mm . '^ifej 'W1 R"' • §J '•?* mm ■ Digitized by the Internet Archive in 2015 , https://archive.org/details/b21304038_0002 LONDON 70fAffÜ y Library /HjNüÂJ nû'im nn- 1 1 1 n653 5 Ut KlNG’S COLLEGE LONDON 1. A* ANNALES D U MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE, PAR. LES PROFESSEURS DE CET ÉTABLISSEMENT. OUVRAGE ORNÉ !ÇE GRAVURES. TOME SECOND. o, A01 A PARIS,. Chez les frères LEVRAULT, Libraxp.es, quai Malaquais $ Et a Strasbourg , chez les mêmes. an xi. ( 1 8 o 3 ). • ' NOMS DES PROFESSEURS . Les Citoyens , H au y Minéralogie Faujas-Saint-Fond . . Géologie, ou Histoire naturelle du globe. Fourcroy Chimie générale. Brongniart ..... Chimie des Arts. Desfont aines .... Botanique au Muséum. A. L. Jussieu .... Botanique à la campagne. A. Tiiouin Culture et naturalisation des végétaux. Geoffroy Mammifères et oiseaux Lacépède Reptiles et poissons f r? i 1 1 \ Zoologie. Lamarcx.* Insectes, coquilles, madrépores f etc • • J Portal Anatomie de l’homme. Mertrud . .. _ _ _ 7. . j. Anatomie des animaux. Cuvier, Proj. adjoint .J Yanspaenuonck . , . . Iconographie, ou l’art de peindre et de dessiner les productions de la Nature. SECONDE NOTICE HISTORIQUE s u II LE MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE, P A B. A. L. JUSSIEU. §. II. Depuis 1643 jusqu’en i683. La mort de Gui de la Brosse fut une calamité pour le nouvel établissement qui lui devoit son existence et ses ac- croissemens , assez rapides pour le temps écoulé depuis sa fondation. Cet intendant ne s’étoit pas contenté de rassem- bler des plantes de divers pays ? et de préparer un terrain convenable à leur culture : il avoit encore fait dessiner et graver dans un grand format quelques-unes de ces plantes avec l’intention de les publier j mais il ne put achever cette entreprise. Parmi ces gravures , on retrouve deux vues du jardin tel qu’il existoit de son temps , dont une a été ré- duite pour faire suite à la notice insérée dans le premier cahier de ces Annales : les autres ? au nombre de quarante- 2. 1 2 ANNALES DU MUSEUM huit , représentant des plantes , sont exécutées avec soin , et augmentent nos regrets sur la lin trop prompte (1) d’un ami de la science, qui lui prépara un asile digne d’elle , et qui auroit fait plus si la mort n’eût interrompu ses travaux. Ceux qui lui succédèrent n’eurent ni la même affection pour le Jardin des plantes , ni la même activité pour aug- menter ses collections j cependant on trouve l’éloge de Bouvard dans quelques écrits relatifs à cet établissement. AP rès la mort de Louis XIII en 1643 , il renonça à la place de premier médecin , qu’il ht passer à Cousinot son gendre , et se réserva la surintendance du jardin (2) : s’il ne l’augmenta pas , au moins il consacra fidèlement à son en- tretien tous les fonds qui lui étoient destinés ; il en obtint même d’extraordinaires pour la construction d’une serre , adossée contre la butte du coté du midi , et du bassin occu- pant le milieu du grand parterre, remarquable par son architec- ture souterraine. Par ses soins , les leçons furent faites exac- tement 5 mais on ne dit point de quelle nature étoient ces leçons, ni par qui elles furent faites. Les professeurs nom- (1) Dans la première notice, la mort de la Brosse a été rapportée à la date de i643, parce que, dans lé discours imprimé en 1718, d’Antoine de Jussieu, sur les progrès de la botanique , il est dit que Fagon , petit neveu de cet intendant, né en 1638^ perdit son grand-oncle à l’âge de cinq ans. Mais en lisant les Lettres de Gui Patin, auteur contemporain, qui raconte les nouvelles du jour, et qui , malgré sa partialité reconnue , doit être cru lorsqu’il indique des dates récentes, on retrouve sous la date du 4 septembre 1641 l’annonce de cette mort arrivée le 3i août précédent, avec des détails sur la maladie , et des observations critiques sur son traitement. (2) Bouvard obtint la charge de premier médecin consultant du roi , par lettres de retenue du 3o juillet 1643, et la continuation de la place de surintendant du Jardin par lettres-patentes du même jour» d’ histoire naturelle.' 3 mes par le décret de fondation n’entrèrent pas en fonction ; du moins plusieurs motifs déjà énoncés dans la première notice le font présumer, sur-tout relativement à Cousinot et à Bodineau ; et leurs successeurs furent peut-être seulement commissionnés par le surintendant, qui pouvoit dès-lors les révoquer à volonté. Il paroît que Bouvard eut l’idée de subs- tituer l’enseignement de l’anatomie à celui de l’intérieur des plantes , spécifié dans l’édit de fondation , puisqu’en 1643 la faculté de médecine fit des démarches auprès de lui (1) pour l’engager à ne pas permettre aux professeurs du jardin d’y démontrer des objets de chirurgie. Son administration fut troublée en 16467 après la mort de Cousinot (2). Vautier , docteur de Montpellier , nouveau premier médecin (3) , réclama la surintendance attachée (1) Facultas decrevit anno 1 643 21 april. rogandum esse archiatrorum co mitent JD. Bouvard ut non sinat Horti regii professores eo in loco chirurgica docere , nec eo pauperes aegrotantes convocari et cons ilia ibidem super illorum sanitate haberi in detrimentum medicae facullatis. A la marge de ce décret de la Faculté» extrait de ses registres » on lit ces mots écrits de la même main : Horti regii professores offcii sui fines praetergrediuntur » qui font présumer que les cours en question avoient eu lieu. (2) Voyez la note (1), pag. 9 de la première notice. (3) François Vautier , reçu à la faculté de Montpellier en 1612, devint premier médecin de la reine Marie de Médicis , et acquit un si grand ascendant sur son esprit, qu’on crut qu’il la gouvernoit absolument. Le cardinal de Richelieu voulant éloigner d’elle ce médecin , le lit enfermer, en i63i , dans les prisons de Senlis , et transférer ensuite à la Bastille où il resta douze ans , c’est-à-dire jusqu’à la mort de ce premier ministre. A sa sortie , il reparut à la cour avec une considération qui le porta bientôt à la place de premier médecin de Louis XIV. Il étoit homme d’es- prit , habile médecin, et employoit dans sa pratique les émétiques antimoniaux, le laudanum, et le quinquina, dont l’usage, réprouvé par quelques facultés, n’étoit pas encore très-répandu. Gui Patin, grand détracteur de ces remèdes et de leurs * 1 4 À N BT AIES DU MUSEUM primitivement à sa place. Bouvard voulut s’étayer des lettres- patentes qui avoient séparé en sa faveur la surintendance du jardin de l’office de premier médecin. Plusieurs arrêts du conseil , obtenus successivement , détruisirent ses préten- tions, et Vautier l’emporta. Celui-ci voulut en même temps, pour jouir de la plénitude de ses droits , faire ôter l’inten- dance à Bouvard de Fourqueux fils, qui avoit remplacé dans cette fonction Gui de la Brosse , dont la survivance lui étoit spécialement accordée par l’édit primitif. Il rap- pela un édit de i635 qui exigeoit que l’intendant fût mé- decin , puisqu’il devoit être en même temps professeur. Fourqueux , remplacé par Robin (i) dans cette dernière fonction, produisit en réponse un édit d’octobre 1642 qui le dispensoit de faire profession de médecine , ainsi que ses successeurs dans la place d’intendant. Pour forti- fier sa cause , il sollicita l’intervention de la Faculté de médecine , dans l’espoir qu’elle s’intéresseroit plus à lui , comme fils d’un de ses membres , qu’à un premier méde- cin pris hors de son sein. Cette compagnie , qui s’étoit op- posée dix ans auparavant à sa nomination , parce qu’il partisans , parle avec peu d’estime de ce médecin dans ses Lettres. Vautier étoit célibataire et même tonsuré , puisque, pour avoir guéri Monsieur, frère du roi , il obtint une abbaye. Voy. Astruc. Hist. de lafac. de Montpellier , pag. 372. ( 1 ) Vespasien Robin et son père , déjà cités dans la première notice , ont naturalisé en France plusieurs arbres, et sur-tout le faux acacia d’Amérique, que l’on nommoit alors l 'acacia de Robin. Tournefort l’a désigné sous le nom de pseudoacacia 5 mais celui de Robinia , donné par Linnæus en mémoire de ces zélés cultivateurs , a prévalu. On voit encore dans le Jardin du Muséum, près la maison du café , un Robinia étêté très-vieux, planté peut-être par Robin fils , et con- séquemment aussi ancien que le jardin. D’autres plus jeunes , provenant de celui-ci,, forment la futaie voisine qui ombrage les parcs actuels de quelques animaux. 5 B’ HISTOIRE NATURELLE. n’étoit pas médecin , ne crut pas devoir accéder à sa de- mande. Elle intervint seulement pour le maintien de ses propres droits le 24 décembre 164 6. Vautier persista dans ses poursuites contre Fourqueux 7 qui 7 étant conseiller au Parlement 7 trouva probablement quelqu’appui auprès des magistrats du conseil dans une affaire où la faveur et le crédit dévoient avoir une grande influence. Nous ne suivrons pas les détails de ce procès 7 maintenant peu important et dont il faudrait d’ailleurs avoir toutes les pièces sous les yeux pour en donner un extrait fidèle. Il parait que Fourqueux conserva sa place (1) ; mais Vautier 7 retenant dans ses mains tout le pouvoir , la réduisit à un vain titre sans fonction. Il est avantageux pour la mémoire du premier qu’aucun des actes de cette administration ne lui soit imputé 7 puisqu’ils furent presque tous désastreux pour le jardin. Les fonds destinés à son entretien furent détournés 7 et les plantes périrent faute de culture 7 sans que personne cîiercîiât à les renouveler. « Comme la surintendance du Jardin royal 7 dit Fonte- » nelle 7 étoit attachée à la place de premier médecin 7 33 et que ce qui dépend d’un seul homme 7 dépend aussi 33 de ses goûts 7 et a une destinée fort changeante 7 un (1) Suivant un arrêt du conseil du i4 juillet 1646 , et un autre du 28 mars 16475 il paroitroit que Bouvard père et fils furent tons deux évincés de leurs places en même temps 5 mais on lit dans les registres de la faculté de médecine, année i652, 4 décembre, que le procès ancien, relatif à l’administration du Jardin des plantes, se renouvela, de la part de Vallot successeur de Vautier , contre Bouvard de Fourqueux auquel il vouloit faire ôter l’intendance de ce Jardin : Quem etiamnum ejusce horti praefecturâ ejicere meditatur. Ce passage annonce assez clairement que Fourqueux avoit encore au moins le titre d’intendant en i652» On ignore en quelle année il cessa de le posséder. Son père mourut en i658. \ 6 ANNALES DU MUSEUM » premier médecin , peu touché de la botanique , ayoit » négligé le Jardin royal , et l’avoit assez négligé pour le » laisser tomber dans un état où on ne pouvoit plus le » souffrir. Il étoit si dénué de plantes que ce n’étoit plus » un jardin (1) ». Ces paroles de Fontenelle sont mémo- rables : en nous rappelant les fautes passées , elles en indiquent les causes et laissent entrevoir le moyen assuré d’en prévenir de nouvelles , moyen employé avec succès de nos jours , et dont la conservation assurera la prospérité de l’établissement. Au milieu des reproches justes faits à Vautier, on aime cependant à rappeler qu’il substitua définitivement les leçons d’anatomie (2) au cours désigné sous le nom insignifiant de l’ intérieur des plantes. Il paroît que Cureau de la Chambre , nommé dans l’édit de fondation du jardin , renonçant à ce genre de démonstration des végétaux dont il avoit d’abord été chargé , fut le premier professeur d’anatomie , et que son fils , François de la Chambre, lui succéda dans cette place. Celui-ci , reçu dans la Faculté de Paris en 1 656 , n’éprouva pas delà part de cette compagnie les mêmes oppositions que son père. Cependant elle ne lui donne point dans la liste de ses membres le titre de professeur , et nous ne sommes instruits qu’il exerça cette fonction dans le Jardin royal , que par Dionis , dans la préface de son anatomie. Ces deux professeurs du même nom ne se sont pas distingués par (1) Voyez Eloge de Fagon , Mém. de l’Acad. des sciences de Paris , xyi8 , pag. 95. (2) Voyez Discours sur les progrès de la botanique au Jardin royal , prononce?) en 1718, à l’ouverture du cours, par Antoine de Jussieu , professeur, pag. 10. d’ HISTOIRE naturelle. y des travaux anatomiques , puisque , dans cette partie , il ne reste d’eux que des souvenirs indirects. Le père avoit été un littérateur et un physicien estimé de son temps. Le fils eut quelque réputation en médecine , et parvint , comme on le verra , à une place supérieure. Le nom des premiers professeurs de la chimie , qui n’étoit alors que la science raisonnée des préparations pharma- ceutiques, n’est point parvenu jusqu’à nous. On peut croire que l’opposition de la Faculté et l’amovibilité présumée de la place , écartèrent quelque temps de ce poste les hommes de mérite , et qu’à cette époque ce cours fut peu suivi, ou même quelquefois interrompu. Robin , dont Vautier parle avec éloge dans une des pièces de son procès , et que Tournefort loue également , resta chargé des démonstra- tions de botanique , ou de V extérieur des plantes. Le mau- vais état du jardin semble prouver qu’il partagea l’insou- ciance du surintendant, ou qu’il n’osa pas s’élever contre sa mauvaise administration. Vautier mourut en 1 652. (1): il eut pour successeur, dans les places de premier médecin et de surintendant , Vallot (2) qui fut d’abord comme lui un mauvais admi- (j) Suivant Gui Patin , il fut une des victimes de l’antimoine dont il étoit très-partisan. (2) Antoine Vallot , médecin de Reims selon les uns , et selon d’autres de Montpellier , premier médecin de la reine régente Anne d’Autriche. Il suc- céda a Vautier dans la charge de premier médecin du roi, qu^il acheta du cardinal Mazarin , suivant le rapport souvent infidèle de Gui Patin. Il adopta dans sa pratique les remèdes employés par Vautier, et mérita ainsi la censure de quelques médecins ennemis des préparations chimiques. Malgré cette opposition , fortifiée par des arrêts du parlement , Louis XIV fut guéri avec le vin émétique dans la grande maladie qu’il eut en i658 à Calais. Cette cure est attribuée par Astruc à Vallot, eî r 8 ANNALES DU MUSEUM nistrateur , et mérita de lui être assimilé en ce point 5 mais il devint ensuite un protecteur plus zélé de l’établissement et de la science. Gaston d’Orléans , oncle du roi ? avoit formé dans son château de Blois un jardin de botanique , qui ? confié successivement aux soins de Marchant (1) , Brunyer (2), Laugier (3) et Morison (4) ? renfermoit beau- coup de plantes , et avoit acquis quelque célébrité. L’exis- tence de ce jardin réveilla l’émulation de Vallot, qui voulut repeupler aussi celui de Paris, « Piqué d’honneur de voir » d’habiles botanistes ailleurs qu’au Jardin royal , il tira ? v en x 6 6 5 y de celui de Saint - Gennain - des - Prés , par l’historien Hénaut à Dusausoi, médecin d’Abbeville. Patin, qui accuse dans cette occasion Vallot , dit aussi qu’il vendoit toutes les places dépendantes de sa nomination , et Astruc le taxe d’avoir vendu celles de professeurs qui vaquèrent à Montpellier de son temps. Cependant il procura gratuitement, en 1667 , celle de premier médecin de la reine Marie-Thérèse , épouse de Louis XIV , à Daquin son parent , qui fut ensuite son successeur. Voyez Astruc. Hist. de la fac. de Montpellier , pag. 38o. (1) Nicolas Marchant, le premier botaniste attaché à l’Académie des sciences en 1666 , mourut en 1678 5 il eut pour fils Jean Marchant, reçu dans la même Aca- démie en 1678 , et mort en 1738. Tous deux sont qualifiés, dans leurs titres, direc- teurs de la culture des plantes du Jardin royal ; ce qui fait présumer qu’ils y furent employés. (2) Brunyer, médecin du prince, publia en i655 le Catalogue de ce Jardin t sous le titre de Hortus regius Blesensis , in-fol. (3) Laugier, professeur en médecine à Aix, aimoit beaucoup la botanique. C’est lui qui avoit élevé dans la connoissance des plantes Magnol , auteur du Botanicon Monspeliense. (4) Morison, le plus célèbre des quatre, étoit Ecossais , et devint professeur de botanique à Oxford. Ses principaux ouvrages sont une édition de V Hortus Ble- sensis , augmentée 5 une Distribution nouvelle des Ombellifères ; une Histoire générale des plantes , suivant une méthode supérieure à celles qui avoient été pu- bliées jusqu’alors. Il mourut en i683. d’histoire naturelle, q -» Joncquet: (i) , médecin de la faculté de Paris , connu » par un catalogue des plantes qu’il y cultivoit ( 2 ) , >5 publié en i65p. Il comptoit par là ranimer le zèle 5» pour la culture et pour la démonstration ? qui étoit fort » ralenti (3) *>. Il fut encore secondé ? dans cette louable entreprise , par un jeune savant qui commençoit alors à se montrer 5 c’étoit Fagon (4) 7 petit neveu de la Brosse, qui , '-né au Jardin des plantes où il avoit passé ses premières années , y puisa le goût de la science. « Lorsque Vallot î> voulut relever cet établissement , dit Fontenelle , Fagon » ne manqua pas de lui offrir ses soins , qui furent reçus » avec joie. Il alla en Auvergne , en Languedoc , en IJro- vence , sur les Alpes et sur les Pyrénées , et n’en » revint qu’avec de nombreuses colonies de plantes des- » tinées à repeupler ce désert. Quoique sa fortune fût nié- » diocre , il fit ces voyages à ses dépens , poussé par le » seul amour de la patrie ; car on peut dire que le Jardin j> royal étoit la sienne. En même temps Vallot employoit » tous les moyens que lui donnoit sa place pour rassembler , (1) Denis Joncquet succéda à Vespasien Robin : Robinio extincto , Dionysius Joncquet , doctor medicus Parisiensis , Botajiices professer renunciatus est. Tourn. Isag. pag. 49> C’est en i665 qu’il fut appelé à cette place 5 mais on ne sait pas si Rcbin -vécut jusqu’à cette époque. (2) Dans la préface de ce Catalogue , l’auteur vante le jardin de Blois , se plaint des directeurs du jardin de Paris, qui semblent éviter d’avoir des relations avec lui , et ajoute que ce jardin a peu de plantes, paucissimas habet alit que plantas. Dans la suite, lorsqu’il en fut professeur, il tint un autre langage. (3) Voyez Discours d’Ant. de Jussieu , déjà cité , pag. 10. (4) Gui-Crescent Fagon, fils de Henri Fagon commissaire des guerres, et de Louise de la Brosse , nièce du premier intendant, né en i638 au Jardin des plantes, y fut élevé. Il perdit son grand-oncle à l’âge de cinq ans. ( Disc. d’Ant . de Juss. pag. 10 ). Il fut reçu docteur de la Faculté de médecine en 1664. o. 2. ÎO Alf N AL E S DU MUSEUM » le plus qu’il étoit possible , de plantes étrangères et des pays » les plus éloignés (1). Joncquet publia en i 6 65 le catalogue du jardin ainsi restauré, dont le nombre des plantes s’élevoit alors à 4 000 en y comprenant les variétés. Il parut sous les auspices de Vallot, qui en fit lui-même la dédicace au roi. Joncquet, dans la préface (2), rappelle le dépérissement du jardin avant l’administration de Vallot, et les soins que celui-ci. s’est donnés pour réparer la négligence de ses prédécesseurs.,. Fagon, pour flatter le surintendant et entretenir son zèle ,, lui adresse dans le même ouvrage une épître en vers latins, où ses louanges et celles de la science sont répandues avec profusion et avec beaucoup d’art. Elles ne déplurent pas à Vallot, qui saisit la première occasion de donner à Fagon des preuves de son estime. Il lui confia la chaire de chimie, dont le nouveau professeur augmenta le domaine par l’ad- dition des recherches physiques sur la nature des minéraux et des animaux (3). La célébrité qu’il acquit dans cette place et dans la pratique de la médecine, à laquelle il se livra avec beaucoup d’activité et de désintéressement , lui procura dès 1 6 6 8 la charge de médecin ordinaire de la. maison du roi. A la mort de Jonquet, arrivée le 6 sep- (1) Voyez Eloge de Fagon , déjà cité, p. 9 5. (2) Hune liortum. rex meritissimi Vallot curae commisit et arbitrio , qui antecessorum errores et indiligentiam justissimâ indignatione condemnans , im~ pensis non mediocribus sagacissimos hinc mdè niisit conquisitores et eruditos ut nova plantarum collectione nulla horti videretur gleba quae imperium domini non senserit , aut Argi semper vigilantis eluserit sedulilatein. Vallot étoit premier médecin , et Joncquet lui devoit sa place de professeur. (3) Voyez Discours d’Ant. de Jussieu , déjà cité , p. 10. d’histoire NATURELLE. 11 ternbre 1671 (1), il fut nommé son successeur, et réunit ainsi les chaires de chimie et de botanique. Cette nouvelle place appartenoit de droit à celui qui avoit concouru avec tant de zèle à la restauration du jardin j il îa dut plutôt à sa réputation et à son goût pour la science , qu’à la faveur de Vallot, qui étoit mort au Jardin royal le 9 août de la meme année. Cette mort fut Pépoque d’un changement remarquable dans l’administration de cet établissement. Le ministre Colbert , qui portoit dans toutes les parties l’œil sévère d’une surveillance exacte , avoit aperçu les déprédations commises dans les finances du jardin 3 et pour y remédier, il en fit réunir la surintendance à celle des bâtimens du roi dont il étoit pourvu , laissant au premier médecin qui seroit nommé , le seul titre d’intendant , avec la direction de îa partie des études. Il demanda à la succession de Vallot le compte de l’emploi des fonds qui avoient passé par ses mains. Remettant dans celles du roi le produit de la ferme (1) Dans l’Eloge de Fagon, il est dit qu’aussitôt après son doctorat (en j66q) il eut les deux places de professeur en botanique et en chimie au Jardin royal. Cependant , dans les registres de la faculté , Joncquet est désigné , Horti régit hotanicus professor , sur la liste de i665 et sur les suivantes jusqu’à celle de 167J, où le jour de son décès est indiqué. Ce fait prouve que Fagon n’eut qu’en 1672 la chaire de botanique; et que dès i665, la faculté, reconnoissant les avantages que la science retiroit de l’établissement du Jardin royal , conseutoit à voir ses membres professeurs dans ce lieu. Elle avoit pensé différemment en 1647 , lorsqu’elle nomma dans son sein un professeur de botanique pour prouver qu’à elle appartenoit le droit exclusif de démontrer toutes les sciences qui tiennent à la médecine. On peut même croire que l’ancienne prévention subsista long - temps , lorsqu’on observe que , jusqu’en 1690, Joncquet fut le seul des docteurs qui prit sur la liste le titre de professeur, et que, sur aucune, ce titre n’est joint au nom de Fagon. 12 A I I A L E S DU MUSÉUM d’entrée des cendres gravelées sur laquelle les revenus dm jardin étoient assignés, et dont les premiers médecins avoient eu la disposition , il assigna sa dépense sur la caisse des bâtimens du roi. ïl fît rendre , au mois de décembre 1671 , une déclaration du roi qui régloit îa forme d’ad- ministration du jardin 5 et pour assurer à l’avenir le sort des professeurs , il leur donna des brevets qui rendoient leurs places fixes (1). Une tradition conservée dans le jardin , nous apprend encore qu’il fît arracher sur la butte des vignes dont elle étoit couverte, pour leur substituer d’autres planta* tions d’arbres de diverses espèces. G’est ici le lieu de parler d’un autre service rendu à la science par Colbert long-temps auparavant. Gaston d’Orléans ne s’étoit p^s contenté de rassembler à grands frais dans son jardin des plantes de divers pays 5 il les avoit encore fait peindre sur vélin , par Robert , très-habile dans cette partie (2), qu’il s’étoit attachée Quelques peintures d’ani- maux avoient été jointes à celles dès plantes. Après la mort de ce prince en 1 6 6 o , Colbert fît acquérir cette collection de dessins par le roi , qu’il engagea à nommer Robert peintre de son cabinet, avec mission de continuer la collection. Ce peintre , auquel chaque dessin étoit bien payé , travailla' encore pendant plus de vingt ans 5 et pour procurer au (1) Ces divers faits sont tirés d’un Mémoire manuscrit d’Antoine de Jussieu 3 dans lequel Vautier et Vallot sont aussi fortement inculpés. Tournefort dans sont Jsagoge , pag. > dit : Defuncto Vallot , praefecturam. obtinu.it aedijiciorum re- giorum moderator Colbertus , dein Louvesius , postremo et Marchio de Villacerf. (2) Voyez l’ Histoire du- Recueil de peintures de plantes et d’ animaux , con- servé dans la bibliothèque du roi , par Ant. de Jussieu. NLém . de U Acad, des sciences , 1727, pag. i3a» i 3 d’histoiuï naturelle. public la jouissance de cette suite de dessins dont il n’avoit pas la liberté de faire des copies , il les multiplia par la gravure (1). Le bienfait de Colbert se continua après sa mort, arrivée en i683. Robert ne lui survécut que pendant line année , et sa place de peintre du cabinet du roi fut donnée à Joubert, peintre ordinaire du prince de Condé, plus Labile à peindre des paysages qu’à représenter des plantes , qui se servit pour ce dernier travail de différentes mains , et se reposa enfin de ce soin sur Aubriet, son élève, qu’il avoit en partie formé pour là miniature. Après les réformes faites par Colbert, Daquin (2), nou- veau premier médecin du roi au mois d’avril 1 6 7 2 r entra en exercice de la place d’intendant à laquelle il étoit réduit. Occupé principalement de ses intérêts , il favorisa peu les sciences cultivées dans l’établissement. Les précau- tions prises par Colbert ne lui permirent pas de détourner les fonds assignés pour les dépenses de ce lieu ; mais il s’en dédommagea ailleurs en vendant toutes les places (1) Ce Recueil parut sous le titre de Varias ac multiformes florum species ap~ pressas advivnm et aeneis tabulis incisas , autore N. Roberto. Parisiis , in - fl De plus , le beau Recueil , connu sous le nom de Planches de P Académie des sciences , contenant la gravure de 3i6 plantes, est fait en grande partie d’après ses dessins. (2) Antoine Daquin, médecin de Montpellier en 1648, devint, par le crédit de Vallofc son parent, premier médecin de la reine Marie-Théièse en 1667 âpre?” la mort de Guénaut , et parvint ensuite, à la place d^ premier médecin du roi. Il étoit adroit courtisan , mais importun , et lassa le roi par ses demandes continuelles?- ■qui rebutèrent enfin ce monarque , et'le déterminèrent à le renvoyer. Ce médecin étoit protégé par madame de Montespau , et sa faveur finit avec celle de cette Dame. Congédié en 1693, exilé à Moulins, avec une pension de 60OO liv. , il mourut en 1696 à Vichy , où il étoit allé prendre les eaux. Voy. Astruc. Hist . de lafaci - de Montpellier , pag. 387, 1 4 iNim.ES DU MUSÉUM qui étoient à sa nomination. On assure que le célèbre Du- verney (1) acheta chèrement de lui en 1 679 celle de pro- fesseur d’anatomie au jardin. Cette chaire avoit été remplie ? comme on l’a déjà dit précédemment , par les deux la Chambre , et pendant un temps les leçons avoient été in- terrompues 5 mais la Chambre fils , devenu premier médecin de la reine en 1672, et ne pouvant alors se livrer à l'enseignement , chargea l’année suivante Pierre Cressé , médecin de la faculté , de faire pour lui les leçons. En même temps , Pierre Dionis , chirurgien célèbre de Paris , fit sous ce professeur les démonstrations anatomiques et chirurgicales , et se livra à ce travail pendant sept années. Mais lorsque Duverney devint professeur , Dionis cessa de démontrer , et publia long-temps après les leçons d’ana- tomie et d’opérations qu’il avoit faites au Jardin : ces ou- vrages estimés ont eu plusieurs éditions. Ce fut probablement pour favoriser les travaux anato- miques , repris en 1672, que Daquin obtint^ le 2 o jan- vier 1673,. une déclaration du roi, laquelle maintenant les professeurs du Jardin dans le droit de faire audit lieu toutes opéràtio7is chirurgicales ? dissections et démonstra- tions anatomiques > ordonne qu’à cet effet le premier co?ps criminel leur soit délivré par préférence à tout autre , même aux doyen et docteurs régens de la Faculté de mé- decine de Paris , nonobstant tous privilèges à ce con- traires à la charge que lesdites démonstrations seront faites gratuitement et en la manière accoutumée . Cette (1) Guichard-Joseph Duverney, né à Feurs en i648j reçu à l’Académie des sciences en 1676. 1}’ HISTOIRE NATURELLE. 1 5 déclaration fut signifiée, le 2 6 février suivait, à la Faculté qui y forma opposition, et produisit un long mémoire dans lequel ses motifs étoient développés. Mais Fordonnance qui avoit été provoquée par le premier médecin, fut main- tenue (1) et eut son exécution. Les leçons de Duverney et celles de Fagon attirèrent dans le Jardin un grand concours d’élèves et sur-tout d’étrangers ; mais Fagon élevé en 1 6 8 o à la place de pre- mier médecin de la dauphine et ensuite de la reine , ne put continuer à remplir les fonctions de professeur. Il ne renonça point d’abord à des places qui Fattachoient au lieu de sa naissance et à l’histoire naturelle dont il avoilf toujours fait sa plus douce occupation. Il se fit remplacer successivement par divers médecins , ses confrères , de la Faculté , dont il connoissoit le mérite. Les leçons de chimie furent faites par Bergier , Louis Lemery et Saint-Yon , dont nous reparlerons dans la suite. Charas (2) les avoit précédés (1) Pour éluder cette décision, que la Faculté regardoit comme très-contraire à? ses privilèges, son doyen alla, le 10 novembre 1673, prier le lieutenant criminel , velit uno eodemque die duo corpora mortui addicere ut salvum tectumque FacuL- tatis rnedicae ho no rem servaret 5 sic enim futur um ut , stante decreto regio , Fa- cultas aliquâ ratione suis gauderet privilegiis , quae unum sit habitura cadaver Aortus regius unum. Annuit postulationi capitaliiim litium judex 3 et se libenter id praesliturum spopondii. Ce passage est extrait des registres de la Faculté. Il faut observer ici que long-temps l’anatomie a été peu cultivée , parce qu’on se procuroit très- difficilement les sujets nécessaires aux dissections. La Faculté atta- choit par cette raison un grand prix au privilège ancien de prendre la première les corps dont elle avoit besoin , et de 11’en laisser prendre à tout autre , même aux. chirurgiens, que d’après sa permission spéciale. Beaucoup de faits, consignés dans le volume imprimé de ses statuts, le prouvent. (2) Moïse Charas , né à Usés en i638 , habile pharmacien, fut chargé, en 1672, par Daquin de faire les leçons, qu’il imprima en 1676 sous le nom de Pharmacopée. I 6 ANNALES DU MUSEUM dans les fonctions de démonstrateur, qu’il remplissoit sous Fagon et qu’il fut ensuite obligé d’interrompre. Mauvil- lain (i) fit les leçons de botanique jusqu’en l’année i 683, qui forme une époque mémorable dans les annales de cet établissement. Ce fut celle où Fagon , déjà bienfaiteur de la science à plusieurs titres , lui rendit le plus grand service en résignant sa chaire de botanique à Tournefort. galénique et chimique. Cet ouvrage utile , et devenu manuel , est revêtu de l’ap- probation de la Faculté, qui nomme Charas apothicaire artiste du roi en son Jardin des plantes, et de Daquin auquel l’auteur attribue la première idée de ce travail. Obligé comme protestant de sortir de France , il quitta sa place en j68o, et se retira en Angleterre où il fut reçu docteur , et y resta jusqu’à la mort de Charles II son protecteur. De là il passa en Hollande , et y exerça la médecine avec tant de réputation, qu’il fut appelé en Espagne pour y soigner la santé du roi. Il fit dans ce pays des recherches sur la vipère , et prouva par des expériences que son venin est dangereux dans la Castille comme ailleurs ; en quoi il contraria une opinion religieuse très - accréditée dans cette partie de PEspagne. Les expériences furent dénoncées au Baint Office par des médecins jaloux 5 et Charas , traîné dans les cachots de l’Inquisition pour avoir mal parlé des vipères , n’en sortit qu’en ab- jurant la religion réformée. Il put alors rentrer en France , et fut reçu à l’Académie des sciences en 1692. Ses derniers travaux sont de nouvelles expériences sur la vipère, sur la chaleur et le froid des eaux de source , avec des explications qui se ressentent de la mauvaise physique du temps. Il mourut en 1698. On doit croire qu’il démontra sous Fagon , et non qu’il fut son prédécesseur , s’il est vrai , comme dit Fontenelle, que Fagon fut professeur de Chimie peu après l’année 1664. (1) Jean Armand de Mauvillain , docteur de la faculté en 1676. Ad aulam ■vocatus Fagon Armandum de Mauvillain suffecit , et dein pro singulari quâ me complectitur benevolentiâ } eodem oncre , grato quidein et suavi , mnno j683 me beavit. Tournef. Isag. pag. 49* On retrouve encore François Afforty , autre mé- decin de la Faculté , indiqué dans quelques listes comme professeur de Botanique au Jardin royal ; mais nous n’avons d’ailleurs aucune preuve qu’il y ait fait des. leçons. d’ histoire naturelle. l7 OBSERVATIONS Sur la substance minérale appelée Labradorische horn- blende ( hornblende du Labrador ) par les minéralo- gistes allemands. jp a b. H A U Y. Plusieurs minéraux pierreux présentent aux rayons de la lumière un tissu capable de les réfléchir assez fortement pour qu’il en résulte un éclat qui se rapproche de celui des métaux. De ce nombre sont le mica, la variété de dial- lage que j’ai nommée métalloïde , le spath chatoyant (schiller spath des Allemands ) et la substance qu’ils appellent horn- blende du Labrador , du nom de la côte sur laquelle on l’a découverte. Mon but principal est ici de rectifier les opi- nions que les minéralogistes ont conçues de cette dernière substance , et d’indiquer les caractères qui me paroissent la faire ressortir à côté des minéraux avec lesquels on l’a confondue. Dans tous les traités de minéralogie publiés jusqu’ici par les naturalistes allemands , qui sont parvenus à notre connoissance, la hornblende du Labrador est placée parmi les sous-espèces de la véritable hornblende, qui est notre amphibole. M. Emmerling a réuni , de plus , à cette dernière espèce, le spath chatoyant, sous le nom de schillernde horn- 3 2. 1 8 ANNALES DU MUSEUM blende (1), et l’on voit qu’en même temps, il y rapporte encore notre ciiallage métalloïde , puisque parmi les diffé- rentes localités où l’on rencontre, selon ce célèbre miné- ralogiste, la schillernde hornblende, il cite la Corse (2), en ajoutant que ce minéral y a pour gangue un feld-spath compact, blanc-grisâtre ët gris-bleuâtre. Il est visible que ce feld-spath est le jade de Saussure (3) , qui abonde en Corse, où il sert de support à la diallage. La même distribution a été adoptée par M. Reuss dans son traité de minéralogie (4). A l’égard de M. Werner, si l’on consulte le tableau de son système minéralogique , faisant partie d’un mémoire sur la classification oryctognostique des minéraux , rédigé d’après les principes de ce savant illustre , par M. Daubuisson, l’un de ses élèves les plus distingués (5) , on y trouve le spath chatoyant rangé comme espèce particulière entre la serpentine et le talc , et séparé ainsi de la hornblende du Labrador, qui continue d’occuper une place parmi les sous- espèces de la hornblende (6). Avant l’impression de mon traité , je n’avois jamais vu la véritable hornblende du Labrador, et j’avouerai même que je ne m’en faisois pas une juste idée. Plusieurs miné- (1) Traité de minéral. 2e. édit. p. 3j. (2) Ibid, p 42. (3) Voyages dans les Alpes , nos. 112 et i3i3. (4) T. I, p. i53. (5) Journ. de pbys. frimaire an 10, p. 4^6. Il n’a rien paru de M. Werner qui ait pu donner lieu à M, Brochant de dire ce que j’avois cru d’après lui , 6avoir , que ce célèbre professeur avoit réuni le spath chatoyant à la hornblende du Labrador. Traité de minéral, du même auteur, t. I , p. 4J9* d’histoire naturelle. 19 ralogistes étrangers , d’ailleurs très-instruits , auxquels j’avois demandé des éclaircissemens à cet égard, 111’avoient assuré, à la seule inspection des morceaux de diallage métalloïde qui sont dans ma collection , que c’étoit là précisément ce que l’on appeloit hornblende du Labrador. D’autres me tenoient le même langage lorsque je leur montrois le spatli chatoyant. Comme ils n’avoient eu sans doute que peu d’oc- casions de voir la hornblende du Labrador , qui est extrê- mement rare , leurs yeux , peu familiarisés avec cette sub- stance , croyoient la reconnoître à l’éclat des deux minéraux qu’ils prenoient pour elle , et ils se laissoient d’autant plus facilement séduire par une première apparence , qu’elle tenoit à un de ces caractères saillans et remarquables , qui semblent parler assez par eux -mêmes pour que l’on se croie dispensé de recourir aux autres. Il s’agit donc , pour fixer autant qu’il sera possible les idées sur la hornblende du Labrador, de la comparer avec trois substances , savoir , la hornblende proprement dite ou l’amphibole , la diallage métalloïde , et le spath chatoyant ; mais il faut auparavant en donner la description , et en indiquer les principaux caractères. Je suis redevable à la générosité du célèbre Klaproth , du morceau qui a servi à mon étude, et M. Werner, dans un de ces momens où j’ai si bien senti ce que je gagnois à converser avec lui , a reconnu lui -même ce morceau comme appartenant à la hornblende du Labrador. La couleur du minéral , dans le sens où il se prête le mieux à la division mécanique, est le rouge brun, joint à un éclat qui approche du métallique 5 mais dans les autres sens, la couleur est noirâtre. J’ai trouvé la pesanteur spéci- 3 * 2 0 A S S A I ES DU MUSEUM fique de 3,3 8 5j. Le minéral raye le verre et étincelle par le choc du briquet. La division mécanique conduit d’abord à un prisme quadrangulaire dont les pans paroissent former entre eux des angles droits. Deux des coupes qui donnent ce prisme , sont beaucoup plus nettes et plus faciles à obtenir que les deux autres j ce qui indique une différence de longueur entre les côtés de la base du prisme considéré comme forme primitive. Mais de plus , en faisant mouvoir les fragmens à la lumière , on aperçoit deux autres joints naturels dont l’éclat est assez vif, et qui sont situés diago- nalement; d’où il suit que chacun des petits prismes rectan- gulaires dont le morceau est l’assemblage , se sous- divise en quatre prismes triangulaires qui représentent les molécules intégrantes : mais on ne pourra déterminer exactement les angles et les dimensions respectives de ces molécules, que quand on aura des cristaux réguliers , pourvus de facettes dont l'inclinaison fournisse des données pour parvenir à cette détermination. Je passe maintenant à la comparaison de la hornblende du Labrador avec les diverses substances auxquelles on l’a associée. Il me paroît d’abord évident qu’elle ne peut ap- partenir à l’amphibole. Ce dernier minéral donne , à l’aide de la division mécanique , un prisme rhomboïdal dont les pans font entre eux d’une part un angle de 124 degrés et demi, et de l’autre un angle de 55 degrés et demi. Il est impossible d’apercevoir aucun indice de joints natu- rels, situés dans d’autres directions que celles qui sont parallèles aux pans du prisme , et cette seule différence prouve qu’il en existe une essentielle entre les deux substances. La hornblende du Labrador ne me paroît pas avoir plus I)’ HISTOIRE NA TU R E L E E. 2 1 d’analogie avec la diall&ge métalloïde ( i) , si ce n’est qu’elle réfléchit comme celle-ci un éclat qui tire sur le métallique. J’ai profité , pour comparer ces deux minéraux , d’un échan- tillon de diaîlage que je dois à l’amitié de mon. savant collègue Faujas, et qui est plus favorable à l’observation que tous ceux que j’avois eus jusqu’alors entre les mains. En divisant mécaniquement cette diaîlage , j’ai reconnu que les coupes les moins nettes étoient sensiblement inclinées sur celles qui s’obtiennent le plus facilement , et je n’ai point remarqué de joints dans le sens des diagonales du prisme qui résulte de cette division. D’ailleurs , la diaîlage est beaucoup plus tendre que la hornblende du Labrador , et au lieu cle rayer le verre } comme cette dernière, elle y laisse une trace de sa poussière grise. J’observerai ici que le morceau qui m’a été donné par mon collègue Faujas , et dont nous ignorons la localité , est d’autant plus inté* ressant, que la diaîlage y est engagée dans une serpentine, tandis que jusqu’à présent on ne lui connoissoit d’autre gangue que le jade de Saussure. Les caractères du spath chatoyant s’écartent encore plus visiblement de ceux de la substance dont il s’agit. Ce spath ne se laisse diviser que suivant une seule direction 5 il est très-tendre et très-facile à casser, et ce que dit M. Emmerling, qu’on le trouve cristallisé en prismes hexaèdres réguliers , suffirait seul pour prouver qu’il ne peut être associé à la (1) En réunissant ce dernier minéral avec la diaîlage verte , je me suis conformé à l’opinion de Saussure et de plusieurs habiles minéralogistes. Je me propose de faire des recherches particulières pour m’assurer si ce rapprochement doit lui- même subsister. 2 2 ANNALES DU MUSEUM hornblende , dont la division mécanique indique une forme de molécule incompatible avec celle de ce prisme. Il résulte de cette discussion , que la hornblende du Labrador constitue très-probablement une espèce distincte, à laquelle il faudra donner un nom particulier, lorsque l’analyse chimique nous aura éclairés sur sa véritable nature. Le morceau qui m’a été envoyé par M. Klaproth avoit reçu le poli à un endroit. La vivacité de ce poli, jointe à la consistance du minéral, semble indiquer une pierre sus- ceptible d’être travaillée comme objet d’ornement. Aussi M. Reuss remarque- 1- il que l’on taille la hornblende du La- brador pour en faire des chatons de bague. J’ajouterai que dans cet état elle a quelque ressemblance , relativement à son aspect extérieur , avec certains morceaux d’une sub- stance très- différente par sa nature , savoir le corindon brun et chatoyant, que les lapidaires travaillent et polissent aussi quelquefois pour faciliter le développement de ces reflets mobiles qui , à mesure que l’on fait varier la position de Ja pierre , semblent se jouer sur sa surface. d’ HISTOIRE N A T U K. E II L e; 23 MEMOIRE Sur une défense fossile d’ éléphant trouvée à cinq pieds de profondeur dans un tuffa volcaîùque ? dans la commuTie Darbres , département de V Ardèche, v a k FAUJAS-SAINT-FOND. La commune Darbres est située au pied des monts Coirou ? dans le département de l’Ardèclie, à deux petites lieues de Villeneuve- de- Berg , patrie du célèbre Olivier de Seres , auteur du Théâtre d’agriculture. Les monts Coirou forment un groupe d’anciens volcans éteints , qui ont excité plusieurs fois l’attention des natura- listes , et qui ont été visités par plusieurs minéralogistes anglais , suédois et allemands, et par beaucoup de Français, Dolomieu , qui avait parcouru en tous sens ces montagnes avec moi, ainsi que Saussure, les considéroit comme les plus curieuses qu’il eût vues. C’ést dans l’arrondissement de la commune Darbres , et dans une petite habitation champêtre , appuyée contre un des escarpemens de ces monts volcanisés , qu’un ami de la retraite et de la botanique , M. Lavalette , a fixé sa résidence depuis la révolution. I 2 4 À ST N À L E S DU MUSEUM Il y a deux ans que son jardin n’ayant pas l’eau néces- saire pour rafraîchir ses plantes dans les chaleurs de l’été , M. Lavalette s’occupa à creuser dans un tuffa volcanique , à côté d’une petite source dont il cherchoit à augmenter le volume d’eau. A peine fut -il parvenu à la profondeur de cinq pieds , qu’il aperçut dans le massif du tuffa, qui n’avait certainement jamais été remué de main d’homme , le bout inférieur ou la pointe d’une défense d’éléphant, dont l’ivoire étoit non - seulement bien conservé , quoique fragile dans quelques parties : mais dure et pesante là où la ma- tière ne s^est pas exfoliée j elle a même l’aspect et l’espèce de luisant dun pech-slein , M. Lavalette prit les plus grandes précautions pour obtenir une portion de cette défense , dans sa gangue même , et , pour ainsi dire , dans le lit où elle gisoit, afin qu’on ne révoquât pas en doute que les restes d’un animal étranger à ce climat n’eussent été trouvés dans cette matière ; et il parvint à obtenir une portion de cette défense telle qu’on la voit, pl. XXXVIII, où je l’ai fait figurer de grandeur naturelle avec l’échan- tillon de tuffa qui lui sert de gangue. L’on auroit pu y ajouter la portion conique et pointue qui la termine et qui a sept pouces de longueur : mais nomme cette partie se sépara de la gangue , j’ai préféré de la faire dessiner telle qu’on la voit sur le morceau de tuffa auquel elle àdhéroit. Il eût fallu , d’ailleurs , une planche beaucoup plus grande , si l’on avoit voulu représenter toute la partie qui manquait pour terminer la pointe, et qu’il eût été facile de réunir en les colant. En mesurant les deux morceaux , et en y ajoutant ce qui peut avoir été détruit au gros bout par le coup qui la frappa: d’ histoire naturelle.' 2 5 on peut évaluer toute la partie qui a été trouvée , et qui termine la pointe de la défense, à une longueur d’en- viron deux pieds. Ce n’est-là sans doute qu’une portion de la défense totale de cet éléphant ; mais en la comparant , telle qu’elle est , avec des défenses naturelles de la même grandeur , on peut la considérer comme ayant appartenu à un individu de l’âge de vingt à vingt-cinq ans , et par con- séquent encore jeune. Cette défense a, dans la partie qui est conservée, absolu- ment la même forme que celle des défenses de l’éléphant d’Asie 5 elle n’a ni le contour ni la courbure de celles qu’on trouve en Sibérie $ cependant comme les dents mâchelières forment un caractère très-distinctif entre les espèces d’élé- phans, particulièrement entre ceux d’Asie et ceux d’Afrique , iljiuroit fallu trouver à côté de cette défense une dent molaire pour prononcer avec certitude sur l’espèce. Quant au tujfa volcanique dans lequel elle a été trouvée à cinq pieds de profondeur , il est composé de petits frag- mens anguleux de lave compacte noire , dure , basaltique , de lave compacte grise, de lave de la même couleur à petits pores , de lave cellulaire blanchâtre et quelquefois fauve , de petits grains de schorl noirs brillans j le tout forte- ment réuni, et comme cimenté par une lave terreuse ou oxidée, de couleur fauve. Les tujj’a volcaniques doivent leur origine à deux causes qui concourent , quoique de nature différente , à remplir le meme but. La première est le produit d’ éruptions boueuses } expression que j’ai employée anciennement en décrivant les Volcans du Vivarais , et qui a été adoptée par les naturalistes. L’on peut voir ce que j’ai dit de ces érup- 5. 2.6 A If U A L E S DU MUSEUM tions où Peau entre en concours avec le feu , dans ma Mi- néralogie des volcans , pag. 3 3^ et suiv. La seconde est due quelquefois à ces fréquentes pluies de matières pulvérulentes ou graveleuses , connues sous la dénomination très-impropre de pluies de cendres ; telle par exemple , que celle qui ensevelit la malheureuse ville de Pompéia sous l’immensité de matières qui furent lan- cées par le Vésuve à cette époque. Les eaux de pluie, s’in- filtrant ensuite à travers ce mélange de laves de diverses espèces, et d’autres matières étrangères qui s’y trouvèrent interposées , donnent à ces sortes de mélanges une dureté égale à celle des tuffa , ou plutôt en forment des tuffa de diverses sortes. Les eaux de la mer donnent la même consistance aux matières volcaniques qui sont élancées dans Pair et retom- bent dans son sein. Le volcan de Stromboli , qui rejette presque continuellement et par explosion tant de matières pulvérulentes formées par des laves de plus ou moins altérées, a formé et formera encore , dans la profondeur de la mer qui baigne sa base, des dépôts immenses de tuffa . Des coquilles, des ossemens même de poisson peuvent être saisis, enve- loppés par ces sortes de matières pulvérulentes, qui, promp- tement refroidies par Peau , ne portent aucune atteinte aux corps étrangers qu’elles touchent. L’on sait que l’on a trouvé dans les tuffa volcaniques des environs de Rome , qui sont de la même nature que ceux des monts Courou et de la commune Darbi'es , des défenses d’éléphant d’une grandeur considérable. Celle que M. de la Rochefoucauld envoya au Muséum d’histoire na- turelle , et qui avoit huit pieds de longueur sur quatorze d’ histoire naturelle. 27 pouces de circonférence, fut trouvée dans untuffa semblable ; ce n’est pas-là le seul exemple d’ossemens d’animaux dans les tuffa. Fortis nous apprend dans les savans Mémoires cju’il a publiés depuis peu sur l’histoire naturelle de l’Italie : « Que le » Tibre a souvent déterré des défenses d’éléphant très-consi - j> dérables , et que près de Rome le hasard en fit découvrir » auæ portes de la ville , dans un vignoble très-élevé au- » dessus de la plaine ; et il ajoute très-sagement , que ni les » anciens Etrusques , ni les premiers Romains n’étoient pas » assez barbares pour enterrer des défenses d’ éléphans qui » auroient été leurs contemporains ». Tom. II, pag. 3o3. M. le comte Morozo a donné dans le Journal de phy- sique une notice sur des fémurs et des dents molaires dé- léphant , trouvés, au mois d’avril de la même année, hors de la porte del Popolo , près de Rome , dans une vigne qui appartenoit à l’avocat Pelrini. Cette découverte fut faite à peu de distance de la petite colline dans laquelle M. de la Rochefoucauld trouva la grosse défense fossile d’éléphant qu’on voit dans le Muséum d’histoire naturelle de Paris. Voyez Journal de physique , tom. LIV , pag. 44-3. Ainsi , voilà les restes de trois éléphans ensevelis dans les tuffa volcaniques des environs de Rome j la défense fossile de celui trouvé par M. Lavalette dans le tuffa vol- canique de la commune d’ Arbres , est un fait de plus à ajouter à cette partie géologique de l’histoire naturelle (1). (1) M. Lavalette envoya la défense fossile d’éléphant qu’il avoit trouvée , au préfet de l’Ardèche, Caffarelli , qui la donna à M. Daüteville de la Voulte mon ami: mais comme ce dernier, qui a une fort belle collection de coquilles et de minéraux, ne recueille point de fossiles, il voulut bien me faire le sacrifice de çette défense , et la plaça lui-même d’une manière fort aiznable dans mon cabinet. ANNALES DU MUSÉUM 2 B DESCRIPTION D’une nouvelle espèce de Soude. par DESFON TA INES. «... — - — . — . >'j ■ Salsola radiata ( Soude rayonnée ). Tab. XXXIV. S A LS o la foliis lato-lanceolatis , dentatis ; calice coro - nulâ denticulatâ cuicto ; semine orbïcularïhinc emarginato. Cette belle espèce de Soude , qui se distingue facilement de toutes les autres par ses feuilles larges et dentées, est originaire de F Amérique septentrionale. On la cultive de- puis quatre à cinq ans dans le jardin du Muséum, où elle se perpétue de graines. Nous la devons , ainsi que beaucoup d’autres plantes rares , au citoyen André Michaux. Elle a du rapport avec les Anserines ou Chenopodium par ses graines lenticulaires et non contournées en spirale , et avec les soudes par la membrane en rosette qui entoure la base du calice. Ce dernier caractère m’a déterminé à la ranger parmi les Soudes, et d’autant mieux, que ce genre renferme déjà quelques espèces dont la graine n’est point roulée en spirale. Au reste ? les espèces qui composent le genre Soude doivent S AL S O LA radia ta ■ tPel/ier (-ftw/v lui# nd del. d’histoire naturelle. 29 être analysées et examinées de nouveau , et je 6uis con- vaincu, d’après mes propres observations , qu’il faudra le réformer et le diviser en plusieurs autres. Elle fleurit et fructifie en été. Racine annuelle. Tige anguleuse, striée, glabre, ferme, un peu tortueuse, de la grosseur du petit doigt, liaute de quatre à six décimètres , divisée depuis la base jusqu’au sommet en plu- sieurs rameaux alternes , étalés en panicule , partagés en un grand nombre de branches légèrement pubescentes , et dont les dernières ramifications sont filiformes. Feuilles alternes , glabres, lancéolées, plates , longues de trois à six centimètres sur un à deux de largeur, prolongées sur un pétiole court, bordées de dents inégales, aiguës, terminées par un petit poil roide. Les inférieures sont en spatule ou ovale- renversées. Fleurs polygames, sessiles , très-petites , nombreuses , solitaires , ou réunies au nombre de deux à trois le long des ramifications des branches. Fleur male. Calice persistant , vert , à cinq divisions profondes , ovales , obtuses , partagées extérieurement par une petite crête longitudinale. Corolle nulle. Cinq étamines opposées aux divisions du calice. Anthères jaunes, courtes, à deux loges. Fleur hermaphrodite. Calice persistant, également à cinq divisions, entouré à sa base d’une ligne circulaire qui prend de l’accroissement , et devient une rosette blanche, évasée, membraneuse, d’une seule pièce , inégalement dentée, au centre de laquelle se trouvent les cinq divisions du calice qui sont fermées et appliquées sur la graine. Cinq étamines comme dans les fleurs mâles. Trois styles blancs , sétiformes , plus longs que le calice. Une seule graine brune, orbiculaire , aplatie, échancrée d’un côté, entourée d’une pellicule mince , recouverte par le calice. Q 'Explication de la planche . 1. Une fleur mâle vue à la loupe. 2. Une fleur hermaphrodite non développée. 3. Une fleur hermaphrodite épanouie. 4. La membrane qui entoure le calice vue à la loupe. 5. Une graine de grandeur naturelle. 6. Une graine vue à la loupe. A K HT A t E S DU MUSEUM 3 o PLANTES RARES Qui ont fleuri en l an 10 dans le jardin ou dans les serres du Muséum. PAR DESFONTAINES. Cobea scandens ( Cobea grimpante ). {S o b e a caule scandente ; foïiis abrupte pinnatis 7 cir - rhosis ; pinnulis ovatis. Cavanil. Ic. , n° 1 5. tab. 1 6. La Cobea est une très-belle plante d’ornement , origi- naire du Mexique 7 que M. l’abbé Cavanilles a décrite et publiée le premier , et dont il a formé un nouveau genre dans son ouvrage intitulé : Icônes et descriptiones planta - rum , etc. Plusieurs individus provenus de graines envoyées au Muséum par cet habile botaniste 7 ont fleuri cet été dans la serre chaude ; ce qui m’a procuré l’occasion de les examiner et d’ajouter encore quelques observations à la description de M. Cavanilles ? qui d’ailleurs est fort exacte. Ce genre appartient évidemment à la famille des Pôle - moines , classe 8 , ordre h, de la méthode du citoyen de Jussieu . et il établit même de nouveaux rapports entre cette famille et celle des Bïgnones : mais comme le citoyen de Jussieu se propose de donner les preuves de cette analogie I»’ HISTOIRE NATURELLE. 3 I dans un mémoire destiné à nos annales , je me bornerai à exposer succinctement les principaux caractères qui distin- guent la Cobea. Cette plante ressemble assez bien au Bignonia capreolata , Lin. Sa racine pousse plusieurs tiges ligneuses , grêles, foibles, glabres , sarmenteuses , longues de six à liuit mètres , un peu anguleuses , et qui se partagent en rameaux. L’épiderme se gerce et s’exfolie sur les vieux troncs. Feuilles alternes, pennées sans impaire , composées de trois paires de folioles op- posées, glabres, ovale-allongées, fermes, très-entières, vertes, ou teintes d’une couleur de pourpre, larges de trois à cinq centimètres sur six à dix de longueur , portées sur des pétioles courts , creusés en gouttière , et qui naissent d’un pétiole commun , terminé par une vrille dont les rameaux sont filiformes , et plusieurs fois bifur- qués. Nervures transversales obliques , saillantes en dessous. Les deux folioles de la base sont communément liastées et échancrées sur les côtés en forme de violon , et la plupart ont un de leurs bords plus prolongé que l’autre sur le petit pétiole qui les soutient. Pédoncules axillaires , solitaires , lisses , cylindriques , deux ou trois fois plus longs que les feuilles, terminés par une fleur inclinée, munis près de la base de deux petites vrilles , ou feuilles latérales tantôt simples tantôt pennées. Calice persistant, pentagone, évasé, large, cainpaniforme , veiné en réseau, d’un vert très-pâle , à cinq divisions profondes , entières , ondées , ovales , ob- tuses , terminées par une petite pointe ou par une glande , à bords relevés , et rapprochés depuis le milieu jusqu’à la base. Corolle en cloche , pubescente, d’un jaune pâle lorsqu’elle vient de s’épanouir, ensuite violette, large de cinq à six centimètres sur une longueur à peu près égale. Limbe ouvert, à cinq divisions régulières, arrondies en demi-cercle, en- tières, un peu ondées, et renversées en arrière. Tube large , enflé, rétréci à la base, parsemé de petites bandes violettes longitudinales. Cinq étamines. Filets cylindriques, aigus, blancs, arqués près du sommet, velus à la base, un peu plus longs que la corolle, rapprochés et abaissés sur sa paroi inférieure. Anthères mobiles, liastées, à deux loges, s’ouvrant longitudina- lement, adhérentes aux filets par le milieu de leur face postérieure. Pollen jaune-pâle. Un style abaissé , plus court que les étamines , surmonté de trois stigmates grêles, rapprochés. Ovaire supère , ovale - allongé , glabre, creusé de trois sillons longitudinaux, entouré à sa base d’un disque charnu , à cinq pans arrondis , et partagés par un sillon dans leur longueur. La capsule j suivant M. Cavanilles , est ovale, aiguë, à trois valves et à trois 3 2 ANNALES BU MUSEUM loges polyspermes ; le réceptacle est prismatique, et les graines sont imbriquées," c’est-à-dire appliquées les unes sur les autres comme les tuiles du toit des mai- sons. Ce genre a été dédié par M. Cavanilles au père Cobo , jésuite , qui a décrit avec beaucoup de soin et d’exactitude les productions naturelles du Nouveau-Monde , où il avoit résidé pendant plus de cinquante ans. La Cobea est connue au Mexique sous le nom àlHyedra moradra , ou lierre violet. On la cultive dans la serre chaude $ je crois qu’elle pourroit passer l’hiver dans l’orangerie , et si l’on parvient à l’acclimater elle servira â embellir les jardins et les par- terres. Elle n’a point encore porté de graines , mais on la multiplie facilement de drageons et de marcottes. Correct alba ( Corréa à fleurs blanches ). Cor re a foliis subrotundis , supra tomentosis , subtils lanïgeris ; Jloribus terminalibus quaternis , albidis. Andr. Kespos. Bot. p. 1 8 , t. î 8. — — Wild. Spec. 3 , p. 324* Ce joli arbrisseau, originaire de la Nouvelle-Hollande , et envoyé vivant d’Angleterre par M. Voodfort , a fleuri pour la première fois au commencement de l’automne, M. Andrews en a formé un genre particulier, qu’il a dédié à M. Corréa , naturaliste portugais j et le citoyen Labillar- dière, dans son voyage à la recherche de la Peyrouse, en a publié deux autres espèces , l’une sous le nom de Mazeu- thoxeron rufum , t. î 7 j la seconde , sous celui de Mazeu - thoxeron rejlexum , t. 1 9 , qui croissent également à la Nouvelle - Hollande. Le Corréa alba étant encore très -rare en France, j’ai cru devoir en présenter les principaux carac~ itères dans une description abrégée. 33 1)’ HISTOIRE NATURELLE. La tige, qui est droite, cylindrique, haute d’un à deux mètres , se partage en plusieurs rameaux opposés, couverts d’un coton roussâtre, très-court et très-serré. Feuilles opposées, persistantes, ovales ou elliptiques, obtuses, très- entières , blanches et drapées en dessous, longues de trois à quatre centimètres sur deux à trois de largeur , portées sur un pétiole court. Fleurs terminales , droites , réunies en petits corymbes au nombre de trois à cinq. Pédoncules peu, allongés. Calice persistant, court, tronqué, couronné de quatre petites dents distinctes, aiguës. Corolle, quatre pétales blancs, cotonneux extérieurement , égaux , un peu épais, linéaires-lancéolés , distincts, recourbés en bas, longs d’un centimètre sur trois millimètres de largeur. Huit étamines, dont quatre un peu plus courtes, opposées aux pétales; les quatre autres sont alternes. Filets blancs, cylindriques, aigus. Anthères brunes, droites , mobiles , oblongues , à deux loges séparées par la base , attachées aux filets par leur face postérieure. Ovaire supère , cotonneux, rond. Un style en alêne , plus court que les étamines. Capsule arrondie , recouverte d’une enveloppe coriace , qui se détache lors- que le fruit est à maturité. Quatre valves obtuses, élastiques, fendues en deux, à bords repliés en dedans. Quatre loges renfermant chacune une graine brune, lisse , presque ronde , attachée sur le bord replié des valves. î) Le Correct alba a beaucoup d’affinité avec le JVLaZeutho - œeron rufum de Labillardière ; il en diffère par ses feuilles elliptiques , par les boutons de ses fleurs beaucoup plus petits , par les dents aiguës de son calice , enfin par ses pétales blancs ? tandis qu’ils sont verdâtres dans l’autre espèce. J’ai souvent observé deux graines dans chaque loge de la capsule du Mazeuthoæeron rufum. M. Andrews n’en indique qu’une dans le Correct alba. Le calice d’une seule pièce dans les Correa , la corolle à quatre pétales , l’ovaire supère , la capsule à quatre loges et à quatre valves élastiques , enfin les graines atta- chées aux angles rentrans des valves ? sont des caractères qui indiquent de l’affinité entre ce genre singulier et les pantes qui composent la famille des Rues. 2. 5 34 ANNALES DU MUSEUM Aster glutinosus ( Aster glutineux ). A ste r caule fruticoso ; foliis ovatis , dentatis ? sessilibus ? glutinosis. Cavanil. Ic. n° 184. tab. 168. L’Aster glutineux a tout l’aspect d’un Imda ? et est une espèce intermédiaire entre ce genre et celui de l’ Aster. Il diffère de l’un par ses anthères ? qui ne sont point terminées inférieurement par des soies ? et de l’autre par ses demi- fleurons jaunes. Nous devons encore cette belle plante à M. Cavanilles. Elle a fleuri et fructifié cette année dans la serre chaude sur la fin de l’automne. Il est probable qu’on pourra la conserver dans l’orangerie pendant l’hiver. Les caractères suivans la feront aisément reconnoître. Tige droite, ligneuse , glabre , gluante, légèrement sillonnée, rameuse à sa partie inférieure, haute de six à dix décimètres. Ecorce gercée sur les vieux troncs. Feuilles dures, alternes, éparses, sessiles , glabres, contournées, oblongues , élargies de la base au sommet , longues de sept à neuf centimètres sur trois à quatre de largeur, bordées de dents aiguës, parsemées de petites écailles blanches visibles à l’œil. Fleurs distinctes, disposées en corymbe. Pédoncules droits, terminés par une fleur , garnis de quelques feuilles ; celui du centre plus court que les latéraux. Calice ovale-arrondi avant son épanouissement , ensuite cylindrique , enduit d’une matière blanche , visqueuse , composé de plusieurs rangs de folioles en alêne , lâches, un peu roides , terminées p>ar une petite soie blanche ; celles de la base sont sou- vent lancéolées et semblables à des feuilles. Diamètre de la fleur de quatre centimètres. Vingt-cinq à trente demi-fleurons jaunes , ouverts, linéaires, obtus, plus longs que le calice, larges de quatre milli- mètres. Un style, deux stigmates. Fleurons jaunes, évasés de la base au sommet, tous hermaphrodites, à cinq dents. : Cinq étamines non terminées par des soies. Un style plus long que les fleurons. Deux stigmates , obtus , pubescens , rap- prochés. Ovaire glabre , strié , tronqué , presque tétragone. d’histoire naturelle. 35 Graines ovales , cendrées , couronnées d’une aigrette sessile , composée de soies droites, distinctes, peu nombreuses, et légèrement barbues. Réceptacle nu. ï) L’Aster glutineux est originaire du Mexique. Aristolochia caudata . Tab. 3 5 ( Aristoloche filifère. ) Aristolochia volubilis ; foliis corda tis , emarginatis ; florïbus solitariis ; labello piano , flabeUifonni 1 acuto ; ap- pendice recto ? Jiliformi $ apice incrassato. — — A. foliis cordatis , acuminatis , triplinerviis ; caule volubili . Jacq. Amer. 2 3 3. tab. 1 4 5. — Lin. Sp. i3 62. Cette espèce d’Aristoloclie extrêmement remarquable par la forme de son calice dont le limbe est aplati , triangu- laire , redressé et surmonté d’un long filament , a fleuri cet été pour la première fois dans la serre chaude. M. Jacquin est le premier qui l’ait fait connoître dans son Histoire des plantes d’ Amérique ; mais comme il n’en a parlé que suc- cinctement 7 et que Linnæus et autres ne l’ont indiquée que d’après cet auteur , nous avons cru devoir en donner une description plus étendue et plus complète , avec une planche qui en représentât exactement toutes les parties. Tiges ligneuses, sarmenteuses , longues de deux à trois mètres, partagées en plusieurs rameaux , grêles , simples ou peu divisés. Ecorce fongueuse sur les vieux troncs. Feuilles glabres, lisses, fermes, alternes, en coeur, de la grandeur de celle de l’aristoloche ronde. A. rotunda , Lin. 5 élargies à la base, rétrécies depuis le milieu jusqu’au sommet, qui est obtus et échancré. Lobes postérieurs arrondis en deini- cercle , distincts ou appliqués horizontalement l’un sur l’autre. Pétiole filiforme , contourné. Pédoncules axillaires , grêles , solitaires , pendans , tors , plus courts que la feuille , terminés par une fleur. 5 * 3 6 A K N A L E S DU MUSEUM Calice jaune-pâle. Tube légèrement courbé, long de deux centimètres, renflé à la base. Limbe plié en deux dans sa longueur, tranchant d’un côté, et arqué en dcmi-cercle avant son épanouissement; plane, redressé lorsqu’il est ouvert, et présentant la forme d’un éventail dont les angles sont émoussés , moucheté de taches brunes sur les côtés, rayé de petites nervures longitudinales dans le milieu. De la partie moyenne de son bord supérieur, s’élève un filament grêle, droit, long de quatre à cinq centimètres, obtus, et légèrement renflé au sommet. Entrée du tube parsemée de petites soies. Ovaire infère , allongé , strié , conique , avec un petit tubercule latéral près de son sommet. Style nul. Un stigmate charnu, sphérique, à six côtes. Six étamines. Anthères sessiles , grêles , jaunes-pâles , à deux loges unilatérales, s’ouvrant longitudinalement , placées dans les sillons du stigmate. Capsule ronde , pendante , de la grosseur d’une petite noix , terminée par une pointe courte , relevée de six côtes saillantes, s’ouvrant de la base au sommet en six valves aiguës , arquées , partagée en six loges polyspermes. Graines plates , en cœur, disposées sur un seul rang , et appliquées les unes sur les autres. I> Toutes les parties de cette Aristoloche exilaient une odeur fétide et nauséabonde lorsqu’on les froisse. Il est probable qu’elle pourroit être employée en médecine aux mêmes usages que plusieurs autres espèces du même genre. Elle est originaire des Antilles 9 d’où elle a été apportée par le citoyen Riedlé 7 jardinier du Muséum. Explication de la planche. 1. L’ovaire avec les étamines. 2. Les mêmes organes vus à la loupe. 3. Une capsule. 4> Une capsule coupée en travers. 5. Une capsule avec ses six valves entr’ouvertes. 6. La graine. . I de Zitiqne de/. ARISTOLOCHIA eau data. • I< • J p /ber d’ HISTOIRE NATURELLE» 37 OBSERVATIONS ANATOMIQUES Sur. le Crocodile du Nil. par E. GEOFFROY. Jêai lu les observations qui suivent, dans la dernière séance que tint l’Institut d’Égypte. Deux combats malheureux et la perte de la bataille du 3o ventôse an p nous avoient fait pressentir que nos ennemis , servis par la mésintelli- gence des chefs de notre armée , alloient enfin nous arra- cher la plus précieuse de nos colonies ? un pays dont la conquête nous avoit coûté tant d’efforts et de sacrifices , cette fameuse Égypte enfin que nous avions explorée en tous sens , que nous venions de voir couverte de monumens contemporains des temps héroïques , et qui nous avoit paru d’une fertilité au-dessus même de sa réputation. Ce fut au moment où nous fûmes informés de nos désastres , et où la nouvelle qui s’en répandit aussitôt souleva contre nous toute la population de l’Égypte , que l’on m’apporta un crocodile qu’on conduisoit vivant au Caire , et qui étoit mort depuis trois jours. J’avois , dans un temps plus heureux vivement ? désiré de disséquer un animal aussi célébré par les écrivains $ mais alors tout entier aux sensations pénibles qui s’étoient 38 A U IT A L Ë S DU MUSEUMT emparées cle tous les Français , j’hésitai un moment si j’entreprendrois ce travail : cependant prévoyant que je ne retrouverois plus l’occasion de cette recherche , si je la laissois échapper , et persuadé , comme je Pavois toujours été , que l’espèce de courage qui convenoit à des voyageurs placés dans les circonstances difficiles où je me trouvois , étoit celui de la résignation , je ne m’occupai plus que du crocodile que j’avois sous les yeux : je ne pus pas cependant procéder à une dissection parfaitement régulière ni porter mon attention sur tous les organes qui m’en paroissoient susceptibles j j’en fus empêché par un commencement de putréfaction que ce crocodile avoit déjà éprouvé quand il me fut remis , et par l’obligation qui me fut prescrite de ménager et conserver sa peau. Comme d’ailleurs il avoit déjà été observé par plusieurs anatomistes distingués, j’ai cru suffisant de me borner à la considération des organes qui avoient pu échapper à l’examen de ces savans ; en sorte que le travail que je publie aujourd’hui ne renferme que quelques additions à l’histoire d’un animal connu de toute antiquité. Article Ier. De la manière dont se meuvent les mâchoires . Qui croiroit que , dans l’état actuel des sciences , cette question est encore problématique ? Elle a été débattue par un grand nombre de voyageurs et de naturalistes j mais aucun , comme on va le voir , ne l’a complètement ré- solue. Hérodote affirma le premier que le crocodile est le seul des animaux connus dont la mâchoire supérieure est mobile d’histoire naturelle. 3 9 sur l’inférieure , qui reste fixe 5 son sentiment fut suivi par tous les anciens , Aristote , Pline , etc. 5 et c’est même dans ces termes que nous en parlent quelques modernes , comme Margrave, Oligerus Jacobæus, Marmol , l’illustre Vesale , quelques jésuites missionnaires à Siam , qui eurent occasion de voir des crocodiles vivans , ou de les étudier peu après leur mort 5 mais à peine fit-on attention à ces témoignages. Les premiers anatomistes de l’Académie des sciences entre- prirent de démontrer l’impossibilité du fait avancé par Hérodote ; et les noms de Perrault , de Duverney , firent le succès de cette opinion, à laquelle les naturalistes qui ont depuis écrit sur le crocodile se sont tous rangés. Il est sans doute très-surprenant que Perrault , connu par son exactitude , et qui disséqua , on peut le dire , avec soin un crocodile provenant de la ménagerie de Versailles, n’ait pas assez donné d’attention à la singulière configuration de la tête des crocodiles , et qu’il se soit élevé avec tant de force contre la prétention des anciens. Il décrivit minu- tieusement l’articulation des mâchoires , sans s’apercevoir qu’il fournissoit des preuves contre le fait qu’il se propo- soit d’établir 5 et il crut d’ailleurs l’avoir fait d’une manière victorieuse, en relevant les erreurs de Marmol , erreurs qu’il a faussement attribuées à Vesale , et en démontrant avec raison que la mâchoire supérieure n’est point , comme dans les perroquets , séparée du crâne , mais qu’elle forme avec le reste de la tête une seule et unique pièce osseuse. Pour que des hommes du mérite de Perrault , de Du- verney , et de tous les naturalistes qui ont depuis examiné des crocodiles dans des collections , se soient portés à révoquer en doute un fait attesté par un si grand nombre 4 O A jy lf A L E S DU MUSEUM d’observateurs , il faut sans cloute que cette question soit embarrassée d’une difficulté qu’une description exacte de la tête et des organes qui la meuvent est seule dans le cas d’éclaircir. 11 n’est pas ici simplement question de relever une erreur accréditée , et de venger les anciens de l’injustice de quel- ques modernes ; je dois sur - tout appeler l’attention des naturalistes sur un fait singulier d’organisation. Rien n’est, en effet, plus paradoxal que la tète du crocodile 5 tout ce qui est de coté dans les autres animaux, comme les joues et les organes moteurs des mâchoires, est rejeté en arrière dans le crocodile. L’os temporal lui-même excède de beaucoup le crâne en arrière 5 il est allongé et transformé en un double condyle dont il fait les fonctions. On a tout dit en quelque sorte de la tête du crocodile en la considérant comme uniquement composée de deux mâchoires $ car le crâne est si petit et pa- raît tellement déplacé, qu’il échappe à un premier examen. On le trouve au-dessous et un peu au-devant de la lame occipitale 5 le cerveau , ou plutôt le ganglion qui est con- tenu dans sa cavité , extrêmement étroit , se prolonge assez en avant pour que les organes de la vue et de l’ouie se trouvent situés au-dessus et un peu en arrière de lui. Une autre anomalie également digne de remarque , c’est i«. que la mâchoire inférieure est d’un sixième plus longue que la mâchoire supérieure et le crâne ; 20. que cette même mâchoire inférieure présente une cavité à double facette , où s’articulent par ginglyme les cornes de l’os temporal 5 3°. que le condyle occipital est sur la même ligne que les quatre condyles des os temporaux , en sorte que la tête est réellement retenue vers ses points d’articulation , comme le ü’ HISTOIRE NATURELLE. 4 1 couvercle d’une boîte l’est par une charnière 5 et 4°* que les deux mâchoires n’ayant qu’un mouvement simple de haut en bas , ne peuvent se porter séparément à droite ou à gauche pour faire subir aux alimens une sorte de tritu- ration. O11 a de la peine à se persuader , lorsqu’on examine un crocodile vivant ou un individu de cette espèce préparé à l’usage de nos collections , que la tête soit terminée à l’ex- trémité des mâchoires. On cherche la boîte osseuse qui renferme le cerveau, et qui, dans tous les autres animaux, se manifeste au-dehors sous la forme d’une protubérance fron- tale : on croit l’apercevoir vers la partie antérieure du cou qui est symétriquement renflée , et que l’on prend ordinai- rement pour le complément de la tête ; mais ce renflement est dû à la présence des muscles crotaphites qui sont assez volumineux , et qui sont en grande partie logés entre les muscles droits et obliques. D’aussi grandes différences dans les formes de la tête en entraînent nécessairement d’autres dans les organes qui lui correspondent directement ; et en effet on trouve que la colonne cervicale est composée de sept vertèbres , à la vé- rité distinctes , mais combinées dans leur articulation de manière qu’elles ne sont point mobiles les unes sur les autres. Les apophyses de ces vertèbres sont si multipliées , si longues et si rapprochées , que l’animal ne peut fléchir son cou , et que la colonne cervicale doit être , quant à ses usages , considérée comme un os unique j les muscles droits et obliques qui s’y attachent et qui ont leur second point d’insertion vers la crête occipitale , relèvent, lorsqu’ils vien- nent à se contracter, la tête sur le cou, en lui faisant 6 2. 42. ANNALES DU MUSEUM décrire un arc de 4é>0. La peau est mince en arrière de la lame occipitale , et se prête conséquemment à tous les mouvemens imprimés à la tête ; au contraire , la mâchoire inférieure est comme engainée dans une peau rugueuse et peu flexible. En supposant une force musculaire assez grande pour la tirer en en-bas , elle seroit retenue par ses enveloppes j elle est , en outre , entravée vers son extré- mité postérieure : car la longue apophyse, située au-delà des facettes articulaires , se rapproche de la peau en décri- vant une courbe précisément vers le point où elle est armée d’une longue écaille ; celle-ci oppose une résistance presque invincible à l’élévation du condyle, et par conséquent à rabaissement de la mâchoire : toutefois elle n’est pas entièrement fixe , sur-tout de la manière dont l’a entendu Marmol , qui a cru qu’elle formoit un seul os avec le sternum. Deux petits muscles allongés peuvent , en se con- tractant , lui imprimer un léger mouvement. La proposition d’Hérodote est donc presque rigoureusement vraie : Le cro- codile est le seul des animaux connus dont la mâchoire supérieure , entre les branches de laquelle le crâne se trouve compris, est mobile sur la mâchoire inférieure, qui n’a qu’un mouvement presque insensible . Art. II. Des organes de la digestion. Les anciens et presque tous les modernes ont écrit que le crocodile étoit privé de langue : il est bien vrai qu’elle ne se manifeste point au dehors j mais , physiologiquement parlant , le crocodile n’en est pas dépourvu. Toute la peau comprise entre les branches de la mâchoire inferieure se d’ histoire naturelle. 43 trouve revêtue en dedans d’une chair spongieuse , épaisse et mollasse , qui y est inséparablement attachée dans toute son étendue ; mais ce muscle , ou cette langue , est en quel- que sorte masqué à l’intérieur par une continuation des enveloppes générales. C’est une peau jaunâtre, chagrinée , et entièrement semblable à celle du palais : elle est percée d’une quantité de petits trous , qui sont les orifices des glandes dont la partie supérieure est garnie. Cette langue a la forme d’un fer de lance : ses dimensions dans notre sujet , long de 2rn, 1 o , étoient de om, 1 5 en longueur sur om;o5 à sa base. Quoiqu’elle ne soit point saillante en avant, je 11e puis nullement douter qu’elle ne serve à retenir et à conduire les alimens dans l’œsophage j car elle est fixée par sa base à la large pièce de l’os hyoïde : lors donc que celui-ci , vient à être tiré en en-bas , et qu’en même temps les fibres musculaires de la langue se contractent , elle se ramasse en un peloton , et , portée en arrière par les muscles de l’os hyoïde , elle entraîne nécessairement dans le mouvement contraire les alimens compris entre elle et le palais. L’os hyoïde est composé de trois pièces : la plus grande de om, 1 o sur om,o7 est cartilagineuse, et ressemble au cuilleron d’une pelle de bois j le fond postérieur est arrondi, l’intérieur droit. Celui - ci est infléchi sur la face convexe de la large pièce , et c’est dans la rainure formée par cette inflexion que s’insère la base de la langue. De cette disposi- tion , il résulte que la grande pièce surpasse la base de la langue d’un centimètre. Ce rebord , ou cette espèce de crête, devient un voile qui , lorsque l’os hyoïde est porté en ar- rière , ferme toute l’arrière-bouche , et quelquefois aussi les ouvertures postérieures des narines. 6 * 44 ANNALES DU MUSEUM Te! est le mécanisme qui permet à un crocodile pour- suivi et effrayé , comme j’ai eu occasion de l’observer dans la Haute - Égypte , de se réfugier , de se tenir caché dans le fleuve , et de pouvoir cependant y respirer. Il expose seu- lement hors de Peau l’extrémité de son museau où se trou- vent les ouvertures nasales : les mâchoires sont alors ou- vertes 5 sans que les eaux du fleuve puissent se répandre dans l’œsophage et la trachée artère. Les cornes de l’os hyoïde sont deux osselets arqués et allongés, ayant om,0 7 de longueur. L’os hyoïde est tiré en arrière par quatre muscles , dont les extérieurs sont ronds et les internes aplatis : il est ramené en avant par la contraction de la langue. Perrault donne à l’œsophage du jeune crocodile qu’il a observé , un diamètre plus grand qu’à l’estomac. Il com- pare l’œsophage de ce reptile au gésier d’un oiseau qui se nourrit de grains; et il suppose en conséquence, ce qui seroit une anomalie beaucoup trop monstrueuse pour qu’elle pût se rencontrer dans l’économie animale , que la digestion s’opère en grande partie dans l’œsophage. Mes observations sont directement contraires à celles de ce célèbre anato- miste. J’ai trouvé le diamètre de l’œsophage de om,o6, et celui de l’estomac de om, i 7 sur om, 1 5 ; car la forme de cette poche est celle d’un ellipsoïde qui seroit légèrement comprimé sur les côtés : au surplus elle ne m’a paru res- sembler en rien à un gésier. La tunique veloutée éîoit tres- épaisse , la musculaire ne l’étoit pas autant ; l’intérieur étoit rempli d’une quantité de petits cailloux dont le poli annon- çait qu’ils avoient servi à la trituration des matières ali- mentaires. L’estomac étoit surmonté d’une poche , laquelle D* HISTOIRE NATURELLE- se trouvoit terminée par le pylore. Dans les intestins, qui avoient 3 m-)6r] de long, on ne distinguoit positivement que le rectum par sa plus grande épaisseur. Le duodénum , un peu au-dessous du pylore, étoit cependant remarquable par un double contour qu’il faisoit de bas en haut dans une longueur de om, i 4 • ses replis , qui se touchoient , étoient unis par une panne de graisse , refendue en trois en- droits divers : le reste des intestins , dans lesquels on n’a- percevoit aucune trace de cæcum , étoit fortement attaché aux lombes par le moyen du mésentère. Art. III. Organes de la respiration. L’aplatissement de la queue des crocodiles et les mem- branes étendues entre leurs doigts de pieds de derrière , m’expliquoient déjà leur goût décidé pour les fleuves ; mais de même que les oreilles et l’arrière-bouche sont chacune pourvues d’un cartilage qui s’oppose , au besoin , à l’intro- duction du liquide environnant, je devois m’attendre à une pareille relation entre les organes pulmonaires et ceux de la natation 5 j’avois en conséquence toujours désiré d’ob- server et de décrire moi - même ces organes pulmonaires comparativement à ceux des autres lézards, de manière à pouvoir tracer les caractères anatomiques et les plus véri- tablement essentiels par lesquels le genre des crocodiles dif- fère des diverses autres familles de reptiles. Si je reproduis cette description , ce n’est donc pas que la plupart des ana- tomistes qui m’ont précédé ayent omis de le faire: on connoit au contraire celle de Yesale, de Sloane., de Perrault, d’Has- selquist , celle plus détaillée des Pères Jésuites mission- 46 ANNALES DU MUSEUM uaires à Siam , à laquelle Duverney a encore ajouté , et qui ne laisse presque rien à desirer. La trachée artère s’ouvre au centre de la large pièce de l’os hyoïde et l’accompagne en arrière , à peu près (pour me servir de la comparaison dont j’ai déjà fait usage ) comme le manche d’une pelle de bois en accompagne le cuilleron. Un peu avant de se diviser en deux branches, elle se replie et se contourne du côté gauche , ainsi qu’on le remarque dans plusieurs oiseaux : sa longueur en ligne droite est de om,3 8 jusqu’au point de sa bifurcation. Elle est composée d’anneaux cartilagineux , entiers , larges , et séparés entre eux par un anneau membraneux fort étroit. Je n’ai trouvé que les dix premiers anneaux qui ne fussent pas entiers ; Duverney en a compté, sur le crocodile de l’Académie, seize dont les portions étoient réunies par une membrane $ les Pères Jésuites, cités ci-dessus, un plus grand nombre dans les crocodiles de Siam. C’est cette membrane fortement ten- due, qui, vibrée, à la manière de la peau des tambours, par l’air intérieur du poumon, procure au crocodile ce cri ou plutôt ce mugissement sourd dont nous parlent Catesby , la Coudrenière et Bartram : alors la fente de la glotte est fermée par les bourrelets musculeux qui la bordent de chaque cote. Les poumons sont deux sacs coniques dont les sommets sont dirigés du côté de la tête : leurs faces internes , qui s’appuient sur l’œsophage, en conservent l’empreinte par un sillon longitudinal. Leur longueur est de om,33 , leur lar- geur, à la base, est de o m, 2 2 ; la ligure qu’en a donnée Perrault, les représente ovoïdes-allongés. Les poumons des lézards ne sont que deux sacs allongés d’ histoire naturelle. 47 dont les parois internes sont seulement tapissées de petites fibres charnues réticulaires et de vaisseaux sanguins. Ceux des crocodiles en diffèrent par la grandeur des feuillets mem- braneux dont ils sont fournis et qui forment comme plusieurs petits murs : c’est un vaste réseau composé d’une quantité de mailles pareilles à celles qui se voient dans le second estomac des animaux ruminans. Chacune de ces mailles est le bord et l’entrée d’une petite poche qui s’ouvre dans une seconde et quelquefois dans une troisième ; elles sont com- posées de deux sortes de fibres, les unes circulaires et pa- rallèles entre elles , et les autres perpendiculaires , qui cou- pent les premières transversalement à angles droits. Le centre de chaque sac pulmonaire , entièrement vide , sert en quelque sorte de réservoir d’air. Les cellules en s’ouvrant s’en rem- plissent, puis le compriment en se fermant, et le portent sur le sang pour ainsi dire sans le concours des organes qui pèsent sur toute la masse pulmonaire. Elles répètent ce jeu jusqu’à ce que l’air contenu dans la totalité du poumon soit vicié. Les crocodiles ne sont donc forcés de venir respirer à la surface de l’eau qu’après un certain laps de temps. Cette structure du poumon , par laquelle ils s’éloi- gnent des lézards , les rapproche des tortues de mer : nous aurons tout-à-l’heure occasion de remarquer que ce n’est pas le seul rapport qu’il aient avec ces animaux. A R t. IV. Des organes de la génération. ' V ,* ; ’ é'ij \ >■ ' ; Ces organes sont si compliqués et ont si peu de rap- port à ce qui est connu dans les mammifères , que les auteurs ont craint pour ainsi dire de les décrire , et les ont à peine 48 ANNALES DU MUSEUM exquissés. On a dit que le crocodile n’étoit qn’un lézard d’une taille monstrueuse, et en conséquence Linnæus Fa rangé dans son genre Lacerta. Ce que je viens déjà de rapporter de la configuration de la tête et des poumons de ce reptile Fen éloigne sans doute j mais c’est sur-tout la con- sidération des organes de la génération qui lèvera toutes les incertitudes que Fon auroit encore sur ses rapports na- turels. La plupart des lézards , tout comme les serpens , sont munis de deux verges : elles sont situées de chaque coté de Fanus. Ce ne sont proprement que deux corps caverneux formés par une légère expansion cutanée et terminée par deux appendices cartilagineux. On y trouve à l’intérieur deux glandes qui versent une liqueur assez abondante pour qu’on se soit mépris sur sa nature et qu’on Fait regardée comme de la liqueur séminale. Ces verges jouent dans un fourreau qui est formé par une duplicature de la peau. Un muscle allongé et toujours renfermé dans une gaine membraneuse les termine à l’arrière et les force, en se contractant, de rentrer à l’intérieur. Si le crocodile conserve quelque chose de ce plan général d’organisation, c’est d’ailleurs une tout autre combinaison. Il n’a qu’une seule verge logée à la partie antérieure et dans un repli du cloaque commun : elle est imperforée , toute cartilagi- neuse, terminée par une espèce de gland et longue de om,o3. Les deux glandes des cotés de Fanus s’y trouvent et suintent an-dehors une liqueur blanchâtre par deux orifices distincts et assez éloignés ; ces glandes ne donnent lieu à aucune protubé- rance , et cependant le muscle rétracteur des corps caverneux des lézards y existe. Il est même d’un volume si considérable I)’ HISTOIRE NATURELLE, 49 (de om,4o de longueur sur om, 1 1 dans sa plus grande épaisseur), que c’est ce muscle avec son congénère qui renfle la partie antérieure de la queue , au point qu’on ne la distingue pas, par une diminution de volume , du reste du corps. Ce muscle est terminé par un bord aigu du coté où il s’articule avec les vertèbres caudales , et par un bord libre et arrondi du côté opposé. Ce qu’il a en outre de re- marquable , c’est qu’il est renfermé , comme le muscle ré- tracteur des corps caverneux , dans une gaîne propre d’une grande épaisseur et d’une nature cartilagineuse : cette gaîne se prolonge en avant en une aponévrose qui se répand et s’insère sur le bassin j de sorte que les usages de ce muscle changeant avec le système général d’organisation , sc bornent à contribuer au mouvement latéral de la queue. Les testicules se rapprochent à quelques égards de ceux des poissons ; ils sont étroits et allongés } on les aperçoit un peu au-dessus et en avant des reins. La semence est apportée dans deux vésicules assez grandes , contiguës, et logés en arrière du cloaque commun : ces vésicules sont en partie fermées par un sac cartilagineux ; elles s’ouvrent dans le cloaque commun par six à sept trous de chaque côté , disposés circulairement autour du méat urinaire. Il est composé de deux lobes inégaux. L’un a la forme d’un parallélipipède (om, i\ surom,op): l’autre est grêle et plus allongé , ( o , 1 9 ). Ce viscère m’a offert une organi- Art. V. Du foie. 2. 7 / S O ANNALES DU MUSEUM sation très - remarquable^ dont aucun anatomiste n’a fait encore mention. La surface convexe de chaque lobe est couverte d’une membrane qui est l’aponévrose d’un muscle dont j’ai peine à comprendre l’usage : ce muscle qui com- mence au bord postérieur et inférieur de chaque lobe , va s’insérer très-près du bassin à la dernière pièce du ster- num j car il faut se rappeler que celui-ci se prolonge au- delà des côtes , et se termine en une large pièce qui s’ar- ticule avec les os du bassin. Ces deux muscles , que l’on n’a encore trouvés dans aucun autre animal , opèrent , par leur contraction , l’abaissement du foie , et procurent par-là plus de capacité à la poitrine $ cet usage leur donne de l’affinité avec le diaphragme : leurs points d’attache y feroient croire également (1). La vésicule du fiel est ovoïde ? de om?o8 sur o,njo3? adhérente au lobe droit du foie. Art. VI. Des autres 'viscères .. Ils sont suffisamment bien décrits par la plupait des auteurs que j’ai eu occasion de citer j en conséquence , je me bornerai à relater leurs positions respectives , cette con- noissance pouvant fournir quelques renseîgnemens utiles à la détermination des diverses espèces de crocodiles. Le cœur : sa hauteur de om?c>7 7 sa base de om,o5 $ l’oreillette droite plus grande que la gauche. La rate 7 ovale - allongée ? de om,io sur 0,04 ; à face (1) Le cit. Cuvier a observé ces muscles dans le crocodile de Saint-Domingue : il se propose de les décrire avec plus d’étendue dans son Anatomie comparée. 3)’ HISTOIRE NATURELLE. 5 t Inférieure légèrement concave , à face supérieure relevée par deux crêtes , dont une très-petite. Les reins , composés de mamelons et de nombreuses si- nuosités formées par l’amas de glandes, de om, 11 sur o>5^ N. B, Je ne me suis décidé à publier ces observations qu’après m’être assuré , à mon retour d’Egypte , qu’elles avoient , malgré les savantes recherches de plusieurs de mes collègues , conservé encore toute leur nouveauté. L’ex- cellent mémoire du citoyen Cuvier n’a pour objet que d’établir les véritables différences qu’il y a entre les cro- codiles du nouveau continent et ceux de l’ancien j et Daudin ( Traité des Reptiles , faisant suite aux ouvrages de Buffon ) s’est attaché sur-tout à enrichir l’histoire du crocodile de plusieurs relations de voyageurs qui étoient restées ignorées. Puisque je me trouve dans le cas de citer ce dernier ouvrage , j’y relèverai un fait qui m’est relatif, et que le citoyen Daudin y a consigné par suite de la bienveillance qu’il veut bien m’accorder. Il annonce que j’ai essayé , « pendant mon séjour en Egypte , de domter et d’appri- » voiser des crocodiles à l’exemple des anciens , et que j) mes tentatives n’ont point été couronnées du succès que « j’en a vois espéré ». Je dois à la vérité d’avertir que je n’ai fait aucun essai de ce genre. Voici ce qui a donné lieu à ce bruit , qui fut en effet répandu. Dans le temps de nos triomphes , à l’époque où l’armée d’Orient avoit à sa tête un chef digne de ses glorieux exploits , les Anglais envoyés pour nous combat- tre ne trouvoient alors aucune occasion de satisfaire l’envie * 7 5a ANNALES DU MUSEUM de nous nuire , dont ils étoient tourmentés. Fatigués des ennuis d’une croisière insignifiante , ils voulurent s’égayer, et crurent nous atteindre par des traits bien émoussés , en cherchant à couvrir de ridicule les principaux person- nages de l’armée. Ils firent quelques caricatures qu’ils en- voyèrent en Angleterre, d’où elles se répandirent en France. On me fît l’honneur de penser à moi ; on mit en scène plusieurs crocodiles , et cette production éphémère donna lieu à la méprise dont je viens de parier. Explication des planches. 10. No XXXVI, A. A. Les poumons. B. Le péricarde. C. G. Les deux lobes du foie. D. Les muscles diaphragmatiques. E. L’estomac. F. Le canal intestinal. G. Le sternum et ses museîes , vus à l’intérieur. H. Les mêmes organes , vus en dessus. 2°. No XXXVII , flg.. 2. Le crâne d’un crocodile du Nil $ il est ici figuré , i°. Pour donner une idée de la manière dont le crocodile élève la mâchoire supérieure sur l’inférieure | 2°. Pour montrer les deux condyles des cornes de l’os temporal et la cavité à double facette où ils s’articulent ; 3°. Et enfin, pour rendre sensibles les différences qu’il y a des grosses dents du crocodile du Nil à celles du crocodile de Saint- Domingue. 'I If /); 7 • -n / / itcer U ti/ , xxx m d’ histoire naturelle. 53 j . ; NOTICE Sur une nouvelle espèce de Crocodile de V Amérique, par E. GEOFFROY. T iv. capitaine-général Leclerc , informé , par quelques officiers de son état-major qui avoient fait les campagnes d’Egypte , que le crocodile de Saint-Domingue avoit la plus grande ressemblance avec celui du Nil, crut intéressant de procurer aux naturalistes les moyens de constater ce fait : il voulut bien en conséquence nous faire le sacrifice de deux crocodiles dont on lui avoit fait présent. Les journaux ont dans le temps annoncé l’arrivée du plus jeune que l’on nous conduisoit vivant , et qui périt au moment d’être débarqué au Havre : le second individu nous parvint en nivôse 5 il étoit beau- coup plus grand ; on l’avoit assez bien préparé à Saint- Domingue , et il 111’a servi d’original pour la figure qui accompagne ce mémoire. (Voyez planche 87, Jig. 1.) On 11e connoissoit point encore le fait remarqué par les officiers attachés à l’état-major du général Leclerc $ on étoit au contraire persuadé que l’Amérique ne nourrissoit qu’une seule espèce de crocodile (1)5 dont les principaux carac» (1) Voyez l’excellente dissertation que mon savant collègue le citoyen Cuvier a lue à l’Institut national , et qu’il a publiée dans les Annales de Zoologie et de Zootomie de Wiedemann. 54 ANNALES DU MUSEUM tères étoient d’avoir le museau obtus , une cavité dans la mâchoire supérieure pour recevoir la quatrième dent d’en bas , et les pieds de derrière à demi - palmés. On fut donc très - surpris de voir arriver de Saint - Domingue un crocodile semblable à ceux de l’ancien continent , ayant comme ceux - ci le museau oblong , une échancrure au côté de la mâchoire supérieure pour laisser passer la qua- trième dent d’en bas , et les pieds de derrière entièrement palmés : notre premier soupçon , à la réception de cet ani- mal, fut que l'identité d’espèce étoit démontrée , et qu’ainsi le véritable crocodile existoit également dans les contrées chaudes des deux mondes. Cependant c’étoit un résultat si contraire à l’une des plus belles lois établies par Buffon , loi de la plus grande importance , aussi bien en zoologie que dans l’histoire des révolutions du globe , que je ne crus pas devoir admettre ce premier aperçu sans un examen plus approfondi ; cette loi , basée sur l’observation que Buffon avoit faite qu’aucune espèce de la zone torride n’avoit pas été primitivement placée dans les deux continens , ou n’avoit point encore été contre- dite , ou ne l’avoit été que par des objections dont on avoit tout aussitôt reconnu le peu de fondement. Je comparai donc le crocodile de Saint - Domingue à celui que j’avois rapporté d’Egypte , et il me fut agréable de me convaincre que ces animaux étoient assez diffé- rens pour mériter d'être considérés comme deux espèces distinctes ; car je ne crois pas qu’on soit fondé à m’opposer que leurs différences dussent être attribuées à l’âge : ils sont tous deux à peu près de la même grandeur, et j’ai d’ailleurs été à même de constater que l’âge dans les crocodiles donne d’ HISTOIRE NATURELLE. 55 lieu à d’autres différences que celles dont je vais parler. Je puis citer en preuve les deux individus dont nous sommes redevables au zèle éclairé du général Leclerc : quoique d’âge et de taille bien différens , ils ne m’en ont pas moins paru entièrement semblables. Le crocodile de Saint-Domingue ressemble à celui du Nil par tous les caracères qui servent à distinguer celui-ci du caïman : il a pourtant les mâchoires encore plus étroites et plus longues • leur largeur est à la longueur dans le rapport de 3 à 6. Dans le crocodile du Nil , ce rapport est de 4 à 6. Le corps du crocodile de Saint-Domingue est aussi proportionnellement plus allongé ^ et la queue est formée de trois bandes de plus , vingt dans l’un , dix- sept dans l’autre. Les deux premières dents d’en bas sont si longues qu’elles percent la mâchoire supérieure de part en part j tandis que , plus petites dans le crocodile du Nil, elles ne se creusent que deux petites cavités où elles sont reçues. La quatrième dent de la mâchoire inférieure , dans le premier , se distingue à peine de ses deux voisines , lorsque dans l’autre crocodile ces quatrièmes dents sont beaucoup plus grandes. Les plaques qui recouvrent le dos sont moins nombreuses et plus inégalement semées dans le crocodile de Saint-Domingue : les crêtes de chacune d’elles ne sont vraiment saillantes que dans la rangée exté rieure ; toutes celles du milieu sont presque effacées : dans- le crocodile du Nil , au contraire ? on ne remarque aucune plaque , aucune crête » qu’elles n’ayent la même forme , la même saillie et le même arrangement respectif. Enfin il n’y a pas jusqu’aux écailles qui revêtent les quatre extrémités qui ne soient parfaitement carrées dans le crocodile de 56 ANNALES DU MUSEUM Saint-Domingue , et rondes ou hexagonales dans celui du Nil. Toutes ces différences me paraissent fournir autant d’induc- tions propres à faire croire que le crocodile de Saint-Domingue forme une espèce parfaitement distincte de celui du Nil. Mais si ce fait ne peut être en ce moment établi d’une ma- nière incontestable , du moins il n’y a pas lieu de considérer1 la loi que Buffon a établie , comme ébranlée par la décou- verte à Saint-Domingue d’un crocodile à mâchoires allon- gées. Pour pouvoir prononcer affirmativement dans cette question , il faudrait connoître avec beaucoup d’exactitude les changemens que peuvent subir les crocodiles dans les différens âges de leur vie $ savoir , s’ils ne sont pas soumis à des influences locales qui les fassent varier accidentelle- ment , et obtenir quelques renseignemens sur leurs habitudes. Nous ne doutons point qu’il ne soit agréable aux médecins de l’armée de Saint-Domingue de nous procurer ces rensei- gnemens : nous sommes d’autant mieux fondés à le croire, que nous savons que le chef chargé de diriger leurs efforts , M. Peyre , s’est déjà occupé de disséquer un crocodile et d’en décrire les viscères. SUITE DES MÉMOIRES S u il les fossiles des environs de Paris , par L A M A R C K. GENRE XII. Mitre, Mitra . Charact. GEN. Testa univalvis , subfusifoiunis , apice acuta, basi emarginata ; canali nullo; colutneilâ plicatâ ; plicis inferioribus minoribus . , y ,* ’ ’ i i-i ' >'■ oi. •. . •• • • ; ;> '• 1 OïSEUViTIOSSi Les mitres forment un genre bien distingué des volutes , i°. parce que le sommet de leur spire est véritablement pointu et non terminé en mamelon j 2°. parce que les plis de leur coîumeîle vont insensiblement en diminuant de gran- deur vers le bas , de manière que les inférieurs sont toujours plus petits que les autres. Ces coquilles sont ordinairement allongées , turriculées ou fusiformes , et la plupart sont très-agréablement variées dans leurs couleurs. Elies vivent, comme les volutes, dans les mers des pays chauds. On en connoît un grand nombre 8 s 2. 58 ANNALES DU MUSEUM d’espèces, parmi lesquelles beaucoup sont rares , précieuses , et fort recherchées des amateurs de conchyliologie. ESPÈCES FOSSILES. а . Mitre à petites côtes. Vélin , nQ 3 , f. 1 . Mitra ( crebricosta ), ovato-fusiformis ; costis crebris, longitudinalibus , inferûè obsoletis ; columellâ 4- plicatd . n. L. n. Grignon. Elle n’a que quinze millimètres de grandeur. Cabinet du C. Défiance. 2. Mitre monodonte. Vélin , n° 3, f. 3. Mitra (monodonta) , ovato-acuta , laeviuscula , supernè longitudinaliter striata $ labro intùs unidentato. n. L. n. Grignon. Elle n’a que seize millimètres ( six lignes et demie ) de longueur-. Cette coquille est remarquable par une dent placée sur la face interne du bord droit de son ouverture. Mon cabinet. 3. Mitre marginée. Vélin , n° 3 , f. 2. Mitra ( marginata ), ouata, laeviuscula ; anfractibus margine variculoso crenu- latoque subduplicatis . n. L. n. Grignon. Le bord supérieur de chaque tour de spire offre un petit bour- relet crénelé qui distingue cette espèce. Elle n’a que douze millimètres de longueur. La figure citée du vélin la représente avec des stries un peu trop marquées. Mon cabinet. 4. Mitre plicatelle. Vélin , n° 3 , f. 5. Mitra ( plicatella ) , fusiformis , laevigata ; anfractibus margine subplicatis ; columellâ l^-plicatâ. n. L. n. Grignon. Elle est lisse, un peu plissée sur le bord de ses tours de spire. Cabinet du C. Defrance. 5. Mitre labratule. Vélin , n° 3 , f. 6. Mitra ( la b rat u la ), ovato-acuta , laeviuscula , supernè costulis striisque trans - versis decussataq labro crasso , marginato. n. L. n. Grignon, où elle est assez commune. Cette mitre a deux centimètres f en- viron treize lignes) de longueur. Mon cabinet. б. Mitre à. côtes rares. Vélin , n° 3 , f. 9. d’histoire 1ÎÀTUREILE, 59 Mitra ( raricosta ), ovato - acuta , costis longitudinalibus} distantibus , muticis ; labro crasso marginato , intàs subiinidentato. n. Voluta labiata. Cliemn. Conch. vol. XT, p. 3o2 , t. 212, f. 3oo8 , 3009. L. n. Grignon. Elle est remarquable par les côtes rares et longitudinales dont elle est ornée à l’extérieur. Sa columelle a quatre plis , et laisse voir la lèvre gauche qui la recouvre. Mon cabinet. 7. Mitre mixte. Vélin , n° 3 , f. 8. Mitra ( mixta ), fusiformis , laevigata, basi apiceque obsolète striata ; aperturd ■vix emarginatâ. n. L. n. Grignon. Elle a des rapports avec certaines marginelles ; mais elle a les plis des mitres, et n’est point muni de bourrelet marginal. Sa longueur est de deux centimètres et quelquefois un peu plus. Mon cabinet. 8. Mitre cancelline. Vélin , n° 3, f. 7. Mitra ( cancellina ), subfusiformis , laevigata ,• labro interné striato ; aperturd basi subintegrâ. n. L. n. Grignon. Le bord droit de son ouverture est strié intérieurement. Cabinet du C. Défiance. 9. Mitre tarrière. Vélin , n9 3 , f. 10. Mitra ( terebellum ) , fusiformi - turrita , laevigata , infernè striata ; aperturd basi subintegrâ. n. L. n. Grignon. Cette coquille est grêle, un peu turriculée , et à peine échan» crée à la base de son ouverture. Elle a quinze millimètres de longueur. Mon cabinet. 10. Mitre fuselline. Mitra {fusellina ), ovato-fusiforrnis , laevis , minuta , basi transversini striata ; anfractibus supernè marginatis. n. L. n. Grignon. Elle est fort petite, et n’a que quatre ou cinq millimètres de longueur. Le bord droit de son ouverture est strié en dedans. Elle a quel- quefois de petites côtes longitudinales sur le dernier tour de spire j néanmoins elle est bien distincte de la suivante. Cabinet du C. Defrance. 11. Mitre graniforme. Mitra {graniformis ), ovata , longitudinaliter costulata ; anfractibus marginal tis. n. L. n. Parne prèsMagny. Espèce très-petite , fort jolie , et bien caractérisée pa^ ses côtes longitudinales et par le petit bourrelet bien marqué qui borde supé- 8 * 6 o AIlîÂtES D TT MUSEUM rieurement ses tours de spire. Cette coquiile n’a que quatre ou cinq millimètres de longueur. Elle a été trouvée par le citoyen A. L, de Jussieu , qui a bien voulu m’en communiquer plusieurs individus. 12. Mitre mu tique. Mitra ( mu tic a ) , ovato - acuta , laevigata ; anfractibus undiquè simplicibus ; pliais columellae quatcrnis. n. L. n. Grignon. Cette coquille est remarquable en ce qu’elle n’a aucunes stries particulières sur ses tours de spire. Sa longueur est de vingt-cinq millimètres. Mon cabinet. 13. Mitre allongée. Mitra ( elongata ), fusiformi-turrita, laevigata ; columellâ subquinque plicatâ. n. /3. Eadem slriis transversis vix perspicuis. L. n. de Montmiral en Brie. Cette mitre fossile est allongée, turriculée, lisse, glabre, et a cinquante-cinq millimètres (deux pouces) de longueur. La va- riété /3 est encore un peu plus longue , et offre des stries transverses, écartées , mais peu apparentes sur les tours de sa spire. Mon cabinet. Voyez d’Argenviile, fossiles, pl. 29. Buccinite , 2e figure du n° 6. 34. Mitre citbarelle. Mitra ( citharella ), ovato-acuta: subventricosa ; costis longitudinalibus ^ cüstan- tibus , muticis ; columellâ nudâ , quadriplicatd. n. L, n. Grignon. Elle a beaucoup de rapports avec la mitre à côtes rares n° 6 5 mais elle est plus ventrue. Son bord droit n’a ni bourrelet ni dent intérieure ; sa columelle n’est pas recouverte par un bord gauche apparent. Cabinet du C. Defrance. Vota. On n’a pas encore rencontré dans les environs de Paris d’espèces fossile* du genre colombelle, qui dévoient se trouver ici d’après ma méthode. G E N E. E XIII. M a a g 1 n e l l e ? Marginella . •Char a gt. ceint. Testa nnivalvis , ovato - ohlonga , lac vis ; spirâ brevi. Labrum ex tus calloso - margination. Apertura basi subemargiuata. Columellâ plie ata. OlîSE A V A T I O If S. Les marginelles sont des coquilles lisses , polies, ornées d’ histoire NATURELLE. 6 I la plupart d’assez belles couleurs } et toutes remarquables par le bourrelet saillant et calleux qui garnit en dehors le bord droit de ces coquilles. Linné les rapportoit à son genre voluta ; mais elles y formoient une petite famille particulière ? et elles sont en effet très-distinctes des volutes et des mitres. La base de leur ouverture n’est presque point échancrée. Ces coquilles forment un genre très-naturel par les rap- ports qui lient les unes aux autres toutes les espèces qu’il comprend. Ces espèces habitent les mers des pays chauds 5 en sorte que la plupart se trouvent dans l’Océan africain , au Sé- négal et dans son voisinage. ESPÈCES FOSSILES. 1 . Marginelle éburnée. Vélin , n° 3 , f. n. Marginella ( eburnea ), lacvis ; spirâ conoideâ ; marginibus anfractuum canjiucn- tibus ; labro mittico. n. L. n. Grignon. Elle est lisse, le plus souvent d’un blanc et d’un luisant d’ivoire, et n’a que quatre plis à la columelle. Sa longueur est de douze ou treize milli- mètres ( environ cinq lignes ). Mon cabinet. 2. Marginelle dentifère. Vélin , n° 3 , f. 12. Marginella ( deriliféra ), lacvis spirâ elongatâ subpy ramidali ; labro brevi intiïs unidentato. 11. L. n. Grignon. Cette espèce est petite , grêle , à spire allongée en pyramide. Le bord droit de sou ouverture porte une petite dent à l’intérieur. Cabinet du C. Defrance. 3. Marginelle en ovule. Vélin , n° 3 , f. i3. Marginella ( ovulata ) lacvis 5 spirâ brevissimâ ; labro intiïs sulcato. n. L. n. Grignon, où elle est commune. Son rebord ou bourrelet marginal est étroit et peu épais. La columelle a plus de quatre plis , et la forme -générale de la coquille lui donne l’aspect d’un petit ovule ou d’une jeune porcelaine. Cette espèce acquiert douze millimètres de longueur. Mon cabinet. A IC ¥ A L E S DU MUSÉUM 6 2 GENRE XIV. Cancellaire, Cancellaria . ChARACT. GEN. Testa iinivalvis , ovata vel subturrita ; labro inths sulcato. Aperturae basis integriuscula subcanaliculata , Plicae com - presso-acutae ad columellam. Observati ON s. Les cancellaires sont des coquilles que Linné rapportoit encore à son genre voluta . Elles sont cependant très- distinguées des olives , des volutes proprement dites , des mitres , des marginelles , etc. qu’il y rapportoit également j et en effet ces coquilles ont un aspect particulier et des caractères qui les rapprochent des nasses et des pourpres: mais les plis comprimés ou tranchans de leur columelle les en distinguent suffisamment. C’est avec les colombelles qu’elles ont le plus de rapports • cependant elles en diffè- rent en ce qu’elles n’ont pas de renflement particulier à la partie interne du bord droit de leur ouverture. Aucune des cancellaires que je connois ne se trouve véritablement lisse j ce sont des coquilles striées, canelées^ réticulées , ou garnies de côtes obliques plus ou moins saillantes. Elles sont marines , et j’en connois déjà plus de quinze espèces, parmi lesquelles je comprends le voluta can - cellata , Lin. j le voluta reticulata du même auteur j le voluta nassa de Gmelin $ le nassa Mart. Conch. 4 ? ab. CXXIII , f, 1 1 3 6 et 1 1 3 7 ; le voluta cancellata ■D HISTOIRE NATURELLE. elongata de Chmn. Conch. vol. XI , ob. CLXXIX 1727, 172b, etc. ESPÈCES FOSSILES, 1. Cancellaire à petites côtes. Vélin , n° 3, f. i5. Cancellaria (costulata) , ovato-oblonga , -varicosa ; costis longitudina lib us 5 crebiis obsolète decussatis ; columellâ triplicatâ. n. /S. Eadern costis exquisite decussatis. Vélin , n° 3, f. 14. L. n. Grignon. Cette cancellaire a quatorze ou quinze millimètres de longueur. Elle porte sur le dos quelques bourrelets indépendans de ses côtes. Obs. Je possède d’autres cancellaires fossiles ; mais on ne les trouve point dans les environs de Paris. 2. Cancellaire volutelle. Vélin , n° 7 , f. 5. Cancellaria ( volutella ) , turrita , varicosa ; costis c rebris , longitudinalibus ,• striis transvers , isobsoletis ; caudâ brevi , subcmargïnatâ. n. L. n. Grignon. Cette coquille est si singulière , que j’ai hésité dans la déter- mination de son genre. Elle a les bourrelets d’un murex , les replis d’une Volute , l’aspect et l’échancrure d’un buccin : néanmoins ses rapports et ses caractères forcent de la réunir aux cancellaires. Sa longueur est de seize millimètres. Cabinet de M. de France. Jdota. On n’a pas encore trouvé dans les environs de Paris d’espèces fossiles du genre nasse, GENRE X Y. Pourpre, Purpura . Charact. GEN. Testa univalvis , ovata ; costis , tuherculis spinisve subscabra . Apertura ïnfernè emarginata, subcaniculata. Columellâ nudas depresso-plano, , in mucronem basi desinens. Ob servations. 63 , fol. Le genre pourpre établi par Bruguière , qui néanmoins n’en a pas fixé le caractère avec assez de précision , étoiî 6 4 ANNALES DU MUSÉUM d’autant plus nécessaire à former , qu’il vacilloit en quelque sorte entre les buccins et les rochers , les naturalistes rap- portant arbitrairement ces espèces , tantôt aux premiers et tantôt aux seconds. Cet état de la science effacoit les limites qui séparent les buccinum des murex ^ rendoit incertain et obscur le caractère de ces genres. Bruguière y mit fin en recormoissant et proposant le genre pourpre , qui est très- naturel, et qui fait disparoître les inconvéniens que l’on ren- controit auparavant en voulant déterminer ces coquillages. En effet , si les pourpres ont une écliâncmre à la base de leur ouverture comme les buccins, et un canal court au meme endroit comme dans beaucoup de rochers ou murex , elles sont distinguées des unes et des autres par leur co- lumelle nue (sans lèvre ou bord gauche), aplatie, et qui finit en pointe à sa hase. Toutes les pourpres sont marines, littorales, et habitent dans différons climats selon les espèces. L’animal qui forme ces coquilles fournit une matière propre à teindre en rouge , dont les anciens ont fait usage, que l’on emploie encore dans le nord de l'Europe, et qui offrirait pics d’avantage, s’il étoit plus facile de s’en procurer la quantité dont on auroit besoin. ESPÈCES FOSSILES, i . Pourpre clés teinturiers. Purpura ( Idpilhis ) , ovato-acuta , subfasciata ; costulis transe ersis , obsoletè sqitarnosis cincta / Iabro inlîis subdentato » n. Buccinum lapillus. Lin. L. n. Le banc fossile de Courtagnon, où il est commun. L’analogue vivant liabite nos côtes de l’Océan et celles des mers du nord de l’Europe. Ou s’en sert pour la teinture j mais ce n’est pas l’espèce qu’employoient les anciens. d’histoire natureere.’ 65 N O T . I C E Sur le citoyen Ma ré c ha l , par DELEUZE. Le Muséum, vient de perdre dans la personne du citoyen Maréchal , un artiste dont les travaux ont contribué aux progrès de l’histoire naturelle. Tous ceux qui cultivent cette science sentent combien le vide qu’il laisse est dif- ficile à remplir $ mais ceux qui , par le genre de leurs occupations ou par leur séjour dans le Muséum , ont eu des rapports avec lui , le regrettent aussi pour ses qualités morales. La justice et l’amitié s’unissent donc pour de- mander que les annales d’un établissement auquel il étoit si utile consacrent un article à honorer sa mémoire. Qu’il nous soit permis , pour mieux faire apprécier ses talens , de proposer quelques réflexions sur le genre qu’il avoit choisi. Les beaux arts , parmi lesquels la peinture tient un rang si distingué , s’adressent à l’imagination ; et si le génie peut seul les élever à cette perfection qui donne de l’éclat aux empires, leurs effets enchanteurs dans la société sont prin- cipalement dus aux dispositions de ceux qui en jouissent. 9 2. 66 ANNALES DU MUSEUM Les ouvrages de Cimabué firent en Italie plus de sensation que ceux des grands peintres ses successeurs. Mais le des- sin appliqué aux sciences ou aux arts mécaniques , est une sorte de langue qui parle seulement à la raison ? et qui a besoin d’être très-exact^ pour ne pas nous jeter dans l’erreur. Un tableau qui représente une scène historique peut exciter l’enthousiasme du peuple et remplir ainsi son but malgré beaucoup d’incorrections j le dessin d’une machine :qe sert à rien s’il n’est d’une exactitude rigoureuse , et dans l’histoire naturelle la précision des formes doit être réunie au caractère propre aux divers objets. Ce genre de dessin exige donc à la fois les talens du peintre et les connoissances du naturaliste , et ses difficultés sont sur-tout très-grandes lorsqu’on l’applique à la zoologie. Celui qui dessine la figure peut long - temps étudier d’après des modèles $ ces modèles posent , comme disent les artistes : et l’on peut toujours comparer et corriger d’après nature. Mais les animaux sont dans un mouvement conti- nuel : tandis qu’on observe une partie ? elle change de forme , et l’ensemble ne peut être saisi que par la mémoire. Ceci met dans la nécessité d’étudier à fond l’anatomie des animaux pour bien connokre les changemens produits par le jeu des os et des muscles , pour calculer quelle doit être leur position dans le repos , dans la marche } dans les divers mouvemens qu’ils exécutent. Il faut de plus avoir appris l’histoire naturelle pour bien saisir le caractère dis- tinctif des genres et des espèces , et placer toujours les in- dividus dans une situation où ce caractère soit apparent. C’est par une suite du défaut de ces connoissances , dans des artistes d’ailleurs fort habiles ? que si peu d’animaux d’ histoire naturelle. 67 ont été figurés d’une manière vraiment instructive j et pour en citer un exemple , que le lion , si souvent représenté dans les tableaux et les sculptures , ne l’a presque jamais été avec exactitude jusqu’aux dessins qu’en a donnés Maréchal. Voyons comment cet artiste a mérité sa réputation , et suivons rapidement l’histoire de sa vie. Nicolas Maréchal naquit à Paris , le 21 mars 1 7 5 3 ; il fit ses études au collège avec son frère : tous deux y prirent le goût des lettres 5 mais Sylvain Maréchal s’y livra ensuite exclusivement , et Nicolas Maréchal se destina à la pein- ture. Placé chez M. Brenet, qui étoit à cette époque l’un des meilleurs peintres de l’Académie , il étudia d’abord la figure et fit même des tableaux d’histoire 5 mais le goût des sciences naturelles le détournoit de son travail , il devint même chez lui une passion : la minéralogie , la botanique , la conchyliologie , la zoologie et sur- tout l’entomologie oc- cupoient une partie de son temps. Il sentit bientôt que s’il vouloit être peintre d’histoire, il seroit forcé de renoncer à toute autre étude 5 et ne pouvant s’y résoudre , il songea à concilier ses goûts en faisant servir la peinture aux progrès de l’histoire naturelle. Il se livra donc à l’étude de la zoologie et à celle de l’anatomie comparée , et il suivit pendant trois ans les cours qu’on faisoit à Charenton. M. Vincent qui donnoit dans cette école des leçons d’anatomie à l’usage des jeunes gens qui se destinoient à la peinture , le chargea même plusieurs fois de le suppléer. Il s’en ac- quitta avec succès. Il apprit ensuite les élémens des ma- thématiques et la perspective pour en faire l’application à son art. En l’an 3 , le Muséum pour lequel il avoit déjà travaillé, * 9 68 ANNALES DU MUSEUM se l’attacha en qualité de peintre zoologiste (1). Alors Ma- réchal se dévoua exclusivement aux études auxquelles il étoit destiné ; elles lui devinrent plus chères parce qu’elles lui parurent des devoirs , et qu’au contraire de tant d’hommes pour qui les devoirs sont une gêne , ils étoient pour lui la seule chose qui eût un véritable intérêt. A ce désir de bien faire se joignoit celui d’acquérir une réputa- tion ; aussi ne calculoit-il ni le temps ni les soins qu’exi- geoit un ouvrage , et souvent il faisoit en secret des études préliminaires qu’un observateur éclairé pouvoit seul deviner d’après les résultats. C’est ainsi qu’avant de peindre les éléphans, il travailla un mois d’abord à étudier le squelette 9 puis à calculer l’allure de l’animal , soit dans la marche , soit dans le trot. Ces dessins d’étude , exécutés sur des feuilles de papier de plusieurs mètres de longueur , présentent même des singularités remarquables , par exemple que l’éléphant pose le pied de derrière au-delà de la place que quitte le pied de devant $ ce qui rend son pas plus allongé et sa marche plus rapide qu’on ne l’auroit jugé d’après sa con- formation. Dans tous ses ouvrages il avoit pour but de présenter des moyens d’instruction ? et souvent il sacriiîoit une partie de l’agrément à l’utilité. S’il peignoit un animal dans diverses positions , c’étoit pour en faire connoître tous les détails. (1) En conséquence «Tune loi qui met à la disposition des professeurs du Muséum une somme annuelle de 6000 fr. pour faire continuer la collection des peintures sur vélin par les artistes les plus habiles, choisis au concours. d’histoire naturelle. 69 Ainsi ses vélins Je l’autruche la présentent sous trois as- pects y et dans le troisième , dont l’exécution a dû être d’une extrême difficulté , elle est vue par derrière , les ailes dé- ployées et en raccourci , de manière que toutes les parties nues se montrent à la fois. Lorsque la lionne de la ména- gerie eut fait trois lionceaux ? il ne se contenta pas de les dessiner à trois reprises , de cinq en cinq jours depuis celui de leur naissance , et de prendre des notes exactes sur leur accroissement 5 il fit un très -beau tableau de la lionne allaitant ses petits. Dans ce tableau tout est vrai ? l’attitude même a été saisie rapidement d’après nature , et le hasard a fourni un effet aussi pittoresque que le plus grand peintre auroit pu l’imaginer. Souvent dans le coin d’un vélin , il dessinoit à part les parties qui offrent le caractère distinctif , comme les mâchoires et les griffes lorsque le cabinet d’anatomie les possédoit. Il ne négligeoit pas même d’accompagner la figure de l’animal d’accessoires propres à donner une idée de ses moeurs et de son pays natal. Ainsi Fours blanc marche sur des îles de glace ? et l’on voit dans le lointain quelques idoles colossales des Samoyedes 5 la sarigue effrayée à la vue d’une bête féroce , fait rentrer ses nourrissons dans sa bourse et se dispose à monter sur un arbre 5 la biche est représentée léchant son faon y la marmose porte sur son dos ses petits qui roulent leur queue autour de celle de leur mère * et dans le tableau à l’huile du Bubale 7 cet animal , peint de grandeur naturelle , est au milieu des sables agités par les vents y auprès de quelques raquettes et de quelques bananiers. Maréchal n’étoit rebuté par aucune difficulté ? lorsqu’il s’agissoit de donner plus de perfection à ses ouvrages. 70 ANNALES DU MUSEUM Quand il voulut peindre le lion , il commença par lui faire de fréquentes visites avec le gardien de la ménagerie ; il entra dans sa loge ? le caressa , et peu à peu il se fami- liarisa tellement avec lui , qu’il réussit à prendre au compas la mesure de toutes ses parties. Souvent il dessinoit en plein air malgré les intempéries de la saison 5 aussi desiroit- il vivement qu’on construisit un local où l’on pût voir les animaux en liberté. Il ne se bornoit point à des ouvrages qui ? par la beauté de leur exécution ? frappoient tous les yeux et lui donnoient de la célébrité parmi les peintres j tout ce qui favorisoit les progrès des sciences lui plaisoit. On sait avec quelle ardeur il travailla l’biver dernier à dessiner l’anatomie de l’éléphant 7 dans le lieu même où on le disséquoit , sans être arrêté par la rigueur du froid ni par l’infection horrible de l’animal. Le citoyen Cuvier qui s’occupoit de cette dissection avec un zèle que l’amour de la science peut seul inspirer , et qui dessinoit lui - même plusieurs parties 7 reconnoisso.it les obligations qu’il avoit à l’artiste. Un talent particulier à Maréchal , et qu’il devoit à ses connoissances en histoire naturelle , c’étoit celui de faire sur des croquis , pris à la hâte par un naturaliste , des dessins auxquels il donnoit tout l’effet possible , en con- servant et faisant même valoir les caractères essentiels. Quoiqu’il fût connu pour l’homme le plus habile dans sa partie ? il voyoit beaucoup au - delà du point où il étoit parvenu. Ses progrès depuis quelques années étoient même très-remarquables j tous les jours il méditoit sur les moyens de se perfectionner. Il avoit fait le plan d’un traité sur l’art de dessiner les objets d’histoire naturelle ? dont quelques fragznens d’ HISTOIRE NATURELLE. y l existent dans ses papiers. Il est fâcheux qu’il n’ait pas eu le temps d’en terminer la rédaction. Il seroit trop long de donner une notice détaillée des travaux de Maréchal ; mais nous croyons devoir indiquer sommairement les principales peintures dont il a enrichi la magnifique collection du Muséum. On y trouve soixante - six animaux peints à la gouache sur vélin ? la plupart d’après des individus vivans à la mé- nagerie 5 quatre-vingts dessins d’anatomie zoologique , les uns sur vélin et coloriés , et c’est le plus grand nombre , les autres sur papier et à l’encre de la Chine. Ils ont pour objet les divers organes intérieurs du rhinocéros, de l’élé- phant, du lion, du bubale, du marsouin, etc. L’éléphant seul en comprend vingt - sept , outre un grand nombre d’études au crayon. Treize dessins d’animaux ou de coquilles fossiles , et vingt de divers autres objets d’histoire naturelle. Parmi ces derniers , sont des minéraux dont il a trouvé le secret de rendre non seulement la cristallisation , mais en- core les couleurs éclatantes et variées. A cela , il faut ajouter les tableaux des moutons de Rambouillet , qu’il a faits l’année dernière pour le Gouver- nement , et qui sont d’une vigueur vraiment étonnante dans des ouvrages à la gouache. C’est son chef-d’œuvre. Quoique la gouache fût le genre dans lequel il réussis- soit le mieux, et qu’il l’eût plus particulièrement cultivé parce que c’est celui des vélins du Muséum , il a peint quelques tableaux à l’huile. Le citoyen Faujas en possède cinq , qui représentent le tigre , la panthère , le lion , îa lionne et le bubale, tous placés dans des fonds de paysage y 2 ans ale s du muséum et avec des accessoires analogues au pays qu’ils habitent. J’ai déjà parlé d’un autre tableau du bubale. Une entreprise qui devoit faire connoître Maréchal dans toute l’Europe, c’est l’ouvrage intitulé Ménagerie du Muséum, dont les figures sont gravées d’après ses dessins. C’est dans les derniers jours de sa vie qu’il a corrigé les épreuves du septième cayer. Quoiqu’il s’occupât principalement des animaux , il a fré- quemment dessiné des plantes pour plusieurs botanistes , et beaucoup de morceaux de géologie. On s’adressoit à lui de préférence pour cet objet, parce que ses connoissances faisoient que rien ne lui écliappoit, qu’il distinguoit et ren- doit exactement les caractères. C’est lui qui a fait les su- perbes dessins de V Histoire de la montagne de Saint-Pierre, du citoyen Faujas ; et ce savant se plaît à lui rendre ce témoignage, qu’il n’a connu personne qui eût pu, sans être guidé , les exécuter avec autant d’intelligence. Il en est de même des animaux naturels et fossiles , et des minéraux gravés pour l’ouvrage que le même savant se propose de publier sous le titre d’j Essai de Géologie. On trouvera encore beaucoup de dessins de lui dans une Histoire des coquilles terrestres et jluviatiles qui doit bientôt paroître. Ses connoissances sur cette partie étoient très - exactes. Il y avoit même fait des découvertes. Il se plaisoit à ramasser des coquillages vivans et à les nourrir pour étudier leurs développemens , leur accouplement et tous les phénomènes qu’ils présentent. Son goût pour la minéralogie l’avoit engagé à rassembler une collection de produits volcaniques , dont la disposition fait honneur à ses connoissances. Tout le temps qu’il n’ern- d’ HISTOIRE NATURELLE. 7 3 ployoit pas à la peinture étoit consacré aux diverses parties de l’histoire naturelle j il suivoit autant qu’il lui étoit pos- sible les leçons des professeurs , et il en faisoit l’analyse avec soin. Son dernier ouvrage est la figure des calculs vésicaux , peints sur six feuilles de vélin , et dont une partie a été gravée en couleur dans le 3 e. n° des Annales. Dans le courant de l’été dernier sa santé se dérangea , les digestions devinrent pénibles ; on lui conseilla de se distraire et de se reposer, mais il ne lui étoit pas possible de résister au désir de dessiner les animaux nouveaux ar- rivés au Muséum. Il crut se guérir en prenant très - peu de nourriture ; malheureusement sa maladie étoit un épais- sissement de la membrane musculaire de l’estomac , et elle ne fut connue que lorsqu’il n’étoit plus temps d’y re- médier. Il se ranimoit en faisant des projets d’histoire na- turelle , pour laquelle sa passion étoit devenue plus vive que jamais. Au moment de jouir d’une fortune indépen- dante , il se flattoit que , renonçant à tout travail étranger, il pouvoit donner plus de perfection aux ouvrages destinés pour le Muséum. J’étois tous les jours auprès de lui : j’ai eu la douleur de nourrir ses espérances lorsque moi - même je n’en conservois plus j et je puis attester que dans ces derniers momens où le caractère se montre à découvert, je n’ai pas entendu de lui un mot qui ne fût la preuve de la paix de son ame et de la sensibilité de son cœur. Il étoit affecté non de ses souffrances , mais de la douleur d’une épousé chérie dont la santé le touchoit plus que la sienne. Le jour même de sa mort, arrivée le 3o frimaire, je l’ai vu attendri des marques d’intérêt qu’on lui donnoit. N’ayant 1 o 2. 74 annales du muséum plus la force de parler , il témoignoit par le sourire le plus affectueux la reconnoissance dont il étoit pénétré. Sa vie avoit été sans tache , sa fin fut paisible. Tous les profes- seurs du Muséum le regrettent comme un habile artiste , comme un homme de bien. Et moi qu’une liaison intime a mis plus à portée de connoître ses vertus, je conser- verai toute ma vie le souvenir de l’amitié qui m’unissoit à lui. Je suis sûr qu’elle ne m’a fait rien ajouter à son éloge , et j’ai la douce satisfaction , en offrant ces lignes à sa mémoire , de n’avoir consulté que la vérité. d’ histoire naturelle. 75 CORRESPONDANCE. Annonce d’un envoi de végétaux étrangers , expédié dé Angleterre par M. Ff^oodfort , et notes sur la culture de l’arbre Teck , qui en faisoit partie. par A. T H O U I N. \ • * • ' . • , r\ t Y, f ■ ; ' i . * | ) - 'r.r' ■ t ' M . Woodfort, amateur et propriétaire d’une collection choisie de végétaux étrangers , agréables et rares , a expédié , en échange d’un assortiment de plantes également étran- gères, qu’il avoit reçues du Muséum à la fin du printemps dernier , un envoi de quatre-vingt-seize espèces , qui est arrivé en vendémiaire. Cet envoi , très-intéressant par le mérite des objets dont il étoit composé , a perdu un peu de sa valeur pour l’établis- sement, par la mort de quelques-unes des raretés qu’il ren- fermoit. Cette perte n’a été occasionnée que par le retard qu’il a éprouvé dans son expédition , puisque les soins d’em- ballage et toutes les autres précautions avoient été prises pour qu’il arrivât en bon état. Des quatre-vingt-seize individus d’espèces différentes qui composoient cet envoi , dix-huit sont morts en route , et un égal nombre environ se trouve dans un état de lan- y 6 annales du muséum gueur qui annonce une mort prochaine. Le reste est en pleine végétation, et la réussite en paroît assurée. Kanrii ces derniers, nous n’indiquerons que les plantes qui offrent le plùs d intérêt, soit comme genres remplissant des lacunes dans les familles naturelles et devenant par conséquent, né- cessaires aux progrès des études de la botanique, soit comme espèces nouvelles destinées à compléter des séries de végé- taux intéressans, soit enfin Comme productions utiles aux arts agréables ou économiques. Comme genres qui entrent pour la première fois dans la collection du Muséum , nous citerons les tectona , 'vilshenica , hilbertia , mont, nia , houstoriia et goodenia ( 1 ) • toutes plantes des Indes-Orientales, du Cap de Bonne-Espérance, de la Nouvelle-Hollande , et la plupart introduites depuis peu d’années en Angleterre. Le nombre des espèces dont cet envoi étoit composé , et qui manquoient au Muséum , est beaucoup plus considé- rable} leur nomenclature seroit ici fastidieuse, et formeroit d’ailleurs un double emploi , puisqu’elles occuperont leur place dans le catalogue des plantes vivantes de la collection du Muséum, que se propose de publier incessamment le citoyen Desfontaines. Nous nous bornerons donc à indiquer i°. quatorze espèces d’amaryllis qui, ajoutées aux huit que possédoit le Muséum, composent un genre de 22 espèces, toutes plus intéressantes les unes que les autres par la forme de leurs fleurs et l’éclat de leurs couleurs. Si les lis sont, (1) Il ne nous est pas possible de juger si ces plantes forment effectivement des genres nouveaux ou doivent entrer dans ceux déjà établis, n’ayant pu observer leur fructification puisqu’elles n’ont point fleuri , et que plusieurs d’entre elles ont à peine des feuilles 5 d’ailleurs , l’établissement des genres est un peu arbitraire , sur-lout d’après les systèmes qui n’ont pas pour base les familles naturelles. d’histoire naturelle. 77 ainsi que le dit Linné, les patriciens du règne végétal (i), le genre de l’amaryllis qui en fa’ t partie, doit, par la pourpre , l’or et le vermeil, dont ses fleurs sont nuancées, occuper le premier rang ; 20. un bananier à fleur écarlate (2), nou- velle espèce dont la fleur fait l’ornement des serres chaudes en Angleterre 5 3°. un raisinier à larges feuilies pubescentes , très-grand arbre des Antilles, dont les feuilles sont per- manentes et ont plus d’un pied de diamètre (3). Cette espèce porte au nombre de sept celles que possède le Muséum , ce qui ne se rencontre que très-rarement dans les collections de l’Europe; \°. un magnolia à fleur pourpre, espèce nouvellement introduite dans quelques jardins de l’Angleterre , et aussi belle que rare (4) ; 5°. et enfin , une variété de camellia du Japon , à fleur rouge panachée de blanc, dont les Chinois ornent leurs jardins (5). La variété de cet arbrisseau à fleur blanche et parfaitement double , qui est si fréquemment représentée sur les papiers de la Chine, faisoit partie de cet envoi; mais elle se trouve malheureuse- ment au nombre des individus qui ont péri pendant le voyage. Ces camellia doivent fixer l’attention de nos fleu- ristes, parce qu’ils peuvent leur fournir de nouvelles res- sources pour l’ornement des jardins et des serres. Mais de tous ces végétaux , celui qui seroit le plus utile et par conséquent le plus intéressant , est sans doute le (1) L'ilia patricii , lucares , bulbasi triarii ? superbientes vestimentis fulgentibus, festivis. Linnæus. Phyl. bot. (2) Musa coccinea. Angl. (3) Cocco/oba pubescens. Lin. sp. pl. (4) Magnolia purpurea. Angl. (5) Camellia japonica. Lin. sp. pl. 7 8 i N K A L E S DU MUSÉUM teck on theca ( 1 ) , s’il pouvoit croître en pleine terre en France. C’est l’un des plus grands et des plus beaux arbres de l’Inde. Son bois a une propriété qui le fait rechercher pour la construction des plus gros navires : il est solide en même temps que léger 5 de plus, il n’est point attaqué par les vers et autres insectes qui détruisent en peu d’années les vaisseaux européens les mieux conditionnés. Des bâti- mens construits avec le bois de cet arbre, durent trois fois plus long- temps que ceux qui l’ont été avec toute autre espèce de bois connu. Mais cet arbre croît dans l’intérieur de l’Inde , sur les bords du Gange et dans la Cochinchine où il paroît circonscrit , et la nature de ces pays, leur climat, semblent devoir faire perdre l’espérance de pouvoir le naturaliser en Europe. Cependant s’il est reconnu que les gemma ou boutons de cet arbre soient couverts d’écailles ou enveloppes parti- culières (2), ce sera un indice qu’il a été pourvu par la nature des moyens de défendre ses jeunes bourgeons d’une température plus froide que celle des pays où il croît. A ce premier indice qui est de quelque poids , puisque plu- sieurs arbres des tropiques et de la zone torride , ainsi pour- vus d’écailles , vivent en pleine terre dans différentes parties de la France, tels que le laurier camphrier, le gouyavier , le mûrier à papier des îles de la mer du sud, etc. , etc.; il s’en joint un autre qui , à notre avis , est encore plus important; c’est la faculté qu’a le teck de do?miir chaque (1) Tectona grandis. Lin. fil. (2) Nous n’avons pas de ce fait la plus grande certitude , parce que l’individu qu’a envoyé M. Woodfort est fort jeune , qu’il est dans son état de repos, et que ses gemma sont fort petits. d’ HISTOIRE NATURELLE. 79 aimée , à la manière de nos arbres indigènes , pendant un certain espace de temps , c’est-à-dire de perdre ses feuilles comme les nôtres , et de rester dans une inaction au moins apparente pendant plusieurs mois ) ce qui semble indiquer que ses fluides descendent vers les racines , ou se condensent pendant ce temps: alors il y auroit beaucoup moins à craindre, puisqu’il paroit prouvé que les gelées n’ont d’action sur les végétaux qu’autant que leurs vaisseaux séveux sont remplis de fluide. L’effet du froid , en congelant ces liqueurs , est d’augmenter leur volume en même temps qu’il resserre les vaisseaux dans lesquels elles sont contenues ; d’où résulte le déchirement de ces vaisseaux, la désorganisation végétale interne , et par conséquent la mort des plantes. C’est pour- quoi les gelées tardives qui surprennent nos chênes et autres arbres indigènes les plus rustiques , lorsqu’ils sont en végé- tation , les font périr. Mais si pendant un certain temps de l’année , le teck cesse de végéter sensiblement comme nos arbres , que ses yeux soient garnis d’écailles qui les défendent des frimas comme la plus grande partie de nos plantes ligneuses, que ses fluides soient condensés dans l’intérieur du bois ou à la base du tronc comme dans nos végétaux boiseux $ quels effets les gelées peuvent - elles produire sur un corps ligneux, privé de l’humidité qui les rend dange- reuses ? et pourquoi ne croîtroit-il pas en pleine terre , au moins dans nos départemens les plus méridionaux , comme les arbres qui s’y rencontrent, et dont il paroît avoir les principales facultés? Il est des habitudes dans les végétaux qui tiennent sans doute à une organisation interne qui 11’a point encore été observée ou décrite par les physiologistes. Ces habitudes 8o ANKALES DU MUSEUM demandent beaucoup de temps et de soins pour les changer et les mettre en rapport avec la nature des climats dans lesquels on veut les naturaliser. Elles existent, i°. dans un grand nombre d’espèces de semences qui, mûries dans leur climat natal et transportées sous une zone différente, n’en lèvent pas moins à l’époque où elles auroient germé dans leur pays propre (1) J 2°. dans les végétaux à feuilles com- posées , qui continuent de fermer leurs folioles à l’approche du coucher du soleil , et de les ouvrir à son lever j 3°. dans un très -grand nombre de plantes qui fleurissent toujours dans les pays qui leur sont étrangers , aux mêmes époques où elles fleurissent habituellement dans leur climat ; 4°* (1 2) dans beaucoup d’arbres qui se dépouillent de leurs feuilles dans différentes saisons de l’année , correspondantes à celles où ils les perdent dans le pays d’où ils ont été exportés , qui développent leurs bourgeons aux mêmes époques , et ne se conservent enfin que dans la même nature de terrain , à la même exposition , au même degré d’élévation que ceux auxquels ils étoient accoutumés dans leur propre pays. Plusieurs de ces habitudes tiennent , sans doute , à des causes qui sont hors des végétaux , comme à la présence ou à Pabsence plus ou moins considérable du calorique , c’est- à-dire au froid ou à la chaleur , à la lumière plus ou moins vive, à l’humidité ou à la sécheresse, modifiées de diverses manières , aux terrains plus ou moins compactes , et enfin à des fluides aériformes de diverse nature. Depuis long- (1) Les semences de liliacées du Cap en fournissent des exemples nombreux. (2) Les plantes du IJérou fleurissent chez nous les premières années de leur ar- rivée, en hiver qui répond à l’été de leur pays. d’ histoire naturelle. 81 temps les preuves en sont acquises ; mais jusqu’à présent on n’a aucune donnée exacte sur la part que l’organisation végétale a dans les habitudes des plantes, non plus que sur celle qui appartient aux divers agens étrangers qui influent sur elles. Confondant ces deux moteurs qui paroissent très- distincts , on se contente de dire : telle est la nature de telle plante de 11e croître que sous tel climat, dans tel sol , à telle exposition , de pousser à telle époque , de fleurir en tel temps , etc. Mais peut-être que toutes ces habitudes , ou au moins la plus grande partie,, ne sont dues qu’aux agens extérieurs qui les modifient avec le temps, qui ne coûte rien à la nature , suivant les localités dans lesquelles se trouvent les végétaux. Cette recherche est bien digne de fixer l’attention des physiologistes , par les grands avantages qui résulteroient de la solution de ces problèmes pour les progrès de la naturalisation des végétaux étrangers. Mais en attendant que tous ces points soient éclaircis , une longue pratique de culture et quelques expériences isolées ont fait connoître qu’il est plusieurs de ces habitudes qui ne sont pas tellement inhérentes aux végétaux , qu’on ne puisse les modifier , et même les changer. Des faits ont prouvé , i°. qu’il est rare quûm les fasse perdre à des individus apportés en nature de leur pays natal , parti- culièrement s’ils sont originaires de climats plus chauds que celui dans lequel on les introduit j 20. que les indi- vidus provenus de semences mûries dans leur climat propre, conservent en partie les habitudes des végétaux qui les ont produits , quoique transplantés sous une zone très-différente ; 3°. que ce n’est qu’après une suite, plus ou moins longue, de générations que les végétaux qui se sont propagés suc- 1 1 2. 82 ANNALES DU MUSÉUM cessivement de graines mûries dans le pays où ils ont été transportés , perdent une partie de leurs habitudes origi- nelles y 4°. que trois ou quatre années suffisent pour opérer cet effet sur le plus grand nombre des plantes qui lèvent, croissent et fructifient dans l’espace de trois mois $ 5°. qu’il en faut davantage pour les plantes annuelles , et que des siècles suffisent à peine , avec toutes les ressources de l’art , pour détruire une partie de ces habitudes dans les grands végétaux ligneux , et parvenir â les naturaliser. Nous parlons ici en général , et abstraction faite d’anomalies particulières. On pourroit appuyer cette théorie d’un grand nombre de faits, si la mesure de cette note le comportoit (î). Revenons à l’arbre qui a été la cause de cette longue di- gression. Il est présumable, d’après les caractères extérieurs de son organisation , que le teck pourra se naturaliser dans l’Europe méridionale , et particulièrement dans les pays où se cultivent en plein air les dattiers , les orangers et les ci- tronniers , parmi lesquels il vit dans l’Inde. La partie de la France où ces arbres croissent est fort limitée : elle n’est composée que de quelques cantons des départemens du Var, des Alpes-Maritimes , et de l’Isle de Corse. C’est ce que les agronomes (2), dans leur division agricole du territoire fran- çais , nomment le climat de l’oranger , pour désigner le plus chaud de la République. (1) Voyez un Mémoire sur les avantages de la culture des arbres étrangers. Im- primé dans les Mémoires de l’ancienne société d’agriculture de Paris, ann. 1786, trimestre d’hiver, pag. 43. (2) Ils divisent la France en quatre régions ou climats auxquels ils donnent les noms de climats du pommier, de la vigne, de l’olivier et de l’oranger. Chacun d’eux a des qualités qui lui sont propres et particulières. 83 D’ HISTOIRE NATURELLE. Pour procéder avec succès à la naturalisation de cet arbre utile , il est bon de savoir , i ®. qu’il croît généralement dans les plaines et sur les coteaux peu éloignés des grands fleuves, dont les eaux se débordent assez régulièrement chaque année ; 20. qu’il pousse avec plus de vigueur , et s/élève à une plus grande hauteur dans les terrains profonds, de na- ture argileuse , mêlés de sable , et de consistance ferme, que dans tout autre sol 5 3°. et enfin que ses semences perdent promptement leur propriété germinative , puisque le temps nécessaire pour leur trajet en Europe suffit pour les empê- cher de lever (1). D’après la courte durée de la fertilité des semences du teck, il sembleroit qu’on dût abandonner la voie des graines pour faire venir cet arbre en France , et qu’il faudrait s’en tenir à se procurer de jeunes pieds qui seroient cultivés dans des caisses pendant la traversée. Mais lorsqu’on réfléchit à la longueur du voyage , aux accidens qui en sont insépara- bles , tels que les gros temps , les calmes , le défaut d’eau douce , l’insouciance des gens de mer , et sur-tout aux soins assidus et très -éclairés qu’exige leur culture , on se con- vaincra que la voie des graines est encore la plus sûre j d’ailleurs, comme nous l’avons dit plus haut, les arbres trans- portés des climats chauds dans les zones tempérées perdent rarement leurs habitudes , tandis que les graines donnent des individus qui, nés dans le pays , acquièrent un léger degré de naturalisation : mais il faut employer ce moyen avec les précautions convenables. (i) Nous avons semé un très-grand nombre de fois, et en assez grande quantité , des graines de cet arbre , récoitées en parfaite maturité; et quoique cultivées avec toutes les précautions d’usage , elles n’ont jamais levé au Muséum. 84 A K If i L E S DU MUSEUM Celui qui nous a le mieux réussi jusqu’à présent pour le transport des semences de cette nature , dans les voyages de long cours , consiste à les stratifier lits par lits dans de la terre. Voici la description du procédé. Au fond d’une caisse carrée de 0.486 millimètres ou (18 pouces de large ) sur 0.702 millimètres ou (26 pouces de long), et 0.406 millimètres ou ( 1 5 pouces de haut), percée au fond de plusieurs trous, on établit un lit de menus cailloux ou coquillages de 0.027 millimètres ou (1 pouce) d’épaisseur pour faciliter l’écoulement des eaux surabon- dantes , en même temps que pour laisser échapper les gaz élastiques et humides produits par la fermentation des subs- tances renfermées dans la caisse lorsqu’elle est remplie. Sur ce lit on en fait un second formé de terre substantielle , mais meuble, plus sèche qu’humide, et de 0.0 54 millimètres ou ( 2 pouces ) d’épaisseur. C’est sur ce second lit , comprimé modérément, et dont la surface est bien unie , qu’on dispose une couche de graines séparées de leur enveloppe extérieure, et à une distance entre elles d’environ 0.006 millimètres ou (3 lignes). Ces semences, ainsi placées, sont couvertes d’une nouvelle couche de terre de 0.040 millimètres ou (ï pouce —) d’épaisseur que l’on comprime sur les graines , et dont on applanit la surface pour recevoir un nouveau lit de semences disposées comme les précédentes. Celles-ci à leur tour doi- vent être recouvertes d’une couche de terre comme les autres, et ainsi de suite jusqu’à 0.027 millimètres ou ( 1 pouce), au-dessous du bord supérieur de la caisse. Ce vide doit être rempli par une couche de mousse longue , assujétie forte- ment contre la terre au moyen d’un grillage en gros fil-de- fer, à mailles de 0.108 millimètres ou ( 4 pouces ) carrés , d’ HISTOIRE NATURELLE. 85 et cloué sur les bords supérieurs de la caisse. Un ber- ceau de treillage en anse de panier, d’environ 0.486 milli- mètres ou (18 pouces ) sous ceintre , sera fixé aux quatre côtés latéraux de la caisse, et, en la recouvrant, servira à préserver les graines du ravage des rats et des animaux domestiques qui pourroient se trouver dans le vaisseau con- ducteur de l’envoi. La culture de ces semis pendant le voyage consiste, i°. à arroser légèrement , et de temps à autre , la surface de la mousse pour que la terre qu’elle recouvre soit toujours dans un état de moiteur qui empêche ses molécules de se désunir , et favorise la germination des graines sans cependant la hâter. Il seroit également nuisible à cette culture que la terre fût trop sèche ou trop humectée. Dans le premier cas, elle absorberoit l’humide radical des semences et les rendroit sté- riles j dans le second , elle exciteroit trop rapidement leur germination , et les jeunes plantules s’étioleroient et péri- roient avant que d’arriver au port ; 20. à exposer le semis à l’air libre aussi souvent et le plus long-temps qu’il sera pos- sible , en le garantissant toutefois et d une température qui avoisineroit 6 à 8 degrés au-dessus de o , et des grandes pluies , ainsi que des rayons d’un soleil trop ardent. Pour cet effet, il est bon de couvrir le berceau de la caisse d’une toile serrée , peinte en blanc , qu’on placera et qu’on enlè- vera à volonté $ 3°. de sarcler les mauvaises herbes qui ne manqueront pas de lever abondamment dans la couche de terre placée sous la mousse \ \°. de descendre la caisse sous les ponts du navire lorsqu’il traversera des latitudes froides j 5°. et enfin de prendre les plus grandes précautions pour que le semis ne soit ni arrosé ni mouillé avec les eaux de la mer. 86 ANNALES DU MUSEUM L’oubli de cette attention peut faire perdre en un instant le fruit de toutes les peines et de tous les soins que l’on a pris. Il résultera de cette culture que la plus grande partie des graines , ainsi stratifiées , germeront pendant la traversée ? et que les autres ayant été abritées du contact de l’air , conserveront leur vertu germinative. Celles des couches supérieures ne tarderont pas à pousser , et les germes auront bientôt traversé le lit de mousse qui les recouvre, pour jouir de l’air libre. Celles des couches inférieures seront moins avancées dans leur développement , en proportion de ce qu’elles seront plus enfoncées en terre. C’est sur celles-ci qu’on doit fonder plus particulièrement ses espé- rances pour la réussite et le succès de l’opération , parce que les autres qui ont vécu et se sont développées dans une atmosphère imprégnée de sel marin , portent en elles , pour l’ordinaire , le germe de leur mort , ce que nous avons éprouvé plusieurs fois. Si l’envoi arrive en Europe dans une saison favorable , comme depuis la fin de l’hiver jusqu’au commencement , et même jusqu’au milieu de l’été , et qu’il soit cultivé avec intelligence , il donnera des produits satis- faisans. Il y a deux manières de cultiver ces graines , immédia- tement après qu’elles sont débarquées ; nous supposons que ce soit dans un climat propre à la naturalisation de cet arbre , comme , par exemple , dans les environs d’Hyères ou de Nice. La première est de planter les graines germées dans des plates-bandes de terre meuble , profonde et substantielle , disposées pour les recevoir , et dans la direction de l’est à l’ouest. Cette position est nécessaire , afin de pouvoir défendre d’ HISTOIRE NATURELLE. 87 les jeunes arbres des rayons du soleil du midi pendant 1 été , au moyen de palis en roseau , en branchages ou en paille , et , en même temps , de les garantir du vent du nord pen- dant l’hiver , en changeant de place le palis. Il conviendroit aussi que ces plates bandes fussent pratiquées de manière à être arrosées par irrigation pour préserver la plantation de la sécheresse du climat, et accélérer la végétation des jeunes arbres. La seconde méthode consiste à mettre chaque semence germée seule dans autant de petits pots remplis d’une terre de la nature de celle propre aux orangers , mais plus fine , à placer ces vases les uns auprès des autres dans une ban- quette exposée au plein midi et couverte d’un perchis , in- cliné du nord au sud , propre à recevoir des paillassons à claire-voie , qui , en laissant passer toute la chaleur du soleil , brisent en même temps ses rayons. Dans quelque pays que ce soit , leur intensité est toujours nuisible à la croissance de la plus grande partie des semis d’arbres , et ce n’est guère qu’à l’ombre des forêts dans les pays chauds que croissent les jeunes arbres. Pendant l’hiver de la pre- mière et même de la seconde année de l’âge du jeune plant, il sera peut-être nécessaire, pour le défendre d’une tempé- rature au-dessous de 8°, de remplacer les cotés latéraux du perchis par des planches , et de couvrir sa partie supérieure de vitraux en forme de châssis. Mais une fois les deux pre- miers hivers passés , les jeunes plants pourront se cultiver de la même manière que les orangers et autres arbres dé- licats. Ces deux méthodes ont leurs avantages et leurs inconvé- niens , et il seroit utile de les employer toutes deux pour 88 ANNALES DU MUSÉUM varier les chances et assurer d’autant plus la réussite d’une naturalisation qui peut devenir très-utile à la marine de la République. Cette manière de transporter les graines est presque la seule qui réussisse pour un grand nombre de végétaux ligneux, particulièrement pour ceux des familles des lauriers , des rubiacés , des guttiers , des myrtes, des térébinthes , et , en général , pour les semences dont le corculum est enveloppé d’une substance cornée , et pour celles qui contiennent une huile , laquelle devenant rance très - promptement , réagit sur le germe et le détruit. Annonce de trois envois récemment arrivés au Muséum. Le premier , composé de trois espèces de protea , qui manquoient à l’école de botanique du Muséum , lui a été fait par le citoyen Lechartier , marchand fleuriste à Caen, en échange de végétaux étrangers qui lui ont été donnés en vendémiaire dernier. Ces individus sont très-jeunes, mais ils sont en bonnes racines , et poussent vigoureusement. Ce genre intéressant, qui donne son nom à une famille naturelle de plantes , est composé d’un grand nombre d’ar- bustes , de sous-arbrisseaux et d’arbrisseaux , tous originaires du cap de Bonne-Espérance. Ils se cultivent dans les serres tempérées dont ils font l’ornement pendant l’hiver , par la variété de leur feuillage permanent. Mais ils sont délicats , et en général ils vivent moins long - temps que beaucoup d’arbrisseaux de ce même pays. D* fï 1 S T Ô I R Ë jtfÀTUÏLELL Ë. 89 Le second lui a été adressé du jardin de Carlsrliue ; il le doit aux soins obligeans de M. Schweyekert , jardinier botaniste en chef des jardins de S. A. le Margrave de Baden. Cet envoi parvenu en frimaire dernier , est composé : i°. De cent dix petits sachets de graines d’espèces dif- férentes , récoltées pendant l’année dernière , et la plupart de plantes peu répandues dans les jardins de l’Europe $ 20. De quinze arbres ou arbustes étrangers de pleine terre , dont plusieurs ne se trouvent point dans l’école de botanique $ 3°. Et enfin , de cinq espèces ou variétés remarquables d’ananas ou bromélia , qui entrent pour la première fois dans les serres du Muséum. Il est redevable du troisième à la bienveillance de milady Hamélia Hume , qui possède à Londres un bel assortiment de plantes rares et agréables. Ce dernier envoi renferme sept espèces de graines nouvellement arrivées de la Chine , où milady Hume entretient une correspondance directe , et un fruit , avec ses semences , du sterculia balcin- ghas L. L’arbre qui le produit croît au Malabar et dans diverses parties de l’Inde. Ses feuilles , d’un beau verd lui- sant , sont remarquables par leur étendue. Elles sont per- manentes , allongées , et ont plus de deux décimètres de large 5ur près de quatre de longueur. Le fruit est pour l’ordinaire composé de cinq gousses réunies sur un pédon- cule commun , et ressemble à celui de la pivoine ( pœo~ nia ) (1). Ces gousses ? qui sont d’un rouge cramoisi, s’ou- iX) Voyez les Illustrations du cit. Lamarck, pl. 481. 9 o annales mu muséum yrent sur le côté et laissent à découvert , dans chacune d’elles ? quatre semences qui sont attachées aux bords de la suture supérieure du fruit. Elles sont ovales , un peu anguleuses , grosses comme des olives et d’un beau noir 5 ce qui contraste singulièrement avec la couleur rouge des gousses et la belle verdure des feuilles de cet arbre. A ces semences étoient joints de jeunes individus de plantes vivantes, au nombre de cinq espèces différentes 5 savoir, i°. un helicteres , qui se rapproche beaucoup de V altheifolia L. , et dont le fruit ressemble à un tire-bourre 5 20. un bananier à fleur écarlate, qui paroît un peu diffé- rent de celui envoyé dernièrement par M. Woodfort j 3°. un tubercule d’un nymphœa nelumbo , qui ne paroît pas etre celui de Linné ; 4° • ime variété du globba-nutcins L. , connu dans quelques jardins anglais sous le nom de reneahnia minor ; 5°. et enfin , le blcikeatrinervia L. , arbrisseau de la Jamaïque , formant un genre rare qui manquoit au Muséum. Il est malheureux que ces plantes soient arrivées en mauvais état et dans une saison aussi peu favorable à leur réussite. Les professeurs du Muséum n’en conservent pas moins toute la reconnoissance qu’ils doivent à milady Hume , pour l’intéressant présent qu’elle a fait à cet établissement et pour ceux qu’elle a bien voulu lui promettre. d’histoire naturelle.' 91 Lettre de M.. Van Marum , directeur du muséum de Teyler à Harlem , à M. Fauj as-Sain t-Fond . A Harlem, le premier janvier r8o3. Db puis que l’examen de la tourbe des marais a fait voir qu’elle est un composé de détritus de tiges , de feuilles , de racines et autres parties végétales , et que l’on a reconnu , tant par la situation des tourbières disposées en couches dans les marais élevés, que par d’autres observations , que les tourbières qui se trouvent en Hollande et même dans d’autres pays n’y ont pas été transportées par des inondations , mais qu’elles existent dans les mêmes places où elles ont pris naissance j on a désiré de savoir à quelles plantes la tourbe doit son origine. J’ai fait en 1789, par hasard, une observation qui me paroît répandre beaucoup de lumières sur cette question. Elle fait voir du moins de quelles plantes la tourbe peut naître en peu de temps. Je fis faire dans un jardin près de Harlem, en 1 7 84 , un petit bassin creusé à la profondeur de dix pieds , pour y entretenir des poissons dorés de la Chine ; la terre n’étoit nullement marécageuse , elle avoit servi long-temps à la cul- ture des plantes jusqu’à la profondeur de cinq pieds : le dessous étoit un sable bleuâtre. Pour soutenir les parois de ce bassin, j’en fis revêtir toute la circonférence en bois. Dès l’année 1 786 , j’observai que le bassin avoit pérdu beaucoup de sa profondeur sans en reconnoître la cause. J’aperçus, dans le commencement, quelques plantes aqua- 1 2 * t)1 ANNALES BÜ MUSÉUM tiques qui se multiplioient avec une grande rapidité dans ce bassin et qui le rempîissoient souvent^ de manière à m’obliger de les faire enlever, afin de donner plus d’espace aux poissons et de les rendre visibles : cette progression de plantes augmen- tai t de temps en temps , et la profondeur du bassin diminuoit en proportion. Au mois de février 1789, mon jardin fut inondé par une haute marée qui charia tant de limon dans ce bassin, que je fus obligé d’en faire tirer l’eau afin d’en enlever la vase. Je recommandai à deux ouvriers que j’y employai , de vider le bassin jusqu’au fond. Ils y travaillèrent ; et lorsqu’ils vinrent me dire que l’ouvrage étoit terminé , je fus fort surpris de voir qu’ils n’avoient creusé qu’à la profondeur de six pieds. Ils m’assurèrent alors que le bassin ne devoit ayoir eu que cette profondeur , puisqu’ils Pavoient vidé jusqu’à son fond solide. Comme je savois le contraire , je leur ordonnai de re- prendre l’ouvrage , et de creuser jusqu’à ce qu’ils eussent reconnu le sable bleuâtre qui servoit de fond au bassin. A peine eurent-ils commencé , que je m’aperçus qu’il s’étoit formé une couche de tourbe de quatre pieds d’épaisseur. Cette tourbe étant séchée , brûloit et donnoit des charbons comme la tourbe ordinaire 5 je la fis voir alors à plusieurs curieux, et à des personnes instruites dans la connoissance des tourbes. Ce fait véritablement étonnant est d’autant plus digne d’attention , que j’ai eu occasion d’observer en même temps de quelles plantes cette tourbe étoit formée. Pendant tout le temps que la tourbe s’est accumulée dans D^HISTÔIILE NATURELLE. 9 3 mon bassin , je n’y ai vu presque point d’autres plantes que la conferve des ruisseaux, conferva rivularis , et le volant d’eau, myriophyllum spiccitum. J’ai vu, il est vrai, aussi quelques autres plantes aux bords du bassin 5 mais elles s’y trouvoient en si petit nombre , qu’elles n’ont pu contribuer qu’en très-peu de chose à la formation de la tourbe. Après avoir fait vider le bassin, je n’y ai plus observé la conferve des ruisseaux ; mais le volant d’eau s’y est multiplié si abondamment , que je fus obligé de le faire enlever plusieurs fois par an. J’observai aussi que la pro- fondeur du bassin diminuoit, mais pas si subitement qu’au** paravant. Désirant savoir s’il s’étoit formé de nouvelle tourbe dans le bassin, je le fis vider en 1798, mais je n’y ai vu aucune tourbe ; le limon qui s’y étoit accumulé étoit abso- lument semblable à celui qui se forme des restes de plantes aquatiques dans des eaux stagnantes. Cette dernière obser- vation, comparée avec la précédente, fait voir que la con- ferve est la plante principale à laquelle la tourbe qu’on voit naître dans les eaux stagnantes doit son origine. Mais quelle pourroit être la cause , peut-on demander , que la conferve est plus propre à former de la tourbe que d’autres plantes aquatiques? Il me paroît que cela dépend en partie de ce que cette plante ne se putréfie pas facile- lement 5 ce qui a été prouvé par des observations du bota- niste Meese et d’autres. Il paroît de plus que la conferve acquiert plus de pesanteur spécifique vers l’automne , ce qui fait qu’elle s’enfonce et fait enfoncer en même temps les autres plantes aquatiques qui y sont mêlées. Mes observa- 94 Ainr aies r> u muséum,, etc, tions donnent lieu de plus à croire que la conferve a aussi la propriété d’empêcher en partie la putréfaction des plantes qui en sont entourées, puisque le volant d’eau , dont les restes étoient conservés dans le résultat de la première expérience , fut décomposé lorsque la conferve ne végéta plus avec lui. Vax MARUM. d’histoire naturelle. 97 MÉMOIRE Sur une nouvelle variété de Quartz. par H A U Y. Le quartz est peut-être celui de tous les minéraux qui présente un plus grand nombre de ces modifications acci- dentelles qui diversifient l’aspect d’une même forme , et tiennent uniquement aux différentes dimensions relatives des faces , dont les unes plus rapprochées du centre que celles qui leur correspondent , semblent avoir pris de l’accroisse- ment à leurs dépens. Mais si l’on fait abstraction de tous ces jeux de positions , au milieu desquels le nombre des faces et leurs incidences mutuelles restent les mêmes , et si l’on se borne à considérer les variétés réellement distinctes , la cristallisation du quartz se trouve resserrée entre des limites très-étroites , bien différente en cela de celle de la chaux car- bonatée , où la diversité des formes soumises à des lois par- ticulières semble le disputer à la profusion avec laquelle les cristaux de cette substance sont répandus dans la nature. Les minéralogistes qui ont décrit les formes cristallines du quartz n’en ont cité que deux qui puissent être regardées comme des variétés proprement dites. La plus simple , qui 1 3 98 ANNALES DU M Û S é U M se rencontre rarement , est le quartz dodécaèdre composé de deux pyramides droites réunies par leurs bases 5 l’autre , beaucoup plus commune , est le quartz prismé , qui offre un prisme interposé entre les deux pyramides de la première variété. Romé de l’Isle parle , à la vérité , de certains cris- taux de quartz prismé qui ont des troncatures rbomboïdales , triangulaires ou rectangulaires , aux angles formés par la ren- contre du prisme avec les pyramides : mais elles ne sont dues, selon lui, qu’au dérangement des molécules cristallines, à l’instant de leur agrégation, et il ajoute qu’elles n’ont ordinairement ni le meme luisant ni le même poli que les autres faces (1). M. Deluc, dans un mémoire de géologie lu à la société de physique et d’histoire naturelle de Genève , et qui ren- ferme aussi quelques remarques sur la cristallisation ^ après avoir dit que les modifications qui font varier les formes cristallines ne peuvent pas être toutes soumises à des règles de géométrie , rapporte divers exemples qu’il semble donner pour preuves de son assertion , et dont l’un est- tiré de la variété de quartz sur laquelle on voit une facette surnu- méraire , à la naissance d’un ou de plusieurs angles de 14 pyramide (2). J’ai dans ma collection divers cristaux qui présentent de ces facettes additionnelles remarquées par les deux célèbres naturalistes que je viens de citer, avec d’autres encore dont je parlerai dans la suite. Elles sont exactement planes ; et » • • r ' ' r . . (1) Crystallogr. t. II, p. 96. (2) Journ. de Phys . vendémiaire an j 1 , p. 248.- d’histoire naturelle. 99 si leur surface est terne sur certains cristaux , il en est d’autres où elles ont un poli très-vif. J’ai observé très- sen- siblement la double réfraction du quartz , en regardant la lumière d’une bougie à travers une de ces facettes et une des faces ordinaires situées sur la partie opposée. Je voyois alors deux bandes placées l’une à coté de l’autre , et dont chacune présentoit les couleurs du spectre solaire dans leur plus haut degré d’éclat et d’intensité. J’avois déjà décrit , dans mon Traité de minéralogie , deux de ces variétés de quartz, dans lesquelles la forme pris- matique et pyramidale éprouve des modifications. L’une est caractérisée par l’existence des facettes additionnelles dont Rome de l’Isle et M. Deluc ont parlé , et qui , en les sup- posant situées sur un cristal d’une forme symétrique , sont des rliombes parfaits j ce qui m’a suggéré le nom de quartz rhombifère que j’ai donné à cette variété (1). L’autre est le quartz piagiëdre, sur lequel on observe, au lieu des rhombes qui appartiennent à la variété précédente , des facettes situées de biais, et dont la figure est celle d’un tra- pèze (2). Ces facettes , ainsi que les rhombes de la première variété , n’existent ordinairement que sur quelques-uns des angles solides à la base des pyramides , en sorte qu’on est presque toujours obligé d’en rétablir une partie, par la pen- sée , pour ramener le cristal à une forme régulière: elles sont quelquefois presque imperceptibles ; il semble que la cristallisation, en les produisant, n’ait dérogé que comme (i) T. II, p. 413* (a) Ibid. 1 3 * 100 ANNALES DU MUSEUM par distraction à l’uniformité des lois d’où dépendent les formes ordinaires du quartz. J’avois trouvé cependant que ces facettes , loin d’être l’effet d’un dérangement des molécules , comme l’avoit dit Romé de l’Isle , et loin de se refuser à l’application des règles de la géométrie , comme paroît l’avoir pensé M. Deluc , rentroient , ainsi que toutes les autres , dans la théorie relative à la structure ; c’est-à-dire qu’elles pouvoient être ramenées à des lois de décroissement dont le calcul conduisoit à des valeurs d’angles conformes à celles que donnoit l’observa- tion , et j’avois indiqué ces lois, qui sont du nombre de celles que je nomme intermédiaires . J’ai acquis récemment deux cristaux de quartz qui pré- sentent une nouvelle variété de ce minéral, dans laquelle les faces de la rhombifère et de la plagièdre sont réunies avec d’autres qui dépendent d’une loi que je n’a vois pas encore eu occasion de déterminer. Ces facettes remplacent ainsi trois à trois une partie des angles solides à la base des pyramides. L’un des cristaux est limpide : l’autre est d’un brun noirâtre j et comme ses deux pyramides et son prisme manquent de symétrie, et que les facettes addition- nelles ont une étendue très-sensible , il en résulte une forme énigmatique qu’il n’est pas aisé de ramener à sa position naturelle, qui est celle où l’axe est situé verticalement. Les stries qui sillonnent transversalement les pans du prisme m’ont servi d’indices pour trouver cette position. La variété dont il s’agit est représentée Jïg. 2, Les facettes u sont celles que j’ai dit lui être particulières j et telle est la disposition de ces facettes et des deux autres, 10 1 X»’ HISTOIRE NATURELLE. soit entre elles, soit par rapport à la face de la pyramide vers laquelle elles sont tournées , que les cinq arêtes com- prises , par exemple , depuis o jusqu’à c inclusivement , et dont quatre forment les lignes de jonction des faces s, s, u , x, 7’, sont exactement parallèles. C’est de cette espèce de corrélation que j’ai emprunté le nom de quartz coordonné , par lequel je désigne cette variété. Son signe repré- sentatif rapporté au noyau rhomboïdal fig. î , est e P e r P z (E= B' D2) (e D‘ D') (4 E D2B') (e D4 D') (’E D2 B'). s x x' u u' Voici les mesures de ses principaux angles. Incidence de r sur r: i2 0/{ 126 annales du muséum Au reste , ces deux genres sont établis , comme l’on sait , sur des caractères si peu tranchés , qu’il seroit peut-être convenable de les réunir en un seul. Convolvulus Jalapa ( liseron Jalap ). Table XL et XLI. Convolvulus caule volubili , tuberculoso ; foliis cordato- ovatis ? subrugosis , subtus villosis , integris aut lobatis ; pedunculis uni vel multifloris / Jilamentis basi tomentosis ; semine Imiigero. Brj 'onia Mechoacana nigricans. G. B. Pin. 298. Prodr. 1 35. — J. B. Hist. 2 , p. 1 5 1 . Mechoana nigricans . Park Tlieat. 180. Convolvulus Americanus Jalapium dictus. Rai y Hist. 724* Convolvulus radice tuberosd catharticâ . Houston, mss. ex Millero. — Convolvulus Jalapa '} foliis variis ; pedunculis uni/loris; radice tuberosd» Mill. Dict. , édit. 8 , n° 3 1 . Cojivolvulus caule vo- lubili ; foliis difformibus , corda tis , angidatis , ob Ion gis ? lanceolatisque ; pedunculis. unifloris. Lin. Mant. 1 , p. 43. - — Syst. veget. 169.- — Mat. med., edit. , 2, p. 66.— Murr. Mat. med. 1 , p. 764» — Lamarck , Dict. 3 , p. 542. Illustr. , n° 2012. Tab. 104 ? f. 2. — Convolvulus caule volubili ; foliis ovatis , subcordatis , obtusis , obsolète répandis , subtus villosis $ pedunculis unifloris. Hort. Kew. 1 , p. 211. — ■’W’ild. , Spec. 2, p. 860. — Woody. Medical botany . n° 5, p. 69 (Icon.). Racine fusiforme - arrond ie , charnue , blanche, lactescente, Ircs-grosse , parsemée extérieurement de quelques dépressions peu profondes, divisée inférieurement en plusieurs radicules inégales et perpendiculaires. d’ histoire NATURELLE. lu 7 De sa partie supérieure naissent plusieurs tiges sarmenteusps , striées , herba- cées , rougeâtres dans leur jeunesse , un peu moins grosses qu’une plume à écrire , partagées en rameaux longs et flexibles , velues à leur extrémité supérieure , et communément parsemées de petits tubercules. Elles s’entortillent comme celles de la plupart des liserons autour des corps qu’elles rencontrent,, et s’élèvent à la hauteur de six à sept mètres. Feuilles alternes , en cœur ou ovales , velues en dessous , un peu ridées et lé- gèrement ondées , obtuses, quelquefois aiguës, terminées par une petite glande, entières ou divisées en deux , trois ou cinq lobes , longues de six à dix centimè- tres sur une largeur à peu près égale. Nervures obliques , saillantes en dessous , enfoncées et formant des sillons en dessus. Pétiole cylindrique , tuberculeux , long de trois à cinq centimètres , creusé d’une gouttière longitudinale. Pédoncules axillaires , solitaires , pubescens , cylindriques , longs de quatre à cinq centimètres , terminés par une , deux ou un plus grand nombre de fleurs j munis à leur partie supérieure de deux tubercules opposés , d’où naissent deux petites bractées ovales, qui se dessèchent et tombent très-promptement. Calice persistant, vert-pâle, pubescent, ovale-allongé , long de deux centimè- tres. Cinq divisions profondes, ovales , obtuses, convexes extérieurement, à peu près d’égale longueur , serrées contre le tube de la corolle ; deux sont extérieures 5 les trois intérieures sont arrondies au sommet. Corolle grande, infère, couverte d’un duvet très-court et très-fin. Tube cylin- drique , violet intérieurement , d’un lilas pâle à l’extérieur , long de neuf centi- mètres. Limbe évasé , campaniforme , blanc ou nuancé de violet , à cinq lobes arrondis peu profonds , marqué de cinq bandes longitudinales qui vont eu se rétrécissant depuis la base jusqu’à la pointe , comme dans tous les liserons ; elles sont striées dans leur longueur , et veinées de lignes violettes. Diamètre du limbe de la corolle égal à la longueur du tube. Cinq étamines inégales, rapprochées au centre de la fleur. Les plus longues ne débordent pas le tube. Filets cylindriques , aigus , blancs , amincis de bas en haut , garnis inférieurement de petites soies violettes, semblables à un coton très- fin , attachés un peu au-dessus de la base du tube. Anthères verticales, sagit- îées, adhérentes aux filets par la base. Pollen blanc. Style filiforme , blanc , de la longueur des étamines , surmonté drun stigmate épais , déprimé , bilobé , parsemé de petits tubercules. Ovaire supère , ovale , aigu. Capsule lisse, ovale ou ovale -arrondie , mince, cassante, de la grosseur d’une noisette , recouverte par le calice , s’ouvrant en quatre valves , partagée en trois ou quatre loges renfermant chacune une ou deux graines noires , oblongues , con- vexes en dehors , presque triangulaires intérieurement , avec une cicatrice près de 128 ANNALES DU MUSEUM l’une des extrémités. Toute leur surface extérieure est couverte de soies longues , fines et d’une couleur roussâtre. ï) Les fleurs s’épanouissent sur les six à sept heures du matin , et se ferment ver3 onze heures. La description suivante a été faite à îa Vera-Cruz . en i 777? par Tliiéry de Menonville. Iiadix tuberosa napi , rottinda ■vel fusiformis , radiculis rectis 5 perpendicu- laribus terminata , alba $ succo lactescente -, dulci. Caulis ■volubilis , scandons , tores , scaber f in tenellis atro-rubens ; in adultis viriddcin creus , subtetra gonus , hispidus. Folia alterna , sep te ni nervia 3 cordato-triloba quinquelobaee , sinuata , quan- doque cordata , integerrima ; lobis lanceolatis , obtusis , superficie rugosa / inferiori pagina albo-tonientosd , nervis crassiusculis prorninentïbus , spissa , molli a y pe- tiolata , nervorum hinc et inde apicis petioli duobus punctis secretoriis atris notata , sesqui-palmi longa , palrni lata . Petioli inf orne te rote s , snperne profunde, sulcati } ceterum aculeis innocuis hispidi , pollice longi. Pedunculi axillarcsy solilarii , multifiori , bipollicari longitudine , ter et es ; pe- dicellis oppositis. Calices pentapliylli , persistentes , ovati , basi glandulis quinqus secedentibus cineti. Folia ovata , adpressa , marginibus brunnea. Cor o II a monopetala , campanulata , subvcntricoso 3 extus albo-liliaceo y intus limbo purpureo violaceo , tuba atrg-purpureo violaceo } extus albo-liliaceo y palrni altitudine , aequali diametro. Stamina quinque inaequalibus jïlamentis ; p ri muni majus faucem corollae ac quans y secujidum minus y tertium inf trias , çfoo reliqua minora y ornnia alba y basi tomento atro-purpureo vestita , tuba corollae inserta ad altitudinem trium linearum baseos. Antherae sagittatàe , albae y aequales. Stylus ciblas y sesquipollicari lotigiludine, Stigrna globosum , fissum. Germen globosum. Capsula subrotunda , quadrivalvis , unilocularis y tetrasperma ( i ). Scmina quatuor y ovato-trigona y fusca , villosa ; vil lis pollicis longitudine y ab umbilico et ex angu/is media parte tantum seminis prbdeuntïbûs. ( î ) Le nombre des loges de îa capsule est sujet à varier. L’auteur dit qu’elle n’en a qu’une seule : j’en ai toujours observé plusieurs , et communément quatre } mais les cloisons sont si minces qu’il ne les aura sans doute pas aperçues. I %. tfeflier tfcu/p d’histoire nathrellê. 329 Habitat in arenosis siccis in Vera-Cruce. Arena Jiœc vçnto volvitur , nullae terrae adhaerct , nec consistentiam habet. Facilè educatur et colitur Jalapium. Ponderis 12, 1 5 et 20 librarum radices conservavi in meo cubiculo truncatas. Stolones et gemmas emittebant more N api. Si l’on compare maintenant notre description avec celle de Thiéry de Menonville , on sera pleinement convaincu que le Jalap cultivé au Muséum est le même que celui de Xalapa et de la Vera-Cruz. Le citoyen Michaux le dé- couvrit dans un canton situé au sud de la Floride , où il croît naturellement avec beaucoup d’autres plantes du '■4 Mexique $ il le transporta et le multiplia dans le jardin national de Charles-Town. Le citoyen Bosc, à son retour des Etats-Unis d’Amérique, en donna des graines au citoyen Thouin , et c’est à ses soins que l’on doit cette plante précieuse. Thiéry dit que le Jalap se plaît dans les terres arides et sablonneuses , et qu’il y vient sans culture. Sous le climat de Paris , il convient de l’abriter dans la serre chaude ; mais il est vraisemblable qu’il réussirait en pleine terre dans nos départemens méridionaux dont la tempé- rature approche de celle de la Floride et de la Caroline. Nous terminerons ce mémoire en observant que le genre des Liserons contient, outre le Jalap , plusieurs autres espèces purgatives fort en usage , telles que la Scammonée , Con-° volndus scammojiia , Lin ; le Turbitb ou Turpet , C. tur- peturn , Lux. ; le Mechoacan , C . mechoacana , Lin. j la Soldanelle maritime , C. soldanella , Lin. j le Liseron des baies, C. sepium , Lin. L’analogie porte à croire que ce genre nombreux en renferme encore beaucoup d’autres qui ont la même propriété , et qu’il doit s’en trouver aussi plusieurs parmi les Ipomœa , parce qu’ils ont la plus grande % î3o ANNALES DU MUSEUM affinité avec les Liserons. Il ne sera cependant pas inutile de remarquer que les Patates, dont les racines sont douces, sucrées et nourrissantes , appartiennent à la même série que les Liserons purgatifs dont on vient de parler , et que si les vertus 'des plantes suivent en général la loi des rapports naturels , cette loi n’est pas toujours sans excep- tion. Il me seroit facile de citer encore beaucoup d’exem- ples semblables à l’appui de cette vérité. Explication des planches . N° X L. 1. Un bouton de fleur du Jalap. 2. Le pistil. 3. La capsule entière. 4 . La capsule coupée transversalement laisse voir les quatre loges. 5. La corolle fendue dans sa longueur avec les étamines. 6. Une graine avec ses soies, y. Une graine nue. N° X L I. Racine du Jalap. d’histoire naturelle. i3i OBSERVATIONS Sur la famille des plantes amarantacées. ak JUSSIEU, L a famille des Amarantacées paroît caractérisée d’une ma- nière assez exacte pour qu’on puisse facilement y rapporter tous les genres qui doivent en faire partie. Placée dans la série des plantes dicotylédones apétales , à étamines insérées sous le pistil , elle se distingue de celles qui l’avoisinent par l’embryon roulé en anneau autour d’un corps farineux j des étamines en nombre défini , tantôt distinctes 1 tantôt réunies par leurs filets , quelquefois séparées par des écailles inter- médiaires j une capsule uniloculaire ordinairement monos- perme , plus rarement polysperme j des graines attachées à un réceptacle central. Les deux sections de cette famille , dont l’une a les feuilles nues 7 et l’autre les feuilles stipulées , paroissent naturelles. Les feuilles nues sont alternes dans V amaranthus , le celosia ? VÆrua et le Digéra , opposées dans Vlrésine , 1 ’ A chyran thés ^ le Gomphrena et V Illecebrum réduit à un plus petit nombre d’espèces par la soustraction de celles à feuilles alternes ( Illecebrum lanatum , javanicum ) qui appartiennent à VAErua 7 et de celles à feuilles stipulées ( Illecebrum cyrno- ! 3 2 ANNALES DU MUSEUM suffi , c cm ariens e , divaricatum , verticillatnm , paronychia , capitatum , arabicum , alsinefolium , etc. ) qui forment le genre paronychia dans la seconde section. Celle des feuilles nues peut être enrichie d’un genre nou- veau à tige ligneuse, à feuilles opposées , à fleurs en épis termi- naux, voisin de V achyranthes^ auquel il avoit été réuni jusqu’à présent sous le nom d’ Achyranthes lappacea , figuré dans YHort. Malab. vol. 7 , t, 4 3 ? sous celui de Pupal-valli. Ses épis sont composés de petits paquets à trois ou quatre fleurs , garnis chacun de trois bractées et de faisceaux de soies crochues , entourés eux-mêmes d’une bractée particu- lière : chaque fleur a un calice lanugineux à cinq feuilles j cinq étamines dont les filets sont réunis par le bas en un godet non découpé j un style terminé par un seul stigmate. Son fruit , que nous n’avons pas vu , est , selon Rheede , lanugineux , monosperme , hérissé de petites pointes comme le calice de la Bardane. Nous donnerons le nom de Pupalia à ce genre, dont la description a été faite sur la plante vi- vante dans le jardin du Muséum , et nous lui laisserons celui de lappacea pour désignation spécifique , en attendant que la connoissance d’autres espèces nous apprenne si le caractère de fruit hérissé sera uniforme dans toutes. En le comparant avec Y Achyranthes , on voit qu’il diffère suffi- samment de celui-ci , qui a les fleurs distinctes et non fasci- culées, et accompagnées chacune de trois bractées , les filets des étamines réunis en un tube souvent lacinié ou garni d’ap- pendices intermédiaires. La seconde section , caractérisée par les feuilles stipu- lées , qui ne contenoit que deux genres , le Paronychia et le Herniaria , sera augmentée des trois suivans. I)’ HISTOIRE NATURELLE. 1 3 3 i °. L’ Anychia , genre nouveau décrit par Michaux dans sa Flore de V Amérique septentrionale sous presse , qui a beaucoup de rapport avec le Paronychia , et en diffère seu- lement par ses étamines dépourvues d’appendices intermé- diaires, et sa capsule s’ouvrant par une déchirure inférieure d’où s’échappe la graine. Il est composé de trois espèces , dont deux nouvelles ( Anychia herniaioïdes ? A. argyrocoma ) , et une ( A. dichotoma ) déjà connue sous le nom de Que - ria canadensis , mais qui se distingue du Queria , genre de la famille des Caryophyllées auquel Linnæus l’avoit rap- porté , par son calice conformé comme celui du Parojiy - chia , sa capsule ne s’ouvrant pas en plusieurs valves , ses étamines dont le nombre ordinaire de cinq ne se réduit a trois ou deux que par la culture et par suite d’un avor- tement. Gaertner , qui l’avoit observée , vol. 2 , p. 2 17 , t. 128, avoit déjà indiqué sa séparation d’avec le Queria et son affinité avec le Paronychia 5 mais il lui donne trois stigmates comme au premier de ces genres , et Michaux n’en admet que deux. 20. Le Lithophila de Swartz , plante très-petite de la Ja- maïque , croissant sur les pierres comme plusieurs mousses ( d’où lui vient son nom ) , couverte d’écailles , de feuilles très-petites , de fleurs à peine visibles , terminales ou axil- laires , rassemblées en têtes qui n’excèdent pas la grosseur de celle d’un épingle. Swartz attribue à ces fleurs un calice à trois feuilles , une corolle à trois pétales , et un nectaire intérieur composé de deux feuilles j mais la grande affinité de ce genre avec les Amarantacées , et sur-tout avec le Her- niaria , prouve qu’il est apétale , que les parties nommées nectaires et corolles ne sont ensemble qu’un calice à cinq 284 À K N A L E S D XJ MUSEUM feuilles entouré de trois écailles comme dans plusieurs autres genres de la famille. L’existence de ces écailles florales le rapproclieroit de V Illecebrum et du Gomphrena , mais celle des écailles de la tige , que l’on peut prendre pour des sti- pules , le repousse auprès du Herniaria qui a de plus , comme lui , les fleurs très-petites. Il diffère des uns et des autres par son style simple ainsi que son stigmate , ses étamines distinctes , dépourvues d’appendices et réduites au nombre de deux , ce qui est peut-être accidentel comme dans V Anychia dichotoma. Swartz soupçonne son fruit biîo- culaire , mais la petitesse de l’organe ne lui permet pas de l’assurer ; il est plus que probable qu’il est uniloculaire comme dans toute la famille. 3 . Le Polychroa , décrit dans la Flore de la Cochin- chine de Loureiro, qui a la tige herbacée , les feuilles alternes , stipulées , les fleurs monoïques en petites grappes axillaires. Son calice est à cinq divisions , moins profondes dans les fleurs mâles. Il renferme dans celles-ci cinq étamines dis- tinctes , et dans les autres un ovaire couronné d’un stigmate simple et sessile , qui devient une capsule monosperme. Wildenow , éditeur de l’ouvrage de Loureiro , compare ce genre à l’Amarante dont il ne le fait différer que par l’anité de stigmate ; on pourrait ajouter la constance du nombre des étamines et des parties du calice , ainsi que les stipules qui accompagnent les feuilles. Ce dernier caractère reporte le Polychroa à la seconde section , dans laquelle il est le seul à fleurs monoïques et à feuilles alternes. D’après cet exposé on voit que la famille est augmentée de quatre genres. Un cinquième, appartenant aussi aux Ama- rantacées, et décrit par Loureiro sous le nom de Cyathula , y* ' ■ A d’ HISTOIRE NATURELLE. 1 3 5 lie paroît pas devoir être conservé. Il a tous les caractères de V Achyranthes dont il ne diffère que par un stigmate multifîde $ et ce que l’auteur nomme corolle en godet , n’est que la réunion des filets d’étamines. Loureiro lui - même soupçonnoit que c’étoit 1 ''Achyranthes prostrata Lin., et Wildenow le confirme. Le Polia , autre genre de Loureiro , que Wildenow dit être l’ Achyranthes corymbosa Lin. , doit encore être supprimé , et même sortir non seulement du genre Achy- ranthes , mais encore de cette famille pour entrer dans celle des Caryophyllées. C’est ce queLdmarck a déjà exécuté dans ses Illustrations , vol. II, p. 129, en réunissant cette plante à son genre polycarpæa qui est polypétale. Ces deux exemples que l’on retrouve ici d’une plante ca- ryophylîée ramenée aux amarantacées , et d’une amaranta- cée reportée aux caryophyllées , et que de nouvelles obser- vations pourront multiplier , prouvent qu’il existe entre ces deux familles une grande affinité déjà indiquée par Bernard De Jussieu dans ses Ordres de Tîùanon , et que , malgré la distinction tirée de la présence ou de l’abcence d’une corolle , on sera peut-être obligé quelque jour de les rapprocher. / ANNALES DU MUSEUM 36 MÉMOIRE Sur le Viens seuxia 7 genre de la famille des Iridées. ak A. P. DECANDOLLE. La famille des iridées a été divisée en deux sections 7 d’après la structure des étamines 7 lesquelles sont libres ou réunies ensemble par leurs filets. Le genre iris a été , avec raison , placé parmi les iridées à étamines libres j mais on a réuni à ce genre plusieurs espèces dont les étamines sont réellement monadelpbes. Le citoyen Delaroche 7 dans une dissertation imprimée à Leyde en 1766, avoit séparé ces espèces du genre des iris , et les avoit considérées comme un genre par- ticulier auquel il avoit donné le nom de Vieusseuxia. Ce genre a été admis par Houttuyn 7 dans le Linné Planzen - System. Depuis lors, il a été omis dans tous les ouvrages méthodiques qui ont été publiés. Mon but est, i°. de prou- ver que ce genre doit être conservé 7 soit parce que son carac- tère est bien tranché, soit parce que son port indique un groupe naturel , 20. de décrire quelques espèces nouvelles qui doivent y être rapportées. Le caractère essentiel des vieusseuxies est d’avoir trois étamines monadelphes, et trois stigmates en forme de pétales. Le premier caractère les rapproche des sisyrinchiiun et des d’ HISTOIRE NATURELLE. 1 3 y ferrciria , et le second , des iris. Ce genre établit donc un passage très-naturel de la première à la seconde section des iridées. Il diffère des iris comme les sisyrinchium des moraea , et les galaxia des ixia. Le port et la floraison des diverses espèces de vieusseu- xies indiquent que ces plantes appartiennent réellement à un groupe naturel. Leur corolle est posée sur l’ovaire , absolument dépourvue de tube , partagée en six divisions si profondes qu’elles sem- blent des pétales : les trois divisions extérieures sont grandes j leur onglet est presque droit , quelquefois barbu j leur limbe est étalé ; à la base de ce limbe on remarque , dans toutes les espèces, une taché arrondie , distincte par sa couleur. Les trois divisions intérieures atteignent ou dépassent peu la longueur des onglets ; elles sont ou linéaires , ou terminées par trois pointes , dont celle du milieu se prolonge plus que les autres , et se roule souvent en spirale. Les trois étamines sont placées devant les divisions exté- rieures de la corolle , et réunies , dans presque toute leur longueur, en un tube cylindrique qui renferme le style. Ce- lui-ci se termine par un stigmate à trois divisions pétaloïdes, colorées , étalées , échancrées au sommet , semblables , en un mot , à celles des iris. Chaque plante 11e porte qu’une ou deux fleurs entourées de deux bractées allongées , pointues , entières , qui embras- sent l’ovaire. Les feuilles sont peu nombreuses j souvent il n’y en a qu’une seule qui part du bas de la tige , et lorsqu’il y en a plusieurs , celle du bas est toujours beaucoup plus longue que les autres. Delaroche a décrit trois espèces de vieusseuxia. Les 2 , 18 ! l38 ANNALES DU MUSEUM observations que j’ai eu occasion de faire m’ont engagé à rapporter à ce genre quatre autres plantes. Je vais donner le tableau des espèces qui composent ce genre. Je le diviserai en deux sections. La première contiendra les espèces dont les divisions intérieures de la corolle sont linéaires 5 la se- conde , celles où ces divisions sont à trois pointes. D ans la première section se trouvent quatre espèces, et on en compte trois dans la seconde. i°. Vieusseuxia tripetaloïdes. V . corollae laciniis minoribus linearibus , majoribus bar- bâtis . Iris tripetala. Lin. f. supl. 97. — Jacq. Coll. 3, p. 272. — * Icon. rar. 2, t. i\. Thunb. Diss. n. 14? prod. 1 1. Cette plante avoit été nommée iris tripetala par Linné fils, parce que sa corolle étant absolument dépourvue de tube , et n’ayant que des divisions intérieures très-grêles, sembloit réellement n’avoir que trois pétales : mais comme toutes les vieusseuxies offrent la même structure , et que ce nom présente l’idée fausse de pétales , j’ai cru devoir le modifier en celui de vieusseuxia tripetaloïdes . La corolle de cette plante est d’un bleu violet, avec l’onglet jaunâtre. 2°. Vieusseuxia martinicensis. V. corollae laciniis minoribus linearibus , majoribus fo - veolis glandulosis imberbïbus . Iris ?nartinicensis. Jacq. Amer. 7, t. 7. Lin. Spec. 58. — Thunb. Diss. n° 34. Le port de cette plante, et la description même de Jac- quin , prouvent que cette espèce appartient à ce genre. b’ HISTOIRE NATURELLE. îBp 3°. Vieusseuxia pavonia. V. corollae laciniis minoribus linearibus , majorïbus im~ berbibus ; staminïbus stigmata super antibus. Iris pavonia. Thunb. Diss. n° 3 5 , t. i , f. 3 . — - Prodr. î 2 . — Lin. f. suppl. 98. — Jacq. Coll, suppl. p. 8. — - Hort. Schœnb. t. 10. Cette espèce se distingue facilement à la couleur orangée de ses fleurs. On remarque une tache bleue à la base de chaque division externe. Thunberg dit que les feuilles sont glabres. J’ai sous les yeux deux échantillons de cette plante , où elles sont pubescentes en dessous. Jacquin les représente pubescentes sur l’une et l’autre face. 4°. Vieusseuxia fugax. V. corollae laciniis minoribus linearibus , majoribus im - berbibus ; stigmatibus stamina superantibus. Vieusseuxia fugax. Delaroche , Diss. p. 33, n° 3 *. Moraea fugax. Jacq. Hort. Vind. 3 , t. 20. — Murr. Syst. vég. 93. Iris edulis. Lin. suppl. 98. — Thünb. Diss. n° 38. Prodr. 1 2 . Iris imberbis caule multfloro , folio unico lineari 3 ex summo caule orto. Van Hasen, Cat*p. 67. Icon. Cette espèce est très-remarquable, parce qu’elle ne pousse qu’une seule feuille qui dépasse de beaucoup la longueur de la tige. Cette feuille est d’abord plane $ elle se roule ensuite sur elle - même de manière à devenir demi-cylindrique , et * Les noms spécifiques de la seconde et de la troisième espèce ont été trans- posés par faute d’impression dans la dissertation de Delaroche. 18 * 1 4 O A I I 1 L E S DU MUSÉUM creusée en canal en dessus. Thunberg en distingue trois va- riétés , selon que la corolle est bleue , blanche ou jaune. 5°. Viens seuxia spiralis. V. corollae laciniis minoribus tricnspidatis , lacinula media spirali , laciniis majoribus subimberbibus , obtusis , in ungue varie gatis. Vieusseuxia spiralis . Delaeoche , Diss. p. 3 î , n° î » t. 5. Cette espèce a les fléurs jaunâtres ; les onglets sont d’une couleur plus foncée , mouchetés de taches purpurines , gla- bres , ou plutôt garnis de poils si petits qu’on ne peut les découvrir qu’à Paide d’une forte loupe ou d’un microscope. 6°. Vieusseuxia aristata. V. corollae laciniis minoribus tricnspidatis ; majoribus harbatis , acuminatis ; caule foliisque pubescentibus. Vieusseuxia aristata. Delaroche , Diss. p. 3 3, n° 2. Iris tricuspis. Thune. Diss. n° i5. Prodr. 1 1. Cette espèce , ainsi peut-être que la précédente et la sui- vante , ont été réunies par Thunberg sous le nom d 'iris tricuspis ; mais les échantillons que j’ai sous les yeux me semblent prouver que ce sont réellement des espèces distinctes. Celle-ci se distingue en particulier de toutes les espèces de ce genre , parce que les divisions extérieures de sa corolle se terminent en pointe. Sa fleur est de couleur de chair, avec des taches purpurines à l’onglet. Les divisions intérieures sont à trois pointes, dont celle du milieu dépasse beaucoup les autres. YIEUSSEIJXIA glaucopis b’ HISTOIRE NATURELLE. 1 4 ï 70. Vieusseuæia glaucopis. (Tab. 42*) V. corollae laciniis minorïbus tricuspïdatis ; majoribus barbatis , obtusis ; caule foliisque glabris ; stigmatibus sta- mina superantibus . Cette espèce a fleuri, l’année dernière, au Jardin des Plantes. Elle est glabre dans toutes ses parties. Ses feuilles sont égales à la longueur de la hampe : celle-ci est droite , simple , et porte ordinairement deux fleurs entourées chacune de deux bractées allongées. Ces fleurs sont blanches, avec une tache bleue sur la base du limbe des trois divisions externes ; leur onglet est presque droit , couvert de barbe dans toute sa surface ; leur limbe est obtus ; les divisions intérieures sont courtes , à trois lobes , dont celui du milieu se prolonge un peu plus que les autres. Les étamines forment un tube autour du style. Les stigmates sont à deux lobes redressés et den- telés. L’ovaire est à trois angles. Telles sont les espèces de vieusseuæia que j’ai pu re- connoître jusqu’ici. Je ne serois pas éloigné de croire que quelques autres espèces d’iris du Cap de Bonne- Espérance doivent y être réunies ; mais je n’ai pas eu occasion de les observer. Au reste, je crois en avoir dit assez pour constater l’existence du genre vieusseuæia. Eæplication de la planche. T ieusseuxici glaucopis . — - La plante de grandeur naturelle, i. Une des grandes divisions de la corolle. 2,3. Deux des trois petites divisions de la corolle. 4* Le pistil et les étamines débarrassés de la corolle. 5. Les etamines. La gaine que forment les filets a été fendue en- long et étalée, 6. Le pistil. 1 42 ANNALES DU MUSEUM DESCRIPTION De 1? école des plantes d’usage dans l9 économie rur.ale et domestique , établie au Jardin national des Plantes de Paris. par A. T H O U I N. Cette école, placée dans le nouveau terrain ajouté par Buffon à celui de l’ancien Jardin , est contiguë à celle des arbres fruitiers (î) , qui fait suite elle-même à la grande école de botanique générale. Sa forme est un carré de 7 1 mètres 4^4 millimètres (ou 3 6 toises 4 pieds de long), sur 69 mètres 444 millimètres (ou 3o toises 3 pieds de large ). Elle est limitée au nord par l’allée des maron- niers d’Inde ; au midi par celle des tilleuls de Hollande , laquelle traverse le Jardin dans toute sa longueur , depuis la principale porte jusqu’à la terrasse qui borde le quai de la Seine 5 au levant par l’allée des catalpa de Virginie , et au couchant par celle des platanes d’Orient. Dans l’intérieur de cette école sont deux allées , dont l’une, de 2 mètres 27 3 millimètres (ou 7 pieds de large), (1) Voyez , pour sa description et son organisation , le premier volume de ces Annales 5 page i35 et suivantes. d’histoire NATURELLE. 143 règne tout autour du terrain et lui sert comme d’enca- drement 5 l’autre, de 1 mètre 949 millimètres (ou 6 pieds), la divise dans la moitié de sa largeur en deux parties ou carrés égaux. Ces deux carrés sont partagés chacun en vingt-trois planches de 1 mètre 949 millimètres (ou 6 pieds ) de large, séparées par des sentiers de o. 974 milli- mètres ( ou 3 pieds ) de largeur. Avant la réunion de ce terrain au Jardin des Plantes , le sol étoit de 2 mètres 598 millimètres (ou 8 pieds) plus bas qu’il n’est dans ce moment. Après en avoir enlevé la couche végétale de 3 pieds d’épaisseur qui le recouvroit , 11 fut exhaussé jusqu’à 2 \ pieds de la surface de l’ancien terrain , avec les décombres et les décharges de la ville , et rempli ensuite en entier avec les bonnes terres que l’on avoit enlevées et mises à part. Sans être excellentes, ces terres sont de bonne nature , substantielles , meubles et faciles à travailler. Elles remplissent l’objet auquel elles sont des- tinées. Chacune des planches est divisée dans sa longueur en 12 petits carrés, d’environ 1 mètre 949 millimètres ( ou 6 pieds ) , et séparés entre eux par des demi-sentiers de o. 162 millimètres (ou 6 pouces) de large. Ces carrés, au nombre de 552 , sont destinés à recevoir autant d’es- pèces , de variétés , sous-variétés , ou races de plantes dif- férentes (1). Telle est la distribution mécanique pour la culture. Quant à l’organisation méthodique de cette école , la (1) Voyez les notes relatives à l’envoi du citoyen Lormerie , insérées dans le 2 volume de ces Annales , pour l’acception de ces noms. i44_ ANNALES DU MUSEUM première de ce genre qui ait été établie en Europe , voici la théorie d’après laquelle elle a été formée. Abandonnant tout système de botanique , nous avons cru devoir ranger les plantes qui la composent par ordre de propriétés , parce que d’une part , cette école a pour objet spécial l’instruction des propriétaires de biens ruraux , des agricul- teurs et des jardiniers , qui tous s’attachent moinè à f étude des plantes sous le rapport de la botanique , que sous celui de leurs usages dans l’économie rurale et le jardinage , et de l’autre , parce que le nombre des familles et celui des genres qui entrent dans la composition de cette école étant peu considérable , n’eût présenté que des fragmens de classes et de genres qui auroient laissé entre - eux de si grandes lacunes , que leur ensemble n’eût offert qu’une masse sans liaison comme sans utilité. D’ailleurs ces mêmes plantes se trouvant rangées suivant l’ordre des familles naturelles , dans l’école de botanique générale qui en est voisine , il est aisé d’y étudier ces végétaux sous leurs rapports en botanique. Cette étude deviendra même d’autant plus facile , que les étiquettes placées devant ces plantes , en même temps qu’elles indiqueront leurs noms et surnoms en français et en latin , porteront aussi les noms de leurs familles naturelles. Ainsi l’ordre systéma- tique qu’on a été obligé d’abandonner laisse peu de chose à regretter, puisqu’il est suppléé avantageusement par l’école de botanique générale et par les étiquettes, et qu’il le sera davantage encore par un catalogue méthodique qui sera publié sous très-peu de temps. L’ordre des usages une fois adopté , il a fallu établir des divisions qui fussent susceptibles de couper le groupe d’ HISTOIRE NATURELLE. 145 des végétaux qui composent cette école , afin d’en rendre l’ensemble et la distribution plus faciles à saisir , et de pré- senter à chaque classe de cultivateurs l’objet de ses études. Les trois divisions suivantes nous ont paru propres à rem- plir ce but. La première comprend toutes les plantes utiles à la nourriture de l’homme. La seconde , celles qui sont propres à nourrir les bes- tiaux et autres animaux domestiques. La troisième et dernière renferme les plantes employées dans les arts. Ces trois principales divisions ou classes, réunissent toutes les plantes d’usage dans l’économie rurale et domestique de la France , et les partagent , d’une manière non arbi- traire , en groupes de végétaux encore assez considérables pour exiger d’être divisés en séries secondaires ou sections : et c’est ce qui a été exécuté de la manière suivante. La première classe ou celle des plantes propres à la nourriture de l’homme , en suivant l’ordre de leur mérite , se divise naturellement en cinq sections. La première est composée de toutes les plantes qui four- nissent des grains propres à faire du pain ou d’autres ali- rnens qui en tiennent lieu , et qui sont connues sous le nom de plantes céréales. Elles se trouvent toutes réunies dans l’utile famille des graminées qui est en possession de donner à l’homme le pain, la viande et une boisson saine, bases essentielles de sa nourriture en Europe. La seconde renferme les plantes qui produisent des graines connues sous la dénomination de semences fari- neuses , et qui suppléent quelquefois aux céréales. Excel- 2. 1 9 2. 146 ANNALES 33 U MUSEUM lentes dans leur fraîcheur , elles perdent en vieillissant. On les doit à la grande et belle famille des légumineuses, La troisième réunit les plantes connues sous la déno- mination de plantes potagères , et qu’on pourroit appeler légumières , mais non légumineuses comme quelques per- sonnes le font 7 parce que cette épithète appartient à une famille naturelle de végétaux , renfermant un grand nombre de plantes qui 11e se mangent point 7 et qui par consé- quent ne doivent pas être confondues avec les légumes. Comme cette section est très-étendue , nous avons pensé qu’il convenoit de la diviser en six séries. La première contient les racines nourrissantes. De toutes les récoltes c’est la plus abondante en substances nutritives et celle dont les produits sont les moins sujets à être détruits par l’intempérie des saisons 5 elle est en même temps l’une des plus utiles , puisqu’elle sert à la nourriture de l’homme et des animaux domestiques. La deuxième renferme les plantes dont on mange les feuilles et les tiges , telles que les choux , les épinards ? les oseilles , etc. Elles sont connues sous le nom àl herbages légumiers. Celles ci fournissent presque exclusivement la cuisine du pauvre , tandis qu’elles servent au riche à cor- riger par leur mélange les effets nuisibles des mets trop succulens. La troisième comprend les plantes dont les fleurs sont employées dans les cuisines 7 comme les choux-fleurs 7 les arti- chauds , les câpres , les capucines , etc. et que nous nom- merons fleurs légumières. Si cette série plus circonscrite offre moins d’utilité que les précédentes ? elle fournit du moins des mets et des assaisonnemens de mets très- agréables. d’ histoire NATURELLE. 147 La quatrième réunit les plantes potagères qui produisent des fruits bons à manger , comme les melons , les con- combres , les courges , les tomates , etc. Ils sont connus sous le nom de fruits légumiers. En général , ces fruits ne sont pas aussi sains que ceux des arbres fruitiers , parce que la sève qui les produit n’a pas été élaborée dans des canaux aussi étroits et pendant un temps aussi considérable que dans les vaisseaux ligneux. Les fruits des arbres se préparent quelquefois trois ans d’avance , comme dans les poiriers , les pommiers , les coignassiers , etc. La sève passe à travers plusieurs filtres, tels que les greffes, les lambourdes, les bourses et les boutons, 'où elle se modifie et s’épure. Cependant lorsque ces fruits légumiers sont bien mûrs, ils sont en général rafraîcliissans et agréables j plusieurs même ont un parfum excellent. La cinquième est composée des plantes qui donnent des Semences aromatiques employées comme épices dans les cuisines , ou dans la composition de diverses liqueurs et sucreries , telles que les nigelles , coriandres , anis , cu- min , etc. La sixième et dernière série de cette troisième section est formée de toutes les plantes dont on mange les feuilles crues , et dont on fait des salades qui sont anti-scorbutiques et agréables à toutes les classes de citoyens, mais plus né- cessaires aux riches qu’aux pauvres , qui en font cependant la plus grande consommation. La quatrième section de la classe première renferme les plantes dont les graines fournissent des huiles bonnes à manger, ou qui sont employées dans les arts. Elles sont comprises sous la dénomination de semeïices oléifères . Le *48 ANS AIES DU MUSÉUM nombre de ces plantes n’est pas en proportion des besoins des grandes populations , mais il peut être augmenté. La cinquième et dernière section comprend plusieurs plantes qui sont plutôt recliercliées par l’habitude qu’on s’en est faite, que par leur utilité réelle : telles sont le caillelait , V angélique , le gratteron , etc. Nous avons nommé celles-ci plantes de fantaisie. La seconde classe , ou celle des plantes propres à la nour- riture des animaux , se divise en trois sections. La première , en raison de son utilité, renferme les plantes de la famille des graminées qui fournissent un fourrage abondant et très-nourrissant. Elle a été nommée section des fourrages fournis par les graminées , et, par abréviation, fourrages des graminées. La seconde comprend les fourrages donnés par la grande famille des légumineuses , que pour cette raison on appelle fourrages fournis par les légumineuses , et qu’on pourroit désigner plus brièvement par fourrages légumineux. La troisième et dernière section de cette seconde classe réunit les plantes qui ne sont propres à être mangées qu’en verd par les bestiaux , et que nous indiquerons sous la dénomination de fourrages de pâture. Ceux - ci appar- tiennent à diverses familles de plantes. La classe troisième et dernière , qui rassemble les plantes cultivées en grand et qui fournissent des substances utiles aux arts , se divise en trois sections distinctes. La première comprend les végétaux dont les fibres ont de la solidité , et sont propres aux arts de filature. Ils sont désignés sous le nom de plantes textiles. La seconde renferme les plantés employées dans les 3)’ HISTOIRE NATURELLE. 1 4 9 teintures , et qu’on nomme , par cette raison , plantes tinctoriales. Enfin la troisième et dernière section de la troisième et dernière classe est formée d’un petit nombre de plantes employées à différens usages et dans différons arts , et qui ne sont pas en nombre suffisant pour former des divisions particulières : telles sont les tabacs , les soudes, la car- diaire , etc. Celles-ci ont été indiquées sous la dénomination générique de plantes d’usage dans les autres arts. Lors- qu’elles seront plus nombreuses , on pourra les diviser en sections, auxquelles on donnera les noms qui appartiennent à leurs propriétés particulières . Les plantes qui composent ces différentes séries, sections et classes, sont rangées dans chacune des divisions où les placent leurs propriétés les plus éminentes , et, autant qu’il a été possible, par familles, par genres, espèces, variétés, sous-variétés et races , de manière que toutes les graminées d’une même division se trouvent réunies dans leurs genres , et ceux-ci placés à la suite les uns des autres : le même arran- gement a été observé pour les plantes des autres familles. Cependant il n’en est pas moins vrai que l’ordre des rapports naturels se trouve rompu dans l’ensemble de cette école , parce que souvent, dans le même genre, il se rencontre des espèces qui, ayant des propriétés distinctes, ont dû être placées dans des divisions différentes. Les choux en four- niront lin exemple. Quelques espèces ayant les racines tubé- reuses se trouvent placées dans la série des racines nourrissa?7tes. On mange les feuilles et les bourgeons de plusieurs autres ÿ ceux-ci font partie des plantes de la série des herbages légumiers . Il en est dont les semences four- 1 5 O ANNALES DU MUSEUM uissent de l’huile $ on les a placées dans la section des semences oléifères. Enfin on emploie les feuilles de quelques autres à la nourriture des bestiaux $ ce qui les range dans la section des fourrages de pâture. Ensuite il arrive quelquefois qu’une même plante a plu- sieurs propriétés qui devroient lui mériter des places dans diverses sections ou séries. Nous les y eussions placées volon- tiers sans craindre de faire de doubles emplois, parce qu’en ce genre ils sont sans inconvénient } mais nous avons été retenus par le manque de place. Pour y remédier en partie , ces plantes ont été rangées dans les classes ou séries dont les usages sont les plus éminens , et se rapportent le plus directement aux besoins de l’homme. Ici se termine ce qui a rapport à l’organisation métho- dique, dont le tableau, placé à la fin de cette description, présente l’ensemble et les divisions. Nous allons traiter actuel- lement des pratiques de culture et d’entretien nécessaires à la tenue de cette école , tant pour la facilité des études que pour la conservation des plantes et leur multiplication. Les végétaux amenés par une longue culture à l’état de domesticité , tels que la plupart des plantes d’usage dans l’économie rurale, et plus particulièrement les plantes pota- gères , ont besoin , pour ne pas dégénérer de leur race , pour se maintenir dans leur vigueur et donner des produits abon- dans , d’être changés de place , si ce n’est chaque année , an moins tous les trois ans. S’il étoit possible de les changer de terrain , de canton , de département même j de les faire succéder à des plantes d’espèces, de genres, de familles dif- férentes , et sur-tout à des végétaux dont les racines offrent des dimensions ou des organisations distinctes , ce seroit d’histoire naturelle. l5l opérer d’après le principe le mieux reconnu , le mieux prouvé de tous ceux qui sont établis en agriculture et particulièrement en jardinage. C’est ce principe qui a donné lieu aux pratiques connues sous les noms d’assolemens , d' alternemens , de cours des moissons , de salages , etc. Il ne souffre pas plus d’excep- tion pour les semis que pour les plantations, et celui qui s en écarte doit s’attendre à voir diminuer d’abord le produit de ses récoltes , ensuite à n’en obtenir aucun , s’il continue , et à perdre ses frais de culture. Four suivre , autant que la localité le permettoit , cette loi impérieuse d’alterner les cultures qui doivent se succéder chaque année sur le même sol , nous avons laissé , la pre- mière année de l’établissement de l’école , la première planche vide dans toute sa longueur. On a commencé les semis en tête de la seconde , et on les a continués dans toute son étendue , ainsi que dans toutes les autres , jusqu’à la dernière place de l’école. La seconde année les semis ont commencé à la première place de la première planche. Comme chacune d’elles est divisée en vingt-quatre places , il est arrivé que la plante qui étoitla vingt-cinquième dans l’ordre numérique, s’est trouvée à la place qu’occupoit la première l’année pré- cédente , et que toutes les suivantes ont remonté de vingt- quatre places y par ce moyen la dernière planche est restée vide. Et comme l’ordre adopté dans l’arrangement des plantes de cette école est celui des propriétés et non des familles naturelles , ce qui produit un mélange de végétaux de na- ture ainsi que d’habitudes différentes , il en est résulté un alternement qui, sans être aussi avantageux qu’on eût pu le desirer , remplit cependant en grande partie le but qu’on s’étoit proposé. La troisième année , les plantes ont 132 ASNAL ES DU MUSEUM été semées à la place qu’elles avoient occupé la première ; la quatrième , à celle où elles avoient vécu la seconde , et ainsi de suite pour les années suivantes ; au moyen de quoi, la même banquette de terre ne se trouve occupée par la même plante que tous les deux ans. Il se rencontre assez souvent que l’alternement est beaucoup plus long , parce qu’il suffit qu’il arrive quelques nouvelles variétés de plantes qu’on intercale dans l’ordre méthodique, ou qu’il s’en perde quelques-unes, pour faire avancer ou reculer toutes celles qui les suivent , et leur faire changer de place à d’assez grandes distances. A cette pratique d’alternement , il a paru utile d’en joindre mie autre non moins essentielle j c’a été d’établir des places doubles, dont nous allons expliquer l’usage. Parmi les végé- taux herbacés , il en est d’annuels , de bis-annuels , et de vivaces. Les annuels et les vivaces n’ont besoin que d’une place , parce que les premiers fournissent complètement , chaque année , leur végétation ; c’est-à-dire qu’ils arrivent à leur grandeur naturelle, fleurissent, et donnent leurs graines dans la même année , et que les vivaces en font autant lorsqu’ils sont parvenus à l’âge de fructifier. Mais il n’en est pas ainsi des plantes bis-annuelles. Celles-ci ne produi- sent que des feuilles la première année de leur semis , et ce n’est que la seconde qu’elles donnent leurs fleurs et leurs graines. Si l’on n’avoit qu’une place pour ces dernières plantes , il en résulterait que les étudians 11e pourraient les observer chaque année que dans l’un de ces deux états , et qu’011 ne pourrait recueillir des semences que tous les deux ans , ce qui ne serait pas moins nuisible à l’étude qu’à la multiplication de ces plantes. Les doubles places remédient i 53 d’ histoire naturelle. à ce double inconvénient , il ne s’agit que de transporter , à l’automne , les pieds des plantes bisannuelles , provenus des semis du printemps , aux places que l’ordre de l’alter- nement a déterminées pour les semis de l’année suivante , et de semer les graines de la même plante à la place précé- dente : alors on obtient , chaque année , ces végétaux dans leurs deux états différons. Quant à la forme et à l’étendue données aux places des plantes de cette école , elles ont été calculées sur la plus grande facilité des études , et sur les moyens de multipli- cation, combinés avec la capacité du terrain consacré à cet usage. Il n’en est pas d’une école de botanique générale comme d’une école de plantes d’usage dans l’économie rurale ; elles ont chacune un but différent. La première a pour objet de mettre les élèves à portée d’étudier et de saisir les res- semblances qu’ont entre eux les végétaux , les différences qui les éloignent les uns des autres , et les caractères qui leur sont propres et particuliers. C’est l’étude des rapports qui forme le botaniste j et , pour faire cette étude avec fruit , il doit examiner les végétaux dans toutes eurs parties , et s’atta- cher plus particulièrement à connoître les grandes divi- sions du règne végétal, telles que les classes, les ordres, les familles et les genres. Les espèces n’ont qu’un intérêt secondaire , et la connoissance des variétés , des sous-va- riétés et des races n’est pour lui d’aucune importance. Il en est autrement pour les agriculteurs : les variétés , les sous - variétés et les races , sont les objets qui les intéressent de préférence , parce que ce sont elles en général qui donnent les produits économiques les plus assimilés à nos besoins , et , par conséquent , ceux dont la valeur est la plus 2 o 10 4 ANNALES DU MUSEUM considérable. Ils s’attachent moins à connoître les rapports botaniques des végétaux , le rang qu’ils occupent dans l’ordre de la nature , qu'à étudier leur culture et leurs propriétés dans l’économie rurale et domestique. Se reposant sur les botanistes du soin d’assigner à chaque plante son caractère distinctif , de déterminer son genre , la famille à laquelle elle appartient , et enfin le rang qu’elle occupe dans l’ordre naturel , ils profitent de leurs utiles travaux , et se con- tentent d’étudier le port des plantes et leurs habitudes par- ticulières , pour en déduire les procédés de culture. D’après cet exposé , il est aisé de concevoir qu’une école destinée à l’instruction des botanistes doit être organisée différemment que celle qui a pour but l’enseignement des agriculteurs. La première doit rassembler dans un ordre mé- thodique les végétaux groupés par genres , par sections , par familles et par classes , de manière que les êtres du règne végétal forment, autant qu’il est possible, une chaîne non interrompue , dont tous les chaînons se lient les uns aux autres par les rapports les plus immédiats * nous disons autant qu’il est possible , parce que cet enchaînement est extrêmement difficile à établir. Il convient ensuite que cette même école présente séparément chaque individu , pour pro- curer la facilité d’en étudier les diverses parties sans con- fusion , et d’en connoître les différences et les rapports. Des lignes de pieds ou de touffes de plantes isolées , placées à des distances suffisantes pour qu’elles ne se nuisent pas mutuellement et qu’elles puissent prendre tout leur dévelop- pement , suffisent pour remplir ce but. Mais l’école destinée aux agriculteurs doit offrir non des lignes de plantes isolées , mais de petits massifs serrés , D ’ HISTOIRE NATURELLE. 1 55 composés d’un grand nombre d’individus de même nature , afin de présenter l’espèce de caractère utile aux étudians. Les caractères qui intéressent les cultivateurs , ou au moins ceux auxquels ils s’attachent le plus , sont , 1 ® , la manière dont les végétaux croissent j 2°. l’habitude des plantes dans leurs divers états ; 3°. leurs couleurs dans les différens âges de leur vie j 4°* et enfin leurs produits , soit verds, soit secs. Dans l’étude des rapports , ils ne recherchent que ceux qui sont relatifs à la précocité , à la durée , à la vi- gueur, à la rusticité, et à la quantité des produits des végé- taux sur des étendues de terrains semblables ou dissem- blables , dans des sols de même ou de diverse nature , et sous des climats semblables ou différens. Des massifs de plantes de même espèce , réunies en groupes serrés y peuvent seuls présenter ces différens objets d’étude j et l’on sent que plus ces massifs seront étendus , et mieux ils rempliront leur destination. La plus petite di- mension qu’on puisse leur donner est celle de 3 mètres 7 9 B millimètres ( ou une toise carrée ) , et nous croyons que 1 8 mètres 993 millimètres (5 toises carrées) excéderoient la mesure en rapport avec l’étendue d’un jardin d’instruction publique , à moins que ce ne fût dans une ferme expérimen- tale. Dans ce cas , il conviendrait de donner à ces carrés ~ , •j ? — d’are ou même des ares entiers d’étendue , afin d’avoir dans les produits des points de comparaison plus considérables , et par conséquent plus exacts. Quoique les caractères auxquels s’attachent les cultiva- teurs semblent les moins constans , les plus foibles , et ceux qui méritent le moins de confiance cependant ils ont une telle habitude de ces caractères 7 leurs yeux sont si 20 * 1 56 ANNALES DU MUSEUM exercés à les distinguer, qu’il est rare qu’ils se trompent j et non seulement ils leur servent à reconnoître , peu de jours après qu’elles sont levées , les différentes espèces de céréales, mais même les variétés et les sous-variétés de ces plantes. Les jardiniers légumistes connoissent souvent les plants de leurs races de légumes , lorsqu’ils prennent leur troisième feuille , comme les pépiniéristes distinguent à l’écorce et au bouton la plupart de leurs arbres fruitiers. Ainsi ces demi- caractères , peut-être trop négligés des botanistes , remplis- sent le but des agriculteurs et méritent leur confiance , puis- qu’ils les mettent à portée de connoître les végétaux qui les intéressent , dénués de toute fructification , et à une époque où les secours de la botanique leur manquent entièrement. Quant à la culture de cette école, qui fait l’objet de la troisième et dernière partie de ce mémoire , nous 11e parlerons que des travaux qui sont relatifs à sa tenue , et de ceux qui offrent des différences avec les autres cultures , assez remar- quables pour être citées. On sent très-bien qu’un terrain sur lequel on fait croître chaque année des plantes herbacées , presque toutes annuelles, qui vivent sur le sol sans y laisser que très-peu de leurs dé- bris , et dont les alternemens ne peuvent être choisis avec le plus d’avantage possible, a besoin d’être amendé en raison de la perte de substance qu’il éprouve. Aussi est -on dans l’usage , pour maintenir sa fertilité , de couvrir le sol des planches , à l’automne de chaque année , d’une couche d’en- grais de nature variée , et proportionnée aux besoins des plantes qui doivent occuper les différentes places. Les fumiers et les terreaux tirés du règne animal et des végétaux , quel- ques substances minérales, telles que des argiles , des marnes d’histoire naturelle. i 5y et des sables , sont employés à cet usage. On les répand , à l’automne, sur la surface des planches, à différents épaisseurs, suivant leur nature , et on les recouvre sur-le-champ d’envi- ron 0,02 7 millimètres ( i pouce) avec de la terre prise dans les sentiers. Cette précaution est nécessaire pour empêcher ces sortes d’engrais d’être dis ipés par les vents , et pour que les gaz qui sont produits par la fermentation ne soient pas perdus pour la végétation future. Ils sont retenus par la terre qui s’en imprègne, et qui augmente, par ce moyen, la quan- tité de l’engrais, en même temps qu’elle en hâte la décom- position. La charrue ne pouvant être employée dans un terrain d’aussi petite étendue, et la houe ne pénétrant pas la terre à la profondeur nécessaire à la plupart des plantes qui doi- vent être semées dans ces carrés , les labours se font à la bêche. On les donne à un fer et demi , ce qui remue la terre à 0,3 2 4 millimètres ou (1 pied) de profondeur, la mélange plus exactement avec les engrais, l’ameublit, et l’épure des racines traçantes et des corps étrangers qu’elle peut contenir. On les pratique à deux époques différentes : à l’automne , pour les places des plantes qui doivent être semées en bru- maire j et, à la fin de l’hiver, pour les parties qui doivent re- cevoir les semis du printemps. Les semis se font à trois temps différons de l’année , en raison de la nature des plantes. Les premiers s’effectuent en automne, pour ce qu’on appelle grains d’hiver. Les seconds s’exécutent au premier printemps , pour ce qu’on nomme grains de mars ; et les troisièmes se pratiquent dans les quinze premiers jours de germinal , pour les semences con- nues sous le nom de grains d’été . 1 58 ANNALES DU MUSEUM La manière d’exécuter les semis varie aussi , et doit être en rapport avec les habitudes des végétaux qui en sont l’objet. Les uns se font à la volée , comme cela se pratique pour les céréales, beaucoup de légumes et de fourrages 5 les autres par rayons : tels sont ceux des lentilles, des pois et autres semences farineuses. Quelques autres se font par pote- lots , pochets ou touffes , tels que ceux des haricots, des fèves, des doîichs, etc. Il est un petit nombre de semences qu’on sème grain à grain, comme les courges, les potirons, les concom- bres , et autres de cette nature. Enfin on sème sur couche , sous châssis ou sous cloche, les graines des légumes délicats qui ont besoin d’être activés dans leur végétation par une chaleur artificielle, pour donner leurs produits en pleine terre dans le temps convenable. De ce nombre sont les melons étrangers, les basilics , les tomates , les pimens , les gombaux, et autres plantes annuelles des tropiques. Tous les semis faits à la volée, par rayons, ou grain à grain, n’ont besoin que d’être éclaircis lorsque les jeunes plants sont trop rapprochés les uns des autres; mais ils doivent rester à la place où ils ont été semés. Parmi les végétaux dont les semis ont été faits par touffes, ou dans des vases sur couche, il en est plusieurs dont les jeunes pieds doivent être repiqués en place lorsqu’ils sont arrivés au degré de force convenable à leur réussite. Cette pratique est nécessaire pour conserver un grand nombre de variétés, et bonifier les indi- vidus. Les salades du genre des laitues, des chicons, des chicorées , ainsi que plusieurs espèces de choux , comme les brocolis, les choux-fleurs, les céleris , etc. , sont dans ce cas. Le reste de la culture de cette école consiste, i°. en bi- nages, pour ameublir la surface de la terre et la rendre per- d’ HISTOIRE NATURELLE. 1 5 9 méable aux racines des jeunes plantes , à l’eau des arrose- mens ou de^ pluies , à l’air , et aux fluides aériformes qui s’échappent de la terre et sont absorbés par les feuilles des végétaux j 20. en arrosemens proportionnés à la sécheresse de la terre, à la déperdition d’humidité des plantes, mais qui doivent être administrés en temps et heure convenables, pour les rendre profitables et véritablement utiles 5 3°. en précautions de tout genre pour empêcher les oiseaux de manger les graines à mesure qu’elles mûrissent : aucun autre jardin n’a pour* eux d’attraits plus puissans , ne les attire de plus loin , et ne les rassemble en plus grande quantité ; 4°. et enfin dans la récolte des produits , à mesure qu’ils sont arrivés à leur degré de perfection. Ces pratiques , qui sont communes à toutes les espèces de cultures , n’ont besoin que d’être indiquées. Nous terminerons cette description par une observation qui nous paroît utile au maintien de cette culture. Les végétaux de même famille , ceux du même genre, les variétés de la même espèce , ont une tendance à se féconder mutuellement par la poussière de leurs étamines. Les sous- variétés sur-tout , et les races , se fécondent avec encore plus de facilité , parce que l’analogie qui existe entre leurs par- ties sexuelles est encore plus considérable. Il résulte de là que ces plantes se trouvant très -rapprochées les unes des autres , et fleurissant pour la plupart en même temps , se fécondent mutuellement , et que les graines qui proviennent de ces fécondations croisées donnent des individus métis qui s’éloignent des races qui les ont produits. Souvent ces métis sont inférieurs en qualité à leur souche originelle , quelquefois aussi ils lui sont supérieurs , et méritent d’oc- 160 annales DU MUSEUM. cuper une place parmi les plantes utiles à l’économie rurale. Mais comme dans une école de cette espèce il s’agit moins de viser à se procurer de nouvelles variétés ou races particu- lières, que de conserver dans leur pureté celles déjà exis- tantes , et de mettre les étudians à portée de les connoître , il est indispensable d’apporter le plus grand soin dans le choix des graines destinées aux semis. Le meilleur moyen de conserver la pureté des races seroit de tirer chaque année ses graines des pays les plus en répu- tation pour certaines espèces , et où les plantes sont cultivées presque isolément : comme , par exemple , de faire venir de Laon les artichauts $ du Soissonnois , des haricots $ de Tours , des cardons ; de Meaux , la chicorée frisée qu’on y cultive ; de Plaisance , les choux de Milan ) de Florence , le fenouil doux , les brocolis ; d’Angleterre , les choux - fleurs durs et ceux d’Yorckj de Hollande, les racines légumières, etc. etc. Mais il 11’est pas toujours facile de renouveler ainsi ses graines: c’est tout ce qu’on peut espérer de faire par parties dans le cours de huit ou dix ans. A défaut de ce moyen , il est né- cessaire d’en employer un autre, qui, s’il ne le remplace pas, peut au moins le suppléer jusqu’à un certain point : c’est de semer ses porte- graines (1) dans les différentes parties d’un grand jardin , en éloignant , autant qu’il est possible , les espèces et variétés congénères , et les entremêlant avec des plantes de familles très-différentes ; de choisir parmi les in- dividus les plus vigoureux ceux qui possèdent les caractères de leur espèce les mieux prononcés , et qui offrent les qualités * f r - * : ' . (1) Nom qu’on donne aux individus destinés à fournir les semences d’élite propres à la reproduction des végétaux. D* HISTOIRE NATURELLE. l6l de leurs variétés à un plus haut degré de perfection. Mais tous ces moyens ne sont rien sans une culture intelligente et bien ordonnée. Si les graines ne sont pas semées dans la saison convenable ; si on néglige de leur donner la nature de ter- rain qui leur est propre 5 si le jeune plant n’est pas repiqué à temps et avec les précautions requises ; si l’on n’administre pas à chaque genre de plantes la culture qu’une longue habi- tude leur a rendue nécessaire , elles ne tarderont pas à dégé- nérer, parce que ces végétaux, qui doivent leur modification utile à la culture, ne peuvent se passer d’elle, et rentrent promptement dans leurs espèces sauvages , ou disparoissent , si elle les abandonne (1). (1) Le fait suivant est une preuve de ce que nous avançons. Feu M. de Maies- herbes, qui aimoit l’agriculture en homme éclairé et ne négligeoit aucun moyen d’en avancer les progrès;, avoit l’habitude de semer , chaque année , dans sa terre , les graines mélangées reçues du Jardin des plantes. Il les divisoit en deux parties égales, dont l’une étoit destinée au terrain maigre et sec , et l’autre au sol tourbeux et humide. Elles étoient répandues au printemps sur un labour, enterrées par la herse, et ensuite abandonnées à elles-mêmes sans aucune culture. Beaucoup de graines de plantes domestiques ne levoient pas. Il en étoit de même d’une assez grande quan- tité de semences de végétaux étrangers , des climats chauds. Parmi les individus qu’il obtenoit de celles qui levoient , beaucoup périssoient tout jeunes. Ceux qui se conservoient devenoient d’une maigreur extrême dans le terrain sec. Ceux qui av oient crû dans le sol humide, étoient plus élevés, mais foibles , débiles , dépour- vus de rameaux pour la plupart, et conservant à peine le port extérieur des plantes qui avoient produit les graines dont ils étoient nés. Nous avons vu, à la fin de la première année dans laquelle ces semis ont été faits , beaucoup de légumes annuels, tels que des laitues , des chicons , des épinards , des raves , diverses espèces de choux , des betteraves , etc. qui étoient dans un état de dégénérescence tel qu’ils étoient méconnoissables. Quelques plantes de parterre qui s’étoient trouvées parmi ces semis , comme des reines-marguerites , des chrysanthemum de Crête, des soucis de jardin , des oeillets et roses d’Inde, des giroflées jaunes et couleur de chair, de doubles qu’étoient les fleurs qui les avoient produites , étoient devenues sim- ples, la plupart décolorées, et presque semblables à celles qui se rencontrent dans la nature. Ainsi, une année avoit suffi pour détruire ce qu’une longue culture avoit opéré. 2 1 2 • î 6 â ANNALES DU MUSEUM Il ne nous reste plus qu’à indiquer le principal but d’uti- lité de cette école. Si elle ne présente pas à l’œil vulgaire un aspect aussi agréable qu’un parterre de fleurs, elle lui offre au moins une culture singulière, et qui, au printemps, est assez agréable par les différentes teintes de verdure qui nuan- cent les petits carrés qu’occupent les plantes. Ils ‘produisent , en petit, l’effet d’une vaste campagne, vue d’un lieu élevé, dans laquelle se trouvent beaucoup de pièces de terre culti-» vées en plantes d’un grand nombre d’espèces. L’agriculteur et le jardinier y apprennent à connoître beaucoup de végé- taux qui, cultivés en rase campagne , ou dans les jardins des différentes parties de l’Europe , n’avoient point encore été rassemblés sous un meme point de vue. Les trouvant rap- prochés et nommés d’après une nomenclature uniforme , ils s’habituent à les distinguer et à juger de leur mérite res- pectif. Enfin, la récolte des semences de toutes ces plantes , qui s’élève à plus de Æ hectolitres 683 litres (ou 3 setiers), est divisée à peu près en 20,000 sachets, qui sont distribués chaque année. Ces sachets sont étiquetés suivant la nomen- clature française et latine, avec l’indication de la culture et des usages de chacune des semences qu’ils renferment. L’ad- ministration du Muséum s’empresse de faire jouir de cette distribution les jardins des écoles centrales, ceux des sociétés d’agriculture, et tons les agriculteurs inteliigens qui lui té- moignent le désir d’y participer. Ainsi se répandent, chaque année, sur les dilférens points de la République, des milliers de végétaux utiles qui enrichissent le sol , et augmentent les ressources et les jouissances des habitans. ■au de la distribution des plantes herbacées , d’usage dans l’économie rurale et domestique. CLASSES. SECTIONS. SERIES. NOMS F R J LNÇAI8. LATINS. Céréales Froment (i) . . Maïs ' )Orge. (.Seigle, Semences farineuses . /"Haricot. J Pois. . jFève. . (.Lentille. /Pomme de terre Racines nourrissan- J Carotte. . tes | Navet. . . (.Panais. . AlaNoURRITURE de l’homme J Potagères. Celles-» qui sont les. A se divisent en . /Chou. . . . n I Oseille, t Herbages légumiers.! E|)inûrds_ _ (.Persil. . . . {Articliaut. cl'priër.611." Capucine. :onomi - se divi- en plan- ropres. . {Melon. Tomate. Potiron. Piment-, /Nigelle Co ’ . ... i Coriandre. Graines aromatiques < A n|s (.Cumin. . /Laitue. J Cresson. | Céleri. , (.Mâche. Semences oléifères. {Colza. . . Moutarde. Cameline. Pavot. . . {Caillelait. Grassette. Angélique. Grateron. AlaNoURRITURE des animaux utiles , qui se, distinguent en fourrages . {Fromental. PaturinS * Fétuque. . {Luzerne. . , Sainfoin... Trèfle. . . Astragale. Fournis par les Légumineuses, mineux (De pâture, ou plantes de pâturages. ( De filature, ou plantes textiles . /Pimprenelle. JSpergule . . jLupuline. . (.Chicorée. . . Chanvre. . Lin. . . . Coton. . . Ouate. . . Aux Arts. . {Garance . , Pastef*. .' Tournesol. (De plusieurs autres espèces . . . Total des plantes cultivées au Muséum {Tabac. . . Cardiaire. Soude. . . Presle. . . ! Triticum . . Zea. . . . Hordcum. . Secale , etc. Phaseolus . Pisu/n. . . Faba {vicia) Ervum , etc. Solanum. . Daucus . . Napus. . . Pastinaca , etc Brassica. . Kuniex. . . Spinacia. . Apium , etc. Cinara. . Brassica. Capparis. Tropœolum , et Cucumis . Solarium. Cucurbita. Capsicum , et Nigella. . . Coryandrum. Pimpinella. . Cuminum , etc, Lactuca . Lepidium Apium. . Valeriana , etc, Brassica. . Sinapis. . . Myagrum. . Papaver , etc. Galium . . Pinguicula. Angelica. . Galium. . . Avena. . . Lolium. . . Poa. . . . Festucay etc. Medicago . IJedysarum. Trifolium. . Astragalus , etc Poterium. . S per gu la. . Medicago. • Ciclorium , et Cannabis. . Finu m. . . Gossypium. Asclepias , et Rubia. . Réséda. . Isatis. . Croton. . Nicotiana , JDipsacus. . Salsola . . j Equisetum. NOMBRES }• r r “ r IES ESPÈCES, variétés et races. 58 (2) 72 37 48 n’a pu présenter que quatre genres des plantes qui composent chacune de ces divisions, la place ne permettant pas de les réunir era l’objet d'un catalogue raisonné, qui réunira les espèces et les variétés, et qu’on publiera par la suite. nombres n’indiquent que ceux des végétaux cultivés dans l’école des plantes, dusage dans 1 économie rurale, et non tu- q îourroient être cultivés dans les différentes parties de la République. C’est l’un des buts qu’on se propose e remp îr. îles du Muséum d’histoire naturelle , page 162. d’histoire NATURELLE. 1 63 . J ' . .. , . ri ' SUITE DES MÉMOIRES $ 17 R les fossiles des environs de Faris . par LAMARCL ♦ GENRE X V I. Eue c i n ? Buccinum. Charact. GEN. Testa univalvis , ovata vel elongata. Apertura oblonga , basi emargmata ^ Tiudata . Caitab Ttullo • CohtTjvetla cotwesca ^ plana* Observations. Les buccins , trop vaguement déterminés par les auteurs et par-là devenus trop nombreux , sont ici considérablement réduits. Bruguiere, convaincu de la nécessité de resserrer le genre huccinum de Linné y en avoit déjà séparé le genre de la vis et celui du casque. J’ai cru devoir porter plus loin la reforme , et , avec de nouveaux démembremens du bue - cinujn de Linné ; j’ai établi les genres tonne ? harpe f Tinsse y etc. Les coquilles auxquelles j’ai conservé le nom de buccin sont distinguées des divers genres que je viens d’indiquer , 2 i * ÀÏÎÎT AIES D U MUSEUM i 6 4 i°. parce que la base de leur ouverture offre une échan- crure découverte et sans canal ; 2°. parce que la coîumelle est nue , pleine et renflée ou convexe dans sa partie supé- rieure j 3°. parce que le bord droit n’est pas crénelé dans toute sa longueur , et que la surface externe de la coquille n’est pas munie de varices ou côtes longitudinales et parallèles. Les buccins sont tous des coquillages marins : ils ont un opercule cartilagineux qui a la forme de l’ouverture de la coquille. On en trouve dans les mers de différens cli- «> mats. ESPÈCES FOSSILES. % , ' ' ) ». Buccin slrumboïde. Vélin , n° 3, f. 17. Buccinum ( strurnboïdes ) , oblongo-ovatum , lacve ; labro subcostaio , supernè soluto ; anfractibu s convexis . n. Bucc. stromboïdes. Gmel. Syst. nat. 6, p. 3489- L. n. Grignon. Il acquiert près de deux pouces de longueur. Il est lisse, légère- ment sillonné à sa base , et a le bord droit un peu ample comme dans les strombes. Ce bord forme supérieurement un sinus en s’appuyant contre la spire. Mon cabinet. a. Buccin à fines stries. Vélin , n° 3, f. 16. Buccinum ( striatulum ) , elongatum , transversim striatum ; anfractibus rotun- datis. n. fi. Idem. Striis obsoletis , vix perspicuis. Vélin, n° 3 , f. 18. L. n. Grignon. Il n’a que huit ou neuf millimètres de longueur. Ses stries sont transverses et très-fines. Elles sont plus fines encore et moins apparentes dans la variété fi , qui d’ailleurs a les tours de spire un peu moins arrondis. Cabinet du cit. Defranoe. 3. Buccin térébrale. Vélin , n° 3, f. 2J. Buccinum ( 1er eb raie ), elongatum , lacve , basi transversim. obsoletèque stria- tum . n . L. n. Grignon. Il est long de quinze millimètres, lisse, et a sa spire un peu turricu lée. Cabinet du cit. Defrance. 1 65 D HISTOIRE NATURELLE. 4- Buccin croisé. Vélin , n° 3 , f . 20. Buccinum ( decussatum ) , ovato-conicum ; slriis creherrimis decussatis ; crr- fractibus convexis ; apertura subdentatd. n. L. n. Grignon où il est commun. Il n’a que dix à douze millimètres de Ion* gueur. Ses stries fines et croisées le rendent assez élégant. Mon cabinet. Nota. Le B. decussatum de Gmélin est un casque. 5. Buccin à doubles stries. Vélin , n® 3 , f. 19. Buccinum ( bistriatum ), ovato-oblongum , transversim striatum $ striis alternis minoribus ; majoribus superioribus nodulosis. n. L. n. Grignon. Belle et rare espèce, qui a plus de trois centimètres (treize à quatorze lignes ) de longueur. Elle est mince , fragile , et offre un bourrelet peu élevé sur le bord droit de son ouverture. Cabinet du cit. Defrance. 6. Buccin clavatulé. Buccinum ( clavatulatum ) , elongatum ; striis transversis tenuissimis labro brevi rotundato , supernè emarginato. n. L. n. Grignon. Il n’a que quatre millimètres de longueur , et ressemble à une petite clavatulé. Il a néanmoins le caractère des Buccins. Cabinet du cit. Defrance. GENRE XVII. Vis, Terebra. Charact. gen. Testa univalvis , turrita . Apertura brevls , infernè emarginata, Columellae basis contorta vel obliqua. Observations. Ce genre établi par Bruguiere , et qui n’est qu’un dé- membrement du genre buccinum de Linné, diffère essen- tiellement de celui qui précède par la forme turriculée des 1 C 6 A S 5 A L E S DU MUSEUM coquilles qu’il comprend j en sorte que, dans les vis, la spire a une longueur au moins double de la largeur du tour in- férieur , et par conséquent du grand diamètre de l’ouver- ture : d’ailleurs , la partie visible de la columelle est fort courte , et l’on prétend que l’animal ne porte point d’oper- cule. Les vis sont des coquilles marines. ESPECES FOSSILES, ï. Vis plicatule. Vélin , n° 3 , f. 23. Terebra ( plicatula ) , subulata y anfradibus plicatis y plicis crebris y inferiori- bus obsoletis. n. L. n. Grignon. Cette vis acquiert près d’un pouce (vingt-sept ou vingt-huit mil- limètres) de longueur. Le dernier tour de la spire est à peu près lisse. Les autres, sur-tout les supérieurs , sont plissés longitudinalement. Mon cabinet. 2. Vis scalarine. Tcrebra ( scalarina ) , conica , lo ngitudin a liter costata , apice basique trans - ver sim striata y anfractibus convexis , subturgidis. n. L. n. Parnes. Très-belle espèce de vis fossile récemment découverte dans le sable coquillier de Parnes. Sa masse présente un cône beaucoup moins allongé que dans les autres vis. Par sa forme générale, et par les cotes longitudinales parallèles et distantes dont elle est ornée , elle ressemble, au premier aspect, à un jeune scalata ( turbo sçalaris , L* ) ; mais son ouverture , sa columelle torse, et l’échancrure de sa base , forcent de la ranger parmi les vis. La longueur de cette coquille est de trois centimètres (un peu plus d’un pouce), et sa plus grande largeur inférieurement équivaut à environ quinze millimètres. Son som- met est en mamelon lisse ; ses côtes longitudinales , sur le ventre de chaque tour , sont un peu plus élevées et comme pincées , ou comprimées latérale- ment. Cabinet de M. Defrance. # Nota. On n’a pas encore trouvé de coquille fossile du genre tonne aux environs «Je Paris, d’ HISTOIRE NATURELLE. I67 GENRE XVIII. Harpe, Harpa. ChARAC. CEN. Testa univalvis , ocata vel ventricosa ; costis 1 o ngitudina li b us compressis , cipice angulo vel mucrone asperis. Apertura in - ferrie emarginata ; tanali nullo ; columellâ laevi , basi acutâ. Orservatiohs. Les harpes sont de fort belles coquilles , auxquelles il ne manque pour être précieuses que d’être plus rares. Linné les rapportoit à son genre buccinum , et les comprenoit toutes sous la dénomination de buccinum harpa , comme si elles ne constituoient qu’une seule espèce. On en connoît cependant plusieurs qui sont fortement et constamment distinctes entre elles, et que l’on peut regarder comme les espèces d’un genre particulier qui est fort remarquable. Dans toutes les harpes, les cotes longitudinales, qui sont les bourrelets persistans du bord droit de la coquille, sont comprimées , inciinées obliquement , parallèles , et munies d’un angle ou d’une pointe près de leur sommet. Ces coquillages sont marins , et en général habitent les climats chauds. ESPÈCES FOSSILES. 1. Harpe mulique. Vélin , n° 3 , f. 24. Harpa ( mutica ) , ovata ; costis apice muticis ; striis intercostalibus d c cas- sât is. n. L. n, Grignon. Elle est assez élégante dans sa forme , et a quinze ou seize lignes 168 annales du muséum (environ trente-cinq millimètres) de longueur. Cette harpe a environ douze côtes longitudinales , élevées , un peu tranchantes ; et entre ces côtes on ob- serve des stries écartées qui se croisent. Le bord gauche de l’ouverture est apparent. Mon cabinet. GENRE XIX. Casq ue, Cassis. 1 \ ChARACT. CEN. Testa univalvis , ventricoso-gibbosa. Apertura lo ngitu dinaUs , subdentata , in canalem brevem et rejlexum desinens. Colu - niella infernè plicata. Observations. Les casques constituent un genre de coquillages très- naturel , que Linné confondoit parmi ceux que comprend son genre huccinum } et que Bruguiere en a séparé avec beaucoup de raison. Toutes les espèces de casque sont des coquilles ventrues, bombées, et qui diffèrent singulièrement des buccins, i°. par la forme de leur ouverture qui est oblongue et presque tou- jours dentée sur son bord droit -, 2°. par l’aplatissement de leur bord (ou lèvre) gauche qui fait une saillie considé- ble sur ce côté de la coquille ; 3°. par le canal qui termine leur base, et qui est replié en dehors ou relevé vers le dos de la coquille. Plusieurs espèces deviennent fort grandes, et acquièrent souvent une épaisseur considérable. La plupart ont la spire interrompue par des bourrelets I)’ HISTOIRE NATURELLE. l6ÿ obliques , qui sont les restes ou les sommités d’anciens bour- relets que chaque accroissement nouveau de la coquille a partiellement enveloppés. Les casques vivent dans la mer , et principalement dans les mers des pays chauds , à quelque distance des rivages. On les y rencontre sur des fonds sablonneux , où ils trou- vent le moyen de s’enfoncer en totalité, lorsqu’ils le veu- lent. ESPÈCES FOSSILES. 1. Casque en harpe. Vélin , n° 4, f. i. Cassis ( harpaeformis) , ovato-inflata , longitudinaliter costata ; basi transversè striata ; cingulâ subunicâ tuberculosâ. n. L. n. Grignon. Il est long de cinquante-quatre millimètres (environ deux pouces). Ses côtes longitudinales sont saillantes , disposées comme les cordes d’une harpe , et forment vers le sommet du dernier tour une rangée de tubercules bien exprimés et une autre à peiné distincte. Mon cabinet. 2. Casque gaufré. Cassis ( cancellata ) , ovato-inflata, decussatini striata ; cingulis duabus luber- culosis ; labro dentato. n. L. n. Chaumont et Parues. Ce casque singulier n’est peut-être qu’une variété du précédent; cependant, au lieu de présenter dés côtes en cordes de harpe , il est exactement gaufré ou grillé par des stries qui se croisent. Le bord droit est denté dans toute sa longueur. Mon cabinet. 3. Casque cariné. Vélin , n° 4 , f. 2. Cassis ( carinata ) , ovata , trarisversim striata ; cingulis sulquinque carinatis ; su p remis tuberculosis ; anflracttbus sursiim complanatis. n. Cassidea carinata. Brug. Dict n° 2<) , f. 6. L. n. Grignon. Ce petit casque a beaucoup de rapport avec le Buccinum echi- nopliorum de Linné ; mais , outre ses côtes cannées et plus ou moins nodu- leuses , il a des stries fines et transverses qu’on ne trouve point dans le casque échinophore , sur le ventre de la coquille. Dans sa jeunesse , il 11’est point no- duleux. Mon cabinet. J’en possède aussi une variété dont le bord droit est bien denté. Elle a été trouvée à Retheuil par le citoyen Thury. 2. 2 2' t 170 AHNALES DU MUSEUM CORRESPONDANCE. Copie d’une lettre de M.. Humboldt f adressée au citoyen Delambre , l’un des secrétaires perpétuels de l’Institut national (datée de Lima le 2 5 novembre 1802). JVÏon respectable ami , je viens de l’intérieur des terres où, dans une grande plaine, j’ai fait des expériences sur les petites variations horaires de l’aiguille aimantée , et j’ap- prends avec regret que la frégate Astigarraga , qui ne de voit partir que dans quinze jours , a accéléré son départ pour Cadix et qu’elle met cette nuit même à la voile. C’est, depuis cinq mois, la première occasion que nous ayons pour l’Europe, dans les solitudes de la mer du Sud ; et le manque de temps me rend impossible d’écrire, comme je le devois , à l’Institut national , qui vient de me donner la marque la plus touchante de l’intérêt et des bontés dont il m’honore. C’est peu de jours avant mon départ de Quito pour Jaën et l’Amazone, que j’ai reçu la lettre, en date du 2 pluviôse an p , que cette société illustre m’a adressée par votre organe. Cette lettre a mis deux ans pour aller ine trouver dans la cordillère des Andes. Je la reçus le len- demain d’une seconde expédition que je fis au cratère du volcan de Pichincha pour y porter un électromètre de Volta, et pour en mesurer le diamètre, que je trouvai de 76*2 toises, d’ histoire naturelle. 171 tandis que celui du Vésuve n’en a que 3 12. Cela me rap- pela qu’au sommet de Guaguapichincha où j’ai été souvent et que j’aime comme sol classique, la Condamine et Bouguer reçurent leur première lettre de la ci-devant académie, et je me figure que Pichincha ( si magna licet componere parvis) porte bonheur aux physiciens. Comment vous exprimer , Citoyen , la joie avec laquelle j’ai lu cette lettre de l’Institut , et les assurances réitérées de votre souvenir? Qu’il est doux de savoir que l’on vit dans la mémoire de ceux dont les travaux avancent sans cesse les progrès de l’esprit humain ! Dans les déserts des plaines de l’Apure , dans les bois épais de Casiguiare et de l’Orénoque , par-tout , vos noms m’ont été présens 5 et, parcourant les différentes époques de ma vie errante , je me suis arrêté avec jouis- sance à celle de l’an 6 et de l’an 7 où je vivois au milieu de vous, et où les Laplace, Fourcroy, Vauquelin , Guyton , Chaptal , Jussieu, Desfontaines, Iiallé , Lalande, Prony , et vous sur-tout, âme généreuse et sensible, dans les plaines de Lieursaintj me comblâtes de bontés. Recevez tous ensemble l’hommage de mon tendre attachement et de ma reconnais- sance constante. Long-temps avant de recevoir la lettre que vous m’avez écrite en qualité de secrétaire de l’Institut, j’ai adressé suc- cessivement trois lettres à la Classe de Physique et de Mathé- matiques, deux de Santa-Fé di Bogota, accompagnées d’un travail sur le genre Cinchona * ( c’est-à-dire des échantillons d^écorce de sept espèces , des dessins colorés qui repré- sentent ces végétaux , avec l’anatomie de la fleur si dif- * Nom latin du Quinquina. 22 * 1 7 2 ANNALES DU MUSEUM férente par la longueur des étamines, et les squelettes séchés avec soin). Le docteur Mutis , qui m’a fait mille amitiés, et pour l’amour duquel j’ai remonté la rivière en quarante jours $ le docteur Mutis m’a fait cadeau de près de cent dessins magnifiques en grand folio , figurant de nouveaux genres et de nouvelles espèces de sa Flore de Bogota , manuscrite. J’ai pensé que cette collection, aussi intéressante pour la botanique , que remarquable à cause de la beauté du coloris , ne pourvoit être en de meilleures mains qu’entre celles des Jussieu , Lamarck et Desfontaines , et je Fai offerte à l’Institut national comme une foibîe marque de mon attachement. Cette collection et les Cincliona sont partis pour Carthagène des Iodes vers le mois de juin de cette année, et c’est M. Mutis lui -même qui s’est chargé de les faire passer à Paris. Une troisième lettre pour l’Institut est partie de Quito avec une collection géologique des productions de Pichincha , Cotopaxi et Chimboraza. Qu’il est affligeant de rester dans une triste incertitude sur l’arrivée de ces objets, comme sur celle des collections de graines rares que , depuis trois ans , nous avons adressées au Jardin des plantes de Paris ! Le peu de loisir qui me reste aujourd’hui ne me permet pas de vous tracer le tableau de mes voyages et de mes occupations depuis notre retour du Rio Negro. Vous savez que c’est à la Havane que nous avons reçu la fausse nou- velle du départ du capitaine Baudin pour Buénos Ayres. Fidèle à la promesse que j’avois donnée de le rejoindre où je pourrois, et persuadé d’être plus utile aux sciences en joignant mes travaux à ceux des naturalistes qui suivent le capitaine Baudin , je n’ai pas hésité un moment à sacrifier I)’ HISTOIRE NATURELLE. 1 7 3 la petite gloire de finir ma propre expédition , et j’ai frété â l’instant un petit bâtiment au Bataban pour me rendre à Carthagène des Indes. Les tempêtes ont allongé ce court trajet de plus d’un mois; les brises avoient cessé dans la mer du Sud, où je comptois chercher le capitaine Baudin; et je me suis engagé dans la pénible route de Honda , Ibagué , le passage de la montagne de Quindin , Popayen , Pastos , à Quito. Ma santé a continué à résister merveilleusement au changement de température auquel on est exposé dans cette route, descendant à chaque jour des neiges de 2,460 toises, à des vallées ardentes où le thermomètre ne descend pas de 26° ou 24° de Réaumur. Mon compagnon, dont les lumières , le courage et Pimmense activité , m’ont été du plus grand secours dans les recherches botaniques et d’ana- tomie comparée, le citoyen Bompland, a souffert des fièvres tierces pendant deux mois. Le temps des grandes pluies nous a pris dans le passage le plus critique, le haut plateau de Pastos; et après un voyage de huit mois, nous sommes arrivés à Quito pour y apprendre que le capitaine Baudin avoit pris la route de l’Ouest à l’Est par le Cap de Bonne- Espérance. Accoutumés aux revers, nous nous sommes con- solés par l’idée d’avoir fait de si grands sacrifices pour avoir voulu le bien : jetant les yeux sur nos herbiers, nos mesures barométriques et géodésiques , nos dessins , nos expériences sur l’air de la cordillière , nous n’avons pas regretté d’avoir parcouru des pays qui, en grande partie, n’ont jamais été visités par des naturalistes. Nous avons senti que l’homme ne doit compter sur rien que sur ce qu’il produit par sa propre énergie. La province de Quito, ce plateau le plus élevé du monde , et déchiré par la grande catastrophe du 174 ANNALES BU MUSEUM 4 février 1797, nous a fourni un vaste champ d’obser- vations physiques. Des volcans si énormes, dont les flammes s’élèvent souvent à 5oo toises de hauteur, n’ont jamais pu produire une goutte de lave coulante 5 ils vomissent de l’eau, du gaz hidrogène sulfureux ^ de 3a boue, et de l’argile carbonnée. Depuis 1 7 9 7 toute cette partie du monde est en agitation : nous éprouvons à chaque instant des secousses affreuses, et le bruit souterrain , dans les plaines de Rio Bamba , ressemble à celui d’une montagne qui s’écroule sous nos pieds. L’air atmosphérique et les terres humectées (tous ces volcans se trouvent dans un porphyre décomposé , ) paroissent les grands agens de ces combustions , de ces fer- mentations souterraines. On a cru jusqu’ici à Quito que 2470 toises étoient la plus grande hauteur à laquelle les hommes peuvent résister à la rareté de l’air. Au mois de mars 1802 , nous passâ- mes quelques jours dans les grandes plaines qui entourent le volcan d’Antisana à 2,107 toises, où les bœufs, quand on les chasse , vomissent souvent du sang. Le 1 6 mars nous reconnûmes un chemin sur la neige , une pente douce sur laquelle nous montâmes à 2,773 toises de hauteur. L’air y conlenoit 0,008 d’acide carbonique, 0,218 d’oxigène et 0,774 d’azote. Le thermomètre de Réaumur n’étoit qu’à 1 5° j il ne fit pas froid du tout 5 mais le sang nous sortoit des lèvres et des yeux. Le local ne permit de faire l’expé- rience de la boussole de Borda , que dans une grotte plus basse à 2,467 toises : l’intensité des forces magnétiques étoit plus grande à cette hauteur qu’à Quito , en raison de 2.3a : 2185 mais il ne faut pas oublier que souvent le nombre des oscillations augmente quand l’inclinaison diminue , D* HISTOIRE NATURELLE. 1 J 5 et que cette intensité augmente par la masse de la montagne dont les porphyres affectent l’aimant. Dans l’expédition que je fis le 2 3 juin 1802 au Chimborazo , nous avons prouvé qu’avec de la patience on peut soutenir une plus grande rareté de l’air. Nous parvînmes 5oo toises plus haut que la Con- damine (au Carazon), et nous portâmes au Chimborazo des instrumens à 3,o3 1 toises, voyant descendre le mercure dans le baromètre à 1 3 pouces 11,2 lignes : le thermomètre étoit de i°, 3 au-dessous de zéro. Nous saignâmes encore des lèvres. Nos Indiens nous abandonnèrent comme de coutume. Le citoyen Bompland et M. Monînfar, fils du marquis de Selvalègre de Quito, étoient les seuls qui résis- toient. Nous sentîmes tous un malaise , une débilité , une envie de vomir qui certainement provient autant du manque d’oxigène de ces régions , que de la rareté de l’air. Je ne r trouvai que 0,20 d’oxigène à cette immense hauteur. Une crevasse affreuse nous empêcha de parvenir à la cime du Chimborazo même, pour laquelle il ne nous manquoit que 2 36 toises. Vous savez qu’il y a encore une grande incer- titude sur la hauteur de ce colosse, que la Condainine ne mesura que de très-loin , en lui donnant à peu près 3,220 toises j tandis que Don George Juan la met de 3,3 80 toises, sans que la différence provienne de la différente hauteur qu’adop- tent ces astronomes pour le signal de Carabura. J’ai mesuré dans la plaine de Tapia une base de 1 ,702 mètres. (Par- donnez si je parle tantôt de toises, tantôt de mètres, suivant la nature de mes instrumens. Vous sentez bien qu’en publiant, tout se réduira à mètre et thermomètre centigrade.) Deux opérations géodésiques me donnent Chimborazo de 3,267 toises sur la mer j mais il faut rectifier les calculs i 76 Aï If A L E S DU MUSEUM par les distances du sextant à l’horizon artificiel ^ et d’autres circonstances. Le volcan de Tunguragua a diminué beaucoup depuis le temps de la Condamine : au lieu de 2,620 toises, je ne le trouve plus que de 2,53 1 toises, et j’ose croire que cette différence ne provient pas d’une erreur d’opérations , parce que dans mes mesures de Cayambe , d’Antisana, de Gotopaxi, ddliniza , je ne diffère souvent pas de i o à 1 5 toises des résultats de la Condamine et de Bouguer. Aussi tous les liabitans de ces malheu- reuses contrées disent que Tunguragua a baissé à vue d’œil. Au contraire , je trouve Gotopaxi , qui a eu des explo- sions si immenses, de la même hauteur qu’en 1 7 44 5 ou plutôt de quelque chose plus haut ; ce qui proviendra d’une erreur de ma part. Mais aussi la cime pierreuse de Cotopaxi indique que c’est une cheminée qui résiste et conserve sa figure. Les opérations que nous avons faites, depuis janvier à juillet , dans les Andes de Quito, ont donné à ces habitans la triste nouvelle que le cratère de Pichincha, que la Con- damine vit plein de neige , brûle de nouveau , et que Chim- borazo, que l’on croyoit être si paisible et innocent, a été un volcan et peut-être le sera un jour de nouveau. Nous avons trouvé des' roches brûlées et de la pierre ponce à 3,o 3 1 toises de haut. Malheur au genre humain si le feu volcanique (car on peut dire que tout le haut plateau de Quito est un seul volcan à plusieurs cimes,) se fait jour à travers le Chimborazo ! On a souvent imprimé que cette montagne est du granit, mais on n’en trouve pas un atome: c’est un porphyre par-ci , par-là, en colonnes , enchâssant du feld-spath vitreux , de la corncerre et de l’olivin. Cette couche de porphyre a 1,900 toises d’épaisseur. Je pourrois ) d’histoire naturelle. 177 vous parler à ce sujet d’un poiphyre polorisant que nous avons découvert à Yoisaco près de Pasto , porphyre qui, analogue à la serpentine que j’ai décrite dans le Journal de physique , a des pôles sans attraction. Je pourrois vous citer d’autres faits relatifs à la grande loi du parallélisme des couches et de leur énorme épaisseur près de l’équateur ; mais c’est trop pour une lettre qui peut-être se perd , et j’y reviendrai une autre fois. J’ajoute seulement qu’en outre des dents d’éléphans que nous avons envoyées au citoyen Cuvier, du plateau de Santa-Fé de i,3 5o toises de hauteur, nous lui en conservons d’autres plus belles , les unes de l’eléphant carnivore , les autres d’une espèce un peu dif- férente de celles d’Afrique, du val de Timana, de la ville d’Ibarra et du Chili. Voilà donc constatée l’existence de ce monstre carnivore depuis l’Ohio, ou les 5o° latitude boréale au 3 5° austral. J’ai passé un temps très-agréable à Quito. Le président de l’audience, le baron de Corondelet, nous a comblés de bontés; et depuis 3 ans je n’ai pas eu à me plaindre un seul jour des agens du Gouvernement espa^ gnol , qui m’a traité? par-tout avec une délicatesse et une distinction qui m’obligent à une reconnoissance perpétuelle. Que les temps et les mœurs sont changés ! Je me suis beau- coup occupé des pyramides et de leur fondement (que je ne crois pas du tout dérangé quant aux pierres molaires). Un particulier généreux, ami des sciences et des hommes qui les ont illustrées , tels que la Condamine , Godin et Bouguer, le marquis de Selvalègre à Quito , pense à les recons- truire; mais cela me mène trop loin. Après avoir passé l’Assonay et Cuença ( où 011 nous a donné des fêtes de taureaux ) ? nous avons pris la route I I y 8 ÀKIÎ AL E S DU MUSEUM de l’Oxa pour compléter nos travaux sur le Cinchona. De là nous passâmes un mois dans la province de Jaën de Bracamorros , et dans les Pongos de l’Amazone , dont les rivages sont ornés d’Andiva et de Bugainvillæa de Jussieu. II nie parut intéressant de fixer la longitude de Tomependa et Cliucliungat , où commence la carte de la Condamine , et de lier ces points à la côte. La Condamine n’a pu fixer que la longitude de la bouche de Napa : les garde-temps n’cxistoient pas ; de sorte que les longitudes de ces contrées méritent beaucoup de changemens. Mon chronomètre de Louis Bertlioud fait merveille, comme je le vois en m’orien- tant de temps en temps par le premier satellite, et en comparant point pour point mes différences de méridien à celles qu’a trouvées l’expédition de M. Fidalgo qui , par ordre du roi, a fait des opérations trigonométriques de Cumana à Carthagène. Depuis l’Amazone , nous avons passé les Andes par les mines de Hualgayoc ( qui donnent un million de piastres par an , et où la mine de cuivre gris argentifère se trouve à 2.06 5 toises). Nous descendîmes par Cascamasca (où, dans le palais d’Ataliualpa , j'ai dessiné les arcs des voûtes péruviennes ) à Truxilla , suivant de là par les déserts de la côte de la mer du Sud à Lima , où la moitié de l’année le ciel est couvert de vapeurs épaisses. Je me hâtai de venir à Lima pour y observer le passage de Mercure , du 9 novembre 1802 Nos collections de plantes et les dessins que j’ai faits sur l’anatomie des genres , conformément aux idées que le citoyen de Jussieu m’avoit communiquées dans des con- versations à la Société d’Histoirc Naturelle , ont augmenté d’ HISTOIRE N À T U R E t I E> I79 beaucoup par les richesses que nous avons trouvées dans la province de Quito , à Loxa , à l’Amazone, et dans la cor- dillère du Pérou. Nous avons retrouvé beaucoup de plantes vues par Joseph de Jussieu, telles que les Lloque af finis , Qidllajae et d’autres. Nous avons une nouvelle espèce de jussiæa qui est charmante , des colletia , plusieurs passi- flores , et le loranthus en arbre, de 60 pieds de haut. Sur- tout nous sommes très-riches en palmiers et en graminées , sur lesquels le citoyen Bompland a fait un travail très - étendu. Nous avons aujourd’hui 3,784 descriptions très -complètes en latin, et près d’un tiers de plantes dans les herbiers, que, par manque de temps , nous n’avons pas pu décrire. Il n’y a pas de végétal dont nous ne puissions indiquer la roche qu’il habite et la hauteur en toises à laquelle il s’élève $ de sorte que la géographie des plantes trouvera dans nos manuscrits des matériaux très-exacts. Pour mieux faire , le citoyen Bompland et moi nous avons souvent décrit la même plante séparément. Mes deux tiers et plus de des- criptions appartiennent seuls à l’assiduité du citoyen Bom- pland , dont on 11e peut trop admirer le zèle et le dé- vouement pour les progrès des sciences. Les Jussieu , les Desfontaines, les Lamarck , ont formé en lui un disciple qui ira très-loin. Nous avons comparé nos herbiers à ceux de M. Mutis 5 nous avons consulté beaucoup de livres dans l’immense bibliothèque de ce grand homme. Nous sommes persuadés que nous avons beaucoup de nouveaux genres et de nouvelles espèces ; mais il faut bien du temps et du travail pour décider ce qui est vraiment neuf. Nous rapportons aussi une substance siliceuse analogue au tabas- cher des Indes orientales , que M. Macée a analysé. Elle l8o A I N A L E S DU MUSEUM^ etc, existe dans les nœuds d’un graminée gigantesque qu’on con- fond avec le bambou , mais dont la fleur diffère du bambusa de Sciireiber. Je ne sais si le citoyen Fourcroy a reçu le lait de la vache végétale ( arbre ainsi nommé par les Indiens) • c’est un lait qui , traité avec de l’acide nitrique , m’a donné un caoutchouc à odeur balsamique ^ mais qui , loin d’être caustique et nuisible comme tous les laits végétaux , est nourrissant et agréable à boire. Nous l’avons découvert dans le chemin à l’Orénoque , dans une plantation où les nègres en boivent beaucoup, j’ai aussi envoyé au citoyen Fourcroy , par la voie de la Guadeloupe, comme à sir Joseph Bancks par la Trinité , notre Dapiché ou le caoutchouc blanc oxygéné que transsude , par ses racines , un arbre dans les forêts de Pimichin , dans le coin du monde le plus re- culé, vers les sources de Rio Negro. Je ne vais pas aux Philippines ; je passe par Acapulca, le Mexique , la Havane en Europe , et je vous embrasse , à ce que j’espère, en septembre ou octobre i8q3 , à Paris. Salut et respect, Signé , HUMBOLDT. Je serai en février au Mexique. En juin à la Havane» Car je ne pense à rien qu’à conserver les manuscrits que je possède , et à publier. Que je desire être à Paris ! ! ! D H I S T O I R E NATUREL L E. 1 « 1 OBSERVATIONS Sur des cristaux qui renferment la chaux carhonatée uniy?«\ 2. Ils sont très-réguliers et ont leur surface lisse et assez éclatante. Plusieurs sont complets 7 et les plus volumineux ont environ î 2 millimètres ( 5 lignes 4-) de lon- gueur. La partie située vers le centre est d’un gris sombre ; mais souvent cette couleur disparoît dans le voisinage des sommets , qui sont demi-transparens. M. le baron de Moll ayant témoigné le désir d’avoir mon avis sur ces cristaux , j’essayai d’abord de les diviser méca-r niqueinent ; et le résultat de cette opéiation, à laquelle ils se prêtent avec une grande facilité , fut un rhomboïde de la même forme que celui de la chaux carbonatée ordinaire. Les communes sections des plans coupans avec les faces du rhomboïde aigu indiquoient , par leurs directions pa- rallèles aux diagonales horizontales des mêmes faces , que ce rhomboïde étoit produit en vertu d’un décroissement sur les angles inférieurs du noyau ; et le gonyomètre ayant donné à très-peu près î 1 4° pour la plus grande incidence des faces , ou pour celle de m sur mr ? j’en conclus que le dé- croissement avoit lieu par trois rangées. La véritable me- sure de l’angle dont je viens de parler est i i 4° 56". A l’égard des facettes îerininales ? il est visible qu’elles ré- sultent d’un décroissement par une simple rangée sur les angles supérieurs ; en sorte que le signe représentatif du 2 4 * 1 84 ANNALES DU MUSEUM 3 cristal rapporté au noyau {Jig. i.) est e A. Or la combi- I m o naison de ces lois détermine aussi une variété de chaux car- bonatée que j’ai appelée uniternaire ( î) ; ce qui lie encore plus étroitement les deux substances , considérées relativement à leur cristallisation. On observe sur quelques cristaux des facettes verti- cales , qui remplacent les bords inférieurs des faces du rhom- boïde , et proviennent d’un décroissement par une rangée sur les bords correspondans du rhomboïde primitif. Ces facettes existent aussi dans la variété de chaux carbonatée que j’ai appelée péridodêccièdre (2). Mais leur réunion avec celles du cristal uniternaire constitue ici une nouvelle variété re- 3 1 présentée Jlg. 3. Son signe est eD A, et je lui donne le nom 1 mu o de terno-bisunitaire , parce que les lettres qui composent son signe ont successivement pour exposans le nombre 3 et deux unités. L’incidence de 11 tant sur m que sur mf est de i47° 9' 28". Je soumis ensuite les cristaux à diverses épreuves qui in- diquèrent entre eux et la chaux carbonatée ordinaire , plu- sieurs différences que je ne pouvois regarder que comme accidentelles. Je trouvai pour leur pesanteur spécifique 2,8i43, quantité à peu près égale à celle que donne le spath brunissant. Les memes cristaux rayoient fortement la (1) Traité de minéral, t. II , p. 142., var. 16. (2.) Ibid . p. i5i , var. 3i, d’ histoire NATURELLE. 185 chaux carbonatée limpide. Leurs fragmens , mis dans l’acide nitrique, n’y produisoient aucun mouvement; pas même ceux qui étoient sans couleur et demi-transparens. Mais l’injection cle la poussière des cristaux faisoit naître dans la liqueur une légère et lente effervescence. Les fragmens exposés à l’ac- tion du feu ne noircissoient pas ; ce qui annonçait déjà que la substance ne renfermoit pas de manganèse. Pour avoir des connoissances plus précises sur la cause qui modilioit ici les propriétés de la chaux carbonatée , je remis plusieurs de ces cristaux à mon célèbre confrère Vau- queîin, en le priant de les essayer ; et voici les résultats qu’il a obtenus, tels qu’il a bien voulu me les communiquer. La matière des cristaux, réduite en poudre et mise dans l’acide muriatique, s y est dissoute très - lentement , en produisant une légère effervescence ; et il est resté une poudre grise assez volumineuse , mais peu pesante. Cette substance in- soluble , exposée au feu du chalumeau , a exhalé une fumée blanche qui, au commencement , avoit une odeur de bitume, et à la lin celle d’un acide piquant qui paroissoit avoir de l’analogie avec l’acide sulfureux. La même substance, après avoir cessé de répandre des vapeurs , s’est fondue en un globule noir qui attiroit fortement le barreau aimanté. Quant à la matière dissoute dans l’acide muriatique , elle étoit formée presque entièrement de carbonate de chaux, avec une petite portion de fer, que l’on en a séparée par l’am- moniac? On peut conclure de ces résultats que, dans les cristaux dont il s’agit , la chaux carbonatée est mélangée d’une quantité considérable d’oxide de fer; et en supposant que cet oxide provînt de la décomposition des pyrites, on concevront comment il a pu retenir quelques atomes de soufre. ! 8 6 ANNALES DU MUSEUM Vauquelin a reconnu dans la meme substance la présence d’une petite quantité de silice, et il n’y a point trouvé de manganèse. Ainsi , d’une part , la géométrie des cristaux prouve que la substance qui vient d’être décrite appartient à l’espèce de la cliaux carbonatée , et d’une autre part les épreuves chi- miques lui marquent son rang parmi les variétés de cette espèce , mélangées de matières hétérogènes , et immédiate- ment avant celles où elle est unie en même temps an fer et au manganèse ; le premier de ces métaux étant ici le seul principe accidentel qui existe en quantité sensible. On dis- tinguera cette substance du Spath brunissant, en ce qu’elle n’a pas , comme ce dernier, un aspect nacré, et du fer spa- thique ordinaire en ce qu’elle est plus éclatante dans sa frac- ture , et en ce que sa pesanteur spécifique est moins considé- rable. Un autre caractère par lequel elle diffère de tous les deux , consiste en ce qu’elle ne noircit pas lorsqu’on l’expose sur des charbons ardens. Je terminerai cet article par un résultat d’observations qui trouve ici naturellement sa place. Tous les minéralo- gistes ont dit cpie le spath brunissant ne faisoit effervescence avec les acides que quand on l’avoit auparavant pulvérisé, et c’est ce qui a lieu pour l’ordinaire. Cependant j’ai trouvé depuis peu des cristaux blancs de ce spath , dont toute la partie intérieure se dissolvoit avec une vive effervescence dans l’acide nitrique, même lorsque le fragment avoit plu- sieurs millimètres d’épaisseur. Mais ces cristaux étoient enve- loppés d’une croûte qui avoit un aspect nacré, et sur laquelle l’acide n’agissoit sensiblement que quand on l’avoit réduite en poussière. D’autres cristaux d’un rouge brun, mis dan$ d’ HISTOIRE NATURELLE. 187 le meme acide, y excitaient une effervescence qui ne duroit qu’un instant ; en sorte que l’acide paroissoit seulement avoir attaqué quelques molécules de cliaux carbonatée pure , dis- séminées dans le cristal. Cette observation achève de dé- montrer que l’union, du fer avec la chaux carbonatée varie par une succession de nuances , au milieu desquelles on ne peut saisir aucune ligne nette de séparation; et il en résulte, ce me semble , une nouvelle preuve des avantages que l’on peut retirer de la forme constante des molécules pour fixer les véritables limites des espèces minérales. i 88 A I IT i L E S DU MUSiüM MÉMOIRE Sur deux espèces de bœufs dont on trouve les crânes fossiles en Allemagne , en France , en Angleterre , dans le nord de V Amérique et dans d’autres contrées. par FAUJAS-SAINT-FOND. Ceux qui s’occupent de l’étude des fossiles, pour en tirer des résultats relatifs aux révolutions du globe , avoient con- sidéré jusqu’à présent les énormes cornes fossiles d’une espèce de bœufs qu’on trouve dans les sables, dans les marnes , ainsi que dans d’autres terrains d’alluvion^ comme ayant appartenu à la grande espèce de bœuf sauvage des Germains dont Jules César a fait mention dans ses Com- mentaires , sous le nom àlurus ou auroch. « Il y a , dit César, une troisième espèce qu’on appelle » urus : ils sont plus petits que les éléplians ; du reste , » pour la forme , l’apparence et la couleur, ils ressemblent aux taureaux privés j mais ils sont très-forts et très-vites , « de sorte qu’il n’y a ni hommes ni bêtes qu’ils épargnent »> quand ils les ont aperçus. O11 les prend dans des fosses » faites exprès , et on les y assomme. C’est à cette sorte » de chasse que les jeunes gens s’exercent et s’endurcissent d’histoire naturelle. 189 )> au travail. Ceux qui en tuent le plus , et qui en rap- « portent les cornes pour preuve , reçoivent de grandes « louanges. Ces animaux ne s’apprivoisent jamais , quelque » petits qu’on les prenne. La grandeur, la figure et la » nature de leurs cornes sont fort différentes de celles de nos « bœufs. On les recherche fort 5 on les garnit en argent par » le bord, et l’on s’en sert à boire dans les festins. » (Liv. VI de la Guerre des Gaules .) Le bœuf dont Jules César a fait mention existe encore dans les forêts de la Lithuanie : il est aussi sauvage et aussi farouche que du temps des Gaulois. Le roi de Prusse , Frédéric le Grand, envoya à l’impératrice Catherine II, qui étoit avide de tous les genres de connoissances , un unis de la plus forte taille, avec plusieurs femelles de la même espèce. Pallas, après les avoir observés avec beaucoup d’attention, en publia la description dans les Actes de V Académie de Pétersbourg , p. 22 5, part. II du vol. de l’an 1 777. On peut consulter le mémoire très-bien fait de cet illustre savant. Gilibert, professeur d’histoire naturelle à l’école centrale de Lyon , qui a enseigné long-temps la médecine à l’Uni- versité de Wilna, fit élever sous ses yeux , dans cette ville de Pologne, une jeune femelle à' unis ^ dont il suivit les habi- tudes et les mœurs 5 il en a donné une bonne figure dans l’ouvrage qu’il a publié depuis peu sous le titre à'1 Abrégé du système de Linné. On peut voir dans les galeries anatomiques du Muséum national d’histoire naturelle à Paris le squelette entier d’un unis de moyenne taille. En comparant, d’après la description de Pallas, celle de Gilibert, et d’après la tête du squelette du Muséum, 2 . 2 5 1 p O ANNALES DU MUSEUM les cornes de Furus avec celles qu’on trouve fossiles , et qu’on attribue à cette grande espèce de bœuf, on s’aperce- vra que celles-ci en diffèrent, non seulement par la forme , mais par la grandeur 5 car leur circonférence excède de plus du double celles de Furus. D’ailleurs l’on verra bientôt qu’il existe deux espèces bien distinctes et parfaitement caractéri- sées de ces bœufs fossiles. J’en ai fait dessiner les crânes et les cornes vus en dessus et en dessous ; les ligures que j’en publie ici (/?/. 43 et 44) •> étant faites avec beaucoup de soin , me dispenseront de m’appesantir trop sur les détails anatomiques. Première espèce. Bœuf fossile à cornes disposées presque horizontalement , la partie supérieure du crâne garnie d’une proéminence osseuse . La fg. I représente la partie frontale et les cornes de cette première espèce de bœuf. L’on voit que depuis la nais- sance de ces cornes jusqu’à la distance d’un pied trois pouces, leur position est horizontale : elles sont fracturées vers le bout j mais ce qui reste est assez long pour faire voir que si elles ont eu une courbure , celle-ci n’a dû exister que vers l’extrémité. L’animal étoit jeune , ainsi que l’annoncent les sutures frontales, qui sont très-distinctes ; malgré cela , Fos ou le noyau de la corne a 12 pouces 5 lignes de circonférence à la naissance. Daubenton nous apprend que la circonfé- rence de Fos de la corne du plus grand bœuf d’Auvergne d’ HISTOIRE NATURE ÉLE. Ipî n’est que de 7 pouces. J’ai mesuré les cornes d’un des plus gros bœufs de Sicile , qui sont d’un grand volume et en même temps très-longues 5 elles ont 10 pouces et demi de circonférence à la base. Les os de la corne de i’urus des galeries anatomiques du Muséum n’ont à leur racine que 6 pouces et demi de circonférence. } il est vrai que l’animal étoit jeune : car les sutures du front sont en partie effacées. Si l’on voulait supposer cependant que les cornes de ce bœuf sauvage eussent , à l’aide du temps , doublé de grosseur, ce qui paroît bien difficile à croire , il en résulterait que les cornes du plus grand urus pourraient avoir à la rigueur 1 1 pouces de circonférence. L’on .verra bientôt qu’il y a des cornes fos- siles du bœuf de l’espèce qui fait l’objet de ce mémoire, qui ont jusqu’à 20 pouces de circonférence. La distance d’un orbite à l’autre, dans la tête que j’ai fait graver {Jïg. 1)7 est de 1 o pouces. Celle du bord supérieur du front au bord dit trou occipital n’est que de 4 pouces 6 lignes ; ce trou occipital est presque sur le même alignement que le liant du front. Une proéminence osseuse un peu bombée couronne le haut du front , entre la naissance des deux cornes. Ce caractère , qui est constant, joint à celui de la disposition du trou oc- cipital, et à Pliorizontalité ries cornes ainsi qu’au fron t un peu convexe vers le milieu, m’ont déterminé à considérer l’animal à qui cette tête appartenoit, comme formant une espèce par- ticulière. La tête fossile que j ’ai fait figurer est dans la galerie géologique du Muséum , où l’on peut l’examiner. Elle a été trouvée sur les bords du Rliin , du côté de Bonn. Une corne fossile d’un bœuf de la même espèce , attachée 2 5 * 1 p 2 annales du muséum encore à une partie de l’os frontal, a été trouvée depuis peu à dix milles de Bid-Boiie- Liek, dans le Kentuckey, par M. Péales, directeur du Muséum d’histoire naturelle de Phi- ladelphie , et dans un lieu où l’on rencontre des dents et des défenses d’éléphans de l’espèce à dents mâchelières protubé- rantes. M. Péales a envoyé au Muséum d’histoire naturelle de Paris un plâtre de cette corne et de cette poriion de crâne , modelé sur l’original $ en voici les dimensions exactes : Longueur de l’os de la corne, en partant pie(1s Pouces> L!gnes de la racine 1 a o Elle est rompue vers le haut , et il paroît qu’il en manque plus d’un pied. Circonférence à la hase i 8 2 Largeur du front depuis la corne jusqu’à la partie fracturée » 11 » Largeur depuis le haut de la tête jus- qu’au trou occipital , qui est presque de ni- veau avec le haut du front » 6 6 L’animal, malgré sa grosseur et ses cornes, n’étoit pas avancé en âge,, puisque la suture frontale est très-prononcée. J’ai fait figurer le crâne de Bonn sur ses deux faces , afin qu’on puisse voir la disposition de ses parties intérieures et la situation de l’os occipital. ( Voy.y%\ 2 , pL 43.) 21 TUT d’ histoire naturelle. i 9 3 Seconde espèce. Bœuf à cornes coudées en dedans , à front plat , dont la ligne est presque droite. (Voyez pl. 43^ fg. î .) Ce crâne, auquel les deux cornes bien entières sont attachées , diffère du précédent : i°. Par le haut du front, qui est uni et forme une ligne presque droite. 2°. Par les cornes, qui sont disposées en manière de croissant dont la courbure se dirige du coté intérieur. 3°. La distance d’une corne à l’autre, mesurée en dedans, en partant des deux pieds.Pcilces.Lignes. bouts , est de .......... . 2 6 3 4°. Circonférence de l’os de la corne me- surée à la racine .......... 1 » 8 5°. Le front est plat, mais légèrement concave. 6°. L’extrémité supérieure du front, aulieu d’être sur le même alignement que l’ouverture du trou occipital, est beaucoup plus relevée, et décrit avec celui-ci une diagonale. La distance de ce point à l’ouverture occipitale est de . . » y » On a pu voir que dans la première espèce la même dis- tance n’est que de 4 pouces 6 lignes $ différence très-remar- quable. Cette dernière espèce se trouve en général plus fréquemment \ 1 94 akîtales du muséum que la première, qui est moins commune. Presque toutes celles qui ont été découvertes dans le département de l’Orne sont de cette seconde espèce. M. de Rennepont, M. Traullé, d’Abbeville, et quelques autres naturalistes, en ont envoyé au Muséum de Paris. On vient, depuis quelques mois, de décou- couvrir Fos d’une corne séparée du crâne, dans la commune de Bnire , près de Péronne, département de la Somme, dans le vallon où coule la Caniselle . M. Pimepré en* a fait présent au Muséum. Elle n’est pas d’un gros volume, mais elle ap- partient certainement à cette seconde espèce. Le cabinet de l’électeur à Manlieim , celui du landgrave de Hesse à Darmstadt^ en possèdent plusieurs de la même espèce , d’une belle conservation , trouvées sur la rive du Rhin, du coté d’Erfelden. J’en ai vu une semblable à Franc- fort, dans la collection de M. Sait-Zwedel j et on en a aussi découvert de pareilles dans diverses parties de l’Italie. Enfin Patrin m’a dit en avoir reconnu d’absolument analogues dans ses voyages en Sibérie. Comme les cornes de l’une et l’autre espèce de ces bœufs me paraissent différer sous plusieurs rapports de celles de Vurus , doit-on les considérer comme ayant appartenu à des espèces dont les races ont disparu, ou seroit-il possible d’en reconnoître les analogues dans quelques parties du monde ? C’est pour n’avoir pas eu une trop grande tendance à admettre si facilement des races perdues, que j’ai acquis des faits propres à diminuer le nombre des animaux inconnus, de ceux qui ne se montrent que dans l’état fossile ( 1 ). Je (1) Voyez ce que j’ai dit à ce sujet pour démontrer le contraire par beaucoup d’ïIISTOIRE NATURELLE. 7. p 5 croîs qu’il ne faut admettre définitivement les espèces perdues que lorsqu’on aura épuisé tous les moyens possibles de s’assurer s’ils n’existent pas dans quelques parties lointaines et peu fré- quentées du globe ? telles, par exemple, que l’intérieur de l’Afri- que, ou cette Nouvelle-Hollande, qu’on peut considérer comme une cinquième partie du monde, et qui, dans les très-petits es- paces qu’on en connoît, nous offre des productions animales et végétales si étonnantes, qu’elles viennent en quelque sorte déranger nos méthodes artificielles , en même temps qu’elles enrichissent la méthode naturelle et lui donnent de la con- sistance. Examinons si les deux espèces de bœufs qui font l’objet de ce mémoire nous laissent sans espérance d’en retrouver un jour les types originaux. Le savant et laborieux Pallas publia dans le tome XVI des Actes de V Académie impériale de Pétersbourg un mémoire dans lequel il traite des restes de cette multitude de grands ani- maux exotiques fossiles dont on trouve tant de dépouilles dans presque toutes les parties de l’Asie boréale $ il y fait mention de crânes qui furent apportés des contrées hyperboréennes de Fimdra , à la petite ville de Bereso , située sur POhy. Ce célèbre géologue dit que les cornes attachées à ces crânes appartiennent à une espèce de taureau sauvage , qu’il compare tantôt à un buffle , tantôt à un bison . « Je n’oserois cependant pas af- » firmer positivement, dit Pallas, que ces cornes pussent î> être rapportées au second exemple que je cite $ il seroit » possible qu’elles fussent celles d’une espèce de bison ana- » logue, mais d’une origine indienne, et qui est jusqu’à d’exemples, dans le tome premier des Essais de géologie, ou. Mémoires pour servir à l’histoire naturelle du globe , irt-8°, chez Patris , rue de la Colombe , et che^ Baudouin , rue de Grenelle faubourg Saint-Germain. J Cj6 annales du muséum >s présent demeurée inconnue, comme plusieurs autres quadru- » pèdes de l’Asie. Je laisse donc à des observateurs à déter- » miner de quelles espèces d’animaux sont ces cornes. Je rapporte ce passage pour faire voir combien ce sujet présente de difficultés, et en même temps comment le génie observateur de Pallas avoit su le conduire sur la ligne de la vérité, en lui faisant pressentir que c’étoit dans l’Inde qu’il falloit peut-être chercher les analogues de ces quadrupèdes. Je fus frappé moi -même de voir que ces crânes et ces cornes fossiles de bœufs setrouvoient en Sibérie avec des restes d’éléphans de l’espèce que je regarde comme asiatique (1). Je retrouvai les mêmes dépouilles de bœufs confondues pêle-mêle avec des dépouilles d’éléphans et de rhinocéros que le Rhin met à découvert dans les grandes inondations qui occasionnent des déchiremens sur ses rives. En dernier lieu , M. Féales nous a envoyé le modèle en plâtre d’un crâne semblable trouvé dans l’Amérique septen- trionale, dans le même sol qui renferme des ossemens d’éléphans. L’Italie présente le même tableau, puisqu’on y trouve des cornes du grand bœuf sauvage là où l’on rencontre des dé- pouilles fossiles d’éléphans. Enfin , en lisant la Relation du voyage du capitaine Billings , j’aperçois la même marche de la nature; puisque ce voyageur fait mention des os du crâne d’un grand bœuf trans- portés par l’effet d’une terrible révolution, non seulement jusque vers les bords de la mer Glaciale, au 69° o5' 56" , mais encore dans les îles Lachost , un peu plus au loin , où iis se (1) Voyez Essais de géologie , 1. I, p. 279 et suiv. d’ HISTOIRE KÀTtTRELLE. 1 9 7 trouvent en très-grand nombre , mêlés et confondus' avec des défenses fossiles d’éléphans. Ce fait est si extraordinaire , qu’il est à propos d’entendre le voyageur lui-même. Sa re- lation intéressante nous apprend , « Que la première de ces îles où Chvoinoff aborda le » 6 mai 1775, a i5o verstes de long sur 80 de large j » dans son centre est un lac très-étendu , mais peu profond , » dont les bords sont escarpés, à l’exception de quelques » rochers. Cette île est toute composée de sables et de glaces \ » et lorsque, dans l’été, celles-ci fondent, et qu’il se forme « des escarpemens, on voit saillir les os et les défenses des » mammouths en très -grande abondance , et, pour me » servir des expressions du géographe Chvoinoff, Vile est » composée des os de cet animal extraordinaire , mêlés avec » les cornes et les crânes de buffles , ainsi que des cornes de » rhinocéros (1). » En supposant que ces détails fussent un peu exagérés, il n’en est pas moins vrai que des restes d’éléphans, de rhinocéros et de bœufs sauvages que le voyageur appelle buffles , ont été entraînés au milieu des sables jusqu’à cette latitude glaciale. Nous retrou- vons donc encore ici des crânes de bœufs avec les dépouilles de quadrupèdes qui ne vivent dans leur état naturel que dans des latitudes très-chaudes. Il y a donc lieu de croire , d’après tous les faits rapportés ci-dessus, que ces bœufs ont habité très-an- ciennement les mêmes contrées que les éléphans et que les rhi- nocéros j qu’ils ont péri avec eux à la suite de quelque grand et prompt déplacement de la mer, qui a balayé et (1) Voyage d’une expédition géographique et astronomique dans les parties septentrionales de la Russie , par le commodore Joseph Billings , depuis 1788 à a 794 5 imprimé à Londres en 1800. 26 2. I Çj 8 annales du muséum entraîné au loin tout ce qui se présentoit sur son passage j et qui est probablement le même que celui qui a disséminé tant grands quadrupèdes depuis l’Asie boréale jusque vers le nord de l’Europe et de l’Amérique. Or comme nous ne connoissons parmi ces animaux de liante stature que des espèces asiatiques, ainsi que je crois l’avoir démontré dans mes Essais de géologie , on est autorisé, si mon opinion n’est pas une erreur , à croire que ce terrible accident de la nature s’est manifesté par une invasion de la mer qui , brisant ses barrières du coté de l’Inde , a submergé d’abord ces vastes contrées, et en a enlevé cette quantité étonnante de grands quadrupèdes qui dévoient être les domi- nateurs de cette partie du monde et s’y être multipliés à l’in- fini, à en juger par les restes de ceux dont on trouve encore les cadavres dans les déserts glacés de la Sibérie, de la Tar- tarie, et ailleurs. Le Muséum d’histoire naturelle de Paris possède, dans ses riches collections d’anatomie des animaux, la corne na- turelle gauche d’un bœuf, véritablement surprenante par sa grandeur. Elle est recourbée en dehors. En voici les dimen- sions . Pieds. Ponces. Lignes. Longueur mesurée sur le coté convexe .3 6 6 Du côté concave ......... 2 2 6 Diamètre de la base . » 7 » Circonférence » 21 » Poids , sept livres moins un quart. Cette corne, qui n’a pas son noyau osseux, est saine, transparente, et la matière en est belle j il paroît, par quel- ques restes d’orncmens, qu’elle avoit été destinée à former I)’ HISTOIRE NATURELLE.' 1 C) 9 un de ces grands vases à boire dont on se servoit dans les festins d’appareil parmi les guerriers. On sait que cette corne existe au Muséum depuis plus de soixante ans j mais on ignore par qui elle a été envoyée et d’où elle vient. Daubenton, qui en fait mention dans le tome IV, p. 54 o , de la partie anatomique de l’ Histoire na- turelle de Buffon , ne dit rien sur sa localité. Comme les plus forts urus ou bœufs sauvages des forêts de la Pologne n’ont pas des cornes de cette grandeur ni de cette forme , et que nous ne connoissons point en Europe de bœufs qui en aient d’aussi grosses , il y a lieu de croire que celle-ci a été envoyée de l’Inde, où l’on sait que les plus grandes espèces de bœufs existent, et même des bœufs de diverses espèces , tels que le bos gruniens à queue de cheval , qui vit de préférence dans les montagnes du Thibet , et dont les voyageurs anglais nous ont donnés de bons dessins. M. Pinkerton, très -savant géographe anglais, nous ap- prend dans le bel ouvrage qu’il a publié,, « qu'au sud de n l'Indostan sont des éléphans en grand nombre ; et } si » nous en croyons TVesdin , p. 2 1 4 ,> des bœufs sauvages » de dix pieds de hauteur } ayant le poil cendré , s'y remar - » quent aussi. Les orni du nord de l’Inde sont des bœufs » qui, d’après ce que l’on dit, ont quatorze pieds de hau- » teur. » (Pinkerton, Geography , t. II, p. 276.) L’on voit dans l’Inde , sur les restes de beaux monumens d’une haute antiquité que les Anglais viennent de publier dans un ouvrage recommandable par le luxe des gravures et la fidélité des dessins, la figure d’un grand bœuf avec des cornes très-grosses. Il seroit possible que la corne qui est dans le Muséum 26 * 200 annales du muséum eût été envoyée des contrées asiatiques à l’époque où les pos- sessions que les Français avoient dans l’Inde , leurs rela- tions commerciales, et le nombre des missionnaires Jésuites qui parcouroient ce pays , nous mettoient à portée de recueillir les productions les plus rares de ces contrées lointaines. Je sais qu’on ne peut s’appuyer que sur des conjectures, jusqu’à ce que des naturalistes instruits en zoologie nous fassent connoître , par des caractères comparatifs , l’existence d’un bœuf indien analogue à ceux dont on trouve les crânes et les cornes fossiles mêlés avec des restes d’éléphans et de rhinocéros. Mais si des recherches que je desire que ce mé- moire puisse provoquer, confirmoient mes soupçons à ce sujet, il en résulteroit qu’on acquerroit par là une preuve de plus, propre à démontrer qu’une révolution diluvienne , qui lit périr tant de grands animaux, et dispersa leurs cadavres sur des latitudes où ils ne sauroient vivre à présent, se manifesta du coté de l’Inde , et exerça ses premiers ravages sur les contrées asiatiques. Mais, dans tous les cas, un point de fait zoologique sera résolu 5 c’est que les crânes et les cornes de bœufs qu’on trouve en Sibérie, en Tartarie, en Allemagne, en Italie, en France, en Angleterre, au nord de l’Amérique, et jusque dans les îles de la mer Glaciale, ne sont pas ceux de Vurus ou bœuf sauvage des anciens Germains , et forment deux expèces dis- tinctes. d’ histoire naturelle. 20 1 OBSERVATIONS Sur les calculs des animaux , comparés à ceux de V homme . par A. F. FOURCROY. J’ai donné , dans un premier mémoire , une description des différentes matières que nous avons trouvées , le citoyen Vauquelin et moi, dans les diverses concrétions animales. J’ai compris dans ce mémoire les diverses espèces de compo- sés calculeux , considérés dans l’ensemble de tous les ani- maux , en donnant des caractères extérieurs et des caractères chimiques pour déterminer avec certitude chacun de ces composés. Mon but a été de faire connoître la diversité même de ces matériaux constituans des concrétions animales , que pendant long - temps on avoit entièrement méconnus , et sur-tout confondus les uns avec les autres , sous la dénomina- . tion erronée de terre absorbante, de tartre ou de craie. J’y ai indiqué les quatre corps qui font la base des cal- culs bézoardiques ou des bézoards , en ne comprenant sous ce nom , avec les naturalistes, que les calculs des animaux , et en n’y renfermant pas ceux du corps humain. Mais je n’en ai fait mention que d’une manière générale, comme de 202 ANNALES DU MUSEUM matériaux formant les bézoards, comparés à ceux qui composent les calculs du corps de l’homme , et presque sans parler des bézoards qu’ils constituent. Je me propose de reprendre au- jourd’hui l’histoire de ces quatre matières bézoardiques , et de la suivre dans les principales espèces de bézoards , animaux que nous avons eu occasion d’examiner. Je ne m’occuperai cependant point encore dans ce moment de la classification de ces concrétions, ni de la distinction de leurs genres, de leurs espèces, de leurs variétés : cet objet , que je traiterai par la suite , doit être précédé d’un examen de leurs matières constituantes , de leur formation , de leur différence suivant les lieux où elles se forment , et suivant la source d’où elles tirent leur origine ; et c’est cet examen qu’on donne aujour- d’hui comme une sorte d’introduction à l’histoire des genres et des espèces ^ que je présenterai dans une autre occasion. i°. Avant que nous eussions entrepris, le citoyen Vau- quelin et moi , une analyse exacte et détaillée des concré- tions animales , pour nous éclairer sur la nature des calculs de la vessie humaine , nous n’avions pas soupçonné que ces calculs pussent avoir autant de matériaux différens les uns des autres que ceux que nous avons découverts. Persuadés cependant que l’acide urique n’étoit pas le seul de ces ' matériaux , comme Schèele l’avoit cru , nous comptions y trouver de plus le phosphate de chaux dont quelques chimistes y avoient annoncé l’existence depuis la première découverte du chimiste suédois. Il a fallu des expériences suivies , va- riées et répétées, pour nous montrer dans quelques-uns de ces calculs , outre les deux matières indiquées , le phosphate ammoniaco-magnésien , l’urate d’ammoniac et l’oxalate de chaux. d’ histoire naturelle. 2o3 2°. Un second résultat qui ne nous a pas moins étonnés que le précédent , c’est celui de la différence qui existe entre les calculs urinaires, soit rénaux, soit vésicaux, des principaux animaux domestiques et ceux de l’homme. Les calculs ré- naux et vésicaux du cheval , du cochon , du bœuf, ceux même du rat et du lapin , chez lesquels ils sont singulièrement fréquens , ne nous ont présenté que du carbonate de chaux mêlé de substance animale qui en lie les parties. Jamais nous n’y avons trouvé de phosphate calcaire ni de phosphate arn- moniaco-magnésien , ni d’oxalate de chaux. Une seule fois le citoyen Vauquelin a cm reconnoître de l’acide urique dans une matière concrète que Vicq-d’Azyr lui avoit remise comme extraite de la vessie d’une tortue y mais ce fait unique méri- teroit encore confirmation. La découverte du carbonate de chaux dans les calculs uri- naires des animaux m’a fait prononcer, en parlant de ceux auxquels les chevaux sont très-fréquemment sujets , que le iithontrip tique , refusé jusqu’à présent à l’homme, étoit dé- couvert pour les animaux : il suffit en effet d’injecter dans leur vessie du vinaigre affoibli pour dissoudre complètement et en très-peu de temps leurs concrétions urinaires. Quand il ne sortiroit que cette utile application de nos travaux , quelque longs , multipliés et pénibles qu’ils aient été , ils ne seroient pas entièrement sans fruit , puisqu’ils peuvent sau- ver des souffrances et la mort même à l’un des animaux do- mestiques qui nous rend les plus importans services , et qui mérite le plus nos soins. 3°. La nature de ces concrétions urinaires des animaux n’a point été pour nous un fait isolé et stérile. En réunissant ce fait déjà si remarquable de la présence unique du carbo- 2. 0 4 ANNALES DU MUSEUM nate de chaux dans les calculs rénaux et vésicaux des mam- mifères , aux résultats que nous a offerts l’analyse de l’urine du cheval , de celle du chameau , de l’éléphant , du mouton et du lapin , qui nous ont toutes présenté une nature sem- blable et les mêmes caractères chimiques , nous avons re- connu une lumineuse et importante analogie entre ces deux faits , la nature de l’urine et celle du calcul urinaire dans les mammifères domestiques. Cette urine ne contient jamais de phosphates terreux ni de phosphates alcalins. Le carbo- nate de chaux ou la craie en constitue le dépôt spontané , celui qu’on observe si fréquemment et si abondamment dans les écuries , les étables , et sur les pavés même de nos villes, dans les lieux où les chevaux se sont quelque temps reposés. On voit d’après cela comment et pourquoi leurs concrétions rénales et vésicales sont formées de la même matière. D’un autre côté , nous avons trouvé le phosphate de chaux dans le résidu séché de la sueur des chevaux, qui forme, comme on sait , une croûte légère et grise sur leurs poils , et que l’étrille et la brosse en détachent chaque jour au moment où l’on panse ces animaux. Ainsi, la nature ne se sert pas de l’émonctoire rénal ou urinaire pour évacuer de leur corps la surabondance de phosphate calcaire ; c’est par la peau qu’elle la fait sortir. Le mode d’évacuation est ici l’in- verse de ce qui se passe dans l’homme. 4°. Il y a cependant parmi les bézoards conservés dans les collections d’histoire naturelle , un grand nombre de calculs blancs , gris , jaunâtres , verdâtres , ou légèrement nuancés , d’une grosseur variée , mais qui se maintient le plus souvent entre celle d’un œuf de pigeon et celle d’un œuf de poule , qui sont tous principalement constitués de phosphate calcaire. d’histoire NATURELLE. 205 Tels sont aussi, pour la plus grande partie, ceux qu’on trouve encore dans les droguiers anciennement établis , et sous le nom de bézocirds occidentaux. Je n’ai trouvé dans aucun ouvrage d'histoire naturelle l’origine de ce s calculs, dont le plus grand nombre est d’un gris jaunâtre et de la grosseur comme de la forme d’un œuf de pigeon. Quoiqu’il n’y ait aucune description exacte de leur siège , aucune notion précise de leur nature dans les ouvrages des naturalistes qui en ont parlée ce que nous savons sur le siège et la nature des di- vers calculs des animaux domestiques , ne nous permet aucun doute sur l’origine intestinale de ces bézoards occidentaux. Ces concrétions proviennent de plusieurs espèces d’animaux sauvages j le lieu qu’ils habitent, les alimens qu’ils prennent, peuvent influer sur la nature de leurs concrétions comme sur celle de leur chair, de leur pélage, de leurs habitudes. Ce- pendant la nature des bézoards dont je parle est constante. Ils sont toujours du phosphate de chaux, rarement du phos- phate acide de chaux ; ils appartiennent donc aux intestins. Au défaut des observations qui nous manquent sur leur extraction du corps des animaux qui les fournissent , leur examen m’a fourni un fait qui confirme leur origine intes- tinale. J’ai très-souvent trouvé dans le centre de ces bézoards occidentaux , et pour noyau , des coques de fruits , de pe- tites branches ; qui annoncent suffisamment leur formation dans les intestins ( 1). 5°. Un caractère très-singulier de ces bézoards occiden- (1) Il s’est glissé une faute clans le §. V du premier mémoire sur les. concrétions animales, etc. Annales du Muséum , p. io3 , lig. 12 et i3, il y a bézoards vé- sicaux ^ il faut lire bézoards intestinaux , 2. 2 7 2 0 6 A N N A L E S DU MUSEUM taux de phosphate de chaux, c’est d’être composés de couches lisses, égales, polies, peu adhérentes entre elles, faciles à détacher, et qui se séparent et se brisent par le moindre choc. Chaque couche est formée d’une innombrable quantité de petites aiguilles très-serrées, et faisant un angle droit avec l’axe de la concrétion. Ces couches semblent être enduites à leur surface d’un vernis luisant, plus coloré que la matière des aiguilles, qui permet de conjecturer qu’entre la formation de chacune d’elles il s’est passé des intervalles assez longs , pendant lesquels la matière n’a pas pris d’accroissement. 6°. Dans les animaux domestiques et dans les animaux sauvages que l’on ouvre et que Ton dissèque dans les ména- geries, on trouve fréquemment des concrétions intestinales occupant le plus souvent le cæcum, dont la forme est ovoïde ou arrondie ; la grosseur, très-variée, depuis un gros œuf de poule jusqu’à celle d'un œuf d’autruche. On conserve au Muséum plusieurs bézoards analogues de l’éléphant et du rhinocéros. Le cheval est très-sujet à ce genre de calculs, et il en a quelquefois trois ou quatre ensemble, qui s’usent par le frottement et prennent une figure tétraèdre. Ceux ci sont ordinairement grisâtres ; ils ont pour base du fo’n ou de l’avoine; ils sont formés par des rayons prismatiques, sans couches bien distinctes; ils ont à leur extérieur pod des cris- taux irréguliers, usés, et séparés par de petites cavités. Les bézoards d’éléphant ou de rhinocéros sont bruns , ou verds et gris, souvent mêlés de couches de diverses nuances, et reçoivent un très- beau poli. Tous ces bézoards sont com- posés de phosphate ammoniaco-rnagnésien ; tous sont cristal- lisés de la même manière ; en un mot ils se ressemblent tous par les caractères et les propriétés chimiques. Ce qu’il y a de d’ HISTOIRE NATURE RLE. 2 0 7 très-remarquable dans le résultat de l’analyse de cette espèce de bézoards intestinaux, c’est leur nature, et par conséquent leur origine. La première fois que je découvris le phosphate ammoniaco-magnésien dans un calcul intestinal du cheval , je fus si étonné de cette découverte inattendue, et de la pré- sence d’un sel inconnu jusque-là dans les matières animales, que je présentai d’abord une opinion particulière sur leur origine, en annonçant dans les Annales de chimie , il y a plus de douze ans , que la formation de ce calcul pouvoit être attribuée aux médicamons donnés au cheval d’où le calcul avoit été tiré , ou qu’il falloit convenir d’une ignorance ab- solue sur cette formation. Je suis resté dans cet embarras jus- qu’à l’été dernier (1 802). A cette dernière époque, des re- cherches sur les cendres de quelques végétaux alimentaires, faites dans le dessein d’en apprécier le phosphate de chaux et sa proportion, nous conduisirent, le citoyen Vauquelin et moi, à trouver dans ces cendres du phosphate de magnésie, et à l’y trouver jusqu’à la quantité de plus d’un centième sur le poids de la matière végétale primitive. L’orge, l’avoine, sont dans cet ordre ) les semences légumineuses les plus usuelles en contiennent moins, mais assez encore pour pouvoir exercer une influence sur les concrétions nées dans le tube intestinal. Voilà donc une ori,g;iiie très - naturelle des concrétions des intestins dans les animaux. On conçoit très-bien qu’il peut se former ou se précipiter de l’ammoniac assez abondam- ment pour faire passer le phosphate magnésien alimentaire à l’état de phosphate triple ammoniaco-magnésien. 70. Je n’ai pu atteindre aussi facilement la raison de cette formation de bézoards occidentaux, si fréquente dans les mammifères , et si rare qu’elle est presque nulle dans l’homme. * 27 2 Û 8 À lî I A L E S BU MUSÉUM La situation horizontale des premiers, et verticale du corps humain, ne suffît pas pour bien concevoir la cause de ce phénomène. Les alimens végétaux des uns et des autres contiennent également du phosphate magnésien , et même ceux qui nourrissent l’homme en contiennent plus que ceux qui nourrissent les animaux. 8°. Je ne puis pas davantage expliquer la cause particu- lière qui détermine la nature des hézoards composés de phos- phate de chaux, et celle des hézoards de phosphate amrno- niaco-magnésien. Peut-être que si Pon connoissoit aussi bien les animaux qui fournissent le plus grand nombre des bé- zoards occidentaux pharmaceutiques que j’ai dit être formés de phosphate de chaux en couches incohérentes , qu’on con- naît ceux qui nous donnent les hézoards de phosphate am- nioniaco-magnésien en cristaux rayonnans du centre et sans couches aussi distinctes, on concevroit facilement leur for- mation et la différence de leur origine. C’est à l’histoire naturelle et à l’anatomie à nous éclairer sur cet objet. p°. Il ne me reste plus à parler, dans ces généralités, que des hézoards orientaux, dont j’ai déjà indiqué dans le premier mémoire la nature résineuse. Leur cassure lisse et vitreuse , leur extrême fragilité, leur couleur verte foncée, leur fusibi- bilité , l’odeur forte qu’ils répandent sur les charbons , leur solubilité dans l’alcool , et leur insolubilité dans l’eau , ne laissent aucun doute sur leur caractère résineux. C’est sans doute la raison qui faisoit regarder ces espèces de bézoarJs comme des médicamens alexipharmaques, et qui avoit engagé à les imiter, en mêlant des résines, des gommes résinées, odo- rantes et colorées. Il n’est pas douteux que ce genre de bézoards ne soit intestinal, et qu’il ne provienne, comme le musc, la n’ histoire naturelle, 2.09 civette et le castoréum , cle la bile ou d’une liqueur analogue. On ne sait pas bien quel est l’animal ou quels sont les espèces d’animaux qui fournissent ces bézoards. Il paroît qu’ils sont très-rares, puisque autrefois on les enfermait dans de petites boîtes de diagramme d’argent ou d’or. O11 regardoit celui qu’on disoit provenir du porc-épic comme le plus rare , le plus actif et même le plus précieux. Depuis long-temps l’opi- nion de ses vertus est abandonnée, et les voyageurs, sur-tout dans la classe des naturalistes, n’ont plus de raisons pour garder le silence sur leur origine. 2 1 O A ITlf AL E S DU MUSEUM ■ ===== ^r~— ■■" 1 : DESCRIPTION Vil Géranium hirtum. (Géranium pubescent) de Forskal . par DESFONTAINES, •' Or:- • ■. •- * 'o.c,; T ;/ - : vfl- ' : • ' ' . . ' j . : ' • . : : : ... Tab. 45. G^eranium pedunculis multfloris ; calice pen taphyllo ; florïbus pentandris ; foliis petiolatis , triangularibus , bipinna- tijîdis, hirsutis. Forsk. Fl. 12 3. Géranium pedunculis multijloris : florïbus pentandris; foliis subbipinnatifdis ; caule ramoso. Vahl. Symb. 1 , p. 49* Ce joli Géranium ? indigène à la Barbarie et à l’Egypte et que l’on cultive depuis peu de temps au Muséum, a fleuri et fructifié en Pan 1 o pendant Pété. Il ne paroît être qu’une va- riété à feuilles velues du G. crassifolium^Vï,. Atl. 2. p. 111. Les caractères suivans la feront aisément reconnoître. Racine grêle , pivotante , avec des renflemens charnus , oblongs , quelquefois sphé- riques , à peu près semblables à ceux des racines de la filipenduîe. Tiges pubescentes, articulées, noueuses, tombantes, rameuses, longues de un à trois décimètres. Feuilles en cœur , alternes et opposées , glauques , un peu charnues , velues , quelquefois glabres, presque pennées; découpures distinctes, inégalement den- tées et incisées. Pétioles grêles, pubescens 3 les inférieurs plus longs que la feuille. Stipules ovales, membraneuses, appliquées contre la tige. G F, U A N I U M Ii I r tum Z teigne c/e/. Se/lier J'cu/p 2 1 I d’ HISTOIRE NATURELLE. Pédoncules filiformes, longs, pub scrns , naissent dans les aisselles des feuilles et dans la bifurcation des tiges ; ombelle de trois à six fleurs. Pédicelles accompagnés de petites écailles ovales , obtuses. Calice à cinq divisions très-profondes , oblongues , striées , surmontées d’une petite pointe qui naît un peu au-dessous de leur sommet. Diamètre de la fleur de deux centimètres. Cinq pétales égaux, elliptiques, violets, marqués à la base d’une tache pourpre foncée. Cinq étamines fertiles. Anthères d’un pourpre brun. Filets stériles, ciliés, aplatis. Stigmates veloutés , de la couleur des anthères. Aiguille grêle , longue de six centimètres. Capsules velues, monospermes. Arêtes garnies intérieurement de longues barbes. Graine grêle, lisse, oblongue , amincie aux deux extrémités. Ce Géranium croît dans les terrains arides et incultes. Il faut l’abriter dans l’orangerie pendant l’hiver. Les fleurs s’épanouissent sur les sept heures du matin 7 et tombent vers les dix heures. Les Arabes mangent les tubercules de la racine. Elles ont un goût un peu acide assez agréable. Explication de la planche. 1. Le calice. 2,. Un pétale. 3. Les étamines et le pistil. 4- Le pistil. 5. Le fruit avec le calice. 6. Une capsule avec son arête. 7. Les cinq capsules dont les arêtes commencent à s’ouvrir, 8. Une graine. 212 annales du m u s é U îl DESCRIPTION D ’une nouvelle espèce de Laitron. par DESFONTAINES. Sonchus divaricatus. ( Laitron étalé. ) Tab. 46. Sonchus glctber, procumbens ; foliis glaucis , runcinatis , denticulatis ; floribus lateralibus ; semine rugoso. Cette espèce de Laitron, originaire d’Égypte d’où elle a été apportée par le citoyen Delille, a fleuri et fructifié pour la première fois en l’an io; vers le milieu de l’été. O11 l’abrite dans l’orangerie pendant l’hiver. Toute la plante est glabre , et d’une couleur glauque. Du collet de la racine sortent plusieurs tiges grêles , cylindriques t lisses , tombantes ou couchées , longues de deux à trois décimètres , partagées en rameaux étalés. Feuilles découpées en serpe , quelquefois lancéolées , longues de trois à six centi- mètres sur un à deux de largeur, bordées de dents inégales , terminées par une pointe blanche; les inférieures décurrentes sur le pétiole; les supérieures, souvent lancéolées, sessiles , amplexicaules. Les fleurs naissent le long des rameaux et à leur sommet, portées sur des pé- doncules inégaux et solitaires. Calice grêle , allongé , imbriqué. Ecailles blanches , membraneuses sur les boids ; les extérieures, ovales, plus courtes; les moyennes, ovales - allongées ; les plus intérieures , linéaires. JLs. r JL . Luùjfn& de/. S ON CH U S divaricatus . £mçne- t/r/ />/<’<• .rc«//> y. PETUNIA parviflora. 2. PETUNIA nyctaq-iniflora d’ HISTOIRE NATURELLE. 217 SUITE DES MEMOIRES Sur les fossiles des environs de Paris , par L A M A R C K. GENRE XX. Strombus. Strombe. ChARACT. GEN. Testa univalvis , subventricosa , basi desinens in canalem. bre- veta , emarginatum vel truncatum. Labrum aetate ampUalum , alam simplicem , intégrant , vel unilobatam et infernè lacund interruptam mentiens. Observations. Linné est le premier qui ait rapproché convenablement les strombes ; car si Ton en excepte quelques cérites qu’il leur avoit associées par inadvertance 3 son genre strombus est assez naturel : mais ce savant célèbre paroît n’avoir pas aperçu le principal caractère de ce genre ; puisqu’il ne l’a pas indiqué ; et l’on sait qu’il consiste dans le sinus situé vers le bas du bord droit de la coquille , lorsque ce bord a reçu ses développement qui lui donnent l’apparence d’une aile. ai8 ANNALES DU MUSEUM. J’aurois peut-être dû conserver dans son entier le genre strombus ; mais le considérant plutôt comme formant une famille , et d’ailleurs les rosteilaires qui appartien- nent à cette famille n’ayant point de sinus sur leur bord droit, j’ai trouvé plus convenable de le partager en trois genres, auxquels, dans mon système des animaux sans ver- tèbres , j’ai assigné les noms suivans : Strombe , Ptérocère , Rostellaire, C’est donc des strombes proprement dits ou réformés qu’il est ici question. Je dois faire remarquer que lorsque l’animal qui forme les strombes ( ainsi que celui des ptérocères et des rostel- laires ) a acquis son entier développement , il a alors des organes qui occasionnent au bord droit de l’ouverture de sa coquille un élargissement particulier qui change sa figure. On dit alors que la coquille est ailée . Or , lorsqu’on ne fait pas attention aux états différens où se trouvent les strombes, selon l’âge de l’animal qui les a formés, on peut prendre de jeunes strombes pour des espèces particulières , et regarder les mêmes , vus dans l’état adulte , comme appartenant à d’autres espèces. Cela est arrivé à presque tous les concliyliologistes , et même à Linné. On peut encore se tromper à l’égard des jeunes strombes, au point de les rapporter à d’autres genres. Tous les strombes sont des coquillages marins , vivant en général dans les climats chauds. Quelques espèces devien- nent fort grandes. 3)’ HISTOIRE NATURELLE. 219 ESPÈCES FOSSILES. # ^ ■' 1. Strombe à canal. Vélin, n° 4 5 f* 3. Strombus ( canalis ) , turritus , longitudinaliter costatus j basi trans'Vcrsè stria - /z/5 * labro parvo etnarginato , in cernaient superue decurreutcuz contmtiato . n. Strombus canalis , Bullet. des Sc. n” 2,5 , f. 5. L. n. Grignon. Il est turriculé , petit, et n’a que 18 à 20 millimètres de lon- gueur. Il ressemble beaucoup par son aspect à la Rostellaire fissurelle ; mais c’est un véritable strombe , ayant un sinus sur le bord droit , et manquant presque entièrement de canal à la base de son ouverture. Nota. On n’a pas encore trouvé de ptérocère fossile dans les environs de Paris, GENRE XXI. Rostellari a. Rostellaire. Çharact. gen. Testa univalvis , fusiformis vel subturrita , basi desinens in c analem. porrectum , rostro acuto similem. Labrum inte - grurn vel dentatum , aetate subdilatatum ; lacunâ canalï contiguâ. Les rostellaires sont des coquilles rares en général, très- remarquables par leur forme singulière , et qui sont extrê- mement distinctes des strombes et des ptèrocères , quoiqu’elles soient de la même famille. Ce sont des coquilles fusiformes , à spire allongée , et dont la base se prolonge en un canal étroit , qui ressemble à un bec pointu. Leur bord droit s’appuie supérieurement sur la spire, et y est quelquefois décurrent. Mais ce qui caractérise fortement ce genre , c’est que le sinus de la partie inférieure du bord droit (de l’aile) est tout-à-fait contigu au canal en bec de la coquille $ ce qui n’a 2 2 0 ANNALES DU MUSEUM nullement lieu dans les strombes ni dans les ptérocères , celles- ci ayant sur leur bord droit un sinus isolé, bien séparé du canal. Les espèces les plus remarquables de ce genre sont le rostel- laria cornu ta, n. (Martimm Conch . yol. IV, t. 1 58. f. i 4 95- 1 4 9 7 , ) nommée fuseau de Tomate ; le rostellaria subulata , n. (Martini Conch. vol. IV, t. i59,f. 1 5 00-1 5 02.) appelée fuseau de la Chine. ESPECES FOSSILES, j. Rostellaire à grande aile. Rostellaria (macropterà) , laevis ; labro integro , rotundato , maximo , supra spi- ram decurrente. n. Strornbus amplus. Bkand. Foss. p. 34, pl. 6 , n° 76 , testa compléta. Vélin , n° 4 ; f- 5. Testa junior , incompleta ? L. n. Courtagnon , Saint-Germain-en-Laye, etc. Cette coquille est grande, et singulièrement remarquable par son bord droit, qui forme une aile très-ample y mince , arrondie , et qui s’étend depuis le canal de la base de la coquille jusque sur la plus grande partie de la spire , sur laquelle sa partie supérieure est decurrente. Toute la partie supérieure de cette grande aile forme à sa jonction sur la spire une fissure longitudinale et en canal. Cette belle coquille n’a presque rien de commun avec le strornbus latissimus de Linné , que Brander lui compare. Sa spire est lisse , égale , sans convexité sur chacun de ses tours. On en trouve une variété dans laquelle le bord supérieur de l’aile forme un médiocre sinus. Mon cabinet. 2. Rostellaire colombaire. Rostellaria ( columbaria ) , laevis ; labro alaeformi sursùm arcuato , supra spiram decurrente. n. Strornbus fissura. Ballet, des Sc. n° 2 5 , f. 4. L. n. Saint-Germain-en-Laye et Parnes. Cette jolie rostellaire a de si grands rapports avec la précédente , qu’on peut soupçonner qu’elle n’en est qu’une variété. Elle est cependant constamment moins grande , et le bord supérieur de son aile forme un sinus remarquable , qui lui donne une sorte de ressemblance à 2 2 1 B’ HISTOIRE NATURELLE. l’aile déployée d’une colombe. Sa spire est pareillement lisse , égale , conique , sans aucune convexité sur ses tours, et munie d’une fissure longitudinale et en canal. Mon cabinet. 3. Rostellaire fissurelle. Vélin, n° 4, f. 4* Rostellaria (Jzssurella ), turrita , variculosa , longitudinaliter costata , basi trans- versè striata ; labro parvo , supernè in carinam decurrentem et Jîssam conti- nuato. n. Strombus fissurella. Lin. L. n. Grignon , où elle est fort commune. Cette espèce est beaucoup plus petite que les précédentes , et n’a que 36 à 38 millimètres de longueur. Elle est turriculée , chargée de côtes longitudinales, et a ses tours de spire un peu convexes. Son aile est fort petite, décurrente en carène fendue sur presque toute la longueur de la spire. Mon cabinet. GENRE XXII. Murex. Rocher. ChARACT. GEN. Testa univalvis , ovata vel oblonga ; basi canaliculata ; suturis varicoso-tumidis y subasperis , longitudinalibus et persisten- tibus. Observati on s. Linné ? en circonscrivant imparfaitement son genre Mu- rex , c’est-à-dire en lui assignant un caractère trop vague ? lui avoit donné une extension beaucoup trop considérable $ en sorte qu’alors ce genre extrêmement nombreux en espèces? comprenoit quantité de coquillages qui ne dévoient pas y être réunis. Bruguière et moi , nous l’avons réduit successivement % d’abord Bruguière en a séparé les cérites et les fuseaux $ j’en ai ensuite retranché les pyrules 9 les pleurotomes et les fascio- 2. 29 J 222 A N K A L E S DU MUSEUM laires y et, malgré ces grandes réductions, ce genre beaucoup plus naturel comprend encore un très - grand nombre d’espèces. Les rochers dont il s’agit maintenant , et auxquels beau- coup de personnes donnent improprement le nom de pourpre , sont distingués de tous les autres coquillages que l’on con- fondait avec eux , parce qu’on voit sur leur coquille des bour- relets saillans et longitudinaux } qui sont les restes de ses an- ciennes ouvertures. Ces bourrelets sont rudes ou raboteux , et en général remarquables par les tubercules , les épines ou les franges dont ils sont chargés. Tous les rochers ont leur base terminée par un canal plus ou moins long, plus ou moins fermé, et dont la con- sidération , jointe à celle des bourrelets de la coquille , cons- titue le caractère essentiel du genre. Ce canal n’est point tronqué subitement , ni brusquement recourbé comme dans les cérites. La coîumelle n’est chargée d’aucun pli , et le bord gauche de l’ouverture est toujours plus ou moins apparent. Les coquillages de ce genre sont tous marins, et l’ani- mal qui y est contenu porte un petit opercule corné. Les espèces rares , et particulièrement celles qui portent sur leurs bourrelets de belles franges ou de longues épines bien conservées , sont précieuses , et fort recherchées des amateurs. ESPÈCES FOSSILES. 3. Rocher triptère. Vélin, n° 4 j f* ■ 6. Murex ( triple rus ) , trigonus , elongatus , transversim sulcatus j anguîis alato- membranaceis. Murex tripterus. Born. Mus. p. 291 , t. X , f. 18, 39. Brand. Foss. pl. 3 , f. 79 et 80 ? 220 d’ histoire naturelle. L. n. Grignon. Ce rocher fossile , fort commun à Grignon , où l’on en rencontre des individus de tous les âges , est remarquable par sa forme allongée , trian-r gulaire , ayant ses angles feuilletés, minces comme des membranes, et qui le font paroître comme à 3 ailes. Il acquiert jusqu'à 6 centimètres (2 pouces et quelques lignes) de longueur. Son analogue vit actuellement dans la mer des Indes orientales , dans le voisi- nage de Batavia. Je possède dans mon cabinet, et des individus fossiles de Grignon, et des individus frais qui proviennent de la mer des Indes. 2. Rocher tricariné. Vélin , n° 4 j f. 7* Murex ( tricarinatus ) , cvato-oblongus , tricarinatus , transversim sulcatus ; an- gu lis frondosis , crispato-dentatis , subspinosis. n. Murex asper. Buand. Foss. p. 35, t. III, f. 77, 78. L. n. Grignon. Ce rocher est moins allongé que le précédent , un peu plus ventru , et semble épineux sur chaque tour de sa spire , parce que le bord droit de son ouverture se prolonge dans sa partie supérieure en une pointe épineuse ; il est sillonné transversalement , feuilleté , frangé et denté sur ses angles , et acquiert 4 centimètres de longueur. Il est commun à Grignon. Mon cabinet. 3. Rocher contabulé. Vélin, n° 4> f* 8. Murex ( contabulatus), elongatus , t ri go nu s ^ transversè sulcatus , tricarinato-fron- dosus ; anfractuum angulis distinctes , subspinosis. n. L. n. Grignon. Je soupçonne fort que ce rocher fossile n’est qu’une variété du précédent. Il est seulement plus allongé , moins ventru , et a sa spire pyra- midale. Son ouverture est obscurément trigone. Cabinet de M. Defrance. 4. Rocher en chausse-trape. Murex (calcitrapa), ovatus , subseptifariam frondosus ; Superficie crispa ; angulis spinosis ; columelld subumbilicatâ. n. L. n. Grignon. Ce rocher n’est pas rare , et cependant il est assez difficile à déterminer , à cause de ses rapports avec les suivans. Comme le bord droit de son ouverture se prolonge dans sa partie supérieure en une pointe allongée et épineuse , les épines du dernier tour de spire le font paroître hérissé de pointes comme une chausse-trape. Il est un peu ridé transversalement , et a toute sa superficie légèrement feuilletée et crépue. Son ouverture est trigone, à canal ouvert. Il a 3 centimètres de longueur. Mon cabinet. * 29 224 AOALES DU MUSEUM 5. Piocher crépu. Vélin, n° 5, f. 6. Murex ( crispas ) , o va tus , subnonifariam fiondosus , submuticùs ; superficie crispa ; sulcis transversalibus. n. L. n. Grignon. Ce rocher a de si grands rapports avec le précédent, qu’on peut soupçonner qu’il n’en est qu’une variété. Néanmoins il n’est presque pas épineux 5 sa spire est plus allongée , son ouverture est plus courte , ainsi que le canal de sa base, et il devient moins grand. Sa longueur est d’environ 2 centimètres. Mon cabinet. 6. Rocher feuilleté. Vélin, n® 5 , f. 4 > 5. Murex {f rondo s us ) , ovato-oblongus , subnonifariam varicosus ; superficie vari - cibusque frondoso-crispis ; caudd longiuscuîa. n. /3. Idem anfractibus supernè spinoso-coranatis } et costarum intersticiis vix frondosis. L. n. Grignon. Ce rocher fossile est petit , fort joli , et est remarquable en ce que ses bourrelets , qui sont au nombre de 7 à 9 , et toute sa superficie , sort élégamment feuilletés, plissés , et comme crépus ou frisés. Il a, comme les deux précédens , des sillons ou des rides transverses ; mais son dernier tour de spire n’est pas armé de longues épines ouvertes , comme le rocher en chausse trape ^ et le canal de sa base n’est pas raccourci comme dans le rocher crépu. Sa longueur est de 20 à 2.3 millimètres. Mon cabinet et celui de M. Défiance, où existe en outre la variété /3. 7. Rocher grillé. Vélin , no 5 , f. 7. Murex ( clathratus ), ovatus , costulatus , transversimque sulcatus ,• labro intùs dentato ; caudâ brevi. n. L. n. Grignon. Les individus observés n’ont que 4 à. 5 millimètres de longueur. Ce rocher avoisine les buccins par son aspect. Il a sur ses tours de spire 10 à i 2 petites côtes longitudinales , entre lesquelles on voit des rides transverses qui le font paroître grillé ou cancellé. Cabinet de M. Defrance. 8. Rocher cerclé. Murex {cin gu laïus') , ovato-oblongus , subangulatus , rugis transversis cingulatus $ rugarurn intersticiis squamosis ; canali obtecto. n. L. n. Courtagnon. Ce rocher, assez commun à Courtagnon, a quelque chose du murex craticulatus de Linné , dans son aspect ; mais il est moins grand , moins chargé de varices ou de bourrelets, et les interstices de ses rides ou cordelettes transverses sont écailleux ; ce qui l’en distingue fortement. Sa »’ HISTOIRE NATURELLE. 22. 5 longueur est d’environ 4 centimètres. Le canal de la base de la coquille est recouvert et presque fermé. Mon cabinet. 9. Piocher striatule. Vélin, n° 5 , f . 2. Murex ( striatulus ) , oblongus , sublaevigatu3 ; ffrw transversis obsoletis , rVzm?- qualibus ; varicibus subsolitariis ; aperturâ dentatâ.. n. L. n. Grignon. Ce rocher a à peine deux centimètres de longueur. Il paroit lisse , et ne présente sur chaque tour de sa spire que quelques bourrelets rares et convexes. Le bord droit de son ouverture est denté en dedans. Cabinet de M. Defrance. 10. Rocher gaufré. Vélin, n° 4> f* n* Murex (cuncellinus) , ovato-oblongus , gibbosus , cancellatus ; aperturâ oblongâ , irregulari , sinuosâ , dentatâ. n. Cochlis , etc. Martini Conc. 2, p. 85, t. XLI , f. 4o5 et 4°6, vulg. la gri- mace BLANCHE. L. n. Grignon. Ce rocher fossile est l’analogue bien remarquable de la Grimace blanche, qu’on a regardée comme une variété du murex anus de Linné ; mais celte Grimace blanche est une espèce très-distincte , qui vit actuellement dans l’Océan austral. Cabinet du citoyen Richard. 11. Rocher pyrastre. Vélin, n° 4 5 f» 9> Murex ( pyraster ), ovatus , caudatus , transversim sulcatus ; costis longitudinaliius , obsoletis , subnodulosis ; aperturâ rotundatâ. n. L. n. Grignon. Ce rocher se rapproche beaucoup, par ses rapports, du murex pyrum de Linné ; mais outre qu’il est plus petit, il en paroît assez distinct, li n’a que 35 ou 36 millimètres de longueur. Le bord droit de son ouverture est sillonné intérieurement. Cabinet de M. Defrance. 12. Rocher tricoté. Murex ( textiliosus ), ovatus , obsolète costatus , transversim striatus ; striatum intersticiis squamulosis ; columellâ unidentatâ , subumbilicatâ. n. L, n. Chaumont. Ce rocher est ovale-fusiforme , et a environ 38 millimètres ( 16 lignes) de longueur. Ses derniers bourrelets sont les mieux prononcés: les autres lui forment simplement des côtes longitudinales, obtuses, peu saillantes. Toute la coquille est garnie transversalement de stries inégales , entre lesquelles des rangées longitudinales de très-petites écailles donnent à la surface de la coquille l’apparence d’un tissu de tricot. Le canal de la base n’a que 5 ou 6 millimètres de longueur. Cabinet de M. Defrance. 2 2 6 ANNALES DU MUSEUM z3. Piocher tête de couleuvre. Vélin, n° 4 j f- JO. Murex ( colubrinus ) , elongatus , iubfusiformis ; tffrws transversis , granuîosis , tenuissimis ; varicibus raris. n. L. n. Grignon. Ce rocher fossile a un peu plus de 3 centimètres de longueur; il est presque fusiforme , porte des bourrelets rares , et une rangée de tuber- cules très-peu élevés sur le milieu de chaque tour de spire. La finesse de ses stries transversales lui donne beaucoup d’élégance. Le bord droit de son ou- verture est denté intérieurement. Cabinet de M. Defrance. 14. Rocher tête de Vipère. Vélin , n° 5 , f. 3 , b. Murex ( viperinus ) , elongatus , subturritus ; sfr iis transversis , inaequalibus , rariter obscvrèque granuîosis ; caudd breviusculâ. n. L. n. Grignon. Il est très-distinct du précédent , quoiqu’il s’en rapproche par différens rapports, et n’a guère plus de deux centimètres de longueur. Ses stries transverses sont beaucoup moins fines , et il porte principalement dans sa partie supérieure de petites côtes longitudinales très-peu élevées. Mon cabinet. z5. Rocher nodulaire. Vélin , n° 5, f. 3, «. Murex ( nodularius')-, ovatus , subcancellatus ; striis transversis , inaequalibus: majoribus nodulosis ; nodulis costatim dispositis. n. L. n. Grignon. Il est assez commun , et a, comme les deux précédens , des bourrelets rares , et le bord droit denté intérieurement. Sa longueur est de 24 millimètres ou davantage. Le canal de sa base est un peu court, et courbé en dehors. Mon cabinet. 16. Rocher réticuleux. Murex ( reticulosus ), ovatus , utrinquè acutus ; costulis decussatis reticulatus ; aperturâ triangulari ; labro in tics dentato. n. L. n. Grignon. Ce petit rocher n’a que 7 à 8 millimètres de longueur. Il paroît réticulé, ayant de petites côtes longitudinales, nombreuses, et des stries transverses qui se croisent avec les côtes. Il a des rapports avec le murex magellanicus de Gmelin , que Pallas a nommé Buccinum geversianum ; mais il est fort petit , et n’est presque point feuilleté. 17. Rocher tubifere. Vélin, n® 9 , f. 1 0. Murex ( tubifer ), subquadrifariam spinosus ,* spinis erectis , arcuatis ; anfrac- tibus tubiferis . n L. n. Grignon , où il n’est pas rare. Les caractères de ce rocher fossile sont si remarquables , qu’on pourroit le considérer comme un genre particulier. Il d’ histoire naturelle. 227 est ovale , en pointe aux deux bouts , garni d’environ quatre rangées de bour- relets épineux , à épines montantes , arquées et fistuleuses ; et dans les inters- tices de ces bourrelets , on voit sur chaque tour de spire des tubes courts , isolas dans chaque intervalle. Ces tubes ne sont point des épines cassées 5 car-les épines ne se forment que sur les bourrelets. Brander , dans son Ouvrage sur les fossiles du Hampton , a donné à cette co- quille le nom de murex pungens , pl. 3 , fig. 8r et 82; et Bruguière en a publié dans le Journal d'histoire naturelle (n° 1 , p. 28) une bonne des- cription et une excellente figure ( pl. 2 , f. 3 et 4 ) •> d’après un dessin de Redouté. Il dit que l’analogue marin de cette coquille singulière existe à Lon- dres dans le cabinet du feu docteur Hunter. Mon cabinet. À ]î I A t E S BU MUSÉUM 228 OBSERVATIONS Sur un envoi de plantes vivantes , et sur la naturalisation et la culture du lin de la Nouvelle-Zélande , qui en fàisoit partie . "par A. T H O U I N. M. Grxmwood , fleuriste à Kinsington , près de Londres , a fait au Muséum en vendémiaire dernier, un envoi de plantes étrangères , en échange d’un assortiment d’objets de même nature qu’il en avoit reçu peu de mois auparavant. Cet envoi étoit composé de soixante-quatorze individus d’ar- bres et arbustes étrangers à l’Europe, et qui presque tous manquoient à la collection nationale. Douze sont morts des fatigues du voyage , un moindre nombre est languissant , et le reste se trouve dans ce moment en bon état de végétation. Parmi ces derniers on compte six genres qui entrent pour la première fois au Muséum , et qui rempliront des lacunes dans des familles naturelles d’autant plus intéressantes, qu’elles offrent des caractères singuliers, et qu’elles sont peu nom- breuses en végétaux. Ces genres sont, i°. le catesbaea spi- 7iosa: L. arbrisseau de l’île de la Providence, qui porte le nom d’un botaniste célèbre, lequel l’a introduit le premier en Angleterre sa patrie. 20. Le gindia simplex , L. arbuste d’ HISTOIRE NATURELLE. 2 2<) toujours verd , d’un port agréable , et dont les fleurs , qui viennent par petits bouquets à l’extrémité des branches, sont d’un blanc verdâtre (il en est chargé dans ce moment, 3o frimaire). Il croît au cap de Bonne-Espérance, et on le cul- tive à l’orangerie pendant l’hiver. 3°. Le polygala heis - teria , L. C’est à tort qu’on a rangé cet arbuste parmi les polygala ; il a des caractères qui l’en distinguent, et qui doivent lui mériter de composer un genre particulier, ainsi que le citoyen Desfontaines se propose de le démontrer. Il est toujours verd , et garni , vers l’extrémité de ses branches , d’un grand nombre de fleurs violettes mêlées de blanc, qui produisent un joli effet et durent plusieurs mois pendant l’au- tomne et l’hiver ; on le cultive à l’orangerie. 4°- La hillai - dieria scandens , le dillenia , le correa alba et la leria spi- nosa , quatre arbustes de la Nouvelle-Hollande, récemment introduits en Angleterre, où ils ont été institués genres nou- veaux. Les noms qu’on leur a donnés rappellent des savans distingués, auxquels l’histoire naturelle en général , et la bota- nique en particulier , sont redevables de nouvelles connois- sances. 5°. Et enfin Vheliconia psithacorum , espèce nou- velle de bananier nain, dont les fleurs ont des couleurs semblables à celles du plumage des perroquets. Quant aux espèces qui composoient cet envoi, nous n’in- diquerons ici que les plus remarquables, parce qu’elles seront placées toutes dans le catalogue des plantes vivantes du Mu- séum, qui ne tardera pas à être publié. On remarque , i°. un eucalyptus , un melaleuca , deux metrocyderos et deux mimosa , tous arbres ou arbustes de la Nouvelle -Hol- lande , cultivés depuis peu d’années en Angleterre , et qui 5o 2. û3o ANNALES DU MUSEUM présentent pour la plupart des parties, des formes et des caractères de fructification si singuliers , qu’il semble que le pays qui les produit offre à l’étude une nouvelle botanique à connaître j 2°. sept espèces de géranium et deux mesem - hryanthemnm , qui augmentent en belles espèces, des genres déjà très-nombreux au Muséum, et qui ont des différences très-marquées ; 3°. et enfin une nouvelle espèce de magnolia , nommée u-long à la Chine , où elle est employée à l’or- nement des jardins. Son feuillage, qui se rapproche un peu du magnolia glauc a, L., est plus grand et aussi agréable ; ses fleurs, de belle apparence, ont une odeur suave qui se fait sentir au loin et parfume l’atmosphère des plus grandes serres chaudes, dans lesquelles on la conserve pendant l’hiver. Comme cet arbrisseau éprouve une effoliaison complète chaque année, que ses bourgeons sont enveloppés d’écailles, et qu’il croît à la Chine dans les provinces voisines de Canton, il est probable qu’il viendrait en pleine terre en France, si ses autres habitudes ne sembloient s’y opposer. Il perd ses feuilles chez nous dans l’été , qui est son temps de repos, et les reprend au commencement de notre hiver. Il en résulte qu’il entre en pleine sève dans une saison où la gelée lui est extrêmement préjudiciable, et que, pour le conserver, il est indispensable de le placer dans une serre chaude. Mais si, en prolongeant graduellement et avec précaution son état de repos chaque année, soit en le plaçant dans un lieu froid et l’y laissant le plus long-temps possible pendant qu’il ne végète pas , soit en le privant d’une partie de l’humidité et de la lumière nécessaires à sa végétation, on parvenait à lui faire passer l’hiver dans l’inaction , alors il pousserait au b’ Histoire naturelle. 281 printemps et se mettroit à l’unisson de nos arbres indi- gènes (i). Mais le moyen le plus sur de naturaliser ce bel arbre est de s’en procurer des graines et de les semer dans les départemens méridionaux de la République , afin de pouvoir en obtenir des individus qui, produisant des semences, ser- viront à le multiplier de proche en proche jusque dans les parties septentrionales. A ces genres et espèces de plantes se trouvoit jointe une variété du phornium tenax de Foster, nommé ordinairement lin de la Nouvelle-Zélande. Elle se distingue de son espèce par ses feuilles , qui offrent à leur base un pétiole de 4 à 5 centimètres de long, tandis que les feuilles de l’espèce sont sessiles, et engainées les unes dans les autres à la manière des iris. Ce genre précieux a été envoyé, pour la première fois en l’an 8 , par M. Aiton , directeur des jardins du roi d’Angleterre à Kew , auquel le Muséum est redevable, ainsi qu’à feu M. son père , d’un grand nombre de plantes inté- ressantes. Celle-ci n’est pas une des moins précieuses par les avantages qui peuvent résulter pour la République de sa cul- ture en grand sur le territoire français. Qu’il nous soit permis (1) Des expériences faites à Moscow , par feu M. Demidow , notre estimable correspondant , prouvent qu’il est possible de suspendre la végétation dans plu- sieurs arbres dont les gemma sont munis d’écailles. Il a tenu dans une glacière des individus de pommiers et de poiriers que nous lui avions envoyés de France pendant l’hiver, et les y a laissés jusqu’au printemps de l’année suivante. Quoique la végétation soit restée suspendue pendant dix-neuf mois , c’est-à-dire treize mois de plus qu’elle ne l’eût été si les arbres n’eussent pas changé de place , ils ont végété et produit des fleurs et quelques fruits. Il eût été à desirer qu’on eût suivi la végétation de ces arbres pendant les années suivantes 3 mais la mort de-M. Demidow a arrêté le cours de cette utile et curieuse expérience. 2^2 ANNALES DU MUSEUM d’entrer dans quelques détails sur cette plante , en faveur de l’importance de ses usages. Le jphornium tcnax , ou le lin de la Nouvelle-Zélande, est une plante vivace qui fait partie de la belle famille des lilia- cées. Elle pousse de sa racine charnue et tubéreuse un grand nombre d’œilletons, lesquels donnent naissance à des touffes de neuf à dix feuilles. Celles - ci sont longues d’environ 4 pieds , terminées en pointes aiguës, sur 2 pouces de large, d’un verd gai et luisant en dessus, blanchâtre en dessous, et bordées d’un liseré très-étroit, coloré en rouge. Ces feuilles sont distiques et s’engaînent les unes dans les autres par leur base j elles sont divisées en deux parties égales dans toute leur longueur, par une carène ou côte d’autant plus saillante qu’elle est plus voisine du pied de la plante. Leur consistance est sèche, coriace et filandreuse : il est impossible de les casser dans leur largeur avec les deux mains ; mais elles se divisent aisément dans toute leur longueur en autant de lanières qu’on le desire. En vieillissant, ces feuilles se colorent d’un jaune rougeâtre qui devient d’un jaune de paille luisant lorsqu’elles sont desséchées. La presque totalité de leur substance est composée de fibres longitudinales d’un blanc argenté comme de la soie, divisibles à l’infini, et d’une force très-considé- rable (1). D’une hampe ou tige qui part de la racine de la plante sortent les fleurs , auxquelles succèdent des capsules qui renferment un très -grand nombre de semences. Elles sont noires, plates et très -minces, membraneuses sur leur (1) Voyez les détails des expériences du citoyen Labiliardière sur la force comparative des fibres du lin de la Nouvelle-Zélande , insérés dans son mémoire lu à» l’Institut en nivôse an n , et l’échantillon déposé par lui dans les galeries d’histoire naturelle du Muséum, salle du Règne végétal. d’ HISTOIRE NATURELLE. 2 3 3 bord,, apposées les urnes sur les autres dans la capsule qui les renferme, comme celles de la Couronne Impériale (1), aux- quelles elles ressemblent pour la forme et la grandeur. Il est peu de végétaux qui fournissent une matière textile aussi abondante et aussi forte ; ce qui doit rendre celui-ci d’un prix inestimable pour l’économie domestique, et sur -tout pour la marine. Ses habitudes doivent également nous le faire rechercher. Il croît abondamment et sans culture dans les îles de la Nouvelle-Zélande. Les voyageurs disent qu’on le trouve au bord de la mer et dans son voisinage , sur des sables arides et dans des lagunes arrosées momentanément par des eaux saumâtres. S’il en est ainsi , cette plante mérite toute l’at- tention des agronomes français propriétaires de semblables terrains , qui leur sont plus nuisibles qu’utiles , puisque les sables, emportés par les vents, se répandent sur les terres fertiles qui les environnent , et les empêchent de produire. Tout fait présumer que leurs tentatives leur réussiroientj et voici les raisons sur lesquelles est fondée cette présomption. D’abord la Nouvelle-Zélande étant située dans la mer du Sud , entre le 33e et le 47e degré vers le pôle antarctique, offre à peu près la même latitude que plusieurs parties de la France. Elle doit être même beaucoup plus froide , parce que le pèle dont elle est voisine présente une région glacée plus étendue que celle du pôle arctique, puisqu’on est allé vers celui-ci jusqu’au-delà du yoe degré, tandis que les voyageurs ont été arrêtés par des montagnes de glace dès le 60e du côté du pôle sud. Il résulte- de cette position que (1) Fritillaria imperialis , L, 2 3 4 i N ÏT A L E S, D TT MUSEUM ces îles doivent être plus froides que la France pendant leur liiver, et plus chaudes pendant leur été ; que de plus la température de ce climat doit être variable, parce que toutes les fois que les vents viennent du pôle, iis doivent porter, même au milieu de l’été, le froid dont ils se sont chargés en passant sur les montagnes de glace qu’ils ont parcourues , et que lorsqu’ils soufflent de l’équateur il en doit résulter une chaleur semblable à celle qu’éprouve la côte de Barbarie , située à la même latitude à peu près. En raison de cette va- riation du climat les végétaux qui l’habitent doivent être doués d’une grande étendue de facultés, soit pour résister au froid, soit pour supporter la chaleur. Une expérience fortuite, dont les détails ne peuvent être regardés ici comme un hors- d’œuvre, pourra nous en donner, sinon une preuve, au moins une forte présomption. Le phormium envoyé par M. Aiton en nivôse de l’an 8, se trouvant dépourvu de racines fibreuses, et ayant beaucoup souffert dans la traversée d’Angleterre ici par une tempé- rature froide et très-humide , fut placé dans une serre chaude , sur une couche de tan neuf. Un fourneau établi au-dessous de la couche , ayant été chauffé tous les jours pendant ce mois, fit monter graduellement la chaleur de cette couche, dans l’une de ses parties, jusqu’à 4 y degrés au-dessus de zéro du thermomètre de Réamnur, c’est-à-dire à une chaleur de 3 ou 4 degrés plus forte que celle des sables de l’Afrique , et plus qu’il n’en faut pour faire durcir des œufs. Malgré cette vive chaleur le phormium qui se trouvoit dans cette partie de la couche, ainsi que des pandanus odoratus , calamus ro- tang , draccæna pendida et ensifolia , et tradescantia dico- lor , ne furent point fatigués ; au contraire , toutes ces plantes d’histoire HÀTURELEE, 235 poussèrent avec vigueur, et plusieurs d’entre elles fleurirent et fructifièrent. Il est vrai qu’on proportionna les arrosemens à la déperdition d’humidité qu’éprouvoient ces végétaux, et qu’on leur donna de l’eau en abondance. Il est bon d’ob- server aussi que l’époque à laquelle on donna une si forte chaleur à ces plantes répond à celle de leur été dans leur climat naturel, sur-tout pour le phormium , dont le pays se trouve peu éloigné de nos antipodes. Depuis ce temps cette plante a été laissée dans la même serre, mais à une place beaucoup moins chaude , et elle a continué de végéter pen- dant l’hiver et de rester dans l’inaction pendant l’été \ ce qui ajoute aux autres preuves que nous avons déjà, que beaucoup de végétaux apportés en nature de leur pays conservent les habitudes qu’ils y ont contractées. Mais revenons à l’exposition des motifs qui nous font croire que le lin de la Nouvelle-Zélande peut se naturaliser chez nous. Indépendamment de la similitude des deux climats , de la Nouvelle-Zélande et de quelques-unes des parties de la France , dont les différences sont à l’avantage de cette der- nière, il existe deux antres motifs d’espérance : le premier, que le phormium étant une plante vivace dont les œilletons , qui répondent aux gemma dans les arbres , croissent sous terre à plusieurs pouces de profondeur, se trouve par ce moyen abrité des gelées et hors de leurs atteintes, si l’on établit la culture de ce lin dans la partie la plus méridionale de la France 5 le second motif vient de ce que cette plante étant de nature sèche , doit donner peu de prise aux froids même assez considérables, puisque leur action se porte par- ticulièrement sur les corps aqueux, dont elle détruit l’orga- nisation. Tout porte donc à croire qu’on pourra naturaliser 20 6 ANNALES DU MUSEUM le lin de la Nouvelle-Zélande sur le territoire de la Répu- blique. Quoique nous ayons semé de différentes manières , dans diverses saisons et sans succès , une assez grande quantité de graines de cette plante , qui nous avoient été envoyées par M. le chevalier Banck’s, à son retour de la mer du Sud, nous croyons cependant que ce doit être la voie de naturali- sation la plus sûre, et celle qu’on doit employer de préfé- rence. D’ailleurs quelques tentatives faites depuis peu d’an- nées en Angleterre prouvent que des semences de cette plante y sont arrivées sans avoir perdu leurs propriétés ger- minatives, puisqu’on est parvenu à en faire lever plusieurs. Mais comme cette graine est très -mince et se dessèche en peu de temps, il est convenable de la récolter en parfaite maturité et de la laisser renfermée dans les capsules qui la contiennent, jusqu’à l’instant de la semer; de prendre ensuite la précaution de préserver des grandes chaleurs, autant qu’il sera possible, les caisses qui la renfermeront, lorsque le bâtiment passera sous les zones chaudes et sur-tout dans le voisinage de l’équateur. La chaleur brûlante de ces parages détruit les germes d’une très-grande quantité d’espèces de semences. On pourroit aussi en transporter des pieds, qui, étant cultivés pendant la traversée, ne man- queroient pas de fournir des individus propres à faire des essais sur la culture de cette plante. Dans les renseignemens fournis parles professeurs du Muséum au capitaine Baudin, ils l’ont fortement engagé, si ses instructions le conduisent à la Nouvelle-Zélande , à faire ramasser une grande quantité de graines et de racines de cette plante, en les prenant de préférence dans la partie de File Tavay - Poenamoo , la plus A S N A L £ S DU MUSÉUM 2 O J voisine du cap Sud, qui est la plus près du pôle, et par con- séquent la plus froide. Le citoyen Riedlé , premier jardinier de l’expédition, a été chargé spécialement d’emballer ces graines de différentes manières pour varier les chances , et d’en mélanger sur-tout dans les terres des caisses de plantes vivantes qu’il rapportera en Europe. Au moyen de ces pré- cautions il est à présumer qu’on parviendra à introduire une très-grande quantité d’individus de cette plante en France j mais cela ne suffît pas , il faut encore choisir la localité qui offre le plus de chances à sa réussite , et employer les moyens de culture les plus propres à sa naturalisation. Le climat qui paroît devoir être le plus favorable aux pre- mières plantations de cette plante, est celui des départeinens méridionaux vers les bords de la Méditerranée, dans le voi- sinage de Nice ou d’Idières, parce qu’il offre un grand nombre de rapports avec celui de la Nouvelle-Zélande , tant pour la latitude que pour la nature du sol et la quantité d’eaux sau- mâtres qui s’y rencontrent. D’ailleurs ce pays est traversé par de hautes montagnes, qui, en abritant les rivages des vents du nord , les défendent des fortes gelées , et en font un climat doux en hiver , sec et chaud pendant l’été. Quant à la culture première , elle consiste à planter les pieds de phormium dans des planches formées de diverses espèces de terres, à différentes expositions, et à leur donner des arrosemens proportionnés à leur vigueur et à leurs besoins. Les graines qui arriveront stratifiées ou mélangées dans de la terre, devront être semées, peu de temps après leur débar- quement, sur des banquettes de terre meuble et substantielle, susceptibles d’être ombragées des rayons du soleil trop brû- lant , et d’être arrosées par irrigation. Il sera plus sûr de ne 3. 3 l 233 ANNALES DU MUSEUM semer les graines qui auront été transportées sèches dans des caisses, que par parties^ de quinze en quinze jours, et depuis la fin de l’été jusqu’au milieu du printemps. Quelques portions pourront être semées dans des caisses à semis, afin de donner la facilité d’orienter les jeunes plantes, suivant le besoin, dans les différentes saisons de l’année et pendant la jeunesse des plantes. Mais il est essentiel que tous ces semis, de quelque manière qu’ils aient été faits, ne soient recouverts que d’une couche de terre sablonneuse, très -fine, et de l’épaisseur d’une ligne ou d’une ligne et demie tout au plus. Il sera très- utile aussi de les garantir des ardeurs du soleil, non seule- ment depuis l’instant où les graines auront été confiées à la terre , mais encore pendant la jeunesse des pîantules, et jus- qu’à ce qu’elles aient acquis assez de force pour supporter le plein air et se défendre de l’intempérie des saisons. Lorsqu’une fois ces plantes auront poussé des drageons de leurs racines , et qu’elles auront produit des graines , c’est alors qu’on pourra tenter en pleine campagne des expériences de naturalisation en grand. Celles-ci venant à réussir, four- niront avec le temps les moyens de répandre cette plante de proche en proche sur tous les rivages de la mer, dont elle fixera les sables et préservera les cultures intérieures de leur invasion j elle offrira une nouvelle matière première à l’in- dustrie des artisans, procurera aux arts, et sur-tout à la ma- rine, des cordages qui , d’un diamètre et d’un poids de moitié moins considérables , seront plus aisés à manier et plus forts que ceux faits avec toute autre substance. En terminant cette note nous rappellerons que le chanvre est originaire de la Perse et de l’Inde, pays beaucoup plus chauds et plus fertiles que la Nouvelle- Zélande ; qu’il est b’ HISTOIRE NATURELLE. 20^ annuel et doit être semé tous les ans , tandis que le phormium est vivace et rustique 5 que la première de ces plantes exige une terre excellente et peu commune, des labours multipliés et des engrais abondans, tandis que la seconde se contente de terrains abandonnés , malheureusement trop multipliés en France , et qu’elle n’a besoin, une fois plantée, ni de cul- ture ni de fumier j que la récolte du chanvre, sa macération et l’extraction de ses fibres, exigent du temps, des machines, des dépenses et de l’intelligence dans les ouvriers, tandis qu’une serpette pour couper les feuilles parvenues à leur gran- deur, une auge pour les amollir, et un battoir pour en séparer les fibres, suffisent à la récolte et à la préparation du lin de la Nouvelle-Zélande. Tant d’avantages réunis, sans faire abandonner la culture du chanvre et du lin, sont bien propres à stimuler l’ambition des propriétaires de terres voisines de la Méditerranée , et à les déterminer à faire quelques sacrifices pécuniaires pour se procurer cette plante précieuse. Une souscription rempliroit ce but. Elle fourniroit aux dépenses de fret d’un bâtiment qui partiroit chargé d’une cargaison d’un débit assuré dans l’Inde, et qui se chargerait en retour de graines et de plantes de lin de la Nouvelle-Zélande. Cette dépense et celle d’un jardinier intelligent pour la récolte des graines et la culture des plantes pendant la traversée, ne serait pas considérable relativement aux avantages qui en résulteraient , et les sous- cripteurs et les voyageurs qui introduiraient en grand cette plante en France, auraient bien mérité de son agriculture et de la patrie. Quelle plus noble récompense pourrait déter- miner cette entreprise ! Si * * 2^0 ANNALES DU MUSEUM DESCRIPTION Du Tupinambis omé. T A R F. M. D A U D I N. PL XLVIII. JLjes recherches que j’ai faites jusqu’à présent dans les col- lections d’iiistoire naturelle et dans les ouvrages publiés depuis plusieurs années sur les reptiles, m’ont procuré la connoissance de cent cinqnante-cinq espèces de lézards ou de sauriens , que j’ai rangés dans seize genres différens. Le troi- sième genre, celui des tupinambis, renferme tous les lézards qui ont de petites plaques nombreuses sur la tête 5 la langue fourchue , extensible ; cinq doigts séparés et munis d’ongles crochus à chaque pied 5 des anneaux écailleux , très-nombreux et étroits, autour du cor • ' t de la queue. La première section comprend les tupinambis dont la queue est longue, cylin- drique ou comprimée j et la seconde renferme ceux qui ont la queue surmontée d’une petite carène double, écailleuse et dentelée. Ce genre remarquable est déjà composé de douze espèces, qui sont décrites dans mon ouvrage sur les reptiles , et je viens d’en recevoir récemment une treizième, qui doit être TITPINAMBIS orne. d’ HISTOIRE NATURELLE. 241 déposée dans la galerie du Muséum d’histoire naturelle de Paris , et qui lui est cédée par Rodrigues , de Bordeaux. Le tupinambis orné est un grand lézard qui a beaucoup d’analogie, par sa forme et par la disposition de ses écailles, avec le tupinambis étoilé, piqueté, du Bengale, et à gorge blanche 5 mais c’est principalement avec ce dernier qu’il a de grands rapports , quoiqu’il soit coloré avec plus de symétrie et d’élégance. Sa tête, plus petite que le corps, comprimée sur les cotés , a le museau obtus , aminci , avec les deux mâchoires armées de grosses dents molaires à sommet arrondi, et de petites dents pointues disposées en devant. On voit sous le corps environ soixante-treize rangées trans- versales d’écailles nombreuses, oblongues et lisses, et autour de la queue plus de deux cent quarante anneaux. Ce reptile mérite le nom que je lui ai donné, par la ma- nière agréable dont il est peint. Ses couleurs, d’un noir sombre en dessus , et d’un blanchâtre tirant sur le verd en dessous , se mêlent régulièrement ensemble. Le noir est parsemé çà et là de petits points blanchâtres et nombreux, comme au tupi- nambis du Bengale ) une bande blanche part de chaque œil et se prolonge en un demi-cercle transversal de taches arron- dies dessus le cou 5 une seconde bande, formée de cinq taches rondes disposées en demi-cercle, vient ensuite j une troisième bande semblable paroît sur le dos, entre les bras; et sur le corps on voit quatre autres bandes transversales , formées cha- cune de sept à neuf taches rondes. La queue , surmontée d’une petite carène longitudinale et dentelée , est entourée de douze larges cercles ou anneaux de la même couleur que le ventre , et celui-ci est remarquable par les bandes noires qui 24^ ANNALES DU MUSÉUM descendent des flancs et qui se partagent toutes en deux. Il y a sur chacun des quatre pieds six à huit rangées de petites taches arrondies, semblables aux précédentes. La gorge est blanchâtre, marquée de neuf bandes transversales noirâtres. Le tupiiiambis orné a été trouvé par Perrein, de Bordeaux, naturaliste très-zélé , à Maiimbe , sur la côte d’Afrique. Il est commun dans tout le pays de Congo et de Mayombe , et fré- quente les lieux habités par les nègres , parce qu’il y trouve une nourriture abondante. L’individu placé dans le Muséum d’histoire naturelle fut tué par Perrein , auprès du comptoir de traite. Son estomac renfermoit un caméléon en partie digéré, plusieurs insectes ailés et beaucoup de blattes. Ces derniers insectes, infiniment nombreux à Maiimbe, tour- mentent beaucoup les habitans pendant la nuit; et c'est alors que le tupinambis orné s’occupe à les poursuivre avec agilité jusque sur les toits des cases, qui sont couvertes de feuilles sèches de palmier; et malgré le bruit incommode qu’il y fait, les nègres le souffrent patiemment, le protègent même, à cause du service important qu’il leur rend en détruisant ces animaux nuisibles. Les nègres redoutent extrêmement la morsure de ce sau- rien , dont les mâchoires sont tellement fortes , qu’il mord rarement sans emporter la pièce. Quoiqu’il soit dépourvu de venin , les plaies qu’il fait sont souvent incurables et dégé- nèrent en ulcères gangréneux , soit à cause de l’excessive chaleur du climat, soit par la négligence des nègres, qui se contentent de couvrir ces plaies avec des lambeaux de leurs pagnes ou manteaux, et qui augmentent le mal par leur mal- propreté, ainsi que Perrein l’a observé deux fois pendant un séjour de vingt-sept mois qu’il fit à Maiimbe, dans le cours de trois voyages. d’histoire NATURELLE. 243 Je possède le dessin d’un gros tupinambis orné, que Le- vaillant a vu communément sur les bords de la rivière d’Orange ? dans l’intérieur de l’Afrique , vers le cap de Bonne- Espérance. Cet animal amphibie doit être le même que le lacerta capensis trouvé par Sparrman en Afrique, et qu’il a décrit dans la Relation de son voyage. Ce dernier reptile ne me paroit différer élu tupinambis orné de Malimbe que parce qu’il a seize à dix-huit anneaux blancs autour de la queue. Sparrman le prit avec ses deux petits ; il le croit assez sein- blable a w lézard de Ceylan représenté par Séba,(t. I.pl. tj 4 , fs- 1 )• Dimensions du tupinambis orné. Pieils. Pouces. Lignes. Longueur totale 4 30 9 Longueur du museau jusqu’au coin de la bouche. .... n 3 n Longueur de la mâchoire inférieure jusqu’au coin de la bouche. // a 6 Longueur du museau jusqu’à l’œil n î q Longueur de l’œil jusqu’à l’oreille h 1 / , Longueur de l’oreille jusqu’à l’épaule n 5 u Distance d’un œil à l’autre // 1 6 Circonférence de la tête aux yeux n 5 v Circonférence de la tête aux oreilles n 9 n Circonférence du cou // 8 h Longueur du corps 1 2 u Grande circonférence du corps 1 3 n Longueur de la queue . 3 n n Sa circonférence à sa base u 7 n Elévation de la carène caudale. u n 5 Longueur des pieds de devant ti 6 u Longueur des pieds de derrière // 8 » Longueur des ongles 11 // 8 Tupinambis ornatus. T. Suprà jiiger; gulâ albidâ , faciis novem transversis ornatâ ; maculis rotundis in septem seriebus transversis suprà dorsum , annulisque duodecini albidis in caudd bicarinatâ. Variété. Tupinambis ornatus ; annulis albidis sexdecim et ultra in caudâ bica » rinatâ. 2 44 1 inf A L E 3 DIT MUSEUM CORRESPONDANCE. Sur trois bouquetins et un ichneumon nouvellement acquis pour la ménagerie nationale . par E. GEOFFROY. I. T*o,s bouquetins . Des paysans du mont St. -Bernard ont de leur propre mouvement conduit à Paris trois bou- quetins , dont deux mâles et une femelle. D’un des mâles est gris-cendré , l’autre fauve-clair :1a femelle est beaucoup plus petite , plus svelte , et bien moins embarrassée de ses cornes : elle ressemble au premier des mâles pour les cou- leurs de son pélage. Un jeune mâle qu’elle vient de nous donner aujourd’hui 5 floréal, n’en diffère point, si ce n’est que ses rayures, disposées comme celles de ses parens, sont d’un noir plus foncé, et que son poil est d’un cendré plus clair. Ce jeune bouquetin est de la même taille qu’un che- vreau nouveau-né , et il en a toutes les manières. On se pro- pose , à mesure que cette famille s’accroîtra , d’en consacrer les produits à remonter la race de nos chèvres. On ne sauroit douter, en voyant les bouquetins de la ménagerie , que cette espèce sauvage ne soit le type de nos boucs domestiques : c’est exactement la même conformation , çç sont les mêmes habitudes^, ou du moins il n’y a de diffé- d’ H I S T O I R E NATURELLE. 2. ^ & rences à cet égard que celles qui résultent de leurs diffé- rentes manières d’être et d’agir. Les bouquetins liabitans des montagnes sont beaucoup plus farouches , plus fiers , plus grands , et peut-être aussi plus rapprochés des autres rumi- nans , excellens coureurs , par un peu plus de longueur dans les jambes , et par des cornes plus élancées et plus con- sidérables. On dit qu’ils ont aussi la rate conformée comme celle de ces derniers : enfin leur mode d’accouplement tient plus de celui des daims que de la manière des boucs. Ils s’élancent vivement et presque sans hésitation sur leurs femelles , et les abandonnent immédiatement après l’intro- mission. Les bouquetins commencent à devenir rares sur le som- met des Alpes et des Pyrénées , où ils se plaisent au milieu des neiges et où ils sautent de rocher en rocher. On a pu se faire , à la ménagerie , une idée de leur extrême agilité : on croyoit avoir usé de toutes les précautions conve- nables, en les renfermant dans un parc clos par des claies de près de trois mètres de hauteur j mais la femelle trouva moyen d’en sortir. Fatiguée des nombreuses approches de ses mâles , et voulant en éviter la poursuite , elle s’élança vers les claies de son parc , et parvint à les escalader , sup- pléant au défaut de griffes et de mains par l’impétuosité de son élan et par une dextérité vraiment inconcevable. Nos bouquetins sont aujourd’hui tranquilles , familiers , et d’une grande douceur. Les mâles se choquent souvent tête contre tête : mais c’est moins un combat qu’ils se livrent qu’un amusement auquel ils paroissent beaucoup se plaire. Dans les nouveaux arrangemens de la ménagerie , on leur destine le premier étage d’une fabrique nouvellement cons- 2. 3a 2 4 6 ANNALES DU MUSEUM truite : on leur facilitera les moyens de se précipiter de ce lieu élevé et d’y remonter par une rampe tortueuse et d’un diffi- cile accès. II. Un ichncumon. La ménagerie vient aussi de s’enri- cliir par les soins de quelques amateurs distingués. Nous citerons avec reconnoissance le présent que lui a fait le séna- teur Joseph Bonaparte : c’est une femelle du célèbre ichneu- mon des Égyptiens. On en possédoit déjà un mâle que j’avois rapporté d’Égypte. La première entrevue de ces deux animaux fut signalée par un combat où le mâle fut très-maltraité. Ce premier choc décida des prétentions de chacun des combattans : la supé- riorité de la femelle fut établie. Le mâle n’osant plus se mesurer avec elle, abandonna le champ de bataille, et alla se réfugier dans l’endroit le plus sombre de sa loge : la femelle , qui garda pour elle les devans de la loge , usa ri- goureusement de sa victoire : elle tint son mâle constamment éloigné d’elle. Un coup de dent ou souvent même une simple menace renvoyoit ce malheureux à son gîte accoutu- mé , dès qu’il avoit la témérité d’en sortir et d’empiéter sur un terrain où il n’étoit point souffert. Il étoit traité avec la même rigueur au temps des repas : sa femelle ne manquoit jamais de s’approprier les viandes qu’on leur distribuoit à tous deux, et ne lui permettoit d’y toucher que lorsqu’elle étoit rassasiée. Mais à la saison d’amour , arrivée dans les coinmence- mens de frimaire, tout changea de face. Le mâle employa d’abord les manières les plus propres à se rendre sa femelle favorable : son cri d’amour, qu’il ne cessoit de répéter^ étoit un grognement sourd , et qui pourtant avoit quelque douceur. Voyant enfin ses sollicitations repoussées, il songea à b’ HISTOIRE NATURELLE. 2 4 y se procurer par force ce qu’il ne pouvoit obtenir de bonne grâce. La femelle , accoutumée à le mépriser , voulut punir son audace ; mais après une résistance très-opiniâtre y elle s’a- perçut qu’elle n’avoit été redevable de sa domination qu’au caractère de douceur de son mâle; elle se tint dès-lors sur la défensive , et ne fut plus occupée que de se soustraire à ses entreprises. Le mâle en conçut plus d’ardeur; il fit pen- dant quatre jours et quatre nuits les plus grands efforts pour l’amener à ses désirs et la domter. Il la tourmenta pendant tout ce temps sans le moindre intervalle de repos. Elle ne s’étoit pas plutôt étendue sur les flancs pour le renverser , qu’il reprenoit aussitôt la position qu’elle lui avoit fait perdre. Je n’ai point connu d’animal plus ardent en amour. Mais mal- gré toute cette violence il n’en a pas moins conservé son carac- tère de douceur avec ses gardiens et les curieux qui le ven oient visiter : on l’a quelquefois arraché d’auprès de sa femelle sans qu’il parût s’en plaindre , ni qu’il ait cherché à mordre. On avoit jusqu’ici classé l’ichneumon dans le genre viverra. Depuis qu’on est à même de le mieux étudier , on s’est convaincu qu’il forme , avec quelques autres espèces , un pe- tit genre à part. Les caractères qui distinguent ce genre des viverra est d’avoir la langue papilleuse et presque aussi rude que celle des chats ; une membrane nictitante complète ; une pqche au-devant de l’anus , et non au-dessous , comme dans les civettes ; les doigts à demi-réunis par une peau mem- braneuse ? et la propriété de marcher sur les doigts et non sur la main entière ? comme quelques naturalistes l’avoient pensé. Quatre- espèces composeront ce nouveau genre : i°. La mangouste d’Égypte ou la mangouste ichneumon , dont la 32 * 2 4 8 ANNALES DU MUSEUM queue est terminée par un pinceau de longs poils noirs. 20. La mangouste de l’Inde , ou celle queBuffon a décrite et figurée ( tom. XIII , pl. 19). Nous en avons vu un individu vivant chez le conseiller d’Etat Regnaud Saint- Jean-d’Angely. 3°. La mangouste du Cap, figurée par Yosmaër et Édouard j et une quatrième espèce de Bagdad , que compte bientôt pu- blier le célèbre voyageur Olivier. Ces trois premières man- goustes , que l’on a le plus souvent confondues ensemble , existent dans les galeries du Muséum d’histoire naturelle. On peut consulter, sur leurs caractères distinctifs, l’article ichneiL - mon que j’ai inséré dans l’ouvrage ayant pour titre, Mé?iagerie nationale. Sur une chouette funèbre observée près de Strasbourg et de Colmar , par Schauenburg fds, par F. M. D A U D I N. LijtNÆUS a désigné sous le nom de striæ funerea une espèce de chouette que Grnelin a décrite ensuite par erreur une seconde fois sous celui de striæ hudsonia. Ces deux oiseaux ne doivent appartenir qu’à une même espèce , ainsi que je Fai annoncé dans mon Traité d'ornithologie (t. II, p. 1 83 ). La chouette funèbre est assez commune dans l’Amérique septentrionale, aux environs de la baie d’Hudson $ on la rencontre aussi quelquefois dans le nord de l’Europe ^ principalement en Norvège et en Sibérie. Le naturaliste Schauenburg fils Fa observée cette année dans les départemens des Haut et Bas-Rhin, où elle vient ordinairement en bru- maire et frimaire. Il la regarde comme parfaitement sem- blable à celle qui est figurée dans l’ouvrage d’Edward (t. II, d’ histoire NATURELLE. 249 pl. y 4) > et qui fut apportée de la baie d’Hudson en An- gleterre. Je l’ai placée dans la section des chouettes-éperviers, à cause de son corps svelte, allongé, et de sa longue queue. La description qu’en a faite Scliauenburg fils n’offre rien de remarquable sur cet oiseau j mais ce qu’il dit de ses mœurs est très-intéressant. « J’en ai vu , dit-il , un individu entre » Colmar et Roussach , dans le mois de frimaire dernier. Il » voloit et cliassoit en plein jour, fréquentoit les prairies, j> se perchoit sur les saules et les petits buissons qui bordent j> les fossés marécageux $ je l’ai vu fondre sur des mulots et » des souris ; il cliassoit avec beaucoup d’agilité, à la manière » des éperviers. Il n’étoit point paresseux et immobile, 3> comme le sont nos chouettes pendant le jourj il voloit au 53 contraire d’arbre en arbre, de buisson en buisson. Il pour- 3> suivoit sa proie avec beaucoup d’agijité, tournoit conti- 3> nuellement sa tête à droite et à gauche pour la guéter, 33 et s’élançoit sur elle à plus de trente pas. Cette chouette 33 est peu défiante. Elle disparoît de nos cantons vers la fin 33 de l’hiver, et on ne la voit plus en été ni pendant l’au- 33 tomne. 3> {Extrait de la lettre de Schauenburg fis , datée de Colmar , le 2 5 nivôse an XI. ) La chouette harfang ( St . nyctea') habite avec la précé- dente dans le nord des deux continens. Feu Bâillon , corres- pondant du Muséum , l’a tuée , il y a environ quatre ans , aux environs d’Abbeville , département de la Somme. Notice de divers envois faits et reçus par le Muséum . r a r A. T H O U I N. L e citoyen Ruffo , propriétaire et cultivateur de végétaux 2. S O AH1T ALES DU MUSEUM étrangers, utiles à naturaliser dans le département des Hautes- Alpes , pays qu’il habite, vient de faire uu envoi au Muséum : il est composé d’arbres fruitiers dans les genres du pommier, du poirier et de la vigne. Les pommiers sont de trois variétés, qu’il nomme caroli , banquepreuve et inconnus. Les poiriers sont au nombre de quatre j savoir, la poire de livre , la douce , la 'verte et la revonizoux. Aux individus de ces arbres sont joints des greffes et des fruits de ces mêmes poiriers et pommiers. La vigne est la variété nommée en Toscane aleatico : elle fournit un raisin bon à manger, qui produit un vin délicat et spiritueux , auquel elle a donné son nom. Cet envoi augmente la collection des arbres fruitiers de l’école du Muséum de variétés estimables. L’administration de cet établissement a procuré au citoyen Ruffo, en échange de son envoi, quarante-huit arbres et arbustes étrangers, utiles à naturaliser dans son département. Sur la demande du citoyen Laussat, préfet colonial de la Louisiane, le Muséum vient de composer un envoi de végétaux en nature , choisis parmi les arbres et arbustes , et les plantes vivaces étrangères à l’Amérique, lesquels peuvent être utiles aux habitans de cette colonie. » Plusieurs centaines d’espèces de graines de plantes utiles dans l’économie rurale et domestique , dans la médecine et les arts, ou qui peuvent servir à l’ornement des jardins, ont été ajoutées aux végétaux en nature , et pourront former la base d’une culture aussi agréable qu’intéressante. Les citoyens Lasalle et Marie, tous deux élèves jardinier ü’ HISTOIRE NATURELLE. 25 1 du Muséum , ont été agréés par le Gouvernement, le pre- mier en qualité de jardinier botaniste en chef des cultures de naturalisation de la colonie, et le second, premier garçon jardinier de ces cultures. Ces deux cultivateurs unissent à une moralité douce un grand amour pour leur art et des connais- sances pratiques fort étendues. Leur acquisition ne sera pas d’un médiocre avantage pour la colonie de la Louisiane , par les bons exemples de culture qu’ils y répandront, et le jardin du Muséum aura en eux des correspondans éclairés et actifs qui l’enrichiront des productions qui lui manquent. Le Gouvernement ayant l’intention de rendre au jardin national de botanique de Montpellier son ancienne splendeur, le Muséum vient d’y faire passer un assortiment de deux cents végétaux en nature, étrangers à l’Europe, et choisis parmi les genres les plus remarquables, et les espèces utiles aux progrès de l’agriculture , du commerce et des arts. Environ cinq cents espèces de graines de plantes vivaces et annuelles, choisies dans un très-grand nombre de genres, dans la plupart des familles et dans toutes les classes de vé- gétaux, font partie de cet envoi , et serviront à l’enseignement de la botanique. Enfin, un des élèves jardiniers du Muséum, le plus avancé dans la pratique de son art (le citoyen Michel Capon), est chargé du transport de cet envoi à sa destination , de sa cul- ture , en même temps que de celle du jardin botanique de Montpellier, dont il devient le jardinier botaniste en chef, d’après la nomination qu’en vient de faire le ministre de l’intérieur. 2.5 2 iSN ALSS I> XJ MUSEUM M. F R A z e r , cultivateur de végétaux étrangers à Cheïsea près Londres, a envoyé au Muséum une soixantaine de plantes étrangères , en échange d’un pareil nombre de vé- gétaux des Antilles et autres colonies françaises , qui lui avoient été remis précédemment. Parmi ceux qu’il a procurés, se trouvent au nombre des plus rares et des plus remarquables : i°. Une nouvelle espèce de magnolia , auquel il donne pour épithète le nom de michauxi , en l’honneur du citoyen Michaux, botaniste voyageur, correspondant du Muséum, avec lequel il s’est rencontré en Amérique. Cet arbre est remarquable par l’étendue de ses feuilles, qui ont près de 2 pieds de long, et par la. beauté de son port. 2°. Une nouvelle espèce de palmier, qu’il nomme corypha hystrix , qu’il a trouvé dans les marais de la Géorgie en Amérique. Les feuilles de ce palmier sont disposées en éven- tail j elles sortent d’une tige couverte de fibres longues et roides, comme les piquans des hérissons. 3°. Une espèce nouvelle Nandromeda, à laquelle il donne l’épithète de dealbata. Cet arbuste a ses feuilles argentées en dessous. Il l’a trouvé dans l’intérieur des terres en Amé- rique , et à une grande distance des habitations. 4°. Un phlox traçant , que pour cette raison il nomme phlox stolonifera . C’est une plante vivace agréable par ses fleurs. 5°. Le globba nutans , L. , genre de la famille des bana- niers , remarquable par ses belles fleurs rouges et par son port pittoresque. C’est une plante de serre chaude intéres- santé ? qui a le mérite de se multiplier aisément et d’être peu délicate. 6°. Et enfin une très-belle espèce de jatropha nouveau, qu’il a rencontrée dans les îles Bermudes, et qu’il a nommée Jatropha imperialis petropolhtana ; mauvais nom, mais qui marque la reconnoissance que M. Frazer conserve pour l’em- pereur de Russie, qui le fait voyager à ses frais. s 54 astrales du muséum ÉTAT des graines et plantes vivantes envoyées au Muséum par les établis semen s et les personnes avec lesquels il est en correspondance , depuis le premier prairial an 9 jusqu’au cinquième jour complémentaire an 10. Reçu dti citoyen Bompland, naturaliste voyageur, 3i espèces de graines récoltées à Caracas en Améri- que , parmi lesquelles se trouvent celles de deux genres nouveaux , ci • . »"■■■■. de M. Valil , professeur de botanique à Copen- hague , 56 espèces de graines de plantes , du Nord et des Colonies danoises , la plupart intéres- santes , ci .... . w. de M. Springel , directeur du jardin botanique de Hall en Prusse , 170 espèces de graines de plantes étrangères à l’Europe, et dont la plupart manquoient à la collection nationale, ci ........ . — de M. Cavanilles , intendant et professeur de bo- tanique du Jardin du Muséum de Madrid , 242 espèces de graines de plantes d’Espagne , du Pérou , de la Barbade et de Guayaquil , presque tonies éga- lement propres à augmenter et enrichir la collec- tion du Jardin national ; ces semences ont fait la matière de trois envois ,ci... » **-»— du citoyen Dupont (de Nemours) , membre de l’Ins- titut national , 94 paquets de semences d’arbres et arbustes recueillies dans l’Amérique septentrio- nale , et accompagnées d’observations intéressantes ESPECES DE Graines. en nature 3i 56 IJO 242 d’histoire NATURELLE. 2.55 E S P È C f E S D E | Graines. Végétaux en nature. ! 1 sur les usages économiques et sur les localités où elles ont été récoltées ( envoi très-utile ) , ci . 94 Reçu du citoyen Nectoux, agriculteur-botaniste, mem- bre de la commission des sciences et arts ën Egypte , 2.56 espèces de graines récoltées pendant le cours des trois années précédentes , tant dans la basse que dans la haute Egypte. Cet envoi est d’autant plus utile , qu’aux plantes indigènes de ce pays se trouvent réunies celles de la plupart des végétaux qui entrent dans l’économie rurale des Egyptiens , ci 256 •***— du citoyen Lasalle, jardinier-botaniste en chef du jardin de l’école centrale du département de la Marne, à Fontainebleau, 172 espèces de graines utiles au jardin , qu’il a ramassées dans les dépar- temens des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes , ci 17* du citoyen Balbi, professeur et directeur du jardin de botanique à Turin, en Piémont, i3o espèces de graines de plantes demandées par le Muséum 5 plus, un autre paquet composé de 63 espèces de semences différentes , dont la plupart de plantes alpines intéressantes; en tout 193 espèces, ci. . 193 — — de M. Scliweykert , jardinier en chef des jardins de Carlsrhue , 147 espèces de graines de sa récolte et du cap de Bonne-Espérance; plus, 38 espèces de bulbes de îiliacées d’Afrique , inconnues au Mu- séum ,ci. ... 147 38 du citoyen Delille, botaniste de l’expédition d’E- gypte , 240 espèces de graines recueillies pendant les trois dernières années dans toutes les parties de l’Egypte , et presque toutes rapportées à leur nomenclature botanique ; envoi très-utile au^ Mu- séum , ci 240 / / 2 5 6 ANKALES DU MUSEUM Reçu du citoyen Clavion , naturaliste , 180 espèces de semences récoltées aux environs de Barcelonette et dans les départemens du midi de la France; la plupart utiles au jardin , ci . du citoyen Joseph Martin , directeur des cultures d’épiceries à Cayenne , 46 espèces de graines de végétaux qui ne se trouvent point en Europe , et dont quelques-unes appartiennent à des genres nouveaux , ci. .... . Ce n’est pas la seule obligation de ce genre dont le Muséum soit redevable au citoyen Martin, i ' — du citoyen Thibaud , professeur d’histoire naturelle à l’école centrale de Strasbourg, io5 espèces de graines de plantes des possessions espagnoles , d’Europe et d’Amérique , qu’il s’est procurées à Madrid. Toutes ces graines sont utiles au jardin , et il se trouve parmi elles un assez grand nombre de genres nouveaux et de plantes peu connues en Europe , ci ■ du citoyen Labillardière , de l’Institut, 91 espèces de graines récoltées au Bengale , parmi lesquelles il s’en trouve de végétaux rares dans les collections d'Europe , ci du citoyen Noisette, jardinier des cultures de na- turalisation en Corse , 38 espèces de graines ré- coltées dans les montagnes de cette île , et parmi lesquelles se trouvoient deux boisseaux de cônes des pins laritio , arbres précieux à naturaliser en France , ci. - — de M. le comte de Waldestein, auteur de l’ouvrage Plantae rariores regni hungariae , 102 espèces de semences de quelques-unes des plantes nouvelles de son ouvrage , et les autres de végétaux cultivés dans le jardin botanique de Pesth en Hongrie, ci . E S P È ( E S DE Graines. Végétaux en nature. 180 46 io5 91 38 j 02 d’histoire naturelle. 2 5 J ESPÈCES DE - Graines. Végétaux en nature. | Reçu du citoyen Michaud fils, commissaire du ministère de l’intérieur dans les Etats-Unis de l’Amérique pour l’agriculture, 65 espèces de graines , pour la plupart d’arbres et arbustes indigènes à cette partie du globe , et accompagnées de notes sur leurs usages économiques et sur leur culture en Europe : cet envoi est très-intéressant, ci »... ■ ' 1 ■■ de M. Smith , président de la Société des natu- ralistes de Londres, 100 espèces de graines re- cueillies dans un des jardins de botanique de l’An- gleterre. Il s’y est rencontré plusieurs espèces nouvellement établies par les botanistes anglais , 65 ci. • . . » — — du citoyen Céré , directeur du jardin colonial de naturalisation à l’Isle de France, 64 espèces de graines récoltées en l’an 9 , et la plupart d’arbres et de plantes indigènes ou nouvellement introduites dans l’ile, et qui y avolent été apportées de la Chine et de diverses parties de l’Inde. Malheu- reusement cet envoi a vieilli pendant sa traversée xoo ? ci 64 — du citoyen Reidley, jardinier-botaniste en chef de l’expédition autour du monde , commandée par le capitaine Baudin , 5o espèces de graines recueillies dans l’intérieur des terres de l’Isle de France ; il s’y trouve des genres peu connus des botanistes, et beaucoup d’espèces nouvelles , ci — — - du citoyen Philippe Armano , botaniste à Milan, deux envois de semences; le premier, composé de 125 espèces; et le second, renfermant 34 sortes 5o différentes La plupart de ces graines sont d’es- i pèces nouvellement établies en Europe , ci . . *■“ — du citoyen Poiteau , cultivateur-botaniste-voya- geur , 389 espèces de graines récoltées à Saint- i5<) J 258 AS Jf AIES DU MUSEUM > . E S P È c E S D E Graines. Végétaux en nature. Domingue pendant les années antérieures à l’an 10 , et presque toutes de végétaux peu ou mal connus des botanistes , ou qui n’ont pas encore été déterminés par les naturalistes. Cet envoi est l’un des plus considérables et des plus intéressaus que le Muséum ait reçus cette année. Malheureu- sement beaucoup de ces semences sont trop vieilles 289 , pour germer j ci. Reçu de M. Forsyth , directeur des jardins royaux de Kensington près Londres , 28 9 petits sachets de graines des Indes orientales, de Eotany-Bay et du cap de Bonne -Espérance. Cet envoi, très-intéres- sant , n’a pu être semé cette année , parce que la saison étoit trop avancée lorsqu’il est arrivé , et que d’ailleurs il ne restoit plus de place sous les châssis , ci. . 289 s— — du citoyen Gels , membre de l’Institut , environ n5 espèces de jeunes arbustes étrangers , tant en nature qu’en œilletons , boutures , greffes et bran- ches propres aux démonstrations de botanique ; le tout pendant le cours de cette année , ci. . . . 1 15 de M. C. F. Greville , amateur de plantes étran- gères , à Londres , deux paquets de semences nou- vellement arrivées de la Chine et du cap de Bonne- Espérance. Le nombre des espèces est de 69, qui promettent de procurer des plantes nouvelles et 69 Les professeurs administrateurs du Muséum profitent de cette occasion pour donner un témoignage public de / d’histoire NATURELLE. 2 5ÿ leur reconnoissance aux personnes nommées dans cet état, qui ont bien voulu contribuer à enrichir la collection vé- gétale de cet etablissement. Ils se feront un devoir de faire figurer , de décrire et de publier dans ces Annales les plantes nouvelles qu’ils obtiendront de ces envois , et de citer le nom des personnes qui les leur auront fait passer. A. T. à, \ i ? f d’ HISTOIRE NATURELLE. 2. 6 1 OBSERVATIONS Sur le Rheum Ribes , Lin. par DES FONTAINE S. Tab. X L I X. Julheum , undiquè verrucosum ; foliis rotundatis , suhlobatis* Ribes , S^rapion , ed. Veiiet. pag. 1 5^. — - Ribes Ârabum , eæ quo robribis conjiciunt , PvàüWo Hodoep. pag. 2 66 et 282, t. 32. — Dalech. App. 32. — Ribes legitimum Ara - hum. Clus. Hist. I, pag. 120. Exot. pag. 90, exclus. Ic. — — Ribes herba , Selon. Conif. fol. 4- Camer. Hort. 14 î- — Ribes Arabum , foliis petafitidis, C. B. Pin. 435. Guilland. Problem. 9 et 10, pag 5q . — Ribes Rau~ v/olffii aut illi congener. J. B. Hist. II , pag. 100 exclus. Ic. —Rai. Hist. II, pag. \^S6. — Lapathum rotundi - folium montis Libani , seinine maœimo . Breyn. Prodr. II, pag. 7 4* — >- Lapathum orientale , tomenlosum , rotundifolium , Ribes Arabum dictum. J. Ph. Breyn. Ephem. nat. cur. cent. 7 , obs. 3 , pag. 8, tab. II, mala. — - Lapathum orien- tale , asperum ; folio subrotundo ; f rue tu magno , purpureo^ Ribes dictum. Pogock. Itin. III, pag. 187. Ic. — - Ribes Brun. Itin. I, pag. 192. Ic. mala , — Thevenot , Itin. part. III, liv. II, chap. 16. — Ribes pharmac. Pers. pag. 44 2. 262 ANNALES D U MUSEUM i57 ; et in specim . pag. 365. — — Lapathum orientale , aspero et verucoso folio , Ribes Arabibus dictum. Dill. Eltîi. 191, t. 1 5 8 ? f. 192. — — Chambers , Dissert, de Ribe Ara - bum. ►— * Rheum jfoliis granulatis y petiolis aequalibus. Lin. Sp. 532. — — Gronov. Orient. 49* Rlieum, foliis obtusis- simis , subverruculosis ; 'venis subtus spinulosis ; petiolis supra planis , margine j'otundatis. Hort. Kew. II ^ pag. 42. Wild. spec. II , pag. 49 °* Cette espèce de rhubarbe est provenue de graines recueil- lies au mont Liban , et envoyées au Muséum en 1788 par le citoyen Labillardière , membre de l’Institut national. Quelques-uns des individus que l’on cultive dans le jardin de cet établissement ont déjà passé plusieurs hivers en pleine terre , et Fun d’eux a fleuri pour la première fois vers la fin de germinal. Cette plante , qui est le vrai Ribès des auteurs arabes, mérite d’être propagée en France à cause de ses usages économiques et médicinaux $ et si l’on y réussit , comme on a tout lieu de l’espérer , ce sera encore un nou- veau service dont on sera redevable aux soins des citoyens Thouin , et qui sera compté parmi ceux que le Muséum a rendus à la médecine, aux arts et à l’agriculture, depuis l’époque de sa fondation. Quoiqu’un grand nombre d’auteurs aient parlé du R. Ribès9 il n’en existe cependant encore aucune bonne description , et les figures qu’on en a publiées sont incorrectes ou incom- plètes : nous croyons donc, qu’il est utile de le décrire de nouveau , et d’en donner une gravure qui en fasse connoître tous les détails. Nous ajouterons quelques observations sur ses propriétés et sa culture , pour en compléter l’histoire. Racine vivace, cliarnue , ferme, pivotante, de la grosseur du bras, brune d’ HISTOIRE NATURELLE. 2 63 en dehors, rameuse inférieurement, longue de trois à quatre décimètres, garnie à sa partie supérieure d’un grand nombre d’écailles sèches , d’une couleur rousse tirant sur le violet. De son collet naissent plusieurs feuilles concaves, un peu ondées, et légè- rement sinuées dans leur contour : leur longueur est de quatre à huit décimètres, sur cinq à dix de largeur ; elles sont pîissées , crépues , d’une couleur pourpre avant leur développement, et ressemblent assez à celles du rapontic. Pétiole épais, de la largeur du pouce, long de deux décimètres, aplati en dessus , convexe en dessous , arrondi sur ses bords , souvent teint de pourpre à sa base, et quelquefois dans toute sa longueur : il est parsemé, ainsi que le disque de la feuille, les tiges et les rameaux, d’une multitude de petits tuber- cules ou papilles, rudes au toucher; caractère particulier à cette espèce, et qui la distingue de toutes les autres du même genre. Nervures, communément au nombre de cinq, très-saillantes en dessous; elles se ramifient en se bifurquant, et sont couvertes de tubercules comme toute la surface de la feuille. Hampe droite , rameuse , comprimée inférieurement , haute de neuf à quatorze décimètres, ordinairement colorée comme les pétioles. Rameaux tortueux, cylin- driques , étalés en panicule : les supérieurs, solitaires; les inférieurs naissent ordinairement deux à deux ou en plus grand nombre; ils se ramifient plusieurs fois , et sont accompagnés à leur base d’un anneau membraneux de couleur violette. Fleurs nombreuses , d’un blanc sale , assez semblables à celles des autres rhu- barbes, réunies en paquets le long des rameaux et à leur sommet; elles sont pen- chées , et portées sur des pédicelles filiformes. Calice persistant, à six divisions profondes , ovales, obtuses ; les trois extérieure* plus petites. Corolle nulle. Environ neuf étamines de la longueur du calice. Filets blancs, un peu com- primés, amincis au sommet, attachés à la base des divisions. Anthères oblongues, mobiles , à deux loges. Pollen blanc. Ovaire supère, triangulaire. Trois styles horizontaux, plus courts que lesséta- mines, surmontés d’un stigmate en tête. Graines pendantes , à trois angles saillans et membraneux , se teignent d’une couleur purpurine d’autant plus foncée , qu’elles approchent plus de la ma- turité. *7/f Les vertus médicinales du Ribès sont connues très-an- ciennement : plusieurs médecins arabes , tels que Rhazis Mesuée , Sérapion , etc. en font mention dans leurs ou- vrages. Ils disent qu’il a un goût acidulé, qu’il est tonique, A4 * 264 ANNALES DU MUSEUM apéritif , rafraîchissant 5 qu’on l’emploie avec beaucoup de succès dans diverses maladies , telles que le flux de ventre , lesvomissemens , les coliques bilieuses, les petites véroles , et que l’on prépare avec le suc exprimé de sa tige et des pétioles de ses feuilles, en le faisant cuire et épaissir au feu, un sirop acidulé très-rafraîchissant et d’un usage extrêmement ré- pandu. Ribes est planta habens capreolos recentes , rubeos , ad 'viriditatem tendantes, et habet folia magna , lata , rotitnda , viridia ? et grana quorum sapor est dulcis cum acetositate et ipsa est frigida et sicca in secundo gradu , et signum super hoc est acetositas ejus et stipticitas , et ex hoc cojitigit quod injrigidat stomachum et excoriât eum , et abscindit sitini et Jluxum 'vent ris et vomitum , et rob ejus confert cardiacis , et vomitui , et Jluxui qui Jit ex choiera , et proyocat appeti - tum cibi , et in rob ejus est dulcedo et acetositas suie stipti- citate , et exprimitur succus capreolorum ejus cum ipsi te- runtur et exprimuntur , et excoquitur expressura ilia donec habeat spissam substantiam. Sérapiou , edit. Venet. p. 1 5^. Cet auteur cite en outre les passages de divers ouvrages de médecins arabes où il est fait mention du Ribès , et tous lui attribuent les mêmes vertus. Rauwolff, qui voyageoit en Syrie pendant les années 1 5 7 2 , I 5 7 3 et 1 5 7 4, y observa le R. Ribès , et en donna une des- cription abrégée dans la Relation de son voyage , imprimée en 1 5 8 4 , avec une gravure qui n’en représente que les feuilles et les racines , et que plusieurs botanistes ont copiée. II rapporte , chap. XII, pag. 282 , que le Ribès croît sur le Liban , dans les lieux humides 5 que sa racine est d’un brun foncé à l’extérieur j qu’il ne l’avoit observé qu’en automne , d’histoire naturelle. 265 époque à laquelle la plante n’avoit ni fleurs ni fruits • que ses feuilles sont rondes , rudes , de la grandeur de celles du petasites , portées sur des pétioles courts , épais , et remplis d’un suc acidulé. Il dit , cïiap. II, pag. 266 , qu’on apporte tous les ans une grande quantité de tiges et de feuilles fraieîies de cette plante du mont Liban à Alep, pour en extraire le suc et en préparer le rob dont on fait des envois dans divers pays , et qu’on vend aussi dans les boutiques des apothicaires d’Alep. Belon , dans son ouvrage intitulé De Arboribus coniferis , f° 4 , parle également du Ribès des Arabes. Cette plante vient, dit-il , sur les montagnes 5 elle y est souvent couverte par les neiges une partie de l’année. O11 en retire un suc trouble et laiteux , et , après l’avoir laissé clarifier pendant quelque temps au soleil, on en prépare un sirop rafraîchissant. Le père Ange de Saint-Joseph, rédacteur de la Pharma - copée de Perse , assure que le suc de Ribès arrête les vomis- semens et les diarrhées , qu’il désaltère en même temps qu’il fortifie l’estomac ; et il indique la manière dont on prépare le rob dont nous venons de parler. On broie dans un mortier les feuilles et les tiges de la plante nouvellement cueillies j on en exprime le suc , en pressant le marc dans un linge • on le clarifie , et, après y avoir ajouté un poids de sucre égal à celui de la liqueur, onia fait bouillir lentement jusqu’à ce qu’elle ait acquis la consistance de sirop. Le même auteur , dans des notes ajoutées à la suite de son ouvrage, rapporte qu’en Perse on distingue deux sortes de Ribès : l’une croît spontanément dans les montagnes 5 l’autre est cultivée dans les jardins. Celle-ci devient beaucoup plus grande : on la couvre de terre pour en faire blanchir les feuilles et les tiges comme on fait des cardons ; on les vend dans les marchés d’Ispahan et autres 2.66 ANNALES DU MUSEUM lieux j elles se mangent avec les viandes , et c’est un assai- sonnement extrêmement agréable et fort recherché : Inter primariorum et délie atior uni epulas in deliciis habentur acetariorum loco. L’auteur ajoute encore que , dans les mêmes contrées , on exprime le suc du pétiole des feuilles et des tiges broyées de cette plante pour en faire du rob comme à Alep , et que la culture du Ribès étoit particulièrement réser- vée à d’anciennes familles d’ Arméniens , chargées de la di- rection des jardins du roi de Perse. Brun, dans son voyage en Perse, dit que les racines en sont laxatives, rafraîchissantes, d’un goût délicieux, et qu’on en fait le plus grand cas ; qu’on couvre les tiges de terre à peu près comme les asperges lorsqu’elles commencent à pousser, et qu’on apporte le plus grand soin à la culture du Ribès. La racine ressemble à celle de la rhubarbe ordinaire ; mais elle n’est presque pas purgative. Les Persans en mangent les jeunes pousses , assaisonnées avec du sel et du poivre. Leur saveur est piquante et agréable. Ils en font aussi un sirop très-rafraî- chissant et fort en usage. Breyn, dans les Ephémérides des curieuse de la nature , cent, y , obs. 3 , p. 8, a fait mention de la même plante, et en a publié une figure très-incorrecte , et qui en donne une idée fausse. La racine y est sur-tout très-mal représentée. L’auteur observe, avec raison, que Amatus, Dodonée et Lobel ont cru à tort que le Ribès étoit le groseillier de nos jardins , Ribes rubrum , Lin. Tragus ayoit déjà commis la même faute ; et il paraît que c’est cet auteur qui a donné le premier le nom de ribes au groseillier, parce qu’il avoit pensé que le Ribès des Arabes étoit la même plante. Voici comme il s’exprime à ce sujet , en parlant du groseillier des jardins : D7HIST0IRE NATURELLE. 2 6 J Clan acideis careat , vocabo cum reliquis ribes quoad emei - gcit aliquis quinobis genuinum ejusin Dioscoride , aliisve rei herhariae scriptorïbus ostcndat nomen : Trag. Iiist. , p. 99 5. Gaspard Bauhin, dans so nPinasc, a aussi rangé le des Arabes parmi les groseilliers. Pococke , dans le Catalogue des plantes , imprimé à la lin du troisième volume de son Voyage y en adonné une gravure assez exacte, et la meilleure de toutes celles qu’on a publiées : les feuilles et les fruits y sont bien représentés 5 mais il y manque les fleurs et tous les dé- tails des organes de la fructification. Thévenot, qui le nomme Libas , dit que les feuilles sont crépues , et ressemblantes à celles de la bette ; que la queue a la forme d’une carde d’artichaut ; qu’on la mange ail printemps, et qu’elle a un goût délicieux. Dillenius ayant reçu des graines de Ribès envoyées du mont Liban par Scherard, les sema dans son jardin : elles y levèrent $ mais aucun des individus ne fleurit , même après plusieurs années, soit que le sol ou le climat ne leur fût pas favorable ; cependant il en dessina les feuilles , et en publia une gravure très-correcte dans son Hortus elthamensis , Enfin le citoyen Olivier, membre de l’Institut national, qui a voyagé en Perse pendant plusieurs années , m’a com- muniqué la note suivante sur le Rheum Ribes. « Les Persans donnent à cette plante le nom de Ribas ; elle » croît naturellement dans des terres argileuses assez sèches , » vers le tiers de la hauteur des montagnes , dont la cime est « couverte de neige toute l’année 5 elle fleurit au printemps, » et ses graines sont mûres vers la fin de l’été. Les habitans » font grand cas des jeunes feuilles., et sur-tout des pétioles ) » ils en préparent des conserves avec du miel et du raisiné , 2 68 i jf N a l e s du Muséum. » et l’emploient , soit comme aliment , soit comme rnédica- >■> ment, dans les fièvres malignes et putrides ; ils en mangent » les pétioles crus , après en avoir enlevé l’écorce. O11 les vend r> dans les marchés publics. » Le citoyen Olivier ne croit pas qu’ils fassent usage de la racine. Le Rheum Ribes 11e paroit pas plus sensible au froid que les autres espèces de rhubarbe que l’on a multipliées dans nos climats , et je ne doute pas qu’on ne puisse le cultiver en pleine terre, même dans nos départemens du nord. Cette plante vient sur les hautes montagnes j et Belon observe qu’elle y est souvent couverte de neige une partie de l’année. Deux des individus que l’on possède au Muséum n’ont été abrités pen- dant l’hiver que par une couverture de fumier, et ils n’ont pas paru sensibles au froid. On les a cultivés en pleine terre dans le jardin des couches , où ils ont pris beaucoup d’accroissement. 1! paroit même quela culture du Ribès n’exige pas de grandes précautions. Il est resté long-temps sans fleurir, parce qu’il faut que la racine , qui est vivace et qui devient très-volumi- neuse avec les années , puisse se développer assez pour pousser des tiges à fleurs. Si cette plante utile se répand en France , on pourra l’em- ployer aux mêmes usages que dans les pays où elle croît spon- tanément , et elle offrira encore de nouveaux secours à la, médecine et à l’économie rurale. Explication de la planche , 1. Une fleur de grandeur naturelle, 2. Une fleur, vue à la loupe. 3. Ue pistil. 4' Fe .pistil, vu à la loupe. 5, Une graine. d’ HISTOIRE NATURELLE. 269 ■ J 1 y ■ ■' ’ * •- - ■■ • OBSERVATIONS S u R la famille des plantes nyctaginées (1). PAR A. L. JUSSIEU. La famille des Nyctaginées. placée dans la série des plantes apétales, à étamines hypogynes, est remarquable par la réu- nion de deux caractères opposés en apparence : savoir, l’in- sertion des étamines sous l’ovaire , et ce même ovaire renfermé dans le calice , qui , le débordant supérieurement , paroît faire corps avec lui : nulle autre ne présente cette réunion. Plusieurs caractères ajoutés aux précédons , constituent avec eux le caractère général de cette famille, déjà tracé dans notre Généra plantarum , auquel il convient de faire quelques additions ou rectifications pour le rendre plus précis. Le calice est tubulé, ordinairement renflé dans la partie (1) La Balle de nuit des jardins, rangée par C. Bauhin parmi les Solanuni , étoit le Jalapa de Toumefort , qui, sur le rapport de Plumier, la croyoit le vrai Jaîap, reconnu maintenant pour être une espèce de liseron. Lmnæus, obligé de changer ce nom, lui donna celui de Mirabilis , à cause de la beauté, de la variété et de la structure singulière de ses fleurs. Royen , ne voulant pas employer un mot adjectif pour désigner un genre, préféra le nom de Nyctage , composé de deux mots grecs , qui signifient admirable de nuit. Nous, l’avons adopté comme le meilleur, en changeant seulement sa terminaison, et nous en avons tiré le nom de la famille. 45 2. 270 Aïïsàles du muséum de sa base qui recouvre l’ovaire , rétréci au-dessus de ce point et se dilatant ensuite , terminé par un limbe entier ou divisé, plus ou moins épanoui. Cette partie supérieure, souvent colorée, ayant l’aspect d’une corolle > est regardée comme telle par la plupart des botanistes. Les étamines, en nombre défini , attachées sous l’ovaire , sont quelquefois entièrement distinctes 5 plus souvent elles forment , par la réunion de la base de leurs filets , une gaine , tantôt mince , tantôt épaissie et représentant un godet glanduleux , laquelle tire son origine du support du pistil , et confirme le caractère de l’insertion liypogyne des étamines. Leurs filets , d’abord ainsi réunis , se séparent ensuite, traversent l’étranglement du calice , contractent souvent dans ce passage une adhé- rence avec ses parois internes , et s’en détachent au-dessus pour s’élever isolément jusqu’au point où ils supportent chacun leur anthère. L’ovaire , caché dans la gaine des éta- mines et dans la base renflée du calice , est surmonté d’un style terminé par un stigmate , et devient en mûrissant une graine solitaire , recouverte par cette base subsistante , qui prend la forme et la consistance d’une capsule coriace, fermée supérieurement à la manière des fruits infères ou adhérens au calice. La partie supérieure de ce calice , distinguée par l’étranglement, tombe ordinairement avec les étamines après la fécondation. La graine renferme dans son centre un corps de substance grenue , semblable à la pâte du papier , qui correspond à un périsperme , mais n’occupe pas la même place y il est entouré par l’embryon, qui l’embrasse presqu’en- îièrement, dans une direction verticale, par ses lobes élargis. La radicule , recourbée , se dirige vers le bas de la graine , en s’appliquant sur la portion du corps central laissée, nue L>’ HISTOIRE NATURELLE. 271 par les lobes , qui ne la recouvrent pas totalement. La tige est ligneuse ou herbacée , ordinairement rameuse ; les feuilles sont opposées , ou plus rarement alternes ; les fleurs , axil- laires ou terminales, sont ordinairement accompagnées d’un involucre monophylle ou polyphylle , lequel renferme une ou plusieurs fleurs, sessiles comme les fleurettes de la sca- bieuse. Pour nous éloigner moins de la manière de décrire le Nyctage , adoptée parla plupart des auteurs qui lui attribuent un calice et une corolle , nous avions , dans notre première description de ce genre , désigné l’involucre sous le nom de calice extérieur $ mais il est nécessaire, en suivant les ana- logies , de réformer cette dénomination , et de dire que le Nyctage a un involucre monophylle , renfermant une seule fleur : par ce changement, on rétablit la conformité de nom des parties qui ont le même usage , et le rapport de ce genre avec les autres de la même famille est mieux senti. Nous avons déjà rapporté à cette famille , dans le Généra plantarum , cinq genres , Nyctago , Abronia , Bocrhaavia , Pisonia et Buginvillœa. Une nouvelle observation faite par Richard ramène dans la même série l’ Allionia^ placé d’abord parmi les dipsacées , dans lequel ce naturaliste a a nies étamines insérées sous le pistil et l’embryon roulé autour du périsperme. Son involucre , renfermant trois fleurs , déter- mine son lieu naturel entre le Nyctago et l’ Abronia : ce rapprochement a déjà été fait par Ventenat, qui s’appuie du même témoignage. Le Neœa du Pérou , décrit par Ruiz et Pavon dans leur Prodromus Jlorae peruvianae , p. 5a , et figuré t. 9 , appartient à la même famille , et pour les mêmes raisons. Il 45 * 2.J 2 ANNALES DU MUSEUM paroit se rapprocher du Nyctago , et a, comme lui, un invo- lucre uniflore à deux ou trois petites feuilles, regardées comme calice par ces auteurs , qui appellent corolle le véritable calice subsistant après la maturité de la graine. L’insertion des étamines au nombre de huit est également hypogyne , et la structure intérieure de la graine , dont ils ne parlent pas , offre dans la gravure une coupe absolument semblable à celle de la famille. Si le Mirabilis viscosa , figuré par Cavanilles dans son grand ouvrage , t. 3 , est regardé comme devant faire un genre distinct du Nyctago , à cause de son tube court, de son limbe à cinq divisions , de ses étamines réduites au nombre de trois , de son involucre très-amplifié après la fé- condation de la fleur ; alors on auroit dans la famille un genre de plus , déjà établi par Turra sous le nom de Vitmamiia , par Lhéritier sous celui $ Oæybaphus , et par Ortega , Ruiz et Pavon sous celui de Calyxhymenia . Le meme ouvrage de Cavanilles offre , dans le sixième volume , p. 78, t. 5g 8 , un autre genre sous le nom de Tricycla , qui , d’après sa figure , a la plus grande affinité avec le Buginvillœa ; mais son involucre à trois feuilles ne renferme qu’une fleur au lieu de trois ; ses étamines sont au nombre de cinq au lieu de huit ; et Cavanilles 11e fait point mention , dans son genre,, d’un disque hypogyne et staminifère observé dans l’autre; il décrit et figure le péris- perme central et l’embryon qui le recouvre. On placera encore ici avec doute YAxia de Loureiro , dont la description , consignée dans sa Flore de la Cochin- chine p. 44 ? est trop incomplète pour que son affinité puisse être déterminée avec certitude. L’insertion des éta- mines et la structure de la graine ne sont point indiquées , et l’on peut rapporter ce genre aux Dipsacées et à la Valé- riane, comme aux Nyctaginées 5 cependant l’indication de son port et l’inégalité de ses feuilles opposées font présumer qu’elle a plus d’affinité avec le Boerhaavia ? et conséquem- ment avec les Nycîaginées. Un dernier genre paroîtroit avoir quelque liaison avec cette famille : c’est l’ Opercularici de Gærtner , décrit et figuré dans son premier volume, p. 3, t. 2 4? dans lequel on retrouve un calice ou invoiucre commun , renfermant , dans trois à six fossettes, autant de fleurs munies chacune d’un seul périantlie , que Gærtner nomme corolle , d’un ovaire qu’en- toure un corps glanduleux, auquel sont insérées quatre éta- mines, et qui devient une graine recouverte de ce corps, cachée dans sa fossette propre et dans le calice commun , devenu ainsi une espèce de capsule à trois ou six loges mo- nospermes. Ces divers caractères , sur-tout ceux tirés de l’insertion des étamines et de l’existence du corps glanduleux, rapprocheroient F Opercularia des Nyctaginées ^ si un autre caractère très-frappant ne l’en éloignoit. Gærtner lui attribue un embryon droit central cylindrique , entouré d’un périsperme charnu , c’est-à-dire une organisation de graine qui appar- tient plutôt à la famille des Rubiacées. Nous devons donc suspendre une détermination jusqu’à ce que ce genre ait été de nouveau observé dans toutes ses parties ; ou , si nous le rappelons ici à la suite des Nyctaginées , c’est en faisant con- naître nos doutes, et en invitant les botanistes observateurs à les lever. Cette famille , ainsi augmentée , peut être divisée en deux sections , dont la première renfermera les plantes herbacées , 2 y £ ANNALES DU MUSEUM et la seconde les plantes ligneuses, en observant néanmoins que le Boerhaavia , placé à la fin de la première , a quelques espèces un peu ligneuses qui établissent la transition de l’une à l’autre. Chacune contient cinq genres , que nous présen- terons ici dans l’ordre qui nous paroît le plus convenable, en ne rappelant que ceux de leurs caractères qui les distinguent plus particulièrement. \ Première section. "Plantes herbacées , dont les feuilles sont opposées et plus ou moins inégales . Nyctago. Involucre inonophylle , en cloche évasée , à cinq lobes aigus, uniflore, persistant. Calice en entonnoir, à tube au moins quatre fois plus long que l’involucre, à limbe évasé, marqué de cinq angles ou cinq dents. Cinq étamines. Graine recou- verte par la base épaissie et coriace du calice , dont la partie supérieure tombe. Fleurs en bouquets terminaux. Qxybaphus. Involucre du Nyctago , uniflore , persistant. Calice en entonnoir, très-court, débordant à peine l’involucre, divisé par le haut en cinq lobes. Trois étamines, rarement quatre. Graine comme dans le Nyctago . Fleurs terminales et axillaires, en bouquejs. Allionia. Involucre composé de trois feuilles, renfermant trois fleurs. Calice petit , en entonnoir , à limbe inégal , divisé du côté extérieur en quatre lobes. Quatre étamines. Graine recouverte par la base du calice, dont la partie supé- rieure tombe. Fleurs portées sur des pédoncules solitaires et axillaires. Abronta. Involucre composé de cinq ou six petites feuilles en forme d’écailles, renfermant douze à quinze fleurs. Calice tubulé , beaucoup plus long que l’invo- lucre , divisé par le haut en cinq lobes échancrés en cœur. Cinq étamines. Semence recouverte par la base du calice , dont la partie supérieure tombe. Pédoncules solitaires, axillaires , terminés par un seul assemblage de fleurs. Boerhaavia. Involucre composé de quelques écailles très-petites qui accom- pagnent plusieurs fleurs , ou plus rarement une seule. Calice très-petit , oblong, divisé à son limbe en quelques lobes. Une ou deux étamines. Graine allongée, recouverte parla base anguleuse (et quelquefois hérissée sur les angles) du calice, d’ HISTOIRE NATURELLE. 2J 5 dont la partie supérieure tombe. Fleurs portées sur des pédoncules solitaires, axil- laires et ramifiés , dont chaque division , garnie à sa base d’une écaille , est terminée par une ou plusieurs fleurs. SECONDE SECTION. Plantes ligneuses. Feuilles opposées ou alternes. Pisonia. Involucre composé de quelques écailles très-petites qui accompagnent une ou plusieurs fleurs. Calice petit, en entonnoir, a limbe entier ou divisé en cinq lobes. Six étamines , ou quelquefois sept à huit, débordant le calice. Graine allongée , recouverte par la base anguleuse du calice , dont la partie supérieure tombe. La partie qui subsiste devient coriace, et est ordinairement hérissée sur ses angles de poils ou filets glanduleux. Tiges garnies dans quelques espèces d’épines axillaires. Rameaux opposés ou alternes , ainsi que les feuilles. Pédon- cules axillaires , ramifiés en panicules ou corymbes , dont chaque division , garnie à sa base d’une écaille caduque, est terminée par une ou plusieurs fleurs. Axia. Involucre à trois feuilles inégales et caduques , uniflore. Calice petit , en cloche, découpé par le haut en dix lobes. Trois étamines. Graine recouverte par la base du calice , sillonnée et velue. Tige rameuse , noueuse et rampante. Feuilles opposées, inégales. Fleurs en grappes terminales. Neaea. Involucre à deux ou trois feuilles petites, enferme d’écailles , uniflore. Calice tubulé , découpé en cinq dents. Huit étamines, dont quatre alternes plus longues. Graine ovoïde , recouverte parla base du calice, renflée et charnue, de la forme et delà grandeur d’une olive, couronnée par le limbe persistant. Arbris- seaux à feuilles vert.icillées ou opposées. Tricycla. Involucre à trois feuilles ovale-arrondies, uniflore. Calice plus court que l’involucre, tubulé, légèrement rétréci dans son milieu, divisé par le haut en cinq lobes crénelés. Cinq étamines. Graine recouverte par la base du calice, cou- ronnée par son limbe , et entourée de l’involucre desséché et persistant. Tige garnie d’épines alternes et axillaires , qui paroissent être l’origine de jeunes rameaux. Feuilles alternes , fasciculées. Fleurs solitaires , sortant du milieu des faisceaux de feuilles. Euginvillaea. Involucre à trois feuilles, semblable à celui du Tricycla , triflore. Calice plus court que l’involucre , légèrement rétréci dans son milieu , presque entier à son limbe. Huit étamines. Graine recouverte par la base du calice , et entourée par l’involucre persistant. Tige garnie d’épines axillaires. Feuilles alternes. Pédoncules axillaires, chargés de deux ou trois involucres. Telle est l’addition proposée dans la famille des Nyctagi" 2 J 6 ANNALES DU MUSEUM nées j toute composée de plantes originairement étrangères à l’Europe , et maintenant doublée par l’addition de cinq genres. Cette extension devient précieuse , parce qu’elle prouve que le caractère particulier , remarqué d’abord dans le Nyctago , n’est point une singularité ou une exception à la règle géné- rale, mais un mode d’organisation qui se reproduit dans plusieurs plantes connues ? et se montrera sûrement de nouveau dans celles que les voyages (1) ajouteront au domaine de la science. Parmi les genres de cette famille que l’on vient de passer en revue , il s’en est trouvé un ( Allionia ) qui avoit été rangé antérieurement dans celle des Dipsacées , et un autre (Axia) qui appartient peut-être à la même. Cette possibilité de trans- porter des plantes d’une famille à l’autre, semble indiquer une affinité dont on a déjà fait mention dans les observations imprimées à la suite de ces familles, et que Decandolle a développée de nouveau avec plus de détail dans un Mémoire lu à l’Institut national. Les caractères qui semblent rappro- cher ces deux ordres , sont la réunion de plusieurs fleurs dans lin invoîucre commun , la non-division des périanthes en plusieurs pièces , la persistance de la portion de ces pé- rianthes qui recouvre l’ovaire , l’unité de style , de stigmate et de graine , la conformité dans le port de quelques plantes. Mais leurs caractères différentiels sont plus forts : chaque fleur ^ dans les Nyctaginées, n’a qu’un calice ou périanthe (1) Au moment où ce Mémoire est mis à l’impression, nous trouvons dans des lierbiers du Brésil et du Pérou trois pAntes de cette famille, dont le caractère, simplement entrevu , annonce des différences suffisantes pour former des genres nouveaux. d’ HISTOIRE NATURELLE. 277 propre ; elle a dans les Dipsacées deux calices et une corolle , indépendamment des paillettes ou écailles florales portées sur le disque commun. Les étamines , dans celles-ci , sont distinctes et attachées uniquement à la corolle ; dans celles-là , elles sont insérées sous l’ovaire , réunies par la base des fllets , et adhérentes au calice dans le point de son étranglement. Enfin l’embryon des Dipsacées est central, plane , à radicale droite supérieure , entouré d’une membrane légèrement charnue que l’on prendra difficilement pour un périspenne ; celui des Nyctaginées est roulé autour d’un périsperme de sub- stance grenue , placée au centre de la graine, sur lequel la radicule se replie de haut en bas. Quelques botanistes pourroient être tentés d’atténuer une de ces différences, en regardant comme corolle le calice coloré des Nyctaginées, et particulièrement celui du Nyctage, plus connu sous le nom de belle de nuit. Ils auroient pour eux l’autorité de Tournefort, de Linnæus et de leurs sectateurs , qui admet- toient cette corolle, en prenant l’involucre unifiore de ce genre pour un calice, dont il a en effet toute l’apparence. Mais, d’une part, on ne peut nommer corolle un périanthe qui subsiste pour former une capsule autour de la graine , comme cela arrive dans le Nyctage et dans toute la famille ; on ne peut encore , dans les genres analogues , donner au même organe des dénominations et des attributions différentes , et appeler corolle dans le Nyctage ce qui , dans le Boerhacivia , YAbi'oniaet le Bugmvillœa , est évidemment un calice. D’une autre part , si l’on reconnoît l’identité d’organisation entre les genres qui viennent d’être cités 5 si l’on admet un involucre à trois feuilles renfermant trois fleurs dans le Buginvillœa , un involucre à plusieurs feuilles renfermant un plus grand 46 3, 278 ÀNIALES DU MUSÉUM nombre de fleurs dans le Boerhaavia et V Abronia $ si l’on est forcé d’avouer que le périanthe extérieur du Nyctage , appelé calice par beaucoup de botanistes , diffère de l’involucre de Y Ahr onia , seulement parce qu’il est uniflore et monophylle, remplissant d’ailleurs les mêmes fonctions, la conséquence naturelle de cette analogie reconnue sera d’admettre dans le Nyctage un involucre monopîiylle renfermant une seule fleur apétale , munie d’un calice dont la partie supérieure tombe et dont la base subsiste autour de la graine. Après avoir ainsi fixé invariablement la nature et la déno- mination des organes qui accompagnent la fleur des Nyctagi- nées, 011 sera encore plus autorisé à insister sur les différences qui existent entre cette famille et celle des Dipsacées, pourvue d’une corolle ; 011 sera moins tenté de les rapprocher dans une même série 5 011 répugnera moins à laisser l’une parmi les plantes à fleurs monopétales , épigynes', et l’autre dans la classe des fleurs apétales, à étamines hypogynes , ou insérées sous le pistil. En même temps on reconnoitra que cette in- sertion et l’absence de la corolle sont presque les seuls carac- tères qui établissent un rapport entre les Nyctaginées et les autres familles de la même classe, qui sont les Amarantacées, les Plantaginées et les Plumbaginées. Ces trois dernières ont, à la vérité , un périsperme qui est également central dans les Amarantacées ; mais sa substance est farineuse, et non grenue; il est seulement entouré et non recouvert par l’embryon , dont la forme est cylindrique , et la situation circulaire. Dans les Plumbaginées et les Plantaginées, ce périsperme de substance charnue entoure l’embryon , toujours droit , aplati et large dans les premières, cylindrique dans les dernières. De toutes ces observations , il résulte que jusqu’à présent ï>’ HISTOIRE NATURELLE. 279 les Nyctaginées, dont l’organisation est très-particulière, n’ont pas, avec d’autres familles connues une affinité tellement déterminée , qu’elles ne puissent s’en éloigner et occuper une autre place dans la série générale des végétaux. Le natura- liste occupé de la recherche des rapports botaniques , en tirera de plus une autre conséquence. Les obstacles qu’il rencontre ici pour la détermination précise de ces rapports , confirmeront ses idées sur l’existence de nouveaux ordres dont aucune espèce ne seroit parvenue à sa connoissance. Si la nature, qui établit entre tous les êtres organisés des affi- nités graduées , a placé dans des régions lointaines une famille de plantes si différente de toutes celles qui couvrent notre sol , elle doit également recéler dans les mêmes lieux d’autres familles voisines de celle-ci, et propres à former le point d’union entre cet ordre isolé et la série nombreuse des plantés européennes. 46 * ' "1 A S K A L E S DU MUSEUM 280 OBSRVATIONS Sur un genre de serpent qui n’a pas encore été décrit . ê par LACÉPÈDE. I j inné avoit cru pouvoir inscrire clans six genres tous les serpens connus de son temps. Il avoit donné à ces fa- milles les noms de couleuvre , de boa , de crotale , ééanguis , a* amphishène et de cécilie . Il avoit compris dans le premier genre les serpens qui ont une rangée de grandes lames écailleuses au-dessous du corps , et deux rangées de petites lames au-dessous de la queue ; dans le second , ceux de ces reptiles qui présentent un rang de grandes lames au-clessous de la queue, aussi bien qu’au-dessous du corps j dans le troi- sième , ceux dont la queue est terminée par de grandes écailles d’une forme particulière^ qui rend ces pièces suscep- tibles de s’emboîter les unes dans les autres j dans le qua- trième , les serpens dont le dessous du corps et le dessous de la queue offrent de petites écailles conformées et dispo- sées comme celles du dos ; dans le cinquième , ceux dont le corps et la queue sont renfermés dans une suite d’an- neaux écailleux 5 et enfin dans le sixième , les serpens qui , •revêtus d’une peau visqueuse , montrent ? sur chacun de leurs cotés , une série de plis membraneux. /v. y. de/ m P ?ee recouverts de petites écailles , prolongés horizon- talement , et placés à V extrémité de la mâchoire supérieure ; les lames du des- sous du corps relevées par deux arêtes longitudinales , / 7” •>; ’ " V d’histoire 1ÏATUE.ELIE. 2 8 5 DESCRIPTION D $u N e nouvelle espèce de Pic trouvée à Porto-Rico. PAR F. M. DAUDIN. citoyen Maugé , attaché au Muséum d’histoire naturelle en qualité d’aide-naturaliste , et qui voyage maintenant dans l’Inde sur le vaisseau le Géographe^ commandé par le capi- taine Baudin , a déjà enrichi le Muséum d’une quantité considérable d’animaux qu’il a recueillis, il y a environ quatre ans, dans les îles Porto-Rico , Saint-Thomas et la Trinité. Sa collection d’oiseaux montoit à près de sept cents indi- vidus , dont plusieurs n'avoient pas encore été décrits par les naturalistes. Je m’empressai alors de mettre par écrit tous les renseignemens qu’il put me donner sur les habitudes propres à chacun de ces oiseaux , et j’obtins de lui un certain nombre de notes qui seront insérées dans mon ouvrage sur les oiseaux. Ses travaux doivent nous offrir une preuve de sa sagacité et de son zèle. C’est à lui qu’on doit la découverte du pic dont je joins ici la description. Le pic de Porto-Rico a la taille du merle commun. Il se distingue très-facilement des autres espèces déjà connues , par les couleurs dont son plumage est orné. Il a le dessus de la tête et du cou , ainsi que les plumes 47 2» 2 8 6 ÀS1TA1 E S DU MUSÉUM dorsales , d’un noir foncé ,'à reflets légèrement verdâtres ; les pennes alaires et caudales sont au contraire d’un noir mat. Le gosier , le devant du cou , le milieu de la poitrine et du ventre, jusqu’à l’anus , ont une couleur d’un rouge sanguin un peu foncé : les côtés de la poitrine et du ventre sont d’une couleur brune qui est plus pâle sous les ailes j le front , le devant des yeux, le bord des paupières, et les couvertures du dessus de la queue ou les plumes uropygiales, sont blancs $ la couleur du bec et des pieds est noire ; les doigts extérieurs sont plus longs que les intérieurs , et les ongles ont une forme légèrement aplatie. La femelle est un peu plus petite que le mâle , et elle a les pennes secondaires des ailes bordées de blanc en dehors j la couleur noire de son plumage est aussi un peu moins foncée. Le citoyen Maugé n’a trouvé que cette seule espèce de pic dans l’île de Porto-Rico , où elle est commune. Son cri est moins aigre et moins sonore que celui du pic-vert d’Eu- rope j on ne l’entend guère que dans la saison des pluies , et jamais pendant les grandes chaleurs. Cet oiseau est vif dans ses mouvemens et très-alerte lorsqu’il grimpe j il se nourrit de larves et d’insectes. Il est assez voisin, par la disposition de ses couleurs , du pic à poitrine rouge de Cayenne ( picus ruber ), décrit d’abord par Latham , et de l’épeiche du Mexique ( picus tricolor') ; mais il ne doit pas être confondu avec eux. Picus portoricensis. P. Supj'à niger , subtus scinguineus ; fronte , superciliis , uropygioque albis. • M . Ctoiftæt Ji-ii//'- L;u>]\ l'asciata , ('crm' et Brauelnes J; Laplysia pi Fl. 64- ITI . Pa ( uvte/' JJe/. aplysia P a sciai a . S y sterne nerveux: . Organes delà génération Ark'ios. 7tlfg. -I. Fusus ( abbreviatus ), ovato- conicus ; basi abbreviatus ; cingulis transversis) rugosis , costato-nodulosis j columellâ obsolète unibilicatâ. n. L. n. Grignon. Ce fuseau est petit, et n’a que 12 a 1 3 millimètres de longueur. Il est ovale-conique, raccourci à sa base , et présente sur chaque tour de spire une bande transverse , ridée ou sillonnée et noduleuse. Sa coîumelle est obscurément ombiliquée, Cabinet de M. Defrance, 11. Fuseau coupé. Vélin , n® 2. Fusus ( excisas ) , ovato-oblongus , transversè rugosus ; costis longitudiualibus , obsoletis ; columellâ obliqué excisa, n, fi. Idem ? columellâ subplicatâ. L. n. Grignon. Il n’est pas beaucoup plus grand que celui qui précède , et pré- sente un fuseau court, à spire conique. Sa surface est garnie de rides trans- verses, inégales,, et de' côtes longitudinales, obtuses, peu élevées, et assez nombreuses, La coîumelle forme un angle dans sa partie moyenne, et semble coupée obliquement. Dans les individus adultes, le bord .droit de l’ouverture est denté intérieurement, Cabinet de M. Defrance. J’en possède une variété, dont la coîumelle offre un ou deux plis peu saillans; la coquille a 2 centimètres de longueur. .12. Fuseau nain. Vélin , n° 6 , j%. 4* Fusus ( minutas ) , ovatus ; costulis crebris nodulosus ; striis transversis , cingu - latim coalitis. n. L. n. Grignon. Espèce fort petite , dont la coquille n’a que 5 ou 6 millimètres de longueur. Elle est ovale , à spire conique , et offre sur chaque toit de spire de petites côtes nombreuses , et une bande formée de quatre ou cinq stries transverses, rapprochées et égales. La columelle est un peu coupée obli- quement , comme dans l’espèce ci-dessus. Cabinet de M. Defrance. 13. Fuseau à stries rudes. Vélin , n° 6 , f. 5. Fusus ( asperulus ) , ovato-turritus , costulatus ; striis transversis , asperiusculis $ aperturâ striata, n. L. n. Grignon. C’est encore une espèce fort petite , sa grandeur n’excédant pas 7 ou 8 millimètres. La coquille est ovale-turriculée , à canal raccourci , et n’offre que cinq à sept tours de spire. Toute sa superficie présente de petites côtes nombreuses , et des stries transverses qui la rendent rude au toucher. Le bord droit de son ouverture est strié intérieurement , excepté dans les jeunes individus. Cabinet de M. Defrance. 14. Fuseau plissé» Fusus ( plicatus ), ovato-turritus ; costulis longitudinalibus , laevissimis , plicatus ; caudâ brevi. n. L. n. Grignon. Autre espèce encore fort petite , s’approchant de la précédente par sa forme , mais n’ayant point de stries transverses apparentes. Les plus grands individus n’ont que io millimètres de longueur. Cabinet de M. Defrance. 15. Fuseau scaîaroïde. Vélin , n° 6 , Jig. 6. Fusus ( scalaroïdes ) , turritus ,• costulis longitudinalibus , angustis , distinctis ; striis transversis , obsoletis ; caudâ brevi. n. /3. Idem, striis transversis , exquisitis et asperulis. Vélin , n° 6 , Jîg. 7. L. n. Grignon. Ce fuseau est turriculé , et a jusqu’à 16 ou 17 millimètres de longueur. Ses tours de spire sont garnis d’une multitude de petites côtes longitudinales, étroites, séparées, et assez semblables à celles de la scalaire, appelée faux scalata. Ces côtes ne sont pas toutes égales entre elles ; car quelques-unes , plus grosses que les autres , pourroient être considérées comme des bourrelets persistans , si l’on pouvoit distinguer la fissure qui unit leur bord d’histoire naturelle. »> 0 2 1 droit à la coquille. Ses stries transverses sont fines, égales, nombreuses, peu apparentes; mais dans la variété /3 elles sont beaucoup plus éminentes. Le cabinet de M. Defrance et le mien. 16. Fuseau couronné. Vélin, n° 1 1 , fs- »• Fusus ( coron atus ) , o valu s , utrinque conicus , infernè transversim s tria tu s spirâ nodutis minimis et creberrimis coranatâ. L. n. Grignon. Ce petit fuseau n’a que 12 millimètres de longueur. Il est court, ovale, et ressemble à un barillet conique aux deux bouts. La moitié inférieure de cette coquille n’offre que des stries fines et transverses , et l’autre moitié présente une spire conique , dont les tours sont chargés d’une multitude de très-petits noeuds ou côtes en tubercules , qui la font paroître couronnée à chaque étage. Le cabinet de M. Defrance. _ * jy. Fuseau cerclé. Vélin, n° 7, fig. 6. Fusus (alligatus) ovalo-turritus , subdecussatus ; rugis transvcrsis , prominulis ; caudâ breviusculâ. n. L. n. Grignon. II est rare , et à peu près de la grandeur du précédent , c’est-à- dire qu’il a environ 12 millimètres de longueur. Sa forme est ovale-turriculée , à spire conique, plus longue que l’ouverture, en y comprenant le canal de sa base. Des stries longitudinales très-fines se croisent avec ses rides trans- verses ; mais ces rides , plus grosses et plus éminentes , font paroitre la coquille comme cerclée transversalement dans toute sa longueur. Le cabinet de M. Defrance. 18. Fuseau marginé. Fusus ( marginatus ), fusiformi-turritus ; spirâ costulis numerosis nodulosâ ; an - fractuum margine superiore , prominulo , tumidiusculo. n. /S. Idem, abbreviatus , et spirae nodulis turgidioribus. L. n. Grignon. Il n’a que 10 ou 11 millimètres de longueur. Toute sa superficie est finement striée en travers , et sa spire est ornée d’une multitude de petites côtes qui la rendent également noduleuse. Le bord supérieur de chaque tour de spire est élevé, serré , et un peu renflé. Le cabinet de M. Defrance. La variété /3 est plus raccourcie, et a les noeuds - ou les petites côtes de la spire un peu plus renflés. Le même cabinet. ANNALES DU MUSEUM 3 2 2 CORRESPONDANCE. .Extrait de plusieurs lettres de M. A. de Humboldt. Il y avoit quelque temps qu’cn n’avoiî point eu de nouvelles du voyage de M. Alexandre de Humboldt dans l’Amérique méridionale. Son frère, qui se trouve présentement à Rome, vient de recevoir trois lettres à la fois de lui : du 3 juin 1802, de Quito ; du i3 juillet 1802, de Cuença ; et du 2 S no- vembre 1802, de 'Lima , capitale du Pérou. Elles annoncent que M. de Humboldt reviendra sous peu , et qu’il compte débarquer, au mois d’août 011 de septembre de cette année, à Cadix ou à la Corogne j mais c’est la dernière de ces lettres, sur-tout, qui contient des détails intéressans, En en donnant l’extrait suiyant , on a eu soin d’y insérer en même temps ce qui , dans les deux premières , pouvoit mériter l’attention du public. A Litna , ce 2 5 novembre 1802. Vous devez savoir mon arrivée à Quito par mes lettres précédentes, mon cher frère. Nous y arrivâmes, en traver- sant les neiges de Quiridin et de Tolima : car, comme la cor- dillère des Andes forme trois branches séparées , et que nous nous trouvions à Santa Fé de Bogota sur celle qui est la plus orientale, il nous fallut passer la plus élevée pour d’ histoire naturelle. 3 2 a nous approcher des côtes de la mer du Sud. Il n’y a que les bœufs dont on puisse se servir à ce passage pour faire porter son bagage. Les voyageurs se font porter ordinaire- ment par des hommes que l’on nomme largcros. Ils ont une chaise liée sur le dos , sur laquelle le voyageur est assis 5 ils font trois à quatre heures de chemin par jour, et ne gagnent que quatorze piastres en cinq à six semaines. Nous préférâmes d’aller à pied ; et , le temps étant très-beau , nous ne passâmes que dix-sept jours dans ces solitudes , où l’on ne trouve aucune trace qu’elles aient jamais été habi- tées : on y dort dans des cabanes formées de feuilles d’héliconia que l’on porte tout exprès avec soi. A la descente occidentale des Andes, il y a des marais dans lesquels on enfonce jusqu’aux genoux. Le temps avoit changé ; il pleu- voit à verse les derniers jours 5 nos bottes nous pourrirent aux jambes , et nous arrivâmes les pieds nus et couverts de meurtrissures à Carthago , mais enrichis d’une belle collec- tion de nouvelles plantes , dont je rapporte un grand nombre de dessins. De Carthago , nous allâmes à Popayan par Buga , en traversant la belle vallée de la rivière Cauca, et ayant tou- jours à nos côtés la montagne du Choca et les mines de platine qui s’y trouvent. Nous restâmes le mois de novembre de l’année 1801 à Popayan , et nous y allâmes visiter les montagnes basaltiques de Julusuito, les bouches du volcan de Puracé, qui, avec un bruit effrayant, dégagent des vapeurs d’eau hydro-sulfu- reuse , et les granités porphyritiques de Pisché , qui for- ment des colonnes de cinq à sept pans , semblables à celles 3 2 4 ANNALES DU MUSEUM que je me souviens d’avoir vues dans les monts Euganéens de l’Italie , et qui sont décrites par Strange. La plus grande difficulté nous resta à vaincre pour venir de Popayan à Quito. Il fallut passer les Paramos de Pasto , et cela dans la saison des pluies , qui avoit commencé en attendant. On nomme Paramo dans les Andes tout endroit où, à la hauteur de dix-sept cents à deux mille toises, la végétation cesse , et où l’on sent un froid qui pénètre les os. Pour éviter fes chaleurs de la vallée de Patia , où l’on prend dans une seule nuit des lièvres qui durent trois ou quatre mois, et qui sont connues sous le nom de calcuturas ( Jièvres ) de Patia , nous passâmes au sommet de la Cordillère, par des précipices affreux , pour aller de Popayan à Almager, et de là à Pasto , situé au pied d’un volcan terrible. L’entrée et la sortie de cette petite ville, où nous passâmes les fêtes de Noël, et où les habitans nous reçurent avec l'hospitalité la plus touchante, est tout ce qu’il y a de plus affreux au monde. Ce sont des forêts épaisses, situées entre des marais ; les mules y enfoncent à mi-corps ; et l’on passe par des ravins si profonds et si étroits, que l’on croit entrer dans les galeries d’une mine. Aussi les chemins sont-ils pavés des ossemens des mules qui y ont péri de froid et de fatigue. Toute la province de Pasto , y compris les environs de Gua- chucal et de Tuquères, est un plateau gelé, presque au-dessus du point où la végétation peut durer, et entouré de volcans et de soufrières qui dégagent continuellement des tourbillons de fumée. Les malheureux habitans de ces déserts n’ont d’autres alimens que les patatas ; et si elles leur manquent, comme l’année derrière , ils vont dans les montacnes mander le tronc * t)’ HISTOIRE NATURELLE. 3 2 5 d’un petit arbre nommé achupalla ( Pourretia pitcciniici ) : mais ce même arbre étant l’aliment des ours des Andes , ceux-ci leur disputent souvent la seule nourriture que leur présentent ces régions élevées. Au nord du volcan de Pasto , j’ai découvert dans le petit village indien de Voisaco , à treize cent soixante-dix toises au-dessus de la mer, un porphyre rouge , à base argileuse , enchâssant du feldspath vitreux , et de la cornéenne qui a toutes les propriétés de la serpen- tine du Jlchtel-gebirge . Ce porphyre a des pôles très-marqués, et ne montre aucune force attractive. Après avoir été mouillés jour et nuit pendant deux mois , et après avoir manqué de nous noyer près de la ville d’Ibarra par une crue d’eau très- subite , accompagnée de tremblemens de terre , nous arrivâmes le 6 janvier 1802 à Quito, où le marquis de Selvaalègre avoit eu la bonté de nous préparer une belle maison , qui , après tant de fatigues, nous offroit toutes les commodités que l’on pourroit desirer à Paris ou à Londres. La ville de Quito est belle, mais le ciel y est triste et nébuleux j les montagnes voisines offrent peu de verdure et le froid y est très-considérable. Le grand tremblement de terre du 4 février 1 797, qui bouleversa toute la province et tua dans un seul instant trente -cinq à quarante mille hommes, a aussi été funeste à cet égard aux habitans. Il a tellement changé la température de l’air, que le thermomètre y est ordinairement à 4 — 1 °° de Réaumur, et que rare- ment il monte à 16 ou 170, tandis que Bouguer le voyoit constamment à 1 5 ou 1 6°. Depuis cette catastrophe il y a des tremblemens de terre continuels 5 et quelles secousses! Il est probable que toute la partie haute de la province n’est qu’un seul volcan. Ce qu’on nomme les 52 2. 3 2 6 ANNALES DU MUSEUM montagnes de Cotopoxi et de P ichincha ne sont que de petites cimes, dont les cratères forment des tuyaux différens tous aboutissant au même creux. Le tremblement de terre de 1797 n’a malheureusement que trop prouvé cette hypo- thèse j car la terre s’est ouverte par-tout alors , et a vomi du soufre 5 de l’eau, etc. Malgré ces horreurs et ces dangers dont la nature les a environnés , les habitans de Quito sont gais, vifs et aimables. Leur ville ne respire que la volupté et le luxe, et nulle part peut-être il ne règne un goût plus décidé et plus général de se divertir. C’est ainsi que l’homme s’accoutume à s’endormir paisiblement sur le bord d’un précipice. Nous avons fait un séjour de près de huit mois dans la province de Quito , depuis le commencement de janvier jusqu’au mois d’août. Nous avons employé ce temps à visiter chacun des volcans qui s’y trouvent ; nous avons examiné , l’une après l’autre, les cimes du Pichinchâ, Cotopoxi, Antisana ' et Iliniça, en passant quinze jours à trois semaines auprès de chacune d’elles , et en revenant dans les intervalles tou- jours à la ville de Quito , dont nous sommes partis , le 9 juin 1802, pour nous rendre aux environs du Chimboraço qui est situé dans la partie méridionale de la province. Je suis parvenu deux fois , le 2 6 et le 2 8 de mai 1802, au bord du cratère du Pichinchâ , montagne qui domine la ville de Quito. Jusqu’ici personne, que l’on sache, si ce n’est la Condamine, ne l’avoit jamais vu, et la Condamine lui- même n’y étoit arrivé qu’après cinq ou six jours de recherches inutiles et sans instrumens , et n’y avoit pu rester que douze à quinze minutes à cause du froid excessif qu’il y faisoit. J’ai réussi à y porter mes instrumens j j’ai pris les mesures d’histoire naturelle. 3 27 qu’il étoit intéressant de connoître , et j’ai recueilli de l’air pour en faire l’analyse. Je fis mon premier voyage seul avec un Indien. Comme la Condamine s’étoit approché du cratère par la partie basse de son bord , couverte de neige , c’est là qu’en suivant ses traces , je fis ma première tentative. Mais nous manquâmes périr. L’Indien tomba jusqu’à la poi- trine dans une crevasse , et nous vîmes avec horreur que nous avions marché sur un pont de neige glacée ; car à quelques pas de nous il y avoit des trous par lesquels le jour donnoit. Nous nous trouvions donc , sans le savoir , sur des voûtes qui tiennent au cratère même. Effrayé, mais non pas découragé , je changeai de projet. De l’enceinte du cratère sortent, en s’élançant pour ainsi dire sur l’abîme , trois pics, trois rochers qui ne sont pas couverts de neiges , parce que les vapeurs qu’exhale la bouche du volcan les y fondent sans cesse. Je montai sur un de ces rochers, et je trouvai à son sommet une pierre qui étant soutenue par un coté seulement et minée par dessous s’avançoit en forme de balcon sur le pré- cipice. C’est là que je m'établis pour faire mes expériences. Mais cette pierre n’a qu’environ douze pieds de longueur, sur six de largeur, et est fortement agitée par des secousses fréquentes de tremblemens de terre, dont nous comptâmes dix-huit en moins de trente minutes. Pour mieux examiner le fond du cratère, nous nous couchâmes sur le ventre, et je ne crois pas que l’imagination puisse se figurer quelque chose de plus triste , de plus lugubre , et de plus effrayant que ce que nous vîmes alors. La bouche du volcan forme un trou circulaire de près d’une lieue de circonférence , dont les bords , taillés à pic, sont couverts de neige par en haut 5 l’intérieur est d’un noir foncé : mais le gouffre est si immense , que l’on 52 * 328 ANNALES DU MUSEUM distingue la cime de plusieurs montagnes qui y sont placées. Leur sommet sembloit être à trois cents toises au-dessous de nous j jugez donc où doit se trouver leur base. Je ne doute point que le fond du cratère ne soit de niveau avec la ville de Quito. LaCondamine avoit trouvé cp cratère éteint et couvert même de neige 5 mais c’est une triste nouvelle que nous avons dû porter /aux habitans de Quito , que le volcan qui leur est voisin j est embrasé actuellement. Des signes évidens nous en convainquirent cependant à n’en pouvoir pas douter. Les vapeurs de soufre nous suffoquoient presque lorsque nous nous approchions de la bouche ; nous voyions même se prome- ner çà et là des flammes bleuâtres j et de deux à trois minutes nous sentions de fortes secousses de tremblemens de terre dont les bords du cratère sont agités,, et dont on ne s’a- perçoit plus à cent toises de là. Je suppose que la grande catastrophe du 7 février 1797 a aussi rallumé les feux du Pichincha. Après avoir visité cette montagne seul, j’y re- tournai deux jours après, accompagné de mon ami Bonpland et de Charles de Montufar , fils du marquis de Selvaalegre. Nous étions munis de plus d’instrumens encore que la première fois , et nous mesurâmes le diamètre du cratère et la hauteur de la montagne. Nous trouvâmes à l’un 7^4 toises (i),et à l’autre 2477* Dans l’intervalle de deux jours qu’il y eut entre nos deux courses au Pichincha , nous eûmes un tremblement de terre très-fort à Quito. Les Indiens l’at- tribuèrent à des poudres que je devois avoir jetées dans le volcan. (1) Le cratère du Vésuve n’a que 3 12 toises de diamètre. I)’ HISTOIRE NATURELLE. O29 A notre voyage au volcan d’Antisana , le temps ■ nous favorisa si bien, que nous montâmes jusqu’à la hauteur de 2773 toises. Le baromètre baissa, dans cette région élevée, jusqu’à 14 pouces J lignes et le peu de densité de l’air nous lit jeter le sang par les lèvres, les gencives et les yeux même ; nous sentions une foiblesse extrême , et un de ceux qui nous accompagnoient dans cette course, s’évanouit. Aussi avoit-on cru impossible jusqu’ici de s’élever plus haut que jusqu’à la cime nommée le Corazon , à laquelle la Con- damine étoit parvenu, et qui est de 2470 toises. L’analyse de l’air rapporté du point le plus élevé de notre course nous donna 0,008 d’acide carbonique sur 0,2 18 de gaz oxigène. Nous visitâmes également le volcan de Cotopoxi , mais il nous fut impossible de parvenir à la bouche du cratère. 31 est faux que cette montagne ait baissé à l’époque du trem- blement de terre de 1797. Le 9 juin 1802, nous partîmes de Quito pour nous rendre dans la partie méridionale de la province , où nous voulions examiner et mesurer le Chimboraco et le Tunçuragua et lever ■s OO le plan de tous les pays bouleversés par la grande catastrophe de 1 797. Nous avons réussi à nous approcher jusqu’à en- viron 2 5 o toises près de la cime de l’immense colosse du Chimboraco. Une traînée de roches volcaniques , dépourvue de neiges, nous facilita la montée 5 nous montâmes jusqu’à la hauteur de 3o3i toises, et nous nous sentions incom- modés de la même manière que sur le sommet de l’Antisana. 11 nous restoit même encore deux ou trois jours après notre retour dans la plaine un malaise que nous ne pouvions at- tribuer qu’à l’effet de l’air dans ces régions élevées , dont 1 3 3o A II A L E S DU MUSÉUM l’analyse nous donna 2 o centièmes d’oxigène. Les Indiens qui nous accompagnoient nous avoient déjà quittés ayant d’arriver à cette liauteur , disant que nous avions in- tention de les tuer. Nous restâmes donc seuls, Bonpland, Charles Moniufar, moi, et un de mes domestiques qui portoit une partie de mes instrumensj nous aurions poursuivi malgré cela notre chemin jusqu’à la cime, si une crevasse trop pro- fonde pour la franchir ne nous en eût empêchés : aussi fîmes- nous bien de descendre. Il tomba tant de neige à notre retour, que nous eûmes de la peine à nous reconnoître. Peu ga- rantis contre le froid perçant de ces régions élevées , nous souffrions horriblement , et moi , en mon particulier , j’eus le désagrément d’avoir un pied ulcéré d’une chute que j’avois faite peu de jours auparavant j ce qui m’incommoda horri- blement dans un chemin où à chaque instant on heurtoit contre une pierre aiguë , et où il faîloit calculer chaque pas. La Condamine a trouvé la hauteur du Chimboraço de près de 32 1 7 toises. La mesure trigonométrique que j’en ai faite, à deux différentes reprises, m’a donné 0267, et j’ai lieu de mettre quelque confiance dans mes opérations. Tout cet énorme colosse (ainsi que toutes les hautes montagnes des Andes) n’est pas de granit, mais de porphyre, depuis le pied jusqu’à la cime, et le porphyre y a 1900 toises d’épaisseur. Le peu de séjour que nous fîmes à l’énorme hauteur à la- quelle nous nous étions élevés , fut des plus tristes et des plus lugubres; nous étions enveloppés d’une brume qui ne nous îaissoit entrevoir de temps en temps que les abîmes affreux qui nous entouroient. Aucun être animé, pas même le condor, qui sur PAntisana planoit continuellement sur nos têtes, ne vivh d’histoire NATURELLE. 3 3 1 lioit les airs. De petites mousses étoicnt les seuls êtres orga- nisés qui nous rappeloient que nous tenions encore à la terre habitée. Il est presque vraisemblable que le Cliimboraço est comme le Pichinclia et l’Antisana , de nature volca- nique. La traînée sur laquelle nous y montâmes , est com- posée d’une roche brûlée et scoriliée , mêlée de pierre ponce $ elle ressemble à tous les courans de laves de ce pays-ci ? et continue au-delà du point où il fallut mettre un terme à mes recherches , vers la cime de la montagne. Il est possible que cette cime soit le cratère d’un volcan éteint , et cela est même probable 5 cependant l’idée de cette seule possibilité fait frémir avec raison : car, si ce volcan se rallumoit , ce colosse détruiroit toute la province. La montagne de Tunguragua a baissé à l’époque du tremblement de terre de 1 797. Bouguer lui donne 2620 toises ‘y je ne lui en ai trouvé que 2 53 1 : elle a donc perdu près de 100 toises de sa hauteur. Aussi les habitans des contrées voisines assurent-ils avoir vu s’écrouler son sommet devant leurs yeux. Pendant notre séjour à Riobamba, où nous passâmes quel- ques semaines chez le frère de Charles Montufar, qui y est cor- régidor, le hasard nous fit faire une découverte très-curieuse. On ignore absolument l’état de la province de Quito avant la conquête de l’Inca Tupayupangi (1). Mais le roi des Indiens , Léandro Zapla , qui vit à Lican , et qui , pour un Indien , a l’esprit singulièrement cultivé , conserve des (a) La conquête du Quito par les Péruviens se fit en 1470. "X 33 2 ANNALES DU MUSEUM manuscrits, rédigés par un de ses ancêtres au seizième siècle j qui contiennent l’histoire de cette époque. Ces manuscrits sont écrits en langue Puruguay. Cette langue étoit autrefois la langue générale du Quito ; mais dans la suite des temps elle a cédé à la langue de l’Inca ou Anichna , et elle est perdue maintenant. Heureusement qu’un autre des aïeuls de Zapla s’est amusé à traduire ces mémoires en espagnol. Nous y avons puisé de précieux renseignemens , sur-tout sur la mémorable époque de l’éruption de la montagne nommée Nevado del Attcis , qui doit avoir été la plus haute mon- tagne de l’univers 3 plus élevée que le Chimboraço, et que les Indiens nommoient Capa-urcu , chef des montagnes. Ouainia Âbomatha , le dernier cochocando (roi), indé- pendant du pays, régnoit alors à Lican. Les prêtres l’aver- tirent que cette catastrophe étoit le présage sinistre de sa perte. « La face de l’univers , lui dirent -ils , se change : d’autres dieux chasseront les nôtres. Ne résistons pas à ce que le destin ordonne ». En effet, les Péruviens introdui- sirent le culte du Soleil dans le pays. L’éruption du volcan dura sept ans, et le manuscrit de Zapla prétend que la pluie de cendres à Lican étoit si abondante , que pendant sept ans il y fit une nuit perpétuelle. Quand on envisage la quantité de matières volcaniques qui se trouvent dans la plaine de Tapia , autour de l’énorme montagne écroulée alors , et que l’on pense que le Cotopoxi a souvent enveloppé Quito dans des ténèbres de quinze à dix- huit heures , on peut croire au moins que l’exagération n’est pas de beaucoup trop forte. Ce manuscrit, les traditions que j’ai recueillies à la Parime, et les hiéroglyphes que j’ai vus dans le désert du Casiquiare, ou aujourd’hui il ne reste guère de vestiges d’hommes $ d’ HISTOIRE NATURELLE. 333 tout cela joint aux notions données par Clavijero sur l’é- migration des Mexicains vers le midi de l’Amérique , m’a fait naître des idées sur l’origine de ces peuples , que je me propose de développer dès que j’en aurai le loisir. Je me suis beaucoup occupé aussi de l’étude des langues américaines, et j’ai vu combien ce que La Condamine dit de leur pauvreté est faux. La langue Caribe est à la fois riche , belle , énergique et polie $ elle ne manque point d’expressions pour les idées abstraites j on y parle de postérité , d’éternité , d’existence , etc. , et les signes numé- riques suffisent pour désigner toutes les combinaisons pos- sibles des chiffres. Je m’applique sur-tout à la langue Incaj on la parle communément ici dans la société , et elle est si riche en tournures fines et variées, que les jeunes gens, pour dire des douceurs aux femmes , commencent à parler Inca , quand ils ont épuisé les ressources du Castillan. Ces deux langues, et quelques autres également riches, suffiroient seules pour prouver que l’Amérique a possédé autrefois une plus grande culture que celle que les Espagnols y trou- vèrent en 1492. Mais j’en ai recueilli bien d’autres preuves encore, non seulement au Mexique et au Pérou , mais même à la cour du roi de Bogota (pays dont on ignore absolument l’histoire en Europe , et dont même la mytho- logie et les traditions fabuleuses sont très-intéressantes). Les prêtres savoient tirer une méridienne et observer le moment du solstice ; ils réduisoient l’année lunaire à une année so- laire par intercalations, et je possède moi-même une pierre heptagone, trouvée près de Santa -Fé, qui leur servoit pour calculer ces jours intercalaires. Mais ce qui plus est, même à l’Erevato, dans l’intérieur de la Parime, les sauvages croient 53 2. 334 annales du muséum que la lune est habitée par des hommes , et savent par les traditions de leurs ancêtres que sa lumière vient du soleil. De Rio-Bamba, je dirigeai ma course par le fameux Pa- ramo de l’Assuay vers Cuença $ mais je visitai auparavant les grandes mines de soufre de Tirrau. C’est à cette mon- tagne de soufre que les Indiens révoltés en 1797, après le tremblement de terre, voulurent mettre le feu. C’étoit sans doute le projet le plus désespéré qui eût été jamais conçu y car ils espéroient former par ce moyen un volcan qui en» gloutiroit toute la province d’Alaussy. Au haut du Paramo de PAssuay , à une élévation de 2 3 o o toises , sont les ruines du magnifique chemin de l’Inca. Il conduisoit presque jus» qu’au Cuzco , étoit entièrement construit de pierres de taille , et très-bien alligné $ il ressembloit aux plus beaux chemins ro- mains. Dans les mêmes environs se trouvent aussi les ruines du palais de l’Inca Tupayupangi , dont La Condamine a donné, la description dans les Mémoires de V 'Académie de Bei'lin. Dans la carrière qui en a fourni les pierres, on en voit encore plusieurs à demi-travaillées. Je ne sais si La Con- damine a aussi parlé du soi-disant billard de Pinça. Les Indiens nomment cet endroit , en langue quichua , Inca - Chungana , le jeu de l’Inca ; je doute cependant qu’il ait eu cette destination. C’est un canapé taillé dans le roc , avec des ornemens en forme d’arabesques , dans lesquels on croit que couroit la boule. Il n’y a rien de plus élégant dans nos jardins anglais , et tout y prouve le bon goût de Pinça , car le siège est placé de manière à y jouir d’une vue délicieuse. Non loin de là, dans un bois , on trouve une tache ronde , de fer jaune, dans du grès. Les Péruviens Pont ornée de figures, croyant que c’étoit l’image du Soleil. J’en ai pris le dessin. Nous ne sommes restés que dix jours à Ciiença; et de là nous nous sommes rendus à Lima par la province de Jaën , où, dans le voisinage delà rivière des Amazones, nous avons passé un mois. Nous sommes arrivés à Lima le 2 3 octobre 1802. Je compte aller, d’ici au mois de décembre, à Acapuloo, et de là au Mexique, pour me rendre, au mois de mai 1800, à la Havane. C’est là que sans perdre de temps je m’embarque- rai pour l’Espagne. J’ai abandonné , comme vous voyez , l’idée de retourner par les Philippines. J’aurois fait une im- mense traversée de mer sans voir autre chose que Manille et le Cap; ou si j’avois voulu faire une tournée aux Indes orien- tales, j’aurois manqué des facilités nécessaires pour ce voyage, qu’il étoit impossible de me procurer ici. Nous avons eu quarante à cinquante jeunes croco- diles, sur la respiration desquels j’ai fait des expériences très-curieuses. Au lieu que d’autres animaux diminuent le volume de l’air dans lequel ils vivent , le crocodile l’aug- mente. Un crocodile mis dans mille parties d’air atmosphé- rique , qui en contiennent deux cent soixante-quatorze de gaz oxigène , quinze d’acide carbonique et sept cent onze d’azote, augmente en une heure quarante-trois minutes cette masse de cent vingt- quatre parties; et ces onze cent vingt-quatre parties contiennent alors ( comme je l’ai vu par une analyse exacte) 106,8 d’oxigène , 79 d’acide carbonique, et 9 3 8,2 de gaz azote , mêlé d’autres substances gazeuses inconnues. Le crocodile produit donc, en une heure trois quarts , 64 parties d’acide carbonique ; il absorbe 1 67,2 d’oxigène : mais comme 46 parties se retrouvent dans 64 parties d’acide carbonique , il ne s’approprie que 1 2 1 parties d’oxigène ; ce qui est très- 33 6 A ni A L E S DU MUSEUM peu , vu la couleur de son sang. Il produit 227 parties d’azote ou autres substances gazeuses, sur lesquelles les bases acidi- fiables n’exercent point d’action. J’ai fait ces expériences dans la ville de Munpox avec de l’eau de chaux et du gaz nitreux très-soigneusement préparé. Le crocodile est si sensible au gaz acide carbonique et à ses propres exhalaisons , qu’il meurt quand on le met dans de l’air corrompu par un de ses camarades. Cependant il peut vivre deux à trois heures sans respirer du tout. J’ai fait ces expériences avec des crocodiles de 7 à 8 pouces de long. Malgré cette petitesse , ils sont capables de couper le doigt (avec leurs dents), et ils ont le courage d’attaquer un chien. Ces expériences sont très-pénibles à faire et demandent beau- coup de circonspection, Nous portons des descriptions très- détaillées du caïman ou crocodile de l’Amérique méri- dionale j mais les descriptions de celui de l’Egypte que l’on avoit à mon départ d’Europe , n’étant pas également cir- constanciées , je n’ose décider si c’est la même espèce. A présent, certainement l’Institut d’Egypte en aura fait qui lè- veront tout doute à cet égard. Ce qu’il y a de certain , c’est qu’il y a trois différentes espèces de crocodiles sous les tro- piques du nouveau continent , et que le peuple y distingue sous le nom de bava, caïman et crocodile. Aucun natura- liste n’a encore distingué suffisamment ces espèces , et ce- pendant ces monstres sont les vrais poissons de ces climats, |antot ( comme à la Nouvelle-Barcelone) d’un si bon naturel qu’on se baigne à leur vue , tantôt (comme à la Nouvelle- Guiane) si médians et si cruels que, dans le temps que nous y fûmes, ils dévorèrent un Indien au milieu de la rue , au quai. A Oratuen , nous avons vu une fille indienne de dix-liuit ans, qu’un crocodile tenoit par le bras $ elle eut le courage de chercher de l’autre main son couteau dans sa poche, et d’en donner tant de coups dans les yeux du monstre , qu’il la lâcha en lui coupant le bras près de l’épaule. La présence d’esprit de cette fille fut tout aussi étonnante que l’adresse des Indiens pour guérir heureuse- ment une plaie aussi dangereuse : on eût dit que le bras avoit été amputé et traité à Paris. Près de Santa-Fé se trouvent dans le Campo de Gigante, à 1370 toises de hauteur , une immensité d’os fossiles d’éle- phans , tant de l’espèce d’Afrique , que des carnivores qu’on a découverts à l’Ohio. Nous y avons fait creuser, et nous en avons envoyé des exemplaires à l’Institut national. Je doute qu’on ait trouvé jusqu’ici ces os à une si grande hauteur : depuis , j’en ai reçu deux d’un endroit des Andes situé vers le 20 de latitude du Quito et du Chili , de ma- nière que je puis prouver l’existence et la destruction de ces éléphants gigantesques depuis l’Ohio jusques aux Pata- gons. Je rapporte une belle collection de ces os fossiles pour M. Cuvier. On a découvert il y a quinze ans , dans la vallée de la Madeleine , un squelette entier de crocodile , pétrifié dans une roche calcaire j l’ignorance l’a fait briser , et il m’a été impossible de m’en procurer la tête, qui existoit encore il y a peu de temps. b’ HISTOIRE NATURELLE. 339 NOTICE Sur des plantes fossiles de diverses espèces qu’on trouve dans les couches fissiles d’un schiste marneux , recouvert par des laves , dans les environs de Rochesauve ? dépar- tement de V Ardèche. PAR FAU JAS-SAINT-FOND, PI L VI et L VIL D es feuilles d’arbres et de plantes parfaitement conservées , et qui n’ont éprouvé d’autre altération que celle de passer à une sorte d’état charbonneux, sont dignes sans doute de l’attention des géologues, lorsque ces restes antiques de vé- gétaux, dont on peut distinguer jusques aux plus petites ner- vures, gisent dans des couches feuilletées, composées d’un mélange de terre quartzeuse et de terre calcaire d’une grande ténuité : on peut même considérer cette terre comme une espèce de tripoli d’une grande finesse, propre à polir l’or, l’argent et quelques autres métaux. L’intérêt que ces dé- pouilles de végétaux inspireront aux naturalistes s’accroîtra certainement lorsqu’ils sauront que ces restes de corps organisés fossiles, ensevelis dans des dépôts terreux à la suite d’une antique alluvion , sont recouverts de plus de six cents pieds de laves de diverses espèces, vomies ou projetées par l’ac- tion des feux souterrains. Je ne donne ici qu’une notice succincte de ce beau fait , parce que je me propose de publier H 2. 34© ANNALES DU MUSEUM la collection entière de ces plantes , que j’ai fait figurer avec beaucoup de soin ; mais , en attendant que cet herbier ' sou - terrain puisse voir le jour, je vais faire connoître les lieux où l’on trouve ces plantes, et en désigner quelques espèces. Mon but est d’engager par cette esquisse les naturalistes à aller observer en place ces plantes fossiles. Voici l’itinéraire. On se rend à Valence , chef-lieu du département de la Drdme ; de là on arrive à l’Oriol , bourg situé sur la grande route, à trois postes de Valence. On trouve à l’Oriol de petites voitures couvertes et à un cheval , très-commodes pour la tournée dont il s’agit. Il faut se diriger sur Chaumerac , et traverser le Rhône au bac de Baiæ. On peut arriver de l’Oriol à Chaumerac dans trois heures. Chaumerac est un gros bourg, renommé par ses fabriques et son commerce de soie. Les collines y sont calcaires, et formées , dans quelques parties , de grands bancs d’une espèce de marbre gris , susceptible de recevoir un beau poli $ mais les clôtures des champs sont construites en murs , com- posés de blocs plus ou moins arrondis de laves com- pactes et de laves poreuses , qui contiennent , les unes de la chrysolite des volcans, les autres du schorl noir, pyroxène d’Hauy. Ces laves sont transportées par la rivière de Payre : celle-ci les reçoit dans son sein, par les torrens qui les détachent des monts Couerous , dont le vaste groupe est volcanique : elles n’arrivent à Chaumerac qu’accidentellement et par l’effet des inondations de la rivière de Payre , sujette à de grands débordemens dans les temps d’orage. Il est nécessaire de mettre pied à terre à Chaumerac , D* HISTOIRE NATURELLE. 3 4 I ou tout au plus à un quart de lieue au-delà en se dirigeant sur le château de Rochesauve , car la route est impraticable pour les voitures : or , comme les plantes fossiles qui font Pobjet de cette notice ne sont pas éloignées de là, en faisant ce court trajet à pied , on prend une idée exacte de la topo- graphie locale et des matières qui composent le sol. A peine est-on sorti du bourg de Chaumerac qu’on aper- çoit que les collines calcaires s’abaissent ; l’épaisseur des bancs diminue à mesure qu’on avance ; la pierre qui étoit dure et vive s’altère, se souille d’argile, devient fissile , s’exfolie, et , lorsqu’on approche des premiers escarpemens volca- niques des monts Couerous , le calcaire devient presque entièrement marneux. On suit le sentier rapide qui con- duit, par des rampes étroites, vers un groupe de quatre ou cinq maisons situées en terrasses les unes au-dessus des autres , et perchées sur une espèce de corniche formée d’une brèche volcanique dure. Ce lieu , ou plutôt cette espèce de petit hameau, se nomme vey-lou-ranc : en langage du pays ranc signifie roc escarpé . C’est ici qu’il faut s’arrêter. En s’adressant au cultivateur propriétaire de la première maison , on l’engagera à con- duire les naturalistes voyageurs dans le lieu où l’on trouve des plantes. Il entendra parfaitement ce qu’on lui dira , parce que je l’ai employé plusieurs fois pour m’aider à fouiller la terre , dans la partie où je découvris pour la première fois ces plantes fossiles , à son grand étonnement j mais comme c’est dans un local oii il a planté une vigne , à la- quelle il est fort attaché , il est juste de lui proposer une indemnité. Si, malgré cette offre, il persistoit, ainsi que cela lui est arrivé quelquefois, à ne pas vouloir déranger le fruit 54 * 3 4-2 ANNALES DIT MUSEUM de ses cultures , il faut l’inviter alors à se diriger sur un autre escarpement inculte , au bord d’un torrent appelé Bouzzari , où l’on trouve aussi des plantes , mais en moins grande abondance et dans une marne feuilletée, moins solide que celle de la vigne, cpii est le lieu véritablement le plus intéressant. Voici l’ordre et la position des matières dans la partie de uey-lou-ranc. Tout le dépôt fissile qui renferme les feuilles d’arbres et de plantes , est non seulement recouvert de plus de six cents pieds de laves compactes , de laves poreuses , de tuffas , et de brèches volcaniques ; mais ces produits d’un grand incendie souterrain se sont fait jour à travers les couches feuilletées qui renferment ces plantes et dont la formation est due à d’antiques alluvions : de manière que l’on peut dire avec vérité qu’ici le domaine de Vulcain a empiété sur celui de Neptune ÿ car les coulées de laves ayant fait effort contre ces dépôts d’origine diluvienne qui leur opposoient de la résistance , en ont soulevé les couches , et en ont dérangé les masses , en se glissant entre les vides que la chaleur et la force expansives de ces laves occasionnoient. On distingue, dans quelques parties, jusqu’à cinq de ces coulées qui ont déplacé ou comprimé les couches feuil- letées qui renferment les plantes. Les tuffas volcaniques ne les ont altérées que dans les points de contact immédiat. C’est là que les plantes sont un peu brûlées ? tandis que celles du centre des couches sont demeurées intactes et ont été garanties par les feuillets environnant : il est à croire d’ ail- leurs que les volcans qui agissoient à cette époque étoient soumarins. Quant à la nature du tuffa*, il est composé d’un mélange de laves plus ou moins oxydées , d’une b’ HISTOIRE NATURELLE. 343 multitude de petits fragmens intacts de laves compactes et de laves poreuses. Les coulées supérieures à celle-ci sont formées tantôt de tuffa , tantôt de brèches volcani- ques , tantôt de laves compactes de la nature du basalte , renfermant de la chrysoîite , du schorl , et quelquefois de gros nœuds d’aragonite disposée en rayons divergens. Une grande chaussée prismatique couronne le tout, et forme un escar- pement plus ou moins rapide qui s’élève à six cents pieds au moins au-dessus des couches marneuses qui renferment les restes de végétaux. On reconnoît parmi ces végétaux le populus tremulci , \epo- pulus alba , lefagus castanea , Vacer monspessulanum , le tilia arborea , le pinus pinea , mais en même temps des feuilles qui ressemblent beaucoup au gossipium cirboreum , le coton en arbre, d’autres au liquïciambar styrax, qui sont des plantes exotiques , ainsi que beaucoup d’autres plantes inconnues. Comme mon but n’est que de donner ici un aperçu rapide de ce beau fait d’histoire naturelle , je n’entrerai pas dans d’autres détails: je les réserve pour l’ouvrage particulier que je me propose de publier à ce sujet $ je ne dirai rien non plus de la terre qui renferme les plantes , et qui est analogue à celle que Fabroni a découverte sur la montagne de Santa - Flora , dans la Toscane , et avec laquelle il a fait fabriquer des briques légères qui surnagent au-dessus de l’eau. Celle où j’ai découvert les plantes fossiles est douée de la même légèreté : j’en ai fait faire des briques semblables 5 des savans et plusieurs artistes les ont vues chez moi à Paris. Fabroni lui -même a reconnu que cette terre étoit analogue à la sienne, de terminerai cette notice , qui n’est déjà que trop longue, par l’explication des deux planches que j’y ai jointes, afin de 344 ANNALES DU MUSÉUM donner une idée plus exacte de la conservation de ces plantes et de leur position dans les couches feuilletées qui les ren- ferment. Explication de la planche première. Figure 1. Paroît une feuille pennée ; mais MM. de Jussieu, Des- fontaines, Lamarck et Thouin, qui l’ont observée avec attention, et dont fai invoqué les lumières sur toutes celles que je dois publier, n’ont pu rapporter celle-ci à aucune espèce connue. Fig . a. A du rapport avec la feuille du fustet , rhus cotinus j mais elle en diffère par ses nervures latérales, plus rares et moins horizontales. Fig. 3. Est une grande et belle foliole d’une feuille pennée, rap- prochée du cedrela odorata , Lin., arbre de la zone torride 3 mais le cédréla a un des côtés de la base de ses folioles moins arrondi 3 elles sont aussi un peu plus pointues vers le bout. Fig . 4. N’a pu être déterminée. Fig. 5. Cette feuille porte tous les caractères de celle du jujubier, ziziphus . Explication de la planche II. 9 r Fier. 6. N’a pu être déterminée, Fig. 7. Est certainement un. chara rapproché du minorj mais on ne peut pas l’affirmer avec certitude. Fig. 8. Ressemble à la feuille du charme , carpinus betulus 3 mais sa longueur, un peu trop considérable pour sa largeur , ne permet pas de la considérer comme absolument analogue avec les feuilles du carpinus betulus j elle pourroit avoir appartenu à un charme exotique. Fig. 9. A beaucoup de ressemblance avec une foliole du cassia fistula , la casse du commerce. Fig. 10. Pourroit être une écaille d’un cône d’un arbre résineux, ou peut-être même quelque fruit écailleux ou membraneux d’un arbre inconnu. fl . lfi. . . ÿ 4 ' . .. "é> ■ V ■ v.V ;AV riitfHMIÉ Flantes ' Jv s s îles dans an Schiste ni a /si e lac 't . D5 HISTOIRE NATURELLE. 3 4 5 MÉMOIRE Sur /’Acicarplia et le Boopis , deux genres nouveaux de plantes de la famille des Cinarocêphales . par A. L. JUSSIEU. PI. LVI1I . L’herbier ; fait en 1766 parCommerson à l’embouchure de la Plata , dans les environs de Buenos-Aires et de Mon- tevideo , renferme plusieurs plantes qu’il n’a pas nommées 9 ou qu’il a vaguement rapportées à des genres connus , sans en donner l’analyse. Leur examen , fait avec soin 7 prouve qu’elles ont des caractères particuliers 7 suffisans pour en former des genres nouveaux. La première qui se présente est une plante herbacée ? peu élevée , dont la tige ^ divisée en rameaux alternes 7 se charge de feuilles pareillement alternes 5 oblongues , sinuées , pétiolées et spatulées près de la racine 7 sessiles et ampîexicauïes vers la partie supérieure. Les fleurs 7 jaunes , solitaires à l’extrémité des tiges et des rameaux ? ont un calice commun 7 simple 7 à cinq divisions pro- fondes , renfermant un assez grand nombre de très - petits fleurons dont le tube est grêle ? le limbe évasé , à cinq divi- sions. Les anthères forment , comme dans les composées 7 une gaine qui paroît portée sur cinq filets insérés au tube» 346 A îî K A L E S DU MUSEUM L’ovaire inférieur , surmonté cî’un style terminé par un stig- mate simple , devient une graine oblongue et nue , c’est-à-dire non couronnée d’une aigrette , et dénuée de périsperme. Le réceptacle qui supporte les fleurs est chargé de paillettes épaisses, terminées en pointe, et de longueur inégale , plus courtes dans le centre , plus longues à la circonférence. Ces paillettes, très-serrées les unes contre les autres , se réunissent en un seul corps ; et de leur ensemble résulte un fruit ayant le volume et presque la forme du Tribulus , hérissé par les pointes solides et aiguës des paillettes , entre lesquelles sont pratiquées de petites loges fermées , dont chacune contient une graine. La coupe horizontale de ce fruit ainsi formé offre cinq loges , et sa section verticale trois rangs de loges , placées l’une au dessus de l’autre , appliquées contre un axe cen- tral qui est probablement le réceptacle. Cette disposition annonce l’existence d’environ quinze loges qui paroissent communiquer au-dehors par un canal très-étroit et presque fermé. Les fleurons du centre sont peut-être stériles ; du moins-, dans l’état où les individus de l’herbier ont été cueil- lis , ces fleurons , autant que l’on peut en juger sur des organes desséchés et très -petits , ne répondent pas à des loges fertiles. L’existence , la forme et la disposition des loges du fruit , offrent un caractère très-particulier dans les plantes composées. O11 seroit d’abord tenté de rapporter cette plante à la famille des Corymbifères ; mais son stigmate est simple , ce qui est contraire à l’observation constante des fleurs herma- phrodites de cette famille. De plus , parmi les genres à ré- ceptacle paîéacé , on n’en trouve aucun dans les Corymbi- jfëres qui ait avec celui-ci une affinité marquée. Le Cuspidia X)’ HISTOIRE NATURELLE. 4l deGærtner , et VApuleia du même auteur ( voL II , p. i 3 y et 4.54 j t. 171), ont à la vérité, comme lui , les paillettes du réceptacle réunies en un seul corps j mais leurs inters- tices forment de simples cavités alvéolaires , ouvertes supé- rieurement j leurs graines sont couronnées d’une aigrette plumeuse dans Fui; , paléacée dans l’autre 5 leur calice n’est pas simple , mais formé de plusieurs rangs d’écailles ; enfin leurs fleurs offrent des demi-fleurons dans leur circonférence. Ce genre a beaucoup plus d’affinité avec les fausses Cina- rocéphales qui renferment les élémens d’une nouvelle famille , et sur-tout avec le Gundelia qui a de même les fleurs toutes flosculeuses , le réceptacle chargé de paillettes , les semences nues , renfermées dans des loges formées par la réunion des parties accessoires de la fructification , mais qui diffère par son calice commun , contenant plusieurs calices partiels , dont chacun , rempli ordinairement de cinq fleurs ,, se change en un fruit creusé d’une cavité centrale , fertile , monos- perrne , entouré de quatre cavités stériles et vides. Ces diverses considérations suffisent pour constituer en genre particulier la plante de Commerson , que nous nom- merons Acicarpha ( df/ç pointe , et zapçoç paillette ) , à cause de ses paillettes épineuses. Son caractère distinctif peut être ainsi établi pour le genre et pour la seule espèce connue. Acicarpha. Calix communis ? simplex , quinquepartitus } multiforus. Flores jlosculosi , quinquefidi ; antheris in tubum coalitis. Stigma simplex. Receptaculum tectum paleis ? apice incrassato concrescentibus et suprà in acumen altenuatis , coa- litis idco in fructum ovoïdeum , echinatum ( Tribuli instar ) , pluribus excavatum lo- culis monospermis , semine non papposo. Herba ramosa ; folia alterna ; fores in ramulis solitarii , terminales. Ors ; Flosculi centrales forte masculi. Receptaculum 55 i 2. 348 A I X A L E S DU MUSÉUM in fructu oblongum, tenue , locuios ferens circiter quindecim, ejusdem lateribus quin- tupliez sérié et triplici ordine appositos. A. ( tribuloïdes ) . foliis o b Ion gis, sinuatis , inferioribus spatulatis , superîoribus lasi latiore semiamplexicaulibus . T. LYI , fig. I. Ex Bonariâ. Ce genre, très- différent de tout autre, sera peut-être le type d’une nouvelle famille , ou au moins d’une nouvelle sec- tion dans les Cinarocépliaîes. Une autre plante des mêmes parages , cueillie près de Bue- nos-Aires , a quelque affinité avec la précédente par ses fleurs également terminales , composées de fleurons nombreux et grêles , réunis dans un calice commun , simple 5 mais elle en diffère par d’autres caractères , faciles à déduire de sa des- cription. Ce calice est mortophylle , évase , à huit ou neuf divisions aiguës. Les fleurons qu’il renferme sont, connue dans le genre précédent , longs, filiformes, évasés par le haut , et divisés en cinq lobes contenant cinq anthères réunies en une gaîne, tra- versée par le style que termine un stigmate élargi. Ils sont portés sur un ovaire cou- ronné par quatre ou cinq écailles que l’on peut regarder comme les divisions d’un caîice propre , uniflore , et que Coinmerson indique sous ce nom dans la description sommaire, tracée sur l’étiquette de la plante sèche. Chaque ovaire devient une graine couronnée par les écailles ou divisions subsistantes. Le réceptacle est couvert d’écailtes aiguës qui entourent les graines et les débordent. La racine pousse plu- sieurs tiges herbacées , rameuses et peu élevées 5 les feuilles sont alternes , pinnati- fides , à divisions linéaires, comme celle de la Camomille. Les fleurs, solitaires, termi- nales , présentent un assemblage de fleurons nombreux , disposés en hémisphère. Les affinités de cette plante seront faciles à saisir. Elle doit, comme la précédente , se rapprocher des fausses Cinarocé- phales , et sur-tout de V Echinops , qui a de même des calices partiels, uniflores , portés sur un réceptacle commun , sé- parés l’un de l’autre par des paillettes , et réunis en une tète entourée d’un caîice commun. Son rapport est plus marqué I Xp HISTOIRE NATURE RLE. 3 4 9 avec le Calycera, genre nouveau de Cavaniiles , qui , presque semblable à F Echinops , en diffère par les calices partiels simples et très-écailleux , par leurs divisions subsistantes sur la graine. Ces divisions , conformées en longues épines dans le Calycera , ne sont que de simples écailles courtes dans la nouvelle plante. Celle-ci a le calice commun monôpliyllej il est de plusieurs pièces dans celle de Cavaniiles. On peut donc encore établir, dans cette division des com- posées, un nouveau genre voisin du Calycera et de V Echinops, et facile à distinguer, sur-tout par la forme des calices par- tiels. Nous ajouterons que ce genre , auquel appartient la plante de Buenos-Aires , possède dans le Chili une seconde espèce , désignée par Ruiz et Pavon , dans leur Flore ( vol. I , p. 4 9 , t. 76, fig. a ) , sous le nom de Scahiosa sympa gan - thera. Ses feuilles alternes , ses anthères réunies, et ses calices partiels simples , Féloignent du genre Scahiosa et de la fa- mille des Dipsacées , et la ramènent auprès des fausses Cina- rocéphales dans les composées • et si l’on examine avec atten- tion ses autres caractères dans la description et la figure qui sont très -détaillées , on est forcé de reconnoître Fidentité de genre avec la plante de Commerson. Elle n’en diffère que par ses tiges plus fortes et plus élevées , ses feuilles non ♦ linéaires pinatifides , mais spatulées et sinuées comme celles du Bals omit a , ses tètes de fleurs plus grandes et représentant mieux la forme d’un œil de bœuf. Dans l’embarras où nous sommes pour donner à ce genre un nom convenable , le dernier caractère énoncé , tiré d’une ressemblance quoique imparfaite, nous a déterminés à le nom- mer Boopis ( /5«ç bœuf , œil ) , et nous établirons ainsi 55 * 3 5 O ' ANNALES DU MUSEUM le caractère du genre et des espèces , tracé sur le modèle des genres voisins. cJ Boopis. Calices numerosi , unifori flore Jlosculoso , hermaphrodite , tubuloso , quinquepîdo ; turbinati quadri aut quinquefidi ; aggregati in capitulum lemisphœ * ricum supra receptaculum parvum , paleaceum , paleis linearibus ; intm calicem communem , multipartitum , simplicem. Singulis flosculis antherœ in tubum coalitœ , et stigma simplex. Semen cum calice proprio concretum , ejusdem laciniis persis- tentibus , squamiformibus , coronatum , paleis cinctum ultra prominulis. Herbœ multicaules . ramosœ ; folia alterna, simplicia ; flores in ramulis terminales , solitarii. B. ( Anthemoïdesf caule vix octopollicari ; foliis l in e a ri- p in n a tifulis . T. LVI , fig. 2,. Ex Bonariâ. .Z?. [Balsa ni itafo lia') , caule bipèdaliy foliis spatulato-sinuatis. Scabiosa sympa- gantliera Ruiz-Pav. Fl. peruv. vol. I, p. 49 ? t. 76. fig. a. Ex agro cliiloensL Explication des figures. Acicarpha tribuloïdes. T. LVI, fig. 1. ci , calice séparé ; b , le même, contenant les fleurons; cy fleuron séparé; d , le même, ouvert pour laisser voir la gaine des étamines ; e , fruit surmonté de quelques fleurs qui paroissent stériles ; f , le même, coupé ver- ticalement, laissant apercevoir trois rangs de loges appliquées contre l’axe filiforme; gy le même, coupé transversalement, dans lequel on voit cinq loges sur le même rang; h , la graine. Boopis antKemoides. T. LVI, fig. 2. a , calice commun, dégarni de ses fleurs ; b , fleuron séparé, avec son calice propre et ses pail- lettes environnantes ; c, de même, ouvert pour laisser voir la gaine des étamines traversée par le style ; d , ovaire séparé, surmonté de son style ; 7 2 4 18 2 o O *9 2 2 20 • 2 1 21 1 5 22 1 4 23 1 3 24 1 2 2 5 1 1 Le L. monodactyle. A \ 3 56 ■ A JÎK A LES DU MUSEUM Ce monodaclyle a beaucoup de rapports avec le seps et le clialcide. Ses quatre pattes sont très-menues et si comtes , que leur longueur est à peine égale à la dis- tance d’un œil à l’autre. Chacun de ces quatre pieds ne présente qu’un doigt, et ce doigt est couvert d’écallles très-petites , un peu semblables à celles qui revêtent le dos. La tète, le corps et la queue sont d’ailleurs cylindriques et si allongés, qu’ils donnent au monodactyle , indépendamment de la brièveté de ses pattes, une très- grande ressemblance avec une couleuvre. Le dessus de la tête présente douze lames de différentes figures et de grandeurs inégales. Les deux plus grandes de ces lames sont placées l’une devant l’autre , et les dix moins grandes sont distribuées autour de ces deux premières. Le museau est délié et mousse, la langue plate, courte, large, arrondie par le bout; et l’ouverture de l’oreille, située auprès de l’angle des lèvres. Le dessus et le dessous du corps et de la queue sont garnis d’écailles allongées, pointues, et relevées par une arête. Ces écailles, qui anticipent latéra- lement l’une sur l’autre, forment des rangées transversales, placées en partie l’une au-dessus de l’autre, et qui paraissent comme festonnées. Dans l’individu que nous avons décrit, la tête avoit 1 6 millimètres de longueur, le corps 97 , et la queue 375. La longueur totale de ce reptile étoit donc de 488 millimètres. Le tétradactyle a les quatre pieds très-menus comme ceux du monodactyle, et si courts, que leur longueur n’égale pas celle de la tête, et qu’ils peuvent à peine atteindre à terre. Aussi le tétradactyle est-il un véritable reptile, de même que le monadactyle, le seps, le chalcïde, le lézard serpent décrit dans Linné au n° y 5 , de l’édition de Gmelin, et de même que tous les vrais serpens. Il 11e se meut que par le moyen des ondulations de son corps , et de sa queue qu’il peut plier en demi-cercles, et étendre alternativement. On compte quatre doigts à chaque pied ; le premier et le quatrième sont l’un et l’autre extrêmement courts , et difficiles à voir ; le second est à peu près deux fois plus long que le premier, et le troisième deux fois plus long que le second. L’ensemble de l’animal est, comme celui du monodactyle , allongé, cylindrique, et semblable à celui d’une couleuvre. Le corps est six fois plus long que la tête, et la queue trois ou quatre fois plus longue que le corps et la tête pris ensemble. Les formes et la distribution des petites lames qui recouvrent la tète ont beau- coup d’analogie avec celles des lames qui revêtent le dessus de la tète de presque toutes les couleuvres. Leur nombre est de onze ; elles sont inégales en surface. Voici quelle est leur disposition : on en voit d’abord une, ensuite une seconde, de chaque côté de laquelle paraît une rangée de trois autres écailles; la neuvième, la dixième et la onzième forment un dernier rang placé transversalement, et dans lequel celle du milieu est la plus petite. Les deux ouvertures des narines sont situées à l’extrémité du museau, qui est d’histoire naturelle. 3 5 7 délié et arrondi; la langue est plate, courte, large, et un. peu arrondie par le bout. Un sillon est creusé de chaque côté de l’animal , depuis l’angle des mâchoires auprès duquel on aperçoit l’ouverture de l’oreille , jusques à la patte de derrière. Le dessus du cou et celui du corps sont garnis, de petites écailles presque carrées > relevées par une arête , et disposées de manière à représenter des demi-anneaux qui s’étendent d’un sillon à l’autre. On compte soixante-cinq de ces demi-anneaux , dont le premier est composé-de vingt petites écailles. Le dessous de la tête, du cou et du corps, est revêtu d’écailles un peu plus grandes que celles du dos, hexagones et unies. La queue est comme renfermée dans une gaine composée de cent quatre-vingt-un anneaux , dont chacun est formé d’écailles carrées et semblables à cslles du dosv L’individu que nous avons eu sous les yeux avoit 291 millimètres de longueur totale. Cet individu , ainsi que celui de l’espèce Je monodactyle , que nous avons examiné , étoit conservé dans de l’alcool , et faisoit partie de la nombreuse collection cédée à la République française par la république de Hollande. Dans notre distribution méthodique des quadrupèdes ovi- pares , nous avons divisé le genre des lézards en huit sous- genres , et compris dans le sixième ceux de ces reptiles qui n’ont que trois doigts à chaque pied j nous compterons do- rénavant deux sous-genres de plus dans ce même genre j nous inscrirons le tétradactyle dans l’un de ces deux sous genres nouveaux, qui sera distingué par les quatre doigts de chaque pied j nous placerons le monodactyle dans l’autre , dont le caractère distinctif sera un doigt unique à chacun des pieds de l’animal : l’un de ces sous-genres précédera celui des lézards à trois doigts ' et l’autre sera inscrit à la suite de ces reptiles tridactyies , sur le tableau général des quadrupèdes ovipares. Le monodactyle et le tétradactyle appartiennent tous les deux au onzième sous^genre de lézards , établi dans la trei- zième édition de Linné , que nous devons aux soins du professeur Gmelin y et, d’après les principes que le cit. Alex, 56 * 3 58 ANNALES D U MUSÉUM Brongnîart a suivis clans son ouvrage sur l’ordre naturel des reptiles , il faudra placer le tétradactyle et le monodactyle dans le genre auquel il a appliqué le nom de chalcide. Nous ne terminerons pas ce mémoire sans rendre compte du résultat des observations que nous avons faites sur deux espèces curieuses de lézard , le gecko et le geckotte. Depuis la réunion de la collection ci-devant stathouclérienne à celle de la République française , nous avons été à même d’examiner un très-grand nombre de geckottes et de geckos. Nous avons vu une série de geckos que nous avons arrangés d’après l’altération plus ou moins grande de leurs formes extérieures , présenter toutes les nuances de diminution dans les tubercules globuleux dont cette espèce de lézard est ordi- nairement recouverte , jusqu’à la disparition totale ou du moins presque totale de ces tubercules arrondis. Nous igno- rons si ces différences dans la grosseur de ces grains tubercu- leux doit être rapportée au climat, à la nourriture , à l'âge ? ou au sexe. Mais quelque gecko que nous ayons eu sous les yeux , il ne nous a jamais présenté que des tubercules demi- sphériques , soit que ces tubercules fussent très grands ou à peine visibles. Ce n’est que sur les geckottes que nous avonavu, indépendamment des petits grains plus ou moins durs , par le moyen desquels leur peau paroit légèrement chagrinée , des tubercules ordinairement assez grands , inégaux en volume , et toujours conformés comme de petites pyramides à trois faces. Ces tubercules pyramidaux hérissent le dessus de la tête et du corps. Ils revêtent aussi la totalité ou une partie delà queue , pendant que l’animal est encore jeune. Ce sont ces tuber- cules à facettes , dont la présence nous a paru 1 indication la plus sure pour faire distinguer un geckotte d’avec un d’ E I S T O I R E NATURELLE. 3 5 p gecko. Les geckos ont souvent de gros tubercules , mais ils n’en ont jamais aucun qui représente une petite pyramide ; et tous les geckottes présentent un nombre plus on moins grand de ces petites pyramides à trois faces sur leur tête et sur leur corps. Ce caractère indicateur nous paroît devoir être préféré à celui que nous avons proposé dans F Histoire naturelle des quadrupèdes ovipares ? et qui consiste dans la présence ou dans Fabsence d’une rangée de tubercules creux, disposés régu- lièrement sur la face interne de chaque cuisse. Nous n’avions encore vu de ces tubercules creux , et destinés à filtrer et à répandre une liqueur plus ou moins abondante , que sur les cuisses du gecko 5 mais nous nous sommes assurés depuis, parla comparaison attentive d’un grand nombre d’individus, que plusieurs véritables geckos sont privés de ces tubercules , et , d’un autre coté , que plusieurs vrais geckottes en sont pourvus. Il en est de même dans l’espèce de lézard que Hot- tuyn a fait connoître, que l’on a nommée le rayé , dont le citoyen Alex. Brongniart a publié une figure très -exacte, et qu’il faut placer dans le même sous-genre que les geckottes et les geckos. Parmi les très-nombreux individus de cette espèce d’Hottuyn , que renferme la collection du Muséum , nous en avons vu plusieurs avec des tubercules creux sur les cuisses , et d’autres entièrement dénués de ces organes. Nous tâcherons de savoir si la présence ou l’absence de ces tuber- cules , qui peuvent être le signe d’une diversité assez remar- quable dans l’organisation intérieure , dépend de l’âge, ou du sexe , ou de toute autre cause. ( ANNALES DU M O S. é U M 3 6 o D ES C R I P T I O N D'un js nouvelle espèce de helier • sauvage de V Amérique septentrionale. par E. GEOFFROY. PL LX. Le directeur du Muséum de New-Yorck, M. Savage, a bien voulu , à la sollicitation de M. Lormerie^ agriculteur français , nous envoyer la figure d’un belier de l’intérieur des terres, qui est à peine connu des Anglo- Américains eux- mêmes. Il nous prévient r qu’il n’a pu faire cette figure que sur la peau bourrée qui est dans son Muséum , mais qu’au surplus il s’est attaché à copier avec la plus grande exac- titude les couleurs et les traits qui peuvent le mieux servir à caractériser cette nouvelle espèce. Dans l’intention de sup- pléer à ce que son dessin ne pouvoit exprimer , il a eu la complaisance de nous adresser une notice qu’on a im- primée dans le journal américain V Avertisseur , et qui a été rédigée sur les lieux même où l’animal a été découvert. Cette notice nous apprend qu’on doit la découverte de cet animal à lin Anglais nommé M. Gillevray, qui étoit parti du Canada pour faire un voyage dans l’intérieur des terres. Il Bélier cLe Monta D5 HISTOIRE NATURELLE. 3 6 1 avoit dépassé la rivière du Missouri et se trou voit dans le voisi- nage de l’Elk par le 5 0e degré de latitude Nord;, et le i i 5e de longitude Ouest , lorsqu’il vit courir sur la rampe d’une montagne un troupeau de bêtes à cornes, dont les mouvemens brusques excitèrent sa curiosité : il s’attacha à la poursuite de ces animaux, parvint à en tuer plusieurs, entr’autres le plus grand de tous qui paroissoit conduire la troupe : c’est la peau de ce dernier qu’il a rapportée, et qui a servi de modèle à la peinture de M. Savage. Cette nouvelle espèce doit fixer l’attention du naturaliste autant par le lieu où elle a été trouvée que par la singularité de ses formes : on la caractérise d’un seul trait en disant que c’est un animal à corps de cerf et à tête de beîier. Il est en effet aussi haut monté sur jambes que le mouton des Indes j sa tète est courte, son chanfrein presque droit j sa bouche est exactement celle de la brebis : mais ce qui la rap- proche sur-tout de cette espèce domestique , ce sont les grandes et larges cornes dont le front du mâle est paré. Ces cornes sont ramenées en devant des yeux , en décrivant à peu près un tour de spirale j elles sont comprimées comme dans le beîier domestique , leur surface est de même transversa- ment striée : celles de la femelle sont beaucoup plus petites et sans courbure sensible. Il est assez singulier qu’un animal que la forme de sa tête et de ses cornes place dans le genre des beliers ait la taille svelte et élégante de nos cerfs j mais il l’est bien davantage que sa ressemblance avec ces derniers embrasse , non seu- lement les formes principales du corps 9 mais s’étende en outre à la nature et à la couleur du poil. En effet, le beîier de montagne (c’est le nom que lui donnent les sauvages 3 6 2 ÀNSÀL E S DU MUSEUM du Canada) a le poil court, roide , grossier et comme des- séché. Ses couleurs rentrent dans celles des cerfs, des che- vreuils., et son pelage est brun-marron : ses fesses sont blan- ches, et sa cjueue , aussi courte que da ns ce ; animaux , est éga- lement noire, La tête est cependant d’une autre couleyr , les joues sont d’un marron-clair , le museau et le chanfrein d’un blanc parfait. La femelle ne diffère du mâle que par ses cornes et sa taille plus petites. M. Gilîevray donne au plus grand individu , qu’il a tué, les dimensions suivantes : Longueur du corps depuis le bout du museau jusqu’à l’origine de la queue , 5 pieds , mesure anglaise ; im83 , mesure française. Longueur des cornes , mesurées en ligne droite , 3 pieds 6 pouces ( im2). Longueur des jambes, 3 pieds 9 pouces ( iin29). Longueur de la queue, \ pouces (omi3). Circonférence prise à l’endroit le plus gros du corps , 4 pieds 6 pouces (1 m5rj). Le belier de montagne ne participe en rien aux habi- tudes des animaux avec lesquels nous venons de le com- parer y il a exactement les mœurs du bouquetin ; il habite le sommet des plus hautes montagnes j il se plaît sur-tout dans les lieux les plus arides et les plus inaccessibles. On le voit sauter de rocher en rocher avec une vitesse presque incroyable 5 sa souplesse est extrême , sa force musculaire prodigieuse, ses bonds très-étendus et sa course très-rapide. Il seroit impossible de l’atteindre s’il ne lui. arrivoit pas fréquemment de s’arrêter au milieu de sa fuite, de regarder le chasseur d’un air stupide , et d’attendre que celui-ci soit à sa portée pour recommencer à fuir. Les beliers de montagne vivent en troupe de vingt à n’ histoire naturelle. 363 trente. M. Gillevray n’en a jamais rencontré moins de trois ensemble : un vieux mâle est clief de bande : ils se réunissent sur-tout pour descendre et aller paître dans les vallées. Ils n’y sont jamais sans inquiétude : au moindre danger, ils fuient précipitamment vers leurs rochers ; lorsqu’ils y sont parvenus , ils prennent de l’assurance , regardent en quelque sorte avec complaisance les chasseurs dont ils s’étoient d’abord effrayés, et les attendent même paisiblement. Il faut que leur timidité leur soit bien naturelle , car elle ne leur est point inspirée par la connoissance de l’ascendant que l’homme exerce sur tous les êtres vivans. M. Gillevray remarque que les environs de leurs montagnes ne sont point habités, et qu’il est fort rare que des chasseurs s’occupent à les pour- suivre. Les peuplades de sauvages le moins éloignées de la re- traite de ces beliers sont les Crées ou les Kinstiancaux. Ils nomment ces animaux my-ottic , c’est-à-dire cerf bâtard : d’autres Indiens les appellent ema-ki-ca-how ; mais les Cana- diens qui accompagnoient M. Gillevray les lui désignèrent sous le nom de beliers de montagne. Les jeunes et les femelles sont, au jugement de ces sau- vages , les viandes les plus délicates qu'ils puissent se pro- curer dans l’immense territoire où ils se répandent. a. 5? ANNALES DU MUSEUM NOTICE S u r une nouvelle espèce de mammifère apportée vivante par le vaisseau le Naturaliste. par E. GEOFFROY. Les objets d’histoire naturelle , plantes et animaux vivons ? expédiés par le capitaine Baudin sur le vaisseau le Naturaliste , viennent d’arriver à Poissy (1) ? où les basses-eaux du fleuve vont les retenir quelques jours. Le conducteur ? en venant hier (28 messidor) donner cet avis à l’administration du Muséum d’histoire naturelle , s’est chargé de trois quadru- pèdes vivans ? dont un avoit beaucoup souffert pendant la route ? et a expiré quelques heures après son arrivée. Ces animaux sont du plus grand intérêt. Ils sont si ex- traordinaires dans leurs formes , qu’il est impossible de les rapporter à aucune des familles déjà connues 5 c’est en quelque sorte une réunion des organes des rongeurs et de ceux des didelphes . Je ne les crois décris par aucun naturaliste. Les journaux (1) Ce riche convoi est parvenu en très-bon état au Muséum d’histoire naturelle, le 29 messidor; nous en rendrons prochainement un compte très~ détaillé. 1)’ HISTOIRE NATURELLE. 365 anglais , en publiant un extrait des nouveaux voyages à la Nouvelle-Hollande , de Collins et de Sfceinders, font à la vérité mention , sous le nom de TVomat ou de Jf^ombat , d’un quadrupède que M. Bass a récemment découvert à la terre de van Diemen. Ce quadrupède a le port de nos nouveaux animaux j mais il en est bien certainement différent , si les observations qui ont été publiées sur leurs dents sont exactes. Les naturalistes qui croient à l’existence d’une série con- tinue parmi les êtres , trouveront , à la vue de ces singuliers mammifères , à s’autoriser d’une preuve de plus ; car ces animaux participent tellement de la nature des carnivores et de celle des rongeurs , qu’il est actuellement impossible d’indiquer le point de la chaîne où ces deux ordres se séparent. Je publierai, dans un de nos prochains numéros, ce nou- veau genre sous le nom de phascolomis ( rat à poche ) : je me propose d’en donner une description complète , lorsqu’il sera dessiné et gravé j en attendant , je vais en tracer les principaux caractères. On peut s’en faire une idée assez juste en consultant la figure du daman du Cap , dans le sixième volume des Sup- plémens de Buffon. Ils sont cependant un peu plus ramassés en boule que cette espèce $ ils se rapprochent aussi beaucoup de la marmotte , mais leur tête est plus plate et beaucoup plus large : d’ailleurs ils lui ressemblent par la forme et le nombre des dents incisives ( deux à chaque mâchoire ) , par l’absence des canines et la disposition des molaires ; leurs pieds antérieurs sont faits de même , munis d’ongles très- grands , et capables de bien fouiller la terre : mais c’est en cela seulement que les phascoloines ressemblent à la. marmotte 5? * S 3 6 6 ANNALES DU MUSEUM et aux rongeurs , dont celle - ci fait partie. La forme de leurs dents appelle un cæcum très-long et très -volumi- neux , et ils ei* ont un si petit et si grêle , que ce n’est vrai- ment qu’un appendice vermiculaire. Si cette première anomalie a déjà de quoi nous étonner ? nous le serons à plus juste titre en voyant que la moitié postérieure des pliascolomes appartient au type des animaux à bourse. La femelle en effet en est pourvue , et le mâle a de même les os marsupiaux. La verge est située derrière les testicules , et même plus re- culée que dans les didelphes • car elle sort de la partie anté- rieure de la commissure de l’anus : elle n’est pas positive- ment bifurqué®- , mais du moins son gland est terminé par deux tubérosités. Les pieds de derrière , dont l’organisation dans les animaux marsupiaux semble calculée sur l’existence de la poche, sont remarquables dans les pliascolomes par une disposition que nous ne commissions dans aucun autre mammi- fère : ces animaux ont un pouce très-court et sans ongle, à peu près comme dans les didelphes j les trois doigts intermédiaires sont engagés et à demi-réunis par les tégumens communs , tandis que le doigt externe est tout-à-fait libre. Enfin nous ne connoissions point d’animaux à bourse qu’ils ne fussent pourvus d’une longue queue employée très-utilement , soit à la marche , soit à la préhension : les pliascolomes en ont une si courte , qu’on ne la voit point au dehors des poils. Les phascolomes qui nous sont arrivés ont om,45(i 7 pouces) de long j mais comme ils sont encore fort jeunes , il y a lieu de croire qu’ils arriveront à la taille du blaireau , si nous sommes assez heureux pour conserver le couple qui nous reste. d’ histoire ÜTATURELLE, 3 C*J Ils se creusent des terriers et y habitent : leurs membres sont très- bien organisés pour ce résultat , ils sont daviculés. Les os de l’avant-bras et ceux de la jambe ne sont point soudés ensemble j en sorte qu’ils exécutent très-bien les mouvemens de pronation et de supination : c’est là ce qui leur donne la facilité de se gratter à la manière des singes <» ce qu’ils exé- cutent avec une sorte de grâce et de prestesse. Ce sont d’ailleurs des animaux très-lourds. Leur fourrure peut être de quelque utilité , et leur chair est bonne à manger. Les poils longs et bruns dont ils sont couverts leur donnent au premier aperçu une certaine ressemblance avec de petits ours 5 ils marchent comme eux sur toute la plante des pieds : ils se ramassent en boule, et, dans cette position, paroissent presque aussi larges que longs. Leur douceur est bien remar- quable 5 on diroit qu’ils ignorent la puissance de leurs dents incisives : quoi qu’on fasse , ils n’y ont jamais recours. Ils paroissent doués de peu d’énergie , sommeillent plus volon- tiers le jour , et , comme tous les animaux qui terrent , s’oc- cupent la nuit de la recherche de leurs alimens. On les nour- rit à la ménagerie , de pain , de fruits , de racines , et de toutes sortes d’herbages j ils ont sur-tout un goiàt décidé pour le lait. Ils ont été trouvés à la cote occidentale de la Nou- velle-Hollande. 3 6 B A I N A t E S DU MUSÉUM DISSERTATION CRITIQUE Sur les espèces d’écrevisses connues des anciens , et sur les noms qu’ils leur ont donnés. par G. CUVIER. M’exposerai les espèces d’Aristote; je tâclierai de rap- porter les synonymes de Pline et des autres auteurs ; enfin , j’y ajouterai les espèces que ceux-ci pourraient avoir décrites , et qui ne seroient ni dans Pline ni dans Aristote. Je cite Aristote d’après la traduction de Gaza. Je ne mettrai les mots grecs que lorque je le croirai nécessaire. Aristote, Hist. an. lib. IV, cap. II, partage tous les crus- tacés en quatre genres. Voici ses termes : ce Crusta intectorum ( rav puï.ctx.oç-ça.y-av') ? genus primum locusta (rZv x.uça.Çôjv') . cui proximutn genus alterum est quem (1) gammarvm (rav kretxov) vocant : differt is à locusta brachiis , quæ denticulatis forcipibus protendit (ra s<» £>;A reliqui quatuor simplices ex toto pertendunt. » Cette structure des pieds ne se trouvant que dans le homard et dans l’écrevisse de rivière , est l’article le plus caractéristique de toute la description. cc Pectus corpusque totum læve est , non more locustarum acuîeatum et ag- perum. » Ce dernier trait est décisif pour la langouste , et dé- montre que c’est elle que Aristote a entendue par le mot carabos. 2 58 3 7 2 ANNALES BU MUSEUM Pline parle en plusieurs endroits d’un crustacé qu’il nomme locusta, et que je crois, ainsi que tous les critiques, être le carabos d’Aristote , parce que , lib. IX , cap. XXX. où il fait une énumération de tous les genres de crustacés , il y nomme le carabos , et non le locusta ; ce qui montre que le premier de ces mots est l’équivalent de l’autre. « Cancrorum généra carabi , astaci? majæ , paguri heracleolici , et alla igno- biliora. 55 Au reste, ses autres passages sur le locusta ne sont pas bien décisifs , si ce n’est dans plusieurs qui sont visiblement pris d’Aristote, il substitue toujours locusta à carabos. Voici la plupart de ces passages. Lib. IX) cap. XII. u Crustis integuntur locustæ. » Lib. IX) cap. XXX. te Locustæ crustâ fragili muniuntur. » « — • reptantium. modo fluitant. « « ■ ■■■ ■ ■ cornibus inter se dimicant. x> Lib. IX } cap. Ll. •e — squillæ et cancri cœunt ore. » Lib. XI, cap. XXXVII. « Locustis squillisque oculi magnâ ex parte præduri eminent. » J’avoue qu’il n'y a rien là de bien démonstratif pour mon opinion Mais comme rien ne la détruit non plus , on peut la laisser subsister , fondée sur ce que j’ai dit plus haut de la synonymie des mots carabos et locusta. Elle s’appuie encore sur la ressemblance du mot lan- gouste à celui de locusta , et sur la ressemblance plus grande de celui a lagons ta , qui désigne cet animal à Gênes. Enfin , si l’on admet dans cette matière le témoignage / > d’ HISTOIRE NATURELLE. 373 d’un auteur qui n’étoit pas naturaliste 7 voici un passage de Suétone f qui ne peut sûrement s’appliquer qu’à la langouste. Suet. T/b. Caes. c. 60, p. 1 56 } edil. Lugd. Gryph. i565. « Gratulanti (piscatori) antem inter pœnam , quod non et locustam , quam prægrandem ceperat , obtulisset , locusta quoque lacerari os imperavit, » Il n’y avoit qu’un animal dont le corps est aussi couvert de piquans que l’est celui de la langouste qui pût déchirer le visage d’un malheureux. Quel est le nom latin de l’astacos? Pline l’appelle ele - phantus . Il est aisé de le prouver : i°. D’ une manière analogue à celle que nous avons suivie pour la langouste. Fn effet , dans son énumération des genresd’écre visses , lib. IX ^ cap. XXXI , il nomme l’astacos , et ne parle pas de Velep hantas, 20. D’une manière plus directe. La description suivante ne peut convenir qu’au homard , puisque seul entre les écre- visses de mer il a les quatre premiers pieds fourchus. Lib. XXXI I, cap. XI. cc Elephanti locustarum generis nigri , pedibus 4 bisulcis : præ.lerea brachia duo binis articulis , singulisque forcipibus denticulatis. « Quant au mot gammarus dont Gaza se sert pour rendre l’astacos d’Aristote, il est bien sûr que les Romains ne l’ont pas employé dans ce sens-là. i°. Pline ne s’en sert qu’une seule fois , lib. XXXII , cap. XII : où il donne une énumération générale des animaux marins par ordre alphabétique j encore met-il cammarus et non gammarus. Il n’y a aucune indication qui puisse le faire reconnoître. Cependant, comme il parle immédiatement 58 * 3y 4 A N K A L E S DU MUSEUM % après de s >n elephantus , il est impossible que ces deux ani- maux soient la même chose. 2°. Galien , lib* III , De alimentorum facultotibus , nomme l’astacos et le gammarus dans la même phrase comme deux animaux différens. « ’Açîüzo/j ^ zuçz/vq: > ^ xaçctëp) 3 Kctluiua.^,ih(T. 3°. Le passage suivant d’ Athénée prouve que c’étoit une espèce de squille ; par conséquent qu’elle n’avoit pas de serres , ou du moins n’en avoit que de fort petites. Ath. Deipnosoph. lib. VII, p. 3o6 , edit. Lugd. Casub. 1612, fol. D. 33 Camniari : Epicharmus in nuptiis liebes : Præter hos boces , sprardes aphyæ , cammari. » « Sopbron in muliebribus eorum memimt. Est autem squillarum genus. Romani vero sic appellant. » Il n’est pas aussi aisé de découvrir ce que ce peut être , que de prouver ce que ce n’est pas. Rondelet,, Histoire des Poissons , traduction française , liv. XVIII, p. 3 9 3 , croit prouver que le cammarus étoit la cigale de mer. C. arctus , Lusr. Voici ses raisons. i°. Le cammarus étoit , selon Athénée , une espèce de squille : aussi est la cigale. 20. Martial dit que le canunarus a la couleur rouge du surmulet 5 et la cigale est, de toutes les espèces , la plus rouge lorsqu’elle est cuite. Pour voir combien Rondelet est dans l’erreur, il ne faut que lire attentivement l’épigramme de Martial, lib. II, Ep. 43. Il y compare la médiocrité de sa fortune au luxe de son ami, et lui dit entre autres choses : « Imniodici libi flciva tegunt chrysendeta mulli 5 33 Concolor in nostiâ gamaiare h.nce rubes. » 11 est clair que Martial ne dit pas que le cammarus soit d’ HISTOIRE NATURELLE. 375 concolor mullo , mais lance : donc la belle couleur cle la cigale prouve trop ; car, pour avoir celle de la terre cuite , il n’est pas nécessaire d’être du plus beau rouge. D’ailleurs , si Rondelet , qui a si bien prouvé que sa cigale étoit la meme que le tettix d’Elien , avoit lu attentivement le cli. XXVI du livre XIII de 1 Hist. anim. , il auroit vu que la cigale étoit réputée sacrée , et que l’on n’en mangeoit pas : or , tous les auteurs latins nous parlent du cammarus comme d’une espèce qu’on mangeoit communément ; donc ce n’étoit pas la cigale. Scaliger, in lib. De subtilitate , Ex erc. CCLTr , p. j 5 o, ed. Francof. 1607, z'/z-ia., avance que le cammarus est l’écrevisse de rivière, parce que^ dit-il, sans cela elle n’au- roit pas de nom ; et Varron, voulant qu’on en donne aux oies , n’a pu l’entendre d’une bête marine. J’ai vérifié la citation de Varron. La voici : M. Vaur. De re rustica , lib. III, cap. XI, edit. de R. Etienne. Par. « Pabulum iis (anatibus) datur triticum , ordeuin , vinacei , uvæ , nonnun- quam etiam ex aquâ cammari , et ejusmodi aquatilia, » J’expliquerai dans peu ce passage; mais, en attendant, je vais y répondre par celui-ci de Columelle , qui semble prouver qu’il y avoit aussi des cainmaru marins : je parle de la nourriture à donner aux poissons des étangs d’eau salée. > Coltjm . De re rustica. lib. VIII, cap. XV1Î. « Nam et balecula modo capta et cammarus exiguusqne gobio , et quisquis denique est incrément! minuti piscis , majorent alit. » Quant à la première raison de Scaliger , elle n’est pas bien forte ; car l’écrevisse pourroit n’avoir eu aucun nom propre , ou , si elle en avoit eu , il seroit très-possible qu’il 3 J 6 ANNALES DU MUSEUM ne se rencontrât pas dans les auteurs qui nous sont restés. Pour moi , je pense que le cammarus étoit l’espèce de crevette que l’on appelle en Normandie cardon , et en Lan- guedoc civade . C’est le cancer crangon de Linnaeus. Il a les serres fort petites ) ainsi il pouvoit fort bien passer pour une squille , comme Le dit Athénée. Il est très-commun, et , lorsqu’il est cuit , sa couleur est un roux gris , appro- chant de la couleur de la terre cuite ; ce qui se rapporte aux vers de Martial. Enfin , les vers suivans de Juvénal ne laissent , à mon avis , aucun doute sur mon opinion. JuvÉtf. Sat. V, v. 8o , sqq. « Aspice , quàm longo distendat pectore lancem , Quæ fertur domino squilla ...... Sed tibi dimidio constrictus cammarus ovo Ponitur , exiguà feralis cœna patellâ. » Je demande si la cigale , l’écrevisse de rivière , ou toute autre espèce , excepté le cardon , pourroit se mettre dans la moitié d’une coque d’œuf ? — Mais on dira: que faites- vous du cammarus que Varron vouloit donner aux oies ? Ce n’est pas le cardon. — — Non ; mais c’est de toutes les espèces d’eau douce celle qui en approche le plus , c’est la chevrette des ruisseaux , le cancer locusta , Liw. Cela cadre aussi très-bien avec le passage de Galien , où il les nomme %ct/ujuctpi On sait que Apicius ayant ouï dire que la côte d’Afrique en produisoit de plus grandes , équipa un navire pour y aller , et que ne les ayant pas trouvées comme on le lui avoit dit , il revira de bord , sans être curieux de descendre à terre. Or 7 c’est encore aujourd’hui le long des côtes de Barbarie que les orchettas sont les plus communes. C’est encore à cette espèce qu’il faut rapporter ce que Elien dit des grandes écrevisses des Indes. Hist, art. lib. XVI , cap. XIII. « Squiilee îociwüs majores indicée swnt j etc. j» 3f8o A ÎT 1 i L E S> D tf' M JJ S ■& U M Le rneine Elien nous donne une fort bonne description de l’espèce que , d’après lui, Rondelet a nommée cigale. Èist. an. lib. ±11, cap. XXVI. « Est etîam cicadaTum géïnts marinum , quarùm maxima parvi carabi simi- litudinem speciemque gefit. Verùm tamen cornua non sirtiliter atque itls magna;, nec aculeos habet. Aspectn etiam nigrior est, et cùm captus est, stridorem quemdam edere videtur. Pinnœ ipsius exiguæ sub oculis enascuntur. » Voilà à peu près tout ce que j’ai pu rassembler sur le genre des karides ou squiiles. Vous voyons que toutes les espèces de la Méditerranée que nous connoissons aujour- d’hui , étoieiit aussi connues des anciens. Quant au dernier des genres d’Aristote , ses zapzivoi^ j’ai peu de chose à en dire, parce que, d’après ses pa- roles, il est presque impossible d’en déterminer les espèces. Il en fait quatre familles , Hist. an. lib. IV, cap. II. i°. Les maja , qui sont les plus grands. 2°. Les paguri et les héracléotiques. 3°. Les fluviatiles. 4°. Les petits , auxquels on n’a point donné de noms. Dans le même chapitre , il assure qu’il y eil a une espèce en Phénicie qui marche si vite, qu’on l’appelle kippae : c’est vraisemblablement une des espèces à longues jambes; d’autant plus que, De part. an. lib. IV. cap. VIII, il parle des, ïnajæ et des héracléotiques comme marchant mal et ayant des jambes très-courtes , de façon que la dureté de leur test contribue seule à leur conservation. Au même endroit, il dit que les majæ ont les jambes menues, et que les héracléotiques les ont plus courtes. Voilà à peu près le résumé de tout ce que Aristote dit touchant ce genre. Pline en a copié une partie ? lib. /AT, cap. XXXI } sans y rien ajouter; et Elien ni ) d’ histoire naturelle. 3 8 ï Athénée ne m’ont pas donné plus d’éclaircissemens. 11 n’est donc pas étonnant que les modernes aient tant varié dans l’application de ces noms. Rondelet , par exemple , donne le nom de maja au pou- part , fondé du moins sur sa grandeur. Belon etFracastor, Ap. Gesnerum , le donnent à l’araignée ^ ainsi que Matliiole et Jonston. M. Linné donne le nom de maja à une espèce différente des deux précédentes. Le nom de pagurus n'appartient pas à moins d’animaux. Rondelet le donne à l’araignée ; Belon et Scaliger, au pou- part. M. Linné les a suivis. lVLathiole le donne au C. maja de Linné. ' Rondelet nomme notre araignée C. héraclèotique. Belon, au contraire, et Scaliger, ont donné ce nom à la crête-de- coq , et prétendent que le C. liéracléotique de Rondelet est une petite maja. Rondelet avoit donné à la crête-de-coq le nom d 'arctos, qui se rencontre une seule fois dans Aristote pour désigner un crustacé. Belon et Scaliger, au contraire, donnent ce nom à l’orchetta. Ces variations ont étonné sans doute le lecteur. Si j’avois allégué les raisons dont chacun de ces auteurs étaie son opinion , leur foiblesse eût fait rire. Pour moi , je n’irai pas augmenter le nombre de ces nomenclateurs, qui ressemblent à des pilotes voguant en pleine mer sans boussole et sans étoile. Il nous reste à examiner deux espèces d’écrevisses que l’on trouve dans des demeures étrangères $ l’une est le Bernard l’hermite , qui loge sa queue molle et sans coque 5^ * 38a ANNALES DIT MUSEUM dans les coquilles univalves qu’il rencontre sur le rivage , et qui en change à mesure qu’il grandit. Un instinct aussi singulier a été remarqué par tous les auteurs : ils ne varient que dans les noms. Aristote le nomme x.apx.'tv/ov , Hist. an. lib. V, cap. XV, et De part. an. lib. IV. cap. VIII; dénomi- nation peu analogue à celle qu’il avoit fixée pour les autres genres, puisque le Bernard approche beaucoup plus de ses jcapuCo) que de ses x.etpx.ivot. Pline en parle , lib. IX, cap. XXXI, sous le nom de pinnotkère ; preuve du peu d’attention qu’a mis cet auteur dans sa vaste compilation , puisque dans le même livre, cap. XIII , il donne ce nom de pinnothère, d’après Aristote , à l’écrevisse qui habite les bivalves. Les mœurs , l’existence même du pinnothère , sont aussi incertaines que celles du Bernard l’hermite sont sûres. Les anciens et les modernes varient tous tant sur la forme du premier que sur ses habitudes. Aristote en parle de ma- nière à faire croire qu’il ne l’avoit pas vu , puisqu’il ne sait si c’est une squille ou un crabe ; et il dit qu’il sert de gardien à la pinne. Hist. an. lib V, cap. XV. Quelques lignes plus bas , il dit qu’on trouve de petits crabes dans plusieurs coquillages, comme les moules, les pinnes , les huîtres et les peignes. Il paroît même , par le passage sui- vant , qu’il y avoit trouvé quelquefois le C. depurator. De part. an\ lib. IV, cap. VIII. « CancelH autom qui perquàm exigui in pisciculis reperiuntur, pedes novis- simos laliusculos habent , ut ad nandum utiles sint , quasi pro pinnulis au.t remis pedes liaberentur. x> Pline prétend que c’est une petite squille, et qu’il fournit la pinne de nourriture, en l’avertissant de fermer sa coquille lorsqu’elle est pleine de petits poissons. Hist. tiat. lib. IX , cap. XL VIII. 3D*HISÎ0IRE WÀTTTRELLE. 383 Cicéron avoit déjà avancé cette opinion dans le passage suivant ; dont il paroît que celui de Pline est emprunté. Cic. De Nat. Deor. lib. II, cap. XLVIII. te Pinna vero (sic enim græcè dicitur ) , duahus grandibus conchis patulis , cuin parvâ squil â quasi societatem coit comparandi cibi. Itaque , cùm pisciculi parvi in concham hiantem innataverunt , tùm , admonita à squillâ, pinna morsu comprimit conchas. » Oppien imagine tout au contraire que le crabe mange la pinne ou l’huître , et il lui prête pour cela un artifice très-ingénieux; c’est que, lorsque la pinne s’ouvre, il jette une petite pierre entre ses écailles pour les empêcher de se refermer. Balon , Rondelet , et, après eux, Gessner , reviennent au dire d’Aristote. Ils croient que le pinnotlière fait sentinelle pour la pinne contre les attaques du poulpe ; ils le repré- sentent comme un petit crabe. Iiasselquist a embelli le roman de Cicéron et de Pline. Il prétend que le pinnotlière va à la provision , -et que, lorsqu’il revient , il pousse un cri pour se faire ouvrir. Le cri d’un crabe doit être curieux. L'inconvénient qu’a cette opinion par-dessus toutes les autres , c’est qu il est physiquement impossible que la pinne mange rien de ce que le crabe pourroit lui apporter , et qu’elle ne se nourrit que de l'eau de la mer. Sur l’autorité de son élève , Linné , dans la dixième édition du Systema naturae , regardoit encore le pinnotlière comme une écrevisse à longue queue. Il marquoit cependant son doute par un point d’interrogation. Dans la douzième édition , il décrit un tout autre animal , et le place parmi les crabes. Cependant il cite toujours la même figure de Jonston 3 8 4 AIN AUS P XI MUSÉUM qu’il avoit citée dans la dixième édition j et il faut remarquer que cette figure n’est qu’une mauvaise image du Bernard l’iiermite. Tout cela me fait croire que l’histoire du pinnotbère n’est qu’une imagination semblable à plusieurs autres , dont les crabes ont été l’objet ; et que toutes les espèces d’écre- visses peuvent se rencontrer entre les écailles des bivalves 9 lorsqu’elles sont assez petites et assez imprudentes pour s’y laisser prendre. Moi-même j’ai trouvé souvent dans des moules le crabe commun et l’étrille ? et dans des cœurs le C. strigosus , sans pour cela leur prêter toutes les inten- tions que les auteurs attribuent à leurs pinnothères. d’hiSÏ OIRE SATUREUE, 385 SUITE DES MÉMOIRES S u R les fossiles des environs de Paris ? par LAMARCK. j ç. Fuseau noduleux. Vélin , n° 6, fi g. 3. Fusus ( nodulosus ), ovatus , lœvis ; costulis nodulosus ; columellâ obscurè biplicatâ. n. L. n. Grignon. Sa grandeur est d’environ 12 millimètres : il est à peu près lisse, noduleux d’une manière remarquable par la sailiie des petites côtes oblon- gues de ses tours de spire, et sa columelle porte deux plis transverses peu apparens. Cabinet de M. Defrance. 20. Fuseau anguleux. Vélin , n° 6 , fig. O. Fusus ( angulatus ) , fusiformi-ventricosus ; costis grossis t aculo- angulatis ; striis transversis , prominulis , remotis. n. L. n. Grignon. Les plus grands individus de cette espèce ont presque 3 centi- mètres (un peu plus d’un pouce) de longueur. La coquille est fusiforme, ven- true dans sa partie moyenne, à queue grêle ou étroite, delà longueur de la spire. Des côtes anguleuses , grossières et un peu distantes , rendent cette spire très-raboteuse. Les stries longitudinales sont serrées et peu remarquables ; mais les transverses sont écartées et saillantes. La columelle porte deux plis à peine apparens. Cabinet de M. Defrance. Oh en voit dans le même cabinet une variété qui a 4 centimètres de longueur , et dont les plis de la columelle ne sont plus apparens. 21. Fuseau à un pli. Vélin , n° (r^fig- 8. Fusus ( uniplicatus ) , subcostatus , decussatus , asperulus, striis transversis , ele~ vatis ; columellâ uniplicatâ . L. n. Grignon. Très-belle espèce qui a jusqu’à 35 millimètres de longueur. ELI® 386 ASTRALES » ü MUSÉUM a des côtes obtuses , médiocrement élevées , et deux sortes de stries qui se croisent , mais dont les transversales sont moins serrées et bien plus saillantes. La columeile est chargée d’un seul pli. Cette coquille n’est pas rare à Grignon. Peut-être conviendra-t-il de la rapporter au genre des fasciolaires , ainsi que quelques autres fuseaux ici mentionnés, et qui portent sur leur columeile quelques plis peu élevés. Cabinet dfi M. Defrance et le mien. 22. Fuseau cordelé. Vélin , n° 6 , fîg. 9. Fusus ( funiculosus ) ^ fusiformi-elongatus , obsoletè costatus , decussatus , rugosus ; rugis transvers is , alternis majoribus ; columellâ subplicatâ, n. L. n. Grignon. Ceite coquille a beaucoup de rapports avec la précédente 5 mais elle est moins ventrue, à côtes plus obtuses et moins élevées. Les plus grands individus n’ont que 3o à 3z millimètres. On aperçoit sur sa columeile un ou deux plis très-peu élevés. Mon cabinet. s3. Fuseau heptagone. Fusus ( Jieptagonus ) , fusiformi-elongatus , pyramidatus , septifariàm costatus $ striis decussatis , obsoletis ; columellâ subuniplicatâ. n. L. n. Courtagnon ? Cette coquille a la forme d’un fuseau allongé , peu ventru, et pyramidal. 8a spire est régulièrement heptagone , ce qui fait connoître au pre- mier aspect cette espèce singulière. La longueur de la coquille est de 46 millimètres. Mon cabinet. a4- Fuseau subcariné, Fusus ( subcarinatus ), ovatus , turgidus , transversh scriatus ; anfractibus cari- nato-angulatîs , supernè planiusculis , n. L, n. Chaumont. Ce fuseau est court , renflé , et a l’aspect d’un murex ; mais il manque de véritables bourrelets , et n’a que des côtes longitudinales peu élevées, qui , dans leur partie supérieure , forment chacune un angle un peu pointu , presque épineux. Il est strié transversalement, et chaque tour de spire est çariné , anguleux , et un peu aplati en dessus. Il résulte de l’aplatissement des tours de spire , une rampe qui tourne en spirale , et dont le pian est légè- rement incliné et chargé de stries qui se croisent. Cabinet de M. Defrance. , &5. Fuseau petite figue. Vélin , n° 6. fig. i3, Fusus ( Jiculneus ), o va tus , turgidus , çostato-plicatus , subspinosus \ caudâ trans- fert im slriatâ ?* columellâ înùartâ , uniplicatâ . n. Murex jtculneus. Cheîæn. Conch . vol, XI. p. 3©i. t, 212, f. 3oo4,3oo5. L. n. Les en v. de Grignon. Aucun fuseau connu n’est aussi raccourci que celui d’histoire NATURELLE. 387 dont il est question. Il est ovale, renflé, presque globuleux, et a près de 3 centimètres (env. i3 lignes) de longueur. Ses côtes longitudinales sont peu élevées, au nombre fle 1 5 ou environ, et ressemblent à des plis. Chacune d’elles forme vers les deux tiers de sa longueur un petit angle noueux , qui donne lieu à une rangée transversale de tubercules sur le ventre de la coquille. La queue est un peu courte, arquée, striée transversalement, La columelle est torse et présente un pli oblique. Mon cabinet. e6. Fuseau bulbiforme. Vélin , Fusus ( bulbiformis ) , ovatus , ventricosus , sublacvigatus ; spirâ mucronatâ $ caudâ obsolète striata , subarcuatâ. n. Murex bulbus. Brand. Foss. p. 27. t. 4, Chemn. Conch. vol. XI. p. 298, t. 212, 3oeo , 3ooi. List. Conch. t. 1028, fig. 3. Vulg. la globosite. Voyez Favane , Conch. t. 66 , Jig. m. 11. (î. Id. Labro intiis sulcato. y. Id. Spirâ caudâque magis porrectâ. Vélin , n° 6 , jig. i5. Brand. Foss. n° 53. L. n. Grignon, Courtagnon , etc. Comme cette coquille fossile est commune, elle n’a point échappé; aussi est-elle figurée dans divers ouvrages des natu- ralistes. Elle est ovale-fusiforme, ventrue, lisse ou presque lisse, ses stries transverses étant presque imperceptibles sur la plupart des individus. Sa spire est mucronée, et sa queue présente une légère arcuation. Le bord gauche, épaissi dans sa partie supérieure, rend le haut de la columelle comme calleux. Les plus grands individus de cette espèce ont 7 centimètres (env. 2 pouces et demi) de longueur. Elle se rapproche beaucoup des pyrules. Mon cabinet. J’en possède une variété dont le bord droit , plus épais que dans les autres individus, est profondément strié ou cannelé intérieurement. La coquille a à peine 4 centimètres de longueur. Enfin , il en existe une autre variété ( var. y. ) qui se distingue en ce qu’elle est moins ventrue , et qu’elle a la spire plus allongée , ainsi que le canal de sa base. Cabinet de M. Defrance. 27. Fuseau térébral. Fusus ( terebralis) , striis transversis et granulatis c inc tu s ; anfractibus medio carinatis , dentatis ; spirâ terebratâ. n. L, n. Grignon. C’est une espèce rare , d’une forme élégante et très-remarquable.' L’individu entier que j’ai observé 11’a que 6 millimètres de longueur; mais j’ai vu des fragmens de quelques autres individus , au moins une ou deux .fois plus grands. La coquille est exactement fusiforme, chargée de stries trans-^ 60 2. 388 ANNALES DU MUSEUM verses, graîiuleuses , en quelque sorte semblables à des rangées de collier de perles. La spire est remarquable en ce qu’elle ressemble à une vis , que ses tours sont carinés dans leur milieu, et que chaque* carène est dentée sur son bord tranchant , connue les roues dentées d’une montre. L’une des faces com- primées de chaque carène est très-lisse ; c’est la supérieure. Ce petit fuseau a l’aspect d’un pleurotome ; mais son bord droit n’a point d’échancrure. Cabinet de M. Defrance. 28. Fuseau petite lyre. Fusus ( citharellus ) , turritus ; costulis longitudinalibus , laevibus , angustis ; caudâ brevi ) columcllâ rcctâ. n. L. n. Grignon. Ce petit fuseau ressemble un peu, par sa forme générale et sa grandeur, au fuseau scalaroïde n° 1 5; mais ses petites côtes longitudinales sont très-lisses, et disposées à peu près comme les cordes d’une lyre ou d’une harpe. Sa coluinelle est droite, et n’offre pas inférieurement la courbure qu’on observe dans le fuseau scalaroïde. Le bord droit de son ouverture est lisse intérieurement. Enfin, entre les côtes se trouvent des stries transverses, très-fines , presque imperceptibles. Cabinet de M. Defrance. 29. Fuseau lisse. Fusus ( laevigatus) , fusiformi-turritus ; spirâ lacvigatu , conicâ': mamillâ ter- rninali. n. L. n. Grignon. Il semble d’abord que cette petite coquille n’est que le fuseau bulbiforme extrêmement jeune ; mais sa spire est exactement conique et propor- tionnellement plus longue que la queue, ce qui n’a jamais lieu dans le fuseau bulbiforme. Sa longueur n’est que de 6 millimètres. Cabinet de M. Defrance. 30. Fuseau striatulé. Fusus ( striatulatus ) , fusiform i- turritus ; anfractibus planiusculis , supernè depressis ; striis transversis , subtilissimis , aequalibus. n. L. n. Grignon. Ce petit fuseau est bien caractérisé par la forme particulière de ses tours de spire , et par la finesse et la régularité de ses stries. Il n’a que 5 millimètres de longueur. Chaque tour de spire est un peu aplati sur le ventre, et déprimé en dessus. Cette dernière dépression forme dans toute la longueur de la spire une rampe spirale , à plan oblique , sur laquelle on voit des stries fines et arquées qui la traversent. La coquille n’a ni côtes ni tuber- cules quelconques. Cabinet de M. Defrance. 31 . Fuseau à deux plis. Fusus ( biplicatus) , ovatus , transversè striatus ; costis longitudinalibus^ c rebris , obiusis ; columellâ biplicatâ, n. d’histoire naturelle. 38^ L. n. Griguon. Il est très-petit et n’a que 6 millimètres de longueur. Sa spire est conique , composée de cinq ou six tours un peu convexes, chargés de petites côtes longitudinales, obtuses et peu élevées. Le canal de sa base est fort court. Cabinet de M. Defrance. 32. Fuseau variable. T'a sus ( variabilis ) , ovatus , multipostatus , transversè stria tus j anfractihus sub- angulosis . n. L. n. Grignon. Ce petit fuseau présente une espèce qui n’a rien de bien pro- noncé pour la distinguer des autres, et qui en outre varie un peu dans les indi- vidus qui s’y rapportent: elle n’a que 9 millimètres de longueur. 33. Fuseau troricafulé. Fusus ( truncatulatus') , ovato-turrilus , transversè striatus ; anfractihus margine superiore truncatis ; spirâ plicatâ . L. n. Grignon. Petit fuseau très-rare, et bien caractérisé par la saillie et la troncature du bord supérieur de ses tours de spire. Il est strié transversalement, et sa spire est assez élégamment plissée dans sa longueur. Il est long d’environ 7 millimètres. Cabinet de M. Defrance. GENRE XXIV. P y r u l e. Pyrula . ' ChARAC. CEN. - Testa subpyrij’ormis , basi caudato-canaliculata , sitpernè ven- tricosa ; suturis varier formibus nullis ; spirâ brevi. Columella îaevis. Labrum. non fissum. Observations. Linné , comme je l’ai déjà dit , donnoit à son genre miLrex une extension beaucoup trop considérable 7 puisqu’il y rap- portoit presque toutes les coquilles univalves dont la base se termine en un canal droit ou à peu près. Bruguière ? qui sentit l’importance pour l’étude de la conchyliologie de resserrer ce genre dans des limites plus convenables , en sépara les fuseaux 5 mais il ne distingua point les pyrules du genre des 60 * K 390 A lï 1T A L E S DU MUSEUM fuseaux qu’il établissoit. Elles en diffèrent néanmoins très- fortement par leur spire courte et par le renflement remar- quable du dernier tour de spire , qui donne à la coquille une forme approchant de celle d’une poire ou d’une ligue. Je conviens , malgré cela , que les py rules sont très- rapprochées des fuseaux par leurs rapports naturels , et même €[ue certaines espèces présentent de l’embarras pour les rap- porter plutôt à l’un qu’à l’autre de ces genres. Mais plus on observe ? plus on a lieu de se convaincre que cet inconvé- nient se rencontre dans presque tous les genres. Toutes les pyrules sont des coquillages marins qui habi- tent en général les climats chauds. Je rapporte à ce genre le murex perver sus , L. Murex canaliculatus , L. Murex melon gêna , L. Bulla rapa ? L. Bulla Jicus ? L. etc. ESPÈCES FOSSILES, ï. Pyrule lisse. Vélin , n° 7 5 fis- 1 • Pyrula ( laevigata. ) , obovata , laevis , obsoletissimè striata ; spirâ retusâ , mu- cronatâ. n. L. n. Grignon et Courtagnon. Elle a entièrement l’aspect , sur-tout dans les jeunes individus , d’une figue lisse ( Bulla ficus } L. ) ; mais la coquille est plus épaisse , et n’offre point ces stries croisées et bien apparentes qu’on ob- serve sur les coquilles appelées figues. Dans les individus les plus âgés , le ventre de la coquille est beaucoup plus élevé , moins arrondi, et présente une saillie remarquable. Au premier coup-d’œil on est tenté de distinguer ces indi- vidus comme appartenant à une autre espèce. Le bord gauche se distingue sur la columelle , et se trouve plus épais et calleux dans sa partie supérieure. La longueur de ces individus très-âgés est de 55 millimètres. Mon cabinet. 2. Pyrule subcarinée. Pyrula ( subcarinata ) , laevis ; dorso obtuse carinato ; anfractïbus supernè con - cavis -, subcanaliculatis ; spirâ acuminatâ. n. L. n. Houdan Cette pyrule a presque la forme du voluta labrella ; mais sa co_ lumelle n’offre aucun pli. Elle est lisse comme la précédente , et s’en. rapproche beaucoup par ses rapports. On l’en distingue facilement néanmoins par l’espèce d’ histoire naturelle, 691 de saillie du ventre de la coquille qui forme supérieurement une carène obtuse, et par le sommet concave de ses tours de spire. Cabinet de M. Defrance. 3. Pyrule tricarinée. Pyrula ( tricarinata ), clavata , decussata ; ultimo anfractu; striis tribus , trans- versis , remotis , eminentioribus . n. L. n. Parnes. Espèce rare et ti'ès-remarquable , qui appartient à la division des coquilles dites figues ( Bulla ficus , L. ) , et qui est chargée comme elles de stries longitudinales et de stries transverses qui se croisent ; mais , dans cette espèce , trois de ses stries transverges sont beaucoup plus élevées que les autres , et font paroître la coquille tricarinée , c’est-à-dire munie de trois côtes tranchantes. Sa longueur est de 33 millimètres (environ i5 lignes ). Les stries transverses deviennent très-obliques sur le canal de la coquille. Cabinet de M. de Jussieu. 4. Pyrule élégante. Vélin , n° 7 , fig . 2. Pyrula ( elegans ) , ovata , subventricosa , decussata ; striis transversis } elevatis , undulatis , distinctes, n. L. n. Grignon. Cette pyrule est plus ovale et a la spire un peu plus élevée que les autres. Sa superficie est ornée de stries fines , croisées , dont les trans- verses sont onduleuses. Cabinet de M. Defrance. £>. Pyrule à grille. Vélin , n° 7 , fig. 3. Pyrula ( clathrata ), obovato-clavata , decussata; striis transversis , altérais , mi~ noribus. n. L. n. Grignon. Elle a tout-à-fait la forme du bulla ficus , L. , et peut être regar- dée comme l’analogue fossile de l’une des deux espèces vivantes dont les sy- nonymes ont été confondus parmi ceux de la figue. Ses stries transverses sont plus fortes que les longitudinales 5 mais on en observe une petite dans l’intervalle qui sépare les grosses. Cabinet de M. Richard. 6. Pyrule tricotée. Vélin , n° 7 , fig. 4. Pyrula ( nexilis ), ovato-clavata , decussata ; striis transversis } majoribus , subaequalibus , distinctis. n. L. n. Courtagnon et Grignon. Cette espèce paroit être la même que le murex nexilis de Brander ( Foss. hanton. p. 2 7, n° 55). Elle ressemble beaucoup à la figue ; mais sa spire est un peu plus élevée, et on la trouve toujours plus petite. Sa superficie est réticulée par le croisement de ses stries, dont les transversales sont un peu plus grosses que les autres. Cabinet de M. Defrance. ANNALES DU MUSEUM 3^2 NOTICE S u R la vie et les ouvrages d’Hed'wig . PAR DELEUZE. _CjN consignant clans ses Annales les faits nouveaux que pré- sente tous les jours l’étude de la nature , le Muséum ne croit point étranger à son objet d’indiquer l’origine des décou- vertes qui ont récemment donné lieu à un grand nombre d’observations , et changé les idées sur quelques parties de la science. Tl pense encore que c’est à lui de rendre un hommage public aux auteurs de ces découvertes, en donnant une notice de leur vie et de leurs ouvrages , lorsqu’il n’en existe point dans la langue française. Ces motifs nous ont engagés à consacrer un article à la mémoire de Gærtner : ils nous déterminent aujourd’hui à parler d’un savant qui eut avec lui beaucoup de rapport par son caractère et par le genre des recherches qui occu- pèrent sa vie. La nature dans son ensemble présente un spectacle ma- gnifique , dont la contemplation élève l’aine 5 mais l’étude des détails attache par des merveilles sans cesse renouvelées : ici , la grandeur de la cause première se montre dans les effets ; là, sa sagesse se fait sentir dans la combinaison des ressorts qui les produisent 5 et si dans le premier cas nous d’histoire naturelle. 3 9 3 sommes transportés d’admiration,, dans le second nous éprou- vons une satisfaction plus vive en découvrant ce qui sembloit caché à l’homme. Ceux qui peignent les grands phénomènes , qui les expli- quent par des systèmes brilîans , qui, par des conceptions har- dies, embrassent le cercle des choses, parviennent plus rapi- dement à la célébrité , parce qu’ils s’adressent à l’imagination toujoursdisposée à l’enthousiasme; mais le temps les dépouillant d’un éclat étranger , il ne leur reste que les vérités dont ils ont enrichi les sciences. Ceux au contraire qui s’attachant à une partie en font connoître les détails , qui , par des obser- vations exactes , par une analyse rigoureuse des faits , dé- truisent des erreurs et donnent des hases à l’étude de l’en- semble , obtiennent plus lentement une réputation qui s’ac- croît avec les années , et leur témoignage est invoqué par tous ceux qui veulent donner des théories générales. Parmi ces observateurs infatigables qui , tenant chaque jour registre de ce qu’ils ont vu , sont parvenus à rassem- bler des faits dont le résultat éclaire une partie de l’histoire naturelle , un de ceux qui a le plus de droits à la recon- noissance des botanistes c’est Hedwig. Nous allons tâcher de faire connoître cet homme simple : nous exposerons sa principale découverte , nous distinguerons dans ses opinions ce qui semble prouvé de ce qui est douteux , nous indique- rons dans ses écrits quelques faits de physique végétale qu’il a le premier aperçus, et qui ont été mieux établis depuis , et nous donnerons une idée succincte de ses travaux. Jean Hedwig naquit à Cronstadt en Transylvanie , le 8 octobre 1780, de Jacques Hedwig, l’un des magistrats de la ville , et d’Agnès Galles. Sa passion pour la botanique 3 9 4 a mr a i e $ du muséum s’annonça dès sa plus tendre jeunesse. Comme 11 faisoit ses études au collège de son pays , il employoit à parcourir la campagne le temps que les écoliers emploient à des jeux ; il y recueilloit des plantes, les transportoit et les cultivoit dans le jardin de son père. Il ne clierclioit point de préfé- rence celles qui séduisent par la beauté de leurs fleurs ; il se plaisoit à rassembler un grand nombre d’espèces , et s’at- tachoit aux plus petites , qui dans un moindre espace lui offraient plus de variétés. Cet amusement avoit fait une telle impression sur son esprit , que , vers la fin de sa vie , il se souvenoit exactement de toutes les plantes qu’il avoit re- cueillies dans son enfance , et qu’ayant reçu de Cronstadt un herbier et des graines , il indiqua les espèces qui lui man- quoient et le lieu où l’on pourrait les rencontrer. Ayant perdu son père en î j47 : 011 l’envoya continuer ses études à Presbourg. Au bout de deux ans , ayant fini ses classes , et se destinant à la médecine , il alla à Zittau pour entendre les leçons de Gerlacli , recteur du collège de cette ville : il y passa trais ans , et se rendit ensuite à Leipsic. Il entra à l’Université , et suivit les cours de médecine , de phi- losophie et de mathématiques. Il eut "pour maîtres Crusius ? Kæstner , Ernest , Hebenstreit , Ludwig , Bohemer. Son ardeur pour le travail et la douceur de son caractère lui con- cilièrent l’affection de ses maîtres et celle de ses condisciples. Ludwig , dans un discours public , donna les plus grands éloges à son zèle , à ses talens , à ses connoissances , et re- connut les services qu’il avoit rendus à l’Université, en met-? tant en ordre le jardin et la bibliothèque , et en enrichissant le cabinet de plusieurs préparations anatomiques. Bose , professeur de botanique , prit en lui une telle d’ HISTOIRE NATURELLE. 3^5 confiance , qu’il le logea dans sa maison , lui donna le soin du jardin , et le chargea pendant trois ans de le suppléer à l’hô- pital. Ce secours fut très-utile à Hedwig ; le peu de fonds que sa famille lui faisoit passer étant insuffisant pour le soutenir à l’Université. Ses études finies , il étoit assez considéré pour réussir bientôt à Leipsic ; il eût pu y demeurer, et conserver , en attendant, les mêmes moyens d’existence. Mais le vœu de son cœur le rappeloit dans le lieu de sa naissance j il lui sembloit ne pouvoir jouir de ses travaux qu’en les rendant immédiate- ment utiles à ses compatriotes. Il s’empressa de retourner à Cronstadt , et demanda aux magistrats la permission d’y exer- cer la médecine. Que l’on juge de son chagrin lorsqu’elle lui fut refusée , d’après une loi par laquelle les médecins de Transylvanie dévoient avoir fait leurs études et avoir été reçus à l’Université de Vienne ! Obligé de se fixer dans une autre ville , il balança s’il s’adonnerait à la pratique de la médecine ou s’il ne chercherait point à obtenir une chaire de professeur à Leipsic. Cette place convenoit mieux à ses talens ) mais , pour y parvenir , il falloit f selon les statuts de l’Université , être d’abord reçu maître-ès-arts , puis doc- teur en médecine , enfin membre de la Faculté. Ces forma- lités exigeoient du temps et de la dépense, et la position où se trouvoit Hedwig rendoit bien difficile l’exécution d’un tel projet. D’après le conseil de Bose , il se décida à s’éta- blir dans une petite ville de Saxe. Il présenta , en consé- quence , sa Dissertation sur V emploi des émétiques dans les Jlèvres aiguës , et il fut reçu docteur en médecine en 1 7 ? sans avoir passé par le grade de maître-ès-arts. Alors Grun- dig , négociant de Chemnitz , homme de mérite , et qui avoit pour lui la plus tendre amitié , le décida à choisir cette ville , 6 1 2. 3 y 6 ANN A LES DU MUSEUM où iî se rendit , après avoir épousé mademoiselle Sophie Teller. Toujours passionné pour la. botanique, il voulut accorder ses goûts avec les obligations de son étatj il y réussit en ne perdant pas un moment. Il sortait tous les jours avant l’au- rore 5 il alloit pendant quelques heures herboriser à la cam- pagne : à son retour , il visitoit ses malades , il réfléchissoit sur leur situation j et le soir il examinoit les plantes qu’il avoit recueillies , et cultivoit celles de son jardin , observant avec soin tout ce qui pouvoit l’éclairer sur la physiologie végétale. Comme les plantes dont le port est remarquable étoient bien connues , il s’attacha particulièrement aux graminées et aux cryptogames ; mais n’ayant point de livres , et se trou- vant dans l’impossibilité d’en acheter , il rencontroit souvent des difficultés. Il écrivit au célèbre Schréber, qui venoit de faire une Monographie des Phascum et une Flore de Leip- sic7 et lui demanda des éclaircissemens. Schréber, enchanté de ses observations , entra en correspondance avec lui , devint son ami , et voulut lui procurer les ressources nécessaires pour l’étude. Il lui envoya des livres , et lui fit présent d’un microscope simple , ensuite d’un mi- croscope composé , exécuté par l’opticien Reinthaler. Qu’on se figure la joie et la reconnoissance d’Hedwig en recevant ce trésor ! mais aussi combien Schréber fut récompensé , lors- que, quelques années après , étant venu à Chemnitz faire une visite à son ami , celui-ci lui fit voir les organes sexuels des mousses , dont il devoit la découverte à ses bienfaits ! Quoique le microscope de Reinthaler fût très - bon , Hedwig le perfectionna pour en rendre l’usage plus commode j et comme à l’aide de cet instrument il décou- vrait chaque jour des choses nouvelles , pour en conserver D5 HISTOIRE NATURELLE. 3p 7 le souvenir et pour pouvoir les communiquer , il apprit seul à dessiner, quoiqu’il eût alors plus de 4° ans* Aussi se moquoit-il de l’opinion qu’on n’acquiert point dans un âge avancé les connoissances dont on n’a pris aucune notion dans la jeunesse. Cela prouve du moins qu’à tout âge il suffit d’une volonté forte et d’une extrême application pour vaincre les obstacles. En examinant des mousses , Hedwig reconnut bientôt qu’elles étoient soumises aux mêmes lois que les autres plantes , mais que Linné s’étoit trompé sur les organes de leur fructification. Il vit que les urnes portées sur un pédi- cule , que l’auteur du Système sexuel avoit prises pour des anthères , étoient de vraies capsules , et contenoient des graines , et que les petits corps oblongs , sessiles dans les rosules ou dans les aisselles des feuilles , étoient des anthères. Ce n’étoit cependant encore qu’une opinion établie sur l’ana- logie 5 mais, le î 7 janvier 1 774 (1) , ayant vu une anthère du bryum pulvincitum s’ouvrir et lancer le pollen , sa décou- verte lui fut démontrée , et il se proposa de la vérifier sur les diverses mousses qu’il pourroit se procurer. Ce travail de- vint alors sa principale affaire : il trouva dans toutes les mêmes organes j et ayant essayé de semer les graines de plusieurs espèces , il réussit à les faire lever et à en voir distinctement les cotylédons. Cet enchaînement d’observations , cette suite de mer- veilles qui s’offroient aux yeux d’Hedwig , et lui donnoient chaque jour des preuves de la vérité de sa découverte, étoient (1) Je tiens cette date de M. Hedv/ig fils. Dans les notices publiées en Allema- gne j elle est fixée au 17 janvier 1770. 6l * 3 €} S A îT I A I E S 'JD U MUSÉUM pour lui une source de jouissances qui encliantoient sa vie et ne lui îaissoienl former aucun désir. Heureux dans le sein de sa famille , content de l’estime de quelques amis, se ren- dant à lui-même ce témoignage qu’il étoit utile à ses conci- toyens par les soins qu’il donnoit aux malades , et sur-tout aux pauvres , il ne songeoit ni à augmenter sa fortune ni à acquérir de la réputation. Une vie simple et frugale , l’ordre établi dans sa maison , ne lui laissoient pas aperce- voir le besoin des richesses. Le spectacle de la nature occu- poit seul son esprit ; il lui procuroit des jouissances d’autant plus délicieuses , qu’elles étoient indépendantes de l’opinion, et s’associoient aux sentimens religieux dont il étoit pénétré : il clierclioit la vérité dans le silence , il l’aimoit pour elle- même , et n’étoit jamais troublé par la pensée des applau- dissemens et des critiques. Cette situation est bien douce $ mais pour en sentir le charme il faut que l’ame soit en paix. Le bonheur dont il jouissoit fut troublé par les seuls cha- grins qui pussent l’affecter. 11 chérissoit sa femme , il en avoit eu neuf enfans ; il la perdit en 1776. Bientôt à sa douleur se joignirent les embarras du ménage dont il ne s’étoiî jamais occupé : il se seroit dégoûté du travail , si les consolations de ceux qui l’entouroient ne lui eussent rendu du courage. Environ 1 8 mois après , sentant qu’il lui étoit impos- sible de prendre soin de ses affaires domestiques , de veiller à l’éducation de six enfans qui lui restoient , et de suivre ses travaux de médecin et de naturaliste , il céda aux conseils de ses amis qui le pressoient de se remarier , et il épousa mademoiselle Suîzberger (de Leipsic) , file également recom- mandable par sestalens et par ses vertus. Celle-ci ne se borna b’ HISTOIRE NATURELLE. OC; 9 point à rendre à son époux la félicité intérieure , elle l’ex- cita à travailler pour sa réputation et pour l’avantage de sa famille. Hedwig reprit ses travaux avec une nouvelle ardeur j et apres avoir revu les observations et répété les expériences qui étayoient sa découverte, il se détermina à la publier en alle- mand sous le titre à' Observations sur les véritables parties de la génération des mousses , et sur leur multiplication par des graines. Cet ouvrage parut en i 779* Arrêtons-nous un moment , non pour juger l’opinion d’Hedwig , mais pour voir avec quelle lenteur , avec quelle défiance de lui-même il s’étoit décidé à l’annoncer. Il avoit alors 49 ans : depuis vingt ans il s’étoit livré à l’étude de la cryptogamie y et depuis cinq ans qu’il avoit vu une anthère de mousse lancer le pollen , si on excepte quelques mois où le chagrin l’avoit abattu, il n’avoit pas passé un jour sans examiner de nouvelles espèces , sans vérifier ses observations : bien différent en cela de tant de naturalistes qui sur un premier aperçu ont avancé des idées systématiques , et se sont ensuite trouvés engagés à les soutenir pour ne pas revenir sur leurs pas. Hedwig avoit passé sa vie à recueillir des faits j il n’avoit rien voulu publier qu’il n’en eût constaté la vérité par tous les moyens qui étoient en son pouvoir : n’ayant point attaché sa gloire à telle ou telle opinion , il pouvoit se rétracter chaque jour sans compromettre son amour-propre j il avoit même pris l’habitude d’aimer la vérité pour elle- même. Il sonde d’abord l’opinion de ses compatriotes par un mémoire simple , écrit dans la langue de son pays : à cin- quante ans, il semble n’avoir rien fait encore. Mais nous verrons , par les ouvrages qu’il publia dans la suite, combien il avoit gagné à rassembler des matériaux dans la retraite. 4©0 ANNALES DU.MUSEUM Hedwig étoit trop isolé pour qu’un premier ouvrage écrit en allemand fixât tout à coup l’attention. Madame Hedwig voyant que la pratique de la médecine , dans une aussi petite ville que l’est Chemnitz, ne pouvoit fournir à son mari des ressources suffisantes pour l’éducation de ses enfans , et que d’ailleurs ses talens y seroient dans l’obscurité , le déter- mina à aller s’établir à Leipsic , où il se rendit au milieu de 1781. L’année suivante , il publia en latin sa découverte , sous le titre de Fundamentum historiae naturalis muscorum frondosorum . C’est le résultat de vingt ans d’étude et de mé- ditations. On y trouve tout ce qu’on peut desirer sur l’ana- tomie des mousses, sur leur fécondation et leur multipli- cation j enfin , une méthode nouvelle de les distribuer en genres, d’après des caractères pris de la forme et de la si- tuation des parties de la fructification. Cet ouvrage fixa l’attention des botanistes: on vérifia dans tous les pays les faits qu’il présentoit 5 ils parurent si curieux, que chacun voulut les voir. L’étude de la cryptogamie devint à la mode 5 et dès lors, dans la plupart des livres nouveaux, les mousses furent classées d’après la méthode d’Hedwig. Ceux même qui n’adoptèrent pas ses genres et sa nomen- clature firent usage de ses caractères. Cependant quelques hommes d’un mérite distingué attaquèrent sa théorie. Et quelle est la découverte qui n’ait pas été d’abord combattue? Il faut même savoir gré à ceux qui s’opposent à ce qu’on adopte trop légèrement des idées nouvelles 5 leurs objections , lorsqu’elles sont résolues , confirment la vérité et la rendent plus stable. L’académie de Pétersbourg ayant proposé pour prix de d’histoire NATURELLE. 4°1 déterminer les parties de la fructification des plantes cryp- togames de Linné , Hedwig traita la question dans toute son étendue : l’académie lui décerna le prix , et fit imprimer l’ouvrage en 1784. Bientôt il eut à repousser de nouvelles attaques : il nous paroît l’avoir fait sans réplique , relative- ment aux mousses et aux hépatiques : son opinion sur les fougères est très-ingénieuse, mais moins prouvée ; celle sur les lichens et les champignons n’est encore appuyée que sur des conjectures. Jusqu’alors Hedwig avoit vécu pauvre et ignoré : sa ré- putation s’étant tout à coup répandue dans le monde savant, on voulut un peu tard récompenser son mérite. Le conseil de la ville lui confia d’abord le soin de l’hôpital militaire en 1 7 84 • deux ans après, il fut nommé professeur extraordinaire de la Faculté de médecine 5 et, en 1789, l’électeur lui donna la chaire de professeur de botanique, vacante par le départ de Pohl, l’intendance du jardin, et un logement à l’académie. Sa nomination à ces places éprouva beaucoup de diffi- cultés : selon l’ordre établi, il n’en étoit pas susceptible, parce qu’il avoit été reçu docteur sans avoir passé par le grade de maître-ès-arts , et que cette formalité ne pouvoit plus être remplie. Mais l’électeur (1) interposa son autorité: il jugea qu’un mérite reconnu devoit être au-dessus des règles établies pour garantir de mauvais choix. Ainsi celui (j) Frédéric- A uguste , électeur de Saxe. Ce prince, ami des sciences, n’a rien négligé pour favoriser les progrès de la botanique. Il a établi à Pilnitz un jardin qui ne le cède pas aux plus riches de l’Allemagne. Ce jardki est sur-tout remarquable en ce qu’on y élève avec soin les plantes cryptogames : on les dissèque , on les examine au microscope, et un artiste distingué est chargé de dessiner ce qui a été observé. C’est probablement à Hedwig qu’est due l’idée de cet établis- sement, qui deviendra très-utile à la physiologie végétale. 4 0 2 ANNALES DU MUSEUM qui n’avoit pu obtenir la permission de s’établir en qualité de médecin dans la petite ville de Cronstadt sa patrie, fut, par une exception honorable, dispensé de toutes les lois. Il semble que les places que Hedwig avoit à remplir, les occupations dont il étoit surchargé , la célébrité qu'il avoit acquise , le soin de faire des élèves , le grand nombre d’étrangers qui venoient s’instruire auprès de lui , les dis- cussions dans lesquelles il se trouvoit engagé pour répondre aux critiques , les distractions qui naissent des faveurs subites de la fortune, enfin, le tourbillon au milieu duquel il étoit jeté , auroient dû lui laisser peu de loisir pour composer de nouveaux ouvrages. On devoit s’attendre qu’il se borneroit à suivre son travail sur les cryptogames ; mais il avoit em- ployé trente-cinq ans à étudier la nature; et, s’il avoit différé de publier le résultat de ses observations , c’étoit pour les comparer entre elles, pour les présenter non point isolées ? mais liées à un système général de physique végétale. Divers traités dont chacun semble exiger de longues recherches , vont se succéder avec une étonnante rapidité : il ne lui faudra que le temps de les écrire , parce que tous les matériaux étoient ordonnés dans sa tête , parce que chacun en particulier n’est qu’un extrait de l’ensemble de ses connoissances. En effet, à peine Hedwig a-t-il donné son Histoire des mousses , qu’il publie successivement s 1 °. Un Traité sur l’origine des parties de la fructification , dans lequel réfutant une erreur de Linné, que la célébrité de ce législateur de la botanique avoit fait adopter , il montre que les étamines et les pistils sont produits par les mêmes vaisseaux que les autres parties de la plante , et non par la moelle. 2°. Un Mémoire sur les racines , dans lequel s’appuyant d’ histoire naturelle, 4°3 de V Anatomie de Colchique , il fait voir la différence des bulbes et des racines , celle qui existe entre la partie d’où s’élèvent la tige et les feuilles et celle qui pompe les sucs de la terre. 3°. Un Mémoire sur les cotylédons , où il en examine la nature et l’usage , et établit qu’ils n’excèdent jamais le nombre de deux. 4°. Une Dissertation sur les générations vivipares des plantes, où il prouve par divers exemples que lorsqu’une sève abondante est détournée de son cours naturel par le retranchement d’une partie des feuilles, il naît des bulbes dans leurs aisselles. Ceci est appuyé d’expériences faites sur la fritillaria régi a , L. 5°. Un Mémoire sur les organes de la transpiration des plmites. C’est là qu’il montre qu’une foule de vaisseaux ram- pent sous l’épiderme des feuilles , s’ouvrent à leur surface, et forment des pores d’une figure régulière, qui donnent issue à la transpiration. Ces pores avoient été aperçus par Saus- sure, qui leur avoit donné le nom de glandes.. Hedwig en a vu la situation , la forme et l’usage. C’est une belle découverte que le citoyen Decandolle a généralisée, en la vérifiant sur un grand nombre de plantes, en comparant la situation , la forme et le nombre de ces pores selon les cir- constances, et en en tirant les conséquences les plus impor- tantes pour la physiologie végétale. 6°. Un Examen du caractère distinctif des animaux et des végétaux. Dans ceux-ci, les organes sexuels ne sont point persistans, ils tombent après la fécondation ; et, si le végétal continue de vivre, il en produit d’autres pour une fécon- dation nouvelle. 62 2. 4 o-4 ANNALES DU MUSEUM 7°. Une Réponse aux questions que le docteur Arthur Young avoiî proposées sur l’arrosage des prairies par l’eau de source. Iledwig traite ce sujet en naturaliste et en phy- sicien. Il assure que l’eau pure ne peut suffire à la nutri- tion des plantes , qu’elle est seulement le véhicule des parties huileuses et mucilagineuses que les plantes peu- vent s’assimiler j que si des graines se développent et pous- sent des tiges et des feuilles dans de l’eau distillée , ces tiges et ces feuilles ne contiennent pas plus de matière solide qu’il n’y en avoit dans la graine , et que l’eau renfermée dans leur tissu spongieux n’a pas changé de nature. Ce résultat a depuis peu été confirmé par des expériences du citoyen Vauquelin. Hedwig ajoute que l’eau est d’autant plus propre à dissoudre des molécules huileuses et mucilagineuses prises dans la terre ^ et conséquemment à nourrir les plantes^ qu’elle est plus chargée d’oxigène, et que cet oxigène agit encore comme un stimulant qui augmente l’irritabilité des vaisseaux. 8°. Une Dissertation sur V origine de la Jîbre végétale ; ouvrage fondamental, dont j’exposerai les principes, et dont je comparerai les résultats avec ceux du beau travail du citoyen Mirbel. 9°. Des Observations sur dusage des feuilles dans les plantes j sujet déjà traité par Bonnet, dont Hedwig avoit traduit en allemand les ouvrages d’histoire naturelle , mais présenté sous un point de vue nouveau. Hedwig considère les feuilles comme les organes où les sucs se préparent et se conservent. 1 o°. Un Mémoire dans lequel, après avoir décrit les or- ganes sexuels de plusieurs cucurbiîacées à l’époque de la fécondation , il examine la manière dont le pollen vivifie d’histoire NATURELLE. 4 O 5 les ovaires, et les changemens que ce phénomène produit dans les végétaux. ii°. Des Notes sur les aphorismes de Humbolt , dans lesquelles il développe plusieurs principes de physiologie végétale. 12°. Enfin, des Considérations sur V état présent et sur Vétat futur de la botanique , et sur la meilleure manière de V étudier. Je n’ai indiqué ici que les principaux ouvrages : il y en a une foule d’autres , relatifs à des questions d’agriculture ou à rétablissement de quelques genres. Hedwig termina ses travaux par une nouvelle édition de sa Théorie des plantes cryptogames , dans laquelle il traite son sujet avec plus d’étendue et de développement , corrige les erreurs qui lui étoient échappées , répond aux objections qu’on lui avoit faites , et donne des principes essentiels sur l’art d’obs ~ver, sur l’usage du microscope, et sur les moyens de se garantir des illusions de cet instrument. La lecture de cet ouvrage dissipe tous les doutes qu’on a voulu faire naître relativement à la vérité des faits observés par Hedwig, et à l’exactitude des figures qu’il a jointes à ses descriptions Ces divers traités parurent depuis 1779 jusqu’à 1798; et cependant Hedwig publioit par cahiers successifs ses stirpes cryptogamicae , ouvrage qui renferme en 4 vol. in-fol. la description analytique de cent quarante-huit espèces de mousses et de cinquante autres cryptogames, toutes examinées au microscope, et figurées avec autant d’élégance que d’exacti- tude : il préparoit même une histoire générale des mousses , dans laquelle il caractérisoit toutes les espèces connues, et figurait celles qui ne l’étoient pas. Ce travail qu’il n’a pas 4 O 6 A N îf À L E S DCJ MUSÉUM uu le temps de terminer, a été rédigé et publié sur ses ma- nuscrits et sur ses dessins par Frédéric Schwægricîien. On y trouve l’indication de trois cent soixante espèces, dont cent cin- quante-sept sont parfaitement gravées. Hedwig avoit eu de sa seconde femme six enfans , dont cinq étoient morts en bas âge. Une fille dont il avoit soigné l’éducation , lui fut enlevée à seize ans par la petite vérole. Ce chagrin l’accabla : il fit des efforts pour se vaincre en s’attachant obstinément au travail j mais ses forces étoient épuisées, et le repos insupportable à son ame eût été né- cessaire à sa santé. Pendant le froid rigoureux qui se fit sentir à la fin de 1798, voulant continuer de visiter ses malades, et ne prenant aucune précaution, il fut attaqué d’une fièvre catliarrale : il en étoit à peine guéri, qu’une fièvre nerveuse le fit. périr au bout de neuf jours, le 7 février 1799, à l’âge de 69 ans. De quinze enfans , quatre seulement lui ont survécu , deux filles et deux fds, dont un , M. Romain- Adolphe Hedwig, professeur de botanique à Lcipsic , connu par divers ouvrages de physiologie végétale et de cryptogamie, a publié celui de son père sur les fougères , et l’a enrichi de figures (1). Hedwig étoit doué d’une très-bonne vue et d’une adresse (1) On imprime en ce moment à Paris un ouvrage de lui , sur les champignons 'singuliers et peu connus qui croissent sur les feuilles vivantes. Il y examine l’organisation de ces végétaux microscopiques , la manière dont ils se propagent , la forme et la situation de leurs péricarpes et de leurs graines : il en décrit un grand nombre d’espèces nouvelles , et les distingue par dès caractères essentiels. Les dessins qu’il a joints à ses descriptions sont d’une exactitude et d’un fini admirables. C’est à M. Pi. A. Hedwig que je me suis adressé pour avoir des mémoires sur la vie de son père. Je regrette que les bornes de ces Annales ne me permettent pas de faire usage de tout ce qu’il a bien voulu me communiquer d’intéressant. d’histoire ïf ATIJE.lt L ,£. 4° 7 singulière : ces qualités lui furent très-utiles pour le genre de recherches auquel il se livroit. Il faut voir , dans son dernier ouvrage , avec quel soin il préparait les objets microscopiques, avec quelle patience il recooiraen* poit cent fois le même travail , et par quels moyens il s’assuroit de l’exactitude de ses dessins* Sa mémoire étoit prodigieuse, et lui donnoit la facilité de comparer chaque observation avec celles qu’il avoit faites depuis sa jeunesse. Il conserva jusqu’à la fin de sa vie l’habitude de faire de longues herborisations : les jeunes gens qui l’accompa- gnoient , étoient étonnés de le trouver infatigable. Ces courses étaient pour eux des parties de plaisir. Hedwig leur exposoit avec simplicité ses principes et ses découvertes , il leur en- seignoit sur-tout l’art d’observer; et, lorsqu’au milieu d’un bois , dans un site frais et ombragé , il se trou voit environné des petites plantes dont il avoit découvert les principaux organes, il sentoit renaître la vigueur de sa jeunesse et se livroit avec eux à une douce gaieté. Ses élèves le respec- toient comme un père , le chérissoient comme un ami , et conservoient avec lui cette aimable liberté qui naissoit d’une entière confiance et d’un égal amour pour les merveilles de la nature , amour qu’il inspiroit à tous ceux qui s’entrete- noient avec lui. J’en ai connu plusieurs; ils ne parlent de leur maître qu’avec attendrissement. Ses vertus domestiques l’avoient sur-tout rendu un objet de vénération pour sa famille. Jamais il n’y eut un père plus tendre, ni des enfans plus respectueux. La célébrité qu’il avoit acquise tout à coup l’avoit sans doute flatté : les critiques auxquelles il ne s’attendoit pas le chagrinèrent ; mais ces jouissances et ces chagrins de l’amour-propre ne 4o8 ANNALES D LT MUSEUM firent qu’effleurer son ame. Les affections de son cœur , qui furent la cause de ses peines les plus vives , furent aussi la source de ses plus doux plaisirs. Dans sa dernière maladie , l’irritation de ses nerfs lui présentait des fantômes dont il était effrayé. Il appela sa femme et sa fille : « Donnez-moi »> vos mains, leur dit-il : dès que je vous touche , mes terreurs » s’évanouissent. » Entraîné par l’intérêt que m'inspiroît un homme qui a rendu de si grands services aux sciences naturelles, j’ai tâché de peindre son caractère et la route qu’il a suivie dans ses études. J’ai fait voir que la plus grande partie de sa vie a été employée à recueillir et à comparer des obser- vations , et que se montrant" dans la carrière des sciences dans un âge avancé, il étonna tout à coup par la singularité de ses découvertes , par l’abondance des preuves dont elles étoient appuyées, par le nombre et la variété de ses travaux. Je n’ai point voulu interrompre le £1 de cette histoire pour présenter l’analyse de ses ouvrages à mesure qu’il les a publiés: cette tâche me reste à remplir. Je vais exposer succinctement, i°. sa théorie des mousses ; 2°. celle des fougères; 3°. son système sur les autres cryptogames; 4°* enfin ^ je réunirai sous un seul point de vue ses opinions sur divers faits de phy- sique végétale. Cette marche sera plus rapide qu’une analyse de chacun de ses ouvrages en particulier , et elle fera mieux connoître le génie de l’inventeur. La suite au prochain numéro , 3)’ HISTOIRE NATURELLE. 4°9 NOTICE Sun V établissement de la collection d' anatomie comparée du Muséum. par G. CUVIER. L’ histoire de cette collection se partage en trois époques principales : Sa première origine sous l’Académie des sciences ) Ses accroissement sous Buffon et Daubenton $ Sa nouvelle disposition dans ces dernières années, L’Académie des sciences ? lors de sa création , avoit en- trepris un certain nombre de travaux communs parmi les- quels la description et l’anatomie des animaux qui passaient successivement à la ménagerie de Versailles tenoient un des premiers rangs. Tout le monde connoit les Mémoires pour servir à V his- toire des animaux , qui furent le résultat de ce travail ? et que Perrault rédigea d’après les observations de Duverney et de quelques autres anatomistes. On prépara dès lors ? et on déposa à la ménagerie un certain nombre de squelettes , tant de quadrupèdes que d’oi- seaux et de reptiles, L’Académie ayant été établie sous une 4 1 O ANNALES DU MUSEUM nouvelle forme , en 1699 , ne s’occupa plus de travaux communs 5 et ces squelettes restèrent comme oubliés , jusque vers 1700, que Buffon demanda et obtint la permission de les faire transporter au Jardin des Plantes. Ce grand liomme avoit conçu un pian d’histoire des ani- maux , plus étendu que celui d’aucun de ses prédécesseurs ) il vouloit en faire connoitre l’organisation entière 5 et on peut dire qu’à l’aide de Daubenton il commença , d’une manière très-satisfaisante , l’exécution de ce plan , pour la classe des quadrupèdes vivipares. C’est ici la seconde époque de l’histoire du cabinet. Daubenton , chargé des dissections , fit conserver le plus de parties qu’il lui fut possible , soit dans l’esprit-de-vin , soit desséchées 5 de ce dernier nombre furent sur-tout les squelettes qui ont été décrits et représentés dans la grande édition de Y Histoire naturelle. Mais Buffon abandonna cette partie de son plan dans son Histoire des oiseaux et dans les Supplémens à celle des qua- drupèdes ; il n’y fut plus question d’anatomie. On n’aug- menta donc plus la collection. Les squelettes de quadrupèdes furent même forcés de faire place aux objets plus brillans qui arrivoient de toutes parts dans le cabinet , et ils furent successivement transportés dans des endroits écartés , où plu- sieurs furent considérablement endommagés. Les choses restèrent à peu près dans cet état jusqu’à l’érec- tion de l’établissement en Muséum d’histoire naturelle. Une chaire d’anatomie comparée y fut créée. M. Mertrud , pre- mier titulaire, s’occupa aussitôt de faire conserver les sque- lettes et les parties molles des animaux qui moururent à la ménagerie 3 et lorsque son grand âge et ses infirmités ne lui 3)’ HISTOIRE NATURELLE. 4*9 et que c’étoit un conte imaginé par quelques déserteurs, quine fussent jamais revenus, si de l’autre côté des mon- tagnes ils avoient rencontré un établissement d’Européens. En partant du port Jackson , je compte diriger ma route par le détroit de Basse , afin de venir reconnoître une île d’une étendue considérable nouvellement découverte par des pêcheurs anglais , et qu’on a nommée l’île King ( ou du Pioi ). Après en avoir terminé le travail géographique , je me rendrai à l’île des Kanguroos sur la côte sud-ouest de la Nouvelle-Hollande , dont M. Flenders ni moi n’avons pu examiner la partie sud. De là j’irai aux îles Saint-Pierre et Saint-François pour les visiter une seconde fois et m’assurer de la direction du continent dans cette partie qui m’est in- connue. Partant ensuite du point où s’est arrêté le général d’Entrecasteaux, point que nous avons déjà reconnu, je me rendrai directement à la terre de Leuwin pour terminer en- tièrement le travail de la grande baie qui porte le nom du Géographe. Comme il m’a paru essentiel pour la perfection de la géographie de déterminer la position des îles du Ro- marin découvertes par Dampier , et que j’ai déjà inutile- ment cherchées par la latitude et la longitude que leur assi- gnent nos cartes marines , je ferai une nouvelle tentative pour les rencontrer , afin de reprendre ensuite la terre de "W itt dont la carte n’a pas la perfection nécessaire à la sûreté de la navigation. Les raisons qui m’ont empêché de bien faire ce travail la première fois que j’ai prolongé cette côte , vous sont connues par la lettre que j’ai adressée au ministre de la marine peu de temps avant mon départ de Timor. La côte nord de la Nouvelle - Hollande et le golfe de la Carpen- 64 2. 4.2 0 A lî I i L E S DU MUSEUM tarie termineront nos travaux ; mais je crains que tant d’ou- vrage ne prenne beaucoup plus de temps que ne le permet- tront les provisions que nous avons faites ici. Je n’ai pas vu sans admiration les travaux immenses qu’ont faits les Anglais depuis douze ans qu’ils sont établis au port Jackson. Quoiqu’ils aient commencé avec de grands moyens et fait de grandes dépenses , il n’en est pas moins difficile de concevoir comment ils sont si promptement par- venus à l’état de splendeur et d'aisance dans lequel ils se trouvent présentement. La nature , il est vrai , a tout fait pour eux dans la beauté et la sûreté du port où est situé leur principal établissement ; mais la qualité du sol des environs les a mis dans la nécessité de pénétrer dans l’intérieur du pays jusqu’à ce qu’ils aient rencontré un sol convenable aux différentes cultures , qui fournissent abondamment à leur subsistance et aux consommations des bâtimens européens , que le commerce de la pêche ou d’autres circonstances atti- rent sur cette cote. Indépendamment des brigantins , sloops et goélettes de moyenne grandeur, construits dans cette nou- velle colonie , et appartenans à divers particuliers , nous avons trouvé à notre arrivée dans ce port neuf grands bâti- mens venant d’Angleterre , et deux américains. Les uns doi- vent faire leur retour par la Chine , et les autres s’employer à la pêche de la haleine qui produit le spermaceti. Le béné- fice que produit ce genre de spéculation augmentera consi- dérablement la navigation des Anglais, si, par la suite, la pêche continue d’être abondante. Elle se fait ordinairement sur les cotes ou dans les environs de la Nouvelle-Zélande. La population actuelle du port Jackson et des autres lieux d’ histoire naturelle. 4-2 t occupes parles Anglais se monte à six mille hommes, la plu- part employés à la culture. Tous les arbres à fruit d’Eu- rope se sont bien acclimatés, mais tous n’ont pas également réussi ; de ce nombre, sont particulièrement le pommier, le cerisier et l’amandier. Les légumes, sans exception , y vien- nent bien, sont de bon goût, et abondans dans la saison. La vigne qui , dès les premières années , avoit donné de grandes espérances, a tellement perdu , qu’on doute si elle pourra se soutenir par la suite. La cause de ce dépérissement inattendu n’est pas trop bien connue ; cependant on l’attribue à la sé- cheresse brûlante du vent de nord -est, dont les effets sont pernicieux. Les naturels établis dans les environs du port Jackson se sont retirés dans l’intérieur du pays à mesure que les Anglais y ont pénétré. On en rencontre néanmoins souvent dans la ville, dans les villages, et sur les grandes routes; mais le nombre 21’enest jamais considérable : ils ont peu perdu de leurs habi- tudes primitives ; on remarque seulement qu’ils ont fait plus de progrès dans la langue anglaise que les Anglais dans la leur. Au reste ils sont inutiles et peu à craindre. Je suis for- tement porté à croire qu’ils sont d’origine différente de ceux de la terre de Diemen. Gomme le Gouvernement anglais n’a rien négligé pour O O o 1 la prospérité de cet établissement , il n’a point souffert dans son enfance. Les souches en troupeaux de bœufs , moutons et chèvres, y ont été transportées à ses frais, et y ont telle- ment multiplié, qu’au recensement qui en fut fait au mois d’août dernier, on comptoit huit cents taureaux, trois mille six cents vaches , six mille moutons , mille huit cents chèvres , 4-22 ANNALES DU MUSEUM, etC. et plus cle dix mille cochons. Les chevaux qu’on a fait venir du cap de Bonne-Espérance et du Bengale sont , de tous les quadrupèdes , ceux qui ont le moins prospéré sans qu’on en connoisse la cause. On n’en compte de cette espèce que deux cents. Je ne m’étendrai pas davantage sur les détails quepourroit contenir cette lettre, parce que je vous envoie une copie de celle que j’adresse au ministre de la marine. Vous y trouverez une note détaillée de tous les objets que porte le Naturaliste , et que vous aurez à réclamer. Je me recommande à votre souvenir et vais faire tous mes efforts pour compléter de nouveau une collection aussi nom- breuse que celle que vous allez recevoir par le Naturaliste . d’histoire naturelle. 4 l ï permirent plus de se livrer à ce travail, il en chargea l’ana- tomiste qui lui a succédé depuis , et qui en fit l’objet princi- pal de ses soins pendant six années. Il n’y avoit point d’aide anatomiste en titre pour les tra- vaux manuels , comme il y avoit des aides naturalistes pour les autres collections ; mais le zèle du citoyen Rousseau y suppléa. Malgré la modicité du salaire qu’on put alors lui accorder , animé par l’amour de l’anatomie, il s’occupa sans relâche, soit par lui-même, soit par ses subordonnés, d’aug- menter le trésor , assez médiocre d’abord, qui lui avoit été confié. Il manquoit encore un local d’exposition. Les préparations molles étoient rangées dans le cabinet avec les animaux en- tiers 5 les squelettes étoient en partie dans les souterrains , en partie dans les combles j on ne savoit où placer ce que Ton préparoit de nouveau. L’administration acquit un grand bâtiment voisin de l’amphithéâtre, dont un coté touclioit précisément à la maison destinée au professeur d’anatomie comparée $ on perça une porte : ce côté de bâtiment formait deux immenses salies qui furent partagées en plusieurcs petites par des cloisons 5 011 eut dès lors tout l’espace nécessaire , et rien ne s’opposa à ce que la collection prît les accroissemens les plus rapides. Les sources de cette collection furent les animaux morts à la ménagerie , ceux donnés ou envoyés par des particu- liers, ceux achetés exprès au marché ou ailleurs , enfin ceux qui étoient conservés en entier dans la liqueur, et dont la collection de zoologie n’avoit pas besoin. Les préparations ont été faites et rangées dans des vues physiologiques, c’est-à-dire qu’on les a réparties non pas 2a 63 4*2 ANNALES DU MUSEUM d’abord selon Tordre des animaux dont elles proviennent , mais d’après celui des organes dont elles éclaircissent la structure. Voici à peu près leur division et leur nombre , avec l'indi- cation de celles qui existoient avant le nouvel établissement. SQUELETTES ENTIERS. D’homme à différens âges et en différens états De quadrumanes De chéiroptères De plantigrades. . « De carnivores De pédimanes De rongeurs D’édentés De pachydermes De ruminans De solipèdes. . D’amphibies De cétacés. anciens. 8 tous nouveaux. 7 dont dont 4) 1 4 J 3a 14 4 tous nouveaux x ancien, a nouveaux. anciens. D’oiseaux i75 dont 9] De reptiles 36 — — 4 / anciens. De poissons 10a 2) Squelettes antiques faits avec des momies ...... 5 Total général des squelettes entiers 5a6 dont 102 anciens. Sur quoi il faut remarquer que plusieurs de ceux qui ont existé sous Daubenton étoient tellement endommagés , qu'ils n’ont pu être conservés ; mais tous ceux qui étoient dans ce cas ont été remplacés par d’auttes. Ceux des anciens squelettes qu’on a pu conserver ont dû néanmoins être tous remontés à neuf. Parmi les squelettes notés ci-dessus comme anciens , il y en a cinq qui proviennent de la collection statlioudérienne. d’histoire N A T ü 1 E L L E, 4 1 3 Têtes osseuses séparées, entières, ou sciées de diverses manières. . . . Préparations relatives aux dents . . . Os hyoïdes séparés tous anciens. Préparations relatives à l’oreille interne. 5a presque toutes nouvelles. Préparations relatives à la structure interne des os . . . Maladies des os Os séparés de cétacés 246 dont moitié, ou à peu près, anciennes. 64 toutes nouvelles. 70 toutes nouvelles. i38i > articles tous anciens. 06 J Total général des préparations osseuses ' . . . i23ç PRÉPARATIONS CONSERVÉES DANS L’ESPRIT DE VIN. Animaux à sang rouge . Myologie Névrologie. . • . . Cerveaux . . . . . Nez et narines. . . Organes du toucher. Yeux bocaux tous nouveaux. Oreilles Reins et autres glandes excrétoires. Organes de la génération Foetus humains — — d’animaux. ......... Monstres Viscères de quadrupèdes ■ d’oiseaux — de reptiles. ...... ■ — - de poissons Animaux entiers ouverts pour montrer leurs viscères en position Langues et larynx de quadrupèdes Trachées-artères d’oiseaux Coeurs. Injections Diverses parties d’éléphant non encore rangées . . Total. 7 43' 22 1 80) 7v 1 1 j 1 161 18I i3, 100 dont 20 anciens. 52 presque tous anciens, ^ l les deux tiers anciens. 100 J j5 dont 25 anciens. 76' 25 46 5c 89 46 47 2 7 *4 1 136 63 tous nouveaux. 4 1 4 annales du muséum P réparations concernant V anatomie des animaux à sang blanc ou sans vertèbres . Mollusques 166 Insectes iç3 Vers » 73 Zoophytes 44 Non encore rangés 4 5 Total. ..... 1 523 Préparations molles i632 Préparations osseuses 123^ Total des articles. 2871 On donnera par la suite des notices plus détaillées , dans lesquelles on fera remarquer ce que chacune de ces divisions offre de plus important. •A »* HISTOIRE NATURELLE. 4 i 5 CORRESPONDANCE. Lettre du capitauie Baudin au citoyen de Jussieu. A bord de la corvette le Géographe , Nouvelle-Hollande } port Jackson, le 20 brumaire an 11. Le retour du Naturaliste en France sous le commandement du capitaine Hamelin vous mettra à même de juger de l’emploi de notre temps quant à ce qui concerne l’histoire na- turelle. Je lui ai confié le soin de rendre à leur destination tous les objets que nous avons recueillis jusqu à ce moment, persuadé qu’il s’en acquittera avec le zèle et la vigilance dont il m’a souvent donné des preuves : je vous le recom- mande à ce titre Par ma lettre au ministre de la mariné , contenant plu- sieurs extraits de mon journal , vous verrez que depuis deux ans j’ai fait tout ce qui a dépendu de moi pour augmenter nos collections en tout genre. La mort prématurée des citoyens PJedlé et Mangé , que je ne puis oublier , m’a mis dans la nécessité de remplir par moi-même la partie dont l’un et l’autre s’acquittoient avec un zèle que je ne puis me flatter d’atteindre. Je ne vous entretiendrai pas , pour îe moment ? de tout ce 4 1 6 AHU AIES t> U MUSEUM qui s’est passé depuis notre départ $ je me borne à vous dire que je n’ai jamais fait de voyage aussi pénible. Plus d’une fois ma santé en a été altérée ; mais enfin , si je parviens à terminer la campagne conformément aux intentions du Gou- vernement et à l’attente de la Nation française , il me restera peu de chose à desirer , et mes peines seront bientôt oubliées. J’espère d’autant mieux y réussir, que la terre de Leuwin , celles de la Concorde et de Witt , le canal d’Entrecastaux , l’ile Maria et ses environs , la côte orientale de la grande île de Dieinen les détroits de Basse et de Banks , et toute la côte sud-ouest de la Nouvelle - Hollande , depuis le promontoire de Wilson jusqu’aux îles Saint-Pierre et Saint-François , ont été reconnus d’une manière suffisante pour la sûreté de la navigation. Cependant il reste encore beaucoup à faire pour la topographie du pays, qui Sera sans doute long-temps incon- nue , par les difficultés naturelles que présente l’étendue de côtes que nous avons explorées. En remplacement du Naturaliste , je me suis décidé à faire l’achat d’un petit bâtiment de trente tonneaux , que j’ai nommé le Casuarma , parce qu’il est construit en grande partie du bois qui porte ce nom. Cette petite embarcation va désormais m’accompagner, et me sera de la plus grande uti- lité. Si je Pavois eue plus tôt , quelques lieux où je n’ai pu pénétrer ne seroient pas restés sans examen. Son peu de tirant d’eau me mettra à même d’aborder par-tout. Une autre considération non moins importante ^ et qui m’a fait prendre la résolution de renvoyer le Naturaliste , est l’embarras du transport de nos collections , que les évé- liemens de la mer et la longueur de la campagne rendroient B7 HISTOIRE NATURELLE. 4*7 infructueuses pour le Gouvernement et les sciences , si je leur faisois courir les nouveaux hasards auxquels nous allons être exposés. Comme le nombre en est assez considérable et qu’elles ne sont pas sans mérite , je suis convaincu que le Gouvernement approuvera cette conduite de ma part. Parmi le grand nombre d’oiseaux que je vous envoie , il en est plusieurs en mauvais état que j’ai reçus des habitans du port Jackson : ils ne vous donneront pas une haute idée de leur habileté à les préparer j mais vous en serez sans doute dédommagés par ceux qui ont été travaillés par nous. Les quadrupèdes , les insectes , les plantes vivantes et en herbier, les graines , les coquillages , les madrépores, etc. sont dans le meilleur état , et je ne doute pas que ces objets ne vous soient remis de même par les soins du capitaine Hamelin. Si les plantes vivantes arrivent à leur destination , vous aurez ce que le pays produit de plus beau et de plus curieux , et vous regretterez de n’avoir pas herborisé sur le sol qui les a vu naître. Toute la campagne, dans le moment où je vous écris, est couverte des plus belles fleurs. Je ne connoîs, pour la variété , que le cap de Bonne Espérance qui puisse lui être comparé. Quoique la plupart de nos plantes vivantes ayent été prises entre le 33e et le 42e degré de latitude sud, je crois devoir vous observer que je crains qu’elles ne s’accli- matent difficilement en France aussi promptement qu’on pourrait le desirer. La température de la terre de Diemen n’est point aussi froide que la latitude où elle est située paroît l'indiquer ; celle de la Nouvelle-Hollande l’est encore moins. Au commencement de l’hiver, lorsque nous étions au sud de 4lB A K K A L E S T5U MUSEUM la terre de Diemen , le thermomètre n’a été qu’une seule fois à cinq degrés. Il faîsoit alors un fort vent de sud-ouest et de la grêle. Dans le milieu de Fhiyer, au port Jackson , nous l’avons eu pendant une nuit bien près de zéro 5 le jour il se tenoii généralement de 6 à 8 degrés • et , la nuit , entre 4 et 5, rarement il est descendu à 3 . Il me semble donc que la serre d’orangerie est ce qui doit leur convenir pour l’hiver de France qui est bien plus rigoureux, et ne peut être comparé à celui que nous venons de passer. Ici les orangers et les citronniers sont en pleine terre 5 iis ont très- bien prospéré , et donnent d’aussi beau fruit qu’en Portugal. Les graines que je vous envoie m’ont été données en partie par les habitans du pays , les autres ont été recueillies par moi dans l’intérieur des terres. Je suis allé au-delà des lieux les plus avancés connus des Anglais j mais une chaîne presque impénétrable de montagnes du premier ordre , con- nues sous le nom de montagnes Bleues , dont la direction en tirant au sud paroît s’étendre jusqu’au promontoire de Wilson , et au nord se termine au port Stephens , ne m’a pas permis de faire plus de 7 5 à 80 milles , à compter du port Jackson. Si on doit croire ce que disent les naturels et quelques aventuriers anglais , il se trouve dans le milieu de ces montagnes une grande rivière d’eau salée qui les tra- verse , et à leur extrémité au nord un établissement d’hommes blancs. ( C’est ainsi que les indigènes appellent les Euro- péens ). Depuis mon retour je m’en suis souvent entretenu avec M. King , actuellement gouverneur , et des procédés duquel je ne saurois trop me louer 5 mais il m’a déclaré qu’il n’ajoutoit aucune croyance à tout ce qu’on débitoit à ce sujet, / N / . KL E I N I A 1 ine ar i fo lia . 2 . A Ç T I NE A lie te r op liyll a S on/lie t/e Zuit/ru£ t/e/ y d’histoire naturelle. 4a3 ME MOIRE Sur le Kleinia et l’Actinea , deux genres nouveaux de plantes de la famille des Corymbifères. par A. L. JUSSIEU. Non s ayons consigné clans le cahier précédent deux genres nouveaux de plantes composées , provenant de l’herbier fait par Commerson à l’embouchure de la Plata j nous en pré- senterons aujourd’hui deux autres du même herbier et de la même classe. Le premier offre des rameaux opposés , légèrement ligneux, chargés de feuilles simples , allongées , étroites , entières , un peu épaisses , opposées , et formant , par la réunion de leurs bases , une gaine qui embrasse la tige. Chaque rami- fication est terminée par une fleur jaune solitaire , inclinée sur son pédoncule , et offrant les caractères suivans : Son calice est élargi, évasé, composé d’écailles larges , disposées sur trois rangs de longueur inégale. Il renferme un assez grand nombre de fleurons hermaphrodites, à cinq divisions, munis de cinq étamines à anthères réunies. Leur ovaire, surmonté d’un style et de deux stigmates , devient une 65 2. 42 4 ANNALES DU MUSEUM graine couronnée d’une aigrette courte et plumeuse. Le réceptacle commun est nu. Ces caractères déterminent l’affinité de cette plante avec l’eupatoire , dont elle diffère cependant , soit par son port , soit par son calice non cylindrique , oblong , étroit , et chargé de peu de fleurons, mais large, évasé , court et multiflore. Ses feuilles charnues et son ensemble la rapprochent aussi des espèces ligneuses du cacalia , également voisin de Peu- patoire , mais muni d’un calice simple et monophylle. En la plaçant dans les Corymhifères entre ces deux genres dont elle ne peut être éloignée , nous proposons de rétablir en sa faveur le nom de klemia qui avoit été donné d’abord aux plantes ligneuses à feuilles épaisses , réunies depuis par Lin- næus au genre cacalia . Il paroîtra juste de consacrer à la mémoire de Klein , qui avoit bien mérité de la science , un nouveau genre dont le caractère peut être ainsi établi. Kx-etnia. Flores Jlosculosi , hermapliroditi. Calix latus > patens , imbricatus ; squa- mis subroturidis , Iriplici ordine dispositis , mûltiflorus . Pappus brevis , plumosus . Jlc~ ceptaculum nuduni. Suffrutex $ folia opposita ; flores in ramulis , solitarii , terminales. K . ( lin cari folia ) , foliis connatis > linearibus , integsrrimis , crassiusculis ; ftoribus pedunculo reflexo nutantibils. Ex Bonarià. T. LXI , f. 1. Le second genre a des tiges un peu ligneuses par le bas, couvertes de feuilles alternes, longues, acuininées , et char- gées , ainsi que toute la plante , d’un léger duvet roussâtre. Ses feuilles du haut sont entières , étroites , presque linéaires ; Celles du bas sont plus larges , tantôt sinuées , tantôt simple- ment dentées à dents écartées ; elles sont toutes sinuées dans les jeunes rameaux non fleuris. Chaque tige ou rami- fication ancienne , nue à son sommet , porte une seule fleur terminale. Son calice est simple , composé de plusieurs ai s T O I R E NATURELLE. 4*5 feuilles disposées sur un seul rang. H renferme beaucoup de tarons UeLaphrodites , divisés par le haut eu cm, F*» lobes , entourés d’un rang de demi-fleurons femelles do la languette est découpée à sa pointe en trots lobes L s e . mines et le style sont comme dans les composées. Le stig mate est bifide. Les graines des fleurons et des demi-fleu- rons , velues sur toute leur surface, sont cou— par plusieurs arêtes ou paillettes eiai0u.s leur base. Le réceptacle est nu. é Cette plante a un grand rapport avec le ge hymenopappus par l’Héritier , et rotlua par Lama.ck en diffère par ses fleurs, non flosculeuses , mais radiées , par i j • • • jp .on calice , disposées sur un seul rang , et les divisions de son calice ? Ul F > AtahVir beaucoup plus courtes. Cette distinction suffit pour etabl un genre nouveau , voisin du précédent , et dont le nom peut être tiré de la présence des demi-fleurons qui forment son principal caractL Nous proposons de le nommer actoea ( izrh, rayon); et, en le plaçant dans les Corymbiferes auprès de Y hymenopappus , nous lui assignerons le caractère suivant : Actinea. Flore, M floecuUs integris. Ex Bonariâ.T. LXI , f. 2* L’affinité de Yactinaea avec Y hymenopappus nous rap- pelle l’existence d’une nouvelle espèce de ce emiei genre que Commerson a encore trouvée près de Buenos-Aires C es une herbe de la hauteur d’un demi-pied , ayant le poit * 42 6 ANNALES D U MUSEUM la camomille. Ses feuilles sont alternes, linéaires , décom- posées. Ses rameaux axillaires sont terminés chacun par une fleur solitaire , dont le calice , formé de deux rangs d’écailles ovales , renferme beaucoup de fleurons hermaphro- dites , portés sur un réceptacle nu. Les graines sont cou- ronnées de deux aigrettes , dont l’intérieure est à quatre ou cinq écailles rapprochées en godet j l’extérieure est formée de poils plus courts. Cette double aigrette distingue beau- coup la nouvelle espèce de la première , qui a une aigrette simple , composée de douze à quinze écailles , et suffîroit peut-être pour former un nouveau genre , si celui-ci étoit nombreux en espèces. Mais comme les deux plantes doi- vent rester voisines dans l’ordre nàtiu*el , il est plus con- venable de les réunir sous le irïême noïn , èh admettant : seulement dans le caractère général une aigrette simple ou double , et en distinguant les deux espèces pat* les phrases suivantes. « > * ... 1 ï I • > _ ' # ^ 1 . C Hymenopappus scàbiosaeus , L’Hesit. — H. foliis pinnatijîdis } florihus subco- rymbosis y terminalibus ,• pappo sitnplici , paleaceo. Ex Carolinâ. Hymenopappus ( ant/iemoïdes ) foliis decompositis , linearibus ; florihus axittarï- bus j solitariis ÿ pappo duplici , interiore paleaceo , exteriore piloso. Ex Bonariâ. Explication des figures , PI. LXL N°. 1. Kleinia linearifolia. a. Calice ouvert; b . fleuron séparé porté sur son ovaire ; c. le même, plus long, détaché de l’ovaire $ d. le même, ouvert pour laisser voir les étamines; e. graine séparée, séparée ; f. la même , grossie. N°. 2. Actinea heterophylla. a. Calice séparé vu en dessous ; b. de- mi-fleuron j c. fleuron; d. autre dont le style déborde; e. fleuron ouvert pour laisser voir les étamines; f. graine surmontée de soûl aigrette; g. une des écailles ou paillettes de l’aigrette. d’ histoire naturelle. 427 ANALYSE D e Peau du grand puits du jardin des plajites , situé entre la serre tempérée et les galeries d’anatomie. PAR A. F. F O U R e R O Y. § PREMIER. Motifs et sujet de ce mémoire. H ippocrate recommandoit aux médecins d’examiner avec beaucoup détention la nature des eaux dans les lieux où ils s’établissoient pour y traiter les malades î il énonçoit ainsi la grande influence des eaux sur la santé et les maladies des hommes et des animaux. Cette influence ? reconnue dans tous les temps , et qui fait une des parties essentielles de l’étude des causes dans la médecine , s’exerce d’une manière plus puissante encore sur les végétaux 7 dont l’eau fait le principal aliment. Ainsi le précepte du philosophe de Cos sur l’art de guérir est tout- à-fait applicable à l’art de cultiver la terre , et de détermi- ner ce qui convient à l’entretien et à la multiplication des plantes utiles. Aussi les plus célèbres agriculteurs 7 les plus habiles auteurs d’économie rurale ont-ils parlé des eaux ? /rQ.O ANNALES BU MUSEUM de leur nature diverse , de leur fraîcheur , de leur crudité , de leur pureté , relativement à leur action sur les plantes. Mais cette assertion générale en agriculture exige encore une précision plus grande lorsqu’on veut l’appliquer à la culture des végétaux délicats . transportés des climats chauds , des latitudes australes , de la zone torride, dans 110s serres. Le jardinier chargé du soin de les cultiver doit porter son attention sur l’eau d’arrosage avec bien plus d’exacti- tude et de scrupule, que cela n’est nécessaire, soit dans les grandes cultures des champs où cet objet peut être né- gligé sans inconvénient , soit même dans les potagers et les jardins légumiers, qui cependant reçoivent déjà une influence très-marquée de la part des eaux trop dures et trop crues. Une eau qui dans le dernier cas ne peut que porter plus ou moins de langueur dans la végétation , peut étouffer et faire périr les plantes délicates qu’on tient dans des serres , des orangeries , des conservatoires. La connoissance exacte de la nature des eaux d’arrose- ment doit donc encore être plus importante et plus néces- saire pour les jardins du Muséum , puisqu’on y cultive une grande quantité de plantes plus ou moins délicates , et qui demandent beaucoup plus d’attention que celles qui sont ou naturelles à notre climat , ou déjà naturalisées et accli- matées par une longue culture. Le Muséum , sous le rapport de l’eau , est tellement au-dessous de ses besoins , depuis qu’il s’est agrandi sans que ses ressources en ce genre se soient accrues , qu’il n’a pas le vingtième de l’eau qui lui seroit nécessaire , et que celle qu’il possède n’est que d’une mauvaise qualité. Il y a deux genres d’eau dans les jardins : l’une, qui est la moins mauvaise, et qui diminue tous les jours, pro- D? H I S T O 1 R E If ATU11EL.L E. 4 2 9 vient de 3a fontaine placée vis-à-vis de la Pitié , au coin de la rue de Seine-Victor j elle alimente bien foibîement les serres hautes , deux maisons , le bassin du grand parterre vis-à-vis des galeries , et les petits bassins de l’école de bo- tanique. C’étoit autrefois un mélange d’eau d’Arcueil et d’eau de laSeine, élevée parla pompe Notre-Dame. Depuis plusieurs années l’eau d’Arcueil n’y arrive plus , à cause de l’engorge- ment et de l’obstruction des tuyaux. Cette eau est très-utile pour l’arrosement et pour les animaux j mais elle est trop peu abondante , et elle va sans cesse en diminuant , parce que la pompe Notre-Dame perd chaque année de sa puissance. La seconde eau que possède le Muséum est celle d’un grand puits , situé dans les bâtimens de l’ancienne régie des fiacres , qui a été concédée , il y a douze ans, au Muséum , et qui est convertie aujourd’hui en serre tempérée et en ca- binet d’anatomie. Ce puits, creusé à sept mètres environ de profondeur } et qui en a plus de trois de diamètre , placé maintenant au-devant delà grande serre, est surmonté d’une pompe que meuvent chaque jour les chameaux , et à l’aide de laquelle on remplit un réservoir de près de six mètres sur quatre et demi dans ses deux dimensions principales , et d’un mètre et demi de profondeur. Cette eau qui sourd dans un terrain rapporté et formé de la réunion d’une fouie de matières diverses , sert à l’arrosement des plantes dans la grande serre tempérée , dans les couches , à celui des terrains appartenant aux fabriques habitées par les animaux doux , à la boisson de ces animaux , au nettoiement de leurs de- meures , et en général au service de toutes les parties du jardin situées sur les nouveaux terrains de la rue de Seine. Il étoit d’autant plus nécessaire d’examiner cette eau de puits , l’une des plus grandes ressources actuelles du Muséum, 43o anttalesdu muséum que son usage pour l’arrosement des plantes délicates en- traîne des inconvéniens dont se plaignent les jardiniers. On ne pouvoit pas , dans un établissement où tous les moyens de connoître avec exactitude les productions naturelles doi- vent être réunies , se contenter d’énoncer Peau de la pompe comme une eau dure , crue , ou séléniteuse. Cette notion vague ne suffit pas pour des hommes habitués à pénétrer les secrets de la nature , et à étudier profondément ses phé- nomènes. J’ai donc cru devoir faire une analyse soignée de cette eau, pour mieux diriger son emploi, connoître ses qua- lités, apprendre à corriger ses défauts, s’il y a lieu , l’écarter des lieux où elle pourroit nuire , la réserver pour les usages auxquels elle peut être destinée sans inconvénient, montrer enfin la nécessité pressante de la remplacer par de Peau plus pure et plus abondante , sans laquelle les plantes rares qu’on cultive et les animaux précieux qu’on nourrit dans le Mu- séum sont sans cesse menacés , ou d’une frêle existence , ou d’une destruction plus ou moins accélérée. Je décrirai successivement , i°. les expériences faites avec les réactifs sur Peau du grand puits $ z°. les phénomènes de son évaporation , et l’examen du résidu de cette éva- poration ; 3°. la nature et la proportion des matières con- tenues dans cette eau , et par conséquent ses véritables qualités j enfin , je conclurai de ces expériences l’action que Peau du grand puits doit avoir sur les animaux et les plantes , à l’entretien desquels elle est employée. § II. Qualités physiques , et examen par les réactifs . L’eau du grand puits de la ci-devant régie , récemment tirée , est claire , sans être très-limpide. 43 1 D7 HISTOIRE NATURELLE. Elle a une saveur fade et sensiblement dure. Elle n’a pas d’odeur j mais elle en contracte une de moisi ou de chanci assez désagréable , lorsqu’elle est gardée quelque temps dans des vaisseaux fermés. Elle devient en même temps un peu louclie. Elle est un peu plus pesante que l’eau de rivière. Elle forme un léger dépôt après avoir bouilli. Tous Les alcalis forment un précipité plus ou moins sen- sible dans cette eau. La potasse et la soude en séparent sur-le-cbamp des flo- cons blancs terreux $ les carbonates de ces deux bases y pro- duisent un précipité plus épais encore et plus lourd. L’eau de chaux la trouble sur-le-cîiamp et y fait naître des flocons rares qui ne se déposent que lentement. L’ammoniaque y fait naître le même précipité, qui , comme dans les cas précédens , se redissout tout-à-coup dans les acides. L’acide oxalique , et sur-tout l’oxalate d’ammoniaque , la précipite abondamment et rapidement. Il en est de même du nitrate de barite qui y produit un précipité très-lourd , et du nitrate d’argent qui en sépare un muriate insoluble en flocons pesans. Les sels de plomb solubles la troublent aussi. Les acides sulfurique, nitrique et muriatique, n’y font naître aucun changement, ni aucune bulle ; ce qui prouve qu’elle ne contient point d’acide carbonique. Elle ne change point la couleur des violettes et du tour- nesol ; ce qui annonce qu’elle ne tient ni acide ni alcali libres. L’eau de savon, versée dans (l’eau de ce puits, présente 2a 66 432 ANNALES DU MUS3ZUM tout-à-coup la formation d’une foule de flocons blancs ou de grumeaux insolubles, qui nagent dans la liqueur , et mon- trent tous les caractères d’un savon terreux. L’eau chargée d’hydrogène sulfuré, les sulfures alcalins hydrosulfurés , n’y causent aucune altération, et n’y annon- cent la présence d’aucun corps métallique. Les prussiates de potasse et de chaux , la noix de galle et l’acide galîique pur , n’y font non plus aucun effet sensible ; ce qui confirme l’ab- sence de tout métal dans cette eau. Enfin , elle ne cuit que très-difficilement les légumes j elle les durcit et les condense plutôt que de les ramollir^ et l’on remarque qu’elle ne bout que difficilement. Une partie des phénomènes produits par l’addition des réactifs indiqués , se retrouve dans les usages économiques de cette eau , puisqu’on sait déjà , par une expérience aussi réi- térée que familière , qu’elle ne peut pas servir aux besoins usuels de la vie , et puisqu’on est obligé de s’en procurer d’autre pour les maisons qui avoisinent cette pompe. Les effets qui viennent d’être décrits indiquent avec assu- rance que l’eau du grand puits contient les acides sulfurique et muriatique , les terres calcaire et magnésienne , et que par conséquent elle tient en dissolution des sels terreux, mais point de sels métalliques ; mais ils ne font connoître ni dans quelle proportion ces sels y sont contenus , ni s’il n’y a pas en même temps quelques sels alcalins : en un mot , ils ne sont que de premiers indices de la nature de l’eau. Pour en ac- quérir une connoissance plus exacte , il faut avoir recours à l’évaporation et à l’examen de son produit. - \ ‘ d’histoire naturelle. 4.33 § III. Evaporation de Veau du grand puits ; examen du résidu. On a évaporé à un feu doux vingt-cinq litres de cette eau dans une bassine d’argent très-brillante. Dans le commence- ment de l’évaporation , elle n’a présenté aucun phénomène digne de remarque 5 elle n’a point changé de couleur , elle n’a exhalé aucune odeur , elle s’est comportée en tout comme de l’eau de rivière : mais, parvenue au tiers de l’évaporation 5 l’eau du grand puits a commencé à déposer une matière pulvérulente d’un gris blanc , ou un sel terreux peu disso- luble. On n’a point interrompu l’opération ? mais 011 l’a con- tinuée jusqu’à siccité , suivant la méthode adoptée par tous les chimistes depuis Bergman. On en a obtenu un résidu pulvérulent et grisâtre , formant à très-peu près le quatrc-cen- tième du poids total de l’çau. Ce résidu contenant tout ce qui étoit dissous dans cette eau ? puisqu’on n’avoit rien aperçu de volatil qui se soit dissipé pendant l’évaporation ? on en a fait l’examen chi- mique de la manière suivante. On a d’abord fait chauffer pendant un quart d’heure le résidu avec quinze fois son poids d’alcool rectifié , afin de dissoudre les sels déliquescens qu’il pouvôit contenir. Après la séparation de l’alcool par le filtre , le résidu séché avoit perdu environ le cinquième de son poids, La portion non dissoute du résidu a été traitée par trente fois son poids d’eau distillée froide , qui en a pris un peu moins du cinquième , et ensuite par l’acide acéteux. Ce der- nier a dissous avec effervescence un huitième 5 la portion res- tante après les trois dissolvans faisoit plus de la moitié du résidu primitif. 66 * 434 ANNALES D XJ MUSEUM Ainsi ce résidu a été séparé en quatre genres de matières : le premier, comprenant les sels déliquescens , solubles dans l’alcool 5 le second , les sels non déliquescens , solubles dans Peau froide ; le troisième , les sels dissolubles avec efferves- cence dans l’acide acéteux ; le quatrième enfin, formé par des matières également insolubles dans Palcool, Peau froide et Pacide acéteux. Il faut reprendre actuellement l’examen de chacun de ces genres de matières. Portion du 7'ésidu soluble dans V alcool. On a fait évaporer doucement et à siccité la lessive alcoo- lique du résidu j on a dissous de nouveau le produit dans Peau , et , en essayant cette dissolution par les réactifs , on y a reconnu la présence de Pacide muriatique de la chaux et de la magnésie. On y a de plus trouvé des nitrates terreux , puisqu’une partie de cette solution précipitée par la potasse , puis éva- porée , a fourni du nitre très-reconnoissabîe. Pour trouver ensuite les proportions de ces matières , 011 en a précipité une portion dissoute par le nitrate d’argent , et on a pesé le muriate d’argent ; une autre portion a été dé- composée par la potasse, et le précipité terreux qu’elle a donné , a été traité par Pacide sulfurique , qui a fourni du sulfate de chaux et du sulfate de magnésie dont on a exacte- ment déterminé le poids et la nature. Ainsi, les sels enlevés au résidu de l’eau du grand puits par Palcool étoient un mélange de nitrate de chaux et de magné- sie , et de muriate de magnésie j carie muriate de chaux ne peut exister en même temps que le nitrate de magnésie , sans décomposition réciproque. d’ HISTOIRE NATURELLE. 4^5 Quant aux proportions de ces sels déîiquescens , elles seront indiquées avec celles de tous les autres matériaux de Peau dans le paragraphe suivant. Portion du résidu soluble dans Veau froide. La solution aqueuse du résidu ne donnoit aucun préci- pité par la potasse et la soude , ni par les carbonates de potasse et de soude. Elle n’exhaloit aucune odeur par l’ad- dition de la chaux $ elle ne contenoit donc ni sels terreux ni sels ammoniacaux , et ne pouvoit tenir que des sels à hase de potasse ou de soude. Elle ne précipitoit pas par le nitrate de barite , ce qui annonce l’absence d’un sel sulfurique ; elle précipitoit abondamment par le nitrate d’ar- gent , et indiquoit par-là la présence d’un muriate. La plus grande partie de cette solution ayant été évaporée avec pré- caution, on a obtenu du nitrate de potasse : l’eau surnageante avoit une saveur fraîche et salée sans amertume * elle préci- pitoit abondamment le nitrate d’argent. La lessive aqueuse du résidu de l’évaporation de l’eau du grand puits étoit donc une solution de nitrate de potasse et de muriate de soude , le premier quatre fois plus abondant que le second. Leur quantité relative à celle du résidu total et de l’eau qui l’avoit fourni sera indiquée plus bas. Portion de résidu dissous par P acide acétique. La portion du résidu dissoute par l’acide acétique après la séparation des sels solubles dans l’alcool et dans l’eau froide , n’étoit que des carbonates de chaux et de magnésie , déjà annoncés par l’effervescence, puisque, outre la précipi- tation abondante de cette dissolution par l’oxalate d’ammo- niaque et en flocons légers par l’ammoniaque , le résidu de 436 A 2f 3tf A li E S DU MUSEUM la presque totalité de cette dissolution évaporée à siccité , traité par l’acide sulfurique , a donné des sulfates de chaux et de magnésie. C’est ainsi même qu’on a pu déterminer leur propor- tion en pesant avec beaucoup de soin ces deux sulfates, faciles à séparer par la solubilité de l’un et l’insolubilité de l’autre. Portion du résidu insoluble dans V alcool , dans Veau et dans V acide acèteux. La partie du résidu de l’eau qui avoit résisté aux trois dissolvans désignés étoit une poussière grise et insipide. Quoique presque inattaquable par l’eau froide , ce liquidé , chauffé quelque temps , en enlevoit assez pour y montrer le sulfate de chaux par l’oxalate d’ammoniaque et le nitrate de barite. On a donc traité ce dernier résidu par une lessive de carbonate de soude , qui a donné , à l’aide de la chaleur , une dissolution de sulfate de soude , et un dépôt de carbo- nate de chaux. Celui-ci a été dissous avec une très -vive effervescence par l’acide muriatique , qui n’a laissé qu’une quantité inappréciable de silice , et d’une matière colorée , jugée animale par l’odeur qu’elle a répandue sur les charbons ardens. Ainsi le sel terreux insoluble étoit de véritable sul- fate de chaux quatre fois plus abondant que la plus pesante des autres matières contenues dans le résidu de l’eau du grand puits. § IV. Résultat de l’analyse précédente ; proportion des divers sels contenus dans l’eau analysée . Inductions qu’on doit en tirer . Il résulte des détails précédens, qui ont été insérés ici pour d’ histoire naturelle. 437 faire connoître la méthode d’analyse suivie dans ce travail , et pour guiderles naturalistes et les médecins qui voudroient en entreprendre un pareil sur des eaux plus ou moins inté- ressantes pour leur science , que l’eau du grand puits du Muséum d’histoire naturelle est très-chargée de sels. 2 5 litres de cette eau contiennent 6 1 grammes 674 mil- ligrammes, ou près du 400e de son poids , de sels. Sur ces 6 1 grammes 674 milligrammes , il y a , 1 °. 1 1 grammes 9 9 3 milligrammes, ou près de 1 2 grammes, de sels déliquescens , nitrates de chaux et de magnésie , mu- riate de magnésie j les 2 premiers formant les •§- de cette quantité , et le dernier le tiers seulement 5 20. 1 o grammes 5 o\ milligrammes , ou 10 grammes ~ , de sels solubles dans l’eau , formés de 4 de nitrate de potasse, et de 4 de muriate de soude $ 3°. 4 grammes, 4^7 milligrammes , ou près de 4 grammes 4 de carbonates de magnésie et de chaux, en quantité presque égale chacun 5 49. 34 grammes 711 milligrammes ou plus de la moitié du résidu total de sulfate de chaux. Pour rendre plus sensible le résultat de cette analyse , et pour permettre de l’appliquer plus facilement aux vérités que je desire en tirer , je donnerai ici en poids anciens les rapports de chacune des matières salines contenues dans l’eau du grand puits. 2 5 pintes ou 5 o livres de cette eau ont fourni deux onces dix grains ou 1162 grains de résidu par l’évaporation. i 438 ANN AIES DU M U S i U M Ce résidu , analysé avec soin , a donné , en énonçant ici les sels dans l’ordre de leur quantité. Sulfate de chaux 65a grains. Nitrate de potasse 160 Nitrate de chaux et de magnésie ........... i58 Muriate de magnésie 66 Carbonate de magnésie ...» 44 • Carbonate de chaux 4a Muriate de soude 4° 1162 grains. Silice et matière animale , une quantité inappréciable. Ce qui fait par pinte (à très-peu près , et en forçant un peu les fractions pour les réduire au même dénominateur) , Sulfate de chaux Nitrate de potasse . . . . , , Nitrate de chaux et de magnésie Muriate de magnésie . . . . Carbonate de magnésie . . . Carbonate de chaux Muriate de soude . . • . . . 26 7V grains. 6 -i- 1 o 6 ~ 46 ïV grains. On voit , d’après cc tableau , que le sulfate de chaux est le plus abondant des matériaux de l’eau du grand puits , ce qui est déjà bien connu de toutes les eaux qui sourdent dans le terrain de Paris ; que le nitrate de potasse et les nitrates et muriates terreux qui l’accompagnent ordinairement s’y rencontrent aussi dans une proportion qui excède la moi- tié de celle du sulfate de chaux. La présence de ces sels , qui a déjà été constatée par plusieurs analyses des eaux de puits de Paris tient manifestement à la nature du sol imprégné de débris corrompus de matières animales et végétales. Celle du muiiate de soude , qui ne fait presque qu’un trentième de la masse de ces substances minérales , tient à la même cause. On voit enfin que les carbonates de magnésie et de chaux, qui égalent à peu près un 1 3e de ces substances sa- lines contenues dans l’eau du grand puits , n’en sont pas le principal minéralisateur. Ainsi l’analyse , qui montre une assez grande proportion de principes étrangers dans cette eau , est d’accord avec l’ob- servation des jardiniers habiles qui s’en servent pour les différens besoins de la culture , et prouve que l’usage de l’eau du grand puits est dangereux pour la conservation des végé- taux précieux , qu’elle doit déposer sur le chevelu de leurs racines des sels terreux qui peuvent en oblitérer les suçoirs , et qu’il est instant de se procurer une eau plus salubre. Le citoyen Thouin s’est déjà plaint parmi nous des effets de cette eau , et nous a dit avoir vu des racines encroûtées par le dépôt qu’elle y forme à la longue , et qui tue les plantes. Elle doit avoir aussi des inconvéniens pour les animaux. L’exposition à l’air et au soleil peut bien en affai- blir les effets , mais non les prévenir entièrement» 44 O ANNALES DU MUSEUM DESCRIPTION D ’ un Guêpier et d’un Martin-Pêcheur d’ Afrique» PAR F. M. D A U D I N. Planche L X 1 1. JS ous ne connoissons encore qu’un petit nombre d’ani- maux du royaume de Congo , parce que cette partie de l’Afrique n’a pas été observée jusqu’à présent par des natu- ralistes. Il paroît cependant que toutes les productions du Congo ne sont pas moins variées qu’au Sénégal ? car les oiseaux y sont ornés des couleurs les plus vives. Perrein (de Bordeaux) est le seul voyageur qui ait recueilli dans ce pnys une collection d’histoire naturelle ? et c’est à lui que nous devons la connoissance des deux oiseaux dont je joins ici la description. I. Guêpier bicoeor. Merops hicolor. Fig. 1. Le premier est le guêpier bicolor ; sa longueur est de dix pouces , et son envergure de seize pouces. Son iris est rouge j son bec et ses pieds sont noirs $ la tête et le cou sont d’un gris ardoisé. La base de la mandibule inférieure , ou le menton ? est d’un beau blanc , qui se prolonge en une bande lon- gitudinale sur chaque côté de la gorge. Il a le corps , les ailes et la queue d’un cendré rougeâtre vineux } avec les i. (juepiei' bzcolor. 2- Mcir tzTV^p c c /iæ>%,L7' ci do*? c)icju 4 X>’ HISTOIRE NATURELLE. 4 4 1 pennes des ailes et un trait sur l’œil d’un brun noirâtre $ le dessous des ailes et de la queue est d’un gris brun. Cet oiseau se distingue principalement des autres espèces connues, parce qu’il a la gorge , la poitrine , le ventre et les flancs d’un beau rose sanguin , qui est plus pâle vers l’anus. Les deux pennes caudales intermédiaires sont plus longues d’un pouce six lignes , et très-aiguës. Ces guêpiers paroissent à Malimbe^ dans le royaume de Congo , seulement pendant trois mois de l’année , et ils voyagent en troupes , selon le témoignage de Perrein ; ils volent avec la vitesse de l’hirondelle , recherchent avec avidité et poursuivent sans relâche les insectes hyménoptères. Rarement ils se perchent sur des branches, et rarement aussi ils se reposent sur le sol. Lorsqu’une troupe de ces oiseaux a établi sa croisière dans un endroit , on la voit voltiger pendant des journées entières , puis elle va se reposer au sommet d’un arbre peu garni de feuillage j elle se rend ensuite dans un autre lieu peuplé d’insectes. JSlerops bicolor. Merops suprà alro-violaceus , subtàs rose us , mento albo; caudd longâ et bifurcatâ. 1 1. Martin - Pêcheur a dos bleu. Alcedo ultramarina . Fig. 2. Le vintsi ( alcedo cristata') est une très-jolie espèce de martin-pêcheur des Philippines , dont la tête est ornée d’une huppe assez longue , formée de plumes étroites , mar- quées de plusieurs taches noires et d’un bleu clair , dispo» 67 * 44 2 ASTRALES DU MUSEUM sées alternativement. C’est à côté du vintsi qu'il faut placer le martin-pêcheur dont on voit ici la figure (/>/. LXII , fg ■ 2 )• La longueur de cet oiseau est de quatre pouces et demi, en y comprenant le bec , qui est long de quatorze lignes. La couleur du bec est blanchâtre à sa base , et orangée vers la pointe; les pieds sont jaunâtres; les plumes dorsales , scapulaires , humérales et du croupion , sont d’un beau bleu d’outremer luisant , et assez semblable au bleu d’émail. Le dessous de l’oiseau est au contraire d’un roux fauve jusqu’au- près de la gorge , qui est blanche ; il y a aussi une tache blanche sur chaque côté du cou , qui est roux , même derrière la tête. Cette couleur rousse s’étend aussi sur les côtés de la tête et au-dessus des yeux , et elle est légèrement teinte de violet pourpré clair. Le martin-pêcheur à dos bleu est sur-tout remarquable parce qu’il a sur le sommet de la tête des plumes étroites , tachées de bleu et de noir , en forme de fausse huppe , cou- chées en arrière, et beaucoup plus courtes qu’au Vintsi. On trouve assez communément cet oiseau à Malimbe , vers les bords des ruisseaux et près du rivage de la mer. Les nègres qui habitent cette contrée de l’Afrique, le nomment tounzi . Comme il est doux , et presque familier , et qu’il balance fréquemment sa tête à droite et à gauche , ils croient qu’il veut indiquer le chemin aux voyageurs ; aussi n’osent- iîs pas lui faire de mal. J’ai reconnu , à l’aide de mes recherches , qu’il faut lui rapporter comme variétés les deux oiseaux suivans. d’histoire naturelle. 44 3 Première variété. Le todier de Java. Buffon . Pl. enl. 7 83 , Jig. 1. C’est un martin-pêcheur , qui ne diffère du précédent que par son ventre d’un roux orangé. Linnæus l’a nommé todus caeruleus. Deuxième variété . Le martin-pêcheur bleu et noir du Sénégal. Buffon. PL enl. 3 56. Il a, pour caractère distinctif, le bleu du sommet de la tête prolongé jusqu’au-dessous des joues. Linnæus l’a regardé par erreur comme une variété de Valcedo senegalensis. , Aie e do ultramarina. Alcedo supra caerulea nitens , subtùs ru.fa ; gulâ albâj genis ex rufo pallidè pur- purcis ; capite suprà suberistato et caeruleo , maculis nigris ; superciliis rufis ; caudd brevi. Var. 1. Alcedo ultramarina , abdomine aurantio rufescente. Var. a. Alcedo ultramarina , superciliis et genis supernè caeruleis. Nota. Sonnini , dans sa nouvelle édition des OE,u\>res de Tiuffon , a fait mention du guêpier bicolor , tome LIV , p^ige 274 ; et il a regardé , tome LYI , page a3i , le martin-pêcheur que je viens de décrire , comme une variété du martin-pêcheur bleu et noir du Sénégal cité ci-dessus : mais il n’a fait graver aucun de ces oiseaux. 44 4 ANNALES DU MUSEUM MÉMOIRE Sur la culture des Bruyères . PAR A. T H O U I N. Mb SSI eu rs Lee et Kennedy, botanistes et cultivateurs à Hammersmity , près de Londres , en Angleterre , viennent d’envoyer au Muséum un assortiment de cent espèces ou variétés de bruyères différentes (1), presque toutes étran- gères à l’Europe , et originaires du cap de Bonne-Espérance. Huit de ces espèces seulement se trouvoient déjà dans la collection nationale , et une grande partie des autres y entre pour la première fois. Elles sont arrivées dans le meilleur état possible. Toutes , à l’exception de deux ou trois , sont en pleine végétation , fleurissent abondamment , et promettent une pleine réussite. Comme ce genre est composé de plus de cent cinquante espèces ou variétés , toutes aussi agréables par les formes que par la multitude et l’éclat de leurs fleurs , ce qui les rend très-propres à l’ornement des jardins et des serres $ et que d’une autre part 9 il est rare que des envois de cette na- ture aient une réussite aussi complète (les arbustes de (i) Eric a } L, ü’ HISTOIRE NATURELLE. 44^ ce genre étant extrêmement délicats), nous croyons utile d’entrer dans quelques détails sur la manière dont celui-ci a été effectué, et sur la culture qui a été donnée aux plantes qui le composoient , à leur arrivée et depuis qu’elles sont au Muséum (1). L’âge des individus étoit depuis un jusqu’à deux ans et demi : leur taille depuis 0.2 1 6 millimètres (ou 8 pouces) jusqu’à 0.486 millimètres (ou 18 pouces) de haut; ils formoient pour la plupart de petits buissons arrondis et pyramidaux ; ils étoient vieux repris dans les très-petits pots où ils étoient plantés , et tous étoient en sève plus ou moins avancée , puisque les deux tiers se trouvoient en pleine floraison. D’abord ces arbustes furent tirés des pots qui les con- tenoient , et avec les précautions requises pour conserver la terre qui entouroit les racines , et l’empêcher de les laisser à nu ; et , afin de couvrir celles qui formoient un réseau très-serré entre la terre dans laquelle ils étuient plantés et le vase qui les contenoit , on établit une couche de mousse longue et sèche , laquelle étoit solidement fixée au moyen de liens très-rapprochés : ce qui composa autant de paquets qu’il y a voit d’arbustes. Ensuite chacun de ces paquets fut enveloppé dans une grande feuille de fort papier d’emballage , assujettie au moyen de quatre ou cinq ligatures de jonc. Les paquets ainsi formés furent distribués en quatre parties d’égal volume , chacune d'environ vingt - cinq individus ; et (3) Cet envoi a ete expedie de Londres le 8 vendémiaire*, par la diligence ^ il est arrivé le 36 du même mois, et cet article est écrit lé 24 brumaire an XI. 44 6 ANNALES DU MUSEUM quatre petites caisses, dont chacune avoit o.é>4o millimè- tres (ou 20 pouces) de long, sur 0.324 millimètres (ou 12 pouces de large , et 0.40 5 millimètres (ou 1 5 pouces) de hauteur , furent disposées pour recevoir les plantes. Ces caisses étoient construites en bois blanc , mais suffisam- ment solides pour supporter le voyage : les planches en étoient parfaitement jointes. Enfin , tout étant préparé pour l’emballage , on y pro- céda sans retardement. Il fut établi au fond de la pre- mière caisse une couche de mousse longue , séchée au soleil , et de l’épaisseur de 0.027 millimètres ( ou 1 pouce). Sur cette couche fut placé un lit d’arbustes empaquetés , très-rapprochés les uns des autres , et meme pressés. Les petits vides qui n’avoient pu être remplis par des arbustes l’avoient été par de la mousse ou des bourrelets de papier. Sur ce lit d’arbustes , on en établit un second , et sur celui- ci un troisième , qui fut suivi d’un quatrième et dernier ) tous arrangés de la même manière que le premier , en écono- misant la place le plus qu’il fut possible, et en remplis- sant exactement tous les intervalles. Le quatrième lit fut recouvert d’une couche de mousse semblable à celle qui garnissoit le fond de la caisse , et de pareilles en tapis- soient les parois latérales. Le couvercle de la caisse , cloué avec effort , comprima le tout , et n’en fit qu’une masse dans laquelle ne pouvoit s’opérer aucun vacillement. Les trois autres caisses furent arrangées de la même manière, et fortement cordées. Ces caisses , après un voyage, de huit jours , ne se res- sentirent , ni du rculis du paquebot qui leur fit passer la mer , ni des cahots de la voiture qui les apporta à Paris. Aucun vide ne s’étoit formé dans les caisses ; il n’y régnoit d’ HISTOIRE UATURELI E. 4 4 7 jni humidité ni sécheresse nuisibles, et les arbustes ne pa- roissoient pas avoir voyagé. A l’arrivée de cet envoi au Muséum , les bruyères furent déballées de leurs caisses , et chacune d’elles plantée dans des pots de o.o i 3 millimètres (ou 6 lignes) plus grands que ceux dans lescpiels elles avoient été cultivées. La terre dont on se servit pour ce rempotage fut composée , pour les trois quarts , de terreau de bruyère , mêlé avec un quart de terre à oranger, dans laquelle la terre franche étoit entrée pour un cinquième. Cette terre est semblable à celle dans laquelle se trouvoient plantés ces arbustes ; elle étoit seu- lement un peu plus substantielle. La plantation faite , elle fut arrosée légèrement et à plusieurs reprises, pour affermir la nouvelle terre des vases autour des racines des plantes. Les bruyères furent transportées ensuite , et leurs vases enterrés jusqu’au bord supérieur , dans le terreau d’une couche établie pour les recevoir. Elle étoit formée de deux tiers de vieux fumier d’un an , mêlé avec du fumier neuf, de l’épaisseur d’environ 0.540 millimètres ( ou 2 o pouces) , et propre à fournir, par la fermentation des matières qui la composoient , une chaleur de 10 à 1 5 degrés du ther- momètre de Pieaumur , et pendant quinze à vingt jours. Cette couche, à la surface de laquelle les arbustes étoient plantés , fut recouverte d’un panneau de châssis dont on tint les vitraux fermés pendant les trois premiers jours , et qu’on garantit en même temps du soleil , pour que le pas- sage à la lumière fût moins sensible à des plantes délicates qui avoient été pendant huit jours dans une obscurité com- plète. Malgré cette précaution , les jeunes pousses herbacées et très-tendres de ces bruyères se courbèrent pendant 1^ <58 z. 44 8 ANNALES DU MUSEUM milieu du jour j mais bientôt , à l’aide de la chaleur mo- dérée de la couche , de quelques arrosemens très-légers , en forme de rosée , de courans d’air atmosphérique , établis dans le milieu du jour, et enfin d’une lumière donnée graduellement , elles reprirent leur direction verticale. Elles poussent avec vigueur: celles qui commençoient leur floraison la continuent j plusieurs autres la commencent, et probable- ment la termineront et produiront des graines. Ces bruyères resteront dans le châssis qu’elles occupent, jusqu’à l’époque des gelées de 8 à î o degrés. On les garantira des froids inférieurs par des réchauds pratiqués autour de la couche où elles sont plantées , par des pail- lassons et de la litière. Toutes les fois que le temps sera doux , on leur donnera de l’air extérieur , et on les laissera jouir de la lumière du soleil. Les grands froids arrivant, ces arbustes seront transportés dans une serre tempérée , et placés sur les appuis des croisées, afin qu’ils jouissent de plus de lumière , et d’un air plus souvent renouvelé. Les arrosemens de cette saison n’auront pour objet que d’entretenir la terre fraîche sans l’imbiber complètement , et encore moins rendre l’humidité stagnante. Lorsque l’hiver sera passé , ces mêmes bruyères seront placées sur une banquette de terreau à demi-consommé , et couverte d’un châssis dont le dossier sera tourné du côté du midi. Il aura plus pour objet de défendre les plantes du grand soleil du printemps et de l’été, et sur -tout des pluies trop abondantes , que de les préserver du froid et des vents. Nous avons été conduits à cette pratique de culture par la théorie , et elle nous dirigera encore par la suite pour le X)’ HISTOIRE NATURELLE. 449 gouvernement et la multiplication de ces bruyères. Elle nous apprend 1 °. que ces arbustes , dans leur état de na- ture , vivent beaucoup moins long-temps que la plupart des autres végétaux ligneux de même stature, leur existence se trouvant bornée, pour la très-grande majorité des espèces, entre six et dix ans ; 20. que leurs racines sont d’une consis- tance sèche, cassante, leur chevelu très - délié ; qu’elles ne sont recouvertes que d’un épiderme extrêmement mince , et susceptible de se dessécher instantanément par la pré- sence de l’air ; 3°. qu’elles se corrompent facilement par leur séjour dans une humidité stagnante ; 4°* que les maladies qui les attaquent commencent par leurs racines le plus ordinairement , et que lorsque l’on s’en aperçoit au port languissant de l’arbuste , il est mort sans ressource j 5°. que la plupart des espèces qui composent ce genre croissent dans les terrains quartzeux , mélangés dans la proportion de trois quarts de sable avec un quart d’humus , formé de détritus de racines , de tiges et de feuilles de végétaux, et particulièrement de celles de leurs congénères j 6°, qu’il se rencontre dans ces terrains une plus ou moins grande quantité d’oxide de fer , dont le métal , d’après des observations exactes , est le produit de la végétation et de la décomposition des bruyères elles-mêmes j y°. que la plus grande partie des espèces connues de ce genre croissent en Afrique , et se trouvent au Cap de Bonne-Espérance , sur les montagnes des Isles de France , de Bourbon et de Madagascar ; 8°. que ces pays éprouvent passagèrement des gelées d’un à deux degrés , quelquefois des ouragans im- pétueux , souvent des courans d’air très- vifs , des chaleurs très-considérables , et des pluies abondantes , dont l’eau ne 68 * 45o ANITILES 3) U MUSÉUM fait que passer à travers le sol , à cause de. sa nature et de sa situation en pente j p°. que ces arbustes laissent échap- per les semences de leurs capsules , dès qu’elles sont mures 5 que ces semences étant très-fines , et en grande quantité , lèvent et forment gazon parmi les lichens , les mousses et les petites graminées qui tapissent la terre dans la saison des pluies j 1 o°. et enfin que les espèces de bruyères se trouvant fort multipliées dans les mêmes lieux où la nature les laisse croître , les semences qui en proviennent donnent un très-grand nombre de variétés. Avec ces données et des soins assidus , il est facile de parvenir à conserver et à mul- tiplier en Europe ces charmans arbustes. En reconnoissance de cet envoi, l’administration du Mu- séum a fait passer à MM. Lée et Kennedy quatre caisses de végétaux choisis parmi les nouveautés apportées des Antilles par le capitaine Baudin ? et parmi celles de diffé- rens autres pays étrangers. d’histoire naturelle. 4$ 1 NOTICE Sur la Vie et sur les Ouvrages d’Hedwig. par DELEUZE. SECONDE PARTIE. Les anciens botanistes donnoient le nom de Mousses à toutes les plantes cryptogames qui ne sont ni des fougères ni des champignons ; et lorsqu 'en 1741? Dillenius les sépara en genres, il leur conserva, dans le titre de son ouvrage, cette dénomination générale. Linné distingua les algues des mousses ; mais il laissa parmi celles-ci le lycopode qui ne leur appartient pas , et il réunit sous le nom d’algues des familles différentes. Hedwig a le premier tracé la ligne de démarcation qui sépare les mousses , les hépatiques , les algues , etc. Quant aux organes sexuels , Micheîi les ayant aperçus dans quelques espèces de mnïum et dans la fontinale , il fut sur le point d’en deviner l’usage , mais il tira de fausses conséquences de son observation. Dillenius , en dessinant les mousses avec une exactitude admirable , se trompa sur la nature des fleurs mâles , qu’il vit dans quelques-unes , et qu’il n’eut pas l’idée de chercher dans toutes 5 enfin Linné , 4 5 2 ANNALES DU MUSEUM voulant faire entrer les mousses dans son système sexuel , écarta plus que jamais ses disciples de la vraie route, en prenant les capsules pour des anthères. Ce ne fut que vingt ans après que des observateurs exacts combattirent cette erreur , et prouvèrent que les prétendues anthères de Linné étoient réellement des capsules. Alors on voulut chercher les organes mâles , et l’on donna sur cet objet une foule d’hypothèses plus ou moins éloignées de la vérité. Cette in- certitude porta même quelques botanistes à regarder les mousses comme privées de sexe et ne produisant point de véritables graines. Hedwig , sans discuter ces opinions con- tradictoires , étudia la nature. Placé dans un pays très-riche en cryptogames , il en analysa un très-grand nombre j il les suivit pendant plusieurs années dans leurs développe- mens ; et si ses observations sont le fruit d’une patience in- fatigable , les conséquences qu’il en tire annoncent, une ex- trême sagacité. Pour donner une idée de sa découverte , je vais décrire en général l’organisation des mousses , en négligeant les ex- ceptions que présentent certaines espèces} les bornes de cet écrit ne me permettant pas les détails nécessaires pour plus d’exactitude. Parmi les plantes dont la fructification est apparente, la plupart sont hermaphrodites , plusieurs sont monoïques , quelques-unes sont dioïques. Dans les mousses, c’est le contraire : le plus grand nombre porte les fleurs mâles et les fleurs femelles sur des individus différens. Elles sont d’ailleurs organisées comme les autres végétaux } toutes ont une racine , une tige , des feuilles alternes et des fleurs } intérieurement elles présentent des fibres spirales et un tissu d’ histoire, naturelle. 453 cellulaire comme les arbres. La plupart sont vivaces : leurs tiges même persistent j* elles poussent chaque année de nou- veaux rameaux , et deviennent souvent ligneuses. C’est en automne et au printemps que leur végétation est plus active. Elle est suspendue par la gelée et par les chaleurs de l’été. Pendant cette saison , celles qui ne sont point situées dans des lieux ombragés paroissent desséchées j et comme leurs racines sont à la superficie de la terre , elles seroient ex- posées à périr , si elles n’étoient douées d’une propriété très- singulière, celle de se revivifier par l’humidité j tellement, que des mousses arrachées depuis long-temps peuvent végéter de nouveau. Lorsque les pluies d’automne ont rafraîchi l’atmosphère , ou lorsque les neiges achèvent de fondre , les mousses vi- vaces se couvrent de pédicules terminés par des sommets très - remarquables : ce sont des capsules couvertes d’une coiffe qui se détache lorsqu’elles approchent de la maturité, et fermées par un opercule qui peu de temps après se sé- pare transversalement. Elles ont alors la forme d’une urne ouverte , et on leur en a donné le nom. Souvent l’oper- cule et l’urne sont réunis par un anneau élastique , qui , en se débandant , facilite leur séparation. Les bords de l’orifice de l’urne, auxquels on a donné le nom de péristome, sont rarement nus , ordinairement garnis de dents qui naissent de la paroi extérieure , et souvent encore de cils ou d’une membrane qui provient de la paroi intérieure. Au centre , est un prolongement du pédicule , nommé columelle. Entre la columelle et la membrane intérieure sont les graines. Les dents du péristome sont courbées vers 1 intérieur de la capsule et en ferment l’entrée lorsque le temps est 454 A N ï A L E S DU MUSEUM liumide ; elles se dilatent et s’ouvrent en rayons lorsqu’il est sec. Ce mouvement hygrométrique , excité par les plus légères variations de température, facilite l’explosion des graines, qui s’échappent aussi par l’oscillation des pédicules lorsque le vent les agite. À l’époque où les capsules mûrissent, on voit sur le même individu , ou plus fréquemment sur des individus voisins , des rosettes ou des boutons plus ou moins ouverts , situés à l’extrémité des rameaux ou dans les aisselles des feuilles , et dans lesquels sont de petits corps ovale-allongés , remplis d’une poussière infiniment déliée. Ces petits corps s’ouvrent par le sommet , la poussière s’échappe, et ils ne sont plus qu’une vésicule vide et membraneuse. Si on est assez patient ou assez heureux pour prendre la nature sur le fait , en les observant au microscope , on les verra lancer la poussière j toujours du moins en trouvera-t-on dans la même rosette de vides , et d’autres qui sont encore pleins. Bientôt les vésicules se dessèchent et disparoissent : les rosettes, quand elles sont terminales, restent ouvertes et brunissent ; et, dans quelques espèces , la tige continue de croître du centre même. C’est ainsi qu’on voit quelquefois dans les mélèzes l’axe des cônes et celui des fleurs mâles s’allonger et donner de nouveaux rameaux. Les feuilles qui enveloppent les rosettes ou les boutons , et celles qui entourent la base des pédicules, sont toujours différentes des autres feuilles de la plante : elles forment un véritable calice. Les capsules que j’ai d’abord décrites avoient été prises pour des anthères , et les corps contenus dans les rosettes pour des pistils. Ce qui avoit induit eu erreur , c’est que !>’ HISTOIRE NATURELLE. 4^5 ces prétendues antlières répandant leur poussière an moment de l’épanouissement des rosettes , on avoit conclu qu’elles n’avoient pu être fécondées par les vésicules de ces rosettes. On n’avoit pas songé qu’elles l’étoient plus anciennement , et que dans les mousses , comme dans les pins , la féconda- tion s’opère en même temps que la dissémination des graines de l’année précédente. On auroit dû remarquer que dans toutes les plantes les organes femelles sont d’une extrême petitesse au moment de la fécondation , et ne se développent qu’après qu’elle est opérée ; on eût vu alors qu’après l’épa- nouissement des rosettes les corps qu’elles renferment ne grossissent plus : cette observation si simple auroit engagé à faire de nouvelles recherches , et on eût trouvé les fleurs femelles. En effet , si sur le même individu chargé de capsules mûres, placées à l’extrémité des rameaux de l’année précédente, on examine l’extrémité des rameaux nouveaux, on y verra de petits boutons formés de feuilles différentes des autres , et dans le centre de ces boutons on trouvera un ovaire sessile terminé par un style ouvert. Bientôt cet ovaire grossit j mais la végétation étant ordinairement suspendue pendant l’été, c’est seulement en automne que le pédicule s’allonge, souvent même ce n’est qu’au printemps suivant qu’il acquiert toute sa longueur. Si on suit cet ovaire dans son développement , on verra qu’il est revêtu d’une coiffe qui , d’abord adhérente au réceptacle , s’en sépare circulairement par la base lorsque le pédicule s’élève : cette coiffe , qu’Hedwig regarde comme le pétale des mousses , entoure le style placé au sommet de l’ovaire , et est ouverte pour lui donner passage • elle couvre 6 9 2. 456 ANNALES DU MUSEUM et protège la capsule , et s’en détaclie lors de sa maturité : seulement dans un genre elle reste déchirée à sa base. D’après ces observations , il est prouvé par l’analogie que les corps contenus dans les rosettes sont des anthères j que la poussière qui en sort par jets est lu pollen j que les boutons, qui paroissent en même temps sur d’autres rameaux ou d’autres individus , sont des fleurs femelles , où l’œil , aidé du plusfoible microscope , voit distinctement l’ovaire , le style , le stigmate et la coiffe j enfin , que les ovaires fécondés deviennent de véritables capsules remplies de graines. J’ai parlé d’abord des mousses vivaces , parce que ce sont celles où la simultanéité des fleurs mâles avec la dissé- mination des graines avoit induit en erreur ; les mousses annuelles n’offrent des capsules pendant la fécondation qu’autant qu’elles fructifient à deux époques. Dans ce cas, les plantes semées depuis six mois sont en fleur, tandis que celles semées depuis un an sont parvenues au terme de leur maturité. L’exposé que je viens de faire , suffît pour convaincre tout homme impartial : cependant les preuves reposent sur l’analogie. Pour constater sans réplique que les prétendues anthères de Linné étoient des capsules , il falloit en semer les graines : Hedwig l’a fait , et il a réussi parfaitement sur plusieurs espèces , telles que le mnium hy grometricum , le bryum pyriforme , etc. Il suffit pour cela de secouer la poussière des capsules sur une terre bien préparée , humide et à l’ombre j au bout de quelques jours, les graines s’enflent, leur enveloppe crustacée se fend , et elles poussent un cotylédon qui se ramifie : bientôt après , paroît la radicule , d’ HISTOIRE NATURELLE. 4^7 puis la plumule ; et la plante devient enfin semblable à celle qu’on a semée , et fructifie de la même manière. En décrivant les fleurs mâles et les fleurs femelles des mousses , je n’ai pas parlé des parties accessoires qu’elles contiennent ; tels sont ces fds articulés et succulens qui ac- compagnent les étamines et les pistils ; véritables nectaires , que quelques observateurs ont pris pour des étamines. Leur nombre est si considérable dans quelques espèces , comme les poïytrics , que , s’attachant à la coiffe à mesure qu’elle s’élève , ils la rendent velue et la font paroître beaucoup plus grande qu’elle ne l’est en effet j tels sont encore des organes qui entourent les pistils , et se dessèchent à mesure que l’ovaire prend de l’accroissement : ceux-ci sont des pistils avortés. Je suis forcé de négliger ces détails curieux, pour être précis et clair ; mon but est d’inspirer le désir de con- sulter les ouvrages , d’Hedwig , et sur-tout, d’observer la nature. Ce n’étoit point assez d’avoir analysé les mousses : les espèces en sont si multipliées , et on en a trouvé un si grand nombre depuis Dillenius et Linné , que , pour en faciliter l’étude, il falloit les séparer en genres , et disposer ces genres dans un ordre méthodique, d’après des caractères essentiels, invariables, et qui ne séparassent point des espèces que leur port devoit naturellement réunir. Celui-là seul pouvoit exé- cuter ce travail , qui avoit passé sa vie à analyser et à com- parer les espèces j et il falloit encore , pour le rendre utile , décrire et dessiner toutes celles qui ne l’avoient pas été avec assez d’exactitude. Cette entreprise n’effraie point Hedwig ; il embrasse d’abord toutes les cryptogames , il donne une 6 c) * 458 ANNALES D U MFSEUM méthode des mousses, et il publie successivement l’histoire de celles qu’il peut se procurer. La méthode d’Hedwig est établie sur les. parties de la fructilication. Il prend pour premier caractère les dents et les cils qui bordent l’orifice de l’urne ; ainsi il sépare les mousses en quatre ordres : 1 °. Celles qui n’ont point de péristome , ou dont la capsule ne s’ouvre pas. 2°. Celles dont le péristome est nu. 3°. Celles dont le péristome est d’un seul rang de dents ou de cils. 4°. Enfin , celles dont le péristome est double , c’est-à- dire muni extérieurement de dents , intérieurement de cils ou d’une membrane. Le nombre et la forme des dents sont invariables dans toutes les espèces. Pour subdiviser ses ordres , Hedwig a considéré la forme et la situation des fleurs mâles. Ce second caractère n’étant ordinairement visible qu’au microscope , et n’étant pas même assez tranché , il seroit à desirer qu’il ne l’eût point em- ployé. S’il faut avoir recours au microscope pour analyser les corps , et pour assigner leur place dans l’ordre naturel , il faut , autant qu’on le peut , s’en passer pour déterminer la nomenclature. Bridel , disciple d’Hedwig , a proposé une méthode plus simple , quoique par respect pour son maître il n’en ait pas fait usage ; c’est de substituer à la considération des fleurs mâles celle de la situation des fleurs femelles , ou des pédicules qui sont axillaires , ou qui terminent les tiges : ce caractère est toujours visible à l’œil nu, et le péristome se distingue à l’aide d’une loupe. d’histoire NATURELLE. 4^9 Après avoir exposé la théorie d’Hedwig, il me reste à répondre aux principales objections qu’on lui a opposées j je le ferai succinctement , M. Noehden ayant traité ce sujet dans une dissertation particulière (1). Necker , qui a donné plusieurs ouvrages sur les mousses , croit qu’elles sont vivipares , et ne se multiplient que par des boutures , des bulbes, des bourgeons : mais les exemples qu’il cite, prouvent seulement que plusieurs peuvent se pro- pager de cette manière , comme un grand nombre de plantes auxquelles on n’a pour cela jamais refusé de véritables graines. Hedwig , en semant et faisant lever des mousses , a invinciblement réfuté ce système. Gærtner a aussi élevé des difficultés contre la féconda- tion des mousses $ et les doutes de ce célèbre naturaliste se- roient du plus grand poids, si ses travaux lui avoient laissé le loisir d’examiner à fond une opinion différente de celle qu’il avoit adoptée. Les anthères lui paroissent d’une grosseur dispropor- tionnée à celle des ovaires : mais qu’importe la grosseur des anthères ? tout dépend de la ténuité de cette vapeur subtile qui s’échappe des grains du pollen. J’observe encore que le volume des étamines n’a aucun rapport avec celui des plantes. Les mousses étant dioïques , et les fleurs mâles étant si près de la terre , on demande comment le pollen sera porté sur les femelles ? Mais les mousses vivent en société, (i) Specimen inaugurale botanicum , in quo de argumentis contra Hedwigii theo- riam de generatione muscorum quaedam disseruit H. A. Noehden. m. d. — Got- tingae , 1797. 4.6 O ANNALES DU MUSEUM les individus des deux sexes sont toujours très-voisins l’ùn de l’autre , le pollen est une vapeur d’une extrême légèreté , qui sort par jets, s’élève dans Pair, et se répand sur les pistils : il est bien plus étonnant que des palmiers mâles fécondent des femelles à plusieurs lieues de distance. Selon Gærtner, les anthères sont mûres avant que les ovai- res soient en état d’être fécondés. Ifedwig assure au contraire que dans le temps où les anthères lancent le pollen , on voit les femelles montrer leur stigmate ouvert. Au reste , les fleurs femelles sont moins visibles au moment de la fécondation que quelques jours après , à cause de leur ex- trême petitesse j on doit même être étonné qu’elles le soient , si on compare la taille d’un bryum à celle d’un chêne , sur lequel on les aperçoit à peine au moment de la fécondation. Si les anthères s’ouvrent lorsque le temps est humide , c’est parce qu’elles ressemblent aux grains nus du pollen des autres plantes , comme Hedwig l’a observé ) et l’on sait que ces grains ne se crèvent que par l’humidité. Les mousses ne végétant bien que lorsque l’atmosphère est humide , la nature a déterminé cette époque pour leur fécondation. On voit que les objections de Gærtner sont fondées sur des analogies ^ et qu’Ifedwig leur oppose des analogies plus fortes et des observations directes. Mais voici une expérience qui semble, au premier coup d’œil , renverser la théorie d’Hedwig. Meese ayant semé des rosettes de polytric , dont les corps oblongs étoient couverts de petits grains , il a vu ces grains produire des plantes ) il a conclu que les corps oblongs D ’ HISTOIRE UATUnELLE. ^ 6 1 contenoient les semences. Le fait est curieux , mais la con- séquence n’est pas exacte ; en voici l’explication. Au moment où les rosettes s’épanouissent , les capsules laissent échapper leurs graines ; ces graines se répandent sur ce qui les environne , et il est très-ordinaire d’en trouver un grand nombre sur les rosettes : si donc on met ces rosettes dans la terre sans avoir eu la précaution de les bien laver , il n’est pas étonnant qu’on voie lever les graines que les cap- sules avoient jetées à leur surface. Des savans distingués ont encore proposé quelques ob- jections que je me contenterai d’indiquer par les réponses qu’on leur a faites. Les anthères du mnium annotinum diffèrent de celles des autres mousses j mais ce n’est pas une raison de les prendre pour des rameaux avortés , puisqu’elles sont les mêmes dans tous les individus. Les bulbes ou gemmes placées dans les aisselles des feuilles de plusieurs mousses ont été examinées par Hedwig , qui marque les caractères par lesquels on peut , sans les analyser , les distinguer des fleurs. La fécondation de la fontinale a paru difficile 5 mais Hedwig a observé que dans les beaux jours du printemps les sommités de cette plante s’élèvent à la surface de l’eau , et que dans les rivières trop rapides, où elle ne peut s’élever ainsi , on ne la trouve presque jamais avec des capsules. Les fleurs mâles dans un grand nombre de mousses sont cachées sous des écailles qui , dit-on , ne doivent pas per- mettre au pollen de s’échapper. Mais Hedwig assure qu’à l’époque de la fécondation ces écailles s’entr’ouvrent. On sait que la même chose a lieu dans plusieurs plantes , particu- 4 6 2 ANNALES DU MUSEUM lièrement dans les graminées ; et c’est un des plus singu- liers phénomènes de l’irritabilité végétale : il faut d’ailleurs bien peu d’ouverture pour donner issue à la vapeur fé- condante. Quant à ce qu’on a dit sur les illusions du microscope, il suffit de, lire ce qu’Hedwig a écrit depuis sur l’usage de cet instrument pour n’avoir aucun doute sur l’exactitude de ses observations. Je conclus de ce qui précédé que la théorie d’Hedwig est appuyée sur l’analogie entre la fructification des mousses et celle des autres plantes , sur la forme et la situation des organes des deux sexes , sur le temps de leur floraison , sur leur multiplication par des graines, sur des observations qu’Hedwig a répétées pendant plus de 3 o ans, sur les dessins exacts d’environ 140 espèces qu’il a analysées, sur l’assen- timent d’un grand nombre de botanistes célèbres , et que les difficultés qu’on lui a opposées sont ou réfutées dans ses ouvrages , ou des conjectures qui ne peuvent détruire une théorie établie sur des faits. Pour mettre désormais à l’abri de toute attaque la belle découverte d’Hedwig , il reste à faire une expérience simple et facile. Elle consiste à prendre quelques pieds femelles d’une mousse dioïque , au moment où les capsules commencent à paroître , à les transplanter loin de toute mousse du même genre , dans un vase où la terre soit toujours humide , et à couper toutes les capsules. L’année suivante il ne doit plus y avoir de capsules , ou du moins elles doivent avorter. Hedwig a fait une observation semblable sur le marchanda polymorpha. Il en avoit dans son jardin un pied très-vi- goureux, et tout couvert de fleurs femelles. Il remarqua avec d’histoire naturelle. 463 surprise que ces fleurs , après s’être conservées vertes pen- dant très-long-temps , flnissoient par avorter ; il en cher- cha la cause , et il s’assura que c’étoit un individu femelle éloigné de tout individu mâle. Mais quand même l’opinion d’Hedwig sur la féconda- tion des mousses ne seroit qu’une hypothèse 5 toujours est-il vrai qu’il a trouvé dans toutes les corps analogues à des anthères 5 qu’il a démontré que les capsules renferment de véritables graines 5 que l’analyse du péristome lui a fourni des caractères tellement indépendans de tout système, que de trente-sept genres qu’il a établis , il n’en est que quatre ou cinq qu’on puisse rapporter à d’autres en négligeant la considération des fleurs mâles 5 qu’outre un grand nombre d’autres cryptogames , il a décrit trois cent soixante espèces de mousses , dont plus de trois cents sont analysées et figurées avec une exactitude admirable 5 enfin , que , par f’enchahie- ment de ses découvertes , l’histoire des mousses et même celle des autres cryptogames forme un corps de science dont toutes les parties sont liées entre elles. Aussi sa méthode des mousses a-t-elle été adoptée dans son ensemble ou avec diverses mo- difications par les botanistes les plus célèbres , tels que Leyser, Roth, Baumgarten, Timm? Wildenow , Bridel , Schreber, Schrank , Swartz. Hedwig a le premier marqué le caractère qui réunit les hépatiques , et celui qui les sépare des mousses 5 il en a dis- tingué les genres , il les a suivies dans leur développement , et il a trouvé dans toutes les étamines et les pistils. Elles diffèrent des mousses par deux caractères essentiels. i°. La coiffe , au lieu de s’élever avec la capsule , reste déchirée à la base du pédicule ; 20. les capsules s’ouvrent , non trans? 2. 70 4 6 4 ANNALES DU MUSEUM versalement , mais en plusieurs valves. Schmiedel avoit déjà décrit les parties de la fructification des marchanda et des jungermanes . Hedwig a vu les mêmes choses , mais il a poussé plus loin l’analyse. Il a semé les graines du marchan- da polymorpha et celles d’une espèce de jungermane ; il les a vu lever au bout de huit jours, et devenir ensuite des plantes parfaites. Venons à l’opinion d’Hedwig sur les fougères. Je ne parlerai ni de la pilulaire ni du marsilea , où Bernard de Jussieu avoit trouvé les organes des deux sexes , mais seulement des fougères qui portent la fructification sur des épis ou sur le dos des feuilles. C’est vainement qu’on cherchera les étamines dans ces plantes lorsque les capsules approchent de la maturité. Les ovaires sont d’une extrême petitesse à l’époque de la fécon- dation , et les étamines disparoissent lorsque leur fonction est remplie : comme elles ne peuvent se trouver que sur les feuilles , il faut donc les y chercher lorsque ces feuilles commencent à se dérouler et se montrent à peine à la surface de la terre. Dans Yophioglosse , Hedwig a vu des étamines globu- leuses rangées transversalement par séries sur l’épi. Entre ces étamines sont les pistils , situés par bandes alternatives avec celles des étamines. Après la fécondation, les étamines se détruisent , les ovaires grossissent , et la disposition des capsules qui se trouvoient séparées par des étamines , donne à l’épi une apparence striée. Dans les fougères , dont les semences sont sur le dos des feuilles , les anthères sont placées sur l’une des surfaces $ elles se trouvent en contact avec les pistils , et le mouvement b’ HISTOIRE NATURELLE. /\ 6 5 produit par le déroulement des feuilles facilite la féconda- tion. Ces anthères , remarquables par leur couleur , et très- différentes des écailles dont plusieurs fougères sont semées , disparoissent bientôt , et on ne les voit plus sur la feuille après son évolution : on sait que les fougères donnent de véritables graines , puisqu’on les a semées, et vues lever avec un cotylédon. Pour voir les organes sexuels de la prêle, il faut retirer de la terre l’épi naissant. Cet épi ou chaton est hermaphrodite ; il est composé d’écailles en bouclier , rangées autour de l’axe. Sous ces écailles, sont des calices renfermant plusieurs ovaires. Chacun de ces ovaires est posé sur le milieu de deux filets qui portent une anthère à chaque extrémité. Les filets res- tent attachés à la graine ; ils se roulent autour d’elle par l’humidité , se déroulent par la sécheresse , et lui donnent ainsi ce mouvement singulier si bien décrit par Duhamel. Hedwig ayant embrassé toutes les cryptogames , il a cherché les organes sexuels des lichens et des champignons. Il en a fort bien vu les graines j mais ce qu’il dit des éta- mines est plus ingénieux qu’il n’est prouvé. Les graines des lichens sont nichées dans les petits godets ou boutons qu’on y remarque : les étamines sont une poussière fugace qui se montre pendant quelque temps à la surface de la plante. Les graines des champignons sont entre les lames , ou dans les tubes, ou disséminées dans la substance de la plante : dans certains genres , elles sont nues ; dans d’autres, elles sont ren- fermées en nombre déterminé dans des capsules vésicuîeuses ( sporcingia ) , entourées de filets distincts : l’organe mâle est dans le volva ou à la superficie. Ici , ce qui est relatif à la fécondation est conjectural. Mais Hedwig , en faisant l’ana- 466 ANNALES DU MUSEUM tomie des champignons , a très-bien décrit ces organes doués d’une irritabilité singulière , qui par intervalles lancent su- bitement au loin une infinité de graines sous la forme d’une colonne de vapeur. Ce n’est pas seulement en cryptogamie queHedwig a fait des découvertes. Ses recherches sur l’anatomie et la phy- siologie végétales suffîroient pour lui donner un rang distin- gué parmi les naturalistes. Il est moins connu sous ce rap- port , parce que ses observations sont dispersées dans divers ouvrages ( i ) ; mais, en les réunissant, on voit qu’elles font un corps de doctrine , et qu’elles ont beaucoup contribué aux progrès de la science. Je vais tâcher d’en donner une idée. Le principe, de la vie ne nous est connu que par ses effets j mais les corps qui en sont doués se distinguent par des ca- ractères exclusifs. Ils croissent par intus-susception et non par juxtaposition ; ils assimilent à leur propre substance des matières étrangères \ ils engendrent des êtres semblables à eux 5 enfin , ils résistent aux affinités chimiques , et la cause des changemens qu’ils éprouvent réside en eux-mêmes. On donne le nom d’organes aux instrumens à l’aide desquels s’exercent les fonctions vitales. Ces organes sont plus variés dans les animaux que dans les végétaux. Dans ceux-ci , on ne découvre rien de sem- blable au cœur , au cerveau , aux nerfs , etc. mais seulement des vaisseaux où les fluides se meuvent , et un tissu cellu- laire où ils se conservent. Le tissu cellulaire est uniforme , les vaisseaux sont de plusieurs sortes. ()) J’ai indiqué plus haut ces ouvrages : le principal est la dissertation de Fibrae vegetabilis ortu. Lipsiæ 1789 et 1799. 3a pages in-q°. d’ HISTOIRE NATURELLE. 467 1°. Des canaux aérifères ou pneumatiques. Ce sont des tubes droits, toujours creux, et qu’on aperçoit encore dans le bois desséché. a°. Des vaisseaux adducteurs : ceux-ci portent dans toutes les parties du végétal les sucs qu’ils ont pompés dans la terre. Ils sont toujours rapprochés en faisceaux et contigus aux vaisseaux pneumatiques. Il y en a de droits , d’autres sont roulés en spirale. Si on plonge la coupe d’un rameau ou l’ex- trémité d’une racine dans une liqueur colorée , elle monte dans leur cavité : c’est ce qu’Hedwig a vu dans la courge , l’impatiens , le ricin , où ils sont roulés autour du canal pneumatique : leurs spires colorées par la teinture rouge se distinguoient sur ce canhl , formé d’une membrane blanche un peu plissée. Mais ces vaisseaux adducteurs , d’abord creux , d’un dia- mètre égal , d’une extrême mollesse , et solubles dans l’eau bouillante, s’obstruent graduellement, et se convertissent en libres ligneuses. La manière dont s’opère le passage d’un état à l’autre étoit sans doute un des plus beaux problèmes de la physique végétale : Hedwig a cherché à le résoudre. Il a sur-tout fixé son attention sur les vaisseaux en spirale , dont les changemens sont plus singuliers et plus variés ; il les a examinés au microscope après leur avoir fait pom- per des liqueurs colorées. Voici le résultat do ses obser- vations. Dans la partie la plus jeune de- la plante , ces vaisseaux remplis de liqueur entourent le canal pneumatique de spires également écartées : un peu au-dessous, ils paroissent peints d’un grand nombre de points ; en descendant plus bas , on y voit des espèces d’anévrismes ou de gonflemens , qui pro- 4 6 8 ANNALES DU MUSEUM (luisent la réunion d’une spire à la spire suivante par petits intervalles , tellement , que le canal pneumatique est revêtu d’un réseau ; ensuite , la surface paroît fendue et inégale 5 enfin , le vaisseau s’obstrue , se couvre de filamens et devient ligneux. Alors chacun de ces vaisseaux est une fibre , et leur réunion forme la fibre composée, dont les élémens agglu- tinés ne peuvent être séparés sans effort , et constituent successivement le liber, l’aubier , et le bois (1). Ces cliangemens sont la suite de la petitesse des vaisseaux et de la nature hétérogène du fluide qui , pompé dans la terre par les racines , dépose sur sa route les molécules dont il est chargé. Son cours se trouvant ainsi gêné , il fait effort sur les parois et les distend, jusqu’à ce que le dépôt de nou- velles molécules s’oppose à son passage. Quoique la fibre 11e soit plus tubulaire , elle continue long- temps à recevoir le fluide par des communications latérales. Quand son obstruction est totale , elle ne sert plus à la vie du végétal ; mais cet état n’existe , même dans le corps ligneux, que lorsque l’arbre commence à dépérir. C’est alors qu’il se creuse dans le centre. Il y a des plantes , comme les fougères , l’alisina , etc. dont les vaisseaux ne sont point en spirale ; mais ils sont de même nature , et se convertissent en fibres de la même manière. C’est au collet de la racine que les vaisseaux adducteurs prennent naissance 5 ils existent même dans l’embryon , et (i) Je ne dois point dissimuler que cette explication de l’origine de la fibre 11e peut s’accorder avec un fait important observé par Mirbel sur toutes les plantes dont il a fait l’anatomie : c’est que les vaisseaux en spirale ne se trouvent que dans la couche la plus voisine de la moelle. d’ histoire naturelle. 469 le premier acte de la germination est de les pousser dans la radicule et la plumule , au point de jonction de la racine et de la tige. Leur assemblage forme deux cônes opposés par la base , dont un se dirige vers le ciel , et l’autre vers la terre. Ces cônes sont intérieurement et extérieurement revêtus d’une couche de tissu cellulaire qui s’insinue même entre les vaisseaux. Bientôt par dessus le premier cône il en naît un second : le premier s’allonge tant que les vais- seaux 11e sont pas endurcis 5 le second le recouvre , et ainsi de suite jusqu’à ce que le végétai ait acquis tout son accroissement ; accroissement qui s’arrête lorsque les fibres sont entièrement obstruées. Ceci ne peut s’entendre que des plantes dicotylédones. On sait qu’avant la belle découverte du citoyen Desfontaines il étoit impossible de tirer des résul- tats généraux des observations d’anatomie végétale. Les vaisseaux suivent une direction parallèle tant que la tige 11e se partage pas $ mais , à la naissance des bourgeons et des feuilles , ils se rapprochent , s’anastomosent , et se subdivisent ensuite pour former le réseau des feuilles : ce sont eux qui portent les sucs nutritifs jusque dans les éta- mines et les pistils. Leurs diverses ramifications , en rampant sous l’épiderme, aboutissent ordinairement plusieurs à la fois à des pores dont il est percé : ils s’y ouvrent et donnent issue à la transpiration. Souvent aussi ils se prolongent jusqu’à l’ex- trémité des poils. Les vaisseaux en spirale , roulés autour d’un canal mem- braneux , forment , par leur réunion , ces organes si célèbres sous le nom de trachées i sur l’usage desquels les botanistes étoient partagés en deux opinions contraires j celle de Mal- 470 annales du muséum pighy , et celle de Reichel : il est important de comparer ces deux opinions à celle d’IIedwig. Malpigliy avoit cru que les trachées étoient un ruban roulé en spirale ? dont les circonvolutions formoient un canal pneumatique. Reichel leur ayant fait pomper des liqueurs colorées en conclut qu’elles étoient des vaisseaux lymphatiques. Malpigliy avoit raison ; mais il n’avoit pas vu que le ruban était lui-même un vaisseau $ et Reichel n’avoit pas vu que la trachée ne se remplissoit de liqueur que dans l’intérieur des spires , et non dans le canal formé par leur rapproche- ment. Hedwig adopta d’abord l’opinion de Reichel : mais ayant trouvé dans le cucurbita pepo des trachées dont les spires étoient fort écartées , il distingua nettement la route du fluide. Cette observation fut pour lui un trait de lumière : il la vérifia sur une foule de plantes , et il en fit la base de sa théorie. 3°. Il y a encore un troisième ordre de vaisseaux : ceux- ci sont droits ; ils descendent vers les racines en traversant le tissu cellulaire , dans lequel ils déposent les sucs qu’ils ont reçus des vaisseaux adducteurs. Sans entrer dans le détail des preuves qu’Hedwig donne de leur existence , il me semble qu’on sera naturellement porté à l’admettre, si l’on fait attention à quelques faits dont l’explication semble impossible sans eux. Le premier , c’est qu’à l’époque où la sève monte avec le plus de force , par exemple , lors des pleurs de la vigne , le tissu cellulaire est encore sec et adhérent à l’écorce , et les bourgeons ne se gon- flent même pas , tandis que le tissu cellulaire se remplit et / if HISTOIRE NATURELLE. 4 J l que les bourgeons se développent lorsque cette sève a cessé de s’élever. 2°. C’est qu’à la pointe des radicules ou du chevelu des racines on trouve des sucs aussi élaborés et même sou- vent plus élaborés que ceux des branches. Comment ces sucs auroient-ils pris un caractère si prononcé, s’ils n’avoient déjà été travaillés dans les organes ? 3°. Enfin, on voit distinctement dans plusieurs plantes les vaisseaux propres, qui contiennent des sucs très-différens de la sève , et qui sont plus apparens dans l’écorce où l’on ne peut voir les vaisseaux en spirale. Sans vouloir pousser trop loin l’analogie entre les animaux et les plantes , on peut comparer les vaisseaux adducteurs aux artères , et les vais- seaux réducteurs aux veines. Le tissu cellulaire , placé au centre du végétal , sous l’é- piderme , entre les couches des fibres , et dans les inters- tices de leurs faisceaux , est rempli de sucs ; mais ces sucs y sont en repos. Lorsque la terre est trop sèche pour que les vaisseaux y trouvent l’eau qui est le véhicule de leur nourri- ture , ils pompent les fluides tenus en réserve dans le tissu cel- lulaire où ils les avoient déposés. Aussi ce tissu cellulaire est- il très-abondant dans les plantes qui peuvent vivre long-temps dans un sable aride. La manière dont les vaisseaux communi- quent avec ces réservoirs n’est pas bien connue , mais leur communication n’est pas douteuse. La fibre végétale est irritable $ et c’est par une suite de cette irritabilité que les fluides montent dans ses canaux , et non par la loi de l’attraction des tubes capillaires. L’oxi- gène l’augmente ; l’électricité produit le même effet. En accé- lérant le mouvement des fluides , elle favorise la végétation. 7 1 2. 4^2 ANNALE S DU MUSEUM Cette action est sur-tout très-forte dans le temps d’orage , lorsque le tonnerre , en changeant subitement l’état de l’élec- tricité, produit une commotion dans tous les corps organisés. Les plantes ne pompent point par leurs feuilles autant d’humidité qu’on l’a imaginé $ mais l’humidité de l’air arrê- tant leur transpiration tandis que leurs racines continuent à pomper , il est naturel qu’elles augmentent de poids. Elles laissent sans doute échapper de l’oxigènej et comment pour- roient-elles s’emparer du carbone sans décomposer l’acide carbonique? mais la quantité de cet oxigène est bien moindre qu’on ne le croit communément. Hedwig regarde sur-tout comme très-douteuse l’opinion d’Inghenhouze, que les plantes expirent diverses espèces de gaz, selon qu’elles sont exposées à la lumière ou placées dans l’obscurité. On voit , par l’exposé que je viens de faire , que l’opinion d’Hedwig sur l’organisation des végétaux se rapproche de celle de Mirbel. Ce dernier , qui a poussé beaucoup plus loin l’anatomie végétale , et comparé un grand nombre de plantes de différentes familles , n’a connu le travail d’Hedwig que par ce qui en est dit dans la première édition de la Théorie des cryptogames. Ceci est une raison de plus de ne douter aucunement des faits sur lesquels ces deux observateurs sont d’accord. L’un et l’autre ont reconnu deux sortes d’or- ganes élémentaires , des cellules et des tubes. L’un et l’autre ( en employant des noms différens ) ont distingué l’organe tubulaire ou les vaisseaux , en tubes simples , tubes poreux , tubes fendus , tubes en spirale. A la vérité , Mirbel croit que le ruban qui forme les spires n’est point creux j Hedwig le regarde comme un canal. Quant aux conséquences, Mirbel pense que les trois dernières sortes de vaisseaux ne sont que des modifications du tube simple, qui s’est fendu et découpé; il insinue même que le tissu cellulaire pourroit bien en être l’ori- gine. Hedwig croit au contraire que, dans la plupart des plantes, les tubes simples sont produits par les vaisseaux en spirale dont les contours se sont soudés, que ces mêmes vaisseaux, épaissis et roidis , deviennent la fibre, et qu’on en verra les divers états en la suivant de la base au haut de la tige. Mirbel a mieux vu la régularité du tissu cellulaire , les lacunes , et sur-tout les pores dont les cellules sont souvent criblées : ce qui explique la transmission lente des sucs des cellules dans les vaisseaux. Enfin Mirbel , en examinant la nature , la situation et le diamètre des tubes dans les diverses couches , a très - bien ex- pliqué plusieurs phénomènes de l’ascension de la sève. Si de jeunes naturalites reculent aujourd’hui les limites de la science , nous ne pouvons les louer sans que nos éloges rejaillissent sur ceux qui , détruisant les erreurs et montrant la vraie mé- thode d’observer , leur ont ouvert la carrière dans laquelle ils feront de brillantes découvertes (1). (1) Je n’ai pas cru devoir charger de citations la notice qu’on vient de lire. Les sources où j’ai puisé sont les ouvrages d’Hedwig , les écrits publiés sur lui en Allemagne , et particulièrement celui de F. Schwægrichen , imprimé à la suite du Species muscorum ; enfin les mémoires que M. Hedwig fils a bien voulu m’envoyer. 474 ANNALES DU MUSEUM EXTRAIT * D’un Mémoire , lu à la classe des sciences de V Institut national , sur la force du lin de la Nouvelle-Zélande , comparée à celle des fdamens de l’aloès-pitte , du chanvre } du lin et de la soie. par LABILLARDIÈRE, J æ lin de la Nouvelle-Zélande qui , comme on sait , est le produit d’une plante de la famille des asphodèles , nommée phormium tenaoc , tient le premier rang parmi les fibres vé- gétales connues , propres à faire des cordes. Cette vérité fut annoncée pour la première fois par le célèbre capitaine Cook et son illustre compagnon de voyage , sir Joseph Banks j elle a été reconnue depuis par Forster, qui a donné une bonne description de la plante qui fournit ces fibres , l’ayant trouvée en très-bon état dans diverses excursions qu’il fit à la Nouvelle-Zélande, où il aborda sur plusieurs points dans le second voyage du capitaine Cook autour du monde. C’est dans le premier volume du récit de ce second voyage qu’on trouvera à la page 96 de la traduction fran- çaise, tab. 2 3 , une bonne figure de la plante, et aussi dans les Icônes de Miller , pl. II. Forster a décrit et figuré tous les détails de la fructification à la page 4 7 ? b’hI STOIRE [NATURELLE. 47 5 pl. XXIV , de son ouvrage sur les genres nouveaux de plantes qu’il avoit observées dans les îles de la mer du Sud j mais personne encore n’a entrepris de déterminer jusqu’à quel point la force des fibres du phormium tenaæ surpasse celle du chanvre. Je me propose de le faire dans ce Mémoire ; on y verra aussi la comparaison de leur force avec celle des filamens de l’aloès-pitte , du lin et de la soie. Il étoit d’autant plus important d’apprécier la force du lin de la Nouvelle-Zélande, comparativement sur-tout avec celle du chanvre , qu’on peut le substituer à ce dernier avec le plus grand avantage pour l’usage de notre marine , tandis que les autres matières sont ou trop rares et trop chères , ou d’une utilité bien inférieure. Le lin de la Nouvelle-Zélande, que j’ai soumis à l’é- preuve pour en connoître la force , me fut donné en échange de quincaillerie par les liabitans de cette grande terre ^ avec lesquels nous communiquâmes vers sa pointe septen- trionale dans le voyage à la recherche de la Pérouse , le 22 ventôse, première année de la République. La plante qui le fournit, est d’une bien grande utilité à ces sauvages 5 aussi, lorsqu’ils s’approchèrent de nous, les premiers objets qu’ils montrèrent , furent de grosses poignées de ses feuilles préparées pour divers usages. Encore assez éloignés de nous , ils les agitoient avec une espèce d’enthousiasme , parois- sant vouloir en faire ainsi connoître tout le prix; et bientôt nous vîmes que nous avions très-bien entendu cette sorte de langage , car ils y mirent une assez grande valeur dès qu’ils furent le long du bord de notre vaisseau. J’ai préféré , pour mes expériences , ces filamens à ceux que donneroient les feuilles de la même plante qu’on tient 47^ ANNALES DU MUSEUM dans des serres chaudes , où sans doute ses fibres n’auront pas acquis autant de force qu’en plein air; d’ailleurs, ce ne sera que l’usage qui nous fera connoitre le temps propice à la récolte des feuilles pour avoir les fibres les plus fortes. L’appareil dont je me suis servi pour connoitre la force des différentes fibres que j’ai soumises à l’épreuve étoit composé de deux mon tans de bois de 27,0699 centimètres ( 1 o pouces ) de haut , fixés verticalement sur une planche à la distance l’un de l’autre de six centimètres ( 2 pou- ces 2,698 lig. ) 5 leur extrémité supérieure avoit été légè- rement arrondie , et l’on avoit fixé à la partie externe de chacun un petit cylindre de fer d’un millimètre environ de diamètre : c’étoit à ces deux petits cylindres que j’at- tachois les filamens dont je voulois éprouver la force ; ils portoient de chaque côté sur l’extrémité arrondie des montans dont je viens de parler. J’avois eu la précaution de prendre des fibres de même diamètre (y^- de millimètre) (0,0 44 3 de ligne ) ; ce que j’avois vérifié au microscope , avec un bon micromètre , ayant eu l’attention de tordre également la partie du filament que j’examinois , l’ayant choisi , autant qu’il m’avoit été possible, de même dimension dans toute sa longueur ; j’en éprouvois la force de huit centimètres en huit centimètres ( 2 pouces 11,464 lign. ) que je plaçois entre chaque montant , et j’y suspendois vers le milieu , au moyen d’un crochet de fil d’archal bien garni de chanvre , un poids que j’augmentois jusqu’à ce que ce filament fût rompu. J’avois soin qu’il ne fût point tortillé , afin d’en connoitre toute la force ; car il se seroit cassé , comme on sait , bien plus vite sans cette précaution. D’ailleurs , par beau- d’ HISTOIRE NATURERRE. 477 coup de raisons qu’il seroit superflu de développer ici , j’au- rois eu des résultats bien moins sûrs $ et il est inutile que je prévienne qu’il ne peut s’agir ici d’une détermination rigoureuse , mais bien d’une simple approximation. Je ne dois pas manquer de dire que si j’avois eu à ma disposition une assez grande quantité de lin de la Nouvelle-Zélande pour en faire de grosses cordes , dont j ’eusse pu comparer la force avec celles de chanvre et autres matières végétales , j’eusse offert à la classe des résultats encore bien plus satis- faisans : mais, en attendant que cette plante précieuse soit na- turalisée sur notre sol , je soumets ces essais à la clase ; elle verra que leur résultat est bien capable d’engager les cultiva- teurs à substituer à la culture du chanvre celle du lin de la Nouvelle-Zélande. En effet , après avoir éprouvé la force de douze longueurs de chanvre, comme je l’ai indiqué ci-dessus, et en avoir divisé la somme par ce nombre pour connoître la force moyenne de chacune ; j’ai reconnu qu’elle équivaloit à 16 4-, tandis que celle des fibres du phormium tenax éprouvées de même étoit de 2 3 Les filamens de l’aloès- pitte n’ont donné pour résultat que 7 (toujours terme moyen), le lin 11 4> et la soie 34 J ou bien , en d’autres termes , les fibres du chanvre n’ont été rompues que par un poids de de 400,5917 grammes $ celle du lin de la Nouvelle-Zélande , par 5 p o,5 o 3 4 grammes ; celle de l’aloès-pitte , par 1 7 6 , 2 3 4 9 grammes 3 le lin , par 295,8228 grammes, et la soie par 855,9978 grammes. Le chanvre et le lin que j’ai employés dans ces expérien- ces sont du premier brin des meilleurs du département de l’Orne. J’ai retiré , par la macération et un frottement léger pour en dégager le parenchyme , les fibres d’aloès - pitte , 4-7^ ANNALES DU MUSEUM d’une feuille à? agave fœtida (Lin.) ou furcraea gigantea (Vent.) , que le citoyen Thouin , notre collègue, a bien voulu me donner. Je dois observer que d’abord j’avois pris des filamens d’un diamètre beaucoup plus petit (-^- de millimètre (0,0221 de ligne) et même au-dessous ; mais je n’ai pas tardé à m’apercevoir qu’il étoit assez difficile de les avoir de cette ténuité sans beaucoup d’inégalités et d’autres défauts qui nuisoient à l’exactitude des résultats : d’ailleurs , il étoit d’autant plus difficile de bien connoître leur diamètre , qu’ils étoient plus minces. Je n’ai donc tenu compte que de ceux qui avoient de millimètre de diamètre. On sentira aisément tout l’avantage qu’il y auroit pour notre marine d’avoir des cordages dont la force , si elle se bornoit seulement à cette proportion , seroit plus grande de près de la moitié que celle des cordages de chanvre j mais j e ne crains pas d’annoncer qu’elle la dépassera beaucoup : car les fibres du lin de la Nouvelle-Zélande , d’après une suite d’expériences comparatives que j’ai faites dans le dessein de connoître la distension dont elles sont susceptibles avant de rompre , sont moitié plus extensibles que celles du chanvre j et la cause principale de la diminution de force d’une corde à mesure qu’on la tord davantage , tient sur-tout à ce que les fibres qui la composent éprouvent divers degrés d’ex- tension ; dont la force et l’inégalité augmentent par la torsion : mais il est évident que plus les fibres qui entrent dans la composition d’une corde sont extensibles , moins est grande la différence dans la distribution de leurs forces j d’où il résulte que les fibres les plus extensibles , toutes choses égales d’ailleurs , feront toujours les meilleures cordes. d’ HISTOIRE NATURELLE. 479 On a observé que certains chanvres à fibres roides , mais très-fortes , résistent souvent moins étant employés à faire des cordes , que d’autres dont les fibres sont moins fortes , mais plus molles et flexibles. Ceci ne peut cependant in- firmer en rien ce que je viens d’avancer sur l’emploi du lin de la Nouvelle-Zélande dans les corderies , puisqu’il est moitié plus extensible que le chanvre , et très-flexible. On sait d’ailleurs que des fibres roides se brisent par une foible torsion , à laquelle résistent celles qui ont plus de flexibilité. Pour connoître l’extensibilité des fibres du lin de la Nouvelle-Zélande , j’en ai pris 6 de de millimètre (o,o443 de ligne) de diamètre, et j’ai suspendu à des longueurs de 1 4 centimètres (5 pouces 2,062 lignes), un poids que j’augmentois par degrés , en examinant de quelle quantité elles s’étendoient avant de rompre. La somme de ces quantités , divisée par le nombre des filamens éprouvés , a donné au quotient le terme moyen de l’exten- sibilité de chacun. Après avoir opéré de même sur des filamens d’aloès-pitte , de chanvre , de lin et de soie , voici les résultats que j’ai obtenus : 1,1279 millimètres pour le lin, 2,2 558 millimètres pour le chanvre, 3,38 37 milli- mètres pour le lin de la Nouvelle-Zélande, 5,63^5 mil- limètres pour lps fibres de l’aloès-pitte , et 11,2790 milli- mètres pour la soie j de sorte que l’extensibilité du lin étant égale à — , celle du chanvre sera exprimée par 1 , celle du phormium tenax par 1 — , celle du filament de l’aloès- pitte par 2 ~ , et celle de la soie par 5 : aussi voit-on avec quelle force prodigieuse résistent quelques fils de soie filés avec soin , leur très-grande extensibilité faisant faire effort 2. 72 / 480 annales du muséum à tous à peu près également avant de céder à l’effort qui les fait rompre. Il n’est pas hors de propos de remarquer que les Chinois ? qui se servent beaucoup de cordes de soie pour leurs ins- trumens de musique , ont sans doute trouvé qu’en les cor- dant pour cet effet , cela nuisoit à leur force et aussi à la justesse des sons $ car ils les fabriquent sans les corder ? réu- nissant simplement les fils dont elles sont composées , au moyen d’une résine élastique , ce qui les feroit prendre au premier coup-d’œil pour des cordes de boyau. Je ne doute pas que si nos artistes vouloient s’occuper de ce nouveau genre d’industrie , ils n’y réussissent parfaitement , actuellement sur-tout qu’ils emploient avec la plus grande habileté diverses résines élastiques : mais celle qu’on retire du Vahé de Madagascar ( Vahea elastica 7 Lam. illust . ) seroit à préférer à celle du caoutchouk qui nous vient de la Guiane , parce que cette dernière a une teinte très- foncée , tandis que l’autre tire assez sur la couleur blanche. Elle se dissout très-facilement , comme on sait , par l’éther. D’ailleurs , la résine élastique qu’on retire de plusieurs autres végétaux pourroit sans doute aussi être employée à cet usage. Le phormium tenaoc n’est pas à beaucoup près la seule plante de la division des monocotylédons qui puisse fournir des filamens propres aux usages de la corderie $ car ^ outre quelques graminées , la plupart des palmiers , toutes les es- pèces d’agavé , etc. , il y en a beaucoup d’autres de cette grande division qu’on n’a point encore employées , et dont cependant on pourroit tirer quelque parti , notamment plu- sieurs iris dont les feuilles ont une assez grande force. »’ HISTOIRE NATURELLE. 4 & * Je dois remarquer que dans la plupart des plantes de la division des monocotylédons , ce sont les feuilles qui don- nent les filamens propres aux usages de la corderie ; et la disposition de ces fibres , à peu près parallèles entre elles dans toute la longueur des feuilles , où elles sont enveloppées d’un parenchyme plus ou moins épais , rappellera aux bota- nistes le beau Mémoire de notre collègue Desfontaines sur l’organisation des plantes monocotylédones. Dans la divi- sion des dicotylédons , au contraire , c’est de l’écorce des végétaux qu’on retire les filamens dont on fait des cordes ; et l’on sait que parmi un assez grand nombre de sections qui renferment ces végétaux, on les trouve principalement dans celles des fhymelées , des orties , des malvacées , des tilleuls et des amentacées. C’est de l’écorce d’un arbuste de cette première section ( d’une nouvelle espèce de pimelea ) que j’ai vu les naturels du cap de Diemen prendre les filamens dont ils font leurs cordes. Ces sauvages sont si peu indus- trieux, qu’ils les emploient sans la moindre préparation. Iis ne tirent même aucun parti d’une très-bonne espèce de lin qui croît spontanément sur leurs côtes L’écorce brute du pimelea , dont je viens de parler , formoit l’anse de quelques paniers de jonc que les femmes alloient aux heures du repas remplir de coquillages et de crustacées en plongeant dans la mer à de grandes profondeurs , au risque d’être dévorées par des requins , ou d’être retenues au fond des eaux par des plantes marines , dont quelques-unes ( notamment le fucus pyriferus ) ont plusieurs centaines de pieds de longueur. Cette écorce grossière servoit encore à fixer la peau de Kangourou, seul habillement que portoientles mieux vêtus de ces sauvages $ car plusieurs n’en avoient aucun , tout exposés 482 ANNALES DU MUSEUM qu’ils sont à un froid bien cuisant sous le 44° de latitude sud , et ^ par une très-grande bizarrerie , cette sorte de vêtement ne servoit qu’à couvrir les épaules. Le phormium tenaæ réussira parfaitement en France 5 car il se trouve à la Nouvelle-Zélande depuis le 3 4° jus- qu’au 47° de lat. sud, et il y est exposé à de très -fortes gelées dans la partie la plus australe de cette grande terre. Les lieux humides lui conviennent mieux que les terrains secs 5 ce qu’on peut dire aussi de la plupart des autres plantes liliacées. Il s’accommodera très-bien de beaucoup de terrains marécageux qu’on a regardés jusqu’à présent comme inutiles: d’ailleurs , c’est une plante vivace qui n’exigera que très-peu de soins. Il est aisé de pressentir tous les avantages qui peu- vent résulter de la culture de ce végétal précieux, sur-tout pour notre marine , en donnant le moyen d’alléger singulièrement la charge des vaisseaux : car pour un vaisseau de y \ on évalue à 1714? ©35 myriagrammes ou 68,000 livres la pesanteur des cordages qui entrent seulement dans sa garniture au- dessus de la flottaison. L’emploi du lin de la Nouvelle-Zélande procurant la facilité de diminuer ce poids de plus de la moitié de cette quantité , et aussi de celle des autres cordages qui sont au-dessous de la flottaison , on pourra s’approvi- sionner d’autant plus d’autres objets de première nécessité : d’ailleurs , on sent que moins les cordages qui se trouvent au- dessus de la flottaison pour garniture auront de diamètre , moins la dérive sera grande j et ainsi ces nouveaux cordages contribueront à accélérer la marche des vaisseaux , qui ne peut qu’augmenter encore par l’allégement qu’ils éprouveront , si on ne les charge pas d’un poids plus grand que celui dont on les charge ordinairement. Ces cordages étant plus minces d’ HISTOIRE NATURELLE. 483 et plus légers que ceux faits avec le chanvre , il faudra moins de bras pour la manœuvre $ de sorte que par leur usage on pourra , avec le même nombre d’hommes , armer beaucoup plus de vaisseaux qu’en se servant de cordages de chanvre. On croira facilement que des libres aussi fortes et aussi liantes seront très-propres à la fabrication de divers tissus , et pourront remplacer avec un très-grand avantage dans nos manufactures le chanvre et même le lin ; sans doute elles conserveront dans l’apprêt la supériorité qu’elles ont par leur force sur le chanvre : leur grande blancheur et leur coup-d’œil satiné font espérer que les toiles qu’on en fera , surpasseront encore par leur éclat celles du lin. Tous les vêtemens que nous achetâmes des sauvages de la Nouvelle-Zélande étoient faits avec les fibres de leur lin. C’étoit encore avec des cordes de cette même plante qu’ils avoient attaché divers ornemens ? au nombre desquels ces cannibales avoient mis de petites parties d’ossemens humains , qu’ils tenoient sur leur poitrine comme une espèce de tro- phée dont ils ne se défaisoient qu’avec difficulté ? témoi- gnant qu’ils y attachoient beaucoup de prix. Leurs lignes pour pêcher avoient été cordées à deux brins 5 mais leurs filets étoient faits avec les feuilles de la plante ? divisées par lanières sans autre préparation. Sans doute , comme ces filets sont d’une prodigieuse étendue pour pêcher au large à une bonne distance de la côte , ces sauvages négligent de faire des cordes pour cet usage , parce qu’ils y emploieroient bien du temps , et que d’ailleurs ils trou- vent ainsi l’emploi de leur lin assez sûr 5 car ils vivent en grande partie du produit de leur pêche. Toutes les pirogues qui s’approchèrent de nous étoient 484 ANNALES DU MUSÉUM montées par des hommes armés la plupart de casse-têtes , les uns de granit , d’autres de serpentine , qu’ils avoient atta- chés au poignet avec des cordes de phormium tenaæ : mais je dois remarquer que ce n’étoit pour eux que des armes défensives , car ils firent tous leurs efforts pour s’attirer notre confiance , et bientôt ils consentirent à se défaire de ces mêmes armes pour des haches , et pour d’autres instrumens de fer dont ce peuple guerrier fait le plus grand cas. Il suit des expériences dont je viens de donner le résultat , 1 °. que la force des fibres de l’aloès-pitte étant égale à 7 , Celle du lin est représentée par 1 1 ~ , celle du chanvre par 16 j, celle du lin de la Nouvelle-Zélande par 2 3 ~ , et celle de la soie par 34* Mais la quantité dont elles se distendent avant de rompre est dans une autre proportion $ car étant égale à 2 7 pour les filamens de l’aloès-pitte , elle n’est que de -i- pour le lin , de 1 pour le chanvre , de 1 ~ pour le lin de la Nouvelle-Zélande, et de 5 pour la soie 20. Qu’il résultera pour la France , où il réussira parfaitement , de très-grands avantages de la culture du lin de la Nouvelle» Zélande (1). (1) Voyez sur la culture du lin de la Nouvelle-Zélande le Mémoire du citoyen Thpuin j imprimé dans ce volume ? pag. 228 et suivantes. d’ HISTOIRE NATURELLE. 485 CORRESPONDANCE. Note sur le J a la p, par MICHAUX. Le citoyen Desfontaines, dans un Mémoire sur le jalap , lu en l’an 1 1 à la classe des sciences de l’Institut national , et imprimé par extrait dans les Annales du Muséum , a donné l’histoire et la description de cette plante, dont l’usage est très-répandu $ et il a fait sentir combien il seroit important de la cultiver dans nos départemens méridionaux. 11 a observé que les individus que l’on cultive dans les serres du Muséum proviennent de graines récoltées dans le jardin de Charlestown, que feu mon père avoit formé, et où il avoit déposé les végétaux qu’il avoit recueillis dans différentes contrées de l’Amérique septentrionale. Ce fut pendant le dernier voyage qu’il lit, en 1788, dans les Florides, et où je l’accompagnai, qu’il trouva le jalap pour la première fois. Depuis cette époque, il l’avoit encore observé dans la Géorgie et dans la Caroline. Vers la fin de l’an 9, le jardin de Charlestown ayant été sup- primé par ordre du Gouvernement , le ministre de l’intérieur m’en- voya en Caroline pour cet objet ; il me donna ordre de faire passer en France des graines et des jeunes plants de tous les arbres fo- restiers qu’il seroit utile d’y naturaliser, et particulièrement le quercus virens , qui croît sur les bords de la mer dans des sables arides , et dont le bois est d’une qualité supérieure à celui de toutes les espèces connues. Je devois en outre, d’après mes instructions, envoyer toutes les plantes qui pourroient encore s’être conservées dans le jardin de Charlestown, entièrement abandonné depuis quatre 48 6 ANNALES DU MUSEUM, etC. ans. J’y trouvai une racine de jalap d’un très-gros volume , d’où sortoient plusieurs tiges sur lesquelles je récoltai environ un litre de graines, que j’adressai au bureau d’agriculture. Le 2,0 brumaire, époque à laquelle je retournai à Charlestown , les gelées avoient déjà fait périr les tiges de la plupart des plantes herbacées , et notamment celles du jalap en question. J’observai que le tiers de la racine étoit hors de terre, et je fus étonné qu’elle n’eût pas été endommagée par le froid. On me dit qu’on avoit négligé depuis quatre ans de la couvrir de terre , et qu’elle n’avoit pas souffert, quoiqu’en hiver le thermomètre de Réaumurfut descendu de quatre à six degrés au-dessous du terme de la congellation. Cette obser- vation n’est pas inutile ; elle tend à confirmer l’opinion du citoyen Desfontaines et la mienne , que cette plante peut se cultiver en pleine terre dans le midi de la France. La grosse racine dont je viens de parler végétoit dans un sol léger et sablonneux : c’est celui qui paroît convenir au jalap. Ne sachant pas si les graines envoyées au Muséum avoient réussi , je me déterndnai à emporter en France cette racine, malgré son énorme volume : je l’emballai, après l’avoir enveloppée de mousse fraîche ; et, quoiqu’elle soit restée environ quatre mois en route, elle est arrivée en bon état au Muséum d’histoire naturelle, où elle pourra produire de nou- veaux individus. Les citoyens Desfontaines et Thouin la firent peser avant de la mettre en terre ; son poids se trouva de 47 livres \ : il étoit cer- tainement de plus de 5o au moment où elle fut arrachée. J’avois été forcé d’en couper plusieurs branches, dont quelques-unes étoient fort longues et avoient plus d’un pouce de diamètre , parce qu’elles ne pou voient entrer dans la caisse destinée à la recevoir. Cette racine est actuellement en pleine végétation, et elle a poussé un grand nombre de tiges très-vigoureuses. I . TABLE DES MEMOIRES ET NOTICES Contenus clans ce second volume. HAUT. O s s e r va ti on s sur la Substance minérale appelée Pabradoriche Hornblende ( Hornblende du Labrador ) par les minéra- logistes allemands. Page 17 Mémoire sur une nouvelle variété de Quartz. 97 Observations sur des Cristaux qui renferment la chaux carbonatée unie au fer , sans manganèse. 181 F AU J A S-S AINT-FO ND. Mémoire sur une Défense fossile d’ éléphant trouvée à cinq pieds de prof ondeur dans un Tuffa volcanique , dans la com- mune Darbres , dépai'tement de V Ardèche. 2,3 — sur une grosse Dent de requin , et sur un Écusson fossile de tortue y trouvés dans les carrières des environs de Paris. O ioo — sur deux espèces de Bœufs dont on trou ve les ci dues fossiles en Allemagne y en France , en Angleterre , dans le nord de l’jlmérique et dans d’autres cont ées. 188 Notice sur des Plantes fossiles de diverses espèces qu’on trouve dans les couches fissiles d’un schiste marneux 3 recouvert 73 2. 488 TABLE DES MEMOIRES par des laves , dans les environs de Rochesauve , dépar- tement de V Ardèche. 33g F O U R C R O Y. Observations sur les Calculs des animaux > comparés à ceux de l’homme. 201 Analyse de l’eau du grand puits du jardin des Riantes > situé entre la seire tempérée et les galeries d’anatomie. 427 BRONGNIART. Analyse de la Terre d’ombre de Cologne , rapportée par Le citoyen Fauj as-Saint- Fojid. 110 D E S F O N T A I N E S. Description d’une nouvelle espèce de Soude. 28 Riantes rares qui ont fleuri en l’an X dans le jardin ou dans les serres du Muséum. 3o Mémoire sur le Jalap. 120, 485 Description du Géranium pubescent ( G. hirtum) de Forskal. 210 — d’une nouvelle espèce de Laitron . 212 Observations sur le Rheum Ribes. 261 A. L. JUSSIEU. Seconde Notice historique sur le Muséum d’ Histoire naturelle depuis 1643 jusqu’en i683. 1 Observations sur la Famille des plantes amarantacées. i3i — sur le Pétunia., genre nouveau de la Famille des plantes solanées. 214 Observations sur la Famille des Riantes nyctaginées. 269 Mémoire sur /"Acicarpha et le Boopis, deux genres nouveaux de plantes de la Famille des Cinarocéphales. 345 A. T FI O U I N. Annonce d’un envoi de végétaux étrangers , et notes sur la culture de l’arbre Teck } qui en Jaisoit partie . l'O ET NOTICES. 489 Annonce de trois Envois récemment arrivés au Muséum. 88 Description de l’Ecole des plantes d’usage dans l’ économie rurale et domestique } établie au jardin national des plantes de Paris. 142 Observations sur un Envoi de plantes vivantes , et sur la naturali- sation et la culture du Lin de la Nouvelle-Zélande. 2.28 Notice de divers Envois faits et reçus par le Muséum. 249 État des Graines et Plantes vivantes envoyées au Muséum , depuis le premier prairial an IX jusqu’à la fn de' l’an X. 2.53 Mémoire sur la culture des Bruyères. 444 LACÉPÈDE. Observations sur un genre de Serpent qui n’a pas encore été décrit. 280 Mémoire sur deuoc espèces de Quadrupèdes ovipares que l'on n’a pas encore décrites. 35 1 E. GEOFFROY. Observations anatomiques sur le Crocodile du Nil. 3j Notice sur une nouvelle espèce de Crocodile de V Amérique . 53 - — sur trois Bouquetins et un Ichneumon nouvellement acquis pour la ménagerie nationale. 244 Description d’une nouvelle espèce de Belier sauvage de l’Amé- rique septentrionale . 36© Notice sur une nouvelle espèce de Mammifère apportée vivante par le vaisseau le Naturaliste. 364 L A jfc A R C K. Suite des Mémoires sur les Fossiles des environs de Paris . Quatrième mémoire. — Genres: Mitra , Marginella , Cancellariay Purpura. 57 Cinquième mémoire, — Genres : Buccinum , Terebra , Harpa , Cassis. j 63 Sixième mémoire. —Genres : Strombus , Rostellaria , Murex. 217 4 9° TABLE DES MEMOIRES Septième mémoire. — Genre : Fusus. 3i 5 Huitième mémoire . — - Genres : Suite des Fusus , Pyrula . 385 G. CUVIER. Mémoire sur le genre Aplysia, vulgairement nommé Lièvre marin \ sur son anatomie et sur quelques-unes de ses espèces. 2.8 7 Dissertation critique sur les espèces d’ Ecrevisses connues des an- ciens , et sur les noms qu'ils leur ont donnés. 368 Notice sur l’ établissement de la Collection d’anatomie comparée , du Musé'um. 4°9 DELEUZE. Notice sur le citoyen Maréchal. (5 Deux Notices sur la vie et les ouvrages d} Hedmig. 3 9 2, ^ ^5i DECANDOLLE. Mémoire sur le Vieusseuxia , genre de la Famille des Iridées. i3 6 F. M. D A U D I N. Description du Tupinambis orné. 2.^0 Note sur une Chouette funèbre observée près de Strasbourg et de Colmar y par Schauenburg fis. 248 Description d’une nouvelle espèce de Pic trouvée à Porto-Rico. 285 — ■ d’un Guêpier et d’un Martin-pêcheur d’ Afrique . 44 0 CORRESPONDANCE. Lettre de M. van Marum , directeur du Muséum de Teyler • à Harlem , à M. P’ auj as- Saint- Fond , sur la formation de la Tourbe. 91 Copie d’une lettre de M. de Humboldt , datée de Lima , le 2.5 novembre 1802. T70 Extrait de plusieurs lettres de M. de Humboldt . 322 E T NOTICES. 4 9 1 Lettre du capitaine Baudin à M. Jussieu , datée du port Jackson , le 20 brumaire an XI. 4i5 Extrait d’un Mémoire de Labi lia rdi ère , sur la force du Un de la Nouvelle-Zélande , comparée à celle des fdamens de ! Aloès-pitte , du Chanvre y du Lin et de la Soie . 474 Note sur le Jalap , par Michaux. 4^5 Indication des gravures du second volume. Planche XXXIII. Portion de défense d’ éléphant trouvée dans un tuffa volcanique boueux 3 dans la commune Darbres 3 au pied des monts Coirons , dépar- tement de l’Ardèche. 24 XXXIV. Salsola radiata. 28 XXXV. Aristolochia caudata. 3 6 XXXVI. Viscères du Crocodile. S 2 XXXVII. Crocodile de Saint-Domingue , 33 — Crâne d'un Crocodile du Nil. XXXVIII. Quartz coordonné. 100 • Chaux carbonatée ferrifère. 182 — Tourmalines de Sibérie. XXXIX. Dent d’un Squale requin des carrières de Mont- Rouge. io3 Ecusson de Tortue des carrières du Grand - Charone près de Paris. XL. Convolvulus Jalap a. XLI. Racine du Jalap. 128 XLII. Vieusseuxia glaucopis. lzj0 XLIII. Crâne et cornes d’un Bœuf fossile d’une très- grande espèce. î^o XLIV. Crâne et cornes d’un Bœuf fossile d’une très- grande espèce. 1(^n XLV. Géranium hirtum. 210 XLVI. Sonchus divaricatus . 212 49^ INDICATION DES GRAVURES. Planche XLVII. i. Pétunia parvif or a ; 2. JPetunia nyctaginifora. 216 XL VIII. Tupinambis orné . 2,4.0 XLIX. Rheum Ribes. 2,61 L. Erpéton tenlaculé. 280 LI. Pic de Porto-Rico. 287 LU. (I) Aplysia camelus , punctata , aiba. 2,85 LIII. (Il) Aplysia fasciata ; cœur et branchies. Ibid. LIV. Suite de P anatomie des aplysies. Ibid. LV. Suite de P anatomie des aplysies. Ibid. LVI. Plantes fossiles dans un schiste marneux. 344 LVII. Plantes fossiles dans un schiste marneux. LVIII. 1. Acicarpha tribuloïdes. 35o ■ 2. Roopis anthemoïdes . LIX. 1. Eézard monodactyle. 354 — — 2. Lézard tétradactyle. LX. Relier de montagne (î). 36o LXI. 1. Kleinia linearifolia, 41 2^ 2. Actinea heterophylla . LXII. 1. Guêpier bicolor; 2. Martin-Pécheur à dos bleu. 44o (1) C’est par erreur que cette planche LX est numérotée 58. Le relieur est aussi prévenu que la planche LI a été placée au commencement du onzième cahier ; il faut la mettre à la page 285 du tome second. Il en est de même des planches LIV et LV ; on doit les joindre avec les deux planches qui sont 4 la- page 287 j au lieu de les laisser dans le douzième cahier. table alphabétique DES ARTICLES Contenus dans ce second volume. A A.» onia ( genre de plante) , page 27/1 Achupalla. Voyez Pourretia pitcarnia. Acicarpha. Nouveau genre de la famille des Cinarocépliales , 345 et suiv. Actinea. Nouveau genre de la famille des Corymbifères , 425 et suiv. Allionia (genre de plante), 274. Amarantacées , i3i et suiv. Antisana. (Volcan d’). Sa hauteur, et l’analyse de l’air pris vers son sommet, 329. Aplysie. Description anatomique de ce genre de mollusques , 287 et suiv. Aristoloche filifère , 35 et suiv. Aster glutineux , 34 et suiv. Axia (genre de plante ) , 275. B Baudin (capitaine). Lettre datée du port Jackson, Nouvelle-Hollande, le 20 brumaire an XI , 4‘5 et suiv. Belier de montagne , 36o et suiv. Boerhaavia (genre de plante) , 274. Bœufs. Crânes fossiles de deux espèces de bœufs , j 88 et suiv. Boopis. Nouveau genre de la famille des Cinarocépliales , 345 et suiv. Bouquetins des Alpes , 244 et suiv. Bruyères. Mémoire sur la culture de ces plantes , 444 et suiv. Buccin. Six espèces fossiles , i63et suiv. Buginvillœa ( genre de plante ) , 275. c Calculs des animaux . Leur comparaison avec ceux de l’homme , 201 etsuiv. Cancellaire. Description de deux espèces fossiles , 62 et suiv. Casque. Description de trois espèces fossiles, i63 et suiv. Chaux carbonatée. Cristaux de chaux carbonatée unie au fer, sans man- ganèse , 181 etsuiv. Chimborazo. Hauteur considérable de cette montagne, 175 et suiv. — Analyse de l’air à 3,o3i toises , idem , 329 et suiv. Chouette funèbre , 248 et suiv. - - harfang , 249. Cobsa grimpante , 3o et suiv. Correa à fleurs blanches , 32 et suiv. Cotopaxi (Volcan de), 176, 329. Crânes fossiles. Voyez Bœufs. Crocodile de Saint-Domingue. Diffère de celui du Nil , 53 et suiv. Crocodile du Nil . Mouvement de ses 494 TABLE ALP mâchoires, 3 7. — Organes de la digestion, 4 2 et suiv. — Organes de la respiration , 45. — Organes de la génération , 47 et suiv. — Du foie , 49 • — Cœur , Rate , 5o. •— Reins , 5i et suiv. Crocodiles. Expériences sur leur respi- ration, 335. — Produisent de l’a- zote , etc. 336 et suiv. D Défense fossile d’éléphant. Trouvée dans un tuffa volcanicjue à Dar- tres , département de l’Ardèche , 23 et suiv. Dents fossiles d’éléphant. Trouvées au Pérou , à une grande hauteur , 1 77 , 33 7. Voyez Défense. Dents fossiles de V animal de l’ Ohio , 337. Dents fossiles d’un squale requin , io3, io5 et suiv. E Ecole des Plantes d’usage dans l’éco- nomie rurale et domestique , 142 et suiv. Écrevisses. Espèces connues des anciens , 368 et suiv. Ecusson fossile de tortue , 108 et suiv. Erpéton. Nouveau genre de serpent, 280 et suiv. — Erpéton tentaculé , 284. F Fossiles des environs de Paris. ( Co- quilles). Suite. Description des genres Mitra , Marginella , Can- çellaria , Purpura , et suiv, habétique — Buccinum , Terebra , Harpa , Cassis , i63 et suiv. — Strombusy Rostellana , IVhurex , 217 et suiv. —— Fusus , 3i5 et suiv., 385 et suiv. — Pyrula y 38p et suiv. Fuseau. Description de dix-huit espèces fossiles, 3i 5 et suiv. — Quinze autres espèces fossiles , 385 et suiv. G Gecko et Geckotte. Observations sur ces deux lézards , 358 et suiv. Géranium pubescent , 210 et suiv. Graines. Moyen de les conserver dans des voyages de long cours , de manière qu’elles puissent ensuite germer, 84 et suiv. Guêpier bicolor. Description de ce bel oiseau du Congo , 44° et suiv. H Harpe. Description d’une espèce fossile, 167 et suiv. Hedwig. Notice sur sa vie et sur ses ou- vrages, 392 et suiv. — Suite de la notice , 45 1 et suiv. Hornblende du Labrador y 17 et suiv. Humboldt. Lettre datée de Lima, le 25 novembre 1802 , 170 et suiv. — Extrait de trois autres lettres écrites de Quito , de Cuença et de Lima, 322 et suiv. Hymenopappus. Nouveau genre de la famille des Corymbifères , 425 et suiv. I Ichneumon d’Egypte ( espèce de man- gouste ) , 246 et suiv. I DES ART ICLES. J Jalap. Description et utilité de cette plante du genre des liserons, 120 et suiv. - — Note sur le Jalap, 485 et suiv. K Kleinia. Nouveau genre de la famille des Corymbifères, 423 et suiv. L Labradorische Hornblende , 17 et suiv. Laitron étalé , 212 et suiv. Laplysie. Voyez Aplysie. Lézard monodactyle , 35i et suiv. — tétradacty le , ibid. Lièvre marin. Voyez Laplysie. Lin de la Nouvelle-Zélande. Voyez Phormium tenax. M Maréchal, peintre du Muséum d’his- toire naturelle. Notice sur ses travaux , 65 et suiv. Marginelle. Description de trois espèces fossiles , 60 et suiv. Martin- Pécheur à dos bleu. Description de cet oiseau du Congo , voisin du Vintzi des Philippines , 44 1 et smv. »—— — Bleu et noir du Sénégal , 443. Mazeuthoxeron (genre de plante), 32 et suiv. Ménagerie nationale établie au Jardin des Plantes. Note sur trois Bou- quetins et sur un Ichneumon , 244 49 5 et suiv. — Note sur trois Pl.asco- lomes , 364 et suiv. Mitre. Description de quatorze espèces fossiles, 57 et suiv. Murex. Voyez Rocher. Muséum d’histoire naturelle. Suite de la Notice historique depuis 1 643 jus- qu’en i683, 1 et suiv. — No- tice sur le citoyen Maréchal , peintre du Muséum d’histoire na- turelle , 63 et suiv. —École des plantes d’usage, 142 et suiv. — Collection d’anatomie comparée , 409 et suiv. My-Attic. Voyez Relier de montagne. N Neaea (genre de plante), ajS. Nyctago (genre de plante) , 274. Nyctaginées (Famille des plantes) , 269 et suiv. P Pétunia. Description de ce nouveau genre de plante de la famille des Sa- lariées, 214 et suiv. — Descrip- tion des deux espèces qu’il ren- ferme, 21 5 et suiv. Phascolome. Description de ce ncmveau genre de mammifère, 364 et suiv. Phormium tenax. Notice sur sa culture et sur les moyens de le natura- liser en France, 23i et suiv. — Expériences sur la force du lin de cette plante , 474 et suiv. Pic de Porto-Pdco , 28 5 et suiv. Pichincha. Diamètre de son cratère, 170 et suiv. Pisonia (genre de plante), 275. 74 TABLE ALPHABETIQUE 49 6 Plantes. Quatre-vingt-seize espèces en- voyées au Muséum d’histoire na- turelle par M. Woodfort, y5 et suiv. — Trois espèces de protea envoyées par le citoyen Lechar- tier, de Caen, 88 et suiv. — Cent dix sachets de graines , quinze arbres étrangers et cinq variétés d’ananas, 89 et suiv. - — Sept es- pèces de graines , un fruit du Sterculia balanghas , et cinq ar- bustes envoyés par miladi Amé- lia Plume, 89 et suiv. — Obser- vations sur la famille des plantes amarantacées , i3 et suiv. — Des- cription de l’école des plantes d’usage dans l’économie rurale et domestique , établie au Jardin na- tional des Plantes de Paris, 142 et suiv. — Soixante-quatorze ar- bres et arbustes étrangers envoyés par M. Grimwood , de Kinsing- ton , 228 et suiv. — Envoi de quelques arbres par le citoyen Uuffo , 249 et suiv. — Envoi de graines à la Louisiane , . i5o et suiv. — Envoi de cinq cents es- pèces de graines à Montpellier , 25o et suiv. — Envoi d’une soixan- taine de plantes étrangères , par M. Frazer, de Chelsea , et suiv. — Etat des graines et des plantes vivantes envoyées au Mu- séum dans les années 9 et 10, 254 et suiv. Plantes fossiles. Plusieurs espèces trou- vées dans un schiste marneux fis- sile, recouvert par des laves, dans les environs de Rochesauve, dépar- tement de l’Ardèche , 339 et suiv. Pourpre. Description d’une espèce fos- sile , 63 et suiv. Pourretia pitcarnia. Le tronc de cet arbre sert à nourrir les habitans des Andes , 325. Puits. Analyse de l’eau du grands puits du Jardin des Plantes , 427 et suiv. Pyrule. Description de six espèces fos- siles, 389 et suiv. Q Quartz , Description d’une nouvelle va- riété nommée Quartz coordonnée , 97 et suiv. Quito ( province de ). Sa description , 173 et suiv., 176. -—Description de la ville de Quito , 3a5 et suiv. R Rheum ribes. Description de cette plante et de ses usages, 261 et suiv. Ribes. Voyez Rheum ribes. Rocher. Description de dix-sept espèces fossiles , 221 et suiv. Rostellaire. Description de trois espèces fossiles , 219 et suiv. S Semences, Voyez Graines. Soude rayoJinée , 28 et suiv. Squelette fossile de crocodile , 33y. Strombe. Description d’une espèce fos- sile , 217 et suiv. T Tech, ( Tectona grandis. ) Notes sur la culture de cet arbre de l’Inde , 78 et suiv. DES ARTICLES. Terre d’ombre de Cologne. Ses carac- tères extérieurs, noetsuiv. — Son analyse par le feu à la cor- nue , ni.— Analyse de la cendre , 112 et suiv. —Son analyse par les réactifs, 114. — Contient de la silice , de l’alumine et de la chaux colorées par le charbon s 11 5. — Analyse comparative des bois pourris, 1 15 et suiv. — Ori- gine et usages de la terre d’ombre , 1 17 et suiv. Theca. Voyez Teck. Todier de Java , C’est une variété du Martin-pêcheur à dos bleu , 44-3- Tounzi. Voyez Martin-pécheur à dos bleu. Tourbe des marais. Lettre sur sa forma- tion , par M. van Marum , 91 et suiv. Tricycla (genre de plante), 275. 497 . Tunguragua (Volcan de). Paroît avoir baissé de près de cent toises , 176 , 33 1 . Tupinambis orné. Sa description , 240 et suiv . — Ses habitudes , 242 . — Ses dimensions , 243. V Vieusseuxia. Description de ce nouveau genre de plante de la famille des Iridées , i36 et suiv. Vintsi. Voisin du Martin-pêcheur à dos bleu, 44 1 et suiv. Vis. Description de deux espèces fos- siles , i65etsuiv. w Womat ou Wombat. Voyez Phasco- lome.