMBRANES FOŒTALÉES DE L'OPOSSUM ET D’AUTRES MARSUPIAUX. Par Henry OsBorx. (Quart. Journ. micr. sc., juillet 1883.) Les recherches de l’auteur ont porté sur plusieurs embryons d’Opossum de Kanguroo et d’un Didelphien indéterminé probablement voisin du genre Phalangista. Elles l'ont conduit à formuler les conclusions suivantes : 1° Le sac vitellin s'étale de bonne heure sur la surface interne de la mem- brane superficielle formant un chorion en forme de disque qui, dans le Kan- guroo et l'Opossum, est limité par le sinus terminalis. Ce chorion s’étend beaucoup aux stades successifs. L’épithélium superficiel donne alors nais- sance à des excroissances coniques de cellules columnaires. De l’épithélium du sac vitellin naissent des papilles qui deviennent vasculaires, tandis que les cellules superficielles s’aplatissent beaucoup. Les villosités rudimentaires, ainsi formées de bonne heure dans l'embryon de l'Opossum et du Kanguroo, sont XLVI NOTES ET REVUE. distribuées d'une manière dense sur la surface enveloppée par le sinus ter- minalis, mais dans d’autres formes elles s'étendent au delà de cette aire. 2o L’allantoide se forme de la même manière que chez les mammifères placentaires et d'aussi bonne heure, et bientôt devient vasculaire. Dans le Kanguroo, s’il rejoint la membrane superficielle, c'est seulement à une époque tardive. Dans l’Opossum; il se développe rapidement, de sorte qu’une jonction tardive avec la membrane superficielle avant la naissance n’est pas impro- bable. Dans le spécimen de Didelphien indéterminé cette union paraît avoir été réalisée. 3° L’amnios, comme chez les mammifères placentaires, entoure toujours l'embryon. 4° Chez le Kanguroo et chez l’'Opossum il existe, le long de la face inférieure et interne de l'utérus, un ou deux longs sillons. Chez l’Opossum, en contact intime avec l’un de ces sillons se trouve le disque villeux du chorion de cha- cun des nombreux fœtus, Les portions restantes de la membrane superficielle sont libres. L'embryon est sans aucun doute retenu dans cette position durant la vie uférine. Pendant cette période on sait que la femelle Opossum se tient dans un grand repos, de sorte que l'utérus est peu déplacé et conserve le plus souvent la position horizontale. Les chasseurs australiens savent en effet combien les femelles sont difficiles à trouver pleines, tandis qu’elles abondent après la par- turition. Pendant la période de gestation on ne trouve presque jamais que des males. La présence de villosités fœtales suppose presque nécessairement celle de petites cryptes correspondantes sur la surface interne de l’utérus. Il résulte des faits précédemment énoncés que, dans les premiers stades du développement des Marsupiaux, les vaisseaux du sac vitellin ne sont pas seulement les canaux servant à porter au fœtus la nourriture fournie par la mère, mais que cette fonction est accomplie par des capillaires distribués dans des villosités rases et séparées de l’organisme maternel, quelle que soit la dis- position de celui-ci, par une couche extrèmement mince d’épithélium super- ficiel, Ces villosités ressemblent évidemment complètement à celles du cho- rion allantoïdien du pore, il n’v a qu’une différence de proportions. Ce méca- nisme rudimentaire est cependant suffisant pour permettre la croissance rapide de l’embryon d’Opossum, qui à sa naissance est pourvu de tous les eppareils digestifs et respiratoires formés pendant une vie intra-utérine qui excède à peine deux semaines. Ce résultat ne pourrait être atteint si la sur- face villeuse et absorbante parcourait l’utérus librement. La fixité de ses rapports avec ce dernier organe est un pas marqué vers l'établissement d’un placenta allantoïdien. Balfour, avec sa clairvoyance habituelle, regardait comme probable la coexistence chez les placentaires primitifs d’un sac vitellin et d’un allantoïde remplissant concurremment la fonction placentaire. Le spécimen de Didelphe indéterminé dont il a déjà été question semble précisément réaliser le type deviné par Balfour. L. J. e NOTES ET REVUE. XLVII XXII SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ORGANES GÉNITAUX DES INSECTES, Par Ant. SCHNEIDER. (Zoologische Beitrag2, 1, 1.) Une fibre musculaire du cœur sert d’origine aux organes génitaux des Insectes. Ce fait peut être constaté de la manière la plus nette dans la larve de Core- thra plumicornis. Une fibre appartenant aux muscles aliformes du cœur émet une branche qui, dirigée en arrière, vient se terminer à l’intestin. Peu après son point de départ, cette fibre se renfle en massue et se charge d’un grand nombre de noyaux; un peu plus loin, elle se rétrécit de nouveau. La partie antérieure présente une striation transversale bien nette, qui n’est pas visible sur la partie postérieure, laquelle émet cependant d’autres fibres destinées aux tubes de Malpighi. Les noyaux visibles dans la portion dilatée sont, à un stade plus avancé, de deux grosseurs, les plus gros s’entourent d’une couche de protoplasma et de- viennent des cellules indépendantes des « œufs primitifs ». Chez les Cécidomyes vivipares, ce sont ces œufs qui, comme ceux des autres insectes, se segmentent et poursuivent leur développement. Ces œufs ne se trouvent donc jamais dans des sacs ovariens. Chez les autres Diptères et chez tous les autres insectes, ces œufs primitifs donnent naissance aux culs-de-sac ovariens. | Chez les Culicides, de chaque œuf primitif se développe un sac ovarien qui donne asile à un seul œuf définitif. Quand un œuf primitif se transforme en sac ovarien, le noyau se divise, l’un des deux noyaux résultants demeure plus gros et deviendra le noyau de l'œuf. Le plus petit se subdivise plusieurs fois, de manière à former autour du plus gros une sorte de follicule. Parmi les petits noyaux, quelques-uns peu- vent grossir et devenir des œufs ; ainsi se forment les sacs moniliformes. 3. XXII SUR L’ANATOMIE DES CHITONS, Par VAN BEMMELEN, d’Utrecht. (Zoologischer Anzeiger, 1883, 142.) Dans son mémoire paru en 1882, Béla Haller nie l’existence d’une commu- nication entre le péricarde et le rein chez le Chiton. Le docteur Van Bem- XLVIHL NOTES ET REVUE. melen a pu, au contraire, constater la réalité de cette communication chez les Chilon marmoreus, Ch. marginatus et Chitonellus fasciatus. Il semble, d'après Haller, qu'un même noyau donne dans le testicule naissance à plusieurs zoospermes; il n’en est rien, et les canaux évacuateurs des glandes génitales, dans les trois espèces précitées, sont sur la face dorsale et non sur la face ventrale de la glande. Il ne faudrait pas fonder une classification des Chitons sur le nombre et la disposition des branchies, car rien n’est plus variable que ces caractères dans une série de douze espèces étudiées. La coquille des Chitons est composée de deux couches : une extérieure, le tegmentum de Middendorf; l’autre interne, l’articulamentum. L'auteur, s’ap- puyant sur la structure microscopique de ces couches, pense que la cuticule des Solénogastres est l’homologue de la cuticule et du tegmentum des Chi- tons. Au contraire, l’articulamentum est une formation nouvelle qui corres- pond à toute la coquille des Mollusques ordinaires, chez lesquels seul le pé- riostracum est peut-être le représentant du tegmentum LE XXIV L'ORGANE RÉNAL DES PATELLES, Par J.-F. CunNiINGHAM. (Q. J. micr, sc., juillet 1883.) L'existence de deux organes rénaux dans la Patelle fut mise en évidence en 1867 par le professeur Ray-Lankester, qui crut en même temps découvrir. un petit orifice faisant communiquer avec le péricarde le plus petit des deux situé à gauche, — En 1877, von Ihering reconnut également l'existence et la séparation des deux organes, mais il ne put découvrir les orifices péricar- diques. L'auteur du présent travail, à l’aide de séries de sections pratiquées sur des animaux injectés, puis durcis, a constaté l’existence d’une communication entre le péricarde et la cavicé de chacun des deux organes rénaux, qui, d’ailleurs, ne communiquent pas entre eux. L. J. . Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le gérant : G. REINWALD. ercier sc. % G. INoL'E PEAI RE LR EU È sa / k VE KL} ù Ses. : ; ; NE - : : pee 27 See ETS < SSL mp, Ch. Chardon HP ERES QILIES ' le La CARRE ru rang etc SR FM Les Arch, de Zool. Expl° et Gén < 4 AT s: : HA . = à _ & v & 1 ta ne] un . (N RNA NET INFUSOIRES CILIES en. de Zool. Expl° et G Arch, L 1 PAIE Ce 2° Série Vol. [PL XXL > de DANS Ut 40 RER net RER a me an PRE Ne FL. SI NS) es PRIT INFUBOIRES CILIES. Arch de Zool. Expl° et Gén, A série. Vol. I. Pl XXII, Bu K, ne Æ an Ts £ > À à N Ê À si 1f} SDS RES SE __— See Se © = LE SE OS = = SSSR —_ L à > SH » < PS CRE TA ee 209 0 | CE A 4 DE * vo + hi: : 80°: Ven: "0.0. b°:5 ÿ 09 0:0 44 6.Mercter se. INFUSOIRES.CILIES. IL. Aibeme, Vol]. PI XXI le ET \rch.de Zool. Expl° et G RÉRTT sr mor DS Ho - ate * HR RE \ » vC S, eo G.Mercter sc. Imp. Ch. Chardon 2 DEL OIRES. CILIES, SR Ce à à Vol.I. PI. XXIV. 1e ? Er + ñ € et Gén!° le Arch. de Zoo! Exp x À "éd C.Mercier sc. \, : >. = AR 2 E : 200 er ns LRREE R— RRQ — RE \ esse j Ï : a LATT : ET re Re” 4 ie" à a RC ces D SRE ne RER RNCS mal Zmp. Ch. Chardon aine. : pps “Et 7x SRE Fes AR INFUSOIRES CILIES. nu NaX ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 423 ne m'ont point permis de voir directement, il est vrai, mais dont la réalité est assez démontrée par l’énergique tourbillon alimentaire * dont le courant continu est toujours visible en avant de la bouche de Colpoda cucullus. Les cils vibratiles qui entourent l’orifice buccal, ne sont ni plus serrés ni plus développés que sur le reste du corps: ce ne sont donc pas eux qui peuvent produire un courant aussi puis- sant que celui avec lequel on voit les particules se précipiter vers la bouche ; tout au plus peuvent-ils aider à contenir et diriger ces der- nières. Un appareil vibratile énergique, logé dans l’æsophage, est seul capable de produire un mouvement d’entrainement semblable. La finesse des membranelles empêche de les voir directement, abri- tées et masquées comme elles le sont par les parois de l’œsophage. La nourriture de cet Infusoire se compose de Bactéries, de Vi- brions, de Micrococcus et de petites Monades. Tous ces petits êtres, entraînés par le courant d’eau du tourbillon alimentaire, sont pré- cipités au fond de l’œsophage sur le sarcode semi-fluide et mou qui remplit la cavité générale. L'action refoulante de ce courant creuse dans le sarcode une vacuole, qui se dilate et s'accroît assez rapidement, et dans laquelle s’'emmagasinent et s’amassent les corpuscules alimentaires (fig. 1, 4, c). Tout d’abord ils y conservent leurs mouvements propres, et on voit les Bactéries, Vibrions et Monades s’agiter et tourbillonner sur eux-mêmes dans l'eau, qui remplit leur étroite prison. Lorsque la vacuole a atteint une dimension relativement assez grande et toujours à peu près la même, l'ouverture qui la tenait en communication avec l’œsophage se ferme; la vacuole devient libre et est entraînée par la cyclose du sarcode*. À ce moment, elle est très volumineuse, gonflée surtout | J'appelle tourbillon alimentaire le courant continu et énergique que, chez beau- coup d’Infusoires, des appendices spéciaux déterminent dans l'eau ambiante pour amener à la bouche les proies et autres particules nutritives dont ces espèces font leur nourriture. ? Dujardin (Infusoires, p. 54) avait déjà très bien compris la formation des va- cuoles alimentaires, et sa description, malgré les dénégations de Claparède (Études, p. 10), est parfaitement exacte. ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GEN, == 20 SÉRIE, æ T, 1, 1883, 28 1] 434 | E. MAUPAS. par l’eau qui la remplit. Cette eau est promptement absorbée par le sarcode ambiant, et très probablement éliminée par la vacuole contractile. Les Vibrions, Bactéries et Monades, serrés et tassés les uns contre les autres, forment un de ces globules ou bols alimen- taires parfaitement sphériques, qui remplissent le corps de Colpoda cucullus, lorsqu'il vit dans une infusion riche. Ce sont ces bols ali- mentaires qui donnent à cet Infusoire cet aspect particulier, figuré par tous les auteurs, où l’on voit le corps rempli de gros globules sphériques (fig. 1), que l’uniformité de leurs dimensions a quelque- fois fait considérer comme des œufs. Ces globules paraissent appli qués à la paroi interne du tégument, autour d’une cavité centrale; occupée par une substance absolument hyaline. Sans être complè: tement immobiles, ils ne prennent que peu et très lentement part à la cyclose du sarcode chez les individus très bourrés. Mais lorsqu'ils sont en très petit nombre, ils sont entrainés vivement dans la rota- tion et font le tour de la cavité générale en peu de temps. Ces pe- tites sphères peuvent demeurer assez longtemps dans le corps avant de se dissoudre et se digérer. La vacuole contractile (fig. 3, ve) est située à l'extrémité posté- rieure, dans la paroi de la face latérale droite. A l’état complet de diastole, son diamètre atteint 0"",009.Ses pulsations durent environ une demi-minute. L'anus (fig. 3, a) est près de la vacuole, Il m'a semblé que son orifice ne coïncidait pas exactement avec le point de la paroi vers lequel le pourtour de la vacuole converge au mo: ment de la systole; mais ces deux points sont très rapprochés l'uñi de l’autre. Le nucléus (fig. 2, x) est placé vers le milieu du corps. Sa formé est oblongue-ovale, et sa substance finement granuleuse, sans diffé- renciation à sa surface d’une couche périphérique, formant une membrane d’enveloppe. Il est toujours accompagné d’un petit nu- cléole sphérique (fig. 2. nl) de structure absolument homogène. Les mouvements de Colpoda cucullus, lorsqu'il n’est pas inquiété, sont assez lents. Il nage toujours dans ce cas sur l’une des deux ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 435 faces latérales, changeant souvent de direction, en pivotant autour de l’axe transversal de ces deux faces. Cette gyration s'exécute tou- jours du côté du dos. Quand il est inquiété, il circule rapidement et, s’il est placé dans une eau libre et non comprimé sous le couvre- objet, on le voit courir droit devant lui, en tournant autour de son axe longitudinal. Dans les préparations, il demeure souvent long- temps immobile, sa vitalité se manifestant uniquement par le tour- billon alimentaire des membranelles œsophagiennes. Cet Infusoire est une des espèces les plus répandues. Il a été ob- servé à peu près dans tous les pays du monde, et il n’est guère de micrographe qui ne l'ait rencontré une fois ou l’autre sous son mi- croscope. Il vit partout dans les eaux douces et les endroits humides. Le meilleur moyen et le plus sûr de se le procurer est de mettre à macérer une pincée de foin frais dans l’eau. Au bout de quelques jours, on le trouvera presque à coup sûr dans cette infusion. Colpoda cucullus se multiplie en s'enkystant, puis se divisant d’a- bord en deux et finalement en quatre à l’intérieur du kyste (fig. 6). Ce mode de multiplication n’est connu que chez un petit nombre d'Infusoires ciliés, appartenant tous au groupe des Holotriches ; il est au contraire assez fréquent chez les Flagellés. On aura peut-être été surpris de me voir reprendre d’une façon aussi détaillée l’étude d’une espèce aussi vulgaire que Colpoda cucul- lus. Maïs je crois avoir une justification suffisante dans l’ensemble des faits nouveaux que j’ai fait connaître. C'olpoda cucullus, bien que répandu partout, était resté un des Infusoires les plus mal connus ; si mal, que tous les auteurs, même les plus récents, ont confondu avec lui une espèce bien distincte, que nous allons décrire plus bas sous le nom de Colpoda Steinii, Gette confusion, portant sur des for- mes qui ont joué un si grand rôle dans toutes les discussions des hétérogénistes, méritait d'être relevée et éclaircie. La forme que je viens de décrire est bien celle à laquelle 0.-F. Muller avait donné le nom de C’. cucullus, ainsi qu’on peut s'en assurer en comparant ses dessins et sa description avec les miens, Ehrenberg a connu et con- 436 E. MAUPAS. fondu les deux formes C. cucullus et C. Stein ; tous ses dessins de 4 à 411 se rapportent sûrement au premier type; les suivants et plus particulièrement le groupe 19 se rattachent sans doute au second. Dujardin avait observé les deux espèces de Colpode et voulait encore confondre avec eux le Paramecium coipoda d'Ehrenberg. Sa figure 5, pl. XIV, seule appartient à €. cucullus. Perty a connu et confondu les deux formes de Colpode. Stein n’a observé que la seconde. COLPODA STEINII. (PI. XIX, fig. 7-14.) ERRENBERG (C. cucullus partim), Die Infusionsthiercher, 1838, pl. XXXIX, fig. V, 19. DusarDin (C. cucullus partim), Infusoires, 1841, p. 479. PErTy (C. cucullus partim), Zur Kenntniss kleinster Lebensformen, 1852, p. 145, pl. V, fig 16: STEIN (C. cucullus), Die Infusionsthiere, etc., 1854, p. 16, pl. III, fig. 1-31. SAVILLE-KENT (C. cucullus), À manual of the Infusoria, 1881, p. 512, pl. XXVII, fig. 19-23. Cet Infusoire revêt des formes assez différentes et qui, au premier abord, semblent appartenir à des espèces distinctes. Mais, comme j'ai vu toutes ces formes vivre dans la même eau, avec toutes les transitions de l’une à l’autre, je puis affirmer avec certitude qu’elles se rapportent bien à une espèce unique. Dujardin avait déjà été frappé par cette grande variété de formes ; malheureusement il s’é- tait laissé entraîner beaucoup trop loin dans ses assimilations. Dans la forme que je considère comme typique (fig. 7-10), et qui d’ail- leurs est la plus commune, le corps, assez déprimé dans le sens des faces latérales, comme chez €. cucullus, présente, également encore comme chez cette même espèce, une profonde échancrure sur sa face ventrale. Cette échancrure est située exactement à la limite du premier et du second tiers antérieurs de la longueur totale du corps. La face dorsale décrit une courbe convexe en forme d’arc de cercle, dont la face ventrale, assez rectiligne, représente la corde. Les deux ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 437 extrémités, antérieure et postérieure, sont toujours en pointe assez aiguë. Les faces latérales portent des stries assez nettement mar- quées en avant, mais allant graduellement en s’effaçant en arrière, de façon qu'on n’en voit plus guère trace sur la moitié postérieure. Ces stries prennent leur origine, comme chez €’. cucullus, sur le bord du lobe fronto-ventral, et décrivent en arrière une courbe parallèle à la face dorsale. Elles donnent à la région frontale un aspect den- telé, semblable à celui que nous avons signalé chez €. cucullus ; chez ce dernier, les dentelures sont toujours au nombre d’une di- zaine, tandis que chez C. Steinu elles ne dépassent jamais cinq ou six. Ces dentelures, avec leur nombre toujours le même, se retrou- veni constamment et très nettement marquées chez toutes les formes de C. Steina. Elles constituent ainsi un caractère spécifique facile à saisir. J'ai mesuré de nombreux exemplaires de cette forme typique, et ai trouvé des longueurs variant de 0"%,095 à 0%2,045. La largeur n’est point dans une proportion toujours identique avec la longueur. Elle oscille entre 022,009 et 0,095. De cette première forme typique nous passons à une seconde de taille plus grande (fig. 14), dont les individus mesurent en lon- gueur depuis 0*%,045 jusqu'à 0®*,065, avec une largeur proportion- nelle à peu près égale à la moitié de la longueur. Chez cette forme, l’aplatissement latéral, encore sensible dans la région antérieure ou prébuccale, tend à s’effacer dans la région postérieure, qui s’arron- dit en un ovoïde assez régulier. Les deux extrémités, surtout la pos- térieure, sont tronquées et rondes. L’échancrure de la face ventrale s'est beaucoup atténuée et ne forme plus qu'une dépression. Elle est toujours située à peu près à la même distance de l'extrémité an- térieure ; il en résulte que la région post-buccale est devenue trois à quatre fois aussi longue que la région prébuccale, tandis que chez la forme typique ce rapport ne dépasse pas 1 : 2. La striation est identique de tout point à celle de cette dernière. Cette forme, la plus grande de toutes, est assez commune et m'a paru n'être que lé dé- veloppement de la précédente. 438 E. MAUPAS. Dans une troisième forme (fig. 41, 12), le corps, légèrement dé- primé sur toute sa longueur et dans le sens des faces latérales, sem- ble avoir éprouvé une légère torsion autour de son axe longitudinal, La convexité dorsale est très peu marquée et le corps conserve une largeur à peu près égale dans toute sa longueur. Celle-ci oscille entre 0,040 et 0m®,050, L'extrémité antérieure est arrondie, la postérieure tronquée. L’échancrure ventrale très atténuée est placée à la limite du premier et du second quart de la longueur totale. La striation est très marquée sur toute la surface du corps. Les stries décrivent des courbes parallèles au bord dorsal et se replient en $S à l'extrémité postérieure. J’ai rencontré cette forme moins souvent que les précédentes. J'arrive enfin à une quatrième forme (fig. 13) qui, je le erois, a un intérêt très grand. Le corps est encore assez notablement dé- primé dans le sens des faces latérales. Le bord dorsal est convexe, le bord ventral également, mais à un degré moindre. Vu par ses fa- ces latérales, le corps va en s’élargissant graduellement d'avant en arrière. L’extrémité postérieure est arrondie régulièrement, l’anté- rieure en pointe obtuse, L’échancrure ventrale a complètement dis- paru, et son emplacement n'est plus indiqué que par la dépression à peine sensible de l’orifice buccal. En outre, cette faible dépression est très reportée en avant et occupe presque l'extrémité antérieure, de sorte que le lobe fronto-ventral se trouve réduit à une légère saillie placée à droite de la bouche. Cette saillie porte les dente- lures caractéristiques toujours au nombre de cinq. Sur toute la sur- face du corps court un système de stries qui, partant de l’extré- mité antérieure, le traversent longitudinalement avec une faible obliquité de droite à gauche. Étant donnée la structure que nous ve- nons de décrire, il suffirait que la légère saillie du lobe frontal fût un peu refoulée en arrière, pour que, la bouche devenant termi- nale, nous ayons un Infusoire répondant parfaitement au type de la famille des Enchelides. Dès lors, qui nous empêche d'admettre que nous avons ici une forme ancestrale, nous indiquant les véritables ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 439 affinités phylogéniques des Colpodes, et par quelles séries de trans- formations ils ont dû passer pour arriver à leur forme actuelle, en partant d'un type à bouche terminale ? La bouche, d'abord légère- ment déjetée latéralement, le côté opposé de l’extrémité antérieure aurait fait une légère saillie. Gette saillie, en se développant de plus en plus, serait devenue le lobe fronto-ventral, que nous voyons sur- plomber la bouche des Golpodes. Le système de striation, prenant son origine sur ce lobe frontal, me semble encore un indice à l’appui de cette filiation. Chez l'ancêtre primitif à bouche terminale, les stries venaient toutes se terminer en avant, autour de l’orifice buccal. Lorsque la déviation latérale de ce dernier et l’excroissance consécutive du côté opposé de l'extrémité antérieure se produisit, les stries situées sur cette dernière région furent relevées en avant, et durent nécessairement prendre la disposition que nous leur voyons au- jourd’hui. Chez toutes ces formes, le corps est toujours incolore et absolu- ment dépourvu de contractilité. Les diverses longueurs que j'ai me- surées variaient entre Omm,023 et Omm,065, chiffres parfaitement concordants avec ceux donnés par les auteurs. Le tégument est mince, peu consistant, et porte le système de stries que nous avons décrit plus haut. Le cytosôme se compose d'un sarcode mobile et obéissant à un mouvement de rotation, comme chez C. cucullus. Cette rotation m'a paru plus lente que chez ce dernier. Je n'ai point constaté dans quel sens elle s'exécute. Les bols alimentaires peuvent s'accumuler à l’intérieur du corps sarco= dique de €, Sfernii, en masses aussi grandes que chez C. cucullus ; mais leur dimension est toujours moitié moindre. En outre, on ne les trouve en grand nombre et en masse que chez les types de grande 1 Stein, dans le texte, indique bien comme longueur maximum 1/24 de ligne (= 0mm,094); mais il y a là évidemment une faute d'impression. C’est 1/34 (= 0,066) qu’il faut lire, ainsi que Le prouve la dimensicn de l’exemplaire dessiné, figure 1, planche IIf, qu’il cite comme un des plus grands observés par lui. 440 E. MAUPAS. taille ; chez les formes de petite taille, on les voit seulement isolés et disséminés dans la cavité générale. L'appareil de locomotion se compose uniquement de cils vibra- tiles. Ces cils sont très fins et assez difficiles à bien distinguer. Ils sont insérés le long des stries ; mais ils sont beaucoup plus longs et plus serrés sur la région antérieure du corps que sur la médiane et la postérieure, où ils deviennent assez courts et très écartés les uns des autres. Il en résulte que dans ces deux dernières régions ils sont beaucoup plus difficiles à apercevoir; difficulté qui a fait décrire cette espèce comme ne portant des cils que sur la partie antérieure et le bord ventral, L'orifice buccal est situé dans l’'échancrure ou dépression ventrale; elle est très étroite, et je n'y ai aperçu aucune trace d'œsophage ni d'appareil vibratile analogues à ceux de €. cucullus. Il doit cepen- dant exister quelque disposition plus ou moins semblable ; car C. Steinii se nourrit également de Bactéries, Vibrions, etc., entraînés vers la bouche par un tourbillon alimentaire. Chez les individus à échancrure ventrale nettement marquée, on voit assez souvent un appendice de forme subulée, faisant saillie hors de l’échancrure (fig. 7, 8, 10). Cet appendice paraît presque toujours inséré sur le bord de l’échancrure, mais 1l m'a semblé quelquefois aussi inséré sur le bord supérieur. Les formes de grande taille et celles de taille moyenne, à dépression ventrale peu accusée, ne montrent jamais cet appendice. Ehrenberg le considérait comme une langue protrac- tile; Stein n'y voit qu'une production accidentelle sur la nature et la véritable valeur morphologique de laquelle nous sommes encore incertains. Comme Stein, je l’ai vu se résoudre en un faisceau de cils fins, chez les individus tués à l’aide des réactifs. On pour- rait peut-être considérer cet appendice comme une lèvre vibratile, homologue de l'appareil œsophagien de C. cucullus, mais pouvant être plus ou moins saillante et par suite plus ou moins appa- rente. La vacuole contractile (fig. 8, 10, 13, vc) est située à l'extrémité ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 774 postérieure. Son diamètre est d'environ 0"%,005 et sur un individu je l’ai vue se contracter une fois par minute. Malheureusement je n'ai pas noté la température. Stein prétend que ce Colpode ne pos- sède point d'orifice anal et que les excréments sont rejetés par la bouche. C'est évidemment une erreur, que le savant micrographe de Prague ne soutiendrait plus aujourd'hui. Je n’ai pas eu occasion d'assister à la défécation de cet Infusoire ; mais toutes les analogies me permettent d'affirmer que l'anus doit se trouver vers l'extrémité postérieure, près de la vacuole contractile. Le nucléus est situé vers le milieu du corps. Il a une forme sphé- rique et une dimension un peu variable, suivant la taille des indivi- dus. Sous l’action des réactifs, il apparaît composé d’une zone péri- phérique et d’un corpuscule central (fig. 10, n). Stein avait pris ce corpuscule central pour un nucléole. Cette structure du nucléus, si différente de celle de C.cucullus, est encore un bon caractère distinctif entre ces deux espèces. On la retrouve parmi les Infusoires ciliés chez Chilodon cucullulus, Ch. uncinatus! et Colpoda parvifrons ; elle est très répandue chez les Rhizopodes et les Flagellés. Le nucléole est petit, accolé extérieurement au nucléus, tantôt en avant, tantôt en arrière, tantôt sur les côtés. Sa structure est homogène et sa forme tantôt allongée en mince fuseau, tantôt sphérique. Les mouvements de C. Sfernii ne sont pas très rapides. Il nage ordinairement sur le côté. Il est très répandu et a été trouvé à peu près dans tous les pays du monde. Il semble pouvoir vivre partout où existe un peu d'humidité et, grâce à la facilité avec laquelle il 1 STEIN (Der Organismus, etc., t. [, 1859, p. 114) conteste à tort l'autonomie de cette espèce, bien distincte de la précédente. Elle en diffère par sa petite taille, par la forme et la structure de son nucléus déjà vu assez exactement par Ehrenberg, par ses vacuoles contractiles toujours au nombre de deux, l’une antérieure et à droite, l’autre postérieure et à gauche, enfin par la forme de son appareil œæsopha- gien, dont l’extrémité interne se recourbe en un court élément de spire. Cette dernière disposition a été signalée pour la première fois et tout récemment par Gruber, qui a eu le tort de s’en servir pour créer une espèce nouvelle, Ch. curvi- dentis. Je connais depuis longtemps Ch. uncinatus, très commun dans les eaux douces des environs d'Alger. 442 E. MAUPAS, s'enkyste, il peut subir des dessiccations fréquentes et répétées, pour se ranimer ensuite et reprendre vie dès qu'il est humecté à nouveau. Le moyen le plus sûr de se le procurer est de faire une infusion de foin. Il paraît vivre de préférence dans les prairies humides et ses kystes sont toujours attachés en grand nombre sur les herbes des- séchées. Stein l’a trouvé encore sur les Lichens et les extrémités de rameaux d’arbres pris au sommet de montagnes élevées. Cette vaste répartition explique la facilité avec laquelle il apparaît dans les infusions. Ses kystes, entraînés par les courants d'air, peuvent être disséminés partout. C'olpoda Steinti, bien que connu de presque tous les micrographes, a été observé avec peu de soin et confondu avec C. cucullus. Stein seul en à fait une étude approfondie ; mais, par un hasard bizarre, il n'a connu que cette forme et n'a jamais rencontré le véritable : C'. cucullus. Les différences considérables qui distinguent les deux espèces n’ont pas échappé à sa sagacité ; mais ne pouvant les appré- cier et contrôler qu'à l’aide des descriptions des autres auteurs, il n'a pas osé établir la séparation spécifique. Ses observations sont très étendues et fort riches en détails sur les mœurs et la biologie de cet intéressant Infusoire. Aussi doit-on le considérer comme le véritable découvreur de cette espèce et me suis-je fait un devoir de la lui dédier. Je n’ai plus à insister sur les différences qui distinguent les deux espèces de Colpode. Je les ai signalées et mises en évidence au cours de la description. Je rappellerai seulement qu’elles résident surtout dans la taille, le contour général du corps, la striation, la disposition de la bouche et de son appareil vibratile et la structure du nucléus. C. Steinii, comme son congénère, se multiplie en s’enkystant et se fissiparant à l'intérieur des kystes. Stein a très bien étudié ce phénomène; je me contenterai donc de signaler: un point assez important, sur lequel je me trouve en désaccord avec lui. Il prétend avoir vu l'Infusoire à l’intérieur du kyste se fissiparer tantôt en quatre, tantôt en huit, J'ai observé beaucoup de Colpodes pendant ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 443 leur enkystement et leur fissiparité; je ne les ai jamais vus se diviser au-delà de quatre segments. CRYPTOCHILUM (NOV. GEN.). (Grec, xpunrès, caché; yet1os, lèvre.) Les Cryptochilum sont de petits Infusoires à corps beaucoup plus long que large, toujours déprimé dans le. sens latéral et, par suite, ayant les faces ventrale et dorsale plus étroites que les faces laté- rales, La face dorsale est bombhée et la ventrale un peu concave. La bouche est placée dans cette concavité, située toujours assez loin de l'extrémité antérieure, Elle est munie d’une ou de deux lèvres, ou membranes vibratiles, étroites et minces, entièrement cachées à l'intérieur de la fosse buccale. Les vibrations rapides et perpétuelles de ces lèvres produisent un énergique tourbillon alimentaire, qui amène à la bouche les particules nutritives en suspension dans l’eau. Les Cryptochilum ne sont donc pas des animalcules chasseurs courant après leurs proies, mais sont des Infusoires sédentaires, posés ordinairement sur une de leurs faces latérales et se procurant leur nourriture au moyen d’un tourbillon, En arrière de la bouche il n'existe pas d’æsophage ; mais les particules nutritives sont préci- pitées directement dans le sarcode interne, où elles s'accumulent dans une vacuole digestive creusée par l’action du tourbillon. L’ex- trémité postérieure porte toujours une longue soie rigide, que je considère comme un organe de tact, destiné à avertir les Cryptochi- lum de l’approche des autres Infusoires. Le nucléus est situé dans la région antérieure et dans une des faces latérales ; il est toujours accompagné d’un petit nucléole. Les Cryptochilum, se nourrissant presque exclusivement 'de Bactéries, Vibrions, Micrococcus, etc., ne craignent point les eaux putrides, où ces microphytes pullulent. Les Cryptochilum ont de grandes affinités avec les genres Parame- cum, Colpoda, Colpidium et Cyclidium. Toutes les espèces de ces genres sont également des Infusoires à tourbillon. Les caractères 444 E. MAUPAS. qui les distinguent sont assez vagues et mal défimis, et on arrive à les séparer plutôt par la notion de l’ensemble de leur structure, que par quelque différence bien tranchée. Comme caractère bien appa- rent, signalons la soie postérieure des Cryptochilum, qui est absente dans les trois premiers genres, mais se retrouve chez les Cyclidium. Colpidium a la bouche également munie de membranes vibratiles internes ; il se distingue de suite par son long œsophage et la posi- tion de la vacuole contractile. Les Paramecium ne sont point dé- primés dans le même sens que les Cryptochilum, ont deux vacuoles contractiles et de nombreux trichocystes dans l'ectosarc. Les Cycli- dium ont la bouche armée d’une large nasse membraneuse exté- rieure. Toutes ces différences justifient, je crois, la création de mon nouveau genre, où j'ai placé des formes qu'il eût été difficile de ranger ailleurs. Mais, je le répète, la parenté de ces lypes est très grande, et tous doivent dériver de quelque ancêtre commun. CRYPTOCHILUM NIGRICANS. (PI. XIX, fig. 15-19.) / O.-F. Muzcer {Cyclidium nigricans,, Animalcula Infusoria, 1786, p. 82, pl. XI, fig. 9, 10. Duzarnin (Enchelys triquetra), Infusoires, 1841, p. 390, pl. VIL fig. 4. Le corps, incolore et de forme oblongue, est assez déprimé dans le sens des faces latérales (fig. 17, 18). La face dorsale est un peu bombée, la face ventrale rectiligne ou plutôt légèrement concave. L'épaisseur générale du corps, vu par les faces dorso-ventrales, va en s’affaiblissant d’arrière en avant, de sorte que la région antérieure est toujours beaucoup plus transparente que la postérieure. Les faces latérales ont une largeur à peu près égale dans toute leur éten- due, excepté à l’extrémité antérieure, où elles se rétrécissent assez notablement. Cette extrémité, très caractéristique pour cette espèce, est bombée sur la face ventrale, convexe sur la face dorsale et tron- quée un peu obliquement en avant, l’obliquité allant de la face ven- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 445 trale vers la face dorsale, L'extrémité postérieure s’arrondit régu- lièrement. Le corps est dépourvu de toute contractilité, mais élastique. Sa longueur varie depuis 0%%,011 jusqu'à 0,050, la largeur restant toujours égale à peu près au tiers de la longueur. En outre de cette forme typique, j'en ai observé dans l’eau de mer une plus rare, dont le contour diffère assez (fig. 45) pour que j'aie hésité si je ne devais pas la considérer comme une espèce distincte. Chez cette forme, le corps, vu par les faces latérales, se rétrécit beaucoup en arrière et s’élargit, au contraire, dans la région anté- rieure. La bouche est un peu plus en arrière. Pour tout le reste, il n'existe aucune différence notable. Le tégument est fin et sans structure particulière. On peut l'isoler du cytosôme en tuant C’. nigricans avec de l'alcool (fig. 19). Le cy- tosôme se contracte fortement et le tégument apparaît plus ou moins détaché et boursouflé autour de cette masse. Entre cette dernière et le tégument, on voit presque toujours des bâtonnets extrêmement ténus et nombreux, qui les relient l’un à l’autre. Je considère ces bâtonnets comme le prolongement des cils vibratiles, dont la base, en continuité de substance avec le cytosôme, s’est étirée sans se rompre, pour suivre le retrait de ce dernier. La surface du tégument est marquée de stries longitudinales assez écartées et au nombre de cinq ou six au plus sur les larges faces. Cette striation n’est pas toujours très nettement accusée. En outre de ces stries longitudi- nales, on en distingue, chez certains individus, un second système transversal beaucoup plus serré qui, observé sur le bord du corps, donne à ce dernier un aspect finement dentelé (fig. 46). Cette stria- tion transversale à pour origine l'insertion des cils vibratiles im- plantés le long des grandes stries longitudinales, avec un écartement et à des niveaux absolument identiques d’une strie à l’autre. Le cytosôme n'offre rien de particulier dans sa structure. Je n’y ai point vu de cyclose; mais, mes observations ne sont point suffi- santes pour me permettre d'affirmer avec certitude qu’elle n’existe pas. En outre des bols alimentaires, on trouve toujours, aussi bien 446 E. MAUPAS. dans les exemplaires marins que dans ceux d’eau douce, de nom- breux corpuscules, noirâtres à la lumière transmise et brillants à la lumière polarisée, sur la nature desquels je donnerai de plus amples détails aux résultats généraux de ce travail. L'appareil de locomotion se compose uniquement de cils vibra- tiles, insérés en rangées régulières sur les stries longitudinales. La soie caractéristique du genre, située à l’extrémité postérieure, est assez longue et toujours dirigée obliquement. Je la considère comme un organe du tact destiné à avertir C, nigricans de l'approche des autres Infusoires. La bouche est située assez exactement au milieu de la facé ven- trale, Elle est précédée d’une sorte de large sillon en gouttière, plus ou moins bien marqué, qui, partant de l'extrémité antérieure, vient aboutir à la fosse buccale. Cette gouttière est bordée de cils vibra- tiles en mouvement continuel. Ces cils, avec les membranes ou lèvres buccales, produisent le tourbillon alimentaire. La fosse buc- cale est étroite et peu profonde, la ou les membranes vibratiles peu développées et difficiles à distinguer. Les particules nutritives en suspension dans l'eau, entraînées par le tourbillon alimentaire, s'accumulent en arrière de la bouche dans une vacuole digestive creusée dans le cytosôme. Cette vacuole digestive, arrivée à une dimension à peu près toujours la même, se détache et tombe dans la cavité générale, où elle devient une des sphères digestives ou bols alimentaires, que l’on voit toujours en plus ou moins grand nombre dans le cytosôme. Cette nourriture se compose de Bactéries, Vi- brions, etc. La vacuole contractile est située près de l’extrémité postérieure dans la paroi de la face latérale droite. Sur un individu d’eau douce, je l’ai vue se contracter toutes les trois secondes, la température ambiante étant de 28 degrés centigrades. Son diamètre était de 0®”,005. Je n’ai aucune observation sur la position de l'anus; mais on peut, d’après les analogies, affirmer qu’il est placé près de ila vacuole. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 447 Le nucléus est logé dans une des faces latérales, un peu en avant de la bouche, sa forme est régulièrement arrondie, et je ne lui ai remarqué aucune structure particulière (fig. 17, n). Il est toujours accompagné d’un petit nucléole sphérique, à substance parfaitement homogène (fig. 47, nl). Les mouvements de €. nigricans sont très agiles quand il est in- quiété. Alors il circule rapidement, marchant droit devant lui, en tournant autour de son axe longitudinal et ne changeant de direc- tion que lorsqu'il rencontre un obstacle. Quand il est tranquille, il demeure immobile à la facon de Cyclidium glaucoma, et dans une préparation où les individus sont nombreux, on les voit, après peu de temps, s’assembler par groupes serrés, rangés en cercle autour des débris ou des bulles d'air, ou bien encore en lignes un peu en dedans du bord du couvre-objet. Lorsqu'ils sont ainsi groupés, ils demeurent immobiles, ne remuant de temps à autre que pour changer un peu de position. Leur vitalité ne se traduit alors que par la vibration rapide des cils prébuccaux, qui produisent le tour- billon alimentaire. Dans cette position immobile, ils s’attachent à la paroi soit du couvre, soit du porte-objet, à l’aide des cils de la face du corps correspondante. Ces cils, dans ce cas, jouent le rôle de grappins. Get Infusoire est très commun dans l’eau de mer et dans l’eau douce. Je l'ai trouvé partout aux environs d'Alger. Je l’ai observé également en France à Granville. On peut se le procurer en grande abondance en plaçant dans une cuvette des algues et débris de toutes sortes, plongés dans l’eau en quantité assez grande pour que ces matières entrent en putréfaction. Quand celle-ci arrive et que l’eau grouille de Bactéries, C. nigricans, trouvant alors une riche nourri- ture, se multiplie en nombre prodigieux. L'assimilation que j'ai faite de cet Infusoire aux deux espèces de Müller et de Dujardin, me paraît justifiée par l'examen des figures de ces deux auteurs. Un des dessins de Müller surtout nous donne un Contour très exact de ce type, Quant à leurs déscriptions, elles 448 E. MAUPAS, sont trop insuffisantes pour qu'on y puisse trouver quelque secours. Les longueurs données par eux concordent bien avec celles que j'ai notées. J’ai été surpris en voyant qu'un Infusoire aussi commun soit demeuré inconnu jusqu'ici à la plupart des observateurs. Ceci ne peut s'expliquer que par la confusion qui en aura été faite avec d’autres espèces, et plus particulièrement avec Cyclidium glaucoma". Cette confusion est très facile à faire, sur les exemplaires de petite taille de Cryptochilum nigricans. Stein* et Claparède *, simplement à l'inspection des dessins de Dujardin, ont réuni les deux espèces. Quant à l’opinion de Saville-Kent*, qui veut voir dans £'nchelys tri- quetra un état jeune et non encore développé de Cyclidium glaucoma, il suffit de dire qu’au point de vue morphologique il n'y a point de jeunesse chez les Infusoires ciliés. Du moins, personne jusqu'ici ne nous en a fait connaître un cas bien avéré. C. nigricans se multiplie par division transversale. Je n’ai rien observé de particulier dans ce phénomène. J'ai souvent rencontré des individus conjugués. CRYPTOCHILUM ELEGANS (NOV. SP.). (PI. XIX, fig. 20.) Le corps est incolore, très transparent, élastique, mais non con- tractile. Par son contour général, il rappelle beaucoup €’. nigricans, mais cependant avec des proportions différentes. Les dimensions de C’. elegans sont toujours beaucoup plus grandes. La longueur des individus les plus petits est de 0,040; celle des plus grands, ! Les corpuscules biréfringents du cytosôme peuvent aider à les distinguer. Cyclidium glaucoma n’en contient jamais. 2 Die Infusionsthiere, etc., 1854, p. 137. 3 Études, etc., 1858, p. 272. * À Manual of the Infusoria, 1881, p. 545. $ Je repousse absolument l’idée de Saville-Kent (A4 Manual of the Infusoria, p. 482 et 794) de faire des Cinétochilum et des Glaucoma des formes jeunes et larvaires de certains Hypotriches. Les Infusoires de ces deux genres sont des types parfaitement autonomes et sans liaison génésique avec aucune autre espèce. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 449 0% 090; la largeur dépasse toujours la moitié de la longueur, tandis que chez C. nigricans elle n’était que du tiers. Cette largeur propor- tionnelle plus grande et le bord ventral plus concave donnent à C. elegans un aspect réniforme assez nettement accusé. Les exirémi- tés antérieure et postérieure sont semblables chez les deux espèces; inutile donc de les décrire à nouveau. Je dois cependant mentionner que, chez certains individus de grande taille, la région postérieure était relativement fori élargie et donnait à ces formes un aspect rappelant beaucoup celui de Colpoda cucullus. Le tégument présente une structure qui différencie de suite cette espèce de la précédente. La striation est beaucoup plus serrée et chaque strie porte, engagés dans l'épaisseur du tégument, de petits bâtonnets disposés transversalement et espacés très régulièrement. Il sont très rapprochés les uns des autres et leur ensemble, joint à la transparence générale du corps, donne à cet Infusoire un aspect d’une grande élégance. Ils ne sont pas toujours très nettement mar- qués, et chez certains exemplaires, on ne les distingue qu’en em- ployant de forts grossissements. Ce ne sont point des trichocystes du genre de ceux de Paramectum aurelia, car je ne les ai jamais vus projetés au dehors, quel que soit le réactif dont je me sois servi pour tuer cet Infusoire. Tout me porte à croire qu'ils sont en relation avec les cils vibratiles de la surface du corps, et qu’ils consistent simplement en un repli, ou plutôt un épaississement du tégument entre les points d'insertion de chacun des cils. Le sarcode du cytosôme est d’une grande limpidité. Je n'y ai point remarqué de mouvement de rotation. On voit ordinairement dans sa masse quelques bols alimentaires, et près de l'extrémité posté- rieure, au voisinage de la vacuole contractile, un amas de ces cor- puscules noirâtres, biréfringents, sur la nature desquels nous revien- drons en terminant ce travail. Chez cet Infusoire, ils affectent, en général, une forme étranglée au milieu et renflée aux deux extré: mités. Leurs dimensions varient beaucoup et j'en ai vu d'assez gros. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, == 20 SÉRIE, = T,. I. 1885, 29 450 E. MAUPAS. Les seuls appendices périphériques sont les cils vibratiles, insérés en rangées régulières le long des stries, et la longue soie rigide de l'extrémité postérieure. Cette dernière est insérée et dirigée dans l’axe longitudinal du corps. La bouche, située dans la concavité ventrale, possède évidemment la même structure et le même arrangement des parties que chez C. nigricans. Je n'ai point vu directement de membrane ou lèvre vibratile dans la fosse buccale ; mais, l’énergique tourbillon, sous l’action duquel on voit les particules nutritives se précipiter vers cette fosse, puis creuser en arrière une vacuole digestive dans le sarcode, démontre assez évidemment l'existence de ce petit organe. La nourriture se compose de Bactéries, Vibrions, Micrococcus, etc. La vacuole contractile est située à l'extrémité postérieure et dans la même paroi que chez €. elegans, c'est-à-dire dans celle de la face latérale droite. Je n'ai point d'observations sur la périodicité de ses pulsations. Je n’en ai point non plus sur la position exacte de l'anus. Le nucléus est dans une des faces latérales, un peu en avant de la bouche. Sa forme est légèrement ovale. Je ne lui ai observé aucune structure particulière, et je le crois composé simplement d'une substance granuleuse sans enveloppe périphérique. Il existe toujours un et quelquefois deux nucléoles accolés extérieurement au nu- cléus. Ces nucléoles sont petits, sphériques et d’une substance homogène, sans différenciation apparente d'aucune sorte. Les mouvements de €. elegans sont rapides quand il est inquiété ; il nage alors vivement en tournant autour de son axe longitudinal. Quand il est tranquille, il reste ordinairement immobile, posé sur une de ses faces latérales et fixé aux objets à l’aide des cils de la surface. Il demeure longtemps ainsi, ne laissant apercevoir d'autre signe de vie, que le rapide tourbillon alimentaire qui précipite dans sa fosse buccale les particules nutritives en suspension dans l'eau. Cet Infusoire vit dans l’eau de mer; il peut encore prospérer et se muliplier lorsque les algues et autres débris sont en pleine pu- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 451 tréfaction. On ne le trouve cependant jamais en aussi grand nombre ni aussi fréquemment que son congénère €. nigricans. I vil toujours en individus plus ou moins isolés. Je l’ai rencontré deux fois au milieu d'algues recueillies sur les rochers, près d'Alger. Bien que très voisine de C’. nigricans, cette nouvelle espèce s’en distingue cependant, ainsi que nous l'avons vu plus haut, d’une façon très nette, par les dimensions et les proportions du corps, et surtout par la structure particulière du tégument. CRYPTOCHILUM GRISEOLUM. (PL. XIX, fig. 28, 29.) PerTy (Paramecium griseolum), Zur Kenntniss, etc, 1852, p. 144, pl, IV, fig. 11. | Le corps est grisâtre, peu transparent, élastique et dépourvu de toute contractilité. J’ai mesuré des exemplaires dont la longueur était de 02,042 ; les plus longs observés par Perty atteignaient 02,062. La largeur des grandes faces est toujours un peu moindre que la moitié de la longueur. L’aplatissement, dans le sens des faces latérales, est encore plus grand chez cette espèce que chez les deux précédentes : de sorte que les faces dorsale et ventrale sont devenues très étroites (fig. 28). Le bord dorsal (fig. 29) décrit une courbe convexe parfaitement régulière dans toute son étendue; le bord ventral, au contraire, est concave dans son tiers antérieur et convexe dans les deux tiers postérieurs. L’extrémité postérieure s’arrondit assez régulièrement; l'extrémité antérieure ne porte pas la troncature si caractéristique des deux espèces précédentes, mais ressemble beaucoup, au contraire, à celle de €. cucullus, formant ainsi une sorte de lobe frontal un peu saillant, sur lequel les stries prennent leur point de départ. L'ensemble de ces contours produit toujours un aspect réniforme; mais un rein dont le lobe antérieur serait trois fois plus petit que le lobe postérieur. Le tégument porte un système de stries qui, partant de l'extrémité 452 E, MAUPAS. antérieure, décrivent une courbe parallèle au bord dorsal et vont se: terminer à l'extrémité postérieure. Ces stries sont assez écartées et au nombre de huit à dix sur les faces latérales, Je n’ai pas d’obser- vations sur le cytosôme et ignore s’il obéit ou non à un mouvement de rotation. L'appareil ciliaire locomoteur se compose des cils vibratiles im- plantés, sur toute la surface du corps, en rangées coïncidant avec les stries du tégument. La soie de l'extrémité postérieure est assez longue et dans l’axe longitudinal du corps. La bouche est située dans la concavité de la face ventrale. Elle se compose d’une fossette assez largement ouverte (fig. 98, ), aux pa- rois internes de laquelle sont insérées deux fines membranes ou lèvres vibratiles, dont les mouvements rapides et incessants déter- minent dans l’eau un tourbillon apportant à la bouche les parti- cules nutritives en suspension. En arrière de la bouche, il se forme dans le cytosôme une vacuole digestive, qui est entraînée ensuite dans la cavité générale, et s’y transforme en bols ou sphères di- gestifs. La vacuole contractile se trouve près de l'extrémité postérieure ; je n’ai point d'observations sur la paroi dans laquelle elle est logée, ni sur la périodicité de ses pulsations. J'ignore aussi la position exacte de l'anus. Le nucléus est placé dans la région antérieure et sur une des faces latérales, un peu en avant du niveau de la bouche. Il a une forme circulaire (fig. 29) et m'a paru composé simplement d’une substance granuleuse, sans structure particulière. Il est toujours accompagné d’un petit nucléole sphérique, accolé à son bord et de substance homogène. - C. griseolum vit dans l’eau douce. Je l'ai trouvé plusieurs fois dans les eaux des environs d'Alger. Je ne crois pas m'être trompé en assimilant l’Infusoire observé par moi au Paramecium griseolum de Perty. La description et les dessins de cet auteur sont bien défectueux ; mais il m'a semblé que je trou- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 453 vais, dans le contour général, la taille et la striation, des concor- dances suffisantes pour me permettre cette assimilation. Par quel- ques caractères, il se rapproche un peu plus des Colpoda que ses congénères, et relie ainsi ces deux genres entre eux. CRYPTOCHILUM TORTUM (NOV. SP.). (PI. XIX, fig. 32-35.) Le corps est grisâtre, assez peu transparent, élastique et non con- tractile. Sa longueur varie entre 0,036 et 0"*,058 ; la largeur restant toujours à peu près moitié moindre, tantôt un peu plus, tantôt un peu moins. L'aplatissement dans le sens des faces laté- rales, bien qu'encore sensible, est moins accusé chez cette espèce que chez les précédentes. Mais ce qui la caractérise surtout, c’est lespèce de torsion que la moitié antérieure du corps semble avoir subi de droite à gauche (fig. 32). Il en résulte pour cet Infusoire un aspect contourné très bizarre, qui le différencie de suite. Le bord dorsal est toujours bombé, le bord ventral légèrement concave, l'extrémité postérieure arrondie et l’extrémité antérieure tronquée obliquement, comme chez C’. nigricans. Le tégument est mince et sans structure particulière. On peut le détacher du cytosôme (fig. 35) en tuant cet Infusoire au moyen de l'alcool, comme je l’ai déjà décrit pour C. nigricans. Il porte un sys- tème de stries, dont la disposition est assez curieuse à examiner. Sur la face latérale droite ces stries, partant de l’extrémité antérieure tronquée, décrivent une courbe allongée à concavité opposée à la droite dans la région antérieure, opposée à la gauche au contraire dans la région postérieure où elles viennent aboutir en convergeant vers un point situé un peu en avant de l'extrémité postérieure. Les stries de la face latérale gauche (fig. 34) sont assez exactement paral- lèles à l'axe longitudinal; mais, arrivées à l’extrémité postérieure, elles la contournent et viennent se terminer sur la face latérale droite en convergeant vers lé même point que les stries de cette 454 E. MAUPAS. même face (fig. 32 et 33). Ces stries ne sont pas très serrées et au nombre environ de six à sept sur chacune des faces latérales. La bouche (fig. 33 et 34, b) est située dans la concavité ventrale un peu en avant du milieu de la longueur. Elle est précédée d’une gouttière garnie de cils vibratiles semblable à celle qui existe chez C'. nigricans. Seulement cette gouttière, par suite de la torsion de la région antérieure du corps, se trouve en avant reportée latéralement à gauche, tandis qu'en arrière elle aboutit à la fosse buccale sur la face ventrale. Elle décrit donc une sorte de spire tordue de gauche à droite. La fosse buccale (fig. 33, 6) est garnie d’une membrane vibratile, dont l'agitation constante détermine dans l’eau un tour- billon alimentaire. Celui-ci précipite les particules nutritives dans l'ouverture buccale, en arrière de laquelle elles s'accumulent dans une vacuole digestive creusée dans le sarcode interne. Nous avons ici toujours le même mécanisme, que j'ai décrit plus amplement à propos de Colpoda cucullus. Les cils disposés en rangées le long des stries de la surface du corps, sont les seuls organes de locomotion. La longue soie posté= rieure n’est pas insérée exactement à l'extrémité du corps, mais un peu en avant sur la face latérale droite, au point où nous avons vu les stries venir converger. Elle est implantée presque verticalement au plan de cette face. La vacuole contractile est logée dans la paroi de la face latérale droite (fig. 32, v c), près du point d'insertion de la soie. Sur un in- dividu, je l’ai vue se contracter quatre fois à la minute; maïs je n'ai pas noté la température ambiante. Je n’ai point d'observation sur la position exacte de l'anus. | Le nucléus est placé dans une des faces latérales, au niveau de la bouche. Sa forme est circulaire. Il est composé d’une substance granuleuse, dans laquelle je n'ai aperçu aucune structure particu- lière (fig. 34). Il est toujours accompagné d’un petit nucléole accolé à son bord et de forme sphérique. Quand cet Infusoire est inquiété, il circule rapidement, droit de- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 455 ; vant lui, en tournant très lentement autour de son axe longitudinal. Lorsqu'il est tranquille, les individus s’assembient par groupes serrés et demeurent souvent longtemps immobiles, posés sur une des faces latérales et agitant seulement l'appareil vibratile du tour- billon alimentaire. De temps à autre ils changent un peu de place. Ces petits mouvements sont toujours précédés par un changement de front brusque, qui s'exécute constamment dans le sens de la face dorsale et ramène l'extrémité antérieure presque à la position de la postérieure. C'. tortum vit dans l'eau de mer, et on peut se le procurer en grand nombre lorsque les algues et les débris sont en voie de décomposi- tion, Comme ses autres congénères, il ne craint pas les eaux pu- trides. Je l'ai rencontré plusieurs fois au milieu d'algues recueillies sur les rochers près Alger. Il se distingue aisément de ses congénères par son corps con- tourné et par la disposition en spire de la gouttière prébuccale, qui en résulte. J'ai vu plusieurs fois des individus conjugués. CRYPTOCHILUM ECHINI (NOV. SP.). (PI. XXII, fig. 8, 9.) Le corps est incolore et d’une grande transparence. Dénué de toute espèce de contractilité, il ne peut modifier spontanément sa forme en aucune façon. J'ai mesuré des individus dont la longueur variait entre Omm,070 et Omm,140 ; la plus grande largeur reste tou- jours un peu plus de deux fois moindre que la longueur, Le corps est extrêmement aplati, surtout dans sa moitié antérieure, où il est presque réduit à la minceur d’une feuille. Get aplatissement s’est produit dans le sens des faces latérales, de sorte que les faces ven- trale et dorsale ne sont plus représentées que par deux arêtes minces, un peu plus épaisses en arrière qu'en avant. Quand on examine cet Infusoire par une de ses larges faces, on voit que le 456 E. MAUPAS, bord ventral se décompose en deux courbes légèrement convexes, de longueurs à peu près égales et formant un angle rentrant à leur point de jonction. La moitié postérieure est toujours plus bombée que l’antérieure. Le bord dorsal, au contraire, décrit une seule courbe convexe. La région postérieure du corps est un peu plus large que l’antérieure. Celle-ci se termine par une courbe régulière- ment arrondie et un peu infléchie du côté du bord ventral, en sorte que la région antérieure, prise dans son ensemble, forme une espèce de front très allongé et peu saillant en avant de la bouche. L’extré- mité postérieure, au contraire, après avoir d’abord pris un contour arrondi, s’effile brusquement en une pointe aiguë, courte et inclinée du côté du dos. Le tégument est marqué de stries longitudinales, assez écartées les unes des autres et au nombre de seize à dix-huit sur les faces latérales. | Le sarcode du cytosôme est très limpide et finement granuleux. Dans la région postérieure du corps, il est très fréquemment creusé de vacuoles nombreuses (fig.9), dont on ne voit jamais aucune trace dans la moitié antérieure. Dans la région postérieure on voit encore, au milieu des vacuoles, les ingesta avalés par l'animal. Il est pro- bable que ces ingesta sont le plus souvent des corpuscules de petite (aille ; dans un cas, cependant, j'ai vu deux diatomées et d’autres corps étrangers. Lorsqu'on tue un de ces Infusoires au moyen des vapeurs osmiques, le sarcode qui entoure le nucléus (fig. 8) appa- rail composé de granulations nombreuses, qui, sous l'influence du réactif, se colorent promptement en noir. Ces granulations sont plus nombreuses et forment une zone plus large en avant qu’en arrière. En outre, il existe encore des granulations d’une autre nature et qui, examinées à la lumière polarisée, se montrent: très biréfringentes. Elles sont très petites et amassées plus parüculiè- rement dans les régions moyennes et postérieures du corps. Les cils vibratiles sont disposés en rangées régulières insérées sur les stries du tégument. Ceux de la portion de la face ventrale, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 457 située en avant de la bouche, m'ont paru un peu plus longs et plus serrés que sur le reste du corps, Peut-être jouent-ils un rôle dans la ‘préhension des aliments en produisant un tourbillon alimentaire. La petite pointe aiguë qui termine l'extrémité postérieure du corps porte une soie plus longue et plus forte que les cils vibratiles. Cette soie peut s’effilocher et se diviser en quatre à cinq. Mais cette divi- sion ne se produit que sur les individus placés dans des conditions anormales. La bouche est située dans l’angle rentrant, formé par la jonction des deux courbes du bord ventral. Cet angle rentrant rappelle tout à fait l’'échancrure buccale qui existe si marquée chez les Colpodes. La forme de la bouche représente une ouverture oblongue (fig.9, b) munie de deux lèvres vibratiles, L’une de ces lèvres est peut-être un peu saïllante en dehors de la fosse buccale. La bouche s'ouvre direc- tement dans la cavité générale sans l'intermédiaire d’un œsophage. J'ai déjà dit plus haut quelles sortes d’ingesta l’on observe dans le corps de cet Infusoire. | La vacuole contractile (fig. 8 et9, ve) se trouve un peu en avant de l'extrémité postérieure sur le bord ventral. Le mouvement de systole est très rapide et, une fois la contraction commencée, la vacuole disparaît brusquement. La diastole, au contraire, est très lente et l'on peut observer des individus chez lesquels la vacuole, arrivée à son maximum de développement, demeure ainsi les con- tours parfaitement arrondis et sans aucun changement appréciable pendant plus de vingt minutes avant de se contracter. J'ai assisté à la défécation et reconnu la position de l'anus, qui est situé sur le même bord que la vacuole et un peu en avant delle. Le nucléus est situé vers le milieu du corps. Il a la forme d’un disque mince finement granuleux. Je n’y ai point vu trace d’une membrane enveloppante. Il est le plus souvent simple (fig. 9, n); mais on rencontre aussi assez fréquemment des individus chez lesquels 1l est triple (fig. 8, n), et qui, cependant, ne montrent aucune trace d’un commencement de division. Le nucléole est 458 E. MAUPAS. unique, petit, sphérique, homogène, et toujours situé sur le côté du ou des nucleus tourné vers le bord dorsal de l'animal. Les mouvements de cet Infusoire sont doués d'une très grande aisance. Quand il est inquiété dans un espace libre, il court droit devant lui en tournant autour de son axe longitudinal, ce qui, avec l'alternance des faces larges et des bords étroits, produit un effet assez bizarre. Quand au contraire, 1l est tranquille, il nage avec calme, posé sur une de ses faces larges. Il ne demeure jamais com- plètement immobile, mais se déplace constamment en virant tou- jours du côté du dos. Cet Infusoire vit en parasite dans l'intestin d'£'chinus lividus. 11 est très fréquent dans les Echinus de la côte d'Alger. En 1878, étant sur les côtes de Bretagne, au laboratoire de zoologie de Roscoff, j'y ai ouvert un grand nombre d’'Æchinus lividus et d'Æchinus melo sans le rencontrer. En 1882, je l’ai retrouvé de suite dans des Echinus lividus pèchés au nouveau laboratoire de zoologie de Banyuls-sur- Mer. Il paraît donc confiné à la Méditerranée. is 6h Quand on veut classer de nouvelles formes du groupe des Holo- triches, on est souvent embarrassé pour savoir si on doit les placer dans tel genre plutôt que dans tel autre, ou si on ne doit point créer un genre nouveau. Le type Holotriche est si simple dans sa structure et sa conformation générales, que les différences entre les diverses formes se réduisent à des détails peu importants. Au premier abord j'avais cru devoir créer une nouvelle coupe générique pour cet Infu- soire; mais, en y rétléchissant de nouveau, j'ai pensé que je pouvais le faire entrer dans le genre Cryptochilum, dont il possède tous les caractères essentiels. Inutile d’insister sur les différences, qui le dis- tinguent de ses autres congénères ; elles sont si apparentes, qu'elles ressortent d’elles-mêmes. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIES. 459 COLPIDIUM COLPODA (STÆIN). (PI. XIX, fig. 30, 31.) Ce n’est pas une nouvelle description de cet Infusoire que je veux donner ici. J'ai simplement l'intention de décrire sa bouche, la dis- position et la structure de ses diverses parties, ainsi que leur mode de fonctionner. Colpidium est un Infusoire un peu déprimé dans le sens des faces latérales, et qui se tient ordinairement/posé sur une de ces faces, de sorte qu'à l’état vivant on ne voit que de profil sa bouche, située dans la région antérieure et au milieu de la face ventrale, Pour la bien étudier, il faut tuer cet Infusoire avec l'acide osmique et le faire rouler dans la préparation, de façon à avoir le ventre bien de face. On reconnaît alors que la bouche a la forme d’une fossette triangu- laire irrégulière (fig. 30). Ce triangle se compose d'un côté court et de deux longs. Le côté court, situé en avant, est assez fortement oblique de gauche à droite. Le côté long de gauche décrit une courbe sigmoïde, convexe en avant et concave en arrière. L'autre côté long décrit une courbe convexe régulière faisant face en même temps à droite et en arrière. L'ensemble de ces contours est celui d’un triangle irrégulier à côtés curvilignes et assez fortement incliné de droite à gauche, Ce contour ressemble beaucoup à celui de la fos- sette buccale de Glaucoma scintillans (fig. 24), dans lequel nous avons aussi deux côtés longs, l’un sigmoïde et l’autre convexe. Le côté court très convexe seul est très différent. Dans l'ouverture de cette fossette sont logées deux membranes vibratiles minces (d, e). Ces membranes, comme chez Glaucoma scintillans, sont insérées sur la paroi interne des deux côtés longs de l'ouverture buccale. Tel est l’aspect de l’appareil buccal observé de face. Lorsqu'on l’étudie de profil, on voit que l’orifice buccal se pro- longe en arrière en un long tube œsophagien (fig. 31, o), qui s’en- fonce dans la cavité générale du corps, en se recourbant plus ou moins en arrière. Des deux membranes, une (d) se prolonge égale- 460 E. MAUPAS. ment dans presque toute la longueur de l’æœsophage, la seconde (e) est beaucoup plus courte. Ces deux membranes sont entièrement renfermées à l’intérieur de l’ouverture buccale et ne font aucune saillie au dehors. Les membranes vibratiles sont agitées de mouvements continuels et si rapides, qu'il est à peu près impossible de les distinguer sur l'animal vivant. Par ces vibrations rapides elles déterminent dans l’eau ambiante un tourbillon alimentaire, qui entraine dans la bouche et l’æsophage les particules nutritives en suspension dans l’eau. Ces particules nutritives se composent surtout de Bactéries, Vibrions, Monades, et autres petits corpuscules. A l'extrémité de l’œsophage, elles s'accumulent dans une vacuole digestive, qui se creuse dans le sarcode de la cavité générale et finit par tomber dans cette dernière, comme je l’ai déjà décrit à propos des Colpodes. De la structure et du mode de fonctionner de lappareil buceal de Colpidium, il résulte que cet Infusoire n’a pas besoin de courir après sa nourriture. Aussi, le voit-on le plus souvent immobile, posé sur une de ses faces latérales. De temps à autre 1l fait un léger mouve- ment en pivotant autour de l’axe transversal, passant par les faces latérales. Cette gyration se fait toujours dans le sens de la face dor- sale, direction identique à celle que nous avons déjà constatée chez d’autres espèces et qui, très probablement, est commune à tous les Infusoires à tourbillon et comprimés latéralement. Stein est le premier observateur qui ait aperçu les membranes de l'appareil buccal de Colpidium, mais il semble les avoir assez mal vues. Dans une première publication !, il parle de deux membranes vibratiles et d’un œsophage court et cilié, tandis que plus tard”, il ne mentionne plus qu’une seule membrane. Saville Kent 3, je ne sais d'après quelle autorité, décrit une membrane unique se prolongeant extérieurement sous la forme d’une langue. Die Infusionsthiere, etc., 1854, p. 131, 2 Der Organismus, etc., t. II, 1867, p. 158 et 160. 3 À Manual of the Infuseria, 1881, p. 537. ÉTUDE DES INFUSOIRÉS CILIÉS. 461 GLAUCOMA PYRIFORMIS. (PI. XIX, fig. 25-27.) Egren8erG (Trichoda pura, Leucophrys pyriformis, L. carnium), Die Infu- sionsthierchen, 1838, p. 307, pl. XXXI, fig. 11,et p. 312 et 313, pl. XXXII, fig. IV et V. DusarniN (Acomia ovata, À. inflata), Infusoires, 1841, p. 383, pl. VI, fig. 12 et 5. Perry (Pfyxidium ovulum, Acomia inflata, Trichoda carnium), Zur Kennt- niss, ets, 1852, p. 140 et 148, pl. VIL, fig. 2 et 8; pl. VI, fig. 1. CLapaARÈèDE et LacHmann (Colpoda parvifrons), Etudes, 1858, p. 220, pl. XIV, fig. 3. Srein (Trichoda pura, T. pyriformis, T. carnium), Sitz-ber. d. Kônig. Gesell- schaft der Wissenschaften in Prag, 1860, juli-december, p. 59, i4,, in Der Organismus, ete., t. 11, 1867, p. : 59. Savizze Kent (Colpoda parvifrons, Trichoda pura, Trichoda carnium), À ma- nual, etc., 1881, p. 513, 535 et 536, pl. XXVIL, fig. 47. Le corps est grisätre, incolore, assez transparent, élastique et dépourvu dé contractilité. J'ai mesuré des longueurs variant entre 022,093 et 0%%,075. La largeur proportionnelle varie depuis un quart jusqu'aux deux tiers de la longueur, suivant les individus et surtout suivant l’état de réplétion d’un même individu. On trouve les exemplaires de petite taille dans les vieilles infusions en bonne partie épuisées. Chez les individus mal nourris et émaciés, le corps a une forme allongée (fig. 26), dans laquelle la largeur est souvent égale à peine au quart de la longueur. Il est sensiblement déprimé dans le sens ventro-dorsal, et cet aplatissement est surtout marqué dans la région antérieure qui porte la bouche. Les deux extré- mités, surtout l’anlérieure, se terminent en pointes. Le bord gauche décrit une courbe convexe, régulière dans toute son étendue; le bord droit, convexe aussi dans ses deux tiers postérieurs, devient un peu rentrant, en avant, au niveau de la bouche. Il en résulte que l'extrémité antérieure est un peu déjetée à droite. Cet ensemble de contours et de proportions donnent au corps l'aspect d’une navette. 462 E. MAUPAS. Chez les individus très nourris, le corps, gonflé et ballonné, prend la forme d’un ovoïde (fig. 25) assez régulier. L’aplatissement dorso-ven- tral s’est complètement effacé ; à peine si on en constate encore une légère trace sur la face ventrale, dans la région de la bouche. L’extré- mité postérieure s’est arrondie, et la largeur proportionnelle, forte- ment accrue, peut dépasser les deux tiers de la longueur. L’extrémité antérieure conserve sa forme en pointe déjetée à droite, déviation qui, d’ailleurs, est caractéristique de cette espèce. La convexité du bord droit s’est fortement accusée : en un mot, les contours généraux, d'oblongs et anguleux, se sont arrondis presque partout. Le tégument est nettement différencié du cytosôme, dont on peut lisoler en tuant G. pyriformis avec l'alcool. Il m'a paru avoir une structure particulière, composée de bâtonnets courts dans le genre de ceux de Cryptochilum eleqans; mais je n’ai pas réussi à me faire une idée bien nette de leur forme et de leur disposition. Le tégument porte un système de stries longitudinales qui, partant de l’extrémité antérieure, viennent aboutir à l'extrémité postérieure, Ces stries; très apparentes sur les individus émaciés, sont, au contraire, à peu près invisibles sur ceux qui sont gonflés de nourriture. Elles sont au nombre de neuf à dix sur les faces ventrale et dorsale. La cavité générale est remplie par le sarcode limpide et sans struc- ture d'aucune sorte du cytosôme. On ne distingue, dans sa substance, que des bols alimentaires et des corpuscules granuleux, assez petits, de forme sphérique et d'aspect noirâtre. Chez les individus émaciés, ils s'accumulent plus particulièrement dans l'extrémité antérieure du corps (fig. 26). Examinés à la lumière polarisée, ils ne montrent aucune trace de biréfringence. Le sarcode du cytosôme jouit d’une certaine mobilité et entraîne ces corpuscules dans ses mouvements. Ces derniers sont assez lents et ne constituent pas une rotation régu- lière, comme chez Paramecium aurelra. L'appareil de locomotion se compose uniquement des cils vibra- üles de la surface, insérés, en rangées régulières, sur les stries du iégument ; j'en ai compté de huit à neuf dans 0,01. Chez les indi- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 463 vidus amaigris et effilés, on voit, à la base d'insertion de chacun des cils, un renflement en forme de bâtonnet, qui donne au tégument l'aspect particulier dont j'ai parlé plus haut. Les moyens optiques à ma disposition ne m'ont pas permis de m'assurer si ces bâtonnets sont le prolongement direct ou non des cils. Ghez les individus gon- flés de nourriture, on ne les distingue plus. La bouche est située assez près de l’extrémité antérieure, sur le bord droit. Elle se compose d'une fossette oblongue (fig. 27), dans laquelle sont insérées deux membranes ou lèvres vibratiles. La lèvre de droite (d) est ordinairement beaucoup plus développée que celle de gauche {e) et apparaît souvent en saillie sur le bord du corps. Elle a été vue par la plupart des observateurs antérieurs, mais prise pour des cils plus longs que ceux de la surface du corps. Ces lèvres sont en agitation continuelle et, avec le concours des cils nombreux el serrés de l'extrémité antérieure, produisent dans l’eau un tourbillon alimentaire, qui entraine les particules nutritives dans la fosse buc- cale. En même temps, ces membranes buccales peuvent jouer le rôle de véritables lèvres prenantes, comme chez les Infusoires déglu- teurs. En arrière de la fosse buccale, se creuse, dans le cytosôme, une vacuole alimentaire, qui finit par se détacher et devenir libre, comme je l'ai déjà décrit pour d’autres espèces. La vacuole contractile se trouve un peu en avant de l'extrémité postérieure et dans la paroi dorsale; elle est de petite dimension, et ses pulsations sont assez rapides. Chez un individu, je l’ai vue se contracter toutes les neuf secondes, la température ambiante étant de 26 degrés centigrades. L’anus est situé aussi dans la région pos- térieure, au même niveau et dans la même face que la vacuole; il m'a semblé que son orifice ne coïncidait pas exactement avec celui de cette dernière et qu'il était plus près du bord du corps, Le nucléus est placé dans la région moyenne du corps, attaché à la paroi d'une des larges faces. Il a une forme circulaire, et, traité par les réactifs, il apparaît composé d’une enveloppe périphé- rique rugueuse et d'une masse centrale, comme chez Colpoda Steinir. AG4 E. MAUPAS. Il est toujours accompagné d’un petit nucléole sphérique, sans struc- ture apparente. Glaucoma pyriformis, quand il n’est pas imquiété, se tient toujours sur la face ventrale, courant sans repos et doucement à la recherche de sa nourriture, qui se compose de Bactéries, Monades et corpus- cules très petits. On ne le voit jamais rester fixé et immobile, comme les Cyclidium, les Colpodes et les autres Infusoires à tourbillon. Son appareil vibratile buccal produit bien, comme chez ces derniers, un tourbillon alimentaire ; mais les membranes buccales jouenten même temps le rôle de véritables lèvres prenantes, comme chez les Infu- soires dégluteurs. Quand il change de direction, il le fait toujours en pivotant dans le sens opposé au côté où se trouve la bouche. Lors- qu'il est inquiété, il court droit devant lui, en tournant plus ou moins rapidement autour de son axe longitudinal. Cet Infusoire est très commun dans l’eau douce. On se le procure très aisément au moyen d’infusions de foin, dans lesquelles il pul- lule avec les Colpodes. Il peut vivre dans des macérations de toutes sortes de substances en pleine putréfaction et s’y propager par my- riades. C’est un type ubiquiste, que l’on trouvera probablement dans toutes les régions du monde. Je l'ai rencontré très fréquemment dans les eaux des environs d'Alger. Cette espèce, bien que des plus communes, est peut-être aussi une de celles au sujet desquelles on a commis les plus grandes confu- sions. Nous voyons, par la synonymie placée en tête de cet article, qu'avec sept noms spécifiques parfaitement distincts, elle a été clas- sée dans cinq genres différents. J'ai rejeté de cette synonymie le Colpoda pyrum de Müller. Les dessins et la description du vieux micrographe me paraissent se rapporter à un Infusoire différent et de taille beaucoup plus grande que Glaucoma pyriformis. Les trois espèces d’Ebrenberg, par leur taille, leur forme, sont incontestable- ment identiques avec cet Infusoire. 7richoda pura correspond aux individus de petite taille, qui vivent dans les vieilles infusions pauvres en nourriture ; les deux Leucophrys rappellent parfaitement les indi- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 465 vidus bien nourris. Ehrenberg avait entrevu l’appareil vibratile buccal et l'avait figuré sous l'aspect de cils plus forts et plus longs sur un des côtés de l'extrémité antérieure. Les deux Acomia de Dujardin représentent les exemplaires bourrés de nourriture, dont j'ai donné la description plus haut. Le Glaucoma parvifrons répond parfaite- ment à notre type. Claparède et Lachmann avaient vu la grande lèvre saillante hors de la bouche, ainsi que le nucléus et la vacuole contractile. Stein a bien vu la parenté des espèces d’Ehrenberg et les a réunies dans le genre Trichoda, mais en les maintenant comme espèces distinctes. Je crois avoir suffisamment démontré l'identité de ces trois espèces et les ai réunies en une seule. Je l’ai rangée dans le genre Glaucoma, place nécessairement indiquée par sa forme géné- rale, la structure de sa bouche, le mode de préhension de la nour- riture et la position du nucléus et de la vacuole contractile. Ce nou- veau Glaucome se distingue de son unique congénère, Glaucoma scintillans, par l'extrémité antérieure plus anguleuse, par son contour général plus oblong et par la position plus latérale de la bouche. Des trois noms spécifiques d’Ehrenberg, j'ai adopté le plus ancien dans les publications de ce savant. Par la réunion de ces trois espèces en une seule et son transfert dans le genre Glaucoma, le genre Trichoda n'est plus représenté que par quelques espèces d'Ehrenberg, si mal étudiées et si douteuses, qu'il est bien à craindre qu'on ne puisse jamais rétablir leur identité. Glaucoma pyriformis se multiplie par division transversale. GLAUCOMA SCINTILLANS (Z'HRENBERG). (PL. XIX, fig. 23, 24.) Je n'ai point l'intention de reprendre la description complète de cet Infusoire, qui est assez bien connu, grâce surtout aux travaux d'Ehrenberg et de Stein; je veux seulement entrer dans quelques détails surda structure de sa bouche, qui, bien que décrite avec assez de soin par le second de ces observateurs‘, ne me paraît pas en= * Die Infusionsthiere, etc., 1854, p. 250, pl. VI, fig. 45, 46. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN,. == 2€ SÉRIE, — T, I. 1883. 30 466 E. MAUPAS. core suffisamment connue, surtout dans son mode de fonctionner. La bouche de G{. scentillans est située dans la région antérieure de la face ventrale, assez en arrière de l'extrémité antérieure du corps et un peu plus près du bord droit que du bord gauche. Elle a la forme d'une fossette oblongue longitudinalement (fig. 24), plus large en avant qu'en arrière et un peu courbée obliquement de droite à gauche. Dans le creux de cette fossette existent deux membranes ou plutôt deux lèvres vibratiles insérées, l’une le long de la paroi longitudinale droite (d), la seconde le long de la paroi longitudinale (e) gauche. Ges deux lèvres sont complètement indépendantes l’une de l’autre etne se relient entre elles par aucune de leurs parties. Stein les a vues sous la forme d’une bordure membraneuse tubulaire, qu’il compare, mor- phologiquement, à l'æœsophage tubuleux de Chtilodon et de Nassula. Cette comparaison est complètement erronée. Les deux lèvres sont assez épaisses, et, quand on les obsérve de profil (fig. 23, d, e), on constate aisément qu'elles sont un peu sail- lantes en dehors de la fossette, surtout celle de gauche. Stein a vu, au contraire, le bord droit plus développé que le gauche. Ces deux lèvres sont agitées continuellement d’un mouvement vibratile de va-et-vient de droite à gauche et de gauche à droite, qui les écarte et les rapproche rapidement l’une de l’autre par leur bord libre. Ces mouvements sont assez rapides; mais jamais, Cependant, comme chez tant d’autres Infusoires, où les membranes vibratiles échappent complètement à la vue par suite de la grande rapidité de leurs vibrations. Glaucoma scintillans est un Infusoire lourd, qui nage assez lente- ment, toujours posé sur sa face ventrale. Ses lèvres, un peu saillantes hors de la fosse buccale, se trouvent donc aisément en contact avec les objets placés sur les surfaces sur lesquelles il nage. Dans les mouvements de va-et-vient, elles saisissent ainsi toutes les par- ticules nutritives, Bactéries, Vibrions, Micrococcus, etc.; qui peu- vent se rencontrer. On peut même voir quelquefois cet Infusoiré s’attabler, pour ainsi dire, près d’amas de Bactéries à l’état de Zoo- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 467 glœa ; les lèvres, à chacun de leurs mouvements, mordent à même cette substance molle et en engloutissent d'assez forts morceaux. Dans ce mode de préhension de la nourriture, les membranes buc- cales jouent le rôle de véritables lèvres prenantes, et nous avons là un mécanisme bien différent de ce qui existe chez les Infusoires à tourbillon, comme les Paramécies, Colpodes, etc. Il en résulte que Glaucoma scintillans est un Infusoire chasseur, courant constamment à la recherche de sa nourriture, s’arrêtant sur tous les objets qu'il rencontre et les palpant, pour ainsi dire, avec ses lèvres. OPHRYOGLENA MAGNA (NOV. SP.). (PI. XXL, fig. 9-12.) Le corps a une couleur gris foncé, avec un aspect pointillé, causé par la présence des nombreux trichocystes. Sa forme est oblongue, large et tronquée en avant, s’en allant en pointe obtuse en arrière. Il est de grande taille, et j'ai mesuré des exemplaires de Omm,9298 jus- qu’à Omm,340; peut-être en rencontrera-t-on avec des longueurs en- core plus grandes ou plus petites. La largeur est à peu près égale au tiers de la longueur. Quand on l'observe par la face ventrale (fig. 9), on remarque que l’extrémité antérieure est un peu déjetée à droite, tandis que l'extrémité postérieure a plutôt une légère ten- dance vers la gauche. Il n’est pas absolument cylindrique, mais un peu déprimé dans le plan des faces dorsale et ventrale. Le bord dor- sal est assez exactement rectiligne, le bord ventral, un peu rentrant en avant au niveau de la bouche, devient convexe én arrière. L’ex- trémité antérieure est tronquée et arrondie assez régulièrement, l'extrémité postérieure en pointe obtuse. Get Infusoire est très élas- tique et jouit en même temps d’une contractilité assez marquée. J'ai observé un individu qui, à son maximum d'extension, mesurait Omm,340 et n'avait plus que Omm,990, lorsqu'il s'était contracté. La largeur du corps s’accroissait proportionnellement. Le corps est revêtu d’un tégument mince, nettement distinct, et 468 E. MAUPAS. marqué à sa surface de stries longitudinales très fines et difficiles à voir, au nombre de sept par Omm,01. Au-dessous de cette membrane existe une couche à trichocystes épaisse. Les trichocystes ne mon- trent aucune disposition particulière en rapport avec les stries. Ils sont distribués irrégulièrement, et par amas tassés les uns contre les autres. Leurs dimensions sont très grandes, surtout chez les individus de grande taille. Engagés dans leur gangue, ils ont l’aspect de bâtonnets assez épais et fusiférmes (fig. 11, d);, mes moyens optiques ne m'ont pas permis d’y distinguer aucune struc- ture. Rien n'est plus facile que de les faire projeter au dehors, en tuant l'Ophryoglène avec l'acide acétique, le chlorure d’or ou la teinture d’iode. Alors ils apparaissent sous la forme de longs fila- ments rigides et rectilignes, très transparents, les extrémités effi- lées en pointes fines et s’épaississant au milieu (fig. 41,e). Les plus grands que j'aie observés mesuraient jusqu'à 0m®,060 de lon- gueur, avec une épaisseur maximum de Omm,001. L’extrémité la plus éloignée de l’'Infusoire mort, et par conséquent celle qui a été projetée en avant, se termine presque toujours par un pelit appen- dice renflé à sa base et s’effilant en une petite pointe un peu courbée. Cet appendice est tantôt exactement dans l’axe longitudi- nal du trichocyste, tantôt plus ou moins incliné de côté. Je n'ai re- cueilli chez cette espèce aucune observation pouvant jeter quelque jour sur le mécanisme fonctionnel de ces petits organes. La cavité générale est remplie par le sarcode de l’endosarc, qui est très transparent et sans aucune structure ou disposition particulière. Il est entraîné par un mouvement de rotation assez lent. L'appareil de locomotion est composé uniquement des cils fins et courts, qui couvrent toute la surface du corps. Ils sont insérés en rangées correspondant aux stries du tégument et beaucoup plus serrés que les stries entre elles. La bouche est placée dans la région antérieure du corps, à quel- que distance de l'extrémité et un peu à droite. Elle a la forme d’un orifice oblong, toujours béant et moitié plus long que large (fig. 10). - ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 169 En arrière de cet orifice existe un tube œsophagien extrêmement court et dont la paroi est garnie d'épaississements en forme de bà- tonnets, comme ceux que l’on rencontre chez les Nassula et les Chilodon. Ce tube est si court, que c’est à peine si on doit le consi- dérer comme un véritable œsophage, et qu'il serait peut-être plus exact de n'y voir qu’un simple épaississement du tégument, délimi- tant l'ouverture de la bouche. Au pourtour de cet orifice existe une bande dépourvue de trichocystes et de cils vibratiles, et marquée de stries concentriques d’une finesse extrême et indépendantes de la striation longitudinale du reste du corps. Cette bande péribuccale se prolonge en arrière avec les mêmes caractères plus ou moins loin, tantôt jusqu'au niveau de la vacuole contractile, tantôt même jusqu'à l'extrémité postérieure". Ce prolongement va en se rétrécis- sant graduellement d'avant en arrière. Les trichocystes, placés im- médiatement au pourtour de cette bordure, m'ont paru plus forts et disposés plus régulièrement que ceux des autres régions. L'appareil vibratile buccal se compose d’une large membrane ou lèvre vibratile, insérée sur le bord extérieur gauche et coupée un peu obliquement de gauche à droite. Le bord droit est muni aussi d’un organe vibratile, mais beaucoup moins développé et difficile à voir, de sorte que je n'ai pu m’assurer de sa véritable nature, mem- brane ou cils vibratiles. La grande lèvre de gauche couvre et ferme presque entièrement l'ouverture buccale. Cette lèvre joue le rôle d'un véritable organe de préhension, avec lequel l’Ophryoglène palpe et saisit sa nourriture. Celle-ci se compose de Diatomées, d'Algues filamenteuses, d'Oscillaires et de gros Infusoires. J'ai vu une Ophryoglène saisir une Opaline peu agile, dont la taille égalait au moins la moitié de la sienne. Elle s’approcha de sa victime, ‘ Mereschkowski (Archiv für mikrosk. Anatomie, t. XVI, 1878, p. 170) a observé une bordure semblable au pourtour de la bouche de son Glaucoma (= Ophryoglena) Wrzesniowskii et la considère comme une sorte de sphincter composé d'éléments musculaires destinés à mettre en jeu l’appareil vibratile buccal. Je crois que c’est beaucoup exagérer l'importance de cette structure, qui, pour moi, est tout à fait su- perficielle et correspond à une simple modification de la surface tégumentaire. 470 E. MAUPAS, appliqua sa bouche sur une de ses extrémités et l'avala tout d'une pièce. La déglutition s'exécuta à l'aide des lèvres péri- buccales, exactement comme chez les animaux supérieurs. Les proies englouties tombent directement dans la cavité générale, où elles sont entraînées dans le mouvement de cyclose de l'endosarc. On voit souvent de longs filaments d’Oscillaires avalés ainsi, appli- qués à la paroi interne de la cavité générale et décrivant plusieurs tours. La vacuole contractile est située à peu près au milieu de la lon- gueur du corps, dans la paroi dorsale et très près du bord droit, l'a- nimal étant vu par la face ventrale. A l’état de diastole, son diamètre est de 0®m,022. J'ai compté chez un individu 8 à 10 pulsations à la minute ; mais je n’ai malheureusement pas noté la température am- biante. Elle est munie d'un pore déférent, facile à voir sur les individus immobiles et en mettant leur surface dorsale bien exac- tement au point. Elle reçoit un système de canalicules afférents, à cours sinueux et rayonnants sur tout son pourtour. Ces canalicules sont au nombre au plus de dix à douze, trèsétroits et avec un diamètre égal dans toute leur longueur. On ne les voit bien que sur les individus vides de nourriture, bien transparents et tenus un peu comprimés entre les lames de verre. Ils apparaissent un instant après la systole de la vacuole, dans laquelle ils déversent leur contenu, apportant ainsi le liquide de la nouvelle diastole. Je n'ai aucune observation sur la position de l'anus. La position du nucléus est très variable dans le corps, et on le voit tantôt plus en avant, tantôt plus en arrière; peut-être est-il mobile dans la cavité générale, comme cela a lieu chez Æaptophrya gigantea. I a la forme d'une ellipse allongée, et son grand axe est constamment oblique, par rapport à l'axe longitudinal du corps. Quand, en écrasant une Ophryoglène, on réussit à faire sortir le nucléus hors du corps sans l’endommager, on voit se détacher à sa surface (fig. 12) une fine membrane homogène et amorphe. On peut encore la faire apparaître très nettement en tuant l’Infusoire avec ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 471 l'acide acétique à 2 pour 100. La masse du nucléus est composée d'une substance finement granuleuse, dans laquelle on voit dissémi- nés irrégulièrement de nombreux corpuscules plus réfringents et bien définis. J'ai mesuré quelques nucléus, dont la longueur variait entre Omm,040 et Omm,055, avec une largeur à peu près égale à la moitié de ces longueurs. Les nucléoles sont au nombre d’uu, deux ou trois. Ils sont petits, sphériques ou un peu oblongs, et acco- lés en des points variables de la périphérie du nucléus, mais sans qu'il existe de dépressions ou fossettes dans le contour de ce der- nier. En les traitant comme le nucléus, on fait apparaître à leur sur- face une fine membrane périphérique (fig. 12) autour d'une masse centrale absolument homogène. Les mouvements de cette Ophryoglène sont pleins de souplesse et d'aisance. Son corps, éminemment élastique, se glisse et se replie entre les obstacles avec la plus grande facilité. Dépourvu de tout appareil vibratile pour produire dans l’eau un tourbillon alimen- taire, c'est un Infusoire chasseur dans toute l’acception, et conti- nuellement en circulation à la recherche de sa nourriture. On le voit ainsi s'approcher de tous les objets qu'il rencontre, les palper avec ses lèvres buccales, et les engloutir lorsqu'il les trouve propres à son alimentation. Il vit dans l’eau douce, où je l'ai rencontré plusieurs fois dans les environs d'Alger. On ne le rencontre que par individus isolés, deux ou trois au plus sur une préparation et dans les occasions les plus favorables. Cette Ophryoglène se distingue de suite des Ophryoglena acuminata, O, atra d’Ehrenberg, O. oblonga de Stein et 0. Wrzesniowskii de Mereschkowski, par son contour général, par ses dimensions et par l’absence d'une tache pigmentaire dans la région antérieure du corps. Je ne suis pas aussi certain d'Ophryoglena cæca Stein”. Gette 1 Silzungsberichte der Gesellschaft der Wissenschaften in Prag, 1860, juli-de- cember, p, 61. 19 47 E. MAUPAS, espèce a été décrite d’une façon si incomplète et si insuffisante, qu'on serait bien en droit de renvoyer à son auteur les reproches sé- vères qu'il adressait quelques années auparavant à Dujardin ‘ pour un motif semblable. Je crois cependant les deux espèces distinctes. Celle de Stein doit être arrondie à son extrémité postérieure, et son nucléus porte à son extrémité antérieure une échancrure dans laquelle est logé un gros nucléole. Je n'ai aucune observation sur la reproduction et la multiplication de’cette espèce. PTYCHOSTOMUM SÆNURIDIS (STEIN). (PI, XIX, fig. 21, 22.) STEIN, Siézungsberichte der büh. Gesellschaft der Wissenschaften in Prag, 1860, juli-december, p. 61. SAVILLE KENT, À Manual of the Infusoria, 1881, p. #1. Le corps est incolore et absolument dénué de toute espèce de contractilité. Sa longueur varie entre 0m®,055 et Omm,095, la plus grande largeur étant égale aux deux tiers de la longueur. Il est très fortement aplati et, vu de profil (fig. 22), va en s’amincissant gra- duellement de l'arrière à l’avant. La face dorsale est un peu bombée et la face ventrale concave. Observé par cette dernière face (fig. 24), il se présente sous l'aspect d’un triangle oblong d'avant en arrière et les trois angles fortement arrondis. Des trois côtés du triangle, l'un, qui correspond au bord postérieur du corps, est le plus petit ; les deux autres sont à peu près égaux et forment les deux bordslaté- raux du corps. L’extrémité antérieure du corps est représentée par l'angle du sommet du triangle. Le bord droit est convexe et le bord gauche légèrement concave. Près de l’angle postérieur de gauche existe un petit prolongement en pointe triangulaire, près duquel s'ouvre la bouche. Le tégument porte un système de stries très fines et serrées. J'en ai compté sept à huit dans 0mm,01. Le sarcode du cytosôme est l Die Infusionsthiere, elc., 1854, p. 137. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 473 granuleux. Il est presque toujours très bulleux et aréolé dans la moitié postérieure du corps. On voit très souvent un amas de gra- nules noirâtres dans l’angle de l'extrémité antérieure, Les cils vibratiles sont fins et assez longs. Ils sont disposés en rangées longitudinales, insérées sur les stries du tégument. Il existe une zone dans la moitié antérieure du corps, qui présente une dis- position un peu différente, et que je ne suis pas certain d’avoir bien vue. Il m'a semblé qu'ils étaient couchés obliquement en travers et formaient ainsi une bande, qui traversait cette partie du corps en écharpe, avec une obliquité dirigée de gauche à droite. Près du pro- longement triangulaire de l'angle postérieur gauche du corps, on voit toujours un faisceau de cils beaucoup plus longs que les autres ets’entre-croisant. La bouche est située à l'extrémité postérieure, immédiatement contre et à droite du prolongement triangulaire de l’angle gauche (fig. 21, b). Elle se compose d’une fossette longitudinale étroite, sur le bord droit de laquelle est insérée une membrane vibratile peu large. Les mouvements de cette membrane déterminent dans l’eau un tourbillon, qui entraîne vers la bouche les particules nutritives. La pénétration de celles-ci dans le corps donne à la partie du cy- tosôme, avoisinant l’orifice buccal, l’aspect bulleux et aréolé, dont j'ai parlé plus haut. La vacuole contractile se trouve à droite de la bouche, dans l’an- gle postérieur droit du corps et très près du bord. Elle est logée dans la paroi dorsale et se forme au moyen de petites gauttelettes, qui apparaissent isolément pendant la première période de la dias- tole, puis se fusionnent en une vacuole unique. Celle-ci à d’abord des contours mal définis et irréguliers. Puis elle s’arrondit en se ré- trécissant et se contracte. Le diamètre de la vacuole bien arrondie et près de se contracter est de Omm,010 à Omm,015. Ses pulsations ne m'ont pas paru toujours parfaitement isochrones. J’en ai compté deux à trois par minute. Je n'ai aucune observation sur la position de l'anus. 474 E, MAUPAS. Le nucléus (fig. 21, n) a une forme oblongue, environ trois fois aussi longue que large. Il est placé transversalement au milieu de la longueur du corps, dont il occupe à peu près tout le travers. Il est mince et plat, et sa substance est finement granuleuse. Près de lui et accolé extérieurement à un de ses côtés, on voit toujours un petit nucléole sphérique, à substance homogène et brillante. Get Infusoire est agile et, quand ilest placé dans une prépara- tion, il circule rapidement dans l’eau en tournant autour de son grand axe, ou bien rampe sur les objets par sa face ventrale. Il peut aussi se fixer par l'extrémité antérieure de la face ventrale, soit que cette région puisse jouer le rôle de ventouse, soit qu’elle soit munie d'organes de fixalion, comme ceux qui existent chez les deux espèces du genre ancistrum. Un individu, qui s'était ainsi fixé à la lamelle couvre-objet, était si fortement attaché, que je n'ai pu l'en arracher qu'en établissant par aspiration des courants très violents dans la préparation. J’en ai vu de fixés ainsi à la paroi interne de l'intestin de leur hôte. P. sænuridis a été trouvé d’abord par Stein dans l'intestin de Sæ- nuris variegata, aux environs de Prague.Je lai retrouvé dans l'intes- tin des Tubifex rivulorum, qui habitent les ruisseaux des environs d'Alger. Les exemplaires ne sont jamais nombreux dans un hôte, ordinairement quatre à cinq. Une seule fois j’en ai compté dix. Je n'ai pas hésité à rapporter l’Infusoire observé par moi au P. sænuridis de Stein. La description de Stein, bien que dépourvue de figures, est suffisamment claire et exacte, pour voir, qu’en ce qui regarde la forme et l’organisation générale, nous avons eu affaire à une même espèce. Seulement, Stein, par une bizarre interprétation, a pris la fossette buccale pour un anus muni d'un canal avec mem- brane vibratile. C’est là une erreur, dont la démonstration ressort de la description que j'ai donnée plus haut de cet organe. Saville- Kent, qui cependant n’a pas eu occasion d'étudier par lui-même cet Infusoire, avait déjà été frappé de la bizarrerie d’un anus ainsi or- ganisé, Stein plaçait la bouche dans la région antérieure du corps, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 475 là où se trouve l'appareil de fixation avec lequel P. sænuridis s’atia- che aux objets. Je n’ai absolument rien vu dans cette partie du corps qui ressemblât à une bouche. Cet appareil de fixation est assez diffi- cile à bien voir, et Stein lui-même reconnait qu'il a l'apparence d’une ventouse. Les affinités les plus proches de Ptychostomum sont, non pas avec les genres Paramecium, Colpoda et Conchophthirus, comme le vou- lait Stein‘, mais bien plutôt avec Microthorax et Cinetochilum. Il ressemble à ces deux genres par le grand aplatissement du corps, par la situation de la bouche à l’extrémité postérieure ou peu en avant, par l’organisation de cette bouche munie d’une membrane vibratile petite et à peine saillante hors de la fossette buccale, par le voisinage de la vacuole contractile près de la bouche, enfin par la position antérieure du nucléus. Toutes ces similitudes de conforma- tion me paraissent établir entre ces trois genres une parenté très fortement liée. Mais, dira-t-on, Cinetochilum et Microthorax ont la face dorsale glabre comme les Oxytrichides et ont été rangés près d'elles par les derniers auteurs. On est même allé jusqu'à prétendre faire dériver par une métamorphose immédiate les Aspidisea de Ci- netochilum. Ce sont là des rapprochements dans lesquels on viole tous les principes de morphologie comparée. Quelle parenté peut-il bien exister entre une Oxytrichide ou une Aspidiscide, avec leur rangée de cirres transversaux, leur péristome d’une organisation si complexe, et leurs appendices ventraux appartenant tous au degré supérieur de développement, que nous définirons plus loin sous le nom de crres, quelle parenté, dis-je, entre elles et les Cinetochilum et Microthorax, chez lesquels nous ne retrouvons plus rien de cette organisation supérieure ? L’unique caractère commun est l'absence de cils vibratiles à la face dorsale. Mais ce caractère négatif est loin d’avoir la valeur morphologique qu’on veut lui donner. Pour moi je le considère comme suffisant à peine à la séparation d’un genre 1 Der Organimus, etc., t, II, 1867, p. 159, 476 E. MAUPAS. d'un autre. Je reviendrai, d’ailleurs, plus longuement sur ce sujet à propos des Loxophyllum et de leur classification. ANCISTRUM (NOV. GEN.). (Du grec &yxiorocv, crampon.) Je crée ce nouveau genre pour deux petites espèces, qui vivent en commensales sur les branchies et le manteau de Mollusques marins. L'une d’elles avait déjà été décrite par Quennerstedt, mais d’une façon si défectueuse que, la croyant dépourvue de bouche, il l'avait placée à côté des Opalines. La seconde est entièrement nouvelle. Le corps est assez fortement déprimé. La bouche, située soit exactement à l'extrémité postérieure, soit un peu en avant, est munie d’un appareil vibratile extérieur membranoïde en forme de nasse, comme chez Pleuronema. Les cils vibratiles du côté du corps où se trouve la bouche sont plus longs que sur les autres parties et produisent un tourbillon alimentaire, qui vient aboutir dans la nasse buccale. Sur l’extrémité antérieure du corps, un faisceau de ces cils s’est transformé, par une adaptation particulière, en appendices courts et trapus. Ceux-ci, faisant l’office de véritables crampons, per- mettent à l’Infusoire de s'attacher aux branchies ou aux parois du manteau de son hôte, et de ne pas être entrainé dans les courants énergiques, que celui-ci produit dans l’eau ambiante. La vacuole contractile est unique et située dans la région postérieure du corps, le nucléus dans la partie moyenne ou antérieure. Ce nouveau genre possède beaucoup d’affinités, d’une part avec Pleuronema, d'autre part avec Ptychostomum. Avec le premier, il possède une longue nasse vibratile ; avec le second, l’aplatissement du corps et la position très reculée en arrière de la bouche. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 477 ANCISTRUM MYTILI. (PI. XX, fig. 15-17.) Quennersrent (Opalina mytili), Bidrag till sveriges Infusorie-fauna, IN, 1867, p. #4, pl. 1, fig. 1-3. Le corps est incolore et dépourvu de toute espèce de contractilité. La taille des individus que j'ai mesurés était assez uniforme et variait entre Omm,065 et Omm 070; Quennerstedt donne le chiffre de Omm,060. La plus grande largeur égale à peu près le tiers de la longueur. Il est un peu aplati, dans le plan des faces ventrale et dorsale, et assez for- tement arqué de façon à ce que, vu de profil (fig.15),1l paraisse con- cave sur le bord ventral et bombé sur le bord dorsal. Son épaisseur est à peu près égale dans toute la longueur. Vu par la face ventrale (fig. 17), il montre sa plus grande largeur dans la région antérieure, dont l’extrémité s’arrondit régulièrement, tandis qu'il va en se rétré- cissant vers l’extrémité postérieure, qui, elle, est tronquée oblique- ment de droite à gauche. Cette extrémité n’a plus que la moitié de la largeur de la région antérieure. Le tégument est marqué de stries fines et serrées. En outre des stries, la face dorsale porte deux côtes saillantes apparentes surtout dans la moitié postérieure, où elles viennent aboutir à droite de la bouche. En avant, ces côtes tendent à s’effacer graduellement, tandis que les stries sont peut-être, au contraire, plus visibles. Le cytosôme est souvent aréolé et vacuolaire et contient des glo- bules alimentaires. Les cils vibratiles sont disposés en rangées longitudinales insérées sur les stries du tégument. Ceux qui occupent le côté du corps où se trouve la bouche sont beaucoup plus longs que ceux de l’autre côté. De plus, lorsque l’animal est au repos, ces longs cils s'ap- pliquent à la surface du corps en se couchant obliquement de droite à gauche. Quand, au contraire, l’animal est en marche, ces cils se redressent et s’agitent vivement, comme une épaisse crinière vibra- 478 E. MAUPAS. tile bordant tout le côté droit du corps. Quand l'animal est fixé, on voit souvent, sans qu'il change de place, les grands cils insérés en avant au pourtour de l'appareil fixateur entrer en vibration et donner tout à fait l'illusion de mouvement rotatoire, si connu chez les Ro- tifères ; pendant cela les autres cils sont immobiles et couchés à la surface du corps. L'appareil de fixation se compose d’un paquet de cils courts et trapus, situé à l'extrémité antérieure de la face concave (fig. 45, /) ou ventrale du corps. Quand on les observe de haut en bas, l’Infusoire, par exemple, s'étant fixé au couvre-objet, on les voit alors en coupe optique et ils apparaissent comme de petits points (fig. 47, f) animés d’un fourmillement continuel. La bouche est située tout à l'extrémité postérieure du corps, dont elle occupe l’angle droit. Sa forme est celle d’une fossette ovale (fig. 47, b), en arrière de laquelle il m'a quelquefois semblé aperce- voir un tube œsophagien étroit et assez long. Elle est munie exté- rieurement d’une grande membrane vibratile, dont la disposition et le mode d'insertion sont fort difficiles à bien observer. Sans être arrivé à une certitude parfaite, je crois, cependant, que cette mem- brane a la forme d’une nasse semblable à celle de Plewronema chrysahs, fermée en arrière et ouverte en avant. Avec cette dispo- sition, le mécanisme de la préhension des aliments s’expliqué de soi- même. Les grands cils du pourtour de l’appareil fixateur et du bord droit du corps ont pour rôle de déterminer dans l’eau un tourbillon alimentaire, qui précipite les particules nutritives en suspension dans la nasse, Celle-ci, en se contractant, les refoule dans la bouche. Cet appareil membranoïde est, en effet, très contractile et on le voit s'agiter et se déformer continuellement, C’est ce qui l'avait fait prendre par Quennerstedt pour un faisceau de cils enchevêtrés, La vacuole contractile (fig. 15 et 16, vc) se trouve dans le tiers postérieur du corps, à une petite distance en avant de la bouche sur le bord droit, l'animal vu par le dos; elle est attachée à la paroi dorsale. Son rythme contractile est assez lent, mais on réussit ce- pendant sans trop de peine à la voir se développer et se contracter. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 479 Je crois que.la période rythmique n’est pas toujours parfaitement isochrone. J’ignore la position de l'anus. Le nucléus (fig. 47, n) est situé dans la moitié antérieure du corps. Il a une forme oblongue arquée et est toujours accompagné d’un petit nucléole sphérique accolé à un de ses bords. Les mouvements de cet Infusoire sont brusques et rapides et consistent en une gyration irrégulière et saccadée autour de son axe longitudinal, On le voit souvent rester longtemps immobile, attaché à un objet quelconque à l’aide de son appareil de fixation. Cet Infusoire a été découvert en Suède, par Quennerstedt ; je l'ai retrouvé à Alger. Il est assez commun dans la cavité enveloppée par le manteau des Moules. On le trouve attaché à la paroi interne du manteau et sur les branchies, où son appareil de fixation lui pérmet de vivre, sans être exposé à être constamment entraîné par les cou- rants énergiques produits dans l’eau par lé mollusque. Il vit ainsi en cCommensalisme avec ce dernier, profitant sans doute des petites particules nutritives, qu’il dérobe à son hôte au moyen de son tour- billon alimentaire. Quennerstedt s'était complètement trompé sur l’organisation et la position systématique de cet Infusoire et en avait fait une Opaline. 11 n'avait rien vu de sa bouche et en avait nié l'existence, bien qu'il eût parfaitement reconnu l'existence de bols alimentaires dans l’en- dosare. Pour se débarrasser de cette observation gênante, il compä- rait ces bols alimentaires à ceux que l’on voit chez les Acinétiens, qui, d'après lui, sont également dépourvus de bouche. Cette explica: tion ne faisait qu'ajouter une erreur à la précédente ; car les Aciné: tiens ont, par le fait, autant de bouches que de tentacules suceurs et leur endosarc ne se remplit de globules qu'après la succion d’une proie. Les contours, tels que Quennerstedt les a dessinés, sont à peu près exacts et m'ont permis de reconnaître aisément l'espèce. Il avait bien vu le nucléus et la vacuole contractile, 480 E. MAUPAS. ANCISTRUM VENERIS GALLINÆ (NOV. SP.). (PI. XX, fig. 12,13.) Le corps incolore et rigide a une longueur variant entre 0mm,055 et Omm,065, sa plus grande largeur égalant à peu près la moitié de la longueur. Il est très aplati dans le plan des faces latérales. Vu par une de ces faces (fig. 12), sa forme est elliptique, assez régulière avec les deux extrémités plutôt en pointes qu’arrondies. Vu, au contraire, par la face ventrale (fig. 13), il a une forme oblongue étroite, bombée sur le côté droit et concave sur le côté gauche. La largeur de cette face étroite est à peine égale au cinquième de la longueur totale. La surface tégumentaire porte des stries longitudinales fines et serrées au nombre de 7 dans Omm,01. Dans la moitié postérieure du corps, on voit toujours le cytosôme creusé de vacuoles et contenant des bols alimentaires. Les cils vibratiles sont disposés en rangées longitudinales insérées sur les stries du tégument. Ceux de l'extrémité antérieure et de la face ventrale m'ont paru plus longs, mais aussi fins que ceux des autres régions du corps. Les cils insérés au pourtour de l’appareil de fixation produisent, comme nous l'avons déjà vu chez A. mytilr, l'illusion d’un mouvement rotatoire. L’extrémité postérieure du corps porte un faisceau de cils plus longs entre-croisés. L'appareil de fixation (fig. 13, f) est placé sur l’extrémité antérieure de la face latérale gauche, c’est-à-dire sur celle qui est concave. Il se compose, comme chez À. mytili, d’un faisceau de cils courts et trapus. La bouche (fig. 12 et 13, b) n’est plus, comme chez l'espèce précé- dente, placée tout à l'extrémité postérieure du corps, mais à une distance assez grande en avant. Elle se compose d’une fossette, en arrière de laquelle je n'ai point vu trace d’æœsophage et est armée d'un appareil vibratile membranoïde, en forme de nasse. Cette nasse est en mouvement continuel et peut se replier entièrement dans la ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 481 fossette buccale. Pour la bien voir, il faut l’observer au moment où, après une contraction, elle s’étale et se déploie de nouveau. Le mé- canisme de la préhension des aliments s'explique, chez cette espèce, comme chez la précédente, par le tourbillon alimentaire produit par les longs cils de la face ventrale et par les contractions de la nasse. | La vacuole contractile (fig. 12, ve) est située en avant de la bouche, sur le même côté et très près de l’extrémité postérieure du corps. Elle se développe au moyen de gouttelettes, qui se fusionnent entre elles. Ses pulsations sont assez fréquentes. J’ignore la position de l’anus. Le nucléus (fig. 12, n) se trouve à peu près au milieu du corps, sa forme est ronde, un peu ovale. Il est toujours accompagné d’ün petit nucléole sphérique accolé à un de ses bords. Les mouvements d'A. veneris gallinæ sont rapides et saccadés. Il nage en tournant autour de son axe longitudinal. J'ai trouvé cette nouvelle espèce à Alger dans la Venus gallina. Comme À. mytilr, elle vit attachée aux parois internes du manteau et sur les branchies de son hôte, dont elle est un commensal assez fréquent, mais jamais nombreux sur un même Mollusque. Ue second Ancistrum se distingue de suite de son autre congé- nère par son contour général, par son aplatissement dans le sens des faces latérales, et par la situation de la bouche un peu en avant de l'extrémité postérieure du corps. NASSULA OBLONGA (NOV. SP.), (PI. XXL, fig. 13.) Le corps, de couleur grisâtre, est flexible, élastique et non con- tractile. Les deux individus que j'ai observés mesuraient en lon- gueur 0»,110 à 0®%,120, avec une largeur à peu près égale au tiers de ces longueurs. Le corps, tout en conservant une certaine épais- seur, est cependant déprimé d’une façon assez marquée dans le plan ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, = 2€ SÉRIE, —- T, I. 1883. 31 182 E. MAUPAS.. des faces ventrale et dorsale, Large et tronqué en avant, il va en se rétrécissant graduellement d'avant en arrière et se termine en une pointe conique. Le bord droit est convexe ; le bord gauche, concave en avant, au niveau de la bouche, devient convexe en arrière, L'ex- trémité antérieure, tronquée et arrondie, est assez fortement déjetée sur la gauche, où elle forme une sorte d'angle saillant à son point de rencontre avec le bord gauche. Cet Infusoire est cilié sur toute sa surface. Je n'ai point observé la disposition de ses cils vibratiles ; mais toutes les lois de l’analogie permettent d'affirmer qu'ils sont insérés en rangées longitudinales et donnent à la surface tégumentaire l’aspect strié ordinaire, Ces stries sont sans doute très fines et peu apparentes. La bouche est située dans la région antérieure de la face ventrale, assez exactement sur la limite postérieure du premier cinquième de la longueur totale du corps, et un peu plus près du bord gauche que du bord droit. Sa forme est celle d’un tube court, incliné dé gauche . à droite et dont la paroi est garnie des baguettes si caractéristiques de la plupart des espèces de ce genre. La vacuole contractile est placée dans la région postérieure en forme de queue, un peu en avant de l'extrémité. Je n'ai point d'ob- servations sur la position de l’anus. Le nucléus a une forme ovale oblongue, mesurant 0®®,027, avec une largeur moitié moindre. Il se compose d’une substance finement granuleuse, coupée en deux par une bande claire, semblable à celle qui existe chez les Stylonichies. Il est placé vers le milieu de la lon- gueur du corps, près du bord droit, et incliné obliquement de gauche à droite. Le nucléole, unique, est petit, sphérique et accolé immé- diatement au bord du nucléus. Les mouvements de cet Infusoire sont assez lents. Il rampe au milieu des algues, à la recherche de sa nourriture et en se repliant et contournant avec une très grande souplesse. | {vit dans l’eau de mer. Je l'ai trouvé à Roscoff, au laboratoire de zoologie expérimentale, au milieu d’algues et de débris flottants que \ ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 483 j'avais récoltés dans un filet à pêche pélagique. Je n'en ai vu que deux exemplaires. Cette nouvelle Nassule diffère tellement des autres espèces du même genre par sa forme et ses contours, qu'il est inutile d’insister sur ces distinctions. Le seul Infusoire duquel on pourrait être tenté de le rapprocher serait Chilodon (Nassula) aureus d'Ehrenberg ‘. Mais ce dernier a une coloration jaune d’or très vive, son nucléus est sphé- rique, sa vacuole contractile située vers le milieu du corps et, de plus, il habite l’eau douce. CHILODON DUBIUS (NOV. sP.). (PI. XX, fig. 22-24.) Le corps est très déprimé, légèrement concave à sa face ventrale, la face dorsale, au contraire, un peu bombée. Il a une forme générale oblongue, dont la longueur varie de 0°",080 à 0%",110, avec une lar- geur à peu près égale aux deux tiers de celle-ci. La moitié antérieure est le plus souvent un peu moins large que la moitié postérieure. Le bord droit décrit une courbe allongée ; le bord gauche est à peu près rectiligne, et les extrémités s’arrondissent assez régulièrement. Le tégument est complètement rigide dans toutes ses parties et ne laisse de jeu à aucune région du corps pour se contracter ou changer de forme. Ce tégument répond donc exactement à ce que les anciens auteurs appelaient une curasse. Il résiste assez bien à l’action des réactifs, et le corps conserve sa forme exacte, quand on le traite soit par l’acide acétique ou l’acide chromique étendu, soit par le picro- carminate. Ce tégument est extrêmement mince. Tous les individus que j'ai observés avaient, immédiatement au-dessous ou peut-être même dans son épaisseur, de nombreux granules de petite dimen- sion et d’une coloration variant du vert jaunâtre pâle jusqu’au rouge- brique foncé. J'ignore si ces granules pigmentaires sont caracté- ristiques chez cette espèce, ou s'ils provenaient de la nourriture 1 Die Infusionsthierchen, etc., 1838, p. 328, pl. XXX VI, fig, 9. 484 E. MAUPAS. particulière absorbée par les individus que j'ai observés. Chez certains individus, ils étaient assez nombreux pour leur donner une coloration intense, tandis que, chez d’autres, ils apparaissent seu- lement rares et épars. Les deux faces du corps sont parcourues par un système d'arêtes longitudinales très caractéristique. Sur la face dorsale (fig. 23), ces arêtes sont au nombre de quatre : deux centrales et deux latérales, Les deux centrales, ainsi que la latérale de gauche, sont à peu près parallèles entre elles, ainsi qu'avec le bord dorsal gauche, et, par conséquent, elles décrivent des courbes allongées, à convexité tour- née à droite. L’arête latérale de droite, au contraire, accompagne de très près le bord dorsal droit et lui est parallèle, en formant une courbe très peu marquée, à concavité tournée vers la gauche. Ces arêtes sont très nettement accusées dans tout leur parcours. Les arêtes de la face ventrale (fig.22) sont plus faiblement indiquées, mais constituent un système de courbes beaucoup plus compliqué. Il en existe d’abord trois grandes, qui décrivent chacune un tour complet en parcourant deux fois la longueur du corps et sont disposées con- centriquement les unes dans les autres. Elles ont un point de départ commun situé sur le bord gauche, près de son extrémité postérieure. La première arête, et la plus externe, coïncideavec les bords mêmes du corps, qu'elle contourne en remontant de la gauche versla droite ; elle rentre, un peu en dedans du bord, dans larégion sénestre postérieure. Les deux autres courent parallèlement l’une dans l’autre à l’inté- rieur de la première, avec cette circonstance particulière qu’elles sont beaucoup plus rapprochées les unes des autres sur le côté gauche et à l'extrémité antérieure, où elles tendent à s’écarter de plus en plus, pour venir ensuite se terminer toutes en se rapprochant et conver- geant vers leur point de départ. La figure elliptique irrégulière cir- conscrite par la plus interne de ces trois grandes arêtes est encore sillonnée par quatre autres arêtes longitudinales, dont trois à droite, courbées avec concavité tournée à gauche, et une à gauche, parallèle au bord gauche du corps. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 485 : Entre cette dernière arête et la plus rapprochée des trois précé- dentes existe un espace allongé, étroit, un peu plus large dans sa partie antérieure. La bouche est située dans cet élargissement et, par conséquent, un peu en arrière de l'extrémité antérieure du corps et plus rapprochée du bord gauche que du bord droit. Sa forme est celle d’une fente ovale oblongue, et elle conduit dans un long œæso- phage à paroi munie de baguettes ou épaississements longitudi- naux. Cet œsophage décrit une courbe dirigée de gauche à droite et d'avant en arrière et se termine, vers le milieu de la longueur du corps, près du côté droit. Dans la cavité générale, il est dirigé de la face ventrale vers la face dorsale ; car lorsqu'on l’étudie en partant de la bouche, il faut enfoncer le tube du microscope pour le suivre dans toute sa longueur jusqu'à son extrémité interne. Sur le côté gauche de la bouche (fig. 22, 4) existe un organe de forme longitudi- nale, disposé parallèlement avec les arêtes. Cet organe est fort diffi- cile à distinguer ; je crois cependant pouvoir affirmer qu'il est con- stitué par une lèvre ou membrane vibratile. La cavité générale occupe toute l’étendue du corps, et on peut y suivre un mouvement de rotation du sarcode analogue à celui qui existe chez tant d’autres Infusoires. Il est dirigé de gauche à droite, c'est-à-dire dans le même sens que l’œsophage. En observant cette rotation avec un fort grossissement, on reconnaît que la paroi solide et rigide du corps est extrêmement mince et que le corps sarco- dique n'est point différencié en ectosarc et endosarc. La face ventrale seule porte des cils vibratiles. Ils sont fins et courts et probablement implantés en rangées régulières coïncidant avec les stries qui sillonnent cette face. OQnand on examine ces arêtes avec un fort grossissement, on voit, tout le long de leurs parois, de petits bâtonnets à réfringence brillante, qui rappellent complètement les trichocystes de Paramecium aurelia. En traitant quelques exem- plaires par le picro-carminate, j'ai vu le pourtour du corps entouré de petits organes en forme d’ancres à une, deux ou trois branches (fig. 24), et mesurant environ 0"%,004. Ces petits organes semblaient 486 E. MAUPAS. avoir été projetés hors des parois du corps et sont probablement le résultat de la décharge des bâtonnets brillants ou trichocystes. La vacuole contractile est unique et placée en arrière de la bouche, sur la même ligne que celle-ci, vers le milieu de la longueur du corps. Ses pulsations sont très rapides, et j'ai pu en compter de 40 à 42 par minute. Je n'ai point déterminé sa position par rapport à la face ventrale ou à la face dorsale, J'ignore aussi où se trouve l’anus. En arrière de la vacuole et toujours sur la même ligne, j'ai vu, chez beaucoup d'individus, un corps sphérique de même diamètre que la vacuole, à réfringence hyaline, et que j'avais d’abord pris pour une seconde vacuole, Mais je n'y ai pas constaté de contraction. Ce cor- puscule disparaît quand on tue cet Infusoire par les réactifs. J’ignore quelle peut bien être sa signification. Le nucléus a la forme d’un corps oblong un peu arqué, arrondi à ses deux extrémités (fig. 22, n). Il est situé dans la moitié postérieure, en arrière de l'extrémité de l’æœsophage, et est tantôt plus, tantôt moins oblique par rapport à l’axe longitudinal du corps. On ne peut le voir sur les animaux vivants. Il faut les tuer avec les réactifs et le colorer par le picro-carminate, pour le faire apparaître nettement. Je n’ai point aperçu de nucléole. Les mouvements de cet Infusoire sont assez agiles. Quand il est inquiété, il nage rapidement en tournant autour de son axe. Au contraire, lorsqu'il est tranquille, il se meut uniquement sur sa face ventrale, à la façon des Aspidisca, et, comme eux, s’agite et change continuellement de direction, sans rester en repos un instant. J'ai trouvé cet Infusoire assez commun au milieu d’oscillaires que j'avais récoltées dans un ruisseau d’eau douce, au faubourg Bab-el-Oued, près Alger. Il est inutile de faire ressortir les différences qui distinguent ce nouveau Chilodon des trois ‘ espèces connues et décrites jusqu'ici. l Je connais depuis quelque temps déjà le Chilodon propellens d'Engelmann Zoologischer Anzeiger, 1878, p. 122) et l’ai rencontré dans les eaux douces des envi= rons d'Alger. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 487 Elles sont si apparentes et si grandes que j'ai hésité quelque temps pour savoir s’il n'y avait pas lieu de créer un nouveau genre. Mais, comme ces différences, si importantes qu'elles soient, ne touchent à aucun des caractères essentiels du type Chilodon, j'ai pensé qu'il valait mieux faire rentrer cette nouvelle forme dans ce genre et évi- ter ainsi de multiplier les coupes génériques. HOLOPHRYA OBLONGA (NOV.SP.). (PI, XXI, fig. 1 et2.) Cet Infusoire a une couleur jaune verdâtre et est assez opaque. Son corps est cylindrique, très allongé. J'ai mesuré des longueurs depuis Owm,300 jusqu’à 0m®,400, Il n’y a pas de proportion définie entre la longueur et la largeur, et cette dernière varie entre le sixième et le douzième de la longueur. L'extrémité antérieure s'ar- rondit régulièrement, l'extrémité postérieure est tantôt ronde aussi, tantôt en pointe obtuse. Le corps est très souple et flexible, mais dépourvu de contractilité. Le tégument à une épaisseur très apparente, même sur le vivant, et on le distingue de suite du cytosôme par sa couleur claire. Sa surface est striée longitudinalement. Ces stries sont extrêmement fines et ne se voient bien qu'avec de forts grossissements et sur des individus immobiles. J'en ai compté dix par Omm, 01. Elles sont for- mées, comme chez tous les autres {nfusoires, par les points d’inser- üon des cils vibratiles. Ces bases d'insertion apparaissent, avec les forts grossissements, sous la forme de petits tubercules légèrement saillants à la surface du tégument. Dans chaque rangée, ils sont en- core plus rapprochés l'un de l’autre que les stries ne le sont entre elles. Tous les individus que j'ai observés portaient près de l’extré- mité antérieure une grande tache {pl. XXI, fig. 2, m) de pigment d'un jaune foncé. Les contours de cette tache étaient irréguliers, mal définis, et jamais identiques d'un exemplaire à l’autre. Le cytosôme est composé d’un sarcode visqueux, tantôt rempli de 488 E. MAUPAS. globules alimentaires, que l’on voit toujours chez les Infusoires bien repus ; tantôt clair et homogène dans toutes ses parties. Dans ce dernier cas on voyait toujours, occupant l'axe du corps, une traînée de granules noirâtres, formant des amas plus denses, surtout aux deux extrémités (fig. 2). Les cils vibratiles sont très serrés, courts et fins. Ceux qui entou- rent la bouche n'offrent aucune différence de longueur ou de force avec ceux des autres régions du corps. La bouche est située au pôle antérieur, En temps ordinaire, elle est toujours fermée et apparaît comme une légère fente assez diffi- cile à voir. Elle est munie d’un œæsophage très court et très mince, qu'on ne peut distinguer que sur les individus tués avec l'acide os- miqué ou le chlorure d’or, et bien éclaircis avec la glycérine. Cette bouche et cet œsophage sont très probablement doués d’un grand pouvoir de dilatation pour la capture des proies, mais je n’ai pas eu occasion de les voir fonctionner. La vacuole contractile se trouve à l'extrémité postérieure. Ses pul- sations sont assez lentes et, avant de prendre la forme sphérique régulière, qui précède la systole, elle passe par une forme oblongue tronquée en avant (fig. 2, ve). Elle occupe alors toute l'extrémité terminale du corps, et ses parois semblent être constituées unique- ment par le tégument lui-même, dont on apprécie aisément l'épais- seur. Je n'ai point d'observation sur la position de l'anus. Le nucléus est représenté, chez cette espèce, par de nombreux corpuscules nucléaires, disséminés dans toute l'étendue du corps‘. Leur nombre peut atteindre à une centaine et peut-être plus. Ils ont une forme sphérique à peu près régulière, avec un diamètre va- riant entre 0,003 et Omm,005. On ne peut les voir que sur les in- dividus tués et traités par les réactifs colorants et éclaircissants (fig.1). Tous ces petits nucléus sont parfaitement identiques entre eux, et * Dans une note insérée aux Comples rendus de l’Acad. des sc., t. LXXXIX, 1879, p. 250, j'avais déjà signalé les nombreux nucléus de cet Infusoire que je plaçais alors dans le genre Enchélys. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 489 aucun d'eux ne saurait être considéré comme un nucléole. Leur substance est un peu granuleuse, et on n’y distingue aucune diffé- renciation de parties. Les mouvements d’Æolophrya oblonga sont assez lourds. Il se glisse entre les débris en se repliant et contournant avec souplesse. Le corps n’est jamais parfaitement droit, mais un peu flexueux. La pro- gression en avant est toujours accompagnée d’une rotation lente autour de l’axe longitudinal. Il vit dans l’eau de mer, et je l’ai rencontré plusieurs fois au milieu d'algues et débris récoltés sur les rochers de la côte d'Alger. On ne le trouve que par individus isolés, deux ou trois sur une préparation et dans les occasions les plus favorables. Je n'ai pas hésité à placer ce bel Infusoire dans le genre /Æolo- phrya. La structure de sa bouche et son organisation générale m'in- diquaient nettement cette place. Il est vrai que toutes les Holophryes connues jusqu'ici sont courtes et globuleuses; mais je n'ai pu voir dans la longueur du corps de la nouvelle espèce une différence suffi- sante pour la séparer de ses autres congénères. Quant à la multipli- cité des corpuscules nucléaires, je ne crois pas non plus ce caractère suffisant pour servir de base à une distinction générique. Le nucléus, chez les organismes unicellulaires, constitue un élément, dont l’as- peet, la conformation et la structure peuvent varier infiniment, sans que la conformation générale de l'être lui-même en soit le moins du monde affectée. Je n'ai pas à insister sur les différences qui distinguent spécifiquement cette nouvelle Holophrye ; elles sont trop apparentes pour qu'il soit nécessaire de les énumérer. A. oblonga se multiplie par division transversale. Je n'ai observé ce phénomène que sur un seul individu ; l'étranglement annulaire au milieu du corps était déjà assez profond, et une nouvelle vacuole contractile s'était formée à l'extrémité de la moitié antérieure. Malheureusement j'étais dans d’assez mauvaises conditions d’obser- vation, et il ne m'a pas été possible de tuer l'Infusoire et de voir comment les nucléus se comportaient. Tout me fait croire qu'ils 490 E. MAUPAS. restent absolument inertes, comme je l'ai constaté chez Lagynus elongatus. LAGYNUS CRASSICOLLIS (NOV. SP.). (PI. XX, fig. 25-27.) Le corps, de forme oblongue, presque linéaire, atteint une lon- gueur que J'ai vue varier entre Omm,170 et 0mm,200, tandis que la largeur n'est guère que du quart ou du cinquième de celle-ci. Il se divise en deux régions distinctes : le cou et l'abdomen. Le cou, bien que nettement distinct de l'abdomen, est toujours très épais et occupe à peu près le tiers de la longueur totale. Il est tronqué en avant, et porte quelquefois une fine striation transversale, plus ou .moins régulière et assez difficile à distinguer. L’abdomen est très peu renflé et presque cylindrique dans toute sa longueur. En arrière, il se rétrécit un peu en s’arrondissant. La couleur générale est très opaque et noirâtre. Le corps entier, et plus particulièrement le cou, jouissent d’une grande contractilité, analogue à celle des La- crymaires, et qui permet à cet Infusoire de se raccourcir brusque- ment, en s'élargissant et faisant rentrer presque tout le cou. Il prend alors une forme ovale ovoïde, mais revient promptement à sa lon- greur primitive. Il porte des stries longitudinales assez rapprochées, qui le sillonnent d’une extrémité à l’autre. Le tégument est bien différencié et nettement distinct du corps sarcodique ; quand on tue un de ces Infusoires avec de l'alcool ordinaire, on voit le cytosôme se coaguler en une masse irrégulière centrale, reliée au tégument seulement par les deux extrémités. Quand on peut observer cet In- fusoire immobile et avec un fort grossissement, on reconnaît que le tégument est composé de petits corpuscules (fig. 27, a), qui lui don- nent un aspect chagriné. Au-dessous, le sarcode forme une couche peu épaisse, homogène et finement granuleuse (6) ; puis, toute la partie centrale est creusée de vacuoles irrégulières (c), plus oujmoins grandes, La couche de sarcode périphérique et les cloisons interva- ÉTUDE DES INFUSUIRES CILIÉS. 491 cuolaires sont constituées par une seule et même substance de composition et structure identiques. Les cils vibratiles sont distribués régulièrement sur toute la sur- face du corps en rangées coïncidant avec les stries longitudinales. Ils sont fins et peu longs. Je n'ai remarqué aucune différence de force et de longueur sur ceux qui sont insérés au pourtour de l’ori- fice buccal. La bouche est complètement invisible quand elle est fermée. Elle est susceptible d’une très grande dilatation (fig. 25) quand l’Infusoire avale une proie. Elle se continue dans un œsophage (fig. 26, b) assez long, évasé en avant en entonnoir. La paroi de cet œsophage est très mince et dépourvue de bâtonnets longitudinaux ; aussi est-il très peu apparent, et je ne l’ai vu bien nettement que sur les indi- vidus que j'avais tués par le chlorure d’or à 4 pour 100 et éclaircis ensuite par la glycérine. Je n’ai point eu occasion de déterminer la position de l’anus, mais il doit être situé à l'extrémité postérieure, près de la vacuole contractile. Celle-ci est terminale et un peu dé- jetée sur un des côtés. Ses pulsations ont une durée d’environ deux minutes, Le nucléus est situé à peu près au milieu de la région abdominale et dans une position plus ou moins oblique (fig. 28, 26, n). Il a une forme oblongue, arrondie aux deux extrémités, et est tantôt droit, tantôt plus ou moins courbé en croissant. Le chlorure d’or à 4 pour 100 fait apparaître à sa surface une pellicule d’enveloppe très nette. Rien de semblable ne se montre sur les nucléus isolés dans l'eau par écrasement. J'ai fait d'assez nombreuses préparations et avec les meilleurs réactifs, sans qu'il m’ait été possible de voir la moindre trace d’un nucléole. La marche de cet Infusoire n’est ni lente ni rapide et d’une uni- formité assez constante. Il circule au milieu des algues et des dé- bris, à la recherche d’une proie, et dévore les petits Infusoires qui tombent dans le tourbillon produit par les cils circumbuccaux. Il saisit ses victimes en les acculant contre un objet, et les engloutit 492 E. MAUPAS. en élargissant largement sa bouche (fig. 25). Pendant la capture et la déglutition, le cou se courbe en ondulations plus ou moins accu- sées et causées sans doute par les efforts que fait Lagynus. Les Infu- soires capturés ne sont pas paralysés et immobilisés d’abord, comme cela a lieuavec Lagynus elongatus et Acineria incurvata, ainsi que les autres espèces munies de trichocystes dans l’æsophage, ou, au pourtour de la bouche. On voit encore les proies s’agiter dans la longueur du cou pendant la déglutition. J'ai rencontré plusieurs fois cet Infusoire dans mes petits aqua- riums marins, Où je tenais des algues recueillies sur les rochers, près d'Alger. Il peut vivre dans l’eau déjà un peu putréfiée. On ne le trouve jamais en grand nombre. Des trois espèces de Lagynus connues, la seule avec laquelle on pourrait être tenté de confondre Z. crassicollis serait Lagynus lævis de Quennerstedt', Mais cette dernière porte une couronne de longs cils circumbuccaux et a des stries sur l’æœsophage, qui ne se retrouvent pas sur Z. crassicolhis. La forme et les dimensions diffè- rent aussi d'une façon assez notable ; car si je calcule la longueur de Lagynus lævis, d'après le dessin de Quennerstedt, sa longueur se- rait d'environ 0®",140. La région abdominale est beaucoup plus renflée et ovoïde, et le cou plus étroit. La striation du corps est à peine visible et la coloration ciaire et pâle. Lagynus crassicollis se multiplie en s’enkystant et se divisant en deux dans le kyste. J’ai observé plusieurs fois de ces kystes, avec deux individus à l'intérieur tournant sur eux-mêmes. C’est donc un cas de plus à ajouter à la série déjà nombreuse d’Infusoires Holotri- ches, que l’on sait se multiplier par ce procédé. l Bidrag till Sveriges Infusorie-fauna, IT, 1867, p. 11, pl. I, fig. 8. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 493 LAGYNUS ELONGATUS. (PI. XXI, fig. 3-5.) CLAPARÈDE et LacHmann (Ænchelyodon elongatus), Etudes, etc., 1858-1860, DÉCXEV Hg. 10. Le corps est incolore, cylindrique, très allongé. Sa longueur varie considérablement, et j'en ai mesuré depuis 0mm,070 jusqu’à 0,995. I n'y à pas de proportion bien établie entre la longueur et la lar- geur, car j'ai vu cette dernière varier suivant les individus depuis un cinquième jusqu à un treizième de la première. Le corps va en se rétrécissant d'une façon toujours sensible de l'arrière à l’avant, où il se termine par un cou cylindrique et d’un diamètre étroit. La longueur de ce cou peut varier considérablement. Le plus souvent il est très court, ne dépassant guère la quinzième ou vingtième partie de la longueur totale [fig.3); mais J'ai observé aussi des exemplaires chez lesquels il en égalait le quart et même un peu plus (fig. 4). Dans ces formes allongées, l'extrémité postérieure se termine en pointe obtuse. On rencontre aussi des formes, chez lesquelles l'extrémité postérieure, fortement raccourcie, se renfle et devient globuleuse. Ces individus sont de taille moyenne. Chez d’autres en- core plus petits, le raccourcissement, plus accusé aussi, leur donne l'aspect d’une petite bouteille globuleuse ventrue, munie d’un goulot peu allongé. Cet Infusoire jouit d’une souplesse et d’une flexibilité très grandes, qui lui permettent de se replier dans tous les sens comme un véritable serpent. Le tégument est très mince ; on peut le mettre en évidence en tuant cet Infusoire avec de l'alcool, qui fait rétracter le cytosôme. Il est marqué de stries longitudinales, dirigées un peu obliquement et assez difficiles à voir. On les distingue bien surtout sur les indivi- dus que l’on fait mourir en laissant concentrer par évaporation la goutte d’eau, dans laquelle ils nagent. Sous le tégument, ou peut- être même dans son épaisseur, existent en assez grand nombre des 49% E. MAUPAS. bâtonnets en forme de pointes effilées (fig. 5, &r), d’une longueur de 0®%,006 à 0,010, et d’une épaisseur de 0"m,001 par leur extré- mité tronquée. Leur distribution ne présente aucun arrangement régulier. Is sont assez difficiles à voir, et on n’y réussit bien que sur des exemplaires éclaircis et avec de forts grossissements. Je les considère comme des trichocystes de forme autre que ceux des Pa- ramécies et des Ophryoglènes, mais destinés à être également pro- jetés au dehors comme armes défensives. Le sarcode du cytosôme est granuleux, grisâtre, un peu opaque. Je n’y ai constaté aucun mouvement indiquant l'existence d’une cy- close. Les cils vibratiles de la surface du corps sont très fins; ils sont distribués en rangées se confondant avec les stries longitudinales du tégument. Ceux du cou sont plus serrés, plus forts et plus longs. Leurs lignes d'insertion donnent à cette partie du corps un aspect finement strié obliquement, et comme, à cause de son peu d’épais- seur, les deux forces opposées se trouvent au point en même temps, on a l'apparence d’un double système de stries s’entre-croisant. La bouche est située à l'extrémité antérieure. Elle est complète- ment fermée, et on ne peut la reconnaître qu'au moment où Zagy- nus elongatus saisit et avale une proie. Claparède et Lachmann dé- crivent et figurent un appareil dégluteur ou œæsophage. Ils ont été irompés par une illusion d'optique, car il n'existe en arrière de la bouche aucun organe indépendant des parois propres du cou, les- quelles sont la continuation directe et le prolongement de la paroi du corps. Leur erreur vient de ce que ces parois du cou contien- nent toujours deux ou trois longs trichocystes (fig. 5, &r), semblables à ceux de la périphérie du corps et placés longitudinalement les uns contre les autres, exactement dans l’axe du cou. Quand on les voit avec de faibles grossissements, ils apparaissent comme un pe- üt trait axillaire (fig. 3), qu'il est très aisé de confondre avec un œsophage ; mais en les examinant avec de forts grossissements, on reconnaît bientôt leur véritable nature, et leur identité de confor- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 495 mation avec les bâtonnets de la surface du corps. Ils sont toujours un peu plus longs que ces derniers, Le mode de préhension des aliments est très intéressant à obser- ver. Get Infusoire, en effet, est très vorace et ne se nourrit que d'Infu- soires de tailles relativement assez grandes, qu'il chasse et capture vivants. Les cils péribuccaux, un peu plus forts que ceux de la sur- face du corps, et dont nous avons parlé plus haut, produisent par leurs vibrations énergiques un tourbillon dans l’eau, qui précipite sur l'extrémité buccale les petits Infusoires. Lorsque Zagynus elongatus veut s'emparer d'une victime tombée dans ce tourbillon et amenée ainsi au voisinage de sa bouche, il se porte rapidement en avant sur elle. Au moment du contact, l’Infusoire poursuivi se trouve brus- quement paralysé et demeure complètement immobile. Cette para- lysie est évidemment causée par les trichocystes, qui garnissent l’œ- sophage de Lagynus et avec lesquels celui-ci a transpercé sa proie, au moment où il la touchait avec son extrémité antérieure. J’ai vu souvent des l/ronema marina et des Cychdium glaucoma demeurer ainsi complètement inertes, leurs cils droits et rigides, comme de fines aiguilles, sur tout le pourtour du corps. La bouche de Zagy- nus et le col étroit à l'extrémité duquel elle se trouve ont un pou- voir de dilatation énorme, qui permet à ce vorace Carnassier d’avaler des proies d’un diamètre deux fois plus grand que le sien. Lors- qu'une de ces proies a été immobihisée, il applique sa bouche sur elle. On voit alors les bords de celle-ci s’élargir, s'étendre et s’é- tirer en suivant les contours de l’Infusoire capturé, puis finir par l’englober et l'avaler en moins d'une demi-minute. Ce mode de dé- glutition, par son mécanisme et sa manière de s'effectuer, ressem- ble beaucoup à celui qui a été si bien décrit par Trembley chez les Hydres. Il arrive quelquefois que Lagynus elongatus s'attaque à des proies de trop grande dimension pour lui. J'en ai observé un de petite taille, dont le diamètre mesurait 0m®,010, qui essayait d’avaler un Uronema marina, beaucoup plus gros et d’un diamètre de 0mm,098, 496 E. MAUPAS. Cet Uronema avait d'abord été tué et immobilisé. Lagynus essaya alors de l’avaler comme je l'ai décrit plus haut. Mais le morceau était trop gros, car le vorace carnassier ne put jamais, malgré tous ses efforts, englober que la moitié de sa victime dans les expansions et dilatations de sa bouche. Il recommença plusieurs fois ses efforts infructueux, avant de renoncer à sa tentative et d'abandonner sa vic- time. Rien n’était plus curieux que de voir à quel degré énorme de dilatation la bouche s'était distendue. Par sa manière d'avaler ses proies, Lagynus elongatus est un Infu- soire dégluteur dans toute la force du terme ; mais, par le tourbillon des cils péribuccaux, il se rattache aux Infusoires à tourbillon. Nous trouvons donc réunis ici ces deux types d'appareil buccal, que nous voyons isolés chez la plupart des autres Infusoires de ce groupe. Le rôle des trichocystes, comme armes offensives destinées à fou- ‘droyer les proies, avait déjà été observé une première fois sur Di- leptus anser par Quennerstedt!, et une seconde fois par Balbiani ?, sur Didinium nasutum. La vacuole contractile se trouve dans la région postérieure du corps, très près de l’extrémité. Elle est logée dans une des parois latérales et, lorsqu'elle est en pleine diastole et qu’elle se présente de profil, elle forme un petit renflement sur le côté, L’anus est situé tout à l'extrémité postérieure du corps. Le nucléus est représenté chez cet Infusoire par de petits corpus- cules nucléaires * disséminés dans toules les parties du corps (fig.à,n). Le nombre de ces petits nucléus varie considérablement, et leurs dimensions deviennent d'autant plus petites qu’ils sont plus nombreux. J'ai observé des exemplaires chez lesquels il n’v avait q Y | Bidrag till Sveriaes Infus2rie-fauna, III, 1869, p. 7. 2 Archives de Zoologie expérimentale, t. II, 1873, p. 379. Balbiani ne paraît pas avoir connu le travail de Quennerstedt, car il s’attribue la première découverte de ce mode de capturer les proies. 3 Dans une note insérée aux Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. LXXXIX, 1879, p. 250, j'ai déjà signalé les nombreux nucléus de cet Infusoire, que je plaçais alors dans le genre Enchélyodon. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 497 que huit à dix nucléus d’un diamètre de 0mm,005, tandis que chez d’autres j'en ai compté près d’une centaine, mais devenus si petits que leur diamètre ne mesurait plus que O0"m,0015. Ces nucléus multiples ne deviennent bien visibles qu’en tuant Zagynus elongatus avec l'acide acétique ou l'acide osmique, colorant avec le picro-car- minate et éclaircissant ensuite avec l'acide acétique pur et la glycé- rine. Traités ainsi, les nucléus, devenus d’un rouge foncé, se déta- chent très nettement sur la masse du corps restée à peu près incolore. Leur substance est granuleuse, leur forme un peu irrégulière, et leurs contours toujours un peu déchiquetés. Je n’en ai jamais vu parmi eux que l’on püt considérer comme des nucléoles. Pendant la division fissipare et pendant la conjugaison, ces nucléus multiples demeurent dans leur indépendance et leur isolement, et ne parais- sent prendre aucune part active à ces deux phénomènes. Claparède et Lachmann ont décrit un nucléus unique d’assez grande dimen- sion. Comme ces observateurs ne faisaient pas usage des réactifs, je crois que ce qu'ils ont pris pour un nucléus était le corps d’une proie récemment avalée. Cet Infusoire est avant tout un type chasseur ; aussi le voit-on en mouvement constant, se glissant avec une admirable souplesse au milieu des débris, à la recherche d’une proie. Sa marche n’est pas très rapide, et la progression dans l’eau libre se fait le corps tendu en ligne droite et tournant lentement autour de son axe. Dans cette marche en avant, les gros cils péribuccaux s’agitent en se renversant en arrière. Quand il veut changer de direction, il commence toujours par faire un petit mouvement de recul. Ce mouvement rétrograde dure quelquefois assez longtemps, et l’Infusoire fait ainsi beaucoup de chemin l’extrémité antérieure en arrière. Pendant ce recul, les cils péribuccaux se renversent en arrière, c’est-à-dire du côté de la bouche, qu'ils entourent en lui faisant une gaine. Lagynus elongatus vit dans l’eau de mer. Claparède et Lachmann l'ont découvert sur les côtes de Norwège ; je l'ai rencontré assez fré- quemment à Alger. Il peut très bien vivre dans les eaux putrides et ARC, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, = 20 SÉRIE, — T, 1, 1883, 32 498 E. MAUPAS. corrompues, et je l'y ai vu s'y multiplier d'une facon prodigieuse. On le voit alors grouiller par centaines dans une goutte d’eau. Je n'ai pas hésité à assimiler l’Infusoire étudié par moi à l’Enche- lyodon elongatus de Claparède et Lachmann. La forme, les contours, l'appareil vibratile péribuccal, le mode de locomotion, sont suffi- samment indiqués dans la note si succincte de ces deux auteurs. Mais je ne les ai plus suivis dans leur classement. Cet Infusoire n’a en effet rien de commun avec leur genre £nchelyodon, fondé sur l'uni- que espèce Z’. farctus. Ce dernier est muni d’un long œsophage, garni de plis ou baguettes dans le genre de l’æœsophage des Prorodon. Get œsophage manque complètement chez notre nouveau type. De plus, Æ£. faretus ne porte aucune trace de prolongement en forme de cou à l'extrémité antérieure du corps. Ce sont là des différences trop importantes, pour qu'il soit possible de réunir ces deux types dans un même genre. J'ai reporté Ænchelyodon elongatus dans le genre Lagynus, fondé par Quennerstedt ‘ en 1867 pour y classer deux Infu- soires, dont l’un était nouveau et le second déjà publié par Engel- mann sous le nom de ZLacrymaria elegans *. Par leurs contours et par tout l’ensemble de leur organisation, ces deux formes concordent par- faitement avec notre Lagynus elongatus. La seule différence un peu importante et qui m'ait fait hésiter quelque temps, c’est que les deux anciennes espèces sont pourvues d’un œsophage nettement distinct des parois du cou. Mais cet œsophage est si court et si mince que sa présence ne m'a point paru suffisante pour séparer génériquement des espèces si profondément apparentées dans tout le reste de leur organisation. Lagynus elongatus se distingue aisément de ses deux congénères par sa taille beaucoup plus grande, par son col posthuc- cal plus aminci et surtout par la multiplicité de ses noyaux. Il se multiplie par division transversale. J'ai observé de nombreux cas de conjugaison chez cet Infusoire, 1 Bidrag till Sueriges Infusorie-faura, 11, 1867, p. 11, j | 2 Zeitschrift f, Wiss. Zoologie, !, XT, 1861, p. 378, pl. XXVIIL, fig, 2 et 3. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 499 LACRYMARIA CORONATA (CZAP. LACH.). (PI. XXI, fig. 6-8.) CLapanène et LACHMANN, Études, ete., 1858-1860, p. 303, pl. XVIIL, fig. 6. Conx (Lacrymaria lagenula), Zeit. f. Wiss. Zoologre, t. XVI, 1866, p. 265, pl. XV, fig. 47-49. Savize KenT (Lacrymaria coronata et L. Cohnü), À Manual of the Infusorta, 1881, p. 518, pl. XXVII, fig. 28 et 25-27. | Le corps, de couleur grise noirâtre, est assez opaque. Sa forme est très allongée, sa plus grande largeur n'étant guère que d'un cin- quième de la longueur. Celle-ci varie entre 0"",070 et 0,150. Chez les exemplaires que j'ai observés, la région moyenne du corps était de beaucoup la plus épaisse, tandis que les extrémités, surtout l'antérieure, allaient en se rétrécissant d’une façon très marquée (fig. 8), ce qui donnait à l’ensemble l'aspect d'une longue massue fusiforme. Cette atténuation des extrémités est bien moins marquée sur les exemplaires dessinés par Claparède et par Cobn, et leur corps ressemble plutôt à un cylindre presque régulier. Gette Lacrymaire, comme toutes ses congénères, est éminemment contractile. Le cou ne s’allonge jamais beaucoup ; mais, dans la contraction, il peut ren- trer entièrement dans le corps (fig. 7), qui alors se raccourcit éga- lement en se contractant plus ou moins. Le tégument est parfaitement distinct du cytosôme et peut en être complètement isolé au moyen des réactifs, qui font coaguler ee der- nier. Quand on étudie ce tégument, à l’aide de forts grossissements, sur un individu immobilisé, on reconnaît qu’il se compose de bandes claires et de bandes opaques granuleuses alternant entre elles (fig. 6), Les bandes granuleuses sont toujours beaucoup plus larges que les bandes claires. Ces bandes sont dirigées un peu obliquement de droite à gauche par rapport à l’axe du corps. Vues avec un faible grossissement, elles constituent la striation superficielle décrite par les auteurs. Le técument contient, en outre, des bâtonnets en pointes effilées (fig. 6, ér,), semblables à ceux que j'ai déjà décrits chez Lagy- SOÙ E. MAUPAS. nus elongatus, et que je considère également comme des trichocystes. Ils sont distribués irrégulièrement. La cavité générale est remplie par le sarcode du cytosôme, qui est très visqueux, assez granuleux et souvent creusé de vacuoles. Il contient de nombreux corpuscules biréfringents en forme de petits bâtonnets courts et minces et de petite dimension, ou bien en forme de Bactérie étranglée au centre et renflée aux extrémités. Aux résul- tats généraux, nous reviendrons plus longuement sur ces corpus- cules. L'appareildelocomotion se compose des cils péribuccaux et des cils de la surface du corps. Ces derniers sont disposés en rangées régu- lières implantées sur les bandes claires du tégument. La bouche est située au sommet de l’appendice en forme de cône (fig. 6, 4) qui termine le cou. L'existence de cet appendice est carac- téristique de toutes les Lacrymaires. Chez L. coronata, ce cône buc- cal se décompose en deux parties : l'une basale, très renflée et arrondie ; la seconde apicale, rétrécie et cylindrique. Ces deux par- ties sont de longueur à peu près égale. Les cils péribuccaux sont insérés sur la moitié basale et disposés en rangées serrées et rappro- chées et donnent à cette partie un aspect finement strié obliquement. Ces cils péribuccaux sont un peu plus longs et plus forts que ceux de la surface du corps. La bouche, comme je l’ai déjà dit, est placée au sommet de la moitié apicale de l’appendice. En temps ordinaire, elle est toujours fermée et ne s'ouvre qu’au moment de la déglutition d’une proie. Le tube œsophagien, qui traverse le cône buccal, est garni de longs bâtonnets, minces, d’un diamètre égal dans toute leur longueur, et rappelant complètement, par leur aspect, ceux qui existent dans la bouche des Chilodon et des Prorodon. Ils sont dis- posés un peu obliquement. Claparède et Lachmann n'ont pas vu bien exactement la disposition des cils péribuccaux et ont cru qu'ils étaient insérés sur deux rangs seulement, formant deux couronnes superposées. Lacrymaria coronala est un catnassier essentiellement chasseur, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 501 qui se nourrit uniquement d'Infusoires vivants. Elle court sans repos, en changeant continuellement de direction et agitant rapidement son cou, à droite et à gauche, à la recherche d’une proie. Quand un petit Infusoire, comme Cryptochilum nigricans par exemple, se trouve dans le voisinage de son extrémité antérieure, surpris par la rapidité des mouvements, il est entrainé et précipité sur le cône buccal par le tourbillon énergique que les cils péribuccaux produi- sent dans l’eau. En même temps, Lacrymaria se précipite vivement sur sa proie, qui semble avoir perdu toute force pour se dégager et se sauver. Elle l'avale et l’engloutit alors avec une rapidité incroyable. Pendant le court instant que dure la déglutition, la Lacrymaire se contracte si complètement que le cou et le cône buccal lui-même s’effacent et semblent rentrer dans le corps. Il est fort probable que les bâtonnets du tube œsophagien jouent le rôle de trichocystes et servent à paralyser et immobiliser la proie; mais tout ce petit drame, capture et déglutition, s'exécute si rapidement qu'on n’a pas le temps d’en bien saisir tous les détails. La vacuole contractile est située et s'ouvre exactement à l’extré- mité postérieure. L’anus (fig. 8, a) est près de la vacuole, mais un peu de côté. Le nucléus est fixé à une des parois du corps. Sa forme est ovale- oblongue, à peu près moitié plus longue que large (fig. 8, n). Il est composé d’une substance finement granuleuse, dans laquelle je n’ai vu aucune autre différenciation. J'ai cherché le nucléole en em- ployant les meilleurs réactifs et n’en ai jamais vu la moindre trace, même sur les préparations les mieux réussies au point de vue de la mise en évidence du nucléus. Claparède et Lachmann décrivent et figurent un long nucléus de forme rubanaire. Je n’en ai jamais observé de cette forme et de cette dimension, et je crois que ces au- teurs, qui ne faisaient guère usage des réactifs, ont été trompés par quelque apparence étrangère à cet organe. Les mouvements de cet Infusoire sont très rapides, et on le voit courir incessamment à la recherche de ses proies, Jamais il ne va en 502 E. MAUPAS. ligne droite; mais change continuellement de direction. Chacun de ces changements est toujours précédé d’un petit mouvement de recul. Tout en courant ainsi, il agite vivement son cou dans toutes les directions et déploie dans toutes les parties de son corps une agilité et une souplesse admirables. L. coronata vit dans l’eau de mer. Je l’ai rencontrée plusieurs fois au milieu d'algues et de débris recueillis sur la côte près Alger. Elle a été découverte par Claparède et Lachmann sur les côtes de Nor- wège et revue depuis par Gohn, à Breslau, dans un aquarium marin, dont l’eau provenait des côtes allemandes de la mer du Nord. Je n'ai pas hésité à assimiler la forme observée par moi à celle décrite par Claparède et Lachmann et au cours de la description je crois avoir bien établi que les différences, qui tout d’abord semblent les séparer, n’ont pas de valeur réelle. Cohn s'était complètement mépris en rapportant son espèce à Z. lagenula. Cette dernière a une forme en bouteille toujours très nettement accusée, son cou est plus effilé, et le cûne buccal simple, sans renflement basal cilié. Saville Kent a bien reconnu l'erreur de l’assimilation de Cohn; mais il a commis une méprise encore plus forte que ce dernier, en voulant faire une espèce nouvelle de la forme étudiée à Breslau. Celle-ci est évidemment identique à L. coronata, mais a été fort mal observée par Gohn. L’exemplaire figuré aplati en arrière et contourné en hé- lice est un individu observé quand l’eau de la préparation s’est déjà beaucoup évaporée. Sous l’action de la concentration des sels, presque tous les Infusoires marins subissent des plissements et des déformations de ce genre, quelquefois assez longtemps avant de succomber et de périr. LOXOPHYLLUM DUPLOSTRIATUM (NOV. SP.). (PI, XX, fig. 1-4.) Le corps est incolore {et très contractile, comme chez itous les autres Loxophyllum. Sa taille peut varier considérablement comme ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 503 on le voit tout de suite par les deux figures 1 et 3 dessinées à la même échelle. Les plus petits mesurés par moi avaient Omw,090, les plus grands 0mm,315. Entre ces deux extrêmes, que j'ai vus plusieurs fois réunis sur la même préparation, on trouve toujours en même temps toutes les tailles intermédiaires. La plus grande largeur est de quatre à six fois moindre que la longueur. Le cou est long et assez forte- ment recourbé en lame de cimeterre. Il possède une souplesse et une contractilité très grandes. Le corps est très allongé, lancéolé ; son extrémité postérieure se termine en pointe mousse. Il peut avoir une épaisseur assez grande, surtout dans sa région postérieure, lorsque l’animal est bien repu. Le tégument porte un système de stries longitudinales différentes par le nombre et l'aspect, suivant la face que l’on considère, Sur la face ventrale (fig. 1) ces stries sont simples et au nombre de huit à dix chez les individus de grande taille. Sur la face dorsale elles sont doubles et au nombre au plus de cinq à sept. Quand on examine ces dernières avec un fort grossissement (fig. 4), on voit qu'elles se dé- composent en trois bandes, dont la bande centrale est un peu plus large que les bandes latérales. Si l’on observe avec l’objectif remonté le plus possible tout en restant au point, les bandes latérales (72) apparaissent brillantes et la bande centrale (4), au contraire, est obscure. En enfonçant l'objectif, les bandes latérales deviennent obscures et la bande centrale brillante. Cet effet d'optique démontre que les bandes latérales sont un peu saillantes par rapport à la bande centrale. La substance est très finement granuleuse et extrêmement dense. Le tégument entre les stries (/) est grisâtre et granuleux clair. Ge Loxophyllum est armé de trichocystes dont voici l’arran- gement. Il en existe sur le bord gauche de la face ventrale depuis l'extrémité antérieure jusque vers le milieu de la longueur totale. Dans toute cette partie, ils sont disposés avec une grande régularité parallèlement les uns aux autres et perpendiculairement au bord du corps. Plus loin sur le même côté, ils existent toujours; mais leur arrangement devient de plus en plus irrégulier jusqu'à l'extrémité 004 E. MAUPAS. postérieure, où le désordre est complet. Dans toute cette partie ils sont inclinés plus ou moins obliquement par rapport à la ligne de contour, les uns dans un sens, les autres dans un autre. On n’en voit jamais aucune trace le long du bord droit. La cavité générale, comme chez les autres Loxophyllum, se ter- mine dans le cou en une pointe étroite, effilée, bordée des deux côtés par une bande claire formée par les bords amincis et transpa- rents du cou. Comme chez tous les Loxophyllum, la face ventrale seule porte des cils vibratiles, la face dorsale étant absolument glabre. Ges cils sont disposés en rangées insérées sur les stries de la face ventrale. Les cils insérés le long du bord gauche du cou se distinguent un peu des autres par leur port; ils se recourbent à leur extrémité libre un peu en avant et dans leur ensemble constituent ce que Dujardin a appelé la crinière chez ces Infusoires, Par leur grosseur et leur lon- gueur, ils ne diffèrent en rien des autres, et il faut y apporter un certain soin pour constater leur disposition en crinière. La bouche se trouve sur le bord gauche de la face ventrale, à la base du cou (fig. 1, b). Elle est complètement fermée et invisible en temps ordinaire, et l’on ne peut en reconnaître la position que lorsque l'animal avale une proie. d: duplostriatum est un Infusoire car- nassier toujours en chasse. Il peut saisir des infusoires beaucoup plus agiles que lui et s’en nourrir. Voici comment les choses se passent. Dans sa marche à la recherche de ses proies, il se sert constamment de l’extrémité antérieure du cou, comme d’un appareil destiné à tâter et palper les objets qu'il rencontre. On voit ce cou se plier et se fléchir de côté et d'autre avec une souplesse infinie, son- dant le terrain à droite et à gauche. Quand, par un de ces mouve- ments, dont l’agilité est très grande, le Loxophylle vient à toucher un des Infusoires dont il fait sa nourriture, celui-ci devient brus- quement immobile et inerte. Le carnassier s’avance alors de façon à mettre la proie au niveau de sa bouche et l’avale sans peine en moins d’un quart de minute. Je l'ai vu saisir ainsi des Cyclidium ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 905 glaucoma et des £'uplotes vannus, deux types l’un et l’autre beaucoup plus agiles que lui, surtout C. glaucoma. Ge dernier est armé sur tout son pourtour de longs cils vibratiles et à l'extrémité postérieure d'une soie encore plus longue. Ces appendices lui servent d'organes de tact et souvent l’avertissent de l'approche de son ennemi, avant que celui-ci soit arrivé assez près pour qu'il y ait contact entre eux. Cychdium glaucoma réussit alors à se sauver par un des sauts brusques et rapides qui lui sont particuliers. Mais lorsque l'attaque a été trop rapide, il est immobilisé et avalé en un instant. Comment expliquer cette immobilisation et cette paralysie des proies? Je crois qu'il est impossible d’en chercher la cause ailleurs que dans l’exis- tence des trichocystes, dont est garnie l'extrémité antérieure du Loxophyllum, et qu’il décoche à sa victime au moment où il vient à la sentir. Cette explication, bien que non démontrée par l’observa- tion directe, est simple et naturelle et se trouve corroborée par les observations identiques que je décris à propos d’Acineria incur- vala et de Lagynus oblongatus. Quennerstedt a fait une observation tout à fait semblable ! sur Déleptus anser et l'a vu capturer des Hal- téries, dont l’agilité n’est pas moindre que celle de Cyclidium glau coma. Il en a conclu, comme moi, que le carnassier paralysait ou tuait sa proie par une décharge de trichocystes avant de l'avaler. Loxophyllum duplostriatum peut engloutir des proies d'une taille re- lativement grande. Je l'ai vu avaler ainsi une £'uplotes vannus, dont la largeur était notablement plus grande que la sienne. Sa bouche est donc douée d’un pouvoir de dilatation très grand. La vacuole contractile (fig. 1 et 3, ve) est unique et située un peu en avant de l'extrémité postérieure. Je n’ai point fait d'observation sur la position de l'anus qui, très probablement, doit se trouver dans le voisinage de la vacuole contractile. Le nucléus est situé à peu près au milieu de la partie large du corps. Le plus souvent, il se compose de deux corps un peu ovales 1 Bidrag till Sveriges Infusorie-fauna, III, 1869, p. 7. v d06 | E. MAUPAS,. placés longitudinalement à la suite l’un de l’autre (fig. 1, n). Mais il n'est pas rare non plus d'en trouver de composés de trois ou quatre corps groupés tantôt d'une facon, tantôt d'une autre (fig. 2), et cela sans que les animaux montrent la moindre trace d'un commence- ment de division fissipare. Chez les petits individus, il arrive fré- quemment aussi qu'il n’y a qu'un seul corps (fig. 3, n). Le nucléole a la forme d’un petit corpuscule sphérique homogène ; il est tantôt unique, tantôt double. Quelquefois, sur de très bonnes préparations, je n'ai pu l’apercevoir. Les mouvements de ce Loxophyllum, comme ceux de ses congé- nères, ne sont jamais bien rapides. Il nage élégamment à la recherche de sa nourriture, tâtant et palpant avec son extrémité antérieure tous les objets qu'il rencontre. On ne le voit jamais se fixer et s'arrêter complètement. C’est un type essentiellement chasseur. L. duplostriatum vit dans la mer. Je l’ai trouvé assez fréquemment au milieu d’algues et de débris ramassés sur les rochers de la côte d'Alger; je l’ai rencontré également sur les côtes de Bretagne, au Laboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff. I vit très bien dans les petits aquariums et s'y propage quelquefois en très grand nombre. L’eau un peu putride ne le gêne pas. J'ai classé cette espèce dans l’ancien genre Zoxophyllum, bien que, d'après les nouvelles classifications, j'eusse dû le placer dans le genre Litonotus de Wrzesniowski. Cet habile observateur, ayant étudié à nouveau les Loxophyllum fascriola et L. folium, constata que la face dorsale de ces infusoires était glabre et que les cils vibratiles n’exis- taient qu’à la face ventrale. Il en conclut, un peu trop rapidement peut-être, qu'ils devaient être séparés des autres Loxophylles et créa pour eux le nouveau genre Zifonotus, dans lequel il rangea encore deux espèces nouvelles observées par luit. Avant de créer ce nouveau genre, Wrzesniowski eût dû se demander si cette absence de cils à la face dorsale n’était pas un caractère commun à tous les 1 Zeit. f. Wiss. Zoologie, t. XX, 1870, p. 496. - ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS, 507 Loxophylles. C'est ce qui a lieu en effet. Je l’ai vérifié par moi-même sur les espèces signalées par Wrzesniowski et de plus sur Zoxophyllum meleagris (Dujardin), Z. rostratum (Cohn) et Z. lamella (Claparède et Lachmann), ainsi que sur trois autres espèces inédites. Je crois la vérification suffisamment complète comme cela. Dès lors le nouveau genre Litonotus n'a plus de raison d'être ; il suffit de modifier la diagnose du genre Loxophyllum et de considérer ses représentants comme glabres à la face dorsale. Wrzesniowski, s'exagérant l’im- portance de cet état glabre de la face dorsale, avait cru devoir créer une nouvelle famille des Loxodines pour y réunir ses Litonotus et Loxodes rostrum, qui lui aussi est cilié seulement à la face ven- trale. La nécessité de cette nouvelle famille ne me paraît guère justifiée. Les Loxophylles par tout l’ensemble de leurs caractères se relient si intimement aux Trachelides qu'il me semble impossible de les en séparer, sans violenter leurs affinités naturelles. Quant à l'absence de cils sur leur face dorsale, ce caractère n'a qu'une valeur secondaire et ne pourrait tout au plus servir qu’à établir des coupes génériques. Il est le résultat d’une régression anato- mique par défaut d'usage. Les Loxophylles, en effet, rampent constamment sur leur face ventrale ; les cils de la face dorsale n'ayant plus de rôle à remplir se sont résorbés. La même cause a amené des effets semblables chez les Chilodon, Cinetochilum, Microthoraz et Peritromus. Nous reviendrons encore sur ce sujet plus loin en décrivant ce dernier Infusoire. Ce nouveau Loxophyllum se distingue tout de suite de ses autres congénères par sa striation à doubles raies de la face dorsale. Les espèces qui se rapprochent le plus de lui sont d’abord Z. fascrola et L. rostratum. Mais, de ces deux espèces, la première est d’eau douce et n’atteint jamais à beaucoup près la taille de Z. duplostriatum ; la seconde porte sur le bord droit des paquets de trichocystes, comme L. meleagris, disposition absolument inconnue chez la nouvelle espèce. Une troisième espèce encore plus rapprochée est Zitonotus (Loxzophyllum) grandis, trouvé par le docteur G. Entz dans les marais : 508 E. MAUPAS. salés de la Transylvanie ‘; mais cette dernière espèce se distingue de suite par son système de striation fort différent, par la rangée de vacuoles contractiles, qu'elle possède le long du bord droit de sa face dorsale et par l'absence de trichocystes sur son extrémité posté- rieure. LOXOPHYLLUM LAMELLA. | C2 (PI. XX, fig. 5:11.) O.-F. Muzzer (Kolpoda lamella), Antmalcula infusoria, etc., p. 93, pl. XII, fig. 1-5. EBRENBERG (Amphileptus fasciola), Infus., partim, pl. XXXVIII, fig. 9, 12 et 14. ERHENBERG (7'rachelius lamella), Infus., p. 322, pl. XXXIIT, fig. IX. Dusarnin (Trachelius falx), Infus., p. 400, pl. VI, fig. 8, 9 et 17. CLaparèpe et Lacamanx (Loxophyllum lamella), Études, etc., p. 363. Le corps, de forme linéaire, varie considérablement de longueur. J'en ai mesuré depuis 0,040 jusqu’à 0m",295. Les longueurs que l'on rencontre le plus souvent oscillent entre Omm,070 et 0m",090. La largeur maximum, pour chaque individu, varie entre Omm,010 et Omm,025. Elle est dans une proportion assez constante avec la lon- gueur, dont elle égale environ la septième ou la huitième partie. L'épaisseur (fig. 8) est relativement assez grande, surtout dans la moilié postérieure ; elle va en diminuant graduellement vers l’extré- mité antérieure, assez brusquement au contraire vers l'extrémité postérieure. La face inférieure ou ventrale (fig. 6, 9) est plane, la face dorsale (fig. 7, 8, 10) bombée. Le corps est élastique et très flexible, mais très peu contractile. La moitié antérieure, comme chez les autres Loxophyllum, est rétrécie et forme ce qu'on a appelé le cou. Le rétrécissement porte exclusivement sur le côté droit, l’a- nimal étant vu par la face ventrale. L’extrémité antérieure est légè- rement infléchie à droite; il en résulte que le côté droit décrit une \ Ueber einige Infusorien des Salzleiches zu Szamosfalva, 1879, p. 2, pl. VIII, fig. 1-2, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 509 courbe rentrante dans sa moitié antérieure, convexe au contraire dans sa moitié postérieure. Le côté gauche est convexe en avant et rectiligne en arrière. L’extrémité antérieure est légèrement arquée dans le sens dorsal, comme on le voit sur les individus placés de profil (fig. 8). L’extrémité postérieure se rétrécit en pointe tronquée, obtuse et souvent un peu déjetée à gauche, l’animal supposé vu par la face ventrale. Je n'ai point fait d'observations sur les différenciations qui peu- vent exister entre le tégument et le cytosôme. La cavité générale occupe toute l'étendue du corps dans les deux tiers postérieurs ; dans le tiers antérieur (fig. 7 et 10), elle se rétrécit prompte- ment et va se terminer en pointe fine jusqu’à l'extrémité anté- rieure du corps, laissant sur chaque côté une bande étroite libre, incolore et très diaphane, le limbe de certains auteurs. Chez les autres Loxophyllum, ce limbe est toujours armé de rangées de bâtonnets urticants ou trichocystes ; ZLoxophyllum lamella en est totalement dépourvu. Le système ciliaire se compose des cils ventraux et de la crinière. Les cils ventraux sont disposés en trois rangées, deux marginales et une centrale, qui parcourent la face ventrale dans toute sa lon- gueur. Ils sont fins, courts et serrés, et constituent tout l’appareil de locomotion de cet Infusoire. La crinière, comme chez les autres Loxophyllum, est insérée le long du tiers antérieur du bord gauche, l'animal vu par la face ventrale, et se prolonge jusque sur l'extrémité antérieure. Elle se compose de cils beaucoup plus longs et un peu plus forts que ceux de la face ventrale. Leur rôle physiologique est assez difficile à déterminer. Le dos est absolument nu. Je n’ai pas eu occasion de déterminer la position de la bouche ; mais elle est probablement placée à la base du cou, comme chez les autres Loxophyllum. Je n'ai pu non plus reconnaitre directement la place de l'anus, mais tout permet d'affirmer qu'il est situé à l'extré- mité postérieure, près de la vacuole contractile.Gelle-ci se trouve tout à fait à l'extrémité caudale du corps (fig. 6,7 et 40, ve), Je l'ai tou- 510 E. MAUPAS. jours vue unique chez les individus de petite taille, de taille moyenne et chez quelques-uns d’assez grande taille, comme celui figuré n° 40. Mais chez la plupart des exemplaires, qui atteignent une grande longueur, on en trouve deux ou trois, dont l’une est toujours située à l'extrémité postérieure et les autres plus ou moins en avant dans la seconde moitié du corps et sur le bord gauche, l’animal étant vu par le dos (fig. 41, ve). Les pulsations sont assez lentes, et variables d’une systole à l’autre. Le nucléus (fig. 5, 7, 9 et 10n) présente d'assez grandes variations de formes et de dimensions chez les différents individus. Sa forme est linéaire, quelquefois avec une assez grande longueur. Ses extré- mités sont tantôt terminées en pointes effilées, tantôt tronquées, ar- rondies. [l est quelquefois multilobé comme celui de la figure 9, dont la moitié postérieure est trilobée. Sa substance est finement granu- leuse, homogène. Le nucléole est logé dans une fossette creusée dans l'épaisseur du nucléus, à peu près au milieu de sa longueur, ce qui fait apparaître ce dernier comme s'il était double. Le nucléole a la forme ordinaire d’un corpuscule sphérique à substance homo- gène. Telles sont la forme et la disposition ordinaires chez les indi- yidus de petite et de moyenne taille. Mais, chez un exemplaire d'assez grande taille (il mesurait 0"",426), que j'ai dessiné (fig. 11), ce nucléus unique était remplacé par six gros corpuscules, qui res- semblaient complètement aux corpuscules observés par Balbiani sur Paramecium aurelia après la conjugaison, et pris par ce savant pour des ovules en voie de développement‘. Ces corps, de forme sphéri- que plus ou moins régulière, étaient composés d’une substance dense et spongieuse, criblée d'un grand nombre de très petites va- cuoles hyalines. Les quatre premiers corpuscules renfermaient cha- cun une vacuole beaucoup plus grande que les autres, et simulant assez bien un petit nucléus, au centre duquel on voyait un granule extrèmement petit, opaque et brillant, que l’on aurait pu prendre À Journal de physiologie, 1861, pl, VIL, fig, 44, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 514 pour un nucléole. Le cinquième corpuscule avait deux de ces pseudo-nucléus, mais dépourvus du granule central. Le sixième enfin, plus petit que les précédents, n'avait point de pseudo-nu- cléus. Ces corpuscules, que j'ai pu étudier très nettement sur l’ani- malcule vivant, devinrent encore plus apparents, après que je l’eus tué avec de l'acide acétique à 2 pour 100; mais ils disparurent quand je voulus colorer cette préparation par le picro-carminate, et fina- lement l’éclaircir par l'acide acétique pur. Ces productions ne sont évidemment que le résultat de la décomposition du véritable nu- cléus après la conjugaison et destinées sans doute à être éliminées. Enfin, pour terminer l’histoire du nucléus de cette espèce, j'ajou- terai encore que, chez les individus de la taille la plus grande, il était remplacé par un nombre de corpuscules pouvant s'élever jus- qu'à vingt ou quarante. Ces corpuscules avaient des formes assez irrégulières et ressemblaient à des fragments d’un corps brisé. Leur dimension aussi était très variable, et ils se colorèrent en rouge par le picro-carminate. Ces individus multinucléés avaient un facies tout particulier. Leur marche était très lente, et ils semblaient se trainer avec peine, en se tordant avec les contorsions les plus bizar- res. Leur corps était très mince et très transparent, comme s'il était arrivé à un degré d'émaciation complète. L'aspect singulier de ces individus m'avait d’abord fait hésiter à les rattacher à cette espèce; mais comme ils vivaient dans la même eau, et qu'on y pouvait trouver toutes les formes et toutes les dimensions intermé- diaires avec le type ordinaire et normal, j'ai dû les réunir. Il est probable qu'ils représentent quelque phase particulière de dévelop- pement. Les mouvements de cet Infusoire, dont l'appareil ciliaire, comme nous l’avons vu plus haut, est très réduit, sont assez lourds. Il court lentement sur les débris où il cherche sa nourriture, en se repliant et se contournant avec une grande souplesse. La partie du corps antérieure rétrécie, qui forme une sorte de cou, est surtout douée d'une flexibilité toute particulière, Elle semble .spéeialement desti- 519 | E. MAUPAS. née à palper les objets et à choisir ceux qui doivent servir à la nout- riture. J'ai trouvé plusieurs fois Lorophyllum lamella à Alger, dans des infusions de foin à l’eau douce, où il s'était multiplié en très grand nombre, La synonymie que j'ai proposée pour cet Infusoire me semble in- discutable. La description que j'en ai donnée s'applique parfaite- ment au Loxophyllum lamella de Claparède et Lachmann, dont ces auteurs ont établi l'identité avec le Zrachelius lamella et une partie de l’Amphileptus fasciola d'Ehrenberg. Je suis surpris qu'ils n’aient pas aperçu aussi la ressemblance du même Infusoire avec les figu- res 8 et 9 du Zrachelius falx de Dujardin. Quant à la figure 17 de ce dernier, elle représente un exemplaire semblable à celui que j'ai dessiné sous le numéro 5, et qui est un individu jeune, nouvelle- ment formé par division, et dont la région caudale n’est pas encore développée. J'ai vu souvent des exemplaires conjugués. ACINERIA. DusanDiN, Infusoires, 1841, p. 402. Le genre Acineria fut créé par Dujardin pour y classer deux Infu- soires dont l’un, A. encurvata, est marin et réellement nouveau ; le second, À. acuta, vit dans l’eau douce et, d’après Claparède et Lach- mann*, n'est rien autre que l’'Amphileplus anaticula. Ne connaissant pas par moi-même ce dernier Infusoire, je dois m'en rapporter à l'opinion de ces deux savants, qui, d’ailleurs, me paraît des plus probables, si j'en juge par les dessins de Dujardin. Quant à l’'Acrneria incurvala, ne l'ayant point étudié eux-mêmes, ils croient cependant qu'il appartient aussi au genre Amphileptus. C'est en effet aux Infu- soires de ce genre que toutes ses affinités le rattachent, Mais il en | Études, etc, pe 356, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 13 diffère aussi par des caractères trop importants, qui s'opposent à ce qu'on le fasse entrer purement et simplement dans la même coupe générique. Dujardin a donc eu parfaitement raison de le placer dans un genre à part, que nous conserverons en le définissant plus complètement et plus exactement. Dujardin définissait son genre Acineria : « Corps oblong, dé- primé, avec une rangée de cils dirigés en avant sur un des côtés, qui est recourbé obliquement en lame de sabre. » Cette diagnose est tout à fait insuffisante et pourrait aussi bien s'appliquer aux Amphileptus et aux Loxophyllum. Voici celle que je propose de lui substituer : corps oblong, strié et cilié sur toute sa surface, ovoïde en arrière, terminé en avant par un prolongement court taillé en biseau et formant une sorte de cou ; bouche en fente fermée, sans œæsophage, subterminale et latérale; une rangée de cils particuliers formant crinière sur le côté droit du cou; trichocystes en ligne serrée sur l'extrémité antérieure ; vacuole contractile et anus à l'extrémité postérieure; deux nucléus accompagnés d’un, deux ou trois nucléoles. Par tous ces caractères, le genre Acrneria vient se placer dans la famille des Zrachehidæ. Dans cette famille, il se rapproche surtout des Dileptus, des Loxophyllum, des Amphileptus ; mais il s’en distingue de suite par la brièveté de son cou, qui est à peine distinct du reste du corps et par la position subterminale de la bouche. Il forme ainsi une transition entre les Trachelidæ à bouche très en arrière de l’ex- trémité antérieure et les Enchelidæ, dont la bouche est toujours ter- minale. ACINERIA INCURVATA (DUJ.). Dusarnin, Infusoires, 4841, p. 402, pl. XI, fig. 4. (PI. XX, fig. 28-30.) Le corps a une forme oblongue, que j'ai vue varier depuis 0"*,055 jusqu’à 0,135. Dujardin en a eu des exemplaires plus petits, puis- qu'il ne leur donne qu'une longueur de 0,044. La largeur, qui est ARCH, DE ZOO01, EXP, ET GÉN,—— 2€ SÉRIE, — T, 1, 1883, 33 814 E. MAUPAS. proportionnelle à la longueur, varie entre le tiers et le quart de celle-ci. Le corps, incolore, est élastique et flexible, mais à peu près complètement dépourvu de contractilité ; aussi, lorsqu'on tue cet Infusoire avec l’acide osmique, il conserve parfaitement sa forme, et l’on peut en faire ainsi de très bonnes préparations‘. La région du corps, comprenant les deux tiers postérieurs, est épaisse, ovoïde, et se termine en pointe obtuse, arrondie. Peut-être est-elle légèrement comprimée dans le sens dorso-ventral, Le tiers antérieur est taillé obliquement en biseau sur la face ventrale (fig. 20, b) et se termine en avant en lamelle mince, arrondie et infléchie sur la gauche. Cette partie amincie est très courte et correspond au cou des Am- phileptus et des Loxophyllum. Elle jouit d’une certaine contractilité, qui devient évidente quand Acéneria avale une grosse proie. Alors (fig. 18), on la voit se raccourcir en s’élargissant, pour embrasser le. corps qu'il s’agit d’absorber. Le corps tout entier lui-même paraît éprouver un léger raccourcissement pendant la déglutition. Toute la surface du corps est sillonnée par un système de stries longitu- dinales. Ces stries sont un peu plus serrées sur la face dorsale que sur la face ventrale, car j'y en ai toujours compté une ou deux de plus. Elles ne se prolongent pas sur la coupe du biseau ou aire péri- buccale, mais la contournent en remontant sur le dos. Le système ciliaire se compose des cils vibratiles du corps et de la crinière. Les cils vibratiles sont disposés en rangées régulières insérées le long des stries. Leur longueur est de 0®",040 et l’on en compte quatre par 0,01. La crinière est composée de cils, qui ne sont ni plus longs ni plus forts que les précédents ; mais ils sont beaucoup plus serrés, car J'en ai compté de dix à douze par 07,01. Ils sont insérés sur le bord droit ou convexe du cou en une rangée unique, qui contourne l'extrémité antérieure du corps et redescend un peu sur le bord gauche (fig. 20). Leur extrémité libre est un peu recourhbée en avant. La coupe du biseau ou aire péribuccale est nue. | J’en ai qui datent du mois de janvier 4878 et sont très bien conservées, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 518 La bouche a la forme d'une fente longue et toujours fermée, visi- ble seulement lorsque Acineria avale une proie. Elle est située sur la partie antérieure de la coupe du biseau (fig. 20, b), qui, comme je viens de le dire, est nue et bordée sur le côté droit et en avant par la crinière. Je donne le nom d'aire péribuccale à cette partie nue. Sur le côté gauche et en avant, elle est bordée par une rangée de trichocystes qui, vus de face, apparaissent comme de petits points. La bouche est susceptible d’une grande dilatation, car cet Infusoire peut engloutir des proies d’assez forte dimension, et je l’ai vu plu- sieurs fois avaler ainsi sans peine des Uronema marina. J'ai assisté plusieurs fois à l’expulsion des matières fécales (fig. 20, a) et déter- miné ainsi la position de l'anus, qui est situé tout à l'extrémité pos- térieure. La vacuole contractile est près de l'anus (fig. 18, 20, wc), _déjetée un peu sur le côté gauche. Dans son évolution, elle apparaît d’abord sous la forme de petites gouttelettes, qui se fusionnent peu à peu, à mesure que la diastole avance, pour constituer la vacuole définitive et régulièrement sphérique, qui précède la systole. Ses pulsations sont très lentes ; sur un exemplaire elles duraient six mi- nutes, sur un autre dix à douze. Le nucléus est composé de deux corps discoïdes (fig. 20, n) situés à peu près au milieu de la longueur du corps et dont la substance est finement granuleuse. Mes observations ne me permettent pas d’af- firmer si ces deux corps sont reliés ou non par un cordon, comme cela a lieu chez beaucoup d’autres Trachélides. Les nucléoles, dont le nombre peut varier d’un à trois, sont tantôt accolés au nucléus, tantôt au contraire plus ou moins éloignés. Ils ont la forme ordi- naire de petits corpuscules sphériques homogènes. Les mouvements de cet Infusoire ne sont jamais d’une bien grande rapidité. Dans l’eau libre, il nage en tournant autour de son axe lon- gitudinal ; sur les algues et au milieu des débris, il se tient ordinai- rement sur la face ventrale. La façon dont il saisit et arrête ses proies est très curieuse. Quand, dans sa course, il vient à rencontrer avec son extrémité antérieure un Infusoire qui peut lui servir de 516 E. MAUPAS. nourriture, il précipite un peu son mouvement en avant pour se mettre mieux en contact avec sa proie. Celle-ci cherche d’abord à fuir, mais elle se trouve brusquement paralysée et on la voit complètement immobile, avec les cils vibratiles rigides comme des soies. Cette immobilité ne peut être causée que par la décharge des trichocystes, qui bordent la région antérieure péribuccale. Aci- neria applique alors sa bouche sur sa victime et l’engloutit rapide- ment. Le tout dure à peine deux minutes. J'ai trouvé plusieurs fois cet Infusoire dans mes petits aquariums marins, où je tenais des algues recueillies sur les rochers près d'Alger. Il s'y multiplie en grand nombre, surtout quand l’eau est déjà un peu vieille et que les algues commencent à entrer en dé- composition, PERITROMUS EMMÆ (STEIN). STEIN, Der Organismus, etc., t. II, 1867, p. 165. (PI, XXIV, fig. 14-16.) Le corps, dans son contour général (fig. 44), a un aspect réni- forme, qui rappelle beaucoup celui de Xerona polyporum, ou bien de Chilodon cucullulus. {1 est en effet très déprimé et présente une face ventrale et une face dorsale nettement distinctes. Sa longueur, qui est de 0"®,100, égale à peu près deux fois sa largeur. La moitié antérieure est un peu plus large que la moitié postérieure. Le bord droit décrit une courbe convexe et régulière très peu arquée, le bord gauche au contraire est légèrement concave êt produit l'aspect réniforme. Les deux extrémités sont tronquées et arrondies réguliè- rement. La face ventrale est plane (fig. 14) et marquée de stries longitudinales légèrement courbées dans le même sens que les deux bords. Ces stries portent des cils vibratiles très ténus, serrés. et courts. La face dorsale (fig. 16) au contraire est légèrement bombée, Le bombement n’embrasse pas toute la superficie de la face; car sur tout le pourtour il reste toujours une zone assez large, qui est ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS, 517 très mince et diaphane, tandis que la partie bombée est opaque, surtout dans la région postérieure, où elle atteint son maximum de surélévation. La zone diaphane est beaucoup plus large en avant que sur les côtés et en arrière. La différence d'aspect, entre la région centrale bombée et la zone périphérique diaphane, provient de ce que la première correspond à la cavité générale du corps, qui s’ar- rête à la zone diaphane sans y pénétrer. La cavité générale, dans laquelle on trouve toujours des ingesta et dont le cytosôme a une structure plus ou moins aréolée, cause l’opacité de cette région. La plus grande opacité de la partie postérieure, provient de ce que la cavité y est plus spacieuse et que les ingesta s’y accumulent en plus grande quantité, sans doute à cause du voisinage de l’anus, dont malheureusement je n'ai pu déterminerla position. La face dorsale porte des soies fines et courtes, semblables à celles des Oxytrichides; je ny ai vu ni cils vibratiles ni striation. La bouche est située assez près du bord gauche, à peu près à la limite du premier et du second tiers de la longueur totale. Elle est précédée d’un péristome qui, par la forme et la disposition de ses parties, rappelle tout à fait celui desInfusoires hétérotriches (fig. 14,0). La fosse buccale est courte, peu profonde et dirigée un peu oblique- ment de droite à gauche. Son bord droit décrit une légère courbe à concavité interne et est muni d’un appendice étroit en forme de membrane que je crois vibratile, bien que je n’aie pu m'’assurer di- rectement de sa mobilité. Le bord gauche porte une rangée de cils buccaux longs et forts. Cette rangée se prolonge en avant un peu en retrait sur le bord antérieur du corps, en décrivant un arc de cercle parallèle à ce bord, et vient se terminer sur le côté droit. Je ne puis dire siles cils buccaux ont une forme aplatie, comme les membra- nelles buccales des Oxytrichides ; je crois cependant la chose très probable. Cet Infusoire est pourvu de deux nucléus situés l'un à droite, l’au- tre à gauche, à peu près au milieu de la longueur du corps. Ils ont une forme ovale oblongue et portent chacun, à une de leurs extré- 518 E. MAUPAS. mités, un petit nucléole sphérique (fig. 14, n). Je n’ai pu voir de va- cuole contractile, bien que je l’aie cherchée avec beaucoup de soin. Si elle existe, elle doit être logée dans la face dorsale, ainsi que l'anus, dont je n'ai pu non plus reconnaître la position. Une particularité fort curieuse dans l’organisme de cet Infusoire est la contractilité dont jouit la zone périphérique transparente. Dès que l'animal est inquiété, on la voit se contracter brusquement sur tout le pourtour du corps (fig. 15) en se plissant et formant des den- telures irrégulières autour de la partie centrale, occupée par la ca- vité générale ; puis elle revient graduellement et lentement à sa forme habituelle. Stein semble croire que le corps tout entier se plisse irrégulièrement et prend part au mouvement de contraction. Je puis au contraire affirmer que la zone diaphane seule obéit à ce mouvement et que seule, par conséquent, elle est contractile, toute la partie centrale étant inerte. Les mouvements de cet Infusoire sont lents. Il court paresseuse- ment sur les algues, où il cherche sa nourriture, et ne s’en écarte guère pour s’aventurer dans l’eau libre. Je l'ai rencontré une seule fois sur des algues recueillies dans le port d'Alger et dans de l’eau de mer très pure et limpide. J'en ai vu plusieurs exemplaires, mais toujours isolés. Bien que la description donnée par Stein soit assez complète, j'ai cru cependant qu'il était à propos de reprendre l'étude de cet Infu- soire, d’abord parce qu'il n’en avait pas donné de figure, et ensuite parce que mes observations diffèrent des siennes sur quelques points. Ainsi, d’après Stein, la moitié postérieure du corps serait la plus large, tandis que j'ai vu le contraire. Il fait descendre la rangée de cils buccaux jusqu’au milieu du bord droit, tandis que pour moi elle se termine à l'extrémité antérieure de ce bord. D’après lui, les deux nucléus seraient ronds et placés, celui de droite, dans la moi- tié antérieure du corps, celui de gauche, dans la moitié postérieure. Je les ai décrits ovales et situés sur un même niveau. J'ai signalé plus haut une autre divergence entre nous au sujet de la contracti- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 519 lité du corps. Enfin il n'a pas vu les nucléoles ni les soies dorsales. Malgré ces différences, je crois cependant que nous avons observé une seule et même espèce. Elle est trop bien caractérisée par sa forme générale et par sa singulière contractilité, pour qu'il soit pos- sible de s’y méprendre. Les différences, d’ailleurs, sur lesquelles nous sommes en désaccord ne sont que d’une importance secondaire et proviennent sans doute de quelque erreur d'observation de l’un de nous deux ou, ce qui estencore plus probable, d’une certaine varia- bilité de formes de cet Infusoire. Stein, après avoir créé le genre Peritromus, l’a placé dans une fa- mille, dont il serait l'unique représentant, et qui relierait intime- ment les Chlamydodontides aux Oxytrichides. Je ne puis accepter cette manière de voir. Le seul caractère que Peritromus partage en commun avec ces deux familles est l'absence d’appendices vibratiles à la face dorsale. Mais ce caractère négatif est loin d’avoir la valeur morphologique et systématique que le savant professeur de Prague lui a donnée ; tout au plus peut-on l'utiliser pour établir des distinc- tions génériques. On connaît aujourd'hui un certain nombre de formes appartenant à des familles très distinctes, et dont le dos est parfaitement glabre. Engelmann, en effet, nous a appris! que Loxodes rostrum est dépourvu de cils vibratiles à la face dorsale, sur laquelle on ne voit que des soies fines et rigides, semblables à celles des Oxytrichides. Je puis confirmer cette observation qui, d’ailleurs, avait déjà été vérifiée par Wrzesniowski?. Ce dernier savant, à son tour, a reconnu la même absence de cils à la face dorsale de Microthorax pusillus Engelmann et de Cinetochilum marga- ritaceum Stein, ainsi que de plusieurs autres Infusoires 5 décrits par les anciens auteurs comme des Loxophyllum et des Amphileptus. Nous avons vu plus haut (p. 596) qu’il s'était trop hâté de créer \ Zeit. f. Wiss. Zoologie, t. XI, 1862, p. 382, pl. XXXI, fig. 7. Son Drepanostomum striatum est un Loxodes rostrum de petite taille. 3 Zeit. f. Wiss. Zoologie, t. XX, 1870, p. 482. 3 Ibid., p. 486, 220 E. MAUPAS. pour eux son nouveau genre Litonotus. De mon côté, j'ai pu dé- montrer que tous les Loxophyllum sans exception manquaient de cils à la face dorsale. L'idée ne viendra à personne de rattacher toutes ces formes aux Hypotriches de Stein ‘ et de les placer à côté des Euplotides et des Oxytrichides. Aussi Wrzesniowski a-t-il par- faitement raison de considérer avant tout leurs affinités générales, en tenant compte de tous leurs caractères, et de les rapprocher des familles du groupe des Holotriches, avec lesquelles elles ont un ensemble de caractères communs bien plus grand qu'avec les Eu- plotides et les Oxytrichides.Je partage encore sa manière de voir au sujet des Chlamydodontides, qui sont bien plus fortement appa- rentées avec les Nassulides qu'avec les Oxytrichides, comme le voudrait Stein, L'idée d'Hypotrichæ, dans le sens où l'entend ce dernier savant, se trouve bien ébranlée par ces faits déjà nombreux. L'existence des trois appendices dorsaux de Styloplotes et d’Uro- nychia (voir p. 541), ainsi que celles des soies dorsales?, chez presque toutes les Oxytrichides et les Euplotides, vient encore la compromettre, et ce criterium unique de classification devra cer- tainement être remplacé par d’autres notions, empruntées à l’en- semble des caractères de ces Infusoires. Quant aux véritables affinités de Peritromus, en nous guidant sur l’ensemble de ses caractères, nous sommes conduit direc- tement à le placer dans le groupe des Infusoires hétérotriches et plus particulièrement dans la famille des Spirostomides. Sa face ven- trale a, en effet, une organisation semblable à celle des Infusoires de cette famille. Il en diffère seulement par l’absence de cils vibratiles à la face dorsale. Mais nous verrons plus bas que Condylostoma patens présente déjà un commencement de différenciation analogue 1 SAvILLE KENT, cependant, adoptant sans restriction les principes de classifi- cation de Stein, n’a pas reculé devant cette conséquence conduisant à l'absurde, et a classé tous ces Infusoires avec les Hypotriches. Manual of the Infusoria, 1882, p. 742. ? Les soies dorsales ne sont que des cils vibratiles modifiés, ainsi que je le dé - montre plus loin. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 521 entre les faces dorsale et ventrale, et que ses cils dorsaux, beaucoup plus ténus, ont une tendance à se transformer en soies rigides et fines. Ces deux Infusoires, Peritromus et C'ondylostoma, sont donc des types intermédiaires, qui relient intimement les Hétérotriches aux Oxytrichides. Stein lui-même mentionne ces affinités ; mais, trompé par l'importance exagérée, qu'il donne à l’absence de cils sur la face dorsale, il ne leur accorde qu'une valeur secondaire. CONDYLOSTOMA PATENS (MULLER SPEC.). (PI: XXII, fe: 127.) . Stein, Der Organismus, t. IT, 1867, p. 173, pl. L fig. 1-4. (Pour la biblio- graphie et la synonymie, je renvoie à cet ouvrage, où elles sont très com- plètes.) Depuis la description étendue publiée par Stein, personne, autant que je sache, ne s’est plus occupé de ce bel Infusoire. Le travail très étudié du savant professeur de Prague est d’une grande exactitude sur la plupart des points touchés par lui. Je n'ai donc pas l'intention de refaire ici une description méthodique et complète de C”’. patens ; je veux simplement faire connaître quelques points de détails sur lesquels je suis en désaccord avec mon prédécesseur, et surtout mettre en évidence plusieurs observations nouvelles, qui me parais- sent avoir une importance capitale pour la morphologie générale des Infusoires ciliés. Les exemplaires étudiés par Stein étaient plus allongés et plus étroits que les miens. Je n'ai jamais vu la longueur dépasser cinq fois la plus grande largeur, tandis que Stein parle de sept et huit fois. Les longueurs données par Stein varient entre 0°%,376 et Onn,564, celles que j'ai mesurées, entre On»,305 et Omm,495. D'après Stein, le corps est presque cylindrique ; je l’ai vu assez déprimé dans le sens des faces ventrale et dorsale, aplatissement qui, d’ailleurs, avait déjà été constaté par Claparède et Lachmann. Les contours généraux diffèrent un peu aussi entre Stein et moi, mais ces diffé- D22 | E. MAUPAS. rences n'ont qu'une importance secondaire. En tout cas,je puis garantir l'exactitude de mes dessins, qui ont été faits à la chambre claire, sur des individus immobiles et non comprimés. Le tégument de cet Infusoire offre une structure intéressante à étudier avec de forts grossissements. On y réussit bien soit sur des in- dividus vivants immobilisés, soit sur des individus tués avec l’acide osmique. La première chose que l’on constate, même avec les gros- sissements les plus faibles, est la striation longitudinale de la sur- face. Ces stries sont beaucoup plus écartées les unes des autres que ne les ont dessinées tous mes prédécesseurs, qui en ont doublé et plus le nombre. En outre, elles ne sont pas absolument parallèles à l’axe longitudinal, mais un peu obliques de droite à gauche, aussi bien sur la face ventrale que sur la face dorsale, obliquité que l’on retrouve également chez les Spirostomes. Quand on passe à l'examen avec de forts grossissements, on voit que cet aspect strié est produit par de minces fibrilles, composées d’une substance claire et absolu- ment homogène (fig. 5, /), délimitant entre elles des bandes larges et granuleuses (4). Ges fibrilles correspondent à celles qui existent dans le tégument des Stentors et qui sont considérées maintenant par tous les auteurs comme l'élément principal de la contractilité, développée à un degré si éminent chez ces animalcules. C’. patens est également contractile, à un degré moindre que les Stentors, mais cependant d’une facon encore très remarquable. Il peut raccourcir brusquement son corps d’une assezgrande longueur. Sur un individu tué contracté, j'ai trouvé aux fibrilles une épaisseur de 02»,0005. Les bandes larges, vues de face (fig.5, g), apparaissent composées d’une substance grisâtre pâle, très finement granuleuse, dans laquelle sont engagés de nombreux corpuscules beaucoup plus réfringents. Vues de profil (fig.6,g), on constate qu'elles ont une épaisseur assez notable et que les corpuscules ont une forme de bâtonnets deux à trois fois plus longs que larges. Ces bandes, ainsi composées, reposent immé- diatement sur le cytosôme (e, fig, 6). Les bâtonnets n’ont rien de commun avec les trichocystes et ne peuvent point être projetés au ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 523 dehors comme eux. Ils constituent simplement une structure parti- culière dans le tégument de cet Infusoire, structure dont il serait dif- ficile d'expliquer la signification. Le cytosôme, qui remplit la cavité générale, est composé d’un sarcode granuleux et visqueux. Immédiatement au-dessous du tégu- ment existe une couche de sarcode continue et mince; de cette couche périphérique émanent des cordons et des trabécules qui cloi- sonnent la région centrale et y constituent des vacuoles digestives, dans lesquelles sont enfermés les engesta. Ges vacuoles sont d'assez grande dimension et peuvent être assez nombreuses, ce qui donne à l'ensemble un aspect aréolé. Toute cette masse sarcodique est douée de mobilité et sillonnée de toutes parts par des courants, qui roulent constamment sa substance dans tous les sens. Cette circulation est très irrégulière de mouvement, de direction et de vitesse. Les cou- rants peuvent être opposés sur des points très rapprochés. Par cette irrégularité et cette variété de mouvements, la cyclose détermine un brassage de toutes les parties du cytosôme, qui peuvent être incessamment transportées dans toutes les régions de la cavité gé- nérale et intimement mélangées entre elles. L'appareil de locomotion de C. patens se compose de deux sortes d'appendices : 4° les membranelles de la zone vibratile adorale ; 2° Les cils de la surface du corps. Je renvoie la description des premières, plus bas, en parlant de l’appareil buccal. Les cils de la surface du corps sont insérés le long des fibrilles con- tractiles du tégument, un peu sur le côté (fig. 7). Ges deux organes sont-ils en relation les uns avec les autres ou indépendants ? C’est ce dont je n'ai pu m'assurer sur mes préparations. Tout me fait croire, cependant, que les cils se rattachent aux fibrilles par quelque prolongement très fin, que mes moyens optiques ne m'auront pas permis de voir. Les cils de la surface dorsale (fig. 2) sont fins, très serrés et animés du mouvement vibratile incessant caractéristique des cils vibratiles proprement dits. Les cils de la face ventrale sont plus forts et beaucoup plus espacés (fig. 1) que ceux de la face dorsale. 024 E. MAUPAS. De plus, ils ne sont pas agités d’un mouvement vibratile sans repos comme ces derniers ; mais leurs mouvements sont soumis à la volonté de l'animal, et, dans les mouvements lents, on les voit fonc- tionner comme de véritables cirres marcheurs, qui se portent suc- cessivément en avant sur la lame de verre et s’y appuient, à la façon d'un pied, pour faire avancer le corps. Le mécanisme est exactement le même que pour les cirres des Euplotes et des Oxytrichides. Lors- que C'ondylostoma demeure en place, ils sont absolument immobiles, tandis que ceux du dos continuent leur mouvement vibratile. Par leur forme et leur dimension, ce sont encore des cils ; mais, par leur rôle et leur mécanisme fonctionnel, ce sont de vrais cirres mar- cheurs. D'ailleurs, il en existe toujours, sur l'extrémité antérieure, quatre ou cinq (fig. 1, c) qui, par leur forme, leur dimension beau- coup plus grande et leur mode de fonctionner, sont absolument iden- tiques aux cirres des Euplotes et des Oxytrichides. J’attache une grande importance à cette différenciation morphologique et fonc- tionnelle entre les cils des deux faces, et j'y vois une indication de la loi suivant laquelle le type Hétérotriche s'est transformé en Hypo- triche. Nous reviendrons d’ailleurs sur ce fait au chapitre des résul- tats généraux. En outre de ces appendices doués de mouvement, C. patens porte encore, sur la face dorsale, des soies rigides et très fines, qu’on n’aperçoit bien distinctement que sur le bord du corps (fig. 4, sss). Ces soies paraissent distribuées assez irrégulièrement et par groupes serrés. Je les considère comme les homologues des soies, qui existent à la face dorsale de tous les Infusoires Hypotriches, et sur la véritable nature desquelles nous reviendrons plus tard. L'appareil buccal se compose du péristome et de ses diverses par- ties. Il a été très bien décrit par Stein dans sa forme et son organi- sation générales. Je me contenterai donc d'insister sur quelques points de détail, au sujet desquels je me trouve en désaccord avec le savant professeur de Prague. Les appendices de la zone vibratile ado- rale ne sont pas des cils, mais des membranelles semblables à celles ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 525 qui, comme nous le verrons plus loin, existent chez les Oxytrichides. Cette forme membranoïde explique la puissance du tourbillon alimen- taire, qu'elles produisent dans l’eau par leur agitation, et qui permet à C. patens de saisir d’autres gros Infusoires pour sa nourriture. La zone d'insertion des membranelles ne présente pas non plus tout à fait la disposition décrite par Stein. Cette zone, quand on la suit en partant de la bouche et qu’on arrive à l’angle gauche antérieur du corps, se replie alors à droite, en s'infléchissant sur la face dorsale (fig. 2, f), et vient se Llerminer près de l'angle droit antérieur, au- dessous des quatre à cinq gros cirres, dont nous avons parlé plus haut. Par cette contorsion et ce prolongement sur la face dorsale, la zone buccale, creusant un peu en gouttière et amincissant, sur une faible largeur, le bord antérieur de cette face, donne naissance à une bor- dure en lamelle mince et claire, au dos de laquelle sont insérées les membranelles frontales. Une bordure claire, d’origine semblable, existe, on le sait, chez toutes les Oxytrichides, et a été baptisée du nom de lévre supérieure (Oberlippe) par les auteurs allemands ; mais, pour des raisons que je ferai valoir plus loin, nous adopterons la déno- mination de front. Il était, je crois, intéressant de démontrer l’exis- tence de cette région du corps chez un Infusoire Hétérotriche, chez lequel nous avons déjà trouvé et nous trouverons encore d’autres caractères importants du type des Infusoires Hypotriches. Le bord droit du péristome, dans sa moitié supérieure, surplombe d'une lar- geur notable le creux de la fosse buccale et apparaît ainsi clair et membranoïde. Je n'ai pas vu un œsophage long et flexueux, comme celui figuré par Stein. Il m'a paru beaucoup plus court. La bouche s'ouvre, largement béante, à l’angle postérieur du péristome et se prolonge en un tube œæsophagien pas beaucoup plus long que large. La zone vibratile adorale se prolonge dans ce tube, mais en faisant un coude de gauche à droite. En arrière du tube œsophagien, le courant éner- gique du tourbillon alimentaire creuse, dans le sarcode de l’en- dosarc, une vacuole digestive dans laquelle s'accumulent les proies, 526 E. MAUPAS. qui servent de nourriture à cet Infusoire. Cette vacuole finit par se détacher et descendre dans la cavité générale, où elle est entraînée lentement par la cyclose sarcodique. On trouve, dans les vacuoles digestives du €’. patens, des Infusoires de grande taille, qui prouvent que sa bouche et son œsophage sont capables de dilatations consi- dérables. Il se nourrit aussi de Bactéries, Vibrions et Monades. La vacuole contractile est probablement l'organe le plus difficile à bien observer chez cet Infusoire. Stein la décrit comme située à l'extrémité postérieure et munie d’un long canal afférent, qui longe le bord gauche du corps jusqu’au niveau de la bouche. Les contrac- tions de la vacuole et du canal se feraient avec une très grande len- teur, et, dans le canal, elles se produiraient par sections successives qui, peu à peu, chasseraient leur contenu vers la vacuole. Je dois avouer que je n’ai absolument rien vu de tout cela. La seule obser- vation qui pourrait s'y rattacher est la présence d’une grande lacune, que j'ai souvent vue à l'extrémité postérieure du corps. Les contours de cette lacune étaient irréguliers, mal définis, très varia- bles d’un individu à l’autre, et, malgré des observations très pro- longées sur un même exemplaire, je n’y ai jamais vu aucun chan- gement indicateur d’un mouvement de diastole ou de systole. Je ne voudrais point contester les observations de Stein, en ne m’'ap- puyant que sur mes résultats négatifs ; mais je dois déclarer que ma première impression, avant d’avoir lu son travail, était que C. pa- tens manquait de vacuole contractile. D’autres Infusoires ciliés sont sûrement dans ce cas-là, ainsi que nous le verrons plus loin. L’anus, d’après Stein, serait situé tout à l’extrémité postérieure du corps, et il affirme très catégoriquement l'avoir vérifié en observant la sortie des excréments. Moi, de mon côté, je suis aussi affirmatif pour assurer que j'ai assisté plusieurs fois, sur des individus diffé- rents et immobiles, à l'expulsion des fèces et que je les ai toujours vues sortir d’un orifice situé sur la face dorsale, à peu près au niveau de la limite du second et du troisième tiers de la longueur totale du corps et très près du bord droit, l'animal vu par le dos (fig, 2, a). ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 827 Les observations de Stein sur la position de l’anus des Infusoires sont très souvent inexactes. Ainsi, il a décrit cet orifice, chez toutes les Oxytrichides, comme s’ouvrant à la face ventrale, tandis que, au contraire, il s'ouvre toujours sur la face dorsale, ainsi que je le démontrerai plus loin. Je crois donc que ses observations sur l'anus du €’, patens sont également erronées. La position constatée par moi est curieuse, en ce qu’elle établit encore un nouveau point d’affinité entre cet Infusoire et les Hypotriches. Stein a très bien décrit le nucléus (fig. 2, n); mais il n’a absolument rien vu des nucléoles. Ceux-ci sont extrêmement petits. Ils sont composés d'un corpuscule central opaque mesurant 0"",002 en dia- mètre, entouré d’une auréole claire (fig. 2, nl) mesurant 0w",005. Le corpuscule central opaque absorbe très bien le carmin, tandis que la zone claire demeure incolore. Le nombre des nucléoles est très variable d’un individu à l’autre. Voici les nombres de six exem- plaires, avec le nombre des articles du nucléus de chacun d’eux : NDElEUS, nn. ss rsoscees. 417 articles, 14 nücléoles. Pen anne s dede S s018 61e 15 — 15 — mn ouate enduro LE — 14 — MS ee ets enras dant (LA ‘en 13 — PAS aout se dé eee en 16 — 18 — AE PAPIER OS |: DE 18 — On voit que, le plus souvent, le nombre des nucléoles est différent de celui des articles du nucléus, tantôt plus, tantôt moins grand. Leur distribution le long des articles est également irrégulière, car on en trouve jusqu'à quatre ou cinq accolés à un seul article, tandis que les autres articles n’en ont qu’un, ou pas du tout', 1 Dans une note insérée aux Comptes rendus de l’Académie des sciences, séance du 28 juillet 1879, p. 250, j'avais déjà signalé l’existence de ces nombreux nucléoles chez cet [nfusoire, ainsi que chez Sprostomum ambiguum et Stentor cœæruleus. Bal- biani, faisant allusion à cette communication (Journal de micrographie du docteur Pelletan, 5e année, 1881, p. 263), m'attribue la prétention d’avoir voulu m’approprier des observations faites par lui, dix-neuf à vingt ans auparavant, Examinons les faits de près. Des trois Infusoires en question, le premier, Condylostoma patens, n'a jamais, autant que je sache, été observé par Balbiaui, ou, du moins, n’est cité dans S98 E. MAUPAS. Condylostoma patens est un Infusoire très agile. Quandilestinquiété, il nage rapidement soit en tournant autour de son axe longitudinal, soit posé sur une de ses faces planes. Sur des préparations bien dispo- sées, on peut l’'observer complètement immobile et n’agitant plus que l'appareil vibratile du péristome, qui produit le tourbillon alimentaire. Il appartient à la catégorie des Infusoires à tourbillon et, par consé- quent, n’a pas besoin de courir après ses proies. Comme beaucoup de Holotriches, dont nous avons parlé plus haut, il choisit dans la prépa- ration une place favorable et s’y tient immobile. La seule différence avec les Holotriches consiste, en ce que, son appareil vibratile buccal, beaucoup plus puissant que celui de ces derniers, attire dans le tour- billon alimentaire des proies beaucoup plus grandes et plus fortes. aucun de ses travaux. Restent Spirostomum ambiguum et Sfentor cœruleus., Or, én 1861 (Recherches Sur les phénomènes seœuels des Infusoires, p.55 du tirage à part), le professeur du Collège de France avoue que les nucléoles de ces deux Infusoires ne deviernent apparents qu’au temps de la conjugaison. En 1881 (Journal de micro- graphie, p. 328) et en 1882 (id., p. 162), il déclare à nouveau les nucléoles invisibles à toute autre époque de ia vie de ces Infusoires. Cette prétendue invisibilité conduisit même le savant professeur à émettre la singulière théorie, que chez certaines es- pèces le testicule (nucléole) n'existe réellement pas hors des époques sexuelles (Archives de Zoologie, t. 11, 1873, p. 388). Après des déclarations aussi nettes de la part de mon contradicteur, il me semble qu’il n’y avait pas lieu d’incriminer mes prétentions, lorsque je venais annoncer, comme une observation nouvelle, que les nucléoles étaient visibles chez ces Infusoires en tout temps, même à l’état de repos. Je crois encore pouvoir ajouter que, vu les dates récentes des citations faites ci-dessus, Balbiani pourrait encore aujourd'hui (1883) faire son profit de mes observations de 1879, Bütschli aurait eu bien plus sujet de se plaindre de moi que Balbiani, car, en 1876 (Studien über die ersten Entwicklungsvorqänge der Eïizelle, etc., p. 71) il avait déjà signalé les nucléoles chez Spirostomum ambiguum à l’état de repos, observation qui, je l'avoue, m'avait échappé. Je profite de l’occasion pour réparer un autre tort in- volontaire commis par moi au détriment du même savant. Dans ma contribution à l'étude des Acinétiens (Archives de Zoologie, 1881, p. 359), ‘avance que personne _ avant moi n'avait vu de nucléoles chez les Acinétiens. C’est une erreur; car Bütschli avait déjà découvert cet organe en 1876 (Jenaische Zeitschrift, t. X, p. 305) chez Sphaerophrya parameciorum. Mais, pour mon excuse, je puis déclarer qu’au mo- ment de la publication de mon travail, je n'avais pas encore pu me procurer celui de l'illustre professeur d'Heidelberg. J’ajouterai qu'ayant eu récemment l’occasion d'étudier la vraie Podophrya fixa, j'ai constaté très nettement l’existence d’un petit nucléole près du nucléus, Cet organe est donc probablement plus répandu chez les Acinétiens, qu'on ne l'a cru jusqu’à présent, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. D29 Cet Infusoire vit dans la mer et est très répandu. Il à été trouvé plusieurs fois déjà dans les mers du nord de l'Europe et sur les côtes méditerranéennes de la France. Je l’ai rencontré plusieurs fois au milieu d'algues et de débris ramassés sur la côte, près d’Alger. Il vit aisément dans les petits aquariums et peut s'y propager en grand nombre. Aucun auteur jusqu'ici n’a publié d'observations sur la multiplica- tion de C. patens. Sans avoir fait une étude approfondie de ce phé- nomène, j'ai cependant recueilli quelques observations, qui permet- tent d'affirmer que, chez cet Infusoire, la multiplication s’accomplit de la même façon et en suivant les mêmes phases que nous connais- sons chez ses congénères, les Spirostomes et les Stentors. Le nu- cléus commence par se condenser en une masse centrale homogène (fig. 3, n). Il est fort probable que cette condensation est précédée de la division des nucléoles ; car, sur plusieurs individus présentant cette forme condensée, j'ai trouvé les nucléoles en très grand nom- bre avec leur forme normale et divisés en deux groupes situés aux deux pôles opposés du nucléus (fig. 3, nl). À ce moment, on ne voit encore aucun étranglement sur le corps, et la division ne se dénote extérieurement que par l'existence d'un péristome rudimentaire (fig. 3,p), commençant à se développer sur le milieu de la face ventrale. Un peu plus tard (fig. 4), un étranglement nettement marqué apparaît au milieu du corps, et le nouveau péristome s'est un peu élargi. En même temps, le nucléus s’est allongé en un long ruban plus ou moins flexueux (fig. 4, n), entraînant avec lui les nucléoles accolés à ses côtés. L’étranglement du corps pénètre de plus en plus profondément, le péristome achève de se former, le nucléus se coupe en deux au niveau de l’étranglement du corps qui lui-même, s’amincit tellement, qu'il finit par se rompre et laisse indépendants l’un de l’autre les deux nouveaux individus. Chez cha- _cun d'eux, les nucléus passent de la forme rubanaire à la forme en chapelet par une série d’étranglements, qui isolent les articles, et la division fissipare se trouve complètement achevée, ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, == 2€ SÉRIR, == T, 1, 1883, 34 530 _ E. MAUPAS. ORGANOLOGIE DES OXYTRICHIDES. Avant de commencer les descriptions des quelques Oxytrichides qui vont suivre, je crois utile de les faire précéder de quelques dé- finitions et de préciser avec soin la terminologie, dont je me servi- rai. Une bonne morphologie comparée, en effet, ne peut s'établir qu'à l’aide d’une terminologie très exacte et basée sur une analyse aussi complète que possible des organes ou parties d'organes à com- parer. Bien que, dans un organisme aussi simple que celui des In- fusoires, la recherche des homologies ne puisse pas conduire à des résultats aussi considérables que chez les animaux d’une organisa- | tion plus complexe, cette méthode d'investigation n'en est pas moins très utile à appliquer ici et, comme je le démontrerai, nous donne les moyens d'établir d'une façon plus solide les affinités et les relations entre les types d’un même groupe. C’est faute d’avoir utilisé ces homologies et d'en avoir bien précisé les éléments, en les définissant et les dénommant rigoureusement, que, même chez les meilleurs auteurs, 1l existe encore aujourd’hui une très grande confusion dans les rapports et les relations des différentes parties du corps des Oxytrichides et des Euplotides, groupes auxquels se réfè- rent plus spécialement ces observations. C’est cette confusion que je vais essayer de débrouiller et d’éclaircir, en précisant bien nette- ment la terminologie, quej’emploierai plus loin dans les descriptions, Je n'aurai d’ailleurs pas beaucoup à innover, car, en cherchant dans les auteurs antérieurs, on peut y trouver presque tous les élé- ments d’une bonne nomenclature et, en empruntant à chacun d’eux ce qu'ils ont de bon, précisant avec plus d’exactitude leurs défini- tions et redressant certaines erreurs, j'espère pouvoir présenter une terminologie complète et définitive, dans laquelle j'aurai eu très peu de termes nouveaux à introduire. Le premier en date de ces auteurs : est le vieux O.-F, Müller!, qui, dans la description de son genre 1O,-F, Muicer, AnimalCula infusorla, ele,, 1786, ETUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 531 Kerona (== Euplotides et Oxytrichides), avait déjà tenté de distinguer les diverses sortes d’appendices de ces infusoires par des dénomina- tions empruntées à leur apparence extérieure. Ebrenberg ! voulut compléter et préciser plus exactement ces dénominations, en les définissant d’après de prétendues différences, qu’il crut reconnaître dans leur structure et dans leur mode de fonctionner. Dujardin ? se contenta de critiquer les définitions d'Ehrenberg, sans rien ajouter de nouveau à cette partie de la morphologie des Infusoires, Avec Claparède * et Stein * nous arrivons à des essais beaucoup plus complets. Ces deux savants ne se contentèrent pas de distin- guer les diverses sortes d'appendices, mais commencèrent à jeter les premières bases d’une morphologie comparée des diverses parties et régions du corps. C'est à eux surtout, que nous aurons à emprunter dans la nomenclature que nous adopterons, Enfin, pour terminer ce résumé historique, Je citerai encore Sterki”, à qui nous devons d'excellentes observations sur la forme et l'arrangement des appen- dices des Oxytrichides. Saville Kent 6 à adopté la terminologie de Stein et de Sterki, sans y faire le moindre changement, Chez toutes les Oxytrichides et Euplotides connues jusqu’à ce jour, le corps plus ou moins déprimé offre deux faces parfaitement distinctes l’une de l’autre, la face dorsale et la face ventrale. Cette dernière porte toujours la bouche et les divers appendices destinés à la locomotion et à la production du tourbillon alimentaire. La bouche, toujours située en un point plus ou moins rapproché du centre de la face ventrale, délimite dans cette dernière et dans le sens transversal deux régions : l’une antérieure ou prébuccale, l’autre postérieure ou postouccale. Ces deux régions se distinguent nette- ment l’une de l'autre, non seulement par leurs rapports de position, 1 Die Infusionsthierchen als volk. organ., 1838, p, 363, à Infusoires, 1841, p. 47 et 411, 3 Études sur les Infusoires, 1858, p, 18 et 137, * Der Organismus, etc., 1859, t, I, p. 69-70, $ Zeilschrift [für wiss. Zoologie, 1878, t, XXXI, p, 29.68, 8 4 Manual of the Infusoria, 1882, p. 760. 532 E. MAUPAS. mais surtout par leur valeur morphologique réciproque, et par la présence constante d’appendices spéciaux fixés à chacune d'elles. Par un phénomène de balancement organique nettement accusé, ces deux régions tendent, suivant les genres etles espèces, à pren- dre un développement inverse l’une de l’autre. Dans le genre Aspi- disca, la région prébuccale occupe 75 à 85 pour 100 de la longueur totale du corps, tandis que dans le genre Uroleptus cette même partie tombe à son minimum de développement et ne comprend plus que 20 pour 100 (Uroleptus rattulus, Stein), et même 10 pour 100 (Uroleptus mobilis, Engelmann) de la longueur totale, la région post- buccale embrassant tout le reste. Entre ces deux genres, que l’on peut considérer comme les deux extrêmes opposés, on trouve tous les intermédiaires, comme le prouve la liste suivante de quelques- uns des genres principaux, avec la longueur de la région prébuccale en centièmes de la longueur totale du corps : Uroleptus, 10 à 20 ; Oxytricha, 95 à 35; Urostyla, 35 à 40; Pleuro- tricha, 42 ; Stylonichia, 45 à 50; Onychodromus, 50 ; Uronychia, 55 ; Styloplotes, 62 ; Euplotes, 60 à 70 ; Aspidisca, 75 à 85. Remarquons en passant que la souplesse et la contractilité du corps paraissent être en raison inverse du développement que prend la région prébuccale. Les Uroleptes jouissent d’une grande flexibi- lité ; les Oxytriches aussi sont en général très flexibles et quelques- unes même sont douées d’une contractilité très marquée. Les Urostyles, Pleurotriches et Stylonichies sont encore doôuées de flexibilité et d'élasticité. Nous passons aux Uronychies et Styloplotes chez lesquelles l’élasticité disparaît présque entièrement, pour arri- ver aux Euplotes et Aspidisques, dont le corps est devenu si rigide qu'il a été décrit par les auteurs comme enveloppé d’une cuirasse inerte et distincte. La région antérieure ou prébuccale, considérée par sa face ven- trale, se divise dans le sens longitudinal en deux parties plus ou moins égales suivant les espèces : le Péristome et l'Aire latérale. Le péristome occupe la partie gauche, et l’on y peut distinguer la Fosse ‘ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 533 buccale (Péristomfeld de Stein), dépression en forme de triangle iso- cèle plus ou moins allongé, et la Zone d'insertion des membranelles buccales (Adorale Bance de Stein), bande longue et étroite, qui borde la fosse buccale sur son côté gauche et se prolonge en avant en contournant l'extrémité antérieure du corps, et se développant quelquefois jusque sur le bord droit de ce dernier. L’aire latérale embrasse toute la partie droite. Sa forme est le plus souvent celle d'un rectangle plus ou moins allongé, et elle porte toujours des appendices, qui lui sont particuliers et dont nous parlerons plus loin. L’aire latérale et la fosse buccale sont souvent mal délimitées en avant et passent de l’une à l'autre sans qu'on puisse dire où commence l'une et où finit l’autre. Stein désigne sous les noms de front et aire frontale (Stirn, Surnfeld) la région que j'appelle aire latérale ; mais, pour moi, comme pour Claparède et Lachmann, le front est la lamelle mince et en forme de croissant plus ou moins allongé, qui borde l’ex- trémité antérieure du corps. Stein, malgré l’opinion contraire de Claparède et Lachmann, croyait d’abord! ce prolongement trans- parent du corps placé au-dessus de la partie antérieure de l'arc vibratile buccal et lui avait donné le nom d'Oberlippe (lèvre supé- rieure) , tandis qu'en réalité il est placé au-dessous des mem- branelles fronto-buccales, qui, par conséquent, se trouvent insérées à la face dorsale du corps. Bien que Wrzesniowski? et lui-même * aient reconnu depuis longtemps l'erreur de cette observation, ces auteurs n’en conservent pas moins cette dénomination impropre, qui à été adoptée par tous les auteurs ultérieurs. On la trouve em- ployée dans tous les écrits d'Engelmann, de Sterki et des autres auteurs qui ont décrit des Oxytrichides ou des Euplotides, bien que, par l'inspection de leurs dessins, on voie qu'ils ont très bien reconnu 1 Der Organismus, elc., t. J, 1859, p. 126,133. ? Annales des sc. naturelles, Zoologie, 1861, t. XVI, p. 334. 3 Sitzungsberichte der Gesellschaft der Wissenschaften in Prag, 1862, janvier-juin, P, 56, 94 E. MAUPAS, la véritable position de ces parties. En effet, la base des membra- nelles fronto-buccales y apparaît toujours plus pâle que l'extrémité libre, telle qu'on la voit par transparence au travers de la lamelle frontale, l’infusoire étant observé par sa face ventrale. Malgré cette consécration de l'usage et l'autorité de ces auteurs, je n'ai pas cru devoir conserver cette dénomination et j'ai préféré celle de Clapa- rède et Lachmann qui, au mérite de l'exactitude, joint encore le droit de priorité. Le péristome et l'aire latérale, suivant les genres et les espèces, occupent respectivement une portion plus ou moins grande de la région prébuccale du corps. Chez les Aspidisea, Paire latérale envahit presque toute la région antérieure et le péristome se trouve réduit à son minimum de développement. Il en est de même chez les espèces d’Oxytriches réunies par Sterki dans son genre Gonostomum (0. af- finis, Stein, et O. strenua, Engelmann). Chez ces deux infusoires le péristome se trouve complètement rejeté sur le bord gauche, toute la région prébuccale étant envahie par l'aire latérale. Dans les genres Stichotricha et chez certains Uroleptus l’aire latérale tend encore à prendre un développement exagéré au détriment du péristome. Ges deux parties sont, au contraire, à peu près égales dans les genres Styloplotes, Uronychia, Euplotes, Onychodromus, Stylonichia, Pleu- rotricha, Oxytricha, Psilotricha et Urostyla. La région postérieure ou posthbuccale, examinée par la face ven- trale, se divise aussi en deux parties, mais dans le sens transversal. Ces deux parties sont délimitées par la ligne d'insertion des cirres que j'appellerai transversaux et dont la définition suit plus bas. La partie antérieure peut prendre les noms d'abdomen ou ventre et la partie postérieure celui de queue. L'abdomen est plus ou moins dé- veloppé suivant les genres et les espèces. Chez les Aspidisca et les Euplotes, où la ligne d'insertion des cirres transversaux se trouve au même niveau que la bouche, il n’existe pas et la queue comprend à elle seule toute la région postbuccale. Dans les deux genres Stylo- plotes et Uronychia, l'abdomen et la queue se partagent à peu près ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 939 par moitiés égales cette région. L'’abdomen, au contraire, est très développé et la partie caudale proportionnellement très courte dans les genres Onychodromus, Stylonichia, Pleurotricha, Kerona, Oxy- tricha, Psilotricha, Urostyla, Gastrostyla et Actinotricha, Enfin dans les genres Stichotricha et Uroleptus, où les cirres transversaux n'existent pas, toute la région posthuccale peut être considérée comme appartenant à l'abdomen. Maintenant que nous sommes bien orienté dans la topographie morphologique du corps et que nous avons exactement déterminé les diverses parties dont il se compose, nous pouvons passer à la description des diverses sortes d’appendices, dont les homologies seront faciles à établir, en se guidant d’après les homologies de leurs points d'attache. Sur les infusoires constituant les deux familles dont nous nous occupons ici, on peut distinguer quatre espèces d’appendices : 4° des cils vibratiles ; 2 des cirres ; 3° des sotes ; 4° des membranes vibratiles. Cils vibratiles. — On peut ‘définir les cils vibratiles comme des filaments courts, extrêmement ténus, homogènes, simples, d’un diamètre à peu près égal dans toute leur longueur et doués du mou- vement dit vibratile. Gette sorte d’appendice, si répandue et si impor- tante chez le plus grand nombre des infusoires, n'apparaît qu'avec un développement et un rôle très réduits chez les Oxytrichides et les Euplotides. Dans ces deux familles on ne trouve, en effet, de cils vibratiles proprement dits que dans la région du péristome, où ils forment plusieurs groupes distincts auxquels on a donné des noms empruntés à leur rapport de position avec la bouche. Les cvs pré- buccaux (präoralen Wimpern, de Stein) sont disposés sur une rangée le long du bord droit du péristome et insérés au-dessous de la mem- brane vibratile. Une seconde rangée est insérée sur le bord opposé et à la base interne des membranelles buccales; ce sont les cès parabuc- caux (parorale Wimpern, de Sterki). Enfin les cils endobuceaux (endorale Wimpern, de Sterki) constituent un troisième groupe. Ils forment une rangée de cils ondulés, sinueux, insérés sur le fond et dans 536 E. MAUPAS. l'angle de la fosse buccale, Cette rangée se continue jusque dans l’æsophage, et les derniers cils font saillie dans la cavité du corps, où ils contribuent probablement à la rotation des bols alimentaires. Ges trois groupes de cils vibratiles n'existent pas dans tous les genres et chez toutes les espèces. On n’a encore pu démontrer leur présence simultanée que sur quelques espèces appartenant à la famille des Oxytrichides, et il est probable que l’un ou l’autre, ou même tous, manquent chez beaucoup d'espèces de la même famille. Les cils prébuccaux seuls existent chez toutes les Euplotes. Ils ont été pris à tort par Wrzesniowski ! pour une membrane vibratile dans la description de ison £. patella, var. ewystomus. L'appareil vibratile du péristome des Aspidisca est réduit très probablement au groupe des cils prébuccaux, tous les autres groupes d’appendices, y compris les membranelles buccales, étant complètement atrophiés. 1l en est de même pour Actinotricha saltans (Cohn), dont la description com- plète suit plus loin. Cirres. — J'appelle cirres tous les appendices de la face ventrale en forme de stylets plus ou moins effilés et qui, à leur base d’in- sertion, ont un diamètre beaucoup plus fort qu'à leur extrémité libre. Les anciens auteurs les définissant d’après des différences, qu'ils avaient cru reconnaître dans leur forme extérieure et dans leur rôle, leur avaient donné des noms très variés, tels que : stylets, crochets, cornicules, pieds-rames, pieds-crochets, pieds-marcheurs, pieds- cirres. Mais Stein a reconnu, avec beaucoup de raison, que ces dif- férences n'avaient rien d’essentiel et qu'il était bien plus important de les distinguer d’après leur groupement et leurs rapports de posi- tion avec les diverses régions du corps. Malheureusement ce savant n'ayant pas établi, avec une rigueur suffisante, les véritables homo- logies de ces régions, il en est résulté, comme nous le verrons, quelques confusions dans sa nomenclature de ces appendices chez les divers genres et espèces. Stein les considère aussi comme de # Zeitschrift f, wiss. Zoologie, t. XX, 1870, p. 483. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 537 simples variétés des cils vibratiles proprement dits, ayant même structure et n’en différant que par leurs dimensions plus grandes et plus fortes. Il leur conserve à tous la dénomination générale de cols (Wimpern), distinguantseulement des cils marginaux, buccaux, abdo- minaux, etc. Mais une étude plus approfondie de leur structure histologique m’a permis de reconnaître qu'ils différaient beaucoup des simples cils vibratiles. Je démontrerai plus loin, dans les résul- tats généraux qui serviront de conclusions à ce travail, qu’en réalité ce sont des faisceaux de cils intimement soudés ensemble, mais que certains réactifs permettent encore d'isoler. Cette nature complexe étant bien établie, il m'a paru difficile de leur conserver la même dénomination générale qu'aux cils vibratiles simples et j'ai adopté celle de ctrres, qui avait déjà été employée par les auteurs antérieurs et plus particulièrement par Claparède et Lachmann. Il est bien certain que, dans la série des Infusoires, on peut trouver tous les intermédiaires entre les cils simples et les vrais cirres; nous avons même vu plus haut que le Condylostome, muni à sa face dorsale de véritables cils vibratiles, porte, au contraire, à sa face ventrale des appendices qui, à cause de leur ténuité, ont été considérés par tous les observateurs comme de simples cils, tandis que par leur mode de fonctionner, ils jouent souvent le rôle de vrais cirres abdominaux. Cet infusoire nous montre donc dans son système ciliaire la transi- tion entre les deux sortes d’appendices. Mais il n’est pas moins vrai aussi que, chez toutes les espèces d’Infusoires connues jusqu'ici, un examen approfondi permettra presque toujours de distinguer les cirres des cils simples. Un premier groupe de cirres est formé par ceux, qui sont insérés sur l'aire latérale et que nous appellerons cirres latéraux. Ge groupe, parfaitement distinct dans les genres Aspidisca, Euplotes, Styloni- chia, le devient, au contraire, beaucoup moins dans les genres Oxy- tricha, Onychodromus, Pleurotricha, Kerona, Stichotricha, Uro- leptus, etc., où :il se relie sans discontinuité avec les cirres abdominaux. Le nombre des cirres latéraux varie suivant les genres 298 E. MAUPAS. et les espèces; leur forme et leur dimension sont variables aussi, et l'on en trouve d'unciforme, de styliforme et de sétiforme. Les anciens auteurs les désignaient par les noms de cornicules, de crochets, de pieds-marcheurs, de pieds-crochets, de cirres corniculés. Stein, par une de ces confusions dont nous avons parlé plus haut, les appelle cvs abdominaux (bauch Wimpern) chez les Euplotides et les Aspidiscides, tandis que chez les Oxytrichides il leur donne le nom de cils frontaux (stirn Wimpern), de sorte que pour cet auteur la région du corps, qui, chez les Oxytrichides, constitue son aire frontale, devient l’ab- domen chez les Euplotes et les Aspidisca, Je crois erronée cette manière de voir et l'homologie de ces parties, telle que je l’ai établie plus haut, me semble plus exacte. Les cirres abdominaux (bauch Wimpern, de Slein) constituent un second groupe inséré sur la région abdominale. Suivant les geures et les espèces, ce groupe est composé tantôt de quelques cirres plus ou moins isolés, tantôt de rangées serrées plus ou moins nom- breuses. Dans ce dernier cas, le groupe des cirres abdominaux se relie sans discontinuité avec celui des cirres latéraux. Les genres Aspidisca, Euplotes, Styloplotes et Uronychia manquent de cirres abdominaux; c’est donc à tort, comme nous l'avons vu plus haut, que Stein leur en avait attribué. Le nombre des cirres abdominaux varie beaucoup suivant les genres. Toujours au nombre de cinq seulement chez les Stylonichia, ils deviennent si nombreux chez les Urostyla, qu'il est impossible de les compter. + Les cirres transversaux forment un troisième groupe situé en arrière du précédent. Ils sont toujours peu nombreux et insérés sur une seule ligne transversale qui, comme, nous l'avons vu plus haut, sert de démarcation entre l’abdomen et la queue. Dans les genres Uroleptus, Stichotricha, etc., ils manquent totalement; mais en com- pensation les cirres marginaux postérieurs sont nombreux et longs et remplissent le même office que les cirres transversaux. Leur forme, leur nombre et leurs dimensions varient beaucoup d'une espèce et d'un genre à l’autre. Leur rôle consiste surtout à fixer les ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS, 339 infusoires aux objets sur lesquels ils marchent et à les rejeter rapi- dement en arrière, en se contractant brusquement. Chez les auteurs antérieurs, on les trouve désignés sous les noms de stylets, de pinnules, de cirres et de pieds-rames. Stein leur avait donné le nom de culs anals (after Wimpern), croyant que l'anus des Euplotides et des Oxytri- chides est toujours placé dans leur voisinage et sur la même face Mais c’est une erreur ; car si l'anus est bien placé à la face ventrale et au point indiqué par Stein chez les Euplotides, il est, au contraire, toujours situé à la face dorsale chez les Oxytrichides, ainsi que je le démontrerai ailleurs, à l’aide de mes observations, de celles de Wrzesniowski et de celles de Stein lui-même, mieux interprétées. La dénomination du savant professeur de Prague ne répondant pas à la réalité, j'ai dû l’abandonner et en ai choisi une autre qui indique simplement la disposition de ces cirres en ligne transversale par rapport à l'axe longitudinal du corps. | Les cirres marginaur (rand Wimpern, de Stein) forment une qua- trième et dernière série. Ils manquent complètement chez les Aspi- disca. Chez Uronychia et Styloplotes, ils sont réduits au nombre de deux, insérés à l'extrémité postérieure du bord gauche du corps. Stein place encore dans cette série les trois gros appendices de la région postérieure du bord droit de ces deux mêmes Infusoires. Mais c’est là une erreur ; car ces appendices sont séparés des cirres transversaux par une mince lamelle, prolongement de l'extrémité postérieure ou caudale du corps et, par conséquent, appartiennent à la face dorsale, ainsi que Claparède et Lachmann l'avaient déjà bien reconnu. Il est donc impossible de les ranger dans le groupe des cirres marginaux, et nous verrons plus bas, où l'on doit plutôt leur chercher des homologues. Chez les Euplotes, les cirres margi- naux sont au nombre de quatre, situés dans la région caudale. Enfin, chez toutes les Oxytrichides, ils forment une rangée continue sur chacun des deux bords longitudinaux de la face ventrale. Chez cer- taines espèces ces deux rangées se rejoignent sans interruption sur le bord de l'extrémité postérieure du corps; chez d’autres, au 940 E. MAUPAS. contraire, elles sont séparées par une lacune située à cette extrémité, Le véritable rôle de ces appendices est assez mal défini et probable- ment n’est pas exactement le même dans tous les genres. Leur forme et leurs dimensions varient aussi considérablement d'un genre et d’une espèce à l’autre. Soies. — Les soies sont des appendices filiformes, homogènes et simples comme les cils vibratiles, mais rigides comme des aiguilles. On peut en distinguer deux sortes : les soces dorsales (dorsale Wim- pern, de Sterki) et les soies caudales (schwanz Wimpern, de Stein). Les premières qui sont extrêmement fines et le plus souvent très courtes, sont aussi fort difficiles à voir chez beaucoup d'espèces. Découvertes par Lieberkühn, la réalité de leur existence fut contestée par Stein; mais depuis elles ont été revues par tous les bons observateurs, et aujourd'hui personne n'émettrait plus de doute à leur égard. Les premiers observateurs avaient cru qu'il n’en existait qu'une rangée sur tout le pourtour de la face dorsale; mais Sterki a reconnu qu'elles y étaient disposées en plusieurs lignes longitudinales occupant toute la face dorsale. Il n’a pu réussir à déterminer le nombre de ces rangées chez aucune espèce. J'ai été plus heureux avec E’uplotes patella et Æ. vannus. Chez la première, les rangées sont au nombre de dix à onze et un peu obliques de gauche à droite, l’ani mal étant observé par le dos. Chez £'uplotes vannus, elles ne sont plus qu’au nombre de huit et parallèles à l'axe longitudinal. Stylo- plotes aussi est pourvu de soies dorsales. Il m'a été impossible jus- qu'ici de les distinguer chez aucun Aspidisea ni chez Uronychia ; mais je les ai toujours vues chez toutes les Oxytrichides, où je les ai recherchées dans de bonnes conditions d'observations. Elles sont excessivement courtes chez les Euplotes, un peu plus longues chez les Oxytrichides et atteignent leur maximum de développement chez Stichotricha et chez Sfylonicha echinata de Claparède et Lach- mann’: ! STEIN (Organismus, t. I, p. 171), trompé par l’idée erronée qu'il s'était faite des _ ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 41 Les sos caudales sont beaucoup plus longues et plus fortes. Comme les précédentes, elles sont insérées sur la face dorsale et sur le bord de l'extrémité postérieure du corps. Tout me fait croire que leur point d'insertion coïncide avec les lignes de soies dorsales, dont chacune d'elles serait la dernière d’une rangée, mais avec un déve- loppement beaucoup plus grand que celles qui précèdent. Chez Stylonichia mytilus, où elles sont très longues et très fortes, elles ont une forme subulée comme les cirres, et avec les réactifs on recon- naît qu'elles aussi sont composées de plusieurs soies soudées en- semble. Toujours au nombre de trois chez les Stylonichies et les Oxytriches, elles manquent chez les Aspidisca et les Euplotes. Les trois gros appendices de la région postérieure du bord droit de Sty- loplotes et d’Uronycha, dont nous avons parlé plus haut, ne peuvent trouver d’homologues qu'avec les trois soies caudales des Styloni- chies. Comme ces dernières, ils sont insérés sur l'extrémité posté- rieure de la face dorsale. La différence la plus importante est dans leur volume considérable et leur structure fibrillaire ; mais nous avons vu que chez Stylonichia mytilus les soies caudales avaient déjà une structure semblable, quoique avec un développement moindre. Leur rôle, cependant, n’est plus le même. Chez Styloplotes et Uro- nychia les trois gros appendices caudaux sont destinés exclusive- ment à déterminer les bonds rapides, que ces infusoires exécutent si souvent et avec une si grande puissance. Chez les Oxytriches et les Stylonichies, les soies sont, au contraire, des organes de la sen- sibilité, destinés à avertir ces Infusoires de l’approche d’un danger. Quand on observe ces Infusoires dans un état d’immobilité complète, on les voit se précipiter rapidement en avant dès qu'un autre Infu- soies dorsales, a voulu rattacher cette Stylonichie à son genre Pleurotricha. Il con- sidère les cirres marginaux comme des cirres abdominaux et les longues soies dor- sales figurées par Claparède comme des cirres marginaux. Mais je puis confirmer l'exactitude de l'observation de Claparède, Cette Stylonichie n’est pas rare dans les eaux douces des environs d'Alger, et j'ai pu reconnaître la vraie nature de ses soies dorsales, Elles sont fort longues, mais plus effilées que sur le dessin du savant genevois, 949 E. MAUPAS. soire arrive en contact avec l’extrémité libre de leurs soies. On peut faire cette observation d’une façon encore plus exacte chez les Infu- soires du groupe des Holotriches, tels que Pleuronema chrysalis ou Cryptochilum nigricans, qui sont munis d'une ou plusieurs soies postérieures. Claparède et Lachmann avaient à tort donné à ces appendices le nom de soies saltatrices, croyant qu'elles servaient à produire les sauts brusques qu'exécutent souvent ces Infusoires. L'opinion que je défends ici est encore démontrée par l’observation sur les Mesodinium. Ces petits Infusoires, par leur facies général et leur manière d’être, rappellent beaucoup les Haltéries ; mais sont dépourvus de la couronne de longues soies de ces dernières. Ils n’en sont pas moins agiles pour cela et exécutent des bonds aussi brus- ques et aussi étendus que ceux des Haltéries. C'est donc dans les cirres de ces Infusoires qu'il faut placer le siège de leur haute agilité. Membranes vibratiles. — Les appendices de la catégorie des mem- branes vibratiles se présentent, dans les familles d'Infusoires en question ici, sous deux formes différentes : la membrane vibratile proprement dite et les membranelles buccales. La première, insérée le long du bord droit du péristome au-dessus des cils prébuccaux, a été reconnue chez la plupart des Oxytrichides. Elle fait défaut chez les Aspidisca et les Euplotes, dont les cils prébuccaux sont assez développés, tandis qu'elle est très grande chez Uronychia et Stylo- plotes, qui, par contre, sont dépourvus de cils prébuccaux. Les membranelles buccales constituent le puissant appareil vibratile qui produit dans l’eau le tourbillon alimentaire destiné à précipiter vers la bouche les proies dont se nourrissent ces Infusoires. Ces appendices, mal observés par les auteurs antérieurs, leur avaient apparu sous la forme de cils, d’où les noms de cils buccaux, cirr'es buccaux, cirres fronto-buccaux, par lesquels ils les désignent. Sterki, le premier !, a reconnu leur forme membranoïde et l’a vérifiée sur 1 Frèsenius (Der zoologische Garlen, 1865, p. 122) avait déjà constaté le fait chez Sfyloplotes appendiculatus, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 543 un assez grand nombre de genres et d'espèces. Mes observations concordent entièrement avec les siennes, et l’on peut, dès mainte- nant, affirmer que chez tous les Infusoires où le péristome est pourvu de ces appendices, ces derniers ont toujours une formé aplatie membranoïde. Ces appendices sont, comme les cirres, composés de cils intimement soudés ensemble, que les réactifs peuvent dissocier et isoler. L'arc vibratile, composé par l’ensemble des membranelles passant de la face ventrale à la face dorsale en contournant le front, peut être divisé en deux régions : l’une antérieure ou frontale et la seconde, postérieure ou buccale. Chez quelques espèces, les mem- branelles de la région antérieure diffèrent beaucoup des autres par leur plus grande longueur et par leur forme; on peut donc aussi les distinguer par la dénomination de membranelles frontales, tandis que celles de la région postérieure seraient les membranelles buccales proprement dites. Au sujet du nombre de membranelles fronto- buccales, Sterki a raison de dire que Stein en a fort exagéré Île nombre sur ses dessins de Séylonichia mytilus (environ 450 et non pas 200, comme l’affirme Sterki) ; mais lui-même est tombé dans une exagération contraire, en les réduisant au nombre de 40 à 50. Je les ai comptées avec beaucoup de soin sur plusieurs individus tués sans aucune déformation par des réactifs et leur nombre a varié entre 60 et 75, suivant la taille de ces individus. Ces nombres concordent parfaitement avec celui de 70 que l’on trouve, en comp- tant les cils buccaux de la figure donnée par Claparède et Lachmann. La forme exacte de ces membranelles est assez difficile à détermi- ner et varie probablement d’un genre à l’autre, et même de la région frontale à la région buccale sur la même espèce, D#4 E. MAUPAS, ACTINOTRICHA SALTANS (COZN). (PI. XXL, fe 6 Te Conn, Zeit. für wiss. Zool., t. XVI, 1866, p. 283, pl. XIV, fig. 24-96. QuennersrEDT, A., Bidrag til Sveriges Infusorie-fauna, W, 1867, p. 40, pl. IL, HE. D. Le corps est incolore, de forme oblongue; les individus que j'ai observés mesuraient entre 0"*,080 et 0%%,100, avec une largeur presque trois fois moindre. L'épaisseur (fig. 6) est égale à la moitié de la largeur; mais elle va en s’amincissant vers l'extrémité posté- rieure. La face ventrale est plane, la face dorsale bombée. Le plus souvent les extrémités antérieure et postérieure sont tronquées et arrondies régulièrement (fig. 7); mais on trouve aussi assez fré- quemment des individus chez lesquels ces extrémités se rétrécissent de bonne heure et graduellement, ce qui donne au corps un contour général elliptique assez accusé. La substance du corps est très peu consistante ; aussi cet Infusoire difflue-t-il avec la plus grande faci- lité. Nous allons voir plus loin la cause de cette fragilité. Le corps jouit d’une contractilité assez grande, qui lui permet de se raccourcir brusquement en s’élargissant. Il est en même temps extrêmement souple et flexible et peut se replier complètement en deux. | Je considère Actinotricha comme dépourvu de toute espèce de tégument. Les meilleurs réactifs (alcool, chlorure d'or) ne font appa- raître à sa surface aucune couche différenciée et distincte de la masse générale de sarcode qui constitue le corps. Quand on tue ainsi un de ces Infusoires, on le voit se déformer et se déchirer de façons très irrégulières et les ingesta sortir librement par ces déchirures. Ges masses coagulées, examinées avec les grossissements les plus forts, ne laissent rien voir qui ressemble à une couche périphérique diffé- renciée. La moindre lésion mécanique, ou le changement le plus faible dans la composition du liquide ambiant, font diffluer les indi- vidus vivants, avec une rapidité presque instantanée. Tous ces faits sont pour moi des preuves indiscutables de l'absence d'une couche ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 45 tégumentaire extérieure et permettent de considérer cet Infusoire comme composé uniquement d’une masse de sarcode nu. Aux résul- tats généraux nous verrons que ce fait n’est pas isolé. On peut donc dire que, chez cet Infusoire, le cytosôme constitue la masse totale du corps. Cette masse sarcodique est parfaitement homogène dans toute son étendue et ne s’est même point différen- ciée en un endosarc et un ectosarc. Les ingesta s'accumulent sous forme de sphères digestives, en nombre souvent très grand dans cette gangue sarcodique. J’ai observé très fréquemment des individus dont le corps en était littéralement bourré et devenu très opaque. Cohn décrit, dans le premier et le dernier tiers de la face ventrale, deux corpuscules à double contour semblables à ceux que l’on connaît depuis longtemps chez Oxytricha pellionella. Je n’ai pas re- marqué ces corpuscules, qui, d’ailleurs, auront peut-être échappé à mes observations faites avant d’avoir lu le travail du savant allemand. L'appareil buccal de cet Infusoire est un des plus difficiles à étudier et, en même temps, je crois, un des plus singulièrement organisés parmi les nombreuses formes de la famille des Oxytrichides. Une première bizarrerie est l'absence d’une fosse buccale, ou bien, si elle existe encore, elle se trouve réduite à l’état d’une ligne étroite, resserrée qu’elle est entre ‘es deux bords latéraux du péristome. Ceux-ci sont en contact si immédiat que même, avec d'assez forts grossissements, on n'arrive pas à les séparer nettement. Le front est bien développé, mais épais et non transparent. Il se détache de l'extrémité antérieure jusque sur son bord droit ef apparaît ainsi sous l’aspect d’une languette semi-circulaire, occupant le centre de l'extrémité antérieure de la face ventrale (fig. 7, /). Le bord anté- rieur dorsal se prolonge à peu près au même niveau que le bord du front; mais ils sont séparés par une gouttière assez profonde, dans le creux de laquelle sont insérées les membranelles frontales (fig. 6, g). L'appareil vibratile se compose uniquement de la série des mem- branelles fronto-buccales. Ces membranelles forment deux groupes distingués par leur différence de dimension, à un degré que nous ne ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GËN« == 9€ SÉRIE, — T, I, 1883. 35 046 E. MAUPAS. Lé connaissons chez aucun autre [nfusoire du groupe des Oxytrichides. Le premier groupe antérieur se compose des membranelles frontales au nombre de cinq (fig. 7, f). Elles sont moitié plus longues que les membranelles buccales et ne diminuent pas graduellement de longueur, pour se continuer insensiblement avec ces dernières. Le passage entre les deux groupes est brusque. Ces membranelles fron- iales sont insérées sur tout le pourtour semi-circulaire du bord frontal et forment une sorte de diadème à l’extrémité antérieure du corps. Cohn les décrit sous la forme de stylets; mais c’est une erreur, Elles sont aplaties et membranoïdes; mais plus épaisses et moins transparentes que chez les autres Infusoires du même groupe. Leur forme est celle d’un triangle extrêmement aigu, dont le sommet se trouve à l'extrémité apicale. Le groupe des membranelles buccales se replie en demi-cercle de gauche en dedans. Ces membranelles sont peu nombreuses et forment une série très courte, Il m'a semblé, sans que j'aie pu m'en assurer d’une facon certaine, que la fente presque imperceptible qui constituerait la dernière trace de la fosse buccale, se prolongeait assez loin au-delà de l'extrémité postérieure de leur série. Une grande difficulté est de savoir sur lequel des bords du péristome les membranelles buccales sont insérées. Après de longues hésitations et après avoir vérifié nombre de fois mes observations, j'en suis arrivé à croire qu'elles étaient attachées au bord droit. Si mes observations sont exactes, ce que je n’ose encore garantir entière- ment, ces membranelles correspondraient morphologiquement aux cils prébuccaux, ou, peut-être mieux, à la membrane vibratile des autres Oxytrichides. Ce fait serait unique dans ce groupe d'Infu- soires et constituerait une anomalie fort curieuse. Malheureusement, avec les moyens optiques à ma disposition, je n’ai pu arriver à une certitude absolue. Pour vérifier avec sûreté cette disposition, il eût fallu. observer un de ces Infusoires au moment de la capture d'une proie. C'est ce que je n'ai pu réussir à faire, quelque patience que j'y aie apportée. Et, cependant, Actinotricha est un Infusoire extrê- - ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. H47 mement vorace. Chez un individu qui entrait en difiluence, j'ai compté une centaine de sphères alimentaires provenant de proies assez grosses, probablement des Cryptochilum nigricans et des Uro- nema marina, qui étaient très communs dans la même eau. Si l’hy- pothèse qui, d’après mes observations, me paraît la plus probable, à savoir l'insertion sur le bord droit, est bien exacte, la zone pro- prement dite et typique @es membranelles buccales aurait disparu, atrophiée et résorbée. Il n’en aurait survécu que la portion antérieure, représentée par les cinq grandes membranelles frontales, d’une con- formation et de dimensions si différentes du reste de la série. Une autre particularité des appendices buccaux, spécialement propre à cet Infusoire, est l'état d’immobilité absolue dans lequel ces appendices demeurent, lorsqu'un individu est au repos. Chez toutes les Oxytrichides connues, le mouvement vibratile des mem- branelles fronto-buccales paraît complètement indépendant de la volonté de l'animal et se continue perpétuellement avec la même énergie, même lorsque tous les autres appendices sont au repos. Il n'en est plus de même chez Actinotricha ; dès qu'il s'arrête et s’im- mobilise (et cela lui arrive souvent), toutes les {parties du corps, y compris les membranelles fronto-buccales, entrent également dans un repos absolu. Actinotricha est donc, fait unique encore, une Oxytrichide dépourvue du tourbillon alimentaire, qui sert à tous les infusoires de cette famille à capturer leurs proies. Comment arrive- t-il à les saisir ? c’est ce que je n’ai pu constater. Cohn affirme que les cinq grandes membranelles frontales entrent en jeu quand l'in- fusoire est très agité. J'ai fait la même observation. Après cette longue étude sur les parties et les appendices de l'appareil buccal, je ne saurais dire exactement où se trouve la bouche elle-même. Est-elle située à l'extrémité de la série des mem- branelles buceales, ou bien un peu plus loin en arrière dans le sillon étroit qui se prolonge au-delà de cette extrémité? C’est ce que je ne saurais dire. À l’état de repos, elle est si bien close qu'il est abso- lument impossible de reconnaître sa position. O48 E. MAUPAS. Les cirres latéraux sont unciformes et au nombre de trois. Ils sont insérés vers le milieu de la longueur de l'aire latérale et disposés en triangle, un près du bord interne du péristome et deux plus à droite. Les cirres abdominaux sont également unciformes et au nombre de sept. Ils sont insérés sur la moitié longitudinale droite de la région abdominale et disposés comme suit : d’abord deux de front, à peu près au niveau du point où doit se trouver la bouche, plus loin encore deux de front, puis un isolé, et enfin deux de front un peu en avant des cirres transversaux. Cohn n'avait pas vu un seul de ces cirres latéro-abdominaux. Les cirres transversaux sont toujours au nombre de cinq et non pas de six à huit, comme l’affirme Cohn. Ils sont insérés assez en arrière, de sorte que la région caudale est peu longue. Les trois de gauche sont un peu plus longs et disposés sur une ligne oblique de gauche à droite. Les deux de droite sont implantés l’un derrière l’autre, le plus en avant au niveau du dernier de la série de gauche. En outre, ils sont arqués et dirigés à droite, tandis que les trois autres sont à peu près droits et légèrement inclinés à gauche. Tous se terminent par une extrémité tronquée et plus ou moins échan- crée. Les cirres marginaux forment une rangée qui, partant à gauche un peu au-dessous de la bouche, vient rejoindre le bord gauche du corps un peu au-dessus de l'insertion des cirres transversaux, suit le bord du corps à l'extrémité postérieure et remonte le long du bord droit jusqu’au niveau du cirre abdominal isolé, c’est-à-dire à peu près jusqu’à la limite du dernier tiers de la longueur totale du corps. Ces cirres sont subulés et ceux qui bordent l'extrémité postérieure sont plus longs que ceux situés plus en avant. Les soies dorsales sont fines, courtes et disposées en rangées longitudinales, Cohn a cru voir trois longues soies caudales ; mais il aura été trompé par les longs cirres marginaux de l'extrémité postérieure. J'ai observé longtemps avec de forts grossissements des individus immobiles et cherché leur vacuole contractile, sans jamais aperce- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 549 voir la moindre trace de cet organe. Je crois donc pouvoir affirmer qu'Actinotricha appartient à la catégorie, peu nombreuse, d'Infu- soires dépourvus d’une vacuole contractile. Je n’ai point eu occasion d'observer la position de l'anus. Le nucléus se compose de deux corps ovales situés en arrière l’un de l’autre dans la région abdominale et dans la moitié gauche (fig. 7,n). Ils sont toujours accompagnés chacun tantôt d’un, tantôt de deux petits nucléoles sphériques, accolés sur un de leurs côtés. Cohn n'avait point réussi à voir ces organes. Cohn a très bien décrit les mouvements, qui sont caractéris- tiques de cette espèce. Quand Actinotricha est placé dans une pré- paration où il se trouve à son aise, on le voit, comme je l'ai déjà dit, rester souvent plusieurs minutes de suite absolument immobile. Puis, tout d’un coup, il se précipite avec la rapidité de l'éclair et disparaît du champ de vision. Il court ainsi quelque temps à droite et à gauche, puis se fixe de nouveau immobile. Il peut circuler avec la plus grande agilité à travers les débris, au milieu desquels il se glisse en se repliant et les contournant avec une souplesse admi- rable. Actinotricha est marin et a été trouvé d’abord par Cohn dans de l'eau de mer provenant d'Helgoland et ensuite sur les côtes de Suède par Quennerstedt. Je l’ai rencontré à Alger plusieurs fois dans mes petits aquariums. C’est un type ayant une aire géogra- phique probablement assez étendue, mais malgré cela un peu rare. L’assimilation de la forme observée par moi avec celle de Cohn ne laisse prise à aucun doute, malgré les différences assez grandes de nos descriptions. Ces différences proviennent de ce que les obser- vations de Cohn sont fort incomplètes. Il parle aussi d'individus jeunes et beaucoup plus courts, dont les membranelles fronto- buccales seraient constamment vibrantes ; je crois qu'il aura con- fondu une espèce différente avec Actinotricha. Quennerstedt n’a absolument rien ajouté de nouveau. Par la distribution générale de ses appendices, Actinotricha se rattache évidemment aux Slyloni- 990 E. MAUPAS. chies; mais, par la singulière conformation de son péristome et de tout son appareil buccal, il constitue un type tout à fait à part dans là famille des Oxytrichides. Il se multiplie par division transversale. GONOSTOMUM PEDICULIFORME. (PL, XXIV, fig. 813.) Cox (Séichochaeta pediculiformis), Zeit. f. wiss. Zool., t. XVI, 1866, p. 285, pl. XV, fig. 38, a, b. Le corps, de forme oblongue linéaire, peut être cinq à six fois plus long que large, sa longueur variant entre 02,100 et 0"*,200. Sa coloration est toujours grisâtre et rendue opaque par les nom- breuses granulations d'apparence huileuse qui le remplissent, Il jouit d’une très grande flexibilité et probablement d’une certaine élasticité, mais manque totalement de contractilité. La bouche étant située à peu près exactement au milieu de la longueur, il en résulte que les régions prébuccale et posthuccale sont de longueurs égales. La région prébuccale, dans ses deux tiers antérieurs, est fortement rétrécie (fig. 40, 11, 12), et sa largeur n’est plus guère que la moitié de celle du reste du corps. En même temps qu'elle se rétrécit, elle s’amincit d’une façon très notable, ce qui lui donne une apparence diaphane comparée au reste du corps, qui est tou: jours très opaque. Le rétrécissement et l’'amincissement se produi- sent assez brusquement et presque sans transition, de sorte qué cette portion du corps est très nettement séparée du reste. En outre, élle ést légèrement cambrée dans le sens dorsal, ainsi qu’on peut le voir, lorsqu'on observe l’animalcule immobile et de côté. La forme et l'apparence assez singulières de cette partie donnent un aspect tout particulier à cet Infusoire. Cohn la considère, j'ignore pour- quoi, comme une trompe. Elle est plane sur la face ventrale ét légèrement bombhée à la face dorsale. La région posthuccale, dont ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 551 l'extrémité postérieure s’arrondit régulièrement, est presque aussi épaisse que large, bombée sur le dos, creusée au contraire en une gouttière très marquée sur la face ventrale, entre les deux rangées de cirres marginaux. La substance du corps est composée d’un sarcode clair, dans lequel sont engagés les nombreuses granulations ou corpuscules d'apparence huileuse qui le rendent opaque. Il est complètement impossible de faire une distinction entre un cytosôme et un tégu- ment et, par conséquent, il n'existe aucune de ces couches externes plus ou moins nettement apparentes chez la plupart des autres Infu- soires. Tout au plus peut-on admettre l'existence d’une pellicule périphérique si mince, qu'aucun procédé d'observation ne permet d'en reconnaître la présence. Aussi ce microzoaire entre-t-il très facilement en diffluence, ct l’on voit alors le sarcode se dissoudre rapidement et les granulations se disperser dans tous les sens. L'alcool qui, d’après mon expérience personnelle, est le réactif le plus délicat pour mettre en évidence l'existence d’un tégument chez les Infusoires, ne fait rien apparaître de tel chez celui-ci. Il coagule simplement le sarcode, dans lequel on voit, empâtés, les corpuscules huileux, mais rien ne se détache et ne se délimite à la périphérie. Get Infusoire est donc composé d’une masse de sarcode amorphe dans laquelle, en déhors du nucléus, on ne trouve aucune partie différenciée et dont les diverses sortes d’appendices ne sont que des prolongements périphériques. Ces derniers, examinés, en effet, à l’aide de forts grossissements sur des individus tués par le chlorure d'or, apparaissent comme insérés immédiatement sur la surface externe. Quant aux granulations ou corpuscules qui causent l'opacité du corps, ils ne sont autre chose que les bols alimentaires introduits dans ce dernier et qui s'y accumulent pendant que la digestion s’accomplit, Ils sont en quantité plus ou moins grande, tantôt en- tassés les uns sur les autres, tantôt au contraire un peu espacés ; dans ce dernier Cas, ils deviennent assez rares dans la région anté- rieure rétrécie et peuvent même quelquefois y manquer complète- 902 E. MAUPAS. ment. Cette région est alors très transparente et se distingue encore plus nettement de la partie postérieure. L'aire latérale occupe toute la région prébuccale dans sa partie antérieure rétrécie, de sorte que le péristome se trouve entièrement rejeté sur le côté gauche, dont l'épaisseur est très mince dans cette partie et ne laisse qu'une place très réduite et linéaire à la fosse buccale (fig. 40 et 11). Dans le tiers postérieur de son parcours, le: péristome s’élargit un peu, en faisant un coude et remontant sur la face ventrale, où la fosse buccale prend la forme d’un long triangle isocèle très peu ouvert. Le front est assez développé et forme une bordure mince et diaphane à l'extrémité antérieure du corps. L’abdomen et la queue se confondent l’un avec l’autre, sans que la dernière s’amincisse par la face dorsale, comme cela a lieu chez beaucoup d’Oxytrichides. La partie caudale est d’ailleurs très courte proportionnellement à la longueur de l'abdomen. L'appareil vibratile du péristome m'a paru se composer unique- ment des membranelles fronto-buccales. Les cinq premières mem- branelles, insérées sur l'extrémité antérieure au dos du front, se distinguent des autres par leur longueur presque double; les autres vont en décroissant jusqu'à la bouche. Je n'ai vu aucune autre espèce d'appendice vibratile buceal, ni membrane ni cils.Je ne veux cepen- dant point en nier absolument l'existence ; car, avec l'agilité et la mobilité perpétuelle de cet Infusoire, ils auraient bien pu m'’échap- per. Les cirres latéraux sont au nombre de dix, disposés comme il suit : d’abord trois en avant, à l’extrémité antérieure, un peu en arrière du front; puis deux immédiatement le long du bord gauche, le plus en arrière étant souvent doublé d’un troisième inséré très près de lui; enfin, cinq plantés sur le milieu de l’aire, dont le plus en avant isolé, les quatre autres en deux groupes de deux. Les cinq premiers sont plus forts, styliformes, uncinés ; les cinq derniers beaucoup plus minces et sétacés. Les cirres abdominaux sont au nombre de deux et insérés à côté l’un de l’autre, assez près en avani ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 993 des cirres transversaux; ces derniers, au nombre de cinq, sont longs, minces, et leur extrémité libre fait saillie en arrière du corps. Leur disposition est identique avec celle qui est si connue chez les Styloni- chies. Les deux rangées de cirres marginaux sont, également comme chez les Stylonichies, discontinues en arrière et séparées par une lacune. La rangée de droite se termine en avant, au rétrécissement de la région prébuccale, par deux cirres un peu écartés des autres et plus longs aussi. La rangée gauche n'offre rien de particulier. Cet Infusoire porte encore des soies dorsales assez longues et trois soies caudales très fines et fort longues. Le nucléus (fig. 9 et 11) est formé d’une série d'articles sphériques disposés en couronne ovale oblongue, logée dans la région abdomi- nale. Le nombre des articles varie probablement suivant la taille des individus. Sur six exemplaires que j'ai étudiés à ce point de vue, l’un en avait quatorze ; deux, seize; les trois autres, dix-sept, dix- neuf et vingt. Les articles sont probablement rattachés les uns aux autres par quelque mince filament, comme on peut le démontrer directement pour les deux gros nucléus des Stolynichies. Malheu- reusement, cette démonstration directe n’est pas possible chez cet Infusoire, vu les déformations énormes que subit toujours le corps traité par les meilleurs réactifs tels, que l'acide osmique ou le chlo- rure d’or. Mais sur un individu de grande taille, en voie de se fissi- parer, j'ai vu le nucléus (fig. 8) sous la forme de deux masses oblongues, composées respectivement de deux et de quatre articles de dimensions et de formes variables, soudés les uns aux autres, et dont les plus longs portaient un étranglement, imdiquant un commen- cement de division. Mon observation est unique; mais Je crois qu'elle suffit pour affirmer que, chez cet Infusoire, comme chez les Stylonichies, les articles du nucléus se réunissent et se fusionnent en une masse unique, avant de se constituer en deux nucléus distincts, destinés à chacun des individus qui résultent de la divi- sion fissipare. Cette fusion des articles serait impossible, s'ils ne sont pas reliés entre eux par un ligament, et n'a pas lieu, en effet, 94 E. MAUPAS. chez les Infusoires multinucléés. Ce nucléus peut donc être considéré comme unique et analogue à celui des Stentors ou de Shirostomum ambiquum. Dans la famille des Oxytrichides, Stein seul! a signalé en passant cette forme de nucléus, chez une espèce nouvelle, dont il ne nous à pas donné la description. Les nucléoles sont presque toujours au nombre de deux; j'en ai cependant vu trois chez un individu et un seul chez un autre. Ils paraissent toujours accolés à un des articles du nucléus. Je dois ajouter que nucléus et nucléoles ne deviennent bien visibles que par le procédé suivant : tuer avec acide osmique, colorer par picrocarminate et éclaircir la préparation par acide acétique. J’ai cherché avec beaucoup d’atten- tion la vacuole contractile sans pouvoir la trouver, et tout me fait croire que cet Infusoire est dépourvu de cet organe, qui d’ailleurs fait défaut chez quelques autres espèces. Get Infusoire, par suite de son manque d’un tégument résistant, est si délicat et si fragile que, dans les préparations, on trouve souvent des exemplaires ayant subi des mutilations énormes. J'en ai figuré trois : l’un (fig. 10) à perdu lextrémité postérieure du corps; le se- cond (fig. 9), au contraire, manque de toute la partie antérieure rétrécie : du troisième (fig. 13), il ne reste plus qu’une portion de l'abdomen et la queue. Ces individus, plus ou moins tronqués, paraissent ne pas souffrir de ces mutilations et, bien que je n’aie pas d'observation à l'appui, je crois .qu'ils peuvent régénérer leurs parties perdues. Les mouvements de cet [nfusoire sont d’une grande agilité. I rampe au milieu des débris et des algues en se repliant ét se con- tournant de toutes les façons possibles, pour s’introduire dans les recoins les plus étroits. Puis, tout d’un coup, il fait un mouvement rapide de recul, pour reprendre ensuite sa marche en avant, Il vit dans l’eau de mer, et je lai trouvé plusieurs fois dans les petits aqua- 1 Der Organismus, etc., t. II, p. 66, ligne 5 d’en bas. Balbiani a décrit récem- ment (Journal de mizrographie, t. V, 1881, p. 259) chez Urostyla grandis une dis- position du noyau qui paraît être de même nature, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS, 555 riums où je tenais des algues recueillies soit dans le port d'Alger, soit sur les rochers le long de la côte. Je ne l'ai jamais trouvé dans les aquariums dont l’eau était corrompue et dans iesquels l'£uplo- les vannus et quelques autres Infusoires se multiplient d'une facon si prodigieuse. Cet Infusoire se rattache aux Orytricha affinis, Stein, et O. strenua, Engelmann, dont Sterki!, se fondant sur la forme particulière du péristome, a fait son genre Gonostomum. Il diffère de ces deux espèces, surtout par le rétrécissement et l’amincissement de la par- tie antérieure de la région prébuccale. Le nombre des cirres de l'aire latérale n’est pas le même dans les trois espèces, Mais, il faut bien le dire, ces Infusoires sont si difficiles à étudier, que des erreurs sur le nombre et la position d'organes aussi fins n’a rien de surpre- nant. D'ailleurs le nombre de ces cirres peut varier d’une espèce à l’autre, sans pour cela affecter le caractère du genre. Bien que la description que je viens de donner diffère, sur nombre de points essentiels, de celle que Cohn a publiée de son Sfichochæta pediculiformis, je suis cependant persuadé que nos deux Infusoires ne font qu'une seule et même espèce. La forme générale du corps est si caractéristique, qu'il est impossible de s’y tromper. Cohn a fort mal vu cet Infusoire, et les deux figures qu'il nous en donne ne sont même pas placées de face, mais de côté, position dans laquelle il est complètement impossible de comprendre son organologie. Il n’a aperçu les cirres marginaux que sous la forme de points granuleux. Ils sont, en effet, assez difficiles à distinguer, à cause de l'opacité du corps ; mais, en revanche, il a vu les soies dorsales, bien qu'il les ait dessinées trop courtes et surtout trop rapprochées. Les cils fins de la face ventrale de la trompe, dont il parle et qui, dans leur mouvement vibratile, prennent l'aspect d’une membrane, ne sont rien autre que les membranelles buccales. La position de la bouche est bien indiquée. J’ignore ce que peuvent bien être les espaces 1 Zeits, f, wiss. Zoologie, t. XXXI, 1878, p. 57. 996 E. MAUPAS. clairs, qu'il a pris pour des vacuoles contractiles. Le nucléus et les nucléoles lui sont demeurés complètement inconnus. Malgré la con- naissance fort incomplète et erronée sur plusieurs points que le savant allemand avait de cet Infusoire, il n’en a pas moins pressenti une partie de ses affinités en le plaçant dans le genre Stichochaeta, de Claparède et Lachmann, genre qui, ainsi que Stein l’a démontré, a été fondé sur la même espèce que Stichotricha secunda de Pertv. C’est, en effet, de ce type que les Oxytriches, qui rentrent dans le genre Gonostomum, de Sterki, se rapprochent le plus par la forme de leur péristome, et Stein termine sa description d'Oxytricha (Go- nostomum) affinis, en disant que cette espèce relie les Oxytriches au genre Stichotricha. HoLosriCHA LACAZEI (NOV. sp.). (PI, XXIIL, fig. 5-8.) Le corps est incolore et dépourvu de toute espèce de contracti- lité, mais élastique. De forme oblongue, sa longueur égale à peu près deux fois et demie sa plus grande largeur. Je n’ai mesuré qu'un seul exemplaire, dont la longueur était de 0*,200,. II est plat sur la face ventrale, hombé sur la face dorsale et d’une épaisseur dépas- sant un peu le tiers de la longueur ; cette épaisseur s’aiténue un peu vers les extrémités. La plus grande largeur se trouve au niveau de la bouche et, à partir de là, elle va en se rétrécissant vers les deux extré- mités, Celles-ci s'arrondissent assez régulièrement ; il est cependant à noter que l'extrémité postérieure se trouve légèrement déjetée à droite. Le bord gauche fait, un peu en avant du niveau de la bouche, un angle rentrant très caractéristique chez cette espèce. La région prébuccale est assez courte, n'ayant guère que les 28 centièmes de la longueur totale. Le péristome occupeles deux tiers gauches de la région prébuccale et ne laisse qu'un tiers de cette surface à l'aire 1 Der Organismus, t. II, p. 149. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 357 latérale. Dans la région post-buccale, la partie abdominale est de beaucoup la plus grande, la queue ne comprenant guère qu'un dou- zième de cette région, ou les 7 centièmes de la longueur totale, tandis que l’abdomen en occupe à lui seul les 63 centièmes. Le tégument a une assez grande épaisseur et se présente avec un aspect assez singulier. Son épaisseur est de 0%%,0025 et, vu avec des grossissements moyens, 1l apparaît sur le vivant comme une bor- dure claire (fig. 5) et transparente, qui se détache nettement sur le pourtour du corps. Quand on l’étudie avec de forts grossissements (fig. 7), on voit qu'il se compose d’une couche claire, creusée de nombreuses et relativement spacieuses cavités, séparées entre elles par des cloisons, qui sur la coupe optique apparaissent comme des bâtonnets (£) et reposent directement sur l’'endosarc {e). Cette struc- ture est assez peu résistante et se détruit aisément sous l’action des réactifs. — Sur la face ventrale existe une longue dépression en forme de gouttière étroite, flexueuse (fig. 5, d), qui, partant de l’ex- trémité antérieure de l’aire latérale, se prolonge en arrière jusqu’à la base d'insertion du dernier cirre transversal de droite. Sur le côté droit, cette dépression tombe à pic, de sorte que ce bord apparaît très saillant ; sur le côté gauche, au contraire, elle se relève douce- ment et son bord se confond avec la surface ventrale confinante. Au fond de cette gouttière existent des bâtonnets assez longs et disposés régulièrement avec une obliquité dirigée de gauche à droite. Tout d’abord j'avais pris ces bâtonnets pour une rangée de cirres ventraux couchés à la surface de la face abdominale. Mais j'ai pu les examiner ensuite sur l’Infusoire immobile et avec de forts grossissements, qui m'ont permis de bien reconnaître leur véritable nature. C'est encore une conformation particulière à cet Infusoire et qui se relie peut- être à Ja structure particulière de son tégument. Le corps sarcodique est composé d’un sarcode granuleux et bul- leux, qui donne à cet Infusoire un aspect aréolé tout particulier. Les cirres latéraux sont au nombre de cinq : trois en avant, insérés sur une ligne un peu oblique de droite à gauche, et deux en arrière, 358 E. MAUPAS. presque au même niveau, l’un sur le bord du péristome, le second à droite, près des dernières membranelles adorales. Ces cinq cirres latéraux sont toujours plus forts que les cirres abdominaux et de forme uncinée. — Les cirres marginaux sont courts, ne faisant pas saillie sur les bords du corps et de forme subulée. La rangée de droite commence en avant, près de l'extrémité de la zone adorale et se termine en arrière, assez loin de l'extrémité postérieure du corps. La rangée de gauche, qui commence en avant, à peu près au même niveau, se prolonge en arrière, jusque sur l'extrémité posté- rieure du corps, où les derniers cirres sont insérés immédiatement sur le bord, au-dessous de l'extrémité des cirres transversaux. — Les cirres abdominaux, de force à peu près égale à celle des cirres marginaux, sont recourbés en avant et de forme uncinée. Ils sont assez écartés les uns des autres, sur une rangée qui, partant du mi- lieu de l’aire latérale, se prolonge en décrivant une courbe légère- ment convexe à gauche, jusque près des cirres transversaux. — Les cirres transversaux sont minces, longs, tronqués à leur extrémité apicale et avec une forme en $ renversée. Ils sont insérés sur une rangée, d’abord très peu oblique de droite à gauche en remontant, mais qui ensuite se coude brusquement à droite et se dirige en avant parallèlement sur la gauche de la rangée des cirres abdomi- naux. Elle remonte ainsi fort loin, jusqu’à la limite du second et du troisième cinquième de la longueur totale du corps. Les cirres pos- térieurs de la partie oblique de la rangée sont très serrés et au nombre de sept. L’extrémité apicale des quatre derniers, à droite, fait saillie au-delà du bord du corps. Les cirres de la portion remon- tante de la rangée sont beaucoup plus espacés. Sur cette grande longueur, je n’en ai plus compté que douze, qui, avec les sept posté- rieurs, nous donnent un total de dix-neuf. Ce grand nombre de cirres transyersaux n'a rien qui puisse beaucoup nous étonner, car ce groupe d'appendices est toujours plus nombreux chez les Holostiches que chez les autres Oxytrichides. Mais ce qui est plus anormal, c’est le prolongement si en avant de la portion antérieure de la rangée et ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 959 le grand écart entre chacun des cirres de cette partie. Gette dispo- sition est complètement nouvelle et unique, et l’on pourrait être dis- posé à ne voir dans ces douze cirres antérieurs qu'une seconde ran- gée de cirres abdominaux. Mais ils sont insérés très exactement sur leprolongement coudé de la série postérieure oblique, etde plus, par leur conformation et leurs dimensions, ils sont absolument sem- blables aux sept de l'arrière, et, par conséquent, n’ont aucune res- semblance avec les vrais cirres abdominaux. — La surface dorsale porte de petites soies fines et courtes, que l’on ne voit bien que sur les bords du corps (fig. 5 et 7, s). Le péristome est largement ouvert et présente quelques détails de conformation tout à fait particuliers, A droite, il esi délimité par l’aire latérale; en arrière, par un prolongement membranoïde de la face ventrale, qui s’avance en surplomb sur l'extrémité postérieure de la fosse buccale, et lui forme ainsi une espèce de toit, dont le bord un peu courbé se dirige presque à angle droit du bord droit du péristome vers l’angle rentrant, que nous avons signalé plus haut sur le bord gauche du corps. Les extrémités postérieures de la zone adorale et de la membrane vibratile se continuent sous cette saillie tectiforme jusqu'à la bouche, qui est fermée, et m'a paru absolu- ment dépourvue de tout prolongement œsophagien. La zone ado- rale décrit un long arc vibratile qui, après s'être tordu en avant en remontant au dos du front, se replie loin, en arrière, sur le bord droit du corps, où il repasse de nouveau sur la face ventrale. Elle forme ainsi une boucle presque fermée, Ce grand développement de la zone adorale paraît être commun à toutes les Holostiches et constituer un trait particulier de leur morphologie. Les membra- nelles péristomiques sont assez courtes, surtout celles de l'extrémité antérieure, qui font à peine saillie au-delà du bord frontal. Le front est bien développé et en forme de croissant, — La membrane du bord droit du péristome est large et épaisse. Ses mouvements sont d’une lenteur extraordinaire, et quand on l'examine avec un fort grossissement, elle apparaît composée d’une substance opaque et ») 560 E. MAUPAS. granuleuse, et non plus claire et homogène comme chez les autres Oxytrichides. Elle ressemble plutôt à un lambeau de tégument qu'à une membrane vibratile. Elle est très peu ondulée et se meut tout d'une pièce, comme le battant d’une porte. J’ai cherché une vacuole contractile avec Le plus grand soin, sans en voir la moindre trace. Je me suis cependant trouvé dans les meil- leures conditions pour la découvrir, car j'ai eu deux exemplaires bien vivants plusieurs jours sur une préparation. Souvent ils res- taient longtemps immobiles, et alors j'ai pu explorer toutes les ré- gions de leur corps, même avec de forts grossissements. Je n'ai jamais aperçu la moindre apparence dénotant l'existence d’une va- cuole contractile. Je crois donc être en droit d'affirmer que cet or- gane manque chez cet Infusoire. — Je n'ai fait aucune observation sur la position de l'anus. Le nucléus est représenté par de nombreux corpuscules nucléaires disséminés irrégulièrement dans toute l'étendue du corps (fig. 6, n). Leur forme est assez régulièrement sphérique avec un diamètre de 022,006. Je ne les ai vus qu’à l’aide des réactifs colorants et éclair- cissants. Chez un individu, ils étaient au nombre de quarante-trois; chez un second, de cinquante-quatre. Examinés avec de forts gros- sissements (fig. 8, n), ils apparaissent composés d’une substance finement granuleuse, rayonnante autour d'un noyau central plus clair. Je n'ai vu aucune trace d’une membrane périphérique. — Au milieu des nucléus on rencontre d’autres petits corpuscules de forme sphérique très régulière et composés d’une substance absolument homogène. Leur diamètre est de 0"2,0035 (fig. 6 et 8, nl)et le picro- carminate les colore en rouge comme les nucléus. Par tous ces ca- ractères ils ressemblent entièrement à des nucléoles, et je les consi- dère comme tels. Chez l'individu que j'ai dessiné, ils létaient au nombre de onze. Les mouvements de cet Infusoire sont agiles. Observé en liberté, on le voit courir sans repos à la recherche de sa nourriture. Les in- dividus que j'ai observés en captivité, enfermés sur des préparations, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. o61 ne se comportaient plus de la même façon. Ils demeuraient quelque- fois très longtemps immobiles, sans qu’on vit la moindre agitation ou vibration dans aucune des parties de leur corps. Les membra- nelles de la zone adorale, elles-mêmes, étaient sans mouvement. L’a- nimalcule demeurait comme une masse inerte, reposant tantôt sur le dos, tantôt sur le ventre et s’abandonnant, sans la moindre résis- tance, aux chocs et aux courants que les autres Infusoires pouvaient produire. Puis, tout d’un coup, il partait brusquement, avec une rapidité telle, qu'il était difficile de le suivre, courant à droite et à gauche, jusqu’à ce qu’il retombât de nouveau dans son inertie. J’ai tenu en captivité deux individus, qui ont vécu plusieurs jours ainsi avec ces alternatives de repos et d’agitation. Holosticha Lacazet est une espèce marine, qui ne semble pas très commune. Je l’ai rencontrée une seule fois dans un bocal d’eau de mer que j'avais prise sur la plage Bab-el-Oued, près Alger, et que je conservais depuis quelque temps dans ma chambre. Dans ce bocal s'était développée toute une couche de petites algues et diatomées, en tapissant les parois. Holosticha courait au milieu de cette végé- tation. Les exemplaires étaient assez nombreux, et je les découvris avec une simple loupe. Mais j'eus beaucoup de peine à en saisir quelques exemplaires et à les placer sur des lamelles porte-objet pour les étudier. Aussi n’ai-je pas pu achever mon étude aussi complète- ment que je l’aurais désiré. J'ai placé cette espèce dans le genre Holosticha, compris comme l’entendait son fondateur Wrzesniowski, et sans tenir compte des amendements et démembrements faits par Saville Kent, qui a voulu conserver le genre Amphisia de Sterki. La création de ce nouveau genre ne me paraît guère justifiée, du moins compris et défini comme l'ont fait ces deux derniers auteurs, 7. Lacazeise distingue de ses congénères par un Caractère assez important et qui d'abord m'a- vait mis dans l’indécision de savoir si je ne devais pas la placer dans un nouveau genre. Toutes les autres Holostiches ont deux rangées de cirres abdominaux, tandis que cette nouvelle espèce n’en a qu'une. ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GÉN, == 2 SÉRIE, — T. 1. 1883. 36 562 E. MAUPAS. Mais, toute réflexion faite, j'ai pensé qu'il n'y avait point [à une dif- férence suffisante pour justifier la création d’une nouvelle coupe gé- nérique, dont le nombre est déjà peut-être trop grand dans la famille des Oxytrichides. Je citerai encore, comme autres différences caractéristiques de cette nouvelle espèce, la conformation particu- lière de son péristome, son tégument, la longue rangée de ses cirres transversaux et enfin ses nombreux nucléus. Je la dédie à M. de Lacaze-Duthiers, en témoignage de respect et de reconnaissance, pour la bienveillance et la sympathie qu'il a tou- jours bien voulu accorder à mes études. HOLOSTICHA MULTINUCLEATA (NOV. SP.). (PL. XXIIL, fig. 1-4.) La longueur du corps varie considérablement, puisque, sur les in- dividus que j'ai étudiés, j’en ai mesuré depuis 0®®,120 jusqu’à 022,970. Sa largeur maximum se trouve en arrière de la bouche, à peu près au niveau de la vacuole contractile. Elle égale à peu près le quart de la longueur chez les individus de petite taille, un peu plus du tiers chez les grands exemplaires. L’extrémité antérieure est tronquée, arrondie et Iégèrement infléchie à gauche; l'extrémité postérieure est tronquée aussi et un peu infléchie à droite chez les petits exemplaires. Elle se termine, au contraire, en pointe obtuse chez les grands individus. Les bords latéraux droit et gauche, sur les petits exemplaires, décrivent des courbes sigmoïdes très allongées et régulières : sur les grands individus, au contraire, ces deux bords sont plus ou moins sinueux, ondulés irrégulièrement, et le bord gauche est fortement bombé dans sa partie moyenne, tandis que le bord droit est presque rectiligne. La face ventrale est plane, la face dorsale (fig. 3) légèrement bombée dans la région correspondant à l'abdomen. Le corps, fort mince aux deux extrémités, n’a une épais- seur un peu notable qu’au renflement abdomino-dorsal. Sa substance est colorée en jaune par de nombreuses granulations pigmentaires ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 303 de cette couleur. Ces granulations, d'assez grosse dimension et de formes plus ou moins irrégulières, sont disséminées sans ordre. Il existe encore un autre pigment, sous forme de granulations très fines et de couleur rouge-brique. Ces dernières granulations sont dissé- minées irrégulièrement à la face ventrale; mais disposées au con- traire sur cinq bandes longitudinales (fig. 2) à la face dorsale. Ces bandes elles-mêmes sont composées d’une infinité de petites lignes pointillées, transversales et un peu obliques. Le corps est élastique et flexible; mais je le crois peu contractile. Je n'ai point d’observa- tions sur les différenciations qui peuvent exister entre le tégument et le cytosôme. La bouche est située un peu en arrière de la limite commune du premier et du second tiers de la longueur totale et à peu près au milieu de la largeur. La région prébuccale comprend donc environ 42 à 43 pour 100 de la longueur totale. Elle est partagée par moitiés égales entre l'aire latérale et le péristome. La fosse buccale a la forme d’un triangle isocèle assez long et étroit. Elle m'a paru large- ment ouverte en avant, où elle se confond avec la partie antérieure de l'aire latérale. La zone d'insertion des membranelles buccales, assez large en avant, se rétrécit beaucoup en se rapprochant de la bouche. L’extrémité antérieure du corps n’est point bordée par un front. L’arc vibratile des membranelles buccales se prolonge sur tout le pourtour du bord antérieur du corps et redescend sur le bord droit en remontant un peu sur l’aire latérale, à peu près jusqu'à la limite commune du second et du troisième tiers en longueur de la région prébuccale. Les membranelles sont semblables entre elles dans toute l'étendue de l’arc vibratile et vont simplement en diminuant de longueur au voisinage de la bouche. Le bord interne du péri- stome est muni d’une membrane vibratile très apparente. Je ne sau- rais dire s'il existe ou non des cils prébuccaux, parabuccaux et endo- buccaux. Les cirres latéraux et abdominaux forment une seule série indis- continue, composée de deux rangées qui traversent toute la lon- 564 E. MAUPAS. gueur du corps en décrivant une courbe à gauche, assez prononcée en arrière de la bouche. La rangée de gauche a quelques-uns de ses cirres plus longs au point de la courbure. Je n’ai point remarqué de différence dans la longueur et la force des cirres de l'extrémité anté- rieure des deux rangées. — Les cirres transversaux forment une ran- gée dirigée obliquement de gauche à droite. Leur nombre varie et peut s'élever jusqu’à douze à treize. Ils vont en croissant de longueur de gauche à droite, sont assez minces, et les derniers et plus longs font saillie en dehors de l’extrémité postérieure du corps, en se ter- minant par une pointe effilée recourbée à droite. Leur ligne d’inser- tion est très rapprochée de l'extrémité postérieure du corps. — Les deux rangées de cirres marginaux ne se relient pas l’une à l’autre en arrière, mais sont séparées par une lacune. Celle de gauche commence un peu en avant de la bouche. Elle est d’abord insérée très en dedans du bord du corps, et ne le rejoint que dans sa partie postérieure. Celle de droite commence un peu en avant de l’extrémité de l'arc vibratile buccal. Insérée d’abord immédiatement sur le bord, elle rentre ensuite un peu en dedans, pour aller se terminer sur le bord de la région caudale. — La face dorsale porte des soies fines et courtes, qui probablement sont disposées en lignes coïn- cidant avec les bandes de pigment rouge-brique. Je n’ai pas vu de soies caudales. La vacuole contractile est située à la place ordinaire, c’est-à-dire un peu en arrière de la bouche et sur le bord gauche. Elle est sans doute logée dans la paroi dorsale, comme chez toutes les autres Oxytrichides. Je n'ai pu reconnaître la position de l’anus. — Cet In- fusoire possède un grand nombre de petits nucléus‘ de forme sphé- rique et disséminés irrégulièrement dans toutes les parties du corps. Je n'ai rien vu au milieu d'eux qui eût l'apparence d’un nucléole. Sur deux individus que j'ai observés à l’état de conjugaison, les nu- 1 J'ai déjà signalé ces nombreux nucléus dans une note insérée aux Comples ren- dus de l’Acad. des sc., t, LXXXIX, 1879, p. 250, Je plaçais alors cet Infusoire dans le genre Oxytricha, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. D65 cléus avaient la même distribution et la même forme que sur les in- dividus isolés. Les petits nucléus ne deviennent bien visibles qu’en tuant cet animalcule avec l’acide osmique à 4 pour 100, colorant par le picro-carminate et éclaircissant par l'acide acétique pur. Les mouvements de cet Infusoire sont assez agiles. Il court sur les algues où il cherche sa nourriture. Il vit dans l’eau de mer pure, et je l'ai trouvé plusieurs fois sur des algues recueillies en avant du port d'Alger. Comme tous les Infusoires qui vivent dans les eaux limpides et non corrompues, on ne le rencontre qu’en individus isolés. Wrzesniowski! a reconnu depuis plusieurs années déjà la néces- sité de démembrer le genre Oxytricha tel que Stein l'avait consti- tué : il a distingué, d’une part, les espèces à rangées de cirres abdo- minaux continus, et, d'autre part, celles dont les cirres abdominaux sont disposés en groupes isolés. A ces dernières il conserve le nom d'Oxytricha, tandis qu'il baptise les autres du nom d’Æolosticha. Les Oxytriches se rattachent surtout aux Stylonichies, dont elles ne diffèrent que par la flexibilité de leur corps. Les Holostiches se re- lient au contraire avec les Uroleptes, desquels elles se distinguent par l'existence des cirres transversaux. Le genre Holosticha comprend déjà un assez bon nombre d'espèces énumérées par Wrezsniowski, auxquelles il faut ajouter l’ÆAol. Wrzesniowski etl'H. oculata décrites par Mereschkowski dans son travail sur les Protozoaires du nord de la Russie?. Sterki a créé plus tard* un nouveau genre auquel il donne le nom d’Amplhasia, et qui se distingue du précédent uniquement parce que les rangées de cirres marginaux sont très serrées contre les rangées de cirres ventraux, et que, par suite, leurs cirres ne font pas saillie au-delà des bords de la face ventrale, tandis que, chez lies Ho- lostiches, les cirres marginaux implantés très près du bord sont tou- f jours saillants. Saville Kent‘ a adopté cette nouvelle coupe géné- 1 Zeils. f. wiss. Zoologie, t. XXIX, 1877, p. 277. ? Archiv fur mikroskopische Anatomie, t. XVI, 1378, p, 162et163, pl. X, fig. 9,10,35. * Zeits. f. wiss. Zoologie, t. XXXI, 1878, p. 57. * 4 À Manual ofthe Infusoria, 1882, p. 767. 966 E. MAUPAS. rique, qui me parait cependant fondée sur des différences bien peu importantes. La nouvelle espèce que je viens de décrire appartient au groupe des vraies Holostiches, et se distingue des autres espèces connues par des différences très tranchées et surtout par ses nom- breux nucléus. UROLEPTUS ROSCOVIANUS (NOV. SP.). (PI. XXIV, fig, 1-5.) Le corps est environ quatre fois plus long que large; la longueur des quelques individus que j’ai étudiés variant entre 0,190 et Onnm,220. Sa plus grande largeur se trouve au niveau de la vacuole contractile, et de là il va en se rétrécissant vers les deux extrémités ; moins vers l'extrémité antérieure, qui est tronquée et arrondie régu- lièrement; beaucoup plus, au contraire, vers l’extrémité postérieure, dont le rétrécissement se produit graduellement jusqu’à la région caudale, terminée en pointe obtuse. Quand on l’observe par la face ventrale, les contours latéraux apparaissent sous la forme de lignes ondulées plus ou moins irrégulièrement. Ces ondulations sont cau- sées par la disposition particulière que la région centrale, plus large, 'affecte à la face dorsale (fig. 2). En effet, elle se détache nette- ment des deux extrémités par deux replis latéraux très marqués, aussi bien en avant qu’en arrière. Cette même région centrale a une grande épaisseur (fig. 3), qui peut dépasser la moitié de sa largeur. Les deux extrémités, au contraire, s’amincissent assez brusquement, surtout l’extrémité caudale, qui se termine en une mince lamelle. La région antérieure conserve, dans toute sa longueur, une épais- seur un peu plus forte.— Le corps est coloré assez fortement en rose carmin, par de nombreuses granulations pigmentaires de cette couleur. Ces granulations sont très fines et de formes irrégulières. À la face dorsale elles sont disséminées sans aucun ordre. A la face ventrale, au contraire, elles sont rassemblées plus particulièrement en traînées longitudinales, qui coïncident assez exactenrent avec les ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 967 rangées de cirres et les bords du corps. Je dois ajouter que j'ai ob- servé, à Roscoff, un individu qui manquait totalement de ces granu- lations pigmentaires et dont le corps avait une teinte jaunâtre géné- rale, dans le genre de celle de Styloplotes. Gette teinte était marquée surtout dans la région centrale, renflée, et allait en s’effaçant vers les extrémités, qui étaient à peu près incolores. — Le corps est très élastique et flexible et jouit probablement d’une certaine contrac- lité; mais je n'ai fait aucune observation sur cette dernière pro- priété. Je n'ai aucune observation non plus sur sa substance et sur l'existence ou l'absence d’un tégument.—La face ventrale est plane; la face dorsale fortement bombée et arrondie dans la partie cen- trale plus épaisse; plano-convexe, au contraire, sur les extrémités amincies. La région prébuccale embrasse, à peu près, un tiers de la longueur totale du corps; les deux autres tiers étant occupés par la région post-buccale ou abdomino-caudale. Le péristome et l’aire latérale se divisent par moitiés à peu près égales la première de ces régions. La fosse buccale à la forme d’un triangle isocèle long et étroit ; elle est assez largement ouverte en avant, l'extrémité antérieure du bord interne du péristome ne décrivant qu’un léger arc rentrant vers la gauche. La zone d'insertion des membranelles buccales est large. Les membranelles buccales sont nombreuses et serrées. Elles dé- crivent un arc complet autour de l'extrémité antérieure et se pro- longent sur le côté droit en remontant sur le bord de l'aire latérale, presque jusqu’au milieu de sa longueur. Dans la partie antérieure, elles sont insérées dans une gouttière creusée entre le front et le bord dorsal. La membrane vibratile est très apparente et dévelop- pée; le front, au contraire, bien que nettement distinct, est étroit et court. Je n'ai point vu de cils prébuccaux, parabuccaux et en- dobuccaux. Je ne nie pas pour cela leur existence, vu la difficulté de les distinguer sur un [nfusoire aussi mobile que cet Uroleptus. Les cirres latéraux et abdominaux, comme chez les autres Uro- leptus, forment une seule série indiscontinue composée de deux 368 E. MAUPAS. rangées qui partent de l'extrémité frontale et traversent l'aire laté- rale et la région abdomino-caudale jusqu’à l'extrémité postérieure. Ces deux rangées, très rapprochées l’une de l’autre sur l'aire laté- rale, s’écartent un peu plus en arrière de la bouche. L’extrémité an- térieure ne porte pas de gros cirres disposés en groupe à part, comme chez les autres Uroleptus ; les derniers cirres des deux ran- gées sont seulement un peu plus longs sans être plus forts. — Les cirres marginaux forment les deux rangées habituelles de ces Infu- soires. Celle de gauche, d'abord fort rentrée en dedans du bord, commence un peu en avant de la bouche et rejoint le bord du corps dans la région caudale. Celle de droite commence au point où se termine l’arc des membranelles buccales. D'abord insérée immédia- tement sur le bord du corps, elle rentre tout de suite un peu en de- dans, pour rejoindre le bord dans la région caudale, où elle se con- tinue sans lacune avec la rangée gauche. Les cirres abdominaux et marginaux de l'extrémité caudale sont plus longs et un peu plus forts que ceux qui les précèdent. — Les soies dorsales sont très fines et courtes; je n’ai pas vu de soies caudales. La vacuole contractile, comme chez toutes les Oxytrichides, est logée dans la face dorsale, près du bord droit, l'animal vu par le dos, et très peu en arrière du niveau de la bouche (fig. 1 et 2, ve). Lors- qu’elle est complètement développée, au moment de se contracter, elle fait légèrement saillie (fig. 3, ve) à la surface dorsale. Elle doit être munie de deux canalicules semblables à ceux que l’on a observés chez d’autres Oxytrichides. Je l'ai vue, en effet, chez un individu pendant la diastole, avec la forme d’un long fuseau (fig. 2, ve) dont les deux pointes se prolongeaient en avant et en arrière. Ces deux pointes se refermèrent en chassant vers le centre le liquide qu’elles contenaient, et la vacuole acheva la diastole en s’arrondissant. Les deux pointes du fuseau étaient évidemment les dernières traces des canalicules, au moment où ils terminent leur systole en déversant dans la vacuole le liquide qu'ils y apportent. Je n’ai pas déterminé la durée des pulsations. — L’anus, également comme chez toutes les ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 369 autres Oxytrichides, est aussi situé à la face dorsale (fig. 2, a), au point où la partie centrale bombée passe à la région caudale amincie. Cet Uroleptus a un grand nombre de nucléus; j'en ai compté près de cent dans un individu de grande taille(1). Le meilleur procédé pour les voir est de tuer l’animalcule avec l'acide osmique en solu- tion à 1 pour (cent, colorer par le picro-carminate, et éclaircir en- suite avec l'acide acétique pur. Les nucléus apparaissent alors très nettement, colorés en rouge. Ils sont disséminés sans aucun ordre apparent dans toutes les parties du corps (fig. 4). Leur forme est celle de petits corpuscules sphériques (fig. 5) d'un diamètre de 02,003 à 02,004. Ils paraissent composés d’une substance centrale homogène et d’une enveloppe granuleuse relativement assez épaisse. Il n'existe aucun nucléole. Les mouvements de cet Uroleptus, comme ceux de ses congé- nères, sont assez agiles. Il court au milieu des algues en se courbant et se repliant avec une admirable souplesse pour s’introduire dans tous les interstices. Ses mouvements sont incessants, et je ne l’ai jamais vu demeurer complètement immobile. Il vit dans l’eau de mer pure, au milieu des algues sur lesquelles il cherche sa nourri- ture. Je ne l'ai jamais rencontré dans les cuvettes où les algues commençaient à entrer en décomposition. On le trouve toujours par individus isolés. Je l’ai observé pour la première fois à Roscoff, au laboratoire de zoologie maritime; je l’ai trouvé plusieurs fois de- puis à Alger, sur, des algues recueillies dans le port ou le long de la côte, et enfin à la nouvelle station zoologique de Banyuls-sur-Mer. J'ai hésité d'abord pour savoir si je ne devais pas assimiler cette espèce avec une des Oxytriches de couleur rouge qui ont été signa- lées par les auteurs antérieurs. Ehrenberg décrit? une Oxytricha rubra de la mer du Nord; Dujardin en mentionne * une autre de ! J'ai déjà signalé ces nombreux nucléus dans une note insérée aux Comptes ren- dus de l’ Acad. des sc., t. LXXXIX, 1879, p. 250. 2 Die Infusionsthierchen, etc., p. 364, pl. XL, fig. 1x. 3 Infusoires, p. 419, pl. XI, fig. 13. 970 E. MAUPAS. la Méditerranée. Une troisièmeest figurée et décrite pas Frésénius'; une quatrième enfin a été observée par Cohn? dans ses aquariums d'eau de mer. Malgré l’imperfection des figures et des descriptions, je crois cependant que les trois premières ne font qu’une seule et même espèce ; celle de Cohn est peut-être distincte. Elles ont toutes pour caractère commun une coloration générale diffuse, rouge bri- que, qui ne semble pas causée par la présenc®# de granulations pig- mentaires. Les trois premières ont le corps beaucoup plus grêle et plus étroit que celui d'Uroleptus roscovianus ; l'Oxytricha rubra de Cohn, dont les dimensions concordent mieux, a l’extrémité posté- rieure tronquée, arrondie et non rétrécie en pointe obtuse. Ces dif- férences m'ont paru suffisantes pour écarter toute possibilité d’as- similation entre ces espèces et la mienne, à laquelle j’ai donné le nom de R#oscovianus, en souvenir de sa découverte au laboratoire de zoologie de Roscoff. RÉSULTATS GÉNÉRAUX. La morphologie spéciale et générale des Infusoires à fait, depuis les grandes publications de Stein, des progrès considérables. On ne s’est plus contenté de ces descriptions brèves et écourtées, où, après avoir défini les contours généraux et énuméré, vaille que vaille, quelques autres caractères extérieurs, on croyait un Infusoire suffi- samment connu. Souvent l'espèce était si mal caractérisée qu'elle n'était pas reconnaissable. Il en est résulté cette complication de nomenclature et de synonymie, dont nous avons vu quelques exemples dans les pages précédentes. Aujourd’hui on est devenu beaucoup plus exigeant, etles belles monographies des Bütschli, Hertwig, Wrzesniowski, Balbiani, Engelmann, Gruber, Geza Entiz, nous ont donné des modèles d’une précision beaucoup plus rigou- reuse et d’études réellement approfondies. La morphologie géné- 1 Der Zoologische Garlen, 6e année, 1865, p. 127, fig. 34,35. 2 Zeils. f. wiss. Zoologie, t. XVI, 1866, p. 291, pl, XV, fig. 41,42. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 571 rale et comparée de ces Microzoaires est sortie de ces banalités va- gues et stériles, dans lesquelles elle a si longtemps traîné, pour se placer sur un terrain plus solide et plus fécond. Plus tard, lorsqu'elle sera plus avancée et que les bons documents seront plus nombreux, elle pourra, sur cette base inébranlable, édifier un ensemble har- monieux de principes généraux et de lois, qui répondront à la réalité et ne seront plus des vues et des fantaisies de l'esprit, comme cela a eu trop souvent lieu Jusqu'ici. En entrant dans cette nouvelle voie, la morphologie comparée des Infusoires deviendra aussi féconde et arrivera à des résultats aussi exacts et aussi importants que ceux obtenus par la même méthode chez les Histozoaires. Les classifications, basées sur une étude plus complète et plus détaillée, tendront de plus en plus à se rapprocher de l’idéal qu'elles doivent poursuivre sans cesse, c’est-à-dire de re- présenter autant que possible dans leurs groupements les affinités ancestrales des êtres, dont elles donnentl’énumération systématique. La réalisation absolue de cet idéal nous échappera évidemment tou- jours, car pour ces Microzoaires, si fragiles et si éphémères, les ar- chives du passé sont complètement détruites. Toute espèce de docu- cument positif nous fera toujours défaut, pour reconstruire les for- mes de transition qui, par leurs variations graduelles, ont engendré, dans la série infinie de leurs générations, celles que nous voyons vivre aujourd'hui. Mais, en ces matières où il est devenu impos- sible de raconter positivement comment les choses se sont passées, il est encore fort utile de savoir dire comment elles ont pu ou dû se passer. Il suffit que le tableau présenté réponde à toutes les exi- gences d’une critique sévère et complète pour qu'il soit acceptable. Ce qu'il s’agit de reconstituer, ce ne sont pas des faits matériels et minutieux, devenus absolument insaisissables à toutes nos mé- thodes de recherche, mais bien un ensemble concordant, donttoutes les parties, parfaitement coordonnées et vérifiées avec le soin le plus scrupuleux, puissent résister à l'examen le plus sévère. Quand on est parvenu à atteindre ce résultat, on a fait une œuvre, je ne dirai pas 972 E. MAUPAS. définitive (le définitif humain, s’il existe, est bien limité), mais sû- rement une œuvre scientifiquement utile. C’est pour répondre à ces idées générales, qu'après avoir, dans les pages précédentes, décrit minutieusement un certain nombre d’es- pèces, je désire maintenant exposer les quelques résultats généraux qui me semblent ressortir nettement de mes observations. Ce ne sera pas un résumé complet et méthodique de l’état actuel de nos connaissances sur la morphologie des Infusoires ciliés. J’étudierai simplement quelques-unes des questions sur lesquelles mes recher- ches m'ont conduit à des résultats nouveaux, ou simplement plus complets que mes devanciers. : Infusoires nus. Dans un travail antérieur ‘ j'ai examiné et crois avoir démontré l'existence chez les Acinétiens de formes dépourvues de toute enve- loppe cutanée, et dont le corps, composé d’une masse de sarcode nue, n'offre à sa périphérie aucune différenciation, aucune mem- brane cuticulaire, ou autre couche tégumentaire d’aucune sorte. Nous allons entreprendre la même démonstration chez les Infusoires ciliés. Ce fait qui, de prime abord, peut paraître d’une importance secon- daire, mérite cependant que nous lui accordions toute notre atten- tion. Depuis longtemps les cytologistes ont fait voir que chez les animaux supérieurs, nombre de cellules étaient dépourvues de membrane, soit pendant une période de leur développement, soit pendant toute la durée de leur existence. II me semble intéressant, pour la morphologie cellulaire générale, de bien mettre en évi- dence des observations semblables, faites sur des êtres unicel- lulaires, dont l'organisme, en s’adaptant aux besoins de lexistence individuelle, est arrivé à des différenciations de structure aussi va- riées et aussi complexes, que nous les connaissons chez les Infu- l Archives de zoologie, t. IX, 1881, p. 336. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 973 soires ciliés. Nous verrons ainsi que la présence ou l'absence ‘d’une couche tégumentaire n'est nullement liée au degré de développe- ment organique, auquel un Cytozoaire a pu s'élever; mais que le sarcode, substance fondamentale de son corps, est apte à prendre les formes et les structures les plus variées, sans avoir besoin de s’envelopper d’une couche protectrice extérieure. Jusqu'ici les auteurs se sont fort peu préoccupés de ce côté de la structure élémentaire des Infusoires, et c’est à peine si, dans leurs écrits, on trouve deux ou trois mentions plus ou moins vagues sur l'existence d’Infusoires nus. Leur attention s'était plutôt dirigée dans le sens opposé, afin de retrouver chez les Infusoires les élé- ments essentiels du schéma classique de la cellule. La présence d’une membrane périphérique ayant été longtemps considérée comme une des parties nécessaires de ce schéma, les partisans de l’unicellularité des Infusoires s’appliquèrent surtout à démontrer chez eux l'existence d’un équivalent de cette membrane. Aujour- d'hui que les recherches récentes des cytologistes ont déblayé le ter- rain de cette préoccupation et démontré un peu partout l'existence de cellules nues, nous n'avons plus qu'à distinguer et décrire avec soin les cas où cette membrane existe et ceux où elle est absente. Dujardin, à qui, malgré les critiques souvent si injustes de Clapa- rède”, il faut presque toujours remonter pour retrouver les premières notions justes sur la structure et la morphologie des Infusoires, Du- jardin avait déjà affirmé l'existence d'Infusoires ciliés dépourvus d’un tégument. Malheureusement, entrainé trop loin par son opposition aux fausses théories d'Ehrenberg, en outre, trompé par l'imperfec- tion des moyens optiques et des procédés d'étude en usage à son époque, il avait beaucoup exagéré ses généralisations, et bon nom- 1 Le ton presque constamment dédaigneux avec lequel Claparède cite les obser- vations et les opinions de Dujardin produit un effet assez plaisant, aujourd’hui que l'ébauche (Études, 1re partie, p. 10) morphologique du savant de Rennes s'affirme et se perfectionne de jour en jour, tandis que la théorie du savant suisse est depuis des années passée à l’état de souvenir historique. 9714 E. MAUPAS. bre des exemples sur !lesquels elles s’appuyaient se sont trouvés inexacts. Quoi qu'il en soit, c’est à lui que nous devons!l’introduction dans la science de la distinction précise et rigoureuse de formes nues et de formes revêtues d'un tégument. Il est à regretter que la théorie cellulaire régnante ait fait tomber dans l'oubli, pendant de longues années, les idées si sagaces de l’habile micrographe. Aussi faut-il arriver jusqu’aux publications relativement récentes de Kül- liker ! pour retrouver une nouvelle mention d’Infusoires ciliés dé- pourvus de membrane tégumentaire. Les indications du célèbre histologiste sont malheureusement peu précises. Il se contente d'’af- lirmer que ses recherches sur un grand nombre d’Infusoires et en particulier ? sur ceux de la famille des Oxytrichides, lui ont fait constater chez beaucoup d’espèces l’absence d’une membrane. Les espèces étudiées ne sont pas citées. Je ne doute nullement de l’exac- titude de son affirmation, puisque les deux espèces nues que je vais mentionner plus loin appartiennent justement à la famille des Oxy- trichides ; mais ce serait aller beaucoup trop vite, si l’on en tirait la conclusion que tous les autres membres de cette famille sont dans le même cas. Les Stylonichies, par exemple, sont considérées par Stein * comme pourvues d’une couche périphérique rigide semblable à la cuirasse des Euplotes, et je démontrerai plus loin, en parlant du tégument en général, que des espèces de ce genre et du genre Holosticha ont, en effet, une couche tégumentaire nettement diffé- renciée du corps sarcodique. Parmi les infusoires, pas très nombreux d’ailleurs, que j'ai exa- minés au point de vue qui nous occupe en ce moment, je n’en ai en- core rencontré que deux espèces, pour lesquelles je puisse affirmer, avec toutes les garanties de certitude‘, l'absence de toute espèce de 1 Icones histologicæ, 17e partie, 1864, p. 10, et Éléments d'histologie, trad. fran- çaise, 1868, p. 13. 2 Dujardin considérait aussi le genre type de cette famille, les Oxytricha, comme dépourvu de tégument. Infusoires, 1841, p. 416. $ Der Organismus, elc., t. I, 1859, p. 146. # Si, chez certaines espèces, comme les Paramécies par exemple, on reconnaît ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 575 différenciation tégumentaire. Ces deux espèces sont (onostomum pe- diculiforme et Actinotricha saltans. Elles appartiennent l’une et l’autre à la famille des Oxytrichides, et nous venons de voir que c’est aussi à propos de membres de cette famille que Dujardin et Kælliker ont plus spécialement affirmé l'existence de formes nues. Ce type, malgré son degré élevé d'organisation dans la série des Infusoires, se présente donc souvent, en ce qui touche le point d'organisation que nous étudions, avec une différenciation moins avancée que beaucoup de formes d’une structure générale plus simple. Ge fait, contradictoire avec les principes généraux de la morphologie cellu- laire, nous prouve combien on doit être prudent, quand on fait des généralisations sur la structure anatomique de ces sarcodaires. Aussi ne saurions-nous protester trop énergiquement contre les assertions absolues de Frey 1, Claparède ? et Hæckel®, qui, sur la foi de quelques observations, ont affirmé l'existence d’une couche cor- ticale chez tous les Infusoires ciliés. Je n'ai pas à revenir ici sur le détail des observations faites sur les deux espèces citées plus haut; on les trouvera à leurs descriptions, pages 544 et 551. Je ferai seulement observer que, chez ces formes nues, les appendices vibratiles sont des émanations directes de la surface périphérique de la masse sarcodique du corps. Ils sont en continuité de substance immédiate avec cette surface, dont ils re- présentent de simples prolongements, modifiés par la différencia- on en cils ou cirres vibratiles. sans peine qu'on n’a pas affaire à des formes nues, il en est beaucoup d’autres, au contraire, surtout dans la famille des Oxytrichides, où l'existence d’une couche péri- phérique différenciée est assez difficile à constater. Cette couche est souvent si molle et si peu consistante, qu’elle se déforme et disparaît complètement sous l'action des meilleurs réactifs. Il faut alors contrôler l’effet de ces derniers par l'observation sur le vivant, à l’aide de forts grossissements, et avec un peu de patience et de soin on réussit presque toujours à discerner la réalité. 1 Das einfachste thierische Leben, Zürich, 1858, p. 39. 2 Études, 4re partie, 1858, p. 14. 3 Zur Morphologie der Infusorien, Leipzig, 1873, p. 18. 976 E. MAUPAS. Tégçument. Le tégument des Infusoires ciliés correspond morphologiquement, avons-nous dit plus haut, à une membrane de cellule. Recherché comme un élément nécessaire par les partisans de la théorie unicel- lulaire de ces êtres, il a déjà été constaté et étudié, avec assez de soin chez bon nombre d'espèces. On peut, je crois, dès maintenant, affirmer que, chez les Infusoires ciliés, il existe sur la grande majo- rité des espèces et que les formes nues, même après les recher- ches les plus étendues, resteront toujours en petit nombre. Il n’en est plus de même des Infusoires flagellés, chez lesquels l’absence d'une couche corticale différenciée paraît être assez commune; mais nous n'avons pas à nous occuper d'eux dans ce travail. Ehrenberg, voulant retrouver chez les Infusoires une complica- tion d'organisation plus ou moins analogue à celle des animaux supérieurs, leur attribue un système cutané d'une structure fort complexe. Inutile aujourd’hui de dire que cette complexité n’exis- tait que dans son imagination. Dujardin, dans ses premières publications, niaiït l'existence d’une enveloppe cutanée chez tous les Infusoires. Cette opinion exagérée s'explique assez naturellement, si l’on remarque que, dans ses pre- miers travaux, 1l s'était surtout occupé de Rhizopodes, d’Amibes et d'Infusoires flagellés. Plus tard, lorsqu'il aborda l'étude des grands Infusoires ciliés, il reconnut promptement son erreur et, avec sa profonde sagacité, arriva à des conclusions qui se rapprochent de la vérité, autant que le permettait l’imperfection des instruments et des procédés d'étude en usage à cette époque‘. Pour lui, la couche ‘ Il est vraiment surprenant de voir combien ies observations et les opinions de Dujardin ont été méconnues et dénaturées par les auteurs ultérieurs, Ainsi, d’après Cohn (Zeits. für wiss. Zoologie, t. V, 1854, p. 420), le professeur de Rennes dé- clarait l’absence d’une couche cutanée comme caractéristique pour les Infusoires. Frey (Das einfachste thierische Leben, Zürich, 1858, p. 38) lui fait nier absolument toute espèce d’enveloppe corticale. Claparède (Études, 1858, p. 15), un peu plus exact, s’est contenté de lui faire nier la présence d’une membrane externe seule- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS, 971 périphérique du corps, chez certaines espèces, n’a pris qu’un degré de consistance assez faible, analogue à celle de la pellicule qui se _ forme à la surface de la colle qu'on laisse refroidir; chez d’autres espèces, au contraire, cette couche s’est différenciée beaucoup plus nettement, est devenue contractile et paraît posséder une structure particulière, disposée en une sorte de réseau. Ces définitions, bien que ne répondant pas d’une façon absolument rigoureuse aux résul- tats actuels, ne s’écartent cependant pas beaucoup de la vérité. Avec F. Cohnt, nous arrivons à des notions beaucoup plus pré- cises. Cet habile observateur reconnut, en effet, qu’à l’aide de l’al- cool on pouvait isoler une lamelle périphérique membraniforme sur le corps des Paramécies. Cette membrane, d’après sa description, est sillonnée à sa surface par des lignes fines parallèles et très rap- prochées, qui s’enroulent en spirale autour du corps. De ces lignes, les unes se contournent à droite, les autres à gauche et, par leurs entrecoupements, délimitent de petits rhombes. D’après Cohn, le champ de ces rhombes serait saillant, tandis que les lignes corres- pondraient à des sillons creux. Nous verrons plus loin que cette description n’est pas tout à fait exacte, du moins appliquée à Para- mecium aurelia. Quant à la valeur organologique de cette membrane, Cohn était d’abord disposé à la considérer comme l’équivalent d'une membrane de cellule; mais ensuite, s'appuyant sur sa composition chimique, il lui sembla plus exact de l’assimiler aux pellicules cuti- culaires, qui existent chez beaucoup de végétaux et d'animaux. Il est bien certain qu'aucune raison de morphologie générale ne s'oppose à ce qu'un Infusoire unicellulaire donne naissance à ment chez la plupart des Infusoires. Or, pour ne parler que des Infusoires ciliés, nous voyons p. 127 du traité général de Dujardin, que sur les dix familles, dans lesquelles il répartit lès espèces de ce groupe, trois seulement sont considérées comme nues, deux comme pourvues de cuirasses et cinq d’un tégument propre- ment dit. Pour saisir complètement la manière de voir de Dujardin, il faut consul- ter son livre, p. 30, 50, 125, 464, 502 et 524, et l’on verra que cet habile micro- graphe était déjà arrivé à des idées assez nettes sur l’existence et la nature de la couche tégumentaire. 1 Zeit. für wiss. Zoologie, t. V, 1854, p. 420. ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN:= 20 SÉRIE, — T. 1. 1883. 37 D78 E. MAUPAS. une formation cuticulaire périphérique, aussi bien que les animaux d’une organisation plus complexe. Mais peut-on considérer comme une simple cuticule la membrane des Paramécies découverte par Cohn? Il me semble que non. Et d’abord, en ce qui touche à sa composition chimique, les faits avancés par Cohn sont loin d’être exacts. Il affirme qu'elle est insoluble dans la potasse et l'acide sul- furique à froid. Or je dois dire que j'ai vu la membrane de Para- mecium aurelia se dissoudre aisément et rapidement dans la potasse, un peu plus lentement dans l'acide sulfurique, ces deux réactifs employés à froid. Stein! a vu également les membranes dites cuti- culaires de plusieurs espèces se dissoudre dans l'acide sulfurique. Les vrais cuticules sont insolubles dans ces conditions. Les réactions chimiques ne nous fournissent donc aucune raison concluante. En trouverons-nous de meilleures dans la morphologie? Quand on étudie cette membrane chez les Paramécies ou les autres espèces qui, comme celles-ci, portent une couche continue de trichocystes sur toute la périphérie de leur corps, on est d’abord tenté de donner raison à Cohn. Il faudrait alors considérer la couche à trichocystes comme la véritable membrane cellulaire, à la surface de laquelle se serait différenciée une pellicule cuticulaire. La couche à trichocystes constitue par le fait la paroi interne de la cavité générale, à l’inté- rieur de laquelle l’endosarc mobile des Paramécies accomplit sa cyclose. Mais, comme Stein? l’a déjà fait observer, toute la masse centrale du corps contenue en dedans de la membrane périphérique constitue une unité presque homogène. On peut bien distinguer dans le corps sarcodique une partie corticale formée par la couche à trichocyste et une masse médullaire représentée par le sarcode mobile, mais la substance fondamentale de ces deux régions est identique et, sous l’action des réactifs coagulants, la gangue qui enveloppe les trichocystes se comporte de la même façon que la " Der Organismus, etc., t. I, 1859, p. 60. 2 Loc. cit. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. B79 partie méduilaire. Cette couche à trichocystes fait donc partie in- time du corps sarcodique el ne saurait être considérée comme une membrane d’enveloppe proprement dite. Entre elle et la cuticule de Cohn, il n'existe aucune autre couche délimitante ; nous sommes donc ramené forcément à considérer cette dernière comme la véritable membrane de cellule. Elle en joue d'ailleurs complètement. le rôle, vivant de la même vie que le corps cellulaire qu'elle enve- loppe. s'accroissant et se divisant avec lui. Frey' et Claparède ? acceptèrent et vérifièrent les observations de Cohn, sans y rien ajouter de bien essentiel, Pour eux, la mem- brane mise en évidence par Cohn constitue une véritable peau ou tégument. Claparède, entrainé par ss idées théoriques sur l’orga- nologie des Infusoires, espère qu'un jour on retrouvera dans cette membrane périphérique la structure cellulaire d’un épitheliam ; mais depuis bientôt vingt-cinq ans que cet espoir a été formulé, les observations et les faits nouveaux ne lui ont apporté aucun appui et l’on attend toujours layènement de cet acide chromique: du sarcode à des Protozoaires, qui devait nous révéler la structure cellulaire complexe de cette substance. Les recherches de Stein, plus complètes et plus étendues", ont démontré chez un plus grand nombre d'espèces l'existence d’une membrane périphérique sans structure. Le savant professeur lui conserve le nom de cuticule, sans tenter d'établir aucune compa- raison homologique avec les autres formes de tégument. Il en sépare très nettement la couche périphérique du corps sarcodique, conte- nant les trichocystes el lui donne le nom de parenchyme cortical, par opposition à la masse centrale ou parenchyme interne. Kælliker” conserxe le nom de cuticule à la membrane périphé- 1 Das einfachsle thierische Leben. Zürich, 1838, p. 39, 2 Études, ete,, 1858, p. 14, 3 Études, etc., 1858, p. 421. # Der Organismus, etc., t, I, 1859, p. 57. 5 Icones histologicæ, 1864, p. 9. D80 E. MAUPAS. rique des Paramécies et des Vorticelles, bien qu'il ait reconnu comme moi qu'elle se dissout dans la potasse et qu’on ne saurait la comparer à la chitine. Il va même plus loin que ses prédécesseurs et assimile morphologiquement cette prétendue cuticule à la cuirasse des Infusoires dits cuirassés et à la coque des Rhizopodes et des Infusoires testacés, Quant à la première assimilation, je suis de l’avis de l’illustre professeur de Wurzbourg; mais je me sépare complètement de lui sur la question des coques. J’ai déjà traité longuement ce sujet dans mon travail sur les Acinétiens *, et, afin d'éviter les répétitions, je me contenterai ici d'y renvoyer, sans reprendre la discussion dans toute son étendue. Il suffira de rappe- ler que je crois avoir amplement démontré que ces coques sont des produits de sécrétion de nature squelettique et se rapprochant beaucoup de la chitine par leur composition chimique, si elles ne lui sont pas identiques. A l’appui de cette manière de voir, je citerai ici deux observations, dont je n'ai point parlé dans mon premier travail. En étudiant la coque d’une Cothurnia indéterminée, assez commune dans les eaux douces des environs d'Alger, j'ai vu cette coque résister complètement à la potasse concentrée à froid etnese dissoudre qu'après ébullition du liquide de la préparation. La coque colorée en bleu de Folhiculina ampulla est encore plus résistante. La potasse à froid ou à chaud ne l'attaque nullement; l’acide sulfurique concentré à froid y détermine un gonflement assez marqué, et il faut chauffer assez fortement pour la faire dissoudre. Étant donnée cette composition chimique et le rôle secondaire d’organes morts que jouent ces coques, on ne conçoit guère l’assimilation faite avec les membranes d’enveloppe si vivantes des Paramécies et des Vorticel- lides. Il n’existe aucune transition entre ces deux sortes de produc- tions. Chez les Rhizopodes testacés et les Acinètes, le corps sarco- dique est nu à l’intérieur de la coque; chez les Infusoires proprement dits vivant également dans une coque, comme les Cothurnia,; les l Archives de zoologie, t. IX, 1881, p. 341 et suiv. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 581 Folliculina et autres, le corps porte un revêtement tégumentaire propre, représentant la membrane de cellule. Quoi qu'il en soit de cette erreur de Kælliker, les idées de ce sa- vant se laissent assez aisément ramener à celles de Stein, Comme lui, il ne connaît au-dessous de la membrane périphérique d'autre partie distincte que la masse générale du corps, à laquelle il donne également le nom de parenchyme, différencié en parenchyme in- terne et parenchyme cortical. Cette manière de voir, fort juste en son ensemble, était généralement acceptée et entrée dans le courant de la science quand Haeckel est venu tout embrouiller par des distinctions imaginaires, ne répondant à aucune réalité. Préférant, par une méthode assez familière à sa puissante imagination, les conceptions rapides a priori aux lentes déductions de l'observation patiente et répétée, il nous a donné” une sorte de conception sché- matique du tégument des Infusoires ciliés, dont Je le mets au défi de montrer un seul exemple dans la nature. Le célèbre professeur d'Iéna donne le nom d’exoplasma à la couche corticale tégumentaire des Infusoires ciliés. D'après lui, cette enve- loppe tégumentaire se compose d’abord (ursprünglich), chez les individus jeunes, encore à l’état embryonnaire, d'une simple couche de protoplasme homogène, sans structure, incolore et un peu plus résistant ; plus tard (secundür), il se produit, chez beaucoup d’espèces, dans cette couche des différenciations dont nous allons parler. Mais, auparavant, je dois combattre cette fausse notion, empruntée à l’histoire des animaux supérieurs, qui veut retrouver chez les In- fusoires ciliés une série de développements, une évolution organo- logique analogue à l’évolution embryogénique des premiers. J’ai déjà protesté ailleurs? contre cette idée, que l’on trouve répandue un peu partout. Aucun observateur, jusqu'ici, n’a vu chez un Cilié des formes correspondant à ce qu’on appelle un embryon ou un 1 Zur Morphologie der Infusorien, 1873, p. 18-24. 2 Archives de zoologie, t. IX, 1881, p. 366. D82 E. MAUPAS. jeune chez les animaux supérieurs. Ges CYÿtozoaires, à quelque mo- ment que nous les considérions, nous apparaissent toujours sous une forme unique et parfaite, avec toutes les différenciations orga- nologiques, qui constituent le type de chacun d'eux. Ici, point de destruction d'organes déjà existants, point d’apparitions successives. de parties et de structures nouvelles ; en un mot, pas de développe- ment individuel, ou, pour employer la terminologie courante, pas d’ontogénie!. Gette absence d'embryogénie chez les CGiliés est la conséquence nécessaire du mode unique de multiphcation connu chez eux, la bipartition fissipare. Dans ce mode de reproduction, les nouveaux individus emportent chacun une portion égale de l’indi- vidu antérieur et, dès lé moment de leur séparation, apparaissent avec tous les organes et toutes les structures de leur type. Quand Haeckel nous parle d'un état jeune rudimentaire et de différencia- tions ultérieures, pour arriver à l'état parfait, ces idées ne répondent à aucune réalité. Elles doivent être rayées de la science, si nous voulons bien comprendre l’organisme des Ciliés. Chez les Infusoires les plus hautement différenciés, dit Haeckel, on peut distinguer les quatre couches suivantes dans l’exoplasma : 4° la couche cuticulaire ; % la couche Ciliaire ; 3° la couche à myophane ; 4 la couche à trichocytes. Sous le nom de formations cuticulaires, il comprend l'enveloppe périphérique du pédoncule des Vorticellides, les tubes ou loges dans lesquels habitent certaines espèces, comme les Vaginicoles, les Cothurnies, les Stentors, les Tintinnus, etc. Cette énumération me parait exacte. Toutes ces productions ont un caractère commun ; èlles sont mortes et n’ont plus de rôle dans la vie des Infusoires que ‘ Il faudrait sans doute faire exception pour Spirochona gemmipara, qui traverse d’abord une période larvaire vagabonde. Pendant cette phase, elle possède un ap- pareil ciliaire locomoteur, qui disparaîtra plus tard, et n’achève de prendre sa forme et sa structure définitives, qu'après s'être fixée pour toujours. Il y & donc là une véritable évolution. Mais cet Infusoire représente un type morphologique abso- lument isolé parmi les Ciliés, desquels il s’'écarte encore par son mode de repro- duction, la gemmiparité, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 983 par leurs propriétés physiques et mécaniques : elles sont sécrétées par le tégument, sans faire partie intégrante de sa structure. Mais je ne puis suivre Haeckel, quand il veut encore leur adjoindre la mem- brane périphérique hyaline des Paramécies et des Trichodines, ainsi que les cuirasses des formes dites currassées. Nous avons déjà vu que le tégument des Paramécies est une véritable membrane de cellule. Quant aux cuirasses, je ne puis non plus les assimiler à une simple cuticule, et nous verrons plus loin que chez les Euplotides, où elles sont surtout développées, elles jouent par leur composition et leur structure le rôle d’un tégument proprement dit. La seconde couche d'Haeckel, dite couche ciliaire, doit, suivant lui, exister chez tous les Giliés immédiatement au-dessous de la cuti- cule, ou à la périphérie du corps chez les Infusoires dépourvus de cuticule. Cette couche se compose d’une membrane (/auf) homo- gène, mince, assez solide, élastique et contractile : tous les cils en sont des prolongements immédiats. Pour moi, cette prétendue membrane, qui doit se retrouver partout, n'existe nulle part. Quels que soient les procédés d'étude et les grossissements employés, il m'a toujours été absolument impossible de la découvrir et de la rendre distincte et apparente. Au-dessous du tégument, je n'ai ja- mais trouvé que le corps sarcodique qui, par sa périphérie, confine immédiatement à la paroi interne du premier. La couche ciliaire d’Haeckel est donc une simple vue de l'esprit sans réalité, inventée sous l'idée préconçue de la nécessité d’un substratum distinct, doué de propriétés contractiles spéciales, pour servir de foyer d'éma- nation aux cils. Maïs, en étudiant plus loin la masse sarcodique du corps, nous verrons qu'elle possède toutes les propriétés contractiles nécessaires, pour représenter la base d'insertion des cils. Quant au point précis d'insertion de ces derniers, le problème est beaucoup plus compliqué que ne semble le croire le savant professeur et exi- gerait une étude spéciale pour chacun des principaux types. Mais je n'ai point l'intention d'aborder ici cette étude, pour la solution de laquelle je suis loin d’avoir des observations suffisantes. 584 E. MAUPAS. Je dois encore nier l'existence de la troisième couche d’Haeckel, ou couche à myophane, qui n’a pas plus de réalité que la précé- dente et a été également inventée pour répondre à des conceptions théoriques. Quand on observe par la surface les espèces très contrac- tiles, comme les Stentors, les Spirostomes et les Condylostomes, on constate que ceite surface se divise en bandes longitudinales relati- vement assez larges, séparées les unes des autres par de petites bandes très étroites (pl. XXII, fig. 5). Les bandes larges (g) ont une structure granuleuse, tandis que les bandes étroites (f) sont homo- gènes et hyalines. Ces bandes ont été interprétées comme repré- sentant les éléments contractiles, présidant aux contractions éner- giques de ces Infusoires. Mais, suivant un groupe d’observateurs auquel se rattache Haeckel, ce sont les bandes larges qui constituent l'élément musculaire, tandis que, dans un autre camp, on affirme que ces bandes larges répondent uniquement au tégument et au corps sarcodique situé au-dessous, le véritable élément contractile étant représenté sous forme de fibrilles par les bandes étroites ‘. Je dois dire qu’à la suite d'observations personnelles, faites sur Sfentor cæruleus et Condylostoma, je me rallie complètement à la seconde manière de voir. Haeckel, au contraire, considérant les bandes larges granuleuses comme représentant l'élément contractile, en a déduit l'existence d’une couche continue de substance contractile, sa couche à myophane. Mais les dernières recherches d'Engelmann* et de Wrzesniowski ayant démontré péremptoirement que la contracti- lité chez ces espèces réside surtout dans lesfibrilles étroites ethyalines la couche à myophane se trouve ne plus être que la partie périphé- rique granuleuse du corps sarcodique, située immédiatement au- dessous du tégument. D'ailleurs, chez tous les Ciliés où la substance sarcodique se différencie en éléments contractiles figurés, cette différenciation se produit toujours sous la forme de fibrilles et 1 On trouvera un très bon exposé de la question dans Wrzesniowski (Zeif. für wiss. Zoologie, t. XXIX, 1877, p. 289 et suiv.). 2 Pflüger's Archiv, t. XI, 1875, p. 436 et suiv. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 985 jamais sous celle d’une couche membraniforme. C’est ce qui a encore été reconnu chez les Vorticellides, d’une façon aussi nette que chez les Stentors. La quatrième couche d’Haeckel, ou couche à trichocystes, a une existence plus réelle et peut sembler tout d’abord répondre à une unité morphologique distincte. Mais, en discutant plus haut les idées de Cohn, nous avons vu qu'elle se rattachait intimement au corps sarcodique et, par conséquent, n'avait rien de commun ayec le tégument. Nous n'avons donc pas à nous en occuper plus longue- ment ICI. En résumé, des quatre couches tégumentaires énumérées et décrites par Haeckel, la première a été confondue avec des forma- tions cuticulaires squelettiques, desquelles elle est parfaitement distincte; la seconde cet la troisième n'existent pas; la quatrième fait partie du corps sarcodique et non du tégument. Je crois donc n'avoir rien exagéré en affirmant que le célèbre professeur, au lieu d’éclaircir cette partie de la morphologie des Ciliés, n'avait fait qu'y jeter la confusion. Après cet exposé historique, il est temps de dire comment je comprends le tégument des Ciliés. Pour moi, il correspond morpho- logiquement à la membrane de cellule et, par conséquent, doit en posséder toutes les propriétés de composition, de structure et de rôle physiologique. On pourra être quelquefois embarrassé pour discerner le véritable tégument; mais je crois qu'avec une analyse patiente, on peut toujours y arriver sûrement. On le distingue _ d’abord aisément de toutes ces productions de nature morte, ayant pour origine une sécrétion, qui constituent les coques de certaines Vorticellides, ainsi que celle des Folliculina, les tubes dans lesquels on rencontre quelquefois les Stentors, la masse gélatineuse dans laquelle sont engagées les colonies d’'Ophrydium. Toutes ces par- ties, une fois produites, ont une existence pour ainsi dire indépen- dante de l'animal, qui leur a donné naissance. Elles ne jouent plus de rôle dans la vie de ce dernier que par leurs propriétés physiques, 586 | E. MAUPAS. comme organes de protection ou de soutien. Elles ne prennent plus part à la reproduction et sont abandonnées par les nouveaux indi- vidus. Par leur composition chimique, elles sont complètement distinctes des parties réellement vivantes et résistent beaucoup mieux que celles-ci aux agents de destruction. On les désigne géné- ralement sous le nom de formations cuticulaires ou squelettiques. On doit bien se garder de confondre avec elles ces membranes hya- lines, que certains réactifs (alcool, acide acétique, acide chromique) font apparaître à la périphérie des Paramécies et des Vorticellides. Celles-ci constituent Le tégument propre de ces Infusoires et parti- cipent à tous les actes de leur vie. On a beaucoup abusé de ce nom de cuticule, en l'attribuant à toutes ces membranes hyalines péri- phériques qui, en réalité, n'ont rien de commun avec les véritables productions cuticulaires. Le tégument, avons-nous dit, doit posséder la structure et autres propriétés physiques d’une membrane de cellule. Les cytologistes ont beaucoup discuté sur les caractères à l’aide desquels on peut reconnaître l'existence d’une membrane enveloppante. Ne pouvant entrer ici dans un exposé complet de ce problème de cytologie, je me contenterai de renvoyer aux publications de Brücke!, de Kælli- ker* et de Fol, dans lesquelles on trouvera bien résumé ce qu'il y a de plus essentiel à connaître sur ce sujet. Quant à moi, appli- quant à l'étude des Infusoires les résultats de l’expérience de ces éminents micrographes, j'appelle tégqument toute couche superfi- cielle distincte du corps sarcodique, intimement appliquée à sa surface et vivant de la même vie que lui. Cette définition claire et simple est souvent difficile à vérifier sur la nature. On peut y arriver par plusieurs méthodes, La première, par laquelle on doit toujours commencer, est l'étude sur le vivant, à l’aide de bons objectifs à immersion et donnant un 1 Sitzungsberichte der Wiener Akademie, 1861, t. XLIV, p. 387. 2 Éléments d’histologie, trad. française, 1868, p. 18. 3 Recherches sur la fécondation, 1879, p. 237, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 587 fort grossissement. Il faut, bien entendu, que l’Infusoire soit immo- bile naturellement ou par une compression faible, qui ne l’écrase point. Avec cette méthode, on peut étudier la structure de la cara- pace des Euplotides, le tégument des Stylonichies et de beaucoup d’autres Infusoires. Mais il arrive souvent que la couche tégumen- taire est naturellement si peu distincte du corps sarcodique sous- jacent, qu'il devient nécessaire d’avoir recours à certains réactifs. Les meilleurs, à mon avis, sont l'alcool et le chlorure d’or : le premier pur, le second dilué à un centième. On peut les employer l’un et l'autre directement sur le vivant, ou bien immédiatement après avoir tué les Infusoires à l’aide de l’acide osmique en vapeurs ou dilué à 4 pour 100. Avec le secours de ces réactifs, il est bien rare qu'on n'arrive point à se faire une idée nette et, je crois, exacte de la membrane tégumentaire. Le tégument des Infusoires ciliés se présente à nous, suivant les espèces, avec des différences considérables d'épaisseur, de struc- ture, de consistance, d’élasticité et de contractilité. Chez certaines éspèces parasites, il possède une épaisseur ét une solidité très nota- bles. Je citerai comme exemples Æaplophrya gigantea et Balantidium elongatum, chez lesquels il prend l'aspect d'une membrane d’une épaisseur de 0M%,002, aisément distincte sur le vivant et à l’aide des réactifs. En écrasant avec précaution le second de ces Infusoires, on peut faire éclater cette membrane, la voir se déchirer en lam- beaux à bords nets, puis faire écouler par l’ouverture de la déchi- rute tout l’endosarc. La membrane demeure entière et intacte, quand depuis longtemps tout le sarcode de l’endosarc en diffluence a disparu de la préparation. Le tégument de ces deux Infusoires est fort élastique, mais absolument dénué de toute espèce de contrac- tilité. Quand on examine le tégument d'A. gigantea par la tranche, on le voit traversé dans son épaisseur par de fines stries, que je considère comme des prolongements des cils vibratiles, les reliant à la surface du corps sarcodique. Le tégument des Vorticellides et des Paramécies est, au contraire, 588 E. MAUPAS. extrêmement mince et se présente sous l’aspect de pellicules fines, hyalines, dépourvues de toute espèce de structure. Ces pellicules sont également élastiques, mais sans contractilité. Chez Parame- cium bursaria, elle est si peu consistante et difflue si aisément qu'on la voit pour ainsi dire fondre à vue d’œil et sans laisser la moindre trace, lorsqu'on tue cet Infusoire par écrasement. Elle est un peu plus résistante chez Paramecium aurelia, et il en subsiste des lam- beaux très bien conservés, lorsque le corps écrasé est depuis long- temps en pleine diffluence. A la surface de ce tégument existe, chez ces deux espèces, un dessin qui, ainsi que nous l’avons vu plus haut, a été interprété par Cohn comme résultant de l’entre-croise- ment de sillons creux, disposés en spirales de directions opposées. Stein‘, combattant l’interprétation de Cohn, n’y voit que l’impres- sion ou refoulement produit par l’extrémité antérieure des tricho- cystes situés au-dessous. J'ai étudié Paramecium aurelia à ce point de vue, et nous allons voir que Cohn se rapproche beaucoup plus de la vérité que Stein. Pour faire cette étude, je tue P. aurelia avec de l’eau de mer, qui met en évidence avec la plus grande netteté le dessin tégumentaire*. Sur les Paramécies ainsi préparées, la sur- face tégumentaire apparaît parcourue par deux systèmes de lignes fines et parallèles, les unes à peu de chose près dirigées dans l’axe longitudinal, les autres coupant les premières à angle droit et déli- mitant ainsi des rectangles presque équilatéraux. Les lignes parallèles à l’axe du corps sont parfaitement rectilignes et mieux marquées que les lignes transversales. Cet effet vient de ce que, dans ces dernières, chacun des segments ne coïncide pas avec une exactitude absolue d’un rectangle à l’autre, ce qui leur enlève l'aspect régulier et continu des premières. Sur la face ventrale, dans la région de la gouttière prébuccale, les lignes longitudinales se recourbent en dedans pour passer d’un côté à l’autre et deviennent transversales, \ Der Organismus, t. I, 1859, p. 57. ? On obtient encore de bons résultats en tuant par dessiccation sur une chaleur douce ou par le chlorure de zinc iodé. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS,. 089 tandis que l’autre système, au contraire, devient longitudinal, Ces lignes, tant d’un système que de l’autre, sont formées par de légers épaississements saillants à la surface du tégument, de sorte que les champs rectangulaires délimités par elles constituent de faibles dépressions. On s’en assure en plaçant les lignes d'abord exacte- ment au point; elles apparaissent alors brillantes et les champs , obscurs ; en enfoncant légèrement l'objectif, on obtient l’eifet in- verse, les lignes obscures et les champs brillants. Le centre de chacun des rectangles est occupé par un cil vibratile. Une autre forme de tégument est celle que j'ai décrite et figurée (pl. XX, fig. 17, a), chez Lagynus crassicollis. Nous avons encore ici une lamelle mince, élastique, non contractile ; mais, au lieu d’être homogène et hyaline, elle est devenue granuleuse et comme com- posée de petits corpuscules plus ou moins irréguliers, juxtaposés en couche. J'ai déjà décrit, à la partie spéciale (p. 522), le tégument de Condylostoma patens. Sa structure diffère encore des précédentes, mais se rapproche de celles dont nous allons parler chez certaines Oxytrichides et Euplotides. Dans la première de ces familles, je l’ai étudié sur Æolosticha Lacazer et Stylonichia mytilus. La structure du tégument du premier de ces Infusoires rappelle beaucoup celle de Condylostoma, ainsi qu’on pourra s’en assurer,en remontant à la description que j'en ai donnée à la partie spéciale (p. 557). Le tégu- ment de Stylonichia mytilus (pl. XXIT, fig. 10, {) se compose d'une couche fort mince, hyaline, dénuée de contractilité. Sans être aussi rigide que les cuirasses des Euplotides, elle est cependant à peu près dépourvue d’élasticité ; sa consistance est très faible, et aucun réactif ne peut la détacher du corps sarcodique. Sous leur action, elle se coagule de telle sorte qu'elle disparaît presque complètement. On doit l’étudier sur le vivant pour la bien voir. Elle difflue très aisément. Chez les Euplotides, le tégument {cuirasse des auteurs), devenu absolument rigide, ne laisse plus aucun jeu à la contractilité et à l’élasticité. Je l’ai étudié avec soin sur Séyloplotes .appendiculatus. Chez cet Infusoire, il a une épaisseur d'environ 590 E. MAUPAS. Om ,002 et une structure composée essentiellement de petits bâton nets assez rapprochés et engagés dans une substance fondamentale absolument hyaline et amorphe. Cette substance hyaline corres- pond probablement à celle qui constitue uniquement la couche tégumentaire de Stylonichia mytilus. On peut observer le tégument de Stylopotes soit sur le vivant, soit en tuant avec les réactifs. Ce tégument, ainsi d’ailleurs que les cuirasses de toutes les autres Euplotides, est doué d’une assez faible consistance, On ne peut l'isoler du corps sarcodique, et il difflue très aisément. Chilodon dubius est également un Infusoire à tégument rigide, mais absolu- ment amorphe, hyalin et très mince. On voit, par ces quelques notes, quelles variétés de structure le tégument des Ciliés peut offrir. Mais il est de toute évidence que ces exemples peu nombreux sont loin d’avoir épuisé toutes les dispo- sitions structurales qui doivent exister. Je n’essayerai donc pas de déduire aucunes conséquences générales de ces faits particuliers. Il faudrait avoir analysé le tégument de chaque espèce d’Infusoire avant de savoir si quelque loi générale se cache derrière cette grande variété. Qu'il me suffise donc, en terminant, de faire observer com- bien les généralisations des auteurs antérieurs demandent à être re- visées minutieusement. Corps sarcodique ou cytosôme. Le corps sarcodique ou cytosôme comprend la masse principale et fondamentale du corps et correspond en cytologie générale au corps cellulaire. Chez les espèces nues, il constitue à lui seul toute la sub- stance du corps, à l'exception, bien entendu, des inclusions qu'il ren- ferme : nucléus, nucléole, ingesta, etc. ; chez les espèces reyêtues d’un tégument, il comprend tout ce qui est enveloppé par ce der- nier,.en faisant toujours les mêmes exceptions. Il se différence, chez certaines espèces, en une couche corticale ou ectosarc” et une masse médullaire centrale ou endosarc. 1 Dans mon travail sur les Acinéliens, j'avais cru pouvoir employer indifféremment. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. S04 Les opinions des auteurs sur la nature du corps sarcodique sont fort diverses, suivant leur manière de concevoir la morphologie des Ciliés. On peut les classer en deux groupes principaux, correspon- dant aux deux théories de la complexité ou de la simplicité de struc- ture des Infusoires. Je ne puis reprendre ici l’exposé et la discussion de ces différentes théories. Je me contenterai de rappeler que, dans le premier groupe, l'élément que nous étudions actuellement a été considéré tantôt comme une cavité périgastrique enveloppant un canal digestif dis- tinct (Ehrenberg', Balbiani?), tantôt comme une cavité digestive délimitée par une paroi parenchymateuse hautement organisée, fai- sant fonction à la fois de paroi du corps et de paroi stomacale, et remplie par le chyme digestif (Claparède et Lachmann”, Greef*). Ces idées erronées ont été si bien discutées et réfutées par Stein*, par Haeckelf, et par Wrzesniowski’ qu'il est complètement inutile d'y revenir aujourd'hui. Le groupe des partisans de la simplicité de structure a pour prin- cipaux représentants Dujardin, de Siebold, Cohn, Stein, Kælliker, Haeckel, etc. Pour tous ces observateurs, la substance molle fonda- mentale du corps se compose uniquement d’une masse de sarcode, dans laquelle on peut, dans certains cas, distinguer deux couches, Gette manière de voir fait partie essentielle de la théorie qui consi- les termes de {égument et eclosarc pour désigner la membrane périphérique de ces êtres. Mais c’est là une erreur que je tiens à relever ici; elle conduit, en effet, à la confusion de deux unités morphologiques bien distinctes l’une de l’autre. Des Aci- nétiens étudiés par moi, aucun n’avait d’ectosarc, tandis que le plus grand nombre était pourvu d’un tégument. 1 Die Infusionsthierchen, etc., 1833. 2 Archives de zoologie, t. II, 1873, p. 382. Depuis lors Balbiani paraît avoir aban- donné ces idées (Journal de micrographie de Pelletan, 1881, p. 204), auxquelles il avait été entraîné par sa fameuse théorie des organes sexuels des Infusoires. 3 Études, etc., 1858, p. 20-40. * Archiv für Naturgeschichte, 1870, t. I, p. 353. 5 Der Oraanismus, etc., t. Tet II. 6 Zur Morphologie der Infusorien, 1873, p. 24-32. T Zeit. für wiss. Zoologie, t. XXIX, 1877, p. 284-286, 599 E. MAUPAS. dère les Infusoires comme des organismes unicellulaires; aussi la trouve-t-on formulée implicitement et explicitement chez tous les auteurs qui défendent cette théorie. L'interprétation morphologique de l'élément en question a longtemps été le champ de bataille prin- cipal sur lequel se sont déroulées les controverses des deux écoles opposées d'Ehrenberg et de Dujardin. Aujourd'hui les idées de Du- jardin, adaptées à la théorie cellulaire par de Siebold', triomphent sur toute la ligne, et la constitution sarcodique de la masse du corps est, on peut le dire, universellement admise. Inutile de faire remarquer que c'est à la confirmer que tendent toutes mes re- cherches. Afin d'éviter les périphrases, je propose de donner le nom de cytosôme à cette masse sarcodique fondamentale et constitutive du corps des Infusoires. Ge terme la désigne dans son ensemble, qu’elle subisse ou non une différenciation secondaire en une couche corti- cale et une portion médullaire. En cytologie générale, elle corres- _pond au corps cellulaire, partie principale et base de tous les actes vitaux de la cellule. Sa substance, étant le siège essentiel et unique de la vitalité chez les Infusoires, doit posséder et résumer en elle toutes les propriétés fonctionnelles, qui assurent l’existence de ces êtres. Aussi est-ce dans le cytosôme, ou dans les parties émanant directement de lui, que s’exercent les fonctions vitales proprement dites. Nous avons déjà dit que chez les espèces nues il constitue, à lui seul, toute la masse du corps. Le cytosôme, avons-nous vu, se présente chez certaines espèces de Ciliés, différencié en deux parties, une partie médullaire centrale et une partie corticale enveloppante. Ges deux zones ne constituent point des unités morphologiques réellement distinctes; elles ne sont que des portions d’un tout, différentes seulement par leur aspect ex- técieur. Aucun procédé ne permet de les isoler l’une de l’autre. Sous l'action des réactifs, elles se coagulent ou se colorent de la même 1 Lehrbuch der vergleichenden Anatomie, 1845, p. 14-19. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 993 façon et leurs caractères distinctifs, loin de devenir plus nets, tendent plutôt à s'effacer. Leur substance fondamentale est donc la même et ne se distingue dans les deux couches que par de légères différences dans leur état d’agrégation ‘, et surtout par les inclusions {tricho- cystes, globules de chlorophylle, granulations) qu'elles renferment. Si l’on pouvait les voir débarrassées de ces parties étrangères, il est fort probable que nous ne pourrions même plus les discerner l’une de l’autre. Leur distinction, au point de vue physiologique, peut sembler d’abord plus réelle et plus profonde : la zone corticale paraissant pré- sider plus spécialement aux fonctions de sensibilité, de contractilité et demotricité, tandis que la masse centrale serait plutôt affectée aux fonctions de digestion et de nutrition. Ces différences ne me parais- sent nullement essentielles. D'abord, cette distinction physiologique n'existe pas chez les nombreuses espèces où le cytosôme est homo- gène dans toute son étendue et où toutes ses parties jouissent des mêmes propriétés fonctionnelles ; ensuite, chez les espèces à deux couches, la zone centrale paraît jouir d’une motricité et d'une con- tractilité au moins égales à celles de la zone corticale, ainsi que le démontrent les mouvements de cyclose et de brassage continus dont cette masse centrale est le siège ?. Ces deux couches du cytosôme constituent donc un tout indivisible, aussi bien morphologiquement que physiologiquement. Cette différenciation en deux couches, quoique d'ordre secondaire, ayant cependant, dans certains cas, une réalité objective incontesta- ble, ne peut être passée sous silence dans une bonne nomenclature morphologique. On le doit d'autant moins qu'elle correspond à une différenciation identique, aussi bien par sa valeur morphologique que par son rôle physiologique, qui existe fréquemment chez les Rhizopodes. Elle est désignée depuis longtemps dans la morphologie Cohn était déjà arrivé dès 1851 (Zeit. für wiss. Zoologie, t. III, p. 267. Id., t. V, 1854, p-. 422) aux mêmes conclusions. Aussi doit-on être surpris de voir Claparède (Eludes, etc., 1858, p. 21) citer les observations de cet habile micrographe à l’ap- pui de sa théorie d’uu parenchyme hautement organisé. ? KœŒLLKER, Îcones histologicæ, 1re partie, 1864, p. 14. ARCH. DE ZOOL, EXP. FT GÉN. == 9€ SÉRIE, — T. I. 1883. 38 D94 E. MAUPAS. de ces Cytozoaires par les termes d’ectosare et d’endosarc. Rien ne s'oppose à leur emploi dans la morphologie des Ciliés, dont le cyto- sôme est stratifié en deux zones. Nous désignerons donc sa couche corticale par le nom d'ectosarc et sa partie centrale par celui d’endosarc. L’ectosarc, tel que je l’entends, correspond à la Rindenschicht de Cohn, au Parenchyme de Claparède, au Rindenparenchym de Stein et de Kœælliker, à la Zrichocystenschicht de Haeckel ; l’endosarc au Chyme de Claparède, à l’Znnenparenchym de Stein et de Kælliker, à l’Endoplasma d'Haeckel. Depuis la publication du Manuel d'anato- mie comparée de Siebold (1845), le cytosôme est souvent désigné, même par les meilleurs auteurs les plus récents, par le terme si impropre de parenchyme. Je ne puis que m'associer aux observations de Cohnt et de Balbiani* contre cette dénomination, qui n’a pas peu contribué à retarder l'acceptation générale de la théorie uni- cellulaire. Son emploi qui, sous la plume des partisans de la com: plexité histologique des Infusoires, peut encore présenter un sens, devient complètement absurde chez les auteurs qui croient à leur composition unicellulaire. Claparède ? et Koelliker* affirment que cette stratification du cytosôme en deux couches est commune à tous les Infusoires. Mais c'est là une erreur, et je crois qu'elle n'existe pas chez la grande majorité des espèces. Ainsi, pour ne citer que des faits bien avérés : Balbiani* ne l’a pas trouvée chez Dridinium nasutum, Sterki6 l’a cherchée en vain chez les Stylonichies, observation que je puis confirmer, ainsi que le prouve la figure 10 de ma planche XXII. Cette figure représente le tégument (1) avec les soies (s) de Stylo- 1 Zeit. für wiss. Zoologie, t. III, 1851, p. 266, note. 2 Archives de Zoologie, t. II, 1873, p. 369. 3 Études, etc., 1858, p. 21. k Icones histologicæ, 1re partie, 1864. p. 12, 5 Archives de Zoologie, t. II, 1873, p. 371. 6 Zeit. für wiss, Zoologie, t. XXXI, 1878, p. 32. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 595 nichia mytilus, au-dessous duquel apparaît immédiatement le cyto- sôme (e), sans aucune différenciation en couches, J'ai figuré la même disposition chez Æolosticha Lacazei (pl. XXI, fig. 7), Condylos- toma patens (pl. XXII, fig. 6), et chez Lagynus crassicollis (pl. XX, fig. 27). Mais je puis encore citer Colpoda cucullus, Chilodon dubius et Cothurnia crystallina. Chez ces trois espèces, le sarcode du cyto- sôme est doué d’une assez grande mobilité et, avec de forts grossis- sements, on le voit glisser immédiatement sur la paroï interne du tégument. Chez toutes les Euplotides, il est également facile de constater l'absence de toute stratification. En cherchant avec soin, rien ne serait plus aisé que de multiplier les exemples ; mais ceux-ci, empruntés aux différentes classes des Ciliés, suffisent pour démon- trer qu’à ce point de vue chaque espèce exige une étude à part. La structure en stratification se montre avec un développement fortement accusé, surtout chez les espèces pourvues, sur toute la périphérie de leur corps, de trichocystes serrés les uns contre les autres et disposés verticalement par rapport au plan superficiel. Ces espèces, qui appartiennent principalement aux genres Parame- cium et Ophryoglena, ont été les premières! sur lesquelles on ait fait la distinction d’une couche corticale ou ectosarc. Elle y est, en effet, très apparente et relativement fort épaisse. Stein ? en a égale- ment constaté l'existence chez des Vorticellides (Z'pystilis et Oper- cularia) dépourvues de trichocystes, mais avec une épaisseur beau- coup moindre que dans les genres cités ci-dessus. Je crois qu’en observant avec soin on pourrait trouver toutes les gradations qui permettraient de passer insensiblement des espèces avec ectosarc très développé à celles, fort nombreuses, où nous ne retrouvons plus cette couche. Cette graduation dans le développement vient encore à l'appui de l'opinion qui considère l'existence d’un ectosarc comme une différenciation secondaire, 1 Con. Zeit. für wiss. Zoologie, t. III, 1851, p. 263. Der Organismus, etc., t. I, 1853, p. 57. 596 E. MAUPAS. Le cytosôme des Ciliés se présente à l'observateur avec des diffé- rences de consistance, de structure et d'aspect extrêmement variées. On peut retrouver à l’intérieur de la cavité générale de ces Cyto- zoaires tous les états et toutes les dispositions que le sarcode revêt chez les Rhizopodes nus. Chez les espèces dont la cyclose intra- cellulaire est très active (Paramécies, Colpodes, Vorticellines), le sarcode interne est généralement fort mou, presque fluide, d’une grande transparence et d’une homogénéité presque parfaite. Mais cette homogénéité n’est qu’apparente, car lorsqu'on tue ces Infu- soires avec les réactifs coagulants, cette transparence disparait et la masse devient granuleuse., Cette forme de cytosôme homogène rap- pelle complètement par son aspect extérieur les pseudopodes des Amibiens lobosaires. — Un autre type de cytosôme est représenté par celui que j'ai décrit (p. 523) chez C'ondylostoma patens. Ici la masse sarcodique est encore douée de mobilité, mais cette circulation est beaucoup plus lente que dans le type précédent. Le sarcode est granuleux et visqueux. Il est creusé de vacuoles si nombreuses et de dimensions si différentes que, pris dans son ensemble, il ressemble beaucoup aux mailles d’un tissu spongieux. Quand une proie de grande dimension pénètre dans ce tissu aréolé, elle s'y creuse une vacuole digestive adaptée à son volume. Le sarcode est mobile par- tout, et ses courants roulent dans les sens les plus divers dans l'épaisseur des cloisons qui constituent les mailles du réseau. La forme et les dimensions de ces mailles sont elles-mêmes soumises à des changements perpétuels. Toutes les parties de ce tissu alvéolaire sont dans un état de complète instabilité. — On trouve un cytosôme de structure identique chez Stentor cæruleus, et c'est encore à ce type qu'il faut rattacher celui de 7rachelius ovum et de Loxodes rostrum". Chez ces Infusoires, le sarcode, beaucoup plus raréfié, ne forme plus qu’une vaste vacuole, occupant toute la cavité générale ettr a - versée par des trabécules sarcodiques. Ce sont ces trabécules que 1 \VRZESNIOWSKI, Zeit. fur wiss. Zoologie, t, XX, 1870, p. 491. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 997 les partisans de l’organisation complexe ont interprétés comme re- présentant un tube digestif.— Chez les Oxytrichides etles Euplotides, le cytosôme paraît dénué de toute espèce de mobilité, ou du moins ses mouvements sont devenus si lents qu'ils ne sont plus percep- tibles à l’observation: directe. Le sarcode y est très granuleux et visqueux. Chez certaines espèces (Zuplotes, Stylonichia mytelus, Holosticha Lacazei), il est plus ou moins finement spongieux et aréolé ; chez d’autres espèces, au contraire (Styloplotes appendicu- latus, Gonostomum pediculiforme, Actinotricha saltans), entièrement compact. Il est un autre type de cytosôme, représenté par une seule espèce, dont je dois encore parler ici. Il s’agit de Dédinium nasutum. Bien que je n’aie pas eu occasion d'observer moi-même ce curieux Infu- soire, je ne puis cependant passer sous silence les observations de Balbiani! et les conséquences, exagérées à mon avis, qu'il en fait découler. Balbiani désigne la masse de sarcode du cytosôme par le mot parenchyme, bien qu'il ait commencé par protester contre l'emploi abusif de cette expression. Les renseignements qu’il nous donne sur la structure de cet élément sont un peu vagues. Cependant, en com- binant plusieurs passages de son texte et s’aidant de l'examen de ses dessins, on voit que le cytosôme est composé d'un sarcode homo- gène très fluide, non différencié en ectosarc et endosarc et renfer- mant dans sa masse de nombreux globules et corpuscules. Cette masse de sarcode est animée d’un mouvement de cyclose affectant une disposition fort remarquable. « Le courant monte sous la forme d'une seule nappe liquide continue sur toute la paroi interne du COrps, puis, après avoir atteint la partie antérieure, s’infléchit de tous les points de la périphérie vers la ligne répondant à l'axe du corps, le long de laquelle il redescend jusqu’à l'extrémité postérieure, où il s’incurve de} nouveau en dehors, pour recommencer son mouve- 1: Archives de Zoologie, t. II, 1873, p. 369-385. 098 E. MAUPAS. ment ascensionnel le long de la paroi du corps, comme il vient d’être dit. La raison physiologique de ce mode de circulation est l’exis- tence d’un canal alimentaire dirigé suivant l'axe longitudinal du corps, le long de la paroi externe duquel glisse le courant descen- dant. Ce canal est démontré par ce qui passe lorsque Didinium engloutit une proie. À mesure que celle-ci pénètre dans l'intérieur du corps, on voit se former en avant d’elle un espace triangulaire clair. Cet espace n’est évidemment que la traduction d’un canal dont les parois, d’abord en contact l’une avec l’autre, s’écartent successivement sous l'influence de la pression exercée par la masse alimentaire. Lorsqu'on tue l’animal au moyen d’une faible solution d’iode, au moment où la bouche vient de s’ouvrir pour avaler la proie, il arrive quelquefois que le tube digestif s'ouvre dans une plus ou moins grande partie de sa longueur et parfois même jusqu’à l’ouverture anale. Tous ces faits démontrent qu'il existe chez Drdi- nium un canal alimentaire préformé et indépendant, s'étendant sans interruption depuis la bouche jusqu’à l’anus. » Après cette description et ces affirmations si nettes, Balbiani avoue cependant qu'il n’a pas réussi à discerner la paroi de ce canal de la masse sarcodique ambiante. Il ajoute même plus loin : Quant à sa paroi, on ne doit probablement pas la saisir comme une membrane particulière, puisque aucune ligne de contour n’est visible entre sa lumière et le sarcode extérieur, mais admettre qu'il y a continuité de substance entre ce sarcode et la paroi du tube digestif. Autant dire que cet in- testin n’existe pas. Dans les lignes suivantes, Balbiani s’efforce de sauver ce tube digestif, si compromis par ses propres observations, en le comparant à une prétendue paroi délimitante des vacuoles contractiles. Mais cette comparaison doit nous sembler des plus surprenantes sous la plume d’un auteur qui, quelques pages plus haut, nous a donné d’excellentes observations pour réfuter ceux qui ont affirmé l’existence de cette paroi, à laquelle personnene croit plus. Tel est textuellement l’exposé sommaire des faits observés par Balbiani et de l'interprétation morphologique qu'il leur applique. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 599 Cette interprétation est des plus contestables, et noùûs allons voir que leur explication est plus facile à l’aide des phénomènes connus de la morphologie sarcodique. Et d’abord, si un intestin parfaitement clos et débouchant en dehors par ses deux extrémités existait sous une forme préformée et indépen- dante dans un Infusoire de la taille de Dédinium, il n’est pas admis- sible qu’une structure aussi développée püt être complètement invisible et avoir échappé aux recherches d’un observateur aussi habile que le savant professeur du Collège de France, Les Vorticel- lides, dont l’æœsophage se prolonge en un tube plus ou moins long, suspendu dans la cavité générale, et que Balbiani cite constamment à l'appui de ses vues, fournissent au contraire un excellent argu- ment en faveur de l'affirmation que je viens d'émettre. Chez cer- taines espèces, où ce tube œsophagien est plus particulièrement développé (£'pystihs flavicans), la paroi de ce tube est très nettement distincte et différenciée du sarcode ambiant, même sur le vivant. Chez toutes les autres espèces, on peut la mettre en évidence, comme élément distinct, en tuant les animaux avec de bons réactifs coagulants et en éclaircissant ensuite la préparation avec la glycé- rine. Il serait incompréhensible, je le répète, que l'intestin de Didi- nium ne fût pas au moins aussi visiblement distinct que ces tubes œæsophagiens. Mais inutile d’insister sur cet argument, puisque, ainsi que nous l'avons vu plus haut, après avoir longuement décrit cet intestin et en avoir affirmé l’existence indépendante à plusieurs reprises, Balbiani finit lui-même par nier sa réalité objective. Il est à regretter pour sa théorie qu'il ne se soit pas aperçu de la singu- larité de cette contradiction. La seule observation positive, relatée par Balbiani, comme preuve de l'existence d’un intestin, consiste uniquement dans la formation d’un espace triangulaire clair en avant des proies qui s'enfoncent dans le cytosôme et, comme complément de démonstration, dans 1 WRZESNIOWSKI, Zeil. für wiss. Zuologie, 1877,t. XXIX, p, 297. 600 E. MAUPAS. l'ouverture, dans toute sa longueur, du prétendu tube digestif, ouverture qui se produit parfois lorsqu'on tue Didinium avec une solution d'iode. Ces faits, loin de prouver l'existence d’un intestin indépendant, s'expliquent beaucoup mieux par la structure parti- culière et le mode de rotation du cytosôme de cet Infusoire. Nous avons vu, en effet, que la nappe de sarcode, formant le courant as- censionnel, après être arrivée à l'extrémité antérieure ou buccale du corps, se replie de tous les points de la périphérie en dedans vers la ligne d’axe longitudinale, le long de laquelle elle redescend vers l'extrémité postérieure. Les molécules de sarcode qui arrivent simul- tanément des divers points de la périphérie et se rencontrent sur cette ligne axillaire, ne se fusionnent pas et ne se mélangent pas entre elles; elles se juxtaposent simplement d’une façon très in- time, sans qu’il y ait soudure effective. Cette ligne de juxtaposition constitue évidemment un point de résistance plus faible dans la consistance de la masse du cytosôme. Dès lors, quoi de plus simple à comprendre que ces parties, contractiles et élastiques, non soudées, s'écartent d'elles-mêmes et s'ouvrent devant la poussée de masses aussivolumineuses que les proies avalées par Didinium. Il est fort pos- sible que cet Infusoire vorace absorbe quelquefois un peu d’eau, en même temps qu’il engloutit une proie, et cette eau, chassée en avant par cette dernière, déterminerait le phénomène que Balbiani a ob- servé quelquefois, d’une ouverture spontanée dans toute la longueur du corps. La formation d’une large cavité longitudinale, chez certains in- dividus tués avec une solution d’iode, s'explique encore aisément par une rétraction dans le sens périphérique du cytosôme coa- gulé par le réactif. D'ailleurs, cette dernière observation de Bal- biani, telle qu’elle nous est représentée par sa figure 11, me paraît plutôt opposée que favorable à sa théorie. Tous les micrographes qui se sont occupés d’Infusoires savent très bien que, lorsque l’on tue avec les réactifs un de ces animaux pourvu d’un commencement de tube alimentaire, représenté par un œsophage plus ou moins long, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIEÉS. 601 le sarcode interne, loin de s’écarter et de faire le vide au point où ce tube pénètre dans sa masse, s’y attache, au contraire, et pour ainsi dire s'y condense. Il en résulte que, sur certaines préparations bien réussies, la masse centrale isolée n’est plus reliée au tégument que par un pont de matière coagulée sur le tube œsophagien. Sur la figure de Balbiani, nous voyons exactement le contraire. Toute la masse du sarcode, au lieu de se concentrer sur le prétendu tube intestinal en se coagulant, s’est rétractée en sens opposé et en s’ap- pliquant intimement à la paroi interne du tégument. Il ne faudrait pas croire qu'en affirmant la simple juxtaposition sans soudure des masses sarcodiques en mouvement le long de la ligne axillaire du corps, j'aie fait une hypothèse gratuite pour le be- soin de ma thèse. Les faits analogues sont d'observation commune dans les êtres de structure sarcodique. Je citerai d’abord les canali- cules des vacuoles contractiles. Le sarcode qui délimite ces lacunes tubulaires ne présente aucune différenciation apparente, et cepen- dant cède périodiquement à la poussée du liquide en s’ouvrant et s'écartant toujours exactement au même point, pour immédiatement ensuite se rapprocher et se refermer, sans qu'il reste la moindre trace du canalicule. Le phénomène ici, à part sa périodicité et la durée, est presque identique à ce quise passe dans le prétendu tube digestif de Didinium. Je citerai encore les courants de direction opposée que l’on observe si fréquemment sur les pseudopodes des Foraminifères, même lorsqu'ils sont réduits aux limites les plus extrêmes de la té- nuité'. Les deux masses sarcodiques, bien qu'intimement appli- quées l’une à l’autre, ne se mélangent pas et roulent chacune dans leur direction, sans paraître se troubler l’une l’autre.Enfin je termi- nerai en mentionnant des observations que j'ai faites, 1l y a déjà longtemps, sur la circulation du protoplasma dans les cellules des poils staminaux de Zradescantia japonica. Ces cellules sont de forme oblongue, semblable à celle du corps de Didinium. Au-dessous de 1 Maupas, Archives de Zoologie, t. IX, 1881, p. 353, 602 E. MAUPAS. la membrane de cellulose et immédiatement appliquée à sa paroi interne, existe une couche mince de protoplasma (Utricule prèmor- diale, Hugo Mohl; Æautschicht, Pringsheim). Dans ce revêtement de protoplasma existent de nombreux courants dirigés les uns en avant, les autres en arrière, mais tous suivant l’axe longitudinal. Ces cou- rants roulent les uns à côté des autres sans se gêner réciproque- ment. Aux deux extrémités, ils se réfléchissent de toutes les parties de la périphérie vers le centre, puis, s’adossant les uns aux autres en se repliant en arrière, constituent un gros cordon protoplasmique axillaire. Les courants provenant de chacune des extrémités roulent dans un sens diamétralement inverse à ceux de l’autre extrémité et, bien qu'en contiguité intime, glissent à côté les uns des autres en conservant dans tout leur cours leur indépendance de mouvement et de circulation. Des parties latérales du gros cordon axillaire par- tent un certain nombre de petits cordons secondaires, qui vont se relier, sous un angle plus ou moins ouvert, à la couche pariétale. Tout l’espace libre entre cette couche et le cordon axillaire est rem- pli par le suc cellulaire. Cette disposition du protoplasma dans une cellule végétale, ainsi que son mode de circulation, se rapprochent beaucoup de celles du cytosôme de Didinium, ;et nous permettent d’en saisir la véritable signification morphologique, bien différente de celle proposée par Balbiani. Le savant professeur semble nous laisser entendre que les masses alibiles ne pénètrent jamais sous forme solide dans la masse de sarcode mobile et que, par conséquent, la dissolution gastrique se produit uniquement dans la région, où il place son prétendu tube digestif. Mais alors que sont donc ces globules dont il nous a parlé en décrivant la structure du sarcode et qu’il figure en si grand nombre sur ses dessins ? Des globules semblables se montrent fré- quemment et en grand nombre chez la plupart des Infusoires bien nourris, et l’on a reconnu depuis longtemps qu'ils sont formés de masses alibiles solides, en voie de digestion. Si, comme on nous l’assure, les aliments, chez Didinium, sont dissous dans une cavité ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. | 603 digestive fermée et ne pénètrent ensuite dans la masse sarcodique que par endosmose à travers les parois de cette cavité, la présence de ces globules devient absolument incompréhensible. Je crois donc que ces globules servent encore à démontrer ia non-existence d’une cavité digestive fermée, et que les masses alimentaires peuvent péné- trer sous formes solides dans toutes les régions du cytosôme. Voulant appuyer sa théorie de l'autorité de Claparède et Lach- mann, Balbiani cite une remarque de ces auteurs; mais la citation est tronquée et détournée de son véritable sens. La voici rétablie dans son entier : « Il n’est pas rare de voir un canal cylindrique, traversant toute l'épaisseur du parenchyme, s'ouvrir dans toute sa lon- gueur au moment qui précède l'expulsion des matières excrémenti- tielles. » Les mots soulignés sont supprimés par Balbiani. Or nous savons que Claparède et Lachmann entendaient par parenchyme ce que nous avons dénommé plus haut ectosarc. Le petit canal dont ils parlent n’a rien à voir avec le long tube digestif décrit par Bal- biani ; tout au plus pourrait-il en constituer l’extrémité postérieure. Il ne s’agit donc que d’un tube court préanal, semblable à celui qui à été décrit chez Plagiotoma, Ophryoscolex et quelques autres Infusoires. Claparède et Lachmann, d'ailleurs, ne l’entendaient pas autrement. Après cette réfutation du travail de Balbiani, je crois qu’on peut encore dire avec Stein! : « Jamais, chez les Infusoires, il n’existe de tube intestinal continu entre la bouche et l’anus ». L'étude morpho- logique bien entendue de Dridinium n'apporte donc aucun argument contre l’école de Dujardin et ne saurait nous faire envisager les Infusoires comme des êtres beaucoup moins simvoles dans leur organi- sation qu'on ne le suppose presque universellement aujourd'hui?, D'ail- 1 Der Organismus, t. I, 1859, p. 75. 2 J'ai tenu à réfuter longuement de pareilles assertions, parce que leur auteur et, à sa suite, tout un groupe de zoologistes s'obstinent à chercher dans les [nfu- soires des structures d’un ordre supérieur à celles relevant de la morphologie unicellulaire. Balbiani, il est vrai, s’est décidé, dans une publication récente, à re- noncer à sa théorie des organes sexuels et à adopter les termes nucléus et nu- 604 E. MAUPAS. leurs, lors même que de nouvelles recherches réussiraient à démon- trer l'existence réelle d’un tube digestif continu et indépendant chez un Infusoire, ce fait, comme le dit très bien Bütschli’', dont la haute autorité en ces matières n’est contestée par personne, ce fait, dis-je, n'ébranlerait nullement la théorie de l’unicellularité des Infusoires. Ce canal intestinal, en effet, ne pourrait jamais être qu'un tube de sarcode condensé et détaché de la masse de l'endosarc. Ce ne serait donc qu'une différenciation sarcodique de plus à ajouter à toutes celles que nous connaissons déjà chez les Cytozoaires. En ce qui concerne Didinium, les observations directes semblent devoir com- plètement confirmer les résultats négatifs auxquels je suis arrivé par le raisonnement. Alenitzin?, le seul auteur qui depuis Balbiami ait publié un travail sur cet Infusoire, n’a rien vu du tube digestif. Il est vrai de dire que le savant russe ne connaissait pas le mémoire de Balbiani, et que même il n’a pas su bien déterminer son Infusoire. Le cytosôme, considéré au point de vue physiologique, est avant tout le siège des phénomènes digestifs et d’assimilation. C'est dans sa masse que les aliments sont introduits et s’accumulent, qu'ils subissent l’élaboration et les transformations destinées à les rendre assimilables et que les résidus impropres à la nutrition sont séparés pour être éliminés par l'anus. L’assimilation se fait directement, et les parties nutritives se fondent et s’incorporent immédiatement dans le sarcode ambiant, sans passer par une phase intermédiaire cléole, contre lesquels il protestait si énergiquement il y a quelques années. Mais n’avons-nous pas vu dans une publication plus récente encore (KunsTLER, Contribu- tion à l'étude des Flagellés, 1882) toutes ces idées de hautes différenciations organo- logiques ressuscitées à propos de la morphologie des Flagellés. Bien que je n’aie pas à m'occuper dans ce travail de ce groupe d’Infusoires, je crois cependant pou- voir dire qu'ayant eu occasion d'étudier un des types sur lesquels s'appuie Kuustler, le Chilomonas paramecium , je n’ai pu lui découvrir la moinde trace des hautes différenciations de structure et d’orgauisation, que lui attribue cet observateur. On peut, par ce fait, juger de la valeur du reste de son travail, dans lequel les erreurs les plus énormes pullulent à chaque page. l Studien über die ersten Entwicklungsvorgänge, etc., 1876, p. 152. 2 Archiv für mikr. Anatomie, t. X, 1874, p. 122. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 605 plus ou moins analogue à la chymification des animaux supérieurs. Le cytosôme, avec la structure et les propriétés que nous lui connais- sons, est admirablement adapté à ces phénomènes de nutrition. Le sarcode ou le protoplasma des proies, doués d’une consistance semblable à la sienne, se fondent et se mélangent facilement avec lui. Les mouvements de rotation et de circulation internes dépla- cent,constamment toutes ses parties, les mélangent et les brassent les unes avec les autres, de façon qu'il y ait toujours identité de composition dans toutes ses régions. Chez les espèces elles-mêmes, où le cytosôme nous semble immobile à l'observation directe, il se produit encore des mouvements intestins qui, bien que d’une très grande lenteur, finissent toujours par effectuer le brassage complet des parties. C’est par ces mouvements intestins que, chez ces espèces, les résidus sont amenés dans la région anale, pour v être rejetés au dehors. D'ailleurs, dans une substance aussi molle, aussi spongieuse et aussi pénétrée ! d'eau que celle du cytosôme, à côté de transports visibles de parties solides, il doit toujours se produire des échanges et des mouvements de liquide par imbibition et par diffusion. Ces mouvements échappent entièrement à l'observation, mais n’en contribuent pas moins que le brassage des parties solides au mélange intime et à l’'homogénéité de toute la masse, Le sarcode, sans structure histologique du cytosôme, joue donc dans la biologie des Infusoires un rôle qui, chez les Histozoaires, ne s'exécute qu'à l'aide d'appareils adaptés spécialement et possédant des structures plus ou moins complexes. Les aliments pénètrent dans sa masse de façons un peu diverses, qui tiennent aux différences de fonctionnement de l'appareil buccal. Chez les espèces nombreuses à tourbillon alimentaire et dont la bouche est constamment ouverte, les phénomènes se passent comme je l’ai décrit en détail à propos . 1 REINKE (Sludien über das Protoplasma, Berlin,1881, p. 12) a reconnu que le con- tenu en eau du protoplasma de l’Aethaliuwm septicum égalait 76,3 pour 100 du poids total, chiffre presque égal à la proportion d’eau du sang humain, qui est de 79 pour 100 (Dumas). 606 E. MAUPAS. de Colpoda cucullus (p. 433). Le courant d’eau du tourbillon, entrai- nant avec lui les particules alibiles, creuse en arrière de l’orifice buccal une vacuole digestive dans la substance du cytosôme. Cette vacuole, arrivée à une certaine dimension, se ferme en avant par la contraction du sarcode ambiant et, entraînée par celui-ci, s'enfonce dans sa masse avec son contenu d’eau et d’aliments. La digestion commence alors dans cette vacuole. L'eau est résorbée et éliminée par la vacuole contractile, les aliments solides sont dissous et résor- bés à leur tour par l'assimilation, les résidus amenés à l'anus et rejetés au dehors. —Chez les Infusoires que j'appellerai dégluteurs, qui prennent leur nourriture avec le bord extérieur ou les lèvres de leur orifice buccal, les aliments pénètrent ordinairement dans la masse du cytosôme sans entraîner d'eau avec eux et y sont englués d'abord sans formation de vacuoles. La digestion et l’élimination des résidus s'effectuent alors comme dans le cas précédent, en notant toutefois qu'un peu avant leur expulsion, ces résidus se trouvent renfermés dans une vacuole aqueuset. Quand on passe en revue toutes les propriétés physiologiques du cytosôme, sa mobilité et sa contractilité, sa texture et les diverses dispositions qu’on lui voit affecter suivant les espèces, on reste frappé des ressemblances et des similitudes qu’il possède avec la masse sar- codique du corps des Rhizopodes. Que l’on compare, par exemple, tout ce qui précède avec la description que j'ai publiée? de Lieber- kuehnia, et l’on verra jusqu'à quels détails et quelle précision on pourrait pousser ces rapprochements. Je ne puis qu'indiquer ici ces ressemblances, sans m'y arrêter plus longuement ; mais elles sont si grandes et si profondes, que l'organisme des Infusoires ciliés, envisagé à ce point de vue pourrait être très exactement défini un Rhizopode enfermé dans un tégument et muni d’appen- dices différenciés, destinés à remplir les fonctions extérieures que le " WRZESNIOWSKI, Archiv für mik. Anatomie, t. V, 1869, p. 87. ? Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. XCV, 1882, p. 191. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 607 sarcode des Rhizopodes exécute par lui-même. Ce rapprochement peut encore s'appuyer sur les observations toutes récentes! de Geza Entz sur Actinobolus radians, observations qui nous montrent un Cilié ayant conservé la faculté d'émettre des pseudopodes. Trichocystes. Revenant maintenant à la description des diverses parties du cy- tosôme, nous allons nous occuper des trichocystes, qui en sont une dépendance. Nous avons vu, en effet, qu'ils sont implantés dans sa couche corticale ou ectosarc et, évidemment, ils y prennent nais- sance et s y développent par un processus génésique encore totale- ment inconnu. Claparède? croyait ces petits organes logés dans l'épaisseur même du tégument et voyait, suivant $on expression, dans ce fait « un nouveau coup de sape dans les fondements de l’école unicellulaire ». Ce terrible coup de sape n’a rien ébranlé, et les fon- dements de l’école sont plus solides que jamais. Je n’ai pas à faire ici l’histoire de la découverte des trichocystes et des diverses opinions émises sur leur nature. Je veux simplement exposer quelques observations personnelles, qui, sans résoudre toutes les difficultés du sujet, contribueront cependant, je le crois, à en faire avancer la solution. Le nombre des Infusoires munis de trichocystes n’est pas très grand et s'élève tout au plus à trente ou quarante espèces. En voici la liste aussi complète que j'ai pu la faire Paramecium bursaria, P. aurelia. P. glaucum. Cyrtostomum leucas, 1 Zeit. für wiss. Zoologie, t. XXX VIII, 1883, p. 169. Les excellentes observations de ce micrographe habile me semblent avoir réduit à néant les incertitudes que l’on pouvait encore conserver sur les prétendues affinités phylogéniques entre cet Infusoire et les Acinétiens. Les appendices tentaculiformes d’A. radians n’ont ab- solument rien de commun que leur forme avec les tentacules suceurs de ces der- niers. C’est une confirmation complète des doutes que j'avais déjà émis (Archives de Zoologie, t. IX, 1881, p. 364. — Comptes rendus de l’Acad. des sc., t. XCVI, p. 517). 2 Études, etc., 1858, p. 25. 608 E. MAUPAS. Tillina magna, Nassula ornata, N. rubens, N. ambiqua, Ophryoglena atra, O.acuminata, O. magna, Pleuronema chrysalis, Prorodon armatus, Enchelys gigas, E. nebulosa, FE. farcimen, Lacrymaria lagenula, L. co- ronata, Didinium nasutum, Lagynus elongatus, Acineria incurvata, Trachelius ovum, Dileptus anser, D. gigas, Amphileptus meleagris, A. longicollis, Loxophyllum armatum, L. folium, L. fasciola, L. var- saviensis, L. grandis, L. duplostriatum , Urocentrum turbo, Strombidium sulcatum, S. urceolare. Pour compléter l’énumération, il faudrait encore ajouter les es- pèces suivantes, qui ne rentrent pas dans le cadre de ce travail : Epistylis flavicans, Polykrikos Schwartzi, P. auricularia, Raphidomo- nas semen, Ophryodendron abietinum, O. belgicum. Les trichocystes ou filaments urticants sont des armes de projec- tion, avec lesquelles les Infusoires qui en sont pourvus peuvent pa- ralyser ou tuer d’autres Infusoires et de petits animaux microsco- piques. Leur rôle n'est pas tout à fait identique chez les diverses espèces qui les portent. En effet, chez les uns elles paraissent servir uniquement à la défense, tandis que chez les autres ce sont de véri- tables armes offensives. Les trichocystes de cette seconde catégorie font partie essentielle de l’appareil buccal destiné à saisir les proies, et se trouvent chez des Infusoires essentiellement chasseurs, cou- rant après des proies vivantes, et ne pouvant les saisir qu'après les avoir arrêtées par une décharge de trichocystes. Pour répondre à cette destination, ces trichocystes sont logés tantôt dans les parois mêmes de la bouche, comme chez les Didinium, Lacrymaires, En- chelys, Lagynus; tantôt dans les parties avoisinantes, comme chez les Loxophyllum, Amphileptus. Ces Infusoires chasseurs, en outre : de leurs trichocystes offensifs, peuvent en avoir de disséminés sur les autres régions du corps et servant alors à la défense. Les trichocystes défensifs se trouvent plus particulièrement chez les Paramécies, Ophryoglènes, Cyrtostomum, etc., espèces chez les- quelles ils existent en très grand nombre, disposés verticalement les uns Contre les autres et formant une couche continue, sur toute la ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 609 périphérie du corps. Nous avons vu plushaut que Haeckel voulait faire un élément histologique spécial de cette couche à trichocystes, qui en réalité correspond simplement à la couche corticale du cyto- sôme. Ces trichocystes défensifs, formant par leur ensemble des masses fort apparentes, ont été les premiers découverts et ob- servés. On discute beaucoup sur la structure et la composition des tricho- cystes. D’après Stein, ce sont de petites masses d’une substance molle, ductile, qui, sous l'influence des contractions énergiques du sarcode du corps, peut s’étirer en aiguilles longues et fines, forme sous laquelle nous les voyons après leur projection au dehors. All- man? leur attribue une structure plus complexe et les considère comme composés d’une membrane enveloppante, à l’intérieur de laquelle seraient d’abord contenus et enroulés en spirale les longs filaments aciculaires, que nous voyons projetés. Koelliker* adopte complètement la manière de voir d’Allman, et a même figuré les petites capsules, dans lesquelles les filaments enroulés sous forme de bâtonnets sont enfermés. Je dois ajouter que ni l’un ni l’autre de ces deux observateurs n’ont vu par une observation directe l’enrou- lement du fil, mais sont conduits à admettre cette disposition par la différence de longueur entre le trichocyste à l’état de bâtonnet et à l'état déployé, en forme de spicule aciculaire. Mes observations personnelles, sauf quelques différences de détail, concordent assez bien avec celles d'Allman et peuvent servir à les confirmer. Elles ont porté principalement sur les trichocystes de Paramecium aurelia et d'Ophryoglena magna. Lorsque, sous un fort grossissement, on écrase un 2. aurelha avec précaution, on voit, au milieu du sarcode en diffluence, les trichocystes sous la forme d’un corps fusiforme allongé, avec une des extrémités plus obtuse et plus 1 Der Organismus, etc., t. II, 1867, p. 10. ? Quarterly Journal of micr. Science, 1855, p.177. Je ne connais le travail d’Allman que par les citations de Saville Kent. 3 Icones histologicz, part. I, p. 19, pl. I, fig. 14. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. == 9e SÉRIE. — T,. 1, 1883, 39 610 E. MAUPAS. épaisse (pl. XXI, fig. 15. d). Cette extrémité est celle qui, à l’état nor- mal, correspondait à la périphérie du corps. Elle est munie d'un prolongement filiforme très délié et assez difficile à voir. Le corps fusiforme est opaque, homogène et, malgré de nombreux essais, je n'ai jamais réussi à y distinguer aucune structure particulière. En ne perdant pas de vue ces petits fuseaux, on les voit, peu de temps après, éclater brusquement les uns après les autres. Leur explosion se manifeste à l’œil par un léger mouvement d’ébranlement dans les granulations du sarcode écrasé, ambiant. Après l'explosion, à la place des fuseaux, on trouve les longs filaments aciculaires connus (pl. XXI, fig. 15, e). L'explosion est si instantanée et si rapide qu'il est absolu- ment impossible de suivre à l'œil comment s'effectue la transforma- tion du bâtonnet fusiforme en une fine aiguille. Près de celle-ci, il ne reste aucune trace d’une membrane enveloppante, ou d’une cap- sule quelconque. De l'interprétation de ces faits positifs, je crois que nous pouvons arriver aux conclusions suivantes. Les bâtonnets urticants ne sont pas renfermés dans une capsule, mais plongés directement dans la masse de l’ectosarc. S'il existait une capsule, il en resterait après l'explosion une trace visible, soit dans le sarcode écrasé, soit surtout dans l’ectosarc des animaux entiers, dont on a fait décharger les trichocystes par les divers procédés connus. Je n’ai jamais rien vu de tel. La substance des bâtonnets est très élastique, étirée en un long filament replié sur lui-même et contenu par un mode d’enrou- lement qui échappe jusqu'ici à nos moyens d'observation. L'explo- sion instantanée dans le sarcode écrasé démontre la nécessité d’une pareille disposition, car, dans ce cas, il ne peut plus être question de contractions du sarcode sur une masse ductile, comme l’admet Stein. La force déterminante de l’extension du filament réside dans le bâ- tonnet et non pas dans la matière ambiante. Elle agit avec la rapi- dité d’un ressort contenu, qui se détend brusquement. Tous ces faits sont des plus favorables à la manière de voir d'Allman, sauf l'exis- tence d’une capsule membraneuse, qui me paraît n’avoir été imagi- ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 611 née que pour assimiler plus complètement les trichocystes des Infu- soires aux capsules urticantes des Cœlentérés. Les trichocystes déployés et projetés hors du corps atteignent une très grande longueur, comparativement à celle des bâtonnets fusi- formes. Ainsi, chez Paramecium aurelia, ils mesurent 0m®,00% à l’état de bâtonnets, et 0"m,033 sous forme aciculaire; chez Ophryoglena magna, où ils sont d'une taille plus considérable, je leur ai trouvé une longueur de 0®m,006 sous le premier état et depuis Omm,029 jus+ qu’à Omm 060 sous le second (pl. XXI, fig. 41 et 15). Ils ont un aspect rigide parfaitement rectiligne, vont en se renflant vers le milieu de leur longueur et s’effilant vers les deux extrémités. La pointe du fila- ment projetée en avant est toujours munie d’un appendice plus épais, représentant un petit corps oblong, de formes un peu variables. La forme la plus commune est celle que j'ai représentée sur les figures des trichocystes d’Ophryoglena magna. Get appendice est composé d’une substance très hyaline et paraissant molle. On ne ie voit bien nettement qu'après l’avoir coloré en bleu à l’aide de l’hé- matoxyline. Je suis très porté à croire que cet appendice n'est qu'une transformation du prolongement filiforme des bâtonnets, dont j'ai parlé plus haut. Ce prolongement en forme de cils a, peut- être, pour les bâtonnets, Ie même rôle que les cnidocils des Cælen- térés, et demeurerait attaché à l'extrémité antérieure du filament, lorsque celui-ci est projeté au dehors. Tous ces faits et cette description se rapportent au type de tri- chocyste défensif des Paramécies, Ophryoglènes, etc., et probable- ment aussi à ceux destinés à l’attaque des Loxophyilum et autres Trachélides ; mais ceux qui existent dans la paroi buccale des La- crymaires, Didinium, Enchelys, Lagynus, paraissent posséder une structure assez différente. Ils sont en petit nombre et se montrent toujours, même à l’état de repos, développés dans toute leur lon- gueur (pl. XXI, fig. 5 et 6 tr). Ce sont de petites dagues, très effilées par leur extrémité antérieure et tronquées en arrière. Nous n'avons plus ici de long filament replié sur lui-même et faisant ressort. Leur 612 E. MAUPAS. projection au dehors s'effectue sans doute par les contractions de la substance qui les enveloppe. La région buccale et avoisinante chez ces Infusoires est, en effet, douée d’une très grande mobilité et contractilité. Quant au rôle que J'ai attaché à ces diverses sortes de trichocystes, je dois ajouter qu'il est parfaitement établi, en ce qui concerne les trichocystes d'attaque, par les observations de Lachmann ! sur :Loxæophyllum armatum, de Quennerstedt2 sur Dileptus anser, de Balbiani * sur Didinium nasutum, et les miennes décrites plus haut (p. 495, 501, 504 et 515) sur Acineria incurvata, Lagynus elongatus, La- crymaria coronala et Loxophyllum duplostriatum. Balbiani seul a vu directement les trichocystes déchargés ; mais dans toutes les obser- vations citées, la capture de la proie s'exécute de la même façon. Un Infusoire agile, et bien vivant, venu en contact avec la région du corps où sont enchâssés les trichocystes, se trouve brusquement im- mobilisé et tué, puis est saisi sans peine et avalé; tel est en résumé le petit drame qui se passe rapidement à chacune de ces captures. Le rôle des trichocystes offensifs est si évident qu'il est inutile d’in- sister plus longuement. — Pour les trichocystes défensifs, nous ne possédons aucune observation directe; mais leur rôle s'explique de soi-même par leur structure, par leur disposition périphérique et par l'impossibilité de leur en trouver un autre. On conçoit d’ailleurs fort bien l’action défensive qu’une décharge de ces dards aigus peut avoir contre les Rotifères et autres petits animaux qui menacent sans cesse les Infusoires par le puissant tourbillon de leur appareil vibratile buccal. L’Infusoire, entraîné et près d’être englouti, dé- coche ses trichocystes à son ennemi. Celui-ci, blessé, se replie brus- quement en arrière et laisse échapper sa proie. L'action paralysante des trichocystes se fait sentir instantanément sur l'appareil locomoteur des Infusoires attaqués. Ceux-ci demeurent 1 Études, etc., 1858, p. 24. 2 Bidrag till sveriges Infusorie-fauna, IT, 1869, p. 6. 3 Archives de Zoologie, t. 11, 1373, p. 379, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 613 brusquement inertes et immobiles, tous leurs cils ou cirres, rigides comme de fines aiguilles à la périphérie de leur corps. Mais cette action n’est pas aussi immédiatement mortelle pour toutes les par- ties de l'organisme. Les vacuoles contractiles continuent encore leurs pulsations, pendant que les victimes sont englouties par leurs voraces ennemis. Un heureux hasard m'a même permis de constater que ces pulsations peuvent persister assez longtemps encore après que l'attaque a paralysé l'appareil locomoteur. Sur une préparation, j'avais en même temps de nombreux £nchelys farcimen, des Para- mecium aurelia et des Glaucoma pyriformis. Le premier de ces Infu- soires est un type éminemment chasseur et carnassier, se nourris- sant de proies vivantes. En très peu de temps il eût tué et dévoré tous les Glaucoma pyriformis, renfermés dans la préparation. Il s’at- taqua alors aux Paramecium aurelia, deux ou trois fois plus gros que lui. La plupart des Paramécies, très actives et très agiles, échap- pèrent assez aisément à ses attaques. Mais quelques-unes d’entre elles, étant en voie de se fissiparer, avaient perdu une partie de leur vivacité, comme cela arrive à tous les Infusoires dans cet état. Le carnassier eut donc beau jeu avec ces individus alourdis, et je vis à plusieurs reprises des Ænchelys se précipiter sur eux et sans doute leur décocher leurs trichocystes. Ces Paramécies ne furent pas im- mobilisées instantanément; mais, après une courte période de vive agitation, elles ralentirent peu à peu leurs mouvements et finirent assez promptement par demeurer tout à fait inertes, avec leurs cils vibratiles rigides et immobiles. Les Enchelys firent bien l'essai de les avaler; mais, comme le morceau était beaucoup trop gros, elles n'y purent réussir. Il me fut donc très aisé d'observer ces Para- mécies immobilisées. C’est alors que je pus voir leurs vacuoles contractiles continuer leurs pulsations avec la même activité qu'auparavant. Cette activité se prolongea ainsi pendant envi-* ron une heure; puis de grandes vacuoles se développèrent dans l’endosarc; les réservoirs pulsatiles ralentirent peu à peu leurs contractions et, après quinze à vingt minutes, la décomposition et la 614 E. MAUPAS. diffluence générales s’effectuèrent rapidement, transformant toute la masse du corps en une bouillie granuleuse. Cette observation m’a paru intéressante, surtout en ce qu'elle nous montre que, même chez ces êtres unicellulaires, la mort, dans certains cas, peut n'être pas simultanée dans toutes les parties de leur organisme, mais les envahir successivement et assez longtemps l’une après l’autre. On a comparé morphologiquement les trichocystes des Infusoires aux nématocystes des Cœlentérés; cette comparaison est des plus justes et est devenue d'une évidence complète par la découverte des trichocystes d'£prstylis flavicans et des deux espèces de Polykri- kos. Chez ces trois Infusoires, ces petits organes ont la structure complète du nématocyste des Gœlentérés.Il ne faudrait pas cependant exagérer l'importance de cette comparaison et lui donner la valeur d'une véritable homologie. En effet, les homologies organologiques, telles que nous les comprenons aujourd'hui, doivent répondre à des affinités ancestrales entre les êtres chez lesquels nous les con- statons. Or je ne crois pas que personne ait l’idée de faire dériver par filiation directe les nématocystes des Cœlentérés des trichocystes des Infusoires. De nombreuses raisons s’opposeraient à une pareille théorie. Trichocystes et nématocystes sont simplement des produits analogues de différenciations intracellulaires, adaptées à un même but fonctionnel, maïs d'origines indépendantes. Nous ne savons rien sur la substance des trichocystes. Stein ! affirme qu'ils se gonflent et se dissolvent rapidement dans l’eau. Je les ai vus, au contraire, persister très longtemps sans changement sur les préparations et se conserver encore après que le sarcode est en complète diffluence. La potasse à froid les dissout aisément. Les meilleurs procédés à employer pour les étudier sont de tuer les Infusoires avec l'alcool ou avec l’acide acétique à 1 pour 100, puis colorer en bleu avec l’hématoxyline; ou, ce qui est plus simple en- core, se servir du chlorure d’or à 4 pour 100. Ce réactif, en tuant ! Der Organismus, etc., t. TI, 1859, p. 61. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 615 les Infusoires, leur fait projeter au dehors tous leurs trichocystes et les colore très fortement. Les trichocystes ainsi préparés au chlo- rure d’or peuvent être conservés indéfiniment dans la glycérine. On peut encore obtenir la décharge des trichocystes, sans tuer les Infu- soires, au moyen de courants électriques ‘. Stein ? avait d’abord donné à la présence ou à l'absence de tricho- cystes une importance assez grande au point de vue de la classifica- tion et y voyait un très bon caractère de genre. D’après lui, des In- fusoires avec trichocystes ne pourraient être réunis dans un même genre avec des espèces sans trichocystes. Mais comme on a reconnu que, chez une même espèce, les trichocystes pouvaient tantôt exister, tantôt faire défaut, ce caractère a beaucoup perdu de sa valeur. Ce- pendant, si nous examinons les 35 espèces (41 en comprenant les 6 qui ne rentrent pas dans le cadre de ce travail) à trichocystes au point de vue de leur répartition dans les cadres de classification, nous constatons que 33, c'est-à-dire presque la totalité, appartien- nent à l’ordre des Holotriches et 2 seulement à un genre (Strombi- dium) de l’ordre des Hétérotriches. Parmi les 33 Holotriches, 8 ren- trent dans la famille des Enchélides et.12 dans celle des Trachélides ; les 12 autres se répartissent irrégulièrement dans les autres familles. Ces chiffres parlent assez d'eux-mêmes et nous prouvent que la pré- sence de trichocystes est un indice assez important d’affinités entre les espèces qui en sont pourvues. Les 12 dernières elles-mêmes ap- partiennent à 6 genres (Tina, Cyrtostomum, Nassula, Pleuronema, Paramecium, Ophryoglena), qui, bien que répartis dans des familles différentes, conservent cependant entre eux un air de parenté très prononcé. pri WRZESNIOWSKI, Archiv für mikr. Anatomie, t. V, 1869, p. 41. 2 Der Organismus, t. I, 1859, p. 63. 616 E. MAUPAS. Corpuscules biréfringents. Nous allons nous occuper maintenant de corpuscules que l’on trouve fréquemment dans la masse du cytosôme et qui sont géné- ralement considérés comme des concrétions urinaires. Ces corpus- cules ont été fort peu étudiés jusqu'ici et presque toujours mêlés et confondus avec des productions de nature très différente. Les seuls auteurs qui leur aient consacré quelques lignes sont Stein, Wrzes- nioswki?, Bütschli*, Geza Entz * et Balbianiÿ. Ces corpuscules vus avec de faibles grossissements à la lumière transmise ont un aspect noirâtre opaque; quand on les observe, au contraire, avec de forts grossissements, ils apparaissent brillants avec des contours fortement ombrés et très accusés. Leurs formes et leurs dimensions sont très variables, ainsi qu'on en peut juger par mes figures 18, 19, 20 et 21, pl. XX. Dans le groupe 18, dont tous les exemplaires ont été trouvés chez Paramecium aurelia, nous voyons une série de formes très variées ; mais ayant toutes un as- pect cristallin plus ou moins régulier. Dans les groupes 19, 20 et 21, types trouvés chez Cryptochilum elegans, Uronema marina et E‘uplotes charon, la forme dominante et presque exclusive est celle d’un corps oblong renflé plus ou moins à ses deux extrémités, étranglé au con- traire au milieu et rappelant beaucoup la forme des Bactéries. A côté et au milieu de ces formes bien définies, on trouve de nom- breuses granulations plus ou moins bien arrondies et n’atteignant jamais qu'un volume relativement assez faible. Sous cette forme granuleuse on peut les confondre, et on les a en effet confondus, avec des corpuscules de forme et d'aspect sem- blables, que l’on rencontre tout aussi fréquemment. Mais les pre- l Der Organismus, t. I, 1859, p. 68. 2 Zeit. für wiss. Zoologie, t. XX, 1870, p. 493. 3 Zeit. für wiss. Zoologie, t. XXX, 1878, p. 251. — Prolozoa, 1880, p. 103. * Ueber einige Infusorien, etc., 1879, p. 10 et 11. $ Journal de micrographie, 1882, p. 157. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 617 miers sont doués d’une propriété optique qui permet de les distin- guer avec la plus grande sûreté. Ils sont, en effet, éminemment biréfringents, et quand on les observe à la lumière polarisée avec les nicols croisés, ils apparaissent avec un éclat très vif sur le fond obscur. Les autres granulations ne possèdent pas la même pro- priété et restent obscures. Ces granulations obscures existent presque toujours en même temps et à côté des corpuscules biréfrin- gents; c'est ainsi qu’elles sont très nombreuses dans le cytosôme des Oxytrichides, et que, mélangées avec les premières, elles constituent ces amas noirâtres qui rendent si opaques le corps de ces Infusoires conjugués‘, Ces granulations obscures peuvent encore s’accumuler et former des amas chez des espèces dans lesquelles on ne trouve jamais de corpuscules biréfringents. Des amas de cette sorte se trouvent dans l'extrémité antérieure du corps de Glaucoma pyriformis (pl. XIX, fig. 26), des Nyctotherus, dans l'extrémité posté- rieure au contraire de beaucoup de Vorticellides. Ce sont des gra nulations de même nature que Geza Entz * a observées pendant la conjugaison de Loxophyllum fasciola, et qu'il a confondues à tort avec les corpuscules biréfringents. Cet Infusoire ne contient jamais de ces derniers. Les granulations obscures me paraissent être de composition graisseuse, car l’acide osmique les rend encore plus opaques et plus sombres. La substance des corpuscules biréfringents n'est pas cassante comme celle des cristaux de l'acide urique. Lorsqu'on les comprime fortement, ils s’'écrasent comme un corps mou, sans élasticité, el s’élargissent en s’aplatissant avec les bords dentelés en bavures. Ainsi écrasés, ils perdent complètement leur propriété biréfrin- gente. L’acide osmique ne semble avoir aucune action sur eux. La teinture d’iode et le picro-carminate ne les colorent pas. Ils sont insolubles dans l’eau, l’alcool, l’éther et l'acide picrique; l Burscaui, Studien über die ersten, etc., 1876, p. 209. — BaLBtANt, Journal de mi- crographie, 1882, p. 157. 2 Loc. cit. 618 E. MAUPAS. Solubles un peu lentement et difficilement dans l’ammoniaque et l'acide acétique ; Très solubles, sans production de gaz ni de coloration, dans la potasse, l'acide sulfurique, l'acide chlorhydrique, l'acide nitrique, le chlorure de zinc iodé et l’acide chromique. L'ensemble des propriétés physiques et chimiques que je viens d'énumérer nous permet, je crois, de rattacher ces corpuscules au groupe chimique des urates et peut-être même à l’urate de soude. On trouve, en effet, dans l’atlas du 7raité de chimie anatomique, de Robin et Verdeil, des figures de ce sel qui se rapprochent beaucoup de celles que j'ai données.Que l’on compare les planches XI, fig. 2, e, et fig. 3,6, À, o, pl. XXI, fig.i c, et fig. 2, ce, avec mes dessins, et l'on verra quil y a souvent identité de forme. L'opinion de Stein se trou- verait donc ainsi confirmée, et nous aurions là, sous forme figurée et solide, un des derniers produits de la métamorphose régressive des principes azotés du sarcode des Infusoires. Stein affirme les avoir vu éliminés au dehors avec les fèces chez Paramecrium bursaria. J'ai essayé de faire la même observation sur Paramecium aurelia, et n'ai pas réussi à découvrir ces corpuscules dans les fèces de cet In- fusoire. Peut-être sont-ils redissous et expulsés avec le liquide de la vacuole contractile. Les corpuscules biréfringents ne se retrouvent pas à beaucoup près chez tous les Infusoires ciliés, et il semblerait même résulter de mes observations, fort incomplètes, il est vrai, que les espèces qui en sont dépourvues sont les plus nombreuses. Voici deux listes où se trouvent énumérées toutes les espèces que j'ai examinées à cet égard : Avec corpuscules biréfringents. Sans corpuscules biréfringents, Cryptochilum nigricans. Colpoda Steinii. — echini. Glaucoma pyriformis. Uronema marina. — margaritaceum. Lacrymaria coronata. Colpidium colpoda. — olor. Cyclidium glaucoma. Lagynus elongatus, Enchelys nebulosa. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. Coleps hirtus. Paramecium aurelia. Opalina dimidiata, Lembus pusillus. — bursaria, — velifer. Halteria pulex. Chilodon uncinatus. Oxytricha pellionella. — cucullulus. Stylonichia pustulata, Loxophyllum duplostriatum. _ histrio. — fasciola. Euplotes patella. — folium, — charon. Stentor cæruleus, — vannus. — rœæselii. Styloplotes appendiculatus. Aspidisca lynceus. Nyctotherus ovalis. Spirostomum teres. 619 Vorticella microstoma. lusieurs Vorticelles indéterminées. Ces résultats, si incomplets qu'ils soient, me font penser qu’on retrouvera les corpuscules biréfringents chez toutes les espèces des familles des Oxytrichides et des Euplotides, tandis qu’ils manqueront, au contraire, chez toutes les Vorticellides et les Trachélides ‘. Je ferai encore remarquer que chez les espèces, qui vivent à la fois dans l’eau douce et dans la mer, cette différence de milieu ne modifie en rien leur aptitude à former ou à ne pas former des corpuscules bi- réfringents. C’est ce que j'ai constaté, d’une part, sur Cryptochilum nigricans et, d'autre part, sur C'yclidium glaucoma et Lembus pusillus?, dont tous les exemplaires, de quelque provenance qu'ils fussent, contenaient des corpuscules biréfringents chez la première espèce, tandis qu’ils en étaient dépourvus chez les deux dernières. Ge fait peut être utilisé pour distinguer de petites espèces faciles à confondre et établit très nettement l'unité spécifique des formes identiques vivant à la fois dans les deux milieux. Ces corpuscules constituent, 1 Le corpuscule central des vésicules de Muller, chez Loxodes rostrum, devra être examiné à nouveau au moyen de la lumière polarisée avant de savoir si Wrzesà niowski a eu raison de l’assimiler aux concrétions urinaires des autres [Infusoires, Je crois qu’il serait plus juste de comparer les vésicules de Muller aux sphérules al- bumineuses des Radiolaires. Voir Ricaarp HerTwiG, Zur Histologie der Radiola= rien, 1876, p. 47. 2 Cette forme décrite pour la première fois par Quennerstedt (Bidrag till sveriges Infusorie-fauna, III, 1869, p. 16, fig. 6), mais seulement comme espèce marine, se retrouve ici à Alger à la fois dans l’eau douce et l’eau de mer. 620 E. MAUPAS. en effet, un caractère spécifique absolu, et je n'ai jamais vu, chez une des espèces qui en sont pourvues, un seul individu en manquer. Entre toutes les espèces, Paramecium aurelia est celle qui en contient le plus grand nombre, avec les formes les plus variées et les dimensions les plus grandes (pl. XX, fig. 18). Il faut choisir de préférence cet Infusoire pour les étudier. Je ne connais pas de spec- tacle micrographique plus brillant que celui d’une préparation riche en Paramécies, observées à la lumière polarisée, les nicols croisés. Les corpuscules apparaissent alors sur le fond noir avec un éclat splen- dide, et brillants comme de l'argent. Entraînés dans les mouve- ments des Infusoires, ils ressemblent à l’appareil lumineux de Lu- cioles microscopiques. Ces corpuscules biréfringents se retrouvent chez d’autres Cyto- zoaires que les Ciliés. C’est ainsi que je les ai vus chez Chilomonas paramecium, chez une Monade d’eau douce indéterminée, chez Acti- nosphærium Eichhornir et Actinophrys sol, où ils sont décrits par les auteurs comme des granulations opaques, enfin chez une Gromia marine et une Amibe d’eau douce, l’une et l’autre indéterminées. Les corpuscules opaques signalés par Bütschlif dans l’endosarc d’Astasia tricophora et les concrétions décrites par Ray Lankester ? dans son Zithamæba discus sont probablement de même nature. Il n’en est pas de même des cristalloïdes, si nombreux et si remar- quables de l’endosarc d’Amæba princeps, sur lesquels je n'ai pu trou- ver aucune trace de biréfringence. La production intracellulaire de ces concrétions urinaires n’est pas limitée aux Cytozoaires. J'en ai observé d'identiques par leur aspect extérieur, ainsi que par leurs propriétés chimiques et opti- ques, dans les grosses cellules de l'intestin de plusieurs espèces de Chæœtonotus. Les jeunes Chœtonotus, non encore éclos et renfermés dans leur œuf, en montrent en aussi grand nombre que les individus 1 Zeit, für wiss. Zoologie, t. XXX, 1871, p. 251. ? Quarterly journal of micros. Science, 1879, p. 485, pl. XXII. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 621 adultes. Je crois qu’on peut encore assimiler à ces mêmes corpus- cules biréfringents les concrétions observées par Leydig' dans des cellules analogues de l'intestin des Cyclopsines et, par Greeff”, dans celles de l'intestin de Macrobiotus Schultzei. Chez ces animaux d’or- ganisation complexe, ces cellules jouent, dans les phénomènes de désassimilation, le même rôle excréteur que celui cumulé avec tant d’autres par le sarcode interne des Infusoires. Ainsi se trouve prouvé une fois de plus que c’est à cette substance, base physique de la vie, qu'il faut toujours remonter pour atteindre le principe supérieur des propriétés fonctionnelles des tissus. - Appendices vibratiles. Les appendices vibratiles des Ciliés sont de trois sortes : 4° les cils ; 2° les cirres ; 3° les membranes. J’ai déjà donné plus haut, à propos de la morphologie des Oxytrichides (p. 535), la définition de ces trois espèces d'organes et n’y reviendrai pas ici. Aujourd’hui, on admet généralement que tous ces organes tirent leur origine du corps sarcodique ?, dont ils seraient des prolonge- ments et des émanations immédiates. Mais le problème n’est pas si simple que cela, et, lorsqu'on l’étudiera convenablement, on trou- vera des dispositions et des structures plus compliquées, qu’on ne 1 Archiv für Naturgeschichte, 1859, t. [, p. 199. 2 Archiv für mikr. Anatomie, t. II, 1866, p. 127, pl. VI, fig. 8. 3 Haeckel, avec sa puissante faculté d'absorption, s’attribue le mérite d’avoir démontré le premier ce fait et affirme qu’en 1873 la plupart des auteurs consi- déraient les cils des Infusoires comme des prolongements directs du tégument (Zur Morphologie der Infusorien, p. 20). Or, pour ne citer que quelques autorités, nous voyons que l’opinion opposée a d’abord été soutenue et développée dès 1835 par Dujardin (Ann. des sc. naturelles, t. IV, 1835, p. 348 et 361; t. V, 1836, p. 201. Infusoires, 1841, p. 42-47 et 114), ensuite par Keælliker (/cones histologice, t. I, 1864, p. 10), par Stein (Der Organismus, etc., t. IT, 1867, p. 32) et par Engelmann (Ueber die Flimmerbewegung, 1868, p. 136). D’ailleurs c’est un peu l'habitude du célèbre professeur d’Iéna de si bien s’assimiler les travaux des autres qu’il en oublie l’origine. Sa Morphologie des Infusoires, dans laquelle on ne trouve pas le nom de Dujardin cité une seule fois, en est un exemple frappant. 622 E. MAUPAS. _ semble le croire. Quelques observations, malheureusement encore trop incomplètes pour être publiées, me permettent d'affirmer « que, chez certains Infusoires, 1l existe des structures à peu près identiques { à quelques-unes de celles qu'Engelmann nous a fait connaitre dans son beau mémoire sur l’anatomie et la physiolo- gie des cellules vibratiles. A côté de ces dispositions, il en existe d'autres, répondant à des adaptations particulières à l'organisme infusoriel. Mais je ne puis qu'indiquer ces faits, sans m'y étendre plus longuement, faute d'observations suffisamment complètes. Je me contente de répéter ce qué j'ai déjà dit : Chaque type et presque chaque espèce devra être étudié spécialement à ce point de vue, avant de pouvoir rien affirmer de général sur cette partie de la mor- phologie des Ciliés. Quoi qu'il en soit et quelque variées et compliquées que puis- sent être les dispositions structurales de la base d'insertion des appendices vibratiles, la substance qui les compose se montre tou- jours à nous avec toutes les propriétés constitutives du sarcode.. Leur mode d'apparition et leur développement correspondent complètement à ce que nous connaissons partout dans la nais- sance des expansions sarcodiques périphériques. A l'appui de cette assertion, je citerai l'excellente description générale de ces 1 Chez les Euplotes, il est assez facile de constater la présence de prolongements internes des cinq cirres transversaux. Ces racines convergent d’arrière en avant et vont se réunir en un seul filet dans le côté gauche de la région antérieure de l'aire latérale. Le point de jonction de ces prolongements radiciformes et de la base exterue des cirres est occupé par une plaque mince intercalaire de substance plus dense et plus opaque, qui correspond, sans doute, morphologiquement au plateau (Deckel, Basalsaum, Fussstücke) des cellules vibratiles. Engelmann (Pflüger's Archiv, 1880, p. 522) a vu des prolongements semblables à la base des cirres mar- ginaux de Stylonichia mytilus. Je puis confirmer son observation et ajouter que les cirres transversaux en sont également pourvus. Quant à la signification physiolo- gique de ces racines ciliaires, j'avoue ne pas la connaître. Engelmann (loc. cil., p. 530 et 532) les considère chez St. mytilus comme des fibrilles nerveuses, tandis que dans les cellules épithéliales elles joueraient le rôle de véritables racines chargées de pourvoir à la nutrition et au renouvellement des cils vibratiles, Je ne sais comment concilier des interprétations aussi divergentes. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 623 phénomènes donnée par Engelmann!, description que mes ob- servations personnelles me permettent de confirmer de tout point. Je citerai, en outre, mes observations sur le développement et la résorption des cils vibratiles des Acinétiens?, chez lesquels les phé- nomènes sont un peu différents, mais démontrent très bien la nature sarcodique des cils. Si l’on considère les cils vibratiles dans leurs caractères physiques, nous retrouvons encore la même concordance avec les productions sarcodiques. Optiquement, leur substance apparaît diaphane, assez réfringente, incolore, très homogène, sans granulations “ ni vacuoles. Les pseudopodes de Gromia Dujardini® ont exactement le même aspect, — Traités par les réactifs, ils se coagulent, diffluent ou se dissolvent d'une façon parfaitement identique aux pseudopodes. — Le mouvement vibratile ciliaire lui-même n’est qu’une modification du mouvement amæboïde. Dujardin avait déjà démontré cette vérité, dès 1835 °, en comparant les cils vibratiles aux fines extrémités des pseudopodes des Foraminifères, qui, en s’allongeant, oscillent et 1 Ueber die Flimmerberwegung, 1868, p. 137, 2 Archives de Zoologie expérimentale, t. V, 1876, p. 419, 420 et 427. Id., t. IX, 1881, EF. 323. 3 Je rappeilerai ici que des phénomènes semblables ont été observés par Stras- burger (Studien über Protoplasma, Jena, 1876, p. 7 et 8) sur les cils de Zoospores d'algues et par Joliet (Contribution à l’histoire des Bryozoaires des côles de France, 4877, p. 76, publié également dans Archives de Zoologie expérimentale) sur ceux d’une larve de Bryozoaire ; faits qui démontrent l'identité de nature des cils vibra- tiles dans les deux règnes organiques. * Je ne connais qu’une seule exception, la membrane vibratile d’Holosticha Lacazei, qui, nous l’avons vu (p. 559), est opaque et granuleuse. Je suis très dis- posé à attribuer la lenteur de ses mouvements à sa structure particulière. 5 J'ai retrouvé cette espèce plusieurs fois sur la côte d’Alger et puis confirmer l'exactitude de la description de M. Schultze (Ueber den Organismus der Polytha- lamien, 1854, p. 55). 5 Annales des sc. naturelles, 1835, t. IV, p. 348 et 361. Le desideratum histolo- gique que Haeckel prétend avoir été le premier à remplir en 1870 ( Biologische stu- dien, 17e partie, 1870, p. 127) était donc comblé depuis trente-cinq ans. M. de Lacaze- Duthiers n’a donc fait que remplir un strict devoir de justice en rappelant les titres de Dujardin à la priorité de cette découverte (Archives de Zoologie, 1872, t. I, P. Lit). 624 E. MAUPAS. s’agitent librement d'un mouvement ondulatoire assez prompt. Cette observation, qui est parfaitement exacte, rapprochée des observa- tons plus récentes sur la première apparition et la naissance des cils, est peut-être la plus importante que nous ayons pour démon- trer l'identité de nature des appendices vibratiles et des pseudopodes. Dans ces dernières années, on a observé de nombreux organismes inférieurs, chez lesquels le mouvement amæboïde se transforme avec la plus grande facilité et, d’un instant à l’autre, en mouvement vibratile ou oscillatoire. Desobservations de Lavalette Saint-Georges’ prouvent même que cette propriété du sarcode peut encore exister dans certaines cellules des animaux supérieurs. Mais je n’insiste pas plus longuement sur ce point et renvoie aux travaux de de Bary, James Clark, Haeckel, Bütschli, Mereschkowski, Leidy et Gruber. On a beaucoup discuté et l’on discute encore pour savoir si les appendices vibratiles sont automobiles, ou si l’action motrice se produit en dehors d'eux et leur est transmise. Cette discussion me parait se résoudre d'elle-même, du moment où l’on admet que les appendices vibratiles ne sont que des productions sarcodiques émanant du corps cellulaire. La contractilité et la motricité sont des propriétés inhérentes à toute masse sarcodique vivante. Ces proprié- tés, dans certains cas, peuvent être masquées par suite de disposi- tions particulières, qui échappent à nos observations ; mais elles reparaissent dès que les conditions de leur manifestation se trou- vent réalisées. C’est ce qui arrive pour les cils vibratiles insérés sur des cellules, dont le corps sarcodique est inerte et semble dépourvu de contractilité et de motricité. Dès lors, comment admettre que les appendices vibratiles, composés de la même substance que le corps sarcodique, dont ils sont des prolongements et des dépendances, ne jouissent pas des mêmes propriétés contractiles et automotrices que ce dernier ? D'ailleurs pourquoi aller placer dans le corps sarco- dique, qui, dans beaucoup de cas, se montre à l'observation absolu- 1 Archiv für mikr. Analomie, t. II, 1866, p. 63. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 625 ment inerte, le siège de mouvements s’exécutant en dehors de lui ? Les appendices vibratiles, loin d’être des organes inertes mis en mouvement par un agent extérieur, représentent bien plutôt la forme la plus élevée et la plus parfaite de l’automobilité du sarcode. Cette automobilité est si grande et si indépendante de l'intégrité du corps -sarcodique qu'elle se conserve encore entière et longtemps sur des cils attachés à de minces fragments du corps d’Infusoires mutilés (pl. XXIV, fig. 13) par des causes mécaniques‘. Jusqu'ici, personne * n'a observé de cil, détaché et isolé, conservant sa contractilité et s'agitant librement dans l’eau. Mais, comme Engelmann * le fait très Justement observer, les lésions que nous faisons subir au corps cel- lulaire et aux cils, pour les détacher l’un de l’autre, sont plus que suffisantes, pour leur enlever toutes leurs propriétés vitales. J’ajou- terai encore, comme preuve directe à l'appui de la thèse que je défends, que, chez certains Infusoires flagellés, l'extrémité libre seule du flagellum est en mouvement, pendant que la partie basi- laire demeure complètement immobile et rigide. Il est bien entendu qu’en affirmant l’automobilité des appendices vibratiles, j'entends seulement dire qu'ils trouvent, dans la structure intime de leur substance, les propriétés de contractilité et de motri- cité nécessaires pour lexpliquer leurs mouvements, sans qu'il soit nécessaire d’avoir recours à un appareil extérieur. Mais il n'en est pas moins constant que l'impulsion première, l'incitation détermi- \ ENGELMANN (Ueber die Flimmerbewegung, 1868, p. 154) a observé des cas sem- blables sur les cellules vibratiles des branchies de l’Huître. — CURT SCHMIDT (Arch. für mukr. Anat., t. XX, 1882, p. 126) a vu le mouvement ciliaire se con- server sur des cils n'ayant plus pour base qu'un corpuscule de sarcode extrême- ment petit. 2 KŒLLIKER (Icones histologicæ, t. I, p. 20) affirme bien avoir vu les cils de Para- mecium bursaria détachés et isolés se mouvoir encore clairement. Cette observation me paraît douteuse, étant donné le réactif employé par le célèbre professeur pour obtenir l'isolement des cils. Il se servait d'acide acétique à 4 pour 100, qui tou jours coagule les cils et les ratatine de facon à les rendre souvent méconnais- sables, à Loc, cil., p. 153, ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, =n 90 SÉRIE, =m T, 1, 1883, 40 626 E, MAUPAS. nante, doit partir du corps cellulaire ; Car, autrement, on fe Cotñ- prendrait plus rien aux mouvements intermittents et volontaires, dont les exemples sont si nombreux, sinon universels, chez les Infusoires ciliés, Les appendices vibratiles des Ciliés, avons-nôus dit, se présentent à nous sous trois formes différentes : les cils, les Cirres et les meém- branes. De ces trois formes, le cil est là forme primordiale, à laquelle on peut ramener les deux autres, et de laquellé ellés sont dérivées également l'une et l’autre, Cette origine ciliaire des cirres et des mérmbranes est démontrée très nettement par un phénomène, qui a été observé par tous les micrographes, mais âauquel on n’a pas accordé toute l'attention qu’il méritait ; je veux parler de la ten- dance de ces deux organes à se diviser, dans toute leur loñgüëur, en nombreuses fibrilles. Cette tendance est commune à tous les cirres et à toutes les membranes. Sur lé vivant et sur des individus parfai- tement intacts, placés dans dé bonnes Conditions dé milieu, cés organes apparaissent parfaitement homogènés et continus dans toute leur étendue. Mais, dès que les Infusoires portant des cirres ou des membranes se trouvent dans des conditions d'existence défavora- bles, soit par concentration du liquide ambiant, soit pour totte autre cause, ces organes se fendillent et se divisent d’une facon plus ou moins complète. Les mémbranés, bieñ moins épaisses et beau- coup plus éténdues en surface, sont lés premières à se diviser; Aussi est-il arrivé que les anciens observateurs, trompés par des états acci- dentels de cette nature, les ont décrites comme des rangées de cils, insérés exactement sur une seule ligne. On peut, d'ailleurs, provo- quer cette division fibrillaire à l’aide des réactifs. Celui avec lequel j'obtiens les meilleurs résultats est le chlorure d’or dilué à 4 pour 100; Quand ôn tüe des Oxÿtrichides ou des Euplotides avec cé réactif, les grands cirres de ces Infusoires se divisent, de leur extrémité libre jusqu'à leur base (pl. XXII, fig, 10, e) et ne forment plus qu'uti pa- quet de filamenñts minceset libres dans toute leur longueur. Il m'est arrivé quelquefois, en écrasant des Æ'uplotes patella var: etrystomus ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS, 697 -viväntes, de voir leurs gros cirres se détacher tout d’uné pièce, leur ‘extrémité basilaire seule se divisant en fibrilles (pl. XXII, fig. 9, e), tandis que tout le reste de la Ilonguëur conservait sa structure ho- _mogène. Ces phénomènes de division fibrillaire sont faciles à consta- ter chez toutes les espèces portant des cirres ou des membranes, et on peut affirmer que la structure fibrillaire est absolument générale -et constitutive chez ces organes. Que sont maintenant ces fibrilles, et à quoi pouvons-nous les assi- miler ? Pour moi, je ne puis voir en elles autre chose que des cils qui, par leur juxtaposition et leur coalescence, constituent les cirres et les membranes. Comme les cils, elles sont très minces et d’une épais- -seur égale dans touté leur longueur. Chez les Infusoires vivants où, -par un accident quelconque, elles se sont isolées, elles continuent leur mouvement vibratile exactement comme le ferait un cil propré- ment dit. En étudiant les cellules épithéliales de la muqueuse du nez, examinées dans le liquide du coryza, j'ai pris, pour ainsi dire, sur le fait la formation de Cirres par la fusion des cils, Ges cellules portent, tout le monde le sait, à leur surface libre un abondant che- velu ciliaire (pl. XXII, fig. 11, a). Chez quelques cellules, une partie du chevelu s'était transformée en gros appendices de forme conique (pl. XXII, fig. 41, 6, c), qui, par leurs contours ét leurs mouvements, rappelaient complètement les cirres des Infusoires. Une de ces cel- lules portait même deux de ces appendices. Je les considère comme des faisceaux de cils, d’abord libres, soudés entre eux par suite des phénomènes pathologiques du coryza. Bien que, dans la série zoolo+ gique, il y ait fort loin de l’homme aux Infusoires ciliés, je crois, cependant, que ce fait ést parfaitemement applicable à l'explication dé la morphologie des appendiceés vibratiles de ces derniers. Il s’agit, en effet, ici, d'une structure cellulaire, qui se montre, dans toute la série animale, identique par l’énsemble de ses caractères, Cette fis+ silité fibrillaire se retrouvé également sur les gros cils à large base de l’épithélium des branchies des Bivalves*. Y ENGELMANN, Ueber die Flimmerbewegung, p: 139, 628 E. MAUPAS. De cet ensemble de faits, il résulte que les membranes et les cirres sont des organes composés, représentant un degré de développement supérieur à celui des cils vibratiles simples. Entre ces derniers et les cirres, on peut trouver toutes les transitions les plus insensibles, suivant que le nombre de cils primitifs entrant dans la composition du cirre sera plus ou moins grand. Dans les cas même où ce nombre est réduit à son minimum, il pourra être quelquefois difficile de dis- tinguer entre un cil et un cirre. Nous avons vu, dans ladescription de Condylostoma patens, que cet Infusoire nous présentait un de ces cas embarrassants. Sa face dorsale porte des cils vibratiles simples, tan- dis que les appendices de la face ventrale, encore très minces et très effilés, possèdent cependant déjà quelques-uns des caractères pro- pres aux cirres. Cet Infusoire constitue donc un type de transition, sur lequel nous voyons par quelle évolution le cil simple se trans- forme en cil composé ou cirre. Au point de vue physiologique, il existe, entre les cils simples et Jes cirres, très peu de différence. Les cils, en effet, paraissent tout aussi dépendants de la volonté que les cirres. Il n'est pas rare de voir les cils des Paramécies et des Cyclidium rester tout aussi immobiles que les cirres des Oxytrichides et des Euplotides. Toutefois cette question de la dépendance ou de l'indépendance volontaires des appendices vibratiles des Ciliés me paraît avoir été tranchée trop hâti- vement. Rossbach affirme, en effet!, que, sous toutes leurs formes, ils peuvent commencer ou arrêter à volonté leurs mouvements. Je crois qu'ici, comme dans tant d'autres problèmes de l’organologie des Gytozoaires, il faudrait distinguer, et que la solution se trouve dans une opinion intermédiaire, admettant l'indépendance dans cer- tains cas, la dépendance dans d’autres. Les membranelles adorales, observées chez l'immense majorité des espèces qui en sont munies et sur des individus bien portants, semblent être complètement involon- taires, et cependant, aux descriptions d’Actinotricha saltans (p. 547) | Arbeilen aus dem 3oologisch-zoolomischen Institut in Würzburg, 1872, p, 30, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 629 et de Æolosticha Lacazer (p. 561),nous avons vu ces appendices com- plètement dépendants de la volonté. Ces faits, il me semble, per- mettent de conclure que, chez les Giliés, les deux sortes de mou- vements vibratiles, volontaire et involontaire, peuvent coexister, suivant les espèces et même sur la même espèce, suivant l'organe considéré. Les cils et les cirres diffèrent assez notablement entre eux par leur mode de mouvement. Les premiers, en effet, se meuvent par des oscillations décrivant une figure conique ayant leur point d’inser- tion pour sommet et leur extrémité libre pour base. Les cirres, au contraire, chez les Infusoires non inquiets, se portent en avant d’un mouvement identique à la marche des animaux supérieurs; aussi certains auteurs leur avaient-ils donné le nom très exact de pieds marcheurs. — Ges différences, bien entendu, ne sont pas absolues, et les cas où l’on voit des cirres décrire un tourbillon conique ne sont pas rares; mais, en revanche, Je ne connais pas un seul exemple de cils simples jouant le rôle de pieds marcheurs. Les cils et les cirres sont avant tout des organes de locomotion ; mais, comme je l’ai déjà fait remarquer ailleurs, ils peuvent servir aussi aux Infusoires, pour se fixer aux objets. Probablement leur extrémité libre est douée de propriétés agglutinantes, qui leur per- mettent d’adhérer aux objets. C’est ainsi que les espèces fort nom- breuses qui se nourrissent au moyen d’un tourbillon alimentaire, produit par un appareil vibratile extérieur, peuvent se maintenir en place et ne pas se laisser entraîner par la force d’impulsion des battements vibratiles de cet appareil. Les Vorticelles, qui n’ont pas d'autre moyen de fixation que leur pédoncule, obéissent à cette force d’impulsion et sont entraînées dans le liquide, lorsque ce pé- doncule se trouve rompu par une cause quelconque. l/ronychia transfuga, dont tous les cirres, par une disposition particulière à cet Infusoire, ne peuvent se poser par leur extrémité libre sur les objets 1 Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. XCVI, 1883, p. 157. 630 E. MAUPAS. et s'y fixer, est un animal essentiellement nageur et constamment entraîné par l’énergique tourbillon de ses membranelles buc- cales, Les cirres transversaux paraissent s'être adaptés, encore plus spé- cialement que les autres, à ce rôle d'organes fixateurs, ou d'appui. Aussi voyons-nous, chez beaucoup d'espèces, leur extrémité libre divisée en fibrilles ou armée de petites pointes (pl XXIIL fig. 9, d) qui multiplient les surfaces de contact et permettent à ces appen- dices de se fixer, ou s'appuyer plus solidement sur les objets. Ce sont, en effet, ces cirres transversaux, qui, par leurs contractions, jouent le rôle principal dans les changements rapides de directions, les mouvements brusques de recul et les bonds instantanés, que l’on voit exécuter par les espèces pourvues de ces appendices. Nous avons vu, en décrivant les deux espèces du nouveau genre Ancistrum, que les cils simples peuvent également se transformer en de solides organes de fixation. — Strombidrium urceolare est égale- ment muni d'appendices de fixation, représentés par trois longs _ cirres insérés sur le bord gauche de son péristome et portant, dans le dernier tiers de leur longueur, une rangée de petites pointes dressées comme les dents d'un peigne. Cet Infusoire se suspend aux objets par ces appendices, et on le voit souvent ainsi demeurer longtemps immobile. Parmi les membranes vibratiles, les membranes proprement dites sont uniquement destinées à la préhension des aliments, tandis que les membranelles buccales peuvent jouer le double rôle d'organes de locomotion et de production du tourbillon alimentaire, En terminant cet article sur les appendices, je veux encore men- tionner une observation, qui me paraîtse rapporter plutôt à la téra- tologie des cils qu’à leur morphologie normale. Cette observation a été faite en France sur des Colpidium colpoda, vivant au milieu de Saprolegniées et se nourrissant surtout des zoospores de ces micro- phytes. Les Colpidium étaient assez nombreux, et, dans chaque goutte d’eau placée sur le porte-objet, on en pouvait compter une ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 631 cinquantaine d'individus, Dans ce nombre il s'en trouvait toujours quatre ou cinq portant les appendices singuliers dont voici la des- eription. Ils se composaient (pl. XX, fig. 14) d'un pédicelle d’inser- tion très court et très mince, suivi d’un gros renflement légèrement ovoïde, servant de base à un long piquant subulé et très effilé. La longueur du tout était d'environ 0,019, Complètement inertes et rigides, ils oscillaient de droite et de gauche, au gré des mouve- ments des Infusoires. Leur substance était absolument homogène, et aucun réactif n'y a fait apparaître de différenciation d’aucune sorte, Ils étaient insérés directement sur le tégument, et, malgré l'examen le plus soigneux, je n'ai pu leur découvrir de prolonge- ment interne, A la surface du Colpidium, on les voyait toujours localisés uniquement sur la portion de la face ventrale située en arrière de la bouche. Cette région en était entièrement couverte dans toute sa largeur et sa longueur. Ils formaient des rangées li- néaires longitudinales, correspondantes aux rangées normales de cils vibratiles et étaient aussi serrés les uns près des autres que ces der- niers. Les cils manquaient totalement dans cette région. De ces faits et de cette description, je crois qu'il est légitimement permis de conclure que ces appendices ne représentaient qu’une transfor- mation des cils, transformation dont j'ignore complètement les causes. Les Colpidium, qui les portaient, paraissaient aussi agiles que les autres, et on ne leur voyait d'autre différence que de légères déformations dans les contours. Vacuole contractile. La vacuole contractile est bien certainement un des éléments de la morphologie des Infusoires, qui a le plus préoccupé les observa- teurs et sur lequel on à le plus écrit. Aussi les opinions sur sa structure, sur le mécanisme de son fonctionnement, sur sa signifi- cation et son rôle sont-elles fort nombreuses et souvent très oppo- sées, Je n’exposerai pas ici toutes ces théories et me contente de 632 E. MAUPAS,. renvoyer aux excellents travaux de Zenker', Schwalbe *, Wrzes- niowski *, Rossbach * et Bütschli 5, dans lesquels on trouvera de très bons résumés de la question et en même temps des observations nombreuses et fort bien faites. Ces observations, par leur con- cordance sur les principaux points en litige, nous permettent de considérer comme définitives quelques-unes des solutions propo- sées. Je veux donc ici simplement faire connaître quelques obser- vations nouvelles. La vacuole contractile, sous une forme simple ou multiple, est un organe presque universellement répandu chez les Infusoires ciliés. Stein f cite seulement quatre espèces à lui connues comme en étant dépourvues, ce sont: Opalina ranarum, Op. lumbrici(= Ano- plophrya striata), Op. branchiarum (= Anopl. branchiarum) et Op. armata (= Oplitophrya lumbrici). Toutes appartiennent à la famille des Opalinides. Mais, de ces quatre espèces, les trois dernières, loin d'être dépourvues de vacuoles contractiles, en sont au contraire richement dotées, ainsi que j'ai pu m'en assurer directement. Chacune d'elles est, en effet, munie d’un nombre assez grand de petites vacuoles contractiles, disséminées dans toute l'étendue de leur corps. Stein, comme on peut le voir dans ses descriptions et sur ses figures”, les avait fort bien vues. Maïs, par je ne sais quelle inadvertance, il les a prises pour de simples vacuoles non contrac- tiles. Saville Kent a été mieux inspiré dans ses diagnoses de ces espèces et leur a attribué de nombreuses vacuoles contractiles. Opalina ranarum, seule, manque donc de vacuole contractile. 1 Archiv für mikr. Anatomie, t. II, 1866, p. 332-340. 2 Archiv für mikr. Anatomie, t. IL, 1866, p. 351-371. 3 Archiv für mikr. Anatomie, t. V, 1869, p. 25-41. Zeit. für wiss. Zoologie, t, XXIX, 41877, p. 306-313. 4 Arbeilen aus dem z00logisch-zootomischen Institut in Wurzburg, 1872, p. 9-72. 5 Zeit. fur wiss. Zoologie, t, XXX, 1878, p. 237. 6 Der Organismus, eic., t. I, 1859, p.91. T Die Infusionsthiere, etc., 1854, pl. V, fig. 23 et 24. 8 À Manual of the Infusoria, 1881. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 633 On peut lui adjoindre les quatre autres espèces du genre Opalina tel qu'on le définit aujourd'hui : Op. obtrigona, Op. dimidiata, Op. àn- testinalis, Op. caudata. D’après les observations de Zeller!, que je puis confirmer parles miennes, elles sont toutes également dépourvues de cet organe. À cescinqOpalines, ilfautajouter d'abord Actinotricha sal- tans, Gonostomum pediculiforme et Holosticha Lacazei, qui, comme nous l'avons déjà vu dans leurs descriptions particulières (p. 549, 554, 560), ne laissent voir aucune trace de vacuole contractile; puis enfin Uronychia transfuga et Styloplotes appendiculatus. Claparède et Lach - mann attribuent une vacuole contractile à ces deux espèces; Stein n'a pas vu celle de la première, mais en décrit une chez la seconde. Malgré l'autorité de ces observateurs, je dois m'inscrire en faux contre leurs affirmations. J'ai souvent étudié ces deux espèces dans les meilleures conditions d'observation, suivant le même individu pendant des heures sans le perdre de vue, le voyant même quel- quefois immobile, et jamais je n'ai pu découvrir la moindre trace d'un organe pulsatile. Le nombre des espèces certainement dépourvues de cet organe se réduit donc à dix : cinq Opalines, trois Oxytrichides et deux Euplo- tides. Il faudra encore très probablement leur ajouter Stfrombridium urceolare et Stromhidium sulcatum ?, chez lesquels je n’ai pas réussi à voir de vacuole contractile. Parmi les questions relatives à la vacuole contractile, qui ont le plus préoccupé les observateurs, il faut placer en première ligne celle se rattachant à sa structure et à son mode de fonctionner. Sans entrer ici dans de plus longs détails, je dois déclarer que toutes mes observations, sauf une seule sur laquelle nous reviendrons plus loin, m'ont conduit à adopter l'opinion des auteurs, qui considèrent ces Zeit. für wiss. Zoologie, t. XXIX, 1877. 3 Le Strombidium observé par Bütschli (Archiv für mikr. Analomie, t. IX, 1873, p. 671, pl. XXVI, fig. 19) n’est certainement pas le vrai S. sulcatum. La ceinture de trichocystes est placée beaucoup plus en avant que chez ce dernier. C’est très probablement une espèce inédite. 634 E, MAUPAS, vacuoles comme de simples cavités adventives, creusées dans le sar- code et destinées, par leur contraction, à expulser au dehors le liquide qui s’y est accumulé. A l'appui de cette manière de voir, déjà forte- ment étayée par les travaux de Zenker, Schwalbe et Wrzesniowski, je vais décrire avec détail quelques nouvelles observations, qui me semblent complètement démonstratives, Je commence par les vacuoles pulsatiles de Paramecium aurelia, Leur structure et leur contraction ont déjà été étudiées avec beau: coup de soin par Stein! et Schwalbe*. Au nombre de deux, elles se composent d'un réservoir central et de canalicules périphériques qui rayonnent dans tous les sens. Tout récemment, Saville Kent° à affirmé que cette rosette de canalicules était un produit artificiel, causé par les compressions auxquelles on soumet cet animal pour étudier les vacuoles, Je ne comprends guère une pareille assertion de la part d’un observateur aussi habile que le savant anglais ; car les canalicules sont aussi apparents et aussi réels sur les animaux entiè- rement libres que sur ceux comprimés. Cette observation est très fa- cile à faire avec un grossissement de moyenne force. Claparède et Lachmann * affirment queles canaliculessontramifiés, J'aivainement cherché ces ramifications, et j'ai toujours vu chaque canalieule se terminer en une seule pointe effilée, Le nombre des canalicules varie d'un individu à l’autre et même sur les deux vacuoles d’un seul individu, Il ne dépasse pas le nombre de huit à neuf, | Pour bien étudier la structure et le mécanisme des vacuoles con- tractiles, il faut les observer sur un individu rendu immobile par com- pression etse présentant par la face dorsale, dans laquelle les vacuoles sont logées. Voici comment les choses se passent : le mouvement de systole est brusque et rapide; un peu avant qu'il se produise, les canalicules commencent à se renfler, en forme de poire allongée, 1 Der Organismus, etc., t. I, p. 87. e 2 Loc. cit. p. 354. 3 A Manual ofthe Infusoria, 1881, p. 486, * Kludes, etc., 1858, p. 49. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 63%, à une petite distance du point où ils viennent déboucher dans le réservoir central constituant la vacuole, À ce moment, on voit très aisément la figure circulaire de la vacuole superposée au-dessus da l'extrémité centripète des canalicules. On peut s'assurer de cette dis: posilion, en observant avec un fort grossissement, En mettant d'abord la vacuole exactement au point, on aperçoit, au-dessous et au travers d'elle, l'extrémité centrale des canalicules avec des contours mal définis. Pour les voir nettement et les mettre parfaitement au point, il faut enfoncer un peu le microscope. Ceci nous démontre que les canalicules, à leur point de jonction avec la vacuole, sont plongés plus profondément qu’elle dans la substance du corps sarcodique et qu'ils débouchent dans sa cavité par son côté interne. La systole se produit le plus souvent avant que les renflements pyriformes des canalicules aient atteint leur complet développement. Elle s'exécute par un mouvement convergent de toute la masse sarcodique am- biante et délimitante de la vacuole, masse qui se précipite et se con- centre vers le point de la paroi tégumentaire, oùsetrouve le pore effé- rent. Il semble que ce sarcode ambiant, refoulé en dedans et soutenu par le liquide qui remplissait le réservoir vacuolaire, vienne à man- quer tout d'un coup de support et se précipite vers le côté où un vide se produit. Ce vide a été causé, évidemment, par l'ouverture du pore, au travers de l'orifice duquel le liquide vacuolaire s'écoule librement, chassé par la poussée du sarcode périphérique. Cette masse de sar- code visqueux, en se concentrant vers le pore, en ferme de nou- veau l’orifice, Il ne reste plus alors que la rosette de canalicules, dont les extrémités centripètes, n'étant plus masquées par la vacuole, apparaissent très nettement. Les renflements pyriformes achèvent doucement leur diastole, puis se contractent tous ensemble et d'un mouvement assez rapide. Le liquide qu'ils contenaient est chassé de toutes parts vers le point occupé par la précédente vacuole. Sous cette puussée, il se creuse, dans le sarcode qui a remplacé celle-ci, une nouvelle cavité. Les contours de cette dernière sont d'abord assez irréguliers, ce qui est inévitable, puisqu'elle est le résultat de 636 . E. MAUPAS. l'aftlux de tous ces courants centripètes, qui refoulent et déchirent dans tous les sens la masse visqueuse de sarcode, qu'ils tendent à rem- placer. Mais la cavité, se régularisant rapidement, reparaît de suite avèc la forme circulaire de la vacuole contractile. Le liquide est main- tenu dans cette dernière par une mince lame de sarcode, qui ferme le pore. Cette lame ne tarde pas à céder à la poussée de cet amas liquide, pressé de toutes parts par le sarcode ambiant, Ellese déchire, le liquide s'écoule, et le mouvement de systole s'exécute de nouveau, comme nous venons de le décrire. Les canalicules sont donc de simples conduits afférents, dans les- quels, d'ailleurs, je n'ai jamais vu le liquide de la vacuole refluer. Dans plusieurs cas, Je les ai vu exécuter leur systole deux fois, pen- dant que le réservoir vacuolaire ne se contractait qu'une fois. A la première systole, ils reconstituaient la vacuole comme je viens de le décrire. A la seconde, ils chassaient de nouveau leur contenu dans la vacuole déjà à moitié dilatée, et l’on voyait celle-ci, sous l’action de ce nouvel afflux de liquide, s’élargir brusquement encore un peu, puis se vider en poussant au dehors son contenu. Chez Blepharisma lateritia, où la vacuole est unique et dépourvue de canalicules, les phénomènes sont un peu différents, bien que pou- vant se ramener à un type fondamental identique. Le réservoir pul- satile est situé près de l’extrémité postérieure. Prenons-le au moment exact où son mouvement de diastole est complet et où il est prêt à se contracter, À cet instant, la vacuole a une forme parfaitement circulaire, et ses contours sont nettement délimités. Dans la région antérieure de sa périphérie et dans celle tournée vers le dos de l’ani- malcule, elle est séparée de la masse du corps par d’autres petites vacuoles ou lacunes à formes irrégulièrement arrondies, dont le nombre varie suivant les individus et même suivant les pulsations sur le même individu. Tantôt elles sont au nombre de deux seule- ment et ont des formes allongées le long du bord externe de la vacuole principale. Tantôt, au contraire, elles sont au nombre de trois ou quatre. Elles sont séparées de la grande vacuole par une ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 637 paroi mince, membraniforme, composée de sarcode granuleux abso- lumentidentique à celui qui constitue la substance fondamentale du corps. Les cloisons, qui les séparent les unesdes autres, sont de même nature et d’une faible stabilité. En effet, lorsque les vacuoles secon- daires sont au nombre de trois ou quatre, on voit souvent une et quelquefois deux de ces cloisons se déchirer et se rétracter dans les parois externes. Il en résulte que les petites vacuoles se fondent ensemble, et qu'il n’en reste plus que deux. Ces cloisons s'appuient, en arrière, sur la paroi qui sépare la vacuole principale des vacuoles secondaires. Les choses étant dans cet état, la systole commence et s'exécute rapidement d'avant en arrière, en sorte que la paroi de la vacuole -principale se resserre de tous les côtés en convergeant vers un point situé dans la région postérieure, point sur lequel elle se condense et s’'agglomère en une petite masse. Mais, en se retirant ainsi en ar- rière, la paroi du réservoir contractile entraîne avec elle la ou les cloisons latérales des vacuoles secondaires, cloisons qui, comme nous l'avons dit, s’appuyent sur elle et lui sont intimement at- tachées. Comme le bord externe ou antérieur de ces vacuoles se- condaires est formé par la substance même du corps et que cette substance ne suit pas le mouvement d'entraînement d’avant en arrière, il en résulte que les cloisons latérales sont fortement étirées. On les voit, en effet, s’amincir, et lorsqu'il en existait encore deux ou trois au commencement de la systole, il s’en déchire aussitôt une ou deux, et presque toujours il n’en reste qu’une seule, qui ré- siste à l’étirement causé par la systole complète. A ce stade du phénomène, l'emplacement de la vacuole contrac- tile est occupé par un large espace clair, rempli de liquide, à con- tours plus ou moins irréguliers et vaguement définis dans la région antérieure. Cet espace est divisé en deux par une cloison longitudi- nale, qui, en arrière, s'appuie sur le petit mamelon résultant de la condensation de la substance de la paroi de la vacuole pulsatile pré- cédente. Ge petit mamelon ne tarde pas lui-même à s’effacer, en se 638 HER Ë. MAUPAS. fondant dans la substance du corps sur laquelle 1l répose. La cloison longitudinale se déchirant alors tantôt au milieu de sa longueur, tantôt par une de ses extrémités, on voit les bords libres se 'rétracier “et rentrer dans la masse générale. De ce moment, il ne reste plus à la place dé la vacuole contractile qu'un espace large, à contours vaguement définis, rempli de liquide et creusé dans la substâänce même du corps. Les parois de cette cavité ne tardent pas à se rapprocher ét à en diminuer l'étendue. À mesure que ces parois se resserrent ainsi, elles semblent prendre une consistance plus ferme, et les contours deviennent de plus en ‘plus nets. Le mouvement de ressérrément, sé continuant rapide- ment, réduit en peu de temps l'espace à des dimensions dépassant de très peu celles de la vacuole, au moment oùelle doit se con- tracter de nouveau. Dès lors les contours sont complètement dé- finis et ont pris uñe forme circulaire d’une régularité presque com- plète, Alors apparaissent de nouveau les petites vacuoles ou espaces secondaires de la région antérieure. Ils se forment rapidement et tout d'abord au nombre de deux à quatre. La vacuole puülsatile con- tinue à se resserrer, laissant d'autant plus de place à ces larunes, Elle arrive enfin à son resserrement définitif, sous la formée d’un cercle parfait et sé retrouve avec l’aspect sous lequel nous l'avons vue au début de toute cette série de phénomènes, avec sa bordure de vacuoles secondaires en avant, Elle defneure ainsi un instant pour ainsi dire immobile, puis la systole recommence. Tous les faits qué je viens de décrire si minutieusement sont très importants pour comprendre la structuré de la vacuüole contractilé chez cet Infusoire, Elle féparaît toujours dans la même partie du Corps; mais à chaque pulsation ses parois sont formées par üne nouvelle substance, et il né saurait être question d’une membrane plus où tnoins solide où élastique en forme dé vessie, qui sé gonfle- tait et se dégonflerait alternativement, On pourrait plutôt établir une Comparaison avec une bulle de savon suspenduë à l'extrémité d'une pipette, ét de laquelle on aspirerait doucement l'air qui la ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 639 disténd. À mesure que l'air en est ainsi enlevé, les parois se rap- prochent de l'extrémité de la pipette, et à la fin ils n’y forment plus qu'’uné petite goutte ou masse homogène et pleine, Chez notre In- fusoire, cêtte petite masse ne se distend plus à nouveau ; mais ferme lé pôre excréteur et se fond peu à pet avec le sarcode avoisinant. Une nouvelle paroi membraniforme se réconstitue, ainsi que je l'ai décrit, par le räpprothement et le resserrement des parois de l'es. pacé laissé libre, après la systole de la vacuole. Celle-ci est donc simplement creusée dans la substance sarcodique du corps, sub stänce qui, dans cette région, jouit de la propriété particulière de s'ouvrir ainsi et de se refermer périodiquement, J'ai recueilli des observations aussi complètes et aussi détaillées suf la structure et la formation de la vacuole pulsatile chez Prorodon teres ét Nyctotherus cordiformis, Comme les phénomènes se passent d’une façon identique à celle qué je viens de décrire, je ne transcrirai pas ici ces observations. Je rapporterai cependant un fait intéressant, ui se renouvelle assez fréquemment chez ces deux espèces, Chez élles, l'espace vacuolaire primitif, qui précède la formation de la vicuole contractile, est beaucoup plus étendu que chez Plagio- toma latéritia. Parmi les nombreuses vacuoles secondaires, dont il se compose, on en voit souveñt qui né se fusioñnent pas avec la vacuole principale, mais se régularisent et s’arrondissent indé- pendamment, puis finissent par se contracter à part, Ces vacuoles sont toujours beaucoup plus pétites que la vacuole principale, Elles peuvent quelquefois se réconslituer et se contracter plusieurs fois dé suite, exactément aû même point; mais ceci est assez rare, car celles que l’on voit reparaître sont presque toujours plus ou Moins éloignées de celles qui les ont précédées, Ces petites vacuoles pulsatilés-sécondaires étaient seulement au nombre d’une à deux chez Nyctothérus, tandis que j'en ai compté quelquefois jusqu'à six à sept chez Prorodon teres, En observant sur un MVyctotherus cordiformis enkysté, j'ai pu vonstater que le sarcode des cloisons membraniformes, qui tra- 640 E. MAUPAS. versent de toutes parts la grande lacune prévacuolaire, est en proie à des mouvements lents semblables à ceux que l’on voit dans cer- taines cellules végétales. Les granulations y courent tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Les vacuoles changent de forme à tout instant, s’allongeant, se rétrécissant, s’étirant, s’élargissant, se fu- sionnant et se séparant de nouveau. Chez Colpidium colpoda, la vacuole pulsatile est munie d’un pore excréteur très aisé à reconnaître. Dans un cas favorable, j'ai vu très nettement, au moment de la systole, le courant d’eau sortant de ce petit orifice entraîner de petites particules solides. Le dévelop- pement de la vacuole se fait encore par fusion de vacuoles ou goutte- lettes primitives, creusées dans le sarcode ambiant. La formation des gouttelettes est continue et se produit encore pendant que la vacuole pulsatile arrondit et régularise ses contours; mais ces nouvelles gouttelettes ne viennent plus se fondre avec elle. Elles se forment dans une région plus profonde et se trouvent masquées par la vacuole en diastole. En enfonçant le microscope, on les aper- çoit au travers de celle-ci. Au moment où la vacuole se contracte, les gouttelettes s’accroissent rapidement. Cet accroissement n'est pas dû à un reflux du liquide de la vacuole ; mais bien à ce que celle-ci, en se contractant, laisse la place libre et permet aux goutte- lettes de s'étendre et de se dilater en avant. La vacuole pulsatile de Metopus sigmoides s’ouvre par un pore situé tout à l'extrémité postérieure du corps. Dans son développement, elle apparaît d’abord sous la forme d’un espace large, mal délimité, qui ensuite se rétrécit et devient sphérique à contours nets. Ainsi arrondie régulièrement, la vacuole est toujours placée à une petite distance en avant de l'extrémité postérieure. Alors on la voit glisser doucement jusqu’à cette extrémité, où se trouve le pore, et elle ne se contracte que lorsqu'elle est arrivée en contact immédiat avec la paroi de cette région. J'ai vu quelquefois deux vacuoles s’arrondir, à côté l’une de l’autre, aux dépens de la lacune irrégulière primitive. Elles descendaient en même temps vers l’extrémité postérieure, La ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 641 plus rapprochée de cette extrémité, arrivant la première en contact du pore, se contractait aussi la première, laissant la place libre à la seconde. Celle-ci s’approchaiït à son tour du pore et se contractait un instant après. Je veux encore transcrire ici mes observations sur la vacuole con- tractile de Stentor cæruleus. Elles confirment et complètent celles que Schwalbe a publiées! sur Sfentor polymorphus. Le contenu de la vacuole est chassé au dehors, pendant la systole, par un pore ouvert dans le tégument. Ce pore est assez aisé à voir en visant, dans la mise au point, uniquement la surface externe du corps, au-dessus de la va- cuole. En procédant de cette facon, on distingue, sur une des bandes larges granuleuses, une petite tache claire oblongue. Au moment de la systole, cette petite tache s’élargit brusquement et s'ouvre, laissant ainsi le passage libre au liquide de la vacuole. Cet orifice reparaît toujours exactement au même point à chaque systole. Celle-ci est, je crois, déterminée, d’une part, par la tension du tégument qui, au moment de la diastole complète, est bombé au dehors d’une façon notable et, d'autre part, par la poussée du sarcode interne, que l’on voit confluer de tous les côtés, en chassant devant lui le liquide. L’orifice du pore s'ouvre sous l'effet de cette double pression mécanique et, lorsque la masse liquide est expulsée, se referme spontanément, sous l'influence de la contractilité inhérente au tégu- ment dans lequel il est ouvert. Il est fort probable aussi qu’une mince lame de sarcode visqueux tapisse, après chaque systole, la paroi interne du corps en ce point et contribue ainsi à la fermeture du pore. Le liquide, au début de la diastole, s'accumule à la fois et dans la région même de la vacuole et dans les deux prolongements qui ont été décrits par les auteurs comme des vaisseaux, et dont l’un s'étend en arrière de la vacuole et l’autre, sur le côté, le long du bord dorsal du péristome. Ces deux appendices ne sont, en réalité, 1 Archi für mikr. Analomée, t. 11, 1866, p. 356, ARC, DE ZOOL. EXP, ET GÉN, = 2€ SÉRIE, — T, 1, 1883. 41 642 E. MAUPAS. que de véritables lacunes longitudinales qui se creusent dans le sarcode, avec des dimensions et des formes très variables, à chaque diastole et, après s'être lentement remplies de liquide, se contractent pour chasser ce dernier vers la vacuole. Pendant leur développement, on les voit interrompues par de nombreuses cloisons, disposées sans ordre, qui se déchirent les unes après les autres sous l’afflux du liquide, Quelques-unes de ces cloisons, plus résistantes, persistent quelquefois pendant une ou deux diastoles successives et, retenant ainsi le liquide contenu derrière elle, ne lui permettent de s'écouler vers la vacuole qu'après deux ou trois pulsations. Le liquide, avons- nous dit, afflue également dans la région même de la vacuole et s'y accumule, en se creusant des cavités vacuolaires dans le sarcode qui occupe cette région. Quand cette masse liquide, arrivant de trois ré- gions différentes, se trouve réunie et concentrée, elle affecte d'abord l'aspect d’une lacune spacieuse, à contours réguliers et mal définis. Ces contours se resserrent peu à peu, en se régularisant, et finissent par prendre la forme sphérique parfaite qui précède la systole. De ce long exposé de faits, il résulte que nous devons considérer la vacuole pulsatile comme une simple cavité, qui apparaît pendant un moment dans le sarcode, pour s’effacer ensuite, sans laisser de trace, par le rapprochement et la coalescence intime de ses parois, quand arrive la systole. À chaque diastole, cette cavité se creuse à nouveau dans la masse sarcodique, et la substance, qui en constitue les parois, n’est pas identiquement la même d’une diastole à l’autre, Cette manière de concevoir la structure de l’organe pulsatile ne s’ap- plique pas cependant à tous les faits et à tous les cas. Ainsi, par- exemple, les canalicules périphériques de Paramecium aurelia, bien que dépourvus de membranes limitantes, semblent cependant tou= jours renaître par l'écartement de parois identiquement les mêmes. Une exception plus frappante est celle que j'ai fait connaître ‘ en décrivant le long boyau contractile d’Aaptophrya gigantea, Ici, l'or | Comptes rendus de l'Acad. des sciences, LXXXVIIT, 1879, p, 994, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 643 gane pulsatile est délimité par une véritable paroi propre, différenciée et nettement distincte de la masse sarcodique ambiante. Cette paroi n'a pas, il est vrai, la nature homogène et la netteté de contours d’une membrane propremeut dite, comme celle que l’on voit souvent à la périphérie des nucléus. Elle ressemble plutôt à un cordon épais de sarcode grumeleux et granuleux, à contours plus où moins irré- guliers. Mais elle n’en constitue pas moins une structure spéciale permanente, dont on peut constater la réalité sur des animaux pré- parés et conservés depuis des années. Il est fort probable que le boyau pulsatile d'AJaptophrya planariarum possède également des parois distinctes. Stein les avait d’abord décrites ! comme telles. Plus tard?, il en a nié l'existence, mais sans s'appuyer sur des observations nou- velles et simplement guidé par des considérations théoriques. Je suis persuadé qu'il a été mal inspiré, et que ses premières observations sont exactes. Ce fait, d’ailleurs, n’a pas lieu de nous surprendre. . Quand on voit, comme le dit très bien Balbiani, le sarcode donner naissance à des organes aussi différenciés que les trichocystes, il n’est pas difficile d'admettre qu'il puisse également produire une structure membraniforme, pour répondre à un besoin fonctionnel spécial. Ge . Chez les espèces dont le tégument est très différencié et possède une texture très distincte de celle de la masse sarcodique du corps, l'orifice d'écoulement de la vacuole pulsatile est représenté par un pore permanent, ouvert dans l'épaisseur de ce tégument et constam- ment visible. Des pores de cette nature ont été observés directe ment déjà chez un certain nombre d’espèces*, telles que Cyrtosto- mum leucas, Paramecium aurelia, P. bursaria *, Glaucoma scintillans, Colpidium colpoda, Conchophtirus anodontæ, plusieurs Nassula, Stentor 1 Die Infusionsthiere, etc., 1854, p. 179. ? Der Organismus, etc., t. Ier, 1859, p. 89, note, > WuazesNiowskt, Zeit, fur wiss. Zoologie, t,. XXIX, 1877, p. 311, note, * Chacune des vacuoles de cet infusoire a toujours au moins deux et quelque- fois trois pores, 644 E. MAUPAS. cæruleus, Ophryoglena magna, Haptophrya gigantea, E'uplotes pa- tella", ete. Mais nous ne devons pas nous attendre à retrouver un orifice aussi apparent chez tous les CGiliés. Chez la plupart des espèces, en effet, la substance du tégument est plus molle et plus visqueuse, sa texture plus lâche. Il en résulte que l'onifice de la vacuole n'est plus représenté par une ouverture permanente et toujours distincte, mais que cette ouverture se forme, à chaque systole, par déchirement de la paroi peu résistante du tégument, qui s'écarte sous la pression du liquide vacuolaire et se referme en- suite, se ressoude, pour ainsi dire, sans laisser aucune trace appa- rente. Au point de vue physique, on peut comparer ce qui se passe ici à une propriété bien connue des bulles de savon. La paroi de ces dernières, bien que fluide, possède cependant une certaine viscosité, qui non seulement permet à ses particules de se maintenir ensem- ble et de former une nappe continue, mais, de plus, laisse un corps étranger passer à l’intérieur en la traversant, sans la crever, car les parois se referment et recouvrent leur continuité aussitôt que le corps étranger est passé ?. Il semble même que cette ouverture puisse se produire, dans ces téguments lâches et peu tenaces, en un point quelconque. C'est ainsi, en effet, que j'interprète les faits cités plus haut, à propos des vacuoles secondaires de Vyctotherus cordiformis et de Prorodon teres. Ces vacuoles secondaires s’ouvrent un pore en des points divers et changeants. Mais la fermeture de cet orifice, après la systole achevée, est complète. Chez toutes ces espèces à tégument mou, on peut Com- parer la production et la fermeture du pore d'écoulement à ce qui a lieu chez les Amibes, où la vacuole, mobile dans l’endosarc, se con- tracte en un point quelconque du corps, s'y ouvre un orifice qui ne sert qu'une fois et se referme sans laisser de trace. D'après Haeckel*, les vacuoles pulsatives dérivent de simples va- 1 Voir plus loin, p. 652. ? Huxuey, Revue internalionale des sciences biologiques, t, XI, 1883, p. 494, $ Zur Morphologie der Infusorien, 1873, p. 34. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 645 cuoles accidentelles, comme celles que nous voyons si souvent se former dans la substance des sarcodaires. Cette hypothèse me sem- ble assez douteuse, et, en tout cas, les raisons avec lesquelles son auteur l’appuie sont dénuées de toute valeur. Il n’existe qu’un seul caractère commun entre ces deux genres de vacuoles, à savoir d’être dépourvues de membrane délimitante. Par tous leurs autres carac- tères, par leur origine, par leur fonction, par leur manière d’être, Jes vacuoles à contractions rythmiques diffèrent complètement des vacuoles simples. Leur contenu liquide lui-même est de nature fort différente. Celui des réservoirs pulsatiles est un liquide d’excrétion, chargé sans doute de substances de rebut dissoutes, et constitue ure sorte d'urine. Le liquide des vacuoles simples représente plutôt une sorte de plasma ou de suc cellulaire, dans lequel les phénomènes de ladigestion peuvent s'accomplir. De plus, il existe des cellules, comme les zoospores végétales, dans lesquelles on ne voit jamais d’autres vacuoles que la vacuole pulsatile. Tous ces faits me font considérer cette dernière comme le produit d'une adaptation physiologique spéciale du sarcode, ne se reliant, phylogéniquement, à aucune autre structure connue. Tout ce que l’on en peut dire, c’est qu’elle doit son origine aux propriétés contractiles et irritables du sarcode. Les opinions sur le rôle physiologique des réservoirs pulsatiles sont nombreuses, et on leur a attribué des fonctions bien différentes. Mais, comme plusieurs de ces opinions se trouvent éliminées, 2pso facto, par les observations nouvelles sur la structure et le mode de fonc- tionner de l'organe contractile, nous n'avons plus à nous en occu- per. Deux de ces opinions restent debout : l’une considérant la vacuole comme un organe respiratoire ; l’autre, comme un organe excrétoire. J'ai déjà dit que c'était à la seconde que je me ralliais. Des raisons très fortes S'opposent, en effet, à ce que l'on voie, dans les vacuoles pulsatiles, des organes destinés à l'introduction de l'oxy- gène dans l'organisme des Infusoires. Le liquide, qui s’'accumule dans leur cavité, n’est plus une eau fraîche, venant de pénétrer dans le corps de l'animal et possédant les qualités oxygénantes de l’eau ambiante. 6:6 E, MAUPAS. C'est, au contraire, un liquide sortant des profondeurs les plus intimes de l'organisme, ayant baigné et imbibé toutes les parties du corps et, dans ces contacts immédiats avec la substance vivante, ayant dû perdre depuis longtemps les faibles quantités d'oxygène qu'il tenait en dissolution. Il est donc devenu impropre à la respi- ration eta dû, très probablement, se charger de substances de résidu solubles, qu’il entraîne avec lui pour les éliminer au dehors. Que telle est bien la nature de ce liquide, me semble démontré par les observations que j'ai décrites plus haut, à propos des vacuoles pul- satiles de Paramecium aurelia et de Colpidium colpoda; observations dans lesquelles nous avons vu le liquide affluer et pénétrer dans l’espace vacuolaire par la partie profonde et interne ‘ de la vacuole. Je pourrais citer nombre d'autres Infusoires, chez lesquels ces phé- nomènes se passent de la même facon, Le liquide vacuolaire tire donc son origine des profondeurs du corps et, comme je l'ai dit, après en avoir baigné et lavé toutes les parties. Cle liquide ne peut donc être qu'un liquide de résidu ou d’excrétion, dont l’unique des- tination est d’être éliminé et rejeté au dehors, comme cela a lieu, d'ailleurs, ainsi que nous l'avons vu en décrivant les vacuoles de Stentor cæruleus et de Colpidium colpoda. — En outre, une explica- tion physiologique des vacuoles pulsatiles doit pouvoir s'appliquer à tous les cas et partout où cet organe existe. Or nous connaissons maintenant* de nombreuses zoospores végétales pourvues de va- euoles contractiles aussi actives que celles des Infusoires. Chez ces zoospores, qui renferment toujours des masses de chlorophylle rela- 1 CarRTER (Ann. and Mag. of Nat. History, t. XVIII, 1856, p. 127, pl. vi, fig. 68 a) avait déjà très bien constaté ce fait dès 1856, — Je regrette beaucoup de n'avoir pu me procurer lé mémoire du savant anglais qu’au moment même de la correction des épreuves de cette partie de mon travail. J'aurais eu, en effet, plusieurs occasions de citer ses observations à l’appui des miennes. ; 2 Comptes rendus de l'Acad. des sciences, t. LXXXII, 1876, p. 1451, — SA VILLE KENT, sans tenir compte des faits que j'ai signalés dans cette note, réédite (A Ma- nual of the Infusoria, 1880, p. 47) la vieille erreur qui prétendait trouver un crite- rium distinctif entre le règne végétal et le règne animal dans la présence ou LR sence d’une vacuole contractile. , | +3 ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 647 tivement assez volumineuses, les phénomènes respiratoires sont d’une nature tout autre que celle des Infusoires et se rattachent à la respi- ration végétale ou chlorophyllienne. Quel rôle la ou les vacuoles con- tractiles pourraient-elles bien jouer dans cet ordre de phénomènes spéciaux ? C'est ce qu'on ne voit pas bien. Tandis qu'ici, comme chez les Infusoires, on se rend très bien compte de leur rôle excréteur, servant à éliminer au dehors les substances de rebut solubles, qui doivent se former en assez grande quantité dans ces petits êtres, composés de protoplasma nu et jouissant d’une très grande activité physiologique. La rapidité des pulsations de la vacuole contractile s'accroît assez rapidement avec la température; aussi, quand on note le nombre de pulsations chez une espèce, devrait-on toujours indiquer en même temps la température du milieu ambiant. Je n'ai, malheureusement, que très peu d'observations sur cette question ; mais elles confirment complètement les résultats obtenus par Rossbach ! au moyen de températures artificielles, Je citerai, par exemple, la vacuole d'Æ'u- plotes patella?, dont les pulsations durent 50 secondes à 16 degrés centigrades et 37 secondes seulement à 25 degrés; celle de Styloni- chia pustulata, qui, avec une température de 15 degrés, pulsait toutes les 15 secondes et toutes les 7 secondes avec 93 degrés. Les pulsa- tions les plus rapides que j'aie observées étaient celles de Crypto- chilum nigricans et Paramecium aurelia, dont les vacuoles se contrac- taient toutes les 3 secondes : la première à une température de 28 degrés, la seconde à 32 degrés. — Dans ces cas de contractions rapides, les quantités de liquide déversées au dehors, comparées au volume du corps de l’animalcule, sont vraiment extraordinaires, Ainsi, en comparant le volume de la vacuole contractile de Crypto- chilum nigricans au volume de son corps, on obtient le rapport d'environ 1 à 40 ; d'où il résulte que, lorsque la vacuole se contracte 1 Arbeilen aus dem zoologisch-z0otomisehen Institut in Würzburg, 1872, p. 35. 2 Toutes les fois que je cite cette espèce, il s’agit toujours de la variété décrite par Wrzesniowski, sous le nom de Euryslomus. | 648 E. MAUPAS. toutes les 3 secondes, comme je l’ai dit plus haut, elle ne met que 120 secondes, ou 2 minutes, pour évacuer un volume de liquide égal à celui du corps'. Le sarcode de ces Microzoaires est donc le siège d’un mouvement incessant de liquide, qui filtre, en quantités relati- tivement très considérables, au travers des interstices moléculaires de sa substance. Ce liquide provient de deux sources différentes : l’eau introduite par la bouche et celle qui pénètre par -imbibition sur toute la péri- phérie du corps. Que l’imbibition doit jouer un rôle important, est, bien démontré par ce fait que les vacuoles pulsatiles des Acinétiens et des Rhizopodes ne peuvent pas avoir d’autre source d’alimenta- tion. Quant à la bouche, il suffit d’avoir observé quelques minutes un Infusoire à tourbillon alimentaire, comme Paramecium aurelia, pour se rendre compte des grandes quantités d’eau qui pénètrent dans le cytosome en même temps que les aliments. C’est dans ces deux courants d'eau fraiche, s'infiltrant dans les profondeurs les plus intimes de la substance du corps, que nous devons chercher l’agent des phénomènes respiratoires. Cette eau pénètre évidemment plus ou moins chargée d'oxygène dissous et, en se mélangeant intimement avec le sarcode, sert de véhicule à l’oxydation physiolo- gique. La vacuole contractile se rattache à cette fonction respira- toire uniquement, comme organe secondaire, évacuant au dehors l’eau ayant perdu son oxygène et devenue impropre à la respiration. Son existence n'est même pas indispensable, comme le prouvent les espèces signalées plus haut, qui en sont dépourvues et chez lesquelles les phénomènes respiratoires doivent cependant s'effectuer tout 1 Des calculs semblables, exécutés sur un exemplaire des cinq espèces sui- vantes, m'ont donné les nombres de secondes que voici, pour le temps employé à l’évacuation par la vacuole d’un volume d’eau égal à celui du corps : Lembus pusillus, 247 8. =, 2 minutes, 27 s., température, 260 Euplotes patella, 856 S. — 14 — 16 — _ 250 Slylonichia pustulala, 1228 s. — 20 — 28 — — 249 — mylilus, 2703 s. = 45 — — — — 189 Paramecium aurelia, 2755 s. = 46 — — — — 270 ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 049 aussi bien, que chez celles où nous voyons les vacuoles se contracter si activement. Cette considération vient donc encore à l'appui de ceux qui ne voient dans les vacuoles pulsatiles que des organes d’excrétion. Cette circulation aquifère diffuse, filtrant constamment à travers la substance du corps des Infusoires et en baignant les parties les plus profondes avec une si grande richesse d’eau, n’a pas lieu de nous surprendre, si nous réfléchissons à la prodigieuse activité phy- siologique, dontjouissent beaucoup d’espècesde ce groupezoologique. Je ne crois pas, en effet, que parmi les êtres obligés de pourvoir à leur nourriture, en la chassant ou en l'attirant à eux par un pro- cédé mécanique quelconque, il en existe qui puissent être comparés à ces Microzoaires, pour leur puissance d'absorption et de multipli- cation. La voracité de certains Infusoires est extraordinaire, et l'on peut leur voir engloutir en très peu de temps des masses alimen- taires dépassant de beaucoup leur volume. Ces aliments sont digérés, élaborés et assimilés aussi rapidement. Quand le milieu est favorable, cette absorption et cette assimilation d'aliments sont à peu près continues et ne s'arrêtent guère que pendant les phases de la division fissipare. Celle-ci, à son tour, est en rapport direct avec l'abondance de nourriture. Pour se procurer cette nourriture, les Infusoires sont en mouvement perpétuel, sans arrêt ni nuit ni jour. Le repos et le sommeil sont des phénomènes inconnus chez eux et, à quelque moment qu'on les observe, on voit toujours leur appareil vibratile alimentaire en mouvement. Avec une semblable activité physio- logique, les échanges de matière et les mouvements moléculaires internes, qui président aux phénomènes d’assimilation et de désassimilation, doivent s’exécuter et se succéder avec une grande rapidité. La circulation aquifère diffuse correspond à cette intensité de vie et facilite sans doute les échanges et les transports de sub- stance, en les entraînant dans son courant. 650 nc E, MAUPAS, Anus. La détermination de la position exacte de l'anus constitue une, des données essentielles de la morphologie des Infusoires. Mal- heureusement, il n'est pas toujours facile de faire cette observa- tion, et il faut la plupart du temps user d'une très grande patience pour y réussir. L'anus, en effet, sauf chez quelques rares espèces, n'est point représenté parjune structure particulière, que l’on puisse apercevoir en tous temps. Chez la grande majorité des Infusoires, iE est constitué par une simple fente dans le tégument. Les bords de cette fente, dépourvus de toute différenciation spéciale, sont siintime- ment rapprochés, et juxtaposés les uns contre les autres, qu'il est impossible d'en distinguer la moindre trace à l’état clos. On ne peut donc déterminer la position de l'anus, que dans le moment où les Infusoires rejettent au dehors leurs fèces. La défécation elle-même s'exécute très rapidement et ne dure qu'un instant. Pour les saisir au moment où ils accomplissent cet acte, il faut compter beaucoup sur le hasard, observer longuement et avec la plus grande patience. De ce concours de difficultés, il résulte que la véritable position de cet orifice n'a pas toujours été bien déterminée, même par les meilleurs auteurs. Je n'ai pas l'intention d'examiner ici toute la série des Ciliés à ce point de vue. Je veux seulement relever une grosse erreur, commise à propos de la famille des Oxytrichidæ. Que l’on consulte Claparède et Lachmann‘; Stein ?; Saville Kent, tous ces auteurs nous disent que l'anus des Oxytrichides est placé sur la face ventrale, à gauche, près de l'insertion des cirres que j'ai dénommés transversaux et que Stein appelait cils anaux (afterwimpern), à cause de ce prétendu voisinage de l'anus. Dans toutes leurs descriptions spéciales, on retrouve partoutla même indi- ‘ Der Organismus, etc., t. I, 1859, p. 85-86 et 107. ? A manual of the Infusoria, 1882, p. 760. 3 Études, etc., 1858, p. 135. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS, 651 cation, Une seule fois Stein, en décrivant Zpiclintes auricularis *, place l’anus à la face dorsale, mais en constatant le fait comme exceptionnel. Cette prétendue exception répondait au contraire à la règle; car chez toutes les Oxytrichides, sans exception je crois, l'anus s’ouvre à la face dorsale. J'ai observé maintes fois la déféca- tion chez Stylonichia pustulata et Stylonichia mytilus et l'ai toujours vue se produire au point marqué par Stein sur ses dessins; mais à la face dorsale et non pas à la face ventrale, Stein aura été trompé par la minceur et la transparence de la région caudale du corps, qui per- mettent de voir au travers de son épaisseur, ce qui se passe sur l’une et l’autre face. L'anus est situé assez près du bord droit de la face dorsale et à la jonction de l'extrémité caudale transparente avec là région opaque et pleine d'ingesta, qui s'étend en avant et occupe toute la partie moyenne du corps. Cette région opaque est toujours plus épaisse et plus ou moins bombée, suivant que ces Infusoires sont plus ou moins bourrés de nourriture. Les ingesta ne pénètrent pas dans la partie caudale transparente. Wrzesniowski? a égale- ment reconnu la position dorsale de l'anus chez ses Oxytricha æruginosa, O. Kessleri et Ürostyla flavicans. Je crois donc pouvoir affirmer que cette situation dorsale de l'anus est générale dans la famille des Oxytrichides. Ge fait est assez important pour la morphologie de ce groupe. La vacuole pulsatile y est également toujours logée dans la paroi dorsale et sur le même côté que l’anus, mais plus ou moins loin en avant. Elle s'ouvre par un pore sur cette même face, ainsi que j'ai pu m'en assurer directement en observant les pulsations de la vacuole de Stylonichia mytilus. Les deux orifices excréteurs, bien qu'assez éloignés l’un de l’autre, appartiennent donc à la même face et à la même région du corps. Cette position dorsale de l’anuset de l’orifice vacuolaire constitue 1 Der Organismus, etc., t. II, 1867, p. 150. 2 Zeit. fur wiss. Zoologie, t. XX, 1870, p. 473 et 481. - Id.,t. XXIX, 1877, p. 276. : | 652 E. MAUPAS. un important caractère distinctif de plus entre les Oxytrichides et les Euplotes. Chez ces dernières, en effet, ces deux orifices s'ouvrent à Ja face ventrale: l'anus au point indiqué par Stein près de la vacuole pulsatile et au-dessous des cirres transversaux ; la vacuole contractile par un pore très développé, sous forme d'un petit mamelon tubuleux chez E'uplotes patella var. eurystomus et Æ. vannus et situé au-dessous des deux derniers cirres transversaux de droite. J'ai observé plusieurs fois la défécation et les pulsations vacuolaires chez ces deux Euplotes, et puis garanlir l'exactitude de la position de ces deux orifices. Placés dans le côté droit du corps, ils se distinguent encore par là des mêmes orifices chez les Oxytrichides, où ils sont logés dans le côté gauche. Nucléus, Nucléole, Stein affirme’ que les Infusoires ciliés, possédant deux ou plu- sieurs nucléus parfaitement distincts et isolés les uns des autres, sont fort nombreux. Il cite comme se trouvant dans ce cas toutes les Oxytrichides, Loxophyllum meleagris, les Amphileptus, Enche- lys gigas, Conchophtirus Steenstrupui, Urostyla grandis et Loxo- des rostrum. Mais Balbiani? a déjà depuis longtemps reconnu que les deux corps nucléaires des Oxytrichides sont réunis par une fine commissure et que, par conséquent, ces Infusoires rentraient dans le groupe des formes à nucléus moniliforme. Stein s'efforce bien de contester l'exactitude des observations de Balbiani ; mais elles ont été confirmées par Butschli * et moi-même j'ai pu en véri- fier l'exactitude sur plusieurs espèces, Je dois faire la même obser- vation pour les Loxophyllum et les Amphileptus, que Balbiani a eu parfaitement raison de classer dans le même groupe des Infusoires à nucléus moniliforme. Ænchelys gigas paraît être une espèce d'une ! Der Organismus, etc., t. II, 1867, p. 62-67. ? Recherches sur les phénomènes sexuels des Infusoires, 1861, p. 43, 5 Studien, etc., 1876, p. 68. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. (LA détermination douteuse et Geza Entz ! lui attribue un nucléus en chapelet. Tout me fait croire qu'il en est de même de Conchophtirus Steenstrupii. Quant à Urostyla grandis, Balbiani ? a constaté tout récemment que ses nombreux nucléus étaient reliés entre eux et affectaient aussi la disposition en chapelet. Reste donc Zoxodes ros- trum seul, chez qui ni Balbiani ni Butschli n'ont pu découvrir la moindre trace de commissures entre les noyaux. Mes observations personnelles sont complètement d'accord avec celles de ces deux observateurs, et je crois pouvoir affirmer, en toute certitude, que la figure et la description publiées par Wrzesniowski* sont erronées, Ces espèces nombreuses, soi-disant multinucléées, se réduisent donc, après cet examen critique, à une seule qui, de l’aveu de tous les observateurs, possède des nucléus isolés et indépendants. Stein eût pu lui adjoindre les Opalina ranarum, dimidiata et obtriyona, dont l'indépendance des nombreux corps nucléaires a été constatée par tous les observateurs. A ces quatre espèces il faudra dorénavant ajouter les cinq belles formes décrites par moi, sous les noms de Lagynus elongatus, Holophrya oblonga, Holosticha multinucleata, Holosticha Lacazei et Uroleptus roscovianus *. Le grand nombre de leurs corps nucléaires, leur dissémination irrégulière dans toute l'étendue du corps, ne nous permettent pas de croire que ces nom- breux noyaux représentent les articles d’un nucléus en chapelet, dont les commissures auraient été détruites par l’action des réactifs. J'ai recherché ces commissures avec la plus grande attention etn'en ai jamais vu la moindre trace. En outre, il est bien constaté aujour- d'hui que chez toutes les espèces à nucléus moniliforme, les articles du chapelet se réunissent et se condensent en une seule masse, pen- dant les phases de la division fissipare et au début de la conjugaison, \ Ueber einige Infusorien des Salzteiches zu Szamos/falva, 1879, p. 18. 2 Journal de micrographie, 1881, p. 259. 3 Zcil. fur wiss. Zoologie, t. XX, 1370, p. 494, pl. XXII, fig. 25. * On peut encore leur adjoindre Dileplus Margarilifer dont j'ai constaté l’état multinucléé tout récemment, | 654 E. MAUPAS. C'est même en m'appuyant sur ce fait que J'ai-été conduit à consi dérer le nucléus de Gonostomum pediculiforme comme moniliforme. Or j'ai observé Æolophrya oblonga, Lagynus elongatus et Holosticha multinucleata, soiten division fissipare, soit en conjugaison, sans voir la moindre indication d’une fusion et d’une condensation de leurs nombreux noyaux. Ceux-ci restaient irrégulièrement disséminés dans toute l'étendue du corps et ne paraissaient prendre aucune part à ces phénomènes‘, Je n'ai malheureusement pas eu occasion de faire des observations semblables sur Æolosticha Lacazei et sur Uroleptus roscovianus; mais je ne les en crois pas moins multinu- cléés. y ê£ Le nombre des Infusoires ciliés plurinucléés se réduit donc à neuf espèces. Chez chacune de ces espèces, le nombre des noyaux est fort différent et peut même varier beaucoup dans une même espèce, d'un individu à l’autre. Cette variation paraît être en rapport avec la taille, des individus. Ainsi chez Zoxodes rostrum j'ai observé des exemplaires de petite taille avec un seul nucléus, tandis que Balbiani en a compté jusqu'à vingt-six dans les individus les plus grands. De même chez Opalina ranarum, les petits exemplaires au moment de s'enkyster n’ont-plus que quelques noyaux, tandis qu’on en peut compter près d’une centaine sur les individus les plus grands. Les dimensions..des nucléusde Loxodes rostrum, où leur diamètre mesure jusqu’à 0"%,009, sont relativement assez grandes. Chez Æolosticha Lacazeile diamètre est de 0,006, et chez les autres espèces 1l descend jusqu’à 0%",004 et.027,003%: Sur ces neuf espèces plurinucléées, deux seulement, ZLoxodes rostrum et Holosticha Lacazei, sont pourvues de nucléoles. Le pre-. mier Infusoire a chaque nucléus toujours accompagné d’un nucléole , accolé à un point de sa périphérie ; chez le second les nucléoles, beaucoup moins nombreux que les noyaux, sont disséminés irrégu- \ Bursctiur a fait des observations semblables sur Loæxodes rostrum, Loc, cil ;, p. 70, ÉTUDE DES INFÜSOIRES CILIÉS. 655 hèrement au milieu de ces derniers. Je n'ai jamais pu voir la moin- dre trace de nucléole sur les sept autres espèces. On connaissait depuis longtemps déjà dans le groupe des Cyto- zoaires quelques cas de mulliplicité nucléaire, Le nombre de ces cas s'est beaucoup accru dans ces dernières années, et les espèces à noyaux indépendants, en nombre plus ou moins grand, constituent des listes assez longues dans les classes des Rhizopodes, des Hélio- zoaires et des Radiolaires. Afin d’abréger et d'éviter des redites, je renverrai à la belle publication de Bütschli sur les Protozoaires!, où l'on trouvera une énumération complète de toutes les formes mul- tinucléées. IL me suffit d'ajouter que tout récemment encore j'ai pu démontrer? que ZLteberkuehnia, considéré jusqu'ici comme entière- ment dépourvu de nucléus, représentait, au contraire, un des plus beaux exemples de multiplicité nucléaire. — Chez les Histozoaires, également, on observe fréquemment deux ou plusieurs noyaux dans une même cellule. Parmi les nombreux cas que l’on pourrait citer, je rappellerai seulement les suivants : fibres musculaires :striées allongées (Kælliker), fibres musculaires lisses (Remak), Ostéoclastes (Kælliker), cellules de la substance conjonctive (/d.), cellules du sperme {/d.), etc. — Dans le règne végétal les botanistes admet- laient, jusqu'à ces dernières années, qu'une cellule ne contient jamais. qu’un noyau; mais les recherches récentes de Schmitz, de Treub, de Johow, de Berthoid, de Guignard’' et les miennes° ont fait con- naître de nombreux cas de pluralité nucléaire, soit dans des cellules de Thallophytes, soit dans celles de végétaux supérieurs. On peut donc l’affirmer, la multiplicité nucléaire dans un élément histologique distinct est un fait fort répandu dans le monde orga- nique. Quelle est la signification de ce fait et quelle valeur mor- | Protozoa, 1880, p. 108, 281 et 322, 3 Comptes rendus de l’Acad. des sciences, t. XCV, 1889, p. 191. 3 KŒLLIKER, Éléments d'histologie, trad. française, 1868, p. 24, * GuiGnann, Annales des sc, nat. botaniques, 1381; t, XII, p, 56, 5 Comptes rendus de l'Acad. des sciences, t. LXXXIX, 1879, p, 250, 656 E. MAUPAS. phologique doit-on accorder à ces éléments plurinucléés? Faut-il les considérer comme de simples cellules à noyaux multiples, ou bien comme des agrégats de cellules, dans lesquels les corps cel- lulaires seraient confondus en une masse indivise, en un synci- lium pour me servir d’une expression d'Haeckel? Ces noyaux mul- tiples eux-mêmes doivent-ils être considérés comme de véritables noyaux, ou bien comme de simples fragments d’un noyau primitif ? Telles sont les questions que se sont posées les auteurs et qui ont été résolues de diverses manières. Sans vouloir aborder ici, toutes les questions impliquées dans ce problème de morphologie cellulaire, je dirai que je me rallie entière- ment à l'opinion des auteurs, qui considèrent ces corps nucléaires multiples comme de véritables noyaux, et les éléments mstologiques dans lesquels on les observe en plus ou moins grand nombre, comme de simples cellules. L'opposition entre la fragmentation et la division nucléaires n’est pas aussi profonde que Ed. Van Beneden ! et Stras- burger? l'ont affirmé et, comme Johow* l’a très bien établi, il est facile de trouver des formes de passage entre ces deux modes de multiplication nucléaire. Par conséquent, le mode suivant lequel des corps nucléaires se multiplient, ne suffit pas toujours pour déter- miner leur valeur dans la morphologie cellulaire. En outre, pour ne pas nous écarter de nos Infusoires ciliés à noyaux multiples, le mode de multiplication de leurs corps nucléaires n’est encore connu que chez une seule espèce. Je l’ai, en effet, observé chez Opalina ranarum et ai vu les nombreux noyaux de cet Infusoire se préparer à la divi- sion, en s’allongeant d’abord et développant des filaments nucléaires longitudinaux, munis d’un épaississement équatorial*; c'est-à-dire | Bulletin de l'Acad. des sciences de Belgique, 1876, t. XLII, p. 64, ? Botanische Zeitung, t. XXX VIII, 1880, p. 852. 3 Botanische Zeitung, t. XXXIX, 1881, p. 747. Strasburger vient de modifier lui- même dans ce sens sa première manière de voir. (Ueber den Theilungsvorgang der Zellkerne, etc., 1882, p. 98 et suiv.). * Comptes rendus de l’Acad. des sciences, t. XLXXXIX, 1879, p. 250. — BALBIANI, (Journal de micrographie, 1881, p. #60) a confirmé depuis mes observations, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 657 d’après le type que l’on désigne maintenant sous le nom de division indirecte, et que l’on a voulu considérer comme caractéristique de la division nucléaire proprement dite‘, Aucun fait ne nous empêche donc de regarder ces nombreux corps nucléaires comme de vrais noyaux. Quant au corps cellulaire, tous les auteurs, à l'exception d’Haeckel, sont d'accord pour lui accorder la valeur morphologique d'une simple cellule. Cette divergence d'opinion est d'autant plus singulière à noter chez Haeckel* que, en écrivant sa morphologie des Infu- soires, fil prétendait être le véritable fondateur de la théorie unicel- lulaire de ces êtres. Cette prétention était à la vérité fort exagérée, car de nombreux auteurs avaient défendu avant lui cette théorie et en avaient fait connaître tous les éléments. Le célèbre professeur d’Iéna à eu seulement la peine de les réunir; mais en y ajoutant malheureusement quelques erreurs capitales, comme celle dont nous nous occupons en ce moment, erreurs qui compromettent toute sa thèse. Pour Haeckel, le criterium supérieur de l’individualité cellulaire est le noyau. À chaque noyau doit correspondre un orga- nisme élémentaire, et par suite tous les cas dans lesquels nous voyons deux ou plusieurs noyaux réunis dans une seule masse vivante représentent un organisme composé d'autant de cellules qu'il y a de noyaux. Or Haeckel admet comme plurinucléées toutes les mêmes espèces que Stein, énumérées plus haut. Cette manière de voir constitue dans sa théorie une contradiction insoluble et en est le renversement complet. . Mais voæloir faire de l’unité nucléaire le criterium nécessaire de l’individualité cellulaire est une idée complètement inexacte et en désaccord avec de nombreux faits. L'individualité d’un orga- 1 Flemming et Strasburger ont osbervé des faits identiques, le premier dans les cellules plurinucléées de l'épithélium du testicule des Salamandres (Archiv für mikr. Anatomie, t. XVIIT, 1880, p. 189, pl. IX, fig. 49-52), le second sur les nombreux petits noyaux des cellules des Cladophora (Zellbildung und Zelltheilung, 3e édit,, 1880. p. 205, pl. XIIT, fig. 9-19), 3 Zur Morphologie der Infusorien, 1873, p. 40, ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GEN, == 20 SÉRIE, == !T, 1, 1883, 49 658 E. MAUPAS. 1 nisme élémentaire doitse déterminer par tout l’ensemble de son être, par son indépendance fonctionnelle et son isolement des autres orga- nismes. Le noyau ne constitue qu'une faible partie de la masse des corps cellulaires et si, dans la plupart des cas où il est unique, il semble jouer un rôle important dans la division et la multiplication cellulaires, il n’en est plus de même dans les nombreux cas de pluralité nucléaire. Ici, les noyaux et le corps cellulaire sont deve- nus beaucoup plus indépendants les uns des autres, et la cellule se divise et se multiplie, sans que les noyaux sembient prendre la moindre part à ce phénomène capital; tandis que, par contre, les noyaux peuvent se diviser et se multiplier à des époques où le cys- tosome, lui-même, ne montre pas la moindre trace d’un commen- cement de bipartition. Chez les organismes élémentaires multinucléés, la présence de leurs nombreux nucléus ne modifie en rien leur structure et leur consti- tution générale. On ne distingue chez eux aucune différenciation spéciale, aucune localisation fonctionnelle, en rapport avec leur multiplicité nucléaire. Par toutes leurs affinités morphologiques et physiologiques, ils se relient très intimement à des organismes uni- nucléés, qui pour tout le reste leur ressemblent de tout point. L'état plurinucléé ne répond donc pas à un développement spécial, con- stituant un degré d'organisation essentiellement différent. De toutes ces considérations, il résulte simplement qu’à côté des organismes élémentaires uninucléés, la théorie cellulaire devra en admettre également de plurinucléés. L'existence des neuf espèces d’infusoires multinucléés ne doit donc modifier en rien notre conception mor- phologique de ces Cytozoaires et ne constitue nullement une objec- tion contre la théorie de leur unicellularité. La constatation exacte de la présence du nucléole à pris un sens tout nouveau, depuis que Bütschli a jeté une si grande lumière sur la nature de cet organe et nous a débarrassés des rêveries testiculaires, dont on l’enveloppait depuis si longtemps. Cet organe minuscule est souvent assez difficile à mettre en évidence. Aussi a-t-il échappé ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 639 longtemps à l'attention des observateurs. Mais les travaux de Bal- biani, de Stein et de Bütschli ont démontré son existence chez une foule d'espèces, de sorte que le nombre de celles chez lesquelles on n'a pas encore réussi à l’apercevoir va se rétrécissant tous les jours. C'est ainsi que, comme je l’ai dit plus haut (p. 527, note), j'ai pu démontrer avec Bütschli que chez les Stentors, les Spirostomes et Condylostomes, les nucléoles existaient en tout temps et non pas seulement à l’époque de la conjugaison, ainsi que Balbiani l'affirme encore aujourd'hui, sans tenir compte de nos observations. Toutefois, il existe encore un assez bon nombre d’Infusoirés chez lesquels on n’a pu en découvrir la moindre trace, Toutes les espèces de la famille des Opalinides, au nombre d'une trentaine, sont dans ce cas, Aucun observateur n’a signalé chez elles un Corpuscule nucléolaire isolé et indépendant, analogue à celui des autres Ciliés, J'en ai moi-même examiné une dizaine d'espèces avec le plus grand soin, et n'ai pas été plus heureux que les autres. Chose curieuse, on trouve chez quatre ou cinq espèces, à l’intérieur du nucléus, un corpuscule central, qui semble correspondre au nucléole interne des cellules ordinaires. A côté des Gpalinides, il faut encore ranger les sept espèces multinucléées, dont j'ai parlé plus haut, et chez lesquelles je n'ai pu également découvrir aucune trace de nu- cléole. Ces faits, on le voit, déjà assez nombreux, me paraissent mériter toute notre attention, Je ne crois pas qu’on puisse les interpréter par l'insuffisance de nos observations, C'est par centaines et en variant les méthodes dé préparation, que j'ai étudié ZLagynus elongatus et quelques-unes de ces Opalinides, sans jamais y rien découvrir qui rappelât un nucléole, Tout me fait donc croire que nous avons affaire à des formes bien réellement dépourvues de cet organe. Cette absence de nucléole, chez ces espèces multinucléées, devient fort embarrassante, avec les nouvelles théories que Balbiani a publiées tout récemment sur la conjugaison des Ciliés. D'après lui, l’acte essentiel de ce phénomène consisterait dans l'échange réciproque 660 E. MAUPAS. de leur nucléole par les deux conjoints. Mais alors que peuvent bien échanger entre eux les Zagynus elongatus et Holosticha multinucleata, Infusoires sans nucléole, dont j'ai cependant observé de nombreux cas de conjugaison ? Je soumets ce problème à l'attention des futurs observateurs. Chez beaucoup d’Infusoires le nucléole est toujours à l'état d'unité. Chez les Euplotes et les Vorticellides, on n’en trouve jamais qu’un. Mais, comme Bütschli l'a très bien fait observer ?, cette disposition régulière est loin d’être universelle, et il existe aussi beaucoup d'’es- pèces chez lesquelles on trouve des nucléoles en nombre multiple et variable, Aux exemples déjà cités par le savant professeur j'ajouterai les suivants : Tous les auteurs jusqu'ici ont décrit Paramecium aurelia comme ne possédant jamais qu'un nucléole d’assez grande taille et mesu- rant de 0%,005 à 0,008. C'est en effet la forme que l’on rencontre la plus fréquemment. Mais j'ai observé aussi de nombreux individus pourvus de deux nucléoles plus petits et de structure différente de la précédente. Ils étaient de forme sphérique et composés d'un cor- puscule central opaque vivement coloré par les teintures et ne mesurant que 0%%,003 ; enveloppé d’une couche corticale mesurant en diamètre 022,005, claire et ne se colorant pas. Ophryoglena magna a tantôt un, tantôt deux, tantôt enfin trois nucléoles. Acineria incurvata présente la même variabilité et les mêmes nombres. Chez Stylonichia pustulata, on trouve souvent deux nucléoles seulement, dont un accolé à chaque article du nucléus ; mais chez d’autres individus, j'ai trouvé les nombres 3, 4, 5, et 6, \ Pour être absolument exact, je dois reconnaître que dans la partie descriptive de ses nouvelles observations sur la conjugaison, Balbiani déclare formellement (Journal de micrographie, 1882, p. 116 et 159) n’avoir pu constater directement cet échange ; mais cela ne l'empêche pas, dans les longues déductions qui suivent, d'en affirmer la réalité à plusieurs reprises (1bid., p. 267, 320, 380) et d'échafauder toute sa nouvelle théorie sur un fait peut-être probable, mais fort loin d’être démontré positivement. Nous retrouvons là tout entière la même méthode de raisonnement, qui lui a été si funeste dans son fameux mémoire sur les organes sexuels, Studien über die ersten Entwicki., etc., 1876, p, 72, ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 661 répartis entre les deux articles du nucléus, tantôt régulièrement, tantôt irrégulièrement. ÆHolosticha (Amphisia) multiseta possède éga- lement un nombre de nucléoles variables depuis 2 jusqu’à 6. Sty- loplotes appendiculatus a tantôt 2, tantôt 4 nucléoles. Balbiani croyait autrefois, etsemble encore croire aujourd’hui, que chez les espèces à nucléus moniliforme le nombre des nucléoles est en rapport régulier avec celui des articles du nucléus et qu’à chacun de ces derniers est accolé un nucléole. Cette régularité n'existe nul- lement. Ainsi chez Gonostomum pediculiforme, où j'ai vu varier le nombre des articles nucléaires depuis 14 jusqu’à 20, je n'ai jamais trouvé que 2 nucléoles. Chez un ZLoxophyllum meleagris, j'ai compté 21 articles nucléaires et 9 nucléoles seulement. Chez Stentor cæru- leus, j'ai compté les articles du nucléus en nombre variable depuis 4 jusqu’à 20. Le nombre des nucléoles varie également et ne con- corde jamais avec les premiers. À la description de Condylostoma patens (p. 527), J'ai fait voir quelles irrégularités existaient entre le nombre des articles nucléaires et celui des nucléoles, ainsi que dans la distribution de ces derniers. Chez Sptrostomum ambiquum ces irré- gularités sont encore plus marquées. Voici, pour cinq exemplaires, les nombres réciproques d'articles nucléaires et de nucléoles : Nucléus, 37 articles, 6 uucléoles, PEMÉT res 7 _ raser. t 40 #6 ETES" Ses TR PR RC CEE 7 = Cette multiplicité nucléolaire ne dépend nullement de la structure moniliforme des nucléus. En effet, chez Stentor Reæselu, dont le nucléus à l’état normal de repos a la forme d’un long ruban sans aucune trace de division en articles de chapelet, les nucléoles sont fort nombreux et, chez un exemplaire de grande taille, j'en ai compté jusqu'à 28. 662 E, MAUPAS, rec dl. 433 è { EXPLICATION DES PLANCHES. _ Sur toutes les figures les lettres suivantes désignent : a, l'anus ; b, la bouche; n, le nucléus ; n{, le nucléole ; vc, la vacuole contractile. PLANCHE XIX. FiG, 1-6. Colpoda cucullus. — Fig. 1, Un individu rempli de sphères alimentaires, | avec une nouvelle vacuole alimentaire c, au centre. Gross. 420. — 2. Le même individu vu par la face opposée pour faire voir la position du nucléus, du nucléole et de la vacuole contractile. Gross. 420. — 3. Flèches montrant le sens du mouvement de rotation interne de l’endosarc. Gross. 420. — 4, La bouche b, l’æœsophage æ et une vacuole alimentaire ec, en voie de formation. Gross. 4 280. — 5. Un individu vu du côté où se trouve la bouche. Gross. 420. — 6. Un kyste dans lequel un Colpode s’est fissiparé en quatre segments. Gross. 420. 7-14, Colpoda Stieinii, sous ses différentes formes et avec ses dimensions diverses. Gross. 420, 45-19. Cryplochilum nigricans. — Gross. 900. — 16-17, 18. Formes diverses. — 16. Un individu vu par le bord ventral. — 19. Un individu tué par l'alcool pour démontrer l’existence du tégument boursouflé,. 20, Cryptochilum elegans. Gross. 420. 91, 29, Ptychostomum saenuridis. — Gross. 420. — 91.Face ventrale. — 22, Pro- fil de côté. 23,24, Glaucoma scintillans. — Gross. 900. Bouche vue de face et de profil. 25-27, Glaucoma pyriformis. — 25 et 26, Deux individus montrant l’organisa- tion générale et les différences de forme. Gross, 420. — 927, Région buccale à un gross. de 900. 28, 29. Cryplochilum griseolum vu par la face ventrale et par une des faces latérales. Gross. 900. 30, 31. Colpidium colpoda. Bouthe vue de face et de profil. Gross. 900, 32-35. Cryptochilum tortum.— Gross. 580. — 32-34. Faces latérales. — 33. Face ventrale. — 35. Un individu tué par l’alcoo! pour démontrer l’existence du tégument boursouflé. PLANCHE XX, Fi, 1-4. Loxophyllum duplostriatum. — 1 et 3, Deux individus montrant l’orga- nisation générale et les différences extrêmes de taille. Gross. 420. — 2, Nucléus. Gross. 420, — 4, Striation de la face dorsale, Gross. 1280. 5-11. Loæophyllum lamella. — Gross. 420, 12, 13. Ancistrum veneris gallinæ. — Gross, 420. Face ventrale et latérale, 14. Colpidium colpoda. Appendices monstrueux de la face ventrale. Gross. 1280. 15-17. Ancistrum mytili. — Gross. 420. — 15. De côté. — 16, Face dorsale. — 17. Face ventrale. ÉTUDE DES INFUSOIRES CILIÉS. 663 Fire, 18. Paramecium aurelia. — Corpuscules biréfringents de l’endosarc. Gross. 1280; 19. Cryptochilum elegans.— Corpuscules biréfringents de l’endosarc. Gross.1280, 20. Uronema marina. — Corpuscules biréfringents de l’endosarc. Gross. 1280. 21. Euplotes charon. — Corpuscules biréfringents de l’endosare. Gross. 1280, 22-24, Chilodon dubius. — Gross. 400. — 22, Face ventrale. — 93, Face dor- sale, — 24. Trichocystes (?). 25-27. Lagynus crassicollis. — 95. Un individu avalant un Uronema marina. Gross. 300. — 26, Un autre individu montrant l’organisation générale. Gross. 300. — 27, Tégument. Gross. 1280. 27-30, Acineria incurvata. — 97, Tégument. Gross. 1280, — 28. Un individu avalant un Uronema marina. — 99 et 30, Deux exemplaires vus par les faces ventrale et dorsale. Gross, 420. PLANCHE XXI, Fic. 4, 2. Holophrya oblonga. — Gross. 420. — 1. Un individu traité par les réactifs pour faire voir les nucléus. — 2, Individu à l’état normal. 3-5. Lagynus elongatus. — 3 et 4. Deux exemplaires de formes différentes. Gross. 420. — 5. Région antérieure du corps traitée par les réactifs pour faire voir les nucléus et les trichocystes, Gross. 1280. 6-8. Lacrymaria coronala. — 6. Région antérieure du corps. Gross. 1280. — 7. Individu contracté. — 8. Individu à l’état normal. Gross. 420. 9-12. Ophryoglena magna. — 9. Individu montrant l’organisation générale. Gross.1220. — 10. Bouche. Gross. 1280. — 11. Trichocystes. Gross, 1280. — 12. Nucléus et nucléoles. Gross. 420, 13. Nassula oblonga. — Gross. 580. 14, 15. Paramecium aurelia. — 14. Bouche, œsophage et vacuole digestive (a) fortement grossis. — 15. Trichocysies. Gross. 1280. PLANCHE XXII, Fic. 1-7. Condylostoma patens. — 1 et 2. Le même exemplaire vu par la face ven- trale et la face dorsale. Gross. 310. — 3 et 4. Deux phases de la divi- sion fissipare. Gross. 220. — 5 et 6. Le tégument de face et en coupe. Gross. 1 280. — 7. Fibrille contractile et cils vibratiles. Gross. 1280. 8, 9. Cryptochilum echini. — Gross. 420. 10, Stylonichia mylilus. — Tégument. Gross. 1280. PLANCHE XXIII Fi. 1-4. Holosticha multinucleata. — Gross. 420. —1. Face ventrale, — 2. Face dor- sale, — 3. De profil. — 4. Individu traité par les réactifs pour faire voir les nucléus. 5-8. Holosticha Lacazei. — 5. Face ventrale, Gross. 420. — 6. Individu traité par les réactifs pour montrer les nucléus. Gross. 420. — 7. Coupe du tégument. Gross. 1280. — 8. Nucléus et nucléoles. Gross. 1280. 664 E. MAUPAS. Fig. 9, 10. Euplotes palella var. euryslomus. Deux cirres transversaux pour mon- trer leur structure fibrillaire. Gross. 1280. 11. Trois cellules vibratiles des fosses nasales de l’homme isolées dans le “iquide du Coryza et sur deux desquelles les cils se sont transformés en de véritables cirres. Gross, 900. PLANCHE XXIV. Fig. 1-5. Uroleptus roscovianus.— Gross. 420. — 1. Face ventrale. — 2. Face dor- sale, — 3, De profil. — 4. Un exemplaire traité par les réactifs pour montrer les nucléus. — 5, Nucléus. Gross. 1980. 6, 7. Aclinotricha saltans. — Gross. 580. De face et de profil. 8-13. Gonostomum pediculiforme. — Gross. 420. Nucléus d’un individu en voie de se fissiparer. — 9, 10 et 13. Individus mutilés. — 41 et 12. Forme normale vue par la face ventrale et la face dorsale. 15, 16. Peritromus Emmæ. Gross. 420. — 14 et 16. Faces ventrale et dorsale, — 15. Individu contracté. nt mé tre rare mr MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES PREMIER MÉMOIRE ANATOMIE DE L'ARROSOIR (ASPERGILLUM DICHOTOMUM, L. REEVE) PAR HENRI pe LACAZE-DUTHIERS Membre de l’Institut. On se procure assez difficilement l'animal de l’ASPERGILLUM. Cependant, chez les naturalistes de profession, la coquille des es- pèces de Java n’est pas d’un prix très élevé, ce qui permet de sup- poser que ce mollusque ne doit pas être rare dans la mer des Indes. Il en est tout autrement de l'espèce à manchettes de la mer Rouge, elle paraît plus rare dans le commerce, à Paris du moins. Il faut probablement rapporter à la difficulté de se procurer cet animal la cause de l'insuffisance des renseignements qu'on trouve sur Jui dans la science. Lorsque j'occupais la chaire de malacologie du Muséum, j'avais commencé un travail anatomique sur ce type assurément fort curieux. Depuis cette époque déjà éloignée, je me suis fréquemment servi dans mon enseignement de la Sorbonne des données que j'avais recucillies et des dessins que j'avais faits, alors que je pouvais dis- poser d'une collection dont les richesses permettent de faire tant de recherches utiles et importantes, Plusieurs personnes ayant suivi mes 666 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. cours m'ont engagé à publier les matériaux dont j'avais fait la base des comparaisons morphologiques destinées à établir nettement le type acéphale. Mais j'avais besoin pour faire une telle publication, ayant encore quelques points à éclaircir, de me procurer un ou plusieurs échan- tillons. N'ayant plus à ma disposition les riches collections que j'avais autrefois dirigées, j'ai eu beaucoup de peine à trouver ce qui m'était nécessaire. Lors de mes premières recherches au Muséum, je n’avais pas voulu. trop entamer les doubles, de la collection dans lesquels il restait encore plusieurs exemplaires, et je n'avais employé à mes études qu'un seul individu. A la Sorbonne, j'ai été assez heureux, alors que je développais dans mon cours l’histoire des mollusques, d’avoir pour auditeur un malacologiste bien connu, qui m'apporta discrètement chez moi, sans même laisser son nom, que je connus plus tard, un animal de l'Arrosoir à manchettes, ce dont je ne saurais trop le remercier. Son procédé était d'autant plus délicat et me touchait d'autant plus que dans certaines circonstances je lui avais adressé des critiques, peut- être un peu vives, et qu'après avoir été mieux éclairé j'ai dû re- gretter. Comme je ne devais plus songer à demander communication des objets qui m'étaient nécessaires ailleurs que chez les naturalistes commerçants, j'ai dû faire des acquisitions qui m'ont permis de compléter quelques-unes des lacunes que présentaient mes pre- mières recherches. Ces conditions défavorables expliquent et les retards apportés à ma publication et les quelques points obscurs qu’on y rencontrera encore. | | Je signalerai les lacunes qui se présenteront ; d'heureux voya- geurs les comblerapt peut-être un jour, mais il leur faudra pour cela trouver une localité où l’Arrosoir ne soit pas rare. Dans les mers de Java, certainement, si l’on juge d’après le nombre des coquilles MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 667 apportées de ces parages, on devra espérer de trouver l'animal inté- ressant qui va nous occuper. J'avais oui dire par des naturalistes voyageurs que l’Arrosoir de la mer Rouge était facile à se procurer lorsqu’à marée basse on fouillait autour des touffes de polypiers émergeant de la grève. J'ai donné ces renseignements à des personnes qui sont allées en Égypte et à Aden. Elles n'ont pas même pu se procurer la coquille en la demandant aux indigènes, qui apportent cependant des coquillages variés pour les vendre aux voyageurs. On comprendra, dès lors, combien l'individu qui, après une lecon, m'avait été apporté, fut pour moi utile, et combien la sur- prise que m'avait ménagée M. le docteur Fischer, l’habile malacolo- giste bien connu du monde savant, me fut agréable. C'est aussi avec le plus vif plaisir que je lui adresse mes remerciements bien sincères. Les espèces que j'ai eues à ma disposition et que j'ai trouvées à la Sorbonne ou dans le commerce, sont : Aspergillum annulosum, n° 1. L.Reeve. Singapore. Coquille. A. vaginiferum, n° 2........ L. Reeve. Mer Rouge, Animal et coquille. A. javanum, n° 3....,...... L.Reeve. Java. Coquille. A. dichotomum, n° 9.,.... .. L.Reeve. Singapore, Animal et coquille, À. pulchrum, n° 13 ..... .... L.Reeve. Singapore. Coquille, Il Il n’est pas utile de reprendre ici tout l'historique des opinions diverses qui ont eu cours sur l'être singulier objet de ce travail ; ïl suffira de citer quelques-uns de ses noms : Phallus marinus, ou bien encore Serpula penis, pour montrer quelles idées fausses avaient été suggérées par son apparence extérieure, De Roissy fut le premier qui eut sur lui quelque idée juste, non qu'il eût vu l'animal, mais sans doute parce que, bon observateur des coquilles, il avait remarqué les petites valves qu’on aperçoit sur un point du tube dans le voisinage de la pomme. 668 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, Ce fut Ruppel qui, dans son Voyage d'Abyssinie, définit justement l'animal et le rapprocha, sans laisser de doute, du groupe des bivalves. Tout ce qui se trouve dans la science et est répété dans les ou- vrages classiques est un résumé des études de Ruppel, qui, en déter- minant avec précision la nature de quelques-uns des organes : bran- chie, manteau, etc., montra bien clairement que l’Arrosoir à manchettes était un acéphale ; mais qui laissa aussi sur bien des points des incertitudes, comme il fit quelques erreurs. La coquille et surtout le disque qui lui a valu son nom ont été bien décrits par les conchyliologistes. Nous n’essayerions pas de re- prendre ces descriptions s’il n’était nécessaire de mieux définir quelques parties dont l’origine et la structure devront être discutées. Ainsi, il ne me semble pas douteux que la coquille puisse être par- tagée en deux portions bien distinctes : la vraie coquille et la fausse coquille, Gette distinction paraît avoir été reconnue par de Lamarck, sans qu'elle ait été suffisamment motivée par lui. On doit appeler vraie coquille non seulement les deux petites valves d’un blanc nacré très caractéristique qu'on aperçoit vers l’un des points tout voisins de la pomme de l’Arrosoir, mais encore cette zone ou partie entourant les valves, toujours plus ou moins déprimée, que limitent ou traversent des lignes concentriques semblables, si l'on pose l’Arrosoir horizontalement, à une selle dont les ailes latérales descendent sur les côtés, sans se rejoindre sur la face inférieure. Les deux petites valves primitives bâillent presque autant que si, étant libres et ouvertes, elles eussent été appliquées par leur face interne sur un plan horizontal. Chose remarquable, quelle que soit la taille des individus, elles n'offrent que de très légères différences dans leur grandeur, ce qui conduit à admettre que dans l'existence de l’Arrosoir il a dû y avoir au moins deux périodes bien distinctes, séparées par un arrêt du développement de quelques parties. Certainement, à une époque, le corps de l’animal a pu d’abord être MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 669 enfermé entre ses deux valves qui, à ce moment aussi, étaient mo- biles; mais plus tard, pendant une période d’accroissement rapide, les valves ont dû être insuffisantes, et alors a commencé la produc- tion du tube que je considère comme une fausse coquille. Mais, dans cette période d’accroissement et de transition d’une coquille à valves mobiles à une coquille à valves immobiles, laccrois- sement a dû surtout se produire d’arrière en avant, et les lignes qui lui correspondent en se portant en avant et s’allongeant de plus en plus ont-elles déterminé et limité la figure en forme de selle. L’Arrosoir à manchettes agglutine beaucoup de corps étrangers, mais jamais on n’en trouve sur la face de sa petite coquille dont les valves toujours fort nettes restent brillantes et nacrées.— On ne voit pas non plus de corps étrangers, grains de sable, ou coquilles de fora minifères, se fixer sur la zone comparable extérieurement à la selle. Un échantillon de cette espèce que j'ai entre les mains est remar- quable à ce point de vue; tandis que dans toute son étendue il est couvert de grains de sable, de débris divers, la zone de la vraie coquille est absolument lisse et nue ; évidemment il y a entre ces parties des différences réelles d’origine. Il ne faudrait pas cependant croire que dans l'intérieur de la co- quille on retrouvera les contours de la zone en forme de selle exac- tement semblables à ceux qui se dessinent à l'extérieur. Si l’on interpose un Arrosoir entre l’œil et une source de lumière, une lampe par exemple, si surtout l’on place l’objet tout près du bord de l’abat-jour, on remarque que la ligne supérieure qui va des- siner la selle sur les deux côtés se prolonge en remontant d'abord vers la pomme d’arrosoir, puis s’avance en avant, sans toutefois rencontrer celle du côté opposé, revient en arrière après s’être portée en bas pour se confondre avec celle du côté opposé, en arrière, tout à fait sur la ligne médiane, au-dessous de la petite coquille. Nous verrons, en étudiant l’animal, que cette ligne intérieure a des relations avec l'enveloppe chitineuse qui recouvre le manteau, Sur les espèces de Java et de Singapore la ligne descend peu au 670 HENRI DE LACAZE-DÜTHIERS. dessous des deux valves; sur celle de la mer Rouge, au contraire, elle arrive assez bas, dans une étendue certainement double de la hauteur de la zone :de la vraie coquille. Mais il y a des distinctions à établir. Tantôt la coquille, considérée dans son ensemble, est conique à partir de la base représentée par la pomme d'arrosoir, et le diamètre diminue insensiblement jusque vers l’orifice terminal; tantôt dans quelques échantillons on observe qu'au-dessous des petites valves elle se renfle, puis se rétrécit brusquement à une distance à peu près égale à celle qui sépare les valves du bord du disque. Alors elle devient pyriforme. ; Lorsque cette forme se présente, on remarque que les extrémités inférieures des valves se confondent avec le bas de la limite infé- rieure de la zone coquillière, tandis que lorsque la coquille est fran- chement conique, sans présenter de renfiement basilaire, les valves occupent le milieu de la hauteur de la surface en forme de selle, Y'a-t-il là un caractère ayant une valeur spécifique ? On verra plus loin que cette manière de voir concorde avec les caractères qu offrent les tubes périphériques de la couronne. Dans un article sur le sujet et qui date de longtemps, Deshayes a cherché à prouver que la présence d’une fente sur le milieu du disque ou de la pomme est caractéristique du genre Arrosoir ; aussi demande-t-il que cette fente soit montrée dans les cas douteux où l’on a cru avoir rencontré l’Aspergillum à l’état fossile. Gette opinion est trop absolue, car il est des cas où l’on devine plutôt la fente qui a disparu avec l’âge qu'on ne la voit. Le disque est bombhé, et criblé de trous dont les bords s'élèvent en formant de petits tubes coniques saillants. Ces trous ne sont pas disposés dans un ordre qui puisse être considéré comme constant, Is sont bien plus nombreux dans l'A. avanum que dans l'A. vagi- niferum. Gela tient sans doute à ce qu'ils sont plus petits dans le premier, .mais ils sont vers le milieu un peu moins nombreux, et ils laissent dans beaucoup d'échantillons qui semblent les moins fré- MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 671 quents un petit espace central, sans perforation, au milieu duquel se trouve la fente en boutonnière dont les lèvres s’inclinent et ren- trent en dedans. Ce caractère est surtout bien évident sur le disque de l'A. dichotomum. | | Cette disposition d'un espace non perforé, entourant la fente du disque, n’est pas à beaucoup près aussi fréquente que celle où les pores arrivent au contact des lèvres de l'ouverture même. La fente centrale du disque paraît beaucoup plus souvent con- servée dans les Aspergillum des Javanais ou de Singapore que dans celui de la mer Rouge. Dans celui-ci on reconnaît bien sur le milieu du disque qu'il a dû y avoir une fente, surtout quand les deux lèvres portent de petits pores tuberculeux que leur soudure a rapprochés en les courbant les uns vers les autres. Je n'ai pas vu un Arrosoir à manchettes dont la fente discoïdale ne füt oblitérée. Sur les coquilles pyriformes les petits tubes de la pomme sont moins serrés et moins nombreux que sur les coniques. Quant aux tubes marginaux de la couronne, ils présentent des différences notables dans les espèces que j'ai observées. Dans quelques-uns des Arrosoirs javanais ils sont fort petits, ac- colés et soudés dans une grande étendue, aussi forment-ils comme une sorte de membrane tubulaire (A. annulosum) qui se prolonge quelquefois d’une longueur égale à l'étendue du diamètre du disque. Ils se bifurquent alors très près de leur naissance et quelquefois avant d'arriver à leur extrémité. Lorsque la coquille est pyriforme (A. dichotomum), ils sont plus libres et moins régulièrement compris dans un même plan. Ils sont aussi plus gros, et leur bifurcation se renouvelle assez loin de la cou- ronne. C’est surtout dans la coquille franchement conique (A. javanum, À. annulosum, À. pulchrum) qu'ils sont plus serrés, moins bifurqués et qu’ils forment comme une lame arrivant dans quelque cas à être presque horizontale, 672 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. L'inspection seule de ia couronne permet avec ces caractères, sans voir le tube, de reconnaître si la forme est conique ou pyriforme. Bien différentes sont les choses dans l’Arrosoir à manchettes. Les échantillons avec tubes longs à la circonférence doivent être fort rares, s'ils existent. J'ai des exemplaires dont quatre et cinq tubes seulement sont saillants, les autres sont cassés tout près de la cou- ronne et arrondis par leurs bords, ce qui semble indiquer une restauration, Car souvent même quelques-uns sont complètement oblitérés. On ne trouve pas de dessins dans les ouvrages indiquant l'existence des tubes longs sur le disque. Ruppel lui-même, qui a eu les animaux vivants, a donné des figures semblables à celles des individus qu'on trouve dans le ecommerce. Dans l'A. javanum, surtout À. pulchrum, À. annulosum, en regar- dant du côté de l’intérieur la face inférieure du disque, on reconnaît que les tubes de la couronne se partagent tout près de leur naissance. Leurs orifices en ce point sont bien plus grands que vers leurs extrémités. Au contraire, dans À. vaginiferum, si la bifurcation a quelquefois lieu, elle est loin d’être constante ; aussi y a-t-il une grande différence à ce point de vue entre lui et les autres espèces. Les tubes. du bord du disque de l’Arrosoir à manchettes, du moins sur les échantillons que j'ai pu observer, m'ont toujours paru fort courts et à peu près indivis. Ils sont aussi plus ouverts et leur diamètre ainsi que celui des pores de la surface de la pomme sont, absolu- ,ment et relativement parlant, toujours beaucoup plus grands que dans les espèces javanaises. S1 par l’axe antéro-postérieur de l’orifice médian de la couronne on fait passer un plan vertical, dans le plus grand nombre des cas ce plan doit tomber exactement entre les deux petites valves de la coquille et partager ainsi tout le tube et la pomme en deux moitiés égales et semblables. Dans l’Arrosoir pyriforme de Java (A. dichotomum) le plan médian peut faire reconnaître un autre orifice placé sur la face antérieure du tube, semblable à celui du milieu de la couronne, mais dont le grand MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 673 diamètre un peu moindre est longitudinal et dirigé de haut en bas. Je dis dans l’Arrosoir pyriforme, car je l'ai cherché en vain, et je n'ai pu en trouver trace dans ceux ayant la forme conique et dans l’Arrosoir de la mer Rouge. A l’origine cet orifice a sa raison d’être, on le verra plus loin, et s’il n’est pas visible dans les cas particuliers indiqués, c’est que sans aucun doute son oblitération a été plus pré- coce et plus complète chez certains individus. Nous pouvons définir maintenant le plan de symétrie bilatérale de la coquille en indiquant les points par lesquels il passe ; ce sont: 4° le milieu de l’espace séparant les deux crochets des valves ; 2° le milieu de l’orifice médian de la pomme; et 3° le pore antérieur lors- qu'il existe. Pour nous, ce plan est vertical, car nous posons l'animal ainsi : en haut le disque de la pomme et en arrière les deux valves, Dans le cours de ce travail toutes les expressions indiqueront la position des parties d’après cette orientation. III STRUCTURE DE LA COQUILLE, Il eût été peut-être préférable d'exposer la structure de la coquille après avoir étudié le manteau ; mais les faits que l’on verra plus loin seront facilement interprétés et viendront compléter ce qui, en ce moment, pourra paraître indécis. Ce quil fallait d'abord établir, c'était la différence qui existait dans la structure des deux parties que nous avons nommées la vraie et la fausse coquille. La vraie coquille ne fait de doute à aucun point de vue, elle cor- respond aux deux petites valves, et je crois aussi aux zones qui sem- blent s'être étendues au-delà de la limite de celles-ci. En dehors de cette portion, tout le disque de la pomme, tout le tube en avant entre les deux ailes de la figure en forme de selle et ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN, = 2€ SÉRIE, — T, 1. 1883, 45 > 674 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. en bas sont des parties adventices qui semblent ne pas devoir être comprises dans ce qu'il est juste d'appeler la rare coquille. Sur les coupes de la fausse coquille faites en différentes parties de la hauteur du tube, on observe des différences très marquées. Dans la partie terminale ou inférieure le tissu calcaire est assez compact et composé de lames déposées de dedans en dehors et se séparant avec une trop grande facilité, lorsque les coupes deviennent très minces, pour arriver à des préparations irréprochables dans une section perpendiculaire à l'axe vertical. Les lamelles, en se désunis- sant les unes les autres, se partagent ! de loin en loin et prennent l'apparence de fuseaux courbes et concentriques sur lesquels, avec un grossissement de 500 diamètres, on voit de nombreuses stries perpendiculaires à la surface de la coquille. Les deux surfaces, l’in- terne et l’externe, sont également lisses et ne présentent point les particularités que nous allons rencontrer plus haut au voisinage de la partie dorsale. Il ne m'a jamais été possible, malgré les soins les plus minutieux, de pouvoir obtenir une coupe circulaire comprenant la totalité du tube, tant les couches se séparent facilement à cause de leur fragilité. Au voisinage de la partie vraie en avant et au pourtour de l’ori- fice antérieur, sans remonter jusqu'au disque de la pomme et en descendant en arrière jusque vers le tiers inférieur de la hauteur, la face interne offre sous la loupe une apparence ou très finement pointillée ou très délicatement granulée. Il sera bien plus facile de limiter l'étendue de cette partie offrant cet aspect particulier quand nous connaîtrons le manteau. Cette apparence tient à ce que la sur- face est : tantôt hérissée d’une forêt d’épines ou aiguilles coniques et acérées?, tantôt recouverte de petites sphères * formées elles-mêmes de spinules très délicates et agglomérées. Si l’on examine dans une coupe fort mince les parties offrant ces 1 Voir pl, XXIX, fig. 3. 2 Voir pl, XX V, fig. 7. Coupe de la fausse coquille, Faible grossissement, 3 Voirid., fig. 10 et 41, MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 675 Caractères, on voit ‘ que, suivant son épaisseur, la coupe est partagée par des stries parallèles à ses bords indiquant des zones d’accroisse- ment, mais aussi par des lignes * perpendiculaires qui paraissent irrégulières et comme formées de particules plus foncées que l'élément transparent constituant la plus grande partie de la co- quille. Ces traînées, plus obscures, correspondent aux limites de la base des spinules : aussi faut-il les considérer comme le résultat du dépôt des couches d’accroissement vers la base des spicules qui ont été englobées dans la stratification des couches déposées. En outre, ces pointes ne sont pas entièrement lisses, et le plus souvent elles portent de très petites aspérités, conséquence de leur mode d’ac- croissement, et ce sont ces aspérités réfractant différemment la lumière qui contribuent, surtout vers la base, à produire l'apparence des stries perpendiculaires à la coupe. Dans le cas où la surface est semée de sphérules composées de spinules, on voit aussi, sur les coupes, des stries perpendiculaires’, partant de même des limites extérieures de ces sphérules et se pro- longeant dans toute l'épaisseur. | En considérant la surface interne soit sur une coupe faite tangen- tiellement à la surface, soit simplement sur un éclat causé par une fracture, on voit, en faisant varier la distance focale des objectifs, que les sphérules sont formées d’éléments cristallins, véritables baguettes produites par un dépôt affectant la forme aciculaire et rayonnant du centre de la masse arrondie *. ÿ Mais on voit encore en descendant l'objectif jusqu’au niveau de la base de la sphérule que les parties intermédiaires aux globules sont couvertes de fines aspérités ‘, résultant également d’un dépôt irrégu- lier de particules calcaires et cristallines, dont la base est empâtée dans le Lissu commun. 1 Voir pl, XXV, fig. 8, de (a) en (b) limites, (c), (d) les zones, 2 Voir.id,, id, (e). ë Voir id, fig, 9, {4 Voir id., fig, 10 et 41 (s), (s). b Voir id., id, (s'), 676 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Enfin, en dépassant cette surface, le champ paraît couvert d’un réseau de lignes larges, obscures et à bords irréguliers’. Prises isolément et observées à un fort grossissement, ces bandes sem- blent être des espaces remplis de granulations délicates analogues à celles qu’on vient de voir perpendiculaires à l’axe de la coquille. Ce réseau correspond aux contours des bases des différents élé- ments saillants, épines ou sphérules de la face interne, enfouis sous les couches d’accroissement, aussi, sur les coupes non tan- gentielles, ces limites des bases des spinules se présentent en lignes indépendantes perpendiculaires aux surfaces et non en réseaux anastomosés. On peut conclure de ces faits, très faciles à constater dans les Ar- rosoirs des mers de la Sonde, que la sécrétion de la fausse coquille et son mode d’accroissement dépendent d’un dépôt de particules cristallines, produisant des sphérules lorsqu'il est lent et des ai- guilles quand il est rapide. Dans la vraie coquille la structure présente des différences remar- quables, confirmant la distinction qu'il s’agit de prouver. Il ne m'a pas été possible d’avoir d'échantillons de fort petite taille sur lesquels il eût été, sans aucun doute, très intéressant de recon- naître tous les passages entre la coquille très jeune et la coquille telle que l’on peut se la procurer. Je n’en ai pas trouvé dans le commerce. Mais on comprend très bien que l'adulte a dû différer beaucoup du jeune. | Une coupe, passant à peu près vers la hauteur des crochets de la petite coquille, et perpendiculaire à la fois à l’axe et au plan de symétrie bilatérale de l’Arrosoir?, est assez difficile à bien réussir. Les essais répétés sont coûteux, car il faut sacrifier un échantillon pour tomber juste sur le milieu de la hauteur des deux valves. Aussi ne peut-on les répéter beaucoup, Sur mes meilleures préparations je n'ai pu reconnaître aucune trace de la séparation primitive des deux 1 Voir pl, XXV, fig, 114, (r), (r'}. ? Voir id,, fig. 8, MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 677 valves, Je n’ai pas pu davantage obtenir une préparation sur laquelle il fût possible de voir un indice quelconque, rappelant la présence du ligament, qui cependant a dû exister autrefois. La partie intermédiaire aux deux valves s’avance en dedans comme un talon et forme un croissant (voir pl. XXV, fig. 3) à concavité exté- rieure et postérieure, intérieurement elle produit une arête mousse impaire, médiane, appréciable du reste sur la face interne de la co- quille, tandis qu'à l'extérieur elle se traduit par un sillon (4) qui sépare les deux crochets des valves. C'est de chaque côté de ce sillon postérieur que l'épaisseur de la coquille est la plus considérable. Voici ce qu'on remarque sur une coupe, tombant à peu près sur les deux crochets : Sur la partie médiane, des lignes concentriques, délicates et pa- rallèles aux bords de la préparation, indiquent sans aucun doute des couches répondant à des périodes d’accroissement. Ces lignes sont coupées par des stries perpendiculaires rappelant celles qui se trouvent sur la fausse coquille; aucune d'elles, par ses proportions et sa position, ne permet de penser qu'elle représente la séparation primitive des deux valves. Ces deux parties symétriques correspondant au ventre (wmbo) de la coquille, dans l'A. dichotomum, dont il est ici question, présen- tent, au milieu de leur plus grande épaisseur, une cavité vers laquelle rayonnent les éléments constitutifs, très différents de forme du côté interne et du côté externe !. Ces éléments sont, en arrière et en dehors, des baguettes pressées les unes contre les autres et terminées par un cône? dont le som- met, hérissé de fines pointes irrégulières, est libre et saillant dans la cavité *. | Du côté interne, de grosses masses cristallines, prismatiques, à 1 Voir pl, XXV, fig. 3 (g). 2 Voir id. fig. 6. 8 Voir jd., id, 4 (g}, 678 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. pans coupés, réfractant fortement la lumière, semblent empilées les unes sur les autres et ont, quelques-unes du moins, leurs sommets anguleux libres et faisant saillie dans l’espace vide central comme autant de sommets de pyramides. En dehors comme en dedans, à mesure que l'on s'éloigne de la cavité, les gros prismes et les baguettes à pointes coniques devien- nent de moins en moins distincts et se confondent surtout à leur base. Aussi, lorsqu'on arrive tout près de la surface, on voit des cou- ches perpendiculaires aux axes de ces éléments et, par conséquent, parallèles aux deux surfaces de la coquille, remplacer, en les faisant disparaître, les origines externes de ces prismes. Ici, l’on retrouve incontestablement les éléments prismatiques, semblables à ceux que l’on sait exister dans la coquille des acéphales lamellibranches. Il y a donc analogie très grande entre la structure de la partie qui nous occupe et la structure des coquilles des acé- phales ordinaires. Pour ne pas étendre ce travail, je ne dois pas en ce moment établir des comparaisons plus nombreuses; la distinction en vraie et fausse coquille, présentée plus haut, se trouve d’ailleurs, par ce qui précède, suffisamment justifiée. La cavité de la partie vraie est fort limitée, elle occupe le centre de la portion la plus épaisse ou ventre de la coquille, et ne se pro- longe pas dans les lames minces qui s'étendent des deux côtés et se rejoignent en avant pour fermer le tube. Mais sur le bord intérieur de ces lames, dans l'étendue de l’espace couvert de lignes concen- triques et parallèles aux bords des petites valves, on trouve encore des rangées de ces corps fortement réfringents, prismatiques, à base appuyée sur la face interne et à angles ou sommets dirigés vers l’ex- térieur". Ces corps prismatiques de la paroi de la cavité, rappelant des sommets de pyramides quadrangulaires ou triangulaires, ne sem- blent pas se trouver ailleurs que dans la zone que j'appelle la vraie 1 Voir pl. XXV, fig. 3 et 5 (e) (e). MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 67) coquille. Faut-il les considérer comme caractérisant cette partie ? Je le crois, mais j'aurais désiré faire un plus grand nombre de coupes avec des échantillons variés, afin de donner plus de détails et figurer des variétés de structure. Dans l’Arrosoir à manchettes, on retrouve cette disposition, moins cependant la cavité; les éléments sont aussi moins grands, car, toute proportion gardée, la coquille vraie a bien moins d'épaisseur dans cette espèce, dont la taille est cependant bien plus considérable. Comment expliquer la présence de cet espace vide? D'abord, j'avais craint que les prismes et les cônes qui sont irès fragiles n’eussent été cassés par les frottements répétés et assez vifs que nécessitent l'usure et le polissage des lames minces. Cette supposition n’est pas soutenable, car sur des lames encore épaisses on reconnaît, dans le milieu, et profondément, le vide et les pointes ou aspérités des extrémités libres des cônes et des pyramides; d’ailleurs, on ne voit point de cassures. Faut-il admettre deux périodes différentes pour le dépôt intérieur de la coquille, et des moments où l’activité plus grande donnerait naissance à un accroissement plus rapide des baguettes calcaires, de formes et de grandeurs variées ? Peut-être, après avoir pris connaissance du manteau, sera-t-il possible de donner l'explication de ces suppositions. Pour terminer ce qui a trait à la coquille, une question se pose : elle n’est pas facile à résoudre. A la face interne des coquilles des acéphales, on trouve des lignes et des dépressions plus ou moins profondes, destinées à donner attache aux muscles, Ces impressions musculaires et palléales, comme on les nomme, ont-elles leurs représentants dans l’Arrosoir ? Les homologies sont bien difficiles à reconnaître quand il s’agit d'un animal aussi déformé, et dont une partie du corps s’est déme- surément étendue, l’autre restant pour ainsi dire stationnaire. 680 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. On verra plus loin qu'il n’est pas facile de trouver exactement les homologies des muscles adducteurs de la coquille. Les valves, de- venues immobiles, n'ayant plus aucun jeu, ne nécessitent pas d'organes actifs. D'un autre côté, le tube palléal ayant pris une importance énorme, il est difficile de retrouver les paquets museu- laires, homologues à ceux des acéphales réguliers. Nous nous contenterons pour le moment de dire que la ligne limitant la figure en forme de selle nous parait correspondre à l’im- pression musculaire palléale circulaire, qui suit à l’intérieur le bord de la coquille. On sait que, lorsque le manteau prend un développement considé- rable, les faisceaux musculaires prennent eux aussi plus d'impor- tance, et que les impressions dans lesquelles ils s’attachent se creu- sent et s’élargissent davantage. Ici, il en est de même, et si, considérant une coquille d’Arrosoir dont la partie antérieure a été enlevée avec soin, on cherche à se rendre compte de l’aspect de la surface de la zone enfermée dans la ligne limitant la selle, on observe que des saillies et des rugosités sont symétriquement rangées des deux côtés d’une crête postérieure et verticale, séparant les deux valves, dont les creux sont parfaite- menti reconnaissables. Il est difficile de décrire ces lignes d'insertion des muscles; cela parce qu'elles sont variables dans les différents individus par leur profondeur et peut-être aussi un peu par les variations des in- flexions qu’elles présentent. Nous reviendrons sur elles plus tard. IV DU MANTEAU. Pour avoir l'animal, il faut nécessairement casser la coquille, car il est impossible de pouvoir faire sortir par l’orifice inférieur un corps conique dont le diamètre de base est plus grand que celui du sommet tronqué, | MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 681 Je me souviens encore de tous les soins que je dus prendre lors- que j'ouvris, pour la première fois, l'Arrosoir unique que j'avais à ma disposition. Guidé par ce que l’on sait exister chez les acéphales, c'est natu- rellement sur le côté opposé aux petites valves que l’on doit com- mencer l'ouverture, et plutôt loin que près de la pomme; car on peut supposer que des adhérences avec la coquille se rencontreront sur la vraie coquille, ainsi qu'autour des deux petits orifices, supé - rieur et antérieur. C'est au-dessous de l’orifice antérieur, quand il existe et surtout au-dessous de la figure en selle et en avant, que l'on doit ouvrir le test de l’Arrosoir. Avec quelques précautions, nécessaires parce qu'il est très fragile, on peut, à l’aide de limes fines et tranchantes, pra - tiquer de loin en loin des entailles, permettant de faire sauter des éclats et d'ouvrir une baie par laquelle on voit l’animal en place. On remarque alors que la coquille et le manteau sont largement séparés, très éloignés, surtout dans la partie antérieure, et qu'il y a une grande différence dans les proportions de l’un et de l’autre. Il est facile encore de voir, lorsque l'ouverture a été suffisamment agrandie, en remontant vers le disque et se tenant au plus près de la ligne médiane antérieure, que le corps de l’animal adhère en arrière au niveau des impressions musculaires, symétriquement placées en dehors et dans le voisinage des petites valves. En tirant sur l'extrémité des tubes inférieurs, on rompt sans difficulté les adhérences, et l’animal peut être extrait de son four- reau parfaitement complet et sans aucune blessure, Quelques régions du corps offrent des différences importantes. En haut un disque, correspondant à la face interne de la pomme de la coquille, termine la masse cylindro-conique, représentant Panimal'. En arrière et au-dessus de ce disque, s’avançant sur les côtés, on L Voir pl. XXV, fig. 1 et 2, 682 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, . remarque une partie rappelant à peu près la figure de la portion de la coquille, comparée à une selle, sa teinte et la nature de ses tissus montrent bien quelle différence elle présente quand on la compare au reste de la surface ‘. Le disque supérieur est incliné et entouré par un bourrelet pres- que complet, mais qui, en avant, s'arrête des deux côtés, laissant une interruption antérieure par laquelle semblent se continuer sur le reste du tube et sa couleur et ses caractères. Il est recouvert d’une couche chitineuse, formant pellicule, qu'il est facile de détacher et d'enlever. Cette pellicule descend entre les deux lobes de la surface postérieure et se continue avec un fourreau de même nature, enve- loppant l'animal dans tout le reste de son étendue. En somme, l’on trouve deux parties distinctes : l’une complète- ment couverte par un revêtement chitineux n'adhérant point à la coquille, l’autre postérieure, très limitée, dont le tissu transparent laisse voir de nombreuses fibres et terminaisons musculaires. Cette dernière partie correspond à la zone de la vraie coquille et lui adhère intimement, elle est l’analogue de la portion du corps des acéphales occupant le fond des crochets, tandis que la première offre la plus grande analogie, par sa teinte et tous ses caractères, avec le revêtement chitineux recouvrant la partie antérieure du manteau entre les deux valves et les siphons chez les Myes et les Lutraires. Cette cuticule brunâtre se détache très facilement du manteau proprement dit, mais elle lui est assez intimement unie au pourtour des deux très petits orifices placés en face de ceux qu'on a vus exister sur la coquille, l’un au milieu du disque supérieur, l’autre sur la face antérieure; enfin elle adhère, en s’arrêtant au pourtour même de la surface postérieure, présentant les terminaisons et les insertions musculaires. Lorsque ce fourreau cuticulaire a été enlevé, l’animal se présente à nu avec sa physionomie propre. 1 Voir pl, XX V, fig. id., id. (e), (e), fig. 1 et 2, et pl, XXVIIL, fig. 4 (M). MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 683 L’extrémité inférieure des tubes a une teinte grisâtre et bistre. Elle doit avoir sur l'animal vivant une apparence tout à fait analogue à celle que présentent les siphons ou tubes respirateurs des lamelli- branches enfermés, les liquides conservateurs la rabougrissent et la contractent fortement, mais on peut encore observer sur elle des taches noirâtres nombreuses, dont la nuance était peut-être diffé- rente sur l’animal vivant, et qui rappellent absolument la livrée de l'extrémité des siphons de quelques acéphales enfermés. Nous verrons que le sommet tronqué du cône tel qu'il est après l'enlèvement de l'enveloppe chitineuse offre le caractère de ces mêmes parties chez les lamellibranches. Mais revenons à l'enveloppe chitineuse, son étude est fort inté- ressante. Dans sa plus grande étendue, cette enveloppe, dont la teinte gé- nérale est d’un brun mêlé de terre de Sienne un peu jaunâtre, est recouverte extérieurement de granulations calcaires très nom- - breuses, fines et serrées. Aussi a-t-elle l'apparence d’une gaine rigide, lisse et non plissée !. Ces granulations commencent au bas de la surface postérieure transparente et musculaire correspondant à la zone de la vraie coquille ; elles remontent, diminuant en nombre, dans l’espace compris entre les deux lobes de la selle pour disparaître complète- ment vers le disque. Enfin elles descendent très bas sur la plus grande étendue du tube. Vers l'extrémité inférieure, les nodules disparaissent, et la couche chitineuse, étant dès lors plus souple, se plisse et suit les ondula- tions des tubes musculaires du manteau. Entre l'extrémité inférieure souple et non revêtue de nodules et la gaine rigide qui reste sans plissement, il existe une partie inter- médiaire dans laquelle les nodules sont moins abondants; aussi 1 Voir pl. XXV, fig. 1 et 2, la partie (b) (6); pl. XX VIII, fig. 4 (T), partie lisse de la tunique; (M) partie musculaire correspondant à la surface en forme de selle. 684 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. voit-on là deux ou trois plis qui limitent et séparent bien nettement les deux parties'. Ces plis remontent en avant et, par conséquent, sont obliques d'arrière en avant et de bas en haut. En regardant l'animal de profil, avant de l'avoir dépouillé de sa gaine, celle-ci se présente comme étant coupée obliquement d’avant en arrière et de haut en bas, suivant la limite qui sépare la partie couverte de grauu- lations calcaires de la partie membraneuse. Les plis remontant d’arrière en avant?et se rencontrant sur la ligne médiane, font un angle fort aigu, sous lequel s'enfonce la par- tie chitineuse non recouverte de nodules solides. La limite supérieure de cette gaine coïncide, sur les côtés et en arrière, avec la limite inférieure de la surface postérieure du corps qu'on à vue être nue et musculaire. Mais, au niveau même de cette limite, se trouve la ligne qui entoure sur la face interne de la coquille la figure en forme de selle. La gaine est tellement unie à cette ligne qu'il est fort difficile de l’en séparer sans produire quelques déchi- rures et sans en laisser des lambeaux attachés à la coquille. On le comprend facilement, cette adhérence se produit à l’aide d’un dépôt de granulations calcaires, dépôt assez abondant pour produire du côté de la coquille une arête saillante à laquelle semble suspendue Ja gaine chitineuse. Toutes les coquilles d’Arrosoir ouvertes pour faire des coupes ont présenté des portions de la gaine suspendues à la limite inférieure de la selle. Ce sont même ces portions toujours brunâtres qui per- mettent de reconnaître la limite de la zone de la vraie coquille quand on examine le tube par transparence à l’aide d’une vive lumière. D’après ce qui précède, on voit qu'il y a une corrélation intime et bien évidente entre la production de la fausse coquille et le déve- loppement de la tunique chitineuse ; aussi semble-t-il difficile de se refuser à admettre que l’une est produite par l’autre, puisqu'on 1 Voir pl. XX V, fig. 1 et 2 (a) (a). ? Voir id., fig. 1 (a) et fig, 2; MORPHOLOGIE DÉS ACÉPHALES. 6es retrouve sur l’une les éléments caractéristiques de Pautre. En effet, si l’on enlève une parcelle de la tunique chitineuse dans l’une des parties où elle est le moins chargée de particules calcaires, on re- connaît, avec des grossissements variés et suffisants, qu’elle est for- mée par un tissu amorphe d’une grande étendue couverte de stries fines, ondulées, semblables à un très fin guillochage et présentant çà et là quelques noyaux et même des apparences de cellules bien franchement nucléées". Si l'enveloppe chitineuse est sécrétée par le manteau, ce qu'il est difficile de ne pas admettre, on comprend que des cellules ou des noyaux de la surface externe de cet organe ont pu être englobés dans les couches de chitine, et qu'’alors on les retrouve dans son épaisseur. Mais ce qu'il importe surtout de faire remarquer, c'est qu'on y rencontre, à tous les états de développement, des no- dules calcaires identiques à ceux qui ont été décrits sur la surface intérieure de la fausse coquille. Or les nodules sont sur la face ex- terne de l’enveloppe chitineuse et ont absolument la même structure que ceux de la face interne de la fausse coquille ; enfin, ces deux surfaces sont l’une et l’autre en relation directe, puisqu'elles arri- vent au contact. On a vu précédemment qu’il était naturel de considérer les aiguilles des sphérules de la fausse coquille comme étant le résultat d'un dépôt représentant une sorte de cristallisation. Une telle opi- nion trouve une facile confirmation, car avec d'assez forts grossisse- ments (500 diamètres) on peut découvrir des nodules commencant à se former et ne présentant qu'une granulation centrale sur laquelle rayonnent en sens inverse deux, trois ou quatre baguettes cris- tallines. Comme il est possible de trouver tous les intermédiaires entre ce premier état du dépôt calcaire et les plus grosses sphérules formées d’acicules rayonnants, serrés et nombreux, on peut légiti- mement en déduire quel a dû être le mode de formation de la fausse 1 Voir pl. XXIX, fig. 1 et 2, 686 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. coquille !, surtout en considérant les rapports intimes des deux faces correspondantes de la coquille et de la tunique. Une observation fort intéressante vient encore confirmer cette opinion. On sait que les Gastrochènes ont une coquille relativement petite et incapable de recouvrir toutes les parties molles de leur corps. On sait encore que, enfermées dans des cavités où elles se meuvent etse retournent librement, elles sécrètent un tube qui, naissant dans la parte inférieure de leur loge, prolonge celle-ci d’une longueur égale à celle de leurs siphons. Comment et par quoi est produit cet allon- gement ? Cet animal vit facilement dans une eau non renouvelée, lorsqu'on le place à l'abri de la lumière vive et qu’on évite l’évaporation. J'ai conservé des individus restant très vivaces, du mois de mai 1883 au mois d'avril 4884, c’est-à-dire pendant onze mois au moins, et à cette époque l'expérience se continuait. Leurs siphons s’étendaient habituellement d’une longueur égale et souvent supérieure à celle de la coquille, et, dans une demi-obscurité et une grande tranquil- lité, on voyait apparaître sur l'extrémité inférieure des siphons un nuage muqueux, d'abord transparent, devenant peu à peu blanchà- tre, opaque, rigide et cassant. Alors, quand, au moindre choc sur la cuvette, la Gastrochène contractait et retirait ses siphons, on pouvait constater qu’elle avait sécrété un véritable tube calcaire, souvent soudé aux parois de la cuvette et représentant très exactement les prolongements qu'elle ajoutait à sa loge. En étudiant au microscope, sous un grossissement suffisant, un lambeau de ce nuage au moment où il commence à devenir blan- châtre, on reconnaît qu'il est couvert de particules calcaires, très déliées, en forme de navettes rappelant tout à fait les otolithes de quelques mollusques‘, En continuant l'expérience, on constate l’au- 1 Voir pl, XXIX, fig: 4, * MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 687 gmentalion progressive du nombre et le rapprochement des aci- cules qui bientôt s’agglomèrent, s'accumulent et finissent par se souder et cesser d’être distincts. Incontestablement, dans la Gastrochène, personne ne considère le prolongement de la loge, où vit enfermé l'animal, comme étant une partie de la vraie coquille. Chez la Clavagelle, l’une des valves se soude aux parois de la cavité et se continue avec la partie du tube re- vêtue d’une couche adventice, absolument comme dans le tube de Ja Gastrochène. Dans ces deux cas n’y a-t-1l pas quelque chose de sem- blable à ce que nous avons reconnu par les études précédentes, et ne peut-on pas supposer avec une grande apparence de raison que lorsque la petite coquille de l’Arrosoir était insuffisante pour rece- voir et enfermer la totalité de sou corps, il s’est produit, sur ses siphons, une sécrétion semblable à celle que nous venons d'indiquer, et qu'ainsi s’est formé le tube de la fausse coquille, comme dans la Clavagelle et la Gastrochène, chez qui se sont produits les prolonge- ments de leurs loges? Cette manière de voir s'est présentée, du reste, à l'esprit de beaucoup de conchyliologistes, mais ils n’en avaient point donné de démonstration. Dans la partie générale de ce travail, l'étude comparative des deux parties du test, la fausse et la vraie coquille, sera étendue à des espèces non moins intéressantes que celles-ci au point de vue mor- phologique. Le manteau, mis à nu dès qu'on a enlevé la tunique, n'offre rien de particulier qui ne soit déjà indiqué et qui ne s’accuse sur la pelli- cule chitineuse moulée sur lui. Il n’est guère possible d'apprécier exactement la couleur des ani- maux vivants par celles que l’on observe sur les échantillons conservés. Cependant les taches brunes, presque noirâtres, dont est surtout couverte l'extrémité des siphons, sont trop évidentes pour ne pas admettre qu'elles l’étaient encore bien davantage pendant la vie, Les orifices du manteau sont au nombre de quatre, On les recon- 68S HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, naît sans difficulté. Deux (voir pl. XXV, fig. 4 et 2) sont fort petits ; il ont la forme de boutonnière et occupent le centre du disque placé sous la pomme d’Arrosoir et le milieu de la face antérieure, à peu près à mi-hauteur de l’espace compris entre les deux lobes de la selle Ces deux petits orifices sont évidemment entourés par des fibres musculaires formant un véritable sphincter et déterminant le bour- relet saillant qu'on voit aussi bien au dedans qu’au dehors. Il ne m'a point paru exister trace d’adhérences entre les lèvres de ces orifices palléaux et les bords ou pertuis qui leur correspondent sur la coquille. Cela se comprend. L'eau s’échappant par les pores de la pomme doit, à un moment, arriver entre le manteau et la coquille. Il faut donc de toute nécessité que l’adhérence n'existe pas. Quant aux orifices d'inspiration et d'expiration !, ils sont grands et se reconnaissent très facilement au sommet du tronc de cône ou extrémité inférieure du corps. Ils sont fortement contractés sur les animaux conservés, et présentent des stries circulaires concentriques dues aux contractures causées par l’alcool. Très épais et musculeux, ils sont entourés par des couronnes de tubercules répondant, sans nul doute, à des séries de tentacules rétractés. [l'est évident d'après ce qu’on peut encore observer chez les animaux conservés que les deux orifices, lorsqu'ils sont bien épanouis sur le vivant, doivent être semblables à ceux que l’on voit si richement colorés et ornés de tentacules si élégants chez les différents acé- phales enfermés. Les deux tubes s'élèvent, séparés par une cloison musculaire, jus» qu’à l'extrémité inférieure de la branchie et à la hauteur de cet organe !, Le manteau ouvert de profil ou de face laisse voir facile- ment (s, p) l'ouverture du tube postérieur et (s, a) l'ouverture du tube antérieur, | Voir pl. XXIX, fig. 5. Ils sont vus de face, Dans les autres figures ils sont vus obliquement, Dans les figures 6 et 7 de la même planche, on voit l’entrée des deux siphons, MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. €89 On voit donc que les deux s'ouvrent, l’un en arrière, l’autre en avant, et qu'il n’y a rien dans cette disposition qui ne soit entière- ment conforme à ce qu'on observe dans les acéphales enfermés. Quelques faits resteraient à indiquer dans l’histoire du manteau ; ils trouveront plus naturellement leur place à propos de l’étude des organes de la respiration et du système nerveux. Une question intéressante se présente. Il importe de la poser. Sans revenir sur la description de la coquille et de ses nombreux orifices formant la pomme et la couronne de l’Arrosoir, n'est-il pas naturel de se demander si le manteau ne présente pas des orifices semblables et correspondants à ceux de la coquille ? La réponse est déjà faite en ce qui concerne les deux orifices supérieur et antérieur, carilest inutile de parler des grands orifices des siphons. Toujours sur le manteau on peut reconnaître avec la dernière facilité l’orifice supé- rieur et l’orifice antérieur. Ils existent, alors même que les orifices correspondants de la coquille sont ou oblitérés ou devenus insuffi- sants. Bien qu'ils soient très petits, extrèmement contractés sur les animaux conservés, et qu'ils ne s’accusent que par la saillie et la disposition de leurs lèvres, on les retrouve sûrement. Ainsi voilà deux orifices fort petits perdant leurs homologues sur la coquille, mais qui persistent et restent parfaitement reconnais- sables. N’est-il pas légitime de penser que, s’il existait sur le disque supé- rieur du manteau autant d'’orifices qu'il s’en trouve sur la partie correspondante de la coquille, on pourrait non les reconnaître tous, du moins en voir quelques-uns. J'avoue même qu'avant d’avoir ex- trait l'animal de sa coquille je m'attendais si bien à rencontrer des tubes membraneux pénétrant dans chacun des canaux de la circon- férence du disque de la pomme, qu’en retirant l’animal j’appliquais tous mes soins à l'enlever sans effort, afin de ne point rompre ces prolongements que j'admettais et supposais exister a priori. Malgré l'attention la plus grande, malgré les coupes faites avec les ARCH. DE ZOO. EXP. ET GÉN.=—= 2€ SÉRIE. — T. 7. 1883 44 690 HENRI DE LACAZE-DUÜTHIERS. soins les plus minutieux, je n’ai pu reconnaître dans le tissu mus- culaire aucun pertuis en face de ceux de la pomme de l’Arrosoir. Du côté de la cavité interne, sur la lame mince qui tapisse la voûte que forme le disque, on ne peut distinguer rien qui dénote la présence d'ouvertures quelconques. L’enveloppe chitineuse eût certainement conservé des traces de ces orifices s’ils eussent existé, je n’ai pu encore de ce côté rien reconnaître. Il est d’ailleurs fort probable que si la contracture mus- culaire avait pu faire disparaître des orifices délicats, elle n'aurait pu agir de même sur le revêtement extérieur épidermique. Dans l’Arrosoir à manchettes, il n’y a pas non plus trace de tubes charnus ou d'orifices dépendant de la partie supérieure du manteau ; cependant cet animal a ses orifices du pourtour de la pomme d'un diamètre bien plus grand, et sur lui on aurait peut-être pu reconnaître facilement leur existence : je n’ai rien vu. Naturellement j'ai consulté avec la plus vive Curiosité les figures données par Ruppel, cet auteur ayant eu l'animal frais aurait pu fournir d’utiles renseignements, mais le dessus du disque ne pré- sente pas de prolongements pouvant faire croire à l'existence dans cette espèce de parties saillantes sur lesquelles se seraient, en se déposant, moulées les parties dures. Il ne paraît donc pas possible de considérer les petits tubes sail- lants de la pomme de l’Arrosoir comme étant le résultat d’un revête- ment calcaire produit par des parties molles semblables à eux. On n'a pas oublié que le corps et la coquille sont très séparées l’une de l’autre sauf en arrière et en haut, où, ils adhèrent intime- ment. Après avoir été introduite dans la cavité palléale pour les besoins de la respiration, si l'animal contracte l'extrémité inférieure de ses siphons et bouche l'ouverture inférieure de sa coquille, comme avec un tampon, s'il veut chasser le liquide dontil est gonflé, l’eau ne peut plus sortir du manteau que par les deux petits orifices ou par l’un d’eux seulement, et elle doit alors se répandre dans la ca- vité de la coquille entre celle-ci et le corps, puisque ces deux parties MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 691 sont séparées dans leur plus grande étendue. On comprend qu’en- suite, si la cavité palléale se remplit de nouveau, ses parois, en se dilatant, chassent l'eau interposée entre elles et la coquille et la forcent à sortir par les orifices de la pomme. Mais comment se forment ces orifices tubuleux? Comment les canaux de la circonférence s’allongent-ils? Comment se bifurquent- ils ? On ne saurait faire que des hypothèses pour répondre à ces questions, et l’on ne peut raisonnablement songer à expliquer ces dispositions sans avoir vu et suivi le développement de l'animal. Encore en cette occasion, la zoologie expérimentale seule pourrait donner la clef du phénomène et nous montrer comment les tubes conservent un diamètre caractéristique des espèces tout en étant, pour ainsi dire, indépendant des parties molles. v DESCRIPTION GÉNÉRALE. Nous venons d'apprendre à connaître ce que sont la coquille et le manteau, ouvrons ce dernier suivant une ligne antérieure et mé- diane passant par les deux orifices supérieur et antérieur, et voyons quelles dispositions générales présentent les organes. | Le disque supérieur est charnu et épais. Les côtés du tube palléal sont aussi très musculeux, et lorsqu'on à fait l’incision comme il vient d’être dit on a de la peine à en écarter suffisamment les lèvres pour distinguer tous les organes. On peut cependant reconnaître‘ : en avant la branchie (B) formant un long ruban ondulé et finementstrié, qui en se bifurquant vers le haut embrasse une masse ovoïde (V) surmontée par un petit corps digitiforme (P); à droite et à gauche les deux extrémités ‘triangu- laires de deux organes lamellaires (P}). Mais cela ne suffit pas, il faut ouvrir plus largement et détacher 1 Voir pl. XXV, fig. 12. ! 692 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. ou fendre le disque supérieur pour arriver à reconnaître les parties cachées dans le fond de cette cavité simplement entr'ouverte. Dans la figure 10 de la planche XX VI, le disque a été fendu et étalé, les branchies ont été enlevées. | La masse viscérale (V), pyriforme, se dégage alors au milieu de la cavité palléale ; le petit appendice qu'elle porte (P) montre, par sa position et ses relations, qu'il est l’homologue d’un pied ; les lamelles latérales se reconnaissent pour être des palpes labiaux libres par leurs extrémités inférieures, remontant sur ses côtés par leur partie supérieure et, se contournant en dessus pour se transformer en un capuchon sous lequel est ouverte la bouche. Vers le bas cette masse centrale aplatie transversalement est entourée par les bran- chies qui s’'écartantembrassent comme dans un collier son pédoncule pour remonter ensuite jusqu'aux angles d'union des palpes. Au-dessous, dans le fond de la fente palléale, on voit la branchie étalée comme un large ruban médian, ondulé, strié et descendant directement jusqu'aux tubes du siphon. Sur un individu ouvert de côté et laissé en place dans sa coquille, comme c’est le cas pour la figure 6 de la planche XXIX, on re- trouve facilement tous les organes, et l’on peut s'assurer de plus que les deux petits orifices du manteau correspondent exactement à ceux de la coquille ; que la masse viscérale (V), comparable à la bosse antérieure de Polichinelle, ressemble à s’y méprendre à la même partie dans un Pecten par exemple ; que les palpes (Pl) se continuent avec les deux lèvres, l’une supérieure, l’autre inférieure, qui cachent la bouche au-devant de laquelle est le pied. Enfin, en détachant ou soulevant l’organe de la respiration on voit en arrière de lui ? un tube terminé par un renflement sur lequel est un orifice. Ce sont le rectum et l’anus. Entre cette ouverture anale et la terminaison de la masse viscérale on trouve encore un àros ganglion d’où partent des nerfs nombreux. 1 Voir pl. XXVI, fig. 43, pl. XXIX, fig. 6 et 7. 2? Voir pl. XXVI, fig. 13. MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 693 Ces quelques mots suffisent pour faire reconnaître déjà dans sa plus grande simplicité le plan de l’acéphale ; aussi semble-t-il inutile de pousser plus loin cette description générale ; l'homologie entre les différents organes qu'on vient de voir et ceux qu’on découvre en ouvrant le manteau d'une Mye est tellement évidente, le plan de l’acé- phale se retrouve si complet qu'il est déjà possible d'affirmer qu'il y a moins de différence entre l'animal de la coquille singulière que nous étudions et un type bien conformé de lamellibranche qu'entre celui-ci et quelques-uns des animaux dont le corps est déformé par des anomalies, bien que leurs coquilles soient le plus franchement bivalves et le plus complètement développées. VI DU TUBE DIGESTIF. Le tube digestif est difficile à bien dégager des glandes génitales et du foie qui l’entourent et le cachent dans la plus grande partie de son étendue. Aussi, avec le peu de matériaux dont j'ai pu disposer, sa dissection a été longue et laborieuse. De même que dans tous les acéphales l'intestin décrit des circon- volutions assez capricieuses qui rendent sa description compliquée et difficile. J'avais commencé l’anatomie de l’Arrosoir par l'étude du cœur et du corps de Bojanus, ce qui, sans détruire les rapports, permettait de partir d’un point connu : du rectum traversant le ventricule, pour arriver à la bouche et découvrir, entre les deux, les parties consti- tuantes de l'appareil. D'autre part, en avant du pied, sur le sommet presque horizontal de la masse viscérale, on observe au travers du tégument une anse intestinale ? en forme de croissant que nous prendrons comme point intermédiaire auquel il faudra arriver, soit que nous partions de la 1 Voir pl. XXVII, fig, 1 (LC), 694 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. bouche, soit que nous remontions de l’anus ou du rectum pris au péricarde. _ Cette dernière marche peu habituelle facilitera la description. L'anus est à l'extrémité de la portion libre du rectum que soutien- nent de chaque côté des replis du manteau‘. Sa forme est partieu- lière, elle est causée par un étranglement tout près de la terminai- son du rectum. Gette extrémité ressemble à une petite sphérule, sur la surface antérieure de laquelle on voit un petit disque formant comme un clapet. En un mot, l’ouverture est bilabiée et la lèvre postérieure très grande, bombée, recoit, en avant, dans une échan- crure, la petite soupape que forme la lèvre antérieure ?. A partir de cet étranglement, le rectum s'élève directement en haut sur la ligne médiane, rencontre les ganglions branchiaux en arrière desquels il passe, puis se porte en arrière et se loge dans une gouttière creusée sur la surface postérieure du corps de Bojanus ?. Il pénètre ensuite dans le péricarde, traverse le ventricule, sort du cœur et du péricarde pour plonger dans la masse viscéralé sur la ligne médiane entre les deux lobes de l'ovaire *. Dans toute cette partie de son trajet le rectum est facile à suivre, parce qu'il ést blanc. Il doit cette couleur à la matière erétacée, fine et pulvérulente, qui le remplit. I finit là où 1l pénètre entre les lobes de la glande génitale. | ‘- La voûte du péricarde est formée exclusivement par l'ovaire. C’est entre les deux lobes de cette glande que l'intestin se place, et on le reconnaît encore là à sa teinte, mais pour le suivre plus loin, les pré- parations deviennent, dès ce moment, délicates et très difficiles. Les acinis de l'ovaire l'entourent de toutes parts et s’accolent 1 Voir pl, XXIX, fig. 7 (A), et pl... XXVII, fig. 4 (A). 2 Voir pl. XXVI, fig. 13 et 19 (A) anus, (1) lèvre antérieure, (l') lèvre posté- rieure. 3 Voir pl: XXVI, fig. 13 (A) anus, (Gb) ganglions branchiaux, (Bÿj} extrémité in- férieure du corps de Bojanus, et pl. XXVIII, fig. 21 (r), rectum logé dans la gou- tière bojanienne. * Voir pl. XXVIIL, fig, 4,{ r) rectum, (C) ventricule. ) MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 695 intimement à sa surface. Il faut les enlever pour le dégager, et comme ils sont très délicats et que leur tissu se déchire très facile- ment, l'on ne peut guère espérer une dénudation complète dela mem- brané externe du tube digestif. Aussi bien que la préparation né laissé aucun doute sur la valeur des caractères qu’elle permet dé eonh- stater, élle ne satisfait pas l'œil. C’est donc un travail fort minutieux qu'il S’agit d'effectuer en enlevant un à un le plus grand nombre des débris de l’ovaire et du foié pour dégager le tube digestif au-dessus du péricardé. Lorsque l'animal est intact, et avant toute préparation autre que l’enlèvement d’une membrane superficielle, on distingue très bien une ligne de délimitation horizontale entre le foie et l'ovaire. La grandeur et la teinte des cœcums hépatiques, comme la couleur et la grandeur bien moindre des cœcums ovariens isolés et non réunis en lobules, permettent de distinguer facilement les deux glandes que sépare d’ailleurs ‘ une dépression assez marquée. | C'est dans cette dépression que le rectum change brusquement de marche et se porte à droite en faisant un angle droit avec sa pre- mière direction pour plonger et disparaître dans la masse splan- chnique. C’est aussi à ce point que commence l'intestin, et pour le suivre il faut enlever l'ovaire à partir du péricarde, ce qui permet de reconnaître sa direction horizontale et sa position à droite jusqu’à la limite postérieure du testicule. Pour mieux fixer cette position et cette marche; il faut observer que lintestin passe tout près et à la hauteur de l’une des deux dépressions extérieures situées sur les côtés de la masse viscérale dans sa partie inférieure étranglée et voisine de l'insertion dé la branchie?; que bientôt après il arrive aux limites postérieures de la glande mâle et qu’il s'élève alors presque verticalement en suivant à \ Voir pl. XXVI, fig. 16, (F) ie foie, (g) l'estomac, (0) ovaire, (x) petites dé- pressions. 2 Voir pl. XXVI, fig. 45 (xx) et pl. XXVII, fig. 1 (x). 696 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. une certaine distance, parallèllement à lui, le bord antérieur de la masse viscérale. Arrivé à peu près à mi-hauteur de la distance qui sépare le pied du troisième coude qu'il vient de faire, i] se reporte en arrière en faisant encore un angle droit, ce qui le rend de nouveau horizontal. Alors il décrit deux circonvolutions en forme de croissant ou de fer à cheval, aussi difficiles à décrire qu’à préparer et à bien repré- senter. Jusqu'ici l'intestin était sur la droite, maintenant c’est à gauche qu'il se place. La première circonvolution (on n’oublie pas que nous remontons et que par conséquent, si nous étions partis de la bouche, cette cir- convolution serait la seconde) a la forme d’un croissant ou d’un fer à cheval dont le plan est vertical’ et dont les deux extrémités dirigées en arrière se continuent, l’une inférieure avec la portion horizontale supérieure de l'intestin, l’autre supérieure avec une autre partie as- cendante qui nous conduira à la deuxième anse sous-cutanée anté- rieure au pied. Ces deux parties de l'intestin unies aux deux extrémités du fer à cheval doivent, puisqu'elles ont même direction que ses branches, se courber brusquement et avec un rayon de courbure très court, pour pouvoir se continuer avec l’extrémité de cette circonvolution. Le croissant, dont le plan est vertical et l'ouverture postérieure, est situé à gauche des portions de l'intestin avec qui il est continu. La petite anse, ou circonvolution sous-cutanée, est à peu près? dans un plan horizontal, et par conséquent à peu près aussi per- pendiculaire à la première. Son ouverture est dirigée vers la gauche, et à ses deux extrémités font suite, en avant, un tube presque droit qui, après s'être recourbé brusquement, se dirige à gauche et en bas pour aller s'ouvrir dans la partie antérieure de l'estomac, et en 1 Voir pl. XXVI, fig. 14 et 16 (2c). 2 Voir id., id.,pl. XXVII, fig. 4 (1c), et pl. XXVII, fig. 13 et 14 (Ac). MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 617 arrière, une portion très courte de l'intestin qui l’unit à l’extrémité supérieure de la grande circonvolution. On le voit donc, il existe ici un paquet central de circonvolutions formé de deux anses inégales unies à gauche à l'estomac, à droite à la partie de l'intestin destinée à devenir le rectum, et par consé- quent on retrouve ici le caractère constant aussi bien des acéphales que des mollusques, à savoir que toujours la partie terminale infé- rieure du tube digestif est au côté droit du corps. L'intestin présente dans son intérieur un bourrelet saillant qui part de l’estomac. C’est quelque chose de tout à fait analogue à ce qui se trouve si constamment dans les Acidies, c'est l’analogue du T'yphlosolis des Lombriciens. On trouve ce bourrelet sous la forme la plus simple, dans l’anse sous-cutanée voisine en avant de la base du pied !. Dans l'estomac, les replis sont multiples, ainsi qu’on le voit dans la figure 18 de la même planche. n'y a plus tracede ce bourrelet dans le rectum, dont la disposition du reste est assez caractéristique. Cette partie du tube intestinal est formée de deux moitiés : l’une, postérieure, occupe les trois quarts de la surface cylindrique; l’autre, antérieure, est plane et comme en- châssée entre les bords de la portion postérieure. C’est cette dernière qui, arrivant jusqu’à l'anus, forme, en devenant libre et en s’arron- dissant, la sorte de petit clapet ou de lèvre antérieure de l’orifice. L’estomac * parait dans la dépression horizontale qu'on a vue sépa- rer sur la face postérieure les glandes génitales et hépatiques. Là, il se traduit par une ligne horizontale blanchâtre qui correspond à l’une des arêtes formées par la réunion de deux de ses faces. On peut le considérer dans son ensemble comme ayant la forme d'une lame très épaisse assez irrégulière, dont le plan serait incliné de 45 degrés à peu près sur l’axe vertical du corps, et dirigé de haut en bas et d’arrière en avant. 1 Voir pl. XXVI, fig. 17 (1°). 3 Voir pl. XX VI, fig. 14 et 15. 698 | HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Sur la face antérieure, fort inégale et admise surtout pour facihiter la description, viennent s'ouvrir l’œsophage en haut et l'intestin en bas. Dans les dessins de profil la forme quadrilatère disparaît, parce qu’on voit l'organe de champ, Suivant son épaisseur. Les conduits biliaires doivent s'ouvrir dans son intérieur par des prolongements obliques, difficiles à découvrir, et dont jé ne sauräis préciser exactement la position. Ici se pose une question qui, dans l'étude du tube digestif, inté: resse particulièrement au point de vue morphologique: On sait que, à la naissance de l'intestin, tout près de son origine sur l'estomac, existe dans le plus grand nombre des cas ün cœŒœcum, quelquefois très grand et très long, comme dans l’Anomie, etc. ; souvent aussi tellement petit et masqué, qu'il échappe facilement à l'observation, comme dans le Cardium edule. J'ai recherché cette partie dont la présence avait tout l'intérêt qui s'attache à l'étude comparative destinée à faire retrouver l'unité de plan de composition d’un type. Je l’avoue, je conserve des doutes. Je n’ai pas vu non plus de style hyalin. Les acinis hépatiques sont tellement serrés, et si adhérents tout autour de la naissance de l'intestin, que je m'explique comment je n'ai pu reconnaître avec la dernière évidence un cœcum. En examinant l'estomac de côté, à gauche plus particulièrement, on découvre bien que son angle inférieur se prolonge en un lobulé dont l’axe est exactement perpendiculaire à là première partie voi- sine de l'intestin, et là peut-être pourrait-on admettre un cœcuim fort court et situé dans la position ordinaire. Mais les précautions de toutes sortes dont j'ai dû usér pour con- server les parties environnantes, afin de voir le plus de choses possible avec aussi peu d'échantillons que j'en avais, se Sont op- posées à ce que j'ai tenté d'isoler, en sacrifiant tout le reste, ce qui me paraissait être un cœcum. 1 Voir pl. XXVI, fig. 14 et 15 (cœæ). MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 699 Je ne puis pas cependant ne pas remarquer que lorsqu'un cœcum est bien formé, il se sépare aussi fort nettement des autres parties du tube digestif, mais il faut reconnaître que l'état des tissus d’un animal conservé dans l'alcool depuis fort longtemps rend l’observa- tion difficile et explique ma réserve. L'œsophage * est certainement beaucoup plus long dans l’Arrosoir que dans aucun autre acéphale, chez qui, bien souvent, on trouve la bouche, je ne dirai pas s’ouvrant dans l’estomac, mais si voisine de cette cavité qu'on a de la peine à bien limiter la première partie du tube digestif. Ici, au contraire, le tube æsophagien égale en longueur le plus grand diamètre de l'estomac, aussi est-il facile à isoler. Il suffit pour cela de le débarrasser des cœcums du foie, en arrière et au-dessus de lui. Lorsqu'on a enlevé la membrane extérieure, en arrière et au-dessus des glandes génitales et hépatiques, on voit, sur la ligne médiane et tout à fait en haut, une partie, qu’on reconnaît être l'æœsophage, elle remonte en se dilatant jusqu’à la région postérieure du capu- chon céphalique. Dans cette région du corps des organes importants se trouvent réunis, nous appellerons l'attention de nouveau sur elle. La bouche est très facile à trouver et à reconnaitre, à la condition d’avoir enlevé ou fendu, pour pouvoir l’écarter, le disque supérieur musculaire du manteau. Dans une préparation facile à faire, on voit au-dessous de la voûte du disque et en arrière du pied un gros capuchon ? s’élevant sur le milieu, et s’abaissant en avant, c’est la lèvre supérieure, soulevée en dôme. En avant, au-dessous d'elle, la lèvre inférieure, sous la forme d’une membrane transparente et molle, s'élève un peu pour 1 Voir pl. XXVI, fig. 16 (œ). 2 Voir pl. XX VII, fig. 1 (Ca). 700 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. arriver à rencontrer le bord du capuchon supérieur. C’est entre ces deux membranes que l’orifice buccal est ouvert. Sur les côtés, les deux lèvres, la supérieure comme linférieure, n'offrent pas un grand développement, elles descendent minces et étroites, jusqu’à peu près à la hauteur de l'insertion du pied1. Là, elles s’élargissent beaucoup et forment deux voiles relativement grands, triangulaires, tout couverts de sillons transversaux, rappe- lant l’apparence d’une branchie. Ges voiles ou palpes labiaux descendent sur les côtés assez bas, jusqu'à la réunion du tiers supérieur avec les deux tiers inférieurs de la longueur totale de la masse viscérale. Dans les individus que j'ai pu examiner, les deux palpes étaient appliqués l’un sur l’autre, par leur face interne, striée, élargie, et les deux ainsi rapprochés étaient rabattus contre les faces laté- rales de la masse viscérale. Il faut remarquer que l'orifice supérieur du disque du manteau est situé à peu près au-dessus du capuchon et, par conséquent, cor- respond à la bouche. VII LE FOIE. Comme chez tous les acéphales, la glande hépatique est très développée. Sur les animaux conservés, elle a une teinte jaunâtre sale, relevée d'une nuance de terre de Sienne. Sous la loupe ?, elle paraît toute pointillée de très fines taches colorées, qui dans quelques parties sont tantôt plus volumineuses et plus sombres ou plus claires. On en verra la raison en étudiant la structure intime de l’organe. Il est difficile de reconnaître et d'isoler les lobes; cependant on 1 Voir pl. XXVII, fig. 1. ? Voir pl. XX VI, fig. 16 (H) et fig. 21. MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 701 voit la surface de la glande partagée en polygones, variables de grandeur et de position, qui correspondent certainement à des lobules et à des lobes. La glande occupe dans la masse viscérale tout l’espace supérieur laissé libre par l'ovaire sur lequel elle repose. On verra que la glande femelle présente de chaque côté deux lobes, l’un antérieur, l’autre postérieur, que celui-ci, rapproché du lobe qui lui est symétrique, forme avec lui la voûte du péricarde. Aussi, est-il facile de reconnaître, au-dessus de la ligne ou du bour- relet que produit l’estomac ou en dessus des deux lobes de la glande femelle, les lobules de la partie postérieure du foie. Cette partie de la glande repose sur lPestomac et cache l’æsophage, jusque tout près de sa partie supérieure et du capuchon buccal. En avant, l'estomac est recouvert par les lobes antérieurs qui s’éten- dent sous la base du pied et près de l’anse intestinale sous-cutanée. L'æsophage est aussi complètement entouré en avant par eux, tandis qu’en arrière il est visible sous les enveloppes générales du corps. Sur les côtés, on reconnaît très facilement que le foie arrive jus- qu'aux limites de l’ovaire, dont les caractères très différents per- mettent aisément la distinction des deux glandes. Ruppel a donc fait erreur en indiquant le foie comme descendant au-dessous du péri- carde. La chose n’est pas possible. Les parties trop contractées par la conservation et les soins que m'imposait le nombre si restreint des échantillons ne m'ont pas permis d'isoler les canaux hépatiques et de voir bien clairement leurs orifices dans l’estomac. Ce que j'ai pu constater s’est borné à ceci: en arrachant les lobules de ces glandes, surtout à gauche, pour séparer les organes, une bande de tissus, à laquelle restaient suspendus des acinis, pou- vait facilement être suivie, jusqu’à l'estomac, et je crois qu'il faut regarder ce prolongement comme des conduits excréteurs du foie. La structure d’une glande, après un temps indéterminé de con- servation, est assez difficile à bien préciser ; cependant quelques faits 702 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. permettent de penser que le foie est ici composé comme dans les autres acéphales. La loupe permet, avons-nous dit, sur une partie dénudée de l’or- gane, de reconnaître des cloisons conjonctives, partageant la glande en lobules polyédriques. Les espaces polygonaux, criblés de petites taches d’un jaune rougeâtre lavées de terre de Sienne, ne sont autre chose que les extrémités périphériques des cæœcums hépatiques ou bien des acini-sécréteurs!. En déchirant les acinis, deux ordres d’éléments se répandent dans le champ du microscope, ce sont d'abord des corpuscules jau- nâtres, réfractant très vivement la lumière, ayant des contours obscurs très accusés, plus ou moins réguliers, dont les angles aigus, tantôt saillants, très vifs et réguliers, tantôt rentrants, font croire à la soudure de deux ou plusieurs corpuscules voisins, nés par voie de véritable cristallisation. L'’apparence cristalline n’est pas douteuse?, et l’on sait que dans les mollusques le foie renferme des particules cristallines, très variables avec les espèces, que l’on a considérées souvent comme étant caractéristique de la cellule biliaire. Ces corpuscules sont enfermés dans de grandes vésicules, au nom- bre de trois, quatre ou davantage, avec des granulations aussi colorées, et d’autres plus nombreuses, sans couleur appréciable. L'enveloppe de la cellule est très évidente, et son existence ne peut pas plus laisser de doute que celle des corps colorés à facettes et cristallins; quant aux granulations incolores fines, elles peuvent être la conséquence de l’action de l'alcool sur le liquide contenu dans la cellule. Les autres éléments très nombreux sont des corpuscules sphé- riques ou oblongs, granuleux, ayant un volume très variable, et dont les plus grands restent néanmoins bien au-dessous des plus grands corpuscules colorés cristallins qu'on vient de voir *. _1 Voir pl. XXVII, fig. 2 (F). ? Voir pl. XX VI, fig. 22 (B). 8 Voir id., fig. 22 (d) et (e). MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. . 103 Quelques-uns, les plus petits, tout à fait sphériques, restent adhé- rents aux parois du cul-de-sac. Il est probable qu'ils sont les noyaux d’origine des grandes cellules, renfermant les corps jaunes cristal- lins, et qu'ils appartiennent à la couche sécrétante qui tapisse les culs-de-sac des acinis. | Il ne m'a pas été possible d'essayer des coupes,les éléments glan- dulaires se désagrégeaient avec une trop grande facilité, pour espérer d'obtenir de bons résultats. | Dans tous les cas, il est bien évident qu'on retrouve ici les élé- ments constitutifs caractéristiques du foie des acéphales. VII ORGANE DE BOJANUS. Cet organe descend assez bas et semble avoir suivi les parties qui se sont éloignées du voisinage de la bouche. Sa forme est celle d’un cœur dont la pointe mousse est inférieure et la base supérieure; on le découvre en avant au-dessous de la masse viscérale, dès qu’on a éloigné les branchies en les désunissant sur la ligne médiane. Il est brunâtre, et son enveloppe est marbrée extérieurement par des taches noirâtres, semblables à celles qu’on voit sur l'extrémité des siphons. Son extrémité inférieure !, antérieurement renflée, détermine une saillie entre la bosse de Polichinelle et le centre nerveux respi- rateur. En arrière, il paraît au-dessous du péricarde, au milieu de l’es- pace transparent où se montrent les terminaisons musculaires des- tinées aux insertions du manteau. C'est surtout sur cette face que l'apparence cordiforme est ac- cusée ?* 2 Voir pl. XXVII, fig. 1 (Bj'). 2 Voir id., pl. XXVIIL, fig. 2 (B). 704 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Sur les côtés il a des rapports avec l'insertion des branchies, et dans ce point on peut considérer le manteau comme se dédoublant en deux lames, dont l’une passe en avant pour fournir les attaches de l'organe respirateur, et dont l’autre couvre en arrière le corps de Bojanus, le rectum et le péricarde. En arrière et en haut, il est moins étendu qu'en avant; de là ré- sulte un vide entre les glandes génitales’ et rénales. C'est cet espace vide ou cette fosse que tapisse le péricarde, aussi, peut-on dire que la loge péricardique a comme plafond la glande génitale et comme plancher la glande rénale. Son organisation rappelle entièrement celle du même organe dans les acéphales. On sait que dans ces animaux le péricarde com- munique avec!le corps de Bojanus tantôt directement, tantôt mé- diatement, par l'intermédiaire d’une arrière-cavité dont {les parois font saillie dans la cavité générale de la glande. C’est cette partie saillante, si évidente dans la mulette des peintres, que Bojanus avait considérée comme étant un poumon. Puisque dans l’Arrosoir on retrouve une disposition semblable, il y a à rechercher d’abord l'ouverture du péricarde dans le lobe cen- tral, ensuite l'ouverture de celui-ci dans la cavité générale. Les ouvertures péricardiques sont relativement faciles à recon- naître ; pour les voir, il faut couper le rectum, au point où il pé- nètre dans le ventricule, le rabattre en bas et relever le ventricule, alors on aperçoit sur le plancher du péricarde une saillie médiane, séparant deux petites fosses au fond desquelles un petit infundibu- lum conduit au pore péricardique ; une injection de fines particules de bleu de Prusse ou de cobalt démontre très nettement le passage qui du péricarde conduit dans le lobe médian du corps de Bojanus *. Quant à l'ouverture du lobe central dans la cavité générale, elle est difficile à reconnaître, nous allons indiquer sa situation, mais avant, il est nécessaire de décrire l’organe dans son ensemble. 1 Voir pl. XXVIIL fig. 2 (B). : 2 Voir id., fig. 3 (op). MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 703 Si, en arrière et sur les côtés de la ligne médiane, on ouvre le sac, on tombe dans une grande poche! et dans la position où est l'animal couché sur le ventre, où se fait la préparation, on trouve sur le plancher de cette cavité un lobe saillant pyriforme : c’est le lobe interne ou poumon de Bojanus (z); dans la position que nous don- nons à l’acéphale, ce lobe central est antérieur, et on le trouve à droite comme à gauche. Il y a donc deux cavités générales à la paroi antérieure desquelles sont accolés les deux lobes intérieurs. Ceux-ci ont leurs deux extré- mités, l’une supérieure, effilée, unie au péricarde, c'est elle qui ren- ferme le canal conduisant au pore péricardique ; l’autre inférieure renflée ?, s’attachant au fond de la cavité générale par de nombreux trabécules formés de tissu glandulaire. C’est au milieu de ces trabécules et dans cette partie inférieure que court un canal grêle et difficile à découvrir”, qui fait communi- _quer la cavité du lobe central avec la cavité générale. L'organe rénal des lamellibranches est double, c’est-à-dire formé de deux sacs symétriques, latéraux et rapprochés l’un de l’autre en arrière sur la ligne médiane ; chez les types normalement conformés, ces sacs sont séparés en avant par la bosse de Polichinelle. Dans plus d’une espèce, j'ai montré que les deux sacs communi- quent en arrière par un orifice percé au travers de la cloison résul- tant de leur accolement: comme dans le Pecten, la Mulette des peintres, etc., etc. Ici, la poche tout entière est en arrière de la masse viscérale et la communication entre ses deux moitiés est très grande et circulaire’, si bien que, sur les animaux tout ratatinés par l'alcool, elle prend des proportions telles que l’on serait tenté de croire qu'il n’existe qu'un seul sac rénal : aussi, après avoir enlevé le cœur et le rectum et 1 Voir pl. XXVIIL, fig. 3. 2 Voir id., fig. 3. Le sac est ouvert et vu par le dos et (fig. 4) de profil (3'. $ Voir id., fig. 4 (u). * Voir id., fig. 4 (g). ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. —« 9€ SÉRIE, — T. 1. 1883. 45 706 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. fendu le plancher du péricarde, on tombe dans une vaste chambre à parois glandulaires paraissant être unique et renfermant deux lobes intérieurs !. Les ouvertures extérieures du corps de Bojanus sont placées comme dans les autres acéphales ayant un [lobe ou arrière-cavité centrale. J'ai montré que, dans bon nombre d’acéphales, elles sont placées sur l'extrémité inférieure de l'organe, non loin des ganglions respi- rateurs (Cardium, Pecten, Spondyle, etc., etc.); dans les Anodontes et Unios, au contraire, c’est très haut qu’on les trouve ; ici, il en est comme dans ces derniers exemples, c’est à la partie antérieure et tout à fait supérieure de la cavité générale? et en dehors du lobe central en face de son attache au péricarde qu’on doit les chercher. Pour arriver à les déceler (la chose n’est pas facile sur les animaux conservés dans l'alcool, et je ne puis parler que de ceux-là), il faut avoir recours aux injections de particules colorées, aisément recon- naissables et permettant ainsi de découvrir la voie qu’elles ont suivie pour arriver à l'extérieur. Après avoir ouvert le sac latéralement, ayant poussé du côté du péricarde de l’eau colorée par du bleu d’azur des blanchisseurs, j'avais vu sortir les particules colorées au milieu des trabécules unissant la partie inférieure du lobe central au fond du sac. C'était donc dans ce point que se trouvait l’orifice de ce lobe central ; quant à l’orifice extérieur de la grande cavité, 1l devait se trouver sur l’une des pa- pilles latérales situées tout près de l'extrémité inférieure de la masse viscérale. Par conséquent, il fallait chercher la communication dans la partie supérieure du sac, en face du point se rapprochant le plus des papilles extérieures. — En poussant de même l’eau colorée dans le fond des culs-de-sac supérieurs de la cavité générale, j'ai pu m'assurer qu'elle traverse un canal qui, de la cavité générale, se rend à la plus antérieure des deux papilles *. | Voir pl. XXVIII, fig. 4 (u). ? Voir H. de L.-D. (Annales des sc. naturelles, 4e série, vol. 4.) 3 Voir pl. XXVII, fig. 3 (b). MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 707 En étudiant avec soin la voûte supérieure de l’organe, on reconnaît qu'en dehors et en avant de l’union du péricarde et du lobe intérieur, tout près du sommet, il existe un petit infundibulum auquel fait suite un canal dont les parois ne sont plus glandulaires et qui, se portant au dehors et en avant, arrive à la papille en forme de croissant au fond de laquelle s'ouvre aussi l'organe mâle. Dans l'étude du système nerveux, il sera facile de fixer la position de cet orifice et d’avoir un guide sûr pour le retrouver ; on n'a, en effet, qu’à suivre, ainsi qu’on le verra, un filet nerveux qui affecte avec lui un rapport constant. S1 sur cette papille, en forme de croissant dont la concavité est tournée en avant, l’on dirige un courant d’eau, on fait bâiller ses lèvres, et l’on voit, en les écartant, qu'entre elles s'élève une petite saillie séparant deux orifices, l’un antérieur, l’autre postérieur, con- . duisant, le premier à l’organe de Bojanus et le second au testicule {. De ce qui précède il résulte : qu’un liquide peut arriver du péri- carde jusqu’à l'extérieur en pénétrant d'abord dans le lobe médian pour se répandre dans le fond de la cavité générale de l'organe et de là remonter ensuite tout près du péricarde pour sortir par les orifices extérieurs situés de chaque côté de la masse viscérale. Quelle est la structure de l'organe rénal ? Au premier abord, il semble difficile de répondre à cette question en n'ayant à sa disposition que des animaux conservés depuis long- temps. Mais dans son tissu l’organe renferme des éléments si spé- Claux et qui se conservent si bien qu’il est possible, sinon de recon- naître toutes les particularités de structure, du moins de s'assurer de la vraie nature de la glande. | Ceci est important, car Ruppel, dans ses dessins, a certainement confondu la glande rénale avec le foie, et si l'anatomie descriptive ne suffisait à montrer la confusion, l’histologie viendrait confirmer l'erreur du voyageur qui le premier fit connaître l'animal de l’Arro- soir à manchettes après l’avoir observé vivant. Voir pl. XX VII, fig. 1 : {{b), papille bojano-testiculaire ; fig. 8 : (ct), canal défé- rent; (a), ouverture mâle; (cb), canal bojanien. Voir aussi pl. XX VIII, fig. 4. 108 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Dans un travail spécial, j’ai montré que les cellules de l'organe de Bojanus renferment presque toujours dans leur intérieur un gros noyau, le plus souvent recouvert par les couches concentriques d’une substance faisant ordinairement effervescence dans les acides et qui, dans quelques cas, rappelle la forme et la structure des perles. Ici, malgré la longueur du séjour dans l'alcool, les animaux da- taient de 1837, j'ai retrouvé les cellules flétries, mais très reconnais- sables et renfermant toujours ! tantôt de gros noyaux parfaitement distincts et tantôt des corpuscules perliformes, ou concrétions bos- selées, formées souvent de trois ou quatre demi-sphères unies entre elles ?, I ne peut donc y avoir de doute sur la nature de l'organe, qui à l’état frais eût présenté certainement les particularités d'organisation qu'on voit si constantes dans des lamellibranches. La surface interne de la glande* présente l'apparence d’un organe spongieux ; cette apparence est due à la superposition de plusieurs plans de réseaux, à mailles allongées verticales, formés par des vais- seaux nombreux anastomosés dans tous les sens etrecouverts par une couche de tissu glandulaire. Ce lacis spongieux, aussi difficile à des- siner qu’à décrire en détail, ce qui aurait peu d'importance du reste, rappelle ce qu’on voit chez les acéphales dont le corps de Bojanus a été étudié. Si l’on admet les descriptions qui précèdent, il n’est pas possible de considérer, avec Ruppel, comme étant le foie, l'organe désigné par la lettre g dans la figure 6 de sa planche XII. Le foie, en effet, étant séparé de la glande de Bojanus par le péri- carde et par une partie de la glande femelle, il en résulte en arrière une superposition de différents organes ayant les rapports suivants, ce qui éloigne toute confusion possible : on trouve en haut le foie, ' Voir pL'XXNITI,- fie: (6)/(4). 2 Voir pl. id., fig: 5 (a) (c). # Voir pl.id., fig. 3. Corps de Bojanus ouvert par la face postérieure. MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 709 au-dessous l'ovaire, plus bas le péricarde et le cœur, enfin en dernier lieu le sac de Bojanus. Il n’est donc pas possible que le foie se trouve dans le point indiqué par Ruppel, c’est-à-dire plus bas que la masse viscérale, bien au-dessous d’elle dans le voisinage du ganglion bran- chial. Du reste, la forme assignée par le savant voyageur allemand à la glande hépatique esi exactement celle que présente l’organe de Bojanus, dont la nature, ayant été déterminée ici par les rapports et la structure anatomique, ne peut faire aucun doute. IX ORGANES DE LA CIRCULATION. La plus grande similitude existant entre l'organe central de la cir- culation de l’Arrosoir et celui des acéphales, nous n’avons que peu de choses à en dire. Ruppel en a donné une assez bonne figure, Le cœur présente deux oreillettes symétriques, le ventricule est unique et traversé par le rectum. Les deux oreillettes et le ventricule forment un arc!, dont la con- cavité est ouverte en haut, et dont les deux extrémités pénètrent dans le fond des culs-de-sac supérieurs et latéraux du péricarde; le milieu de l'arc et les côtes sont occupés, le premier par le ventricule, charnu, épais, et le second par les oreiilettes, présentant les carac- tères habituels. Celles-ci vont en s’enfonçant en dehors dans les culs- de-sac péricardiques au-dessus des insertions des branchies et reçoi- vent là le sang hématosé. En dehors du péricarde, tout près du point de jonction de l'oreillette et du vaisseau branchial, vient s'ouvrir une veine qui détermine le mélange du sang artériel et du sang veineux dans une certaine mesure. On trouve là une disposition confirmant le fait indiqué pour la première fois par M. Milne-Edwards, savoir : que chez les acéphales le sang lancé par le cœur n’est pas exclusivement du sang artériel. 1 Voir pl. XXVIII, fig. 2, 3, 4 : (C), ventricule; (0), oreillettes,; (P), péricarde. 710 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Si l’on injecte dans le péricarde, avant de l'avoir ouvert, un liquide coloré, on 1éussit avec une singulière facilité à remplir des canaux qui vont se ramifier sur la partie supérieure et postérieure du corps; où des capillaires forment un réseau très riche et très perméablef. Le professeur Langer (de Vienne) a montré le premier l’existence d’une communication entre le péricarde et le système veineux chez l’'Anodonte. La démonstration de ce fait n’est pas toujours facile sur bien des espèces. Ici, sur les animaux conservés dans l'alcool, la communication ne peut faire un doute, il est aussi facile que pos- sible d’en prouver l’existence. Au-dessus du cœur, le rectum est libre et s'enfonce dans un cul- de-sac médian, au fond duquel il pénètre dans la masse viscérale; mais à côté de lui sont deux orifices, établissant la communication entre le péricarde et deux grandes veines dorsales. Ce sont ces veines qui s’injectent avec la plus grande facilité et qui sont en relation directe avec un réseau capillaire fort riche, étendu sur la partie postérieure des viscères. Il m'a semblé aussi que dans le fond des culs-de-sac péricardiques latéraux, là où le sommet des oreillettes s’unissait avec la veine bran- chiale, il pouvait y avoir encore une communication avec d’autres canaux, mais je n’ai pas eu assez d'animaux à ma disposition pour vérifier en ce point l'exactitude de cette assertion. Du reste, qu’il existe une communication de plus ou de moins, la chose importe peu. Ge qu'il faut retenir, et là est le fait important, c'est qu'ici une communication facile à démontrer existe entre un réseau capillaire veineux très riche et le péricarde. Ceci nous conduit à admettre que l'appareil de la circulation com- munique avec l'extérieur par l'intermédiaire du péricarde et du corps de Bojanus. | Il n’a pas été possible de pousser plus loin l'étude du système veineux, mais l’un des points le plus important de son histoire se trouve nettement établi, et cela sans difficulté. 1 Voir pl. XXVIII, fig. 1 : (p), péricarde injecté en bleu ; (up), veine péricardique. MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 711 Il a été encore possible de constater quelques-unes des disposi- tions habituelles du système artériel, En avant du ventricule, sur le dos du rectum, on trouve une aorte antérieure, dont l'existence, la position et les rapports sont facile- ment reconnus, à l’aide des injections, Arrivée là où le rectum se porte brusquement à droite, en faisant presque un angle droit avec sa portion péricardique, elle se sépare de l'intestin, se dirige un peu à gauche, et décrit, en remontant, une courbe, dont la concavité est ouverte à droite; puis, un peu au-dessous du capuchon buccal, croise le bas de l’æsophage, se bifurque et fournit deux gros troncs, qui se placent, l’un à droite, l’autre à gauche de l’œsophage. Ceux-e1 se divisent à leur tour en plusieurs branches, dont l’une reste superficielle : c’est la palléale postérieure, elle est récurrente et descend sur les côtés du corps après avoir contourné en dehors d'elles les terminaisons musculaires postérieures f. | Je n'ai pu l’injecter et la suivre que jusqu’à la hauteur de l’extré- mité inférieure du sac de Bojanus*. Les rameaux internes et profonds côtoyant l’æœsophage fournis- sent de chaque côté du capuchon buccal des branches symétriques, importantes, terminales, allant äux palpes labiaux, au disque supé- rieur, et à la partie antérieure du manteau. Mais, avant de se terminer par ces artères, elles fournissent, tout près de leur naissance, dans le voisinage de la bifurcation de l'aorte, une branche profonde, qui se porte directement en avant et qui se distribue à la masse viscérale, aux glandes qui la forment, au pied et à l'intestin. On le voit, à part des différences insignifiantes qui sont la consé- quence des déformations dues aux proportions considérables prises par certains organes, nous retrouvons ici, en ce qui concerne l'artère aorte supérieure, le même plan que dans les acéphales chez qui la circulation a été bien étudiée. 1 Voirpl. XX VI, fig. 16: (Ao), aorte; (r), rectum; (g),estomac, etXX VIII, fig.2 (ao). 2 Voir pl. XXVIII, fig. 2. 712 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Mais une partie importante de la circulation artérielle reste incon- nue. Cela est d'autant plus regrettable qu’elle se rapporte justement aux régions du corps les plus modifiées. On sait qu'au bas du ventricule naît une autre artère, l'aorte infé- rieure ou descendante, qui fournit surtout le sang aux parties anales _ du manteau. Dans l’Arrosoir, cette région est la plus transformée, elle s’est accrue en s’allongeant beaucoup. Il eût donc été, au point de vue de la morphologie comparée de la région inférieure du corps, du plus grand intérêt de pouvoir reconnaître l'existence et le mode de distribution de l'aorte postérieure ou inférieure. Les matériaux m'ayant fait complètement défaut, je n’ai aucun renseignement propre à élucider cette partie de la morphologie de l’Arrosoir, mais : je crois qu'il est possible, d’après les résultats déjà acquis pour l’aorte supérieure, d'espérer qu'avec des animaux même conservés, il serait possible de reconnaître la disposition qui, certainement, ne peut manquer d'offrir un intérêt véritable. Quant à la circulation viscérale veineuse, il ne m’a pas été non plus possible, et pour les mêmes raisons, d’en connaître les détails; mais j'ai pu constater que dans le bas de la bosse de Polichinelle, au-dessus des orifices génitaux, existait de chaque côté un gros tronc veineux, se portant vers la ligne d'insertion des branchies et se bifurquant en arrivant auprès de ces organes. On sait que, dans les acéphales, le sang veineux de la masse viscé- rale va en grande partie subir une épuration dans le corps de Bojanus, où les veines qui l’ÿy conduisent se distribuent à la manière d'une veine porte, mais qu’aussi une partie du sang veineux se rend directement dans les vaisseaux afférents aux branchies, sans passer par l'organe rénal. Sans pouvoir donner des dessins précis, relativement au trajet de tous les vaisseaux veineux, il m'est cependant possible de dire que, d’après les quelques faits reconnus, les choses se passent ici comme dans le commun des acéphales; avec des modifications faci- les à prévoir d’après les transformations éprouvées par les organes. MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 713 Certainement le sang veineux, au sortir des organes profonds, va à l'organe de Bojanus par des vaisseaux afférents et, après s'être épuré, en ressort par des vaisseaux efférents latéraux et symé- triques sous-jacents aux branchies. X ORGANES DE LA RESPIRATION. Les branchies n'offrent que peu de particularités méritant de nous arrêter. Commençant en haut entre les deux palpes labiaux!, et unies aux parois du corps, jusque vers l'extrémité inférieure de la masse viscé- rale, elles rencontrent là le corps de Bojanus et le repli falciforme qui les porte jusqu'à leur terminaison inférieure ?, Rappelons que lorsque l'organe de la respiration est complet chez les lamellibranches, il se compose, de chaque côté du corps, de deux lames nées sur une même ligne, au fond de l’angle dièdre que forment par leur union le manteau etla masse viscérale; que ces deux lames, qu’on peut nommer drectes, se portent en avant, puis se réfléchissent en arrière, l’une en dedans, l’autre en dehors, pour remonter vers leur point d’origine, et qu'alors il existe de chaque côté quatre lames, deux directes et deux réfléchies. Dans un travail déjà ancien, j'ai montré que le développement de ces quatre lames était successif ; la première qui apparaît est la lame directe interne, la lame externe ne se montrant qu’en second lieu et même un peu après que la partie réfléchie de la lame interne a commencé à se former ; enfin la lame réfléchie externe n'arrive qu'en quatrième lieu. Dans tous les acéphales enfermés, comme les appelait de Lamarck, les deux lames réfléchies internes des deux branchies se soudent par \ Voir pl. XXVII, fig. 1. ? Voir id., fig. 4 : (Id), feuillet direct interne ; (Ed), feuillet direct externe, 714 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. leurs bords internes; de sorte qu’elles ne sont point divisées sur la ligne médiane et que les deux organes ne semblent pas distincts. Toutes les fois qu'il en est ainsi, le bord des lames externes se soude aussi par son bord postérieur sur les côtés avec le manteau. Il résulte de là que la cavité palléale est divisée verticalement par la branchie en deux chambres, l'une antérieure, l’autre postérieure. En décrivant le manteau, nous avons indiqué la division du siphon en deux tubes secondaires par une cloison musculaire. L’extrémité inférieure des branchies se soude au bord supérieur de cette cloison, et la division en deux chambres se continue ainsi dans le siphon. L'eau qui pénètre par l’un des orifices ne peut donc s'échapper par l’autre qu'après avoir traversé les lames branchiales, qui sont de véritables grillages très délicats. La surface des branchies est très ondulée, ce qui montre que l'animal a dû perdre une grande partie de sa longueur, par suite de l’action que produisent sur lui les liquides conservateurs. Un lambeau d’une lame de la branchie, portée sous le micro$cope, paraît composé de filaments cylindriques, parallèles, déliés et main- tenus rapprochés, dans une position invariable, par d'autres fila- ments plus volumineux ei perpendiculaires à leur direction. Dans chaque lame ïl y a trois ordres de filaments, les uns in- ternes (#), les autres externes (t) et les troisièmes moyens (4). Aussi la branchie ressemble-t-elle à un grillage double. Les premiers et les seconds sont perpendiculaires à la longueur de l'organe, les troisièmes lui sont parallèles. Les filaments externes par rapport au plan médian de la lame sont les plus rapprochés les uns des autres et les plus nombreux ; étant perpendiculaires à la longueur, ils causent l'apparence striée de la surface de la branchie; ils sont maintenus dans leur position relative par les filaments moyens qui sont plus gros et plus éloignés qu'eux ?. l Voir pl. XXVII, fig. 5 et6, ? Voir pl. id., fig. 5 et 6 : (b), filet moyen unissant (t} et (#). MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 715 Tous ces filaments sont constitués intérieurement par une char- pente transparente et rigide, percée d'un canal central dans lequel des granulations de taille et de forme variable se montrent constam- ment ; ils sont revêtus extérieurement par un épithélium cellulaire portant en certains points déterminés des cils vibratiles!. Sur une coupe parallèle à la longueur de l'organe, on reconnaît facilement et la soudure des filaments et la communication des deux cavités centrales, ainsi que la situation des cils vibratiles formant deux séries sur chacun des filaments perpendiculaires, qui sont l’un interne et l’autre externe. La structure de la branchie est, on le voit, fort simple. Les vaisseaux sanguins qu’elle recoit ou qu’elle envoie sont faciles à reconnaître. L'un d’eux est situé dans la ligne d'insertion des deux lames directes *. Il est volumineux et peut être facilement injecté, il reçoit Le sang apporté par les vaisseaux nés sur le corps de Bojanus et par quelques veines indépendantes de l'organe rénal. C'est le vaisseau afférent à la branchie. Quant au vaisseau efférent ou veine cardiaque, il est placé dans l’angle que forment la lame directe et la lame réfléchie de la branchie interne, et s’ouvre au sommet externe de l'oreillette *. Un mot encore sur une dernière particularité morphologique intéressante. Nous avons rappelé que normalement chaque branchie se com- posait de quatre feuillets : deux directs, deux réfléchis. Dans la branchie de l’Arrosoir, on ne trouve que trois feuillets : deux directs et un réfléchi”. On a vu aussi que le feuillet réfléchi de la lame externe se mon- 1 Voir pl. XX VII, fig. 6: (c), les cils vibratiles. 2 Voir id., fig. 4, (a). 3 Voir id., fig. 4: (e), vaisseau afférent au cœur, efférent de la branchie. # Voir id., id. : (Id), feuillet direct interne de la branchie droite ; (Ir), feuiliet réflé- chi du même lobe; (Ed), feuillet direct de la lame externe, 716 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. trait le dernier pendant l’évolution. Il est donc naturel de supposer que, puisque le feuillet réfléchi externe n'existe pas, il a été soumis à un arrêt de développement, et que la soudure du bord antérieur du feuillet externe direct a lieu directement sur le manteau. Il est curieux de trouver ici un exemple confirmant de nouveau les indications que peut donner, à priori, sur la composition de la branchie, la connaissance de l’ordre d'apparition des lames bran- chiales. Depuis bien longtemps j'ai indiqué que, lorsqu'un ou plu- sieurs feuillets manquent dans l'organe respirateur, ce sont celui ou ceux qui se montrent les derniers, c'est-à-dire les externes. Et en ceci l'observation de la branchie de l’Arrosoir offre un intérêt tout particulier, puisqu'on y trouve une démonstration de la jus- tesse de l'opinion formulée bien antérieurement à son étude. XI DES ORGANES DE LA REPRODUCTION. Les sexes sont réunis sur un même individu. L’Arrosoir est donc hermaphrodite. Les glandes absolument distinctes, avec des éléments caractéris- tiques dans chacune d'elles, sont très faciles à reconnaître et ne laissent aucune place au doute quant à leur nature. Elles occupent dans le corps une position constante et ne peuvent être confondues, tant leurs caractères extérieurs, observés avec une simple loupe, sont évidents. La masse viscérale, désignée à tort par Ruppel par le nom de pied, est d'une grande simplicité ; elle est pyriforme, mais sa base, rela- tivement fort développée, est supérieure, tandis que sa portion ef- filée est inférieure. Celle-ci, non cylindrique, mais aplatie transversalement et lamel- laire, est courbe et rappelle parfaitement, et en petit, la bosse antérieure de Polichinelle. Au sommet et en avant de la bouche, on a vu le pied, petit ap- Riads DOM LS da 2 dm Ce np. + 0 MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 717 pendice digitiforme et vertical, c’est à peu près vers la base de cet organe que commencent les glandes ; elles occupent, à partir de ce point, toute la partie antérieure jusqu’au bas de la bosse de Poli- chinelle. La glande mâle est inférieure et antérieure, elle est dans le bord tranchant de la masse viscérale et s'élève jusqu'au point où, de chaque côté, on voit l'extrémité inférieure étalée et libre des palpes labiaux. Entre le foie, qu’on voit en haut et en arrière du pied. et le tes- ticule, tout l’espace est rempli par la glande femelle. Le testicule a une teinte grisàtre {très légèrement lavée d’un peu de jaune. S'il était permis de juger par analogie, il semble que sur les animaux vivants il devait être blanc et que sa très légère cou- leur est due à l’action de l'alcool. Ses acinis sont gros, lisses et polyédriques, des lignes irrégulières et inégales pour leur grandeur les séparent nettement. Observés au travers de la couche des téguments et du tissu fort mince qui les recouvre, ils paraissent rapprochés et groupés au hasard, surtout vers le bas et près de la bosse de Polichinelle. Mais dans le haut de la partie bombée, il n’est pas rare de trouver un ou deux tubes portant de chaque côté des culs-de-sac ou cœcums, et montrant une disposition fort manifeste en grappe, masquée seule- ment par la tuméfaction des acinis. Dans la partie inférieure, au contraire, en raison du rapproche- ment des éléments, la disposition est difficile à reconnaître. L'ovaire est de mème une glande en grappe, et cette disposition se reconnaît avec beaucoup plus de facilité que pour le testicule, surtout en arrière du côté du péricarde ‘. Les cæcums ont la forme d'une massue fortement dilatée ; ils ren- ferment des œufs libres et des œufs encore suspendus à leurs parois l Le dessin qu’on trouve dans la planche XX VII, fig. 2, a été fait d’après la dis- position de quelques culs-de-sac enlevés à gauche du rectum et au-dessous des lobules du foie. Il est très exact et montre bien la différence comme apparence des deux glandes. 718 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, par un pédoncule. Quand on les pique, leur contenu s'échappe com- plètement. La texture des glandes génitales n’est pas également facile à reconnaître dans les deux sexes. La glande mâle s’est présentée dans des conditions les moins fa- vorables à l'étude histologique. Tout ce qui a pu être constaté, c’est la présence dans le contenu du cul-de-sac d’un amas de granulations et de petits corpuscules réfractant assez vivement la lumière. Sur les bords de ces amas, se détachaient des particules allongées un peu courbées, paraissant quelquefois comme annelées, et res- tant parallèles ou unies les unes aux autres. On ne peut méconnaître dans ces éléments des têtes de sperma: tozoïdes. Constater la présence de l'élément mâle suffisait ici pour les déterminations anatomiques. Etudier la structure intime et les élé- ments aurait eu incontestablement de l'intérêt, mais lorsqu'on arrive à reconnaître les principales dispositions morphologiques, on regrette un peu moins l'impossibilité de résoudre une question d’histologie pure qui, par analogie, doit être considérée comme résolue. L'ovaire, dans toutes les parties de son étendue et sur les trois échantillons que j'ai anatomisés, de Java et de la mer Rouge, pré- sentait des œufs très petits suspendus à sa paroi par un pédoncule bien marqué. Il serait imprudent de dire ce qu'était à l’état frais la composi- tion de la paroi du cul-de-sac. Car il faut tenir compte des altéra- tions dues à un long séjour dans l'alcool. Mais, sur les lambeaux portant les œufs attachés par leurs pédoncules, on voyait nettement des apparences cellulaires. L'œuf avait un vitellus fortement granuleux remplissant toute l’en- veloppe parfaitement continue et évidente. Les granulations sont-elles dues à la coagulation produite par les liquides conservateurs ? Cela est possible, mais on sait aussi que le MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 719 vitellus est toujours rendu obscur par la présence de particules plus ou moins volumineuses et très nombreuses. Ce sont ces particules qui, diversement colorées, offrent quelquefois dans les acéphales les teintes les plus vives. Au centre de l'œuf était un noyau clair, brillant et constant. Etait-ce une vésicule germinative contractée ou une tache germi- native ? J’admettrais plus volontiers cette dernière supposition. Un fait de la dernière évidence est la continuité de la capsule ou membrane d’enveloppe de l'œuf avec la couche de cellules formant la paroi du cul-de-sac ?. Le pédoncule de l'enveloppe paraît n'être que cette enveloppe même rétrécie et s'insinuant entre les éléments de la couche glan- dulaire du cul-de-sac. La chose est rendue plus évidente encore par le refoulement des granulations vitellines qui s’étendent jusque dans le pédoncule, bien au-delà de lui et même dans l'épaisseur de la couche parenchymateuse glandulaire. Ce refoulement est dû, sans doute, à la contraction qu'ont éprou- vée les œufs sous l’action des liquides et probablement aussi sous l'action des contractures de l’animal, dont le volume a singulière- ment diminué, si on le compare à celui de sa coquille. Dans les mollusques, j'ai pensé que l’œuf se formait dans les cel- lules de la couche parenchymateuse des culs-de-sac, que peu à peu il devenait saillant, et que son pédoncule était le résultat de l’allon- gement de la partie de la cellule restée adhérente. Ici, l’on trouve un nouvel exemple me paraissant appuyer cette opinion. Lorsque l’œuf est détaché de l'ovaire (et j'en ai rencontré beaucoup dans les branchies), il est toujours enveloppé d'une tunique distante du vitellus et percée d’un orifice que j'ai indiqué depuis bien longtemps comme pouvant être le mecropyle. Ceci est très évident dans les œufs pondus et trouvés entre les filaments branchiaux. 1 Voir pl. XXVIII, fig. 8 et 9, (6). 2 Voir id., fig. 8 et 9: (m), micropyle. 720 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Les canaux excréteurs et les orrfices des deux glandes sont faciles à reconnaitre. On a vu que la glande femelle était postérieure relativement à la glande mâle. Elle occupe l'espace que laissent libre entre eux le testicule en avant et le foie en arrière et en haut. | Nous avons dit que l'ovaire a deux moitiés symétriques distinctes, l’une droite et l’autre gauche. Chacune de ces moitiés est elle-même formée de deux lobes, l’un antérieur, l’autre postérieur. Le lobe antérieur s'élève en s'appliquant en arrière contre les lobes supérieurs et antérieurs du foie, et en avant, sur la face posté- rieure des testicules. Il arrive en haut jusqu'au-dessous du pied, et descend en bas jusque dans la racine de la petite partie de la bosse de Polichinelle. Le lobe postérieur se porte directement en arrière au-dessous des lobules du foie, et s'accole sur la ligne médiane à celui de l’autre côté. Chacun de ces lobes a un canal excréteur, l’un qui marche d'arrière en avant et obliquement de haut en bas, et l’autre qui des- cend du sommet de la glande pour arriver à la rencontre du premier et s’anastomoser avec lui un peu au-dessus des orifices. Quant au testicule, son canal arrive aussi au voisinage de son ori- fice extérieur en se dirigeant de haut en bas et d'avant en arrière, L'ouverture des deux conduits excréteurs est distincte; elle se fait par des pores différents, quoique très rapprochés. J'ai été heureux de trouver dans un animal en apparence aussi anormalement conformé que l’Arrosoir une confirmation de l'exacti- tude des indications que j'avais données pour retrouver l'orifice gé- nital des acéphales. En partant du ganglion branchial et suivant le connectif qui l'unit au ganglion buccal, on perd ce cordon nerveux dès qu'il pénètre dans la masse viscérale. , MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 721 C'est dans ce point qu’il faut chercher les orifices génitaux et bojaniens. Dans l’Arrosoir, cette connexion offre une précision et une utilité incomparables, car on n’a qu’à suivre le connectif pour arriver entre les deux papilles *. Les deux orifices auxquels conduit ce connectif sont de formes différentes : l’un, postérieur, est arrondi et situé au sommet d’une papille claviforme un peu fendue longitudinalement; c’est là que s'ouvre l’oviducte;, l’autre est un peu inférieur et antérieur par rapport au précédent, et il a la forme d’un croissant à deux lèvres semi-lunaires?. En écartant ses lèvres, on aperçoit deux pores sé- parés par une crête au côté de laquelle se rendent, en avant, le canal déférent, en arrière, le conduit excréteur de l'organe de Bojanus. On trouve ici un cas spécial, différent à quelques égards de ce qui se rencontre dans les acéphales ordinaires, car l’orifice femelle est indépendant de celui de l’organe rénal, et celui-ci contracte des rapports particuliers avec le canal déférent. Les œufs doivent être fécondés dans la cavité palléale postérieure et y séjourner ensuite pour y subir les premières transformations. J'en ai trouvé dans les mailles du grillage branchial ; et quelques- uns même étaient à l’état d’embryon, mais trop peu avancés, sur- tout trop mal conservés pour laisser reconnaître quoi que ce soit de leur première forme. Ce fait intéressant permet de penser que des individus recueillis à l'époque de la reproduction offriraient facilement le moyen de con- naître la forme première du jeune Arrosoir, ce qui serait aussi intéres- sant qu'important ; mais j'ai une telle foi dans la valeur des relations morphologiques que je ne doute pas que les embryons ne présentent entièrement la forme du type acéphale. En effet, la ressemblance est trop frappante entre l'organisation de l’adulte et celle des types 1 Voir pl. XX VII, fig. 4et 3. On voit qu’au-dessus du point où le cordon c’ dis- paraît dans la bosse de Polichinelle se trouvent les deux papilles. 2 Voir 1d., fig. 3. ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN. — 9€ SÉRIE, = T, 1e 1883, 46 722 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. les mieux conformés pour que cette ressemblance ne ge retrouve forcément et tout entière chez les embryons. XII ORGANES DE LA RELATION. SYSTÈMÉ NERVEUX. Les centres nerveux et les principaux cordons qui en partent ne sont pas difficiles à trouver et à observer dans l’Arrosoir, PL, XXIX. Quand on a séparé les branchies en désunissant les lèvres supé- rieures de leurs replis internes, on découvre, au-dessous de la bosse de Polichinelle et plus bas que l'extrémité de l'organe de Bojanus, un premier centre nerveux gros et quadrilatère, d’où partent de nombreux nerfs. Ce premier centre, accolé à la face antérieure du rectum, est formé par la paire des ganglions branchiaux (Gb) qui se sont rapprochés et confondus sur la ligne médiane, mais dont les an- gles et les nerfs qui en naissent permettent, à l’aide des connexions, de revenir par analogie à admettre que ce centre ést doublé. En suivant à droite et à gauche les deux cordons nés sur le bord supérieur de la masse ganglionnaire et le plus près de la ligne mé- diane, on arrive, sans avoir besoin de les disséquer, jusqu'au point où l’on a vu s'ouvrir les orifices génitaux; là, ils plongent dans la masse glandulaire pour reparaître plus haut en avant de la branchie et au-dessus de l’union des palpes labiaux et de l’organe de la res- piration. À partir de ce point, une dissection délicate et difficile des vient nécessaire pour les conduire jusqu'à la base et en dehors du capuchon céphalique, où l’on trouve une deuxième paire, les ganz glions buccaur (Gt), qu'’unit une Commissure très grêle passant en sautoir sur le dos de la première partie de l’œsophage. De ces centres buccaux naissent deux filets fort ténus qui se portent en avant et conduisent aux deux petits'ganglions de la troi- à Voir pl. XXVL, fig. 16 (cm), et pl. XXIX, fig. 7 (a). MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 723 sième paire située à la base du pied, et qui sont les ganglions pé- dieux (Gp). Voilà donc retrouvés les trois groupes de ganglions caractéris- tiques de l’acéphale aussi réguliers, aussi distincts et aussi symé- triques que dans un Anodonte. Les connectifs unissant ces ganglions ont les mêmes caractères et tes mêmes rapports que chez les lamellibranches les plus norma- lement organisés, et la seule commissure distincte, celle qui passe en sautoir derrière l’œsophage pour compléter le collier œsophagien, est identique, par sa situation, à celle du plus grand nombre des types de ce groupe. Quant aux nerfs proprement dits, ils ne sont pas moins caracté- ristiques par leur distribution et les connexions qu'ils affectent. Ceux qui naissent des ganglions susæsophagiens sont gros et faciles à découvrir, ils innervent toute la partie supérieure du man- teau. L'un d'eux, le palléal antérieur(pa), le plus volumineux, se porte en dehors et en avant, gagne le tube du manteau au-dessous du dis- que supérieur et fournit de nombreuses branches irrégulièrement subdivisées qui s’épuisent en s’anastomosant et formant un réseau ou plexus à mailles polygonales situé surtout dans la région supé- rieure à l’orifice antérieur. L'une de ses branches devient terminale et descend latéralement un peu en arrière de l’orifice antérieur pour s’anastomoser avec les nerfs palléaux inférieurs. Le second nerf palléal postérieur (pp) se distribue au dôme du disque et, par les extrémités de ses ramifications, s’anastomose avec les terminaisons supérieures du palléal antérieur. | J'ai aperçu, mais sans avoir pu le suivre, un filet très délié qui m'a paru aller aux palpes et qui naît en dehors du ganglion cépha- lique. Des deux petits ganglions pédieux, on voit, au travers des tégu- ments, naître, sans avoir besoin de les disséquer, quatre paires de nerfs grêles, L’uné d’elles monte dans le pied et s’y ramifie. C’est le 724 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. nerf pédieux proprement dit. Une autre passe sur les côtés de la base de l’organe et se distribue en avant de cette base dans les téguments supérieurs de la masse viscérale. La troisième paire, extrêmement petite, se porte en arrière et gagne, pour s’y terminer, la surface in- termédiaire au pied etau capuchon buccal. Enfin, la quatrième se porte en dehors. On peut prévoir, a priori, en raison même du grand développe- ment de la région inférieure du manteau, que les nerfs naissant des ganglions branchiaux doivent être aussi très gros et très nombreux. C'est, en effet, ce qui existe. A côté des connectifs qu’on a vus remonter vers la bouche, et en dehors d'eux, naît un nerf volumineux : c’est le nerf branchial (nb). Il gagne le repli falciforme portant la branchie, s'engage dans son intérieur, se recourbe en bas, s’accole au vaisseau afférent placé dans l'union des deux feuillets directs, et descend jusqu’à l'extrémité inférieure de l'organe. Ce nerf m'a paru très facile à reconnaître sans préparation, par suite, sans doute, de la macération prolongée de l’animal dans l'alcool. On le retrouve identique à ce qu'il est chez tous les Acéphales, et sa position indique nettement les deux moitiés de la branchie. Il court le long du repli falciforme sous l'angle d'union des deux feuil- lets directs, à côté de la veine afférente. Le nerf le plus volumineux et le plus important en apparence est certainement le nerf palléal inférieur (Nr). Né sur l'angle inférieur du ganglion branchial, il se porte en dehors et en bas, et s’épuise rapidement en fournissant de très gros et nombreux rameaux collatéraux. D'abord, sur son côté supérieur, il donne deux branches qui re- montent sur la partie antérieure et postérieure du manteau, où, après s'être divisées, elles se terminent en s’anastomosant avec les dernières ramifications du nerf palléal supérieur. En dessous, l’on compte cinq branches fort longues allant, quel- ques-unes, jusqu'aux orifices inférieurs.Trois d’entre elles se rendent MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES, 725 dans l'épaisseur des parois du tube antérieur. Cela fait donc six nerfs gros et longs, pour cette partie qui est tout entière destinée à l'inspiration. En arrière, un rameau suit très exactement la saillie palléale lon- gitudinale sur laquelle s'attache le bord de la lame externe de la branchie et arrive jusqu'à la limite supérieure de la cloison muscu- laire partageant le siphon en deux tubes. Enfin, une dernière branche, celle qui naît le plus près de l’ori- gine de ce gros tronc, descend parallèlement de chaque côté du rectum et se perd en ramuscules délicats et difficiles à suivre sur la face postérieure du tube expirateur du siphon. Dans quelques espèces longuement siphonnées, on trouve cette partie du manteau couverte de réseaux anastomotiques nerveux, offrant aux angles d’anastomes de petits ganglions. Ici, rien de sem- blable ne s’est montré, et c’est là une preuve nouvelle de ce principe que les trois paires de ganglions des Acéphales sont fondamentales, et que la présence de ganglions supplémentaires, étant accidentelle, ne peut être considérée comme apportant des changements à cette distinction primitive et caractéristique. Pour les organes des sens, je n’en peux rien dire ; on sait que les otocystes sont difficiles à trouver, et que, pour les découvrir, il faut des dissections fort délicates et tout à fait indépendantes des pré- cautions et des réserves que m'imposaient le peu de matériaux que j'avais à ma disposition ; je ne les ai point vus non plus que les or- ganes de la vision. En résumé, le schéma, typique de l’Acéphale, est aussi clair et aussi nettement défini quant au système nerveux que pour les autres organes. Muscles. — Sans établir des comparaisons nombreuses entre les conditions organiques des monomyaires et des dimyaires, il est bien difficile de discuter quelques-unes des questions de morphologie générale se rapportant à la myologie de l’Arrosoir. La chose sera faite dans la partie générale de ce travail, à laquelle 726 . HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. je renverrai donc pour les considérations relatives aux muscles ad- ducteurs et aux impressions musculaires de la coquille. Il est cependant difficile de ne pas rappeler en ce moment que le centre nerveux branchial est toujours situé en avant du muscle adducteur inférieur. Or, ici, ce muscle fait bien évidemment défaut; il a avorté, on n’en trouve pas trace. Dès lors, les rapports du ganglion et du rectum sont modifiés, Le muscle ayant disparu et le rectum restant toujours à sa place, c’est-à-dire postérieur, les ganglions doivent s'approcher de celui-ci et se trouver immédiatement sur sa face antérieure. PI, XXIX (Gb) (À). Quant au muscle adducteur supérieur, s'il existe, il est pro- fondément modifié et ne paraît être représenté que par des fibres disjointes ayant de nouvelles fonctions à remplir puisque les valves sont immobiles et n'exigent plus d'organes actifs pour les mouve- ments. Il ne peut être douteux que les paquets de fibres que l'on voit à la partie postérieure du corps et qui, s’étalant en éventail (pl. XX VI, fig. 7), vont se fixer sur les impressions musculaires de la coquille dans la zone entourant les petites valves, doivent correspondre dans une certaine mesure à ce qui fut à l’origine le muscle adducteur supérieur. Mais il serait, je crois, bien difficile, sans avoir vu ce que sont ces muscles sur des animaux à des périodes diverses du déve- loppement, d'assigner des homologies précises. Néanmoins, il faut remarquer ce fait curieux, savoir : que lorsque l’un des muscles adducteurs avorte, c’est toujours le muscle susbuc- cal ou supérieur. Tandis qu'ici c’est le contraire qui arrive, puisque les fibres postérieures, correspondant à la vraie coquille et ne peu- vent représenter que des restes du muscle supérieur, si tant est qu'elles les représentent. Le disque terminal supérieur est très épais ainsi que la partie voisine et latérale du manteau dans le tiers supérieur. Ce développe- ment des fibres musculaires palléales est en rapport sans doute MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 727 avec les fonctions de l'organe qui est incontestablement destiné à chasser avec force l’eau introduite dans son intérieur. Pour la solution de ces questions, l'étude de l’animal vivant en dirait bien plus que toutes les suppositions. Le pied est tellement petit, tellement rudimentaire, qu’on ne sau- rait lui attribuer un rôle bien important. Dans les diverses planches, il est désigné par la lettre P. Probablement, à l’origine, il pouvait sortir par les orifices supé- rieurs et antérieurs de la coquille encore assez grands puisqu'il est en face d’eux ; mais chez l'adulte il ne semble guère probable que cet organe locomoteur se présente au dehors car les deux orifices supérieurs et inférieurs de la coquille sont le plus habituellement oblitérés. Ce qu’on peut tout au plus admettre, c’est que le pied fait encore saillie hors du manteau, comme cela a lieu dans la gastro- chène, et se promène entre les parois de la portion supérieure du tube et du manteau. Mais à quoi peuvent bien servir ces sorties? L’expé- rience et l’observation sur l'animal vivant pourront seules éclairer à cet égard. | Ruppel est dans l'erreur en désignant la masse viscérale comme étant le pied. Nous insisterons sur la distinction de ces deux parties en nous occupant de la morphologie générale. XIII Il serait difficile de terminer cette série de descriptions anato- miques sans présenter une conclusion que plus d’un passage de ce travail a fait déjà pressentir ; elle sera courte et résumée en quelques mots. On en verra la raison dans le dernier paragraphe. L'animal de l’Arrosoir est en tout semblable morphologiquement à celui des Acéphales. Après avoir été dans les premières périodes de son évolution un Acéphale ordinaire harmonieusement constitué par le développement bien pondéré de ses divers organes, comme le prouvent la symétrie et la régularité de ses valves, son corps, par l'accroissement excessif de sa région inférieure, la partie supérieure 728 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. restant stationnaire, n'a pu se retirer dans le test; alors a commencé une période de sécrétion calcaire anormale, ayant causé de cette forme singulière d’où est venu le nom d’Arrosoir. Mais il n'y a rien dans cette forme tout extérieure qui puisse éloi- gner du groupe si naturel des lamellibranches l’animal dont toutes les conditions organiques viennent si bien concorder avec le plan fondamental du type aussi caractérisé que facile à définir nette- ment ; nous dirons même que l’animal de l’Arrosoir est plus correc- tement conformé, d’après ce plan, que celui des Tridacnes, des- Bénitiers, des Anomies et même des Huîtres. XIV Ce travail n’était dans ma pensée qu'une introduction à l’étude morphologique du plan de l’Acéphale. Des conditions inhérentes à la publication d’un recueil périodique me forcent à reporter dans un autre volume les considérations générales qui auraient dû trouver place ici comme conclusion. Elles feront l’objet d’une publication ultérieure. J'avais voulu donner ici un exemple de la méthode que depuis longtemps je me suis imposée pour mon enseignement de la zoolo- gie à la Sorbonne. Elle permet de simplifier les descriptions et de grouper logiquement les données les plus générales et les plus im- portantes de l’histoire des animaux. Prenant dans une division naturelle un être normalement consti- tué et en faisant une étude détaillée, je m'en sers comme d’un terme de comparaison auprès duquel viennent se grouper les termes se- condaires de la série d'autant plus près du type qu'ils lui sont plus semblables, d'autant plus éloignés qu'ils offrent des conditions orga- niques plus différentes. On peut, de la sorte, à l’aide d'exemples convenablement choisis, et par des transitions insensibles, arriver jusqu'aux êtres les plus anormaux, offrant les transformations les plus étranges et les plus inexplicables en apparence. Ainsi, dans le groupe des Acéphales, la connaissance du type le plus MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 729 normal, le plus acéphale, si l’on peut s’exprimer ainsi, étant d’abord acquise, on pourrait l'utiliser pour expliquer comment sont pro- duites, par des dégradations et des modifications successives, les formes secondaires, éloignées les unes des autres et paraissant au premier abord tellement aberrantes qu’on a peine à les rapprocher. Lorsqu'on a fait des études semblables, souvent un mot, indi- quant la transformation d’un organe, suffit pour établir le caractère fondamental d’un type dégradé et permettre de lui donner une place vraiment légitime dans le cadre de la classification. Une marche inverse peut encore conduire au même résultat en offrant tout autant de précision et d'intérêt. Ne prenant plus alors pour point de départ un animal normale- ment conformé, mais choisissant, au contraire, un être des plus aber- rants, après avoir appris à le connaître dans ses moindres détails, on peut revenir aux formes les plus simples etles moins anormales, en s’'élevant progressivement des plus modifiées aux plus harmonieuse- ment constituées. C'est cette dernière marche que je comptais suivre ici. En partant de la connaissance acquise de l’organisation de l’Ar- rosoir, Je voulais établir, en montrant ses anomalies, quel est le type idéal et schématique de l’Acéphale. Il est incontestable que, jugée d’après l'extérieur seul et l’appa- rence de la coquille, l’organisation de l'être qui vient de nous occu- per pouvait sembler a priori bien singulière. Il s'agissait donc de montrer en quoi et pourquoi cette organisation différait de celle des autres êtres du groupe. Ce travail plein d'intérêt, je l’ai fait en exposant l’histoire des mollusques dans mon cours de la Sorbonne. Rechercher quelles sont les bizarreries d'organisation que nous offrent les êtres exceptionnellement constitués, opposer ces aber- rations aux conditions normales qu’on observe dans les animaux dont les parties ont acquis un développement justement pondéré ; n'est-ce pas le plus sûr moyen d'arriver à connaître les lois de la morphologie, lois qui doivent conduire à apprécier à leur juste valeur les caractères organiques propres aux groupes naturels ? 730 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. L'espace me manque pour donner aujourd’hui un développement suffisant à ces considérations, Ce ne sera donc que dans la seconde partie de ce travail que seront discutés quelques principes et lois morphologiques, découlant des comparaisons des différents types du groupe. Alors, il sera facile de montrer, après avoir établi la fixité de quelques connexions importantes, combien on peut logique- ment ramener à un être idéal toutes les formes aberrantes dans lesquelles, au premier abord, on a de la difficulté à reconnaître l'unité du plan de composition. Ge sera aussi dans ce travail que seront rapportées, pour les dis- cuter, quelques observations relatives à l’Arrosoir qui n’ont pu trou- ver place ici, EXPLICATION DES PLANCHES, PLANCHE XXV, Arrosoir (Aspergillum dichotomum) (extérieur, coquille). Fig. 1. Animal de l’Aspergillum dichotomum, avec sa tunique chitineuse, rigide et couverte de concrétions calcaires en (b), souple en (7). Limite des deux parties (a); la partie musculaire (e) ; orifice supérieur du disque (os); orifice antérieur du manteau (va). 2. Le même, vu de profil, mêmes lettres, mêmes parties. 3. Coupe de la vraie coquille passant à peu près à la hauteur des crochets des petites valves ; (g), cavité entre les éléments (e) et (h) qui répondent . aux ventres de la coquille ; (a), partie médiane ne portant pas de trace de la séparation primitive des valves. 4. Fort grossissement. {g), la cavité ; (b), élément extérieur, prismes conoïdes, (e), grosses pyramides, (500) diamètre. 5, Partie de la coupe. Fig. 3, prise en (é), Fort grossissement, 6. Extrémité libre de la partie (h). Fort grossissement. 7. Coupe de la fausse coquille prise au-dessous de l’orifice antérieur (oa). La face interne est hérissée d’épines, Faible grossissement. 8. Une des épines de la face intérieure de la fausse coquille. Fort grossis- sement. 9. Partie d’une coupe de la fausse coquille dont la face interne était couverte non d’épines, mais de nodules sphériques. Faible grossissement. 10. Surface interne de la fausse coquille. Faible grossissement. 11.id. Fort grossissement afin de montrer la structure des nodules-sphériques et des réseaux sous-jacents. 12. Animal dont le manteau est fendu en avant pèut montrer la position des organes. V, masse splanchnique; P, pied ; P/, palpes labiaux ; d, disque; B, branchies, MORPHOLOGIE DES ACÉPHALES. 731 PLANCHE XX VI, Aspergillum dichotomum (organes de la digestion), FiG. 13. Le même que dans la figure 43 de la planche XXV, plus ouvert, la branchie est enlevée. P, pied ; Ca, capuchon céphalique ; V, masse viscérale ou bosse de Polichinelle; B7', partie saillante inférieure du corps de Bojanus; A, anus; Gb, ganglion branchial;S, les siphons ; Ss, ouverture du siphon dans la cavité palléale ; (os), RE supérieur ; (oa), oscule antérieur; (d), disque supérieur épais et divisé. 14 et 15. Le tube digestif en place débarrassé des glandes génitales et hépa- tiques et vu du côté gauche et du côté droit ; (æœ),œsophage ; F, reste du foie ; (d), disque supérieur; (ls, li), lèvres supérieures et inférieures ; (g), l'estomac ; (1), intestin avant le rectum ; (4), premier angle ; (i’'), se- cond angle; (1c), première circonvolution sous-cutanée ; (2c), deuxième circonvolution ; (r'), rectum; (c), cœur. 16, Partie supérieure du corps vu par derrière et montrant: Pr, péricarde; B7, corps de Bojanus; C, cœur; O, ovaire; F, foie; Ar, aorte ; (d), dis- que ; (æ), œsophage; (gc), ganglion céphalique; (em), commissure post- œsophagienne. 17, Sommet de la masse viscérale pour montrer la première circonvolution in- testinale avec le Typhosolis intérieur. 18. Coupe de l’estomac montrant les replis intérieurs. 49. L’anus avec les détails de ses lèvres. A, ouverture ; (1), lèvre supérieure; (4), lèvre inférieure. 20. Coupe du rectum. 21. Une portion d'un acini du foie pour en montrer les cellules. Assez pans grossissement. 22, Éléments divers du Foie. PLANCHE XXVII, Aspergillum dichotomum (organes de la respiration et de la reproduction). FiG. 1. V, bosse de Polichinelle grossie; Bj, partie postérieure sous-péricardique du corps de Bojanus; Bj’, partie inférieure et antérieure de la même glande; Gb, ganglion branchial; A, anus; T, testicule; O, ovaire; CG, cœur; (r), rectum; P, pied; PL, palpes labiaux; F, foie; (1c), première circonvo- lution intestinale; Ca, capuchon céphalique avec les lèyres supérieures ({s) et inférieures (li) ; enfin Ge, ganglion céphalique. 2. Foie et ovaire pris au-dessous du péricarde pour montrer leur différence, 3, Région des papilles d'ouverture des glandes génitales et bojaniennes forte- ment grossie; (ov), papilles de l’oviducte, On voit un œuf dans son ouver- ture; (a), lèvres de l’ouverture bojano-testiculaire; (ct),canal testiculaire; (cb) canal du corps de Bojanus; (c),le connectif qui passe entre les deux papilles. 4. Coupe de la branchie montrant (m) la membrane d’union des deux replis réfléchis ; Ir (c), l'angle inférieur d’union de cette membrane ; (e), veine efférente; (b), repli falciforme, porteur de la branchie; (nb), nerf branchial; (a), veine afférente ; Id, lame directe interne ; Ed, lame directe externe; Ir, lame réflective interne. 3. Une portion de la branchie montrant ({ et 1”, les filaments perpendicu- laires à l’axe de la branchie; (b), les filaments longitudinaux; (c), les cils; (3), les granulations internes du vaisseau ; (x), la paroi hyaline; (y), la couche cellulaire portant les cils. - 6. Coupe passant par un vaisseau longitudinal, même série de lettres que dans la figure précédente. 732 Fic. Fic. HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. PLANCHE XXVIN. Aspergillum dichotomum (circulation, reproduction, corps de Bojanus). 1. 2 FF © 0 e © e a e L'animal vu par le côté dorsal. T", tunique chitineuse remplie de nodules calcaires; T, partie de la même mais souple; M, portion musculaire ; R, siphons; P, péricarde injecté en bleu, d’où partent des veines (up). . Partie postérieure du corps pour montrer le cœur C, et le péricarde P, l'aorte (ao), la veine péricardique (vp), le corps de Bojanus B, et le rec- tum enfermé dans une gouttière postérieure bojanienne (c). . Le même grossi, et le corps de Bojanus ouvert pour montrer surtout (z) le poumon de Bojanus ou lobe interne de la glande et (op) les orifices du péricarde dans l'extrémité supérieure du corps de Bojanus. La partieiteintée en bleu indique le sinus péricardique au fond du- quel se trouve la communication du péricarde avec l'appareil veineux. Coupe un peu schématisée, destinée à montrer les communications et ou- vertures du corps de Bojanus; (g), grande ouverture faisant communiquer les deux sacs; (z), lobe médian; (u), ouverture du lobe médian dans la ca- vité générale; (op),ouverture du péricarde dans le lobe médian; ({), canal déférent ; (b), canal de Bojanus ; des gouttelettes de bleu indiquent la marche que la matière colorée partant du péricarde a suivi, pour arriver au dehors par l’intermédiaire du corps de Bojanus. . Cellules et corpuscules solides intercellulaires du corps de Bojanvs. . Une portion du testicule montrant les acinis groupés sur les côtés d’un canal (ct). . Contenu des acinis du testicule; en (a), des éléments qui rappellent bien des têtes de spermatozoïdes ; fort grossissement. Deux œufs (e et t) suspendus au tissu cellulaire (s) de l’ovaire par un pé- doncule (p). . La tache fort brillante qui a pu être la tache germinative? Sur un œuf trouvé dans la branchie ; son pédicule (p) présente un orifice (m) qui est le micropyle. PLANCHE XXXIX. À Aspergillum dichotomum (système nerveux). 1 . Une portion de la tunique chitineuse couverte de sphérules calcaires. . (a) Une de ces sphérules fortement grossie;(d), strie de la membrane; (b), un noyau présentant quatre acicules ; (c), un autre déjà hérissé de spiniules. Portion très mince de la fausse coquille. Nuage muqueux produit par les siphons d'une Gastrochène dans leque: sont des spicules calcaires en forme de navette et qui formeront le tube prolongeant la loge. Fort grossissement. (700) diamètre. | Vue des deux orifices du siphon inspirateur (a) et expirateur (p)}. Vue de face. Coquille ouverte, ainsi que le manteau, sur le côté droit pour montrer les trois centres : ganglions branchiaux Gb; pédieux Gp; céphalique, Gc. Nerfs : (pp), palléal postérieur ; (pa), palléal antérieur; (nb), nerf bran- chial ; Nr, grand nerf respirateur palléal inférieur. Cette figure donne une idée très bonne de l’ensemble de l’organisation de l’animal de l’Arro- soir et de ses rapports avec sa coquille. (c), connectif branchio-buccal ; (a), commissure postérieure œsopha- gienne. . L'animal vu de face, le manteau étalé pour montrer les nerfs surtout très développés en bas ; les mêmes lettres désignent les mêmes organes. APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION ÉTUDE ANATOMIQUE ET PHYSIOLOGIQUE PAR M. J. JOYEUX-LAFFUIE. Docteur ès-sciences et en médecine, Maître de conférences à la Sorbonne, Le manque de renseignements précis sur la structure de l'appareil venimeux du Scorpion et les opinions si différentes qui ont été émises sur le mode d'action de son venin sont les raisons qui m'ont déterminé à entreprendre des recherches sur ce sujet. Quelle est la structure de l'appareil venimeux du Scorpion? —Com- ment et sur quels éléments de l’organisme agit le venin lorsqu’il est introduit dans l’économie ? — Telles sont les principales questions qui se présentent naturellement à l'esprit lorsque l’on aborde l'étude du sujet qui fait l’objet de ces recherches. A chacune de ces questions correspond dans le cours du présent mémoire un cha- pitre qui en est pour ainsi dire la réponse détaillée. A ces deux chapitres d'anatomie et de physiologie, j’ai cru devoir en ajouter un de pathologie et un quatrième de conclusions, sorte de résumé dans lequel j’ai eu pour but de présenter d’une manière concise et presque sous forme d’aphorismes le résultat de mes re- cherches et l’état actuel de la question. Dans un appendice biblio- graphique, on trouvera l'indication des principaux travaux ayant trait au sujet. Enfin, une planche jointe au mémoire est destinée à faciliter la compréhension des descriptions anatomiques. 7134 J. JOYEUX-LAFFUIE. J'aurais pu au début, dans un court aperçu historique, indiquer le point où en était le sujet lorsque j'en ai entrepris l'étude. Mais cette manière de faire, sans beaucoup contribuer à la clarté, eût obligé à des redites pour ainsi dire continuelles. J’ai préféré, au fur et à mesure que les différentes questions seront examinées dans le courant du mémoire, citer les auteurs, même parfois reproduire partiellement et textuellement leurs écrits lorsqu'il pouvait y avoir place au doute. Les recherches d'anatomie et de physiologie comparée concer- nant ce travail ont été faites à la Sorbonne êt à Roscoff, dans les laboratoires de zoologie expérimentale de M. de Lacaze-Duthiers. Pour ce qui a trait au mode d'action du venin chez les mammifères, elles ont été menées à bonne fin, grâce à l’autorisation qu’a bien voulu m'accorder M. Vulpian de travailler dans son laboratoire de la Faculté de médecine. Je dois ici adresser à l’un et à l’autre de ces maîtres si sympathiques, toujours prêts à favoriser le travail, mes sincères remerciements et ma vive reconnaissance. Deux espèces de Scorpions se trouvent assez communément dans le midi de la France : une petite espèce, le Scorpion d'Europe (Scor- pio Europæus) *, de couleur brun foncé, ne dépassant guère 3 centi- mètres à 3 centimètres 1/2 de longueur, se rencontre dans toute la région méridionale de l'Europe. Son appareil venimeux peu dé- veloppé, en raison de sa petite taille, en fait une espèce peu favo- rable aux recherches. Une espèce de plus forte taille, le Scorpion roussâtre (Scorpio occitanus)', peut atteindre 8 centimètres à 8 cen- 1 Le Scorpion d'Europe a encoreété désigné sous les noms de : Scorpio flavicaudus, De Géer ; Scorpio germanicus, Schæffer ; Scorpio terminalis, Brullé. Les espèces suivantes, considérées par certains auteurs comme des espèces diffé- rentes, appartiennent aussi fort probablement à la même espèce: Scorpio italicus, Rœsel ; Scorpio massiliensis, Koch; Scorpio nauypliensis, Koch ; Scorpio aquihiensis, Koch ; Scorpio rufus, Koch; Scorpio sicanus, Koch ; Scorpio concinnus, Koch ; Scor- pio tergeslinus, Koch ; Scorpio carpathicus, Koch; Scorpio algericus, Koch; Scorpio tauricus, Koch. | APPAREIL" VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 135 timètres 1/2 de longueur. Outre ses caractères anatomiques, son aspect cireux le fait immédiatement reconnaître; son appareil venimeux, bien développé, renferme une quantité de venin beau- coup plus considérable. C’est cette dernière espèce qui a servi à mes recherches. | Il eût été intéressant de pouvoir expérimenter avet les grandés espèces des pays tropicaux qui, comme le Scorpio afer, peuvent atteindre jusqu’à 16 à 17 centimètres de longueur, et dont la piqûre, fort dangereuse pour l'homme est même mortelle d’après certains auteurs. Malheureusement, la difficulté que l’on éprouve à se procu- rer ces animaux ne m'a pas permis de pouvoir m'en servir pour mon travail. J'ai dû, à mon grand regret, me borner au Scorpio occitünus, très commun aux environs du laboratoire de zoologie de Banyuls- sur-Mer. Il ANATOMIE. Malgré sa grande simplicité, l'appareil venimeux du Scorpion est encore mal connu des anatomistes, et en abordant son étude d’une façon détaillée, il n’est pas sans intérêt de faire remarquer que des savants tels que Cuvier, Meckel, Treviranus, L, Dufour, Blan- chard, etc., qui se sont occupés de l’anatomie des Scorpions avec tant de succès, nous ont donné de cet appareil des descriptions in- complètes ou inexactes, Les erreurs ou l'insuffisance des descriptions ne doivent pas être attribuées aux hommes illustres que je viens de citer, mais plutôt à leurs moyens insuffisants d'investigation. Cet appareil est, en effet, un sujet d'étude anatomique qui nous montre d’une façon nette ce que peut et doit donner chacun des 1 Le Scorpion occitan'en a encore été désigné sous les noms de : Scorpio tuneta- nus, Herbst; Buthus occilanus, L. Dufour; Androctonus tunetanus, Hemprich et Ehrenberg. 736 J. JOYEUX-LAFFUIE. deux procédés les plus employés actuellement dans les recherches. Je veux parler du procédé des dissections fines, soit sous la loupe, soit sous le microscope, et du procédé des coupes. Par le procédé des dissections fines, le sujet avait été, on peut le dire, épuisé par des anatomistes aussi habiles que ceux que je viens de citer, et en par- ticulier par M. Blanchard ‘, qui nous a donné du Scorpion une mo- nographie qui restera un véritable modèle d’étude. Mais ce pro- cédé, comme le dit avec juste raison M. de Lacaze-Duthiers, ne doit pas être exclusif, nous ne devons lui demander que ce qu’il peut nous donner, et, pour complément, avoir recours à la méthode des coupes. C’est, en effet, au moyen de ce dernier procédé, dont onfait un véritable abus actuellement dans certaines écoles allemandes, que j'ai pu me faire une idée exacte de l’appareil venimeux du Scorpion. | Comment pourrait-on, en effet, étudier l’aiguillon qui termine l'abdomen du Scorpion au moyen de la simple dissection sous la loupe? Cette fine pointe de couleur foncée, dur2, chitineuse, se brise infailliblement et empêche toute observation. Par la méthode des coupes, au contraire, en faisant des sections transversales en différents points, on se fait facilement une idée exacte des rapports qu'affectent les conduits des glandes à venin entre eux et avec l’ai- guillon dans l’intérieur duquelils cheminent, rapports qui, jusqu'ici, n'avaient pas été observés, et, en conséquence, toujours décrits d’une manière inexacte. Il en est de même des glandes qui sécrètent le venin; la dissection était insuffisante, les coupes seules sont ca- pables de montrer leur véritable structure. Une difficulté se présentait et devait être surmontée. La grande différence de consistance qui existe dans l’appareil à venin entre la partie chitineuse dure et les parties molles que celle- ci renferme est une réelle difficulté pour obtenir des coupes minces de tout l'appareil. Après avoir essayé plusieurs procédés, j'ai défini- ÉMILE BLANCHARD, l'Organisation du règne animal, 1851-1859, APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 137 tivement adopté celui qui consiste à durcir les pièces par la gomme et l'alcool; les parties molles acquièrent ainsi une dureté voisine de celle de la chitine, et il devient alors possible de faire des coupes suf- fisamment minces. Pour étudier seulement les glandes à venin dé- barrassées de leur enveloppe chitineuse, on se sert avec avantage du durcissement par l'alcool qui permet une coloration facile. On peut couper dans la paraffine et obtenir ainsi des coupes fort minces qui permettent un examen facile des éléments. Les très jeunes Scorpions, nouvellement sortis des organes géni- taux de la mère, sont aussi préférables, leur enveloppe chitineuse n'ayant pas encore atteint le degré de dureté que l’on observe chez les individus plus âgés. L'appareil à venin du Scorpion est tout entier constitué par le dernier segment abdominal (fig. 2), renflé, piriforme, il se termine par une pointe recourbée très aiguë destinée, comme nous le ver- rons, à l’inoculation du venin. Le tube digestif, chez le Scorpion, au lieu de pénétrer, comme cela se voit chez un grand nombre d’autres arthropodes, dans le dernier segment abdominal, se termine à l’anus situé à la partie antéro-infé- rieure de l'animal, dans l’espace compris entre les deux derniers segments !. Plusieurs auteurs se refusent à considérer l'appareil à venin comme un dernier segment abdominal. Walkenaer et Gervais ?, dans leur définition du genre Scorpio, s'expriment ainsi : « Le dernier article portant l’anus à sa partie postéro-inférieure, et, articulée avec lui, une vésicule aiguillonnée pour la sécrétion d’une liqueur vénéneuse.» ] M. Emile Blanchard considère l'appareil à venin comme un 1 Je suppose l'animal placé la bouche en haut et la face ventrale qui porte les pattes tournée en avant. En plaçant toujours les animaux dans cette même position on rend plus faciles les considérations morphologiques. ? WALRENAER et GERVAIS, Histoire naturelle des insecles aptères, Paris, 1844, pe 15. ARCH,« DE ZOOL, EXP, ET GEN. — 20 SÉRIE, === T, 1, 1883. 47 738 J. JOYEUX -LAFFUIE. sixième zoonite, c’est-à-dire Comme un segment; il en est de même de Gegenbaur ?, Muller, Cuvier, Siebold et Stanius, et la plupart des auteurs. L'appareil venimeux doit être, en effet, considéré comme un zoonite et non comme un appendice. Sa situation toute parti- culière et sa destination à une fonction spéciale suffisent à expliquer sa forme bien différente de celle des segments précédents. L’em- bryogénie % vient aussi témoigner en faveur de cette opinion et é montrer que ce dernier segment peut être comparé au telson des Crustacés. Chaque segment du post-abdomen présente à son extrémité su- périeure, latéralement, deux petites cavités articulaires, et à son. extrémité inférieure deux petits condyles. Les cavités de chaque segment s’articulent avec les condyles du segment suivant. Il existe ainsi entre deux segments deux petites articulations latérales qui permettent desmouvements deflexion et d'extension, mais s'opposent à tout mouvement de latéralité. Il existe entre le cinquième segment et l'appareil à venin un mode d’articulation qui, quoique étant fon- damentalement le même, en diffère cependant sous beaucoup de rapports et mérite d’être signalé. Les deux condyles de l'extrémité inférieure du cinquième segment sont situés très près l’un de l’autre et sur le bord postérieur. Les deux petites cavités du segment veni- meux, situées aussi postéricurement, s’articulent avec les condyles du segment précédent. Mais il y a là un mode d’articulation un peu différent de celui qui existe entre les segments précédents et qui permet des mouvements de latéralité, el même dans certaines limites de circumduction. Dans les articulations précédentes il existe quatre muscles dont deux sont fléchisseurs et deux extenseurs, tandis qu'ici, par des coniractions combinées, ils peuvent faire exécuter à celte articulation les différents mouvements qui s’y produisent. 1 Euize BLancHaRD, L'organisation du règne animal, p. 95. ? GEGENBAUR, Manuel d'anatomie comparée, p. 417, traduction française. $ EL. MerscaniKorr, Embryologie des Scorpions (Zeit. f. Wiss. Zool., XXI, 1870). APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 739 Grâce à sa forme toute spéciale, on peut considérer dans l’appa- reil à venin deux parties, Une première (fig. 9, c), renflée, globuleuse, renferme les glandes à venin, c’est la partie sécrétante. Une deuxième (fig. ?, d), terminée en pointe en forme d’aiguillon, fait pour ainsi dire suite à la première, renferme les conduits excréteurs des glandes et présente à son extrémité deux petits orifices pour la sortie du venin; c’est la partie destinée à l’inoculation. La partie sécrétanté globuleuse possède, comme tout l'animal, une couleur jaunâtre, terre de Sienne, et offre un aspect translucide analogue à celui de la cire. Outre quelques rangées de fins tuber- cules et la présence de quelques poils tactiles, on ne distingue à l'extérieur rien de particulier à signaler. L'aiguillon se fait immédiatement reconnaitre à sa couleur ; jau- nâtre à son origine, il passe bientôt à la couleur terre de Sienne brûlée pour devenir d’un noir intense dans toute la partie terminale. Sa grande dureté fait qu'il se brise assez facilement. On rencontre ainsi parfois des Scorpions privés de l'extrémité de leur aiguillon qu'ils ont perdu, soit en combattant, soit par accident; ne pouvant plus piquer, ils deviennent inoffensifs. Au moyen d’une loupe éclairante et d’une loupe de Brüke, on distingue facilement à l'extrémité de l’aiguillon les deux petits orifices (fig. 3, a, b) ovalaires auxquels aboutissent chacune des glandes à venin située du côté correspondant. Ils sont situés latéra- lement très près de l'extrémité, sans cependant jamais occuper tout à fait cette extrémité, disposition qui serait, du reste on le com- prend, moins favorable à l’inoculation du venin. Galien, à l'encontre de l’opinion d'auteurs anciens, avait nié la présence d'orifices à l'extrémité de l’aiguillon. Redi?, malgré ses recherches, ne put arriver à les distinguer et c’est Maupertuis ! qui, en 1731, les a, pour la première fois, très nettement décrits. ‘ Rent, Opere di Francesco Redi, t, I, Firenze, 1684, 2 MaupertTuis, Expériences sur les Scorpions (Mém. de l'Académie des sciences, p. 293, 1731). L] 740 J. JOYEUX-LAFFUIE. Relativement mince dans la partie renflée, l'enveloppe chitineuse s'épaissit à mesure que l’on s'approche de l’aiguillon. Les figures 6 et 7 représentant des coupes transversales faites à différentes hau- teurs, montrent très nettement cette particularité. Maintenant que nous connaissons l'appareil venimeux considéré extérieurement, pénétrons dans l'intérieur et voyons quelle est la disposition et la structure des glandes à venine Ces glandes sont au nombre de deux, de même volume et symé- triquement placées. Chacune d'elles, piriforme, légèrement aplatie sur la ligne médiane, possède une portion renflée logée dans la partie dilatée de l’appareil (fig. 5) et un canal excréteur situé dans l’aiguillon. Il est facile de préparer les glandes par la dissection, excepté cependant les canaux excréteurs, mais pour les étudier avec soin il est nécessaire d’en examiner des coupes. Sur une coupe (fig. 6) faite au niveau de la partie la plus renflée, on voit que ces deux glandes sont contiguës sur la ligne médiane et légèrement aplaties par leur pression réciproque. En examinant une coupe transversale même à un faible grossissement, on voit que chaque glande se compose de trois couches qui sont : 49 Une couche externe en partie musculaire et en partie chiti- neuse ; | 2° Une couche moyenne celluleuse qui tapisse la précédente et présente des prolongements à sa face interne; 3° Une couche interne épithéliale qui recouvre complètement la couche celluleuse. Examinons en détail chacune de ces couches. La couche externe est, avons-nous dit, en partie musculaire et en partie chitineuse. Du côté extérieur, en effet, il n’existe absolument que la paroi chitineuse, tandis qu’à la partie postérieure et à la parlie interne se voit une couche musculaire qui, au lieu d’entourer complètement la glande, comme l'ont avancé quelques auteurs, s’insère d’une part sur l'enveloppe chitineuse près de la ligne D, ddr 7 Ge Le APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 741 médiane de la face postérieure et d'autre part, sur la face latérale, ses fibres, au lieu d’être longitudinales, c’est-à-dire dirigées suivant le grand axe du dernier segment, sont, au contraire, transversales et dirigées d’arrière en avant. Il existe ainsi pour chaque glande une sorte de membrane musculaire s'étendant longitudinalement depuis sa partie supérieure jusqu'à sa partie inférieure. Cette membrane enveloppe environ les deux tiers du pourtour de la glande, l’autre tiers est immédiatement en contact avec le squelette extérieur chi- tineux. En face d’une semblable disposition, on comprend facilement l'expulsion au dehors du venin contenu dans la cavité centrale de la glande.Lorsqu'en effet la membrane musculaire se contracte, la partie chitineuse étant résistante, la glande est comprimée et le venin est expulsé; comme de plus les fibres sont transversales, il est probable qu'il y a là une espèce de mouvement péristaltique commençant vers le haut et obligeant toujours le venin à gagner la partie infé- rieure. Cette membrane musculaire est entièrement composée par des fibres musculaires striées dont la striation est nette et facile à observer (fig. 9, a). La couche celluleuse ou couche moyenne (fig. 6, /), mince, ne présente rien de particulier à signaler, elle tapisse entièrement la couche externe partie musculaire et partie chitineuse et est elle- même tapissée par la couche interne épithéliale. De sa face interne se détachent des lames, sortes de replis qui s’avancent dans la cavité de la glande (fig. 9, 2). Ces replis sont disposés suivant l'axe longi- tudinal et contribuent à augmenter la partie interne de la glande et conséquemment la partie qui sécrète le venin. La couche interne ou couche glandulaire ou épithéliale est la partie fondamentale de la glande, c’est elle qui sécrète le venin. Elle est entièrement composée par un épithélium prismatique formé de cellules qui méritent d’être étudiées. Dissociées et vues à l’état frais, ces cellules sont plus ou moins allongées, ovoïdes et bourrées de fines granulations foncées qui leur donnent un aspect opaque et 742 .J. JOYEUX-LAFFUIE. empêchent de distinguer le noyau. En place par leur compression réciproque, elles ont une forme prismatique, comme on peut faci- lement s’en assurer en examinant sous le microscope la paroi d’une glande étalée. Cet épithélium tapisse entièrement toute la cavité interne de chaque glande à venin. Ses cellules reposent sur la couche moyenne qui leur sert d’assise, et elles recouvrent entièrement les lames celluleuses que la couche moyenne envoie vers le centre de la glande. Sur des coupes minces faites soit dans la gomme, soit dans la paraffine, colorées soit par le picro-carmin, soit par l’hémo- toxyline et vues à un assez fort grossissement (fig. 9), on distingue nettement les cellules de la couche interne ou épithéliale ainsi que leurs noyaux, mais les fines granulations que l’on observe facilement à l’état frais ont disparu dans les différentes préparations pour le durcissement. Telle est la structure de chacune des glandes qui sécrètent le venin, structure bien différente, comme nous allons le voir, des descrip- tions qu'en ont données les différents auteurs qui ont étudié l’appa- reil venimeux du Scorpion. Au moment où ces glandes diminuant considérablement de vo- lume pénètrent dans l’aiguillon, la couche musculaire disparaît ; la couche celluleuse et la couche épithéliale persistent seules. La couche celluleuse n’est plus distincte du tissu cellulaire qui l’envi- ronne et dans lequel cheminent les deux canaux excréteurs des glandes à venin; la couche épithéliale est composée de cellules beaucoup moins volumineuses que celles que l’on observe dans les glandes elles-mêmes (fig.7, €). Sur une coupe faite près du point où les canaux s'ouvrent à l'exté- rieur (fig. 8), on voit que l’aiguillon est plein, la cavité centrale n'existe plus et l’on ne distingue que la lumière des deux canaux excréteurs allant obliquement du centre vers la surface externe pour s'ouvrir aux orifices ovalaires situés près de l'extrémité. Il est important de remarquer que, contrairement à l'opinion des auteurs, les deux canaux des glandes à venin cheminent parallèle- APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 143 ment dans la cavité dont est creusée l’aiguillon sans jamais s’anas- tomoser pour former un seul canal, Des coupes faites à différentes hauteurs (fig. 7 et 8) montrent de la facon la plus évidente que la glande à venin du côté droit va s'ouvrir à l’orifice situé à droite près de l'extrémité de l’aiguillon. De même le canal excréteur de celle du côté gauche aboutit à l’orifice situé à gauche. Cette disposition est du reste plus naturelle que celle qui consisterait, comme l'ont cru plusieurs auteurs, en une réunion des deux canaux pour former un seul canal qui irait s'ouvrir à l'extérieur par deux orifices. Comme on peut le voir dans la coupe représentée dans la figure 6, les glandes à venin ne remplissent pas exactement le dernier segment abdominal, et il existe postérieurement un espace assez considérable (e), et antérieurement un beaucoup plus petit (b), tous les deux remplis par du tissu cellulaire. C’est dans ces deux espaces que cheminent les vaisseaux et les nerfs qui se rendent à l'appareil VeniMEeUXx ; dans le premier sont les vaisseaux, dans le second les nerfs. Maintenant que nous connaissons la structure de l'appareil veni- meux, on doit naturellement se demander quelle est la partie qui sécrète le venin. Sans aucun doute, c’est la couche interne ou épi- théliale des glandes à venin; il suffit d'avoir examiné une goutte de venin au microscope à un fort grossissement (fig. 10), d’avoir vu les granulations caractéristiques qu’on y trouve en si grande quantité, pour immédiatement les reconnaître dans les cellules épithéliales examinées à l’état frais. Ces granulations se formant dans les cel- lules épithéliales et ne pouvant traverser la membrane cellulaire, il est naturel de penser que la sécrétion du venin se fait par la rup- ture des cellules. Une cellule arrivée à maturité se rompt et laisse échapper son contenu ; le protoplasma forme la partie liquide du venin, et les granulations deviennent libres dans cette partie liquide. Le venin ainsi sécrété s'’accumule dans la cavité de chaque glande et attend là la contraction dela couche musculaire pour être expulsé au dehors. Ces contractions sont entièrement soumises à la volonté 744 J. JOYEUX-LAFFUIE. de l'animal, et il suffit, c’est une expérience facile à faire et que j'ai maintes fois répétée, d’exciter un Scorpion pour voir immédiate- ment sourdre une petite goutte de venin à l'extrémité de son aiguil- lon. | Plusieurs auteurs ont signalé la présence de fibres musculaires dans les glandes à venin, mais il n’en est pas un seul qui ait observé exactement leur disposition et leur rôle physiologique. Stanius et Siebold ‘ pensent que « ces deux glandes sont entou- rées d’une couche de faisceaux musculaires aplatis, circulaires et lisses », et en note de la même page, ces auteurs ajoutent : « Muller, dans Meckels Archiv, considère la portion de ces glandes qui est entourée de fibres musculaires comme un réservoir à venin. Ce der- nier serait sécrété par d'innombrables follicules glandulaires qui en- velopperaient Ja couche musculaire. J'ai en effet vu celle-ci chez le Scorpio Europœus revêtue extérieurement d’une couche de cellules cylindriques ». Cette description est en tous points entièrement fausse, et l’on ne peut s'expliquer l’erreur de Muller, Siebold et Stanius qu’en suppo- sant que ces auteurs ont, en examinant ces glandes, pris la face in- terne pour la face externe et réciproquement. Dans tous les ‘cas, comme je viens de le montrer, la partie musculaire n’est nullement circulaire, et au lieu de fibres lisses, ce sont des fibres striées faciles à observer. | M. Emile Blanchard, dans sa monographie détaillée du Scorpion, donne aussi des glandes à venin une description inexacte et difficile à comprendre : « Les glandes vénénifiques, dit-il, remplissent exac- tement la vésicule caudale. Elles sont ovalaires, lisses extérieure- ment en dessus et au côté externe. Au côté interne, elles ont au contraire deux rangs de stries entre lesquels on distingue de nom- breux follicules apparents sous un fort grossissement. A l’intérieur, i Sranius et Sreporn, Nouveau manuel d'anatomie comparée, vol. 1, p. 526. Paris, 1849, APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 745 la surface des parois est granuleuse. Des fibres musculaires dirigées d'avant en arrière recouvrent les glandes et s’attachent aux tégu- ments. Des fibres analogues, mais proportionnellement plus faibles, maintiennent aussi le canal éjaculateur dans la pointe terminale. Ce canal est unique. » Il suffit de comparer cette description à celle que je viens de donner pour voir qu'elles diffèrent entièrement l’une de l’autre ; aussi ne m'y arrêterai-je pas davantage. Après avoir acquis une connaissance exacte de l'appareil, il est naturel de l’envisager au point de vue morphologique, de recher- cher s’il n’existe pas d’autres Arthropodes ayant des organes homo- logues, et de voir quels sont les organes qui se sont ainsi modifiés pour donner naissance à un appareil sécréteur aussi spécial. En pas- sant en revue le grand groupe des Annelés, on ne rencontre que certains Insectes qui portent ainsi un appareil venimeux situé à l’ex- trémité de l'abdomen; mais les appareils venimeux des Insectes pro- viennent en grande partie de certaines portions des organes de la génération modifiés, tandis qu'ici il n’existe rien de semblable. Peut- être pourrait-on établir une comparaison entre les glandes sérici- gènes des Arachnides et les glandes à venin du Scorpion, mais l’em- bryogénie surtout doit être consultée pour élucider cette question, et malheureusement les recherches font défaut sur ce point; il est donc difficile de se prononcer. Cependant, on ne peut accepter pour le moment qu'avec beaucoup de réserves l’opinion de Gegenbaur !, qui veut voir dans les glandes à venin des Scorpions des glandes dermiques modifiées. Venin. — Le meilleur procédé pour recueillir du venin complète- ment pur est celui qui consiste à irriter le Scorpion. On voit, en effet, presque aussitôt, sortir de l'extrémité de l’aiguillon une petite gout- telette de venin, si toutefois l’animal est en bon état. Le venin de Scorpion fraichement recueilli est un liquide limpide, légèrement opalescent, d'une densité à peu près égale à celle de 1 GEGENBAUR, Manuel d'anatomie comparée. Trad. française, p. 417. 746 J. JOYEUX-LAFFUIE. l’eau à laquelle il est miscible en toute proportion, Il est franche- ment acide et une goutte déposée sur du papier bleu de tournesol le rougit immédiatement. Cependant cette acidité n'est pas très prononcée : tout le venin d’un Scorpion mélangé à un ou deux centimètres cubes d’eau distillée, donne un liquide à peu près neutre. Pour l'examen microscopique il suffit de recevoir une goutte de venin sur une lame de verre, de recouvrir avec une lamelle et de luter à la paraffine pour éviter l’évaporation. Ainsi préparé et vu à un fort grossissement (fig. 10), le venin se montre composé d’une partie liquide contenant en suspension une grande quantité de fines granulations arrondies animées d’un mouvement brownien très actif. Ce sont ces granulations qui donnent au venin sa teinte opalescente, leur présence est d’une grande utilité pour les expériences physio- logiques sur les globules du sang, elles permettent de pouvoir suivre, au microscope, le venin et de voir lorsqu'il arrive au contact des globules. L’acide acétique dissout rapidement ces granulations, ainsi qu'une solution de potasse même très faible. Leur aspect pourrait, à un simple examen microscopique, les faire considérer comme de fines gouttelettes graisseuses, mais l’éther n’a aucune action sur elles, et mises en présence de l'acide osmique, elles ne pren- nent pas la coloration noire intense caractéristique des corps gras. M. Jousset de Bellesme, dans son essai sur le venin de Scorpion, nous dit : « L'examen microscopique montre un liquide très réfrin- gent, renfermant cà et là quelques cellules épithéliales et de fines granulations qui apparaissent surtout quand on mélange le venin à du sérum. Leur présence n’est pas constante; il m’a semblé qu'elles existaient surtout chez les animaux dont la sécrétion de la glande avait été surmenée par des excitations répétées. » Cette description est inexacte ; dans le venin recueilli de la manière indiquée plus 1 Jousser DE BELLESME, Mém. déjà cilé, p.15. RS des ns nd ns dns te à à APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 747 haut, on n'observe jamais de cellules épithéliales et, par contre, il existe toujours des granulations en très grande quantité, Il serait, du reste, difficile de comprendre comment un mélange de venin et de sérum peut faire apparaître ces granulations,qui sont, je le répète, toutes formées dans les cellules sécrétantes de la couche épithéliale des glandes à venin. Le venin de Scorpion est un poison violent que l’animal met également à profit pour l'attaque et la défense. Au moyen d’une très petite quantité de ce liquide, il foudroie en un instant les animaux dont il fait habituellement sa proie et des êtres de taille beaucoup plus considérable peuvent succomber en quelques heures. Voyons maintenant comment et dans quelles circonstances le Scorpion se sert de son appareil venimeux, véritable arme empoi- sonnée, Il faut avoir vu ces animaux lutter avec leurs semblables ou attaquer un animal dont ils veulent faire leur proie, pour pouvoir apprécier le degré de dextérité qu'offre leur abdomen et avec quelle sûreté ils piquent le point qu'ils veulent atteindre. Toujours le Scorpion pique en avant de lui (fig. 4) et jamais en arrière, comme semblent le croire certaines personnes qui n’ont pas observé ces animaux vivants. Cet animal lance des coups d’aiguillon de deux manières bien distinctes ; j'ai pu, pendant les plusieurs mois que j’en ai possédé en captivité, observer maintes fois ces deux façons de faire. Veut-il se: défendre lorsqu'on l'attaque ou qu'on l’excite, ou bien lorsqu'un de ses semblables se présente face à face devant lui, il se contente de chercher pour ainsi dire à l’effrayer ; son abdomen relevé en arc au-dessus de lui, il décoche brusquement un coup d’aiguillon et revient aussitôt dans sa position première. On voit rarement dans ce cas le venin sourdre à l'extrémité de l’aiguillon. On serait tenté de croire que l’animal à conscience de toute la valeur de son pré- cieux venin et, en habile économe, il semble le réserver pour un cas plus sérieux. Pour être spectateur de sa seconde manière de piquer, 748 J. JOYEUX LAFFUIE, il suffit de lui présenter un animal dont il fait habituellement sa nourriture, une araignée par exemple, dont il est très friand. On le voit aussitôt se précipiter sur l’araignée et la saisir avec ses pinces pour la retenir; la proie fixée comme dans un étau, il relève son abdomen et semble, pendant un instant, chercher le point où il doit piquer; pendant ce temps on voit souvent apparaître à la pointe de l’aiguillon une gouttelette de venin. Alors il approche l'extrémité de son abdomen de l’animal-captif, et, par un mouvement de bascule imprimé à l’appareil à venin, l’aiguillon pénètre dans l’araignée. Le Scorpion, au lieu de retirer aussitôt son aiguillon, le maintient pendant un certain temps dans la plaie et probablement, pendant ce temps, comprime ses glandes de façon à faire pénétrer dans l'animal piqué, la plus grande quantité de venin possible. Bientôt, cependant, il le retire et, dès lors, l’araignée, complètement paralysée et inerte, peut être facilement mangée. Pendant cette observation on peut se rendre compte de l’agilité que l'animal possède dans ses immenses pinces et dont il semble au premier abord si maladroit; si l’on cherche au moyen d’une pince à lui enlever sa proie en la tirant par une patte, on le voit aus- sitôt saisir la partie tirée et l’attirer vers lui. Pour résumer ces deux facons de piquer, on peut dire : que, dans la première, le Scorpion a surtout pour but de piquer et d’effrayer, et que, dans la seconde, il cherche surtout à empoisonner. Le Scorpion pique-t-il toujours, comme le pensent certains au- teurs !, les Insectes et ses collègues les Arachnides au céphalothorax ? J'avoue ne pouvoir partager cette opinion, car j'ai souvent vu le Scorpion piquer l’abdomen. La piqûre au céphalothorax tue certai- nement plus rapidement et plus sûrement, mais si après avoir piqué l'abdomen la proie encore vivante cherche à fuir, il se hâte de piquer de nouveau, et rarement l'animal survit à une nouvelle épreuve. 1 JousseT DE BELLESME, Essai sur le venin du Scorpion, p. 13. APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 749 La quantité de venin qu’un Scorpion en piquant peut introduire dans la plaie est naturellement très variable et en rapport avec un grand nombre de circonstances. Elle doit forcément varier avec la taille de l’animal, son degré de vitalité, le plus ou moins long espace de temps écoulé depuis la dernière piqûre, le degré de con- traction des glandes à venin, etc., conditions en partie toutes diffi- ciles ou impossibles à déterminer. M. Jousset de Bellesme évalue la quantité de venin contenue dans l'appareil venimeux à huit milligrammes. Malgré tous les soins qu’il a apportés à ses pesées, son chiffre ne peut être que très approxima- üif, car il est impossible de pouvoir extraire complètement le venin contenu dans les glandes. Par une simple excitation de l’animal on ne peut Jamais arriver à faire sourdre complètement au dehors tout le venin; en le détachant et le comprimant ou bien on extrait une certaine quantité de sang ou, ce qui est plus probable, surtout si l’on ne pousse pas la compression trop loin, on n'arrive jamais à débarrasser complètement les glandes de tout leur venin. Somme toute, je crois, par simple approximation, la quantité de venin contenue dans l'appareil venimeux d’un Scorpion occitanien de taille moyenne, supérieure à huit milligrammes. Souvent, en effet, le venin qui vient sourdre à l'extrémité de l’aiguillon lorsqu'on excite un Scorpion constitue une gouttelette d’un volume assez considérable; sans atteindre les dimensions de ce que l’on désigne par le mot goutte en chimie et qui, comme on le sait, équivaut à un poids variant environ entre 4 à 10 centigrammes suivant les substances, on doit considérer le chiffre huit milligrammes comme un chiffre minimum. 750 J. JOYEUX-LAFFUIE, I. PHYSIOLOGIE. L'étude physiologique des venins est de date toute récente. C’est à peine si nous devons remonter aux auteurs du commencement du siècle pour acquérir des notions exactes sur ces substances. C'est aux physiologistes de l’époque actuelle que nous devons les pre- mières recherches expérimentales sur le mode d’action des venins. Parmi les premiers travaux et les plus intéressants parus sur ce sujet, je citerai volontiers ceux de M. le professeur Vulpian ‘ quiont trait au venin du crapaud. Quant à ceux qui ont trait à l'étude du venin du Scorpion, dont nous nous occupons spécialement dans ce mémoire, le plus important est celui de M. PaulBert?, publié en 1865. Le venin du Scorpion estun de ceux qui ont le plusattiré l'attention des physiologistes ; mais si, parcourant les principaux travaux pu- bliés sur ce sujet, on désire se rendre un compte exact de son mode d'action, on ne tarde pas à s’apercevoir que des opinions très diffé- rentes ont été émises sur la manière dont il agit. Parmi les nombreux travaux, deux sont particulièrement utiles à consulter et méritent d’être signalés : d’abord celui de M. P. Bert, dans lequel on trouve en quelques lignes seulement l’indication à grands traits de faits nombreux et importants. Ensuite, le mémoire de M. Jousset de Bellesme *, accompagné d’une planche, dans lequel 1 A, VuLPIAN, Sur le venin du crapaud commun et du crapaud calamile (Comptes rendus de la Soc. de biol., 1851. p.133 et suiv.). Etude physiologique des venins du crapaud, du triton et de la salamandre terrestre (Mémoires de la Soc. de biol., 1854, p. 133 et suiv.). Action du curare et du venin de crapaud commun mis en contact avec la peau intacte des grenouilles (Comptes rendus de la Soc. de biol., 1855, p. 90). Note relative à l’action du venin des animaux batraciens sur les animaux qui le produisent (Comp. rend. de la Soc. de biol., 1864, p. 188). ? Pauz BErT, Contribution à l’étude des venins. Venin du Scorpion (Comp. rend. des séances et mémoires de la Soc. de biol., 4e série, t. II, 1865, p. 136). $ Jousser DE BELLESME, Essai sur le venin du Scorpion (Ann. des sc. nat., t, XIX, 1814), APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 751 cet auteur semble ignorer les faits intéressants publiés par M. Bert et, n’en tenant aucun compte, cherche à soutenir une opinion diffé- rente qui n’est prouvée par aucune expérience sérieusement observée. Pour M. Bert, le venin agit sur le système nerveux; pour M. Jousset de Bellesme, il porte toute son action sur les globules du sang qu’il déforme et amène ainsi la mort en arrêtant la circulation. Nous aurons souvent l’occasion au cours de ces recherches de renvoyer à l’un ou à l’autre de ces travaux. Le procédé indiqué dans le chapitre précédent pour recueillir le venin devient insuffisant et peu pratique si l’on désire en avoir à volonté une certaine quantité. Il est préférable, lorsque l’on dispose d'un grand nombre de Scorpions, de sacrifier les individus. On peut, d’un coup de ciseau, détacher de l'abdomen l'appareil à venin et le broyer dans un peu d’eau distillée. Peu importe, pour les expé- riences physiologiques, qu’au venin soit mélangée une plus ou moins grande quantité de sang. Le venin miscible à l’eau en toute proportion, on obtient ainsi un liquide facile à manier et pouvant être injecté dans les tissus. C'est ce procédé dont nous nous sommes toujours servi dans le cours de nos recherches. On peut aussi em- ployer soit la piqûre directe, soit les extrémités de Scorpion des- séchées et introduites sous la peau des animaux ; mais ces derniers procédés sont bien plus incertains et il est difficile de la sorte de se rendre un compte exact de la quantité de venin avec laquelle on agit. Une des questions qui se présente à l'esprit lorsqu'on désire faire des expériences physiologiques avec le venin de Scorpion est celle de savoir quel est le principe actif de ce liquide venimeux. Tous les auteurs sont restés muets sur ce sujet et l’on ne trouve rien dans leurs écrits ayant trait à cette question. Je dois avouer, à mon grand regret, ne pouvoir apporter, pour le moment, aucune donnée sur cette question, vu la grande difficulté que l’on éprouve à se pro- curer le venin en grande quantité. Par analogie, on peut supposer 2 15: J, JOYEUX-LAFFUIE. qu'il existe dans le venin du Scorpion une substance organique com- parable, au point de vue chimique, à l’échidnine, principe actif du venin de la Vipère ; mais des recherches sontnécessaires pourdéceler et étudier les propriétés de cette substance et j'espère pouvoir m'’oc- cuper de cette question intéressante dès qu’une occasion me per- mettra d’avoir pour cette étude une quantité suffisante de venin. Le venin du Scorpion (Sc. occitanus) est un poison très actif; une goutte, soit pure, soit mélangée à une certaine quantité d’eau dis- tillée et injectée dans le tissu cellulaire d’un lapin, amène rapide- ment la mort. Au bout d’un temps très court, il paralyse les muscles striés et supprime les mouvements spontanés et réflexes. Chez les animaux empoisonnés, toujours on voit se produire des phénomènes d’excitation auxquels font suite des phénomènes de paralysie. On peut donc distinguer dans l'empoisonnement par le venin de Scorpion deux périodes : 4° une période d’excitation ; 2 une périodé de paralysie. Prenons, par exemple, une Grenouille (expérience X) et injec- tons-lui sous la peau du dos ou dans la cuisse le quart ou seule- ment la huitième partie du venin contenu dans l'appareil venimeux d’un Scorpion de forte taille ; aussitôt l'injection terminée, on voit l’animal manifester une certaine inquiétude provoquée par la dou- leur du point piqué et un certain degré de paralysie des muscles de la région où a été faite l'injection, puis l'animal rentre dans son état normal, mais pour quelques instants seulement. Au bout de ce temps de repos, variable avec la dose de poison, on voit se mon- trer la période d’excitation caractérisée par des accès convulsifs se composant d’un nombre variable de convulsions cloniques de quel- ques secondes chacune. Chaque accès est séparé du suivant par un intervalle dont la durée ‘est en général de plusieurs minutes. La durée de cette première période est en raison inverse de la quantité de venin injectée à l’animal. On peut la faire varier d'un quart d'heure jusqu’à deux heures et plus. de. cond din de. ét nn © ét APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 753 A cette première période d’excitation en succède une seconde de paralysie, même souvent celle-ci empiète sur la première. Les pre- miers muscles atteints semblent être ceux de la déglutition, l’ani- mal ne pouvant plus avaler l’air nécessaire à la respiration, on le voit porter les membres antérieurs à sa bouche, qu’il ouvre quelquefois très largement et à plusieurs reprises ; mais bientôt les membres eux-mêmes se paralysent et l'animal tombe en état de mort appa- rente. Si à ce moment on met le cœur à nu, on le voit battre encore plusieurs heures, finalement s'arrêter et l’animal mourir. Par quelques expériences faites sur des animaux pris dans les différents groupes zoologiques, il est facile de se rendre compte de son action dans la série animale. Les animaux qui occupent le bas de la série zoologique, tels que les Infusoires, semblent être complètement indifférents à l’action du venin : il suffit pour s’en convaincre de mélanger une goutte de venin à une petite quantité d’eau dans laquelle vivent les Infusoires et d'examiner au microscope. On voit ces animaux conserver tous leurs mouvements ciliaires et se déplacer avec autant de rapidité et de facilité que dans leurs milieux normaux. Parfois même, on les voit, chemin faisant, pénétrer entre les granulations du venin ou les absorber sans la moindre action sur leur vitalité. Les Cœlentérés, les Echinodermes et les Vers sont des animaux chez lesquels il est si difficile d'observer avec netteté l’action des poisons que j'ai dû renoncer à expérimenter sur des individus pris dans ces différents groupes. L'action du venin sur les Mollusques est très sensible, mais se produit avec une rapidité variable suivant les animaux sur lesquels on opère : une dose suffisante pour tuer un Mammifère d’assez forte taille, tel qu'un Cobaye ou un Lapin, injectée dans la cavité générale d'une Limace rouge(Arionrufus) de forte taille (expérienceIIT), amène la mort au bout d’une dizaine d'heures environ en déterminant d'a- bord des phénomènes d’excitation, ensuite de la paralysie. La même dose injectée dans le tissu cellulaire d’un Poulpe (Octopus vulgaris) ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 9 SÉRIE. — T I. 1883. 48 754 3. JOYEUX-LAFFUIE. ou même dans une veine ne produit aucun phénomène d’em- poisonnement. Mais il y aurait lieu, je crois, de répéter l’expé- rience, Car il est fort surprenant de voir un animal en général aussi sensible aux poisons rester complètement réfractaire au venin du Scorpion. Les articulés, en revanche, sont d’une sensibilité extrême, à l’action du venin. Il suffit d’avoir vu un Scorpion piquer un des animaux dont il fait sa nourriture habituelle pour s’en con- vaincre. À peine une mouche ou une araignée est-elle piquée qu'elle est immédiatement paralysée. Il semble qu'ici la rapidité de l’action est en rapport avec la vivacité des animaux. Mais si au lieu de se borner, comme le fait l'animal, à des animaux de petite taille que seuls il peut saisir au moyen de ses pinces, on prend des articulés de plus grande dimension, tels que des Crabes, des Langoustes, des Ecrevisses, on voit que l’action n’est pas moins rapide avec le venin contenu dans une extrémité de Scorpion de taille moyenne, on peut facilement tuer une centaine de Crabes (Platycarcinus pagurus) de forte taille. La rapidité et l'intensité de l’action sont remarquables (expériences VI et VIT). Les Vertébrés sont aussi sensibles à l’action du venin. Les poissons meurent assez rapidement; le venin d’une extrémité de Scorpion injecté sous la peau d’une Motelle (Motella tricirrata) de 30 centimètres de long la tue en deux heures; cependant il est à remarquer que toujours chez les poissons il faut une assez forte dose pour amener la mort (expérience VIII). Les Batraciens sont facilement empoisonnés, comme le montrent les nombreuses expériences que j'ai faites sur les Grenouilles (ex- périences IX et X); la quantité de venin contenue dans une extrémité de Scorpion peut facilement tuer sept ou huit Grenouilles en une heure. Il en est de même des Salamandres. Les Crapauds périssent plus difficilement et il faut une dose de venin beaucoup plus consi- dérable que pour les Grenouilles. Les oiseaux sont facilement empoisonnés ; une très faible dose APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 755 tué rapidement un moineau, et le venin d’une extrémité de Scorpion injecté dans les muscles ou sous la peau d’un pigeon le fait périr en une heure (expérience XII). L'action du venin n’est pas moins sensible chez les Mammifères, le quart du venin d’un Scorpion tue une souris en quarante minutes (expérience XIII). Tout le venin tue un Lapin en une heure (ex- périence XIV). Le Chat semble beaucoup plus réfractaire (expé- rience XV), sans qu'il soit possible de s'expliquer cette différence d'action; peut-être y aurait-il à répéter les expériences. On voit par ces nombreuses expériences, dont quelques-unes sont rapportées plus loin avec détail, que le venin agit chez les diffé- rents animaux, mais avec un degré de rapidité qui est en rapport avec l’animal et avec la quantité de venin introduite dans l’éco- nomie. On sait que certains poisons peuvent être absorbés non seulement par injection dans le tissu cellulaire, mais encore de beaucoup d’au- tres façons. M. Krukenberg a montré qu’une solution très faible de nicotine dans l’eau de mer suffit pour tuerrapidementdes Eledones. M. Yung, en expérimentant sur des Poulpes, a reconnu qu’il en était ainsi de la strychnine qui s’absorbe par la branchie. J'ai aussi es- sayé de voir si des animaux à respiration branchiale placés dans une solution de venin pourraient être empoisonnés. Dans ce but, j'ai placé dans une solution de venin très étendue des Poulpes (expé- périence IV), des poissons, des têtards de Grenouilles, mais sans ja- mais observer aucun phénomène d’empoisonnement. Le venin de Scorpion n’est donc pas absorbé par les branchies ni par la peau, ou s’il l’est c'est en très faible quantité. Le venin introduit dans le tube digestif n’est pas absorbé ou peut- être est-il transformé. On voit des Scorpions manger leurs sembla- bles sans présenter aucun accident, alors qu’une simple piqüre les tue rapidement. A des Crabes, si sensibles à une très petite quantité de venin intro- 786 J. JOYEUX-LAFFUIE. duite dans leur circulation, j’ai donné à manger impunément plu- sieurs extrémités de Scorpion. Voyons maintenant par quel mécanisme le venin du Scorpion agit sur les animaux. Deux opinions sont en présence. Pour M. Jousset de Bellesme ‘ le venin agirait sur les globules du sang. Introduit dans le tissu cellulaire, il pénètre dans la circulation, se mélange au sang et arrive au contact des globules qu'il dissout. Voici du reste les propres conclusions de l’auteur : « 4° Le venin du Scorpio occitanus agit directement sur les glo- bules du sang, chez les animaux vertébrés; « 2° Son action a pour résultat immédiat de faire perdre aux glo- bules qui ont été en contact avec lui la propriété de glisser les uns sur les autres, comme à l’état normal; « 3° En perdant cette propriété, ils s’agglutinent les uns aux au- tres et aux globules sains, de manière à former de petites masses qui obstruent les vaisseaux capillaires fins et mettent obstacle à la circulation. C’est par ce mécanisme, et en s’opposant à l'exercice de la plus indispensable de nos fonctions, que ce venin place l’éco- nomie animale dans des conditions incompatibles avec la vie. » Ce prétendu mode d'action est malheureusement basé sur des expériences inexactes ou mal interprétées rapportées par l’auteur dans son travail. De ce qu’une goutte de venin mélangée sur une lame de verre à une goutte de sang modifie les globules, devons- nous en conclure que les choses se passent ainsi chez l'animal vi- vant? Assurément non; sur la lame de verre on mélange à une petite quantité de sang une quantité presque égale de venin, c'est- à-dire d’un liquide acide; il n’est donc pas surprenant de voir les globules, dont on connaît toute la délicatesse, s’altérer. Nous avons répété cette expérience un grand nombre de fois (expérience Î) en 1 Jousser pe BELLESME, Essai sur le venin du Scorpion (Ann. des sc. nat., t. XIX, 1874). (2 APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 797 nous gardant contre l’évaporation, et je dois dire que c’est à peine si nous avons observé quelques légères modifications de certains globules qui deviennent légèrement fusiformes (fig. 11); mais jamais je n'ai vu les globules se prendre en un caillot, comme l’a observé M. Jousset de Bellesme. Si, au lieu de mélanger au sang du venin pur, on lui mélange une goutte de venin diluée dans une certaine quantité de sérum, les globules ne présentent pas de déformation. Enfin, il est évident que si le venin tue en déformant les globules, chez un animal empoisonné on doit trouver les globules déformés et altérés; or, j'ai examiné avec beaucoup de soin le sang chez presque tous les animaux quisont morts dans mes expériences par l'action du venin et je me hâte d'ajouter que, pas une seule fois, je n'ai pu observer des globules présentant la plus petite altération. — L'arrêt de la circulation, qui, pour M. Jousset de Bellesme, serait la cause de la mort, est loin de se produire, comme le veut cet auteur, et la circulation dans les vaisseaux ne cesse qu'avec l'arrêt des bat- tements du cœur. Une expérience facile à répéter et qui vient à l'encontre des idées de M. Jousset de Bellesme est la suivante : On prend une Grenouille et on lui injecte une quantité de venin suffi- sante pour déterminer chez cet animal tous les phénomènes de l’'empoisonnement, mais trop faible pour amener la mort; on voit l’animal présenter tout d’abord les phénomènes d’excitation, puis les phénomènes de paralysie et tomber en état de mort apparente, le cœur seul continue à battre; on place l’animal dans une atmosphère humide de façon à empêcher le desséchement de la peau, et au bout d'un temps variable on voit la Grenouille revenir à la vie et recouvrer complètement la santé. Nôn seulement cela s’observe sur les Gre- nouilles, mais on peut facilement faire aussi l'expérience chez les Crabes (expérience VIT). F La théorie de M. Jousset de Bellesme est impuissante à expliquer ces faits ; il faudrait en effet admettre : 1° que les globules sont altérés et détruits ; 2° qu'ils peuvent se reformer dans l’espace de dix à douze heures. Pour toutes ces raisons, la théorie de M. Jousset de 758 J. JOYEUX-LAFFUIE, Bellesme doit être complètement abandonnée comme étant insuffi- sante à expliquer les faits et contraire à la vérité. ÿ La deuxième opinion est celle de M. P. Bert, qui, d’après mes propres recherches, est la plus conforme à la vérité et celle qui doit être admise, avec quelques légères modifications sur certains points. Pour M. P. Bert, le venin du Scorpion est, comme il le dit lui-même, un poison du système nerveux : « Le venin de Scorpion est un poi- son des nerfs... ; il tue principalement le nerf moteur en portant son action sur son extrémité périphérique, comme le fait Le curare. Comme le curare, encore il semble qu'il laisse intacte la sensibilité. Comme lui, il agit peu ou point sur le sang, le cœur, les muscles; mais il excite, au contraire du curare, des convulsions violentes com- parables à celles de la strychnine, qui sont dues à une action sur toute l'étendue de la moelle épinière. » Examinons en détail les phénomènes dans leur ordre d’appari- tion, nous en chercherons la cause et nous verrons en quoi nos ré- sultats diffèrent de ceux des auteurs, Toujours l'introduction du venin chez un animal est douloureuse, qu'elle soit faite par injection ou par piqûre. Dans le procédé par piqûre au moyen de l’aiguillon du Scorpion, on peut attribuer la douleur en partie à l’action mécanique, en partie à l'acidité du ve- nin déposé dans la plaie. Dans le procédé par injection du venin mélangé à l’eau, elle est surtout due à la distension des tissus par le liquide injecté. Enfin, peut-être que dans l’un et l’autre cas le ve- nin à une action directe sur les terminaisons nerveuses de la région. Cette douleur est assez forte pour arracher des cris presque con- tinus à l'animal en expérience. D'après M. Bert, chez une Grenouille empoisonnée, les premiers phénomènes convulsifs n'apparaissent en général qu’au bout d'une heure. Nous les avons vus se montrer dans nos expériences toujours beaucoup plus tôt, souvent après cinq à dix minutes. Ces différences tiennent à deux causes : au mode d'introduction du venin et à la dose employée. M. Bert employait des extrémités de Scorpion (Sc. APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 759 oceitanus) desséchées au soleil et rapportées de Suez par M. Léon Vaillant, professeur au Muséum. Il opérait en introduisant sous la peau des Grenouilles en expérience, une vésicule ou une partie de vésicule ainsi desséchée. On comprend facilement que l'absorption doit être, par ce procédé, beaucoup plus longue que par le procédé des injections que nous avons employé dans nos recherches ; il faut à la vésicule le temps de s’humecter et au venin celui de se dis- soudre. Mais je dois ajouter que jamais il ne m'a été possible d'observer dans les mêmes conditions, la quantité de venin étant très faible, une absorption aussi rapide que celle signalée par M. Jousset de Bellesme dans son expérience portant le numéro 11 et danslaquelle, chez un pigeon, les premiers phénomènes d’empoisonnement sesont -montrés après vingt secondes et où l’animal est mort au bout de deux minutes. Un fait difficile à expliquer est la différence dans la puissance d’ac- tion du venin. Pour M. Bert, avec une extrémité de Scorpion on peut tuer deux ou trois Grenouilles., Quant à nous, nous avons vu que tout le venin renfermé dans un appareil venimeux de Scorpion de forte taille, c'est-à-dire de sept centimètres à sept centimètres et demi de longueur, peut facilement faire périr sept ou huit Gre- nouilles. | Toujours il s'écoule un certain espace de temps entre le moment de l'introduction du venin et l’apparition des premiers phénomènes d'empoisonnement. Mais, lorsque l'animal empoisonné est très sen- sible à l’action du venin, que de plus il est de petite taille, par rapport à la quantité injectée, cet espace de temps peut être pour ainsi dire nul; c’est ce que l’on observe chez les mouches et les araignées, dont le Scorpion fait sa nourriture habituelle. Pendant ce temps, le venin introduit dans le tissu cellulaire ou les masses musculaires de l’animal, est pris par le système circulatoire, qui le dirige vers les points de l'organisme où il agit d’une facon _toute spéciale. 760 J. JOYEUX-LAFFCUIE. Ce temps d'absorption écoulé, la période d'’excitation apparaît brusquement. On voit tout à coup l’animal éprouver une première convulsion ; chez les Grenouilles, les muscles des membres se rai- dissent ainsi que ceux de la nuque et du dos; cet état dure quelques secondes et une détente s'opère, l'animal cherche à fuir, aussitôt il est saisi d'une nouvelle convulsion; on peut observer ainsi plusieurs convulsions, séparées seulement par quelques secondes d'intervalle : mais bientôt se montre un temps de repos en général de plusieurs minutes, pendant lequel l’animal peut exécuter des mouvements sans être aussitôt saisi de contraction. Si, pendant ces moments de calme, on examine la sensibilité, on voit très manifestement qu’elle . est conservée. Ces convulsions rappellent, du moins chez la Grenouille, par beau- coup de leurs caractères, comme l'a très bien fait observer M. Bert, les convulsions strychniques. Un coup brusque frappé sur la table, où l’animal est en expérience, les fait apparaître, surtout au début de la période d'’excitation, tandis que vers la fin des phénomènes de paralysie qui commencent à se montrer contribuent à les rendre moins nettes. Ces convulsions semblent très douloureuses et souvent font pousser des cris aux animaux lorsqu'elles se produisent. Si la quantité de venin injecté a été trop considérable, on peut voir la période d’excilalion se montrer avec des caractères très diffé- rents, l'animal entre en contraction et passe à la période de paralysie sans aucun intervalle de calme. La durée de cette période d’excita- tion est en rapport avec la quantité de venin injecté. Si la dose a été faible, elle se fait longtemps attendre, se montre bien caractérisée et de longue durée ; si, au contraire, elle est forte, elle apparaît vite, se borne, pour ainsi dire, à une longue contraction continue et dure peu. Quelle est la cause de cette période d’excitation ? Est-elle due à une excitation directe des centres nerveux, ou à une exagération de la sensibilité ? Il est facile d'observer que dans toutes les expériences la sensibilité est souvent conservée intacte pendant la période d’exci- APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 761 tation, parfois diminuée, jamais exagérée. Si par une excitation di- recte on peut provoquer un accès de convulsion, cela n’est d’abord jamais absolument certain, surtout chez les Mammifères et pendant les espaces de calme qui séparent les séries d'accès ; de plus il faut une excitation assez intense. Le simple toucher ne peut déterminer un accès comme dans l’empoisonnement par la strychnine, et si une excitation brusque le provoque, c’est qu'elle détermine l’animal au mouvement, et dès qu'il veut se déplacer, il y a contraction exa- gérée des muscles et apparition d'un accès convulsif. Par une excilation directe des centres nerveux, on s'explique facilement ces accès convulsifs. M. Bert pense qu’ils sont dus à l’action du venin sur la moelle épinière. Uneexpérience facile àrépéter prouve qu'il revient à l’encéphale une plus large part dans leur pro- duction. Chez des Grenouilles, dont J'avais préalablement séparé l’'encéphale de la moelle épinière, j'ai injecté du venin de Scorpion, et j'ai pu observer qu’il se produisait rarement des accès convulsifs, et que, lorsqu'ils se montraient, ils étaient toujours beaucoup plus faibles. Aussitôt après l'injection du venin, l'animal se plaçait dans sa situation habituelle et passait ainsi à la paralysie complète sans pro- duire aucun mouvement. Cette irritation des centres nerveux ne peut être attribuée qu’à une action directe du venin sur les cellules nerveuses. La période de paralysie succède toujours à la période d’excitation ; elle commence à se manifester, après un accès, par un engourdisse- ment dans les membres que l’animal ramène difficilement dans leur position première. La respiration restée intacte, sauf pendant les accès convulsifs, se ralentit, puis s'arrête, et l’on voit alors l'animal, que l’on ait affaire à une Grenouille ou à un Mammifère, porter instinctivement ses membres antérieurs à sa bouche, même les y introduire comme pour débarrasser sa respiration. Mais bientôt la paralysie s’accentue et l'animal devient incapable d'exécuter aucun mouvement. Si, à ce moment, on excite directement les muscles, au moyen de 762 J. JOYEUX-LAFFUIE. courants interrompus, on les voit se contracter comme à l’état normal. Le muscle n’est donc pas directement atteint par le ve- nin, puisqu'il a conservé toutes ses propriétés. Si au lieu des muscles on excite les nerfs qui s'y rendent, on ne voit aucune contraction se produire. Il suffit de prendre une Gre- nouille complètement paralysée, de mettre à nu le nerf sciatique et de l’exciter au moyen de courants interrompus pour voir le membre conserver l’immobilité la plus complète. Cette expérience montre que l’action des nerfs moteurs sur les muscles est complètement détruite. Prenons maintenant une Grenouille, à laquelle on a posé, sur la cuisse droite, une forte ligature comprenant toutes les parties, sauf le nerf sciatique préalablement mis à nu, et faisons-lui une injection de venin suffisante pour amener une paralysie complète. Si, à ce moment, on excite le sciatique droit on provoque de brusques mou- vements dans tout le membre, tandis que si on met à nu le sciatique gauche et qu'on l’excite, les muscles ne produisent aucune contrac- tion. Cette expérience nous porte à admettre que dans la paralysie par le venin du Scorpion, comme dans celle produite par le curare,ce sont les extrémités nerveuses motrices qui sont atteintes, puisque d’une part les muscles ont conservé toutes leurs propriétés, et que d'autre part les nerfs conservent aussi leur conductibilité. Le venin, intro- duit dans le sang et mélangé à lui, est entraîné dans le torrent circulatoire et va se répandre dans tout l'organisme, il arrive ainsi au contact des terminaisons nerveuses qu'il modifie d’une façon particulière comparable aux modifications que produit l’action du curare, il paralyse l’action des nerfs moteurs sur les muscles striés. La période d’excitation est un indice certain de la période de pa- ralysie. Lorsque la première s'est manifestée, la seconde fait rare- ment défaut. C’est un faitimportant dans le cas de piqüre de l'homme par le Scorpion : tant que la période d’excitation ne se sera pas mon- trée, on ne devra pas craindre la période de paralysie, qui seule est . capable de causer la mort. de old ee me dns dc É t ét à À né à ne à APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 163 Il n'existe aucun temps de repos entre les deux périodes ; même en général, la seconde a déjà commencé que la première persiste encore. | Les modifications produites sur les extrémités nerveuses par le venin ne sont pas durables, comme le montrent très nettement les Grenouilles empoisonnées qui reviennent à la vie. Le venin, après avoir été pour ainsi dire fixé par ces extrémités, s'élimine peu à peu, la paralysie disparaît et l'animal revient à la santé. Pendant la période de paralysie, le cœur continue à battre régu- lièrement, et chez une Grenouille ce n’est que plusieurs heures après la mort apparente que se montre la mort réelle. Peut-être en serait-il de même d'un Mammifère chez lequel on entretiendrait la respiration au moyen de la respiration artificielle. Habituellement la respiration se supprime complètement dès le début de la période de paralysie, et c’est cette suppression de la respiration qui cause la mort. Les muscles striés qui président à la respiration, ne recevant plus l’excitation nerveuse, se paralysent et l’animal meurt asphyxié. Chez les invertébrés à respiration branchiale, il est plus difficile d'expliquer la mort. EXPÉRIENCES. Je me borne à rapporter ici, aussi brièvement que possible, quel- ques-unes des très nombreuses expériences que j'ai dû faire pour ces recherches. Celles qui ont pu, en quelques mots, être signalées, d’une façon suffisante dans le courant de l’exposé physiologique qui précède, ne sont naturellement pas reproduites ici avec plus de détails. Expérience 1. = Laboratoire de Roscoff, 22 août 1882. À heure soir. — Une goutte de sang de Grenouille est placée sur une lame de verre, recouverte d’une lamelle et immédiatement la 764 J. JOYEUX -LAFFUIE. préparation est lutée à la paraffine pour empêcher l’évaporation. J'examine au microscope. Rien de particulier. Sur un des côtés de la lamelle, j'enlève avec une pointe d’aiguille la paraffine sur une longueur de deux ou trois millimètres et je fais pénétrer par cette ouverture une gouttelette de venin pur prise à l'extrémité de l’aiguillon d’un Scorpion ; puis la préparation est de nouveau fermée à la paraffine. 1°15® soir. — Examen au microscope. On distingue facilement, grâce à la présence-des granulations du venin, les parties où celui- ci a pénétré et les globules qui sont en présence avec lui. Rien à signaler. 4% 35" soir. — Nouvel examen. Quelques globules en contact avec le venin semblent avoir un peu diminué de volume et on en remarque quelques-uns qui ont pris un aspect légèrement fusi- forme ; ils ressemblent à un grain d’orge, mais ont conservé leur noyau très net ainsi que leurs contours. Un dessin à la chambre claire est fait de ceux qui paraissent le plus déformés (fig. 11). 2 heures soir. — Même état. J'ai répété cette expérience un grand nombre de fois et l’ai variée à l'infini en prenant du sang de différents animaux {Crabe, Poissons, Batraciens, Oiseaux, Mammifères). Quelquefois j’ai observé de très légères modifications de forme de quelques globules et plus souvent aucune altération. Je dois ajouter quelques mots pour l'expérience suivante : Je prends deux tubes : le premier contenant 1 centimètre cube d’eau distillée, le deuxième la même quantité d’eau distillée mé- langée à tout le venin de l’appareil venimeux d’un Scorpion. Dans chacun des deux tubes je laisse tomber deux gouttes de sang de Gre- nouille, j'agite et j'exämine au microscope les deux liquides, qui ne présentent aucune différence. Dans l'un et l’autre les globules du sang sont légèrement gonflés, mais ont conservé leur contour et leur noyau. APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 765 Expérience II. — Laboratoire de Roscoff, 6 août 1882. 235% matin. — Je prends, avec une pipette, dans le fond d’un verre à pied où vivent en grande quantité plusieurs espèces d’Infusoires cilés, quelques gouttes du liquide que je place sur une lamelle de verre et sous le microscope. On voit la préparation remplie d’une foule d'Infusoires qui la parcourent en tous sens. Puis je fais arriver sous la lamelletoutle venin contenu dans une extrémité de Scorpion de taille moyenne, et on observe, grâce à la présence des granulations conte- nues dans le venin, qu’il se mélange facilement à l’eau. Rien de par- ticulier dans les allures des Infusoires qui cheminent entre les gra- nulations du venin et parfois même les absorbent. 910% matin. — Même état, même vivacité dans les mouvye- ments. Expérience 111. — Laboratoire de Roscoff, 23 août 1882. 5 heures matin. — Injection d’une extrémité de Scorpion broyée dans 1 centimètre cube d’eau distillée dans la cavité générale d’une Limace rouge (Arzon rufus) de forte taille. Aussitôt après l'injection, l’animal présente quelques mouvements d’excitation, il balance al- ternativement à gauche et à droite la tête et l'extrémité inférieure du pied. (La même opération faite par Comparaison simplement avec de l’eau distillée sur une seconde limace ne détermine rien de semblable, l’animal se contracte tout d’abord, mais bientôt se met àramper.) 5" 40" matin. — L'animal essaye à plusieurs reprisesderamper sans changer de place, puis il se contracte et reste immobile. 6 heures soir. — L'animal, immobile, ne répond plus aux excita- tions, le bulbe buccal fait saillie au dehors, l’orifice pulmonaire est largement ouvert. —Mort. Expérience IV. — Laboratoire de Roscoff, 15 août 1882. 1° Quatre extrémités de Scorpion de forte taille sont broyées et mélangées à environ cinq à six litres d’eau de mer bien aérée, con- " 766 J. JOYEUX-LAFFUIE. tenue dans un aquarium. Un Poulpe (Octopus vulgaris) de taille moyenne est placé dans l’eau de mer ainsi préparée pour voir si l'absorption peut se faire par les branchies, comme cela à lieu, par exemple, pour la strychnine, dont une solution extrêmement faible tue très rapidement les Céphalopodes. L'animal respire et vit dans son nouveau milieu sans manifester aucun phénomène anormal. 2° Des Têtards de Grenouille sont placés dans une cuvette conte- nant de l’eau douce dans laquelle on a broyé plusieurs appareils à venin de Scorpion. Ces Têtards ont ainsi vécu plusieurs jours sans présenter le moindre signe d’empoisonnement, tandis qu'il suffit au contraire de leur injecter une très faible quantité du liquide pour les faire périr. Expérience V. — Laboratoire de Roscoff, 6 juillet 1882. Injection sous le tégument dorsal d’un Poulpe de taille moyenne (Octopus vulgaris) de la moitié d’une extrémité de Scorpion broyée dans 1 centimètre cube d’eau distillée. L’injection forme une petite tumeur sous la peau, qui est encore visible le lendemain. La circula- tion dans le tissu cellulaire de ces animaux est presque nulle ; aussi aucun phénomène d’empoisonnement ne se montre. 7 juillet. — Une dose égale à la précédente est injectée profon- dément dans un des bras. Immédiatement après l'injection, le bras est paralysé et l’animal le traîne sans pouvoir s’en servir pour la marche. De plus il a considérablement diminué de volume; les ventouses sont contractées et n’adhèrent plus aux objets environ- nants. Mais aucun phénomène d’empoisonnement général. 8 juillet. — L'animal a recouvré toutes ses facultés. Chez un autre individu, j'ai injecté une même dose très profondé- ment dans les tissus du corps, sans plus de succès ; c’est du reste là un procédé incertain, ne connaissant pas le point où le venin est déposé. Ces différents essais restant sans résultats et pensant que le venin ne pénètre pas dans le système circulatoire, je prends une extré- mité de Scorpion broyée dans 2 centimètres cubes d’eau distillée APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 767 et je l’injecte dans l'artère dorsale préalablement découverte. Le Poulpe replacé dans son aquarium continue à vivre sans présenter rien à signaler. Expérience VI. — Laboratoire de Roscoff, 5 août 1882. Extrémité de Scorpion de taille moyenne, broyée dans 8 centimè- tres cubes d’eau distillée. J’injecte un demi-centimètre cube du liquide, par conséquent un seizième du venin, chez un Crabe (Plati- carcinus pagurus) de forte taille. L’injection est pratiquée entre les deux premiers articles d’une des pattes et dirigée vers la cavité gé- nérale. Immédiatement après l'injection, mouvements convulsifs dans les pattes, surtout dans les postérieures (pattes natatoires). L'animal, placé sur le sol où il se meut habituellement avec une grande rapi- dité, est dans l'impossibilité de marcher, et tout se borne à des mou- vements incohérents des pattes qui aboutissent constamment au renversement de l’animal sur le dos. Puis toutes les pattes se con- tractent, l'animal les replie au-dessous de lui et meurt au bout de deux minutes. Les yeux. pédonculés sont également rentrés dans la cavité destinée à les loger à l’état normal. Le cœur, mis à nu, continue à battre, après la mort, pendant cinq à six heures. Le sang, examiné au microscope, ne présente rien de particulier. Expérience VII, — Laboratoire de Roscoff, 5 juillet 1882. 5 heures soir. — J’injecte, dans un Crabe de taille moyenne (Por- tunus puber), un cinq-centième du venin contenu dans une extré- mité de Scorpion de forte taille et mélangé à 4 centimètre cube d’eau distillée. L’mjection est faite par une des pattes et dirigée vers la cavité générale. L'animal est placé dans un aquarium. Aussitôt après l'injection, des mouvements convulsifs se montrent dans les pattes; la marche est impossible ainsi que la natation; l'animal se renverse sur le dos, les pattes fléchies. 768 J. JOYEUX-LAFFUIE. 10 heures soir. — Les mouvements sont revenus; l'animal com- mence à se mouvoir et à se déplacer, quoique avec une certaine difficulté. 6 juillet, 5 heures matin. — L'animal a en grande partie recouvré tous ses mouvements et toute son agilité. L’abdomen seul ne s’ap- plique pas aussi complètement sur le céphalothorax qu’à l’état nor- mal ; il conserve un certain degré de paralysie. Cette expérience, d’un animal revenant à la santé après avoir présenté tous les phénomènes de l’empoisonnement, offre un cer- tain intérêt et vient à l'encontre de la théorie de M. Jousset de Bellesme, qui prétend que le venin tue en détruisant les globules du sang. Evidemment on ne peut admettre que, dans le cas présent, les globules ont été détruits, puisque l’animal jouit, le lendemain, d’une santé parfaite. Il est plus naturel de voir là une élimination du poison, le cœur, chez les Crabes, continuant à battre longtemps après la mort apparente. Expérience VIII. — Laboratoire de Roscoff, 9 juillet 1882. Une extrémité de Scorpion de forte taille est broyée dans 2 cen- timètres cubes d’eau distillée. 7° 20% matin. — On injecte le liquide ainsi obtenu sous la peau du dos d’une Motelle (Motella tricirrata). L'animal replacé dans l’eau ne présente rien de particulier. 7 45% matin. — L'animal nage d’une façon brusque et présente de véritables convulsions. 8"10* matin.— Les convulsions cessent peu à peu, les mouvements diminuent, la respiration disparaît, 9 heures matin. — Mort. L'animal ouvert, le cœur continue à battre. Les globules du sang examinés au microscope sont nor- maux. Expérience 1X. — Laboratoire de Roscoff, 10 août 1882. 8 heures matin.— L'appareil venimeux d’un Scorpion est broyé dans APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 169 8 centimètres cubes d’eau distillée. On injecte un huitième de ce liquide dans la cuisse gauche d’une Grenouille de moyenne taille préalablement fixée sur une plaque de liège, de façon à pouvoir exa- miner au microscope la membrane interdigitale de la patte posté- rieure droite. 8" 10% matin.— Sur le pourtour du point où a été pratiquée l'injec- tion, les vaisseaux s’injectent et la partie rougit sensiblement. La membrane interdigitale est humectée de temps en temps pour em- pêcher le dessèchement. 8" 25® matin. — Arrêt de la respiration qui reprend après deux minutes. Le cœur est mis à nu ; 40 battements par minute. 8" 30% matin.— La respiration s'arrête. Le mouvement du sang dans les capillaires est moins rapide ; les globules ont cependant conservé leur volume et leur forme. 9° 30% matin. — Examen des vaisseaux de la patte ; les globules ne circulent plus que dans quelques capillaires ; les globules examinés ne présentent aucune déformation. 10 heures matin. — Mort. Expérience À. — Laboratoire de Roscoff, 2 septembre 1882. 3" 30 soir. — Un huitième d’une extrémité de Scorpion broyée dans 41 centimètre cube d’eau distillée est injecté dans la cuisse gauche d’une grenouille de taille moyenne. Immédiatement après l'injection, l’animal conserve la jambe gauche étendue et ne peut la ramener dans sa position habituelle. 3" 46m soir. — La période d’excitation se montre, l'animal saute plu- sieurs fois avec incoordination des mouvements, les muscles du dos se contractent fortement ainsi que ceux des membres, la tête est fortement relevée ; cet état dure environ une minute, puis l’animal rentre dans son état normal. 3"55%soir.— Nouvel accès provoqué en frappant légèrement avec la main sur le couvercle de la cuvette qui renferme l’animal. La respi- ration est supprimée. ARCH. DE ZOOL. EXP. ETGÉN.— T, X, 1883, 49 770 J. JOYEUX-LAFFUIE. 3 57%soir. — Nouvel accès toujours marqué par des sauts brusques et par la contraction des muscles du dos et des membres. 4 heures soir. — Accès d’excitation plus prolongé et plus marqué. Les glandes de la peau sécrètent un liquide mousseux. Le membre antérieur du côté gauche se contracte. 45% soir. — Tressaillements dans l'extrémité de la patte gauche, dans les muscles de la jambe gauche et de la jambe droite, dont la durée est de quelques secondes seulement. 4" 20% soir. — Accès d’excitation ; la jambe gauche commence à se paralyser ; la sensibilité, à la pression avec une pince anatomique, est moins accusée que dans la jambe du côté droit; les muscles de la jambe gauche se contractent par l’excitation du courant induit, mais moins fortement que ceux de la jambe droite. Les muscles du dos sont en contracture permanente et la région lombaire et dorsale est fortement incurvée. Les bras sont aussi contracturés et croisés sur la poitrine. L’animal se retourne sur le dos. 4% 25% soir.— Les deux jambes se paralysent, la gauche plus vite que la droite. Ç 4" 35"soir. — Mort apparente. Le cœur mis à nu continue à battre régulièrement, le sang est de couleur foncée due à une hématose incomplète, la respiration cutanée fonctionnant seule. Les globules examinés au microscope ne présentent aucune altération. 3 septembre, 6 heures matin. — Le cœur a cessé de battre. Rigidité cadavérique. Mort. Expérience XI. — Laboratoire de Roscoff, 20 août 4882. 990% matin. — On prend une Grenouille de taille moyenne, la cuisse droite est liée, saufle nerf sciatique, et l’on injecte sous la peau du dos 1 centimètre cube d’eau distillée renfermant la moitié du venin d’une extrémité de Scorpion. 925" matin. — Convulsions. 9" 40% matin.— Paralysie, 7 heures soir.— Excitation, sur lemême animal, des deux sciatiques APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 771 mis à nus ; les muscles du membre lié se contractent violemment, même avec plus de force qu’en excitant directement les muscles, tandis que du côté opposé on n’observe aucune contraction. Expérience XI1.— Laboratoire de zoologie expérimentale de la Sorbonne, 26 septembre 1882. 1" 45"soir. — Une extrémité de Scorpion, broyée dans 1 centimètre et demi d’eau distillée, est injectée dans l’aile droite (avant-bras) d’un Pigeon de forte taille. Aussitôt après l’injection, l’aile demeure pendante et paralysée. L'animal gratte du bec la partie piquée, qui semble être douloureuse. 459% soir. — L'animal piqué défèque à plusieurs reprises, se pro- mène constamment et présente un air inquiet. 2» 10%soir. — Chute sur le côté droit et convulsions; quelques in- stants après l’animal se remet sur ses pieds, mais pour retomber de nouveau et être repris de convulsions. Ces accès convulsifs sont tou- jours séparés par une minute ou une demi-minute environ. 2 30 soir. — Les accès convulsifs deviennent plusrares, moins vio- lents et l’animal tombé ne peut plus se relever; la respiration est sup- primée, la paralysie commence. 2» 37%soir. — Mort. Autopsie. — Rien de particulier, examen du sang au microscope; les globules ne présentent aucune altération. Des moineaux, également empoisonnés, meurent rapidement en présentant les mêmes symptômes. Expérience XIII. — Laboratoire de Roscoff, 22 août 1882. 7 33 matin. — Injection dans la cuisse gauche d’une Souris très vigoureuse de grosse taille, d’un demi-centimètre cube d’eau distillée contenant un quart du venin d’une extrémité de Scorpion de forte taille. | Injection douloureuse. 8" 10® matin. — L'animal présente plusieurs accès de tremblement 772 J. JOYEUX-LAFFUIE, général qui durent chacun quelques secondes seulement, et qui sont séparés par des intervalles d’une à deux minutes. 825" matin. — La respiration s’embarrasse, les membres se para- lysent et l’animal tombe sur le flanc gauche. 8"357.— Mort apparente. Le cœur continue à battre encore pen- dant quelques minutes. Autopsie et examen microscopique du sang. Rien de particulier à noter. Expérience XIV. — Laboratoire de zoologie expérimentale de la Sorbonne, 26 septembre 18892. 2" 30% soir. — Deux extrémités de Scorpion de petite taille sont broyées dans 1 centimètre cube et demi d’eau distillée et le liquide, ainsi obtenu, injecté sous la peau du dos d’un Lapin de grosse taille. L’injection semble douloureuse, l'animal cherche plusieurs fois à gratter avec la bouche le point piqué. 2h45% soir. — L'animal présente une activité inaccoutumée, ne fait que courir et la respiration est exagérée. 3" 5 soir. — Tout à coup l’animal s'arrête, devient immobile, la respiration est haletante et saccadée. 3" 90% soir. — L'animal se renverse sur le côté droit, la respiration s'arrête, les membres sont paralysés, le cœur continue à battre. 3" 35%soir. — Mort. Autopsie etexamen du sang. Rien à signaler, les globules sont normaux. _ Expérience XV. — Laboratoire de Roscoff, 19 août 1882. 8" 50% matin. — Injection de deux extrémités de Scorpion broyées dans 2 centimètres cubes d’eau distillée sous la peau du dos d’un Chat de moyenne taille. L’injection paraît très douloureuse, l’animal pousse des cris continuels. 9" 5" matin. — L'animal rentre dans une période d’excitation, se roule et ronge avec les dents tout ce qui se trouve à sa portée; le train APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 773 postérieur présente un certain degré de paralysie. La respiration est exagérée. 9 25% matin. — Tous ces phénomènes disparaissent peu à peu et l'animal revient à la santé. 10 heures matin. — On répète l'expérience avec une même dose de venin surle même animal. Les mêmes phénomènes se montrent dans le même ordre, mais l’animal ne meurt pas. 20 août 1882. — L'animal a recouvré la santé et vit encore actuelle - ment (août 1883). Expérience XVI. — Laboratoire de Roscoff, 18 août 1882. 1° Injection sous la peau du dos chez une Grenouille de 1 centi- mètre cube de la solution de pancréatine dans l’eau distillée. Aucun phénomène anormal, même plusieurs heures après l'injection. 2° Injection chez une deuxième Grenouille de 1 centimètre cube de la solution de pancréatine dans laquelle a été mélangé le quart du venin contenu dans l'appareil venimeux d’un Scorpion de petite taille. On voit apparaître dans le même ordre les phénomènes que l’on observe chez les Grenouilles empoisonnées avec-du venin mélangé simplement à l’eau distillée. Mort. 3° L'expérience est faite de nouveau en ajoutant une goutte d'acide acétique à l'injection précédente. On observe encore les mêmes phé- nomènes que précédemment. Mort. 4° Des injections sont faites avec 1 centimètre cube des liquides sui- vants : alcool absolu, eau putréfiée, glycérine, solution concentrée d'acide picrique, ammoniaque, salive, à chacun desquels on a mélangé depuis le jour précédent un quart du venin contenu dans une extré- mité de Scorpion. Toutes les Grenouilles auxquelles on a fait ces diffé- rentes injections sont mortes en présentant les phénomènes que l’on observe habituellement chez les Grenouilles empoisonnées avec le venin mélangé simplement à l’eau distillée. Toujours, dans tous ces cas, le sang a été examiné au microscope et n'a rien présenté à signaler. | 7174 J. JOYEUX-LAFFUIE. Expérience XVII. — Laboratoire de pathologie expérimentale de la Faculté de médecine, 16 juillet 1883. 2» 45% soir.— Extrémité de Scorpion broyée dans 4 centimètres cubes d’eau distillée. La moitié du liquide est injectée dans la cuisse gauche d'un Cobaye. L’injection est très douloureuse; l’animal crie sans cesse et gratte à plusieurs reprises la partie piquée ; la patte ne peut être appuyée sur le sol. 3" 2% soir. — Arrêt de la respiration, Quelques mouvements convul- sifs. Mort apparente. Le cœur, mis à nu, continue de battre encore pendant environ une demi-heure. L’abdomen ouvert, on voit nettement les mouvements péristal- tiques etantipéristaltiques de l'intestin ; iln’y a donc pas paralysie des fibres musculaires lisses. Examen du sang au microscope. — Rien à signaler. Un second Cobaye, auquel on injecte la moitié du liquide sortant, c’est-à-dire un quart du venin d’une extrémité de Scorpion, meurt presque aussi rapidement en présentant les mêmes symptômes d’em- poisonnement. Expérience XVIII. — Laboratoire de pathologie expérimentale de la Faculté de médecine, 18 juillet 1883. 2» 39% soir.— Une extrémité de Scorpion broyée dans? centimètres cubes d’eau distillée est injectée dans la cuisse droite d’un Chien de moyenne taille du poids de 6 kilogrammes. L’injection est très dou- loureuse. L'animal ne peut se servir de sa patte, il lèche la partie piquée, crie presque continuellement et change à chaque instant de position. 3" 25" soir, — Le calme revient, les cris cessent et tout indique que les douleurs ont considérablement diminué. 49 juillet. — L'animal ne présente plusaucune trace d’empoisonne- ment, sauf un léger œdème de la partie piquée. 3 heures soir.— Je fais au même Chien une nouvelle injection dans la cuisse droite de deux extrémités de Scorpion dans 2 centimètres APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 175 d’eau distillée. On observe les mêmes symptômes que précédemment. 5 heures. — Vomissements incessants. L'animal est couché, abattu, et meurt dans la nuit. III PATHOLOGIE. La connaissance de l’appareil venimeux et du mode d’action du venin seraient pour nous un sujet de curiosité scientifique si nous ne devions maintenant essayer d'en tirer quelque fruit pour la patho- logie. Les Scorpions ont de tout temps été considérés comme des animaux fort dangereux. Il est certaines espèces des pays chauds dont la piqûre effraye les habitants presque à l’égal de la morsure des Serpents les plus venimeux. Il faut, sans aucun doute, rayer de la science les faits surprenants et les histoires fabuleuses racontées par un grand nombre d'auteurs sur ces animaux et les effets de leur piqûre; mais il n’en reste pas moins vrai que si l’on n’a pas observé chez l'homme de cas de mort d’une facon certaine, ces animaux peuvent parfois causer des accidents fort graves. Ehrenberg rapporte qu'il fut piqué cinq fois par les Scorpions (Androctonus quinquestriatus), et les douleurs qu’il en ressentit lui firent admettre que les femmes et les enfants peuvent bien y suc- comber. | A la suite de cette opinion d'Ehrenberg, il nous suffit de citer celle de Lucas’ pour montrer combien les avis sont différents. Ce naturaliste nous dit que pendant son séjour en Algérie, il a été souvent piqué par les espèces que nourrit ce pays, et que les résul- tats n’en ont jamais été fâcheux. « J’avouerai même, dit-il, que la douleur qu’on éprouve est moins vive, moins irritante que celle pro- duite par les Abeilles. » 1 Lucas, Dict, univ. d'hist. nat. (Article Scorpion), t. XII. 776 J. JOYEUX-LAFFUIE, Nous pourrions citer un grand nombre d’auteurs qui ont ainsi émis des opinions très contradictoires. On en rencontre à chaque instant lorsqu'on parcourt la bibliographie du sujet. Verdalle ‘, qui a observé les Scorpions en Afrique dans le pays des Zibans, n’a jamais vu de cas de mort, nous dit-il. « Les piqûres des extrémités s’accompagnent généralement de réactions assez vives, quelquefois même inquiétantes et, parmi celles-ci, celles surtout qui ont lieu aux bords latéraux internes ou externes des doigts. » M. le professeur Laboulbène? qui, lui aussi, a observé les Scor- pions dans le midi de la France, et qui nous a donné un résumé de la question en 1880, nous dit : « La piqûre du Scorpion a de tout temps été redoutée, mais son danger, quoique réel pour l’homme, est très exagéré par un grand nombre d'auteurs. » Naturellement nous devons nous demander à quoi tiennent des opinions aussi diverses et chercher une explication, laquelle, je crois, est facile à trouver. C’est un problème dans lequel il faut tenir compte de plusieurs données, et c’est pour en avoir négligé une ou plusieurs que les auteurs nous ont donné des descriptions difficiles à concilier. Dans toute piqûre, il faut, en effet, connaître exactement : l'espèce de Scorpion qui a piqué; les espèces qui possèdent un appareil veni- meux capable de sécréter une grande quantité de venin, sont natu- rellement plus dangereuses que celles qui ont un appareil à peine développé. Il faut aussi tenir compte de l'individu piqué, de son âge, de sa taille ; il est évident que la même piqûre présentera beaucoup plus de gravité chez un enfant que chez un adulte. Mais il est une troisième donnée beaucoup plus difficile à déterminer, c’est celle qui consiste à connaître dans une piqüre quelle est la quantité de venin introduite dans la plaie. Cette quantité, très variable, impossible à déterminer, nous explique les opinions si différentes des auteurs. On 1 ARISTIDE VERDALLE, Quelques noles sur le climat des Zibans (Thèse de Montpellier, 1851). LaBouLBÈNE, Dicl. encyc. des sc. médicales (Article Scorpion), 1880. |APPAREIL VENIMEUX KT VENIN DU SCORPION. 777 peut, en effet, supposer chez un individu un très grand nombre de piqûres ; si dans aucune il n’a été déversé du venin, elles agiront simplement comme des piqûres d’épingle et n’offriront aucun dan- ger. M. Jousset de Bellesme a montré qu’en obturant, au moyen de collodion ou de vernis, les orifices vénénifiques de l’extrémité de l’aiguillon, on pouvait impunément faire piquer des animaux. Il est absolument certain, et nous en avons eu la preuve précédemment, que les dangers de la piqûre sont proportionnels à la quantité de venin introduite dans la plaie. Et si nous voyons certains auteurs nous affirmer que les piqûres de Scorpion sont sans danger, c’est qu'ils ont eu affaire à des espèces peu dangereuses ou que les personnes piquées étaient des individus vigoureux, ou bien, ce qui est plus probable, qu'il y a eu peu de venin déposé dans la piqûre. J'ai dit précédemment que le Scorpion piquait de deux façons bien différentes ; dans l’une il darde des coups d’aiguillon; dans ce cas, il y a peu de venin introduit dans la piqûre, souvent même il ne pique pas ; dans l’autre, il introduit l’aiguillon et le maintient dans la plaie un temps suffisant pour contracter la membrane musculaire de ses glandes et chasser le venin contenu dans leurs cavités intérieures, sorte de réservoirs. Cesont ces dernières piqûres, on le comprend, qui sont surtout dangereuses. Ce sont celles qu'il fait lorsque, étant saisi par un ennemi, il cherche à se défendre. Ce sont celles que l’on observe en général chez l’homme; le Scorpion, en effet, n’attaque jamais l’homme et ce n’est que lorsqu'il est saisi par celui-ci qu'il le pique. Souvent aussi c’est en introduisant la main ou les doigts dans les trous ou sous les pierres où se tiennent les Scorpions que l’on est piqué. Les Arabes du désert, qui, comme tousles peuples nomades et sauvages, ont une très grande peur du danger et cependant se fami- liarisent vite avec lui, peut-être par cela même qu'ils y sont constam- ment en butte, s'amusent lorsqu'ils rencontrent un Scorpion à le ramasser dans la main à la manière des enfants qui prennent leur toupie encore en mouvement, c’est-à-dire en glissant rapidement la ù 778 J. JOYEUX-LAFFUIE. main étendue entre le sol et le Scorpion et jamais, dans ce cas, le Scorpion ne cherche à piquer. Dans le sud de l'Algérie, les grosses espèces sont, d’après M. La- taste, beaucoup moins redoutées que celles de plus petites dimen- sions. Cela tient à ce que les espèces qui atteignent jusqu’à 20 centi- mètres habitent seulement dans les trous ou sous les pierres, tandis que les espèces de petite taille pénètrent partout ; c’est un fait déjà connu dans le midi de la France ; ils s’introduisent dans les maisons, courent le long des murs, pénètrent dans les chaussures, se glissent dans les lits et sont, comme le dit Verdalle, « un véritable objet de terreur pour les nouveaux débarqués. » IV CONCLUSIONS. De nos propres recherches et de la discussion des travaux publiés par différents auteurs sur le même sujet, nous nous croyons autorisé à tirer les conclusions suivantes : 1° L'appareil venimeux du Scorpion (Sc, occitanus) est constitué par le sixième ou dernier zoonite du post-abdomen ; il se termine par un aiguillon présentant à son extrémité et sur les côtés deux orifices ovalaires destinés à la sortie du venin ; 2° Les glandes qui sécrètent le venin sont au nombre de deux, possédant chacune un canal excréteur qui vient déboucher séparé- ment à un des orifices situés à l'extrémité de l’aiguillon ; 3° Chaque glande est située dans une loge qu’elle remplit com- plètement et qui est formée par le squelette chitineux et par une enveloppe musculaire à fibres striées. Cette enveloppe musculaire forme à la glande une sorte de sangle qui, par ses contractions sou- mises à la volonté de l’animal, chasse le venin au dehors; 4 Chaque glande est formée d’une paroi propre et d’une ca- vité centrale, sorte de réservoir pour le venin sécrété. — La pa- APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 7179 roi propre est formée de deux couches : 4° une couche de tissu cel- lulaire présentant des prolongements en forme de lames dans la cavité centrale ; 2° une couche épithéliale tapissant la face interne de la couche précédente, ainsi que les replis qu’elle présente ; 5° Les cellules épithéliales de la couche interne remplies à l’état frais par du protoplasma contenant en suspension de fines granu- lations sont les cellules qui sécrètent le venin et d’où il s'échappe pour s’accumuler dans la cavité centrale de la glande ; 6° Le venin du Scorpion est un poison très actif qui, à faible dose, amène rapidement la mort chez la plupart des animaux, sur- tout chez les Arthropodes et les Vertébrés ; 1° Les phénomènes d’empoisonnement sont toujours les mêmes et ils apparaissent constamment dans l’ordre suivant : a, douleur du point piqué; #, période d’excitation ; c, période de paralysie; 8° Les phénomènes convulsifs qui caractérisent la période d’exci- tation sont dus à l’action du venin sur les centres nerveux et parti- culièrement sur l’encéphale; les phénomènes de paralysie sont causés par l’action du venin sur les extrémités périphériques des nerfs moteurs dont il supprime, à la façon du curare, l’action sur les muscles striés ; _ 9° Les muscles, le cœur et le sang ne sont nullement atteints, et en conséquence le venin de Scorpion doit être définitivement placé parmi les poisons du système nerveux ; 10° La piqûre des espèces de Scorpions vivant en France (Scorpio E‘uropœus et occitanus) ne saurait causer la mort de l'homme et pré- senter de gravité que si le même individu a été piqué par plusieurs Scorpions à la fois, ou si l’on a affaire à de très jeunes enfants. APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE 1684. ReDr. Opere di Francesco Redi, Firenze, t. I, 1864. 1731. Maupertuis. Expériences sur les Scorpions (Mém. de l'Académie des sciences, p. 223, 1731). 1754. C. LiNné, Museum À dolphi Frederic regis suecorum, etc., 1854. 1767. C. Linné, Systema naturæ, 19e édition, 1767. 1772. PaLLas (Peter Simon), Spicilegia zoologica, fasc. IX, p. 38, 1772. 1778. DE GÉER, Mémoires pour servir à l'hastoire des insectes, t. VIIT, 1778. 1779. Amoreux, Journal de physique, t. XXXV, p. 9, pl. I, 1779, et Nofice des Insectes de la France réputés venimeux, p. 41 et 176, 1779. An X, ANGE Maccary, Mémoire sur le Scorpion qui se trouve sur la montagne de Cette. 1800. Hergsr, Naturgeschichte der Scorpionen, in Ungeftugel Insekten, t. IV, in-40, 1800). 1808. J. F. Mecxez, Beiträge zur vergleich. Anatomie der Scorpionen. 4812. Treviranus, Ueber Structur der Arachniden, Nüremberg, in-4°, pl., 1812. ; 1817. Léon Durour, Journal de physique, t. LXXXIV, p. 444, une planche, 1817. 4821. 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APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 781 1859. P. GERvAIS ET VAN BENEDEN, Zoologie médicale, t. I, p. 431, 1859. 1861. Peters, Monatsbericht der Kænigl. Akad. der Wissensch. zu Berlin, p. 507, 1861. 1862. Moquin-Tannon, Eléments de zoologie médicale, p. 258, 1862. 1864. Guyon, Du danger pour l’homme de la piqûre du grand Scorpion dunord de VAfrique (Androctonus funestus. Hemprich et Ehrenberg). Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, t. LIX, p. 533, ‘ 1864. 1865. Pauz BErT, Contribution à l'étude des venins : venin de Scorpion (Comptes rendus des séances et mémoires de la Société de biologie, 4e série, t. Il, p. 136. 1865). 1866. Léon Durour, Hisioire anatomique et physiologique des Scorpions (Mé- moires présentés par divers savants à l'A cadémie des sciences, t. XIV, avec planches, 1866). 1870. Merscanixorr, Embryologie des Scorpions, Leipzig, 1870. 1870. EUGÈNE SiMoN, Etude sur les Scorpions (Revue zoologique, 180). 1871-1872. Jousser DE BELLESME. 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EuGÈNE Simon, Les À rachnides de France : Scorpiones, p. 79-115, avec planches, 1879. 1879. P. ManreGazzA, Sul veneno dello Scorpione (Bull. ent. Ttal, XI, p. 73- 76, 1879). 1880. LaBouLBÈNE, Arf. Scorpion (in Dict. encyclop. des sciences médicales, | 3e série, t. VIII, 1880). 1883, J. Joyeux-Larrute, Sur l'appareil venimeux et le venin du Scorpion (Comptes rendus de l’'Acad. des sciences, 1883). 782 J. JOYEUX-LAFFUIE. L£ EXPLICATION DES FIGURES. Fic. 1. Scorpion occitanien (Scorpio occitanus) de grandeur naturelle, vu de profil au moment où ayant saisi et retenu une araignée avec ses pinces, il la pique au moyen de son dard. a, appareil venimeux constitué par le der- nier segment abdominal. On voit au-dessus de cette figure un trait indiquant la longueur de l’animal, mesurée de la partie supérieure et médiane du céphalothorax à l’extrémité inférieure de l’abdomen. 2. Extrémité abdominale grossie et vue de profil. &, antépénultième segment de l'abdomen; b, pénultième segment abdominal; c, appareil veni- meux formé par le dernier segment abdominal; d, aiguillon de l'appareil à venin; ef, gh, et iy, lignes suivant lesquelles ont été faites les coupes représentées dans les figures 6, 7 et 8. 3. Extrémité de l’aiguillon à venin vue de face. On distingue les deux petits orifices a et b de sortie du venin vus de profil. &, Extrémité de l’aiguillon à venin vue de profil pour montrer sa forme etla situation exacte d’un des orifices à venin «a. 5. Appareil venimeux isolé de l’abdomen et grossi. Sur le côté droit la partie chitineuse a été enlevée et la glande à venin rejetée du même côté; a, glande à venin du côté droit extraite de sa cavité, son canal seul est encore en place; b, glande à venin du côté gauche en place ; c, extré- mité de l’aiguillon. 6. Coupe transversale de l’appareil venimeux passant par la lignée ef de la figure 2, a, paroi chitineuse ; b, espace triangulaire rempli de tissu cel- lulaire dans lequel cheminent les nerfs; c, paroi glandulaire ; d, cavité centrale de la glande dans laquelle s’accumule le venin sécrété par la paroi; e, espace rempli de tissu cellulaire dans lequel cheminent les vaisseaux; f, couche cellulaire entourant la couche épithéliale ; g, paroi musculaire formant une sorte de sangle à chaque glande et existant seulement à Ja face interne et à la face postérieure de chaque glande; ?, un des replis dela paroi glandulaire dans la cavité centrale de la glande. 7. Coupe transversale de l’appareil venimeux faite au niveau de la ligne gh de la figure 2. a, paroi chitineuse épaisse; b, tissu cellulaire ; c, épithé- lium d’un des deux canaux excréteurs; d, lumière du même canal. 8. Coupe transversale de l’aiguillon faite suivant la ligne ÿÿ de la figure 2. L’aiguillon tout entier est formé par une masse chitineuse de couleur foncée dans laquelle sont creusés les deux ‘canaux excréteurs des deux glandes à venin. APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION. 183 FiG. 9, Une partie de la glande avec un des replis vus à un fort grossissement ocul. 1. Verick FAUE F ———. &, couche musculaire à fibres striées; 6, couche object. 5. Nachet cellulaire; c, couche épithéliale formée par des cellules prismatiques à gros noyaux; d,lame de tissu cellulaire s’avançant dans la cavité cen- trale de la glande et tapissée par l’épithélium glandulaire. ocul. 1. à object.7. NSoee: 11. Globules du sang de Grenouille après un contact prolongé avec le venin. a, b, c, globules déformés ; d, globules blancs. 10. Venin à l’état frais vu à un fort grossissement 3 dit, 9 £} at8b TROIE F #3 “in Ho Hi agi] 4h onaf, $ sKor 013 Mol ar d er. eq #b du! Lo faste is | LB] = Le) SO un © - [e\ ‘de ZOO! Expl° et Genl° WArch és œil Wercier sc. H.dæLD.ad. nat. del. Jp. Ch. Chardon ion ) Digest ( brairie Remwald ARROSOIR 1 L PI XXVIT. erie _Vol.L ce nn) e ‘ 2 «+ EL OT 8e RER QUE SU : Arch. de Zool, Exp! et Genl° Mercier sc. ainé:. Imp. Ch. Charcdon LD, ad. rat: del. | ( Re spiration _ Reproduction RARROSOTR brairie Reinwald, rs L | | DS à LA. Eu é pE” al JL d.L.D, ad nat.del Imp.Ch. Chardon aine . CS ELONLD EL ARR O 9 OTR Librairie Reinwald Lagesre ve. : Ü # Ur euà WY a pb Res p y L UNI ( Vs fegte Arch, de Zoo!l. Expl® et Genl° 2° Série _Vol.I PL. XXIX. à AS 29/9 9 (2 4 # | 4 \ à L ñ 07772 a — Redon vice en cr nn Preart Se. mp. Ch. Chardon aire: IL deL.D.adrnat. del, ORGANISATION DE L'ARROSOIR ( Syst, nerveux) Librairie Reinwald., 2 Jr v fr 2 ts dr f AS LE 4 nn 0 BR Zi Enr à Génie DA Re Vol AP Ce. #0 ù So w 0 o nu Doro Po 4 02,9 Due 66-9080 AR bi, G.Mereter se. W L hé | APPAREIL VENIMEUX ET VENIN DU SCORPION (Sc. Occitanus.) VU au" f h ” (4 Ÿ X° J | dé | 3 Return this book on or before the last date stamped below Library Bureau |Cat. no. 1174 y . 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