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ELEMENS

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D’ANATOMIE GÉNÉRALE,

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DESCRIPTION

DE TOUS LES GENRES D’ORGANES

QUI COMPOSENT LE CORPS HUMAIN.

par P. A. BÉCLARD, dangers,

PROFESSEUR DANATOMIE A LA FACULTE DE MEDECINE DE PARIS.

CHEZ BÉCHET JEUNE,

LTBR AIRE DE l’aCADEMIE ROYALE DE MEDECINE, Place de l’École de Médecine, 4.

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A PARIS,

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A LA MÉMOIRE

DE BIC H AT.

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PREFACE.

L’ouvrage que je publie est un sommaire clu cours d’anatomie que je fais depuis une dixaine d’années ; il est uniquement destiné aux étudians. Le but que je me suis proposé en le publiant a été de leur offrir, sous un petit volume , un abrégé des nombreux travaux entrepris depuis plus de

vingt siècles sur la science de l’organisation hu-

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marne.

Je divise l’anatomie de l’homme en anatomie générale, en anatomie spéciale des organes et en anatomie des régions. Le volume qui parait au- jourd’hui ne contient que l’anatomie générale, et peut être considéré soit comme un ouvrage à part, soit comme la première partie d un traite général.

J’ai mis à contribution , pour rédiger cette partie de l’anatomie, l’ouvrage de notre célèbre Bichat, et ceux qui ont été publiés depuis sur le même sujet. Pour chaque système ou genre d’organes, j’ai aussi, et surtout, consulté les traités ex professo dont ils ont été l’objet. J’ai eu soin de citer à chaque chapitre les titres tles ouvrages qui m’ont servi à le composer; beaucoup moins pour faire

viij PRÉFACE.

un facile et vain étalage d’érudition , que pour dis- penser les autres de lire les ouvrages que j’ai lire moi-même, et en même temps pour indiquer, au choix de ceux qui voudraient faire des études approfondies, une sorte de bibliothèque anato- mique choisie : j’ai aussi indiqué les figures que l’on devra consulter sur chaque genre d’organes.

J’ai donné, en tête de chaque chapitre, une his- toire abrégée des principales découvertes faites sur le système d’organes qui en est le sujet. Je me suis aidé, pour faire quelques-unes de ces notices historiques, de l’histoire de l’anatomie de M. Lauth, dont il n’y a encore qu’un volume de

L’introduction traite, dans une première sec- tion, de l’organisation en général, et du corps humain dans la seconde. J’ai eu en vue, dans la première section, de donner au lecteur une idée générale de l’anatomie et de la physiologie com- paratives. Je n’ai pas eu l’intention de dispenser par les étudians de l’étude de l’anatomie des ani- maux, mais, au contraire, de leur montrer l’uti- lité de cette étude. Je me suis servi, pour com- poser cette partie de l’introduction, des travaux de MM. Duméril, de Blainville, Geoffroy Saint-Hi- laire, de Lamarck, surtout de ceux de M. Cuvier, que j’aurais pu citer à toutes les pages. Dans la seconde partie de l’introduction , j’ai donné des

I

PRÉFACE.

IX

généralités sur le corps humain ; j’ai parlé de ses humeurs en général , partie de la science de l’or- ganisation beaucoup trop négligée depuis les tra- vaux de Haller et de son école, qui ont cru à tort trouver tout le secret de la vie dans le système nerveux et dans les phénomènes de l’irritabilité et de la sensibilité.

L’anatomie n’étant pas pour le médecin un ob- jet de stérile curiosité, de pure spéculation, mais la base de toutes les connaissances relatives au sujet de la médecine, j’ai pensé que la physio- logie et la pathologie n’en devaient pas être absolument séparées. L’anatomie pathologique surtout m’a semblé devoir être liée à l’anatomie ordinaire; aussi la description de chaque tissu est terminée par un aperçu des variétés et des altérations que l’on y observe, et l’ouvrage entier par un chapitre sur les productions accidentelles communes à tous ou à plusieurs genres d’or- ganes.

»

v .

Paris, le 3o août 1823.

P. A. BÉCLARI).

TABLE.

INTRODUCTION. Pag. ,

Première section. Des corps organisés. 2

Des animaux. 1 1

Des animaux vertébrés. 56

Des vertébrés ovipares. 72

Seconde section. Du corps hurtiain. 78

Des humeurs. 85

Des organes. <^3

De l’organisme. 106

Du développement et des diffé- rences de l’organisation. 112

Des altérations de l’organisation. 121 De la mort et du cadavre. 124

CHAPITRE PREMIER. Des tissus cellulaire et adipeux. i33 Première section. Du tissu cellulaire. i33

Seconde section. Du tissu adipeux. i56

Article premier. Du tissu adipeux commun. i56 Article II. Du tissu médullaire ou adipeux des os. 174 CHAPITRE II. Des membranes séreuses. i83

Première section. Des membranes séreuses en

général. 184

Seconde section.

Article I. Des bourses synoviales sous-cutanées. 202

Article II. Des membranes synoviales des tendons. 2o5 Article III. Des capsules synoviales articulaires. 21 1

Article IV. Des membranes séreuses splanchniques. 221 CHAPITRE III. Des membranes tégumentaires. Pag. 232 Première section. Des membranes tégumentaires en général. 234

TABLE.

Seconde section. De la membrane muqueuse. Pag. Troisième section. De la peau.

Article I. De la peau en général.

Article II. Des dépendances de la peau.

I. Des ongles.

II. Des poils.

CHAPITRE IV. Du système vasculaire.

Première section.

Article I. Des vaisseaux en général.

Article II. Des terminaisons des vaisseaux.

I. Des vaisseaux capillaires.

II. Du tissu érectile.

III. Des ganglions vasculaires.

Seconde section. Des artères.

Troisième section. Des veines.

Quatrième section. Du système lymphatique.

Article 1. Des vaisseaux lymphatiques.

Article II. Des ganglions lymphatiques

CHAPITRE V. Des glandes.

CHAPITRE VI. Du tissu ligamenteux.

Première section. Du tissu ligamenteux en général. Seconde section. Des organes ligamenteux en par- ticulier.

Article 1. Des ligamens.

«

Article II. Des tendons.

*

Article III. Des enveloppes ligamenteuses.

I. Des enveloppes des muscles.

II. Des gaines des tendons.

III. Du périoste.

IV . Des enveloppes fibreuses du système nerveux.

V. Des membranes fibreuses composées.

VI. Des capsules fibreuses de quelques organes. Troisième section. Du tissu fibro-cartilagineux.

XJ

24G

265

266

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297 302

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333 357 362 364 389 404 404 412

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451

t

xij - TABLE.

CHAPITRE VII. Des cartilages. Pag. /,58

Première section. Des cartilages en général. /,5g

Seconde section. Des différentes sortes de cartilages. 465 Article I. Des cartilages articulaires. 465

Article II. Des cartilages costaux , laryngiens , etc. 469 Article III. Des cartilages raembraniformes. 47a

CHAPITRE VIII. Du système osseux. 474

Première section. Des os. 476

Seconde section. Des articulations. 528

Troisième section. Du squelette. 542

CHAPITRE IX. Du système musculaire. 546

Première section. Du système musculaire en général. 548 Seconde section. Des muscles intérieurs. 586

Troisième section. Des muscles extérieurs. 5gi

CHAPITRE X. Du système nerveux. 612

Première section. Du système nerveux en général. 621 Seconde section. Des nerfs. 652

Troisième section. Des ganglions et du nerf sympa- thique. 676

CHAPITRE XI. Des productions accidentelles. 698

Première section. Des humeurs accidentelles. 699

Seconde section. Des concrétions. 704

Troisième section, des tissus accidentels. 707

Quatrième section. Des corps étrangers animés. 721 Article I. Des vers intestinaux. 721

I. Des vers vésiculaires. 722

II. Des vers plats. 724

III. Des vers cylindriques. ' 726

Article II. Des animaux parasites. 728

E l N DE LA TABLE.

INTRODUCTION

§ ier. L’anatomie a pour objet l’étude des corps orga- nisés ; elle est la science de l’organisation ; tous les êtres organisés en sont le sujet. L’homme, le plus com- pliqué de tous les êtres , est le sujet principal de cette science : connaître le corps humain , les parties di- verses dont il est composé, et l’arrangement de ces parties entre elles ; tel est en effet le but essentiel de l’anatomie.

L’anatomie comparative qui serait aussi bien nom- mée anatomie générale, embrasse dans son domaine tous les corps organisés; elle a pour objet de recher- cher, par la comparaison, ce qu’ils ont de commun ou de général et en quoi ils diffèrent les uns des autres. La phytotomie est l’anatomie générale des végétaux; celle des animaux porte le nom de zootomie. L’ana- tomie est encore générale quand elle a pour sujet une classe, un genre, ou un grouppe quelconque d’êtres organisés, comme celle des animaux domestiques ou l’anatomie vétérinaire. L’anatomie spéciale a pour sujet une seule espèce de corps organisés ; telle est l’anato- mie de l’éléphant, du cheval, de l’homme, etc.

Dans l’anatomie de l’homme, le terme anatomie gé- nérale a un autre acception, qui sera indiquée plus loin; mais il faut d’abord essayer de prendre une idée exacte de l’organisation en général et des corps qui en sont doués.

1

INTRODUCTION.

PREMIÈRE SECTION.

DES CORPS ORGANISÉS.

§ 2. Les corps, êtres étendus et mobiles, sont le sujet d’une science immense appelée science de la nature, philosophie naturelle ou physique : mais ils peuvent être considérés sous deux points de vue différens : dans l’état de repos et dans l’état de mouvement ou d’action. Dans la première de ces deux manières de considérer les objets, on s’occupe particulièrement de la forme, soit extérieure, soit intérieure des corps : c’est à ce genre d’étude, désigné par quelques-uns sous le nom de morphologie, qu’appartient l’anatomie. La seconde, qui conserve généralement le nom de physique, s’oc- cupe de leurs changemens appréciables, c’est-à-dire de leurs phénomènes ou mouvemens, soit de masses, soit de molécules, et se divise pour cela en deux branches principales, la mécanique et la chimie.

§ 3. Les corps qui ont des propriétés communes ou générales, diffèrent aussi entre eux à beaucoup d’égards. L’organisation et la vie constituent un caractère extrê- mement tranché qui les divise en deux séries très-dis- tinctes; celle des corps anorganiques ou bruts, et celle des corps organisés et vivans.

§ 4* Les .corps ariorganiqu.es n’ayant point une struc- ture compliquée, leurs particules étant dans une in- dépendance absolue les unes des autres , ces corps enfin n’étant point le sujet de l’anatomie, il serait inutile d’insister davantage sur leur considération : il suffira

DES CORPS ORGANISÉS.

3

<le dire que les mouvemens ou les phénomènes de masse que ces corps exécutent, sujets de la mécanique, se reproduisent avec une régularité et une constance qui permettent non -seulement de les observer, de les produire et de les répéter dans des expériences, de déterminer les lois suivant lesquelles ils sont produits, mais de les soumettre à l’analyse mathématique ; que les phénomènes moléculaires de ces mêmes corps, su- jets de La chimie, peuvent être observés, peuvent être produits ou déterminés à volonté dans des expériences ,. que certaines lois suivant lesquelles ils sont produits, peuvent même être déduites des observations et des expériences, mais que ces phénomènes échappent en- core à l’application du calcul, science instrumentale si propre à accélérer les progrès des connaissances aux- quelles elle peut être appliquée. La science de l’orga- nisation et de la vie est à peu près réduite aux lois d’observation.

§ 5. Les êtres organisés ou vivans sont les seuls dont s’occupe l’anatomie. Outre les caractères communs qu’ils partagent avec les: corps anorganiques, ils en ont d’autres qui leur sont propres, et qui modifient les pre*- miers ; ils possèden t l’orgatiisation et la vie. Ils ont cha- cun une forme propre, constante, ordinairement ar- rondie, ce qui paraît à des fluides qu’ils contiennent. Leur forme intérieure, ou leur structure offre en effet un mélange de parties hétérogènes, solides et fluides. Les parties solides sont nommées organes , ce qui veut dire instrumens, à cause de l’action qu elles exercent. Leurs particules sont entrelacées , entrecroisées, tissues, aussi nomme-t-on leur arrangement texture; elles sont

INTRODUCTION.

*

aréolaires, spongieuses, ou forment des cavités particu- lières qui contiennent les fluides. Ces parties sont en général extensibles ou susceptibles de s’allonger, et ré- tractiles ou douées de la faculté de revenir sur elles- mêmes. Lorsque ces parties ou organes sont multiples, comme cela a lieu le plus communément, chacun a sa forme déterminée, sa texture particulière, et sa situa- tion propre. Les liquides ou humeurs sont contenus dans les solides, et en pénètrent tous les points. Tou- tes les parties soit solides, soit liquides, sont dans une dépendance mutuelle et nécessaire. C’est de leur réunion que résulte le corps organisé. Les solides et les fluides ont une composition analogue; ils contien- nent beaucoup d’eau , et quelques combinaisons parti- culières ou matériaux immédiats, et peuvent se résou- dre presque entièrement en gaz. Au reste leur matière n’a rien de particulier; elle se retrouve dans les corps anorganiques dans lesquels elle est puisée, et c’est beaucoup moins sa nature que son arrangement qui la distingue. On l’a présentée à tort comme différant es- sentiellement de la matière brute. L’oxygène, l’hydro- gène, le carbone, dans un grand nombre l’azote, et quelques substances terreuses, en sont les derniers élé- mens.

C’est cette forme propre, cette structure commune à tous les corps vivans, ce tissu aréolaire contenant des liquides plus ou moins abondans et de même nature que lui, qu’on appelle organisation.

§ 6. On appelle vie l’ensemble des phénomènes pro- pres aux corps organisés. La vie consiste essentielle- ment en ce que les corps organisés sont tous pendant

DES CORPS ORGANISÉS.

5

un temps déterminé des centres que pénètrent des subsi- tances étrangères qu’ils s’approprient, et desquelles en sortent d’autres qui leur deviennent étrangères. Dans ce mouvement de formation momentanée la matière du corps change continuellement, mais sa forme perf siste. C’est sous l’état de fluides que les substances étran- gères pénètrent dans les corps organisés; c’est sous la même forme que les molécules superflues en sortent. Les liquides et les solides sont dans un mouvement continuel dans l’organisation; les liquides parcourant les cavités des solides, et ceux-ci par leur dilatation et leur resserrement déterminant une grande partie du mouvement des premiers. Ils se changent sans cesse les uns en les autres, une partie de la matière mobile de- venant fixe pour un temps, et une partie des solides re*- devenant liquide, ce qui s’accorde avec l’analogie de leur composition. Les corps organisés éprouvent des chan- gemens pendant toute leur durée; depuis le moment de leur origine ils s’accroissent en dimensions et en densité. Ce dernier genre de changement continue jus- qu’à la fin lorsque la structure du corps étant insensi- blement altérée, le mouvement vital languit et s’arrête , ce qui constitue la mort; après la mort, les élémens qui composaient le corps organisé se séparent et for- ment de nouvelles combinaisons. Chaque corps organi- nisé ayant non-seulement sa forme extérieure mais sa structure propre et particulière, chacune de ses parties concourt par son action au résultat général. On appelle fonction l’action de chaque organe ou de plusieurs or- ganes qui ont un but commun.

La nutrition, fonction comprenant l’absorption,

6

INTRODUCTION.

l’assimilation et l’excrétion dont il vient d’être question, n’est pas le seul phénomène commun aux corps orga- nisés; la génération est un autre phénomène aussi général sans lequel les espèces ne subsisteraient pas , la jmort étant la suite nécessaire de la vie. Tous les corps- organisés et vivans naissent de corps semblables a eux, et tous produisent leurs semblables; pour cela une partie du corps organisé qui a acquis son déve- loppement, après s’être accrne sur lui, s’en sépare et forme un être semblable à lui. Cette partie, qui aura la même forme et présentera les mêmes phénomènes que son parent, s’appelle germe tant qu elle fait partie de son corps. Ce second phénomène général n’est qu’uiie suite ou une conséquence du premier. Le germe tant qu’il fait partie du corps de son parent, se nour- rit et s’accroît comme un de ses organes ; sa sépara- tion constitue une sorte d’excrétion.

Les corps organisés reproduisent aussi pour la plu- part certaines de leurs parties quand elles leur sont enlevées; ils réparent également jusqu’à un certain point les lésions qu’ils peuvent éprouver.

'L’ensemble des individus nés des mêmes parens , et de ceux qui leur ressemblent autant qu’ils se ressem- blent entre eux , constitue l’espèce. Les circonstances extérieures, comme l’atmosphère, la nourriture, et d’autres encore, suivant quelles sont plus ou moins favorables, influent sur l’organisation et ses phéno- mènes : de résulte une perfection plus ou moins grande dans le développement, et des différences de similitude en général assez bornées entre les indi- vidus d’une même espèce, c’est ce qui constitue les

des corps ORGANISÉS. 7

variétés; de résulte aussi des altérations individuelles variées dans les corps organisés etvivans; ces altéra- tions de l’organisation et de ses phénomènes sont les maladies, -

C’est cette série c|e:phénomènes communs à tous les corps organisés: l’origine dans un être semblable, la fin par la mort) l’entretien de l’individu par nutrition , celle de l’espèce par génération ; en un mot j une action de formation momentanée, exercée dans un corps qui en a reçu d’un parent et qui en transmet le principe à des deseendans , qu’on appelle la vie.

Ce sont ces deux caractères, l’organisation et la vie j communs à tous et propres à eux seuls, qui distin- guent essentiellement les corps organisés et vivans.

§ 7. La forme et l’action des corps organisés et vivans,

l’organisation et la vie sont dans une connexion telle,

»

qu elles peuvent être considérées chacune comme la con- dition del’airtre, rime supposant coostammentl autre. On ne voit la vie que dans des cotps organisés, onr me voit aussi l’organisation que dans des corps.' vivans. Il fallait en effet pour que la vie put avoir lieu , des par- ties solides pour conserver la forme^ et (J6S' parties fluides pour entretenir le mouvement, en tin mot une organisation; et de même pour que celle-ci put se maintenir au milieu des causes de destruction , il fallait un mouvement et un renouvellement continuels de ses parties. Les corps organisés naissent vivans de corps sem- blables a eux; dans tous,. et pendant toute la. «purée de leur vie, les phénomènes vitaux sont dans uni rapport exact avec l’état de l’organisation; et quand celle-ci s’al- tère, soit par le fait même de la vie, soit par des eir-

8

INTRODUCTION.

constances accidentelles, la vie languit et s’arrête, et l’organisation se détruit par l’action chimique de ses propres élémens. Tous les efforts des physiciens n’ont pu encore apercevoir la matière s’organisant, ou la vie s’établissant soit spontanément, soit par des causes exté- rieures , en un mot ailleurs que dans un corps déjà organisé et vivant. La vie ne consiste en effet ni uni- quemènt dans une réunion de molécules auparavant séparées, comme celle que pourrait produire l’attrac- tion chimique, ni uniquement dans une expulsion des élémens auparavant combinés, comme celle que pourrait produire l’action répulsive du calorique; mais dans un mouvement de formation temporaire, dans lequel des élémens restent unis , qui se sépareraient si la vie cessait, et dans lequel des élémens se séparent sans que l’action du calorique les écarte: or, cette ac- tion vitale n’existe que dans les corps organisés. Cette connexion intime et réciproque de l’organisation et de la vie, a fait qu’on les a tour à tour regardées chacune comme la cause ou l’effet de l’autre. C’est à tort sans doute, et l’idée d’organisation et de vie est une idée complexe , qui ne doit pas être plus divisée , si ce n’est par abstraction, que ces deux choses ne sont elles- mêmes séparables. La vie est l’organisation en action,

ou bien, suivant l’expression de Stahl; c’est l’orga- nisme. L’objet de cet ouvrage cependant étant l’exa- men de l’organisation en repos, la vie n’y sera consi- dérée que d’une manière fort abrégée *.

§ 7. Les corps organisés ayant une structure hété- b;>. !■: T bri-,

1 Voyez Itiçhcrand. Élémens de Physiologie.

DES CORPS ORGANISÉS.

9

rogène, leur histoire se compose de celle de leurs di- verses parties; c’est proprement cette étude qui est l’objet de l’anatomie. De même la physique de ces corps ne comprend pas seulement des phénomènes mécaniques ou chimiques , mais encore ceux qui leur appartiennent en propre et qui sont étrangers aux corps anorganiques; savoir la nutrition et la génération, c’est- à-dire l’action organique ou vitale. Cette physique par- ticulière prend le nom de physiologie.

L’anatomie 1 peut donc être définie, la connais- sance des corps organisés, ou la science de l’organi- sation. D’après son étymologie, ce mot n’a point cette signification ; il veut dire simplement dissection , mais l’usage l’a consacré, et on le préfère aux mots morpho- logie , organologie ( discours sur la forme , sur les or- ganes), que quelques-uns ont proposés pour le rem- placer. En effet l’anatomie est une science purement d’observation , et la dissection est le principal moyen par lequel on met à découvert les parties des corps organisés pour les observer.

La physiologie 2 est la connaissance des phénomènes des corps organisés , ou la science de la vie ; on l’ap- pelle encore zoonomie et biologie ( loix de la vie et discours sur la vie). La physiologie est, comme l’ana- tomie, une science d’observation; mais elle consi- dère les phénomènes des corps organisés vivans.

L anatomie et la physiologie sont liées entre elles par un rapport très-étroit : l’observation ayant appris que 1 organisation et les phénomènes de la vie sont dans

1 De Avare/uva, je dissèque.

2 De <pv<ns, nature , et Aoyo?, discours.

IO

INTRODUCTION.

un rapport constant et réciproque, on peut conclure de l’une à l’autre.

§ 8. Les corps organisés et vivans, sujets de l’ana- tomie et de la physiologie, sont distingués en êtres inanimés ou végétaux, et en animaux ou êtres animés, d’après des différences très-tranchées enttre les ani- maux et les végéatux dont l’organisation est compli- quée, très-peu marquées au contraire entre ceux dont l’organisation est la plus simple.

§ !ip. Les végétaux les plus composés sont en général formés de deux parties séparées par une ligne médiane horizontale, et dont l’une descendante et contenu^ dans la terre est la racine; tandis que lautre, ascen- dante et contenue dans l’atmosphère, est la tige qui porte les feuilles et les fleurs. Leur structure consiste simplement en un tissu aréolaire , en vaisseaux et en tuyaux spiraux qu’on nomme trachées. Ils n’ont point d’autres organes que ceux de la nutrition et de la gé- nération. Leurs parties les plus importantes sont toutes situées à l’extérieur. Leur composition chimique est assez simple , l’azote s’y rencontre rarement ou n’y existe que localement. Leurs actions vitales se bor- nent à l’accroissement et à la reproduction. Leur nu- trition , dont les matériaux sont puisés dans le sol et dans l’atmosphère, dans leau et dans l’air, consiste dans une absorption exercée par les racines, dans un mouvement de translation que les liquides éprouvent dans les vaisseaux de la tige, et dans une sorte de res- piration qui a lieu principalement dans les feuilles; dans ccs diverses actions, les végétaux retiennent l’hy- dro gène et le carbone, conservent peu ou point d a-

DES CORPS ORGANISÉS.

I I

zote, et exhalent l'oxygène superflu. Leur reproduction se fait suivant plusieurs modes, lly a * du reste , dans 1 organisation des végétaux, une assez grande. diversité dont l’exposition serait déplacée dans cet. ouvrage l.

Des animaux . »

§ io. Les animaux à la tête desquels se tro^uve l’homme qui ressemble beaucoup à quelques-Uns d’entre eux, outre les caractères généraux des corps organisés, en ont d’autres qui leur sont propres, qui les distinguent par conséquent des végétaux, et qui influent sur les pre- miers et les modifient. Mais les animaux sont tellertient diffétens les uns des autres, que leurs caractères com- muns ne sont pas bien nombreux et bien tranchés’; voici les caractères propres aux animaux, les uns en petit nombre communs à tous, les autres plus moins généraux. .

Outre la forme arrondie qui appartient en général à tous les êtres organisés, on observe que la plupart des animaux sont , à l’extérieur au moins, symétriques et divisés par une ligne médiane verticale en dètSt moitiés latérales semblables , et que leur longueur sui* vant cette ligne l’emporte sur les autres dimensions, quelquefois de beaucoup. La proportion des liquides aux solides est très-grande. Le tissu aréolaire ou cellu- laire qui forme la masse du corps est très-mou et très- contractile. Le corps est creusé d’une cavité intérieure ou intestine, sont reçus les alirnens. Cette cavité est

7 i)

4 V oyez Richard. Elémens de botanique.

INTRODUCTION.

13

ainsi que l’extérieur, tapissée par une membrane ou peau qui limite et enveloppe tout le reste du corps. Il y a dans beaucoup d’animaux des vaisseaux circula- toires qui portent, dans des directions déterminées, la matière nutritive de l’intestin dans toutes les au- tres parties du corps; des organes respiratoires dans lesquels cette matière est soumise à l’action de l’atmo- sphère; et des organes sécrétoires une partie de cette matière se sépare de la masse. Ils ont des orga- nes génitaux qui consistent en général en une cavité de laquelle se détachent et sortent les germes. Dans la plupart des animaux enfin il y a des muscles pour exécuter les mouvemens apparens, des sens pour re- cevoir les impressions des objets extérieurs, et un sys- tème nerveux consistant en des cordons ou Ælets plongés et épanouis par une extrémité dans les tégu- mens et dans les muscles, et en des renflemens plus ou moins gros dans lesquels tient l’autre extrémité des cordons.

§n. Les solides, ou les organes des animaux, ont pour base principale le tissu aréolaire ou cellulaire, substance molle , extensible , contractile , perméable aux liqui- des. Condensée aux deux surfaces du corps , c’est cette substance qui forme à l’extérieur la peau, et à l’inté- rieur les membranes muqueuses, ou la peau intérieure. C’est cette meme membrane, la peau diversement dis- posée , qui constitue les organes de la respiration des sécrétions et de la génération : c’est elle aussi qui forme les sens. Creusé en canaux rameux dans les parois des- quels il a une consistance assez grande, le tissu cellu- laire constitue les vaisseaux : cette même substance

DES CORPS ORGANISÉS.

l3

diversement modifiée sans perdre pourtant ses ca- ractères distinctifs, forme encore plusieurs autres genres d’organes dans les animaux. La fibre muscu- laire constitue un second genre de solide différant es- sentiellement du tissu cellulaire en ce que au milieu de cette substance molle qui forme la masse commune , se trouvent des séries linéaires de globules microscopi- ques ; elle se contracte quand elle est irritée. La subs- tance des nerfs est formée de même de globules , mais différens de ceux qui composent les muscles; elle transmet à des centres les impressions reçues , et con- duit aux muscles l’influence des centres.

Les liquides animaux, ou les humeurs, sont nom- breux et abondans. Dans beaucoup d’animaux il y a un liquide en circulation dans des vaisseaux, c’est le sang, masse centrale du liquide nutritif; d’autres liquides absorbés aux surfaces, ou dans la masse même du corps; et d’autres liquides enfin sécrétés ou séparés du sang. Celui-ci consiste essentiellement en un véhi- cule séreux, abondant, dans lequel sont plongés des particules microscopiques semblables à celles des so- lides. La composition du sang est tout-à-fait analogue à celle des parties solides , et il suffit d’un simple chan- gement d’état, ou de quelques faibles changemens de proportions dans les élémens pour que les matériaux, de liquides deviennent solides.

Les derniers élémens anatomiques des humeurs et des organes des animaux paraissent donc être une subs- tance amorphe, liquide dans le sang elle constitue le sérum ou l’albumine , et concrète dans les organes elle constitue le tissu cellulaire; et une substance

INTRODUCTION.

1 4

figurée en globules, libres et nageant dans le sang, fixés clans les organes ils forment la fibre muscu- laire et la substance nervale. La composition chimi- que du corps animal est plus compliquée que celle du végétal , et consiste en élémens plus volatils; aussi l’a- zote y entre-t-il comme partie essentielle qui se joint aux autres élémens généraux de l’organisation. La chaux est l’élément terreux qui y existe le plus généra- lement. . N'

§ 12. Les phénomènes organiques généraux, la nu- trition et la génération se retrouvent dans des animaux, mais modifiés par les phénomènes qui leur sont pro- pres; La nutrition, au lieu de résulter de 1 absorption extérieure seule, résulte en même temps et principale- ment d’une absorption intérieure qui a lieu dans leur cavité intestinale. Le liquide nutritif puisé dans l’in- testin est soumis à faction de l’atmosphère; il résulte de cette respiration une production d’eau et d’acide carbonique , ce qui est le contraire de ce qui a lieu dans les végétaux. Outre cela, le liquide nutritif doit être continuellement débarrassé de matières surabondantes par. les sécrétions; elles ont lieu aux surfaces externe et interne j tantôt par des vaisseaux simplement épar- riouis sur de larges surfaces qui laissent perspirer le liquide sécrété; ailleurs c’est du fond de petites cavi- tés formées dans la peau ou la membrane muqueuse , que le liquide sourd ; dans d autres endroits les vais- seaux circulatoires communiquent avec des vaisseaux propres ou canaux excréteurs ramifiés, formés encore par l’enveloppe du corps, et qui versent le liquide se- crété. Parmi les liquides qui résultent de ces diverses sé-

des corps organisés. i5

crétions les uns ont çles usages dans l’exercice des fonctions , d’autres sont rejetés comme matières super- flues, ce qui constitue une sorte de dépuration. Le li- quide nourricier sans cesse renouvelé par 1 absorption intestinale, entretenu dans un état convenable par la respiration et les sécrétions, parvient dans toutes les parties du corps , et y opère la nutrition ; opération merveilleuse dans laquelle il se décompose de manière que dans chaque partie une portion du sang devient solide et fait partie d’un organe; en même temps, et partout aussi une partie des organes devient liquide et rentre dans le torrent circulatoire. La génération ou la production d’un nouvel être est tellement diversifiée dans ses modes quelle n’offre aucun caractère propre aux animaux et commun à eux tous. La séparation des sexes, subordonnée au mouvement, n’est en effet ni propre ni commune au règne animal. Les animaux jouissent aussi , quoiqu’à un degré moindre que les végétaux, de la faculté de reproduire, par une sorte de végétation, certaines parties quand elles sont en- levées.

§ i3. Le mouvement musculaire, les sensations et l’ac- tion nerveuse donnent aux animaux, en quelque sorte, une nouvelle vie : aussi appelle-t-on ces fonctions du nom de vie animale, par opposition aux autres fonctions que l’on appelle vie organique ou végétative. Les im- pressions exercées pan. les agens extérieurs sur les organes des sensations , c’est-à-dire sur la peau ex- terne ou interne , ou sur quelques-unes de ses parties organisées d une manière particulière , déterminent dans ces organes des actions qui se propagent par les

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INTRODUCTION.

nerfs jusqu’aux masses centrales du système nerveux. Il n’est même aucune partie du corps qui , dans certains cas, ne puisse être le siège de quelque sensation. Quand l’animai a reçu une sensation, et quelle détermine en lui une volition, c’est encore par les nerfs que cette vo- lition est transmise aux muscles dont les contractions produisent les mouvemens de l’animal.

L’action nerveuses n’est pas bornée à transmettre les impressions reçues par les sens, et les voûtions aux mus- cles, les masses nerveuses centrales sont encore les or- ganes de l’instinct et des fonctions cérébrales.

Les fonctions dont il s’agit ne sont pas seulement en plus dans les animaux ou surajoutées en eux aux fonc- tions organiques ou végétatives , mais elles modifient singulièrement l’exercice de ces dernières. Ainsi, dans la nutrition, ce sont en général des mouvemens mus- culaires qui déterminent l’introduction desalimens ; des fibres musculaires qui garnissent l’intestin, les y font mouvoir; des muscles qui, dans beaucoup d’animaux, garnissent les vaisseaux à leur centre de réunion, y meuvent le sang ; des muscles encore déterminent, par leur mouvement, l’application du fluide atmosphé- rique sur l’organe respiratoire. Des sens sont placés à l’entrée des organes de la nutrition. Des nerfs se distri- buent aussi aux organes de la nutrition, et quoique dans l’état ordinaire ces nerfs ne transmettent point de sensations ni de voûtions , et que les mouvemens y soient immédiatement déterminés par les impressions ou irritations, cependant dans les affections fortes des centres nerveux, les mouvemens sont troublés, et dans des cas maladifs ces fonctions sont accompagnées de

DES CORPS ORGANISÉS. 17

sensations. La génération est , comme la nutrition , modifiée dans ses actes par les fonctions animales.

$ 14. Il y a en effet entre tous les organes, entre toutes les fonctions des animaux, un enchaînement qui existe Lien dans tous les corps organisés et vivajis, mais qui se fait remarquer encore davantage dans les animaux , et surtout dans quelques-uns d’entre eux. Dans les êtres organisés réduits à la nutrition et à la reproduc- tion, la dernière de ces fonctions est la suite et la con- séquence de la première. Dans les animaux qui jouis- sent du mouvement et du sentiment, la nutrition a- être exécutée par une digestion , car l’animal ne pour vait être tout à la fois locomobile et enraciné; la gé- nération a pu être sexuelle. A mesure que chaque ordre de fonctions devient plus compliqué , les or- ganes qui s’ajoutent à ceux dont l’existence est plus générale, tiennent ces premiers sous leur dépendance* Ainsi, dans l’ordre des fonctions nutritives, la circula- lation, et dans la circulation , l’action du cœur, beau- coup moins générales que les autres phénomènes nu- tritifs tiennent , quand elles existent.,, tous les autres phénomènes sous leur influence. De même dans les fonctions animales, l’action des centres nerveux tient sous sa direction , des phénomènes dont l'existence est plus générale. Les fonctions animales tiennent de meme sous la leur toutes les fonctions nutritives et reproductives , mais celles-ci, à leur tour, tiennent aussi les premières sous leur dépendance : les organes des fonctions animales devant être nourris pour rem* plir leurs fonctions , et celles-ci déterminant l’exercice des organes des fonctions végétatives. De sorte que 1.

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INTRODUCTION.

dans les animaux très-développés en organisation, la vie semble essentiellement résulter de l’action réci- proque de l’organe central des fonctions végétatives , et de l’organe principal des fonctions animales : de la cir- culation et de l’action nerveuse , ou de l’action du sang sur le système nerveux, et du système nerveux sur les organes qui meuvent le sang. Les autres phéno- mènes entretiennent ces deux actions principales que l’on peut regarder comme les deux fonctions essentiel- lement vitales des animaux.

§ i 5'. A tous ces caractères, les premiers très-généraux ou 'commUns , et les derniers beaucoup moins géné- raux, il faut ajouter les dérangemens de l’organisation et ides phénomènes de la vie, c’est-à-dire les maladies, beaucoup plus fréquentes dans les animaux que dans l’autre règne organique; et l’on trouvera aisément la raison de cette fréquence , dans la complication de leur organisation , dans l’enchaînement de toutes les parties entre elles et dans l’existence d’organes centraux et prédominans, dont Kaction ne peut être troublée sans que tous les autres s’en ressentent. De l’étude des circonstances et des corps extérieurs qui influent d’une manière utile ou nuisible sur l’organisation animale, et l’art de coilserver ou de rétablir la santé par l’u- sage bien dirigé des influences extérieures, ou la mé- decine.

Tels sont les caractères les plus généraux des ani- maux; mais ces êtres présentent dans leurs organes et dans leurs fonctions , une foule de variétés ou de dégrés de complication qu’il est important d’exa- miner.

DES COUPS ORGANISÉS. J.f)

§ 16. La forme extérieure ou la configuration qui peut donner une idée de ia structure, dont elle est en quel- que sorte l’expression, présente les variétés suivantes . Quelques animaux sont punctiformes ou globuleux, comme les monades; d’autres ont la forme d’un fila ment comme les vibrions; quelques-uns ont la forme aplatie comme une petite membrane, tels sont les cyclides; d’autres enfin appartenant comme les pré cédens au groupe des infusoires, n’ont point de forme déterminée, leur configuration changeant à chaque instant de la manière la plus bizarre ; ce sont les prê- tées. Ces formes élémentaires qui appartiennent à tous les animaux les plus simples , se retrouvent dans quel- ques-uns d’un ordre plus élevé , et dans certaines par- ties de tous les autres. Il en est de même de la forme étoilée ou rayonnée qui appartient à un certain nom bre de classes d’animaux , et qu’on retrouve dans di verses parties de ceux qui ont une autre forme exté rieure.

La forme rayonnée commence à se montrer dans les rotifères, et dans les autres polypes; dans les acalèphes et les éçhinodermes, la forme rayonnée n’est pas bor- née à l’ extérieur, qui ressemble à une fleur radiée ou à une étoile, mais toutes les parties sont disposées autour d’un axe , et sur un plus ou moins grand nom- bre de rayons. Dans d’autres animaux l’axe étant plus long, la forme rayonnée devient cylindrique. Les échi- nodermes cylindroïdes, les vers intestinaux , les an- nélides établissent ce passage de la forme rayonnée à laquelle ils participent encore à la forme symétrique et à la disposition articulaire qu’ils présentent aussi ;

20

INTRODUCTION.

et les tuniciers le passage de forme rayonnée à la forme symétrique sans articulations.

La formé symétrique se trouve à quelques faibles exceptions près, dans tous les autres animaux. Dans cette forme, le corps est partagé en deux parties la- térales ou en deux côtés semblables par un plan mé- dian > mais elle se soüdivise en deux autres très-dif- férentes. Dans les mollusques le corps n’est point divisé en segmens , et il n’y a point de pieds articulés ; ces animaux sont inarticulés. Les autres animaux symé- triques aü contraire sont articulés, c'est-à-dire que leur tronc est divisé en segmens mobiles les uns sur les autres, et que leurs membres , quand ils en ont, sont divisés èn plusieurs parties par des articulations. On trouve déjà la disposition articulaire dans les cir- rhipôdes qui, de toute manière, appartiennent aux mollusques; On en trouve aussi le principe dans les éckinodermes cylindroïdes , dans les vers, mais <re genre de forme appartient surtout aux annélides , aux insectes, aux crustacés, aux arachnides, que l’on ap- pelle pour cette raison animaux articulés, et à tous les animaux osseux ou vertébrés. Ainsi on peut rapporter les formes animales aux suivantes : la forme symétrique on binaire, avec ou sans articulations; la forme rayon- née; et lès formes simples d’un globule, d’un fila- ment * etc.

5 17. La forme extérieure des animaux présente en- cbre d'autrès différences. Le corps se divise en tronc, partie centrale qui contient les organes essentiels à la vie ou les viscères; et en appendices , parties en général destinées aux mouvemens et aux sensations. Le tronc

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DES CORPS ORGANISÉS.

se divise en torse ou partie moyenne et eO ex^éuûtçs qui sont la tête et la queue. Le torse lu;i*piên>e :e^ quelquefois subdivisé en abdomen cten thorax,^ La tête est la partie qui } ou,tre la bouche, cqqtient le principal renflement nerveux, ou le- cerveau, et les organes çiq? sens spéciaux. Le thorax > dans les animaux articulés, est la partie du tronc qui porte les membres; dans les vertébrés c’est celle qui renferme le cœur et les pou* mons. L’abdomen contient toujours les principaux qy- ganes de la digestion et de la génération. Ces diverses parties du tronc, qui n’existent pas toujours toutes, offrent diverses variétés.

Dans les animaux rayonnés, dans les mollusques acéphales, et dans les intestinaux et les annélides, le tronc réduit à sa partie moyenne , consiste en unq . seule cavité qui renferme tous les organes. Dans les mollusques céphalés il y a une tête distincte; il eu est de même des insectes , des crustacés et des aractv: nides , qui ont en outre un thorax, tantôt distinct de la tête et de l’abdomen, et tantôt confondu ayeç une ou avec ces deux parties du tronc. Dans les ver- tébrés la tête est toujours distincte, mais le thorax est quelquefois confondu avec l’abdomen. Les appen- dices présentent aussi diverses variétés : Dans quelques infusoires, il y en a de petits appelés cils. Les animaux rayonnés ont la bouche entourée d’appendices appe- lés tentacules, qui sont destinés au mouvement et aq sentiment. Il en est de même dans quelques mollusques qui ont de$ tentacules sensibles et d’autres productions charnues appelée bras ou pieds pour le mouvement. Les crustacés et les insectes ont des antennes , filam.ens

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Introduction.

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articulés, de forme très-diverses tenant à la tête, et

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qui paraissent des organes de sensation. Il en est de même de leurs palpes que I on trouve aussi dans les arachnides. Les appendices latéraux , pairs , essentiel- lement destinés mouvement, et qu’on appelle membres quand ils sont articulés, existent en rudimens dans les cirrhopodes et dans les annélides setigères; on les trouve en grand nombre dans les myriapodes, en nombre assez grand, mais variable, dans les crustacés; il y en a huit dans les arachnides, et six dans les vrais insectes qui ont en outre, pour la plupart, des ailes au nombre de quatre ou de deux. Dans les vertébrés il n’y a jamais plus de quatre membres.

§ 18. Les organes de la nutrition présentent une grande diversité. Dans les animaux les plus simples, les in- fusoires, cette fonction consiste uniquement dans une absorption ou imbibition extérieure dont la matière pénètre toutes les parties du corps de l’animal et est immédiatement assimilée et ensuite excrétée; on re- trouve cette simplicité d’organisation dans quelques vers intestins et quelques acalèpbes.

A un degré plus élevé, on trouve une cavité intes- tinale creusée dans la substance du corps, et dès lors l’absorption se fait par deux surfaces et surtout par la surface interne. On trouve cette simple cavité dans quelques polypes. A un degré plus élevé encore, la cavité consiste en un sac membraneux, distinct de la masse du corps, formé par une membrane ou peau intérieure continue et analogue à la peau extérieure. Ce sont encore des polypes et des acalèphes, et quel- ques intestinaux qui en montrent la première appa-

DES CORPS ORGANISÉS.

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rence; clans d’autres animaux des mêmes classes, la cavité gastrique a des prolongemens étendus dans la masse du corps pour y distribuer la nourriture. Dans quelques acalèphes, quelques vers intestinaux, l’es- tomac manque, et il n’y a que les prolongemens ra- mifiés qui s’ouvrent à la surface extérieure. Dans toutes ces premières apparences d’une cavité intestinale, la cavité est bornée à un sac allongé, ayant une seule issue. Plusieurs éclîinoclermes, et vers intestinaux , ont un canal intestinal distinct, une bouche et un anus, disposition que l’on retrouve dans toutes les classes élevées , le canal plus ou moins renflé , plus ou moins resserré, etc. , traverse le corps. L’existence de ce canal se montre en même temps que la forme cylindroïde et allongée du corps.

La bouche présente plusieurs variétés dont les prin- cipales sont celles d’un simple orifice; d’une ouverture garnie de muscles , et quelquefois de parties dures, mais disposées uniquement par l'a succion ; d’une ouH verture garnie de muscles et de parties dures pour diviser les alimens.

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§ 19. Dans beaucoup d’animaux inférieurs, le sue- nourricier absorbé par les parois de l’intestin, simple ou prolongé dans le corps par des appendices ramifiés , est porté immédiatement par la substance aréolaire dans toutes les parties du corps. Tel est le cas de tous les animaux rayonnés et de l’immense, classe des insectps*r Dans tous les insectes, en effet, il n’y a point de vaisseaux, et le liquide nourricier doit passer par in)- bibition de 1 intestin dans tout le corps; il y a seule- ment un vaisseau dorsal qui paraît un rudiment de

introduction.

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cœur, mais point de branches pour la circulation.

Dans les animaux plus élevés , le liquide nourricier absorbé par les parois de l’intestin , circule dans des vaisseaux clos , dont les dernières ramifications seules laissent échapper dans la substance du corps , les mo- lécules qui doivent la nourrir. Les vaisseaux qui por- tent du centre de la circulation à toutes les autres par- ties , sont appelés artères ; ceux qui rapportent de toutes les parties du corps au centre, se nomment veines; au *point de réunion des unes et des autres, on trouve dans beaucoup d’animaux un organe charnu, le cœur, qüi aide par ses contractions le mouvement du liquide, et qui est ainsi que l’ensemble des vaisseaux plus ou moins compliqué. On trouve les premiers rudimens de vaisseaux dans quelques vers intestinaux, et le pré* plier rudiment cœur dans les insectes.

Dans les annélides, seuls animaux invertébrés qui aient le sang rouge, il y a des artères et des veines pour la Circulation, mais le cœur est seulement ébauché. Dans les arachnides trachéennes, les organes de la circulation ne sont guère plus avancés que dans les inséctes , mais dans les autres, les pulmonaires, il y a un cœür ou grand vaisseau dorsal et des branches de chaque côté. Les crustacés offrent plus distinctement le Cœür; dans quelques-uns, il est allongé en un gros vaisseau fibreux qui règne sur toute la longueur de la queue donnant des branches des deux côtés et qui rappelle encore le vaisseau dorsal des insectes ; mais dans d’autres crustacés , il y a un ventricule dorsal , im grand vaisseau ventral , et de véritables vaisseaux cir- culatoires. Dans les mollusques il y a un cœur plus ou

des corps organisés.

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moins compliqué, un double système d’artères et de veines; le sang est blanc ou bleuâtre. Enfin, dans les vertébrés, outre les artères, les veines et le cœur, il y a un système particulier de vaisseaux lymphatiques et des chylifères qui portent le liquide nourricier des intestins dans veines.

Le cœur le plus simple se compose au moins d’un ventricule qui pousse le sang dans les artères, et sou- vent d’une oreillette ou sinus des veines à leur en- trée dans le cœur ; il est aortique quand il envoyé le sang à tout le corps , et pulmonaire quand il l’envoye à l’organe respiratioire ; il est double quand il y a deux ventricules, qui peuvent être d’ailleurs séparés ou réu- nis. Le cœur est simple, sans oreillette, et pulmonaire dans tous les animaux articulés qui en sont pourvusv Il en est de même dans les poissons , excepté qu’il y a une oreillette. Il est simple, mais aortique dans la plu- part des mollusques ; il est triple dans les mollusques céphalopodes, il y a deux ventricules pulmonaires et un aortique séparés et sans oreillettes. Dans tous les reptiles il y a un seul ventricule plus ou moins cloi- sonné qui envoie le sang dans un seul tronc tout à la fois aortique et pulmonaire ; la plupart ont deux oreil- lettes , les batraciens n’en ont qu’une. Enfin le cœur est double ; il y a deux oreillettes et deux ventricules accolés , l’un aortique et l’autre pulmonaire , dans les oiseaux et les mammifères.

S 20. Pour que le liquide nutritif soit propre à sa fonction , il faut qu’il soit soumis à l’action de l’at- mosphère où vit l’animal. Dans ceux qui n’ont point de circulation , l’eau agit à la surface du corps. Tel pa-

INTRODUCTION.

2.6

raît être le cas des infusoires, des polypes, des acalè- phes; les vers intestinaux ne présentent non plus au- cune apparence d’organes de respiration. Dans un autre degré d’organisation, lair ou l’eau pénètre dans tous les points du corps par des canaux élastiques T appelés trachées , et qui sont revêtus par des prolonge- mens de la peau. Les échinodermes ont des trachées aquifères ; dans les insectes il y a deux trachées longitu- dinales étendues à tout le corps, ayant par intervalles des centres d’où partent beaucoup de rameaux et qui répondent à des stigmates , ouvertures exté- rieures pour l’entrée de l’air. Dans les animaux qui ont une circulation , une partie des vaisseaux porte le sang dans un organe ils se subdivisent sur une grande surface de la peau extérieure ou de la peau in- térieure. Cette surface est saillante et appelée branchie quand l’élément ambiant est l’eau, nommée poumon et creuse quand cet élément est l’air. Pour la respira- tion branchiale ou pulmonaire, il y a en général des organes de mouvement pour mettre le fluide ambiant en contact avec l’organe. Dans les arachnides, on trouve le passage de la respiration disséminée qui existe encore dans les trachéennes à la respiration lo- cale qui a lieu dans des sacs pulmonaires. Dans les crustacés en général , les organes respiratoires sont des branchies saillantes diversement configurées. Il en est de même dans la plupart des annélides. Dans les animaux mollusques en général, on trouve beaucoup de variétés dans les organes de la respiration : quel-

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ques-uns respirant lair en nature, ont une cavité pulmonaire, ce sont les gastropodes pulmonés, d au-

des Corps Organisés.

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très ont des branchies saillantes diversement configu- rées, d’autres encore ont leurs branchies dans une ca- vité où l’eau doit être attirée. Dans les poissons, la respiration est branchiale; elle est pulmonaire dans les autres vertébrés.

La respiration est partielle et la circulation sifnple dans les reptiles il n’y a qu’un ventricule et qu’une aorte dont l’artère pulmonaire est un rameau. Dans tous les autres animeaux qui ont une respiration lo- cale et une circulation , celle-ci est double et la res- piration complète, c’est-à-dire qu’à chaque circuit du sang, tout le liquide passe par l’organe respiratoire. Dans les articulés et les mollusques , le cercle est simple; dans les premiers, le sang va du cœur à tout le corps en pas- sant tout entier par les branchies, il en est de même dans les poissons; dans les mollusques, il va du cœur aux branchies en passant auparavant par tout le côrps. Dans les oiseaux et les mammifères, les deux cœurs étant accolés, le cercle est double, ou mieux, le cir- cuit est croisé et peut être représenté par un 8, au centre duquel est le cœur.

§ si. Le liquide nutritif ne doit pas être seulement soumis à l’action de l’atmosphère , mais il doit être dé- barrassé par les sécrétions des matières surabondantes. Dans les animaux qui ont une cavité intérieure, et par conséquent deux surfaces, ces deux surfaces servent à l’excrétion comme à l’absorption par toute leur étendue. La peau intérieure et la peau extérieure présentent aussi de petites cavités ou enfoncemens particuliers d’où le liquide sort. Enfin , dans les animaux même il n’y a point de circulation, si quelque liquide* parti-

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INTRODUCTION.

cuber doit être produit , les cavités ou enfoncemens de la peau intérieure ou extérieure sont étendues et ramifiés en vaisseaux propres ou conduits excréteurs dans le corps , et pompent dans le fluide nourricier les élémens propres à la composition de ce liquide. De même dans les animaux qui ont une circulation , tantôt les vaisseaux s’épanouissent simplement sur de larges surfaces, et y laissent échapper par perspiration le liquide sécrété ; tantôt c’est du fond de petites cavités ou de follicules formés dans la peau intérieure ou extérieure que le liquide sourd; dans d’autres endroits , les artères au point elles se changent en veines , communiquent avec des canaux excréteurs ramifiés et toujours formés par la peau intérieure ou extérieure; c’est de la réunion de ces canaux avec les vaisseaux sanguins que résultent les glandes. Ces derniers organes de sécrétion sont propres aux ani^- maux qui ont un cœur. Le foie par exemple, le plus général de ces organes, n’existe encore dans les arach- nides trachéennes que sous la forme de vaisseaux dé- sunis comme dans les insectes; dans les arachnides pulmonaires , et dans les crustacés au contraire , on trouve un foie encore séparé en lohes distincts ou en grappes dans quelques-uns. Les mollusques ont tous un foie considérable; la plupart ont des glandes sali- vaires, mais point de pancréas ni de reins. Plusieurs ont des sécrétions qui leurs sont propres. Les animaux vertébrés ont tous des glandes et, de plus que les autres, des reins, organes qui ont beaucoup de rapports avec ceux de la génération. Parmi les liquides qui résultent des diverses sécrétions, les uns ont des usages dans

DES COUPS ORGANISÉS.

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l'exercice des fonctions, comme la salive, la bile, etc. ; d’antres, tels surtout que l’uriïle, sont rejetés comme matières superflues ou nuisibles. •)

Ainsi les organes des fonctions nutritives dans leur extrême diversité , côtisistent en une substance per- méable qui absorbe, s’assimile et excrète; en une ou deux surfaces , la peau et l’intestin , que les matières étrangères doivent traverser du dehors ftu dedans, ou du dedans au dehors par absorption ou par ex- crétion; en vaisseaux qui établissent des communi- cations entre les surfaces du corps et tous les points de sa substance, et réciproquement ; en organes respi- ratoires, parties des surfaces, le liquide est mis en contact avec l’atmosphère; et en organes sécrétoires,, autres parties des surfaces une partie du liquide est rejetée. "

§ 22. La génération, ou la production d’un nouvel être semblable à celui dont il tire son origine , seconde fonction commune à tous les corps organisés èt vi- vans, présente aussi dans les animaux une grande va- riété dans ses organes et dans ses phénomènes. Cette fonction , dans le cas le plus simple , n’a point d’organe particulier; mais le corps tout entier, très-simple, ho- mogène, se divise en plusieurs fragmens qui conservent chacun les propriétés du tout; c’est la génération fissi- pare; elle appartient essentiellement aux infusoires; elle existe accidentellement dans d’autres. Dans d’autres animaux du même groupe on aperçoit dans la substance du corps des globules ou corpuscules qui paraissent reproductifs, c’est génération subgemmipare, ou le premier indice d’une production de gemmes. Dans un

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INTRODUCTION.

degré plus élevé la génération est en effet gemmipare ; une gemme ou bourgeon croît sur la surface externe du corps, sur la peau, et ensuite se détache pour for- mer un nouvel être distinct de son parent, ou bien continue de rester sur lui, et en forme un rameau. Ce genre de génération appartient aux polypes. On y trouve aussi la génération gemmipare interne ou subo- vipare. Son organe consiste en des cavités prolongées dans la masse du corps, et dans l’intérieur desquelles croissent des gemmes ou des ovules qui se séparent spontanément, et sortent en traversant un canal qui s’ouvre à l’extérieur. Ce mode de génération est en- core celui des acalèphes , celui des échinodermes, peut - être celui des intestinaux cestoïdes. Les acé- phales et quelques mollusques gastéropodes n’en dif- fèrent que parce qu’ils ont un véritable ovaire. Dans tous ces premiers cas,, il n’y a pas, à proprement par- ler, d’organes sexuels.

§ 23. Dans toutes les organisations plus élevées, sous ce rapport, il y a des oirganes génitaux des deux sexes, dont le concours est nécessaire pour animer les ger- mes.- Les uns, les Organes femelles , consistent en un amas de germes ou un ovaire, en un canal par les germes détachés se portent au dehors , c’est l’ovi- ductus, et dans plusieurs. espèces , en une cavité ils demeurent plus ou moins long-temps, se greffent et s’accroissent avant de naître, c’est d’utérus ; l'orifice par lequel ils sortent est la vulve. Les organes mâles, sont des glandes appelées testicules, qui sécrètent le sperme, liqueur fécondante , et quand elle doit être introduite dans le corps de la femelle , le male est pourvu d’un

DES CORPS ORGANISÉS. 3t

pénis. Dans ce genre d’organisation le concours des deux sortes d’organes est nécessaire pour opérer la génération. On trouve la première apparence de cette organisation dans quelques vers intestinaux ; mais ces animaux étant dépourvus de circulation, leur ovaire et leur testicule consistent uniquement en vaisseaux sécrétoires libres ou flottans. Les organes génitaux sont de même de deux genres dans beaucoup de mollusques, dans les annélides et autres articulés , et dans les ver- tébrés; seulement, dans ceux qui ont une circulation, les ovaires et les testicules sont des masses glandu- laires. Parmi ces animaux, certains sont hermaphrodites ou pourvus d’organes mâles et femelles; mais cet her- maphrodisme est incomplet, ou plutôt insuffisant; car ils ont besoin pour engendrer, d’un accouplement ré- ciproque avec un autre individu semblable : tel estde cas de quelques ^nnélides et de quelques mollusques. Dans un ordre plus élevé encore d’organisation, lçs organes génitaux sont séparés et portés par des indi- vidus différens , ce qui constitue les sexes. C’est le cas de quelques vers intestinaux, de beaucoup de mollus- ques, des insectes, des crustacés , des arachnides et de tous les vertébrés.

§ 24. Dans la génération sexuelle , le germe est ren- fermé avec des matières nutritives dans une enveloppe membraneuse ou plus solide, et même calcaire; c’est ce qu’on appelle un œuf. Tantôt l’œuf contient des maté- riaux nutritifs en quantité suffisante pour le développe- ment complet de l’embryon, et reçoit seulement l’in- fluence de l’air atmosphérique, et tout au plus celle de l’humidité au travers de son enveloppe; l’animal est

3a

INTRODUCTION.

alors ovipare, soit que l’œuf soit pondu entier, et que le développement de l’embryon se fasse après la ponte , bien que le développement précède la ponte, et que lœuf se rompe au moment de la naissance. Dans la gé- nération ovipare le germe ne se détache en général qu’a- près la fécondation; dans quelques cas cependant le germe se détache avant, et l’œuf est fécondé pendant ou même après la ponte. L’œuf ne contient pas tou- jours des matériaux suffisans au développement de l’embryon; il se greffe alors par sa surface dans Tu- tetris, et y absorbe des matières nutritives; le petit naît vivant avec les débris de son œuf membraneux, mais dans un état de faiblesse qui exige qu’il soit nourri d’une liqueur animale que la mère sécrète, c’est le lait. Les mammifères sont seuls dans oe cas. Au sortir de l’œuf quelques petits ne ressemblent point du tout à leurs parens ; ils éprouvent , avant d’atteindre à cette forme, des changé mens qu’on appelle métamorphoses; tels sont les larves des insectes, et les têtards des ba- traciens; les autres au contraire naissent semblables à leürs parens, ou du moins ne s’en éloignent que par dès différences de proportion qui s’effacent avec l’àge.

§ 25. La nutrition et la génération ne sont pas les deux seuls modes de production ou de formation des animaux ; ils possèdent aussi , quoique à un degré moins élevé ou moins général que les végétaux, la fa- culté de reproduire, par une sorte de végétation les par- ties enlevées ou détruites. Mais cette faculté n est pas au même degré de tous les animaux. Les animaux les

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plus simples la présentent au plus haut degré. Les

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polypes et notamment les hydres reproduisent cons- tamment et indéfiniment les parties qu’on leur en- lève, de sorte que l’on multiplie à volonté les individus au moyen de la section. La force de reproduction des actinies n est guère moindre; elles reproduisent les parties qu’on leur coupe, et peuvent se multiplier par la division. Les astéries ont aussi une grande force de reproduction ; elles repoussent les rayons qui leur sont enlevées, un seul rayon même, pourvu qu’il soit en- tier , peut reproduire les autres. On connaît la faculté qu’ont les ténia de reproduire les anneaux postérieurs de leurs corps. Parmi les annélides , les naïades ont aussi une très-grande force de reproduction. On a constaté sur l’écrevisse la faculté qu’ont les crus- tacés de régénérer leurs pieds lorsqu’ils les ont per- dus , ou qu’ils ont été mutilés. Il paraît que les arachnides ont aussi la faculté de régénérer les pattes qu elles ont perdues. Les salamandres aquatiques ont une force étonnante de reproduction ; elles repoussent plusieurs fois de suite le même membre quand on le leur coupe, et cela avec tous ses os, ses muscles, ses vaisseaux , etc. Les membres et la queue des têtards de grenouilles se régénèrent aussi presque comme ceux des salamandres. La queue des sauriens , lorsqu’elle a été cassée, repousse, quelquefois un peu différente de ce qu elle est naturellement. Dans les animaux à sang chaud la reproduction est presque bornée à des parties épidermiques et cornées. Pour les au très parties elle se réduit à la guérison des plaies, et à la production dune cicatrice analogue à la peau, quand celle-ci a été entammée ou détruite.

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INTRODUCTION.

Les organes et les fonctions propres aux animaux présentent, comme les précédens, beaucoup de degrés de complication ou de variétés dans les êtres qui com- posent le règne animal.

§ 2 6. Dans les animaux les plus simples, le corps étant ou paraissant homogène, on ne voit aucun organe parti- culier pour le mouvement, et pourtant ces animalcules infusoires se meuvent en totalité avec beaucoup de vi- tesse. D’autres animaux un peu plus composés, comme les rotifères, qui ont un organe rotatoire particulier, comme les polypes, qui ont autour de la bouche des appendices ou tentacules dont les mouvemens agitent l’eau, attirent et saisissent les substances nutritives, et dont quelques-uns ont en outre des mouvemens de totalité ; sont encore dépourvus de tout organe mus- culaire distinct. L’organe propre des mouvemens ap- parens , la fibre musculaire, existe dans les acalèphes et dans les échinodermes dont le système musculaire est soutenu par une peau bien organisée, et dans tous les animaux plus élevées, les mouvemens ap- parens, généraux ou partiels, sont produits par l’ac- tion de ces organes. Les fibres musculaires garnissent, dans tous les animaux qui en sont pourvus, la peau externe et la peau interne ; elles forment le cœur dans tous ceux qui en ont. Parmi les animaux , quelques- uns ont la peau aussi molle que les autres parties du corps; dans un grand nombre, elle contient dans son épaisseur des parties dures, soit calcaires, soit cornées qui défendent l’animal contre les atteintes extérieures, et qui mobiles les unes sur les autres, transmettent aux parties qu elles soutiennent le mouvement qu elles

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ont reçu des muscles. Dans les animaux vertébrés, ce sont des os intérieurs articulés et mobiles, qui rem- plissent ce dernier office, et qui pour cela sont pour- vus d’une grande masse de muscles qui manquent dans les invertébrés, ou qui sont attachés à leur peau en- durcie. • i, 1. ,!

§ 27. Les organes des sensations , dans les animaux les plus simples, n’ont point une existence distincte ; le corps tout entier paraît recevoir les impressions comme il exécute les mouvemens. Dans les animaux qui ont une peau extérieure et une peau intérieure, différentes du reste de la masse, et tous à partir des polypes, sont dans ce cas, la peau outre sa fonction d’absorber des matières nutritives,. reçoit l'impression des corps exté- rieurs. Dans ceux qui ont la peau très-molle et peu dis- tincte du reste, elle est partout également sensible. Mais la peau humectée dans beaucoup d’animaux par du mucus ou par la matière sébacée, est, dan^ un grand nombre, garnie d’épiderme, de poils, d’écailles cor- nées, ou de croûtes calcaires, et devient ainsi un or- gane de défense ou de soutien. Dans ce cas-là, quel- ques parties restent dépourvues de ces enveloppes, sont très-mobiles et sont des organes particuliers de tact ou de toucher tels sont les tentacules des oursins, celles de ces mollusques, les antennes des insectes des crustacés, les barbillons de quelques poissons, etc.

L’organe du goût ne se trouve pas distinct dans tous les animaux qui digèrent , et cependant la sensation semble devoir exister dans tous. O11 ne voit rien dans les animaux rayonnés à l’entrée du canal alimentaire, qui semble être cet organe. 11 en est de même dans

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les mollusques et les articulés. Dans quelques insectes cependant on suppose que c’est l’extrémité de la trompe ou un palpe, enfin il s’en faut beaucoup même que tous les vertébrés aient une langue organisée d’une manière propre au goût.

L’organe de l’odorat semble manquer dans un grand nombre d’animaux, cependant les insectes, les crus- tacés, les ^arachnides sentent les odeurs, mais on ignore le siège précis de cette sensation. Il en est de même dans les mollusques. Dans les vertébrés mêmes les fosses nazales ne traversent pas la face dans toutes * les classes.

L’organe de l’ouïe ou l’oreille n’existe pas ' dans les dernières elasses d’animaux et le .son ne paraît y être « perçu que comme impression tactile. Parmi les animaux articulés qui entendent tous, les écrevisses sont les seuls l’on ait aperçu l’oreille, elle y consiste en un sac rempli d’une lymphe gélatineuse recevant un nerf distinct. De même parmi les mollusques, les cépha- lopodes seuls ont cet organe, qui existe dans tous les vertébrés, et y présente beaucoup de variétés.

Dans tous les animaux la lumière exerce une action sur toute la peau, sur toutes les parties qui y sont exposées mais la vue n’a lieu qu’au moyen de l’œil. Il n’y a point d’yeux dans les animaux rayonnés. Les vers et une partie des annelides en sont dépourvus, dans les autres il n’est que rudimentaire ; c’est un petit point noir. Les articulés à pieds, savoir : les crustacés, les arachnides, et les insectes, ont tous des yeux qui peuvent être de deux sortes, plus ou moins nom- breux, et toujours symétriques : des yeux simples

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dont la cornée n’a qu’une facetfte, l’iris qu’une ouver- ture et le nerf optique un seul filet; et des yeux com- posés ou à facettes multiples avec autant de pupilles et autant de filets du nerf optique. Quelquefois les yeux sont pédicules ou placés sur des appendices articu- lés. Les mollusques acéphales sont dépourvus, d’yeux , la plupart des gastéropodes en ont, mais de très- petits et rudimentaires, placés soit à la tête même soit aux tentacules postérieurs. Les céphalopodes, ont deux gros yeux recouverts par la peau transparente en cet endroit. Les yeux ne manquent que dans un petit nombre d’espèces dans les vertébrés.

§ 28. Le système nerveux n’est pas connu et ne paraît pas exister, dans les animaux infusoires. On en aper- çoit les premières traces dans les animaux rayonnés. Les hydres, parmi les polypes ont dans leur substance des globules microscopiques dont la nature est obscure. Mais dans les étoiles de mer et dans les holothuries il y a des ganglions disposés circulairement autour de la bouche, communiquant entre eux par des filets mous, en envoyant d’autres en rayonnant dans les divisons du corps ils se distribuent à la peau externe et à la peau interne. Dans quelques vers intestinaux on aperçoit un anneau nerveux qui entoure la bouche et d’où partent deux cordons qui s’étendent à toute la longueur d,u corps. Dans les animaux articulés le système nerveux présente un caractère assez général. Il y a un petit renfle- ment appelé cerveau placé sur l cesopliage et fournis- sant des nerfs aux parties qui tiennent à la tête. Deux cordons qui embrassent L’œsophage comme un collier se continuent sous le canal intestinal, et $e réunissent

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d'espace en espace en autant de doubles ganglions ou de nœuds qu’il y a d’anneaux au corps et d’où partent les nerfs du tronc et ceux des membres quand il y en a. La disposition est la môme à peu près dans les cirrhopodes. Dans les mollusques il y a une plus grande diver- sité que dans les articulés. Néanmoins ce sont tou- jours des ganglions communiquant par des cordons et envoyant des filets aux diverses parties externes et in- ternes. Dans les acéphales il y a au-dessus de la bouche un ganglion principal qu’on appelle improprement cerveau et un autre vers l’èxtrémité opposée du corps, derrière la masse des intestins, deux branches ner- veuses établissent une communication entre les gan- glions et embrassent dans leur écartement les viscères, d’autres filets se distribuent aux différentes parties du corps. Dans les mollusques pourvus d’une tête , il y a ml renflement nerveux ou une masse médullaire prin- cipale qu’on appelle cerveau , située en travers sur l’œsophage qu’elle enveloppe d’un collier nerveux, qui se termine en-dessous par un autre ganglion plus gros, ces renflemens envoyent des filets aux parties de la tête et aux différens viscères. Dans quelques-uns il y a en outre quelques autres petits ganglions. Les céphalo- podes seuls ont leur cerveau enveloppé d’une espèce de crâne cartilagineux.

Les caractères généraux du système nerveux des animaux invertébrés consistent surtout dans la dissé- mination des centres nerveux, et en ce que toutes les parties soit externes,' soit internes, soit celles qui ap- partiennent aux fonctions végétatives, soit celles qui appartiennent aux fonctions animales, reçoivent leurs

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filets nerveux des mêmes centres. On verra que dans les animaux vertébrés, au contraire, le système nerveux est disposé tout différemment et d’une manière qui les distingue tout-à-fait des autres animaux.

§ 29. L’action nerveuse ou l’innervation , présente dans les animaux des variétés correspondantes à celles qu’on observe dans la disposition des organes nerveux. Dans les animaux il n’y a point de système ner- veux, et dans ceux ce système n’a point de centre (les rayonnés), les impressions sont immédiatement suivies de mouvemens ; on appelle irritables les ani- maux et les parties dont les mouvemens sont déter- minés par des impressions. Dans les animaux rayonnés c’est la bouche ou l’orifice par lequel ils prennent leur nourriture qui est le point le plus irritable; c’est aussi que le système nerveux commence à apparaître dans les rayonnés qui en sont pourvus. Tous les au- tres animaux ont aussi des parties irritables. Dans les mollusques et dans les insectes les divers ganglions du système nerveux sont rattachés les uns aux autres par des cordons , de manière à former un centre , et il y a des organes de sensation spéciale, les im- pressions reçues par les sens donnent lieu à des sen- sations , et les mouvemens sont déterminés par la volition. Les mouvemens intérieurs cependant, sont produits par irritation; mais l’irritabilité dans ces ani- maux est dans la dépendance du système nerveux. On observe aussi dans ces animaux, et surtout dans les insectes, une faculté qu’on appelle instinct, et qui, comme une impulsion irrésistible, leur fait produire , sans apprentissage et sans imitation , des actions très-

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compliquées, nécessaires à leur conservation et à celle de leur espèce. Les animaux vertébrés , outre l’irrita- bilité, la sensibilité, le mouvement volontaire et l’ins- tinct , ont encore des fonctions cérébrales qui simulent l’intelligence, jusqu’à un certain degré.

§ 3o. Les variétés ou les degrés de complications qui existent dans chaque appareil de fonction , se combi- nent de diverses manières , ce qui constitue des varié- tés de 1 organisation générale. La combinaison la co-existence des divers appareils d’organes est déter- minée; certain état des organes nutritifs ou génitaux exigeant, pour que la vie ait lieu, certain état corres- pondant des organes du mouvement, de la sensibi- lité, etc. D’après un caractère extrêmement tranché de l’organisation, on divise les animaux en vertébrés et en invertébrés. L’homme appartient à la première di- vision.

§ 3i. Quoique les animaux invertébrés diffèrent beaucoup de l’homme , cependant leur étude est d’un grand intérêt pour l’anatomiste et le physiologiste; on y voit l’organisation et la vie dans leur plus grande sim- plicité, et dans une foule de variétés. Ils diffèrent même tellement entre eux qu’ils n’ont aucun caractère commun et positif. D’après l’ensemble de leur organi- sation on les divise en trois grandes sections qui diffè- rent entre elles autant qu elles s’éloignent des vertébrés ; ce sont celles des animaux rayonnés, mollusques et ar- ticulés; et même on trouve encore hors de ces trois divisions, une classe d’êtres douteux que les zoolo- gistes décrivent sous le nom d’infusoires, et que les botanistes réclament parmi les conferves.

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§ 32. Ces animaux équivoques et microscopiques, ont des formes très- simples, diverses, quelquefois chan- geantes; ils sont homogènes, transparens, diffluens ; ils n’ont aucune cavité, aucun organe distinct, cepen- dant ils se meuvent dans les eaux qui les contiennent; ils se nourrissent par imbibition , ils se multiplient par scission spontanée.

§ 33. Les animaux rayonnés constituent un type parti- culier dont le caractère essentiel est dans la forme, qui est celle d’un centre autour duquel les parties sont disposées en rayons. Leur structure, assez simple, pré- sente plusieurs variétés depuis les hydres ou polypes à bras, les plus simples d’entre eux, jusqu’aux astéries. Ils habitent tous l’eau.

§ 34* Les polypes forment une classe extrêmement nombreuse d’animaux rayonnés. Ils sont, en général, allongés, ayant une seule ouverture ou bouche munie d’appendices rayonnés; ils ont une cavité alimentaire; ils digèrent très-vite et absorbent par imbibition; ils produisent des gemmes qui tantôt restant adhérehs, forment des animaux composés, phytoïdes, et tantôt se séparent. Les surfaces extérieure et intérieure sont semblables; la substance intermédiaire est homogène, gélatiniforme; on n’y distingue aucun organe particu- lier, seulement des globules microscopiques. Ils sont tellement régénératifs que, coupés, chaque partie de- vient un individu. La lumière, le bruit, et d’autres causes extérieures produisent sur eux des impressions suivies de mouvemens. Les uns sont fixés au sol , d’au- tres sont libres. Les plus simples de tous sont ceux qui sont nus comme les hydres, etc.; ils ont un sac ali-

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mentaire simple; ils se multiplient par des gemmes ex- térieurs. D’autres qui sont réunis, excrètent de leur sur- face externe une substance cornée ou calcaire appelée polypier. Dans d’autres enfin , qui sont des animaux composés, le corps commun enveloppe une substance sécrétée dont la consistance varie depuis celle de la gelée jusqu’à la pierre.

§ 35. Les acalèpbes , ou orties de mer, ont une forme circulaire ou rayonnante encore plus marquée; on les a comparés à des fleurs rosacées ou radiées. Leur struc- ture est variée; car quelques-uns sont aussi simples que les plus simples des polypes, et d’autres sont bien plus compliqués; la bouche est centrale, garnie de tentacu- les, et conduit dans un estomac souvent ramifié, mais qui n’a point d’autre issue. Il y a pour la génération, des amas de gemmes internes ovariformes dans des ca- vités particulières.

§ 36. Les échinodermes sont les animaux rayonnés dont l’organisation est le plus compliquée : on trouve dans cette classe la forme étoilée, la forme sphéroïde, et la forme cylindrique. Ils ont une cavité intérieure flottent des viscères distincts; leur intestin a des pro- longemens vasculiformes ramifiés dans le corps; quel- ques-uns ont un anus distinct; les organes de la respi- ration sont des canaux aquifères ramifiés; les organes delà génération sont des amas ovariformes de gemmes internes qui aboutissent à la bouche ou à l’anus; ils ont des muscles, et dans la plupart il y a des organes particuliers pour le mouvement , consistant en de nombreux tentacules terminés par des ventouses, et qu on appelle pieds ; la peau est bien organisée , et sou

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vent solide; quelques-uns même ont des filets ner- veux.

§3 7. Les animaux articules constituent une division du règne animal dans laquelle le corps est symétrique, divisé à l’extérieur en un certain nombre d’anneaux ou de segmens mobiles les uns sur les autres , et formés par la peau plus ou moins ferme, et quelquefois dure, excepté dans les intervalles des anneaux elle con- serve toujours sa mollesse et sa flexibilité. Leurs muscles sont attachés en dedans de la peau ; leurs nerfs sont des cordons renflés d’espace en espace, situés au-dessous du canal intestinal. Du reste ce type comprend des or- ganisations extrêmement variées.

Les uns sont vermiformes , dépourvus de tête et de pieds articulés, et réduits au mouvement de reptation. Ce sont les vers et les annélides.

§ 38. Les vers intestins ou helminthes qui ont quelques rapports avec les rayonnés, ont en général le corps al- longé, cylindrique ou déprimé , nu , mou ; ils n’ont aucun organe de respiration ni de circulation. Leur génération est gennnipare interne, et sexuelle, ovipare; ils habi- tent le corps des autres animaux; ils offrent d’ailleurs des degrés d’organisation très-différens. Les plus sim- ples de tous, les cestoïdes (les ligules) ressemblent à un long ruban strié, et marqué d’une ligne longitudinale; on n y aperçoit aucun organe extérieur, pas même des suçoirs, et à l’intérieur, rien que des corpuscules ovi- formes dans la masse du corps. D’autres dont les for- mes sont très-variées ( trématodes et ténioïdes ) ont seulement à l’extérieur des suçoirs plus ou moins nombreux , quelquefois ramifiés dans le corps , qui

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présente aussi d’autres canaux gemmifères ou ovan- fères. Les acanthocépliales ( éehinorhynques ) , ont une trompe armée de crochets pourvus de muscles; ils ont deux petits intestins sans issue ; ils ont aussi des ovi- ductes distincts, ou des vessies spermatiques suivant les sexes qui sont séparés. Les nématoïdes ou cavitai- res, comme les ascarides , etc., ont encore une orga- nisation plus compliquée : ils ont une bouche , un anus, un canal intestinal flottant dans une cavité abdominale distincte. Leur peau extérieure est garnie de fibres musculaires, et en général striée transversalement; ils ont des organes génitaux distincts , consistant en très- longs canaux. Les sexes sont séparés. Ils ont un anneau nerveux qui entoure la bouche et deux longs cordons l’un dorsal et l’autre ventral ; ils ont aussi deux vais- seaux latéraux, spongieux.

§ 39. Les annélides, ou vers à sang rouge, sont des ani- maux vermiformes dont le corps allongé est divisé en anneaux nombreux, dont le premier, qui se nomme tête, est peu différent des autres, la bouche est ou un tube, ou des mâchoires. Il y a un intestin plus ou moins long qui traverse le corps; il y a un système double d’artères et de veines sans cœurs bien marqués ; le sang est rouge; la respiration est branchiale. Ils sont hermaphrodites avec accouplement réciproque; ils ont des muscles et la plupart des soies roides qui servent de pieds; ils ont à la tête des tentacules, et quel- ques-uns des points noirs qu’on prend pour des yeux; leur système nerveux est un cordon noueux.

§ 4o. Les autres animaux articulés sont tous pour- vus d’une tête, ont tous des yeux simples ou coinpo-

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ses; leur bouche très-compliquée se ressemble beau- coup et présente deux modifications, dans l’une il y a pour broyer , plusieurs paires de mâchoires latérales , dont l’antérieure porte le nom de mandibules, et souvent des palpes, filamens articulés qui paraissent servir à reconnaître les alimens ; dans l’autre une trompe pour sucer. Les organes de la digestion sont compli- qués et très-variés. Ils jouissent de l’odorat, mais le siège n’en est pas bien déterminé. Ils ont tous un ab- domen , un thorax qui soutient au moins six pattes articulées. Leur peau est encroûtée et solide ; chaque article des pattes est tubuleux et contient les muscles de l’article suivant: toutes les articulations des pattes sont des gynglymes. La génération est sexuelle et ovi- pare. Cette section contient trois grandes classes , celles des insectes, des arachnides et des crustacés.

§ 4 1 Les insectes , ou les héxapodes, ont le corps com- posé de segmens ou anneaux nombreux et partagé en trois portions principales, et des pattes articulées au nombre de six, une tête distincte munie d’yeux et de deux antennes, un thorax qui porte les pieds, et les ailes quand il y en a , et un abdomen qui renferme les principaux viscères. La bouche est une partie très-composée : dans les uns, broyeurs, il y a des mâchoires latérales, dans les suceurs il y a une trompe. Le canal intestinal plus ou moins long, renflé, étranglé etc., se termine par un anus. Il y a un vestige de cœur, c’est un vaisseau attaché le long du dos divisé en segmens par des étranglemens, et qui éprouve des contractions alternatives. Mais on n a pu y découvrir de branches. Le liquide qu’il con- tient est blanc et paraît y pénétrer comme dans toute

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la niasse du corps par imbibition. La respiration se fait au moyen de trachées ramifiées et réunies en deux troncs principaux. Les organes sécrétoires consistent en de longs vaisseaux ou canaux spongieux repliés sur eux-mêmes plongés dans la masse du corps et aboutis- sant dans l’intestin ou ailleurs suivant l’usa<re de leur

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produit. Les sexes sont séparés. Les organes génitaux aboutissent en général dans l’anus. Ces animaux ne s’ac- couplent qu’une fois dans leur vie. La femelle fécondée dépose ses œufs dans un endroit convenable. L’œuf produit un animal vermiforme qu’on appelle larve, celle-ci se change en une chrysalide qui est dans un état de mort apparente, de celle-ci enfin sort l’insecte parfait, qui bientôt se reproduit et meurt. Ces chan- gemens considérables de forme extérieure accompa- gnés d’autres changemens, un peu moins grands dans la structure, sont appelés métamorphoses; tous les in- sectes > excepté les thysanoures , et les parasites qui, par leur ressemblance avec les mites , se rapprochent des arachnides, les subissent; quelques-uns ne les su- bissent pas toutes. Les organes des mouvemens sont des muscles et la peau endurcie par une matière cornée quelle contient dans son épaisseur; il y a six pattes articulées, quatre ailes dans la plupart, deux ailes dans

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quelques-uns; un petit nombre seulement est dépourvu d’ailes. Les mouvemens sont très -variés, ce sont la marche, la course, le saut, le vol. Les organes des sensations sont des yeux composés, et dans plusieurs des yeux lisses ordinairement au nombre de trois; des antennes et des palpes. Ils jouissent de l’odorat et de l’ouïe mais on n’en connaît pas les organes. Le

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système nerveux a la disposition indiquée § 28, et se termine en avant par un petit renflement ou cerveau, situé sur l’œsopliage et qui fournit aux yeux et aux autres parties de la tète.

§42. Les arachnides ou octopodes, dont la tête pri- vée d’antennes j se confond avec le thorax, ont huit pattes, et point d’ailes. Le canal alimentaire commence dans les unes par une bouche à deux mandibules la- térales, dans les autres par une bouche en suçoir. La plupart ont des palpes, elles sont sujettes à des mues ou changemens de peau et non à des métamorphoses. Les sexes sont séparés, la génération est ovipare, la plupart ont des yeux visibles dont le nombre et la si- tuation varient.

Elles présentent deux degrés d’organisation ; le premier ou le plus simple est celui des artères trachéennes, il n’y a pas d’organes de circulation plus appareils que dans les insectes ; les organes de respirations sont des trachées rameuses distinctes entre elles. Le plus com- posé est celui des artères pulmonaires ou branchiales ( araignées, tarentules, scorpions). Elles ont un cœur musculaire simple, dorsal, allongé, cylindrique, branchial ou pulmonaire, d’où partent des vaisseaux pour les organes respiratoires qui sont des sacs pu- lmonaires, et de pour tout le corps. Il y a aussi un loie composé de grains ou de lobules rassemblés en grappes. Les organes sexuels sont doubles dans chaque sexe. Quelques-unes s’accouplent plusieurs fois et vivent plusieurs années. Les scorpions sont ovovivi- pares. N

S 43. Les myriapodes ou mille-pieds forment un petit

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groupe d’animaux intermédiaires aux crustacés, aux- quels ils ressemblent par la configuration , et aux in- sectes dont ils se rapprochent par la structure; tout en différant encore des uns et des autres. Leur corps est allongé, formé d’une suite ordinairement considé- rable d’anneaux portant chacun une ou deux paires de pieds. Leur tête porte deux antennes et deux yeux. Leurs mandibules et leurs mâchoires ont de l’analogie

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avec celles des crustacés. Leur respiration est tra- chéale. En sortant des œufs, les petits ont six pieds et sept ou huit anneaux ; les autres pieds et les an- neaux qui les supportent se développent avec 1 âge.

§ 44* Les crustacés sont les animaux articulés à pieds articulés les plus compliqués en organisation. La tête etde reste du tronc sont tantôt confondus, tantôt dis- tincts. Il y a une queue plus ou moins prolongée di- visée en segmens. Ils ont en général quatre antennes. La plupart ont la bouche disposée pour broyer, et ont pour cela plusieurs mâchoires , au moins six , toujours latérales. Il y a toujours au moins cinq paires de pattes pour le mouvement, mais dont la forme varie selon le genre de mouvement. Le nombre des pattes locomo- tiles est en raison inverse de celui des mâchoires : en effet les pieds antérieurs se rapprochent des mâchoires, en prennent la forme , en remplissent une partie des fonctions, et peuvent même les remplacer en entier. Ils ont pour la respiration des branchies pyramidales , lamelleuses, filamenteuses ou en panaches, qui tien- nent en général aux bases d’une partie des pieds, ou qui même les remplacent en partie. Leur circulation est double ; le sang qui a été soumis â la respiration

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se rend dans un grand vaisseau ventràl, aortique qui h; distribue à tout le corps, d’où il revient dans un autre «nand vaisseau ou même un vrai ventricule dorsal qui le renvoie aux branchies. Ils ont un foie plus ou moins divisé, ou même en canaux désunis; suivant l’état du cœur. La génération est sexuelle ovipare, sans vé- ritables métamorphoses. La plupart transportent leurs œufs. Ils habitent tous l’eau. Ils présentent d’ailleurs des variétés d organisation assez grandes. Les mâ- choires, les pattes et les branchies, sont dans un rapport tel qu’on a regardé ces appendices comme étant du même genre, les premiers résultant dune transformation des derniers. La plupart ont un test, plus ou moins solidement crustacé cpmme le reste de la peau , et qui couvre le tronc et dans quelques-uns la tête même. Dans plusieurs ordres, l’estomac très- musculeux est pourvu d’un squelette cartilagineux et de tubercules ou de dents. Le canal intestinal est en gê- néral court et droit. La position des organes génitaux varie; ces organes sont doubles dans quelques genres. Les yeux présentent diverses variétés : ils manquent tia«6 un petit nombre; dans d’autres les deux yeux Sont très -rapprochés et comme confondus en un seul; quelques-uns ont des yeux composés soutenus sur un pedioule mobile. Enfin dans quelques crustacés déca* pod|es> il y a des -organes- distincts pour (l’ouïe. ' *§;46. Les anim mollusques forment une division des invertébrés dans laquelle un trouve ’en général' une lorme symétrique «m'binaire ,maispMU’t1d:’atticalatioiisL lis ont des estomacs simples Op hUtlliptas , quelquefois ^arnisde partiesdttrfeÿ^et desbvttqtins'dteersefnentpro-

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longés. La plupart ont des glandes sali vaires; tous, un foie volumineux ; et plusieurs, des sécrétions particulières. Leur circulation est double; il y a toujours au moins un ventricule cliarnu ; ce ventricule est aortique ; il -reçoit le sang des organes la respiration et le ren- voie dans les artères du corps. Dans ceux qui ont plus d’un ventricule, ils ne sont pas réunis en une seule masse; ils forment plusieurs cœurs distincts. Le sang est bleuâtre. Les organes de la respiration varient as- sez pour que les uns respirent l’air et les autres l’eau. La génération présente aussi toutes ses variétés : les uns étant sans sexes et produisant sans accouplement des petits vivans ; les autres étant hermaphrodites avec ac- couplement réciproque : dans d’autres , les sexes étant séparés. Les œufs de ceux qui ont des sexes, ont tantôt une simple viscosité pour enveloppe, d’autres ont une coquille plus ou moins dure. Ces animaux sont très-fé- conds et ont la vie très-tenace. Leurs muscles sont at- tachés à l’intérieur d’une peau molle et contractile. Leurs mouvemens sont produits par des parties dé- pourvues de leviers solides. Ils sont très - irritables. Leur peau nue est enduite d’une humeur mu- queuse qu elle laisse suinter. Ils ont presque tous un développement de leur peau , qui recouvre le corps comme un manteau, en prenant toutefois diverses figures. Quelquefois ce manteau reste mou, mais le plus souvent il se forme dans son épaisseur une ou plu- sieurs lames, quelquefois cornées , le plus souvent calcaires ; ordinairement cette substance est assez éten- due pour que l’animal puisse s’en envelopper totale- ment: c est ce qu’on appelle une coquille. Beaucoup sont

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privés d’yeux, quelques-uns en ont de rudimentaires, d’autres en ont de très-développés. Leur système ner- veux consiste en masses médullaires dispersées d&ns le corps, et dont la principale est située en travers sur l’œsophage qu elle entoure d’un collier nerveux. Ils ont peu d’instinct. La plupart habitent l’eau.

Ils offrent d’ailleurs plusieurs degrés d’organisation : les uns se rattachent aux rayonnés, d’autres aux arti- culés , d’autres , par la complication de leur organisa- tion, approchent des vertébrés.

§ 46. Les acéphales sans coquilles , ou tuniciers , ont quelque ressemblance avec les animaux rayonnés. Il y en a qui sont réunis en un corps commun comme des polypes; parmi eux les uns sont disposés eh^étoiles , les anus étant au centre et les bouches à la circonfé- rence; d’autres forment un cylindre dans lequel abou- tissent les anus, les bouches étant ouvertes à l’exté- rieur; d’autres ont les viscères prolongés dans une masse commune, et la bouche rayonnée et l’anus rapprochés vers l’extrémité libre du corps. Il y en a d’autres qui restent seulement unis long-temps après leur naissance : ils ont, quand ils sont séparés, la forme d’un tube con- tractile ouvert aux deux bouts, et dans l’épaisseur duquel sont placés les viscères ; d’autres enfin , fixés aux rochers , ont la forme de deux tubes engainés dans 1 intervalle desquels ils font passer l’eau. Ils ont d’ail- leurs tous un canal alimentaire à deux orifices, des branchies, un foie, un cœur, et des ovaires ou des gemmes internes qui produisent, sans accouplement, des petits vivans; ils ont tous aussi des ganglions et des filets nerveux.

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§ 4ÿ- Lescirrhopodes forment un petit groupe d’ani- maux intermédiaire entre les mollusques et les arti- culés. Leur eolps T'accourci, sans tête et sans anneaux transverses, est muni d’un manteau et d’une coquille hiultivalve qui ressemblent à ceux des acéphales; ils ont à la bouche des mâchoires latérales, et le lon<* du ventre des appendices articulés, disposés par paires, délit peau est cornée, qui ressemblent aux pieds- nageoires de la queue de certains crustacés, et qu’on appelle cirrhes. L’estomac est garni de beaucoup de petites cellules qui paraissent faire l’office de foie; l’intestin est simple; il y a un cœur dorsal et des bran- chies latérales; il y a un double ovaire ou amas de genimes internes, et un double canal setpentin pour la sortie des petits. Cës animaux sont Sessiles ou pédi- culés, mais toujours fixés; leur système nerveux est une série de ganglions sous le ventre.

§ 48. Les mollusques acéphales ou conehyfères ont le corps dépourvu de tête, contenant tous les viscères, et enveloppé en totalité, comme un livre dans sa coüvërtüre, par le manteau ployé éii deüN et garni dVrie coquille calcaire en général bivalve, quelquefois muitivaïvè. bouche est garnie de feuillets tentacu-

laires, câchés soüS le manteau; l’aiius ëst caché de la iinême manière à l’autre extrémité; il ÿ a quatrë feuil- lets branchiaux très - grânds; le féië est volumineux

et embrassé l’estomac et une partie de l’intestin , qui varié beaucoup. Le pied, lorsqu'il ëxistè, est attaché entré' les quatre branchies ; c’est une masse charnue

qui se meut à la manière de la langue des mammi- fères. Le cœur est généralement unique , aortique, situé

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DES CORPS ORGANISÉS.

du côte du dos. Ils ont un ou deux nu,tscfos qui forment la coquille, et un ligament élastique qui l’ouvré; ils ont UP ganglion principal situé au-dessu§ de la bon- ihe, réuni pardeux cordons nerveux, à UU autre opposé, et quelques autres nerfs et ganglions. fis engendrent , sans accouplement, des petits vivans.

Les brachiopodes sont d’autres acéphales peu nom- breux (qui, au lieu de pieds ont deux bras charnus ; ils paraissent avoir deux cœurs aortiques; un intestin re- plié entouré du foie. On ne connaît pas bien leur gé- nération ni leu? système nerveux.

§ 4q. Les gastéropodes sont des moUjusqnes céphalés qui rampent généralement sur un disque charnu, placé sous le ventre, et dont le dos est reeauvertpar 1 e manteau qui varie enéltendueet en figure, et qui produit générale ment une coquille univalve au multiyaiv,e. Il y a, dans cette classe, des mollusques, dont les organes de la res- piration et la coquille ne sont point symétriques. tête , placée en ayant, et plus ou moins dégagée de dessous le manteau a ordinairement des tentacules au nom foc de deux , quatre ,ou six , placés au-dessus de la bouche , qui servent au tact, à la vue, et pçùt-rêtre à l’odor-at. Il y a ordinairement aussi des yeux petits , punctiformes , tenant à la tête ou aux tentacules; les organes de la digestion sont très-variés; il n’y a jamais qu’un cœur, qui est aortique : dans ceux qui sont point symétri- ques il est à gauche dans plupart , et à droite dans les perverses. Les organes respiratoires varient beaucoup ; la plupart ont ides branchies, quelques-uns respirent 1 air en nature, fl en est de même de la génération, qui présente toutes les variétés ;.unisexueHe sans accou-

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plement; hermaphrodite avec accouplement récipro- que; et à sexes séparés.

Les ptéropodes forment un petit groupe de mollus- ques entre les acéphales et les céphalés.

§ 5o. Les céphalopodes forment une petite classe qui comprend les animaux inarticulés les plus compli- qués dans leur organisation, et qui de même que les crustacés parmi les articulés se rapprochent le plus des animaux vertébrés.

Ce sont des animaux mollasses dont le corps est en- veloppé dans un sac formé par le manteau qui par ses côtés s’étend plus ou moins en nageoires, et dont l ouverture donne passage à une tête ronde couronnée de pieds ou bras charnus garnis de ventouses, qui servent à marcher , à saisir et à nager. La bouche située entre les bases des pieds est armée de deux fortes mâ- choires de corne comme un bec de perroquet; il y a une langue hérissée de pointes cornées; un œsophage renflé en jabot, un second estomac musculaire comme un gé2ier, et un troisième membraneux; un intestin simple et peu prolongé qui aboutit dans l’ouverture du sac devant le col. Il y a un double système d’artères et de veines, deux ventricules branchiaux et un ven- tricule aortique. Les organes respiratoires sont deux branchies situées dans le sac l’eau entre et sort pour la respiration. Il y a un foie très -grand qui verse la bile par deux conduits dans le troisième estomac. Ges animaux ont une excrétion particulière, noire, produite par une glande et déposée dans un réservoir. Les sexes sont séparés; il y a un ovaire, deux oviductes qui y prennent les œufs et les conduisent au dehors au

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travers de deux grosses glandes qui les enveloppent de matière visqueuse et les réunissent en grappes; il y a an testicule, un canal déférent qui aboutit à un pénis charnu à côté de l’anus ; une vésicule et une prostate y aboutissent également. Il paraît que la fécondation se fait par arrosement des œufs. L’œil est formé de nombreuses membranes et recouvert par la peau qui est transparente en cet endroit, et qui forme même quel- quefois des replis ou paupières. Il y a pour chaque œil un gros ganglion d’où sortent des nerfs innombrables. L’oreille est une petite cavité simple, creusée de cha- que côté près du cerveau, sans conduit extérieur, et est suspendu un sac membraneux qui contient une petite pierre. Le cerveau est renfermé dans une cavité cartilagineuse qui est un rudiment de crâne.

§ 5i. Telle est l’immense série des animaux inverté- brés x. Ils forment, comme on l’a vu, trois embranche- mens ou types différens. On a vu qu’il y a dans chaque type une ressemblance générale et aussi divers degrés de complication et de sation.

Les rayonnés sont évidemment les plus simples; ils se rapprochent pai; quelques-uns d’entre eux des in- fusoires; les plus compliqués mêmes , parmi eux, n’ont encore aucun organe central de circulation et aucun organe nerveux prédominant; manquant d’organes cen- traux ils manquent d’unité organique ou vitale.

Après les rayonnés viennent les mollusques et les ar- ticulés. Quant à l’ordre de supériorité organique de

1 V oyez. De Lamarck. Hist. nalur. des animaux sans ver- tèbres.

perfectionnement dans l’organi-

INTRODUCTION.

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ees deux embranchemens il est assez difficile à déter- miner ; car si d une part les articulés sont inférieurs aux mollusques sous le rapport des organes et des fonctions végétatives, puisque beaucoup d’entre eux sont dé- pourvus d’une véritable circulation, fonction qui au contraire existe dans tous les mollusques; d’un autre côté ceux-ci sont inférieurs aux articulés sous le rap- port du développement et du rapprochement des masses nerveuses et surtout sous le rapport de l’irfetnVfct si parfait , dans quelques articulés , qu’il les rapproche beaucoup des vertébrés.

Des animaux vertébrés.

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§52. Les animaux vertébrés constituent un type ou un mode d’organisation auquel appartiennent l’homme et les animaux qui lui ressemblent le plus. Ils se rappro- chent des invertébrés par les organes des fonctions vé- gétatives , mais ils en différent beaucoup par ceux des fonctions animales. Leur conformation extérieure est , à l’exception près d’un genre, exactement symétrique; c’est- a- dire que leurs organes des sensations et des môuvemens sont disposés par paires aux deux côtés d’un axe ou d’un plan médian. Ils atteignent une grande taille ; c’est parmi eux que se trouvent les plus grands animaux , ce qu ils doivent aux os qui soutiennent leurs parties molles. Leur corps se com- pose toujours d’un tronc, et, à peu d’exceptions près, de membres. Le tronc est soutenu dans toute sa lon- gueur par le rachis, colonne composée de vertèbres mobiles les unes sur les autres, à 1 une des extrémités

DES CORPS ORGANISÉS. f»n

y

de laquelle est la tète, et dont l’autre extrémité se prolonge généralement en une queue. Cette colonne , en partie solide, est creusée d’un canal, qui contient la moelle épinière. La tête est formée du crâne, qui renferme le cerveau, et de la face, qui se compose des mâchoires et des réceptacles des sens. Le reste du tronc forme une ou deux grandes cavités qui contien- nent les organes des fonctions végétatives. Dans la plu- part il y a, aux côtés de la colonne, des arcs osseux, ou côtes , qui garantissent la grande cavité splanchnique et dans le plus grand nombre ces côtes s’articulent en avant avec le sternum. Les membres ne sont jamais au nombre de plus de deux paires, qui manquent quelquefois l une ou l’autre ou même toutes deux : ils ont d’ailleurs des formes variées et relatives aux mouvemens qu’ils doivent exécuter.

Les vertébrés ont tous deux mâchoires horizontales garnies, dans la plupart, de dents, corps durs analo- gues aux os par leur composition chimique, et aux cornes par leur mode de formation. Dans ceux qui n’ont pas de dents ( les oiseaux et les tortues ) , on trouve une véritable matière cornée à la place. Dans tous les ver- tébrés , le canal intestinal , étendu de la bouche à lanus et présentant divers renflemens, est garni de glandes sécrétoires, savoir : les glandes salivaires, le pancréas et le foie. Dans tous il y a des artères , des veines , un cœur diversement conformé et des vais- seaux chylifères et lympathiques. Dans tous le sang est rouge. Dans une classe seulement (les poissons), d y a des branchies ; dans les autres l’organe respira- toire est un poumon. La respiration d’ailleurs est plus

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INTRODUCTION.

ou moins grande ou parfaite , suivant les classes. L’or* gane de la sécrétion delà hile, le foie, reçoit, dans tous les vertébrés, du sang rapporté des intestins et de la rate par îa veine-porte. Tous ces animaux ont aussi des reins qui secretent 1 urine, et la plupart une vessie ou réservoir pour cette humeur excrémentitielle. Les sexes sont toujours séparés; la femelle a un ou deux ovaires, d’où les œufs se détachent. Le mâle les féconde par la liqueur spermatique, mais le mode de fécondation varie beaucoup, ainsi que d’autres phé- nomènes de la génération.

Les muscles, outre ceux qui forment le cœur et ceux qui appartiennent à la peau, à la membrane muqueuse, et aux sens, sont en très-grand nombre et s’insèrent à des os intérieurs mobiles les uns sur les autres. Tous ceux qui ont un poumon ont aussi un larynx , quoique tous n’aient pas de voix. Les sens sont dans tous, deux yeux, deux oreilles, le nez, la langue et la peau; cette membrane étant d’ailleurs pourvue de diverses parties protectrices. Mais c’est essentiellement le système nerveux qui , par sa dis- position , distingue les vertébrés. Dans les inverté- brés, les mêmes renflemens nerveux, plus ou moins écartés, fournissent des filets tout à la fois aux or- ganes des fonctions végétatives et à ceux des fonctions animales; ici, au contraire, outre ces ganglions dont les filets sont confinés aux organes des fonctions végé- tatives, il y a un centre particulier avec lequel com- muniquent ces renflemens , et d’où partent, ou bien aboutissent les nerfs des organes des sensations et des mouvemens. Ce centre, parfaitement symétrique,

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consiste en un gros cordon renfermé dans le rachis et prolongé dans le crâne il présente divers renflemens, et est surmonté par deux organes nerveux, compli- qués, plus ou moins volumineux , qu’on appelle le cervelet et le cerveau. Ce centre nerveux est enveloppé dos solidement unis entre eux et qui le protègent contre les atteintes extérieures. On peut regarder cette fonc- tion des os comme une des plus importantes qu’ils remplissent.

§ 53. Outre les genres d’humeurs et d’organes qui sont communs à tous, ou du moins à la généralité des ani- maux, on en trouve encore dans l’embranchement des vertébrés qui n’existent pas dans les autres ; ce sont le sang rouge, les Taisseaux chylifères et lymphatiques, les os, les ligamens et les tendons, les membranes sé- reuses et synoviales.

Dans tous les invertébrés, le liquide nourricier est d’une seule couleur et blanc ou bleuâtre, excepté dans les annélides , il est rouge. Dans les vertébrés au contraire les artères, les veines, et le* cœur, contien- nent du sang rouge, liquide composé de sérum inco- lore dans lequel nagent des corpuscules formés d’un globule central et d’une enveloppe colorée. Sa com- position est plus grande que d^ns les invertébrés. Un liquide peu coloré ou blanchâtre, est contenu dans les vaisseaux chylifères qui commencent à 1 intestin et dans les vaisseaux lymphatiques qui naissent de toutes les parties du corps; les uns et les autres très-analo- gues aux veines, aboutissent dans ces derniers vais- seaux.

Les os sont des parties dures, propres aux verté-

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INTRODUCTION.

brés; iis sont situés à l’intérieur; ils sont dune nature organique consistant en une masse de substance cel- lulaire serrée, imprégnée d’une grande proportion de phosphate de chaux. Ils servent d’enveloppe aux cen- tres nerveux: ils reçoivent et transmettent le mouve-

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ment musculaire ; ils seryent enfin de soutien et d’ap- pui à toutes les parties, et par-là déterminent la forme du corps. Dans les invertébrés les parties dures sont en général transsudées à la surface de la peau, et consistent en coquilles, croûtes, écaillés de carbonate de chaux ou de substance cornée. Ce dernier genre se retrouve aussi dans les vertébrés-, il affecte des dispositions extrêmement variées r comme celtes d’é- cailAes, de plumes , de Ipoils, de eoirrres ; toutes parties analogues entre elles par leur composition et leur mode de formation. On trouve encore dans les vertébrés un genre d’organes qui leur est à peu près particulier, ce sont les tendons qui attachent les muscles aux oa, et lies ligamens qui en tourent les articulations des os; ces liens ou attaches sont de la substance cellulaire ti’ès- condensée, dont toute la foncttion réside dans leai ténacité.

Les membranes séreuses et syuoviail/es sont encore des .parties formées par la substance cellulaire conden- sée et disposée en vessies à parois contiguës partout la continuité es t interrompue entre les parties ; dans les cavités splanohinques elles séparent les viscères des parois, dans les articulations mobiles elles contiennent un liquide qui humecte les extrémités contiguës des os.

§ 54. Mais ce qui distingue les vertébrés, c’est non- seulement l'action des organes qui leur sont propres.

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savoir un système nerveux plus concentré, et dont les parties centrales sont plus volumineuses, d’où résulte une apparence d’intelligence qui se distingue de l’ins- tinct, un certain degré d’éducabilité, etc.; c’est non- seulement l’influence que ces organes exercent sur les autres pour en diriger l’exercice; mais c’est surtout la concentration de la vie dans les organes centraux ou prédominans : dans le cœur, et dans le centre ner- veux, et dans l’action de ces deux parties l’une sur l’autre. Cependant encore sous ce rapport il y a des différences assez grandes entre les vertébrés.

§ 55. Les animaux vertébrés, qui seressemblent par tant de caractères, présentent en effet ainsi de grandes diffé- rences. La ressemblance existe surtout dans la partie cen- trale du système nerveux, et dans son enveloppe, c’est-à- dire dans la moelle et dans le rachis; et les différences dans les extrémités et à la surface : ainsi dans le cer- veau, le crâne, les sens, la face, les organes du mou- vement, les membres et la peau. De même dans les organes des fonctions végétatives , le cœur présente bien des différences, mais elles sont surtout très-grandes dans les organes et les phénomènes de la respiration ; et comme l’action des muscles et du système nerveux dépend beaucoup de la respiration , les variétés de cette fonction en déterminent de correspondantes dans les fonctions animales. Ainsi dans les mammifères, la circulation est double, c’est-à-dire que tout le sang rapporté du corps est envoyé au poumon avant de re- tourner au corps, et la respiration est aérienne, 1 action musculaire a de la force. Dans les oiseaux, la circulation est double, et la respiration, aérienne

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aussi , ne se borne pas au poumon , mais s’étend dans divers endroits du corps, la vigueur des muscles est encore plus grande ; elle est faible , et les mouvemens sont lents et souvent interrompus dans ies reptiles, la circulation est simple, et par conséquent la respiration partielle, puisqu’une partie du sang seulement est sou- mise à l’action de l’air avant de retourner au corps. Les poissons ont bien une circulation double , mais leur respiration ne peut être complète à cause de la petite quantité d’air que contient l’eau qu’ils respirent; aussi sont-ils , pour la station , presque en équilibre dans l’eau. Les animaux des deux premières classes ont le sang bien plus chaud que ceux des deux dernières, qu’on appelle pour cela vertébrés à sang froid.

La génération offre aussi une différence très-notable d’après laquelle on divise les vertébrés en ovipares et en vivipares ou mammifères.

§ 56‘. Les vertébrés ovipares se ressemblent surtout par leur mode de génération, ils ont aussi quelques caractères communs d’organisation dans le système nerveux et dans les os qui l’enveloppent.

La génération ovipare consiste essentiellement en ce que le germe est renfermé dans ses enveloppes avec des matières nutritives suffisantes pour le nourrir jus- qu’à l’éclosion; de sorte que $i l’œuf demeure à 1 in- térieur, il ne se greffe point aux parois de l’oviducte, mais qu’il en reste séparé. La nourriture du petit est contenue dans un sac qui fait partie de son intestin, et qu’on appelle le vitellus ou le jaune de 1 œuf. Le germe n’en est d’abord qu’un appendice imperceptible , mais à mesure qu’il se nourrit et s’accroît par l absorption

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«lu jaune, celui-ci diminue en proportion, et finit par disparaître vers l’époque de féclosement. Les fœtus des ovipares à poumons (les oiseaux et les reptiles, excepté * les batraciens), ont de plus une membrane très-yascu- laire, qui paraît servir à la respiration, et qui est un prolongement de la vessie : c’est l’allantoïde ; elle n’existe pas dans les poissons ni dans les reptiles ba- traciens dont les petits sont pisciformes. Certains rep- tiles et poissons gardent les œufs à l’intérieur jus- qu’à féclosement; c’est ce qu’on appelle des ovovivi- pares. '

Le prolongement de la moelle dans le crâne présente , dans les ovipares, des tubercules dits quadrijumeaux très-développés , le cervelet et le cerveau au contraire le sont fort peu, et il n’y a point de pont de varole ni de corps calleux. Leurs os du crâne sont très, ou très long-temps subdivisés j leurs sens ne sont point aussi complets que dans les vivipares ; leur mâchoire inférieure, très-compliquée, s’articule par une facette concave sur une partie saillante du temporal, qui est distincte du rocher; leurs orbitres ne sont séparés que par une membrane ou par une lame osseuse du sphé- noïde. Quand ils ont des membres antérieurs, sou- vent les clavicules se réunissent et forment une four- chette, et les apophyses coracoïdes allongées s’articu- lent avec le sternum. Le larynx est assez simple et manque d’épiglotte, etc. Il n’y a point un diaphragme complet entre la poitrine et l’abdomen.

Les ovipares se divisent d’après leur respiration, leur température, l’atmosphère qu’ils habitent, leur genre de mouvemens, les appendices de leur peau , etc. ;

64 INTRODUCTION.

en trois classes : les poissons, les reptiles, et les oi- seaux.

§57. Les poissons ont un mode d’organisation évidem- ment disposé pour la natation ; ils sont suspendus dans un liquide presque aussi pesant qu’eux-mêmes. Beau- coup ont dans le corps, sous la colonne vertébrale, une vessie pleine d’air qui , en se comprimant ou en se di- latant, fait varier la pèsanteur spécifique de l’animal. La tête, variable pour la forme, est d’une structure fort compliquée, soit dans le crâne, soit dans les mâ- choires, soit dans la distribution des dents. Les mem- bres sont fort réduits en étendue, et conformés en na- geoires; d’autres nageoires occupent le dos, le dessous de la queue et son extrémité. Le nombre des membres varie; le plus souvent il y en a quatre, quelquefois deux, quelques-uns en manquent touUà-fait, Leur po- sition et leur connexion avec le tronc varient aussi beau- coup. Les organes de la digestion varient également; ie pancréas est en général remplacé par des appendices intestinaux. La circulation est double, c’est-à-dire que la totalité du sang passe par l’organe respiratoire, mais l’atmosphère respirée est l’eau aérée : pour cela ils ont aux côtés du col un appareil d’organes appelés bran- chies , ce sont des feuillets attachés à des arceaux laté- raux de l’os hyoïde, et Composés de beaucoup de lames membraneuses couvertes d’un lacis d’innombrables vaisseaux sanguins ; cette ouverture est en outre gar- nie d’une membrane branchiale soutenue par des rayons l’hyoïde , et jd’un opercule Osseux. L'eau que le poisson presse dans la bouche comme pour 1 avaler, s’éehappe entre les divisions des branchies, et agit sur

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des corps organisés.

le sang. Le cœur n’a qu’une oreillette qui reçoit les veines du corps, et un ventricule branchial. Le sang, après avoir traversé les branchies, se rend dans un gros vaisseau situé sous l’épine du dos, et qui, faisant les fonctions de ventricule et d’aorte, l’envoie dans toutes les parties du corps. Les poissons ont des reins allongés sur les côtés de lepine, et une vessie. Leurs tes- ticules sont deux énormes glandes connues sous le nom de laite; leurs ovaires ne sont pas moins volumineux; dans la plupart, les œufs sont pondus d’abord, et le mâle les arrose pour les féconder ; dans quelques-uns il y a accouplement et intromission de sperme : ceux-là sont pour la plupart ovovivipares. Les muscles qui forment une si grande partie de la masse de îeur corps sont blancs, très-irritables, et ont une organisation moins parfaite que dans les autres classes. Il en est de même des os : dans quelques-uns d’entre eux , les chondroptérygiens, les os restent cartilagineux ; la subs- tance calcaire n'y forme pas des filamens , mais elle y reste par grains isolés ; dans quelques-uns même les articula- tions du rachis n’existent pas; dans les autres, les os quoique fibreux et calcaires , varient beaucoup en soli- dité , et diffèrent notablement des os des autres classes. Les côtes sont souvent soudées aux apophylebles trans- verses. Les sens sont peu parfaits; les narines sont ébau- chées sous forme de fossettes au bout du museau; l’œil a une cornée plate, peu d’humeur aqueuse, et un crys- tallin presque sphérique ; l’oreille consiste en un sac vestibulaire, qui contient suspendus des os pierreux , en trois canaux demi-circulaires membraneux, situés en général dans la cavité du crâne; quelques genres seule-

i.

ttà IPÎTRODÜCTtpiV.

ment ont une fenêtre ovale, située à la surface exté- rieure; le,ur langue est le plus souvent osseuse et dentée , ou cornée ; la plupart opt toute la peau couverte d’é- çailies; quelques-uns ont des barbillons charnus qui peuvent servir au toucher. Le prolongement de la moelle dans le crâne se termine antérieurement par des renflemens d’où partent les nerfs olfactifs.

La classe des poissons présente, dans la nature du squelette, et dans le mode de génération, une division assez tranchée : en cartilagineux et en osseux.

G’e.st dans cette classe de vertébrés que l’on trouve un genre (celui des pleuronectes ou des poissons plats), il y a un défaut de symétrie dans la tête, tel que les deux yeux sont du même côté.

> § 58. Les reptiles présentent dans leur configuration ,

dans leur structure et dans leurs fonctions, des variétés beaucoup plus grandes qu’aucune des trois autres classes des vertébrés. En effet les uns ont quatre pieds, d’autres en ont deux en avant, d’autres deux en ar- rière, d’autres point. Dans les uns le corps est écail- leux, dans d’autres la peau est nue. Quelques-uns sont pisçiformes dans leur état de. fœtus, et éprouvent une véritable métamorphose en grandissant. Les organes de la digestion sont très-variés; la circulation est sim- ple, et la respiration partielle, c’est-à-dire que le cœur, d’ailleurs assez variable, envoie le sang dans une ar- tère dont une branche seulement va au poumon; d’où il résulte qu’il n’y a dans chaque circuit du sang qu’une partie de ce fluide qui soit soumise à la respiration. Leurs poumons ont la forme de sacs, ou du moins ont de larges cellules. Ils peuvent sans arrêter la circula-

DES COUPS OÜGÀtfïSÉS.

Gy

tion suSpehdrè 11 respiration : léür sang est froid. quantité de respiration n’eSt pas la même dans èette classe , l'artère pulmonaire n étant pas dans tous dans le même rapport avec le trotté aortique qtii 11 fournit. Ils ont une trachée-artère et un larynx, quoiqu’ils n’aient pas tous de la voix. Les femelles ont un double ovaire et deux oviductes. Quelques mâles ont verge bifur- quée, quelques-uns en sont privés. Aucun couve Ses œufs. Leurs muscles ont une irritabilité qui se conserve long-temps après leur séparation du syStèméttervèui et même du reste du corps. Leurs Sensations sont assez obtuses. Ils ont des narines qui traversent la face; mais leur oreille n’est pas Complète, elle est bornée au vesti- bule qui contient des pierres molles, aux canaux demi- circulaires, et, dans quelques-uns, à un rudiment de limaçon. On y trouve aussi des rudimens d’os du tynh pan, sous la peau. Les crocodiles seuls ont une ouver- ture auriculaire extérieure. Le cerveau, assez petit, peut être enlevé ainsi que la tête et les moüvemens continuer encore. Plusieurs restent engourdis une par- tie de l’année.

On a divisé les reptiles en plusieurs familles, d'après des variétés très-grandes d’organisation.

Les chéloniens ou tortues, ont un cœur à deut oreil- lettes, qui reçoivent chacune un sarig difféiréht, et à un ventricule, ayant deux loges inégales et communicantes, dans lequel les deux sangs se mêlent. Ces animaux Sont enveloppés d’une carapace formée par les côtes et les lames des vertèbres, et d’un plastron formé par le ster- num, recouverts les uns et les autres par la peau et par uné matière cornée ou écaillée transsudée par la pêaii.

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INTRODUCTION.

L air pour la respiration est attire par les narines , et poussé dans le larynx par une sorte de déglutition. Le mâle a un pénis simple, cannelé. La femelle pond des œufs qui ont une coquille très-dure. Elles vivent sans manger pendant des mois et même des années. Elles survivent plusieurs semaines à la section de la tête.

Les sauriens ou lézards, crocodiles, etc., ont le cœur comme les tortues; les côtes sont mobiles pour la respiration , le poumon est très-étendu. Les œufs ont une enveloppe plus ou moins dure. Il y a des dents, des ongles, des écailles. La verge est simple ou double.

Les ophidiens ont le cœur à deux oreillettes , et point de pieds. Quelques-uns d’entre eux sont venimeux. Ceux qui le sont le plus ont des crochets isolés et une disposition particulière de la mâchoire. Leurs os maxil- laires supérieurs sont fort petits, portés sur un long pédicule analogue a l’apophyse ptergoïde externe, et très-mobile; il s’y fixe une dent, creusée d’un petit canal qui donne issue à la liqueur venimeuse sécrétée par une glande considérable située sous l'œil. Cette dent, pla- cée avec plusieurs germes de remplacement sur l’os maxillaire, se cache, au moyen de la mobilité de celui-ci , dans un repli de la gencive quand l’animal ne s’en sert pas.

Les batraciens ou grenouilles , crapauds et sala- mandres, ont au cœur une seule oreillette et un seul ventricule. Ils ont des poumons, et dans la jeunesse des branchies analogues à celles des poissons. Dans ce premier état la circulation est comme celle des pois- sons; l’artère se divise dans les branchies; les vais- seaux se réunissent ensuite en un tronc aortique pour

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des corps organisés.

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tout le corps et même pour les poumonâ. Quand les branchies disparaissent, leurs artères s’oblitèrent, ex- cepté deux rameaux qui se réunissent pour former laorte , et qui donnent chacun une petite branche au poumon Les œufs sont membraneux et fécondés pen- dant ou après la ponte. Le petit, en naissant, a des bran- chies, et point de pattes; il perd les premières en gran- dissant, et les pattes se développent. Qüelques-unS conservent les branchies toute leur vie.

§ 59. Les oiseaux ont une organisation évidemment disposée pour le vol ; leur configuration, la proportion de leurs parties, leur abondante respiration, d’où résulté leur légèreté spécifique et une grande vigueur muscu- laire : tout se réunit pour ce mode de station et de mouvement. Ils sont bipèdes , leurs membres antérieurs étant uniquement destinés au vol. La poitrine et l’abdo- men forment une seule grande cavité dont les vertèbres sont très-peu mobiles ; le sternum est d’une très grande étendue, augmentée encore par une lame saillante comme une carène. La partie sternale des côtes est osseuse comme leur partie vertébrale; tout dans cette partie du tronc, est disposé pour donner un appui solide et des attaches musculaires aux ailes. Les épaules sont formées par la fourchette, les os coracoïdes, qui sont trèsr forts, et des omoplates allongées et’ faibles. L’aile est soutenue par l’humérus, les deux os de l’avant-bras et la main qui est allongée et qui a un doigt, et deux autres rudimentaires; elle porte une rangée de pennes élastiques. Le bassin, très-allongé, fournit des atta- ches aux muscles des membres inférieurs, et ses os sont assez écartés pour laisser la place les œufs se déve-

INTRODUCTION .

(qppe,Dt. meaib.^ inférieurs sont formés du fémur, du tibia et du péroné, qui sont jointe à lui par une ar- ticulation q. ressort, se maintenant étendue sans effort musculaire. Il y a aussi des muscles qui vont du bassin apx doigts en passant sur le genou et le talon , de ma- nière que le poids du corps fléchit lui-même les doigts. Lie tarse et 1e. métatarse, sont formés par un seul os terminé en bas par trois poulies. Il y a le plus souvent un pouce et trois doigts diversement dirigés, et dont lç. nombre des articulations, va en croissant du pouce, qni n’en a que deux , au doigt externe , qui en a cinq. L<e çol est allongé, formé de beaucoup de vertèbres, et très-mobile; le coccyx est très- court et garni de pennes comme les afles. Le cerveau , qui a les mêmes caractères que celui des autres vertébrés ovipares, se fait remar- quer par sa grandeur proportionnelle au corps qui est Considérable ; mais ce volume ne dépend pas des hé- misphères, qui sont petits. La peau de l’oiseau est, CU général ,t couverte de plumes composées d’une tige Çreuse et de barbes ; la peau est écailleuse en dessus des doigts, et calleuse en dessous; le toucher doit être par conséquent très-faible. L’oeil est muni de trois pau- pières, mobiles; la cornée est très-convexe, le cristallin plat, le corps vitré petit. Le cristallin est muni d’une mpmbrane qui paraît propre à le mouvoir. Le devant t^u globe est garni d’un cercle de pièces osseuses. Les çis.eaux voient distinctement les objets de près et de loin. L’oreille, un peu plus complète que dans les autres, ovipares , n’a point de pierres dans le vestibule; Le limaçon est un peu arqué; il y a un osselet entre la fenêtre ovale et le tympan , qui est dépoiuvu de con-

DES 'CORPS ORGANISÉS. Jl

que , excepté dans lés oiseaux de htfit. Ùdrgâne iodoPat, caché dans basé du bec, a ordinairement trois cornets cartilagineux, et ^)ôitit sinus, La Lingue est peu musculaire, et est soutenue p'àr un prolorigé1- ment osseux de l’hyôïdè. La trachée-artère à dès an- neaux entiers; à sa bifurcation il y a Une glotte ou la>* rynx inférieur se forme la voix ; larynx supérieur est très-simple. Les poumons, non lobes, attachés aiix côtes, laissent passer l’air dans plusieurs cavités l’abdomen, de la poitrine, des aisselles , et même dés os , ce qui augmente la légèreté spécifique , et multiplié la respiration. La mâchoire supérieure est formée prin* cipalement par les os intermaxillaires, et se prolonge en arrière en deux arcades, l’une interne, formée par les os palatins, et l’éxtérne par les maxillaires et les jugaux, et qui s’appuient l’une èt l’autre sur l’os càrré ou os tympanal , qui est mobile; elle se joint Crâne par des lames élastiques. L’une et l’autre mâchoire est revêtue de corne qui tient lieu de dents, et qüi en à quelquefois la forme. L’estorhaé eist coiifporsédè tiroïS parties plus ou moins distinctes : le jabot, qui niàiVdpiê quelquefois ; l’estomac membranéuk gàrÙi1 de béâu- coup de follicules sécrétoires; ét le gëéïéf , ïiiutd deux musclés vigoiireùx et fàpissé dpÙhë ihéiùferane eoriace. Cependant dâns lés Catùi'ÉorèS, l'é gésier est trèsunince et peu distinét de l'autre' ëstohiac. La rate est petite, le foie a deüX conduits, le pancréas est con- sidérable; il y a au rectum deux appeiidicés, quelque- fois un seul , point dans quelques genres , et qui parais- sent être lefeste de l’allantoidé. rectum , les uretères , . Ét les canauX sperriïâtiqiies oii bien l’Ôvicluct'e abou-

INTRODUCTION.

tissent dans une poche appelée cloaque, qui s’ouvre à l’anus. Les testicules sont à l’intérieur, au-dessous des reins ; il n’y a qu’un ovaire et un oviducte. Dans la plu- part des oiseaux , la copulation se fait par la simple application des anus; cependant quelques genres ont un pénis cannelé. L’œuf détaché de l’ovaire ne se com- pose que du jaune et du germe, il s’enveloppe du blanc dans l’oviducte , et au bas du même canal il se garnit de sa coquille. La chaleur du climat , ou le plus généralement l’incubation maternelle y développe le petit,

Des vertébrés vivipares.

§ 60. Les vertébrés vivipares ouïes mammifères, au nombre desquels est l’homme, ne diffèrent pas seulement des ovipares par leur mode de génération et par leur quantité de respiration , mais ils se distinguent surtout par des fonctions animales plus parfaites , par une in- telligence plus grande , moins dominée par l’instinct et plus capable de perfectionnement.

Leur conformation générale est celle des vertébrés. La cavité splanchnique , du torse est divisée en deux par une cloison musculaire complète, appelée dia- phragme. Sauf une seule exception , ils ont le cou formé de sept vertèbres; ils ont un sternum auquel s’atta- chent les premières côtes. Leur tête s’articule toujours par deu:ç condyles avec la première vertèbre. Leur crâne a la plus grande ressemblance dans sa compo- sition. On y trouve toujours un occipital, un sphé- noïde, un ethmoïde, des pariétaux, des frontaux et

DES COUPS ORGANISÉS. 7 3

des temporaux ; plusieurs de ces os dans les fœtus sont divisés en plusieurs parties. La face est aussi peu variable; elle est formée essentiellement par les maxil- laires supérieurs, les intermaxillaires, les palatins, le vomer, les os du nez, les cornets inférieurs, les ju- gaux et les lacrymaux : ces os réunis entre eux for- ment la mâchoire supérieure, qui est fixée au crâne; l'inférieure, composée de deux pièces , est articulée par un condyle saillant à un temporal fixe. Un os hyoïde , suspendu au crâne par des ligamens, soutient la langue qui est toujours charnue. Les membres antérieurs com- mencent par une ceinture osseuse ou épaule, formée par l’omoplate, non articulée avec l’épine, appuyée dans beaucoup de mammifères au sternum, au moyen d’une clavicule. Le bras est formé d’un seul os ; l’a- vant-bras de deux, le radius et le cubitus; la main, qui termine ces membres , est composée de deux ran- gées de petits os qu’on appelle carpe, cfune rangée d’os nommée métacarpe et de doigts formés chacun de deux ou trois os qu’on appelle phalanges. Les mem- bres postérieurs ont une composition analogue à celle des membres antérieurs, et cette analogie est plus ou moins grande suivant que les membres sont destinés à des fonctions semblables ou différentes. Au reste, dans tous - les mammifères , excepté les cétacés , le membre postérieur commence par une ceinture os- seuse ou bassin formé par les os des hanches fixés à 1 épine; et dans la jeunesse ces os sont formés de trois parties distinctes, l’ilium, le pubis et l’ischion. La cuisse est formée dun seul os, la jambe de deux principaux, le tibia et le péroné; le pied qui termine ce membre est

INTRODUCTION.

74

composé d’un tarse , d’un métatarse et de doigts ou orteils.

Les muscles ont une assez grande force de contrac- tion ; mais leur irritabilité est très-dépendante du sys- tème nerveux. Les mouvemens sont ceux de la mar- che; dans quelques-uns le vol peut avoir lieu au moyen de membres prolongés et de membranes étendues ; d’autres ont les membres très-raccourcis et ne peu- vent que nager. Le système nerveux des mammifères est surtout caractérisé par l’état du cervelet et du cer- veau. Le cervelet a des lobes latéraux , ou hémisphères volumineux , et il y a toujours un pont de Varole sous la moelle allongée. De même le cerveau a toujours des corps striés, et est toujours formé de deux hémisphères volumineux , garnis de circonvolutions, formant deux ventricules latéraux et réunis entre eux par le corps Galleux.

Les yeux, logés dans les orbites, sont préservés par deux paupières , et un vestige de la troisième, la sclé- rotique est simplement fibreuse , le crystallin est fixé par les procès ciliaires. L’oreille a , dans tous , un laby- rinthe complet, avec un limaçon, une caisse et une membrane du tympan , et des osselets. Les fosses na- sales traversent la face, ont des Cornets, et s’étendent dans des sinus des os. La langue est charnue et atta- chée à l’os hyoïde* La peau des mammifères est en général revêtue de poils : les cétacés seuls en sont to- talement dépourvus.

Le canal intestinal est revêtu parle péritoine, sus- pendu au mésentère, repli de cette membrane qui ren- ferme les glandes conglobées des vaisseaux chylifères ,

DES CUll^ ORGANISES.

75

et couvert d’un prolongement flottant de la même mem- brane, que l’on nomme épiploon. Ils ont une vessie urinaire , dont l’orifice, à peu d’exceptions près, est dans celui des organes de la génération. Les poumons çelluleux le cœur sont renfermés dans une cavité formée par les côtes, séparée de l’abdomen par le diaphragme , et leu? surface est libre. Leur circu- lation est double et leur respiration est aérienne et simple. Iis ont un larynx à l’extrémité supérieure de la trachée qui s’ouvre dans l’arrière-bouche et les ar- rière-narines dont la communication dépend d’un voile charnu mobile, appelé voile du palais.

Ce qui distingue surtout Organisation des mammi- fères, c’est leur génération; elle est essentiellement vivipare ; c’est-à-dire que l’œuf membraneux descend , et se fixe dans l’utérus, après la conception qui exige un accouplement par lequel le sperme du mâle est lancé dans les organes de la femelle. Ils ont bien comme tous les vertébrés ovipares, du moins tout au com- mencement, une vésicule ombilicale ou intestinale; ils ont aussi comme les ovipares à poumons une vessie allantoïde; mais ils ont de plus des enveloppes dont la plus, extérieure , le chorion , se fixe aux parois de l’utérus par un ou plusieurs plexus de vaisseaux ap- pelés placentas qui établissent entre lui et sa mère une communication par laquelle il reçoit sa nourriture et probablement aussi l’oxygène. Quand les fœtus ont acquis le développement nécessaire , ils sont expulsés avec leurs enveloppes déchirées. Les mamelles, glandes sécrétoires , produisent du lait pour nourrir les petits pendant tout le temps qu’ils en ont besoin.

I

INTRODUCTION.

C’est à ce genre d’organisation , qui présente encore certaines variétés, qu’appartient l’homme.

§61. Les mammifèresprésentent ainsi quelques organes qui leur sont propres , tels sont les poils de leur peau et les mamelles ; pour tout le resté, ils ne different des autres Vertébrés que par des développemens plus grands de certains organes , comme , par exemple , de l’oreille , du cerveau, etc., ou par des combinaisons différentes des organes de la circulation, de la respiration et des mouvemens.

Le sang des mammifères diffère de celui des ovipares par la forme des particules colorées : elles sont circu- laires ou plutôt lenticulaires dans les mammifères , tandis que dans les ovipares , elles sont en général ovales ou ovoïdes comprimées.

Les poils des mammifères ne diffèrent pas essentiel- lement des autres appendices cornés de la peau : ils sont, comme tous les organes de ce genre, produits par une excrétion à la surface de cette membrane.

Les mamelles sont aussi tout-à-fait du même genre que les autres organes sécrétoires glanduleux.

§ 62. Les mammifères présentent encore dans leur organisation des variétés assez grandes : soit dans les organes du toucher, qui sont d’autant plus parfaits que les doigts sont plus nombreux, plus mobiles, moins enveloppés par l’ongle j soit dans les organes de la man- ducation et par suite dans le reste des organes diges- tifs ; soit enfin dans les organes de la génération. Les différentes combinaisons de ces variétés qui en en- traînent beaucoup d’autres dans toutes les fonctions, et même dans l’intelligence, ont donné lieu à partager

des corps organisés. 77

cette classe en plusieurs ordres au nombre desquels est celui des bimanes , formé d’un seul genre, l’homme.

§ 63. L’homme se distingue des autres mammifères, par quelques différences peu importantes dans les or- ganes des fonctions végétatives, par quelques autres plus marquées dans les organes des fonctions animales, mais surtout par X intelligence. ,

L’intelligence qui constitue l’homme, est surtout caractérisée par la conscience , par la raison , par une volonté libre, par le sentiment moral et par celui d’une cause divine.

L’homme est en outre de tous les mammifères celui qui a les hémisphères du cerveau et du cervelet les plus développés et les plus garnis de circonvolutions. Ce volume des hémisphères paraît surtout considéra- ble si on le compare à la moelle, aux nerfs, aux sens et aux muscles. Ses fonctions cérébrales sont très-déve- loppées et très-distinctes de l’instinct. Il est doué de la parole ; il vit en société. Il est le seul animal vrai- ment bimane et bipède; son corps tout entier est or- ganisé pour la station verticale : ses mains sont évidem- ment réservées à d’autres usages qu’à la station.

Le cœur est dirigé obliquement sur le diaphragme, et 1 aorte disposée un peu autrement que dans les qua- drupèdes. Les organes de la digestion sont propres à une nourriture variée, et principalement végétale. Le pénis est libre et sans os intérieur; l’utérus est une cavité simple et ovale; les mamelles, au nombre de deux seulement , sont situées au-devant de la poitrine.

Mais tout le reste de cet ouvrage étant consacré à

INTRODUCTION.

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l’étude du corps humain, il serait superflu d’insister sur des caractères qui seront exposés en leur lieu

SECONDE SECTION.

DU CORPS HUMAIN.

§ 64. L’homme participe, comme on le conçoit, aux caractères généraux des corps , des êtres orga- nisés, des animaux, des vertébrés, des mammifères; il a en outre, comme tout autre , ses caractères propres : c’est l’étude de tous ces caractères, soit de la confor- mation extérieure et intérieure, soit des phénomènes, qui est l’objet de l’anthropologie ou de la science de l’homme. L’anatomie de l’homme, qu’on a aussi appelée anthropotomie, a pour but particulier la connaissance du corps humain , c’est-à-dire de toutes les parties qui le composent et de leur arrangement mutuel.

§ 65. L’anatomiste peut étudier le corps humain dans deux états différens : dans l’état le plus ordinaire, celui qui est propre à l’espèce et seul compatible avec 1 état de santé; ou bien au contraire dans ses déviations de l’ordre naturel. Dans le premier cas, c’est l’anatomie de l’homme sain, l’anatomie hygide, si l’on veut s ex- primer ainsi; c’est l’anatomie morbide dans le secoue' cas.

Dans l’étude de l’anatomie on peut considérer le

1 Voyez Blumenbaclï, de Varietcite nativa generis hurneim Lawrenee, Lectures on physiology , zoology, and the nn tural histori of mari.

DU CORPS HUMAIN.

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corps humain tout entier, examiner les caractères gé- néraux de tous ses organes, de toutes ses humeurs, etc. Ce sont les généralités de l’anatomie. On peut , réu- nissant les organes multiples en genres ou en sys- tèmes, d’après leurs analogies de texture, s’arrêter aux caractères génériques, en faisant abstraction de toutes les différences spéciales des organes; et pour ceux qui , sans être multiples , sont étendus à tout le corps, on peut ne considérer que les caractères géné- raux,en faisant abstration des différences locales qu’ils présentent dans les diverses régions; tel est l’objet de l’anatomie générale : elle donne une connaissance un peu plus précise du sujet, que les généralités; mais pour connaître le corps humain, d’une manière po- sitive et profitable, il faut joindre à cela une connais- sance exacte de chaque organe en particulier, et de chaque région du corps; tel est le double objet de l’anatomie spéciale.

L’anatomie générale, considérant ensemble les or- ganes semblables par leur texture, et se bornant à ce qu’ils ont de commun ou de générique, a pour objet spécial, mais non unique, leur texture. L’anatomie spéciale des organes, improprement appelée anatomie descriptive, s’occupe particulièrement de leur con- formation , car c’est surtout en cela qu’ils diffèrent les uns des autres; leur situation respective est l’objet essentiel de l’anatomie des régions, ou topographique.

§ 66. La conformation extérieure du corps humain est symétrique 1 ; il est divisé en deux moitiés latérales sem-

1 Voyez entre autres Bichat. Reeli. pliysiol. sur la vie et la mort. Meckel. Beitr. zur vurgl. anat. Leipz. i8ia.

8o

INTRODUCTION.

ldables, par une ligne médiane verticale. Cette ligne se prononce même en quelques endroits, elle forme ce qu’on appelle des raphés ou coutures, qui semblent en effet résulter d’une sorte de couture ou de réunion de deux parties latérales séparées dans le principe. La symétrie n’est pas également prononcée dans toutes les parties du corps; elle l’est davantage dans les or- ganes des fonctions animales , et moins dans ceux des fonctions végétatives, dans ceux de la nutrition sur- tout. En effet, les os, le système nerveux, les sens, les muscles , sont les parties les plus symétriques ; et les organes de la digestion , de la circulation , de la respi- ration le sont moins que les organes génitaux. Cepen- dant il ne serait pas exact de dire que la symétrie ap- partient aux premiers, et est étrangère aux derniers; elle appartient plutôt aux parties extérieures en gé- néral, et est moins exacte dans les parties profondes; ainsi les glandes lacrymales et salivaires, la thyroïde, les mamelles, les testicules, tous organes des fonctions de la nutrition et de la génération sont symétriques, tandis que les nerfs du larynx, de l’estomac et des intestins , le muscle diaphragme , ne le sont point. On observe aussi que certaines parties qui se développent plus tard sont moins symétriques que celles du même genre qui se développent avant : ainsi dans le système nerveux la moelle, qui se développe la première, est plus symétrique que le cerveau ; les côtes sont moins symétriques que le rachis, et plus que le sternum. Enfin on observe encore que les parties sont plus symétri- ques à l’époque de leur formation , et que ce ce genre de régularité s’altère ensuite : l’estoinac, l’intestin, le

DU CORPS HUMAIN.

Si

foie, sont d’abord beaucoup moins irréguliers qu’ils ne le deviennent ensuite; la colonne vertébrale, d’abord exactement médiane , se renverse un peu à gauche par la prédominance du bras droit , et de-là résultent en- core l’inclinaison du nez, l’inégale élévation des testi- cules , la fréquence des hernies à droite, etc. On ob- serve quelquefois un dérangement de la symétrie, tel que les organes d’un côté occupent le côté opposé , et vice versa; c’est ce qu’on appelle transposition des viscères. Dans ce cas , qui se rencontre une fois sur trois ou quatre mille sujets environ, et que j’ai vu quatre ou cinq fois, le poumon trilobé, le foie, le cæcum, sont à gauche, et le poumon à deux lobes, la pointe du cœur, la rate, la portion sygmoïde du co- lon, etc., sont à droite: les individus, qui présentent ce vice de situation ne sont pas pour cela gauchers. Les maladies qui affectent les organes symétriques, et celles qui ont leur siège dans des parties sans syrné-* trie présentent des différences remarquables. On a même prétendu, mais d’après des vues hypothétiques, que les deux côtés du corps étaient chacun plus dispo- sés à certaines maladies r.

On a aussi établi des comparaisons et cherché des analogies entre les deux moitiés supérieure et infé- rieure du corps. L’analogie entre les membres est évi- dente ; les épaules et le bassin , le bras et la jambe , la main et le pied , sont construits sur le même plan , et ne diffèrent qu’autant que la différence de leurs fonc-

* Voyez Mehlis, de Morbis hominis dextri et sinistri.

Gotting. 1818.

1.

6

8a

INTRODUCTION.

tions le comporte. Quant à l’analogie que l’on a cru trouver dans l’homme , comme dans les animaux ar- ticulés, entre différentes tranches de son tronc, et en- tre les membres et les mâchoires , elle repose sur une comparaison entre des objets trop différens pour être comparables.

Entraîné par une analogie forcée avec les animaux rayonnés, on a aussi cherclié*dans la partie antérieure du tronc des parties correspondantes à la colonne vertébrale; on a cru les trouver dans le sternum : l’ob- servation ne montre ici de rapprochement raisonnable qu’entre les muscles antérieurs et les muscles posté- rieurs de la colonne vertébrale. Laissons donc des comparaisons qui ne peuvent conduire à rien de bon et d’utile.

§ 67. On divise le corps humain , comme celui des autres vertébrés, en tronc et en membres. Le tronc est la partie centrale et principale, celle qui contient les organes les plus essentiels à vie, ou les viscères. Ces parties sont logées dans trois cavités ou ventres: l’inférieur est l’abdomen, et contient les organes de la digestion, de la sécrétion urinaire et de la génération; le moyen, le thorax, renferme les organes de la respi- ration et de la circulation ; et le supérieur, la tête, dont la cavité se prolonge dans la colonne vertébrale, loge le centre nerveux et les sens. On a pu remarquer déjà ( Iere Section ) combien cette distribution des viscères est en rapport avec leur importance dans le règne animal, on verra plus tard qu’elle l’est également avec l’ordre de leur développement. Considéré dans son ensemble, le tronc, aplati d’avant en. arrière, pré-

DU CORPS HUMAIN.

83

sente une face antérieure ou sternale, une face pos- térieure, ou dorsale, et des côtés; il présente deux extrémités, l’une supérieure ou céphalique, l’autre inférieure ou pelvienne. Les membres, appendices articulés et destinés aux mouvemens, se distinguent en supérieurs ou thoraciques, et en inférieurs ou abdominaux, les uns et les autres divisés par des ar- ticulations en plusieurs parties. Les diverses parties du tronc et des membres sont encore soudivisées en un certain nombre de régions, ou de portions dis- tinctes et importantes à considérer , à cause des or- ganes qui y sont placés. Les divisions du corps et les subdivisions sont principalement déterminées par les os. La connaissance des régions est nécessaire pour déterminer la situation absolue des organes, et leur étude approfondie est le plus sûr ou plutôt le seul moyen de connaître la situation respective des parties : cette connaissance constitue une sorte d’anatomie to- pographique du plus grand intérêt.

§ 68. Le corps humain est composé , comme tous les corps organisés , de parties solides et de fluides qui ont une composition analogue, et qui se changent continuel- lement les unes en les autres. Les fluides sont en très- grande quantité et leur masse l’emporte de beaucoup sur celle des solides ; cependant la proportion des uns aux autres ne peut être déterminée exactement; d’une part, parce que certains fluides, comme l’huile, se séparent difficilement des solides; et d’autre part, sur- tout, parce que beaucoup de parties solides sont flui- difiables, et dans la dessication se confondent et se dis- sipent avec les liquides. On a cependant essayé de

INTRODUCTION.

84

déterminer la proportion des liquides aux solides , soit par la dessiccation au four ou à l’étuve, soit par la mo- mification ; quelques-uns pensent que la proportion des liquides aux solides est comme six est à un ; d’au- tres, que cette proportion est comme neuf est à un. L’examen d’une momie a donné une proportion des liquides bien plus grande encore, puisque cette momie d’adulte ne pèse que sept livres et demie. Mais la proportion , fut-elle déterminée exactement dans un cas, varierait suivant les individus; l’âge, le sexe, la constitution, etc., y apporteraient des différences no- tables.

Les solides et les liquides sont formés de globules et d’une substance amorphe, liquide dans les uns, concrète dans les autres.

§ 69. La composition chimique 1 des solides et des fluides du corps humain résulte d’un certain nombre de matériaux immédiats, dont les principaux sont le gélatine, l’albumine, le mucus, la fibrine, l’huile, l’eau, le sucre, la résine, l’urée, la picroclioline, l’os- mazôme, la zoohématine, le phosphate de chaux, le carbonate de chaux , etc. Ces matières elles-mêmes sont composées, et les élémens que l’on trouve dans le corps humain sont l’oxygène , l’hydrogène , le carbone , l’azote , le phosphore , le calcium , le soufre , le potas- sium, le sodium, le chlore, le fer, le manganèse; on y trouve même du magnésium et du silicium.

Ces substances élémentaires, pour former les maté- riaux immédiats et ceux-ci pour composer les parties

1 Voyez Orfila. Chimie médicale.

DU CORPS HUMAIN.

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solides et fluides du corps humain sont combinés dans l’acte de la nutrition et de la génération d’une manière que la chimie ne peut imiter : c’est précisément cet acte de formation ou d’organisation qui caractérise la vie.

Des humeurs .

§ jo. Les fluides ou les humeurs 1 du corps humain sont contenus dans les solides et en pénètrent toutes les parties. Ils se composent des molécules venues du dehors pour l’entretien du corps, et de celles qui sont détachées du corps pour être rejetées. Leur fluidité n’est pas seulement due au calorique et à l’eau , comme celle des fluides étrangers à l’organisation, mais elle dépend, comme leur composition, de l’action vitale. Les fluides diffèrent entre eux, les uns étant gazeux, d’au- tres vaporeux, d’autres liquides et plus ou moins cou- lans, ils diffèrent aussi en couleur; leur composition varie également, mais elle leur est propre et ne peut être imitée par l’art.

On peut distinguer les humeurs en trois genres: le sang, masse centrale affluent et d’où partent toutes les autres; les humeurs qui arrivent du de- hors au sang; celles qui en émanent.

§ 71. Le sang est un liquide d’une couleur rouge, d’une odeur particulière, d’une saveur un peusalée, nau- séeuse; sa température est celle du corps, dont il est même la partie la plus chaude; il est visqueux au tou-

1 Voyez Plenck. Hygrologia corporis hùtnani. Cliaussier. labié synoptique des humeurs.

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INTRODUCTION.

cher; sa pesanteur spéciüque est environ io5, l’eau pesant 100. Il est contenu clans le cœur et dans les vaisseaux sanguins. Sa quantité dans l’homme adulte est considérable, mais variable. On a très-diversement estimé cette quantité ; les estimations varient depuis huit ou dix livres, jusqu’à quatre-vingt ou cent.

§ 72. Les micrographes ont fait sur cette humeur des observations dont voici le précis : le sang se compose d’un véhicule séreux dans lequel des particules mi- croscopiques rouges sont tenues en suspension; en général on a considéré ces corps comme des sphères , marquées d’un point lumineux dans leur centre , ou bien comme étant percées et par conséquent de forme ( annulaire. Hewson a trouvé au contraire que les par- ticules rouges du sang humain sont lenticulaires. Les observations importantes de MM. Prévost et Dumas et les miennes propres ont donné le même résultat.

M. Home avait cru, comme le Dr. Yyoung, que l’a- platissement était postérieur à la sortie du sang, et qu’il dépendait de la séparation de îa partie colorante. Les particules sont en effet composées d’un globule central, transparent, blanchâtre, et d’une enveloppe rouge, moins transparente, ayant la forme d’un sphé- roïde déprimé. Le diamètre des particules est, dans l’espèce humaine, d’environ un cent cinquantième de millimètre. Tant que le sang est contenu dans ses ca- naux et qu’il y est en mouvement, les choses restent en cet état.

§ j'5. Extrait des vaisseaux qui le contiennent, le sang exhale, pendant tout le temps qu’il conserve sa chaleur, une vapeur formée d'eau et de matière animale sus cep-

DU CORPS HUMAIN.

87

tible de putréfaction. Il se coagule bientôt, abandonne probablement un peu de chaleur, et dégage aussi une grande quantité de gaz acide carbonique. Ce dégage- ment, peu sensible.quand le sang est soumis à la pres- sion de l’atmosphère , et ne se manifestant alors que par la production de canaux dans l’intérieur du coa- gulum , s’opère au dehors du caillot , lorsqu’on le place sous le récipient d’une machine pneumatique l’on fait le vide. Il ne faut pas confondre ce dégagement de vapeur et de gaz du sang hors de ses vaisseaux , avec un prétendu gaz que l’on a supposé circuler avec lui.

Peu après la coagulation du sang en une seule masse, il se partage en deux parties ; le coagulum se resser- rant, exprime la partie liquide ou le sérum qu’il ren- fermait. Le resserrement continue, et par conséquent la quantité du sérum exprimé augmente jusqu’à l'époque de la putréfaction. Ordinairement la surface supé- rieure du coagulum, se resserrant davantage que le reste, devient concave. Si on lave le caillot sous un filet d’eau en le pressant doucement et long-temps, l’eau entraîne la matière colorante ou le cruor, et il reste une masse fibrineuse blanche. Ainsi , par la coagulation et par le lavage, le sang se trouve partagé en sérum r en cruor et en fibrine.

Mais voici ce qui arrive dans ces opérations : aussitôt que le sang est hors des vaisseaux, la matière colorante des particules abandonne le globule blanc central, et ceux-ci, débarassés de leur enveloppe, s’unissent entre eux et forment des filamens qui se réunissent en un réseau ou lacis dans lequel se trouvent renfermées la matière colorante et beaucoup de particules entières

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INTRODUCTION.

qui n’ont point éprouvé cette décomposition. Quand en pétrit et qu’on lave le caillot, l’eau entraîne tout à la fois la matière colorante libre et les particules qui sont restées entières, et qui contiennent encore un glo- bule blanc dans leur intérieur.

Il y a donc dans le sang trois matériaux principaux, le sérum , les globules blancs et la matière colorante qui les enveloppe; ces deux derniers, réunis dans le sang coulant et formant les particules colorées, se séparent en grande partie peu d’instans après que le sang est tiré hors des vaissaux. Ces matériaux sont dans des proportions très -différentes, suivant les circons- tances d’âge, de sexe, de constitution, de maladie, etc. ; dans l’homme adulte et sain , les particules colorées r desséchées, font un peu plus d’un huitième du poids du sang.

§ y4* Le sérum a une faible couleur jaune -ver- dâtre; il a la saveur, l’odeur et le toucher du sang; il est alcalin; il se coagule à environ 69° C. Il ressemble alors à du blanc d’œuf cuit, et contient dans des va- cuoles une substance que l’on a prise pour de la gélatine, et qui paraît être* du mucus. Les parties constituantes du sérum sont de l’eau, de l’albumine, de la soude et des sels de soude. On peut, selon M. Brande, consi- dérer le sérum , qui est de l’albumine liquide presque pure, comme un albuminate de soude avec excès de base. La coagulation paraît dépendre de la neutralisa- tion de la soude nécessaire à sa fluidité ; l’alcool et la plupart des acides opèrent cette coagulation en enle- vant la soude; et par l’action de la pile galvanique comme par la chaleur, la soude transforme en mucus

DU CORPS HUMAIN.

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une petite partie de l’albumine, tandis que le reste se coagule. L’albumine et le sérum lui-même présen- tent encore quelques particularités à noter; c’est que le coagulum d’albumine offre à l’inspection microscopi- que des globules , et que le sérum conservé liquide dans une éprouvette pendant quelques jours montre peu à peu des globules qui se déposent au fond, et qui éprouvent un mouvement singulier d’ascension et de descension quand on échauffe le vase en le tenant* dans la main; enfin il faut encore noter que l’albu- mine coagulée a la plus grande analogie avec la fibrine, dont elle ne diffère peut-être point du tout.

§ 7 5. Le cruor du sang ou la matière colorée obte- nue par le lavage, est toujours un mélange de matière rouge libre, de globules enveloppés de la même ma- tière et de sérum. Aussi les travaux des plus habiles chimistes ont encore appris peu de choses sur la matière colorante du sang ou la zoohématine. Cette substance insoluble dans l’eau , mais pouvant s’y diviser extraordinairement et de manière à traverser les filtres , est formée d’une matière animale en combinaison avec le péroxide de fer. La couleur rouge du sang varie dans ses nuances.

§ 76. La fibrine du sang, ou la lymphe coagulable de quelques-uns , offre l’aspect de fibres feutrées , tenaces , élastiques, ayant au microscope l’aspect et la struc- ture de la fibre musculaire, étant composées de glo- bules blancs semblables à ceux des particules colorées du sang; la fibrine, tout comme la fibre musculaire, mise dans l’eau se résout en globules avant de se pu- tréfier. Cette substance coagulable ou plastique paraît

INTRODUCTION.

être , ainsi que l’albumine , le moyen d’agglutination qui détermine dans l’économie les réunions et les adhérences.

Le sang contient aussi une matière grasse ou hui- leuse.

§ 77. Le sang contenu dans les artères, dans les veines et dans le cœur y est dans un mouvement continuel qu’on appelle circulation. Il éprouve dans ce mouve- ment des altérations constantes et régulières qui , se balançant mutuellement, l’entretiennent dans un état

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moyen de composition. Il reçoit de nouveaux liquides préparés par la digestion et l’absorption intestinale ; des molécules séparées des organes sont sans cesse ajoutées à sa masse ; il est soumis à l’action de l’at- mosphère dans les poumons, il se revivifie; il est envoyé dans toutes les parties, il éprouve un change- ment inverse, il fournit des matériaux qui se fixent dans les organes , et il est dépouillé d’une partie de ses principes par les sécrétions. Parmi ces altérations , les plus frapantes sont celle qu’il éprouve dans les poumons, il devient d’un rouge vermeil, et celle qui a lieu dans tout le reste du corps, il prend une couleur rouge-brun. Ces altérations de couleur sont accompagnées et paraissent dépendre d’une absorption d’oxygène dans le premier cas , et d’une absorption de carbone dans le dernier. Outre la matière nutritive que le sang distribue dans tous les organes, il est en- core le véhicule du principe de la chaleur.

§ 78. Le sang présente des variétés constantes sui- vant les âges , les sexes et d’autres circonstances ; il présentefaussi des altérations accidentelles.

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Dans le fœtus le sang, dont la couleur est très-foncée, n’a presque pas de matière coagulable. Il en est de même du sang menstruel de la femme. Le sang artériel présente plus de particules colorées que le sang vei- neux. Chez les personnes qui font usage d’une nour- riture succulente , le sang abonde en caillot; il est plus séreux dans les circonstances opposées. La soustrac- tion répétée du sang y diminue la proportion des par- ticules colorées et même celle de l’albumine , et y augmente celle de l’eau.

Dans les màladies, le sang éprouve des altérations qui n’ont pas été assez étudiées. Dans les inflamma- tions, le caillot du sang extrait se recouvre d’une couenne blanche, c’est de la fibrine: et l’on trouve dans le caillot une grande quantité de matière colorante libre. Dans d’autres maladies , comme le scorbut et les maladies septiques , le sang a perdu sa coagula- bilité, il reste fluide. Il est beaucoup de maladies sur lesquelles l’examen attentif du sang répandrait un grand jour.

§ y g. Les liquides qui arrivent au sang sont le chyle et la lymphe. Le premier provient du chyme, substance grisâtre, pultacée, en laquelle les alimens se changent dans l’estomac, et dans laquelle on commence à aper- cevoir quelques petits globules. Absorbé par les pa- rois de l’intestin et arrivé dans les premiers vaisseaux chylifères , il est blanchâtre et à peine coagulable ; il devient plus coagulable et prend une teinte rosée dans les glandes du mésentère. Enfin , dans le canal thora- cique et près d’arriver dans la masse du sang , il est distinctement rose, manifestement coagulable, et con-

INTRODUCTION.

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tient des globules nus et des particules qui ne diffèrent de celles du sang que par une couleur moins forte. Il semble dès lors qu’il n’ait plus besoin que d’être sou- mis à l’action respiratoire pour devenir du sang parfait. La lymphe , liquide incolore, visqueux , albumineux, mais peu connu, est l’autre humeur apportée au sang.

§ 80. Les humeurs qui émanent du sang s’en séparent par secrétion ; on peut rapporter à ce genre la matière nutritive laissée par le sang dans tous les organes, par une sorte de sécrétion nutritive; on y rapporte encore celles qui sont produites et déposées comme en réserve, par une sécrétion qu’on peut appeler intrinsèque, dans les cavités closes du corps, comme la graisse, la sérosité, la synovie; mais on y rapporte surtout celles qui sont sécrétées à la surface des tégumens externes ou internes et de leurs dépendances plus ou moins éloignées. On les distingue, d’après leur mode de formation , en trois genres : en humeurs perspira- toires, qui sont immédiatement formées et déposées à la surface par les vaisseaux : telles sont les matières de la transpiration cutanée, de la sueur, de la pers- piration pulmonaire ; en humeurs folliculaires , qui sont d’abord déposées dans des follicules ou ampoules de la peau interne ou externe: tels sont le mucus et la matière sébacée; et en humeur glandulaires, formées dans des glandes , organes particuliers qui ont des con- duits excréteurs ramifiés, lesquels ont leur orifice sur la peau et sur les membranes muqueuses , dont ils sont des prolongemens ramifiés : telles sont la salive sécrétée par les glandes salivaires , la bile sécrétée parle foie, etc. On distingue aussi les humeurs sécrétoires, d après leur

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destination , en celles qui remplissent quelque usage dans l’organisme, comme les larmes, la bile, le sperme, etc., et en celles qui, rejetées sans remplir aucun usage, comme l’urine, la sueur, sont appelées excrémentitielles. Ces dernières sont acides, tandis que les autres sont alcalines.

Des organes.

% 81. Les organes sont les parties solides 1 ou con- tenantes du corps; ce sont eux surtout qui détermi- nent la forme, et qui impriment le mouvement.

La figure des organes est très-variée : cependant en général leurs contours sont arrondis, les surfaces ne sont jamais bien planes, les lignes bien droites, les angles bien entiers. Dans la plupart des organes, la longueur l’emporte sur les deux autres dimensions ; quelques-uns sont larges et aplatis : on 'appelle mem- branes ceux qui ont cette forme et quijsont mous, quelle que soit d’ailleurs leur texture ; d’autres enfin ont les trois dimensions peu différentes. On détermine la forme extérieure des organes par le rapport de leurs trois dimensions; on se sert souvent aussi de compa- raisons plus ou moins triviales; car il est en général assez difficile de déterminer la forme par la compa- raison avec des figures géométriques.

A l’intérieur, quelques organes sont creux et for- ment des réservoirs ou des canaux communiquant à l’extérieur; d’autres forment des cavités fermées de

1 Voyez Chaussier. Table des solides organiques.

INTRODUCTION»

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toutes paris ; d’autres des canaux ramifiés et clos ; d’au- tres sont pleins ou massifs; mais tous cependant sont aréolaires et plus ou moins perméables.

Parmi les organes, quelques-uns s’étendent en rayon- nant ou en se ramifiant, du centre à la circonférence ; tels sont les vaisseaux, les nerfs, les os eux-mêmes. Aucun n’est isolé , tous sont entrelacés et ont des communications entre eux. Enfin il y a entre les or- ganes comme entre les régions des analogies très- grandes. Quelques-uns, se ressemblant tout-à-fait, cons- tituent , pal* leur réunion , des genres.

§ 82. La couleur des organes est blanche, rouge, brune ; quelques-uns sont transparens, d’autres sont opa- ques. Leur consistance varie depuis une mollesse très- grande jusqu’à une dureté extrême. Ils sont extensibles et rétractiles , flexibles , compressibles et élastiques , mais à des degrés très-variés. Quelques-uns ont une cohé- sion peu marquée, d’autres une ténacité telle, qu’il faut de très- grands efforts pour les rompre. Ces propriétés de couleur et de cohésion dépendent beaucoup des liquides qu’ils contiennent en grande proportion. Ainsi des parties opaques, comme le tissu ligamenteux, deviennent transparentes par la dessiccation ; cette même substance, très-tenace et peu élastique quand elle est humide , devient très-élastique quand elle est dessé- chée; des parties élastiques, comme le tissu des artères, deviennent cassantes par la dessiccation , etc.

§ 83. Les organes diffèrent aussi beaucoup par leur texture. Au premier aperçu , on voit que plusieurs sont formés de l’assemblage ou de la réunion de faisceaux de filets parallèles ou entrecroisés : on dit quils ont

DU CORPS HtîMAlN.

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une texture fibreuse. D’autres sont formés par la réu- nion de couches ou de lames plus ou moins nom- breuses et distinctes, ordinairement unies très-étroi- tement entre elles. Dans d’autres on trouve des gra- nulations ou grains rapprochés , réunis entre eux. Quelques-uns ont une texture très-compacte, uniforme ou homogène en apparence, mais en apparence seule- ment; car tous sont aréolaiyes et perméables, d’une manière plus ou moins distincte; tous sont plus ou moins composés.

§ 84. Ce premier aperçu ne suffit pas pour faire con- naître la texture intime des parties solides. En exa- minant de plus près, on voit que ces fibres apparentes, ces couches membraneuses , ces granulations, sont com- posées ; et comme les solides contiennent les humeurs, on a été généralement porté à croire que tout est vais- seau dans les solides. Cette idée erronée, puisque les vaisseaux sont eux-mêmes des parties composées, a été reproduite tout récemment dans un ouvrage posthume de Mascagni. D’autres ont admis que tout est formé par le tissu cellulaire, et celui-ci par des fibres et des lames entrecroisées , ou bien par des cellules ou des vésicules accolées les unes aux autres. Mais le tissu cel- lulaire , tout en étant bien l’élément principal de toutes les parties, n’en est pas l’élément unique. Quant à l’idée d’un parenchyme comme base ou élément gé- nérateur de tous les solides, c’est une idée extrême- ment vague, et sur laquelle on n’est pas parvenu à s’en- tendre. Haller 1 a admis dans la composition des orga-

1 De corporis humani fabricâ et functionibus. Tom. I. Lib. I. Seet. III.

INTRODUCTION.

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Des , outre le tissu cellulaire formé par la réunion de fibres et de lames, et qui est le plus général et le plus répandu , la fibre musculaire et la substance médullaire. Cette division a été depuis assez généralement admise, avec quelques légères modifications plus ou moins heureuses. Ainsi Walther admet une texture membra- neuse ou cellulaire, une fibreuse ou vasculaire, et une nerveuse; Pfaff une structure vasculaire, une fasci- laire et une cellulaire; d’autres une cellulaire, une vasculaire et une massive, ou sans cellules et sans vais- seaux. M. Chaussier a joint aux trois parties compo- santes de Haller une quatrième fibre, sous le nom de fibre albuginée; c’est la base des ligamens : M. Riche- rand y a joint la substance épidermique ou cornée. Parmi les vingt-un tissus admis par Eichat, il en est trois qu’il considère comme générateurs des autres ; ce sont le cellulaire, le vasculaire et le nerveux. M. Meyer admet 1 aussi trois organes élémentaires : la cellule , le vaisseau ou la glande ; la fibre irritable , cellulaire ou musculaire; la fibre sensible ou le nerf.

§ 85. En admettant avec Haller l’existence de trois organes simples, de trois tissus élémentaires, ou de trois fibres distinctes les unes des autres par des ca- ractères essentiels, savoir, du tissu cellulaire, de la fibre musculaire et de la substance médullaire ou ner- veuse, on n’est pas encore arrivé au dernier terme d’analise auquel on peut arriver en anatomie. Si l’on s’aide du microscope on voit que ces organes simples,

1 V cher histologie , etc. Bonn, 1819.

DU CORPS HUMAIN.

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et toutes leurs modifications, et tous leurs composés , peuvent être ramenés ou réduits à deux éléinens ana- tomiques. Ils sont formés d’une substance animale aréolaire , perméable , et de globules microscopiques semblables à ceux qu’on trouve dans les humeurs. La première substance seule forme des lames, et le plus souvent des libres, qui ne diffèrent les unes des autres que par la figure allongée et filiforme dans le premier cas, élargie dans le second, et qui quelquefois séparées, sont le plus souvent réunies : c’est de leur réunion que résultent les cellule^ ou les aréoles, etc. Gc premier élément qui, à lui seul, mais diversement modifié, constitue la plupart des organes, réuni avec l’autre dont il rassemble et joint les particules, forme la fibre musculaire et la substance nerveuse.

§ 86. Les organes diffèrent encore les uns des autres par les phénomènes qu’ils présentent pendant la vie, et qui seront examinés tout à l’heure. Il suffit de noter ici que la substance cellulaire est surtout remarquable par son resserrement continuel, qui peut être augmenté par des impressions ou irritations; que le tissu liga- menteux et le tissu élastique, ses deux principales variétés, se font remarquer, l’un par une grande téna- cité, et l’autre par une force de ressort; que la fibre musculaire est par sa contraction l’organe de tous les grands mouvemens ; et que la substance nerveuse distingue de toutes les autres, par la facidté de con- duire les impressions au centre et l’action du centre nerveux aux muscles, etc.

§ 87. Les organes étant différens les uns des antres par leur conformation , leur texture, leurs propriétés

1.

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physiques, leur composition chimique, et dans l’état de vie par l’action qu’ils exercent, on les a divisés en un certain nombre de classes ou de genres. Ces genres doivent être déterminés d’après l’ensemble des carac- tères, et non d’après la forme seule; car autrement on rapprocherait des choses très-différentes, comme toutes les membranes , et l’on éloignerait des parties tout-à- fait semblables, excepté par la forme, comme les os larges des os longs , les aponévroses d’avec les ten- dons et les ligamens , les nerfs d’avec les ganglions, etc. ; la forme fibreuse ou fasciculée, la forme lainelleuse ou membraneuse, pouvant appartenir à des parties tout- à-fait différentes sous tous les autres rapports.

§ 88. Les anciens divisaient les parties solides du corps en parties similaires el en parties dissimilaires ou organiques. Les parties similaires ou homogènes sont celles qui se divisent en particules semblables entre elles, comme les os, les cartilages, les muscles, les tendons, etc. Les parties dissimilaires sont celles qui sont formées par la réunion des parties similaires, comme la main , les viscères, les organes des sens, et autres or- ganes composés. Cette *idée d’Aristote, reproduite avec de nouveaux développemens par Coïter, est l’origine et le fondement de toutes les divisions établies plus tard entre les organes. On connaît la division généralement admise dans les livres d’anatomie, en os, muscles, nerfs, vaisseaux et viscères, et quelques autres genres encore. Mais ces genres d’organes comprennent des parties composées, quelques-unes très-composées; et d’un autre côté ces genres, et surtout celui des vis- cères, contiennent des organes très-dilférens les uns

DU COUPS HUMAIN.

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des autres, ce qui ôte tous les avantages cîe la géné- ralisation. M. Pinel, en France, et Carmichael Smyth 1 , en Angleterre, ayant fait observer que les tissus sim- ples qui entrent dans la composition des parties dissi- inilaires ou composées pouvaient être malades et surtout enflammées à part, et que leur inflammation était la même, quel que fût l’organe composé dont elles fissent partie, cela a mis sur la voie de faire une analise anatomique de l’organisation plus com- plette que celle qui avait été faite jusqu’alors, surtout à l’égard des viscères. Bichat 2 , développant cette idée fécpnde et digne de son génie , a classé tous les organes simples sous le nom de tissus ou de systèmes en vingt- un genres. M. Chaussier a distingué les organes en douze genres, le douzième comprenant les viscères ou organes composés. Depuis, plusieurs auteurs, tout en en adoptant les principales bases, ont modifié les clas- sifications de ces deux anatomistes 3.

§ 89. Au milieu de toutes ces variations, voici une classification ou division des organes en genres d’après l’ensemble de leurs caractères anatomiques, chimiques, physiologiques et pathologiques.

1 On inflammation , in medical communications . Vol. 11.

2 Anatomie générale , appliquée à la physiologie et la mé- decine, par Xav. Bichat.

3 Voyez presque tous les ouvrages d’anatomie et de phy- siologie, publiés depuis l’an 1801, et notamment: J. F. Mee- kel. Handbwch de r menschlichen anatomie. Ester Band. AUgemeine anatomie. Halle und Berlin , iSi5. J. Gor- don. A system of human anatomy. Vol. 1. Edinburg , i8i5. 1\ Mascagni. Prodromo délia grande atiatcmia. F ironie , j8ïq. C. Meyer. Opusd ci'. * * 1 10 me : r J

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INTRODUCTION.

Le tissu cellulaire, élément principal et général de l’organisation doit tenir le premier rang : il existe dans -tout le règne organique, il entre dans tous les orga- nes, et fait la base de toute l’organisation.

Ce tissu, un peu modifié dans sa consistance, dans ■sa forme , dans la proportion de substance terreuse qu’il contient, forme plusieurs autres genres d’organes.

Disposé en membranes closes de toutes parts, dans l’épaisseur desquelles il a plus de fermeté et moins de perméabilité , il constitue les systèmes séreux et sy- novial.

Il forme de même le tissu tégumentaire qui com- prend la peau et les membranes muqueuses , ainsi que les follicules de ces deux sortes de membranes et les organes producteurs des poils, des dents, etc.

Il en est de même aussi du tissu élastique, qui fait la base du système vasculaire, lequel comprend les artères, les veines et les vaisseaux lymphatiques, et qui appartient encore au même ordre, en se rappro- chant du tissu musculaire.

Le système glanduleux, qui est formé par la réu- nion des systèmes tégumentaire et vasculaire, est encore du même ordre d’organes.

Le système ligamenteux ou desmeux, qui comprend des organes très-tenaces et très-résistans, résulte en- core d'iine modification du tissu cellulaire.

Enfin les systèmes cartilagineux et osseux appartien- nent encore au tissu cellulaire, et doivent leur solidité à sa condensation, et à la grande quantité de sels ter- reux que contient cette substance.

Un second ordre d’organes est formé essentiellement

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par la fibre musculaire : ce sont les muscles, soit ceux qui appartiennent aux os, soit ceux des tégumens ex- terne et interne, et des sens, soit ceux du cœur;

Les nerfs et les masses nerveuses centrales consti- tuent un troisième et dernier ordre d’organes formé» essentiellement par la substance nervale.

On voit que cette classification repose sur lés bases indiquées par Haller, et qui existent vraiment dans la^ nature.

S 9°. Quant à l’ordre successif dans lequel les genres d’organes doivent être rangés, il peut être fondé sur* diverses bases : si l’on avait égard à la généralité plus' ou moins grande des organes dans la série des ani- maux, le tissu cellulaire devrait toujours être placé le premier ; après lui viendraient les organes tégumen- taires, puis les muscles et les nerfs, puis les vaisseaux, puis les glandes; les tissus cartilagineux et osseux, li- gamenteux et séreux, ne viendraient qu’en dernier lieu, comme propres aux vertébrés. On suivrait un autre ordre si l’on classait d’abord les genres d’organes qui appartiennent aux fonctions communes ou végétatives, et en second lieu ceux qui forment les appareils des fonctions propres aux animaux. On établirait encore- un autre ordre si on voulait, comme Bichàt, ranger d abord les systèmes généraux, comme le tissu cellu- taire, les vaisseaux et les nerfs, et ensuite les systèmes- particuliers. Il est peu important mais pourtant préfé- rable de ranger les organes d’après leur analogie : c’est 1 ordre suivi ci-dessus.

S 91. Plusieurs physiologistes placent encore la sub stance cornée ou épidermique parmi les filtres primi-

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INTRODUCTION.

îives ; mais cette substance presque inorganique , pro- duite par excrétion, ne saurait être considérée comme un élément anatomique. Au reste les caractères qu’on lui assigne sont les suivans : elle ne contient pas cle cel- lulosité distincte; la macération la réduit en une sorte de mucilage ; la chimie y démontre de l’albumine sui- vant les uns, ou du mucus, suivant les autres, ce qui n’est peut-être pas très-différent, puisque le mucus paraît être de l’albumine unie à de la soude. Cette substance est celle qui constitue l’épiderme , les or g,. os , les poils, et toutes parties cornées des animaux. Quoi- qu’il paraisse y avoir une légère différence entre les matières cornée et épidermique , cette différence n’est pas assez grande pour qu’on ne puisse les rapporter à la même substance. M. Meyer, qui a donné récem- ment une nouvelle classification des solides du corps humain, regarde la membrane du tympan, la cornée et le cristallin comme formés de cette substance, qu’il appelle tissu écailleux ou feuilleté; mais ce rapproche- ment n’est pàs fondé, surtout pour les premières. Les substances épidermiques sont remarquables par la fa- cilité et la promptitude avec lesquelles elles se repro- duisent.

§ 92. Les noms défibré, tissu, organe, etc. , dési- gnent en général les solides organiques. Il faut préciser un peu le sens qu’on y attache. On appelle tissu toute partie distincte par sa texture. Le tissu ne diffère de la fibre qu’en ce que celle-ci est plus fine et en est la partie composante. Un tissu peut être formé par des fibres semblables ou différentes. Lui organe résulte ordinairement de la réunion de plusieurs tissus. Au

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reste, ces distinctions ne sont pas absolues : ainsi le tissu cellulaire représente à la fois une fibre particu- lière, un tissu formé par cette fibre, et un organe im- portant de leconomie. En général, la fibre est l’élé- ment, le tissu indique l’arrangement des parties, et l’organe une partie composée qui exerce une action propre. Presque tous les solides sont formés par la fibre cellulaire et ses deux modifications; quelques tissus ont pour base les fibres musculaire et nervale; un seul, qui est le tégumentaire , contient de la subs- tance épidermique. Les organes sont presque toujours des parties plus ou moins composées : ainsi, dans un muscle, on trouve la fibre musculaire, le tissu cellu- laire qui l’entoure, eL à l’extrémité le tendon auquel elle se termine ; de même dans un nerf, il y a dans le cen- tre une substance molle et médullaire, et à l’extérieur, une membrane particulière qui porte le nom de né- vrilême. Certaines parties , comme l’estomac , l’œil, sont plus composées encore. En général tout organe ou partie agissante contient du tissu cellulaire, des vais- seaux et des nerfs. Le tissu cellulaire est le plus ré- pandu : il n’y a point de parties on ne le rencontre sous différentes formes. Apres ce tissu , ce sont les vaisseaux qui existent le plus généralement : à part un petit nombre d’exceptions, on trouve partout des vais- seaux de diverses sortes , blancs ou rouges. Les nerfs sont moins abondans que les vaisseaux et, à plus forte raison, que le tissu cellulaire; cependant la plupart des organes en sont pourvus. On peut donc regarder ceux-ci comme des parties dans la composition des- quelles il entre constamment du tissu cellulaire, près-

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que constamment des vaisseaux , et le plus souvent du tissu nerveux.

Les viscères ou organes splanchniques tirent leur nom de l’importance de leurs usages. Ce sont les or^ ganes les plus essentiels à la vie , ceux par lesquels nous vivons; ce sont les organes les plus composés; ils sont situés dans les trois cavités du corps qu’on ap- pelle splanchiques. Ils comprennent les organes de la digestion, de la génération et de la secrétion urinaire, que renferme l’abdomen; ceux de la circulation et de la respiration, qui sont contenus dans la poitrine, et les organes sensoriaux et nerveux , logés dans la tête et dans le canal vertébral. C’est surtout aux organes tho- raciques et abdominaux, et encore plus spécialement à ces derniers, qu’on donne le nom de viscères.

§ q3. On entend par système ou genre la réunion de parties semblables par leur texture, comme les os , les muscles, les ligamens, etc. : cela correspond aux par- ties similaires des anciens. On a encore désigné ainsi des parties , telles que la peau, le tissu cellulaire , etc. , étendues à tout le corps , et offrant par des régions , des divisions, mais non, comme les précédentes, des portions distinctes. Biehat surtout a employé le mot sys- tème dans cette acception. L’étude des genres d’organes ou des systèmes fait l’objet de l’anatomie générale, qui embrasse de cette manière tout ce que les parties sem- blables présentent de commun , et en même temps ce que les tissus généralement répandus ont de commun dans leurs différentes régions.

§ 94. Les appareils sont des ensembles d’organes quel' quefois très-distincts par leur coniormation , leur si-

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tuation , leur structure et même leur action particu- lière, mais qui concourent à un but commun, lequel est une des fonctions de la vie. C’est à tort que l’on a confondu cette réunion de parties avec celle qui constitue un système ou un genre d’organes. La clas- sification des appareils repose entièrement sur la con- sidération des fonctions, tandis que celle des systèmes ou genres repose sur la ressemblance des parties entre elles. On a vu plus haut l’énumération des genres d’or- ganes; voici maintenant comment les organes sont réunis en appareils de fonctions.

Les os et leurs dépendances, savoir: le périoste, la moelle, la plupart des cartilages, les ligamens , les capsules synoviales , constituent un premier appareil d’organes qui détermine la forme du corps, qui ser- vent de soutien à toutes les parties, et notamment d’en- Aeloppe aux centres nerveux, et qui, par la mobilité des articulations, reçoivent et communiquent les mou- vemens déterminés par les muscles.

Les muscles, les tendons, les aponévroses, les bourses synoviales, forment l’appareil des mouvemens.

Les cartilages et les muscles du larynx et diverses autres parties forment celui de la phonation ou de la voix.

La peau, les autres sens et les muscles qui les meu- vent, etc., forment l’appareil des sensations.

Les centres nerveux et les nerfs, forment celui de linnervation.

Le canal alimentaire, depuis la bouche jusqu’à l’anus et toutes ses nombreuses dépendances, constituent celui de la digestion ;

INTRODUCTION.

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Le cœur et les vaisseaux, celui de la circulation;

Les poumons, celui de la respiration.

Les glandes , les follicules et les surfaces perspira- toires, forment l’appareil des sécrétions; niais la plu- part de ces organes servant à d’autres fonctions , sont compris dans leurs appareils. Il ne reste guère que la sécrétion urinaire, dont les organes forment à eux seuls un appareil.

Les organes génitaux constituent un appareil diffé- rent dans chaque sexe.

Enfin, l’œuf et le fœtus qu’il renferme, forment un dernier groupe ou appareil d’organes.

De V organisme.

§ p5. Le corps humain présente pendant la vie, des phénomènes très-nombreux et de divers genres. Des actions mécaniques et chimiques ont lieu en lui comme dans tous les corps ; mais elles sont modifiées par celles de la vie. Il y a effectivement dans le corps humain, comme dans tout corps organisé et vivant, les phé- nomènes essentiels de la vie, savoir : la nutrition et la génération, actions organiques dont l’exercice est su- bordonné à d’autres actions propres aux animaux; savoir, les mouvemens musculaires et les sensations,

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soumises elles-mêmes à 1 innervation. Ces actions ani- males enfin sont dirigées par des fonctions d’un genre supérieur; ce sont celles de l’intelligence. Outre cet ordre remarquable de subordination entre les phéno- mènes de la vie, il existe entre eux un enchaînement tel, que les fonctions d’un genre inférieur tiennent aussi

DU CORPS HUMAIN.

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sous leur dépendance les fonctions d’un ordre plus élevé, et que toutes les fonctions sont dans une dé- pendance mutuelle telle, que les phénomènes de la vie peuvent être comparés à un cercle qui, une fois tracé, n’a plus ni commencement ni fin. C’est, comme on l’a déjà dit, cet ensemble d’actions organiques qu’on appelle organisme ou vie.

§ 96. On appelle fonction 1 , l’action d’un organe ou d’un appareil d’organes ayant un but commun. On a classé ou distribué les fonctions en plusieurs genres , non que ces divisions soient parfaitement exactes, ni qu’elles soient bien utiles pour aider la mémoire, puisque les objets à classer sont assez peu nombreux; mais parce qu’il faut bien, dans leur exposition, suivre un ordre quelconque, et qu’il vaut mieux en suivre un naturel qu’un tout-à-fait arbitraire. La division des an- ciens, suivie , à quelques modifications près, par Haller, Blumenbach, Chaussier et quelques autres modernes i consiste à ranger les fonctions en quatre classes; fonc- tions vitales, animales, naturelles ou nutritives, et gé- nitales. Une autre division qui vient également des anciens, puisqu’on en trouve la première idée dans Aristote , qui a été aussi indiquée par Buffon , Gri- maud , etc. , et qui a été adoptée et développée par Bichat et M. Richerand, consiste à classer les fonctions en celles de l’espèce et en celles de l’individu , et celles- ci en fonctions de relation ou fonctions animales, et en celles de nutrition ou organiques.

§ 97. Voici un ordre très-naturel suivant lequel les

1 V oyez Chaussier, Table synoptique des fonctions.

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INTRODUCTION.

fonctions peuvent être classées. Les unes sont com- munes , sinon par tous leurs actes et tous leurs organes, du moins par le résultat, à tous les corps organisés, aux végétaux comme aux animaux; ce sont les fonc- tions communes, organiques ou végétatives : la nutrition, qui comprend la digestion, l’absorption, la circulation , la respiration et les sécrétions , et dont je résultat définitif est l’entretien de l’individu dans sa forme, dans sa composition et sa température; la génération , qui comprend la formation des germes, celle du sperme, la fécondation et le déve- loppement du germe fécondé , et dont le résultat est l’entretien de l’espèce ou d’une succession d’individus semblables. Les autres fonctions sont propres aux ani- maux ; ce sont : l’action musculaire dont les ré- sultats sont la locomotion, le geste et la voix, et de plus les mouvemens musculaires nécessaires à l’exé- cution des deux fonctions précédentes; les sen- sations, et l’action nerveuse ou l’innervation. Un autre ordre de fonctions encore appartient à l’homme exclusivement; ce sont les fonctions intellectuelles, qui n’existent qu’en apparence dans les animaux qui lui ressemblent le plus. Enfin l’homme n’exerce pas seulement des fonctions individuelles et des fonc- tions sexuelles, mais, vivant en société, il exerce des actions collectives dont l’observation et la direction sont encore hors du domaine de la physiologie et de la médecine.

§ 98. Nous n’apercevons, dans les corps en repos, que les qualités par lesquelles ils frappent nos sens. Dans les corps en action ou en mouvement, nous ne

DU CORPS IIUMAIX.

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distinguons encore que des phénomènes ou des chan- geniens perceptibles à nos sens. Parmi les qualités et les phénomènes, les uns sont communs à tous les corps, les autres sont particuliers aux corps organisés et vivons; ces derniers sont leurs qualités et phéno- mènes propres, en un mot, leurs propriétés. Les pro- priétés ne sont autre chose en effet que des qualités et des phénomènes sensibles. Quand des phénomènes se reproduisent suivant un ordre dont on peut déter- miner toutes les conditions, on connaît la loi de ces phénomènes, c’est-à-dire la règle qu’ils suivent et à laquelle ils nous paraissent être assujettis; cette loi, quand elle est générale, est appelée théorie. Au-delà nous 11e connaissons rien. Mais nous admettons en général que la matière est inerte, et toutes les fois que nous la voyons en action, nous supposons une cause de mouvement qui la fait agir, et que nous appelons une force. Ainsi la matière organique étant en action pendant toute la vie dans les corps organisés, on a dit que la vie avait pour cause une force vitale 1 .

On a considéré cette force comme une substance différente des organes, et dont ceux-ci auraient été les instrumens, et onia tantôt supposée rationnelle et tantôt irrationnelle. On l’a considérée aussi comme une faculté ou activité propre de la matière; soit de la ma- tière organique solide, soit de la matière fluide. On l’a regardée encore comme résulant de l’organisation ,

1 Voyez TVeii. Von der lebenshraft , in archiv fur die phy- siologie. B. I. Halle, 1795. Chaussier. Table synoptique île la force vitale, etc.

î ÏO

INTRODU CTIOX.

c’est-à-dire de l’assemblage de toutes les parties so- lides et liquides d’un corps organisé, etc.

Il aurait mieux valu, sans doute, se borner dans une science physique, comme la science de l’organisation de la vie, à l’observation des corps et des faits.

S 99- Les phénomènes organiques ou vitaux étant différons les uns des autres, les forces vitales ou or<*a-

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niques qu’on a admises ont être aussi de plusieurs

genres.

11 y a des phénomènes de formation organique, tels que ceux de la nutrition et de la génération , de la réparation des parties lésées, de la reproduction , etc. Aussi on a admis sous le nom de force plastique, de force formative, d’affinité vitale, une force de forma- tion 1 : elle est commune à tous les corps organiques et à toutes leurs parties.

§ 100. Les parties solides des corps organisés et sur- tout des animaux, reçoivent de la part de divers agens des impressions suivies immédiatement de mouvemens plus ou moins appréciables: on appelle cela des mou- vemens d’irritation; et la force ou la cause à laquelle on les attribue est appelée irritabilité 2. Toutes les parties animales en sont susceptibles à des degrés très- variés. Ou en distingue trois variétés principales. Dans le tissu cellulaire , elle existe à un faible degré , 011 l’appelle tonicité; dans les vaisseaux elle est plus marquée on l’appelle contractilité vasculaire; dans les

Voyez Blumembacli. U ber de n Bildungstricb. Gotting.

2 Voyez Gautier, de irritcibililciiis notionc , naturel et mor- bîs , Ihilæ , 1 7^3.

DU CORPS HUMAIN.

III

muscles elle existe au plus haut degré , on la nomme irritabilité musculaire ou myotilité.

Il est remarquable que tous ces mouvemens con- sistent dans des resserremens ou contractions. On a cependant cru que certains mouvemens dépendaient d’une expansion, d’une élongation, d’une turgescence I; il paraît que c’est faute d’avoir bien observé.

§ ioi. Dans l’homme etles animaux qui ont des nerfs distincts et un centre nerveux , les impressions reçues sont transmises par des nerfs , et senties au centre ; et les centres transmettent par des nerfs leur action aux muscles. La cause à laquelle on rapporte ces phéno- mènes est appelée force nerveuse , et en un mot sen- sibilité. Parmi les sensations, les unes sont extrêmement obscures et vaguement aperçues2 : elles sont à peu près répandues partout , mais surtout dans les membranes muqueuses. Dans l’état de santé elles constituent un sentiment général de bien-être ; quand elles sont exaltées par quelques causes elles donnent lieu à une sensa- tion morbide qu’on appelle douleur. Il n’est aucune partie qui ne puisse être le siège de cette sensibilité morbide. Les autres sensations sont distinctes et quel- ques-unes tout-à-fait spéciales.

Quant à l’action nerveuse sur les muscles, elle en dirige l’irritabilité; elle s’exerce aussi sur les vaisseaux, surtout les plus petits.

Les actes intellectuels et moraux diffèrent tellement des phénomènes organiques, qu’ils ne peuvent dépendre de la même cause : ils seraient en effet aveugles et nécessaires , au lieu d’être éclairés et libres. La physio-

1 Voyez Hebenstreitj^e Turgore vitali; Lipsiæ, 1795.

2 Voyez Hubner, de Coenæsthesi ; Halæ, 1794.

na

INTRODUCTION.

logie qui d’un côté se rencontre avec la physique ou la philosophie naturelle , se rencontre ici avec la philo- sophie morale ou la métaphysique.

§ 102. Les fonctions ne s’exercent point, ou si l’on veut, les forces vitales n’entrent point en action spon- tanément, mais par celle des stimulans ou excitans ; soit les corps qui agissent sur les surfaces externe et interne de notre corps , soit le sang qui pénètre dans toutes les parties. Relativement à leurs effets, les sti- mulans sont très-différens les uns des autres. Relative- ment aux sujets sur lesquels ils agissent, leur variété n’est pas moins grande, et dépend de l’âge, du sexe, et surtout de la diversité des organes qui éprouvent plus ou moins l’action du même agent.

Tout se tenant dans l’organisation, l’action d’un or- gane n’est point isolée : ceux qui sont des centres in- fluent sur tous ceux qui leur sont subordonnés. D’au- tres entrent en fonction par association. Quelques-uns exécutent, pour la suppléer , faction qui s’interrompt dans un autre. Il n’en est pas un seul qui, étant excité d’une manière extraordinaire, par un stimulus apro- prié, n’influe plus ou moins sur l’organisme tout entier.

Du développement et des différences de V organisation.

§ io3. Chaque organe, chaque action, et par con- séquent l’organisme tout entier présente des stades ou des degrés de développement et de perfection. Une pre- mière période est celle de la jeunesse , de l accroisse- ment et du perfectionnement successif; une seconde , très-courte, est celle dans laquelle l’organisation de- meure dans un état de maturité; une troisième enfin

DU CORPS HUMAIN.

1 1 3

est celle clans laquelle l’organisme s’altère progressi- vement, et arrive naturellement à la mort et à la des- truction.

§ 104. C’est au commencement de la vie que la res- semblance entre les parties latérales est la plus grande. Le cœur est alors vertical et médian, les lobes du foie sont à peu près égaux, l’estomac est vertical, etc. Les membres supérieurs et les inférieurs se ressemblent tout-à-fait, au moment et peu de temps après leur ap- parition. Les organes génitaux des deux sexes sont d’abord semblables. C’est aussi au commencement de la vie que les animaux se ressemblent le plus entre eux. La grandeur relative des parties change avec l’âge ; ainsi le système nerveux, les sens, le cœur, le foie, les reins, etc., sont d’abord dans une très-grande pro- portion avec le reste du corps, tandis qu’au contraire, l’intestin, la rate, les organes génitaux, Les poumons, les membres, etc., sont très-petits relativement au reste du corps et aux autres organes. Cela joint à ce que certaines parties disparaissent ou diminuent beaucoup avec l’âge, constitue une espèce de métamorphose; ainsi les membranes de l’œuf et le placenta, la mem- brane pupillaire, les dents de lait, cessent d’exister; et les capsules surrénales, le thymus, diminuent beau- coup, et disparaissent presque tout-à-fait.

S io5. Les organes et les humeurs ne sont pas tou- jours dans la même .proportion : au commencement, l’embryon n’est qu’une molécule presque tout-à-fait liquide; avec le temps la proportion des solides aug- mente, elle augmente jusqu’à la fin. La couleur se développe aussi graduellement; toutes les parties sont

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i.

INTRODUCTION.

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d’abord blanches; la coloration du sang et celle des autres parties se fait peu à peu. Il n’y a d’abord point de texture déterminée dans les organes : il n’y a même pas de globules au commencement; plus tard, la masse du corps tout entière paraît globuleuse ou granulée ; ensuite les fibres, les lames, les vaisseaux deviennent distincts. Tous les organes ne se développent pas à la fois. Tous ceux du même genre ou système ne se forment pas non plus ensemble. La forme extérieure ou la configuration se dessine avant que la consistance, la texture et la composition soient fixées ; car, ainsi qu’on le voit dans le fruit de l’amande, qui a déjà sa forme, et qui n’est encore qu’un liquide glaireux qui acquerra successivement la consistance, la texture et la composition qui lui sont propres, de même le sys- tème nerveux, le système osseux, ont déjà en partie leur configuration , alors qu’ils sont encore liquides. Le tissu cellulaire et les vaisseaux perméables aux liquides di- minuent depuis le commencement jusqu’à la fin de la vie: c’est ce changement surtout, qui persiste après la fin de l’accroissement , qui paraît constituer essentiel- lement la période de la détérioration de l’organisme, et de la vieillesse.

§ 106. Les organes se forment par parties isolées, qui se réunissent ensuite. Ainsi la moelle nerveuse est d’abord un double cordon; ainsi l’intestin et la cavité du torse, d’abord ouverts par devant, se ferment en- suite; il en est de même pour le canal rachidien. Les vaisseaux sont d’abord des vésicules isolées, qui s’allon- gent et se communiquent dans la masse du corps. Les reins, d’abord multiples, s’agglomèrent ; les os, qui, à

DU CORPS HUMAIN.

Il5

i état cartilagineux, s’allongent par une sorte de végéta- tion , s’ossifient plus tard, par parties séparées, qui se réunissent, etc. Il reste dans certains endroits des traces de cette formation , plus dans quelques - uns , dans quelques autres moins ; ainsi les raphes de la peau , la suture médiane du frontal, la ligne médiane de l’utérus, etc., sont des traces assez apparentes d’une réunion de deux moitiés; au contraire, dans la partie supérieure du sternum, dans le corps des vertèbres, ces traces s’effacent ordinairement tout-à-fait.

§ 107. Toutes les phases par lesquelles passe l’or- ganisme humain répondent à des états permanens dans le règne animal. On pourrait ici accumuler les preuves de cette importante proposition, en mettant en parallèle le fœtus humain à divers degrés de déve- loppement , avec les degrés de l’organisation de l’échelle animale. Quelques exemples suffiront. L’embryon n’est d’abord qu’un petit bourgeon ou germe placé sur une vésicule ; tels sont quelques-uns des vers les plus sim- ples. Plus tard c’est un petit corps vermiforme sans membres et sans tête distincts : c’est le cas des an- nelides; plus tard les membres sont égaux et la queue est saillante : c’est le cas de la plupart des quadru- pèdes. Dans le système nerveux , on voit d’abord ap- paraître les nerfs avec leurs ganglions : c'est le cas de tous les invertébrés pourvus de nerfs; plus tard, on distingue la moelle vertébrale et crânienne, les tuber- cules de cette dernière , et seulement encore des ru- dimens de cervelet et de cerveau : c’est le cas des pois- sons et des reptiles ; plus tard enfin ces dernières parties s’accroissent beaucoup plus que les tubercules ,

INTRODUCTION.

I 16

et 1 encepliale est successivement celui des oiseaux et des mammifères , jusqu’à ce qu’enfin, par la pré- dominance des lobes cérébraux et cérébelleux sur le reste, il devienne celui de l’homme lui- même. On verrait, en suivant le développement des os, d’abord mucilagineux , puis cartilagineux , puis os- seux, et à cet état séparés d’abord en beaucoup de pièces qui se soudent plus tard ; en comparant ce développement avec l’état du système osseux dans la lamproie , dans les poissons cartilagineux , et dans les vertébrés ovipares en général , on verrait une autre preuve de la proposition énoncée. Il en serait de même enfin en passant en revue tous les genres et tous les appareils d’organes.

§ 108. L’homme se distingue entre tous les animaux par la grande rapidité avec laquelle il parcourt les premières périodes de sa formation ou de son dé- veloppement; aussi est-il difficile d’apercevoir en lui ces premiers changemens. C’est un point d’anatomie comparée de l’homme avec les animaux et de l’homme avec lui-même, à ses différens âges, qui, déjà riche d’un grand nombre de faits , se recommande par son importance à l’observation des médecins qui pra- tiquent l’art des accouchemens.

§ 109. Les phénomènes organiques suivent, comme on le conçoit bien , le développement successif des organes. 11 n’y a d’abord dans l’embryon qu’une ab- sorption, et une assimilation presque immédiate de la matière nutritive ; les vaisseaux deviennent ensuite apparens , et c’est alors la circulation qui porte les matériaux de la nutrition partout ; les sécrétions com-

DU CORPS HUMAIN.

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mencent ensuite à se faire, et le sang du fœtus, mis en contact dans le placenta avec celui de la mère, en éprouve une espèce de respiration branchiale. A la naissance , la respiration de l’air et la digestion se joi- gnent aux autres fonctions nutritives, et les fonctions animales entrent en exercice ; et ici, comme dans l’en- semble du règne animal , on voit les organes les der- niers développés et leurs fonctions , tenir tout le reste sous leur dépendance, et la vie résulter de l’enchaîne- ment des actions organiques les unes avec les autres.

§ 1 1 o. L’organisation de l’homme présente dans les deux sexes des différences 1 : outre celles qui existent dans les organes de la génération , il y en a d’autres dans la forme générale du corps , et dans la pro- portion de ses parties. L’homme est en général plus grand que la femme ; le poids total de son corps est d’environ un tiers plus considérable. Les formes sont plus arrondies dans la femme, plus rudes et plus sail- lantes dans l’homme ; la femme a le tronc plus court et les membres inférieurs plus longs , de manière que le milieu de son corps se trouve chez elle plus bas que chez l’homme ; elle a l’abdomen , et surtout le bassin , plus larges relativement aux épaules et à la poitrine, qui est courte et évasée. Les organes con- tenus dans l’abdomen sont plus grands , et ceux de la poitrine et du cou plus petits , en proportion du reste du corps, dans la femme que dans l’homme; les os et les muscles sont moins développés , le tissu adipeux

1 V oyez J. F. Ackermann. de discrimine sexuum prœter genitalia. Mogunt. 1787. Ejusd. historia et ichnogr. in~ f antis androgyni. Jenœ , i8o5.

INTRODUCTION.

I 18

l’est davantage ; la texture générale des parties est plus molle et plus lâche; les poils sont moins forts et moins nombreux. Quant aux organes génitaux , les différences très-grandes qu’ils présentent ne détruisent pas des analogies essentielles. Les caractères extérieurs des sexes qui viennent d’être indiqués paraissent sur- tout dépendre de l’existence et de l’action de l’ovaire dans la femme, et du testicule dans l’homme. Dans l’embryon , dont le sexe est douteux, il n’y a pas de différences extérieures appréciables; dans le fœtus et l’enfant, elles commencent à se dessiner à mesure que les organes génitaux se perfectionnent ; c’est à la puberté que les caractères sexuels s’établissent surtout , et dans la vieillesse ils redeviennent moins tranchés. Le défaut de développement complet des ovaires ou des testicules , leurs altérations par des maladies , et leur ablation, empêchent également les différences géné- rales des sexes de s’établir, ou les effacent plus ou moins complètement. On a cherché les causes de la différence des sexes dans une prétendue prédomi- nance du principe coagulant ou de l’oxigène dans le male, et de la matière nutritive bydro-carbo-azotée dans la femelle.

§ ni. L’espèce humaine présente des différences d organisation héréditaires dans les races ou variétés 1 répandues sur le globe, et qu’on peut rapporter à cinq? dont trois principales; savoir la caucasienne, la mon- gole et l’éthiopienne, et les races malaie et américaine.

§ 1 12. La race caucasienne, à laquelle nous apparte- nons, se fait remarquer par la beauté delà forme et des

' Voyez Blumenbach. Op. cil. Lawrence. Op. cil.

DU CORPS HUMAIN.

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proportions de la tête , dans laquelle le crâne l’emporte de beaucoup sur la face; ce dont on se convaint par la plus simple inspection cqpmie par l’application des méthodes céphalométriques. Le crâne est arrondi et élevé, la face est ovale, ses parties sont peu saillantes. La coloration de la peau est généralement blanche et rosée, celle des yeux est bleue ou brune, celle des cheveux , en général nombreux , fins et longs , varie du blanc au noir.

Cette race se fait particulièrement remarquer par le développement de son intelligence , par la civilisation et par la culture de la philosophie , des sciences et des arts. Les races colorées, au contraire, l’emportent par la perfection plus grande des sens.

§ 1 1 3. La race mongole se reconnaît à la force du tronc, à la petitesse des membres, à la forme presque carrée de la tête et à l’obliquité du front, à la largeur et à l’aplatissement de la face, à la saillie des pommettes, à l’écartement, à l’étroitesse et à l’obliquité des yeux; la couleur de la peau est olivâtre ; les cheveux sont droits, noirs et courts; la barbe est rare, et manque quelquefois tout-à-fait.

§ ii 4- La race nègre a le tronc mince, surtout aux lombes et au bassin ; les membres supérieurs sont longs, surtout l’avant-bras; les mains sont petites, les pieds grands et aplatis; le genou et le pied sont tournés en dehors; la tête est étroite et allongée; la partie in- férieure de la face est saillante; le nez est écrasé; les dents antérieures sont obliques et les lèvres saillantes; la peau , l’iris et les cheveux sont noirs : ceux-ci sont crépus , et la barbe est peu épaisse.

1 20

INTRODUCTION.

§ il 5. La race américaine a des caractères anato- miques moins tranchés, et semble intermédiaire à la race caucasique et à la race nègre. La peau est d’un rouge cuivré; les cheveux sont noirs, droits et fins, et la barbe rare ou nulle.

§ ii 6. La race malaie est, comme la précédente, peu distincte par des caractères tirés de l’anatomie : elle pa- raît intermédiaire aux deux premières. Dans cette race, la peau est brune ou basanée, et les cheveux épais et frisés.

§ il 7. On a admis des variétés fabuleuses : il ne doit pas en être question ici. Les albinos sont le résul- tat d’une altération morbide. On trouve encore dans cha- que race des sous-variétés plus ou moins tranchées. Dans les divers pays souvent très-rapprochés , on observe en général un caractère national, au moins dans la phy- sionomie; mais aussi dans chaque race, dans chaque nation , et même dans des divisions bien plus rétrécies, on trouve quelquefois des individus très-différens des autres; ainsi il n’est pas très-rare de trouver dans la race nègre tous les caractères anatomiques et physio- logiques de la race caucasique, excepté la couleur, et ré- ciproquement. Les variétés d’ailleurs se confondent par des gradations insensibles. Il ne faut donc consi- dérer ces variétés dans l’espèce que comme des dif- férences accidentelles, dont les causes, à la vérité, ne sont pas faciles à déterminer : mais combien aussi dans une pareille matière les observations sont-elles courtes, et par conséquent imparfaites, pour déterminer les con- ditions d’un phénomène à la production duquel la na- ture n’a pas épargné le temps!

DU CORPS HUMAIN.

121

Des altérations de V organisation.

§ ii 8. Le corps humain n’arrive pas, à beaucoup près, toujours au terme de son existence par un change- ment progressif de l’organisation. Le plus souvent le développement s’arrête, se dévie de l’ordre habituel, ou bien l’organisation régulièrement développée s’al- tère par l’action des agens extérieurs. Le corps , ainsi altéré dans sa conformation, dans sa texture, dans sa composition, est le sujet de l’anatomie morbide. Poul- ie médecin cette anatomie est le complément nécessaire de l’anatomie de l’homme sain : elle est à la pathologie ce que l’anatomie ordinaire est à la physiologie; il n’y a pas plus de pathologie sans anatomie morbide, que de physiologie sans anatomie; il n’y a pas plus de phé- nomènes morbides ou de symptômes sans organes al- térés, que de fonctions sans organes réguliers, que de phénomènes sans corps, que de mouvement sans ma- tière. L’anatomie morbide est le fondement de la pa- thologie.

§ 119. Les dérangemens de l’organisation peuvent intéresser la conformation du corps en général ou de quelques organes : cela constitue une première classe, celle des vices de conformation. Les uns sont origi- nels ou primitifs; d’autres sont secondaires ou acquis. Ces derniers sont nombreux et très-différens les uns des autres. Quant aux premiers, leur observation atten- tive a contribué à faire découvrir une des lois les plus importantes du développement de l’organisation. Ces

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INTRODUCTION.

vices ne sont, en effet, essentiellement qu’un état per- manent, dans un ou plusieurs organes, des stades ou degrés par lesquels ils passent dans leur développement successif. Ainsi, par exemple, les vices nombreux qui consistent dans une fente ou un écartement plus ou moins grand sur la ligne médiane, comme le bec-dè- lièvre , la fente de la voûte ou du voile du palais , l’ouverture du sternum, du diaphragme, de la paroi de l’abdomen , de la paroi antérieure de la vessie , des pubis, de l’urètre , du périnée, le spina-bifida, le crâne bifide, etc., sont l’état permanent d’une fente qui ne devait être que temporaire.

La réunion des doigts entre eux, le prolongement du coccyx, la persistance de la membrane pupillaire, l’utérus bifide, le testicule dans l’abdomen, etc., ne sont encore que des situations, des divisions , des réunions, des existences d’organes, qui ne devaient être que tem- poraires et qui sont restées permanentes. Il en est de même des communications anormales des cavités du cœur, de l’ouverture de la vessie à l’ombilic, de 1 exis- tence d’un cloaque, de la hernie ombilicale congéni- tale, etc.

Quelquefois, un de ces vices existant, le reste de l’organisation se développe à peu près comme à 1 ordi- naire; mais dans certains cas, une imperfection en en- traîne nécessairement d’autres à sa suite , et en voici un des exemples plus frappans : que le nerf olfactif et Fethmoïde qui le contient s arrêtent dans leui déve- loppement, les orbites et les yetix se confondront plus ou moins intimement, et constitueront ce quon ap-

bu CORPS HUMAIN.

I 23

pelle un cyclope r. Il en est de même de plusieurs autres vices.

Cette partie de l’anatomie pathologique, qui n’a guère été regardée que comme un objet de curiosité , est au contraire d’un très -grand intérêt pour le physiolo- giste et pour le pathologiste.

§ 120. Les dérangemens de l’organisation peuvent aussi consister dans une altération de la texture et de la composition des organes.

Tels sont les effets et les produits de l’irritation, de l’inflammation, et d’autres dérangemens moins connus des sécrétions et de la nutrition. L’adhésion, en gé- néral, et les différences qu elle présente dans les divers organes divisés; le pus et les autres produits liquides de l’inflammation ; les transformations d’un tissu en un autre, analogue aux tissus sains; la dégénération ou le changement d’un organe en une substance qui n’a point d’analogue dans l’organisation régulière; les concrétions molles ou dures qui se forment dans les conduits et les réservoirs des follicules et des glandes, et qui dépendent d’une altération du liquide sécrété , et de l’organe sécréteur, sont autant de genres très- importans dans cette classe, dont l’étude n’est pas d’une utilité contestable comme pourrait le paraître celle des vices de conformation.

Il faut joindre à ces deux classes celle des vers in- testinaux assez nombreux, et des animaux parasites qui peuvent exister dans l’homme.

Voyez Béclard. Mémoire sur les fœtus acéphales.

124

INTRODUCTION.

De la mort et du cadavre.

§ 121. La mort 1 est la cessation totale et définitive des fonctions de la vie , suivie bientôt après de la dis- solution du corps. Elle est le résultat nécessaire et inévitable des changemens successifs de l’organisme. Rarement cependant elle est le dernier terme de la vie, parvenue jusqu’à l’extrême vieillese; le plus sou- vent elle arrive par des causes accidentelles.

La vie consistant essentiellement dans l’action ré- ciproque de la circulation du sang et de l’innervation, la mort résulte toujours de la cessation de cette action réciproque. La mort sénile paraît résulter de l’affai- blissement simultané de ces deux fonctions et de l’al- tération simultanée de leurs organes, et la mort ac- cidentelle ou morbide de l’altération primitive de l’un des deux organes et de sa fonction. C’est toujours en effet par l’interruption de 1 action nerveuse sur les or- ganes de la circulation , ou par la cessation de 1 action du sang sur le centre nerveux, que la mort est déter- minée par . les accidens et les maladies. Mais le sang peut cesser d’agir sur le système nerveux de manière à entretenir la vie ; soit parce que le cœur ne l’y pousse plus, et que les vaisseaux cessent effectivement de l’y conduire ; soit parce que le sang n’est plus soumis à la respiration ; soit parce qu’il n’est pas dé- barrassé par les sécrétions et surtout par la dépu-

1 Voyez Bichat. Recherches, etc. C. Himly. Commentatio mords hisloriam , causas et signa sistens. Gotting. 1794*

DU CORPS HUMAIN.

12$

ration urinaire des principes nuisibles ; soit parce cpie la digestion et l’absorption intestinale ne lui four- nissent pas des matériaux nutritifs; soit enfin parce que des substances délétères sont introduites du de- hors dans la masse de ce liquide.

§ 122. Le cadavre 1 est un corps organisé mort; mais ce terme s’entend particulièrement d’un animal, et surtout de l’homme qui a cessé de vivre. Le corps l’action vitale a cessé est insensible, la chaleur et la motilité s’y éteignent bientôt. Quelques instans en- core on y peut observer des phénomènes particu- liers , derniers vestiges de la vie qui vient de finir, et qu’on appelle phénomènes cadavériques primitifs. Mais le cadavre n’a qu’une durée éphémère. Cons- tamment, à moins de quelques circonstances particu- lières, la putréfaction s’en empare au bout d’un temps assez court; ses élémens se dissocient, et les os seuls subsistent encore quelque temps pour se détruire eux- mêmes à leur tour. Quoique tous les cadavres soient disposés aux altérations dont il s’agit , cependant ils ne s’altèrent point tous en même temps et de la même manière. L’âge, la constitution de l’individu, la pro- portion de ses humeurs, le genre de la mort , les cir- constances qui l’ont précédée, la saison, le climat, l’état de l’atmosphère , les corps qui entourent le ca- davre, etc., sont autant de circonstances qui influent chacune à leur manière sur le développement des phénomènes cadavériques ; chaque organe d’ailleurs éprouve des altérations particulières. Voici les chan- gemens les plus généraux.

Voyez Chaussier. Table des phénomènes cadavériques.

126

INTRODUCTION.

§ 1 23. La chaleur, de même que les autres phénomènes dénutrition, diminue quelquefois dès ayant la mort, et cesse peu de temps après. Le refroidissement se fait graduellement, et commence par les surfaces et les extrémités. Il s’opère d’autant plus vite que le sujet est plus épuisé par la vieillesse ou la maladie , qu’il est privé de sang, qu’il est maigre, et que l’atmos- phère est plus froide : il peut alors s’opérer en deux ou trois heures ; communément il demande quinze à vingt heures ; il peut même exiger plusieurs jours. Le sang est noirâtre , il conserve en général de la fluidité et du mouvement tant que le cadavre est chaud; l’aorte et les principales artères se vident ; il s’accumule en général dans les veines caves , dans les oreillettes du cœur et dans les vaisseaux des poumons, et même dans les veines en général , ce qui dépend de l’élasticité des artères et des bronches, et du mécanisme de la poi- trine. Au reste, l’accumulation du sang dans les veines varie suivant les causes de la mort : elle est très- grande quand il y a eu dyspnée ou suffocation ; il en résulte alors quelquefois des congestions , des turges- cences , des érections, et même des transsudations sanguinolentes. Le sang, obéissant à la pesanteur et à l’action des artères, s’accumule et forme des lividités dans les parties qui sont déclives au moment de la mort; et, pendant que le corps est resté chaud, le reste du corps est au contraire pâle et jaunâtre. Pendant toute cette période de refroidissement, le corps est en gé- néral flexible et mou, les yeux sont entrouverts, la lèvre et la mâchoire inférieures pendantes , la pupille dilatée; des congestions qui avaient existé pendant la

DU CORPS HUMAIN.

1 27

vie disparaissent quelquefois ; les sphincters sont relâ- chés , et quelquefois la défécation et même l’accouche- ment ont eu lieu par un dernier reste de contractilité. Les muscles sont encore irritables par divers excitans, et surtout par le galvanisme.

§ 124. Les parties molles restent flexibles, et le sang fluide, tant que le cadavre conserve sa chaleur; aus- sitôt qu’elle l’abandonne, le sang se coagule, et les parties molles se roidissent d’une manière plus ou moins marquée. La coagulation du sang varie beau- coup; ordinairement il se forme des concrétions blan- ches, ou de couleur éitrine, qui se moulent dans les vaisseaux ; quelquefois le sang prend une consis- tance de gelée, ou même reste tout-à-fait fluide. La roideur cadavérique est un phénomèue constant, ca- ractérisé par la fermeté que prennent les parties molles , et par la résistance et l’immobilité des articulations. Elle commence par le tronc, et s’étend aux membres supérieurs, puis aux inférieurs. Ce phénomène, qui paraît dépendre essentiellement de la dernière con- traction des muscles , et aussi du refroidissement général et de la coagulation des liquides, présente de grandes variétés, relativement à l’époque de sa mani- festation, à son intensité, à sa durée. Ainsi dans la mort sénile, dans la mort par un lent épuisement ou par des fatigues excessives, après les maladies septiques, gangréneuses, scorbutiques, etc., la roideur survient très-promptement , est peu intense ,et dure à peine une ou deux heures. Au contraire dans les sujets forts , musclés , qui meurent tout à coup d’une mort vio- lente; après la plupart des asphyxies et des maladies

128

/

INTRODUCTION.

aiguës, la roideur 11e survient qu’au bout de vingt à trente heures, devient très-considérable, et dure pen- dant trois ou quatre jours. La roideur des parties molles cesse ensuite d’elle-même, et dans le même ordre elle s était manifestée; elle est remplacée par une mol- lesse qui augmente graduellement; les parties sont abandonnées à leur pesanteur , elles se dirigent en con- séquence, et s’affaissent sur elles-mêmes. Les liquides qui étaient coagulés se liquéfient de nouveau , et leur fluidité semble même augmenter. Ce sont les premiers phénomènes de la décomposition putride.

§ 125. Dans quelques cas, et ordinairement après une mort prompte et violente, il se fait un dégagement rapide et considérable de gaz, soit dans le canal intes- tinal , soit dans les cavités séreuses , dans le tissu cel- lulaire, soit même dans les vaisseaux : il en résulte divers autres phénomènes remarquables. La tympanite de l’abdomen repoussant le diaphragme, fait souvent sortir du mucus par la bouche ou par les narines, re- foule le sang dans le cou et la tête : d’où le gonflement de la face, l’éclat des yeux, le resserrement de la pu- pille ; elle fait encore refluer par l’œsophage dans le pha- rynx, dans le larynx, dans les fosses nasales ou dans la bouche, les matières de l’estomac; elle détermine aussi le reflux du sang vers les organes génitaux, l’excrétion de gaz, de fèces, et quelquefois même la rupture de la paroi abdominale. Le développement de gaz dans le tissu cellulaire constitue l’emphysème cadavérique; son dégagement dans le cœur et les vaisseaux détermine le mouvement du sang et même sa sortie par des plaies, phénomène que l’on appelle cruentation cadavérique.

DU CORPS HUMAIN.

I29

§ 126. La putréfaction est un mouvement intestin, inverse de l’action organique, qui s’établit dans le cada- vre, détruit toutes les combinaisons qui s’étaient for- mées par l’action vitale, en sépare les molécules, les ramène à un état plus simple de composition, les réduit en gaz, en vapeurs, en putrilage, en terreau , et les rend ainsi à la masse générale des corps inertes. Outre la ces- sation de la vie , la putréfaction demande encore comme conditions, le contact de l’air, et un certain degré de chaleur et d’humidité. Le degré et la com- binaison de ces conditions font beaucoup varier les phénomènes de la décomposition.

§ 127. En général, elle commence dès que la coagu- lation et la roideur cessent : dès lors les liquides commen- cent à se résoudre, et les parties molles se relâchent et s’amollissent graduellement. Le cadavre, qui exhale dès le commencement une vapeur dont la déperdition di- minue son poids, répand alors une odeur fade. Le sans- et les autres humeurs transsudent à travers leurs réservoirs, et imprègnent de leur couleur et de leur odeur les parois et les parties environnantes : de la coloration des veines et du tissu cellulaire environnant en rouge, les taches imprimées à l’estomac et aux in- testins par le foie, la rate, la vésicule biliaire, les in- filtrations séro-sanguinolentes dans le tissu cellulaire et les membranes séreuses, leur coloration en rose, en rouge, en brun, et la coloration des parois de l’abdo- men en une teinte bleuâtre ou verdâtre. Les humeurs de l'œil transsudent, d’où l’affaissement de la cornée, et, en se mêlant avec les corpuscules qui voltigent dans 1 œil , forment un enduit terne.

1.

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INTRODUCTION.

t3ü

Dans cette première période les muscles rougissent le papier de tournesol.

§ 128. La putréfaction, qui , eu égard aux régions , commence en général par l’abdomen, à cause des ma- tières excrémentitielles qui y sont accumulées; qui, eu égard aux organes, commence par les plus mous et les plus imprégnés de liquides, comme la masse en- céphalique, et qui attaque aussi, en premier lieu, les parties engorgées ou altérées par la maladie ou par le genre de mort , devient bientôt générale. L’épiderme se détache et est soulevé par des amas de sanie bru- nâtre; les chairs, imbibées par les liquides, deviennent gluantes, verdâtres, pulpeuses, ammoniacales; il se dégage une odeur putride, nauséabonde.

§ 129. Enfin la texture disparaît tout-à-fait; les par- ties molles, confondues avec les liquides,- se réduisent en putrilage demi-fluide, mêlé de bulles de gaz, et répandant l’odeur la plus infecte , et la vapeur la plus pernicieuse. Il ne reste bientôt plus que les os, qui à leur tour deviennent friables, pulvéruiens, et ne lais- sent qu’un faible résidu terreux.

§ i3o. Lorsque les conditions de la putréfaction sont favorables, comme après certaines maladies, et dans des temps ou des lieux chauds et humides, elle commence presqu’à l’instant de la mort, et parcourt ses périodes avec la plus grande rapidité. Dans les cas contraires elle est lente, et peut n’être complète qu’a- près plusieurs années. Elle peut même être indéfin i- méfit suspendue, ou très-modifiée dans ses phéno- mènes. Ainsi, un cadavre enfermé dans la glace peut s y conserver sans altération sensible, tant que durera

DU CORPS HUMAIN.

1,3 I

la congélation; ainsi, un corps désseché par une at- mosphère très-chaude et sèche, comme celle des dé- serts de l’Afrique, ou par une terre absorbante, comme dans certains caveaux, ou par la chaleur du four ou de l’étuve, ou par divers procédés chimiques, peut de- venir a peu près imputrescible. De même, un corps plongé et retenu dans l’eau, dans un terrain humide, ou dans une terre saturée de produits cadavériques, peut se transformer en gras , se saponifier, par l’action réciproque de sa graisse et de l’ammoniaque qui ré- sulte de la décomposition des chairs.

§ i3i. Le cadavre conservant encore, quelque temps après la mort, à peu près l’organisation et la composi- tion que le corps avait pendant la vie , il est le sujet sur lequel on étudie l’anatomie. Cependant , comme il ar- rive dès le moment de la mort des changemens qui vont sans cesse en augmentant, il faut rectifier par 1 examen des animaux vivans les idées que l’on pourrait se faite en n'examinant que des corps privés de vie.

Tous les corps ne sont point également propres et convenables à l’étude de 1 anatomie /Il ne faut point se servir , pour faire des dissections longues et suivies, de ceux qui ont succombé à des maladies septiques ou à la fatigue, de ceux qui sont encore chauds, de ceux dont la putréfaction a été prompte, pu est très-avancée, ïl faut dans dans le* recherches an ^atomiques être d’une extrême propreté. Si l’on se blesse en disséquant , et surtout en disséquant un sujet impropre à l’étude de l’anatomie, il faut sur-le-champ laver et cautériser la blessure.

§ i3s. L’anatomiste considère dans chaque partie

1 3 2 INTRODUCTION. DU CORPS HUMAIN.

solide du corps, sa 'Configuration ou sa forme tant extérieure qu’intérieure, si elle est creuse, et sa dis- position symétrique ou irrégulière; sa situation dans le corps entier, et relativement aux autres parties, ainsi que ses rapports de contact ou de liaison, plus ou moins intime avec elles; la direction de son grand diamètre, qui peut être parallèle, oblique ou perpen- diculaire à l’axe du corps; son étendue métrique ou relative au corps, ou à quelqu’une de ses parties; ses propriétés physiques, soit relatives à l’attraction de ses molécules, comme sa dentité, sa cohésion, son élasticité, etc., soit relatives à la manière dont la lu- mière l’affecte, comme la couleur, la diaphanéité, etc.; sa composition anatomique et sa texture ou l'ar- rangement de ses parties intégrantes; rj° ses propriétés et sa composition chimiques; les liquides ou hu- meurs qu elle contient; 90 les propriétés dont elle jouit pendant la vie; io° son action vitale et la liaison de cette action avec les autres; les variétés quelle présente dans les âges , les sexes, les races, et les in- dividus; 12° ses états morbides; et i3° ses phénomènes et ses altérations cadavériques. Quoique plusieurs de ces considérations semblent appartenir à la physique, à la chimie, à la physiologie, et à la pathologie, plu- tôt qu’à l’anatomie, il n’en est aucune qui ne soit propre à éclairer l’anatomiste, aucune qu’il doive né- gliger.

ANATOMIE GENERALE.

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CHAPITRE PREMIER.

DES TISSUS CELLULAIRE ET ADIPEUX.

§ 1 33. On a généralement confondu ces deux tissus sous le nom de tissu cellulaire; cependant ils sont différens et doivent être décrits à part.

PREMIÈRE SECTION.

DU TISSU CELLULAIRE.

§ i34* Le tissu cellulaire a été ainsi nommé à cause des aréoles qu’il forme et qu’on a, peut-être mal à pro- pos, appelées cellules. C est un tissu mou, spongieux, répandu dans tout le corps, qui entoure tous les or- ganes, les unit et en même temps les sépare les uns des autres, qui pénètre dans leur épaisseur et se com- porte de la même manière à l’égard de toutes leurs parties, et qui, entrant dans la composition de tous les corps organisés et de tous les organes, est le prin- cipal élément de l’organisation.

Suivant la manière dont on l a envisagé, on lui a donné les nonis de substance, de corps, de système,

ANATOMIE GÉNÉRALE.

I 34

d’organe , de membrane , de tissu cribreux , mu- queux, glutineux, intermédiaire, aréolaire, réticulé, lamineux, filamenteux, etc. Le nom de tissu cellu- laire ne lui convient peut-être pas mieux que les au- tres, mais il est plus généralement adopté.

§ 1 35. Malgré 1 étendue et l’importance très-grandes de ce tissu , qui ont frapper de bonne heure les ana- tomistes , on n’en trouve point de description dans les auteurs anciens. Hippocrate parle de la perméabilité générale des tissus, lorsqu’il dit qu’il est manifeste que tout le corps est perspirable tant au dehors qu’au dedans : on a voulu trouver dans ce passage les pre- mières notions de l’existence du tissu cellulaire. Ce

t

qu’Erasistrate appelait parenchyme correspond peut- être à ce tissu. Mais il faut arriver jusqu’à Charles Étienne, Vésale , Adrien Spigel , pour trouver quelques notions exactes sur la disposition du tissu cellulaire : encore ces anatomistes et un grand nombre de ceux qui leur ont succédé , n’ont-ils indiqué le tissu cellu- laire qu’à l’occasion des différentes parties on le rencontre, comme autour des vaisseaux, des muscles, de la graisse, etc. Kaaw-Boerhaave, Bergen, Winslow , ont émis les premiers quelques idées générales sur la continuité de ce tissu dans les différentes régions-; mais ce n’est que depuis Haller, qu’il a été présenté sotls son véritable point de vue. Le tissu cellulaire a donné lieu à un grand nombre de traités. Schobingcr^ Thierry, G. H un ter , Bordeu, Fouquet, Wolll, Det- ten, Lucæ, De Felici , s’en sont particulièrement oc- cupés. Leurs ouvrages ont ajouté peu de chose a la description donnée par Haller; mais plusieurs d entre

DU TISSU CELLULAIRE.

1 35

eux sont remarquables 1 par quelques idées plus ou moins fondées sur la nature et les fonctions de ce tissu. Tous les anatomistes, et surtout ceux qui se sont oc- cupés d’anatomie générale, en ont parlé dans leurs traités : Mascagni seul le nomme à peine. 11 n’existe pas de bonnes figures du tissu cellulaire, et il est en effet impossible de le représenter, parce qu il n’a ni forme ni couleur déterminée; W olff a tenté de le faire , mais sans succès.

§ i36. Pour faciliter l’étude du tissu cellulaire, on l'examine successivement dans deux portions, dont l une est considérée comme indépendante des organes et remplit seulement les vidés qu’ils laissent entre eux, tandis que l’autre n’est relative qu’aux organes quelle enveloppe, et dans la texture desquels elle entre. Ces portions ne sont distinctes que par la pen-

1 Dav. Ch. Schobiuger. Detelœ cellulosœ in Jabricd cordo- ns humain dignitate. Golt. 1748. Fr. Thierry. Ergoin eelluloso textu. frequentiiis morbi et morborum mutatipnes. Paris. 1749, 1757, 1788. W. Hanter. Remarks on lhe cellular membrane etc. , in med. obs. and inq. vol. 11. Pond. 17^7< Th. de Bordeu. Recherches sur le tissu muqueux ou l’organe cellulaire, etc. Paris. 1767. Fouquel, cl Abadie. De corpore cribroso Hippocratis Monsp. 1774. C. ? . Wolf. De Lelâ quant dicunt cellulosa/n obscrvationcs , in nova acta Acad. Sc. lmp. P e trop. Vol. vi, vu. vin, 1790, J79*' Detten. Beylrag , etc., c’esJ-à-dire , Supplément a l’étude des fonctions du tissu cellulaire. Munster. 1800.

S. Ch. Lucæ. Annotationes circa telam cellulosa/n , in obs. etrea nervos , etc. Franc, ad Mocn. 1810. G. M. de Felici. Ccnm di u/m nuova idca sulla nation de/ tessuto cellufarc. Pa\ ia. 1817.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

I 36

sée, car le tissu cellulaire est partout continu à lui- niéme.

§ 137. La première portion est le tissu cellulaire extérieur, général ou commun, ( textus cellularis in - terrnedius , seu laxus ), celui qui ne pénètre pas dans les organes. Ce tissu cellulaire commun, a l’étendue et la forme générale du corps ; il formerait, si l’on suppo- sait que tous les autres organes fussent enlevés, et qu’il pût se soutenir de lui -même, un tout conservant la figure du corps, et offrant une multitude de loges poul- ies différens organes. L’épaisseur de la couche qu il forme autour de chacun d eux n’est pas la même par- tout. Dans le canal vertébral , le tissu cellulaire est en très-petite quantité* dans l’intérieur du crâne, ce tissu forme une couche presque invisible, tant sa ténuité est grande. On en trouve davantage à l’extérieur de ces mêmes parties : il est surtout abondant autour de l’épine, particulièrement en devant. A la tête, les dif- férentes parties de la face, les orbites, les joues, en contiennent une grande quantité. Il en existe beaucoup également au cou, le long des vaisseaux et entre les muscles ; dans la poitrine, entre les lames du médiastin, et à l’extérieur de cette cavité, autour des mamelles. L’abdomen renferme, soit dans son intérieur, soit dans l’épaisseur de ses parois, une grande quantité de tissu cellulaire. Aux membres , ce tissu est abondant dans l’aine, dans l’aisselle, dans le creux du jarret, à la paume des mains et à la plante des pieds ; il forme , entre les muscles, des couches plus ou moins épaisses. En général, les organes les plus importans sont ceux qu’entoure le plus de tissu cellulaire : ce tissu est aussi

DU TISSU CELLULAIRE.

plus abondant dans les endroits qui sont le siège de grands mouvemens. En outre , comme il enveloppe tous les organes, qu’il forme partout des cloisons qui les sépa- rent, il doit y en avoir davantage , toutes choses égales d’ailleurs, ces organes sont nombreux : c’est ce qu’on voit au cou, par exemple.

§ i38. La continuité du tissu cellulaire est surtout sensible dans les grands vides que les organes laissent entre eux. Au cou, la continuation de ce tissu est ma- nifeste avec celui de la tête par en haut , et avec celui de l’intérieur de la poitrine, par en bas : les ouvertures de cette cavité qui communiquent avec les membres supérieurs, offrent également une continuité très-mar- quée entre le tissu cellulaire de la poitrine et celui des membres supérieurs. De même, dans l’abdomen, l échancrure ischiatique, l’anneau inguinal, l’arcade cru- rale, etc., présentent d’une manière évidente la conti- nuité du tissu cellulaire de l’intérieur à l’extérieur du ventre, et de aux membres inférieurs. Le long du canal vertébral , les trous intervertébraux établis- sent une communication entre l’intérieur et l’extérieur du canal ; les trous de la base du crâne font de même communiquer cette cavité avec l’extérieur de la tête. Au reste, la continuité du tissu cellulaire n’existe pas seulement dans les endroits que nous venons d’indi- quer; divers phénomènes, sur lesquels nous revien- drons, 1 indiquent, en général , pour tous les vides qui subsistent entre les organes; seulement elle est plus marquée ces vides sont eux-mêmes très-prononcés. On conçoit que la tonne arrondie des organes doit rendre ces vides très-nombreux.

I

*38 ANATOMIE GÉNÉRALE.

§ i3q. L autre division du tissu cellulaire fournit a chaque organe, en particulier, une enveloppe qui lui est propre, et pénètre, en outre, dans son épaisseur; cette disposition en a fait établir deux subdivisions. Le tissu cellulaire qui constitue l’enveloppe des organes ( textus cellularis strictus ), a été considéré par Bordeu comme une sorte d’ atmosphère qui borne leur action et leurs phénomènes morbides , et les empêche de s’é- tendre des uns aux autres. Cette idée , adoptée par Bichat, me paraît peu fondée; la différence de leur organisation est la seule cause de cet isolement que les organes présentent dans leur action, ainsi que dans leurs maladies. Quoi qu’il en soit, la couche cellulaire qui entoure les organes varie en épaisseur : h part ceux qui ont des enveloppes d’une autre nature , c’est-à-dire de tissu ligamenteux, ou de tissu séreux, tous la pré- sentent à un degré plus ou moins marqué. L’enveloppe que représente cette couche se continue, d’une part, avec le tissu cellulaire commun, et d’autre part, avec celui qui occupe l’intérieur de l’organe. Suivant la forme de celui-ci, son enveloppe celluleuse est diver- sement disposée. La peau, les membranes muqueuses et séreuses, les vaisseaux sanguins et lymphatiques, et les conduits excréteurs, qui n’ont qu’une de leurs laces libre, ne sont en rapport avec le tissu cellulaire que d’un côté : au contraire, les organes pleins, comme les muscles, sont entourés de toutes parts parce tissu. Sous la peau, le tissu cellulaire forme une couche gé- néralement répandue, si ce n est aux endroits s in- sèrent des muscles ou des aponévroses. Ce tissu sous- cutané est plus ou moins dense, suivant les régions :

DU TISSU CELLUAIRE. 1 3c)

il est plus serré clans tôute l’étendue de la ligne mé- diane, excepté au cou, cette ligne est peu prononcée. Bordeu a exagéré cette disposition en disant qu’elle par- tageait tout le corps en deux moitiés : il est évident qu’a une certaine profondeur on n’en trouve plus de traces. Dans les endroits les mouvemens sont très-marqués, le tissu cellulaire est plus lâche , comme on le voit aux paupières, au prépuce, au scrotum, aux lèvres de la vulve. Ce tissu est, au contraire, serré dans les régions la peau n’offre point de glissemens, comme à la paume des mains et à la plante des pieds, au devant du sternum, au dos, etc. Les membranes muqueuses sont couvertes à leur face adhérente , par un tissu cel- - lulaire très-dense, qu’on appelle communément mem- brane nerveuse. Celui qui couvre la face adhérente des membranes séreuses est, en général, floconneux. Celui qui existe autour des canaux leur forme des gaines particulières, importantes surtout pour les ar- tères, mais qu’on trouve également autour des veines, des troncs lymphatiques et des conduits excréteurs. Autour des muscles, ce tissu forme une couche qu’on appelle leur membrane commune.

§ i4o. La portion du tissu cellulaire qui pénètre dans les organes , qui en accompagne et en enveloppe toutes les parties ( teætus celliilciris stipatus ), se comporte différemment dans les divers organes. Dans les mus- cles, elle forme pour chaque faisceau une enveloppe, et en fournit de plus petites pour les faisceaux secondaires et pour les fibres qui composent ces derniers : le tissu cellulaire «1 un muscle représente ainsi une suite de canaux emboîtés , se continuant les uns avec les

l4° ANATOMIE GÉNÉRALE.

autres , de la même manière que les enveloppes pro- pr es aux différens organes se continuent avec l’enve- loppe générale du corps. Les glandes sont de même entourées dans leurs lobes, leurs lobules et les grains qui composent ces derniers, par des enveloppes cel- lulaires successivement plus petites, et qui, isolées du reste de la glande , formeraient une sorte d’éponge cel- luleuse. Les organes composés de plusieurs couches membraneuses, comme l’estomac, l’intestin , la vessie, contiennent du tissu cellulaire entre leurs différentes couches. Certains organes très-composés, comme les poumons , ont autour de chacune des parties qui en- trent dans leur structure, plus ou moins de tissu cel- lulaire : la quantité de ce tissu est, en général, pro- portionnée au nombre des parties différentes que l’organe contient. A mesure que le ti§su cellulaire se divise et se subdivise pour embrasser les parties les plus fines des organes, il devient lui-même plus fin, et son enveloppe plus mince : c’est ainsi que les arté- rioles ont autour d’elles un tissu cellulaire plus fin que celui qui entoure les grosses artères. Les enveloppes formées par le tissu cellulaire sont, eti général, d’au- tant plus épaisses que les parties exécutent plus de mouvemens : voilà pourquoi ce tissu est plus abondant dans les muscles que dans les glandes. Certains or- ganes, comme les ligamens, les tendons, les os, les cartilages, ne renferment point dans leur épaisseur de tissu cellulaire libre et bien distinct. En général, pour qu’il soit apparent, il laut que les organes présentent des intervalles appréciables entre leurs parties compo- santes : ainsi , les ligamens qui ont des fibres apparentés,

DU TISSU CELLULAIRE. l4l

présentent aussi du tissu cellulaire qui sépare ces fibres, et on n’en remarque pas dans les autres.

§ 1 4 1 . Non -seulement le tissu cellulaire entre dans la composition de tous les oragnes , mais en- core il fait la base de tous ( textus cellularis orga - nicus , seu parenchymalis ) , et compose à. lui seul plu- sieurs d’entre eux ; c’est lui , ou , si l’on veut, la fibre ou la substance qui le compose , qui constitue , seu- lement avec des degrés divers de consistance , les membranes séreuses, le derme, les vaisseaux, les tissus ligamenteux, presque toutes les parties, en un mot, à l’exception des nerfs et des muscles ; encore ceux-ci ne diffèrent-ils du tissu cellulaire que par les globules surajoutés à ce tissu. Les parties cornées et épidé- dermiques seules , n’ont rien de commun avec le tissu cellulaire. Haller et quelques autres anatomistes ont rangé dans le tissu cellulaire les tissus spongieux ou caverneux , et les vésicules aériennes des poumons ; mais ces parties ont une disposition propre qui ne permet pas de les confondre avec le tissu cellulaire. Les cavités de la membrane hyaloïde, comprises éga- lement par Haller dans le tissu qui nous occupe , doivent également en être distinguées.

§ 142. Les anatomistes sont peu d’accord sur la con- lormation intérieure du tissu cellulaire. Les uns le considèrent, avec Haller, comme ayant des cellules distinctes , d’une forme et d’un volume déterminés , lormées par l’entrecroisement de lamines et de fila- mens multipliés. Les autres, au contraire, tels que Bor- deu,Wolff, M. Meckel , disent que ce tissu n’est qu’une substance visqueuse , tenace, continue, dépourvue de

l4r2 ANATOMIE GENERALE.

lames et de cellules, et regardent celles-ci, quand elles existent , comme le résultat des opérations faites pour les démontrer. Voici ce que l’inspection apprend à ce sujet.

Quand on examine à la loupe la tranche d’un muscle, on reconnaît que les fibres ne se touchent pas, mais sont séparées par une substance transparente; si l’on écarte ces fibres, cette substance forme des filamens qui se dessinent à mesure que I on tire, et qui finissent par se rompre. Ceux qui regardent le tissu cellulaire comme une sorte de glu font remarquer qu’il en serait de même si ces fibres étaient séparées par de la colle. Autour du muscle tout entier on trouve une lame manifeste, qui prend de même, par la distention, la forme des filamens ; en soufflant de l’air sous cette lame, on la transforme en cellules irrégulières, séparées par des espèces de cloisons. Il semblerait donc qu autour des parties les plus petites, le tissu cellulaire est réelle- ment une sorte de gelée, tandis que ses lames sont ap- parentes autour des parties plus volumineuses. Si , au lieu d’air, on y pousse de l’eau et qu’on la fasse con- geler, on obtient des glaçons irréguliers, remplissant les cellules; on arrive au même résultat quand on y injecte une matière coagulable. Mais ces cellules ne sont jamais régulièrement disposées, et n’ont point une forme géométrique, comme on l’a dit ; leur figure peut même varier lorsqu’on les reproduit à plusieurs reprises dans le même endroit.

Il reste, comme on le voit, une grande incertitude sur la question de savoir si les lames, les fibres et les cellules sont préexistantes dans le tissu cellulaire, ou

DU TISSU CELLULAIRE.

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si elles ne dépendent que de son écartement. Doué d’une organisation assez distincte son épaisseur est considérable, ce tissu semble inorganique dans les endroits il est plus mince, et paraît même comme diffluent entre les fibres les plus petites des muscles. En admettant l’existence des cellules, doit-on les re- garder comme fermées de toutes parts, et ne commu- niquant. ensemble qu’après la rupture de leurs parois, ou bien comme des cellules percées de porosités, ou- vertes dans les cellules voisines, ou enfin comme des aréoles, des vides ouverts de tous côtés, comme des espaces irréguliers qui subsistent entre les fibres et les lames du tissu cellulaire? Cette dernière opinion pa- raît la plus probable. Mais ces aréoles sont, dans l’état ordinaire, d’une petitesse extrême, microscopiques, à parois contiguës, et l’ampliation quelles éprouvent par l’infiltration , l’insufflation , etc. , les altérant beau- coup, les déchirant, ne peut en donner une idée exacte.

§ i43. Au reste, le tissu cellulaire se comporte ab solument comme s’il était spongieux; les liquides et les gaz le pénètrent avec la plus grande facilité. En effet, la sérosité, dans l’hydropisie de ce tissu, se répand toujours dans les parties les plus déclives, ou dans celles qui offrent le moins de résistance; la si- tuation du malade influe sur la place qu’elle occupe; les pressions extérieures la déplacent également; une seule incision suffit souvent pour lui donner issue ; 20 l’eau que l’on pousse dans les injections artificielles se répand de la même manière, de proche en proche, à travers le tissu cellulaire; l’air infiltré dans l’enu

ANATOMIE GÉNÉRALE.

i44

physème, celui qu’on introduit artificiellement, pré- sentent le même phénomène; le sang des ecchy- moses s infiltre de même au loin dans le tissu cellu- laire , et dissémine de plus en plus. Tout cela dé- montre une communication générale entre les aréoles: ceux qui n’admettent pas celles-ci expliquent ces faits par le peu de consistance du tissu cellulaire. Soit que les aréoles, les fibres et les lames du tissu cellulaire

N

soient inhérens à ce tissu, ou ne soient que les effets des divers agens de distension, toujours est -il qu’il présente sous ce rapport des variétés notables. Dans certains endroits il est principalement filamenteux ou fibrilleux ; dans d’autres il est surtout lamineux ou lamelleux , comme aux paupières, au prépuce, au scro- tum, aux lèvres de la vulve, et entre les muscles très- mobiles; il forme des aréoles d autant plus grandes, qu’il est lamelleux et lâche , et ces larges aréoles sem- blent être les premiers rudimens des cavités séreuses.

§ 144. Le tissu cellulaire est incolore lorsqu’il est en lames minces ; il paraît blanchâtre quand son épais- seur est plus grande, et surtout lorsqu’il est distendu ; il est demi-transparent. Sa force de cohésiou varie : c’est simplement celle d’un liquide légèrement vis- queux dans quelques endroits, comme entre les fibrilles musculaires; dans d’autres, sa résistance est presque égale à celle du tissu fibreux. Ce tissu est très-exten- sible et très -rétractile, comme on le voir lorsqu’on l insuffle, et qu’on y pratique ensuite une incision : il revient alors fortement sur lui-même, et chasse 1 air qui le distendait. Ses propriétés chimiques ont été étudiées avec soin par Bicliat. Privé d’eau par la des-

DU TISSU CELLULAIRE. l45

siccalion, il perd une partie de ses qualités physiques, et en acquiert de nouvelles; dans cet état, il est hygro- métrique et susceptible de reprendre son premier as- pect quand on le met dans l’eau : cela lui est commun avec presque tous les tissus organiques. Exposé à la chaleur nue, il se dessèche rapidement, se crispe, et finit par brûler, comme tous les autres tissus, mais en laissant tres-peu de cendres. Il résiste beaucoup à la décoction, et ne se fond qu’après une ébullition long- temps prolongée. Sa putréfaction et très-lente : il faut une macération de plusieurs mois , même lorsqu’on a soin de ne pas renouveler l’eau, pour que la décom- position de ce tissu s’opère; il se convertit à la longue en une substance visqueuse ressemblant à du muci- lage, et fournit divers produits qui viennent à la sur- face du liquide. Fourcroy l’a trouvé composé de gé- latine; John y a rencontré, en outre, une petite quantité de fibrine, du phosphate et du carbonate de chaux.

§ i45. La nature intime du tissu cellulaire a donné lieu à un grand nombre d’hypothèses. Ruyscli suppose ce tissu entièrement vasculaire; Mascagni, qui en parle à peine, dit qu’il est composé de vaisseaux blancs; Fontana, de cylindres tortueux : d’autres le regardent comme un épanouissement des nerfs. La seule base que l’on doive y admettre est la fibre ou substance cellulaire, § 68, 85. Il est parcouru par un grand nom- bre de vaisseaux , et surtout de vaisseaux séreux; mais on ne doit pas le regarder comme en étant entière- ment formé , car c’est lui qui, en définitive, forme les parois des derniers vaisseaux. Le tissu cellulaire a des

l4f) ANATOMIE GÉNÉRALE.

canaux ou des cavités qui lui sont propres : ce sont les petits vides ou aréoles dont il est creusé, ou que les liquidés y creusent à mesure qu’ils y sont déposés, et qui par leur communication en forment un corps spongieux et perméable. Presque tous ceux qui se sont beaucoup occupés d’injections, comme Haller, Albinus, Procliaska, l’ont rangé parmi les parties solides ou non injectables; c’est-à-dire qu’il est hors du trajet circulatoire des vaisseaux. Le sang peut néanmoins passer dans ses canaux ou cavités propres, mais alors il y a inflammation. Les nerfs paraissent de meme ne point s’arrêter, ou se terminer, dans le tissu cellulaire. Ce tissu forme une véritable substance à part, tra- versée dans tous les sens par des vaisseaux sanguins et des nerfs, et dans laquelle seulement les premiers laissent un liquide.

§ i4C. Il est, en effet, continuellement baigné et humecté d’une liqueur très-ténue qui l’imbibe, et dont la quantité est à peine sensible; aussi se sert-on du mot vapeur pour désigner ce fluide. Si l’on fait une incision dans le tissu cellulaire sur un animal vivant, ce liquide mouille les doigts introduits dans la plaie: par un temps froid, une vapeur s’élève des tissus di- visés, condensée et-rendue visible par l’air extérieur; elle provient tout à la fois du tissu cellulaire et des vaisseaux blancs. Dans l’anasarque, le liquide du tissu cellulaire, accumulé et peut-être altéré, ressemble beaucoup à la sérosité des hydropiques; il est coagu- làble comihè cette dernière, et paraît contenir de même une certaine quantité d’albumine, de 1 eau , et quel- ques sels.

DU TISSU CELLULAIRE.

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§ 147. Le tissu cellulaire est la première partie formée dans l'embryon : on le rencontre aussi dans les ani- maux les plus inférieurs. D’abord liquide et très-abon- dant, ce tissu diminue de proportion à mesure que les organes se développent , et acquiert en même temps de la consistance. A la naissance, il est encore prcsqiie

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diffluent dans les intervalles des muscles, et très-mou au-dessous de la peau. Sa densité devient de plus en plus grande chez le vieillard : il est presque fibreux à un âge avancé, dans des parties il était très-mou chez l’enfant. Le tissu cellulaire est plus lâche et plus abo n d an t chez la fe m m e q u e chez 1 ho m me. B1 u m enbach donne pour caractère de l'organisation île l’homme, comparée à celle des autres animaux, de présenter un tissu cellulaire plus mou , et pour ainsi dire plus tendre ; ce qui rend , chez lui , les mouvemens plus faciles.

§ i48. La force de formation du tissu cellulaire est très-développée : il est la première partie formée; il s’accroît accidentellement, se forme de toutes pièces, se reproduit, quand il a été détruit, avec la plus grande promptitude, comme on le voit dans les plaies, les adhérences, les végétations, etc. Il jouit d’une force de contraction dépendante, en partie, de 1 élasticité dont il est doué, et en partie de l’irritabilité. Cette dernière force reçoit ici le nom de contractilité fibriltaire, sta-

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minale, de tonicité : elle se manifeste par les mouve- mens des liquides que ce tissu contient ordinairement ou accidentellement, par le resserrement général ou local qu’il éprouve dans divers cas; il n’est pas bien évident que la force nerveuse influe sur ses eontrac-

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lions, ou les détermine. Il, n’<est point sensible hors l’état d’inflammation.

§ i49* Les usages et les fonctions du tissu cellulaire, sont tres-importans ; c est lui qui détermine la forme de toutes les parties. Il est l’unique lien servant à les unir entre elles; de sa cohésion dépend celle de tous les autres tissus. Par son élasticité il facilite les mou- vemens , et rétablit les organes dans l’état ils étaient avant le déplacement, quand ces mouvemens cessent d’avoir lieu ; aussi ces derniers s’exercent-ils d’autant plus facilement, que le tissu cellulaire jouit mieux de ses propriétés.

Il est le siège d’une sécrétion prespiratoire très-abon- dante , à raison de son étendue. Le liquide que les ar- térioles y laissent échapper, y éprouve-t-il une sorte de circulation, ou du moins de mouvement de trans- lation? On l’ignore tout-à-fait. Ce n’est que dans des cas d’accumulation morbide qu’on voit le liquide in- filtré changer de place, en obéissant à la pesanteur, à la pression, etc. On a supposé, mais sans aucun fon- dement solide, que ce liquide y était dans une agitation continuelle , dont le diaphragme serait le principal moteur par son abaissement et son élévation alternatifs; qu’il y avait des courans dans diverses directions; et que, par exemple, il était la voie secrète par laquelle les boissons «passent pour aller de l’estomac à la vessie, supposition démentie par toutes les observations exac- tes; qu’il était la voie des métastases, etc. Quoi qu’il en soit, le liquide est repris ensuite par les vaisseaux, de sorte que ce tissu est intermédiaire entre une perspira- tion et une résorption. La contraction tonique du tissu

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cellulaire est l’agent qui pousse la sérosité de ce tissu dans les vaisseaux.

Le tissu cellulaire est en effet l’organe essentiel de l’absorption ; c’est lui qui forme le corps muqueux de la peau , la substance spongieuse des villosités des mem- branes muqueuses, parties qui absorbent, et d’où les substances absorbées passent dans les vaisseaux. Avant d’être introduites dans les vaisseaux, les substances absorbées par ce tissu cellulaire, qu’on peut appeler extérieur ou superficiel, par opposition à tout le reste, éprouvent sans doute des changemens ou élaborations. De même que les matières étrangères, avant d’entrer dans les vaisseaux , doivent traverser le tissu cellulaire , organe de l’absorption , de même aussi celles qui sor- tent des vaisseaux traversent le tissu cellulaire t or- gane de sécrétion, avant d’être déposées sur les sur- faces où elles sont versées.

Le tissu cellulaire qui enveloppe chaque organe en particulier, a été considéré comme lui formant une atmosphère isolante, qui circonscrirait ses actions, soit hygides, soit morbides : l’observation dément souvent cette assertion, et quand le fait est vr^i, c’est dans la texture particulière de l’organe et dans la variété des agens qu’il faut en chercher l’explication, et non dans cette prétendue atmosphère.

Le tissu cellulaire qui pénètre dans l’épaisseur des organes en réunit toutes les parties.

Quant au tissu cellulaire organique ou parenchy*

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mal, il forme la base ou l'élément essentiel de chaque organe, et y présente des variétés notables. Dans 1 hy- pothèse la plus raisonnable sur le siège de la nutrition ,

ANATOMIE GENERALE.

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on a admis' que la matière nutritive est déposée hors des vaisseaux, dans la substance cellulaire, qui fait la base des organes, pour leur être assimilée ; et qu’il est ainsi l’organe essentiel de la nutrition. Quoi qu’il, en soit, au reste, des usages hypothétiques attribués au tissu cellulaire, il en a incontestablement très-im- portans dans l’organisme.

§ i5o. Les pliénomènes du tissu cellulaire, soit en santé , soit en maladie, sont liés à ceux des autres parties. Ainsi, les lésions organiques du cœur, et les déran- gemens de la respiration et de la perspiration pulmo- naire, y déterminent souvent une accumulation de sérosité. La même chose a lieu dans les altérations des diverses sécrétions, et surtout de la transpiration cu- tanée. Ses inflammations déterminent ordinairement la fièvre. L’inflammation suppurative que l’on y pro- voque par les sétons et les autres fonticules, fai t sou- vent cesser les inflammations des autres organes.

§ i5i. Le tissu cellulaire est sujet à diverses altéra- tions morbides. Lorsqu’il est entamé et mis à décou- vert, il s’enflamme, se couvre de bourgeons charnus , suppure, et enfin se recouvre d’une cicatrice ou nou- velle peau, qui sera décrite plus loin. (^Chap. III.)

Lorsqu’il est divisé et remis en contact avec lui- même, il s’agglutine d’abord au moyen d’un liquide versé par les surfaces divisées quand le saignement et la douleur ont cessé. Plus tard, cette substance orga- nisable devient un tissu très-vasculaire : alors on ne peut plus séparer les lèvres de la plaie sans produire de la douleur et renouveler l’écoulement du sang. Ce nouveau tissu reste pendant long-temps plus compacte,

DU TISSU CELLULAIRE.

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plus ferme et plus vasculaire que le tissu cellulaire qu’il réunit, et avec lequel il Finit par se confondre.

C’est par une production semblable que s’opèrent toutes les réunions de parties divisées, avec des niodi? ficalions relatives à chaque tissu, et qui seront exami- nées en leur lieu.

C’est encore de la meme manière que s’établissent les adhérences entre les surfaces contiguës des membranes séreuses et tégumentaires , adhérences qui seront dé- crites à l’occasion de ces membranes. ( Chap. Il, III.)

Le tissu cellulaire est susceptible d’un accroissement extraordinaire : il pousse quelquefois des espèces de végétations ou d’exubérances vasculaires, lorsqu’il est dénudé. La reproduction de ce tissu est aussi, en géné- ral, d’autant plus facile, qu’il en reste une plus grande quantité dans la partie il a été lésé; il semble que cette reproduction dépende, en grande partie, /le l’extension du tissu cellulaire préexistant.

L’inflammation du tissu cellulaire, ou le phlegmon, est caractérisée par divers changemens qu’éprouve ce tissu. Le premier de ces changemens est un accroisse- ment de vascularité très -marqué Le tissu cellulaire enflammé devient, en outre, sensible et douloureux. Il perd entièrement sa perméabilité ; les liquides ces- sent de pouvoir le traverser; sa consistance aug- mente, et sa ténacité diminue : il se déchire, se rompt par la pression, au lieu de s’allonger, comme il faisait auparavant. Cette sorte de fragilité qu’acquiert le tissu cellulaire rend raison de certains phénomènes; elle explique pourquoi la ligature d’un vaisseau dé- termine souvent la section des tissus environnans ,

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ANATOMIE GENERALE.

pourquoi , à la suite des péritonites , il est quelquefois si facile de séparer l’intestin de la tunique que lui forme le péritoine. L’inflammation du tissu cellulaire peut se terminer d’une manière insensible, et alors ce tissu reprend peu à peu toutes ses propriétés : c’est ce qu’on voit dans la terminaison dite par résolution. Dans d’au- tres cas-, le tissu cellulaire sécrète un liquide parti- culier, qui porte le nom de pus, et qui sera décrit plus loin, ce qui constitue la terminaison par sup- puration. Ce liquide se rassemble ordinairement dans un point déterminé, qui s’étend progressivement à la circonférence, tant que la sécrétion persiste. Celle- ci est du genre des sécrétions perspiratoires ; le pus est fourni directement par le sang, et offre même, dans sa composion, quelque analogie avec ce fluide. Pour peu que la maladie ait une marche lente, les parois de l’abcès sont tapissées par une membrane. Cette mem- brane est doublée , à l’extérieur , par une couche plus ou moins épaisse de tissu cellulaire compacte. Cette couche est moins marquée, et la membrane est presque exactement isolée, quand la maladie dure depuis un certain temps , le tissu cellulaire ayant repris ses pro- priétés autour d’elle. Les abcès sont le siège d’une sécrétion et d’une résorption continuelles; l’absorption entière du pus qu’ils contiennent, et les effets que la présence de ce fluide produit quelquefois dans l’éco- nomie en sont la preuve. Le pus formé dans l’intérieur des abcès finit le plus souvent par arriver à l’extérieur. L’abcès se vide, les parois se resserrent, restent quel- que temps endurcies, et finissent par reprendre les caractères du tissu cellulaire. Quand la sécrétion et

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l’écoulement du pus persistent, le canal qui fait com- muniquer l’abcès au dehors , et qui porte le nom de sinus ou fistule, se revêt d’une membrane distincte, offrant les caractères des membranes muqueuses, et dont l’histoire appartient à celle de ces membrames. Après certaines inflammations gangréneuses, le tissu cellulaire devient tellement serré par la perte de sub- stance qu’il a éprouvée, que la peau, les muscles, les aponévroses, sont confondues : mais dans ce cas, si l’individu est jeune et robuste, le tissu cellulaire peut se reproduire et reprendre toutes ses propriétés. L’inflammation du tissu cellulaire persiste quelquefois indéfiniment, de sorte que ce tissu reste dur et imper- méable; cela constitue l’induration. Cet état existe dans les callosités des ulcères et des fistules, qui sont évi- demment le résultat d’une inflammation chronique du tissu cellulaire. La maladie des Barbades, l’une des va- riétés de l’éléphantiasis, offre de même, les caractères de l’induration.

Les enfans nouveau-nés sont sujets à un endurcis- sement du tissu cellulaire, dans lequel on ne trouve point le caractère inflammatoire : cet endurcissement s observe au-dessous de la peau, et quelquefois dans les intervalles des muscles. Ce n’est du reste , comme les observations de M. Breschet l’ont appris, qu’un phénomène secondaire de la persistance du trou inter- auriculaire du cœur, et du défaut ou de l’imperfection de la respiration.

De 1 air peut s’infiltrer dans le tissu cellulaire, ce qui constitue l’emphysème. Quand le malade ne suc- combe pas à cet accident, l’air épanché s’échappe par

ANATOMIE GÉNÉRALE.

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les incisions que l’on pratique ou par les plaies qui peuvent exister, ou bien cet air ce combine avec les fluides contenus dans le tissu cellulaire , et disparaît par absorption. La leucophlegmatie ou l’anasarque, consiste dans une accumulation de sérosité dans le tissu cellulaire. Dans les ecchymoses , le tissu cellulaire contient du sang disséminé dans ses aréoles. Tous les liquides organiques peuvent s’infiltrer accidentellement dans ce tissu, dans lequel ils produisent des inflamma- tions plus ou moins vives , lorsqu’ils sont de nature exerémentilielle.

Les corps étrangers solides, introduits dans le tissu cellulaire, ne restent pas en général long-temps à la même place, mais sont ordinairement, comme le pus, portés à la surface, et, s’ils sont pesans, obéissent aussi en partie aux lois de la pesanteur. 11 est évi- dent que ce n’est pas en traversant de prétendues cellules, que ces corps cheminent ainsi à travers le tissu cellulaire. Celui-ci présente, autour deux, trois phénomènes distincts : il sécrété du pus à leur surface , se réunit et reprend sa mollesse et sa perméabilité der- rière eux, et s’ulcère au devant. On trouve donc réunis trois des genres d’inflammation admis par J. Hunter, savoir, l’inflammation adhésive, suppura- tive et ulcérative; l’ensemble de ces phénomènes a reçu le nom d’inflammation éliminatoire. Il peut arriver que

les corps étrangers séjournent dans le tissu cellulaire, soit à cause de leur pesanteur spécifique peu considé- rable, soit par la densité du tissu environnant : une

membrane se forme alors autour deux.

Le tissu cellulaire contient dans quelques

circons-

DU TISSU CELLULAIRE. l55

tances des corps étrangers animés on des vers : le cysticercus celluloses, ainsi nommé à cause de son siège dans le tissu cellulaire, la filaria medinensis ou dra- gonneau, dont l’existence ne saurait être révoquée en doute, y ont été rencontrés; on y a trouvé, dans les animaux, des larves d ’œstrus.

Le tissu cellulaire peut éprouver diverses transfor- mations. Les transformations séreuse, fibreuse , osseuse, cartilagineuse, qui se développent dans le tissu cellu- laire, seront décrites avec les tissus naturels auxquels elles appartiennent.

Les kystes, dont le tissu cellulaire est le siège, seront de même examinés à l’article des membranes séreuses et tégumentaires , avec lesquelles ils ont une grande analogie.

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Quand un organe vient à disparaître accidentelle- ment, on le dit transformé en tissu cellulaire : cela n’est peut-être pas parfaitement exact; le tissu cellu- laire, dans ce cas, ne fait que prendre la place de l’or- gane atrophié, qui auparavant le maintenait écarté.

Les dégénérations diverses peuvent être regardées comme appartenant spécialement, au tissu cellulaire : c est ce tissu qui paraît en être la base, car ces dégé- nérations se ressemblent partout. Cependant, comme elles sont communes à tous les organes, je renvoie leur histoire après celle de tous les autres tissus. Au reste, le tissu cellulaire, il est libre dans les interstices des organes, est affecté de ces dégénérations, comme dans les endroits il fait partie des organes eux-mêmes.

J56 ANATOMIE GÉNÉRALE.

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SECONDE SECTION.

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DU TISSU ADIPEUX.

§ i5 2. Le tissu adipeux, ainsi nommé à cause de la graisse ( adeps ) qu’il contient, résulte de la réunion de vésicules très - petites , microscopiques, entassées, grouppées en plus ou moins grand nombre, réunies entre elles par du tissu cellulaire lamineux, et servant de réservoir à la graisse. On en distingue deux sortes : l’une est le tissu adipeux commun, ou le tissu grais- seux proprement dit ; l’autre est ftf tissu adipeux ou médullaire des os.

ARTICLE PREMIER.

DU TISSU ADIPEUX COMMUN.

§ i53. Il a été désigné sous les noms de tissu cellu- laire graisseux, de membrane graisseuse, toile, tu- nique, vésicules adipeuses, etc. ; on l’a encore nommé panniculè graisseux, parce qu’il forme une couche im- médiatement située au-dessous de la peau.

§ i54. Ce tissu a été confondu pendant long-temps avec le tissu cellulaire, que l’on disait contenir tantôt de la sérosité, tantôt de la graisse, et former, dans ce dernier cas, le tissu graisseux. Malpighi a, l’un des premiers, élevé des doutes à ce sujet, et a vu la graisse , former des espèces de grains appendus aux vaisseaux sanguins. Swammerdam a vu de même, que la graisse

DU TISSU ADIPEUX.

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est une huile liquide renfermée dans des membranules. Morgagni a également reconnu que la graisse contient des grains qu’il compare à ceux des glandes; Bergen a distingué, l’iin des premiers, deux espèces de tissu cellulaire, dont l’un, qu’il appelle lamineux , corres- pond au tissu graisseux. W. Hunter a donné les carac- tères distinctifs de ce tissu , caractères qui ont été ensuite reconnus et plus ou moins exactement déter- minés par Jansen , Wolff, M. Chaussier, Prochaska, Gordon, Mascagni, moi, etc. Haller nie l’existence de ce tissu , et n’admet que les aréoles du tissu cellulaire , comme parties contenantes de la gfaisse ; son opinion a été adoptée par Bichat, par M. Meckel, etc. ; mais nous verrons plus bas que cette opinion est peu fondée. Le tissu graisseux a été décrit avec soin dans plusieurs ouvrages T, et figuré dans quelques-uns 2.

§ 1 55. Le tissu adipeux a des formes diverses, sui- vant les endroits on l’examine. Sous la peau , il forme une couche plus ou moins épaisse, et généra- lement répandue. Il représente des masses arrondies dans l’orbite, dans l’épaisseur des joues, dans l’inté- rieur du bassin , au devant du pubis, autour des reins, etc. Ces masses sont pyriformes, pédiculées, au bord libre de l’épiploon, dans les appendices épiploïques de l’in- testin et au niveau des ouvertures que l’on trouve à l’extérieur du péritoine. Dans l’épiploon, la graisse est

1 M. Malpighi, De omento , pinguedine , etc., in ejusd. ope?\ ornn. et posth. Bergen, op. cit. W. Hunter. op. cit. Wolff. op. cit. W. X. Jansen. Pinguedinis animalis ronsideratio physiologica et pathologica. Lugd. bat. 1784.

* Mascagni. Prodromo délia grande anotomia%

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

disposée sous la lorme de réseaux ou de rtihans qui suivent le trajet des vaisseaux.

§ i56. Quoique la graisse ne soit pas aussi univer- sellement répandue que le tissu cellulaire , on la trouve pourtant dans beaucoup d’endroits.

Le canal vertébral en renferme une petite quantité en dehors de la dure-mère. A la tête, il en existe beau-

coup , surtout à la face, dans les échancrures paroti- diennes, aux joues, etc. Le cou en présente davantage en arrière qu’en avant. A la poitrine, l’extérieur et l’intérieur de cette cavité en offrent une quantité no- table, tant aux environs du cœur qu’entre les muscles pectoraux et autour des mamelles. La graisse de l’ab- domen est principalement située à l’extérieur des reins, dans le bassin, dans l’épaisseur du mésentère, de l’épi- ploon et des appendices épiploïques. Aux membres, la graisse est plus abondante au niveau des articulations, dans le sens de la flexion, ainsi que dans les endroits qui sont exposés à des pressions habituelles, comme la fesse, la plante du pied.

Le tissu graisseux se comporte différemment, relati- vement à chaque organe en particulier. Celui qui est aü-dessous de la peau existe constamment, à moins d’une maigreur extrême, et se prolonge dans les aréoles du derme. On n’en trouve point au-dessous des mem- branes muqueuses. Les membranes séreuses et sy- noviales sont doublées, au contraire, par ce tissu, particulièrement dans F épaisseur de leurs replis. Le tissu adipeux qui entoure les muscles, pénètre égale- ment dans l’épaisseur de ceux qui sont divisés en lais ceaux distincts, comme le grand fessier, etc. Dans les

DU TISSU ADIPEUX.

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glandes tabulées, on en distingue dans l'intervalle des lobes. La gaîne des vaisseaux en renferme en general tort peu. Les nerfs volumineux, comme le nerf ischia- tique, en contiennent de petits amas entre leurs fibres. Les ligamens fascicules en offrent de semblables entre leurs faisceaux. Enfin , dans les os, la graisse est con- sidérée à part.

§ 157. La graisse manque entièrement dans certai- nes parties , comme sous la peau du crâne, du nez, de l’oreille, du menton, la ligne médiane en est entiè- rement privée; il en existe de même fort peu entre la peau et le pea acier. On n’en trouve presque point vis- à-vis l’insertion du deltoïde, ce qui fait que cette partie reste toujours enfoncée, même chez les sujets les plus gras. Ce fluide manque également autour des tendons longs et grêles, et dans les intervalles des muscles qui exécutent de grands mouvemens, comme entre le triceps et le droit antérieur de la cuisse, le biceps et le bra- chial antérieur, les jumeaux et le soléaire. L’épaisseur des

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viscères est le plus souvent dépourvue de graisse : il n’y en a point dans les parois de l’estomac, de l’utérus, dans la rate, le foie. Les paupières, le pénis, les petites lèvres de la vulve, en sont également privés. Au reste, la quantité de graisse qui existe dans le corps, varie beaucoup; mais il y a des parties qui n’ien contiennent jamais, même dans l’embonpoint le plus considérable, et d’autres dans lesquelles le marasme le plus com- plet ne la fait jamais entièrement disparaître. Chez un homme adulte et d’un embonpoint ordinaire, la graisse forme environ la vingtième partie du poids du corps.

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i6o ANATOMIE GENERALE.

§ i58. Le tissu graisseux est, en général, d’une couleur blanc -jaunâtre, et d’une consistance molle, mais variable, suivant les régions du corps, suivant, l’âge, etc.

§ 1 59. Quelle que soit la forme extérieure du tissu adi- peux, les masses qu’il représente se divisent en masses plus petites , du volume d’un pois à celui d’une noisette , plus petites à la tête , plus grosse autour des reins. Ces masses sont plongées dans le tissu cellulaire ; leur forme varie; en général obronde, elle est allongée, ovoïde sur la ligne médiane de l’abdomen, l’une des extrémités tenant à la peau, et l’autre à l’aponévrose. On peut les réduire par la dissection en lobules ou grains adipeux, qui, examinés au microscope, parais- sent eux-mêmes composés d’une infinité de petites vé- sicules d’un huit centième à un six centième de pouce de diamètre. On peut donc regarder le tissu graisseux comme composé de vésicules agglomérées, réunies en grains , qui sont rassemblés à leur tour pour former des masses. Il résulte de ces dispositions que la struc- ture de ce tissu n’est point aréolaire, mais qu elle res- semble plutôt à celle des fruits de la famille des hes- péridées, comme les oranges, les citrons, qui offrent de même , et d’une manière visible , des vésicules membraneuses, attachées à des cloisons qui les sé- parent. Les vésicules graisseuses , ainsi que les grains et les masses qu’elles forment, sont pourvues d’un petit pédicule qui leur est fourni par les vaisseaux logés dans leurs intervalles , et peuvent être compa- rées, sous ce rapport, à des grains de raisin suppor- tés par leurs pédicelles. Au reste, ces vésicules sont

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tellement minces, qu’il est impossible de distinguer leurs parois : mais il existe des preuves bien certaines de leur existence. En effet, si la graisse était libre, elle ne formerait pas des masses régulières et distinctes. C’est à tort que Haller et plusieurs autres ont prétendu que cette forme était inhérente à la graisse, car celle-ci ne présente pas des gobules et n’a , par elle-même, au- cune figure déterminée. Si l’on place sous le micros- cope quelques - unes de ces vésicules plongées dans l’eau tiède, on ne voit pas d’huile à leur surface; mais en les entamant, il s’en échappe aussitôt quelques gouttes qui surnagent sur le liquide. Ajoutez à ces con- sidérations , que la graisse étant fluide sur le vivant , comme le prouve son écoulement lorsqu’on divise les tissus, elle devrait s’infiltrer comme la sérosité, sinon dans l’état de santé, au moins dans l’état de maladie; or, cela n’a point lieu, et tout ce qu’on a dit de l’infil- tration de la graisse pour expliquer la conformation des mamelles pendantes de certaines peuplades, des fesses saillantes de certaines autres, des bosses dorsales de quelques animaux, de la queue volumineuse de quelques autres, etc., ne présente qu’une réunion de faits contradictoires et de raisonnemens absurdes. Roose et Blumenbach ont allégué contre l’existence des vésicules, le développement de la graisse dans des parties ces petits appareils n’existent pas; ils en con- cluent que ceux-ci ne^ont pas nécessaires à la produc- tion de ce fluide : la graisse se produit en effet dans le tissu cellulaire, mais elle s’y forme des vésicules, au heu d’être simplement contenue dans des aréoles ou- vertes.

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i.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

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§ 160. Le tissu cellulaire qui existe entre les vésicules adipeuses est très-fin, comme il l’est en général entre les parties les plus ténues de nos organes : ces vési- cules semblent à peine tenir les unes aux autres, on les écarte sans éprouver de résistance. Le tissu cellu- laire devient plus distinct entre les grains, et très-appa- rent entre les masses adispeusés; celles-ci sont même séparées dans quelques endroits par des lames fibreuses très-résistantes, comme on le voit à la plante des pieds, et qui ont pour usage de donner une grande élasticité à la graisse. Dans d’autres endroits les masses adi- peuses sont réunies, et soutenues par des lames cellu- laires fermes, comme au crâne, au dos, etc.; dans d’au très, par un tissu lâche, comme à l’aisselle, à l’aine, etc. Du reste, pour bien voir le tissu cellulaire intermé- diaire aux lobes graisseux , il faut l’examiner sur des cadavres affectés danasarque ou d’emphysème : on se convainc aussi par cet examen, que la graisse n’est point libre dans les aréoles du tissu cellulaire; car quelque étendues, quelque profondes que soient ces infiltrations , elles peuvent bien écarter, disséquer pour ainsi dire les grains adipeux, mais jamais la graisse 11 est mêlée avec le! fluide infiltré.

.Les vaisseaux sanguins du tissu graisseux sont fa- ciles à injecter. Qn les voit, aussi parfaitement en exa- minant des parties le sang resté fluide s est porté naturellement après la mort. Ces vaisseaux sont plus apparens chez les sujets peu avancés en âge, les lo- bules graisseux étant plus distincts. Leurs divisions et subdivisions finissent par arriver jusqu’aux vésicules microscopiques elles- mêmes. Malpighi avait cru ces

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vaisseaux surmontés d’un appareil sécrétoire et d’un canal qui s’abouchait dans le réservoir de la graisse; il a reconnu lui-meme, plus tard, que cette disposi- tion n existe pas. Les vaisseaux ahsorbans des vésicules sont moins connus que les artères et les veines. Mas- eaoni il est vrai , les dit composées d’une couche in- térieure de vaisseaux lymphatiques , et d’une couche extérieure de vaisseaux sanguins; mais il ne rapporte aucun fait à l’appui de cette opinion. On ne sait pas s’il y a des nerfs dans ces vésicules.

Quand la graisse n’existe pas, les vésicules manquent également; elles disparaissent quand ce fluide cesse d’exister dans une partie. Hunter dit pourtant qu’on peut les distinguer même vides; mais je ne pense pas . qu’il en soit ainsi : elles se confondent, quand elles disparaissent, avec l’élément cellulaire.

§ 161. La graisse humaine, extraite du tissu graisseux qui la renferme, et purifiée par le lavage, la fusion et la filtration, a les propriétés générales des huiles fixes. Elle est inodore, d’une saveur douce et fade; sa cou- leur jaunâtre est due à un principe colorant, soluble dans l’eau, et enlevé par le lavage. Elle est moins pesante que l’eau; son degré de fusibilité varie suivant sa composition : en général elle est fluide à la tem- pérature du corps, et même au-dessous, et quelque- fois beaucoup au-dessous, comme à i5° par exemple; elle est insoluble dans l’eau, peu soluble dans l’alcohol froid; elle n’est point acide; l’acide que Grell y admettait est un résultat de la distillation, opération dans la- quelle la graisse fournit en effet dès acides carbonique, acétique et sébaciquc, et plusieurs autres produits de

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la réaction de ses élémens. Elle se convertit par l’action des bases alcalines énergiques, en principe doux, et en acides rnargarique et oléique, Par son exposition à 1 air et à la lumière elle se rancit : il y a production d’un acide volatil, d’une odeur forte.

La composition élémentaire de quelques graisses a été examinée par MM. Bérard et Th. de Saussure; c’est une combinaison en proportions dilférentes, suivant les animaux, de carbone, d’hydrogène et d’oxygène: celle de la graisse humaine n’a pas été déterminée.

Avant les travaux de M. Ghevreul 1 les graisses pas- saient pour des principes immédiats. Il a fait voir qu’elles sont essentiellement formées de deux matériaux or- ganiques : la stéarine, fusible à 5o° environ, et l’élaïne, encore liquide à zéro : c’est de leur proportion que ré- sulte le degré de fusibilité de chaque sorte de graisse. On sépare ces deux matériaux immédiats, l’un de l’autre, en traitant la graisse par l’alcohol bouillant,* par le re- froidissement, la plus grande partie de la stéarine se précipite avec un peu d’élaïne, celle-ci reste en solution dans l’alcohol avec un peu de stéarine. On peut encore les séparer par la congélation, qui fait d’abord figer la stéarine avec un peu d’élaïne. On peut aussi les isoler par l’absorption du papier non collé, qui enlève l’élaïne, et laisse sa surface la stéarine.

§ 162. La graisse du tissu adipeux n’est pas la seule matière grasse que l’on rencontre dans l’organisation ani- male, et dans celle de l’homme en particulier. On trouve

1 Annales de Chimie, tom. XCIV. - Ann. de Chim. et de phys. , tom. II et VII. i

DU TISSU ADIPEUX.

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dans le sang une matière grasse cristallisable. Malpighi, Haller, et d’autres, avaient déjà cru que de la graisse libre circulait avec le sang : c’est une erreur, du moins je ne l’ai jamais vu; mais M. Chevreul a récemment trouvé dans le sang une matière grasse qui y est en solu- tion , par l’intermède des autres matériaux de cette hu- meur. Le beurre est encore une matière grasse, colo~ rée et odorante, en solution dans le lait. Il y a égale- ment dans la substance nerveuse une matière grasse cristallisable, analogue à celle du sang. Enfin, dans des cas maladifs, et dans des altérations cadavériques, on trouve encore d’autres matières grasses dans le corps humain.

§ i63 . Le tissu adipeux présente quelques différences dans les animaux ; il existe chez le plus grand nombre : on le trouve dans les articulés, les mollusques et les ver- tébrés. Dans ces derniers, la graisse présente divers degrés de consistance, de coloration, etc., elle est très- fluide dans les poissons et les cétacés: la tête du physeter macrocephalus contient une huile liquide , dans laquelle on trouve une matière grasse concrète; c est le hlanc de baleine ou la eétine. Elle est molle dans le porc , elle forme le saindoux, ferme dans les ruminanSjpù elle est appelée suif, etc. Le volume des vésicules adipeuses n’est pas le même chez tous les animaux : suivant les observations de Wolff, elles aug- mentent successivement de grosseur dans la poule, loie, 1 homme, le bœuf et le porc. La graisse s’accu- mule aussi dans des régions différentes, dans 'Vli vers animaux, comme sur le dos des chameaux, dans la queue de quelques moutons, etc. Dans l’espèce humaine

ANATOMIE GÉNÉRALE.

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même , la tribu des Bosjesmans est remarquable par la saillie graisseuse des fesses chez les femmes : on en a vu un exemple récent dans la Venus Hottentote.

§ i64 Les dilférens degrés de l’embonpoint établis- sent des différences très-grandes dans la quantité de la graisse. Elle forme, dans l’obésité, depuis la moitié jusqu’aux quatre cinquièmes du poids total du corps. Au contraire, dans la maigreur extrême, la graisse n’existe que dans quelques endroits. Les femmes pos- sèdent en général plus de graisse que les hommes. Suivant lage, il existe sous ce rapport des particu- larités assez remarquables. Le fœtus est entièrement dépourvu de graisse jusqu’à mi-terme. Depuis cette époque jusqu’à la naissance, la graisse s’accumule suc- cessivement dans les diverses parties. Elle n’existe d’a- bord que sous la peau, et s’y produit par grains isolés, qui en rendent l’étude très-facile à cet âge. A la nais- sance, on en trouve déjà une grande quantité sous les tégumens, dans l’épaisseur des joues; lepiploon en offre quelques grains isolés. La quantité de la graisse augmente à mesure que l’accroissement a lieu ; elle finit par occuper les interstices musculaires, mais ce n’est que fort tard qu’elle se produit autour des viscères. L’âge mûr, ou l’époque à laquelle l’accroissement est terminé, est aussi celle de l’obésité: on observe quel- quefois celle-ci chez les enfans, mais cela est beaucoup plus rare. Dans la vieillesse , la quantité de la graisse diminue, principalement au-dessous de la peau : ce fluide existe alors spécialement à l’intérieur, comme autour du copur, dans les cavités médullaires des os, etc. § i65. Les propriétés et les fonctions du tissu grais-

DU TISSU ADIPEUX.

167

seux n’ont rapport qu’à la sécrétion de la graisse. Cette sécrétion ne s’opère point dans des glandes ni dans des conduits particuliers : Heister et Fanton ont des pre- miers élevé des doutes sur l’existence de ces glandes, dont beaucoup d’auteurs ont parlé depuis 1 erreur de Malpighi à ce sujet. La sécrétion de la graisse est une sécrétion perspiratoire, et c’est à tort que Riegel 1 a voulu faire revivre la supposition des conduits grais- seux, en même temps qu’une hypothèse sur l’usage des capsules surrénales : suivant cet auteur, en effet, la graisse qui entoure les reins et leur bassinet , se for- merait dans ces capsules, d’où elle serait transportée par des conduits particuliers, qu’à la vérité il dit n’avoir pu injecter. La graisse résulte- 1- elle immédiatement * de l’action organique des vaisseaux qui la déposent dans les vésicules adipeuses? ou bien est - elle déjà formée dans le sang en circulation ? ou bien enfin a-t-elle en- core une origine plus éloignée? Mr. Ev. Home 2 en fixe l’origine dans l’intestin ; il pense qu elle est comme le chyle un produit de la digestion, et qu’elle est ab- sorbée par le gros intestin. Cette opinion repose, entre autres faits, sur l’existence de la graisse ou du. jaune de l’œuf dans l’intestin des vertébrés ovipares, à l’état de fœtus ou de larve, et sur quelques faits morbides qui ne sont pas très-concluans.

S 166. La graisse est reprise continuellement par les vaisseaux absorbans; l’action de ces vaisseaux est démon- trée par sa diminution de quantité dans plusieurs cir-

' De mn gland nia mm sr/perrenalium in anirn. ncc non de origine adi])is disq. anat. philos. Hafniæ, 1790.

Philosoplnçal transactions , Ann. ,

ANATOMIE GÉNÉRALE.

168

constances. Cette action est en équilibre avec la sécré- tion , lorsque la quantité de la graisse reste la même. L’ex- halation et l’absorption de la graisse sont quelquefois très-rapides, comme le montrent plusieurs faits. Les enfans qui ont maigri à la suite des maladies, repren- nent souvent en peu de jours tout leur embonpoint. Les animaux que l’on affame, comme les porcs, en- graissent ensuite très- promptement. Certains oiseaux s’engraissent, dit-on , par un temps humide, en moins de vingt -quatre heures. L’amaigrissement ne s’opère pas moins promptement dans beaucoup de cas. Les circonstances les plus favorables à la sécrétion de la graisse, sont le repos absolu des organes animaux et intellectuels, et la castration. On réunit souvent ces di- verses causes lorsqu’on veut engraisser les animaux ; elles produisent le même effet quand elles existent chez l'homme. Les saignées habituelles, les alimens doux et amylacés , sont encore regardés comme favorisant la production de la graisse. 11 y a en outre des circons- tances inconnues qui paraissent agir de la même ma- nière, car on observe des cas d’embonpoint extraordi- naire, dont il est assez difficile de se rendre compte. Les causes qui accélèrent la résorption de la graisse sont en général les circonstances opposées à celles dont nous venons de parler, et de plus , les sécrétions abondantes, les maladies organiques, et en particulier celles des organes des fonctions nutritives.

§ 167. On a attribué à la graisse beaucoup d usages hypothétiques. Ceux dont elle jouit réellement sont lo- caux et généraux. En effet la graisse a , d une part , des usages purement mécaniques ou de position, comme

DU TISSU ADIPEUX. ifr)

de modérer la pression , à la plante des pieds dans la station, aux fesses dans l’attitude assise, de remplir les vides conjointement avee le tissu cellulaire, et de rendre par les formes arrondies : aussi ces formes sont-elles plus marquées chez les femmes et chez les enfans, qui ont en général plus de graisse. On a dit que la graisse servait à garantir du froid , parce que ce fluide est mauvais conducteur du calorique et que les animaux qui habitent dans les climats froids, en ont une couche épaisse sous les tégumens : en admettant qu’il en soit ainsi, ce n’est du moins pas la surface de la peau dont la graisse pourrait conserver la chaleur. On a prétendu sans fondement qu’elle diminuait l’ac- tion nerveuse et l’action des muscles, c’est-à-dire la sensibilité et l’énergie musculaire : on a dans ce cas pris la cause pour l’effet. On a pensé que la graisse servait à assouplir les fibres. Fourcroy, considérant que ce fluide contient un excès d’hydrogène , le croyait destiné à rendre la substance nutritive plus azotée, en la privant d’une partie de son hydrogène. Plusieurs auteurs, et Bichat lui-même n’est pas fort éloigné de cette opinion, ont pensé que la graisse pou- vait servir à huiler la peau par une sorte de transsu- dation à travers ses pores : les follicules sébacés sont aujourd’hui trop bien connus pour que l’on puisse adopter cette idée. Les usages généraux de la graisse sont relatifs à la nutrition. La matière nutritive, avant d être assimilée, passe successivement par divers états: la graisse est une des formes qu elle revêt. De plus, ce fluide peut être considéré comme un aliment en ré- serve. G est ce dont on voit divers exemples chez les

ANATOMIE GÉNÉRALE.

1

animaux. Les insectes, par exemple , se nourrissent de leur graisse avant d être insectes parfaits , et présen- tent le même phénomène peu de temps avant leur mort. Cela est encore plus marqué dans les animaux hybernans, qui dorment pendant l’hiver et ne vivent que de leur graisse jusqu’à leur réveil, époque à la- quelle ils sont très-maigres. Les fœtus des ovipares se nourrissent de la graisse qui forme en grande propor- tion le jaune de l’œuf.

§ 168. Le tissu adipeux et la graisse, outre les variétés dont il a été question, présentent quelques altérations morbides.

Quand le tissu graisseux est divisé, des gouttelettes d'huile s’en échappent, et si les lèvres de la plaie sont maintenues rapprochées , la réunion a lieu prompte- ment; mais la graisse ne reparaît dans l’endroit de la réunion, que quand le tissu cellulaire nouveau a cessé d’être compacte. Le tissu graisseux dénudé s’enflamme, la graisse est résorbée ; puis il se recouvre d’une couche de matière organisable, qui devient la base de la cica- trice, ou nouvelle peau, qui se forme au-dessus de la graisse.

Ce tissu, et la graisse qu il renferme, s’amassent quel- quefois en très - grande quantité, comme on le voit dans l’obésité ou polysarcie. On a vu des individus, dans cet état, peser de cinq à six cents, et meme jusqu a huit cents livres. Quand l’obésité est locale ou bornée à un seul point du corps, elle prend le nom de lipome ' .

Voyez Th. Ch. Bigot. Dissert, sur les tumeurs graisseu ses extérieures au péritoine, etc. Paris, 1821.

DU TISSU ADIPEUX.

1 7*

Cette affection peut avoir presque partout son siège : cependant ôn l’observe le plus souvent au-dessous des té<niniens et en dehors des membranes séreuses. Les tumeurs de ce genre situées au-dessous de la peau ont été mal à propos confondues avec les tumeurs enkys- tées. Leur forme est obronde; lorsqu’elles sont très-vo- lumineuses elles soulèvent et entraînent la peau, et sont alors pédiculées ou pyriformes : on en a vu peser de quarante à cinquante livres. A l’extérieur des membranes séreuses , leur figure est ordinairement ovoïde : une de leurs extrémités tient à la membrane, l’autre se rapproche de la peau; à l’extérieur du péri- toine, cette tumeur constitue la hernie graisseuse, ou le liparocèle. Le lipome a une structure analogue à celle de la graisse : suivant Monro, les vésicules y ont le même volume que dans cette dernière, et sont seu- lement plus nombreuses. Une enveloppe celluleuse, semblable ci celle qui entoure les muscles, quelque- fois d’une densité qui la rapproche des membranes fibreuses et des kystes, existe le plus communément autour de la tumeur. Cette membrane contient des vaisseaux assez apparens. Les lipomes extérieurs au péritoine offrent quelquefois l’aspect .de l’épiploon quand on les déploie : en général pourtant ces tumeurs renferment beaucoup moins de vaisseaux que d’autres tumeurs du même volume.

Les auteurs ont parlé de transformations graisseuses des muscles. Voici ce qu’un certain nombre d’observa- tions m a appris à ce sujet. Les muscles deviennent souvent tout- à -fait blancs dans les paralysies; leurs fibres diminuent en même temps de volume, et comme

anatomie générale.

*7 2

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cette altération s’observe surtout chez les vieillards dans lesquels la graisse est plus abondante à l’intérieur, et que le repos de la partie augmente encore la quan- tité de ce fluide, il en résulte un aspect graisseux des muscles, qui en a imposé pour une vraie transforma- tion graisseuse. Mais on trouve dans ces muscles la fibrine qui leur est propre, lorsqu'on les soumet à l’action de l’alcohol, à l’action d’un papier absorbant, lorsqu’on les fait cuire dans l’eau, ou lorsqu’on les expose à un feu nu. Il y a donc seulement décoloration , et non transformation graisseuse des muscles. M. Vauquelin et M. Chévreul ont obtenu les mêmes résultats dans les analyses qu’ils ont' faites de ces muscles. La trans- formation graisseuse n’existe pas davantage dans les os : seulement la moelle , qui en occupe l’intérieur, peut devenir très - abondante. Le foie est quelquefois le siège d’une transformation graisseuse, qui n’a pas été suffisamment examinée.

Les inflammations qui surviennent dans des régions le tissu adipeux est très -abondant ont une ten- dance particulière à se terminer par gangrène. Cette observation, que l’on a faite depuis long-temps sur les animaux très-gras, tels que les cochons, les moutons, quand ils éprouvent des piqûres, est aussi exacte chez l’homme, dans lequel les blessures et les infiltrations , surtout urinaires ou stercorales, dans le tissu graisseux sont suivies de gangrènes très-étendues. La très-petite proportion des parties vivantes que renferme le tissu adipeux peut rendre raison de ces phénomènes. On voit quelque chose d analogue dans les hernies épiploï- ques : quand on laisse à l’extérieur des niasses consi-

DU TISSU ADIPEUX.

'73

durables d épiploon, il arrive alors que cet organe se pourrit à sa surface ; il en découle une huile abon- dante, et lorsqu’une fois son volume est par con- sidérablement diminué , il ne reste plus qu’un cham- pignon rouge et très- vasculaire, formé par le tissu cellulaire intermédiaire à la graisse, et par le déve- loppement des vaisseaux.

Dans un cas d’hépatite, le docteur Traill, de Liver- pool, a trouvé dans le sérum du sang extrait par la sai- gnée une quantité notable d’huile, environ deux parties et demie sur cent de sérum. Les kystes de l’ovaire con- tiennent assez souvent de la graisse avec des poils et quelquefois des dents, mais l’altération est alors très- composée : ce n’est pas ici le lieu de la décrire. Les calculs biliaires sont quelquefois formés d’une matière grasse nommée cholestérine . Les matières stercorales contiennent également quelquefois des substances grasses, soit mêlées avec leurs principes, soit en masses isolées. L’ambre gris est une matière grasse, qui paraît provenir de l’intestin du physeter macrocephalus. Cer- tains kystes des organes génitaux, et quelques hydro- cèles, renferment quelquefois des paillettes brillantes, qui ne sont autre chose que de la cholestérine. On trouve aussi cette matière, mais moins souvent, dans des tissus morbides situés dans d’autres régions. Les tumeurs appelées mélicéris, stéatome et athérome, et que 1 on regarde comme des kystes sous-cutanés ( Cliap. III ) contiennent une certaine proportion de matière grasse.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

174

ARTICLE II.

DU TISSU MÉDULLAIRE OU ADIPEUX DES OS.

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§ 169. Le tissu médullaire est un tissu membraneux, vasculaire et vésiculaire, renfermé dans les cavités des os. Il a reçu les noms de moelle, de système médul- laire, de medulla , medilullium , par comparaison avec la moelle des arbres.

§ 170. Duverney 1 en a fait le sujet de plusieurs observations : Grutzmacher 2 et Isenflamm 3 en ont donné des descriptions détaillées. Tous les ostéolo- gistes , et tous ceux qui se sont occupés du tissu adipeux, se sont aussi occupés de la moelle. Havers 4 surtout en a très-bien décrit et en a figuré la texture vésiculeuse. Albinus en a donné une très-belle figure dans ses Annotationes academicæ ; seulement les vais- seaux y sont représentés trop gros : Mascagni, dans son Prodromo , a aussi donné une bonne figure de la moelle.

§ 17 1 . La moellé occupe la grande cavité médullaire du corps des os longs, les cavités cellulaires des os courts, de l’extrémité des os longs, et de 1 épaisseur des os larges , et même les porosités de la substance

* ' * ....

1 Mémoires de l’Académie des sciences. 1700.

1 ossium medulla. Lips. , 1758.

3 Uèbef das Knochenmaih , in beitrœge , etc. Von Isen- Jlamm und Rosenmuller. B. II. Leipzig, i8o3.

4 Clopton Havers. Osteol.. Nov. Lond. 1691 , et Obs. nov . de ossibux. Amslcl, 1781.

DU TISSU ADIPEUX. 1^5

compacte des os. Les sinus et les cellules aériennes des os du crâne n’en contiennent point.

§ i "2. La graisse qui occupe le canal médullaire représente un cylindre, moulé sur les parois osseuses de ce canal, et contenu dans une membrane que l’on ap- pelle périoste interne ou médullaire. Cette membrane, dont les uns ont nié lexistenee , tandis que d’autres la croyaient formée de deux couches, n’a qu’un seul feuillet, facilement apercevable au moyen d’une expé- rience qui consiste à scier un os et à l’approcher du feu ou à le plonger dans un acide : la membrane se crispe, se détache de l’os, et forme un canal distinct, dont la ténuité est telle, qu’il est presque impossible de l’observer sans ce moyen. Son tissu ne peut guère se comparer qu’à une toile d’araignée. Cette membrane tapisse le canal intérieur de l’os, et Semble se continuer à ses deux extrémités avec la moelle qui les remplit. Elle envoie en dehors des prolongemens dans la subs- tance compacte, et fournit en dedans une infinité de prolongemens analogues, qui se comportent à son in- térieur comme le font, en général, les filamens et les lames qni composent les membranes celluleuses. Ces prolongemens sont soutenus par les filamens et les la- mines de la substance réticulaire, dans les endroits cette substance existe.

§ 173. La composition de la membrane médul- laire est due principalement aux vaisseaux rami- fiés à l’intérieur du canal, et que soutient un tissti cellulaire extrêmement mou et à peine visible : cette membrane ressemble beaucoup, sous ce rapport, à pie-mère ou à l’épiploon, et ne semble formée, de

176 ANATOMIE GÉNÉRALE.

meme que ces membranes, que par le tissu cellulaire appartenant à la gaîne des vaisseaux. Une artère et une veine pénètrent dans le canal médullaire, et s’y divisent, aussitôt après leur entrée, en deux branches dont les ramifications s’étendent aux deux extrémités de l’os , et communiquent avec les vaisseaux nombreux et volumineux de ces extrémités. Les vaisseaux lym- phatiques n’ont été suivis que jusqu’à l’entrée du canal médullaire. Les injections heureuses montrent, au con- traire, une foule de filamens colorés dans le canal des os longs. Les nerfs de ce canal, dont l’existence a été niée, sont pourtant assez faciles à suivre. Sœmmering, il est vrai, pense que ces nerfs sont destinés à l’artère seulement. Ces nerfs ont particulièrement été obser- vées par Wrisberg et Klint. Le tissu médullaire est donc essentiellement composé; d’un réseau artériel et veineux, et probablement aussi d’un réseau de vais- seaux lymphatiques; 20 d’un plexus nerveux, destiné soit à l’artère, soit aux autres parties en même temps; de la gaîne celluleuse propre à ces parties, laquelle fournit des fibrilles dont la réunion constitue une sorte de membrane incomplète, frangée. Il faut joindre à cela des vésicules très-apparentes, mais seulement dans les sujets frais, et qui deviennent moins sensibles dans les autres, parce que la moelle se fluidifie très- promptement. Ces vésicules sont tout-à-fait semblables à celles d.u tissu adipeux général; elles ont le même volume et les mêmes connexions avec les vaisseaux sanguins auxquels elles paraissent appendues. Grutz- maclier pense que la texture de la moelle et celle de la graisse en général , est aréolajre comme le tissu cel-

DU TISSU ADIPEUX.

I77

lulaire commun , et non vésiculaire. Les extrémités celluleuses des os longs contiennent un grand nombre de vaisseaux; mais leur membrane est moins distincte que celle du milieu de ces nymies os. II paraît y avoir des vésicules semblables à celles de la membrane mé- dullaire. Les porosités de la substance compacte sem- blent également en contenir.

§ 174. La graisse des os prend les noms de moelle dans le canal médullaire f de suc médullaire dans la substance spongieuse, et de suc huileux dans la subs- tance compacte. Cette graisse est formée des mêmes principes que la graisse ordinaire, ' seulement en des proportions différentes, puisqu’elle est plus fluide; elle est aussi plus colorée, plus jaune.

§ 17O. La membrane médullaire est sensible; Du- verney a très-bien indiqué l’expérience qu’il' faut faire pour constater cette propriété, que. Bichat a peut-être un peu exagérée, mais que l’on a eu tort de révoquer en doute. En effet, si le plus souvent, dans les ampu- tations pratiquées chez l’homme, l’impression causée par la section de l’os est à peine sentie, cela tient unique- ment à la douleur plus vive, résultant de la section de la peau, et qui a précédé celle-ci. Mais en mettant, sur un animal vivant, assez d’intervalle entre la section des tégumens et la lésion de la moelle, pour que l’im- pression, produite par la première, ait le temps de se dissiper, un stylet introduit dans le canal médullaire produit à 1 instant même une douleur que l’animal té- moigne de diverses manières : on conçoit bien que cette sensibilité réside dans la membrane, et est étrangère à la moelle elle-même. Les nerfs accompagnait dans

1.

12

anatomie générale.

l’os, lartère médullaire principale, si l’os est amputé au-dessus de Centrée de ce vaisseau, la moelle restante ne communique plus avec le centre nerveux, c’est à cette disposition qu'il fa ut attribuer la différence de sensibilité observée par Bichat, entre le centre et les extrémités de la cavité médullaire, *t aussi à ce que les filets nerveux vont en se divisant vers les deux bouts de cette cavité. Le tissu médullaire est doué d’une contractilité obscure , semblable à celle du tissu cellulaire. Les artères qui se ramifient dans cette membrane y sécrètent et y déposent la matière grasse.

§ 176. Suivant Bichat , la membrane médullaire existe de très-bonne heure, préexiste au canal; seule- ment elle est remplie d’une substance cartilagineuse , qui fait ensuite place à la moelle à mesure que l’ossifi- cation s’opère. L’observation la plus attentive ne montre dans les cartilages, ni artères, ni veines, ni membrane médullaire; plus tard, la cavité des os longs n’est qu’un canal étroit que l’artère remplit; celle-ci se déjette sur le côté et s’accole aux parois , quand le canal com- mence à s’élargir; une substance visqueuse ou gélati- neuse est alors contenue dans ce dernier; de la moelle 0

s’y produit enfin, mais en petite quantité; avec lâge, le canal devient de plus en plus large, et la moelle plus abondante. Il n’y a aucune différence appréciable, sous le rapport de ce tissu , entre les deux sexes. Ce fluide présente, en outre, des variétés individuelles, par rap- port à sa quantité. Lorsque 1 embonpoint est ordinaire, la graisse forme la majeure partie de ta substance con- tenue dans le canal médullaire; j ai trouvé, sur huit parties de cette substance, sept de graisse : le reste est

DU TISSU ADIPEUX. IJÿ

formé par les vaisseaux, de l’eau et de l’albumine. Chez les sujets maigres, au contraire, la graisse ne constitue aae le quart, ou une moindre proportion encore du fluide contenu dans les os longs ; le reste m’a paru être . de l’eau, ou du moins une substance évaporable, et de l’albumine , ou une substance coagulable. Les oiseaux ont, dans les cavités des os longs, de l’air au lieu de moelle , suivant la remarque de Camper.

§ 177. Les fonctions du tissu médullaire sont de ser- vir de périoste interne et de réservoir à la graisse : c’est sur lui que se ramifient les vaisseaux qui, d’une part, se portent en dehors pour concourir à la. nutrition de l’os, et d’autre part, en dedans pour opérer la sécré- tion de la graisse. Celle-ci a les mêmes usages géné- raux que dans les autres parties. Ses usages locaux sont de remplir le vide qui sans elle existerait dans les os. On a cru, et Haller et Blumenbach ont adopté cette opinion, quelle rendait ceux-ci plus flexibles, moins cassans ; mais les os des enfans , privés de graisse , sont pourtant moins cassans que ceux des adultes , tan- dis que les os des vieillards, dans lesquels ce fluide est si abondant, sont en général très-fragiles. Ceux qui ont avancé cette’ opinion se fondent sur ce que la com- bustion ôte à la substance osseuse toute sa solidité ; il est évident que ce n’est pas seulement l’huile qu’ils per- dent dans ce cas, mais bien la matière animale qui leur est enlevée, dont dépendait leur solidité. Les mêmes auteurs ajoutent qu’en faisant bouillir dans l’huile, ou dans la gélatine , le résidu terreux obtenu par la com- bustion, on lui rend, jusqu’à un certain point, sa soli- dité; mais il se forme alors un composé particulier, une

*8o ANATOMIE GENERAL!*.

espèce de stuc qui n’a rien de commun avec l’os. Haller et plusieurs autres physiologistes ont encore pensé que la moelle servait à la reproduction des os, et notam- ment à la formation du cal. Cependant l’observation fait voir qu’une fracture se guérit d’autant plus prompte- ment que l’individu est plus jeune ; or, plus l’individu est jeune , et moins il y a de moelle , ou moins la moelle contient de graisse. Duverney et d’autres ont cru la moelle nécessaire à la nutrition des os : il suffit que la moelle manque chez, plusieurs animaux, comme les oiseaux, que le bois des cerfs, par exemple, en soit dépourvu, que ce fluide n’existe point dans l’enfance, et que les os se forment avant la moelle, pour que cette opinion ne soit point admissible. On a aussi regardé la moelle comme le réservoir du calorique latent et de l’électricité. La moelle ne sert pas non plus à lubrifier les surfaces articulaires, car la synovie existe dans beau- coup d’endroits la moelle ne se rencontre point.

§ 178. La moelle présente quelques altérations mor- bides l. Dans les fractures, pendant que l’os se con- solide, la graisse disparaît dans le canal médullaire; le tissu cellulaire de ce canal devient compacte, comme dans les autres cas de solutions de continuité, et finit par s’ossifier: ce dernier fait, q%e Bichat a observé, a été constaté de nouveau par plusieurs observateurs. Lorsque la consolidation est parfaite, la membrane médullaire reprend ses propriétés.

On observe dans la moelle , à la suite des amputa- tions, les mêmes phénomènes que dans les autres

* V oyez Moignon. Tentarnen de morbis ossium medullœ ,

«Paris, et Lugd. Ann. III.

DU TISSU A.DIPDUX.

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plaies qui intéressent le tissu graisseux: la matière hui- leuse disparaît, et une couche cellulaire et vasculaire se forme à l’extrémité tronquée de l’os , qui finit par se clore. La moelle est détruite dans les séquestres, et ne paraît pas se rétablir après leur sortie , du moins ne l’a-t-on pas vue se reproduire dans ce cas; peut- être l’état des parties n’a-t-il pas été examiné assez long-temps après l’issue de la maladie.

La membrane médullaire est susceptible d’inflam- mation : c’est probablement à elle et à ses suites qu’il faut attribuer les nécroses intérieures. Il est également probable que les douleurs ostéocopes dépendent de cette inflammation. On observe d^ns le racfiitis un endurcissement particulier de la membrane médullaire, qui n’a pas été décrit.

Parmi les affections propres à cette membrane, le spina-ventosa est une des plus remarquables. Il y a, suivant mes observations et celles de plusieurs autres, au moins deux , et même trois espèces distinctes de cette maladie. Le développement considérable de l’os tient à l’accroissement extraordinaire de la inem-

i

brane médullaire altérée; mais tantôt l’altération de la moelle consiste en une dégénération carcinoma- teuse, en un véritable nancer mou; tantôt la tumeur est fibl'euse et cartilagineuse; dans quelques cas, enfin, et surtout chez les enfans , l’os , renflé dans son milieu, contient une substance rouge très-vasculaire, dont la nature n’est pas bien déterminée : cette variété s observe surtout dans les os du métacarpe , du méta- tarse , et des doigts. Le spina-ventosa affecte spécia- lement les os longs des membres : dans le fémur, c’cst

l8a ANATOMIE GÉNÉRALE.

le plus souvent la partie inférieure de l’os qui est malade; dans l’humérus, c’est la partie supérieure. ■J’ai enlevé le tiers supérieur du péroné à une jeune femme, dans un cas de spina-ventosa qui avait donné à la tête du péroné, à peu près le volume du poing de la malade. Des tumeurs de ce genre ont été décrites par Vigarous, sous le nom de stéatomes osseux, et par M. Astley Cooper , sous celui d’exostoses médullaires.

DES MEMBRANES SEREUSES.

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CHAPITRE IL

des membranes séreuses.

§ 179. Les membranes, membrance , sont des parties molles, larges et minces, qui tapissent les cavités, enve- loppent les organes, entrent dans la composition d’un grand nombre d’entre eux, et en constituent quelques- uns : du reste, elles diffèrent beaucoup entre elles, parleur texture, leur composition, leur action, etc.

§ 180. Les membranes séreuses, m. serosce , vel suc - cingentes , ainsi nommées parce quelles contiennent beaucoup de vaisseaux séreux dans leur épaisseur, qu elles sont humectées par un liquide analogue au sérum du sang, et parce qu’elles fournissent des tuni- ques à beaucoup d'organes, forment un système, ou genre nombreux de membranes fermées de toutes parts, adhérentes par une surface aux parties environ- nantes, libres et contiguës à elles-mêmes par l’autre, servant à isoler certaines parties, à faciliter les mo.u- vcmens, et résultant d’une modification très -simple du tissu cellulaire.

§181. Confontîues pendant long -temps avec les parties auxquelles elles tiennent , les membranes sé- reuses ont été particulièrement distinguées des autres parties, et étudiées dans leur ensemble, par Bonn 1 par Monro 2, et surtout par Bichat 3.

1 De continuationibus mçmbranarum. Amst.-Batav. 17 63.

2 A description of ail tlie bursœ mucosœ , etc. Edinb. *788

3 Traité des membranes. Paris, an 8.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

184

§ 182. Le système séreux comprend des membranes qui, à raison de leurs nombreuses ressemblances, for- ment un genre très-naturel, dans lequel cependant il y a aussi des différences assez marquées pour qu’on doive en faire plusieurs divisions. Sous le rapport de leur situation, et du liquide plus ou moins oncteux qui les humecte, on les distingue en séreuses propre- ment dites , ou séreuses des cavités splanchniques , et en synoviales ; et ces dernières elles-mêmes se distin- guent encore en celles des articulations, en celles des tendons , et en celles qui sont sous-cutanées. Il faut exposer d’abord les caractères communs à tout le genre, et puis ensuite ceux des espèces.

PREMIÈRE SECTION.

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DES MEMBRANES SEREUSES EN GENERAL.

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§ i83. Toutes consistent en des vessies fermées de toutes parts : il n’y a d’autre exception à cette dispo- sition générale, que l’ouverture par laquelle le péri- toine communique avec les organes génitaux chez la femme, ces organes étant eux-memes interrompus dans leur continuité entre 1 ovaire et le commencement de l’oviducte ou trompe utérine. Il résulte, de la con- formation générale des membranes sei%uses, que les

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liquides quelles renferment sont entièrement isoles, et que ces membranes ne sont perméables que par les vaisseaux qui se ramifient dans leur épaisseur, et non, comme le tissu cellulaire, par des aréoles communi- quant librement entre elles ; au reste, cette conforma-

DES MEMBRANES SEREUSES.

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tion présente quelques variétés ou formes secondaires. Il est de ces n^embranes qui sont aussi simples que pos- sible, et ne représentent qu’une sorte d’ampoule ou de vessie; on les appelle vésiculaires D’autres constituent des enveloppes engainantes qui entourent certaines parties, comme des tendons, des ligamens, des vais- seaux sanguins; et, comme elles ne sont pas percées pour laisser passer ces parties, qu’elles se réfléchissent à leurs deux extrémités, et forment ainsi une double gaîne, cela leur a fait donner le nom de vaginiformes. Cette disposition est une des plus communes. Enfin, il en est de plus compliquées encore; ce sont les mem- branes séreuses enveloppantes, celles qui méritent plus particulièrement le nom de succingentes : celles-ci en- tourent les organes, excepte sur un seul point de leur surface, autour duquel elles se réfléchissent surles parois de la cavité qui les renferme, et sont ainsi divisées en deux portions , dont l’une forme une enveloppe aux or- ganes, et prend le nom de feuillet viscéral, ou tunique, tandis quel autre qui revêtles parois , constitue le feuil- let pariétal. Les différentes formes que nous venons d examiner sont souvent réunies dans la même mem- brane. Dans les membranes séreuses enveloppantes , comme celles que 1 on trouve autour du cœur , des pou- mons, des testicules, il y a toujours à la surface de l’or- gane un endroit dépourvu d’enveloppe séreuse : c’est par cet endroit que pénètrent les vaissaux de l’organe, ou bien que celui-ci tient aux parties environnantes. Cette partie libre, desoijganes revêtus de membranes séreuses, est tantôt large, tantôt très-étroite. Dans quelques cas, le viscère est éloigné des parois qui le renferment, et

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AN A.TOMIE GÉNÉRALE.

attaché ou suspendu par un repli de la membrane sé- reuse, qui constitue ce qu’on nomme un^frein ou liga- ment membraneux : cette disposition n’est point une exception à ce que nous venons de dire. Il y a toujours une partie de 1 organe qui n’est pas revêtue par la mem- brane dans toute l’étendue de l’adhérence du repli que forme cette dernière. Outre ce premier genre de replis, les membranes séreuses offrent des prolongemens qui flottent plus ou rnoins à *l’ intérieur de la cavité qu elles forment , et qui dépendent le plus souvent de leur feuillet viscéral, mais qui appartiennent aussi quelque- fois à leur autre feuillet : l’épiploon , les appendices épiploïques, pour le péritoine; les replis graisseux qu’on observe dans la plèvre , sur les côtés du médias- tin, pour cette dernière m'embrane; les franges syno- viales, pour les capsules articulaires; sont des exemples de ces prolongemens. Ceux-ci contiennent toujours dans leur épaisseur du tissu cellulaire, ordinairement graisseux : c’est aussi à cet endroit que la membrane offre le plus de vaisseaux.

§ 184. Toutesles membranes séreuses présentent deux surfaces, une libre et Vautre adhérente. Celle-ci est flo- conneuse et tient à du tissu cellulaire , à des ligamens , à des tendons, à des cartilages, etc. Son degré d’adhé- rence, à ces différentes parties , est plus ou pioins mar- qué : un tissu cellulaire lâche le produit quelquefois, tandis qu’ailleurs, comme sur les cartilages, 1 adhérence est intime. Il existe une foule d intermédiaires entre ces deux extrêmes, ainsi qu’on l’observe au niveau des ligamens, des fibres musculaires, des tendons, etc. La surface libre des membranes séreuses est partout con-

DES MEMBRANES SEREUSES.

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ticruë à elle-même : c’est l’intérieur de l’espèce de vessie que représentent ces membranes. Cette surface paraît, au premier aspect, parfaitement lisse et polie; mais examinée au microscope, elle présente des villosités manifestes; aussi les membranes séreuses ont -elles été nommées villeuses simples . Un liquide humecte constamment cette surface.

§ i85. Les membranes séreuses sont, en général, d’une couleur blanchâtre, que leur transparence rend à peine sensible, luisantes à leur surface libre, fort minces et pourtant assez résistantes, plus fortes que ne le serait le tissu cellulaire réduit en lames d’une ténuité égale à la leur; elles sont en général un peu élas- tiques.

§ 186. Elles paraissent presque homogènes au pre- mier aspect : cependant on observe presque toujours, dans divers points de leur étendue, une apparence fibreuse, qui est plus ou moins marquée. Lorsqu’on les déchire par distension , elles s’éraillent d’abord , et puis elles se réduisent en petits filamens entremêlés , entre- croisés, et comme tissus entre eux. Leur nature paraît très -analogue à celle du tissu cellulaire, dont elles ne diffèrent que par une condensation plus grande, et par la cavité distincte qu’elles représentent. Il existe d’ail- leurs entre le tissu cellulaire et les membranes séreuses une sorte <<de gradation insensible, et les membranes sé- reuses les plus simples participent encore beaucoup de la nature du tissu cellulaire. Le tissu cellulaire très- lâche, et querinsufflation développe en larges ampoules, comme celui du prépuce , celui qui existe entre les muscles à grands mouvemens ; et les bourses synoviales

l88 ANATOMIE GÉNÉRALE.

sous-cutanées, constituent en effet une transition entre les deux tissus. Des vaisseaux blancs très-nombreux entrent dans la composition de ces membranes. Les in- jections, l’inflammation, qui font pénétrer, les premiè- res, un liquide coloré, les secondes, le sang, dans ces vaisseaux, rendent ceux-ci très-apparens : leur quantité paraît alors très-considérat>le. Cependant, il faut.éviter de confondre les vaisseaux propres à la membrane sé- reuse avec ceux qui appartiennent au tissu cellulaire sous-jacent, et qu’on croirait exister dans la membrane elle-même, à cause de sa transparence. Dans le péri- toine , par exemple, il faut que l’inflammation soit long-temps prolongée pour que le sang arrive au delà du tissu cellulaire sous-séreux ; et , en examinant la chose peu attentivement, on serait tenté de croire que c’est le péritoine lui-même que la maladie a rendu vasculaire. Il en est de même des injections : ce n’est que quand elles sont très-ténues qu’elles pénètrent jus- que dans la membrane elle -même. On ne connaît point les nerfs des membranes séreuses.

§ 187. Le liquide que renferment ces membranes n’est point le même dans toutes; cependant il ressemble plus ou moins à la sérosité du sang, ou au sang privé de matière colorante. Il contient, en général, de l’eau, de l’albumine, une matière incoaguîable, que l’on peut regarder comme une sorte de mucus gélafciniforme, une matière fibrineuse et de la soude. Nous verrons plus loin les différences que présente ce liquide dans les diverses espèces de membranes séreuses.

§188. Les membranes séreuses sont, pendant la vie surtout, extensibles et rétractiles à un haut degré, ainsi

DES MEMBRANES SEREUSES. 189

qu’on le voit dans les hydropisies, et après la guérison de ces maladies ; mais leur agrandissement n’est pas toujours simplement un résultat de leur extensibilité; il y a en outre disparition de leurs plis, qui, se dévelop- pant peu à peu, fournissent à l’accroissement de la membrane. Une autre cause qui concourt à cette aug- mentation de volume, est le glissement dont celle-ci est susceptible, l’espèce de locomotion quelle éprouve lorsqu’elle n’est distendue que dans un point de son étendue, comme on le voit particulièrement dans les hernies. Enfin , il paraît y avoir, dans quelques cas, une augmentation réelle de nutrition, quLcontribue encore à la production de ce phénomène : cet accrois- sement de substance est, avec les autres causes d’am- pliation , manifeste dans la grossesse, par exemple. Au reste, ces phénomènes ne sont pas également marqués dans les différentes espèces de membranes séreuses : le péritoine les présente au plus haut "degré ; ils sont beaucoup moins prononcés dans les membranes syno- viales, articulaires surtout, ce qui dépend, d’une part, de l’extensibilité moindre de ces membranes , mais aussi de ce quelles ont moins de plis, et surtout de ce que leurs connexions ne leur permettent pas de se déplacer avec autant de facilité. Quand la distension vient à cesser, les membranes reviennent peu à peu à leur état antérieur ; mais si elle a été portée jusqu’à l’éraillement il en reste toujours des traces.

§ 189. La force de formation assez développée dans les membranes séreuses, y est pourtant moindre que dans le tissu cellulaire libre. La motilité y est très- bornée ; elles n’y existe qu’au faible degré qui constitue

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ANATOMIE GENERALE.

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la tonicité. Mais si l’irritation n’y détermine pas de mouvemens appréciable; elle y développe la sensibili- té : ces membranes , en effet, deviennent très-sensibles, et transmettent ordinairement des impressions doulou- reuses , dans l’inflammation.

§ 190. Toutes les membranes séreuses sont le siège de ladéposition et delà résorption continuelles d’un liquide

séreux dans leur cavité, ou par leur surface libre -et

contiguë. L’étendue considérable de ces membranes prises ensemble, donne une grande importance à cette double fonction. La matière de cette sécrétion est , comme toutes les autres, apportée par les vaisseaux dans l’épaisseur tle la membrane et surtout dans les points de la membrane les plus vasculaires, dans les prolongemens frangés : on ne sait pas au juste par quelle voie la matière sécrétée sort des vaisseaux et passe dans la cavité. On a supposé pour toutes ces membranes des glandes sécrétoires, soit à leur voi- sinage, soit dans leur épaisseur même; mais ces prétendues glandes n’existent pas. On a supposé aussi des transsudations par des porosités anorga- niques ; mais sans connaître exactement le mode suivant lequel se font les sécrétions perspiratoires, on sait que les transsudations n’ont lieu que dans le cadavre et même quelque temps après la mort seulement. Le liquide est aussi continuellement ab- sorbé par la membrane, dans l’épaisseur de laquelle

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il rentre dans les vaisseaux. Tant que la déposition et la résorption sont dans un juste équilibre , les membranes séreuses sont simplement humectées à leur surface. L’augmentation de la sécrétion, ou la di-

DES MEMBRANES SEREUSES. I91

minution de l’absorption, donne lieu à une accumula- tion qu’on appelle hydropisie.

Le liquide sécrété a des usages locaux et des usages généraux : localement il sert à entretenir l’isolement entre les deux feuillets contigus des membranes sé- reuses, et à faciliter les mouvemens des organes les uns contre les autres ; en général, il est vraisemblable que la matière nutritive , ainsi déposée et reprise al- ternativement, éprouve une assimilation plus parfaite avant d’être employée à la nutrition des organes.

§191. L’action des membranes séreuses, soit en santé, soit en maladie surtout, est liée étroitement aux autres actions organiques. Ainsi, quand elles sont malades, les fonctions des organes quelles revêtent, sont plus ou moins troublées, ce trouble s’étend au loin, et même souvent à tout l’organisme : de même les affections des autres organes, surtout celles des membranes té- gumentaires, des organes circulatoires, des glandes, dérangent souvent leurs fonctions; les affections des organes qu’elles revêtent, les altèrent toujours plus ou moins sensiblement; cfune part la cavité qu’elles forment établit un véritable isolement entre les parties sur lesquelles se déployent leurs deux portions oppo- sées ; d’un autre côté , la continuité et l’étendue de chacune de ces membranes, donnent facilement lieu à des affections très-étendues.

§ 192. v système séreux est très-mou à son origine qui est d’ailleurs peu connue : chez l’embryon , les viscères abdominaux ne semble ut recouverts que d un vernis liquide et visqueux. Les membranes sé- ïeuses sont très-minces , dans le fœtus et , en général,

IC)2 ANATOMIE GENERALE.

moins adhérentes à cause de la mollesse du tissu cel- lulaire qui les unit aux parties voisines, de sorte qu’on les sépare avec facilité de ces mêmes parties : cependant, sur les cartilages articulaires, et sur l’al- bu ginée du testicule, 1 adhérence est presque aussi in- time que par la suite. On ignore complètement si ces membranes, dont le caractère essentiel est l’interrup- tion de continuité qu elles établissent entre les parties, sont d abord du tissu cellulaire mou, continu et sans ■cavité intérieure, comme l’affirment quelques anato- mistes, qui admettent qu’il existe au commencement une continuité générale entre toutes les parties, entre les os, par exemple. Le liquide des membranes séreuses est d’abord très-ténu. Quelques-unes de ces mem- branes , celles des cavités splanchniques , offrent «des différences de conformation remarquables chez le fœ- tus. Les membranes séreuses éprouvent divers chan- gemens dans la vieillesse.

§ 193. La formation d’un tissu séreux accidentel s’observe souvent ; sa réparation ou reproduction a lieu dans les plaies des membranes séreuses , lesquelles se réunissent quand leurs bords voisins sont en contact immédiat ; l’observation a montré que l’opinion des an- ciens, qui 11e croyaient pas ces sortes de plaies suscep- tibles de réunion, est dénuée de tout fondement. Lors- que ces plaies sont ave? perte de substance, ou qu’il y a un écartement entre leurs bords, l’intermlle qu’ elles présentent est rempli par une nouvelle membrane, une véritable cicatrice. Celle-ci paraît être un peu plus mince et plus extensible que la membrane environ- nante.

des membranes séreuses. ip3

§ 1 94. Le liquide contenu dans les cavités des mem- branes séreuses est susceptible de s’y accumuler, soit que la résorption en soit diminuée ou l’exhalation aug- mentée : cette accumulation donne lieu aux diverses hy- dropisies. Le liquide qui forme ces dernières, offre des qualités variables , surtout quand il y a de l’inflamma- tion. Ce liquide contient tantôt plus, tantôt moins de ma- tière animale que dans l’état de santé : quelquefois la proportion de cette matière est la même que dans cet état. En général la sérosité des hydropisies ressemble au sérum du sang, sauf une moindre proportion d’albumine. Il est un point d’anatomie pathologique auquel on n’a pas donné assez d’attention* c’est que les hydropisies qui ne paraissent pas dépendre d’une alté- ration des membranes' séreuses ou des organes- de la respiration et de la circulation , et que pour cette raison on a regardées comme des affections générales, sont souvent précédées et accompagnées d’un flux d’urine contenant une grande proportion de gélatine et d’al- bumine, soustraction de matières animales qui change la composition du sang, qui le rend plus aqueux et qui dépend d’une altération du rein et de sa fonction. Ce flux accompagne aussi quelquefois les hydropisies avec affection locale d’un autre viscère s.

S 195. L’inflammation des membranes séreuses , qui est très-fréquente, produit dans ces membranes des al- térations de tissu et des altérations de sécrétion. La membrane devient vasculaire, d’abord dans son tissu cellulaire extérieur, puis à la longue dans son épaisseur

1 Voyez J. Blackall , Observations on dropsies , etc. Lon- don, i8i3.

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

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même; ses franges vasculaires, et ses villosités sont plus marquées, et finissent même par devenir très- saillantes et très-épaisses. Si i’inflammation dure un certain temps, la membrane s’épaissit un peu et perd sa transparence, cependant le plus souvent l’épaissis- sement qui paraît très -grand, n’est qu’apparent et étranger à la membrane elle-même. Outre la déposi- tion intersticielle qui donne lieu à cette altération, une sécrétion s’opère, en général, dans la cavité même de la membrane; la sécrétion, cependant, se suspend d’abord pour changer ensuite de caractère. Le liquide versé est suivant les cas , une simple sérosité très-abon- bondante, mais non autrement altérée; ou bien un fluide blanchâtre, lactescent, ou contenant des flocons albumineux et fibrineux; quelquefois, mais rarement, la sérosité est sanguinolente ; enfin on y trouve du pus, offrant toutes les propriétés de celui qui se pro- duit dans le tissu cellulaire. Outre ces effets de l’in- flammation , il en est encore d’autres très - remar- quables.

§ 196. Lçs fausses membranes, pseudo membranes , ne sont point particulières aux membranes séreuses, mais elles y sont très-fréquentes. Elles consistent dans la con- crétion, sous forme de membrane, du produit de la sé- crétion de la membrane enflammée à un certain degré. Ce produit, semblable à la matière organisable qui détermine l’adhérence des lèvres des plaies, est d’abord versé, par gouttelettes séparées, sur l^surface libre delà membrane; ces gouttes, en se multipliant et en s’éten- dant, se rencontrent communément et forment d abord un réseau , puis une surface entière. Ordinairement,

des membranes séreüses. 195

la iifêine chose ayant lieu sur la partie opposée de la membrane, et celle-ci restant,, en général, en contact avec la première, la fausse membrane détermine l’ag- glutination des deux parties auparavant contiguës : c’est le premier degré de l’adhérence , l’adhéreuce gélati- neuse de quelques-uns, couenneuse de quelques autres ; j’aime mieux appeler cela agglutination. Tantôt la ma- tière de l’agglutination ne forme qu’une couche mince, interposée entre les deux surfaces rapprochées; tantôt elle est si abondante qu’elle remplit , et distend la cavité séreuse*

Les adhérences organiques des membranes séreuses , sont un résultat fréquent de la formation des fausses membranes. La matière organisable de l’agglutination se change en tissu cellulaire, dans lequel il se forme des canaux rameux qui acquièrent peu à peu la struc- ture vasculaire, (chap. IV) èt qui finissent par com- muniquer avec les vaisseaux de la membrane enflam- mée. Plusieurs des premiers observateurs qui ont vu les vaisseaux des adhérences, les ont pris pour des vil- losités vasculaires, prolongées de la membrane ancienne dans la matière de la fausse membrane. J. Hunter et M. Ev. Home, ont observé le contraire, que j’ai moi- même constaté plusieurs fois. On peut,*en piquant au hasard dans une adhérence récente avec un tube rem- pli de mercure, injecter des canaux rameux, dont la partie la plus large ou le tronc répond au centre de l’adhérence et dont les rameaux dirigés en deux sens opposés, comme ceux de la veine-porte, sont dirigés vers les surfaces séreuses sans arriver toujours jusqu’à ces surfaces , et sans que celles-ci fournissent des vil-

ANATOMIE GÉNÉRALE.

losités bien marquées. A la longue , la disposition change j ladlicience, des que les canaux, ont commu- niqué avec les vaisseaux anciens, devient de plus en plus vasculaire au voisinage de la membrane , et de moins en moins dans son centre. Les adhérences orga- niques des membranes séreuses n’ont pas toujours la même forme, elles consistent ordinairement en quel- ques brides ou en cordons plus larges aux extrémités adhérentes et plus minces au centre qui est libre; d'au- tres fois, il y a un très-grand nombre de filamens à peu près semblables aux brides; dans d’autres cas enfin, les adhérences sont si multipliées, que les deux parties de la membrane sont confondues et semblent remplacées par du tissu cellulaire. La texture des adhérences, telle qu’on la voit dans les brides, est celle des membranes séreuses, elles forment une espèce de gaîne lisse à la surface et remplie de tissu cellulaire contenant quel- ques vaisseaux. Ces adhérences sont d’une part si fré- quentes, et de l’autre quelquefois si régulièrement or- ganisées, que beaucoup de médecins anciens les ont prises pour des ligamens naturels, et que, même parmi

les modernes, Tioch en a trouvé dans le péricarde, et

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Bichat dans sa plèvre qui leur ont semblé appartenir à nne conformation primitive.

Les brides qui constituent les adhérences s’allongent de plus en plus, à mesure qu’elles durcissent : il est même probable que leur centre finit par être entièrement ab- sorbé; ce qui tend à le faire admettre, c’est qu en exa- minant les parois de l’abdomen peu de temps après les plaies de cette partie, on trouve, en général, l’in- testin adhérent à l’endroit de la plaie, tandis qu’à une

DES MEMBRANES SEREUSES. 197

époque plus reculée, l’adhérence n’est plus formée que par une bride, qui, à la longue, devient elle -même très-ténue ; et qu’enfin , si on observe la disposition des parties au bout d’un temps très -long, il finit par ne plus y avoir d’adhérence. Ces nuances diverses se ren- contraient toutes dans le corps d’un individu, qui, af- fecté de mélancolie, s’était donné douze à quinze coups de couteau à différentes époques de sa vie , et que j’ai eu occasion de disséquer.

§ 197. Les membranes séreuses éprouvent diverses transformations , ou pour parler plus exactement , sont le siège de diverses productions accidentelles. Des plaques fibreuses , cartilagineuses, fibro -cartila- gineuses et même osseuses, se remarquent souvent dans leur épaisseur, et en particulier dans la plèvre, qui forme quelquefois une sorte de plastron à la suite des pleurésies chroniques. Le plus souvent , il est vrai, ces plaques leur sont simplement subjacentes , ou surappliquées.

Des concrétions libres , ou pédiculées , ont leur siège à l’intérieur de ces membranes. On les trouve plus particulièrement dans les séreuses articulaires , quelquefois pourtant dans celles des tendons , et même dans les cavités splanchniques. Elles sont d abord extérieures à la membrane, la poussent en- suite peu à peu au devant d’elles, et font saillie dans son intérieur , elles offrent une base large et courte, et plus taç^l un pédicule qui devient de plus en plus long et grêle, jusqu’à ce qu’enfin, ce pédicule venant à se rompre, elles deviennent totale- ment libres dans la cavité de la membrane. Tel est le

I()8 ANATOMIE GÉNÉRALE.

véritable mécanisme (le la formation de ces corps, que l’on prenait pour de vraies concrétions, lorsqu’on ne les avait point observés à différens degrés de leur dévelop- pement. La consistance de ces corps varie : ils sont quel- quefois très-mous et comme albumineux, mais le plus souvent ils sont fibreux, cartilagineux ou osseux.

Les membranes séreuses participent aux dégéné- rations communes à tous les tissus; elles paraissent aussi en avoir qui leur sont propres.

§ 198. Des vices de conformation s’observent dans quelques-unes de ces membranes, comme dans l’arach- noïde des fœtus anencéphales ; dans le péritoine et dans la tunique vaginale, quand le canal de communica- tion entre ces deux sacs membraneux subsiste après la naissance. On a rencontré dans le péritoine des es- pèces de sacs surnuméraires : Neubauer en rapporte des exemples. Les vices de conformation acquis sont également propres à un petit nombre de ces mem- branes , et appartiennent à l’anatomie spéciale. Les hernies sont un de ces vices.

§ 199. Les kystes peuvent être décrits à l’occasion des membranes séreuses; c’est en effet avec ce genre d’organes qu’ils ont le plus de ressemblance. Ils représentent en général, comme les parties que com- prend le système séreux, une poche ou cavité membra- neuse, fermée de toutes parts, adhérente d un coté, libre de l’autre, et en contact avec un liquide qui la remplit; ils ont généralement la forme globu- leuse ; leur volume varie depuis celui d’un grain de millet jusqu’à celui de l’abdomen distendu ; ils sont tantôt isolés et tantôt, groupés plusieurs ensemble, et

DES MEMBRANES SEREUSES.

1 99

communiquant entre eux; leur surface externe est flo- conneuse , cellulaire, quelquefois garnie de lames ou même d’une couche fibreuse ; quelquefois cette sur- face est doublée d’une membrane naturelle qu’ils ont envahie en faisant saillie à une surface ; leur surface interne est lisse et polie ; l’épaisseur varie et est en gé- néral moins grande dans les kystes des organes que dans ceux du tissu cellulaire libre ; elle est aussi plus ou moins grande dans les parties d’un même kyste ; la consistance varie depuis celle d’un liquide à peine concret jusqu’à celle du tissu séreux, et même du tissu fibreux ; il en est de même de leur adhérence, qui tan- tôt est intime et tantôt ne semble consister qu’en une simple agglutination ; il n’y a point de vaisseaux appa- rens à leur surface libre.

Le liquide qu’ils contiennent n’offre pas moins de va- riétés. On y trouve tantôt une sérosité limpide, ou plus ou moins épaisse et comme albumineuse, et diversement colorée ; tantôt de la graisse à l’étal fluide, ou en pail- lettes et formant delà cholestérine ; dans quelques cas, du mucus ou une substance visqueuse, qui, au lieu de se coaguler, s’évapofe presqug en entier par la chaleur, et laisse très-peu de résidu; d’autres fois un mélange de mucus et d’albumine, ou bien une matière noi- râtre ressemblant à du chocolat , quelquefois même du sang pur; quelquefois des vers hydatiques; quelque- fois des substances salines cristallisées ; on y a vu aussi une matière concrète analogue au caoutchouc.

Les kystes sont dans un état de réplétion qu’on peut comparer à lhydropisie des membranes séreuses: ce- pendant ils sont le siège d’une secrétion et d’une ab-

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ANATOMIE GENERALE.

sorption continuelles ; ils disparaissent dans certains cas , persistent dans quelques-uns et grossissent conti- nuellement dans d’autres cas.

Différentes hypothèses ont été proposées pour ex- pliquer la formation des kystes. Les uns les regardent comme des membranes de nouvelle formation qui se développent autour d’une substance primitivement existante; les autres pensent, au contraire, qu’ils préexistent aux matières qu’ils renferment : soit qu’ils soient formés par le tissu cellulaire distendu , soit qu’ils doivent leur naissance à des vaisseaux lympha- tiques dilatés. Il est difficile de trancher la ques- tion d’une manière absolue : il y a des cas favorables à l’une et à l’autre de ces opinions. Certains tissus que l’on range parmi les kystes sont évidemment préexistans. On peut ranger* dans cette classe les loupes sous-cutanées , qui ne sont autre chose que des follicules sébacés considérablement accrus , et non des poches accidentelles, les kystes de 1 ovaire qui paraissent dépendre du développement extraor- dinaire des vésicules de cet organe , les kystes du cordon testiculaire de i’homme , ou de la lèvre de la vulve dans la femme, qui sont des détritus de la tunique vaginale, etc. Un autre genre de kystes se forme, au contraire, consécutivement : tels sont ceux qui succèdent aux épanchemens de sang qui se font dans le cerveau, ceux qui se développent autour dun corps étranger, etc. Dans d autres circonstances, il est très-difficile de déterminer le mode et l époque d ori- gine des kystes. Il est très-vraisemblable pourtant que tous les vrais kystes sont des membranes de nouvelle

DES MEMBRANES SEREUSES.

201

formation déterminée ou non par une inflammation évidente. Les kystes sont , du reste , susceptibles de toutes les affections des membranes séreuses : ils sont sujets à toutes les variétés de l’inflammation , aux pro- ductions accidentelles , soit analogues , soit morbides. On les a observés partout , si ce n’est peut-être dans les os et dans les cartillages.

On confond ordinairement avec les kystes, les mem- branes cellulaires nouvelles qui servent d’enveloppes aux productions accidentelles analogues ou morbides et aux corps étrangers. Ces enveloppes ne sont point comme les kystes et les membranes séreuses des sur- faces inhalantes et^ exhalantes ; elles doublent souvent les kystes. Leur consistance varie ; elles sont toujours aussi des parties de formation nouvelle.

Il existe entre les kystes ou vésicules séreuses te- nant au tissu cellulaire par leur surface externe , et les vers hydatiques, des transitions insensibles, entre lesquelles il est très-difficile d’établir une démarcation tranchée. Ainsi les petites vésicules séreuses que l’on trouve si souvent dans les plexus choroïdes , celles que 1 on voit quelquefois à l’extrémité frangée de la trompe utérine, celles que j’ai vues plusieurs fois dans des végétations des membranes muqueuses nasale et uté- rine, paraissent évidemment appartenir aux kystes. La môle hydatique ou en grappes me semble encore appartenir au même genre, et cependant un médecin naturaliste très -habile 1 la rapporte au genre acé- phalocyste. Les trois espèces d’acéphalocystes simples f

Voyez H. Cioquet. Faune des médecins, tom. I. Paris, 1 822.

202

ANATOMIE GENERALE.

elles-mêmes, dont l’animalité est encore douteuse, se rapprochent aussi jusqu’à un certain point des kystes. J’ai retiré une fois de dessous la peau du cou et plu- sieurs fois de dessous la peau de la mamelle des acé- phalocystes de ces espèces , uniques , non enkystées , non adhérentes, à la vérité, mais comme accolées ou agglutinées au tissu cellulaire. Le plus souvent, il est vrai, on trouve l’une ou l’autre des trois espèces d’acé- phalocystes simples, rassemblées en grand nombre et libres, dans un kyste distinct.

Un médecin moderne 1 a attribué à la formation , au développement et aux transformations deshydatides ou des kystes liydatiformes dont il vient d’être ques- tion, l’origine des tubercules, de toutes les tumeurs, et même des corps étrangers suspendus ou libres dans les cavités séreuses et synoviales.

Après avoir exposé l’histoire générale du système séreux , il faut décrire successivement les différentes espèces qu’il comprend.

SECONDE SECTION

ARTICLE PREMIER.

DES BOURSES SYNOVIALES SOUS-CUTANEES.

§ 200. Les bourses synoviales ou mucilagineuses ^sous-cutanées , bursce mucosce subcutanece , n avaient

1 Voyez J. Baron. An Inquiry , etc., on tuberculous di- seuses. London, 1817.

DES BOURSES SYNOVIALES SOUS-CUTANEES. 2o3

point été décrites par les anatomistes. Quelque patho- logistes, et notamment Gooch, Càmper, et récemment M. Asselin, ont parlé de leur hydropisie. Camper, à cette occasion , avait dit un mot de leur état sain. Je les ai observées et décrites depuis long-temps dans mçs le- çons ; j’en ai parlé aussi dans les additions à l’Anatomie générale de Bichat, et dans le Dictionnaire de mé- decine.

§ 201. Les bourses synoviales, dont on trouve en quelque sorte le rudiment dans le tissu cellulaire lâche ef très-extensible qui existe entre toutes les parties très- mobiles, se rencontrent sous la peau, partout cette membrane recouvre des parties qui exer- cent de grands et de fréquens mouvemens ; comme entre la peau et la rotule, entre l’olécrane et la peau , sur le trochanter, sur l’acromion, devant le cartilage thyroïde; quelquefois derrière l’angle delà mâchoire; toujours entre la peau et le côté saillant des articula- tions métacarpo et métatarso-phalangiennes, et de celles des premières phalanges avec les secondes. Toutes ces dernières sont ordinairement confondues avec celles des tendons voisins.

Pour bien apercevoir ces membranes, il faut les remplir ‘d air. On voit alors qu elles forment une cavité obronde, multiloculaire, c’est-à-dire divisée par des cloisons incomplètes, mais close; l’air qu’on y souffle y restant enfermé, et ne s’infiltrant point dans le tissu cellulaire environnant; les parois de la cavité qu’elles forment sont très-minces et peu résistantes.

Leur texture est fort simple, comme celle des mem- branes séreuses en général, et ne semble différer de

ANATOMIE GÉNÉRALE.

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celle du tissu cellulaire que par une condensation un peu plus grande. 11 existe très-peu de vaisseaux dans répaisseut* de ces membranes: leur surface libre et contiguë est humectée par un liquide onctueux ou mucilagineux trop peu abondant pour qu’on puisse le bien examiner.

Ces membranes et le liquide onctueux qu’elles co n- tiennent, ont évidemment pour usage local de favoriser le mouvement des os sous la peau.

Ces bourses se développent de très-bonne heure; elles existent à l’époque de la naissance, et sont alors très-aisées à apercevoir, à cause du liquide assez abon- dant qui les humecte.

Leur développement augmente en proportion de l’exercice des parties qu’elles recouvrent : celle de l’acromion, par exemple, devient plus apparente chez les individus qui portent des fardeaux sur l’épaule; celle du genou est plus développée chez les personnes qui se mettent habituellement à genoux.

§ 202. Elles se forment accidentellement , dans des «cas la peau exerce des frottemens accidentels. 1VL Brodie parle d’une gibbosité sur laquelle il s en était développé une , à la suite du glissement continuel dont la peau était le siège en cet endroit; on -observe la même chose dans les pieds bots, à 1 endroit la peau frotte contre le côté saillant du tarse ; on voit, encore la même chose après 1 amputation de la cuisse, entre1 le bout de l’os et la cicatrice.

L’hydropisie des bourses synoviales sous - cuta- nées c onstitue l liygroma , affection anciennement connue , qu’on observe particulièrement au genou,

des bourses synoviai.es SOUS-CUTANÉES. 2o5

devant la rotule des personnes qui reposent souvent sur cette partie, comme les prêtres, les religieuses, les blanchisseuses de certains pays et les servantes qui se mettent à genoux pour laver, les ramoneurs, etc., et qu’on observe aussi quelquefois , mais moins sou- vent, dans les autres membranes de la même espèce. L’hygroma peut acquérir un volume considérable. Il disparaît quelquefois très-promptement sans cause connue, ou après des applications médicamenteuses. J’en ai fait quelquefois la ponction , et j’en ai retiré de la sérosité visqueuse. Une injection stimulante, faite après la ponction en détermine souvent l’adhésion mutuelle des parois et l’oblitération de la cavité.

Les bourses synoviales sous-cutanées sont suscep- tibles de s’enflammer, de suppurer et de former des abcès volumineux, soit après des pressions réitérées, soit après qu'on y a fait une injection.

ARTICLE II.

DES MEMBRANES SYNOVIALES DES TENDONS.

§ 2o3. Les membranes synoviales des tendons, mem~ branœ mucosœ tendinum , sont des membranes sé- reuses humectées d’un fluide onctueux , annexées aux tendons, ils frottent contre les parties voisines.

Elles ont reçu les noms assez mauvais de bourses, de vessies, de capsules, de gaînes muqueuses, mucilagi- neuses, unguineuses, synoviales, etc. Elles sont connues depuis long-temps : Yésale et A. Spigei parlent de quelques-unes d’elles. Albinus en a décrit avec exac-

2°6 ANATOMIE GÉNÉRALE.

titude un certain nombre. Janckius en a le premier donné une description générale : il en connaissait soixante paires. Camper a le premier donné une figure d’une de ces membranes. C’est à notre célèbre Four- croy I'que ce point d’anatomie est le plus redevable, ainsi qu à Monro 2 3. Koch 3 a très-bien décrit ces men- branes non-seulement dans l’homme, mais dans plu- sieurs animaux. Gerlach 4 a le premier décrit et bien figuré celles que l’on trouve au cou et à la tête. Ro- senmuller 5 a donné une édition augmentée de l'ou- vrage de Monro. Mascagni a donné une bonne figure d’une de ces membranes dans son Prodromo .

§ 204. Le nombre de ces membranes est considé- rable, mais variable ; on en connaît aujourd’hui environ cent paires. Elles forment, comme toutes les membranes séreuses des cavités membraneuses sans ouvertures; mais on en distingue de deux sortes par rapport à leur forme. Les unes sont des vésicules arrondies, tenant d’une part au tendon, et d’autre part à la partie sur laquelle il glisse: on les appelle vésiculaires. Les autres sont vagi- nales, entourent le tendon circulairement, tapissent d’un autre côté un canal il est renfermé, ces deux portions isolées se rejoignant à leurs extrémités, de manière à être séparées par un intervalle qui constitue

1 Hist de l’Acad. R. des sciences. Paris , 1785 -- 1788.

2 A Description , etc. with tables.

3 Ch. M. Koch. De bursis tendin. mue. Lips 1789.

4 F. E. Gerlach. De bursis tendinum rnucosis in capite et collo reperiundis y cum tabul. æneis. Vitcberg , 1793.

5 Icônes et descript. bursar. mucosar. corporis hum. Ed. J. Ch. Rosenmuller. Lipsiœ , 1799.

des membranes synoviales des tendons. 207

la cavité de la membrane. Parmi ces dernières il en est qui, simples à une de leurs extrémités, présentent à l’autre des espèces de digitations qui répondent à au- tant de portions tendineuses ou de tendons différens , ceux-ci, d’abord réunis , s’écartant ensuite les uns des autres : c’est ce qu’on voit au poignet, sous les liga- mens annulaires qui s’y rencontrent.

§ 2o5. Le tissu cellulaire, très-lâche et membrani- forme , que l’on trouve entre les muscles qui exécu- tent des mouvemens grands et fréquens, comme sous le grand dorsal , le droit antérieur de la cuisse, les muscles du mollet, etc. , constitue en quelque sorte le rudiment des membranes dont il s’agit. On trouve des membranes synoviales autour des tendons dans les endroits ceux-ci frottent sur les os, glissent à leur surface ou sur d’autres parties, ou bien se réfléchissent et changent de direction ; quelquefois ces membranes existent entre deux tendons qui se meuvent l’un sur l’autre. Le muscle grand fessier, à l’endroit il glisse sur le trochanter, le muscle grand oblique de l’œil , à l’endroit il se réfléchit dans sa poulie , les péroniers latéraux , ils changent de direction pour gagner la plante du pied, etc., sont garnis de membranes syno- viales. En général, ces membranes sont en rapport avec des os ou des anneaux fibreux Elles sont surtout très - communes autour des articulations, parcte que c est que les tendons sont spécialement situés : c’est ce qu’on voit au genou, au coude-pied , au poignet. On y rencontre les deux genres dont nous avons parlé. Quelques-unes de cês capsules se confondent avec les bourses sous -cutanées ou avec les synoviales articu-

208 ANATOMIE GÉNÉRALE.

laires : celle du triceps, par exemple, n’est pas tou- jours isolée, et paraît souvent une continuation de la capsule synoviale de genou.

§ 206. La face adhérente de ces membranes, outre quelle tient au tendon et à la partie sur laquelle il frotte est en rapport , dans l’intervalle de l’un et de l’autre , avec les tissus cellulaires et graisseux; elle^tient souvent à du tissu fibreux, comme aux gaînes tendineuses, ou fibro-cartilagineux, comme dans les endroits les ten- dons glissent sur les os, et au niveau desquels le périoste est comme cartilagineux. Leur intérieur offre une ca- vité simple ordinairement, quelquefois composée, tra- versée par des cloisons, des espèces de prolongemens fibreux. On trouve dans quelques-unes des prolonge- mens frangés, dans celle située derrière le calcanéum, par exemple : on y rencontre aussi des pelotons cel- luleux ou graisseux, mais seulement dans celles en forme de vésicules ; les vaginales n’en contiennent point. Ces prolongemens ont été assimilés à des con- duits excréteurs. Rosenmuller décrit des follicules dans ces membranes; je n’en ai pas vu. Des villosités s’y rencontrent, qui versent la synovie.

§ 20 j. Les membranes synoviales des tendons sont blanchâtres, demi- transparentes, minces et molles, surtoutles vaginiformes, qui sont garnies de gaînes liga- menteuses à l’extérieur. Les bourses vésiculaires sont plus épaisses, et offrent dans quelques points un aspect fibreux. La texture de ces membranes est la même que celle des autres du même genre : leur tissu ressemble beaucoup au cellulaire. Les fibres, les franges, les paquets adipeux, communs atout le système séreux,

DES MEMBRANES SYNOVIALES DES TENDONS. 20q

se retrouvent également ici. Des vaisseaux séreux, qui deviennent visibles dans l’inflammation, quelques vais- seaux sanguins, apparens surtout dans les franges, en- trent dans la composition de ces membranes , dont les vaisseaux lymphatiques et les nerfs sont entièrement inconnus. Le liquide qu’elles contiennent est visqueux, plus abondant que celui des bourses muqueuses sous- cutanées, jaunâtre, quelquefois rougeâtre : ce liquide est oléiforme, en partie coagulable, et contient de l’ai bumine et du mucus; il est plus visqueux dans les bourses muqueuses qui ont le plus d’étendue. M. Koch a trouvé quelque différence dans ce liquide examiné chez différons animaux, comme le bœuf, le cheval, le porc.

§ 208. Les propriétés des capsules tendineuses ne présentent rien de particulier. Leurs fonctions sont de sécréter et de renfermer un liquide mueilagineux, qui facilite le glissement en diminuant la perte de mouve- ment qui résulte du frottement.

On connaît peu le développement de ces membranes. Suivant les uns, elles sont en plus grand nombre chez les jeunes sujets et se confondent en partie chez le vieillard, en s’agrandissant et en allant à la rencontre les unes des autres. M. Seiler prétend, au contraire, qu elles diminuent d étendue et disparaissent en partie dans la vieillesse.

§ 209. Elles présentent quelques altérations r. Leur hydropisie n’est pas très-rare; celles qui avoisinent la

1 Monro. Op. cil. Koch. De morbis bursarurn tendinum mucosarum. Lips. 1790.

1 4

1.

2 10

ANATOMIE GÉNÉRALE.

peau en sont surtout le siège, ce qui peut faire con- fondre la maladie avec l’hygroma. On donne le nom particulier de ganglion aux petites tumeurs circonscrites qui en résultent, et qui sont souvent aussi des kistes. On rencontre surtout de ces tumeurs dans lejarret, au poignet, sur le pied, etc.; elles contiennent un liquide séreux, albumineux, jaunâtre ou rougeâtre, assez sem- blable, pour la couleur et la consistance, à de la gelée ou à du sirop de groseilles. La résorption de ce liquide se fait très-lentement : on la favorise en écrasant les tumeurs qui le renferment, ce qui dissémine dans le tissu cellulaire le liquide quelles contiennent. On trouve quelquefois de ces tumeurs beaucoup plus grosses : des collections volumineuses de sérosité pu- rulente que l’on a observées sous les muscles larges du dos, sous le deltoïde, etc., et que l’on a confondues avec les abcès ordinaires du tissu cellulaire, ont leur siège dans des membranes de ce genre ou analogues à elles.

L’inflammation des membranes qui nous occupent est fort grave; on l’observe dans une des variétés du pa- naris. Il en résulte des adhérences ou bien la forma- tion d’un abcès qui s ouvre à l’extérieur; et, dans un cas comme dans l’autre, les mouvemens sont perdus. Quand l’adhérence est filamenteuse, elle finit pourtant quelquefois par se détruire. L’inflammation chronique produit à peu près les mêmes résultats : elle peut aussi amener l’ulcération.

Des corps solides, cartilagineux, ont été trouvés par M.onro,et depuis lui par beaucoup d’observateurs dans l’intérieur de ces membranes. On y rencontre souvent,

DES MEMBRANES SYNOVIALES DES TENDONS. 211

«t en très-grand nombre , des petits corps, de la forme et du volume à peu près des pépins ou graines de poires et de pommes, que l’on a cru animés, et qu’on a pro- posé de noramçr acephfilocystis plana. On les a trouvés le plus souvent sous le ligament annulaire antérieur du carpe, et quelquefois dans d’autres membranes des tendons, comme celles du grand fessier, du long fléchis- seur du pouce, etc. L’incision leur donne issue , mais il en résulte le plus souvent une vive inflammation, très-grave, et dans les cas les plus heureux une ad- hérence intime, qui, au poignet, par exemple, con- fond tous les tendons fléchisseurs en un seul paquet, et réduit les doigts à l’immobilité. En général, l'in- flammation des membranes synoviales tendineuses mérite de fixer l’attention des pathologistes. Il en est de même au reste de la plupart de leurs alté- rations morbides qui ont souvent été confondues sous le nom de tumeurs blanches avec les maladies des articulations, au voisinage desquelles elles sont situées.

ARTICLE III.

DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES.

§ 210. On désigne sous ce nom, capsulœ synoviales , les membranes séreuses des articulations diarthro- diales. La plupart appartiennent à des os, quelques- unes à des cartilages, comme cela a lieu pour le larynx. Ces membranes sont, comme les précédentes, humec- tées par un fluide à l’intérieur , et facilitent de même le glissement des parties qu’elles revêtent.

212 anatomie générale.

Elles ont été long-temps confondues avecles ligamens capsulaires des articulations Nesbitt, Bonn, W. Hun- ier, avaient déjà observé qu elles forment une mem- brane distincte des ligamens et des cartilages arti- culaires; Monro avait noté leur analogie avec les autres membranes synoviales et séreuses; Bicbat a fixé davantage l’attention sur ces membranes, et en a donné une description générale plus complète. Monro et Mascagni en ont donné des figures.

§ 2 1 1 . Le nombre de ces membranes est très-grand : il y en a à peu près autant que d’articulations. Ce nombre n’est pas parfaitement égal à celui de ces dernières, parce que d’une part, certaines de ces membranes sont communes à plusieurs articulations, ainsi qu’on le voit au carpe, et que d’autre part il est des arti- culations qui en renferment plusieurs. Du reste on ne les trouve point ailleurs que dans les articula- tions.

§ 2 1 2. On observe les variétés suivantes dans la confi- guration de ces membranes : il en est qui représentent des poches arrondies et simples comme les membranes vésiculaires des tendons : c’est ce qu’on voit aux articu- lations des phalanges entre elles et avec le métacarpe et le métatarse; il n’y a aucune espèce de complication, et on n’obtient par l’insufflation , qu’une petite ampoule ronde; dans quelques articulations, la cavité de la membrane semble traversée par un ligament ou un tendon, autour duquel celle-ci se réfléchit, en lui for- mant une gaine continue, à ses deux extrémités, avec l’enveloppe commune que la synoviale fournit a 1 ar- ticulation : cette synoviale est alors vaginiforme : ou

DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES. 21 3

rencontre cette disposition dans les articulations coxo- fémorale, scapulo-liumorale, etc.; une complication plus grande s’observe dans d’autres articulations : dans celle du genou , par exemple, on trouve une enveloppe commune, des gaines pour le tendon du muscle poplité et le ligament adipeux; et de plus des replis revêtent les ligamens semi-lunaires et croisés, qui soulèvent la membrane et font saillie dans l’articulation; On pour- rait donc établir à peu près cet ordre dans la compli- cation des membranes synoviales : ampoule simple; ampoule soulevée par des flocons graisseux ; cette dernière disposition jointe à la présence de gaines; enfin, outre cette dernière, des replis formés par des parties qui s’enfoncent dans l’articulation et sont revê- tues par la membrane. Toutes ces formes si variées se rapportent, en dernière analyse, à la forme vésicu- laire.

§ 2 1 3. La surface externe des membranes synoviales a des connexions plus ou moins étroites, avec les parties voisines. Aux deux extrémités de l’espèce de sac qu elles représentent, toutes adhèrent intimement aux surfaces articulaires des os, ou plutôt aux cartilages qui revêtent ces surfaces. Leur connexion avec ces cartilages est tellement serrée, qu’on croirait que celui-ci est nu; cependant Nesbitt , Bonn, W. Hunter, avaient annoncé depuis long-temps l’existence d’un prolongement des membranes synoviales sur les surfaces articulaires des os. G est particulièrement à Bicbat que I on doit d’a- voir établi celte vérité d’une manière incontestable. Quelques auteurs pourtant, tels que Gordon, et M. Ma- î gendie, élèvent encore des doutes sur ce point. Plu-

ANATOMIE GÉNÉRALE.

2l4

sieurs faits démontrent la présence des synoviales ar- ticulaires sur les cartilages. Dans l’inflammation de ces membranes, leur rougeur, qui à la longue devient sen- sible, s’étend sur la circonférence du cartilage, et est de moins en moins marquée, à mesure qu’on s’avance vers son centre , la membrane s’identifiant de plus en plus avec le cartilage ; le centre lui-même finit par se pénétrer de vaisseaux, mais le cartilage n’est coloré qu à sa surface, et conserve dans son épaisseur la cou- leur blanche qui ïui est propre. Les brides qui se forment quelquefois dans les membranes synoviales naissent indifféremment de tous les points de leur éten- due, et on observe, quand elles tiennent au cartilage, que leur base lui adhère moins intimement, et qu’en cet endroit la membrane devient apparente , comme elle l’est naturellement au pourtour des surfaces arti- culaires : de cette manière la synoviale est apparente sur le centre même du cartilage. La dégénération fon- gueuse, propre à la membrane synoviale, se voit éga- lement sur le cartilage. Enfin, l’inspection directe dé- montre la continuité de cette membrane. En enlevant obliquement une tranche d’un cartilage, que l’on ren- verse ensuite de manière à la rompre à sa base, elle tient encore par la synoviale , qui la recouvre ainsi que le reste du cartilage. Lorsqu’on scie un os, qu’on rompt ensuite le cartilage de son extrémité, la con- nexion est encore établie dans les deux moitiés par la synoviale, qui se porte de l’une à l’autre.

Dans le reste de leur étendue , c’est-à-dire au pour- tour de l’articulation , les membranes svnoviales tien- nent aux ligamens articulaires d’une manière égale-

DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES. 2l5

ment très- serrée, comme on le voit à la capsule de l’articulation scapulo-humérale : l’adhérence est surtout intime au milieu, et devient de plus en plus lâche vers les extrémités. Dans l’intervalle des ligamens, ces mem- branes correspondent aux tissus cellulaire et graisseux: ces tissus forment des pelotons très-marqués, ainsi que près de l’endroit la synoviale abandonne les ligamens -pour se réfléchir sur l’os. *

La surface interne est lisse, polie, contiguë à elle- même, lubréfiée par la synovie j et garnie de villosités et de prolongemens fiangés.

§ 21 4- Les membranes synoviales sont minces, molles, demi-transparentes, blanchâtres, extensibles à un cer- tain degré, quoiqu’elles le soient moins que les séreuses splanchniques, et rétractiles, comme le montrent leur hydropisie et leur retour sur elles -mêmes après l’éva- cuation du liquide qui s’y est accumulé. Leur rupture dans les luxations dépend moins de leur défaut d’ex- tensibilité, que de leurs connexions étroites et de la moindre étendue de leurs replis.

§ 21 5. Ces membranes sont garnies de pelotons grais- seux, placés à leur extérieur ou dans leur épaisseur même, et improprement désignés sous le nom de glandes synoviales d’ Havers. Ces pelotons, aperçus par Y ésale et Etienne, décrits par Cowper et surtout par Cl. Havers x, ont été regardés par tous les physiologistes, jusqu’à Monro, comme les organes sécréteurs de la synovie 2. Leur volume varie suivant la quantité de graisse qu’ils

v*De ossibus , senno iv, cap. i.

2 l oyez Pitscliel. De axungiâ articula'. Lips. 17/10. Haasc. De unguine arliculari , ejusque vit iis. Lips. 177 4-

anatomie générale.

2i(i

contiennent : ils renferment toujours plus ou moins de ce fluide, et sont presque entièrement formés de tissu adipeux. Les franges existent, à l’intérieur de la mem- brane , à l’endroit sont placés ces pelotons en dehors. Les endroits l’on rencontré ces différens- objets sont ceux la membrane offre le plus de vaisseaux. Les franges contiennent dans leur épaisseur du tissu cellulaire, de la graisse et des vaisseaux san- guins; les autres parties des membranes synoviales ne reçoivent que des vaisseaux séreux. Les lymphatiques ne sont apparens que dans quelques-unes de ces mem- branes. Il est inutile de nous arrêter de nouveau à l'hypothèse de Mascagni, que cet auteur applique à toutes les membranes transparentes. On ne connaît pas les nerfs des capsules synoviales.

§ 216. Le liquide sécrété par ces membranes, ou la sy- novie, synovici , ainsi nommé par Paracelse à cause de sa ressemblance grossière avec le blanc d’œuf, est le résultat d’une sécrétion perspiratoire, quoiqu’on ait admis beaucoup d’autres idées sur le mécanisme de sa formation. Ce fluide n’est point, comme on la cru pen- dant long-temps, le produit du mélange de la sérosité avec la graisse; la moelle des os ne transsude pas pour le former, comme nous l’avons vu; la synovie même ne contient pas d’huile dans l’état naturel. Les pré- tendues glandes de Ha vers ne peuvent , d’après ce que nous avons dit, remplir l’usage que cet auteur leur attribuait, et les franges qui les surmontent ne sont pas, comme il le croyait, des conduits excréteurs. On n observe , en effet, rien de glanduleux dans les paquets synoviaux , point de granulations , de

DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES. 2 IC

conduits excréteurs; cependant on a récemment en- core cru trouver cette structure glandulaire r. La graisse même qu’ils renferment n’est pas essentielle a leur structure , et d’ailleurs , comme il n’y a pas d huile dans la synovie, ce n’est pas la transsudation du premier de ces fluides, quand il existe, qui donne naissance au second. Rosenmuller prétend qu’il y a des follicules sécrétoires dans ces pelotons adipeux : je n’ai point vu ces follicules et ne sache pas que per- sonne ait constaté de nouveau leur existence. La sé- crétion de la synovie n’est donc ni glandulaire, ni fol- liculaire, ni un simple résultat de la transsudation, mais véritablement perspiratoire : toute l’étendue des membranes synoviales en est le siège, mais surtout la portion de ces membranes que surmontent les franges, en raison de plus grand nombre de vaisseaux qu elle contient. La synovie est en partie reprise par absorp- tion et sa quantité , toujours à peu près la même, sup- pose un équilibre entre celle-ci et la sécrétion.

Connu des Grecs, qui lui donnaient le nom de tcov upêpav , désigné pendant long -temps sous celui iïaxungïa, d'unguen, ce liquide est filant, visqueux, doué d’une saveur salée, d’une pesanteur spécifique exprimée par io5 , celle de l’eau représentant 100. Sa composition chimique a été examinée , tant chez, les animaux que chez l’homme, mais plus particu- lièrement dans le bœuf, par Margueron, Fourcroy, J. Davy, Hildebrandt, M. Orfila et plusieurs autres. On y trouve de l’eau, de l’albumine, du mucus ou de

1 V oyez Hcyligers. Dissertatio physioL anat. de fabricd àrticul. i8o3.

21 S ANATOMIE GENERALE.

la matière incoagulable, regardée par quelques-uns comme de la gélatine mucilagineuse , de la matière filandreuse, que les uns pensent être de la fibrine, les autres de l’albumine dans un état particulier, de la soude, du muriate de soude, du phosphate de chaux et une matière animale que l’on dit être de l’acide urique. Les usages de la synovie sont de diminuer les frottpmens, et de faciliter par le glissement des parties.

§ •Airj. Les capsules synoviales des articulations pré- sentent quelques altérations pathologiques 1 . Elles se réparent quand elles sont divisées; mais leur mode de réunion est peu connu; il n’y a point de faits précis dans l’histoire des plaies des articulations et des luxa- tions, relativement à ce mode. Il se fait quelquefois de nouvelles membranes synoviales, comme on l’observe dans les fausses articulations , «après les luxations non réduites; dans ce cas que le docteur Thomson a décrit , et que j’ai moi-même observé, les débris de l’ancienne capsule et le tissu cellulaire réunis forment une nou- velle membrane, assez semblable à la première. A la suite des fractures non consolidées , dans les articu- lations surnuméraires qui leur succèdent, il existe de même une membrane fermée, lisse à 1 intérieur, contenant un liquide visqueux plus ou moins analogue à la synovie.

L’hydropisie des articulations constitue lllydrar-

1 Voyez Reimarus, de tumorc ligament. , etc. Leyd. UJ7. Wynperssé, de ancylosi. Leyd. 1783. Ejusd. de ancyl. pathol. Leyd. 1783. Brodie. Traité des maladies des articu- lations. Paris, 1819.

DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES. 219

tlirose : la synovie est ordinairement altérée de diverses manières dans celte affection.

§218. L inflammation produitdans ces membranes les

» /

même altérations de tissu et de fonctions que dans les sé- reuses en général. Elles s’épaississentunpeu, rougissent dans une plus ou moins grande étendue, se recouvrent de grains albumineux, et contractent quelquefois des adhérences à la suite de cette inflammation. Celle-ci peut se terminer par résolution , et laisse alors une roi- deur tenant à l’épaississement de toutes les parties en- vironnantes : la membrane elle-même reste aussi, en

b .

général, plus épaisse. Des épanchemens, soit de sy- novie pure , soit de sérosité lactescente ou contenant des flocons albumineux, ou même du véritable pus, peuvent résulter de cette inflammation. Les adhé- rences qui surviennent à sa suite constituent une des espèces d’ankiloses. Il est, comme on le sait, plu- sieurs variétés de cette maladie : toutes dépendent de 1 altération de la synoviale, et quelquefois des parties extérieures, à cette membrane. Ainsi dans l ankilose fausse , il paraît y avoir épaississement , induration de toutes les parties molles qui entourent les articula- tions. Une autre espèce, à laquelle on pourrait appli- quer l’épithète de fausse si elle devait être conservée, est caractérisée par des adhérences de la membrane sy- noviale. L’articulation devient alors une amphiartrose, des brides ou lames synoviales unissent les surfaces diar- throdiales : ces brides sont quelquefois si nombreuses quelles représentent une sorte de eellulosité; suivant leur nombre, leur longueur, leur extensibilité, les mou- vemens sont plus ou moins bornés; l’épaississement et

220

ANATOMIE GENERALE.

1 endurcissement des parties molles se joignent à cette alteration, à la suitede laquelle les parties ne reprennent jamais complètement leurs mouvemens. Dans la vraie ankylosé, non seulement il setablit des adhérences entre les surfaces articulaires, mais encore ces surfaces se soudent, se confondent, la continuité est parfaite entre les os, dont les lames compactes ainsi que les lames cartilagineuses qui les séparaient finissent elles- mêmes par disparaître, de sorte que leui tissu spon- gieux se confond : c’est par la membrane synoviale que commence ce changement, que nous devions à cause de cela indiquer ici. L’ulcération est une termi- naison plus rare de l’inflammation des membranes synoviales.

§ 219. Dansles tumeurs blanches, parmi lesquelles on range des altérations très-diverses, comme l’inflamma- tion, I hydropisie, les maladies des cartilages, etc., on trouve quelquefois une altération propre aux mem- branes synoviales : c’est un état dans lequel ces mem- branes sont converties en une substance fongueuse d’où s’élèvent des végétations jusqu’au-dessous delà peau, et faisant même saillie à l’extérieur. Reimarus, Bram- billa, M. Brodie, ont décrit ces fongus cancéreux.

§ 220. Il se forme des corps étrangers dans les articula- tions; celle du genou en est le siège le plus fréquent. Le volume de ces corps varie , ainsi que leur nombre et leur consistance, comme nous l’avons déjà dit en traitant du système séreux en général; ils se forment en dehors de la membrane synoviale, et paraissent le résultat d’une altération particulière de la nutrition ; ils s en- foncent petit à petit du côté de l'intérieur de la mem-

DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES. 22Ï

brane, et finissent par se détacher entièrement suivant le mécanisme indiqué plus haut. Leur présence, accom- pagnée de douleurs vives quand ils se placent entre les surfaces articulaires, ne produit presque point de gêne lorsqu’ils se trouvent logés dans des endroits mobiles et l’articulation est lâche. Des enfoncemens plus ou moins profonds sont quelquefois creusés à la longue par la pression qu’ils exercent sur les cartilages, et comme ces enfoncemens répondent par leur forme à celle des corps qui y sont logés, cela a fait dire que c’était des morceaux de cartilage séparés par une vio- lence extérieure; mais il suffit de considérer que ces enfoncemens n’existent pas dans le plus grand nombre des cas l’on trouve des corps étrangers, qu’ils ne ressemblent nullement, pour l’aspect, aux surfaces d’une fracture, et que les corps sont bien plus épais que le cartilage articulaire pour ne point admettre cette opinion.

ARTICLE IV.

DES MEMBRANES SEREUSES SPLANCHNIQUES.

§ 221. Les membranes séreuses proprement dites , que l’on a aussi appelées membranes diaphanes, sont celles qui tapissent les cavités splanchniques et qui fournissent des tuniques plus ou moins complètes aux viscères situés dans ces cavités.

§ 222. Ces membranes ont été pendant long-temps, comme toutes les autres membranes séreuses, consi- dérées et confondues, soit dans l’état sain, soit dans l’état malade, avec les organes quelles enveloppent et les parties qu’elles revêtent. Cependant, sous le pre-

222

ANATOMIE GÉNÉRALE.

mier rapport, on avait successivement décrit dune manière exacte chacune de ces membranes indépen- damment des parties quelles recouvrent; quelques anatomistçs, comme Monro, avaient même déjà in- diqué l’analogie qui existe entre elles. Sous le rap- port pathologique, Sauvages et M. Pinel , avaient déjà établi un ordre d’inflammation pour celles des membranes diaphanes, mais en y comprenant l'in- flammation de l’estomac, de l’intestin, de la vessie et de l’épiploon comme autant de genres; diverses observations d’anatomie pathologique , et notam- ment celles de J. G. Walter sur la péritonite, avaient montré , que cette membrane pouvait comme les autres membranes séreuses , être affectée dans toute son étendue, et indépendamment des parties sous-ja- centes; enfin, le docteur Garmichael Smith avait noté avec exactitude l’inflammation identique de toutes les membranes diaphanes, lorsque Bichat donna sa des- cription complète et exacte des membranes séreuses, et particulièrement de l’arachnoïde. On a donné depuis des descriptions de quelques-unes de ces membranes r, mais l’on a peu ajouté à ce que notre célèbre anato- miste en a dit ; on a ajouté davantage à leur histoire pathologique,

§ 223. Les membranes séreuses dont il s’agit ici sont situées dans les cavités du tronc, qu’elles tapissent ; elles y revêtent les organes les plus iinportans, les plus es-

1 Voyez Langenbeck , Commentarium de structura pen- tonœci , etc ., cum tabulis. Gotting, 1817. L. Rolande, Osservazioni sul perijioneo et sulla pleura , ui mem. delta real Accad. délie scienze. Tom. XXIV, Turin, 1820.

DES MEMBRANES SEREUSES SPLANCHNIQUES. 223

sentiels à la vie. Ces membranes sont distinctes et séparées les unes des autres ; leur nombre est peu con- sidérable : ce sont, le péritoine dans l’abdomen, il revêt plus ou moins complètement la plupart des organes de la digestion, qui sont contenus dans cette cavité , et beaucoup moins les organes génitaux et uri- naires ; , les deux plèvres , et le péricarde , dans la poitrine, chacune de ces membranes est bornée à un seul organe et aux parois de sa cavité; l’arachnoïde, dans le crâne et dans le canal rachidien ; et enfin, dans l’homme seulement , les péri- dymes ou tuniques vaginales des testicules.

L’étendue de ces membranes, prises ensemble, est très-considérable, et dépasse de beaucoup celle de la peau. Le péritoine est la plus grande de ces mem- branes : son étendue égale au moins celle de toutes les autres réunies.

§ 224. La description générale des membranes sé- reuses a déjà en grande partie fait connaître l’espèce dont il s’agit ici, et qu’on peut regarder comme le type du genre. Leur forme est la même que celle de toutes les membranes séreuses; celle d’une vessie sans ouverture et à parois contiguës. Elles revêtent d’une part la surface interne des parois de la cavité elles sont contenues, et de l’autre elles fournis- sent des tuniques ou enveloppes extérieures aux or- ganes. Les plèvres, le péricarde, les pérididymes ont une conformation assez simple, leurs parties viscérale et pariétale se continuent autour du point l’organe quelles revêtent tient par des prolôngemens vascu- laires aux parois de la cavité qui, le renferme. Quant

f21/\ ANATOMIE GENERALE.

à l’arachnoïde et au péritoine, leur disposition est un peu plus compliquée, sans cesser d’être essentiellement la même. Pour la première, la complication tient au grand nombre de vaisseaux et nerfs qui aboutissent au cerveau et qui en partent. Or, sur chacune de ces parties, l’arachnoïde forme une gaine, qui se continue à l’une de ses extrémités avec le feuillet viscéral de la membrane, et à l’autre avec son feuillet pariétal, dis- position déjà indiquée et figurée par Bonn , sur laquelle Bichat a plus particulièrement fixé l’attention , et d’où résulte, d’une part, que la cavité membraneuse n’est point ouverte, et que les deux parties de la membrane sont continues l’une à l’autre. Quand au péritoine, sa complication dépend du grand nombre de parties aux quelles il fournit des tuniques, et de la disposition di- verse de ces parties , dont les unes sont très-près de la paroi postérieure de l’abdomen d’où elles reçoivent leurs vaisseaux, et sont simplement couvertes parle péritoine; dont les autres s'ont éloignées, quelquefois très-éloi- gnées de cette paroi , et sont suspendues à des freins membraneux qui contiennent les vaisseaux dans leur épaisseur; sa complication dépend aussi des prolonge- mens vasculaires saillans au-delàdes viscères, et auxquels la membraneséreusefournitdesenveloppes flottantesoh épiploïques. Cette membrane offre encore cette parti- cularité, qu elle est la seule de toutes les membranes séreuses qui présente une ouverture au pavillon de la trompe utérine. De plus grands détails sur la con- formation des membranes séreuses splanchniques ap- partiennent à l’anatomie spéciale de ces membranes, et 1 surtout à celle du péritoine et de 1 arachnoïde.

des membranes SÉREUSES SPLANCHNIQUES. 225

$ 225. Des deux surfaces de ces membranes , l’une est toujours libre dans l’état sain , et l’autre est géné- ralement adhérente. La surface libre est luisante, hu- mide, et paraît polie; cependant elle est garnie de villo- sités fines qui deviennent visibles quand on la regarde sous l’eau, et que l’irritation inflammatoire rend très- apparentes. C’est aux membranes séreuses qui les en- veloppent et qui les tapissent, que les organes et les parois des cavités splanchniques doivent leur aspect luisant; ils en sont dépourvus , ils u ont point la même apparence. Cette surface libre, partout contiguë à elle-même, ainsi que la sérosité qui l’humeçte, éta- blissent une distinction, un véritable isolement entre des parties extrêmement rapprochées; elles facilitent sur- tout singulièrement les mouvemens de ces parties.

§ 22 6. L’autre surface des membranes séreuses est presque partout adhérente, soit aux viscères, soit aux parois des cavités ; il n’y a guère que quelques points du feuillet viscéral de l’arachnoïde qui soient libres par les deux faces, partout ailleurs la surface exté- rieure des membranes séreuses est adhérente. Cette adhérence a lieu d’une part avec les parois des cavités, et de l’autre part avec la surface des viscères. Le degré ou la solidité de cette adhérence varie beaucoup. En général, les membranes séreuses tiennent à un tissu ligamenteux, comme à la dure-mère, au péricarde, aux aponévroses de la paroi abdominale, à l’albuginée

1 du testicule, elc., cette adhérence est intime; elle est encore assez grande sur des parties musculaires et au- tres, comme sur le cœur, les poumons, l’estomac, l’in- testin , etc; elle l’est beaucoup moins en quelques

anatomie générale.

226

endroits, comme la membrane passe d’un or- gane aux parois de la cavité, ou réciproquement; elle forme des freins et des prolongemens flottans qui contiennent des vaisseaux; dans les endroits le tissu cellulaire sous-séreux contient de la graisse, et en général partout il est lâche.

§ 227. Ces différences sont d’une assez grande impor- tance pour s’y arrêter encore: il en résulte, par exemple, que quand l’utérus, la vessie, l’estomac * l’intestin aug- mentent de volume, les freins et les replis péritonéaux ambians s’écartent, se développent et s’appliquent aux organes; et que, quand ceux-ci reviennent sur eux- mêmes, la membrane leur redevient étrangère : cela est du à la laxité du tissu cellulaire sous-séreux vers le bord adhérent de ces replis. Quand une hernie se fait dans l’aîné et s’accroît, c’est, pour la plus grande partie, par le déplacement, le glissement de.la membrane séreuse, favorisés par la laxité des adhérences, que le sac s’ag- grandit; quand, au contraire, une hernie ombilicale augmente de volume, c’est par distension et par amin- cissement que le sac s’aggrandif , l’adhérence du péri- toine étant intime autour de l’ombilic. Bichat a peut-être un peu exagéré l’influence que la laxité des adhérences des membranes séreuses peut avoir sur l’isolement de leurs maladies, et de celles des parties sous-jacentes.

§ 228. Les propriétés physiques de ces membranes sont celles que nous avons exposées en parlant du systèm e séreux en général : elles sont minces, mais la ténuité n’est pas la même dans toutes , dans tous les endroits de la même membrane, ni dans tous les individus. Molles, demi- transparentes, etc., leur extensibilité est très-

DES MEMBRANES SEREUSES SPLANCHNIQUES. 227

marquée, plus que celle des membranes synoviales; leur résistance assez grande et de beaucoup supérieure à celle du tissu cellulaire ; elles sont un peu élastiques. Lorsqu’on distend ces membranes au delà d’un certain degré, elles s’éraillent; les éraillemens occupent la surface libre; le reste de l’épaisseur de la membrane résiste plus à la déchirure, ou cède davantage à la dis- tension.

S 229. Elles consistent toutes en un Feuillet unique, d’autant plus dense et serré, qu’on l’examine du côté de la surface libre, et dont la texture est plus lâche du côté opposé, elle devient floconneuse et se con- fond avec le tissu cellulaire commun. Jusqu’à l’époque Douglas a donné une description exacte du péri- toine, on considérait cette membrane et celles de la même espèce, comme bifoliées, et contenant les vis- cères dans l’écartement de leurs deux feuillets : c’était une opinion erronée qu’il a réfutée, et que Vacca et d’autres ont en vain essayé de reproduire. Le prétendu feuillet externe n’est autre chose que le tissu cellulaire sous -séreux si bien décrit par Douglas. Elles consis- tent essentiellement en une couche de tissu cellulaire extrêmement rapproché et condensé, et de plus en plus distinct du tissu cellulaire, depuis la surface adhé- rente, où elle se continue insensiblement avec lui, jus- qu’à la surface libre, elle en diffère beaucoup; on n’y distingue pas aussi manifestement des fibres ou des petits faisceaux entrelacés que dans les membranes sy- noviales. Les appendices flottans de ces membranes contiennent aussi du tissu cellulaire libre, et sou- vent du tissu graisseux ; elles sont beaucoup plus vas-

ANATOMIE GENERALE.

euJaires que les autres membranes séreuses ou syno- viales. Elles contiennent une immense quantité de vaisseaux blancs ou séreux, qui deviennent apparens par l’injection, la congestion, l’inflammation, et quel- ques vaisseaux rouges très-fins qui appartiennent à leur surface externe, et surtout au tissu cellulaire sous-sé- reux , comme on peut s’en assurer en détachant la membrane, que l’on trouve blanche dans les endroits l’on y aurait supposé un grand nombre de vaisseaux rouges, .que- l’on apercevait seulement au travers d’elle. •Les vaisseaux rouges sont surtout abondans dans les replis flottans ou épiploïques. Des nerfs ont été suivis .jusques auprès de ces membranes, mais non dans leur épaisseur même.

§ 23o. Ces membranes desséchées deviennent trans- parentes , prennent une légère couleur jaunâtre, et deviennent en même temps élastiques et assez fermes: elles reprennent leurs premières propriétés par l’im- mersion dans l’eau. La macération les rend d’abord molles, opaques, épaisses, puis pulpeuses, et finit, mais après un temps très-long, par les dissoudre. Dans les cadavres qui commencent à s’altérer, ces mem- branes d’une part, laissent transsuder, et de l’autre, s’imprègnent des liquides , de leurs diverses colora- tions. Le feu nu et l’eau bouillante les racornissent. L’ébullition prolongée les convertit en gélatine et en un peu d’albumine. Ces divers caractères les rappro- chent du tissu cellulaire et du tissu ligamentaire.

§ 23 1. La force de formation y est moins développée que dans le tissu cellulaire libre. L’irritation n’y déter- mine point de mouvemens sensibles, mais elle en altère

des membranes séreuses splanchniques. 229

la sécrétion etja texture f elle les enflamme. Elles ne sont sensibles que dans cet état ou elles deviennent ordinairement le siège d’une vive douleur.

§ 23a. Dans l’état de vie et de santé, elles sont hu- mectées à leur surface contiguë par de la sérosité» qu’elles déposent et, résorbent continuellement. On avait attribué cette sécrétion à l’action de certaines, glandes qu’on supposait, logées dans leur tissu. Ruysch a prouvé que ces prétendues glandes 11'existent pas. Hunter avait cru que cette sécrétion se faisait par une véritable transsudation, analogue à la transsudalion ca-, davérique, à travers les aréoles, les interstices, ou les porosités anorganiques du tissu des vaisseaux: quoique la véritable voie et le vrai mode organique, suivant, lequel se font les sécrétions perspiratoires et autres, ne soit pas bien connu, du moins on peut affirmer quelles diffèrent de la transsudation, laquelle n’a lieu que dans le cadavre. La sérosité, dans l’état de santé, est en quantité si petite, qu’elle est à peine aperceva- ble, et qu’à peine peut-on la recueillir. Hewson a re- cueilli sur des animaux tués à l’instant, le liquide, en petite quantité, qui humecte les membranes séreuses, et il a vu, parle repos et l’exposition à l’air, ce liquide se coaguler comme la lymphe coagulable du sang. Il n a pu recueillir de même la sérosité du tissu cellulaire. Bostock a trouvé, dans la sérosité saine des cavités splanchniques, de l’eau, de l’albumine en moindre pro- portion que dans le sérum , de la matière incoagulable, et des sels. Schwilgué y a trouvé de l’albumine une matière extractive et une matière grasse. D’après l’exa- men que j ai fait de la sérosité des cavités splanchrti-

23o anatomie générale.

ques, il me semble que la matière incoagulable est du mucus gélatiniforme semblable à celui qu’on trouve dans l’albumine coagulée du sérum du sang. La coa- gulabilité de la sérosité saine , déjà observée avant Hewson par Lower, Lancisi et Kaau , a été, au con- traire, niée par Sarcone, Cotunnio et Géromini 1 ; je crois cette coagulabilité constante dans l’état sain.

§ ü33. De toutes les membranes séreuses, celles dont il s’agit maintenant, sont celles dont les fonctions et les actions morbides sont le plus intimement liées avec les autres phénomènes organiques, cela d’ailleurs pré- sente encore des variétés ; ainsi la membrane du testi- cule et celle de l’abdomen diffèrent beaucoup sous ce rapport.

§ a3 4* C’est à elles aussi que se rapporte pour la plus grande partie , ce qui a été dit sur les altérations mor- bides de tout le système séreux. Elles sont sujettes de plus que les autres à quelques vices de conformation primitifs; comme les ouvertures contre nature, qu’on observe dans quelques cas de monstruosité et dont elles peuvent toutes offrir des exemples, ainsi que les prolongemens ou appendices qui enveloppent les her- nies congéniales et autres déplacemens.

§ ^35. Les hernies accidentelles sont aussi accom- pagnées d’une altération de forme des membranes sé- reuses splanchniques , c’est l’existence à peu près constante d’un sac herniaire qui enveloppe les parties déplacées : ce sac est formé par la membrane séreuse

1 Saggio s u lia gcncsi, c cura dclV idrope. Crcmona t

1 8 1 6.

DES MEMJHlANUS SEREUSES SPLANCHNIQUES. 23 I

qui revêt les parois, et que les viscères en se déplaçant poussent devant eux. .

§ 236. L’hydropisie, l’inflammation et ses effets, les fausses membranes, les adhérences, les productions, accidentelles soit analogues, soit morbides, sont plus communes dans les membranes séreuses splanchniques que dans les autres espèces, et plus communes encore ' dans quelques-unes d’entre elles que dans les autres.

§237. Quoique les membranes séreuses splanch- niques forment un groupe assez naturel, cependant elles présentent des différences qui appartiennent à l’anatomie spéciale ; et en outre, l’arachnoïde diffère encore beaucoup des autres. Elle a bien la même' conformation que les autres membranes séreuses , mais sa consistance est très-molle, sa ténuité extrême, sa texture impossible à déterminer ; elle semble homo- gène; on n’y rencontre point de vaisseaux, même dans l’état de maladie. La plupart des phénomènes morbides qu’on lui attribue se passent dans le tissu sousjacent. de la pie-mère; elle semble enfin former un genre à , part.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

2^2

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CHAPITRE III.

DES MEMBRANES TÉGUMENTAIRES.

§ a38. Ces membranes sont celles qui , tant à l’in- térieur qu’à l’extérieur , revêtent les parties naturelle- ment exposées au contact des substances étrangères. On les appelle encore villeuses composées, ou follicu- leuses, à cause des parties nombreuses qui entrent dans leur texture, et en particulier des follicules qu’elles contiennent; Elles constituent après le tissu cellulaire, dont elles sont une modification plus ou moins compo- sée , le tissu ou l'organe le plus généralement répandu dans le règne animal j elles sont les premières parties distinctes et figurées de l'embryon c’est sur elles et par elles que tout le reste du corps se forme j en santé et pendant toute la vie, elles sont les organes des fonc- tions les plus essentielles : c’est en elles et par elles que se font toute absorption et toute sécrétion extrin- sèques ; c’est sur elles que toutes les substances étran- gères font impression ; elles sont souvent altérées dans les maladies ; c’est sur elles enfin que la plupart des agens thérapeutiques Sont appliqués : leur étude est donc d’une grande importance pour le médecin.

§ 2^g. Galien 1 avait déjà fait remarquer qu’outre la peau extérieure qui est le tégument commun de toutes les parties, il y aune peau membraniforme et mincë qui

1 De la méthode thérapeutique , L. xiv , chap. 2.

DES membranes tégumentaires. 2^3

revêt les parties internes; plusieurs anatomistes 1 avaient déjà indiqué la continuation de la peau dans quelques- unes des cavités naturelles , et l’analogie du mucus avec l’épiderme; Bonn * avait déjà décrit avec détail la continuation de la peau avec la membrane interne dans toutes les ouvertures et les cavités ; les zooto- mistes et les naturalistes l’avaient aussi fait observer, ainsi que l’analogie qui existe entre ces deux parties d’une même membrane dans l’intervalle desquelles tout le reste du corps est placé. Bichat a particulièrement insisté sur cette continuité. IVL J.-B. Wilbrand 4 a fait récemment une exposition détaillée du système cutané ou tégumentairedans toutes ses divisions. M. Hébréard 5 a décrit la transformation de la peau en membrane muqueuse^ et réciproquement.

§ a4o. Les membranes tégumentaires ont dans toute leur étendue des caractères communs qu’il faut d’abord

exposer; mais d’après des différences dans leur situa-

/

tion , leur texture et leurs fonctions, elles sont dis- tinguées en deux parties qu’il faudra décrire ensuite chacune à part : ce sont la membrane muqueuse ’et la peau.

* Casserius, Pcntaestheseion , hoc est, de quinque sensi- bus liber.

a Glisson , De guld , ventriculo et intestinis.

3 De continuationibus membranarum .

^ Das hautsystem in allen seinen vcrz iveigungcn , ana- tomisch , physiol. un d pathol . dargeslellt. Giessén , 18 13.

5 Mémoire sur l’analogie qui existe entre les systèmes mu- queux et dermoïde ; Mémoires de la Soc. méd. d'émulation. , vol. vin , pag. i53.

234

ANATOMIE GÉNÉRALE.

PREMIÈRE SECTION.

DES MEMBRANES TEGUMENTAIRES EN GENERAL.

§ 241. Les tégumens,. quelles que soient leur éten- due et leur multiplicité apparente , forment une seule et même membrane , partout continue à elle- même , depuis la peau extérieure jusqu’au fond des dernières ramifications du conduit excréteur de la glande la plus profondément située : cette membrane a par conséquent une largeur immense. Sa situation est partout extérieure ou superficielle , en ce sens qu’elle est partout située aux surfaces du corps dont elle forme la limite, et quelle est partout en contact avec des substances étrangères à l’organisation ; mais une partie seulement est apparente au dehors et enve- loppe tout le corps tandis que l’autre partie, cachée, revêt à l’intérieur le canal alimentaire qui parcourt le tronc dans sa longueur, depuis la bouche jusqu’à l’a* nus. On peut dès lors concevoir la figure de la mem- brane tégumentaire comme celle d’une enveloppe et d’un canal qui la traverse , continus l’un à l’autre aux deux extrémités ; ou mieux , comme celle de deux ca- naux , l’un plus large et l’autre plus étroit , emboîtés l’un dans l’autre et continus aux deux bouts , et dans l’intervalle desquels tout le reste du corps est logé. Si l’on voulait employer une comparaison triviale , celle qui conviendrait le mieux pour représenter cette dis- position serait celle d’un manchon ayant en effet deux

_ f

surfaces séparées par une couche plus ou moins épaisse de substance intermédiaire.

DES MEMBRANES TEGUMENTÀIRES. ' 235

§2 4*. Outre la peau et la membrane muqueuse du canal alimentaire continues l une à l’autre aux deux ori- fices de ce canal , partout continues à elles-mêmes, et qui constituent les deux parties principales de la mem- brane tégumentaire , cette membrane a un grand nombre de dépendances ou de prolongerons plus ou moins étendus et ramifiés dans l’épaisseur du corps : tels sont, les membranes génitale et urinaire, qui se prolongent dans toutes les cavités des organes de la génération èt de la dépuration urinaire ; la mem- brane pulmonaire, qui tapisse toutes les divisions des bronches ; les membranes qui tapissent les conduits excréteurs des glandes, soit qu’ils aboutissent à la membrane muqueuse , ou que > comme ceux de la ma- melle , ils aboutissent à la peau ; celles des cavités nasales , de leurs sinus et des arrière-fosses nasales , des conduits auditifs , chi tympan , du sinus mastoïdien et de la surface de l’œil.

Parmi ces prolongerons, tous muqueux, excepté celui du conduit auditif externe, qui est cutané, la plupart aboutissent à la membrane muqueuse et en sont des appendices ou des prolongemens ; la peau extérieure au contraire est beaucoup moins compliquée par des appendices de ce genre.

§ 243. La membrane tégumentaire présente dans sa vaste étendue des différences ou variétés d’appa- rence , de texture et de fonction , qui pourraient faire douter de son unité, et de sa continuité.

La peau et la membrane muqueuse , comparées 1 une à l’autre , semblent très-différentes au premier coup d œil ; mais dans la série animale la différence

^36 ANATOMIE GÉNÉRALE.

s effacç par degrés dans les animaux les plus simples; elle est encore assez peu marq,uée en général dans les animaux plus élevés qui habitent l’eau. Dans le fœtus humain, la différence, quoique réelle, est d’abord peu tranchée. Dans 1 adulte même on voit la peau se trans- former aisément en membrane muqueuse et„celle-ci en peau. Quand, par exemple, une partie delà surface du corps est long-temps soustraite à l’action de l’atmo- sphère, comme on l’a vu dans des cas de contractures la jambe était fortement fléchie et appuyée sur la cuisse, et comme on le voit souvent dans les plis de la peau chez les enfans très-gras , l’épiderme se ramollit et disparaît, la peau finit par sécréter du mucus. D’un autre côté , dans les prolapsus de l’utérus on voit la membrane muqueuse du vagin, et dans les prolapsus de l’anus naturel ou accidentel, celle de l’intestin , s’épaissir, se sécher et prendre les apparences de la peau. Dans l’état de santé enfin , on voit, dans beaucoup de par- ties , la peau ne se changer que graduellement et d’une manière insensible en membrane muqueuse : c’est ce qui a lieu aux lèvres de la vulve, au prépuce, à l’anus, au mamelon et aux narines ; ce n’est guère qu’aux pau- pières et aux lèvres que la ligne de démarcation paraît un peu tranchée. Il n'y a donc point d interruption réelle, il y*a donc au contraire une identité et une con- tinuité véritables , entre les deux parties principales de la membrane tégumentaire.

§ 244* Les diverses parties de ces deux portions prin- cipales du tégument présentent aussi des variétés assez grandes. Celles que l’on observe entre la peau du dos et celle des paupières , entre celles du crâne , et de la pulpe

DES MEMBRANES TEGUMENT41RES.

23^

des doigts, par exemple, sont assez grandes ; mais elles ne sont ni absolues ni tranchées : il en est à peu près de même dans la membrane muqueuse , et les interrup- tions que l’on a Cru y trouver ne sont qu’apparentes, comme on le verra plus loin (Sect. IL) Les différences que l’on observe entre les diverses parties de la mem- brane muqueuse , quoique plus marquées que celles que l’on trouve à la peau, ne sont pourtant pas plus réelles. En générai le changement d’apparence et de texture est graduel , comme on le voit dans les con- duits excréteurs la membrane va en s’amincissant progressivement et en se dégradant, pour ainsi dire, mais d’une manière insensible. Si l’on comparait la membrane 'des sinus frontaux et celle de l’estomac , on trouverait certainement de très -grandes différences entre elles, comme entre celles de la langue et de l’uté- rus ; mais ces différences sont , pour ainsi dire , liées par des gradations intermédiaires. On trouve seule- ment quelques différences assez brusquement tranchées dans des parties très-rapprochées , mais dont les fonc- tions sont très-différentes, comme entre l’œsophage et l’estomac, entre le vagin et l’utérus : mais encore là, comme partout ailleurs, ce ne sont que des variétés, qui se réduisent très-facilement en un type unique de texture organique.

§ 245. Les tégumens ont une surface libre et une surface adhérente. La première est tournée en dehors pour la peau , et en dedans pour la membrane mu- queuse ; c’est l’inverse pour la seconde. La surface adhérente répond à la masse du corps et généralement au tissu cellulaire. Ce tissu i3() ) forme une

233 ANATOMIE GÉNÉRALE.

couche plus ou moins dense , plus ou moins épaisse ; dans d autres endroits c est du tissu ligamenteux ou du tissu fibreux élastique qui double les tégumens ; dans une assez grande partie de leuf étendue ils sont garnis ou doublés de fibres musculaires.

§ a4 6. La membrane tégumentaire , outre les grands appendices et les canaux excréteurs des glandes dont il a été question ( § 242 ), est pourvue d’une multitude innombrable d’autres enfoneemens plus simples et beaucoup plus petits qu’on a nommés follicules, lo- cules , lacunes , cryptes , glandes simples , etc. Ces follicules 1 observés et décrits d’abord dans quelques points des tégumens par divers anatomistes, et ensuite dans leur ensemble par Malpigbi , Boerlîaave , Kaau et beaucoup d’autres , existent en effet dans toutes ou presque toutes les parties de ces membranes. Les follicules sont ronds ou obronds , graniformes , d’un volume variable et en général très-petit; ils sont situés en partie dans l’épaisseur de la membrane et font sous sa face adhérente une saillie plus ou moins grande. Ils ont en général la forme d’une petite ampoule dont le goulot ou émissaire plus ou moins allongé s’ouvre à la surface libre de la membrane. Ils sont formés par cette membrane repliée sur elle- même et constituant un enfoncement ou un petit cul-de-sac. C’est à leur présence que sont dues les porosités qu’on

1 Voyez : M. Malpighi , Epistola de striicturâ glandula- rum , etc. , in op. poslh. Opusculum anatornicum , de fabricd glandularurn , continens binas epistolas H. Boerhaave ctF. Ruyschii, etc. , in op. omn. Ruyschii. A. Kaau, Perspi- ratio dicta Hippocrati , etc. y cap. xi , xu et xm.

DES MEMBRANE-S TIïGUMENTAIRliS. 239

aperçoit à la surface de la peau , au nez surtout, et que sont dues aussi les granulations qui garnissent et sou- lèvent dans beaucoup d’endroits la membrane mu- queuse ; la cavité de ces follicules est extrêmement petite relativement «à l’épaisseur de leurs parois. Ils sont formés par toute la membrane , soit quelle con- serve son épaisseur ou que celle-ci soit augmentée ou diminuée. Ils sont entourés par un très^grand nombre de ramuscules vasculaires. La plupart de ces petites ampoules sont simples , discrètes et plus ou moins éloi- gnées les unes des autres ; mais dans certaines parties de la peau , et surtout des membranes muqueuses , on trouve des follicules diversement rassemblés et com- posés. Outre les follicules dont il vient d’être question, les membranes tégumentaires, et surtout l’interne, pré- sentent beaucoup d’enfoncemens dont l’orifice est aussi large que le fond , et qu’on appelle alvéolaires , et l’une et l’autre présentent aussi un grand nombre de petits enfoncés évasés ou infundibuliformes. Les follicules diffèrent en outre les uns des autrès par la nature du liquide qu’ils sécrètent et qu’ils contiennent: ceux de la peau sont appelés follicules sébacés, et ceux du tégument interne follicules muqueux , à cause du liquide qu’ils fournissent ; ceux des membranes mu- queuses au voisinage de la peau sont à peu près mixtes.

§ 247. Les tégumens ont une texture foliée; ils sont, dans une grande partie de leur étendue, évidemment formés de deux couches, le derme et l’épiderme; dans beaucoup d’endroits on distingue encore une couche assez composée entre ces deux principales ; et , dans un grand nombre de parties , il y a en outre des

24° ANAÏOMIÈ GÉNÉRALE.

appendices ou productions saillantes à la surface libre de la membrane.

§ 248. Le derme , quelles que soient les différences qu’il présente dans les deux tégumens et dans leurs divisions, en est toujours la partie la plus profonde, la plus épaisse i celle qui en fait la base, et à la surface de laquelle sont placées les autres. Il est formé d’une couche de tissu cellulaire fibreux , plus ou moins serré, comme feutré , laissant des interstices par passent diverses autres parties.

§ 249* Des vaisseaux sanguins et lymphatiques , et des nerfs, plus ou moins nombreux, se distribuent et se ramifient dans l’épaisseur du derme , et surtout à sa face superficielle, ils forment des inégalités qu’on appelle papilles, villosités, bourgeons vasculaires, et qui seront plus exactement définis ou décrits à l’article de chacun des deux tégumens.

§ 25o. La surface du derme est couverte d’une couche plus ou moins distincte, suivant les parties des tégu- mens, et qu’on appelle corps muqueux ou réticulaire ; c’est du tissu cellulaire à l’état demi-liquide ou à peine organisé , dans lequel se terminent et d’où naissent les divisions les plus fines des vaisseaux blancs ; cette couche, d’ailleurs assez composée , est le siège de la coloration , et celui des incrustations cornées qui gar- nissent les tégumens dans quelques parties. Cette couche est moins distincte dans les membranes muqueuses que dans la peau.

§ 2a 1. L’épiderme enfin est la dernière partie essen- tielle des membranes tégumentaires , celle qui en forme la surface libre ; c’est une couche albumineuse excré-

DES MEMBRANES TEGUMENTA1RES. 24 I

lèe à la surface du corps muqueux. Dans beaucoup de parties des membranes muqueuses 1 'épiderme n’est pas distinct, et semble être remplacé par du mucus. Au reste il y a beaucoup de ressemblance, quant à la na- ture chimique de la matière , entre l’épiderme et le

mucus. , %

§ 252. Plusieurs parties des membranes tégumen- tairessont pourvues d’appendices saillans à leur surface libre : ce sont , pour la peau , les ongles et les poils ; et les dents pour la membrane muqueuse.

§ 253. Les tégumens se résolvent presque tout-à-fait en gélatine par la décoction. La coloration très-diverse des tégumens dépend en partie 4e celle du sang , et en partie d’une matière colorante sécrétée du sang dans le corps muqueux. Leur densité très-variée est à peu près intermédiaire à celle des tissus cellulaire , ligamenteux et élastique. Leur élasticité est assez marquée. Ils jouissent aussi d’une extensibilité et d’une rétractilité lentes , très-grandes. Leur force de formation est très- développée. L’irritabilité dont ils jouissent, bien moins évidente que celle des muscles, l’est pourtant beaucoup. Ils sont l’organe essentiel de la sensibilité.

§ 254. L’action organique ou la fonction de la mem- brane tégumentaire est très -importante , très-com- plexe, et diverse dans les différentes portions de cette membrane. Gomme tégument ou enveloppe, tant in- terne qu’externe de la masse du corps , elle constitue une barrière que doivent traverser de dehors en de- dans toutes les substances étrangères qui entrent dans le corps pour en faire partie, et de dedans en de- hors toutes celles qui , après en avoir fait partie , lui *• 16

ANATOMIE GÉNÉRALE.

243

deviétinent étrangères ; ces substances et toutes les autres qui sont en contact avec le tégument, y déter- minent des impressions : ainsi cette membrane est un organe de protection on de défense plus ou moins effi- cace contre l’action des corps extérieurs ; elle est l’or- gane des absorptions et de toutes les sécrétions extrin- sèques, c’est-à-dire dont la matière est prise ou dépo- sée au dehors \ elle est celui de toutes les sensations externes et des sentimens de besoin et d’appétit ; et enfin même, par ses appendices, elle est quelquefois un organe offensif ou d’agression. Mais, suivant les va- riétés de sa texture, les fonctions de cette membrane varient dansles diverses régions ; ainsi la membrane mu- queuse est beaucoup mieux disposée pour la sécrétion et l’absorption que la peau, et celle-ci est mieux accom- modée aux sensations et à la défense du corps , que la première. Quelques parties sont spécialement disposées pour la sensation, et même pour telle ou telle sensation, d’autres pour l’absorption , d’autres encore pour l’ex- crétion , d’autres pour la génération , d’autres pour la respiration , etc.

§ 255. L’etendue immense de la membrane tégu- mentaire , ïe nombre et l’importance des fonctions dont elle est le siège et l’instrument , en rendent la considération très-importante , tant en santé qu en ma- ladie. Il existe entre les deux principales parties dont elle est composée la relation la plus intime , et qui , à certains égards , a été aperçue par les plus anciens ob- servateurs *, qui savaient que 1 abondance de la sécré-

1 H â'epjtoiTos ctpcttoTyç v\ KoiXiy,? tukvotï/S’ iniïOKPATOYS, toiv ’vnê't/c.c. IijoÀ. ç

DES MEMBRANES TEGU MENT AIRES. 243

lion muqueuse est généralement en raison inverse de la sécrétion cùtanée. L’observation a appris que le bon état de la peau coïncide avec un bon état de la mem- brane muqueuse , et que, par exemple , les personnes qui ont la peau très-blanche et d’une texture fine et délicate , sont très-exposées aux maladies de la peau et de la membrane muqueuse , et surtout aux flux de ces deux membranes. Elle a appris aussi que chaque partie de la peau sympathise avec toute la membrane muqueuse , et spécialement avec telle ou telle partie de cette membrane. Il existe également la relation la plus intime entre les tégumens et la masse du corps , et ré- ciproquement ; relation que l’observation fait journel- lement apercevoir , que les causes morbifiques mettent continuellement enjeu, que la séméiotique observe, et dont le médecin praticien essaie de tirer parti.

§ 256. L’embryon , avons-nous déjà dit , se forme tout entier sur ces membranes : la membrane vitelîaire ou intestinale est la première partie apparente dans l’œuf; c’est par son prolongement vers l’estomac et vers l’anus que se forme l’intestin. La seconde partie apparente est l’allantoïde ou la membrane vésicale ; c’est par son extension que se forment les voies uri- naires et les organes génitaux. La peau extérieure se forme ensuite : d’abord largement ouverte en avant du tronc , elle vient se clore dans la ligne médiane de 1 abdomen, et définitivement autour de l’ombilic. Dans les deux sexes il y a une différence de conformation assez grande dans la portion génito-urinaire des tégu- mens, et une différence de développement dans celle des conduits excréteurs de la mamelle. Il y a , en outre,

ANATOMIE GÉNÉRALE.

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une différence d’épaisseur et de coloration dans la peau extérieure. Ces différences sont très-marquées dans les races de l’espèce humaine , et assez tranchées encore dans divers individus.

§ 257. Les altérations morbides sont très-nombreuses dans les différentes parties de la membrane tégumen- taire. Les productions accidentelles cutanées et mu- queuses sont assez fréquentes. Les reproductions de tégumens ou les cicatrices s’observent souvent aussi. Les vices de conformation , les altérations de texture et de fonctions, les productions accidentelles analo- gues ou non aux tissus sains , les transformations de tissu , etc., s’observent souvent aussi dans les tégumens; mais leur description sera mieux placée après chacune des deux membranes : U en sera de même de leurs al- térations cadavériques.

§ 258. Les [tégumens accidentels doivent , au con- traire , être décrits ici , parce que d’une part , leur pro- duction présente beaucoup d’analogie dans l’un et dans l’autre tégumens ; d’un autre côté parce que , dans la production d’une cicatrice extérieure, le nouveau tissu ressemble, pendant une époque de sa formation, à la membrane muqueuse , et plus tard à la peau ; et parce qu’enfin d^ns quelques cas on trouve l’apparence et la texture de la peau dans une partie, et celle de la mem- brane muqueuse dans une autre partie de la même productfon ; telles sont , par exemple , les membranes des fistules.

Toutes les fois que, soit par une lésion mécanique, soit par l’effet d’une cautérisation , de la gangrène ou de l’ulcération , il y a eu destruction des tégumens et

DES MEMBRANES TÉGUMENTAIRES. 245

même des parties sous-jacentes , à une profondeur plus ou moins grande , il se produit un nouveau tégument semblable , ou au moins très-analogue à celui qui a été détruit, et toujours le même , dans toute son étendue, quelle que soit la diversité des parties mises à découvert et qui doivent en être revêtues. Après des phénomènes primitifs , divers suivant la diversité des causes des- tructives , il s’en présente une série de secondaires toujours les mêmes : ce sont, la production d’une couche plastique comme celle des agglutinations ; la formation de bourgeons ou granulations, et la sécrétion du pus ; enfin , la cessation de cette sécrétion et l’achèvement de la cicatrice. Les phénomènes de la ci- catrisation commencent par la déposition d’une couche plastique semblable à celle qui constitue les fausses membranes. Cette couche, d’abord inorganique et bien- tôt organisée , se couvre de petites granulations co- niques , rouges , et constitue alors la membrane des bourgeons charnus ; cette membrane est cellulaire , vasculaire , très-contractile , sensible , absorbante , sé- crétant du pus , très-prompte à se détruire par l’ulcé- ration, et très-prompte à se reproduire. Cette membrane se contracte, se rétrécit continuellement, la sécrétion du pus y diminue par degrés, y cesse tout-à-fait, et alors elle se recouvre, soit d’un épiderme distinct, soit de mucus, suivant les lieux, et elle constitue un tégu- ment nouveau très-analogue et quelquefois tout-à-fait semblable à l’ancien. Cependant cette membrane, outre quelques légèes différences anatomiques , est beaucoup

plus susceptible d’ulcération que les tégumens pri- mitifs.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

*46

§ z5g. Il se forme dans les abcès , et surtout dans les abcès chroniques, une membrane qui circonscrit le pus et qui a beaucoup de ressemblance avec la membrane muqueuse ; elle aquiert une ressemblance plus grande encore quand l’abcès est ouvert et qu’il reste la source d’un ulcère fistuleux ; il en est de même encore dans les ulcères de ce genre qui sont entretenus par une nécrose ou par la présence d’un corps étranger ; il en est de même enfin dans les véritables fistules ou canaux ac- cidentels qui naissent d’une cavité muqueuse natu- relle. Dans tous les cas, le trajet est revêtu dans toute son étendue par une membrane fongueuse, molle, mu- queuse , en un mot , découverte par Hunter dans les fistules à l’anus. A son orifice à la peau , si c’est à cette surface qu’il aboutit , le canal muqueux de la fistule est pourvu, jusqu’à une certaine profondeur, d’un épi- derme distinct qui se continue avec celui de la peau.

SECONDE SECTION.

DE LA MEMBRANE MUQUEUSE.

§ 260. La membrane tégumentaire interne ou la mem- brane muqueuse a reçu ce dernier nom, d’abord dans les fosses nasales narines) , à cause du mucus

morve , pituite) qu’elle fournit. Elle constitue un tégu- ment humide qui revêt toutesles cavités communiquant au dehors , lesquelles toutes reçoivent ou rejettent des .substances étrangères. Considérée d’abord dans chaque organe creux comme sa membrane interne particulière , et n’ayant ‘pas d’autre nom ; appelée ensuite villeuse ou fongueuse , pulpeuse , poreuse , villoso-papillaire

DE LA. MEMBRANE MUQUEUSE. 247

dans le canal alimentaire , pituitaire ou muqueuse dans le nez et dans le gosier ; les anatomistes ne tardèrent pas à y apercevoir à peu près partout des follicules, ce qui lui fit donner le nom générique de glanduleuse, et à remarquer la ressemblance du mucus nasal et intestinal avec l’humeur onctueuse de la trachée et des bronches , et même l’analogie du mucus et de l’épiderme; dès lors lidentité des diverses parties de cette membrane fut connue. Les pathologistes, et surtou? M. Pinel, l’avaient déjà remarqué en faisant l’histoire des ca- tarrhes. Cependant aucune description générale et satisfaisante de cette membrane n’avait été donnée avant Bichat x. Depuis lui, les anatomistes et les pa- thologistes se sont à peu près généralement accordés à adopter ses idées sur cet objet , excepté Gordon , qui a trouvé des différences trop essentielles entre les diverses membranes muqueuses pour les comprendre dans une description commune.

§ 261. La membrane muqueuse forme un tégument interne à toutes les cavités ouvertes au dehors ; sa partie la plus importante forme un revêtement à tout le canal alimentaire, depuis la bouche jusqu’à l’anus; le reste de cette membrane constitue des prolongemens ou des appendices prolongés en cul-de-sac et plus ou moins profondément étendus et ramifiés dans la masse du corps, et aboutissant par leur embouchure, soit à la peau externe, soit à la peau interne. Elle forme ainsi* un immense tégument interne bien plus étendu que la peau.

1 Traité des membranes. Paris, an vin.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

a 48

§ 245a. La membrane muqueuse présente , comme la peau , une surface adhérente et une surface libre ; la surface adhérente ou externe est en général revêtue d’une couche de tissu cellulaire fibreux particulier, au- quel Ruysch et beaucoup d’autres anatomistes ont donné le nom de membrane nerveuse , que Albinus et Haller ont démontré être du tissu cellulaire, et que Bichat a nommé tissu cellulaire sous - muqueux. Ce tissu est serré , fibreux, blanc, ne contient jamais de graisse , et rarement de la sérosité infiltrée; il est parcouru par un grand nombre de divisions fines des vaisseaux et des nerfs. Plusieurs anatomistes l’ont assi- milé au derme de la peau,. Quoi qu’il en soit, c’est à lui que les organes creux doivent en grande partie leur solidité. La membrane muqueuse est de plus doublée dans toute l’étendue de son canal principal et dans plusieurs de ses divisions par un plan musculaire, espèce de muscle peaucier interne ; dans quelques en- droits, c’est un tissu élastique qui double les mem- branes muqueuses , c’est ce qu’on voit dans le canal aérien et dans les conduits excréteurs; ailleurs, un véritable tissu ligamenteux, comme le périoste des fosses nasales, des sinus, du palais, des alvéoles, double cette membrane, et en forme une membrane fibro-muqueuse.

§ 263. La surface libre de la membrane muqueuse pré- sente des valvules , des plis et des rides formés par toute l’épaisseur de la membrane redoublée sur elle-même. Les valvules sont formées par la membrane muqueuse repliée, par le tissu sous-muqueux et par des fibres mus- culaires contenues dans le repli : c’est ce qui a lieu au

de la membrane muqueuse. 249

A %

pylore, à l’embouchure de l’intestin grêle dans le gros intestin , au voile du palais, à l’orifice du larynx, etc. Les plis ne contiennent dans leur épaisseur que du tissu sous- muqueux, mais ils sont constans comme les valvules et ne s’effacent jamais; tels sont les nombreux replis de l’intestin grêle, qu’on appelle valvules conniventes ; les rides, au contraire, sont des replis accidentels ou momentanés, dans lesquels la membrane muqueuse est en réserve pour des dilatations futures des organes, ou bien qui dépendent de ce que l’organe ayant été dilaté et étant revenu sur lui-même, la membrane mu- queuse s’est trouvée en excès sur la membrane mus- culaire; telles sont les rides longitudinales de l’œso- phage et de la trachée, les rides irrégulières de l’estomac quand il est contracté , les rides régulières du vagin et du col de l’utérus, etc.

§ 264* La surface libre de la membrane muqueuse pré- sente aussi des enfoncemens ou des dépressions de di- vers genres et des saillies papillaires et villeuses. Mais ces divers objets, quoique très-généralement répandus dans la membrane, n’existent pourtant pas, ou du moins ne sont pas , à beaucoup près , également appa- rens, dans tous les points de son étendue. On trouve à la surface de la membrane des enfoncemens infon- dibuliformes, cellulaires ou alvéolaires; ils existent au maximum de leur développement dans le bonnet, second estomac des ruminans, que, pour cette raison , on appelle le réseau ; ils existent aussi , mais beau- coup plus petits et microscopiques , dans une grande partie des voies alimentaires, et surtout dans l’œso- phage, l’estomac et le gros intestin de l’homme , ils

ANATOMIE GÉNÉRALE.

2JO

ont été aperçus et indiqués par Fordyce, Hewson, décrits et figurés par tyL Ev. Home.

§ 2 65. Les follicules ou les cryptes 1 ne diffèrent de ces enfpncemens alvéolaires, que parce qu’ils ont un orifice très-étroit, un goulot ou émissaire plus ou moins prolongé et un fond renflé en ampoule , et logé dans le tissu sous-muqueux, ils font saillie. Ils sont formés par la membrane renversée sur elle- même, et renforcée à l’extérieur par du tissu cellu- laire dense et pourvue de beaucoup de petits vaisseaux. Ils sont très -généralement répandus, cependant leur nombre varie suivant les parties ; ils sont très-petits , en général, mais leur volume varie aussi beaucoup. Les uns sont simples et discrets ; d’autres aboutissent dans un canal commun dont ils sont comme des ra- meaux; d’autres aboutissent dans un orifice commun et dilaté appelé lacune : tel est le trou de la base de la langue, telles sont les lacunes de l’urètre, du rec- tum, etc.; d’autres sont agrégés ou agminés, comme la caroncule lacrymale, la glande arythénoïde, les glandes agminées de l’iléum, etc; d’autres enfin sont composés et pourvus de lacunes multiples ou de con- duits ramifiés, et ressemblent beaucoup aux glandes, tels sont les tonsilles, les glandes molaires, la pros- tate, les glandes de Gowper, etc.

§ 2 66. Les petites éminences appelées papilles et villo- sités que l’on aperçoit à la surface libre de la mem- brane muqueuse paraissent avoir pour but, comme les

ê

1 Peyer, de Glandulis intestin alium. Arnstcl. 1681. J.C. Brunner, de Glandulis duodeni. Franco/. 17 15.

DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. a5l

enfoncemens dont il vient d’être question , et avec les- quels ils sont en rapport inverse de nombre, de multi- plier la surface ; mais aussi , dans l’une comme dans l’autre de ces dispositions, la texture et les fonctions de la membrane sont notablement modifiées. Ces émi- nences , appelées villosités par suite de la comparaison faite par Fallope , de la membrane interne des intestins avec le velours, et papilles à cause de la ressemblance qu’on a cru leur trouver , avec un bouton ou mame- lon , ne diffèrent pas essentiellement entre elles ; les unes et les autres sont des saillies de la membrane plus ou moins fines , et la plupart à peine visibles à l’œil nu.

Les plus volumineuses parmi ces éminences sont appelées papilles ; telles sont celles qui remplissent la cavité des dents, et qu’on nomme communément leur pulpe; telles sont celles, plus petites, qui hérissent la surface de la langue dans ses deux tiers antérieurs, celles plus petites encore que l’on aperçoit au gland du pénis et du clitoris , etc. Ces éminences ap- partiennent au corium de la membrane muqueuse, pourvue dans ces endroits d’une très-grande quantité de filets nerveux , et de ramuscules de vaisseaux san- guins, parmi lesquels les veinules offrent une disposi- tion érectile. Dans les parties pourvues de papilles, la membrane muqueuse est garnie d’un épiderme distinct que l’on appelle épithélium , par la raison même qu’il recouvre les papilles.

§ 267. Les villosités dont l’existence est très-géné- rale, mais qui ne sont nulle part plus nombreuses, plus grandes, plus apparentes que dans la moitié pylorique de l’estomac, dans l’intestin grêle, et surtout encore

2$2 ANATOMIE GENERALE.

dans le commencement de cet intestin , sont des émi- nences plus fines encore que les papilles.

Ces villosités , que l’on peut à juste titre appeler les radicules des animaux , sont des petits prolongemens foliacés de la membrane interne des voies digestives, dont la forme et la longueur varient dans les diffé- rentes parties de ce canal, et que l’on peut en général comparer aux plis transverses ou valvules conniventes des intestins, à la différence près du volume. Les vil- losités 1 aperçues par Falloppe, par Azelli, etc., décrites et représentées par Helvétius , Lieberkühn, Hedwig, Rudolphi, Meckel, Buerger, et plusieurs autres ana- tomistes, existent surtout dans l’intestin grêle; on les trouve moins longues et moins nombreuses dans l’es- tomac et dans le gros intestin. Pour les bien aperce- voir il faut prendre une partie de l’intestin non encore altérée par la putréfaction, l’ouvrir avec précaution, l’humecter de quelques gouttelettes d eau jusqu à ce que la surface en soit entièrement couverte, et 1 exa- miner avec une lentille qui en augmente d environ quarante fois le diamètre.

§ 268. Je me sais aussi servi avec beaucoup d avan- tage, poiv faire cette observation et d autres analogues,

' Voyez , entre autres, Helvétius , Méra. de l’Acad. des Sc. Paris, 1721. J. N. Liebernkühn. de Fabr. et ad. Villos. Intest. hom. Lugd. bat. 1744. 4°* R- A. Hedwig. Disquis . Ampull. YÀébex\\\hmi, physico-micros. Lips. 1797* 4°* C. A. Rudolphi. in Reils Archiv. der physiol. IV. et Anat-physiol. abhandl. Berol. 1802. -J. F. Meck e\in Deutsches Archivfur die physiol. III. et H. Buerger, Examen rnicrosc. Villos. intestin, curn iconibus , Halce , 1819, 8°.

DE LA. MEMBRANE MUQUEUSE. 253

d'un petit appareil composé d’une sphère en verre de glace, d’un petit diamètre, ouverte dans un quart de sa surface , et d’un opercule un peu plus grand que l’ouverture, et couvert d’une couche mince de cire. On fixe la partie que l’on veut observer sur la cire avec de petites épingles , on la plonge dans de l’eau , ainsi que la sphère ouverte, que l’on remplit de ce liquide, et qu’on appuie ensuite sur l’opercule. On retire l’appareil, et l’on a alors la pièce que l’on veut examiner recouverte d’une petite masse d’eau lenticu- laire qui en augmente le diamètre.

§ 269. Examinées par l’un ou l’autre de ces deux procédés, les villosités ne paraissent ni coniques, ni cylindriques , ni canaliformes , ni renflées au sommet , comme plusieurs auteurs les ont décrites; mais bien plutôt sous la forme de folioles, de laminules, dont le nombre est tel , qu elles offrent l’image d’un ga- zon abondant et touffu. Ces folioles , diversement ployées , et vues par conséquent sous des aspects di- vers, paraissent de forme variable. Leur forme, d’ail- leurs, n’est pas partout la même; celles de la moitié pylorique de l’estomac et du duodénum , plus larges que longues, constituent des petites lames; celles du jéjunum, longues et étroites, méritent mieux le nom de villosités, et vers la fin de l’iléum elles redeviennent des lamines, ainsi que dans le colon, elles sont à peine saillantes. Les villosités sont demi-diaphanes, leur sur- face est lisse, et l’on n’aperçoit, ni à leur surface les ouvertures que l’on y a admises sans s’accorder jamais sur leur nombre, ni dans leur épaisseur l’ampoule cel- lulaire, ou la texture vasculaire que l’on y a décrite;

ANATOMIE GÉNÉRALE.

254

mais seulement dans leur subtance gélatiniforme on aperçoit des globules microscopiques disposés en séries linéaires, et à leur base des ramuscules de vaisseaux sanguins et lymphatiques , d’une excessive ténuité.

§ 270. La texture et la composition anatomique de la membrane muqueuse présentent beaucoup de va- riétés ou de différences , suivant les endroits. La dispo- sition foliée ne peut être démontrée dans toutes les parties de la membrane, et existe, au contraire, ma- nifestement dans quelques points.

Dans la plus grande partie de son étendue, la mem- brane consiste uniquement en un tissu spongieux, plus ou moins mou, et dont l’épaisseur varie beaucoup. Il faut remarquer, à cet égard , que dans le fœtus très- jeune, et dans les animaux inférieurs dans la série, la peau externe elle-même présente ce caractère de sim- plicité. Quant à l’épaisseur, elle offre une diminution successive depuis les gencives , le palais , les fosses nasales, l’estomac, les intestins grêles et gros, la vessie biliaire et la vessie urinaire jusqu’aux sinus et aux divisions des conduits excréteurs, sa ténuité devient extrême. C’est dans cette partie essentielle de la mem- brane et à sa surface que se ramifient les dernières divi- sions des vaisseaux, c’est de sa surface libre que s’élè- vent les villosités.

§ 271. On y trouve peu de traces d’une couche dis- tincte de corps muqueux, à moins qu’on ne regarde comme telle la couche de liquide coagulable qui sépare les papilles de la langue de l’épiderme , qu’on ne consi- dère comme y appartenant la surface gélatiniforme des villosités, qu’on n’admette comme des preuves de

DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. 255

son existence les éphélides ou taches diversement colorées qu’on trouve quelquefois dans les tégumens du gland et de la vulve, ainsi que les productions cornées accidentelles imparfaites qu’on observe plus souvent encore dans les mêmes parties sous forme de végétations , et qu’on nomme poireaux.

L’existence de l’épiderme est beaucoup plus mani- feste, sans pourtant être générale.

§ 272. L’épiderme ou l’épithélium est très-apparent aux orifices des cavités muqueuses ; il l’est moins dans les parties profondes de ces cavités, et finit par n’y être plus apparent. Y existe-t-il cependant? Haller et autres ont pensé qu’il en était ainsi, et que les excrétions acci- dentelles membraniformes en sont une preuve. Tous les pathologistes savent aujourd’hui que de pareilles excrétions sont ordinairement des résultats de l’inflam- mation couenneuse ou plastique ; et quelquefois des escharres. On a voulu tirer la même conclusion du fait des anus contre nature avec renversement de l’in- testin , dans lesquels l’épiderme devient très-apparent : mais cela prouve seulement que la surface libre de la membrane muqueuse est couverte d’une substance qui a beaucoup d’analogie avec l’épiderme , et qui est très- disposée à subir cette transformation.En s’en rapportant à ce que l’observation apprend , et en faisant usage de la dissection , de la décoction et de la putréfaction, pour séparer l’épithélium, on le trouve très-distinct jusque dans l’œsophage, et finissant brusquement à la réu- nion de ce canal et de l’estomac, et de même très- distinct dans le vagin, et cessant tout à coup sur les lèvres de l’orifice de l’utérus; interruptions aperçues

256

ANATOMIE GÉNÉRALE.

depuis long-temps, et données mal à propos, parjquel- ques modernes , comme des preuves de l’interruption de la membrane muqueuse elle-même. Dans d’autrès parties, comme les fosses nasales et l’extrémité infé- rieure du canal alimentaire, la diminution d’apparence de l’épithélium est graduelle , insensible , et il est im- possible d’en assigner exactement les limites. Dans les endroits il est distinct, il s’enfonce en s’amincis- sant dans les follicules et y disparaît. Dans les en- droits dépourvus d’un épithélium distinct , la surface libre de la membrane est enduite d’un vernis muqueux, que dès le temps de Vésale, et même de Rhazès , on comparait à la couverte ou à l’étamage des vases, et dont Glisson a fait remarquer, du moins quant aux fonctions, l’analogie avec l’épiderme.

§ 273. Le tissu cellulaire qui forme le corium de la membrane muqueuse n’a point , comme le tissu du derme cutané, une disposition régulièrement aréo- laire; il est plutôt spongieux ou fongueux. Les vais- seaux sanguins et lymphatiques y sont abondans. Ses nerfs proviennent, en général, du nerf grand sympa- thique et du pneumo-gastrique. A toutes les ouvertures

naturelles, la membrane muqueuse a des nerfs pro-

%

venant de la moelle.

§ 274. La couleur de la membrane muqueuse varie depuis le blanc jusqu’au rouge, et, outre les nuances intermédiaires , elle présente encore quelques autres variétés de coloration. Cette couleur est, pour la plus grande partie au moins, due au sang qui circule dans son épaisseur, car l’asphyxie et la syncope colorent en brun ou décolorent à l’instant les parties de cette niera-

DE LA MEMBRANE MUQUEUSE.

257

brane qui sont visibles par leur situation. Sa consis- tance est, en général, mollasse et comme fongueuse. Son épaisseur varie beaucoup , sa ténacité est médiocre. La membrane muqueuse s’altère promptement par la putréfaction , et le tissu sous-muqueux plus vite en- core, car elle se détache alors très-facilement. On ne sait pas si elle est susceptible de former du cuir par l’action du tannin.

§ 275. Elle a une force de . formation très-dévelop- pée ; quand elle a été détruite, elle se reproduit promp tement et avec tous les caractères du tissu naturel. Elle est un peu irritable, et jouit de la contractilité tonique à un degré plus marqué que le tissu cellu- laire. Sa sensibilité est obscure et vague dans la plus grande partie de son étendue. Enflammée même elle ne donne pas lieu, en général, à des douleurs vives. Elle est très-sensible aux orifices naturels ; et à l’entrée des voies alimentaires et respiratoires , elle est le siège d’une sensibilité spéciale.

§ 276. Ses actions organiques ou fonctions sont :

L’absorption, qui est très-active, générale, et dont les villosités sont les agens les plus actifs, mais non les seuls ;

20 La sécrétion, qui est perspiratoire et folliculaire, et dont les produits, assez divers suivant les parties, sont pourtant, en général, connus sous le nom *de mucosités ; .

Des mouvemens de contraction tonique, renforcés dans beaucoup d’endroits par l’action du tissu élastique, et même par l’action des libres musculaires dont cette membrane est doublée daihs beaucoup de points;

*7

1.

258

ANATOMIE GÉNÉRALE.

Des sensations, plus ou moins distinctes ou obs- cures, générales ou spéciales, et des sentimens de besoin ou des appétits.

§ 277. Les mucosités ou les humeurs muqueuses que i on trouve à la surface du tégument interne sont, pour la plus grande et la principale partie, composées de mucus. Le mucus animal x, très-analogue au mu- cilage végétal , mais contenant de plus que lui de l’azote, est un des principes immédiats des animaux: il se trouve, soit à l’intérieur, dans le produit de la sécrétion muqueuse, soit l’extérieur, dans l’épiderme, les poils et les parties cornées, dont il constitue une partie considérable. A l’état liquide et pur, il est blanc, visqueux, transparent, inodore, insipide; il contient neuf dixièmes de son poids d’eau; il est insoluble dans l’alcohol , soluble dans les acides , non -coagulable comme l’albumine^ et non congélable comme la gé- latine; il est précipité par l'acétate de plomb; à l’état sec, il est demi-transparent, fragile, insoluble dans l’eau, difficilement soluble dans les acides.

M. Berzélius a trouvé la mucosité identique dans les narines et dans la trachée , et composée comme il suit : eau, 983,9; matière muqueuse, 53,3 ; hydro- chlorate de potasse et de soude, 5,6; lactate de soude et matière animale, 3,o; soude, 0,9; phosphate de soude, albumine et matière animale, 3,3.

Dans les analyses des autres mucosités données par ce savant, et dans celles de MM. Fourcroy et Vau-

1 Voyez Fourcroy et Vauquelin, Annales du Mus. d liist. nat. vol. XII. Bostock, Medico-^lhif'> trunsact, >ol. D . Berzélius , ibicî. vol. III.

DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. aSp

quelin , on trouve d’assez grandes différences, qui tien- nent les unes à la vàriété des parties la mucosité a été recueillie, et elle avait éprouvé divers mé- langes: les autres à la variété des individus affectés de diverses maladies. En effet, bien que le mucus soit iden- tique, la mucosité n’est ni toujours., ni partout la même ; en général elle coagule le lait.

§ 278. Les fonctions de la membrane muqueuse sont dans une liaison très-intime avec celles des autres par- ties. Dans l’'état de santé, l’action nerveuse, la circula- tion, les fonctions de la peau, etc. , influent manifeste- ment sur les fonctions der la membr^ie muqueuse , et réciproquement.* Dans l’état de maladie, la membrane muqueuse produit des effets sympathiques extrême- ment remarquables, et en éprouve également de la part des autres parties.

§ 279. L’origine de la membrane muqueuse, dès les premiers momens de l’œuf, et son développement dans l’embryon ont été indiqués plus haut, §256. Il reste à faire connaître la manière dont se forment les villosités; c’est à M. Fr. Meckel que l’on doit la con- naissance de ce point de l’embryogénie. Les villosités se forment de très -bonne heure. Dès le commencement du troisième mois , on les aperçoit sous forme de plis longitudinaux très-rapprochés. Ces plis présentent en- suite sur leur bord libre des incisions en den ts de scie, qui augmentent successivement de profondeur; et vers la fin du quatrième mois, les plis sont remplacés par cette multitude de petites éminences qui constituent les vil- losités. Elles sont d’abord assez grandes et très-dis- tinctes jusqu’au septième mois. Au commencement,

a6o ANATOMIE GENERALE.

elles sont aussi nombreuses , quoique plus courtes , dans le gros intestin que dans le grêle. Celles du gros intestin deviennent ensuite de moins en moins nom- breuses jusqu’à la naissance. Il est à remarquer que dans les reptiles les villosités sont remplacées par des petits plis longitudinaux.

§ 280. Les différences de la membrane muqueuse, suivantles sexes, les races et les individus, ne se prêtent point à une description générale; si l’on excepte toute- fois la différence de conformation des parties génitales et urinaires dans les deux sexes. La membrane muqueuse du canal digestif est plus épaisse dans l’espèce humaine que dans les mammifères carnivores, mais plus mince que dans les herbivores ; au contraire, la tunique périto- néale de l’intestin est plus mince dans les herbivores, et plus épaisse dans les carnivores que dans l’homme.

§ 281. Les dents, comme on l’a dcja dit, sont des dé- pendances de la membrane muqueuse de la bouche, prolongée dans les alvéoles jusqu’à la papille ou pulpe dentaire, dépendances que l’on peut rapprocher des appendices pileux et cornés de la peau externe.

§ 282. La membrane muqueuse est sujette à des altérations morbides extrêmement nombreuses et très- variées : elle participe aux vices de conformation pri- mitifs et acquis des organes dont elle fait partie, ainsi qu’à leurs déplacemens. Elle éprouve aussi elle seule, surtout dans l’œsophage, l’intestin et la vessie, des déplacemens plus ou moins étendus, à travers le tissu sous-muqueux éraillé ; cela constitue de faux diverti- cules. La membrane muqueuse présente encore d autres prolongemens dépendans et de son allongement et de

DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. ï6l

la laxité du tissu sous-muqueux; tels sont certains pro- longemens des plis ou valvules conniventes, de la luette, les chutes de l’anus, du vagin, etc. Certains polypes ne paraissent aussi être qu’une végétation ou hyper- trophie de la membrane et du tissu sous-muqueux ; mais le plus ordinairement il y a production d’un tissu ac- cidentel. On doit regarder comme une hypertrophie de cette membrane et de ses follicules des tumeurs des paupières, de l’amygdale et de la luette vésicale.

§ 283. La membrane muqueuse est très-sujette à un flux séreux et muqueux , qui constitue les phlegmo- rhagies et les blennorhées sans inflammation. Le tissu sous-muqueux lui-même est sujet, quoique cela soit rare, à un œdème ou infiltration séreuse. Cette mem- brane est fréquemment le siège d’hémorrhagies ou de flux sanguins; le tissu sous-muqueux est aussi quel- quefois ecchymosé. Il n’est pas douteux qu’elle soit aussi le siège de flux gazeux.

§ 284* L’inflammation s’y montre très-fréquemment et sous toutes ses formes. Ses caractères anatomiques sont une augmentation delà rougeur, qui va quelque- fois jusqu’au brun; un degré d’épaississement en général assez faible, mais variable, et proportionné à la durée de la maladie; un ramollissement plus ou moins marqué ; et quelquefois une augmentation énorme des villosités. Le résultat le plus commun de cette inflam- mation est une augmentation de quantité et un chan- gement des qualités du mucus. Souvent cette inflam- mation catarrhale dégénère en phlegmorhée ou en hlennorhée. L’inflammation supurative y a assez fré- quemment lieu aussi; la membrane , sans être ulcérée, secrete du mucus et du pus, ou bien même du pus

ANATOMIE GÉNÉRALE.

262

tout pur. On trouve aussi quelquefois des abcès dans le tissu cellulaire sous-muqueux. L’inflammation couen- neuse ou plastique y est moins fréquente. Cependant on l’observe fréquemment dans les voies aériennes elle constitue le croup , et assez souvent dans les voies alimentaires , dans les intestins , la vessie, l’urèthre, et même quelquefois aux yeux. Ordinairement la matière organisable est excrétée en lambeaux ou en membranes assez grandes et assez consistantes pour avoir été quelquefois prises pour la membrane interne de l’es- tomae| ou de la vessie, etc.; ou bien le malade meurt avant l’organisation; d’autres fois, au contraire, la membrane nouvelle s’organise et s’unit à la surface de l’ancienne; ou bien encore elle contracte des adhé- rences avec elle-même, et forme ainsi des brides mu- queuses qui traversent en plus ou moins grand nombre et rétrécissent plus ou moins la cavité qu’elles occupent.

§ a85. L’inflammation de la membrane muqueuse n’est pas toujours érythémateuse et uniformément étendue à sa surface; elle a quelquefois la forme de plaques rouges isolées, et plus souvent celle d’un exanthème boutonné, soit que les petites élévations soient discrètes , soit qu elles soient agminées ou con- fluentes. On sait que cela s’observe quelquefois, mais non toujours , sur la membrane muqueuse des voies digestives et respiratoires des individus morts pendant la petite vérole, et que cela même a été regardé comme une variole interne *. Cet exanthème interne boutonné, qui paraît consister en une inflammation bornée aux

1 Voyez Wrisberg, in sylloge Comment, p. 52. G. Blane, in trcinsact for the improvement of med. and dur. hioa-l. YOl. III , p. 423-428.

DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. u63

« Il

follicules, a été parti culièment observé par M. Bre- tonneau dans une épidémie d’entérite, dont il est à regretter qu’il nait pas encore publié la description.

§ 286. La gangrène a lieu quelquefois, et l’ulcération fréquemment, dans la membrane muqueuse, surtout après l’exanthème dont il vient d’être question. Après l’une et l’autre de ces causes de destruction , si l’indi- vidu survit, il se forme promptement, et avec tous les caradtères de l’ancienne membrane, une membrane nouvelle dans les endroits détruits. On a déjà dit que la menfbrane des abcès, spécialement celle des abcès chroniques, et surtout celle des clapiers des environs de l’anus, est, ainsi celle que des bourgeons charnus, une membrane muqueuse, comme celle des fistules. Les membranes séreuses et syrioviales qui supurent revê- tent le même caractère. Quand, au contraire, une cavité muqueuse est obturée et devient le siège d’un hydro- pisie, la membrane prend l’aspect des membranes séreuses : c’est ce qu’on voit arriver à la trompe uté- rine, aux sinus maxillaires, et moins complètement à la vésicule biliaire et au conduit de la glande sous- maxillaire. Certains kystes appartiennent aussi, par leur texture et par leur humeur, à la membrane muqueuse; tels sont surtout les athéromes; mais , comme on le verra un peu plus loin , souvent les athéromes sont des follicules de la peau, et ce n’est alors qu’une légère transformation.

§ 287. La membrane muqueuse est sujette aux di- verses sortes de productions accidentelles, soit saines , soit morbides. Quelquefois la membrane muqueuse na- turelle du vagin renversée, celle du prépuce dans le cas

2^4 ANATOMIE GÉNÉRALE.

d<3 phymosis, souvent celle des fistules, et surtout dans le poumon , devient plus ou moins parfaitement carti- lagineuse, et quelquefois même osseuse, soit par trans- formation , soit par production nouvelle. On a observé quelquefois des kystes séreux , soit dans son épaisseur, soit au-dessous d’elle. On trouve des poils accidentels à la surface de cette même membrane. On y trouve également des productions cornées imparfaites ou des poireaux. Les tumeurs graisseuses, quoique rares dans le tissu sous-muqueux, y ont été quelquefois observées. On observe des productions érectiles dans ce même tissu sous-muqueux, souvent autour de l’anus , et quel- quefois dans d’autres parties du canal intestinal. Enfin les productions morbides s’y observent fréquemment.

§ 288. Les altérations cadavériques de la membrane muqueuse ont déjà été en partie indiquées § ay4* Cette membrane se colore quelque temps après la mort par la pénétration des humeurs qui la recouvrent. Ainsi elle est jaunâtre dans l’intestin vis-à-vis les fèces ; elle offre des lividités qui correspondent aux plus grosses veines sous-muqueuses, elle devient verdâtre dans la vésicule biliaire , etc.

Dans certains genres de mort, elle est dans quel- ques parties internes le siège de congestions sanguines ou séro - sanguinolentes. Dans la mort par apoplexie, par hydrothorax, et surtout par strangulation, dans les cas , en un mot, la respiration est gênée avant la mort, il arrive fréquemment que la congestion , après avoir été d’abord bornée aüx veines sous-muqueuses et puis aux vaisseaux de la membrane elle-meme, aille enfin jusqu’à l’hémorrhagie dans l’estomac et 1 intestin,

DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. 2Ô§

connue Boerhaave et Morgagni l’avaient déjà annoncé, comme M. Yelloly 1 l’a observé, et comme je l’ai vu moi-même plusieurs fois après ce dernier genre de mort, soit sur l’homme, soit sur des animaux. On dis- tingue aisément cette congestion de l’inflammation, par l’absence de tout produit morbide, muqueux, purulent ou couenneux à la surface de la membrane, par les autres phénomènes cadavériques dépendans de la stase du sang dans le côté droit du cœur, et spé- cialement par l’état de la peau, qui offre aussi, comme la membrane muqueuse , des,Jividités et quelquefois des ecchymoses.

TROISIÈME SECTION.

DE LA PEAU.

§ 289. La peau, pell:*, cutis , corium , à'eppu, constitue le tégument externe; c’est une membrane composée, garnie de divers appendices, qui enveloppe et protège le corps, et qui remplit plusieurs autres fonctions im- portantes.

§ 290. Galien a donné quelques observations sur la structure, et surtout sur les fonctions de la peau. L’au- teur anonyme de l’Introduction anatomique, et ensuite Avicenne , ont les premiers parlé du pannicule charnu. Vésale et Golilmbus croyaient encore que la peau est percée aux ouvertures naturelles; mais Casserius, comme oh l’a déjà vu , avait observé , qu elle se con- tinue dans les narines et dans la bouche; on lui doit aussi une figure de l’épiderme séparé du derme. J. Fa-

Medio-chirurg. Transact. vol. îv, p. 371.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

2*66

brice.a décrit avec beaucoup de détails et d’exactitude les appendices ou les diverses dépendances de la peau des animaux. Depuis lors, les observations des anato- mistes sur cet organe se sont beaucoup multipliées L

ARTICLE PREMIER.

DE LA PEAU EN GÉNÉRAL.

#

§ 291. Cette membrane, étendue à toute la surface du corps, dont elle détermine la figure dans beaucoup d’ani- maux inférieurs, et dont, au contraire, elle reçoit la forme dans l’homme et les autres vertébrés, se moule en effet sur les organes subjacens, et laisse apercevoir leurs saillies les plus marquées. Partout continue à elle- même, on voit seulement en divers endroits sur la ligne médiane une interruption apparente qu’on nomme ra- phé, et qui indique qu’il y a eu originairement deux moitiés séparées. Ce raphé est très-marqué dans les endroits la réunion des deux moitiés s’opère le plus

1 M. Malpiglii, deLinguà , exercit. epist. de Externo tac- tûs organo epist. , in op. onin. tom. II. J. M. Hoffmann, de Cuticuld ctcute. Altd. i685. Littré, Obs. sur les différentes parties de la peau, etc. Acad. roy. des scienc. 1702. F. de Riet , de Organo tactus. Lugd. Bat. 17 43. J. Fantoni, de Corporis inte gu mentis, etc. Turin, 1 7 4 G. Lecat, Traité des sens. Cruiskhank, Experiments on thé insensible pers- piration, etc. London, 1795. C. F. Wolff, de C.ute , innov. Corn, petrop. vol. VIII. G. A. Gautier, Reclferclies sur l’organe cutané , Paris 1811. Dutrochet, Obs. sur la struct. de la peau. Journ. compl. vol. V. J. F. Schroter , das Mens- chlich gcjiihl, etc. Leipzig i8i4* Lawrence, in Becs Cy- clopœdia. Seiler, ai Anat.-pliysiol. Realworterbuch.

DE LA PEAU.

267

tard, et il est le plus ordinaire de trouver des di- visions anormales; par exemple, à la lèvre supérieure, au périnée et au-dessous de l’ombilic. La peau semble percée, mais ne l’est point, aux ouvertures du canal digestif et aux orifices des voies aériennes , urinaires et génitales , endroits elle se réfléchit et se continue , en changeant de caractère, avec la peau interne. Il en est de même encore au conduit auditif externe, elle envoie un prolongement cutané, aux yeux et aux conduits des mamelles, dans lesquels elle en envoie d’autres de nature muqueuse.

§ 292. La peau présente deux surfaces. La surface libre, qui est externe et en contact avec l’atmosphère, offre différens objets à considérer : on y voit des rides ou plis plus ou moins profonds , dont les uns dépendent des muscles peauciers, situés à la tête, au cou et autour de f anus, dont la peau ne peut pas suivre la contrac- tion; il en est de même des rides du scrotum , déter- minées par la contraction du^tissu sous-jacent ; d’autres rides répondent aux articulations , et dépendent de leurs mouvemens, telles sont celles des mains, des pieds, etc.; d’autres enfin dépendent de l’amaigrisse- ment et de l’atrophie musculaire, quand ces phéno- mènes se manifestent rapidement et à un âge assez avancé pour que la peau ait perdu sa contractilité. La surface de la peau présente, en outre , de petites rides propres à l’épiderme , à la paume des mains et à la plante des pieds: ce sont des lignes, saillantes, séparées par d’autres lignes enfoncées, diversement dirigées et contournées, et qui sont formées par des séries de pa- pilles. Au dos delà main et au front ce sont des poly-

268

ANATOMIE GÉNÉRALE.

gones. Aux joues et sur la poitrine, des points seule- ment et des rudimens d’étoiles , etc. On voit aussi à la surface libre delà peau des ouvertures petites , arron- dies, très-généralement distribuées, abondantes à la face surtout : ce sont les orifices des follicules sébacés; et d’autres ouvertures, plus petites encore, microsco- piques, ou des porosités apparentes de l’épiderme, mais qui sont des enfoncemens infundibuliformes et termi- nés en cul-de-sac. En général, cette surface est assez unie ; elle est un peu humectée et enduite par l’humeur de la transpiration et par la matière sébacée.

§ 293. La surface profonde ou adhérente de la peau tient en général aux parties sous-jacentes par un tissu cellulaire lâche, qui permet des glissemens entre la peau et les parties qu elle recouvre. Dans quelques endroits, des bourses muqueuses sous-cutanées inter- rompent la continuité du tissu cellulaire et augmentent beaucoup la mobilité de la peau et des parties qui sont au-dessous. Dans d’autres endroits, au contraire, le tissu cellulaire est dense, ferme, et se distingue peu de la peau: telle est sa disposition au crâne, à la nuque, au dos, à l’abdomen. Dans d’autres encore, c’est par du tissu fibreux ou ligamenteux que la peau adhère aux parties sous-jacentes; il en est ainsi autour du poignet et du coude-pied, à la paume des mains, à la plante des pieds, et surtout sous le talon. L ad- hérence a lieu dans quelques points au moyen dun tissu cellulaire rougeâtre, demi- musculaire , si 1 on peut ainsi dire; tel est le dartos, au scrotum et aux lèvres de la vulve. Enfin, dans quelques endroits meme, ce sont des muscles qui doublent la peau et qui s y

DE LA PEAU.

269

attachent; tels sont les muscles peauciers du crâne, de la face, du cou et de la main. Le pannicule charnu des animaux mammifères, beaucoup plus développé que celui de l’homme , excepté à la face, est 1 analogue des muscles peauciers de ce dernier. Les anatomistes du moyen âge ont beaucoup disputé sur son existence dans l’homme : il est évident qu’il y existe, mais qu’il y est peu étendu. Dans beaucoup d’endroits, le tissu cellu- laire sous-cutané est mêlé de tissu adipeux, et ces deux tissus pénètrent ensemble jusque dans lepaisseur de la peau. Le tissu cellulaire sons-cutané est parcouru par des grosses veines, par beaucoup d’artères et de vaisseaux lymphatiques , et par des nerfs.

§ 294. Les follicules cutanés ou sébacés 1 ont la plus grande ressemblance avec les follicules muqueux.

Ils existent dans toute l’étendue de la peau , du moins on les y admet, excepté à la paume des piains et à la plante des pieds. On en admet l’existence parce que l’humeur sébacée enduit toute l’étendue de la peau ; parce que par une dissection attentive, et en s’aidant de la loupe , on les aperçoit dans des endroits ils sont d’une excessive ténuité; et parce que enfin certaines alté- rations morbides les rendent évidens dans des endroits on ne les aperçoit pas autrement. Ils abondent sur- tout là il y a des poils, aux environs des orifices, dans les plis de l’aine et de Laisselle. Ils sont situés dans l’épaisseur de la peau ou au-dessous d’elle ; on les voit surtout bien en coupant la peau obliquement.

1 J. Ch. Th. Reuss, prœside Autenrieth, de Glandulis seba - ceis dissert etc. Tubingœ , 1807.

anatomie générale.

270

Leur orifice constitue des porosités assez distinctes à la surface. Ils ont la grosseur d’un grain de millet et même moins, cette grosseur varie; ceux du nez sont assez gros, ceux des joues sont beaucoup plus petits. Ils ont la forme d’une petite ampoule. Ils sont en gé- néral simples et discrets ; ceux du nez cependant sont très-rapprochés ; quelques-uns même sont ramassés ou composés. Ils consistent en une petite ampoule formée par la peau, amincie et réfléchie sur elle -même, et garnie d’un grand nombre de ramuscules vasculaires. Ils contiennent une matière oléo-albumineuse , un pen différente dans les diverses régions du corps.

§ 2^5. La texture et la composition anatomique de la peau sont des points de fine anatomie qui ont beau- coup exercé la patience des observateurs , et sur les- quels ils sont peu d’accord. Dès l’antiquité on a vu que la peau est composée de deux feuillets ; un profond et épais, et un mince et superficiel. Maîpighi ayant aperçu dans la langue de bœuf, que les papilles du derme sont séparées de l’épiderme par une couche muqueuse ou glutineuse, qui, comme un réseau, en remplit les intervalles, transporta cette couche, par analogie, à la peau de l’homme; Ruysch donna ensuite la figure de ce réseau. Depuis cette époque les anatomistes ont été singulièrement partagés sur l’existence de cette mem- brane; les uns, la niant tout-à-fait, et n’admettant dans la composition de la peau que le derme et l’épi- derme; d’autres n’en admettant l’existence que dans les races colorées ; d’autres , au contraire , renchéris- sant sur Maîpighi, et admettant plusieurs couches dans le corps muqueux de la peau; autant, pour ainsi dire,

DE LA PEAU. l'J I

qu’il y a d elémens anatomiques dans cette membrane, ou quelle remplit de fonctions.

§ 296. Les vaisseaux sanguins et lymphatiques et les nerfs de la peau pénètrent, en se divisant, à travers les aréoles du derme ; soutenus par un tissu cellulaire fin qui les entoure, ils arrivent ainsi jusqu a la face superficielle, il y en a des myriades , qui , par leurs dernières divisions, constituent les papilles et le réseau vascu- laire. Relativement à la disposition de ces parties, et particulièrement des vaisseaux, on a assez générale- ment admis qu’ils sont étrangers au derme , qu’ils ne font que le traverser pour former au-dessus de lui un ré- seau vasculaire. M. Chaussier, au contraire, admet que tous les élémens anatomiques de la peau sont réunis dans le derme lui -même. Gordon va même jusqu’à avancer que le dernfe injecté est également vasculaire partout, autant à sa face profonde qu’à sa face superfi- cielle. Il serait inexact de dire que les vaisseaux sont étrangers au derme, et qu’ils lui forment seulement une couche sus-jacente; mais il ne le serait pas moins de dire que les vaisseaux sont aussi divisés et aussi nom- breux à la face profonde du derme qu’à sa face op- posée. Les vaisseaux se divisent et se ramifient dans le derme à mesure qu’ils en pénètrent l’épaisseur , et leurs dernières divisions , prodigieusement multi- pliées, se distribuent dans la surface externe de cette membrane , et dans les éminences qui la hérissent , parties beaucoup plus vasculaii es par conséquent que la face profonde. Il en est absolument de même des nerfs.

§ 297. Le derme ou corium, corium , derma , vera cutis , est une membrane fibro-cellulaire qui constituele feuil-

272 anatomie générale.

let profond et principal , et presque toute i’epaisseur de la peau. Sa face interne , qui est celle de la pèau, pré- sente en général des ouvertures alvéolaires coniques , dirigées obliquement dans l’épaisseur de la membrane. Ces aréoles, très-grandes dans le derme de la main, de la plante du pied, du dos, de l’abdomen, des membres , plus étroites au cou , à la poitrine , et à la face surtout , sont presque invisibles au dos de la main et du pied, au front, au scrotum et aux lèvres de la vulve. Les bords de ces aréoles se continuent, les pre- miers et les plus grands , avec le tissu fibreux sous- cutané, les seconds, avec le tissu cellulaire plus ou moins dense, les derniers ou les plus étroits avec le tissu très-lâche qui existe dans les régions on les observe ; l’aréole elle-même est remplie par un tissu cellulaire adipeux , et traversée par les vaisseaux et les nerfs de la peau. Le fond de ces cavités alvéolaires est percé d’ouvertures très-petites qui répondent à la face superficielle du derme. Cette face , assez unie en géné- ral , présente dans divers endroits de petites éminences papillaires, bien plus distinctes sur le derme dénudé, que vues au travers de l’épiderme.

§ 298. Le corps papillaire et le réseau vasculaire de la peau, qu’on a mal à propos décrits comme des couches distinctes de cette membrane, appartiennent à la face superficielle du derme. Les papilles [ décou- vertes par Malpighi , admises, figurées et décrites depuis par Ruysch , Albinus et beaucoup d’autres anatomistes; dans ces derniers lemps par Gautier,

1 Hintze, de Papillis cutis tactui inservientibus. L. B. 1747* Albinus, Acad, annot. lib. III. cap. ix etxu.

DE LA PEAU.

273

sous le nom de bourgeons ; révoquées on doute par Chéselden et plusieurs autres, sont de très -petites saillies ou éminences de la surface du derme , en gé- néral conoïdes; parfaitement visibles à la langue; dis- posées en doubles lignes et très-distinctes à la paume des mains , à la plante des pieds et surtout à la pulpe des doiots: distinctes encore , mais irrégulièrement distri- buées , au gland , au mamelon , et aux lèvres ; mais tellement petites et peu distinctes dans le reste de la ' peau , quelles y ont été plutôt admises par analogie que réellement observées , et quelles y sont comme confondues, dans la surface du derme, en#un réseau vasculaire et nerveux. Ces papilles, dans les endroits elles sont bien distinctes , consistent évidemment en une saillie du derme très-mol, très-cellulaire, pé- nétré par beaucoup de filets nerveux dépouillés de névrilème, et de ramuscules vasculaires , ayant une disposition érectile qui sera décrite plus loin ( cha- pitre IV). Dans les endroits les papilles sont moins distinctes , quoique la composition et la texture de la surface du derme soient au fond les mêmes , il y a moins de nerfs; les vaisseaux, très-abondans , forment un lacis ou réseau. Le sang pénètre habituellement , mais en quantité variable, dans les vaisseaux de la sur- face du derme. Dans les ecchymoses de la peau , il va au delà et s’infiltre dans le corps muqueux. Les injec- tions fines et pénétrantes, après avoir rempli le corps papillaire et vasculaire de la peau, s’épanchent aussi quelquefois au delà

V oyez Prochaska , disqüisitio anat. phys. organismi , etc. Viennæ, 1812. 4°. *

T.

l8

274 ANATOMIE GENERALE.

§ 299. La texture du derme est celle d’une trame aréolaire plus ou moins serrée. La fibre qui le forme lui est propre. Elle a été regardée par les anciens ana- tomistes comme intermédiaire à la fibre musculaire et au tissu aponévro tique. Quelques-uns l’ont dite pure- ment cellulaire, les autres ligamenteuse. Récemment encore , M. Osiander 1 a soutenu quelle était distincte- ment musculaire à la face interne de la peau. Il a fait ses observations sur la peau de l’abdomen de femmes mortes en couches. Les tissus, auxquels elle ressemble le plus par l’ensemble de ses caractères, sont le tissu cellulaire et le tissu fibreux.

§ 3oo. Le derme est blanc ; sa surface externe est plus Ou moins rougeâtre, suivant la quantité de sang retenue dans ses petits vaisseaux. Son épaisseur n’est point partout la même, elle varie d’une ligne et demie à un quart de ligne. Au tronc , elle est en général plus grande à la partie postérieure qu’à la partie antérieure; aux membres , à la partie externe qu’à la partie interne. Le derme est particulièrement très -mince aux pau- pières , aux mamelles et aux organes de la copulation ; très- épais au contraire à la paume des mains , et sur- tout à la plante des pieds. Il a une demi - transparence qui permet d’apercevoir, à travers la peau, la couleur des veines sous-cutanées. Il a une force de résistance ou de cohésion qui le rend propre à faire , dans les arts mécaniques , des liens extrêmement forts. Il est sou- mis dans les arts du tanneur, du corroyeur, du cha- moiseur, du mégissier, etc , à diverses opérations qui empêchent sa putréfaction , et qui augmentent sa

1 Commentcitiones gottingenses recentiores , vol. IV. 1820.

DE LA PEAU. 2^5

densité ou sa flexibilité , etc. Il contient naturellement une grande quantité d’humidité dont la soustraction le rend jaune et élastique. Il se réduit par la décoc- tion , en colle ou gélatine. Outre son extensibilité et sa rétractilité , qui sont très- marquées et qui exis- tent encore après la mort, il jouit pendant la vie d’une force de contraction tonique très - évidente , quoique beaucoup moindre que celle des muscles. C’est cette contraction qui constitue la chair de poule. C’est sa surface externe qui est le siège de la sensibilité tactile. Le derme est le soutien de tout le reste de la peau; c’est à sa surface qu’existe le corps muqueux.

§ 3oi. Le corps muqueux de Malpighi1 , reticulare corpus , rete glutinosum malpighianum , est une couche très-mince de tissu cellulaire à demi liquide, qui revêt la surface papillaire du derme, la sépare de l’épiderme, adhère intimement à l’une et à l’autre, et est le siège de la coloration. Cette partie de la peau, indiquée par Malpighi, très- bien observée par Meckel et par Albi- nus , admise par la plupart des anatomistes au moins dans le nègre, niée cependant par un certain nombre d’entre eux , et notamment par Bichat, M. Chaussier, Gordon et M. Rudolphi, ne peut pas, à la vérité, être isolée par la dissection, mais peut être aperçue dans diverses circonstances. Toutes les fois , soit dans l’état de vie , soit sur le mort , que l’épiderme se sépare du derme , on distingue , sur l’une ou l’autre , et quel-

1 V oyez Meckel , Recherches anatomiques sur la nature de l’épiderme et du réseau qu’on appelle malpighien , Mém. de l’acad roy. des sc. de Berlin, ann. 1753. Albinus, Acadcrn. annot. lib. I, cap. i-v.

2^6 ANATOMIE GENERALE.

quefois sur ces deux membranes, une couche mu- queuse qui couvre les éminences papillaires et en rem- plit les intervalles. Cette membrane intermédiaire est surtout très-visible dans le nègre , très-visible encore dans les taches noires des blancs , et bien distincte même sur un morceau de peau blanche que l’on voit dans la collection de Hunter. Cette couche, extrême- ment mince au sommet des papilles, et moins dans leurs intervalles, a l’apparence d’un réseau, mais n’est point percée. Ceux qui n’ont admis que deux mem- branes à la peau , l’ont regardée comme la partie pro- fonde de l’épiderine. Ce corps muqueux, sur la nature duquel il est difficile de se faire une idée bien exacte, paraît consister en un liquide plastique ou un tissu cel- lulaire à demi organisé. Le sang et les injections n’v montrent point de vaisseaux; des liquides y pénètrent pourtant, mais ils semblent y être imbibés ou contenus dans des interstices particuliers. On n’y connaît point de nerfs non plus, et c’est par une pure allégation que - M. Gall l’assimile à la substance grise du cerveau. Cette membrane forme un vernis humide qui revêt la surface papillaire et vasculaire du derme. Les substances qui entrent dans l’économie ou qui en sortent par la peau la traversent; elle est le siège de la couleur, et celui des productions cornées, écailleuses, etc. , qui existent naturellement dans la peau des animaux et dans quel- ques parties de celle de l’homme , ainsi que de celles qui s’y développent accidentelleinent. Cette membrane si mince, et dont l’existence même a paru contestable, paraît, dans quelques animaux, et même dans l’homme , du moins dans quelques parties du corps, et dans cer-

DE EA PEAU.

277

tains cas, être formée de plusieurs couches superpo- sées.

§ 3o2. Un auteur anonyme avait déjà indiqué cette composition. Cruikshank l a observée sur un nègre mort delà petite vérole; Bayhani sur la peau d’un blanc, injectée, dans un autre cas de maladie; Gautier l’a démontrée sur la peau du nègre par divers procé- dés ; et M. Dutrochet sur la peau des animaux. C’est un nombre d’observations suffisant pour ne pas les rejeter sans examen. Il y a sur la surface papillaire du derme une couche très-mince et incolore, transpa- rente , que l’on distingue surtout sous les écailles et les cornes colorées des animaux, dans le nègre, et même dans le blanc, mais sous l’ongle seulement; une couche colorée, très-distincte dans les nègres, dans les blancs tachetés d’éphélides colorées, et beau- coup moins dans les endroits la peau est blanche; elle est souvent réunie à la suivante; une couche incolore superficielle , plus ou moins molle ou bien encroûtée de substance cornée ou calcaire; elle est distincte dans beaucoup d’animaux, un peu dans le nègre, point dans le blanc, excepté aux ongles, aux poils, et dans les productions cornées accidentelles. Cette couche est immédiatement couverte par l’épi- derme.

1

§ 3o3. Le pigment de la peau 1 a son siège principal dans le corps muqueux et surtout dans sa couche

1 B. S. Albinus , De sede et causa coloris œthiopum et celer, homin., etc. Lugd. Bat. 1737. et Annot. Jib. I. cap. 11. Meckel , loc. cil. S. T. Sœmmering , ZJeber die hôrper- tichc vcrschicdenheit des negers vom europaër.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

moyenne, mais les surfaces externe du derme, et interne de f 'épiderme surtout y participent aussi un peu. Les anatomistes antérieurs à Malpighi , et quelques-uns de- puis lui , en placent le siège dans ces deux membranes, surtout dans la dernière. La matière colorante existe et dans les hommes de toutes les races, excepté les albinos. Cependant ce n’est guère que dans les nègres qu’on peut la voir bien distinctement du reste de la peau. Malpighi avait seulement annoncé que la cou- leur de la peau avait son siège dans le réseau mu- queux ; Littré avait , mais en vain , essayé d’obtenir la matière colorante séparée, en soumettant la peau du nègre à la macération pour gonfler le corps mu- queux , et séparer ainsi l’épiderme du derme. Cepen- dant quoique le corps muqueux soit très-mol et liqué- fiable on parvient à séparer de la peau du scrotum du nègre, des portions considérables du corps muqueux coloré, sous forme de membrane continue, indépen- dante et séparée de l’épiderme. Mais le plus ordinaire- ment, et j’ai plusieurs fois répété cette expérience, la macération sépare du derme qui reste. très-peu coloré, l’épiderme et le corps muqueux réunis et colorés; ce n’est qu’avec difficulté qu’on peut ensuite séparer le corps muqueux sous forme de membrane. Si l’on pro- longe la macération dans peu d’eau, et que l’expérience soit faite avec la peau du scrotum , partie très-foncée en couleur, le corps muqueux , en se résolvant en une sorte de mucosité , teint l’eau et laisse enfin déposer au fond du vase une poudre brune impalpable. Gautier a assigné pour siège spécial, à la matière colorante, la couche moyenne du corps muqueux, qu’il décrit,

DE DA PEAU.

279

sous le nom de gemmules, comme une couche ondulée qui couvrirait d’un seul de ses contours chacune des doubles lignes sillonnées du derme, de la paume des mains et de la plante des pieds. Il semble plutôt que le pigment résulte de globules colorés disséminés dans le corps muqueux.

Non -seulement le corps muqueux est plus coloré, mais il est plus épais dans la race nègre que dans les autres races, et son épaisseur est dans celles-ci en raison directe de sa coloration $ aussi est-il tellement mince dans les blancs que l’on a pu douter de son existence. Il est plus mince encore et si liquide dans les albinos que l’action du soleil détermine très-facilement la vési- cation de leur peau, tandis que dans, les nègres les épispastiques produisent très-difficilement cet effet.

La matière colorante de la peau est très-analogue à celle du sang ; elle paraît être sécrétée de cette humeur, et passer des vaisseaux de la surface du derme dans le corps muqueux elle est dans une sorte d’imbibition. Divers phénomènes morbides portent à croire quelle y est sans cesse renouvelée par une déposition et une résorption continuelles. Beddoes et Fourcroy ont ex- périmenté que la peau du nègre, plongée dans l’eau imprégnée de vapeur de chlore devient blanche, et reprend en très-peu de jours sa couleur noire dans toute son intensité. Les observations chimiques de Davy, de Goli et autres ont démontré ce que M. Blu- menbach avait avancé depuis long-temps, que le pig- ment de la peau est principalement formé de carbone.

L’usage du pigment dans les races colorées , paraît être de défendre la peau contre l’effet rubéfiant des

1

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

rayons du soleil, quon appelle communément coup de soleil \

§ 3o4. L’épiderme ou surpeau, epidermis , cuticula 2, est une couche de la peau distincte quoique mince, qui forme à sa surface une sorte de vernis sec et défensif. La surface libre ou superficielle de cette membrane, qui est en même temps celle de la peau, présente, on l’a déjà vu plus haut § 292, des petites rides, et des erni- nences diversement disposées et très-visibles à l’œil nu. De plus , si l’on examine cette surface avec un. instru- ment grossissant , et même avec une simple loupe, les endroits de l’épiderme compris entre les petites rides, et qui à l’œil nu, semblaient tout-à-fait unis, parais- sent alors très - inégaux , rugueux, et présentent de petits enfoncemens qui ont d’autant plus l’apparence de pores, que l’on en voit suinter la sueur.

La face profonde de l’épiderme est adhérente et ne peut être séparée du reste de la peau par la dissection; mais la putréfaction, la macération, l’action de la chaleur sèche et humide, les épispatiques, et diverses maladies déterminent cette séparation. Quand elle est

1 Voyez Philosophical transactions ann 1821. I. On the blach rete mucosum. , etc. , by sir Ev. Home.

2 H. Fabricio , de totius animalis integumenfis , ac primo de cuticula, et iis, quæ supra cuticulam sunt. in oper. omn. Ludwig, de cuticula , Lipsiæ 1739. Meckel , Loc. cit. et Nouvelles Observations sur l’épiderme. Mém. de l’acad. roy. des se. de Berlin, ann. 17^7. Monro sen. , de cuticula humana , oi'atio, in woi 'hs. Edimb. 1781. J. Th. Klinkosch et Hermann, de verâ naturâ cuticulœ , ejusque rc g ene ra- tio ne. Pragæ , 1775. B. Mojon, Sull’ epidermide , etc. Genua , 18 1 5.

DE LA PEAU.

181

déterminée par un commencement de putréfaction , procédé préférable à tous les autres , on aperçoit , en soulevant avec précaution l’épiderme , une foule de filamens très -fins, transparens, incolores, qui se rompent après s’être allongés jusqu’à un certain degré. Ces filamens* très - bien décrits et représentés par W. Hunter qui les regardait comme les vaisseaux de la sueur, avaient été déjà notés par Kaau , qui en avait la même opinion. Bichat et M. Chaussier les regardent aussi comme des vaisseaux exhalans etabsorbans. Mais on n’est pas encore parvenu à les injecter, et l’inflam- mation qui rend la peau si vasculaire, ne les colore pas sensiblement. D’un autre côté, Cruikshank pense que ce ne sont pas des vaisseaux, mais des proion gemens excessivemens fins de l’épiderme qui tapissent les plus petits pores du derme. Seiler semble adopter cette hy- pothèse , et suivant lui ce sont des rudimens de folli- cules sébacés et de bulbes de poils. Cependant il n’est pas certain que ces prolongemens existent lorsque 1 épiderme adhère au derme , et l’on pourrait les con- sidérer comme des tractus muqueux formés par la substance intermédiaire au derme et à l’épiderme , rendue fluide et visqueuse par un commencement de décomposition.

L épiderme pénètre en s’amincissant dans les folli- cules sébacés. Il pénètre aussi, et se comporte de la

même manière, dans les ouvertures des bulbes des poils.

§3o5. On a dit que l’épiderme était composé de- cailles imbriquées. Mais c est, une apparence trom- peuse; il consiste en une membrane plane et continue.

28 2

ANATOMIE GÉNÉRALE.

Nunberger a admis qu’il était pourvu de vaisseaux , et qu’il se nourrissait par intus-susception. Mojon y suppose, comme Klinkosch, des fibres , des lames, des vaisseaux, et toutes les propriétés de l’organisation et de la vie. Mascagni le regarde comme étant entière- ment formé de vaisseaux absorbans. Fontana avait déjà cru y voir des vaisseaux contournés, mais M. Humboldt a vu que ces prétendus vaisseaux n’étaient que des plis. L’observation la plus attentive et les opérations anatomiques les plus délicates ne font apercevoir dans l’épiderme qu’une couche homogène dont la surface adhérente se confond insensiblement avec le corps muqueux, et qui est dépourvue de tissu cellulaire de vaisseaux et de nerfs.

§ 3o6. L’épaisseur de l’épiderme est peu considérable, elle égale à peine la cinquième ou la sixième partie de celle de la peau. A la paume des mains et à la plante des pieds , il est plus épais que partout ailleurs. Dans ces endroits, surtout chez les personnes qui se livrent à des travaux mécaniques ou qui marchent beaucoup , il paraît formé de plusieurs couches. M. Heusinger 1 considère cette partie de l’épiderme comme une va- riété du tissu corné et l’a décrite sous le nom de tissu calleux. L’épiderme est moins élastique que le corium , très-flexible , et facile à déchirer. Il est transparent , et d’une couleur légèrement grisâtre. Dans les races colorées, il participe à la couleur de la peau, mais il est moins foncé que le corps muqueux. La trans- parence de l’épiderme n’est pas la même partout;

System der histologia, von Heusinger. Eisenach, 1822.

I

DE LA PEAU. 2$3

quand on le regarde contre le jour on y aperçoit des points plus transparens qu’on a pris pour des porosités.

§ 307. On sait que Lenwenhoeck avait cru les aper- cevoir, et qu’il en a donné des figures. Beaucoup les ont admis d’après cela ou en se fondant sur des considé- rations physiologiques. Mais ni les observations de Meckel et de Cruikshank, ni celles de M. de Hum* boldt, faites avec des instrumens grossissans, de beau- coup supérieurs à ceux de Leuwenboeck ; ni celles de Seiler, faites sur l’épiderme, détaché avec un rasoir, du corps d’un animal en sueur; ni les miennes, faites en chargeant un lambeau d’épiderme d’une colonne de mercure du poids d’environ une atmosphère, n’ont pu faire découvrir ces pôrosités. De plus, l’observation apprend que l’épiderme empêche ou modère beaucoup l’évaporation dans le cadavre, 'et que les endroits de la peau qui en sont dépouillés se dessèchent, ainsi que les parties sous-jacentes, avec une très-grande prompti- tude. Cependant l’épiderme laisse passer les matières que la peau absorbe pendant la vie , et certainement celles qu’elle excrète. Mais , ce qu’il y a de plus éton- nant encore, c’est que dans les observations dont il vient d’être question on ne puisse même pas aperce- voir les ouvertures de l’épiderme qui donnaient pas- sage aux poils, celles qui répondaient aux follicules sébacés, ni même celles que l’on y aurait pratiquées avec une aiguille fine. On sait que la même chose arrive à la gomme élastique. Le papier à filtrer ne présente pas non plus de pores visibles au microscope quand il est mouillé , mais quand il est sec on en voit aisément.

§ 3o8. L’absorption et la perspiration cutanées ne pou-

i

ANATOMIE GÉNÉRALE.

284

vant dépendre des propriétés physiques de l’épiderme , on en a cherché l’explication dans ses propriétés chi- miques. L’épiderme desséché diminue de volume, et devient plus ferme, plus élastique, et un peu jaunâtre. Macéré dans l’eau froide, au contraire, il se gonfle un peu , devient mou, moins élastique, plus blanc et plus opaque. Cette substance cependant s’imbibe très-len- tement ; il faut une assez longue immersion des mains et des pieds dans l’eau, pour que l’épiderme ait absorbé assez de liquide pour devenir blanc et opaque , et cependant, l’épiderme de ces régions paraît s’imbiber plus aisément que celui des autres parties du corps. C’est à cette difficile perméabilité de l’épiderme, qu’il faut attribuer la difficulté avec laquelle le liquide des ampoules s’échappe dans le vivant, et la lenteur avec laquelle la peau des cadavres se dessèche, même dans les atmosphères les plus sèches, pourvu que l’épiderme soit resté intact. Il résiste très-long-temps à la putré- faction; on l’a retrouvé intact dans des tombeaux au bout de plus de cinquante ans. L’eau bouillante rend l’épiderme blanc , opaque, et le prive d’élasticité bien plus vite que l’eau froide. L’ébulition prolongée lui enlève un peu de gélatine qui paraît fournie par la face adhérente; le résidu ne diffère pas sensiblement de l’épiderme entier. Exposé au feu nu il brûle comme une lame de corne, et en répandant une odeur sem- blable. bes alcalis fixes purs le disoîvent complètement en une substance saponnacée. L’acide nitrique le jaunit presque immédiatement , l’épaissit, le ramollit, le rend ■opaque au bout cfienviron un quart d heure; et en vingt-quatre heures le réduit en une pulpe jaune. Si

I

DE LA PEAU. 28?)

on applique de l’ammoniaque sur l’épiderme jauni par l’acide nitrique , il passe à la couleur orange foncé. Or, Hatchett a constaté que les memes effets avaient lieu sur l’albumine coagulée. L’épiderme paraît con- sister en une couche de mucus albumineux coagulé et desséché.

§ 309. L’épiderme n’est ni irritable ni sensible; il est de toutes les parties du corps, celle qui est douée de la force de formation la plus active ; il résulte de la con- crétion d’un fluide exsudé à la surface de la peau , continuellement renouvellé , jamais résorbé, mais dé- truit à l’extérieur, à -mesure qu’il est produit à la face interne.

§ 3 10. De nombreuses hypothèses ont été émises sur la formation de l’épiderme ; la plus ancienne est celle qui consiste à le regarder comme le dessèchement d’un fluide fourni par la surface du derme. D’autres, avec Leuwenhoeck , n’ont vu en lui qu’une expansion des vaisseaux de la, peau. D’autres, comme Ruysch , le faisaient provenir de l’expansion et du dessèchement des papilles. Heister attribuait sa formation à la réu- nion de ces deux causes; Morgagni , à la callification ou à l’endurcissement de la surface de la peau par la pression de l’eau de l’amnios d’abord , puis de celle de 1 atmosphère ; et Garangeot, à l’endurcissement du réseau muqueux. Toutes ces opinions, surtout la pre- mière et la dernière , contiennent quelque chose de vrai. Il résulte en effet d’une exsudation ou excrétion du derme. C’est la surface endurcie du corps muqueux; de sorte que depuis le derme jusqu’à la surface libre de 1 épiderme, il y a une dégradation successive d’or-

286

ANATOMIE GÉNÉRALE.

ganisation et de vitalité, qui fait de lepiderme une espèce de vernis , ne participant à l’organisation et à la vie que par son origine , ce qui le rend très-propre à supporter l’action des corps extérieurs, et à protéger les vaisseaux, les nerfs , et les autres parties de la peau.

§ 3 1 1 . La peau formée par le derme, les vaisseaux et les nerfs qui se distribuent dans son épaisseur, et surtout à sa face superficielle; par l’épiderme dont il vient d’être question, et par le corps muqueux intermé- diaire , offrant ainsi une dégradation d’organisation et de vitalité depuis le derme jusqu’à l’épiderme, par- ticipe aux propriétés physiques, chimiques et vitales de ces diverses parties. Il en est ainsi de ses fonctions ou actions organiques.

§3i2. La peau, à raison de l’épiderme sec et peu perméable qui en fait partie, n’est point aussi bien dis- posée que la membrane muqueuse, pour l’absorption et la secrétion.

La peau, étant munie de son épiderme, dans l’état d’intégrité, l’absorption cutanée ou l’absorption cuticu- laire, comme on l’appelle aussi, est en effet encore un sujet de doute et de discussion pour les physiologistes. Pour décider cette question entre Séguin, Currie, Klapp, Rousseau, Dangerfield, Chapman, Gordon et M. Magendie, etc., dont les observations et les expé- riences tendent à faire rejeter l’absorption cutanée, et Keil, Haller, Percival, Home, Cruikshank, Watson, Ford, Abernethy, Bichat, Duncan, Kellie, Bradner- Stuart, Sewal, etc., et surtout M. Young, dont les ex- périences et les observations sont favorables à cette absorption; il faut faire abstraction des cas dans les-

DE LA PEAU.

287

quels l’absorption a pu avoir lieu par la respiration aussi bien que par la peau , et ils sont nombreux; de ceux dans lesquels l’épiderme a pu être amolli , altéré ou lésé par des applications prolongées à sa surface ou par des frottemens répétés : circonstances dans les- quelles l’absorption n’est plus cuticulaire , mais bien du même genre que celle qui a lieu par la membrane muqueuse , ou par l’inoculation , dont la matière est portée à travers une division de l’épiderme dans le corps muqueux et jusque dans le derme, parties émi- nemment absorbantes. Cela fait , il reste un petit nombre de faits qui montrent que quelquefois cer- taines substances sont absorbées par la peau à travers l’épiderme, dans son état d’intégrité, mais que cette membrane est véritablement un obstacle très-souvent efficace à l’action absorbante du tégument externe.

§ 3i3.La peau est aussi un organe de sécrétion et d’excrétion. Deux genres de sécrétion extrinsèque bien connus ont lieu dans cette membrane , la perspira- tion cutanée et la sécrétion folliculaire sébacée. La perspiration est tantôt vaporeuse et insensible, et tantôt liquide et visible; dans ce dernier cas, c’est la sueur. Cette sécrétion est continuelle , et probablement essen- tiellement la même dans les deux cas; mais, dans le premier, elle est insensible à cause de sa vaporisation. La sécrétion a lieu dans la peau, mais on ignore par quels vaisseaux; quant aux voies par lesquelles elle traverse le corps muqueux et l’épiderme, elles sont tout-à-fait inconnues. On peut admettre avec quelque vraisem- blance que c’est dans le fond des incisures et des enfon- cemens microscopiques de l’épiderme, endroit il

288

ANATOMIE GÉNÉRALE.

est le moins sec, que se fait spécialement l’excrétion perspiratoire. La quantité de cette matière sécrétée est très-grande, mais difficile à déterminer. Sanctorius , dont les expériences sont si célèbres , avait reconnu qu’il perdait les cinq huitièmes de la totalité de ses alimens par la perspiration, et les trois huitièmes par les autres voies excrétoires. Mais îl ne distinguait pas les perspirations pulmonaire et cutanée. Parmi ceux qui ont répété ses expériences, Lavoisier et M. Séguin ont fait cette distinction. Ils ont trouvé que la pers- piration cutanée est à la perspiration pulmonaire, terme moyen, comme onze à sept. Cruiksliank a essayé d’en déterminer la nature, et a trouvé qu’elle avait toutes les propriétés de l’eau contenant de l acide car- bonique et une matière animale odorante.

Quand la matière de la perspiration se rassemble sous forme de sueur, on la voit apparaître à la surface de la peau en gouttelettes sur lesquelles Leuwenlioeck a fait des observations intéressantes. La sueur de l’homme dans l’état de santé est toujours acide, salée et odorante. Elle est formée , suivant M. Thénard , de beaucoup d’eau, d’une petite quantité d’acide acétique, d’hydro- chlorate de soude, et peut-être de potasse, de très-peu de phosphate terreux , d’un atome d’oxide de fer, et d’une quanti téinappréciabiede matière animale. M. Ber- zélius la regarde comme de l’eau tenant en dissolution des hydrochlorates de potasse et de soude, de l’acide lactique, du lactate de soude, et un peu de matière animale.

La perspiration cutanée, soit sensible , soit insen- sible, doit être considérée comme une des excrétions

de la peau.

28 9

les plus importantes de l’organisme. En outre, elle est un puissant moyen de refroidissement et de résistance contre une température extérieure trop élevée. Cette fonction présente de nombreuses variétés suivant lage, le sexe, les individus, les circonstances extérieures, l’état des autres fonctions , l’action des substances in- gérées ou appliquées , les maladies, etc. Elle exeice elle -même une très -grande influence sur les autres fonctions.

§ 3 14. On a admis qu’il se fait par la peau des absorp- tions et des sécrétions gazeuses analogues à celles du poumon, etconstituant une sorte de respiration cutanée. Ainsi Spallanzani aurait vu dans les mollusques, M. Ed- wards dans les reptiles, et Jurine dans 1 homme même, la peau absorber de l’oxygène. Suivant divers physi- ciens et physiologistes , des gaz seraient aussi excrétés par la peau ; mais des objections et des expériences peuvent être opposées à ces assertions; on peut de même opposer les expériences de Priesttley à celles de Cruikshank, du docteur Makensie et de M. Ellis, qui semblent favorables à une excrétion cutanée de car- bone qui se combinerait avec l’oxygène de l’atmosphère pour former de l’acide carbonique. Il est du moins certain que si dans l’homme dont l’épiderme est sec et dont la respiration pulmonaire est très-étendue , l’air exerce une action vivifiante sur le sang qui circule dans la peau, cette action ne peut aucunement sup- pléer celle du poumon.

§ 3i5. La peau excrète une matière huileuse 1 , que

1 Ludwig et Grutzraaclier, de Humore cutem inungcnle. Lipsiæ , 1748.

1,

1 9

ANATOMIE GENERALE.

Cruikshank est parvenu à obtenir sous forme de larmes noires à la surface d’un gilet de laine tricoté qu’il avait porté nuit et jour pendant un mois, dans le temps le plus chaud de l’été. Cette matière frottée sur du papier s’y comporte comme de la graisse ; elle brûle avec une flamme blanche, et laisse un résidu charbonneux. Il est incertain si cette huile, que l’on a dit être de la graisse sous-cutanée transsudant à travers la peau, est fournie par les mêmes voies que la précédente ou quela suivante.

§3i6.Les follicules cutanés sécrètent une matière sébacée. Cette matière est épaisse , non glutineuse, sans apparence fibreuse quand elle est endurcie ; elle forme en se suspendant dans l’eau par la trituration une sorte d’émulsion , mais ne s’y dissout point. Elle ne fond point au feu , elle brûle en laissant beaucoup de char- bon. Elle contient, surtout le cérumen, une propor- tion d’huile qu’on peut en séparer par le papier ab- sorbant. Cette matière se forme dans les follicules sébacés, d’où on peut la faire sortir parla pression sous forme de vermisseaux , et d’où elle sourde d’elle-même pour oindre la peau aux environs, et la garantir surtout de l’action de l’eau et des humeurs exerémenticielles.

Ce sont ces trois matières réunies qui constituent l’excrétion cutanée, excrétion très-abondante, dont une partie est continuellement vaporisée, et dont les parties les plus fixes enduisent la peau , et s’en détachent ensuite sous forme de crasse. Il faut joindre à ces ex- crétions celle de l’épiderme qui, sans cesse usé à sa face superficielle, est sans cesse reproduit à sa face opposée.

§317. La peau est un organe de sensation. Elle est,

DE LA PEAU.

29I

plus encore que l’autre membrane tégumentaire, l’or- gane du tact général et passif qui nous fait apercevoir la présence des corps, leur température, etc.; de plus, et surtout dans certains endroits , pourvus de beaucoup de nerfs et de vaisseaux, et bien disposés pour s'adap- ter à la forme des corps, elle est un organe de toucher spécial et actif, ou de palpation. Le tact et le toucher sont d’autant plus délicats que les papilles sont plus développées et moins couvertes.

§ 3 18. La peau enfin est un organe défensif, peu effi- cace chez l’homme, mais beaucoup dans certains ani- maux, où le corps muqueux est le siège d’incrustations calcaires et cornées. Il est évident que cet organe, dont les fonctions sont si multiples, de même que sa texture est si complexe, ne peut avoir une de ses parties, ou l’une de ses fonctions très-développée qu’aux dépens . des autres ; aussi plus le corps muqueux et l’épiderme sont épais et protecteurs, et plus le tact est émoussé.

§ 3 19. L’embryon , jusque vers le milieu du deuxième

mois, n’a point encore de peau distincte. Vers cette

époque, suivant Autenrieth, l’épiderme commence à

paraître. Jusqu’à mi-terme, la peaureste mince, incolore

et transparente: elle devient ensuite rosée jusqu’à huit

mois environ; à cette époque, elle pâlit, excepté dans

les plis. Vers quatre mois et demi de la grossesse, on commence à apercevoir les follicules sébacés , d’abord à la tête, puis dans les autres parties du corps; à sept mois, commence à se montrer l’enduit sébacé, ou ca- séiforme de la peau; à la naissance, la peau en est cou- verte et est d’un blanc rosé; après la naissance, la peau acquiert bientôt la couleur propre à la race, et aug-

ANATOMIE GÉNÉRALE.

^92

mente en épaisseur et en force jusqua lage adulte ; dans la vieillesse, elle se dessèche, se ride et perd peu à peu sa couleur.

La peau est plus mince, plus fine, plus molle dans le sexe féminin ; mais ces caractères disparaissent quel- quefois après l’âge de la fécondité.

§ 320. Les différences que la peau présente dans les races ont été déjà indiquées (§§ 112-116). Les indivi- dus des races colorées, et même les nègres, naissent à peu près de la même couleur que les blancs. La couleur commence à se manifester, dès que l’enfant respire, mais surtout vers le troisième jour après la naissance, autour des ongles , des mamelons, des yeux, de l’anus et des organes de la copulation ; le septième jour, la coloration est étendue partout, excepté aux régions palmaire et plantaire qui restent blanchâtres. Pendant la première année, la couleur est peu intense , elle augmente ensuite, et persiste pendant la plus grande, partie de la vie pour diminuer dans la vieillesse. L’o- deur de la peau varie dans les races comme sa couleur. Outre les variétés nationales, on en trouve de très- nombreuses dans les individus.

§321. Les altérations morbides de la peau sont ex- trêmement nombreuses. Il a déjà été question des ci- catrices ou des reproductions accidentelles de cette membrane 258). Le tissu nouveau est analogue, mais non identique à l’ancien. Le derme y est plus dense, moins aréolaire, plus compact, moins vasculaire, moins papillaire que celui de la peau. L’épiderme y existe ma- nifestement; c’est à tort qu’on la nié, tout récemment encore. Le corps muqueux y existe aussi , de même

DE LA PEAU.

293

que sa couche colorée, et c’est à tort que Camper a prétendu que les cicatrices des nègres étaient blan- ches; seulement la nuance y est un peu différente. Il se forme quelquefois des productions cornées sur les cicatrices; ces tégumens accidentels sont très-ulcé- rables.

On trouve aussi quelquefois de la peau accidentelle dans des kystes des ovaires, ce sont probablement des productions imparfaites de fœtus , soit engendrés , soit enveloppés dans l’état fœtal, par l’individu qui les contient.

§ 32 2. La peau présente quelquefois des vices de con- formation primitifs, soit par défaut, ce qui constitue dans lefœtus'des divisions ou des dénudations; soit par ex- cès, et alors il y a des plis ou des poches plus ou moin s étendus. Elle présente aussi des vices de conformation acquis; sa distension portée très-loin, comme dans la grossesse, par exemple, écarte, éraillé les fibres du derme, et produit des vergetures d’abord brunes ou noirâtres après l’accouchement, et qui ensuite devien- nent et restent plus blanches que le reste de la peau, et luisantes. La distension, plus modérée et plus pro^ longée, fait perdre à la peau son élasticité ou sa ré- tractilité, et laisse, quand elle vient à cesser, des rides plus ou moins marquées.

§ 3.23. La peau estlesiége fréquent decongestions, de flux, d’inflammations aiguës et chroniques, dont les effets très-variés, soit sur la texture de la membrane, soit sur sa couleur, soit sur les produits de sa sécrétion , ont donné lieu à l’établissement d’une cinquantaine de genres , *et de plus de cent espèces de maladies de la

^4 ANATOMIE GÉNÉRALE.

peau consistant en des boutons, des écailles, des érup- tions, des ampoules, des pustules, des vésicules, des tubercules, des taches, etc., sur lesquelles on consul- tera avec fruit les ouvrages de Plenck, de M. Alibert, de Willan et de Bateinan.

§824. La rétention de la matière sébacée et son accu- mulation dans les lollicules, donne lieu à la formation de tumeurs, qu’on nomme tannes, quand elles sont petites, et que l’on confond quand elles sont grosses, sous les noms de loupes , ou de mèlicéris 3 (Y athéromes et de stéatomes, avec les tumeurs enkystées. Quand la tu- meur est petite, et que l’orifice du follicule n’est pas oblitéré, on peut en faire sortir par pression la matière sébacée sous forme de ver, apparence qui a induit en erreur quelques observateurs peu attentifs et amis du merveilleux. Quand, au contraire, la tumeur s’est beau- coupaccrue et est devenue volumineuse sous la peau, et que son orifice n’est pas apparent, elle ressemble beau- coup à un kyste; mais en la disséquant avec soin, on retrouve, dans le point elle tient à la peau, des traces de l’orifice; et si l’on fend, dans ce point, la peau et la tumeur, on suit aisément l’épiderme se réfléchissant de la surface de la première dans la cavité de la seconde. La matière contenue soit quelle ait 1 apparence du miel, de la bouillie ou du suif, ressemble encore assez à la matière des follicules sébacés pour nêtre pas mé- connaissable.

4

§ 325. Diverses productions accidentelles, soit analo- gues, soit morbides, s’observentdanslapeau. Cette mem- brane est quelquefois soulevée par une quantité plus ou moins grande, et quelquefois innombrable de tu-

DE LA PEAU.

295

meurs d'un volume très -variable, et formées par la production accidentelle d’un tissu blanc, fibreux, beau- coup plus compact que le tissu cellulaire et plus flasque que le tissu ligamenteux, tissu que l’on trouve aussi assez souvent dans les polypes, et surtout dans des tumeurs sous-muqueuses du vagin et de la vulve.

§ 326. La couleur de la peau offre diverses altérations. Celle des albinos présente la plus singulière : leur peau est d’un blanc mat ou rosé tout différent de la blan- cheur des Européens; leurs poils sont transparens, blanchâtres ou plutôt incolores; l’œil a l’iris rose-pâle et l’ouverture de la pupille rouge , ce qui dépend de l’absence du pigment de la choroïde et de l’uvée. Les fonctions de la peau, et surtout des yeux, se res- sentent de cette altération que l’on a attribuée à l’ab- sence du corps muqueux, et qui dépend au moins bien certainement de celle de la matière colorante de la peau et de ses dépendances; c’est à tort que l’on a re- gardé cela comme effet d’une lèpre, d’une cachexie ou comme un état de maladie ; c’est une erreur de Blu- menbach et de Winterbottom , suffisamment réfutée par les observations de Jefferson , qui dit expressément que tous les individus de ce genre' qu’il a vus étaient bien conformés, forts et bien portans. On trouve cette altération dans toutes les races humaines, dans toutes les parties du globe et dans un très-grand nombre de genres d’animaux. Elle commence dès la naissance, persiste toute la vie, et se transmet par la génération. L union d’un albinos et d’un individu coloré donne ordinairement naissance à des individus colorés, et quelquefois à des albinos. Du reste, ils ne forment point

296 ANATOMIE GÉNÉRALE.

une race dans l’espèce humaine, mais ne s’y rencon- trent que sporadiquement pour ainsi dire, ou comme des variétés accidentelles.

Les nœvi et les signes de la peau consistent, les uns en une plaque colorée du corps muqueux, qui est ordinairement alors sensiblement plus épais dans ce point que dans les autres parties; d’autrefois ils con- sistent en une disposition érectile des vaisseaux de la peau qui sera décrite plus loin (chap. IY).

La coloration de la peau est aussi sujette à des alté- rations accidentelles : ainsi l’on voit des individus de la race blanche devenir bruns ou tout-à-fait noirs dans des parties plus ou moins étendues. On voit aussi des blancs ou des noirs devenir albinos dans des points plus ou moins larges de la peau.

La mélanose, qui coïncide ordinairement avec la dé- coloration de la peau , et qu’on observe si souvent dans les chevaux blancs, ne dépendrait- elle pas d’une aber- ration du pigment de la peau?

Il se montre quelquefois dans le corps muqueux des productions cornées qui deviennent plus ou moins saillantes à la surface de la peau; ces productions étant analogues aux ongles seront décrites à la suite de ces dépendances de la peau.

ARTICLE IL

DES DÉPENDANCES DE LA PEAU.

§ 32y. Les ongles et les poils sont les seules dépen- dances de la peau dans l’espèce humaine ; dans les ani maux, au contraire, on trouve un grand nombre et

DES ONGLES.

297

une grande variété de ces appendices. C’est à tort que l’on regarde ces parties comme des dépendances de l’épiderme seul, car elles ont des rapports avec toute la peau.

I. Des ongles r.

§ 328. Les ongles, ungues , sont des écailles cornées, qui garnissent la peau de la dernière phalange des doigts et des orteils du côté de l’extension seulement.

On distingue trois parties dans les ongles : la ra- cine , le corps et l’extrémité libre.

#

La racine ou l’extrémité adhérente est la cinquième ou la sixième partie de la longueur de l’ongle ; elle en est la partie la plus mince; elle est reçue dans un sillon de la peau, et d’une couleur blanche. Le corps ou la partie moyenne tient le milieu pour l’épaisseur; sa face externe libre , lisse et présentant des sillons longitu- dinaux plus ou moins marqués, est convexe transver- salement. La face opposée est intimement adhérente à la peau; la partie postérieure du corps de l’ongle, dans une étendue peu considérable, et qui va en diminuant du pouce vers le cinquième doigt, est blanche ; cette partie semi-lunaire a reçu le nom de lunule; l’autre partie paraît rougeâtre , à cause de sa diaphanéité, qui permet d’apercevoir la couleur de la peau. L’extrémité

1 Frankenau, de Unguibus, Jenæ , 1796. Ejudwig , de Orlu et structura unguium. Lipsiæ , 1748* B. S. Albinus, in Annot. acàd . , lib. II, cap. xiv, de Ungue humario , ejusque reticulo , etc. et cap. xv de Naturd unguis. Bose, de Un- guibus humanis. Lips. 1773. Haase, de Nutritione un- guium. Lips. 1774.

anatomie générale.

298

libre de l’ongle en est la partie la plus épaisse; elle se prolonge au delà du doigt et tend, d’une manière peu marquée cependant, à se recourber en une sorte de crochet.

§ 329. Les connexions de l’ongle avec le derme et l’é- piderme ont lieu de la manière suivante : le derme est épais, rouge et très-papillaire sous l^e corps de l’ongle , excepté sous la lunule; les papilles sont disposées en séries linéaires comme des sillons longitudinaux très- minces et très-rapprochés les uns des autres. La face cor- respondante de l’ongle est molle , pulpeuse , garnie de rainures longitudinales qui reçoivent les sillons papil- laires du derme et leur adhèrent très-intimement. Ce- pendant leur séparation s’opère sur le cadavre par les mêmes causes qui détachent l’épiderme et le corps muqueux du derme. L’extrémité adhérente de l’ongle, très-mince et très-molle, est reçue dans le fond d un pli du derme, dépourvu d’épiderme. Sous les ongles, petits et irrégulièrement développés; des derniers or- teils, les papilles du derme sont disposées irrégulière- ment, et non en séries linéaires; la face adhérente de l’ongle présente la même disposition irrégulière pour recevoir les papilles.

§ 33o. L’épiderme, arrivé vers la racine de 1 ongle, se réfléchit avec le derme jusque vers le fond du sillon. Là, le derme passe sous l’ongle; l’épiderme, au con- traire, se réfléchit sur sa racine et se prolonge sur sa face externe, quil recouvre ainsi dune lame superfi- cielle très-mince, qui se confond avec elle. A 1 extré- mité libre de l’ongle, l épiderme du bout du doigt se réfléchit sous sa face profonde et s unit à la partie

DES ONGLES. 2 <J(J

libre de cette face. Sur les côtés il existe, en arrière une disposition analogue à ce qui a lieu à la racine , et en devant à ce qui existe à l’extrémité libre.

Les ongles n’ont point d’autres connexions que celles qui viennent d’être décrites. C’est faute d avoir bien observé, que quelques anatomistes en ont admis avec le périoste et avec les tendons.

§ 33 1 . On admis avec Blancardi, que les ongles sont formés par des poils agglutinés ; d’autres, que les ongles résultent de la superposition d’écailles ou de lames cornées, dont la plus superficielle a toute la longueur de l’ongle, tandis que les autres diminuent successive- ment de longueur, ce qui donne 1 épaississement suc- cessif de l’ongle depuis la racine jusqu’à l’extrémité libre. Ce sont plutôt des manières de se rendre compte du mode de formation des ongles, que des résultats de l’observation, qui, en effet, ne fait découvrir dans les ongles qu’une substance cornée, dure et sèche à l’ex- térieur, et muqueuse à l’intérieur. On n’y trouve ni vaisseaux, ni nerfs* Ils consistent en une couche épaisse et cornée du corps muqueux de la peau.

§ 332. Les ongles sont diaphanes, flexibles, élasti- ques, ils se déchirent en travers, nonobstant leur apparence fibreuse en sens opposé. Leurs propriétés chimiques sont celles de l’albumine coagulée ; ils parais- sent contenir aussi un peu de phosphate de chaux ; ils ont les plus grands rapports avec la corne. Ils sont tout-à-fait dépourvus d’irritabilité et de sensibilité. La force de formation , ou l’accroissement continuel par une sorte de végétation, est le seul phénomène orga- nique et vital qu’on y observe; encore ce phénomène

3oo anatomie générale.

leur est-il étranger. Les matériaux de leur formation sont continuellement sécrétés et excrétés à mesure par le derme : cette matière apposée à l’extrémité et à la face adhérentes de l’ongle, semblable à celle de la sécrétion du vers à soie, se concrétant à mesure quelle est excrétée, et s’ajoutant continuellement à celle qui l’a précédée, la pousse devant elle et allonge ainsi l’ongle par juxta-position et non par intus-susception. C’est donc une véritable excrétion dont les matériaux une fois déposés ne sont plus résorbés. Les ongles arment, soutiennent et protègent l’extrémité des doigts et des orteils.

§ 333. Les ongles commencent à paraître vers le milieu de la vie fœtale; ils sont encore très-imparfaits à la naissance. Dans les races colorées, la couleur est sous-jacente à l’ongle. Dans beaucoup d’animaux au contraire, la couche colorée du corps muqueux est confondue avec la couche cornée dans la composition des ongles et des parties analogues. Les parties les plus ressemblantes aux ongles de l’homme sont les griffes des carnassiers, etc., qui entourent la face dorsale et les côtés de la dernière phalange , et se recourbent vers la face plantaire; et les sabots des ruminans, etc., qui enveloppent toute l’extrémité de la dernière phalange. Les ongles des pieds de 1 homme prennent quelquefois un accroissement considérable et une direction qui les rapprochent des griffes.

§ 334- Les altérations 1 que l’on attribue aux ongles

A *

1 Plenck, de Morbis unguium , m doctnnd de rnorbis cu-~ taneis.

DES ONGLES.

3o i

leur sont, clans la réalité, tout-à-fait étrangères, et dépendent uniquement de la peau qui les fournit. Il en est de même des productions cornées accidentelles; c’est dans le tissu sous-jacent qu’il en faut chercher l’origine.

Lorsqu’un ongle est arraché par violence ou détaché par une maladie delà peau sous-jacente , il repousse lentement et diffère plus ou moins de l’ongle primitif, suivant que l’affection de la peau persistait plus ou moins quand il a repoussé.

Il se forme des lames cornées, plus ou moins analo- gues aux ongles, sur des cicatrices, sur le bout des orteils, et sur d’autres endroits exposés à des pressions ou des frottemens rudes et réitérés: tels sont les cal- losités, les oignons, etc. L’ichthyose simple ou en plaques n’en diffère que par son étendue et parce que sa cause est ignorée.

Les cors consistent aussi en productions cornées accidentelles, arrondies, petites, très-dures, et qui par la compression qu elles transmettent, irritent, enflam- ment, percent quelquefois la peau, et même altèrent les os ou les articulations sous-jacentes.

Des cornes ou des productions cornées conoïdes plus ou moins allongées, ont été observées depuis 1 antiquité un grand nombre de fois sur presque toutes les parties de la peau. Quelquefois une seule de ces excroissances existe sur un individu et s’est développée ou sur une cicatrice, ou dans un follicule sébacé, ou sur quelque point de la peau préalablement altéré, ou bien sans qu’on ait rieiî remarqué de particulier dans la peau avant la production cornée; d’autres fois il

3o2

ANATOMIE GENERALE.

existe sur presque tous les points de la peau des pro- ductions de ce genre, ce qui constitue une espèce d’ich- tliyose.

On peut rapprocher des productions cornées acci- dentelles, et regarder comme du tissu corné imparfait les verrues de la peau et les poireaux de la membrane muqueuse, les uns et les autres participant du tissu corné et de celui de la membrane.

Les ongles se ramollissent, se carnifient, deviennent du tissu corné imparfait, végètent irrégulièrement, présentent des excroissances, deviennent secs, cas- sans, etc. , dans certaines affections générales ou locales de la peau, ainsi que par le contact habituel des alcalis, des acides , etc. , comme cela a lieu dans quelques pro- fessions. Ils participent d’ailleurs toujours à l’état sain ou malade de ia peau, dont ils sont une production. L’ongle entré dans la chair n’est que la cause méca- nique d’une inflammation de la peau.

IL Des poils \

§ 335. Les poils , pili , crin es y sont des filamens cornés,

1 P. Chirac, Lettre écrité à M. Regis , sur la structure des cheveux. Montpellier, 1688. M. Malpiglii , de Prfis obser- vationes in op. posth. Withoff, Ancitome pili humani Duisb. ij5o. et in Comm. soc. scient. Gotting . 1703. J. II. Knip- liof, de Pilorum usu. Erf. 1754* Duverney, OEuvres ana- tom. Paris, 1761. Albinos, Acad, annot. lib. IV, cap. ix. .T. P. Pfaff. , de Variet. pilor. natural. et prœternat. Halæ , 1796. Car. Asm. Rudolphi, Dis s. de pilorum structurâ. Grv- phiswald. 180b. Gautier, L.c. Heusinger, L. c. etc.

des poils.

3o3

en général fins et longs qui garnissent en plus ou moins grand nombre presque toutes les parties de la peau , excepte la paume des mains et la plante des pieds.

Chaque poil consiste en un bulbe ét une tige, et chacune de ces parties aune texture assez compliquée, distincte surtout dans les poils les plus volumineux.

§ 3r36. Le bulbe ou follicule des poils, que Malpighi comparait aux vases dans lesquels les jardiniers plan- tent des végétaux, et que Chirac a très-bien décrit, est situé dans l'épaisseur du derme ou au-dessous de lui; il a une forme ovoïde; par une de ses extrémités, qui pénètre obliquement à travers la peau , il communique à la surface de cette membrane; et par l’autre, qui est profonde et garnie de quelques filamens implantés comme des racines, il est plongé dans le tissu cellu- laire sous-cutané. Il est formé à l’extérieur d’une mem- brane capsulaire, ferme , coriace, blanche , qui se con- tinue par l’extrémité superficielle avec le derme. En dedans de cette membrane en est une autre plus mince , molle , rougeâtre ou diversement colorée, et qui semble être la continuation du corps muqueux. La cavité de ce follicule membraneux est en grande partie remplie d’un bourgeon ou papille conique , adhérant par sa base au fond de la cavité, et libre par son sommet qui s’élève i vers l’orifice du follicule.

Des vaisseaux sanguins arrivent à la papille ; sui- vant Gautier, par le goulot du bulbe, en rampant entre ces deux couches membraneuses, et suivant mes 1 propres observations , par le fond. J’ai aussi suivi, par la dissection, des filets nerveux jusque dans la racine du follicule , que je regarde en conséquence comme

I

3o4 anatomie générale.

formée par des vaisseaux, des nerfs, et du tissu cellu- laire.

Les bulbes des poils semblent donc consister en une petite partie de la peau enfoncée , déprimée ou retour- née sur elle-même, surmontée d’une papille, et munie de vaisseaux et de nerfs volumineux eu égard à la peti- tesse de l’espace ils se distribuent.

On trouve enfin dans l’épaisseur du goulot de ce bulbe pilifère plusieurs petits follicules sébacés dis- posés circulairement.

§ 307. La tige du poil est implantée par une de ses extrémités dans le bulbe pilifère, et libre dans le reste de son étendue. Sa forme est conoïde, l’extrémité libre é:ant un peu plus mince que le reste. Sa longueur est très -variable, son épaisseur varie beaucoup aussi. La base est creuse , logée dans le bulbe elle embrasse la papille; le sommet est souvent fendu ; quelle que soit la couleur du poil , sa racine est toujours blanche et dia- phane; la partie renfermée dans le bulbe est toujours aussi plus molle que le reste, sa portion la plus infé- rieure et qui couvre la papille est tout-à-fait fluide. On a dit que la surface du poil était écailleuse ou garnie d’aspérités microscopiques, libres du côté du sommet, et adhérentes du côté de la racine; je n’ai jamais pu les voir-

§ 338. La connexion du poil avec la peau a lieu comme il suit : il tient par sa base, qui est creuse, à la surface de la papille; de plus, l’épiderme, après s être introduit de la surface de la peau à l’entrée du bulbe, se réfléchit sur la base du poil, s’unit et se confond avec sa surface; aussi le poil tient-il fortement a la

DES POILS.

3o5

peau , et ne peut-on le tirer un peu fort sans la tirailler douloureusement; la séparation des poils s’effectue sur le cadavre par les mêmes causes qui détachent de la peau l’épiderme et les ongles.

§ 339. La tige du poil consiste en une gaîne cornée, diaphane, à peu près incolore, et en une substance intérieure colorée, que l’on a le plus généralement décrite comme étant formée d’un certain nombre de filamens, on a dit de cinq à une dixaine, humectés d’une substance colorante; d’autres ont dit d’une substance spongieuse semblable à celle qui remplit la tige des plumes; d’autres ont prétendu que les filamens inté- rieurs étaient vasculaires; on a prétendu aussi que les poils consistaient en un filament corné homogène, ce qui n’est pas probable; Mascagni les dit entièrement formés de vaisseaux absorbans. Il paraît au contraire que, comme l’épiderme et la corne, les poils sont tout-à-fait dépourvus de vaisseaux et de nerfs , qu’ils consistent simplement en un prolongement de deux couches du corps muqueux, la couche colorée et la çouclie cornée, auxquelles se joint même l’épiderme.

§ 34o. La couleur des poils est en général relative à celle de la peau et des yeux. Dans les individus qui ont des taches colorées ou des taches albiniques, les poils sont colorés sur les premières, et blancs ou in- colores sur les secondes. Ils sont très-résistans et sup- portent sans se rompre des poids assez considérables. Ils se fendent ou se déchirent aisément en long. Ils sont très-hygroscopiques , l’humidité les gonfle et les allon- ge, la sécheresse les raccourcit : Saussure a tiré parti de ce phénomène dans l’hygromètre qui porte son nom.

20

1.

3o 6 ANATOMIE GÉNÉRALE.

Ils sont idio-électriques. Ils dépolarisent la lumière, et suivant le docteur Brewster, ils possèdent des axes parfaitement neutres : ceux-ci étant parallèles et per- pendiculaires à l’axe du poil.

Suivant M. Hatchett, l’ébullition prolongée des poils leur enlève un peu de gélatine, et la substance restante, qui a perdu une partie de l’élasticité et de la ténacité du poil , a toutes les propriétés de l’albumine coagulée. Ils résistent beaucoup à la putréfaction. Leur couleur s’altère d’abord, mais la matière cornée résiste très-long-temps. M. Yauquelin a trouvé qu’ils se fon- dent par la décoction dans le digesteur de Papin ; qu’ils se fondent aussi dans l’eau contenant quatre centièmes de potasse caustique; que tous les acides ont de l’ac- tion sur eux. Suivant ce célèbre chimiste, ils sont composés d’une matière animale qui en fait la base, d’un peu d’huile blanche concrète, d’une huile noirâtre, de fer, d’oxyde de manganèse, de phosphate de chaux, de carbonate de chaux, de silice et de soufre.

§34i . Ils ne sont point irritables, point sensibles; leur force de formation ou de végétation est très-active.

Les mouvemens que les poils peuvent éprouver leur sont communiqués par les muscles peauciers, et par la contraction de peau elle-même. Les très-gros poils ou les piquans de certains animaux sonten outre pourvus chacun à leur racine d’un petit muscle destiné à les redresser. Quoique la tige du poil soit, rigoureusement parlant, insensible, cependant comme leur racine est appliquée sur une papille pourvue d’un nerf, ils lui transmettent avec une grande exactitude les effets du contact des corps extérieurs qui agissent mécanique-

DES POILS.

nient sur eux. Leur végétation ou production est con- tinuelle, elle est analogue à celle de l’épiderme et des ongles , et constitue comme elle une véritable excré- tion. Quelques faits semblent indiquer qu’il se passe dans leur intérieur, .non une circulation véritable , mais une imbibition , et qu’un liquide coloré les parcourt lentement de la racine vers l’extrémité libre. On les a dit, sans preuve, être des organes d’absorption. Leur usage est de protéger la peau et de servir, dans quel- ques endroits surtout, à la sensation. Ils ont d’ailleurs <les usages locaux.

. § 342. Relativement aux régions qu’ils occupent, les poils présentent des différences assez grandes, et ont reçu divers noms.

a

Au crâne, on les nomme cheveux, capilli, coma , cæsaries : ce sont les poils les plus nombreux, les plus longs , les plus rapprochés et les plus forts.

Les sourcils et les cils appartiennent aux yeux; les orifices du nez et de l’oreille sont aussi garnis de poils.

Les joues, les environs de la bouche et le menton sont occupés par la barbe, barba , julus , mystax , pappus.

Les aisselles sont aussi garnies de poils, glandebalœ , ainsi que le pubis, pubes , le scrotum ou les lèvres de la vulve, et le pourtour de l’anus.

Le reste du corps , soit le tronc , soit les membres , en est aussi plus ou moins garni. Au tronc, il y en a plus àja face antérieure qu’à la face dorsale, ce qui est le contraire de ce qu’on voit en général dans les animaux ; aux membres , il y en a moins au côté interne qu’au côté opposé. En général les poils de la plus

3û8 ANATOMIE GENERALE.

grande partie du tronc et des membres sont rares, très-fins, courts et à peine visibles; ils n’ont point reçu de noms particuliers, on ne les trouve abondans et très-développe's que dans certains individus velus, ho- mmes pilosi.

§ 343. C’est vers le milieu de la grossesse que l’on commence à apercevoir les rudimens des poils. Ils ap- paraissent dans le corps muqueux sous forme de glo- bules semblables à ceux du pigment. Sur ces globules s’élèvent de petits cônes creux, ce sont les gaînes des poils. Ils restent pendant quelque temps sous l’épi- derme et finissent par le traverser obliquement; on a dit par des pores, mais on n’en voit pas.

On trouve bientôt sur la peau du fœtus un duvet fin, lanugo, d’abord incolore qui couvre presque tout le corps, et qui affecte, dans les diverses régions, des direc- tions déterminées. Ces poils soyeux se détachent pour la plupart vers le huitième mois de la gestation, et se retrouvent dans l’eau de lamnios et dans le méconium. C’est dans la dernière moitié de la durée de la grossesse que commencent à paraître les cils, les sourcils, les che- veux. Après la naissance le reste du duvet tombe. Vers la puberté commencent à paraître la barbe, les poils du nez et de l’oreille , ceux de l’aisselle, du pubis , des organes de la copulation, de l’anus, et ceux du reste du corps. Après l’âge adulte et dans la vieillesse, les poils blanchissent et tombent ordinairement.

Dans le sexe féminin , les cheveux sont plus nom- breux et surtout plus longs. Il n’y a point de barbe ordinairement ni de poils autour de l’anus, et ceux du reste du corps sont plirs rares et plus fins. Après l’âge

des l'oirs. * 309

de la fécondité, la. barbe se développe quelquefois en assez grande quantité. En général les femmes devien- nent moins souvent chauves que les hommes.

Les races humaines présentent, relativement aux poils, des différences qui ont été déjà indiqués (§§ 112-117).

Les individus en présentent aussi de nombreuses : les unes sont relatives à la couleur, dont les nuances varien t beaucoup; d’autres sont relatives à la grosseur, à l’a- bondance et à la longueur. Withoff a trouvé que sur une portion de peau de l’étendue d’un quart de pouce carré il y avait 147 cheveux noirs, 162 châtains et 182 blancs.

Des parties très - analogues aux poils se trouvent dans quelques mamnifères, elles constituent des piquans; ce sont des étuis cornés, colorés, durs et poin- tus, renfermant à l’intérieur une substance spongieuse blanche et peu solide : tels sont ceux du porc-épic. Les poils ordinaires semblent consister dans la pre- mière substance principalement.

§ 344 On trouve des poils accidentels sur diverses parties de la peau et de la membrane muqueuse, ainsi que dans des kystes. Il existait même une erreur popu- laire chez les anciens , accréditée par Plutarque et par Pline , c’est que le cœur aurait été vu couvert de poils. > Homère, suivant quelques-uns, aurait même parlé du cœur velu d’Achille, mais il paraît que c’est de la poitrine velue de son héros qu’il a réellement parlé. Quant aux autres faits, il paraît, suivant la remarque de Sénac, qu’il s’agit tout simplement de cœurs hérissés de tissu cellulaire accidentel. Les poils accidentels de la peau sont ceux qu’on trouve sur des taches colorées ,

3lO ANATOMIE GÉNÉRALE.

ou sur des parties de la peau plus épaisses que le reste de cette membrane ; on en a vu aussi acquérir beaucoup de développement sur des parties de la peau précé- demment enflammées. On a vu des poils implantés sur diverses parties de la membrane muqueuse ; le plus souvent on les a trouvés libres dans les cavités tapissées par cette membrane ou rejetés au -dehors, soit seuls, soit faisant partie de concrétions. Quoique plusieurs de ces faits soient très-authentiques, il ne faut pas oublier que des poils peuvent être avalés ou introduits par d’autres voies. Les poils des kystes, soit cutanés, soit muqueux, sont tantôt implantés et tantôt libres, et dans les deux cas ordinairement mêlés avec de la graisse ou avec de la matière sébacée. Ceux qui sont implantés dans des kystes de l’ovaire le sont ordinairement sitr des parties évidemment cutanées de ces kystes. Quant à ceux des loupes du sourcil et du crâne, etc., ces kystes ne me paraissent être que des follicules sébacés, et les poils qu’ils contiennent que des poils de la peau, qui au lieu de se diriger à la surface de cette membrane par l’orifice du follicule, ont été déviés par l’agrandissement accidentel de cette cavité.

§ 345. Les altérations des poils 1 , comme celles des ongles, ont toutes leur origine et leur cause dans la partie productrice; la partie produite, cornée, en éprouve les effets. Quand un poil est arraché par vio- lence ou quand il est tombé par l’effet d une aflection de la peau , et que celle-ci vient à cesser , il repousse

1 Plenck , de Morbis capillorum , in op. cit. G. Wede- itvcyer, Hisloria. pat ho L pilorurn. Gotting. 1812. 4°*

DES POILS.

3 l I

et s’accroît par le même procédé organique que les ongles. Cette régénération s’effectue de la même ma- nière que la production première 343). Quand les poils blanchissent par les effets de l’âge ou par d’autres causes , c’est par l’extrémité libre que l’albinisme com- mence , c’est de la même manière que s’opère le blan- chiment automnal de beaucoup d’animaux, ce qui semble assez positivement indiquer que l’intérieur du poil est le siège d’une sorte d’iinbibition dont la ma- tière serait fournie parla papille du bulbe ou follicule. Ce qui semblerait l’indiquer encore, c’est que, après les fièvres graves et dans beaucoup de maladies chro- niques, lçs cheveux, quand ils ne tombent pas, éprou- vent une sorte d’amoindrissement, d’atrophie; ils deviennent transparens , secs', cassans; et, quand la santé se rétablit , ils reprennent leurs qualités pre- mières. On a vu aussi les cheveux, après ou sans avoir éprouvé l’albinisme, changer de couleur et repousser noirs. Le phénomène morbide de la plique, dans lequel on dit que les cheveux ramollis, carnifiés, laissent couler du sang quand on les coupe au niveau de la peau, ne fait point exception à cette proposition gé- nérale, que la tige du poil ne fait que participer à l’état sain ou morbide de la peau : on conçoit en effet que la papille du poil peut, si elle est enflammée, s’élever, renfermée dans la racine du poil, jusqu’au niveau de la peau, et que son tissu vasculaire peut être entamé en rasant la lige du poil ; mais n’y a-t-il pas beaucoup d’exagération dans ce qu’on raconte de la plique ?

ANATOMIE GÉNÉRALE.

3l*

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CHAPITRE IV.

DU SYSTÈME VASCULAIRE.

§ 346. Le système vasculaire, syslema vasorum , ré- sulte de l’ensemble d’une multitude de canaux ramifiés, communiquant entre eux, et dans lesquels les humeurs nutritives parcourent sans cesse toute l’étendue du corps; recevant aux surfaces tégumentaires les ma- tières de l’absorption extrinsèque, et y abandonnant celles de la sécrétion excrétoire; déposant et reprenant alternativement des molécules dans les cavités closes des membranes séreuses, et dans les aréoles du tissu cellulaire ; fournissant continuellement dans la subs- tance des organes des matériaux de composition , et y reprenant incessamment ceux de la décomposition.

§347. Dans les animaux les plus simples, la masse du corps tout entière, partout également perméable, s’imbibe directement des matières de l’absorption et rejette aussi simplement celles de l’excrétion ; à un de- gré un peu plus élevé de composition organique, le tégument, siège essentiel de 1 absorption et de la sé- crétion extrinsèque, est prolongé dans la masse du corps pâr des ramifications plus ou moins multipliées , à l’aide desquelles les matières de l’absorption sont distribuées, et celleSde l’excrétion puisées, dans divers points de la masse ; enfin dans un degré plus élevé ét qui comprend une grande partie du règne animal, des

DU SYSTÈME VASCULAIRE. 3l3

vaisseaux parcourent la masse clu corps dans tous les sens, distribuant et reprenant partout la matière de la nutrition.

§ 348. Comme dans l’homme ainsi que dans beaucoup d’animaux, le sang contenu dans les vaisseaux est conti- nuellement porté d’un point central dans toutes les par- ties et rapporté détoutes les parties au centre, de manière à décrire un cercle , on donne aussi à l’ensemble du système vasculaire et de ses dépendances le nom d’ap- pareil circulatoire; le premier nom étant relatif à la conformation et le second à la fonction.

Ce système ou genre d’organes comprend trois es- pèces, dont deux, les artères et les veines, contiennent du sang; les artères le portant à toutes les parties, et les veines le rapportant de toutes les parties, sont unies au centre par un organe creux , musculaire , le cœur. La troisième espèce, les vaisseaux lymphatiques, rap- portent non du sang, mais le chyle et la lymphe, et les versent dans les vein.es; ils doivent être considérés comme un appendice du système veineux.

§ 349. Les artères et les veines sont dans un rapport tel avec le cœur et avec le sang, qu’on peut encore les diviser en deux autres sections.

Le sang est apporté par les veines de toutes les par- ties du corps au cœur , et de conduit; au poumon par 1 artère pulmonaire; il revient du poumon parles veines pulmonaires au cœur pour être emporté par l’artère aorte dans toutes les parties du corps , d’où il est rap- porte par les veines caves. On donne le nom de circu- lation pulmonaire ou petite au trajet du sang du cœuf au poumon et du poumon au cœur, et le nom de vais-

ANATOMIE GÉNÉRALE.

3i4

seaux pulmonaires aux voies de cette circulation. On

#

donne le nom de circulation générale ou grande au trajet du sang du cœur dans tout le corps et de toutes les parties du corps au cœur, et le nom d’artère aorte et de veines caves, ou de vaisseaux généraux à ceux que parcourt le sang dans ce trajet.

§ 35o. Le sang contenu dans les veines générales du corps , dans la moitié antérieure ou droite du cœur et dans l’artère pulmonaire, est d’un rouge brun, on l’ap- pelle veineux; celui que contiennent les veines pulmo- naires , l’autre moitié du cœur et les artères aortiques est d’un rouge vermeil ou artériel. On a divisé aussi la circulation, d’après le sang quelle conduit, en celle du sang noir et en celle du sang rouge. Bichat, auteur de cette division, aperçue par Galien (II sect.), a cru devoir décrire ensemble les voies de la première sous le nom de système vasculaire à sang noir, et réunir celles de la seconde sous le nom de système vasculaire à sang rouge. On voit tout.de suite que cette division, féconde en résultats, repose entièrement sur une base physio- logique et non sur la ressemblance de texture des par- ties.

§ 35 1. Les trois espèces de vaisseaux ayant beaucoup d’analogie entre eux; les deux systèmes vasculaires sanguins ayant surtout beaucoup de rapport 1 un avec l’autre; et les systèmes veineux et lymphatique se res- semblant aussi beaucoup, il faut, avant de décrire chaque espèce, exposer ces généralités, tant ce qui est relatif aux vaisseaux en général, que ce qui appartient à leurs terminaisons.

DES VAISSEAUX.

3 I 5

PREMIÈRE SECTION.

ARTICLE PREMIER.

DES VAISSEAUX EN GÉNÉRAL.

§ 352. La situation des vaisseaux est intérieure ou profonde. Les plus gros sont placés en général vers le centre du corps , et l’on ne trouve aux surfaces que des divisions d une ténuité extrême, et encore sont- elles séparées des corps extérieurs par une couche de substance non vasculaire.

Les vaisseaux principaux , soit au tronc , soit aux membres, sont en générai placés dans le sens de la flexion des parties.

En général, on trouve ensemble, une artère, une ou deux veines, et plusieurs vaisseaux lymphatiques ; en outre on trouve sous la peau beaucoup de vaisseaux lymphatiques et de veines et peu d’artères.

§ 353. Le volume respectif des vaisseaux des trois espèces est tel qu’en général les vaisseaux qui rappor- tent;, savoir les veines et les lymphatiques sont en- semble beaucoup plus volumineux que les artères qui portent le sang. Les veines mêmes à elles seules ont en général beaucoup plus de capacité que les artères auxquelles elles correspondent^ cela est surtout vrai des vaisseaux généraux du corps. Quant au rapport de volume et de nombre, ou de capacité totale, entre les vaisseaux veineux et lymphatiques il est moins connu j on sait bien cependant que sous la peau, sous les membranes muqueuses , et autour des membranes

3l6 ANATOMIE GÉNÉRALE.

séreuses, il y a tout à la fois beaucoup de veines et de vaisseaux lymphatiques; que dans les interstices mus- culaires des membres et des parois du tronc, il y a encore beaucoup de vaisseaux lymphatiques avec les veines , tandis que dans le canal rachidien et dans le crâne , il y a beaucoup de veines volumineuses , et peu ou peut-être point de vaisseaux lymphatiques. Ces derniers rapports dépendraient-ils de la différence de la matière dont les muscles et la substance nerveuse se nourrissent, et par conséquent de la matière diffé- rente qui reste dans la circulation.^

§ 354= La forme extérieure du système vasculaire est celle d’un arbre, dont le tronc tient au cœur, et qui se divise successivement en branches , en rameaux et en ramuscules de plus en plus fins.

Chaque partie depuis son origine d’une brancheplus grosse jusqu’à sa division en rameaux plus petits qu elle, conserve en général une forme cylindrique.

Chaque rameau étant plus petit que la branche dont il procède , et plus gros que chacun des ramuscules qui naissent de lui, il en résulte une diminution suc- cessive depuis le tronc jusqu’à la fin de chacune des dernières ramifications.

Comme en général la somme des branches qui ré- sultent de la division d’un tronc 1 emporte sur le vo- lume du tronc lui-même, il s ensuit aussi que le sys- tème vasculaire a la forme dun cône dont le sommet est au cœur et dont la base est formée par 1 ensemble de tous les ramuscules répandus dans le corps.

§ 355. Le nombre des divisions du système vascu- laire, depuis son centre d’origine jusqu à ses dernières

DES VAISSEAUX.

ramifications, n’est pas le même clans toutes ses parties. On l’a beaucoup exagéré , ep le portant à quarante ; Haller s’est beaucoup plus approché de la vérité, en portant à une vingtaine le maximum des di- visions successives d’un vaisseau depuis son tronc jusqu’à ses dernières divisions.

Dans certains endroits, les vaisseaux se divisent en se bifurquant, de manière que le tronc cesse par sa division en deux branches , la branche par la sépara- tion en deux rameaux. Ainsi l’aorte se bifurque en iliaques communes, celles-ci se bifurquent à leur tour; les carotides primitives se divisent également en deux.

Les vaisseaux intestinaux présentent cette division

»

dichotomique d’une manière remarquable.

Les angles que les vaisseaux forment en se divisant, et sous lesquels les branches se séparent des troncs , varient, mais sont pour la plupart aigus du côté des rameaux. 11 est bon d’observer avec Haller que ces an- gles auxquels on a attaché beaucoup d’importance , sont en grande partie détruits ou changés par la dissec- tion, en enlevant le tissu cellulaire qui entoure les vais- seaux. H y a quelques angles qui sont à peu près droits, ce sont en général les premières et les plus grosses di- visions des troncs : ainsi les branches de la crosse de l’aorte, l’artère cœliaque, les rénales, etc. ; les veines rénales et hépatiques, les veines sous-clavières, les ju- gulaires, etc.; le canal thoracique, à son embouchure dans la veine sous-clavière, et quelques autres, comme les vaisseaux sacrés antérieurs, tarsiens , etc. Quelques vaisseaux même forment des angles obtus : tels sont les premiers vaisseaux intercostaux , les vaisseaux in-

3 1 8

ANATOMIE GÉNÉRALE.

férieurs du cervelet , ceux du cœur, et quelques vais- seaux des membres , etc. La plupart enfin forment des angles aigus, et souvent très -aigus, tels sont par exemple les vaisseaux spermatiques.

Il faut observer relativement aux angles , que l’on regarde comme droits et même comme obtus , que la plupart sont réellement aigus; mais à une petite dis- tance de leur origine, les branches après un court tra- jet, changent de direction , se réfléchissent et suivent un trajet rétrograde ou contraire à celui du tronc, à peu près comme on le voit dans les branches des saules pleureurs.

Il n’y a aucune loi ou règle générale à déduire de l’observation sur les angles que' forment les divisions des vaisseaux. Ainsi l’on voit des grosses branches aussi bien que des petites , et des branches voisines du tronc et de son origine , aussi bien que des rameaux très - éloignés naître sous des angles plus ou moins aigus.

Ce qui est vrai des gros vaisseaux l’est également des plus petits dans les divisions desquels on trouve éga- lement des angles aigus pour la plupart, quelques-uns droits et même quelques-uns obtus.

§ 356. Les branches des diverses parties du système vasculaire , tout en se divisant ou se ramifiant à me- sure qu elles s’éloignent de l’origine ou du centre du système , ont cependant entre elles des communica- tions ou anastomoses. Les vaisseaux lymphatiques sont ceux qui en ont le plus , les veines en ont beaucoup , les artères en ont moins , et cependant en ont encore un très-grand nombre. Ces communications ont lieu

DES VAISSEAUX. 3 Ip

par la rencontre et la réunion de deux vaisseaux d’une même espèce et d’un volume égal.

Dans quelques endroits deux vaisseaux marchant obliquement l’un vers l’autre, se réunissent en un seul tronc qui suit la direction moyenne ou diagonale des deux; telle est la réunion des deux artères verté- brales pour former la basilaire , celle des artères spi- nales antérieures, celle de l’aorte et de l’artère pulmo- naire dans le fœtus, celle de beaucoup de veines, etc.

Les vaisseaux s’anastomosent le plus souvent en for- mant par leur rencontre une arcade, de la convexité de laquelle partent des rameaux. G est ce que l’on voit dans les vaisseaux mésentériques ou intestinaux , au- tour des articulations , à la main, au pied, etc.

Dans d’autres endroits, deux vaisseaux suivant cha- cun leur direction communiquent par une branche transversale; telle est la communication des artères ombilicales entre elles dans le placenta , telles sont celles des artères du cerveau , du côté droit avec le côté gauche, et de la partie antérieure avec la pos- térieure , telles sont aussi celles de beaucoup de veines et d’artères des membres.

Dans plusieurs parties, ces communications diverses et plus ou moins nombreuses, forment des cercles ou des polygones , comme celui de Ridley ou de Willis, sous le cerveau ; ceux de l’iris, de la bouche , celui qui entoure l’estomac, etc.

Dans un grand nombre de parties, ou presque par- tout, les vaisseaux qui s’anastomosent en arcades, se réunissant également avec d’autres provenant de bran- ches, les unes plus rapprochées, les autres plus éloi-

320 ANATOMIE GENERALE.

gnées du centre du système vasculaire , établissent des voies collatérales à la circulation : ainsi, par^ exemple, les vaisseaux circonflexes de la hanche communiquent tout à la lois par en haut avec des vaisseaux du tronc, et par en has avec des vaisseaux du genou , et ceux-ci, en m.ême temps, communiquent aussi avec des rameaux nés des vaisseaux de la jambe.

En général, le vaisseau ou les vaisseaux qui résul- tent d’une anastomose, sont plus volumineux que cha- cun des vaisseaux abouchés , et moindres que la somme de ces vaisseaux.

Les anastomoses sont d’autant plus multipliées

«

..quelles ont lieu entre des vaisseaux plus petits et dans des parties plus éloignées du centre ; elles ont lieu aussi entre de grosses branches aux extrémités du corps , par exemple, dans la cavité du crâne, à la main et au pied. Dans la plupart des endroits, elles font com- muniquer des vaisseaux dont l’origine est assez rappro- chée; dans quelques-uns elles en font communiquer dont l’origine est assez distante , ou même très-éloi- gnée, comme de la région sous-clavière à la région inguinale par exemple. Les anastomoses des vaisseaux sanguins sont plus nombreuses et plus grandes au- tour des articulations que dans les intervalles; celles des veines et des . vaisseaux lymphatiques sont en- core très-fréquentes entre les troncs principaux; celles des veines en particulier sont très-multipliées sous la peau. n <

On se fera une idée du nombre et de l’importance des anastomoses quand on saura que l’aorte 1 peut

1 Scarpa , sur l’Anévrysme, traduit par Delpech, Paris,

DES VAISSEAUX.

321

être rétrécie , oblitérée , liée même , sans que la cir- culation ou l’injection cesse de faire parvenir des liquides dans toutes les parties du corps ; que les plus "rosses veines 1 , les veines caves elles-mêmes , étant oblitérées , le sang circule néanmoins ; et que le canal thoracique 9 a pu être impunément obli- téré ou lié.

Les anastomoses ont pour but de favoriser et de régulariser la circulation des humeurs.

§ 357. Les gros vaisseaux suivent une direction pas- sablement droite j en général parallèle à l’axe du corps-; c’est pour cela qu’on pratique de préférence les inci- sions en long pour éviter de les léser.

Cependant, en beaucoup d’endroits, les vaisseaux ont une direction flexueuse. La flexuosité consiste en un trajet alternativement ondulé au-dessus et au-des- sous d’une ligne droite; elle augmente par l’état de réplétion ou d’injection des vaisseaux du cadavre, et, dans les artères, pendant la systole du cœur; elle diminue dans les circonstances opposées; elle diminue surtout beaucoup par la dissection exacte des vais- seaux. Les flexuosités sont très-marquées dans les vais- seaux des parties sujettes à de grands changemens de volume, de figure, de situation; comme la bouche,

« »

1809. A. Cooper et B. Travers, Surgical essays , part. 1, Lond. 1818.

J. Hodgson, Maladies des artères et des veines, traduit par M. iireschet, Paris, 1809.

3 Flandrin, Journal de médecine, tom. LXXXVII, Paris , 1791. A. Cooper, in Medical records an researchcs3 etc. Lond. i8i3.

1.

21

3^2 ANATOMIE GENERALE.

1 estomac, 1 intestin, la vessie, luterus, la langue et le testicule avant sa sortie, etc., et de celles qui sont sujettes à de grands mouvemens, comme les environs des articulations : ici cependant il y a moins de flexuo- sités, mais les vaisseaux sont très-élastiques.

Les vaisseaux de la rate, ceux du cerveau , les veines spermatiques, sont aussi très-flexueux , sans que cela paraisse destiné au même usage.

Les flexuosités des vaisseaux sanguins sont plus mar- quées que celles des vaisseaux lymphatiques, et celles des artères plus grandes que celles des veines.

§ 358. La disposition symétrique des vaisseaux est très-imparfaite. Elle n’existe point dans leurs parties centrales ; ils sont à peu près symétriques dans leurs di- visions qui appartiennent à des parties symétriques; et asymétriques dans celles qui appartiennent à des parties sans symétrie. Les artères , les veines et les vais- seaux lymphatiques présentent également cette dispo- sition.Dans certains animaux et dans l’embryon, le sys- tème vasculaire et plus symétrique que dans l’homme adulte. Du reste, outre le défaut général de symétrie, le système vasculaire est encore sujet à beaucoup d’ir- régularités dans sa distribution.

§ 359. Les parois des vaisseaux tiennent par la sur- face externe, qui est floculente, à la masse du corps dans laquelle ils sont ramifiés; leur surface interne est lisse, polie, luisante, humide, et en contact avec les humeurs circulatoires; elle présente des éperons sail- lans les branches forment des angles aigus avec les troncs. Les parois ont une épaisseur qui, relativement au volume du vaisseau, va en augmentant des troncs

DES VAISSEAUX.

îai

yers les ramifications. La cavité présente exactement, comme cela vient d’être dit, § 354, des vaisseaux eux- mêmes, la forme cylindrique dans chaque division ; la forme d’un cône décroissant en allant du tronc vers une des dernières divisions; et celle d’un cône crois- sant du tronc vers l’ensemble des rameaux.

§ 36o. La texture des vaisseaux résulte, plus ou moins distinctement, de plusieurs couches superposées.

La membrane intérieure est mince, blanchâtre , plus ou moins diaphane, uniforme, sans fibres apparentes , partout continue, mais différente dans les artères et dans les veines. Elle ressemble beaucoup aux mem- branes séreuses. Elle est humectée d’un liquide dont on ne connaît pas bien la source. Elle forme un plus ou moins grand nombre, suivant les espèces de vais- seaux, de valvules ou replis disposés de manière à per-

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mettre le passage des humeurs dans le sens suivant lequel se fait la circulation, et à l’empêcher dans le sens opposé.

La membrane externe, qu’il ne faut pas confondre avec la gaîne cellulaire qui entoure lâchement les vais- seaux, est plus épaisse que l’interne , fibro-cellulaire et généralement formée de filamens obliques à la direction du vaisseau et entre-croisés entre eux.

Entre ces deux membranes on en trouve une autre fibreuse, distincte dans toutes les artères que l’on peut soumettre à la dissection, ainsi que dans les grosses veines.

S 36 1. La membrane externe du système vasculaire, et surtout la membrane moyenne des vaisseaux qui en sont pourvus, sont formées d’une fibre particulière.

Cette fibre a été nommée fibre élastique, tissu

ANATOMIE GÉNÉRALE.

3 24

fibreux élastique, etc., quoique la plupart <ies organes soient élastiques et fibreux, mais parce qu’elle jouit de l’élasticité au plus haut degré : elle avait déjà été aper- çue par Nicholls, par J. Hunter et par M. Ev. Home 1 ; quelques anatomistes et chimistes modernes s’en sont occupés 2.

Elle forme non-seulementlesparois des vaisseaux, mais celles des canaux aériens; elle double aussi certains con- duits excréteurs ; elle forme l’enveloppe du corps ca- verneux et celle de la rate, les ligamens jaunes des ver- tèbres; elle forme de plus, dans divers animaux, le ligament cervical postérieur, une tunique abdominale aux grands mammifères, un ligament qui relève les on- gles des chats, celui qui ouvre les coquilles bivalves; et, dans la plupart des animaux mammifères, elle remplace, les muscles des osselets du tympan. Mais c’est surtout dans la membrane moyenne des artères, dans les liga- mens jaunes, et dans celui de la nuque, que ses carac- tères sont le plus tranchés. Elle existe sous deux formes principales : celle de canal , comme dans les parois des artères; et celle de faisceau, comme dans les ligamens jaunes.

Cette fibre est opaque, d’un blanc jaunâtre et mat, sèche, ferme, disposée en faisceaux toujours parallèles ou très-peu obliques, jamais entrecroisés, ni réunis pai\ du tissu cellulaire, et très-faciles à séparer. Elle est émi- nemment élastique : distendue elle s’allonge sensible- ment, et, dans quelques parties, elle acquiert le double

1 Croonian Lecture on musculdr motion , in philos, trans. ann. 179$.

2 H. Hauff, do Systemate telœ elasticœ , etc. Tubingæ, 1822. Çhevreul , note inédite.

DBS VAISSEAUX.

3a5

de sa longueur; abandonnée ensuite elle revient suin- tement et avec force sur elle-même. Sa ténacité dans le corps vivant est moindre que celle du tissu musculaire, et lui est de beaucoup supérieure dans le cadavre. Dans les deux états, elle est beaucoup moindre que celle du tissu ligamentaire, qui, de son côté, est presque inex- tensible. Elle est plus tenace dans les faisceaux, et plus fragile, au contraire, dans les vaisseaux.

Le tissu élastique contient à peu près la moitié de son poids d’eau; quand il l’a perdue par la dessicca- tion, il acquiert une apparence cornée, une couleur jaune foncée, et devient cassant et diaphane, comme de la corne. Plongé en cet état dans l’eau, il l’absorbe avi- dement et reprend son poids, son aspect et son élasti- cité première. Il résiste beaucoup à la macération, et le tissu cellulaire ne devient point alors apparent dans son intérieur. L’action du feu le crispe peu, et il laisse peu de charbon. La décoction le crispe à peine, et lui enlève un peu de gélatine, mais ne le fond jamais, et ne détruit pas son élasticité. Les acides le racornissent peu, et ne le rendent point transparent; il résiste long- temps à leur action, ou n’en éprouve aucun effet. Les solutions alcalines étendues n’altèrent point sa forme et le dissolvent peu.

La plupart de ces caractères anatomiques, physiques ou chimiques sont tout-à-fait opposés à ceux du tissu ligamentaire, et différens de ceux de la fibre museu^ laire, avec lesquels on a mal à propos confondu le tissu élastique. Il ressemble cependant, à quelques égards, à la fibre musculaire, et paraît intermédiaire à cette fibre et aux tissus cellulaires et fibreux.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

3 2 6

Ses propriété s vitales sont très-obscures, surtout dans les ligamens, et même dans les gros vaisseaux.

Ses fonctions dépendent de son élasticité, qui par- tout est en antagonisme avec l’action de la pesanteur ou avec l’action musculaire.

§ 362. Les parois des vaisseaux sont elles-mêmes pourvues de vaisseaux sanguins et lymphatiques, vcna ' vasorum . Les premiers, très-apparens , peuvent être aperçus sur tous les vaisseaux qui n’ont pas moins d’une demi-ligne de diamètre ; mais ils ne peuvent être suivis jusque dans l’épaisseur de la membrane interne. Les vaisseaux lymphatiques ne peuvent être aperçus que sur les gros vaisseaux. Le système vasculaire est aussi pourvu de nerfs 1 fournis par la moelle et par le grand sympathique, et qui se distribuent dans la partie externe de l’épaisseur de leurs parois.

§ 363. Les vaisseaux dont les troncs, les branches et*les rameaux principaux sont logés dans le tissu cel- lulaire commun, après s’être divisés, pénètrent dans l’épaisseur des organes, s’y ramifient encore jusqu’au point d’acquérir un degré de ténuité qui les dérobe à la vue, et s’y terminent comme cela sera examiné tout à l’heure ; mais la distribution des vaisseaux dans les organes varie sous plusieurs rapports qu’il faut succes- sivement exposer.

§ 364- Leur origine est plus ou moins éloignée de leur terminaison , le trajet qu’ils parcourent est plus ou moins long, par conséquent. En général, les vaisseaux se

* Wrisberg, de Nervis arlerias venus que comitantibus} in sjlloge comrn. Golting. ï8oo.

DES T AISSEAUX. 3^^

séparent de- leurs troncs à peu de distance des organes auxquels ils sont destinés. Lorsque le contraire a lieu, cela tient à quelque disposition locale : c’est ainsi que les vaisseaux spermatiques ont leur origine très-éloi- gnéedes organes ils se terminent, parce que primi- tivement les testicules et les ovaires étaient situés près des reins.

§ 365. Le nombre, le volume, et par conséquent la somme des vaisseaux, ainsi que la quantité de liquide qu’ils charrient, varient également dans les divers or- ganes. La plupart des organes reçoivent plusieurs vais- seaux de chaque espèce : tels sont les muscles , les os, l’encéphale, l’estomac, l’intestin, l’utérus, etc.; quel- ques-uns ne reçoivent qu’un seul tronc artériel et un seul veineux: tels sont la rate, les reins, etc. Presque toujours les vaisseaux se divisent beaucoup à la surface des organes avantde pénétrer dans leur intérieur, comme on le voit pour le cerveau, les os, les muscles, etc.; quelquefois ils pénètrent par un seul point dans l’or- gane, et se divisent dans son épaisseur, comme dans la rate, le testicule, etc.

La somme des vaisseaux, résultant de leur nombre et de leur volume, ainsi que la quantité de liquide qu’ils charrient, varient beaucoup. Les parties les plus vascu- laires sont les poumons, ensuite les membranes tégu- mentaires, ainsi que la pie-mère et la choroïde; puis les glandes, les follicules, les ganglions vasculaires, la substance corticale du cerveau, les glanglions nerveux; puis les muscles, le périoste, le tissu adipeux, la subs- tance nerveuse médullaire, les os et les membranes séreuses; puis les tendons , les ligamens; enfin les cartU

3a8

ANATOMIE GÉNÉRALE.

lages et l'arachnoïde le sont extrêmement peu ou point; et l’épiderme, les ongles, les poils, l’ivoire et l’émail des dents paraissent être tout- à- fait dépourvus de vais- seaux x.

i

§ 366‘. Parvenus dans le tissu même des organes , et arrivés à un degré de ténuité plus ou moins grand, les vaisseaux forment, par leurs divisions et subdivisions, par leur direction et par leurs réunions anastomotiques, des réseaux très-déliés, et dont la forme très-variée est toujours la même dans les mêmes parties. Ce sont des arborisations dans l’intestin et dans l’épididyme, des étoiles sur le foie, des houppes à la langue, des vrilles ou boucles dans le placenta : c’est la forme de goupillon dans la rate, celle d’un faisceau de sarment dans les muscles , celle de cheveux bouclés dans le testicule et dans le plexus choroïde, celle d’anses dans l’iris , de franges dans la pie-mère, de treillages dans la pitui- taire , d’aigrette ou de panache dans la capsule du cristallin , etc. Ces dispositions sont si constantes et si régulières, qu’en examinant au microscope une parcelle d’un organe bien injecté, on reconnaît aisément à quelle partie elle appartient 1 2.

§ 3 Gy. Les vaisseaux sont plus ou moins diaphanes , suivant leur ténuité ou leur épaisseur; ils sont blan- châtres. Quelle que soit la densité de leurs parois, sur- tout à la surface interne, elles sont perméables dans le ea-

1 V oyez Sœmmerring, de Corp. human. fabricâ , t. IV, An- giologia. 1800. G. Procliaska, Disquisilio anat.-physiol. organisent corp. hum. etc. Viennœ , 1812. cap. ix. De vases sanguincis capiüaribus , etc.

x Voyez Sœmmerring, Loc. çit. Procbaska , Loc. cit.

DES VAISSEAUX.

3ap

davre et même dans le vivant, soit du dehors au dedans,

.

soit du dedans au dehors. Ils ont une force de ténacité ou de cohésion1 assez grande, mais qui n’est point la # même dans les trois espèces, dans toutes leurs parties, ni dans les diverses couches dont ils sont composés. Il en est de même de leur élasticité 2, qui est en général assez grande, et qui existe, soit dans le sens de lalon- gueur, soit dans le sens de la circonférence des vais- seaux. Ils sont manifestement irritables, et leur contrac- tilité vitale 3 est en général en raison inverse de leur

O . '

élasticité. Ils ne sont point distinctement sensibles. Leur force de formation est très-active.

§ 368. Les vaisseaux sont les canaux par lesquels les humeurs circulatoires parcourent et arrosent sans cesse toute la masse du corps ; ils sont, avec le cœur, les organes ou agens de ce mouvement , tant par leur élas- ticité que par leur contractilité organique ou vitale.

§ 3 6g. La formation et le développement du sys- tème vasculaire ont été surtout observés dans le poulet renfermé dans l’œuf, moins dans le fœtus des mammi- fères, et peu dans l’espèce humaine.

Les veines, celles de la vésicule ombilicale en par- ticulier, se forment avant le cœur et les artères. Il est incertain si, dans les vaisseaux allantoïdiens ou oinbi-

1 Cl. Wintringham , Experimentàl inquiry on some parts of lhe animal structure London, 1740.

2 D. Lïoffman, Dis s. inaug.med. de elasticitatis effectibus in machina humanâ; 1734

3 G. Werschuir, Diss. med. inaug. de arler. et venar. vi irritabih; Groning. 1766. C. Hastings, Disp, physiol. inaug.. de vi contractili vasorum , etc. Edinb. 1820.

33o ANATOMIE GÉNÉRALE.

licaux , les veines se forment aussi avant les artères. Il est très-probable que dans le corps même du foetus les artères se forment avant les veines.

Les vaisseaux se montrent dans l’épaisseur de la* membrane ombilicale, sous la forme de petites vésicules arrondies et séparées les unes des autres ; ces vé- sicules augmentent en nombre, se réunissent entre elles, ce qui donne naissance à un réseau vasculaire très-délié. Ces premiers linéamens sont d’abord dé- pourvus de parois propres, et consistent en de simples trajets creusés dans la substance de la membrane. Cette substance s’amasse ensuite de plus en plus vers leur circonférence, ce qui leur forme des parois. La texture et la composition de ces parois ne se développent qu’à la longue.

Quant à la simplicité primitive du cercle circula- toire dans le fœtus , à sa complication successive , à la formation du cœur, à celle des vaisseaux pulmo- naires, etc., cela appartient beaucoup plus à 1 anatomie spéciale , et particulièrement à l’embryologie r, qua l’anatomie générale.

Le nombre des vaisseaux en général et leur dia- mètre, et par conséquent leur somme totale, sont, re- lativement à la masse du corps, d autant plus considé- rables que le sujet est plus rapproché du moment de la formation. Les vaisseaux en général, les vaisseaux san- guins surtout, et particulièrement les artères , augmen- tent beaucoup de densité dans la vieillesse.

S 3jo. Le système circulatoire présente peu de dif-

1 Ph. Béelard , Embryologie ou Essai annt. sur le leelus humain, in-4°; Paris, 1821.

DES VAISSEAUX.

33i

férences relatives aux sexes ; cependant les vaisseaux sont un peu plus épais et plus forts dans le sexe mas- culin. Il n’y a point de différences appréciables dans les races.

Les variétés individuelles, au contraire, sont très- fréquentes et très-nombreuses dans ce système ; elles consistent surtout en des différences d’origine, de volume, de nombre et de situation précise ; elles exis- tent à peu près également dans les trois espèces de vaisseaux.

§371. 11 se forme accidentellement des vaisseaux , ordinairement très-fins, dans plusieurs circonslances.

Les adhérences , d’abord simplement glutineuses , deviennent ensuite vasculaires. Il en est de même des tégumens accidentels ou des cicatrices. Toutes les pro- ductions accidentelles analogues aux tissus organiques sont dans le même cas. Les productions morbides, ou sans analogues dans l’organisme, sont, au contraire, la plupart dépourvues de vaisseaux. Ceux-ci se for- ment, dans les cas dont il s’agit, comme dans l’em- bryon. La masse dans laquelle ils se forment, d’abord sans vaisseaux , consistant le plus souvent en un liquide coagulé, présente primitivement des vésicules isolées, qui , par leur réunion , forment des trajets ou des ca- naux creusés dans la substance, ou sans parois distinctes et propres; ces vaisseaux communiquent ensuite avec ceux des organes environnans ; ils restent quelquefois plus ou moins long-temps, ou même toujours différens des vaisseaux naturels ou primitifs , soit parleur mode de division, soit surtout par l’absence ou la ténuité et la mollesse de leurs parois; dans beaucoup de cas,

332 ANATOMIE GÉNÉRALE.

au contraire, les vaisseaux nouveaux acquièrent avec le temps une texture tout-à-fait semblable à celle des autres vaisseaux.

§3^2. Parmi les altérations auxquelles les vaisseaux sont sujets, les unes sont communes aux trois espèces : telles sont la dilatation ou l’angiectatie et les blessures; les autres sont particulières à chacune d’elles. Les pre- mières présentent même des différences assez grandes dans chaque espèce , pour qu’il soit préférable de les indiquer à part.

ARTICLE II,

DES TERMINAISONS DES VAISSEAUX.

§373. Les terminaisons des vaisseaux, fines v aso rum , sont les derniers ramuscules des artères et les premières radicules des veines et des vaisseaux lympha- tiques. Leur connaissance est un des points de fine anatomie qui ont le plus exercé la patience des obser- vateurs et l’imagination des éthiologistes , lesquels ont cru, avec quelque apparence de raison, y trouver le secret de la plupart des fonctions et des maladies.

§ 374. Dans presque toutes les parties du corps , les terminaisons vasculaires sont des ramuscules et des ra- dicules d’une ténuité plus que capillaire , et qu’on ne peut apercevoir qu’avec le secours du microscope. Dans quelques parties ces terminaisons, mais surtout les radicules- des veines, présentent plus d’ampleur et une disposition érectile qui les rend susceptibles dé- prouver une expansion plus ou moins considérable.

Dans quelques-unes enfin, les terminaisons- des vais-

seaux constituent , par leur mélange et leur coin muni-»

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES.

333

cation, des ganglions on renflemens vasculaires parti- culiers.

I. Des vaisseaux capillaires.

§ 375. Les vaisseaux capillaires 1 ou microscopiques, vasa capillaria , ainsi nommés à cause de leur ténuité, sont bien plus fins encore que des cheveux , et ne peuvent être aperçus à l’œil nu ; quoique les radicules des vaisseaux lymphatiques participent à cette ténuité, cependant c’est surtout des vaisseaux capillaires san- guins qu’il sera question ici.

§ 3y6. Les anciens, qui ignoraient l’art d’injecter les vaisseaux , et celui de grossir les objets avec des ins- trumens d’optique, ne connaissaient point les vaisseaux fins. Ils croyaient qu’il y avait entre les dernières divisions des artères et les premières des veines une substance sanguine épanchée, spongieuse, appelée pa -

r

renchyme par Erasistrate , haimalope par Arétée , et dont ils croyaient surtout que les viscères étaient for- més. Cette opinion sur les terminaisons des vaisseaux fut adoptée presque sans division par tous les anato- mistes jusqu’à l’époque de la découverte de la circula- tion du sang, et depuis lors par un assez grand nombre d’anatomistes encore, même jusqu’à nos jours.

Cependant les injections de Ent2, en montrant le passage direct et sans épanchement du liquide injecté des artères dans les veines; les observations microsco- piques deMalpighi3 et de Leuwenhoeck 4 faites sur des

1 Prochaska, de V asis sanguin . capill.; in Op. cit .

1 Apologia pro circulât, sanguin, in op. Leidæ , 1687.

3 De pulrnonibuSj Epist. II, in oper. omn.

4 Exp. et contempl. arcan. natur. detect. Epist. 65,67, etc.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

334

parties transparentes de reptiles, de poissons, et meme de chauves-souris, dans lesquelles on voit le sang passer directement des artères dans les veines , expériences et observations répétées depuis une multitude de fois , ont faire et ont fait généralement rejeter le pré- tendu parenchyme interposé entre les terminaisons des artères et des veines , en faisant connaître, au delà des dernières divisions visibles à l’œil nu , des divi- sions microscopiques établissant une communication directe entre elles.

Les injections subtiles et les observations microsco- piques conduisirent bientôt à admettre , au lieu du parenchyme des anciens , que tout est vaisseau dans le corps ; opinion qui partage encore les anatomistes.

§ 877. Les vaisseaux capillaires sanguins sont les der- niers ramuscules des artères et les premières radicules des veines, ou bien ils sont intermédiaires aux artères et aux veines, et, comme on la dit en les comparant au système de la veine-porte, étrangers ou indifférens aux unes et aux autres. C est dans ces vaisseaux que , insensiblement et sans limite déterminée, les artères se changent en veines; ce dont on peut juger par le change- ment successif de volume des vaisseaux dans un sens ou dans l’autre, parle sens dans lequel se font les divisions ou les réunions successives, et, à l’extrémité des na- geoires et de la queue des poissons , par la direction opposée du cours du sang. Cependant on a assez gé- néralement décrit les vaisseaux capillaires comme les dernières divisions des artères plutôt que comme les premières des veines ; soit que cela soit fondé réelle- ment et dépende de ce que les veinules, plus grandes

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES.

335

que les artérioles , acquièrent un volume assez con- sidérable après un petit nombre de réunions ; ou bien de ce que les veines, presque toutes pourvues de val- vules et plus difficiles injecter que les artères, aient été moins étudiées quelles. Ces deux raisons ont pu contribuer à faire adopter l’idée dont il s agit.

§ 378. Quoi qu’il en soit, les vaisseaux capillaires n’ont point tous le même volume : on peut établir sous ce rapport trois degrés entre eux, en prenant pour les plus gros ceux qui commencent à échapper à la vue simple, et pour les plus petits ceux qui n’admettent qu’un seul globule coloré du sang à la fois, et dont le diamètre intérieur, par conséquent, ne dépasse pas beaucoup celui des globules 72)»

Les vaisseaux capillaires les moins déliés éprouvent plusieurs divisions successives avant d’acquérir la té- nuité d’un globule coloré du sang.

Ces vascules communiquent ensemble par des anas- tomoses très-multipliées , de manière à former de vé- ritables réseaux.

Ils constituent par leur ensemble la partie la plus large du cercle circulatoire, la capacité du système ar- tériel allant toujours croissant depuis son origine au cœur jusqu aux vaisseaux capillaires, et celle du sys- tème veineux décroissant depuis les vaisseaux capil- laires jusqu’au cœur.

Le cercle circulatoire étant double dans l’homme, il y a deux systèmes capillaires : l’un général, entre les terminaisons des artères aortiques et les origines des veines du corps; et l’autre pulmonaire, à la fin des vais- seaux de ce nom. On a avancé sans preuve et contre

336

ANATOMIE GENERALE.

toute vraisemblance, que le système capillaire pulmo- naire a autant de capacité et contient autant de sang que le système capillaire général.

Il y a encore deux autres petits systèmes capil- laires dans l’abdomen, l’un entre lès artères et les veines intestinales, et l’autre entre l’extrémité hépa- tique de la veine-porte et l’origine des veines sus-hé- patiques.

§ 379. La texture des vaisseaux capillaiies échappe à l’observation. Ces vaisseaux ont des parois minces, molles , transparentes , invisibles à l’œil nu , peu vi- sibles même au microscope, différant peu de la subs- tance des organes , différant peu aussi des humeurs qu’ils charrient; iis paraissent plutôt creusés dans la substance des organes que pourvus de parois propres. Il est très-probable cependant que la membrane in- terne des vaisseaux, au moins, se continue sans inter- ruption , des artères dans les veines.

On ne les distingue dans le vivant qu’à la couleur et à la direction du sang qui les parcourt, et dans le mort que par la couleur de l’injection dont on les remplit. Leur trajet constant, continu et régulier, les distingue des aréoles spongieuses et des cavités acci- dentelles du tissu cellulaire.

§ 38o. Quoique les parois de tous les vaisseaux soient perméables , cependant cette propriété est surtout re- marquable dans les plus petits vaisseaux

Ils sont très-extensibles et très-contractiles. L irrita- bilité allant croissant, et l’élasticité diminuant dans les vaisseaux à mesure qu’ils approchent de leurs termi- naisons, les vaisseaux capillaires sont les plus irn-

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES. Ody

tables x. Leur contractilité est mise en jeu, soit par des agens locaux et directs, soit par le système nerveux.

§38i. C’est dans cette partie du système vasculaire que se passent les phénomènes les plus importans de l’organisme, du moins des fonctions végétatives. La circulation capillaire, c’est-à-dire le passage du sang à travers les vaisseaux de ce nom, est, de toutes les parties de la circulation, celle qui, sans être indépen- dante de l’action du cœur, lui est le moins soumise cependant. C’est le point du cercle le mouvement du sang est le plus lent; c’est celui le sang, divisé en filets minces, a le plus de points de contact avec les parois des vaisseaux, et est le plus soumis à l’action ner- veuse. Le sang parcourt, dans l’ordre régulier, le sys- tème capillaire, en allant directement des artères vers les veines; s’il rencontre un obstacle, de nombreuses voies anastomotiques lui sont ouvertes, et lui permet- tent de suivre son trajet. Mais aussi ce système peut être le siège de congestions, d’irritations , de consta- tions, qui y changent le cours ordinaire des liquides. Ainsi , la chaleur humide , appliquée pendant quelques minutes au membre inférieur d’une grenouille, déter- mine une dilatation des vaisseaux capillaires, un ra- lentissement local de la circulation, une congestion, en un mot, qui rend très-rouges les parties auparavant blanches. La même chose a lieu, par diverses causes , sur les mammifères et sur l’homme. L’application du

* Whytt , Physiological essays , etc. Edinb. 1761. H. van den Bosh, über dns Mushelwermôgen der Haargejasschan. Monast. 1786.

1.

22

338

ANATOMIE GENERALE.

froid ou d’un acide affaibli produit des effets tout-à- fait opposés. L’irritation mécanique ou chimique pro- duit d’abord ce dernier effet, et plus tard, par une sorte d’attraction, un afflux concentrique des liquides qui, clans beaucoup de vaisseaux, marchent alors en sens opposé au cours naturel du sang.

Le sang devient veineux dans le système capillaire général , et dans le pulmonaire il devient artériel.

§ 382. Les vaisseaux capillaires sanguins, tels qu’ils viennent cl’être décrits, ne sont point également abon- dait s et n ont point le même volume dans toutes les par- ties. La somme des vaisseaux de chaque partie peut être estimée par la rougeur qu’elle aquiert dans les cas de congestion ou d’inflammation, ainsi que quand elle est injectée : ce dernier moyen même est préférable. Les injections les plus parfaites qui aient été faites, sont celles de Ruysch, d’Albinus., de Lieberkuhn, de Barth , de Bleuland , de Sœmmerring et de Pro- chaska.

Les injections de Ruysch , en remplissant les plus petits vaisseaux, donnèrent naissance à l’opinion que toute la substance solide du corps est vasculaire. Ce- pendant Ruysch lui-même reconnaissait qu’il y avait, dans le corps, des parties plus et d’autres moins vascu- laires, et d’autres même tout-à-fait dépourvues de vais- seaux. Albinus, en examinant des parties injectées, fraîches et sèches successivement, avait observé qua- près les injections les plus heureuses, il reste toujours plus ou moins de substance non injectée, suivant la na- ture des parties : il combattit ainsi une opinion erro- née, née surtout de l’examen de parties desséchées ou

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES. ÔÔÿ

macérées, de manière à détruire ou à taire disparaître les parties non injectables.

L’examen microscopique et diverses expériences montrent également sur le vivant, qu’il y a des parties plus, et d’autres moins vasculaires : ainsi , si Ton exa- mine au microscope le mésentère ou les membranes natatoires des pattes de la grenouille vivante, on voit que les plus petits vaisseaux capillaires, ceux d’un glo- bule sanguin, sont séparés par dés intervalles assez grands, tandis que dans la membrane muqueuse pul- monaire du même animal on ne pourrait pas faire une piqûre avec l’aiguille la plus déliée sans en intéres- ser plusieurs. De même on ne pourrait pas trouver, à la surface libre du derme de l’homme vivant, un point une aiguille n’ouvrît plusieurs vaisseaux, tandis que dans les parties ligamenteuses , dans la substance ner- veuse, dans le tissu cellulaire, etc. , on peut faire des divisions d’une certaine étendue sans faire sortir une goutte de sang.

Si toutes les parties solides étaient vasculaires et

uniquement vasculaires, il n’y aurait plus de différences

entre elles, tous les organes seraient homogènes, il

n’y aurait qu’un seul organe ; simplicité organique que

l’on ne trouve au contraire que dans les animaux dé- pourvus de vaisseaux.

§ 383. La somme des vaisseaux capillaires sanguins, et leur proportion avec la substance solide et non in- jectable, ne sont pas moins intéressans à considérer que leur disposition dans les diverses parties du corps.

Le tissu cellulaire n’est point injectable.

Les parties épidermiques , cornées, pileuses, et les dents , ne le sont point du tout.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

340

Les lobules adipeux sont entourés de réseaux vascu- laires extrêmement fins.

Les cartilages n’éprouvent aucun changement par l’injection.

Les membranes séreuses et synoviales rougissent peu par l’injection , mais les masses et les franges adipeuses sont entourées de très-beaux réseaux vasculaires.

Les membranes tégumentaires sont les parties les plus vasculaires. L’injection transsude quelquefois au delà du derme dans le corps muqueux. Les vaisseaux capillaires de la peau , d’abord de la première et de la seconde grosseur, acquièrent en pénétrant dans les papilles le plus grand degré de ténuité. La peau fraîche est beaucoup plus colorée à sa face superficielle ;

. elle paraît également colorée partout, quand , par la dessiccation, les parties non injectables, qui cachaient les vaisseaux, ont disparu. Les follicules cutanés et mu- queux sont pourvus de réseaux vasculaires très-déliés. Il en est de même des alvéoles microscopiques de la membrane muqueuse de l’estomac et de l’intestin. Les papilles de la membrane muqueuse sont pourvues, comme celles de la peau, d’une.multitude de vaisseaux capillaires; il en est de même des villosités, du moins à leur extrémité adhérente. La membrane muqueuse en général est encore plus injectable que la peau, celle du poumon l’est surtout au plus haut degré. La mem- brane des sinus pituitaires l’est beaucoup moins que le reste. La conjonctive rougit modérément , et moins par l’injection que par l’inflammation. La membrane muqueuse des conduits excréteurs, et les glandes elles- mêmes, sont pourvues de beaucoup de vaisseaux capil- laires.

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES. 34 1

Le tissu ligamenteux reçoit peu de vaisseaux san- , guins , la dure-mère en reçoit un peu plus, le périoste rougit un peu par l’injection.

Les os n’ont qu’une petite quantité de vaisseaux.

Les vaisseaux capillaires des muscles sont abondans, les plus petits, tortueux, accompagnent et entourent les fibres musculaires en s’anastomosant fréquem- ment.

Le système nerveux est pourvu de vaisseaux capil- laires plus abondans dans ses enveloppes. et dans la substance grise que dans la substance médullaire. La pie-mère et le névrilème en général , différens en cela des enveloppes de plusieurs viscères, contiennent les vaisseaux jusqu’à ce que la plupart aient acquis une ténuité capillaire. La substance grise de l’encéphale et les ganglions nerveux possèdent un grand nombre de vaisseaux capillaires de tous les degrés ; substance blanche, au contraire, soit du cerveau, soit des nerfs, ne possède guère que de très - petits vaisseaux capil- laires , et dans une moindre proportion.

§ 384- Il y a donc dans les divers organes une pro- portion plus ou moins grande de substance non in- jectable.

M. Meyer 1 ayant introduit dans le sang une ma- tière colorante soit par absorption , soit par injec- tion , conclut de la coloration diverse des parties du corps, qu’il y a deux sortes d’organes; les uns compo- sés pour la plus grande partie de vaisseaux capillaires :

1 Mémoire sur l’absorption veineuse, etc.: indeutsches nr~ 'hiv, etc., et dans le Journal complém. vol. XI.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

342

savoir le tissu cellulaire, les membranes séreuses, les membranes tégumentaires et le tissu fibreux ou ligamenteux; les autres , plus isolés des vaisseaux san- guins, et formés de globules ou d’une pulpe organique, savoir : les glandes , les os , les muscles et la substance nerveuse médullaire.

Cette proportion change aussi avec l’âge ; au com- mencement, du moins dans les ovipares, le sang se montre et présente des courans avant quil y ait des parties, solides ; bientôt les parois des vaisseaux se forment; plus l’animal est jeune et rapproché de son état fœtal, et plus est grande la proportion des vais- seaux sur les parties non injectables; à mesure qu’il avance en âge, au contraire, la proportion des parties non injectables augmente, et celle des vaisseaux capil- laires diminue.

§ 385. Y a-t-il, au delà des vaisseaux capillaires san- guins du diamètre d’un globule coloré, d’autres vais- seaux plus petits, livrant passage à la partie incolore du sang? C est une question très-difficile à résoudre.

Boerhaave, Vieussens, Ferrein, Haller, Sœmmerring, Bichat , Chaussier, et beaucoup d’anatomistes et de phy- siologistes modernes, admettent des vaisseaux séreux au delà des derniers vaisseaux sanguins; Bleuland croit même en avoir démontré l’existence.

D’un autre côté, Prochaska, Mascagni, Richerand , et plusieurs autres, sont d’avis qu’il n’y a point de vaisseaux de ce genre. Il faut examiner les faits et les raisons apportés à l’appui de ces opinions.

§ 386. Edm. King substitua, l’un des premiers, 1 hy- pothèse des anciens sur l’existence d’un parenchyme

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES. 343

tîans les viscères, celle d’une structure purement vas- culaire, ce qui suppose qu’il y a des vaisseaux séreux, car les derniers capillaires sanguins sont loin d’occuper ou de former la totalité des tissus.

Vieussens, et Boerhaave surtout, ont admis non- seulement un, mais plusieurs ordres de vaisseaux dé- croissans et incolores. Les disciples de Boerhaave , Haller, le plus célèbre d’entre eux, et la plupart des physiologistes jusqu’à ce jour, ont aussi admis des

I

vaisseaux séreux continuation des artères au delà du point naissent les veines sanguines. Ils se fondent sur les observations microscopiques de Leuwenhoeck, qui parle de vaisseaux admettant seulement des glo- bules séreux, sur les phénomènes de l’injection, et surtout sur ceux de l’inflammation, qui rendent plus ou moins rouges des parties naturellement blanches et transparentes.

On doit ajouter à cela que les vaisseaux capillaires rouges et injectables connus dans certains organes, sont en si petite proportion avec la substance non injec- table, qu il est difficile de concevoir que leur nutrition puisse avoir lieu sans qu’il existe des voies circula- toires plus étendues et plus multipliées que celles des vaisseaux sanguins connus.

J. Bleuland 1 a ajouté à ces raisons une expérience anatomique, qui, si elle était répétée et constatée, fournirait l’argument le plus puissant en faveur de 1 existence des vaisseaux séreux.

Experimentum anatomicum , quo arteriolarum lympha- ticarum existent La probabiliter adstruitur , institution , des- eriptum , et icône illustratum . Lugd. Bat. 1784. 4°.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

344

On sait que l’injection rouge, fine et très-pénétrante, passe aisément des artères dans les veines par le sys- tème capillaire intermédiaire. On sait également que la matière colorante reste dans les vaisseaux capillaires lors même que son véhicule transsude et s’infiltre dans la substance environnante , où, faute de couleucj.il est impossible de discerner aucune forme, aucune direc- tion particulière dans les voies ou les réservoirs de l’épanchement. Bleuland imagina de combiner avec la matière colorante rouge une autre matière blanche qui, au lieu d’être pulvérulente et suspendue dans le véhicule, y était dissoute. Ayant poussé cette injection dans les artères d’une partie de l’intestin dont les veines avaient été préalablement remplies d’une ma- tière plus grossière et d’une autre couleur , ayant ensuite séparé la tunique péritonéale de l’intestin, il observa dans la surface externe de cette membrane , à l’aide du microscope, outre les vaisseaux capillaires sanguins qui étaient tous remplis de matière rouge, un autre ordre de vaisseaux plus fins et blancs, nais- sant des plus petites artérioles rouges et tout-à-fait différens des vaisseaux que l’on remplit par l’injection ordinaire.

Mais quels seraient ces vascules blancs , microsco- piques, vus une seule fois et sur. une portion de mem- brane détachée des parties environnantes. Sont-ce des artérioles exhalantes s’ouvrant à la surface du péritoine? Sont-ce des artérioles séreuses se continuant avec des radicules séreuses des veines, et constituant un système capillaire séreux? Sont-ce enfin des artérioles lyiu- phatiques se continuant avec dés radicules des vais-

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES.

345

seaux lymphatiques? Il est à peu près impossible de résoudre ces questions. Ne seraient-ce pas plutôt des trajets accidentels ?

Ceux qui depuis ont admis l’existence des vaisseaux séreux paraissent avoir ignoré ce fait le plus puissant en faveur de leur opinion. Ceux qui les ont rejetés l’ont également passé sous silence.

§ 387. L’opinion de Mascagni, de Prochaska et autres, sur la non existence de vaisseaux plus fins que ceux qui donnent passage à un seul globule coloré du sang, peut être établie, en premier lieu, sur ce que l’on voit bien ces vaisseaux à l’aide du microscope dans les animaux vi- vans et aucunement des vaisseaux plus petits , quoique les instrumens microscopiques donnent aux globules du sang un volume tellement grand qu’il serait encore facile de distinguer des objets beaucoup plus petits; en second lieu, sur ce que l’injection rouge , très-pé- nétrante , ne fait précisément découvrir que les vais- seaux que l’on aperçoit sur le vivant; si dans ce cas les

parties deviennent plus rouges, surtout après la dessic- #

cation, cela peut tenir à la dilatation des vaisseaux et à la disparition de la substance intermédiaire ; si l’in- flammation rougit davantage encore les parties, c’est par la dilatation des vaisseaux existans , par la forma- tion de vaisseaux nouveaux, et par l’infiltration du sang entre les vaisseaux. Quant à la blancheur ou à l’incoloration naturelle de certaines parties très-vascu- laires , comme la conjonctive , elle dépend de ce que les vaisseaux capillaires y étant extrêmement fins , la couleur du sang ne peut y être aperçue.

§ 388, Il reste donc très-difficile ou impossible de ré- /

ANATOMIE GENERALE.

346

soudre la question relative à l’existence des vaisseaux capillaires incolores ou séreux; et, quand ce terme est employé dans cet ouvrage, c’est pour désigner des vais- seaux capillaires qui , soit qu’ils ne contiennent que le sérum du sang, soit qu’ils contiennent le sang tout entier, mais en séries d’un globule, ce qui ne permet pas d’apercevoir sa couleur, sont incolores dans l’état ordinaire. Cependant il est plus raisonnable de ne pas admettre l’existence de vaisseaux que personne n’a jamais vus.

§ 389. Dans le double cercle que forment les voies circulatoires, la communication évidente des troncs ar- tériels et veineux a lieu dans le cœur, et celle des troncs lymphatiques avec les troncs veineux près de cet or- gane, dans les veines sous-clavières. Mais dans les parties diamétralement opposées de ce double cercle, dans les systèmes capillaires, la communication n’est plus aussi évidente. Les anciens soupçonnaient celle des artères avec les veines , mais ne la croyaient pas immédiate. La découverte de la circulation du sang, en faisant né- cessairement admettre cette communication , laissait encore son mode indécis. Nous avons déjà vu que les observations microscopiques et les injections étaient d’accord pour démontrer cette communication, et même pour montrer qu elle est immédiate.

L’inspection microscopique l’a démontrée 1 dans les parties transparentes des animaux ovipares à sang froid, dans l’œuf incubé des oiseaux, et meme dans les parties transparentes des mammifères.

1 Malpighi, loc. cil. Leuwenhoeck , loc. c.ik Spal- lanzani , Expér. sur la circul., p. 9.55.

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES.

347

L’injection l’a démontrée dans presque toutes les par- ties du corps de l’homme et des animaux 1 ; soit en poussant la matière par les artères , soit en la poussant par les veines dans les parties, comme l’intestin, les veines sont dépourvues de valvules.

Quelques anatomistes avaient même admis des com- munications artério-veineuses entre des vaisseaux vi- sibles à l’œil nu et d’un certain calibre ; ainsi Cas- sérius en représente dans le foie, Riolan en décrit après un anévrysme guéri, Leal Lealis en note entre les artères et les veines spermatiques. Ce sont des erreurs, c’est-à-dire des faits mal observés, combattus par Al- binus et par Haller.

Les communications artério-veineuses sont toutes capillaires et microscopiques, mais il paraît que, dans les animaux à sang froid au moins, il y en a qui donnent passage à plusieurs globules colorés à la fois , et d’autres à un seul globule.

La disposition de ces voies de communication a été observée sur les animaux : elles consistent, tantôt sim- plement en un changement de direction ou un recour- bementdune artériole qui devient une veinule ; tantôt une artère et une veine capillaire parallèles s’envoient aussi des ramuscules de communication 1 artère se changé en veine; tantôt enfin, et cela est assez fré- quent, plusieurs artérioles se terminent ou se eon-

1 Voyez entre autres : Ruysch, Thés. anal. Winslow, Mena, de 1 arad, des sc. Haller, de Fahrica corp. hu~ mani. vol. I. Mascagni, vas. Ijmph. , etc .'prodromo, etc.

Prochaska , loc. cit. Reissessen , de Structura pul- mon.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

348

tin uent en une seule veinule; dans tous les cas la com- munication a lieu par des vaisseaux de la capacité d’un à quatre ou cinq globules colorés.

§ 390. Des physiologistes modernes ont récemment en- core élevé des doutes sur la communication immédiate des artères avec les veines. M. Doellinger pense que les artères à leur dernière extrémité cessent d’avoir des parois, et que le sang se meut à nu dans la substance solide du corps qu’il appelle muqueuse; que une partie du sang se convertit en substance muqueuse, et qu’une autre partie du sang continue son trajet, jointe à de la substance muqueuse sanguifiée qui entre en

t

mouvement et pénètre dans les vaisseaux veineux et lymphatiques naissant de la substance muqueuse comme les artères s’y terminent.

M. Wilbrand va plus loin, il admet une métamor- phose plus complète encore dans la circulation : suivant lui , la totalité du sang se change en organes ou en substance muqueuse et en liquides sécrétés, et les organes se fluidifiant à mesure, redeviennent du sang veineux et de la lymphe, qui continuent la circu- lation, et deviennent aussi de la matière des excré- tions.

Dans l’une de ces deux opinions, une partie , et dans l’autre, la totalité du sang se solidifie, et de même une partie ou la totalité des organes se fluidifie à chaque tour de la circulation; dans l’une comme dans 1 autre, la masse solide du corps est interposée entre les termi- naisons des artères et les origines des veines et des vaisseaux lymphatiques. Elles supposent toutes deux que l’inspection microscopique des animaux vivans et

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES, 34^

l’injection sont des moyens infidèles de constater la communication artério-veineuse.

§ 391. La continuation immédiate des artères et des vaisseaux lymphatiques n’est point aussi bien démon- trée que celle des veines et des artères. Beaucoup d’ana- tomistes cependant ont admis avec Bartholin , la con- tinuation des vaisseaux lymphatiques avec des arté- rioles capillaires plus fines que celles qui laissent passer les globules colorés du sang. Haller, et la plupart des anatomistes postérieurs à lui, n’admettent point d’autres origines aux vaisseaux lymphatiques que les membranes tégumentaires , les membranes séreuses et les aréoles du tissu cellulaire. Quelques autres, au nombre desquels il faut compter Mascagni, admettant que des vaisseaux lymphatiques naissent aussi des pa- rois des vaisseaux sanguins, admettent ainsi indirecte- ment une communication, quoiqu’ils rejettent la con- tinuation directe.

L’inspection sur les animaux vivans n’apprend rien touchant cette communication. Les injections passent quelquefois , souvent même , mais incolores ordinaire* ment, des artères dans les vaisseaux lymphatiques; ce qui peut dépendre delà transsudation dans la substance cellulaire et du passage dans les vaisseaux lymphatiques qui en naissent; du passage des artérioles dans les vais- seaux lymphatiques de leurs parois admis par Mas- cagni, tout aussi bien que d’une continuation directe et immédiate, laquelle reste donc très-douteuse.

§ 392. Les vaisseaux capillaires séreux que l’on a ad- mis au delà des capillaires sanguins, beaucoup plus par des considérations physiologiques que d’après l’obser-

35o ANATOMIE GÉNÉRALE.

vation anatomique, ne sont pas la seule hypothèse de ce genre. L’absorption et la sécrétion étant des faits cer- tains et évidens, comme le disait déjà le père de la médecine 1, on a cherché par quelles voies les matières portaient du système vasculaire, et par quelles voies elles y entraient : sans les avoir vues* on les a décrites, les unes sous le nom de vaisseaux exhalans ou sécré- toires , et les secondes sous celui de vaisseaux absor- bans ou inhalans.

Les vaisseaux exhalans ont été admis par Haller, Hewson, Sœmmerring , Bichat, M. Chaussier, etc., comme des vaisseaux très-simples, paraissant être des productions très-déliées et très-courtes, des artérioles capillaires, et répandues dans les membranes tégumen- taires, lés membranes séreuses et le tissu cellulaire.

D’autres anatomistes, comme Mascagni, Prochaska et M. Richerand, admettent au contraire l’opinion que c’est par des pores latéraux disposés organiquement , que se fait la sécrétion ou l’exhalation.

Hunter avait même admis que c’était par des po- rosités ou interstices anorganiques que la sécrétion avait lieu, tout comme la transsudation cadavérique. Hewson et Bichat ont combattu cette opinion.

Cependant les voies réelles de l’exhalation ou de la

sécrétion sont tout-à-fait inconnues. Ce que l’on sait

#

seulement, c’est que dans le vivant, des fluides sor- tent sous forme de vapeur de tous les points du sys- tème, capillaire, et que plusieurs se manifestent sous

1 AjjAov, yi , as txzrvoovy x et) is'<r;voov oAav ro ray*-

E p idem. lib. VI, scctx G. .

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES. 35 I

la forme liquide, ou plus ou même moins concrète; c’est que dans le cadavre les injections fines, en passant des artères dans les veines, suintent à la surface de la peau et de la membrane muqueuse , dans les follicules muqueux et cutanés, dans les conduits excréteurs des glandes, à la surface libre des membranes séreuses et

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dans la substance muqueuse, aréolaire ou cellulaire qui constitue la masse solide du corps ; mais jamais, et nulle part , on n’a vu des ramuscules se détachant des réseaux capillaires et se terminant par une extrémité ouverte. Les voies de l’exhalation ou de la sécrétion sont donc inconnues. Il est très - probable que c’est à travers la substance solide et poreuse du corps, qu’elle se fait. Cependant la sécrétion est un phénomène orga- nique ou vital tout différent de la transsudation cada- vérique, comme le démontrent les différences que présentent les diverses humeurs sécrétées et les diffé- rences de quantité de ces humeurs. Les noms des vais- seaux exhalans ou sécrétans ne peuvent donc désigner que les voies inconnues par lesquelles sortent de la circulation les molécules qui forment la matière des sécrétions intrinsèques et des sécrétions excrétoires.

§ 3q3. On peut dire à peu près la même chose des voies de l’absorption. Les vaisseaux absorbans, suivant l’idée qu’on s’en est faite, seraient des radicules béans par une extrémité, comme les points lacrymaux, et se continuant par l’autre, soit dans les réseaux capillaires veineux et lymphatiques , soit avec les vaisseaux lym- phatiques seuls , soit avec les veines seules , dont ils seraient ainsi des origines. Or, on n’a jamais vu ces » canaux , jamais du moins leurs bouches béantes.

35a

ANATOMIE GÉNÉRALE.

Voici, au reste, les opinions et les faits connus sur ce point de fine anatomie. Aselli a dit, en parlant des vais- seaux lactés ou chylifères : ad intestin a instar hirudinum orificia horum vasorum hiant spongiosis capitulis. Hel- vétius enseigne que les villosités intestinales ont des orifices spongieux. Liberkünh parle d’une ampoule spongieuse ou celluleuse. Hewson rejette cette ampoule. Cruikshank décrit et figure vingt ou trente ouvertures, plus grandes chacune qu’un globule de sang, au sommet de chaque villosité. Sheldon fait terminer les villosités par un tissu spongieux , et paraît confondre avec elles des follicules. Mascagni n’a pu voir d’orifices au sommet des villosités. Feller et Werner décrivent une ampoule et y suivent des vaisseaux. Bleuland admet des ouver- tures au sommet des villosités. Sœmmerring dit que l’on peut distinguer de six à dix orifices absorbans dans cha- cune d’elles. Hedwig regarde les ampoules comme spon gieuses, et représente à leur sommet, un, plusieurs ou point d’orifices. Rudolphi n’a jamais vu d’orifices, et ceux qu’on a admis lui paraissent dépendre d’illu- sions d’optique. En voilà assez pour conclure que les orifices que l’on a décrits n’existent pas distinctement. Il faut pourtant ajouter que quand on fait une injec- tion très-pénétrante dans les veines intestinales, la ma- tière, en passant dans les artères, transsude aussi à la surface libre de la membrane muqueuse. On sait, rela- tivement à la peau, que, quand on a injecté un vaisseau lymphatique de cette membrane, si on repousse le mer- cure vers les racines du vaisseau, on finit, comme Haase l’a observé, par le faire sourdre à la surface libre. Mas- cagni a fait, et chacun peut aisément répéter cette meme

DES VAISSEAUX CATIL!. AIRES.

353

expérience sur les vaisseaux lymphatiques sous-péri- toneaux du foie. Enfin Carlisle dit avoir vu dans une cellule du tissu cellulaire des orifices de vaisseaux lym- phatiques.

Quelque douteux et contradictoires que soient les faits, voici cependant l’opinion généralement admise, c’est que, à la surface des membranes tégumentaires et séreuses, dans les aréoles du tissu cellulaire, et, sui- vant Mascagni , à la surface même des vaisseaux , il y a des orifices de radicules absorbans conduisant, suivant le plus grand nombre des modernes, dans les vaisseaux lymphatiques seulement, suivant les anato- mistes antérieurs à Haller et quelques modernes, dans les veines seulement; et suivant d’autres, dans les vaisseaux capillaires sanguins et lymphatiques tout à la fois. Prochaska ajoute à cela, parmi les voies de l’ab- sorption, les porosités organiques des vaisseaux qui seraient ainsi, tout à la fois, les voies de l’exhalation et des voies d’inhalation. On a aussi regardé l’absorp- tion comme un phénomène purement physique et comparable à l’attraction capillaire ou à limbibition , en allégant à l’appui de cette opinion l’absorption ca- davérique.

La vérité est que les voies d’inhalation sont incon- nues : elles paraissent être, comme celles de l’exhala- tion, les porosités de la substance solide et perméable du corps. Cependant l’absorption, tout comme la sé- crétion, est un phénomène organique et vital tout différent de l imbibition cadavérique , comme le dé- montrent le choix des substances absorbées et les modi- fications que présente, dans divers cas, l’activité de fab-

a3

i.

ANATOMIE GENERALE.

354

sorption. Quand, dans cet ouvrage, l’expression vais** seaux absorbans est semployée , c’est pour désigner d’un seul mot les voies inconnues par lesquelles les substances étrangères entrent, et les matières des ab- sorptions intrinsèques rentrent dans l’appareil de la circulation.

§ 394. L’imagination ne s’est pas encore arrêtée à la création des vaisseaux exhalans et des vaisseaux inlia-

lans, dont il vient d’être question. On a aussi imaginé des vaisseaux nutritifs.

Voici les principales opinions que l’on s’est faites à ce sujet. Boerhaave et R. Vieussens ayant admis des vais- seaux incolores et décroissans; le premier construisit de vaisseaux toutes les parties du corps, même les parties non injectables. Suivant le système de Boer- liaave, les plus petites fibrilles élémentaires formeraient des membranules , roulés sur elles-mêmes, pour for- mer les plus petits vaisseaux nerveux; de ces plus petits vaisseaux résulteraient les membranes vasculeuses for- mant des vaisseaux plus gros, et ainsi jusqu aux vais- seaux les plus considérables. Il établit aussi que les plus petits vaisseaux nerveux contiennent un fluide aqueux servant au sentiment, au mouvement et en même temps à la nutrition.

L’opinion de Mascagni sur la composition élémen- taire et sur la nutrition des parties ne diffère pas beau- coup de celle de Boerhaave. Suivant Mascagni, les di- visions des artères finissent au point où, arrivées à la ténuité d un globule rouge du sang, elles se changent en veines. elles sont pourvues de porosités exhalantes, tantpourles sécrétions que pour la nutrition. Partout

DES VAISSEAUX CAPILLAIRES.

355

ii y a des orifices de vaisseaux absorbans pour prendre et contenir les molécules nutritives. Les parties élé- mentaires consistent en vaisseaux absorbans; ceux-ci par leur réunion constituent les membranes les plus simples, et les plus petits vaisseaux sanguins, lesquels forment des membranes plus composées.

Dans ces deux hypothèses , tout serait vasculaire , et la nutrition aurait lieu dans les vaisseaux : dans la pre- mière, dans les plus fines ramifications des artérioles; dans la seconde, dans les plus fines radicules des vais- seaux absorbans. Dans l une et dans l’autre la masse du corps serait dans les vaisseaux et véritablement dans une circulation continuelle.

L’opinion de Bicliat sur les vaisseaux nutritifs et sur la nutrition, est un peu différente : suivant lui chaque molécule des organes serait pour ainsi dire placée entre deux vaisseaux béans, l’un exhalant nutritif qui l’aurait déposée, et l’autre absorbant nutritif destiné à la reprendre.

Procliaska , tout en reconnaissant la continuation di- recte des artères avec les veines , admet que c’est par la porosité des parois des vaisseaux et par la perméabi- lité générale de la substance qui forme la masse du corps, que la nutrition a lieu.

§ 396. La nutrition, quelles qu’en soient les voies immédiates, présente un double mouvement conti- nuel de composition et de décomposition. Les animaux les plus simples inhalent et exhalent directement les matériaux de ce double phénomène; d’autres, plus composés , ont un tégument plus ou moins prolongé dans la masse du corps , y conduisant et y repre-

356

ANATOMIE GÉNÉRALE.

nant les manières qui s’y ajoutent, et celles qui s’en sé- parent; d’autres, plus composés encore, ont d’autres organes, des vaisseaux, qui transportent des surfaces dans tous les points de la masse et de aux surfaces les matières de l’absorption et de l’excrétion. Dans certains animaux pourvus de vaisseaux, leur nombre est tellement grand, l’homme est de ce genre, qu’ils semblent occuper et former toute la masse du corps. Mais outre les considérations ci-dessus, tirées de l’ana- logie, les argumens tirés de l’inspection montrent en- core que les vaisseaux ne font que parcourir la masse du corps, et ne la constituent pas. L’inspection apprend également que, quelle que soit la ténuité , la mollesse, des derniers vaisseaux capillaires , les artères et les veines forment des canaux continus.

L’observation apprend qu’il entre dans les vaisseaux des substances nouvelles , et qu’il en sort aussi sans cesse ; mais ce double passage a lieu dans les parties les plus fines des vaisseaux, et par des voies invisibles, même avec les meilleurs instrumens d’optique; les substances elles-mêmes passent à travers ces voies à un état de division , de vapeur, insaisissable pour les sens et pour les meilleurs microscopes. Ce passage soit qu'il ait lied du dehors au dedans ou du dedans au dehors , dans les absorptions et les sécrétions extrin- sèques, soit qu’il ait lieu dans les cavités closes du corps; paraît toujours se faire par l’intermède de la substance solide et perméable du corps; c’est-à-dire de la substance dite cellulaire qui, en s’imbibant, transmet au dedans ou au dehors les molécules inha- lées ou exhalées.

DU TISSU ÉRECTILE.

Il paraît en être de même de la nutrition : les vais- seaux déposent et reprennent sous forme de vapeur, et par des voies invisibles, dans la substance cellu- laire , les molécules de la composition et de la décom- position des organes.

Mais tous ces phénomènes, physiques en apparence, sont modifiés par le corps organisé et vivant dans le- quel ils ont lieu. C’est surtout à la cause inconnue de ces phénomènes qu’on a'donné le nom de force vitale, ou plus spécialement celui de force de formation.

1 1. Du tissu érectile.

§ 396. Le tissu érectile, caverneux ou spongieux, consiste en des terminaisons de vaisseaux sanguins , en des racines de veines surtout, qui, au lieu d’avoir la ténuité capillaire , ont plus d’ampleur , sont très- extensibles , et réunies à beaucoup de filets nerveux.

§ 397. Ce tissu a d’abord été observé dans le pénis il existe sous de grandes dimensions. Yésale1 en parle en ces termes : Corpora hœc ( cavernosa ) enata ad eum fere rnodum , ac si ex innumeris arteriarum venarum - que fasciculis quam tcnuissimis , simulque proxime im - plicatis , retia quœdam efformarentur , orbiculatim a nervea ilia rnembraneaque suhstantia comprehensa. Malpighi* paraît avoir fait la même observation : Si- nuum speciem in mammarum tubulis et in pene habe- mus; in his nonnihil sanguinis reperitur , itaut videantur 'venarum diverticula , vel saltem ipsarum appendices .

De Corp. hum. Jabricd, lib. V, cap. xiv.

7 Diss. Epist. varii argum. in op. omn. vol. II.

358 ANATOMIE GÉNÉRALE.

Hunter 1 a vu la même chose relativement au tissu spongieux de l’urèthre : « Il est bon d’observer, dit-il, que le corps spongieux de l’urèthre et le gland du pénis ne sont pas spongieux ou cellulaires, mais consistent en un plexus de veines. Cette structure est visible dans le sujet humain , mais beaucoup plus distinctement, dans quelques animaux, comme le cheval, etc. »

Cependant la plupart des anatomistes qui se sont occupés de la structure du pénis, entre autres Degraaf, Ruysch, Duverney, Boerhaave, Haller et ses disciples, ayant méconnu la nature des tissus caverneux et spon- gieux du pénis, et les ayant considérés comme étant du tissu cellulaire lâche et élastique formant des cel- lules et interposé entre les artères et les veines, la plupart des anatomistes modernes ont adopté cette erreur. Duvernoy, Mascagni, MM. Cuvier, Tiedemann, Ribes, Moreschi, Panizza, Farnèse, etc., ont fait des observations exactes sur le tissu érectile du pénis et du clitoris de l’éléphant, du cheval, de l’homme, etc.

§ 898. Quoique la disposition érectile des vaisseaux existe en beaucoup d’endroits, cependant il en est un certain nombre elle est beaucoup plus évidente. Ce sont les corps caverneux du pénis et du clitoris , le corps spongieux de l’urèthre, les nymphes, le ma- melon , les papilles des membranes tégümentaires, etc.

§ 399. Le tissu érectile est dans des dimensions très- grandes dans les organes de la copulation. Quoiqu il n’offre pas le même développement dans les papilles, on peut“néanmoins très- bien ly observer.

1 Obs. on certain parts of the animal OEconomy , in-4 î London , 1786, pag. 38.

DU TISSU ERECTILE.

359

Les papilles, celles de la langue particulièrement, consistent en filamens nerveux renflés, mous, dépouil- les de nevrilemme , entremêlés d’une innombrable quantité de vaisseaux capillaires sanguins, serpentans, recourbés en arcade, anastomosés entre eux, et le tout enveloppé et rassemblé par un tissu cellulaire, mou ,et muqueux. Dans l’état de repos ces papilles sont pe- tites, molles, pâles, peu distinctes; dans l’état d’érec- tion, au contraire, elles sont aggrandies, redressées rouges, gonflées par le sang, et très-sensibles.

Le mamelon, ou la papille de la mamelle, ne paraît différer des autres que par de plus grandes dimensions. La peau et la membrane muqueuse présentent à des degrés variés la disposition papillaire et érectile dans toute leur étendue. Le volume des nerfs et l’abondance des vaisseaux sanguins y sont partout proportionnés au degré de la sensibilité. La peau de la pulpe des doigts, très-vasculaire et très-nerveuse , éprouve un degré de gonflement et de rougeur manifeste pendant le toucher, et proportionné à sa perfection..

§ 4oo. Le tissu érectile des organes de la copulation ne diffère guère de celui des papilles, que par ses di- mensions beaucoup plus grandes. Celui du corps caver- neux du pénis présente la disposition suivante : il est enveloppé d’une gaîne de tissu fibreux élastique qui envoie des prolongemens dans son intérieur. Les deux artères dorsales du pénis sont accompagnées d’une veine impaire formant un plexus , et de nerfs très-volumineux. Les artères envoient dans l’intérieur beaucoup de ramuscules accompagnés de nerfs , et les vemes reçoivent travers la gaîne beaucoup de radi-

36'o

ANATOMIE GENERALE.

cules. L’intérieur est composé de ramifications arté- rielles provenant des artères dorsales et des artères cen- trales et de larges veines très-abondantes, entremêlées dans tous les sens et anastomosées une multitude de fois entre elles. Ces branches de veine offrent des dilatations, et de larges communications. Quand on injecte une des artères du pénis, l’injection , si elle est bien pénétrante, après avoir rempli les ramifications artérielles et le plexus veineux intérieur, qui constitue le corps caverneux, et avoir produit l’érection, revient par la veine dorsale : on remplit encore bien plus aisé- ment le corps caverneux en injectant par la veine. Ainsi les prétendues cellules du corps caverneux ne sont que des racines de veines très -larges formant un plexus compliqué, et anastomosées commeles vaisseaux capil- laires.

Le tissu érectile de l’urèthre et du gland ont la même disposition ; il en est de même de celui du cli- toris et de celui des nymphes.

L’érection dans les organes de la copulation provient, comme dans les papilles, de la réplétion des vaisseaux érectiles. Cette réplétion peut dépendre de l’afflux du sang artériel, qui est accompagné de l’exaltation de la sensibilité; de la rétention du sang veineux; ou de la réunion de ces deux causes.

§ 4OÏ* Il est encore une partie dont la texture et les phénomènes se rapprochent beaucoup de ceux des organes érectiles : c’est la rate, qui, par-là , paraît être un diverticule du sang. Si on met la rate à découvert sur un animal vivant, et qu’on arrête, par la compres- sion, le cours du sang dans la veine splénique, cet

DU TISSU ÉRECTILE.

36 £

^organe se gonfle et augmente beaucoup de volume; il revient promptement sur lui-même aussitôt qu’on réta- blit la circulation. Les accès de fièvre intermittente sont accompagnés, dans la période de froid, d’un gon- flement manifeste de cet organe , qui se dissipe plus ou moins complètement à la fin de l’accès. Il paraît que la même chose a lieu pendant la digestion.

§402. Le tissu érectile se développe quelquefois ac- cidentellement dans l’organisme. Gette production a été décrite sous les noms de tumeur variqueuse, d’ané- vrysme par anastomose , d’anévrysme des plus petites artères, de télangiectasie , etc.

Ses caractères anatomiques sont tout-à-fait les mêmes que ceux du tissu érectile naturel : c’est une masse plus ou moins volumineuse, plus ou moins bien circons- crite, entourée quelquefois d’une enveloppe fibreuse mince; offrant à l’intérieur une apparence de cellules ou de cavités spongieuses; consistant, dans la réalité , en un lacis inextricable d’artères et de veines qui com- muniquent par d’innombrables anastomoses, comme les vaisseaux capillaires, mais beaucoup plus larges, les veines surtout; facilement injectable par les veines voisines, qui sont quelquefois variqueuses, mais diffici- lement par les artères.

Cette altération existe le plus souvent dans l’épais- seur de la peau, et dans une étendue plus ou moins grande. Elle ressemble alors quelquefois à la crête et aux autres parties analogues des gallinacées. La peau de la face, celle des lèvres surtout, en est fréquemment le siège. On 1 observe dans le tissu cellulaire sous-cu- tané, ou plus ou moins profond; on l a vue occuper

3 62 AHATOMIE GENERALE.

tout un membre; ou dit même I avoir observée dans des viscères.

Cette production est le siège d une vibration, d’un bruissement, d’une pulsation plus ou moins mani- festes, et qui augmentent par toutes les causes qui exci- tent l’activité de la circulation générale ; mais les tu- meurs quelle forme, même à la peau, ne sont guère susceptibles d’une sorte d érection isolée. Elle tire le plus souvent son origine de la naissance, d’autres fois elle paraît dépendre d une cause accidentelle; elle per- siste quelquefois sans changement; d’autres fois, et c’est le plus ordinaire, elle augmente continuellement de volume par la dilation de ses cavités intérieures et finit par se rompre, ce qui donne lieu à des hémor- rhagies difficiles à réprimer.

Au pourtour de l’anus on trouve des tumeurs hé- morrhoïdales spléno’ides qui constituent une variété de ce tissu érectile accidentel.

III. Des ganglions vasculaires .

§ 4o3. Les ganglions vasculaires, organes adénoïdes, ou glandiformes , glandes aporiques r, confondus sous le nom commun de glandes avec des organes de sécré- tion excrétoire, sont encore des parties dans lesquelles les terminaisons et les communications des vaisseaux

1 Queitschius, de Glandtdis coçcis , etc., in select med. Franco/. Hendy, Essay on glandular sécrétion. Ilew- son , Descriptio glandul. , etc. , opus posthnrn. in op. ornn. H. F. F. Leonliardi, de Glandulis in genere et glandulis

aporicis, etc. Dresdæ, i8i3.

DES GANGLIONS VASCULAIRES. 363

affectent des dispositions spéciales. M. Heusinger leur a donné le nom de tissu parenchymateux.

Leur texture résulte de la réunion de plusieurs autres tissus : ils sont formés de tissu cellulaire modi- fié, de vaisseaux sanguins et lympathiques, et de nerfs, le tout renfermé dans une enveloppe qui envoie des prolongemens l’intérieur. Ils sont tous placés sur le trajet de la circulation lymphatique et veineuse, et paraissent destinés tous à faire subir une élaboration aux substances absorbées et à préparer leur assimila- tion; ils semblent ainsi dans une sorte d’antagonisme avec les vraies glandes ou les organes de l’excrétion. Les ganglions vasculaires diffèrent les uns des autres par la quantité et l’espèce de tissu qui en forme la masse, par la proportion des vaisseaux et des nerfs, et par le mode de communication des vaisseaux.

§ 4°4. On peut distinguer les ganglions adénoïdes en deux sortes : les glandes ou ganglions lympha- tiques, et les ganglions vasculaires sanguins, qui sont la thyroïde, le thymus, les capsules surrénales et la rate.

Les premiers seront décrits avec les vaisseaux lym- phatiques, (sect. IV.). Les autres, formant un groupe moins naturel, appartiennent principalement à l’ana-

-s

tomie spéciale; ils ont cependant quelques caractères généraux. Les ganglions vasculaires sanguins1, sont

1 Boeckler, de Functionibus glandulœ thyrcoidœ , thymi, atque glandul. supraren. , etc. Argentor. 1763. Becker, über die verrichtung der Ideinsten schlagadern und einger ans einern gewebe der feinsten gefàsse bestelieriden einge- weide,der schild-und brust-drüse , der milzes, d erneben nier en und nachgeburt. Erfurt, 1790.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

364

plus volumineux et beaucoup moins nombreux que les ganglions lymphatiques. Ils sont d’une couleur rouge- brune. Ils sont globuleux et granuleux. Ils présentent à l’intérieur des cavités distinctes, remplies d’un fluide, mais peu ramifiées et closes en tous sens. On a cru à diverses époques y avoir découvert des conduits excré- teurs, mais ces prétendues découvertes n’ont point été confirmées. Ces ganglions sont dans un tel rapport avec les vaisseaux sanguins et lymphatiques, et no- tamment avec le canal thoracique, qu’on leur suppose avec beaucoup de vraisemblance, une très-grande in- fluence sur le perfectionnement de la lymphe et du chyle, et sur la formation du sang.

SECONDE SECTION.

DES ARTÈRES.

I

§4°5. Les artères1, arteriœ, sont les vaisseaux qui portent le sang du cœur à toutes les parties du corps.

§4o6. Hippocrate et ses contemporains donnèrent le nom de veine à tous les vaisseaux et à tous les canaux , excepté au canal aérien , qu’ils appelèrent artère. Aris- tote parle le premier de l’aorte , qu il appelle petite veine. Praxagore donne le nom d artère à 1 aorte et à ses branches, qu’il croit contenir une vapeur. L école dA-

r Bassuel, Nouvel aspect de l’intérieur des artères, et de leur structure par rapport au cours du sang; Mém. piésent. de math, et de phys. tom. I. ann. 1750. D. Belinas, Structure des artères, leurs propriétés, leurs fonctions et leurs altéia- tions organiques, in-4°. Strasbourg; 1822. Ch. H. Ehi mann , mêmes titre, lieu et date.

DES ARTÈRES. 365

lexandrie distingue les artères des veines par l’épais- seur des parois, et admet que le sang peut, dans cer- taines circonstances, passer dans les artères. Galien, le plus grand anatomiste de l’antiquité, essaie de prouver que les artères sont pleines de sang dans l’état naturel; il considère le système veineux et le système artériel chacun comme un arbre dont les racines, im- plantées dans le poumon, et les branches distribuées dans tout le corps , sont réunies au cœur. Il faut venir presque jusqu’à Vésale pour trouver les premiers ru- dimens de l’art d’injecter les vaisseaux, et jusqu’à lui pour trouver quelques notions sur la texture des vais- seaux sanguins : leurs fonctions et leurs altérations n’ont été connues que plus tard.

§ 4oy . Il y a deux troncs artériels : l’aorte et l’artère pulmonaire. Chacun d’eux a une disposition arbo- risée, et présente une origine, un tronc, des branches, des rameaux et des ramuscules de plus en plus déliés, jusqu’à sa terminaison.

Chacun des troncs artériels naît d’un ventricule du

-

cœur, et présente , non une continuation de la subs- tance du cœur comme on l’a dit récemment encore1, mais une connexion intime et très-remarquable : la membrane moyenne de l’artère est divisée en trois fes- tons bordés de tissu ligamenteux , l’orifice du ventri- cule est garni d’un anneau du même tissu , le sommet des festons de l’artère est solidement attaché à l’orifice du ventricule, et les intervalles triangulaires des dente- lures sont également occupés par des membranes li-

Langenbeck, Nosol. und therap. der chir. krcinkheiten ; Goetting. 1822. vol. I.

j66 anatomie générale.

gamenteuses; la membrane interne du vaisseau se con- tinue avec celle du cœur, et la membrane externe s’unit à la substance de cet organe.

Les troncs, les branches et toutes les divisions des artères sont sensiblement cylindriques. Il y a pourtant quelques exceptions : certaines artères vont en s’élar- gissant, quelques-unes semblent se rétrécir. Les cylin- dres artériels vont en diminuant depuis les troncs jusqu’aux dernières ramifications.

En général la somme des branches l’emporte sur le tronc qui les fournit, mais il y a des exceptions : ainsi il n’est pas évident que l’artère carotide et le tronc brachial aient ensemble plus de capacité que le tronc innominé; de même il n’est pas certain que les artères radiale, et cubitale réunies en aient plus que l’hu- mérale. 11 ne faut pas confondre dans cette compa- raison le diamètre extérieur avec la capacité. D’ailleurs il arrive à tout instant des changemens de capacité dans des rameaux artériels, sans que les branches en changent sensiblement. Et pour n’en citer qu’un exemple évident : les artères utérines augmentent con- sidérablement pendantla grossesse, l’artère hypogas- trique qui les fournit augmente un peu, et l’artère iliaque primitive pas sensiblement.

Le nombre variable des divisions successives des artères , leur mode de division, les angles que forment les branches avec les troncs ontété indiqués, ainsi que les anastomoses et les voies collaterales qu elles forment

à la circulation. Il en est de même de leurs flexuosités.

La terminaison des artères devenues capillaires et microscopiques a lieu par leur continuation en veines,

DES ARTERES.

soit par des communications Capillaires rouges, soit par des communications incolores à cause de leur ténuité.

§ 4o8. Vues à l’intérieur, les artères sont cylindriques, leur coupe est circulaire, excepté dans les très-grandes artères qui , vides s’aplatissent un peu et présentent une coupe elliptique.

Chacun des deux troncs artériels est muni de trois valvules à son origine au cœur. Ces valvules semi-lu- naires tiennent, par leur bord convexe, au contour des festons de l’artère; leur bord libre est droit, un peu épais, surtout au milieu, qui offre un petit renfle- ment. Une face eu tournée du côté de la paroi arté- rielle, et l’autre du côté de l’axe du vaisseau. Ces val- vules sont formées par la membrane interne des artères repliée en double, et contenant dans son épaisseur une couche mince de tissu ligamenteux ou fibreux; leur bord libre contient un petit cordon de ce tissu, et son milieu un point fibro -cartilagineux. Quand ces valvules s’abaissent, la face qui répond au ventricule devient convexe, l’autre qui répond au canal devient concave ; leurs bords libres se rencontrent, se touchent, et elles ferment exactement le vaisseau. Dans tout le reste de leur étendue les artères sont dépourvues de

4

valvules.

La surface interne est lisse , polie et humectée. La surlace externe répond au tissu cellulaire commun et particulier, dans lequel les artères sont ramifiées. Le tissu cellulaire, moulé autour d’elles ou écarté par leur presence, leur forme une gaîne cellulaire. Cette game est conlondue en dehors avec le reste du tissu cellu-

368 ANATOMIE GÉNÉRALE.

laire ou avec la substance des organes; en dedans elle est unie à l’artère assez lâchement pour que celle -ci glisse aisément dans son intérieur dans les'divers mou- vemens, et s’y retire en se raccourcissant quand elle a été divisée. Cette gaine est assez ferme autour des ar- tères des membres; dans la poitrine et l’abdomen la gaine des artères est en partie formée par les mem- branes séreuses. Celle des artères spermatiques est re- marquable par sa laxité ; celle des artères du cerveau n’est pas distincte. Cette partie de l’anatomie des ar- tères mérite beaucoup de considération dans la patho- logie et dans les opérations.

§ 4°9- La texture1 des artères résulte de plusieurs couches membraneuses superposées. On a beaucoup discuté et varié sur leur nombre. Porté à cinq par quelques- anatomistes j et réduit à un par quelques au- tres, on peut le fixer à trois : une externe, une moyenne et une interne.

§ 4io. La membrane externe, appelée aussi cellu- leuse, nerveuse, fibreuse, etc. , est mince, blanchâtre, formée de fibrilles obliques et croisées , entrelacées dia- gonalement à la longueur du vaisseau. A l’extérieur ce tissu est assez lâche , et s’unit à la gaine ; du côté in-

1 Ludwig, de Arteriarum tunicis ; bips. I73y. Albinus , Acad, annot. lib. IV, cap. vin, de Arteriœ membranis et vasis. -- A. Monro, Remarks on the coats of ar le rie s, their diseases , etc. in kVorks. Delasone, Sur la structure des artères, Mém. de l’acad. des sc. iy56. C. Mondini, de Arteriar um tunicis , in opuscoli scien tijici , t. I; Bologna , 1817. A. Béclard, Sur les blessures des artères, Mém. de la soc. méd. d’ÉmuIation , t. VIII, Paris; 1817.

DES ARTÈRES.

36*9

terne, au contraire, les fibrilles sont tellement serrées, qu’on ne peut les apercevoir qu’en le déchirant. Dans les troncs artériels , cette double disposition est assez marquée èt assez tranchée pour que cette couche pa- raisse réellement double; dans les artères moyennes et petites, au contraire, cette couche devient uniformé- ment serrée et distincte du tissu cellulaire delà gaîne, et ressemble alors beaucoup au tissu ligamenteux.

Cette membrane est très-résistante et très-élastique, tant dans le sens longitudinal que circulairement. Souple et résistante en même temps, elle n’est pas di- visée par l’action des ligatures appliquées, même im- médiatement, sur elle. Quand on la déchire on éprouve beaucoup de difficulté, et l’on aperçoit la texture de ses fibrilles obliques, qui en rend la résistance égale dans tous les sens.

§ La membrane moyenne, appelée aussi mus- culeuse, tendineuse, propre, etc., est épaisse, jau- nâtre, formée de fibres presque circulaires ou annu- laires. Cette membrane, la plus épaisse des trois, est très-apparente dans les troncs; elle augmente propor- tionnellement d’épaisseur, à mesure que les artères diminuent de volume. Son épaisseur est peu considé- rable dans les artères de certains viscères, et surtout dans les artères du cerveau. Elle peut être divisée en plusieurs couches par la dissection : c’est probablement ce qui a induit en erreur ceux qui ont admis plus de trois membranes artérielles. Les fibres extérieures sont moins serrées, les plus profondes le sont davantage, et ainsi de plus en plus. Ces fibres ne forment pas tout le tour du vaisseau. On ne trouve point dans la

24

1.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

370

membrane moyenne les fibres longitudinales et spirales qu on y a admises. Dans les endroits les artères se divisent, les fibres circulaires du tronc s’écartent et forment de chaque côté un demi-anneau ; les fibres annulaires de la branche leur font suite. La membrane moyenne tient intimement à l'externe*

La membrane moyenne a une fermeté telle, que, séparée des autres, elle conserve sa forme cylindrique; c’est à elle que les artères doivent de rester béantes ou rie conserver leur lumière quand elles sont vides. Isolée, elle jouit d’uïie force de résistance et d’une élasticité faibles, suivant le sens de la longueur de l’artère, et très-fortes suivant le sens de ses fibres, c’est-à-dire suivant la circonférence du vaisseau. La fermeté et l’élasticité des fibres qui la forment vont successivement en diminuant des grosses artères vers les petites. On l a tour à tour comparée et assimilée à la fibre musculaire en général, à la fibre musculaire de l’utérus, au tissu fibreux ou ligamenteux; elle consti- tue une espèce de tissu élastique, tissu particulier, mais participant des caractères des fibres musculaire et ligamentaire.

§412. La membrane interne des artères, appelée aussi nerveuse, arachnoïde, commune, etc., est la plus mince des trois. Elle se continue des ventricules du cœur dans les artères; c’est elle, pour la plus grande partie, qui forme les valvules semi-lunaires des artères. Elle présente, dans les grosses branches vides, quelques plis longitudinaux, et des petites rides transversales dans les artères du jarret et du pli du coude; elle est éga- lement ridée dans les artères rétractées après l’ampu-

DES ARTÈRES. 3^1

tatiora. Sa face interne est lisse, polie, humide et en contact avec le sang ; sa face externe adhère à la mem- brane moyenne. Dans les troncs artériels on peut la diviser en plusieurs lames : la plus interne est extrê- mement mince et transparente, le reste est blanc opaque, etse confond insensiblement avec la membrane moyenne ; c’est à cette partie surtout qu’on a donné le nom de membrane nerveuse. Dans les branches, elle ne forme plus qu’un seul feuillet indivisible. On ne dis- tingue dans cette membrane, qui est très-dense, au- cune apparence de fibres; elle se déchire à peu près avec la même facilité dans tous les sens» Elle est peu élastique. On l’a comparée aux membranes séreuses et au tissu muqueux ou cellulaire; elle n’est point vas- culaire comme les membranes séreuses en général; c’est à l’arachnoïde qu’elle est le plus comparable.

§ 4i3. Il entre encore dans la composition des ar- tères, du tissu cellulaire, des vaisseaux et des nerfs.

Le tissu cellulaire qui pénètre la membrane externe et qui l’unit à la moyenne est assez apparent; mais au delà il est tellement rare et serré, que son existence a été révoquée en doute. Cependant quand, par la dis- section, on enlève d’une artère la membrane externe et la plus grande partie de l’épaisseur de la moyenne, il s'élève de la partie découverte des bourgeons char- nus, comme du reste de la plaie.

§, 4 ï 4. Les artères et les veines^des artères ( vasa arte - riarum ) leur sont fournies par les vaisseaux voisins , et deviennent très-apparentes dans la membrane externe par les injections et quelquefois même sans cela, sur- tout chez les jeunes sujets; on les suit jusqu’à leur

^72 ANATOMIE GÉNÉRALE.

pénétration dans la membrane moyenne, et pas au delà.

Ce que l’on appelle vaisseaux exlialans et absorbans, ou plus exactement les voies inconnues de l’exhalation et de l’inhalation, sont démontrés dans les parois arté- rielles par le fait même , car dans les artères enflammées il se fait une exhalation à la surface interne; et, dans le cas de ligature, le coagulum intérieur est absorbé.

§ 4 1 5 . Les nerfs 1 des artères viennent de la moelle et des ganglions. Les artères des organes des fonctions vé- gétatives reçoivent les leurs des ganglions, les autres de la moelle. Les nerfs des artères forment autour d’elles des réseaux analogues à ceux que forment les nerfs pneumo-gastriques autour de l’œsophage, et les ac- compagnent ainsi dans l’intérieur des organes. Mais en outre des filets se terminent dans la tunique externe , et d’autres arrivent à la membrane moyenne, sur la- quelle ils se répandent en un réseau très-délié. Les pre- miers sont mous et aplatis ;*les seconds, filiformes et d.’une finesse extrême, ont plus de consistance, et parcourent un trajet moins long. Toutes les artères ne reçoivent pas un égal nombre de nerfs; l’artère pulmo- naire en reçoit moins que l’aorte et ses divisions. Ils sont d’autant plus abondans que les artères sont plus petites. Les artères du cerveau n’en sont pourvues que jusqu’à l’endroit elles pénètrent dans la substance cérébrale. Dans la vieillesse, les nerfs des artères, surtout ceux

1 A. Wrisberg , loc. cit. Lucæ, Quœdam. observ. anat. circh Jiervos arterias adeuntes et comitantes , in-* 4°, cum. fig

Francof. ad Mœniirn , 1810.

DES ARTÈRES. 3y3

de la membrane moyenne, deviennent moins appareils. Le grand nombre de nerfs que reçoivent les artères montre une étroite liaison entre le système nerveux et l’appareil circulatoire, entre les nerfs et le sang.

§ 4 1 6. Les proprié tés physiques les plus remarquables des artères sont la fermeté de leur tissu, sa résistance et son élasticité. C’est àlafermeté de la membrane moyenne quelles doivent surtout la faculté de conserver une grande partie de leur lumière, quoique vides de sang. Leur pesanteur spécifique est environ 108. Leur épais- seur, en général assez grande, augmente encore un peu par la vacuité ; elle est aussi un peu plus grande du côté convexe des courbures que du côté opposé, à peu près comme 8 est à y; elle augmente proportionnellement au calibre des artères à mesure que celui-ci diminue ; cependant elle n’est pas la même dans toujes les artères du même diamètre; ainsi les parois des artères encé- phaliques sont très-minces, et celles des membres sont épaisses.

§ 4j7- La résistance des artères à la rupture a été examinée par Clifton Wintringham; j’ai fait aussi quel- ques expériences sur ce sujet. Elles ont une grande force de résistance, en général proportionnée à leur épaisseur. Celle de l’aorte est supérieure à celle de l’ar- tère pulmonaire. A mesure que les artères diminuent de volume , leur résistance absolue diminue, mais leur épaisseur relative et leur mollesse augmentant, leur extensibilité et leur résistance relative augmentent. La résistance n’est cependant point la même dans toutes les artères du même volume : celle de l’artère iliaque est plus considérable que celle de la carotide. La ré-

ANATOMIE GENERALE.

si stance en long ne dépend presque que de celle de la membrane externe ; la résistance circulaire, beaucoup plus forte, est due aux membranes moyenne et externe.. La membrane interne a très-peu de force de résistance dans un sens comme dans l’autre.

§ 4 1 8 . L’élasticité des artères est leur propriété physi- que la plus importante. Si on les distend en long, elles cèdent et s’allongent, pour revenir brusquement sur elles-mêmes quand on cesse la distension. Si on les dis- tend en travers, elles cèdent moins et reviennent avec plus de force encore. Si p3r l’injection ou l’insufflation on les remplit avec excès, elles s’élargissent un peu, s’allongent, et au moment l’on cesse l’effort, elles reviennent sur elles-mêmes et se vident en partie. Si on les ploie, elles se redressent, si on les aplatit par la compression ^ elles reprennent leur forme cylindrique. Dans l’état de vie, elles sont à un état de tension élas- tique qui fait que quand elles sont divisées, les bouts se rétractent. L’élasticité des artères est très-marquée dans les plus grosses, elle diminue successivement dans les petites.

§ 4 19. Les artères sont aussi susceptibles d’une exten- sibilité et d’une rétractilité lentes. Quand une artère principale cesse de livrer passage au sang, les artères collatérales, en la remplaçant dans ses fonctions, s agran- dissent et acquièrent en peu de temps un volume con- sidérable : cet agrandissement est du même genre que l’accroissement ordinaire, mais il est beaucoup plus rapide; l’artère, au contraire, qui cesse délivrer passage au sang revient peu à peu sur elle-même, et finit par disparaître plus ou moins .complètement.

DES ARTERES.

375

§ 420. Les propriétés- vitales des artères, comme celles des autres parties, sont relatives et à leur propre nutrition et à leur action dans l’organisme. La force de formation y est manifeste daps leur production acci- dentelle, et moins dans la réparation de leurs lésions. L’irritabilité y est manifeste à un certain degré 5 la sensibilité y est beaucoup moins évidente.

§ 421. L’irritabilité artérielle *, appelée aussi tonicité, contractilité, force vitale des artères, lorce de contrac- tion, ou la force par laquelle les parois de l’artère, dans l’état de vie , se rapprochent de son axe, sans meme avoir été distendues, a été un grand objet de contro- verse parmi les physiologistes.

Haller, qui admet la nature musculaire de la mem-’ brafie moyenne des artères, avoue que ses expériences ne lui ont rien appris de positif sur leur contractilité , et que ces vaisseaux n’ont pas répondu toujours aux stimulus chimiques et mécaniques. Bichat, Nysten et M. Magendie, ont également nié l’irritabilité des ar- tères. Bichat se fonde sur ce que 1 irritation mécanique à 1 extérieur ou à l’intérieur du vaisseau ne produit pas de mouvemens; ouverte en long, les bords de l’artère ne se renversent pas; extraite du corps, elle ne donne aucune marque de contractilité ; disséquée couche par couche, on ne voit point ses fibres palpiter; le doigt introduit dans une artère vivante n’y est pas serré for-

1 ^ oy. Chr. Krarnp, de Vi vitali arteriarum; Argent. 1786, C. H. Parry, an JLæpcr. inquiry i/ilo puise and other prop. of the arteries, etc.; Batli. 1816. Ch. H. Parry, Additional ex per. on the arteries , etc.; Lond. 18 ry. ffastings, loc. cit.

ANATOMIE GENERALE.

'6y 6

tement; l’artère interceptée entre deux ligatures n'é- prouve qu’un ébranlement communiqué; la contrac- tion produite par les acides est un raccornissement, et l’action des alcalis est nulle.

La plupart des anatomistes et des physiologistes sont d’une opinion contraire, fondée sur un grand nombre de faits; Yerschuir et Hastings ont vu l’irritation mécanique produire la contraction des artères. Zim- mermann, Parry, Verschuir, Hastings, ont vu les acides minéraux et végétaux produire le même effet. Thomson et Hastings ont vu la même chose par l’action de l’am- moniaque. Yerschuir, Hunter, Hastings, ont vu la seule action de l’air et de la température produire cette con- traction. Hastings a encore obtenu le même effet en appliquant l’huile de térébenthine, la teinture de ôan- tharides, la solution de muriate d’ammoniaque, de sulfate de cuivre. Bikker et Yandenbosch ont ob- tenu la contraction des artères par l’électricité , Giulio et Rossi, par le galvanisme; Home l’a même observée en appliquant un alcali au nerf avoisinant une artère. La contractilité vitale, peu évidente dans les grosses artères, va en augmentant successivement dans les petites.

On peut encore citer en preuve de 1 existence de l’irritabilité des artères, l’augmentation de leur con- traction dans les inflammations et les névralgies. Ainsi, dans le panaris, dans l’angine tonsillaire, dans la pro- sopalgie, etc., on voit et on sent au toucher les artères d’un côté battre beaucoup plus lort qtie celles du côté opposé. On voit quelquefois des différences du meme genre dans l’hémiplégie. La même chose a lieu aussi

DES ARTERES.

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dans la grossesse et dans beaucoup d’autres phéno- mènes hygides ou morbides, accompagnés d’un déve- loppement local des vaisseaux.

On peut donc conclure de ce qui précède, que pen- dant la vie les artères jouissent à la fois de l’élasticité et de l’irritabilité ; que l’élasticité prédomine dans les grosses, et l’irritabilité dans les petites artères; que l’irritabilité artérielle est plus ou moins soumise à l’in- fluence nerveuse. Avec l’âge, les vasa 'vasorum dimi- nuant, les nerfs des artères s’atrophiant, et la mem- brane moyenne devenant plus dure , l’irritabilité ar- térielle diminue de plus en plus, l’élasticité elle-même finit par diminuer beaucoup.

§422- La sensibilité des artères est nulle ou extrême- ment obscure. Y erschuir rapporte une seule expérience, dans laquelle un animal a paru éprouver de la douleur par 1 application d’un acide minéral. D’après Bichat, l’injection d’un liquide irritant paraît aussi produire une douleur vive.

§ 423. La fonction des artères est de conduire le sang du cœur dans toutes les parties du corps. Lorsque les ventricules du cœur poussent en se contractant une nouvelle quantité de liquide dans les artères déjà pleines

de sang en mouvement, la vélocité du mouvement s’en

/

trouve accrue dans toutes les artères : l’observation d’une blessure artérielle le prouve. Un autre effet de la systole des ventricules généralement admis, est la di- latation des artères. Des expériences ont été invoquées à 1 appui de cette dilatation; d’autres expériences in- téressantes du docteur Parry, semblent la contredire. Cependant elle existe réellement, mais elle est très-

ANATOMIE GENERALE.

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peu considérable. Un autre effet plus sensible, produit par chaque systole, est l’allongement des artères. L’ac- tion exercée par les artères pour pousser le sang en avant, est leur retour élastique qui les rétrécit et les raccourcit, et par conséquent diminue leur capacité , et de plus une force de contraction vitale qui s’ajoute à l’élasticité dans les artères moyennes, et finit par la remplacer dans les petites. La vélocité du cours du sang artériel va en général en diminuant des troncs vers les derniers rameaux ; cette vélocité présente en outre des variétés locales , constantes ou accidentelles.

La fonction des artères est donc de conduire comme

4

des canaux le sang dans toutes les parties, et comme canaux contractiles, de lui imprimer une partie du mouvement dont il est animé. Oh a tour à tour exa- géré et trop restreint l’action des artères sur le sang. Il est bien certain , que les vaisseaux paraissent avant le cœur, soit dans la série animale, soit dans l’embryon; que les fœtus monstrueux sans tête sont dépourvus de cœur; que dans les poissons il n’y a point de ven- tricule aortique, et que dans l’homme même, la veine porte ( Sect. III. ) est également dépourvue d un agent musculaire propre d’impulsion; fiue dans les rep- tiles à qui on enlève le cœur, le mouvement du sang continue encore long-temps : tous ces faits prouvent effectivement que les vaisseaux sont un agent, et sont même l’agent primitif du mouvement du sang. Les artères y prennent part par leur élasticité et par 'leur irritabilité.

Mais il n’esl pas moins certain que dans les animaux pourvus de cœur, cet organe devient un agent puis-

DES ARTÈRES.

sant du mouvement du sang; c’est ainsi que par son action la circulation artérielle, bien que continue, est saccadée ; c’est ainsi que la circulation a lieu dans l’es- turgeon, quoique l’aorte soit renfermée dans un canal osseux; c’est de même que, dans l’homme, l’aorte,. et ses principales branches peuvent être osseuses sans nuire notablement à la régularité du cours du sang. Il faut conclure de que l’une et l’autre de ces puis- sances ( celle du cœur et celle des artères ) servent à la circulation, et que l’une peut suppléer en partie l’autre. Mais l’action du cœur sur le sang va en diminuant, et celle des vaisseaux en augmentant , à mesure qu’on s’éloigne du centre de la circulation. La contraction vitale des artères est aussi une des causes de leur va- cuité dans le cadavre.

§ 4^4* La circulation artérielle est accompagnée d’un mouvement qu’on appelle pouls. On a tour à tour attri- bué ce phénomène à la dilatation et au resserrement al- ternatifs des artères; à l’allongemenjtde ces vaisseaux, et à la locomotion qui en résulte; à la pression du doigt qui 1 explore, ou à plusieurs de ces causes réunies. Le nombre des -pulsations dépend uniquement de celui des contractions du cœur. Le volume ou la plénitude du pouls dépend de la quantité de sang contenue dans les artères; sa durée, de celle des contractions du cœur; sa force, de la quantité de sang poussée par le cœur, de la force avec laquelle il est poussé, de la quantité contenue dans les artères, et de celle qui passe à travers les vaisseaux capillaires. L exploration du pouls a pour objet d examiner l’état de la circulation et des puis- sances motrices du sang, sayoir le cœur et les vaisseaux.

38o

ANATOMIE GÉNÉRALE.

Les parois des artères augmentent d’épaisseur et de densité pendant toute la période d’accroissement, elles continuent encore d’augmenter en densité pendant tout le reste de la vie.

Les variétés des artères sont beaucoup plus fré- quentes qu’on ne l’a dit en général. Biehat et M. Mec- kel 1 ont dit avec raison qu’elles sont au moins aussi fréquentes, sinon plus même que colles des veines. C’est surtout dans les grosses artères qu elles sont re- marquables2 *, et par leur fréquence, et par une sorte de régularité ou de symétrie , et par la ressemblance qu’elles présentent alors avec l’état régulier de certains animaux. 1

§ 425. Outre les vaisseaux accidentels déjà indiqués 3yi), quand une artère principale est interrompue dans sa continuité, il s’établit encore des voies supplé- mentaires pour la circulation. Ces voies résultent ordi- nairement de l’augmentation de volume d’anciens vais- seaux qui , de blancs et incolores qu’ils étaient par leur ténuité extrême, deviennent rouges, ou qui de rouges et capillaires qu’ils étaient, deviennent plus volumi- neux; mais qui, dès avant cette circonstance, formaient, par leurs anastomoses, des voies collatérales 35o). Dans certains cas la circulation se rétablit par des voies tout-à-fait nouvelles, par des artères de nouvelle for- mation. Ce fait, soupçonné par J. Hunter, entrevu par M. Maunoir et par Jones lui-même, quoiqu il ait com-

' I . J i K. , > - - ' ' 4 ' ' ' '

1 Dcutsches archiv fur die physiologie.

1 Fr. Tiedemann, Tabula; arteriarum corp. huniani. Cals

ruhæ , 1822.

DES ARTÈRES.

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battu l’opinion de M. Maunoir, a été mis hors de doute parles expériences du docteur Parry 1 . Si on lie ou si l’on retranche une partie de l’artère carotide du mouton , artère qui ne fournit aucune branche dans toute la longueur du cou, on trouve, quelque temps après, la circulation rétablie dans l’endroit l’artère a été obli- térée ou retranchée , par plusieurs rameaux à peu près parallèles occupant l’intervalle qui existe entre les deux bouts de l’artère.

§ 426. L’inflammation générale des artères est rare ; l’artérite locale ne l’est pas. Cependant la rougeur ne suffit pas pour la caractériser ; il y a de plus de l’épais- sissement, du ramollissement dans les parois, et sou- vent à l’intérieur une exsudation plastique , quelque- fois du pus , et quelquefois des ulcérations plus ou moins profondes.

§ 427* Les blessures 2 des artères offrent des considé- rations anatomiques d’un grand intérêt : l’acupuncture ou piqûre d’une artère donne lieu à une hémorrhagie faible si le vaisseau est entouré de tissu cellulaire, plus

forte s’il est dénudé de sa gaîne. L’hémorrhagie s’arrête parla coagulation du sang, qui est ensuite successive- ment résorbé ; il reste pendant quelque temps un petit renflement vis-à-vis la piqûre; il se forme ensuite une cicatrice si exacte, qu’il devient à la longue impossible de l’apercevoir. Une petite incision parallèle à l’axe du vaisseau s’écarte un peu, et donne lieu à une hémor-

1 Loc. cit.

* J. F. t). Jones; On the process employed by nature in su- pressing the hemorrhâge , elc. Lond. 1810. Béclard, loc. 'fçit.

38a

ANATOMIE GÉNÉRALE.

r Plagie plus forte que la piqûre. La guérison s’effectue quelquefois ensuite, et de la même manière. L’incision transversale donne lieu , par l’écartement considérable de ses bords, à une hémorrhagie plus ou moins grave, suivant que l’artère est ou non dénudée. L’hémorrhagie est d’autant plus grave, que l’incision intéresse la moitié de la circonférence du vaisseau , cas dans lequel , aban- donnée à elle -même, elle continue ou se renouvelle , après s’être arrêtée, jusqu’à la mort. Dans le cas l’in- cision atteint une petite partie de la circonférence , si la gaine existe , le sang , après avoir coulé plus ou moins, s’y infiltre, s’y coagule, et quelquefois il se fait une cicatrice qui, à vérité, est, dans l’homme, beau- coup moins solide que les parois originelles de i’artère, et qui devient ordinairement le siège ou la cause d’un anevrysme dit consécutif. Quand , au contraire, la di- vision transversale dépasse de beaucoup la moitié de la circonférence, la rétraction est telle, ainsi que le rétrécissement qui en résulte, que si la gaine existe encore, le sang s’y infiltre, s’y arrête; s’y coagule? et que la guérison peut aussi avoir lieu ; mais pour cela la division de l’artère s’achève, et ce cas rentre alors dans le suivant.

§4^8. Quand uneartèred’un moyen ealibreestcoupée en travers , soit sur une surface amputée , soit dans la continuité des parties , le sang sort à plein canal et par un jet continu, alternativement élevé et abaissé, jusqu’à ce que la circulation soit beaucoup affaiblie; l’écoulement se rallentit alors et s’arrête, soit pour recommencer une ou plusieurs fois, quand la faiblesse sera passée, et continuer jusqu’à la mort , soit pour ne

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383

plus reparaître. Dans ce dernier cas, très-rare dans l’espèce humaine, l’artère s’étant rétractée dans sa oaîne et dans le tissu cellulaire ambiant, le sang s’est infiltré et se coagule autour du bout du vaisseau , il se coagule aussi dans ce bout même, jusqu’à une hauteur plus ou moins grande, toujours déterminée par la situation de la branche la plus voisine, dans la- quelle la circulation continue d’avoir lieu. Le bout de l’artère est alors obstrué et bouché, à peu près comme l’est le goulot d’une bouteille par le bouchon et par la cire dont on le recouvre. L’artère n’étant plus sou- mise à la distension alternative qu’elle éprouvait, re- vient peu à peu sur elle, son extrémité tronquée éprouve l’inflammation traumatique , et devient le siège d’une exsudation plastique 5 le bout se cicatrise, le sang coagulé à l’intérieur et à l’extérieur est suc- cessivement résorbé, l’artère continue de se resserrer, elle se change en un cordon imperméable , et finit or- dinairement par disparaître ou se changer en tissu cel- lulaire jusqu’aux environs de la branche la plus voisine qui continue de servir à la circulation.

§429* Quand on distend en long une artère, elle s’al- longe d’abord beaucoup en glissant dans sa gaîne à la faveur du tissu cellulaire qui l’entoure; après avoir beaucoup cédé sans se rompre , elle commence à se déchirer à l’intérieur. La membrane externe se déchire la dernière, après s’être allongée et effilée à peu près comme un tube de verre que l’on fond et que l’on tire à la lampe d’émail^eur. Une fois rompue, les bouts de V artère se retirent moins qu’ils ne se sont allongés, et le sang jaillit d’abord comme dans le cas précédent,

0

384 anatomie générale.

mais bientôt il s arrête pour ne plus reparaître ordinaire- ment. On a attribue cette cessation prompte et défi- nitive de 1 hémorrhagie, qui a presque toujours lieu dans ce cas, a la rétraction de 1 artere et à d’ autres causes imaginaires : beaucoup de cas observés dans 1 espece humaine , et beaucoup d expériences faites sur les animaux, m ont convaincu que c était aux ruptures intérieures plus ou moins multipliées qu’éprouve l’ar- tère avant de se diviser totalement en un point, qu’il fallait attribuer ce phénomène remarquable. Les phé- nomènes consécutifs sont les mêmes qu’après la section transversale (§428).

§ 43o. Une ligature appliquée circulairement à une artère , soit dans sa continuité , soit sur une surface amputée, assez serrée pour arrêter la circulation dans le vaisseau , coupe les membranes interne et moyenne , et, si l’artère est saine, ne divise point la membrane externe. Si la ligature reste en place, le sang arrêté dans le vaisseau se coagule dans sa cavité jusqu’à la branche la plus voisine, qui continue de servir à la circulation. La division éprouvée par les membranes internes , la pression exercée sur l’externe , et la pré- sence de la ligature, déterminent une effusion de ma- tière organisable, qui produit d’abord l’agglutination de toutes les parties intéressées; la partie embrassée par la ligature s’amollit d’abord, puis se divise par l’effet de l’inflammation , et la ligature est rejetée au -dehors. Les changemens ultérieurs dans le vais- seau sont les mêmes qu’après sa section transversale

(S 4*8).

§ 43 1 . Dans les trois genres de blessures qui viennent

DES ARTERES.

385

d’être exposés 428-3o), les phénomènes ultérieurs sont différens, suivant qu’il s’agit d’une surface amputée, ou bien de la continuité des parties. Dans une surface am- putée, non-seulement l’artère principale s’oblitère, mais encore toutes ses branches et ses rameaux aboutissans à la surface; de sorte que le tronc lui-même se rétrécit plus ou moins. Dans l’autre cas, au contraire, les bran- ches qui naissent de l’artère liée, coupée ou déchirée, non-seulement continuent de servir à la circulation , mais se dilatent pour suppléer le tronc principal ; elles entretiennent ainsi, jusqu’au point d’où elles naissent, la fluidité du sang, son mouvement et son effort sur le vaisseau. C’est à cette différence qu’il faut attribuer la fréquence de la réunion primitive des artères divisées dans une surface amputée , et la rareté relative de cet heureux résultat dans la continuité des parties.

§4^2. On trouve quelquefois une production ou une transformation cartilagineuse avec épaississement des parois artérielles dans une étendue ordinairement assez limitée. Les productions dites athéromateuses, stéato- mateuses, etc. , ne sont, comme la précédente, que le prélude de l’ossification pierreuse dont les artères sont si fréquemment le siège. Il faut distinguer cette ossification en accidentelle et en sénile. La première a son siège entre les membranes interne et moyenne, et est précédée d’une des altérations ci-dessus. La seconde, au contraire, a son siège dans la membrane moyenne, et consiste en une transformation de ses anneaux fi- breux en cerceaux osseux plus ou moins étendus. Les diverses parties du système artériel n’y sont pas toutes également disposées. Le système aortique en est beau-

i.

•^86 ANATOMIE GÉNÉRALE.

coup plus souvent affecté que le pulmonaire. Les épe- rons intérieurs des artères et les valvules de leurs troncs en présentent souvent ; l’aorte et ses branches principales en sont souvent le siège; les artères des mem- bres inférieurs plus souvent que celles des membres supérieurs; les artères des muscles, du cœur, du cer- veau , de la rate , assez souvent; celles de l’estomac et du foie rarement. La totalité enfin cju système artériel a été vue ossifiée, par Harvey, Riolan et Loder. L’ossifi- cation des artères est le plus généralement le partage de la vieillesse. Cependant on voit aussi quelquefois l’os- sification accidentelle chez des jeunes sujets, et même

dans la première enfance. L’ossification des artères est

*

plus rare dans le sexe féminin que chez les hommes. Elle est beaucoup plus commune dans les climats froids que dans les pays chauds.

L’effet de l’ossification artérielle , et surtout de celle qui est accidentelle, est de produire l’usure des mem- branes entre lesquelles elle est placée. L ossification des artères a été attribuée à une foule de causes. Celle qui est accidentelle est une véritable production ou dépo- sition ; celle qui est sénile paraît le dernier terme des changemens successifs que la membrane moyenne, d’a- bord molle et rougeâtre, éprouve durant la vie.

§ 433. On trouve quelquefois des excroissances de consistance charnue, attachées à la face interne des artères, et surtout aux valvules semi-lunaires qui sont à leur entrée.

§ 4^4-La dilatation des artères, ou l’artériectasie, est uneaffection très-fréquente; elle peut consister : dans une simple perte d’élasticité sans altération apparente

DES ARTÈRES. 38'J

dos parois; dans une altération des parois dilatées.

La dilatation simple se rencontre surtout dans les gros troncs; elle affecte généralement toute la circon- férence, et la tumeur qui en résulte a la forme ovoïde. Qn l a observée souvent dans l’aorte, particulièrement à sa crosse, et quelquefois dans l’artère pulmonaire.

La dilatation avec altération des parois affecte l’aorte et les diverses parties du système aortique jusque vers les ramifications. Les artères des membres supérieurs en sont beaucoup pl us rarement affectées que les autres. L’altération et la dilatation qui en résultent sont le plus souvent latérales : c’est ce que les auteurs ont décrit, depuis Fernel, sous le nom d’anévrysme vrai; les pa- rois altérées y sont plutôt épaissies qu’amincies.

Le sang que contiennent ces deux sortes de dila- tations est fluide.

§ 435. L’anévrysme résulte de la destruction ou de la rupture, en un mot de la solution de continuité des parois artérielles, précédée ordinairement de la dila- tation de ces parois, et toujours de leur altération. Il consiste en une cavité formée par la membrane ex- terne dilatée et renforcée par le tissu cellulaire et les autres parties ambiantes, tapissée à l’intérieur par une membrane mince et lisse en quelques points, ressem- blant beaucoup à la membrane intente des artères. Cette cavité communique avec celle du vaisseau par une ouverture, régulière ou non, des membranes in- terne et moyenne; elle est remplie de sang coagulé, et de couches plus ou moins fermes de fibrine, diver- sement altérée, et peut être mêlée de matière organi- sable produite par les parois île la cavité. Le sang, en

388

ANATOMIE GÉNÉRALE.

parcourant le canal de l’artère, pénètre continuellement dans la cavité accidentelle.

Tantôt l’anévrysme s’accroît indéfiniment, et tue par la compression des organes voisins et par le trouble de leurs fonctions. Tantôt il se rompt à l’extérieur ou à l’intérieur, et fait périr par hémorrhagie ou par épan- chement. D’autres fois il s’enflamme, suppure et s’ouvre comme un vaste abcès, et tantôt alors il y a hémor- rhagie , et tantôt, au contraire, l’artère s’étant oblitérée par ^inflammation, la guérison peut avoir lieu. Quel- quefois l’inflammation se termine par la gangrène de la tumeur, et l’un ou l’autre des effets ci-dessus peut être le résultat de la séparation de l’eschare. D’autres fois enfin, la circulation se ralentit insensiblement dans l’artère affectée d’anévrysme , et devient en même temps de plus en plus active dans les voies collatérales, d’où résulte à la fin l’oblitération de l’artère affectée jusqu’aux branches voisines de la tumeur, et la résorp- tion successive de celle-ci.

§ 436. Les artères, soit enflammées, soit affectées d’une production accidentelle dans leurs parois , soit sans cause apparente , au lieu de se dilater et de se rompre, se rétrécissent quelquefois, et s’oblitèrent même spon- tanément. On a trouvé ainsi l’artère aorte rétrécie et même tout-à-fait oblitérée; on a aussi observé l’obli- tération totale de l’artère pulmonaire droite; j’ai vu une fois celle de l’artère carotide, quelquefois le ré- trécissement du tronc brachial, et souvent le rétrécis- sement et l’oblitération du tronc crural et de ses bran- ches. C’est la cause ordinaire de la gangrène sénile des orteils, des pieds et des jambes; ce changement ar-

DES VEINES.

389

rivant dans une partie et à une époque les rameaux artériels, affectés eux-mêmes d’endurcissement, ne sont plus susceptibles de l’accroissement rapide, nécessaire à l'établissement de la circulation collatérale.

TROISIÈME SECTION.

DES VEINES.

§437. Les veines1 sont les vaisseaux qui rapportent au cœur le sang de toutes les parties du corps.

§ 438. On a déjà vu que les anciens n’ont fait d’abord aucune distinction entre les veines et les artères. Ga- lien, qui les distinguait bien , plaçait dans le foie l’ori- gine des premières. La distinction et la connexion des artères et des veines ont été 'parfaitement établies par la découverte de la circulation du sang; depuis lors ori a peut-être un peu négligé l’étude du système veineux.

§ 43b. Les veines ont, comme tout le système vascu- laire , une disposition arborisée ; mais, vu la direction dans laquelle le sang les parcourt, elles ressemblent plutôt aux racines d’un arbre qu’à ses branches : ainsi leur origine a lieu par des radicules qui répondent aux ramuscules des artères; leur terminaison par des troncs qui sont ouverts dans le cœur, comme les origines des artères; leur trajet présente des réunions, comme celui des artères, des divisions successives. Si donc on les considère ensuivant le cours du sang, elles présentent une disposition opposée à celle des artères; et si on les examinait dans le même sens que les artères , on sui-

' Diatribe anatoinico-physiologica de structura atquc vitd venarum , Auctore H. Marx. in-8°; Carlsruliæ, iSkj.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

^9°

vrait une direction opposée à celle du cours du sang.

§ 44o. Le système veineux, comme l’artériel, est double : l’un général , rapporte le sang du corps à l’oreil lette antérieure ou droite ; l’autre rapporte le sang du poumon à l’autre oreillette du cœur. Il y a en outre un système veineux particulier et compliqué dans l’abdo- men : c’est la veine-porte , dont la disposition doit être examinée à part.

§ 44i. Ce système veineux particulier constitue un système vasculaire tout entier, c’est-à-dire un arbre ayant un tronc, des racines et des branches, placé comme intermédiaire entre les derniers ramuscules des artères gastriques, intestinales et spléniques, qui se continuent avec ses racines, et les premiers radicules des veines susliépatiques , qui sont la continuation de ses rameaux. Ce système vasculaire, si l’on a égard à sa disposition ramifiée en deux sens opposés, ressemble aux veines par sa moitié intestinale , et aux artères par sa moitié hépatique; sous un autre rapport, il est indif- férent ou étranger aux unes et aux autres, comme il leur est intermédiaire : car c’est dans l’endroit il est la continuation des artères, qu’il a la disposition veineuse, et vice versa. C’est surtout à cause de la nature du sang qu’il contient, que ce système vasculaire est réuni au système veineux général.

§ 44a. Dans les animaux vertébrés ovipareson trouve un autre système veineux analogue aux vaisseaux in- testino -hépatiques. Ce système particulier 1 est formé

1 Lud. Jacobsou , de System a te venoso peentian r/i per - rntdtis {ihirniltibtis ohserrnto ; Hafnia*, 1821.

DES VEINES.

391

par la réunion des veines tle îa région moyenne du corps seulement, ou de cette région et de la queue, qui se portent et se terminent dans les reins, à la manière des artères, en envoyant quelquefois un rameau à la veine-porte , c’est-à-dire au foie.

J’ai vu quelquefois, dans le chien, la veine-porte avoir une ou deux terminaisons rénales.

§ 443. Le nombre des veines est en général plus grand que celui des artères. Il y a deux veines caves et une veine cardiaque pour répondre au tronc unique de l’aorte. Il y a de même quatre veines pulmonaires pour répondre à l’artère pulmonaire unique et à ses deux branches. Mais chacune de ces divisions veineuses répond à une branche d’artère correspondante. Dans presque toute l’étendue du corps il y a beaucoup plus de veines sous-cutanées que d’artères, et dans les parties profondes il y a presque partout deux veines satellites pour une seule artère. Dans l’estomac, la rate, les reins, les testicules, les ovaires et quelques autres par- ties, le nombre des veines est égal à celui des artères. Dans quelques parties même le nombre des veines est moindre que celui des artères, comme, par exemple, dans le cordon ombilical, dans le pénis, dans le clitoris, dans la vésicule biliaire, les capsules surrénales,’ etc. Mais cela est compensé par la différence de capacité. La grandeur des veines en général est plus considé- rable en effet que celle des artères correspondantes.

La somme des veines, ou leur capacité totale, est donc plus grande que celle des artères. Beaucoup d é- valuations ont été hasardées à ce sujet : on peut dire seulement avec Haller, que les veines sont au moins le

ANATOMIE GENERALE.

3c>2

double des artères en capacité ; mais , outre les diffé- rences individuelles, accidentelles ou passagères, et celles qui dépendent du genre de mort, cela varie con- tinuellement avec l’âge. Cette différence d’ailleurs n’est pas la même dans toutes les parties du corps. Dans le système pulmonaire elle n’existe pas, caries veines y sont sensiblement égales en capacité aux artères. Il en est de même des vaisseaux rénaux; au contraire, dans le testicule, les veines l’emportent de beaucoup sur les artères.

§ 444- La situation des veines est en général la même que celle des artères , ces deux genres de vaisseaux s'accompagnant mutuellement dans leur trajet et se continuant à leur terminaison. Presque partout un tronc , une branche , un rameau artériel, est accompa- gné d’une ou deux veines. Il y a pourtant quelques exceptions : ainsi, dans le crâne, dans le rachis, dans l’œil et dans le foie, les artères et les veines affectent des situations et des. dispositions différentes : la veine azygos, tronc des intercostales dans l’espace mesuré parle péricarde et le foie, n’est point satellite d’une artère; il en est encore de même des veines sous -cu- tanées.

§ 445. Les veines commencent par des radicules ca- pillaires ou microscopiques, continuation des ranrus- cules des artères. Ces radicules sont incolores ou rouges , suivant que leur diamètre admet une seule série de globules ou plusieurs à la fois. Dans quelques endroits, comme dans lintestin, le poumon, etc., les réunions successives des radicules des veines corres- pondent et ressemblent tout- à -fait aux divisions des

DES VEINES.

393

rainuscules artériels; dans d’autres endroits la disposi- tion est différente. Sans parler du tissu érectile ou ca- verneux, où le renflement et la communication des veines sont extrêmes, dans beaucoup d’autres parties elles affectent des dispositions différentes de celles des artères : elles forment des plexus au col de la vessie, dans le rachis, et autour de l’artère spermatique; de larges canaux dans les os spongieux; sous la peau elles forment, par leurs communications multipliées, un grand réseau à mailles angulaires, et le plus souvent pentagones.

Elles ne sont point aussi régulièrement cylindriques que les artères ; loin de suivre un ordre régulier d’ac- croissement dans le volume des troncs, et de décrois- sement dans leur capacité totale, on voit souvent de très - grosses branches tenir à un tronc peu volumi- neux , ce qui dépend surtout de la mollesse des parois, et du grand nombre d’anastomoses. Les communica- tions des veines présentent toutes les variétés déjà in- diquées (§356), et, de plus, la réunion de très-gros troncs , comme celle des veines caves par la veine azygos; la réunion de veines superficielles et de veines profondes, comme celle des veines crâniennes et ra- chidiennes avec les veines épicraniennes , temporales, cervicales , etc. , des veines jugulaires internes et externes, des veines profondes avec les sous-cutanées des membres.

En général, les veines ont un trajet moins flexueux, plus droit, et par conséquent plus court que les artères.

Les variétés des veines ont été un peu exagérées, comme celles des artères ont été dissimulées. Les gros

ANATOMIE GÉNÉRALE.

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troncs veineux surtout sont moins variables qu’on ne l’a dit; les branches et les rameaux le sont beaucoup.

§ 44 6- L’intérieur des veines présente un grand nom- bre de valvules 1 ou de prolongemens repliés de la mem- brane interne, ce qui établit une grande différence entre elles et les artères. On voit très-bien les valvules en examinant sous l’eau une “Veine fendue en long.

Chaque valvule consiste en un repli de la membrane interne. Ce repli a un bord convexe, adhérant aux pa- rois de la veine du côté de ses racines, er un bord con- cave et libre, tourné du côté du cœur. Ces deux bords sont un peu plus épais que le reste du repli; une des faces regarde la cavité du vaisseau, et répond au sang qui circule ; l’autre répond rfux parois de la veine, un peu dilatée en ce point. Quand la valvule s’abaisse, la face qui répond aux origines devient convexe, et l’autre devient concave, et la veine se renfle un peu; les val- vules sont d’autant plus larges que la veine est plus volumineuse, et d’autant plus allongées qu’elle est plus petite. C’est à cette différence surtout qu’il faut rap- porter les variétés de forme décrites par Perrault et par plusieurs autres.

Outre la membrane interne repliée, on trouve en- core, dans l’épaisseur des valvules, du tissu cellulaire dense et quelquefois des fibres distinctes; quelquefois elles sont aréolaires et perforées comme de la dentelle. Dans les veines ou sinus de la dure-mère, on trouve

1 H. Fabrioio, de Venarum osliohs , in op. omn. J- *'• Schmiedt et H. Meiboinius , de Valvules seu, membranulis vasorum , van ira que s tract, et usa. Helmst. 1682. Perrault, Essais de physique, t. IIT.

DES VEINES.

3y5

seulement quelques libres transversales qu’on peut re- garder comme des valvules rudimentaires.

Les valvules sont en général disposées par paires placées alternativement , suivant deux diamètres op- posés de la veine.

Elles sont trois à trois dans les grandes veines, comme la crurale et l’iliaque j rarement elles sont qua- druples, et très-rarement ou jamais quintuples. Dans les rameaux d’une demi-ligne de diamètre et au-dessous, elles sont uniques.

Il n’y a pas, à beaucoup près , des valvules partout un rameaû se joint à une branche, une branche s’abouche dans un tronc ; elles ne sont pas non plus partout à la même distance ; elles ne sont nulle part plus rapprochées que dans les plus petites veines. On trouve des valvules dans les veines des membres, plus dans les sous-cutanées que dans les profondes, dans celles delà face, du col, delà langue, des tonsilles, à la fin de la veine cardiaque , dans les veines tégumen- taires de l’abdomen, dans celles du testicule, du pénis, du clitoris, dans les veines iliaques interne et externe, quelquefois dans les rénales , rarement dans l’azygos.

Il n’y en a point dans les veines encéphaliques, ra- chidiennes, diploïques, dans celles despoumons, ciansla veine-porte, dans la veine ombilicale, dans les veines caves, si ce n’est à l’embouchure de l’azygos dans les veines utérines et dans la veine médiane.

En général, il y a beaucoup de valvules dans les veines superficielles, moins dans les veines profondes ou in- ter-musculaires, et moins encore dans les veines des ca- vités splanchniques; il y en a beaucoup dans les parties

3y6 ANATOMIE GÉNÉRALE.

les plus déclives, et par conséquent dans les membres intérieurs, moins dans les supérieurs, et moins encore dans la tête et dans le cou.

Les valvules appliquées contre les parois des veines, quand le cours du sang est libre et facile, s’en écartent, ferment la veine, soutiennent le sang et empêchent son reflux vers les vaisseaux capillaires quand il ren- contre des obstacles à son trajet.

§ 44y* Les veines sont, comme tous les vaisseaux^ en- tourées par le tissu cellulaire des parties elles sont placées, ce qui leur forme une gaine, lâche autour des troncs, plus intimement unie aux rameaux. La gaine de la veine-porte est remarquable dans le foie, elle est connue sous le nom de capsule de Glisson.

La membrane externe proprement dite est plus mince et moins serrée que celle des artères, à laquelle elle res- semble beaucoup.

La membrane moyenne est formée de fibres plus extensibles et plus molles que celles des artères. Ces fibres paraissent presque toutes longitudinales, quand on regarde la membrane contre le jour; quelques-unes des plus internes paraissent annulaires; mais quand on veut séparer les fibres de cette membrane,’ on éprouve la même difficulté dans tous les sens. Cette membrane est, dans l’espèce humaine, bien plus épaisse dans le système de la veine cave inférieure que dans 1 autre ; en général aussi elle est plus épaisse dans les veines superficielles que dans les profondes; aussi la veine saphène interne a des parois très-épaisses au baS de la jambe. Près de leur embouchure au cœur, les veines ont des libres distinctement musculaires. La mem-

DES VEINES. 3Q7

brune interne, mince et transparente, diffère de celle des artères par son extensibilité et sa résistance à la rupture, et par sa texture filamenteuse, qui devient évidente quand on la distend et la déchire. Les grandes veines du crâne ou les sinus, les veines des os et quel- ques autres, résultent presque uniquement de la mem- brane interne, et sont du reste comme creusées dans la substance de la dure-mère, des os, etc.

Les parois des veines sont pourvues de petits vais- seaux sanguins et de filets nerveux que l’on suit dans une partie de leur épaisseur.

§ 44S. Les parois des veines sont blanchâtres , demi- transparentes, plus minces que celles des artères ; en gé- néral leur épaisseur va en augmentant absolument des racines vers les troncs, et en diminuant, relativement au

diamètre, dans le même sens, mais il y a beaucoup de

%

variétés à cet égard. Leur densité est de 1 1 5 ou 1 1 o , la fermeté de leurs parois est beaucoup moindre que celle des artères, aussi s’affaissent-elles quand elles sont vides, excepté celles de l’utérus, du foie, etc., qui tiennent à la substance des organes. Elles sont moins extensibles en long que les artères, mais beaucoup plus circulaire- ment. On admet généralement, d’après les expériences de Wintringham, que les veines résistent avec beau- coup plus de force que les artères aux causes de rup- tures; mais dans la réalité les veines sont plus faibles circulairement que les artères; aussi, non- seulement elles cèdent et beaucoup plus, mais aussi elles se dé- chirent en travers bien plus souvent que les artères, tandis qu’au contraire elles m’ont paru plus résistantes à la distension en long. Les parois des veines sont très-

3C)8 ANATOMIE GENERALE.

élastiques, mais moins que celles des artères. Leur irri- tabilité ou contractilité vitale est au contraire plus grande que celle des artères, mais moindre que celle des vaisseaux capillaires. Elle a été niée par divers physiologistes, mais prouvée par beaucoup d’expé- riences. Il suffit d’avoir observé l’effet du froid local sur les veines sous-cutanées, et de savoir qu’une veine interceptée entre deux ligatures et piquée se vide en- tièrement et rapidement sur un animal vivant, tandis que cela n’a pas lieu après la mort, pour admettre l’ir- ritabilité dans les veines. La sensibilité y est obscure ou douteuse - ûlonro disait dans ses leçons, avoir senti la piqûre d’une veine dénudée. La force de formation des veines n’est pas moins évidente que celle des artères.

§ 449- fonction des veines est de conduire le sang de toutes les parties du corps au cœur; on a vu que chaque contraction des ventricules détermine une aug- mentation dans le mouyement continu du sang dans les artères; cette augmentation va en s’affaiblissant à me- sure que les vaisseaux deviennent capillaires: dans ceux- ci, le mouvement est uniforme; il Lest aussi dans les veines en généra!. Dans les veines, le sang est animé du mouvement imprimé par le cœur, par les artères et par les vaisseaux capillaires. Les veines exercent-elles une action additionnelle? Gela n’est pas douteux; que I on comprime ou qu’on lie l’artère d’un membre dans un animal, le cours du sang dans les veines sera ralenti, mais ne sera pas pour cela arrêté; 6i on lie une veine, elle se vide cependant au-dessus d,e la ligature, elle se vide mêmeentre deux ligatures. Aux causés qui viennent dêtre indiquées il faut joindre le relâchement al ter-

DES VEINES.

3 99

natif du cœur, qui produit une sorte d’attraction; l’ins- piration, qui en produit une bien plus efficace encore, et la pression des muscles environnans. Les valvules , en divisant la colonne du sang, rendent plus efficaces ces diverses puissances. La forme même du système veineux fait que le mouvement du sang, au lieu d’aller en se ralentissant comme dans les artères, est, à la vé- rité, plus lent que dans ces vaisseaux, dont la capacité est moins grande que celle des veines, mais va en s’ac- célérant en approchant du cœur. La circulation vei- neuse est beaucoup plus dépendante que l’artérielle, des effets de la pesanteur et de la pression.

§ 45o. Le trajet du sang dans les veines est continu, et ces vaisseaux ne présentent point de pulsations ; ce- pendant, dans quelques endroits et dans quelques cir- constances, elles présentent quelque chose d’analogue au pouls artériel, que pour cette raison on appelle pouls veineux. Au voisinage du cœur, les troncs vei- neux qui sont dépourvus de valvules éprouvent alter- nativement, pendant la contraction des oreillettes, un reflux du sang qui les fait gonfler, et un flux rapide qui les fait affaisser pendant le relâchement des oreillettes. Dans l’état ordinaire et régulier des fonctions, ce double mouvement est borné aux environs du cœur, et n’est pas sensible; il s’étend au loin dans l’abdomen, et devient visible au cou, quand la circulation est gênée. Il en est de même de l’influence des mouvemens de la respiration : l’inspiration accélère l’entrée du sang dans les veines caves et dans leur oreillette; l’expiration ac- tive, la gêne ou la suspension de la respiration, et les efforts, la ralentissent au contraire, ou la suspendent;

ANATOMIE GÉNÉRALE.

4oo

dans l’état ordinaire, ces effets sont peu marqués et peu étendus; ils le deviennent beaucoup dans les cas opposés. Les efforts dans' lesquels les effets de l’expira- tion active sont portés au plus haut dégré déterminent d’une manière très - sensible la stase du sang veineux dans la tête, dans l’abdomen, et de proche en proche jus- que dans les membres ; tandis que c’est aux effets con- traires de l’inspiration sur la circulation veineuse, qu’il faut rapporter la mort par introduction de l’air dans le cœur. Quand, en effet, par une opération ou un acci- dent, une grosse veine est ouverte à la base du cou ou dans la région sous-clavière , une grande inspiration y attire quelquefois de l’air, qui est entraîné dans les cavités droites ou antérieures du cœur, et qui, en arrê- tant la circulation , détermine subitement la mort.

§ 45 1. Dans la jeunesse, le système veineux est moins grand, relativement au système artériel, que dans l’âge adulte ; sa capacité relative continue à augmenter dans la vieillesse. Les parois des veines présentent peu de changemens observables; leur ossification sénile est extrêmement rare.

§ 452. Les altérations morbides des veines1 ont été moins 'étudiées que celles des artères.

L’inflammation des veines ou la phlébite est une af- fection sur laquelle Hunter a 1 un des premiers attiré l’attention. Elle occupe ordinairement une assez grande étendue des veines, et s’étend en général vers le cœur. Elle donne souvent lieu à la formation du pus, et.

1 Hodgson, op. cit. B. Travers, in Surgical Essays , part. I. Fr. A. B. Puchelt , das V enensystem in seinen hranhhaften Verhàltnisscn dargestelll. in- 8°; Leipzig, iSi$

DES VEINES. 4o^I

d'autres lois à celle d’une matière plastique dans la ca- vité de la veine, autour d’elle, et même dans son épais- seur; elle dépend le plus souvent de lésions méca- niques.

§ 453. Les blessures des veines, considérées sous le point de vue anatomique, présentent de l’analogie avec celles des artères; cependant, quel qu’en soit le mode, elles sont beaucoup plus aisément suivies d’ulcération ou d’inflammation étendue et souvent suppurative , que celles des artères, et elles se réunissent plus dif- ficilement. Après la piqûre ou l’incision , il reste entre les bords un espace rempli par une membrane nou- velle ; la ligature ne détermine pas primitivement la section de la membrane interne et promptement son adhésion, mais cette membrane est d’abord plissée seu- lement, et ce n’est que très-lentement qu’elle se divise, pour se réunir faiblement.

§ 454 Les productions accidentelles sont plus rares dans les parois des veines que dans celles des artères. L’état cartilagineux, ou un épaississement analogue , a pourtant quelquefois lieu dans les parois des veines qui s’oblitèrent ; Morgagni l’a vu une fois dans la veine

cave. L’ossification est extrêmement rare dans les

*

veines ; le docteur Baillie l’a vue line fois dans la veine cave inférieure près des iliaques , et le docteur Macartney une fois dans la veine saphène externe d’un homme mort avec un ulcère à la jambe. J’ai observé que les parois des veines sont plus épaisses du côté qui touche à une artère que dans le reste de leur circonférence, et j’ai vu une fois sur un vieillard une veine fémorale ossifiée du côté correspondant à l’ar-

2 6

1.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

402

tère, qui 1 était elle-même dans toute sa circonférence et dans une grande longueur.

Les productions morbides s’observent quelquefois sous forme de végétation, à la surface interne des veines, soit que la veine affectée soit ou non entourée par des productions semblables.

§ 455. La dilatation des veines est très - fréquente ; elle est de plusieurs sortes : quelquefois le système vei- neux tout entier en est affecté ; le plus souvent la di- latation affecte une ou quelques veines seulement, ce qui constitue des varices. Presque toutes les parties du corps peuvent en être le siège; cependant ce sont les plus déclives , comme les membres inférieurs , les organes génitaux et l’anus; ce sont aussi les veines les moins profondes, comme les sous-cutanées, qui en sont le plus souvent affectées. L’augmentation de vo- lume n’est pas seulement circulaire, mais les veines variqueuses forment des flexuosités multipliées qui dépendent d’un grand accroissement de longueur. On trouve quelquefois des dilatations très-peu étendues , et bornées à une partie de la circonférence de la veine, soit seules, soit réunies à des dilatations plus générales. La varice anévrysmale est une autre sorte de dilatation dépendante de la communication accidentelle d’une artère et d’une veine, et du passage du sang de la première dans la seconde. Cette affection est ordi- nairement accompagnée d’un épaississement remar- quable des parois de la veine dilatée et allongée. Il se forme quelquefois en outre un anévrysme consécutif entre les deux vaisseaux : ce cas est celui de l’ané- vrysme variqueux.

DES VEINES.

4o3

§ 456. Les veines se rétrécissent quelquefois par l’é- paississement de leurs parois ; elles sont quelquefois obturées par l’effet de l’inflammation plastique; quel- quefois elles sont comprimées par des tumeurs voi- sines, ou bien embrassées par une ligature: dans ces cas leur cavité est oblitérée, et la circulation cesse de s’y faire , le sang passe par des branches et des anastomoses, et il s’établit une circulation collatérale.

On a vu la veine cave inférieure oblitérée, soit au- dessous, soit même au niveau des veines sushépâtiques, et le sang passer par la veine azygos on a vu plusieurs fois une des veines iliaques primitives, une veine jugu- laire, etc., oblitérées ; j’ai vu quatre fois le tronc veineux crural oblitéré dans l’aine; et dans tous ces cas la cir- culation se faisait aisément par des voies collatérales. Hunter a vu une fois la veine cave supérieure et la veine brachio -céphalique gauche presque entièrement effacées par la pression d’un anévrysme. J’ai vu cepen- dant un cas la veine cave supérieure et ses branches, étant remplies de matière plastique, et imperméables au sang, la mort a paru être le résultat de cette altéra- tion. Plusieurs fois j’ai vu, mais pas constamment, de grandes infiltrations séreuses coïncider avec l’oblité- ration des veinés.

§ 457. On trouve quelquefois dans les veines des pe- tits corps durs et ronds, qu’on prendrait au premier aspect pour des productions osseuses accidentelles. Quelques-uns ont même supposé qu’ils se formaient d’abord dans les parois des veines, dans le bord de leurs valvules, ou même à l’extérieur de ces vaisseaux; mais il r n’en est pas ainsi : ce sont des concrétions, des phlébo-

4°4 ANATOMIE GÉNÉRALE.

ïithes, du volume d’un grain de millet à un petit pois, diversement consistantes, formées de couches super- posées, renfermées dans du sang coagulé, fibrineux, et souvent logées dans des dilatations latérales des veines le sang reste en stagnation, ou dans des veines va- riqueuses, et toujours dans des veines déclives. Les veines on les rencontre le plus ordinairement en effet, sont celles de l’anus, du col de la vessie, de l’u- térus, des ovaires, des testicules, et quelquefois même les veines sous-cutanées de la jambe.

Uhexathyridium ou polystoma venarum , dont Treut- îer a recueilli deux individus dans la veine tibiale rom- pue d’un homme qui lavait dans un fleuve, paraît être un ver aquatique, une planaria , qui s’y serait intro- duit, et non un entozoaire.

QUATRIÈME SECTION.

DU SYSTÈME LYMPHATIQUE.

$4^8- Le système lymphatique comprend, les vaisseaux qui rapportent la lymphe et le chyle dans les Veinés, et des renflemens interposés dans leur trajet, et qu’on appelle glandes conglobées, ou ganglions lym- phatiques.

ARTICLE PREMIER,

À X W_| * . / #

DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES.

1 4

§ 459. Les vaisseaux lymphatiques, appelés aussi ab- sorhans, sont tellement déliés, minces, et valvuleux, ce qui en rend l’observation et l’injection très-difficiles,

DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 4°5

que leur connaissance est assez récente. Cependant ils ont été entrevus par les anciens. Erasistrate et Héro- phiie avaient certainement aperçu les vaisseaux chy- lifères. C’est Eustachio qui a découvert le canal tho- racique dans le cheval. Aselli vit, et nomma vaisseaux lactés, les chylifères de quelques animaux ; il indiqua bien leurs fonctions. Veslingius est le premier qui ait vu les vaisseaux chylifères ou les lymphatiques du mé- sentère et le canal thoracique dans l’homme. On doit à O. Rudbeck, et l’on a attribué aussi à Th. Bartholin et à Jolyf, la découverte des vaisseaux de cette espèce dans les autres parties du corps. Les inventeurs leur don- nèrent les noms de vaisseaux séreux, aqueux ou lym- phatiques; Bartholin conjectura qu’ils étaient, comme les veines , continus aux artérioles , et destinés à rap- porter la partie aqueuse du sang. Ruysch a très-bien dé- crit leurs valvules. La connaissance des vaisseaux lym- phatiques s’est beaucoup étendue par les travaux de Meckel, de Monro, par ceux de W. Hunter et de trois de ses disciples, J. Hunter, W. Hewson 1 et Cruik- shank 2 ; surtout par ceux de l’illustre P. Mascagni 3 4 , et ■par quelques autres 4 encore , qui tous leur ont accordé

1 Descriptio systematis lymphatici , ex anglico versa , etc. in op. omn. Lugd. Bat. 1795.

2 Anatomie des vaisseaux absorbans du corps humain , traduite de l’anglais par PeUt-Radel; Paris, 1787 .

3 V asorum lymphaticoi'um corp.hum. historia et ichono- graphia; Senis, 1787.

4 Ludwig, Traduction allemande de Cruikshank et de Mascagni, avec des additions; Lips. 1789. - Werner et Fel- ler, Vasorum lacteorum atque lymph. anat-physiol. descrip-

ANATOMIE GENERALE.

4o6

des orifices béans, et ont attribué l’absorption à ces orifices.

§ 46o. On distingue communément ces vaisseaux en chylifères et en lymphatiques; mais cette distinction est tout-à-fait superflue et sans aucune utilité, car leur disposition, leur texture et leurs fonctions sont les mêmes.

§4^i. Les vaisseaux lymphatiques ont une disposi- tion arborisée comme les autres vaisseaux. Les hu- meurs qu’ils contiennent les parcourent , "comme les veines, des ramifications, ou plutôt des racines, vers les troncs. L’ensemble de ces vaisseaux consiste en un tronc principal et un tronc accessoire, auxquels abou- tissent des racines innombrables.

§ 4 62. On trouve des vaisseaux lymphatiques dans toutes les parties du corps, si l’on excepte la moelle épinière , l’encéphale, l’œil et le placenta.

Leur situation présente cela de remarquable, que, dans les membres et dans les parois du tronc, ils sont, comme les veines, distribués en deux plans, l’un super- ficiel ou sous-cutané , et l’autre inter-musculaire ou pro- fond qui accompagne les vaisseaux sanguins elles nerfs; et que dans les cavités splanchniques on trouve de même un plan de vaisseaux lymphatiques situes immé- diatement. sous les membranes séreuses, et d’autres plus profonds.

§ 463. Le nombre des vaisseaux lymphatiques est très-considérable; on en compte jusqu à une vingtaine

tio; Lips. 1784. J. G. Haase, de Vasis cutis et intestin, absorbentibus y e te. Lips. 1786. Sclircger, Fragmenta an at. et pkysioi.fasc . I; Lips. 1791.

DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES.

407

dans le plan superficiel des membres inférieurs pour accompagner la seule veine saphène interne j et un nombre moins grand , mais assez considérable encore, pour accompagner les vaisseaux profonds. Les super- ficiels sont moins volumineux que les profonds. Le vo- lume de ces vaisseaux est beaucoup moindre que celui des veines. Ceux des membres inférieurs sont plus gros que ceux des membres supérieurs, ceux de la tête sont très-petits. Quant à leur capacité totale, elle n’a pas été exactement déterminée, elle paraît en général être environ le double de celle des artères, et égaler celle des veines dans le plan superficiel au moins.

§ 464. L’origine des vaisseaux lymphatiques est in- visible et inconnue. Des considérations physiologiques et des expériences anatomiques ont fait admettre et puis rejeter leur continuation directe et immédiate avec les artères. On a vu aussi plus haut que leur ori- gine par des orifices béans à la surface des deux té- gumens et des membranes séreuses, dans les aréoles du tissu cellulaire et çlans la substance des organes, admise d’après des considérations et des expériences du même genre, n’est pas mieux constatée. Il faut savoir douter.

§ 465. Aussitôt qu’on peut les apercevoir, on voit les radicules des vaisseaux lymphatiques s’unir entre elles, se séparer, et s’unir de nouveau, de manière à former des réseaux qui constituent en grande partie les mem- branes séreuses, tégumentaires , etc.

Ces vaisseaux deviennent en général plus gros et moins nombreux en s’éloignant de leur origine. Dans leur trajet ils continuent de se diviser en branches

anatomie générale.

408

qui se réunissent de nouveau avec d’autres branches voisines, ou même entre elles, de manière à former des îles: ces divisions, ces réunions, ces nombreuses anastomoses , forment en beaucoup d’endroits des plexus.

Quand ils sont pleins et un peu distendus ils pa- raissent plutôt moniliformes que cylindriques ; c’est le grand nombre de valvules dont ils sont munis, et la dila- tation qu’ils présentent au-dessus d’elles, qui leur donne cette apparence de éhapelet ; ils offrent assez souvent encore d’autres dilatations ovoïdes. Ils présentent beau- coup de variétés dans leur trajet : constamment ceux d’un côté différent plus moins de ceux du côté opposé.

Tous* après un trajet plus ou moins long, se rami- fient à la manière des artères, et semblent se terminer dans des glandes lymphatiques, au delà desquelles ils reparaissent de nouveau formés de racines qui se ras- semblent à la manière des veines. Ceux des membres parcourent de longs trajets, plusieurs pieds, sans inter- ruption de ce genre; ceux du mésentère ne parcourent que quelques lignés sans rencontrer des glandes: Quel- ques-uns passent à côté d’une glande sans s’y arrêter. Il paraîtrait même, suivant Cruikshank, que des vais- seaux lymphatiques du dos arriveraient aux troncs sans passer par des glandes; mais Mascagni, dont 1 autorité est si grande dans cette matière* assure qu aucun vais- seau lymphatique n’arrive aux troncs sans passer au moins par une glande.

§ 4 66. Après un trajet plus oïl moins long, plus ou moins interrompu par des ganglions , les vaisseaux

DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES.

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4<><>

lymphatiques de la moitié inférieure et du quart su- périeur et gauche du corps se terminent par un tronc très-allongé, le canal thoracique, dans la veine sous- clavière gauche; les autres se terminent par un tronc très-court dans l’autre veine sous-clavière. Ces termi- naisons sont elles-mêmes sujettes à diverses variétés. Y a-t-il d’autres terminaisons des vaisseaux lympha- tiques dans les veines P Une partie de cette question doit être examinée à l’occasion des ganglions lymphatiques, l'autre doit l’être ici.

Plusieurs anatomistes et physiologistes ont admis cette opinion 1 , que l’on peut fonder sur ce que par- tout, et surtout dans le mésentère, les radicules con- nues des vaisseaux lymphatiques ont une capacité de beaucoup supérieure à celle des vaisseaux qui leur font suite; sur ce que, dans cette partie du corps aussi, on retrouve souvent dans les veines , comme dans les vaisseaux lymphatiques , les substances introduites par absorption, et même celles qui ont été injectées di- rectement dans ces derniers vaisseaux; sur ce que, enfin , la ligature du canal thoracique, même unique, ne dé- termine pasla mort avant dix à quinze jours, et qu’on re- trouve alors dans le sang les substances introduites dans 1 intestin et absorbées par sa membrane interne. Mais on n a point vu la communication dont il s’agit; aussi n a-t-elle pas été généralement admise. C’est surtout dans les glandes lymphatiques qu elle paraîtrait avoir lieu; nous y reviendrons ün peu plus loin. ( art. II. )

S 4^7. Les surfaces des vaisseaux lymphatiques sont,

ï oyez Ludwig, loc. cit .

1

ANATOMIE GENERALE.

4 IO

comme celles de tous les vaisseaux, l’une celluleuse et adhérente, l’autre lisse et libre : cette dernière présente une multitude de valvules.

Ces valvules, de forme semi-lunaire ou parabolique, sont la plupart disposées par paires, et assez larges pour fermer complètement la lumière du vaisseau. Elles sont en général placées à des intervalles inégaux , si ce n’est dans les vaisseaux du testicule, elles sont à peu près de ligne en ligne* ce qui leur donne plus qu’à aucune autre la forme d’un chapelet. Elles sont plus ou moins rapprochées suivant les parties, sans que cela soit plus particulier aux branches qu’aux rameaux; on trouve dans certains vaisseaux, des intervalles de plusieurs pouces sans valvules : le canal thoracique est surtout remarquable sous ce rapport. Dans quelques points l’insertion d’un petit vaisseau dans un plus gros n’est garnie que d’une valvule simple. Dans quelques endroits des troncs on trouve des valvules annulaires qui ne closent pas totalement le canal. L’insertion des troncs dans les veines sous-clavières est garnie d’une double valvule qui s’oppose efficacement aux reflux du sang dans leur cavité. Toutes ces valvules, comme celles des veines et des artères, sont formées par une duplicature de la membrane interne.

§ 4^8. Les vaisseaux lymphatiques sont formés de deux membranes, très-distinctes dans leur tronc prin- cipal.

L’externe, cellulaire et inégale extérieurement, est unie au tissu cellulaire ambiant, qui lui forme une gaine; plus profondément elle est distinctement fibril- laire ou filamenteuse : on prétend même y avoir vu

DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 411

des fibres musculaires. La membrane interne est très- mince.

On suit dans l’épaisseur de la membrane externe, des petits vaisseaux sanguins, artériels et veineux; quel- ques-uns disent y avoir vu aussi des vaisseaux lympha- tiques. On n’a pu y apercevoir de nerfs.

§ 4g6. lies parois des vaisseaux lymphatiques, quoique très-minces et transparentes, sont denses et très-résis- tantes, bien plus que celles des veines, eu égard à l’épaisseur différente. Cependant ces vaisseaux sont extensibles, et aussi très -rétractiles. L’élasticité y est manifeste : si on les remplit et les distend dans le ca- davre, la matière qu’on y a introduite en est repoussée.

L’irritabilité ou contractilité vitale 1 n’y est pas moins évidente, quoiqu'elle ait été niée par Mascagni et plu- sieurs autres. Si on les expose à l’air sur le vivant, ils se contractent manifestement; si on pique le canal tho- racique ou un autre vaisseau lymphatique après l’avoir lié, le liquide en sort par jets, comme le sang qui sort d’une Veine, tandis qu’après la mort il s’échappe seu- lement en nappe. Il est vrai que les irritations méca- niques ou chimiques ne produisent pas des mouve- mens semblables à ceux des muscles, mais l’irritabilité varie suivant les organes.

On ne sait rien sur leur sensibilité, et peu de chose sur leur force de formation.

§ 4jo. Les vaisseaux lymphatiques contiennent le chyle et la lymphe 79); ils conduisent ces humeurs

|

Scbreger, de Irritabilitate vasorum Ismphaticorum ; Lips.

1 789*

ANATOMIE GENERALE.

4 12

cie leurs racines vers leurs troncs, ce qui est assez bien prouvé parla disposition de leurs valvules, qui permet le trajet dans ce sens et s’y oppose dans l’autre; parles effets de la ligature, au-dessous de laquelle ils se gonflent tandis qu’ils se vident au-dessus; et par les valvules qui garnissent leur insertion dans les veines. Les li- quides les parcourent lentement et uniformément, c’est- à-dire sans présenter de pulsations.

Darwin, Thilow et autres, pour expliquer la rapidité . de certaines sécrétions, ont admis un mouvement ré- trograde des humeurs dans les vaisseaux lymphatiques ; tel, par exemple, que des liquides absorbés parles parois de l’estomac pourraient aller directement par les vais- seaux lymphatiques, et au moyen de leurs communi- cations, aux reins et à la vessie: c’est admettre que les valvules n’opposent pas un grand obstacle au retour des liquides. Mais il est certain, au contraire, que les val- vules opposent un obstacle insurmontable au cours rétrograde des liquides; et de plus des observations et des expériences directes font découvrir dans les voies urinaires dessubstancesintroduites dans l’estomac, sans que les vaisseaux lymphatiques intermédiaires en pré- sentent la moindre trace.

ARTICLE II.

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i

DES GANGLIONS LYMPHATIQUES.

§ 471. Les glandes conglobées ou ovoïdes, qui in- terrompent la continuité des vaisseaux lymphatiques, sont dans le même rapport avec ces vaisseaux que les ganglions nerveux avec les nerfs.

DES GANGLIONS LYMPHATIQUES. 4*3

Ces ganglions sont très-anciennement connus. C’est en partie d’eux que Hippocrate parle sous le nom de glandes. Fr. Sylvius leur a donné 1 epithète de conglo- bées, et Lossius celle de lymphatiques. D’après la com- paraison ci-dessus faite par Sœmmerring, et pour évi- ter une confusion, M. Chaussier les a désignées sous le nom de ganglions lymphatiques.

§472- Us sont situés sur trajet de tous les vaisseaux lymphatiques , à commencer du coude-pied et du pli du coude pour les membres, du canal carotidien et de la base extérieure du crâne pour la tète. Il en existe beau- coup au cou, dans faisselle , dans l’aine , plusieurs dans les parois antérieures de la poitrine et de l’ab- domen, et un très-grand nombre dans ces cavités. Ils existent surtout très-abondamment autour des racines des poumons et dans le mésentère , près des parties par conséquent qui donnent accès à beaucoup de ma- tières venant du dehors. On n’en connaît point dans le crâne ni dans le rachis.

Leur volume varie, dans l’état de santé, depuis celui d’une lentille jusqu’à celui d’une amande. En gé- néral les plus petits sont placés vers les origines, et les plus gros vers les troncs des vaisseaux. Les plus volumineux et les plus rapprochés se trouvent vers la racine du mésentère, les plus petits dans l’épiploon; ceux de la tête et du bras sont petits.

Leur figure est obronde, oblongue, un peu aplatie ; ils sont plus ou moins inégaux à la surface ; ils ont en général la forme d’une amande.

Les ganglions lymphatiques sont en général d’un blanc rougeâlre, semblable à la chair, mais leur cou-

4 1'4 ANATOMIE GÉNÉRALE.

leur varie suivant les régions qu’ils occupent : ainsi , ceux qui sont sous - cutanés sont d’une couleur plus foncée; ceux des environs du foie sont jaunâtres, ceux de la rate bruns, ceux des poumons noirâtres, ceux du mésentère très-blancs , etc.

Leur consistance est plus grande que celle d’aucune partie molle.

§ 47^. Les ganglions lymphatiqnes sont envelop- pés d’une membrane mince, fibrillaire, très-vasculaire, unie au tissu cellulaire environnant, et qui envoie des prolongemens fins et mous dans l’intérieur.

Les vaisseauxlymphatiques dont la glande interrompt le trajet se distinguent en ceux qui y arrivent, vasa inferentia, et en ceux qui en sortent, vasa efjerentia : ils se distinguent les uns des autres par la direction de leurs valvules. Le nombre des vaisseaux inférens est très-variable; on en trouve depuis un jusqu’à vingt ou trente; celui des vaisseaux efférens est variable aussi, rarement correspondant, et ordinairement moindre. Les premiers entrent par l’extrémité de la glande la plus rapprochée des origines du système, les autres sortent par l’extremité opposée, qui répond aux troncs. Les vaisseaux inférens, en approchant de la glande, se divisent en rameaux qui s’écartent en rayonnant au- tour d’elle , se divisent et se subdivisent à sa sur- face, de manière à l’entourer d’un réseau. Les vais- seaux efférens produisent à peu près le même effet à l’autre extrémité de la glande, par la réunion suc- cessive de leurs radicules et de leurs racines en troncs plus ou moins nombreux et volumineux. La capacité totale des vaisseaux efférens paraît en général moindre

des ganglions lymphatiques. 4 1 5

que celle des inférens ; cela est surtout frappant dans le mésentère.

Les glandes lymphatiques ont aussi des vaisseaux sanguins remarquables. Les artères sont assez volumi- neuses et nombreuses pour que leur injection colore tout-à-fait les glandes. Les veines, plus volumineuses encore que les artères, sont dépourvues de valvules. On peut voir des filets nerveux arriver à ces organes et les traverser ; mais il est très-difficile de savoir si quelques filamens s’y terminent, ou si tous ne font que les traverser. Deux grands anatomistes sont op- posés sur ce sujet; Wrisberg les admet, et Walter les nie.

§ 474- Les anatomistes ne sont pas plus d’accord sur la conformation interne et la texture des glandes lympha- tiques. Albinus, Ludwig, Hewson, Wrisberg, Monro, Meckel , regardent leur tissu comme entièrement vas- culaire; Malpighi, Nuck, Mylius, Hunter, Cruikshank, y admettent des cellules ; Sœmmerring admet ces deux sortes de textures, et une troisième résultant de leur combinaison. L’examen que j’ai fait de ce tissu dans l’homme, dans plusieurs animaux, et surtout dans les glandes inguinales de vaches mortes pendant la lac- tation, m’a montré qu’il résulte uniquement de vais- seaux, mais qui offrent une disposition érectile plus ou moins évidente. En effet, parmi les vaisseaux inférens qui pénètrent dans l’épaisseur de la glande, les uns acquièrent et conservent une grande ténuité, les autres se dilatent en cellules, comme les veines du pénis , les les uns et les autres ayant de nombreuses communica- tions anastomotiques. Les racines des vaisseaux efférens

ANATOMIE GÉNÉRALE.

4l 6

présentent de leur côté la même disposition , c’est-à- dire que les unes sont des radicules déliées, et les autres des racines renflées ou dilatées en cellules. La plu- part des glandes lymphatiques présentent à l’intérieur ce mélange de ramifications ténues et de parties ren- flées. Quelques-unes ne présentent presque que des rameaux dilatés en cellules ; quelques autres ne sem- blent consister qu’en un réseau de ramifications déliées. C’est par ces variétés qu’on peut expliquer la diver- sité d’opinion qui a existé sur ce point d’anatomie.

Les glandes lymphatiques contiennent dans leur in- térieur une substance crémeuse ou lactiforme qui parai t être contenue dans les vaisseaux fins ou larges qui les composent, et non dans le tissu cellulaire.

§ 47^>. Ces ganglions sont plus volumineux, plus mous, plus rougeâtres, et contiennent plus de liquide dans les enfans et les jeunes sujets que dans les adultes ; ils diminuent beaucoup, mais ne disparaissent pas dans la vieillesse. Il n’y a pas de différence tranchée sous ce rapport entre les deux sexes : Hewson dit qu’ils sont plus gros chez l’homme; Bichat dit tout le contraire. On les a trouvés noirs sous la peau des nègres.

§ 476* La fonction qu’on attribue aux glandes lympha- tiques est de servir au mélange des liquides arrivant par divers vaisseaux inférens, et à l’élaboration de la lymphe et du chyle. Les liquides sont ensuite emportés par les vaisseaux lymphatiques efférens , et peut-être en partie par les veines. Ce dernier point a été nié par beaucoup d’anatomistes et de physiologistes d un grand nom , comme Haller, Cruikshank , Hewson, Mascagni, Sœmmerring, etc. , mais il est à craindre que 1 autorité

DES GANGLIONS LYMPHATIQUES. 4r7

de ces hommes célèbres n ait fait rejeter sans examen une vérité.

Outre les faits déjà rapportés ci-dessus en faveur de l’opinion dont il s’agit, on peut dire que beaucoup d’observateurs ont aperçu des stries de chyle dans la veine-porte; on peut ajouter- qu’un très-grand nombre d’anatomistes ont vu, et j’ai vu moi- même nombre de fois, le mercure introduit dans les vaisseaux lym- phatiques du mésentère, passer, au delà d’une glande, tout à la fois dans les vaisseaux efférens et dans les veines de la glande; or ce passage est trop facile et trop constant pour dépendre d’une double rupture et non d’une communication naturelle des vaisseaux lym- phatiques et des veines.

§ 477- Outre les maladies des glandes et des vaisseaux lymphatiques r, comme l’inflammation des uns et des autres , les blessures et les ruptures des vaisseaux , leur dilatation variqueuse, leur rétrécissement et leur obli- tération , les tubercules et les autres productions mor- bides dans les glandes, etc., on a fait jouer au système lymphatique, en le considérant comme appareil de l’absorption, un rôle très-grand et très-exagéré dans la plupart des maladies. v -

1 S. Th. Sœmmerring, de Morbis vasorum absorbentiurn corp. hum. in-8°; Traj.ad Moén. 1795.

27

1.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

4*8

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CHAPITRE Y.

DES GLANDES.

§ 478. Le nom de glande1, glandula , âtyVf vient, suivant Nuck, de la comparaison, faite par les anciens, entre les ganglions ou glandes lymphatiques et les fruits du chêne.

Des objets si différens ont été compris sous le nom de glande, qu’il en est résulté beaucoup de difficulté d’en donner la définition.

Hippocrate avait dit que les glandes étaient formées d’une chair particulière, grenue, spongieuse, point dense, de couleur de graisse, de consistance de laine, s’écrasant sous la pression, pourvue de beaucoup de 'veines , et rendant, quand on la coupe, du sang blan- châtre et séreux. Il comprenait un grand nombre de parties sous ce nom , et notamment le cerveau.

On a eu long-temps une idée aussi vague des glandes,

1 Wharton , Adenographia ; Lond. i656 .M. Malpighî , de Viscerum structura , in op. ornn. et de Slruct. glandul. conglob. etc., in op. posth. Lossius et Pielow, Disq. de glandulis in généré ; Yileb. i683. A. Nuck , Adenographia curiosa; L. B. 1691. G. Mylius , de Glandulis ; L. B. 1698. L. Terra- neus, de Gland, universim, etc.; L. B. 1729- Boerhaave et Ruyscli, de Fabricd glandular. etc. , in Rujrschu op. omn. A. L. de Hugo, Comment de glandulis in généré , etc.; Got- ting. 1746. Th. de Bordeu, Recherches anatoin. sur les glandes, etc.; Paris, 1751. G. A. Haase , de Glandularum de/initionCj Lips. 1804. Leonhardi, op. rit.

/

des glandes.

419

l’on y a joint ensuite celle dune forme arrondie; on a compris alors avec les glandes et les ganglions vascu- laires, le conarium et l’hypophyse du cerveau , les pa- quets adipeux synoviaux, et même la langue.

Une autre définition, fondée sur la texture, et dans laquelle on faisait entrer l’idée d’un amas de follicules ou d’un ensemble de vaisseaux avec une enveloppe membraneuse particulière, comprenait encore beau- coup de parties différentes, et supposait la connaissance exacte de la texture intime.

On a aussi essayé de définir les glandes par leur fonc- tion , en disant qu’elles sont des organes sécrétoires ; mais confondant ensuite la nutrition et la sécrétion , on y a compris la plupart des organes; ou bien distin- guant ces fonctions, mais ne séparant pas les sécrétions intrinsèques des sécrétions excrétoires, on a confondu les membranes séreuses et synoviales avec les glandes.

Il faut, pour distinguer les glandes de toute autre partie analogue par la forme, par la texture appa- rente, et même jusqu’à un certain point par les fonc- tions, avoir particulièrement égard à leurs connexions ; Bichat et M. Chaussier ont pris cette considération pour base d’une définition des glandes ; Haase l’a adop- tée aussi, mais il a supposé des conduits excréteurs aux : ganglions vasculaires. Les glandes sont des organes de .■ forme obronde , lobuleux , entourés de membranes, ayant beaucoup de vaisseaux et des nerfs, et pourvus de conduits excréteurs ramifiés qui aboutissent aux mem- branes tégumentaires et y versent un liquide sécrété, il En un mot, ce sont des organes de sécrétion extrin- sèque, pourvus de conduits excréteurs.

ANATOMIE GENERALE.

4 20

§ 4y9- Considérées ainsi, les glandes sont des dépen- dances ou des prolongemens des membranes tégumen- taires. Dans les animaux pourvus de vaisseaux et de cœur, les seuls qui aient des glandes massives , elles résultent d’une réunion intime de ces deux genres d’or- ganes: c’est pour cela que leur description est placée ici. Elles tiennent cependant encore plus au système tégumentaire qu’au système vasculaire, car dans les ani- maux dépourvus de vaisseaux, les glandes existent, mais à un état rudimentaire; le foie, la plus constante de toutes les glandes, si ce n’est cependant le rein, existe en effet dans les insectes sous forme d’un canal excré- teur ramifié , aboutissant au canal intestinal, mais libre et flottant dans l’abdomen.

§ 48o. Il est encore assez difficile et peut-être im- possible, d’établir une ligne de démarcation bien tran- chée entre les follicules ou cryptes et les^giandes.

On a déjà vu que parmi les follicules, il y en avait de simples et solitaires; que d’autres sont groupés, agminés ouaggrégés; que d’autres sont composés, soit par leur réunion dans un orifice commun ouunelacune, soit en même temps par l'agglomération de plusieurs follicules , soit enfin par un canal excréteur commun et ramifié; c’est ici que la difficulté existe, car il n’y a pas de raison valable pour ne pas ranger les amygdales qui ont des lacunes composées, les glandes molaires, la prostate et les glandes de Cowper, qui ont des conduits ramifiés, parmi les glandes, aussi bien que les glandes sublinguales, lacrymales, etc.

Les glandes les plus parfaites et les moins équivoques sont: les lacrymales, les salivaires, au nombre de trois

DES GLANDES.

4 2 I

de chaque côté, savoir la parotide, la maxillaire et la sublinguale ; le pancréas, le foie, les reins, les testi- cules et les mamelles. Les ovaires doivent être, comme les testicules, rangés dans ce genre d’organes.

§ 48x. La forme des glandes est irrégulièrement ar- rondie, et présente beaucoup de variétés. Les unes impaires, comme le foie et le pancréas, sont asymé- triques ; les autres sont paires et assez exactement sem- blables des deux côtés.

§482. Elles sont toutes situées au tronc, et toutes, quelle que soit la diversité apparente de leur situation , aboutissent par leurs canaux à la membrane muqueuse ou à la peau.

§ 483. Leur volume diffère beaucoup: le foie est un des organes les plus volumineux du corps ; les glandes lacrymales, sublinguales et les ovaires ont à peine, au contraire, le volume de la moitié du pouce.

§484- A l’intérieur, les unes sont lobées etlobulées, comme les lacrymales, les salivaires et le pancréas; les mamelles le sont moins distinctement; les testicules le sont d’une autre manière ; les reins le sont seule- ment dans le fœtus ; le foie n’est lobé qu’à l’extérieur.

Dans les premières, les lobules paraissent formés de particules très-petites, mais semblables et blanchâtres; dans le foie et dans les reins, on trouve deux subs- tances de couleur différente , disposées par couches dans les reins, et mêlées à la manière du granit dans le foie.

§ 485. Les glandes sont enveloppées d’une mem- brane, cellulaire dans la plupart d’entre elles, et fibreuse dans les autres, entourée dans quelques-unes

ANATOMIE GÉNÉRALE.

422

par une membrane séreuse, et dans les autres par beaucoup de tissu cellulaire et adipeux. La face in- terne de cette membrane se continue avec le tissu cellulaire plus ou moins lâche, qui existe abondam- ment dans les glandes.

Ces organes ont beaucoup de vaisseaux sanguins et lymphatiques, et peu de nerfs; plus cependant que la membrane muqueuse en général, mais moins que la peau. La plupart ne reçoivent que du sang artériel ; le foie seul dans l’homme et les mammifères, le foie et les reins dans les ovipares, reçoivent en outre du sang veineux, ce qui explique la nature des liquides, si dif- férens du sang et tout à fait excrétoires que fournissent ces glandes. Le nombre et le volume, ou la capacité totale des artères sont très-divers dans les glandes, mais nulle part plus grands que dans les reins. La longueur, le trajet, le mode de distribution des vaisseaux, sont également très-variés. La différence de capacité entre les artères et les veines est très-peu marquée dans les glandes ; et, en effet, une grande partie du sang y est transformée en humeur sécrétée, et emportée par les

conduits excréteurs.

/

§ 486. Ces conduits commencent par des radicules très-fines, invisibles, et probablement closes, qui se réunissent entre elles à la manière des veines, pour former plusieurs troncs, comme dans les glandes lacry- males, sublinguales et mammaires, ou un seul, comme

dans toutes les autres. Ces conduits, multiples ou uniques

pour chaque glande, parcourent un trajet en général droit, tortueux dans les testicules seulement, et abou- tissent aux membranes tégumentaires. Celui de 1 ovaire

DES GLANDES.

4^3

«st seul interrompu; ceux des mamelles présentent, avant leur terminaison, des renflemens olivaires; ceux du rein présentent d’abord un évasement ou bassinet, et puis viennent aboutir à une vessie unique pour eux deux ; celui du foie et celui de chaque testicule ont aussi un réservoir, mais situé latéralement et exigeant un cours rétrograde du liquide sécrété pour y arriver. Les conduits des autres glandes ne présentent ni interrup- tion, ni renflemens, ni réservoirs.

La composition des conduits excréteurs résulte tou- jours essentiellement d’une membrane muqueuse dont l’épaisseur va en diminuant, à mesure qu’elle forme des divisions plus fines dans la glande. Cette membrane est doublée à l’extérieur par du tissu cellulaire, par du tissu élastique; dans quelques conduits par du tissu érectile, comme dans l’urètre , dans le mamelon , et peut-être dans quelques autres; dans quelques parties des voies excrétoires, la membrane muqueuse est armée ou doublée de fibres musculaires.

§ 4^7* La texture intime des glandes est peu connue. Malpighi avait avancé que chacun des grains glan- duleux, acini , devait être considéré comme un folli- cule, et chaque glande comme une conglomération de follicules aboutissans à un canal excréteur commun. Cette opinion fut reçue et admise sans contradiction jusqu’à Ruysch, et de son temps défendue contre lui- même par Boërhaave. Suivant Ruysch , au contraire, ce qu’on a appelé grains glanduleux consisterait unique- ment dans des entrelacemens de vaisseaux fins , dans lesquels les artères se continueraient en canaux excré- teurs.

ANATOMIE GENERALE.

Il y a dans chacune de ces deux opinions quelque chose de vrai qu’il faut admettre, et quelque chose à rejeter comme inexact. Il est vrai, comme le dit Mal- pighi, qu’une glande consiste, comme un follicule sim- ple ou composé, en un canal fermé à l’extrémité; il est vrai aussi, comme le dit Ruysch, que chaque grain glanduleux, et que la glande entière, consiste dans le mélange et l’entrelacement des vaisseaux. fins avec les origines du conduit excréteur; mais il est inexact de dire, comme il l’a dit, que les conduits excré- teurs sont la continuation des artères; comme il serait inexact de dire avec Malpighi, que les racines des con- duits excréteurs commencent par des renflemens ou follicules. Peut-être l’hypothèse de Malpighi aurait- elle plus de probabilités, appliquée aux glandes gra- nulées, comme les salivaires, le pancréas et les lacry- males, qui ressemblent tant en effet à des follicules composés; et celle de Ruysch, plus de vraisemblance en l’appliquant seulement au foie, aux reins et aux tes- ticules , dont la texture est si évidemment vasculaire et canaliculée ; sans que cependant on puisse affirmer qu’il y a dans les premières de véritables follicules évasés, et dans les autres des continuations directes entre les artères et les conduits excréteurs.

On pourrait encore apporter à l’appui de cette con- jecture la facilité avec laquelle, dans ces dernières glandes, les injections passent des vaisseaux dans les conduits excréteurs, et réciproquement, et la difficulté avec laquelle on obtient les mêmes résultats dans le>

glandes lobulées et granulées.

Quoi qu’il en soit de cette opinion, la texture ues

DES GLANDES.

4^5

glandes paraît bien certainement résulter de la réunion intime des conduits excréteurs ramifiés, et clos à leur origine, avec des vaisseaux sanguins et lymphatiques et des nerfs situés dans leurs intervalles, divisés et terminés dans leur épaisseur ; le tout réuni par du tissu cellulaire et enveloppé de membranes.

§ 488. Les glandes ont pour fonction un mode de sécrétion que l’on appelle glandulaire. Toute sécrétion en général consiste dans la formation d’une humeur particulière, don! le sang fournit les matériaux. La sé- crétion glandulaire ne diffère des autres ( sécrétions fol- liculaire et perspiratoire ) , que par la complication plus grande de son organe.

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A une exception près, le même sang, le sang artériel seul, est apporté dans toutes les glandes; le nombre, le volume, la direction , le mode de distribution des vais- seaux, et le degré de ténuité auquel ils arrivent par leurs divisions successives, ne peuvent guère influer que sur la quantité de sang qui arrive à la glande, et sur la rapidité de son cours; cependant une partie du sang étant remportée par les veines , et un autre liquide par les vaisseaux lymphatiques, les glandes versent par leurs conduits excréteurs des humeurs aussi différentes entre elles, que la salive, les larmes, la bile, l’urine, le sperme et le lait.

Quels sont donc la nature et la cause du change- ment du sang en humeur sécrétée? On a cru que. le changement et sa cause étaient purement mécaniques, et dépendaient de la grandeur et de la figure des ou- vertures par les humeurs sortent des vaisseaux; 011 a supposé, avec beaucoup plus de vraisemblance, que

ANATOMIE GÉNÉRALE.

4^6

c’était un changement chimique, c’est-à-dire une autre composition élémentaire; mais ce changement n’a lieu que dans les corps organisés, et que dans certains de leurs organes; cette différence tient donc à des modifi- cations de leur substance, tout comme on voit divers végétaux plantés dans le même sol, plongés dans la même atmosphère , produire les uns, de la gomme,

les autres un acide, les autres de la résine, etc. La

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sécrétion glandulaire, comme les autres, est donc une fonction delà substance organisée et vivante: les vais- seaux en apportent les matériaux contenus dans le sang , la production est probablement même disposée ou préparée par la disposition des vaisseaux et le mode de circulation qui en résulte , mais c’est dans le tissu qui forme les racines des conduits excréteurs qu’il faut en chercher l’instrument essentiel et immédiat. La sécrétion en général, et la sécrétion glandulaire en particulier, sont évidemment soumises à linfluence nerveuse; les effets des passions sur les sécrétions en général, ceux des maladies, de l’hystérie, de l’hypo- chondrie, etc., sont assez connus. Des expériences de M. Brodie sont venues confirmer ce que 1 observation directe avait appris.

La ligature des veines d’une glande augmente beau- coup le produit de sa sécrétion.

§ 4^9- Les glandes commencent à se former par leur canal excréteur. Dans l’embryon , ce canal est libre et flottant, comme dans les insectes. Les glandes sont ensuite lobées, par exemple les reins, comme elles le sont dans les arachnides et les crustacés. Elles sont en général très-volumineuses dans le fœtus et 1 enfant.

I

DES GLANDES.

427

Elles diminuent proportionnellement à mesure que les organes des fonctions animales se développent. Quel- ques-unes changent de place vers l’époque de la nais- sance : ce sont les testicules et les ovaires. Ces glandes et les mamelles se développent beaucoup à 1 époque de la puberté, et se flétrissent dans la vieillesse.

§ 490* Les glandes présentent beaucoup de variétés individuelles et de vices de conformation. Quelques- unes manquent quelquefois entièrement ; ce sont celles de la génération qui sont le plus sujettes à manquer. Une des glandes paires peu manquer ou être moins volu- mineuse que l’autre. Quelques-unes restent quelque- fois lobées, ou très-volumineuses comme dans le foe- tus. D’autres sont quelquefois réunies, comme les deux reins en un. D’autres peuvent conserver leur situation primitive, comme les testicules et les ovaires ; ces der- niers sont quelquefois , au contraire , entraînés au dehors de l'abdomen. Les reins peuvent aussi être situés beaucoup trop bas, ou dans le bassin.

§ 491* On observe quelquefois l’atrophie des glandes, soit par une pression extérieure, soit par une produc- tion accidentelle développée dans leur épaisseur; elle a aussi lieu parle défaut d’action, ou même sans cause appréciable. L’hypertrophie a lieu quelquefois par suite de la cessation d’action d’autres organes, et surtout dune glande paire. Assez souvent elle est accompa- gnée de quelque altération de tissu.

§ 492. L’inflammation des glandes est fréquente, et souvent se développe en se propageant le long du conduit excréteur, depuis son orifice jusqu’à ses racines dans la glande. L’inflammation y est souvent suppura-

ANATOMIE GENERALE*

428'

toire, et quelquefois plastique, cl résulte l’oblitéra- tion des conduits et l’induration du tissu.

§ 493. Les productions accidentelles, soit saines, soit morbides, sont très-communes dans les glandes. Les ovaires y sont le plus sujets, mais surtout aux productions analogues; les testicules, le foie et les mamelles sont très-sujets aux productions morbides; les glandes lacrymales, salivaires, et le pancréas, sont au contraire très-peu sujets, soit aux unes, soit aux autres productions accidentelles.

§ 494- Le tissu glanduleux ne se produit point acci- dentellement. Quand il est entamé, les racines ou le tronc du conduit excréteur étant divisés, la matière sécrétée est versée dans la plaie , qui a beaucoup de tendance à devenir et à rester fistuleuse.

§ 49s* Ici se termine la description de tous les sys- tèmes ou genres d’organes qui appartiennent spéciale- ment aux fonctions végétatives; ceux qui restent à dé- crire appartiennent au contraire plus particulièrement aux fonctions animales. Cette distinction serait mieux tranchée si l’une des membranes tégumentaires , la membrane muqueuse, n’appartenait principalement aux fonctions de la nutrition et de la génération; tan- dis que l’autre, la peau, sert principalement aux sen- sations: c’est le système tégumentaire qui lie les deux classes de fonctions et d’organes.

DU TISSU LIGAMENTEUX.

4^9

CHAPITRE VI.

DU TISSU LIGAMENTEUX.

§496. Le tissu ligamenteux ou desmeux, textus desmo.sus, est blanc, flexible, très-tenace , et forme des liens et des enveloppes très-solides.

Il a été désigné par les noms de tissu fibreux, albu- gineux, tendineux, aponéVrotique, etc. Ces deux der- niers noms , comme celui de ligamenteux , ont l’incon- vénient d’indiquer une sorte particulière de ce tissu, et les premiers, une qualité commune à beaucoup d’autres ; c’est pour cela que le nom desmeux me paraît préférable, parce que, quoiqu’il signifie ligamenteux, il n’a point été appliqué aux ligamens en particulier.

§ 497* Les plus anciens anatomistes, Hippocrate et Aristote, confondaient sous le nom de nerfs toutes les parties blanches; de les noms d’aponévrose, de synévrose, d’énervation, de muscle demi-nerveux, etc. L’école d’Alexandrie, et Galien surtout, ont positive- ment distingué les ligamens, les tendons et les nerfs.

Galien et Yésale avaient déjà noté l’analogie qui existe entre les ligamens et certaines membranes; Ad. Murray avait déjà Indiqué la ressemblance très-grande qui existe entre les tendons, les ligamens et les apo- névroses; Isenflamm 1 a donné quelques remarques sur

1 Bernerkungen über die flechsen , in Beitrdge fui ' die zer- gliederungskunst, Band. I, Leipzig, 1800.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

43o

ce tissu; mais c’est Bicliat qui , le premier, a considéré dans leur ensemble toutes les parties de ce genre sous le nom de tissu fibreux'. Il y comprenait le tissu élas- tique que j’en ai séparé 36 1.) et en excluait une autre sorte que j’y réunis, c’est son tissu fibro-eartilagineux des articulations et des coulisses tendineuses.

PREMIÈRE SECTION.

DU TISSU LIGAMENTEUX EN GENERAL.

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§ 498. Les organes ligamenteux ne forment point un tout continu ou un ensemble; on a cependant cher- ché un centre et une réunion à toutes les parties de ce genre.

Une opinion très-ancienne, antérieure à Galien, mais énoncée dans un de ses traités, attribuait au péricrâne l'origine de toutes les membranes nerveuses . On a cru

o

que les Arabes, en traduisant dans leur langue le nom de méninges par un mot qui a la même signification, et aussi celle de mère, regardaient les membranes du cerveau comme génératrices des autres membranes; c’est une erreur consacrée par Sylvius, qui a repré- senté les méninges comme des membranes fécondes et mères. Beaucoup plus tard Bonn, et tout récem- ment Clarus , ont attribué, en quelque sorte , la même qualité aux aponévroses d’enveloppe. Bichat a indiqué le périoste comme la partie centrale du système fibreux. Mais ce système, formé de parties indépendantes les unes des autres, n’a point, à proprement parler, de centre; quelques-unes de ses parties sont même tout-

DU TISSU LIGAMENTEUX.

43 I

a-fait isolées des autres. C’est d’ailleurs un tissu très- généralement répandu, ayant beaucoup de rapport avec le tissu cellulaire, et se continuant avec lui en divers endroits.

§ 499. Le tissu ligamenteux se présente sous deux formes principales, celle de lien, ou de cordon, comme les ligamens et les tendons; et celle de mem- brane ou d’enveloppe, comme le périoste, la méninge, la sclérotique, etc. Ces deux formes, funiculaire et membraneuse, se confondent dans certaines parties, allongées et arrondies à une extrémité, épanouies et aplaties à l’autre, tels sont certains tendons; en outre la forme membraneuse, quoique en général des- tinée à former des enveloppes, forme aussi quelque- fois des liens , tels sont les ligamens capsulaires , les aponévroses d’insertion, etc. D’après ses connexions, on a aussi divisé le tissu ligamenteux en parties ser- vant aux os, aux muscles, et à d’autres organes; et, d’après ses usages, en parties servant d’attaches ou d’enveloppe, ou à l’un et à l’autre usages.

§ 5oo. La couleur du tissu ligamenteux est blanche; son aspect est en général resplendissant ou satiné.

§5oi. Sa texture est essentiellement fibreuse, les fibres dont il est composé sont des filamens très-déliés, parallèles ou entrecroisés. Dans quelques tendons longs

Iet grêles, les fibres sont comme tressées; dans les apo- névroses, elles sont ordinairement disposées en plu- sieurs plans entrecroisés , et quelquefois comme tissues entre elles. Dans quelques parties de ce tissu, les fibres sont si étroitement réunies , que le tout semble homo- v\ gène et non fibreux, tels sont les ligamens cartilagini-

ANATOMIE GENERALE.

4 3 '1

formes ; mais dans toutes les autres parties on peut, dans les sujets infiltrés, ou dans les parties soumises à la ma- cération , séparer les faisceaux de fibres les uns des au- tres, séparer les fibres elles-mêmes sous forme de fila- mens fins comme des fils de ver à soie. On ne sait pas bien si c’est le dernier terme de division, mais c’est pro- bable. Ces filamens sont blancs, tenaces , peu élasti- ques, flexibles, et probablement pleins ou solides. Fontana et M. Chaussier regardent cette fibre comme primitive et particulière; Isenflamin la regarde comme formée de filamens cellulaires imprégnés de gluten et d’albumine ; Mascagni dit que l’inspection microsco- pique semble démontrer que ces filamens primitifs ré- sultent d’un amas de vaisseaux absorbans entourés d’une membrane formée de ces mêmes vaisseaux, et d’une autre résultant de vaisseaux sanguins très-déliés for- mant un réseau subtil; on voit que c’est toujours la même idée déjcà exposée plus haut 394.) Ces filamens paraissent être du tissu cellulaire très-condensé; la ma- cération les amollit et les change en substance mu- queuse ou cellulaire.

Les divers organes ligamenteux sont enveloppés dégainés formées parle tissu cellulaire; de plus, ceux qui ont des faisceaux distincts contiennent encore de ce tissu dans leur intervalle; les fibres enfin sont elles- mêmes entourées et liées entre elles par ce tissu, que l’infiltration et la macération rendent très-apparent. On" trouve aussi du tissu adipeux dans l’épaisseur des or- ganes ligamenteux. Le tissu ligamenteux est en géné- ral peu vasculaire, cependant on trouve à sa surface et l’on suit dans son épaisseur quelques petits vaisseaux

TISSU LIGAMENTEUX,

433

sanguins. Pour les bien voir, il faut , après les avoir injectés en rouge, faire sécher la partie, puis la trem- per dans l’huile volatile de térébenthine, pour la rendre transparente. Quelques parties du système liga- menteux sont très-vasculaires ; tel est surtout le pé- rioste, telle est encore la méninge crânienne. On aper- çoit des vaisseaux lymphatiques dans les plus gros organes de ce genre. Il est douteux qu’ils aient des nerfs.

S 5o2. Le tissu ligamenteux contient naturellement une grande proportion d’eau. La dessiccation le rend dur, transparent, élastique et cassant, lui donne une couleur rougeâtre ou jaunâtre, et rend ses fibres peu distinctes. Il résiste long-temps à la macération, qui l’amollit , le rend floculent à la surface , écarte ses fibres, en rendant le tissu cellulaire apparent dans son épaisseur, et finit par les changer elles-mêmes en subs- tance muqueuse. Le feu le crispe violemment , et il laisse un charbon volumineux. La décoction le crispe beaucoup d’abord, le rend jaune, dur, élastique, et finit par le réduire en gélatine. Les acides minéraux, froids et chauds le dissolvent ; l’acide nitrique com- mence par le crisper. L’acide acétique froid le gonfle et le réduit en une masse gélatineuse; chaud, il le fond entièrement. Les alcalis le gonflent et le ramollissent; en cet état ses fibres se séparent aisément et présentent les couleurs de l’arc-en-ciel.

§ 5o3. L’élasticité du tissu ligamenteux frais est très-médiocre, mais elle est très-marquée quand il est desséché. Son extensibilité est presque nulle, quand I effort est subit; delà les étranglemens produits par les *• N 28

ANATOMIE GÉNÉRALE.

434

parties ligamenteuses ; et les déchirures de ce tissu par des distensions violentes. Quand , au contraire, les causes de distension agissent lentement et graduellement, le tissu ligamenteux cède en s’amincissant , ses fibres s’é- cartent, et se désunissent même, si la distension lente est portée très-loin. Il ne faut pas confondre avec ce phénomène l’augmentation de volume du tissu fibreux par excès de nutrition. La retractilité du tissu fibreux s’exerce dans la même proportion que l’extensibilité ; elle a lieu promptement si la distension a été prompte sans aller jusqu’à la déchirure, et lentement si elle a été graduelle et lente. La ténacité ou la force de résis- tance de ce tissu à la rupture est énorme; elle persiste après la mort dans toute son énergie; l’irritabilité ou contractilité vitale y est nulle ; ainsi il ne faut pas y admettre avec Baglivi des mouvemens de contrac- tion, ni des mouvemens d’oscillation avecLaCaze. La sensibilité de ce tissu est extrêmement obscure ou dou- teuse. Ceux qui l’admettent , conviennent qu elle n’est développée que par certains agens mécaniques, parti- culiers pour les diverses parties de ce tissu : ainsi la dure-mère serait sensible à l’impression de quelques excitans sans effet sur d autres parties ligamenteuses; les ligamens seraient sensibles à la distension et au tiraillement violent qui précède leur rupture , tandis que la même chose n’a pas lieu dans les tendons. 11 reste encore bien des doutes sur ce sujet. On a eu tort cependant de conclure, des expériences favorables à l’opinion de l’insensibilité des parties ligamenteuses, quelles n éprouvent aucune impression des causes irri- tantes; ces causes au contraire y développent 1 in fia m-

DU TISSU LIGAMENTEUX.

435

mation , la sensibilité morbide et diverses altérations. La force de formation des parties ligamenteuses est très-active.

§ 504. La fonction de ce tissu, toute mécanique, est de former des liens, des cordons, des enveloppes très-solides, qui servent à attacher les os entre eux, les muscles aux os, à contenir certaines parties, à transmettre des efforts, etc.

§ 5o5. Le tissu ligamenteux est d’abord, dans l’em- bryon, mou et muqueux comme toutes les autres parties; il conserve pendant la vie fœtale et pendant l’enfance beaucoup de mollesse et de flexibilité; il est alors peu dense, plus vasculaire, d’un blanc bleuâtre, perlé ou argentin, et aisément soluble dans l’eau bouillante.

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Quelques parties, comme la méninge, la sclérotique, le périoste , sont plus épaisses que dans l’adulte ; les tendons et les aponévroses au contraire sont plus grêles et plus minces. Dans la vieillesse, au contraire, il de- vient jaune, moins resplendissant, plus ferme, plus coriace, plus sec, moins vasculaire, et moins soluble dans l’eau bouillante qu’il ne l’était dans l’âge adulte.

Malgré la dureté du système ligamenteux chez le vieillard , il n’a pas une très-grande tendance à s’ossifier. Les tendons ne s’ossifient guère que iis frottent , et ils ont une texture fibro-cartilagineuse, et à leur ex- trémité insérée aux os. La rareté de l’ossification sénile des tendons est d’autant plus remarquable, que chez plusieurs animaux, comme certains oiseaux, comme les insectes et les crustacés, l’ossification ou un endurcis- sement analogue a toujours lieu dans le développe- ment régulier de ces parties.

ANATOMIE GENERALE.

436

§ 5o6. Les diverses parties du système fibreux, quoi- que assez analogues pour former un genre d’organes, ne sont pourtant point identiques , le tissu des tendons est moins serré que celui des ligamens, celui des liga- mens cartilaginiformes est tellement serré, qu’il est presque homogène en apparence. La composition chi- mique de toutes ces parties est à peu près la même , cependant les tendons cèdent beaucoup plus facile- ment à l’action dissolvante de l’eau bouillante, que les autres parties ligamenteuses.

§ 55y. Le tissu ligamenteux divisé , déchiré ou rompu, se réunit : c’est ce qu’on voit arriver aux liga- mens après les luxations. Le tendon d’Achille, ou quel- que autre gros tendon étant rompu, si; les bouts sont maintenus immobiles et en contact, il se fait en pre- mier lieu une agglutination entre eux, puis une réu- nion organique qui , plus extensible d’abord que le tendon, acquiert avec le temps sa force de cohésion, ou sa ténacité et sa presque inextensibilité. Il se fait entre les bouts des muscles divisés, et quelquefois à la suite des fractures des os, des réunions fibreuses.

§ 5o8. La production accidentelle du tissu ligamen- teux est assez fréquente, et se présente sous plusieurs formes. On trouve des membranes de ce genre autour de certains kystes qui en sont rarement enveloppés en totalité. Certaines tumeurs solides ont aussi des enve- loppes du même genre. Les articulations contre nature ont aussi des capsules fibreuses plus ou moins dis- tinctes. On trouve quelquefois des lames ou brilles fibreuses dans les membranes séreuses, et surtout dans la plèvre.

DU TISSU LIGAMENTEUX.

437

Les corps fibreux ou ligamenteux isolés, ont été très- anciennement vus, mais confondus avec le squirrhe; ]\J. Chambon les a décrits sous le nom de scléromes. Walter et Baillie les ont connus. Bichat, et d’après lui M. Roux, les ont décrits ; mais c’est à Bayle et à M. Laennec qu’on en doit la connaissance complète. Us ont la forme globuleuse, leur surface est inégale et comme lobulée; les anfractuosités les plus grandes con- tiennent des vaisseaux et du tissu cellulaire infiltré.

Fendus , on voit qu’ils sont formés de lobules et de bandes contournés en volute, réunis par du tissu cel- lulaire et des prolongemens fibreux. Us ont peu de vaisseaux à l’intérieur. Us sont d’abord petits et mous comme de la fibrine du sang; ils s’accroissent progres- sivement en volume et changent de texture; ils de- viennent rarement cartilagineux, mais fréquemment osseux; l’ossificatipn pierreuse s’y développe d’une ma- nière irrégulière, et ressemble dans leur épaisseur à un calcul moriforme. Us se forment souvent dans l’épais- seur et près des surfaces de l'utérus; quelquefois dans l’oyaire, dans le tissu cellulaire accidentel des mem- branes séreuses , et sont alors formés de couches comme une bulbe ; dans le tissu cellulaire ; on a dit aussi dans les os; on en a vu aux doigts et aux paupières, sous la membrane muqueuse du nez : les fongus de la dure- mère sont quelquefois des corps de ce genre; on en a même vu une fois dans le cerveau.

On trouve des productions fibreuses informes dans les cicatrices du foie , des os , de la peau ; dans le scro- tum et ailleurs autour des fistules.

S 5oq. U y a une production qui se rapproche beau-

ANATOMIE GÉNÉRALE.

438

coup du tissu ligamenteux , c’est celle d’un tissu blanc , compact, point fibreux, point lamineux, point cellu- leux, demi-diaphane, point chatoyant, flasque et te- nace. Quelques organes atrophiés semblent se trans- former en ce tissu, les cicatrices delà peau , celle du tissu cellulaire après la guérison des phlegmons chroniques , et après celle des fistules anciennes, quelques granula- tions blanches des membranes séreuses analogues aux glandes de pacchioni, sont de ce genre.

On doit aussi en rapprocher la sclérose que l’on ob- serve dans le tissu cellulaire et la peau dans l’éléphan- tiasis des membres, du scrotum et de la vulve, et que l’on a vue aussi dans le tissu cellulaire sous péritonéal, dans un cas de cancer.

C’est à cette production qu’il faut aussi rapporter la plupart des polypes de l’utérus et surtout du vagin, et certaines tumeurs saillantes sous la peau qu’elles soulèvent; polypes et tumeurs, dont le tissu blanc, compacte, flasque et tenace, diffère du tissu fibreux, mais s’en rapproche plus cependant que d’aucun autre.

Ces variétés de tissu blanc accidentel se rapprochent des productions morbides par leur tendance à s’étendre et à repulluler.

§ 5io. L’inflammation du tissu ligamenteux est peu connue, mais elle n’est pas très-rare.

Elle se termine le plus souvent par résolution , assez souvent aussi par production d’une matière plastique ou organisable , qui tantôt est résorbée , et tantôt donne lieu à l’ossification accidentelle. L’inflammation chronique ramollit ce tissu , lui fait perdre sa ténacité , et donne aussi quelquefois lieu à son ossification.

DES LIGAMENS.

439-

Quelques fongus de la dure-mère, certains polypes des fosses nasales et des arrière - narines , certaines épulies, quelques tumeurs du penoste, sont des pro- ductions morbides ou des dégénérations cancéreuses du tissu ligamenteux.

SECONDE SECTION.

DES ORGANES LIGAMENTEUX EN PARTICULIER.

§611. En faisant abstraction pour le moment du tissu fibro-cartilagineux, on peut diviser les Organes fibreux en ceux qui attachent les os entre eux, ceux qui attachent les muscles aux os, et ceux qui forment des enveloppes.

ARTICLE PREMIER.

DES LIGAMENS.

§ 5 12. Les ligamens1, ligamenta, nervi colligcintes , rôvhs-poi, sont les parties fibreuses qui attachent les os et les cartilages les uns aux autres.

Le même nom a été mal à propos donné à beaucoup d’autres parties, et notamment à des freins formés par des replis des membranes séreuses et muqueuses , à des prolongemens séreux et adipeux , etc.

Les véritables ligamens tiennent par leurs deux extré- mités aux os et au périoste, et si solidement, qu'il faut, dans l’adulte, une putréfaction très-avancée pour

1 J os. Weitbrechl, Syndesmolog ia sive historia ligament corp. hum., etc., cum figuris , 4°; Pelropol. 1742.

44° ANATOMIE GÉNÉRALE.

les en détacher , dans les enfans ils se séparent des 09 avec le périoste par une macération peu prolongée.

Le tissu fibreux qui les forme est très-dense, et dis- posé en faisceaux plus ou moins distincts, très-étroite- ment unis; quelques-uns même ont l'homogénéité ap- parente des cartilages.

Ils se résolvent, par la décoction, mais très-difficile- ment, en gélatine et en albumine.

§ 5 1 3. Les ligamens sont souvent affectés d’inflam- mation, soit par des causes mécaniques, comme celles de l’entorse et des fractures dans les parties articu- laires des os, soit par le voisinage des membranes synoviales enflammées , soit parles causes spécifiques du rhumatisme articulaire et de la goutte. L’inflammation donne lieu à deux effets différens dans les ligamens : un ramollissement extrême et une perte de leur force de résistance, ou bien l’ossification accidentelle. Ce dernier changement est le plus fréquent; on observe surtout l’autre dans les maladies scrofuleuses des arti- culations.

§ 5 1 4* D’après leurs connexions et leurs usages, on distingue les ligamens en articulaires, en non articu- laires, et en mixtes. Les premiers sont ceux qui s’at- tachent par leurs extrémités à des os différens qu’ils réunissent, ce sont les plus importans; les seconds sont ceux qui , attachés à des parties d’un même os, servent à fermer des échancrures, comme à l’arcade orbitaire et au bord supérieur du scapulum , ou à clore une ouverture et donner attache à des muscles comme le ligament obturateur du trou sous-pubien ; les derniers sont ceux qui, comme les ligamens sacro-ischiatiques

DES LIGAMENS. 44 1

et inter-osseux de l’avant-bras et de la jambe, se fixent à des os différons, mais servent surtout à des inser- tions de muscles.

Les ligamens articulaires se distinguent en capsu- laires et en funiculaires.

Les ligamens capsulaires ou les capsules fibreuses consistent en des gaines ligamenteuses cylindroïdes qui entourent l’articulation , qui tiennent par leurs deux bouts aux deux os articulés, et sont doublées à l’intérieur par la membrane synoviale. Ces capsules, tout en fixant solidement les os , permettent des mou- vemens dans tous les sens. Elles sont presque propres aux articulations scapulo-humérale et coxo-fémorale ; cependant on en trouve des rudimens à quelques autres, des faisceaux irréguliers fortifient la mem- brane synoviale dans plusieurs points de son contour.

Les cordons ou les faisceaux ligamenteux des arti- culations sont des cordes arrondies ou des bandes aplaties , situées la plupart à l’extérieur des articulations, et quelques-uns seulement à l’intérieur des cavités arti- culaires. Les uns et les autres permettent des mouve- mens en quelques sens , et les empêchent ou les bornent dans les autres.

Les ligamens externes sont la plupart placés aux deux côtés de l’articulation , et appelés pour cette raison ligamens latéraux; beaucoup d’articulations mobiles en sont pourvues; d’autres sont antérieurs ou postérieurs; quelques-uns, à raison de leur direction , sont appelés ligamens croisés. Tous ces ligamens, at- tachés par les deux bouts aux os, répondent par une de leurs faces à la membrane synoviale, et par l’autre

442 ANATOMIE GENERALE.

au tissu cellulaire commun , aux muscles et aux tendons environnans.

Les ligamens internes sont entourés d’une gaine fournie par la membrane synoviale qui se réfléchit à leurs deux extrémités 212).

ARTICLE IL

DES TENDONS.

§ 5 1 5. Les ligamens des muscles ou les tendons 1 , tendines , révov7ts , sont des parties ligamenteuses aux- quelles se fixent les extrémités des fibres musculaires.

Parmi les tendons , les uns funiculaires , ont la forme de cordons allongés, arrondis ou aplatis, mais étroits; ce sont les tendons proprement dits ; les autres sont élargis et membraniformes , ce sont les tendons apo- névrotiques ou les aponévroses d’attache.

Les uns et les autres sont placés, pour la plupart, aux extrémités des muscles, et servent à leurs inser- tions; les autres, placés dans leur longueur, et inter- rompant les fibres charnues , sont des tendons et des aponévroses d’intersection ou des énervations.

Parmi les tendons d’insertion, il en est même qui, consistant en une multitude de petits faisceaux fibreux isolés, n’ont la forme ni de cordon ni de membrane.

Il en est quelques autres qui forment des ceintres ou des arcades attachées par les deux extrémités , et sous lesquelles passent des vaisseaux ; tel est celui sous lequel passent les vaisseaux fémoraux en devenant po- plités , etc.

Albimis, Annot. acad . , lib. IV, cap. 7, et lab. 5.

DES TENDONS.

443

Parmi les tendons il y en a qui ont la forme de cordon dans la plus grande partie de leur longueur, et qui, à l’une des extrémités ou aux deux, s’élargissent en membranes.

Il en est d’autres qui, simples à une extrémité , se divisent à l’autre en plusieurs cordons ou en lames plus ou moins larges.

§ 5i6. La connexion des tendons avec les fibres mus- culaires est très-solide; on a prétendu même qu’il y avait continuité réelle et identité entre ces parties. Mais, outre les différences de densité et de couleur, outre la différence remarquable qu’on aperçoit avec le microscope entre les deux tissus , on voit des tendons aponévrotiques dont les fibres ont une direction diffé- rente de celle des muscles; les tendons sont beaucoup moins vasculaires que les muscles; ils sont plus longs proportionnellement dans les enfans ; ils se séparent des musclés par la décoction ; ils se résolvent en tissu cel- lulaire par la macération ; ils ne sont point irritables comme la fibre musculaire, etc.; ils n’en sont point la continuation, mais seulement celle du tissu cellulaire des muscles.

Par l’autre extrémité les tendons sont attachés aux os, en général près des articulations. Quelques tendons aponévrotiques, au lieu de s’attacher directement aux os, s’épanouissent et se confondent avec les enveloppes des muscles.

Les tendons sont entourés de tissu cellulaire com- mun et lâche, ou de bourses mucilagineuses , suivant l’étendue des glissemens qu’ils éprouvent.

ANATOMIE GENEKALE.

444

Quelques-uns sont maintenus par des anneaux ou des gaînes qui préviennent leur déplacement.

La couleur des tendons est blanche, resplendissante, azurée, comme verdâtre, satinée ou veloutée.

Le tissu fibreux qui les compose contient dans ses intervalles, dans les plus gros au moins, du tissu cel- lulaire et des petits vaisseaux sanguins.

Quelques tendons ont une texture fibro-cartilagi- neuse: ce sont ceux qui frottent contre des os; ils deviennent même à la longue osseux dans ces points.

Leurs propriétés essentielles sont l’inextensibilité et la force de cohésion, ce qui les rend propres à trans- mettre aux os l’action musculaire, seule fonction qu ils aient à remplir.

Ils sont rarement altérés ; la piqûre y détermine un gonflement indolent qui se résout lentement.

ARTICLE III.

DES ENVELOPPES LIGAMENTEUSES.

§ 517. Des membranes ligamenteuses forment, à cer- taines parties, des enveloppes analogues à celles que le tissu cellulaire fournit aux autres organes. Ces mem- branes sont les suivantes :

I. Des enveloppes des muscles.

§ 5 18. Les enveloppes des muscles ou les aponé- vroses d’enveloppe fournissent aussi , dans quelques endroits, des insertions aux fibres musculaires; elles sont de deux sortes , les unes entourent les muscles des membres, les autres revêtent ceux des parois du tronc.

DES ENVELOPPES LIGAMENTEUSES. 44^

§519. Les aponévroses d’enveloppe des membres, fasciœ musculares 1 , sont des membranes ligamenteuses qui entourent les muscles des membres et les main- tiennent contre les os. Ces membranes ont la forme de gaines ; leur surface externe répond aux tissus cellulaire et adipeux, ainsi qu’aux vaisseaux et nerfs sous-cutanés. Leur surface interne répond aux muscles, fournit des attaches à quelques-uns, envoie entre la plupart des lames, des cloisons, des prolongemens qui les séparent, qui leur fournissent des attaches, et qui vont se termi- ner en s’attachant aux crêtes et aux lignes des os. Leurs extrémités s’attachent aux os, reçoivent des insertions ou des expansions de tendons, se perdent insensible- ment dans le tissu cellulaire: et dans d’autres endroits

4 7

forment des ligamens annulaires aux tendons. Elles consistent en une ou plusieurs couches plus ou moins épaisses de tissu ligamenteux, et sont proportionnées en épaisseur au nombre et à la force des muscles qu’elles entourent ; elles présentent des ouvertures pour le pas- sage des vaisseaux du plan profond au plan superfi- ciel , et réciproquement. Elles sont pourvues de muscles tenseurs, soit propres, soit simplement par expansion de leurs tendons. Elles ont pour usage de maintenir les muscles en place, de leur fournir des attaches; elles exercent par leur résistance une légère pression sur les vaisseaux profonds, et favorisent ainsi la cir- culation veineuse et lymphatique. Leur connaissance est d’une grande importance sous le point de vue pa- thologique, à cause des étranglemens qu elles peuvent

1 Ad. Murray, de Fascid latd. Upsal. 1774*

ANATOMIE GÉNÉRALE.

446

déterminer; elle ne l’est pas moins dans la chirurgie, à cause de leurs rapports avec les muscles et avec les vaisseaux.

La cuisse, la jambe, le pied, la main, l’avant-bras et le bras , sont pourvus d’aponévroses de cette sorte.

§ 520. Les aponévroses des parois des cavités du tronc , ou les aponévroses partielles , revêtent , re- couvrent et même enveloppent, en partie du moins, certains muscles; telles sont les gaines aponévrotiques composées des muscles droit et pyramidal de l’abdo- men; l’aponévrose dorsale, qui couvre les muscles des gouttières vertébrales ; l’aponévrose temporale ; les aponévroses pelvienne , transversale, superficielle, ju- gulaire ou trachélienne, etc. Quelques-unes, et surtout les dernières, sont peu distinctes du tissu cellulaire, avec lequel elles se continuent.

IL Des gaînes des tendons.

§521. Les gaînes des tendons sont des canaux ligamen- teux qui entourent et fixent les tendons à leur place.

Quelques-unes sont assez longues pour former de véritables canaux; d’autres, beaucoup plus courtes, sont appelées des ligamens annulaires. Parmi ces anneaux ligamenteux, quelques-uns sont tout-à-fait circulaires ; les autres , ainsi que les gaînes , sont complétés par les os voisins , d’où résultent des gaînes ostéo-ligamenteuses. Elles sont , ainsi que le tendon quelles contiennent, tapissées par des mem- branes synoviales vaginiformes. Ces gaînes sont très- solides , très - fortes , elles contiennent chacune un

des enveloppes ligamenteuses.

447

ou plusieurs tendons ; elles sont surtout nombreuses à l’extrémité libre des membres , plus dans le sens de la flexion , et plus fortes aussi dans ce sens que dans celui de l’extension. Elles maintiennent en place les tendons , elles empêchent leur déplacement pendant l’action des muscles et les mouvemens désarticulations; elles servent aussi, en quelques endroits, de poulies de renvoi, qui changent la direction des tendons et modi- fient le sens des mouvemens.

III. Du périoste.

§ 522. L’enveloppe des os ou le périoste entoure les os dans toute leur étendue, excepté les surfaces arti- culaires. Les dents seules, qui d’ailleurs ne sont pas des os, en sont dépourvues.

Cette enveloppe est interrompue aux articulations amphiarthrodiales et diarthrodiales, elle ne l’est pas aux articulations immobiles.

Sa surface externe est floculente , et hérissée de fila- mens qui se confondent avec le tissu cellulaire envi- ronnant, et qui, dans d’autres endroits, se continuent avec les li^amens et les tendons.

La surface interne est unie à l’os par d’innombrables prolongerons qui accompagnent les vaisseaux dans son intérieur et dans son épaisseur. Cette surface est sur- tout unie très-solidement aux os ils sont épais et spongieux, moins solidement dans les autres endroits. L’adhérence est moins solide aussi dans les enfans que dans les adultes.

L’épaisseur du périoste est variable, et proportionnée à la vascularité des os.

anatomie generale.

448

Sa texture est fibreuse, et fibro-cartilagineuse dans les endroits contre lesquels frottent des tendons. Il a des vaisseaux sanguins 1 très-nombreux , et , sous ce rapport, fait une exception remarquable dans le tissu ligamenteux. On y a aussi aperçu des vaisseaux lympha- tiques; On n’y connaît point de nerfs.

Le périoste est d’abord mince et peu vasculaire avant l’époque de l’ossification. Il devient épais et vasculaire à cette époque. L’usage de la garance ne le colore pas.

Les fonctions du périoste sont d’envelopper l’os,

»

de soutenir ses vaisseaux , de réunir dans l’enfance les épiphyses au corps de l’os, et de servir à cette époque à l’insertion des ligamens et des tendons.

On lui a attribué sans preuve l’usage de former les

os , mais on voit l’ossification des os courts commencer

/

au centre du cartilage, et loin du périoste par consé- quent; de déterminer la forme des os; d’en borner l’ac- croissement en retenant le suc osseux, etc. Quant à la part qu’il peut avoir à l’accroissement des os en épais- seur, à la réparation des os divisés ou nécrosés, elle sera examinée plus loin (chap. VIII).

Le périoste divisé se réunit ; enlevé , cela produit ordinairement une nécrose superficielle, et il se repro- duit après l’exfoliation. Lorsqu’il est enflammé, il y a quelquefois résolution , d’autres fois gangrène; quelquefois il suppure, et se sépare alors plus ou moins promptement de l’os qui se nécrose; d’autres

1 Voyez Ruysch , Adw anat. dec. ni, tab. n, fig. 8. Albinus, leon. oss. foetus , tab. xvi,fg. 162.

DES ENVELOPPES LIGAMENTEUSES. 449

fois l’inflammation étant plastique , il se fait une dé- position dans son épaisseur, une périostose, qui tantôt se dissipe par résorption, et d’autres fois s’ossifie. Le périoste est quelquefois le siège d’une dégénération ou d’une production cancéreuse cérébriforme , au centre de laquelle l’os lui-même n’est pas tîès-altéré.

§ 023. Le périehondre, membrane ligamenteuse qui enveloppe les cartilages , ne diffère guère du périoste que par une beaucoup moindre vascularité. Il remplit, à l’égard des cartilages, les mêmes usages que le pé- rioste à l’égard des os , et de plus , il donne à ceux qui sont très-minces et flexibles, une résistance à la rup- ture, une ténacité qu’ils n’ont pas par eux-mêmes.

IV. Des enveloppes fibreuses du système nerveux.

§ 524. Les nerfs ont une enveloppe propre, le névn- lème , qui est de la même nature que le tissu liga- menteux. Autour de la moelle épinière cette enveloppe perd la solidité du tissu ligamenteux, et autour du cerveau, la pie-mère est sa continuation j elle de- vient purement cellulaire et vasculaire. Lenevrilème, beaucoup moins vasculaire que la pie-mère, est encore une partie très-vasculaire du système ligamenteux.

§ 525. La dure-mère eu ménynge, vasculaire comme le périoste, diffère de cette membrane, commune des os, en ce quelle est doublée par l’arachnoïde, ce qui en forme une membrane fibro-séreuse , en ce qu’elle forme une tunique ou capsule à l’encéphale et à la moelle, en ce que dans le crâne, seul endroit elle serve aussi de périoste , elle contient des sinus ou canaux veineux dans son épaisseur, et enfin par les

1.

45o. anatomie générale.

prolongemens ou cloisons quelle forme entre les di- visions de l’encéphale.

Y. Des membranes fibreuses composées .

§ 52 6. Le péricarde et les pérididymes ou tuniques vaginales sont, comme la dure-mère, des membranes fibro-séreuses résultant de l’union intime d’une mem- brane ligamenteuse avec le feuillet externe ou pariétal d’une membrane séreuse.

Dans les fosses nasales et dans leurs sinus, dans la cavité du tympan et dans le sinus mastoïdien , à la voûte du palais et dans quelques autres endroits encore , le périoste est immédiatement couvert par une mem- brane muqueuse qui lui est intimement unie, ce qui constitue une membrane fibro-muqueuse.

Ces membranes composées ressemblent , par leur texture , leurs fonctions et leurs altérations, aux deux genres de tissu dont elles sont formées.

YI. Des capsules fibreuses de quelques organes .

§ 527. Enfin l’œil est renfermé dans une membrar e capsulaire, appelée sclérotique et cornée 5. le testicule dans une appelée albuginée, l’une et l’autre remar- quables par leur épaisseur et leur solidité ; les ovaires , les reins , le foie , et quelques autres parties encore, ont des enveloppes du même genre , mais beaucoup moins épaisses et moins solides. La plupart de ces capsules , toutes même, excepté la scélérotique, ont des pro- longemens intérieurs fibreux qui s’étendent dans le tissu de l’organe. Elles sont percées de quelques ouvertures

DU TISSU FIBRO-CARTIAAGINEUX. /fî l

pour le passage des vaisseaux , mais sont peu vasculaires elles-mêmes. Elles ont pour usage commun de déter- miner la forme des organes quelles enveloppent , d’en contenir, d’en soutenir, d’en protéger les parties in-

y '

ternes.

TROISIÈME SECTION.

DU TISSU FIBRO-CARTILAGINEUX.

§ 528. Le tissu fibro-cartilagineux est fibreux et te- nace comme le tissu ligamenteux , dont il fait réellement partie; blanc , très-dense, et élastique comme le tissu cartilagineux; il semble intermédiaire aux ligamens et aux cartilages.

§ 529. Galien a nommé certains ligamens neuro- chondroïdes, vtupofcovê'pûiê'tç cwê'îçjitoi Vesale les appelait ligamens cartilagineux; Morgagni les regardait comme intermédiaires entre les ligamens et les cartilages ; Weitbrecht les comprend parmi les ligamens; Haase, au contraire, les range dans la «chondrologie, sous les noms de cartilages ligamenteux et mixtes. Bichat a établi un système fibro-cartilagineux, composé du tissu ligamenteux cartilaginiforme dont il s’agit ici , et d’une partie du tissu cartilagineux, qui sera décrit dans le chapitre suivant; mais ce système d’organes ne me semble pas exister dans la nature, c’est pourquoi je 11e l ai point conservé. Les fibro- cartilages dont il est ques- tion ici ne me paraissent être qu’une variété du tissu desmeux : ce sont des organes ligamenteux cartilagi- niformes.

4^2 ANATOMIE GENERALE.

§ 53o. Les fibro-cartilages sont temporaires ou per- manens.

Les fibro-cartilages temporaires sont ceux qui passent régulièrement, constamment, et à des époques dé- terminées, à l’état osseux : ce sont les fibro-cartilages d’ossification. On les rencontre dans l’épaisseur des tendons et des ligamens. Ils sont purement fibreux dans le principe, deviennent ensuite fibro-cartilagineux, et enfin osseux. La rotule et les os sésamoïdes se déve- loppent de cette manière. Les endroits les tendons frottent contre les os , ceux , par exemple , les jumeaux appuient contre le fémur, le long péronnier latéral glisse contre le tarse, sont aussi constamment le siège de fibro-cartilages de ce genre. Le ligament stylo -hyoïdien , le ihyroliyoïdien , contiennent, dans leur épaisseur, des grains de la même nature. La sclé- rotique, dans certains animaux, présente des points opaques, également fibro-cartilagineux, qui forment ensuite des plaques osseuses.

§ 53 1. Les fibro-cartilages permanens, ou du moins ceux qui durent presque toute la vie, sont de plusieurs espèces. Il en est de libres par leurs deux faces : ce sont les ligamens inter - articulaires ou ménisques, menisci ; on les rencontre dans les articulations temporo- maxillaires, sterno-claviculaires, quelquefois dans celle de l’acromion avec la clavicule, constamment entre le fémur et le tibia, entre le cubitus et l’os pyramidal. Entièrement isolés par leurs deux faces, ces ligamens sont adhérens par leurs bords ou par leurs extrémités.

D’autres sont adliérens par une de leurs faces; tels sont ceux que l’on trouve partout un tendon frotte

V

DU TISSU FIBRO-CARTILAGINEUX. 4^3

contre un os, et dont la présence est due à ce que le périoste devient cartilagineux dans ces endroits; ceux que présentent les ligamens contre lesquels glissent des tendons, comme cela a lieu pour le ligament calcanéo- cuboïdien , contre lequel frotte le tendon du muscle jambier postérieur. Tels sont encore les bourrelets fibro-eartilagineux attachés au bord des cavités glé- noïde et cotyloïde. Partout, en général, le tissu fibreux est exposé à des frottemens habituels , ce tissu prend une texture ou une apparence cartilagineuse : c’est ce qu’on voit pour les frottemens des os contre t les ligamens, au ligament annulaire du radius, au li- gament transverse de l’apophyse odontoïde; la poulie du muscle grand oblique est encore un exemple du même genre. Certainsligamens cartilagineux adhèrent par leurs deux faces; les intervalles des corps des ver- tèbres, l’intervalle des pubis, sont remplis par des or- ganes de ce genre. Ainsi, d’après leur forme et leurs connexions on peut distinguer trois sortes de ligamens cartilaginiformes.

§ 532. Ces organes, quoique toujours fibreux comme les ligamens , et très-denses comme les cartilages, pré- sentent un grand nombre de variétés, par rapport à la consistance, et à l’homogénéité de leur tissu. Les mé- nisques, ou ligamens inter-articulaires, par exemple, offrent des fibres très- distinctes à leur circonférence, et prennent vers leur centre, qui est miuce, une appa- rence de plus en plus serrée et homogène, sans pour- tant qu’on doive les regarder, même en cet endroit, comme de vrais cartilages. Le périoste cartilagineux a plus de ressemblance avec ces derniers. Dans les liga-

i

454 ANATOMIE GÉNÉRALE.

mens amphiarthrodiaux , un tissu fibreux très-apparent existe à l’extérieur; il se convertit, à mesure cpi’on se rapproche du centre, en une sorte de pulpe ou de bouillie blanche qui se rapproche des cartilages, moins par sa consistance cependant que par la disparition des fibres et par son homogénéité apparente.

§ 533. Il entre dans la composition des fibro-carti- lages les mêmes parties que dans celle du tissu liga- menteux; on y trouve peu de vaisseaux. Leur com- position chimique a été peu étudiée. Par la dessicca- tion , ils deviennent jaunes et transparens, comme les ligaméns. La décoction agit sur eux de la même ma- nière que sur ces derniers : elle les fond entièrement en gelée, de sorte qu’ils ne participent pas, sous ce rapport, du tissu cartilagineux.

§ 534- Leurs propriétés physiques sont semblables à celles des ligaméns et des cartilages. Leur ténacité ou force de cohésion très-grande , et qui surpasse même celle des os, les rapproche du tissu ligamenteux. D’un autre côté , ils sont très - élastiques , et reviennent promptement sur eux-mêmes lorsqu’ils ont cédé , soit à la distension , soit à la pression ; c’est surtout quand ils sont comprimés , que leur élasticité est très-mar- quée. Ils résistent plus que les os et les cartilages à l’action destructive des tumeurs pulsatiles : dans les anévrysmes de l’aorte, les vertèbres sont usées et dé- truites avant le fibro-cartilage qui les sépare : cette propriété est une suite de leur élasticité. Les propriétés vitales des fibro-cartilages sont obscures, comme celles du tissu ligamenteux en général.

S 535, Dans leur formation , plusieurs de ces parties

DU TISSU FIBR0-CÂRTILAG1NEITX. ^55

passent par fétat fibreux; d’autres passent directement de letat muqueux à l’état fibro-cartilagineux. Ce n’est qu’accidentellement , et d’une manière variable, que les fibro-cartilages permanens deviennent ôsseux dans la vieillesse; cependant cela leur arrive plus souvent qu’aux ligamens , mais moins souvent qu’aux cartilages.

§ 536. Les fibro-cartilages temporaires ou passagers ont pour usage de servir de type ou de moule à des os. Ceux qui sont permanens forment tantôt des liens flexibles, élastiques et très-solides, et servent tantôt faciliter les glissemens , par la consistance qu’ils donnent aux surfaces.

§ 53y. Les états morbides' des fibro-cartilages sont peu connus.

Divi sés, ils se réunissent, comme on le voit, après l’opération de la symphyséotomie.

Leur production accidentelle n’est pas très-rare. On peut prendre pour type de l’espèce et pour objet de comparaison le centre d’un ligament inter-vertébral. Les fibro-cartilages accidentels sont en effet fibreux comme les ligamens, d’un blanc laiteux comme les cartilages, souples, humides et élastiques. D’après leur forme, leurs connexions, leurs usages, les fibro-cartilages accidentels sont de deux sortes. Les uns sont des moyens d’union de quelques fractures non-consolidées , soit à cause des mouvemens, comme celles du col du fémur, de la rotule et autres; soit à cause d’une perte étendue de substance , dans un des os de l’avant- bras , de la jambe, du métatarse, du métacarpe, du crâne, etc., endroits le rapprochement des frag- mens ne peut avoir lieu. D’autres fibro-cartilages se

ANATOMIE GÉNÉRALE.

456

forment sur le bout des os amputés, sur les surfaces des articulations surnuméraires , sur et autour de la surface des cavités articulaires supplémentaires, et dans quelques fausses ankylosés. On trouve des fibro-carti- lages informes dans quelques tumeurs composées de la thyroïde, dans certains kystes, et dans quelques ci- catrices , surtout celles qui se font quelquefois dans les poumons , à la suite de levacuation des tubercules. On trouve des plaques du même genre à la surface de la rate. Les corps fibreux de l’utérus sont quelquefois mous, et pulpeux au centre, comme les ligamens in- ter-vertébraux. On trouve enfin quelquefois des masses fibro - cartilagineuses régulières , globuleuses , libres dans les cavités séreuses elles ont pénétré. M. le docteur Trouvé , de Caen , m’a donné une tumeur

à _

de ce genre, grosse comme une noix, trouvée avec une autre semblable dans la cavité péritonéale ; cette tumeur, manifestement fibreuse à l’extérieur, est molle comme les ligamens inter-vertébraux, vers le centre, et contient un os gros comme un petit pois.

§ 538. L’inflammation des fibro-cartilages est peu connue. On sait seulement que, dans certains cas, les parties desmo - cartilagineuses deviennent extrême- ment molles par suite d’un afflux des liquides , d une sorte de congestion : c’est ce qu’on voit dans la gros- sesse, aux symphyses du bassin , et ce qu’on a même observé chez l’homme, dans ces mêmes articulations. La colonne vertébrale présente ce ramollissement d une manière très-marquée chez les rachitiques : il en re- suite une flexibilité des ligamens inter-vertébraux qui

DES CARTILAGES.

457

fait que la colonne se ploie avec la plus grande facilité, et que si l’individu garde habituellement une mauvaise attitude, la colonne se courbe latéralement en plusieurs endroits, et que les vertèbres elles-mêmes participent avec le temps à la déformation.

Une des variétés du mal vertébral consiste aussi dans le ramollissement et dans le gonflement des ligamens inter-vertébraux, qui finissent par s’ulcérer et se dé- truire.

458

ANATOMIE GENERALE.

CHAPITRE VII.

DES CARTILAGES.

§ o3cj. Les cartilages, ^ovt^poj j sont des parties blanches, dures, flexibles, très-élastiques , cassantes, homogènes en apparence, qui forment le squelette des vertébrés inférieurs dans la série (les poissons chondroptéry- giens); qui tiennent la place des os dans les autres vertébrés au commencement de leur vie; et dont quel- ques-uns, persistant dans l’état adulte, forment des parties solides , dures et flexibles tout à la fois.

§ 54o. Les anciens anatomistes et ceux de l’école d’Italie ont discuté beaucoup sur la matière formatrice des os et des cartilages, et sur leurs différences; Ga- gliardi et Havers ont cherché envain cette différence dans la texture intime des parties ; des observations plus utiles ont été faites dans le siècle dernier s>ur le tissu cartilagineux. L’on doit à Haase une très-bonne

O

dissertation 1 sur ce sujet; mais cet anatomiste, comme plusieurs de ceux qui l’ont précédé et suivi , a confondu les ligamens chondroïdes avec les cartilages, ce qui met un peu de vague dans sa description générale. Bichat a séparé des autres cartilages ceux qui sont minces et très-flexibles, pour en faire, avec les liga- mens cartilaginiformes , le système fibro-cartiîagineux f mais ces derniers sont de vrais ligamens, et les premiers des cartilages véritables.

1 .1. G. Haasc, de Fcibricd cartilaginurn. Lips. 1767.

DES CARTILAGES EN GÉNÉRAL.

459

§ 54 1- Les cartilages sont, ou temporaires, ou pei- inanens :* les premiers disparaissent constamment , complètement, régulièrement , à une époque déter- minée de l’accroissement, et sont remplacés par les os ; les derniers restent beaucoup plus long-temps , et quelquefois plus d’un siècle, à l’état cartilagineux; ce- pendant plusieurs d’entre eux finissent par s’ossifier, quelquefois même dès la fin de l’accroissement. Les car- tilages temporaires seront décrits avec les os (chap. VIII). Il ne sera question ici que des cartilages dits perma- nens : ils forment un genre d’organes assez naturel, et présentent aussi quelques différences.

PREMIÈRE SECTION.

DES CARTILAGES EN GENERAL.

§ 542. Quelques cartilages ont une forme allongée : tels sont les cartilages costaux; d’autres sont épais et courts, comme les arythénoïdes et le cricoïde; mais la plupart sont larges et minces.

Les uns tiennent aux os, t dont ils revêtent quelques parties, d autres en sont des prolongemens, et sont en- grenés avec eux, d autres sont liés aux os par des li- gamens, d autres sont attachés les uns aux autres, et n ont point d autres connexions avec les os.

Les cartilages sont d’un blanc nacré, et denû-trans- parens quand ils sont en lames minces; quoique les parties les plus dures du copps après les os, ils se coupent aisément.

§ 544. Examinés dans leur épaisseur, les cartilages ne présentent ni cavités, ni canaux, ni aréoles, ni

ANATOMIE GENERALE.

46o

libres, ni lames, rien enfin qui indique une texture organique ; ils paraissent homogènes. Cependant il paraît qu’ils ont une texture distincte et variée dans chaque sorte de cartilages; cette assertion sera exa- minée plus loin.

Tous les cartilages, excepté ceux des surfaces arti- culaires, sont enveloppés d’une membrane fibreuse, le périchondre, qui est peu vasculaire, et qui n’a pas avec les cartilages des rapports aussi intimes que le périoste avec les os. On ne connaît dans les cartilages, ni nerfs, ni vaisseaux; le tissu cellulaire n’y devient point apparent pendant la vie , et après la mort il faut une macération prolongée pendant plusieurs mois , même sur de jeunes sujets, pour les réduire en une substance muqueuse analogue au tissu cellulaire , et qui, dans leur état ordinaire, doit être à un dégré extrême de condensation et de resserrement.

§ 544. Les cartilages contiennent une grande quan- tité d’eau 1 ou de liquide séreux qui suinte à la sur- face quand on les incise , et qui l’humecte. Dans l'homme adulte la proportion d’eau qu’ils contiennent est à la substance solide comme 2 -J- esta l carti- lage desséché devient demi-transparent, jaunâtre, sus- ceptible de se déchirer; plongé dans l’eau il reprend, en quatre jours , son poids et son volume, sa couleur blanche , sa flexibilité , et perd de sa transparence.

§ 545. Soumis à l’action de l’eau bouillante, en laines minces , elle les crispe d’abord , les jaunit et les rend opaques.

1 Chevreul , De l’influence que l’eau exerce, etc., in Ann. fle chimie et de physique , tome 19.

«

DES CARTILAGES EN GENERAL. 1

L’action prolongée de l’eau bouillante sur les car- tilages établit entre eux une différence fondée aussi

u

sur d’autres caractères; les cartilages articulaires se résolvent en gelée par la décoction, les autres, au con- raire, y résistent. L’alcohol rend les cartilages un peu opaques. Les acides étendus n’ont point d’action sur eux; concentrés, ils agissent comme sur l’épiderme. Leur analyse chimique laisse encore à désirer. On a répété vaguement, après Haller, qu’ils sont composés de gélatine et de terre. D’après M. Allen, c’est de la gélatine, et un centième de carbonate de chaux. Hat- chett dit qn’ils sont formés d’albumine coagulée et de traces de phosphate calcaire ; mais on ignore de quel cartilage il veut parler. M. Chevreul a trouvé que les os cartilagineux du squale sont composés d’huile , de mucus, d’acide acétique et de quelques sels. M. J. Davy a trouvé le cartilage formé d’albumine 44>5; d’eau 55 ; et de phosphate calcaire o,5.

§ 54b. La propriété physique la plus remarquable des cartilages est l’élasticité. Ce n’est pas qu’ils s’al- longent et reviennent sur eux-mêmes , comme le tissu élastique; ce n’est pas non plus, en général, comme les ligamens chondroïdes, qu’ils cèdent à la pression, et qu’ils reprennent ensuite leur épaisseur; mais ils sont flexibles , et se redressent avec force et prompti- tude quand la cause de flexion cesse d’agir. Les carti- lages articulaires seuls sont élastiques à la manière du tissu fibro-cartilagineux.

§ 547. Les propriétés vitales et les phénomènes de formation , d’irritation et de sensation , sont extrême- ment obscurs dans le tissu cartilagineux. On ne sait si

4^2 ANATOMIE GENERALE.

c’est aux cartilages articulaires, ou si ce n’est pas plutôt aux membranes synoviales qui les revêtent, qu’il faut attribuer la douleur que causent les corps étrangers des articulations quand ils s’engagent entre

les surfaces.

§ 548. Les fonctions des cartilages dépendent uni- quement de leurs propriétés physiques; de leur soli- dité, qui les rend propres à conserver la forme de cer- taines parties, de leur flexibilité et de leur élasticité, qui leur permettent de céder par instans, et de re- prendre ensuite leur forme première.

§ 549. Les cartilages sont d’abord, dans l’embryon et le fœtus, mous, muqueux et transparens comme de la gelée ou de la glu; la proportion d’eau y est alors ex- trêmement grande; dans l’enfant, ils sont encore peu colorés, très - transparens , très - mous , et peu élas- tiques. Ils acquièrent ensuite la blancheur, la fermeté et la demi-opacité qui les caractérisent. Plus tard, dans la vieillesse, ils deviennent plus blancs ou jaunâtres; plus opaques, moins flexibles, moins élastiques, plus cassans , plus secs; la proportion d’eau y diminue, et celle de la substance terreuse augmente. Ils finissent la plupart par s’ossifier, en quelques points au moins. Ce changement commence quelquefois dès l’âge adulte, mais surtout dans la vieillesse. L’inflammation le dé- termine prématurément.

§ 55o. L’action organique de la nutrition y paraît très-lente. L’usage de la garance ne les colore pas; cette substance paraît n’avoir d’affinité qu’avec la subs- tance terreuse des os. Ils jaunissent dans 1 ictère. Les os cartilagineux de la colonne vertébrale de la lam-

u

DES CARTILAGES EN GENERAL. ' 4^3

proye paraissent et disparaissent chaque année, ce qui suppose pourtant une grande activité organique; il en est de même de l’accroissement rapide du larynx vers l’époque de la puberté.

§ 55 1. Les productions cartilagineuses accidentelles sont très-communes : elles ont tous les caractères des cartilages naturels; la couleur, l’homogénéité appa- rente, etc. Elles présentent toutes les variétés de tex- ture des cartilages 5 et même plus; aussi faut-il les dis- tinguer en deux sortes. Les cartilages accidentels impar- faits sont quelquefois à l’état de gelée, ou bien ils ont la consistance du blanc d’œuf cuit. Ils ont une couleur laiteuse, ou jaunâtre, ou gris de perle; ils s’ossifient en partie ou en totalité, plutôt que de devenir des car- tilages parfaits. On les trouve sous forme d’incrusta- tion dans les artères, et surtout dans l’aorte et dans les artères cérébrales ; sous forme de kyste autour des productions morbides et des acéphalocystes ; formant des trajets fisluleux dans les poumons; sous forme de masses irrégulières dans les goitres et autres tumeurs composées ; et sous celle de corps isolés dans les arti- culations.

Les cartilages accidentels parfaits sont ceux qui présentent les caractères du tissu naturel , et spéciale- ment sa fermeté. On en trouve formant de petits kystes remplis de phosphate de chaux. On en trouve souvent à l’état de corps isolés, d’un volume médiocre, d’une figure obronde , dans les membranes synoviales, ou à leur extérieur, d’où ils pénètrent dans la cavité en pous- sant la membrane devant eux, en s’en enveloppant comme d un doigt, de gant , dont la base , après s’être

ANATOMIE GENERALE.

464

amincie , se divise. Ils s’ossifient imparfaitement en partie ou en totalité, en commençant parle centre. On trouve aussi de ces corps cartilagineux dans les cavités splanchniques, et surtout dans la tunique vaginale, ils pénètrent comme les précédens.

On trouve aussi des cartilages parfaits sous forme d’incrustation ou de plaques, dans le tissu cellulaire sous-séreux de la rate, des poumons , de la plèvre cos- tale; dans l’épaisseur des valvules du cœur, surtout du côté gauche ; dans le tissu sous-séreux de la plèvre et du péritoine diaphragmatiques , du foie ; dans les hernies, et rarement dans le paroi antérieure de l’abdomen. Toutes ces incrustations ont une grande

O

tendance à s’ossifier. On trouve aussi des cartilages

o

en masses informes dans les tumeurs composées et

dans le tissu Cellulaire accidentel des membranes sé-

*

reuses.

-

Il se forme quelquefois des cartilages accidentels par transformation d’autres tissus. Une vieille femme qui était , il y a quelques années , à l’hôpital de la Faculté de médecine , et qui portait sur le front une large ex- croissance cornée conoïde, venue sur une cioatrice de brûlure, étant morte, on a trouvé dans la base de cette corne les os du crâne transformés en cartilages. M. Laennec a vu une transformation cartilagineuse de la membrane muqueuse de l’urètre; j’ai vu la même chose au vagin, dans un cas de prolapsus de 1 utérus, et au prépuce dans un cas de phymosis de naissance dans un vieillard. Je crois toutefois que ces trois cas appartiennent plutôt aux productions desmo-cartila- gineuses.

DES CARTILAGES ARTICULAIRES. 4^5

§ 552. Les altérations 1 des cartilages sont rares, et le plus souvent consécutives. Ils résistent très-long- temps à l’action destructive des tumeurs anévrysmales, et à la propagation des maladies des organes voisins. Les altérations auxquelles ils sont sujets, et la répara- tion de leurs lésions , sont d’ailleurs un peu différentes dans les différentes sortes de ce tissu.

SECONDE SECTION.

DES DIFFÉRENTES SORTES DE CARTILAGES.

§ 553. On peut diviser les cartilages, à raison de leur forme , de leurs connexions , de leur texture , de leurs propriétés et de leurs fonctions , en trois sortes prin- cipales.

ARTICLE PREMIER.

DES CARTILAGES A RT I C U L A I L E S.

S 554. Les cartilages articulaires diarthrodiaux 2 sont des lames cartilagineuses aplaties et élargies, qui re- vêtent ou incrustent les surfaces des os dans les articu- lations mobiles. Ces lames ont une surface libre , re- couverte par la membrane synoviale, qui y est étroite- ment unie, et une face qui adhère aussi intimement à la surface de l’os , sans pourtant qu’il y ait continuité de

1 Doerner ,prceside Autenrieth, de Gravioribus quibusdam cartilaginum mutalionibus ; Tubing. , 1798.

2 W. Hunter, of the Structure and diseases ofarticulating cartilages ; in Philos, trans. , ann. 1743. Delasone, sur l’Or- ganisation des os; in Mém. de l’acad. des sc.; Paris,

3o

1.

4^6 ANATOMIE GÉNÉRALE.

tissu. Leur circonférence, amincie, s’étend jusqu a celle des surfaces articulaires des os. Leur épaisseur, peu considérable et proportionnée à leur largeur, est de une à deux lignes dans les plus grands, et d’une fraction de ligne dans les plus petits : cette épaisseur n’est point la même dans toute leur étendue. Ceux qui revêtent des surfaces osseuses convexes sont plus épais au centre que dans le reste de leur étendue; ceux des ^surfaces concaves sont, au contraire, plus épais au pourtour qu’au centre.

§ 555. La texture de ces cartilages, aussi peu évidente au premier aperçu que celle des autres , tellement qu’ils ressemblent à une couche de cire dont on aurait enduit l’os, peut être découverte par quelques procédés; elle est fibreuse. La macération d’une partie articulaire d’un os, prolongée pendant six mois, détermine la destruc- tion de la membrane synoviale, seule membrane qui recouvre le cartilage dépourvu de périchondre fibreux, et produit la désunion des fibres qui le composent, lesquelles s’élèvent perpendiculairement de la surface de l’os, comme les filamens du velours s’élèvent de sa trame. Si on fait dessécher un cartilage ainsi disposé par la macération , les fibres, en s’amincissant, s’écar- tent les unes des autres, et deviennent encore plus dis- tinctes. La décoction, quand elle n’est pas assez pro- longée pour fondre le cartilage articulaire , produit d’abord le même effet que la macération. L’action du feu nu fait aussi apercevoir la même chose. Ces carti- lages n’ont point de vaisseaux : l’injection fine et l’ins- pection microscopique montrent les vaisseaux capil- laires se terminant à leur circonférence et à leur face

DES CARTILAGES ARTICULAIRES.

467

adhérente, sans pénétrer jamais dans leur substance.

Ces cartilages,' compressibles et élastiques, amor- tissent les effets de la pression et des chocs ; leur poli facilite les mouvemens des articulations diarllirodiales. Ils s’amincissent beaucoup dans la vieillesse.

§ 556. Dans les articulations contre nature il ne se produit point de véritables cartilages , mais seulement du tissu desmo-chondroïde , tissu qui , à la vérité, res- semble beaucoup à celui des cartilages diarthrodiaux. Dans les articulations diarthrodiales naturelles, la des- truction des cartilages est quelquefois suivie de leur reproduction à peu près parfaite ; seulement le carti- lage nouveau, produit à la surface de l’os, étant plus mince, a une couleur en apparence violacée, ce qui est à sa demi-transparence ; les bords de l’ancien cartilage sont libres , et anticipent sur le contour très-mince du nouveau.

On trouve quelquefois dans les articulations des vieillards , affectées de diverses autres altérations , les cartilages diarthrodiaux changés en fibres villeuses , libres et flottantes. Mis à découvert dans les désarticu- lations , si la plaie est réunie par adhésion primitive, le cartilage et sa membrane synoviale n’y participent point, et restent libres derrière la cicatrice. Si la plaie

1

reste ouverte, si elle s’enflamme et suppure, on voit au bout de quelques jours le cartilage se ramollir, et disparaître ensuite successivement de la circonférence au centre, à mesure et même avant que les granula- tions s’étendent à la surface de l’os. L’inflammation des cartilages diarthrodiaux est en général rare; et, quand elle a lieu, elle se termine ordinairement par

ANATOMIE GÉNÉRALE.

468

ulcération ou par résorption. Cette ulcération des car- tilages diarthrodiaux est le plus- souvent consécutive à l’inflammation de la membrane synoviale ou de l’os, quelquefois à celle du cartilage lui-même, mais quel- quefois aussi elle semble netre précédée d’aucune in- flammation. Quelquefois, avant de s’ulcérer, le cartilage s’amollit et prend l’apparence fibreuse. Cette ulcéra- tion a le plus souvent lieu chez les sujets jeunes, ou avant lage moyen de la vie. Cette ulcération est accom- pagnée d’une douleur d’abord légère, qui augmente peu à peu d’intensité. Quand l’ulcération s’arrête et - guérit, il se fait une reproduction de cartilage déjà indiquée, ou bien une production osseuse éburnée ou émaillée, ou bien enfin une soudure des surfaces, une ankilose. Dans le cas d’ankilose vraie , les cartilages sont toujours résorbés.

§ 557. Les cartilages des articulations synarthro- diales, sont des lames extrêmement minces, placées entre les os articulés d’une manière immobile, et te- nant fortement des deux côtés à ces os par engrenure’; leurs bords, dans l’intervalle des os, tiennent intime- ment au périoste externe et interne, qui passe de l’un à l’autre os. Ils concourent ainsi pour beaucoup à la solidité de ces articulations. Ces cartilages, dans les sutures du crâne, sont plus minces à l’intérieur qu à l’extérieur de la paroi, ce qui rend en partie raison de la disparition plus prompte des sutures à l’intérieur qu’à l’extérieur du crâne. Sous le rapport de la fré- quence de leur ossification , ils tiennent le milieu entre les cartilages temporaires et les permanens.

DES CARTILAGES COSTAUX, LARYNGIENS, etC. 4^9

ARTICLE II.

des CARTILAGES COSTAUX, LARYNGIENS, elC.

«

§ 558. Les cartilages costaux 1 sont les cartilages les plus longs et les plus épais du corps, ils constituent des proion gemens cartilagineux aux côtes osseuses! Les premiers d’entre eux peuvent aussi être considérés comme des côtes cartilagineuses antérieures ou ster- nales. Les cartilages tiennent tous à l’extrémité anté- rieure des côtes, par engrenure, comme les cartilages synarthrodiaux. Le premier est même continu avec le sternum par l’autre extrémité; les six suivans s’articulent avec le sternum par diarthrose ; les trois suivans s’arti- culent de même avec ceux qui les précédent; les deux derniers sont plongés dans le tissu cellulaire intermus- culaire.

§ 559. La texture de ces cartilages est très-obscure , et au premier aspect ils paraissent homogènes. Cepen- dant, par la macération prolongée pendant au moins six mois , les cartilages costaux se divisent en lames ou plaques ovales, séparées les unes des autres par des lignes circulaires ou spirales, et réunies entre elles par quelques fibres obliques qu’elles s’envoient récipro- quement. Ces lames elles-mêmes se divisent en fibrilles radiées, et celles-ci, à la longue, en petites parcelles, qui se réduisent enfin en substance muqueuse; toutes ces divisions ou séparations s’opèrent d’abord à la cir- conférence du cartilage : le centre est plus homogène,

Hérissant, Sur la structure des cartilages des côtes de 1 homme et du cheval, in Mém. de l’acad. des sc., 1748.

ANATOMIE GENERALE.

47°

et se divise le dernier. On peut hâter cette séparation en faisant dessécher au soleil un cartilage costal ma- céré pendant deux ou trois mois. Les acides produisent un effet analogue.

§ 56o. Les cartilages costaux sont un peu flexibles et très-élastiques. Dans l’inspiration, .le mouvement imprimé aux côtes par les muscles, les ploie et les tord sur eux-mêmes, et quand l’action musculaire vient à cesser, ils tendent d’eux-mêmes à reprendre leur direc- tion première, et sont ainsi des agens de l’expiration.

S 56i. Passé l’âge adulte et dans la vieillesse, les cartilages costaux cessent d’être ou de paraître homo- gènes. Leur périchondre devient opaque, et il se pro- . duit, entre le cartilage et lui, et dans son épaisseur, des plaques osseuses plus ou moins nombreuses et larges, qui finissent quelquefois par former un étui osseux plus ou moins complet. Ce changement arrive presque constamment au premier, en commençant par son extrémité sternale; les autres cartilages sterno-cos- taux l’éprouvent aussi, mais à un degré moindre. Les cartilages costaux asternaux l’éprouvent moins encore, ou point. En même temps les cartilages costaux de- viennent jaunâtres , puis rougeâtres dans leur centre, qui présente aussi des points osseux plus ou moins gros et nombreux, lesquels finissent quelquefois par envahir le cartilage tout entier. Ce dernier phénomène se montre plus fréquemment et plutôt aux cartilages asternaux qu’aux autres.

Ces changemens dans les cartilages sont ordinaire- ment l’effet de l’âge: ils commencent vers le milieu de la vie, et vont continuellement en augmentant; cepen-

DES CARTILAGES COSTAUX, LARYNGIENS, etC. ^ \

dant on a vu des hommes de cent trente ans et de cent cinquante ans ne pas avoir les cartilages costaux os- sifiés.

Quand les cartilages commencent à éprouver ce changement, la dessiccation les fait rompre en travers dans le centre , devenu aréolaire , et non à la surface , devenue au contraire plus dense.

Ils s’ossifient fréquemment, et à un âge peu avancé chez tes phthisiques.

§ 562. Les cartilages costaux dénudés ne produisent point de granulations, mais sont recouverts par celles des environs. Rompus, ils ne se réunissent pas par une substance cartilagineuse, mais une lame cellulaire est produite entre eux, et l’endroit rompu est enveloppé d’une virole osseuse fournie par le périchondre, et qui est plus ou moins régulière, suivant que les fragmens sont restés plus ou moins exactement affrontés. J’ai vu quelquefois dans l’homme, et souvent dans le cheval , la fracture des cartilages asternaux ossifiés, réunie par un cal osseux.

Les cartilages costaux sont sujets à quelques vices de conformation primitive, et meme à manquer en totalité ou en partie : dans ce dernier cas, c’est tou- jours l’extrémité tenant à la côte qui existe. Quand la poitrine se déforme, quand elle se rétrécit, comme cela a quelquefois lieu après la guérison de la pleurésie, les cartilages du côté affecté se ploient, et deviennent difformes.

§ 563. Le cartilage nasal, celui du conduit auricu- laire et celui du conduit guttural du tympan, sont encore articulés par engrenure avec les os. Ceux du

ANATOMIE GÉNÉRALE.

472

larynx, au contraire, ne sont attachés aux os que par des ligamens, et sont réunis entre eux par des articu- lations mobiles.

Ces cartilages ont encore une certaine épaisseur. Quand on enlève leur périchondre, on trouve leur surface lisse et dense. La macération long-temps con- tinuée, divise ces cartilages en fibrilles ou filamens mous et courts. La coction et les acides minéraux produisent les mêmes effets.

Ces cartilages sont flexibles et élastiques ; par leur

solidité ils maintiennent la forme et la cavité des or-

0 »

ganes qu’ils contribuent à former. Ceux du larynx présentent la particularité remarquable d’un accroisse- ment très-rapide à l’époque de la puberté. Ces mêmes cartilages s’ossifient quelquefois dès l’âge adulte , en partie du moins. L’inflammation chronique de la mem- brane muqueuse du larynx et son ulcération bâtent beaucoup cette ossification, qui est en effet constante dans la phthisie laryngée, et fréquente dans la phthisie pulmonaire.

Les cartilages thyroïde et cricoïde divisés , se réu- nissent par des lames osseuses du périchondre , plus épaisses à l’extérieur qu’à l’intérieur du larynx.

ARTICLE III.

DES CARTILAGES M E 31 B R A N I F O R M E S.

§ 564- Ces cartilages sont ceux que Bichat a rangés dans son système fibro - cartilagineux. Ils sont très- minces et très-flexibles.

DES CARTILAGES MEMBRANIFORMES.

Ce sont les cartilages palpébraux ou tarses, celui de l’oreille, ceux des narines, l’épiglottique, le cartilage médian de la langue, les trachéaux et les bronchiques.

Ces cartilages très-minces sont pourvus d’un pé- richondre très- fort et très-épais, relativement à eux, et qui envoie dans leur épaisseur des prolongemens fibreux et cellulaires , dont quelques-uns même les tra- versent de part en part ; aussi leur surface est-elle inégale et poreuse. La macération, prolongée pendant deux ou trois mois, les ramollit et les réduit à l’état de fibrilles distinctes d’abord , et enfin de substance cellulaire ou muqueuse.

Ils sont très-flexibles , parfaitement élastiques , et beaucoup moins cassans et plus tenaces que les autres. Comme les précédens, ils concourent à former des organes, des canaux , dont ils maintiennent la forme , et dont ils conservent le calibre. Ils s’ossifient rare- ment et très-tard. Les cerceaux de la trachée seuls présentent, dans l’adulte, une ossification plus ou moins étendue. Cependant on a trouvé, dans le cas de phthisie, les arceaux cartilagineux des bronches ossifiés. On a vu aussi, sur des goutteux, et à la suite de l’in- flammation de l’oreille, le cartilage de cette partie devenir osseux. Dans le cas de goitre, et même sans cette cause de compression , on trouve quelquefois les arceaux cartilagineux de la trachée comprimés d un côté à l’autre , et leur partie moyenne pliée à angle : on observe aussi le même changement de forme dans les bronches.

474

WA TOM IE CENTRALE.

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CHAPITRE VIII.

DU SYSTÈME OSSEUX.

I

§ 565. Le système osseux 1 ou le squelette, z^eAeroV, résulte de la réunion des os, parties les plus dures et les plus sèches du corps.

§ 566. C’est, de tous les appareils, celui qui se montre le Juernier dans la série animale : il apparaît avec le centre nerveux (la moelle et le cerveau), auquel il sert d’enveloppe.

§ 56y. On n’a pas toujours attaché le meme sens aux mots os et squelette. On trouve dans les ouvrages d’Hippocrate et d’Aristote la source des deux idées principales attachées à ces mots; idées qui sont encore aujourd’hui un sujet de controverse entre les zooto- mistes.

1 Les meilleurs ouvrages à consulter sur l’ostéologie sont:

A. Monro, Anatomy of the bones and nerves; Edimb. , 17 26, in~8°; traduit en français par Sue; Paris, 1769, gr. in-fol. - W. Cheselden , Osteographia , etc. ;* London , 1733 , in-fol.

B. S. Albinus, de Ossibus corp. hum.; Lugd. Bat. , 1726 , in-8°.

Id. , de Sceleto hum. ; ibid. , 1762, in-4°. IL, Tab. sceleli

et muscùl. ; ibid., 1747, fol. raax. Id., Tab. ossium ; ibid., 1753, fol. max. Boéhmer, Insdtutioncs osteologicce ; Halæ-Magd. , Tarin, Ostéograpliie ; Paris, 1753-

Bertin, Traité d’ostéologie; Paris, 1754. Ed. Sandifort, Descriptio ossium hominis ; Lugd. Bat. , 1785. Loschge, die Knochen , etc. , in Abbildungen und kurzcn Besclir. ; Erlang. , j8o4 , in-fofc Blumenbach, Geschichte und Bcsclireibung der Knochen ; Golting. , 1807.

DU SYSTÈME OSSEUX. .

L’auteur du Traité de la nature des os leur attribue pour usages de déterminer la forme, la rectitude et la direction du corps : cette idée a prévalu , et Ton admet encore généralement aujourd’hui, que le sys- tème osseux a pour fonction principale de détermi- ner la forme du corps, et d’en faciliter les mouvemens. D’après cette définition, on a assimiler aux os des vertébrés les parties dures des autres animaux arti- culés, et surtout celles des insectes et des crustacés, car c’est chez eux que le mouvement volontaire et la conservation de la forme du corps sont portés au plus haut degré; aussi Willis disait-il, en parlant de l’é- crevisse, quo ad membra et partes motrices , non ossa teguntur carnibus , sed carnes ossibus.

Aristote cependant, qui déjà regardait 1’épine.comme l’origine ou le centre d’où proviennent les os, avait mis sur la voie de la distinction faite dans ces derniers temps entre les os et les autres parties dures des ani- maux. Suivant cette idée, on voit en effet le squelette ou système osseux des vertébrés consister d’abord , et principalement, en une colonne longitudinale , laquelle fournit en haut ou en arrière une enveloppe à la moelle et au cerveau, et en avant ou en bas, une autre en- veloppe aux organes de la nutrition , et notamment aux parties centrales du système vasculaire; d’autres appendices moins constantes servent aux mouvemens par leurs articulations ; toutes les parties du système, d ailleurs, peuvent fournir des attaches aux muscles.

La question est donc de savoir s’il faut appeler os et squelette toutes les parties dures et sèches du corps des animaux, celles qui en déterminent la forme et

47^ - ANATOMIE GÉNÉRALE.

en facilitent les mouvemens; ou bien s’il faut réserver ce nom aux parties dures , propres aux vertébrés , qui forment une colonne centrale et médiane dans le corps, avec une cavité pour le tronc nerveux, et une autre cavité pour le cœur et l’aorte, et souvent des appen- dices latéraux pour le mouvement?

Suivant M. Geoffroi Saint-Hilaire , l’un des natura- listes qui s’est le plus occupé de ce point de zootomie, et qui l a traité avec son talent original , cette question n’en serait point une, et toute la différence entre le squelette d’un articulé et d’un vertébré , entre le rachis d’un animal crustacé ou d’un insecte, et celui d’un animal osseux , tiendrait à l’absence d’une moelle épi- nière dans le premier, et à sa présence dans le se- cond; différence qui exige un rachis à deux canaux dans celui-ci, et à un seul canal dans celui-là. Suivant cette idée , si je l’ai bien comprise, un insecte ou un crustacé serait justement comparable à un vertébré monstrueux privé d’encéphale et de moelle épinière.

§ 568. Quoi qu’il en soit, au reste, de cette discus- sion tout-à-fait étrangère à l’anatomie de 1 homme, il y a trois choses à considérer dans le système osseux, les os eux-mêmes, leurs articulations, et le squelette qui résulte de leur réunion.

PREMIÈRE SECTION.

DES OS.

§ 56g. Les os, ossa , omu, sont les parties les plus dures du corps humain , celles qui par leur réunion forment le squelette.

DES OS.

477

§ 5^o. Chacun des os, et beaucoup de parties des os ont reçu des noms propres ; ces noms doivent être d’autant mieux déterminés et plus précis , que les noms de beaucoup d’autres parties du corps en sont formés.

Le nom de plusieurs os est un adjectif pris subs- tantivement avec une désinence commune : tels sont le frontal, l’occipital, le pariétal, etc. M. Duméril 1 a proposé , comme un moyen de mettre de la préci- sion et de l’exactitude dans le langage anatomique, de donner à tous les noms d’os cette même désinence , et de la donner à eux seuls.

§ 571. Le nombre des os est très-grand, mais di- versement déterminé , suivant quon prend le sujet à tel ou tel âge , ou divers sujets de différens âges ; et c’est ainsi qu’on a fait le plus souvent. Si , par exemple , on veut déterminer rigoureusement ce nombre , en prenant le sujet adulte , on trouve alors le sphénoïde soudé avec l’occipital, et souvent avec l’ethmoïde; mais on trouve le sternum divisé encore en trois par- ties; l’hyoïde, encore composé de trois os distincts au moins, etc. «

Voici 1 énumération des os que la plupart des ana- tomistes s’accordent à décrire comme distincts :

Vingt-quatre vertèbres mobiles;

Cinq vertèbres pelviennes, soudées pour former le sacrum ou os pelvial;

Trois ou quatre vertèbres caudales, réunies pour former le coccyx;

' Projet d’une nomenclature anatomique, in Magasin en- cyclopédique, tom. II; Paris, 1795.

ANATOMIE GENERALE.

478

Douze côtes de chaque côté; un sternum impair, formé de trois pièces distinctes dans l’adulte;

Un occipital , un sphénoïde , un ethmoïde , un fron- tal , deux pariétaux , deux temporaux, contenant cha- cun trois osselets du tympan ; un vomer , deux os maxil- laires supérieurs, deux os du palais, deux os zygoma- tiques , deux os nasaux , deux lacrymaux ou unguis , deux cornets inférieurs, un maxillaire inférieur;

Un hyoïde, composé , dans l’adulte même, de trois ou de cinq pièces distinctes.

Les os qui restent à énumérer sont tous pairs ou doubles, ce sont ceux des membres, savoir:

Le scapulum, la clavicule, l’humérus, le radius, le cubitus , les huit os du carpe , les cinq os du méta- 1 carpe , les deux phalange^ du pouce , les trois phalanges de chacun des autres doigts, et cinq os sésamoïdes;

L’os coxal, le fémur, le tibia et la rotule, le pé- roné, les sept os du tarse, les cinq du métatarse, les deux du gros orteil, les trois de chacun des autres orteils , et trois os sésamoïdes.

§, 572. La situation des os est toujours intérieure ou profonde. Soit qu’ils forment des cavités pour les centres nerveux et vasculaires, soit qu ils forment les membres, ils sont tous recouverts par les muscles et les tégu- mens : aucun n’est extérieur.

§ 5y3. La grandeur des os est très-différente; quel- ques-uns ayant environ le quart, le cinquième ou le sixième de la longueur du corps ; d’autres ayant à peine quelques lignes de diamètre. On divise sous ce rapport les os en grands, moyens, petits et très-petits, ou osselets.

DES OS.

479

§ 5^4. La forme des os est symétrique; les uns sont impairs et médians , les autres latéraux et pairs : dans les premiers, chacune des moitiés latérales est sem- blable; dans les autres, chacun des os est semblable à celui du côté opposé du corps. Il n’y a à cet égard que de très-légères irrégularités.

Les os impairs, tous situés sur la ligne médiane, sont les vertèbres, tant celles qui sont mobiles, que celles du sacrum et du coccyx ; le sternum , l’occipital , le sphénoïde, l’ethmoïde, le frontal, le vomer, l’os maxillaire inférieur et 1 hyoïde.

Tous les autres os sont pairs ou doubles , et situés sur les côtés de la ligne médiane, plus ou moins loin de cette li<rne.

O

On divise les os d’après leur forme, et d’après le rap- port qu’ont entre elles leurs trois dimensions géomé- triques , en longs , larges, courts et mixtes : dans les premiers, une des dimensions l’emporte de beaucoup sur les deux autres; dans les seconds, la longueur et la largeur dépassent de beaucoup l’épaisseur; les trois dimensions sont sensiblement égales dans les troi- sièmes; les quatrièmes participent, dans des parties différentes de leur étendue , des caractères des os de deux genres.

§ 5y5. Les os longs , ossa longa , seu cylindrica, sont situés dans les membres, ils constituent des co- lonnes brisées, articulées. Le nombre de ces os, dans chaque fraction des membres, va en augmentant, et leur longeur en diminuant, en s’éloignant du tronc. Chaque os long se divise en corps ou partie moyenne, et en deux extrémités. Le corps, ou diaphyse, est cylin-

ANATOMIE GÉNÉRALE.

48o

droïde dans quelques-uns; dans les autres il a la forme d’un prisme triangulaire; il est en général un peu courbé et tordu. Les extrémités sont renflées.

Les os larges, ossa lata , seu plana , sont situés dans le tronc, ils constituent des parois de cavités ou- vertes et plus ou moins solides. Ces os, aplatis en deux sens opposés , sont courbés, quelques-uns sont tordus. Ils sont demi-circulaires , quadrilatères ou po- lygones; leurs bords sont, en général, un peu renflés.

Les os courts ou épais , ossa crassa, sont situés dans la colonne vertébrale , dans la main et dans le pied , ils constituent , par leur assemblage et leur multiplicité , des parties solides et mobiles. Ils sont globuleux, té- traèdres, cunéiformes, cuboïdes ou polyèdres.

Les os mixtes , ossa mixta , sont ceux qui participent des caractères de plusieurs genres : il y en a beaucoup, l’occipital, le sphénoïde, le temporal, le coxal, le sternum. Les côtes, participent des os larges et des os courts. Les os longs eux-mêmes ressemblent aux os épais par leurs extrémités.

§ 5 76. On distingue dans la conformation extérieure des os, des parties ou régions de leur étendue.

Dans les os impairs il y a, en général, ou bien une " partie impaire et médiane et des parties latérales, comme le corps et les apophyses du sphénoïde, le corps et les masses apophysaires des vertèbres, etc., ou bien des parties latérales seulement, réunies sur la ligne médiane, comme les deux moitiés du frontal, etc.

Beaucoup d’os se divisent en parties ou régions dé- terminées par leur mode de formation ou de déve- loppement : ainsi , l’os de la hanche est divise en

DES OS.

48i

ilium, ischion et pubis ; le sphénoïde, l’ethmoïde, le temporal , etc. , en plusieurs régions distinctes égale- ment par le mode de leur développement.

Dans d’autres os , la division en régions résulte uniquement de la situation et des usages des par- ties; ainsi la surface externe de l’os frontal se partage en une région orbitaire et nasale, et une région frontale, etc.

On reconnaît aussi, dans les os, des régions ou parties géométriques de leur étendue ; ainsi on dis- tingue et on décrit, dans les os longs, un corps ou partie centrale , et des extrémités ; dans les os larges , des faces, des bords et des angles, etc.; mais on ne prend guère ces termes à la rigueur, car les plans et les angles sont très-rares et imparfaits dans l’orga- nisation.

§ 577. Les os présentent à leur surface des émi- nences et des enfoncemens très-variés.

Les éminences des os se distinguent en épiphyses et en apophyses, les premières ont rapport au déve- loppement , et seront décrites à son occasion.

Les apophyses sont des éminences osseuses, conti- nues à la substance des os ; elles sont extrêmement nombreuses et très-diversifiées : aussi peu d’objets en anatomie ont été plus diversement classés. Elles se distinguent en articulaires et non articulaires. Les pre- mières seront décrites plus loin.

Les apophyses non articulaires sont un peu ru- gueuses; leur grandeur et leur forme très-variée per- mettent de les diviser en trois genres : les unes, longues et saillantes comme une branche ou un ra-

3 1

1.

ANATOMIE GENERALE.

482

meau osseux, portent le nom de branches, de pro-* cessus et d’apophyses proprement dites.

D’autres , plus courtes et plus épaisses , portent le nom de protubérances, tubérosités et de tubercules.

Les autres, allongées, étroites, et peu saillantes, portent le nom de crêtes et de lignes.

La synonymie de ces diverses éminences est très- compliquée et très-difficile; elles sont le plus souvent désignées chacune par des noms tirés de comparaisons triviales et peu rigoureuses, et quelquefois aussi par des noms tirés de leur situation, de leur grandeur, de leur direction et de leurs usages.

Leur usage général est de servir à des insertions de ligainens et de tendons.

§ 5y8. Les cavités externes des os se distinguent, comme leurs éminences, en articulaires et en non ar- ticulaires. Il n’est question ici que des dernières.

Parmi ces cavités , les unes traversent, les autres ne traversent pas l’épaisseur des os. De ces dernières, les unes ont une entrée élargie, évasée dans tous les sens, ce sont des fosses, des fossettes, des impressions digitales; les autres ont le fond évasé et l’entrée étroite, et sont d’ailleurs tapissées parla membrane muqueuse, et remplies d’air : ce sont des sinus, et quand elles sont divisées en plusieurs loges , des cellules ; d’autres sont allongées , étroites, plus ou moins profondes : ce sont des sillons, des gouttières, des méats , des rai- nures , des coulisses. Les cavités de ce cette dernière sorte, quand elles existent sur le bord des os, portent le nom d’incisures ou d’échancrures.

Parmi les cavités qui traversent les os de part en

DES OS.

483

part, les unes suivent, le trajet le plus court, à travers un os mince, et sont des trous, des fentes ou des fis- sures; les autres suivent un trajet plus long et diver- sement contourné : ce sont des canaux , des con- duits , etc.

Quelquefois plusieurs os se réunissent pour former une cavité composée comme le crâne et le canal ver- tébral ,* comme le bassin , le thorax , les fosses nasales , les orbites , etc. ; ou même pour former un trou ou un conduit, comme les trous sphéno-palatin , déchiré postérieur, etc. , les conduits orbitaires, palatins, etc.

Parmi ces cavités simples ou composées, les unes logent des organes, d’autres fournissent des insertions, d’autres servent à transmettre ou à livrer passage à certaines parties.

Dans certains endroits des os on trouve une mul- titude de petites éminences et de petits enfoncemens très-rapprochés : cela constitue des empreintes ou des inégalités, qui servent à des insertions.

§ 579. Les os ont des cavités internes et closes , qu’on appelle cavités médullaires , parce quelle renferment la moelle ou graisse des os (§169).

Les os longs ont une grande cavité médullaire cylin- drique, qui en occupe le corps ou la partie moyenne, et qui , à ses extrémités , communique avec les aréoles de la substance spongieuse. Cette cavité loge le sys- tème médullaire, et rend l’os plus léger sous le même volume, et plus fort avec le même poids.

Les extrémités des os longs, les os courts, les os larges , et surtout leurs bords épais , sont creusés de cavités aréolaires , qui logent également de la moelle.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

484

Il en est de même enfin de la substance compacte : elle est creusée de cavités médullaires microscopiques.

§ 58o.Les os ont aussi des canaux vasculaires pour les vaisseaux de la moelle , et pour ceux de leur propre substance.

Chaque os long a un canal de ce genre, au moins, qui parcourt obliquement les parois de la cavité médul laire , en y pénétrant de haut en bas dans les os hu- mérus, tibia et péroné, et de bas en haut dans le fémur, le radius et le cubitus; ce canal donne passage aux vaisseaux et nerfs de la membrane médullaire.

Les extrémités des mêmes os, les bs courts et épais, et les bords épais des os larges, sont pourvus d’un très- grand nombre de larges canaux , qui donnent égale- ment passage à des vaisseaux, et notamment à de grandes veines.

Tous les points enfin de la surface des os sont criblés d’une multitude de petits trous ou orifices de conduits, dans lesquels pénètrent de très-petits vaisseaux.

§ 58 1. La densité du tissu osseux est très-grande, mais elle n’est pas la même dans toutes les parties d’un même os. Sous ce rapport, on distingue la substance des os en compacte et en spongieuse, ou aréolaire : la première est corticale, ou située à 1 extérieur des os; la seconde est intérieure.

La substance compacte est celle dont la densité est telle, qu’on n’y aperçoit pas d’interstices à 1 œil nu. Cependant elle est criblée de très-petits canaux mé- dullaires et vasculaires, visibles au microscope. Dans les os longs, ces canaux sont longitudinaux; il ont de fréquentes communications latérales avec le grand

DES OS. 485

canal médullaire et la surface externe de l’os; ils sont moins grands vers cette surface que vers l’autre ; leur diamètre moyen est d’un vingtième de ligne.

La substance aréolaire ou spongieuse, est celle qui forme des petites cavités très-visibles à l’œil. Cette subs- tance présente plusieurs variétés, dont les principales sont les suivantes : elle consiste en filamens plus ou moins fins , et en lamines d’une ténuité semblable, dans les extrémités des os longs, et dans l’épaisseur des os courts; en filamens et en lames réticulés à la surface interne du canal médullaire des os longs; et en lames fortes, formant des aréoles étroites dans les os larges et minces , et surtout dans ceux du crâne.

Les deux substances, ou variétés du tissu plus ou moins dense des os, sont arrangées d’une manière par- ticulière dans chaque sorte d’os.

Dans les os longs , le corps est formé de substance compacte, et la surface interne du canal hérissée de quelques filamens et lames réticulés; vers les extré- mités, la substance compacte diminue beaucoup d’é- paisseur, la substance aréolaire ou spongieuse devient de plus en plus abondante et fine , le grand canal finit, en se continuant, avec la substance spongieuse, dont toute l’extrémité de l’os est remplie.

Dans les os larges , les deux surfaces sont formées de substance compacte ; l’os est mince , ces deux lames se touchent; là, au contraire, il est épais, elles sont séparées par une couche de substance spongieuse proportionnée à l’épaisseur de l’os. Dans les os du crâne, la table interne, plus dense encore, mais plus mince et plus fragile que la table externe ,

ANATOMIE GÉNÉRALE.

486

porte le nom de lame vitrée, et la substance spon- gieuse, celui de diploé.

Les os courts sont formés de substance spongieuse, entourée d’une couche de substance compacte.

Les os mixtes enfin, participent, par la disposition des deux substances , des genres d’os auxquels ils ap- partiennent.

Les deux variétés de tissu , ou les deux substances dont il vient d’être question, sont dans la réalité un seul et même tissu , une seule et même substance di- versement disposée ; raréfiée dans une partie , condensée dans l’autre. Une parcelle de substance compacte est exactement la même chose qu’une lamine ou un filet de substance spongieuse. Une tranche quelconque , de la longeur d’ijn os long, contient sensiblement la même quantité de tissu osseux , qu’une autre tranche égale en longueur du même os; mais dans l’une la subs- tance ou le tissu est condensé , et laisse un grand canal dans son centre , tandis que dans l’autre le tissu est raréfié , et le canal remplacé par une multitude d’aréoles spongieuses. Ces deux substances peuvent se transformer l’une en l’autre. La différence essentielle qu elles présentent leur est pour ainsi dire étrangère; elle dépend de la présence et de la pénétration du tissu médullaire et de ses nombreux vaisseaux dans l’épaisseur même de l’os spongieux, et de son contact sur une des faces seulement de 1 os compact.

§ 582. La texture des os 1 est un des points de 1 ana- tomie qui a donné lieu au plus grand nombre de tra-

1 Malpighi , de Ossium structura , in op. posth. D. Ga- gliardi , Anatome ossium no vis inventes illustrata ; Roni.v,

DES OS.

487

vaux et d écrits. Malpighi, le premier auteur qui mé- rite detre cité, regarde le tissu des os comme résultant de lames, de fibres et de filets, avec un suc osseux in- termédiaire; c’est, suivant lui, comme une éponge imbibée de cire. Gagliardi admet des lames ou bractées , et des chevilles osseuses de différentes formes , qui les rassemblent ; Havers , à peu près comme Malpighi 5 des lamines formées de fibres, et réunies par le suc osseux. Lasône décrit des lames formées de fibres ossi- fiées, tenant entre elles par des filets obliques. Reichel , ayant examiné des portions d’os amollies dans un acide minéral, a vu qu’on pouvait les partager en lames , et celles-ci en fibres , formant un tout poreux et tu-

1689. Cl. Havers, Osteologia nova , etc. ; Lond. , 1691. Description exacte des os, comprise en trois traités, par J. J. Courtial, J. L. Petit, et Lémery. Delasône, Mém. sur l’organisation des os, in Mém. de l’Acad. royale des sc. ; Paris, 1751. J. F. Reichel, de Ossium ortu atque structura ; Lips. , 1760. B. S. Àlbinus, de Constructione ossium, in Annot. acad . , lib. VII, cap. 17. Perenotti , Mém. sur la construction et sur l’accroissement des os; Mém. de Turin , tomell, 1784. A. Scarpa, de Peniliori ossium structura com- me nlarius ; Lips., 1795, et Paris, 1804. V. Malacarne , Auctuarium obs. et icon. ad osteol. et osteopath. Luclwigii et Scarpœ ; Patav. , 1801. Howship, Microsc. observ. on the structure ofbone; in Mecl.-chir. transact. , vol. VII; Lond. , 1816. M. Troja , Observationi ed esperimenti sulle ossa ;

Napoli , 1814. Medici , E'sperienze intorno alla tessi-

tura organica delle ossa, in opuscoli scientifici , tome II; Bologna, 1818. Considerazioni intorno alla tess. org. delle ossa, sentie cia M. Mcdici , etc., in riposta aile oppos. fait, fiai S. D. C. Spcranza , c ded S. Cav. A. Scarpa; Bologna, i8i9-

4^8 ANATOMIE GÉNÉRALE.

buleux , qui se continue avec la substance spongieuse. Scarpa conclut , de l’examen des os sains et malades , des os entiers et privés de substance terreuse , des os avant et après leur entier développement, que le tissu osseux, même la substance compacte, est un tissu cel- luleux et réticulé , tout-à-fait semblable à la substance spongieuse. Medici a observé , ce que savent depuis long - temps ceux qui font le commerce de gélatine extraite des os , que la substance compacte des os longs, privée des sels terreux par l’action d’un acide faible, se divise en plusieurs lames ou couches, adhé- rentes entre elles par des fibres. *

§ 583. Pour examiner la texture du tissu osseux, ce tissu étant extrêmement dur, on est obigé d’avoir recours à des procédés chimiques qui, en décompo- sant l’os, doivent avoir une action quelconque sur la partie qui reste soumise à l’examen. Quoi qu’il en soit, si on plonge un os pendant quelques jours dans un acide végétal, ou dans un acide minéral étendu d’eau, la substance saline qui entre en grande proportion dans l’os, en est enlevée, et l’os, conservant sa forme, son volume, mais ayant perdu une partie de son poids, égale à celle de la terre soustraite , est devenu flexible et tenace comme le tissu fibreux cartilaginiforme. En cet état, il est réductible en colle ou en gélatine par la décoction. En cet état aussi, si on l’amollit par la macération dans l’eau , la substance compacte , qui n’offrait aucune texture apparente, se divise en lames, réunies par des fibres; les lames elles-mêmes, un peu plus tard , ou plus difficilement , se divisent en fibres , qui , par une macération plus prolongée , se gonflent,

DES OS. 489

et deviennent aréolaires et molles , comme le tissu cellulaire ou muqueux.

Un os long, examiné par ce procédé, se divise à sa partie moyenne, en plusieurs couches, dont la plus externe enveloppe tout l’os , et dont les suivantes se continuent en se raréfiant vers les extrémités avec la substance spongieuse qui les remplit. Les os larges sont formés de deux lames seulement ; et les os courts , d’une seule , qui les enveloppe; celle-ci, comme les autres, présentant, à sa face interne, des prolonge- mens filamenteux et lamineux qui constituent la subs^ tance spongieuse.

La fibre osseuse diffère donc surtout des autres fibres animales par la grande quantité de substance terreuse qu’elle contient.

En effet, si au lieu d’enlever cette substance ter- reuse et d’examiner le résidu organique dont il vient d’être question v on détruit au contraire celui-ci, en soumettant un os à l’action du feu nud , il reste une substance blanche, conservant le volume, la forme , et une grande partie de la pesanteur de l’os; cette subs- tance dure, mais très-fragile, est un sel terreux qui faisait partie du tissu osseux. Les autres tissus laissent, après la combustion , un résidu analogue ou des cendres, mais en beaucoup moins grande proportion, et ne conservant point, comme celles des os, la forme et une partie de la solidité du tout.

§ 584- La fibre osseuse est donc une fibre très-ana- logue à la fibre cellulaire , mais en différant par la très- grande quantité de substance terreuse qui entre dans sa composition. On s’est fait diverses idées sur la na-

4,9° ANATOMIE GÉNÉRALE.

ture intime de cette fibre. Celle qui est le plus géné- ralement admise, consiste à considérer le tissu des os comme un tissu organique aréolaire comme les autres, mais contenant de la substance terreuse dans des cavités extrêmement étroites, à peu près comme l’eau est interposée dans le tissu d’une éponge hu- mide. D’autres regardent l’os comme un mélange in- time ou une combinaison de gélatine et de phosphate calcaire. Mascagni regarde ce tissu comme formé de vaisseaux absorbans remplis de phosphate de chaux. Ce sont autant d’hypothèses qui ne reposent sur aucun fait, ou plutôt qui sont contraires aux faits. On ignore toutefois dans quel rapport exact se trouve la subs- , tance terreuse avec la substance organique des os.

§ 585. Quelques tissus appartiennent essentiellement à l’organisation des os , ce sont le périoste , la moelle et les vaisseaux.

Le périoste est une membrane fibreuse très-vascu- laire qui enveloppe les os, comme on l’a vu (§522).

La membrane médullaire est une membrane cellu- leuse très-vasculaire qui contient la moelle, et qui sert de périoste interne aux os 169-178).

Les vaisseaux sanguins des os , assez nombreux , et de volume différent , se distinguent en ceux qui se ramifient d’abord dans le périoste externe , et qui pé- nètrent ensuite dans les petits trous nourriciers de la substance compacte, en ceux qui pénètrent , sans se ramifier, dans le canal médullaire, ils se distribuent à la membrane de ce nom, et pénètrent ensuite, par la face interne, dans la substance compacte , ils com- muniquent avec les précédens; et enfin en ceux qui

DES OS.

4.91

pénètrent par les trous grands et nombreux des os courts et des parties spongieuses des os longs et larges , pour se distribuer dans la substance spongieuse, et y communiquer, dans les os longs , avec les vaisseaux des deux premiers ordres. Quelques anatomistes ont appelé vaisseaux nourriciers du premier ordre , ceux du canal médullaire des os longs ; vaisseaux nourriciers du second ordre, ceux de la partie spongieuse; et du troisième ordre , ceux qui passent du périoste externe dans la substance compacte : en général, chacun des conduits nourriciers contient une artère et une veine ; ceux du second ordre contiennent des veines très-grandes et à parois très-minces , qui ne paraissent consister que dans la membrane interne; ces veines paraissent avoir de grandes communications avec les cavités médul- laires de la substance spongieuse.

On voit des vaisseaux lymphatiques seulement à la surface des grands os.

On ne voit de nerfs dans les os , que ceux qui accompagnent les vaisseaux de la membrane médul- laire.

§ 586. La dureté considérable des os dépend de leur composition chimique : ce sont en effet, comme on la vu, les parties organisées qui contiennent le plus de substance terreuse. On doit avoir su de tout temps que les os sont combustibles , et qu’ils laissent un ré- sidu considérable, fl y a long-temps aussi qu’on sait que les os fournissent de la gélatine ou de la colle par la décoction. C’est Schéele qui a annoncé que la partie ter- reuse des os est du phosphate de chaux. Cent parties d’os hais se réduisent à soixante environ par la calcination.

\

492 ANATOMIE GENERALE.

D’après l’analyse de M. Berzélius , les os humains , privés d’eau et de graisse, sont composés ainsi qu’il suit: matière animale, réductible en gélatine par la décoction, 32,17; substance animale insoluble, i,i3; phosphate de chaux, 5i,4; carbonate de chaux, n,3o; fluate de chaux, 2,0 ; phosphate de*magnésie, 1,16; soude et muriate de soude, 1,20.

Fourcroy et M. Vauquelin , dans leurs premiers essais, n’avaient point trouvé de phosphate de ma- gnésie dans les os humains. Suivant M. Hildebrandt, il n’y en aurait point. Suivant M. Hatehett, il y aurait du sulfate de chaux qui, d’après M. Berzélius, est un produit de la calcination. Enfin, Fourcroy et M. Vau- quelin admettent encore dans les os, du fer, du man- ganèse, de la silice, de l’alumine et du phosphate d’ammoniaque, mais point de fluate.

Outre les différences de composition relatives à l’âge, aux individus, et aux affections morbides, cir- constances qui font varier la proportion de la subs- tance animale et de la substance terreuse; tous les os n’ont point exactement la même composition dans le même individu , ainsi les os du crâne contiennent généralement un peu plus de substance terreuse que les autres ; le rocher est de toutes les parties celle qui en contient le plus x.

§ 587. Les os sont d’une couleur blanc-jaunatre , et opaques, mais c’est surtout par leur dureté, leui peu de flexibilité et leur résistance à la rupture, qu’ils

1 John Davy, in Monro, Outlincs 0/ the anatomy oj the hurnan body ; Édimb., ibii.

DES OS.

493

sont remarquables; c’est par ces propriétés qu’ils ser- vent clans l’organisme. Quelque peu flexibles et com- pressibles qu’ils soient, ils sont élastiques.

Ils jouissent aussi d’une extensibilité et d’une force de resserrement lentes, mais réelles : ainsi le sinus maxillaire, les fosses nasales, l’orbite, etc., s’agran- dissent peu à peu par le développement de tumeurs dans leur intérieur ; ces mêmes cavités reviennent sur elles-mêmes quand elles sont débarrassées de ces causes d’extension; les alvéoles se resserrent et s’effacent après la chûte des dents, etc.

Toute autre contraction y est nulle. La sensibilité n’y existe qu’à l’état morbide. La force de forma- tion y est remarquable sous ce double rapport, que tous les phénomènes qui s’y rapportent, comme la formation première, la réparation, les altérations de texture, etc., y sont d’une très-grande lenteur; tandis que les facultés de reproduction et de production accidentelle, y sont plus grandes que dans aucun autre tissu.

§ 588. La formation des os, l’ossification , ou l’ostéo- génésie 1 , est un phénomène qui a beaucoup occupé

1 II. Eysson, de Ossibus inj antis ; cui tractatui annexus est Y. Coiter, Ossium infantis historia , 120; Gronig. , i65g.

Th. Kerkring, Osteogenia fœtus , Lugd. Bat., 1717. R.Nesbitt, the Humanosteogeny ; Lond., 17 36. J.Baster,r/c Osteogenia , Lugd. Bat. , 1781. A. Vater et Ulmann , Osteo- genia; Viteb. , 1733. Albinus, Annol. acad. , lib.VI, VII.

Id. Icônes ossium fœtus humani accedit ostcgeniœ b revis' historia. Lugd. Bat. 1737. Duhamel, Mém. de l’Acad. roy. des sc., ann. t 739— /|i— 43-Zj6. Haller , Expérimenta de ossium

ANATOMIE GÉNÉRALE.

494

l’attention des observateurs, et qui en est en effet bien digne.

Les os éprouvent dans leur développement des transformations d’autant plus remarquables, que les divers états par lesquels ils passent répondent à des états analogues, mais permanens , qu’on observe dans les animaux.

Après avoir été liquides comme toutes les autres parties , ils deviennent , mous , muqueux ou gélati- niformes ; cartilagineux, et quelques-uns fibreux et cartilagineux ; osseux.

Les os sont muqueux , transparens et incolores , à une époque très-rapprochée de la conception ; ils croissent alors par végétation , et forment un tout continu qui se divise plus tard.

Les os cartilagineux, ou les cartilages temporaires, ne paraissent guère qu’après deux mois, à partir du moment de la conception. On ne peut apercevoir cet état que dans les os ou les parties d’os qui s’endur- cissent un peu tard, car pour ceux dont l’ossification est très-précoce, il est douteux qu’ils passent par l’état de cartilages ; état qui paraît plutôt destiné à remplir

fonnatione in op. min. II. Hérissant, Mém. del’Acad. roy. des sc., 1768. C. F. Senff, Nonnullci de incremento ossiurn embryon um in primis gr a viditatis mensibus ; Halæ, 1801. J.Fr.Meckel , Deutsches archiv fur die physiolog. ; B. I, H. 4* J. Ilowship, Exper. and observ., etc., on the formation of bone , in Med-chir. trans. , vol. VI; Lond., i8i5. A. Bé- clard , Mém. sur l’ostéose, in nouveau Journal de méd. , vol. IV, 1819. Serres, des Lois de l’ostéogénie, Analyse des trav. de l’Ac. roy. des sc., ann. 1819.

DES OS. 4.9^

provisoirement les fonctions d’os , qu’à être une pé- riode de l’ossification.

L’état osseux commence successivement , dans les divers os, depuis environ un mois après la concep- tion , pour les plus précoces , jusqu’à dix ans ou douze ans environ après la naissance, dans les plus tardifs; et même certains points osseux accessoires ne com- mencent guère à se former que vers quinze à dix-huit ans.~

§ 589. L’ordre dans lequel les os commencent à pa- raître et à s’endurcir, a semblé pouvoir être réduit en règles :

Ainsi la clavicule et les mâchoires étant très-pré- coces dans leur développement, le sternum, le bassin et les membres étant plus, tardifs ; on a dit que la pré- cocité était en rapport avec l’importance dans le règne animal , ou plutôt dans la classe des vertébrés , l’on voit en effet, dès la classe des poissons, les cla- vicules et les mâchoires très-développées , tandis que le sternum , le bassin et les membres le sont très-peu.

On a établi aussi en proposition générale, que les os les premiers formés sont ceux qui avoisinent les centres sanguins et nerveux; les côtes et les vertèbres étant en eflet très-précoces dans leur formation.

On a dit encore que les os longs paraissent les pre- miers, puis les larges, et enfin les courts ; la clavicule, le fémur, le tibia paraissant dès le commencement, et les os du tarse et du carpe très-tard au contraire.

On a cru enfin que les os plus grands s’ossifiaient les premiers, et les autres successivement.

H y a beaucoup d’exceptions à ces règles.

49^ anatomie générale.

s 590. L’ossification commence à la fin du premier mois dans la clavicule , et successivement dans l’os maxillaire inférieur, dans le fémur , dans le tibia , dans l’humérus, dans le maxillaire supérieur, et dans les os de l’avant-bras, elle est commencée vers trente- cinq jours. Elle commence vers quarante jours dans le péroné, dans le scapulum , dans les os palatins , et les jours suivans dans la portion prorale de l’occi- pital, dans le frontal, dans les arcs des premières ver- tèbres , dans les côtes, dans la grande aile du sphé- noïde, dans l’apophyse zygomatique, dans les pha- langes des doigts , dansles corps des vertèbres moyennes, dans les os nasaux et zygomatiques, dans l’ilium , dans les os métacarpiens, dans les phalangettes des doigts et des orteils , dans les condyles de l’occipital, et puis dans sa portion basilaire, dans la portion écailleuse du temporal, dans le pariétal et dans le vomer, tous os elle est commencée dès le milieu de la septième semaine. Dans le courant de la même semaine elle commence encore dans l’aile orbitaire du sphénoïde , et à la fin, dans les os métatarsiens, dans les phalanges des orteils et dans les phalangin’es des doigts., Dansles dix jours suivans elle commence dans le corps du sphénoïde , dans celui des premières vertèbres sacrées, et dans le cercle du tympan. Vers deux mois et demi elle se manifeste dans l’appendice costiforme de la septième vertèbre; avant la fin du troisième mois, dans le labyrinthe, et vers sa fin, dans l’ischium et dans l’apophyse ptérygoïde interne; vers le milieu du qua- trième mois , dans les osselets du tympan ; à mi-terme, dans le pubis , dans le calcanéum , dans les phalan-

DES OS.

497

gines des orteils, dans les masses latérales de l'ethmoïde et dans les cornets du nez; un peu plus tard dans les premières pièces du sternum ; vers six mois dans le corps et dans l’apophyse odontoïde de la seconde ver- tèbre , et dans les masses latérales et antérieures de la première vertèbre pelvienne ou sacrée ; un peu plus tard encore, dans l’astragale; vers sept mois, dans le cornet sphénoïdal ; plus tard , dans la crête médiane de l’ethmoïde ; dans le cuboïde , la première vertèbre du coccyx et l’arc antérieur de l’atlas, vers la nais- sance ; un an plus tard dans l’os coracoïde , le grand os et l’os crochu du carpe, et dans le premier cunéi- forme ; dans la rotule et l’os pyramidal veçs trois ans ; vers quatre ans dans le troisième et le deuxième cu- néiformes; vers cinq ans dans le scaphoïde du tarse, le trapèze et le lunaire; vers huit ans dans le scaphoïde du carpe, un an après dans le trapézoïde, et enfin dans le pisiforme, vers douze ans.

§ 591. L’ossification ne résulte pas partout de la transformation du cartilage en os. La diaphyse des os longs et le centre des os larges très-précoces, passent immédiatement de l’état muqueux à l’état osseux. Les autres parties du système sont d’abord cartilagineuses , et c’est en elles qu’on peut le mieux observer les phé- nomènes successifs de l’ossification.

Le cartilage qui depuis plus ou moins long-temps tient la place , et remplit les fonctions de l’os , dont il a la forme et dont il acquiert, successivement le volume, se creuse d’abord de cavités irrégulières, puis de canaux tapissés de meibbranes vasculaires

3a

1.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

498

remplis d’un liquide mucilagineux ou visqueux ; il devient opaque, ses canaux deviennent rouges, et l’os- sification commence vers son centre.

Le premier point d’ossification , -punctum ossifica - tionis , paraît toujours dans l’épaisseur du cartilage, et jamais à sa surface. Il est entouré de cartilage rouge à l’endroit qui est en contact avec lui, opaque et creusé de canaux un peu plus loin , et plus loin encore homogène et sans vaisseaux, mais percé seulement de quelques canaux vasculaires qui tendent vers le centre osseux. Le point osseux augmente continuellement par accroissement à sa surface, et aussi par addition inters- ticielle dans son épaisseur. Le cartilage , successive- ment creusé de cavités et de canaux, tapissés par des gaînes vasculaires, diminue successivement à mesure que Vos augmente, et finit par disparaître. Les canaux du cartilage eux-mêmes, très-larges au commence- ment de l’ossification, deviennent de plus en plus pe- tits , et disparaissent enfin quand elle est opérée. A la place d’un cartilage plus ou moins épais, mais d’abord plein ou solide, sans cavités et sans vaisseaux distincts, plus tard creusé de canaux tapissés de membranes vasculaires et sécrétantes, on trouve un os très-vas- culaire, creusé de cavités aréolaires ou spongieuses, revêtues de membranes et remplies de moelle grais- seuse. Los devient ensuite moins vasculaire avec le temps.

§ 592. La cause de l’ossification est inconnue, comme celle de la formation organique en général. Depuis Hippocrate et Aristote , jusqu’à Scarpa , Bi- ehat et Mascagni , une foule d’hypothèses plus ou

DES OS.

499

moins ingénieuses ont été proposées sur ce sujet obscur r.

On a dit que les dernières divisions des artères s’os- sifiaient ou s’emplissaient de matière osseuse. Qu’après s’être remplies de matière osseuse, elles se crevaient et la laissaient échapper autour d’elles. On dit aussi, et avec plus de vraisemblance , qu elles forment et laissent échapper la matière ossifiante, soit par des extrémités exhalantes , soit par des porosités latérales. Mais quelle est cette matière osseuse ? est-ce de la subs- tance terreuse ? mais les artères versent-elles cette ma- tière? est-ce dans les aréoles intersticielles d’un carti- lage, comme on le dit communément depuis Hérissant? ou bien dans des vaisseaux absorbans qui s’en rem- plissent, comme le dit Mascagni ? ce sont autant de pures hypothèses. Ce que l’on sait, c’est que la vascu- larité augmente beaucoup avant l’ossification, et quelle la précède toujours; c’est que le cartilage diminue et disparaît à mesure que l’os se forme et qu’il augmente; c’est que l’os , très-vasculaire au moment de sa for- mation , le devient ensuite de moins en moins. Quant à l’état sous lequel la substance osseuse est déposée, c est sous forme liquide, et son endurcissement suc- cessif dépend ou de l’addition continuelle d’une plus grande proportion de substance terreuse, ou plutôt de la résorption du véhicule qui lui donnait sa flui- dité. L’ossification ne dépend pas de la déposition de la substance terreuse dans un tissu organique, mais

Voyez Sœmmeringy de Corp. hum.fabricâ , tom. I, de ossibus.

5oo ANATOMIE GÉNÉRALE.

de la formation simultanée d’un tissu contenant tout à la fois et la substance animale et la substance terreuse.

Les phénomènes de l’ossification sont différens dans les différentes sortes d’os.

§ 593. L’ossification est très - précoce dans les os longs; elle y commence de un à deux mois après la conception, suivant les os. Avant le commencement de l’ossification , on n y trouve point de cartilages. Il en est de même encore au commencement de l’ossi- fication , on ne trouve alors entre les cylindres osseux qu’une substance mucilagineuse. Ces cylindres osseux sont d’abord gros et courts, d’où résulte qu’ils peuvent s’allonger beaucoup avant de grossir. Ils répondent au point plus tard se trouve l’artère médullaire principale. Au commencement du troisième mois on aperçoit , au bout de ces cylindres osseux allongés , des extrémités cartilagineuses : sortent-elles par végé- tation de l’intérieur du canal osseux ? ces extrémités cartilagineuses ont la même conformation qu’auront plus tard les extrémités; elles s’ossifient, comme cela vient d’être dit de l’ossification en général. La plu- part ne s’ossifient que par le centre , et forment alors des épiphyses plus ou moins long-temps dis- tinctes aux bouts des os. Dans quelques-uns l’ossifi- cation procède, dès le commencement, par l’extension du corps de l’os, dans le centre de leur masse car- tilagineuse.

§ 094. Les os larges du crâne commencent à s ossi- fier de soixante à soixante-dix jours : le péricrane et

la dure-mère sont alors très-vasculaires. Il existe entre

*

ces deux membranes une substance muqueuse très-

DES OS.

5or

vasculaire elle-même. Les premiers points osseux pa- raissent dans les endroits les plus sanguins sous forme de grains isolés, puis disséminés et réunis en réseaux, ils forment ensuite une lame mince au milieu, et garnie de fibres osseuses rayonnées au pourtour; les surfaces de f os sont couvertes , et les intervalles des fibres radiées sont remplis d’une substance mucilagineuse rougeâtre et très-vasculaire, le péricrâne et la dure- mère le sont encore beaucoup à cette époque.

§ 5p5. Les os courts ou épais s’ossifient comme les extrémités des os longs. Ils sont précédés, dans leur for- mation, de cartilages qui ont la forme, et à la fin, le volume des os qui doivent les remplacer. Ces carti- lages, d’abord homogènes et pleins, présentent ensuite les changemens successifs déjà indiqués; des cavités,

des canaux membraneux vasculaires, remplis de li- * quide visqueux, et des points osseux qui s’étendent

du centre à la circonférence.

La rotule et les os sésamoïdes se forment dans un tissu d’abord fibreux , puis cartilagineux , et de la même manière que les os courts.

Les os mixtes participent , par leur formation comme parleur figure extérieure et leur conformation interne, aux caractères des os de deux classes différentes.

§ 596. Beaucoup d’os se forment par plusieurs points distincts d’ossification.

Plusieurs os médians, soit larges, soit épais, se forment par deux moitiés latérales réunies plus tard sur la ligne médiane; tels sont les arceaux des ver- tèbi es, le frontal, le corps du sphénoïde, la portion écailleuse de l’occipital, l’os maxillaire inférieur, et

ANATOMIE GÉNÉRALE.

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les pièces moyennes du sternum. Mais dans plusieurs des os médians aussi, l’ossification commence au mi- lieu, et s’étend sur les côtés; comme dans le corps des vertèbres, dans la portion basilaire de l’occipital, dans la crête de l’ethmoïde, dans le.corps de l’hyoïde, dans le premier et dans le dernier os sterna ; soit que dans une période antérieure, à l’époque de la cartilaginisation , par exemple , l’os se soit formé de deux moitiés latérales, ou bien qu’il en soit autre- ment, et qu’il soit primitivement impair.

Beaucoup d’os , tant larges que courts , sont formés de plusieurs points principaux ou primitifs d’ossifica- tion qui se réunissent plus ou moins promptement. Souvent ces points répondent à des os distincts dans d’autres genres ou classes d’animaux. Tels sont les points d’ossification des vertèbres, de l’occipital, du sphénoïde, du temporal, du maxillaire, du sternum, des os coxaux, du sacrum, etc. On trouve même dans les animaux ruminans un exemple de la réunion col- latérale de deux os longs pour former le canon.

§ 5 97. Un grand nombre d’os enfin-, surtout des os longs, et quelques os larges et courts, ont des points accessoires ou secondaires d’ossification , qu’on appelle épipliyses 1 à cause de leur implantation et de leur réunion sur le corps de l’os, au moyen d’un cartilage qui dure plus ou moins long-temps. Les grands os longs de la cuisse, du bras, de la jambe et de 1 a-

rPlatncr, de O s sium epiphysibus , 1736. Ungebauer, Epistola de ossiu/n trunci corp. hum. epiphysibus sero osseis earumdemque genesi ; Lips. , 1739. Béclard , Méiu. ci t.

DliS OS. 1 5o3

vant-bras, ont au moins une épiphyse à chaque ex- trémité.

La clavicule , les os métacarpiens , métatarsiens et plialangiens, n’en ont qu'à une seule extrémité.

Parmi les os larges, les os coxaux et les omoplates ont des épiphyses marginales analogues à ces épiphyses terminales des os longs. Les côtes en ont à leur extré- mité dorsale et à leur tubercule.

Parmi les os courts, les vertèbres, presque seules, ont des épiphyses : elles en ont aux deux faces de leur corps et au sommet de toutes leurs apophyses non articulaires. Parmi les autres os courts, le calcanéum seul a une épiphyse; elle est située à son extrémité postérieure.

Les épiphyses commencent à se former à des époques très-différentes, depuis quinze jours environ avant la naissance, jusqu’à quinze ou dix-huit ans après, et durent plus ou moins long-temps distinctes avant de se réunir au corps des os; les époques de leur réunion sont comprises entre quinze et vingt-cinq ans environ. De toutes les épiphyses, celle qui s’ossifie la première, est celle de l’extrémité inférieuse du fémur : 1 ossification y commence avant la naissance, et c est une de celles qui se réunissent le plus tard au corps de l’os ; celle de l’extrémité supérieure du radius, qui est une des dernières à s’ossifier, est peut- etre, au contraire, celle qui se réunit la première.

§ 398. L’accroissement des os a lieu d’une manière évidente par l’addition successive de nouvelle subs- tance osseuse autour de celle qui a été la première formée.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

5o4

L accroissement en longueur a lieu par l’allonge- ment du corps des os longs à leurs extrémités. Pour cela les bouts du cylindre osseux sont hérissés de fdamens ou de villosités osseuses plongées dans l’ex- trémité non ossifiée, creuses et vasculaires, qui s’al- longent continuellement en devenant de plus en plus fines à mesure que les vaisseaux se ramifient da- vantage, et que l’ossification se ralentit* en même temps les extrémités cartilagineuses se transforment peu à peu, en commençant par le centre, en os qui constituent des épiphyses.

L’accroissement a lieu en largeur, dans les os plats, de la même manière, soit par l’addition successive de substance osseuse au bord même de l’os, comme dans les os du crâne , soit par la formation osseuse , sous une épiphyse marginale quren couvre le bord, comme au scapulum et au coxal.

L’accroissement en épaisseur a lieu dans tous les os par un même procédé ; le périoste , très-vasculaire jusqu’à cette époque , sécrète et dépose entre ses fibres, à la surface de l’os , de la substance osseuse, muqueuse d’abord, puis dure, qui, s’ajoutant ainsi successivement à la surface, augmente l’épaisseur de l’os.

§ 5 99. L’accroissement des éminences se fait pour quelques-unes comme celui des os longs garnis d’épi- pliyses, c’est-à-dire entre le corps de l’os et la base de l’éminence; tels sont les trochanters, etc. Dans les autres, c’est à la surface même que se fait l’accroisse- ment, tout comme l’épaississement des os : la plupart sont dans ce dernier cas. Quant au creusement des

DES OS.

5o5

cavités externes non articulaires, il est, en beaucoup d’endroits, déterminé par des pressions qui, sans dé- primer réellement l’os, déterminent néanmoins sa dé- pression , en y rendant la nutrition moins active que dans les parties environnantes.

Les éminences et les cavités articulaires se modèlent mutuellement. Il en est de même des cavités desti- nées à loger des parties molles ou fluides, et des ca- vités médullaires des os; leur existence et leur forme sont très-dépendantes des parties qu’elles renferment. Ainsi la conformation du crâne et celle du canal ver- tébral dépendent beaucoup de celle du centre nerveux qu’ils logent. La partie inférieure du canal vertébral, vide de moelle, est triangulaire, tout comme le devient la cavité cotyloïde abandonnée depuis long-temps par la tête du fémur ; l’une et l’autre de ces parties étant formées de trois points osseux.

§ 600. Quoi qu’il en soit , la terminaison de l’accrois- sement évident; en longueur et en largeur, dépend de la soudure des os longs avec leurs épiphyses termi- nales, et. des os larges avec leurs épiphyses margi- nales ou entre eux. La terminaison de l’accroissement en épaisseur dépend de la cessation de la formation osseuse à la surface des os. Ce dernier genre d’ac- croissement dure un peu plus long -temps que le premier.

L’accroissement néanmoins continue de se faire , mais localement , et d’une manière insensible, quel- quefois cependant d’une manière assez sensible encore.

L accroissement sensible dépend d’une sortede juxta- position aux extrémités, aux bords et aux surfaces

.*>o6

anatomie generale.

des os ; l’accroissement insensible , au contraire , est intersticiel , et dépend d’une véritable intus-suscep- tion. On voit dans quelques cas morbides surtout, des exemples frappans de ce dernier ; dans l’empyème , dans le spinaventosa, etc.

§ 601. L’accroissement étant terminé , les os restent le siège d’un entretien ou d’une nutrition habituelle. La déposition et la résorption y sont très-lentes et insensibles dans l’état de santé , et surtout dans la vieillesse. Mais dans certains cas de maladie, il sur- vient dans les propriétés des os des changemens très- marqués, qui montrent clairement qu’il s’est opéré des changemens non moins grands dans leur composition.

§ 602. Les faits relatifs à l’accroissement et à la nu- trition habituelle des os , sont surtout prouvés par les effets de la garance sur eux.

Mizauîd 1 d’abord , et Belchier 2 long-temps après , ont les premiers observé que quand la garance ( ruina fine- torum ) est donnée aux animaux, mêlée avec les ali- mens, leurs os deviennent rouges. Duhamèl, Boehmer 3 4, Detlef^ , J. Hunter 5 et plusieurs autres, ont fait» des

1 Ant. Misaldus, Centur. metnorabilium seu arcanorum otnn is g en eris ; 1 5 7 2 .

a Philos, trait sac t. , vol. XXXIX , arm. 1736.

3 Raclicis rubice tinctor. affectus in cor/), arum. ; Lips , 17^1. Èjusdem prolusio , quâ callurn ossiurn è rubice tinctorum raclicis pastu infectoru.n describit ; ibid., 1752.

4 Ossiurn calli generatio et natura perfracta in a noua

libus , rubice radice pastis , ossa demonstrata ; Goett., 1 , '

5 Exper. and obs. on the growth ofbones, front thepapers

DES OS.

5oj

expériences curieuses sur le même objet. Rutherford 1 a expliqué l’effet de la garance sur les os seuls, et à l’exclusion de toutes les autres parties du corps . par une affinité chimique de la matière colorante de la garance pour la substance terreuse des os.

Duhamel a vu dans ses expériences , que les os des jeunes animaux se coloraient beaucoup plus tôt que ceux des vieux; que les progrès de la teinture et l’ossifi- cation étaient d’autant plus prompts, que l’accroisse- ment est plus rapide; que, quand on supprime la garance, les os redeviennent blancs, et que le réta- blissement de la couleur se fait par la superposition de couches blanches sur les rouges. Ce dernier fait résulte pleinement aussi des expériences de Hunter. Cependant Duhamel a cru, malgré ces expériences décisives, que c’est par extension que les os grossissent.

Quant à l’accroissement en long, les expériences de Duhamel l’ont aussi conduit à penser que cet ac- croissement, qu’il compare à la végétation , a lieu par l’extension de leurs parties. Il en est probablement ainsi dans l’accroissement lent et insensible , mais l’allongement rapide qui a lieu avant la soudure des épiphyses , dépend évidemment d’une addition de substance osseuse au bout du corps de l’os , comme le prouve l’expérience suivante faite par Hunter : on met le tibia à découvert sur un jeune cochon , on le

of the late M. Hunier, by Ev. Home, in Transmet. of a society for improvement , elc., vol. II; London, 1800.

«

1 V . Disp. med. inaug. de dentium formatione et struc- tura , etc. , auct. R. Blacke; Edimb. , 1798. s

5oS

ANATOMIE GÉNÉRALE.

perfore aux deux extrémités du corps ossifié , et on mesure exactement l’intervalle des deux trous; quel- ques mois après, quand -l’accroissement a fait des progrès , on trouve la même distance entre les deux trous ; tout l’allongement s’est fait au delà , aux ex- trémités de la diaphyse.

Ces expériences, qui laissent peu de choses à dé- sirer, relativement à l’accroissement des os , rie four- nissent pas, à beaucoup près, des résultats aussi positifs sur la question de la nutrition habituelle des os. Il suffit de donner quelques gros de garance à un jeune animal pendant l’espace de quelques jours, pour rougir ses os, tandis que la même substance donnée en plus grande quantité et pendant des semaines ou des mois , à un animal adulte , les colore à peine ou point.

§ 6o3. Après la fin de l’accroissement en dimen- sion les os éprouvent encore des changemens ulté- rieurs : le plus remarquable est un décroissement \ Le canal médullaire des os longs , à partir du moment de leur formation, va toujours en augmentant de dia- mètre. Tant que l’accroissement en épaisseur continue, les parois du canal augmentant à l’extérieur, conservent leur épaisseur, et même augmentent dans ce sens.

Duhamel a fait à ce sujet une expérience très-cu- rieuse , mais dont il a tiré de fausses conséquences. Ayant mis à découvert, et entouré d un fil métal- lique un os long d’un jeune animal, qu il tua quelque temps qprès, il trouva alors le fil métallique recou-

* Albinus , Jnnot. acad. F. Chaussard , Recherches sur l’organ. des vieillards ; Paris, 1822.

des os. 5o g

vert à l’extérieur par l’os qui avait grossi ; et le canal ayant acquis le diamètre de Vanneau métallique, il en conclut que Vos avait grossi par l’expansion , par l’élargissement du canal. Non , Vos avait grossi à l’ex- térieur par addition , et avait diminué à l’intérieur par soustraction , d'où l’agrandissement du canal.

En effet, lorsque l’accroissement de Vos en épais- seur est achevé, le canal continuant de s’agrandir par résorption intérieure , ses parois s’amincissent singulièrement , au point qu’après avoir eu dans l’enfant une épaisseur supérieure, et dans l’adulte une épaisseur à peu près égale au diamètre du ca- nal, elles n’ont plus dans les vieillards ,‘ qu’une très- petite fraction de ce diamètre. Les cavités spon- gieuses des os courts , des os larges et des extrémités des os longs s’agrandissent en général de même, de telle sorte que par cet amoindrissement des os, le squelette des vieillards et beaucoup mois pesant que celui des adultes.

Les os larges du crâne éprouvent assez souvent, dans la vieillesse, un amincissement d’un autre genre: il résulte de la résorption du diploé , et du rapproche- ment de la table externe vers la table interne, de ma- nière à produire tout à la fois et un grand amincis- sement etune dépression extérieure. C’est par les bosses pariétales , qui en sont fréquemment affectées , que

# e

cette atrophie commence ordinairement.

Assez souvent aussi, dans la vieillesse, les surfaces articulaires des os des membres inférieurs et les faces des vertèbres sont élargies et applaties, comme si, à la longue, elles avaient cédé à la pression.

ANATOMIE GENERALE.

§ 604. La forme des os n’éprouve pas seule des changemens par les progrès de l’âge. Leur consis- tance en présente de remarquables : les os des enfans sont plus flexibles et moins cassans que ceux des adultes , ils peuvent être ployés ou tordus dans le vivant sans se rompre. Ceux des vieillards, au con- traire , sont plus denses, plus durs et plus fragiles que ceux des adultes, ce qui, joint à leur amin- cissement, rend les fractures très-communes dans la vieillesse. Il y a aussi une différence sensible dans la proportion de la substance terreuse, plus grande dans le vieillard que dans l’adulte.

Ainsi , après la fin de l’accroissement en dimen- sions, l’augmentation de densité continue dans les os comme dans toutes les autres parties du corps.

§ 6o5. L’ossification accidentelle 1 est très-fréquente, très-commune et très-anciennement connue. Cette os- sification est rarement parfaite. On peut, sous ce rap- port, en distinguer plusieurs variétés.

L’ossification accidentelle la moins parfaite est appe- lée terreuse; elle produit une substance blanche, opa- que, crétacée, molle, friable, et même quelquefois semi- liquide. Composée de matière animale, en petite pro- portion , et de substance terreuse , on la rencontre le plus souvent dans des kystes. Les phlébolithes sont quelquefois de cette sorte. On la rencontre aussi en fraginens isolés et informes; dans des abcès, dans le poumon , dans les corps fibreux de l utérus , dans le

1 J. Yan Heckeren , de Osteogcnesi prœtem attira h ; Lugd. Bat. , 1797. P. Fiaycr, Mém. sur l’Ossification mor- bide , m archives gcnér. de méd. , lom. I; Paris, 1823.

DES OS.

Ü I I

tissu cellulaire et dans les ligamens des goutteux , dans le cerveau, etc. On la trouve, enfin, fréquemment infiltrée dans les glandes bronchiques, dans les pou- mons , le foie , le rein , le cœur , etc.

L ossification accidentelle pierreuse est très-fré-

t

quente, elle est très-dure, opaque, et contient une proportion de substance terreuse plus grande que les os ordinaires. On la trouve souvent sous forme d’in- crustation plus ou moins épaisse sous les membranes séreuses, dans la membrane propre de la moelle épi- nière, et surtout dans les parois des artères. On la trouve aussi sous forme de kyste. On la rencontre sous forme de masses isolées dans les corps fibreux de l’utérus ossifiés , et dans la glande pinéale, elle constitue X cicervulus. On la rencontre aussi quelque- fois sous forme d’infiltration du pancréas. Ce que l’on a décrit sous le nom de pétrification de certains organes ou de fœtus , n’est autre chose qu’une in- filtration d’os pierreux très-serrée, de manière à faire disparaître presque tout-à-fait la matière animale de l’organe.

La production accidentelle diffère quelquefois da- vantage encore des os; elle ressemble, pour la du- reté et le poli, à l’émail des dents; cet émail acci- dentel remplace quelquefois certains cartilages diar- throdiaux.

#

L’ossification accidentelle ressemble quelquefois beaucoup ou tout-à-fait à 1 os naturel, par un pé- rioste, par des cavités spongieuses médullaires, par sa texture , par sa demi-transparence , et par sa com- position chimique; mais cette production parfaite est

5 12 ANATOMIE GÉNÉRALE.

rare : on 1 a rencontrée sous la forme de corps isolé dans la dure-mère; je l’ai vue aussi, mais presque tout-à-fait compacte , sous forme de lames placées dans le ligament vertébral antérieur. Les plaques osseuses qui couvrent les cartilages costaux sont dans le même cas. On trouve aussi quelquefois une ossi- fication parfaite , mais compacte, sous forme de kyste hydatifère.

L’ossification accidentelle qui présente ainsi plu- sieurs variétés, est souvent un effet de l’âge; cepen- dant beaucoup de vieillards n’en sont pas affectés. L’irritation et l’inflammation chronique ou latente en sont le plus souvent la cause. Elle est plus fréquente . dans le nord que dans les pays chauds. Elle com- mence par une production plastique, et passe quel- quefois par les états demi-cartilagineux ou fibreux, d’autres fois non. En général elle ne gêne que par son volume ou par ses effets mécaniques.

La transformation des cartilages permanens en os peut être regardée comme intermédiaire aux ossifi- cations naturelle et accidentelle.

§ 6o6. L’exostose 1 est encore une production os- seuse accidentelle, quelquefois parfaite, et souvent pierreuse ou éburnée. Le périoste étant irrité ou en- flammé , il se fait , à sa surface interne , dans son épais- seur et dans une partie plus ou moins étendue de sa largeur, une déposition de matière organisable , molle; cela constitue la périostose, dont la terminaison est

1 On exostosis , by M. A. Cooper , in Surgical essays. part, i; Lond., i8j8.

DES OS.

5i3

variée; souvent elle s’ossifie, cela constitue d’abord une sorte d’épiphyse ou d’os distinct et séparable de l’os naturel, auquel l’exostose se soude ordinairement à la longue. Tantôt elle consiste en un nodus très- circonscrit, et dont le développement a été rapide. D’autres fois elle se forme lentement, et consiste en une masse volumineuse et foliée. D’autres fois meme, tout un membre ou une plus grande partie encore du squelette en est affecté.

Le spinaventosa, au lieu de consister toujours en une production morbide, est quelquefois formé de substance organisable qui , après avoir distendu et dilaté l’os naturel, finit par s’ossifier plus ou moins complètement dans son intérieur.

S 607. Quand un os est dénudé 1 du périoste, si le sujet est jeune, si l’os n’est pas altéré lui-même, s’il n’est pas resté long-temps à découvert, les parties molles vulnérées, réappliquées dessus, peuvent s’y unir par adhésion primitive.

Dans les circonstances opposées , et dans celles le périoste enflammé se sépare de l’os par la suppura- tion , dans celles il se gangrène , et lorsqu’une pé- riostose suppure ou se mortifie, etc., l’os, privé de son appareil nutritif, se nécrose à sa surface, et plus ou moins profondément. La partie restée vivante , placée aux confins de la partie morte , s’enflamme , s’amollit, se détache enfin de la partie nécrosée, et suppure; la nécrose, devenue libre, tombe. Les granulations

* Tenon, trois Mémoires sur l’exfoliation des os, in Mém. et obs. sur l’anat. , la pathol. et la chir. , etc. ; Paris, 1816.

33

1.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

M

sous-jacentes produisent avec le temps une cicatrice qui recouvre l’os, lui adhère et lui forme un nou- veau périoste.

§ 608. Après l’amputation x,les choses se passent de 1 une ou de 1 autre des deux manières qui viennent d’être exposées.

Quand l’os et son appareil nutritif n’ont pas été lésés au-dessus de l’endroit amputé, et quand surtout la réunion de la plaie est immédiate , le bout de l’os s’unit ordinairement par adhésion primitive aux par- ties molles.

Quand, au contraire, la plaie reste béante et quelle suppure , quand le périoste a été déchiré ou détaché au-dessus de la section , quand la membrane médul- laire irritée s’enflamme , le bout de l’os se nécrose , et il s’en détache une virole comprenant toute son épaisseur et anticipant en général obliquement sur sa surface externe, parce que ordinairement le pé- rioste est plus lésé ou est lésé plus haut que la mem- brane médullaire.

Dans l’un et l’autre cas d’ailleurs , le bout de l’os éprouve à la longue d’autres changemens. En général il diminue notablement de volume et de pesanteur. Le canal, d’abord rempli par la raréfaction spongieuse de la substance compacte , se rétablit , mais se ferme

1 Van Home, Dissertatio de iis y qiiœ in partibus rnern- bri } prcesertim osseis , amputatione vulneraüs , notanda sunt ; Lugd.Bat., i8o3. J. L. Brachet, Mém. depliys. pnthol., sur ce que devient le fragment de l’os après une amputation , in Bullet. de la Soc. méd. d'Émul. de Paris, 182a.

DES os. 5i5

à l'extrémité par une production osseuse surajoutée comme un opercule.

§ 609. La nécrose 1 profonde des os longs présente tout à la fois des phénomènes intéressans de sépara- tion et de production osseuse.

Quand on détruit sur un animal vivant la mem- brane médullaire d’un os long , en introduisant dans son canal un corps étranger qui la déchire ou qui la cautérise , le membre tout entier auquel appartient l’os se gonfle, devient douloureux et chaud; plus tard il s’y forme des abcès qui s’ouvrent et restent fistuleux ; on voit , ou l’on sent , à travers les ouver- tures, un os mobile au milieu du pus, et renfermé dans un autre os qui est creux ; avec le temps l’os in- térieur, devenu de plus en plus mobile , parvient quel- quefois à s’engager, par une de ses extrémités, dans une des ouvertures de l’os extérieur, et finit même par être expulsé au dehors. On voit alors qu’il a la longueur de la diaphyse de l’os primitif, et une épais- seur variable, mais qui égale quelquefois tout-à-fait

1 Chopart et Robert , de Necrosi ossium tkeses anat.-chir. ; Parisiis, 1766. Troja , de Novorum ossium, etc.; Paris, 1775. Blumenbach, in Richter, chir. biblioth. , B. VI. David , Observai, sur une maladie connue sous le nom de nécrose. Koeler , Expérimenta circa regeneralionem os- sium ; Gotting. , 1786. J. P. Weidmann, de Necrosi ossium ; Franc, ad moen. , 1793, fol. Russel , P radical essay on a certain disease of the bones called necrosis ; Edinb. , 1794. A. H. Macdonald , de necrosi ac callo ; Edinb. , 1799. Macartney, in Crowlher pract. obs. on the diseases of the joints ; Lond., 1808. Charmeil, de la régénération des os; Metz, 1 8 st t .

5i6

ANATOMIE GÉNÉRALE.

celle de l’os primitif. Cependant l’os nouveau , dé- barrassé du corps étranger, et tenant dès le commen- cement aux extrémités de l’os ancien devenues les siennes , se resserre peu à peu sur lui-même ; la suppu- ration diminue graduellement, et cesse tout-à-fait, quand les parois, revenues sur elles-mêmes au point de se toucher, sont mutuellement agglutinées ; elles se confondent enfin tout-à-fait.

L’os nouveau , d’abord très - mou et flexible , au point qu’il se ploie quelquefois par l’action muscu- laire , quand l’os ancien , engagé par une extrémité dans une des ouvertures fistuleuses , ne lui forme plus une attelle solide; l’os nouveau acquiert avec le temps, et conserve une densité et une dureté supérieures à celles des os primitifs.

Les cavités médullaires se forment dans le nouvel os , à mesure que son tissu , d’abord uniformément rare , acquiert de la densité à l’extérieur.

Tous ces mêmes changemens ont lieu comme spon- tanément dans l’espèce humaine, dans des circons- tances et sous l’influence de causes qui paraissent agir sur le périoste pour en produire l’inflammation , et probablement aussi sur la membrane médullaire, c’est- à-dire sur l’appareil nutritif intérieur, de manière à en altérer la texture et les fonctions.

Les os longs, la nécrose est la plus fréquente, sont, dans l’ordre, à peu près, de cette fréquence : le tibia, le fémur, l’humérus, l’os mandihulaire , les os de l'avant-bras, la clavicule, le péroné, et les os du métatarse et du métacarpe.

Il a été proposé sur ce sujet deux théories, dont

DES OS.

5i7

les auteurs n’ont eu que le tort d’être exclusifs ; car les choses se passent tantôt d’une et tantôt d’une autre manière.

Troja, David, Bichat et beaucoup d’autres, ont admis que le séquestre est formé par le corps tout entier de l’os primitif plus ou moins aminci par la résorption et par l’action dissolvante du pus, et que le nouvel os résulte d’une formation nouvelle , dont l’appareil nutritif externe, c’est-à-dire le périoste et ses vaisseaux, a fourni les matériaux, lesquels, dé- posés dans son épaisseur et à sa surface interne sur- tout, ont passé par tous les états de fluidité et d’en- durcissement successif que présentent les os ordi- naires , excepté que l’endurcissement osseux commence dans beaucoup de points à la fois.

Les expériences sur les animaux vivans apprennent à ce sujet , que quand le périoste est arraché , il se re- produit avec l’os; mais l’endurcissement de celui-ci est retardé de tout le temps nécessaire à la. reproduc- tion de son enveloppe vasculaire.

Quand les choses se sont passées ainsi , c’est-à-dire quand c’est un os nouveau qui est formé, le séquestre a le même volume et la même apparence que l’os primitif; ,on y retrouve jusqu’aux apophyses, aux em- preintes, aux lignes et aux inégalités originelles.

D’autres pathologistes , et notamment MM. Leveillé et Riclierand, et tout récemment le docteur Knox 1 , soutiennent que, dans tous les cas , la nécrose dont il

1 The Edinburg med. and surg. Journal; ann. 1822 et 1823.

5 1 8

ANATOMIE GÉNÉRALE.

s’agit est bornée à une partie intérieure de l’épaisseur des parois du canal médullaire, et que le nouvel os résulte simplement de la partie externe de l’os pri- mitif que la nécrose n’a pas affectée, et qui a éprouvé seulement des changemens de volume et de consis- tance.

Il en est certainement ainsi dans beaucoup de cas, et alors le séquestre a un diamètre sensiblement moindre que l’os primitif, et sa surface est rugueuse et inégale.

Les extrémités des os longs se nécrosent et se re- produisent bien moins souvent que leur corps; cepen- dant il n’est pas rare d’observer ces phénomènes à l’extrémité supérieure de l’humérus ; on a vu la même chose à l’extrémité inférieure des os de l’avant-bras.

J’ai extrait de l’intérieur d’un nouvel os l’extrémité in-

/

férieure du tibia, nécrosée après une fracture arrivée, deux ou trois ans avant. Il ne manquait à cette extré- mité que le cartilage articulaire.

Les os larges se nécrosent, mais leur reproduction est rare ou imparfaite; cependant on a vu le scapu- lum nécrosé être remplacé par deux autres os.

La nécrose des os courts est beaucoup plus com- mune qu’on ne le croit; elle existe ordinairement sous forme d’un séquestre renfermé au centre de l’os. Cela constitue beaucoup de prétendues caries des os du tarse , du carpe , etc.

§ 610. On appelle cal 1 la substance osseuse de

1 Duhamel, Mém. de l’Acad. roy. des sc. ; Paris, 1 74 1 * '

Boehmer,6fc Ossiumcailo;Jjips.f 1 748. P. Camper, Obscr-

DES OS. 5 19

nouvelle formation qui réunit les solutions de conti- nuité des os.

Quand un os long est fracturé , outre la rupture du tissu osseux , il y a rupture de la membrane mé- dullaire , et ordinairement aussi du périoste, ainsi que des vaisseaux de ces membranes et de l’os. Il résulte de ces divisions vasculaires et autres , une effusion plus ou moins considérable de sang autour et dans l'intervalle des fragmens. Si c^Lix-ci sont main- tenus dans un contact exact, il s opère bientôt entre eux et entre les autres parties divisées, une agglu- tination. Il survient aussi une tuméfaction et un en- gorgement des parties molles divisées et de celles qui les entourent , lesquelles deviennent compactes comme le tissu cellulaire enflammé; la moelle, à l’en- droit de la fracture, participe notamment à cet état. Toutes ces parties, et surtout la substance aggluti- nante et organisable qui les engorge , s’ossifient suc- cessivement , et forment, à l’ extérieur, une virole osseuse plus ou moins étendue, dont l’épaisseur va en diminuant du centre ou du siège de la fracture vers les deux extrémités, et à l’intérieur, une cheville osseuse fusiforme. L os cependant , dont les deux frag- mens sont ainsi assemblés, semble étranger jusqu’alors aux changemens qui l’entourent. Ce n’est qu’à partir de ce moment , et à mesure que ces ossifications

vcitiones. circa callum ossium fractorum ; in Essaya and obs. phys. andlitter. , vol. III ; Edinb. , 1771. Bonn , de Ossium callo 3 etc.; Arnstel. , 1783. Macdonald, op. cit. J. How- sbip , in Med. chir. trans. , vol. IX ; Lond. , 1816. Breschet, Quelques recherches hist. et expérim. sur le cal ; Paris, 1819»

5^0

ANATOMIE GÉNÉRALE.

extérieure et intérieure temporaires diminuent et disparaissent par résorption, que l’agglutination des fragmens se change en une réunion osseuse perma^ nente.

Plusieurs pathologistes, et notamment Bonn, Cal- lisen et J. Bell , se sont contentés d’observer les faits sans en chercher l’explication. Cependant un grand nombre d’hypothèses ont été proposées pour donner la théorie de ces phénomènes remarquables. Boerhaave, Haller, et Detlef, son disciple, ont admis que les fragmens sont réunis par une matière glutineuse ou coagulable.

J. Hunter, Macdonald, Howship, ont pensé que c’était le sang qui fournissait cette matière organi- sable et agglutinante.

On sait que Duhamel et Fougeroux ont admis que le périoste fournissait une virole osseuse qui assem- blait les fragmens. M. Blumenbach a donné la figure d’un os humain entouré par une virole de ce genre. M. Pelletan enseignait la même chose dans ses leçons cliniques. Camper avait observé qu’il y a un cal ex- térieur et un intérieur. Bichat, M. Dupuytren , M. Cru- veilher et autres , ont admis que ces ossifications ex- térieure et intérieure sont provisoires.

Beaucoup de pathologistes, et notamment Bordenave, Bichat , M. Richerand , M. Scarpa , etc. , ont sou- tenu que la réunion des os divisés s’opérait par des granulations ou bourgeons celluleux et vasculaires, comme celle des parties molles , ce qui est vrai des uns et des autres dans le cas seulement la division est extérieure et suppurante , et non quand elle a lieu,

DES OS. 521

ainsi que la réunion , sans plaie extérieure et sans suppuration.

J’ai déjà fait remarquer ailleurs 1 , qu’il ne manque à ces hypothèses , pour être des théories ou des ex- pressions exactes des faits , que d’être combinées, ou de ne point être exclusives. C’était l’opinion deTroja, c’est aussi celle de M. Boyer, de M. Delpech, etc.

En effet, il y a successivement, dans la réunion d’une fracture simple , agglutination des fragment par un liquide organisable dont le sang fournit les ma- tériaux ; ossification d’une substance semblable , in- filtrée tout au tour de la fracture , tant à l’intérieur qu’à l’extérieur; enfin, réunion vasculaire et osseuse entre les fragmens eux-mêmes.

Le périoste, qui paraît jouer, quand il existe, un si grand rôle dans la production du cal , n’est pas plus indispensable ici que dans la reproduction après la nécrose. On l’a enlevé, sur les bouts d’os d’oiseau fracturés, et il a été reproduit en même temps que que le cal a été formé.

La fracture comminutive des os longs, et surtout celle qui est produite par les armes à feu, est accom- pagnée , dans sa réunion , d’une production osseuse considérable et permanente. C’est dans cette produc- tion surtout, de même que dans l’exostose, de même aussi que dans la reproduction après la nécrose , qu'on peut voir en grande masse la matière osseuse nou- velle : après avoir été liquide elle devient solide,

A. Béclard, Propositions sur quelques points de la mé- decine ; Paris, 18 13.

f)23l / ANATOMIE GÉNÉRALE.

molle, flexible et élastique, au point qu’on pourrait la confondre avec un cartilage ; mais cette substance est parsemée de points osseux , et si l’observation est faite sur un animal qui a pris de la garance , on la trouve rose ou même rouge, chose qui n’arrive jamais aux cartilages. Elle devient ensuite dure comme un os ordinaire, et même plus. Cette tumeur osseuse per- manente porte le nom de calus.

§,6i i. Les plaies des os diffèrent de leurs fractures par l’état même de la solution de continuité et par son mode de réparation, différent de celui qui vient d’être exposé. Le tissu osseux étant très-dur et peu flexible, un instrument tranchant qui l’entame obli- quement produit véritablement une multitude de pe- tites fractures dans le fragment qu’il soulève, absolu- ment comme il arrive à un copeau de bois sec soulevé par un coup de hache. Quant à la réunion d’une telle entamure, ainsi que celle d’une fracture avec plaie, elle n’a lieu ordinairement qu’après une exfoliation, et par la formation de granulations suppurantes.

§ ()i2. La perte de substance des os longs dans les sujets jeunes et bien portans , est suivie d’une réparation ou production plus ou moins étendue , et quelquefois complète. On peut même, dans les oiseaux 1 , enlever le périoste avec une partie considérable d un des os de l’avant-bras , et il se fait, avec le temps , et par une sorte de végétation des deux bouts, une reproduc- tion de l’os et du périoste. Dans l’espèce humaine, quand la perte de substance du cylindre osseux est un

1 Charmeil , Ouvrage cité.

DES OS.

5a3

peu considérable, et que la disposition des parties ne permet pas le rapprochement des fragmens , il se fait, par l’affaissement et rallongement des bouts, une pro- duction fibreuse cartilaginiforme , qui n’acquiert pas jusqu’au milieu la dureté des os.

Ces résultats plus ou moins heureux de la repro- duction d’une partie d’os enlevée ont engagé , dans certains cas , à pratiquer la résection 1 de parties d’os malades dans leur continuité.

§ 6 1 3. Quand le cal déjà commencé est soumis à des mouvemens répétés de flexion, de torsion, de disten- sion, etc., il reste, comme dans le cas précédent, flexible, ou bien même il ne s’établit pas de réunion, et les bouts d’os restent contigus. Il en est encore de même quand les bouts d’os sont séparés par une couche un peu épaisse de tissu musculaire.

§ 6i4- Les os larges ont une force de réparation et de reproduction moindre que celle des os longs. Après la trépanation des os du crâne il se fait une production qui est rarement osseuse jusqu’au centre. Après la même opération , si on réapplique l’oper- cule osseux séparé , il se réunit quelquefois 2. Les phénomènes de la reproduction sont peu connus dans les os courts.

§ 6i5. La séparation des épiphyses 3 a lieu , dans les jeunes sujets, par des causesmécaniques, commeles frac-

1 Roux , De la résection , etc. ; Paris , 1812. Champion, De la résection des os dans leur continuité ; Paris , i8i5.

2 Merrem , Animadversiones quœdam , etc. ; Giess. , 1810.

3 Pieichei , de Epiphysium ab ossiurn diaphysi diductione ; LiPS., 1769.

£>24 ANATOMIE GENERALE.

0

tures, et se réunit par un cal semblable. L’inflammation chronique des articulations des os longs détermine quel- quefois aussi , chez les enfans ou les adolescens , la sé- paration de leurs épiphyses non encore réunies. L’une et l’autre de ces deux sortes de séparations sont rares.

On a publié récemment un cas de fausse articulation

\

à la suite de la fracture du col du fémur, comme ifn exemple de séparation de l’épiphyse dans un adulte.

§ 616. Quand une tumeur anévrysmale rencontre dans son développement un os , celui-ci est détruit successivement dans l’endroit qui touche à la tumeur, sans qu’on aperçoive aucun résidu de sa substance: cette destruction porte le nom d’usure.

§617. L’anatomie morbide des os 1 a donné lieu déjà à beaucoup d’ouvrages et de figures, cependant elle présente encore, sur quelques points, bien des obscurités à dissiper , qui tiennent peut-être plus qu’on ne croit à des comparaisons vagues que l’on a faites entre les altérations des os et celles des parties molles en général, sans spécifier aucun tissu en par- ticulier. C’est un point d’anatomie et de pathologie bien digne de fixer l’attention.

§ 618. Les vices primitifs de conformation a sont rares dans les os longs , moins dans les os courts , fré-

1 A. Bonn , Descriptio tliesauri ossium morbosorum Ho- viani ; Amstel., 1783. Ed. Sandifort, Muséum anat. aca- demiæ Lugduno-Balavœ ;Lugd. Bat., 1798. C. KCIossius, Uber die kranhheilen der hnochen ; Tubingen , 1798.

J. Howship , in Mcd.-chir. transact. , vol. vin et x.

a Van Doeveren , Observ. osteolog. varios naturœ lusus in ossibus hum. corp. exhibent ; in Obs. acad. specim ; Lug'd. Bat.,

DES OS.

5a5

quens dans les os larges; rares dans les os des membres, plus fréquens dans les os du tronc, surtout dans le sternum et les côtes, plus encore dans les os de la tête, et principalement dans ceux du crâne, et plus dans ceux de la voûte que dans ceux de la base.

Les variétés les plus communes s’observent dans les réunions des os, puis dans leur figure, puis dans la forme de leurs trous; enfin, dans leurs apophyses.

La plupart de ces vices de conformation , comme ceux de toutes les parties, d’ailleurs, paraissent dé- pendre d’un défaut de formation; quelques-uns cepen- dant semblent être dus à un excès de formation. Ils sont rares dans les os et dans les parties d’os les pre- mières ossifiées, et plus communs dans les parties au contraire qui se forment les dernières.

§ 619. Les os sont quelquefois altérés consécutive- ment en plus ou en moins. Outre le spina-ventosa et l’ostéostéatome , déjà mentionnés, et qui ne sont guère qu’une dilatation des os , les exostoses, soit ex- terne, soit interne, qui ne sont que la périostose et le spina-ventosa ossifiés ; les os sont encore quelque- fois le siège d’une hyperlhrophie : fos est alors tu- méfié, et il y a une déposition intersticielle qui en maintient ou qui en augmente la densité première; dans tous les cas il y a augmentation de poids. D’autres fois la tumeur résulte simplement de la raréfaction de la substance compacte ; l’os , moins dense et plus

1765. Sandifort, de Ossibus diverso modo à solda con- formalione abludentibus ; in Observ. anat. pathol . , lib. III et IV; Lugd. Bat., 1777-81. *■ Rosenmuller , de Ossium va- rietatibus ; Lips., 1804.

52 6

ANATOMIE GÉNÉRALE.

volumineux, n’a pas alors sensiblement augmenté de poids. Je possède un très-bel exemple de ce genre d’altération , occupant symétriquement les deux bosses pariétales dans une tête de jeune sujet : l’os , très- raréfié , est extrêmement vasculaire. Ces deux genres

O

de tuméfaction , quand ils affectent les os longs , dé- terminent quelquefois le rétrécissement ou la dispa- rition du canal médullaire; ce cas a été décrit sous le nom d’enostose x. J’ai donné à la Faculté de méde- cine , un squelette dont presque tous les os longs pré- sentent cette altération.

§ 620. L’atrophie des os y détermine prématurément des changemens semblables à la diminution sénile. .

Il existe, dans le muséum de la Faculté, des os longs de jeune homme, dont les parois du canal médullaire ont une ténuité papyracée. Ce canal s’est aggrandi par absorption intérieure , tandis qu’au- cune formation n’a eu lieu à l’extérieur. La phthisie , très-lente, produit quelquefois cette altération dans les os ; l’inaction prolongée la produit aussi.

S 621. L’inflammation des os est frès-peu connue.

Le nom de carie est un des mots les plus vagues de la pathologie. On a augmenté l’obscurité de la chose, en comparant la carie à l’ulcère. Ce qu’on s’accorde le plus généralement à appeler carie, est un ramol- lissement aigu de la substance spongieuse des os, tel qu’on peut la couper avec un bistouri sans altérer son tranchant. Ce ramollissement parkît être l’effet dune

1 Lobslein , Rapport sur les travaux exécutés à l’amph. d’anat. de Strasbourg; i8o5.

des OS. 52J

inflammation qui, le plus souvent, se termine par suppuration , et quelquefois aussi par nécrose.

Le rachitis est un autre genre de ramollissement qui paraît tenir à la diminution de la substance terreuse pendant la période d’accroissement, d’où résulte la courbure des os sous le poids du corps et sous l’ac- tion musculaire. En effet, si on examine les os des rachitiques 1 à l’époque ils sont mous , on voit que les os longs sont devenus spongieux dans toute leur épaisseur, et que leur tissu, ramolli et rouge, peut être aisément entamé avec le scalpel. Quand, au contraire, la maladie est terminée, et que les os ont .repris leur dureté et leur inflexibilité, on trouve la substance compacte beaucoup plus épaisse du côté concave de la courbure que du côté opposé ; et quand l’os est ployé à angle, l’endroit de la flexion est tout-à- fait compacte, et le canal médullaire y est interrompu.

Dans l’âge adulte, le ramollissement dépendant de la

même cause, peut être porté aussi loin, et plus loin

encore ; les os peuvent devenir mous et ployans ( osteo -

nialacia , seu malacosteon ) ; ils peuvent même acquérir

toute la mollesse et la flexibilité de la chair ( osteo -

\

sarcosis ). A ce degré extrême de mollesse , dont la femme Supiot a offert un exemple si connu, et les os se ploient comme de la cire molle , la dessicca- tion diminue leur poids et change leur forme la dé- coction les dissout; leur composition chimique 2 est

’Ed. Stanley, in Med.chir. Irans. , vol. vit; London, 1816. 1 Rostock, in Med. chir. trans vol. iv; London, i8i3. J. üavy , in Monro, Outlines of an atomy.

5a8

ANATOMIE GÉNÉRALE.

changée au point qu’ils ne contiennent plus que quel- ques centièmes de substance terreuse.

Enfin , il peut arriver, avec ou sans les changemens précédens , que la substance animale des 06 perde sa force de ténacité naturelle; et que ces organes, de- venus fragiles, se rompent sous le moindre effort.

§ 622. Les productions accidentelles morbides se rencontrent aussi quelquefois dans le tissu osseux; les tubercules, le squirre et la production encépha- loïde n’y sont pas rares.

SECONDE SECTION.

DES ARTICULATIONS.

§6 23. L’articulation, articulas , apûpov, est la join- ture ou jonction des os ; elle comprend la manière dont ils se rencontrent et s’adaptent mutuellement, et celle dont ils sont réunis ou attachés entre eux.

Les os longs se rencontrent et se joignent par leurs extrémités ; les os larges , ordinairement par leurs bords ; et les os courts , par divers points de leur sur- face. Les parties articulaires des os sont , le plus sou- vent, des éminences et des enfoncemens de diffé- rentes formes , et qui sont adaptés les uns aux autres.

Les moyens d’union sont des cartilages , des liga- mens cartilaginiformes et des ligamens fibreux; ils sont placés, soit entre des surfaces qu’ils réunissent, et rendent ainsi continues, soit autour de surfaces qui restent contiguës.

Les articulations ont pour usage commun de réunir les os et d’en faire un ensemble , le squelette.

DES ARTICULATIONS.

5 zg

Parmi les articulations , les unes sont mobiles et les autres ne le sont pas sensiblement; aucune cependant n’est, rigoureusement parlant, immobile.

D’après la forme des parties articulaires , d’après le mode de réunion de ces parties, et d’après leur solidité et leur mobilité diversement associées, on divise les articulations en trois genres, et en plusieurs espèces et variétés, que l’on a multipliées sans utilité : la sy- narthrose, ou l’articulation continue et immobile, la diartbrose , ou l’articulation contiguë et mobile , et l’amphiarthrose, ou articulation mixte, qui est continue comme la première, et mobile comme la seconde.

Chaque articulation a un nom propre, composé des noms des os qui s’y trouvent réunis.

§ 624. La synarthrose 1 , ou l’articulation immobile, résulte de la réunion de tous les os du crâne et de la face, excepté la mâchoire inférieure, par des bords plus ou moins épais et garnis d’inégalités qui s’adaptent les unes aux autres , souvent enclavés et toujours revêtus d’un cartilage synartbrodial intimement uni aux deux parties articulées; le périoste, en passant de l’un à l’autre os par-dessus le cartilage intermé- diaire, réunit encore entre elles ces trois parties, aux- quelles il adhère étroitement. Ce genre d’articula-

vb- - 'a

1 Duverney, Lettre contenant plusieurs nouvelles observ. sur l’osléologie ; Paris, 1689. F. G. Hunauld , Rech. anat. sur les os du crâne de l’hommé; Acad des sc. , ann. l'j'io. E. G. Bose, Program. de suturar. cranii humani fabri- cat. et usu ; Lips. , 1763. Gibson, On the use of sutures in the skulls of animais ; in Mem. of the soc. of Manchester , zd sériés , vol. I , i8o5.

1.

34

53o

ANATOMIE GÉNÉRALE.

tion , très-solide, n’a pas de mouvemens sensibles; il favorise l’accroissement des os larges par leurs bords; il s’efface souvent dans la vieillesse; sa désunion exige des efforts du même genre et de la même violence que ceux qui fracturent les os.

Ce genre d’articulation , qui a reçu le nom générique de suture, présente plusieurs variétés.

§ 620. La suture vraie est celle dans laquelle les bords des os articulés présentent des éminences et des enfon- cemens étendus et nombreux , qui se reçoivent réci- proquement. Telles sont les articulations inter-pa- riétale, occipito-^pariétale , et fronto-pariétale. Cette suture présente même quelques différences ; ainsi , dans la première , ce sont de longs prolongemens den- tés ; dans la seconde , ils ont la forme de queues d’arondes , dans la troisième, ils ressemblent à des dents de scie. On a donné à ces trois variétés, les noms de suture dentée, sitfura dentata , en forme de scie, serrata , et bordée, limbosa.

L’articulation harmonique , ou l’engrenure , est celle dans laquelle les bords plus ou moins épais des os présentent des rugosités qui s’adaptent les unes aux autres ; telle est celle des os du nez entre eux, etc.

L’articulation écailleuse est celle dans laquelle les

f

bords des os, taillés en biseau , s’adaptent les uns aux autres comme ceux des coquilles bivalves. Cette dispo- sition, très-marquée dans la réunion du pariétal avec le temporal , se retrouve jointe à la suture ou à 1 engre- nure dans beaucoup d’autres articulations du crâne et de la face. Elle est, dans plusieurs articulations,

DES ARTICULA T fO NS.

53 1

double et réciproque; de sorte que, dans un point, un os anticipe sur un autre, qui, dans un autre point, anticipe à son tour sur le premier; telles sont les su- tures spliéno-frontale , fronto-pariétale, etc. Cet en- clavement est un des plus puissans moyens de soli- dité des articulations synartlirodiales.

La schindylèse est une synarthrose qui résulte de la réception de la crête d’un os dans la rainure d’un autre ; telles sont les articulations du sphénoïde et de l’ethmoïde avec le vomer, de l’os lacrymal avec l’apo- physe nasale du maxillaire, etc.

La gomphose enfin est l’espèce d’articulation synar- throdiale, tout-à-fait différente de la suture, qui ré- sulte de la réception des racines des dents dans les alvéoles.

§ 626. L’amphiarthrose1 , ou articulation mixte, par- ticipe de la synarthrose par la réunion des surfaces articulaires au moyen d’une substance intermédiaire , et de la diarthrose par une mobilité assez sensible. Ce genre d’articulation est borné au corps des vertèbres , au pubis, et à la partie supérieure du sternum.

Les parties articulaires des os sont ici des surfaces planes et larges; les moyens d’union sont des liga- mens cartilaginiformes intermédiaires , adhérant très- solidement aux deux surfaces , et des ligamens acces- soires placés à l’extérieur de l’articulation. Ce genre d’articulation, que l’on appelle souvent symphyse, jouit d’une grande solidité , due à la ténacité du liga- ment ; sa mobilité est due à la flexibilité et à l’élasti-

1 A. Béclard, Dictionnaire de médecine, vol. 11.

53a

ANATOMIE GÉNÉRALE.

cité de la même substance. Le mouvement consiste dans la flexion ou dans la torsion du ligament. Cette articulation, très-lâche et très-mobile dans l’enfance, devient de plus en plus serrée dans la vieillesse ; elle s’ossifie quelquefois à cette époque; quelquefois l’ossi- fication lui est extérieure, et ne fait que l’entourer plus ou moins complètement , et c’est ce qu’on voit surtout au-devant du corps des vertèbres. Elle peut être accidentellement trop lâche ou trop serrée. Elle n’est pas susceptible d’une véritable luxation , mais bien d’un déplacement, d’une diduction, qui supposent toujours la déchirure ou la destruction du ligament chondroïde intermédiaire.

Après quelques fractures non consolidées , il se pro- duit quelquefois des articulations de ce genre, c’est-à- dire que les fragmens sont réunis par l’intermède d’une substance flexible et tenace, qui leur permet de se mouvoir l’un sur l’autre. On trouve souvent ce mode d’articulation accidentelle après les fractures delà ro- tule, du col dif'fémur , de l’olécrane, et quelquefois aussi après celles du corps des os longs. Il se forme aussi quelquefois des amphiarthroses à la place de quelques diarthroses dont la membrane synoviale a contracté des adhérences flexibles.

§ 627. La diarthrose est un genre d’articulation dans lequel les surfaces articulaires des os sont con- tiguës, et mobiles les unes sur les autres.

Ce genre d articulation existe entre tous les os des membres, soit entre eux, soit avec le tronc, entre la mâchoire inférieure et le crâne, entre le crâne et la colonne vertébrale, entre les apophyses articulaires

DES ARTICULATIONS. 533

des vertèbres, entre les côtes et les vertèbres, et entre les cartilages costaux et le sternum.

§ 628. Les parties articulaires des os, dans ce genre d’articulation , sont des surfaces larges , dont la con- figuration est réciproque. Ces surfaces sont , en gé- néral, les unes convexes, les autres concaves. Les sur- faces convexes , ou les éminences articulaires , sont quelquefois arrondies comme un grand segment de sphère : on les appelle alors têtes ; d’autres sont arron- dies, mais allongées dans un sens, et rétrécies dans l’autre : on les nomme condyles. Les têtes et les eondyles sont quelquefois supportés par une partie mince , qu’on appelle col. Les enfoncemens articu- laires, ou les surfaces concaves , portent le nom de cavités eotyloïdes , quand ils ont la forme d’une calotte de sphère et qu’ils sont profonds, et celui de cavités glénoïdes, quand ils sont plus superficiels. Quelquefois deux condyles sont rapprochés par le côté, et laissent, dans leur intervalle une gorge arti- culaire comme eux; on donne à cet ensemble le nom de poulie , troclilea . Enfin , beaucoup de surfaces ar- ticulaires , peu convexes , peu concaves , presque planes, n’ont pas reçu de nom spécial, et sont dé- signées, suivant leur étendue, sous les noms géné- riques de surfaces ou de facettes articulaires.

Toutes ces surfaces sont revêtues de cartilages diar- throdiaux ( § 554 ) ; ceux-ci sont eux-mêmes recouverts de membranes synoviales 210 ), et humectés de sy- novie (§ 216 ). Il y a, de plus, entre quelques-unes de ces surfaces, des ménisques ou des ligamens chon- droïdes inter-articulaires 53 1 ).

ANATOMIE GÉNÉRALE.

534

§ 629. Les moyens d’union sont des ligamens fibreux ( § 5 1 2 ). Les muscles qui entourent les articula- tions , quoique n’entrant pas essentiellement dans leur composition, contribuent puissamment à leur solidité.

§ 63o. La solidité et la mobilité sont diversement associées dans les articulations diarthrodiales.

Ces articulations jouissent de mouvemens très-variés : comme le glissement, la rotation, l’opposition angu- laire et la circumduction. Le glissement existe dans toutes les articulations diarthrodiales. Les autres mou- vemens, au contraire, ne se rencontrent que dans un certain nombre d’entre elles. La rotation est propre à quelques articulations : tantôt elle s’exerce sur un seul pivot, comme autour de l’apophyse odontoïde de la seconde vertèbre ; tantôt il y en a deux , comme dans la double articulation des os de l’avant-bras entre eux; quelquefois c’est autour d’un axe fictif qu’un os tourne, comme le fémur en offre un exemple. Le mouvement d’opposition, ou mouvement angu- laire , est celui dans lequel les os forment l’un avec l’autre des angles plus ou moins ouverts, suivant les mouvemens : il se distingue en opposition bornée à deux mouvemens de flexion et d’extension, comme au coude, au genou, etc., et en opposition vague, qui peut avoir lieu dans quatre sens principaux et dans tous les sens intermédiaires, comme le bras, la cuisse, le pouce , etc. , en offrent des exemples. La circum- duction qui existe dans toutes les articulations qui jouissent de l’opposition vague, est un mouvement par lequel l’os qui se meut décrit un cône dont le

DES ARTICULATIONS. 535

sommet répond a l’extrémité centrale cle l’os, et la base à son extrémité opposée.

La solidité de ces articulations est, comme celle des autres, en raison inverse de leur mobilité.

§ 63 1. On distingue, d’après la configuration des surfaces , les moyens d’union, et les mouvemens de ces articulations , plusieurs sortes de diarthroses.

La diarthrose planiforme et serrée , articulas adstric- tus , amphiarthrose de quelques-uns, motus obscurus de Colombus , est celle dans laquelle les surfaces sont superficielles, les ligamens forts et serrés , les mouvemens obscurs et bornés au glissement, mais possibles en plusieurs sens ; telles sont les articulations des apophyses articulaires des vertèbres , celles des os du carpe et du tarse, soit entre eux, soit avec le mé- tatarse et le métacarpe.

L’arthrodie diffère de l’articulation précédente, en ce que les surfaces sont moins planes , les ligamens moins serrés , et les mouvemens plus étendus et plus nombreux; telle est l’articulation temporo-maxillaire.

Lénarthrose consiste dans la réception d’une tête dans une cavité. Dans cette espèce, le ligament est capsulaire, et les mouvemens très-variés; telle est l’ar- ticulation du fémur avec l’os coxal.

Ces trois premières sortes de diarthrose sont orbi- culaires ou vagues : leurs mouvemens, plus ou moins variés et étendus, peuvent avoir lieu dans tous, ou dans beaucoup de sens. Les deux espèces suivantes, au contraire , sont dites alternatives , parce que les mouvemens n y ont lieu qu en deux sens opposés.

La diarthrose rotatoire , commissura trochoïdes de

53 6

ANATOMIE GÉNÉRALE.

Fallope , est celle qui permet seulement des mou- vemens de rotation ; telle est l’articulation* de l’at- las avec la seconde vertèbre, celle du radius avec le cubitus; on l’appelle aussi ginglyme latéral.

Le ginglyme 1 proprement dit, ou la charnière, ap- pelé aussi ginglyme angulaire, est l’articulation il n’y a que deux mouvemens opposés ; telle est celle du co<ude : dans cette espèce de diartlirose, l’un des os présente ordinairement une poulie , et l’autre une surface correspondante ; il y a communément deux ligamens latéraux. Si le mouvement d’extension ne doit pas dépasser la ligne de direction des os , ces li- gamens , pour limiter le mouvement , sont plus rap- prochés du plan de flexion que du plan opposé.

§ 632. Les articulations diarthrodiales accidentelles se produisent dans deux circonstances différentes : après les fractures dont les fragmens ne se sont pas réunis , et après les luxations qui n’ont point été ré- duites. Les unes et les autres sont des productions très- composées. On peut appeler les premières articulations surnuméraires ; et les secondes , supplémentaires.

§ 633. Les articulations surnuméraires 2 sont con- nues depuis long-temps. Elles succèdent aux fractures dont les fragmens n’ont pas été affrontés , à celles

dont les fragmens ont été mus souvent l’un sur l’autre ;

\

1 I. F. Isenflamm et Sclimidt, de Ginglymo ; Erlangæ,

1785.

3 J. Salzmann , De articul. analogis , quce fract uns os- sium superveniunt ; Argentor. , 1718. Langenbech, Ubet die Bildung wider-naturlicher Gelenke nach knoclienbi li- chen , in der neuen Bibl.Jur die chirurg. ; Gotting, 18 1 5.

DES ARTICULATIONS.

537

quelquefois aussi le défaut de réunion tient à une affec- tion constitutionnelle. Les bouts de l’os, diversement configurés, devenus compacts et clos comme après l’amputation , sont couverts d’une couche mince de cartilage imparfait ou fibreux; ils sont couverts et enveloppés d’une membrane synoviale , entourés d’une capsule fibreuse , ordinairement incomplète , et de cordons ligamenteux irréguliers. Cette sorte d’ar- ticulation a été observée , avec un grand nombre de variétés , dans presque tous les os longs des membres , et plusieurs fois à la mâchoire inférieure et aux côtes.

§ 634* Les articulations supplémentaires ont aussi été souvent observées. Elles succèdent aux luxations non réduites , et surtout à celles du fémur et de l’hu- mérus. MM. Foville et Pinel-Grandcharnps , m’ont remis une pièce d’anatomie, qui présente une arti-

4

culation semblable , formée après une luxation non réduite des os de l’avant-bras , en arrière de l’hu- mérus.

Dans les articulations dont il s’agit , on trouve un enfoncement dans le point contre lequel la tête de l’os luxé a été placée. Le pourtour de ce point est relevé par une ossification accidentelle : quelquefois même on y trouve aussi un bourrelet fibro-cartila- gineux circulaire. Cette cavité dej nouvelle formation est couverte d’un cartilage imparfait ou fibreux. La tête de l’os luxé est ordinairement applatie. l’inté- rieur de l’articulation est tapissé par une membrane synoviale et humecté de synovie très-distinctes. Il y a une capsule fibreuse formée par des débris de l’an-

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

cienne, adliérens à l’os luxé, par le tissu cellulaire environnant, et par une production nouvelle. L’an- cienne cavité se rétrécit, et devient superficielle, le cartilage y diminue ou même y disparaît tout-à-fait. Si c’est à la hanche, la cavité cotyloïde , en se rape- tissant, devient triangulaire, d’hémisphérique quelle était. Fait à ajouter à ceux qui montrent que la forme des organes dépend , en partie du moins , de leur action réciproque. Il paraît que ces changemens étaient déjà en partie connus du temps d’Hippocrate.

§ 635. M. Chaussier 1 a déterminé, sur des chiens, la formation d’articulations accidentelles intermé- diaires entre les deux sortes qui viennent d’être dé- crites. Ayant fait sortir par une incision la tête du fémur de la cavité cotyloïde, et l’ayant sciée au des- sous du trochanter, il a rapproché les chairs, et aban- donné ces animaux aux soins de la nature. En exami- nant les parties à des époques plus ou moins éloi- gnées , il a reconnu que les muscles avaient rapproché l’extrémité du fémur sur un point de l’ischium ; que l’extrémité osseuse tronquée était arrondie , revêtue d’une substance cartilaginiforme; que le point de l'is- chium contre lequel elle appuyait, avait pris aussi l’apparence cartilagineuse, et présentait quelquefois une fossette articulaire plus ou moins profonde ; enfin, que le tissu cellulaire formait autour de cette articu- lation nouvelle, une sorte de capsule membraneuse, dans laquelle [était contenu un fluide séreux plus ou moins abondant.

* Bulletin des sciences, par la soc. pliilom. ; Paris, an vin

DES ARTICULATIONS. 53t)

§ 636. Les articulations diarthrodiales peuvent être altérées dans leur solidité et dans leur mobilité; elles peuvent être trop lâches ou trop serrées; elles peuvent aussi être luxées ou soudées.

§ 637. La luxation est la cessation plus ou moins complète du rapport naturel entre les surfaces conti- gües des os. Quand elle a lieu, les ligamens sont vio- lemment distendus, tiraillés, ou même rompus. Les autres parties articulaires et environnantes participent plus ou moins à ces lésions. Le mouvement est alors très- difficile. Les articulations les plus mobiles en sont le plus susceptibles; ainsi les arthrodies et les énartbroses sont celles qui en présentent le plus d’exemples , et les diarthroses serrées, celles qui en présentent le moins. Parmi les articulations de la même espèce, celles qui sont le moins serrées, celles dont les surfaces arti- culaires sont le moins étendues, et celles qui ont lieu entre les os les plus longs, sont celles qui sont le plus souvent luxées. Aussi l’articulation scapulo-humérale fournit-elle à elle seule plus d’exemples de luxations que toutes les autres ensemble.

§ 638. L’ankylose 1 , ou la soudure des articulations diarthrodiales, consiste, quand elle est complète, en une réunion intime , une véritable continuité entre des os auparavant contigus : la substance spongieuse communique de l’un dans l’autre os; les lames com- pactes, les cartilages diarthrodiaux , la membrane sy-

1 J. Th. Van de Wynpersse, de Ancylosi , etc. ; Lugd. Bat. , 1783. Idem , de Ancyloseos pcithol. et curât. ; Lugd. Bal., 1783. J. Cloquet, in Diction, de méd. , vol II.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

540

noviale et la synovie qui séparaient la partie spon- gieuse des deux os, ont disparu. L’immobilité long- temps prolongée , mais surtout un certain degré d’in- flammation , soit primitivement dans la membrane synoviale, soit d’abord dans les ligamens et les autres parties circon voisines, amènent ces changemens. Tan- tôt ils commencent par une agglutination de la mem- brane synoviale, et la formation entre ses surfaces, de tissu cellulaire ou de brides fibreuses qui peuvent s’ossifier plus tard; tantôt l’articulation étant ouverte par une blessure ou par l’effet d’un abcès, c’est par des granulations suppurantes que s’établit l’agglutination; dans l’un comme dans l’autre cas, les cartilages diar- tbrodiaux sont successivement résorbés, avant que la soudure osseuse ait lieu. Toutes les diartbroses en sont susceptibles, mais les ginglymes plus que les autres. L’ankylose affecte quelquefois plusieurs articulations. On a vu même toutes les diarthrôses et les amphiar- throses en être successivement affectées , et le sque- lette devenir une seule masse osseuse inflexible. M. Percy a déposé, dans le muséum de la Faculté , un squelette qui offre cette soudure générale de toutes les articulations.

§ 639. D’autres fois, les causes de l’altération dont il s’agit, déterminent la nécrose superficielle ou 1 usure des surfaces articulaires; c’est dans des cas semblables que l’on a pratiqué la résection 1 des extrémités articu-

1 H. Park, Account of a new method of treating diseases of the hnec and elboiv ; Lond. , 1783. Moreau , De la ié- section des os, etc.; Paris, 1816. J. Jeffray, Cases of the excision of carious joints , by H. Park and P. F. Moi eau,

DU SQUELETTE* 54 I

laires des os. D’autres fois , l’adhérence de l’articulation reste celluleuse ou fibreuse , avec un peu de mobilité. Quelquefois le cartilage détruit se répare. D’autrefois il est remplacé par l’éburnification ou la transforma- tion émaillée de la lame osseuse compacte sous-jacente. C’est encore dans des cas d’altérations analogues, que les os se luxent spontanément.

J’ai vu quelquefois un singulier déplacement de l’ar- ticulation coxo-fémorale, dépendant sans doute d’une inflammation chronique : dans ce cas la partie supé- rieure de la cavité articulaire semble avoir cédé à la pression de la tête du fémur, après avoir été ramollie; toujours est-il que la cavité, devenue ovale, est très- allongée et creuse en haut , elle loge la tête du fémur, tandis que la partie inférieure de la même ca- vité qui la logeait auparavant, est rétrécie et superfi- cielle. J’ai observé ce changement tantôt d’un seul côté, tantôt symétriquement opéré des deux côtés à la fois.

§ 64o. Toutes les maladies des articulations diar- throdiales appartiennent à chacune ou à plusieurs des parties qui les forment : ainsi, à leurs membranes sé- reuses, à leurs cartilages, à leurs ligamens, et aux parties articulaires des os.

vith observations ; Glasgow, 1806. Wachter , Diss. de articul. exlirp.; Groningue, 1810. Roux, De la résec- tion, etc.; Paris, 1812.

542

ANATOMIE GÉNÉRALE.

/

TROISIÈME SECTION.

DU SQUELETTE.

§ 64 1. Le squelette est l’ensemble de tous les os réunis entre eux par les articulations. On l’appelle na- turel, quand les os sont assemblés par leurs propres ligamens , et artificiel, quand les os sont reunis par des liens étrangers à l’organisation.

Il constitue un tout symétrique *, qui a la forme et les dimensions du corps entier, dimensions et forme qu’il détermine en grande partie.

Il se divise en tronc et en membres. Le tronc , partie centrale et principale, formé sur la ligne mé- diane par la colonne vertébrale , présente deux grandes cavités : l’une, supérieure et postérieure ( crâne et canal vertébral ), loge le centre nerveux ; l’autre, antérieure et inférieure (thorax), loge les organes centraux des fonctions nutritives; d’autres cavités ( celles de la face) , reçoivent les organes des sens, etc. Les appendices, ou membres pourvus d’articulations nombreuses et très- mobiles, servent surtout aux mouvemens.

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S 642. Les usages du squelette sont de former l’axe solide et flexible du corps, de fournir des enveloppes protectrices aux centres nerveux et vasculaires, et aux organes des sens , d’offrir des points d’attaclie aux muscles, et de déterminer, par ses articulations, l'é- tendue et la direction des mouvemens.

x Loscbge , de Sceleto hum. symmetrico , etc. , Erlang. , 1 79^*

DU SQUELETTE.

543

C’est par la dureté et la rigidité des os , et par la solidité des articulations, que le squelette remplit une partie de ses fonctions; il remplit les autres par la mobilité des articulations.

§ 643. Dans leurs mouvemens , les os articulés par diarthrose , agissent à la manière des leviers.

La plupart sont des leviers du troisième genre, ou inter-puissans : le centre des mouvemens ou point d’appui est dans l’extrémité articulaire de l’os, la ré- sistance à l’autre extrémité , et la puissance musculaire est appliquée dans un point intermédiaire, ordinaire- ment très- rapproché du point d’appui. Quelques-uns sont des leviers du second genre, ou inter-résistans ; quelques-uns aussi sont des léviers inter-mobiles , ou du premier genre.

§ 644. Les os ne se formant pas tous en même temps , et ne s’accroissant pas tous dans la même proportion, la forme et les proportions du squelette , et non ses dimensions seulement, changent beaucoup avec l'âge r.

La proportion de la tête au reste du tronc et aux membres est d’autant plus grande, que le sujet, au dessous de vingt ans, est plus jeune. Àu second mois de la conception, elle fait la moitié de la hauteur du corps , presque le quart à la naissance , cinquième à trois ans, et le huitième seulement, quand l’accrois-

1 Boehmer, op. cit. Cheselden , op. cit. Eyson , op. cit. Sue, Sur les proportions du squelette de l’homme, exa- miné depuis l’âge le plus tendre , jusqu’à celui de vingt-cinq, soixante uns et au delà; in Mém. prés. , vol. II. F. G. Danz , Grunclriss der Zergleideriingskunde des ungebornen kindes ; Francof. , 1792. Senff, op. cit.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

544

sement est achevé. La face est également d’autant plus petite, relativement au crâne: le bassin, relative- ment au thorax ; les membres , proportionnellement au tronc , etc. , que le sujet est plus jeune. Beau- coup d’autres différences du même genre seront in- diquées dans l’anatomie spéciale des os.

§ 645. Le squelette présente des différences assez tranchées entre les deux sexes x. En général, le sque- lette de la femme est plus petit et plus délicat que celui de l’homme; le thorax est plus court, et en somme plus petit; il est aussi plus mobile; le bassin plus large; la région lombaire plus allongée, etc. Les articulations diarthrodiales sont plus mobiles, les am- phiarthroses sont plus flexibles, etc. Toutes les régions du corps , et presque tous les os , présentent quelques différences spéciales.

§646. Les races humaines présentent aussi, dans leurs squelettes , des différences dont les principales sont relatives aux dimensions et à la forme du crâne 1 2, à sa proportion avec la face. H y a aussi quelques dif- férences dans la proportion des membres : dans la race nègre, les membres supérieurs sont plus lo relativement au tronc; l’avant-bras et la jambe sont plus grands proportionnellement au bras et à la cuisse.

§ 647* On observe enfin des variétés individuelles

1 Voyez J. F. Ackermann , de Discrimine sexûs præler genitalia; Mogunt. , 1788. Comparez aussi: Albinus,^- bula sceleli hotninis , et Sœmmering , Tabula sceleti fœminei i Francof. ad mœn. , 1796.

2 Blumenbach , Décades cramorum , I - VI. Sœmmei ring , de Os si bus.

*

DU SQUELETTE.

545

dans le squelette , tant sous le rapport des dimen- sions , que sous celui des proportions , de la configura- tion, du défaut de symétrie, etc.

La stature du corps , déterminée par les dimensions du squelette, est d’environ cinq pieds quatre pouces, pour l'homme adulte , et de cinq pieds environ pour la femme; mais cette longueur, un peu variable dans les races , et même dans des variétés plus restreintes encore de l’espèce humaine , présente des différences assez grandes, dans les individus d’une même nation. Ces différences cependant sont , comme celles des autres espèces animales , renfermées dans de cer- taines limites. Ainsi , les nains ont rarement moins de la moitié de la stature moyenne, et les géans ont très- rarement plus que cette moitié au-dessus de la stature

ordinaire. Ce que l’on a dit de géans de dix-sept, ou

/

de vingt-cinq pieds , doit être rapporté à des os d’ani- maux pris mal à propos pour des os humains.

Les proportions des membres au tronc et des di- verses parties du tronc, ou des membres entre eux, •présentent également beaucoup de variétés indivi- duelles , déterminées par celles des os. Il en est de même encore de la configuration et de la symétrie du corps : leurs variétés sont presque toutes déterminées par celles du squelette.

§ 648. Le système osseux termine ceux qui ont pour base la substance muqueuse ou le tissu cellulaire diver- sement modifié; les tissus qui restent à décrire sont, au contraire, essentiellement formés de globules réunis par la même substance .

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ANATOMIE GENERAT. F.

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CHAPITRE IX.

DU SYSTÈME MUSCULAIRE.

§ 6/\g. Le système musculaire *, systema musculare , comprend tous les organes formés de fibres longues, parallèles , rougeâtres dans les animaux à sang chaud , molles, irritables et contractiles, qu’on appelle mus- culaires ; organes qui produisent tous les grands mou- vemens qui ont lieu dans le corps vivant.

Le nom de muscle , mus } püç , de pvuv , serrer, indique cette propriété; les muscles sont en effet les organes du mouvement.

§ 65o. Il peut paraître étonnant, mais il est pour- tant vrai que les premiers anatomistes , Hippocrate et Aristote n’ont point connu les muscles , ni surtout leurs usages. Les anatomistes de l’école d’Alexandrie ont connu ces organes, et en ont nommé quelques-uns. Galien en a eu une connaissance générale assez exacte; il représente le muscle comme formé par le nerf et par le ligament divisé en fibrilles, formant un tissu qu’il

1 W. G. Muys , Investigatio fabricæ , quæ in partibus tnus- culos componentibus extat. Diss. I : de Carnis muscuiosce fibrarum carncarum structura , etc.; Lugd. Bat., 1741 , in-4°> clij et 482 pag. Proéhaska , de Carne musculari tractatus anat.-physiol ; Viennæ , 1778, et in op. min. , pars I; Viennœ , 1820. F. Ribes, Dictionn. des Sc. inéd., articles muscle , musculaire et myologie.

DU SYSTEME MUSCULAIRE.

547

appelle stæbe , rempli par la chair. Il suppose les muscles cloués d’une faculté tonique , ou force contrac- tile, et clans un état de tension élastique, inhérente à leur tissu, et indépendante delà vie; le mouvement dé- pendrait alors du relâchement volontaire des muscles antagonistes. De son temps on admettait aussi une con- traction volontaire plus prompte et plus étendue que cette contraction par l’élasticité. A l’époque du renou- vellement des sciences , la myologie était au point , fort imparfait, l’avait laissée Galien ; elle a à Jacques Duhois (Sylvius), des progrès considérables: il nomma la plupart des muscles , chose qui n’avait encore été faite qu’à l’égard d’un très-petit nombre. Vésale, et les autres anatomistes de lécole d’Italie, surtout Eustache , ont perfectionné la connaissance particulière des muscles, et en ont donné des figures. La texture intime des muscles, leur action contractile, l’influence nerveuse sur cette action , et les mouve- mens qui en résultent, ont été beaucoup étudiés dans le courant des deux derniers siècles , et sont encore aujourd’hui le sujet de travaux importans r.

§ 65 1. Dans les animaux les plus simples, la fibre musculaire n’existe pas distinctement : les mouvemens sont produits chez eux par le tissu cellulaire. Dans les premiers de la série la fibre musculaire apparaît , elle meut seulement les membranes tégumentaires auxquelles elle est annexée , ou dont elle fait même

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1 MM, Prévost et Dumas s’occupent d’observations sur la texture intime et sur l’action musculaire ; ils ont bien voulu m’en communiquer les premiers résultats, encore inédits.

548 ANATOMIE GÉNÉRALE.

partie. Dans tous ceux qui ont un cœur, cette fibre en est le principal élément. Enfin, dans les vertébrés , un petit nombre de muscles seulement sont attachés à la membrane muqueuse , à la peau , et aux sens leurs dépendances; une grande masse , au contraire, est attachée au squelette pour le mouvoir.

§ 652. Il y a , dans l’homme, deux classes de mus- cles : les uns, intérieurs, membraniformes et creux, appartenant à la membrane muqueuse et au cœur, se contractant involontairement , et servant aux fonc- tions de la nutrition et de la génération , en un mot , aux fonctions végétatives; les autres, extérieurs, plus ou moins épais, et pleins, appartenant à la peau, aux sens , au squelette et au larynx, se contractant volon- tairement, et servant aux fonctions animales. Les uns et les autres présentent des caractères communs, qu’il faut d’abord considérer en général.

[PREMIÈRE SECTION.

DU SYSTÈME MUSCULAIRE EN GÉNÉRAL.

§ 653. Le système musculaire forme à lui seul une grande partie dq poids, et la plus grande partie du volume du corps.

§ 654- Quelle que soit la diversité de leur forme et çle leur situation, les muscles, pour.la plupart, se di- visent en faisceaux, et tous sont formés de fibres pri- mitives ou simples, rassemblées en fascicules.

Les auteurs qui se sont occupés de ce point de fine

DU SYSTEME MUSCULAIRE.

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anatomie , l’ont exposé d’une manière en général peu intelligible : les uns disent simplement que la chair est composée de fibres ; d’autres , de stries char- nues ; d’autres , de fibres et de fibrilles ; d’autres , de fibres composées elles-mêmes de villi. Muys s’est com- plu dans une division ternaire : il divise la chair muscu- laire en fibres, en fibrilles et en fils. Il subdivise les fibres en trois ordres : en grandes, moyennes et petites , les grandes étant composées des moyennes, et celles-ci des petites; de même pour les fibrilles, dont les plus petites composent les moyennes , et celles-ci les plus grosses , ces dernières composant les plus petites fibres ; et de même encore pour les fils dont les plus petites fibrilles seraient composées ; d’où il arriverait que les muscles résulteraient de neuf degrés successifs de com- position. D’autres, rejetant cette analyse tout-à-fait imaginaire , admettent une divisibilité indéfinie. Mais il paraît bien, au contraire, qite , dans les muscles comme dans toute substance organique, on arrive, par l’inspection microscopique, à un dégré de division fini et très-bien déterminé.

§ 655. Les faisceaux musculaires, lacerti , ne sont pas également distincts, nombreux, et volumineux dans tous les muscles : il en est dont les faisceaux sont tellement distincts et gros, qu’on pourrait les consi- dérer comme autant de muscles particuliers ; tels sont ' les portions des biceps, triceps, les faisceaux du del- toïde, du masseler, du grand fessier, etc.; tels sont aussi les colonnes charnues des ventricules du cœur, les bandes longitudinales du colon, etc. Il est, au con- traire, beaucoup démuselés qui égalent à peine une ,

55o

ANATOMIE GÉNÉRALE.

petite partie dun faisceau des précédens, et qui ne sont pas formés de faisceaux distincts.

Les faisceaux musculaires sont eux-mêmes formés de faisceaux moins volumineux, et ceux-ci d’autres plus petits encore , que l’on peut distinguer dans presque tous les muscles.

§ 656. Tous les muscles, d’ailleurs, peuvent être divisés en fascicules ou fibres visibles à l’œil, fascicules seu fibræ secundariœ . Ces fascicules, dernier degré de division apercevable à l’œil nu , ont , dans tous les muscles, presque la même forme et la même épais- seur. On peut, comme les divisions précédentes, les apercevoir par une dissection longitudinale, mais mieux encore dans une section transverse, et surtout sur un muscle cuit, ou trempé dans l’alcohol : elles ont une forme prismatique , pentagone ou hexagone , et jamais cylindrique ; leur diamètre varie un peu ; leur longueur, suivant Prochaska, égale l’intervalle tout entier de leurs deux attaches ; même dans le muscle couturier. Haller, au contraire, pensait, avec Albinus, que les fibres ou les fascicules n’avaient pas toute la longueur des muscles, et que des fascicules de fibres se terminaient en s’amincissant dans les intervalles d’autres parties semblables ; il ne paraît pas qu il en soit ainsi.

§ 6 5y. Les fibres musculaires ^ fibræ musculares pri- marice , seu filcicarneci , visibles seulement avec le secours du microscope , sont le dernier terme de 1 analyse anatomique des muscles. C’est à R. Hooke, à Leuwen- hoeck, àDehayde, àMuys, àDeilaTorre, à Prochaska, aux frères Wenzell, à M. Autenrieth, à M. Sprengel , à

DD SYSTÈME MUSCULAIRE. 55 1

MM. Ev. Home et Bauer1 , à MM. Prévost et Dumas2, que l’on doit les meilleures observations sur ce sujet. Cependant il faut remarquer que les premiers de ces observateurs ne s’étant servis, dans leurs recherches, que de loupes grossissant environ cent cinquante fois, n’ont pu apercevoir les fibres primitives qui exigent, pour être vues , un grossissement d’environ trois cents fois; leurs observations sont donc relatives à des fibres secondaires.

Hooke observa que les muscles des divers animaux sont composés d’une innombrable quantité de fils déliés, dont il évalue le volume au centième d’un cheveu , et dont il compare la figure à celle d’une série de perles ou de grains de corail. Leuwenhoeck, après avoir aperçu les fibres musculaires , qu’il appelle primitives , conjectura qu’ elles étaient encore com- posées, se fondant, mal à propos, sur ce que les animalcules spermatiques, plus fins que les fibres, de- vaient être pourvus de nerfs et de muscles; il en donna d’ailleurs des figures grossières; celles de Dehayde, quoique grossières encore, sont plus exactes. Muys en a donné des descriptions aussi exactes que longues, il les représente le plus souvent cylindriques, et ra- rement noueuses. Délia Torre a dit qu’elles étaient rougeâtres , ce qui n’est pas généralement vrai. Les observations de Prochaska , beaucoup plus exactes , ont appris que ces fibres sont parallèles, mais non tou-

1 Croonian lecture , in philos. Trcms . ; ann. 1818.

3 Examen du sang et de son action dans les divers phé- nomènes delà vie ; in Annales de chimie et de phys. , t. XXII.

552

ANATOMIE GÉNÉRALE.

jours droites , et que dans la chair cuite, elles sont presque toujours flexueuses ; que leur forme n’est pas cylindrique, mais aplatie ou prismatique; que leur substance est diaphane, et paraît solide; leur dia- mètre, peu variable, lui a paru être de sept à huit fois moins étendu que le plus grand diamètre d’un globule rouge du sang, observation qui ne semble pas exacte ; ces libres lui paraissent le dernier terme de la division des muscles , sans que cependant il ose af- firmer que ce soient des fibres élémentaires. L’ob- servation microscopique faite par les frères Wenzell sur une poïtion de muscle préalablement plongée pen- dant huit jours dans un mélange d’alcoliol et d’acide muriatique , leur a montré chaque fibre composée de corpuscules ronds excessivemens fins. Selon M. Au- tenrieth, le diamètre de ces fibres serait le cinquième de celui des globules du sang. M. Sprengel , au con- traire-, évalue le diamètre de la fibre musculaire à sept fois celui des globules du sang (lequel est d’un trois centième de ligne ) , c’est-à-dire à environ un quaran- tième de ligne ; il la décrit d’ailleurs comme angulaire , striée et pleine. Les observations microscopiques de M. Bauer et de M. E. Home, publiées avec de très- belles figures, représentent la fibre musculaire comme identique avec les particules du sang dépouillées de leur matière colorante, et dont les globules centraux se sont réunis en filamens. MM. Prévost et Dumas ont obtenu constamment le même résultat , quel quait été l’animal examiné, et quels que soient la forme et le volume de ses globules; mes propres observa- tions s’accordent tout- à-fait avec les leurs. Pour que

SYSTEME MUSCULAIRE.

553

l’observation ne laisse pas de doutes, elle doit être faite sur la chair musculaire crue et sans préparation ; en effet, la coction, et faction de l’alcohol produisant des globules en coagulant l’albumine , on pourrait attribuer à ces causes leur présence dans la fibre mus- culaire. Ces globules sont réunis par un medium in- visible à cause de sa transparence et de son incolo- ration; c’est une sorte de gelée ou de mucus. Si on fait macérer de la chair musculaire dans l'eau fré- quemment renouvelée , la putréfaction altérant plus promptement le moyen d’union des globules que ceux-ci , et le renouvellement de l’eau entraînant le produit de la putréfaction , on obtient les globules isolés et semblables à ceux des particules colorées du sang. Les fibres de tous les muscles ont le même volume et la même forme.

§ 658. On aperçoit souvent sur les fascicules des muscles , surtout quand ils sont cuits , des rides ou des flexuosités. Cette apparence, aperçue par Ilooke , Leuwenhoeek , Dehayde et Haller, très-bien représentée par Muys , a beaucoup occupé Prochaska , qui l’a at- tribuée au resserrement du tissu cellulaire, des vais- seaux et des nerfs, et à leur crispation par la coction. Ces rides ou stries apparentes ont encore été attribuées à plusieurs autres causes imaginaires, et ont fait ac- corder aux fibres une disposition articulée, tortillée, ou spirale ; ces rides ne sont ou ne paraissent être autre autre chose que des flexuosités ou des ondu- lations ; elles existent toujours dans les muscles con- tractés, soit dans l’état de vie, soit dans la raideur cadavérique , soit par l’action du calorique ; cette

ANATOMIE GÉNÉRALE.

554

flexuosité se produit encore d’elle-même quand on favorise ou quand on opère la rétraction d’un muscle , en coupant ou en rapprochant ses attaches, ou en les refoulant l’une vers l’autre. Elles s’effacent au con- traire quand , sur le cadavre , on étend les fascicules musculaires. Elles disparaissent tout-à-fait quand la raideur cadavérique se dissipe.

§ 659. Des physiologistes, trompés par des obser- vations inexactes, ou conduits par des vues hypothé- tiques , ont admis des opinions fausses ou tout-à-fait arbitraires , sur la texture intime de la fibre muscu- laire 1 : ainsi, un très-grand nombre de physiologistes et de mécaniciens ont admis que la fibre musculaire est creuse , et consiste en une série de vésicules ovoïdes , ou de cavités rhomboïdales, et allongées dans l’état de relâchement , élargies et globuleuses dans l’état de raccourcissement des muscles. Plusieurs ont regardé la fibre musculaire comme creuse, et continue aux nerfs. Beaucoup d’autres l’ont considérée comme creuse , vasculaire et injectable , soit comme formée uniquement d’artérioles , soit comme consistant en vaisseaux très-fins , intermédiaires aux artérioles et aux veinules. D’autres ont décrit ces cavités inté- rieures , soit les vésicules, soit les canaux, comme spongieuses ou celluleuses. Quelques-uns ont admis des fibres transversales nerveuses ou autres , soit pour retenir le sang dans la fibre , soit pour resserrer son canal dilaté, et le raccourcir par ce mécanisme. D au- tres encore ont imaginé la fibre comme un canal spiral

1 Haller, Elément a physiül ., lib. XI, sect. I et III, tom. IV

DU SYSTEME MUSCULAIRE.

555

autour d’un fil inextensible; d’autres l’ont supposée tordue à la manière des fils de lin ou de chanvre , etc.

On peut objecter à toutes ces assertions , que la fibre musculaire, examinée avec de bons instrumens d’optique, paraît bien résulter d’une série linéaire de globules plus opaques, réunis par un milieu plus clair , mais que rien du tout n’indique que ces glo- bules soient des vésicules ; que lors de la contraction musculaire on voit des rides se former, et ces flexuo- sités s’effacer lors du relâchement, mais point du tout de changement dans la figure des globules ; que dans les insectes, il n’y a point de vaisseaux, il y a néanmoins des fibres musculaires qui, dès-lors, ne peuvent en être la continuation ; que l’injection peut bien gonfler les muscles en s’infiltrant entre les fibres, mais qu’elle ne les pénètre point; que les pré- tendues fibres transversales , les torsions , les spi- rales, etc. , n’ont jamais été vues, mais seulement sup- posées au profit de certaines hypothèses sur l’action musculaire; qu’enfin la fibre musculaire, différant notablement par ses caractères organiques et par ses phénomènes vitaux, du tissu cellulaire, du tissu ner- veux et de celui des vaisseaux, ne peut pas être assi- milée à ces tissus; Mascagni a renouvelé et modifié une de ces opinions , en regardant les cylindres pri- mitifs des muscles comme formés de vaisseaux ab- sorbans remplis de substance glutineuse contractile dans 1 état de vie, et se renouvelant sans cesse par la circulation. Rien ne démontre qu’il en soit ainsi , et que les fibres soient creuses ; il est bien plus probable quelles sont solides.

ANATOMIE GENERALE.

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556

§ 66 o. Les muscles sont enveloppés par le tissu cel- lulaire qui leur forme des membranes ou des gaines; il en est de meme à l’égard de leurs faisceaux et des divisions de ces faisceaux; seulement à mesure que les parties enveloppées sont moins volumineuses, le tissu cellulaire forme des enveloppes plus minces et plus molles. Les fascicules sont enveloppés et réunis entre eux par des couches presque imperceptibles de ce tissu ; les fibres primitives , enfin , sont réunies entre elles, dans chaque fascicule, par des prolonge- mens de son enveloppe , qui , par leur ténuité et leur mollesse, échappent tout-à-fait à l’observation. On aperçoit les enveloppes cellulaires, soit en écartant les faisceaux et les fascicules les 'uns des autres, soit sur la coupe transversale des muscles.

On trouve également du tissu adipeux autour des muscles , dans les intervalles de leurs faisceaux , et même quelquefois entre les fascicules.

§ 661. Les vaisseaux sanguins des muscles, très- bien décrits par Albinus et Haller, et représentés par Prochaska et Mascagni, sont très-abondans, moins ce- pendant que dans la membrane muqueuse. Leur abon- dance est proportionnée au volume des muscles; ce- pendant les muscles intérieurs sont plus vasculaires, que les autres, et parmi les premiers, quelques-uns surtout le sont beaucoup. Les veines, comme dans la plupart des parties , ont une capacité supérieure à celle des artères. Les unes et les autres commu- niquent avec les vaisseaux des membranes tégumen- taires , les muscles en sont voisins ; les unes et les autres, après s’être divisées d’abord dans la meni-

DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 557

brane celluleuse , et y avoir présenté beaucoup d’anas- tomoses, pénètrent, sous des angles variés, entre les divers faisceaux, et s’y divisent encore, pour pénétrer entre les fascicules et jusque dans les intervalles des fibres, en suivant toujours les enveloppes celluleuses, et en présentant continuellement de nouvelles divi- sions et de nouvelles anastomoses. Dans tout leur trajet, ces vaisseaux accompagnent les divisions des muscles par des rameaux parallèles à eux , et en croisent la direction par d’autres rameaux transverses qui les entourent. Arrivées à leur dernier terme de division , les artères se continuent avec les veines , sans qu’on puisse savoir comment elles concourent à la texture et à la nutrition des fibres charnues.

Ce n’est pas aux vaisseaux sanguins des muscles qu’est due la couleur rougeâtre de ces organes, car les muscles intérieurs très-vasculaires sont blanchâtres.

Des vaisseaux lymphatiques se voient distinctement dans les intervalles de la plupart des muscles , et dans l’épaisseur de quelques-uns; quant à la manière dont ils en naissent, elle est inconnue : peut-être sont-ils la continuation du tissu cellulaire intermédiaire aux fibres.

§662. Les nerfs des muscles sont très - volumi- neux ; après la peau et les sens, aucune partie n’en est aussi abondamment pourvue. En général, ils sont proportionnés en nombre et en volume au volume des muscles; cependant les muscles intérieurs en ont en général moins que les autres, et, parmi ceux-ci, ceux du squelette moins que ceux du larynx et des sens. Ils accompagnent en général les vaisseaux san-

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

guins , et surtout les artères, et leur sont unis lâche- ment par le tissu cellulaire. Pour les bien voir, il faut faire macérer les muscles jusqu’à un commencement de putréfaction, laquelle en effet détruit les muscles plus promptement que les nerfs; ils pénètrent par di- vers points dans les muscles , et s’y divisent à la manière des vaisseaux; mais bientôt ils échappent à la vue, sans que l’on puisse les apercevoir par aucun moyen artificiel ; de sorte qu’on ne peut rien affirmer sur leur terminaison. On conjecture, avec quelque vrai- semblance, que leurs divisions s’étendent jusqu’aux fibres primitives. Il paraît qu’avant de disparaître ils s’amollissent successivement , en se dépouillant de leur enveloppe propre, de sorte que leur substance médul- laire serait en contact immédiat avec la fibre muscu- laire. Monro et Smith ont cru voir que les nerfs des muscles sont leurs fibres tortillées en spirales.

Suivant MM. Prévost et Dumas 1 , on aperçoit en- core mieux les nerfs»des muscles par les moyens sui- vans que par tout autre : on examine un morceau de muscle de bœuf, qui a été macéré dans l’eau pure, dans un endroit obscur; en recevant sur le muscle seul un faisceau de lumière vive, on distingue la couleur du nerf qui tranche sur celle du muscle, et l’on peut le suivre très-loin , au moyen d’une bonne loupe et d’un scaspel très-délié; on voit alors les rami- fications se terminer en s’insérant entre les fibres mus- culaires dont elles coupent la direction à angle droit. Pour observer cet arrangement dans toute la masse

* Mémoire inédit.

DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 55 9

d’un muscle assez mince pour être transparent, on place le sterno-pubien de la grenouille , sur une lame de verre, et on l’examine en leclairaift par transmis- sion , au moyen d’une faible loupe et de la lumière d’une bougie ; on aperçoit alors le nerf et ses ra- meaux, que l’on distingue des fibres musculaires à leur direction. En effet, le tronc du nerf marche, dans l’épaisseur du muscle , parallèlement à sa lon- gueur, et les branches s’en séparent toutes à angle droit, pour s’engager entre les fascicules et les fibres musculaires ; et comme elles se trouvent toutes sur le même plan , à cause de la faible épaisseur du muscle , elles représentent une sorte de peigne. Si le muscle est contracté, on voit que les dernières fibrilles transverses visibles du nerf répondent exactement au sommet des angles ou des flexuosités du muscle.

Les nerfs, quoique nombreux et volumineux dans les muscles, échappent à la vue long-temps avant que leurs divisions soient à beaucoup près assez multi- pliées pour pouvoir se distribuer à toutes les fibres musculaires. On a imaginé deux hypothèses pour ex- pliquer leur action sur toutes ces fibres : Isenflamm et M. Carlisle supposent que les nerfs , à leur terminai- son, se fondent dans le tissu cellulaire des muscles, et que ce tissu participe par-là à la propriété con- ductrice des nerfs; Reil admet que les nerfs ont une sphère d’activité étendue au delà de leur terminaison, et qu’il appelle atmosphère nerveuse. Ce sont des sup- >< positions qui seront examinées plus loin.

S 66 3. La plupart des muscles, enfin, ont les extré- mités de leurs fibres attachées à du tissu ligamenteux ,

ANATOMIE GÉNÉRALE.

56o

par 1 intermède duquel leur action est transmise plus ou moins loin. Mais ces parties ligamenteuses sont beaucoup plus répandues dans les muscles extérieurs

que dans les autres.

%

§ 664- La couleur des muscles varie beaucoup : ceux des animaux invertébrés et ceux des vertébrés à san°- froid sont blancs; ceux des oiseaux, des mammifères et de l’homme sont, les uns rougeâtres, de cette teinte généralement connue sous le nom de couleur de chair ; les autres sont d’un blanc grisâtre ; la nuance varie beaucoup dans les uns et dans les autres; elle varie aussi, suivant différentes circonstances antérieures ou postérieures- à la mort; la couleur s’enlève aisément par le lavage et la macération ; elle paraît d’ailieurs d’autant plus faible, que le muscle, ou le faisceau, ou le fascicule est plus petit, et d’autant plus foncée, au contraire , que la masse est plus grande. En tranches minces, la chair musculaire est demi-transparente.

La consistance des muscles varie beaucoup, meme dans le cadavre, et par des causes qui ont agi avant ou depuis la mort, et qui vont être examinées en parlant de leur irritabilité. En général, la fibre mus- culaire est molle, humide, peu élastique , facile à dé- chirer dans le cadavre.

§ 665. La chair musculaire, exposée en tranches minces à l’action d’un courant d’air sec, ou à l’étuve, perd plus de la moitié de son poids, devient brufie, plus transparente et très-dure. Plongée, au contraire, dans l’eau froide souvent renouvelée, la chair perd entièrement sa couleur, et prend une teinte jaune- paille. La macération d’ailleurs l’amollit et la gonfle.

DU SYSTEME MUSCULAIRE.

56l

L’alcohol , les acides étendus , la solution de su- blimé corrosif, celles d’alun , de sel commun , de ni- trate de potasse , augmentent la consistance du muscle , le contractent légèrement , favorisent sa séparation en fibres , et altèrent sa couleur de diverses manières. L’alcohol le pâlit; l’alun le brunit et le durcit beau- coup ; le nitrate de potasse et le sel commun le rou- gissent un peu, et après l’avoir durci d’abord, l’amol- lissent ensuite, surtout le premier, tout en retardant cependant sa décomposition. Suivant les observa- tions inédites de M. Bretonneau , et celles de M. La- barraque , la solution de chlorure de calcium , à un degré convenable de concentration , conserve à la chair musculaire et aux autres parties 'molles leur consistance, leur flexibilité et leurs autres qualités na- turelles.

§ 666. La chair musculaire , traitée par l’eau froide , lui abandonne de la matière colorante, un peu dif- férente de celle du sang, de ralbumine, de la géla- tine , et une matière extractive aperçue par Thouvenel.

Soumise à l’action de l’eau bouillante , la chair fournit une plus grande quantité des mêmes subs- tances , et , de plus , de la graisse. Le muscle ainsi traité , et épuisé par l’action prolongée de l’eau ; il reste des fibres décolorées , insolubles dans l’eau , aisées à réparer , qui par la dessiccation deviennent cas- ! santés , et qui ont toutes les propriétés de la fibrine. La chair musculaire calcinée laisse environ un ving- tième de son poids de matières salines.

Il suit de 'ces faits, observés par Thouvenel . Four- b croy, M. Thénard et autres, que les muscles sontprin-

36

1.

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A N A.TOMIE GÉNÉRALE.

cipalement composés de fibrine, et qu’ils contiennent aussi de l’albumine , de la gélatine, de l’extractif, osmazome de M. Thénard, des phosphates de soude, d’ammoniaque et de chaux , et du carbonate de chaux.

Ces observations ont été faites particulièrement sur la chair de bœuf; mais comme les propriétés chimiques des muscles présentent des différences, même entre des animaux de genre peu différens, elles ne sont peut-être pas exactement applicables à l’homme.

§ 667. Dans l’état de vie, les muscles jouissent d’une force ou propriété active, désignée communément sous les noms d’irritabilité musculaire , de force mus- culaire, ou de myotilité.

§ 668. L’action musculaire 1 a été le sujet de beau-

1 Voyez Fr. Glisson , Anat. hepatis. ; Lond., 1 654- 1 Swammerdam , Biblia nat. , tom. II. Haller, de Partibus corp. hum. irrilabilibus ; in comm. Gotting. , tom. II, et in Nov. comm . Gotting., tom. IV. Mémoires sur la na- ture sensible et irritable des parties du corps humain; Laus. , 1756-59. Petrini, SulV insensib. e irritab. Dissert, transp. ; Romœ , Fabri, Sull’ insensitiva e irrit.

opuscol. raccolti ; Bonon. , iySj - 5q. A. G. Weber, de Initiis ac progr. doctr. irritab. , etc.; Halœ , 1783. J. L. Gautier ( prœs . Reil.), de Irritabil. notione , etc.; Halœ, 1793. Croonian * lectures on muscular motion , in \

* Le docteur W. Croon ou Croone, mort en 1684, laissa le plan de deux lectures à fonder, l’une au college des médecins, sur les nerfs et le cerveau; l’autre, qui devait être annuelle, à la Société royale de Londres, sur la nature et les lois du mouvement musculaire : celle-ci continue encore, et a donné lieu à plusieurs excellens Mémoires, tant snr la texture que sur l’action des muscles. Plusieurs de ces leçons n* sont pas consignées dans les Transactions philosophiques.

DU SYSTÈME MUSCULAIRE.

563

coup de travaux de la part de Haller, de plusieurs physiologistes antérieurs à lui , et d’un grand nombre de ses contemporains et de ses successeurs.

L’étude de l’action musculaire comprend celle, des phénomènes de cette action; de ses condi- tions, 3° de son principe ou de sa cause, et de ses effets.

§ 669. Les phénomènes de l’action musculaire les mieux constatés sont les suivans : le muscle en ac- tion se raccourcit, se tuméfie, durcit; on est incer- tain si son volume change; sa couleur ne varie pas ; il présente des rides ou des plis à sa surface ; ses fibres et ses fascicules sont souvent dans un état de

1

tremblement ou d’ossillation qui dépend de leurres- serrement et de leur relâchement alternatifs; il ac- quiert une force très-grande, et une élasticité mani- feste : ce sont les phénomènes de la contraction ; le plus remarquable de ces faits est en effet le raccourcis- sement. Lorsque l’action cesse, tous ces phénomènes disparaissent , et le muscle est alors dans le relâchement.

Les muscles sont-ils aussi susceptibles d’une élon-

i . j . .? .

i philos. Trans., ann. 1738 , 1745, 1747, I75i, 1788, 1795, i8o5, 1810, 1818, etc. J. Chr. A. Clarus, der Krarnpf; Lips., 18 22. Lucæ, Grundlinien einer physiol. der Irri- tabilitàt des menschlichen organismus , in Meckel’s Archiv. , B. III. G. Blanc, On muscular motion ; London, 1788, et in select. Dissert etc.; Lond. , 1822. Barzelotd, Esame di alcune moderne Théorie alla causa prossima délia con- trazionc muscolare ; Sienna , 1796, et in Reil’s Archiv., B. VI. H. Mayo , Jnat. and physiol. commentâmes , 110 1 ; Lond. , 1 822.

56‘4 anatomie générale.

gation active ? Divers faits ont été cités en faveur de cette opinion. Parmi eux, les uns 1 ne prouvent rien du tout en sa faveur, les autres, rapportées par Bi- chat , M. Autenrieth , M. Sprengel et M. Meckel , laissent encore la question au moins indécise.

On a admis aussi, dans les muscles, une force de situation fixe"1 , ou une action dans laquelle ils ne sont ni contractés ni allongés. On peut dire de ce phéno- mène la même chose que du précédent.

§ 6 70. La contraction ou le raccourcissement étant le fait le mieux constaté dans l’action musculaire , il faut l’examiner en détail, ainsi que ses phénomènes concomittans.

Le muscle augmentant d’épaisseur en même temps qu’il se raccourcit, la simultanéité de ces deux phé- nomènes a donné lieu à une question qui a beaucoup occupé les physiologistes , et qui n’est pas encore tout- à-fait résolue, c’est de savoir si le volume des muscles change lors de leur contraction.

Les expériences de Swammerdam , de Glisson , de Goddart et de M. Erman, sur la diminution de vo- lume des muscles pendant la contraction , ne prouvent pas sans réplique que cette diminution ait lieu. Il en est de même des expériences et des raisonnemens d’Hamberger, de Prochaska et de M. Carlisle, en fa- veur de l’augmentation : ils laissent également la ques- tion indécise. Il est très-probable que, suivant les

1 V. Barthez, Nouv. Élém. de la science de l'homme, tome I.

1 Barthez , ibid.

DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 565

observations et les expériences de M. G. Blane , de M. Barzelotti, de M. Mayo, et de MM. Prévost et Dumas, et suivant l’opinion de M. Sœmmering, de M. Sprengel et de M. Meckel, il n’y a aucun change- ment de volume; le raccourcissement et le gonflement du muscle se compensant mutuellement.

§ 671. Le raccourcissement se manifeste par divers effets , le gonflement est évident à la plus simple observation, l’endurcissement est sensible au toucher.

§ 672. La couleur des muscles ne change pas pen- dant la contraction. On a cru apercevoir le contraire, en examinant le cœur en action sur de jeunes ani- maux : c’est uniquement à sa transparence qu’est le changement apparent de couleur.

§673. Un grand nombre de physiologistes ont at- tribué l’action musculaire à l’accumulation du sang dans les muscles, soit dans l’intérieur même, soit dans les intervalles des fibres; d’autres à des causes ana- ; logues , qui toutes supposent une activité augmentée >de la circulation pendant l’action musculaire. Haller a i déjà fait diverses objections à ces hypothèses. Il n’y a i aucune preuve directe de l’afflux du sang dans les muscles pendant leur action. Il résulte d’ailleurs, des : expériences de Barzellotti , que la contraction des ; muscles de la grenouille, excitée par le galvanisme, peut avoir lieu après la mort, lors que le sang ne I circule plus dans les vaisseaux ; lors même que le b sang est congelé ; et, lors qu’enfin les vaisseaux sont i privés de sang. Il s’agit, à la vérité, de contractions Y cadavériques , excitées par le galvanisme; mais d’autres J faits prouvent encore que la présence du sang dans

5 66

ANATOMIE GÉNÉRALE.

les vaisseaux des muscles n’est pas nécessaire à leur contraction. On sait cependant que, quand il y a du sang fluide dans un muscle , la contraction , même après la mort, y met le sang en mouvement, comme par une sorte d’expression.

§674. Les fibres qui étaient droites pendant letat de relâchement , se fléchissent pendant la contraction , en formant des sinuosités très-régulières. Ces sinuosités ou ces plis, aperçus déjà par beaucoup d’observateurs, ont surtout été examinés avec soin par MM. Prévost et Dumas , qui ont reconnu que ces zig-zags se pro- duisent toujours de la même manière, et que les som- mets des angles , qui sont les points de la fibre qui se rapprochent hors de la contraction, sont aussi ceux se terminent les dernières ramifications transverses des nerfs.

§ 67 5. Pendant la contraction des muscles il se passe dans leur épaisseur une agitation fibrillaire 1 conti- nuelle j les unes , parmi les fibres , se contractent , tan- dis que d’autres se relâchent. C’est à cette cause qu’il faut rapporter le bruissement que l’on entend quand on applique le doigt sur l’orifice du conduit auriculaire, ainsi que celui que l’on aperçoit par le stéthoscope appliqué sur un muscle en action. Ce phénomène est surtout, et peut-être uniquement, sensible dans un muscle en action soutenue. Il n’a été observé aussi, soit par la vue, soit par l’ouïe, que dans les muscles extérieurs , et dans le cœur.

1 Roger, De perpetuâ fibr. musc, palpitatione ; Gotl. , 176°- WôllastOD, Croonian lecture , in philos. Tram, ; ann. i$i°*

DU SYSTÈME MUSCULAIRE.

5 67

§ 676. Certains muscles peuvent se contracter par- tiellement. C’est du moins ce que l’on voit dans des expériences sur les animaux vivans , et dans quelques cas de convulsion des muscles sous-cutanés. Cela est-il propre aux muscles qui ont plusieurs nerfs ?

§677. La vitesse et la force delà contraction sont extrêmement grandes ; la vitesse est très-grande dans l’action de courir, dans celle de parler avec promp- titude, dans celle de jouer des instrumens à corde, etc. Cette vitesse, dans quelques cas, peut être portée jus- qu’à moins d’une tierce. La force des muscles en action est énorme, et suffit quelquefois pour rompre les tendons ou les os, parties du corps si résistantes à la rupture; elle est toujours relative au nombre des fibres musculaires , chacune d’elles ayant sa force propre, qui est une fraction de la force totale. L’élas- ticité des muscles contractés est surtout manifeste dans la production de la voix.

§ 678. L'étendue de la contraction est difficile à dé- terminer; on a essayé de le faire , d’après des idées hy- pothétiques sur la forme des fibres primitives , et on l’a alors évaluée à un tiers de la longueur de la fibre. L’observation directe montre que le raccourcissement de la fibre contractée , dans les muscles extérieurs , est d’un quart de sa longueur; MM. Prévost et Dumas sont arrivés au même résultat, en mesurant les angles qui se forment pendant la contraction. Quoiqu’il en soit, l’étendue de la contraction est en effet relative à la longueur des fibres musculaires. Lorsque rien 11e s oppose a la contraction d’un muscle, elle peut pro- duire un très-grand raccourcissement, comme on en

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

voit des exemples dans des cas de fractures et de perte de substance des os des membres.

§ 679. Les conditions de l’action musculaire sont la vie du muscle et sa communication avec les centres circulatoire et nerveux, son état d’intégrité, et l’ac- tion d’un excitant ou stimulant.

Pour que l’action musculaire ait lieu, il faut que le muscle participe à la circulation : si on lie les artères ou les veines principales d’une partie du corps, l’ac- tion musculaire y est considérablement affaiblie. Les muscles, pour agir, doivent aussi communiquer par les nerfs avec le centre nerveux ; l’interruption de cette communication arrête l’action musculaire plus ou moins subitement. Elle arrête toujours, et à l’ins- tant, l’influence du centre nerveux; mais le muscle reste irritable par des causes qui agissent sur lui ou sur le nerf auquel il tient encore.

§ 680. Le muscle doit être dans son état d’intégrité : la contusion des muscles, l’inflammation de leurs gaines cellulaires, l’accumulation de la graisse dans les inter- valles des fascicules, etc. , sont autant de circonstances qui s’opposent encore plus ou moins à l’action mus- culaire. La distension extrême des fibres musculaires suffit pour empêcher leur action ; il n’en est pas tout- à-fait de même de leur raccourcissement. Un degré extrême de chaleur ou de froid, l’application immé- diate de l’opium sur les muscles, et diverses autres substances , diminuent 1 irritabilité musculaire en gé- néral , mais cependant peu la susceptibilité galvanique.

§ 681. Il faut enfin , pour que le muscle entre en ac- tion , qu’il y soit excité par un stimulant. Lesstimulans

DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 56g

de l’action musculaire sont, la volition , ou action de la volonté : elle agit sur les muscles par l’intermède des nerfs , mais elle n’est un stimulant que pour cer- tains muscles seulement , que pour cette raison on appelle muscles volontaires ; l’émotion ou la passion qui agit par le même moyen , mais dont l’action est étendue à tous les muscles; l’irritation de l’encé- phale, du cordon rachidien ou des nerfs, qui, dans le premier cas, agit aussi sur tous les muscles, mais avec plus ou moins d’énergie ; 40 la stimulation de quelque partie déterminée , de la peau ou de la mem- brane muqueuse, plus ou moins éloignée des mus- cles; 5° celle de la membrane qui couvre immédiate- ment les muscles, comme la membrane interne du cœur, la gaîne celluleuse des muscles, la membrane séreuse de l’abdomen , etc. ; enfin , l’irritation di- recte du muscle lui-même : il reste douteux, dans ce cas, si l’excitanl! agit directement sur la fibre muscu- laire , ou par l’intermède des nerfs. Ce qui rend la dernière supposition plus vraisemblable , c’est que l’ir- ritation d’une partie d’un muscle produit la contrac- tion du muscle entier.

§ 682. La cause de l’action musculaire est , comme celle de toutes les actions organiques , à peu près impossible à déterminer : on en connaît les phéno- mènes et les conditions ; au delà ce sont de pures hypothèses. On a attribué cette cause a Faction du nerf, à celle du sang, à l’action réciproque du nerf et du sang dans le muscle ; et , suivant les doctrines dominantes aux diverses époques, ces opinions ont donné lieu à beaucoup d’hypothèses différentes. Au-

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570

cune d’elle 11e rend raison de l’augmentation considé- rable de la force de cohésion du muscle. Il est évi- dent que pendant la contraction il y a un accroisse- ment momentané de l’attraction moléculaire entre les particules de la fibre. Si l’on considère la forme plissée que prend la fibre, et le rapport des filets nerveux avec les plis, on concevra que l’influence nerveuse doit avoir une très-grande part dans le phénomène de la contraction.

§ 683. L’irritabilité est-elle une force inhérente à la substance fibrineuse des muscles , et l’action nerveuse n’agit-elle que comme tout autre excitant de la con- traction ? Dans cette hypothèse , les nerfs rempliraient, dans les muscles volontaires, l’unique fonction de les irriter 5 et à l’égard des muscles qui, comme le cœur, ne se contractent point volontairement , l’action nerveuse ne se manifesterait point dans les circons- tances ordinaires. Ou bien l’irritabilité a-t-elle sa source unique dans le système nerveux? dans cette autre hypothèse, les nerfs rempliraient, à l’égard des muscles volontaires , le double office de les rendre ir- ritables, et de les faire se contracter; et, à l’égard des muscles involontaires , dont la contraction est déter- minée par des stimulans locaux , elle les rendrait seule- ment aptes à cette contraction. Ou bien, enfin, les muscles ont-ils une force propre ( vis insita ) et une force empruntée à l’action nerveuse (2 us nervea):J Il est à peu près impossible de résoudre ces questions, et de choisir avec quelque motif raisonnable entre ces hypothèses.

§ 684- effets de l’action musculaire dans le

DU SYSTEME MUSCULAIRE. 5^1

corps vivant, sont de produire ou d’empêcher le mou- vement des parties solides et liquides, ou même du corps entier, suivant les cas.

Les modes suivant lesquels les muscles exercent leur action, peuvent être réduits à deux : les deux extrémités des fibres en action peuvent rester égale- ment fixes , comme dans l’action du diaphragme , des muscles de l’abdomen, du buccinateur, etc.; ou être également mobiles, comme dans les sphincters, les fibres annulaires de l’estomac , des intestins , etc. ; une ex- trémité des fibres en action est plus fixe que l’autre ; de sorte que la plus mobile est entraînée vers l’autre, comme dans la plupart des muscles des membres; comme, surtout, dans les muscles des doigts ou des orteils; ou bien même une extrémité est absolument fixe, et l’autre absolument mobile, comme dans les muscles de l’œil, du voile du palais, ded’oricule, etc.

§ 685. Les actions musculaires qui ont naturelle- ment lieu dans le corps peuvent être divisées en deux classes : les unes sont volontaires, les autres involon- taires.

Les actions volontaires sont celles de tous les muscles servant à la station et aux mouvemens du squelette, aux mouvemens du larynx, et à ceux des organes des sensations. Tous ces muscles reçoivent leurs nerfs directement de la moelle.

Les actions involontaires peuvent être sous-divisées en trois ordres : les unes sont produites par des sti- mulus agissant à travers une membrane mince, qui couvre immédiatement les muscles; ce sont les mou- vemens du canal alimentaire, de la vessie urinaire.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

572

ceux du cœur, etc. ; d’autres sont produits par des stimulus d’un genre analogue , mais qui se propagent par voie d’association à beaucoup d’autres muscles : tels sont les mouvemens de déglutition , de respira- tion, de toux, d’éternument, d’excrétion fécale, d’é- mission du sperme et de l’urine, d’accouchement, etc. Les autres sont les mouvemens d’émotion ou de pas- sion, comme le rire, les cris, etc.

Parmi les actions ou les mouvemens de cette se- conde classe, quelques-uns ont été regardés comme demi -volontaires , ou bien comme constituant une classe intermédiaire de mouvemens mixtes. Il est en effet très-difficile d’établir une démarcation parfaite- ment tranchée entre les mouvemens volontaires , c’est- à-dire parfaitement soumis à la volonté, et les mou- vemens involontaires ; car, d’une part, il est peu de fonctions sur lesquelles la volonté , mais surtout les passions, n’aient de l’empire , et, d’un autre côté, beau- coup de mouvemens volontaires deviennent, par l’as- suétude, presque involontaires : tels sont, par exemple, les mouvemens des membres qui ont lieu sans cons- cience et sans volonté pendant le sommeil ; tels sont ceux des paupières qui ont lieu sans et tnême malgré la volonté, quand un corps étranger est approché de l’œil; telle est, d’un autre côté, la difficulté ou lim- possibilité de mouvoir simultanément les membres supérieurs ou inférieurs , les yeux , dans une direc- tion opposée à celle qu’ils suivent ordinairement. L ir- ritation accidentelle des muscles, des nerfs, ou du centre nerveux, rend quelquefois tout-à-fait involon- taire la contraction des muscles extérieures ; d’autres

DU SYSTEME MUSCULAIRE. 5j/3

affections les rendent immobiles malgré la volonté. Quant à l’influence de la volonté sur les mouvemens regardes comme involontaires, elle est évidente sur ceux de la respiration , du vomissement , de la rumi- nation j il paraîtrait même qu elle se serait étendue quelquefois jusqu’aux mouvemens du cœur , jusqu’à ceux de l’utérus, à ceux de l’iris, à ceux de la peau; il est vrai qu’il ne faut pas oublier l’influence des pas- sions sur la volonté elle-même.

I

Les mouvemens que l’on a regardés comme mixtes sont surtout ceux qui, s’exerçant ordinairement sans conscience et sans volonté, peuvent être modifiés par la volonté : tels sont ceux du diaphragme. On ne donne pas aussi généralement ce nom a ceux qui , habituel- lement volontaires , s’exercent par assuétude et par association , sans que la volonté les dirige ; comme les mouvemens de balancement des membres supérieurs dans la marche.

Il est à remarquer que l’apoplexie et les autres affec- tions cérébrales paralysent le plus souvent les muscles volontaires seuls.

§ 686. En général , les mouvemens musculaires variés qui ont heu dans le corps vivant , sont ou associés les uns aux autres pour produire une même action , ou opposés les uns aux autres pour produire des actions contraires : dans le premier cas, les muscles sont dits congénères ; dans le second, ils sont antago- nistes. L’antagonisme est beaucoup plus évident dans les muscles extérieurs , comme , par exemple , on le voit entre les fléchisseurs et les extenseurs , etc. ; il est moins marqué dans les muscles intérieurs ou

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automatiques ; cependant il ne leur est pas tout-à-fait étranger; il résulte, aux orifices naturels, de l’opposi- tion des muscles automatiques et des muscles arbi- traires, comme on le voit entre les muscles excréteurs, qui sont involontaires , et les muscles rétenteurs ou sphincters , qui sont volontaires. Partout l’antago- nisme présente ce phénomène remarquable , que la contraction des uns est accompagnée du relâchement des autres muscles. Les muscles congénères ou asso- ciés présentent cet autre phénomène important, que leur contraction est simultanée , et que , quand la stimulation est bornée à un seul, les autres entrent néanmoins en action : ainsi, quand le gosier, l’orifice du larynx, l’angle antérieur du trigone vésical , etc., sont stimulés , toutes les puissances musculaires du vomissement, de la toux ou de l’urinement, etc., entrent en action , par la loi de l’association des mus- cles congénères , en même temps et conformément à la loi de l’antagonisme. Dans ce dernier cas , les muscles sphincters et constricteurs du col de la ves- sie et de l’urèthre se relâchent.

§ 687. Les muscles continuent, quelque temps après la mort, après la cessation de la circulation, à être irritables et contractiles par divers stimulus. Tous les muscles ne conservent pas pendant le même temps l’irritabilité ; ils ne perdent pas non plus tout à coup la susceptibilité à la contraction , mais ils cessent d’abord d’être excitables par tel ou tel stimulus; l’état antérieur de la santé, le genre de mort, les circons- tances extérieures avant la mort influent beaucoup sur la durée de l’irritabilité musculaire. Galien , Harvey ,

DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 5^5

Haller, savaient que le cœur est en général Vultimum moriens. Haller avait établi un ordre de cessation de l'irri tabilité dans les différens muscles, et avait en- trevu aussi diverses variétés dans cet ordre. Zinn , Zimmermann, OEder, Froriep, et surtout Nysten, se sont occupés de cette question. Les variétés déjà en- trevues par Haller dépendent beaucoup de la nature de l’excitant : ainsi , le cœur reste plus long-temps qu’aucun autre muscle, irritable par les agens méca- niques, et les muscles du squelette, au contraire, par l’irritation galvanique. L’irritation galvanique agit plus efficacement en ne comprenant pas les muscles exté- rieurs , qu’en les comprenant avec le nerf dans le courant. Le contraire a lieu pour les muscles inté- rieurs. *

L’ordre établi par Nysten , pour l’extinction suc- cessive de l’irritabilité dans les cadavres d’individus décapités, est le suivant : le ventricule aortique du cœur; le gros intestin, l’intestin grêle et l’estomac ; la vessie urinaire ; le ventricule pulmonaire ; l’œsophage; l’iris; les muscles extérieurs; l’oreillette droite , et enfin la gauche.

Des muscles, ou des portions de muscles, séparés du corps vivant, conservent pendant quelque temps l’irritabilité. Ils présentent sous ce rapport des variétés analogues à celles qui viennent d’être indiquées. La contraction dans ces deux circonstances a évidemment lieu sans afflux du sang.

§ 688. Quand l’irritabilité est près d’être éteinte ou épuisée dans les muscles , l’irritation ne détermine plus de contraction générale ou étendue des muscles

ANATOMIE GENERALE.

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entiers, de leurs faisceaux ou de leurs fascicules, mais elle reste bornée aux points irrités , qui se tu- méfient par la flexuosité dont ils deviennent le siège. Ce dernier genre d’irritabilité , qui survit à l’action nerveuse , me semble tout-à-fait du même genre que celui qu’on observe dans la fibrine du sang; c’est véritablement la vis insita de la fibre musculaire.

§ 689. Le genre de la mort, l’état antérieur et les circonstances environnantes , influent sur l’irritabilité cadavérique. L’état de paralysie , d’hémiplégie , n’em- - pêche pas les muscles d’être irritables , dans le ca- davre , par le galvanisme. Les maladies influent sur l’irritabilité cadavérique, bien plus par leur marche et leur durée, que par leur nature; les maladies chro- niques altèrent beaucoup plus cette propriété que les maladies aiguës , et parmi les chroniques , ce sont celles dans lesquelles la nutrition est le plus lésée , qui portent la plus forte atteinte à l’action muscu- laire. Les sujets les plus musclés ne sont pas ceux chez qui l’irritabilité musculaire persiste le plus après la mort. Cette durée varie depuis une heure jusqu’à vingt-quatre heures environ.

§ 690. Enfin , après que toute irritabilité générale ou locale a cessé dans le corps privé de vie , la raideur cadavérique se manifeste 124)* C’est un phéno- mène constant, quoi qu’en aient dit Haller et Bichat, mais variable dans son intensité et dans sa durée. Cette contraction, ou raideur, qui a son siège dans le sys- tème musculaire , est indépendante du ‘système ner- veux , elle n’a lieu que quand ce système ne jouit plus d’aucune excitabilité galvanique. La section de>

DU SYSTÈME MUSCULAIRE. Snj

nerfs , 1 état d’hémiplégie , l'ablation du centre ner- veux, n’empêchent pas quelle se manifeste. C’est le dernier effort de la contractilité musculaire. Dans les animaux à sang froid , l’excitabilité nerveuse per- siste long-temps, la raideur cadavérique se manifeste tard, et dure peu; elle se manifeste peu après la mort, au contraire, et dure long-temps dans les ani- maux à sang chaud, l’excitabilité nerveuse est peu persistante. La raideur cadavérique semble analogue à la contraction du coagulum fibrineux du sang, et ne cesse , comme celle-ci , que quand la putréfaction com- mence. On peut la regarder, jointe au refroidissement qui l’accompagne toujours , comme un signe certain de la mort. Si on plonge et si l’on conserve clans l’al- cohol , un muscle dans l’état de raideur, cet état y persiste indéfiniment.

§ 692. On a encore attribué d’autres propriétés mo- trices aux muscles. Galien leur reconnaissait une force

tonique indépendante, de la vie; on leur accorde aussi

/

l’élasticité; Haller leur accordait la force contractile en général , et la force morte; Sympson et Whytt leur attribuaient la tonicité ou la force tonique; Bichat, outre la contractilité volontaire, et l’irritabilité ou contractilité involontaire, leur accordait aussi la con- tractilité organique insensible, c’est-à-dire la tonicité.

Les muscles sont extensibles ; ils sont rétractiles aussi, et! cela, indépendamment de leur contraction par irritation. Dans l’état de sommeil et de repos les muscles donnent, en général, aux parties du corps des attitudes moyennes, dépendantes de leur longueur proportionnelle, et par conséquent de leur tension , de

1.

ANATOMIE GENERALE.

578

leur force, et de la manière plus ou moins efficace dont cette force est appliquée. La même chose a lieu dans la paralysie déterminée artificiellement, en coupant tous les nerfs d’un membre. Dans les paralysies par af- fection cérébrale , et dans les rétractures des membres , l’attitude est quelquefois différente; la flexion est quel- quefois portée très-loin. Mais il reste7 ici un doute, c’est de savoir si la cause de la paralysie a porté égale- ment sur tous les nerfs de la partie; si même cette cause n’en est pas une de contraction tonique de quelques muscles. Dans le cadavre, les muscles restent contrac- tiles, et donnent une attitude déterminée à toutes les parties du corps , jusqu’à ce que la raideur cadavé- rique soit dissipée.

§ 698. Les muscles sont sensibles, mais à un degré médiocre. Ils ne donnent même guère , dans l’état de santé, que le sentiment de la fatigue durant et après leur action, quand elle a été prolongée. Quand l’ac- tion a été très-longue ou violente , elle donne lieu à une sensibilité douloureuse. Il en est de même dans le cas d’inflammation de leur tissu ou de leurs gaines celluleuses. Cabanis et le docteur Yelloly ont rapporté des cas de maladie dans lesquels les muscles étaient insensibles.

§ 694. Les circonstances qui montrent un change- ment continuel de particules dans la nutrition mus- culaire ne sont pas très-évidentes ; le fait est cepen- dant probable : il semble que ce soit la partie globu- leuse du sang qui en fournisse les matériaux. O11 connaît les effets de l’exercice sur l$t nutrition , 1 aug- mentation et la coloration des muscles, et l’effet op-

DU SYSTEME MUSCULAIRE. 5jg

posé d’un repos trop prolongé. La paralysie produit un effet plus marqué encore sur leur diminution. La quantité et l’espèce de nourriture ont une grande in- fluence sur le volume et la force des muscles. Cer- taines maladies consomptives , comme la phthisie , ont une influence marquée sur l’atrophie musculaire. On ignore si dans ce cas il y a diminution seulement du volume, ou disparition des fibres.

§ 6p5. Dans l’embryon , le tissu musculaire n’est pas distinct du tissu cellulaire , il se confond avec lui en une masse gélatineuse commune. A une époque peu éloignée du moment de la conception , l’action du cœur annonce déjà un degré de développement assez avancé dans le tissu musculaire de cet organe. Vers deux mois de la conception , les muscles du squelette ont des fibres distinctes ; ils commencent à exécuter vers quatre mois quelques contractions. Suivant Bichat, les muscles du fœtus auraient une irritabilité, ou du moins une susceptibilité galvanique moindre que celle des individus qui ont respiré. Des expériences faites par M. Meckel , sur quelques animaux , ont eu des résultats contradictoires à ceux de Bichat.

Pendant l’enfance , les muscles restent peu volumi- neux relativement aux nerfs et au tissu adipeux. A cet âge aussi , la chair musculaire , moins rouge , est plus gélatineuse et moins fibrineuse que dans l’âge adulte; les mouvemens sont faciles, prompts et faibles.

Les muscles, qui sont d’un rouge vermeil dans l’âge adulte , deviennent pâles , fauves et livides dans la vieillesse; les contractions, à cette époque, deviennent difficiles , faibles et lentes.

58() ANATOMIE GENERALE.

/

L’irritabilité et les actions musculaires de la femme , comparées à celles de l’homme , présentent à peu près les mêmes différences que celles de l’adolescent , com- parées à celles de l’adulte : une plus grande irritabilité ou susceptibilité au mouvement , et une action moins forte et moins soutenue.

Il existe entre les races humaines des différences dans la force musculaire , qui , d’après les observa- tions faites par Péron avec le dynamomètre , sont à l’avantage des européens, dont la santé et la force résultent d’une nourriture abondante et saine , et d’occupations habituelles ; tandis que les liabitans de Timor, de la Nouvelle - Hollande et de la Terre de Van-Diémen , exposés à tous les genres de privations, ont moins de puissance musculaire.

§ 696. Quand des muscles sont mis à découvert 1 par une plaie de la peau, des aponévroses et des gaines celluleuses , et qu’on réapplique ensuite exactement ces parties, il se fait dans la solution de continuité, une effusion de liquide organisable , d’abord peu ad- hérent au muscle , et qui finit par rétablir une réunion organique. La même chose arrive quand des muscles, divisés en travers , dans l’amputation par exemple , sont recouverts par des lambeaux de peau, seulement la matière de l’agglutination tient dès le commen- cement très-étroitement à l’extrémité tronquée des muscles. Quand des muscles sont divisés en travers, et non couverts par des lambeaux de peau , il se forme

1 B. Fr. Schnell , Prœs. Àutenrieth, de Naturel reunion û musculorum vulneratorum ; Tuhingœ , 1804.

DU SYSTEME MUSCULAIRE.

58i

assez promptement sur leur extrémité des granula- tions suppurantes , et plus tard une cicatrice ; ces phé- nomènes , et surtout le dernier, sont plus lents quand les muscles sont seulement dénudés latéralement. Dans tous ces cas, quelle que soit l’époque à laquelle on exa- mine la plaie affectée d’inflammation , soit adhésive , soit suppurative , les gaines celluleuses des muscles et de leurs faisceaux sont seules altérées; on n’aper- çoit absolument aucun changement dans les fibres musculaires elles-mêmes. Il n'est pas inutile de noter cependant que ces fibres sont privées, dans ce cas, de la plus grande partie de leur irritabilité.

§ 697. Lorsqu’un muscle est divisé en travers , il s’établit entre les bords de sa division un écartement assez considérable , et toujours plus grand que celui de la plaie de la peau. Lorsque les 'bords de la plaie extérieure ont été rapprochés, et se sont réunis, les bouts du muscle, au contraire, présentent un écarte- ment rempli d’abord par un liquide organisable , qui devient ensuite vasculaire , mou, qui se contracte un peu, et diminue légèrement l’écartement qui existait entre les bouts du muscle , et devient enfin plus ou moins ferme et résistant. Cette substance intermé- diaire , lorsque son organisation est achevée , a quel- quefois l’apparence du tissu cellulaire, le plus souvent celle du tissu ligamenteux, et quelquefois celle d’un tissu coriace subcartilagineux, mais jamais celle du tissu musculaire. A quelque période de la formation qu’on l’examine, on trouve toujours que les fibres et les fascicules musculaires y sont étrangères , et qu elle n’est que la réunion du tissu cellulaire qui leur forme

582

ANATOMIE GENERALE.

des gaînes. Un muscle qui a une réunion de ce genre offre donc une espèce d’intersection aponévrotique ou tendineuse c’est une sorte de muscle digastrique, dont les deux ventres sont vivans et irritables , tandis que la substance intermédiaire remplit seulement les fonctions d’un tendon qui résiste ou cède plus ou moins à la distension. Cette substance intermédiaire n’est irritable, ni par les stimulans mécaniques, ni par le galvanisme. Cependant, quand l’irritabilité est encore bien manifeste , et que l’action galvanique est forte , l’irritation appliquée à une des parties du muscle réuni , se propage par la cicatrice , qui toute- fois ne se contracte pas , à l’autre partie du muscle. On ignore si dans le vivant , et par l’action de la vo- lonté , les deux parties d’un muscle divisé en travers et réuni par une cicatrice , se contractent l’une et l’autre. Il est évident que plus les bouts du muscle divisé seront restés écartés pendant que la réunion médiate s’est opérée , que plus aussi le moyen de réunion sera long et extensible, et plus les mouve- mens des muscles auront perdu de leur étendue et de leur force. Dans les cas les plus heureux mêmes, les mouvemens seront d’abord impossibles, puis faibles et mal assurés , jusqu’à ce que le moyen d union ait acquis toute sa fermeté.

Tout ce qui vient d’être dit de la réunion des mus- cles coupés en travers , s’applique à leur rupture par un effort.

Quand une plaie transversale des muscles et de la peau est restée écartée et béante, il se fait dans toute son étendue une couche de granulations suppurante.^,

DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 583

et plus tard une cicatrice plus ou moins large , sous laquelle les deux bouts du muscle restent écartés.

Dans ce dernier cas, ainsi que dans le précédent, on a quelquefois mis à découvert et réséqué la sub- stance intermédiaire trop longue et trop extensible qui formait la réunion d’un muscle divisé ; tenant ensuite ses bouts dans un rapprochement aussi exact que possible, et suffisamment prolongé, on a obtenu une réunion courte et ferme, et rendu le mouvement à des parties qui l’avaient tout-à-fait ou presque perdu.

§ 698. Les muscles sont sujets à des variétés et des vices de conformation. On a vu certains fœtus mons- trueux, acéphales 1 et autres, privés de tous les muscles ou de tous ceux d’un membre au moins , ces or- ganes étant remplacés par du tissu cellulaire infiltré.

On observe plus souvent le défaut ou l’absence de muscles isolés.

Assez souvent on trouve des muscles surnumé- raires , ou des muscles divisés en plusieurs parties distinctes ; des muscles réunis qui ordinairement sont séparés; d’autres, plus longs ou plus courts, ce qui change leurs attaches et modifie leurs fonctions ; toutes ces variétés sont originelles ou primitives.

La diminution ou l’augmentation de volume des

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muscles sont, au contraire', ordinairement dues à des causes accidentelles. Le repos et la paralysie en di- minuent le volume, l’exercice l’augmente.

Les ruptures musculaires 2 arrivent , soit par l’ac-

1 Béclard, Mémoire sur les fœtus acéphales.

2 J. Sédillot, Mémoire sur la rupture musculaire, in Mém. et prix de la Soc. de méd. de Paris; 1817.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

584

tion des muscles antagonistes , ou par une autre puis- sance qui distend un muscle relâché, soit par l’ac- tion même du muscle rompu, et, dans ce dernier cas , la rupture a lieu ordinairement à l’union des parties tendineuses , ou aponévrotiques, avec les fibres charnues, dont un petit nombre seulement se trouvent rompues. Dans le cas de rupture , il se fait avec bruit et douleur un écartement plus ou moins grand et profond , et une effusion de sang plus ou moins abondante dans la solution de continuité, et dans le tissu cellulaire environnant. Les muscles intérieurs , et notamment le cœur, se rompent quelquefois aussi par leur contraction.

Le déplacement 1 des muscles admis par Pouteau ,

«

M. Portai et d’autres pathologistes , n’est guère pos- sible que quand les aponévroses d’enveloppe sont divisées.

§ 6gg. Les muscles présentent diverses altérations de couleur, de consistance et de cohésion.

Dans le rhumatisme, on trouve quelquefois , à la surface , à l’intérieur et dans l’épaisseur des gaines celluleuses des muscles et de leurs faisceaux, un li- quide gélatiniforme.

Dans les cas de paralysie ancienne , les muscles sont atrophiés, blancs, et quelquefois très-gras. On a déjà vu plus haut 168), que la transformation des muscles en graisse était plutôt apparente que réelle. Elle résulte de la pâleur et de l’atrophie du muscle,

1 J. Hausbrand, Diss. luxationis sic dictœ musculans ré- futa tionc/n sistens ; Berpl. , 1814.

DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 585

conjointement avec l’accumulation de la graisse entre les fascicules de fibres.

On observe rarement des productions accidentelles, soit de tissus analogues, soit de tissus morbides, dans les muscles. On y trouve cependant quelquefois des os accidentels. J’ai vu une fois une production com- posée osseuse et cancéreuse , occupant les muscles du mollet. On trouve quelquefois , dans les muscles de l’homme, et souvent, dans ceux du porc, le cysti- cerque ladrique , cysticercus cellulosæ de Rudolphi. La production accidentelle du tissu musculaire est très-rare , si jamais elle a lieu. On a cependant établi un rapprochement entre le sarcome et la chair mus- culaire. On a dit aussi avoir vu des productions musculaires accidentelles dans les membranes sé- reuses, dans les os et dans les ovaires : il paraît qu’on s’est laissé tromper par l’apparence.

Le développement de la texture musculaire dans l’utérus , pendant la grossesse , et la disparition de cette texture, après l’accouchement, se rapprochent d’une production accidentelle.

§ 700. Les fonctions des muscles présentent des va- riétés et des altérations , dont les unes ont leur siège et leur cause dans le tissu musculaire lui-même , et les autres dans le système nerveux. Ces variétés et ces altérations sont , la plupart , différentes dans les deux espèces de muscles , et presque toutes sont propres aux muscles pleins, extérieurs., volontaires ^ ou des fonctions animales.

586

ANATOMIE GENERALE.

SECONDE SECTION.

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DES MUSCLES INTÉRIEURS.

§ 701. Ces muscles, qu’on nomme aussi n\uscles creux , muscles involontaires , et muscles des fonc- tions végétatives ou organiques, n’ont point de noms propres ; chacun d’eux porte celui de l’organe qu’il concourt à former.

§ 702. Ces muscles sont, le cœur; ceux qui doublent dans toute son étendue la membrane mu- queuse des voies alimentaires; ceux qui, garnissant les prolongemens urinaire et génitaux de la même mem- brane, forment la vessie, les vésicules spermatiques et l’utérus; ceux de son prolongement pulmonaire, qui forment les faisceaux musculaires de la trachée et des bronches. Les sphincters qui se trouvent aux orifices du conduit alimentaire et des voies urinaires et géni- tales, peuvent être regardés comme intermédiaires aux deux classes de muscles. Il en est presque de même , pour la texture et surtout pour les fonctions, des muscles du squelette qui servent à la digestion , à la respiration , à la génération et à l’excrétion urinaire. Il n’y a donc point de démarcation bien tranchée entre les deux classes de muscles.

§ 703. Les muscles dont il s’agit ici sont placés à 1 intérieur ; les uns, situés immédiatement au-dessous du tégument interne, un autre, le cœur, situé tout-à- fait profondément, et loin des deux surfaces dont il est indépendant.

DES MUSCLES INTERIEURS. $87

Le volume de ces muscles est très-peu considé- rable , comparé à celui des muscles extérieurs : tous forment des parois de canaux et de réservoirs.

§ 704* Ces muscles sont disposés en couches ou en faisceaux croisés.

Dans toute l’étendue du canal alimentaire, il y a des fibres circulaires ou annulaires, et des fibres lon- gitudinales , formant chacune un plan distinct , et plus ou moins complet et épais.

Dans les réservoirs, ainsi qu’au cœur, les fibres, dis- posées en couches et en faisceaux qui se croisent obli- quement, ont la forme d anses fixées par les extrémités aux côtés de l’ouverture de l’organe. Les faisceaux de fibres dans ces organes se croisent entre eux , et s’u- nissent à la manière des plexus. Cette disposition est moins marquée dans le canal alimentaire , les couches musculaires se croisent à angle droit.

La fibre musculaire des muscles intérieurs est d’un blanc grisâtre dans la plupart d’entre eux, et rouge dans le cœur seulement. Cette fibre ne diffère pas au- trement de celle des muscles extérieurs. L’utérus seul offre , sous ce rapport, une différence tranchée et des caractères tout-à-fait spéciaux.

§ 7o5. Le tissu cellulaire des muscles intérieurs est moins abondant et plus serré que celui des autres mus- cles. On ne trouve de tissu fibreux ou ligamenteux que dans cœur, il forme des anneaux aux orifices des ventricules , des cordons ou tendons aux colonnes charnues de ces mêmes cavités, des épanouissemens aponévrotiques qui constituent en grande partie les

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

valvules tricuspide et bicuspide des orifices auriculo- ventriculaires et des cordons dans le bord des valvules semi-lunaires des orifices artériels. Bichat, qui ne parle que des cordons tendineux des colonnes charnues, avait déjà indiqué qu’il existe des différences entre eux et les tendons. Dans les autres parties on ne trouve d’analogue au tissu ligamenteux , que le tissu fibro- cellulaire sous-muqueux, auquel s’attachent les fibres musculaires sous-jacentes.

Les muscles intérieurs paraissent avoir plus de vais- seaux sanguins que les autres. M. Ribes cependant dit le contraire. Les nerfs de ces muscles, peu abon- dans , appartiennent , la plupart , au grand sympa- thique; plusieurs sont fournis par le nerf pneumo-gas- trique, et quelques-uns par d’autres nerfs de la moelle.

§ 706. L’irritabilité des muscles intérieurs présente les mêmes phénomènes que celle des autres muscles , excepté l’agitation fibrillaire, qui n’a été observée que dans le cœur seulement.

L’irritabilité y paraît moins que dans les autres, dé- pendante de l’influence nerveuse.

L’irritation mécanique est beaucoup plus efficace que l’action galvanique pour y déterminer des con- tractions. L’irritation galvanique agit peu sur eux par l’intermède des nerfs. Cependant les nerfs cardiaques et le cœur étant compris dans un cercle galvanique, l’action persévérante de cet agent détermine des inou- vemens dans l’organe.

L’irritabilité ou la susceptibilité à la contraction des muscles intérieurs, est surtout remarquable en ce

1

DES MUSCLES INTERIEURS. 58(/

quelle est naturellement excitée par des agens locaux, qui agissent sur la fibre par l’intermède de la membrane qui la recouvre; d’autres fois la cause agit d’une ma- nière sympathique : ainsi la titillation du gosier, la pré- sence d’une bougie dans l’urètre , d’un suppositoire dans l’anus, déterminent l’action de l’estomac, de la vessie et de l’intestin. La volonté a peu cl’empire sur la contractilité de ces muscles; cependant l’œsophage , le rectum, la vessie, l’estomac même, n’y sont pas tout-à-fait soustraits; il paraîtrait même que l’utérus, du moins dans les oiseaux, serait aussi quelquefois soumis à la volonté. L’intestin grêle en est, au con- traire, tout-à-fait indépendant; le cœur également. On cite cependant encore le cas d’un capitaine anglais, rap- porté par Cheyne , et répété depuis par tous les phy- siologistes ; et celui de feu le docteur Bayle , rapporté par M. Ribes , qui pouvaient à volonté ralentir ou suspendre les mouvemens du cœur. Mais si les muscles intérieurs ne sont pas soumis à l’influence ordinaire de la volonté , les affections fortes de l’âme et les émotions vives les influencent de la manière la plus évidente.

Haller, en admettant que la force musculaire est inhérente aux muscles, et que l’action nerveuse n’en est que l’excitant, avait été conduit à admettre, et la plupart de ses successeurs avaient admis plus positi- vement encore que lui-même , que les muscles inté- rieurs sont indépendans de l’action nerveuse, du moins dans leurs mouvemens ordinaires et réguliers. Les ex- périences de Legallois ont porté ensuite à admettre une opinion diamétralement opposée. Les expériences pos-

ANATOMIE GENERALE.

5po

térieures de M. Glift 1 et de M. Wilson Philip 2; l’ob- servation comparée des autres animaux, des embryons et des fœtus monstrueux, ont faire modifier l’une et l’autre conclusions. Les faits connus montrent , en effet , que les muscles intérieurs , indépendans de la moelle nerveuse, dans les animaux et dans les fœtus monstrueux qui n’en ont point, ainsi que dans les embryons qui n’en ont pas encore; peu dépendans de cette moelle dans les jeunes animaux chez lesquels son influence ne date pas encore de long-temps , et dans les animaux d’un autre ordre inférieur, l’action nerveuse n’a pas de centre unique bien déterminé , sont , au contraire , dépendans de cet organe dans l’homme adulte; sont surtout très -influencés par ses lésions , et plus encore par des lésions brusques que par des altérations lentes.

§ 707. Quand les muscles intérieurs entrent en con- traction , ils entraînent quelquefois dans une action simultanée et associée, tous les muscles extérieurs qui peuvent contribuer à l’accomplissement de leur fonc- tion : ainsi, dans la toux, l’éternument, le vomisse- ment , la défécation , l’accouchement , etc. , un nombre plus ou moins grand de muscles du squelette agissent par association avec des muscles intérieurs.

Les muscles intérieurs n’ont point , comme les autres, de véritables antagonistes, toutes leurs fibres concourant à un but commun et unique, la dimi-

1 Philos, trans. , ann.

An exper. Inq. into the laves of the vital Junctions , etc.; Lond., ifiiH.

DES MUSCLES EXTERIEURS. l

nution de capacité de la cavité qu’ils forment. Ce- pendant on peut considérer comme tels, les subs- tances étrangères qui tiennent écartées les parois des organes formés par ces muscles ; les diverses parties d’un même organe creux : par exemple , les oreil- lettes, à l’égard des ventricules; le corps de l’utérus et de la vessie, à l’égard du col ou de l’orifice de ces organes; les deux couches musculaires du canal

O '

alimentaire dans le mouvement péristaltique; le rac- courcissement des fibres longitudinales déterminant, en poussant les matières , l’allongement des fibres an- nulaires. En outre, il arrive ici ce qui a lieu dans tout antagonisme ; la contraction d’un muscle coïncide avec le relâchement de son antagoniste, et réciproque- ment; 4° enfin les muscles intérieurs trouvent des an- tagonistes dans les muscles extérieurs.

Ces muscles n’ont pas de point fixe déterminé : ceux qui sont annulaires se contractent sur eux-mêmes; ceux qui sont longitudinaux ont cependant pour point de ce genre les orifices du canal alimentaire ; ceux des réservoirs, comme la vessie, l’utérus , ainsi que ceux du cœur, ont encore un point fixe, mieux déterminé, dans l’orifice de ces organes.

TROISIÈME SECTION.

DES MUSCLES EXTÉRIEURS.

§ 708. Ces muscles sont aussi nommés muscles vo- lontaires, muscles des fonctions animales, de la vie animale, muscles proprement dits. Ce sont eux qui forment la plus grande partie de la masse du corps.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

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592

§ 709. Ils sont très-nombreux; il y en a de trois à quatre cents, mais on a varié sur ce nombre : les uns regardent comme plusieurs muscles, ce que d’autres présentent comme des faisceaux d’un même muscle.

§ 710. Chaque muscle a un nom propre, mais cette nomenclature a beaucoup varié. Il n’y a presque pas un muscle qui n’ait reçu plus d’un nom , quelques-uns en ont reçu jusqu’à une douzaine.

La dénomination des muscles a été tirée de plusieurs considérations : on y a fait entrer l’ordre numérique , ainsi , quand plusieurs muscles appartiennent à la même partie , à la même région , au même mouve- ment , etc. , on les a distingués par des noms de nombre , comme les radiaux , les adducteurs, les inter- osseux, distingués en premier, second, etc. Avant Jacques Sylvius , presque tous les muscles étaient ainsi désignés par des noms de nombre. On a fait entrer dans leur dénomination, comme surnoms, leur situation antérieure, postérieure, supérieure, inférieure, super- ficielle, profonde, etc. ; ou bien on les a désignés par le nom de la partie qu’ils meuvent ou de la région qu’ils occupent , comme les palpébraux , oculaires , la- biaux, pectoraux, dorsaux, abdominaux, cruraux, etc. D’autres sont distingués, d’après leur étendue ou leur volume, par les épithètes de grand, petit, moyen, grêle, vaste, large, long, court, etc. D’autres ont. été nommés rhomboïdes, carrés, triangulaires, sca- lènes, etc. , d’après la figure qu’on a cru leur trouver; ou bien 011 les a nommés splénius , par comparaison à la rate ou à une compresse, soléaire, à cause de leui ressemblance avec une sole ou avec une semelle ; cer-

DES MUSCLES EXTERIEURS. 3

tains muscles ont été nommés, d’après leur direction , droits , obliques , transverses , contournés ; d’après leur texture et leur composition , on les a nommés biceps, triceps, complexus , demi-aponévrotique, per- forant, perforé, etc.; d’autres muscles ont été dé- nommés d’après leurs attaches , soit une seule , comme les ptérygoïdiens, les péroniers, les zygomatiques, etc. , soit les deux, comme le stylohyoïdien , le sterno- hyoïdien , soit un plus grand nombre , comme le sterno-cléïdo-mastoïdien; d autres encore ont été nommés, d’après leurs usages, fléchisseurs, extenseurs, élévateurs, abaisseurs, pronateurs, supinateurs, etc.; enfin , ce ne sont pas même toutes les considéra- tions qui ont servi de base à la nomenclature des muscles.

Presque aucune de ces considérations n’est absolu- ment inutile à la connaissance des fonctions des mus- cles; toutefois les plus utiles sont, sans contredit , le mouvement lui-même, les attaches, la région occupée parle muscle, sa direction, etc. Quelque nombreuses que soient ces bases, il réimporterait pas beaucoup, si elles fournissaient toujours des noms propres , distincts et courts, ne fussent-ils même pas bien significatifs; mais presque tous les noms des muscles sont des noms composés de plusieurs des circonstances indiquées. Ainsi on trouve dans la nomenclature musculaire, les noms oblique- externe- abdominal , grand -droit-anté- rieur-de la tête, premier-radial-externe , droit-anté- rieur-de la cuisse, premier- interosseux -dorsal -de la main, etc. Cet inconvénient, joint à celui qui résulte de la multiplicité des noms différens donnés par les di-

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i.

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r»,9 4 ANATOMIE GÉNÉRALE.

vers anatomistes au même muscle , ont engagé 3VL Chaus- sier 1 à proposer une réforme dans la langue anato- mique, et surtout dans celle de la myologie. Cette réforme dans les noms des muscles consiste à donner à chacun d’eux un nom qui exprime seulement et cons- tamment les deux points d’attache opposés , dési- gnés communément sous les noms d’origine et d’in- sertion; mais il a été impossible à l’habile auteur de ce projet de donner des noms qui ne fussent en même temps, en assez grand nombre du moins , composés de quelques autres des circonstances indiquées plus haut.

M. Dumas 2 a essayé de modifier la nomenclature de

\

M. Chaussier, en indiquant dans ses noms tous les points d’attache des muscles. M. Duméril 3 s’est aussi occupé de la réforme de la langue anatomique, en prenant pour racines de cette langue les noms grecs ou latins des os et des viscères, et en variant seule- ment la désinence de ces noms pour les divers autres organes et pour les régions. La désinence des muscles était ien, ainsi le nom occipito-fronlien , sans y joindre le mot muscle, désigne, dans cette nomenclature, le muscle occipito-frontal. Vicq-d’Azyr avait également dirigé ses vues sur la nécessité de réformer la langue anatomique; il n’a pas exécuté son projet. Le docteur Barclay s’est aussi occupé de cet objet , et s’est sur-

1 Exposition sommaire des muscles du corps humain; Dijon, 1789. Tableau des muscles de l'homme; Paris,

1 797*

1 Système méthodique de nomenclature et de classification des muscles du corps humain, etc. ; Montpellier, 1797» in-4°*

3 Magasin encyclopédique.

J '

D ILS MUSCLES EXTERIEURS. 5 g5

tout attaché à donner des noms propres et précis aux différentes régions du corps. M. Schréger 1 a rassemblé Ja plupart des noms anatomiques employés jusqu’à lui dans une synonymie volumineuse , l’on trouve à quelques organes presque autant de noms qu’il y a de traités d'anatomie. La crainte de contribuer à accroître une confusion qui augmente presque toutes les fois qu’il paraît un nouveau traité, doit engager les anato- mistes. à se servir des noms déjà usités , en choisissant entre tous le plus connu, le plus simple et le plus significatif.

§ y h. D’après leur situation et leur destination de mouvoir telle ou telle partie , on distingue les muscles extérieurs en ceux du squelette ou des os , en ceux du larynx , en ceux des organes des sens et de la peau ; plusieurs muscles extérieurs aussi appartiennent aux orifices des voies digestives, respiratoires , génitales et urinaires , et se confondent insensiblement avec les muscles intérieurs.

Les muscles du squelette sont situés au tronc et aux membres : aux membres ils forment des masses considérables , et sont allongés ; au tronc ils sont •élargis, nombreux au dos et à l’abdomen, moins au thorax, beaucoup moins encore au crâne.

§712. Les muscles varient beaucoup en volume; les uns sont grands ou volumineux , d’autres sont moyens , d’autres petits , et d’autres très -petits.

S 7i3. Tous les muscles , excepté le diaphragme, les

1 Synonymia ancitomica , auct. Chr. H. Th . Schreger ; Fur - thii , i8o3, in-8° , 38o pages.

anatomie générale.

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sphincters de la bouche et de l’anus, l’arythénoïdien et souvent le releveur de la luette, sont pairs; tous, excepté le diaphragme , sont symétriques , ou sem- blables des deux côtés , à la légère différence près que l’on observe ordinairement dans le Volume des deux moitiés latérales du corps.

D’après leur forme on distingue encore les muscles en larges, longs et courts;

Les muscles larges appartiennent au tronc : quel- ques-uns s’étendent du tronc aux membres, et sont alors allongés dans cette dernière partie de leur étendue.

Les muscles longs appartiennent aux membres , et sont, en général , disposés par couches, les plus exté- rieurs étant les plus longs et les plus droits, les plus profonds ayant beaucoup moins de longueur, et plus d’obliquité ; disposition importante à connaître dans la pratique des amputations, puisque les muscles, inéga- lement longs, doivent se rétracter inégalement.

Les muscles courts se rencontrent au tronc , et aux membres , près des articulations.

§ y i4- La direction des muscles est celle d’une ligne qui s’étend, en passant par leur centre, de l’une à l’autre de leurs extrémités; elle est souvent fort diffé- rente de celle de leurs fibres , et cette dernière est la plus importante à considérer. Quand toutes les fibres sont droites et parallèles entre elles, la force du muscle, égale à la somme des forces de toutes les fibres, s’exerce parallèlement à la direction de ces fibres. Mais si les fibres sont obliques entre elles, l’intensité et la direc- tion de la force seront différentes.

DES MUSCLES EXTERIEURS.

597

§ 716. On distingue en général dans chaque muscle un corps ou ventre, et deux extrémités, que Ion dis- tingue vulgairement en tête et en queue. Le corps est la partie charnue, les extrémités sont ordinairement tendineuses : on distingue assez souvent aussi les ex- trémités en point d’origine, d’adhésion ou point fixe , et en point mobile ou d’insertion ; mais beaucoup de muscles ne se prêtent point à cette description. Ceux auxquels elle s’appliquerait le mieux sont certains muscles des membres , qui sont allongés , renflés au milieu , à cause de la disposition de leurs fibres char- nues , formés d’un tendon court à leur extrémité su- périeure, ordinairement la plus fixe, et d’un tendon long à l’autre extrémité , généralement la plus mobile. Mais, dans ces muscles même , le mouvement peut être partagé entre les deux points, et quelquefois même être tout entier exécuté par le point le plus élevé.

§ 716. Certains muscles forment un corps charnu unique entre les deux attaches ; d’autres , au contraire , sont formés de faisceaux très-distincts , et qu’on pourrait prendre pour autant de muscles : tels sont surtout le masseter, le deltoïde, le sous-capulaire , le grand fes- sier, etc.

§ 717. Il y a des muscles qui dans toute leur étendue restent simples et distincts , et d’autres qui sont di- visés en plusieurs "parties , ou confondus avec d’autres , à l’une de leurs extrémités : ainsi , quelques muscles simples à leur insertion sont , à leur origine , séparés en deux ou trois portions : tels sont les biceps , les tri- ceps; tels sont encore le sterno-mastoïdien et le grand pectoral, que, pour cette raison, quelques-uns ouï

ANATOMIE GÉNÉRALE.

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regardés comme composés de deux muscles chacun ; ainsi les muscles extenseurs et fléchisseurs communs

des doigts et des orteils, simples à leur origine, sont

» )

divisés à leur insertion en plusieurs parties. Les muscles dentelés, transverses, etc., qui s’attachent aux côtes par des digitations, sont encore à peu près dans le même cas. Il faut rapprocher de ce genre les muscles qui ont une origine commune, comme les muscles qui s’attachent à l’ischion , ou une insertion commune , comme le grand dorsal et le grand rond.

§ 718. Il y a encore des muscles dont la composition est différente, tels sont plusieurs des muscles spinaux ou vertébraux, et notamment le transversaire épineux, le long dorsal , le sacro-lombaire : ils résultent chacun de beaucoup de faisceaux musculaires, distincts aux extrémités et confondus au centre , de telle sorte que chaque portion de muscle, unique à une extrémité, se continue à l’autre extrémité avec deux portions ; et réciproquement chacune de celles-ci tient à une double portion de l’extrémité opposée : ces'faisceaux musculaires se succédant les uns aux autres, et s’unis- sant latéralement, il en résulte un muscle très-long, composé de faisceaux courts , distincts «à leurs extré- mités, et réunis latéralement dans leur partie moyenne. Chaque faisceau étroitement lié avec les deux fais- ceaux ne peut se contracter sans que ceux-ci entrent en même temps en action, de sorte que le mouvement est toujours imprimé à la fois à plusieurs vertèbres ou à plusieurs côtes : disposition tout-à-fait en rapport avec celle des os qui doivent toujours être mus, plu- sieurs simultanément.

DES MUSCLES EXTERIEURS.

J99

§ 719. Les muscles du squelette, et ce sont les plus nombreux , ont leurs deux extrémités attachées au pé- rioste et à la surface des os, par des tendons ou des aponévroses. Les muscles du larynx sont attachés de la meme manière aux cartilages et au périchondre. Les muscles qui du squelette s'étendent aux organes des sens, et s’insèrent à des cartilages , sont encore pour- vus de tendons aux deux extrémités; ceux qui s’at- tachent aux tégumens en sont , au contraire , dé- pourvus à leur insertion au derme.

Outre les tendons et les aponévroses d’attache que l’on trouve aux extrémités de la plupart des muscles , quelques-uns présentent aussi des tendons ou des apo- névroses d’intersection qui occupent quelque point de leur longueur, et les divisent en plusieurs corps charnus. Tels sont le digastrique maxillaire et le di- gastrique cervical , divisés en deux corps très-distincts par des tendons; tels sont aussi le sterno-hyoïdien , le scapulo-hyoïdien, le droit de l’abdomen, etc., dont le corps charnu est divisé par des aponévroses.

§ 720. Dans beaucoup de muscles les fibres sont droites, et sensiblement parallèles d'un bout à l’autre. Dans plusieurs muscles, les fibres charnues, toutes parallèles, s’étendent obliquement entre deux tendons aponévrotiques épanouis sur deux faces opposées du corps charnu , tel est le droit antérieur crural. Ce sont sans doute îles muscles de ce genre qui avaient fait comparer par Gassendi le muscle à un moufle. D autres muscles sont rayonnés ou flabeliiformes ; comme le grand pectoral et le grand dorsal, dont les libres étalées du côté de l origine se rassemblent en

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anatomie générale.

un faisceau épais du côté de l’insertion ; comme les moyen et petit fessier, dont les fibres se terminent successivement sur une expansion aponévrotique. Dans d’autres, les fibres s'étendent ainsi obliquement de leur origine d’un os au côté d’un tendon : on appelle ces muscles demi-pennés, tels sont les péroniers. D’autres sont pennés , les fibres se rendant obliquement sur les deux côtés d’un tendon ; dans quelques autres , très- analogues à ceux-ci, les fibres forment deux plans qui se rendent sur les deux faces d’une aponévrose moyenne, comme le temporal. D’autres muscles sont plus composés encore, comme le deltoïde, le mas- seter, etc., qui résultent de la réunion de plusieurs faisceaux penniformes. '

§ 721. La texture des muscles extérieurs résulte tou- jours de faisceaux plus ou moins distincts , qui se ter- minent en général aux deux bouts sur du tissu ten- dineux; ces faisceaux sont composés de fascicules ou fibres visibles, résultant elles-mêmes de fibres élémen- taires microscopiques. Le tissu cellulaire et le tissu adipeux leur forment des enveloppes et des cloisons d’autant plus distinctes, que les faisceaux sont plus distincts eux-mêmes et plus volumineux. Les nerfs de ces muscles , très-abondans, surtout dans ceux des or- ganes des sens, viennent presque tous de la moelle, peu viennent du grand sympathique, et ceux-ci ne sont jamais seuls.

§ 722. Outre ces parties essentielles aux muscles, ces organes ont des dépendances ou des annexes; ce sont les fascice ( § 5 19), ou aponévroses d’enveloppe, qui entourent les muscles, qui les maintiennent en

DES MUSCLES EXTERIEURS. 6'ül

place , et leur fournissent des cloisons qui les séparent, ainsi que des points d’attache ; ce sont aussi les gaines et les anneaux qui renferment les tendons et pré- viennent leur déplacement, et les membranes syno-. viales qui en facilitent les glissemens.

§ y 23. On divise les muscles, d’après les mouvemens qu ils produisent , en congénères et en antagonistes , suivant qu’ils concourent au même mouvement, ou qu’ils produisent des mouvemens opposés. Les mouve- mens qui ont lieu dans le corps humain , et que les muscles produisent, sont des mouvemens de flexion et d’extension, d’inclinaison latérale, de rotation en deux sens opposés, qu’à l’avant-bras on distingue en pro- nation et en supination , d’élévation et d’abaissement, d’adduction , d’abduction et de diduction , de dila- tation et de constriction , de protraction et de rétrac- tion , etc. On nomme , d’après cela , les muscles fléchisseurs, extenseurs, pronateurs , supinateurs, élé- vateurs, etc.

Les muscles antagonistes présentent quelques dif- férences : presque dans toutes les parties du corps , les muscles affectés à un mouvement sont plus forts que ceux qui produisent le mouvement opposé. Ceux des deux côtés du corps qui produisent l’inclinaison latérale , et la rotation autour de l’axe du corps , pré- sentent seulement la légère différence que l’on observe en général entre les deux côtés. Les autres présentent des différences bien plus grandes. On ne s’est guère occupé que de celle qui existe entre les fléchisseurs, et les extenseurs. Borelli pensait que les fléchisseurs, étaient plus courts que les extenseurs , et que , se cori-

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

tractant avec une force égale, ils entraînaient néces- sairement les os dans la flexion. M. Richerand pense également que la différence est à l’avantage des pre- miers; M. Meckel a adopté cette opinion : ces deux physiologistes sont d’avis qu’elle est établie sur l’obser- vation de l’attitude fléchie que prennent toutes les parties du corps dans le repos, et qu’elle a sa cause dans la force et la longueur des muscles, dans le vo- lume de leurs nerfs, et dans la disposition plus favo- rable des fléchisseurs, relativement au centre des mou* vemens et à la direction des os.

Ritter a ajouté à ces différences, que les fléchis- seurs se contractent quand le pôle zinc de la pile gal- vanique communique avec l’extrémité musculaire du nerf, et le pôle argent avec l’extrémité centrale; et que le contraire a lieu pour les muscles extenseurs. Cette différence n’est sans doute qu’une différence de susceptibilité galvanique; susceptibilité assez grande dans les muscles les plus forts, pour qu’ils se con- tractent même dans la circonstance la moins favorable de l’action galvanique.

M. Roulin 1 pense comme Borelli, que la cause prin- cipale de l’antagonisme des fléchisseurs et des exten- seurs dépend de leur longueur respective, et par con- séquent de leur tension.

Cette question mérite peut - être qu’on 1 envisage d’une manière plus générale; il faut chercher la pré- dominance dans la longueur et dans le volume des

' V oyez ses Recherches sur les mouvemens et les attitudes de l’homme, dans le Journal de physiologie, vol. I et II-

DES MUSCLES EXTERIEURS.

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muscles, et plus précisément dans le nombre des fibres charnues qui entrent dans leur composition ; il faut la chercher aussi dans la disposition des muscles , rela- tivement aux leviers sur lesquels ils agissent ; il faut observer quelle est l’attitude que prennent les parties dans leur action la plus ordinaire , et celle qu’elles prennent dans le repos, dans le sommeil, et dans la paralysie ; il faut avoir égard aussi à celles qu elles prennent dans le spasme tonique général ou dans le tétanos : or, en ayant égard à ces diverses considéra- tions, il semblerait que les muscles prépondérans sont , dans le tronc, les extenseurs; à la mâchoire, les élé- vateurs; aux membres supérieurs en général, les flé- chisseurs; à l’avant-bras, les pronateurs ; aux membres inférieurs en général, les extenseurs; et au pied, les adducteurs. <

S 724* Il y a dans l’organisation plusieurs circons- tances 1 défavorables à l’action des muscles, et qui ré- duisent leur force de contraction, ou force effective, à une force efficace, c’est-à-dire à un résultat beaucoup moindre. Ces circonstances , bien connues depuis Borelli, sont, le partage égal de l’effort musculaire entre ses deux attaches, tandis qu’un seul point doit en générai être mu; 20 le levier défavorable, celui du troisième genre, par lequel une grande partie de la force est perdue; l’insertion oblique des muscles sur les os, et des fibres charnues sur les tendons; la résistance des muscles antagonistes; le frotte- ment des tendons et celui des articulations.

J. Alph. Borelli, De motu animaîium , opus posthulnnin .

ANATOMIE GÉNÉRALE.

C)ü4

Il y a aussi, dans l’organisation, des circonstances qui, en favorisant l’action musculaire, diminuent l’in- lluence des premières : tels sont le changement de l’angle que forment le muscle et l’os au moyen de certaines dispositions anatomiques, comme le volume des extrémités articulaires des os , l’existence des apo- physes à l’endroit les muscles s’attachent , celle des os sésamoïdes , etc. ; tels est encore la diminution des frottemens par la synovie , etc.

En résultat, le mécanisme animal présente la même perfection qu’on admire dans toute la nature. Ce que le muscle perd en force , le mouvement le gagne en étendue et en vitesse par l’emploi du levier du troi- sième genre , et par l’obliquité de l’insertion ; d’un autre côté , l’obliquité des fibres musculaires sur les tendons, en diminuant l’étendue du mouvement, et même la force du muscle, permet, sous un petit vo- lume, la réunion d’un très-grand nombre de fibres, ce qui compense, et bien au delà, la perte de force; sans parler de la forme et de la liberté des membres, qui ne pourraient avoir lieu avec toute autre inser- tion et toute autre direction des muscles relativement aux os.

§ 72$. Le muscle est le siège et l’organe immédiat de la contraction , tout comme les tégumens et les sens qui en font partie sont le siège de 1 impres- sion ; mais de même que la sensation n a lieu qu au- tant que l’impression est propagée par les nerfs jusqu’au centre nerveux, de même c’est du centre nerveux que la volition est propagée , par les neifs, jusqu’au muscle, pour le mettre en mouvement. Il y.

DES MUSCLES EXTÉRIEURS. 6û5

a en outre, dans un cas et dans l’autre, une chose tout-à-fait incompréhensible : c’est la manière dont le moi acquiert la connaissance de la sensation ; c’est aussi la manière dont le moi détermine la volition. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner cette question en- core insoluble de l’action réciproque de l’organisme et du moi.

Quoi qu’il en soit, la volition procède du centre nerveux , elle se propage par les nerfs , et détermine la contraction des muscles extérieurs. Si le nerf est coupé ou interrompu par une ligature serrée, etc., le muscle , encore irritable , ne se contracte plus vo- lontairement. On verra dans le chapitre suivant quel est, dans le système nerveux, le siège précis, ou du moins probable , du principe organique des mouve- mens volontaires.

§ 726. Les effets de la contraction des muscles ex- térieurs sont de déterminer les attitudes et les mou- vemens du corps , en agissant sur le squelette; de mou- voir la peau et les organes des sens ; de produire la voix , la parole , le geste ; et enfin , de servir d’une ma- nière plus ou moins nécessaire, mais toujours auxi- liaire, aux fonctions végétatives.

§ 727. On a déjà vu que les muscles droits , en se contractant , rapprochent une ou leurs deux extrémités du centre , suivant qu’un des points d’attache est seul mobile , ou qu’ils le sont tous les deux ; que les muscles circulaires rétrécissent , en se contractant , les orifices ou les canaux qu’ils forment. Les muscles courbes se redressent en se contractant, si leurs attaches sont fixes; et, en teudaht à se redresser, ils diminuent les

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

cavités dont ils forment les parois, comme les muscles abdominaux et le diaphragme pour l’abdomen ; ils agrandissent la cavité à laquelle ils répondent par leur surface convexe, comme le diaphragme pour le thorax. Les muscles réfléchis, et il y en a un très- grand nombre , tendent, comme les muscles courbes , à se redresser pendant leur contraction ; mais si un obstacle insurmontable s’y oppose, le mouvement, dont la direction est changée , est transmis à l’une ou l’autre extrémité, ou aux deux, suivant leur mo- bilité.

§ 728. Lorsque l’une des deux parties auxquelles s’attache un muscle est immobile et l’autre mobile , il tire cette dernière vers la première ; c’est ce qui a lieu à l’égard des muscles qui s’étendent des os aux parties molles, etc. Lorque l’une des deux parties est peu mobile , et l’autre très-mobile , comme le

tronc à l’égard des membres, comme l’extrémité cen- trale des membres à l égard de leur extrémité péri- phérique , etc. , la dernière est en général la seule qui se meut. Mais il faut observer que, dans ce cas, le point fixe et le point mobile des muscles peuvent changer : ainsi, dans les mouvemens les plus Ordi- naires du bras, les muscles moteurs de cette partie ont leur point fixe au tronc , et leur point mobile dans le membre; au contraire, dans l’action de s’élever en grimpant sur un arbre, le point fixe, au moment le tronc s’élève vers le bras préalablement fixé, est dans le bras , et le point mobile dans le tronc. De même , dans l’action de monter un escalier, lorsque la ^ambe est portée en avant et en haut sur une marche,

DES MUSCLES EXTERIEURS. 607

le point fixe est du côté du tronc; lorsque ensuite le tronc s’élève vers la jambe dont le pied est appuyé, le point fixe esta la jambe, et les points mobiles des muscles sont à la cuisse et au tronc.

Lorsque les deux parties auxquelles s’attachent les muscles sont à peu près également mobiles, la con- traction tend à les mouvoir à peu près également; ainsi , quand on est couché sur un plan horizontal , la contraction des muscles antérieurs du tronc tend à peu près également à fléchir la tête sur le col , et le bassin sur les lombes.

Dans ce cas et dans le précédent , qui sont extrême- ment fréquens dans la mécanique animale I 2, la partie qui doit servir de point fixe est retenue par la contrac- tion d’autres muscles qui la rendent immobile. Les mouvemens les plus simples en apparence exigent presque toujours l’action simultanée d’un grand nom- bre d’autres muscles que ceux qui sont destinés à les produire immédiatement.

§ 729. C’est surtout dans les efforts que l’on observe ces synergies musculaires.

On appelle effort 2 , nisus , toute action musculaire d’une intensité extraordinaire, destinée à surmonter

1 Winslow, Mém. de l’Acad. des sc. , ann. 1719-123-26' 29-30-39-40, etc.

2 Js. Bourdon, Recherches sur le mécanisme de la respi- ration et de la circulation du sang; Paris, 1820. J. Cloquet, de l’Influence des efforts sur les organes renfermés dans la cavité thorachique ; Paris , 1820. Magendie , de l’Influence des mouvemens de la poitrine, et des efforts, sur la circula- tion du sang; Journal de physiologie, vol. I.

608 ANATOMIE GENERALE.

une résistance extérieure ou à exécuter une fonction laborieuse, soit accidentellement, soit naturellement. Ainsi l’action de soulever ou de porter un corps pe- sant, l’accouchement, rurinement difficile, etc., exi- gent des efforts pour être exécutés.

Dans tout effort il y a un influx nerveux extraor- dinaire sur les muscles ; tantôt cet influx est volon- taire, tantôt il est involontaire. Dans le dernier cas, il est irrésistiblement déterminé par la liaison déjà re- marquée entre les muscles intérieurs involontaires et leurs congénères extérieurs. Dans tout effort aussi , un nombre considérable de muscles, quelquefois l’appa- reil tout entier des mouvemens est en action. Dans tout effort enfin, le poumon est d’abord rempli d’air par une inspiration, la glotte est fermée ou rétrécie, les muscles expirateurs sont contractés , et les parois de la poitrine sont ainsi rendues immobiles, pour of- frir des points d’attache fixes aux muscles de l’abdo- men et des membres.

Les effets des efforts sont de retarder ou d’empê- cher l’entrée du sang veineux dans les troncs thora- ciques, d’où son reflux et sa stase dans les veines du col, de la tête, de l’abdomen, et même des membres; de comprimer les viscères thorachiques et abdominaux , et d’en déterminer même quelqùefois l’expulsion, sur- tout des derniers , à travers une ouverture des parois ; par fois même les efforts vont jusqu’à déterminer la rupture des muscles, des tendons, ou des os; jusqu’à produire des ruptures vasculaires , des hémorrhagies et des épanchemens de sang.

§ 7 ^0. Les muscles qui passent sur plusieurs artieu-

DES MUSCLES EXTERIEURS.

fiog

lations peuvent les mouvoir toutes. Ainsi les fléchis- seurs des doigts , après avoir fléchi la troisième et la seconde phalanges sur la première , fléchissent celle-ci sur le métacarpe , la main sur l avant - bras ; l’un des deux concourt même à la pronation. Il en est de même au pied, l’extenseur commun des orteils fléchit le pied sur la jambe , et partout la même disposi- tion se rencontre. Ges muscles, qui passent sur plusieurs articulations , ont encore d’autres usages ; ils sont auxiliaires ou supplémentaires des muscles plus courts, étendus seulement aux deux os réunis par une articu- lation. Ainsi, les biceps, demi tendineux, et demi membraneux de la cuisse, qui passent sur deux arti- culations à flexions opposée, peuvent aider ou sup- pléer dans leurs fonctions les muscles extenseurs du bassin sur la cuisse , et les fléchisseurs de la cuisse sur la jambe. Les muscles de cette sorte, si nombreux dans les membres, surtout dans les membres inférieurs, et qui existent également dans le sens de l’extension, et dans celui de la flexion , paraissent aussi avoir pour usage d’assurer la station en appliquant les surfaces articulaires les unes contre les autres , et en prévenant le mouvement dans tous les sens.

§73i. Le mouvement musculaire est simple quand il est imprimé par un seul muscle ou par plusieurs qui agissent dans la même direction. Il est composé, quand il est produit par plusieurs muscles qui agissent dans des directions différentes. Le mouvement simple a ordinairement lieu dans la direction même du muscle ou des muscles qui le déterminent. Ainsi les fléchis- seurs des doigts amènent les doigts dans leur propre

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1.

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

direction. Dans d’autres cas, le muscle étant réfléchi , la direction du mouvement est déterminée par celle de la p?rtion du muscle qui s’étend depuis l’endroit il change de direction, jusqu’à la partie mobile. Ainsi le mouvement imprimé par le muscle grand oblique de l’œil , par le péristaphylin externe , par les muscles péroniers latéraux, etc., a une direction déterminée par celle de la dernière portion de ces muscles. La direction du mouvement est souvent déterminée , en grande partie , par celle des articula- tions des os ; ainsi les os articulés par ginglyme et par articulation rotatoire, quoique la plupart aient des muscles obliques , ne se meuvent que dans deux sens opposés; ainsi, au contraire, le même muscle, le biceps brachial , sans changer de direction , produit , ,

par sa contraction , la supination et la flexion de l’avant- bras; ainsi les muscles pyramidal, jumeaux, etc., ro- tateurs de la cuisse en dehors, quand elle est étendue, deviennent abducteurs lorsqu’elle est fléchie.

§ y 32. Dans beaucoup de cas les mouvemens mus- culaires sont composés ; plusieurs muscles se con- tractant simultanément , impriment à une partie mo- bile un mouvement différent de celui qui résulte de la contraction de chacun d’eux en particulier. Ainsi , si les muscles droit supérieur et droit externe de l’œil se contractent ensemble et avec une force égale, l’œil obéissant à ces forces différentes , la prunelle sera dirigée en haut et en dehors. Ainsi, si le muscle grand pectoral, qui porte le bras en dedans et en avant, se contracte en même temps que le grand dorsal, qui le porte en dedans et en arrière, le bras sera

DES MUSCLES EXTERIEURS.

6l I

porté, par un mouvement composé, directement en dedans. Les mouveinens de l’épaule sont toujours com- posés. Beaucoup d’autres parties sont souvent dans le même cas; sans cela les mouvemens, qui sont si variés , seraient extrêmement bornés.

§ ^33. Les mouvemens des muscles volontaires sont- en effet le plus souvent combinés. On peut sous ce rapport distinguer les actions musculaires en mouve- mens isolés résultant d’un seul muscle en contrac- tion ; en mouvemens associés ou combinés, résultant de l’action de plusieurs muscles associés , soit congé- nères, soit antagonistes, pour produire des mouve- mens déterminés , comme ceux de flexion , d’exten- sion , etc. ; en actions coordonnés , comme celles qui par leur réunion opèrent la station , la locomotion , etc. ; enfin, en actions voulues , ce sont les actions muscu- laires dirigées par la volition. Ces variétés dans l’ac- tion musculaire dépendent de l’influence nerveuse , suivant quelle est volontaire, et suivant que, sous- traite à la volonté , elle est déterminée par l’irritation du centre nerveux, par celle du pléxus d’un membre, ou seulement par celle d’un nerf isolé.

§ 734. La contraction des muscles extérieurs, par des causes qui agissent soit sur le tissu musculaire, soit sur les nerfs, soit sur le centre nerveux , devient quelquefois faible et incertaine (tremblement); impos- sible ( paralysie ) ; permanente (spasme ou contraction tonique, tétanos); involontaire et irrégulière (con- vulsions , spasme ou contraction clonique ).

ANATOMIE GENERALE,

X 'X-'X. X'X. "X- X*X X xx X X X.X. -V. X'X.'X X-'X'^XX.-X, V'X'^ %*x -x \-wv\\v>\- N.-% X XX X. X X -V x -X -V XX -x

CHAPITRE X.

DU SYSTÈME NERVEUX.

§ ^35. Le système nerveux, systema nerveum, com- prend des cordons (nerfs), des renflemens ( ganglions), et une masse centrale (cerveau en général), formés d’une substance blanche et grisâtre, qui , dans l’état de vie, entretiennent l’irritabilité , sont les conducteurs et l’aboutissant des sensations , le point de départ et les conducteurs des volitions; en un mot les organes de l’innervation.

Le centre nerveux est en outre X organe, c’est-à- dire l’instrument matériel de X intelligence.

§ y3 6. Les Asclépiades n’ont point connu les nerfs ni les ganglions; on peut aisément se convaincre, en lisant les ouvrages d’Hippocrate et d’Aristote, qu’ils ont confondu sous le même nom, Né^ov, les ligamens, les tendons , les nerfs , et même les vaisseaux. Praxagoras paraît avoir eu la première idée juste d’une différence entre les organes blancs; mais ayant placé l’origine des nerfs à la terminaison désaltérés, il a donné naissance à une opinion sur la structure canaliculée des nerfs ,

qui s’est propagée jusqu’à nos jours. Hérophile et

/

Erasistrate ont connu la connexion des nerfs avec le cerveau, mais ils ont continué de donner le même nom aux tendons et aux ligamens. Galien débrouilla la confusion qui régnait encore de son temps sur ce

DU SYSTEME NERVEUX.

6l3

sujet, en donnant des noms aux ligamens et aux ten- dons ; en reconnaissant que les nerfs sont médullaires à l’intérieur, et membraneux à l’extérieur, il établit positivement leur connexion avec la moelle épinière et avec l’encéphale; il lit remarquer, contre une opi- nion antérieure à lui, que la moelle est subordonnée à l’encéphale, qui dès lors devient le centre nerveux; il essaya d’établir une distinction entre les nerfs du sentiment et ceux du mouvement ; il découvrit et nomma les ganglions nerveux : il a eu aussi de grandes connaissances dans la névrologie spéciale. Les anato- mistes de l’école d’Italie ayant trouvé la névrologie à peu près au point l’avait conduite Galien, l’ont beaucoup perfectionnée ; G. Bartholin a reproduit l’o- pinion énoncée dans l’antiquité par Praxagoras et quelques autres, que c’est la moelle épinière qui est le centre du système nerveux, et que l’encéphale n’en est que la continuation. Depuis cette époque , l’ana- tomie du système nerveux, soit dans les animaux, soit dans l’homme, n’a cessé de s’enrichir de nou- veaux faits.

§ 737. Les animaux les plus simples n’ont pas de système nerveux distinct. 28.)

Les premiers l’on commence à l’apercevoir , sont les animaux rayonnés, et en particulier les as- téries ou étoiles de mer, ils consistent en filets mous et en petits renflemens disposés autour de la bouche, les uns et les autres blancs, et dépourvus de substance arise.

Dans tous les autres animaux invertébrés , le sys- tème nerveux consiste en deux cordons plus ou moins

ANATOMIE GÉNÉRALE.

6i4

rapprochés, rassemblés dans un plus ou moins grand nombre de nœuds ou de ganglions, appelés impro- prement moelle dans les articulés , toujours réunis autour de l’œsopbage ou au-dessus de la bouche par un anneau nerveux au moins , et souvent par un ren- flement ou ganglion dont le volume est proportionné à la composition plus ou moins grande de la tète, et qu’on appelle cerveau dans les mollusques.

Dans tous ces animaux, les deux tégumens et leurs muscles , les organes des fonctions végétatives et ceux

des fonctions animales reçoivent des nerfs semblables.

:>

Cependant on trouve déjà dans le renflement ner- veux des céphalopodes ( § 5 o ) l’indice évident d’un centre nerveux propre aux organes des sens et du mouvement.

§ 738. Dans les animaux vertébrés *, le système ner- veux consiste en une masse centrale propre à eux , et composée d’un cordon longitudinal, la moelle, la figure gangliforme n’est, plus apparente, et dont l’extré- mité supérieure ou crânienne, divisée en trois paires de cordons, présente des renflemens et des développe- mens dont la réunion forme l’encéphale; ce sont, suc- cessivement d’arrière en avant , le cervelet, les tuber-

1 Voyez l’excellent ouvrage de M. Tiedemann : Anato- mie und Bilclungsgeschichle des gehirns , etc. ; Nürnberg, 1816, traduit en français par M. Jourdan; Anatomie du cerveau, contenant l’histoire de son développement dans le fœtus, avec une exposition comparative de sa structure dans les animaux ; Paris, i8‘23 ; Desmoulins : Ej position suc- cincte du développement et des fonctions du système cérébro- spinal.

DU SYSTEME NERVEUX.

6i5

cul es quadrijumeaux, le cerveau proprement dit et les lobes olfactifs. La moelle spinale donne attache à un nombre de paires de nerfs proportionné à celui des vertèbres. Chacun de ces nerfs est pourvu d’un gang lion près de son extrémité centrale ; la portion crânienne de la moelle ( moelle allongée ) en fournit aux sens et aux autres organes de la face, à' ceux de la digestion et de la respiration. En outre, il existe de chaque côté, au-devànt de la colonne vertébrale, un cordon noueux { nerf grand sympathique ) et des ganglions et des cor- dons nerveux pour le cœur et le canal alimentaire, système nerveux particulier, qui seul ou joint au nerf pneumo-gastrique, rappelle par sa forme et par sa dis- tribution les premières apparences de ce système dans le règne animal.

§ 739. La moelle, creuse dans les animaux' ovipares , devient pleine dans les mammifères. Dans les premiers elle occupe toute la longueur du canal vertébral; dans les mammifères elle s’étend jusque dans le sacrum. Son volume est d’autant plus grand, relativement à L’encéphale, ou celui-ci est d’autant plus petit, compa- rativementàla moelle, qu’on s’éloigne plus de l’homme adulte pour arriver aux poissons. Elle est cylindrique, un peu renflée aux points tiennent les nerfs des membres. Sa portion crânienne est également renflée en proportion des nerfs qui s’y insèrent.

Le cervelet, formé par les cordons postérieurs, ou res- litormes de la moelle, épanouis, réfléchis et réunis au- dessus du quatrième ventricule, est très-simple dans les poissons osseux, beaucoup des cartilagineux, et la plu- part des reptiles. Dans les autres, et surtout dans les

6i6

ANATOMIE CENERALE.

oiseaux , il a une composition plus grande; on y aperçoit déjà des lames et un commencement d’hémi- sphères latéraux , mais dans aucun ovipare on ne trouve encore les prolongemens destinés à former la protubérance annulaire, ni cette protubérance. Dans tous les mammifères , on trouve la structure lamellée du cervelet , des hémisphères latéraux , un corps ci- liaire dans les pédoncules et une protubérance ; ces parties sont d’autant plus développées , qu’on s’élève davantage dans la classe des mammifères et qu’on s’ap- proche de l’homme. Les prolongemens du cervelet aux tubercules quadrijumeaux existent aussi dans tous les mammifères. Le ventricule du cervelet est commun aux

f

quatre classes de vertébrés.

Dans quelques poissons on trouve des lobes encé- phaliques postérieurs au cervelet; tels sont ceux qui répondent à l’origine des nerfs de l’appareil électrique de la torpille.

Les tubercules quadrijumeaux, formés par le déve- loppement des cordons latéraux ou olivaires de la moelle , paraissent exister dans tous les vertébrés , quoiqu’on ait beaucoup varié sur leur détermination. Dans tous ils sont le point principal d’origine des nerfs optiques. Dans tous ils forment, par leur réunion sur la ligne moyenne, la paroi supérieure d’une cavité située entre le ventricule du cervelet et le troisième ventricule. Ils sont d’autant plus volumineux , relati- vement à l’encéphale en général , que celui-ci est plus simple ; ils sont bijumeaux seulement dans les ovipares, et ne sont quadrijumeaux que dans les mammifères. La paire antérieure est plus volumineuse que la postérieure

l

DIT SYSTÈME NERVEUX. 6lJ

dans les ruminans, les solipèdes et les rongeurs; l’in- verse a lieu dans les carnassiers; les deux paires sont à peu près égales dans les quadrumanes et dans l’homme.

Le cerveau, proprement dit, qui résulte de l’épa- nouissement des cordons antérieurs ou pyramidaux de la moelle, entrecroisés dans tous les mammifères et dans les oiseaux de proie seulement, et point dans les autres animaux , renflés par les couches optiques et par les corps striés, présente beaucoup de différences dans son volume et sa complication, proportionnées en général au volume de ces couches et de ces corps. Les poissons cartilagineux n’ont point de cerveau (Des- moulins): dans les poissons osseux il est formé parla couche optique seule, qui est solide (Desmoulins); dans les reptiles et dans les oiseaux, par cette même couche, qui est creuse et qui ressemble un peu aux hé- misphères des mammifères; mais ces hémisphères ne recouvrent pas les tubercules quadrijumeaux ; iis n’ont encore ni lobes , ni circonvolutions , ni corps calleux. Le cerveau des mammifères ,. formé pair une membrane médullaire recourbée, dont les fibres viennent des py- ramides , des couches optiques et des corps cannelés , se rapproche peu à peu de celui de l’homme , en pré- sentant plusieurs degrés d’organisation. Les rongeurs et les chéiroptères occupent le dernier rang sous ce rapport ; leurs hémisphères ne couvrent pas tota- lement les tubercules; il y a seulement une scissure de Sylvius superficielle , à peine quelques légers sil- lons, et point de circonvolutions. Dans les carnaS;- siers, les ruminans, le cochon et le cheval, les hé- misphères, beaucoup plus volumineux et plus boni-

6i8

ANATOMIE GÉNÉRALE.

bés , couvrent une partie du cervelet ; il y a des cir- convolutions et des anfractuosités , mais il n’y a point encore de lobes postérieurs. Dans les quadru- manes , les hémisphères couvrent le cervelet , mais le lobe postérieur est encore dépourvu de circonvo- lutions.

Le corps calleux , formé par le retour vers la ligne médiane des fibres des pédoncules épanouies dans les hémisphères, n’existe point dans les ovipares. Dans les mammifères son étendue est relative à eelle des hémisphères, aussi est-il très-petit dans les rongeurs.

Les ventricules latéraux, formés par le reploiement de la membrane nerveuse des hémisphères, sont pro- portionnés cà l’étendue de ceux-ci.

La voûte n’existe point dans les poissons; on trouve les premières traces de ses piliers dans les reptiles , et plus manifestement encore dans les oiseaux. Dans tous les mammifères les piliers sont réunis pour for- mer la voûte; on trouve de plus la cloison transpa- rente et son ventricule: ces parties sont proportionnées à l’étendue des hémisphères.

La corne d’Anunon n’existe que dans le cerveau des mammifères. L’éminence uneiforme n’existe dans au- cun animal, si ce n’est peut-être dans les quadru- manes.

La glande pituitaire existe chez tous les animaux; elle est très-volumineuse, relativement à l’encéphale , dans les classes inférieures. La glande pipéale paraît manquer dans la classe des poissons.

Les lobes olfactifs terminent antérieurement 1 en- céphale. Suivant M. Desmoulins, ce sont ceux qu on

DU SYSTÈME NERVEUX. 6 IC)

appelle cerveau dans les poissons cartilagineux. Ils égalent le cerveau clans beaucoup de poissons osseux et de reptiles. Ils sont très-petits dans les oiseaux , très -développés et creux dans beaucoup de mammi- fères ; et rudimentaires dans l’espèce humaine.

Les différences principales que le centre nerveux présente dans l'homme sont donc le volume du cer- velet et du cerveau , relativement à la moelle , aux tubercules et aux lobes olfactifs; le volume des lobes latéraux du cervelet, relativement au lobe moyen ; le volume des hémisphères cérébraux, leur prolongement èn arrière ; l’existence du lobé postérieur et de ses dé- pendances; l’épaisseur de la membrane nerveuse qui

forme les hémisphères, le volume de sa masse médul-

»

iaire centrale, le nombre et la profondeur de ses sillons , le nombre et l’épaisseur de ses circonvolutions, d’où résulte une grande étendue de surfaces ; et enfin, l’étendue du corps calleux.

§ 74o. Les anciens , à partir de Galien , et beaucoup de modernes , ont regardé le système nerveux comme ayant un centre unique dans l’encéphale, et des pro- longemens (la moelle et les nerfs ). On a déjà vu que G. Bartholin avait déplacé le centre nerveux en le fixant dans la moelle épinière ; et cela en considé- rant que les poissons ont une moelle très -volumi- neuse, et un encéphale très-petit, et que ces animaux ont pourtant une grande force de mouvement. Bichat , développant quelques idées vaguement émises avant lui, sur 1 action des ganglions, établit deux systèmes nerveux distincts, l’un (cérébral, ou encéphalique et spinal) servant aux sensations «avec conscience , à l’in-

6i o

anatomie générale.

telli gence el aux mouvemens volontaires ; l’autre , ganglionnaire , servant aux fonctions qui s’exécutent sans conscience et sans volonté : il y plaça toutefois le siège des passions. M. Cuvier regarde plutôt le sys- tème nerveux comme un vaste réseau embrassant tout l’animal , ayant des centres multiples et des cordons de communication. M. Gall divise le système nerveux de la vie animale en ceux de la moelle épinière , des sens, et en ceux du cerveau et du cervelet. M. de Blainville considère le système nerveux comme di- visé en autant de parties qu’il y a de grandes fonc- tions,, et le définit des amas ou ganglions et des filets , les uns sortans., et allant dans l’organe qu’ils doivent animer, ce qui forme la vie particulière; les autres rentrans, se terminant tous à une niasse centrale, éta- blissent la vie générale , les sympathies et les rapports. La partie centrale, suivant cet ingénieux physiolo- giste , est la moelle épinière ; une autre partie com- prend les ganglions des sens et des organes du mou- vement ; une troisième , ceux des viscères, savoir les ganglions cardiaque et semi-lunaire ou cœliaque ; une quatrième et dernière comprend le grand sympathique, qui forme un centre aux ganglions viscéraux, et qui , par l’intermède des ganglions sensitifs et moteurs , les rattache à la masse centrale.

Toutes ces divisions, qui peuvent être justifiées par diverses considérations , ne sont pourtant point aussi tranchées, aussi absolues que leurs autours le préten- dent. Dans l'homme , l’encéphale ou quelqu’une de ses parties, la moelle allongée, elle est embrassée par le pont île varolé, est certainement un centre

DU SYSTEME NERVEUX.

62 I

Auquel les fonctions de routes les autres partiès du sys- tème nerveux sont plus on moins soumises. A la vérité, dans quelques-unes de ses fonctions, la moelle spinale peut aussi être considérée comme un centre peu dépen- dant; il en est de même des ganglions; il en est de même, enfin, des nerfs; car aucune partie du système n’est réduite au rôle tout-cà-fait passif de conducteur. Cette indépendance des nerfs, l’indépendance plus grande encore des ganglions, plus grande encore de la moelle, sont d’ailleurs d’autant plus marquées qu’il s’agit de telle ou de telle fonction, qu’on les observe dans tel ou tel animal, et que dans l’homme même on les observe à des époques plus ou moins avancées du dé- veloppement. On trouvera plus loin le développement de ces propositions, qu’on peut regarder comme des lois de l’innervation.

Il suffit pour le moment de faire remarquer qu’il n’y a point de séparation absolue entre les parties du système nerveux. Nous allons le considérer successi- vement dans son ensemble et dans ses principales parties, renvoyant les détails à la névrologie spéciale.

PREMIÈRE SECTION.

DU SYSTÈME NERVEUX EN GÉNÉRAL.

S 74 r - Le système nerveux 1 forme un tout continu

t

1 Th. Willis , Ccrebri analorne nervorumque descriptio et usus ; Genevœ , 1676. R. Yieussens , Neurographia univer- sahs ; Lugd. , 1684. G. Prochaska, de Structura nervorum tract, anat ; Ejusd. Cominentatio de f unction. System. 'nerw ;

6 22 ANATOMIE GENERALE.

ou un ensemble rameux et réticulé, dont toutes les parties se tiennent.

§ y42- Ce système consiste en une masse centrale , en cordons nerveux et en ganglions.

La masse nerveuse centrale, qui n’a point reçu de nom propre , et que l’on désigne sous le nom de cerveau en général , et quelquefois sous celui d’axe nerveux , d’organe cérébro-spinal , consiste elle-même en plusieurs parties que l’on distingue, par leur situa- tion, en moelle épinière ou cordon rachidien jùveXos') et en encéphale ( ’EvKtÇcthos') par leur forme et leur texture , en moelle nerveuse et en cerveau , cer- velet, et tubercules quadrijumeaux ; les lobes olfactifs rudimentaires sont regardés comme des nerfs.

La moelle est un gros cordon impair et médian, divisé par un double sillon en deux moitiés latérales , et par l’insertion des ligamens dentelés en faisceaux antérieurs et postérieurs. Ce cordon , contenu en grande partie dans le canal vertébral, est prolongé dans le crâne, et porte le nom de moelle allongée ou crâ-

in op. minor. Yicq-d’Azyr, Rech. sur la struct. du cerveau du cervelet, de la moelle allongée, delà moelle épinière, et sur l’origine des nerfs, etc. ; . in Mém. de l’Acad. des Sc. de Paris, 1781 et 1783.— A. Monro, Qbserv. on the nervous System ; Eclinb. , 1783. Ludwig , Scriptores nevrologici mi- nores sélectif etc. . ; Lipsiœ , 1791 - 9^ , 4°* F. G. Gall et Spurzheim , Recli. sur le système nerv. en général, et sur celui de cerveau en particulier; Paris, 1809. Rolando, Saggio sulla vera struttura del ccvrello delV uorno e degh animait , e soprale funzioni del sistema nervoso ; Snssari , 1809. Carus, Anat . und pkysiol. de* necveti System s y Leipzig, 181/,.

DU SYSTÈME NERVEUX. 62 3

nicnne. Dans cette dernière partie, outre les faisceaux antérieur et postérieur, il y a de chaque coté un faisceau latéral , ou moyen.

Les faisceaux moyens, renforcés par les éminences olivaires, se prolongent, pour la plus grande partie, dans les tubercules quadrijumeaux , et s’y terminent. Les faisceaux postérieurs, après s’être renforcés dans le corps festonné ou rhomboïdal, s’épanouissent dans le cervelet et le forment; se prolongeant au delà , ils se réunissent d’une part sur la ligne médiane , sous la moelle allongée, ils. forment la protubérance an- nulaire ou le pont de varole, et d’un autre côté s’u- nissent avec les tubercules quadrijumeaux. Les fais- ceaux antérieurs , après s’êtré entrecroisés , réunis à

«

une partie des latéraux, renforcés dans les couches optiques et les corps striés, s’épanouissent en rayon- nant pour former les hémisphères du cerveau , et se rejoignent sur la ligne médiane dans le corps cal- leux.

Les cordons nerveux ou les nerfs , au nombre de quarante et quelques paires , tiennent à la moelle par une extrémité ; ils présentent un certain nombre de plexus ils communiquent entre eux; des gan- glions nombreux se rencontrent dans leur trajet; les cordons se terminent par une autre extrémité dans les deux tégumens, dans les organes des sens, dans les muscles, et dans les parois des vaisseaux, surtout dans l’épaisseur des artères.

§ 743. La forme du système nerveux est , en général , symétrique; la symétrie est surtout très-marquée dans «es parties centrales , plus encore dans la moelle que

ANATOMIE GÉNÉRALE.

624

dans l’encéphale , la surface des lobes du cerveau et du cervelet présente toujours des irrégularités. Les nerfs qui tiennent immédiatement à la moelle sont tous symétriques, excepté le pneumo-gastrique , qui se distribue à des organes asymétriques ; tous cependant cessent d’être, dans leurs dernières divi- sions , aussi rigoureusement symétriques que dans leurs troncs. Les ganglions et les nerfs qui appartiennent aux organes asymétriques des fonctions végétatives participent dès leurs parties centrales, mais surtout dans leurs divisions et à leurs extrémités périphé- riques, à l’irrégularité de ces organes.

§ y44‘ La situation du système nerveux est inté- rieure et centrale pour ses masses, profonde encore pour les cordons nerveux : les extrémités seules de ces cordons aboutissent aux surfaces du corps, aux deux tégumens.

§ 745. Le système nerveux est formé de deux subs- tances distinguées, par leur couleur et leur situation respective, en blanche ou médullaire, et en grise ou corticale.

§ 746* La substance nerveuse blanche, appelée aussi médullaire, medullaris , parce que, le plus souvent elle est enveloppée par l’autre , présente plusieurs nuances de blanc.

Sa consistance varie un peu dans les différentes parties. Elle est en général moins élastique que de la gélatine, mais un peu plus glutineuse , visqueuse ou tenace. La section est uniforme en couleur, et en ap- parence homogène : on y aperçoit seulement des points rouges ou des stries sanguines. En effet , cette subs-

DU SYSTEME NERVEUX.

62 5

tance est très -vasculaire ; quand on la déchire, les vaisseaux sanguins rompus font saillie à la surface inégale de la déchirure.

O

La substance nerveuse blanche, trempée pendant quelques minutes dans l’huile bouillante , ou plongée pendant quelques jours dans l’alcohol, dans les acides nitrique ou muriatique affaiblis, dans lalcohol aci- dulé, ou dans une solution de sublimé corrosif, aug- mente en consistance; et si on essaye alors de la dis- tendre et de la rompre , dans un sens ou dans un autre , on voit qu elle offre une apparence fibreuse. On peut en séparer des filamens blancs, fins comme des che- veux. Les fibrilles les plus fines qu’on puisse obtenir sont si délicates et si étroitement unies entre elles , qu’il est très-difficile de rien assurer touchant leur longueur et le diamètre des plus fines ou des fibrilles primitives. Ces fibrilles, parallèles ou concentriques, sont réunies en faisceaux qui ont, les uns à l’égard des autres , diverses directions. On ne sait pas exacte- ment si cette disposition fibreuse existe dans tout le système nerveux ; seulement on l’a trouvée partout on l’a cherchée, et toujours on l’a retrouvée la même dans les mêmes parties.

Cette structure fibreuse est visible dans quelques parties du système nerveux sans aucune préparation ; presque partout on trouve plus de difficulté à déchirer cette substance dans un sens que dans l’autre , et pré- cisément dans le sens suivant lequel les préparations chimiques indiquées montrent la direction des fibres.

La substance nerveuse blanche desséchée acquiert une couleur jaunâtre et une apparence cornée; coupée

4o

1.

6a6

ANATOMIE GÉNÉRALE,

en ti anches minces , elles devient demi transparente * plongée dans l’eau , elle reprend sa couleur et son opacité.

§ 747* La substance grise *, cinerea , appelée aussi corticale, parce quelle enveloppe dans beaucoup d’en- droits la précédente, présente comme elle, et même plus encore, des variétés de nuance : elle varie du gris de plomb à la teinte brune noirâtre. Cette substance est toujours plus molle que la blanche. La surface de son incision est uniforme , et présente seulement des points et des stries rouges , plus nombreux encore que dans la substance médullaire. Cette substance, en effet, est, en quelques points au moins, beaucoup plus vasculaire que la blanche. Celle qui forme l’écorce du cerveau et du cervelet contient tant de vaisseaux, que, quand elle a été bien injectée , et macérée ensuite , elle paraît au microscope entièrement vasculaire. Albinus 1 2 cepen- dant affirme, et avec raison, que dans ce cas même il reste évidemment une partie non injectable, ou extra- vasculaire. La substance grise, soumise aux mêmes préparations chimiques que la substance blanche, ne présente pas dans sa déchirure une apparence fibreuse tout-à-fait semblable à la sienne. Soumise à l’action de l’eau , la substance nerveuse grise devient plus molle, se gonfle un peu , et perd une grande partie de sa couleur. Les acides, l’alcohol , et surtout le sublimé corrosif, la blanchissent aussi en la durcissant; des- séchée ensuite, elle devient pulvérulente. La couleur,

1 Ludwig , de Cinerea cerebri substantia .

2 Acad, annot. , lib. /, cap. 12.

DU SYSTÈME NERVEUX. 627

un peu variable suivant les races et les individus , pa- raît être un produit de la matière colorante du sang.

§ 748. Les deux substances nerveuses sont diverse- ment entremêlées l’une avec l’autre, dans les diverses parties du système nerveux : dans les lobes ou hémi- sphères du cerveau et du cervelet , la substance grise forme une enveloppe ou une écorce à la blanche; dans la moelle épinière , la substance grise forme deux cordons intérieurs, enveloppés par la substance blanche ; dans la moelle allongée et dans les pédon- cules du cerveau et du cervelet , on trouve des amas ou noyaux de substance grise, enveloppés de subs- tance blanche, des lames ou couches alternatives des deux substances, des cordons ou fibres de l’une et de l’autre , qui se croisent ou se traversent réciproque- ment ; dans les ganglions , une substance grise parti- culière, traversée par des fibres blanches; dans les nerfs, enfin, des fibres blanches seulement.

La substance blanche forme seule un tout continu. La substance grise au contraire ne se rencontre que par places; on la trouve partout sont implantées les ex- trémités centrales des nerfs; on a supposé même qu’elle existait aussi à leur extrémité périphérique, et notam- ment dans le corps muqueux de la peau ; on la trouve encore les fibres blanches prennent de l’accrois- sement et semblent s’épanouir, comme dans les pédon- cules du cerveau et du cervelet; on la trouve enfin à la surface du cervelet, du cerveau; on a cru même, mais sans preuve, qu’elle existait dans les ganglions.

La texture fibreuse de la substance nerveuse avait déjà été aperçue dans la substance blanche par Mal-

G'i 3

ANATOMIE GENERALE.

pighi, niais il regardait la substance grise conime^/a«. diileuse.

Cette idée de Malpighi sur la substance grise , a été long-temps admise conjointement avec l’opinion hypo- thétique que les nerfs sont creux ou canaliculés. On a substitué ensuite à l’idée de Malpighi sur la subs- tance grise, celles d’un point d’origine ( Gall ), et d’un centre d’action (Ludwig, etc.).

§ y 49* La substance nerveuse, soit blanche, soit grise, examinée au microscope 1 , et grossie d’environ trois cents diamètres , paraît dans toutes ses parties composée de globules demi - diaphanes , réunis par une substance transparente et visqueuse. Ces glo- bules ont paru à Dellatorre différens en volume dans le cerveau, le cervelet, la moelle et les nerfs, les plus gros étant dans le cerveau, et les plus fins dans les nerfs ; ces globules lui ont paru en- tassés sans ordre dans la masse nerveuse centrale, et en séries linéaires dans les nerfs; quant au liquide dans lequel ils sont contenus , il lui a paru peu vis- queux dans l’encéphale , plus dans la moelle épi- nière, et plus encore dans les nerfs. Ces globules et le liquide dans lequel ils sont plongés, fournis et ré- parés continuellement par l’abord du sang artériel, se porteraient, suivant lui, du cerveau , comme d’un centre, à tout le corps, et réciproquement; leur flux

1 J. M. Dellatorre, Nuove osserv. micros in Napoli, 1776.

Procliaska , de Struct. nervor. J. et Ch. Wenzell , de Penitiori struct. cerebri ; Tubing. , 1812. A. Barba , Osserv. microsc. sul cervello e suite parti adjaccnti ; Napoli , 1807.

Home et Bauer, Philos, trans.; ann. 1821.

DU SYSTÈME NERVEUX. Ô2Ç)

du cerveau aux muscles déterminerait le mouvement, leur reflux des sens au cerveau produirait le senti- ment. Cette explication inadmissible doit être séparée de l'observation anatomique assez exacte sur laquelle elle repose.

Prochaska ayant examiné au microscope une lame de substance nerveuse assez mince pour être trans- parente , a trouvé qu elle ressemblait à une sorte de pulpe formée de globules ou particules rondes in- nombrables ; par l’action de l’eau cette pulpe se di- vise en petits flocons , et chaque flocule est encore composé d’un certain nombre de globules; la macéra- tion, prolongée même pendant trois mois, est insuf- fisante pour séparer les globules les uns des autres.

Il en conclut que le moyen d’union est un tissu cellu- laire délicat, formé en partie par les vaisseaux san- guins, et en partie par des prolongemens de l’enve- loppe du système nerveux : les globules lui ont paru de volume différent dans une même partie du système ; il évalue le volume de ceux*du cerveau et du cervelet à environ un huitième de celui des globules du sang; quant à la structure des globules eux-mêmes , les plus > puissans microscopes n’apprennent rien à ce sujet.

Barba a observé les globules, et n’a pas trouvé de différence dans la substance qui les réunit entre eux dans les différentes parties du système nerveux.

Les frères Wenzell ont ajouté quelques observations à celles-là; ils ont trouvé la substance nerveuse par- tout formée de globules qu’ils regardent comme des vésicules remplies de substance médullaire ou cen- drée, suivant les parties; les globules semblent se

63o

anatomie générale.

toucher ou adhérer, et on n’aperçoit rien entre eux. Cette apparence globulaire résiste à la dessiccation , à l’action de l’alcohol, soit pur, soit acidulé.

MM. Home et Bauer ont publié deux résultats dif- férens d’observations microscopiques : suivant leurs premières recherches, le cerveau frais serait composé de fibres formées par la réunion de globules d’un diamètre à peu près semblable à ceux du pus. Sui- vant leurs nouvelles observations, la substance ner- veuse serait composée de globules blancs, demi-trans- parens, les uns du volume de ceux qui forment le noyau des particules colorées du sang, les autres plus petits; de substance gélatineuse, transparente et so- luble dans l’eau, et d’un liquide semblable au sérum du sang : la proportion de ces trois parties , les glo- bules, la gelée et le sérum , ainsi que le volume des globules, donneraient lieu aux principales différences que présente le système nerveux. La substance grise présente peu de fibres uniglobulaires distinctes , elle est formée surtout de très-petits globules, la substance gélatineuse et le liquide séreux y sont très-abondans. La substance médullaire des hémisphères du cerveau et du cervelet contient des fibres formées de séries li- néaires de globules plus distinctes, plus abondantes; la majeure partie des globules qui les composent sont d’un diamètre plus grand; la substance gélatineuse est plus tenace et en moindre proportion que dans la subs- tance grise. Le corps calleux et le bulbe rachidien ont surtout des globules d’un diamètre moyen , la subs- tance gélatineuse et le sérum sont plus abondans que dans les hémisphères, et la première est moins tenace.

DU SYSTEME NERVEUX.

63 r

DUns les nerfs on trouve des globules de tous les dia- mètres réunis en fibres, et celles-ci en faisceaux. La ma- tière gélatineuse dont il s’agit ici se retrouverait dans le sang, elle servirait de moyen d'union aux parti- cules de la matière colorante qui entoure les globules.

M. H. M. Edwards publie 1 dans ce moment dès ob- servations microscopiques d’après lesquelles la subs- tance nerveuse de l’encéphale, delà moelle, des nerfs, dans les quatre classes de vertèbres, est composée de globules microscopiques de de millimètre réunis en séries de manière à former des fibres primitives dont la longueur est assez considérable.

J’ai vérifié ces observations , dont l’importance est d’autant plus grande que l’on trouve des globules sem- blables, mais arrangés un peu différemment, dans tous les tissus des animaux.

Suivant M. Carus , les globules nerveux sont dis- posés en amas dans les masses centrales qui agissent par irradiation , et en lignes régulières dans les nerf s qui n’agissent que comme conducteurs.

§ y5o. Le tissu cellulaire qui réunit entre elles les fi- brilles nerveuses est mou et peu apparent. Ce tissu est plus condensé à la surface, où, réuni aux vaisseaux, il forme une membrane plus ou moins dense, plus ou moins vasculaire : unique pour les nerfs (névrilème) , double autour du centre nerveux (pie-mère et mé- ninge), avec un intervalle à parois contiguës établi par^me membrane séreuse ( Tarachnoïde ).

1 Mémoire sur la stucturc élémentaire (les principaux tissus organiques des animaux : Thèse ; Paris , 3o juillet iB'23.

632

ANATOMIE GENERALE.

§ 7 5 1 . Les vaisseaux sanguins' du système nerveux sont très - nombreux. Ils se ramifient d’abord beau- coup dans l’enveloppe immédiate de ce tissu ( névri- lème et pie-mère.) ; ils pénètrent ensuite dans la subs- tance grise, ils sont extrêmement abondans; ils pé- nètrent enfin dans la substance blanche, ils sont beaucoup plus fins et moins nombreux. On ne connaît point de vaisseaux lymphatiques dans le système ner- veux.

§ 702. La substance nerveuse a été examinée sous le rapport chimique par Thouret, Fourcroy et M. Vau- q ne lin.

L’analyse du cerveau, faite par M. Vauquelin , a donné les résultats suivans : eau 8o,oo; matière grasse blanche 4, 5 3 ; ‘matière grasse rougeâtre 0,70; albu- mine 7,00; osmazome i,ia; phosphore i,5oj acides, sels et soufre 5,i5.

D’après les expériences de cet habile chimiste, la moelle et les nerfs auroient la même composition que le cerveau.

M. John a reconnu que la substance grise ne con- tient point de phosphore.

M. Chevreul a trouvé dans le sang une matière ca-

ractéristique de la substance nerveuse : la eérébrine.

§ 753. Les propriétés vitales du système nerveux le distinguent essentiellement de tous les autres genres d’organes j outre la faculté commune à toutes les par- ties des corps vivans de se nourrir, il possède une autre propriété active tout-à-fait spéciale quon appelle force nerveuse, puissance nerveuse, influence ner- veuse 5 elle se manifeste par les fonctions de ce sys-

DU SYSTEME NERVEUX.

633

tèine, désignées sous le nom collectif d’innervation.

§ 754. L’innervation r, beaucoup trop restreinte par ceux qui la bornent à la sensation et à la volition , tient sous sa dépendance, d’une manière plus ou moins di- recte, tous les phénomènes delà vie. Les physiologistes modernes, en constatant cette prééminence du système nerveux, ont mis à même, en s’appuyant sur les obser- vations d’anatomie et de physiologie comparatives, sur les observations de l’embryogénésie , et sur les obser- vations et les expériences physiologiques et pathologi- ques d’établir quelques lois de l’innervation. En gé- néral le système nerveux a d’autant plus d’influence sur le reste de l organisme, que l’animal plus élevé dans la série a ce système plus développé. Dans l’espèce hu- maine le système nerveux a d’autant plus d’influence sur les fonctions, que l’individu, plus éloigné de l’état d’embryon, a également ce système plus perfectionné. L’influence de l’innervation sur une autre fonction est d’autant plus marquée que cette fonction s’éloigne da- vantage du but des fonctions végétatives. L’influence du centre nerveux , sur le reste du système, est d’au- tant plus grande et plus nécessaire que le centre est plus développé , plus volumineux relativement au reste du système, et surtout que les parties diverses de la masse centrale sont plus exactement rassemblées vers

1 Rolando , op. cit. , et Journal de physiologie , tome III. Georget , de la Physiologie du système nerveux , etc. ; Paris , 1821. Flourens, Recherches physiques sur les pro- priétés et les fonctions du système nerveux , etc.; in archives générales de médecine, vol. II. Fodéré, Recher, expériment. sur le système nerveux ; in Journ. de physiol , tom. III.

anatomie générale.

634

un point unique ; c’est sous ce dernier rapport surtout que le système nerveux de l’homme diffère de celui des animaux.

§y55. Les opérations mentales les plus élevées s’exer- cent sur des résultats, et se manifestent par l’intermé- diaire de l’action nerveuse ; il est donc vrai de dire que V homme est une intelligence servie par des organes .

Les actions de combinaison, intermédiaires à la sen- sation et à la volition , qui constituent une apparence d’intelligence, ou l’instinct perfectionné des animaux vertébrés, appartiennent aussi à l’innervation.

L’instinct le plus borné, qui, dans tous les animaux , même les plus imparfaits, lie nécessairement certains mouvemens à certaines sensations est encore une action nerveuse.

La sensation et la volition , quels que soient les phé- nomènes intermédiaires, sont encore des actions du même genre.

Les phénomènes d’irritation, c’est-à-dire l’im- pression non sentie et le mouvement involontaire, sont eux-mêmes plus ou moins dépendans de l’action ner- veuse. Dans le canal intestinal , le cœur, etc., ordinaire- ment l’impression n’est pas sentie, et la contraction mus- culaire n’est pas voulue , mais déjà pourtant le système nerveux intervient ; car si dans l’ordre régulier 1 im- pression ne va pas au delà des ganglions , et si la con- traction musculaire en est le résultat nécessaire, ca- ractère de l’irritabilité, dans certains cas d impression extraordinaire la sensation en résulte j et de même , quand la volonté est troublée par les passions, les mouvemens musculaires intérieurs s’en ressentent.

DU SYSTEME NERVEUX.

6 35

Dans les vaisseaux, et particulièrement clans les ar- térioles , l’action nerveuse est très-évidente. Dans le tissu cellulaire, l’impression et la contraction étroi- tement liées, et désignées parle nom unique de toni- cité, paraissent peu dépendantes du système nerveux, mais n’y sont pourtant point étrangères.

L’influence nerveuse n’est point limitée aux seuls or- ganes ou parties solides, le sang 1 en éprouve les effets.

§ y 56. Les fonctions deformation et d’entretien, c’est- à-dire, les fonctions nutritives et génitales, sont aussi toutes plus ou moins dépendantes de l’innervation.

La digestion 2 , non-seulement les sensations et les mouvemens qui ont lieu à l’entrée de ses organes , mais l’action même de l’estomac, est soumise à l’innervation $ on sait depuis assez long-temps déjà que la section des nerfs de l’estomac ôte à cet organe la faculté de di- gérer et de pousser les alimens dans les intestins.

La respiration n’est pas moins soumise à l’influence nerveuse ; la section des nerfs du poumon détermine bientôt l’asphyxie et la mort.

La circulation, surtout l’action du cœur et des artères capillaires, est également sous la même influence.

La sécrétion est évidemment aussi sous l’influence de l’innervation. Des expériences directes montrent que la section des nerfs d’un organe y suspend la sécrétion. L’inhalation ou absorption est également

1 G. A. Treviranus , Biologici , B. 4 j page 646. Idem, V ermischte Schriften , etc. B. I, page 99.

2 A. Brunn, Expcrim. circa lignt. nervorum . Vavasseur, De l’influence du système nerveux sur la digestion stomacale : Thèse \ Paris, 12 août 1823.

6 36

ANATOMIE GENERALE.

modifiée par l’action nerveuse. La nutrition ou for- mation organique, sans être un résultat immédiat de la force nerveuse, est pourtant soumise à son in- fluence. La chaleur animale en est plus évidemment encore dépendante. Les expériences physiologiques de MM. Brodie et Chossat ont mis hors de doute cette influence : les expériences chimiques et physiologiques de MM. Dulong et Despretz ont démontré que cette chaleur ne pouvait pas dépendre tout entière de la respiration.

On voit de même dans la génération , les sensa- tions et les mouvemens volontaires qui l’accompa- gnent; les mouvemens d’irritation; les phénomènes de sécrétion du sperme et de formation des ovules; ceux de la nutrition et de l’accroissement de l’œuf fé- condé, être tous, mais plus ou moins directement, sou- mis à l’action nerveuse.

§ 757. La sympathie ou la coexistence de deux phé- nomènes de formation , d’irritation , de sensation ou de volition , dans des parties différentes , et par 1 action d’un seul agent , fait le plus extraordinaire de l’orga- nisme, est encore un effet de l’action nerveuse.

§ 7^8. Quel rapport existe-t-il entre les diverses par- ties du système nerveux relativement à ses fonctions? Y a-t-il un seul centre, soit la moelle, soit l’encéphale? ou bien y a-t-il deux centres, savoir : un cérébral et un ganglionnaire? ou bien enfin, y a-t-il autant de cen- tres distincts qu’il y a d'organes principaux ou de grandes fonctions? Ces opinions, toutes fondées sur des observations, sont toutes vraies dans de certaines limites.

DU SYSTÈME NERVEUX. 63j

Dans l’homme adulte, le système nerveux forme un système unique dont toutes les parties concourent à l’action de l’ensemble, à l’innervation, mais en outre chacune à sa fonction propre. Ainsi le cerveau et le cervelet, outre leurs fonctions particulières , augmen- tent l’énergie de la moelle, celle-ci augmente celle des nerfs, dans l’homme adulte, l’encéphale et plus précisément encore le mésocéphale, c est-à-dire 1 extré- mité crânienne de la moelle, l’endroit d’où naissent les pédoncules du cervelet et du cerveau, est vraiment le centre d action du système nerveux.

§ 759. Quel rapport existe-t-il entre les deux subs- tances du système nerveux, et quel est leur usage particulier ?

M. Gall regarde la substance grise comme la subs- tance matrice des nerfs, comme une couche fertile dans laquelle les nerfs sont enracinés, et d’où dépend leur nutrition et leur accroissement; si M. Gall avait entendu par-là qu’il y eût une véritable production ou végétation , il aurait tort , car d’une part aucune partie n’est le produit de l’autre , toutes sont déposées par les vaisseaux chacune à leur place, et d’un autre côté la substance blanche apparaît avant la grise,, soit dans le règne animal soit dans l’embryon. S’il n’a voulu parler que d’une implantation il a eu raison.

[On doit regarder avec Ludwig, M. Gall, M. Carus et M. Tiedemann, la substance grise, comme un centre d’activité , comme fortifiant l’action des parties blan- ches qui y sont implantées, en tant surtout qu elle produit cet effet par la grande quantité de sang artériel qui la parcourt. Cette substance abonde dans la moelle,

638

ANATOMIE GÉNÉRALE.

tiennent les plus gros nerfs ; elle abonde égale- ment dans le corps rhomboïdal du cervelet , et dans les corps optiques et cannelés du cerveau, ainsi qu’à la surface de ces deux organes dans l’homme.

§ 760. Quelle est la fonction particulière’ de cha- cune des parties du système nerveux ?

Les nerfs (Sect. Il) conduisent les impressions des surfaces vers le centre, et le principe des mouvemens du centre vers les muscles et les vaisseaux.

Les ganglions ( Sect. III) , à raison de la quantité de sang qui s’y distribue, et à raison de leur texture par- ticulière , modifient l’action nerveuse.

La masse nerveuse centrale remplit les parties les plus importantes de la fonction d’innervation; elle est l’instrument de l’intelligence.

Les actions de combinaison, intermédiaires aux sensations et aux voûtions , sont aussi des fonctions de l’encéphale.

L’instinct, également intermédiaire à ces deux ordres de phénomènes, s’il est attaché à une partie nerveuse spéciale, a probablement son siège dans la partie su- périeure de la moelle.

On' s’est souvent occupé de déterminer par l’obser- vation et par l’expérimentation , le siège organique de la sensation et de la volition.

M. Roflando regarde les hémisphères du cerveau comme le siège de ces deux actions , et le cervelet , comme d’organe qui envoie aux muscles le principe # moteur sous la direction du cerveau.

Suivant M. Flourens, la moelle, à l’endroit elle

I)ü SYSTÈME NERVEUX. 639

«st surmontée des tubercules quadrijumeaux, serait le point commun d’arrivée des sensations , et de départ de l’influence nerveuse des mouvemens musculaires. Le cervelet, suivant ce physiologiste, serait le balan- cier ou le coordonnateur des mouvemens ; suivant lui l’ablation du cervelet rend l’animal incapable d’agir d’une manière régulière et coordonnée pour la station et pour la locomotion.

M. Magendie, se fondant sur les expériences de Lorry, de Legallois, et sur les siennes propres, pense que la sensibilité est inhérente à la moelle épinière. Cet habile physiologiste est d’avis que la volonté ou la faculté de déterminer les mouvemens muscu- laires réside dans la partie la plus élevée de la moelle crânienne, jusque dans les tubercules optiques et les pédoncules du cerveau; que les tubercules optiques sont nécessaires aux mouvemens latéraux ; que les hémisphères cérébaux sont nécessaires pour la pro- duction du mouvement en avant, et le cervelet pour le mouvement contraire. La soustration de l’un ou de l’autre de ces organes supprime son action , et déter- mine l’action irrésistible de l’autre; la soustraction d’une couche optique détermine un mouvement de tournoiement.

MM. Foville et Pinel Grandchamps ont été con- duits par des observations d’anatomie morbide, aux- quelles ils ont joint des expériences sur les animaux , à établir le siège de la sensibilité dans le cervelet, et celui du mouvement volontaire dans la substance médullaire des hémisphères ; la partie antérieure et le corps strié pour le membre abdominal, la couche

64° ANATOMIE GÉNÉRAI, E.

optique et la partie postérieure del’hémisphère pour le membre supérieur.

M.Dugès r, par un rapprochement ingénieux de faits physiologiques et pathologiques, place également le siège de la sensibilité dans le cervelet , et celui du mouvement volontaire dans les hémisphères du cer- veau, en admettant, que la sensation est transmise di- rectement au côté du cervelet correspondant à l’im- pression ; au contraire, comme on le sait depuis. long- temps, la volition est transmise d’un côté du cerveau au côté opposé du corps.

Ces diverses opinions qui se contredisent en quel- ques points , reposent les unes et les autres sur des faits plus ou moins bien observés; de nouveaux faits sont nécessaires pour dissiper les incertitudes qui restent encore sur ce sujet.

La transmission du sentiment a lieu par la partie postérieure de la moelle épinière, et celle du mou- vement par sa partie antérieure. 11 y a , comme on le . le verra plus loin, des nerfs spéciaux pour chacune de ces fonctions.

La moelle , qui dans ces fonctions ne remplit que le rôle de conducteur, est le siège ou l’origine du prin- cipe de l'irritabilité. Si l’on divise à sa partie moyenne la moelle épinière d’un animal vivant, la partie posté- rieure du corps devient insensible et immobile. Si 1 on irrite la peau de cette partie du corps, 1 irritation non sentie détermine des mouvemens involontaires dans les muscles de cette partie. Si la moelle est enlevée et

Mémoire inédit.

DU SYSTÈME NERVEUX.

6’4i

par les connexions centrales des nerfs détruites , on ne pourra plus déterminer de mouvemens en irritant la peau.

La circulation est sous l’influence de la moelle toute entière , et de tous les nerfs moteurs qui y tien- nent ; l’action particulière du cœur aussi, mais médiate- ment, et immédiatement sous l’influence du nerf sym- pathique. La respiration est sous la direction de la partie supérieure et latérale de la moelle ; la diges- tion sous l’influence combinée des nerfs vague et sympathique.

La sécrétion, l’absorption, la chaleur vitale et la nutrition, sous l’influence de toutes les parties du sys- tème nerveux.

§ 761. On ne sait rien sur la manière dont le système nerveux produit l’innervation. Ce fait échappant à l’observation, une foule d’hypothèses ont été propo- sées : elles ont varié avec les doctrines dominantes à chaque époque.

On a essayé d’expliquer Faction nerveuse par des hypothèses mécaniques : soit en supposant que les fibres nerveuses pouvaient vibrer à la manière des cordes; soit en admettant seulement de pareilles vi- brations dans leurs fibrilles élémentaires, ou dans des fibrilles spirales qu’on y supposait ; ou enfin par un ébranlement dans les globules élastiques dont on y avait deviné F existence.

On a fondé d’autres explications sur la supposition d’un fluide nerveux : soit grossier et visible, soit plus généralement un fluide incoercible ; et , dans cette dernière supposition, on l’a tantôt appelé éther,

41

1.

anatomie générale.

642

tantôt phlogistique ou magnétique, lumineux, élec- trique; en dernier lieu galvanique, suivant les ob- jets qui ont fixé à diverses époques l’attention des physiciens.

Reil a proposé à ce sujet une hypothèse qui consiste à faire dériver l’action nerveuse d’un procédé chimico- vital. Il attribue en général l’action des parties orga- niques à leur forme et à leur composition. La forme et la composition des parties organiques étant chan- gées, leur action l’est toujours ; et toutes les fois que l’action est changée, il y a des changemens obser- vables dans les parties; de sorte qu’en règle générale, le changement d’action est la conséquence d’un chan- gement de composition des parties : l’action nerveuse suppose donc un changement dans la substance ner- veuse. Ce qui paraît surtout favorable à cette hypo- thèse de Reil, c’est l’abondance de sang artériel qui se distribue dans le système nerveux , et surtout dans la substance grise, dont le volume est toujours relatif à l’activité nerveuse ( § 759).

§ 7 62. On pourrait, indépendamment de toute hypo- thèse, considérer l’action nerveuse comme un lait gé- néral, et en observer les phénomènes et les conditions. Les phénomènes de l’innervation ne sont pas sensibles dans le nerf, comme ceux de la contraction muscu- laire dans le muscle : on n’y voit rien; cependant quelques faits semblent indiquer qu’il y a pour la sen- sation un mouvement quelconque dans la substance nerveuse en action. La sensation résultant de l’im- pression faite par la lumière sur l’œil n’est pas instan- tanée ; l’ébranlement ou la pression de l’œil dans

DU SYSTÈME NERVEUX. 6 4 3

l’obscurité donne lieu à la sensation de lumière, etc. Beaucoup d autres faits rassemblés par Darwin sem- bleraient indiquer qu’il y a dans la sensation un mou- vement moléculaire de la substance nerveuse qui n’est pas instantané. D’un autre côté, beaucoup de faits semblent indiquer que le système nerveux est l’organe formateur et conducteur d’un agent impondérable ana- logue à l’agent électrique ou galvanique. Cet agent de l’innervation, dont l’existence a été prévue par Reil, reconnue par M. de Humboldt et par Aldini, admise et soutenue avec tant de talent par M. Cuvier , permet d’expliquer facilement tous les phénomènes de l’innervation , et notamment le rapport qui existe entre l’action nerveuse engourdissante des poissons électri- ques et les phénomènes galvaniques d’une part, et l’ac- tion nerveuse ordinaire de l’autre ; la possibilité de dé- terminer des phénomènes galvaniques avec des nerfs et des muscles seuls ; la possibilité de déterminer des contractions musculaires, l’action chimiliante de l’estomac, l’action respiratoire du poumon, etc., en remplaçant l’influence nerveuse par l’action galva- nique; l’existence d’une atsmosphère nerveuse, agis- sant à distance autour des nerfs et des muscles, et à travers la solution de continuité des nerfs divisés; le plissement qui s’opère dans la fibre musculaire en contraction, et le rapport des dernières fibrilles ner- veuses transverses avec ces plis, phénomène d’inner- vation qui se rapproche de certains phénomènes électro-magnétiques, etc.

Ces opinions ont paru si vraisemblables à M. Ro- lande, qu’il a cherché la source de l’agent nerveux de la

ANATOMIE GÉNÉRALE.

644

contraction dans le cervelet , qui, à raison de ses lames, lui a paru devoir agir à la manière d’une pile de Volta, et qu’il a admis dans la sensation un mou- vement moléculaire de la pulpe.

Quoi qu’il en soit, la force nerveuse s’affaiblit et s’épuise par les opérations intellectuelles, par le tra- vail des sens, des muscles et de l’encéphale, et plus encore par la douleur ; elle se répare par le repos, l’alimentation et le sommeil. Son énergie, en général et en particulier, est relative à la masse du système nerveux tout entier et de ses parties, et surtout à la masse de la substance grise, qui est la plus vasculaire; elle est relative aussi à l’étendué des surfaces Elle per- siste quelque temps après la mort dans les nerfs et dans les muscles.

Cette force semble résulter de l’action d’un fluide subtil , formé par l’action organique de la substance nerveuse arrosée par le sang artériel. Il paraît que ce fluide est formé partout, mais surtout la sub- stance nerveuse grise et vasculaire est amassée. Ce liquide subtil semble parcourir l’intérieur et la sur- face des nerfs, leur former une athmosplière^ et au delà de leurs extrémités pénétrer ou imprégner tous les organes et les humeurs elles-mêmes. Le sang par- ticulièrement paraît être pénétré du même fluide, et lui devoir les propriétés essentielles qui le distinguent pendant la vie.

Cependant le sang artériel fournit au système ner- veux la matière de son action ; aussi l’abord du sang artériel est une condition de cette action.

L’asphyxie, dont on a tant cherché la cause dans

DU SYSTEME NERVEUX.

645

l’interruption du passage du sang à travers le pou- mon ( Haller) , dans l’arrivée du sang, resté veineux dans le ventricule gauche ( Godwin ) , dans la péné- tration de ce sang dans la substance nlusculaire du cœur ( Bichat ) , résulte bien plutôt de la pénétration du sang brun dans la substance nerveuse ; de même la syncope dépend de l’interruption de l’innervation du cœur : la vie étant essentiellement liée à l’action ré- ciproque du sang sur la substance nerveuse, et de la substance nerveuse sur le sang.

L’agent nerveux résulte-t-il directement et unique- ment de l’action réciproque du sang et de la substance nerveuse P est-il puisé au dehors? peut-il passer d’un individu à un autre? résulte-t-il de l’opposition des substances blanche et grise ? de l’action de la fibre nerveuse sur la fibre musculaire ? L’action nerveuse serait alors comparable à une décharge électrique.

§ y63. L’action nerveuse est excitée ou mise en jeu par des stimulans externes ou internes.

§ 764. Les premiers momens de la formation et du développement 1 du système nerveux ne peuvent être saisis par l’observation. Ce système existe- t-il dès le commencement, et la génération ne résulte-t-elle que .de la réunion du système ceilulo-vasculaire fourni par la mère, et du système nerveux fourni par le mâle (Rolando)? le système nerveux commence-t-il parla formation du ganglion cardiaque, et se développe-t-il successivement par le nerf grand sympathique et le reste du système ( Ackermann ) ?

' Ackermann , de Systematis nervei primordiis ; llei- delb., i8i3. Tiedenian, op. cit.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

646

Ce que l’observation a appris, c’est que les nerfs et les ganglions spinaux se forment avant la moelle, et celle-ci, avant l’encéphale., c’est-à-dire, avant le cer- velet, les tubercules et le cerveau.

La moelle d’abord ouverte en arrière comme une gouttière, puis creuse comme un canal par le rappro- chement de ses bords , devient à la fin solide. Elle oc- cupe d’abord toute la longueur du canal vertébral. La substance blanche qui en forme l’extérieur se dépose la première; la substance grise , en se déposant ensuite à l’intérieur, en remplit la cavité.

Le cervelet, les tubercules et le cerveau, qui ne constituent d’abord que des parties plus larges de la gouttière de la moelle, se renversent, se rencontrent, s’unissent sur la ligne médiane, en présentant dans les diverses phases de leur développement la plus exacte ressemblance avec les mêmes parties des poissons, des reptiles, des oiseaux et des mammifères, en remontant des rongeurs vers les quadrumanes ydg ).

Dans le cerveau, comme dans le reste de l’encéphale et comme dans la moelle , l’accroissement en épais- seur se fait simultanément et à l’extérieur et à l’inté- rieur. C’est par-là qu’il faut expliquer, avec M. Des- moulins, l’existence d’une cavité que l’on trouve à l’âge fœtal dans l’épaisseur du centre ovale de \ieussens, entre la couche intérieure et la couche extérieure de la voûte des ventricules latéraux.

Dans lencéphale comme dans la moelle, la subs- tance grise ne se forme qu’après la blanche, et même après seulement que les libres de cette dernière se sont réunies par des commissures sur la ligne médiane.

DU SVSTEMK NERVEUX.

647

Après la naissance, l’accroissement du système ner- veux , si rapide jusque-là , se ralentit beaucoup : après l’oreille interne et l’œil, c’est la partie du corps qui croît alors le plus lentement.

Dans la vieillesse, le système nerveux éprouve une diminution sensible de volume, qui se manifeste dans l’encéphale par le rétrécissement du crâne 1 , et que l’on peut constater aussi en mesurant la moelle.

§ 765. Le système nerveux est sujet à beaucoup de

vices de conformation 2. On connaît un cas d’aneurie

«

ou privation totale du système nerveux : il été ob- servé dans un fœtus acéphale réduit à un petit tronçon informe. Il y a lin assez grand nombre de cas d’absence de l’encéphale et de la tête. Il y a un grand nombre d’exemples de privation totale du centre nerveux , les nerfs et les ganglions spinaux existans. Il y a un bien plus grand nombre encore de cas d’absence de l’encéphale , la moelle existante, ainsi que tous les nerfs de la face et du col. La moelle peut être restée ouverte, creuse, ou étendue à tout le canal. Dans certains cas le cer- velet et les tubercules existent, ainsi que les pédon- cules du cerveau et leurs renllemens optiques et striés,

1 Tenon , R.echerches sur le crâne humain, Mem. de i’Insl. sc. phys. et math, tome I.

2 A. Béclard , Mémoire sur les fœtus acéphales ; Pa- ris, i8i5. Geoffroy Saint-Hilaire , Philos, anatom., vol. II. Breschet, Dictionn. de Med., art. Acéphale, et Anencéphale. Ollivier, Essai sur l’Anatomie et les vices de conforma- tion de la moelle épinière; Paris, 1823. Laroche, Essai d Anat. -pathol. , sur les monstruosités de . la face; Pa- ris, 1823.

ANATOJMIE GENERALE.

648

et les hémisphères manquent seuls. Dans quelques cas les hémisphères sont incomplets ; les lobes moyeu ou postérieur sont dépourvus de sillons et de circonvo- lutions. Quelquefois le corps calleux manque seul ou bien il reste une cavité dans l’épaisseur de l’hémis- phère, ou dans la cloison, etc. Le cervelet peut pré- senter des défauts analogues , surtout dans le nombre de ses lames 1 2. Tous ces cas sont des imperfections ou des défauts de développement.

Il peut exister des défauts de symétrie, des défauts de proportion entre les diverses parties du système.

§ 766. La consistance du système nerveux est quel- quefois changée. Le ramollissement 3 est une altéra- tion très - fréquente d’une partie de la masse nerveuse centrale. La substance nerveuse ramollie l’est quel- quefois au point d’être presque liquide. Sa couleur est quelquefois d’un blanc de lait ; d’autres fois elle est jaunâtre, rosée, rouge, ou brune. Cette altération se rencontre dans les couches optiques, dans les corps striés, dans les hémisphères du cerveau, dans le cer- velet, dans la moelle allongée , et même dans la moelle épinière. Elle donne lieu, suivant son siège, à divers dé- rangemens des sensations, des mouvemens volontaires et des autres fonctions du système nerveux. Elle est Souvent le résultat d’une inflammation; dans quelques cas elle en paraît indépendante.

1 Reil , Archiv filr die physiologie tom. XI.

2 Malacarne , ' N euro encephalotomia ; Pavia, 1791.

3 Rostan, Recherches sur le ramollissement du cerveau .. 2e édition ; Paris, 1823.

I

DU SYSTÈME NERVEUX. 649

L’endurcissement 1 du système nerveux a été observé par M. Esquirol et par M. S. Pinel , qui l’a fort bien décrit. Le tissu nerveux endurci présente une masse compacte, d’apparence inorganique ; il ressemble, par sa couleur, sa consistance et sa densité, à du blanc d’œuf fortement durci par la coction ; on n’y aperçoit pas de vaisseaux sanguins 5 il paraît resserré sur lui-même. L’endurcissement paraît affecter particulièrement la substance blanche. On l’a observé dans des corps d’i- diots, dans le cerveau, dans le cervelet et dans la moelle, il rend très - manifeste la disposition fibreuse de la substance nerveuse blanche.

§ 767. Le système nerveux est sujet à beaucoup d’af- fections 2, dont les principales sont, dans la masse cen- trale , la congestion sanguine avec ou sans épan- chement ; l’inflammation et ses divers degrés ; les divers produits des affections chroniques, comme les abcès enkystés , les productions ds tubercules , de squirrhes, de cancers, des tumeurs fibreuses, osseuses, des hydatides, des corps étrangers. Les membranes qui enveloppent la masse nerveuse centrale sont également le siège fréquent de congestions brusques avec exha- lation sanguine ou séreuse , d’inflammation aiguë à. différens degrés, d’inflammation chronique ; on y ob- serve l’hydrocéphale aiguë , l’hydrocéphale chronique. Les affections de la substance nerveuse et celles de ses membranes peuvent se compliquer.

1 Pinel fils , Recherches sur l’endurcissement du système nerveux; Paris, 1822.

^ Lallemant, Recherches Anal.-pnth. sur l’encéphale et ses dépendances.

6 5o

ANATOMIE GENERALE.

Les affections de la moelle sont plus rares dans l’homme que celles de l’encéphale; le contraire a lieu dans les animaux.

Ces diverses altérations, suivant qu’elles sont aigues ou chroniques , suivant qu’elles agissent en irritant , en détruisant, ou en comprimant, et suivant leur siège, déterminent divers dérangemens plus ou moins graves dans les fonctions du système nerveux.

§ 768. Le tissu nerveux ne se produit point acci- dentellement : le rapprochement établi entre ce tissu et la production encéphaloïde, par M. Maunoir , re- pose sur des analogies insuffisantes.

Le tissu nerveux blessé se cicatrise quand la bles- sure est de nature à laisser survivre l’individu.

Les blessures de l’encéphale et de la moelle, quand elles ne sont pas mortelles, se réunissent comme celles des autres parties. Les blessures de l’encéphale avec perte de substance de ses enveloppes se guérissent par la formation d’une cicatrice extérieure. Ce fait a été observé par M. Duméril sur des salamandres, et par beaucoup de chirurgiens dans l’espèce humaine. Les plaies avec perte de substance du cerveau, le crâne* restant entier, se guérissent par la formation d’une substance nouvelle, molle, comme muqueuse, qui ne ressemble pas tout-à-fait à celle de l’organe, et par l’élargissement du ventricule cérébral correspondant. Les déchirures de l’encéphale produites par 1 épan- chement sanguin présentent, quand l’individu survit, des phénomènes remarquables. Le sang est bientôt en- touré par une couche de lymphe organisable ; cette couche devient vasculaire et s’unit à la substance ner-

DU SYSTEM E NEKVEUX.

i » V

6ai

veuse; le sang est successivement résorbé, soit d’abord les parties fibrineuse et cruorique , et alors il reste de la sérosité r; soit d’abord la sérosité, et il reste alors un coagulum fibrineux 1 2 auquel le kyste s’unit : à la longue, la totalité du sang étant résorbée, le kyste, res- serré peu à peu sur lui-même , contracte des adhé- rences, et devient une cicatrice jaunâtre qui disparaît peut-être à la longue.

Les cicatrices et les autres altérations des nerfs seront examinées plus loin.

§ y6g. Le système nerveux, qui joue un si grand rôle dans l’exercice régulier des fonctions, en remplit un aussi important dans la production des maladies 3: c’est lui qui reçoit et qui propage l’impression des causes morbifiques , qui détermine les mouvemens irréguliers des muscles, du cœur, des artères, qui produit les symphathies morbides; et comme son ac- tion s’étend jusque sur le tissu cellulaire qui fait la base des organes, jusque sur le sang qui les pénètre et les arrose, on conçoit qu’il n’est étranger à aucune action morbide, et qu’il est le principal agent d’un grand nombre d’entre elles.

Les maladies dites générales, essentielles, ou dyna- miques, n’ont pas de siège plus probable que les sys- tèmes nerveux et vasculaires , centres des fonctions

1 Riobé , Observations propres à résoudre cette ques- tion : l’apoplexie, etc., est-elle susceptible de guérison? Paris ; 1814.

2 Rochoux , Piecherches sur l’apoplexie; Paris, 1814.

3 Georget , Ouvrage cité. Lobstein, Discours sur la prééminence du systèuje nerveux; Strasbourg, 1821,

652

ANATOMIE GÉNÉRALE.

animales et végétatives, que le sang et 1 agent ner- veux ? qui les parcourent, et qui sont dans une dépen- dance mutuelle, intime et nécessaire.

C’est dans le rapport régulier de ces deux grands appareils et de leurs fonctions, que consistent la vie et la santé; c’est du dérangement de leur harmonie , que résultent la maladie et la mort.

SECONDE SECTION.

DES NERFS EN GENERAL.

§ 770. Les nerfs 1 , nervi, sont des cordons blancs formés de filamens médullaires, tenant par une extré- mité au centre nerveux, et par l’autre auxtégumens, aux sens , aux muscles et aux vaisseaux.

§ 771. Les anatomistes de l’école d’Italie ont connu assez exactement toutes les paires de nerfs que l’on connaît aujourd’hui, mais ils ne les ont pas classées , dé- nombrées ou nommées comme on le fait maintenant.

Willis leur a donné des noms de nombre et des noms propres, sous lesquels ils ont été en général connus de- puis lui ; savoir :

Les nerfs olfactifs;

20 Les nerfs optiques ou visuels;

Les nerfs moteurs des yeux;

Les nerfs pathétiques des yeux ;

La cinquième paire ;

1 J. C. üeil , Exercj-tationes anatomLcœ de structura net yorurn ; Halæ, 1797, fol.

DES NERFS.

653

La sixième paire;

70 La septième paire, composée d’une partie dure et d’une partie molle ou auditive;

La huitième, ou la paire vague, avec son nerf spinal ou accessoire;

La neuvième paire, ou les nerfs moteurs de la langue;

io° La dixième paire, ou le sous-occipital;

Les nerfs de la moelle spinale ;

Et le nerf intercostal ou sympathique.

M. Sœmmerino a modifié la division de Willis. Il établit quarante-trois paires de nerfs , dont douze paires de nerfs du cerveau : en divisant la septième paire de Willis en septième ou faciale, et en huitième ou au- ditive; sa huitième, en neuvième ou glosso-pharyn- gienne, en dixième ou vague, et en onzième ou acces- soire, la douzième est l’hypoglosse; et en rejetant le sous-occipital parmi les nerfs spinaux, qui sont alors au nombre de trente paires, le nerf grand sympathique forme la quarante- troisième paire. Ces modifications ont été généralement adoptées.

Bichat a distingué les nerfs encéphaliques ou crâ- niens, en ceux du cerveau, en ceux delà protubérance et en ceux de la moelle allongée. Cette division n est pas fondée sur des observations exactes.

Les nerfs peuvent être exactement distingués, en nerfs à double racine, l’une tenant à la colonne anté- rieure et l’autre à la colonne postérieure de la moelle: ce sont les nerfs spinaux , le sous-occipital et le triju- meau ou la cinquième paire des nerfs crâniens. Ces nerfs servent tout à la fois à la sensibilité et à la myo-

654 ANATOMIE GÉNÉRALE.

tilité. r2° En nerfs à une seule racine : ce sont la pre- mière paire, la seconde, la huitième, ouïes nerfs ol- factifs, visuels, auditifs; et la troisième, la qua- trième, la sixième, ou les nerfs moteurs de l’œil; et la douzième, ou les nerfs moteurs de la langue. Ces nerfs servent exclusivement, les uns à la sensibilité et les autres à la myotilité. En nerfs respiratoires, vocaux et expressifs; ils tiennent au faisceau latéral de la partie supérieure : de la moelle : ce sont, suivant M. Ch, Bell 1 , à qui l’on en doit une connaissance exacte, le nerf vague, qui est le centre de ce système, le nerf facial, le glosso-pharyngien , le spinal ou acces- soire, le diaphragmatique et le thoracique externe. En nerfs circulatoires : ils tiennent à tous les nerfs spinaux; ce sont les nerfs grands sympathiques. Ces derniers et le nerf vague appartiennent en outre au tégument intérieur, aux glandes et aux muscles in- térieurs en général. Le nerf sympathique sera décrit à part dans la section suivante.

§ 772. La forme des nerfs, est en général , cylindri- que. Leurs rameaux sont, comme dans les vaisseaux, plus gros dans leur ensemble que les troncs qui les fournissent : les nerfs vont par conséquent en gros- sissant depuis leur origine jusqu’à leur terminaison ; ils sont aussi légèrement renflés à l’origine. Leur

o o

surface présente des rides ou stries transversales, qui dépendent de rallongement qu’ils éprouvent dans les divers mouvemens : ces rides se voient très-bien à la loupe, surtout dans les nerfs des membres.

1 P h il. tran s . , ann. 182a, .part, i et 2.

DES KERFS. 6 55

I

Il y a trois choses à considérer dans les nerfs: leur origine : 20 leur trajet; leur terminaison.

§ yy'5. Il ne faut pas entendre par origine des nerfs, un point d'où ils naîtraient et sur lequel ils végéteraient , pour ainsi dire : cette origine n’est que l’extrémité cen- trale du nerf, ou celle par laquelle il tient au centre nerveux. Elle se fait, pour tous les nerfs, à la moelle épinière et à la moelle allongée; aucun ne naît des lobes du cerveau ni du cervelet. L’olfactif ne fait pas même exception à cette règle ; ce nerf tient à un pro- longement de la moelle, qui, dans les animaux, con- stitue le bulbe olfactif. On trouve quelquefois des fœtus privés de cerveau, et chez lesquels pourtant les olfac- tifs existent avec la moelle et les pédoncules du cer- veau, comme j’ai eu occasion de l’observer tout récem- ment. Bichat, tout en disant que tous les nerfs vien- nent de la moelle, fait, pour l’optique et l’olfactif, une exception qui n’est point réelle.

L'origine des nerfs est souvent située plus profondé- ment quelle ne le paraît au premier abord; de sorte que le point d’où ils se détachent n’est souvent pas leur vé- ritable origine : la cinquième paire , par exemple, ne vient pas du pont de Yarole , d’où elle semble se dé- tacher , car ce pont n’existe pas chez les animaux ovi- pares, où l'origine de ce nerf a pourtant lieu au même endroit que dans les mammifères. Il ne faut pas ce- pendant, chercher à poursuivre l’origine des nerfs au delà de la portée des sens , et les supposer partir du cer- veau ou du cervelet, comme on l’a fait pour étayer des explications hypothétiques.

On s est demandé si les nerfs s’entre-croisenl; à leur

ANATOMIE GÉNÉRALE.

656

origine ; et l’on n’a pas hésité h affirmer qu’il en est ainsi, pour expliquer des phénomènes pathologiques, dans lesquels la cause et l’effet, siégeant tous deux dans le système nerveux, présentaient une sorte d’en- tre - croisement. Voici ce que l’inspection apprend à ce sujet. Il n’y a pas d’entre-croisement sensible dans les nerfs de la moelle épinière. Il en est de même pour ceux qui viennent de cette moelle prolongée dans le crâne, si ce n’est peut-être les nerfs optiques, dans lesquels ils paraît exister au moins un entre- croise- ment partiel. Les auteurs ne sont, en effet, pas d’ac- cord sur le mode d’union de ces nerfs. Leur entre-croi- sement, admis par les uns, nié par les autres, est évi- dent dans les poissons; mais dans l’homme, quoique dans la plupart des cas l’atrophie de l’un de ces nerfs se continue du côté opposé , des observateurs dignes de foi assurent l’avoir vue se continuer du même côté. La dissection ne montre pas non plus que I entre-croise- ment ait lieu pour toutes les fibres; de sorte que l’o- pinion de ceux qui pensent qu’il n’est que partiel est la plus vraisemblable. Mais à part cette exception , l’en- tre-croisement des nerfs n’est rien moins que démon- tré. On peut en dire autant de celui des deux côtés du cerveau et du cervelet , que l’on a admis. Les pyra- mides antérieures seules présentent cette disposition , qui explique comment, dans les lésions du cerveau, les symptômes se manifestent du côté opposé de la moelle: aussi, quand celle-ci est divisée au-dessous de 1 endroit se fait l’entre-croisement, des pyramides, les symp- tômes, apparaissent-ils du mêiïie côté.

Une autre question qui a été agitée par les anato-

DES NERFS.

657

mistes, est de savoir si les nerfs se réunissent sur la ligne médiane par des commissures analogues à celles que l’on trouve entre les côtés correspondans du cer- veau et du cervelet. Cette réunion n’est évidente que dans les nerfs pathétiques. Les nerfs auditifs sont aussi quelquefois réunis, à leur origine , par des stries blan- ches, qui tapissent le fond du quatrième ventricule; mais ces stries sont loin d’être constantes, et manquent généralement dans le jeune âge.

Les nerfs naissent presque tous profondément de la substance grise, et non de la blanche, qui recouvre celle-ci, et sous laquelle ils ne font que s’enfoncer. Dans la moelle, les nerfs arrachés laissent un enfoncement qui montre qu’ils ne s’arrêtaient pas à la surface ; et lorsque la moelle est endurcie, on peut suivre les ra- cines des nerfs et les voir traverser les fibres longitu- dinales de cet organe , pour s’implanter sur la substance grise. Dans le crâne, cette disposition est également évidente pour la plupart des nerfs. Les auditifs seuls ont leur origine à la surface de la moelle allongée; mais il existe également de la substance grise au lieu d’où ils naissent : seulement cette substance est super- ficiellement placée ; elle forme le ruban gris.

Les nerfs de la moelle de l’épine naissent par deux racines j une antérieure et une postérieure, comme il a déjà été dit. Le volume respectif de ces deux racines , sur lequel on a beaucoup varié, et que M. Gall a dit être à l’avantage de la racine postérieure , n’est réelle- ment ainsi que pour les nerfs brachiaux; le contraire a lieu pour les nerfs cruraux. Ces racines se réunissent dans le trou de conjugaison, la postérieure présente

4 a

i.

658 ANATOMIE GÉNÉRALE.

un renflement ou ganglion , auquel l’antérieure est sim- plement accolée. Celle-ci ne concourt point à former ce ganglion, comme on le trouve dans la plupart destraités d’anatomie, quoique cette particularité ait été indiquée depuis long-temps par Haase , Monro et Scarpa , au- quel même on en a attribué la découverte : seulement M. Gall fait remarquer avec raison, qu’au col les ra- cines antérieures des nerfs spinaux sont molles, pul- peuses et rougeâtres; ce qui a pu en imposer aux ana- tomistes qui ont examiné cette région. Dans le crâne, les nerfs ne présentent point de racines aussi distinctes. A l’endroit les nerfs se détachent de la moelle al- longée, le névrilème les abandonne, ou s'amollit et se confond avec la pie-mère, et la substance médullaire seule se continue avec celle de l’encéphale. Les filets intérieurs du nerf sont plutôt abandonnés par le né- vrilème que les filets extérieurs : il en résulte que, quand on arrache le nerf, il se déchire plus loin en dehors qu’en dedans , et il reste une saillie que L’on a comparée à tort à une apophyse sur laquelle le nerf serait implanté.

§ 774* Dans leur trajet, les nerfs se divisent en con- servant à peu près le même volume dans l’intervalle de leurs divisions. Celles-ci ne consistent qu’en une sépa- ration des filets qui les composent, et ne ressemblent point à celles des vaisseaux. Les divisions des nerfs sont en général accompagnées par celles des vaisseaux , quoique elles ne leur correspondent pas toujours exacte- ment. Les nerfs communiquent entre eux de trois ma- nières : par les anastomoses; par les plexus; par les ganglions.

DES NEUFS.

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§ 7j5. On entend par anastomose la réunion de deux, nerfs entre eux. Cette réunion a été ainsi nommée par les anciens , parce qu’ils regardaient les nerfs comme des vaisseaux dans lesquels circulait le fluide ner- veux, et qu’ils les comparaient, sous ce rapport , aux artères. Cette expression , que l’on a critiquée , est assez convenable; car il n’y a pas simplement appli- cation des filets nerveux dans les anastomoses , mais véritablement communication de ces filets, abouche- ment de leur canal, qui, à la vérité, contient une substance qui y séjourne, et non un fluide circu- lant , comme on le croyait autrefois. Les anastomoses ont lieu tantôt entre les branches du même nerf , tan- tôt entre des nerfs différens , rarement entre les nerfs d’un côté et ceux du côté opposé.

C’est surtout dans les anses nerveuses que l’abou- chement des filets est le plus évident : la plus remar- quable de ces anses est celle qui résulte de la réunion du nerf vague du côté droit et du plexus solaire, et que Wrisberg a décrite sous le nom d'ansa commu- nicans memorabilis.

Les plexus ne sont autre chose que des anastomoses multipliées. Scarpa 1 en a donné une très-bonne des- cription ; mais il les a à tort assimilés aux ganglions. La manière dont les quatre dernières paires cervicales s’unissent entre elles et avec la première dorsale, pour former le plexus brachial, en fournit un exemple remarquable. Les plexus cervical, lombaire, sciati- que, etc., en sont encore des exemples. Ces plexus

1 Anat, annot. de gangliis et plexubus.

ANATOMIE GENERALE .

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sont tellement disposés que les nerfs qui en sortent tirent à la fois leur origine de la plupart, ou au moins , d’un certain nombre des nerfs qui les constituent.

Bicliat admet qu’il y a dans les plexus autre chose qu’un simple mélange intime des nerfs. Monro dit qu’ils contiennent de la substance grise , et peuvent être considérés comme une nouvelle origine des nerfs qui en sortent; mais cela n’est nullement démontré.

Les ganglions consistent en des renflemens qui con- tiennent, outre les filets nerveux, une substance qui leur est étrangère ; les filets nerveux , mélangés , y sont beaucoup plus subtils; ils présentent, par con- séquent, une plus grande complication que les deux autres modes de communication. Ils seront examinés après les nerfs, dont ils diffèrent par plusieurs carac- tères.

§ 77 6. La terminaison des nerfs a lieu après qu’ils ont traversé des anastomoses, des plexus ou des gan- glions , ou bien directement, et sans qu’ils aient été interrompus depuis leur origine. Le mode de terminai- son des nerfs est assez obscur. On les voit seulement se dépouiller de névrilème vers leur dernière extrémité , et devenir, par-là, très-mous; de sorte qu’il est alors très-difficile de les suivre. Ils se renflent en général, à mesure qu’ils approchent de leur terminaison; ils s’a- platissent, puis on les perd, lorsqu’ils paraissent en- core devoir se continuer au delà. Il existe deux hypo- thèses sur la dernière terminaison des nerfs , l’une n’est peut être pas plus fondée que l’autre. Dans l’une de ces hypothèses , les nerfs se fondent pour ainsi dire dans les organes , s’identifient avec leur subs-

DF. S NERFS.

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tance, qui en est imbibée, si l’on peut s’exprimer ainsi. Dans l’autre, qui appartient à Reil, le nerf, ne pouvant être répandu dans tout l’organe à la fois, est entouré d’une atmosphère nerveuse dans laquelle il étend son action, à peu près comme cela se voit dans les phé- nomènes électriques. Ce qui a conduit à ces hypothèses , c’est cette remarque, que les nerfs se répandent dans des parties dont l’étendue est beaucoup plus grande que la leur , même après qu'ils se sont divisés aussi loin que l’œil armé du microscope peut les suivre, comme on le voit dans les muscles, la peau, les sens, et que pourtant chaque point de ces parties, si peu étendu qu’il soit, présente, quand on le pique, les mêmes phénomènes que si on piquait le nerf lui-même.

§ 777. Les différentes parties ne reçoivent pas un nombre égal de nerfs. Les organes des sens sont ceux qui en contiennent le plus : l’œil, l’oreille, présentent des épanouissemens membraneux entièrement formés de substance nerveuse. La peau, particulièrement aux mains, aux lèvres; les membranes muqueuses, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur; le gland, les différentes parties de la vulve, placés au point de jonction de ces membranes avec la peau, reçoivent le plus de nerfs après les quatres principaux organes des sens. Vien- nent ensuite les muscles extérieurs , puis les intérieurs , les vaisseaux.sanguins , parmi lesquels les artères en re- çoivent plus que les veines, et que les vaisseaux lym- phatiques, où leur existence 11’est pas bien certaine. L’existence des nerfs est douteuse dans les autres parties, ou dans celles qui ont pour base la fibre cel- lul aire, si on en excepte les viïisseaux , comme le tissu

ANATOMIE GÉNÉRALE.

66q

cellulaire, les membranes séreuses et synoviales, les cartilages, les os, etc. : ces parties, en effet, ne parais- sent pas recevoir de nerfs. Enfin les parties cornées et épidémiques en sont certainement dépourvues. Il se- rait possible, au contraire, qu’il y en eût dans les tis- sus précédens, et que leur mollesse ou leur ténuité extrême les dérobassent aux yeux. Ce qui pourrait porter à y en admettre, c’est la sensibilité que ces tissus présentent dans les maladies. Il est vrai que l'hy- pothèse suivant laquelle les nerfs agiraient au moyen d’un fluide impondérable, susceptible d’étendre son influence au delà de leur termirfStson apparente, peut expliquer, jusqu’à un certain point, ce phénomène. Suivant cette hypothèse , Faction nerveuse serait trans- mise au delà des nerfs et à travers la substance orga- nique, comme la nutrition a lieu au delà des termi- naisons artérielles, par une sorte d’imbibition.

Il est digne de remarque que, dans quelques cir- constances où il existe paralysie du sentiment et non du mouvement, les inflammations qui se développent ne sont point accompagnées de douleurs; ce qui por- teraità penser que les mêmes cordons sont le siège du sentiment général et du sentiment douloureux, par- ticulier à l’inflammation , et que ce ne sont pas seule- ment les nerfs des vaisseaux sanguins qui font éprouver ce dernier.

§ 778. Les parties dans lesquelles les extrémités périphériques des nerfs se terminent, de la manière la plus évidente, sont donc les membranes tégumen- taires et les sens qui en font partie, les muscles et les artères.

DES NERFS.

663

Les sens 1 sont des organes plus ou moins compli- qués , au moyen desquels on aperçoit les corps exté- rieurs ; ils ont une structure calculée de manière à pouvoir recevoir une impression déterminée; ils sont liés au centre nerveux par des nerfs très-développés : ces organes sont ceux du tact ou du toucher, du goût , de l’odorat , de l’ouïe et de la vue-

Les muscles sont liés au centre nerveux par des nerfs nombreux et très-ramifiés § 662. Les artères reçoivent un très-grand nombre de ner/s; mais ils ne se compor- tent pas tous de la même manière : les uns ne font que les accompagner et les entourer, comme le lierre entoure les arbres, sans pénétrer dans leur tissu , si ce n’est peut-être après les avoir accompagnés à une dis- tance plus ou moins grande : tels sont ceux qui ac- compagnent les artères vertébrales, carotides internes et faciales ; 20 les autres, accolés à la membrane externe de l’artère, pénètrent avec celle-ci dans les organes, devenus mous et pulpeux : après être beaucoup rami- fiés ils disparaissent , et semblent se fondre dans la membrane externe; enfin, nonobstant la dénéga- tion de Bebrends , on voit des ramuscules nerveux traverser la membrane externe des artères , et se ter- miner dans leur membrane moyenne. Les nerfs des artères appartiennent , soit aux nerfs sympathiques , soit aux nerfs spinaux et trijumeaux.

S 779. Les nerfs ont été examinés dans leur structure par divers anatomistes. Délia Torre y a trouvé les fibres

1 Voyez Blainville , Principes d’Anatomie comparée , torn.I ; Paris, 181?..

ANATOMIE GÉNÉRALE.

C64

<»t les globules communs à tous le système nerveux ; Prohaska et Reil ont encore mieux fait connaître de- puis leur disposition intérieure. D’après leurs recher- ches, les nerfs sont composés de cordons, et ceux-ci de filamens ou de filets très-fins, dont la ténuité est égale à celle des fils du ver à soie , et qui, dans le nerf optique seulement, sont du volume d’un gros cheveu. Ces filamens , qui sont de la même nature que les fibres ou filets médullaires du cerveau et de la moelle épinière, n’en diffèrent qu’en ce qu’ils sont plus dis- tincts, plus séparés les uns des autres; parce qu’une enveloppe ou membrane propre les entoure : cette enVeloppe est appelée névrilème, neurhymen , ce qui signifie membrane des nerfs; Galien s’est déjà servi de cette expression, dont Reil à fait le premier une application précise. Le névrilème forme une enveloppe générale aux nerfs, et fournit des enveloppes partielles aux cordons nerveux, ainsi qu’aux filamens qui les composent : il est très-résistant. Lorsqu’on le vide , il représente un assemblage de petits canaux. Ces ca- naux s’unissent entre eux, s’abouchent de distance en distance. Il n’est donc pas exact de dire que les nerfs sont composés de filets qui se distinguent dans toute leur longueur; les communications de ces filets entre eux font qu’ils ne sont plus les mêmes : examinés à la partie supérieure et à la partie inférieure du nerf, les cordons nerveux ne sont pas non plus simplement accolés, mais ils s’envoient des filamens réciproques. C’est la même disposition que dans les plexus , il y a une communication intime entre tous les nerfs, au moyen des cordons et des filamens qu ils s’envoient.

DES NERFS.

665

Ce que les plexus présentent en grand, on le voit en petit dans chaque nerf; et les cordons eux-mêmes ne sont que des plexus de filets nerveux. Vers l’origine ou l’extrémité centrale des nerfs , le névrilème se con- tinue avec la pie-mère, mais seulement dans sa por- tion qui constitue l’enveloppe générale du nerf : les gaines intérieures des filets nerveux s’amollissent et se perdent insensiblement , de manière que ceux-ci sont à nu dans le centre du nerf. On voit également les nerfs se dépouiller de leur névrilème à leur terminai- son, partout on peut les suivre assez loin. Les ca- naux névrilématiques ne présentent pas à l’intérieur une surface lisse et polie , comme l’est la surface in- terne des vaisseaux; ils envoient une foule de prolon- gemens qui traversent la moelle du nerf et la soutien- nent : celle-ci n’est point libre et mobile dans le nerf; ce qu’elle doit en partie à sa consistance, mais ce qui est aussi en partie à cette disposition. Il existe du tissu cellulaire autour de la gaîne générale et entre les gaines partielles du nerf, comme on l’observe pour les faisceaux musculaires et pour les fibres qui les composent. Dans les névralgies , ce tissu est quelque- fois le siège d’un œdème ou d’une infiltration qui le rend, dans certains cas, compact et serré; d’autres fois d’une congestion sanguine ou d’une rougeur très- grande, comme Cotugno et d’autres font observé: ce qui porte à croire que ces affections douloureuses dé- pendent de son inflammation. De la graisse peut aussi s’accumuler dans ce tissu. Les fibres médullaires ren- fermées dans les canaux du névrilème sont de la même nature que celles du cerveau et de la moelle.

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

§ 780. Les vaisseaux sanguins des nerfs pénètrent entre les cordons qui les composent, et se divisent, pour la plupart, en deux rameaux , l’un direct, l’autre rétrograde. Leur nombre est considérable : tout le né- vrilème en est couvert, dans les injections heureuses ; on les voit , à la loupe, se répandre jusque sur le névri- lème des filets nerveux. Celui-ci est formé de tissu cel- lulaire fibreux et de vaisseaux sanguins. On ne connaît pas les vaisseaux lymphatiques des nerfs.

§ 781. La structure des nerfs n’est pas exactement la même dans tous. Dans la plupart des recherches qui ont été faites à ce sujet, c’est le nerf optique que l’on a choisi de préférence , parce que les filets nerveux y sont plus gros, et qu’il est facile d’y remplir les canaux névrilé- matiques. Or, ce nerf diffère des autres, en ce que ses canalicules sont séparés par des cloisons communes , qui se détachent de l’intérieur de la gaîne générale. La structure des nerfs a pourtant aussi été observée dans d’autres nerfs : c’est surtout dans ceux des muscles, les filets sont plus distincts que dans les nerfs des sens et de la peau , que ces observations ont été faites.

§ 782. Reil , à qui Ton doit presque tout ce que 1 011 sait sur la structure des nerfs, a très-bien indiqué les moyens à l’aide desquels on peut observer cette struc- ture. En lavant un nerf avec de l’eau et de 1 acide ni- trique, on finit, au bout d’un certain temps, par dé- truire entièrement le névrilème, et .il reste les filets médullaires, qu’on peut voir s cntre-croiser, s adosser, à peu près comme le font les nerfs optiques dans leur commissure. D’un autre côté, en plongeant le nerl

DES NERFS.

66?

dans la lessive des savonniers , que 1 on peut regarder comme une dissolution alcaline de sous-carbonate de soude, on détruit la substance médullaire, et on ob- tient les gaines névrilématiques. Pour les empêcher de s’affaisser, on y souffle de l’air ; ce qui est très-facile en poussant ce fluide dans l’une d’entre elles, puis- qu’elles communiquent toutes ensemble; le nerf est ensuite lié à ses deux bouts : desséché dans cet état, il présente, quand on le coupe , une foule de petits ca- naux abouchés les uns dans les autres , ce qui lui donne l’aspect intérieur d’un roseau. Ces observations, qui, depuis Reil, ont été répétées bien des fois, dé- montrent les deux différentes substances dont le nerf se compose.

Les observations de M.Home , sur le nerf optique, ont montré que les filamens médullaires dont il est composé vont en augmentant de nombre et en dimi- nuant de volume de l’origine à la terminaison.

O

§ 783. Les nerfs n’ont que peu ou point d’élasticité; ils n’offrent aucun mouvement sensible , soit d’oscil- lation , soit de vibration, lorsqu’on les irrite sur l’a- nimal vivant. L’irritation d’un nerf produit des dou- leurs atroces > et détermine des contractions convul- sives dans les muscles.

§ 784. Les nerfs ont pour fonctions d’être conduc- teurs du sentiment et du mouvement. Ils transmettent avec une vitesse incalculable, du centre nerveux aux muscles, les volitions, et conduisent au centre les sen- sations produites par l’impression des agens extérieurs. Leur section, leur ligature, interrompent ces fonc- tions, et rendent insensibles et immobiles les parties

668

ANATOMIE GÉNÉRALE.

placées au-dessous. L irritation faite au-dessus de 1 in- terruption détermine des sensations de douleur sem- blables à celles qu’aurait produites l’irritation de l’ex- trémité du nerf ; l’irritation exercée au-dessous de l’interruption produit des contractions , comme celles qui résulteraient de l’irritation de l’origine du nerf.

§ 785. On a cherché, depuis Hérophile et Galien, s’il n’y avait pas des nerfs particuliers pour le sentiment et d’autres pour le mouvement. On a bientôt reconnu qu’il y avait effectivement des nerfs sensoriaux, comme la première, la seconde paire, et l’auditif ; des nerfs mo- teurs, comme la troisième, la quatrième, la sixième, l’hypoglosse, etc. ; et des nerfs mixtes, comme tous les nerfs spinaux , qui en effet, se distribuent à la peau et aux muscles du tronc et des membres; et comme les nerfs sous-occipital et trijumeaux. Mais les pa- ralysies et les anesthésies , que l’on observe tantôt réunies , et tantôt séparées dans les parties du corps se distribuent les nerfs à double racine, condui- saient à supposer que ces nerfs étaient composés de filets sensoriaux et de filets moteurs distincts. Les ex- périences de M. Ch. Bell , celles de M. Magendie , et les miennes propres, ont clairement démontré que la racine postérieure des nerfs spinaux est sensoriale, et la racine antérieure motrice.

§ 786. Les nerfs ne sont pas bornés tout-à-fait aux fonctions de conducteurs : ils ont une activité propre, qui se manifeste quand ils sont séparés du centre ner- veux; mais cette activité est beaucoup augmentée par celle de la moelle, comme celle de la moelle par 1 in- fluence de l’encéphale; de sorte que le retranchement

DES NERFS.

G6'y

de l’encéphale diminue beaucoup l’activité de la moelle, que celle de la moelle restreint beaucoup celle des nerfs, et que plus le nerf est retranché près d’un muscle, et plus l’influence nerveuse sur sa con- traction en est diminuée.

§ -787. Les nerfs ont-ils une force de formation ou de régénération telle , que , coupés en travers, leur réu- nion ait la texture et remplisse les fonctions nerveuses P telle même que, divisés avec perte de substance, ils se reproduisent? Ces questions ont occupé beaucoup de physiologistes, et notamment Fontana, Monro, Mi- cliaelis, Arnemann, Cruikshank, Haighton , Meyer, etc. La plupart de ces expérimentateurs ont résolu affir- mativement les questions relatives à la reproduction nerveuse. Arnemann seul, se fondant comme les au- tres sur une série d’expériences, a adopté une opinion contraire.

J’ai fait avec un de mes élèves 1 un grand nombre d’expériences pour résoudre ces questions. Il résulte de nos observations, que la division d’un nerf pro- duite par une ligature est constamment suivie de la réu- nion exacte des deux bouts du nerf et du prompt réta- tablissement de ses fonctions.

20 Que la section incomplète ou la piqûre, que l’on a accusé de donner lieu, chez l’homme, à des accidens si graves, ne produit pas ces accidens dans les ani- maux, et que la réunion et le rétablissement des fonc- tions ont lieu très-promptement.

1 L. J. Descot , Dissertation inaug. sur les affections locales des nerfs; Paris, 1822.

ANATOMIE GENERALE.

670

Que la section complète d’un nerf dans une par- tie peu mobile, comme par exemple le long de l’un des deux os de l’avant-bras du cbien , au cou, dans le même animal, le long de l’un des os de l’avant-bras chez l’homme , etc. , est ordinairement suivie assez promptement d’une réunion exacte et du rétablisse- ment complet des fonctions.

Que dans les parties très - mobiles , comme au voisinage d’une articulation , lorsqu’un nerf est divisé, il s’établit, outre l’écartement primitif qui est constant, un écartement accidentel et variable suivant les mou- vemens de la partie. Dans ce cas, la réunion se fait beau- coup attendre; elle est imparfaite si même elle a lieu : le rétablissement des fonctions est imparfait aussi, ou même tdut-à-fait nul. C’est à cela qu’il faut rapporter les résultats de quelques-unes des expériences de Meyer, et la paralysie permanente que l’on dit résul- ter de la section du nerf radial à la partie inférieure du bras.

Enfin, que quand il y a déperdition considérable de substance d’un nerf, soit par une excision, soit dans une plaie contuse avec destruction, il reste un grand écartement entre les deux bouts du nerf, et que jamais les fonctions ne se rétablissent, quel que soit le nerf affecté ; ce qui suffit pour prouver que les anastomoses n’y sont pour rien , quand le rétablisse- ment des fonctions a lieu.

On peut donc conclure de tout ce qui précède , que les nerfs coupés en travers se réunissent ; et que quand la réunion n’a pas lieu, cela dépend uniquement de l’écartement considérable des bouts , déterminé , soit

DES NERFS. 67 I

par les mouvemens de la partie, soit par une perte de substance.

§ 788. Lorsqu’un nerl a été divisé, il s’établit dans des premiers jours, autour des bouts, à leur surface et dans leur intervalle , un suintement de matière orga- nisable; le tissu cellulaire environnant est pénétré de la même matière et a perdu sa perméabilité. Dans cet état, les bouts du nerf sont simplement agglutinés entre eux et aux parties voisines; les fonctions sont encore suspendues comme elles l’étaient immédiate- ment après la section; les deux bouts du nerf, qui sont gonflés, et surtout le supérieur, le tissu cellulaire en-, vironnant, et la matière organisable, prennent plus de consistance , et deviennent très-vasculaires. Dans cet état , qui dure quelque temps, les deux bouts du nerf sont réunis par une substance organisée vasculaire; mais il n’y a pas encore de communication de l’action nerveuse entre les deux bouts. Avec le temps, le tissu cellulaire environnant cesse d’être compacte et vascu- laire; la substance intermédiaire, plus ou moins longue, suivant le genre de blessure et les circonstances con- comitantes, diminue peu à peu de volume, de consis- tance et de rougeur , prend l’apparence et la texture du nerf (texture constatée par l’application faite par Meyer de l’acide nitrique à la cicatrice nerveuse) , à partir des extrémités vers le milieu de leur intervalle, et finit par en remplir les fonctions, d’autant plus exactement et d’autant plus vite , que l’écartement était nul entre les bouts , comme dans le cas de ligature, ou peu considérable , comme dans le cas de section sim- ple , ou d’une très-courte excision dans une partie peu

Gj2 anatomie générale*.

mobile. Au contraire , quand l’écartement est considé- rable, la réunion est nulle, ou bien elle n’a lieu que par du tissu cellulaire qui n’acquiert pas , à une cer- taine distance de l’extrémité , la structure et les pro^ priétés nerveuses. Le temps nécessaire pour le rétablis- sement complet de la structure et des fonctions n’est pas exactement connu; il a été certainement exagéré par ceux qui ont avancé qu’il devait être de plusieurs années : on peut le porter à six semaines ou deux mois environ.

§ 789. La section des nerfs pneumo-gastrique et tris- planchnique réunis , comme ils le sont dans le chien , produit constamment la mort, quand elle est prati- quée des deux côtés à la fois. C’est sur ces nerfs que l’on peut surtout étudier simultanément la réparation du tissu et le rétablissement des fonctions, d’après les expériences de Cruiksbank, d’Haighton , et celles qui nous sont propres.

Voici ce que nous avons vu arriver dans cette section, répétée à divers intervalles.

Ayant coupé le même jour les deux nerfs pneumo- gastriques à deux chiens différens, l’un est mort trente heures après l’opération ; l’autre, plus de soixante-six heures après cette double section. Un autre animal , après un intervalle de neuf jours entre les deux sec- tions, est mort dans la nuit du quatrième au cin- quième jour. Chez un quatrième, la seconde section ayant été faite au bout des vingt et un jours, la mort n’est survenue que le vingt-cinquième après cette se- conde section. Enfin, sur un dernier animal, la se- conde section a été pratiquée trente deux jours après

DES NERFS.

f>y3

la première, et l'animal a survécu un mois entier.. A cette époque, c’est-à-dire deux mois après la pre- mière section, nous avons trouvé le premier nerf di- visé complètement réuni. Ce chien a succombé à un empyème qui s’est développé dans la cavité gauche de la poitrine. Enfin Haighton a coupé le second nerf pneumo-gastrique six semaines après le premier, et l’animal a survécu dix -neuf mois, après lequel temps il fut tué. On a prétendu que l’action ner- veuse , de même que l’action galvanique , pouvait s’établir à travers une substance autre que le tissu nerveux , comme un liquide ou du tissu cellulaire humecté ; on a prétendu aussi que l’action nerveuse pourrait s’exercer à distance, ét franchir l’intervalle qui existerait entre les bouts du nerf; on a prétendu enfin que le rétablissement des fonctions pouvait avoir lieu par des branches anastomotiques. Si c’était par l’une ou l’autre des deux premières causes que l’action nerveuse fut continuée , cette action ne de- vrait pas être un seul instant suspendue, et les ani- maux ne mourraient dans aucune des expériences ci- tées ci-dessus: Quant au rétablissement des fonctions nerveuses au moyen des anastomoses, il est contredit par un grand nombre de cas, dans lesquels le nerf ayant été, sur certains sujets, coupé , et, sur d’autres, excisé ou détruit par la cautérisation , les fonctions se sont rétablies dans le premier cas, et point dans le se- cond. Le rétablissement par les anastomoses est sur- tout démenti par une expérience qui consiste à re- couper le même jour, dans l’endroit de la réunion , les nerfs pneumo-gastriques cicatrisés après la section

43

i.

ANATOMIE GENERALE.

674

pratiquée antérieurement sur ces deux nerfs, à un in- tervalle convenable. L’animal, qui avait survécu jusqu’à ce moment, meurt dans l’espace d’un à deux jours.

Ce n’est donc , ni par l’interposition d’une substance simplement humide entre les deux bouts du nerf di- visé, ni par l’action à distance du système nerveux, ni enfin par les anastomoses, que s’opère le rétablisse- ment des fonctions nerveuses, mais bien par une vé- ritable cicatrice nerveuse. L’on voit, en effet, les fonctions , d’abord tout-à-fait détruites , se rétablir gra- duellement, et suivre, dans leur rétablissement, tous les progrès de la réunion organique. On ne peut nier cependant que l’action nerveuse ne se propage à un certain degré d’une partie à l’autre d’un nerf simple- ment divisé : cela est prouvé par des expériences de M. Wilson Philip, répétées en France r.

§ 790. Les nerfs sont sujets à d’autres altérations que celles qui résultent de leurs lésions physiques : telles sont l’inflammation ou neuritis, les tumeurs ou né- vrômes. Les unes consistent en un tubercule sous-cu- tané graniforme ou pisiforme, dur et très-douloureux; les autres en un tissu squirrheux plus ou moins volumineux. Les névralgies et les insensibilités loca- les, les paralysies et les convulsions partielles, sont les résultats ordinaires des affections locales des nerfs; en outre , ces affections locales se propagent quelque- fois au centre nerveux, et donnent ainsi lieu à des névroses générales.

T Vavasseur, de l’Influence du système nerveux sur la digestion stomacale; Paris, i8a3.

DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 6jC>

TROISIÈME SECTION.

DES GANGLIONS ET OU NERF SYMPATHIQUE.

§ 79 i , Les ganglions nerveux sont des corps ronds ou obronds , formés de filets nerveux médullaires et d’une substance propre, placés sur le trajet des nerfs, et surtout des nerfs des fonctions végétatives.

§ 792. Le nom de ganglion, yuyyXiot, a été employé par Hippocrate, pour désigner les tumeurs des gaines des tendons. Galien l’a le premier appliqué aux nodo- sités des nerfs, par comparaison aveç les ganglions morbides. J. Riolan fils et Vieussens se sont servis du même nom ; d’autres ont employé celui de plexus gan-

gliforme : celui de ganglion est généralement usité

#

aujourd’hui.

MM. Gall, Reil, Walther, de Blainville , etc., ont étendu le sens du mot ganglion, et l’ont appliqué à la substance grise qui existe à l’intérieur de la moelle , aux amas de substance grise qu’on trouve dans la moelle allongée et dans les pédoncules du cervelet et du cerveau, comme les éminences olivaires, le corps festonné ou rhomboïde du cervelet, les couches opti- ques et les corps cannelés; on l’a étendu même aux lobes olfactifs, aux hémisphères du cerveau , aux tu- bercules et au cervelet ; on a enfin confondu les gan- glions avec les plexus et avec les expansions nerveuses sensoriales. Ce sont des rapprochemens forcés et déjà combattus par Walther l’ancien, Reimar et Sœmme- ring. Ce n’est pas dans ce sens que le mot ganglion est employé ici.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

6j6

§ 793. Les ganglions ont été particulièrement étu- diés et. décrits par Meckel 1 , Jonstone 2 , Haase 3 , Scarpa .4 1 Bichat 5 , Weber 6 et surtout Wutzer 1. On peut rapporter à deux opinions principales , diverse- ment modifiées, celles que les anatomistes et les phy- siologistes se sont faites sur la texture et la fonction des ganglions : les uns, les regardant simplement comme des plexus serrés, ne regardent les nerfs qui en par- tent que comme des divisions éloignées des nerfs spi- naux et crâniens; les autres, considérant les ganglions comme des centres nerveux spéciaux, considèrent les nerfs qui en émanent comme indépendans du système cérébral. On verra que ces deux opinions opposées doivent être combinées et se modifier mutuellement.

§ 794. Les animaux inférieurs , c’est-à-dire les rayonnés, les mollusques et les articulés, ont des ren- flemens nerveux qu’on a voulu assimiler aux ganglions des vertébrés. Mais dans les animaux invertébrés , les mêmes nerfs appartiennent à tous les genres d’organes et de fonctions tandis que dans les vertébrés les nerfs grands sympathiques ( et, jusqu’à certain degré, les nerfs pneumo-gastriques ) appartiennent spécialement

* Histoire de PAcad. de Berlin, ann. 1749 et 1753.

2 Essais on the use of tlie Ganglions , etc., 1771. Medical Essais y etc., I7<j5.

3 De Gangliis nervorum ; Lipsiœ, 1762.

4 De nervorum Gangliis et plexubus ; Mutinœ , 1779.

5 Anatomie générale. ,

G De. Systcrnate nerveo organ . ; Lipsiœ , 1817.

7 De corporis humani Gangliorum fabrica , atque usu ; Berolini, 1817.

dks ganglions et du nerf sympathique. 677

aux organes des fonctions végétatives. M. Wéber à comparé les ganglions spinaux des vertébrés aux ganglions des animaux inférieurs.

Dans les animaux vertébrés , les seuls qui aient de vrais ganglions nerveux comparables à ceux de l’homme j on voit ces ganglions augmenter, surtout ceux du nerf sympathique , et le nerf pneumogastri- que diminuer à mesure que l’encéphale se développe; de sorte que ce sont les poissons qui ont le plus petit nerf sympathique ^t le plus grand pneumo-gastrique , et vice versa pour les mammifères : comme si les fonc- tions végétatives devaient être plus soustraites à l’in- fluence de l’encéphale, à mesure que cet organe est moins soumis à l’instinct. *

§ 795. Les ganglions ont été divisés en plusieurs sortes par ceux qui les ont décrits avec le plus d’exac- titude. Scarpa les divise en simples ou spinaux, et en composés. M. Wéber les divise en ganglions de ren- forcement : ce sont ceux des nerfs spinaux et quelques uns de ceux des nerfs crâniens ; et en ganglions d’ori- gine : ce sont ceux du nerf sympathique, auxquels il rattache l’orbitaire et le maxillaire. M. Ribes1 divise les ganglions en trois séries : il range dans la première les rachidiens ou spinaux; dans la seconde , ceux qui se trouvent dans le trajet du trisplapchnique; et tous ceux qui sont situés plus en dedans, dans la troisième. M. Wutzer les classe en ganglions du système cérébral, du système spinal et du système végétatif ou sympa -

1 Exposé sommaire de quelques recherches anat. , phys. et pathol. , dans les Mém. de laSoc. méd. d’émulation. , vol. VIII.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

678

thique. Je les divise en deux sortes : les ganglions des nerfs encéphaio - rachidiens , les uns, les plus nombreux et les plus réguliers, appartenant aux nerfs à double racine , quelques autres placés dans le trajet des nerfs à une seule racine; 2°les ganglions des deux nerfs sympathiques, les uns formant une double sé- rie longitudinale, et quelques autres rapprochés de la ligne médiane.

§ 79(3. Le nombre des ganglions est très - grand comme on le verra. Ils sont tous situés au tronc ; c’est sans raison que Lancisi en a indiqué dans les mem- bres. Leur volume varie depuis celui d’une olive jus- qu’à celui d’un grain de millet; leur forme est ronde, olivaire, lenticulaire, etc.

§ 797. Les ganglions sont composés de deux subs- tances intérieures : la première médullaire, blanche; la seconde pulpeuse, d’un gris rougeâtre. La substance médullaire est rassemblée en cordons et en fils , comme dans les nerfs sensitifs et moteurs. Ces filamens mé- dullaires intérieurs sont visiblement la continuation des nerfs tenant au gangHon. Le ganglion cœliaque est le seul cette continuation soit peu manifeste. Ces filamens se reconnaissent encore à leur couleur et à leur forme. L’action des alcalis et des acides sur eux , les fait reconnaître , au milieu même des ganglions , pour des filamens médullaires nerveux.

Ces filets, en pénétrant dans les ganglions, se dé- pouillent de leur névrilème, qui s’unit intimement à la membrane extérieure du gànglion. Ces filets ont leur surface moins exactement déterminée que dans les nerfs; leur surface paraît plus lâche, comme fondue-

DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 679

ou intimement unie avec la substance adjacente. Ces filets médullaires ont d’ailleurs une assez grande téna- cité.

§ 798. La seconde substance des ganglions établit non- seulement la différence entre les nerfs et les ganglions , mais encore entre les ganglions et les plexus. Cette subs- tance a été beaucoup négligée par les anatomistes, qui, considérant les ganglions comme des plexus plus serrés, ne l’ont regardée que comme destinée à séparer ou à réunir les filets nerveux (Scarpa), ou à remplir les fonctions de tissu cellulaire (Haase). La matière qui entoure les filets médullaires des ganglions est un tissu cellulaire particulier, dont les interstices sont remplis d’une pulpe mucilagineuse ou gélatineuse , d’une couleur rougeâtre cendrée, jaunâtre dans quel- ques ganglions. Cette couleur , comme celle des autres organes, ne dépend pas uniquement de la quantité de sang qu’ils reçoivent.

Cette substance secondaire n’est pas également abon- dante , et n’est pas tout-à-fait unie à la substance mé- dullaire de la même manière dans tous les ganglions.

§ 799. Scarpa dit que cette matière pulpeuse est de la graisse dans les cadavres très-gras. M. Meckeî paraît être du même avis. Bicliat pense, au contraire, que les ganglions ne se transforment jamais en graisse. Les observations de M. Wutzer, et les miennes propres, sont tout-à-fait d’accord avec celles de Bichat. Dans les sujets très-gras, il s’accumule , sous la membrane des ganglions, de la graisse qui, quand elle est en grande quantité, entoure non-seulement le ganglion,

68 o

ANATOMIE GENERALE.

mais le comprime et' en diminue le volume ; cepen- dant il n’est jamais lui-même changé en graisse.

§ 800. Les ganglions sont enveloppés d’une mem- brane cellulaire ou fibreuse, différente dans les divers genres de ganglions.

§ 801. Les vaisseaux sanguins des ganglions sont très - nombreux. Les artères proviennent des troncs voisins : elles se ramifient d’abord dans la membrane, elles forment un réseau 7 des rameaux déliés pénè- trent dans le tissu filamenteux et pulpeux du ganglion ; quelquefois des rameaux artériels pénètrent dans le ganglion avec des filamens nerveux , et les accompa- gnent. Les veines offrent une distribution semblable. O11 ne sait rien touchant les vaisseaux lymphatiques de ces organes.

§ 802. Les filets médullaires ne présentent point d’interruption dans les ganglions ; ils établissent une continuité ou une liaison non interrompue entre les cordons nerveux, dans le trajet desquels les ganglions sont placés. Ces filets médullaires contractent des con- nexions dans l’intérieur du ganglion, et les parcourent en diverses directions, de manière à réunir entre eux tous les cordons qui en dépendent. De résulte la figure irrégulière et la complication intérieure des ganglions sympathiques latéraux et médians, qui sont placés au milieu de beaucoup de cordons nerveux, et la forme ovoïde régulière, ainsi que la direction sim- plement longitudinale des fdets des ganglions spinaux.

§ 8o3. Bichat avait déjà tenté sur les ganglions quel- ques essais chimiques, qui lui avaient appris qu il 11 y

DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 68 1

a rien de commun entre leur substance et celle du cer- veau. Quelques anatomistes cependant, ayant continué de confondre avec les ganglions, les renfle mens de la niasse nerveuse centrale , composés de substance blan- che et de substance grise, M. Wutzer a entrepris une série d’expériences chimiques comparatives sur les ganglions et sur des mélanges de substance blanche et grise du cerveau et du cervelet. Il résulte de ces expériences qu’il y a une différence réelle entre ces deux objets; que les ganglions diffèrent des nerfs par une plus grande proportion de gélatine, et plus encore de l’encéphale par l’excès de gélatine, par une plus grande quantité d’albumine, et par une moindre proportion de graisse. M. Lassaigne1 a fait l’analyse chimique des ganglions gutturaux du cheval, et les a trouvés composés, de fibrine, pour la plus grande partie; d’albumine concrète en petite quantité; d’albumine soluble; de traces de matière grasse ; de phosphate et de carbonate de chaux. M. Lobs- tein a observé que, quoiqu’ils résistent plus que les nerfs à la putréfaction , ils se convertissent prompte- ment en gras , par l’immersion dans l’eau.

§ 8o4- Les ganglions de la première sorte sont ceux que l’on trouve sur le trajet et à peu de distance de 1 origine des nerfs de la moelle épinière. Il y en a, de chaque côté , trente , que l’on nomme spinaux, un sur le nerf trijumeau, qu'on appelle ganglion de Gasser, un ou deux sur le nerf vague, et un sur le glosso-pha- ryngien. Les ganglions spinaux, aperçus d’abord par

Lassaigne, dans le Journal de physiologie , vol. I.

682

ANATOMIE GÉNÉRALE.

Volcher-Coïter, au nombre de trente de chaque côté, ont la forme ovoïde ou olivaire. Ils appartiennent à la racine postérieure seulement des nerfs spinaux; l’antérieure n’est unie au ganglion que par du tissu cellulaire lâche. Haase a le premier fait cette observa- tion, confirmée depuis parProchaskaet Scarpa.Les ana- tomistes qui les ont précédés croyaient que les deux ra- cines du nerf concouraient à la formation du ganglion.

La membrane des ganglions spinaux, fournie parla dure-mère, paraît plus ferme, plus dense et plus solide que celle des autres ganglions. Le ganglion lui-même en est si étroitement enveloppé, qu’il paraît très-dur. La substance pulpeuse enveloppe les filets médullaires plus lâchement que dans les autres, et en est plus disr tincte et plus aisément séparable.

Les fascicules médullaires entrés par l’extrémité pos* térieure ou interne du ganglion, se divisent en trois, quatre ou cinq filamens blancs. Ils s’écartent d’abord les uns des autres, puis se rapprochent vers l’autre extré- mité. Ces filets se réunissent entre eux en se mêlant; de sorte que chaque cordon sortant est formé de filets qui proviennent probablement de plusieurs cordons entrans. Cependant le nombre , la ténuité et la confu- sion des filets ne sont pas très-grands. Les ganglions spinaux ont une texture simple comparativement aux autres.

Les fascicules nerveux rassemblés à leur sortie du ganglion se réunissent intimement, après un trajet d a peine deux lignes, avec ceux de la racine antérieure, pour former le tronc commun des nerfs spinaux; tronc qui n’a lui-même qu’une longueur d’une ou deux lignes

DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 683

avant de se diviser en rameau antérieur et en rameau postérieur.

Le tronc commun de chaque nerf spinal, à peu de distance du ganglion , fournit un rameau simple , sou- vent double, rarement triple , qui se porte vers le gan- glion voisin du tronc nerveux sympathique, et s’y joint de manière à établir la liaison la plus intime entre les nerfs de la moelle, la moelle elle-même, et le nerf grand sympathique. Les anatomistes, et surtout les phy- siologistes, ont beaucoup discuté sur la question de sa- voir si le rameau de communication vient de l’une ou de l’autre racine. J’ai vu, comme Scarpa et comme M. Wutzer, que le rameau simple ou double vient du tronc commun inextricable, et que, quand on peut le

poursuivre, on trouve qu’il vient de l’une et de l’autre racine. Ce rameau communiquant, semblable, à son origine, aux nerfs spinaux, arrivé à environ une ligne des ganglions du nerf sympathique, rougit et prend successivement les caractères de ce nerf.

Le ganglion de la cinquième paire de nerfs , ou le ganglion de Gasser, appartient évidemment à la série des ganglions spinaux, dont il ne diffère que par la forme. Les fascicules nerveux blancs qui passent au- dessous , sans en faire partie, que Paletta proposait de considérer comme des nerfs particuliers, ressem- blent tout-à-iait à la racine antérieure des nerfs spinaux.

Les ganglions du nerf vague et du nerf glosso-pha- ryngien ressemblent encore, pour la forme et pour la texture, aux ganglions spinaux.

Le tronc même du nerf vague a une texture tout-à- fait particulière et différente des autres nerfs, sans

ANATOMIE GENERALE.

684

résulter cependant d’une série linéaire de ganglions, comme le disait Reil. Il ressemble beaucoup au tronc du nerf sympathique,

§ 684. La seconde sorte de ganglions comprend la série des trois ganglions cervicaux, des douze thora- ciques, des cinq lombaires et des quatre sacrés, appar- tenant de chaque côté au tronc du nerf sympathique. Les ganglions ophtlialmique, sphéno-palatin , et maxil- laire, sont encore de la même sorte. Il faut y joindre le ganglion cardiaque, souvent remplacé par un plexus, les ganglions sémi.lunaires ou cœliaques, et beaucoup d’autres, placés dans le plexus solaire et dans ses di- visions ; le petit ganglion coccygien, qui se trouve quel- quefois à la réunion des deux nerfs sympathiques, vis- à-vis le sommet du sacrum; et le petit ganglion palatin, qui existe quelquefois dans le conduitpalatin antérieur; enfin l’on y joint aussi quelques ganglions variables, que l’on trouve quelquefois sur les parois des ar- tères, où ils remplacent des plexus, comme le ganglion de l artère communiquante antérieure, celui du sinus cavernenx, celui de lartère temporale profonde, etc.

Tous ces ganglions ont en général une figure irré- gulière et variable; ils ont en général des connexions avec plusieurs troncs ou plusieurs rameaux nerveux. La direction des filets médullaires qui les traversent est très-compliquée, et rarement ces filets les traver- sent simplement d’un côté à l’autre. La substance pul- peuse de ces ganglions est si fortement unie aux filets médullaires , qu’il est très-difficile de les en séparer. Cette substance d’ailleurs paraît différer de celle des autres ganglions : elle est plus dure, plus sen ée, plus

des glanglions et du nerf sympathique. 685

tenace. Gela est surtout remarquable clans les ganglions cœliaques et clans ceux de leurs plexus. La membrane des ganglions de cette série est cellulaire et ferme, mais n’a point la solidité fibreuse de celle des ganglions spinaux.

§ 806. Les cordons et les rameaux nerveux , les nerfs, en un mot, qui réunissent ces ganglions, diffèrent notablement de ceux qui tiennent immédiatement à la moelle. Au lieu de diminuer, comme ceux-ci , à mesure qu’en s’éloigant de leur origine ou de leur extrémité centrale ils fournissent des divisions successives, on les voit indifféremment diminuer ou augmenter, ou ne pas changer de volume en s’éloignant des ganglions. Les nerfs ganglionnaires ont une moindre force de cohésion ou plus de fragilité que les autres. L’enveloppe exté- rieure des ganglions se continue sur les nerfs jusqu’à une certaine distance; au-delà du point cette con- tinuation cesse d’être apparent^, le névrilème paraît plus mince et plus intimement uni à la substance mé- dullaire que dans les autres nerfs. Leur substance in- terne résulte , comme celle des ganglions, defilamens médullaires et de substance pulpeuse, grise, rougeâtre, qu’on peut à peine en séparer; les filets, ouïes rameaux réunis pour former un cordon, sont eux-mêmes à peine séparables; les nerfs ganglionnaires, enfin, semblent formés par les mêmes substances que les ganglions , ceux-ci étant seulement allongés en cordons. Cepen- dant les nerfs des ganglions ne sont pas tous absolument semblables : ceux qui unissent les ganglions spinaux à ceux du nerf sympathique, et les nerfs splanchniques, qui vontdes ganglions thoraciques du sympathique aux

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

ganglions cœliaques, semblent intermédiaires, par leur couleur blanche, leur forme cylindrique, leur com- position fibrillaire, leur fermeté et leur ténacité, entre les nerfs de la moelle et les nerfs gris rougeâtres, aplatis, irréguliers, pulpeux, mous et fragiles du nerf sympathique. Scarpa prétend que les nerfs sympathi- ques peuvent être analysés par l’anatomie, et réduits en filets comme les autres. Je crois que cela est impossi- ble, surtout dans les nerfs qui forment les plexus mé- sentériques ou intestinaux.

§ 807. Le nerf sympathique 1 , intercostal ou tris- planchnique, est un cordon nerveux et ganglionnaire , étendu depuis la tête jusqu’au bassin , tenant, par des rameaux anastomotiques ou des racines , à tous les nerfs spinaux et au trijumeau, et fournissant de nom- breux rameaux aux organes des cavités splanchniques du tronc.

L’extrémité céphalique de ce nerf pénètre dans le crâne par le canal carotidien et le sinus caverneux, il forme un plexus et souvent un ganglion sur l’artère carotide; il envoie de des filets anastomotiques au nerf de la sixième paire, et communique avec le filet inférieur du vidien ; il envoie des plexus secondaires sur les branches de l’artère carotide interne, et peut

1 Walter, Tabulœ nervorum thoracis et abdominis ; Berol. 1783. H. A. Wrisberg , de Nervis arterias venasque comi- tcuitibus. De Nervis pha/yngeis. De Ganglio plexuque se- milunari. De Nervis viscerurn abdominalium, etc., in Com- ment. ; Gotting. Chaussier , Table synoptique du nerf tris— planchnique. Lobstein , De Nervi sympathetici humanifa- brica } usu et morbis ; Paris 1823. 4°, cum tabulis.

DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 687

être poursuivi jusqu’à un petit ganglion impair placé sur l’artère communiquante antérieure du cerveau.

Il consiste ensuite en trois ganglions cervicaux, douze thoraciques, cinq lombaires et quatre sacrés, et en leurs cordons de communication placés de chaque coté de la face antérieure de la colonne vertébrale.

Dans toute la longueur dunerf, chaque ganglion pré- sente des filets anastomotiques externes, ou des racines et des filets internes ou des rameaux.

Sous ce rapport, on peut comparer le nerf sympa- thique à une tige souterraine ou à un rhizome articulé, qui, à chaque nœud, présente d’un côté des racines, et de l’autre des rameaux, lesquels, les uns comme les autres, s’en écartent à angle droit ou au moins très- grand.

Les rameaux du grand sympathique se rendent aux organes situés à la face, au col, dans la poitrine, dans l’abdomen proprement dit, et dans le bassin.

L’extrémité pelvienne du nerf sympathique consiste en un petit ganglion ou en une anse, dans lesquels les deux nerfs se réunissent, et qui fournissent quelques filamens déliés aux environs de l’anus.

Les rameaux internes des nerfs sympathiques se por- tent, les uns directement sur des artères et leur for- ment des plexus, les autres, en bien plus grand nombre, gagnent la ligne médiane, et forment , en se réunis- sent à ceux du côté opposé, des ganglions ou des plexus médians (le cardiaque et le cœliaque), qui communi- quent avec des rameaux du nerf pneumo - gastrique , qui fournissent des plexus et des ganglions secondaires, et se terminent au cœur, à l’aorte, au canal digestif ,

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ANATOMIE GÉNÉRALE.

aux organes urinaires et génitaux, mais surtout aux ar- tères de ces organes.

§ 808. Des interruptions rares, et peut-être mal ob- servées, dans le tronc du nerf sympathique, ont porté quelques anatomistes à regarder l’existence de ce tronc comme une circonstance de peu d’importance. Il y a de l’exagération dans cette opinion. Cependant ses ra- cines sont bien sûrement dans les nerfs spinaux, et non dans le nerf vidien et dans la sixième paire.

Les rameaux du nerf sympathique ne diffèrent pas seulement de ceux des autres nerfs, mais ils diffèrent encore beaucoup les uns des autres : chaque ganglion et surtout chaque plexus de rameaux ont leur carac- tère propre ou spécial.

Le nerf sympathique a été considéré, par Sœm- mering surtout, comme le nerf des artères : à la vé- rité les artères en reçoivent beaucoup de rameaux; mais le tissu musculaire du cœur , celui du canal digestif, la membrane muqueuse de ce canal et des voies urinaires et génitales, les ligamens, les os même de la colonne vertébrale , en reçoivent des filets. Il est remarquable que les veines, les vaisseaux et les glandes lymphatiques en soient dépourvus, ainsi que les membranes séreuses. On en trouve au contraire dans les muscles longs du col, dans les intercostaux, dans le diaphragme.

§ 809. Les ganglions spinaux sont, avec leurs nerfs, les premières parties visibles du système nerveux.

Les ganglions et le tronc nerveux du trisplanch- nique sont apparens dans le fœtus dès le troisième mois. Ll ganglions cœliaques et les nerfs splanchniques qui

DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 689

en sont comme les racines , se développent un peu moins promptement que les ganglions cervicaux et les nerfs cardiaques. Dans la vieillesse, les ganglions et leurs nerfs sont plus pâles et plus secs que dans l’âge adulte.

On trouve les ganglions et les cordons des nerfs sympathiques dans les fœtus privés de cerveau, et dans ceux qui sont privés de cerveau et de moelle.

§ 8 1 o. Les animaux 1 vertébrés sont les seuls qui aient un. système nerveux particulier pour les organes des fonctions végétatives.

Dans les poissons, le nerf sympathique consiste en un filet très-fin, avec peu ou point de ganglions.

Dans les reptiles, il est plus distinct : ilréunit entre eux les nerfs inter-vertébraux , et pénètre dans le crâne, uni au nerf vague.

Dans les oiseaux, il pénètre dans le crâne avec le nerf vague et le glosso- pharyngien ; il communique avec la cinquième et la sixième paire ; il présente au col une interruption apparente , tenant à ce qu’il est contenu dans le canal vertébral : il est très-distinct et ganglionnaire dans la poitrine, et se prolonge jus- qu’aux vertèbres caudales.

Dans les mammifères, le nerf sympathique ne dif- fère pas beaucoup de celui de l’homme.

§ 8 1 1 . MM. Meckel et W éber ont fait remarquer que le nerf sympathique est d’autant plus petit, relativement au corps, que l’animal est plus éloigné de l’homme. Une seconde observation générale , est que le nerf

1 Weber, Anatomia compar. nervi sympath. ; Lips. , 1817.

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1

ANATOMIE GÉNÉRALE.

69°

sympathique et le nerf vague sont en rapport inverse de développement; de sorte qu’ils sesuppléent mutuel- lement dans la vie végétative , à laquelle ils appartien- nent l’un et l’autre. Il faut aussi remarquer que le nerf sympathique est développé dans tous les animaux en proportion de leur appareil circulatoire, auquel il appartient en grande partie.

§ 812. Le système nerveux ganglionnaire, qui existe dans tous les animaux, qui, dans les vertébrés, forme encore un système à part en connexion avec le centre nerveux dont il précède le développement; qui con- serve d’une part l’état de dissémination que présente le système nerveux des invertébrés , et qui forme aussi quelques centres principaux, comme le plexus car- diaque, et surtout les ganglions, et le plexus cœliaque ou solaire, qu’on a appelé cerveau abdominal ou épigastrique, doit avoir une grande importance dans l’organisme. Mais, avant d’exposer les fonctions du nerf sympathique , il faut examiner celles des gan- glions.

§ 81 3. Willis a eu sur les ganglions et sur le nerf sympathique une idée assez conforme à celle que l’on en a aujourd’hui : il considérai! les ganglions comme des diverticules des esprits, et le nerf sym- pathique comme placé entre les conceptions cérébrales et les affections précordiales, entre les actions et les passions, de manière à établir un consensus entre les parties.

Yieussens considère aussi le nerf intercostal comme un intermédiaire sympathique entre le cerveau et les viscères des deux autres cavités; il place dans les gan-

DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 69 1

glions , qu il appelle plexus, un centre d’action mus- culaire et fermentatif. Lancisi regardait aussi les gan- glions comme des centres d’impulsion qu’il comparait au cœur.

Winslow, qui ale premier employé le nom de nerf sympathique, regardait les ganglions comme des cen- tres d’origine, de véritables petits cerveaux.

Meckel attribua pour usage aux ganglions , de diviser les rameaux nerveux en ramuscules, et ceux-ci en filamens ; de faire parvenir des rameaux par di- verses directions à des lieux éloignés; de réunir plusieurs rameaux en un seul cordon.

Zinn soutint la même opinion , en ajoutant que les rameaux réunis de différens points dans un ganglion , sont plus intimement mêlés que dans les plexus.

Johnstone regarda les ganglions comme des cer-

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veaux capables de développer et de communiquer la force nerveuse, comme l’origine des nerfs invo- lontaires, et comme propres à rompre l’influence de la volonté sur les organes à mouvemens involontaires, tels que le cœur.

Haase, qui a rapproché les ganglions des plexus, a combattu l’opinion de Johnstone par ces deux argu- mens: que des muscles volontaires reçoivent des nerfs des glanglions spinaux , et que des organes involon- taires , comme l’estomac, en reçoivent du nerf vague.

Scarpa adopte une opinion semblable à celle de Meckel et de Zinn : suivant lui, les ganglions ont pour usage de séparer, de mêler et de réunir de nou- veau les filets nerveux; suivant lui, les nerfs des vis- cères émaneraient directement des nerfs spinaux et des

ANATOMIE GÉNÉRALE.

f*)?.

cinquième et sixième paires, et seraient seulement rassemblés dans les ganglions.

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Toutes ces opinions, comme on le voit, peuvent être rapportées à deux. Les uns, comme Meckel, Zinn, Haase, Scarpa , et, plus récemment, Legallois, n’ont vu dans les ganglions qu’un arrangement particulier, une disposition anatomique des filets nerveux : les autres, comme Winslow , Johnstone, Lecat, Petit, Metzger , etc. , ont regardé les ganglions comme des points d’origine, et surtout comme descentres d’action nerveuse. Personne n’a défendu cette dernière idée avec plus de chaleur et de talent que Bichat. Reil, M. Autenrieth , M. Wutzer, M. Broussais, et beaucoup d’autres, ont ajouté de nouveaux argumens à ceux de notre célèbre compatriote, dont ils ont à peu près em- brassé l’opinion.

§ 8 1 4 Bichat regarde le système nerveux organi- que comme résultant essentiellement de centres nom- breux ou de ganglions réunis entre eux par des filets, et le tronc nerveux sympathique lui -même comme une série de ganglions et de filets anastomotiques. Bichat a peut-être accordé aux ganglions une importance exa- gérée ; mais certainement il n’a pas accordé à leur ensemble, à leur réunion, toute l’importance quelle mérite.

Suivant Reil , le nerf sympathique constitue un sys- tème propre, qu’il appelle système ganglionnaire; il l’appelle aussi système nerveux végétatif. Dans les ani- maux vertébrés , il est uni au svstème cérébral ou animal, mais il n’en émane pas. Ce système, «au lieu d’avoir un centre unique les racines soient im-

DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 6^3

plantées, a plusieurs loyers d’action : il consiste en des plexus ou réseaux placés autour des artères; ori en compte environ douze : parmi eux, un principal , l’épigastrique, muni de ganglions, et formant des plexus secondaires, est une sorte de centre ou de cerveau. Ces plexus sont liés au système cérébro-spinal par des rameaux et des plexus conducteurs : les deux troncs réunis en bas, devant le coccix,eten haut par les cinquième et sixième paires et par le cerveau , constituent une périphérie elliptique qui embrasse tout le système des ganglions et des plexus, et dans laquelle pénètrent plusieurs nerfs cérébraux, notam- ment la huitième paire. Les rameaux ou plexus conducteurs transmettraient des sensations et des vo- ûtions, s’ils étaient des conducteurs parfaits; mais on peut les considérer comme des semi-conducteurs, et les ganglions comme des corps isolans.

Il résulte de deux systèmes nerveux et deux sphères d’activité nerveuse: la sphère animale, les impressions sont senties, les voûtions déter- minent les mouvemens ; la sphère végétative, l’activité nerveuse est départie lentement , continuelle-

4

ment, obscurément. Dans ce système les impressions, sans être propagées au centre animal, déterminent des mouvemens. Dans l’état malade , cependant , les cor- dons et les plexus communiqyans deviennent conduc- teurs, les ganglions cessent d’être isolans, les impres- sions sont senties, et les mouvemens sont influencés par le centre animal.

Suivant Reil encore, dans le sommeil magnétique, la séparation des deux systèmes nerveux disparaîtrait.

6p4 ANATOMIE GÉNÉRALE.

et le centre nerveux épigastrique, centre delà sphère végétative, deviendrait un sens distinct.

M. Autenrieth considère le nerf sympathique comme naissant du cerveau et de la moelle, mais en devenant de plus en plus indépendant à mesure qu’il en est séparé par des plexus et des ganglions, la substance rougeâtre, grisâtre, des nerfs sympathiques, conduisant plus difficilement que la blanche les im- pressions et les irritations.

M. Wéber a rassemblé beaucoup d’argumens ana- tomiques et physiologiques, pour démontrer que le nerf sympathique constitue un système particulier, qui, indépendant du cerveau, a son centre en lui-

même.

«

M. Wutzer a observé, comme Bichat et d’autres encore, que l’irritation mécanique du nerf sympa- thique ne produit aucun effet appréciable ; tandis qu’un irritant plus fort, comme l’agent galvanique,

détermine des douleurs et des convulsions.

•• * - "• % * ». *

M. Broussais considère aussi le nerf inter-costal comme un système propre, un centre sensitif parti- culier, qui transmet des impressions au sensorium animal, et, par suite, des déterminations sur les muscles volontaires. Dans le fœtus, il agit seul, il dirige les organes sécréteurs et nutritifs, il excite l’énergie du cœur, il étend son action jusque sur le centre animal, et détermine les mouvemens automatiques. Dans les fœtus anencépliales et amyèles, il excite les mouve- mens musculaires par son action sur les nerls spinaux. Après la naissance, il agit sur le centre nerveux, en y transmettant les sensations internes, et établit ainsi,

DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 6y 5

entre le cerveau et les viscères des deux autres ca- vités, une liaison féconde en phénomènes. Dans tous les temps, il régit l’action des vaisseaux capillaires, et dirige la nutrition par l’intermède de la force forma- tive ou plastique , que cet ingénieux écrivain appelle chimie vivante.

§ 8i5. Presque toutes ces opinions, qui consistent à considérer le système des ganglions comme un sys- tème indépendant, pèchent en ce quelles sont trop absolues, tout comme celles qui ne considèrent dans les ganglions qu’un pur arrangement anatomique. Le système des ganglions doit être considéré tout à la fois comme un système séparé ou réuni, indépendant ou dépendant, suivant diverses circonstances déjà in- diquées pour la plupart.

Les fonctions des ganglions paraissent être de dimi- nuer ou d'arrêter l’influence du centre nerveux sur les nerfs ganglionnaires , de diminuer ou d’ empêcher la transmission des impressions au centre; de sorte que, par l’action des ganglions, le système nerveux végéta- tif est séparé du système animal.

Les ganglions paraissent en outre destinés a rassem- bler , à coercer la force nerveuse qu’ils puisent dans la moelle, à en développer par eux mêmes, pour la com- muniquer convenablement aux nerfs et aux organes ils se terminent.

Les ganglions exercent des fonctions différentes , suivant la diversité de leur texture.

Ces différences consistent dans, le mélange plus ou moins intime des filets médullaires ; la diversité de la substance secondaire; les différences dans la membrane extérieure , plus ou moins dense , plus ou

ANATOMIE GÉNÉRALE.

6;)6

moins tendue : or, c’est dans les ganglions du nerf sym- pathique que l’on observe l’intrication et la fusion la plus grande des filets médullaires , la ténacité et l’union la plus intime de la substance secondaire , et une mem- brane ou capsule assez ferme , et très-adhérente à la subs- tance intérieure. Dans les ganglions spinaux , au con- traire , les filets médullaires sont droits, point mêlés, etla substance secondaire est grossière, lâche ettrès-distincte des filets : aussi ces ganglions sont -ils regardés comme moins parfaits que les autres; aussi Pfeffinger pensait- il qu’on devait les exclure de ce genre d’organes. La fonction de ces derniers ganglions reste d’ailleurs très- douteuse. Il ne paraît pas, en effet, qu'ils diminuent la communication nerveuse ; il ne peuvent pas être con- sidérés non plus comme les origines des nerfs moteurs et sensitifs communs , car la racine antérieure des nerfs spinaux leur est étrangère.

§ 816. Les usages des cordons nerveux ganglionnaires sont de conduire l’influence nerveuse ; mais ils sont des conducteurs un peu différens des autres nerfs, dont ils diffèrent en se rapprochant beaucoup des ganglions : ils sont des conducteurs imparfaits. Les irritations mé- caniques ou chimiques ne les traversent pas ; mais l’ir- ritation galvanique est conduite par eux, et détermine, soit des sensations , soit des contractions. Il en est de même des irritations morbides , comme les irritations intestinales, urétériques, etc. , qui sont ressenties.

Les fonctions du nerf sympathique sont de diriger la nutrition , les sécrétions , de distribuer l’agent nerveux au cœur, au canal digestif et aux organes urinaires et génitaux ; d’établir une liaison sympathique entre tous les principaux organes. Il remplit ces diverses fonctions

DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 697

sans l’influence de la volonté et sans conscience des impressions, les ganglions faisant tout à la fois l’office de ligatures qui modèrent la transmission de l’influence nerveuse , et de centres particuliers d’activité , qui en augmentent et en modifient la distribution.

Ce nerf forme ainsi un système particulier dans le système général; il a une sphère d’action propre renfer- mée dans la sphère générale. L’un et l’autre système nerveux ont des connexions intimes ; ils s’influen- cent réciproquement, surtout dans l’état de maladie.

§ 817. M. Lobstein a recueilli plusieurs faits très-cu- rieux relatifs aux altérations morbides des ganglions et des nerfs sympathiques ; il a observé l’inflammation des ganglions semi-lunaires ou cœliaques, dans des cas de névropathies abdominales chroniques , de coque- luche et de tétanos; il a observé également dans divers cas l’inflammation des nerfs cardiaques et pulmonaires. M. Autenrieth a aussi observé dans la coqueluche l’inflammation des nerfs vagues, sympathiques et car- diaques. M. Duncan a vu dans un cas de diabetès la portion abdominale du nerf sympathique triplée ou quadruplée en volume. Les nerfs sympathiques sont, comme les autres, augmentés en volume dans les hy- pertrophies , diminués au contraire dans les atrophies simples , ainsi que dans celles qui résultent d’une pro- duction accidentelle infiltrée dans le tissu d’un organe.

Beaucoup de maladies abdominales et thoraciques semblent en outre dépendre d’une action irrégulière du nerf sympathique ; et d’autres , très-nombreuses aussi , de l’action anormale de ce nerf sur le centre nerveux cérébral.

6gS

ANATOMIE GENERALE.

CHAPITRE XI.

DES PRODUCTIONS ACCIDENTELLES.

§ 8 1 8. Les productions qui se rencontrent accidentel- lement dans l’organisation humaine sont des humeurs , des concrétions , des tissus et des animaux vivans.

Cesobjetsne font poinc partie de l’organisation saine ou régulière : ils n’appartiennent qu’à l’anatomie mor- bide. Leur description, ou au moins leur indication sommaire, placée ici, a pour objet de compléter ce qui a été dit, à l’occasion de chaque tissu en particu- lier, sur les altérations et les productions qui lui sont propres. Les productions dont il est question dans ce chapitre sont communes à plusieurs parties ou à la to- talité de l’organisation.

La connaissance des altérations et des productions accidentelles est très-importante pour l’anatomiste mé- decin; car, d’une part, cette connaissance est la base de la pathologie ; et, d’un autre côté, 1 anatomie étant ra- rement étudiée sur des sujets sains, mais le plus sou- vent sur des corps d’individus malades, 1 anatomiste rencontre à tout instant, dans ses recherches, des altérations de l’organisation et des productions acci- dentelles.

DES PRODUCTIONS ACCIDENTELLES.

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PREMIERE SECTION.

DES HUMEURS ACCIDENTELLES.

s.wÊki.

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§ 819. Les humeurs naturelles peuvent être altérées dans leur quantité ou dans leur qualité ; quelques- unes de ces altérations ont été indiquées. On trouve en outre quelquefois des humeurs tout-à-fait diffé- rentes des premières. Parmi ces dernières , le pus est la seule assez bien connue pour être décrite.

§ 820. hepus 1 est une humeur accidentelle résultant d’une sécrétion morbide , qu’on nomme suppuration. Le pus est composé de globules microscopiques sembla- bles à ceux du sang, découverts parM. Home, nageant dans un fluide coagulable par la solution de muriate d’ammoniaque.

Il est d’une couleur blanche ou jaunâtre , opaque , d’une consistance de crème. Sa consistance et sa cou-

1 C. Darwin, Experim. establisfiing criterio n betwen mu- cagin. and puruL rnatter ; Lightfield , 1780. Brugmans * Disserlatio de pyogeniâ ; Groningœ , 1785. E. Home ? on the Properties of pus ; London, 1789. Grasmeyer, A bhand/ung von dem eiter , etc. ; Gotting , 1790. Schwil- gué , Mémoire inédit sur le pus , analysé dans la Nosogr. philos. , vol. II. G. Pearson , on Expectorated matter ; in Phil. Trans. , 1809. Idem , Obs. and exper. on pus ; ibid. , 1810. Puzetti, De phthisi pulrnonali Speci/n. ehim.med. ; in Mém. de Turin, vol. II et III. Rossi et Michelotti , Analyse première du pus , ibid. , vol. III. E. Home , On the Con- version of pus into granulations or new Jlesh j in Phil. Trans., 18i9- *

ANATOMIE GÉNÉRALE.

7OO

leur dépendent de la proportion des globules sur la partie fluide. Il est plus pesant que l’eau. Il a une sa- veur légèrement salée, constante, et une faible odeur particulière , un peu variable.

Le pus plonge dans l’eau, tandis que le mucus y flotte. Par ^agitation , le pus se délaye , se mêle à l’eau , et la blanchit uniformément ; le mucus , au con- traire, reste en flocons distincts. Le pus se coagule par la chaleur, par les acides et par l’alcohol; les alcalis le rendent visqueux , filant, et le dissolvent. 11 est com- posé , suivant Schwilgué , d albumine à un état parti- culier, de matière extractive, d’une matière grasse, de soude, de muriate de soude, de phosphate de chaux, et autres sels. Il resemhle beaucoup au sérum du sang, dont il ne paraît différer que par l’état de l’albumine et de la matière extractive. Le mucus se délaye dans l’eau, se dissout par l’addition de l’acide sulfurique , et non le pus. Une solution d’alcali caustique dissout à la fois le pus et le mucus, et par l’addition de leau, le pus se précipite seul. Ces caractères chimiques, et d autres encore du même genre, ne sont point aussi certains que l’action de l’eau seule, et surtout que 1 inspection mi- croscopique.

Le pus ne présente pas toujours exactement les mêmes qualités physiques et les mêmes propriétés chi- miques. On peut le distinguer en pus crémeux, homo- gène, vulgairement pus louable ; en pus sereux, sameux, ou sérosité purulente ; en pus glaireux ou mucus puri- forme ; en pus cailleboté ou grumeleux; et en pus con- cret ou couenneux. E11 outre, le pus peut être mêlé de sang, de sérosité, de matières gxcrémentitielles, de ma-

DU PUS.

701

tière putride, de tissus accidentels , de calculs, de ma- tière virulente, etc.

Dans tous les cas, il est composé, suivant M. Pear- son, d’un oxyde animal blanc, opaque, peu soluble, d’un liquide limpide, analogue au sérum du sang, qui tient en suspension, mais non dissout l’oxyde animal; et d’une innombrable quantité de globules microsco- piques. Les différences qu’il présente dépendent des proportions différentes dans lesquelles se trouvent ces matériaux essentiels , ainsi que les substances qui peu- vent s’y trouver accidentellement.

§ 821. Le pus peut se former dans la plupart des or- ganes.

Le tissu la suppuration est le plus fréquente et semble, le plus facile , est la membrane muqueuse. Quelques heures après l’application d’une cause irri- tante , on voit les propriétés physiques et chimiques du mucus se changer insensiblement en celles du pus. Quand l’irritation diminue et cesse, on voit à l’inverse les propriétés du pus se changer insensible- ment en celle du mucus. La suppuration de la mem- brane muqueuse s’accompagne d’un léger degré de rougeur et de gonflement , et très-rarement d’ulcé- ration.

La peau suppure aisément dès qu’elle est irritée et que l’épiderme est enlevé. Cela peut continuer indé- finiment, si l’irritation est continuée, ou fréquem- ment renouvelée ; la peau prend alors l’aspect d’une membrane muqueuse enflammée.

Le tissu cellulaire étant mis à découvert par l’abla- tion de la peau , l’hémorrhagie s’arrête; il s’écoule en-

ANATOMIE GÉNÉRALE.

70 2

suite de la sérosité, qui peu à peu prend le caractère de pus. En même temps la surface vulnérée se couvre d’une couche de matière organisable, qui devient vas- culaire et se couvre de granulations.

Le tissu cellulaire étant irrité par ùû corps étranger ou par une cause inconnue ( spina helmontii ) s’en- flamme ; il se forme du pus dans le centre du phleg- mon : ce pus est reftfermé dans une membrane de nouvelle formation , plus ou moins distincte , plus ou moins vasculaire, suivant son ancienneté; le tissu cellulaire environnant $ enflammé et très-vasculaire , a perdu sa perméabilité par la déposition intersticielle de matière organisable.

Les membranes séreuses, quand elles suppurent, présentent des changemens analogues; elles devien- nent très-vasculaires et prennent à la longue l’appa- rence des membranes muqueuses.

§ 822; Boerbaave attribuait l’origine du pus à la fonte des organes enflammés; Pringle et Gaber l’at- tribuaient à un changement dans le sérum du sang; ces deux opinions, diversement modifiées et combinées, ont été long-temps et généralement adoptées.

L’idée que le pus est formé dans les vaisseaux , et qu’il en sort par une action sécrétoire de ces organes, a été d’abord indiquée par le docteur Sympson , puis par Dehaen ; et ensuite par le docteur Morgan, de Phi- ladelphie. Hunter et Brugmans ont embrassé et déve- loppé cette doctrine, généralement adoptée aujourd’hui.

La suppuration est une sécrétion morbide. Cette sé- crétion est toujours précédée et déterminée par l’in- flammation ; mais l'inflammation est plus ou moins

DU PUS.

703

évidente. Dehaen lui-même , qui admet expressément la suppuration sans inflammation préalable , ne veut évidemment parler que de l’inflammation avec ulcé- ration : en effet, l’on sait bien aujourd’hui, ce qu’il annonçait alors, que la suppuration peut avoir lieu sur les surfaces, sans ulcération; il note, dans les cas de suppuration sans inflammation , des productions couenneuses et des adhérences qui dépendent, comme on sait, de l’inflammation.

Dans la constitution scrofuleuse, la suppuration n’est souvent précédée que d’une inflammation chronique et latente, mais qui n’en existe pas moins, quoiqu’elle soit obscure.

§ 823. La suppuration , quand elle existe depuis longtemps , et lorsqu’elle a lieu par une large sur- face , devient, par son association avec les fonctions, une sécrétion importante; aussi l’on ne doit pas établir ou supprimer légèrement une suppuration.

Le pus est quelquefois le véhicule des virus intro- duits dans l’organisme ; on le considère aussi , dans quelques cas , comme le véhicule de causes de mala- dies éliminées par l’organisme.

Suivant M. Ev. Home, le pus aurait encore pour usage de fournir, par sa coagulation à la surface des plaies suppurantes, les matériaux de la cicatrice , c’est- à-dire la matière organisable de ce nouveau tégument.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

7°4

SECONDE SECTION.

DES CONCRÉTIONS PIERREUSES.

§ 824. Les concrétions ou calculs1 sont des corps so- lides , plus ou moins durs, qui se forment dans les hu- meurs contenues dans les cavités, les réservoirs et les conduits tapissés par la membrane muqueuse. Cette for- mation est toujours accompagnée d’un changement de composition plus ou moins évident des liquides elle a lieu.

§ 825. Les calculs intestinaux sont rares dans l’es- pèce humaine. Ces calculs, plus ou moins volumineux et nombreux, sont ronds ou ovoïdes, jaunes ou bruns: leur pesanteur spécifique est de 1,4. Ils ont pour noyau un calcul biliaire , des fèces endurcies , ou un corps étranger. Ils sont formés de couches , et composés de substance terreuse, surtout de phosphate de chaux , et d’un peu de substance animale.

Les follicules muqueux et sébacés contiennent quel- quefois des amas endurcis et plus ou moins concrets.

On cite quelques exemples de petits calculs de phos- phate de chaux et de matière animale, dans la caron- cule lacrymale, dans les tonsilles, dans la prostate.

On a trouvé quelquefois aussi des concrétions pier- reuses de même nature dans le sac et le canal lacry- maux ; dans les glandes salivaires et dans leurs con- duits; dans le pancréas.

IWalter, de Concrementis terrestribus; BeroL, 1775. Vicq- d’Azyr, Académ. roy. de médecine , ann. 1779. Mosovius, Dissert, de calculorurn animalium eorumque , nnprimis bdia- riorum , origine et ncitura ; Berolini , 1812.

DES CONCRÉTIONS PIERREUSES. 70'J

§ 826. Les voies biliaires1 sont fréquemment le siège de calculs, cholelithi. On les trouve le plus souvent dans lavésiculêbiliaire; quelquefois dans les canaux cystique, hépatique ou cholédoque; ou dans le canal intestinal , et rarement dans les racines du canal hépatique dans le foie. Le nombre et le volume de ces calculs varient extrêmement : on en trouve depuis un jusqu’à plu- sieurs milliers dans la même vésicule, depuis le volume d’un œuf de poule jusqu’à celui d’un grain de millet : leur couleur varie du blanc au jaune, au brun et au noir; leur surface est arrondie ou à facettes, polie ou rugueuse; leur consistance varie beaucoup. Leur pe- santeur spécifique est de 0,20 à o,35. On les di- vise, d’après Walter, en trois genres : striés ou rayonnés, striati, lauîelleux, lamellati , et pourvus d’une écorce, corticati. Dans l’espèce humaine, ces calculs sont for- més de cholestérine, de matière jaune de la bile, et quelquefois d’un peu de picromei.

§ 827. Les calculs urinaires 2, urolithi, se trouvent dans lebassinetdu rein, dans l’uretère, dans l’embouchure de ce canal , dans la vessie , dans l’urèthre, dans le prépuce, dans des locules de la vessie, dans les conduits pros- tatiques, et dans des cavités et des voies urinaires accidentelles.

Les calculs du bassinet et des calices du rein se

1 Sœmmering , de Concrementis biliariis , corp. humani ; Traject. adMœn., 1795. Thénard, Merau de la soc. d’Ar- cueil , vol. I.

2 Fourcroy et Vauquelin , Mém. de l’Inst. nat. , tom. IV. Wollastori, Philos, trans. , ann. 1797. etc.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

moulent dans ces cavités, quand ils s’y accroissent, et deviennent rameux comme le corail.

Les calculs vésicaux sont les plus communs : tantôt, et c’est le plus ordinaire, il n’y en a qu’un dans la ves- sie, tantôt il y en a plusieurs; on en a vu jusqu’à plus d’un cent. Leur volume et leur poids varient de- puis celui d’un grain de blé jusqu’au volume de la tête d’un fœtus à terme, et jusqu’à plus de six livres de poids. Leur forme est ronde ou obronde, ou ovoïde, ou tétraèdre, ou cunéiforme, ou cubique, etc.

Leur surface est unie, ou rugueuse, ou mamelon- née. Leur couleur et leur consistance sont très-varia- bles. Us ont toujours un noyau formé, soit par un gravier descendu du bassinet, soit par un caillot de sang, ou un flocon de mucus, soit par un corps étranger.

Us sont quelquefois homogènes, assez souvent for- més de couches superposées , semblables ou différentes ; d’autre fois mélés ou hétérogènes , et sans couches.

Les calculs vésicaux sont composés , d’acide urique; *2° d’oxyde cystique ; de phosphate de chaux ; d’urate d’ammoniaque ; de phosphate ammoniaco-magnésien ; d’oxalate de chaux; de silice ; de carbonate de chaux; 90 d’oxyde xantique ; io° de matière fibrineuse; de mucus; et 120 de phosphate de fer , de magnésie , de carbonate de magné- sie, d’urate de soude. Ces substances se trouvent dans les calculs, ou isolées ou combinées par deux, trois, quatre ou cinq. Le plus commun de tous est le calcul d’acide urique; puis le calcul fusible, composé de phosphates ammoniaco-magnésien et calcaire; puis le calcul nmiral, composé d’oxalate de chaux ; puis le cal-

DES TISSUS ACCIDENTELS.

7°7

«cul formé de couches distinctes d’acide urique et d’oxa- Jate de chaux, etc. La silice et l’oxyde cystique , et plus encore l’oxyde xantique et la fibrine , sont les sub- stances les plus rares dans les calculs urinaires.

§ 828. On dit avoir trouvé quelquefois des con- crétions ealculeuses pisiformes dans les vésicules sper- matiques et dans les conduits éjaculateurs.

On trouve quelquefois aussi des petites concrétions semblables dans les trompes utérines. Quant aux con- crétions de l’utérus , ce sont le plus souvent des corps fibreux ossifiés. Cependant, on a trouvé dans cet or- gane des concrétions de phosphate calcaire, ayant pour noyau un corps étranger.

On assure avoir trouvé des concrétions ealculeuses élans les conduits excréteurs de la mamelle.

TROISIÈME SECTION.

DES TISSUS ACCIDENTELS.

ü 829. Les tissus accidentels 1 sont des organes nouveaux développés dans le corps vivant.

Ces tissus peuvent être divisés en deux sortes: les tissus analogues à ceux de l’organisation saine ;

20 Les tissus hétérologues ou sans analogues dans l’organisation régulière.

Il y a aussi quelques tissus accidentels, intermédiaires, pour ainsi dire, entre les uns et les autres, et ayant

' Laennec , Cours oral de médecine, au Collège de France, année 1822-1823.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

708

des analogues , non dans l’organisation humaine , mais au moins dans d’autres animaux.

§ 83o.Ces diverses sortes de tissus sont tantôt isolés tantôt, et souvent, réunis ou combinés entre eux. Ils sont même souvent réunis avec des humeurs acciden- telles , avec des animaux vivans, avec des humeurs ou des tissus altérés, etc*

§ 83t. Parmi les anatomistes et les pathologistes, les uns (MM. Dupuytren, Cruveilher, etc. ), regardent les tissus accidentels comme le résultat de transfor-

m

mations éprouvées par les tissus naturels : ils appel- lent les tissus accidentels analogues, des transforma- tions proprement dites, et les tissus hétérologues, des dégénérations; les autres (J. Hunter, MM. Abernelhy, Laennec, etc. ) , les regardent comme des productions nouvelles ou épigénétiques. C’est une question très- difficile à résoudre,; cependant la dernière opinion nous paraît la plus conforme à l’observation.

§ 832. Les transformations véritables sont très-rares, et n’ont lieu qu’entre des tissus peu différens : ainsi les cartilages du larynx se changent en os; la mem- brane muqueuse renversée à l’air se change en peau, comme la peau attirée à l’intérieur, par une cicatrice, devient muqueuse, etc. C’estainsi que l’on voit, dans les arbres, les racinesse changer en branches, et récipro- quement les branches en racines. Mais la plupart des prétendues transformations 11e sont autre chose que des productions : ainsi, une cicatrice est une mem- brane toute nouvelle, et non le résultat de la transfor- mation des tissus dénudés; ainsi le cancer du col de 1 utérus est le résultat d’une matière de nouvelle for-

DES TISSUS ACCIDENTELS. JOQ

mation infiltrée dans son tissu , et qui Ta écarté, com- primé , atrophié , et non le résultat de la dégénération de ce tissu.

ARTICLE PREMIER.

DES TISSUS ACCIDENTELS ANALOGUES.

5 833. Ces tissus ressemblent plus ou moins parfai- tement aux tissus de l’homme sain.

Ils sont altérables comme les tissus naturels, et même plus qu’eux.

Ces tissus sont de deux sortes : i°les uns sont le résultat de l’adhésion des lèvres d’une solution de con- tinuité, ou de la régénération après une perte de sub- stance ; les autres sont le résultat d’une production tout-à-fait accidentelle. Les uns et les autres ont été décrits à l’occasion de chaque tissu (Chap. X ).

§ 834- Les tissus demi-analogues sont, quelques- uns des tissus ci-dessus, qui n’atteignent pas un degré parfait d’organisation : telles sont surtout les cicatrices ou productions cutanées accidentelles, la production de tissu blanc compact et flasque, les productions demi- cartilagineuses , les ossifications terreuse et pierreuse , les productions cornées imparfaites, etc.; ce sont aussi la production nacrée , analogue à la vessie nata- toire des poissons, observée dans des parois de kystes,; la production de fongus en lames, etc.

ANATOMIE GÉNÉRALE.

JIO

F

ARTICLE IL

DES TISSUS ACCIDENTELS HETEROLOGUES-.

§ 835. Les tissus accidentels hétérologues, morbides , ou sans analogues dans l’organisation saine , sont assez nombreux. Les plus communs et les mieux caractérisés sont, le tubercule, le squirre, l’encépbaloïde et la mélanose; quelques autres plus rares seront indiqués après ceux-là.

§ 836. Ces tissus commencent probablement par l’état fluide; mais dès le moment qu’on peut les aper- cevoir ils sont solides. Ils persistent plus ou moins long-temps en cet état , qu’on nomme de crudité ou d’organisation ; état dans lequel on peut les comparer à des zoopbytes , dans lequel ils présentent , pour la plupart, des vaisseaux , et dans lequel ils sont indolens et ne nuisent que mécaniquement. Ils se ramollissent ensuite, se décomposent, se liquéfient. Dans cet état, que Bayle comparaît à une mort anticipée , ils causent des douleurs plus ou moins vives, quelquefois nulles; ils irritent et enflamment les parties voisines; ils exer- cent une action délétère sur tout l’organisme, et par- ticulièrement sur la hutrition , même sur celle des os ; ils s’étendent et se multiplient alors plus ou moins rapidement dans l’organisation.

L’origine et la cause de ces tissus sont inconnues. On les a regardés comme innés ou héréditaires; comme résultant d’une aberration de l’action formatrice ; comme des êtres organisés se développant et mourant prématurément au milieu de l’organisation; comme

DES TISSUS ACCIDENTELS.

y II

îles produits, des résultats de l'inflammation et de l’irritation, etc. Ce sont autant d’hypothèses plus ou moins ingénieuses et plus ou moins fondées.

Ces tissus existent sous forme de masses isolées , de masses enveloppées, d’infiltrations dans le tissu des organes , etc.

Tantôt ils existent seul à seul , tantôt ils sont combinés entre eux et avec d’autres productions accii dentelles, et avec des tissus et des humeurs altérés.

I. Du Tubercule .

§ 83y. Le tubercule , ou les tubercules, car ils exis- tent presque toujours en grand nombre, constituent le tissu morbide le plus commun. On les appelle aussi tubercules scrofuleux, parce qu’ils se rencontrent dans la plupart des cas de scrofules.

Ce tissu existe sous la forme de masses isolées ou enveloppées, et sous celle d’infiltration.

Il commence par l’état gélatiniforme; mais cet état n’est apercevable que quand la substance tubercu- leuse est infiltrée.

Il existe ensuite à l’état grisâtre, transparent, comme demi-cartilagineux : c’est la première période distincte des tubercules isolés; ils constituent alors les granu- lations militaires de Bayle.

Ces grains, en grossissant, se réunissent souvent en masse; ils deviennent opaques, jaunâtres, friables, en commençant par le centre. Le même changement de couleur et de consistance a lieu dans l’état d’infil- tration : c’est encore l’état de crudité.

Ils se ramollissent ensuite, et se liquéfient : à cette

ANATOMIE GÉNÉRALE.'.

J 11

période , ou même dans les périodes précédentes, il se produit ordinairement beaucoup de nouvelle subs- tance tuberculeuse, soit en masse, soit en infiltration.

La matière tuberculeuse , ramollie plus ou moins complètement, en pus homogène, ou en pus caille- botté, est évacuée par une ouverture de la peau ou de la membrane muqueuse; elle est peut-être aussi quel- quefois résorbée. Tantôt le foyer reste enflammé , ulcéré indéfiniment; tantôt il se resserre et s’oblitère; tantôt la membrane de nouvelle formation qui le ta- pisse acquiert une texture demi-muqueuse ou deini- cartilagineuse , et constitue une fistule permanente sèche; tantôt enfin on ne trouve qu’une matière fria- ble, résidu probablement d’une résorption, le tuber- cule n’ayant pas abeédé.

On ne trouve jamais de vaisseaux dans les masses tu- berculeuses : dans le cas d’infiltration tuberculeuse les vaisseaux comprimés , oblitérés , disparaissent promptement. Les masses qui se développent lente- ment ont une enveloppe molle ou glutineuse, cellu- leuse, cartilagineuse, et même quelquefois osseuse.

On trouve le tissu tuberculeux dans tous les organes, et surtout dans les poumons, dans le tissu cellulaire naturel et accidentel , à la surface des membranes séreuses , mais surtout dans leurs fausses membranes, à la surface libre de la membrane muqueuse, et sur- tout celle de 1 intestin, dans les ganglions lymphati- ques, dans les glandes, dans la rate, dans les os , dans le tissu musculaire, dans celui du cœur, dans 1 encé- phale et dans la moelle épinière, dans les tumeurs composées.

DÉS TISSUS ACCIDENTELS. 7 l3'«

On a observé ce tissu morbide dans tous les ani- maux vertébrés.

II. De V Encéphaloïde,

§ 838. Le tissu encéphaloïde ou cérébriforme est une production morbide très -commune : elle a été confondue sous le nom de cancer avec plusieurs autres, et notamment avec le squirre. Elle a été d’abord ca- ractérisée par Bayle et M. Laennec. C’est le cancer mé- dullaire, l’inflammation fongueuse, le fongus héma- tode de quelques écrivains anglais.

Ce tissu existe sous forme de masses nues ou enve- loppées, et sous celle d’infiltration.

A l’état de crudité, il forme des masses de grosseur variée : chaque masse est lobée, lobulée,et les lobules sont ordinairement contournés comme les circonvo- lutions du cerveau. Ce tissu est alors ferme comme la couenne du lard, demi-transparent, incolore, ou blan- châtre, ou grisâtre; les lobules sont réunis entreeux par un tissu cellulaire imparfait , d’une mollesse extrême; ils se confondent à mesure que la masse se développe. Des vaisseaux nombreux, très-fins, à parois très-faibles, sont ramifiés dans ce tissu cellulaire et dans la sub- stance encéphaloïde elle-même.

Quand le développement est complet, l’encéphaloïde est d’une couleur blanche rosée ou violacée par en- droits, soit par teinte, soit par points. Ce tissu mor- bide est alors très-analogue au tissu cérébral, mais moins lié, moins tenace. Il présente d’ailleurs divers degrés de consistance dans la même masse; degrés

ANATOMIE GÉNÉRALE.

7*4

comparables à ceux des diverses parties de l’encéphale.

Les masses encéphaloïdes qui ne sont pas envelop- pées d’une membrane distincte le sont d’une couche de tissu cellulaire mou; les autres ont une enveloppe demi-cartilagineuse, doublée, à l’intétieur, de tissu cel- lulaire mou et vasculaire comme les premières. Quel- quefois le kyste est incomplet dans son développement ; dans tous les cas, il paraît postérieur dans sa formation à la substance qu’il renferme.

L’infiltration cérébriforme est très-commune, sur- tout dans le tissu du col de l’utérus; dans cet état, la période de crudité est très-courte.

Le ramollissement de ce tissu donne lieu à une ma- tière pultacée ou comme de la bouillie de couleur ro- sée. Quelquefois alors, les vaisseaux se rompant, il se fait des infiltrations sanguines dans le tissu cellulaire , ou des épanchemens semblables à l’apoplexie dans la substance amollie : le sang se concrète alors, et est en partie résorbé ; quelquefois même il se forme une membrane en forme de kyste autour du sang ; quel- quefois ce sont des infiltrations séreuses qui ont lieu dans le tissu cellulaire ambiant, ou des épanchemens séreux dans la substance même, qui est alors liquide comme celle du ramollissement blanc du cerveau.

Quelle que soit la ressemblance, en effet très-grande, entre le tissu morbide dont il s’agit, et la substance du cerveau, il n’y a pas identité; et l’on ne peut admettre l’opinion de M. Maunoir, qui regarde ce tissu comme

le produit t)’un épanchement de matière nerveuse.

* 1

Quand le ramollissement est extérieur ou en con-

tact avec l’air , la surface est grise, verdâtre, fétide, en-

?

DES TISSUS ACCIDENTELS. 7 I 5

flammée ; quelquefois elle se détruit en tombant en putrilage.

Ce tissu , moins cependant que les tubercules, se mul- tiplie dans lorganisation , lors de son ramollissement surtout. Il a plus de tendance que le tubercule à s’ac- croître ou à s’étendre de proche en proche. Il ne paraît pas qu’il soit susceptible d’être éliminé et de se guérir spontanément.

Il peut exister dans tous les organes : on l’observe fréquemment dans la mamelle, le testicule , l’utérus, le foie, le poumon, l’encéphale, l’estomac, le périoste, la méninge, les os, leur membrane médullaire, les membranes séreuses , la membrane muqueuse , les mus- clés, les glandes , les ganglions lymphatiques, le tissu cellulaire commun.

III. Du Squirre ,

§ 839. Le tissu squirreux ou colloïde est moins commun que le précédent; il est souvent confondu avec lui sous le nom de cancer.

Il existe le plus souvent sous forme de masses isolées.

A l’état de crudité, il est difficile à distinguer du tubercule et de l’encéphaloïde. Il est dur ; mais sa con- sistance varie depuis celle des cartilages , ou de la couenne de lard, jusqu’à celle des ligamens interverté- braux. Il crie sous la pointe du scalpel quand on le gratte; il est blanc, gris-bleuâtre, peu coloré ou in- colore. Il est demi-transparent ; il forme des masses de figures irrégulières, rarement lobulées, ordinairement homogènes ; il est quelquefois partagé à l’intérieur par

7*6 anatomie générale.

des intersections fibreuses ou cellulaires : ce tissu in- térieur est quelquefois régulièrement rayonné, comme celui d’un navet, quelquefois alvéolaire, quelquefois irrégulier. On y voit rarement des vaisseaux distincts.

Le squirre se ramollit sous consistance de gelée de viande figée , et quelquefois sous l’apparence de sirop , tantôt incolore , tantôt fauve , tantôt verdâtre , quel- quefois grisâtre, sale et teint de sang. Quelquefois le ramollissement est gommeux ou pultacé, quelquefois mielleux.

Ce tissu morbide présente une assez grande diversité d’apparences, soit à l’état de crudité, soit à l’état de ramollissement. Bayle en faisait cinq à six espèces de cancers. Plusieurs des espèces.de sarcome de M. Aber- nethy rentrent également dans cette sorte de tissu.

Le squirre se ramollit quelquefois partiellement, et alors il présente l’apparence de cicatrices (Nicod). Dans un cas de ce genre, que j’ai vu récemment, il m’a semblé que ce qui paraissait des cicatrices était la peau restée saine par petites places au milieu d’un très- grand nombre d’ulcérations superficielles et irrégu- lières.

Le squirre a été observé dans la plupart des parties du corps, dans presque tous les organes, dans presque tous les tissus.

IV. De la M'élanose.

§ &4o. La mélanose 1 , cancer inélané de M. Alibert,

1 Breschet , Considérations sur une altération organique appelée dégénérescence noire > etc.; Paris, 1821.

DES TISSUS ACCIDENTELS. JIJ

«

est un tissu morbide caractérisé par sa couleur noire, qui, aperçu d’abord par quelques observateurs, soit dans l’homme, soit dans les animaux, a été spécifié et nommé il y a quelques années par M. Laennec.

Cette substance existe sous forme de masses isolées, nues ou enveloppées, sous celle d’infiltration , et sous celle de plaques à la surface des membranes.

Les masses de mélanose varient, pour la grosseur, depuis le plus petit volume jusqu’à celui d’une noix : elles existent en nombre plus ou moins grand sur le même individu; elles sont quelquefois assez réguliè- res, quelquefois mamelonnées, lobulées, quelquefois comme formées de lames entortillées et volutées. Ces parties sont réunies entre elles, et les masses entourées par du tissu cellulaire. Les vaisseaux suivent ce tissu , mais ne pénètrent point dans la substance noire. Cette substance est noire ou brune, opaque, sans odeur, sans saveur., ferme, tenace, homogène au premier aspect; mais si on l’écrase par la percussion, et si on la lave avec de l’eau, l'eau se colore en brun ou en noir; le tissu est décoloré et reste grisâtre.

On trouve la mélanose en plaques à la surface des membranes muqueuses ou séreuses ; on la trouve aussi infiltrée dans l’épaisseur de la membrane mu- queuse , des fausses membranes , des ganglions , etc.

La mélanose, examinée chimiquement, paraît com- posée, i° de fibrine colorée; 2U d’une matière colo- rante noirâtre, soluble dans l’acide sulfurique affaibli et dans la solution de sous-carbonate de soude, et colorant ces liquides en rouge; d’une petite quan- tité d’albumine; de chlorure de sodium, de sous-

I

7 I B anatomie générale.

t

carbonate de soude, de phosphate de chaux et d’oxyde de fer.

La composition de la mélanose est donc très-analo- gue à celle du caillot du sang , c’est-à-dire à la matière colorante du sang et à la fibrine, l une et l’autre dans un état particulier ; on y rencontre aussi trois matières grasses.

La mélanose se ramollit tard, sous forme de bouillie noirâtre; et, suivant son siège, cette substance s’épan- che dans les cavités ou s’infiltre de manière à colorer les humeurs et les tissus. Quelquefois , mais rarement, la mélanose sous-cutanée s’ulcère; le docteur Ferrus en a observé un cas. A l’état de ramollissement, ex- trême même, ce tissu a peu de tendance à s’étendre et à se multiplier; il ne détermine pas sur l’organisme une action délétère aussi marquée que les précédens. Les altérations qu’on a le plus souvent observées sont une décoloration générale, des hydropisies , une torpeur, une débilité analogue à ce qui a lieu dans le scorbut.

On a trouvé la mélanose dans beaucoup de parties , et surtout dans le tissu cellulaire commun, dans les muscles , dans le cœur, dans les glandes lymphatiques, dans l’orbite, dans l’œil, dans les poumons, le foie, les reins, le pancréas, la rate, le tissu cellulaire de la mamelle, le tissu cellulaire accidentel, etc.

La mélanose paraît résulter d’une aberration de quelques-uns des matériaux, et surtout de la matière colorante du sang.

V. De la Cirrhose , etc.

§ 84i. La cirrhose, ou le tissu morbide fauve, exisie

DES TISSUS ACCIDENTELS.

7l9

quelquefois sous forme de masses; on l’a vue aussi sous forme de plaques et de kyste.

En masses, ce tissu est fauve, mat, flasque; hu- mide , compact , analogue au tissu des capsules surré- nales : il ne présente point de fibres distinctes. Les masses varient du volume d’un grain de millet à celui d’un noyau de cerise. Elles existent quelquefois en quantité innombrable. Les plus grosses paraissent squammeuses.

Ce tissu se ramollit sous forme de pulrilage brun verdâtre; ses effets, soit locaux, soit généraux, sont peu marqués. 11 existe assez souvent et très-abondamment dans le foie, qui est alors amoindri, ridé, rugueux. On l’a vu aussi dans le rein, la prostate , l’épididyme , l’o- vaire, la thyroïde.

§ 842. M. Laennec a désigné, sous le nom de sclérose , un tissu très-ressemblant ou identique avec le tissu blanc compact, et qu’il a trouvé infiltré dans le tissu cellulaire sous-péritonéal de la région lombaire d’un individu cancéreux. Il diffère des tissus morbides en ce qu’il n’a pas été vu ramolli; mais il s’en rapproche par sa propension à s’étendre.

§ 843. Le même pathologiste a désigné, sous le nom de squirre squammeux , un tissu d’un blanc mat demi- transparent , feuilleté comme la chair de la morue , qu’il a vu une fois renfermé dans un kyste nacré, sur un individu cancéreux.

VI. Des tissus morbides composés .

§ 844- Les tissus morbides sont très-souvent associés:

ANATOMIE GÉNÉRALE.

720

leur réunion est une des plus grandes sources de dif- ficultés dans l’étude de l’anatomie pathologique.

La composition a lieu tantôt par simple juxtaposi- tion, et tantôt par pénétration intime et mutuelle.

Les combinaisons les plus ordinaires sont, celle des tissus fibreux, cartilagineux et osseux dans les kystes qui renferment des vers vésiculaires;

20 La combinaison de l’ossification terreüse et du tu- bercule, surtout dans les glandes bronchiques ;

Celle du tubercule et de l’encéphaloïde, fréquente dans le foie , dans le testicule ;

celle du squirre et de l’ossification terreuse , as- sez fréquente encore dans le foie;

Celle de tous les tissus morbides, avec des ossi- fications, avec d’autres productions analogues, avec l'inflammation , l’hyperthophie , les infiltrations sé- reuses, sanguines, purulentes, etc. ; ce qui constitue les cancers composés de l’estomac , de la mamelle , etc.

QUATRIÈME SECTION.

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DES CORPS ÉTRANGERS ANIMES.

§ 845. Les animaux 1 que l’on rencontre dans l’orga- nisation , et qui vivent à ses dépens , sont , les uns des vers intestinaux, et les autres des animaux attachés à la surface du corps , pénétrans dans son épaisseur, in- troduits dans les cavités, etc. La connaissance de ces êtres est une des parties de l’histoire naturelle mé-

1 J. H. Toerdcns , Entomologie und helnunthologie des menschlicken hôrpers , etc., 1801-1802.

DES VERS INTESTINAUX.

721

dicale les plus difficiles et les plus obscurcies par des observations inexactes.

ARTICLE PREMIER.

DES VERS INTESTINAUX.

§ 846- Les vers intestinaux ou les entozoaires 1 , en - tozoa (Rudolphi), se forment, ou du moins naissent et habitent dans l’organisation ; ils ne peuvent vivre ailleurs. On en trouve non -seulement dans le canal alimentaire et dans les conduits qui y aboutissent , mais jusque dans le tissu cellulaire , dans les muscles et dans la substance des organes les plus éloignes des sur- faces du corps, comme le cerveau. Leur organisation présente beaucoup de variétés très-grandes. 38.) Leur origine est fort obscure. En se bornant à l’indication de ceux qui habitent le corps humain, on peut les rap- porter à trois ordres; savoir : les vers vésiculaires, les vers plats et les vers cylindriques.

I. Des vers vésiculaires.

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§ 847. Les vers vésiculaires 2, Entozoa cjstica (Rud.), consistent en grande partie en une vessie caudale plus ou moins volumineuse, propre a un seul, ou commune à plusieurs vers : le corps est déprimé ou arrondi, tou- jours très-petit; la tête (nulle dans un genre) est mu-

1 C. A. Rudolphi Entozoorum , sive Vermium intestina- lium Hist. natur. ; Parisiis et A rgen torati , 1810. Idern. Entozoorum Synopsis; Be/olini , 1819.

2 Laennec, Mémoire sur les vers vésiculaires, etc., in Bulletin de l’École de médecine; Paris, an xui'.

1.

46‘

ANATOMIE GENERALE.

'j'il

nie de fossettes ( deux ou quatre ), de suçoirs (quatre),

d’une couronne de crocliels ou de quatre proboscides recourbées; il n’y a point de canal intestinal ni d’or- ganes génitaux visibles. Ces vers habitent toujours la substance des organes dans un kyste distinct; ils ont été long-temps confondus ensemble et avec les kystes, sous le nom d’hydatides. Aujourd’hui même les naturalistes rejettent un ou deux des genres de cet ordre, qui sont les suivans : Aceplialocystis, Echinococcus, Cysticercus, et Diceras.

§ 848. L’acéplialocyste 1 , genre établi par M. Laen- nec, mais non adopté par M. Rudolphi, ni par M. Cu- vier, consiste en une vessie, dépourvue de tête et de corps, ronde ou obronde, du volume d’un petit pois à celui d’une pomme moyenne, à parois minces et molles , transparentes , blanchâtres , homogènes , fra- giles, remplie d’un liquide limpide, aqueux et albu- mineux. Il est douteux qu’on y ait observé des mou- vemens spontanés. 11 paraît que ces êtres équivoques se reproduisent par des bourgeons intérieurs. On en a rencontré dans presque tous les organes. On en con- naît sept à huit espèces. Ils sont toujours enkystés, si l’on en excepte la môle en grappe que l’on regarde comme le résultat de la réunion ou de la soudure d’une espèce de vers de ce genre.

§ 849. L’échinococque , genre de M. Rudolphi, qui y comprend peut-être les acéphalocystes , et que M. Cu-

1 Laennee, loc. cit. Ludersen , Diss. de hydatidibus ; Gotting. , 1 808. H. Cloquet , Faune des médecins , tome I ; Paris 1 822.

DES VERS INTESTINAUX. ya3

vier n’admet pas , consiste en une vessie extérieure simple ou double, à la surface interne de laquelle tiennent plusieurs vers fins et granuleux comme des grains de sable, dont le corps est ovoïde , et la tête (comme celle du ténia armé) munie d’une couronne de crochets et de suçoirs.

Une espèce, l’E. de l’homme , E. hominis,' habite les viscères de l’homme, et surtout le foie.

§ 85o. Le cysticerque a le corps arrondi ou déprimé, rugueux, se terminant en une vessie caudale; sa tête (comme celle du ténia armé) est munie de quatre su- çoirs et d’une proboscide recourbée. Il habite solitaire dans un kyste très-mince.

Le G. du tissu cellulaire ou G. ladrique, C.cellulosæt à tête carrée , à col très-court et renflé en avant, à corps cylindrique allongé , à vessie caudale ellipti- que transversalement, est l’espèce si commune dans le porc ; on la rencontre aussi quelquefois dans les muscles, le cerveau et le cœur de l’homme. On en trouve encore quelques autres espèces dans le corps humain.

§85i. Le diceras ou bicorne rude, D.rude, a le corps ovoïde , déprimé ; il a une tunique lâche ; sa tête est pourvue d’une corne bifide, âpre, filamen- teuse. On ne sait pas au juste s’il habite la substance des organes. Il a été découvert par M. Sultzer, dans des matières rendues par l’action d’un drastique. Mis en doute par M. Rudolplii , il a été retrouvé depuis par M. Le Sauvage, de Caen, qui en a envoyé des in- dividus à la Société de la Faculté de Médecine, je les ai vhs.

724

ANATOMIE GÉNÉRALE.

IL Des vers plats.

§ 852. Les vers plats sont ceux dont le corps mou et déprimé est pourvu de pores-suçoirs à sa face infé- rieure ou àses extrémités, Entozoa trematoda (Rud.), et ceux dont le corps est allongé, continu ou articulé, et la tête garnie de fossettes, de suçoirs, d’une ou quatre proboscides, nues ou armées, Ent. cestoïdea ( Rud.). Les uns et les autres sont dépourvus de canal intestinal , et pourvus d’ovaires ramifiés. Cet ordre comprend dans le corps humain les genres Tœnia , Distoma , et Po- lystoma.

§ 853. Le tænia a le corps très- allongé , plat, arti- culé , îa tête garnie de deux ou quatre petits suçoirs. On en trouve deux espèces dans l’homme.

Le tænia large ou inerme , T. lata , Bothriocephalus latus (Bremser, Rud.), a la tête à peu près carrée , deux fossettes-suçoirs nues , la tête et les fossettes, qui sont marginales , oblongues , le col presque nul , les articles antérieurs en forme de rides, les suivans larges et courts, et les derniers allongés; sa longueur est de vingt pieds, et au-delà. Cette espèce est commune en Suisse et en Russie , très - rare en Angleterre , en Hollande et en Allemagne. On ne la trouve point dans les cadavres.

Le tænia solitaire ou armé , T. solium , appelé aussi vulgairement, et à tort , ver solitaire, a la tête garnie de quatre oscules-suçoirs, et dans leur centre d’une pro- boscide obtuse , armée de crochets ; la tête est hémi- sphérique , distincte ; le col s’épaissit antérieurement; les articles antérieurs sont très-courts , les suivans

DES VERS INTESTINAUX.

7 2 J

allongés, les derniers plus longs, tous obtus, pourvus chacun d’un pore marginal, alternant vaguement de côté ; sa longueur est de cinq à dix pieds et plus. Cette espèce est commune en Angleterre , en Hol- lande, en Allemagne. On la rencontre quelquefois dans les cadavres. ,f

On trouve l’une et l’autre espèce en France, mais surtout la seconde. Elles habitent l’un et l’autre le canal intestinal, surtout l’intestin grêle.

§ 854- Le distome ou la douve, Fasciolci (Lin.), a le corps mou, déprimé, et deux pores solitaires, un antérieur et un ventral.

Le D. hépatique, D. hepaticum , qui a la forme d’une feuille ovale , se rencontre dans la vésicule biliaire de l’homme et de beaucoup d’autres mammifères, mais surtout du mouton.

Le polystôme, Hexathyridi um (Treulter), a le corps déprimé, six pores antérieurs, un ventral et un posté- rieur. Le P. de la graisse, P. pinguicola , qui est tron- qué en avant, pointu en arrière, a été rencontré dans une tumeur de l’ovaire humain. Le P. des veines, P. ve- narum , paraît être un ver extérieur ( § 4^7 ).

III. Des vers cylindriques .

§ 855. Les vers cvlindriques, Ent. nematoidea (Rud.), ont le corps allongé, arrondi, élastique; ils ont un canal intestinal, terminé par une bouche et un anus, des organes génitaux , séparés sur deux individus dif- férons. Cet ordre comprend, dans l homine , les trois genres suivans : Filaria , Tric.ocephalus et Ascaris.

§ 856. L’ascaride a le corps rond , aminci aux deux

ANATOMIE GÉNÉRALE.

72 6

bouts , la tête munie de trois tubercules ; le pénis du mâle est pointu et bifide. On en trouve deux espèces dans le corps humain.

L 'A. lumbricoïde, A. lumbricoïdes , dont la tête est nue, le corps long de plusieurs pouces ( 3 à 12), mar- qué de deux sillons opposés, la queue un peu obtuse, habite dans l’intestin grêle. L’A. vermiculaire , A% ver - micularis , Oxjurus vermicularis (Bremser), a la tête obtuse, garnie d’une membrane vésiculaire des deux côtés ; son corps est un peu épaissi à la partie anté- rieure ; la queue du mâle est fléchie et obtuse; celle de la femelle est droite et aplatie. Il habite le gros intestin, et surtout le rectum.

§ 807. Le tricocéphale a la partie antérieure du corps capillaire, le reste tout à coup un peu plus vo- lumineux ; la bouche orbiculaire; le pénis simple, en- gainé.

On trouve dans l'homme le T. dispar : il est inerme ; sa partie capillaire est très-longue , sa tête pointue; le corps de la femelle est à peu près droit; celui du mâle est tourné en spirale ; la gaine du pénis est ovoïde. Ce ver, observé par Morgagni , Wrisberg, Rœderer et Wagler, est très-commun. Il habite le gros intestin , et surtout le cæcum.

§ 858. La filaire a le corps allongé et à peu près égal, la bouche orbiculaire ; le pénis du mâle est pointu et simple.

La F. de Médine , F. medinensis , qui est très-longue , qui a la tête effilée, la queue aplatie et fléchie dans le mâle, demi-cylindrique , pointue et courbe dans la femelle, se rencontre dans l’espèce humaine; mais

DES ANIMAUX PARASITES. 727

entre les tropiques seulement. Elle habite le tissu cellu- laire sous-cutané , et surtout celui des pieds. On a cru au- trefois que c était un ver extérieur pénétrant; il paraît que c’est réellement un entozoaire. La F. des bron- ches, F. bronchialis , est une espèce douteuse , obser- vée et décrite par Treutler, sous le nom d 'Hamula- via, Ijmphatica.

% 809. Le Strongylus gigas a été rangé au nombre des vers qui habitent le corps humain , parce que Ruysch dit avoir vu une fois dans les reins de l’homme des vers semblables à ceux du rein du chien.

Le Spiroptera hominis est une espèce encore douteuse, observée par MM. Barnett et Lawrence, et sortie de la vessie urinaire d’une femme.

M. H. Cloquet a récemment décrit , sous le nom d’ Ophiostoma ponterii , un ver rendu par un homme en vomissant, et observé par M. Pontier.

Beaucoup d’autres vers ont été indiqués comme ha- bitant le corps humain , qui ne se trouvent que dans les animaux ; d’autres ne sont que des larves, ou d’autres objets plus ou moins analogues à des vers qui se trou- vent fortuitement dans les matières des excrétions , ou qui y ont été placés par supercherie.

ARTICLE II.

DES ANIMAUX PARASITES.

§ 860. Les animaux parasites sont beaucoup plus étrangers encore à l’organisation que les entozoaires.

Les uns cependant sont des insectes naissant, vivant et se reproduisant à la surface et dans l’épaisseur de la

ANATOMIE GÉNÉRALE.

728

peau : tels sont le Pediculus humanus corporis , le P. capitis , le P . pubis ; le Pulex irritans , le P. pencirans; Y A car us scabiei ou Sarcoptes .

D’autres insectes sont déposés sous la peau et dans les cavités muqueuses , à l’état d œufs , s’y développent à l’état de larves, et en sortent ensuite : tel est Y OEstrus, si commun dans le cheval, le bœuf, le mouton, et que l’on a trouvé aussi sous la peau de l’homme et dans les sinus de sa face. Des larves du genre Musca et de quelques autres , se développent aussi quelquefois dans le conduit auriculaire des enfans malpropres , à la surface des ulcères , etc. Il ne faut pas oublier que beaucoup d’exemples de larves excrétées doivent être rapportées à des supercheries ou à des cas fortuits.

§861. Certains autres animaux pénètrent, à l’état adulte dans les cavités muqueuses du corps, y demeu- rent plus ou moins long-temps , et y causent diverses altérations; telles sont, entre autres, les sangsues, Hirudo medicinalis , et H. alpin a ; tel est probable- ment aussi le dragonneau, Gordius. On a cru que le lombric terrestre pouvait pénétrer dans le corps : c’est l’effet ou d’une méprise ou d’une supercherie. La furie infernale de Linnæus paraît être un ver imaginaire.

Quelques insectes, enfin, ne font que blesser méca- niquement la surface extérieure du corps, ou y déposer un venin; ils sont d’ailleurs tout-à-fait étrangers.

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FIN.