NOTES D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE COMPARÉES Bordeaux, imp. G. Gounouilhou, rue Guiraude, 11. NOTES D'AiATÛilE ET DE PHYSIOLOGIE COMPARÉES LE D>- PAUL BERT PROFESSEUR DE ZOOLOGIE A L\ FACliLTÉ DES SCIENCES DE BORDEAUX Séri< Extrait des Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeau^s, Cahier (suite), 1866 PARIS J.-B. BAILLIÈRE LIBIÎAIRE DE l'académie EMPÉRIALE DE MÉDECINE rue Hautefeuille, 19 1867 Digitized by the Internet Archive in 2015 https://archive.org/details/b21481520 TABLE Note sur la mort des poissons de mer dans l'eau douce 7 Note sur l'action élémentaire des anesthésiques (éther et chloroforme), et sur la période d'excitation qui accompagne leur administration 11 Note sur la présence de VAmphioxus lanceolatus dans le bassin d'Arcachon et sur ses spermatozoïdes 17 Notes diverses sur la locomotion chez plusieurs espèces animales 21 Note sur la présence, dans la peau des holothuries, d'une matière insoluble dans la potasse caustique et l'acide chlorhydrique concentré 35 Note sur un signe certain de la mort prochaine chez les chiens soumis à une hémorrhagie rapide 37 Note sur quelques points de la physiologie de la lamproie {Petromyzon marinus Linn.) 45 NOTE SUR LA MORT DES POISSONS DE MER DANS L'EAU DOUCE La plupart des poissons de mer, surtout de ceux qui habitent au large, meurent rapidement quand on les plonge dans l'eau douce, et, réciproquement, la plupart des poissons d'eau douce périssent très vite dans Teau salée. Ceci arrive non-seulement pour les pois- sons, mais pour les mollusques, les crustacés. Il est vrai que lorsque la transition est lentement et progressivement opérée, on observe de remarquables résultats de tolérance. C'est ce que nous présentent, par exemple, dans l'état de nature, les saumons, anguilles, lamproies, etc., et divers expérimentateurs, entre autres Boudant, ont obtenu de cette tolérance des exemples encore plus curieux. Mais dans les cas de changement subit suivi de mort rapide, à quoi est due cette mort? A l'action directe du sel sur les branchies ou à la suppression de cette action ? A la différence de composition des eaux entraînant des différences dans leur pouvoir osmotique, et, par suite, dans l'exécution des phénomènes respiratoires? Le magnifique aquarium d'Arcachon, où se conservent dans le plus parfait état de santé les poissons, même de haute mer, m'a permis de faire, pour m'éclairer sur cette difficulté, les expériences suivantes : i^^ série. — Dans divers vases cylindriques sont placés en quan- tité égale (un litre et demi) : 4^ de l'eau douce; 2** de l'eau douce ramenée au même degré aréométrique que l'eau de mer des bassins au moyen de sucre ordinaire. J'introduis, dans chacun de ces vases, un griset (Sparus 8 NOTE SUR LA MORT DES POISSONS DE MER mendola) et un rouget (Mulhis). La moyenne des expériences me donne : Pour les grisets : dans Teaii douce, mort après 43 minutes. — sucrée, — 62 — Pour les rougets : dans l'eau douce, mort après 14 — — . sucrée, — 55 — Mais les animaux sont assez mal à Taise dans ces vases étroits ; ainsi, un des grisets placés comme témoins dans de semblables quantités d'eau de mer, est mort en 50 minutes. Je me procure donc des vases plus vastes et à surface plus étendue. . 2^ série. — Petits aquaria parallélipipédiques : Quantité de liquide 4 lit. 80. Résultats moyens : Grisets : eau douce, mort après 86 minutes. — sucrée, — 153 — , Rougets : eau douce, mort après 44 — — sucrée, — 68 ~ Le résultat fourni par les grisets est surtout intéressant, parce que des poissons de même espèce se sont fort bien comportés dans les aquaria semblables et remplis d'eau de mer où je les avais conservés comme témoins, tandis que les rougets, redoutant davantage le confinement, un de leurs témoins est mort après 104 minutes, un autre après 200 minutes. On voit, d'après ces quelques expériences, que les poissons de mer (au moins les spares et les rougets) vivent notablement moins long- temps dans l'eau douce que dans l'eau sucrée, de même densité que l'eau de mer. Il est donc très vraisemblable que la différence des densités est pour beaucoup dans la mort des animaux à respiration branchiale, transportés de Teau salée dans Feau douce ou récipro- quement. Très probablement encore, la différence des densités agit surtout en raison de la différence des pouvoirs osmotiques avec laquelle elle est en rapport. Si mes poissons ont succombé assez rapidement dans l'eau sucrée, cela tient sans doute principalement à ce que, à densité égale, l'eau de mer et l'eau douce sucrée n'ont pas le DANS l'eau douce. 9 même pouvoir osmotique; il faut aussi faire intervenir d'autres facteurs, tels que la solubilité, probablement différente, de Toxygène dans Tun et l'autre liquide. Mais comment la différence de pouvoir osmotique a-t-elle pour conséquence la mort du poisson? Faut-il, dans le cas du poisson de mer transporté dans l'eau douce, attribuer sa mort à Vasphyxie consécutive à l'épaississement de la membrane branchiale, ou au gonflement par l'eau des franges branchiales, gonflement qui arrê- terait la circulation? Les recherches que j'ai pu faire à ce sujet ne m'ont rien appris jusqu'ici ; mais j'espère beaucoup de celles que me permettra d'entreprendre, dans la campagne prochaine, l'ins- tallation due à la généreuse initiative de la Société scientifique d'Arcachon. Ce n'est là qu'une des mille questions que pourront soulever et résoudre ceux qui sauront profiter du laboratoire et des bassins qu'elle mettra si libéralement, à partir de l'été prochain, à la disposition des travailleurs. Je n'ai pas seulement expérimenté sur l'eau douce, ramenée, à l'aide du sucre, à la densité de l'eau de mer; j'ai aussi essayé, sur les mêmes espèces de poissons, l'action de l'eau glycérinée, de l'eau gommée, de l'eau chargée de carbonate de soude, dans les mêmes conditions aérométriques. Dans ces deux derniers liquides, les poissons meurent beaucoup plus rapidement que dans l'eau douce; l'eau glycérinée, moins dangereuse, est très inférieure à l'eau sucrée. Arcachon, septembre 1866. NOTE SUR L'ACTION ÉLÉMENTAIRE DES ANESTHÉSIQUES ( ÉTHER ET CHLOROF0RME ) et sur LA PÉRIODE d'EXCITATIOx^ QUI ACCOMPAGNE LEUR ADMINISTRATION Les recherches remarquables de Longet (*) avaient montré depuis longtemps que chez les animaux tués par Tinhalation de réther, la contractilité musculaire et la propriété des fibres ner- veuses motrices persistent; aussi, ce physiologiste rapporte l'anes- thésie dont la prolongation a amené la mort à une perte des propriétés, ou du moins à une cessation des fonctions des centres nerveux : Tencéphale, la moelle épinière, le bulbe rachidien enfin, étant successivement atteints par le poison. Mais ces conclusions dépassent un peu les conséquences des expériences sur lesquelles Longet s'appuie. On pouvait objecter que peut-être ce n'est point sur lés centres nerveux, mais sur les nerfs sensitifs qu'influe l'anesthésique. Une expérience fort simple montre que l'action sur les centres suffît pour expliquer tous les phénomènes de l'insensibilité par l'éther (le chloroforme semble agir exactement de même). Faisons, à la racine du membre postérieur d'une grenouille, une ligature qui l'embrasse tout entier, sauf son tronc nerveux, et qui empêche ainsi toute circulation dans ses tissus. Si nous plaçons cette grenouille à côté d'une grenouille à laquelle on a fait quel- ques heures avant la même opération, mais dont on a de suite (M Expériences relatives aux effets de l'inhalation de Véther sulfurique sur le système nerveux. (Mémoire lu à l'Académie de Médecine de Paris. ~ Masson, 1847.) 12 NOTE SUR l'action ÉLÉMENTAIRE relâché la ligature, afin de mettre ces deux animaux dans des conditions identiques, sauf Tinterruption de la circulation dans le membre; si, dis-je, nous plaçons ces deux grenouilles sous une même cloche, en présence d'éther, nous verrons que toutes deux deviennent insensibles dans le même temps, et que le membre lié perd tout aussi vite sa sensibilité que les membres intacts. Il résulte évidemment de cette expérience que l'action directe sur les nerfs sensitifs n'a aucune importance dans l'empoisonnement par l'éther. Ce n'est pas à dire, bien entendu, que les anesthésiques n'agis- sent pas directement sur les nerfs sensitifs. Déjà, Longet avait dit qu'en exposant un tronc nerveux à des vapeurs d'éther, il devient insensible dans les points impressionnés et dans les points plus éloignés des centres. Mais l'action chimique directe et le refroidis- sement qui accompagne l'évaporation de l'éther compliquent la question. On peut s'assurer de l'effet de l'éther, au moins sur les terminaisons nerveuses intactes, par l'expérience suivante : Une patte postérieure de grenouille, isolée de la circulation générale par une ligature qui n'a respecté que le nerf (précaution nécessaire, car sans cela le poison eût agi à la suite d'absorption sur l'animal entier), est introduite dans le goulot d'une fiole contenant un peu d'éther, goulot que l'on obture avec soin. Après quelques minutes, cette patte est devenue complètement insensible. Mais dans le système nerveux central, sur quelle partie, sur quelle propriété agit l'éther? Le nerf sensitif est resté apte à recevoir et à transmettre l'impression; le nerf moteur est resté apte à recevoir l'ordre de mouvement, à le transmettre et à le faire exécuter par le muscle. Cependant, aucun mouvement ne répond à l'excitation. Est-ce que la sensation n'aurait pas été perçue par la moelle? Est-ce que la sensation perçue n'aurait pas pu se transformer en excitation motrice, ou que celle-ci n'aurait pas pu se manifester par action sur l'origine du nerf moteur? Est-ce, en un mot, la sensibilité réceptive du centre nerveux ou son excito-motricité qui est atteinte? Pour jeter quelque jour sur cette difficile distinction, éthérisons un animal supérieur, un mammifère, jusqu'à insensibilité com- plète; puis, immergeons-le dans l'eau : bientôt il s'agite, et présente, très amoindries, il faut le dire, les convulsions caracté- DES ANESTHÉSIQUES. IB ristiques de Tasphyxie. Que s'est-il donc passé? Le sang, dans lequel diminue jusqu'à disparaître bientôt l'oxygène uni aux globules, le sang, dans lequel augmente l'acide carbonique dissous et combiné, a impressionné, a excité, sans doute en vertu de ces deux modifications, les cellules médullaires douées d'excito-motri- cité, et de là mouvement. Donc, l'excito-motricité persiste, et comme le nerf sensitif a conservé sa propriété, nous nous croyons autorisé à conclure que ce qui disparaît, dans la moelle du moins, c'est la réceptivité sensitive. Arrivons maintenant aux remarques qui constituent l'objet principal de la présente Note. Lorsqu'on soumet un animal à des inhalations d'éther ou de chloroforme, on reconnaît aisément que faction du poison se manifeste d'abord par une excitation plus ou moins vive : l'animal s'agite, respire bruyamment, remue convulsivement la tête et les membres. Si Ton opère sur un animal très intelligent, sur un chien par exemple, et à plus forte raison si l'on opère sur un homme, on voit à ces troubles de la motilité s'en joindre d'autres du côté de fintelligence; on se trouve en présence de rêves dans lesquels fanimal lutte presque toujours contre quelque violence physique imaginaire, et souvent, s'il s'agit de fhomme, contre quelque contrainte ou souffrance morale. Mais bientôt tous ces phénomènes s'apaisent, et l'éthérisé tombe dans un état complet d'insensibilité. Aussi, tous les auteurs sont d'accord pour décrire, avant cette période de relâchement, une période d^excitaiion du système nerveux. Si fon veut simplement exprimer par ces mots f agitation de corps et d'esprit que manifeste Fanimal, on est dans le vrai, tout en n'expliquant rien; mais si Ton entend, comme le font presque toutes les personnes qui se servent de ces expressions, si Ton entend ainsi que le système nerveux cérébro-spinal est primitive- ment excité avant d'être relâché, que son action augmente d'abord d'intensité, pour diminuer ensuite au point d'être annulée pour ce qui a rapport à la réceptivité et à la réflectivité, on avance une hypothèse qui vaut la peine d'être examinée; or, l'examen démon- tre, comme nous allons le voir, que fhypothèse est fausse. Sectionnons, sur un mammifère nouveau-né, chat ou lapin, la moelle épinière au commencement de la région dorsale; immé- 14 NOTE SUR l'action ÉLÉMENTAIRE diatement le tpain postérieur est paralysé, mais pendant longtemps nous pouvons en obtenir des mouvements réflexes. En plaçant alors TaniiTial dans une atmosphère chargée d'éther ou de chloro- forme, on voit qu'après une agitation très vive de la face et des pattes antérieures, Tinsensibilité survient peu à peu en même temps pour les deux paires de m.emhres. Mais nulle agitation ne s est manifestée dans les membres postérieurs; do plus, en les pinçant à différents moments de Finhalation anesthésique, on voit la sensibilité diminuer graduellement à partir de Tétat normal. Il n'y a donc eu aucune suractivité des propriétés de la moelle épi- nière précédant leur disparition. La prétendue période dexcitation n'existe donc pas pour le centre nerveux rachidien. Mms à quoi tient l'agitation excessive des membres antérieurs et de la tête chez l'animal en expérience? Incontestablement, à l'action irritante directe du chloroforme ou de l'éther sur les mu- queuses oculaire, nasale, buccale, et surtout glottique. En effet, ouvrons la trachée d'un lapin, fixons-y un tube de verre muni d'une petite ampoule, et, laissant l'animal en pleine liberté, introduisons dans l'ampoule de petits morceaux d'ouate imbibés de liquide anesthésique. Si l'acte respiratoire n'est en rien gêné, on voit l'animal s'arrêter d'abord dans sa marche, s'accroupir, puis s'endormir, en devenant complètement insensible. Il ne pré- sente, dans cette circonstance, aucune excitation. Il n'existe donc point, dans l'intoxication anesthésique, de véritable période d'excitation, et l'irritation due au contact du chloroforme avec les nmqueuses est la cause principale de l'agi- tation manifestée par les animaux soumis à son inhalation. Chez les lapins, cette cause est certainement la seule; mais en est-il de même chez des animaux plus intelligents, et notamment chez l'homme? Il est permis d'en douter. On peut, je crois, considérer comme certain que, chez eux comme chez les lapins, ni la moelle épinière, ni les organes encé- phaliques, ne sont jamais surexcités dans leurs propriétés; mais il me semble très vraisemblable que, pendant un certain temps, les impressions transmises par une moelle dont les fonctions sont partiellement abolies, à un cerveau lui-même inégalement attaqué dans ses différentes parties, peuvent avoir pour résultat des con- DES ANESÏHÉSIQUES. 15 ceptioïis délirantes plus ou moins nettes, des rêves engendrant des mouvements désordonnés. Il n'y aurait pas là une excitation des cellules cérébrales, mais un trouble dans leurs relations entre elles et avec les cellules médullaires, une sorte d'anarchie cérébrale. Il faudrait, pour s'assurer de la vérité de celte explication, pouvoir soumettre à Tanesthésie quelque personne portant une fistule trachéenne qui permettrait d'introduire directement- le gaz tonique dans les poumons, en éliminant la cause d'erreur due aux muqueuses sus-glottiques. On verrait alors s'il se manifeste quel- ques-uns de ces phénomènes rapportés jusqu'ici à l'excitation du cerveau, et qui ne seraient, au contraire, que la conséquence d'une cessation incomplète et irrégulière de ses fonctions. S'il en était ainsi, il serait permis de se demander si, dans beaucoup de maladies délirantes, l'agitation parfois redoutable des malades est due à une véritable excitation des organes intellec- tuels, ou s'il ne faut pas plutôt l'attribuer à un trouble apporté dans les relations entre les différentes parties des centres nerveux, trouble en rapport avec une diminution dans l'énergie de quelques- unes d'entre elles : d'où se tireraient des conséquences graves au point de vue de la thérapeutique des maladies mentales. Mais ceci nous écarte de notre sujet. Il reste, je pense, démontré par les expériences ci-dessus rapportées : 1'' Que les centres nerveux sont seuls attaqués par les anesthé- siques (chloroforme et éther) employés en inhalation; les nerfs . sensitifsou moteurs, les muscles, le cœur, restant indemnes; 2"* Que l'action de ces poisons, dans la moelle épinière, se porte principalement, sinon exclusivement, sur la réceptivité sensitive, î'excito-motricité étant conservée; 3« Qu'aucune excitation des centres nerveux ne précède cette atteinte à leurs propriétés, et que la période d'agitation peut être expliquée par l'action directe de l'éther ou du choroforme sur les muqueuses sensibles, et aux désordres introduits dans la perception des impressions extérieures et leur saine appréciation. NOTE SUR LA PRÉSENCE DE L'A MPHIOXUS LANCEOL AT U S DANS LE BASSIN d'aRCACHON et sur ses spermatozoïdes Au commencement du mois de mars, M. Fillioux, pharmacien à Arcachon, me montra, conservé dans l'alcool, un petit animal capturé sur un des bancs du bassin (le banc blanc) (^), dans une promenade zoologique faite avec M. Lafont, d' Arcachon, naturaliste distingué. Ma joie fut grande en reconnaissant le fameux et paradoxal AmpJdoxus lanceolatus (Yarell), Branchiosioma lubri- cum (Costa), cet étrange vertébré sans vertèbres, ce poisson sans encéphale distinct, sans cœur, et dont l'organisation tout entière fait une exception des plus remarquables dans nos systèmes zoolo- giques. J'engageai vivement ces Messieurs à poursuivre leurs recherches; elles furent bientôt couronnées d'un plein succès, car M. Lafont rapporta jusqu'à Yingt Aînphioxus d'une seule excursion. J'ai pu moi-même, il y a quelques jours (19 avril), en prendre une trentaine dans Tintervalle de deux marées. Les plus grands que j'ai péchés mesuraient environ 6 centimètres; les plus petits 2 centimètres; peut-être ce résultat est-il dû au tamis trop gros- sier que j'employais pour les séparer du sable. C'est, en effet, dans le sable qu'on trouve ces petits animaux; le banc où nous les avons rencontrés porte de nombreuses moules, et le sable est très vaseux. VAmphioxus est d'une agilité extraor- dinaire, et, bien que prévenu par mes lectures, je fus vraiment surpris de la rapidité avec laquelle il disparaît en s'enfonçant dans le sable (') Depuis l'impression de cette Note, VAmphioxus a été retrouvé sur l'île aux Oiseaux, par M. Lafont, et par moi-même au débarcadère d'Arcachon. Il existe donc probablement dans la plus grande partie du bassin. 2 18 NOTE humide. On le trouve surtout en bêchant au fond des flaques d'eau que laissent les basses-mers dans les grandes marées; mais j'en ai pris en plein sable découvert, au moment, il est vrai, où la marée remontait. Le filet de toile, promené dans l'eau des flaques, ne m'en a jamais ramené un seul; dans mes aquaria, je ne les ai que très rarement vus quitter le sable et nager en pleine eau. Lorsqu'ils le font, c est avec une rapidité extraordinaire, en contournant leur corps latéralement, à la manière d'un serpent. UAmphioxus avait été rencontré dans la Baltique, la mer du Nord et les côtes sableuses de la Grande-Bretagne; la Méditerra- née, en Italie, en Sicile et en France au moins, le possède. M. de Quatrefages, à La RocheUe (si mes souvenirs ne me trompent pas), M. Jourdain, dans le Calvados, moi-même à l'embouchure de la Somme, et sans doute bien d'autres naturalistes à d'autres points, l'avons en vain cherché. La station d'Arcachon est donc non-seule- ment nouvelle, mais elle fournit presque les premiers Amphioxus trouvés sur les côtes Océaniques de la France ; en outre, elle semble d'une richesse exceptionnelle. Peut-être, cependant, l'abondance de nos trouvailles tient-elle à l'époque à laquelle nous avons péché. Peut-être, dans quelques semaines, les Amphioxus vont-ils rentrer dans des fonds qui n'émergent jamais. Il serait possible que ces animaux, comme tant d'autres poissons du bassin, ne s'approchassent des hauts-fonds que pour se livrer à la reproduction. Or, la plupart des Amphioxus que nous avons péchés sont prêts pour le grand œuvre. De chaque côté du corps on voit un chapelet blanc et opaque, occupant presque toute la longueur de la région branchiale, et ce chapelet n'est autre qu'un testicule ou un ovaire. J'ai même eu la bonne fortune de faire, à ce propos, une observation importante. Allant une nuit (20 avril) examiner les Amphioxus péchés de la veille, que je conservais dans mon aquarium, j'en vis un, de la plus grande taille, qui, couché sur le sable, était environné d'un nuage blanchâtre. Ce nuage provenait d'un jet continu, renforcé par des espèces de pulsations fréquentes, lequel s'échappait du pore abdominal. Péché avec une pipette, ce nuage se montra composé de spermatozoïdes très agiles et bien indépendants, bien mûrs, en un mot; ils étaient encore mobiles dans l'eau de mer vingt-une heures après; revus quinze heures SUR l'aMPHIOXUS LANCEOLATUS. 19 plus tard, ils étaient morts (temp. de 14 à 15^). Examinés pendant qu'ils se mouvaient, leur tête donnait à de forts grossissements (obj. n° 7 de Nachet) Tapparence la plus étrange; vue de face, elle semblait bilobée; à plat, trilobée. Mais l'observation faite sur le sec n'a pas fourni les mêmes résultats; les spermatozoïdes paraissent alors de la même taille, environ, que ceux de l'homme, la tête représentant à peu près un vingtième de la queue. Les Amphioxus lâchent ainsi graduellement leur liqueur fécondante; ceux que je conserve depuis trois semaines ont presque complète- ment épuisé leurs réservoirs. Cette éjaculation de spermatozoïdes mûrs est un argument très important à opposer aux naturalistes qui considèrent comme un animal en voie de développement cet étrange poisson. Jusqu'ici, en effet, on ne connaît, dans la série animale, que les Axolotls qui soient susceptibles de se reproduire par voie de génération sper- matique avant d'avoir subi leur dernière métamorphose. J'ai le vif désir d'étudier le développement des Amphioxus ; les conditions exceptionnellement favorables où je me trouve placé me donnent le plus grand espoir d'atteindre mon but. D'une part, la pêche sur les bancs me fournira sans doute, dans quelques semai- nes, des embryons ou du moins des jeunes; d'autre part, les bassins que la Société scientifique d'Arcachon met si généreuse- ment à la disposition des naturalistes, me permettront probable- ment d'étudier les œufs fécondés depuis peu, de suivre révolution des jeunes, et d'observer pendant longtemps les animaux adultes. Ceux-ci, en effet, se conservent très aisément en captivité. J'en garde depuis trois semaines dans un tout petit aquarium, et même dans un simple verre de table, qui se portent parfaitement bien. J'ai pu, le 21 avril, en emporter, dans du sable de mer humide, qui, le 22 à Bordeaux, et le 23 au matin à Paris, étaient en pleine activité. Je les ai déposés, bien vivants, dans l'aquarium de mon excellent ami, M. Alphonse-Milne-Edwards. La résistance vitale de ces animaux transparents, et en appa- rence si frêles, est des plus étonnantes. J'en citerai un exemple frap- pant. Le 10 avril, un Amphioxus fut coupé en deux d'un coup de bêche, entre le pore abdominal et l'anus; presque tout l'intestin proprement dit était enlevé ; aujourd'hui, 4 mai, le tronçon anté- rieur est encore vivant. 50 NOTE SUR l'amphioxus lânceolatus. J'ai coupé la queue à quelques-uns d'entre eux pour voir s'ils présenteraient quelques phénomènes de rédintégration. Jusqu'ici, rien n'a repoussé; bien loin de là, les plaies ne se sont pas cica- trisées, et les animaux se raccourcissent par suite de dissociation et de perte de substance à l'extrémité lésée; la corde dorsale, plus résistante, fait saillie hors des tissus malades. Sur l'un de mes Amphioxus, cette gangrène ascendante est telle que la section primitive (19 avril) ayant été faite comme pour les autres, au-delà de l'anus, le tronçon se termine aujourd'hui en-deçà de l'anus, à moitié chemin environ du pore abdominal. Sur cet animal, la partie amputée, mesurants millim., a joui de mouvements réflexes durant dix-huit heures (temp. 15°). Je n'ai pas encore pu examiner d'un peu près mes Amphioxus; les observations que j'ai faites ne m'ont guère amené jusqu'ici qu'à vérifier les assertions principales de Goodsir, de Retzius, de J. Millier, de Kôlliker, de de Quatrefages, etc., touchant l'anatomie proprement dite. J'ai vu, à travers lescirrhes toujours entrelacés qui protègent la bouche, pénétrer les particules alimentaires attirées par le mouvement des cils cibratiles rangés en séries régulières sur les parois buccales ; je les ai vues ressortir soit par le pore abdominal, soit par l'anus, selon qu'elles avaient traversé ou non la claire-voie de l'appareil branchial. J'ai constaté aisément les étranglements et les renflements successifs de la moelle épinière, et sa terminaison antérieure obtuse, avec laquelle sont en rapport les yeux et l'organe de Kôlliker. Puis aussi, l'appareil circulatoire, si étrange, avec ses vaisseaux longitudinaux contractiles, ses bulbilles artérielles, son sang incolore. Je me propose d'étudier avec tout le soin dont je suis capable ces particularités si intéressantes. J'insisterai surtout sur l'histologie, et je m'efforcerai notamment de chercher jusqu'à quel point sont fondés les reproches faits par Marcusen aux travaux de de Quatrefages. Dans la note actuelle, j'ai seulement voulu donner à la décou- verte qu'ont faite MM. Fillioux et Lafont la publicité qu'elle mérite, et signaler à l'attention des naturalistes l'émission spontanée de spermatozoïdes bien mûrs que j'ai constatée sur mes Amphioxus. Arcachon, 4 mai 1867, NOTES DIVERSES ■ SUR LA LOCOMOTION CHEZ PLlîSIEURS iSPiCES ÂIMALES Je iirétais proposé, il y a sept ou huit ans, de prendre pour sujet de ma thèse inaugurale la question si complexe de la locomo- tion ; et avec cette ardeur intrépide qui caractérise les débutants, je ne prétendais à rien moins qu'à traiter de la locomotion dans le règne animal tout entier! Ce que méritait mon imprudence arriva : attaquant à la fois mille questions de détail, je n'en résolus aucune, et bientôt, entraîné par d'autres recherches, fatigué par la richesse même de mon sujet, je l'abandonnai sans avoir rien publié. Déjà, cependant, et ceci date, je le répète, de 1860 à 1862, j'avais constaté des faits d'un véritable intérêt, et qui, étudiés depuis avec plus de suite et de méthode par plusieurs physiologis- tes, ont fourni à Monnoyer le sujet d'un excellent Mémoire sur la locomotion des poissons, à Maurice Girard celui d'un travail très intéressant sur le vol des insectes, etc 11 m'a paru aujour- d'hui que ce ne serait pas du temps complètem.ent perdu que de mettre au jour celles de ces notes d'expériences déjà anciennes qui ne sont point devenues des banalités; il va sans dire que, pour les faits antérieurement publiés par d'autres expérimentateurs, je n'ai garde de faire entrevoir nulle réclamation de priorité : je ne citerai mes résultats que lorsqu'il me semblera utile de confirmer les propositions démontrées par d'autres, mais que j'avais pu établir, par devers moi, sans nulle préoccupation de contrôle. Ce qui va suivre ne constitue donc pas un travail d'ensemble, mais, comme le titre l'indique, une suite de notes diverses, la plupart assez anciennes déjà, sur la locomotion chez divers animaux. 2*2 NOTES DIVERSES A. Mammifères. — Homme. — Je ne parlerais pas de la loco- motion chez rhomme, sur laquelle je n'ai point de résultats per- sonnels, si je ne croyais point devoir émettre un avis dans la dis- cussion élevée par Giraud-Teulon et Duchenne (de Boulogne), à propos de la théorie de la marche, donnée par les frères Weber, et acceptée par la plupart des physiologistes : entre autres par Longet et J. Béclard, dont les livres élémentaires, justement répu- tés, sont entre les mains dé tout le monde. La marche doit être, à mon sens, définie : une série de chutes en avant, arrêtées alternativement par chaque pied, peu après que la verticale abaissée du centre de gravité a quitté la base de sus- tentation formée par l'autre pied. Or, selon les Weber, le pied qui arrive ainsi en avant est transporté, par une simple oscillation, à la manière d'un pendule, oscillation dont le centre de mouvement est dans l'articulation coxo-féaiorale. « Il est prouvé, dit Lon- get C), que les muscles des membres inférieurs ne jouent aucun rôle, et qu'ils restent dans le relâchement complet pendant que la jambe devenue flottante oscille d'arrière en avant, à la manière et suivant les lois du pendule )) J. Béclard (^) s'exprime avec plus de circonspection en disant : ci Le membre qui quitte le sol obéit à la pesanteur, et oscille, dans l'articulation coxo- fémorale, à la manière d'un pendule, sans que la contraction musculaire entre nécessairement en jeu. » Nous ne pouvons, pas plus que Giraud-Teulon (^), accepter cette interprétation. Ce n'est pas que nous croyons, comme le mathéma- ticien dont nous venons de citer le nom, que l'adhérence signalée par les physiologistes allemands entre le fémur et la cavité coty- loïde, adhérence due à l'action de la pesanteur, n'existe que sur le cadavre; rien n'est plus facile, en effet, que de répéter sur l'animal vivant les expériences des Weber, et de vérifier leurs conclusions. Mais nous considérons comme certain, par l'observation directe, que le membre qui se porte en avant est entraîné, non par la pesan- teur, mais par l'action musculaire des fléchisseurs de la jambe et de ceux de la cuisse, qui soulèvent le membre et le détachent du (1) Traité de physiologie, 1 vol., 2^ partie, 18GI, p. 78. (') Traité élémentaire de physiologie humaine, 1866, p. 728. (■^) Principes de mécanique animale, 1858, p. 223 et suiv. SUR LA LOCOMOTION CHEZ PLUSIEURS ESPÈCES ANIMALES. 53 sol; des fléchisseurs de la cuisse, qui rentraînent en avant en le raccourcissant de manière à Tempêclier de toucher terre à son passage, et des extenseurs de la jambe, qui rallongent et l'appli- quent au sol. 11 suffit, ce me semble, de s observer soi-même avec soin, mais en prenant bien garde de ne pas troubler révolution naturelle de la marche, pour constater ces contractions successives. D'ailleurs, à la suite d'une marche un peu prolongée, et, chez les personnes faibles ou convalescentes, à la suite de quelques pas, la fatigue, les douleurs ou même les gonflements musculaires locaux prouvent suffisamment que la pesanteur n'a pas seule fait osciller les jambes, et que les muscles ont énergiquement agi. J'ai vu mourir, d'une inflammation suppurative du muscle psoas, consé- cutive à des marches forcées, un soldat qui se fût fort bien trouvé de n'avoir eu pour se transporter qu'à laisser osciller ses membres inférieurs. On peut, il est vrai, en y faisant grande attention, arriver à amener sa jambe en avant sans nulle contraction muscu- laire; mais c'est à la condition d'élever beaucoup son centre de gravité pour empêcher le pied de toucher terre en passant, et on s'aperçoit vite que c'est là un mode de progression anormal. La pesanteur ne me paraît pas plus intervenir dans la marche que dans la progression du sang dans les artères des membres inférieurs, bien que son action soit disposée de manière à favoriser ces deux actes physiologiques. Rats. — Les rats, comme les kanguroos, possèdent une station sur trois membres, les deux pattes et la queue, tout à fait compa- rable à celle de ces industriels qui s'appuient en arrière sur un bâton pour débiter une boisson chère au peuple parisien. Gela est connu depuis longtemps; mais ce qu'on a moins remarqué, c'est le rôle de la queue des rats, et très probablement des kanguroos, dans le saut. Elle en est l'un des agents les plus efficaces : un rat privé de queue saute moitié moins loin qu'un rat intact. Le rat qui veut sauter appuie contre le sol le dernier tiers ou le dernier quart de sa queue, qui forme alors une courbe et presque un angle à ouverture postérieure; puis, soudainement, il contracte les muscles longs abaisseurs : ceux-ci redressent brusquement la courbe, et déter- minent la projection en avant. Je suis persuadé que les chasseurs de kanguroos ont dû remarquer qu'on s'empare beaucoup plus aisément d'un animal dont la queue a été brisée d'un coup de feu. 24 NOTES DIVERSES Chez les rats, la queue possède encore un autre usage : elle leur sert efficacement à grimper, en fournissant, par sa grande longueur et ses aspérités transversales, un vigoureux point d'appui. J'ai pu garder des rais albinos, privés de queue, dans des boîtes en bois ouvertes, dont les bords n'avaient pas O'^bO de hauteur; intacts, ils se fussent bien vite enfuis, soit en grimpant, soit en sautant. Girafe. — La girafe marche l'amble comme le chameau et le lama; mais à la différence de ceux-ci, elle présente ce fait remar- quable que, dans le pas ordinaire, le pied postérieur d'un côté vient se placer en avant du pied antérieur du côté opposé. Rhinocéros. — Dans la marche du cheval, le corps appuie alternativement sur un bipède latéral et sur un bipède transversal, de telle sorte qu'un pas complet de marche se compose d'un demi pas de trot suivi d'un demi pas d'amble. Chez les mammifères très lourds, et notamment chez les rhinocéros, il en va autrement, et le corps porté toujours sur trois pieds. 11 en résulte qu'ici la marche n'est plus constituée par une succession de chutes arrêtées, et que jamais le centre de gravité ne sort de la base de sustentation. Du reste, chez les rhinocéros, la succession des mouvements, dans les quatre membres, a lieu suivant le même ordre que dans le cheval, par exemple : 1^ Antérieur gauche; 2° postérieur droit; 3° antérieur droit; 4" postérieur gauche. Hippopotame. — L'hippopotame marche d'une manière tout à fait différente: au pas le plus lent, il marche comme le cheval au trot, cest à dire qu'il appuie alternativement sur les bipèdes dia- gonaux, et repose ainsi seulement sur deux pieds. B. Oiseaux. — Queue. — La queue, disent tous les auteurs, joue dans le vol le rôle de gouvernail : l'oiseau s'en sert pour se diriger. Il est bien vrai que, dans la chute très lente, rectiligne ou spirale qui constitue l'acte de planer, on voit les oiseaux de proie mouvoir leur longue queue, de telle façon que le sens de leur chute peut en être impressionné; mais il est facile de remar- quer directement que l'inclinaison de l'aile du côté où ils se dirigent a bien plus d'importance et d'efficacité. D'autre part, il ne manque pas d'oiseaux qui ne possèdent pas de queue ou n'ont qu'une queue très courte, et qui volent parfaitement. SUR LA LOCOMOTION CHEZ PLUSIEURS ESPÈCES ANIMALES. 25 Mais dans les oiseaux dont le vol est constitué par une série de bonds qui donnent à leur trajectoire une forme onduleuse, la queue sert très efficacement à arrêter la chute, et son mouvement actif, comme la direction quelle prend alors, aide Toiseau à remonter dans sa course aérienne. Il suffit d'observer avec quelque soin une pie pour bien apprécier le rôle de la queue dans le vol de cet oiseau. xMais ce rôle n'est ni le seul, ni peut-être le plus important. Si, tandis que nous continuons d'examiner notre pie, elle vient à se percher, et, particulièrement, sur quelque pièce isolée, nous la verrons, en arrivant sur sa base étroite, abaisser et relever suc- cessivement sa queue, et cela à diverses reprises. Pour nous éclairer sur la valeur de ces faits, prenons un oiseau bon voilier, possédant une queue de dimensions moyennes, un pigeon, et coupons-lui les rectrices aussi près que possible de leur base. L'oiseau, lâché en pleine liberté, n'en vole pas moins bien; il monte, descend, tourne avec la même aisance qu'auparavant; mais vient -il à se poser sur une branche ou sur le bord d'un toit, d'un mur, aussitôt il tend à tomber, et tombe même, les premières fois, sur le bec : l'absence de la queue le gêne évidemment beau- coup pour reprendre son équilibre. C'est là, ce me semble, le rôle principal de la queue chez les oiseaux percheurs. Aile. — J'ai cherché à déterminer expérimentalement l'impor- tance qu'ont, dans une aile donnée, les différentes rémiges par rapport à l'acte du vol. J'ai pris pour exemple le pigeon biset. L'aile du pigeon possède dix pennes primaires. Chez un oiseau de 25^ de longueur (de la base du bec à l'anus), et dont l'aile étendue, au maximum, mesure 38% le bras et l'avant-bras ont 11' (5'-} 6"), la main et la penne la plus longue (la deuxième), W (6' t- 23'); entre la première et la deuxième rémige, il y a 22"™ de différence; entre la deuxième et la troisième, 10'"™; entre la troisième et la qua- trième, 12'"'"; puis successivement 25'"'", 15""", 20""", 10'"-", 1()""", 12'""'; la dixième rémige primaire n'a ainsi que 15''5; les rémiges secondaires ne dépassent pas celle-ci. Or, sur une semblable aile, l'ablation de toutes les rémiges secondaires, malgré l'énorme diminution de surface qui en est la conséquence, ne paraît pas influer sur l'aisance et la rapidité du vol, qui, sans doute, a perdu un peu en puissance. En coupant 26 NOTES DIVERSES maintenant les rémiges primaires de dedans en dehors, je vois que lorsque leur nombre est réduit à 7, Toiseau, qui vole encore très bien et rapidement, a une difficulté manifeste à changer le niveau de son vol. Je ne laisse alors que les cinq pennes extérieures, et le pigeon, à mon grand étonnement, fournit aussitôt un vol rapide, rectiligne, horizontal ou légèrement ascensionnel, de 150 mètres environ. Puis il tombe brusquement, sans que j'aie pu nettement démêler la cause de sa chute, et ne peut se relever. Je le laisse alors reposer; puis j'ampute encore deux rémiges; l'oiseau ne peut plus alors voler- horizontalement que pendant une vingtaine de pas, avec ses tronçons d'ailes réduites aux trois pennes extérieures. Sur un autre pigeon, j'attaque l'aile de dehors en dedans, et j'enlève successivement les cinq premières rémiges; à ce point, l'oiseau, dont j'ai ainsi raccourci l'aile de 6% ne peut plus s'élever, mais vole encore un peu, horizontalement; la sixième coupée, il devient incapable de se soutenir en l'air. Mais ce n'est pas seulement le raccourcissement de l'aile qui empêche le pigeon de voler, et notamment de s'élever. Si, en effet, au lieu de couper les cinq premières pennes à leur base, je taille l'extrémité de l'aile en forme d'aile obtuse dont la sixième penne soit la plus longue, le pigeon, non seulement peut voler horizontale- ment, mais peut s'élancer de terre jusque sur une planche située à 7 pieds de hauteur. Donc, dans les ailes obtuses, le renforcement fourni au bord qui attaque l'air par les pennes antérieures à la plus longue, n'est nullement à négliger. La surprise que j'ai éprouvée en voyant s'envoler avec autant d'aisance le pigeon auquel je n'avais respecté que Içs cinq rémiges externes, diminua beaucoup lorsque j'étudiai l'aile de certains oiseaux bons voiliers à ailes très échancrées. Si nous prenons comme exemple le sterne pierre-garin, dont les dimensions sont moindres que celles du pigeon biset, nous trouvons que sa pre- mière rémige , la plus longue , qui mesure 24% dépasse la deuxième de 10"'""; celle-ci dépasse la troisième de 25"""'; puis successivement 27«>"\ 27"'"\ 27"^"% 27"^"", 24™"^, 24"^"% 15™'". La marche de cette décroissance et la largeur des pennes sont telles, que l'aile normale du pierre-garin représente presque l'aile du pigeon, à laquelle on a enlevé les sixième, septième, huitième, neuvième et dixième pennes primaires. SUR LA LOCOMOTION CHEZ PLUSIEURS ESPÈCES ANIMALES. 27 Ces deux aile$ représentent deux types bien différents parmi les animaux bons voiliers. Dans la première, les pennes primaires décroissent lentement de longueur, et la dixième a au moins la moitié de la longueur de la plus longue (pigeon : 23% IS'^S); la décroissance est bien plus rapide, et la différence entre les deux rémiges bien plus grande (sterne : 24% Q'^S) dans la seconde. Dans les oiseaux qui présentent celles-ci, les pennes primaires forment avec les pennes secondaires une vaste échancrure, et c'est sans doute à risolement des pennes de la main, au peu de largeur de leur ensemble, qu'il faut attribuer Firrégularité- pleine de brus- querie que présente le vol , dont la trajectoire n'est, par mo- ments, composée que de zigs-zags à angles vifs. Il y a là, ce me semble, entre les diverses ailes, une différence plus importante que celle sur laquelle insistait Isid. Geoffroy Saint- Hilaire, basée sur le numéro d'ordre de la penne la plus longue, numéro qui marquait, pour ainsi dire, selon lui, la valeur locomo- trice d'une aile. A ce compte, l'aigle, dont la quatrième et la cinquième rémiges seulement sont les plus longues, passerait bien après le grèbe, dont la deuxième penne est la plus longue, ou surtout la caille ou le macareux, dont l'aile si courte est sur- aiguë. Le problème est d'ailleurs extrêmement complexe : la longueur totale de faile, son aire, sa forme, celle de son périmètre, les pro- portions de ses différentes parties, la raideur de ses pennes, la puissance de ses muscles moteurs, sa position par rapport au centre de gravité, sont autant de conditions dont il faut tenir compte pour apprécier le rapport de l'organe avec l'énergie de sa fonction. Une seule condition est constante : c'est la position, dans l'état de station, de Farticulation des ailes au dessus et en avant du centre de gravité, d'où la stabilité de l'oiseau durant le vol, et sa facilité à s'élever, le corps incliné, de bas en haut et d'arrière en avant. Faire la part des autres conditions serait un ensemble de questions dont la difficulté dépasse, ce me semble, fintérêt. J'ai seulement voulu montrer, par une simple expérience, l'im- portance capitale des quatre ou cinq premières rémiges qui peu- vent, chez le pigeon du moins, à elles seules, suffire au vol, et dont l'ablation détruit pour cet oiseau la possibilité de la vie aérienne. Il serait intéressant de répéter ces expériences sur des oiseaux 'i8 NOTES DIVERSES possédant une forme d'aile différente, sur des hirondelles, par exemple. Sacs pulmonaires. — Il n'est plus personne qui considère les sacs pulmonaires des oiseaux comme aidantMeur vol par une diminution de la densité du corps. On peut facilement s'assurer, en effet, qu'un oiseau de grande taille gagne à peine quelques grammes par l'intervention de l'air échauffé que contiennent ses sacs. Barthez, et bien plus tard Jobard (de Bruxelles), leur avaient fait jouer un certain rôle, assez étrange, dû à la réaction de l'air poussé dans l'intérieur des os. Mais ayant ouvert largement sur un pigeon le sac sous-claviculaire, et ayant percé avec un trocard les quatre gros os aérifères de ses membres, je l'ai vu s'envoler avec tout autant d'aisance et de force qu'auparavant. xMais il est un genre spécial de locomotion dans lequel les sacs aériens peuvent aider l'oiseau; je veux parler de l'acte du plonger pendant la natation. Ce n'est autre chose qu'une sorte de saut péril- leux en avant, dans lequel l'oiseau prend un point d'appui en choquant de ses pieds les couches liquides. Or, dans un pareil mouvement, le déplacement brusque, d'avant en arrière, d'une certaine quantité d'air peut aider au mouvement de bascule, au même titre que la projection de la tête en avant. Aussi, les oiseaux plongeurs, et notamment les grèbes et les foulques, sont munis d'un muscle en éventail qui, s'insérant sur la fourchette, embrasse le sac sous-claviculaire, et peut, par sa contraction, chasser brus- quement quelques centimètres cubes d'air dans les cavités abdomi- nales situées de l'autre côté du centre de gravité. Les usages de ces sacs aérifères sont des plus discutés. En leur cherchant un rapport direct et exclusif avec le vol, beaucoup d'auteurs ont oublié que des oiseaux simplement coureurs, comme l'autruche, en possèdent de très développés. Ce qui n'empêche pas qu'ils ne puissent être utiles aux oiseaux grands voiliers, par exemple, en les soustrayant aux effets des changements brusques auxquels ils sont soumis dans la valeur de la pression atmosphé- rique : idée développée par Foley (^). Le rôle qu'on leur a attribué dans le renforcement de la voix est au moins problématique. Ayant largement ouvert le sac sus- i,M Du travail dans (\ur comprimé. Paris, 1863. SUR LA LOCOMOTION CHEZ PLUSIEURS ESPÈCES ANIMALES. 29 claviculaire dun canard, je n'ai pas remarqué que sa voix ait diminué d'intensité, bien qu'elle se soit en quelque sorte faussée. En considérant que les sacs pulmonaires sont ainsi disposés que certains d'entre eux (ceux qui sont sous-cutanés) se vident au moment de l'inspiration, et mélangent par suite l'air qu'ils con- tiennent à l'air attiré du dehors, je suis amené à penser que très souvent ils mettent les qualités de cet air extérieur en équilibre avec les nécessités de l'oiseau. Durant l'hiver, et dans les hauteurs où il vole, ces sacs lui fournissent un air tiède qui mitigé l'action de l'atmosphère insuffisamment réchauffée dans la trachée, déjà longue cependant. Et, inversement,^dans le poumon de l'autruche, leur air saturé d'humidité se mélange utilement à l'air desséchant du désert. Mais leur rôle le plus universel dans la classe paraît être, par l'alternance de leurs mouvements, d'entretenir constam- ment dans les poumons de l'oiseau un courant d'air non épuisé pendant l'expiration comme pendant l'inspiration; d'où résulte véritablement une respiration double, selon l'expression de Cuvier, mais non dans le sens erroné qu'il donnait à ce mot. Grèbes. — Le mode de station et de locomotion des grèbes a été l'occasion d'une discussion entre les ornithologistes. Pour la plupart, les grèbes se tiennent et marchent debout sur la terre. D'après M. Hardy, M. Gerbe et d'autres, ces oiseaux marchent comme les autres, inclinés à l'horizon. Or, l'examen de leurs membres postérieurs démontre que les grèbes ne peuvent pas marcher à la façon des autres, c'est à dire en appliquant sur le sol la surface plantaire, tandis que le tarse est dans la position verticale. 11 est, en effet, impossible de fléchir en avant le pied sur le tarse; à peine, en violentant l'articulation, peut-on obtenir entre ces deux segments un angle d'environ 460% à ouverture antérieure. . Aussi, à l'état de repos, le grèbe s'accroupit j ses pattes portant à terre jusqu'au talon, et faisant ensemble un angle d'environ ^S''. Dans la course, il touche terre seulement avec l'extrémité des doigts, le corps très incliné en avant, le cou tendu, et se soute- nant par les battements très rapides de ses petites ailes courtes et concaves. Lorsqu'il nage entre deux eaux, il se tient pres- que horizontalement, agitant latéralement les pattes, mais ne remuant en aucune façon les ailes, qui restent serrées au corps. 30 NOTES DIVERSES Ces observations ont été faites sur des grèbes castagneux à Vétat libre. G. Reptiles. — La marche de la tortue grecque est la même que celle du cheval, comme succession de mouvements dans les pattes; mais, comme le rhinocéros, elle porte toujours à terre sur trois pattes. D. Poissons. — La locomotion des poissons, surtout dans ses rapports avec la vessie natatoire, a été récemment le sujet d'un travail très intéressant de Monnoyer. Monnoyer (^) a d'abord très justement remarqué que Téqui- Hbre d'un poisson dans leau ne peut être maintenu que par d'incessants efforts musculaires. Mort ou paralysé, il tourne sur le dos. La vessie natatoire ne peut être la cause de cet équilibre, car la plus grande partie est placée au dessous du centre de gravité. Une expérience simple montre que non seulement elle ne sert pas au poisson pour le maintenir le ventre en bas, mais que souvent elle lui nuit. Si, à une tanche, on coupe toutes les nageoires paires et impaires, l'animal tourne sur le flanc, et devient incapable de s'enfoncer dans l'eau ; mais si, avec un trocart enfoncé sur la ligne latérale (à une distance de l'ouverture des ouïes à peu près égale à celle qui sépare l'œil de l'extrémité du museau), on perce la vessie natatoire et qu'on en aspire l'air, la tanche tombe au fond de l'eau dans sa position normale, le ventre en bas. 11 est nécessaire d'indiquer l'espèce sur laquelle on opère, car les résultats varient avec la forme du corps. Ainsi, tandis qu'une tanche se comporte comme je viens de le dire, après l'ablation de toutes ses nageoires, une carpe est beaucoup moins gênée par la même opération, un brochet ou un cyprin doré ne paraissent guère que perdre un peu de puissance. Au contraire, selon Monnoyer, les ablettes, goujons, gardons, barbeaux et perches, lorsqu'ils ont été privés de toutes leurs nageoires, se renversent sur le dos. Pour ce qui a rapport à la densité des poissons comparée à celle de l'eau, je dirai avec Monnoyer que certains poissons sont plus lourds, d'autres plus légers que l'eau. Le Sparus mendola (^) Recherches expérimentales sur l'équilibre et la locomotion chez les pois^ sons. {Ann. des Sciences natur. Zoologie, 5^ série, t. VI, 1866.) SUR LA LOCOMOTION CHEZ PLUSIEURS ESPÈCES ANIMALES. 31 flotte, lorsqu'il est mort, dans l'eau de mer, dans le décubitus dorsal, faisant un angle d'environ 30" avec la surface; mais si on le plonge dans l'eau douce, il tombe immédiatement au fond. Ce sont incontestablement les nageoires impaires, et surtout la caudale et la dorsale, qui servent à la locomotion et à l'équilibra- tion des poissons de forme ordinaire. Une tanche privée de ces nageoires se meut beaucoup moins vite et moins adroitement, et ne se maintient en équilibre que par les mouvements incessants de ses pectorales; mais si elle possède sa caudale et sa haute dor- sale, elle se tient facilement en équilibre après l'ablation de ses nageoires paires. J'ai observé, comme Monnoyer, que chez beaucoup de poissons, et notamment chez les cyprins, le mouvement de recul direct n'est opéré que par le jeu des nageoires pectorales. Des observations de cet ordre, intéressantes pour l'histoire naturelle et la physiologie comparée, pourront être faites avec grande facilité dans les bassins de \ aquarium d'Arcachon . E. Insectes. — Marche. J'ai étudié avec quelque soin la mar- che du Carabus auratus : Les pattes étant numérotées 1, 2, 3, l ' 2 ' 3 ' , on voit que jamais deux pattes du môme côté ni du même numéro d'ordre ne se lèvent ensemble. Les pattes se lèvent d'ar- rière en avant : 3, 2, 1 ; 3' , 2 ', 1 ' ; les temps sont ceux-ci : 3 et 2'; 1'; 2 et3'; i. Si on examine les rapports du centre de gravité avec les pattes, on voit que, dans le repos, il tombe dans le quadrilatère 2, 2', 3, S' y plus près de 2, 2' que de 3, 3'. Si l'animal marche, et lève par exemple 3 et 2', le centre de gravité se trouve compris dans le quadrilatère 1, 1', 2, 3'. Quand 1 se lève, il est encore compris dans le triangle 1 ' , 2, 3' . En un mot, jamais il ne sort de la base de sustentation ni ne tend à en sortir. La marche n'est donc pas ici, comme chez les bipèdes et les quadrupèdes, une série de chutes arrêtées, dans lesquelles le centre de gravité, porté en avant, détermine le mouvement. 11 y a ici simple traction et propulsion. De plus, les articulations se mouvant dans le sens horizontal et non dans le sens vertical, le centre de gravité n'est pas, comme chez les bipèdes et quadrupèdes , alternativement élevé, puis abaissé. Sa trajectoire, en un mot, est horizontale et sensiblement 35 NOTES DIVERSES rpctiligne, tandis que chez les animaux dont je viens de parler, elle décrit des oscillations à la fois dans une direction verticale et dans une direction horizontale. Chez les agrions, la marche est très peu différente. Les pattes de chaque côté vont toujours 3, 2, 1, 3' , 2' , r ; mais il n'y a ordinairement qu'une patte à la fois de levée. La paire de pattes la plus nécessaire à la marche, chez le carabe, est la paire médiane. Enlevée, Tanimal peut à peine se traîner, malgré les plus énergiques efforts. L'ablation des pattes antérieures le gêne beaucoup moins. Il en est autrement pour d'autres insectes. Une mouche domes- tique, par exemple, marche assez bien privée de ses pattes médianes; elle avance et grimpe, mais elle ne peut sauter. Si on lui eût enlevé les pattes de la première paire, elle eût été incapable de grimper, et presque d'avancer, mais pouvant encore sauter très vigoureusement. Quant à l'ablation des pattes posté- rieures, elle laisse à l'insecte la possibilité de marcher, de grimper, de sauter. Ainsi, tirer le corps en avant, soit sur un plan vertical, soit sur un plan horizontal, est le fait des pattes antérieures; les médianes servent surtout à sauter; les postérieures soutiennent un peu l'abdomen . Balanciers des diptères. J'ai constaté, après tant d'autres expérimentateurs, l'impossibilité où sont la plupart des diptères de voler après l'ablation des balanciers (celle des cuillerons n'a aucun effet). Il n'y a là nulle paralysie des ailes, l'aile du côté opéré s'agite tout aussi rapidement que celle du côté sain. C'est la tête seule du balancier, dont l'intégrité^est si intime- ment liée à l'acte de voler. Je me suis assuré que si, avec des ciseaux fins, on tranche par la moitié seulement la tête des deux balanciers, la mouche est extrêmement gênée dans son vol; elle ne peut s'enlever de terre, et, lancée en l'air, se soutient très peu à l'horizontale; le reste de la tête du balancier enlevé, elle tombe lourdement à terre. J'ai conservé sous cloche, pendant plusieurs jours, et nourri des mouches privées de balanciers, pensant que peut-être elles s'accoutumeraient à cette lésion; il n'en a rien été. Les mêmes phénomènes sont représentés par les diptères les plus différents de forme, comme les tabaniens et les tipulaires. SUR LA LOCOMOTION CHEZ PLUSIEURS ESPÈCES ANIMALES. 33 Cependant certains diptères (Sapromyza) volent encore avec quel- que vigueur après l'ablation des balanciers, ce qui porte à croire qu'il n'y a là-dessous qu'une question de mécanisme. Mais je n'ai rien pu trouver qui prête à quelque explication de ces faits étranges. Vol. Le travail si complet de Maurice Girard (^) sur le rôle des ailes dans le vol des insectes, ne me laisse presque rien à dire. Je n'ai trouvé, comme lui, que les agrions qui puissent voler également bien avec les ailes de la paire antérieure seules ou celles de la paire postérieure ; mais ils ne peuvent voler avec une aile différente de chaque côté. Chez tous les autres insectes, 0/ l'intégrité des quatre ailes est nécessaire (ex. : Abeille vulgaire); ou bien, soit la paire antérieure (ex. : Sphinx, Xylocope, etc.), soit la paire postérieure (ex. : Panorpe), Mes doivent être res- pectées. Le seul fait intéressant que j'aie à noter ici est l'impossibilité où sont certains coléoptères de prendre leur vol, ou même de se soutenir en Tair, lorsque leurs élytres sont en partie enlevées. G'e&t ainsi qu'un hanneton (Meloloutha vulgaris) ou un taupin (Lacon miirinus), des longicornes (Spondylis hupresioïdes), un sténélytre (Nacerdes melanura), privés des deux tiers postérieurs de leurs élytres, sont complètement condamnés à la vie terrestre. Il en est de même des hémiptères du genre pentatome. Cependant, ces organes ne semblent pas prendre une part active à la locomo- tion aérienne, et ne jouent probablement qu'un rôle d'équilibration. Ainsi, chez la cétoine dorée, où, du reste, on peut sans inconvé- nient les enlever, elles restent appliquées au corps pendant le vol. Le véritable organe locomoteur, chez les coléoptères, est l'aile membraneuse; si, la dépliant complètement, on enlève avec des ciseaux la partie qui déborde les élytres, l'insecte devient incapable de voler (hanneton, etc.). F. Mollusques céphalopodes. — Dans un travail récent, Fis- cher s'exprime ainsi (^) : (( Je pense que l'entonnoir des seiches, s'il est utile aux mouvements, ne sert qu'à la natation rétrograde très rapide. )) Il est facile de s'assurer, au contraire, que cet organe leur sert d'ordinaire pour se diriger dans tous les sens, et même (^) Bull. Société entomologique de France. Janvier 1862. (-J Ann. des Se, natur. zooL, 5e série, t. VI. 3 Si NOTES SUR LA LOCOMOTION CHEZ PLUSIEURS ESPÈCES ANIMALES. en avant. Dans ce dernier cas, Tan i mal recourbe fortement Touver- ture de Tentonnoir en arrière et en bas. Il est ainsi, par le rejet violent de l'eau, projeté en avant et en haut : les bras allongés en pointe et la nageoire marginale régularisent le mouvement. Tout ceci est surtout facile à observer chez les seiches nouvellement écloses, qu'on peut faire aisément promener dans un vase dont le sable du fond met en évidence toutes les contractions de l'en- tonnoir. Au reste, la nageoire marginale peut aussi, comme Fa dit Fischer, suffire à la locomotion, soit en avant, soit en arrière. 25 juin 1867. 1 NOTE SUR LA PRÉSENCE dans la peau des holothuries D'UNE MATIÈRE INSOLUBLE DANS LA POTASSE CAUSTIQUE ET L'ACIDE GHLORHYDRIQUE CONCENTRÉ L'existence de matières plus ou moins comparables à la cellu- lose, insolubles dans la potasse caustique et Facide chlorhydrique concentré, a déjà été signalée chez plusieurs animaux. Telles sont la tunicine, découverte par Schmidt (1846) dans les téguments des mollusques tuniciers, et la chitine, qui forme la partie animale des téguments des insectes et des crustacés, comme Fa montré Odier (1823). La première de ces substances est isomère de la cellulose (G^^ H^^ 0^°); la seconde contient de Fazote, et peut être représentée, dit Berthelot, par la combinaison d'un isomère de la cellulose avec un isomère de la fibrine musculaire. Cet éminent chimiste a obtenu du traitement de ces deux substances par Facide sulfurique à froid, un sucre analogue au glucose, réduisant les réactifs cupro-potassiques, destructible par les alcalis, et fermen- tant au contact de la levûre de bière, avec production d'alcool et d'acide carbonique. Je ne sache pas qu'on ait encore rien constaté de semblable chez les holoturies, dans la peau desquelles se trouve cependant une notable proportion de semblable matière, comme le prouve Fexpérience suivante : '20 grammes 50 de peau desséchée d'holothurie de la Méditerranée ont été traités à plusieurs reprises par une forte solution de potasse et par l'acide chlorhydrique concentré bouillant. Il reste, après l'action de ces réactifs énergiques, 2 grammes 2 de matière insoluble, soit environ 10 0/0. 36 NOTE SUR LA PRÉSENCE, DANS LA PEAU DES HOLOTHURIES, ETC. Je n'étais pas, lorsque je fis cette observation, en mesure de faire l'analyse élémentaire de la substance ainsi obtenue, et j'ai malheu- reusement perdu mon échantillon. Je signale le fait pour que les personnes qui peuvent se procurer aisément des holothuries (aussi rares à Arcachon qu'elles sont communes à Cannes), puissent l'approfondir davantage. âo juin 1867. NOTE SUR UN SIGl CERTAIN DE LA MORT PROCHAIl CHEZ LES CHIENS SOUMIS A UNE HÉMORRHAGIE RAPIDE A répoque où je m'occupais d'une manière suivie de la grefle animale, je fus conduit à faire d'assez nombreuses expériences sur la transfusion du sang, opération que je considère comme une véritable greffe des corpuscules sanguins. Je me proposais d'étu- dier, par ce procédé, quelques-unes des propriétés vitales de ces éléments anatomiques, les limites de résistance que ces propriétés peuvent présenter aux agents extérieurs (température, etc.), l'in- fluence des races, des espèces, etc. Le plan des expériences était des plus simples : saigner un animal (je n'avais en vue que les chiens) jusqu'à ce qu'il arrive à un tel point que, d'une part, sa mort fût certaine, si on l'abandon- nait à lui-même, et que, d'autre part, son retour à la vie fût non moins certain, si on lui réinjectait son propre sang simplement défibriné; puis lui réinjecter du sang soumis à des traitements variés (refroidissement, échauffement, exposition à certains gaz pendant des temps divers, etc.), ou provenant d'autres animaux. Selon que le chien continuerait ou non de vivre, j'aurais la preuve que les globules sanguins auraient conservé ou non leurs propriétés dans les circonstances où les avait placés l'expérience; je dis les globules sanguins, parce qu'on sait, depuis 1821 (^), que c'est à ces éléments seuls qu'est due l'espèce de résurrection des animaux rendus exsangues et soumis à la transfusion. Je pris toutes les précautions . nécessaires pour rendre les (') Prévost et Dumas, Examen du sang, etc