PURCHASED BY THE MARY STUART BOOK FUND ESTABLISHED 1893 THE COOPER UNION LIBRARY LU AN RETU VAE fl vri ’ UE à Pot D'CAAAE LT Là 4 HA 4 AAA RAR MEL Del n M. DE Braurars Rasa Per. _ M DCC LXX. 7: sara mr a eo rar et 3) fe EE Lt onglet Sat SRE E LA PEUR Ne DE LINDIGOTIER. LIVRE PREMIER. CHAPITRE PREMIER. Notions préliminaires. Plan de l’Ouvrage. L'ixvr60 ou l’Anil, eft le produit d’une plante qui a macéré & fermenté dans une fufifante quantité d’eau , & dont l'extrait , après avoir reçu une longue & violente agitation , dépofe aflez promptement une fubftance qui dès-lors porte le nom d’Indigo, lequel étant defléché convenablement , fournit abondamment & fous peu de volume, une couleur bleue très-belle & très-folide. Ces excel- lentes qualités font caufe que les Peintres & les Teinturiers en font un fréquent ufage , comme on peut s’en inftruire dans l'Art du Teinturier, donné par l'A- cadémie des Sciences , dans Le Diétionnaire Encyclopédique , & dans plufieurs autres ouvrages concernant le Commerce , les Arts & Métiers. Cette matiere difloute en petite quantité , & mêlée au favonnage dans beau= coup d’eau , a aufli la propriété de faciliter & de perfeétionner le blanchiflage de la foie , du linge & du coton ; ce qui en augmente encore la confommation tant en Europe que dans nos Colonies , où l’on voit rarement des Teinturiers en exercice ; mais comme cette fubftance ne s'acquiert qu'après de grands travaux , & qu’elle vient de fort loin, elle eft aufli d'un grand prix. Cette denrée fait depuis un temps immémorüal , une des principales branches du commerce de l’Afie , & elle eff devenue une fource d’accroiflements & de ri- chefes pour les Colonies que les Européens ont dans le nouveau Monde. L'Indigo étoit autrefois regardé en Europe, comme une efpece de pierté naturelle de l'Inde, & portoit en effet le nom de Pierre indique, ou fimplément d'Indic ; il a pris enfuite confufément celui d'Znde & d’Anrl avec le nom qu'il porte aujourd'hui. Ce n’eft que depuis les grandes découvertes de l'Amérique & es Indes, qu'on en a bien connu la nature , ainfi que la fabrique, On ne peut INDIGOTIER. À 2 IN DIGOTIER. Livre I. cependant guere douter que dès avant ce temps, on ne fit de l’Indigo en Ara- bie (x ), en Egypte (2) , & mème dans l'fle de Malthe ( 3 ) ; mais comme on en cachoit avec foin l’origine & le procédé , notamment dans ce dernier lieu : tout celui qui fe confommoit ci-devant en Europe, étoit réputé venir des Indes. On croit encore avec beaucoup d'apparence , que les anciens naturels du Mexi- que , en fabriquoient une efpece qui, jufqu’à ce jour , a porté le nom d’/1&, qu'on lui a confervé pour les raifons que nous rapporterons dans la fuite; mais foit que les Mexiquains en connuffent la préparation , {oit qu’elle leur ait été communiquée par les Caftillans revenus des Moluques , il eft toujours certain que les premieres matieres fabriquées en ce genre à l'Amérique , font forties de la nouvelle Efpagne : il eft encore fort vraifemblable que de toutes Les Ifles de l'Amérique , celle de Saint-Domingue eft la premiere où l'on ait cultivé la plante de l’Indigo : ce qui paroît fondé fur Le rapport de Lopes de Gomès , qui dit (4) , que de fon temps il fe faifoit de très-belles couleurs d'azur dans l'Hifpagnola ; & fur quelques paflages du Pere Labbat, dont nous allons faire le réfumé. Cet Auteur raconte ( $ ), qu'étant à Saint-Domingue en 1726 , il fut au quartier du fond de l'Ifle à Vache , que les François commençoient à peine à défri- cher, & il ajoute : Les anciennes Indigoteries qu'on rencontre dans l’intérieur du pays, prouvent que toute cette côte a été autrefois habitée par Les Efpagnols : qui font abandonnée pouraller s'établir au Mexique, après laconquête de Fernand Cortès (6). Or ,en fixant l'époque de cette entiere défertion , aux ravages qui précéderent & accompagnerent notre invafon dans FTfle , ou feulement au temps du gouvernement de M. le Chevalier de Fontenay , c'eft-à-dire, en 16ÿ2, on en doit au moins conclure que les dernieres fabriques des Efpagnols dans cette partie de l'Ile de Saint-Domingue, concourent avec jes plus anciens établifie- ments de cette efpece dans nos Ifles , dont la date ne remonte qu'à l'année 1644, temps auquel M. de Poinci, Commandeur de l'Ordre de Malthe , & zélé Cul- tivateur , commença à en encourager le travail dans toutes nosfles, dont il eut le gouvernement. Il refte maintenant à {avoir f les Efpagnols ont tranfporté quelque plante d'Indigo de Guatimala, dans l'Tfle de Saint-Domingue, s'ils ob- {ervoient dans leur travail la méthode des Mexiquains , & de qui nous tirons la nôtre ; mais c’eft fur quoi les Auteurs ne nous offrent que des conjettures peu fatisfaifantes. Le Pere Charlevoix, ou plutôt le Pere le Pers , fur les Mémoires duquel il a travaillé , dit dans fon Hiftoire de Saint-Domingue (7 ) : Il y a deux {ortes d'herbes appellées Zndigo, Il en croît une efpece qu'on nomme /xdig0 ( 1) Henri Midelton, cité dans Purchas, Chap. IT, verfet 3 , page 259; & Douton, dans Pur- chas , Chap. 12, verfet 2, page 271. (2) M. Marchand, dans les Mémoires de ’A- cadémie des Sciences, Année 1718 , page 94. Re- lation du Voyage de Cæfar Lambert en Egypte, page, in-4°. (3) Burchard, dans la Defcription de lIfle de Malthe, Chap. 6, page 23, Edit, de 1660. 1 (4) Chapitre 26. (5 ) Hifloire générale des Voyages, Livre 7, Tome ç0 , pages 2 , 141 & 143. (6) La ville de Mexique fut prife le 13 Août 1521, après 93 jours de fiege. Jean Barrow, Abrégé Chr ete , ou Hiftoire des décou- vertes faites par les Européens. Vol. 2. pag. 423. (7 ) Volume 2, page 489. CHapirre ÏL ÂNorons prélumenarres. 3 bâtard , & qu'on à cru long-temps n'être bonne à rien. Un habitant de l’'Acul , nommé Michel Périgord , s'avifa il y a 20 ans , (ce qui revienr, fuivant L'Auteur à l'année 1704), d'en faire un eflai qui lui réuflit ; il s'y eft enrichi, & tout le monde l'a imité. Aujourd'hui cet Indigo eft au même prix que celui des Indes. (L’ Auteur entend parler ici de l'Indigo qui fe tire à Saint-Domingue , de la plante nommée Indigo franc, qui paffe pour avoir éré apportée des 1 ndes proprement dires). Il faut pourtant avouer que celui-ci, ( c’eff-à-dire , l'Indigo qu'on tire de l'efpece du franc) , a un tout autre coup d'œil ; 7’ Auteur ef ict tombé dans une erreur de prévention: mais en récompenfe , celui-là ( le Bérard) vient dans plufeurs cer- rains qui refufent le premier. On a tenté d'en travailler plufieurs autres qui font venus de Guinée , mais fans fuccès. Au refte, quand je dis que l’ancien Indigo, (L° Auteur auroit pluxôe dit, en ce cas , l'appeler le nouveau) ; eft venu des Indes orientales , je parle avec Le plus grand nombre des Auteurs qui en ont traité ; mais ce fentiment n'eft pas fans contradiétion : plufieurs prétendent qu'il eft originaire du Continent de l'Amérique, &c fur-tout de la province de Guati- mala. Toutes ces opinions rapportées par le Pere Charlevoix, paroïflent cependant peu foutenables , quand on confidere qu'aucun Auteur des différentes Hiftoires Naturelles de la nouvelle Efpagne , ne fait mention de ce tranfport, & que parmi les efpeces qu'ils nous repréfentent avec leurs noms Mexiquains', comme originaires de la nouvelle Efpagne, celle de l’Indigo franc ne fe trouve point du tout. Il eft rai que George Rumphe, auteur de l'Herbier d'Amboine (1), parlant de l’Indigo des Malayes , nommé Zarron , dont la defcription faite par l’Auteur , fera fous peu rapportée , dit que les Efpagnols l'ont tiré des Moluques pour l'introduire dans les Ifles de l'Amérique, où il en croît une grande quan- cité ; mais on verra que cette plante differe en plufieurs points, &c fur-tout par la forme de fes filiques , fo. 2 , PL 3 , de celle de l'Indigo franc de nos Co- lonies ; ce qui affoiblit de beaucoup le poids de cette autorité. On ne cachera point non plus que George Wolff Wedelius ( 2), penfe que les Portugais & les Efpagnols , après avoir cultivé cette plante dans les Indes, en ont porté la graine dans leurs poffeflions de l'Amérique ; mais il ne donne ce fentiment que pour une fimple conjecture de fa part. Après ces différentes remarques, il ne nous refte autre chofe à penfer, fi ce n'eft que les François ont apporté l’ef. pece dont il eft queftion , des côtes de la Méditerranée ou de la Mer rouge , ou que l'ayant trouvée dans les Ifles de l'Amérique , ils font les premiers qui l'ayent cultivée ; ce qui femble en effet être indiqué par {on furnom de franc , & con- firmé par l'adoption qu'en ont fait les Anglois ( 3 ). Nous n’avons pas été plus heureux dans les recherches que nous avons faites (1) se Partie, Chap. 39, page 220. Européennes dans ÉAinerique : Tome 2, page (2) Exercices médicophilologiaues, Décade | 282, appelle cette efpece , Indigo de France, Ou 4, page 47. d Hifpagniola. (3) William Burck, Hiftoire des Colonies 4 ÎINDIGOTIÉER. Lirre Î. pour apprendre de quelle maniere Îles Efpagnols travailloient Leur herbe à Saint2 Domingue , ni d'où nous tirons la méthode qui s'eft répandue dans toutes nos Colonies. Mais nous obferverons que fi les inftruétions fur la fabrique de l’In- digo, nous euflent manqué du côté des Efpagnols ou des Portugais du Bréfil, M. de Poinci qui pouvoit avoir connoiffance de celles de Malthe & d'Egypte, ou même des Indes, par la voie des flibuftiers qui revenoient fouvent de ces dernieres contrées à nos Ifles , n’auroit point manqué de l’enfeigner à nos Colons qu'il excitoit de tous côtés à ce travail , dont l’émulation devint bientôt f con- fidérable entre Les Efpagnols & nous , qu'au rapport de Jofeph Acofta ( r }, la flotte enleva des ports de la nouvelle Efpagne en r f47 , 5663 arrobes (2) d’A- nil ou d'Indigo ; & enr 586, 25260 autres arrobes de même marchandife (3). D'un autre côté nous lifons dans l’Hifloire de Saint-Domingue (4), que cette fabrique avoit fait de tels progrès dans cette Ille, que le produit de la vente de fon Indigo montoit en 1724, à trois millions de livres de notre monnoie. Voilà ce que nous avons pu recueillir de plus intéreffant fur l’hiftoire de cette fubftance. Il convient maintenant de faire connoître les différentes plantes & les divers moyens qu'on emploie pour fabriquer cette matiere, & de prévenir le Lecteur fur l’ordre que nous comptons obferver dans l’expofition de ces diffé- rents objets. Pour cet effet , nous obferverons d’abord que la plante d’où ontire l'Indigo , eft extrêmement variée dans {es efpeces , & qu'il en croît quelques- unes en des pays très-éloignés les uns des autres. Nous remarquerons en fecond lieu , que la maniere de travailler ces plantes, & quelquefois la même efpece , n’eft point toujours femblable chez tous les Peuples ni dans le même canton; d'où réfulte néceffairement une grande diverfité dans les produits. Pour expofer ces objets dans l'ordre le plus naturel , & les rapprocher autant qu'il eft poffible {lon leur rapport local , nous nous fommes propofés de préfenter féparément les Indigots de chaque Continent , & de joindre à leur defcription celle de leurs Ma- nufactures, avant de pañler à celle d’uneautre contrée. Et comme notre deflein eff de nous replier vers la fabrique de l’Indigo dans nos Ifles, que nous avons prin- cipalement en vue dans cet Ouvrage ; nous commencerons par rapporter fuccef. fivement ce que l’Europe, l’Afrique , l’Afie & le Continent de l'Amérique nous offrent de plus important & de plus eflentiel fur ces différents fujets que nous ne nous flattons point d'avoir épuifés , fur-tout en ce qui regarde la defcription des plantes. Au refte , nous avouerons qu'il nous conyiendroit peu de traiter ici des plantes étrangeres à nos Ifles, f nous n’euflions trouvé dans les plus cé- lèbres Auteurs les fecours néceffaires pour remplir cette partie , & fi nous n’euf- fions cru que le Lecteur inftruit du caractere de ces plantes, verroit avec plus de fatisfaction ce que nous avons à lui dire fur leurs manipulations. D'ailleurs on (1) Cité par Hans Sloane, Voyage à la Ja- (3) Jofeph Acofta, Liv. 4 page 25 5. maïque , Vol. 2, page 34 & fuir. (4) Charlevoix, Tome 2. page 489. (2) L’arrobe pele 25 livres poids de marc. nous Cuar. II. Des Indigos & Fabrique de l'Europe. $ nous a repréfenté que la connoiflance de ces plantes, pourroit en occalionner quelque tranfport avantageux dans nos Colonies, & ce motif a achevé de nous faire farmonter la répugnance que nous fentions pour une pareille entreprife. CHAPITRE SECOND. Des Indigos &G Fabrique de l'Europe. _'Ixorco croît naturellement dans tous les pays qui font fitués entre les tro- piques , & on peut le cultiver avec fuccès dans ceux qui ne font éloignés que de 40 dégrés de la ligne; mais il ne réuflit que très-rarement un peu au-delà de * ces bornes. Cette rareté à laquelle on eff fujet dans un climat tel que celui des environs de Paris , a fait inférer dans les Mémoires de l'Académie une defcription des plus complettes de l’Indigo. L’Auteur ne dit point d'où il a tiré la femence de la plante dont il eft queftion , ni le nom particulier de {on efpece ; mais fi nous en jugeons par fa defcription , il paroît qu'il avoit fous les yeux l'Indigo franc. On obfervera cépendant qu'il fe rencontre quelques différences entre cette defcrip- tion & celle que nous en ferons dans la fuite , lorfque nous ferons prêts à entrer dans le détail de fa manipulation dans nos Ifles; mais il fera facile de les concilier, en confidérant dans quelles vues & dans quels pays l'une & l’autre ont été faites. Deftriprion de l'Indigo , par M. MARCHAND , de l'Académie des Sciences(r),. Comwes l'Indigo eft une plante qui rarement porte des fleurs & des graines dans ce pays-ci (la France, ) & que l’année derniere nous l'avons vu croître dans fà perfection, j'en rapporterai ici la defcription , & les remarques que nous avons faites fur les caracteres génériques de cette plante, Fig. 1, PL r. Son port repréfente une maniere de fous-arbrifleau de figure pyramidale garni de branches depuis le haut jufques vers fon extrémité revêtue de plufeurs côtes feuillées, plus ou moins chargées de feuilles, fuivant que ces côtes font fituées fur la plante. Sa racine eft groffe de trois à quatre lignes de diametre, longue de plus d'un pied, dure, coriace & cordée , ondoyante , garnie de plu, fieurs groffes fibres étendues çà & là & un peu chevelues , couverte d’une écorce blanchâtre , charnue, qu'on peut facilement dépouiller de deflus la partie interne . dans toute fa longueur, Cette fubftance charnue étant goûtée , a une faveur âcre & amere; Le corps folide a moins de faveur, & toute la racine à une légere odeur tirant fur, celle du perfil. De cette racine s'éleye immédiatement une feule tige, haute d'environ deux . (1) Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, Année 1718, page 92, ÎNDIGOTIER. B 6 ÎINDIGOTIER.LiIrRE I. pieds ou davantage , de la groffeur de la racine, droite , un peu ondoyante de nœuds en nœuds, dure & prefque ligneufe, couverte d’une écorce légére- ment gercée & rayée de fibres, de couleur gris-cendré vers le bas , verte dans le milieu , rougeûtre à l'extrémité , & fans apparence de moëlle en dedans. Cette tige eft fouvent branchue depuis fa naïflance jufqu'aux deux tiers de fa hauteur ou plus, & Les plus longues branches font ordinairement fituées vers le bas de la tige. Les branches & les épis des fleurs que porte cette plante, fortent pour l'ordinaire de l’aiflelle d’une côte feuillée , qui à fa naiflance forme une petite éminence en maniere de nœud ; & chaque côte , felon fa longueur, eft garnie depuis cinq jufqu'à onze feuilles rangées par paires , à la réferve de celle qui termine la côte, laquelle feuille eft unique , & fouvent la plus petite de toutes celles qui ornent la côte. Les plus grandes de ces feuilles font fituées depuis Le commencement jufques vers le milieu de la côte : elles ont près d’un pouce de long fur cinq à fix lignes de large, & entre les petites il s’en trouve qui n’ont que le tiers de la gran- deur des précédentes. Elles font toures de figure ovale, liffes, douces au tour cher & charnues. Leur couleur eft verd foncé en deflus, plus pâle ou blan- châtre en deflous, fillonnées ou quelquefois pliées en goutiere en deflus , & at- tachées par une queue fort courte , qui, en fe plongeant le long de la feuille, ÿ diftribue plufeurs fibres latérales peu apparentes, Dépuis environ le tiers de la hauteur de la tige jufques vers l'extrémité , il fort de l’aiffelle des côtes, des épis de fleurs , longs de trois pouces , chargés de douze à quinze fleurs , alternativement rangées autour de l'épi. Chaque fleur commence à paroître fous la forme d’un petit bouton ovale, de couleur ver- dâtre, d'où fort par la fuite une fleur ( 4) , qui étant ouverte & étendue à quatre ou cinq lignes de diametre , toujours compofée de cinq pétales ou feuilles difpofées en maniere de fleur en rofe , quelquefois plus ou moins foiblement teintes de couleur de pourpre , fur un fond verd blanchätre, La plus grande de ces cinq pétales ( 2 ), fituée au-deflus des autres, eft à peu-près ronde, légére- ment fillonnée dans le milieu, un peu recoquillée en dedans par les bords , terminée en pointe à fa partie fupérieure par une efpece d'aiguillon , & garnie d’un onglet à partie inférieure. Les deux feuilles inférieures ( C} , font de figure oblongue , &chancrées, faifant chacune deux oreillettes vers leur naif- fance, & creufées en cuilleron à leur extrémité. Les feuilles latérales (D), au nombre des précédentes , font les plus étroites , les plus pointues & les plus colorées d’entre les feuilles ou pétales de cette fleur. Le milieu de la fleur eft garni d'un piftil verd (E), releyé par la pointe & environné d'une gaîne membraneufe ( Æ) , de couleur verd blanchâtre, découpée à l'extrémité en huit lanieres en forme d’étamines ( G ) , chacune terminée par un fommet de couleur verd jaunâtre. Cette fleur fort d’un calice en cornet verd päle ( A) , découpé par Le bord en cinq pointes, & foutenu par un pédicule fort court, La fleur n'a Cuae. II. Des Indigos & Fabrique de l'Europe. 7 point d’odeur ; mais Les feuilles de la plante étant froiflées ou mâchées , ont une odeur & une faveur légumineule, ainfi que la fleur. Lorfque les pétales font tom- bées , Le piftil s’alonge peu-à-peu, & devient une filique cartilagineufe (7) » longue de plus d'un pouce, groffe d'une ligne ou davantage , courbée en fau- cille, prefque ronde dans fa circonférence, toutefois un peu applatie des deux côtés , ordinairement terminée en pointe , articulée dans toute fa longueur, & laquelle étant mûre , eft de couleur brune, life & luifante , rayée d’un bout à l'autre , tant fur fa partie convexe que dans fa partie concave , d'une groffe fibre de couleur brun-rougeâtre. Cette filique eft blanchâtre en dedans, & contient fix à huit graines renfermées dans des cellules (Z) , féparées par de petites pelli- cules ou cloifons membraneufes ( M), blanchâtres , tranfparentes &c rayées de fibres. Les graines ( N } , font en forme de petits cylindres , à-peu-près longues d’une ligne , inégalement rondes dans leur circonférence , applaties par les deux bouts, & de couleur grisâtre , ou quelquefois blanc-roufleûtre, fort dures & d’un goût légumineux. Ces graines produifent d’abord deux feuilles fimples (O }, de figure ovale , auxquelles fuccedent deux autres feuilles un peu plus grandes; puis après paroiflent les côtes feuillées. | Cette plante eft annuelle ici: on dit qu’elle dure deux années & davantage däns les Indes occidentales , dans le Bréfil & au Mexique , où on la cultive en abondance , ainfi qu'on fait depuis long-temps dans l'Egypte. On feme ici cette plante fur une couche au mois de Mars ; elle y fleurit en Juillet & Août, lorf- que l'été eft fort chaud : mais elle n'y porte de bonne graine que très - rare- ment, non plus qu'en plufieurs autres endroits ; aufli ne fais-je aucun Botanifte qui nous ait donné une exacte defcription des fleurs & des fruits de cette plante, quoiqu'elle foit fort connue depuis long-temps par Le grand ufage qu'on en fait, particulierement dans les teintures. Par ce qui vient d'être dit, on voit qu'il n'eft pas facile d'examiner toutes les parties qui caraétérifent cette plante, qui ne vient bien que dans certains cli- mats , ce qui apparemment eft caufe que les Botaniftes qui en ont parlé, n'ayant pas eu occafon de confidérer attentivement fes parties, ne conviennent pas du genre auquel cette plante appartient; car les uns l'ont mife fous le genre de la Co/utea , les autres fous celui de Glaflum ; & d'autres enfin , fous Le genre de l'Emerus, où en dernier lieu elle eft employée dans les Inftitutions Botaniques : genre auquel , en apparence , elle femble avoir plus de rapport qu'aux deux pré- cédents , mais qui cependant ne lui convient pas, ainfi que nous allons Le faire voir. ( Par La defcription que nous venons de lire, on peut donc reconnoître que les parties qui caractérifent l'Indigo, font différentes de celles de l'Emerus, ence que premiérement, l’Indigo eft une plante qui ne fubfifte pas long-temps, des feuilles de laquelle on tire des fécules à l'ufage des teintures , ce qu'on ne fait point des efpeces de l'Emerus, qui font des arbrifleaux fort ligneux & de très-longue durée. 8 IN DIGOTIER.LIVRE I. Secondement , que lIndigo porte une fleur dont les pétales s'étendent en maniere de fleur de rofe, & dont le contour garde la proportion des fleurs, qu'on appelle fleurs régulieres ; ftruêture différente de la fleur de l'Emerus ; dont les pétales font ramaflées en fleur légumineufe, & couvrent toujours le piftil. Troifiémement , que les filiques de l'Indigo font vraiment articulées, & qu'elles renferment chaque graine en particulier dans une cavité ou cellule exac- tement fermée par une pellicule membraneufe , rebordée , blanchâtre , luifänte & rayée de fibres, laquelle fe détache d'elle-même quand on ouvre la filique lorfqu'elle eft mûre. Cette pellicule ou cloifon étant examinée de près, on voit qu'elle a la figure d'un difque environné dans fà circonférence d’un anneau membraneux, dont les bords s’élevent au-deflus des deux furfaces du même difque ; au lieu que la filique de l'Ernerus n'eft point articulée , & que les graines v font contenues fans aucune cavité ni membrane ou cloifon qui les {éparent entr’elles Le long de la filique ; ce qui doit faire conclure que l’Indigo ne peut être rangé dans les efpeces d'Emerus , ni fous aucun autre genre de plante connue : &’eft pourquoi nous en conftituerons un genre de plante nouveau, que nous appellerons Axi/ ou /ndipo, nom que lui donnent prefque toutes les Nations étrangeres qui Le cultivent. Fabrique de l’'Indiso dans l'Ifle de Malche. La fabrique de l'Indigo dans l'Ifle de Malthe , décrite par Burchard ( 1 ) en 1660, eft la feule qui, à notre connoifflance , ait exifté en Europe, & nous ignorons fi elle y fubfifte encore, ce que nous ne croyons pas. La defcription qu’en fait cet Auteur, n’eft pas fort étendue ; mais elle fuffit pour conftater ce fait, fa date , & en indiquer l’origine, qui paroît toute Afiatique , fi on en juge par Les termes de l'Art, employés par l’Auteur, & ceux que nous aurons occafon de rapporter , en parlant des fabriques de Afie. Voici ce qu'il en dit: 11 croît aufi dans ce pays ( Malthe ) , une efpece de Glaffum , qui porte chez les Efpagnols Le nom d’Anrl, & chez les Arabes & les Malthois , celui d'Ennir, d’où on tire une teinture dont l’ufage eft connu de toute l'Europe. ( L’Auteur dé- crit ici la plante d'une maniere affez fuperficielle ; mais au peu qu'il en dit, on ne peut méconnoître l’Indigo franc ou bâtard de Saint-Domingue, dont il fera amplement traité ‘par la fuite; puis il ajoute ) : Cette herbe eft aflez tendre la premiere année ; la fécule qui en provient ne donne qu'une pâte imparfaite ti- rant fur le rouge , & trop maflive pour fe foutenir fur l'eau. L'Indigo de cette qualité s'appelle Nouri où Mour: ; mais celui de la feconde année eff violet, & ef fi léger qu'il flotte fur l’eau. Il porte fpécialement le nom de Cyerce ou de © (x) Chap. 6 , page 23 & fuiv. Edit. de 1660, Defcription de l'Ile de Malthe. Ziarie Cuap. II. Des Indigos & manipulations de l'Afrique. 9 Ziarie. La troifieme année il décheoit de fà perfection ; fa pâte eft lourde , d'une couleur terne & la moins eftimée de toutes les efpeces. On appelle celle-ci Cateld. On coupe la plante, & on la met dans les citernes ; puis on la charge de pierres, & on la couvre d’eau. On l'y laïffe quelques jours jufqu'à ce qu'elle ait tiré toute la couleur & la fubftance de l'herbe ; on fait alors pafler cette eau dans une autre citerne , au fond de laquelle il s’en trouve une autre plus petite ; on l'agite fortement avec des bâtons; puis on la foutire peu-à-peu, jufqu'à ce qu’enfin il ne refte plus au fond que la lie ou la fubftance la plus épaïfle , qu'on retire & qu'on étend fur des draps pour l'expofer enfuite au foleil. Dès qu'elle commence à prendre une certaine confiftance, on en forme des boulettes ou des tablettes qu’on met à deflécher fur Le fable; car toute autre matiere en ab- forberoit ou en gâteroit la couleur: fi la pluie vient par hafard à tomber deflus, elles perdent tout leur éclat. Quand l’Indigo eft dans cet état, ils l’appellent AÂaliad. Celui de la meilleure qualité eft fec, léger , flottant fur l'eau, d’un violet brillant au foleil ; fi on l’expofe fur des charbons ardents , il donne une fumée violette , & laifle peu de cendres. L'avantage de ceux qui font cet Indigo , confifte dans le fecret qu'ils gardent fur ce procédé, dont ils font part à peu de perfonnes, quoiqu'il foit peu de chofe en lui-même, craignant, s'ils Le rendoient public, de perdre cout leur profit, comme il arrive fouvent dans la plupart des chofes qui ne font eftimées qu'à proportion de leur rareté. En terminant cet article, je dois ajouter, pour la fatisfaction du Lecteur ; que jai planté de la graine d'Indigo franc de nos Iles, en pleine terre, dans un lieu de la Provence, fitué fous le quarante-quatrieme dégré de latitude, & qu'elle y a très-bien levé. Mais Le temps & la commodité m'ont manqué pour obferver le refte de fa crue qui étoit déja aflez avancée. CHAMP PE RMENSEIRMONT SE ME. Des Indisos 8G manipulations del A [frique, Aucun Auteur ne nous ayant jufqu'à préfent donné de defcription détaillée des Indigos de ce continent , nous n’aurions rien ou très-peu de chofe à en dire, f M. Adanfon , de l’Académie des Sciences, n’avoit eu la complaifance de nous communiquer quelques-unes des obfervations qu'il a faites à ce fujet dans le Sé- négal , où fon zèle pour la Botanique & l’Hiftoire Naturelle , l’a attiré & retenu pendant cinq ans. Cet illuftre Académicien nous a dit avoir remarqué dans cette partie de l'A- frique , plufieurs plantes qui paroiffent être de la famille des Indigoferes; il a INDIGOTIER. C 10 IN DIGOTIER.LIrRE L. reconnu par nombre d'expériences aufli curieufes qu'intéreflantes , dont nous devons efpérer qu'il fera part au Public, que plufieurs efpeces ne donnoïent qu'une teinture roufle plus ou moins forte , mais qu'il s’en trouvoit quelques autres , & fur-tout une qui, travaillée fuivant la méthode de nos Colonies , produit lTndiso le plus magnifique , approchant de l’azur & toujours flottant quelques efforts qu'il ait faits pour réuflir à en tirer de l’Indigo cuivré. Cette ef pece vient fort bien dans les terreins ingrats & fablonneux de ce pays. L'Indigo bâtard dont il avoit fair venir la graine de nos Colonies , femé à fon côté, n’at- teignoit qu'à la moitié de fa hauteur , qui eft celle d’un homme. Cette plante eft d'ailleurs fort touffue ; la feuille de couleur d’un verd bleu foncé qui en annonce toute la propriété , eft d'environ un quart plus large que celle de l’Indigo franc de Saint-Domingue , fur-tout vers le bout extérieur qui va en s’élargiflant, & dont les bords rentrent un peu fur eux-mêmes en fe joignant au milieu de cette extrémité , direétement à la pointe de la côte qui regne fur toute la longueur de la feuille : larrangement des feuilles eft d’ailleurs égal à celui des autres In- _digos. La goufle une fois plus longue & beaucoup moins courbée que celle de l’Indigo franc, eft jaunâtre & parchemineufe comme celle des pois, c’eft- à-dire , qu'elle eft un peu fouple & ne fe cafe point nettement comme celle de a précédente efpece. Les graines à peu-près de la longueur de deux lignes & moitié moiïns grofles , font rondes au milieu, ovales ou terminées en pointe d'œuf par les deux bouts, & jaunes. L'intérieur de cette plante eft blanc ; fa tige eft fouple & ne fe rompt point auffi facilement que celle de Indigo de nos Co- lonies. On peut voir la forme à peu-près de fa feuille & de f goufle fur la PJ. 1, fig. 2 & 3, M. Adanfon fe réfervant la fatisfaction légitime de donner au Public une ample defcription de toutes ces plantes. Les Negres du Sénégal appellent cette plante Guangue ; leur maniere de la travailler eft fort fimple: ils arrachent avec la main la fommité des branches de l’Indigo; ils pilent ce feuillage jufqu'à ce qu'il foit réduit en une pâte fine, dont ils compofent de petits pains qu’ils font {écher à l'ombre. Voilà en quoi confifte tout fon apprêt, qui eft à peu-près égal chez tous les Negres de l'Afrique. François Cauche (1 ) , rapporte que le bleu eft la couleur qui plaît le plus aux Infulaires de Madagafcar : elle vient de l’arbrifleau Zrdioo , ainfi Le nom- ment les Portugais, qui l’appellent aufli Æevra d Antr. WU croît comme le Ge- nêt , ayant femblables racines longuettes & étroites , la feuille approchant du Séné , mais plus large. Cette feuille a une côte au milieu , d’où il fort de petites membranes qui s'étendent par ondes égales jufqu'aux bords. Satige , de la groffeur du pouce, n'a pas plus d'une aune de long. Lorfque l’arbrifleau a trois ans, fà fleur tire à la Jacée, & fa graine au Fenouil : elle fe recueille en Novembre , & fe feme en Juin. Cette plante meurt au bout de trois ans, ou bien on la coupe après ce temps comme inutile. (1) Relation de fon Voyage à Madagafcar, en 1636, page 149 , in-4°e Car. IL. Des Zndigos & manipulations de l'Afrique. TI Ce que Auteur dit ici de cette plante , doit s'entendre de quelqu'Indigo de l'Inde , ou des côtes de la Mer rouge, où il avoit été. La defcription qu'il fait de fa fabrique , & les termes dont il fe {ent , fe trou- vant tous femblables à ceux que nous avons rapportés au fujet de l’Ifle de Malthe» nous nous difpenferons d'en faire le récit. Il ajoute enfuite : Le Paffel ou Amir de Madagafcar , a beaucoup de rapport à celui que nous venons de décrire, Le tronc & les branches de couleur verte , tirent fur Le bleu de même que les feuilles qui {ont femblables à celles des Pois chiches ; les fleurs d'un blanc jau- nâtre, produifent des goufles pendantes par floccons , lefquelles font pleines d’une femence noire femblable à nos lentilles. Les Madagafcarois n'apportent pas tant de façons à tirer Le Paftel que les Orientaux ; ils pilent les feuilles avec leurs branches encore tendres, & en font des pains , chacun de la pefanteur de trois livres, qu'ils font fécher au foleil. Lorfqu'ils veulent faire quelque tein- ture , ils en broyent une , deux ou trois livres , felon le befoin , & en mettent la poudre avec de l’eau dans des pots de terre, qu'ils font bouillir un certain temps ; ils laiffent enfuite refroidir la teinture , & ils y trempent leur coton ou leur foie, qui en étant retirés, deviennent d’un beau bleu foncé. Il y à encore à Madagafcar , fuivant cet Auteur, une efpece d'Indigo ou d'Anir, qui ne s'éleve pas comme l’autre , mais qui rampe à terre, & s’y atta- che par de petits filaments qui font autant de racines ( r }. Les feuilles font op- pofées deux à deux; les branches s'élevent jufqu'’à trois pieds, portant des ra- meaux longs d'un doigt , couverts de petites fleurs d’un pourpre mêlé de blanc ; de la figure d’un cafque ouvert, & de bonne odeur. La plante de l'Indigo s’ap- pelle en cette Ile Banghers, & fa pâte Banghers ( 2 }. M. de Reine, ancien habitant de f'Tfle de France , connu par les fervices qu'il a rendus à cette Colonie, pour y avoir procuré le Creflon de fontaine, & pour y avoir introduit la culture du Manioc & de l'Indigo, m’a afluré que les Ifles de France & de Bourbon en produifent une autre efpece dont la feuille eft plus large que celle de la Luzerne , & dont les coffés plates , approchantes du Séné , ont à peu-près un pouce de longueur & 4 à ÿ lignes de grofleur ; on n’en fait aucun ufage en ces pays. Nous aurions bien fouhaité terminer cet article par la defcription de l’Indigo qu'on cultive en Egypte, & par fa fabrique en ce pays ; mais nous m’ayons rien de précis à rapporter à ce fujet. Cæfar Lambert ( 3 ) , dans la Relation de fon voyage en Egypte , imprimée en 1627, nous dit que I ÿ ans auparavant, on alloit prendre beaucoup d’Indiga au Caire , d’où on le tranfportoit en Europe , & qu'actuellement on y en porte. Le Doéteur Pocoque , Evêque Anglois d'Oflory , rapporte ( 4) qu'il vic fur fa (1) Voyez fig. 4, PL 1, fuite de celle de François Lauche. in-4°. feconde (2) Hifoire générale des Voyages, Tome 32, | Partie, page 7. pages 396, & Mandeflo, page 206. (4) Abrégé des Voyageurs modernes , traduit (3) La Relation de ce Voyage fe trouve à la | de l’Abrégé Anglois, Tome 1, page ro, 12 IN DIGOTIER. Livre I. route par eau de Rofette au Caire , la maniere de faire le bleu d’Indigo ; avec une herbe appellée /VzZ. Le procédé eft peut-être décrit dans l'original, mais nous n'avons pu le voir. M. Marchand , de l’Académie des Sciences , nous donne pour certain (x), qu'on cultive depuis long-temps en Egypte , la plante nom- imée Zndigo. Nous ajouterons à ceci, d’après Henri Midelton ( 2}, qu'on fait de l'Indigo à Tayes & à Moufla , villes de la Mer rouge, entre Moha & Zennan; enfin Douton ( 3 ) nous apprend qu’on en fait à Aden. CHAPITRE QUATRIEME, Des Indigos de l'Afie, & de leur fabrique. EF NTRE les Auteurs qui ont traité des Indigos de l’Afie, il n’y en a aucun qu'on puifle comparer à ceux du Jardin Malabare & de l'Herbier d’Amboine ; % nous nous ferions bornés à ces deux Ouvrages, fi Baldæus (4), Man- delflo (s$), Schouten (6), & l'Auteur de lHifloire générale des Voyages (7), ne nous paroïfloient avoir décrit une efpece d’Indigo diffé- rente de celles qu'on trouve dans les deux premiers. Il fut cependant conve- nir que les quatre derniers s'expriment d’une maniere f fuperficielle & fi abré- gée, qu'on ne peut décider fi leurs defcriptions ont pour objet la même plante ou non; c'eft pourquoi nous rapporterons en deux mots ce que chacun en a écrit. | Baldæus , faifant la defcription des côtes de Malabar, dit : Il y a diverfes ef. peces d'Indigo fuivant les différents endroits. C’eft un arbrifleau de la hauteur d’un homme, avec une petite tige femblable au Mürier des haies , ou à la Ronce d'Europe. La fleur eft pareille à celle de l’Églantier ou Rofer fauvage, & la graine reflemble à celle du Fenu-grec. L'efpece la plus large croît près du village Chircées, dont on lui donne le nom, & à deux lieues d'Amadabat , capitale du Guzaratte. Voici comme Mandelflo s'exprime : Le meilleur Indigo du monde vient auprès d'Amadabat, dans un village nommé Girchées, qui lui donne fonnom. L’herbe dont on le fait reflemble à celle ($ ) Voyage aux Indes Orientales, à la fuite page 94. du voyage d'Oléarius , Tome 2, page 228 , in-4°, (2) Cité dans Purchas, Chap. z1, verfet 3, | féconde Edit. ; page 250. (6) Voyages des Indes Orientales , qui ont (3) Dans le même Auteur ( Purchas), Chap. | fervià l’établifflement de la Compagnie des Pays- Bas, Tome, page 246, 12, verfet 2, page 281. 6. (4) Defcriprion des côtes de Malabar, com- (7) Au Chap. de l'Hiftoire Naturelle des Indes, prife dans le fixieme Tome des Découvertes des | Tome 44, page 328, Européens, page 322. | des (x) Mémoires de l'Académie, année 1718 ; Car. IV. Des Indigos de l'Afie , & de leur fabrique. 13 des Panais jaunes ; mais elle eft plus courte & amere, pouflant des branches comme la Ronce , & croiffant dans Les bonnes années jufqu’à la hauteur de fix & fept pieds. Sa fleur reflemble à celle du Chardon, & fa graine au Fenu-grec. Gaultier Schouten , dit que fà feuille reflemble à celle des Panais blancs, fa fleur au Chardon , & fa graine au Fenu-grec. L'Auteur de l’Hiftoire générale des Voyages, dit au Chapitre de l’'Hiftoire Naturelle des Indes : Il croît de l’Indigo dans plufieurs endroits de ces contrées. Celui du territoire de Bayana , d’Indoua & de Corfa dans l'Indouftan , pañle pour le meilleur. Il en vient aufli beaucoup dans le pays de Surate , fur-tout vers Sar- quefle , à deux lieues d'Amadabat. On feme l’Indigo aux Indes après la faifon des pluies. Sa feuille approche des Panais jaunes ; mais elle eft plus fine. Il a de petites branches qui font de vrai bois. Il croît jufqu'à la hauteur d'un homme. Les feuilles font vertes pendant qu'elles font petites ; mais elles pren- nent enfuite une belle couleur violette tirant fur Le bleu ; la fleur reflemble à celle du Chardon, & la graine à celle du Fenu-grec. | Cette plante , ainfi caraétérifée , forme , comme on va le voir, une efpece différente de celles qu'on trouve décrites dans Le Jardin Malabare & dans l’'Her- bier d'Amboine. Nous ne pouvons cependant nous empêcher de témoigner ici notre furprife de cette omiflion, qui nous paroît fort étrange de la part d’Au- teurs fi exacts dans leurs recherches, dont voici le détail. Déjtriprion de l Ameri où Neli (x). Par MRüEDE. L'AmErt(2), qui en langue Brame, s'appelle Nef, eft un arbufcule des la hauteur de l’homme , dont les branches font fort écartées , & qui croît dans les endroits pierreux & fabloneux. Sa racine eft blanchâtre & couverte de fibres épaiffes. , Sa fouche eft groffe comme le bras & d’un bois dur. Ses feuilles attachées fur de petites côtes qui fortent parallélement des branches , font renflées par- deflus & cannelées par-deflous : elles viénnent für deux rangs , les unes vis-à-vis des autres. Elles s'appuient fur des pédicules au nombre de cinq à fept paires de fuite, avec une feule au bout ; elles font petites & de forme ronde oblongue, avec les bords des deux extrémités arrondis. Leur tiflu eft fin & ferré , & leur furface unie & très-douce. Elles ont au milieu du revers une petite côte, d’où il en fort quelques autres affez remarquables. Leur couleur eft d'un verd bleuâtre foncé par-deflus , clair par deflous & fombre des deux côtés: elles ont un goût amer & piquant quand on les a mâchées quelque temps. Du pied des côtes qui portent les feuilles , fortent d'autres petites côtes qui pouflent un paquet ou un (x) Jardin Indien Malabare, Tome 1, page ior, fig. SA (2) Noyezis a Pi.'a. INDIGOTIER. D YA INDIGOTTER Live I. épi de plufeurs petites fleurs femblables à celles des féves, compofées de quatre feuilles , dont l’une de couleur verte , & de la figure d'un onglet crochu , eftter- minée par une pointe en forme de griffe. Les deux feuilles qui embraflent l’on. glet font étroites , minces & droites vers Leurs bords intérieurs , qui font d'une couleur de rofe foncée. La quatrieme qui eff fituée en face de la courbure de l’on- glet, eft oblongue affez large , mince , lavée de verd & retournée en dehors : du côté du pédicule commun à toutes les fleurs , qui n'ont aucune odeur. Il s'6- leve de leur milieu un pifüil verd , creufé en forme d'étui , dans lequel eft ren- fermé un petit filament qui fort du germe de la filique. Ce piftil attaché vers la partie creufe par un filet , fe divife vers Le haut en petites & fines éramines gar- nies de petites pointes blanches. Le calice qui renferme les feuilles des fleurs , eft compof£ de cinq feuilles vertes & pointues. Le bouton des fleurs eft de figure ronde oblongue, & un peu applatie du côté Le plus large , par lequel il commence à s'ouvrir. À la chûte de ces fleurs , fuccedent de petites filiques longues à peu-près d'un pouce, droites , aflez rondes & ferrées de près für la côte où elles font at, tachées par de petits pédicules. Ces filiques font d’abord vertes, & enfin d’un rouge foncé en brun ; chacune d'elles eft renfermée du côté de fon pédicule , dans le calice à cinq feuilles. | Le femences d’un rond oblong, font couchées dans leur longueur , confor- mément à celle de la filique : elles font dans Le temps de leur maturité d’un brun brillant. Cet arbufcule fleurit deux fois par an, favoir: une fois dans la fifon des pluies , & une autre dans celle de l'été, Il eft inutile de rapporter ici que l’Anil fert à faire Mndigo, parce que perfonne n'en doute; mais les Auteurs font peu d'accord fur la claffe de cette plante. C. Bauhinus la range avec l'J/aris pinacée , où avec le Glaflum , à la famille duquel il dit qu’elle appartient. Dans un autre endroit, Liv. 9 » Seét 3 > Chap. des Haricors de l'Inde , il décrit ainfi {à filique : La filique & la fe- mence qui eft enveloppée dans ce parchemin , fort de l’herbe Anil , qui n’eft point une efpece de Glaftum , mais un légume. M. Hermans nous a envoyé de Ceilan , une plante dont les fleurs font petites, d'un pourpre mêlé de blanc & d’une odeur agréable , laquelle eft vraifemblable- ment celle que Pifon appelle Banghers , dans fon Hiftoire de Madagafcar , avec les feuilles de laquelle on fait l’Anil ou l’Indigo ; mais l’Indigo de Ceilan eft moins bon & moins eftimé que celui qu'on apporte de Malabare & du Coro- mandel à Négapatan. Les Cingalais l'appellent Awarz. Cap. IV. Des Zndigos de l'Afie, & de leur fabrique. T$ Deféription du Colinil (x). Par M RHEDE. L£ Colinil (2), qui en langue Brame , s'appelle Schéra-Punca, eftun petit arbufcule haut de deux ou trois pieds. : Sa racine, couverte d'une écorce fibreufe , d'un blanc roufleâtre, eft d’un goût amer & tant foit peu àcre. L'intérieur en eft ligneux , blanchâtre & fans odeur ; elle pouffe une fouche de la groffeur de quatre doigts , & des branches fort écartées. Cette fouche eft d’un bois dur ; & fon écorce de couleur cendrée entremèlée de verd, a un goût amer & piquant. Ses petites feuilles de figure ronde oblongue , viennent fur de menues côtes angulaires & vertes, où elles font attachées par de petits pédicules. Les bords des feuilles font ronds par le bout; puis ils s’élargiflent confidérablement en cette partie, & ils fe rappro- chent en ligne droite de leur petit pédicule. Le deflus de ces feuilles eft d'un verd foncé ordinaire , & Le deflous d'un verd bleuâtre , l’un & l’autre fans éclat. Elles ontun goût un peu âcre , amer & piquant quandon les a mâchées trop long- temps. Elles ont une petite côte qui regne particuliérement deflous toute leur longueur, du travers de laquelie il fort de petites veines droites & obliques, qui , par une ligne parallele , vont fe réunir aux bords, & dont le prolongement fe voit en deflus comme en deflous , leur divifion fe faifant , quand on le rompt, fuivant le trait angulaire des veines qui fe réuniflent à la côte du milieu. Le goût de ces côtes elt, comme celui des feuilles , amer & piquant. Ses petites fleurs, femblables à celles des féves, confiffent en quatre feuilles , dont l’une ayant la figure d'un petit onglet fermé & très-courbé , eft terminée par une pointe qui fait le crochet. Cette feuille eft d’un verd blanchâtre ; Les deux autres qui ont leur bord intérieur droit, font , du côté qu’elles embraflent l'onglet , d’une couleur de rofe foncée. La quatrieme de ces feuilles s'élargit en faifant face à l'onglet du côté qu'il eft courbé & ouvert: elle embraffe d’abord les feuilles des deux côtés avec l'onglet; mais lorfque la fleur eft ouverte, elle fe renverfe en dehors, & fe courbe vers la tête du pédicule qui foutient la fleur. Le pifil eft verd & creufé en forme d’étui; il embrafle un filament verd qui fort du germe de fa filique. Ce piftil eft divifé en haut, en petites & fines étamines qui font garnies de petites pointes jaunes, & il eft bouché au fond de la partie concave, par un petit filet dégagé , terminé par une petite pointe jaune. À la chûte des fleurs, fuccedent des filiques oblongues, érroites , fines, plates, polies, un peu relevées par le bout , & longues de deux à trois pouces. Ces filiques font d’abord vertes ; mais elles deviennent rouges à leur maturité. Les femences ou féves qu'elles renferment, font féparées Les unes des autres (x) Jardin Indien Malabare, Tome 1, page 103 , fig. ss. (2) Voyezfig. 2, PL 2. 16 IN DIGOTIER. Lirere Ï. par la fubftance propre de la filique. Elles font d’un rond oblong, plates & éten- dues dans leur longueur felon celle de la goufle. Elles ont un umbilic par . lequel elles font attachées au ventre de la filique : elles font vertes au commen- ment, & enfuite noirâtres. Excepté Le temps où les filiques font vertes, on obferve que les graines du Nouthi ( x ) font velues, aflez dures, percées d’un trou par en haut , creufes en dedans, & qu'elles font fouvent appuyées fur un pédicule. Cette plante porte fleurs & fruits deux fois par an, favoir : dans la faifon pluvieufe & dans celle de l'été. | Elle paroît avoir un grand rapport avec la précédente par plufeurs de fes parties ; c'eft pourquoi nous penfons qu'on peut , fans inconvénient, lui donne. le nom de Polygala moyenne des Indes, à filiques recourbées. Maïs je n’ofe, malgré la vraifemblance , aflurer qu'on en fafle de l'Indigo, & encore moins que ce foit le Banghets de Madagafcar , auquel on attribue une odeur très- agréable , tandis que l’autre n’en a aucune. Hernandes & Recchius, dans leur Hiftoire du Mexique , Liv. 4, font aufli la defcription de deux plantes qui fer- vent à teindre en bleu , à l’une & l’autre defquelles ils donnent le nom de X:- huiquilirl pityahac , où d’'Anir à petites feuilles , & ils appellent la pâte bleue ou l’Indigo qu'on en retire, Mohuirli, & Tlevohuirli. Aucune de ces deux plantes ne cadre avec la derniere dont on a donné ici la defcription ; mais celle dont on a parlé auparavant, paroît fe rapporter au Caachira fécond de Pifon. Defcription du Tarron (2). & PERSONNE , autant que je le puis fävoir, na encoïe décrit exaétement lIndigo Tarron (3 ). Ceux qui ont été à Guzaratte, & qui ont vu croître cette plante dans les champs, l'ont comparée tantôt au Romarin , tantôt à d’autres plantes. Je ne doute point que ce ne foït la même plante que les Malayes ap- pellent Tarron, qu'elle n’ait la forme de celle qu’on voit à Amboïne , dont la femence étrangere a été apportée ici, & fur laquelleje me füis réglé pour en faire la defcription. On en rencontre ici ( à Amboine ) deux efpeces : La premiere, ou la plus commune eft domeftique ; l’autre que je n'ai point encore vue, eft fauvage. La premiere eft une plante très-belle , très-élégante, & dont la forme a la même grace que celle du Romarin. Elle croît jufqu’à la hauteur de trois pieds & plus dans un bon terrein. Elle ne pouñle qu'une feule fouche groffe comme le doigt, droite , ferme & ligneufe. Son écorce eft d’une couleur rouffe entre mêlée de verd. Elle s'étend fort vite en jettant de tous côtés des branches de la (1) Nom du Pays qui paroît commun à toutes | Georges Evihard Rümphe, cinquieme Partie; les plantes de cette efpece, & à la pâte qu’on en | Chap. 39, page 220. retire. (3) Voyez fig. 1, PI, 34 (2) Extrait de l'Herbier d'Amboine , par 1 groffeur Cuar. IV. Des Indivos de l'Afie, € de leur Fabrique. 17 groffeur d'un tuyau de froment , qui font fermes & folides ; ces branches pouf. {ent fur leurs côtés de petits rameaux ou côtes un peu plus longues que le doigt , auxquelles font attachées fix , fept, huit , & rarement neuf ou dix paires de feuilles directement oppofées les unes aux autres avec une impaire à lex: trémité. Ces feuilles reffémblent parfaitement à celles de la Caméchrifta, ou du Tamarin ; mais elles font plus petites & arrondies , à-peu-près comme celles de la Faucille. Elles font tendres & unies , mais fans éclat ; d'une couleur de bleu de mer , approchant du fer bronzé, & agréable à la vue. Ces feuilles ont chacune un court pédicule avec lequel elles s'appuient furlacôte ou rameau. Sil'on vient à le rompre , elles fe reflerrent & fe ferment aflez facilement ; mais elles s'ouvrent & {e déplient aufli-tôt qu’on Les met dans l'eau. A chaque aiflelle de ces côtes feuillées attachées aux branches , il fort une grappe en forme d'épi, compofée de plufieurs petites têtes pointues, qui en s'ouyrant préfentent des fleurs femblables à celles de la Velfe, mais plus petites, compofées de quatre petits pétales , dont Le plus élevé & aufli le plus large , eft courbé en arriere : ces pétales font d’un jaune pâle ou verdätre ; ceux des deux côtés tirent un peu fur le rofe, & recouvrent l’inférieur ou le quatrieme par leur pointe en forme de crochet. Peu de ces fleurs s’éclofent à la fois, & elles tombent bien-tôt fans donner aucune odeur. A ces fleurs , fuccedent de petites filiques rondes & noueufes , à peu-près de la longueur d’un tiers de doigt , de la groffeur tout au plus d’un tuyau de fro- ment , dures & tournées en haut. Elles viennent plufeurs enfemble , & forment comme une grappe qui feroit remplie de queues de fcorpion. D'abord elles font vertes , elles bruniflent enfuite , & deviennent enfin noirâtres. Ces filiques renferment des’ graines femblables à celles de la Moutarde ; mais au lieu d'être exactement rondes , elles ont la forme d'un tambour, comme le Fenu-grec ; & font d'un verd noirâtre. | Quoique les feuilles dont nous avons donné la defcription , foient douces au toucher , elles ne s’humectent point dans l’eau. Celles qui font détachées & pliées, s'ouvrent de rechef après avoir trempé un demi-jour dans l’eau, & conférvent toute leur fraîcheur jufqu'au troifieme jour. Sa racine s'étend beaucoup & eft très-ferme en terre, parce qu’elle poufle beaucoup de petites fibres garnies de tubercules blanchâtres. Toute la plante étant fur pied dans Les champs , répand fur Le foir , une forte odeur. Les feuilles ont un goût fade & dégoûtant ; mais il neft point amer comme quelques-uns l'ont dit; & quand elles ont macéré dans l’eau pendant trois ou quatre jours, elles répandent une odeur défagréable & de pourriture : cette odeur augmente par là chaux qui entre dans la préparation de fa pâte , dont le travail eff auffi diffi< cile que défagréable. | Son nom latin eft //aris Indica; maïs cette plante defléchée & la pâte qu'on en tire pour en former des gâteaux , s'appellent vulgairément /1d:90. Les Portu- INDIGOTIER. E 18 INDIGOTIER. Livrel. gais lui donnent aufli ce nom. Les Arabes appellent cette plante ÆVi/ & Anil: fes feuilles Chiy & Wasmat ; la pâte & les gâteaux Milag. Chez les Perfes elle porte le nom de Ni/4; chez les Malayes, Tarron; à Banda, Tenaron ; à Java, Tom; à Baleya, Tahum ; à Ternate, Tom; à Mandao & à Siauwa, Entu;s à la Chine, Tschen , qui fignifie puits ; dans le Guzaratte, Gak. L'Auteur du Jardin Malabare , Tome x , g. ÿ4 , dit que les Malabares l’appellent Améri ; & les Brames, Mel. Cette plante tire fon origine de Cambaye ou du Guzaratte , particuliérement d'un village nommé Chirches , qui eft éloigné de deux milles d’Amadabat : fon vrai nom eft Tszrisjes , & l’Indigo de la plus belle efpece porte ce furnom. On cultive aufi cette plante en d’autres Provinces de lIndoftan , de même qu'à la Chine, à Java, à Baleya , & dans prefque toutes Les Ifles des bafles Indes habitées par les Chinois, qui ont tranfporté la graine de cette plante aux Mo- Juques & à Amboine , d’où les Efpagnols l'ont tirée pour l’introduire dans les les de l'Amérique , où il en croît une grande quantité. On rencontre dans le Guzaratte , une efpece d’Indigo fauvage , nommé Gun guat , dont il paroît qu’on mêle les feuilles avec celles du précédent ; le refte de ce travail m’eft inconnu. Georges Rumphe ajoute: Les deux efpeces d'Indigo décrites par Guillaume Pifon , dans fon Hiftoire Naturelle du Bréfil, Liv. 4, Chap. 39, fous Le nom de Caachira, ont peu de rapport à celui des Indes Orientales j fi ce n'eft celui de la feconde efpece , ou l’Indigo rampant, qui vient aufi en quelques endroits des Indes Orientales , fur-tout à Mandano ; mais je ne l'ai point encore vu. Cette plante qui croît fur les côtes du Bréfil, eft fans doute celle que les Portugais appellent Anir ou Anil. L'Auteur de l’'Herbier d Amboine en fait ici une courte defcription ; mais nous ne la rapporterons point, parce que nous en traiterons amplement à l’article des Indigos du Continent de l'Amérique. Nous obferverons feulement que François Cauche en fait aufli mention dans fa Def- cription des Plantes de Madagafcar. Guillaume Pifon rapporte , que felon Jules Scaliger > Nil ou plutôt Mir, fignifie en langue Arabe le bleu auquel les Efpagnols ont donné le nom d’Anir & d’'Anil. Scaliger ajoute que les Arabes appellent auffi la plante de lTfatis , INit. | | Garcias ab Horto, Liv. 2 , Chap. 26 , dit que la plante à laquelle les Arabes, les Turcs & plufieurs autres Nations ont donné le nom d'Arc! , & UE celui de Nil, s'appelle Gal , dans les Fabriques du Guzaratte. Herbelot, dans fà Bibliothéque Orientale , au mot 2Vz/, page 672 , 6, dit que les Perfiens & les Turcs appellent MVz/, la plante que les Grecs & les Eatins nomment arts & Glaflum, dont le fuc fait la couleur bleue ou vio- lette, que nous appellons vulgairement Zndic ou Indigo, & par corruption Annil au lieu de AZNiI, qui eft Le mot Turc avec l'article Arabe 2. Cuar. IV. Des Indigos de l'Afie, @ de leur Fabrique. 19 LA maniere de travailler cette herbe , n’eft point uniforme dans l’Afe ; & il n’eft pas rare de voir les Fabriques d’un même canton, différer confidérablement entrelles : ce que les Auteurs en difent ne nous laifle aucun doute à ce fujet. Parmi ces diverfes pratiques , à la multiplicité defquelles la fantaifie a peut-être eu autant de part que La nature de la plante , on en remarque deux prin- cipales , dont les produits fe diftinguent par les noms d’Znde & d'Indigo. La manipulation de l'Inde differe eflentiellement de cêlle de l’Indigo , en ce qu'on ne met que les feuilles de la plante à infufer dans l'eau pour obtenir l'Inde ; au lieu qu’on met toute l'herbe , excepté fa racine , à macérer à peu-près de la même maniere pour avoir l'Indigo. Outre ces deux procédés, fort variés dans * leurs circonftances , il y en a encore un autre ufité dans les Indes , qui con- fifte dans la feule trituration & humedctation des feuilles de cette plante, dont on forme une pâte ou efpece de paftel , qui porte auffi Le nom d'Inde. Quantité d'Auteurs nous ont donné des defcriptions de la Fabrique de l’Indigo & de l'Inde dans l’Afie. Dans ce nombre, il s'en rencontre quelques-unes de très: exactes; mais il y en a d'autres où l’on trouve des omiflions fi eflentielles, fur- tout à l'égard de la manipulation de l'Inde , que l'exécution en paroîtroit comme impraticable , fi l’on ignoroit ce que les premieres renferment d'important à ce füjet. Ainfi il n’eft point fürprenant que quelques Auteurs , traitant de la Fa- brique de Indigo de nos Colonies , nous ayent donné à penfer que l'Inde & lIndigo fe fabriquoient tous deux de la même maniere, & que leurs diffé- rents noms ne devoient s'admettre que pour diftinguer les qualités de cette denrée ou le lieu de fa Fabrique. Maïs comme indépendamment de ces négli- gences, auxquelles il eft aifé de fuppléer, on trouve prefque toujours dans ces defcriptions quelque détail étranger aux autres, & fouvent très-inftruétif ; nous nous fervirons indifféremment de toutes celles qui nous paroîtront pro- pres à nous inftruire {ur ces différents travaux. La defcription que M. Tavernier a faite de la Fabrique de f’Inde , ayant donné fajet aux foupçons dont on a parlé ci-deflus , nous avons jugé devoir commencer par rapporter ce que cet Auteur en a écrit. Voici comme il s’exprime : Les habitants de Sarquefle , village à 80 lieues de Surate , & proche d'Ama- dabat , après avoir coupé cette herbe , dans le temps que les feuilles s’en déra- chent aifément, la dépouillent de tout {on feuillage, & le mettent à infufer dans une certaine quantité d'eau qu'onverfe dans un vaifleau nommé la Trempotre( A), fig. 4, PL 4, où ils le laiffent pendant 30 ou 35 heures ; au bout de ce temps, ils font pañer cette eau , qui eft chargée d’une teinture verte tirant fur Le bleu, dans un autre vaifleau nommé la Barterie ( B ), fig. 4, PL 4, où ils font battre cet extrait pendant une heure & demie, par quatre forts Indiens, agitant des cuilleres de bois, dont les manches de 18 à 20 pieds de long, font pofées fur des chandeliers à fourche. .… Pour éviter d'employer à ce travail plufeurs hommes, ils fe fervent, enquel- 20 TINTIN RE CO PPT ER 2 Pa En 1. 8 ques endroits, d'un gros rouleau ( R ) fe. 6, PL. $ , de bois, taillé à fix faces des deux bouts duquel {ortent des aiflieux de fer qui tournent fur des collets de même matiere, enchaflés dans les deux côtés de la batterie ( B), fig. 6, PL, ÿ. 1e Aux deux faces inférieures , près Les deflous de ce rouleau , font attachés fix fceaux (G) , fig. 6, PI. ÿ , en forme de pyramide renverfée & ouverte paren bas. Un Indien ( 1), fig. 6°, PL ÿ , remue continuellement ce rouleau à l’aide d'une manivelle fixée à un de fes aiflieux ; enforte que trois fceaux s'élevent d'un côté, tandis que trois s’'abaiffent de l’autre : continuant toujours de la même façon jufqu'à ce que cette eau foit chargée de beaucoup de moufe. Ils jettent alors avec une plume für cette écume tant fit peu d'huile d'olive, Ils emploient pour ces afperfions environ une livre d'huile fur une cuve qui peut rendre 70 livres d'Inde. Aufli-tôt que cette huile eft jettée fur l'écume , elle fe fépare en deux parties, à travers lefquelles on apperçoit quantité de petits grumeaux, comme ceux qui fe voient dans le lait tourné. On cefle pour lors le battage de l'extrait ; & quand il a affez repofé , on débouche le tuyau (T°) de la batterie ( B ), fig. 6, PL, 5 » afin d'en écouler l’eau qui eff claire , & en retirer la fécule qui refte au fond de ce vaifleau en forme de boue ou de lie de vin: l'ayant retirée, ils la met- tent dans des chaufles de drap (Z ) , fig. r & 2, PL. $ , pouren faire fortir le peu d’eau qui pourroit sy trouver ; après quoi ils renvérfent la matiere dans des caifles ( A), fig. 3, PL. $ , d'un demi-pouce de haut pour la faire fécher. Cette matiere une fois féche , eft ce que les Marchands Droguiftes de Paris appellent Zrde. Dans Les pays où l'on obferve cette méthode, l'Inde de la première cueillette pañe , fuivant cette Relation , pour la meilleure. Celui de la feconde eft moins beau , & ainf des autres ; la couleur du premier étant d'un violet plus vif & plus brillant que celui des coupes fuivantes. Voici ce qu'on objeéte à cet Ecrit. Quelle apparence y a-t-il, que des hommes dont l’indolence eft extrème , s’a- mufent à éplucher les feuilles de chaque plante ? Quel temps ne faudroit-il pas pour remplir une cuve de feuilles moins grandes que celles de notre Bouis d'Europe? Suppofant même que la chofe puille s'exécuter , efl-on certain du fuccès de la diffolution ? Toutes les feuilles entaflées Les unes fur les autres , ne feroient-elles pas un maftic capable d'empêcher l’eau d'y pénétrer ? Mille In- diens pourroient-ils couper & éplucher aflez d'herbe pour remplir une cuve capable de rendre 70 livres d'Inde? On ne dira pas qu'au lieu d’un jour on en mettroit trois; puifque la premiere herbe feroit tellement rôtie au {oleil, qu’elle fe pulvériferoit au moindre attouchement. Ces réflexions feroient fans replique, s’il étoit indifpenfablement néceflaire d'employer ces feuilles toutes fraîches pour en tirer parti ; mais il s’en faut de beaucoup que les chofes foient ainf: pour s’en convaincre , il fuffit de jetter les yeux far la defcription fuivante. Maniere Cuar. I V. Des Indisos de L'Afie , & de leur Fabrique. af Maniere de fèmer , de cultiver @ d'extraire la couleur de l'herbe nommée Indigo , dans les pays de l'Orient, voifins du Tsinfai , cntre les côtes de Coromandel & de Malabare , par HERBERT DE JAGER. (1 >) LEs terrains trop gras & trop humides , ne conviennent pas à l'herbe qu'on appelle Zadigo ; car, ou il poule trop vite & n'eft rempli que d’un fuc aqueux , ou il eft étouffé par les mauvaïfes herbes. C'eft pourquoi on choifit pour le cul- tiver , Les pieces de terre les plus élevées, & qui ne font pas füjettes à trop de pluie, ou à de trop fortes rofées. On recherche de préférence Les fonds, dont une partie de bonne terre foit mêlée avec deux de fable: il vient même dans le fable pur , aux environs de Devenapatan ; mais il ne profite pas fi bien. Lor£ que les pluies du mois de Septembre commencent à tomber , on laboure une ou deux fois la terre avec la charrue , & après cette façon on la laiffe repofer jufqu'au mois de Décembre ; on repañle alors la charrue , & au premier beau temps on jette la femence dans les fillons , & on les applanit avec la herfe. Lor£ qu'après Les farclaifons convenables , l'herbe vient à porter fleurs & graines , ce qui arrive vers le mois de Février , & que fes feuilles commencent à jaunir, on la coupe de maniere qu'il refte encore aux branches qu’on laifle fur la fouche , une palme de hauteur, au moyen de quoi elle repoufle aux premieres pluies favorables | & fournit au bout de trois mois la matiere d’une feconde coupe, qui , étant faite comme la premiere , eft fuivie d’une troifieme , après laquelle on la laife pouffer pour en recueillir la graine , qu'on fait fécher, afin qu’elle foit propre à être mife en terre dans le temps convenable. Enfin on brûle la plante comme incapable d'une nouvelle reproduction , & on en répand les cen- dres fur les champs en guife de fumier. | On ne coupe l'herbe que d'un beau temps, afin de pouvoir l’expofer au foleil depuis le quart du jour jufqu'à quatre heures après-midi , & la faire deflécher parfaitement: on la bat enfuite jufqu'à ce que Les feuilles fe détachent toutes de leur pédicule , & on les ramañle dans un lieu à l'abri du vent, où elles reftent jufqu'à ce qu'il fafle un temps aflez calme pour qu’on puifle de nouveau les faire fécher au foleil & les réduire en pieces avec des bâtons ; quand elles font en cet état, on les porte dans une aire , renfermée de tous côtés ; on les couvre de clayes & de nattes, & on les conferve ainfi pendant vingt ou trente jours. On les met enfuite dans des chaudieres , où l'on verfe de l’eau douce ou falée ; car cela eft indifférent. On expofe ces chaudieres à l’ardeur du foleil ; depuis dix heures du matin jufqu’à deux heures après-midi. Les feuilles commencent alors à s'enfler, & il s’éleye une écume d'une légere couleur de pourpre. On filtre la st teinture à travers un drap bien net. On verfe enfuite de l’eau {ur les feuilles = qu'on a eu foin de ferrer fortement avec les mains ; & on réitere ce travail, juf. qu'à ce que l’eau ne paroifle plus teinte en verd. Après quoi on bat ces tein- (1) Mélanges curieux ,ou Ephémérides de l’Académie des Curieux dela Nature. Déeurie feconde, Année feconde , 1683 , à Nuremberg, Obfervarion 4. ÎINDIGOTIER. F 22 INDIGOTIER.LrrREz I. tures à différentes reprifes à peu-près de [a même maniere qu'on bat le beurre en notre pays, jufqu'à ce que l’écume , qui eft en commençant d’un violet clair, devienne toute bleue , & que l’eau foit prefque noire, On la laïfe enfüite repofer pendant deux heures , lequel temps paflé , on l’agite deux ou trois fois avec une palette ; on couvre le vafe d’un drap , & on n'y fait plus rien jufqu'à ce que la matiere épaiflie, qui eft de véritable Indigo, foit toute dépofée au fond. Le lendemain vers les huit heures du matin , on fépare le fédiment d'avec l’eau , qui a pour lors une couleur rouffâtre. On remue deux ou trois fois ce {£- diment avec les mains , & on Île tranfporte fur un lit de fable , un peu en pente vers le milieu, couvert d’un drap mouillé qui a déja été expofé pendant deux heures aux plus forts rayons du foleil, & on le répand fur ce drap ; par ce moyen l’eau s'échappe & abandonne ce qui eft Le plus épais , dont la fuperficie fe couvre d’une pellicule tirant fur Le pourpre ; & afin que la matiere prenne de L confiflance , on la laiffe ainfi environ deux heures , c'eft-à-dire , jufaqu’à ce qu’elle commence à fe fendre. On prend alors les coins du drap, & on le plie en deux , afin de doubler l’épaiffeur de la matiere ; on la rompt avec les mains, on la met dans une chaudiere , & on la pétrit bien avec Les mains qu’on trempe auparavant dans l’eau ; puis on en fait des gâteaux, qui, étant parfaitement fecs, fe vendent enfin de tous côtés comme un Indigo de toute beauté , propre aux dif. férents ufages de la peinture & de la teinture des draps en bleu. Maniere de cultiver € de préparer l’Indigo dans le Guxaratte. Par Baldœus (1). O x feme l’Indigo en Juin & Juillet, & on en fait la récolte aux mois de Novembre & de Décembre. L’efpece la plus large croît près de Chircées , village dont on lui donne le nom , à deux lieues d’Amadabat, capitale du Guzaratte. On le recueille trois fois en trois aris ; après quoi il n'eft plus que de très-peu de valeur , & même la feconde & la troifieme récolte ne font pas autant eftimées que la premiere, La premiere année on coupe les feuilles environ à un pied au-deflüs de la terre, on les fait fécher vingt-quatre heures au foleil, & on les met enfüuite dans de petits vaifleaux remplis d'eau falée. On charge de grofles pierres cette mixtion pendant quatre ou cinq jours , en entretenant toujours l'eau dans un mouve- ment continuel ; après quoi on la tranfporte dans des vaifleaux plus grands ,'où on la tient aufi dans l'agitation , en foulant l’eau fans intermiflion , jufqu'à ce qu'elle commence à devenir épaifle , & que l’Indigo tombe au fond. Alors on le tire de l’eau: on le fait pafler au travers d'une toile claire , & on Le couvre de cendres chaudes pour le faire {écher. Les gens de la campagne l’alterent par de l’huile,ouavecde laterre de la même couleur, pour qu’il paroifle meilleur fur l’eau, Les marques de la bonté de l’Indigo , font quand il eft brillant & fec , qu'il (x) Defcription des côtes de Malabare , comprife dans le fixieme Tome des Découvertes des Eu TOpÉENS , page 322. Cuap. IV. Des Irdigos de l'Afie, € de leur Fabrique. 23 nage fur l'eau, qu’il donne une fumée de couleur violette en le mettant au feu, & qu'il ne refte que très-peu de cendres. Il faut laiffer repofer la quatrieme année le terrein qui a produit l'Indigo, que le peuple de Guzaratte nomme Amiel de Bianr. \ vient particuliérement dans les faifons pluvieufes de Juin, Juillet, Août & Septembre, quoique l'excès de la pluie lui foit pernicieux. Il faut avoir grand foin que le terrein des environs foit nettoyé de Chardons & de Ronces : & les Acheteurs doivent bien prendre garde qu'il foit très-fec, au- trement ils perdent trois livres fur dix en huit ou neuf jours. L'Indigo Laura, ou Indigo de Bayane , eft de trois efpeces différentes. La premiere qui s'appelle Vourhy, eft d'un bleu brillant, & tire fur le violer, quand on l’exprime au foleil fur l'ongle du pouce. La feconde , nommée Gerry , eft d'autant plus eftimée , qu’elle approche plus de la couleur violette. Enfin la troifieme , appellée Careol , eft la moindre de toutes: la couleur en eft d'un rouge obfcur ; & elle eft fi dure , qu’à peine peut-on la broyer. Defériprion de la culture de l'Indigo, @ de fa Fabrique à Girchées , près d'Amadabar, Par Mandeflo (x ). | LE meilleur Indigo du monde vient auprès d’Amadabat, dans un village nommé Girchées , qui lui donne fon nom, Il croît dans les bonnes années juf- qu'à la hauteur de fix à fept pieds. La graine de cette plante fe met en terre au mois de Juin, & on la coupe en Novembre & Décembre; on ne la feme que de trois ans en trois ans. La premiere année on la coupe à un pied de terre ; on en ôte le bois , & l'on met les feuilles fécher au foleil ; après quoi on les fait tremper dans une auge de pierre , où l'on met fix ou fept pieds d’eau , que l'on remue de temps en temps, jufqu'à ce qu'elle ait attiré la couleur & la vertu de l'herbe. On fait enfuite couler l’eau dans une autre auge, où on la laiffe rafleoir une nuit. Le lendemain on en tire toute l'eau; on pañle par un gros linge ce que l’on trouve au fond, on le met {écher au foleil, & c’eft le meilleur Indigo. Mais Les payfans Le fal- fifent en y mêlant une certaine terre de la même couleur ; & d'autant que l’on juge de la bonté de cette drogue par fa légéreté , ils ont l'adreffe d'y mêler un peu d'huile pour la faire nager fur l’eau. L'herbe vient bien la feconde année aux troncs que l'on a laiflés à La campagne ; mais elle n'eft pas fi bonne que celle de la premiere année. Néan- moins on la préfere au Grngey, c'eft-à-dire , à lIndigo fauvage. C’eft auffi dans la feconde année qu'on en laiffe monter une partie pour en recueillir La graine. Celle de la troifieme année n'eft pas bonne ; & ainfi n'étant point recher- chée par Les Marchands étrangers, ceux du pays l’employent à la teinture de ( 2 ) Extrait du Voyage de Jean Albert Man- | Relation du Voyage d'Adam Oléarius en Mof- deflo, aux Indes orientales , incorporé dans la | covie, Tome 2, feconde Edition, page 228. Premier Ex- trait de bier boine. l'Her- d'Am- Second Ex- trait de l’Her- bier boine. d'Am- 24 IN DICGOTIER. Lrvre 1. leurs toiles. La couleur du meilleur Indigo tire fur le violet, & il fent auffi la violette quand on le brûle. Les Indoftans l’appellent Ani/, & laiflent repo- fer la terre un an, avant d'y en femer de nouveau. Defcriprion de la culture de l'Indigo , 6 de [a mantpulation dans le Guzaratte. Par Wan-Twift (x). APRÈS avoir recueilli les feuilles de la premiere récolte de l’Indigo , on Les expofe pendant le jour au foleil pour les faire {écher; & lorfqu’elles font féches, on les met dans des cuves de pierre confruites à cette fin: on les remplit d'eau pure à la hauteur d’un homme ou environ ; on brouille de temps en temps cette eau , afin de lui faire prendre la vertu & la couleur de la plante ; & lorfqu’elle en eft bien imprégnée , on la fait pañler dans un autre vaiffeau joignant le pre- mier, On la laiffe repofer toute la nuit, afin qu'elle s'éclaircifle & qu'elle fe {€- pare d'une matiere épaifle qui va au fond. On retire enfüite ce réfidu , qui eff la fubflance grofliere de l’Indigo , & on la filtre à travers un drap peu ferré ; puis on met la fine matiere qui en fort, dans des endroits bien propres, pour la faire {cher au foleil. Cette matiere ainf purifiée , eft ce qu'on appelle Indigo : Elle eft quelquefois altérée par les payfans, qui, pour en augmenter le poids, la mêlent avec un peu de terre qui approche beaucoup de lndigo; & ils y joignent encore de l'huile , afin qu'elle flotte mieux fur l’eau. Les fouches de la plante qu'on a laïffées dans les champs , pouffent l'année fuivante des rejettons qui donnent un Indigo dont la qualité eft auffi bonne & même meilleure que celui qu'on retire du Grrgay , c'eft-à-dire, de lIndigo fauvage. + L'Auteur de l’'Herbier d' Amboine ( 2 ) , ajoute : J’ai appris des Chinois une autre maniere de faire l'Tndigo , dont voici Le procédé. On prend les tiges & les feuilles de l’herbe verte, quelques-uns mêmes y joignent les fouches avec la racine , & on les met dans une cuve ou un fort ton- neau , dans lequel on verfe une quantité d’eau aflez grande pour que l'herbe en {oit entiérement couverte. On laiflë macérer cette herbe vingt-quatre heures , pendant lefquelles l’eau en extrait toute la couleur, & s'épaiflit comme celle d'un marais, On jette enfuite toutes les tiges avec Leurs feuilles, & on verfe dans chaque cuve trois ou quatre mefures, qu’on nomme Gantang , de chaux fine pañlée au tamis, qu'on remue vigoureufement avec de gros bâtons, jufqu'à ce qu'il s'éleve une écume pourprée. On laifle alors repofer la cuve pendant vingt-quatre heures ; on en tire l'eau & on en fait {écher au foleil la fubftance qui {e trouve au fond ; on en facilite Le defléchement en la divifant en gâteaux (1) Chef du Commerce de la Compagnie | page 220 & fuivantes; par George Everhard Hollandoife des Indes, dans fon Itinéraire ou | Rumphe. Defcription du Guzaratte, Chap. 10. Voyez l'Her- (2) Partie 5°. Chap. 39, page 220 & fuiv. bier d'Amboine, cinquieme Partie , Chap. 39, Où Cuar. IV. Des Indipos de L'Afie, & de leur Fabrique. 2$ ou carreaux , lefquels étant bien fecs, forment un Indigo propre à être vendu & tranfporté dans les pays étrangers. On n'a auf donné la préparation fuivante, ufitée aux environs d’Agra. Lorfque l'Indigo planté dans un terrein frais, a reçu les pluies du mois de Juin , & lorfqu'il a atteint la hauteur d’une auné, on le coupe & on le met dans une tonne nommée sanck , qu'on remplit d'eau. On charge cette eau d’au- tant de poids qu'elle en peut porter. On la laïfle dans cet état pendant quel- ques jours , jufqu'à ce qu'on s’apperçoive que l’eau ait acquis une forte couleur bleue. On met deflous , ou tout auprès , une autre tonne dans laquelle on fait pañer la liqueur au moyen d'un canal, & on l'agite avec Les mains. On examine l’écume pour juger quand il convient de ceflèr l'agitation. On y verfe alors un quarteron d'huile , & on couvre la cuve jufqu'à ce que toute la partie bleue qui, en cet état reflemble à de la boue, fe dépofe au fond. Lorfque l'eau eft écoulée , on ramañle la fécule, on l'étend fur des draps, & on la fait fécher fur un terrein fablonneux ; mais tandis qu’elle eft encore humide , on en forme avec la main des boules ou des mottes, que l’on renferme enfuite dans un lieu chaud. Cette matiere bleue eft alors en état d'être vendue, On l'appelle dans l’Indoftan Vos, & chez les Portugais Bariga; cet Indigo ne tient que le fecond rang pour la qualité ; car, lorfque Les pluies de la feconde année ont humecté la terre, & que les fouches de l'Indigo coupées l’année précédente ont re- pouffé, les rejettons coupés & traités comme ci-devant, donnent un Iadigo dé premiere qualité , qui s'appelle dans FIndoftan Tsjerre, & chez les Portugais Cabeca. _ On fait la troïfieme année une derniere coupe des rejettons , que les pluies ont encore fait naître, & on les traite de la même maniere que ci-deflus ; mais lIndigo qu'on en retire eft de la plus baffle qualité : on lui donne le nom de Saffala ou de Pée. Pour diftinguer ces trois efpeces , il faut remarquer que le Tsjerri ou Cabeça eft très-bleu , & qu'il a une très-fine couleur ; la fubftance en eft tendre; elle flotte fur l’eau: elle produit une fumée très-violette lorf- qu'on la met fur les charbons ardents , & laiffe peu de cendres, Le Noti ou Barriga , elt d'une couleur tirant fur le rouge , lorfqu’on l’exa- mine au foleil. Le Saflala ou Pée, eft une fubftance très-dure , & il a une couleur terne. Defcription de la culture de l'Indigo € de [a préparation , tirée du Chapitre de l'Hifloire Naturelle des Indes (x ). Iz croît de l'Indigo dans plufieurs endroits des Indes. Son apprêt dans le ter ritoire de Bayana , d'Indoua & de Corfa dans lIndouftan , à une ou deux jour- nées d'Agra, pañle pour le meilleur. Il en vient aufli dans le pays de Surate, (5 ) Hifloire générale des Voyages, Tome 44, page 328. INDIGOTIER. G Troifiéme Extrait de PHerbier d’Amboine:, - 26 INDIGOTIER. Livre I. fur-tout vers Sarquefle , à deux lieues d'Amadabat ; c'eft de-là qu'on tire parti- culierement l’Indigo plat. On en fabrique de la même façon & à peu-près de même prix fur Les terres de Golconde. Le Mein de Surate , qui eft de 42 ferres ou 34 & demie de nos livres , fe vend depuis 15 jufqu'à 20 roupies. Il s’en fait auffi à Baroch , & de la même qualité que le précédent. Celui du voifinaged’Agra, fe paitrit par morceaux en forme de demi-fphere, Il s’en fabrique aufli dans le Canton de Raout , à 36 lieues de Brampour, & dans plufeurs autres endroits du Bengale , d’où la Compagnie Hollandoife le fait tranfporter à Mazulipatan. Mais toutes ces efpeces d'Indigo y font à meilleur marché de vingt pour cent , que celui d'Agra. On feme l’Indigo aux Indes Orientales après la faifon des pluies. L'ufage général des Indiens, eft de Le couper trois fois l’année. La pre- miere coupe fe fait lorfqu'il a 2 ou 3 pieds de hauteur , & on le coupe alors à demi-pied de terre. Cette premiere récolte eft fans comparaifon meilleure que les deux autres. Le prix de la feconde diminue de 10 à 12 pour cent, & celui de la troifieme d'environ 20 pour cent. On en fait la diftinétion par la cou- leur, en rompant un morceau de fa pâte. La couleur de celle qui fe fait la pre- miere , eft d’un violet bleuâtre plus-brillant & plus vif que les deux autres ; & celle de la feconde eft plus vive aufli que celui de la troifieme. Mais outre cette différence, qui en fait une confidérable dans le prix, les Indiens en alterent le poids & la qualité par des mêlanges. Après avoir coupé ces plantes , ils féparent Les feuilles de leur petite queue en les faifant fécher au foleil. Ils les jettent dans des baflins faits d’une forte de chaux , qui s’endurcit jufqu'à paroître d’une feule piece de marbre. Ces baffins ont ordinairement 80 à 100 pas de tour. Après les avoir à moitié remplis d’eau faumache , on acheve de les remplir de feuilles féches , qu’on y remue fouvent jufqu'à ce qu'elles fe réduifent comme en vafe ou en terre grafle. Enfüuite on. les laifle repofer pendant quelques jours , & lorfque le dépôt eft aflez fait pour rendre l’eau claire par-deflus, on ouvre des trous qui font pratiqués ex- près autour du baflin, pour laifler écouler l'eau. On remplit alors des cor- beilles de cette vafe ; chaque Ouvrier fe place avec fa corbeille dans un champ uni, & prend de cette pâte avec les doigts pour en former des morceaux de la groffeur d’un œuf de poule coupé en deux, c'eft-à-dire, plat par en bas & pointu par en haut. L’Indigo d’Amadabat s’applatit & reçoit la forme d'un petit gâteau. Les Mar- chands qui veulent éviter de payer les droits d'un poids inutile, avant de tran£ porter l'Indigo d'Afie en Europe, ont foin de le faire cribler pour ôter la pouf fiere qui s'y attache. C’eft un autre profit pour eux ; car ils la vendent aux ha- bitans du pays , qui l'emploient dans leurs teintures. Ceux qui font employés à cribler l'Indigo, y doivent apporter des précautions. Pendant cet exercice, ils ont un linge devant leur vifage , avec le foin continuel de tenir les conduits de la refpiration bien bouchés, & de ne laiffer au linge que deux petits trous Cuar. IV. Des Indigos de l’Afie, & de leur Fabrique. 27 vis-à-vis des yeux. Ils doivent boire du lait à chaque demi-heure , & tous ces préfervatifs n’empêchent point qu'après avoir exercé leur office pendant 8 ou ro jours, leur falive ne foit pendant quelque temps bleuâtre. On à même ob- fervé que fi l'on met un œuf le matin près des criblures, le dedans fe trouve tout bleu le foir lorfqu'on le cafe. À mefure qu'on tire la pâte des corbeilles avec les doigts trempés dans de l'huile , & qu'on en fait des morceaux, on les expofe au foleil pour les fécher. Les Marchands qui achetent lindigo, en font toujours brûler quelques morceaux, pour s'aflurer qu'on n'y a pas mis de fable. L’Indigo { réduit en cendres , & le fable demeure entier. Ceux qui ont befoin de graine pour en femer , laiffent la feconde année quelques pieds debout ; ils Les coupent lorfque les goufles font mûres, les font fécher fur la terre , & en recueillent enfuite la femence. Quand une terre a nourri l'Indigo pendant trois ans, elle a befoin d’une année pour fe repofer avant qu'on y en feme d'autre. Defériprion de la culture & fabrique de l’'Indiso. Par Franç. Pelfart ( x ). IL s fement leur Indigo au mois de Juin , qui eft Le temps où il commence à pleuvoir , & ils emploient r; livres de graine pour chaque Biga, qui eft une mefure de terre de 60 aunes de Hollande. L’Indigo croît à la hauteur d'une aune quand la faifon eft favorable. On le coupe en Septembre ou au commencement d'Octobre. Lorfqu’on tarde trop long-temps à en faire la récolte , les froids furviennent ; cette plante qui ne peut Les fouffrir, change de couleur, & la pâte qu’on en retire eft brune & fans luftre. On coupe l’herbe à quatre doigts de terre, & on met dans une cuve toute celle d'un Biga. Ce vaifleau a 38 pouces en quarré , & la hauteur d'un homme. Ils y laiflent pourrir l'herbe l'efpace de 17 heures; après ce temps on fait couler l’eau dans un puits qui a 32 pieds de circuit, & 6 pieds de profondeur ; deux ou trois hommes qui font dedans, la remuent avec les pieds & les bras , & par ce mouvement lui font tellement changer de cou- leur, qu'elle devient d’un bleu obfcur. Ils la laiflent après cela repofer 16 heures. Pendant ce temps la matiere la plus épaifle defcend dans un creux en forme de cloche qui fe trouve au fond du puits. Ils font écouler l'eau , & ils re- tirent l'Indigo qu’ils étendent fur des linges jufqu'’à ce qu'il foit fec. . .… Ils met- tent dans un pot de terre ce qu’ils ont ramaflé dans chaque puits , & le bouchent foigneufement , de peur que l'air ou Le vent venant à donner deflus , ne le defféche. . ..... On en recueille tous les ans à Bayana 800 paquets , & 1000 à Meeuwat, quartier dépendant d'Agra; mais l'Indigo en eft huileux, & n'eft (x) Relation du Voyage aux fndes Orientales, | Fa@teur de la Compagnie de Hollande pour les traduite par Hacluyt, in fol. Tome 2, page 4 & | Indes Orientales, année 1621, fur la Province fur. Avis & Remarques de Fr. Pelfart, principal | d’Agra & de Bayhana. > A 28 IN, D TL CLONMRR ER EELIVPRRE DL pas de grande valeur. On y trouve ordinairement du fable. Ils ne Le font point à la maniere de ceux de Bayana, mais fuivant celle de ceux de Circhées, qui en pilenc les feuilles pour en tirer enfuite la fubftance , en Les mettant & en les remuant continuellement dans un puits qui a la forme des vaifléaux où l’on bat le beurre en Hollande. Ils en ôtent ce qui fürnage. (L’Auteur ne dit rien du refte de la façon ). Cet Indigo ne fe vend que 20 roupies le Manon , quand celui de Bayana en vaut 30... Dans les villages qui dépendent de Bayana, les puits où ils le mettent fe rempliflent d’eau falée, ce qui fait paroître leur Indigo plus dur lorfqu'on Le rompt. Il fe rencontre quelquefois que de deux puits qui feront proches l’un de l’autre, l’un fera d’eau falée & l’autre d’eau douce ; & PIndigo d'une même terre , qui aura été préparé dans un puits falé, fe vendra une roupie par Manon plus que celui qui aura été préparé dans un puits d'eau douce. | J'ai lu dans un Auteur, dont le nom m'a échappé , Les deux Obfervations fuivantes : Les Indiens de Guzaratte & de Gambaye, après avoir coupé leur Indigo, le font fécher pour le battre & en retirer toutes les feuilles, qu'ils broyent dans un moulin femblable à ceux dont on { fert pour écrafer les pommes ou les olives ( x ). Ils mettent enfüite la poudre de ces feuilles à infufer pendant 24 heures , dans une quantité d’eau allez grande , pour que la diflolution puiffe fe filtrer à travers une étofe. Ils laiflent repofer cette liqueur ainf filtrée , juf- qu'à ce quelle ait formé fon dépôt. Ils foutirent l'eau qui le furnage; & ils re- tirent le fédiment pour le mettre à fécher fur des toiles tendues à l'ombre fur du fable fin & bien fec. Lorfque cette matiere a acquis une certaine confiflance, ils en forment des tablettes peu épaifles , qu’ils achevent de faire {écher fur des planches à l'abri du foleil. Il réfulte de cet apprêt une marchandife d’une qualité fupérieure. Quant à ce qui refte fur Le filtre , il ne fe vend point aux Étrangerss mais les gens du pays s’en fervent pour teindre Les étoffes Les plus groffieres. Il y a des quartiers où l’on prépare le Paftel d'Inde de la maniere füuivante : On fait fécher & réduire en poudre Les feuilles de l’Tndigo , ainf que nous avons dit ci-deflus ; puis on détrempe cette poudre de façon à en former une pâte qu’on fait fécher tout de fuite : mais comme il s’en faut de beaucoup qu’elle ait toute la beauté qu'elle doit acquérir, on la broye de nouveau & on l'arrofe comme la premiere fois , pour en former de nouveaux pains , & on réitere tout cet apprêt jufqu'à ce que la marchandife ait atteint l'éclat & la fineffe qu'on veut lui procurer ( 2 ). Il convient maintenant de tourner nos regards fur les Indigos que nous pré- fente la Terre ferme de l'Amérique , & fur Les différents travaux qu'ils occa- fionnent. (1) Voyez PL IT, fe. 1, 2 & 3, & leur expli- | Voyages de François Pirard, troifieme Partie, cation qui elt à côté. page 13. (2) On voit l’Abrégé de ce procédé dans les | CHAPITRE Car. V. Des Indigos & Fabriques du Continent de l Amérique. * CHAPITRE CINQUIEME. Des Indigos 8 Fabriques du Continent de l'Amérique. N OUS nentreprendrons point de compter toutes Les efpeces d'Indigos qui croiflent dans cette partie du Monde, ni de diftinguer celles qui lui font communes avec l'Afie & l'Afrique , foit naturellement foit par tranfport. Nous ne déciderons point-non plus fi toutes les efpeces qui viennent dans les Ifles de l'Amérique , 4e trouvent dans le Continent ; mais nous pouvons aflurer qu’il en croît dans le Bréfil & dans la nouvelle Efpagne , deux efpeces totalement différentes de celles qu'on trouve dans nos Ifles , & une troifieme qui a un très- grand rapport avec l'Indigo bâtard de Saint-Domingue , ou à une autre efpece qui croît dans la même Ifle, à laquelle on donne le nom de Guatimala. Ces trois efpeces , qui font les feules dont François Ximenès (1 ), Guil- Jaume Pifon (2), François Hernandès & Antoine Recchus (3 ), Jean de Laet (4), & George Margrave ( ÿ ) , ayent traité à fond, font ainfi décrites par ces Auteurs. Defcriprion de l'Annir à petites feuilles. Le Xihuiquilitl-Pitzahuac , c'efl-à-dire, l’Annir à petites feuilles , eft un ar- brifleau qui , d’une fimple racine , pouffe plufeurs fouches hautes de fix palmes, grofles comme le petit doigt, rondes , polies & de couleur cendrée. Ses feuilles refflemblent à celles des Pois chiches (6). Ses fleurs font très-petites & de la couleur d'un blanc-rougeâtre. Ses filiques qui font attachées par floccons aux fouches , reflemblent à des vermiffeaux qu'on appelle A/Corides. Elles font affez groflieres & pleines de femence noire. Cette graine reflemble à celle du Fenu- grec, plate des deux côtés comme fi elle étoit coupée à chaque bout : cette plante eft un peu amere. Les Naturels de l'Amérique , font avec fes feuilles, une teinture qu'ils appellent Tlawhoylimihuir! , dont ils fe fervent pour noircir leurs cheveux. Cette plante vient d'elle-même dans Les plaines ainfi que dans (1) Commentaire des Plantes de la nouvelle Efpagne. Cet Ouvrage imprimé au Mexique , eft très-rare, & nous ne le connoiflons que par les Extraits qui en ont été faits par les Auteurs dont nous faifons mention ci-deflus. (2) Tréfor des Matieres Médicales, Liv. 4, page. 109, & Hüift. Nat. du Bréfil, Liv. 4, page 198. F0 Tréfor des Plantes de la nouvelle Efpagne, imprimé au Mexique en 16$1, pages 108 & 109. (4) Hiftoire du Nouveau Monde , imprimé à Leyde en 1640 ,'Article de la Province propre- + INDIGOTIER. ment dite de Guatimala, Liy.7 Chap. 29, page 240. (s ) Hiftoire Naturelle du Bréfil , par Guil- laume Pifon & George Margrave; mife au jour & augmentée par Jean de Laet, en 1648 , Liv. 2, Chap. 1, page 57. (6) Il fe trouve ici une contradiéion entre la Gravure & la Defcription ; car on voit, dans Her nandès , page 108, Edition de Rome, cette Plante repréfentée avec des feuilles longues & très-pointues des deux bouts: c’eft pourquoinous n’en avons point fait copier la figure, crainte de méprife, H 30 EN D NORME PERL AR ANENT. les montagnes. Quoique quelques-uns la regardent comme une herbe ; il me paroit cependant qu'on doit la ranger dans la claffe des arbriffeaux , puifqu’elle fe foutient pendant deux ans avec beaucoup de vigueur. Or, la maniere de faire cette couleur bleue, que les Mexiquains nomment Mohuicli & Tlecohuirli, & les Caftillans Azz2,, vulgairement Annil , eft telle, Ils mettent les feuilles tirées de cette plante dans un vaiflèau d’airain , & par-deflus ces feuilles de l’eau tiéde, quoique , fuivant quelques-uns , l’eau froide foit préférable. Ils la- gitent violemment jufqu'à ce qu’elle foit chargée d’une forte teinture, après quoi: ils la verfent doucement dans un autre vaifleau qui a un trou aflez élevé au-deflus du fond , par lequel le plus clair de l’eau s'échappe. Celle qui eft la plus trouble & qui eft imprégnée de la fubftance la plus épaifle des feuilles , demeure au fond , & on la filtre à travers un fac de toile de chanvre. On expofe au foleil la-matiere qui refte dans le fac ; puis on en forme des gâteaux, & on acheve de les deflécher en les mettant dans des baffins far des charbons ardents jufqu'à ce qu'ils deviennent bien durs. Defcriprion du Caachira, faire par les Auteurs précédents, & principalemenr par Guillaume Pifon (x ). L A célebre Plante que les Portugais appellent Evra d’ Anir , & les Naturels du pays Caachira , vient ici (au Bréfil) par-tout, quoiqu'on néglige de la cul- tiver pour les ufages de la Médecine & de la Teinture. Il s’éleye de la racine de cette plante (2), diftribuée en quantité de rameaux ligneux, longs & couchés, plufeurs tiges rondes , longues de deux à trois pieds & quelquefois davantage , rampantes fur la terre où elles jettent ça & là des filaments qui y prennent racine , & s'élevent enfuite vers leur extrémité, De ces tiges, qui pour la plupart font couchées far terre , il fort différents jets qui pouflent en haut , fur chacun defquels il en vient encore huit ou neuf, & plus fouvent dix autres également ronds , ligneux &c un peu roux d’un côté. Tous ces jets font garnis de rameaux longs d’un doigt, placés alternativement, dont chacun porte fept ou huit paires de feuilles oppofées deux à deux avec une impaire au bout. Ces feuilles ont au milieu de leur longueur une nervure : elles font un peu plus larges que celles du Trifolium de Dodone , auxquelles elles reflemblent. Il croît à l'aiflelle des rameaux , de petits pédicules qui por- tént cinq à fix petites fleurs & plus, de couleur de pourpre, lavé de blanc, de la figure d'un cafque ouvert, comme celles du Lierre terreftre ou de l'Ortie morte , & d'une agréable odeur. Cette plante vient ça & là dans le Bréfil. (1) Tréfor des Matieres Médicales, Liv. 4, page 109. Hift. Nat. du Bréfil, Liv. 4» page 198, & en quelques Editions , pages $7 & 58. (2) Fig. 4. PL I. Curar. V. Des Indisos 6 Fabriques du Continent de l'Amérique. 3% De/fcription de l'Indigo riche de la terre ferme. XiMENES , Pifon & les autres que nous avons déja cités, ayant donné à la plante dont nous allons parler, le même nom qu'aux deux précédentes , nous nous fommes déterminé à diftinguer celle-ci par un furnom relatif à fa qualité , en attendant que les Botaniftes lui en ayent afligné un propre à fon caractere. Cette plante (r) croît jufqu’à la hauteur de deux ou trois. pieds. Sa tige eft ronde & noueufe, effilée, pleine de fuc, fpongieufe comme les rofeaux, verte & cou- verte ça & là de poils roux. Elle pouffe fur f tige & fur fes branches, des feuilles fans pédicule & {6 touchant de fort près, oppofées deux à deux , longues de quatre doigts ,. étroites & vertes comme celles de la Lyfimaque : elles fonc couvertes de petits poils blancs des deux côtés & un peu rudes au toucher. Il fort des mêmes nœuds où les feuilles font placées , deux pédicules à côté l'un de l’autre, droits & longs de deux ou trois doigts, portant à leur extrémité une fleur ronde de la grandeur de la Paquerette , entourée de diflance à autre de petites feuilles blanches, au milieu defquelles fe trouvent de petites éta mines blanches. Sa racine qui peut avoir environ un demi-pied , eft un peu courbe ; elle jette d’autres petites racines couchées , ligneufes & couvertes d’une écorce brune qui peut facilement fe détacher. Toute cette plante, de même que fà racine , eft tellement pleine de fuc , que fi on vient à rompre une partie de l'une ou de l'autre , il en fort aufli-tôt une couleur bleue. On fait de FAnir en pilant feulement cette herbe, & en la laïffant infufer dans l’eau. On la laifle tranquille pour lui donner le temps de former fon dé- pôt, qu'on fait deflécher au foleil & qui fe vend au poids de l'or. On trouve encore une autre plante qui porte le même nom que Îa précé- dente, (de maniere que celle-ci fait la quatrieme dont il foit parlé au fujet de la nouvelle Efpagne & du Bréfil). Elle donne un bleu foncé, dont les femmes {e fervent pour teindre leurs cheveux en noir. Celle-ci differe beau coup de la précédente par la grandeur & la forme ; car c’eft un arbrifleau mé- diocre qui jette plufeurs racines comme le Sarment , accompagnées de beau- coup de fibres, defquelles fortent plufeurs fouches de couleur cendrée. Ses. feuilles reflemblent à celles du Poivre long; mais elles font un peu plus grandes , & elles ont quelques nervures qui s'étendent fur toute leur lon- gueur. Ses fleurs font blanches. On en tire la couleur de la même façon que de la précédente efpece ; mais elle eft moins belle & moins chere. (1) Fig. $ ,PLIT, ACURE 32 INDIGOTIER. Lirrel. Defériprion de la Culture & Fabrique de l'Indiso à la Caroline. Par William Burck (x). L’IND1Go eft une matiere que l'on tire d’une plante du même nom, que l’on a vraifemblablement appellée ainfi de l'Inde , où on l'a cultivée pour la pre- miere fois, & d'où, pendant un temps bd on a tiré tout celui qu'on Se en Europe. On cultive trois fortes d’Indigos dans la Caroline (2), qui demandent cha- cun un terrein différent. Le premier, favoir celui de France ou d’ Hifpagniola ; poufle un pivot fort long & demande un terrein gras, d’où vient , que bien qu'il foit excellent dans fon efpece , on le cultive peu dans les cantons ma- ritimes de la Caroline, qui font en général fablonneux. Mais il n’y a aucun pays dans le monde où l'on trouve de meilleures terres que celles qui font ici à cent milles de la mer. Une autre raïfon qui empêche de Le cultiver, eft qu'il ne peut réfifter au froid de la Caroline. ( Nous ne rapportons point la defcrip= tion que l’Auteur fait de cette efpece , parce que nous en parlerons amplement en traitant des Indigos de nos Ifles ). . La feconde efpece, favoir , Le faux Guatimala ou Le vrai Bahama, fupporte. mieux Le froid , parce que la plante eft plus forte & plus vigoureufe , & d’ails leurs il eft plus abondant. IL vient dans Les plus mauvais terreins, & c'eft ce qui fait qu'il eft plus cultivé que le premier , quoiqu'il foit moins bon pour la teinture. ( L’Auteur n'entre dans aucun détail fur cette plante ni für/la fuivante ). | Le troifieme eft l'Indigo fauvage , qui étant naturel au pays, répond aufff mieux aux vues du Cultivateur , tant pour la durée de la plante, & la facilité de la culture, que la quantité du produit. On n’eft point d'accord fur la variété de fes qualités, & l’on ignore encore fi elle provient de la nature de la plante, de la température des faifons , qui ont beaucoup d'influence fur la perfe@ion de cette denrée, ou de la maniere dont on le prépare. On plante ordinairement l’Indigo après les premieres pluies qui fuccedent à J'équinoxe du printems. On feme fa graine dans de petites rigoles efpacées l’une de l’autre de 18 à 20 pouces. Lorfque le temps eft favorable , il eft en état d’être coupé au commencement de Juillet. On fait une feconde récolte vers la fin d'Août , & lorfque l'Automne eft tempérée , une troifieme à la Saint-Michel. Il faut farcler tous ies jours la terre où on le plante , en ôter la vermine & donner tous fes foins à la plantation. Une vingtaine de Négres fufifent pour foigner une plantation de $o acres, & pour entretenir la Manufacture ; encore ont-ils (1 )Eiff. des Colonies Européennes , Tome 2, | Septentrionale , entre les 31 & 41. dégrés de la- Fe page 282. titude feptentrionale, (2) Cette Province eft fituée dans l'Amérique aflez Crar. V. Des Indivos & Fabriques du Continent de l'Amérique. 33 affèz de temps pour pourvoir à leur fubfiftance & à celle de leur Maître. Lorfque la terre eft bonne, chaque acre donne 60 à 70 livres d'Indigo , qui valent à pri* moyen $o livres fterlings. On coupe la plante dés qu'elle com- mence à fleurir ; mais après qu’elle eft coupée, il faut prendre garde de ne point la prefler ni la fecouer en la portant dans l'endroit où on la met à rouir ; parce qu'une grande partie de la beauté de l’Indigo dépend de la farine qui eft at- tachée à fes feuilles. L'appareil pour faire l'Indigo eft confidérable, mais peu difpendieux. Il con- fifle en une pompe & quelques cuves & tonneaux de bois de cyprès, lequel eft très-commun & à bon marché dans le pays. Après avoir coupé l'Indigo , on le met dans une cuve d'environ 12 à 14 pieds de long , fur quatre de profondeur, à la hauteur d'environ 14 pouces, pour le faire macérer ; on remplit enfüite la cuve avec de l’eau; au bout de 12 ou 16 heures, felon le temps, l'Indigo commence à fermenter , s’enfle, s'éleve & s’échauffe infenfiblement. On l'ar- rête alors avec des pieces de bois mifes en travers pour empêcher qu'il ne monte trop , & l’on marque avec une épingle Le point de fa plus grande crue. Lorf- qu'il baifle au-deflous de cette marque, on juge que la fermentation eft à fon plus haut dégré, & qu'elle commence à diminuer. On ouvre alors un robinet pour faire écouler l’eau dans une autre cuve qu'on appelle Ze battoir. L'herbe qu'on retire de la premiere cuve , fert à fumer la terre &c fait un engrais excel- lent. On continue à y mettre de nouvelle herbe , jufqu'à ce que la récolte foit achevée, Après avoir fait couler toute l’eau, ainfi imprégnée des particules de l'Indigo dans le battoir , on fe fert d’efpeces de baquets fans fonds , armés d'un long manche pour la remuer & l’agiter, ce que l'on continue de faire jufqu'à ce qu'elle s’échauffe , qu’elle écume , fermente & s'éleve au-deflus des bords qui la contiennent. Pour appaifer cette fermentation violente , on verfe de l'huile deflus à mefüure que l'écume monte, ce qui la fait baïfler aufli-tôt. Après qu'on a ainfi agité l’eau pendant 30 ou 3 ÿ minutes, felon le temps ; car il faut Le battre plus long-temps lorfqu'il fait froid , il commence à fe former de petits grains, ce qui vient de ce que les fels & les autres particules de la plante que l'eau avoit divifées & qui s'étoient incorporées avec elle, font alors réunies. Pour mieux découvrir ces particules , & favoir fi l’eau a été fuffifamment bat- tue, on en met de temps en temps quelque peu für un plat ou dans un verre ; lorfqu’elle paroît telle qu'elle doit être, on fait couler dedans de l'eau de chaux qui eft dans un autre vaifleau, & on agite Le tout légérement, ce qui facilite l'opération. L’Indigo forme des grains plus parfaits ; la liqueur acquiert une cou- leur rougeñtre : elle devient trouble & boueufe , & on la laïfle repofer. On fait enfuite couler la partie la plus claire dans différents autres vaifleaux , d'où on la tire dès qu'elle commence à éclaircir au-deflus, jufqu'à ce qu'il ne refte qu'un limon qu’on met dans des facs de groffe toile ; on Le fufpend durant quel- INDIGOTIER. Ï 34 ÎINDIGOTIER. Lirrel. que temps, jufqu’à ce que l'humidité en foit entiérement diflipée. Pour achever de fécher ce limon , on Îe tire des facs , & on le paitrit fur des ais faits d’un bois porreux avec une fpatule de même matiere, l’expofant foir & matin au foleil à différentes reprifes , mais peu de temps. On le met enfuite dans des boîtes ou caïfles que l’on expofe au foleil avec la même précaution , jufqu'à ce que l'opération foit finie & que l’Indigo foic fait. Il faut beaucoup d'attention & d'adrefle dans chaque partie de ce procédé , autrement on court rifque de tout perdre, On ne doit point laiffer l’eau ni trop long-temps ni trop peu de temps dans Le rouifloir ni dans le battoir : il ne faut la battre qu'autant de temps qu’il eft néceflaire ; & prendre garde en faifant fécher la fécule, de ne tomber ni dans Le défaut ni dans l'excès. Il n’y a que l'expérience qui puifle mettre au fait de ces fortes de chofes..... Il n’y a peut-être point d'article fur lequel on fafle de fi grands profits en ce pays (la Caroline ) , que fur l’Indigo , ni qui exige moins de dépenfe; & il n'y a point de pays où on puille le faire avec autant d'avantage que dans cette Province , vu la bonté du climat. On peut dire à la louange de fes habitans, que s'ils continuent comme ils ont commencé, & qu'ils s’attachent à le faire aufli bien qu'il doit l'être , ils en fourniront dans la fuite à tout l'Univers. Si notre exactitude a répondu à notre intention , Le Lecteur doit connoître à préfent une grande partie des Indigos qui croiflent dans les quatre Continents; nous ayons même porté le {crupule jufqu’à faire calquer la figure de ces plantes, quand nous les ayons trouvées dans les Auteurs qui réfervent quelquefois pour les Planches, l’expoftion des différences les plus eflentielles, fans en prévenir le Lecteur : il trouvera ce qui concerne les Indigos de nos Ifles, dans un Cha- pitre deftiné pour elles feules. Nous avons aufli tâché de lui faire connoître tout ce que les Auteurs nous apprennent d’intéreffant fur les Fabriques étrangeres ; mais on n’auroit qu'une idée bien fuperficielle de celle de l’Indigo dans nos Colonies , fi l’on £ bor. noit à cette fimple connoiffance. Car , fi d’un côté notre pratique eft en prefque tous fes points beaucoup plus expéditive, d’un autre côté notre méthode de- mande aufli beaucoup plus de fcience que toutes les autres ne paroïffent en exiger. C'eft ce qui va faire le fujet du Chapitre fuivant. Cuar. VI. Eléments de la F abrique de l'Indigo. 35 CO AN ER IR RES CI X IE M. EE: Eléments de la Fabrique de l’'Indigo. La théorie de cette Fabrique, eft fondée fur la fermentation des végétaux qui font fujets à pafler de l’état ardent ou fpiritueux , à l’état aigre ou acide , & de là au putride > lorfqu'ils font long-temps à infufer dans une certaine quantité d'eau. Suivant ces principes , l’Indigo peut éprouver fucceflivement ces trois révo- lutions ; mais la pratique enfeigne que le genre fpiritueux eft le {eul conve- nable à fa manipulation , parce que la crife acide étant peu {enfble , l'herbe femble pañler tout d'un coup de l'état Le plus fpiritueux & Le mieux marqué, à la putréfaétion qui lui eft entiérement & uniquement préjudiciable ; ce qui eft caufe que les Indigotiers ne font aucune mention du genre acide dans leur pro- cédé ; ils divifent feulement la fermentation ardente en deux temps ou dégrés. Ils nomment le premier dégré pourriture imparfaire | & le fecond , bonne ou par- faite pourriture. Quantau genre putride ou alkalefcent , ils appellent pourriture excédeée, & ils n'omettent rien pour l'éviter. La pratique enfeigne encore , que pour tirer parti de l'extrait , il faut Le fou- tirer de la cuve où il eft confondu avec la plante, & enfuite le battre ou l’a- giter pour réduire tous les principes propres à la formation de l'Indigo , à l'état d’un petit grain diftinét & d'un facile égout , auquel on ne parvient sûrement , que par la voie du battage, Car, fi on abandonnoït une cuve de l'ex- trait à elle-même, à deflein d’obtenir la fécule fans le {ecours du battage , elle tomberoïit en putréfaétion , & Les principes imperceptibles du grain , deflitués de leur apprêt néceflaire pendant le temps convenable , ne fe dépoferoient que fous la forme d’une vafe fluide & incapable de s’égoutter ; c’eft pourquoi on ne differe guere Le battage d’une cuve , à moins qu’on ne foit dans Le cas d'attendre l'extrait d’une autre pour les battre tous deux dans le même vaifleau , lorfqu'il n'y a pas grande différence entre leurs bouillons ; ou bien quand on s’apperçoit que l'extrait paflé dans la batterie, n’a pas aflez fermenté , alors on en fu£ pend l'opération, afin de lui donner Le temps de fe perfectionner, Cette der- niere manœuvre démontre que la décantation n’arrête point le cours général de la fermentation de l'extrait, & la néceflité de le battre fuivant l'ufage ordi- naire. Mais l’Art n'indique point de regle précife fur la durée de la fermenta- tion & fur la mefure du battage, parce que ces deux points dépendent de la qualité ou du corps de l'herbe , & cette qualité de la nature des veines de terre où l’herbe a crû , & de l’altération des faifons qu'elle a éprouvée tandis qu'elle + LS étoit fur pied. Le terme de la fermentation & du battage, dépend encore du temps froid ou chaud , pluvieux ou fec, pendant lequel l’herbe ou fon extrait reçoi- vent ces différents traitemens, & du degré de chaleur ou de fraîcheur de l'eau dont on fe fert; ce qui rend la pratique de cet Art variable , obfcure & fujette 36 INDIGOTIER. Livre I à beaucoup d'erreurs. Ces difficultés dont nous rendrons un compte plus exaét par la fuite, & des pré- cautions convenables à ce füjet , font caufe qu’on a cherché plufeurs fois Le moyen de fupprimer une partie de ce travail, appellé /e barrage de l'extrait. Mais il paroît que jufqu’à ce jour aucune de ces tentatives n’a parfaitement réuffi , ce qui n'eft point furprenant ; parce qu'il faudroit vraifemblablement trouver un précipitant qui pôt agir également fur les principes de l’Indigo , foit dans le temps qu'ils éprouvent la fermentation vineufe, foit dans celui où ils fubiffent l’impreflion de la fermentation acide, puifque l'extrait fe trouve fouvent dans ce dernier cas, fans qu'on s'en apperçoive. Il faut cependant convenir que Rumphe (1), Burck (2) & Han-Sloane (3), nous difent que la poudre de chaux vive pañlée au tamis, entre dans la prépara- tion de lIndigo des Indes ; que l’on fe fert à la Caroline d'eau de chaux, pour le dépouillement ou la clarification de l'extrait ; & qu'à la Jamaïque , on répand de l'urine fur une petite partie de l'extrait, pour connoître la difpofition des prin- cipes ou des molécules à une aggrégation qui conftitue le grain. On doit encore _ ajouter que l'effet de ces mélanges n’eft point entiérement ignoré dans nos fles ; mais les premieres tentatives qu’on a faites avec la chaux , n'ayant peut-être point été faites avec toute l’exatitude & la fcience requifes , il en a réfulté un Indigo blanchâtre qui a dégoûté de les renouveller. Quant à l'urine, on reconnoît aflez communément qu’elle a la propriété de précipiter le grain plus ou moins parfaitement , fuivant la perfection de la fermentation & du battage ; mais il ne paroît pas qu'on ait cherché à tirer parti de cette connoiflance. On fent d’ail- leurs combien il {eroit difficile & défagréable d'en vérifier toute l'efficacité par des expériences plus grandes & mieux approfondies , & encore moins celle de la alive, à laquelle on attribue la même propriété. M. Duhamel , de l'Acadé- mie des Sciences , dont les vues s'étendent à toutes fortes d'objets utiles, & qui avoit autrefois été confulté fur celui-ci, penfe qu'une diflolution d’alkali phlo- giftiqué, à peu-près comme celui dont on fe fert dans la préparation du bleu de Prufle (4) , feroit un des moyens qu'il conviendroit Le plus d'effayer d'après Les indications ci-deflus mentionnées. | Ïl nous paroît cependant qu'entre toutes les matieres tirées du regne animal, ou végétal , celles qui ont une qualité vifqueufe ou mucilagineufe , font au (1) Voyez le fecond Extrait de lHerbier d'Am- (4) On peut voir dans le Dictionnaire de Chi- boine , Fabrique des Chinois. mie, par M. Macquer, de l’Académie des Sciences, (2) Voyez Fabrique de la Caroline. au mot Bleu de Pruffe, la maniere de phlogiftiquer (3 ) Hiftoire Naturelle dela Jamaïque, Vol. 2, | l’alkali, & les métamorphofes que produit le phlo- page 34 & fuir. 1 giftique, moins Cuar. VI. Eléments de la Fabrique de l'Indigo. 37 moins très-propres à aider lArt dans cet objet. Car, indépendamment de ce qu'on pourroit dire à ce fujet touchant la tolle de poiflon dont on fe fert pour clarifier le vin, & de l’analogie de cette colle avec les autres mucilages , d'où on pourroit inférer une égalité d'effets de la part de ceux-ci, pour la clarifica- tion des liqueurs végétales qui viennent de fubir la fermentation ardente ; des perfonnes dignes de foi ( 1), m'ont encore afluré que de jeunes branches de Bois-canon ( 2), concaflées puis battues dans une terrine remplie d’eau avec quelques racines de Sénapou ( 3) ; pareillement concaflées , forment un muci- lage qui a la propriété de faire caler ou dépofer en très-peu de temps toutes les parties de l'extrait que le battage a réunies fous la forme de grain ; mais , comme on vient de le dire , il faut toujours qu'un battage convenable précede l'addition de la liqueur combinée du Boïs-canon & du Sénapou , & qu'on la mêle enfuite pendant quelque temps avec celle de l'extrait de FIndigo pour en obtenir fur le champ Le réfidu ; après cette opération , la liqueur qui le fürnage , quoique co- lorée en jaune devient très-claire, & c'eft le temps où il convient de l’écouler pour retirer la fécule qui refte au fond du vaiffeau. Les perfonnes de qui je tiens ce procédé , dont ils n’ont point fuivi les détails , n’ont pu me dire la quantité de Bois-canon & de racine de Sénapou qu’on doit employer pour clarifier une cuve; mais il entre toujours dans cette compoftion beaucoup plus du premier que du dernier ; au refte deux ou trois expériences faites far de petites quantités, fuffifent pour mettre un Indigotier au fait de la dofe, qui n'exige pas une extrême précifion, Nous indiquerons par la fuite les occafons où il feroit Le plus à propos d'en faire ufage ; parce qu’à la rigueur on peut s'en pañler , & qu’on fait tous les jours de l'Indigo fans cet ingrédient. La queftion fur la découverte du véritable précipitant, refte donc indécife ; mais il y a tout lieu de croire qu'un habile Chimifte parviendroit à la réfoudre , s'il étoit fecondé dans une opération fi intéreflante pour tous les Indigo- tiers. - Les éclairciffements que fourniflent la théorie & la pratique , fur Les objets dont nous avons parlé ci-devant, font, que la fermentation eft abfolument né- ceflaire au développement de tous Les principes de l’Indigo : (x) M. Des Rofes, le cadet, Officier des | ment flante & approchante du mucilage du Bois: Troupes Nationales à Cayenne, & un Miffion- naire de cette Colonie, qui ne m’a pas permis de le citer. | (2 ) L'arbre qui porte ce nom à Cayenné, s’ap- pelle à Saint-Domingue Bois-trompette. Quand cet arbre, qui devient fort haut, a acquis une certaine grandeur, il eff tout creux, & on en fait aflez fouvent des dales en le fendant fur fa longueur. Le charbon de ce bois eft très-léger & propre aux feux d'artifice. Quelques réflexions nous font penfer que les goufles de Gombeau, dont la décoftion forme une fubftance extrème- ÎINDIGOTIER. canon, pourroient, à fon défaut, lui êtres {ubfi- tuées. (3) Efpece de petit arbriffeau qui porte à Saint: Domingue le nôm de Bois a enivrer. La confiftance & la fubftance de fa racine reflemblent à celles de la Guimauve; quand on s’en frotte les dents, élle produitavec la falive une éfpece d’écume 3 fon goût approche du Creffon de fontaine , mais il eft bien plus ftimulant , & j'ai fouvent éprouvé qu’il excitoit une longue falivation. On fe fert généralement à l'Amérique de cette raciné pour enivter le poiflons K_ 38 IN DIGOTIER.LIrRrE Î. Que plus elle eft violènte , plus l'abondance de fes efprits forme d’obftacles à la prompte réduétion de fes principes en grain: Que l’objet effentiel du battage , eft de favorifer & d'accélérer l'évaporation de ces efprits , afin de faciliter l’aggrégation des molécules du grain: Et qu'enfin le pañlage de l'extrait de l’état fpiritueux à l’état acide & putride, avant la formation ou la liaifon complette du grain , eft la caufe principale de toutes les variétés du battage. Nous allons maintenant rendre compte du plan & de l’ordre du refte de cet Ouvrage, qui n'a plus pour objet que la Fabrique de l'Indigo proprement dit, tel qu'il fe fait dans nos Ifles de l'Amérique , & particuliérement à Saint-Do- mingue. C'eft ce qui va faire la matiere du fecond & du troifieme Livre. Dans le fecond, j'expoferai la fabrique de l'Indigo , & je parlerai de la Plante qui le produit. Dans le troifieme , j'examinerai la théorie de cette fabrique. Dans le premier Chapitre du fecond Livre , j'ai renfermé tout ce qui a rap- port à la conftruétion & fabrique des bâtiments, des vaifleaux & uftenfiles né- ceflaires à une Indigoterie , parce que ce travail précede tous les autres, & afin qu'on ne foit plus dans le cas de perdre de vue les opérations fuivantes , qui ont ane liaifon intime entrelles. | Le fecond Chapitre s'étend fur les différentes efpeces & qualités d’Indigoferes, connus dans nos Iles, & für les accidents auxquels chaque efpece ef partieu- . liérement fujette, depuis la plantation de fa graine jufqu'à fa récolte. La nature & l’expofition du terrein Îe plus favorable à l'Indigo , {à culture & la maniere de l'arrofer , font le fujet du troifieme. Le quatrieme expofe la qualité des eaux Les plus propres à fa fabrique , avec les préparatifs & la defcription générale de la fermentation & du battage. Ce Chapitre eft terminé par une inftruction générale fur l'économie & l'exploitation d'une habitation à Indigo. | Le troifieme Livre renferme deux Chapitres. Le premier a pour objet efentiel la fermentation de lherbe, & le fecond traite direétement du battage ou ma- nipulation de l’extrait. Nous avons placé à la fin de cet Ouvrage , un Tableau des qualités & des prix de l’Tndigo. On trouvera enfuite les Planches des figures avec leur explication à côté , & en dernier lieu une Table alphabétique des Matieres. On me reprochera peut-être les longs détails & les fréquentes digreffions où je fuis tombé dans le cours de cet Ouvrage ; mais je les ai cru nécefläires pour conferver des particularités intéreflantes, & les progrès d’un Art qui décline tous les jours dans nos Colonies de l'Amérique , & qui ne fe relévera dans 1a faite que par Le prix exceflif de l’Indigo , occafonné par la châte & la diminution de quantité de fes Fabriques. Au furplus, j'ai puifé le fond de la pratique de cet Art, dans les meilleurs Cnar. Vi. Eléments de la Fabrique de l'Indigo. 39 Auteurs que j'ai pu connoître ; Le refte eft tiré de mes obfervations , pendant une adminiftration de plufeurs années d’une Indigoterie, & des avis qui m'ont été communiqués par d’habiles Indigotiers que j'ai confultés depuis que j'ai en- trepris cet Ouvrage, fur lequel j'ai réuni toute mon attention pour le rendre utile à nos Colons, digne du Public, & des fuffrages de l'illuftre Académie à qui jai l'honneur de le préfenter. | Fin du Livre premier. LIVRE SECOND. CHAPITRE PREMIER. Des Bétiments , Vaifleaux & Uflenfiles. EF E terme d'{rdigorerie {ert à défigner en général un terrein où l’on cultive lindigo ayec les Bâtiments , Vaifleaux, Negres, & Uftenfiles propres à {a Fabri- oue(t); & il s'applique fpécialement aux cuves de maçonnerie deftinées à ce travail. Dans c& dernier fens , chaque Indigoterie et un compoté de trois vaif- feaux attenants l'un à l'autre, & fe joignant ordinairement par des murs mi- toyens ( 2). On füppofe ici que Les cuves font de maçonnerie , quoiqu'on n'i- gnore pas qu'en certains pays on les fait en bois, ce qui doit néceflairement occafonner , dans Les difpofitions dont nous parlerons ci-après , quelques diffé- rences auxquelles le Leéteur & l'Ouvrier fuppléeront d'eux-mêmes. Ces trois vaifleaux font difpolés par dégrés, de maniere que l’eau verfée dans le pre- mier , tombe par des robinets dans le fecond, du fecond dans le troifieme » & du troifieme dehors (3 }. Le premier de ces vaifléaux À, P/. 4, fo. $ , appelle Trempoire ou Poutri- cure : C'eft dans cette cuve qu'on met l'herbe, afin de l'y laifler macérer & fermenter. Le fecond vailleau PB , PL. 4, fiv. $ , e nomme Batterie , parce que c’eft dans celui-ci qu'on fait pafler l'extrait qui a fübi la fermentation, afin de le battre & de le traiter de la maniere qu'il convient. Le troïlieme vaifleau C , PL. 4, fig. $ , qui, à proprement parler , ne forme qu’une efpece d'enclos , s'appelle Repofoër ; le fond de ce vaifleau préfente dans fa plus grande partie un plan , & vers un des côtés de ce plan , un petit bañlin X, PI. 4, fig. 4 G S , appellé Baffinor ou Diablorin. Le Diablotin ou Baflinot , creufé dans le plan du Repofoir , eft un petit vaif {eau particulier deftiné à recevoir la fécule fortant de la Batterie. Il doit être pra- tiqué au-deflous du niveau du fond de ce plan, & de maniere à toucher le mur de la Barrerie. On le place ordinairement droit au milieu de ce côté, & quelquefois dans une des encoignures , mais toujours du côté de la Batterie. Il eft muni d'un petit rebord , afin d'empêcher l'eau, qui pourroit fe trouver fur le fond du Repoloir , d'y refluer. (1) Voyez PI. 6. (2) Voyez PL. 4, fig. 1,465. (3) Voyez PL 4, fig. 5. A, B,C, : 6 Car. I. Des Bätimenrs , Vaiffleaux @ Uflenfiles. AÎ Ce que nous venons de dire ici touchant l’affemblage de ces trois vaifleaux , n'a rapport qu'aux Indigoteries fimples ou détachées les unes des autres; car lorfqu'il convient d'établir plufieurs Pourritures enfemble , on diminue de moitié le nombre des Batteries, & conféquemment celui des Diablotins. On trouvera dans le plan des Indigoteries compofées , toutes les difpofitions relatives à cette économie ( I ). À Le fond de ces trois grands vailleaux eft plat , avec une pente d'environ 2 à 3 pouces, pour faciliter l'écoulement des uns vers les autres. Le fond du Diablotin X , PL. 4, fig. 4 © ÿ , préfente une figure concave, dont le contour eft rond ou ovale. On avertit qu'il doit encore fe trouver dans le fond même du Diablotin , une autre petite foffette P, ou forme ronde reflem- blante à celle d’un chapeau ; c’eft dans cette efpece de forme ou foffette, que l’on acheve de puifer , avec un côté de calbaffe , le refte de la fécule qui y def cend naturellement. | Le premier vaifleau A, PL. 4, fig. $, doit avoir au moins une bonde X, avec fon robinet ou daleau Æ , de trois pouces de diametre , Le tout fuivant la gran- deur de la cuve. Le fecond vaifleau B, PL. 4, fie. $ , préfente une bonde F, perpendicu- laire au Bafinot , avec trois robinets ou daleaux d'environ 3 pouces de diametre. Ces robinets font élevés de 4 pouces les uns au-deflus des autres: les deux pre- miers fervent à écouler en deux reprifes l’eau qui furnage la fécule après Le battage. Le troifieme daleau, qui eft néceflairement perpendiculaire au Diablotin , eft deftiné à l'écoulement de [a fécule dépolée au fond de la Batterie, au niveau duquel il doit être & même tant foit peu plus bas. Le plan du ford du troifieme grand vaifleau C, PL. 4, fig. $ , au lieu de bonde, a une ouverture ©, au bas du mur , d'environ 6 pouces en quarré, tou jours libre , qui répond au canal de décharge , nommé /a vuide. Le Diablotin À , & la petite forme P , qui fe trouvent enclavés dans le troi- fieme vaifleau €, PL 4, fig. $ , n'ont befoin d'aucune iflue, puifqu'on en retire toute la fécule jufqu’au {ec par Leur ouverture. Les bondes X font de bois incorruptible, équarries & placées dans le courant de la maçonnerie , à la demande de l’écoulement de chaque vaifleau. Cesbondes font percées felon leur longueur pour former Les daleaux; la hauteur & Ja lar- geur de chaque piece, font proportionnées à la quantité & à la largeur des trous qu'on y fait, & leur longueur fe mefure fur l'épaiffeur du mur où elle eft placées obfervant que les deux bouts fe trouvent de niveau aux deux côtés du mur, Les chevilles avec lefquelles on bouche les daleaux font rondes , & de même bois que les bondes. Les habitations où l’on fabrique l’Indigo ont , fuivant leur étendue, plufeurs (1) Voyez Jis. 1, PL y INDIGOTIEZ. L 42 IN DIGOTIER. Livre Il corps de maçonnerie femblables, proches ou éloignés les uns des autres , pour la commodité de l'exploitation , & alors on Les défigne quelquefois par Le terme de pourriture ou d'équipage , au lieu d'Indigoterie. | La Planche 7, figure r , repréfente plufeurs de ces équipages réunis ; & l’on voit que par leur affemblage on peut diminuer de moitié Le nombre des Batteries & des Diablotins. Lorfqu'on à deflein de conftruire une Indigoterie en quelqu'endroït, on doit examiner ayant toutes chofes, sil eft poffible d'y amener l’eau de quel- que riviere ou de quelque ravine pour remplir Les cuves ; car , fi on eff privé de cet avantage , il faut indifpenfablement creufer aux environs du lieu où l’on fe propofe de former cet établiflement, un puits fe. 2, PL 4, fans l’eau duquel les plus beaux ouvrages deviendroient inutiles. Quand on eft sûr d'en avoir, de quelque façon que ce foit, on peut alors commencer Le travail des Indigoteries , en obfervant les regles fuivantes : On établit les Indigoteries fur quelque butte ou élévation naturelle ou arti- ficielle fuffifante à un écoulement qui ne foit fujet à aucun reflux. Mais on eft quelquefois obligé de Les placer fort bas, quand on eft à portée de profiter des eaux d’une riviere ou d'un ruifleau pour remplir la Trempoire. Il fufit que la Batterie ait un débouché au-deflus du niveau des eaux voifines, obfervé dans la faifon des pluies , afin que l'écoulement en foit toujours afluré. On donne au premier vaifleau , ou la forme d’un quarré parfait , ou celle d’un quarré un peu oblong ; mais quelle que foit cette figure , les bords & la profon- deur en font toujours de la maniere fuivante. Voici les regles qu'on obferve à l'égard des Trempoires dont l'ouverture préfente un quarré élongé. Si la longueur du premier vaifleau À, eft de dix pieds , fa largeur eft de 9, & fa profondeur de 3 pieds, y compris un petit talus R , haut d'environ 6 pouces , dont la pente toute intérieure forme comme une efpece de rebord à la cuve. Lorfque fa longueur eft de r2 pieds, fa largeur eft de ro fur la même profon- deur, & le refte de la même façon. Quand f3 longueur eft de 18 à 20 pieds, on-lui donne 16 à 18 pieds de largeur , fur 3 & demi & même 4 pieds de pro- fondeur. Cette derniere proportion paroît fur-tout convenable à ceux qui portent jufqu'à 20 pieds quarrés en tous fens, obfervant toujours la même façon que nous avons dite à l’égard des bords ; mais il eft dangereux de faire ces vaifleaux trop grands, parce que la fermentation ne peut y être fi prompte ni fi égale que dans ceux qui font d'une médiocre étendue, & que le produit d'une grande cuve eftde beaucoup inférieur à celui de deux autres qui contiendroient enfemble la même quantité d'herbe : aufli l’ufage eft-il en général de fe borner à celles qui contiennent quarante charges ou paquets d'herbe, ce qui revient à la capacité de la cuve dont nous avons donné les premieres proportions ; ou à celles qui Cuar. I. Des Bätiments, Vaiffeaux & Uftenfiles. 43 ont 10 pieds tant en longueur qu'en largeur , & qui peuvent contenir ÿo Char- ges de Negres. Comme l'Indigo bâtard occupe beaucoup plus de place dans la cuve, pour les raifons qu'on verra dans la fuite, & rend beaucoup moins de fécule que l’Indigo franc , on met celui-ci dans les plus petites cuves, & on fe fert des plus grandes pour le bâtard. Quoique l'étendue du fècond vaifleau B , PL. 4, fig. 4 6 ÿ, n'influe pas fur la quantité & fur la qualité de l'Indigo , il eft cependant néceflaire , pour la ma- nipulation du battage , d'en reflerrer Les bornes & d'en relever confidérablement les bords ; mais pour le conftruire convenablement, il faut avoir égard à deux points très-eflentiels à fa parfaite exécution. Le premier, eft d'obferver le niveau du fond S , PZ, 4, fig. 4 G$, de la Trempoire A, qu'on eft quelquefois obligé de tenir fort bas, pour en faci- liter le rempliflage. Le fecond , eft d'examiner fi, à trois pieds ou à trois pieds & demi plus bas que le niveau du fond de la Trempoire , on peut placer le fond T°, PL. 4 fig. ÿ » de la Batterie , de maniere qu'elle ait un écoulement de fix pouces au-deflus du plan du Repofoir ; & que Le Repofoir ait une décharge conve- nable dans quelque foffe ou marre voifine: car, s’il n'étoit pas poflible de remplir ces conditions préalables , il faudroit élever Le fond de la Trempoire juf. qu'à ce qu'on püt les accomplir. Lorfqu'on eft sûr de pouvoir les obferver, on peut alors déterminer l’étenduë de la Batterie qui doit toujours être plus longue d'un , deux ou trois pieds dans un fens que dans l’autre ; mais cette étendue ne peut {€ régler que d'après Le calcul de la quantité de pieds cubes d'eau que doit contenir la Trempoire lorfqu'elle eft remplie d'herbe, & que l’eau eft à fix pouces de fes bords. C’eft pourquoi il faut d'abord maltiplier la quantité des pieds de fa longueur , par celle de fà largeur , & multiplier enfuite Le produit de ces deux grandeurs, par le nombre des pieds de {à hauteur, fans y com- prendre les rebords qui font de fix pouces. Lorfqu’on a fait cette feconde multi- plication & tiré fon produit, on en fouftrait la troifieme partie pour la place que l'herbe occupe dans ce vaifleau ; ce qui refte après la fouftraétion , égale La quantité de pieds cubes d’eau que doit recevoir le baflin de la Batterie , auquel :l faut donner une telle proportion que fà longueur multipliée par fa largeur donne un produit, qui étant multiplié par trois pieds ou trois pieds & demi de profondeur , forme une quantité de capacité égale à la quantité du volume d'eau, trouvée au calcul de la Trempoire. Il faut fuppofer qu’on éleve enfuite fur Les murs Y, PL 4, fe. $ , du bain de la Batterie , une maçonnerie de deux pieds de haut, pour fervir de rebord à ce vaifleau , ce qui lui donne en tout $ à ÿ pieds & demi de hauteur, fur-tout quand on fe fert de Negres & de buquets pour battre la Cuve ; car on diminue Les bords de fix pouces lorfqu’on fait mouvoir Les buquets par un moulin. 44 INDIGOTIER, Livre IL On obfervera ici que le côté Le plus étroit de la Batterie fe trouve toujours en face de la Trempoire , à moins qu'on ne foit dans le cas de faire battre plufieurs vaifleaux à la fois par des moulins à l'eau ou à mulets, ce qui néceflite alors une direction toute oppofée , comme BP , fie. 1, PI. 7. Les bords de la Trempoire forment , comme nous avons dit , une pente inté- rieure , au quart d'équerre , d'environ fix pouces. Les bords du fecond vaiffeau ont auf une petite pente , mais elle eft moins forte vers le dedans; ceux du Repofoir font plats. Ce troifieme vaifleau n’a pas une étendue déterminée , néanmoins le mur qui lui eft mitoyen avec la Batterie , {ert ordinairement de mefure à fa lon- gueur, pour ce côté là & celui qui le regarde en face ; 6 ou 7 pieds fuffifent pour chacun des deux autres côtés de fa largeur. Le Diablotin ou de Baflinot X , fo. 4, PL. 4, un peu échancré du côté qu'il touche au mur de Îa Batterie , eft profond de deux pieds y compris la forme ou foflette P , & large de deux pieds & demi & même plus, füivant la grandeur des premiers vaifleaux. La foffette peut porter $ à 6 pouces de diametre & autant de creux, La hauteur des murs contournants du troifieme vaifleau ©, fe. 4, PL 4, Qui vont fe réunir au mur mitoyen de la Batterie B , eft d'environ trois pieds &c demi à quatre pieds, en comptant Le fond J7 du Repotoir €, fs. 5, PL 4, à 6 pouces au-deflous du dernier robinet de la Batterie. On pratique vers un des coins du Repofoir & du côté du mur mitoyen de la Batterie, qui lui {ert d’ap- pui, un petit efcalier L, fo. x, PI 4, pour Yÿ defcendre & en fortir à vo- fonté. | La maçonnerie de ces vaifleaux & {ur-tout du premier , doit être faite avec beaucoup de précaution & toute la flidité poflible , pour être parfaitement étanche & réfifter aux*violents efforts de la fermentation ; c’eft pourquoi on en prépare Les fondements par un maflif de roches féches, bien garnies & pilonées, avant d'en maçonner Le fond & les murs qui lui fervent de revêtement. On donne au mur de ce premier vaifleau rÿ , 20, & même24 pouces d’épaifleur, fur-tout lorfqu'il a vingt pieds quarrés ; 12 à 15 pouces fuffifent à l’épaifleur des autres vaifleaux ; mais on doit toujours en travailler Le fond & tout ce qui eftca- ché fous terre ayec grande attention , de crainte que les fources voifines , ou les eaux qui proviennent de l'égout des terres , ne s'y infinuent. On n’emploie d’or- dinaire à la liaifon de ces fortes d'ouvrages , qu'un mortier de fable & de chaux, quoique dans les quartiers où elle eft extrémement rare ou chere , on fe ferve avec fuccès de terre grafle pour les ouvrages qui font expofés en plein air ; mais on en recrépit toujours l'extérieur avec de bon mortier à chaux & à fable, & l'intérieur avec du ciment fait comme nous allons dire. Lorfque toute la maçonnerie eft bien féche , on fait un ciment compolé de chaux & de briques pilées & pailées au tamis, dont on enduit exactement tout l'intérieur & Les bords des vaifleaux ; on a foin de polir l'ouvrage à mefüure qu'il {éche, Car. I. Des Bériments , Vaiffeaux & Uflenfiles. 4ÿ féche , avec des truelles fines , & enfuite avec des cacones dont l'écorce eft très- dure & très-polie , ou avec des galets de riviere ; ce qui demande l'application de plufieurs Negres enfemble pour prefler Le ciment à mefure qu'il feche , & l'empêcher de laifler des gerçures. Comme il ne faut qu'une fente très-médiocre pour faire écouler une cuve toute chargée, on doit prendre , fitôt qu'on s'en apperçoit, des coquilles de mer de quelque efpeces qu'elles foient, & les piler fans Les faire cuire ; on les réduit en poudre, & on les paffe par Le tamis. On prend enfüite de la chaux vive aufli pañlée au tamis ; on mêle ces deux parties enfemble, & on les délaye avec autant d’eau qu'il en faut pour en compofer un mortier ferme , dont on remplit en diligence la fente de la cuve; il en arrête fur le champ l'écoulement. D’autres réparent les fentes des Indigoteries de la maniere fuivante: On ouvre & on élargit intérieurement la fente en forme de rigole évafée , & de la profondeur de fept à huit pouces depuis Le haut jufqu'en bas. On gratte les bords des petites fentes qu'on ne juge pas à propos d'ouvrir , comme le refte , & on en remplit Le vuide avec un ciment compofé de parties égales de chaux vive , de brique pilée & ta- mifée, & de mâche-fer réduit en poudre, le tout délayé avec le moins d’eau qu'il eft poflible. On prépare à l'Ifle de A ste dont voici la compoñition. On fait dif: foudre des coquilles de mer dans du jus de citron; on tire le réfidu prove- nant de cette diflolution , & on le mêle avec des blancs d'œufs pour en faire le maftic avec lequel on bouche parfaitement les fentes des Indigotéries. Le renom du ciment de la Chine, appellé Sarangouffi , nous engage à joindre fa recette à toutes les précédentes , quoiqu'on n'ait pu nous en donner les pro- portions. Ce ciment fe fait avec du Brai fec, de l'huile de Cocos, qui peut & remplacer par de l'huile de Noix fécative , & de la chaux#ive tamifée. O1 com- pole de ces trois parties une pâte que l'on bat fur un billot à coups de mañe , jufqu’à ce qu’elle devienne filante , maniable & propre à en faire ce qu'on juge à propos. Cette pâte devient extrémement dure dans l’eau, & blanchit comme la porcelaine , ce qui fait qu'on s'en fert auflt pour recoller les vafes de cette efpece, Ceux qui n'ont pas Le temps où la commodité de compofer ces maflics , peuvent fe fervir du ciment ordinaire , qui étant bien fin , un peu clair & appli qué convenablement , produit le même effer. On doit outre cela avoir attention d'entretenir toujours une certaine quantité d'eau dans les vaifleaux qui doivent refter quelque temps en repos , afin que fa chaleur exceflive n’y occafonne pas de femblables dommages. Lorfque ces travaux font finis, on drefle , avec quelques fourches plantées en terre , un ajoupa ou efpece d'appenti fur le Repofoir , pour méttre l'Indigo fou- tiré , & les Negres à l'abri. Quelques habitants font cet ajoupa aflez grand pour couvrir aufli la Batterie & même la Trempoire. INDIGOTIER. M 46 IN DIGOTIER. Livre Il. Il eft conftant qu'il feroit très-avantageux d’avoir ce dernier vaifleau à l'abri d’une pluie continuelle ou d’un violent orage ; car la fraîcheur & l'abondance de ces eaux retardent la fermentation & troublent les indices qui fervent à en faire connoître le jufte dégré ; d’ailleurs il n’eft pas bien décidé que le trop grand air & l'extrême chaleur occafionnée par les rayons du foleil, foient les moyens les plus prompts pour exciter la fermentation ; ainfi on s’abfient de blà- mer aucun de ces ufages , qui ne paroiflent pas occafonner une différence bien fenfible fur la qualité de l'Indigo ; ce qui eft caufe que la plupart regardent cette couverture comme inutile fur la Pourriture. Il faut {eulement avoir attention , quand on travaille à découvert dans un temps de pluie , de ne pas mettre tout-à- fait la même quantité d’eau dans la cuve. Comme il eft abfolument néceflaire d'empêcher la trop grande dilatation de Vherbe dans la Trempoire ou Pourriture A, fig. 1 & 4, PL. 4, dont elle fur- monteroit bientôt les bords , on plante à la profondeur de trois pieds en terre, quatre poteaux D, fig. 1 G 4, PL 4, de bois incorruptible, vers Les quatre coins extérieurs du travers de la longueur de cette cuve; favoir , deux d’un côté & deux de l'autre, vis-à-vis Le quart de la longueur du vaifleau. Ces poteaux qu'on appelle les Clefs, s'élevant hors de terre à la hauteur d’un pied fix pouces au-deflus des bords de la Pourriture, préfentent chacun vers leur extrémité , une mortaife de fix pouces de large & longue de dix. Ces mortaifes font deftinées à recevoir des barres G, fig. x & 3, PL 4, ou foliveaux qui paflent direétement d'une clef à l’autre par-deflus toute la largeur de la trempoire , & en même temps les coins ou couflinets par lefquels on aflujétit Les barres dans les mortaifes. Les barres de ces clefs font équarries de fix pouces fur les quatre faces , & quelque- fois de fix fur huit. Lorfqu'on a chargé da cuve , ou que l'herbe y eft embarquée , on couche par- deffus & felon la longueur de la cuve, des palifflädes ou planches 7, fg. 4, PL. 4, de Palmifte tout près les unes des autres, & fur leur travers deux ou trois chevrons /7. Les traverfes ou chevrons qui appuient fur ces paliflades , font des pieces de bois équarries de fix pouces fur les quatre faces ; on les aflujétit en cet état par le moyen des coins ou étançons pofés entrelles & les barres des clefs. La partie des poteaux ou clefs cachée en terre , doit avoir environ un pied & demi de diametre ; celle qui eft dehors & qui furpafle la cuve d’un pied & demi ; doit avoir dix à douze pouces d’équarriflage , afin de füpporter le travail & l’ou- verture des mortaifes qui doivent être proportionnées aux barres dont nous avons parlé ci-deflus. Trois fourches AV, fig. x , PL 4, ou courbes de bois plantées en triangle des deux côtés de la Batterie ; favoir, deux d’un côté & un au milieu de l’autre bord, fervent de chandeliers ou d'appui au jeu des Buquets O M, fig. 1 , PL. 4, em ployés à battre & agiter l'eau de cette cuve. Il y a des quartiers où l'on bat avec quatre buquets , & où par conféquent on met deux fourches d'un côté & deux Cuar. I Des Bérimenrs, Vaiffeaux & Uffenfiles. 47 de l’autre, mais toujours dans une pofitionalternative , comme les trois dont nous venons de parler. Le buquet eft un inftrument compofé d’un caiflon M, fig. 1, PL 4, fans fond , uni à un manche O. Ce caiflon eft formé de l’affemblage de quatre mor- ceaux de fortes planches. Il reflemble à une petite crêche, ou à un pétrin de Boulanger, dont on auroit levé la couverture & le fond ; ainfi l'ouverture fupé- rieure en eft beaucoup plus large que l'inférieure ; mais les deux bouts de ce caïflon font perpendiculaires ou verticaux, c’efkà-dire, qu'ils ne s'évafent point du tout. La longueur du buquet eft de douze à quinze pouces; fa largeur fupé- rieure de neuf à dix pouces ; l’ouverture inférieure eft de trois à quatre pouces, & fa profondeur de neuf à dix pouces. Au refte , ces mefüures font fort arbitraires. Pour l’emmancher, il faut faire une mortaife droite au milieu d'une des planches qui forme la longueur, & une autre au milieu de la longueur de la planche oppofée , mais un peu plus bas que Le milieu, c'eft-à-dire , qu'il faut approcher cette feconde mortaife du côté où le buquet fe ferme. Après quoi on l'ajufte par la premiere de ces ouvertures , à une gaule de la groffeur du bras , qui de cette maniere le traverfe obliquement de part en part. On arrête enfüire Le buquet par une clavette qui traverfe le bout de la gaule ; après quoi on pofe cette gaule entre les branches du chandelier N, f£c. 1, PL 4, placé à hauteur d'appui, & on l'y aflujétit au moyen d’une cheville de fer qui traverfe le tout, & laifle au Negre qui en tient le manche, la liberté de plonger & de relever le buquer. La longueur de la gaule depuis fon point d'appui, fur la fourche qui touche le mur de Îa Batterie, jufqu'au caiflon, fe regle für la mefure du travers entier de la Batterie , dont on retranche un pied, afin que le buquet foit franc dans fon mouvement, & qu'il n'endommage pas la muraille de ce vaiffeau. Il faut que ceux qui battent la cuve avec ces inftruments, s'accordent exaétement à donner leur coup enfemble , fans quoi l'eau rejaillit de plus de quatre pieds au-deflus du baflin. On fe fert auffi de deux efpeces de moulins pour battre l'Indigo ; les uns fe meuvent par l’eau, & les autres par des chevaux. La Planche 7, fig. 2, 7 & 9 , repréfente le plan , la coupe & {a perfpective d'un moulin à chevaux ; & la même Planche , fig. 12, la perfpeétive d’un moulin à l’eau. On a mis l’explica- tion de toutes ces figures à côté des Planches ; car Le détail de leur méchanifme qui regarde plus FArt du Charpentier que celui-ci, eff trop long pour en donner ici une defcription complete. Il fuffit de favoir que dans Les uns comme dans les autres , tout le mouvement {e rapporte à un arbre couché fur Le travers de la Bat- terie , lequel étant terminé à chaque bout par un aiflieu de fer, roule fur des colets de même matiere , pofés fur Les deux côtés de la Batterie , & que cet arbre eft garni de quatre cuillers affez longues pour que leur caiflon fe rempliffe d’eau en tournant. Ces caiflons font alors fermés par Le bas, & ils doivent fe féparer de leur manche quand on le juge à propos; parce que fi le moulin eft fait pour 43 IN DIGOTIER Livrere Il battre plufieurs cuves , il eft inutile de laifler ces pieces attachées aux arbres qui ne font rien. On trouvera fur chaque Planche une échelle qui indique Les pro- _ portions de ces moulins. Quelques-uns pour éviter les frais d’un moulin , pla- cent tout fimplement für le travers de leur Batterie, un arbre garni de palettes, fg- 11, PL 7, auquel on imprime un mouvement de rotation par Le moyen de deux manivelles fixées à fes deux aiflieux, On peut encore confulter , au fujet de ces fortes d'ouvrages , Îe méchanifne du rouleau des Indiens, fg.7, PL ÿ , dé- crit au Chapitre des Fabriques de l’Afe , & qui paroît très-bien imaginé. Comme la fécule, en tombant dans le Diablotin X , fg. 4, PL 4, eft en- core remplie de beaucoup d’eau , on la retire de ce vaifleau pour la mettre à s'é- goutter dans des facs d’une bonne toile commune , point trop ferrée. Ces facs 2’, fig. 1, PL. $ , font ordinairement longs d'un pied à un pied & demi , quarrés ou en pointe par Le bas, & larges de huit ou neuf pouces en haut. On fait tout près de leur. ouverture des œillets ou boutonnieres, & on y palle des cordons ou lacets courants , par lefquels on Les fufpend des deux côtés aux chevilles ou crochets d'un ratelier U, fig. 1, PL $ , fixé en U fo. 1,4 @ $, PL 4, aux murs du Repofoir. Quand les facs ne rendent plus d’eau, on renverfe la fécule, qui eft encore molle comme de la vafe épaifle , dans des caïfles de bois À ,fg-3 3 PL ÿ , pour l'y faire fécher. Ces caïffes font d’un bois léger, longues de trois pieds , larges d'un pied & demi , & profondes de deux pouces. On expofe ces caifles À, fur des établis 8 , fg.8 , PL $ , dontune partie eft à couvert fous un bâtiment S , fg. 8, PI. ÿ , appellé la Sécherie, & l'autre en plein air. Ces établis font compolés de deux files ou rangées de poteaux de bois, plantés en terre jufqu'à hauteur d'appui, fur le fommet defquels on cloue tout du long des paliffades ou lifteaux de Palmifte , dont on ne marque pas Les proportions ; il fufit qu'ils foient affez forts pour fupporter Les caïfles ; mais il eft néceffaire qu'ils foient écartés de deux pieds pour qu'on puiffe aifément pafler entr'eux , & que les extrémités des caifles ayent un appui d'environ fix pouces de chaque côté. On ne peut donner ici les proportions de la Sécherie , parce qu’il n’y a au- cune regle fixe au fujet de la grandeur de ce bâtiment , qui reflemble à un han- gard ou à une grange, dont le devant d’un bout n'auroit pas de clôture. On fait à l’autre bout de la Sécherie, un petit magafn M, fe. 9, PL, ÿ, pour renfermer J’Indigo lorfqu'il eft entiérement fec ; le refte de ce bâtiment {ert d’abri à celui qu'on veut faire fécher lorfqu'il pleut , ou retirer pendant la nuit comme on le fair toujours. CHAPITRE Cuar. IL. Des efpeces & différentes qualités de l'Indigo , Ec. 49 CE HAPIMRE SECOND. Des efpeces & différentes qualités de l'Indigo , & des accidents auxquels il ef? fujet depuis la plantation de fa graine juiqu’a fa récolte. L_Ixorcorerr , L'Anil ou l’Indigo, croît naturellement & fans culture dans tous les pays qui { trouvent deflous ou près de la Zone-Torride. On en connoît cinq efpeces dans nos Colonies ; favoir , le Maron , ou celui de Sayane , Le Mary , Le Guatimala , le Bâtard & le Franc. Toutes ces efpeces ont entr'elles plufeurs traits de reffemblance, & il faut quelque étude à un nouveau venu, avant de pouvoir en diftinguer la différence au premier coup d'œil ; ainfi fur la defcription de la derniere, on peut fe former une idée générale de toutes les autres. L’Indigo franc de nos Colonies de l'Amérique, fo. x , PL 8, eftune plante. ‘droite , déliée , garnie de menues branches , qui en s'étendant , forment d'ordi- naire une petite touffe. Elle s’éleve jufqu'à trois pieds de hauteur & même beau- coup plus , quand elle fe trouve en liberté dans un bon terrein , où fà principale racine, 9. 1, PL. Tr, commence toujours par pivoter. Cette racine & les autres qui en proviennent peuvent s'étendre jufqu'à 12 à rÿ pouces de profondeur ; d’ailleurs elles font blanches, ligneufes , rondes, dures & tortueufés. Cette plante qui, avec le temps, devient ligneufe & caflante, fe divife quelquefois dès Le pied, en petites tiges couvertes d’une écorce grisâtre, entremêlée de verd- Ces tiges font rondes, ainfi que leur fouche, qui peut avoir 4 à ÿ lignes de diametre, plus ou moins fuivant Le terrein. L'intérieur en eft blanc; Les bran- ches fe garniffent de petites côtes, dont chacune porte jufqu'à huit couples de feuilles, terminées par une feule qui en fait l'extrémité. Ses feuilles {ont ovales, tant foit peu pointues , unies , douces au toucher, & aflez femblables à celles de la Luzerne; mais pour la couleur, la figure, la grandeur & la difpofition des feuilles fur leur côte , aucune plante n'approche plus exa- €tement de lIndigo , que le Galega, appellé en François Rue de Chevre, ou que le Trifolium. Le feuillage de l'Indigo répand une odeur douce aflez pénétrante , mais peu flatteufe , & qui a quelque léger rapport à cel- le de la fécule defléchée & bien fabriquée. Sa feuille préfente auffi fa goût une faveur aflez approchante de celle de fa fécule, entremêlée d’une petite amertume piquante, répandue dans tout le refte de la plante. Les branches fe chargent de petites fleurs d'un rouge violet très-clair & d'une odeur légere, | mais agréable. Ces fleurs font aîlées ou papillonacées , compofées chacune de INDIGOTIER. N $o INDIGOTIE R Livre Il. cinq pétales. Le pétale fupérieur eff plus large & plus rond que les autres, & profondément dentelé tout autour ; ceux d’en-bas font plus courts & terminés en pointe avec un piftil au milieu. A ces fleurs reflemblantes à peu-près à celles de notre Genêt, mais bien plus petites , fuccedent des filiques roides & caffantes , rondes , grainelées , un peu “courbes , d'environ un pouce de longueur , & d’une ligne & demie de diametre. Ces colles renferment cinq ou fix femences ou graines femblables à de petits cy- lindres d’une ligne de long, luifants, très-durs, & d’un jaune rembruni. Le feuillage de cette efpece foifonne plus en fécule , proportion gardée , que celui des autres, & Le grain qui la compofe eft plus gros. Je n’ajouterai point que la Marchandife provenant de l’Indigo franc , eff néceflairement plus belle que celle de l'Indigo bâtard ; car de vieux Praticiens foutiennent que la plus brillante qua- lité, telle que celle du bleu flottant ou du violet , ne dépend point de l’efpece de l'herbe, puifque Les deux dont il eft queftion , donnent tantôt Le bleu ou le violet , tantôt le gorge de pigeon ou Le cuivré , &c. mais feulement de certaines circonftances plus aifées à foupçonner qu'à définir au jufte , au nombre defquelles on fait concourir la qualité du terrein, la coupe de lherbe avant fà maturité, l'imperfeétion de la fermentation & du battage ; quelques-uns y ajoutent la che- nille qui ronge l'Indigo , & qu'on met avec l'herbe dans la cuve. Il paroît ce- pendant que le plus ou moins d’onétuofité dans le feuillage, & la maniere de fécher fa fécule, doivent beaucoup contribuer à la légéreté & à la beauté de ces matieres ; on pourroit même foupçonner que la quantité & la qualité de l'huile qu'on répand dans la Batterie , y entrent pour quelque chofe. Au refte, l'Indigo franc fe fait avec facilité ; mais le fuccès de {à plantation eft fort douteux. Sa tige tendre & délicate, eft expofée en naïflant à beaucoup d’ac- cidents : le vent , la pluie, le foleil , tout confpire à fa deftruétion ; la terre même où il croît femble lui refufer fes fecours ; fi elle eft un peu ufée , il languit far pied , & ne produit que de foibles tiges, qui périflent dès leur naïffance. Une des principales caufes de fa perte dans le premier mois, eft /e brilage , c'eftà-dire, l'accident auquel il eft fujet, lorfqu'après un grain de pluie , Le foleil vient à darder fubitement fes rayons fur la terre ; il échauffe tellement l’eau qui n’a point aflez pénétré, que cette jeune & foible plante , extrêmement fenfible à fes ra- cines , fe couche & fe fanne comme de l'herbe échaudée. Il eft encore attaqué pendant ce temps, par un infeéte qu'on appelle Wer brillant ou Colleux. Cet animal, dont la figure eft approchante de celle d'une petite Chenille , s'attache à fa fommité & l'enveloppe d’une toile à peu-près femblaBle à celle de l'Araignée , qui l’étouffe en la privant d’une rofée rafrat- chiflante , & de la liberté de l'air fi néceflaire à la tranfpiration des végétaux , laquelle fe change, dans cette toile, en vapeurs brülantes , lorfque le foleil vient à donner deflus. À ces accidents , il faut ajouter le fléau général des Chenilles, On voit quel- Cuar. IL Des efpeces & différentes qualités de l'Indigo , &c. st quefois des efains de Papillons , les uns blancs & les autres jaunes , voler de quartier en.quartier, pour dépofer leurs œufs dans Les jardins à Indigo; la cha- leur y fait éclorre une quantité innombrable de Chenilles, & les fait croître, dans cette abondante nourriture , fi promptement , qu'elles dévorent quelquefois en moins de quarante-huit heures des chaffés entieres d'Indigo. La crainte conti- nuelle où l’on eft d'un tel accident, eft prefque toujours accompagnée d’un danger réel caufé par Le Rouleur , autre efpece de Chenille plus groffe que les dernieres. Ces animaux s’attachent à ronger l'écorce des fouches & les bourgeons à mefure qu'ils repouflent : ces infeétes , par un inftin@ tout particulier , fe ca- chent fous terre pour éviter les plus fortes chaleurs du jour, & ils en fortent à La fraîcheur pour travailler de nouveau le refte du jour & la nuit fuivante. Ce ma- nege , qui dure quelquefois deux mois de fuite , fait tellement languir & fouf- frir Les tiges , que plufeurs périflent fans reflource ; après quoi ces infeétes fe con- vertiflent en chryfalides pour devenir papillons & habitans de l'air. Ce malheur eft d'autant plus grand, qu’il arrive toujours dans la plus belle faifon , & lorfque l'Indigo rend le plus. Les habitants qui ont des troupeaux de cochons ou de coqs d'Inde, & qui connoiflent leur goût & leur avidité pour Les Chenilles , les lâchent alors dans leurs jardins , pour diminuer au moins le nombre de ces ennemis ; mais la chair des coqs d’Inde en contracte un goût fi défagréable, qu’il n’eft pas poflible d'en fervir fur la table , tandis qu'ils en font leur principale nourriture , & même quelque temps après, Cet expédient tout utile qu'il puifle être , n’approche cependant pas de celui qu'on emploie aufli avec le plus grand fuccès pour détruire la toile dont le Ver brûlant ou le Colleux enveloppe la fommité de l'Indigo. Il confifle à faire prendre à chacun des Negres un balai de trois pieds de long, compofé de branches feuillues, & de leur faire pafler ce balai fur la tige des jeunes Indigos , dans le temps où le foleil eft dans toute fa force, c'eft-à-dire, entre onze heures & midi , & où la terre eft brûlante , parce que dès que la Chenille eft bleffée par la vio- lente fecoufle de cette opération, elle tombe fur Le {ol dont la chaleur la fait mourir en moins de deux heures. Il en eft de même à l'égard des Chenilles qui remontent fur les fouches de l'Indigo dès qu'on vient de Le couper, & qui en rongent toute l’écorce ; mais il faut alors employer des balais plus forts & fans feuillage, qu'on fait pañler fur les fouches à tour de bras. Pour que cette manœuvre ait tout fon effet, il faut que de longue main le terrein foit net & dégarni des mauvaifes herbes. Quant à la toile du Ver brûlant, on la détruit parfaitement en pañfant le balai feuillu für la tige de l’Indigo, Le Mahoqua eft encore un de fes plus dangereux ennemis ; cet animal qui ne fort jamais de deflous terre , eft un gros ver blanc qui devient quelquefois auffi long & aufli gros que le pouce ; fes mâchoires font fi fortes , qu’il coupe & qu'il ronge les racines de l'Indigo , ce qui fait qu'il ne tient prefque plus à la terre, & qu'en-tirant deflus on l’arrache aifément. Lorfqu'on reconnoît la caufe de & 52 IN DIGOTIER. Livre II. langueur & de fon dépériflement , on fait fouiller la terre dans les endroits où le mal eft le plus confidérable, pour découvrir & ramafler ces infectes , dont les Negres ne manquent guere de remplir leurs paniers , qu'ils vont vuider enfuite dans quelque marre ou foffé plein d’eau. L'Tndigo bâtard attire moins tous ces infeétes ; mais il eft fujet à fon tour dans la faifon avancée , où les pluies & les chaleurs font fortes , à décharger , c’eft-à- dire, à fe dépouiller aifément de fes feuilles; d'où il réfulte l'obligation de couper beaucoup plus d'herbe pour remplir une cuve , & une perte confidérable pour le propriétaire. Si l'on faitréflexion à tant d’accidents qu'il eft impoffible de prévenir, on ne fera pas furpris que la plupart des quartiers de Saint-Domingue , où le nombre de ces infectes s’eft multiplié plus que par-tout ailleurs , en ayent abandonné la culture , qui lesa mis la plupart en état d'établir des Sucreries, dont les revenus font en effet plus folides. Les Negres mêmes en préferent le travail à tout autre, malgré l'a fiduité & les veilles continuelles qu’ils font à tour de rôle auprès des moulins & des chaudieres à Sucre , par rapport aux petits profits qu'ils font fur Les firops qu'on leur diftribue tous les Dimanches , & que les autres Negres achetent pour fe régaler en en mêlant une certaine quantité avec de l’eau, dont ils font une boiïflon à laquelle ils. donnent le nom de Rape. Les quartiers de Saint-Domingue où l’on a vu les Manufactures les plus floriflantes en ce genre, font Aquin, Nippes, les Arcahaïx, le Boucaflin , les Vafes , Mirbalais, les Gonaïves & l’Ar- tibonite , où il s’en trouvoit d'aflez confidérables pour occuper cinq à fix cens Negres. Le Limbé, Port-Margot, Plaifance & Saint-Louis du Port-de-Paix , font les quartiers de la dépendance du Cap , où il s’en eft fait le plus, bien que ce plus fût peu de chofe en comparaifon des précédentes. Mais la Louifianne com- mence à en fournir quantité de très-beau : on ne fait ce qui empêche les habi- tants de Cayenne de s’y adonner avec la même ardeur, le peu d'Indigo qui vient de ce pays étant très-eftimé. L'Indigo bâtard differe de la précédente efpece , fur-tout par la fupériorité de fa grandeur ; il croît par-tout , mais toujours moins haut dans une terre ingrate : fa feuille eft plus longue & plus étroite que celle du franc, moins épaifle, d’un verd beaucoup plus clair, un peu plus blanc par le deflous ; le revers de cette feuille eft garni d’un poil fubtil , piquotant , facile à détacher & très-inquiétant pour Les Negres qui s’en chargent. Ses filiques plus courbées que celles du franc, font jaunes , & {es graines noires , luifantes comme de la poudre à feu, & ayant , comme celle de toutes Les autres efpeces, la forme de petits cylindres. Il croît jufqu'à fix pieds de hauteur, & même beaucoup plus. S'il eft vrai, comme on n’en peut guere douter, que quelques-uns ayent réufli à en tirer parti après qu'il a atteint une extrème grandeur & qu'il a porté fleur & graine , il-n’en eff pas moins vrai que c'étoit faute de mieux , & que la rareté comme la difiiculté du fuccès , comparées avec les expériences inutilement réitérées par les meilleurs Indigotiers , Cuar, IL Des efpeces & différentes qualirés de l'Indiso, 6e. 32 Indigotiers, doivent engager à fuivre, autant qu’il eft poflible, l’ufage ordinaire où l’on eft de le couper lorfqu'il approche de trois pieds & qu'il entre en fleur , dont l'odeur fuave eft très-remarquable , & que preflant légérement une poignée de {on feuillage, il eft affez roide pour fe rompre un peu, & faire un petit bruit comme s’il crioit dans la main. Ces deux dernieres remarques de la fleur & du cri, conviennent également à l’Indigo franc comme au bâtard , quelque hauteur qu'ils : ayent, & fervent.en général de regle pour la coupe de l’un & de l’autre. Il y a pourtant des circonftances où il eft néceffaire de l'ayancer, & d’autres où il faut la différer. L'Indigo fe trouve dans le premier cas, lorfque la Chenille eft en fi exceflive quantité, qu'on appréhende qu’elle n’ait tout mangé avant le temps convenable ; mais il rend beaucoup moins , & la marchandife qui en provient eft fujette à manquer de liaïfon , dont Le défaut , fuppofé qu'on réuflifle dans Le refte de fon apprèt, diminue toujours le prix. On fe trouve dans l’autre cas, lorfque par une trop grande abondance de pluie FIndigo a crû tout d’un coup, & qu'il y a apparence de beau temps ; parce que huit jours de temps favorable lui don- nent du corps & diflipent les difficultés qui pourroient {e préfenter à la fermen- tation ; fans cette précaution il embarrafleroit Le plus habile Maître : on fe voit même quelquefois contraint par l'excès des pluies , fur-tout dans la premiere faifon , de jetter toute une coupe, foit parce que fon grain n'ayant point aflez de corps , fe diflout au buquer, foit parce que ces pluies venant à battre l’In= digo dans fon état de maturité, le font décharger ou font tomber toutes {es feuilles , de maniere qu'il ne refte plus que des balais ; alors pour ne pas occuper inutilement les Negres, on fait couper l'herbe fans différer , afin de ne pas retar- der la coupe fuivante. | La fabrique de l'Indigo bâtard eft un peu plus dificile que celle du franc, & le grain de fa fécule n'eft pas fi gros ; mais on'en eft bien dédommagé par les avantages que celui-ci n'a pas. Premiérement , l’Indigo bâtard vient par-tout, & en tout temps ; fecondement , fon herbe eft moins fujette aux Infectes, & elle réfifte plus long-temps à leur attaque ; les pluies mêmes ne fauroient l'en. dommager que par un excès d'autant moins commun , que les pays fe décou- vrent & s’habitent de plus en plus. Volume pour volume d’herbe , cet Indigo rend moins à chaque cuve que Le franc , parce que fon feuillage porte fur de grandes fouches qui tiennent beaucoup de place inutile dans la cuve. Mais ce défaut eft compenfé par l'étendue du terrein & la richeffe de ces tiges, dont on coupe & on découvre un bon tiers de moïns pour remplir une cuve. Le tout bien calculé, on trouvera que l'un revient bien à l’autre ; & comme il eft rare qu'il périffe dans fes commencements , on en plante toujours fans aucun égard à la difficulté de La fabrique , fur-tout dans Les vieux terreins , réfervant les meilleures terres pour lé franc: mais il eft très-délicat fur fon point de maturité , qu'il faut examiner avec foin , & fe bien garder d’en laïfler nouer la graine ; car pour lors il eft crès-difficile à faire ; & fi l'Indigotier eft affez habile pour y parvenir, il rend fi peu, à moins INDIGOTIER, 0 $4 INDIGOTIER. Livre Il. qu'on ne foit dans les plus fortes chaleurs, que la peine pañle le profit. Mais fi on eft exact à le couper à propos , on en fait de l’Indigo magnifique , lorfqw'on porte tous fes foins tant à la fermentation qu'au battage. Cette efpece d'Indigo eff très-longue à croître ; c’'eft pourquoi plufieurs pré- ferent le franc , quand le terrein le permet; celui-ci en deux mois, quelquefois {x femaines, peut fe couper. Quant au bâtard, il lui faut plus de trois mois : nonobftant cela on fait quelquefois un mélange de l'un & de l'autre, lorfque l'arrangement des plantations ou des coupes le permet ; le rejetton du bâtard ayant cela de commun avec le franc, qu'il pouffe fes rejettons auñli vite que celui-. ci, & que fix femaines après on les coupe & on les joint comme fi Les deux efpeces n'en faïfoient qu'une. Ce mélange produit un grain ferme & de bonne groffeur , qui facilite l'Indigotier , & lui procure Le moyen de conduire la fer- mentation & Le battage du tout à fon plus jufte dégré. Les habitants de Saint-Domingue ne travaillent que {ur l'herbe de l’Indigo franc ou fur celle du bâtard, & la plupart regardent toutes les autres auxquelles on donne différents noms, comme des plantes dégénérées de l’une ou de l'autre de ces deux premieres efpeces. Le peu d'attention qu'on donne ordinairement aux chofes qu'on regarde comme inutiles, a pu contribuer à cette opinion. Mais M. Monnereau , Auteur du parfait Indigotier , qui s'eft fait une étude du nom & des principales différences de ces plantes incultes , y a remarqué des caracteres particuliers qui l'ont engagé à les ranger comme il convient, dans des clafles féparées dont nous allons fuivre l’ordre & la diflinétion. L'Indigo , qu'on appelle à Saint-Domingue Guarimalo , eft une efpece qui a tant de reflemblance & de rapport au bâtard, qu'il feroit prefqu'impoñlible de les diftinguer l'un de l’autre, fans fes filiques & fa graine colorée de rouge bruni. Le Guatimalo eft très-difficile à fäire, & rend beaucoup moins que Le bâtard , ce qui fait qu'il n’eft guere en ufage ; mais comme il croît avec les efpeces dont on veut recueillir la graine, & qu'on ne peut la trier, parce que cela deman- deroïit un temps infini, il s'en trouve toujours de mêlé avec l’autre. L'Indigo fauvage ou Maron , croît dans Les fayvanes & les terreins incultes où abandonnés ; il reflemble à un petit arbriffeau dont Le brin court & touffu eff fort gros, en comparaifon des autres, qui n'ont guere que trois à quatre lignes de diametre au bas des tiges les mieux nourries, le commun étant beaucoup plus petit ; Les branches du Maron font fouvent adhérentes à fà racine; fes feuilles font plus rondes & plus petites que celles du franc, mais très-minces . on le regarde pour cette raifon comme intraitable ou peu propre à récompenfer ouvrier de fon travail. Quelques perfonnes m'ont cependant afluré en avoir tiré de bon Indigo. Mais il y a apparence que l'herbe étoit jeune, & qu'ils n’en avoient pas d'autre pour occuper leurs Negres en ce moment. L'Indigo Mary a de la reflemblance au franc par fes feuilles , excepté qu'elles Crar. IL Des efpeces € différentes qualités de l'Indigo, Ec. 55 foient moins charnues ; il s’en trouve rarement. Quelques-uns aflurent qu'il rend beaucoup ; mais on ne peut conflater cette prétention , puifqu’on ne con- noît perfonne qui en fabrique. Il y a encore une efpece d'Indigo très-différente de toutes les autres, dont les branches s'étendent à plus de fix pieds à la ronde , & dont les coffés ont un pied de long & la figure d’une aiguille à emballer ; perfonne , fuivant toute apparence , n'en a fait l'épreuve , puifqu'on ne parle point de fà qualité. Premier Indigo fauvage de la Jamaïque (1). L 4 tige de cette plante, fo. 2, PL. 8 , eft ligneufe & couverte d’une écorce life , d’un brun noir, s'élevant à quatre pieds de hauteur, & pouflant par Les côtés différentes branches garnies d’une quantité prodigieufe de feuilles aîlées , placées fur des côtes de quatre pouces de longueur , dont un bout eft dégarni; le refte de ladite côte porte des feuilles accouplées vis-à-vis l’une de l’autre à un tiers de pouce de diffance, & une feule à l’extrémité. Chaque paire de feuilles a une petite queue d’un huitieme de pouce de longueur ; la feuille a un pouce de long & un demi-pouce de largeur: elle eft unie & de couleur verte , tirant fur le bleu , femblable à celle des feuilles du Sain-foin. De l’aiflelle des feuilles fort une petite tige d'où naît un long épi , autour duquel font placées de très-petites fleurs papillonacées partie rouges, partie vertes , d’où naïflent ou pouflent plu- fieurs goufles d'environ trois quarts de pouce de long , rondes & de la forme d'une faucille , courbées en dedans de leur tige & contenant quatre pois & quel. quefois plus , d'une forme quadrangulaire , de couleur brune , luifante & de la grofeur de la tête d’une petite épingle ; il croît fouvent dans les champs & à l'entour de la ville. IL croît aufli dans les Ifles Caribes. Second Indigo fauvage de la Jamaique ( 2). CETTE plante a une très-petite racine ; fa tige eft dure, ronde & verte, s’é- levant à trois pieds de hauteur , ayant quelques branches de chaque côté de la cime , dont les feuilles font aîlées , au nombre de fix pour l'ordinaire ou de trois paires placées vis-à-vis lune de l'autre, & s'élargiffant à leur extrémité à peu- près comme le Colurea Scorpioides, C. B. Pin. Leur couleur eft d’un verd bleuâtre, & l’odéur très-défagréable. Les fleurs d'un jaune foncé, font com- pofées de cinq pétales, formées la plupart en aîle de papillon ; la feuille pen- dante fur un petit pied. A ces fleurs fccede une coffe angulaire & brune de deux pouces de longueur , contenant un rang de petites graines rhomboi- dales d’un brun luifant. (D) Voyages de Han-Sloane à la Jamaïque, (2) Voyages de Han-Sloane à la Jamaïque , & & Hifloire Naturelle de cette Ile, Vol. 2, Sect. | Hiftoire Naturelle de cette lile, fol. 48, Vol. 2, 9 » Page 37 Set, 27. 56 INDIGOTIER. Lirrvere Il. ; Cette plante fort avec abondance après la faifon des pluies, & les terreins de la Savanne de Saint-lago de la Veoa | qui font argileux , en font remplis. Elle poufñle d’abord deux feuilles féminales telles que le font différents légumes. Rochefort (x) raconte qu'il en croît dans nos Ifles de l'Amérique , une efpece qui n'a pas plus de trois pieds de haut , dont la fleur eft blanchâtre & fans odeur, & aufli une autre dont l’efpece eft femblable à celle qu'on trouve dans F'Ifle de Madagafcar , dont les fleurs font petites, d’un pourpre mêlé de blanc & d’une odeur agréable, laquelle eft vraifemblablement la même que Pifon appelle Bar- ghers, dans fon Hiftoire de Madagafcar. Parmi les habitants qui fabriquent de lndigo , il y en a peu qui s'occupent à faire de la graine , c’eft-ä-dire, à planter de l’Indigo pour en recueillir la {e- mence. Ces deux efpeces de travaux forment, pour ceux qui s’y appliquent, comme deux états féparés. Mais comme malgré la différence de leurs pratiques, ils ont un rapport effentiel l’un à l’autre , nous nous croyons obligés de rapporter ici cout ce qui eff capable d’inftruire ceux qui voudroient entreprendre le tra- vail de la graine. Les habitants qui s’adonnent à cette culture , fe placent ordi- nairement dans Les Mornes ; les uns récoltent la graine du franc, les autres celle du bâtard ; quelques-uns font de la graine des deux efpeces, &c jamais d’autres. Voici comme on parvient à la récolte du franc : Lorfque le terrein eff préparé , les Negres À, fig. 2, PI. 9, fouillent avec Le coin de leur houe, fo. 4, PL 9, des trous D , fig. 2, PL. 9 , profonds de deux pouces, & diftants l'un de l'autre de 8 pouces, dans lefquels on met 4 ou ÿ graines d'Indigo qu'on re- couvre avec Le pied ; on le farcle lorfqu'il a quatre travers de doigt de hauteur , & on réitere enfuite les farclaifons autant qu’il eft befoin, Au bout de quatre mois {à fleur tombe & fait place à fa goufle ; c’eft ainfi qu'on appelle la filique de l’Indigo qu'on laifle fur pied jufqu'au temps de fa maturité , c'eft-à-dire , juf- qu'à ce qu'elle commence à noircir ; on coupe alors la plante à deux pouces de terre, & on la porte telle qu'elle eft fur une efpece d’aire ou terrein battu & bien balayé, fur lequel on la laïfle fécher ; mais on la retire de deflus l'aire, & on la met à l'abri quand il pleut; lorfqw'elle eft féche , on l’abat avec un gros & long bâton pour en rompre les goufles & les détacher de la plante. Quand cet ouvrage eft achevé, on enleve la plante , & on la jette comme inutile , après quoi on ramalle Les goufles & la graine qui en eft déja féparée., & on conferve l'un & l’autre entas F, fig. 10, PL. $ , dans des magafñns. Lorfqu'ils ont fini eur récolte & qu'ils en veulent vendre, ils la font piler dans un mortier C, fé. 11 , PL. $; de bois. Ce mortier eft fait d’un gros rouleau de bois creufé par un bout de la profondeur de deux pieds ; fon entrée a un pied de diametre , & elle va tou- jours en diminuant jufqu'à fon fond » Ce qui repréfente en creux la figure d'un pain de fucre renverfé. Le manche ou pilon D , fe. 12, PI. ÿ, eft un morceau de bois dur de quatre pieds & demi de longueur, & de la groffeur d'environ (x) Jardin Indien Malabare , par M. Rhede, Tomel , page 101 & fuivantes, deux Cuar.Il. Des efpeces G différentes qualirés de l'Indigo, 6c. 7 deux pouces & demi de diametre , arrondis par en bas ; lorfqu'on a rempli de goufles le pilon, on met à l’entour deux ou trois Negres E, fig. 13 , PL. $ ,avec chacun un manche tel qu'on vient de le décrire, & ils la pilent jufqu'à ce que la graine foit féparée de fa goule ; après quoi ils la vannent, la nétoient & la mettent enfuite dans des bariques défoncées par un bout ; cette graine fe vend par barils aux habitants Indigotiers. Ces barils font les mêmes que ceux dans lefquels on met la farine qu'on envoie de France à l'Amérique, Les fouches de l’Indigo pouflent après la coupe, de nouveaux jets qui pro duifent comme les précédents , & dont on ramafle la graine comme ci-deflus. L'Indigo franc coupé de cette façon , peut réfifter environ deux ans ; mais comme il périt toujours quantité de fouches à chaque coupe, on remet l'année fuivante de la graine dans les endroits dégarnis. La plantation & Les farclaifons de l’Indigo bâtard fe font de la même maniere que celles du précédent ; mais {à graine fe ramafle tout différemment, parce qu'elle ne mürit jamais tout à la fois, les baffes branches fleuriffant & donnant leurs goufles bien plutôt que celles d’en haut. Lorfque ces goufles müriflent , elles font d’un rouge noir , ou d’un verd noir, ainfi que celles du franc. Si on la laifloit trop long-temps fur la branche , elle noirciroit tout-à-fait , & cet excès de maturité endurciffant trop la graine, la rendroit plus difficile à lever. Lorf- qu'on s'apperçoit aux remarques ci-deflus , qu'elle eft bonne à prendre , on fait porter des paniers aux Negres fur Le lieu où ils doivent la ramañler. Lorfqw'ils y {ont rendus , ils fuivent les pieds d'Indigo l’un après l'autre , & ils en détachent les goufles qui font mûres, à pleines mains ; car elles viennent par paquets ou Hoccons de diftance en diftance le long des branches ; ils apportent à midi & le foir leurs paniers qui en font remplis. On expofe cette graine au foleil fur des draps de toile, jufqu'à ce qu’elle foit bien féche ; après quoi on en pile Les gouffes ainfi que celles du franc ; on la vanne enfuite, & on la ferre dans des bariques défoncées par un bout. Aufli-tôt que la cueillette générale des bañles branches eft finie, on travaille à celle des branches fupérieures & de la cime, qui fe fait comme la précédente. Cette feconde cueillette eft à peine terminée , qu'on en recommence une nouvelle fur les premieres branches , où il fe reproduit bien vite d'autre graine qui a mûri dans cet intervalle, & ainfi de fuite, Mais comme l’Indigo bâtard végete beaucoup , & qu'il croît jufqu'à r2 pieds de haut dans les bons terreins, ce qui rend la cueillette de fa graine extrème- ment dificile , & que la vieilleffe de fà tige pourroit nuire à fon rapport , on a foin de la couper tous les ans à 4 ou ÿ pouces de terre, afin que fa fouche donne des rejettons qui produifent la même quantité de graine, dont on fait la ré- colte beaucoup plus aifément. Cette herbe fe foutient ainf plufieurs années. La graine de lIndigo franc & celle du bâtard, ont exactement la même figure cylindrique , c’eft-à-dire , ronde fur fa longueur & plate par Les deux bouts. Invpicorrer. P se 58 IN DIGOTIER. Lrvpre Il. La couleur du franc eft d'un jaune rembruni tirant un peu fur Le verd , quelque: fois fur Le blanc quand elle n'eft pas bien mûre. | La couleur de la graine du bâtard eff noire lorfqu’elle eft bien mûre, & ce noir tire un peu fur Le verd lorfqu'elle l’eft moins. La graine du franc eff toujours un peu plus groffe que celle du bâtard. L’Indigo qui vient dans les montagnes , de même que celui qui croît dans les plaines, eft fujer à être endommagé par une multitude d'infe@tes , ainfi que nous l'avons fait voir dans le commencement de ce Chapitre. Mais comme nous n’a- vons rien dit du tort que la Punaife fait à fà graine, nous allons en parler ici. Le corps de cet infeéte qui a plufeurs pieds , eft gros comme le bout du petit doigt, Il eft de figure ovale depuis la tête jufqu’au derriere, &un peu applati par deffus & par deflous. Il y a des efpeces qui font brunes & d’autres noires ; mais la plus nom- breufe eft verte , & toutes font extrêmement puantes; quand elles font groffes & vieilles , elles volent par bonds de 20 ou 30 pieds & plus. Cet infecte n’exerce fa malignité que für la graine de l’Indigo dans Le temps qu'elle n’eft que formée & encore en lait ; elle fait un petit trou à la goulfe par lequel elle en fuce toute la fubftance ; cela n'empêche pas cette goufle de refter attachée par à queue à la branche , fans pour ainfi dire changer de couleur , & fans paroître beaucoup dif- férente de celles qui n'ont point été fucées. Mais lorfqu’on vient à la cueillir, on ne trouve plus rien dedans. Il fe rencontre des années où ces animaux fe mul- tiplient fi prodigieufement , qu'on ne ramafle que peu où point de graine. Lorf£- qu'on craint un pareil événement , on envoie les Negres à la place , c'éftà-dire, fur le lieu de la plantation, où ils Les écrafent fans cérémonie entre les doigts. Il eft cependant un autre moyen pour les détruire : c’eft de mettre un troupeau de Pintades dans la place, & de les faire garder par des Négrillons & Négrittes, dans Le temps que la graine eft en lait , & même jufqu’à ce qu’elle foit cucillie car , quoiqu'elle foit mûre, elles ne laïflent pas que d’y faire encore beaucoup de dommage. Les Pintades en font très-avides & fort adroites à les attraper, même dans leurs bonds, en partant après elles de plein vol & d'un.trait à l'in£ tant qu’elles ies apperçoivent. cm nil à 4 d Cuar. TL. Du Terrein, de la Culrure & de la Coupe de l'Indigo. so CHAPITRE TROISIEME. Du Terrein, de la Culture & de la Coupe de l'Indigo. ÎL s lieu le plus favorable à la plantation de l’Indigo eft une terre neuve, parce qu’elle eft ordinairement remplie de fels propres à la végétation , que les infectes qui lui font plus de tort, ne s'y font point encore établis, & que les mauvaifes herbes , pendant près de deux ans, y font peu de progrès. Il arrive cependant quelquefois que le feu qui a paflé fur certains terreins nouvellement défrichés, qu'on appelle déoras, (parce qu'on a l'habitude de brûler en ces pays tout Le bois de haute-futaye & autres fur Le lieu même où on l'a abattu ,) & les cendres qui en proviennent en trop grande abondance, forment un obf- tacle confidérable à la végétation, ce qui fait que l'Indigo n'y vient pas auf épais ni auffi beau qu’on devroit s'y attendre; mais il ne faut point s'en étonner, parce qu'on eft amplement dédommagé de ce retard par la fuite. Quoiqu'il £ trouve d'excellents fonds de terre rouge & blanchètre, il faut cependant convenir qu'on préfere en général à toutes les autres celles qui font noires , légeres , en coftieres ou en pente douce, parce que cette polition les préferve du féjour des pluies très-nuifibles à cette plante , qui fe flétrit , jaunit & meurt lorfquelle fe trouve fur un fond de terre plate où l’eau croupit; c’eft pourquoi l'on doit avoir attention , quand on eft dans ce cas, d'élever Le milieu des carreaux qui font fujets à cet inconvénient , & de pratiquer de petites rigoles tout autour qui s'écoulent dans une plus grande, & celle-ci dans un foffé ; en prenant ces précautions, on peut tirer bon parti desterreins bas & plats ; mais ils ont toujours cela d’incommode, qu'il faut attendre que la faïfon des fortes pluies , qui caufe fouvent des débordements , foit paflée avant de planter ; car une inon- dation capable de couvrir l’Indigo pendant cinq ou fix heures, fuffit pour le faire périr, par le limon qu'elle dépofe fur fes feuilles. D'ailleurs, la trop grande humidité & la chaleur font pourrir la graine ou végéter avec elle une quantité prodigieufe de mauvaifes herbes qui étouffent la jeune plante, fans qu'on puifle y porter les fecours des farclaïfons , qui font impraticables dans un terrein trop mol. La délicateffe de cette plante exige en outre toujours beaucoup de propreté & de ménagement ; c'eft pourquoi on débarrafle À autant qu'il eft poffible , Le terrein qu'on lui defline, de toutes les pierres qui pourroient la gêner, & de toutes les mauvaifes herbes , comme Les deux efpeces de Mal-nommeées , grande & petite , le Pourprer fauvage , dont les feuilles ont en ce pays la vertu répro- ductive ou végétative ; le Chcendent , V Herbe à balai @ celle à Bled ,V Herbe à Calalou , le Pied de poule , & autres qui affectent finguliérement fà compagnie : 60 INDIGOTIER.ZLIrRrE II. on rencontre auffi fonvent dans les terreins à Indigo , d'excellentes truffles blan- ches, remarquables par quantité de petits filaments blancs étendus en rond & adhérents à la fuperficie de la terre dont elles font couvertes. Cette plante pro- fite cependant très-bien dans des terreins remplis de petite rocaille blanche, qu'on appelle Roche à chaux , parce que cette terre eft ordinairement très-lé- gere & pleine des fels fertiles de cette roche qui y entretient la fraîcheur. Mais en général on tâche de nétoyer & d’unir même Les terreins défedtueux autant qu'il eft poffible ; cette grace contribue toujours à l'avancement de la plante &c au foulagement de ceux qui la cultivent. Comme l’Indigo n’aquiert toute fa grandeur & fa qualité qu'à l'aide des pluies douces & des grandes chaleurs , l'air tempéré, les quartiers pluvieux , les terreins trop frais & ombragés lui conviennent peu. Ainfi la méthode de le planter entre les jeunes Cafés lui eft très-préjudiciable. On ne peut le cultiver long-temps fur les hauteurs, à moins qu'il ne s’y trouve des platons, parce que les pluies dégradent la terre meuble de la fuperficie, qui eft toujours la meilleure , laquelle étant emportée , ne pré- fente plus qu'un fol aride & rempli de pierres. | Les habitants dont les terreins font fujets à {e reflentir des pluies que la frat- cheur de l’Automne amene , & qui ne veulent pas rifquer leur graine en cette faifon , commencent à planter leur Indigo à la fin de Décembre, & peuvent con- tinuer jufqu'au mois de Mai. Cette derniere plantation eft même la plus favora- ble , n'étant pas fi fujette au brûlage ; mais comme la faifon eft trop avancée dans ce dernier temps, elle ne produit que deux ou trois coupes , après quoi l'arriere. faifon arrivant, la plupart des fouches meurent d’épuifement ; mais on coupe jufqu'à cinq fois celui qui eft planté dès le commencement de Novembre. L'u- fage veut qu'on dife planter, & non pas fémer; en effet, au lieu de jetter la graine à l'aventure , on la répand avec mefure dans chaque trou D, fig. 2, PL 9, fait exprès avec la houe : mais auparavant il faut arracher avec cet inftrument les vieilles fouches ; après quoi on les raffemble avec le rabot ou un rateau fans dents, fe. 8, PI. 9 , & on y met le feu. On retravaille enfuite à fond tout ce terrein avec la houe, qui doit y entrer d’un demi-pied. La houe, fe. 4, PL 9, eft un inftrument à peu-près femblable à celui dont les Maçons fe fervent pour gâcher leur mortier , à l'exception que le fer en eft plus large. Quelques-uns prétendent que la pelle ou bêche eft d'un ufage bien fapérieur à la houe ; d’autres s’eftiment heureux d’avoir pu accoutumer leurs Ne- gres à travailler la terre avec la charrue. Il eft de fait que la beauté de l’herbe dépend en grande partie de la profondeur de la fouille des terres ; on doit ce- pendant avertir qu'une plantation faite dans une terre trop ameublie par le labour ou par Le rapport des terres dépofées par Les pluies dans les bas-fondks , eft fujette à plufeurs inconvénients ; car il eff certain que fi les Negres n’aiguifent pas bien les couteaux , fée. 7, PL 9, dont ils fe fervent pour couper l'Indigo, ils en arra- cheront une grande partie , ou lui cauferont un ébranlement mortel ; d'ailleurs cette 4 Crae. IiL Du Terrèin, de la Culrure & de la Coupe de l'Indigo. 61 cette vigueur des tiges ; remarquable par leur grandeur & leur grofleur, en caufe quelquefois la perte totale, après une premiere coupe très-avantageufe , foit parce que les fibres de leur fouche ont acquis une trop grande folidité ligneufe, {oit que l'ardeur du foleil en furprenne Les racines accoutumées à un ombrage continuel , foit enfin que la végétation épuifée par un fi grand effort, fe re- fufe à une nouvelle réproduction. Au furplus , nous n’époufons aucun fyftème particulier au fujet de l'emploi de ces divers inftruments , étant évident qu'on ne peut, fans la plus grofliere igno- rance, aflujettir à une même facon tant de terres différentes ; il eft cependant conftant que la houe eft celui dont l’'ufage eft le plus univerfel. Outre cette premiere façon dont nous venons de parler, il eft encore in- difpenfable de donner enfuite à ce terrein trois ou quatre farclaifons prépa- ratoires , fi on veut Le mettre en état de recevoir la graine aux premieres pluies convenables. Si Le terrein eft déja un peu ufé ou maigre de fa nature , on répand deflus dès Le premier labour , de l’ancien fumier d'Indigo ou autres engrais ; Les avantages qu'on en retire dédommagent amplement de cette pratique, qui n'eft pas aufh ufitée qu'elle devroit l'être. On vient de dire qu'il faut arracher les vieilles fouches , quoiqu'on n'ignore pas qu’il pourroit en réfifter une partie jufqu'à la fin de l’année fuivante. On parle ici de l'Indigo bâtard ; car l'Indigo franc périt aflez communément au bout de l'année. Mais il y en a peu qui ayent recours à cette reflource , qui exige alors un recourage de graine pour remplacer les fouches qui font mortes; aufli pré- fere-t-on généralement la méthode de replanter tout à neuf. Pour cet effet, on {épare d'avance le terrein par divifions P , fig. 1, PI. 6; on partage enfuite d’un bout à l'autre , les quartiers renfermés entre ces divifions, pour former fur toute leur longueur des carreaux ou des planches © , fig. x, PI, 6, de 13 à r4 pieds de large , auxquelles on donne auf Le nom de Chaffes. Lorfqu'on eft fur Le point d'en faire la fouille, les Negres À, fig. 2, PL. 9 , fe rangent für une même ligne à la tête du terrein tiré de tous côtés au cordeau , & marchant à reculons, ils font de petites fofles D, fig. 2, PL 9, avec le coin du fer de leur inftrument, diflantes de $ à 6 pouces en tous {ens, de la profondeur d'environ deux pouces, & en ligne droite, s’il eft poffible, au point d’où ils font partis ; mais Les Negres d’un attelier font rarement capables d’obferver cette régularité fi propre à faci- liter Le frclage. À mefure que les Negres font des trous, les Negrefles 2 , fr. 2, PL 9; qui tiennent un Cous ou côté de calebafle C, %g. 9 , PL. 9, plein de graines, y en laiflent tomber 5 à 6, & crain.e d'érreur, les recouvrent tout de fuite en pañant le pied par-deflus, ce qui laifle moins d'incertitude que lorfqu’on les fait recouvrir par d’autres avec le rabot , dont l'expédition eft, à la vérité, plus prompte. Mais de quelque façon qu'on le pratique , il faut toujours avoir attention de faire pafler environ un pouce de terre par-deflus la graine. Cinq ou fix graines fufifent pour l’Indigo franc, & trois à quatre pour le bâtard. Quand INDIGOTIER, Q 62 INDIGOTIER. Livre Il. la terre eft bonne , la diftance des trous, leur profondeur & la quantité des graines qu'on y met, varie d'un quartier & fouvent d’une habitation à l’autre, Certains habitants , pour économifer leur graine & prévenir la négligence des Negres fur ce point , la font mêler avec de la cendre ou du fable fin ; ce dernier eft le plus commode pour les Négreles , qui les diftinguent & en {éparent mieux le nombre qu’elles jugent à propos de répandre. On emploie ordinairement la moitié des Negres à fouiller les trous, & l’autre moitié à planter la graine, On ne peut fe difpenfer en ce lieu de parler d’un inftrument ufité en certains quartiers pour aligner & pour accélérer la plantation. Cet inftrument eft un ra- teau À , fig. 10, 11 6 12, PL. 6, armé de 9 à rx dents R, fig. ir , PZ 9, de fer droites, écartées l’une de l’autre de quatre pouces : l’avant-train de ce rateau eit compolé de deux branches £ , fig. 12, PL. 9. écartées d’un pied & demi, dont les extrêmités traverfent une barre F, fur laquelle on applique trois Ne- gres, G , fig. x ; PL. 9. l'arriere-train de ce rateau préfente deux manches A, féparés, entre lefquels {e place un quatrieme Negre 1, fig. 1, PL 9, qui dirige la marche de cet inftrument. Lorfqu'on a préparé & uni le terrein , en rompant les mottes & en battant la terre, ce qui s'exécute très-bien avec un bâton, on aligne les divifions & on fait tirer le rateau fur un côté du travers de toutes les planches Q , fig. r, PL 6, qui font renfermées entre ces divifons P , fig. x , PL. 6. Ce premier tirage forme neuf petits fillons , À , fig. x , PL. 9. profonds de deux travers de doigt. Quand le rateau eft au bout de ce côté de la piece de terre , on le retourne & on en pofe la premiere dent dans le petit fillon dont il eft le plus près : on continue de labourer ainfi toute la piece qui, par ce moyen, eft bientôt fouil- lée & expédiée avéc peu de Negres. S'il étoit poffible d'établir fur ce rateau le méchanifme de quelqu'un des Semoirs inventés par différents Auteurs cé- lébres , on pourroit dire qu’il ne manqueroit rien à la perfection de cet inf- trument , & à l'expédition de ce travail. La plantation de ces fillons fe fait aufli fort promptement & exactement. Chaque Négrefe L , fig. x, PL 9 , fe meten face des rayons qu’elle doit en- femencer, qui font au nombre de ÿ ou 6, & en baïfant un peu la main de- vant le fond de chacun des fillons , elle y répand deux ou trois graines en pelo- ton : elle continue ainfi en avançant Le corps & la main de quatre en quatre pouces. Les Négrefles qui font à fes côtés en font autant , & la piece eft plantée de cette maniere très-vite & très-exaétement. Pour couvrir enfuite la graine, on fait pañler deflus le terrein un balai extrêmement rude , dont les branches {ont écartées & égales par leur extrêmité. Le manche de ce balai doit être très-long , afin que les Negpres lui faflent parcourir un grande efpace, & ne fe baïffent pas beaucoup. Au refte, dans les quartiers où l’on obferve à-peu- près ce que nous venons de dire, on ne fait pafñler ce balai qu'aflez légére- ment fur la fuperficie du terrein, parce qu'ils font perfuadés qu'une ligne de Cuar. I. Du Terrein , de la Culture & de la Coupe de l'Indigo. 63 terre fur La graine de l’Indigo eft fuffifante ; plufieurs même fe difpenfent de cet ouvrage , qu'ils regardent comme fait par la marche & le mouvement des Né- grefles qui ont paflé deflus la graine en la plantant : ceux qui ont l'avantage de pouvoir arrofer leurs terres , s'en difpenfent encore plus volontiers , parce que les inondations artificielles qu'on leur procure fuffifent pour enfevelir la graine autant qu'ils Le defirent. La maniere d’arrofer les terres fera le fujet d’un autre article. | Le temps eft très - précieux dans nos Colonies, & furtout celui où la pluie invite à planter lIndigo ; c'eft pourquoi on prépare & on diligente ce travail afin d'en profiter ; car la terre étant une fois feche, il faut cefler de planter. On eff cependant quelquefois obligé de planter à fec, c'eft-à-dire , dans une grande fécherelle, afin d'avancer la plantation, un grain de pluie ou deux de fuite n'étant pas fuffifants pour planter un vafte terreïn ; mais on ne rifque cette façon de planter, qu'aux approches d’un temps où vraifemblablement on aura de la pluie. On fait donc des trous dans cette terre {che pour recevoir la graine qu'on y plante, & qu'on recouvre fur Le champ : c’eft une grande avance pour l'habitant, lorfque Le fuccès répond à fon attente. IL voit lever cette graine tout à la fois , pendant qu'il a le temps d’en planter d'autre par l’occañon du même grain de pluie : mais fi au contraire Le temps perfifte au {ec, plus ou moins , il court rifque de perdre toute fa graine , qui s'échauffe ou durcit par l'extrême chaleur; il pañle même fouvent de faux grains de pluie dans cette faïfon qui, ne faifant qu'effleurer la terre, font fortir & pourir le germe de la graine, qui n'a pas la force d'en foulever la fuperficie; ce qui caufe une perte d'autant plus grande à l'habitant, qu'elle comprend le temps perdu des efclaves , un retard confidérable à fes revenus, & enfin le prix de la graine, qui eft un objet intéreflant, fuivant la quantité qu'il en a planté, & l’enchériflement de cette denrée , lorfque ces contre-temps font généraux. Quand lIndigo franc eft planté à propos, le troifieme jour après la pluie on le voit lever ; mais la graine bâtarde eft quelquefois plus de huit jours avant de poufler, tantôt plutôt, tantôt plus tard, fuivant fon dégré de maturité , & par cette raïfon, jamais tout à la fois : à chaque grain de pluie il en fort de terre : il n'eft pas même rare d'en voir lever d’une année à l'autre, quand elle ef trop mûre ; aufli a-t-on foin de prévenir cet excès de maturité, en cueillant la ooufle , lorfqu'elle commence à fécher. Cette herbe ufe beaucoup la terre , & par conféquent demande à être feule ; ainfi il ne faut pas s'endormir fur Les far- claifons. On lui donne cette premiere façon quinze jours ou trois femaines après qu'elle eft fortie de terre, & enfuite les autres de quinze jours en quinze jours. Comme les Negres n'obfervent pas toujours une grande fymmétrie en fouil- lant les trous pour planter lindigo , ils marchent fouvent defflus , lorfqu'il eft queftion de le nétoyer ; mais quand le terrein eft dégarni de pierres, cela ne lui fait aucun tort, & Îa jeune plante {e releye tout de fuite. 64 IN DIGOTIER.LIVRE Il. Ces farclaifons {e font, quand le cas l'exige » à la main, & plus commu- nément avec la Gratte, fig. x4 & x5, PI. 9. C’eft un petit inftrument de fer, dont chaque extrémité s’élargit de deux ou trois doigts en forme de patte d’oie , & dont un bout eft courbé en tour d'équerre. On £ fert quelquefois d’un mor- ceau de cercle de fer courbé tout fimplement , ou du bout de la ferpe, fo. 16, PI. 9. On à foin de ramañler dans des paniers & de faire jetter à chaque fois hors des entourages & fous le vent, toutes les mauvaifes herbes qu’on arra- che, étant bien perfuadés que les racines & les feuilles mêmes qui ont refté , ou les graines que les grands vents répandent, fecondées par les abondantes rofées & la chaleur, fourniront, fous peu , matiere à une femblable récolte : ce qui eft caufe que certains habitans pouflent la propreté & l'exactitude ju£- qu'à faire balayer leur terrein à chaque farclaifon , afin d'enlever jufqu'aux moindres brins d'herbe , dont la plûpart ont, comme nous l'avons expolé ci- deflus , la vertu réproduétive, Cet ouvrage fi fréquent eft très-pénible pour les Negres, qui font obligés d’avoir toujours la tête baïflée , pour vacquer à ce travail , qui fe continue juf qu'à ce que l’Indigo foit en état de couvrir la terre de fon ombre. Lorfqu'il eft parvenu à fon point de maturité , on le coupe à un bon pouce de terre avec de grands couteaux courbes, en façon de faucille , à l'exception qu'ils n'ont point de dents. Foy. f8.7 ; PL. 9. Mais dans les fonds de terre excel- lents, où l’Indigo bâtard croît quelquefois jufqu'à fix pieds auparavant la matu- rité de fon herbe, la fouche en eff fi grofle & fi forte, qu’on eft obligé de la couper avec la ferpe , #9. 16, PL. 9. on fe fert enfuite du couteau pour en abattre fur le lieu les menues branches, qu'on réferve pour en charger la cuve, & on jette le refte, qui ne peut qu'embarrafler. Tous ces détails n'alongent cependant pas beaucoup l'opération, parce que tous ces travaux fe font avec une grande activité. | L'Indigo étant coupé, l'ufage eft de fe fervir en quelques habitations de ba- Jandras pour emporter la petite comme la grande herbe ; ces balandras font des morceaux de ferpilliere ou groffe toile , de la longueur d’une aune & de la même largeur, afin qu'ils foient quarrés , aux coins defquels on met des liens : chaque balandra ainfi rempli fait la charge d'un Negre. On fe contente fur d’autres habitations d’en faire fimplement des paquets qu’on attache avec l’In- digo même ou avec des cordes; puis on délie cette herbe dans la cuve , où on la répand également fans y laifer de vuide. On obfervera ici que l’Indigo a une fi grande difpolition à fermenter, que pour peu qu'on le laïffe lié en paquets, il s'échauffe & devient tout brûülant. Aufli en prévient-on les fuites , qui feroient très-préjudiciables à la fabrique, en faïfant porter fans différer ces paquets par les Negres ; mais dans les grandes habitations où les Indigoteries font fouvent fort éloignées du lieu où l'on a coupé lherbe | & où l’on fait quelquefois 4 ou 500 paquets à la fois, dont le tranfport feroit aufli long que pénible , Cuar. I. Du Terrein , de la Culture & de la Coupe de l'Indigo. 6 pénible, on charge ces paquets fur des cabrouets à mulets. Chaque cabrouet doit voiturer $o paquets, qui font la charge ou le rempliflage d'une cuve. L'ufage de ces grandes habitations eft d'embarquer leur herbe vers Le foir & au commencement de la nuit, afin de mieux juger à la clarté du jour qui fuit , du dégré de la fermentation , & du temps où il convient de couler Les cuves. Au refte, on doit aifément concevoir qu'il ne conviendroit pas de remettre l’embarquement de tant d'herbe à la nuit, fi l'on n'avoit en même temps la com- modité de pouvoir remplir enfuite tout d'un coup les cuves avec l’eau de quel- que riviere voifine de la maniere qui va être expliquée , après que nous aurons expofé ce qu'il eft néceflaire de faire pour en retenir Les eaux , les diftribuer & Les employer à l'arrofage de l’Indigo. L'époque de la retenue des rivieres pou arrofer lIndigo n'eft pas fort an- cienne à Saint-Domingue. Le préjudice & la défolation qu'une extrême féche- refle ne caufe que trop fouvent à une plantation, ayant engagé , il y a en- viron 40 ans, un habitant des Arcahaix, voifin d’une riviere , à en détourner un filet fur une partie de fon terrein, planté en Indigo; le fuccès de fa ten- tative engagea plufieurs Riverains à limiter , & la riviere fut bien-tôt à fec; les plus éloignés , qui en furent privés , s'étant plaints de cette appropriation, on convoqua une aflemblée générale des habitants , où l’on drefla des Régle- ments pour réformer cet abus, & pour établir un ordre conftant au fujet dé la prife de ces eaux, dont l’ufage devint bien-tôt général. Nous allons donner le précis le plus fuccinét qu'il nous fera por de ces réglements, des travaux qui y ont rapport, & de la ÉORSRE qu'on doit obférver dans l’arrofage de l'Indigo. Précis des Réglements enrepiftrés au Confeil Supérieur du Port-au-Prince, pour fervir de Loix touchant la diffribution de l’eau des Rivieres. Les rivieres d'un même quartier feront partagées entre tous les habitants, proportionnellement à la quantité de leurs terres arrofables ; pour cet effet on conftruira fur chaque riviere une digue avec un baflin, autour duquel on formera les éclufes d'où partiront les canaux qui fe rendront à des baffins particuliers, où l’on fera la répartition des eaux conformément aux régles ci-deflus. On établira un Arpenteur hydraulique Juré pour régler les ouvertures de ces différens baflins, & veiller aux rétablifflements de leurs bornes , lorfqu’elles feront endommagées. L'Arpenteur fera préfent lorfqu'on pofera les pierres des ouvertures de ces baflins , & Les grifons qui doivent fe trouver dans les baflins de diftribution , pour que l’eau fe partage de tous côtés avec égalité. L'habication fupérieure fera obligée de donner un paflage convenable à l'eau de fesinférieures, qui ne feront tenues de lui payer que la valeur de laterre qu'elle INp1GoTrer. 1 1 66 ÎINDIGOTIER. LIrRrE Il. traverfe, fans avoir égard au dommage que ce canal peut lui caufer. Le Propriétaire de l'habitation fupérieure ne pourra difpofer en aucune ma- niere de l'eau de fon inférieur, ni ÿ conduire aucun égout capable de la gâter, fous peine de punition corporelle. Tous les habitants qui tireront leur eau d’une même riviere feront obligés d'envoyer une certäine quantité de Négres proportionnée à leur prife d’eau, pour en nettoyer le lit, Les baflins & les canaux généraux. Mais Les baflins & ca- naux particuliers feront entretenus fuivant Les mêmes proportions par les feuls Négres de ceux qui font aflignés pour y prendre leur eau. Chaque habitant entretiendra à fes dépens les canaux qui font pour le fer- vice unique de fon habitation ; mais il ne fera point tenu du foin des autres, auxquels il fera obligé de livrer pañlage pour l'utilité de fes inférieurs. Les habitants des quartiers de Saint-Domingue qui participent aux ouvrages dont on vient de parler, ont foin d'établir un gardien tout auprès du baflin D , fig. 1, PL 6, à éclufe, auquel on donne 2ÿ00 ou 3000 livres(r) d’ap- pointement par an, avec une maifon © , un magafñn, & une ou deux cafes à Négres, trois ou quatre efclaves & cinq ou fix carreaux de terre de 100 pas quarrés de 3 pieds & demi le pas; Le tout acheté à frais communs des af fociés à la même riviere , fuivant les proportions ci-deflus. Le devoir de ce gar- dien eft de tenir les éclufes ouvértes dans les beaux temps , & de les fermer lorf. qu'il tombe des pluies d'avalafle dans les hauteurs du quartier & les environs de la riviere, afin de l'empêcher alors d’enfiler les canaux & les habitations , où elle ne manqueroit pas de caufer des dommages infinis , dont il eft refponfable. Il eft pareillement obligé de prévenir les habitans du dégât de ces inonda- tions & autres préjudices faits au Batardeau & aux autres ouvrages qui en dé- pendent , afin qu'ils les faflent réparer ou nettoyer fuivant le befoin. Nous allons maintenant parler de la difpofition & de la façon de tous ces ouvrages, À la tête de la digue B , PJ. 6. eftle courfer C qui conduit l’eau de la riviere À au baflin D, dont la hauteur des bords fe régle für la quantité d’eau qu’on veut retenir pour Le fervice des habitations : ce bafin a ordinairement trois éclufes E, à lentrée defquelles on pratique des coulifles pour recevoir les pelles Æ qu’on leve dans les beaux temps, & qu'on abaïfle lorfqu'il pleut d'avalaffade. Deux de ces éclufes font deftinées au pañlage des eaux qui vont fe rendre à des baffins FH, où l’on en fait la diftribution convenable à chaque habitation, Ces deux éclufes font placées aux deux côtés du baflin D ; la troifieme eff droite au milieu de la digue, & la fépare en deux parties, depuis le haut jufqu'au niveau du fonds du baflin. Cette éclufe dont la largeur eft ordinairement d’environ 2 pieds, ne s'ouvre que lorfqu'on veut nettoyer Le baflin ou les deux autres éclufes. (1) 3000 liv. dans nos Iles de l'Amérique ne font que 2000 livres , argent de France. Cuar. I. Du Terrein, de la Culture & de la Coupe de l'Indigo. 67 Les maflifs de la digue des éclufes & du courfier doivent être faits de grofes pierres dures convenablement à l'ouvrage, Le fonds du baflin eft pavé de fem- blables pierres taillées, & bien de niveau jufqu'à la moitié du courfer. Les bords du baflin, du courfier, de la digue & des éclufes, doivent être revêtus d'une forte maçonnerie , couverte par de larges pierres , arrêtées par des liens de fer pour réfifler à l'effort du courant le plus violent. Chaque éclufe des côtés, plus étroite en dedans qu'en dehors, doit fe déchar- ger dans un canal féparé &, qui va fe rendre par un courfier particulier , au baflin Æ/, qu'on appelle de diffriburion | parce que c’eft à ce baflin que fe fait La répartition des eaux. Le contour de ce bañlin eft rond, & le fond plat, & parfaitement de niveau: toutes ces parties font maçonnées, comme celles du premier dont nous avons parlé ci-deflus ; mais Les différentes ouvertures Î qu'on y fait pour la difribution des eaux n’ont point de pelles, parce que dans le temps des grandes pluies on doit fermer celles du baflin D à éclufe, tandis qu'on leve celle qui eft au milieu de la digue PB. On plante vers l’entrée de chaque baflin de diftribution , trois grifons Æ de- bout en forme de trépied , contre lefquels vient frapper l'eau qui arrive direéte- ment fur eux. Ces grifons {ont des pierres de taille quarrées qui fervent à ralentir le cours de l’eau & à la faire s'étendre avec égalité vers les ouvertures de dif- tribution , auxquelles on donne moins de largeur du côté du baflin Æ, que du côté des canaux Z particuliers qui vont la porter à chaque habitation. Comme une petite quantité ou un filet d’eau peut être aïfément abforbé en parcourant un terrein d’une étendue confidérable pour fe rendre à fa deftination » les habitants les plus éloignés du baflin de diftribution Æ7 , en tirent par une même éclufe toute leur eau en commun, & ils l'amenent par un canal commun M, jufqu'à un autre baflin N de convenance , où la fübdivifion s'en fait par les mêmes moyens que dans le précédent, & fuivant les mêmes régles. Lorfqu’on veut arrofer un terrein ©, fi. 2 , PL, 10, on amene l’eau dans la ri- gole R qui eftà côté du carreau P , qu'on a deffein d’humeéter ; on enleve enfüi- re d’un coup de houe la terre du rebord du carreau P à l'endroit où l’on fuppofe que commence l’arrofage, & l’on met cette terre dans la rigole R , vis-à-vis & au-def- fous de l'ouverture 7 qu'on vient de faire, ce qui forme un petit batardeau Ÿ qui oblige l’eau de s'élever & de fe répandre fur le carreau qui doit avoir une pente infenfble. C'eft pourquoi on a foin de barrer l’eau qui coule fur le carreau, de diftance en diftance , avec de longues torques Ÿ faites de feuilles de Banannier entortillées , afin que l’eau s’étende également fur tout Le travers de la planche, & qu'elle ait Le temps de {éjourner fucceflivement fur toutes Les parties d’une éten- due d'environ 100 pieds de long plusou moins ; après quoi on débouche la rigole pour amener l'eau à 100 pieds plus bas, où l’on recommence la même manœuvre que ci-deflus, obfervant toujours de conduire & d'arrêter l’eau avec la même douceur, par rapport à la pente des carreaux : car fi l’eau couroit trop vite, L 68 I: NID GCRONTALENRE LIFE ENT: ; elle brouilleroit la terre , emporteroit la graine çà & là & formeroit un limon qui l'empêcheroit de pénétrer à la profondeur nécefire. Cette profondeur doie être au moins d'un pied , parce que fi la terre ne fe trouvoit imbibée que de deux ou trois travers de doigt, la graine qu’elle renfermeroit feroit précifément dans le cas d’un faux grain de pluie qui ne manqueroit pas d'en faire périr le germe: car on ne lui donne point de nouvelle eau jufqu'à ce qu'elle foit levée & farclée. Le premier arrofage doit fe faire vers le milieu de l'après-midi , afin que l'eau ait le temps de pénétrer la terre avant que le foleil donne deflus; mais quand l’Indigo eft levé, on ne fe gêne pas fur cet article (Tr). Dans les quartiers dont nous venons de parler où l’on a de l’eau à fon com- mandement , on pratique encore deux chofes fort efentielles, l’une à l'égard de la plantation des vieux terreins abandonnés & empoifonnés de mauvaifes herbes, & l'autre à l'égard du ménagement des tiges d'un Indigo ravagé par la chenille, Pour parvenir à nettoyer parfaitement un terrein empoifonné , on fouille, on farcle | & on drefle laterre pour la difpofer à un arrofage complet qu’on lui donne incontinent après ce travail. On voit bientôt après cette terre toute cou- verte d'herbes. Mais on les laïfle croître aflez pour pouvoir les arracher aïfé- ment avec la main ; ce qui eft facile quand la terre a été ainfi préparée. On renouvelle une feconde fois tous ces ouvrages , depuis le premier jufqu’au der- nier pour achever de nettoyer le terrein. Enfin , on réitere ces trayaux pour la troifieme fois, avec la différence qu'on plante l'Indigo à celle-ci avant l’arrofage. On le farcle quelque temps après, c'età-dire, lorfqu'il a environ un pouce & demi de hauteur ; car s’il étoit trop petit, on courroit le rifque de le confondre & de l’arracher avec les herbes qu'on veut extirper. Après Les farclaifons convenables, un des principaux objets de l'attention des Indigotiers eft la chenille. Ils tâchent d’en prévenir le ravage en coupant autant qu'ils peuvent, l'Indigo avant qu'elle y ait fait trop de dégât. Mais lorf que malgré toute leur vigilance & leur activité , la chenille a fait trop de progrès , ils lui abandonnent le refte de la plante, qui n’a bientôt plus que la forme d’un balai ; après quoi ces infectes meurent faute de nourriture & d’abri, Quand les chofes font en cet état, on ne coupe point les tiges, comme on le fait ailleurs en pareil cas, pour avoir un rejetton propre à la cuve au bout de fix femaïnes ; mais on les conferve en faifant venir l’eau fur le terrein, & on lui donne un ou deux arrofages, fuppofé qu'il ne vienne point de pluie. La plante reprend vigueur, & repoufle un nouveau feuillage qui la rend bonne à couper au bout de quinze jours ; ce qui fait une grande différence. Mais après lacoupe de l'herbe, on doit bien # garder d’arrofer les fouches avant qu'elles aient boutonné ; car f on le faifoit plutôt elles périroient infailliblement, On (1) Voyez à l'explication de la Planche 10, une petite Addition relative à cet article. ne Cuae, Il. Du Terrein, de la Culture & de la Coupe de l'Indigo. 69 ne court cependant aucun rifque de les arrofer au bout de dix jours. Lorfqu'on deffouche un terrein dont les grandes rigoles fe trouvent trop minées par le cours des éaux , on comble celles-ci , & on en refouille de nouvelles à côté, avant de replanter la piéce. La profondeur & la largeur des grandes & des petites rigoles fe réglent fur la quantité de l'eau qu'on à. Comme il eft très-avantageux d'amener un filet d'eau vers les Indigoteries, afin de couvrir l'herbe dont on remplit la trempoire, on a attention de les placer en un lieu propre à recevoir cette eau par-deflus les cuves , & d’en fou- tenir le cours & le niveau par un petit aquéduc r, qui va fe rendre juf- qu'à la trempoire ; s'il y a plufeurs de ces vaifleaux côte à côte, on fait une dalle f’en maflone tout du long d’un côté fur le rebord même des Indigoteries. Cette dalle doit avoir vis-à-vis Le milieu de chaque vaifleau , une ouverture g ou dalleau qui s'ouvre & fe bouche füuivant que l’on veut donner l'eau à l’une ou à: 2 à l’autre de ces cuves. CHAPITRE QUATRIEME. Préparatifs € Deféription générale de la Manipulation de lIndigo. L> s eaux influent beaucoup fur la fabrique de l’Indigo ; celles des rivieres & des * ravines claires font les pluspropres àpénétrer &àdifloudrele plante, lorfqu'elles ne font point trop froides, ni crues ; c’eft pourquoi on doit préférer celles-ci à celles de puits qui fontfouvent déja chargées de fels, & ces dernieres aux eaux troubles de rivieres , parce que leur limon en fufpend l'activité, & que leur dépôt altere con- fidérablement la qualité de Indigo , comme les habitants des bords du Miffifipi l'ont éprouvé avant qu'ils euffent pris Le parti de faire rafloir les eaux limoneufes de cette riviere, pour l’employer à la fabrique de leur Indigo. Il eft néceflaire à cette occafon de remarquer que des eaux gardées trop longtemps dans des ré- fervoirs, pour avoir l’avantage de remplir une cuve tout d'un coup, & dont quelques-uns fe fervent pour réchauffer celles qu'on doit bientôt employer , peuvent en fe corrompant par la chaleur du foleil , & par les infectes qui s’y mettent , retarder ou gâter la diffolution qu'on en attend ; quoique cette mé- thode foit en elle-même très-utile & très-avantageufe. Onfe croit encore obligé d’avertir ici que l’Indigo fabriqué avec des eaux fali- nes eft d’une dangereufe acquifition ; car, quoiqu'il aït un très-beau coup d'œil quand il a été longtemps expofé au grand air, les principes falins dont il eff com- poié confervent ou attirent une humidité qui {e développe toujours dès qu'il ef renfermé quelque temps; ce qui Le rend beaucoup plus pefant qu'un autre, lorfqu'on l’achete , & d'une mauvaife défaite quand on vient à Le débarquer des vaifleaux, INDIGOTIER. S e Le 7O INDIGOTIER. Livre II. Quand l'herbe eft coupée, on l’embarque dans la Trempoire ou Pourriture À, fg. 43 Pl 4, & on l'y répand de façon à ne faire aucune mafle, ni aucun vuide. On couche enfüite par-deflus , & {lon la longueur de la cuve, des pas liflades I de Palmifte, fur lefquelles on pofe en croix de fortes barres Æ7 ; on arrête ces barres par des coins ou de petits étançons pallés entr'elles & les barres G des clefs D, fig. x. PL 4.$i les barres de clefs D {ont trop libres dans leurs mortaifes, on les gêne par quelques coins ; mais on a attention de ne point trop comprimer lherbe, afin de ne pas s’oppofer aux bons effets de la dilatation & du développement que la fermentation doit occañonner. Lorfque ces préparatifs font achevés, on remplit la cuve , jufqu'à fix pouces du bord ; avec l'eau de quelques puits p, fig. 2, PL. 4, ou ravine voifine, au moyen d'une gouttiere g, ou d'un canal qui communique de l'un à l'autre : peu après qu'on à verlé l'eau qui fürmonte l’Indigo de trois à quatre pouces, il s'éleve du fond de la cuve, avec un certain bouillonnement, de grofles bulles d'air, & une liqueur qui, en retombant, forme des bouclettes & ré- pand à la fuperficie une petite teinture verte, qui par dégrés change l’eau en un verd extrémement vif: lorfque le verd eft à fon plus haut dégré, la furface de la cuve fe couvre d'un cuivrage fuperbe , lequel à fon tour eff effacé par une crême d’un violet très-foncé , quoique la mafle entiere de l’eau refte toujours verte ; la cuve ayant alors le dégré de chaleur qui lui eft propres jette par-tout de gros floccons d'écume en forme de pyramides. Cette écume eft tellement fpiritueufe, que fi on y met le feu ; il fe communique ra- pidement à toute celle qui fe fuit, & l’Indigo fait quelquefois des efforts f violents , qu'il rompt ou fouleye les barres , & arrache les clefs lorfqu'elles ne font pas bien énfoncées ou affermies dans la terre. Quand la cuve pro- duit de pareils effets, on dit alors qu’elle foudroye. Cette fermentation qui dure plus ou moins fuivant la qualité ou le corps de l'herbe, & fuivant la faifon froide ou chaude , féche ou pluvieufe , en développe tous les fucs & les parties propres à former l’indigo. Lorfqu'on veut juger de la difpofition de tous ces principes à une union prochaine , on fonde la cuve, dont la matiere eft pour lors fi épaifle qu'elle eft en état de fupporter un œuf. Cette expérience fe fait au moyen d’une tafle d'argent , fe. 6, PI. 4, ronde, garnie d'une anfe , femblable à celles des Marchands de Vin , qu'on remplit de cette eau au tiers ou environ : le dedans de cette tafle doit être bien clair: car c'eft fur ce fond qu'on doit juger de l’état de la cuve : sil eft crafleux, il fait paroître l’eau embrouillée & différente de ce qu'elle eft effectivement, de forte qu'on s’imagine que l’Indigo eft trop diffous, tandis qu'il ne l’eft pas aflez; & bien qu'on puifle s’en appercevoir enfuite au battage, il en réfulte toujours une perte, quand même on reconnoitroit cette erreur qui provient cependant d’un rien ; c’eft pourquoi l’Auteur de la Maïfon ruftique de Cayenne confeille d'employer unetafle de cryftal, comme plus propre à cet examen. Cuar. IV. Préparauifs & Defcriprion de la Manipulation de l'Indigo. x On obtient l'éclairciflement défiré , par le mouvement de la tafle, dont l’a- gitation produit à peu près ce que le battage opéreroit en pareil cas, dans la feconde cuve, c'eft-à-dire, que fila matiere avoit aflez fermenté dans la premiere cuve , pour que fes parties ayant les difbofitions les plus prochaines à l'union , s'y déterminaffent par Le battage , il fe forme également dans la tafle de petites malles, ou grains, plus ou moins diftinéts , fuivant la qualité de lherbe , & le dégré de fon développement dans la fermentation préfente. Quand ce grain qui n'eft pas plus gros que le moindre grain de moutarde eft bien formé , il cale ou fe précipite par fon propre poids , au fond de latafle, & ne laifle d'ordinaire à l'eau qui Le furnage , qu'une couleur claire & dorée, à peu près femblable à de vieille eau-de-vie de Coignac ; c’eft ce qu'on remarque,’ lorfqu'après avoir agité la tafle, on la panche tant foit peu, pour laïfler un côté du fond à découvert : on voit non-feulement les effets ci-deflus, mais encore un grain fubtil rouler ou s'éloigner du bord le plus élevé, qu'il doit laifer net, & l’eau formant vers ce bord un filet bien clair & bien déta. ché du grain. On continue de temps en temps cette manœuvre, jufqu'à ce que ces indices fe montrent aufli clairement que le permettent les circonftances, dont on renvoye le détail en fon lieu. Mais l'importance de ces indices nous oblige d’avertir qu'il ne fuffit pas de fonder la cuve par en haut, lorfqu'on veut en avoir une connoïflance exacte ; car l'Indigo des mornes ne préfente bien fouvent qu'un faux grain à la fuperficie ; d’ailleurs l'herbe qui eft en bas entre bien plutôt en fermentation que celle du deflus qui refte près de deux heures avant d'être couverte : & dans les temps pluvieux où l’Indigo n’a befoin que de dix ou douze heures de fermentation, le haut de la cuve change fi peu , qu'envain y chercheroit-on un grain qu'elle n’a pas la force d'y déve- lopper ou d'y foutenir. Il eft donc du devoir d’un Indigotier de fonder éga- lement fa cuve par en bas, au moyen du cornichon , fg. 7, PL 4, qui va prendre de l'eau au fond, ou encore mieux, en lâchant le robinet , afin d'en confronter la différence, & continuer alternativement, jufqu’à ce qu'il lui trouve les qualités requifes. Lorfque la tafle offre à peu près le grain, & l'eau qu’on peut attendre de la qualité de [Indigo , il eft de la prudence de ne pas expofer les principes de ce grain à une plus longue fermentation, qui Les feroit tomber dans une diffolution , dont Le battage ne pourroit les relever, ce qui entrat- neroit la perte de cette cuve ; c’eft pourquoi il convient de faifir ce moment, pour couler la cuve & en retirer toute l’eau qui tombe, chargée d’un verd foncé, dans la batterie. Quoiqu'il importe peu en apparence aux Indigotiers de fa voir que la couleur verte eft le réfultat de la combinaifon du jaune & du bleu , il n'eft cependant pas moins vrai que tout leur travail a un rapport dire & eflentiel à la connoiffance de cette loi, & qu'elle n'a rien de frivole pour eux ; puifque tout leur art ne confifte qu'à développer les principes de ces couleurs , afin d'avoir la facilité de Les défunir, & d'éconduire enfüite la partie 72 IN DIGOTIER. Livre II. jaune en réfervant la bleue , dont l'exacte divifion fait toute la perfeétion du métier. Il feroit à fouhaiter que cette remarque engageât quelqu'un de nos Co- lons, ou quelque amateur des Arts établi en Languedoc , à faire diverfes épreuves fur la Maurelle ,\appellée Æeliorropium Tricoccum (x), dont on fait le Tournefol, & à tâcher de la traiter comme l'Indigo , avec qui elle a beaucoup de rapport par fon produit. En effet, lorfque la Maurelle eft en fleur, on la broye pour en exprimer Le jus qui eft extrémement verd. On trempe dans ce jus des morceaux de toile ou drapeaux, on les étend au foleil pour les fécher : on réitere deux ou trois fois cette manœuvre ; après quoi on expofe ces chiffons ou drapeaux à la vapeur des alkalis volatils de l'urine putrifiée ou d'un ‘fumier chaud , qui de verds les rend tout bleus. Ces drapeaux fortement char- gés de cette couleur fe vendent aux Hollandoïis , qui ont le fecret d’en faire l'extraction, & d'en compofer de petites mañles qu'ils nous revendent fous le nom de Bleu de Hollande. Cette préparation pourroit faire préfumer que la fermentation développe beaucoup d’efprits alkalins dans ln. digo. L'odeur nauféabonde approchante du foie de foufre que à fécule exhale pendant le cours de fà préparation , & qui fe ranime encore lorfqu'on fait ref fuer l'Indigo après qu'il eft {ec ; la poufliere ou fleur blanche dont il fe couvre de plus en plus en féchant, femblent indiquer encore plus l'abondance des elkalis que renferme cette matiere, On peut aufli préfumer que les alkalis fervent de bafe à la partie jaune de l'extrait, & qu'ils concourent avec les acides aux différents développements de la fermentation ;-mais nous nous arrêtonsici, crainte de poufler trop loin des con- j2@tures hafardées. Au refle , ce que nous venons de dire au fujet des eflais que nous propofons à l'égard du Tournefol, nous Le difons de même à l'égard de la plante du Paftel, dont on f fert fouvent en France pour teindre en bleu Cette plante fe cultive en Languedoc, & principalement aux environs d'Alby; elle fe travaille ainf. On cueille fes feuilles, on les met en tas fous un hangard pour qu’elles fe flétriflent fans être expofées à la pluie ni au foleil ; on porte ces feuilles au moulin, où on les réduit en pâte que l’on pêtrit avec les pieds & avec les mains ; on en fait des piles dont on unit bien la furface , la battant afin qu'elle ne s'évente pas. La fuperficie de cestas fe féche, il sy forme une croûte, & au bout de quinze jours on ouvre ces petits monceaux, on les broye de nouveau avec les mains, & l’on mêle dedans la croûte qui s'étoit formée à la fuperficie ; on met enfuite cette pâte ainfi broyée en petites pelottes ; c’eft là le Paftel de Languedoc. L'intérêt qu'on peut prendre au travail de ces deux plantes nous en fait placer une efquiffe à la Planche IE, fig. 4, T our- ne[ol, & fig. 5, Paflel. (2). (1) Cette plante eft aufli nommée Tournefol Gallorum dans les Mémoires de l’Académie, année 1712 . page 17. (2) M. de Juffieu, de l'Académie des Sciences, vient de me dire, qu’un Membre de la même (Académie , avoit tenté inutilement de tirer une fécule du Paftel, & qu'un autre {çavant n’avoit pas mieux réuffi à l'ésard de la Maurelle. | Pour Cuar, IV. Préparatifs & Defcriprion de la Manipulation de Indigo: #3 Pour revenir à notre fujet , l'apprêt que reçoit l’éxtrait dans le vaiffeau de la Batterie, confifte dans la violente agitation & le bouleyerfement qu’occa- fionne la chûte des Buquets : par ce mouvement, toutes Lés parties propres à la compofition de la fécule fe rencontrent, s’accrochent & fe concentrent en forme de petites mafles, plus ou moins grofles , fuivant les différents états de l'herbe , de la fermentation & du battage. Ces petites mafles font ce qu'on appelle le Grain. Par ce bouleverfement , l'eau qui paroïfloit d'abord verte , devient infenfible- ment d’un bleu extrêmement foncé. Pendant le cours de ce travail, on. jette à différentes reprifes un peu d'huile de poiflon, ou une poignée de graine de Palma Chrifii écrafée, qui eft fort huileufe , dans la Batterie , pour diffiper l’écume épaifle qui s'éleve fous le coup des Buquets, dont elle empêche l'effet. La groffeur, la couleur & Le départ plus ou moins prompt de cette écume fervent , avec Les indices tirés de la tafle, à faire juger de la qualité de l'herbe, de l'excès ou du défaut de fermentation, & à régler le battage. Lorfque le grain tarde à {e préfenter fous une forme convenable, on l'excite par la continuation de ce travail, qu’on gouverne tou jours à l'aide des indices ci-deflus, jufqu'à ce qu'on en foit fatisfait. Quand il eff fur fon gros ;, on exa- mine la diminution que le battage doit néceflairement lui occafonner , c'eft ce qu'on appelle le Rafnages par ce moyen il s’arrondit & fé concentre de maniere à caler & à rouler parfaitement au fond de la tafle. Lorfqu'il eft à ce point , on cefle le battage ; l'eau qui tient en diflolution la partie jaune & les autres principes fuperflus , fe fépare quelque temps après de la fécule & s'éclaircit peu-à-peu en la fubmergeant tout-à-fait. Deux ou trois heures fufifent au repos de la cuve, quand rien ne lui manque ; mais fi on n'eft pas prefé, il vaut mieux la laiffer tranquille pendant quatre heures, afin que le grain le plus léger ait Le temps de fe dépofer, & qu'il fe trouve moins d’eau mêlée avec le {édiment ; après quoi on ouvre le premier robinet F , fo. ÿ , PL. 4, feule- ment pour que l'écoulement n’occafonne aucun trouble dans la cuve; lorfque toute l’eau qui étoit à cette portée s’eft écoulée , on lâche Le fecond, qui met la fécule étendue fur le fond de la cuve à découvert. M. de Reine , ancien Habitant de l’Ifle de France, que j'ai déja cité, m'a dit qu'il laïfloit repofer la Batterie pendant 24 heures , & que fon Indigo étoit comparable au plus beau des grandes Indes. Les eaux fortant de ces deux robinets tombent naturellement dans le Baflinot ou Diablotin Æ , fig. $, PI. 4, lequel étant bien-tôt rempli, dé- gorge fur le plan F7, du Repofoir, d’où elles s’écoulent par fon ouverture ©, qui , fuivant les loix du pays, doit déboucher dans quelque fofle ou marre perdue, parce que cette eau eft capable d’empoifonner les animaux qui boi- soient d'une ravine ou d’un ruifleau avec lefquels on auroit eu l'imprudence de la mêler. J'ai même obfervé en Europe, que la poufliere de l’Indigo étoit INDIGOTIER. T y INDIGOTIER, Livre Il. pernicieufe à la poitrine, occafonnant des crachements de fang aux gens qu'on employoit long-temps au triage de cette denrée, Quand l’eau de ces deux premiers robinets , qui eft d’une couleur ambrée & claire lorfque l'In- digo eft bien fabriqué , eft écoulée, on lâche un peu le troifieme, afin de killer pañler d'abord celle qui eft mêlée avec la fécule : on le repoule dès qu'elle fe préfente : on continue ce petit manége jufquà ce quil nen vienne prefque plus; après quoi on vuide toute l’eau du baffinot pour y rece- voir la fécule. Quelques autres fe fervent alors d’une cheville quarrée à la place de celle qui ferme la troifieme bonde ; la fécule s'arrête jufqu'à ce que l’eau fe foit échappée par les iflues que forme le quarré : on la retire enfin pour que toute la fécule, qui reflemble en cet état à une vafe fluide d’un bleu prefque noir, tombe dans le Baffinot qu'on a eu foin de vuider auparavant | & on fait def- cendre un Negre dans la Batterie, pour achever d'amener ayec un balai Le refte de la fécule vers la bonde ; on place au devant de cette troifieme bonde un panier pour intercepter tout ce qui lui eft étranger ; s'il en pañle encore dans le Diablotin , on enleve ce qui furnage avec une plume de mer, on retire enfuite la fécule au moyen d’un Coui, ou moitié de calebafle , d’où on la tranf- vafe dans des facs de toile Z', fg. 1 @ 2, PL. ÿ , garnis de cordons par lefquels on les fufpend des deux côtés aux crochets du ratelier U, fig. 1, PL 4:0on laïfle l’Indigo s’y purger jufqu’au lendemain. Lorfque les fcs qui doivent être lavés & féchés à chaque fois qu'on en fait ufage, ne rendent plus d’eau, on en partage le nombre en deux , & on fufpend chaque moitié en réuniflant les cordons de chaque lot; ce commun afflemblage les prefle & acheve d'en expri- mer le refte de l’eau; puis on renverfe & on étend la fécule, qui eft encore très-molle , dans des caïfles 4, fig.3, 4@ $, PL $, fort plattes, qu'on expofe pendant le jour au foleil fur des établis B , fo. 8, PI. 4, dont une partie eft à l'abri de la fécherie S, & l’autre en plein air. C’eft là que l’Indigo fe defléche infenfblement. Sitôt que Le foleil l'a pénétré , il fe fend comme de la vafe qui auroit quelque confiftance. On doit préférer le foir au matin, pour le commencement de cette opération, parce qu'une chaleur trop continuelle furprend cette matiere, en fait lever la fuperficie en écailles, & la rend ra- boteufe , ce qui n'arrive point, lorfqu'après cinq ou fix heures de chaleur, elle a un intervalle de fraîcheur qui donne Îe temps à toute la mañle de pren- dre une égale confiftance. On pañle alors la truelle, f9. 14, PL ÿ, par-deflus, pour en comprimer & rejoindre toutes les parties fans les bouleverfer, cette manœuvre préjudiciant à la qualité de l’Indigo, comme nous l’expliquerons ci-après ; enfin, lorfqu'il a acquis une confiftance convenable , on en polit en- core la fuperficie, & on le divife par petits carreaux À, fa, PL. $ , d'un pouce & demi en tous fens : on continue de l'expofer au foleil , non-feulement jufqu’à ce que les carreaux fe détachent fans peine de la caifle , mais encore jufqu’à ce qu'il paroifle entiérement fec. Il n’eft cependant , fuivant les Loix, Cnap. TV. Préparatifs & Defcription de la Manipulation de l'Indiso. 7S$ ni livrable , ni marchand qu'il n'ait reflué; car fi on l'enfutailloit exaétement dans cet état, on ne trouveroit au bout de quelque temps , que des fragments de pâte détériorée & de mauvais débit; c’eft pourquoi on le met en tas dans quelque barique recouverte de fon fond défaflemblé , ou de torques de feuilles de Bannanier defléchées , & on l'y laïfle environ trois femaines ; pendant ce temps il éprouve une véritable fermentation, il s'échauffe au point de ne pou- voir y fouffrir la main, il rend de grofles gouttes d'eau, il jette une vapeur défagréable , & fe couvre d’une fleur qui reflemble à une efpece de fine farine: enfin, on le découvre, & fans être expofé davantage à l'air, il fe refféche en moins de cinq ou fix jours. Tous ces effets proviennent vraifemblablement de l’état de {écherefle & de contraétion qu'a éprouvé cette matiere , laquelle étant une fois à l'abri, tend naturellement à £ dilater, & donne occafon à l'air ex” térieur qui sy infinue , d'y introduire en même-temps l’humidité dont il eff chargé. Cette action de l'air intérieur, qui tend à fe débander, & de l'air frais ex- térieur qui s’y infinue avec fon humidité , fe communiquant à toutes Les parties de chaque mafle, doit néceflairement occafionner entrelles un dérangement & un mouvement fuivis d’une chaleur aflez grande pour produire tous les phé” nomenes de la fermentation dont nous venons de donner la defcription. On peut mème préfamer que l’Indigo éprouve plus d'une fois cette efpece de crife, fur-tout quand il pafle la mer, à moins qu'il ne foit embarqué extré- mement fec & bien clos. Ce qu'il y a de conftant, & ce que peu de perfonnes obfervent , c'eft que l’Indigo pefe beaucoup moins avant d’avoir reflué , que fi-tôt après avoir reçu cette derniere façon. | Lorfqu'il a pañlé par cet état, il eft entiérement conditionné , & il eft im- portant de ne pas en différer la vente, fi l'on ne veut pas fupporter la dimi- nution à laquelle il eft fujet , les fix premiers mois après cette crife, qu'on peut bien évaluer à un dixieme de déchet, & fouvent beaucoup au-delà. Quelques habitants le font fécher à l'ombre dès que les carreaux quittent la caïfle; il eft vrai que c'eft un ouvrage de longue haleine, & qui demande plus de fix femaines avant qu'il foit en état de refuer : mais cette façon de Le _ faire {écher lui eft très-favorable ; il femble en acquérir une nouvelle liaïfon » & fon luftre fe perfectionne par la diflipation lente des diverfes fueurs , qui Le couvrent dans cet intervalle d’une fleur aufli blanche que la poufliere de la chaux. Il eft conftant que cette méthode n’eft pas fujette au même déchet que autre, & qu'elle procure une qualité fupérieure. C’eft pourquoi on ne peut trop inviter Les Indigotiers à fuivre cette pratique. Ceux dont Les établis font couverts d’une quantité confidérable de caïfles, ne pourroïent cependant guère ladopter, à moins qu'ils ne vouluffent faire un plancher & des étageres fous le faitage & tout autour de leur fécherie pour l'étendre deflus ; cela fait, on le met à refluer; comme nous l'avons dit ci-deflus. 76 IN DIGOTIER. Lrvere Il. Il convient de retoucher un mot fur le pétriffage de Indigo. Lorfqu'il commence à fécher dans les caïfles, on s’imagine que cette efpece d'apprèt lui donne de la liaïfon : mais c’eft une erreur; car cette liaifon ne dépend uniquement que du dégré de la fermentation & du battage qu'il a éprouvé, & notamment de ce dernier, ce qui eft facile à vérifier par lIndigo d'une cuve qui péche dans l’un & l’autre cas; il s'écrafe au moindre choc, parce que la façon qui étoit néceffäire à fà liaifon lui manque, & il eft abfurde de croire qu'on lui reftitue ou qu'on perfectionne cette qualité en en pétriffant des parties défectueufes ; au contraire il en réfulte fouvent une perte; car fi on mêle [a fuperficie de la caïfle avec le deflous, cette fuperficie, ( en fappofant qu'on ait laïflé faire des croutes ) altérée par le foleil, fe trouvant confondue avec le refte de a pâte, forme des veines ternes & ardoifées qui en diminuent beaucoup le prix. Ceux qui regardent de près à leur intérêt féparent leur Indigo dans la caiffe le lendemain ou Le fur-lendemain , ce qui fait une différence de fix jours fur le terme qu'il faut aux autres pour Le fécher; ils y trouvent encore leur compte , en ce que, plus l’Indigo tarde à fécher, plus la force de fon odeur augmente & attire les mouches qui y dépofent leurs œufs : ces œufs fe changent fous moins de deux fois vingt-quatre heures en vers qui s’infinuent dans les crevañles de l’Indigo , dont ils mangent une partie, & alterent l’autre, en y répandant une humeur vifqueufe qui l'empêche de fé- cher, d'où il réfulte une perte réelle, tant à l'égard du poids que de la qualité, & un grand retard , fur-tout dans la faifon pluvieufe, où il convient que les uns & les autres entretiennent un feu continuel dans [a fécherie , afin que la fumée en écarte tous les infectes. On éviteroit prefque tous ces inconvénients fi, comme dans certains en- droits des grandes Indes, où l’on eff dans l'ufage de le pêtrir & de le fécher entiérement à l'ombre, on mettoit l'Indigo dans des caifles d’un demi pouce de haut; & fi, après lavoir féparé par carreaux , on les mettoit dans d’autres caifles féchées au foleil: cette méthode, à la vérité, exigeroïit un plus grand nombre de caïfles; mais comme l'Indigo fécheroit beaucoup plus vite, les caifles feroient plutôt délibérées ; ainfi cette augmentation ne feroit pas auf confidérable qu’on peut d'abord fe l'imaginer ; & comme, felon toute appa- rence , l'Inde de l’Afe doit une grande partie de fà belle qualité à l’obfer- vation exacte de ces différentes pratiques, on doit en efpérer à-peu-près un femblable fuccès à l'égard de Indigo , en donnant même aux caifles un pouce de hauteur. IL eft vrai que les Marchands, accoutumés à acheter l'Indigo de nos Colonies en gros carreaux, feront d’abord furpris de la différence du volume de ceux-ci ; mais fi la denrée eft réellement plus belle, ils ne s’arré- teront pas long-temps à la forme. | Quand on retire l'herbe de la pourriture , la tige & les branches n’en paroiflent pas autrement altérées ; mais le feuillage qui y tient à peine , eft fi flafque Cup. IV. Préparatifs & Defcriprion de la Manipulation de l'Indioo. 77 flafque & fi livide , qu'il eft aifé de difcerner que Le fuc des feuilles contribue feul à la formation de la fécule ; il eft cependant permis de penfer que le corps & l'écorce de la plante fourniflent quelques fucs propres à la fermen- tation & à la coloration du jaune. Mais on ne doit pas croire qu'ils foient feuls capables de compofer le grain, puifque lorfque la Chenille a rongé toute la verdure , le refte de la plante ne rend plus rien ; ou s’il rend quelque peu de fécule, on doit plutôt le regarder comme le produit de la partie verte de l'extrémité des branches , qui participent de la qualité des feuilles , que comme celui de l'écorce. Les habitations où l’on manque d’eau dans les féchereffes extrêmes , tachent de conferver celle qui doit fe perdre dans la vuide, & on en remet le plus qu'on peut fur la nouvelle herbe, afin d'éviter une partie du tranf “port qu'il faut faire pour remplir la cuve. Ces fortes de cas font bien rares; mais on prétend que cet ufage ne préjudicie point à la fabrique de l'Indigo. On doit cependant préfumer que l’eau de cette nouvelle cuve fera beaucoup plus foncée que toute autre, & moins propre à une nouvelle diflolution. Le corps de la maçonnerie d'une Indigoterie fimple & telle que nous la- vons décrite dans le premier Chapitre peut revenir à 3000 liv. y compris Le travail des Negres de l'habitation , qu'on peut bien évaluer à près de la moitié ou environ. On ne peut fixer Le prix du moulin, de la fécherie & des autres ouvrages qui y font relatifs. IL fuMit de favoir que chaque Negre de place peut couter environ 1800 à 2000 liv. Le tout argent de l'Amérique, qui fe réduit à deux tiers de fa valeur numéraire en France. Chaque cuve chargée de quarante paquets ou charges d'un Noir, lorfqu'on eft dans la belle faifon , peut rendre trente livres d'Indigo, qui fe vend à préfent en France , fuivant f qualité, depuis fix jufqu'à onze livres de notre monnoie. Je parle de l'herbe des habitations fituées dans les plaines; car celles des Mornes donne beaucoup moins , l'air y étant plus tempéré , & par conféquent moins propre à lui donner du corps. Ce revenu ne laifleroit pas d’être confidérable fi chaque coupe étoit égale ; mais il y a une grande différence entre leurs produits. La premiere rend peu, & l’herbe ne fournit pas. La feconde coupe eft la meilleure; la troifieme diminue d'un tiers, la quatrieme des trois quarts, & la cinquieme fe réduit prefque à rien. Ceci fouffre cependant de grandes exceptions, tant par rapport à l'ex- cellence des terreins qu’à l'influence des temps. On doit encore remarquer que l’Indigo bâtard rend fouvent près d'un tiers moins , pour Les raifons que nous avons expliquées ci-devant. Ainfi il faut beau- coup rabattre de la premiere eftime dont nous venons de parler , fans entrer en compte des accidents de la plantation dont on eft déja inftruit. Pour achever le détail de cette Manufaéture , on doit ajouter que deux Indigoteries & trente Negres travaillant , fuffifent à l'exploitation d’un terrein INDIGOTIER. V 78 IN DIGOTIER, Livre Il. de r$ carreaux de 100 pas quarrés de Saint-Domingue, où la mefure du pas eft de trois pieds & demi de France ; on fuppofe ici que le terrein où lon peut cultiver ces 1ÿ carreaux en Indigo eft déja bien net & pris dans la plaine où l'exploitation eft beaucoup plus facile que dans les mornes, IL faut au refte favoir que dans nos Colonies les bâtiments, les favanes où l’on en- tretient le bétail , les places à vivre pour Le Maître & les Efclaves occupent près d'un quart du terrein d’une habitation, & qu'il en refte fouvent autant en friche, où en bois de bout; pour fervir de reflource quand la terre où l’on plante l'In- digo vient à s’épuifer. Dans les habitations où l’on n’a plus de bois de bout pour remplacer les terreins ufés , & où l’on eft obligé de faire fervir Les vieux défrichés, on a recours à diffé- rents artifices pour Les relever de cetépuifement & pour leur redonnerune nouvelle vigueur. Un des principaux eft de répandre fur les carreaux qu'on retravaille ; un peu d’ancien fumier d'Indigo, qu'on appelle à l'Amérique Fatras-[ndigo, dont on a déchargé les cuves. Cet engrais, fortant même de la Trempoire, eft excellent & produit toujours un bon effet; mais fi l’on veut rétablir Le fond d’une piece deterres & la rendre propre à fe foutenir long-temps fans Le fecours dés fumiers , il faut y planter du gros-petit Mil, où Mil à panache , fo. 2 ; PL. 6, dont la tige & Île feuillage reffemblent beaucoup au Maïs, mais dont la graine ronde eft quatre ou cinq fois plus groffe que celle du Millet de France. On coupe ce Mil au bout de fix mois, & on laifle la tige avec tout fon feuillage à pourrir fur la terre. La fouche repoulle alors de nouvelles tiges, dont on récucille le grain dans le temps de fa maturité. On coupe enfuite Le pied de la plante, & on l’abandonne fur le terrein pour s'y deflécher ; & lorfque la grande faifon des plantations s'ap- proche , on y met le feu. On deflouche enfuite Le refte de la plante , qu'on brûle après avoir fouillé toute la piece avec la houe ; on retravaille encore ce terrein autant de fois qu'il eft néceflaire , jufqu’à ce qu’il foit en état de recevoir de nou- velle graine d’Indigo, ce qui fait à peu-près un intervalle dé rÿ mois. Lorf- qu'un terrein a été ainfi relevé , il produit une très-belle herbe , & il eft en état de réfifter à la cuiture de l’Indigo prefqu’auffi long-temps qu'un bois neuf; car» c'eft ainfi qu'on appelle les terreins dont on à abattu les bois depuis peu. Quel- ques habitants , pour relever un terrein en friche & couvert de gazon , en font lever toute la fuperficie par pieces ou par mottes , dont on forme dés cas ou des” piles de diftance en diflance ; lorfque ces mottes , qui font un peu écartées les unes des autres , font féches , on y mer le feu, & on en répand la cendre fur la terre de ce défriché , qu’elle fertilife pour long-temps. La bonne économie demande , qu'après avoir planté la moitié d'un terrein en Indigo , on obferve un intervalle d’un mois ou fix femaines avant d'enfemen- cer le refte. Cette précaution eft néceflaire pour parer à l'inconvénient dés pluies, qui font fouvent différer la coupe de l'herbe , & pour que fes différents âges donnent le moyen de la couper alternativement au point convenable de fà ma- Cuar. IV. Prépararifs @ Defcription de la Manipularion de l’Indigo. 79 turité ; on profite du relâche que donne cet intervalle , pour vacquer aux pre- mieres firclaifons & aux autres ouvrages indifpenfables. C’eft pourquoi on fe fert de cé délai pour faire un bois neuf où l’abbatis des arbres qui couvrent une terre vietge, conftruire des bâtiments, plañter des vivres (1) & des hayes, on es farcler, réparer les entourages & les foffés, où pour finir Îés travaux qu'on né pett réréttié au temps de la coupe qui donne à peine Le moment de farcler, & d'empêcher les mauvaifes herbes de fe multiplier dans l'indigo. Les hayés Z, fig. 6, PL. 16 , 1e plantent en Citronier où en Campêche , foit dé graine, foir de bouture , à deux , trois ou quatre rangs ; & lorfqu'on a de l'eau à fa difpofition , on y en fait pañler un filet fuivant la néceflité , ou bien on fait apporter de l’eau exprès dans de grandes calebaes pour arrofer ce plan. On a foin d’entrelacer Les jets de ces arbres à mefure qu'ils croiffent , afin qu'ils foient en état de réfifter à l'effort des animaux. Quand le corps de la haye eft à la hauteur de 4 pieds, on la taille par-deflus & par Les côtés avec un bon couteau à In- digo garni d’un manche, ou bien avec une efpece de coutelas , qu'on appelle mancherte ; & quand la haye eft trop forte , avec une ferpe ajuftée à un long manche. Comme les hayes font la sûreté & l’ornement des habitations , on doit les tailler tous les trois mois, & veiller tous les jours à leur entretien , en faifant la ronde pour examiner fi Les añimaux n’y ofût point fait quelque bréche, A l'égard des places à vivres, fig. x ; PL 6 , on les arrofe comme l’Indigo, quand Le terrein le pernet. On obférvera ici que fi l'on eft dans l'ufage de dif tribuer de la terre aux Négres , afin d'y faire des vivres pour eux & pour leurs familles , on doit leur affigner des quartiers ni trop fecs ni trop humides , ou bien leur donner un terrein dans les hauteurs pour leur nourriture pendant la faïfon des pluies, & un autre dans Les bas-fonds pour les temps de fécherelfe. Quant aux Jardins potagers s, {. 1, PL. 6, on y creufe un ou plufieur baf- fins où l’on fait venir l’eau dont on fe fert pour arrofer avec des arrofoirs, & on éleve par-deflus Les planches qui ont befoin d’abri , des tonnelles , fur lef quelles on met comme un lit de branches de bois noir, ou de feuilles de Palmifte. Lorfque le temps de la coupe approche , il convient que l'Indigotier fafle une vilite générale des Indigoteries & de ce qui en dépend, pour s'aflurer de leur état, s’il n'y a point d'écoulement à craindre, {oit par les robinets, foit par quelque fente ; fi les poteaux des Clefs & ceux des Buquets font folides ; on fait aufli une révifion de l'échaffaud e, fig, 2, PL 4, du puits & de fon chaffis ; un de fes travers gâté , fuffifant pour faire périr un Negre. On vifite aufli la Bringueballe ou bafcule du fceau, & fon fouet ou cordage f; enfin les barres des Clefs de chaque Indigoterie , afin de n'être pas obligé d'arrêter au milieu de la coupe , & donner par R occafion à de grands dérangements à la (1) Terme ufité qui comprend toutes les Plantes d'où les Negres tirent leurs aliments. 80 IN DIGOTIER.ZLIrRrElIT. fabrique de l'Indigo , par le refroidiflement des cuves & les pluies qui peuvent furvenir ; ces inconvénients étant caufe qu'on eft après cela trois ou quatre jours fans retrouver le point de leur jufte fermentation. Un pareil ordre établi , l’In- digotier ne s'occupe plus qu'à couper, embarquer & farcler, jufqu’à ce qu'on ait fini la premiere coupe ; après quoi il vacque aux travaux les plus preffants , dans l’aflurance qu'il ne tardera guere à faire une feconde coupe qui demande bien plus de vigilance , tant à caufe du ravage de la Chenille & des autres infeétes, dont le nombre fe multiplie de plus en plus, qu'à caufe du corps de l'herbe qui exige plus de pourriture, mais qui rend aufli beaucoup plus que la pre- miere. Fin du Livre Second. LIVRE RER RÉ LIVRE TROISIEME. Théorie pratique de la Fabrique de l'Indigo. ANA N T-P,kR O P O S. Comme le terme de pourriture , appliqué à la fabrique de l'Indigo, renferme chez nos Colons l'idée de tous les dégrés de fermentation par lefquels une cuve de cette herbe peut pañler, & que la plupart de ceux qui ne font point inftruits de cette convention en Europe, font accoutumés à diftinguer par des noms particuliers , Les trois différents genres de la fermentation , dont l'effet du der- nier porte le nom de pourriture , je me fervirai, autant qu'il me fera pofhble , pour éviter toute équivoque , du terme de purréfaétion , lorfqu'il s'agira du der- nier dégré de la fermentation, qui eft connu de tout Le monde pour être défa- vorable à l’Indigo ; & ÿemploierai celui de défaut ou de jufleffe de fermentation ; ‘pour exprimer l’état des deux autres, en dérogeant ici à l’ufage des Indi- gotiers. On peut voir la raïfon de cet avertiffement, & les éléments de cet art , au Chapitre VI. du premier Livre , page 35 & fuivantes. La fabrique de l’Indigo fe divife naturellement en deux parties ; favoir, la fermentation & le battage. La fermentation fe manifefte par deux effets prin- cipaux. Le premier, porté jufqu’à un certain dégré, développe tous Les principes actifs & pañhifs qui doivent contribuer à la formation du grain , & les difpofe à une liaifon qui doit fe perfectionner dans la Batterie , où ils acquierent une confiftance & une forme propre à s'égoutter. _Le fecond effet de la fermentation, ou fon excès détruit le reflort des principes aifs , & occañonne la défunion de tous les autres , dont le battage ne peut plus qu'augmenter la diflolution , & leur mélange avec l'eau, qu'il eft enfuite impof fible d'en féparer. Ces deux différents effets fe produifent plutôt ou plus tard, felon les difté- rentes circonftances dont nous parlerons ci-après. Ona vu des cuves arriver à une fermentation parfaite en fix heures ; mais cela eft très-rare, & c’eft une preuve certaine que l'Indigo rendra fort peu. Le terme ordinaire eft de dix, douze, quinze à vingt heures, quelquefois trente, même cinquante, prefque jamais au-delà ; encore ne {e trouve-t-on gueres dans ces derniers cas, fi ce n'eft lorfqu'on embarque l'herbe dans une cuve neuve , ou dont on a ceflé de faire ufage depuis long-temps, & lorfque la circonf- INDIGOTIER. à K 82 1N D I COTT ER TLirre Ii. tance d'un hiver fec & froid qui rallentit la fermentation , ou celle des grandes chaleurs de l'été , qui rendent l’herbe fufceptible d’une longue effervefcence, concourent à cet effet, Le Battage ou l'agitation de la matiere dans la Batterie , produit aufi deux effets principaux. Le premier bien ménagé , détermine & perfeétionne la liaifon des parties & la formation du grain, que la fermentation bien conduite , n’a fait qu'ébaucher ou préparer. Par cette opération, toutes les parcelles propres à la formation du grain, noyées & difperfées dans cet amas d’eau , füivant leur pefanteur fpécifique, fe rencontrent , fe joignent & fe pelotonnent en petites mafles plus ou moins groffes & différemment configurées » felon l'abondance & la qualité des fucs & füivant la force ou la duré ede l'agitation qu’elles éprouvent. L'huile de poiffon qu’on répand avec un brin d'herbe à deux , trois ou quatre reprifesidans la cuve pendant le cours de l'opération , fert à abattre le volume de l’écume qui s'oppofe au coup du buquet. On peut aufli fuppofer qu’elle contribue à l'union des principes qui n’attendent peut-être que cette addition pour former de nouveaux corps , ou qu’elle fert du moins à perfectionner l’unité de chaque mafle , & qu'elle Les préferve de l’impreflion de l’eau , ce qui, joint à leur forme particuliere , les diftingue les unes des autres jufque dans leur dépôt, & en fa- cilire le plus parfait écoulement. Je ne tairai cependant pas que dans certains quartiers on a totalement fupprimé l’ufage de l'huile, fans qu'il en ait réfulté aucun inconvénient à l'égard du battage ou de la qualité de l'Indigo. L'excès du battage produit à-peu-près le même effet que l'excès de fer- mentation. Il rompt méchaniquement le reffort & l'union du grain, & il Le ré- duit en fi petites parties , que lors du repos dans la cuve & dans les facs , l’eau ne peut trouver aucune iflue pour s’en échapper. Ainf l’on peut établir comme une regle générale que tout Indigo, qui ne s’égoutte pas bien , péche par excès de fermentation ou de battage. Comme la fermentation & le battage n'ont aucun temps ou terme fixe, on parvient à faifir fucceflivement le jufte point de l’une & de l'autre , par l’obferva- tion de la qualité de lherbe qui influe généralement fur la durée & fur la me- fure de ces deux objets , & par l'examen de certains indices connus qui fe pré- fentent dans Le cours de chacune de ces opérations ; mais comme ces deux objets ne peuvent fouffrir un plus long détail en commun, nous allons les divifer en deux Chapitres , dont l’un regardera la fermentation & l'autre le battage. LD Théorie pratique de la Fabrique de l'Indigo. 83 AVERTISSEMENT. Pour lever toute obfeurité fur le contenu du Chapitre fuivant , nous obferve- rons que dans Les temps chauds la fermentation fe déclare bien plus prompte- ment que dans Les temps froids , d'où il réfulte que l’herbe embarquée dans une faifon chaude, exige moins de temps pour parvenir à fon premier dégré de pourriture, qu'une herbe embarquée dans une faifon froide, & que celle-ci par conféquent doit féjourner plus long-temps dans la cuve que la premiere, pourvu qu'il n'y ait pas une extrême différence entre Le corps de l’une & de l'autre. Car, il eft conftant que f le froid contribue à la longueur du féjour de l'herbe dans la Trempoire , l’affoibliffement dans le corps de l'herbe occafñonné par le froid , abrége d'un autre côté Le temps de fon bouillon ; ainfi en s'accor- dant fur cette diftinétion , on peut dire que l'herbe demande plus de pourriture ou de féjour dans la cuve fi l'hiver eft fec, qu’en été , fuppofant une égale qualité entr'elles, & même dans Le cas où l'herbe de l’hiver auroit un peu moins de corps ; mais il faut aufli convenir que cette diminution de qualité dans la plante, néceflite toujours une diminution fur Le temps de la fermentation réelle, & abrége d'autant fon féjour dans la cuve. Mais la pluie contribue encore plus que le froid à la diminution de fà qua- lité, & elle ne tombe pas également par-tout dans les mêmes faifons. Ainfi dans les quartiers de la dépendance du Cap François, il pleut par intervalle toute Vannée , mais beaucoup plus conftamment dans Le temps des Nords, ou des vents qui foufllent du côté du Nord de l'Ile de Saint-Domingue , depuis environ le milieu d'Oftobre jufques vers Le commencement d'Avril; au contraire, dans ceux du Port-au-Prince de la même Ifle , il ne pleut que pendant le printemps , l'été & une partie de l'automne , enforte qu'après Le huit ou Le quinze de No- vembre on a du fec jufqu'au mois de Mars, ce qui fait trois ou quatre mois , pendant lefquels on n'a fouvent que trois ou quatre grains ou pluies d'orage, tandis quil pleut pour ainf dire fans ceffe jour & nuit dans cette même fifon vers la partie du Cap. Il réfulte de ce contrafte une différence confidérable {ur la qualité de leur herbe dans ces mêmes temps; cette différence de qualité & aufli de température , fait qu'on ne s'accorde point alors fur la maniere de trai- ter les cuves, & que la méthode des uns femble oppofée à celle des autres, quoi- que au fond tous conviennent des mêmes principes , auxquels je tâcherai de rap- porter tout ce que j'ai à dire fur cette matiere, efpérant qu'au moyen de cet Aver- tiffement, chacun entendra le fens de mon difcours, & en fera l'application con- venable à ces cas , dont la diverfité eft fi commune dans la fabrique de l’Indigo. 84 INDIGOTIER. Livre Il. EEE CHAPITRE PREMIER. De la Fermentation de l'Indie. L' R T n'indique point, comme nous l'avons dit au Chapitre VI. du premier Livre, page 35, de regle précife fur la durée de la fermentation, parce que ce point dépend de la qualité ou du corps de d'herbe , & cette qualité de la na- ture du terrein où l'herbe a crû , & de l’altération des faifons qu'elle a éprouvée tandis qu'elle étoit fur pied. Nous ayons ajouté que Le progrès de fon développe- ment dépend encore du temps froid ou chaud, pluvieux ou fec , pendant lequel l'herbe eft à cuver , & du degré de chaleur ou de fraîcheur de l'eau dans laquelle on la fait macérer 3, mais comme entre toutes ces circonftances la qualité de l'herbe eft celle qui influe le plus généralement fur la durée de la fermentation & fur la force des indices qui fervent de regle à l'Indigotier pour couler la cuve , & que les caufes dont nous avons parlé peuvent faire varier à l'infini les qualités de herbe, nous en choifirons trois principales pour en faire le fujet de trois Articles féparés , dans lefquels on trouvera fucceflivement tout ce qui a rapport à ce travail & aux circonftances capables d'en ralentir ou d'en ac- célérer l'effet. Le premier nous indiquera les raifons pourquoi une herbe qui a éprouvé les inconvénients de la faifon pluvieufe ou d’un terrein trop humide exige une courte fermentation, les effets qui l’accompagnent jufques dans {à putréfac- tion, & les moyens d'en éviter les inconvénients. Nous joindrons à cet Ar- ticle Le détail des caufes qui peuvent déterminer, non pas une plus longue efervefcence , mais un plus long {éjour de l’herbe dans la cuve. Dans le fecond , nous fournirons les mêmes éclaircifflements fur la néceffité d’une plus longue fermentation à l'égard d'une herbe venue dans les circonftances les plus favorables de l'été , & dans une bonne terre. Nous expoferons dans Le troifiéme les motifs qui déterminent une fermenta- tion moyenne , lorfqu'il s'agit d'une herbe qui a long-temps fouffert du {ec , ou dont on a laïflé pafler le temps de la coupe ; nous y joindrons les inftruétions de convenance comme aux précédents Articles. A RIT I GC Le PR EMTER Tour bon Praticien , avant d'ordonner la coupe de fon Indigo, doit jetter un coup d'œil attentif fur fon herbe, fur Île terrein où elle a crû, & bien réfléchir fur les accidents qu'elle à éprouvés jufqu'alors, afin de juger du point où il doit en pouffer la fermentation, & enfüite le battage. La Cuar. L De la Fermentation de l'Indigo. 8; La méthode de ces préfomptions eft d’un grand fecours quand on a aflez d'ex- périence pour rectifier & corriger à propos les petites méprifes qui peuvent s'y glifler. Cette révifion traitée fuivant l’ordre des circonftances & des travaux, nous conduit naturellement à l'examen de la premiere coupe & de-là à la pre- miere cuve. C’eft toujours la plus embarrafante , parce que l'éloignement du foleil , Les pluies fréquentes de la premiere faifon , & la trop grande fraicheur de la terre ayant attendri la plante, & l'ayant remplie de fucs mal digérés , le déve- loppement en eft fi prompt & l'effervefcence fi foible, qu'il eft dificile de connoître & de faifir le véritable point où il faut en arrêter la fermentation. Les fignes qui accompagnent cette fermentation & fon produit, répondent à la foibleffe de leurs principes ; elle rend peu d'écume, & quelquefois il n’en paroît prefque point du tout. La chaleur & Le développement des parties font prefque tous concentrés au fond de la cuve. Le grain en eft petit ; il change &c {e diflout d'une maniere imperceptible prefqu'auflitôt qu'il eft formé, & il donne une apparence de trouble à l’eau dans laquelle il eft trop divifé. Les doutes qu’occafonnent la foiblefle & lobfcurité de ces indices, lors même qu'on en a faifi le jufte point, les légeres apparences de conformité qu'ils ont avec ceux d'une cuve de bonne herbe qui n'eft pas allez fermentée ou qui l'eft trop, & les inconvénients qui réfultent de la confufion qu'on en peut faire , nous obligent d'entrer dans le détail de tous les éclaircifflements pro- pres à les faire éviter. On connoîtra que la cuve dont il eft queflion, eft à fon jufte point de fer- mentation & dans le meilleur état poffible, fi le grain, tout mal formé qu'il eff, fe fépare aifément après avoir battu la tale, & fi l'eau devient d’un verd paillé brillant. On diftinguera celle-ci d'une cuve de bonne herbe qui n'a pas aflez fermenté, dont la couleur de l'eau eft quelquefois rouffe approchant de la bierre , & prefque toujours d’un verd vif & qui ne laïfle à la faperficie de la taffe aucune craffe. L'indice de l’eau rouffe ne doit cependant point être regardé comme une mar- que infaillible de défaut de fermentation; car il £ rencontre des coupes eñ- tieres dont les eaux font toujours roulles, quoiqu'elles ayent le degré de fer- mentation convenable. C’eft pourquoi j'ajoute ici trois autres remarques sûres , dont l'Indigotier peut faire ufage toutesles fois qu'il aura quelque doute fur l'étac _ de fà cuve. La premiere eft tirée de l’eau qui rejaillit de la taffe ou de la cuve fux la main, laquelle , dans le cas de putréfaétion , ne fait aucune impreffion, ou du moins elle eft f foible , qu'elle s’efface d'elle-même à mefüure qu'elle féche ; mais lorfqu’elle manque de quelques heures de fermentation convenable, elle ef fi âpre que Le favon ne fauroit en effacer la tache fans réitérer plufieurs fois fon ufage. La feconde confifte dans l'odeur dela cuve, qui eff défagréable, quand elle eft excédée. | INDIGOTIER. Y 86 IN DIGOTIER. Livre III. La troifieme dépend de l'infpection de l’eau qui anticipe fur Les bords de la cuve , tandis que la fermentation augmente , & dont la retraite laifle une trace qui annonce que la crife de la fermentation eft pañlée. Pour tirer avantage de cette trace, il faut auparavant avoir obfervé le point où l'eau montoit lorfqu’on a achevé de remplir la cuve, & prendre le moment où le ralentiffement de la fermentation permet de voir la moitié ou les deux tiers de cet intervalle à découvert, pour lâcher la cuve. Si, faute d'attention à ces avis , & fur les premieres apparences de la confor- mité du grain d'une herbe de foible qualité bien fermentée, avec celui d’une bonne herbe qui ne l’eft pas aflez, on fe détermine à poufer la fermentation dans l’idée de perfectionner ce grain , la cuve tombera en putréfaétion , & on la perdra fans reflource. | Mais fi une cuve eft tombée dans cet état pendant l'abfence d'un homme ex- périmenté, il en reconnoîtra aifément l'excès , malgré la conformité & la reffem- blance de ce grain embrouillé, à celui dont la fermentation n’eft qu'ébatichée ; car le premier ne fe fépare point comme l'autre , & il refte à flot entre deux eaux, dont la couleur eft quelquefois d’un jaune pâle, d'un verd fale & le plus fouvent bleuâtre. Il verra de plus fe former à la fuperficie de la taffe , une fleur qui , en fe réuniffant , préfente un demi-cercle en maniere d’arc-en-ciel, & auffi une pellicule ou craffe blanchâtre fur la cuve, ce qui eft une preuve d’excès. Il eft vrai que cette fleur peut également fe préfenter dans la tañle & fur la cuve, quand les fucs de la plante fe trouvent altérés par les pluies continuelles qui l'ont noyée , ou quand l'herbe a trop de maturité, ce qui arrive lorfqu'on en laifle nouer la graine ; mais cette fleur ne s'entretouche pas comme celle d’une cuve dont la putréfaction eft ébauchée. On doit inférer de tout ceci , que l’Indigotier doit s'attacher particuliérement à la netteté & à la belle qualité de l’eau pour gouverner la fermentation de la premiere cuve, quand elle fe trouve chargée d'une herbe telle que nous l'avons décrite au commencement de cet article , fans avoir trop d'égard au petit grain, pourvu qu'il cale bien, & qu'il ait foin d'y conformer le battage qu’il doit lui donner enfuite ayec toute la circonfpection poffible. C'eft dans la Batterie qu'il en verra & corrigera Le défaut , fur lequel il jugera du temps de la fermentation de la cuve d'herbe fuivante & de la qualité du grain qu'il doit en attendre, le- quel ira vraifemblablement en fe perfectionnant. Ces éclairciffements font d'autant plus intéreflants, que bien des gens rif- quent de perdre la premiere cuve pour aflurer le fuccès de la feconde , qui eft comme la bafe de toute la coupe. Si celle-ci réuflit , Le refte ne fera qu'une rou- tine tandis que Le temps fe tiendra au beau; car s’il devient pluvieux, ce {era une circonftance de plus pour accélérer la fermentation, Je ne dois pas omettre à la fuite des circonftances qui précédent & occafonnent une plus courte fer- mentation , Le rayage de la Chenille : il eft tout naturel qu'une herbe dépouillée Cuar. I. De la Fermentation de l'Indigo. 87 de la moitié de fon feuillage , travaille moins long-temps qu'une autre bien gar- nie; & qu'une cuve remplie de cesinfeétes , rende bientôt à la putréfaétion. On ne laifle cependant pas d'en tirer parti en les mettant , autant qu'il eft poflible, deflous l'herbe avec laquelle ils rendent quelquefois de bon Indigo. Mais on doit s'attendre , pour peu qu’on tarde à lâcher une cuve de pareille herbe , qu'elle jettera bientôt à fa fuperficie une crafle ou pellicule qui eft l'indice d’un prochain relâchement dans la liaifon du grain; aïnfi il faut en arrêter de bonne heure [a fermentation, & prendre garde de ne pas confondre cette pellicule de la tafle & de la cuve avec celle d’une bonne herbe trop fermentée, ou avec celle d'un Indigo coupé en graine , ou d'une autre enfin qui n'a point de corps. Après avoir expolé Les caufes qui déterminent une prompte & infenfible fer- mentation , ainfi que Les moyens d'en éviter l'illufion & les inconvénients, il eft néceffaire d'entrer dans le détail d'une circonftance étrangere à l'Indigo, qui peut en déranger & reculer confidérablement Le point : c'eft des vaifleaux que j'entends parler. La fraîcheur des cuves neuves, & peut-être auñi l’action de la chaux, ralen- tiflent confidérablement la fermentation du premier Indigo qu'on y met. Son effervefcence ne paroît quelquefois qu'au bout de quarante heures , tandis que la feconde n’en demandera pas vingt. Les vaifleaux dont on n'a point fait ufage depuis plufieurs années , produifent à-peu près Le même effet ;jon apperçoit même toujours quelque différence à cet égard dans les cuves qu'on emploie d'ordinaire , lorfqu'on leur donne quelque repos , particuliérement celui des plantations ; ce retard de fermentation , caufé par les vaifleaux , mérite d'autant plus d'attention , qu’il fe rencontre fouvent avec la coupe de la premiere herbe, dont la prompte & infenfible diflolution , femble entrer en contradiction avec cette ciconftance. Dans ce cas, il vaut mieux retrancher quelques heures , que d’en donner une de trop ; parce que fi l’on perd quelque chofe fur la quantité, on eft au moins dédommagé par la qualité qui n'en fouffrira point , s'il ne manque rien au refte de fon apprêt , & s'en tenir au premier grain qui paroîtra capable de fouffrir Le buquet , qu'il faut toujours dans ces rencontres ménager avec prudence. On doit encore mettre au nombre des circonftances qui retardent le plus ordinairement la fermentation , la fraîcheur de l'eau dont on remplit Les cuves, & celle de lair pendant le temps qu'elles travaillent. Mais comme nous nous {ommes fort étendus fur les effets de cette derniere caufe , dans l’Avertifflement qui précede ce Chapitre , Le Leéteur peut y avoir recours. Nous ne l'entretien. drons ici que de la fraîcheur de l’eau , qui dépend en grande partie de celle de l'air. Il eft évident que plus l’eau eft froide , plus la cuve doit tarder à bouillir + c'eft pourquoi la plupart de ceux qui font en état de faire la dépenfe d'un baf fin pour expofer leur eau au foleil pendant vingt-quatre heures , ne népgligent guere d'employer un moyen fi propre à accélérer Le progrès de la fermentation. Cette méthode leur procure deux avantages. Le premier eft de gagner près de 88 IN DICO TTENRLTrREMIT. deux ou trois heures fur ceux qui ne rempliflent leur cuve qu'à fur & à mefüure avec des feaux. Le fecond eft de retirer plus d'Indigo par la fermentation complette de l'herbe qui fe fait tout à la fois. Mais lorfqu’une cuve a été réchauffée par un ou deux bouillons , & ayinée par la force de la matiere qui la pénetre , elle rentre dans l'ordre naturel ; la feconde fe fait plus promptement & ainf de fuite , ju£ qu'à un certain point. C'eft pourquoi l’Indigotier doit viliter cette feconde cuve de bonne heure , afin de s'y trouver avant qu'elle foit paflée ; car s'il ne vient qu'après avoir donné au grain Le temps de fe difloudre, il trouvera en arrivant que celui-ci reffemble beaucoup au grain de la cuve précédente, qui n'étoit réel- lement pas formé à pareille heure , & il tombera dans l’inconvénient dont nous avons parlé ci-deflus, en différant, dans l'efpérance d’un changement favorable. À la feconde vifite, il fera furpris de trouver Le même grain, s'il n’y à du pire; dans cette perplexité, il s’aventure à lui donner encore quelques heures, & il pâte tout. Cequi lui fait le plus de tort dans cette occafion , c'eft que s’apperce- vant enfin de fon erreur , il ne peut pas également connoître depuis quel temps elle eft tombée dans cet excès, ou combien elle a déja d’heures de trop ; ce qui eft d'une grande conféquence pour la troifieme cuve. Un homme qui fait deux fautes de fuite, ne doit point s’entêter davantage , ni rougir de demander l'avis d’un autre ; quand il feroit moins habile, il pourra Le remettre für la voie, parce qu'il y va de fens froid, & qu'il n’a pas l'efprit troublé par deux bévues confécutives. Les vifites doivent fe faire de bonne heure ; mais il ne faut pas Les réitérer coup fur coup : car on s’imagine toujours voir la même chofe. Si donc après la premiere vilite de la cuve , on préfume qu'elle a encore dix heures à courir, & qu'on y aille les deux premieres fois enfuite de quatre heures en quatre heures, ne doit- on pas favoir à quoi s’en tenir à la troifieme , & en diftinguer mieux la différence que fi on n'avoit mis aucune diftance raïfonnable entr'elles ? Si à la derniere fois la cuve fe trouvoit par hafard pañlée, il n'eft pas difficile de s'en appercevoir aux remarques que nous ayons données ci-devant pour ce cas, ARTICLE SECON 0. Supposons maintenant que l’Indigotier travaille fur une herbe qui a pro- fité des circonftances les plus favorables, beau temps, chaud, petites pluies douces , bonne terre, belle expofition, peu de chenilles, & très-peu d’autres accidents , conféquemment fur une herbe pleine de fubftance. Dans cette cir- conftance la fermentation devient néceffairement fort longue , parce qu'il faut beaucoup de temps à l’eau pour en pénétrer & en développer toutes les parties , & des plus violentes par l'abondance des fucs qu’elle met en action. La chaleur de la cuve & l’écume confdérable dont elle ef couverte, la grofleur Cuar.l. De la Fermentation de l'Indigo. 89 grofleur & la rondeur du grain, font les indices & la preuve de l'abondance & de la force de ces principes & de leur difpofition à une parfaite liaifon, Lorfque la fermentation a amené le grain à ce point, l'eau en eft nette & d'un clair doré , femblable à de belle eau-de-vie de Coïignac ; d’autres fois elle eft roufle, ou d’un verd doré clair; mais il ne faut pas s’obftineriabfolument à une couleur , fur-tout à la dorée, qu'on ne trouve guere à la premiere & à la der- niere coupe. Il fuffic que l'eau foit claire & nette, & que Le grain s’en détache bien, lorfqu'il cale ou defcend au fond de la taffe. Vous noterez que quand l'eau eft de nature à être roufle, elle prend & conferve cette couleur après comme avant Le terme de la jufte fermentation ; mais en général elle eft d’un bon pré- fage : la fécule s’en égoutte bien , parce que la qualité de cette eau eft propre à former un bon grain, & le bon grain une belle marchandife. La fabrique d’un pareil Indigo n'offre rien de difficile, & il faut fe bien peu connoître au métier pour manquer une cuve, tandis que les chofes refteront au même état ; mais fi le temps change, elles changerontaufi de face. Il ne faut pas s'étonner que trois jours de pluie caufent une différence de deux ou trois heures de moinsfur la fermentation ; fi au contraire Le beau temps continue , la fermentation {era feulement un peu plus longue. On doit être prévenu à ce füjet, que deux ou trois heures de fermentation ne font pas plus d'effet dans les beaux temps , où l'herbe a beaucoup de corps , qu'une heure dans une faifon dé- rangée où elle en a fi peu. Ce que nous avons dit dans l’article précédent fur Les indices & les erreurs d'une fermentation trop foible ou trop forte , relativement à une herbe de bonne ou foible qualité, ne pouvant caufer qu'une répétition ennuyeufe , nous y ren- voyons le LeGteur, & pañlons tout de fuite à l'examen d’une herbe qui par elle- même n'exige qu'une fermentation moyenne entre celles des deux premiers articles. PUR TTC L'E "TVR O ISIEME. L'ange qui a fouffert long-temps Le fec , fur-tout dans des terreins élevés ou fabloneux , manquant de fubftance , ne préfente à la fermentation qu'un feuil- lage épuifé & flétri. Ces qualités font caufe que l’eau la diflout affez facilement, & que la fermentation en eft moins longue que la précédente , à moins qu'on ne foit dans un temps froid & fec, auquel cas elle eft toujours, comme nous l'a- vons dit, beaucoup plus lente. | Les fignes qui accompagnent cette fermentation font aufli beaucoup moins violents ; ces fortes de cuves font fujettes à jetter une crafle ; le grain en eft mal formé, & il fe montre comme élongé & en forme de pointe , quoique cette figure ne {oit pas une circonftance abfolue. Conféquemment à tout ceci , le pros duit d’une telle herbe eft très-mince , & il arrive fouvent qu'en prolongeant le INDIGOTIER. | Z {i 90 INDIGOTIER. LBrrrE:TIT. temps de {à fermentation , afin d'en tirer parti , on approche trop près de la pu= tride ; d’où réfulte la diflolution du grain , une fécule qui ne s'égoutte point , & des fucs crafleux , fignes ordinaires de putréfation. L’herbe qui eft paflée ou qu'on n'a pas coupée en fon temps, eft encore plus difficile , fur-tout celle de l’Indigo bâtard , dont on a laïfé nouer la graine. Pour l’amener à fon vrai degré de fermentation & en tirer bon parti, il faut de grandes chaleurs & beaucoup de fcience , fans ces conditions on s’expofe à un travail inutile. Nous ne pouvons nous difpenfer de joindre à ce Chapitre , la maniere dont on doit fe comporter lorfqu'une cuve embarquée de jour doit être battue pendant la nuit. Comme il n'y a rien de plus fatiguant que d'être debout pendant une partie de la nuit aux rifques de contracter des maladies dangereufes , & que d’ailleurs on ne peut faire aucun fond fur l’examen de l’eau que la lumiere fait paroître bleue , tandis qu'elle et verte, & le grain trop peu diftinct pour ceux qui ont la vue courte, on doit fonder fa cuve avant que le foleil fe couche ; & fur la comparaifon de fon eau avec celle de la cuve précédente examinée à pa- reil terme , on fe décidera fur le temps qu'on lui donnera. Mais s'il eft queftion d’une premiere cuve, on.en eftimera la durée par le changement que la fermentation a produit jufqu’à ce moment ; après quoi il ne s'agit plus que de confulter la montre, & d'ordonner de lâcher la cuve un peu avant l’heure où l’on fuppofe qu'elle fera parfaite, & ainfi des fuivantes qui feront dans Le même cas; l'expérience ayant montré que cette méthode eft préférable à celle de veiller la cuve au rifque égal de la manquer. Mais pour éviter tout in- convénient on doit en réferver le battage au lendemain , parce qu'elle fe perfec- tionne dans cet intervalle, & qu'on eft en état à la pointe du jour de la traiter convenablement. Ne peut-on pas ajouter en finiflant ce Chapitre , que fouvent plus les moyens de parvenir à un objet font fimples, plus on néglige de les employer ? En effet, on fe fert d'indices la plupart du temps très-fufpects , pour juger du point important de la fermentation, tandis qu’à l'aide d’un thermometre fuf- pendu dans la cuve , on pourroit acquérir la connoiffance Le plus exacte du pro- grès & du déclin de la fermentation, qui ferviroit de regle pour chaque qua- lité d'herbe & chaque température de la faifon , fi on joignoit à cette foible dé- penfe , celle d’un barometre & thermometre particuliers , pour obferver le point de la chaleur extérieure , & les variations de l’atmofphere qui influent fi fort fur l'opération , fans toutefois négliger les autres remarques, puifqu'on ne peut ap- porter trop de précaution pour conferver un bien qui tend à s’échapper de tous CÔtÉs. Cuar, II. Du Barrage de l'Indigo. 91 CHAPITRE SECOND. Du Battage de l'Indigo. Le Battage eft l’opération la plus délicate de toute la manipulation de l’Indigo. Pour répandre fur un objet fi intéreflant toute la lumiere dont il eft fufceptible, & en rendre l'intelligence plus facile , nous allons expofer dans l’ordre le plus exact qu'il nous fera poflible , les inftructions les plus effentielles de la pratique, qui forment comme un corps de regles pour cet Art. Quand la fermentation & le battage ont été pouflés à leur jufte degré, la partie jaune ne fe confond point avec la bleue ; ainfi il eft aifé de reconnoître fi ces opérations font bien faites, à la couleur de l’eau ambrée, plus ou moins dorée ou paillée , tirant quelquefois tant foit peu fur le verd, & toujours claire ; mais une mauvaife cuve ne produit jamais de belle eau , & plus elle paroît em- brouillée & chargée en brun ou en bleu, plus elle eft fufpedte d'excès de fer- mentation ou de battage. L'écume d'une cuve qui n'a point aflez fermenté, eft verdâtre, pétillante, légere , mais quelquefois fort grofle , vive à l’afperfon de l'huile , & elle eft fu- jette à fe reproduire & à revenir promptement. Celle dont la fermentation ef parfaite & qui n'a point encore aflez de battage, eft violette dans Les coins, légere , fonore fous Le coup des Buquets , & fe difipe tout d’un coup à l’attou- chement de l'huile ; mais lorfqu'après avoir parti nettement d’abord , elle vient enfuite à lui réfifter, c’eft une marque qu'il faut en arrêter le battage. Les cuves qui mouffent beaucoup, dont l'écume épaifle ne céde point entié- rement à l’afperfion de l'huile, & dont la partie qui refte dans les coins , eft d’un bleu célefte , dénotent la putréfaétion. L'excès de putréfaétion fe diftingue toujours par un grain plat & évafé, qui refte fufpendu entre deux eaux , ou qui ne cale pas bien. Le grain affecte aflez communément différentes formes fuivant la diverfité des faifons : le temps plu- vieux occafñonne un petit grain plat & évafé ; Le temps favorable, un grain rond comme le fable ; les temps de fécherefle , un grain élongé en forme de pointe, L'Indigotier doit avoir attention de ne pas confondre le petit grain plat & évafé, provenant de la qualité propre de l'herbe , avec celui que le défaut ou l'excès de fermentation d’une bonne herbe rendent à peu-près femblables ; car s’il attri- bue mal-à-propos la foiblefle ou petiteffe naturelle de ce grain à l’une ou l'autre de ces circonftances accidentelles , il court rifque , en ménageant trop le battage comme pour une herbe trop fermentée , de n’en pas tirer tout le parti qu'il pourroit , & en le forçant comme s’il manquoit de fermentation , de perdre to- talement la cuve, ou d’en altérer confidérablement Lep roduit. 92 IN DICO" THIERS Lirre TII L'Indigotier obfervera encore que toute diflolution du grain , principalement celle qui eft caufée par excès de battage, occafionne toujours une crafle noïi- râtre ou ardoifée fur Les facs dans lefquels on met la matiere à s’égoutter, & que la diffolution putride fe manifefte fur la cuve après le battage , par une pelli- cule blanchôtre , d'un luifant plombé qui fuit & enveloppe la fécule jufques dans les facs, dont elle bouche les pañlages en les couvrant d’un femblable enduit. Ainfi il repardera en général la craffe d’un brun ardoifé , comme l'effet d’un grain diflous par trop de battage , & la pellicule blanchâtre ou plombée , comme pro- venant d’un excès de fermentation. Or , comme la putréfaétion s’opere non-feu. lement par un trop long féjour de l'herbe dans la Trempoire , mais encore pen- dant le cours d'un trop long battage , qui du moins en produit tout l'effet ; il n'eft point furprenant de voir les facs d’une cuve trop battue, couverts d’une crafle ardoifée entremêlée de veines plombées. La pellicule qui fe produit fur la Batterie , n’annonce au refte Îa putréfaction que dans les cas où elle fe divife quelque temps après Le battage, en petites pieces qu'on appelle Crapeaux ou Caillebortes. On donne aufli quelquefois pour marque d'une cuve qui manque de fer- mentation ou d'un battage fufifant , l’enduit cuivré dont les facs font couverts ; mais il n’y a guere que celui qui fait l’Indigo qui puifle en diftinguer la caufe , fi ce n’eft dans les cas où le cuivrage eft entremêlé de veines ardoifées ou plom- bées ; tous ces fignes, fur-tout le dernier , étant fort douteux & incertains ; parce que l'indice de la craffe plombée eft fujette à plufieurs exceptions dont nous parlerons à mefure que l’occafon s’en préfentera. L’Indigo molafle , c'eft- à-dire , fans aucune confiftance , après qu'on l’a verfé dans la caifle , prouve aufñli un vice , {oit dans la fermentation , foit dans le battage. Le défaut de [Indigo , qui étant fec devient friable , ou s'écrafe aifément, provient, quand d’ailleurs la qualité n’en eft pas mauvaife, de la coupe d’une herbe qui n’étoit pas affez mère , ou de La foibleffe du battage d’une cuve dont l'herbe n’avoit pas affez fermenté ; mais la pâte d'un Indigo tout noir & celle d'un Indigo ardoifé , picotté de blanc, d'un grain fuivi ou fans liaifon , dénote toujours un excès de fermentation ou de battage. L'Indigotier tiendra pour maxime invariable, que filherbe eft déja ua peu trop fermentée, il doit en ménager le battage ; que fi elle ne left pas aflez, il doit le poufler ; & que fi la cuve eft à fon jufte point, il ne doit point le forcer. Il obfervera de plus que le battage fe regle non-feulement fur la fermentation , mais encore fur la qualité de l'herbe. Ainfi, quoiqu'il convienne en général de pouifer le battage d'une herbe qui n'a point affez fermenté, il faudra cependant le ménager un peu lorfque l'herbe eff affoiblie par les pluies ou l’humidité de fon terrein. Il fuivra la même regle à l’ésard d’une herbe qui a éprouvé trop de fec , en tenant un milieu entre celui de la bonne herbe & d’une herbe qui a efluyé trop de pluie ; il en conclura enfin que , hormis les régles qui font propres à ces Car. IL Du Battage de l'Indigo. 93 ces fortes de cas particuliers , on doit en général conformer le battage à la fer- mentation, c'eft-à-dire, que fiune herbe eft de qualité à exiger une longue fer. mentation , on doit pareillement lui donner un long battage , quand d’ailleurs elle à éprouvé la jufte fermentation dont elle a befoin. On en agira ainfi pro- vortionnellement à l'égard de celle qui demande une moins longue digeftion. On doitrépéter à cette occafion , que plus les chaleurs font fortes , plus l'herbe auffi a de corps & de fubftance , & que la longueur de fon féjour dans la cuve par rapport à fa qualité , ne doit pas {e confondre avec celle qui eff caufée par le re- froidiflement de l'air, dont. la continuation affoiblit infenfiblement le corps de la plante , qui demande en ce cas moins de battage, quoiqu'elle refte dans la Trempoire auffi long-temps que l'autre ; mais fi elles ont autant de corps l’une que l’autre , il eft vifible que la derniere doit cuver plus long-temps , quoiqu'il ne faille leur donner qu'un battage égal. Ce rapport évident du battage à la fermentation & à la qualité de l'herbe , oc- cafonne différentes combinaifons & par conféquent divers traitements dont le détail nous engage à partager ce Chapitre en trois articles. Dans le premier , nous fuppoferons trois cuves prifes également à leur jufte point de fermentation, dont la premiere contiendra une herbe de bonne venue, la feconde, une herbe altérée par Les pluies, & la troifieme par le fec. Nous y joindrons Les indices particuliers à la Batterie, propres à faire connoître ces dif- férentes circonftances & le battage qui leur convient. Nous repréfenterons dans le fecond article , trois cuves d'herbe femblables à celles de l’article précédent , mais qui toutes trois n'ont point aflez fermenté. : Nous expoferons dans Le troifiéme article les mêmes objets relativement à une fermentation peu excédée , ou dont la putréfaction n’eft qu'ébauchée. ARTICLE PREMIER. Du Barrage d’une herbe qui a bien cuvé. L'INDIGOTIER qui traite une cuve de bonne herbe prife à fon jufte degré de fermentation , doit bien {e garder d’en forcer le battage ; car pour peu qu'il en donne trop , il ôte fon plus beau luftre à Indigo. Le moyen de ne pas l'excéder, eft d'obferver exactement Le grain lorfqu'il eft fur fon gros, ou que les parties éparfes commencent à s’accrocher & à former de petites mafles ; c'eft alors qu'il doit examiner l'effet du raffinage, ou la diminution que l'agitation du Buquet occafñonne fur elles: car peu après Leur plus grand amas, leur étendue change de forme & de volume : elles fe refferrent, s’arrondiflent & s'appéfantiffent de maniere à rouler Les unes fur Les autres comme des grains de fable fin, au fond de la tafle où elles calent en fe dégageant diftinétement de la liqueur , qui doit pa- . roître alors claire & nette : les particules du grain Les plus fubtiles qui couvrent ÎNDIGOTIER. À a fn 94 INDIGOTIER. Lrrere II. le fond de la tafle cherchent , quand on la penche , à rejoindre le gros grain, & en laiflent le côté le plus élevé bien net & fans aucune crafle ; c'eftce qu'on appelle faire la preuve. On fait encore cette preuye d’une autre maniere; on met le pouce dans fa tafle , lorfqu'elle eft penchée & prefqu’à moitié pleine, fur l'endroit où l’eau eft Le plus bas ; fi elle remonte tout d’un coup vers le bord qui eft nud & découvert , c’eft un pronoftic du fuccès de la cuve. Cet effet fe manifefte encore plus clairement quand on appuie le pouce un peu ferme fur le fond de la tafle. L'écume entre aufli dans la clafle des indices ; en effet, quand l'herbe eft bien fermentée & bien battue , l'écume qui participe aux qualités de l'extrait, en eft légere , vive, pleine de groffes empoules pétillantes, & lorfqu'on jette de l'huile deflus, dans Le cours du battage, elle fe diffipe fur le champ avec un certain frémiflement fec & très-facile à diflinguer de loin; enfin elle difparoît naturellement d'elle-même , lorfque le battage ayant été amené à fà perfection, on laifle la cuve tranquille. Si au contraire une demi-heure ou une heure après qu'il eft ceffé , il refte comme une petite bordure d’écume tout autour du quarré de ce vaifleau , c'eft une marque que l'herbe n’a point affez fermenté. Mais fi on force le battage lorfqu'il eft parfait , on détache les parties les plus légeres du grain, & on rompt celles qui ont le moins de liaifon. De la divifion des pre- mieres , il réfulte un grain volage qui refte entre deux eaux & s'écoule en pure perte , & de la divifion des fecondes un dépôt qui remplit les intervalles du gros grain, & s'oppofe à fon épurement dans la cuve & dans les facs dont il bouche les iflues en enduifant les dehors d’une craffe ardoifée qu'on ne voit point fur ceux d’une cuve fermentée & bartue à propos, dont les facs font toujours fecs & bien nets. De-là vient une caifle de fécule liquide qui , avant d’avoir acquis fa confftance , éprouve tous les inconvénients dont nous avons parlé à la fin de la defcription de [a manipulation , diminue de moitié & ne produit qu'un Indigo de peu de valeur. Ainfi il vaut mieux pécher par défaut de battage que par excès ; car, fi ce défaut caufe une diminution fur le produit, la qualité de ce qui refte le fera du moins eftimer & pañler parmi le bon ; d’ailleurs on peut remédier à ce défaur, comme nous le ferons voir à la fin de ce Chapitre. Si l'Indigotier traite une cuve d'herbe venue dans un terrein humide, dont il aît heureufement rencontré le jufte point de fermentation , il doit beaucoup dimi- nuer du battage de la précédente , crainte d’alrérer & de détruire la foible liai- fon de fon grain ; du refte il fe rappellera ce que nous avons dit dans l'Intro- duction de ce Chapitre , au füujet de l’efpece de reflemblance qu’a naturellement le petit grain de cette herbe avec celui d’une bonne herbe trop ou trop peu fer- -mentée , & il en arrêtera le battage dès qu’il verra le grain formé & l'eau bien nette. S'il travaille fur une herbe qui ait éprouvé trop de fec , ou dont Le temps de la coupe foit pañlé, & qu'il parvienne à l’amener à fon jufte point de Cuar. II, Du Barrage de l'Indigo. | 9$ fermentation , il en modérera le battage , ainfi que nous avons dit, afin de mé- nager la foible liaifon d'un grain apauvri, qu'il trouvera d'ordinaire élongé en forme de pointe ; au refle il fe fervira des indices ci-deflus pour en arrêter Le battage. ARTICLE SECOND, Du Batrage d’une herbe qui n'a pas affez fermenié. L 4 crainte où l'on eft d’excéder la fermentation, fait qu'on en atteint rare- ment le jufte point ; il eft aifé de reconnoïtre ce cas par l’écume de la Batterie qui eft verdâtre, le plus ordinairement légere , quelquefois cependant fort grofle , mais qui difparoît dans le moment qu'on y jette de l'huile. Cette écume eft fujette à fe reproduire bientôt, & il en refte fouvent dans les coins qui pa- roît d’un violet foncé ; mais il ne faut pas s’en inquiéter, & fe porter fur la foi- bleffe du grain , fufpect en apparence d’un excès de fermentation , à en ménager le battage ; on doit au contraire, fi l'herbe eft de bonne qualité, Le poufler quelquefois jufqu’à n’en plus voir du tout, & jufqu'à ce qu'il s’en préfente un autre bien formé avec une eau bien nette; cette eau fera alors Le plus fouvent d’un verd clair ou d’une couleur roufle comme de la bierre , d'autant plus foncée que la fermentation aura été plus foible: au refte les facs en feront bien nets. Mais fi par égard à fa foibleffe , on ménage ce petit grain errant, qui ne de- mande qu'une façon de plus pour fe délivrêr des obftacles qui s'oppofent à une jonction plus confidérable ; ce défaut d'apprêt occafonnera la perte de quantité de principes non formés qui s’écouleront lorfqu'on lâchera la cuve, une imper- fection de liaifon dans le grain , qui en rendra le dépôt très-dificile à égoutter , & l’Indigo qui en proviendra, friable au moindre choc ; défaut auquel ef füujette la fécule d'une herbe qui n’a point aflez cuvé, & dont l'extrait n’a point été aflez battu. On appercevra après le battage une eau verte qui provient des fucs que la foibleffe de cette opération a laiflés dans leur état naturel, & les facs fe- ront cuivrés. Ce dernier indice fert à faire connottre fi l’eau verte de la cuve pro- vient d’un ménagement de battage ou d'un excès de fermentation , ce qui eft de conféquence pour régler le battage fuivant. Si par la circonftance d'un terrein bas & humide, ou par celle de la faifon pluvieufe , on vient à travailler fur une herbe dont la qualité fufpecte d’une diflolution infenfible, oblige de prévenir le jufte point de fa fermentation, les foibles obftacles qui s’oppofent à la liaifon des parties font bientôt diflipés , & le grain qui par la qualité de cette herbe eft naturellement petit, ne tarde pas à fe former. Ces deux circonftances, qui peuvent faire préfumer qu'il n’eft point encore à fa perfection , font fouvent caufe qu'on en excede le battage, quoi- qu'il foit déja parfait. Mais on préviendra les inconvénients de cette méprife, en vifitant la cuve-de bonne heure & en ceffant de la battre dès que le grain en 96 IN DIGOTIER. Livre Ill. fera fufifamment formé , que l’eau s’en féparera nette, & fur-tout, fi l'on S’'apperçoit que l’écume réfifte à l'huile, Lorfqu’on doit battre une cuve d’herbe ravagée par la Chenille, dont on auroit setranché jufqu’à une ou deux heures de fermentation, par la crainte d’en altérer la qualité , il faut aufli en ménager le battage, & fe donner de garde d’en trop rafiner le grain ; car la crafle qu'elle aura pu jetter fur la Trempoire , annonce une difpofition prochaine à la diffolution putride , avec tous Les inconvénients qui en réfultent. Les facs de cet Indigo feront cuivrés comme ceux de toutes Les cuves qui manquent de fermentation , & dont on a épargné le battage. Enfin s’il eft queftion de battre une cuve d'herbe qui ait efluyé une trop longue fécherefle , ou dont on a laïflé pafler le temps de la coupe , & dont on ait arrêté trop-tôt la diflolution , on en forcera raifonnablement le battage', & on fe {ervira des indices ordinaires pour en régler la mefure, ARTICLE RO I STE ME, Dry Battage d'une herbe dont La diffolution ef? excédée d’une ou deux heures dans les beaux temps. Iz eft important de ne pas confondre le grain plat & embrouillé d’une cuve de bonne herbe qui a trop de pourriture , avec celui de la même herbe qui n'a point aflez fermenté , ou d'une herbe de mauvaife qualité, quoique bien fer- mentée , ou encore d’une cuve trop battue. On connoîtra l’état & le vice de celle dont nous parlons, par fon écume graffe & épaifle que l'huile ne fait pref- que point diminuer, & par celle qui s’amaffe dans Les coins de Îa Batterie , dont la couleur eft d’un bleu célefte, par fon grain évafé & qui fe forme beaucoup plus vite qu'à l’ordinaire, de même que par fon eau plus ou moins chargée de bleu , laquelle ne peut dans la tale ni dans Le vaifleau, même après le battage, fe clarifier & fe {éparer comme celle d’une bonne cuve, & qui brunit de plus en plus à mefüre qu'on pourfuit ce travail. Sur ces remarques, preuves infaillibles de fon excès , & fur la conformité que la cuve peut avoir avec ces indices, l’In- digotier doit prendre toutes fes précautions , & mefurer le battage en confé- quence. Voici ce qu'il obfervera dès que le grain fera fur fon gros: il ne faut pas qu'il quitte la tafle, parce que chaque coup de Buquet y fait impreflion. Lorfqu'ila trouvé Le moment où le grain eft paflablement rond, il doit cefler le battage , fans chercher à rafiner ou refferrer la liaifon de fes parties. Quand il eft parvenu à ce terme , il trouvera que l'eau brunit dans la tafle à vue d'œil à mefure qu’elle fe repole ; cela n’empêchera pas qu'elle ne foit verte & brune dans la cuve, à l'exception de la fuperficie fur laquelle il fe forme une efpece de crème ou glacis qui la couvre quelques heures après Le repos , & fe divife enfuite en pieces qu'on appelle Caillebortes. C'eft à d'où provient cet enduit plombé qui CHar. II. Du Bartage de l'Indigo. 57 qui paroît fur les facs , qu’on doit attribuer ici à la diffolution des parties , caufée par excès de fermentation , dont l'effet eft de remplir tous les intervalles du grain le mieux formé, & de l'empêcher de s'égoutter; c'eft pourquoi dans toutes ces rencontres on tâche d'enlever, autant qu'il eft poffible , cette crafle ayecune plume ou fougere de mer. Malgré ces précautions & la bonne qualité de l'herbe , on ne peut fouvent en tirer qu'un Indigo terne ou ardoifé & de mau- vaife confiftance. Cette craffe fur Les facs dénote une heure d’excès de fermenta- tion & même deux ou trois, fi l'on eft dans la belle faifon où l'herbe produifant une plus grande quantité d’efprits , l'action des autres principes qui tendent à la putréfaction complette, eft plus long-temps fufpendue. L'eau qui après le battage paroît brune , eft'une preuve infaillible de putré- faction. Il y a encore une efpece de putréfa@tion dont Les indices font différents de ceux-ci : on trouve après le battage une eau clairette ; on a même quelquefois bien de la peine à s’appercevoir de fon vice : l’eau refte nette & fans crafle. Ces fortes de cuves écument beaucoup & font faciles à battre, parce que le grain fe forme promptement ; mais elles font dificiles à égoutter. S'il eft queftion d’une herbe de foible qualité déja paflée en putréfaction, rarement fera-t-elle en état de fupporter le battage ; ainfi il fera nul ou le plus foible de tous, & l'Indigo , fi on en retire de cette cuve, fera de plus mauvaife qualité. Si l'herbe eft de l’efpece de celles qui ont fouffert le fec, ou dont le temps dé la coupe foit pañlé, & qu'on en ait laïflé effleurer la putréfaétion, on en ména- gera finguliérement le battage. Nonobftant tous ces foins, on ne doit s'attendre à rien de bon de ces fortes de cuves. Si cependant Îa pourriture n’eft excédée que d’une ou deux heures dans les beaux temps, ce défaut n’occafonnera que la perte de quelques livres d'In- digo , & fa qualité en fouffrira très-peu. | On peut comprendre, d’après tout ce que nous avons dit dans le cours de cet Ouvrage, combien il eft important de ne pas confondre Les in- dices, afin de ne pas diminuer ou augmenter le battage au lieu de la fer- mentation, & la fermentation au lieu du battage ; & afin de juger faine- ment des cas où l’on doit recommencer cette derniere opération. Un Indi- gotier peut fe rencontrer dans Le cas de recommencer Le battage d’une cuve qu'il aura craint de trop poufler , foit qu'il ait foupçonné mal à propos fon herbe d’ê- tre trop fermentée , tandis qu'elle ne left pas affez , & que faute d’un battage convenable le grain tarde trop long-temps à fe préfenter ; foit qu’il paroiffe d’une foiblefle ou d’un embrouillement propre à faire croire qu'il a déja trop fouffert du Buquet : on peut alors fufpendre le battage , & lailler repofer la matiere une où deux heures , afin de s’en éclaircir plus amplement par la qualité de l'eau. Si au bout dece temps, pendant lequel la fermentation {e perfectionne , on remarque une eau chargée fur Le verd & un filet d’écume tout autour de la cuve, comme INDIGOTIER. Bb 98 IN DIGOTIER. LIVRE III celle d'un pot qui commence à bouillir , il convient de recommencer le bat- tage : fous peu il renaît un fecond grain bien plus gros que le premier; mais comme il eft d’abord plat & informe, on le rafine & on l’arrondit à force de battage. L'eau , de quelque couleur qu’elle foit , s'en fépare alors nette & claire, & s'égoutte enfuite parfaitement. On n’ufera cependant de ce moyen que dans le cas où l’on obfervera une eau d’un verd tirant fur le jaune, ou d’un roux qui fera d'autant plus fort que le degré de fermentation aura été plus foible. Mais comme cette couleur qui eft d’un bon préfage , fe ren- contre quelquefois avec la plus jufte fermentation | & même en certaines circonftances avec la putréfaction , l'Indigotier fe rappellera s'il n’a apperçu qu'une légere écume fur la cuve lors du battage, & fi elle eft partie nette lor£ qu'on l'a ceflé. Ces remarques , jointes à celles du grain informe & errant , indi- quent un fecond battage ; mais il ne doit pas faire partir un premier grain pour en faire venir un fecond , fi, après Le terme de fon repos , l’eau paroît d’un brun bleuâtre fur un fond verd : ces couleurs annoncent un excès de fermentation & la néceffité d’un foible battage qu'il a reçu & auquel on doit fe borner ; car la couleur bleue répandue dans la cuve, provient d’une partie du grain trop affoibli par la fermentation & diflous par le battage , ce qui en détermine le ménage- ment. La couleur verte prouve que la putréfaétion & le battage ne font point achevés , puifqu' il exifte encore des fucs qui n’auroient point cette couleur fi la pourriture étoit exceflive , ou fi par un battage convenable à leur qualité , ils avoient acquis la forme de grain. Il n'eft point étonnant que la multiplicité de tant d'obftacles fafle quelquefois échouer Le plus habile Indigotier, & à plus forte raifon ceux qui n’ont pas autant de fcience ; c’eft pourquoi quelques-uns ont imaginé deux moyens pour ne pas perdre entiérement le fruit de leurs travaux, foit qu'ils ayent erré dans la fer- mentation ou dans le battage. L'un eft de remettre l’eau ou l’extrait entier d’une cuve trop battue fur la cuve d’herbe fuivante , dans l’efpérance de rendre le produit de celle-ci plus confidé- rable. Jignore le fuccès de cette expérience; mais je préfume qu’elle n’a conduit à rien de bon , & je penfe qu'on ne doit jamais rifquer de gâter une feconde cuve pour réparer la perte de la premiere. L'autre moyen ufité par quelques-uns, eft de faire écouler par Le premier daleau de la Batterie, toute l’eau embrouillée qui fe préfente à cette hauteur ; ils ré- fervent le refte qui eft toujours beaucoup plus épais, le tranfvafent dans une chau- diere mife fur le feu, & en font évaporer la plus grande partie. Quand cette ma- tiere, qui répand une odeur fort défagréable, eft un peu épaiffie, ils la mettent dans Les facs qui rendent d’abord une eau extrémement rouffe ; au bout de vingt- quatre heures ils l’étendent fur les caïifles ; fans qu’elle ait beaucoup perdu de fa fluidité ; lorfqu'elle a été expofée quelques jours au foleil, elle fe fend comme de la boue , mais ils ont foin de la réunir avec la truelle ; enfin ils la coupent CHar. Il. Du Barrage de l'Indigo. 99 par Carreaux , qui deviennent enfuite fi durs, qu'il eft impoflible de es rompre avec la main , & leur fraéture ne préfente qu’un noir foncé. Ce produit après tant de peine & de travail , paroît fi ingrat & fi dégoûtant, que prefque tous ceux qui manquent une cuve, préferent de l’écouler entiére- ment fur le champ ; l'infection que répand une cuve trop pourrie, doit les engager à n'y avoir aucun regret, Obférvation fur l'ufage des Mucilages dans la Fabrique de l'Indigo. LorsQuE nous avons rapporté dans le fixieme Chapitre du Liv. I, pag. 36 & 37, les différents moyens qu'on a imaginés pour précipiter la fécule de l'Indigo, nous avons particuliérement cité Le Bois-canon ou trompette , la racine de Sénapou ou de Bois à enivrer , & nous ayons rapporté la propriété de leur mucilage pour cet objet. Nous avons ajouté dans a Note qui eft au bas de la page 37, que les goufles du Gombeau fournifoient aufli en décoétion , l’on peut même dire fans décoction , une matiere mucilagineufe qui nous paroît très-propre à remplacer le Bois-canon ; nous aurions pu y joindre l’'Herbe à balai, puifqu’elle contient un mucilage qui produit le même effet, lorfqu'on en mâche un brin & qu'on laiflé tomber la falive mêlée avec fon fuc dans la tale, pour connoître les pro- grès de la fermentation , &c. Au furplus je n'ai point vu ni entendu dire à Saint- Domingue , où il fe fabrique encore une grande quantité d’Indigo , qu’on ait fait ufage de cet ingrédient ni des autres, pour précipiter la fécule d’une cuve en- tiere. Nous ne doutons cependant pas de fon efficacité ; mais nous n’en croyons pas l'emploi aufli avantageux que quelques perfonnes venues de Cayenne; & qui n'en ont vu que füperficiellement la manipulation dans des demi-barriques ; le prétendent : car pour tirer tout le grain qui peut fe former dans une cuve; il faut la battre, & quand elle eft battue convenablement, tout ce que l'extrait contient de principes propres à donner de l’Indigo, fe transforme entiérement en grain ; dans ce cas il n’eft plus nécefläire de recourir à l’artifice pour le préci- piter, puifqu'il cale de lui-même au bout de deux heures ou quatre tout au plus, & que pendant ce temps il eft indifférent que la Batterie foit vuide ou pleine, puifqu'en fuppofant qu'on embarque de nouvelle herbe dans La Trempoire aufli- tôt qu'on en a tiré la précédente , on a au moins dix à douze heures à courir avant qu'elle foit bonne à larguer ou à couler. Mais fi l’on verfe le mucilage dans l'extrait avant qu'il ait reçu un battage convenable , & capable de produire tout l'effet que nous avons dit ci-deflus ; Le réfeau que forme le mucilage , n’en- trainera que les parties de Indigo formé fur lefquelles il peut avoir prife, &il n'y a pas d'apparence qu'il transforme en grain les principes de l'Indigo que le battage auroit réduits fous cette forme ; ainfi dans ce fecond cas l'addition du mu- cilage ñe prélente point encore un avantage réel; au contraire, cêtte matiere gluante qui fe précipite avec la fécule qu’elle entraîne , doit la rendre très-diffi- 100 | 1 N'DU-C'OPP ER Tr RE OTIT. cile à égoutter, & il n’eft pas même bien sûr qu'en prenant la précaution de la faire fécher en tablettes très-minces , {à qualité n’en fût pas altérée. Mais nous penfons qu'on pourroit {e f{ervir utilement des mucilages lorfqu’on a trop laïflé fermenter une herbe , & qu'on eft obligé d'en ménager le grain qui ne peut fouf- frir un long battage ; ou quand, par un excès de battage , on a diflous le grain qu'il feroit impoflible de retenir fans cet expédient, qui nous paroît alors très-conve- nable & bien fupérieur à tous ceux que nous avons rapportés avant d'entamer ce dernier article. LAS BTE Des Noms , Qualités & Prix de l'Indiso. Lzs habitants de Saint-Domingue difinguent les qualités de lIndigo de la maniere fuivante , & l'eftime qu'ils en font eft relative à l’ordre dans lequel nous allons les expofer. Le P leu flottant ou nageant fur l’eau, dont le grain tendre & peu ferré forme une fubftance légere & très-inflammable. Le Violet, qui a un peu plus de confiftance. Le Gorge de pigeon, dont l'éclat approche d’un violet purpurin, eft encore plus folide. Le Cuivré, ou celui qui a l'apparence d'un cuivre rouge quand on pañle l'on- gle fur un morceau qu'on vient de rompre , eft le plus ferme de tous. L'Ardorfé & le Terne picotté de blanc , compofés d'un grain fuivi ou fans liai- fon , font les dernieres qualités. Nous ne faifons point entrer dans ce rang l’Indigo dont la pâte eft entremêlée de veines ardoifées , parce qu'à proprement parler cette efpece intermédiaire ne forme point une qualité décidée. Prix en France des différentes qualités d'Indiso, extrait de la Gazetre d’Agri- culeure , Commerce, Arts @ Finances , du 23 Janvier 1770. Ixp160 bleu & violet de S. Domingue , 8 liv. ro f. à 9 Liv. dito mêlé L 2 L] LL L L2 L 2 L] L L L2 [2 LA L2 L1 LL FA Li LE] $ LE] à 8 L] L2 5 £ \ FE à Bordeaux. hi Gui Spa #6 ME CE NES dito ordinaire 2, LA L e Li e L2 LI e L LL L3 6 L2 L1 L] 8 L L à 6 + IO Indigo cuivré fin CUS ONG SOMME 1075 1e 10 f. à 6 iv. x ÿ f. Hrotcuivre “ordinaire. LMPQUES OISE rom t". 5 z K à Nantes. Aro bebe ETIREEl Puits de l’Indigoterie. D, Figuregus anpilt : ris A Perfpective de la Sécherie & des Établis fur lefquels on met les caifles rem- plies de l’Tndigo qu’on veut faire {écher. r, Bâtiment de la Sécherie, r, Établis qui fe prolongent fort avant dans l'intérieur du Bâtiment." | On trouvera à la Planche $ & dans fon Se tout ce qui concerné le détail de ces deux objets. | Figure 4: fe Port d'une Indigoterie fi mple, dont la Pourritute eft chargée & barrée , & la Batterie montée & prête à battre au Buquet. D Échelle qui elt für la Planche en indique Les proportions. À, Trempoire ou Pourriture , vaifleau où l’on met l’herbe à fermenter. B , Batterie , vaifleau où l’on bat l'extrait fortant de la Pourriture. | C, Repooir,, troifieme grand vaïfleau ou efpece d’enclos qui fert à renfermer Le Baflinot ou Diablotin ÆÀ , & le Ratelier U, auquel on fufpend Les facs refn- plis de la fécule de l’Indigo. 7h: D, Poteaux ou Clefs de la Trempoire. E, Daleau de la Trempoire, qui fe débouche quand lherbe à fermenté fufifamment. F, Daleaux de la Batterie , qui s'ouvrent les uns s après les autres après Le bat- tage & le repos de l'extrait. G, Barres des Clefs de la Trempoire ou Pourriture, H, Travers ou Barres de la Pourriture , qui appuyent fur Les Paliffades Z. T, Palifäades ou planches de Palmifte couchées fur l'herbe quand la Cuye eft chargée. | K, Diablotin ou Baflinot qui reçoit la enle {ortant de L Batterie. L, Efcalier du Repofoir. M, Caiflon du Buquet MO , avec lequel on bat l'extrait. IN, Fourches ou Chandeliers des Buquets. O , Manche du Buquet MO. | | P , Petite forme ou foflette qui fe trouve au fond du Diablotin Æ, Q,Daleau quarré du Repoloir. Ce daleau qui eft toujours ouyett FEOt au Canal de décharge nommé la Vuide, 3 , - Explication des Figures. 10$ U, Ratelier auquel on fufpend Les facs remplis de la fécule de l'Indigo. V7, Fond du Repofoir. Figure $. L'Echelle qui eft far la Planche en indique les proportions, Coupe verticale d'une Indigoterie. À , Trempoire ou Pourriture , vaifleau où l’on met l’herbe à fermenter. PB, Batterie, vaifleau où l'on bat l'extrait {ortant de la Pourriture. C , Repofoir, troifiéme grand vaifleau ou efpece d’enclos qui fert à renfermer le Diablotin À & le Ratelier U/ , auquel on fufpend les facs remplis de la fécule de l'Indigo. D , Poteaux ou Clefs de la Trempoire. E , Daleau de la Trempoire , qui fe débouche quand Fherbe a fermenté fufi- famment. F , Daleaux de la Batterie , qui s'ouvrent Les uns après les autres après Le bat- tage & Le repos de l'extrait. G , Barres des Clefs de la Trempoire. K , Diablotin ou Bafinot qui reçoit la fécule fortant de la Batterie. L , Efcalier du Repofoir. NN, Fourches des Buquets. P , Petite forme ou foffette qui fe trouve au fond du Diablotin Æ. © , Daleau quarré & toujours libre, qui répond au canal de done nommé /a V'uide. U, Ratelier auquel on fufpend Les facs remplis de la fécule de l’Indigo. _W, Fond du Repoloir. X , Les Bondes de bois dans Lefquelles on perce les trous des Daleaux. Figure 6. Cette figure repréfente la taffe d'argent dont on fe fert pour faire la preuve ; c'eft-à-dire, pour examiner l'état du grain qui fe forme dans l'extrait pendant la fermentation, & qui fe perfectionne par le battage. Fipure 7 Cette figure repréfente le cornichon qui eft compolfé d’un bout de corne de bœuf ajufté à un manche de bois. Cet inftrument fert à puifer au fond de la Pour- ricure & de la Batterie, un peu de l'extrait qu'on verfe dans la tafle f. 6 , ou dans la cuve même , lorfqu'on veut fimplement connoître par l'épaifliflement de la liqueur, les progrès de la fermentation. EL): ÎNDIGOTIER. D d 406 | TINDIGCOTIER. PLANCHE V. F ipure T. D, RaTELIER, aux crochets duquel on fufpend les Sacs Z pleins de la fécule de FTndigo , mife à égoutter. | Figure 2. Truelle fine pour accommoder lIndigo dans les caïfles. Figure 3. À, Caifle à Indigo vuide, vue dans fes proportions. Figure 4. À , Caïfle nouvellement remplie d'Indigo. Figure ÿ. À , Caifle pleine d'Indigo qui commence à fécher. Figure 6. Cette figure repréfente un Vaifleau détaché, où lon bat l’Indigo à la ma- niere des Indes , décrite par MM. Tavernier & Pomet. B , Batterie ou vaiffeau dans lequel on bat l’Indigo. G , Godets ou Seaux ouverts par en bas, & attachés à l'arbre de la Batterie, Voyez G, fig. 7: 1, Indiens qui donnent le mouvement à l'Arbre & aux Godets, par le moyen d’une Manivelle. Æ& , Arbre de la Batterie. T , Daleaux de la Batterie. Figure 7. B , Coupe de la Batterie , ftp. 6. G , Godets ou Seaux ouverts par en bas. R, Arbre de la Batterie. Figure 8. Cette figure repréfente la Sécherie. Ce Bâtiment couvre une patie des Éta- blis fur lefquels on fait fécher l'Indigo dans les caifles, À , Caïfles à Indigo. B , Établis. Explication des Figures. 107 M, Magafñn où l’on renferme l’Indigo lorfqw’il eft fec. S , Bâtiment de la Sécherie. Fioure 9. Front du bout de la Sécherie. À , Caïfles pofées fur Les Établis, E , Établis. Figure 10. F, Tas de Goufles d'Indigo , étendues fur un drap. Figure 11. Coupe du Mortier de bois où l’on pile les gouffes d’Indigo. C, Creux & largeur du Mortier, qu'on appelle improprement Prlon. Figure 12. D , Manches ou Pilons du Mortier C. Figure 13. Cette figure repréfente la maniere de tirer la graine des goufles de l’Indigo: C , Mortier. D , Manches ou Pilons du Mortier. E, Negres qui pilent des goufles d'Indigo. PA Nice" VI Figure +. PLan d'un terrein où il fe trouve une riviere barrée par une digue , afin d'en diftribuer l’eau à différents quartiers. Ce plan repréfente une habitation où l’on {e fert de cette eau pour arrofer l’Indigo » & une Indigoterie compofée de huit Pourritures & de quatre Batteries où l’on bat l’Indigo des deux côtés avec un moulin à mulets ou à chevaux , tel qu’on Le voit dans la Planche Poe A7 9: À , Riviere. BP , La Digue. C , Le Courfer. D , Le Baflin à éclufes. E ,Éclufes. : G , Canaux du Baflin à éclufes. HT, Bafhn de diftribution , où fe fait la répartition des eaux. L, Canaux particuliers des Baflins de diftribution. M, Canal commun de convenance ou de fociété, auquel on eft obligé de donner paflage quand le cas le requiert. 108 INDIGOTIER. NN, Bafin de fubdivifon. O , Cafe du Gardien de la Digue , avec un Magafin & deux Cafes à Nepres. Explication des différentes Parties de l’'Habitarion. a , Barriere ou entrée de l’'Habitation. Bb, Cafes à Negres. d'y Parc à Bœufs , & qui fert aufli pour les Vaches. e ; Hôpital. f>; Parc à Cochons. £& » Parc à Moutons : il y a au milieu une petite Cafe pour le Gardien. À , Parc des Veaux : il fe trouve à côté d’une petite Cafe pour le Gardien, ] » Grande Cafe ou logis du Maître. l, Quatre Magafins pour fervir à différents ufages. m1, Sécherie | Bâtiment où l’on fait {écher l’Indigo. 7 ; Indigoterie à double équipage , avec un Moulin au milieu qui bat des deux côtés. P» Divifion du Terrein planté en Indigo. 4 » Planches ou Carreaux plantés en Indigo. Tr Place à Vivres des Negres, ou Terrein que les Negres cultivent pour leur nourriture, s , Jardin potager. t , Places à Vivres de la grande Cafe, ou Terrein cultivé pout les befoins du Maître & de l'Hôpital. u , Bannanerie ou Terrein planté en Bannaniers , f£g. 3. x, Bois de bout , ou Terrein en friche. | y » Piece de Magnioc, plante dont la racine grugée ou rapée & defléchée, fe mange en farine ou en galettes, qu'on appelle Caffaves. x, Hayes ou entourages de l'Habitation ; en dedans font les foflés pat lefquels s’écoulent les eaux fuperflues de la noie & autres, Z , Foftés de l'Habitation. Figure 2: Pied de gros petit Mil , ou Mil à panache: Figure 3. u , Pied de Bannanier. Figure 4: y, Pied de Magnioc. Ne AN PLANcHE Explication des Figures: 109 PLANCHE VII Figure +. PLAN géométral d’une Indigoterie compofée de quatre Pourritures , dont la derniere eft chargée & barrée; de deux Batteries, dont Les cuillers fe meuvent par des Arbres qui reçoivent leur mouvement d'un Moulin à chevaux , fg. 2, & d'un feul Repofoir qui renferme deux Diablotins. L'Echelle qui eft fur la Planche indique les proportions de toutes les parties de cette figure & des fuivantes. À, Trempoire ou Pourriture déchargée , dont on a levé les Barres des Clefs, pour mieux faire voir la potion des poteaux , qu'on appelle Les Clefs. AA , Pourriture chargée d’herbe & barrée. BP , Batterie , vaifleau où lon bat ici l'extrait de deux Pourritures. €, Repofoir, ou efpece d’enclos qui fert à renfermer Les Diablotins À & le Ratelier U, auquel on fufpend les facs remplis de la fécule de l'Indigo. D, Poteaux ou Clefs de chaque Pourriture, ÆE, Daleaux de la Pourriture. F, Daleaux de la Batterie. G, Barres des Clefs de la Trempoire AA. H , Travers ou Barres de la Pourriture. 1, Paliffades ou planches de Palmifte couchées fur l'herbe ; quand la cuve eft chargée. | K , Diablotin ou Baffinot qui reçoit la fécule fortant de la Batterie. L , Efcalier du Repofoir. M , Caïflon des Cuillers avec lefquelles on bat l'extrait. Ce Caïflon n'eft point ouvert par deffous comme celui des Buquets ; le fond en eft plein & aflem- blé comme les côtés. Lorfque ce caïflon eft joint à fon manche, il forme un inftrument à qui on donne fpécialement le nom de Cuiller. NN, Colets de bronze ou de bois incorruptible, qui fupportent les aifieux des Arbres qui traverfent chaque Batterie. O , Manche de la Cuiller M O. P , Petite forme ou foffette qui {e trouve au fond du Diablotin X. Q, Daleau quarré du Repofoir : ce Daleau qui eft toujours libre, répond au canal de décharge nommé 4 Vuide. R , Arbre de la Batterie , à travers lequel paflent Les manches des Cuillers. S , Rigole qui fournit l'eau à chaque Pourriture. Cette Rigole & fes bords font élevés en maçonnerie le long des Pourritures, & couverts d’une couche de ciment. Pouf mettre l’eau dans une cuve, il ne s’agit que d'enlever la terre grafle qui bouche la petite éclufe g, & de fermer en même temps celle des autres cuves avec de pareille terre. INDIGOTIER. E e ITo IN DIGOTIER. T, Rigole par laquelle on fait pañler dans la Batterie la plus proche ou la plus éloignée, l'extrait des cuves qui ont aflez fermenté. Cette Rigole eft en maçonnerie comme la précédente ; fes bords font tour- nés en fer à cheval devant les Daleaux. Les fers à cheval qui correfpondent aux Daleaux des Pourritures qui ne font point placées devant les Batteries , n'ont point auf d'éclufe ou d'ouverture fur le devant de leur rondeur ; mais les autres fers à cheval qui font für le bord des Batteries, ont une éclufe droit au milieu de leur demi-cercle. U, Ratelier où l’on fufpend Les facs remplis de la fécule de l’Indigo. V', Fond du Repofoir. #, Éclufes de la Pourriture. k , Éclufes de la Batterie. m , Aquéduc qui conduit l’eau aux Indigoteries. Figure 2. Plan géométral d’un Moulin à chevaux pour battre l’Indigo. À , Diametre de l'emplacement du Moulin un peu creufé en terre. B , Chafis du Moulin. €, Balancier ou grande roue horifontale qui engraine fur Les Lanternes E. D , Bras du Balancier. Ces Bras font au nombre de quatre: ils forment une croix ; mais il n’en paroît que deux, les deux autres étant cachées fous les queues G. Æ, Lanternes des Arbres F. F , Arbres des Lanternes, couchés horifontalement. G, Queues ou Bras de l’Arbre vertical X. H , Palonniers où s’attachent Les traits des Mulets. X , L'Arbre de la grandé Roue ou du Balancier. Figure 3. Hors des proportions de l'E chelle, ‘Cette figure repréfente l'aflemblage & la liaifon de l’Arbre d’une Lanterne avec l’Arbre d'une Batterie, par le moyen de l’aiflieu qui eft enchañlé dans une entaille faite aux extrémités de ces deux Arbres. Lorfque le bout de l'aif fieu eft placé dans fon entaille , on le couvre d’un taifeau qui remplit Le refte du vuide , & on lie cet afflemblage avec un cercle de fer. À , Bout de l’Arbre de la Lanterne. B , Bout de l'Arbre de la Batterie. € , Aïflieu emboîté & lié dans les extrémités des Arbres À & B. L, Cercles de fer qui fervent à aflujétir l'aiflieu & Le tafleau qui Le couvre. Explication des Figures. ° XII Figure 4. Hors des proportions de l'Echelle. C, Aïflieu de communication entre les différents Arbres des Lanternes & des Batteries. j Figure Xe Hors des proportions de l'Echelle. D, Repréfente l'entaille que l’on fait dans l'extrémité des Arbres À & B, fig. 3 , pour recevoir l'Aiflieu C, fig. 3 & 4, & le Tafleau E, fig. 6. L, Cercles de fer néceflaires à la liaifon de l’Aiffieu & du Tafleau , quand l’un & l’autre font couchés dans l’entaille, si igure 6. E, Tafleau ou piece de bois qui remplit exaétement Je refte de l'ouverture D , fig. s , où l'on a couché auparavant l'extrémité de l'Aïflieu C, fg. 3 € 4. Figure 7. Coupe géométrale d’un Moulin à chevaux pour battre l'Indigo. À , Diametre de l'emplacement du Moulin. B , Chaffis du Moulin. C, Balancier ou grande Roue horifontale qui engraïine fur les Lanternes E. E, Lanternes des Arbres F. F, Arbres des Lanternes. G , Queues ou Bras de l’Arbre vertical X. H , Palonniers où s’attachent les traits des chevaux. TI, Piliers de maçonnerie , fur lefquels font enchalés les colets qui reçoi- vent les Aiflieux des Arbres horifontaux F. K , Pilier de maçonnerie, fur lequel on enchaffe la Platine qui fupporte le cul-d'œuf de l’Arbre vertical X. L , Chapeau ou couverture du Moulin. Ce Chapeau & toutes Les pieces qui en dépendent, tournent avec l’Arbre vertical X , qui leur fert de fupport. X , Arbre vertical du Moulin. 1 Figure 8. Coupe géométrale des deux Batteries dont les Cuillers reçoivent leur mou- vement du Moulin fs. 7, qui eft à côté. On voit derriere ces deux Batteries , & en füuivant du côté droit, l'élévation du mur de quatre Pourritures ; & devant les deux dernieres Pourritures , on voit l'élévation d’un petit mur fur lequel eft 112 IN DIGOTIER. la Rigole T, fig. 1, PL. 7, par laquelle on fait pañler dans la Batterie la plus éloignée ou la plus proche l'extrait des cuves qui ont aflez fermenté. Voyez pour plus grand éclairciffement l'explication de la figure x , PL 7. À , Mur des quatre Pourritures. | À À , Pourriture barrée. BP , Batteries. D , Poteaux ou Clefs de Pourriture: G , Barres de la Pourriture. M O , Cuillers dont le manche traverfe l’Arbre qui eft couché fur chaque Bat- terie. R, Arbres des Batteries. T, Mur de la Rigole. Figure 9. Hors des proportions de l'Echelle. Perfpeétive d’un Moulin à chevaux qui eft en aétion pour battre l’Indigo. On ne peut voir la partie baffe de cet ouvrage, parce qu'elle fe trouve envi- ronnée & couverte d’une butte de terres rapportées pour la marche de Mulets : mais auparavant on à foin de mettre par-deflus les Arbres des Lanternes , de lon- gues & larges planches, afin de les mettre à l'abri de l’éboulement des terres & de tous Les autres inconvénients qui pourroient Les gâter ou en empêcher le mouvement. B , Cage du Chaffis. €, Balancier ou grande Roue horifontale. Æ, Lanternes. G , Queues ou Bras du Moulin , auxquels on attele Les Mulets. H,Mulets ou Chevaux, qui en marchant fur la Butte R, donnent le mouve- ment à toutes les pieces du Moulin & de la Batterie qui y correfpondent. L,, Chapeau ou couverture du Moulin. M, Butte de terre élevée tout autour du Moulin, après qu'on a couvert les Aïbres des Lanternes qui pañlent deffous, par de fortes planches ou madriers. X , Arbre vertical du Balancier. Figure 10. Hors des proportions de l’Echelle. Perfpeétive d'une Indigoterie compofée de plufeurs Pourritures. On voit dans cette figure deux Batteries dont Les Cuillers reçoivent leur mouvement du Mou- lin fig. 9 qui eft à côté. À , Pourritures. B ; Explication des Figures. 113 PB , Batteries. €, Repolfoir. D , Clefs ou Poteaux de Pourritures. M , Caiflon de la Cuiller M O. O , Manche de la Cuiller M O. Q , Daleau de la Vuide. Voyez pour plus grand éclairciflement , l'explication de la figure x de la même Planche. F Lure II. Cette figure repréfente une Cuve détachée où l'on bat Indigo par le moyen d’un Arbre à palettes, terminé par deux manivelles qu'on fait tourner à force de bras. La vue de cette figure fuffit pour en comprendre le méchanifme. Figure 12. Moulin à l'eau pour battre l'Indigo. On a fupprimé tout ce qui pouvoit ca- cher fon méchanifime & fa correfpondance avec les pieces qu'il fait mouvoir dans les Batteries qui font à côté. Voyez pour plus grand éclaircifflement , l'explication des figures x , 8 & ro de la même Planche. PLrAnNcuHE VIII Figure x. Branche d'Indigo franc calquée {ur la figure qu'en a donné M. Hans-Sloane ; dans fon Hifoire Naturelle de la Jamaïque, Planche 176 , fig. 3. Froure 2. Branche d’Indigo fauvage de la Jamaïque, dont on a fupprimé une partie du feuillage pour en laifler voir les filiques , copiée fur la figure qui fe trouve dans: l’Hiftoire Naturelle de la Jamaïque , par Hans-Sloane ;. Planche 179 , fo. 2 PAMSNICUH € AIX. Figure x. Perfpective d’un terrein travaillé au Rateau , pour le planter en Indigo. À , Rateau. Voyez aufli Lés figures ro , 1x & 12 de la même Planche. E , Branches du Rateau. F, Barre du Rateau. ke; Negres qui tirent le Rateau. H, Manches du Rateau. ÎNDIGOTIER. Ff 14 INDIGOTIER. I, Negre qui dirige la marche du Rateau. K , Sillons tracés par les dents du Rateau. L , Négrelles qui plantent la graine de l’Indigo dans les fillons tracés par le Ra- teau. Figure 2. . Perfpeétive d’un terrein plein de trous faits avec la houe, fig 43 pour y planter de l’Indigo. À , Negres qui font des trous avec la Houe. P , Négrefles qui plantent la graine de l’Indigo dans les trous D. Cy Coui ou côté de Calebañle , fg. 9 , dans lequel les Négrefles portent la graine d'Indigo qu'on doit planter. D , Trous fouillés dans la terre avec la Houe. Figure 3. Perfpective d’un Terrein où l'on coupe l’Indigo, dont on fait des paquets qu'on porte à la Cuve. | M , Planche d'Indigo bon à couper. N , Negres qui coupent l'herbe avec leurs couteaux à Indigo , fig. 7. O , Négreffe qui fait un paquet d'herbe. P , Negrefqui porte un paquet d’herbe-vers la Cuve. Figure 4. Voyez l Echelle pour les proportions. Cette figure repréfente une Houe , inftrument dont on fe fert générale- ment dans nos Ifles de l'Amérique pour travailler la terre. Cet inftrument eft compolé d’un manche de bois paflé dans la Douille du fer de la Houe propre- ment dite, Figure $. Fer d’une Houe vue de côté. Figure 6. Fer de la Houe vue par fa face intérieure. Figure 7. Couteau à Indigo , ou Ferrement avec lequel ss coupe l’Indigo. Fioure 8. Rabot , inftrument de bois avec lequel on rabat la terre dans les trous où l'on a planté l'Indigo. Le Explication des Figures, I1S Figure 9. C ; Coui ou côté de calebafle , dans lequel Les Négreffes portent la graine d'In- _ digo qu'on doit planter. Figure 10. Cette figure préfente Le côté du Rateau avec lequel on trace des fillons fur un Terrein où l’on veut planter la graine d'Indigo. Voyez fig. 1, de la même Planche. À , Bafe du Rateau. E , Branches de l’Avant-train. H, Manches de l’Arriere-train. R, Dents du Rateau. Figure 11. Cette figure repréfente l’Arriere-train du Rateau vu en face. À , Bafe du Rateau. H , Manches du Rateau. KR, Dents du Rateau. Figure 12. Rateau vu dans fa longueur. A , Bafe du Rateau. ÆE , Branches de l’Avant-train. F , Barre de l’Avant-train. H,, Manches de l’Arriere-train, R , Dents du Rateau. Figure x3: Cette figure repréfente une dent du Rateau. Figure 14. Gratte vue de côté. La Gratte eft un inftrument de fer avec lequel on farcle l’Indigo. Figure x$. Gratte vue de plat. | Figure 16. Serpe , inftrument de fer d'un fréquent ufage dans toutes les habitations. F Loure 17. .…. Cifeaux imaginés par M. de Saint-Venant , Ingénieur au Cap François , poux couper l'indigo : effet ne m'en eft point connu. 116 EN D'IGOTIER. PLIS NUOUE E (Xe :: Voyez l'Echelle pouf les proportions des ouvrages qui font repréfentés für cette Planche, On a été obligé de racourcir la longueur des canaux, afin de re- préfenter toutes les autres parties dans leurs proportions. Plan d'un Terrein où fe trouve une Riviere barrée par une Digue pour en diftribuer les eaux à différents quartiers. On voit au bas de ce plan trois bouts de planches ou carreaux , travaillés avec Le Rateau, Je. 1, PL 9, dans lefquels on a tout nouvellement ne de la graine d'Indigo , & le commencement de leur arrofage fur le carreau P. Les lettres T & R indiquent les endroits où l’on à déja mis l’eau fur ce carreau. Les lettres S,T, PV, Y, repréfentent la maniere de détourner l’eau de la Rigole R, & Le moyen dont on fe fert pour la faire s'étendre fur toute la largeur du carreau P. Figure 1. À , Riviere. BP , Digue. C , Courier. D , Baflin à éclufes. FE, Éclutes. F, Pelles des Éclufes. G , Canaux du Bafin à éclufes. : T°, Baflin de diftribution, où fe fait la répartition des eaux. T1, Ouvertures ou embouchures des canaux de diftribution. Æ ; Grifons ou pierres de taille plantées en trépied dans Îe Baflin de EM tion pour ralentir le cours de l’eau, & la faire s'étendre avec égalité vers les embouchures Z. L , Canaux particuliers des Baffins de diftribution. M, Canal commun de convenance ou de fociété , auquel Les Habitations fu- périeures font obligées de donner RDS quand le cas le requiert. NN , Baflin de fubdivifion. O , Cafe du Gardien de la Digue, avec un Magañn & ps Cafes à Negres où Figure 2. P , Coin d’une divifion qui renferme le bout de trois planches ou carreaux de terre travaillée avec le Rateau, Le Ty TU DANE none plantée en Indigo. sb < © , Bout d'une planche de terre qu on arrofe. R , Rigole dont on détourne l’eau fur la Planche g. S , Negre qui détourne l’eau fur La planche: 7 ÿ on le dj de Ia me Ÿs qu il étend en travers du terrein, T,, Explication des Fioures. 117 T , Quyerture faite au bo:d de la planche pour y amener l’eau. V”, Petit batardeau de terre fait pour barrer l’eau & la détourner vers la planche, Y , Torque de feuilles de Bananier, étendue für le travers de la planche pour y retenir l'eau, & lui faire parcourir toute la largeur de La planche, Z , Haies de l’'Habitation, Z, Fofiés de l'Habitation. Addition relative à la Note de la page 68. Les planches ont 13 à 14 pieds de large, fur 120 à 200 pas de longueur s elles font féparées par des rigoles dont les bords s’élevent un peu au-deflus du niveau du terrein. A l'extrémité fupérieure de toutes ces planches, eft une petite rigole dans laquelle on met l'eau quand on veut commencer à les arro- fer; puis on continue par un de leurs côtés. A l’autre extrémité inférieure des planches, eft une autre rigole plus grande que celle d'en haut, parce qu'elle re- çoit Le fuperflu de l’arrofage & des pluies. Au-deflous de cette rigole inférieure, on doit toujours laifler un petit chemin pour la commodité du pañlage, & afin de n'être pas obligé de marcher fur Indigo. On fait ce chemin plus large fur les grandes Habitations où l'on charge les paquets d'herbe , pour Les Indigoteries, fur des Cabrouets , que nous appellons en France Charrettes. PLANCHE. XI Figure T. Perfpective d’un Moulin pour broyer les feuilles defféchées de Indigo, fui- vant l’ufage de quelques endroits des Indes. Figure 2. Coupe du même Moulin, dont on a fupprimé l'auge ou le Bafin, afin de faire voir l’action d’un Rateau qui remue les feuilles qui font au fond de l'Auge , & fait retomber au milieu celles qui font fur les côtés. Ce Rateau eft attaché par deux branches aux aiflieux de la Roue. Figure 3. Plan du même Moulin, Figure 4 Tournefol des François , ou Heliotropium Tricoccum , plante qui croît dans le Bas-Languedoc , aux environs de Montpellier. On broye cette plante dans un Moulin comme celui dont on a parlé ci-deflus , ou de toute autre maniere, & on en tire un fac qui devient bleu, Voyez le procédé & le réfultat de cette INDIGOTIER. Gg 118 JT NODMIGO TER, &c opération dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1712, page 17. La figure de cette plante ef tirée de l'Hiftoire générale des Drogues, de Pomet le pere. Figure Se Paftel , plante qui croît en Languedoc , aux environs d'Albi. C’eft avec cette plante que fe fait le Paftel dont on fe fert fréquemment pour les Teintures en bleu. Voyez à ce fujet l'Art du Teinturier, donné par l’Académie des Sciences. Cette figure eft également tirée de FHiftoire générale des Drogues , par Pomet pere. Fin de Explication des F Lgures. Extrait des Regifires de l’Académie Royale des Sciences. Du 30 Août 1769. | N OUS avons été chargés par l'Académie , M. Cadet & moi, de lire un Traité de l'Art de l'Indigotier , par M. de Beauvais Rafeau , ancien Capitaine de Milice à Saint-Domingue , & de lui rendre compte de cet Ouvrage. Il nous a paru que toutes les pratiques de cet Art font bien décrites par l’Auteur , qui a été lui-même Directeur d’une Indigoterie pendant plu- fieurs années. M. de Beauvais entre dans tous les détails qu’il eft effentiel de connoître pour réuflir dans la Fermentation , le Battage & la Defficcation de l’Indigo ; il indique les fignes par lefquels on peut fe guider pour bien conduire ces opérations ; il s’occupe aufli de la def- cription des différentes efpeces d’Anil dont on tire l’Indigo , & de la culture de ces Plantes. Enfin nous croyons que M. de Beauvais a rempli avec fuccès l’objet qu’il s’étoit propofé, & que fon Ouvrage mérite d’être imprimé avec l’Approbation de l’Académie, Je certifie le préfent Extrait conforme à fon original &* au jugement de Académie, A Paris; : e 21 Août 1769. ce 3 709 GRANDIJEAN DE FOUCHY, Secrétaire perpétuel de l'Académie Rayale des Sciences, SRE ARE ROSES DE AT DR TRE Pne Te J "AT la Defcription de l'Art de Plndigoier, par M. De Beauvais RASEAU , ancien Capi- zaine de Milice à Saint-Domingue ; @ je trouve cet Ouvrage digne à tous égards de l'imprefion. 4 Paris, ce 24 Décembre 1769. MACQUER. DE L’'IMPRIMERIE DE L.F, DELATOUR. :77. : dans la. RAA Dr PI. Il, ge I » 2 & 35 & ee AE qui eft à côré; fa: PI. XI, Fe 152 & 3 & © leur. explication. 6, Ligne 21 > fee 1 & 3 Se ul 1 Gas 66; lignes 15 18, PI, 6 ; lifez: : PI. 6 & 10: é t MAC AA ss AT), | 69) lg ae um pet aquédue 3 ion : fl 1, Pl ga : dus vor " UE te 72 ligne 37e Pl.ÎI; bifez : :PL XL | : f VER r O7 Digne 18. fig x O 25 fifa sig ne T4 P ni {Ibid ligne 26, PL. 43 fx: BIS re | un Did. ligne 34 fige 14 3 lifez : fige 2e Ÿ 1 à FA ; _ mb e8,2Z;, fig 6: Pl1o; lifez:z, PL. 6. » fige 1 pe we di | nes e 13: M» Aquéduc; liféz ir; Aquéduc, A L P” g y 1 c , 6 À Ë - ; . f \ + } ‘ \ : « \ a # X { 1310 = F * : aÉ \ h " à é NON ' iv A S 4 LI : e” “ ‘ L } L, (4 ' à " +: < , : il G ; à i) “'É < à f L mr 4 f L RE Ne Tes LP PRE entiere ven rois A4 D È Pine + EP on D De GES NT. h … A EU | “ "” 7x à : n1 NT ; sl Le EL 4 = dm A ed e een M % 3 ss ie, U CM LT" QUE 3e Ex 4 LS +. à F k: LA de? Mt + di L N : L: - & * .* ds (4 ( A NE à. \ 1 M 4 L ; F « h é 4 r À ë à, k ‘ : L « +  FAT / FAT g L h u & É : x : A. 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