£<*»<<. ■ F «LC. 1 7» ARRÊTÉS Meffieurs les Officiers de lu Maîtrife particulière des Eaux & Forêts de Touloufe. Du 30 Juin 1788c * / Kÿcx*» ( i ) êAM ARRÊTÉS De MeJJieurs les Officiers de la Maürife particulière des Eaux & Forêts de Touloujè . Extrait des Regiftres dn GreÜè. CeJOÜRD’HUI, 30 Juin 1788, à quatre heures de relevée : La Compagnie extraordinairement affem- blée dans la Salle d’audience pour les affai- res du Roi , M. Fabre , Lieutenant , a dit : Qu'il auroit reçu, le jour d’hier, une lettre de M. de Cipiere , Confeiller d’État & Commiffaire du Roi , par laquelle il lui marquoit , qu’il avoit des ordres du Roi à lui communiquer , & le prioit de paffer à l’Archevêché dans la journée pour confé- rer de leur objet , laquelle lettre il remet fur le Bureau. Qu’il fe feroit rendu au-près dudit Sr, dç Cipiere ? en compagnie du Procureur du A (O Roi , & ledit fieur de Cipiere leur aurait dit , qu’il devoit venir inceffamment au préfent Siégé pour faire procéder à l’en- regiftrement de l’Édit de fupprefîion des Tribunaux d’exception. . QVfe fur ce qu’ils lui avoient obfervé, que. la plupart de Meilleurs les Officiers étoienc abfens , que leur préfence leur paroitfoit néceffiaire lors de l’enrégiftrement , & qu’il falloit un délai moral pour les faire pré- venir; il avoit été convenu que la féance feroit fixée au furlendemain premier Juillet, huit heures du matin, pour procéder audit 1 O 'V"" ~ ' enrégiftrement. Qu’en conféquence , il croyoit devoir informer la Compagnie de ce qui fe paffioit, afin de prendre toutes les déterminations convenables dans les circonftances. Sur quoi, eue délibération, la Cour, pénétrée des événemens défaftreux qui ont porté la défolation dans toutes les cœurs : Confternée des coups d’autorité qui fe font rapidement fuccédés,du renverfement des Tribunaux, delà difperiion fubite des Magiftrats Souverains : O) Frappée du morne filence &de l’inadion funefte où l’on a réduit tout-à-coup la Juftice fuprême ; Défolée de ne plus entendre les Oracles qui la guidoient dans Tes fondions ; Inftruite par le fpedacle de deftrudion qui 1 environne & par la publicité des pro- jets minifteriels , qu’elle touche au moment d etre envéloppee dans le décret général de bouleverfement & d’interverfion ; > Confidérant que de tous les Tribunaux d’exception qui exiftent dans le Royaume , celui des Eaux & Forêts eft un des plus anciens ; Que la confervation des Bois & Forêts , fut, de tous les temps, un des objets les plus dignes de l’attention du Gouverne- ment ; Que cette produdion précieufe , qui croit & fe régénéré fans le fecours de l’induf- trie humaine , & par la feule fécondité de la nature , a été , d’âge en âge, le fujet d’une Légiflation particulière, aufîi étendue qu’étrangère aux autres parties du corps des Loisj A s (4) Que chez les peuples les plus éclaires & les plus fages, une politique réfléchie & prudente confia aux mêmes Officiers 1 im- pedion des Forêts, le foin de leur con- fervation & la connoiffance des contefta- tions que leur réformation pouvoit faire naître ; Que , malgré la grande quantité de Forêts, dont le Royaume étoit couvert dans les premiers âges de la Monarchie , nos Rois ne s’attachèrent pas avec moins de vigilance à conferver un bien fi précieux pour un état , que fa pofition phyfi- que deftinoit à devenir une puiflance maritime ; Qu’en remontant julqu’aux capitulaires de Charlemagne , le code François offre unq infinité d’Ordonnances relatives à la ma- tière des Eaux & Forêts ; Que depuis le commencement de la Monarchie jufques vers le milieu du quin- fième fiècle, les Officiers des Eaux & Forêts eurent droit de Jurifdidion fur tout ce qui étoit relatif aux Eaux & Forêts du Domaine de la Couronne, & fut les* Bois dans lei- quels nos Rois avoient droit de gruerie , Juftice ou autres droits ; Que les privilèges accordés aux Peupla- des qui paffoient en France pour défricher les Forêts, ayant prefque entraîné la def- tru&ion des Bois, la confervation des Forêts des Princes, Seigneurs, Prélats ,• Com- munautés féculieres & régulières , & des particuliers , devint d une aufii grande con féquence pour l’avantage de l’État que celle des Bois du Domaine royal , & que la Jurifdi&ion côntentieufe en fut de même fpécialement attribuée aux Officiers des Maîtrifes , fauf l’appel aux Tables de Marbre ( i ) Confidérant que l’un de nos Rois , dont la mémoire fera célébré a jamais par les lois les plus fages encore plus que par fes triomphes militaires , Louis XIV. après avoir confacré huit années a la méditation profonde des lois de fes prédécefleurs , tou- ( i ) Ordonnances du mois de Décembre 1543 , article 1, Février 1554, article 30, Mars 155S , Janvier 1583 , Février 1586 , Mai 1 597* (6) chant le fait des Eaux & Forêts, ( i ) fe convainquit qu’il importoit de ne pas fé- parer la Jurifdiéfion du fimple miniftere d’infpeéHon , dans une partie fi effentielle ; Que par ion Ordonnance de 1669 , ce Prince , après les conférences les plus réflé- chies tenues fous l’adminiftration deM.de Colbert , fur les renfeignemens fournis par les Commiffàires reformateurs dépar- tis dans les Provinces , fe détermina à lai fier , aux Officiers chargés de veiller à la confervation des Bois , le pouvoir judiciaire qui peutfeul rendre leur miniftere plus aétif , leurs fonétions plus utiles , leur vigi- lance plus heureufe ; Qu’indépendamment de l’étude particu- lière que les lois foreftieres exigent , les différentes opérations â faire , tant dans les Forêts royales que dans celles des mains mortes & autres, ainfi que furies fleuves & rivières, foit pour la policé générale , foit pour les conteftations litigieufes , ne peu- vent convenir aux Juges ordinaires , obligés X 1 ) Préambule de f Ordonnance de 1669* ( 7 ) par état à une réfidence exade , pour dif- tribuerà chaque inftant la juftice aux fujets du Roi ; Que la raifon , comme l’expérience, dé- montre la néceflité de n’attribuer le con- tentieux qu’aux Officiers qui font verfés dans la pratique 3 ainfi que dans la théorie , de la matière ; Que nos Légiflateurs ont tellement re- connu combien il importe d’avoir un corps de magiftrature uniquementoccupé de cette partie , que , conformément aux défenfes faites par les . Ordonnances de 1583 & 1597 , l’Ordonnance de 1669 , a inhibé de plus fort aux Officiers des Maîtrifes de prendre aucun autre Office de judicature ou de finance , afin d’éviter tout mélange de fondions & une diverfion nuifible à ce qui concerne les Eaux & Forêts ( i ). Que c’eft dans le même efprit que fart. 12, du lit. 2 de l’Ordonnance de 1669 , défend à tous Ecdéfiafliques & Officiers des ( 1 ) Voyez les articles 3 8 , du titre 5 de cette Ordonnance. ( 8 ) Padeiïiens * Grand-Confeil , Chambre de Comptes , Cours des Aides & autres Cours , d’exercer , foit en titre ou par commifiion , aucune charge dans la Jurifdidion des Eaux & Forêts ; Que par une fuite des mêmes vues , lors- que n'os Rois n’ont pas trouvé à propos d’établir ou de maintenir les Tables de Marbre dans certaines Villes , qu’ils en ont attribué au contraire la Jurifdidion à des Juges déjà chargés de la connoiffance d’autres matières ,on a cru qu’il importoit de créer des Offices d’ Avocats & de Procu- reurs du Roi , uniquement attachés aux Eaux & Forêts , & voués fpécialement à mettre fous les yeux des Magiftrats , le véritable efprit des Ordonnances & de la ïurifprudence foreftiere , avec les moyens de conlerver les objets de cette Jurifdk> lion ; Que f utilité d’une Jurifdiéiïon particm» ïîere pour les Eaux & Forêts a été fi bien fentie jufqu’à préfent,que l’on n’a jamais tru devoir étendre fur cette partie l’eftet été conïrnîttîmus & des privilèges \ ( 9 ) Que les nouvelles lois dégraderaient & aviliroient les fon&ions de la Cour , puif- qu’elles lui enleveroient la plus noble por- tion de fon miniftere ; Qu’elles réduiraient les Officiers de la Maîtrife à des opérations purement méca- niques dans les Forêts royales ; Qu’elles les borneraient , prefque comme de (impies gardes;, à drefler des Proces- verbaux , dont-ils fe verraient forces de livrer les fuites à l’inexpérience inévita- ble des Tribunaux de nouvelle création ; Que dans un fiécle où les forces navales font devenues plus importantes ,& ou les peuples font allarmés par la diminution progreffive d’une produ&ion des plus in- téreffiantes pour les befoins de la vie , il ferait d’une fage politique d’étendre le pou- voir des Officiers des Maîtrifes ,au lieu de l’anéantir , de l’énerver ou de le reftrain- dre ; Confidérant que le fyftême d’unité dans la formation des Tribunaux eft , en fait d’ordre public de Jurifdiélion , une chimère dangereufe i r Qu’un Tribunal borné ne peut ni tout connoître , ni tout embraffer; Qu’il Faudroit , ce qui n’eft pas au pou- voir des hommes , commencer par reculer les limites de la vie & de l’intelligence humaine ; Confidéraot que les Romains eux-mêmes, ces modèles immortels des bonnes légifé- rions , penferent qu’il importoit de créer des Tribunaux d’attribution pour le plus grand bien & la plus prompte expédition de la Jüftice ( i ) ; Que la fagefFe de nosLégiflateurs , & une longue expérience , ont Fait connoître auffi. la néceflîté de détacher de la Juftice ordi- naire, ces grandes branches de JurifdiéHon , qui exigent des études FérieuFes, une pra- tique journalière , & une application con- tinuelle ; Que vouloir les réunir dans un centre unique , c’eft les expoFer toutes à une lan- gueur malheureuFe , ou à une dangéreuFe conFuFion ; ( i ) Voyez FHiftoire de la Jurifprudence Romaine* Confidérant que parmi les Tribunaux érigés en grand Bailliage, il en eft plufieurs, qui , inacceffibles à la féduétion de quel- ques vaines prérogatives , & n’écoutant que la voix du patriotifme & de l’honneur y ont refifté noblement à l’extenfion de leur pouvoir , & ont eu la générollté , à jamais recommandable aux yeux de la nation , de faire connoître eux - meme les dangers de cette opération ; Que le Sénéchal de Bordeaux , anime par les fentimens les plus louables, s’efl: écrié vivement : ic Le cri de notre confidence » ne nous permettra jamais d’accepter des 33 fonétions dont l’exercice embraffe des 3) matières abfolument étrangères à nos con - » noijfiances , & qui font régies par des lois » particulières & multipliées, dont nous î) n avons pas les premiers élémens. Prêter n notre miniftère pour concourir à leur 3) jugement , ce ferait blejfer notre délica - 33 tefifie ;, troubler notre confcience , perdre n notre propre eftime , renoncera la confiance 33 dont le public nous a honorés fufiquà pré - a fient , & ufurper les droits des Cours Jou ( n ) fi veraïnes , dont la fermeté -, le courage & le si patriotifme , feront à jamais gravés dans » le cœur de tout bon François ( i ) « ; Confidérant que cet aveu des Tribunaux ordinaires fur leur infuffifance , relative- ment à une attribution indéfinie de tout ce qui peut faire l'objet de l’adminiftration de îa Juftice prouve de plus en plus les vices & les dangers de la réunion dont la Cour cft menacée ; Que cette réunion viole la foi attachée m% provifions qui émanent de l’autorité royale; Qu’en opérant tin mal général , elle tend à consommer des injuftices particulières, qui n’ont pas , fans doute , été prévues , mais qui n’en font pas moins réelles , puif- qu’ori anéantit le pouvoir judiciaire , acquis â titre onéreux avec les offices qui compo- fent les Maîtrifes; Qu’il eft notoire que les nouvelles Ordon- nances n’ont pas un caraâère légal; Que ce rt’eft point l’appareil & la vio- 4 ( i } Extrait des Regiftres de la Cour Sénéchal© 6t Préfidiale de Guienne, du 30 Mai 178S* ( 13 > lence militaires qui peuvent, au milieu d un peuple franc , donner à de nouvelles lois une fandion utile & révérée ; Que félon les formes antiques & les lois conftitutionnelles de la Monarchie, la Cour ne peut recevoir & reconnoître que celles qui font communiquées aux Cours infé- rieures & au peuple , par 1 enregiftrement & la publication , faits d’autorité du Parle- ment , dont la généreufe refiftance , pour les intérêts propres du Monarque , a excité la reconnoiflaoce de tous les citoyens , & augmenterait , s’il étoit poffibîe, le refped , le zèle & l’attachement de la Cour ; Confidérant , que la commotion géné- rale & fubite , éprouvée dans tout le Royau- me , ébranle la Monarchie dans fes fon- demens les plus profonds ; Que ce bouleverfement périlleux a fait retentir, d’une extrémité du Royaume à l’au- tre , les réclamations & les refpedueufes doléances de toutes les Cours fouveraines , du Clergé , de la Noblelfe & de tous les ordres de l’Etat. Qu’il eft impoffible que le tableau de nos malheurs , du péril de la chofe publique, du deuil général du Royaume ( tableau tracé tant de fois , & avec une fi lublime éner- ne parvienne , enfin , jufqu’au pied du Trône, & qu’un Roi , fenfible & jufle , n’en foit vivement attendri ; Confidérant , que , comme Magiftrats , tous les membres de la Çour doivent être inviolablement attachés aux lois conftitu- tivesde la Monarchie , & lier leur fort à celui des dépoli taires fuprêmes , qui fe dé- vouent généreulement pour leur maintien"; Que f comme fujets fidèles , ils doivent réfifter , refpeélueulement , & autant qu’il eften leur pouvoir, aux erreurs qui compro- mettent une autorité facrée ; autorité tou- jours chère aux Français , parce qu’elle eft fondée , non fur la terreur ou la crainte, mais fur leur obéifiance éclairée & fur leur amour pour leurs Rois ; Confidérant, enfin, que quelques grands que foient notre dévouement pour Sa M. notre refped pour fa perfonne augufte , notre foumilllon a les volontés louveraines; il nous eft impoffible de nous dilïimuler , ( Q ) le parti que nous indiquent le véritable in- térêt du fceptre & celui des fujets. Que notre confentement à tout démem- brement , à toute défunion de nos fonc- tions , à tout tranfport de notre Jurifdic- tion aux Tribunaux ordinaires , feroit une odieuie violation de nos fermens , & de la fidélité que nous devons au bien général de l’Etat ; Que tel eft dans ces con jonélures fatales, le cri de l’honneur & de notre confcience ; crj puifiant, qu’aucune confidération humaine, aucun péril ne pourront jamais nous faire oublier ; PAR TOUS CES MOTIFS , il a été unanimement arrêté , que le Cour fe refu- fera , autant qu’il fera en elle, à la tranfcrip- tion des nouvelles lois , portant fuppref- fion des Tribunaux d’exception , qui pour- rait être faite fur fes regiltres ; qu’elle pro- teftera , avec le reTpect dû au Souverain , contre tout ce qui pouria être fait par le Porteur d’ordres , & contre tout acquiefce- ment qu’on pourrait vouloir faire réfulter de fa préfence forcée & pafiïve à ladite»opé- ( 1 6) ration , à laquelle elle déclarera ne prendre aucune part ; & que le préfent; arrêté fera configné fur les regiftres de la Maîtrife , pour être, à jamais , le monument de fes principes & de fes vrais fentimens. Fait, lefdits jour , mois & an que defius. Granal , Maître - Particulier. Fabre , Lieutenant. Malpel de Latour , Lieutenant honoraire. Ratier , Greffier en chef, adhérant. Et à Tinftant , Monfieur lé Procureur du Roi étantentré , ayant pris connoiffance du préfent arrêté , a déclaré , qu’il y adhère en tout fon contenu , a requis aéte de fon adhéfion , & aligné. De Serrurier-Dubois, Procureur du Roi, adhérant. Lequel aéte la Cour lui a oétroyé. Le deux Juillet fuivant , jour défigné pour la convocation , la Cour, extraordi- nairement aflemblée à fept heures du matin, en vertu des ordres du Roi , communiqués à M. le Maître-Particulier , délibérant fur l’objet de fa convocation , a unanimement perfifté dans les arrêtés & proteftations du 30 Juin précédent, & à chargé M. le Maître- Particulier de les préfenter, la féance tenant, à M. ( 1 7 ) à M. le Commifiaire porteur d’ordres ï de le requérir & de les inférer dans fon pro-. cès-verbal. Et à l inftant , le Procureur du Roi étant entré , a déclaré , après avoir pris connoifo fànce de la précédente délibération , qu’il y adhéré en tout fon contenu , & a requis aélç de fon adhéfion qui lui a été oétxoyée. Et le meme jour a huit heures du matin ’ ledit fieur Commiffaire fe foroit rendu au fiège , revêtu de fa robe de Confeiller d’Etat, efcorté de MM. Martin , Lieutenant & fous Lieutenant de la Maréchauffée , avec des Cavaliers qui ont été placés au-déhors de la porte de l’Auditoire. Ayant trouvé à la porte extérieure du Couvent des Jacobins , dans lequel la Jurifo diétion a fon Siège , un des Huiflîers Au^ dienciers, le fieur de Cypiere auroit fait an* noncer fon arrivée , auquel Huiffier ayant été donné ordre d’introduire le fieur Com- mifiàire , celui-ci eft entré dans la falfo d’Audience , précédé de l’Huiffier. Et ledit Porteur d’ordres , ainfi quç les MM. de la Maîtrife , s’étant placés : le prç« B (i8) mier , après avoir ôté Ton chapeau , & falué M. le Maître-particulier & les autres Offi- ciers , à dit : MESSIEURS, » Nommé Commiffiaire par le Roi , pour » Faire enregiftrer fur vos regiftres, l’Edit « portant fuppreffion des Tribunaux d’ex- s) ception,je viens remplir ma miffion. Mes » pouvoirs font contenus dans des Lettres- » Patentes du 30 Mai dernier , revêtues du » grand fceau, que je vous communiquerai, v fi vous le j ugez à propos. Sur quoi , lui ayant été obfervé , qu’il étoit néceffiaire que ces Lettres- Patentes fuflent lues , il les a de fuite remifes au Greffier en chef , qui en a fait faire la leéture par fon Commis. Laquelle îeéhire achevée , M. le Maître- Particulier , prenant la parole , a dit : Monsieur, 1 » Ma Compagnie m’a chargé de vous dé- ( 19 ) » clarer , qu’elle fe refufe à la tranfcrip- ” ci°n fes regiftres de la nouvelle loi , » portant fuppreffion des Tribunaux d’ex- » ception ; qu’elle protefte , avec tout le » refpeét dû au Roi , contre cette tranfcrip- » tion que vous venez d’ordonner , & con- » tre tout acquiefcement qu’on pourroit » vouloir induire de fa préfence forcée & » purement paffive au fufdit enregiftre- » ment & à fa publication ; qu’elle ni prend » aucune part, & qu’elle perfitle de plus fort » dans fes arrêtés du 50 Juin dernier, qu’elle » m’a chargé de vous communiquer, à l’effet » d'être inférés dans votre procès-verbal. A quoi ledit fieurde Cypiere a répondu , » que procédant en vertu d’ordres exprès » àu Roi , fa commiffion ne pouvoit fouf- » frir aucun obftacle , attendu que la vo- n lonté du Roi étoit abfolue ; qu’il ne » pouvoit par conféquent prendre aucune » connoiflance des arrêtés de la Compa- » gnie , moins encore en faire mention « dans fon procès-verbal. M. Le Maître-Particulier s’étant levé , pour délibérer , le fleur de Cypiere s’y eft B 2 ( 20 ) Oppofé , & l’a défendu de la part du Rot. Sur cette défenfe , M. le Maître-Particu- lier & la Compagnie ont voulu fe retirer , le fieur de Cypiere leur en a fait également défenfe du très-exprès commandement du Roi-, De fuite , M. de Serrurier-Dubois , Pro- cureur du Roi , s’étant levé , a dit : MONSIEUR,. « Les ordres fouverains qui nous raflem- „ blent , ont produit fur nous la fenfation n qu’ils doivent faire fur le cœur de tout ,t Magiftrat , à la fois bon citoyen & fujet O fidèle : ss Après avoir vu renverfer & difperfer les s» grands Corps de Magiftrature , après s, avoir été témoins des coups , dont les plus » auguftes Tribunaux de la Nation vien- » nent d’être frappés , nous n’efpérions pas si échapper à l’interverfion générale. » Occupés du malheur de l’Etat , péné- très de la douleur univeffelle , nous » avons attendu , fans crainte , les volontés » du Roi. Nous les recevons avec rëfpeéh E3Er ( « ) » Nous unifions, avec confiance, les pro- teftations les plus folemnelles , aux pro- ,, teftations de toutes les Cours , contre ces ,, erreurs , dont les effets malheureux affli- ,, geront un jour ( nous nous plaifons a le „ penfer),le cœur vraiment paternel de Sa Majefté* ,, Des lois qui nont pas reçu le fceau 3, libre de l’enregiftretnent dans les Tribu- ,, naux fupprimés de la nation , font & fe~ ,, ront toujours à fes yeux des lois fans ca- „ radère, fans autorité : tel eft lecri que „ nous entendons de toute part. „ Des lois que la voix paifible de la „ Juftice n’a point annoncées au peuple ; ,, des lois dont on veut établir l’empire „ par l’éclat effayant d’un tumulte guer- ,, rier , ne recevront jamais l’hommage ,, volontaire des vrais Magiftrats ; notre „ ferment, nos devoirs , notre zèle même „ pour les intérêts du Monarque , nous „ défendent de les reconnoître & de les „ adopter. Nous ne ferons point parjures; ,, nous ne trahirons pas nos devoirs ; nous 9, n’oublierons pas qu’une refpedueufe ( *2 ) „ refifîance , quand ceft le dévouement qui Finfpire , doit être envers un Roi ) ufte , la démonftration du zèle & de Pamour le plus pur. 3, Notre confcience s’élève contre les ,, obligations que vous voulez impofer à notre miniftère ; elle nous dit que nous 5? ne devons- pas requérir l’enregiftrement & la publication de cette loi défaftrueufe 33 que vous nous préfentez. Pourquoi faut- 5 1 H que les volontés dont vous êtez dépo- 53 fitaire , foient dans une oppofition fi 33 cruelle avec les formes conftitutives de la 33 Monarchie & avec l’avantage du Monar- jj que & les intérêts delà Nation. 33 Pourquoi ne fommes - nous pas affez 3, heureux pour recevoir de vos mains des 33 lois empreintes de leur vrais caraélères , ,3 de pouvoir en publier la fagefle & en 33 prcfager les bienfaits ? 33 Dans des circonftances auffi fatales, 33 Monfieur% nous ne croyons pas pouvoir 33 requérir l’enregiftrement. La pureté de nos motifs juftifiera nos refus, & nous efperons que Sa Majefté daignera pren- ( ) „ dre ces motifs en confidérâtion Ce difcours fini , M. le Procureur du Roi en a requis la tranfcription dans le procès- verbal drelTé par le fieur de Cypiere , qui n’a pas trouvé à propos de déférer à cette requifition , & a déclaré qu’il dirait feule- ment, dans Ion procès - vetbal : Ouis les Gens du Roi. Le fieur Cypiere a enfuite ordonné aux Huiffiers d ouvrir 1 auditoire , & a remis au Greffier l’Edit à enregiftrer pour procéder à fa publication. M. Fabre , Lieutenant , a oblervé alors audit fieur de Cypiere , qu’a- vant la publication & l’enregiftrement , ii convenoit de faire lire l’Edit à la Com- pagnie. Le Commi/Taire , après avoir héfité , a répondu que la Compagnie devoit déjà le connoître, & qu’elle en prendrait d’ail- leurs une plus grande connoi/Tance dans la leéture qu’on alloiten faire au public , il a néanmoins avoué qu’il étoit plus con- forme aux régies de le faire lire préala- blement en particulier à la Compagnie/ Ce qui a été exécuté , après avoir fait for- (24) tir de la falle le peuple qui étoit entré. Et après ladite leéture , le Procureur du Roi a obfervé que l’exemplaire de l’Édit préfenté par le fieur de Cypiere n étoit point collationné par un Sécrétaire du Roi , que conféquamment ne faifant pas foi , vu fon illégalité , il ne pouvoit , félon les lois du Royaume , être procédé à fon en- régiftrement. Le fieur de Cypiere s’eft défendu contre cette obje£fion,en difant que fa commifiion lui permettant de procéder fur des fimples copies dans les diverfes Jurildiétions à fu- primer , on ne pouvoit exiger de lui qu il produifit une copie collationnée ; qu’au furplus, l’Edit feroit enrégiftré de T exprès commandement du Roi & de fon autorité. u En parlant d’une copie de l Edit , a « répliqué M. le Procureur du Roi , Sa „ Majefté n’a pu entendre derroger aux n lois générales du Royaume , elle ne vous „ a point autorifé à préfenter une copie « informe. Le collationné eft indifpenfa- »;ble pour donner l’authenticité à toute n expédition d’Arrêt & à toute loi , & n notamment ( *5) » notamment quand on le préfente à une ” Cour de jufticepour procéder à fon enré- » giftrement, il aurait fallu, pour vous dif- » penfer d une formalité fi importante , » que le Roi eût littérallement exprimé » fon intention à cet égard dans votre » commiflion. » Je fuis difpenfé , a réparti le fieur de Cypiere , “ de rapporter un expédié colla- „ tionné , par ma commiiïîon, qui eft d’une „ date poftérieure à Tenrégiftrement ; du » refte , il m’étoit impoflîble de faire colla- *’ tionner lEdit , attendu que la minute ” originale eft dépofée au Greffe du Parle- j, ment , dont les clefs font confignées , par ,, ordre du Roi , & ne peuvent être retirées » que par un autre ordre d . M. le Procureur du Roi a perfifté de plus fort , tant en fon nom qu’à celui de la Compagnie , contre i’informité & l’illéga- lité de la copie de l’Edit. Et de fuite M. Je Maître particulier s’étant levé pour délibérer , le fieur de ' Cypiere a de plus fort réitéré les défenfes <*t) ue îa part du Roi de délibérer & de quitter la féance , <& enjoint aux Hui (fiers d’ou- vrir les portes & de faire entrer l'Audience* pendant laquelle on a procédé à la publi- cation. , La publication faite , le Commiffaire s’eft emprefle de faire vuider l’Audience ; & comme il avoir précédemment promis , apres plufieurs infiftances, de faire lire au Public fa Commiffioh , à quoi il fe refüfoit ; par le fait , le Procureur du Roi a requis la lecture publique de fa Com million ; le fieur de Cypiere a répondu , qu’il fuffifoit que la Compagnie fût inftruite de fon pouvoir* qu’il n’importoit pas au Public d’avoir connoiffance d’une chofe qui lui étoit étrangère. A quoi M. le Procureur du Roi a ré- pliqué , qu’il étoit intérefîant pour fon miniftère , ainfi que pour la Compagnie * que le Public fût inflruit de la teneur des ordres exprès auxquels on obéiffoit * & qu’il requérait de plus fort la publication dés pouvoirs du Gommifiaire* Le fieur de Cypiere a déclaré enfin qu’il vouloir bien accéder à la requifition u Procureur du Roi , & de fuite l’Audience rentrée , les Lettres - Patentes du lorteur d’ordres ont été lues au Public. Cette leélure terminée , on a fait encore vuider la Salle ; le fieur de Cypiere a ordonné l’enrégiftrement de l’Edit , ouïs les Gens du Roi , qui ont perfifté dans leurs précédentes conclufions; conformes à l Ar- rêté du 30 Juin* Toutes ces opérations ainfi finies > le fieur de Cypiere a dreffé fon procès-verbal , qu’il a d’abord figné , & qui l’a été enfuite par M. le Maître - particulier & Procureur du Roi , du très-exprès commendement de Sa Mejeftè. Avant de fortir de la Salle d’Audience , le fieur Commiffaire a notifié au iieur Ratier , Greffier en chef , que le Roi laif- foit à fa garde tous les Regiftres & papiers dépofés dans le Greffe de la Jurifdiélion concernant le contentieux , jufqu’à ce qu il en feroit autrement ordonné , duque ’(rt) dépôt il a été drelTé un procès - verbal particulier. La Séance ainfi terminée , le fieur de Cypiere a falué la Compagnie , & eft forti, précédé de l’un des Huiffiers de la Ju- rifdiétion.