EARLY SCI. RS 165. C3 PLA 200668347 7 KING'S Collège LONDON Fbunded 1829 cv>cKoa ; Library 1 DES QUINQUINAS PAR Û Gustave PLANCHOK Pharmacien de 1" Classe, Docteur ès-Scienccs , Professeur-Agrégé à ^Faculté de médecine de Montpellier, Ex-Professeur de Botanique à l'Académie de Lausanne, Membre delà Société d'Horticulture et de Botamqu, kV. l'Hérault , de la Société Vaudoise des Sciences Naturelles, etc. .\-'1;v' WgÊ^ PARIS SAVY, Libraire-Éditeur , rue Hautefeuille , 24. MONTPELLIER TOPOGRAPHIE DE BOEUM U F i L S , IMPRIMEURS DE L'ACADÉMIE 18G4 DES QUINQUINAS PAR Gustave PLANGHON Pharmacien ;de 1" Classe, Docteur ès-Sciences , Professeur-Agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier, Ex-Professeur de Botanique à l'Académie de Lausanne, Membre de la] Société d'Horticulture et de Botanique de l'Hérault , de la Société Vaudoise des Sciences Naturelles , etc. PARIS SAVY, Libraire-Éditeur, rue Hautefeuille , 24. MONTPELLIER TYPOGRAPHIE DE BOEiiM & FILS, IMPRIMEURS DU L'ACADÉMIE 1864 • £3 PlA AVANT-PROPOS Depuis le temps où M. Guibourt a exposé, dans son livre classique sur les drogues simples, toutes les données qu'on avait alors sur les Quinquinas , bien des faits nouveaux ont été acquis à cette question d'histoire naturelle médicale. Des voyageurs habiles ont parcouru les régions qu'habitent ces espèces précieuses : non-seulement ils les ont étudiées sur place et en ont fait connaître les produits; mais en les transportant vivantes dans des localités où elles sont maintenant cultivées, ils ont mis les savants à môme de les suivre pas à pas dans toutes les phases de leur développement. D'autre part, les quinologistes ont interrogé de nouveau les anciennes collections , et ont obtenu des réponses inattendues. Il en résulte une somme con- sidérable de matériaux, qui n'ont encore été vulgarisés en France par aucun ouvrage élémentaire. Il m'a paru intéressant de recueillir les résultats de ces recherches et de les réunir dans un résumé d'ensemble. Je n'ai pas eu la prétention de donner du nouveau; que pouvais-je faire avec des matériaux incomplets et dans un temps limité, après les travaux des Guibourt, des Weddell, des Howard, de tous ces illustres quinologistes, qui ont appliqué à cette question leur longue et savante expérience? J'ai cherché simplement à exposer leurs opinions, après m'en être rendu compte par l'étude directe des objets. MM. De Candolle et Boissier, avec une générosité dont je leur garde une vive reconnaissance, ont bien voulu me communiquer les Cin- chona de leurs herbiers. J'y ai trouvé plusieurs des types de M.Wed- dell, et, dans la collection de M. Boissier, presque tous les Cinchona de Pavon, étiquetés par l'auteur lui-môme. M. Triana m'a confié les espèces qu'il a récoltées dans les localités classiques de la Nouvelle- Grenade. J'ai donc eu sous les yeux des types authentiques, et j'ai dû à cette circonstance, sinon de résoudre complètement quelques questions délicates, au moins d'exposer quelques vues sur leur so- lution probable. J'ai pu également réunir quelques éléments pour l'étude des pro- duits. M. Howard a bien voulu envoyer à l'École de pharmacie de Montpellier une collection d'écorces, étiquetées par lui-même, et M. Barnpon, consul de la Nouvelle-Grenade, a mis à ma disposition tous les quinquinas du commerce de ce pays, avec des notes intéres- santes, que je me suis fait un devoir de reproduire à peu près intégra- lement. Grâce à ces matériaux, j'ai pu aborder une question dont la difficulté m'avait longtemps fait hésiter, et que je n'aurais pas osé traiter sans de tels éléments d'appréciation personnelle. J'ai divisé mon travail en deux parties : dans la première, j'ai exposé ce qu'il y a de plus important à dire sur les quinquinas en général. Dans la seconde, j'ai étudié les unes après les autres les espèces officinales, laissant à dessein de côté toutes celles qui ne donnent que des produits sans valeur. ~-\AAAAAAAflAA/ DES QUINQUINAS PREMIÈRE PARTIE GÉNÉRALITÉS SUR LES QUINQUINAS. § Ier- HISTORIQUE. Les premières notions botaniques sur les arbres à quinquina datent du commencement du xviir2 siècle. Le médicament était cependant connu depuis longues années. En 1638, il avait guéri d'une fièvre rebelle la comtesse d'El Chinehon, femme du vice-roi du Pérou, et cette cure célèbre avait commencé sa réputation. La vice-reine n'avait pas manqué d'apporter avec elle, lors de son retour en Espagne, la poudre salutaire à laquelle elle devait la santé ; elle l'avait fait connaître autour d'elle, et bientôt le médicament s'était répandu sous le nom de foudre de la comtesse. Plus tard , les Jésuites' en avaient augmenté la vogue, en le distribuant sur une plus grande échelle, et le nom de foudre des Jésuites avait remplacé 2 — 10 — la dénomination primitive. La véritable origine du pré- cieux remède restait cependant une énigme pour les mé- decins. Ce ne fut qu'en 1Ç79, lorsque Louis XIV en eut acheté le secret d'un Anglais , nommé Talbot , qu'on connut enfin en Fran ce l'écorce officinale, mais sans avoir pour cela des données satisfaisantes sur l'arbre qui la produit. La Condamine donna le premier sur cet arbre des détails scientifiques. Envoyé au Pérou, avec Godin et Bouguer, pour mesurer un degré du méridien, le savant académicien profita de son voyage pour voir de près les quinquinas. Il partit pour Loxa, avec les renseignements de Joseph de Jussieu , adjoint à l'expédition en qualité de botaniste ; il y décrivit sur place le premier Cinchona et donna, d'après nature, le dessin de ses principaux organes. L'année suivante (1738), il publiait son travail dans les Mémoires de l'Académie des csiences. Joseph de Jussieu n'avait pas suivi les astronomes de l'Académie, lors de leur retour en Europe. Tenté par l'attrait des découvertes qu'il ne pouvait manquer de faire dans un pays tout nouveau pour la science, il par- courut la plus grande partie du Pérou , atteignit même la Bolivie, et ne revint en France qu'en 1771 , mais, par malheur, dans un état de santé qui ne lui permit point de donner à ses observations la publicité qu'elles méritaient' . Cependant le gouvernement français n'avait pas re- 1 On a publié quelques extraits de ses observations dans les « Ré- flexions sur deux espèces de quinquina découvertes nouvellement aux environs de Santa-Fe, dans l'Amérique méridionale;» in Histoire de la Société royale de médecine, année 1779, pag. 252.— M. Weddell, qui — 11 — nonce à l'exploration des riches contrées de l'Amérique méridionale. En 1776, Dombey fut chargé de récolter les plantes du Pérou'; mais l'Espagne, dont l'agrément était nécessaire pour une pareille entreprise, ne voulut point rester en arrière de la France , et retarda le départ de Dombey jusqu'au moment où elle put elle-même or- ganiser une expédition dirigée par les deux botanistes Ruiz et Pavon. Dombey partit avec eux, visita plusieurs localités à quinquina, entre autres le district de Huanuco, pénétra dans le Chili, et revint enfin en Europe en 1785, avec une immense collection, dont une partie seulement est arrivée au Muséum d'Histoire naturelle de Paris, à travers mille obstacles élevés par le gouvernement espa- gnol. Les mesquines jalousies du même gouvernement empêchèrent Dombey de publier les résultats de son voyage. Ruiz et Pavon récoltèrent aussi de nombreux maté- riaux , et lorsqu'ils durent retourner en Espagne, en 1789, ils laissèrent, pour continuer leur œuvre, deux de leurs disciples, J. Tafalla et Juan Manzanilla, qui ex- pédièrent en Europe les fruits de nouvelles explorations. Plusieurs ouvrages importants furent le résultat de cette expédition scientifique : la Quinologie de Ruiz1, publiée en 1792, et qui fut augmentée en 1801 2 d'un supplément deRuiz et Pavon; la Flora Peruviana etChi- a pu consulter la totalité de ses manuscrits, en a également fait quel- ques extraits intéressants. 1 Ruiz; Quinologia o tratado del arbol de la quina o cascarilla. Ma- drid, 1792. 2 Ruiz et Pavon; Supplemento a la Quinologia. Madrid, 1801. lemis (\ 798-1 802)', qui donna la description et la figure de douze espèces de quinquina; enfin une Quinologie de Pavon, « Nueva Quinologia », œuvre longtemps inédite dont M. Howard vient tout récemment de faire profiter la science2. Ces mémoires originaux et les collections sur lesquelles ils sont fondés, servent encore de nos jours à la solution de bien des questions obscures. Tandis que Ruiz et Pavon exploraient les provinces du Bas-Pérou, au nord de Lima, l'expédition botanique de la Nouvelle-Grenade recherchait dans la partie sep- tentrionale de la Cordillère les espèces officinales aux- quelles le gouvernement espagnol attachait tant de prix. Mutis qui, en 1760, avait suivi dans le pays, en qualité de médecin, le vice-roi don Pedro Messia delà Cerda, avait déjà trouvé, en 1772, aux environs de Santa-Fe, une des espèces aujourd'hui officinales de quinquinas3. On le choisit, en 1782, pour diriger les explorations, et il ne tarda pas à annoncer la découverte de plusieurs écorces aussi efficaces que celles des environs de Loxa. Une discussion fort vive s'est élevée entre les auteurs de la Flore Péruvienne et les élèves de Mutis, Caldas et Zea, qui, après sa mort, continuèrent son œuvre. Mutis avait cru devoir identifier les espèces néo-granadines 1 Ruiz et Pavon; Flora Peruviana et Chilensis, tom. II, 1799, in-fol. 2 Illustrations of the nueva Quinologia of Pavon with coloured plates, byFitch; and observations on the Barks, by John-Elliol Howard. London, 1862, in-fol. 3 Bien longtemps avant, en 1755, don Miguel de Santesteban avait vu aux environs de Popayan une espèce de quinquina , probablement le Pitayensis; mais sa relation était restée ignorée dans les papiers de la vice-royauté. — 13 — avec celles de Loxa, et il n'avait pas hésité à donner au quinquina de Santa-Fe le nom de Quina primitiva, d'après l'idée que c'était l'espèce décrite par La Con- damine , la première découverte. Ces prétentions , sou- tenues par les disciples avec plus d'opiniâtreté que par le maître , provoquèrent des dénégations violentes de la part de Ruiz et Pavon : «Nous sommes forcés , dirent- ils', pour la défense de notre œuvre, de réfuter les allégations de M. Zea , et, pour le bien de l'humanité, nous nous trouvons dans l'obligation de prévenir le public que les quinquinas de Santa-Fe sont des espèces bien différentes de celles de Loxa , reconnues comme excel- lentes et supérieures dans l'emploi médical — Le pre- mier quinquina de la Quinologie est reconnu par tous les cascarillsros de Loxn qui exploitèrent la province de Huanuco, comme l'espèce supérieure et la plus estimée dans le commerce et en médecine... Il nous paraît éga- lement impossible que l'Amérique septentrionale (cest- à dire au nord de la ligne) puisse produire des quinquinas de bonne qualité comme ceux du Pérou. » Nous aurons l'occasion de discuter cette question liti- gieuse; pour le moment, bornons-nous à constater qu'elle peut provoquer des réponses différentes suivant la ma- nière dont elle se pose. S'il y a, sur l'identité spécifique des quinquinas de Santa-Fe et de ceux de Loxa, des doutes qui provoquent presque une réponse négative, on ne saurait nier, d'autre part, que plusieurs écorces offici- i in Supplément à la Quinologie, cité par Delondre et Bouchardat: Quinologie. Paris, 1854, pag. 5. — 14 — noies fie Mutis no renferment beaucoup plus de quinine que les quinquinas de Loxa; aussi, quelles que soient les conclusions a tirer de l'examen comparatif de ces formes végétales, on nepeut partager le dédain de RuizetPavon pour les produits de l'hémisphère septentrional '. Mutis vivait encore à Santa-Fe, lorsque deux illustres 1 II est malheureux, pour la réputation de Mutis, que l'ouvrage qu'il avait dû certainement préparer sur les quinquinas soit encore com- plètement inédit et peut-être égaré dans quelque coin du Musée d'his- toire naturelle de Madrid, où l'on conserve sa magnifique collection de dessins des plantes néo-granadines. M. Rampon, qui fait de louables efforts pour retrouver ce travail de Mutis, assure que Zéa, dans sa discussion avec les auteurs de la Flore du Pérou , a singulièrement compromis les idées de Mutis, en les dénaturant. Il est de fait que Mutis paraît avoir très-bien compris la valeur thérapeutique des di- verses écorces de la Nouvelle-Grenade, et n'avoir accordé des effets fébrifuges qu'à celles qui les possèdent en réalité. C'est du moins ce qu'on peut conclure du tableau suivant, extrait par M. Howard d'une des rares publications de Mutis dans Papel periodico de Sanla-Fe de Bogota. « Ecorces officinales de la Nouvelle-Grenade. En la botanica. — Cinchona. Lancifolia, Oblongifolia, Cordifolia, Ovalifolia. Quina. Hoja de lanza, Hoja oblonga, Hoja de corazon, Hoja oval. EN EL COMERCIO. Naranjadaprimitiva, Roxasucedanea, Amarillasubstituida, Blanca forastera. En la medicina. — Amargo. Aromatico, Austero, Puro, Acerbo. Balsamica, Astringente, Acibarada, Xabonosa. Antipyrectica, Antiseptica, Cathartica, Rhyptica. Antidota, Polycresta, Ephractica, Prophilactica. Nervina, Muscular, Humoral, Viscéral. Febrifuga. Indircctamente febrifugas. » — 15 — voyageurs entreprirent l'exploration de la région des quinquinas. Humboldt et Bonpland, partis d'Europe en 1799, avaient consacré l'année 1800 à parcourir le bassin de l'Orénoque; en 1801, ils prenaient terre à Cartha- gène, recevaient à Bogota l'hospitalité de Mutis, traver- saient toute la Nouvelle-Grenade, le royaume de Quito, les provinces septentrionales du Pérou, pour continuer à travers le Mexique l'un des voyages les plus féconds de notre époque. De nouvelles espèces de quinquinas découvertes et décrites, la distribution géographique de ce groupe naturel bien indiquée pour la première fois, de nouveaux matériaux pour l'étude des écorces offici- nales: tels furent, en ce qui concerne spécialement notre question, les résultats de cette exploration fructueuse. On les trouve consignés dans les divers ouvrages de bo- tanique 1 consacrés à la description des plantes du voyage , et dans un mémoire de M. de Humboldt sur les forêts à quinquinas de l'Amérique du Sud2. Nous ne pouvons citer en détail toutes les explora- tions entreprises depuis lors dans les diverses portions delà région des quinquinas: celles de Goudot, Hartweg, Purdie, Warscewitz, Linden, Funk, Schlim, ïriana, etc., dans la Nouvelle-Grenade; de Poppig, Lechler, etc. dans le Pérou et le Chili. Les collections de ces voyageurs renlerment presque toutes de nouveaux matériaux pour 1 Surtout in Humboldt et Bonpland; Plantes équinoxiales. Paris, 1808-1816, et in Kunth ; Nova Gênera et Species plantarum, quas col- legerunt Bonpland et Humboldt, tom. III. Paris, 1818. - Humboldt (Alex. von);Ueber die Ghina-Wâlder inSud Amerika.... (Magazin der Gesellschaft naturforschender Freunde, zu Berlin, 1807. — 16 — l'histoire de nos espèces , mais la question des quin- quinas ne les a pas assez spécialement préoccupés, pour que nous fassions de leurs explorations une mention particulière. 11 n'en est pas de même de l'entreprise de M. Weddell, conçue dans le but d'éclaircir la question qui nous occupe, et qui a enrichi d'un magnifique ou- vrage la littérature quinologique1 , Jusqu'en 4848, on avait recherché les espèces offici- nales de la Nouvelle-Grenade, de l'Equateur et du Pérou, mais la Bolivie restait inexplorée. Ni Joseph de Jussieu, qui avait pénétré jusque dans ces régions, ni Taddaeus Haenke, « dont les rudes labeurs sont restés proverbiaux dans le pays de Cochabamba où il résidait2» , n'avaient laissé de traces de leurs découvertes. Tout restait donc à faire pour cette partie de la chaîne des Andes, d'où provient cependant l'écorce la plus riche en quinine. M. Weddell , après s'être séparé de l'expédition de M. de Gaslelnau, dirigea ses investigations de ce côté; il pénétra ensuite dans la province péruvienne de Cara- baja; enfin, remontant la chaîne jusqu'à Cuzco, il éten- dit le champ 4e ses observations jusqu'aux régions explorées par les quinologistes précédents. Il rapporta de ce voyage une ample moisson de faits. Huit espèces nouvelles de Cinchona vrais sont décrites avec soin dans son Histoire naturelle des quinquinas, qui ren- ferme en outre les caractères et la distribution systéma- tique des espèces alors connues. L'étude microscopique 1 Histoire naturelle des quinquinas, par H. -A. Weddell, in-fol. Paris, 1849, avec 34 planch. 2 Weddell, loc. cit., pag. 3. — 17 — des organes occupe une place importante dans ce livre classique; elle y devient môme un moyen précieux de diagnose en même temps que de classification pour les écorces officinales ; enfin, les limites de la région cinchonifère, jusque-là fort indécises du côté du Sud, sont nettement indiquées dans une belle carte qui ter- mine l'ouvrage. Le voyage de M. Delondre, entrepris à la même épo- que, dans'le but spécial de fournir à l'industrie un ap- provisionnement plus facile des quinquinas riches en alcaloïdes, nous a valu un livre intéressant' où sont dé- crites et très-bien figurées les principales écorces du commerce actuel. Du côté de la Nouvelle-Grenade, le docteur Karsten rassemblait, depuis 1844, de nombreux matériaux, en vue d'une future publication actuellement commencée, sous le titre de « Flora Columbiœ* ». Les quinquinas de cette partie de l'Amérique étaient plus particulièrement l'objet de ses recherches : il en étudiait la valeur thé- rapeutique et les caractères distinctifs, ainsi que la consti- tution intime de leurs tissus3 . Une circonstance spéciale est venue puissamment aider au progrès des études quinologiques. Tous les voyageurs qui avaient pu juger par eux-mêmes des procédés d'ex- ploitation du quinquina, avaient signalé les dévastations produites par les cascarilleros, et manifesté l'appréhen- sion qu'on ne se trouvât plus tard privé de ce médica- 1 Delondre et Bouchardat; Quinologie. Paris, 1854, avec 23 planch. 2 Karsten; Flora Columbiee. Berol., 1861. 3 Karsten; Medicinische Chinarinden Neu-Granada's. Berl., 1858, - 18 - ment héroïque. Le gouvernement hollandais comprit le premier qu'il y avait quelque chose à faire pour con- jurer ce danger, et entreprit d'introduire ces espèces précieuses dans diverses localités de Java, où elles sont régulièrement cultivées. Le docteur Hasskarl fut envoyé dans le Pérou et la Bolivie, avec cette mission spéciale de récolter et de transporter vivantes, dans la colonie hol- landaise , diverses espèces de quinquinas. L'Angleterre entra bientôt dans la même voie; elle donna successi- vement des instructions analogues à MM. Markham, Pritchettet Spruce, afin d'établirdes quinquinas à Geylan et sur le continent indien. Tous ces explorateurs ont apporté de nouveaux matériaux à laquinologie ; grâce à eux, l'identification des espèces botaniques et des écorces commerciales, question jadis si compliquée, est devenue beaucoup plus facile, si bien que le magnifique ouvrage de M. Howard, Illustrations of Nueva Quinologia, que nous avons déjà indiqué en passant, ne laisse maintenant sans solution que bien peu de questions de ce genre. Nous n'avons presque mentionné jusqu'à présent que les ouvrages résultant directement des explorations per- sonnelles de leurs auteurs : il n'entre pas dans notre plan de donner ici la liste de tous ceux qui ont traité la ques- tion des quinquinas -, nous nous bornerons à citer les meilleures sources à consulter, celles qui ont fait suc- cessivement autorité dans la science. Ce sont, 4° pour la partie botanique : le Systema de Linné, le Prodrome de De Candofle, les Bhcstrations du genre qimïquina> de i Lambert; An Illustration of thc genus Cinchona. London, 1821. — 19 — Lambert, les Plantai Hartwegianœ de Bentham, le Gênera d'Endlicher , le Repertorium de Walpers et les observations de Klotzsch, soit dans les œuvres de Hayne', soit dans les Actes de l'Académie de Berlin; 2° pour la partie médicale: les articles de Laubert, pharmacien militaire des armées d'Espagne, dans divers journaux de pharmacie2; la Monographie des quinquinas de Bergen3; Y Histoire des produits pharmaceutiques de Gôbel et Kunze 4 ; YHistoire des drogues simples de Gulbourt et particulièrement sa quatrième édition , la Matière médicale de Pereira3 et l'ouvrage de Berg et Schmidt sur les plantes officinales6. Ces matériaux nous per- mettront d'aborder les principaux traits de l'histoire des quinquinas. 1 Klotzsch, in Hayne's Arzneigewâchse , XIV. Berlin. — Klotzsch, in Ahhandlungen der Akademie des "Wissenchafl, zu Berlin, 1857. 2 Laubert; Mémoire pour servir à l'histoire des différentes espèces de quinquina, m Bulletin de pharmacie, II. Paris, 1810. — Recherches botaniques , chimiques et pharmaceutiques sur le quinquina, m Jour- nal de médecine , de chirurgie et de pharmacie militaires , II. Paris, 1816, pag. 145. — Dictionnaire des sciences médicales. Paris, 1820, art. Quinquina. 3 Bergen (Von) ; Versuch einer Monographia der China. Hambourg, 1820. 4 Gôbel et Kunze; Pharmaceutische Waarenkunde. Eisenach, 1827- 1829, tom. I. 5 Pereira's Materia medica, vol. II. London, 1853. 6 Berg und Schmidt ; Darstellung und Beschreibung sâmtlicher in der Pharmacopaea borussica aufgefùhrten offizinellen Gewâchse , II. Leipzig, 1859. — 20 — § K- HISTOIRE BOTANIQUE DES QUINQUINAS . Caractères du genre Cinchona. — Le genre Cinckona fut établi par Linné sur les caractères donnés par La Condamine au quinquina de Loxa , qui prit dès-lors le nom de Cinchona offwinalis. De bonne heure, l'auteur du Systema natum donna à ce genre des limites trop étendues en plaçant à côté de l'espèce caractéristique un type relativement éloigné, le Cinchona caribœa, aujourd'hui Exostemma caribœam. Les botanistes qui vinrent après lui n'imitèrent que trop son exemple, et ce ne furent pas seulement les plantes voisines de la région cinchonifère, celles du Brésil, des Antilles, ou même de l'Amérique septentrionale, qu'ils firent entrer dans ce groupe; l'ancien Monde eut aussi ses quinquinas : trois types bien distincts de l'Inde et de Bourbon prirent ce nom, devenu célèbre. De Candolle , après quelques autres botanistes , s'ef- força de mettre un peu d'ordre dans cette confusion , et de fixer la formule définitive du genre. Dans son Mémoire sur les écorces officinales frises pour des quin- quinas* , il donna pour caractères distinctifs de ce groupe ceux que nous admettons encore aujourd'hui, à savoir : Rubiacées à deux loges polyspermes et à graines ailées, 1 In Bibliothèque universelle de Genève, sciences et arts, tom. XLI, pag. U4. Genève, 1829. — 21 — ayant: lolesétamines cachées dans le tube de la corolle; 2° les carpelles déhiscents de bas en haut par dédouble- ment de la cloison; .3° les graines dressées et imbriquées les unes sur les autres ; 4° le limbe du calice denté seulement jusqu'au tiers ou à la moitié de sa longueur, et persistant au sommet de la capsule. L'auteur du Prodromus n'appliqua pas toujours exac- tement dans la pratique la règle qu'il avait posée. Il ad- mit dans les vrais Cinchona plusieurs espèces dont la capsule s'ouvre de haut en bas. Ce furent ces formes qu'Endlicher groupa plus régulièrement et dont il fit son sous-genre Cascarilla. Cette section fut bientôt élevée par Klotzsch à la hauteur d'un véritable genre, nommé par lui Ladenbergia1 . M. Weddelll'a adopté, avec quelques restrictions , sous le nom de Cascarilla , que nous emploierons avec la plupart des botanistes français, bien qu'il y ait quelque inconvénient à appliquer ainsi aux faux quinquinas une dénomination réservée par la langue usuelle aux véritables écorces officinales. Ainsi défini , le genre Cinchona comprend des ar- bres d'une taille élevée ou de simples arbrisseaux. Leurs feuilles opposées, comme dans toutes les Rubiacées, sont toujours entières, mais très-variables dans leurs dimen- sions , leur forme et leur pubescence. Elles ont entre elles des stipules bien marquées , généralement libres et se détachant de bonne heure des rameaux. Les fleurs sont disposées en cymes parfois corymbiformes , mais qui prennent le plus souvent l'aspect de particules. Elles 1 Klotzsch, in Hayne's Arzneig. XIV, ad not., ad. t. 15. — 22 — sont blanches, roses ou pourprées et d'une odeur agréable. Elles présentent, de l'extérieur à l'intérieur: un calice turbiné, soudé avec l'ovaire, à limbe 5-dentô ; une co- rolle hypocratériforme, à tube cylindrique ou anguleux, à lobes lancéolés , garnis sur leur bord de poils laineux blanchâtres; cinq élamines incluses ou presque exsertes , à anthères linéaires plus ou moins longues que le filet ; un ovaire infère, à deux loges, contenant de nombreux ovules anatropes , attachés à des placentas linéaires , axiles; un style simple et un stigmate bifide. Le fruit est une capsule ovoïde, oblongue ou linéaire-lancéolée, couronnée par le limbe du calice et s'ouvrant de bas en haut en deux valves, pour laisser échapper des graines nombreuses , bordées d'une aile irrégulièrement denti- culée. Les organes reproducteurs d'une même espèce de Cinchona présentent, dans leur longueur relative, des variations sur lesquelles M. Weddell a attiré l'attention, et qu'il est, en effet, très-important de noter. On pour- rait sans cela se laisser aller à une illusion assez naturelle et distinguer comme deux types distincts deux formes d'une seule et même variété. Tantôt les stigmates appa- raissent à la gorge de la corolle, et alors les étamines sont très-courtes et cachées profondément dans le tube. Tan- tôt ce sont, au contraire, les étamines qui montrent au dehors l'extrémité supérieure de leurs anthères, tandis que les stigmates, portés sur un style extrêmement ré- duit, atteignent à peine la moitié de la hauteur de la corolle. Ces différences ne sont pas, du reste, les seules ; il en est de plus appréciables à l'œil , et que savent aper- - 23 — cevoir les cascarilleros ; bien qu'ils ne songent cer- tainement pas à regarder aux détails de la fleur, ils distinguent les arbres d'une même espèce en mâles et femelles. Il semble , en effet, que le développement des étamines coïncide avec une vigueur plus grande de l'in- dividu, avec une coloration plus marquée des feuilles, une épaisseur plus considérable de l'écorce. On sait, du reste, que cette prépondérance d'un verticille sur l'autre n'est point particulière aux Cinchona, Le genre Danaïs a dû son nom à cette espèce d'étouffement de l'un des sexes par l'autre; les Lnculia, les Rogiera, etc., dans lesRu- biacées ; les Primevères, les Lins, les Jasmins, offrent tous des particularités analogues. Les Cinchona forment un genre très-naturel, dont les diverses formes passent souvent de l'une à l'autre par des transitions insensibles. Il en résulte, pour la distinc- tion et le groupement des espèces, des difficultés qu'il n'est guère possible de surmonter par l'examen des échantillons toujours incomplets d'un herbier. Les au- teurs qui ont eu le privilège de voir les Cinchona vivants, et qui ont pu les étudier sous tous leurs aspects, sont loin de s'accorder eux-mêmes sur ce piont délicat. Pavon, d'après les étiquettes d'herbier écritesde sa main, et dans sa«.Ntteva Quinologia», multiplie tellement les espèces, que Klotzsch lui-même, qu'on n'accusera certainement pas d'exagérer la synthèse, se croit obligé d'en regarder plusieurs comme de simples variétés. M. Weddell, dans son Histoire naturelle des Quinquinas , les réduit , au contraire, à un très-petit nombre. Devant des autorités aussi compétentes et avec des matériaux incomplets, nous — 24 — n'osons prendre un parti définitif ; nous avouons cepen- dant que toutes nos sympathies sont pour la méthode de M. Weddell. Sauf certains cas, où nous pousserions l'a- nalyse plus loin que ce judicieux observateur, nous ad- mettrons volontiers les coupes spécifiques qu'il a établies; mais pour ne rien négliger et ne rien perdre des nombreux renseignements de la Nouvelle Quinologie dePavon, nous passerons en revue tous les éléments qu'elle renferme, en les faisant entrer de la manière qui nous paraîtra la plus logique dans les cadres systématiques de M. Weddell. Distribution géographique des quinquinas. — Les vrais quinquinas occupent, dans l'Amérique méridionale, une zone bien déterminée, dont nous allons indiquer les limites. Si l'on jette les yeux sur une carte des régions tropi- cales de l'Amérique, on s'aperçoit tout d'abord que la Cor- dillère des Andes y forme deux chaînes qui, au Sud, sont presque parallèles : l'une est la Cordillère maritime ou Cordiliera de la costa; l'autre plus élevée est la Cordil- lère orientale ou seconde Cordillère. Après s'être rap- prochés dans la république de l'Equateur, les deux cor- dons s'éloignent en divergeant dans la Nouvelle-Grenade et laissent place entre eux à une troisième chaîne, la Cordillère centrale : eux-mêmes prennent les noms de Cordillère orientale et Cordillère occidentale, en rap- port avec leurs positions relatives. C'est sur ces longues chaînes que s'étend la zone des quinquinas, sous la forme d'une vaste courbe à conca- vité tournée vers le Brésil, et qui semble servir de point de départ aux nombreux affluents du fleuve des Ama- — 25 — zones. L'extrémité méridionale de la zone correspond au 19e degré de latitude australe, la pointe septen- rionale au 40° degré de latitude nord. La célèbre localité de Loxa occupe à peu près le milieu de la courbe, en même temps que son point le plus rapproché du littoral. Cette longue bande est quatre fois interrompue à des distances inégales. Le premier tronçon, qui est aussi le plus considérable, occupe le revers oriental delà se- conde Cordillère sur une partie de la Bolivie et toute la longueur du Pérou. Elle renferme les localités à quin- quinas Calisaya, celles qui fournissent les écorces dites de Cuzco, enfin les forêts de Huanuco , où se récoltent les quinquinas gris de Lima. La seconde portion s'appuie d'abord sur la chaîne maritime, pour regagner bientôt les flancs orientaux de la seconde Cordillère : elle appartient presque tout entière à la République de l'Equateur, et fournit parti- culièrement les écorces de Loxa. Les deux dernières bandes dépassent de très-peu les limites de la Nouvelle-Grenade : l'une d'elles occupe les deux versants de la Cordillère centrale : Popayan etPi- layo en sont les localités bien connues. L'autre s'étend au nord de Santa-Fe, le long de la vallée du Cauca, sur la pente 0. de la Cordillère orientale , coupe cette der- nière chaîne à la hauteur de Pamplona, sous le 7e degré de latitude, pour se perdre peu à peu dans la direction de Caracas, dans le Venezuela. La zone des quinquinas n'est. pas moins bien limitée dans le sens vertical qu'en longueur et en largeur. Les espèces de ce genre ne peuvent vivre à toutes les altitudes. 3 — 26 — Ni les chaleurs tropicales de la plaine, ni le froid excessif des régions supérieures ne sauraient leur convenir ; c'est à une élévation moyenne générale de 1600 à 2400 mè- tres qu'elles se plaisent d'ordinaire. Le niveau varie naturellement suivant l'éloignement de l'équateur, et aussi suivant les espèces. - Aux extrémités de la zone, certains quinquinas peuvent descendre à 1200 mètres, tandis que M. de Humboldt en a vu s'élever jusqu'à 2980, et Caldas jusqu'à 3270 mètres. L'aspect des Cin- chonas paraît varier suivant les hauteurs. Supérieure- ment, ils s'étendent au-dessus des forêts jusqu'à la ré- gion des Gentianes , et y prennent la forme d'arbustes et d'arbrisseaux ; dans la partie moyenne, ils sont associés à la végétation luxuriante des forêts tropicales , et attei- gnent la taille des arbres les plus élevés. Ils disparais- sent au contact des premières plantes de la région basse. § ni. ÉTUDE DES ÉCORCES. Les propriétés amères des quinquinas n'appartiennent pas exclusivement aux écorces ; elles se retrouvent, bien qu'à un moindre degré, dans les feuilles et les fleurs , qu'on pourrait à la rigueur utiliser. Mais, dans la méde- cine européenne, nous n'avons guère à notre disposition ces organes délicats de la plante : les écorces seules nous arrivent par la voie du commerce , et c'est sur elles que doit se concentrer notre étude. Depuis que Pelletier et Caventou ont retiré des quin- i - 27 — quinas un principe ûWqtyé) ils ont attribué les propriétés héroïques du remède, la richesse comparative des écorces a pu être Irès-approximativement calculée et leur valeur thérapeutique indiquée avec certitude. L'un des points les plus importants de l'étude des quinquinas s'est trouvé résolu : le pharmacien a eu dans les mains un moyen infaillible de vérifier l'efficacité de son médicament. Mais d'autres questions, et des plus obscures, restaient encore à résoudre. L'origine des principales écorces du commerce, l'influence de l'exposition, du sol, de toutes les conditions météorologiques sur la production des principes actifs, te siège de ces principes rîas les or- ganes du végétal et les modifications apportées par le développement de la plante : tous ces problèmes inté- ressants restent encore trop souvent sans réponse, malgré les travaux considérables des vingt dernières années. Cet état imparfait de h quinologie se trahit par l'ab- sence de classification rationnelle pour les écorces offi- cinales. « Si toutes les fois qu'une écorce se présente à nos yeux, nous connaissions les traits principaux de son histoire, rien ne serait plus simple que de lui assigner la place qu'elle devrait occuper dans l'échelle de nos con- naissances, elle irait tout naturellement se placer à côté de l'arbre qui la produit1. y> C'est là la seule classification naturelle, la seule qui puisse être définitivement admise dans la matière médicale, et, malgré les nombreuses difficultés qu'elle offre encore, c'est celle que nous croyons devoir adopter dans l'étude spéciale que nous aurons à faire des quinquinas. 1 Weddell, loc.rit., pag. 22. — 28 — Mais c'est seulement de nos jours que les travaux des quinologistes, et particulièrement ceux de M. Howard, ont rendu possible une pareille tentative. Auparavant, la plupart des renseignements nécessaires pour l'identi- fication des espèces botaniques et des écorces commer- ciales faisaient trop souvent défaut, et c'était dans les écorces elles-mêmes ou dans quelque circonstance par- ticulière de leur histoire qu'on devait chercher les bases d'une classification. De là un certain nombre de sys- tèmes, que nous devons brièvement rappeler, parce qu'ils ont été généralement admis et ont contribué à donner aux écorces leur dénomination usuelle. Dès l'origine, les quinquinas ont été divisés en gris, rouges, jaunes et blancs, et c'est sous ces noms qu'ils sont encore connus dans le commerce. Voici , d'après M. Guibourt, les caractères de ces différentes classes: «Les quinquinas gris contiennent, en général, des écorces roulées, médiocrement fibreuses, plus astrin - gentes qu'amères, donnant une poudre d'un fauve gri- sâtre, plus ou moins pâle, contenant surtout de la cin- chonine et peu ou pas de quinine. » Les quinquinas jaunes peuvent offrir un volume plus considérable, sont d'une texture très-fibreuse et d'une amertume beaucoup plus forte et plus dégagée d'astringence. Ils donnent une poudre jaune ou orangée, et peuvent contenir une assez grande quantité de sels à base de chaux et de quinine, pour précipiter instanta- nément la dissolution de sulfate de soude. » Les quinquinas rouges tiennent le milieu, pour la texture, entre les gris et les jaunes : ils sont à la fois — 29 — très-amers et astringents ; leur poudre est d'un rouge plus ou moins vif; ils contiennent à la fois de la quinine et de la cinchonine. y> Les quinquinas blancs se distinguent par un épi- derme naturellement blanc, uni, non fendillé, adhérent aux couches corticales. Ils contiennent, soit un peu de cinchonine, soit un autre alcaloïde plus ou moins ana- logue. Ils sont peu fébrifuges et ne peuvent guère comp- ter au nombre des quinquinas médicinaux1. » Nous n'avons pas à critiquer ici ce système, qui a les qualités et les défauts d'une classification tout artifi- cielle. Insistons seulement, à son occasion, sur un fait mainteaant bien établi et qu'il est important de ne pas méconnaître. Dans un pareil groupement, les écorces provenant d'un même arbre peuvent se trouver très— éloignées les unes des autres dans des classes différentes,- tandis que des produits d'espèces très-différentes se ren- contrent souvent côte à côte. « Presque constamment, nous dit M. Weddell, les quinquinas gris ne sont que les jeunes écorces des mêmes arbres qui donnent les quinquinas jaunes et rouges. » Quelques auteurs ont groupé les quinquinas d'après leur pays d'origine: Bolivie, Pérou, Equateur et Nou- velle-Grenade, distinguant encore les principales lo- calités cinchonifères de ces divers États. Tel est l'ordre suivi par M. Pereira dans sa Matière médicale, et par MM. Delondre et Bouchardat dans leur Quinologie. En 1 Guibourt; Histoire naturelle des drogues simples, 4-e édit. Paris, 1850, tom. 111, pag. 100. — 30 — réalité, ils n'ont fait que généraliser un système par- tiellement employé dans les ouvrages classiques; depuis longtemps on donnait à certains groupes de quinquina le nom de localités célèbres : Loxa, Huanuco, Cuzco, Jaen ou Euattialies, etc., etc. Enfin, M. Weddell1 a proposé, en attendant mieux, une classification fondée sur la structure anatomiqne des écorces ; il a, de cette manière, ouvert la voie de recher- ches intéressantes qui ont, plus que toutes les autres, conduit à la véritable méthode de classement. Lorsqu'on veut comparer deux écorces entre elles, celle d'un arbre vivant, par exemple, avec une espèce commerciale, il ne suffit pas de regarder aux caractères extérieurs, il faut encore s'assurer, avant d'identifier les deux espèces, qu'il n'y a pas de différence radicale dans leur structure intime. Ceci nous amène à traiter une question importante, que nous avions jusqu'ici réservée : l'étude microscopique des écorces de quinquina. De nombreux auteurs s'en sont occupés après M. Weddell: MM. Berg2, Schleiden3, Klotzsch , Karsten , Howard, Phœbus4, etc. Résumons brièvement le résultat de leurs recherches. Étude microscopique des écorces. — Il est impossible de juger de la structure d'une écorce adulte par les 1 Weddell, loc. cit., pag. 23. 2 Voir Berg et Schmidt, loc. cit., XV, a-b. 3 Schleiden; Handbuch der botan. Pharmacognosie. Leipzig, 1857. A Philipp l'hœbus; Die Delondre- Bouchardatschen Chinarinden. Giessen, 1864-. — 31 — échantillons d'herbier. L'âge amène de tels changements dans ces organes, qu'un rameau tout jeune ne saurait donner une idée de la constitution intime des branches ou du tronc. Il faut donc, pour se faire une idée exacte de ces productions d'âges différents, les examiner sépa- rément l'une après l'autre. Un jeune rameau de Cinchona ovata a présenté à M. Weddell1 : 4° En dehors, une rangée de cellules épidermiques brunâtres, souvent à moitié détruites ou confondues avec des thallus de lichens. 2° Plusieurs rangées de cellules oblongues, com- primées de dehors en dedans , d'un brun foncé, ne de- venant pas transparentes clans l'alcool ; elles constituent le cercle résineux , bien connu des marchands de quin- quinas, et caractérisent nettement les jeunes écorces de certaines espèces. Ce n'est au fond qu'une simple mo- dification du suber, mais assez marquée pour avoir mé- rité un nom spécial . 3° La tunique ou enveloppe cellulaire, ou encore enveloppe herbacée, formée de cellules oblongues, com- primées de dehors en dedans; les extérieures contiennent de la chlorophylle, les autres se remplissent de matières résineuses ou de grains de fécule. 4° Une ou deux séries de lacunes analogues aux vais- seaux laticifères. 5° Quelques fibres corticales, éparses au milieu d'un i Weddell, loc. cit., 48. — 32 — tissu cellulaire tout jeune, dont les cellules deviennent plus tard régulièrement polygonales et se gorgent de matières résinoïdes. A mesure que la branche devient plus âgée, le nombre des fibres corticales augmente, les lacunes tendent à disparaître, certaines cellules de la couche herbacée se modifient; il se forme enfin dans le suber des couches très-denses de cellules tabulaires, isolant les parties ex- térieures des portions vivantes de l'écorce, et amenant fatalement leur mortification. Ces couches extérieures, où les sucs ne circulent plus, se détachent très-facilement et ne sont que rarement conservées dans les échantillons des grosses branches ou du tronc. M. Weddell a donné à leur ensemble le nom de périderme : c'est Yépiderme de beaucoup d'auteurs, Yenves descascarilleros (Bedcckung des Allemands). Ce périderme varie beaucoup d'épais- seur et de structure, suivant que les bandes de suber tabulaire, qui le limitent, pénètrent plus ou moins pro- fondément dans les couches vivantes de l'écorce. Parfois ces bandes n'isolent et n'éliminent que quelques minces couches subéreuses; d'autres fois elles pénètrent dans les couches herbacées; parfois même elles entament le liber de manière à ne laisser au-dessous d'elles que cette portion intérieure de l'écorce. Ce qui reste au-dessous du périderme a été appelé derme par M. Weddell. Dans une écorce du commerce encore recouverte de son périderme, nous pouvons distinguer trois zones prin- cipales, qui sont, de l'extérieur à l'intérieur : les couches subéreuses, l'enveloppe cellulaire ou herbacée, les cou- ches du liber. — 33 — Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons dit des couches subéreuses. La couche cellulaire présente au contraire quelques particularités qui méritent attention. Parmi les cellules dû parenchyme , il en est qui se font remarquer par une multitude de petits granules grisâtres, solubles dans les acides nitrique et chlorhydrique. A un grossissement plus considérable, ces granules présentent toute l'apparence de cristaux. Les cellules qui les contiennent prennent de cette circonstance le nom de cellules à cristaux (Cris- talzellen des Allemands, Cristal-cells des Anglais). Elles n'appartiennent pas exclusivement aux couches her- bacées , on les rencontre aussi quelquefois au milieu des fibres du liber. On trouve aussi dans les mêmes zones d'autres cellules à parois ligneuses plus ou moins épaisses, qui contiennent dans leur cavité une matière d'un brunrou- geâtre d'apparence résineuse. On les a nommées cellules à résine (Harzzellendes Allemands; Saftzellen, Berget Schmidt; Resin-cells des Anglais). Quand les couches incrustantes sont assez nombreuses pour remplir toute la capacité de la cellule, on donne à ces cellules le nom de cellules pierreuses (Steinzellen, Berget Schmidt). Les lacunes ou vaisseaux laticifères ( Milchsaftzel- len Phœb., Saflfasem Schleiden , Saftrœhren Berg et Schmidt ; Sap-cells des Anglais ) , que nous avons vus exister entre le liber et la couche herbacée , persistent quelquefois pendant toute la vie de la plante ; mais ils sont , dans tous les cas , moins développés que dans le jeune âge. Les fibres corticales sont entourées d'un tissu cellu- — 34 — laire analogue à celui de l'enveloppe herbacée , au mi- lieu duquel pénètrent des rayons médullaires de dimen- sions très-diverses. Ces rayons traversent quelquefois toute la zone intérieure, pour pénétrer et se perdre dans le parenchyme de l'écorce moyenne. Outre les fibres corticales, complètement développées (Baslzellen ou Bastfassrn des Allemands), le liber contient çà et là •des cellules fibreuses (Faserzelien ) longues et étroites, à parois moins épaisses , qui ne sont probablement que des fibres corticales en voie de formation. Les divers éléments que nous venons de passer en revue peuvent servir de base à autant de systèmes de clas- sification pour les écorces officinales , mais tous n'ont pas à ce point de vue la même valeur; il en est de plus importants les uns que les autres, et pour les choisir le seul moyen est de chercher ceux qui fournissent les ca- ractères les moins variables dans les divers échantillons d'une même espèce. Les recherches de M. Phœbus1 me paraissent laisser peu de doutes à ce sujet; elles établissent que les fibres corticales sont l'élément qui doit être mis en première ligne; viennent ensuite, dans l'ordre de leur importance, les vaisseaux laticifères , les cellules à résine et à cris- taux, enfin les fibres corticales en voie de formation, les Faserzelien. Aussi M. Weddell a-t-il2 été bien inspiré en fondant 1 Phœbus, loc. cit., pag. 17-28. 3 Weddell, loc. cit., pag. 23. — 35 — sur la considération des fibres corticales la caractéristi- que destrois types principaux autour desquels peuvent se grouper tous les quinquinas ' . 1 M.M. Berg et Schmidt nous paraissent avoir clé moins heureux dans leur classification , en mettant en première ligne les caractères tirés de la considération des lacunes et des cellules à résine. Nous in- diquerons sous forme de tableau la manière dont ces auteurs ont dis- tribué les diverses espèces de quinquinas. Il est facile de voir que des espèces très-différentes , au point de vue de leurs affinités naturelles ou de leur richesse en alcaloïdes, sont réunies ensemble, tandis que des espèces analogues sont distribuées dans des groupes différents. A. Des vaisseaux laticifères et des cellules a résine. a. Vaisseaux laticifères développés; cellules à résine et cellules pier- reuses en grand nombre; fibres corticales en groupes ou isolées. Cinchona Pelleteriana; C. ovata; C. umbellulifera. b. Vaisseaux laticifères de dimension moyenne. Cinchona conglomerata; C. purpurea; C. suberosa. c. Vaisseaux laticifères étroits. Cinchona amygdalifolia ; C. corymbosa; C. Palton. B. Des vaisseaux laticifères; pas de cellules a résine ni de "cel- lules pierreuses. a. Vaisseaux laticifères assez grands. Cinchona lutea, Pav.; C. rufinervis , Wedd. ; C. Calisaya, Wedd,; C. rubra dura (C. erythroderma, Wedd.?) C. scro- biculata, Hb. et Bpl. b. Vaisseaux laticifères étroits. Cinchona glandulifera , FI. Ver.; C. Uritusinga, Pav.; C. obaldiana, Klotzsch; C. australis, Wedd. ; G. heterophylla, Pav. C. Pas de vaisseaux laticifères, pas de cellules a résine. C. nitida, Fl. Per. ; C. Chahuarguera, Pav. ; C. micrantha, Fl. Per.; C. hirsuta, Fl. Per.; C. lanceolatae varietas; C. succirubra, Pav. - 36 — Les espèces choisies comme types sont les Cinchona Calisaya , C. scrobiculata , C. pubescens. 4° Une grosse écorce de Calisaya, telle que nous l'offre le commerce, est privée de son périderme et présente une texture fibreuse sur ses deux faces, La coupe transversale montre au microscope une trame parfaitement homogène, composée de fibres de gros- seur sensiblement égale, réparties assez uniformément au milieu d'un tissu cellulaire gorgé de matières rési- neuses. Surla coupe longitudinale, ces fibres paraissent courtes et fusiformes, et à peine adhérentes par leurs extrémités avec les fibres qui les avoisinent. 2° Telle n'est point la structure du Cinchona scrobi- culata. Dans une écorce de celte espèce, également dé- pouillée de son périderme, les deux faces sont de nature toute différente; l'intérieure restant toujours fibreuse, l'extérieure est de texture celluleuse. La coupe transver- sale montre des fibres corticales nombreuses et rappro- chées à la partie interne de l'écorce, mais diminuant de nombre dans la partie moyenne et disparaissant com- plètement à la périphérie. Ces fibres sont d'ailleurs deux fois plus longues que celles du Calisaya, et leurs extré- mités sont complètement soudées avec celles qui les avoisinent. D. Pas de vaisseaux laticifères, des cellules a résine ou des CELLULES PIERREUSES. Cinchona cordifolia, Mutis; G. lancifolia, ftlulis; C. subcor- data, Pavon; C. microphylla, Pav.; C. macrocalyx, Par.; C. stupea, Pav.; C. lucumaïfolia, Pav. (Berg et Schmidt, loc. cit., XV, a-b.) — 37 — 3° Les écorces du C. pubescens présentent une struc- ture tout aussi spéciale. Comme dans le cas précédent, la surface interne est fibreuse, l'externe celluleuse ; les fibres corticales forment des séries irrégulières et con- centriques dans la moitié interne de l'écorce ; elles sont enveloppées d'un tissu cellulaire abondant ; leurs di- mensions sont très-considérables, trois ou quatre fois plus que celles des types précédents , ce qui résulte de ce que plusieurs d'entre elles sont soudées ensemble et réunies en faisceau. Ces trois types forment le centre d'autant de groupes encore incomplètement déterminés, mais qui, dans leur ensemble, ne cadrent pas trop mal avec la distribution systématique des Cinchona. Les recherches des micro- graphes paraissent du moins autoriser cette conclusion, et c'en est assez pour que la botanique systématique ne néglige point cette nouvelle source de caractères, où elle pourra sûrement puiser de précieux renseigne- ments. Ce qui parait en tout cas bien démontré pour le mo- ment, c'est que dans les diverses portions d'une même écorce, la disposition des fibres corticales est foncière- ment la même. Il en résulte un moyen de juger presque à coup sûr de l'identité spécifique de deux échantillons. Aux caractères trop souvent variables de la coloration et des apparences extérieures, vient se joindre un signe d'une tout autre valeur , qui tient à la constitution même du sujet à classer. On conçoit quelle a dû être l'utilité d'un pareil moyen pour la recherche des ori- gines Volaniques des divers produits commerciaux. — 38 — Le G. Calisaya et le C. puhescens sont les plus ca- ractérisés de ces types : ils forment pour ainsi dire les deux pôles opposés du genre Cinchona. Autour du pre- mier se groupent les espèces qui représentent le mieux ce genre, les Cinchona vrais, riches en alcaloïdes; au- tour du second, au contraire, se trouvent les espèces les plus inférieures, ne contenant que très-peu de prin- cipes actifs. Ces dernières confinent au genre Cascarilla, qui ne fournit aucune espèce vraiment officinale. La structure anatomique indique bien ce rapprochement. « On remarquera, dit M. Weddell, que les écorces des Cascarilla se rapprochent , par leurs caractères ana- tomiques, des écorces de Cinchona de qualité inférieure, à cela près que, clans ces dernières, la soudure des fibres du liber n'atteint jamais le même degré que dans une écorce de Cascarilla 1 . » Malgré les rapports bien évidents de ces espèces in- férieures avec les Cascarilla, le genre Cinchona reste parfaitement limité. Les caractères anatomiques, d'ac- cord avec les résultats des analyses chimiques, légitiment, en effet, la séparation en deux types distincts d'espèces qu'on dirait au premier abord congénères, et qui ne diffèrent dans leurs traits extérieurs que par une par- ticularité bien peu essentielle en apparence : le mode de déhiscence de la capsule. M. Karsten2 a indiqué avec détails ces différences analoiniques entre les deux genres; elles peuvent se résumer en quelques lignes. 1 Weddell, loc. cit., note de la page 78. 2 Karsten; Medic. Chinariiiden Neu-Granada's , pag. 41-49. — Ex How., loc. cit. — 39 — l0. Les cellules fibreuses restent souvent iacoraiiplète-n ment développées et présentent toujours une lumière beaucoup plus large dans les Casearilla que dans les Cin- chona; 2° Les lacunes ou vaisseaux laticifères persis- tent beaucoup plus longtemps dans les Casearilla; les espèces vraiment officinales de quinquinas n'ont jamais de pareils vaisseaux dans les branches de vingt ans et plus; 3° Les cellules à cristaux sont beaucoup plus rares dans les quinquinas que dans le genre voisin ; 4° Enfin, et c'est le caractère qui parait le plus important après celui des fibres corticales mentionné par M. Weddell, tan- dis que les cellules à résine existent dans Técorce interne des Cinchona, c'est surtout dans les couches externes des Casearilla qu'elles se développent. C'est ce carac- tère sur lequel paraît insister l'auteur de YHistoire na- turelle des quinquinas, dans la note suivante: « Gomme conséquence de cette soudure des fibres corticales entre elles, on voit le tissu cellulaire interposé aux fibres du liber beaucoup moins abondant et surtout moins gorgé de sucs résineux dans les faux que dans les vrais quin- quinas. D'un autre côté, la tunique cellulaire des Casea- rilla est généralement imprégnée d'une matière gommo- résineuse plus abondante et plus tenace que dans la couche analogue de l'écorce des Cinchona. Elle doit même à la présence de ces sucs une telle dureté , qu'à ce seul signe on peut souvent reconnaître avec certi- tude un faux quinquina1. » Nous pourrions montrer encore ici les relations qui* 1 Weddell, loc. cit., note de la page 78. — 40 — unissent la structure anatomique à la richesse des écor- ces en alcaloïdes ; mais il nous paraît plus convenable d'étudier auparavant ces produits eux-mêmes. Principes immédiats des quinquinas. — L'analyse chi- mique des diverses espèces de quinquinas a fait connaître, jusques à aujourd'hui, les principes suivants : quinine, cinchonine , quinidine , cinchonidine , acides quinique , cinchotannique et quinovique, rouge de quinquina, ma- tière colorante jaune, matière grasse de couleur verte, amidon, gomme et cellulose. Sans insister sur ces pro- duits, nous allons indiquer brièvement les principaux traits de leur histoire. 1° Quinine. — Isolée pour la première fois en 1820, par MM. Pelletier et Caventou, cette substance a pris depuis lors une importance énorme. Obtenue du sulfate de quinine au moyen de l'ammoniaque, elle forme une masse blanche, poreuse, friable et amère. Sa formule est d'après Laurent: G3,H*2N204; on l'obtient cristallisée en prismes à six pans, en la dissolvant dans l'alcool et lais- sant évaporer spontanément la liqueur ; elle contient alors 6 équivalents d'eau. La quinine se dissout dans 240 parties d'eau bouil- lante, 400 parties d'eau froide, 2 parties d'alcool bouil- lant et 60 parties d'éther. Elle produit un grand nombre de sels, en se combi- nant avec les acides. Ces sels, facilement cristallisables, ont d'ordinaire un aspect nacré ; ils sont, très-amers et plus ou moins solubles dans l'eau, l'alcool et les éthers. — 41 — Ils forment deux séries parallèles, l'une contenant les sels neutres ( un équivalent d'acide pour un équivalent de base ), l'autre contenant les sels acides ( 2 équivalents d'acide pour 1 de base). Le plus important de tous ces sels est le sulfate, qui sert à la préparation de la quinine et de tous ses com- posés. Il est blanc, cristallisé en petites houppes so- yeuses. Il s'effleurit à l'air, en perdant 12 parties de son eau de cristallisation. Il faut 740 parties d'eau froide et 30 parties d'eau bouillante pour le dissoudre. Il aban- donne en bouillant deux équivalents d'eau. Le sulfate acide ou bisulfate de quinine est beaucoup plus soluble dans l'eau, et à cause de cela beaucoup plus employé dans la pratique médicale. Il se forme immé- diatement par l'addition d'une certaine quantité d'acide sulfurique au sulfate neutre, et c'est ainsi qu'on le pré- pare très-souvent au moment même de l'administrer, en ajoutant quelques gouttes d'eau de Rabel à la potion de sulfate neutre. La quinine forme encore d'autres sels, employés en médecine, et dont l'usage se répandra probablement de plus en plus : ce sont des lactates, valérianates, tannâtes, tartrates, oxalates, etc., etc. On a donné le nom de quinine amorphe à une variété de la quinine supposée incristallisable et qui se trouve dans les eaux mères d'où le sulfate de quinine a été préci- pité. Mais on a encore des doutes sur la pureté de cette substance, que quelques chimistes ont regardée comme de la quinine ordinaire combinée avec une matière ré- sineuse. 4 — 42 — 2Q Ginchonine. — La cinchonine est, après la quinine, la base la plus importante. Elle est connue depuis 1810, époque à laquelle Gomès l'obtint à l'état de pureté, mais sans constater ses caractères basiques. Elle existe sur- tout dans les quinquinas gris. Précipitée lentement de sa dissolution alcoolique, elle se présente en cristaux blancs, anhydres, formés de prismes quadrilatères terminés par des facettes obliques. Sa saveur est amère, moins cepen- dant que celle de la quinine. Elle est moins soluble dans l'eau et l'alcool, à peine soluble dans l'éther. Elle forme avec les acides une série de sels corres- pondant à ceux de la quinine, et dont les plus importants sont le sulfate neutre et le sulfate acide. 3° et 4° Quinidine et Cinchonidine. — Sous le nom de quinidine, MM. Henry et Delondre avaient signalé en 1833 un alcaloïde particulier, qu'ils reconnurent plus tard n'être qu'un état d'hydratation de la quinine. Après eux, d'autres chimistes donnèrent ce nom à des produits différents, et il devint bientôt difficile de se reconnaître au milieu des divergences et même des contradictions dont cette base était l'objet. Ce ne fut qu'en 1853 que le mé- moire de M. Pasteur Sur les alcaloïdes des quinquinas débrouilla ce chaos. Il démontra que les quinidines des divers auteurs étaient des mélanges en proportions diffé- rentes de deux alcaloïdes distincts « ayant des formes cristallines, des solubilités et des pouvoirs rotatoires très- différents1.» «L'une des bases, dit M. Pasteur, à laquelle 1 Pasteur; Note sur la quinidine, in Journal de pharmacie et de chimie, 3e série, tom. XXIII; 1853. — 4 3 — je conserve le nom de quinidine, est hydratée, efflores- eente, isomère avec la qmnim, tlcvie à droite le plan de polarisation et possède, à l'égal de son isomère la qui- nine, le caractère delà coloration verte par addition suc- cessive du chlore et de l'ammoniaque. L'autre hase, à laquelle je donne le nom de cinchonidine, est anhydre, isomère de la cinchonine, exerce à gauche son pouvoir rotatoire, et ne possède pas le caractère précité de la coloration verte. C'est elle qui est aujourd'hui la plus abondante dans les échantillons commerciaux. Il est toujours très-facile, en exposant à l'air chaud une cris- tallisation récente de cinchonidine, de reconnaître si elle renferme de la quinidine. Tous les cristaux de cette dernière base s'effleuriront immédiatement en conser- vant leurs formes, et se détacheront en blanc mat sur les cristaux de cinchonidine demeurés limpides. On peut également recourir au caractère delà coloration verte par le chlore et l'ammoniaque1. » La quinidine et la cincho- nidine engagées dans une combinaison saline et sou- mises à l'action de la chaleur, se transforment en des produits isomères de ces bases, que M. Pasteur a appelés quinicine et cinckonicine ; ces alcaloïdes, très-amers et fébrifuges, s'obtiennent aussi par un traitement analogue sur la quinine et la cinchonine, de telle manière que « des quatre bases principales renfermées dans les quin- quinas : quinine, quinidine, cinchonine, cinchonidine, les deux premières peuvent être transformées, poids par poids, en une nouvelle base, la quinicine, ce qui prouve 1 Pasteur; Comptes-rendus de l'Acad. des sciences, 1853, pag. 110- — 44 — qu'elles sont elles-mêmes forcément isomères; et les deux autres, dans les mêmes conditions, se transforment en une seconde base, la cinchonicine , ce qui prouve que de leur côté elles sont elles-mêmes forcément iso- mères 1 . » 5° Acide quinovique. — Cette substance a été dé- couverte par Pelletier et Caventou dans le quinquina nova, où elle est probablement combinée à la chaux. Elle existe aussi dans certaines écorces très-riches en quinine, le Calisaya et le quinquina rouge, par exemple. Elle est blanche, amorphe, insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et l'éther. Sa formule est C,2H903. L'acétate de plomb, le bi-chlorure de mercure et les sels de cin- chonine forment un précipité dans une dissolution de quinovate de magnésie. 6° Acide quinique. — Cet acide, dont la formule est C7H404.2H0, existe dans les écorces de quinquina en combinaison avec la quinine, la cinchonine et la chaux. Les sels qu'il forme avec les deux premières bases sonttrès-solubles dans l'eau, insolubles dans l'alcool à 36°, mais se dissolvent bien dans l'alcool plus faible. 7» Rouge cinchonique insoluble. — Ce corps, ob- tenu par Schwartz, est inodore, insipide, d'un rouge brunâtre, presque insoluble dans l'eau froide, peu soluble dans l'eau bouillante, davantage dans l'alcool et les al- 1 Pasteur, ibid. .'■Si — 45 — calis : les acides favorisent sa dissolution dans l'eau. Les solutions alcalines sont d'un rouge intense. Berzélius et Schwartz regardent cette substance comme le produit de l'oxydation du rouge cinchonique soluble (acide cin- chotannique). 8° Rouge cinchonique soluble ('acide cinchotanni- que. — Le rouge cinchonique soluble de MM. Pelletier et Caventou est une espèce d'acide tannique différant de celui Ja noix de galle en ce qu'il forme un précipité vert avec les sels de sesquioxyde de fer, et en ce que, sous l'influence des alcalis, il absorbe très-facilement l'oxygène de l'air. Ses sels sont plus solubles que les tannâtes or- dinaires. Huile volatile de quinquina. — Cette huile, pré- parée d'abord par Fabroni, puis par Tromsdorf , s'obtient en distillant une solution de quinquina dans l'eau. L'huile vient flotter à la surface du liquide distillé ; elle est bu- tyreuse et a l'odeur particulière del'écorce \ Quelques autres produits avaient été signalés dans les écorces de quinquina, mais leur existence a été con- testée. Telle est Yaricine, indiquée par MM. Pelletier et Corriol dans un quinquina de Cuzco ou quinquina d' Arica. Ce serait, d'après ces auteurs, une substance blanche, cristallisée en aiguilles rigides comme la cinchonine, et qui aurait pour caractère principal de se colorer for- tement en vertpar l'action de l'acide nitrique concentré. 1 Ex Pereira's Materia medica, pag. 1651. — 46 — M. Guibourt n'a pu retrouver ce corps dans les écorces indiquées, et Pelletier lui-même n'est arrivé dans de nouveaux essais « qu'à des résultats négatifs qui lui ont laissé beaucoup de doutes sur la nature particulière de l'aricine'.» M. Manzini avait aussi signalé dans le quinquina de Jaen un nouvel alcaloïde, auquel il donnait le nom de cinchovatine, mais qui n'est, paraît-il, autre chose que l'aricine, trouvée par M. Boucha rdat dans la môme écorce. Ces divers produits sont loin d'avoir la même impor- tance pourla pharmacie; les seuls auxquels on ait attribué quelque valeur thérapeutique sont: la quinine, la cin- chonine, la quinidine, la cinchonidine et les principaux sels de ces bases , enfin l'acide cinchotannique et le rouge de quinquina. La quinine est trop connue comme fébrifuge pour que nous insistions sur ses propriétés; ses sels et particuliè- rement le sulfate sont employés journellement à ce titre. La cinchonine et ses combinaisons salines paraissent aussi douées des mêmes vertus, mais à un moindre de- gré; les doses de cette substance doivent être deux fois plus fortes que celles de la quinine. Les propriétés de la quinidine sont beaucoup plus sujettes à discussion. Les inductions tirées àpriori des rapports de cette base avec la quinine ne peuvent suffire à établir sa réputation. Il faut pour cela que l'expé- rience décide dans le même sens. Or les observations ' Guibourt, /oc cil., pag. 160. — 47 — qui semblent indiquer son efficacité contre les fièvres intermittentes, sont encore trop isolées pour qu'il soit permis d'en rien conclure de définitif. M. Pereira, dans sa Matière médicale*, dit avoir administré cet alcaloïde dans un hôpital de Londres, avec le même succès que le sulfate de quinine. M. Rampon m'assure, dans les notes qu'il a bien voulu me transmettre, que la quinidine est aussi efficace que sa congénère. « Pendant notre séjour dans la Nouvelle-Grenade, nous avons, dit-il, très- souvent employé l'écorce de ce quinquina (quinquina à quinidine, quinquina rouge et rosé de Mutis, d'après Delondre et Bouchardat) contre toute espèce de fièvres d'accès, toujours avec un plein succès, et quelquefois dans des cas où le sulfate de quinine pur avait échoué"2.» Nous devons faire les mêmes réserves pour la cincho- nidine, qui compte également quelques observations en faveur de son efficacité. Ce qu'il y a surtout de bien re- marquable, c'est qu'elle existe en abondance dans l'écorce qu'on suppose avoir guéri la comtesse d'El Chinchon; la cure qui avait fait la réputation du quinquina devrait donc lui être en grande partie attribuée. M. Howard3, qui fait cette curieuse observation , croit pouvoir assigner à l'action du même alcaloïde un très-grand nombre de guérisons de fièvres intermittentes, traitées par le docteur Cullen à l'hôpital de Philadelphie. A côté des principes fébrifuges des alcaloïdes du quin- quina, mentionnons les substances astringentes et toni- 1 Pereira's Materia medica, pag. 1666. 2 Rampon ; Notes inédites. 3 Howard, loc. cit.: Sub. Chahuarguera. — 48 — ques, qui concourent puissamment aux effets salutaires de l'écorce. Ce sont surtout les deux variétés de l'acide tannique auxquelles on a donné le nom de rouge de quinquina soluble et insoluble. Les effets des acides qui- novique et quinique sont très-peu connus. Le premier est un amer qui doit participer des propriétés toniques de la plupart des éléments du quinquina. Les diverses écorces de quinquina sont loin de conte- nir ces principes en égales proportions. Les unes sont principalement riches en quinine, d'autres en cincho- nine , d'autres enfin en principes astringents ou aroma- tiques. Ces variations dans la richesse des écorces tien- nent à deux circonstances principales : 1° à la valeur de l'espèce botanique qui fournit le quinquina ; 2° aux conditions dans lesquelles ont vécu les individus. Les espèces qui se rangent autour du Calisaya sont généralement regardées comme les plus riches en alcaloï- des ; ce sont principalement des arbres à feuilles lisses, glabres , luisantes , de dimensions moyennes , souvent scrobiculées : les espèces à feuilles grandes etpubescen- tes se rapportent le plus souvent au type du Cinchona pubescens , inférieur au point de vue des produits offi- cinaux. La structure analomique des écorces paraît être aussi un indice de leur richesse en quinine ou en cinchonine. C'est du moins ce que semblent prouver les recherches microscopiques de M. Weddell confirmées par celles de M. Phœbus sur les écorces décrites par MM. Delondre i Weddell, loc. cit., 24-25. — 49 — et Boucliardat dans leur Quinologie. Les espèces les plus riches en quinine sont celles qui se rapprochent le plus dans leur structure anatomique du type Calisaya, et dont la fracture transversale est par suite courtement fibreuse sur toute son étendue. Les écorces à fracture filandreuse à l'intérieur, subéreuse à la partie externe , répondant par conséquent au type Scrobicuiata , sont moins riches en alcaloïdes ; enfin , les plus pauvres en principes actifs et particulièrement en quinine, sont ceux dont la fracture, cellulaire à l'extérieur, ligneuse dans les couches internes, rappelle celle du C. pubescens. Ces faits paraissent actuellement bien établis. Ce qui l'est beaucoup moins, c'est le siège des alcaloïdes dans l'écorce. Sur ce point important , deux opinions diamé- tralement opposées sont en présence. M. Weddeil a résolu la question de la manière sui- vante: « La quinine a de préférence son siège dans le liber, ou, pour parler plus exactement, dans le tissu cellulaire interposé aux fibres du liber, et la cincho- nine occupe plus particulièrement celui qui constitue la tunique ou enveloppe cellulaireproprement dite1. » Cette assertion repose sur ce que les écorces les plus riches en quinine sont celles qui ne contiennent que les cou- ches du liber, tandis que celles où prédomine l'enveloppe cellulaire contiennent surtout de la cinchonine. Cette opinion a été adoptée et soutenue par plusieurs auteurs, et entre autres par M. Karsten dans son Mémoire sur les écorces officinales de la Nouvelle-Grenade. Des expé- > Weddeil, ibid. — 50 — riences directes semblent cependant la contredire ou lui enlever du moins le caractère de généralité qui lui est attribué. C'est M. Howard' qui a entrepris les re- cherches curieuses que voici : Une écorce de Cinchona lancifolia a été divisée en deux portions: l'une extérieure contenant la couche cel- lulaire et quelques fibres corticales ; l'autre intérieure, uniquement formée des- couches du liber. L'analyse chi- mique des deux portions a donné les résultats suivants: Pour la portion extérieure : Quinine 4,18 % Ginchonine et cinchonidine . . 1 ,02 Total 2,20 Pour la portion intérieure : Quinine 0 Cinchonine et cinchonidine. . 0,93 Total 0,93 Cette expérience, dont les conséquences sont tout à fait contraires aux idées de MM. Weddell etKarsten, s'est trouvée confirmée par une autre, faite sur les écorces de la même espèce. Les écorces toutes jeunes, qui ne contiennent guère que l'enveloppe cellulaire, ont donné : Quinine . . 4,07% Cinchonine et cinchonidine 0,88 Total 4,95 i Howard ; loc. cit. : Microscopicals observations, pag. 4-5. — 51 — Les morceaux enroulés, d'un quart de pouce de dia- mètre : Quinine 4 Cinchonine et cinchonidine 0,90 Total 4,90 Ceux d'un demi-pouce de diamètre, avec un liber très- développé : Quinine 0,74 Cinchonine et cinchonidine 4,03 Total 4,74 Les mêmes expériences faites avec le quinquina rouge ont donné des résultats analogues. Une circonstance que les derniers voyageurs ont sur- tout remarquée, pouvait du reste faire prévoir une pareille solution du problème. Les conditions climatériques qui paraissent les plus favorables à la production des alca- loïdes sont les plus contraires au développement des fibres corticales. Les troncs qui ont prospéré dans les vallées chaudes des Andes , sont remarquables par la prédominance de leurs fibres sur les autres tissus; ils renferment peu de principes actifs. Les individus delà même espèce, sous l'influence des froids tempérés des hauteurs, deviennent au contraire riches en alcaloïdes, tandis que le tissu du liber cède la place aux zones cel- lulaires. Cette influence de l'exposition et de la hauteur sur la richesse des écorces , paraît bien constatée1 pour plu- 1 Voir Howard, ibid., et sparsim. — 52 — sieurs espèces, les C. lancifolia, C. Pitayensis, C. suc- cirubra, etc., etc., et il est probable que les observations ultérieures ne feront que confirmer et étendre les ré- sultats de ces premières recherches. Préparations 'pharmaceutiques. — Sous quelle forme la pharmacie utilise-t-elle les principes contenus dans les quinquinas? C'est ce qu'il nous faut maintenant exa- miner brièvement. Les préparations ont pour base, soit les alcaloïdes et les sels qui en dérivent, soit les écorces officinales elles- mêmes. 1° Préparations de quinine. — Elles sont éminem- ment fébrifuges, et doivent être employées de préférence à toute autre, dans le cas où il faut agir rapidement et sûrement : dans les fièvres intermittentes graves, les accès malins, par exemple. On n'administre que rarement la quinine elle-même, c'est le plus souvent son sulfate qu'on prescrit, en poudre, en vin, en potion, en sirop ou en pilules. On le fait parfois absorber par la peau, à l'état de teinture alcoolique ou de pommade. Les nitrate , citrate, tartrate, hydrochlorate, hydro- ferrocyanate, et surtout le valérianateetle lactate de qui- nine, sont aussi employés dans les mêmes circonstances et sous les mêmes formes. Enfin , quelques auteurs re- commandent un éther quinique qui, absorbé par les voies respiratoires , peut avoir des avantages dans quel- ques cas particuliers. — 53 — Sous le nom de quininebrute{ , MM. Trousseau et Pidoux préconisent un mélange de quinine, de cinchonine, de matières grasses et de parties colorantes, qu'on obtient en traitant les écorces par l'acide chlorhydrique, la chaux et l'alcool, et faisant ensuite évaporer à siccité. Cette substance est moins amère que le sulfate de quinine ; elle a en outre l'avantage d'agir à plus petite dose. La quinoïdine se rapproche beaucoup par sa compo- sition de la quinine brute : elle contient comme elle de la quinine, de la cinchonine et des produits provenant de l'altération de ces bases2. Préparations de cinchonine. — Les mêmes que celles de quinine. Elles sont beaucoup moins employées, bien qu'aussi efficaces à doses un peu plus élevées. Préparations pharmaceutiques des écorces de quinquinas. — Toutes les écorces riches en principes actifspeuvent être employées dans les préparations phar- maceutiques; on ne doit en repousser aucune. Longtemps les quinquinas de Loxa ont été préférés à tous les autres; devons-nous, comme on le fait trop souvent aujourd'hui, les laisser de côté, parce qu'ils ont été reconnus moins fébrifuges que les quinquinas jaunes, riches en quinine, et ne méritent-ils pas à d'autres égards l'importance qu'on leur accordait il y a quarante ans? M. Soubeiran a fait à ce sujet des observations pleines de bon sens, et 1 Trousseau et Pidoux ; Thérapeutique et matière médicale. Paris, 1855, tom. 11, pag. 357. 2 Bouchardat; Formulaire magistral. Paris, 1856, pag. 292. — 54 — qu'il est utile de bien méditer : « Quand on ne se laisse pas dominer par une idée préconçue, qu'on examine avec sang-froid et surtout qu'on a manié comparativement l'une et l'autre écorce, on s'aperçoit que ce quinquina gris, tant honni, a bien quelques qualités que l'on ne trouve pas au même degré chez son antagoniste, le quinquina jaune : il est moins amer, mais il est aroma- tique, mais il a une saveur plutôt astringente qu'amère, mais il rend à l'eau plus de parties solubles, et à cet égard il peut revendiquer sa part d'avantages. Je ne sache pas que, parce qu'il fait la base de préparations officinales, les médecins aient pour cela cessé de pres- crire ces préparations et de s'en bien trouver, et l'on serait fort embarrassé, je crois, de citer des expériences qui témoignent de son. infériorité, quand il ne s'agit pns d'une action antipériodique franche. Cessons donc de le proscrire ; le quinquina jaune et le quinquina gris sont des écorces bonnes toutes deux, bien qu'à des titres différents1. » Il s'agit donc desavoir choisir suivant les indications : si nous reprochons au Codex d'avoir trop souvent prescrit les quinquinas gris pour les préparations officinales, ne tombons pas dans une exagération analogue en n'estimant une écorce que d'après sa richesse en qui- nine. Le quinquina peut être administré en poudre comme fébrifuge, ou bien encore sous les formes diverses qui ré- sultent de son traitement par l'eau , l'alcool , et les boissons fermentées. On fait aussi un sirop, des bols et l Soubeyraa; Journal de pharmacie, 1852, pag. 302. — 55 — des électuaires dont le quinquina forme la principale base. " 1° Traitement des écorcespar l'eau. — La macération du quinquina dans l'eau produit une liqueur peu éner- gique, qui ne renferme qu'une faible proportion de principes actifs. L'infusion est plus efficace : on ne peut cependant l'employer comme fébrifuge, mais simplement comme tonique. La décoction paraît au premier abord plus chargée de principes actifs. M. Orrillard a montré cependantqu'elle devait être moins efficace que les autres préparations aqueuses f . Les extraits obtenus au moyen de l'eau sont aussi différents dans leurs effets. L'extrait sec ( sel essentiel de de Lagarraye) ne renferme que peu de quinine : c'est un excellent tonique , qui peut rendre de grands services. L'extrait mou contient beaucoup plus de quinine et de cinchonine ; on ne l'emploie cependant d'ordinaire que comme tonique ou hyposlhénisant. 2° Traitement par l'alcool. — Ce liquide épuise le quinquina de ses principes fébrifuges , toniques et as- tringents: aussi toutes les préparations alcooliques sont- elles très-efficaces. Ce sont surtout les extraits qui agissent activement dans les fièvres intermittentes. Quelques-uns méritent une mention spéciale : La résine de quinquina, qui n'est autre chose qu'un extrait alcoolique, est employée très-habituellement à Montpellier, seule ou associée au sulfate de quinine ; elle agit très-efficacement comme tonique et fébrifuge. 1 Orrillard ; Étude sur les préparations galéniques de Quinquina, ex Réveil. (Annuaire pharmaceutique, 1863, pag. 34.) — 56 — Le quinium, ou extrait alcoolique à la chaux, a été préconisé par M. Labarraque'; il doit être préparé de manière à contenir 2 °/0 de quinine et 1 °/0 de cincho- nine; on fait des pilules et du vin de quinium. Il ne faut pas confondre avec ce quinium une substance de couleur jaune et d'apparence résineuse, qui porte le nom de quinio. On la retire de l'écorce fraîche de quin- quina en la traitant successivement par la chaux et par l'alcool. Le produit paraît très-riche en alcaloïdes2. 3° Traitement par les liqueurs fermentées. — Le vin chargé de tous les principes actifs du quinquina est un excellent tonique; plus rarement on le donne comme fébrifuge. On prescrit aussi quelquefois de la bière au quinquina. § iv. COMMERCE DES QUINQUINAS. Le quinquina est l'un des articles les plus importants du commerce de l'Amérique tropicale. Le seul Etat de la Bolivie a donné, d'après M. Weddell3, trois millions de livres d'écorce en deux ans ( 1850-1851 ), malgré les restrictions apportées à ia récolte par le gouvernement; les autres régions cinchonifères ne sont pas moins pro- ductives. Comment celte êcorce est-elle récollée? Quelles pré- 1 Journal de pharmacie et de chimie. 2 Journal de pharmacie et de chimie, XXXVII, 148; 1860. 3 Weddell ; Voyage dans la Bolivie. — 57 — parations subit-eile après sa séparation de l'arbre? Par quelles voies arrive-t-elle jusqu'à nous? Ce sont tout autant de questions intéressantes qui méritent de nous arrêter quelques instants. Rien n'est plus curieux que la récolte des quinqui- nas, telle que nous l'a dépeinte M. Weddell. Les diffi- cultés de tout genre que rencontrent les cascarilleros à la recherche de ces espèces précieuses, sont au-dessus de toute idée, et elles font de cette première partie de l'opération commerciale le privilège presque exclusif des indigènes. Les quinquinas vivent rarement en groupe, le plus souvent ils se trouvent isolés au milieu des fo- rêts vierges ; leurs troncs, chargés de lianes ou entourés d'une végétation luxuriante, échappent facilement à l'œil. Il faut , pour reconnaître leur présence, savoir profiter du plus léger indice, a Souvent les feuilles sèches que rencontre le cascarillero, en regardant à terre, suffisent pour lui signaler le voisinage de l'objet de ses recherches, et, si c'est le vent qui lésa amenées, il saura de quel côté elles sont venues. Un Indien est intéressant à considérer dans un moment semblable, allant et ve- nant dans les étroites percées de la forêt, dardant la vue au travers du feuillage ou semblant flairer le terrain sur lequel il marche, comme un animal qui poursuit une proie, se précipitant enfin tout à coup , lorsqu'il a cru reconnaître la forme qu'il guettait, pour ne s'arrêter qu'au pied du tronc, dont il avait deviné pour ainsi dire la présence. Il s'en faut de beaucoup cependant que les recherches du cascarillero soient toujours sui- vies d'un résultat favorable; trop souvent il revient au 5 — 58 — camp les mains vicies et ses provisions épuisées ; et que de fois, lorsqu'il a découvert sur le flanc de la mon- tagne l'indice de l'arbre , ne s'en trouve-t-il pas séparé par un torrent ou par un abîme ! Des journées peu- vent alors se passer avant qu'il atteigne un objet que, pendant tout ce temps, il n'a, pour ainsi dire, pas perdu de vue 1 . » Arrivé au pied de l'arbre , le cascarillero le coupe aussi près que possible de la racine ; il le débarrasse ensuite des arbres voisins qui le soutiennent, ou des lianes qui l'entourent. Alors seulement le tronc et les branches principales sont accessibles, et la déeortication peut commencer. L'écorce, débarrassée du périderme par un massage préalable, est profondément incisée jus- qu'au contact des couches ligneuses ; des lignes lon- gitudinales circonscrivent de longues planchettes rec- tangulaires ; le couteau pénètre ensuite dans la couche génératrice et sépare peu à peu l'écorce des parties profondes. La même opération est répétée sur les bran- ches et sur les rameaux, avec la seule différence que le périderme est conservé dans ces portions plus jeunes de la plante. Les écorces doivent ensuite être séchées, et c'est un des points importants de leur traitement; car leur qua- lité peut varier du tout au tout, suivant le soin qu'on aura mis à cette opération. Les grosses écorces doivent resterplales, et pour leur conserver cette forme, «après une première exposition au soleil, on les dispose les Weddell; Hist. nat. des Quinquinas, pag. 10. \ — 59 — unes sur les autres en carrés croisés, comme sont dis- posées les planches dans quelques chantiers, et, sur la pile quadrangulaire ainsi composée, on (charge, quelque corps pesant. Le lendemain, les écorces sont remises pendant quelque temps au soleil, puis de nouveau réta- blies en presse, et ainsi de suite; on laisse enfin se ter- miner le dessèchement dans ce dernier état*. » Ce sont les écorces en plancha ou tabla. Les écorces des jeunes branches (canutos ou canutillos) sont en cylindres creux, et elles prennent d'elles-mêmes cette forme par la simple exposition au soleil. Toutes ces opérations terminées, il reste encore au cascarillero la tâche la plus difficile: il doit transporter lui-même son fardnau à travers les sentiers delà forêt que, libre, il a déjà eu tant de peine à parcourir. « Il y a tel district où il faut que le quinquina soit porté de la sorte pendant quinze ou vingt jours avant de sortir des bois qui l'ont produit2. » Le cascarillero est d'ordinaire au service d'une com- pagnie, et il rapporte son butin à un majordome chargé de veiller à la récolte. Ce dernier s'établit au voisinage de la forêt et reçoit les écorces qui lui arrivent de divers côtés. Il les choisit et en fait des espèces de bottes, enveloppées et cousues dans un gros canevas dé laine, qu'il expédie à dos d'homme ou de mulet dans les dépôts voisins. Les écorces sont alors emballées dans des cais- ses , ou enveloppées d'un cuir frais qui se dessèche sur i Weddell, ibid. a Weddell, ibid. — 60 — elles ; ces derniers ballots portent le nom de surons et serons. C'est sous ces deux formes que sont expédiés les quinquinas par les différents ports du Pacifique ou de l'Atlantique. Le centre le plus ancien d'exploitation est sans con- tredit celui de Loxa , dans la république de l'Equateur. C'est de celte localité que provenait probablement le quinquina qui guérit la comtesse d'EI Chinchon ; c'est là que La Condamine rechercha la première espèce de Cinchona , et déjà à cette époque elle y était devenue rare. Des écorces d'apparences diverses en ont été suc- cessivement exportées: la forme primitive (old crown bark) a été depuis longtemps remplacée dans le com- merce par des formes très-voisines, désignées sous le môme nom générique, et qui appartiennent comme elles à la classe des quinquinas à base de cinchonine. Toutes nous arrivent d'ordinaire par le port de Payta , soit en caisses, soit en surons. C'est dans le même port que s'embarquent les quin- quinas de Jaen, bien moins célèbres que les précédents et dont l'époque d'introduction dans le commerce est très-incertaine. Jaen est de la même zone à quinquina que Loxa et relativement peu éloigné de cette localité. La région voisine du Chimbornzo , qui s'étend sur le revers oriental de la chaîne maritime depuis cette haute montagne jusqu'à l'Assuay, est la patrie du quinquina rouge, si apprécié de nos jours par sa richesse en principes actifs. L'arbre provenant de ce district était probablement exploité dès la seconde moitié du xvme siè- cle, En 1779. le commerce en reçut des écorces pour la i — 61 — première fois. Leur aspect tout nouveau inspira d'abord de la méfiance; mais bientôt les négociants anglais en apprécièrent toute la valeur, et dès-lors les demandes ont été tprjours en augmentant. Les quinquinas de celte espèce arrivent par la voie de Guayaquil en caisses et en surons; leur exploitation parait relativement bornée, à en juger par la rareté des écorces et leur prix excessif. Jusqu'en 1776, les quinquinas de l'Equateur furent les seuls répandus dans le commerce. Mais , à cette épo- que, don Francisco Renquifo découvrit de nouvelles espèces à Cuchero et à Huanuco , dans le Bas-Pérou , et cette partie des possessions espagnoles commença dès- lors à fournir son contingent à la médecine. Les écorces connues sous le nom de quinquina gris de Lima ou de quinquina de Huanuco, se répandirent surtout vers 1785 et furent en grande réputation jusqu'en 1815. Depuis lors , elles n'arrivent que rarement dans le commerce, et le district de Huanuco produit principalement des écorces plates sans épiderme, qui rentrent dans la ca- tégorie des quinquinas jaunes. Callao, port de Lima, a toujours été le point d'embarcation de ces produits péruviens. En même temps que le Pérou , la Nouvelle-Grenade offrait au gouvernement espagnol de nouvelles richesses. Au milieu d'ôcorces très-inférieures en qualité, ce pays envoyait à la métropole des quinquinas jaunes dont la valeur ne saurait être aujourd'hui contestée; mais di- verses causes, et probab lement la juste défaveur jetée sur quelques produits provenus de la même source, discré- ditèrent ces espèces et les firent rejeter du commerce — 62 — espagnol. Les Anglais, les Allemands, les Italiens en firent plus de cas , et, depuis vingt ansenvh on, « ces quin- quinas ont acquis une telle vogue, qu'ils entrent aujour- d'hui pour plusde moitié dans la consomiiiaiiou générale, et que leurs prix rivalisent avec ceux des Calisaya et leur sont même supérieurs. » Leurs principaux marchés sont Londres, Paris et New-York. Ils sont surtout appliqués à la fabrication du sulfate de quinine, et l'on ne saurait en évaluer en moyenne à moinsdel8, 000 balles l'exportation annuelle. »Ils viennent en général en sacs de cuir connus sous le nom de surons ou serons , du poids de 50 à 60 kilo- grammes , quelquefois en sacs de grosse toile d'aloès , jamais en caisses. »Les principaux ports d'exportation sont Sainte-Marthe ou Savanilla, plus rarement Carthagène sur la merdes Antilles, et Buanaventura sur le Pacifique '. » Vers la fin du dernier siècle s'ouvrait également au commerce européen un centre important d'exploitation. Les forêts de la Bolivie fournissaient une éedree d'une valeur supérieure, longtemps méconnue à cause de l'en- gouement général pour les écorces de Loxa et du Pérou, mais qui devait cependant se faire une des premières places parmi les produits de l'Amérique méridionale. C'était le quinquina Calisaya , dont la concur rence devint redoutable pour les autres espèces, quand l'analyse chi- mique eut démontré5, en 4820 , qu'il l'emportait sur toutes en principes actifs. Dès-lors, les cascarilleros se ' Rampon; Notes inédites. — 63 — répandirent dans les forêt? de la Bolivie, et menacèrent par leurs exploitations de faire disparaître tous les C. Ca- lisayq. Le gouvernement dut prendre des mesures, régler la coupe des arbres, et finalement monopoliser la récolte, en traitant directement avec une compagnie, seule autorisée à l'exploitation. C'est par cet intermé- diaire que les écorces arrivent en Europe. Elles sont en surons et s'embarquent à Arica, sur la côte du Pérou. A part ces produits importants , il s'en est introduit dans le commerce un grand nombre de qualités inférieu- res , exportés quelquefois comme espèces distinctes , mais le plus souvent mêlés aux écorces actives. Tels sont par exemple les quinquinas Huamalies , arrivant d'ordi- naireavecles quinquinas gris, depuis la findu xvincsiècle ou le commencement du xixc ; les écorces de Cuzco , qui ont paru en 1829 h la fois à Bordeaux , à Hambourg et en Angleterre , et qui servent trop souvent aujourd'hui à falsifier le quinquina Galisaya ; endn le quinquina de Maracaybo , qui ne contient que des traces d'alcaloïdes , et se trouve probablement depuis une vingtaine d'années dans le commerce européen. §v. INTRODUCTION DES QUINQUINAS A JAVA ET DANS LES INDES ORIENTALES. A côté de ces centres d'exploitation qui s'épuisent à fournir l'Europe de quinquinas, nous pouvons heureu- sement signaler un certain nombre des points où, grâce à la prévoyance de gouvernements éclairés, se sont éta- — 64 — blies ces espèces précieuses, etoù elles ont toutes chan- ces de se multiplier toujours davantage. La Hollande, d'une part, l'Angleterre, de l'autre, ont la gloire de cette grande entreprise, qui vaut bien la peine que nous lui consacrions quelques pages. Le gouvernement hollandais a le premier mis la mnin à l'œuvre. En 1852, le ministre des Colonies proposa lui-même la culture des quinquinas dans l'île de Java, et sa proposition fut approuvée. M. Charles Hasskarl, directeur du Jardin de Buitenzorg, à Java, fut chargé de cette mission difficile. Il partit presque aussitôt pour Lima, traversa les deux Cordillères, et arriva dans la province de Jauja ; mais ce fut surtout vers le district de Carabaya qu'il poussa ses investigations. H fit dans cette province une provision déjeunes plants de Calisaya, et après les avoir soigneusement empaquetés, de façon à les garantir à la fois des froids excessifs des hautes ré- gions et de la chaleur tropicale de la plaine, il retourna vers la côte, chargé de ce riche butin. Une frégate l'at- tendait au port d'Islay, sur laquelle étaient préparées des caisses à la Ward. Grâce a ces précautions, les quin- quinas arrivèrent à Batavia en décembre 4854, sans avoir trop souffert de leur trajet. Une forêt de Liquidambar Altingiana avait été détruite pour leur faire place, et c'est sur ce nouveau sol, à cent milles environ de Batavia, qu'ils furent d'abord transplantés. On s'aperçut bientôt que cette position ne leur convenaitguère. Le niveau était trop peu élevé, et par suite les chaleurs trop fortes pour les quinquinas. Un champignon (espèce de R/iizomorp/m) se développaitentrel'écorceet le bois et menaçait de corn- — 65 — promettre tous les plants; un ennemi d'un autre genre un insecte du genre Dermestes ou un Dostrischus attaquait profondément le bois, de telle sorte que toute la récolte du docteur Hasskàrl aurait été bientôt perdue si l'on n'avait changé les conditions d'existence des jeunes arbres, en les transportant dans un endroit plus frais et plus élevé. Deux espèces, de valeur très-inégale, formaient le fond de cette récolte : le C. Calisaya, et une espèce nouvelle dé- crite par M. Howard sous le nom ôePahudiana, pauvre en principes actifs. C'est cette dernière qui s'est le mieux trouvée des conditions climatériques de Java. En 1859 elle rie comptait pas moins de 98,838 pieds jeunes ou déjà en pleine terre de C. Pahudiana , et seulement 3,201 Calisaya; à ces deux espèces principales, il fallait joindre alors C. lanceolata.. 45 pieds. G. lancifolia ... 35 C. succirubra . . 14 En Angleterre, le docteur Royle avait depuis 1839 émis l'idée de pareilles introductions dans l'Himalaya, et avec une persévérance louable il revint à la charge en 1855 ; il obtint enfin que les consuls anglais de l'Amérique méridionale fussent chargés de recueillir des graines de Ginchona destinées à la culture. Quelques plantes de l'Equateur furent seules expédiées par cette voie, et elles élaient mortes à leur arrivée en Angleterre. Après un pareil insuccès, il fallait prendre des me- sures plus sérieuses. M. Markham offrait en 1859 de re- — 66 — cueillir lui-même des graines et des jeunes plants en vue de leur introduction dans l'Inde. Personne n'était mieux qualifié que lui pour une pareille entreprise : il connaissait les forets du Pérou et les frontières de la Bolivie ; il par- lait ,1a langue des indigènes; il était enfin en rapport a,vec la plupart des autorités de ces régions. Le gou- vernementanglais accepta ses services, et il partit immé- diatement d'Angleterre pour sa mission. Au mois de mars 1860, il quittait Arequipa, accompagné seulement d'un jardinier et d'un hcmme de peine, et après un voyage des plus difficiles à travers les deux Cordillères, il arrivait le 20 avril à Sandia. Cette région devait lui être favorable : elle lui offrit dans un magnifique site de beaux pieds de Calisaya tout jeunes, dételle sorte que, vingt jours après, il avait une provision d'arbres suffisante , et pouvait reprendre le chemin de la côte. 11 emportait avec lui , soigneusement empaquetés, 529 jeunes arbres, sur lesquels près de 500 Calisayas. A la fin de mai toutes ces plantes étaient placées dans des boîtes à la Ward et expédiées en Angle- terre. Par malheur elles furent compromises par un trop long trajet, et arrivèrent mourantes à Bombay. Le plan qu'avait proposé M. Markham au gouverne- ment anglais ne se bornait pas à l'exploitation des pro- vinces péruviennes voisines de la Bolivie; quatre explo- rateurs devaient en même temps visiter les principaux districts de la région cinchonifère. Tandis que lui-même allait à la recherche des C. Calisaya et micrantha, un second voyageur devait parcourir les forêts de Huanuco et de Huamalies, pour se procurer les'C nilida et ghm- — 67 — dulifrra ;le troisième, prenant pour but le Chimborazo, rechercherait les quinquinas rouges et les variétés du C. Condaminea; enfin, un dernier parcourrait la Nou- velle-Grenadepour en rapporter les espèces intéressantes. M. Pritchett fut chargé de l'exploration de Iluanuco. Il y arriva en mai 1860, et, parcourant tout le district, il se procura de jeunes plants de C.nitida, C. pur- pur ca , C. ovata , G. micrantlia var. L'envoi de ces plantes dans les Indes par la route de l'Angleterre ne réussit pas mieux que celui de M. Markham; mais les graines qui furent remises au Jardin d'Ootakamund levè- rent parfaitement au printemps suivant. En 1861, elles avaient donné 890 pieds de C. nitida , 905 de C. mi- crantlia, 40 de C. peruviana, et 298 Cinchona indéter- minés. Pendant ce temps, le savant vcyageur Spruce, chargé d'explorer les régions voisines du Chimborazo, recherchait principalement l'espèce qui produit le quinquina rauge {C. sticcinéra). Il arriva au commencement de 1860 dans le diitrict de Huarauda, et put mettre la main sur cette plante précieuse. Plus de 10,000 graines et 637 jeunes arbres furent envoyés dans les Indes, sous la sur- veillance de M. Cross; 463 arrivèrent en bon état à leur destination. Pendant l'année 1861, M. Cross , de retour en Amé- rique, s'occupa de rechercher les diverses variétés du C. Condamiiiea, et il s'acquitta de cette tâche avec un zèle et une intelligence remarquables. L'année suivante, on le chargeait de parcourir la Nouvelle-Grenade. Enfin, le gouvernement hollandais voulut bien offrir — 68 — à l'Angleterre un certain nombre de plants de Calisaya venus à Java. M. Andcrson , directeur du Jardin de Calcutta , fut chargé d'aller recevoir ce don : il revint de la colonie hollandaise en novembre 4861, avec 412 pieds de C. Calisrn/a, de C. Pahudiana et de C. lanci- folia, et environ 40,000 graines. Différentes localités des colonies anglaises reçurent ces graines et ces jeunes plantes. Ce furent d'abord les montagnes de Neilgherries, sur la côte de Malabar. Les graines arrivaient au Jardin d'Ootakamund, placé dans le voisinage; elles y germaient, et donnaient de jeunes plantes qui, après quelque temps, étaient transportées en pleine terre. En 1863, 35000 pieds avaient pris posses- sion de la montagne et s'y maintenaient a Pair libre. — Plus tard, des envois furent dirigés sur le Bengale, et une nouvelle localitéde quinquinas fut établie à Darjeeling dans le Sikhim britannique ; en 4862, elle comptait 686 plantes de pleine terre. Enfin , Ceylan eut aussi son contingent de richesses : en 4865, 230 arbres étaient établis dans ses forêts, au voisinage des jardins de Hak- galle et Peradania. On voit que le succès a couronné la persévérance des gouvernements anglais et hollan- dais. Les quinquinas semblent prospérer dans leur nou- velle patrie , et l'on ne néglige aucun des nombreux moyensde multiplication qu'ils présentent; les marcottes, les boutures réussissent parfaitement chez ces arbres, et de nombreuses graines en germination assurent l'a- venir de cette belle entreprise. La Jamaïque et la Trinité possèdent également quel- ques plantations de quinquinas. — 69 — L'Algérie nous offrira-t-elle un jour les mêmes avan- tages? Sur la demande de M. Tliouvenel au gouverne- ment anglais, 200 ou 300 pieds de quinquinas ont été mis à la disposition du gouverneur général de l'Algérie. Nous ne savons quels ont été les résultats de leur trans plantation sur la terre africaine. SECONDE PARTIE ÉTUDE DES ESPÈCES DE QUINQUINAS. Comme nous l'avons déjà dit, nous suivrons dans cette étude la série naturelle des espèces de Cinchona, traitant des écorces commerciales à propos des arbres qui les fournissent. Un tableau final et une table raison- née des matières permettront de retrouver facilement, dans notre travail, les quinquinas du commerce sous leur nom usuel. Autant qu'il nous sera possible, nous ne nousbornerons pas aux caractères extérieurs de Técorce, nous indiquerons ses principaux caractères anatomiques et sa richesse en principes actifs. Un mot sur l'histoire commerciale terminera chaque article. I. Ciiicltona Calisaya, Wedd. (Weddell; Ann. se. nat. , X , 6, et Hist. nat. quinquin., pag. 30, tab. 111 et IV.) C à feuilles oblongues ou obovales lancéolées, obtuses ou aiguës, luisantes, quelquefois pubescentes à la face inférieure, scrobiculées ; capsule ovale, arrondie à la base. Var. «. Calisaya vera, arbres à feuilles ovales ou obovales lan- céolées, obtuses. p. Josephiana, arbrisseaux à feuilles oblongues, aiguës. Hab. Provinces septentrionales de la Bolivie ; province péruvienne de Carabaya, àl,500-l,800m d'altitude, entre les 13e et 16e degrés de lat. auslr. QUINQUINAS CALISAYA. La variété « produit le quinquina Calisaya du com- merce; la variété /3 donne le quinquina nommé par les indigènes Ichu-cascarilla ; on utilise aussi l'écorce de sa racine. A. Quinquina Calisaya. Quinquina Calisaya, dit aussi jaune royal ( Guib , loc. cit., 131 ). — Quinquina Calisaya plut sans épiderme et roulé avec épiderme (De), et Bouchard., loc. cit., pag. 23-25, ;;/. 1)1 — Calisaya de Plancha (Laub.; Bull, pharm., 302). — Clnna-reijia (Bergen). — Chiua-reyia, Cortex Chinœ regius, s. flavus, s. luicus, China Calisaya (Gôbel et Kunze, loc. cit., pag. 49, tab. Vlll). — Royal or Genuine Yellow Bark (Pereira ; Mat. méd., pag. 1621). Ce quinquina se présente sous deux formes : quin- quina plat, quinquina roulé. 1° Calisaya plat. Ëcorces plates de 10 à 15 millimètres d'épaisseur, très-denses, le plus souvent sans périderrne. Surface extérieure présentant de nombreux sillons longitudi- naux à fond fibreux, séparés par des crêtes saillanles. Couleur jaune fauve brunâtre. Surface interne fibreuse, à grain souvent ondulé, jaune fauve ou orangée. Frac- ture transversale constamment fibreuse et produisant une poussière fine de fibres microscopiques; prurientes. Saveur franchement amère. — ' 73 — La forme de Galisaya que nous venons de décrire porte dans le pays les noms de Calisaya dorada, ana- ranjada , amariUa. Une seconde variété , d'un noir vineux , est le Calisaya zamba , Calisaya negra des indigènes. Une troisième, très-pâle, a reçu le nom de Calisaya blanca. Depuis ln publication de son Histoire naturelle des quinquinas, et à lasuited'un second voyage en Bolivie, M. Weddell a signnlé l'existence de nom- breuses variétés autres que les précédentes. M. Markham a particulièrement mentionné un Calisaya appelé verde par les habitants de la province de Carabaya, et qui pré- sente des caractères assez particuliers. Examen microscopique. — Nous avons déjà indiqué les principaux traits de la structure anatomique du Cin- chona Calisaya, nous les résumons en deux mots : trame homogène sur toute la coupe transversale, fibres cor- ticales uniformément réparties , courtes et lâchement unies entre elles. (Voir les figures de M. Weddell, Hist. nat. desquinq., tab. n, fig. 30, 33 et 36) ; et Berg et Schmidt (tab. xv, b, fig. A-C. ) Richesse en alcaloïdes. — D'après Delondre et Bou- chardat, la moyenne serait de 30 à 32 gram. de sulfate de quinine et 6 à 8 gram. de sulfate de cinchonine par kilogramme. Quelques variétés, et particulièrement le Calisaya zamba ont jusqu'à deux fois plus de principes actifs. 2° Calisaya roulé. Périderme épais, marqué de scissures annulaires pro- fondes, assez régulièrement espacées et de crevasses 5 — 75 — longitudinales et transversales. Derme lisse ou marqué de légères impressions annulaires ; couleur fauve ou violacée. Face interne finement fibreuse , jaune fauve. Fracture transversale largement résineuse au dehors, constamment fibreuse au dedans. Richesse en alcaloïdes. — 45 à 20 gram. de sulfate de quinine, 8 à 10 de sulfate de cinchonine par kilogr. Commerce des Calisaya. — Les quinquinas Calisaya de Bolivie sont monopolisés entre- les mains d'une com- pagnie qui n'en exporte pas moins de 200,000 kilogr. par an. Ils nous arrivent par le port d'Arica. Ils sont souvent mélangés de qualités inférieures, provenant d'autres espèces botaniques: C. ovala, var. rufmervis, et C. scrobiculata. Ils s'en distinguent par leur grande den- sité, la profondeur des sillons de la surface extérieure, ainsi que par la saillie de ses crêtes. Propriétés. — Éminemment fébrifuge, le quinquina Calisaya n'a que très-peu de principes astringents. B. Quinquina Calisaya, Var. Josephiana. lcfiu-Cascarilla des indigènes (Gascarilla des prés). Cette écorce est rare dans le commerce, quoique em- ployée dans la médecine indigène. Son périderme est, d'a- près M. Weddell, d'un brun ou d'un gris noirâtre ardoisé, sur lequel se détachent avec beaucoup d'élégance les lichens pâles qui le recouvrent; comme cette écorce est très-adhérente au bois, elle ne s'en sépare qu'imparfai- tement et sa surface intérieure est souvent déchirée. — 75 — La collection envoyée par M. Howard à l'École de pharmacie de Montpellier, contient sous ce nom des écorces irrégulièrement roulées , qui présentent bien les caractères indiqués précédemment. Quelques échantillons sont dépouillés de périderme et répondent à la descrip- tion du C'umamomiini like Calisaya quills des Anglais. Ou se sert aussi au Pérou d'une écorce formée par le^ grosses racines ou la souche du Calisaya Josepkiana, qui semble donner un produit assez riche. « Elle est en morceaux courts, aplatis, ondulés, ou plus ou moins contournés, dépourvus de périderme, à surface interne fibreuse ou presque lisse; très légèrement celluleux ex- térieurement, d'un jaune ocracé uniforme et d'une amertume franche, mais moins forte que dans le bon Calisaya, dont il présente d'ailleurs les caractères de structure intérieure1.» Cette écorce a été importée en Europe, et a donné à l'analyse une petite quantité de quinine, 8 pour 'JOOO2. . J'ajouterai comme variété du Calisaya: Cinchona Calisaya, Var., morada. (Cincliona Boli viana, Wedd., An. se. nat., X, 7, etHist.nat. Quinq.,50.) C. à feuilles oblongues, elliptiques ou obovales, obtuses, en coin à la base, glabres ou pubescentes à la face inférieure et de couleur rougeâtre; capsules ovales, arrondies à la base. Hab. À peu près les mômes lieux que le Calisaya. Cette espèce diffère bien peu de la précédente, et n'en 1 Weddell, loe. cit., 35. 2 Voir Bulletin Société botanique de France, tom. II, pag. 509. — 76 — est probablement qu'une simple variété. L'échantillon que j'en ai vu dans l'herbier de De Candolle porte des fruits tout à fait semblables à ceux du Calisaya vera,de même forme et de même grandeur. Il n'y a réellement entre les deux plantes que de légères différences dans la di- -mension et la forme des feuilles , différences qui ne me paraissent pas suffisantes pour la distinction spécifique. Ajoutons que les écorces se ressemblent au point de tromper même un œil exercé. Je suis heureux, du reste, de trouver la confirmation de celte idée dans un article de M. Weddell lui-même, communiqué à la Société botanique en mars 1855, dans lequel cet habile obser- vateur, après avoir vu, dans un second voyage en Bolivie, de nouvelles formes intermédiaires entre le C. Calisaya et le C. Boliviana, paraît disposé à regarder ce dernier comme une simple variété de l'autre'. Quinquina Calisaya morada. (Quinquina Boliviana, Wedd. Hist. nat. Quinq., pag. 51, pl. XXX, fig. 24-27. — Calisaya morada des Boliviens, Verde morada des Péru- viens, l'un des Calisayas légers du commerce (Guib., pag. 138). — Bark of the Mulberry loloured Calisaya, Pereira, Mat. méd., 16.) M. Weddell décrit de la manière suivante l'écorce du Quinquina Boliviana 1° Quinquina roulé. « En tout semblable au Calisaya. » 2° Quinquina plat. « Formé par le liber seul, moins épais en général que le Calisaya , mais d'une égale densité. Sillons digitaux » Bulletin de la Société botanique, tom. II, pag. U9. — 77 — de la face extérieure moins profonds que dans l'espèce que je viens de nommer; un peu plus confluents, et les crêtes qui les séparent plus arrondies; d'un jaune fauve brunâtre , avec des nuances un peu verdâtres dans quelques points. Surface interne d'un grain assez droit, d'un fauve un peu orangé ou rougeâtre. » Sous le nom de Calisaya pallida (Cinchona Boliviana Wedd.), M. Howard a envoyé à l'École de pharmacie de Montpellier une éeorce qui répond bien à la des- cription précédente, sauf la couleur plus pâle. C'est probablement de cette variété qu'il est question dans la note déjà citée du Bulletin de la Société botanique : elle contient, d'après M. Weddell , seulement 1,60 % de quinine pure. L'écorcedu C. Boliviana est l'une des espèces données dans le commerce comme Calisaya, et ses propriétés pa- raissent justifier cetle dénomination: elle la mérite en tout cas beaucoup plus que les autres écorces, qui sont mêlées comme elle au véritable Calisaya. II. Ciiicliona Condamîiiea. C. à feuilles lancéolées, ovales ou arrondies, glabres et luisantes à la face supérieure, le plus souvent scrobiculées; capsule oblongue ou lancéolée, beaucoup plus longue que large. Var. «. Condamuvea vera, feuilles ovales-lancéolées, aiguës; dents du calice triangulaires. jS. Candollii, feuilles obovales ou arrondies et subcordées à la base; dents du calice lancéolées. La synonymie de cette espèce est des plus compli- quées. Voici comment j'ai cru devoir l'établir, après examen des plantes de l'herbier Boissier. — 78 — Je rapporte à cette- espèce les formes suivantes : 4° Cinchona Uritusinga, Pav., Quinol. (Cinchona academka, Guibourt ; Hast, des drogues. — Quina-quina de La Condarr.ine.) Grands arbres à feuilles lancéolées ou ovales lancéolées, plus ou moins- acuminées, scrobiculées à l'aisselle des nervures secondaires. Hab. 'Andes du Pérou et près de Loxa; Cajanuma, Uritusinga, etc. 2° &NCH0NA VIOLACEA, Pav., Quitiol. Arbres à feuilles oblongues ou lancéolées, à fleurs violettes. Hab. Cuença et les Azogues près de Quito. 3° Cinchona obtusifolia, Pav., Quinol. Arbres à feuilles oblongues, obtuses, abords légèrement enroulés. Hab. Vilcocamba, province de Loxa. 4° Cinchona Palton, Pav., Quinol. Arbres à feuilles ovales, oblongues, acuminées, légèrement on- dulées. Hab. Yungas, dans la province de Loxa. 5° Cinchona Chahuarguera, Pav., Quinol. Ce type présente lui-même trois variétés : a. Cascarilla colora da del Reij. Feuilles lancéolées, acuminées, fleurs rosées. La figure donnée par M. Howard s'accorde de tous points avec l'échantillon de l'herbier Boissier portant — 79 — l'étiquette : Chinchona... Cascarilla colorada, Chahuar- gîiemvarietas, n° 549, L. 711. b. Cascarilla amarilla del Rey. Feuilles ovales lancéolées, fleurs rouges. c. Cascarilla Chahuargucra. L'échantillon de l'herbier Boissier portant cette indi- cation (subsp. 31, n° 553, le. 715) a des feuilles lar- gement elliptiques , un peu atténuées à la base, obtuses au sommet. Les dents du calice sont lancéolées et assez longuement acuminées. 6« Cinchona crispa, Tafalla. (Cinchona Chakuarguera, Var., Pav.) La figure que donne de cette plante l'ouvrage de M. Howard, la rapproche beaucoup du Cinchona Cha- huargucra; elle a des, feuilles lancéolées acuminées, atténuées à la base, et ne ressemble pas à la figure donnée par Berg et Schmidt (tab. xvi, a); par contre, cette dernière représente parfaitement un échantillon de l'herbier Boissier notésp. 31. Cinchona Chahuarguera, v° Cascarilla parecida a la buena. Cascarilla parecida a la amarilla o buena, ce qui désigne bien le C. crispa. Dans celte dernière forme, les feuilles supérieures sont arrondies, subcordées à la base, très-brièvement acuminées; les inférieures sont largement ovales, très- légèrement atténuées à la base. 7° Cinciiona macrocalyx, Pav., Quinol. Feuilles ovales ou arrondies, dents du calice longuement acumi- nées. — 80 — Les premières formes (Uritusinga , violacea, obtu- sifolia, Palton) appartiennent toutes au Cinchona Con- daminea vera de Weddell. Les formes C. colorada et amarilla du Chahuarguera de Pavon, le C. crispa de Tafalla, tel qu'il est figuré par M. Howard, se rapportent au même type; tandis que le Chahuarguera vrai et la forme, du Ç. crispa, telle qu'elle existe dans l'herbier Boissier et qu'elle est figurée dans l'ouvrage de Berg et Schmidt, rentrent, avec le C. macrocalyx, dans la variété (3. Candollii. Le Cinchona Chahuarguera de Pavon se rattache donc par une de ses variétés au Condamineavera de Weddell, par les deux autres au Condaminea fi du même auteur. Gela doit expliquer suffisammentpourquoi nousnefaisons pas deux espèces distinctes de cette série de formes, dont les extrêmes paraissent au premier abord très-différentes. A toutes ces formes, il faut peut-être ajouter encore les deux suivantes : Cinchona erythrantha, Pav. Je rapporte à cette espèce un échantillon de l'herbier Boissier qui est nommé Ch. coccinea, tout en portant les indications sp. 17, n° 583. Ic. 787, attribuées par Howard à Y Erythrantha. 11 répond , du reste, parfaite- ment à la figure de cette dernière espèce donnée dans les Illustrations de la Nueva quinologia. Il a des feuilles ovales lancéolées, atténuées à la base, légèrement pubes- centessurles nervures, et des fleurs plus grandes qu'elles ne le sont d'ordinaire dans les Cinchona. Hab. Jaen et Guayaquil. — 81 — Cinchona cogcinea, Pav., Quinol. Feuilles inférieures ovales ou obovales, presque arrondies, briève- ment acuminées; ies supérieures ovales, obtuses ou un peu acumi- nées, légèrement pubescentes sur les nervures. Hab. Huaranda , san Antonio et Huagres, dans la province de Quito. En somme, nous pouvons donc résumer de la façon suivante la synonymie du C. Condaminea: ClNCHONA CONDAMINEA. (Wedd.; Hist. nat. Quinquinas, exclusis variet., 7, 3, s.) Var. a. Condaminea vera. (C, officinalis, h , Syst. Veg., ed. X, 959 ; Valh. Act. Soc. h. n., Hafn. — C. Condaminea , Rumb. et Bonp.; Plantée aequinoxiales. — C. Uri- tusinga, violacea, obtusifolia, t'alion et Ckahuanjuera (partim) , Pavon , Quinol. et herb. Boissier.) j3. Condaminea candollii. (C. Bonplandiana, Klotzsch ; ex herbier Boissier. — C. Condaminea. j3. Clicihuarrjuera et C. macrocalyx (exclus, variet.), DC, Prodr., IV, 353. — Cliahuarguera (partim) et macrocalyx, Pav. ; Quinol. — An C. coc- cinea et enjlkranlka? Pav.; Quinol.). QUINQUINAS CONDAMINEA. Les produits du Cinchoiia Condaminea sont nombreux et la plupart très-importants. Pour les étudier en détail, nous passerons successivement en revue les écorces fournies par les diverses formes végétales énumérées ci- dessus. — 82 — A. Quinquina Urituswga. (Original or old Loxa bark, Pereira ; Mat. méd. , 1G38. — Cortex Chinas fusrus, s. de Loxa vera, s. China offi. inalis , s. Casr.anlla fina de Uritusinga; China roronalis, Cortex peruvian us (Gôbel el Kunze, pap. 41, tab. VI). — Quinquina de Loxa rouge fibreux du roi d'Espagne (Guib., pag. 105). — Vulgo Cuscarilla fina de Uritusinga.) On rapporte généralement à l'Uritusinga de Pavon , l'écorce primitive de Loxa , celle qui a eu longtemps le plus de réputation , mais qui ne se trouve dans le com- merce qu'exceptionnellement. Elle se distingue, d'après Gôbel et Kunze, des quin- quinas gris de Loxa du commerce , par la couleur plus brune de sa surface extérieure, ses verrues subéreuses, ses fissures transversales peu profondes et qui ne dé- crivent pas un cercle complet, enfin par sa saveur beau- coup plus astringente. J'ai retrouvé tous ces caractères dans des échantillons données par M. Howard comme appartenant au C. Uri- tusinga. Ils présentent aussi les particularités du quin- quina rouge fibreux de M. Guibourt: ils sont «très-légers, très-fibreux , d'une couleur de rouille vive et foncée ou même presque rouge'». Les Cinchona d'Uritusinga , exploités pendant le xvii6 siècle, avaient déjà considérablement diminuéde nombre, à l'époque où La Condamine les décrivit. Les écorces étaient réservées pour La pharmacie du roi d'Espagne. C'est, paraît-il, une écorce analogue qui fut prise en 1803 par les Anglais sur un galion espagnol. Elle était i Guibourt, loc. cit. - 83 — contenue dans des caisses qui portaient cette désignation particulière : ce pour la famille royale ». Ce n'est que par exception qu'il entre de temps à autre dans le commerce quelques échantillons de ce quinquina. 1 /analyse faite par M. Howard de l'ancien quinquina de Loxa a donné une proportion considérable d'alca- loïdes qui explique la réputation de cette écorce. On ne connaît pas encore d'échantillon authentique du Quinquina violacea. B. Quinquina obtusifolia. Sous le nom de C. obtusifolia, j'ai trouvé dans la collection envoyée par M. Howard deux échantillons roulés de 7-9 centimètres de longueur sur 2 de diamè- tre : l'épaisseur est de 3 mm environ ; la surface exté- rieure d'un brun noirâtre, nuancée de lichens blancs. Elle est marquée de fissures transversales rapprochées, qui ne font pas tout le tour du cylindre ; la surface interne est jaune sale , la fracture transversale fibreuse à l'intérieur, avec un cercle résineux bien marqué extérieurement. Amertume désagréable, nauséeuse. Le nom vulgaire de celte espèce , qui vient quelque- fois comme écorce de Loxa, est Cascarilla negrilla, mala de Loxa ou mala de Macos. C. Quinquina Chahuarguera. Ce sont la plupart des quinquinas de Loxa du com- merce: — 84 — 1° Écorce du Chahuarguera type. (Rusty crown bark, Pereira; Mat. méd., 1635. — Quinquina huamalies, mince et rougedlre, Guib., 145? ) M. Howard, après M. Pereira, rapporte au Chahuar- guera de Pavon l'écorce connue sous le nom de rusty crown bark du commerce anglais, que Pereira donne comme synonyme du Quinquina huamalies mince et rougeâtre de M. Guibourt. Nous verrons plus tard que cette synonymie est encore douteuse. Voici les caractères du msty crown bark, tels que les a donnés Pereira: Écorces roulées à épiderme blanchâtre ou grisâtre, longitudinalement strié, sans sillons trans- verses et pouvant être rayé par l'ongle. Sur quelques points, on observe des verrues couleur de rouille qui , lorsqu'elles sont nombreuses, se groupent en séries régu- lières. Des échantillons donnés par M. Howard comme produits du Chahuarguera rappellent le Huamalies bru- nâtre figuré par Gôbel et Kunze (pl. X, fig. 1 et 2), à la couleur près, qui est beaucoup plus noire. Comme le fait observer M. Howard, les grands morceaux d'écorce pren- nent l'apparence du quinquina noueux de Joseph de Jussieu. Cette espèce est remarquable par sa richesse en cin- chonidine ; le total des alcaloïdes est de 2 à 3°/0. C'est, d'après la tradition , l'écorce qui guérit la comtesse d'El Chinchon. — 85 — S» Écorce du Chahuarguera, var. Amarilla del Rey. La Cascarilla amarilla (Jaune) de Laubert (Bull, pharmac, 292). — Quinquina de Loxa jaune fibreux ; Quinquina jaune de La Condamine (Guib., loc. cit., pag. 106). — H. 0. crown bark (Pereira; Mat. méd., 1639). Laubert donne à cette espèce les caractères suivants: « Celte écorce est mince, de la grosseur d'une plume d'oie ou à peu près, assez bien roulée et recouverte d'un léger épiderme fin et d'un gris fauve ; sa surface interne a la finesse et l'aspect de la cannelle de Ceylan ; sa cas- sure est bien nette , excepté à sa partie interne, qui pré- sente de petits filaments fibreux, extrêmement fins ; son odeur, assez aromatique, devient plus sensible par la pulvérisation et par la coction ; son amertume se déve- loppe successivement par une mastication prolpngée, mais elle est toujours très-inférieure à celle du Calisaya; elle est aussi styptique, mais sans être acerbe. On trouve rarement cette écorce sans mélange ; on remarque à sa surface externe quelques légères fissures transversales et presque parallèles. » 3° Écorce du Chahuarguera, var. Colorada del Rey. (La Cascarilla colorada, Laub.; Bull, pharm., 294. — Quinquina gris compacte; Quinquina rouge de la Condamine, Guibourt, loc. cit., 101.— Vulgo Cascarilla colorada del Rey.) Voici ses caractères d'après Laubert : « Épiderme fin, mais nn peu plus épais que celui de Y Amarilla, ridé, d'un brun marron, et recouvert de plaques argentines et de lichens très-fins; fissures transversales plus nom- breuses et mieux prononcées, épaisseur au-dessous d'une ligne, roulage complet, cassure nette avec quelques pe- tits filaments dans la partie interne ; grosseur la même que la précédente ; surface interne moins fine et d'un jaune grisâtre, tirant dans quelques écorces un peu plus sur le rouge, ce qui lui a fait donner sans doute le nom de colorada ; sa poudre d'un jaune grisâtre ; aucune dif- férence sensible avec la précédente pour ses autres qua- lités. On la trouve souvent dans le commerce avec la Pot- maria, la de/gadilla, la carrasquena et autres; mais elle forme avec la première l'assortiment le plus estimé'». D. Quinquina crispa. (Quinquina jaune du roi d'Espagne, Guib. , loc. cit., 130. — Silver crown bark, Pereira, 163. — Vulgo Cascarilla parecida a la buena , ou Cascarilla crespilla negra parecida a la Amanlla fina o buena, ou Quina carasqûena.) La Cascarilla crespilla negra est la même écorce que le Quina fina de la collection de Pavon ; elle porte en- core ce nom dans son pays d'origine; du moins M. See- man a reçu du gouverneur de Loxa des échantillons de Cinchona crispa étiquetés Quina fina. Sa surface ex- térieure est recouverte de lichens blancs et jaunes sur un fond argenté ou noirâtre; elle a une odeur prononcée de tabac, elle est beaucoup moins riche en alcaloïdes que son prix ne le ferait supposer. C'est surtout son appa- rence extérieure et son arôme qui l'ont fait apprécier et lui ont quelquefois donné une valeur vénale supérieure à celle des Calisayas. 1 Laubert; Bull, pharm., II, 294. — 87 — «E. Qdinquïna Palton. ( West-coast Cnrthagena du commères anglais (ex Howard, loc. cit.). China pseudo-regia, Wittstein. ) Cette écorce, qui estquelquefois importée comme Quin- quina Carthagène, ressemble au quinquina rouge; elle en diffère par sa moindre densité et son amertume moins agréable. Les échantillons de la collection Pavon sont, d'après Howard, des morceaux enroulés d'un brun orange; leur structure est fibreuse intérieurement; les couches subéreuses sont grises, ridées longitudinalement et mar- quées de fentes transversales dans les jeunes rameaux; çà et là recouvertes de plaques d'un blanc micacé. Une écorce plate, envoyée par M. Howard, offre une surface extérieure rouge brun, sillonnée dans le sens de la longueur, marquée de quelques plaques micacées. La fracture est fibreuse à l'intérieur, résineuse à l'extérieur; la surface interne est jaune cannelle, uniformément fi- breuse, à fibres longues se courbant sous l'ongle. L'écorce du C. Palton a donné à M. Howard: Cin- chonidine (Pasteur) et Cinchonidine 1 Wittstein 4,34%, quinine 0,71 ; total 2,05 °/0. 1 La cinchonidine de Wittstein paraît différer de celle de M. Pasteur par un équivalent d'eau en moins. Elle est beaucoup moins soluble dans l'eau, l'alcool et l'éther (fuie Howard, article G. Palton). * il — 88 — F. Quinquina macrocaltx. / ' Quinquina de Loja cendré B., Guib., loc. cit., 152. — Agy cruwn burk du commerce anglais (Pereira, loc. cit., 16 9). — China pseudo-Loxa ou DunkeU-Ten-China , Bergen. — DunkleJuen China, Gobel et Kunze, pag. 6-8, lab. Xll!, 1-4. — Quinquina de Luxa jaune, fibreux-, du romiiurce actuel (Guibourt. 106). — Vulgo Çuscurilla con hujus redoudas y de quubro ou Cascuiillu con hujus un poco villosas. D'après l'herbier Boissier, la Cascarilla de îtojas cres- pas et concavas est la même espèce que le C. macro- calyx. Celte écorce, attribuée d'abord par MM. Howard et Pereira au C. cordifolia var. rotundifolia, à cause du nom vulgaire con hojas redondas, appartient en réalité au C. macrocalyx, ainsi que M. Howard l'a démontré plus tard au moyen d'échantillons authentiques de la collection de Pavon V D'après Pereira, cette écorce est en cylindres de la grosseur du doigt et recouverte d'un nombre considé- rable de lichens foliacés ou filiformes; la couleur de la surface extérieure varie du blanc au noip, cette surface est quelquefois parsemée de protubérances subéreuses cou- leur de rouille. Le périderme est marqué de sillons longi- tudinaux et transversaux, qui distinguent cette écorce du quinquina jaune pâle de Jaen. La surface interne est de couleur jaune ou orange; la saveur estamère. Cette écorce vient d'ordinaire en surons par le port de Lima. Un échantillon de M. Howard , marqué par Pavon 1 Howard, loc. cit. — 89 — C. macrocalyx , paraît répondre au quinquina jaune fibreux du commerce actuel. (Voir Guibourt, loc. cit. , pag. 106.) L'écorce du C. macrocalyx donne une petite quantité de cinchonine avec très-peu de cinchonidine et de qui- nine. Examen microscopique des écorces de C. Condaminea. — Les écorces de C. Uritusinga et Chahuarguera pré- sentent les plus grands rapports dans leur structure ana- tomique, qui rappelle celle du C. Calisaya. Les rayons médullaires sont nombreux dans les couches du liber, et les fibres corticales rares et minces; l'enveloppe cellu- laire est large , les couches subéreuses plus ou moins développées, remplies dans le Cascarilla colorada d'une matière rouge brunâtre ; on voit quelques vaisseaux lati- cifères dans le Cascarilla amarilla. ( Voir Howard, loc. cit., Microscop. observ., pag. 8, tab. i, fig. 1, 2, et tab. m, fig. 20.) Le Cascarilla con hojas redondas (C. macrocalyx) diffère des écorces précédentes par ses fibres corticales rangées en groupes allongés dans le sens du rayon, et par ses cellules à résine répandues çà et là dans les couches herbacées. Enfin , le Cascarilla con hojas de Palton ( C. Palton) se distingue par de nombreuses couches subéreuses de couleur pâle, et surtout par une abondance considérable de cellules à résine , donnant au derme l'aspect rouge orangé qui le caractérise. L'enveloppe cellulaire est sé- parée du liber par des vaisseaux laticifères ; les rayons 7 — 90 — médullaires sont peu distincts et les fibres du liber très- rares. (Voir Howard, loc. cit., tab. m, fig. 20.) ÉCORCES DES ClNCHONA COCCINEA ET ClNCHONA ERYTUBANTHA . (Quinquina jaune de Guayaquil, Del. et Bouch., loc. cit., pag. 32, pl. X.) L'échantillon de C. erythrantha de l'herbier Boissier, dont il a été question plus haut, portait la dénomination vulgaire : Cascarilla serrana ypata de Gallinazo de Ja'ên, qui est aussi le nom usuel de l'écorce du C. coccinea. Les deux espèces doivent donc produire des écorces très- semblables ; elles n'ont point été distinguées l'une de l'autre. C'est, d'après M. Howard, le quinquina décrit par MM. Delondre et Bouchardat1 sous le titre indiqué ci-dessus. « Les écorces de ce quinquina sont roulées sur elles-mêmes et très-longues; leur couleur a quelque rap- port avec celle de la cannelle de Chine. La surface externe est à sillons longitudinaux et peu profonds, avec des traces d'un épiderme blanc très-mince ; la surface interne est plus brune, à texture unie et très-serrée. La cassure est résineuse à l'extérieur et à fibres courtes à l'inté- rieur; l'épaisseur est de 3 à 4 millimètres; l'amertume est piquante et sans astriction. On en retire 30 gram. de sulfate de cinchonine par kilogramme, et 3 à 4 gram. de sulfate de quinine. On sera peut-être trop heureux de le retrouver un jour à venir, lorsque les autres es- pèces seront épuisées et que l'on sera venu à l'emploi de la cinchonine; mais aujourd'hui on n'en fait aucun cas, i Delondre et Bouchardat, loc. cil., pag. 32. / — m — et il n'en est arrivé, à notre connaissance, qu'une très- petite quantité en Europe. » Schleiden avait rapporté cette écorce à YUritusinga , mais les caractères microscopiques ne confirment point cette opinion. L' écorce du C. coccinea n'a pas encore été étudiée au point de vue anatomique. Voici, d'après Phœbus',les caractères du quinquina jaune deGuayaquil: fibres corticales rares, isolées, ou exceptionnellement groupées dans le sens du rayon ou en couches con- centriques; pas de lacunes; suber manquant par places; cellules à cristaux clans le liber et l'enveloppe cellulaire. III. Ciitcliona lueiimsefolia. C. lucumeefolia , Pav. in How., loc. cit., et C. stupea, Pav., ibid., et herbier Boissier. C. Condaminea 7 lucumeefolia, "Wedd., Hisl. nat. Quin- quinas, pag. 38 , pl. IV bis. — C. macrocalijx 7 lucumeefolia , DC. , Prod, IV, 353. ) C. à feuilles elliptiques, lancéolées, très-obtuses au sommet, bril- lantes à la face supérieure, sans scrobicules; dents du calice largement triangulaires, subacuminées. — Capsules ovales, arrondies à la base. Habite la province de Loxa et de Cuença. QUINQUINAS LUCUMEEFOLIA. A. Écorce du G. lucumeefolia, Pav. (Withe croivn bark, Pereira, loc. cit., 1638; vulgo Cascarilla con hojas de Lucuma.) Cette écorce vient accidentellement avec les quin- quinas gris et quelquefois aussi avec les quinquinas 1 Phœbus, loc. cit., pag. 41. * — 92 — Carthagène \ Elle diffère beaucoup des quinquinas de Loxa par l'absence de fissures transversales; elle est sillonnée extérieurement dans le sens de la longueur ; les couches subéreuses sont remarquablement blanches et lustrées. M.Howard a trouvé à l'analyse : quinine 0,68, cinchonidine 0,63, et cinchonine? 0,31; total 1,62 °/0. Examen microscopique. — L'examen microscopique montre des couches de liber très-nombreuses, des fibres corticales bien développées, pâles à l'extérieur, rouge brtm à l'intérieur et des cellules à résine mêlées en grand nombre à ces fibres ; la couche herbacée contient aussi beaucoup de ces cellules. (Voir Howard ; loc. cit., Micr. obs., tab. I, n° 8.) B. ÉCORCE DU C. STUPEA. (Cascarilla lagartijada (couleur de lézard), deLaubert, Bull.pharm., II, 298. — Quinquina de Linia très-rugueux, imitant le Calisaya (Guib., loc. cit. y 113)?. — Vulgo Cascarilla estoposa (fibreux) de Hualaseo.) Cette écorce arrive d'ordinaire mêlée aux quinquinas gris de Loxa. Voici, d'après M. Howard, ses principaux caractères, que j'ai pu constater sur les écorces que ce savant quinologiste a lui-même envoyées à l'Ecole de pharmacie de Montpellier. Les écorces fines sont couvertes de cryptogames variés. Les écorces plus grosses sont plus argentées, recouvertes découches subéreuses, qui s'exfolient par places et mon- trent la surlace du derme d'un brun clair, marquée d'impressions transversales et longitudinales, comme * Ex Howard, loc. cit. — 93 — dans l'écorce du C. rufinervis de Weddell. Elle se dis- tingue du reste de cette écorce par sa fracture entière- ment fibreuse, et parla surface argentée et chagrinée de son périderme. Ces caractères font croire à M. Howard que c'est bien là le Cascarilla lagartijada de Laubert. Les échantillons que j'ai sous les yeux me confirment pleinement dans cette idée. — Quant au synonyme de M. Guibourt, je ne le donne qu'avec la plus grande ré- serve. Examen microscopique. — Le microscope montre dans cette écorce des couches subéreuses brun foncé passant au brun pâle à l'intérieur; des couches herbacées avec de nombreuses cellules à résine et à cristaux, enfin des fibres corticales minces, groupées quatre ou cinq ensemble, entre desr ayons médullaires bien marqués. IV. Ciiicliona lanceolata. (G. lanceolala, Ruiz et Pav., Fl. Per., 51. — C. lancifolia /3. lan- ceolata, Rœm. et Schultes, Syst., V, pag. 9. — DC, Prod.,IV, 352.) C. à feuilles lancéolées-oblongues , glabres; grandes panicules de fleurs presque corymbiformes ; corolles roses-pourprées. Habite Muno, Pillao et Cuchero. Nous empruntons à la Flore péruvienne la diagnose de cette espèce, dont on n'a que des échantillons très- incomplets et insuffisants pour une caractéristique satis- faisante. Quelques exemplaires envoyés par M. Hasskarl à M. Howard, sous le titre de C. lancifolia, paraissent se rapporter mlanceolata de Ruiz et Pavon. En tout cas, les deux espèces semblent être extrêmement voisines. — 04 — Quinquina lanceolata. (La Cascarilla lampigna, Laub., Bull, pharm., II, 297. — Cascarillo Iqmpino, Ruiz, Quinol., art. IV, pag. 64.— Vulgo Cascarilla buba amarilla, ou Qmno bobo amartllo). Cette écorce telle que je l'ai sous les yeux, provenant de la collection Howard , est en morceaux légèrement cintrés, larges de 4 centimètres. La surface extérieure est chagrinée , marquée de nombreuses fissures trans- versales irrégulières , et recouverte d'un grand nombre de lichens blancs et noirs sur un fond micacé grisâtre. V. Cineliona laneifolia. (Mutis, Periodico de Santa-Fe, 1793, III; DC, Prod., IV, 352. — C. anyustifolia, Ruiz et Pavon, Supplément à la quinol., 14, cum tab. — C. Condaminea § laneifolia, Wedd., Hist. nat. Quinq., 38, tab. V.) C. à feuilles lancéolées, aiguës, atténuées à la base, souvent scro- biculées; capsules lancéolées. D'après les échantillons de l'herbier Triana que j'ai sous les yeux, cette espèce paraît présenter des formes diverses. Les auteurs décrivent les feuilles comme pri- vées de scrobicules ; la plupart des échantillons de l'her- bier Triana en ont de bien marquées ; en outre, l'aspect et les dimensions des feuilles varient passablement : tantôt elles sont coriaces et très-brillantes à la face supérieure, tantôt presque membraneuses ; quelquefois très-étroitement lancéolées (C. angustifolia , Ruiz et Pavon), d'autres fois beaucoup plus larges- Toutes pa- raissent cependant se rapporter au même type spécifique. Les échantillons à feuilles étroites sont marqués Tunila — 95 — de Bogota, d'autres à feuilles plus grandes et plus larges, Tuna de Fîisagasuga. m QUINQUINAS LANCIFOLIA. (Quitta naranjada ou Quina primitiva deMutis.— Cascarilla naranjada de Santa-Fe, Laub. , Bull, pharm., II, 314. — Quinquina de Carthagène spongieux ou Quinquina orangé de Midis, Guib., loc. cit., 142. — Quin- quina jaune orangé de Mulis; Quinquina jaune orangé roulé; Calisaya de Santa-Fe; Quinquina jaune de Mulis; Quinquina Carthagène ligneux, Delond. etBoucb., loc, cit., pag. 33-38, pl. XI, XIII, XIV, XVI. — China flava fibrosa ; China de Carthagène fibrosa, Gôbel et Kunze, pag. 59, tab. IX. — Orange coloured Cinchona bark ; Coquelta (Caquetta?) bark, english commerce, Pereira, loc. cit., 1644. — Quinquina Colombia et Carthagène du commerce.) « Ces écorces se récoltent sur le versant occidental1 de la Cordillère orientale, au S.S.O. de Bogota, dans une étendue de 2 à 3 degrés de latitude. » Cette espèce offre de nombreuses variétés, sinon bo- taniques, au moins commerciales et pharmaceutiques. y> Suivant la latitude, la température, la localité, la nature du sol, sa hauteur, son exposition, le rendement peut varier de 10 à 35 grammes de quinine par kilod'é- corce, et ce rendement est loin d'être le même dans les diverses parties d'un même arbre. Ces considérations s'appliquent du reste à toutes les espèces de quinquina. s> Ces écorces varient en couleur, du jaune plus ou moins foncé à l'orangé plus ou moins vif, et en gros- seur, depuis l'écorce plate, épaisse de 7 à 8 millimètres, jusqu'aux tuyaux roulés semblables à la cannelle. Leur surface externe présente aussi un aspect tout différent, suivant qu'elle a été grattée jusqu'aux vraies couches cor- ticales, ou suivant qu'on lui a laissé tout ou partie de — 96 — son épiderme micacé, souvent épais, ou même de ses li- chens et de ses mousses. Aussi en a-t-on fait à tort beaucoup d'espèces dans les livres et dans la droguerie. » Ce quinquina est, en général, tenace, friable, très- fibreux, à fibres plus ou moins longues, plus ou moins fines, peu chargé de tannin. Il est d'une élaboration très- facile; il donne un sulfate très -pur, très-blanc, très- léger, supérieur sous ces divers rapports au Calisaya lui-même; aussi est-il fort recherché par les fabricants, qui paient les variétés riches 6 à 8 fr. le kilogramme. On réserve à ces dernières le nom de Colombia, tandis qu'on donne le nom très-impropre de Carthagène aux variétés d'un plus faible rendement 1 . » Dans le commerce, on distingue les espèces suivantes qui ont toutes les caractères ci-dessus indiqués : A. Calisaya de Santa-Fe de Bogota. (Delond. etBouch., loc. cit., pag. 33, pl. XI, non Laubert.) Ecorces très-menues de 4 millimètres et moins d'é- paisseur, à surface externe celluleuse, d'un jaune tirant sur le rouge. Fibres courtes se détachant facilement sous le doigt. Ce quinquina vient probablement du côté de Popayan. Il donne de 30 à 32 grammes de sulfate de quinine et 3 ou 4 grammes de sulfate de cinchonine. B. Quinquina jaune orangé roulé. (Delond. et Bouch., pag. 34, pl. XI.) Venant souvent mêlé au quinquina orangé en grosses écorces. Ëcorces longues, minces, roulées comme la 1 Rampon ; Notes inédites. — 97 — cannelle de Ceylan, dont elles ont la couleur. Cassure résineuse en dehors, fibreuse en dedans; amertume franche. 38 grammes de sulfate de quinine, 4 à 5 gram. de sulfate de cinchonine. C. Quinquina jaune orangé de Mutis. ( Delond. et Bouch., pag. 35, /;/. XIV. — Quinquina orangé de Mutis (Guib., loc. cit., 142). — Caqueta bark of english commerce, Pereira, loc. cit., 16M. — Quina naranjada et Quina primiliva, Mutis. — China flava pZbrosa, Gôbel et Kunze , pag. 59, tab. IX. — Quinquina Colombia du commerce.) Écorces légèrement cintrées, épaisses de 2-8 mill. jaune orangé, plus ou moins rouge. Texture uniforme à fibres longues et flexibles ; surface extérieure plus foncée que l'intérieure, quelquefois recouverte de pla- ques micacées. Fracture transversale ligneuse en dedans, subéreuse sur une épaisseur d'un millimètre au plus. Amertume légèrement aromatique. Ces écorces pro- duisent 15-46 grammes de sulfate de quinine. M. Ram- pon a envoyé à l'École de pharmacie de Montpellier des échantillons qui en donnent de 24 à 30 grammes par kilo. D. Quinquina jaune de Mutis. ( Delond. et Bouch., loc. cit.. pag. 37, tab. XVI. — Calisaya de Santa- Fe?, Laub. , Bull, pharm. , II, 303. — Quinquina Colombia du com- merce. ) Ce quinquina diffère du précédent par la couleur de sa surface interne, qui est d'un jaune ocreux, sa texture moins unie, les sillons longitudinaux de la surface in- terne et les rides de la surface externe. MM. Delondre et — 98 - Bouchardatlui attribuent 12-44 grammes de sulfate de quinine et 5 à 6 grammes de sulfate de cinchonine. Un échantillon envoyé par M. Rampon, et qui se rap- porte bien à cette espèce commerciale, est marqué comme donnant de 28 à 32 grammes de sulfate de qui- nine; une écorce de la môme espèce a été désignée par Howard : C. lancifolia var. ? rich in alcaloïds. E. Je rapprocherai de ce quinquina une écorce venant également de la collection de M. Howard, avec cette suscription : C. lancifolia var. from Chiquinquera. Ces échantillons sont enroulés quelquefois en double volute; ils ont de 2 à 3 centimètres de diamètre ; la surface ex- terne est ridée longitudinalement et marquée de faibles rugosités transversales ; la couleur est jaunâtre, lederme revêtu ça et là de plaques micacées; la cassure, subé- reuse à l'extérieur, est fibreuse à l'intérieur ; les fibres sont longues et flexibles; la face interne, de la couleur de l'externe, est finement silonnée longitudinalement. L'amertume se développe assez vite avec peu d'astiïn- gence. F. Quinquina Carthagène ligneux. (Delond. et Bouch., loc. cit., pag. 35, pl. XIII. — Quinquina Cartha- gène du commerce actuel. ) Cassure caractéristique à longues fibres, flexibles ; surface externe jaune rougeâtre, avec quelques plaques micacées; surface interne jaune fauve; texture unie, montrant cependant les longues fibres de récorce. Amertume se développant facilement, sans astringence, et persistante. — 99 — D'après MM. Delondre et Bouehardat, cette écorce donne jusqu'à 90 grammes de sulfate de quinine sans cmehonine. M. Rampon attribue aux échantillons qu'il a envoyés, 16 à 18 grammes de sulfate de quinine par kilogramme. Quinquina a quinidine du commerce. (Quinquina rouge de Mulis, Del. et Bouch., pag. 37, pl. XV, et Quin- quina Carthagène rosé, ibid.) Faut-il rattacher aux quinquinas lancifolia une écorce que j'ai reçue de M. Rampon, sous le nom de quinquina à quinidine et qui, d'après lui, répond au quinquina rouge de Muêis:, Delond. et Bouch., et au quinquina Car- thagène rosé des mêmes auteurs? La même écorce est marquée par M. Howard : Cinchona lancifolia red variety, et ses rapports avec les quinquinas du C. lancifolia pa- raissent, en effet, bien évidents. La structure anatomique du Carthagène rosé rapproche aussi cette écorce de celle du lancifolia, mais celle du quinquina rouge paraît un peu différente, et M. Phcebuus, quia fait connaître la con- stitution de ce quinniina , ne serait pas éloigné de l'at- tribuer au C. Palton. Il me paraît cependant difficile d'assimiler le quinquina à quinidine au quinquina Palton q>ue nous avons décrit, et il) est, je crois, beaucoup plus conforme à l'observation' de placer cette écorce à côté des précédentes. En tout cas, voici sur ce point les renseignements que M. Rampon a bien voulu me transmettre. « Quinquina à quinidine. Cinchona.... à spécifier bo- taniqnement. — 100 — »On le récolte au nord de Bogota, à Vêlez, au Socorro, dans la province d'Ocana et de Pamplona. »Son écorce a la même texture que celle du lancifolia; mais sa surface externe, lorsqu'elle est dépouillée de l'épiderme micacé, offre une teinte rosée ou rouge plus ou moins vive, tout à fait caractéristique pour un œil exercé. 2>Elle imite assez bien dans ses grosses écorces l'aspect du quinquina rouge, mais elle en diffère essentiellement par la structure et la composition chimique. «Nous n'avons pu étudier sa floraison, mais ses feuilles ont une dimension et une forme très-différentes de celles du C. lancifolia, dont l'éloignent aussi la teinte caractéris- tique de son écorce et l'alcaloïde qui prédomine en elle. »Le rendement est de 15 à 22 grammes d'alcaloïdes par kilo. — Prix 3 à 4 francs le kilogramme. » Examen microscopique des écorces du C. lancifolia. Ces écorces présentent en général: des fibres cor- ticales disposées à la fois en séries rayonnantes et en couches concentriques. Cette dernière disposition est sur- tout prononcée dans les couches extérieures du liber. Les pores de ces fibres sont d'ordinaire très-marqués. L'écorce moyenne est plus ou moins développée et con- tient, ainsi que le liber, des cellules à résine ou à cris- taux. Dans les jeunes écorces, on retrouve la disposition des éléments fibreux en couches concentriques. Beau- coup de cellules sont encore béantes et en voie de for- mation ; cà et là quelques vaisseaux laticifères, et, dans les deux zones internes, des cellules à résine. — 101 — Toutes les écorces que nous avons décrites (même le quinquina rouge de Mutis) répondent assez bien à ces caractères ; il n'y a réellement entre elles que des dif- férences individuelles tenant à l'âge de la branche d'où elles proviennent, ou à des circonstances analogues. (Voir pour les détails, Phœbus, loc. cit. p. 42-49.) Vf. Cinclioua Pitayensis. (Cinchona Condaminea s PUayensis, Wedd. Hist. nat. Quinq.,pag. 38. — Cinchona lanceolata, Benth. Plant. Hartweg., non Ruiz et Pav. Cin- chona Trianœ, Karst. , in herb. Triana. ) C. à feuilles épaisses, glabres, lancéolées, acurainées, atténuées à la base; dents du calice linéaires; capsule ovoïde allongée. Habite la Nouvelle-Grenade. QUINQUINA PITAYENSIS. (Quinquina Pitayo, Del. et Bouch. , loc. cit., pag. 33, pl. XIII. — Quinquina Pitaya ; Quinquina de la Colombie ou d'Antioquia, Guib., loc. cit., 140. — Quinquina pareil au Calisaya, Laub., loc. cit., pag. 303. — Quinquina brun Carthagèneel Quinquina rouge Carlhagène, Guib., loc. cit., pag. 126. — Pitaya Condaminea bnrk, Pereira, loc. cit., 1643. — Quin- quina Almaguer, Rampon, Notes inédites.) '. II. — Quinquina de Lima gris ligneux (Guib., loc. cit., pag. 111). — Vulgo Pala de Gallareta des Péruviens ; Cascarilla Carabaya; Zamba morada.) Peu de Cinchona varient autant que le C. ovala, et c'est surtout dans les écorces que se font remarquer ces varia- tions. Un même individu , nous dit M. Weddell , « pro- duit fréquemment , de chaque côté de son tronc , des variétés distinctes d'écorces »; aussi me paraît il difficile de distinguer très-nettement les produits commerciaux des deux variétés. Voici ce que nous pouvons dire de plus positif à ce sujet : D'après M. Howard', la Cascarilla Pat a de Gallareta, écorce roulée de C. ovala de Pavon , paraît ne venir qu'accidentellement dans le commerce. M. Pereira avait rapporté à cette espèce son « Ash Cinchona»; mais l'examen d'échantillons authentiques a prouvé à M. Ho- ward qu'une pareille identification était impossible. D'après M. Weddell2, le Quinquina ovata devrait être identifié à beaucoup de quinquinas roulés de Loxa et de Huanuco. « M. Guibourt, dit-il, a positivement reconnu dans l'un des échantillons que je lui ai communiqués , l'écorce qu'il désigne sous le nom de Quinquina de Lima gris fibreux (ligneux?). Le C. ovata vulgaris paraît produire aussi les écorces 1 Howard, loc. cit. * Weddell, loc. cxU — 124 — connues dans le commerce anglais sous le nom de Ca- rabaya bark> et qui sont importées à Londres depuis 1846 ; au moins M. Weddell les a-t-il rapportées à cette variété ordinaire plutôt qu'au C. rufinervis ' , que son nom Cascarilla Carabaya aurait pu faire considérer comme l'origine de ces quinquinas. Ce sont, d'après Pereira, des écorces légères, d'un brun de rouille plus ou moins prononcé; les écorces roulées ont la grosseur du doigt et une longueur variable. Elles sont tantôt recouvertes , tantôt privées de périder- me. La surface extérieure est d'un gris rougeâtre, mar- quée de sillons longitudinaux plus rarement transver- saux. Quelques écorces sans périderme ont une teinte d'un vert de thé ( lea-green Carabaya quills). Les écor- ces plates ( Fiat Carabaya ) sont formées seulement de liber et d'une partie de la couche cellulaire. La surface externe du derme est parfois noirâtre , avec des verrues plates couleur de rouille , d'autres fois d'une couleur foncée et comme saupoudrée d'une poussière jaunâtre. La couleur du liber à l'intérieur est ordinairement d'un jaune plus ou moins orangé; parfois aussi elle rappelle celle des quinquinas rouges {Red Carabaya bark). L'écorce de Carabaya est surtout employée dans les fabriques de sulfate de quinine, où elle remplace le Cali- saya. Elle donne 3 ou 4 °/0 d'alcaloïdes: cinchonine, quinine et quinidine. Les écorces de la variété rufinervis imitent bien le Ca- lisaya , et se trouvent mêlées avec ce riche produit. Elles 1 Voir Pereira, Mat. méd. 9 — 122 — s'en distinguent en ce que « la fibce est beaucoup plus fine et plus serrée, et la surface extérieure présente des taches noires dues à des restes de croûtes cellulaires gorgées de suc brun. » (Guibourt, loc. cit.) XV. C/'incIioom Hiacciriibra. (Pav., Quinol,, in Howard, loc. cit. — Klotzsch, in Habband. der Académie derWissench. zu Derlin, pag. 60. — C. ovata y erylhroderma, Wedd., Hist. nat. Quiaq., 61.) Arbres à feuilles largement ovales, brièvement acuminées, pubes- centes en dessous, surtout sur les nervures; écorce sèche, rouge foncé, à tunique cellulaire persistante. Habite Huaranda , dans la province de Quito. QUINQUINA SUCCIRUBRA. (Quinquina rouge vrai non verruqueux et verrvqueux, Guib., loc. cit., pag. 121-124. — Quinquina rouye vif cl rouge pâle, Del. et Bouch., 29, pl. VII, et 30, pl. VIII. — Castarilla roxa verdndera, Laub., Bull ph., II. — China rubra ; rothe China, Bergen. — China rubra ; cortex China} ruber, Gôbel et Kunze , 69, pl. XI, fig. 1-5. — lied Cinchona , Pereira, Mat. medic, pag. 1641. — Vulgo Cascarilla colorada de Huaranda.) Le quinquina rouge , estimé à juste titre pour sa va- leur en principes actifs, a été tout d'abord rapporlé au C. obloïKjijolia de Mutis , qui n'est qu'un Cascarilla dépourvu de tout principe fébrifuge. M. Guibourt le pre- mier montra, par l'examen d'un échantillon authentique du C. oblongifolia apporté par M. de Humboldt, qu'il fal- lait chercher ailleurs l'origine des quinquinas rouges of- ficinaux. La solution fut presque donnée par M. Weddell qui, dans son Histoire naturelle des quinquinas, fut tenté de rapporter l'écorce en question au C. ovata erythro- — 123 - derma. Enfin , M. Howard , d'après des échantillons authentiques du G. succiriibra de Pavon, admit que cette écorce devait, en elïet, être attribuée à ce C. suc- ciriibra. Ses vues ont été confirmées par la découverte laite par Spruce de l'espèce elle-même. Les observations microscopiques concordent du reste avec toutes les au- tres preuves pour corroborer cette opinion. Nous empruntons à MM. Delondre et Bouchardat la description de ces écorces , renvoyant pour les détails aux divers auteurs que nous avons cités. « Quinquina rouge vif. — On trouve ce quinquina dans les forêts de la province de Quito ; il arrive au port de Guayaquil en surons ou en caisses de 50 à 60 kilogram. Les écorces plates sont épaisses de 5 à 12 millimètres; l'épiderme est quelquefois très-épais , fendillé en tous sens , tantôt d'un blanc argenté se détachant facilement, et tantôt d'une nature fongueuse. D'autres écorces ont un épiderme si adhérent , qu'il forme pour ainsi dire corps avec le derme; il est sans fissures, couvert de points rugueux proéminents , d'un rouge brun foncé. La surface interne est d'un rouge brun, qui devient un peu rose à la cassure. La texture est unie, à fibres courtes et fines, se détachant facilement et pénétrant dans la peau en y causant de la démangeaison, comme celles du Calisaya de Bolivie. Il existe au-dessous de l'épiderme un cercle résineux très-épais. L'amertume se développe facilement et est légèrement styptique. Ce quinquina con- tient de 20 à 25 grammes de sulfate de quinine et 10 à 12 grammes de sulfate de cinchonine. On peut retirer du — 124 — sulfate de quinine une notable proportion de la cristal- lisation appelée quinidine1. » Les écorces roulées, qui rappellent dans leurs princi- paux traits les écorces plates, sont décrites sous le nom de quinquina rouge pâle. J'ai sous les yeux de jeunes écorces provenant de C. succirubra de trois ans, cultivés à Hakgnlle(Ceylan). Elles sont extérieurement d'un gris foncé, avec de toutes petites verrues assez régulièrement distribuées; la surface in- terne est jaune brun, à peine fibreuse. Examen microscopique. — L'étude microscopique de cette écorce a été faite par MM. Klolzsch2, Howard5, Phœbus4, etc. Les fibres corticales rappellent dans leur disposition celles du C. Calisaya; il y a beaucoup de cellules et quelques vaisseaux laticifères à cristaux dans l'écorce moyenne. M. Howard a parfaitement vu au mi- croscope des cristaux de kinovate de quinine5 qui se sont précipités des sucs de l'écorce en dehors des cel- lules. XVI. 4L ■ mi fit on h glaiitlulifera. (Ruiz et Pavon, Flor. Péruv., III, 51, tab. 224. — DC. , Prod., IV, 354. — "Wedd. , Hist. nat. Quinq., 65, tab. XXI. — Cinchona undulalv, Kinol., olim glandulifera, Pav., ex herb. Boissier.) Arbrisseau à feuilles presque sessiles, orales lancéolées; poils * Delondre et Bouchardat, loc. cil. 2 Klolzsch, loc. cit. 3 Howard, loc. cit., tab. II, fig.il., 12, 13. * Phœbus, loc. cit., pag. 38. * Howard, loc. cit., tab. H, fig. 12b. — 125 — glanduleux à la face inférieure; capsule petite, oblongue, pubescente. Habite les montagnes élevées du Pérou à Panatahuas, Cicoplaya, Monzon et Cuchero. QUINQUINA GLANDULIFERA. (Vulgo Cascarilla neyrilla de Hunynquil y Cicoplaya.) D'après M. Wecldell, le docteur Poppig attribue au C. glandulifera l'origine d'un des meilleurs quinqui- nas de Huanuco ; mais ce naturaliste paraît avoir ap- porté des écorces qui ne répondent point à sa descrip- tion. Il est donc probable qu'il a fait quelque confusion; il a pris peut-être pour écorce du C. glandulifera celle des jeunes branches du C. nitida, qui portent le même nom vulgaire. M. Pritchett assure que le Quinquina glanduliftra n'est plus depuis longtemps dans le com- merce. (Voir Howard, loc. cit.) XVII. Ciiicliona Himiboldtiana. (Laub., 111., 7. — Wedd., Hist. nat. Quinq., 67, pl. X, B. — C. villosa, Quinol., Pav. — Lind., Flor., Med. — Walpers, Répert., VI, 65.) C. à feuilles ovales lancéolées, aiguës, pileuses à la face inférieure; capsule ovale, villeuse. Habite Jaen, dans le Pérou septentrional. QUINQUINA HUMBOLDTI ANA . (China pseudo-Loxa ; Dunlde ten China, Bergen. — Dunkle Jaen China ou pseudo-Loxa , Gobel et Kunze, loc. cit., 67, tab. V. — Dark Jaen bark, Pereira, Mat. med., 1639. — Quinquina de Loxa inférieur; Quin- quina ten foncé, Guib., loc. cit., pag. 103.— Ashy crown bark, Pereira, Mat. med., 1639. — Vulgo Cascarilla pelluda.) Le C. Humboldtiana fournit avec le C. macrocalyx — 126 — la plus grande partie des écorces foncées de Jaen dont nous avons parlé précédemment (voir pag. 88). Les échantillons de celte écorce envoyés par M. Ho- ward forment de longs cylindres, souvent tordus sur eux-mêmes et mal roulés, de la grosseur d'une plume d'oie; la surface extérieure varie du gris au brun, avec de nombreuses taches de lichen ; elle est ridée dans le sens de la longueur et parfois transversalement sillon- née ; la surface interne est ocracée et fibreuse; la sa- veur est peu amère, astringente et acidulé, l'amertume se développe lentement. XVIII. Cincltona conglomerata. (Pav., Nueva Quinol., ex Howard, loc. cit., et herbier Boissier. ) Arbre à feuilles oblongues lancéolées; inflorescence en panicule serrée; capsules ovales. Habite la Hacienda de Huaranda, près de Jaen dans la province de Quito. Cette espèce n'est probablement qu'une variété de la précédente. QUINQUINA CONGLOMERATA. (Quinquina rouge de Loxa, de Joseph de Jussieu. — Cascarilla colorada.) Les écorces de cette espèce rapportées par Pavon se distinguent par leur densité et les rugosités de leur sur- face. Elles ont de nombreuses fentes transversales , moins profondes que celles de YUritusinga; la coupe transversale montre une substance rouge-brun. C'est un quinquina très-fin, mais qui ne se trouve qu'acciden- tellement dans le commerce. Du temps de Pavon, il était — 127 — très-réputé. « Cortices virtutibus eminentibus prœstant in febribus tertianis 1 . M. Howard a trouvé cette écorce tout à fait semblable à un échantillon du Muséum de Paris étiqueté :k Quin- quina de la moiittiijnc de Cajunuuia, près Loxa< Casca- rilla co/oruda (Kina-Kina, Cortex-Ruber), apporté du Pérou par Joseph de Jussieu, qui la considère comme la plus efficace et comme déjà très-rare et presque incon- nue de son temps. » La Cascarilla colorada, trouvée dans le commerce par M. Howard, lui a donné 1,68 % d'alcaloïdes : qui- nidine, quinine et cinchonine. XIX. Cincliona iimnellnlifera. (Pav., Nuev. Quinol., ex IIow., loc. cit.) C. à feuilles ovales oblongues, à panioule serrée. Habite sur les collines boisées de Jaen. Cette espèce, appelée vulgairement Cascarilla provin- ciana fina ou Cascarilla crespilla, a une écorce argen- tée, légèrement bourgeonnée, qui entre très-probable- ment dans les écorces fines de Loxa. XX Cincliona palimliana. ( Howard, loc. cil. ) Arbre élevé à feuilles subcoriaces, polymorphes, ovales ou ellipti- ques, obluses, pubescentes à la face inférieure, sans scrobicules; tube de la corolle pentagone, fendu sur les angles à la base. Habite Uchubaniba, dans le Pérou central. Cette espèce n'a d'intérêt que parce qu'elle a été in— 1 Pav., Nueva Quinol., ex How., loc. ctt. — 128 — troduite à Java, où elle réussit très-bien. L'écorce, qui porte dans le Pérou le nom de Cascarilla crespilla chicha, ne contient que très-peu de principes actifs, si bien que l'on a abandonné sa culture à Darjeeling. M.deVrij, qui n'a trouvé d'abord que 0,50 % d'alcaloïdes dans cette écorce très-jeune, espère qu'elle donnera plus tard de meilleurs résultats. XXI. Cincliona cordifolia. (Weddell , Hist. nat. Quinq., pag. 37, tab. XVII.) Arbres à feuilles ovales arrondies, obluses, cordées ou légèrement atténuées à la base, pubescentes à la face inférieure; capsules» lan- céolées, beaucoup plus longues que larges. Var. « Vera , feuilles ovales , subcordées , pubescentes à la face inférieure. ( C. cordifolia, Mutis, ex Humb. ; Mag. Ges. nat. Freunde. Berl., 1807. — Walpers, Repert, \, 65. — C. pubescens a cordala, DC, Prod. IV, 353. — C. Goudotiana, Klotzsch, ex herb. Boissier. — C. lulea, Pav., Quinol., in Howard, loc. cit.) Habite , de la Nouvelle - Grenade au Pérou , presque toute la région cinchonifère, de 1700 à 2700 d'altitude. Var. /3 Rotundifolia , feuilles arrondies obluses , un peu pubes- centes sur les nervures de la face inférieure. ( C. rotundifolia, Pav. , mss ex Weddell.) Habite Loxa. QUINQUINAS CORDIFOLIA. ÉCORCES ROULÉES DU C. LUTEA (C. COrdl(oUa). D'après l'examen consciencieux qu'a fait M. Howard de l'écorce de C. lutea, cette espèce serait l'origine des — 129 — quinquinas pâles de Jaen , dont nous traiterons à propos du C. subcordata, Quinquina cordifolta plat. (Quinquina de Car Ikagène jaune pâle, Guibourt, loc. cit., 156. — Quin- quina maracaïbo, Del. et Boucli., 38, /;/. XY1II. — China fluva dura, Bergen. — Curthagena hard Cincltona bark, Pereira, 1642. — Vulgo Cascarilla mula ou )iula cascarilla des Péruviens et des Boliviens. — Quina am'arilla de Bogota. ) «Cette écorce ne présente ni la couleur fauve, ni les formes régulières des quinquinas orangés de la Nouvelle- Grenade. Elle est d'un jaune pâle, à surface externe plus ou moins ridée longitudinalement, avec quelques lam- beaux micacés ; rarement roulée ; souvent en forme de copeaux ou en plaques allongées plus épaisses ou plus ou moins obliquement tendues. «C'est une espèce inférieure qu'on trouve assez rare- ment dans le commerce, et qui ne mérite pas cependant le mépris qu'on lui a voué. Elle est beaucoup plus efficace que certains quinquinas gris débités chez les droguistes, et qui ne contiennent que du tannin, beaucoup plus effi- cace que tous les succédanés qu'on a cherchés à grand frais au quinquina dans nos régions européennes. Nous l'avons souvent administrée dans nos voyages, à défaut d'autre, et toujours avec succès, en proportionnant les doses et en faisant réduire convenablement la décoction avec du jus de citron, acide qu'on a presque toujours sous la main en Amérique 1 .» D'après MM. Delondre et Bouchardat, ce quinquina contient 10 à 12 grammes de sulfate de cinchonineet 2 ou 3 de sulfate de quinine. 1 Rampon ; Notes inédites. — 130 — M. Phœbus, après avoir étudié les caractères anato- miques de cette écorce, hésite à l'a rapporter au C. cordi- folia. Les témoignages de tous les voyageurs et de tous les auteurs sont trop unanimes à cet égard pour que nous partagions les mêmes doutes. XXII. Clncliona sultcordata. (Pav., Nueva Quinol., ex Howard, loc. cit. ) Arbre peu élevé, à feuilles ovales subcordées ou presque arrondies, acuminées, ondulées; capsule oblongue. Habite les collines de la province de Loxa. QUINQUINA SUBCOPDATA. (Quinquina de Loxa cendré A, Guib., pag. 152. — China Jaen; Blase Ten-China, Bergen.— China Jaen ; China Tenu, s. Tena, Gôbel et Knnze, pag. 67, tabl. X, fig 6-9. — Ash Cinchona, Pereira, Mat. méd., 1636. -— Vulgo Pala de Gallinazo. ) D'après les recherches de MM. Howard et Pereira, c'est à cette espèce qu'il faut rapporter Y Ash bark de ce dernier auteur, et non, comme il l'avait fait d'abord, au C. ovata vulgaris. Voici les caractères assignés par Pereira à ces écorces: Elles sont en cylindres de grosseur et de longueur moyen- nos ; leur caractère distinctif est leur courbure en arc ou leur torsion très-marquée. La surface extérieure est marquée de quelques fentes transversales et surtout de sillons longitudinaux; sa couleur varie du gris cendré au gris noirâtre ou au jaune pâle, avec taches blanchâtres ou brunes; la surface intérieure est d'un brun cannelle, la fracture transversale nette ou fibreuse; l'odeur est celle — 131 — du tan, la saveur faiblement astringente et amère, la couleur de la poudre brun cannelle. Cette écorce arrive en caisses et en surons par le port de Payta, L'analyse microscopique montre les caractères sui- vants: suber très- pâle et payant peu à peu à l'enveloppe cellulaire, cellules à résine rares et peu développées; 'beaucoup d'amidon dans les cellules de la couche her- bacée; rayons médullaires nombreux interrompus par les fibres du liber. M. Howard a trouvé à l'analyse chimique 2 °/0 de cin- chonine sous diverses formes. XXIII. Ciiicliona deciirrentifolia. (Pav. , Nueva Quinol., in Howard, loc. cit., et herb. Boissier. — An C. purpurascens, Weddell, Hist. nat. Quinq., 39, pl. I?) C. à feuille? obovales , presque arrondies ou obovales elliptiques, décurrentes; capsule oblongue, devenant souvent monstrueuse parla piqûre des insectes. Habite la province de Loxa. M. Howard soupçonne que cette espèce pourrait bien être le C. purpurascens de M. Weddell. La forme des feuilles, l'avidité avec laquelle les insectes les dévorent, enfin l'analogie des écorces, semblent confirmer cette opinion. QUINQUINA DECURRENTIFOLIA. {Quinquina blanc de Loxa, Guib., loc. cit., 153. — Kina-kina à écorce blanche de Lo.ui, de Jusrph île J'ussïeu, ex Howard, loc. cit. — Vulgo Cas- curdla altumada. — Cascarilla blanca des Péruviens. Cette écorce ressemble au quinquina de Jaen pâle ; elle en diffère par sa structure plus fibreuse. Son épi- — 132 — derme est blanc verdâtre, ou couleur de rouille, ce qui lui a valu son nom vulgaire ahumada {enflammé). M. Gui- bourtadélerminéleséchantillonsdeM. Wownvà: quimjuina blanc de Loxa; il donne le même nom à l'écorce du C. pitrpurascensôeM. Weddell. CependanlM. Weddell pense que le quinquina blanc est surtout produit par le C. cor- difolia et le C. pubcscens. Celte écorce présente au microscope un suber médio- crement épais, des couches herbacées brunâtres, de larges fibres corticales groupées entre des rayons médullaires bien marqués; pas de vaisseaux laticifères. XXIV. Ciiieliona Ulutisii. (Weddell, Hist. nat. Quinq., 69, tah.XXIl. — Lamb., Illust. exclus, syn. Flor. Peruv. — C. ylandulifera, Lindl., Flor. medica.) Arbre à feuilles elliptiques, ovales ou oblongues, coriaces, bril- lantes à la face supérieure, chargées de poils en dessous, à Lords enroulés; capsule oblongue ou ovale oblongue; corolle pubescente en dedans du tube. Habite Loxa. Var. a Microphylla, feuilles ovales, aiguës. ( C. microphylla Mutis (Auct. Zea, fuie Lamb.). — Pav., Nueva Quinol., Howard et herbier Boissier. — C. guercifolia, Pav., Mss in herb. Lam- bert, fuie Weddell. ) Var. /3 Crispa, feuilles plus grandes, elliptiques, ovales, à base plus ou moins arrondie. ( C. parabolica, Kinol., Pav., ex Howard et herb. Boissier. — C. quer- cifulia var. crispa, Pav., in herb. Lambert, fuie Weddell.) A ces deux variétés de M. Weddell, j'ajouterai comme intermédiaire : — 133 — C. Mutisii rugosa, feuilles ovales, arrondies, intermédiaires pour les dimensions entre celles des variétés précédentes; capsules glabres à la maturité. (C. rugosa, Pav., Quinol. et herb. Boissier. ) QUINQUINA MUTISII. (Quinquina p'aynna de, Loxa, Guib. , loc. cit., 159. — Vulgo Cascarilla crespilla con liojas rugosas. ) La variété |3 du Mutisii donne une écorce vulgaire- ment appelée Cascarilla crespilla con hojas rugosas , que M. Guibourt a décrite en ces termes, sous le nom de Quinquina payama de Loxa : « Écorce filandreuse, rougeâtre, de saveur nulle, tantôt revêtue d'un épiderme gris, fortement chagriné comme celui des quinquinas gris, tantôt recouverte d'un épiderme lisse, feuilleté et d'une teinte rosée. Il présente un grand nombre de li- chens blancs foliacés, mélangés du bel Hypocnus rubro- cinctus, observé aussi sur le quinquina gris de Lima et le quinquina rouge. Cette écorce, dont la valeur est tout à fait nulle, se trouve chez M. Delessert sous le nom de Cascarilla crespilla con hojas rugosas de Loxa, Cin- chona parabolica (lettre j). Le Musée britannique la possède également sous le nom de Cinchona de hojas rugosas de Loxa 1 ( écorce n° 9 ). » Ce quinquina est, de l'avis de Pavon (herb. Boissier), une mauvaise écorce. Je l'ai vue dans la collection envoyée par M. Howard à l'École de pharmacie de Mont- pellier, avec l'étiquette C. parabolica , Pavon, at limes imported as crown bark. 1 Guib., loc. ctt., pag. 159. — 134 - Sous la désignation de C. rugosa Pav. ? called crown bark, cornes largcly via Guyaqnil, M. Howard a égale- ment envoyé des écorces roulées, d'une couleur grisâtre, avec de nombreuses rides annulaires, d'un rouge cannelle à la surface intérieure. Le périderme détaché laisse voir un derme jaune fauve marqué de quelques impressions transversales. La cassure est filandreuse comme celle du C. parabolica, la saveur légèrement ainère, très- astringente. L'examen microscopique du Cascarilla con hojas de Roble (C. Mutisii microphylla), montre un suber épais, brun foncé à l'extérieur, pâle à l'intérieur; des cellules à résine nombreuses et de dimensions moyennes; des rayons médullaires très-nombreux ; des fibres corticales étroites, groupées en longues rangées radiales, qui em- piètent sur l'enveloppe cellulaire. XXV. Cinchona hirsuta. (C. ftirsula, RuizetPav., Flor. Per., II, pag. 51, tab. 192. — Weddell, Hist. nal. Quinq., 70, lab. XXI. — C. rordifoUà vur. fi, Rhode, Monog., 59. — C. pubescensy liirsula, DC, Prod., IV, 353. — Cascariilo delgudo, Ruiz, Quinol., art. 111, pag. 60.) Arbre grêle à feuilles elliptiques, ovales, obtuses, atténuées à la base, coriaces, garnies de poils soyeux à la face inférieure; tube de la corolle pubesceut intérieurement à l'a base des élamines. Habite les montagnes élevée du Pérou, à Pilluo, Aco- mayo, Panatahuas, vers le 10e degré lat. aust. — 135 — QUINQUINA I1IRSUTA. (Cascarilla iklyuda , Laub., Bull, pharm., II, pag\ 296. — Vulgo Cascarilla fina delgada des Péruviens. — An Wiry loxa bark, Pereira, Mat. méd., 1640?) Sous le nom de Cascarilla delgada , l'écorce du C. hirsuta est décrite par Laubert de la manière sui- vante :« Sa surface externe est un peu raboteuse avec de petites fentes transversales et d'un gris clair, à cause des lichens blanchâtres , moins argentins que ceux du C. nitida, qui la recouvrent en grande partie. Les en- droits dépourvus de cette enveloppe offrent la couleur de rouille, surtout lorsqu'on les regarde avec une bonne loupe: elle est remarquable par sa finesse, ayant rare- ment une demi-ligne d'épaisseur et 2 à 3 lignes de diamètre; sa surface interne d'un jaune pâle, sa cassure nette et résineuse, avec quelques filaments extrêmement petits à sa partie interne; elle est bien roulée et se rap- proche beaucoup des précédentes par son amertume et son arôme. On la trouve ordinairement mêlée aux au- tres espèces fines, mais elle est très-rare 1 . » Et en note: « La cause de la rareté de celte écorce est son extrême finesse. Les cnscarilleros ne trouvent pas leur compte à l'exploiter, puisqu'un journalier, dans le même espace de temps, peut se procurer huit fois plus de Peruviana que de delgadilla.. » Le Wiry Loxa bark de Pereira rappelle par sa finesse le Cascarilla delgada, mais il n'a pas les petits sillons transversaux de cette écorce. 1 Laub.; Bull, ph., toc. cit> — 136 — I. Cinchona heterophylla, Pav. (Pav. , Nueva Quino)., in How., loc. cit.) C. à feuilles ovales, ovales-cordées ou obovales; capsules ovales. Habite las Azogues, province de Cuença. QUINQUINA HETEROPI1YLLA. L'écorce de cette espèce, appelée quina negra ou ne- grilla, arrive assez souvent mêlée au Calisaya roulé; c'est, d'après M. Howard, l'écorce figurée par Gobel et Kunze dans la planche V de leur Waareiikunde, et attribuée par eux au C. scrobiculala . Elle est remarquable par sa cou- leur gris noir, sur laquelle tranchent de beaux lichens blancs foliacés. La couleur de la surface extérieure est d'un brun foncé. L'écorce contient une forte proportion d'acide cincholannique et d'acide quinovique et 4,48 °/0 d'alcaloïdes: quinidine et cinchonine. XXV II. Cinchona sunerosa. (Pav., Quinol., in How., loc. cit.) Arbre à feuilles oblongues, acuminëes, pubescentes à la face in- férieure; écorce subéreuse; fleurs paniculees. Habite la province de Loxa. QUINQUINA SUBEROSA. Cette écorce se trouve parfois mêlée aux quinquinas gris ou même au Calisaya de Carabuya. Reichel, qui l'a parfaitement décrite (fide Howard) , la dislingue du pseudo Loxa de Bergen: 1° à sa moindre densité ; 2° à sa — 137 — couleur passant au gris brun; 3° au petit nombre de ses fentes transversales, si faiblement imprimées qu'elles échappent à un premier coup d'œil; 4° à son goût moins amer. Son action paraît aussi puissante que celle du pseudo- Loxa. Nous venons de passer en revue toutes les espèces du genre Cinchona qui sont connues pour fournir des écor- ces officinales. Nous pourrions traiter maintenant des faux quinquinas fournis par des genres voisins, et qui ont à diverses époques paru dans le commerce mêlés aux quinquinas vrais ; mais nous croyons inutile d'abor- der cette étude. Ces écorces sont actuellement assez dépréciées pour ne plus tromper personne, et l'analyse chimique est là pour faire justice de celles qui se glisse- raient dans les pharmacies. Nous nous contenterons de les indiquer dans le tableau par lequel nous allons ter- miner ce travail, et où nous nous proposons de donner la liste des principales espèces commerciales sous leur nom vulgaire et avec l'indication de leur origine bota- nique. Ce sera le meilleur moyen de résumer la seconde partie de notre mémoire. 10 X" ABL EAU Des principales écorees du commerce, avec iudicution des Espèces qui les produisent. BOLIVIE et PEROU. Quinquina Calisaya . C. Calisaya vera. I C. Calisaya morada \ (C.boliviana). Calisayas légers du commerce \ C. ovata rufmervis. ! C. micrantha. 1 C. amygdalifolia, etc., etc. PÉROU. 4° Écorces de Cuzco. Quiquuina rouge de Cuzco (un des Calisayas légers) , C. scrobicuMa. Quinquina jai.ne de Cuzco ) „ > G. pubescens pelle lenana . Quinquina d Anca ) 2° Quinquinas Huanuco ou de Lima. Quinquina Huanuco plat sans épidémie . .... C. niiida. Quinquina Huanuco jaune pâle C. peruviana. Quinquina rouge de Lima C. peruviana. Quinquina gris brun de Lima .... C. micranlha. Quinquina gris (variété ligneuse) C. ovata. Quinquina do Lima gris ordinaire C 3° Quinquinas HuaniBlies. !< G. Condaminea (C. Chahu arguera, Pav.) C. Humboldtiana . Quinquina jaune de Cuença C. Humboldtiana . EQUATEUR et PÉROU. Quinquinas de Jaen et de Loxa. C. cordifolia. Quinquinas pâles de Jaen. . . (Blase ien China.) C. subcorda (a. — 139 — Quinquinas foncés de- Jaen \ °' macrocalVx- /n . , i C. Humboldliana. ( Dunkle ten China.) v Quinquina de Loxa gris compacte C. Condaminea. (C. Chahuatguera colorada). Quinquina de Loxa brun compacte C- nitida ? Quinquina de Loxa rouge marron C. scrobiculata. Quinq. de Loxa rouge fibr. du roi d'Espagne. C. Condaminea ( C. Uritusinga). Quinquina jaune fibreux no -120 111 — 144 — Cinchona amygdalifolia 106 — anguslifolia 94 — aii8lralis 114 — bolivinna 75 — Bonplandiana 81 — Calisaya 71 — — Josephiana , 71 — — morada 75 — — vera 71 — Chahuarçfuera 78 — Condaminea 76 — — Candolliï 76 — — vera 76 — coccinea 81 — conr/lomerala 126 — cordi folio 128 — — vera 128 — — rotundifolia 128 — crispa 79 — decurrenlifolia 131 — Delondriana 104 — erylhrantha 80 — glandulifera 124 — Goudoliana 128 — heterophylla 157 — hirsuta 134 — Humboldtîana 12a — lanceolala 93 — 101 — lancifolia 94 — lucumœfolia 91 — lulea 128 — macrocahjx 97 — micrantha 104 — 111 — Mulisiï 152 — — crispa 152 — 145 — Cinchona Mulisii microphylla 1 52 — — rugosa 135 — n'aida 100 — obLmgi folia 459 — obtus} folia 78 officinalis 81 — 115 — ovala 119 — — erythrodcrma 119 — — rufinérvis 119 — — vulgaris 119 — Pahudiana 127 — Palion 78 — parabolica 152 — peruv'iana. 108 — pilayensis 101 — pubescens 114 — — pelleteriana 115 — — purpurea 104 — 115 — que r ci folia 152 — — crispa 152 — rotundifolia 128 — rufinérvis. 119 — rugosa . . . 1 52 — scrobiculala 104 — — genuina, 104 — — Delondriana 104 — subcordala 150 — suberosa 157 — succirubra 119 — Taron-Taron 159 — Triante 101 — umbelhdifera 127 — undulala 124 — Uriiusinga 78 — villosa 425 — 146 — Cinchona vïolacea 78 Cinnamomum likc Catismju quill's 755 Condaminta l'mcioria 1ô!) Cortex Qh'mœ ruber 122 Coqueta bark 98 Cuzco bark 1 1 '■> D Dark Jacn bark !2o Dunkle ten China 88 — — Jacn China H8— m E Écorce d'Asmonich 159 Exoslemma floribundum 139 Écorce de Paraguatan 159 F Fine grey bark 100 H H. 0 crown bark 8b I Ichu Cascarilla 74 L Lasionema roseum 130 M Mula Cascarilla. . . '29 — 147 — O OUI Loxa bark 82 Orange coloured Cinchona bark 95 Original Loxa bark 82 P Peruvian Calisaya bark 105 Q Qttepo Cascarilla 106 — 415 Quina amarilla 129 — cana légitima 107 — carasquena 86 — naranjada 95 — negra 156 — negrilla 156 — primiliva 95 Quino bobo amarilla 94 Quinquina Almaguer 101 — amggdalifoiia 106 — à quinidine 99 — auslralis 114 — blanc de Loxa 152 — blanc de Mutis 159 — boliviana. . , 76 — brun rte Carthagène 101 — brun de Cuzco 115 — Calisaya 72 — — Joscphiana 74 — — Morada 75 — Carabaya plat sans épiderme 120 — — roulé avec épiderme 120 — 148 — Quinquina Cartliagène 95 — — ligneux 94— 98 — — . rosé 99 — Chahuarguera 85 — Culombia 112 — Condimiinea ; 81 — conglomérat/! 12G — cordifolia 1 29 — crispu 86 — d'Arica 115 — de Cartliagène jaune pâle 129 — — spongieux 95 — decurrenti folio, 151 — de Cuzco US — de Lima gris brun 112 — — gris ligneux 120 — — très-rugueux imitant le Ca- lisaya 92 — de Loxa brun compacte 107 — — cendré 88—150 — — inférieur 125 — — rouge fibreux du roi d'Es- pagne 82 — — rouge marron 105 — Havane 117 — Huamalies blanc 117 — — ferrugineux 117 — — gris terne 117 — — mince et rougeâtre 117 — — rouge 117 — — rougeâtre '. . 117 — Huanuco jaune pâle 109 — — plat sans épidémie 107 — — roulé avec épidémie 112 — jaune de Cuzco 115 — 149 — Quinquina jaune de Guayaquil 90 — — de La Condaraine 85 — — de Mutis 95— 97 — — du roi d'Espagne 80 — — orangé 95 _ _ do Mutis 95— 97 — — — roulé 95 — — royal 72 — lanceolata 94 — lancifolia 95 — lucumtefolia 91 — macrocalijx 88 — maracaybo '129 — micrarttha 412 — nilida 107 — nova 159 obtusifolia 85 — orangé do Mutis 95 — ovala 120 pareil au Calisaya 101 — payama de Loxa 155 peruviana , 409 — • pitaya 101 ■ — pilayensis 401 — pitayo 104 — Piton 459 — pubescens pelleteriana 445 — — purpurea 417 — rouge de Carthagène 401 — — de Cuzco.. . * 104 — — de La Condamine 85 — de Lima 409 — — de Loxa 426 — de Mutis 99 — — pâle 422 — 150 — Quinquina rouge vif -122 — — non verruqueux 122 — — verruqueux 122 — scrobiculala 104 — — genuina 104 — — Delondriana 105 — subcordata 130 — succirubra 122 — Urilusinga 82 R Red Carabaya bark 121 Red Cinchona 122 Rolhe China 122 Royal or genuine yeHow bark 72 Rusiy crown bark 84 S Silver crown bark 8G T Tea green Carabaya qmU's 121 w West coasl Carihagena 87 Wiry crown bark 155 Withe crown bark 91 z Zamba morada 1 20 « o= DES GLOBULAIRES, au point de vue botanique et médical. 1859. LES PRINCIPES DE LA MÉTHOOt NATURELLE appliqués à la classification des animaux et des végétaux. 1860. ÉTUDE DES T'J'S DE MONTPELLIER, au point de vué géologique et pa- léontologique, 1864. DES KODÎFIMTIOHS DE LA FLORE DE MONTPELLIER, depuis le xw siècle jusqu'à nos jours. 186^. LE KERB1ÊS DU CHÊNE, au- point de vue zoologique, commercial et phar maceutique. 1864. o