mwâ mm #U.\Z7a * I Digitized bv the Internet Archive in 2015 https://archive.org/details/b21724805_0001 ÉLÉMENS DE PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE ET DE BOTANIQUE. Par C. F. BRISSEAU - MIRBEL, de l’Institut. PREMIÈRE PARTIE. ^iCTr-i A PARIS, Ciiez MAG1MEL, libraire, rue de Tiiionville, n° 9. 1 8 1 5. r G oime/ / (Sectctavic-; pPetpettief 3c Pa- PPVeimè'ic £P 3c P c5iu>üliti — ; jjouo Pca/ Sciences PCb i|ài'£jtie&'. cJUtaowdieiu) et eêeu teste. me alo? ifce c/& filacor votre nom a fa tete de ce ff/aore. (an acce/itcwit ccttcy ^exàcace, 'voua faites aillez ^uvr outre l cvmi= (ce cfonù voua m honorez, ; elfe me donne mi titre /urecieucc a l estime do fPuldtc. tffod Ou/immea omit clwns toutes fer Ûfclfcotlèÿueà ci cote des mvmorteffej /vro ductwnO d ^/fria= tote , de ffft/ne , de (flacon, de fdf 'cme, de fiuffvn; felcpens do^oict voua comptent j&tt, fiamm nod onet/Zetmi (ocnv-amd / vod cwuj onù /tour /i'vud coûte constance dand /oi'7ie, ceùte a^ecù/oii dmced'e, yic md^itrenû ûouyOMd mi caracûô?'& no//e où mi ed^totû dcÿterieiir urud a c/ed yua/ûed aima IL. Ülacl ho/c/é 9710) e/ojyed /iow,-raio}îô = i/d ayouùor a c/e ^tarei/d tcmouy/ïiayyed . / /fe c/otd 9no conùon m ÙC9' tct , te/éo72dteicr , c/e voie) retûoror /&) a^jucMiced c/e 9?io?i mino/a/Ze aôùac/e/menù. /fycrid, ce 3 o te//a/id ) 6’/ o. / AVERTISSEMENT. Les intérêts cle ma réputation exigeaient peut- être que je différasse long -temps encore de faire paraître l’ouvrage que j’offre aujourd’hui au public; mais, depuis plusieurs années, les personnes qui suivent mes leçons ne cessent de me demander que je leur indique des livres élémentaires, et je n’en connais aucun où les faits soient disposés dans l’ordre que j’ai cru devoir adopter. Cette considération m’a déter- miné à hâter la publication de ces Élémens. S’ils sont utiles aux élèves je ne me repentirai pas de ma précipitation, et je réclamerai avec confiance l’indulgence des savans. Ici, comme dans mes autres écrits, je m’ex- plique avec franchise sur les opinions qui me semblent erronnées. Si je résiste quelquefois à l’autorité des noms célèbres, je prie le lecteur d’être persuadé que mon unique but est de faire prévaloir la vérité. Les esprits les plus vigoureux peuvent faillir. Le droit de com- AVERTISSEMENT. battre leurs erreurs appartient à tout le monde, parce que les vérités qu’il nous est permis de connaître intéressent tout le monde. Chaque science doit offrir un enchaînement de faits ri- goureusement démontrés ; les théories vicieu- ses , les observations incomplètes ou fautives , sont des anneaux fragiles qu’il faut s’empresser de remplacer par des anneaux indestructibles. Quant à moi, je verrai avec plaisir que l’on réfute mes propres erreurs, bien résolu que je suis de profiter de la critique. Je crois qu’il m’eût fallu renoncer à pu- blier ces Élémens cette année, si M. Massey ne m’eût aidé de ses conseils et de son travail, comme il le fit autrefois pour mes premiers écrits. Je lui rends ce témoignage par esprit de justice, et non pour satisfaire son amour-pro- pre; car je ne sache point d’homme plus mo- deste et moins avide de réputation. Il trouve dans la culture des sciences un noble emploi de la vie, et n’y cherche point une célébrité à laquelle cependant il aurait bientôt des droits incontestables s’il voulait y prétendre. Je souhaite ardemment que ce livre contri- v\Aï- AVERTISSEMENT, bue à répandre le goût de la Botanique. Cette belle partie de l’Histoire Naturelle est à la por- tée de tout le monde ; et jamais sans doute les consolations que présente l’étude ne furent si nécessaires qu’aüjourd’hui. La vraie philoso- phie outragée par ceux-là même dont l’intérêt et la gloire étaient de la défendre , n’a trouvé de refuge que dans les sciences. Conservons, s’il est possible, ce précieux dépôt. Toutes les vérités se tiennent; les unes conduisent aux autres; il ne faut point désespérer de la raison humaine tant qu’il subsistera quelques traces des bonnes doctrines. • • . « TABLE DES MATIÈRES. P lan de cet Ouvrage i Ire PARTIE. Principes de l’Anatomie et de la Physiologie végétales 7 Ire Section. Idées générales sur la nature du végétal. . 7 Distinction fondamentale entre les êtres qui sont du ressort de l’Histoire Naturelle 7 Aperçu des Caractères extérieurs du végétal 18 IIe Section. Du Tissu organique. Tissu organique vu à l’œil nu Tissu organique observé au microscope Tissu cellulaire Tissu vasculaire Epiderme Considérations générales sur le Tissu organique.. . . Diverses opinions sur la structure du Tissu végétal . IIIe Section. De la Graine et de la Germination De la Graine Enveloppes séminales Arille „ Lorique Tegmen Amande Périsperme Embryon Embryon dicotylédon Embryon monocotylédon Situation des Embryons monocoly lé- don et dicotylédon , relativement aux autres parties de la Graine. . . . De la Germination Germination en général et causes qui l’amènent. Germination des Dicotylédons 26 26 27 28 3o 35 37 38 43 43 44 46 48 49 5i 5a 53 58 62 G5 67 g7 78 ij TABLE DES MATIERES. Germination (les Monocotylédons 80 Direction de la Radicule et de la Plumule pendant la Germination 8a Remarque sur la nature des Cotylédons 83 IVe Section. Des organes conservateurs et de leurs fonc- tions 85 De la Racine 85 De la Tige 98 Organisation du Tronp et autres Tiges des Dico- tylédons 102 Développement et Croissance du Tronc 114 Croissance des Herbes dicotylédones 116 Organisation des Tiges des Monocolylédons. . . 117 Développement des Tiges des Monocotylédons. . 119 Des Branches et des Rameaux 124 Correspondance des Branches et des Racines. ... 127 Des Vrilles, des Griffes et des Tiges grimpantes. . . 128 Quelques applications de la Physiologie à la culture i3o Du Bouton i34 Bulbe... i35 Turion 187 Bulbille 137 Bouton proprement dit i3g Des Feuilles 1 43 Observations préliminaires i43 Formes et structure des Feuilles 147 Stipules i58 Fonctions des Feuilles 160 Irritabilité , mouvement et sommeil des Feuilles. i63 Chute des Feuilles 169 Des Glandes et des Poils des végétaux 171 Des Piquans 175 Ve Section. De la Composition chimique du végétal et de sa Nutrition 178 Des Substances végétales 178 Principes élémentaires 178 Principes immédiats ' 181 Sève iq3 Sucs propres 194 TABLE DES MATIERES. ilj Cambium *9® De l’introduction et de la Marche des Sucs nourri- ciers et autres *9® Succion x9® Déperdition T99 Marche des Fluides dans le végétal 204 Causes de la Succion , de la Transpiration et de la Marche des Fluides 208 e Section. Des Organes générateurs et de leurs fonctions 21 3 Considérations préliminaires sur la Fleur et la Fécon- dation 2 *3 De la Fleur 217 Pistil 2 23 Ovaire 226 Style 229 Stigmate 23 1 Organisation du Pistil a3a Etamines 235 Androphore 240 Anthère 242 Pollen - 247 Périanthe 25o Calice • 252 Corolle 254 Appendices et Formes anomales du Périanthe. 266 Nectaires .. 270 Pédoncule 272 Enveloppes accessoires de la Fleur, telles que Bractées proprement dites, Calieules, In- volucres, Involucelles , Bractéoles , Spa- thes , Spathelles, Spatlielules, Paléoles, Cupules 274 Inflorescence 178 Epanouissement de la Fleur et Floraison 285 Fécondation 296 Expériences qui ont servi à démontrer l’exis- tence des Sexes et la Fécondation dans les plantes 3o4 IV TABLE DES MATIERES. VII* Section. De la Fructification et de la Dissémina- tion 3iï De la Fructification 3ia Développement des Ovules et des Ovaires 3i3 Du Péricarpe et de la Graine , considérés comme parties constituantes du Fruit 3ï2 Classification artificielle des Fruits 33o Fruits des Gymnocarpiens 33a Fruits carcérulaires 33a Fruits capsulaires 334 Fruits diérésiliens 337 Fruits étairionnaires 338 Fruits cénobionnaires 34o Fruits drupacés 34i Fruits Bacciens 34a Fruits des Angiocarpiens 346 De la Dissémination 348 VIIIe Section. Des Maladies et de la Mort des végétaux. 35y Maladies des végétaux 357 Mort des végétaux 36g IXe Section. Des Cryptogames et des Agames 3 77 Considérations générales 377 Salviniées 383 Équisétacées ' 386 Mousses 388 Hépatiques 3g6 Lycopodiacées 3gg Fougères 4°° Algues 4° 2 Lichens 4 10 Hypoxylées 4 1 4 Champignons 4^ Xe Section. Considérations générales sur la végétation. 4»i Supplément. De la Composition chimique des végétaux parr M. Chevreul 4^5 ne PARTIE. Notions élémentaires de la Botanique 471 Ire Section. Théorie fondamentale 47 1 table des matiè:res. v Introduction 47 1 Caractères 47* Individu 47® Espèce et Variété 477 Genre 480 Famille 483 Emploi des Caractères 485 Exposition des Caractères et Description 489 Noms de Familles et de Genres 49* Noms spécifiques 494 Synonymie 496 Méthodes 497 IIe Section. Naissance et progrès de la Botanique 5oi IIIe Section. Terminologie méthodique 570 Introduction 577 Les Plantes considérées en général 577 Plantes 577 Les Plantes considérées sous le rapport des organes de la végétation 5 89 Graine 589 Racine 6x7 Tige 622 Boutons 634 Feuilles 637 Stipules 67.0 Glandes 674 Poils 675 Piquans 677 Les Plantes considérées sous le rapport des organes de la reproduction 681 Fleur 681 Pistil 687 Étamines 700 Périanthe 717 Réceptacle 7^1 Nectaire 743 Supports de la Fleur 747 Bractées 754 Inflorescence 766 vj TABLE DES MATIERES. Fruit 780 Complément de la Terminologie 826 Couleur 826 Odeur 826 Saveur 827 Mesure 828 Signes employés en Botanique 83o IVe Section. Méthodes artificielles et familles naturelles. 833 Observations préliminaires 833 Méthode de Tournefort 835 Méthode de Linné 83q Méthode de Jussieu 85a Familles naturelles indigènes 858 Considérations préliminaires 858 Classe I. Plantes acotylédones 863 Algues 863 Champignons 863 Hypoxylées 863 Lychens. 864 Lycopodiacées 864 Fougères 865 Mousses 865 Hépatiques 866 Classe II. Plantes monocotylédones. Étamines hy- pogynes 867 Aroïdes 867 Cypéracées 867 raminées 868 Classe III. Plantes monocotylédones. Etamines pé- rigynes 869 Liliacées 869 Narcissées 869 Iridées 870 Classe IV. Plantes monocotylédones. Étamines epi- gynes 871 Orchidées 871 Classe V. Plantes dicotylédones. Etamines épigyncs. 872 Aristolochiées 872 TABLE DES MATIERES. VÎj Classe VI. Plantes dicotylédones , apétales. Éta- mines périgynes 873 Thymélées 873 Polygonées 873 Atriplicées 874 Classe VII. Plantes dicotylédones, apétales. Éta- mines hypogynes 875 Amaranthacées 875 Plantaginées 875 Classe VIII. Plantes dicotylédones , monopétales. Corolle hypogyne 877 Primulacées 877 Jasminées 877 Labiées 878 Scrophularinées 87g Solanées 879 Borraginées 880 Convolvulacées 880 Gentianées 881 Apocinées » 882 Classe IX. Plantes dicotylédones , monopétales. Corolle pèrigyne „ . 883 Rhodoracées 883 Campanulacées 883 Classe X. Plantes dicotylédones, monopétales. Co- rolle épigyne. Anthères conjointes 885 Syuanthérées , 885 Classe XI. Plantes dicotylédones , monopétales. Corolle épigyne. Anthères distinctes 887 Dipsacées 887 Rubiacées 887 Caprifoliées 888 Classe XII. Plantes dicotylédones , polypétales. Etamines épigynes 889 Ombellifères 889 Classe XIII. Plantes dicotylédones , polypétales. Étamines hypogynes 890 Renonculacées 8 l'g- 2.9 : — Olacinées = Lisez : Oclinacées. 347 » lig. 26 ■ — recouvert = Lisez : recouverts 358 , l'g- 9 : = celle = Usez : celles. 364, lig. i5 : = durant le = Lisez: durant les 365 , lig. 33 : = blanc fongeux = Lisez : blanc - fongueux. 365 , lig. 34 • = crysiphœ = Lisez : crysiphc. 366, üg- 19 : = sejetum = Lisez : segetum. 366, lig. 28 • — - croccorurn zzz Lisez : crocorum. * 368 , i;g- 3 : 368, % 11 : 372 , •'g- 17: 386, Jig- 3o : 391 » Hg- 26 : 3g8, 1!g- 16 : 3y8, %• 21 : 400, •‘g- 29 : 4oi , l;g- x9 ; 4n , ]‘g- i3 : 412 , 1!g- i3 : 443 , ljg- 3i : Errata. — coulure = roulure =■ les Graminées. = Lisez : les fruits de nos jardins. = mesuré = Lisez : mesurés = Planche 4, hg- 65 = Lisez: PI. 64, fig. 5. = un apophyse = Lisez : une apophyse = devient = Lisez : qui devient. = crinulœ = Lisez : crinuli. =zz Planche 62 = Lisez : Planche 64. = indusiœ = Lisez : indusia. = les sporules [jpor«te] = Lisez: les sémi- nules [ seminula ] = Phjscia = Lisez : Phjscia islandica. = Lemina — Lisez : Lcmna. ■%. v*"v PLAN DE CET OUVRAGE. La Botanique est la science qui a les Végétaux pour objet. Considérée dans ses diverses parties, elle traite des élémens constitutifs, des principes immédiats , de la structure tant interne qu’ex- terne , des fonctions organiques , des ressem- blances et des différences de cette multitude in- finie d’Êtres dont se compose le Règne végétal. La Chimie nous éclaire sur la nature des élé- mens constitutifs et des principes immédiats des végétaux. L'Anatomie et la Physiologie nous découvrent la structure et les fonctions des organes. La Botanique, proprement dite, nous enseigne à comparer, à décrire, et à nommer les plantes, et à les rapprocher ou à les éloigner, d’après cer- taines considérations tirées de leurs ressemblances ou de leurs différences. On ne peut faire de grands progrès dans l’art de décrire et de classer les plantes, qu’autant que l’on connaît la structure et les fonctions des or- ganes. Le Botaniste doit donc avoir fait une étude particulière de la Physiologie végétale, ce qui suo- i 2 PLAN DE CET OUVRAGE. pose des idées nettes sur différens points de la Physique générale. Je divise ees élémètis en deux parties : dans la première j’expose les Principes de l’Anatomie et de la Physiologie végétales; dans la seconde; les Notions fondamentales de la Botanique pro- prement dite. Je subdivise la première partie en dix Sections, de la manière que je vais dire. lre Section. Idées générales sur la nature du végétal. J’indique les caractères qui distinguent les êtres vivans de la matière brute; je montre combien est incertaine la limite qui sépare les animaux des plantes; et je présente, en peu de pages, les traits les plus saillans de la structure externe des végétaux. IIe Section. Du tissu organique. Je fais con- naître la série des faits que les Anatomistes sont parvenus à découvrir avec le secours du scalpel et des verres grossissans; et je dis quelques mots des fonctions des organes internes, me réservant de revenir plus tard sur cette matière. IIP Section. De la graine et de la germina- tion. Je décris le végétal à l’état d’embryon, et je fais l’histoire de ses premiers développemens. Ce sujet, qui abonde en détails curieux et peu con- nus, est très- compliqué, et ce n’est que par un travail assidu que l’Élève peut parvenir à en sai- sir l’ensemble. PLAN DE CET OUVRAGE. 3 IVe Section. Des organes conservateurs, et de leurs fonctions. Je passe en revue tous les orga- nes utiles à la conservation de l’individu ; je parle de leur développement, de leur structure, de leurs fonctions. Je suppose que le végétal est dans cette période de la vie qui n’est plus l’enfance, et qui n’est pas encore l’âge adulte. Ve Section. De la composition chimique du végétal et de sa nutrition. Les faits compris dans la section précédente, me conduisent natu- rellement à parler des substances qui sont em- ployées à nourrir la plante, de la manière dont ces substances sont introduites dans l’intérieur, de leur transport d’une place dans une autre, des agens et des forces qui agissent sur elles, et des modifications qu’elles éprouvent : considéra- tions importantes, dont on ne peut se faire une juste idée , qu’après avoir acquis la connaissance des élémens chimiques qui constituent le végétal. VIe Section. Des organes générateurs, et de leurs fonctions. Après avoir expliqué comment l’individu se conserve, je dois dire comment il se propage. Je décris les organes générateurs , et j’expose leur mode d’action. Je prends le végétal à T époque de sa vie que l’on peut comparer à l’âge viril. VIIe Section. Df. la fructification et de la dissémination. Le résultat de la fécondation est la production du fruit et par conséquent de la •T. 4 PLAN DE CET OUVRAGE, graine qui en est la partie essentielle. La connais- sance du fruit intéresse également le Physiolo- giste et le Botaniste, je ne crains donc point d’en- trer dans les détails de l’organisation de cette partie importante du végétal, et je termine par l’examen des causes de la dissémination, c’est-à- dire de la dispersion naturelle des graines. VIIIe Section. Des maladies et de la mort des végétaux. Lue multitude de causes, tant internes qu’externes , et la vieillesse qui est une consé- quence nécessaire de la durée, altèrent avec plus ou moins de rapidité, les organes du végétal, et amènent inévitablement sa destruction. Cette dernière période me fournit la matière de la huitième section. IXe Section. Des cryptogames et des agames. Il est des espèces végétales dont les organes géné- rateurs ont une forme extraordinaire, et sont si petits qu’on ne les découvre qu'à l’aide des verres grossissans ; il en est d’autres qui n’ayant point d’organes générateurs, se propagent uniquement par développement et division de leur propre substance. Ces deux classes , qui comprennent une foule d’êtres très - variés , mais en général peu apparens, sont ici le sujet d’un examen par- ticulier. Xe Section. Coup -d’oeil général sur la végé- tation. Je termine la partie physiologique de ces Élémens par l’exposé succinct des phénomènes plan1 de cet ouvrage. 5 les plus importans qui résultent de la présence des végétaux à la surface du globe. Je subdivise la seconde partie, où je donne les Notions élémentaires de la botanique propre- ment dite, en quatre sections. lie Section. Théorie fondamentale. Je montre que tout l’édifice de la science, qui a pour objet la connaissance de la nomenclature , des carac- tères, et de la classification des plantes, repose sur les principes de la plus simple logique. IIe Section. Naissance et progrès de la bota- nique. Je prouve par l’Histoire de la Botanique, que les progrès de celte science sont dus sur- tout à la découverte des principes qui sont exposés dans la section précédente, et que toutes les er- reurs qui en ont retardé la marche sont nées de l’ignorance ou de l’oubli de ces mêmes principes. IIIe Section. De la terminologie botanique. J’énonce, dans un ordre méthodique, les ressem- blances et les différences extérieures que présen- tent les divers organes, pour en faire connaître à l’Elève les traits caractéristiques , et je désigne chaque modification par un adjectif particulier, pour qu’il puisse prendre des notes et composer des descriptions dans un langage uniforme et précis. IVe Section. Les trois méthodes artificielles et les familles naturelles. Quel que soit le ju- gement que l’on porte des Méthodes artificielles G PLAN DE CET OUVRAGE. en général, celles que nous devons à Tournefort, à Linné, et à Jussieu, ont influé d’une manière trop évidente sur la direction des études bota- niques, pour qu’il soit permis d’en ignorer les principes et la marche. Je donne donc l’analyse de ces Méthodes. Mais, comme le résultat essen- tiel de toutes nos recherches doit être, en défi- nitif, la connaissance des vrais rapports qui unis- sent les plantes, je termine ces Élémens par l’exposé des traits caractéristiques des principaux groupes naturels de nos climats. w-» x.-w PREMIÈRE PARTIE. PRINCIPES DE L’ANATOMIE ET DE LA PHYSIOLOGIE VÉGÉTALES. PREMIÈRE SECTION. IDÉES GÉNÉRALES SUR LA NATURE DU VÉGÉTAL. DISTINCTION FONDAMENTALE ENTRE LES ETRES QUI SONT DU RESSORT DE l’hISTOIRE NATURELLE. IN ors voulons connaître les végétaux, mais avant d’en faire le sujet d’une étude particulière, ne convient-il pas que nous prenions une idée générale de leurs rapports avec les ê Ires qui les environnent, et que nous sachions à quoi nous en tenir sur la valeur du mot 'végétal? Ce mot est dans toutes les bouches; cependant personne n’en pourrait donner une définition si exacte et si pré- cise, qu elle fixât pour jamais la limite qui sépare le vé- gétal de l’animal. Sur ce point les savans ne se distin- guent de la multitude que parce qu’ils ont appris à douter. Le travail et la méditation les ont conduits à 8 Distinction entre les Êtres , etc. ce résultat. Examinons les motifs de leurs doutes, et que leur exemple nous instruise à suspendre notre jugement quand lobservation ne répand sur les faits qu’une lu- mière incertaine. C’est une division bien ancienne, et qui, si nous en jugeons seulement par nos premières impressions, nous paraîtra d’une solidité inébranlable , que celle de tous les êtres en trois Règnes :1e Minéral, le Végétal , et l’Animal. Les minéraux, privés de vie, augmentent en volume par superposition de nouvelles molécules. Les végétaux vivent (i), croissent , se propagent, et meurent. Les ani- maux unissent à ces propriétés des végétaux , le senti- ment de leur existence (2). Sans doute, cette manière d’envisager les œuvres de la création a quelque chose de simple et d’imposant; mais si nous y réfléchissons, nous verrons bientôt que nous ne pouvons en faire une ap- plication rigoureuse , parce que nous ignorons où la sen- sibilité cesse dans l’immense série des êtres organisés. Les modernes rejettent la division en trois Règnes; ils admettent deux grandes classes, celle des êtres organi- sés , et celle des êtres inorganisés. Cette dernière classe embrasse toute la nature brute: les fluides, les gaz, les minéraux. Les molécules qui les composent sont sou- mises sans réserve aux lois de la chimie, de la physique et de la mécanique. L’autre classe renferme les végétaux el les animaux. Leurs molécules constituantes sont dans (r) Vegetabilia , sensatione licet destituantur , œque tamen ac animalia ■vivere probat ortus , nutritio, œtas , motus , propu/sio , morbus , mors, ana- tomia , organismus. Pliil. Bot. (2) Linné exprime ces caractères avec une grande précision. La- pides crescunt. Vegetabilia crescunt et •vivant. Animalia crcscunt , vivunt ctsenùunt. Phil. Bot. Distinction entre les Êtres , etc. 9 un perpétuel état de mobilité. Les parties organisées que forment ces molécules sont irritables, c’est-à-dire qu’elles sont susceptibles de se contracter par le contact de certains stimulans : propriété admirable dont nous apercevons les effets les plus manifestes , mais dont la cause première, que nous désignons sous le nom vague de force vitale, nous est tout-à-fait inconnue. Doué de cette propriété, le corps organisé résiste aux causes exté- rieures qui tendent à le détruire , rejette les substances inutiles ou nuisibles , choisit celles qui conviennent le mieux à sa nature, les associe et les dispose suivant les lois de l’organisation , leur communique le mouve- ment dont ses molécules sont animées , accroît son vo- lume , se développe et reproduit enfin des êtres sem- blables à lui- même; car, à bien considérer les choses, la nutrition et la génération sonfdeux modes du même phénomène. C’est donc l’irritabilité qui distingue à nos yeux les animaux et les végétaux de la matière brute. Quand l’irritabilité s’éteint, toute ligne de démarcation s’efface. Les corps bruts se forment par la force attractive des élémens. Les corps organisés doivent la vie à des êtres de leur espèce. Les premiers cessent d’exister quand des forces chimiques ou mécaniques , supérieures à celles qui retenaient leurs molécules unies, agissent sur ces molécules et les séparent. Les seconds meurent quand les organes nécessaires à la vie perdent leur irritabilité. Une comparaison rapide entre les végétaux et les ani- maux, vous fera voir en quoi ces deux grandes divisions des êtres vivans se ressemblent ou diffèrent. Le carbone, l’hydrogène, loxigène, et quelquefois 1 azote, forment la base des substances végétales. On y io Distinction entre les Êtres , etc. trouve aussi, mais en moindre quantité, quelques oxides métalliques, quelques sels alcalins et terreux. Les ma- tières animales offrent les mêmes composans. Lne dif- férence remarquable entre les deux classes, c’est qu’en général le carbone domine dans les plantes, et l’azote dans les animaux. Une substance homogène, transparente, flexible, in- colore, quelquefois formant une masse dans laquelle l’œil aidé des verres les plus forts ne distingue aucune organisation , mais plus souvent étendue en membranes et façonnée en tubes et en cellules, constitue le végétât tout entier. Les animaux d’un ordre inférieur, tels que les Polypes , n’ont pas une organisation plus compli- quée. Mais si vous portez vos regards plus haut dans la chaîne des êtres, vous découvrirez des animaux dont la structure est moins simple. Trois élémens organiques entrent dans leur composition : le tissu cellulaire, amas de cellules membraneuses et continues, dont les cavités communiquent entre elles par des lacunes ménagées dans leurs parois ; les fibres irritables, filets alongés, évidemment contractiles , qui composent les muscles par leur réunion , et qui garnissent les tubes artériels et le canal intestinal ; la substance médullaire, pulpe ho- mogène, qui présente à l’œil armé du microscope, une innombrable quantité de globules Le cerveau, la moelle épinière, les nerfs, sont particulièrement formés de cette substance. Rien de semblable n’a été observé dans au- cun végétal. Les animaux en général sont pourvus d’un canal in- testinal, ouvert le plus souvent à ses deux extrémités. Une ouverture reçoit les alimens, lautre rejette les ma- tières inutiles à la nutrition. Le canal intestinal est garni , dans une partie de sa longueur, de pores qui absorbent Distinction entre les Êtres , etc. 1 1 les molécules nutritives, et les font passer clans le torrent de la circulation. Les plantes n’ont point de canal intes- tinal, et leurs pores absorbans sont répandus sur toute leur surface ; c’est pourquoi Aristote et Boerliaave les appellent des animaux retournés. Ce caractère de l’ab- sence ou de la présence du canal intestinal, le seul qui semble être exclusif, me paraît bien faible pour distin- guer les deux grandes divisions des êtres organisés. En effet, les Polypes, et la plupart des Radiaires, n’ont pour intestins qu’un sac simple ou composé, à une seule ouver- ture servant à-la-fois de bouche et danus; et si Ion retourne le petit sac dont est formé tout entier le Polype connu des Naturalistes sous le nom d’Hydre, la surface extérieure, devenue la surface intérieure, remplit très- bien les fonctions de canal intestinal ; preuve certaine que les deux surfaces sont garnies de pores absorbans également propres à pomper les substances nutritives. J’ajouterai qu’en considérant la dégradation successive des formes organiques, et jugeant de 1 inconnu par le connu , il est naturel de soupçonner que tout vestige de canal intestinal finit par disparaître dans les animaux infusoires. Les plantes se nourrissent de substances inorganisées; elles absorbent, avec l’eau, les matières minérales, végé- tales et animales , que ce liquide tient en dissolution. Les parties vertes, soumises au contact de la lumière, décom- posent l’eau et l’acide carbonique, rejettent l’oxigène de cet acide presque en totalité , et retiennent le carbone et les principes de l’eau avec un peu d’azote, que les gaz et le liquide absorbé ont introduits dans le tissu. Elles s assimilent ces substances, et leur donnent pour un temps, les caractères de lorganisation. Les animaux se nourrissent de végétaux ou d'animaux 12 Distinction entre les Êtres , etc. qui s’étaient nourris de végétaux : d’où il suit que le tissu animal se compose des mêmes élémens que le tissu vé- gétal ; mais les proportions ne sont pas les mêmes, parce que les élémens rejetés ou fixés, diffèrent par la quan- tité dans les deux classes ; et, par exemple, pour citer le fait le plus notable, la respiration, sorte de combustion qui a lieu par- tout où les vaisseaux sanguins sont en contact avec l’air atmosphérique , enlève sans cesse du gaz acide carbonique au tissu animal, tandis que le tissu végétal absorbe cette substance, et s’assimile le carbone. Voilà ce qui fait qu’en dernier analyse, le carbone abonde dpns les végétaux, et lazote dans les animaux. Les sucs nutr itifs pénètrent toutes les parties du corps organisé, et suivent des routes différentes, selon les es- pèces. Chez les Quadrupèdes et les Oiseaux, les fluides enlevés aux alimens par les vaisseaux lactés, sont con- duits dans les veines qui les portent au cœur, d’où ils passent dans les poumons pour revenir de nouveau dans le cœur , qui les pousse dans un tronc artériel , lequel les distribue, par de nombreuses artérioles, à tous les organes. Une partie de ces fluides sert à la nutrition. Le surplus, résorbé par les vaisseaux lymphatiques, grossit la masse du sang veineux, et parcourt encore le cœur, les poumons, les artères. Cette circulation ne cesse qu’a- vec la vie. Chez les Poissons, le sang se rend directement des branchies aux artères, sans repasser par le cœur. Chez les Reptiles, une grande partie du sang passe des veines dans les artères, sans même entrer dans les poumons. Ainsi le système de la circulation va se simplifiant jusqu’à ce qu’il disparaisse. Il n’en subsiste aucun vestige dans les Insectes. Ces animaux n’ont ni veines, ni cœur, ni artères. Les fluides nourriciers traversent les pores du canal intestinal , abreuvent le tissu organique , et s’éla- Distinction entre les Êtres , etc. 1 3 borent au contact de l’air introduit dans 1 intérieur du corps par les trachées, espèces de vaisseaux pulmonaires qui s’ouvrent à sa surface. Le mode de nutrition des plantes parfaites diffère peu de celui-ci. La sève , balan- cée dans les longs tubes qui parcourent, le végétal, se ré- pand de tous côtés, se porte à la superficie, et parti- culièrement dans les feuilles, où, se mettant en contact avec l’air et la lumière, elle éprouve des décompositions et des combinaisons diverses , et acquiert les qualités nécessaires pour nourrir l’individu. Dans les Insectes, il existe au moins des organes pul- monaires ; mais dans les animaux inférieurs, dans les Polypes, par exemple, on n’aperçoit plus rien de sem- blable. La substance dont ils sont formés est molle, ho- mogène, souvent sans forme constante, et elle reçoit les matières nutritives par simple imbibition. Il semble que la nutrition s’opère de même dans les Trémelles et autres plantes gélatineuses. Le cerveau et les nerfs sont les organes de la sensibi- lité. L’opinion commune est que l’alliance des filets ner- veux avec la fibre musculaire rend celle-ci irritable. On soupçonne que les nerfs dégagent quelque fluide subtil 5 qui occasionne la contraction des muscles , et que l’émis- sion de ce fluide ne peut avoir lieu que lorsqu’un sti- mulant agit sur les nerfs. Mais, quoique la sensibilité soit de toutes les causes d’excitation, la plus puissante et la plus remarquable, il ne faut pas croire que l’irri- tabilité dépende de la sensibilité ; car plusieurs mouve- mens indispensables à la vie animale ne sont accom- pagnés d’aucune perception. Observons aussi que l’on connaît dans les animaux, certains organes très -irrita- bles , comme la matrice , par exemple , où l’on ne dé- couvre point de fibres ; ce qui a fait dire à quelques phy- siologistes , que les substances nerveuses et musculaires y i4 Distinction entre les Êtres , etc. existent dans une union intime. En partant de cette hypothèse, il faudrait admettre également que les deux substances sont confondues dans les Animaux infusoires et dans les Polypes , dont le corps gélatineux , et néan- moins contractile, n’offre aucun indice de fibres' et de nerfs. Mais si nous rejetons toute hypothèse hasardée, et que nous nous en tenions à l’examen pur et simple des phénomènes, que conclurons -nous ? Que la présence des substances nerveuse et musculaire n’est pas indispen- sable à l’irritabilité. Je vais plus loin : toutes les parties susceptibles de développement sont par cela même irri- tables, quoique leur contractilité ne soit pas toujours manifeste; car la nutrition, ou la propriété qu’ont les corps vivans de s’incorporer de nouvelles molécules et de les assujétir aux lois de l’organisation , suppose de nécessité une force de succion qui attire les sucs nutri- tifs ; or, comment expliquerait-on la succion autrement que par la contraction et la dilatation alternatives des vaisseaux absorbans ? Le phénomène de la nutrition est donc une preuve de l’irritabilité ; et puisque les plantes croissent, il est clair qu’elles se nourrissent et qu’elles sont irritables. D ailleurs plusieurs espèces exécutent des mouvemens très- visibles qu’on a tenté vainement d’ex- pliquer par les lois ordinaires de la Physique, et qui ré- sultent, selon toute apparence, dune contractilité ana- logue à celle de la fibre musculaire. Si l’extrême simplicité de structure ne se trouvait que dans les végétaux, il serait facile de leur assigner un caractère distinctif; mais, comme nous venons déjà de l'indiquer, les organes de la sensibilité et du mouvement volontaire subissent une suite de dégradations, et s’ef- facent enfin dans les espèces placées aux derniers degrés de l’échelle des animaux. Les Mammifères, les Oiseaux, les Reptiles, sont pour- Distinction entre les Êtres , etc. i5 vus de deux systèmes nerveux qui communiquent en- semble par des ramifications, et cependant agissent sépa- rément. L’un a pour tronc principal la moelle épinière renfermée dans le canal des vertèbres; l’autre est un réseau garni de ganglions , especes de petits cei veaux situés avec les viscères dans les grandes cavités du corps. Le système de la moelle épinière est particulièrement affecté aux fonctions de la sensibilité et aux mouvement volontaires ; le système ganglionique préside aux fonc- tions vitales intérieures , telles que la circulation , la res- piration et autres qui dépendent de la vie animale et s’exécutent sans l’intervention de la volonté. Dans les Vers, les Insectes , les Crustacés , les Coquil- lages, et les Mollusques, le système de la moelle épinière manque; le ganglionique existe seul; aussi la sensibilité de ces animaux paraît-elle infiniment plus bornée que celle des premiers. Ils n’ont point de centre commun poul- ies sensations, et dans plusieurs on peut, sans mettre la vie en danger, retrancher quelque partie dont l'ampu- tation serait mortelle pour les animaux d’un ordre supé- rieur. Lorsque I on coupe la tête d’un Nereis ou d’un Gordius , elle repousse sur le tronc. La partie postérieure du Lombric se régénère de même. Chaque articulation du Tœnia jouit d’une vitalité qui lui est propre. Ainsi déjà l animal se rapproche de la plante. Viennent ensuite les Zoophytes formés d’une substance molle et gélatineuse, sans la plus légère apparence de muscles et de nerfs. C’est dans cette classe que se range le Polype , dont le moindre fragment reproduit un nouvel individu. Comment jugeons-nous que ces êtres qui n’offrent au- cun vestige de l’organe de la sensibilité, ont des percep- tions? Nous voyons qu’ils se meuvent , qu’ils saisissent de petits Insectes, qu’ils semblent choisir leur nourri- 1 6 Distinction entre les Êtres , etc. ture ; mais certaines plantes, à ne regarder que les ap- parences, se comportent de la même manière. Y a-t-il quelque raison de nier que la Sensitive et le Dionœci soient privés de la faculté de sentir, et d’affirmer que cette noble faculté appartienne aux Zoophytes P Aucune, si ce n’est celle que fournit 1 analogie. D’une part, considérant que les Zoophytes exécutent des mouvemens tout-à-fait sem- blables à ceux qui résultent de la sensibilité dans les animaux visiblement pourvus de nerfs et de muscles , nous concluons que ces mouvemens ont la même ori- gine; d’autre part, faisant attention que le petit nombre de plantes qui se meuvent comme des êtres sensibles, ont cependant les plus grands rapports de formes, d’orga- nisation et de développement avec les autres plantes, qui , selon l’ordre de nos idées , ne doivent avoir aucune sensibilité , nous concluons que les mouvemens des pre- mières ont pour cause une contractilité organique indé- pendante de la volonté et de la sensibilité. C’est tout ce que peut l intelligence humaine pour éclairer des ques- tions si délicates. Les divers modes de la génération unissent étroite- ment les plantes aux animaux. Des enveloppes plus ou moins dures et nombreuses ; un embryon caché sous ces enveloppes; une petite provision de substance nutri- tive pour les premiers besoins , ces choses sont com- munes à la graine et à l’œuf. Si presque toutes les plantes ont des graines, presque tous les animaux ont des œufs ; car on peut croire que les vivipares en produisent de même que les ovipares, mais qu’ils éclosent dans la ma- trice. Il est aussi des plantes dont la graine germe dans le fruit encore suspendu à la branche. Beaucoup de végétaux n’ont point de graines ; beau- coup d’animaux n’ont point d’œufs. Les uns et les autres se multiplient par extension et séparation naturelle de Distinction entre les Êtres , etc . 17 leur propre substance. Il se développe à la superficie ex- terne ou interne de certaines espèces de Polypes, de pe- tits tubercules qui grossissent, se détachent , et forment tantôt près, tantôt loin, de la souche principale, d autres Polypes, lesquels ne tardent pas à se multiplier par le même moyen. On croirait voir une plante , une Conferve , par exemple, se propager en donnant naissance à des tubercules. Rien de plus curieux que la manière dont se régé- nèrent quelquefois ces petits Vexs aquatiques que les Naturalistes nomment Nereis. Le corps de l’animal est alongé. A certaines époques il se partage dans sa lon- gueur par des étranglemens ; à chaque étranglement, on remarque deux points noirs : ce sont deux petits yeux qui commencent à paraître. Les étranglemens de- viennent de plus en plus marqués , et le corps de l’ani- mal finit par se séparer en plusieurs tronçons , qui sont autant de nouveaux Nereis. On sait qu’un Polype coupé en plusieurs morceaux donne un égal nombre de Polypes , et qu’une branche, ou même une feuille détachée, peut reproduire un arbre tout entier. Il suit, de la comparaison que je viens d’établir entre les animaux et les végétaux, que ces êtres sont étroite- ment unis par les caractères essentiels de l’organisation ; qu’il semble impossible de les distinguer par un trait prononcé qui appartienne exclusivement aux uns ou aux autres ; que la liaison des deux classes se montre sur -tout dans les espèces les moins parfaites, et qu’en général les différences sont plus nombreuses et plus marquées à mesure que l’on s’éloigne de ce point de depax t , en sorte que les animaux et les végétaux forment deux séries graduées , ou , si l’on veut , deux chaînes ascendantes qui, partant d’un point commun, 2 i8 Distinction entre les Êtres , etc. s’écartent l’une de l’autre à mesure qu’elles s’élèvent (i). Jetons maintenant un coup-dœil rapide sur les carac- tères extérieurs du végétal , pour préparer notre esprit à des études plus profondes. APERÇU DES CARACTÈRES EXTERIEURS DU VÉGÉTAL. Avant d’entrer dans les détails de l’organisation végé- tale , je crois devoir vous en présenter succinctement les traits principaux. Ces premières notions suffiront pour vous donner quelque idée de la science du Botaniste. Vous étudierez ensuite les faits particuliers avec plus d’intérêt, parce que vous en saisirez mieux l’enchaîne- ment. Je me contente ici d’effleurer mon sujet,* je laisse de côté une foule d’exceptions ; je ne considère que ce que l’œil le moins exercé peut découvrir sans fatigue , dans les plantes les plus communes. Les végétaux sont l’ornement de notre globe ; ils cou- vrent les plaines , descendent jusqu’au fond des mers , s’élèvent jusque sur les sommités des plus hautes mon- tagnes. Tous ont des pores par le moyen desquels ils puisent leur nourriture. La partie qui les fixe à la terre , et y absorbe les sucs nécessaires à la végétation , est la Racine. Cet organe ne manque presque jamais. La Tige part de la racine. Quelquefois elle rampe sur la terre, ou même reste cachée dans son sein; plus sou- vent elle s’élève vers le ciel , soit par ses propres forces, soit en s’appuyant sur quelque corps étranger. (i) Natura ipsa sociat et conjungit lapides et plantas , plantas et ani- ma.Ua ; hoc faciendo non connectit perfectissimas plantas curn animalibus maxime imperfectis diclis , sed imperfecta anima/ia et imperfcctas plantas combinat. Lin. Aperçu des Caractères , etc. 19 Les divisions de la tige sont des Branches ; les divi- sions des branches sont des Rameaux. Lorsque le végétal est privé de lige, les feuilles, les fleurs et les fruits naissent du sommet de la racine. Mais lorsque la tige existe , c’est toujours elle ou ses ramifi- cations qui portent les feuilles , les fleurs et les fruits. Les herbes ont en général des tiges molles, aqueuses, et de courte durée , qui fleurissent une seule fois , et meurent ensuite. Les arbres, les arbrisseaux, les arbustes, ont des tiges solides, ligneuses, qui fleurissent plusieurs fois, et ne meurent qu après un nombre d’années plus ou moins considérable. De petits corps arrondis ou coniques , formés com- munément de lames ou d’écailles minces , appliquées les unes sur les autres, se montrent chaque année, dans nos climats froids et tempérés , sur les tiges , les bran- ches et les rameaux des arbrisseaux et des arbres. Ils recèlent les germes des productions des années suivantes , et les garantissent de l’intempérie des saisons. Ces germes et les lames qui les recouvrent sont des Boutons. Les boutons des arbres et arbrisseaux des contrées équinoxiales , sont presque toujours dépourvus d’écailles, mais il est rare qu’ils soient absolument nus. 1 Les racines qui survivent à la chute annuelle de tiges herbacées , et celles d’un grand nombre de végétaux à tiges ligneuses , et par conséquent vivaces , produisent des boutons que I on nomme Tarions. La Bulbe ou l’ognon des Lys, des Aulx, des Scilles, ne diffère pas essentiellement des turions. Le bouton commençant à se développer, devient un Bourgeon , et celui-ci en s’alongeant, forme une branche •ou un rameau. Les arbustes se distinguent assez nettement des ar- 2. 20 Aperçu des Caractères , etc. brisseaux , parce qu’ils n’offrent point de boutons à l’époque où la végétation est suspendue. Mais les arbris- seaux ne diffèrent des arbres que par la faiblesse et le peu d’élévation de leurs tiges , caractères vagues qui laissent souvent le Botaniste incertain sur l’expi’ession qu’il doit employer. Les Feuilles sont communément des lames vertes , minces, molles, de peu de durée, que l’on doit consi- dérer à-la-fois comme des racines aériennes , et comme des poumons propres aux végétaux , parce qu’elles ont , plus qu’aucune autre partie , la propriété d’absorber l’eau et l’acide carbonique de l’atmosphère , de décomposer l’un et l’autre, et d’expirer du gaz oxigène au contact des rayons de la lumière. Elles sont souvent resserrées à leur base en une espèce de queue que l’on nomme Pétiole , et sont accompagnées quelquefois de Stipules , appendices semblables à de petites feuilles. Les végétaux , comme tous les êtres organisés, donnent naissance à des êtres semblables à eux , et perpétuent ainsi l’ouvrage de la création. Cet important phénomène s’opère dans la plupart par le concours de deux organes , X Etamine et le Pistil , que l’on assimile, non sans raison , aux parties mâles et femelles des animaux. Les espèces dans lesquelles ces organes existent d’une manière bien évidente, sont dites Phénogames. Celles dans lesquelles l’existence de ces organes est plutôt soupçonnée que démontrée , sont dites Crypto- games. Celles dans lesquelles on croit que ces organes n’exis- tent pas , sont dites Agames. La présence d’une étamine ou d’un pistil suffit pour constituer la Fleur ; mais elle n’est complète que lorsque les deux organes réunis, sont environnés d’un double périanthe. Les personnes étrangères aux connaissances Aperçu des Caractères , etc. 21 botaniques, donnent exclusivement le nom de fleura ces enveloppes qui se font remarquer souvent par la vivacité de leurs couleurs, 1 élégance de leurs formes, et la suavité de leurs parfums. L’organe mâle ou l’étamine comprend trois parties : le Pollen , poussière composée ordinairement d’une quan- tité innombrable de vésicules remplies d’une liqueur fé- condante ; f Anthere , sac membraneux qui contient le pollen, et le répand au temps de la fécondation; YJ/i- drophore , support de l’anthère. On retrouve l’anthère et le pollen, quoique sous des formes très-variées , dans toutes les fleurs hermaphro- dites ou mâles. Quant à l’androphore , il n’existe pas toujours. L’organe femelle ou pistil comprend quatre parties : les Ovules , premières ébauches des embryons et de leurs tégumens; V Ovaire , cavité du pistil , dans laquelle sont renfermés les ovules ; le Style , espèce de trompe ou de filet qui s’élève de l’ovaire ; le Stigmate , extrémité supé- rieure du style , par laquelle on soupçonne que la liqueur du pollen est absorbée. Le style manque dans beaucoup d’espèces; les ovules, l’ovaire et le stigmate sont des parties essentielles qui ne manquent jamais dans les plantes pourvues de fleurs. Le Périanthe est une enveloppe placée immédiatement au-dessous des organes sexuels. Il est continu avec le support de la fleur. Dans beaucoup de végétaux , le périanthe est simple ; dans un plus grand nombre , il est double , et alors sa partie externe est le Calice , et sa partie interne la Corolle. Le calice est presque toujours vert, herbacé, et plus susceptible de se dessécher que de se flétrir. La corolle, à l’exception de la couleur verte, se teint de toutes les nuances. Elle est molle, aqueuse et fugace. 22 Aperçu des Caractères , etc. Quant au périanthe simple, tantôt sa substance res- semble à celle clu calice, tantôt à celle de la corolle, et tantôt elle est mixte, c’est-à-dire, quelle participe de 1 un et de l’autre par sa consistance et sa couleur. Le périanthe simple est monosépale lorsqu’il est d’une seule pièce, et polysépale lorsqu il est de plusieurs pièces. Chaque pièce prend le nom de Sépale. Le calice, modifié de la même manière, reçoit les mêmes qualifications. La corolle est monopétale ou polypétale, selon qu’elle est d’une ou de plusieurs pièces ou Pétales. Le périanthe simple , aussi bien que le calice et la co- rolle qui forment le périanthe double, offrent, quand ils sont d’une seule pièce, le tube qui est la partie infé- rieure , la gorge qui est l’orifice du tube , et le limbe qui est l’expansion comprise entre l’orifice et le bord supé- rieur. Chaque pétale d’une corolle polypétale a son onglet et sa lame. L’onglet est la partie inférieure par laquelle le pétale est fixé ; la lame est toute f expansion supérieure. La place où sont attachés les organes floraux se nomme le Réceptacle. Les fleurs ont quelquefois des enveloppes accessoires ; ce sont des Bractées , petites feuilles qui diffèrent des autres , soit par leur consistance , soit par leurs formes , soit par leur couleur. Les bractées , réunies plusieurs ensemble en colerette au-dessous des fleurs , constituent XInvolucre. On doit aussi considérer comme des bractées les Spa- tlies , enveloppes membraneuses ou même ligneuses qui environnent et cachent d’abord absolument une ou plu- sieurs fleurs, et ne les laissent voir que lorsqu’elles vien- nent à s’ouvrir ou à se déchirer. Enfin les petites écailles ou paillettes qui accompa- Aperçu des Caractères , etc. 2 3 2rnent les organes sexuels du Blé, de l’Avoine et autres O o plantes de la nombreuse famille des Graminées , et qui prennent les noms de LocUcules , de Spathcllulcs et de Spathelles, suivant quelles sont plus ou moins rappro- chées des parties génitales, ne sont encore autre chose que des bractées. Le support d’une fleur solitaire et le support principal de plusieurs fleurs est un Pédoncule , s’il part de la tige ou des rameaux , et une Hampe , s’il part de la racine. Les Pédicelles sont les dernières ramifications d’un pé- doncule commun à plusieurs fleurs , ou , si l’on veut , ce sont les pédoncules particuliers de chaque fleur. Après la fécondation , les styles , les stigmates , les éta- mines, se flétrissent ou se dessèchent,- mais l’ovaire con- tinue de se développer : il prend le nom de Fruit. On distingue dans le fruit le Péricarpe et la Graine. Le péricarpe est la paroi de l’ovaire qui a changé de volume , de consistance et souvent même de forme , en mûrissant. Il contient toujours les graines. La graine est l’œuf végétal parvenu à sa perfection. Elle renferme , sous une ou plusieurs Tuniques séminales , l 'Embryon , germe précieux dont l’existence assure la reproduction de l’espèce. Le péricarpe est dur ou mou, sec ou succulent, simple ou composé. Tantôt il est d’une seule pièce et reste clos, tantôt il est de plusieurs pièces ou Valves , lesquelles sont réunies par des sutures, jusqu à la parfaite maturité, époque de leur séparation. La cavité interne du péricarpe est souvent partagée en plusieurs Loges par des Cloisons. La partie de la boîte péricarpienne où chaque graine est attachée, est un Placenta. La réunion des placentas constitue le Placentaire. Le placentaire se développe quelquefois en axe , en 24 Aperçu des Caractères , etc. colonne ou columelle , en cône , en globe , etc. au centre du péricarpe; d’autres fois il s’étend en lames ou s’alonge en nervures sur la paroi ou sur la marge des valves ou des cloisons. Souvent chaque graine est attachée à son placenta par l’intermédiaire d’un Funicule , ligament qui a quelque analogie avec le cordon ombilical des animaux. Beaucoup de graines ont une, deux et jusqu’à trois tuniques. Une petite élévation quelquefois colorée, produite à la superficie des enveloppes séminales , par le prolonge- ment intérieur des vaisseaux du funicule, est le Prostjpe funiculaire. La cicatrice qui paraît sur les graines après que le funicule s’est détaché , est le Hile. Enfin, la plupart des graines ont un Périsperme , pe- tite masse charnue, farineuse, ou cornée, qui accompagne l’embryon et lui sert d’aliment au temps de la germi- nation. L’embryon est la première ébauche de la plante qui se développera un jour. On y distingue le Blastème et le Corps cotjlédonnaire. Le blastème comprend la Radicule , petit bec saillant qui doit s’alonger en racine ; la Plumule , bouton de feuilles à peine formées, et souvent repliées sur elles- mêmes; le Collet , partie intermédiaire entre la radicule et la plumule. Le corps cotylédonnaire est formé d un, deux, trois, quatre et jusqu’à douze appendices plus ou moins char- nus, qui naissent du collet. Ils ont reçu le nom de Coty- lédons ou feuilles séminales. Ces appendices ont des rapports frappans avec les feuilles. L’absence , la présence et le nombre des cotylédons a fourni la base de trois grandes divisions dans le Règne végétal , savoir : les Acotylédons , végétaux privés de Aperçu des Caractères , etc. 1 5 cotylédons; les Monocotylédons, végétaux munis d’un cotylédon ; les Dicotylédons , végétaux munis de deux cotylédons ou plus. En général, lorsque les feuilles séminales sont minces, l’embryon est accompagné d’un grand périsperme ; mais lorsque ces feuilles sont épaisses, le périsperme est très- mince ou même disparaît totalement , et la propre sub- stance du cotylédon en tient lieu. Je termine ici le tableau des principaux organes des plantes. J’exposerai, dans la suite, les détails nombreux et les exceptions importantes que j’ai passés sous silence, afin de ne point surcharger votre mémoire. Quoi qu’il en soit, j en ai dit assez pour que vous compreniez qu'il existe dans les végétaux, de même que dans les animaux, deux ordres d’organes, les uns nécessaires à la conser- vation de l’individu: telles sont la racine, la tige, les feuilles; les autres, nécessaires à la propagation de l’es- pèce : tels sont la fleur et le fruit. vvwv DEUXIÈME SECTION. DU TISSU ORGANIQUE. TISSU ORGANIQUE VU A l’oeIL NU. S i l’on examine la tranche horizontale du tronc d’un de nos arbres forestiers, qui sont tous dicotylédons , on voit au centre, une substance lâche à laquelle on a donné le nom de moelle ; à la circonférence, une écorce épaisse; dans la partie intermédiaire, des couches de bois qui forment des zones concentriques , et du centre à la circonférence , des insertions ou rayons médullaires sem- blables aux lignes horaires d’un cadran [PL g, fig. i.]. Si Ion examine la coupe horizontale d’un Palmier [PL 9, fig. 2.] ou de tout autre végétal monocotylédon, on reconnaît que la moelle forme la majeure partie de la tige ; que le bois est composé de longs filets disséminés dans le tissu médullaire ; qu’il n’y a point de rayons prolongés du centre à la circonférence , et souvent point d’écorce. Enfin, si l’on examine les Champignons et les Algues, plantes privées d’organes sexuels, on n’y trouve qu’une masse d’un tissu plus ou moins serré, plus ou moins alongé, mais d’ailleurs homogène, et semblable, sous beaucoup de rapports , à la moelle des végétaux mono- cotylédons et dicotylédons. Les nervures des calices et des feuilles présentent une substance analogue à celle du bois; la partie verte, ren- fermée entre les nervures , ne diffère point sensible- TISSU ORGANIQUE VU à l'œil UU. 27 # ment, par la consistance et l’aspect, (lu tissu extérieur des jeunes écorces. Les corolles ont un tissu lâche et des veines délicates. Les fruits sont tantôt charnus, tantôt membraneux, tantôt ligneux. Les plantes herbacées , plus molles que les végétaux ligneux, ressemblent cependant, par leur contexture, aux Palmiers ou à nos arbres forestiers , selon qu’elles sont monocotylédones ou dicotylédones. Nombre d espèces herbacées ou ligneuses contiennent visiblement dans leur moelle ou dans leur écorce, de grandes cavités remplies de sucs colorés, et leur bois n’est pas d’un tissu tellement serré, qu’on ne puisse y apercevoir quelquefois , sans même faire nSage de la loupe , les orifices des gros vaisseaux qui les parcourent. Voilà, à-peu-près , tout ce que l’œil de l’observateur découvre à la première vue ; mais il est indispensable de pénétrer plus avant dans la connaissance de l’orga- nisation interne , soit pour prendre une juste idée de l’organisation externe , soit pour se rendre raison des phénomènes de la vie végétale. Le scalpel et le micros- cope deviennent donc des instrumens nécessaires au Botaniste. TISSU ORGANIQUE OBSERVÉ AU MICROSCOPE. Un tissu membraneux , cellulaire et continu , plus ou moins transparent, forme toute la substance des végé- taux (i). La membrane qui constitue le tissu membra- (x) Cette idée est fondamentale; elle est la base de la théorie et le lien de tous les faits. C’est ce qu’a bien senti Wolff, comme 011 peut le voir dans son Theoria gcnerationis ; mais il n’avait pas pour but spécial de développer l’organisation des végétaux , et il n’en a parlé que transitoirement. u8 tissu organique vu au microscope. neux est d’une épaisseur variable selon la nature parti- culière des espèces et l’âge des individus. Elle est pourvue de pores , les uns visibles , les autres invisibles. L’exis- tence de ces derniers est prouvée par la transfusion des fluides d’une partie du végétal dans une autre , lors même qu’il est impossible d’apercevoir la communication des cellules ; l’existence des autres est prouvée non -seule- ment par la marche des fluides , mais encore par l’ob- servation microscopique , qui fait distinguer nettement les pores et les fentes dont souvent la membrane est cri- blée. Ces ouvertures sont quelquefois bordées de petits bourrelets épais et calleux , qui se détachent en ombre quand on oppose le tissu membraneux à la lumière. Pour rendre plus évidentes les diverses modifications du tissu membraneux , je le diviserai systématiquement en deux organes élémentaires : x° le tissu cellulaire; a0 le tissu vasculaire. Tissu Cellulaire. Il est composé de cellules contiguës les unes aux autres, et dont les parois sont communes [PI. io, fig. i 2 , 3.]. Grew le compare à l’écume d’une liqueur en fer- mentation. Cette comparaison n’est pas dépourvue de justesse. Les cellules tendent d’abord à se dilater dans tous les sens ; mais chacune d’elles étant comprimée par les cel- lules adjacentes , et souvent aussi par les parties dures du végétal , il arrive que leur forme dépend sur-tout des ré- sistances quelles éprouvent. Lorsque les cellules n’éprouvent d’autres résistances que celles qu’elles s’opposent mutuellement , ce qui a lieu d’ordinaire au centre de la moelle, et dans les racines et les fruits charnus ou pulpeux, leurs coupes horizon- Tissu Cellulaire. ^9 taie et verticale offrent fréquemment des hexagones ré- guliers , comme les alvéoles des abeilles. Les parois des cellules sont très-minces et aussi trans- parentes que du verre. Elles sont quelquefois criblées de pores [PI. 10, fig. 2.] dont l’ouverture n’a peut-être pas pour diamètre , la trois- centième partie d’un millimètre (1). Plus rarement elles sont coupées de fentes transversales [PI. 10 , fig. 3.] , et ces fentes sont si multipliées dans quelques espèces, que les cellules y sont transformées en un vrai tissu réticu- laire (Moelle du Nelumbo). Il est à remarquer qu’en général les pores sont nom- breux et rangés en séries transversales lorsque les cel- lules sont très-alongées ; et qu’au contraire, ils sont épars et peu nombreux lorsque le diamètre des cellules est, à peu de chose près, égal dans tous les sens. Le tissu cellulaire ne reçoit les fluides et ne les trans- met que très-lentement. Le tissu cellulaire régulier et peu poreux [ PI. 10 , fig. 1 .] compose ordinairement toute la moelle ; il forme aussi presque toute l’écorce, etc. 5 on l observe en grande abondance dans les cotylédons épais, dans les racines charnues , dans les fruits pulpeux , etc. ; macéré dans l’eau , il s’altère et se détruit facilement. Les couches ligneuses des Dicotylédons , et les filets ligneux des Monocotylédons , sont formés en grande partie de tissu cellulaire ; mais les cellules y sont très- alongées et y paraissent comme de petits tubes paral- lèles les uns aux autres : de là le nom de tissu cellulaire alongé [PI. 10, fig. 4-]- Leurs parois sont épaisses, à (1) Leuwenhoek et Hill ont aperçu ces pores, et je crois en avoir démontré l’existence et les nombreuses modifications , par la double voie de l’observation et de l’expérience. 3o TISSU ORGANIQUE VU ClU TilicJ'OSCOpe. demi -opaques, quelquefois percées de pores très -fins. Leurs cavités s’obstruent dans les anciennes couches des arbres. Ce tissu , qui constitue la partie la plus solide des végétaux, ne se dissout point dans l’eau. Les rayons médullaires qui marquent la coupe trans- versale des tiges des arbres dycotylédons , de traits sem- blables aux lignes horaires d’un cadran , sont presque toujours des séries de cellules alongées du centre à la cir- conférence, et dont, par conséquent, la direction coupe à angle droit le fil du bois [ PI. 12 et 1 3 .]. Les cellules des rayons médullaires rencontrent , che- min faisant, les vaisseaux du bois, et s’abouchent avec eux par le moyen des pores. Le tissu cellulaire régulier a peu de consistance ; aussi arrive-t-il quelquefois qu’il se déchire et laisse, par sa défection , des vides plus ou moins considérable dans le corps du végétal : ce sont des lacunes [PI. io, fig. 18.]. Elles se montrent sur -tout dans les plantes aquatiques, et elles y sont distribuées avec tant de symétrie, que les Botanistes étrangers aux recherches anatomiques, les ont considérées comme représentant la structure primitive du végétal. On peut reconnaître leur existence à la sim- ple vue dans le Typha , le Njmphæa , YEquisetum, le Gratiola , etc. Elles se forment dans un ordre de choses si sagement combiné, quelles n’apportent aucun préju- dice à la végétation. Le plus ordinairement elles ne con- tiennent que de l’air, ce qui, peut-être, les rend très- utiles aux plantes aquatiques dont le tissu , pénétré par une trop grande quantité d’eau, s’altérerait en peu de temps. Tissu V asculaire. Les tubes ou vaisseaux des plantes parcourent les dif- férens organes , s’unissent par de fréquentes anastomoses, Tissu Vasculaire. 3r et forment ainsi une sorte de réseau. Leur calibre est cylindrique, ou ovale , ou anguleux. Ils distribuent dans toutes les parties , l’air et les fluides nécessaires à la vé- gétation. Leurs parois sont fermes , épaisses , peu trans- parentes. Ces vaisseaux ne doivent pas être comparés , comme l’ont fait quelques auteurs , ni aux veines et aux artères, ni au canal intestinal. Les artères ont une force de contraction qui pousse le sang dans les veines ; les veines sont pourvues de soupapes ou valvules, qui s op- posent à la marche rétrograde du sang : rien d analogue n’existe dans les plantes. Et quant au canal intestinal, il doit avoir deux issues extérieures , ou au moins une , pour recevoir la nourriture et rejeter les excrémens so- lides ; or, les plantes n’ont point d’excrémens solides, et leurs vaisseaux sor.t toujours fermés aux deux bouts. Le nom de vaisseau ne doit même pas être pris à la rigueur, attendu qu’il n indique ici que de très -longues cellules unies au reste du tissu, et percées d’ouvertures latérales qui permettent aux fluides de se répandre de tous côtés , tandis que dans les animaux , les vaisseaux ayant des pa- rois distinctes et closes , conduisent les fluides en des endroits déterminés. Vous distinguerez six principales modifications dans les vaisseaux des plantes : i° les vaisseaux en chapelet ou moniliformes ; 2° les vaisseaux poreux; 3° les vaisseaux fendus ou fausses-trachées ; 4° les trachées ; 5° les vais- seaux mixtes ; 6° les vaisseaux propres. Les vaisseaux en chapelet [PI. io, fig. i5.] sont des cellules poreuses placées bout à bout , ou , si l’on aime mieux , des tubes poreux resserrés de distance en dis- tance , et coupés de diaphragmes percés à la manière d’un crible. On les trouve fréquemment dans les racines et à la naissance des branches et des feuilles; ils servent d’intermédiaires entre les gros vaisseaux des tiges et dos 3a tissu organique vu au microscope. branches , et c’est par leur moyen que la sève passe des unes dans les autres. Les vaisseaux poreux [Pl. io, fig. 5,6.] sont criblés de pores rangés en séries transversales. Ils existent dans toutes les parties du végétal où la sève circule avec quel- que liberté 5 ainsi on les trouve dans le corps des racines, le bois des tiges et des branches , les grosses nervures des feuilles, etc. Il ne faut pas se les représenter comme des tubes continus , depuis la base du végétal jusqua son sommet ; ils se joignent , se séparent , se rejoignent en- core , disparaissent quelquefois , et se changent toujours en tissu cellulaire vers leurs extrémités. Les pores qui les couvent sont en général d’autant plus fins, que les bois sont plus durs et d’un grain plus serré. Les fausses - trachées [ Pl. 10, fig. 8, 9, 1 3. ] sont des tubes coupés de fentes transversales, ou, si l’on veut , des tubes à larges pores. Ces vaisseaux ne diffèrent donc des tubes poreux que par une nuance légère. On peut les observer dans le bois, et particulièrement dans celui d’un tissu mou et lâche. Ce sont , aussi bien que les trachées dont je vais vous entretenir , les principaux canaux de la sève. Ils la portent d’une extrémité du végétal à l’autre , et la répandent , à la faveur des pores , dans toutes les parties latérales. Lorsque les fentes des fausses -trachées sont très -prolongées , chacun de ces vaisseaux paraît composé d’une suite d’anneaux placés au-dessus les uns des autres [ Pl. i3 , fig. 2 B, e. ]. Les trachées [ Pl. 10, fig. 10, 11, 12.] dans lesquelles Malpighi , Hedwig et d’autres ont cru reconnaître un appareil pulmonaire , comparable à celui des insectes , sont des lames étroites argentées , ordinairement élas- tiques, roulées en tire-bourre et bordées souvent de petits bourrelets calleux. Elles sont comme passées à travers le tissu qui leur Tissu Vasculaire . 33 sert de gaîne , et elles n’y adhèrent que par leurs extré- mités; néanmoins il est évident qu’elles ne sont que des modifications des fausses - trachées. On les trouve dans les tiges dicotylédones, autour delà moelle [PI. 12, fig. 1 , B,i. ], et dans les tiges monocotylédones, ordinaire- ment au centre des filets ligneux [ PL i3 , fig. 2 , B, d.]. Elles se développent, en général, dans les parties jeunes et tendres dont la croissance est rapide. L’âge ne les fait point disparaître , mais elles s obstruent à la longue, par l’effet de la nutrition. L’écorce et les couches annuelles du bois n en contiennent jamais. Les racines en offrent rarement. Le procédé le plus simple pour les observer est de briser une jeune branche, ou de déchirer une feuille, ou même un pétale, sans secousses violentes; comme les tra- chées se déroulent en restant attachées par leurs extré- mités aux deux portions de la partie qu’on a divisée, il est aisé d’en reconnaître la structure. Il y a des trachées à hélice double [PL 10, fig. 12.], triple , quadruple , etc. Les trachées sont si abondantes dans le Bananier, qu’on a proposé de les extraire pour en fabriquer des étoffes. Les vaisseaux mixtes [PL 10, fig. 14.] sont alternati- vement, dans leur longueur, percés de pores, fendus transversalement et découpés en tire-bourre, ce qui prouve que les quatre espèces précédentes ne sont que des modifications les unes des autres. Telle est la simplicité de l’organisation végétale, que souvent un même tube revêt successivement toutes les formes que je viens de décrire en parcourant les diffé- rens organes. Ainsi, une trachée de la tige peut se ter- miner dans la racine, en vaisseau en chapelet; devenir fausse-trachée dans le nœud situé à la base de la branche ; parcourir celle-ci sous la forme de tube poreux , et re- 3 34 tissu organique vu au microscope 1 prendre dans les nervures des feuilles , ou dans les veines des pétales, ou dans les filets des étamines, la forme de trachée. Les trachées marchent presque toujours en ligne droite, et sans déviation ; les autres tuhes, au contraire, se cour- bent de côtés et d’autres. Tous se métamorphosent, vers leurs extrémités, en tissu cellulaire ; en sorte qu’aucun, n’arrive jusqu’à l’épiderme sous la forme de vaisseau. Lorsque l’on plonge le bout supérieur (i) ou inférieur d’une jeune branche chargée de feuilles, dans une liqueur colorée, la liqueur est aspirée, et son passage dans la branche, est marqué par la coloration des vaisseaux; on voit même quelquefois le tissu voisin se teindre d’une auréole qui s’affaiblit en s’éloignant du centre de colora- tion (2). Cette expérience concourt à prouver, avec les observations physiologiques, que la sève aspirée par les racines ou les feuilles , monte ou descend par les grands tubes , et s’épanche latéralement par les pores. Les vaisseaux propres [PI. 10, fig. 16, 17.] ont des pa- rois sur lesquelles on ne découvre ni fentes ni pores. Ils contiennent des sucs huileux , résineux , etc. , propres à chaque espèce de plantes. On les observe dans les écorces, la moëlle , les feuilles , les corolles , etc. Ils se distinguent en deux espèces : les solitaires [PI. 10, fig. 16.] et les fas- ciculaires [PI. 10, fig. 17.]. (1) Voyez les expériences de Mustel , et les expériences plus ré- centes et plus rigoureuses de M. Cotta. (a) J’ai fait cette observation sur plusieurs végétaux, et notam- ment sur le Periploca grceca. Par inadvertance , j’ai écrit Asclepias syriaca au lieu de Periploca grceca, pag. 85 et 86 de mon Exposition de la théorie de l'organisation végétale . Je prie M. le docteur Trévi- ranus d’y faire attention , parce que la citation est importante et qu’elle peut contribuer à lever quelques-uns de nos doutes. Tissu Vasculaire. 35 Les vaisseaux propres solitaires , qui sont toujours iso- lés , ainsi que l’indique leur nom, et qui, peut-être, ne devraient être considérés que comme de simples ré- servoirs des sucs propres, offrent trois variétés : i° les vaisseaux dont les parois sont d’un tissu cellulaire très- fin , comme sont, par exemple, les lacunes courtes et tortueuses de l’écorce du Pin du Lord; 2° ceux de forme cylindrique et qui ne sont que de longues cellules , comme on les observe communément dans la moelle ; 3° ceux qui sont produits dans l’écorce par les déchire- mens irréguliers du tissu cellulaire , comme sont les la- cunes de la plupart des Euphorbes. Les vaisseaux propies fasciculaires sont formés par la réunion de plusieurs petits tubes, placés à côté les uns des autres. Ils sont distribués avec plus ou moins de symétrie dans le tissu cellulaire de l’écorce [ PI. i r, fig. 2, A, f. ]. Les vaisseaux propres de Y Asclepias sjriaca , du Chanvre, appartiennent à cette espèce. La filasse que l’on retire de l écorce de ces plantes, est formée par le déchi- rement longitudinal des vaisseaux propres fasciculaires. Toutes les plantes ne semblent pas être pourvues de vaisseaux propres. Ces vaisseaux , très - visibles dans les jeunes pousses , disparaissent souvent dans les vieilles tiges et les vieilles branches, parce que, dans certains végétaux , ils sont constamment repoussés à la circonfé- rence et finissent par se dessécher ; et que dans d’autres végétaux ils sont recouverts et oblitérés , après un laps de temps plus ou moins long, par les nouvelles couches qui augmentent la masse du bois. Epiderme. L’épiderme [PI. 14 , fig. 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 6.] est une mem- brane transparente , lormée par la réunion des parois les plus extérieures du tissu cellulaire; aussi ne peut-on 3. 36 tissu organique vu au microscope. l’enlever sans déchirer ce tissu. On voit à la surface in- terne de l’épiderme détaché du végétal , les lambeaux des parois latérales des cellules adhérens à cette membrane. Les différences qu elle présente viennent de la forme des cellules dont elle faisait partie , et plus encore , des glandes et des poils qui couvrent sa surface. Les parois cellulaires restant attachées à l’épiderme , y dessinent de petits com- partimens dont la forme indique celle du tissu cellulaire lui-même. Tantôt ce sont des parallélogrammes plus ou moins réguliers, tantôt des hexagones, tantôt des poly- gones divers, dont les côtés sont ondulés. On y trouve aussi des aires ovales , au milieu desquelles plusieurs Anatomistes croient reconnaître des pores, et j’ai moi- meme long-temps partage cette opinion ; mais je com- mence à soupçonner quelle n’a pour base qu’une illu- sion d’optique (i). L’épiderme des plantes parfaites est enduit d’une ma- tière cireuse qui le défend de l’action de l’humidité. Le liège est un véritable épiderme épaissi par la réu- nion d’une multitude de couches celluleuses. Les couleurs variées de l’épiderme sont dues aux sub- stances qu’il recouvre , car il est , par sa nature , inco- lore et transparent , de même que le tissu auquel il doit son origine. Il est susceptible de s’accroître dans sa jeu- nesse, par la multiplication et même, jusqu’à certain point, par la dilatation des cellules; mais il n’est point élastique et extensible comme l’entendaient ceux qui voyaient dans cette membrane un organe distinct et sé- paré du tissu cellulaire (2). Dans sa vieillesse , il se dé- (1) J’ai déjà discuté cette question dans mon Mémoire sur les Labiées : Annales du Muséum , tome XV; néanmoins , je dois convenir que mon opinion n’est pas encore fixée. (a) Consultez le travail de M. Kroker, intitulé, De plantarum Épiderme. 3 7 tache par plaques [Platane] , par lames, par lambeaux. [Bouleau] , ou se réduit en poussière. Il se renouvelle promptement sur les parties jeunes des plantes ligneuses. On parvient, avec quelques précautions, à le détacher des pousses tendres et des feuilles , et à l’aide de verres grossissans, on reconnaît son organisation. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE TISSU ORGANIQUE. D’après leur organisation intime , les végétaux se dis- tribuent en trois groupes. Le premier groupe comprend les espèces de l’ordre le plus inférieur. Ces plantes sont privées de vaisseaux. Tels sont les Nostocs, qui ont l’apparence d’une gelée ; les Conferves, qui sont composées d’un simple rang de cel- lules placées bout à bout , ou bien qui , dans ijne sub- stance épaisse et homogène, offrent des vides tubulés ; les Champignons et les Lichens dans lesquels on ne re- marque qu’un tissu cellulaire plus ou moins alongé, sem- blable quelquefois à un feutre ; les Algues, qui ne sont encore formées que de tissu cellulaire , mais qui en pré- sentent assez nettement trois différentes modifications , savoir : des cellules régulières, des cellules à cavité pro- longée en tubes, et des cellules alongées ou ligneuses. Le second groupe comprend les végétaux d’un ordre plus relevé , qui ont , outre toutes les modifications du tissu cellulaire, des trachées, des fausses-trachées et des vaisseaux poreux 5 mais dans lesquels la direction des vaisseaux et lalongement du tissu a lieu uniquement de la base au sommet de la tige. Tels sont la plupart des Monocotylédons. Epidermide , et la critique que j’ai publiée de son opinion dans les Annales du Muséum, tome XV. 38 TISSU ORGANIQUE VU ail mic/'OSCOpC. Le troisième groupe comprend les végétaux dont l’or- ganisation est la plus compliquée. Us offrent , comme les précédens , toutes les modifications du tissu cellulaire et des vaisseaux ; et lalongement de ces parties orga- niques s’opère chez eux, non -seulement de la base au sommet, mais encore du centre à la circonférence. Tels sont la plupart des Dicotylédons. Ces trois divisions sont vraies dans leurs généralités, mais il ne semble pas jusqu’ici qu’il soit possible d’en faire une application immédiate et rigoureuse à la clas- sification botanique. DIVERSES OPINIONS SUR LA STRUCTURE DU TISSSU VÉGÉTAL. La théorie que je viens de développer sur l’organisa- tion végétale , n’est pas arrivée tout-à-coup à ce degré de simplicité, et ses progrès ont été souvent retardés par de nombreux écarts. Grew , Malpighi , Leuwenhoek , fondateurs de l’Ana- tomie et de laPhysiologie végétales , ont fait d’admirables observations , mais ne sont pas parvenus à les réunir en un corps de doctrine. Leurs écrits contiennent beaucoup de faits épars, un petit nombre d’aperçus généraux que l’expérience a confirmés, et des erreurs que de nouvelles observations rectifient tous les jours. Quelques mots échappés à l’illustre Grew , semblent avoir fourni à M. Médicus la première idée de sa doctrine sur la structure végétale. Il n’admet point de membranes dans les végétaux , et suppose que leur tissu est composé de fibres enlacées de diverses manières. Cette opinion est si manifestement contraire aux faits , que, malgré le mérite bien reconnu de M. Médicus, elle n’a trouvé aucun partisan parmi les observateurs dont le nom est de quelque poids dans la science. Diverses opinions sur le tissu. 3 9 Il faut convenir que Malpighi et Grew avaient souvent poussé trop loin la comparaison entre les organes des animaux et des plantes. Tournefort avait cru voir des valvules dans les vaisseaux de ces dernières. Le père Serrabat , plus connu sous le faux nom de Labaisse , enhardi par ces autorités imposantes , ne balança pas à admettre un cœur, des veines et des artères dans les vé- gétaux ; et après lui , Darwin se montrant , en cette ma- tière, plus poète que naturaliste , leur accorda des mus- cles, des nerfs et même une ame sensible et raisonnable. Ces exagérations n’ont abusé personne; mais il n’en a pas été de même de l’ingénieux système d’Hewig, dont toutes les parties sont liées avec un art qu’il faudrait admirer, s’il y avait quelque chose d’admirable dans les théories des Naturalistes , hors ce que confirment l’observation et l’expérience. Selon Hedwig, les plantes ont quatre ordres de vais- seaux : les adducteurs , les pneumatophores , les réducteurs et les lymphatiques. Cet appareil vasculaire est environné de tissu cellulaire composé d 'utricules rapprochées , dont les parois les plus extérieures forment l’épiderme , lequel est criblé de pores. Les adducteurs et les pneumatophores sont toujours réunis, soit que les premiers, placés parallèlement les uns auprès des autres , enferment les seconds un à un , comme dans un étui, soit que chaque adducteur soit roulé en hélice autour de chaque pneumatophore. Ces deux espèces de vaisseaux parcourent le végétal dans sa longueur. Les pneumatophores contiennent l’air néces- saire à la respiration de la plante. Les adducteurs aspi- rent la sève, l’élaborent en la mettant en contact avec 1 air renfermé dans les pneumatophores , et la distribuent de tous côtés. Ce double système vasculaire représente, comme il est facile de le voir, les trachées des Insectes, 40 TI S S TJ ORGANIQUE VU ail mici'OSCOpe. les branchies des Molusques et des Poissons, et les pou- mons des Reptiles, des Oiseaux et des Quadrupèdes. Les réducteurs offrent un réseau vasculaire dont les rameaux nombreux se glissent entre les utricules. Les fonctions des réducteurs consistent à recevoir des adduc- teurs la sève élaborée, et à la transmettre aux différens organes quelle doit nourrir et développer. Ainsi ce réseau vasculaire est analogue à l’arbre artériel des animaux. La matière de la transpiration est rejetée dans les vais- seaux lymphatiques. Ces vaisseaux, unis par de fréquentes anastomoses, rampent sous l’épiderme, et se terminent par des pores qui s’ouvrent «à l’extérieur. Les objections naissent en foule contre ce système, et je ne dirai que les principales. i° Les trachées sont de simples fds roulés en tire-bourre, et il est prouvé que la sève mêlée à l’air, s’élève par les tubes que forment les circonvolutions des trachées; par conséquent il n’existe ni adducteurs ni pneumatophores. 2° Le tissu cellu- laire est continu dans toutes ses parties , et non pas com- posé d’utricules qui laissent des interstices entre elles ; d’où il suit que les réducteurs sont des êtres imaginaires. 3° Les parois des cellules qui aboutissent à l’épiderme, et dont les lambeaux restent fixés sur cette pellicule lors* qu’on la détache , ont été pris par Hedwig, pour des vais- seaux lymphatiques. Quoi qu’il en soit, le système d’Hedwig a eu beaucoup de partisans, et les erreurs qui en font la base ont été reproduites sous diverses formes , dans la plupart des écrits sur l’Anatomie végétale, qui ont paru depuis quel- ques années. Hedwig avait aussi cherché à expliquer la formation de ce qu’il nomme la fibre ligneuse, c’est-à-dire, les cel- lules alongées. Selon lui , les adducteurs roulés en hélice ne sont susceptibles de se dérouler que quand ils sont Diverses opinions sur le tissu. 4i jeunes; avec l’âge, et par l’effet de la nutrition , leurs hélices s’unissent les unes aux autres à de petits inter- valles qui se remplissent peu à peu, et ils se couvrent en dehors de fihres solides ; en sorte que ces vaisseaux n’of- frent plus , après un certain temps , qu’un tube droit et continu à paroi épaisse : de là l’endurcissement successif du bois. Si l’on se rappelle ce que j’ai dit des vaisseaux et des cellules alongées , on ne pourra guère douter que Hedwig n’ait eu une idée confuse de ces diverses modi- fications du tissu végétal , et que les transformations qu’il fait subir à ses adducteurs, ne soient une manière de s’expliquer l’existence des fausses-trachées , des vaisseaux poreux et des vaisseaux mixtes. Ce système de transfor- mation n’est pas plus admissible que les idées générales du même auteur sur la structure de la plante ; car il est bien démontré aujourd’hui que les trachées ne se méta- morphosent pas en fausses-trachées, celles-ci en vaisseaux poreux , et ces derniers en cellules alongées. En ces derniers temps , quelques physiologistes alle- mands , voulant tout expliquer par de certaines forces oc- cultes qu’ils admettent dans les molécules organiques des corps vivans, ont avancé que le végétal résulte du rapprochement de petits grains vésiculaires qui se sou- dent les uns aux auti’es , et se développent de diverses manières, selon la force dont ils sont animés , et devien- nent ainsi, successivement, des utricules, des vaisseaux poreux , des fausses-trachées et des trachées. Mais , sans insister sur ce que cette idée renferme d’obscur et de fantastique, il me suffira de dire que les grains que les inventeurs prennent pour des vésicules organisées , sont des concrétions ou amilacées , ou résineuses , ou salines , produits immédiats de la végétation que l’on trouve fré- quemment dans les poches du tissu cellulaire. 42 tissu organique vu au microscope. On a produit encore d’autres systèmes sur l’Anatomie végétale : je les passe sous silence. Ils ont eu trop peu de vogue , pour que je doive vous en donner l’analyse , et d’ailleurs ils ne sont guères que des modifications des précédens. I TROISIÈME SECTION. DE LA GRAINE ET DE LA GERMINATION. DE LA GRAINE (i). Ij a plupart des plantes qui couvrent le globe provien- nent de graines (2) : c’est donc par l’examen de cet œuf végétal que je dois commencer l’histoire des phéno- mènes physiologiques des plantes. Les seuls caractères essentiels de la graine sont de naître dans une cavité close , et d’offrir un petit corps organisé qui réunit en lui toutes les conditions néces- saires pour reproduire une plante semblable à celle dont il est issu , dès que les circonstances extérieures favorise- ront sa croissance. (1) L’ordre de mes leçons m’oblige d’exposer ici les détails de la graine. Cette partie est peut-être la plus difficile de toute la Bota- nique, mais en même - temps elle en est une des plus instructives. Dans l’état actuel de la science on ne peut se flatter d’étudier les familles naturelles avec succès si l’on n’est en état d’analyser parfai- tement une graine. J’invite donc l’élève à la plus grande attention. En étudiant cette section, il doit consulter sans cesse la partie de la Terminologie qui traite de la graine, et les planches où sont re- présentés ses divers caractères et sa germination. Si, après avoir suivi cette marche, l’élève éprouve encore des difficultés qui lui paraissent insurmontables (ce que je ne pense pas) il doit passer outre. Il re- viendra à cette section quand il aura appris à observer par l’examen de caractères plus faciles à saisir. (2) Semen pars vegetabilis decidua , novi rudimcntum , pollinis irriga- cione vivification. — Semen (proprie) novum vegetabilis ruditnentum k’imore rigatum , vcsica tunicatum. Phil. Bot. GRAINE. 44 La cavité close dans laquelle la graine se développe est l’ovaire. Le petit corps organisé est l’embryon (i). Les vaisseaux qui unissent la graine à l’ovaire , forment le cordon ombilical ou funicule. On nomme ombilic ou bile (2) , le point où le funicule s’attache à la graine, et placenta, le point où ce même funicule s’attache à l’ovaire. Considérée dans son état le plus habituel , la graine comprend deux parties distinctes , l’amande , et les enve- loppes séminales. L’amande se compose souvent de l’em- bryon et d’un corps particulier nommé périsperme ; mais quelquefois ce corps manque , et l’embryon constitue l’amande à lui seul. Les enveloppes séminales sont des tégumens qui recouvrent l’amande, et reçoivent les vais- seaux du funicule. Linné a posé en principe que la fécondation est indis- pensable à la formation d’une graine. Cependant, comme les caractères distinctifs d’un être se doivent tirer de lui- même et non de quelques circonstances hors de lui, telles , par exemple , que les causes qui ont amené son développement ; s’il naît , de plantes privées d’organes sexuels , des corps reproducteurs que nous ne puissions distinguer des graines par aucun caractère organique, il est de toute évidence que , pour nous , ces corps seront des graines, encore qu’ils se soient formés sans fécon- dation. Enveloppes séminales. Les enveloppes qui accompagnent la graine après sa maturité parfaite , et garantissent l’embryon de la séche- resse , de l’humidité , et même quelquefois de la voracité ( 1) Corculum , novœ planta; primordium intra semen. Phil. Bot. (2) Hiluin ciattrix exierna seminis ab ejusdom adkœsione in fructtt; Phil. Bot. Enveloppes séminales. 4^ des animaux, sont de diverses natures, ont une diffé- rente origine , et varient en nombre selon les espèces. Je les divise en deux classes : les tégumens auxiliaires , et les tuniques séminales : mais je dois avouer que cette division est arbitraire en beaucoup de points, et je ne la propose que comme un moyen de mettre plus d’ordre dans nos éludes. Il n’est pas au pouvoir du Naturaliste de séparer nettement ce que la Nature a laissé dans le vague. Le périantbe tout entier dans les Oseilles , et sa base seulement dans la Belle-de-nuit [PI. 56, fîg. 3.], recouvre l’ovaire et la graine. Une cupule , espèce de bractée creuse, d’une seule pièce , renferme exactement la fleur femelle des Conifères , et devient l’enveloppe séminale extérieure [PI. 55 , fig. 6. — PI. 57, fig. 3.] (1). Les graines des Graminées ont, pour enveloppe extérieure, l’ovaire transformé en péricarpe [PI. 58.]. Les graines de plusieurs espèces d’arbres à fleurs en rose , tels que le Cerisier, le Pêcher, l’Abricotier, le Néflier, sont ren- fermées dans un noyau, lame interne du péricarpe plus ou moins épaisse , qui acquiert de la solidité en mûris- sant , et s’isole de la partie charnue [PI. 53, fig. 1 , 2.]. Les cupules, les périantlies , les ovaires qui forment ces diverses enveloppes , existaient long-temps avant que' la graine fût développée ; ils faisaient alors pai'tie essen- tielle ou accessoire de la fleur, et chacun, remplissant des fonctions déterminées, avait déjà reçu un nom par- ticulier : ce ne sont donc point les tégumens propres de la graine, mais seulement ses tégumens auxiliaires. Il y a, comme je l’ai dit tout-à-l’heure , d’autres enve- loppes séminales , que je nomme les tuniques propres (1) Voyez le Bulletin de la Société Philomathique , pour avril et mai 1813. GU A I NE. 46 de la graine , parce qu’ elles croissent avec les ovules , et qu’en général, elles ne sont bien apparentes et distinctes qu’après que 1 ovaire s’est transformé en fruit. Ce sont l’arille, la lorique et le tegmen. On rencontre bien ra- rement à-la-fois , ces trois tégumens dans une seule espèce de graine. Lorsque, par la suite, je traiterai du fruit, je dirai ce que j’entends par les enveloppes auxiliaires ; pour le moment il suffit que j’en indique l’origine 5 mais je dois donner des notions plus étendues sur les tuniques , parce quelles sont censées faire partie de la graine. Avant d’entrer en matière , il est à propos que je prévienne que les limites entre les trois espèces de tu- niques sont souvent indécises. Le point essentiel est donc de bien décrire les objets. Quant à la classification ' et à la nomenclature , comme elles n’ont ici pour base que des définitions plus ou moins conventionnelles, nous ne devons y attacher qu’une importance secondaire. Arille. L’arille (1) est une tunique extérieure, membraneuse ou charnue , qui ordinairement se détache de la graine mûre, en entier ou en partie. Cette définition est insuf- fisante pour faire reconnaître, dans tous les cas, le tégu- ment que les Botanistes nomment arille; mais il serait difficile de définir, avec rigueur, une partie aussi variable dans sa manière d’être, et dont, au reste, les fonctions sont ignorées. Pour donner quelque idée de cet organe, des exemples vaudront mieux qu’une définition abstraite. Dans le Muscadier, l’ arille ou macis des droguistes, est une lame d’un rouge-citron , épaisse , charnue , dé- (j) Arillus , tunica propria exterior seminis sponte secedens. Pliil. Bot Enveloppes séminales. — Àrille. 47 coupée en lanières qui s’appliquent sur la graine, mais ne la recouvrent qu imparfaitement. Dans le Ravenala , l’arille est une membrane frangée, d’un beau bleu de ciel , et d’un toucher gras : elle cache la graine tout entière. Dans le Fusain à larges feuilles , l’arille est pulpeux, fermé de toutes parts, et d’une couleur oran- gée [PI. fig. 6.]. Dans le Fusain galeux, l’arille est également orangé et pulpeux ; mais il s’ouvre et s’évase en cupule irrégulière [PL 4 6, fig. 7.]. Dans YOxalis, l’arille est mince , élastique , blanchâtre 5 il se crève quand la graine est mure , et la lance au dehors par l’effet d’une force contractile [PL , fig. 7.]. Dans le Pistia, l’arille est fongueux , épais, en forme de baril, et percé à sa partie supérieure. Dans la plupart des Méliacées , l’arille est une membrane charnue qui, ne pouvant s’étendre autant que la graine, se déchire tou- jours en quelques points de sa superficie. Dans le Boc- conia frutescens , l’arilie est rouge , succulent , mame- lonné ; il adhère au funicule , et forme un godet qui reçoit la base de la graine. Dans le Polygala vulgaris , l arille , divisé en trois lobes, forme une très -petite couronne autour de l’ombilic. Dans le Sterculia balan- ghas , trois caroncules blanchâtres, placés d’un seul côté de l’ombilic , composent évidemment une espèce d’a- rille [Pl. 57, fig. 4-]- Vous voyez par ces exemples, dont je pourrais faci- lement augmenter le nombre , que l’arille n’a aucun ca- ractère fixe. Il varie dans sa substance , sa forme , ses dimensions relatives, et sa couleur. Plusieurs botanistes prétendent que cet organe appartient au péricarpe , et non pas à la graine, parce que, suivant eux, il n’est qu’une expansion du funicule. Mais quelle preuve ap- portent-ils de la solidité de cette opinion? En général il ne me semble point qu’il y ait plus d’adhérence entre GRAINE. 43 l’arille et le funicule, qu’entre ce cordon et le tegmen ou la lorique. L’arille , après la dissémination, reste presque toujours attaché au bord du hile , et quelquefois aussi à 1 enveloppe séminale, qu’il recouvre en totalité ou en partie. Si l’on peut dire de l’arille , que c’est une expan^ sion du funicule, je ne sais aucune raison pour qu’on ne dise pas la même chose du tegmen et de la lorique. J’avoue que je suis en grande méfiance de ces définitions prétendues rigoureuses qu’on nous propose tous les jours. Elles ne donnent presque jamais une idée juste des faits; mais, comme elles se gravent bien plus facilement dans la mémoire qu’une suite d observations exactes , elles abusent les élèves, et les accoutument à une certaine paresse d’esprit qui nuit à leurs progrès. Lorique. La lorique , qui forme un sac sans valve ni suture et recouvre constamment le tegmen, est la seconde tunique de la graine quand il y a un arille, et la première quand l’arille manque; ce qui est le cas le plus ordinaire. Quoique la lorique soit, en général, une enveloppe comparable pour la consistance à la coquille de l’œuf ou à l'écaille de l’huître (i) , il se rencontre des graines dans lesquelles cette tunique est d’une substance fon- gueuse ou charnue, ou même pulpeuse. On distingue souvent dans la lorique plusieurs lames de différentes natures , que l’on a prises quelquefois pour autant d’en- veloppes séminales ; mais en y regardant de près , on voit ordinairement qu’on ne peut enlever ces lames sans occasionner une rupture dans le tissu. Nous ne trouvons aucun caractère pour distinguer (i) C’est par cette raison que Gærtner lui donne le nom de Testa. Enveloppes séminales. Lorique. Tegmen. 4 9 nettement, en toute circonstance, la lorique des noyaux, et nucules , enveloppes auxiliaires des graines , formées par la paroi interne des loges du péricarpe. Nous sommes souvent dans un semblable embarras, quand nous vou- lons tirer une ligne de démarcation entre la lorique et le tegmen. Ceux qui proposent à cet égard des règles fixes et invariables , négligeant une multitude de faits qu'ils ne peuvent classer, éludent la difficulté au lieu de la résoudre. Un petit trou , le micropyle , se montre à la superficie de la lorique dans un grand nombre d’espèces, et tra- verse cette enveloppe d’outre en outre. Le micropyle des Légumineuses , des Nénuphars, du Marronnier d’Inde, est très-apparent [ PI. 56, fig. 1. — PL 67, fig. 2.]. Geoffroy, qui indiqua le premier le micropyle, et M.Turpin , qui depuis en a constaté rigoureusement l’exis- tence, ont pensé que le fluide fécondant s’introduisait dans la graine par cette ouverture; mais il ne me semble pas que cette opinion soit étayée de preuves suffisantes. On remarque encore, sur certaines loriques, des ca- roncules , renflemens pulpeux ou coriaces, qui sont pro- duits par un développement particulier du tissu. Dans le Haricot et dans beaucoup d’autres Légumineuses, il y a au-dessus du hile un caroncule sec et dur, en forme de cœur. Dans la Chélidoine , à quelque distance du hile, il y a une crête caronculaire , laquelle est blan- châtre et succulente [PL 57, fig. 6]. On peut soupçonner de l’analogie entre les caroncules et l’arille. Tegmen. Le tegmen est appliqué immédiatement sur l'amande ; il est continu dans toutes ses parties, et n’a, de même que la lorique , ni valves ni sutures. 11 reçoit l’extrémité du funicule. 4 ÔO G H A. IKK. D'après celte définition, vous jugerez que le tegmen . ne peut manquer que lorsque la graine est absolument dépourvue de tuniques propres ; car s’il en existe une seule, cette tunique recevant l’extrémité du funicule, et recouvrant 1 amande sans intermédiaire , est évidem- ment le tegmen; et s’il y en a plusieurs, l’enveloppe interne ayant les caractères que je viens dénoncer, est encore le tegmen. Ordinairement, quand il n’y a pas de lorique, le teg- men paraît comme une lame plus ou moins mince , tantôt blanchâtre, tantôt colorée. 11 en est de même encore quand il existe une lorique, qui n’a d’adhérence avec les parties internes qu’au point du hile. Mais le plus souvent la lorique et le tegmen se confondent en une seule tunique formée de deux lames hétérogènes, super- posées et soudées l’une à l’autre; et il est impossible alors de marquer la limite des deux enveloppes. Aussi, pour éviter toute équivoque, convient-il dans la Botanique descriptive , de n’admettre pour enveloppes distinctes que le nombre de lames que l’on peut isoler sans lésion du tissu, et de désigner sous le nom général de tunique, l’ensemble des lames soudées, en ayant soin d’indiquer par quelques épithètes convenables la nature de ce té- gument composé. Dans le Ricin, le Nénuphar, les Hydrocharidées, etc., la lorique et le tegmen sont naturellement séparés [PL 5y, fig.2.]. Dans les Légumineuses, le Bananier, l’Asperge, etc., ces deux enveloppes n’en font qu’une. Les vaisseaux du funicule qui pénètrent par le hile se prolongent quelquefois dans 1 épaisseur des tuniques, et forment le prostype funiculaire composé de la raphe et de la chalaze. La raphe est la partie du prostype qui part immédiatement du hile. Elle se présente souvent sous l’aspect d’un ou de plusieurs filets en relief. La Enveloppes séminales. Tegmen. Prostype. 5i chalaze est l’extrémité plus ou moins épaissie et dilatée de la raphe. Quand il n’y a pas de lorique,le prostype paraît à la superficie du tegmen [Labiées]; niais quand il y a une lorique et un tegmen [Nénuphar, Hura crépitans ], le prostype ne devient visible ordinairement que par le moyen de la dissection. La raphe court dans l’épaisseur de la lorique, et perce sa surface interne en un point plus ou moins éloigné du bile; là elle s’attache au teg- raen , et forme la chalaze , que Gærtner considère comme un ombilic intérieur [ PI. 5y, fig. 2.]. Dans les Labiées , la raphe est courte , et la chalaze est un tubercule incolore. Dans les Aurantiacées, la raphe s’allonge d’un bout du tegmen à l’autre, et la chalaze, qui est située fort loin du hile, se divise en patte d’oie, ou bien s’élargit en cupule colorée [PI. 53, fig. 5. — PI. 54, fig. 4.]. Le prostype sert probablement à porter les sucs nour- riciers vers différens points de la graine. A la surface de quelques graines, on remarque un renflement en forme de calotte , situé à une distance quelconque du hile; c’est l’opercule (1) [Asperge, Com- melina , Tradescantia , Canna , Dattier, etc. PI. 58, fig. 6, 7. — PI. 60, fig. 1. — PI. 6t, fig. 3.] : il correspond à la radicule. Pendant la germination il se détache, et ouvre une issue par laquelle l’embryon s’échappe. Amande (2). Sous le tegmen est l’amande , laquelle est constituée souvent par l’embryôn seul, et plus souvent encore par (1) Embryolège de Gærtner. (î) U A mygdala des Latins est l’amande de l’Amandier, ou l’Aman (lier lui - même. 4. (>2 g k at ne. Amande, l’embryon et le périsperme. L’amande est la partie essen- tielle de la graine. Il n’existe point de graine sans amande ; mais il en existe sans arille , sans lorique, et même sans tegmen. Elles ne sont revêtues alors que d’enveloppes accessoires : telles sont les graines des Nyctaginées, des Conifères, de l’ Avicennia , etc. Dans ces végétaux l’amande porte le bile [PI. 56, fig. 2, 3- — PI. , fig. 3.]. Périsperme. Le périsperme, tissu cellulaire dont les mailles sont remplies dune fécule amilacée ou d’un mucilage épaissi, est caché sous les enveloppes de la graine; il accompagne l’embryon , et s'en distingue par sa composition et son aspect; il ne communique avec lui par aucune ramifi- cation vasculaire; il lui fournit pendant la germination une nourriture que l’on peut comparer à celle que le foetus du poulet tire du 'vitellus , partie de l’œuf vulgai- rement connue sous le nom de jaune. La fécule ou le mucilage est insoluble dans l’eau avant la germination ; mais quand la graine est placée dans des circonstances favorables à son développement, cette matière change de nature, et devient très-soluble. Alors elle est telle qu’elle doit être pour servir de nourriture à l’embryon. Il y a quelquefois entre le tegmen et le périsperme une continuité de tissu qui peut faire naître des doutes sur l’existence bien distincte du tegmen dans quelques graines [Rivinia, Salsola, Pl. 56, fig. 4-]- A. la vérité plusieurs auteurs modernes se croient en droit de con- clure de ce qu’ils trouvent un tegmen dans des espèces très-voisines d’autres espèces où ils ne peuvent aperce- voir cette tunique séminale, quelle existe dans celle-ci comme dans les autres; mais cette manière de raisonner par analogie n’est jamais sure quand la nécessité de la Périsperme. Embryon. 53 coexistence des organes n’est pas suffisamment démon- trée; or, il s’en faut bien qu’il soit démontré qu’un teg- men soit indispensable à l’existence d’une graine. Dans les Labiées et dans beaucoup de Borraginées et de Légumineuses , dans les Rosacées, les Méliacées, les Thymélées, etc., le périsperme est si mince, qu’on l’a pris long - temps pour une tunique séminale. Toutefois , comme les graines de ces végétaux ont un tegmen , et que les vaisseaux funiculaires s’y arrêtent, il est difficile aujourd’hui de ne pas reconnaître que ces graines sont périspermées. Le périsperme est farineux dans les Graminées , les Nyctagfnées , etc.; oléagineux et charnu dans les Eu- phorbiacées , etc. ; élastique et dur comme de la corne dans les Palmiers, le Calé et autres Rubiacées , etc. Le périsperme de quelques Légumineuses , des Malvacées , du Celtis , se convertit dans l’eau en une matière mu- cilagineuse. Aucune plante connue , appartenant à la famille des Ombellifères, des Renonculacées, des Graminées, des Conifères , etc. n’est privée de périsperme [ PL 4y5 fig. 7- — PL 5o, fig. 4, 5. — PI. 57, fig. 3. — PI. 58, fig. x , 2 , etc.]. Au contraire, ce corps ne s’est jamais offert dans la famille des vraies Aurantiacées , des Crucifères , des Alismacées , etc. [PI. 5 1, fig. 2,3,4, 6.— PI. 53, fig. 5. • — PI. 6i , fig. i . ] ; et il y a des familles, telles que celles des Borraginées, des Légumineuses, où il s’amincit en passant d’une espèce à une atitre, et finit par s’évanouir totalement. Embryon. L embryon se forme dans les enveloppes séminales propres ou auxiliaires , et il a d’abord avec elles une liaison organique. Arrivé à maturité, il se détache des 54 graine. Embryon. Blastème. parties qui l’environnent, et jouit de la force vitale né- cessaire à son développement. Il comprend dans sa masse le blastème et le corps cotylédonaire. Le blastème a deux germes principaux bien distincts : la radicule (i) et la plumule (2) , fixées base à base par une partie intermédiaire, nommée collet. Ces deux germes ne diffèrent pas moins par leur nature que par leur situation , la radicule éprouvant le besoin de l’ombre et de l’humidité, et la plumule, de l’air et de la lumière , dès que lune et l’autre commencent à se développer, sans que rien alors puisse intervertir cette tendance naturelle. Le corps cotylédonaire offre un ou plusieurs cotylé- dons (3) , appendices minces ou charnus , selon que l'amande a ou n’a pas de périsperme, qui naissent du collet , et sont évidemment les premières feuilles de l’embryon. Beaucoup de naturalistes ont pensé, et le grand Linné est de ce nombre, qu’un embryon, à quelque classe d’êtres qu’il appartienne , ne peut recevoir l’impulsion vitale que par voie de fécondation ; mais l’école moderne n’admet pas cette doctrine dans toute sa rigueur. Il se rencontre aussi des botanistes qui sont d’avis que c’est trop circonscrire l’idée qu’on doit se faire d’un embryon végétal , que de vouloir qu’il ait nécessairement des co- tylédons , une radicule et une plumule. Ils croient qu’en (1) Rostellurn , pars corcuü simplex descendras . Pliil. Bot. (a) Plumula , pars corculi squamosa ascendens. Pliil. Bot. (3) Cotylédon, corpus latérale seminis , bibulum , caducurn. Cotyledones animalium prove niant c -vitcllo ovi , etii punctum mita; , in- nascitur; ergo folia seminalia plantarum , quee corculum involverunt , idem s mit. Cotyledones et folia seminalia sunt synonyma in plantis. Cotyledones lactiferi al tint plumulàm usque dam radiées egerit , uti pla- centa s. cotyledones in animalibtts. Pliil . Bot. Radicule. Plumufe. Collet. 55 bonne logique, il ne faut pas exclure de la classe des végétaux embryonés , les Conferves , les Algues, les Lichens, les Champignons, et autres plantes d’une struc- ture très-simple, lesquelles produisent souvent, dans des espèces d’ovaires, des corps comparables aux graines, par la propriété qu'ils ont de former, en se développant, de nouvelles plantes tout-à-fait semblables à celles dont ils sont sortis. Mais ce n’est pas le lieu d’examiner cette question ; j’y reviendrai par la suite; pour le moment je m’en tiens à l’analyse des embryons des Phénogames. Lorsque la radicule et la plumule ont leurs bases contiguës , le collet représenté par le plan de jonction des deux organes, n’est qu’un être de raison [PI. 56, lig. i. — PI. 61, lig. 6.]. Mais lorsque la radicule et la plumule sont séparées l’une de l’autre , le collet qui leur sert de lien commun est une partie très -réelle et très- apparente , dont la forme varie selon les espèces [PI. 56, fig. 2, 3. — PI. 5y, lig. 9. — PI. 61, lig. 2.]. Néanmoins, il est difficile dassigner nettement la limite du collet d’un embryon quelconque, tant que la germination n’a pas eu lieu; aussi, dans la Botanique descriptive , où l’on n’a pas pour but de faire connaître la marche des dé- veloppemens, ne distingue- t-on jamais le collet de la radicule. • La radicule est la racine dans la graine. Son carac- tère essentiel consiste en ce quelle reçoit l'extrémité inlérieure de tout le système vasculaire de l’embryon. Cette extrémité se divise quelquefois en plusieurs ma- melons. Beaucoup de Graminées en ont souvent trois et même plus [PI. 58 , fig. 2]. On demande s’il faut admettre autant de radicules qu’un embryon a de mamelons radi- culaires; ou bien ne voir dans les mamelons que les divisions d une radicule unique ; ou encore ne considérer comme radicule que le mamelon inférieur : questions 56 graine. Embryon. Plumule. oiseuses, qui ne roulent que sur de vaines distinctions nominales, et ne méritent pas l’attention des Naturalistes. Tantôt la radicule est nue, c’est-à-dire que son sommet se montre à découvert à la superficie de l’em- bryon [PL 56, fig. i. — PI. 6 o, fig. i.] ; tantôt la radicule est coléorhizée, c’est-à-dire qu elle est cachée dans une coléorhize , poche charnue, close de toutes parts, dont nous devons la connaissance au célèbre Malpighi [PI. 5y, fig. i. — PL 58, fig. i, 2, 3, etc.]. A bien considérer la coléorhize , ce n’est autre chose qu’une écorce plus ou moins épaisse, qui se détache d’elle-même de chaque mamelon radiculaire. Quand la radicule est coléorhizée , on ne peut l’aper- cevoir que par le secours de 1 anatomie: encore ce moyen u’est-il pas toujours sûr; car il est des espèces où la radi- cule et la coléorhize ne deviennent perceptibles qu’au moment de la germination [ Commelima communis , PI. 5y, fig. 6.]. Un botaniste moderne a imaginé que l’on pourrait employer avec succès le caractère de la radicule nue ou coléorhizée , pour diviser la totalité des végétaux phé- nogames, en deux grandes classes parfaitement natu- relles; mais cette hypothèse, appuyée sur des définitions faites a priori , n’a pu se soutenir après un mûr examen ; car on s’est convaincu que, parmi les végétaux les plus rapprochés par l’ensemble des caractères , les uns ont une coléorhize , les autres en sont privés. La plumule est la pi-emière ébauche des parties qui doivent se développer à l’air et à la lumière. Dans certaines espèces, elle est composée d’une tigelle, rudiment de la tige dont ces végétaux seront pourvus, et d’une gem- mule, petit bouton de feuilles appliquées les unes sur les autres [ PL 56, fig. 1,2.— PL 58, fig. 3.]; dans d’autres, elle n’offre qu’une gemmule ; dans d autres , qu’une légère Cotylédons. $7 inégalité; dans d’autres enfin, elle ne décèle son exis- tence que pendant la germination. La plumule est quel- quefois coléoptilée, c’est-à-dire quelle est logée dans une cavité cotylédonaire , sorte d’étui qui prend le nom de coléoptile [PL 60, fig. 1. — PL 61 , fig. 1,6.]. Plus souvent elle est nue. Les cotylédons peuvent être définis les premières feuilles visibles dans la graine. Ils n’ont cependant pas la forme des feuilles ordinaires ; mais cela est une suite des circonstances qui accompagnent leur développement. Ces appendices arrêtés de toutes parts dans leur crois- sance, se sont moulés , pour ainsi dire, sur la paroi de la cavité quils remplissent. Le nombre des cotylédons fournit de bons caractères pour diviser les embryons cotylédonés en deux classes : ceux qui n’ont qu’un cotylédon ou les Monocotylédons, ou Uriilobés [PL 58, fig. 1,2, etc. — PL 59, fig. 1 , 3. — PL 60, fig. 6.]; ceux qui en ont plusieurs ou les Polycotylédons , que l’on désigne plus communément sous le nom de Dicotylédons, ou Bilobés, parce que le nombre de leurs lobes passe rarement deux. [ PL 56. -PL 57.]. Comme on a remarqué que les plantes cotylédonées se réunissent, à peu d’exceptions près, en familles natu- relles qui sont entièrement monocotylédones ou dico- tylédones, on a groupé les familles d’après ces caractères, lesquels s accordent presque toujours avec ceux que l’on tire de 1 organisation des liges et de leur développement. Par suite des modifications et dégradations successives que subit 1 embryon dans la série des espèces , la radi- cule et le corps cotylédonaire se confondent quelquefois en une seule et même masse [ Ruppia , PL 60, fig. 2.]; mais si l’on parcourt la série, on voit bientôt les deux organes se dégager l’un de l’autre, et redevenir libres et distincts. [Graminées , Pl. 58. ]. 58 graine. Organisation de l’Embryon. Quelques graines contiennent plus d’un embryon. C’est une superfétation comparable à celle d’un œuf qui ren- ferme plusieurs fœtus. On compte souvent deux em- bryons dans la graine du Gui , de Y Asclepias nigra [ 4,9 5 fig- 4] ^ de Y A Ilium Jla gratis , du Car ex maxima , du Triphasia , etc. ; on en compLe jusqu'à huit dans l’Oranger. L’organisation interne de lembryon est très-simple, sa masse est composée en grande partie de tissu cellu- laire; des linéamens vasculaires très -déliés, et dont la distribution varie d espèce à espèce , se portent du collet dans la radicule, les cotylédons et la plumule , et ils s’affaiblissent et s’effacent à mesure qu’ils s’éloignent du collet, premier point organisé, que je considère comme le centre de vie de l'embryon. Les linéamens vasculaires qui passent dans les cotylédons , ont été désignés par Grew, sous le nom de racines séminales , et par Charles Bonnet, sous celui de -vaisseaux mammaires , parce qu’en effet les cotylédons fournissent à la jeune plante une liqueur alimentaire, une sorte de lait végétal sans lequel il ne semble pas quelle puisse se développer. J’ai observé que les communications vasculaires sont en général plus marquées entre la radicule et les cotylédons , qu’entre les cotylédons et la plumule. Cela provient, selon toute apparence , de ce que, dans le fœtus végétal, la plumule est la partie organisée la dernière. Quoi qu’il en soit, il résulte de cet état de choses, que pendant la germination les sucs nourriciers affluent presque tou- jours en plus grande abondance vers la radicule, laquelle par conséquent s’allonge avant la plumule. Embryons dicotylédons. Après avoir considéré les embryons en général , il est nécessaire de les étudier dans les principales classes des Embryons clicotylèdons. 5() végétaux. Je commencerai par les embryons clicotylèdons, parce que leurs diverses parties sont beaucoup plus faciles à distinguer que celles qui entrent dans la composition des embryons unilobés. Voici les caractères ordinaires des embryons bilobés: une radicule saillante, en forme de petit bec conique; un collet cylindrique ; une plumule nue dans laquelle on distingue souvent la tigelle et la gemmide; deux co- tylédons attachés à la même hauteur de deux côtés oppo- sés du blastème, et placés face à face l’un contre l’autre, de manière qu’on ne peut apercevoir la plumule qu’en les écartant. Recherchons maintenant les détails et les exceptions. Il est très-rare que la radicule soit coléorhizée dans les embryons dicotylédons ; c’est pourquoi nous devons faire une attention particulière à celle de la Capucine [PI. 57, fig. 1.] (1) et du Gui, qui offre ce caractère. La radicule s’éloigne quelquefois de la forme conique ; et alors elle s’allonge en cylindre, ou s’arrondit en borde, ou se renfle en massue, etc. La radicule du Nélumbo est un mamelon à peine vi- sible, lequel, ne se développant jamais , doit être rangé parmi ces organes impuissans dont 1 existence semble n’avoir d’autre utilité que de rappeler un premier type [PI. 57, fig. 8.]. La radicule du Nénuphar [PI. 57, fig. 2.] (2) , du Sau~ rurus et du Poivre, moins apparente encore que celle du Nélumbo, porte un appendice en forme de poche dans laquelle l’embryon est renfermé tout entier (3). (1) Observations de M. Auguste de Saint-Hilaire sur la Capucine. (2) Observation de M. Decandolle. (3) Je ne suis pas éloigné de croire que le Piper , le Saururus, le Lacistema , le Gunnera , le Misandra , le Cecropia, le Nj-inphcva , le Ni}- G R A. I NE. 6o Cette poche, charnue clans le Nénuphar et le Saururus , membraneuse clans le Poivre noir, fait fonction de co- léoptile, et l’on pourrait la considérer comme l’analogue du cotylédon des plantes unilobées, si elle ne renfermait une plumule accompagnée de deux cotylédons , et si des affinités multipliées ne rattachaient les espèces qui en sont pourvues à d’autres espèces bilobées. Presque toujours la plumule est nue ; mais il s’en faut qu elle soit toujours saillante. Il est même beaucoup d’embryons où l’on n’en découvre aucun indice avant la germination ; et au contraire, dans d’aulres, la gemmule est très-apparente, et elle repose quelquefois sur une tigelle [Haricot, Fève de marais, PI. 56, fig. i.]. La plumule la plus remarquable par le développement quelle prend dans la graine, est celle du Nélumbo. Quoique repliée sur elle-même, elle a 5 à 6 millimètres de saillie , et elle est verte comme si elle eût végété à la lumière. On y voit parfaitement une tigelle cylindrique, deiA feuilles primordiales dont les pétioles sont très- allongés , et un bouton renfermé dans une stipule pétio- laire. Cette plumule est recouverte d’un sac membraneux, autre stipule qui naît de faisselle des cotylédons [PI. 5y, fig. 8.]. C’est un phénomène unique dans 1 histoire de la graine. Les cotylédons sont attachés à la jonction de la plu- mule et du collet. Souvent ils se resserrent à leur point d’insertion, et sont comme articulés sur le blastème, ou même ils ont un support très -court, une espèce de pé- lumbo, et peut-être quelques autres genres que l’on regarde mal-à- propos comme Monocotylédons, doivent prendre place non loin les uns des autres, parmi les Dicotylédons , dans la série des fa- milles naturelles. Voyez mon Mémoire sur les E/idorhizes et les Exor- iizes, Annales du Muséum d’IIist. Nat. , tout. XVI. Embryons monocotylédons. 6 r tiole comparable à celui des feuilles; de sorte quon voit distinctement où ils se terminent [Légumineuses, PI. 56, fia', i , Labiées , etc. ]. Souvent aussi ils sont continus avec le collet ; et c’est par la profondeur de la fente qui les sépare, que l'on marque leur limite [ Synanthérées , Né- lumbo, Ceratophyilum , Poivre, If, PI. 44 > fig- 9- — PI. 53, fig. 4* — Pi- 57,fig. ^.] Le nom de Dicotylédons, donné aux végétaux de cette classe, indique qu’ils n’ont que deux cotylédons; cepen- dant ce caractère n’est pas sans exception. On compte trois cotylédons dans le Cupressus pendula; quatre dans le Ceratophyilum demersum et le P inus inops ; cinq dans le Pinus mitis et le Pinus laricio ; six dans le Schubertia disticha (i); sept dans le Pinus maritima [ PI. 5y , fig. 3.] , l’ Abies alba et X Abies nigra; huit dans le Pinus strobus ; on en compte jusqu’à douze dans le Pinus pinea, etc. Il est rare que les cotylédons soient de grandeur iné- gale , comme dans le Guarea trichilioïdes , le Ceratophyl- luin demersum [PI. 53, fig. 4-] 5 et sur-tout le Trapa natans. Les cotylédons sont épais et charnus dans la plupart des Légumineuses , des Rosacées , et en général dans les végétaux qui ont peu ou point de périsperme. Ils sont minces et marqués de nervures à la manière des feuilles dans les Euphorbiacées , les Sapotillées, les Nyctaginées et autres végétaux très-périspermés. Selon les espèces, les genres et les familles, les coty- lédons sont larges ou étroits, entiers ou découpés, apla- (i) Le Schubertia disticha est le Cupressus disticha de Linné, connu vulgairement sous le nom de Cypr'es chauve. J’ai fait voir autre part que cette espèce était le type d’un genre nouveau. Je l’ai dédié ;i mon ami, M. Schubert, botaniste polonais très - instruit , qui m’a aidé dans mes recherches sur les Conifères. GRAINE. 62 tis ou plissés, ou roulés sur eux-mêmes. Ces caractères sont quelquefois d’un grand secours pour rapprocher certains fruits de leurs congénères. Le nombre et l’importance des rapports rattachent aux Dicotylédons des végétaux qui tendent à s’en éloi- gner par le caractère de leurs embryons. Tels sont quel- ques Renoncules, quelques Cierges, la Fumeterre bul- beuse, et les Cyclamens [P. 5y, fig. 5.], qui n’ont qu’un cotylédon; le Lecythis (1) et la Cuscute, qui n’en ont point. Il arrive aussi que des cotylédons, distincts pour l’Ana- tomiste avant la parfaite maturité de la graine, s’entre- greffent ensuite, et forment, par leur réunion, un corps qui imite un seul cotylédon; c’est ce qu’on soupçonnait depuis long-temps , et ce que M. Auguste de Saint- Hilaire vient de montrer dans son excellent Mémoire sur la Capucine [PI. 57, fig. 1.]. Une anomalie plus remarquable encore est celle qu’offre la graine du Manglier, si bien décrite par M. Du Petit- Thouars. Le corps cotylédonaire , composé peut-être, comme celui de la Capucine , de deux cotylédons entre- greffés , a la forme d’un bonnet phrygien , et recouvre absolument la plumule , laquelle ne paraît que lorsque le blastème s’est détaché et séparé de ce corps, qui reste sous les enveloppes de la graine. Embryons monocotylédons. L’embryon monocotylédon offre souvent une masse charnue, dans laquelle les divers organes sont confondus, et l’inspection de sa surface seule ne suffit pas pour (1) Observation de M. Du Petit -Thouars. Embryons monocotylcdons . 63 déterminer leur nature ; il laut encore s aider de 1 anato- mie, et même quelquefois de la germination. La radicule est un simple mamelon externe, situé à l’une des extrémités de la masse de l’embryon , dans XHyacinthns scrotums , XOrnithogalum longibracteatum , le J une us bu/onius, le Triglochin , l'Ognon commun, etc. [PL 61, fig. 6.]. Elle est également terminale dans le Canna , le Commelina ; mais elle y est recouverte d’une coléorhize qui fait corps avec elle tant quelle est en état de repos , et qui s’en détache par lambeaux quand la graine vient à germer [PL 5 9, fig. 6.]. Elle est située latéralement par rapport à la masse de l’embryon, et environnée d’une coléorhize dans les Gra- minées, comme Malpighi et Gærtner l’ont prouvé [PI. 58, fig. 3, 4.] (1). L? plumule est nue et plus ou moins saillante dans le Zosi _j-a, le Ruppia, grand nombre de Cypéracées, toutes les Graminées , le Riz excepté [PI. 58. — PL 59, fig. 1 , 2, 3.]. Elle est coléoptilée, et par conséquent invisible à l’ex- térieur dans les autres Monocotylédons • mais, au moyen de la dissection , on la découvre souvent sous sa coléop- tile [PL 60, fig. 6. — PL 61 , fig. 1 , 6.]. Les plumules nues ont une tigelle et une gemmule. La tigclle est cylindrique. La gemmule a la forme d’un cône, et elle est composée de plusieurs rudimens de petites feuilles engainées les unes dans les autres. La plus (1) Voici le passage de Gærtner, tom. I, pag. CL. Plumula autem constantissime libéra est, et universus ernbryo , a parte. Sua anteriore , plcnimque denudatus, in sidco scutclli jacet ; in paucis 'veto, a marginalibus hujtis introrsum plicatis contextus est , ut in May ce et Ccncliro ; et itenun in a/iis, radicula intra substantiarn scutelli , ceu in - ira -vaginam lalet et ab bac penitus obvoluta est , ut in Cerealibus pletisqur. Dans ce passage le mot seutellum répond au mot cotylédon. 64 GRAINE. extérieure de ces feuilles forme un étui clos de toutes parts , que je nomme piléole. Il ne faut pas confondre le piléole et la coléoptile ; la coléoptile est une simple cavité du cotylédon ; la piléole , séparée du cotylédon par la tigelle à laquelle elle adhère inférieurement, n’a rien du tout de commun avec lui. Quoi qu’il en soit, il n’est pas aisé de distinguer la piléole de la coléoptile avant la germination, à moins que, dès l’origine, la tigelle ne soit apparente comme dans le Zostera et quel- ques Graminées. Le cotylédon est toujours latéral par rapport à l’axe du blastème. Il constitue la majeure partie de la masse des embryons dont la radicule et la plumule sont conti- guës [Canna, Triglochin, PL 6 1 , fig. 6’.]. Sa forme est sujette à beaucoup de variations. Il est cylindrique dans l’Ail, le Pontederia cordata ; conique dans le Cucfera thebaïca , etc. ; fongiforme dans le Musa coccinea , le Scirpus sylvaticus , le Carex xulpina , etc. ; renflé en massue dans le Canna, le Leucoïum vernum ; large et plat dans le Pothos crassinervia , le Ravenala de Madagascar; ovoïde et fendu longitudinalement dans le Zostera ; en écusson plus ou moins allongé et diversement modifié dans les Graminées. Cette dernière famille présente dans la structure de son embryon, des anomalies remarquables. Le cotylédon du Riz est complètement refermé sur la plumule , en sorte que celle-ci a une véritable coléoptile; mais la gemmule est pourvue d’une piléole. C’est jusqu’à présent le seul exemple que l’on puisse citer de l’existence de la piléole et de la coléoptile dans le môme embryon [PI. 58 , fig. 5.]. Le cotylédon du Holcus et du Maïs a deux lames ou appendices antérieurs, en forme de lèvres , qui se touchent par leurs bords et cachent la plumule , le collet et la coléorhize [PI. 58, fig. 4-]. Le cotylédon Embryons monocotylédons. 65 du Loliurn temulentum a deux, appendices comme le Holcus et le Maïs, mais les bords de ces appendices ne se touchant pas, laissent le reste de l’embryon à découvert [PI. 59, fig. 1.]. Le cotylédon de l’ AEgylops et du Cor- nucopice n’a point du tout d’appendices antérieurs; enfin la radicule de ce dernier , au lieu de s’incliner vers la base du fruit à la façon des radicules des autres Grami- » nées, se redresse brusquement, et monte dans la direc- tion de la plumule [PI. 58, fig. 3.]. L’embryon est quelquefois muni d’un lobule , rudi- ment de feuille qui se développe du côté opposé au cotylédon , sous la forme d’une lame charnue. La peti- tesse du lobule est cause que peu de botanistes ont re- marqué cet organe. Il représente imparfaitement une seconde feuille cotylédonaire. Il se montre dès avant la germination dans le Lolium , l’ A Egylops , le Blé , l’Avoine [PI. 58, fig. 1. — PI. 5 9, fig. 1.], et seulement après la germination dans l’Asperge [PI. 6 1, fig. 3.]. Les Cycas et les Zamia qui forment une petite famille sous le nom de Gycadées, ont constamment deux coty- lédons [PI. 61, fig. 10], et l’ensemble des caractères de l’inflorescence et de la fructification les rapproche des Conifères (1), végétaux polycotylédons ; tandis que la structure interne, et le mode des développemens , les ramènent auprès des Palmiers , et ne permettent guère qu’on les en sépare. C’est un exemple frappant de ces analogies croisées qui ébranlent les bases de toutes nos méthodes systématiques. Situation des Embryons monocotylédons et dicoty lédons relativement aux autres parties de la Graine. Les espèces qui se rapprochent par l’ensemble de leurs (1) MM. Du Petit-Thouars, Corréa et Richard, ont indiqué suc- GRAINE. 65 caractères, différent bien rarement par la situation de leur embryon. Remarquez qu’il n’est pas question ici de la place qu’occupe l'embryon relativement au péricarpe, mais de celle qu’il occupe relativement au bile et au périsperme : ce qui est très -différent, ainsi que la suite le fera voir. L’embryon des Conifères traverse le périsperme comme un axe [PI. 56, fig. 5.- — PI. 5y, fig. 3.]; celui des Alri- plicées l’entoure comme un anneau [PI. 56, fig. 4-]i celui des Nyctaginées , en se recourbant sur lui-même, l’environne de toutes parts [PI. 56, fig. 3.]; celui du Cyclamen, du Pol/gonum , se porte d’un seul côté de la graine [PI. 45, fig. 4- — Pi- 5y , fig. 5.]; celui des Pal- miers, du Bananier, des Papavéracées , du Poivre, du Nénuphar, des Olaeinées, des Renonculacées , des Om- bellifères, est relégué dans .une cavité tout-à-fait excen- trique [PI. 45, fig- 9- — PI. 47, fig- 7- — Pb 5o, fig. 4, 5. — PI. 5y, fig. 2,6.]; celui des Convolvulacées reçoit dans ses sinuosités nombreuses les plis d’un périsperme mince et mucilagineux [PI. 46, fig- 5.]. La radicule qui aboutit au bile dans la plupart des "raines, s’en éloigne sensiblement dans le Com/nelina , le t) ' “ 7 Tradescantia , l’Asperge, le Cyclamen [PI. 57, fig. 5. — PI. 5p, fig. 6.], et elle se dirige vers le point diamétra- lement opposé dans l’Acanthe et le Sterculia balanghas [PI. 57,% 4-]. Pour la clarté des descriptions nous devons fixer ce que nous appelerons la base de la graine. Le hile étant presque toujours la partie la plus apparente de la sur- cessivement cette analogie ; mais le trait le plus singulier de ressem- blance leur a échappé : c’est la présence d’une cupule qui renferme la fleur dans les espèces de l’une et de l’autre famille. Voyez mes Observations dans le Bull, de la Soc. Philora. 18 ta. Situation de l’Embryon dans la Graine. 67 face de la lorique ou du tegmen , et servant à unir la graine à la plante-mère, a été proposé par quelques botanistes comme point basilaire , et méritait cette pré- férence. Une fois la base reconnue, il semble que pour trouver le sommet, il suffise d’assigner le point situé à l’opposite du bile; et en effet, quand la graine a une forme régulière , et qu’elle s’allonge sensiblement dans une direction déterminée, un axe fictif qui part du hile , indique le sommet par son extrémité supérieure. Mais souvent la forme de la graine est affectée de telles iri*é— gularités , qu’alors il est bien difficile de dire où il con- vient de placer le sommet; ce qui d’ailleurs est un léger inconvénient dans la pratique, car l’expérience prouve que dès qu’on a trouvé la base d’une graine quelconque, on peut énoncer avec précision et clarté la situation de l’embryon, et c’est ce caractère qu’il importe sur -tout de faire connaître (1). DE LA GERMINATION. Germination en général , et causes qui V amènent. La germination est la suite des développemens de l’embryon depuis le moment de sa maturité jusqu’à celui (1) Gærtner a très-bien vu que pour assigner la place de l’em- bryon , il était indispensable de connaître celle de l’ombilic : c’est pourquoi il veut que l’on observe la position de la radicule , non- seulement eu égard au péricarpe, mais encore eu égard à l’ombilic. Le passage suivant ne laissera aucun doute à ceux qui süvent la va- leur des termes que Gærtner a employés : Situs proprius semper in basi embrjonis esse censetur ; relativus autein refertur ad reliqua seminis intc- ranca , et imprimis ad rcceptaculnm fructus atque seminis propritan. In- trod.CLXX. On a donc avancé légèrement que Gærtner ne consi- 5. 68 germination en général. où il se débarrasse des enveloppes séminales , et tire directement sa nourriture du dehors (i). L embryon en état de germination, prend le nom de plantule. On y distingue deux parties principales , le caudex ascendant et le caudex descendant (2) : ce qui ne répond pas rigoureusement à ces mots radicule et plu- mule ; car le collet appartient à l’un ou à l’autre caudex , selon qu’il se développe dans la direction de la plumule ou de la radicule. D’ailleurs, à l’exemple de Linné, nous 11e considérons sous la dénomination de caudex, que le corps, ou, si I on veut, que l’axe de la plantule, et nul- dérait la situation de l’embryon que relativement au péricarpe. Dans un aulre endroit Gærtner s’exprime de la manière suivante : Inter /tas , primwn locurn tenet ombilicus , qui 'vel externits •vcl internus est, quo- rum prior non solum ob 'variant suam formam , sed et ideo , in seminis examine, omnem meretur attentionern , quia soins punctum fixant prœbet , ex quo semi/lis superficies externa in certas regiones distribue, et inlerna- rum partium situ s rite dijudicari possit. Introd. CXIII. (1) Germinatio est tempus , quo sembla terra: mandata eadem exclu- duntur in cotyledonum proventum. Phil. Bot. Germinatio ft dispersis seminibus , per hilum absorbentibus aqitam , ttnde rumpuntur membranœ a bibulis tumentibus cotyledonibus , lactantibus corculum , usqtte dum fœtus rostellum radiculas exserat, quo erigatur plumula accrescens in herbam anni , terminatany gemma supradecompo- sita. Syst. veg. (2) Caudex descendens sub terra sese sensirn subducit et radiculas pro- fert , a botanicis ex 'varia structura variis nominibus distinctus : i° per- pendicularis . . . . , 2° horizon talis . . . . , 3° simplex. . . . , 4° ramosa. . . . , 5° fusiformis., . , . , 6° tuberosa.. . . . , f repens , 9 0 . ftbrosa , 90 preemorsa .... Caudex ascendens supra terrain sensirn se elevat , gérons siepitts vices trunci, herbamque profert. Arbores fruticesquc omnes itaque sunt radices supra terrant. Ergo arbor ’verticaliter inversa, e cattdice descendente fert folia, ex asccndcnte radi- culas. Phil- Bot. Ce passage prouve que je ne m’éloigne guère de la pensée de Linné dans la définition que je donne du caudex ascendant et du caudex descendant. Causes qui l' amènent. ^9 lement les cotylédons, les feuilles, et les subdivisions de la racine principale. Le premier effet de la germination est le gonflement total ou partiel de l’embryon, d’où résulte une rupture dans les enveloppes séminales ; rupture qui toute méca- nique qu’elle est , s’opère avec une sorte d’uniformité dans beaucoup d’espèces , à cause de l’organisation pri- mitive des graines, et du mode de germination. Quand l'embryon se gonfle dans plusieurs points à-la- fois, les enveloppes fortement distendues, s’entrouvrent et se déchirent comme au hasard [ Haricot , Fève , PI. 56’ , fig. iD], Quand le caudex descendant fait seul effort contre la paroi interne des enveloppes, et que celles-ci n ont point d’opercule , elles se percent avec plus ou moins de régularité [Cyclamen]. Quand le caudex des- cendant presse un opercule, cette calotte se détache, et l’ouverture est souvent aussi régulière que si elle eût été faite avec un emporte-pièce [Canna, Commclina, Tra - descantia , Asperge, Dattier, PI. 5 9, fig. 6, y. — PI.' 60, fig. 1. — PI. 61, fig. 3.]. L’évolution commence presque toujours par le caudex descendant. S'il existe une coléorhize, elle s’allonge; mais le mamelon radiculaire, plus prompt dans sa croissance, la crève à son extrémité [Graminées, Capucine, PI. 5y, fig« *• — PL 58, fig. 1 , 3.]. S’il n’y a point de coléorhize le collet tantôt s’amincit insensiblement dans sa longueur, et se confond avec la radicule [Pin, PL 5y , fig. 3.], et tantôt se distingue de la radicule par un bourrelet charnu. [ Martjnia perennis , Momordica , Cucurbita , Rumex ro- seus, - vesicarius , Belle-de-Nuit , PL 56, fig. 3.]. Le caudex ascendant se développe peu de temps après, et il ne tarde pas à se montrer si la plumule est dépour- vue de coléoptile; mais si elle en est pourvue, l’appa- rition du caudex est moins prompte : la plumule pousse et presse légèrement la paroi interne de la coléoptile, 70 germination en general. qui se dilate, s’amincit, et s’ouvre ou se déchire avec plus ou moins de régularité (i). Le caudex ascendant commence quelquefois au-des- sous des cotylédons , et alors il les soulève et les porte à la lumière [ Potiron , Belle-de-Nuit, PI. 56, fig. 3 ] ; et d’autres fois il commence au-dessus des cotylédons, et alors il les laisse dans la terre, où ils demeurent cachés [Marronier dinde, Graminées]. Dans le premier cas, on les dit épigés ; dans le second , on les dit hypogés. Les cotylédons épigés verdissent, s’alongent , s’élar- gissent, se couvrent de poils et de glandes, se marquent de nervures et de veines. Les cotylédons hypogés ne sor- tant point des enveloppes séminales, conservent souvent leur couleur blanchâtre et leur forme primitive ; et ils augmentent toujours en volume, soit par le simple gon- flement du tissu cellulaire dont ils sont formés en grande partie [Marronier d’Inde], soit par le gonflement et l’accroissement de ce tissu [Dattier]. Après la germination on désigne sous le nom de feuilles séminales, les cotylédons épigés; et sous celui de feuilles primordiales, les petites feuilles qui composent la gem- mule. (i) Jusque dans les moindres détails, la germination offre des différences qui ne permettent point d’établir de lois générales. Se- lon les espèces, la coléoptile varie dans la manière de s’ouvrir: i° elle se déchire par l’effort que fait contre sa paroi la gemmule qui tend à s’échapper, et l’ouverture irrégulière prouve qu’il y a eu solution subite de continuité ( Phoenix dactjlifera. , PL 60, fig. i.) ; 2° elle s’ouvre à la suite d’un amincissement successif de sa paroi, lequel est causé par un déplacement organique de molécules qui résulte delà pression faible, mais continue de la gemmule, et il n’y a aucune apparence de déchirement ( J Ilium , PL 6i , fig. f\. ) ; 3° elle s’ouvre sans qu’il y ait eu même pression , et par l’effet d’une pré- disposition organique immédiate. La coléoptile s’étend alors comme une feuille avant que la gemmule ait fait le moindre effort pour paraître au jour ( Cos lu s spcciosus, PL 6x , fig. 9.). Causes qui l'amènent. 7 r Plusieurs causes tirées de 1 organisation des graines , contribuent à la germination. Nul doute que le péri- sperme ne serve de première nourriture à la plantule. Un embryon d'Ognon , retiré soigneusement de son péri- sperme, et placé sur une terre douce et fine, se conserve long-temps sans se flétrir, mais ne prend pas d’accrois- sement. Que si vous semez la graine telle qu elle sort du péricarpe, l’embryon se développera en un long fil; l une de ses extrémités restera engagée dans les enve- loppes séminales [ Ognon , PI. 61 , fig. 4], l’autre s en- foncera dans la terre ; toutes deux tireront des sucs nutritifs , celle - ci de 1 humidité du sol , celle - là de la substance même du périsperme changé en une liqueur émulsive, et chacune croîtra en sens inverse de 1 autre par l’effet de sa propre succion. Quand le périsperme sera épuisé , la succion de la racine fournira à l’entretien de toute la plantule, et l’extrémité cotylédonaire se dres- sera vers le ciel. Le phénomène se passe à-peu-près de la même ma- nière dans les Anthericum , les Aloës , etc. L’extrême dureté du périsperme dans la graine du Dattier , du Caryota , de l’Asperge , du Commelina com- muais, n’empêche pas qu’il ne puisse remplir ses fonc- tions ; l’eau parvient toujours à le ramollir. Il se résout en une liqueur laiteuse après un temps plus ou moins long, et la partie du cotylédon qui reste sous les tuniques séminales, absorbant cette liqueur, se dilate, se gonfle, s’enfle comme une éponge, et remplit à la fin toute la cavité de la graine [IM. 59, fig. 6.]. Les cotylédons jouent un grand rôle à cette première époque de la vie. Si vous les retranchez dans le Potiron avant ou au moment de la germination , la plumule se fane et meurt; si vous en supprimez la majeure partie, la plante n’a qu’une végétation faible et languissante; mais si vous laissez subsister en entier ces mamelles vc- 72 germination en général. gétales , comme parle Charles Bonnet, vous pouvez im- punément couper la radicule et toutes les radicelles qui se développeront durant l’expérience: la tige ne poussera pas avec moins de vigueur que si la jeune plante fût res- tée intacte. Faites plus : divisez un embryon de Haricot dans sa longueur , de telle sorte que chaque portion emporte avec elle un cotylédon 5 ces deux moitiés se développeront aussi bien qu’un embryon tout entier ; preuve évidente que la blessure occasionnée parla sous- traction des lobes séminaux, n’est pas ce qui met ob- stacle à la croissance du blastème. Enfin il suffit d’humec- ter les cotylédons pour que l’embryon se développe (1). L’utilité de ces lobes dans la germination ne saurait donc être révoquée en doute, quoiqu’en ait pu dire un de nos plus savans botanistes. Au reste, la présence des cotylé- dons n’est pas une condition d’existence pour toutes les plantes. Sans parler des Agames et des Cryptogames , qui semblent la plupart en être dépourvues , il est quel- ques Phénogames dans lesquelles ou n’en a point trouvé : témoin les Cuscutes. Duhamel observe que les graines , dépouillées de leurs enveloppes , réussissent difficilement. Les enveloppes sé- minales sont bonnes en ce qu’elles préservent les parties intérieures de l’action de la lumière; quelles modèrent l’entrée ou le départ des fluides; quelles forment un crible que ne traversent point les molécules terreuses , et les substances mucilagineuses suspendues dans l’eau. Le tissu plus perméable du hile et la bouche du mi- cropyle , favorisent pourtant l’introduction des sucs nu- tritifs. L’eau , la chaleur et l’air sont des agens extérieurs indispensables à l’évolution des germes. (r) Expériences de MM. Vastel, Desfontaines, Thouin , et LaBil- Jardière. Causes qui l'amènent. 7 3 L’eau assouplit les enveloppes séminales et facilite leur rupture. Elle pénètre le tissu de l’embryon et le dispose à recevoir les substances nutritives. Celles de ces subs- tances qui ne sont point à l’état gazeux , ne peuvent s’introduire dans la plante et parcourir ses vaisseaux qu’en dissolution dans l’eau. Ce liquide lui -même de- vient un des principaux alimens de la végétation. Ses élémens désunis par des procédés naturels que les théo- ries des chimistes n’expliquent point , forment en se combinant avec le carbone , les principes immédiats t tels que l’amidon , le sucre , la gomme , les acides , les huiles , le camphre , les résines , le ligneux , etc. 11 con- vient néanmoins que l’eau soit distribuée avec écono- mie aux végétaux terrestres ; sans cela elle leur est nui- sible. Les graines qui sont plongées dans ce liquide y pourrissent presque toutes , à moins quelles n’appar- tiennent à des végétaux aquatiques ; encore , parmi ces dernières , s’en trouve-t-il quelques-unes qui montent à la surface de l eau à l’époque de la germination , et ne se développent qu’au contact de l’air. De ce nombre sont les graines des Lemna et du. Salvinia. La chaleur est un stimulant des forces vitales dans tous les êtres organisés. Il est pour chaque espèce de graine une température nécessaire à sa prompte et vi- goureuse germination. Si la chaleur s’élevait au-dessus de 45u à 5o", elle altérerait les organes, et détruirait le principe de la vie; si elle s’abaissait à zéro, il n’y aurait pas de mouvement organique, et le germe demeurerait dans ünaction. A toutes les époques de la vie, l’air n’est pas moins indispensable aux plantes qu’aux animaux. Des graines dans le vide de la machine pneumatique ne germent pas. Homberg cite à la vérité quelques exceptions ; mais M. Théodore de Saussure , qui a examiné le phénomène çn habile physicien , ne voit dans ces anomalies préten- 74 germination en general, dues que les résultats d’expériences fautives ou d’obser- vations incomplètes. Est-ce l’air tel qu’il compose l’atmosphère, c’est-à-dire, formé d’environ 21 parties d’oxigène , de 79 d’azote, et de à de gaz acide carbonique, qui est indispen- sable à lévolution des germes, ou bien est-ce un seul de ces gaz, ou bien en est- ce deux agissant de concert ou séparément? Ces questions ont été traitées à fond, et Ion sait aujourd’hui que les graines ne germent pas dans l’azote et le gaz acide carbonique purs ; qu elles germent quand elles sont en contact avec de loxigène ; que ce gaz en état de pureté lnàte leurs premiers déve- loppemens, mais les fait bientôt périr; qu’il convient davantage à la plantule quand il est mêlé à une certaine quantité d’azote ou d’hydrogène ; que les proportions les plus favorables dans ce mélange sont trois parties d’hy- drogène ou d'azote pour une d’oxigène; que l’acide car- boniqne en excès nuit beaucoup à la germination ; que l’action bienfaisante de loxigène consiste à débarrasser les graines de leur carbone surabondant; que si l’on ne remarque point de diminution dans une atmosphère qui a servi à la germination, c’est que le volume du gaz acide carbonique produit est à très -peu près le même que celui de loxigène absorbé. La perte du carbone, occasionnée par le dégagement du gaz acide carbonique pendant la germination , pro- duit un effet bien remarquable. Les quantités respectives de loxigène, de lhydrogène, et du carbone, qui com- posent la fécule du p>érisperme, n’étant plus les mêmes, cette matière passe à l’état de sucre, et devient soluble d insoluble qu elle était. Observons que le chimiste imite ce procédé naturel, lorsqu’il transforme l’amidon en sucre par le moyen de l’acide sulfurique ; mais dans cette préparation de l’art, la fécule ne perd point de carbone, et si la proportion des élémens change , c’est qu’une Causes qui V amènent. 7 5 partie (le l’eau est décomposée et fixée. Le périsperme réduit en une liqueur émulsive, pénètre par les vaisseaux des cotylédons jusqu’au blastème, et lui présente la nour- riture dont il a besoin pour se développer. Faible comme il est, il ne pourrait digérer les sucs de la terre; il faut que ses alimens aient reçu une première préparation. Tout ce qui se passe alors dans la graine indique un commencement de fermentation spiritueuse ; mais bientôt la lumière agissant sur la plumule, la fermentation s ar- rête, le gaz acide et l'eau se décomposent, l’oxigène du gaz est rejeté , le carbone et les élémens de l’eau se com- binent, et forment des produits inflammables fixes et volatils, tels que les huiles, les résines, le ligneux, etc., qui remplacent la matière saccharine et le mucilage. Les mêmes phénomènes ont lieu dans toutes les jeunes pousses, soit quelles proviennent des racines, soit quelles proviennent des parties exposées à l'air. Ces faits ont été développés avec beaucoup de sagacité par le savant Sénebier. D'après ce que nous venons de dire, on peut déjà pré- sumer que toutes les substances qui augmentent la quantité relative de loxigène de 1 atmosphère d’une graine placée dans des circonstances favorables à sa germination, doi- vent bâter l'accomplissement de ce phénomène. Cette con- jecture est justifiée par l’expérience. M. de Humboldt a montré que des graines de Cresson alenois germent en six heures dans une dissolution de chlore, tandis que ces mê- mes graines emploient un temps cinq à six fois plus consi- dérable pour germer dans de l’eau pure. A l’aide du chlore, on est parvenu à tirer de leur état d’engourdissement les graines du Dodonœa augustifolia , du Mimosa scandens , et de quelques autres espèces exotiques qui avaient résisté aux moyens ordinaires. Les acides nitrique et sulfurique, délayés dans une grande quantité d’eau, une dissolution légère d’oxi - sulfate de fer, le minium, la litharge, et 76 germination en général, en général toutes les substances qui retiennent faible- ment l’oxigène ont la même action sur les graines. Au reste, il est bon de dire que ces germinations hâtives sont rarement heureuses. La plumule pousse d’abord avec assez de vigueur, mais bientôt sa croissance se ralen- tit, et presque toujours la plante meurt prématurément. \ous voyez que des trois fluides aériformes dont la réunion compose l'atmosphère, l’oxigène seul est indis- pensable à la germination. Toutefois ce gaz qui anime les forces vitales, et dont aucun être organisé ne saurait se passer , serait contraire à tous si son action n’était tempérée par le mélange d’une grande quantité d’azote. Dans le système de notre monde , la juste proportion des élémens de l’air est une condition d’existence pour les animaux et pour les plantes. Les uns et les autres plon- gés dans l oxigène pur , périraient long-temps avant d’avoir atteint l’âge de la reproduction ; l’activité organique por- tée à son comble , deviendrait la cause d une mort pro- chaine, et la vie serait anéantie par la surabondance du gaz qui l’entretient. Le sol le plus convenable à la germination est celui que l’eau ne lie point en pâte, mais qui la contient sus- pendue entre ses molécules comme dans une éponge, qui se laisse facilement pénétrer par l’air atmosphérique, et qui n’oppose aucune résistance à la jeune pousse. De là on peut conclure l’utilité des labours , et le mal que font aux semis les pluies qui délayent la terre , sur- tout lorsque de grandes sécheresses venant ensuite , elle se prend en une croûte épaisse qui ferme tout accès à l’air , et met obstacle à l’apparition de la plumule. Les graines fines doivent être à peine recouvertes de terre ; les grosses graines peuvent être enfoncées plus avant ; mais il est une profondeur à laquelle aucune graine ne germe , parce qu elle n’y trouve pas l’oxigène nécessaire pour transformer en gaz acide son carbone surabondant. Causes qui ? amènent. ']’) Il arrive quelquefois que lorsqu’on remue la terre d’un jardin de botanique, des graines anciennement enfouies, ramenées à la surface, produisent des plantes perdues depuis long-temps. On a vu sur les ruines d’antiques édifices se développer tout- à -coup des espèces incon- nues dans le pays : leurs graines transportées sans doute de quelque canton éloigné avec les matériaux du ci- ment, n’ayant point été exposées au contact de l’air, avaient conservé durant des siècles, toute leur force germinative. Des observateurs dignes de foi attestent que dans les vastes contrées de l’Amérique septentrio- nale, après la destruction d’une forêt, le sol abandonné à lui -même se couvre souvent d’arbres d’une autre es- sence que ceux que la hache ou le feu a détruits : phé- nomène facile à expliquerai l’on admet que des semences enfoncées dans la terre depuis un temps immémorial , puissent y rester dans l’inaction, et s’y conserver saines jusqu’au moment où elles éprouvent l’influence de l’air atmosphérique. L’évolution est plus prompte à l’obscurité qu’à la lu- mière. La raison en est simple. L’un des effets de la lumière sur les plantes , est de décomposer le gaz acide carbonique, d expulser l’oxigène, et de fixer le carbone, d’où résulte l’endurcissement des parties. Mais l’embryon pour germer, a besoin detre dans un état de mollesse; au lieu de retenir le carbone, et de l’assimiler à sa propre substance, il faut qu’il le rejette, ce qui ne peut se faire qu’ autant que le carbone en se combinant avec l’oxigène forme du gaz acide carbonique : or, la lumière qui tend sans cesse à décomposer ce gaz et à fixer le carbone, doit nécessairement ralentir la germination. Il ne semble pas que la terre fournisse par elle-même aucun aliment aux graines; mais elle les reçoit dans son sein ; elle les environne d’une humidité bienfaisante ; elle GERMINATION 78 les met à l’abri de la lumière ; elle les préserve de l’excès de la chaleur et du froid. Quant à l’espace de temps nécessaire pour la germi- nation, il varie selon la nature des graines et les circon- stances où elles se trouvent. *Les graines des Graminées germent très-promptement; quelques-unes telles que le Blé, montrent leur plumule en moins de trente -six heures. Les graines des Crucifères, des Légumineuses, des Cucurbitacées, des Labiées, des Ombellifères , etc., sont un peu plus tardives; celles du Rosier, du Cor- nouiller, de l’Aubépine, etc., ne germent qu’au bout d’un à deux ans. Toutes sont plus hâtives quand elles sont semées immédiatement après la récolte. Alors les graines sont encore imbibées des sucs de la végétation , leurs enveloppes sont très-perméables , et leur périsperme est tout prêt à fermenter. Quand les graines sont dessé- chées et racornies par l’àge, on peut avancer l’époque de leur germination , en les faisant tremper quelques heures avant de les •semer, dans de l’eau à une douce tempé- rature. Germination des Dicotylédons. Si, laissant de côté les exceptions et les anomalies, vous ne considérez que les faits généraux, vous trou- verez que le mode de germination distingue assez bien les Dicotylédons des Monocotylédons ; mais si vous pé- nétrez dans les détails, vous ne verrez plus de limites. Une graine dicotylédone étant semée, les lobes sé- minaux se gonflent, s’écartent, déchirent leurs tuniques, repoussent la terre de droite et de gauche, font passer dans la radicule l’émulsion qu’ils contiennent ou qu’ils puisent dans le périsperme. Le caudex descendant se dirige vers le centre de la terre ; le caudex ascendant, souvent arrêté par son sommet entre les cotylédons, se courbe d’abord en arc [PI. 56, fig. 1 , D. — PI. 57 , fig. 1.] , des Dicotylédons. 79 puis se redresse et monte vers le ciel. Les lobes sé- minaux, tantôt immobiles avec le collet qui ne prend aucun accroissement, restent cachés sous le sol [Mar- ronier d’Inde, Noyer, Capucine], et tantôt, poussés par le collet qui s’élève, gagnent la surface de la terre [Sensitive, Potiron, Belle - de - Nuit, Frêne, Erable, Avicennia , Pin [PI. 56, fig. 2, 3. — PI. 57, fig. 3.]. Ainsi s’exécute la germination dans une multitude de graines bilobées. Portons à -présent notre attention sur quelques faits particuliers. Dans le Marronier d’Inde les cotylédons demeurent sous les enveloppes séminales ; et leurs pétioles , en s’allongeant, dégagent le sommet du caudex ascendant, qui sans cela ne pourrait se produire à la lumière. L’embryon du Manglier, arbre des lagunes maritimes des contrées équinoxiales, se développe dans le fruit encore suspendu à la branche. Il perce le péricarpe, produit un caudex descendant de plusieurs décimètres de longueur, se détache par son propre poids, laissant son cotylédon au fond du fruit, tombe la radicule la première, et s’enfonce verticalement dans la vase où il ne tarde pas à s’enraciner. Le Nélumbo et le Nénuphar ont un caudex ascendant qui attire à lui seul tous les sucs des cotylédons , et le mamelon radiculaire ne se développe pas. A son défaut, des radicelles caulinaires naissent de la base des feuilles, et pourvoient aux besoins de la plante. Le Gui est essentiellement parasite : sa germination n’a de suite que lorsqu’elle s’opère sur la jeune écorce d’un végétal ligneux. Son caudex descendant perce les enveloppes séminales, et s’ouvre à son extrémité infé- rieure en une espèce de coléorhize qui prend la forme du pavillon d’un cor-de-chasse. De l’intérieur de cette 8o germination des Monocotylédons, coléoihize sortent des suçoirs radicaux , par lesquels l’embryon s’attache à l’écorce des branches. Le Trapa natans a deux cotylédons inégaux en vo- lume : le plus gros , renfermé dans les enveloppes sémi- nales, pousse en avant un très-long pétiole , à l’extrémité duquel sont attachés la radicule, la plumule, et le petit cotylédon [ PL 8 , fig. 3 , A. ]. Le Cyclamen germe à la manière de plusieurs Mono- cotylédons ; son lobe séminal (car il n’en a qu’un) ne quitte les enveloppes qu’à la fin de la germination. Son caudex descendant les perce d’abord et se change bientôt après en un tubercule qui s’enracine par sa base. La Cuscute , plante parasite privée de cotylédons , enfonce dans la terre son caudex descendant , et déploie son caudex ascendant en une tige sans feuilles , aussi déliée qu’un fil. Cette tige qui ne tarde pas à se ramifier, enveloppe dans ses replis les herbes voisines , s’attache à leur écorce par de petits suçoirs , se dessèche à sa partie inférieure, et finit par se séparer de la terre dont elle n’a plus besoin. Après que la cupule dans laquelle est renfermé le gland du Pin , du Sapin , du Mélèze , du Cèdre , s’est entrouverte en deux valves, l’embryon développe son extrémité radiculaire ; celle-ci pousse en avant le som- met du péricarpe qui s’allonge en une gaine mem- braneuse jusqu’à ce que, ne pouvant plus s’étendre, il se déchire et laisse paraître la radicule [PI. , fig. 3.]. Germination des Monocotylédons. Passons maintenant à l’examen des principaux modes de germination des espèces unilobées. Dans le Maïs, le Sorgho, etc. [PI. 58.], plantes de la famille des Graminées, l’embryon tout -à -fait excen- txique, est recouvert par la double paroi du tegmen et du péricarpe , qu’il crève sitôt qu’il commence à germer germination des Monocotylédons. 81 En premier lieu, les deux appendiees antérieurs du co- tylédon se touchent par leurs bords et cachent le blas- tème ; mais durant la germination , ces appendices s’é- cartent; la coléorhize et la plumule paraissent comme deux petits cônes à bases opposées. Ensuite le mamelon radiculaire s’alonge vers le centre de la terre , et perce la coléorhize dont les lambeaux subsistent en forme de gaine à la base de la radicule ; le caudex ascendant s’élève vers le ciel ; la piléole , cette feuille primordiale extérieure close de toutes parts, s’amincit, s’étend, se fend à son sommet , et laisse poindre les autres feuilles de la gemmule. Le cotylédon demeure sous la terre dans les enveloppes séminales , et ne prend qu’un faible accrois- sement. A la lin , la substance du périsperme , absorbée par le cotylédon, s’épuise, et la plantule, sevrée, tire toute sa nourriture de la terre et de l’air. C est alors que la germination est achevée. Elle s’opère à-peu-près de même dans les autres Graminées [ PI. 58.]. Dans l’Ognon , l’Asphodèle, le Jonc, etc., le cotylédon sort de terre, se développe en un long fil grêle, se re- dresse vers le ciel , portant la graine à son sommet ; et la coléoptile, située à sa base, se fend en longueur pour laisser sortir la plumule [PI. 61 , fig. 4.]. Dans le Costus speciosus , le sommet du cotylédon ne change pas de forme, mais sa base, qui constitue la coléoptile, s’ouvre d’elle- même , se dilate, s’élargit, et devient une feuille semblable à celles qüi doivent suivre [PI. 61, fig. 9.]. Dans les Scirpus sylvaticus , romanus , etc. , et dans d’autres Cypéracées, la plumule se développe d’abord et paraît la première [ PL 59, fig. 3 , 4- ] * Dans le Canna , le Caryota, le Gloriosa , le Tigridia, etc., la coléoptile s'élève en cône, et venant à se percer à sou sommet , forme une gaîne à la base de la jeune tige [PL 60, fig. 3, 5.]. | g 82 germination des Dicotylédons. Dans XAlisma , le Damasonium , le Potamogeton , le Naïas , le Buto/nus, etc., le collet descend dans la terre, poussant devant lui la radicule, jusqu’à ce que des radi- celles formées immédiatement au-dessous delà plumule, qui s’échappe de la coléoptile par une fissure latérale , attachent plus fortement la plantule au sol [PL 6x , fig. 1,2.]. Les Cjcas , à cette première époque de la vie, se com- portent comme beaucoup de Dicotylédons , et vous avez déjà vu qu’ils ont deux lobes séminaux. Les enveloppes séminales s’entrouvrent, et la radicule s’échappe. Les co- tylédons restent enfermés dans les enveloppes , mais leurs pétioles salongent et dégagent la plumule (i). Après la germination, les Cjcas développent leur caudex de la même manière que les Palmiers , les Dracæna , les Fou- gères , avec lesquels ils ont plusieurs traits de ressem- blance. Direction tle la Plumule et de la Radicule pendant la germination. Pendant la germination , la plumule s’élève vers le ciel, et la radicule descend vers le centre de la terre. Cette loi ne souffre d’exception que pour quelques parasites (le Gui , par exemple) , qui germent en tous sens. Comme jusqu’ici on a recherché inutilement la cause du phéno- mène général, on soupçonne qu’il résulte de cet ordre de choses, que nous appelons la vie , et dont le principe nous est, et nous sera toujours inconnu. Duhamel intro- duisit dans des tubes d’un diamètre déterminé , des graines d’un diamètre à-peu-près égal à celui des tubes. Ce fut tantôt un Gland, tantôt une Fève, tantôt un Marron. (i) Mémoire de M Du Petit -Thouars *ur la germination clu Cjcas. Direction cle la Plumule et de la Radicule. 83 Il recouvrit ces graines de terre humide , et suspendit les tubes de façon que les radicules regardaient le ciel, et les plunudes la terre. Les radicules et les plumules se développèrent; mais parce que les premières ne purent descendre , et que les secondes ne purent monter , les unes et les autres se contournèrent en spirale. Hunter plaça une Fève au centre d’un baril rempli de terre , lequel tournait sur lui-même par un mouvement continu. La radicule sans cesse éloignée de sa direction naturelle , s’allongea dans la direction de l’axe du baril. M. Knight attacha des graines de Haricot autour d’une roue que l’eau faisait mouvoir. Les radicules gagnèrent l’axe de la roue ; les plumules sortirent de la circonfé- rence en rayons divergens. M. Knight suppose que les radicules étaient attirées vers l axe par la force centripète, et que les tiges en étaient éloignées par la force centri- fuge ; mais si l’on considère qu’à chaque révolution , toutes les graines , arrivant successivement au sommet de la roue, se trouvaient pour un moment dans la po- sition la plus favorable à leur croissance , on pensera que le développement rayonnant des graines ne fut que l’effet de la tendance ordinaire des tiges et des racines vers le ciel et la terre. Remarque sur la nature des Cotylédons. Les cotylédons sont les premières feuilles dans la graine. Vous savez que lorsque leur tissu n’est pas rempli par le périsperme, ils sont minces et veinés comme des feuilles ordinaires; joignez que ceux qui s’élèvent au- dessus du sol et reçoivent la lumière , verdissent et dé- composent le gaz acide carbonique à la manière des autres feuilles. Ils se rapprochent des feuilles encore par de certains caractères propres aux différentes espèces ; ainsi , après 84 Nature des Cotylédons . la germination, les cotylédons épigés des Borraginées ou Aspérifoliées sont tout couverts de poils rudes ; ceux des Anagallis sont parsemés en dessous de points d’un rouge livide; ceux du Menispermum fenestratum sont percés de trous; ceux de la Sensitive se meuvent, et s’appliquent l’un contre l’autre dès qu’on les touche, etc. La Cuscute n’a point de feuilles et n’a point de cotylédons. L’unité ou la pluralité des cotylédons s’accorde en général avec la structure des feuilles. La plupart des Monocotylédons ont des feuilles engainantes, de sorte que la plus extérieure recouvre les autres ; le cotylédon est la première feuille de l’embryon, et il cache la plu- mule comme dans un étui. Mais la plupart des Dicoty- lédons ont au contraire des feuilles libres pétiolées,ou du moins rétrécies à leur base, et dès l’embryon elles se montrent telles, puisqu’il offre plusieurs cotylédons distincts. Ces rapports dans l’organisation végétale , ne dépen- dent pas de lois si rigoureuses que la Nature ne puisse jamais s’en affranchir: les Ornbellifères , les Araliées, etc., beaucoup de Syrianthérées , ont deux cotylédons , et tou- tefois leurs feuilles sont engainantes. « IXXX XXX XXXXXX XXXXXXX XX XX- .XX x v\ xxx xxx XX x X xx xxx xxx xxx XXX XXX xx X ■ QUATRIÈME SECTION. DES ORGANES CONSERVATEURS, FONCTIONS. ET DE LEURS \ DE LA RACINE. Xja germination est terminée; toutes les parties néces- saires à la conservation de l’individu sont devenues visi- bles ; je vais vous les faire connaître successivement. Te commence par la racine, principal organe de l’absorption , qui cherche toujours l’ombre et l’humidité (i). Le nom de racine s’applique sur- tout à cette partie inférieure du végétal , simple ou divisée , qui s'enfonce dans la terre et se couvre de radicelles, ou, comme disent les cultivateurs, de chevelu , petites ramifications de la racine, qui sont autant de bouches aspirantes. Les radicelles sortent chacune d’une coléorhize , dans beaucoup de Monocotylédons et de Dicotylédons. A l’exception de quelques Trémelles et de quelques Conferves dont la substance est homogène , et qui vivent (i) Radix alimentum hauriens , hcrbamque , cum fructijicatione produ- cens , coinponitur ineduUâ , ligno , libro , corcice ; constatque caudice et radicula. Phil. Bot. Radix descendens , aquosa sorbens , nut riens. Radix terrenis humentibits inserta exseric radiculas capillares , sœpc su- pernè concurrentes in soliduin caudicem descendentem sub terra , aut eliam adscendentem supra terrain. Syst. veg. Radicatio est radicis disjwsitio : Caudice descendente , ascendente et ra- dicidis, Phil. Bot. racine 86 à la surface de la terre ou dans l’eau, tirant leur nour- riture d’une manière uniforme , par tous les points ex- térieurs de leur corps , toutes les plantes ont des racines. Il en est même qu’on peut considérer comme n’étant en totalité que racine ; de ce nombre est la Truffe. Presque toutes les parties du végétal sont de nature à s’enraciner : la pointe des feuilles de Y Aspidiurn rhizo- phyllum, de Y Asplénium rhizophyllum , etc. ; les nœuds des chaumes des Graminées; la superficie entière des tiges du Bignonia radicans , du Lierre , etc. ; la base des feuilles du Justicia lutea , du Ruellia ouata, de 1 Oranger, etc. (i) ; l’extrémité des branches de tous les végétaux ligneux. Une branche de Saule, courbée en arc, et enfoncée dans la terre par ses deux bouts , s’enracine par l’un et par l’autre, et produit des rameaux dans sa partie moyenne. Les branches du Figuier des pagodes s’incli- nent d’elles-mêmes jusqu’à terre, y jettent des racines, et forment de magnifiques arcades. Le Clusia rosea pro- duit de sa cime des filets déliés qui descendent aussi jusqu’à terre, et s’y attachent. La plupart des plantes d’eau douce, le Nénuphar, le Menyanthe, la Renoncule aquatique, etc., outre les ra- cines qui les retiennent au sol, en ont encore de flot- tantes qui partent de la base des feuilles. Le Lemna , connu sous le nom de Lentille d’eau, n’a que des racines flottantes ; ce sont de simples filets, longs de deux à trois centimètres, terminés chacun par un petit cornet charnu. Ces filets, isolés les uns des autres, descendent perpendiculairement dans l’eau. Les racines des Plantes grasses, telles que les Cierges, les Mesembryanthemum , les Stapelia, et autres espèces (i) Expériences de M. Tliouin. parasite. 87 d’un tissu lâche et succulent, sont sèches, fibreuses, et ne servent, ce semble, qu’à fixer ces plantes au sol. La succion des tiges et des feuilles suffit au besoin des Plantes grasses, parce quelles transpirent peu; aussi les voit-on croître avec vigueur dans les climats chauds, sur des rochers arides. Des espèces d’un tissu plus serré, la Giroflée jaune, l 'Erjsimum murale , le Mufle de veau, etc. qui s’accom- modent fort bien d’une terre humide et substantielle , se comportent de même que les Plantes grasses, quand le hasard les fait croître sur les rochers , sur le sable ou sur les murs : leurs racines les fixent , leurs feuilles les nourrissent. Les plantes parasites enfoncent leurs racines dans l’écorce des autres plantes. Lorsque le Gui prend pied sur une branche , ses racines s’étendent dans la couche annuelle, appelée liber ; mais comme cette couche s’en- durcit, et se change en bois, d’autres racines percent au-dessus des premières, et s’alongent dans le nouveau liber développé à la superficie de l’ancien. Le phéno- mène se reproduit jusqu’à ce que la branche ou le Gui périsse; aussi, à 11e juger que sur l’apparence, on dirait que les racines des vieux Guis ont pénétré de vive force jusqu’au cœur du bois. L’Orobanche, la Clandestine, l’Hypociste , implantent leurs racines sur celles de certains végétaux ligneux. Dans l’Amérique méridionale, contrée de merveilleuse végétation , des arbres vivent en parasites sur d’autres arbres. Les longues racines du Clusia rosea , parasite de cette nature, descendent de la cime des arbres jusqu’à terre ; et quelquefois ces racines venant à s’entre-greffer, et à se couvrir d’une seule et même écorce , forment un immense fourreau dans lequel est renfermé le trône étranger qui soutient dans les airs celui du Clusia. RACINE S8 Beaucoup de Lichens , de Champignons , de Mousses , se cramponnent à l’écorce des arbres ; mais il ne paraît pas qu’ils en détournent la sève à leur profit. Le Sclerotium crocorum , qui n’est tout entier qu’une racine, s’attache aux ognons du Safran, et en dévore la substance. La dnrée des racines est un caractère qu’on ne doit pas négliger : les unes sont passagères , les autres sont vivaces. Les premières ne subsistent qu’une année ou deux au plus ; elles périssent avec le reste de la plante, après une seule floraison. Les autres, quand elles portent des tiges ligneuses , durent autant qu’elles ; et quand elles portent des tiges herbacées, survivent à ces tiges, en produisent de nouvelles, et n’ont, pour ainsi dire, pas de fin. On peut rapporter presque toutes les racines qui ter- minent la partie inférieure des végétaux aux cinq espèces suivantes: les pivotantes, les fibreuses, les tubéreuses, les bulbifères , et les progressives. i° Les pivotantes sont formées par le caudex descen- dant , qui s’enfonce perpendiculairement dans le sol , et représente une espèce de pivot. Leur forme générale ap- proche plus ou moins de celle d’un cône renversé. Ces racines sont quelquefois sans ramifications [Carotte, Rave, PI. 16, fig. 4 ? G.], et d’autres fois elles ont des branches d’autant plus vigoureuses et plus longues, qu’elles par- tent de points plus voisins de la surface de la terre [Frêne, PI. 16, fig. 9.]. Beaucoup d’herbes, et le plus grand nombre des arbres bilobés, ont des racines pivo- tantes. Aucun Monocotylédon que je sache, n’en a de telles. Je vous ai déjà fait observer, en traitant de la ger- mination , que la racine principale se détruisait souvent dans les Monocotylédons , et que ces végétaux s’atta- chaient au sol par des radicelles qui perçaient de la base pivotante , fibreuse. 89 j mesure que les feuilles se développaient. Je reviendrai tout- à- l’heure encore sur ce fait important, dont la première notion est due à M. Poiteau. L’oxigène est nécessaire au développement et à la conservation des racines. Cela est bien visible dans les arbres à racines pivotantes ; car si 1 on exhausse le sol autour de leur tronc , il arrive souvent que de nouvelles ramifications naissent immédiatement au-dessous de la superficie du terrain, et. que celles qui sont, plus avant dans la terre, et la partie inférieure du pivot, se dé- truisent. Quelquefois les ramifications latérales des racines pivo- tantes tracent au loin , et produisent des turions , sortes de boutons nés sous terre , qui cherchent la lumière et donnent naissance à de nouvelles tiges. Les ramifications latérales de la racine pivotante du Schubertia distichia , ou Cyprès distique , grand arbre des contrées marécageuses de lAmérique septentrionale , pousse de distance en distance des cônes d’un bois mou , sans branches ni feuilles , qui s’élèvent à plus d’un mètre au-dessus de la surface du sol. Des cônes moins élevés naissent autour du tronc de 1 ' Avicennia , petit arbre des contrées chaudes de l’Amérique. Certains Mangles ou Palétuviers , qui se plaisent sur les plages maritimes des terres équinoxiales , portent leurs branches et leurs racines, entrelacées comme un grillage , à quelques centaines de pas sur les eaux de la mer. Plus le terrain est meuble , et plus les racines des arbres s’alongent. Celles qui pénètrent dans des con- duits d eau , se divisent en une multitude infinie de filets menus , et deviennent ce qu’011 appelle des queues de Renard. 20 Les racines fibreuses sont composées d’une multi- iiaciîîé 9° tude de fibres grêles, tantôt simples, tantôt ramifiées. Quelquefois le caudex descendant existe confondu avec ces fibres, dont il ne se distingue par aucun caractère; et quelquefois aussi ce caudex se détruit peu après la germination. Cette suppression naturelle du caudex des- cendant, ordinaire dans les Monocotylédons , fait que les Dracœna , les P and 'anus , les Palmiers [PI. 19, fig. 3.] , des arbres si vigoureux, au lieu d’enfoncer dans la terre un épais et long pivot , comme nos Ormes , ou nos Chênes , s’y attachent par un grand nombre de filets , plus ou moins déliés. 3° Les tubercules, qui ont fait donner le nom de tu- béreuses à certaines racines , sont des renflemens char- nus, souvent arrondis, masses de tissu cellulaire, que parcourent quelques vaisseaux qui se rendent vers tous les points de la surface, d’où doivent partir les filets radicaux et les turions. Les poches du tissu cellulaire des tubercules sont remplies d’une fécule amilacée. Le caudex descendant se développe dans certaines espèces en une racine tubéreuse , comme on le peut voir par la germination du Cyclamen et de beaucoup d Orchidées. Le tubercule du Cyclamen survit à la chute des feuilles, grossit d’année en année, et donne naissance à de nouveaux turions. Les Orchis , les Satyi'ium , etc. , produisent chaque année, de la partie latérale de leur collet, un nouveau tubercule, qui pousse une tige au printemps suivant, à quelques millimètres de la place que l’ancienne tige occupait. Celle-ci a disparu pendant l’hiver; son tuber- cule , qui s’est épuisé pour la nourrir, n’est plus, au retour de la belle saison, qu’une masse celluleuse, ri- dée, desséchée et sans vie [PL 16, fig. 2.]. Il est à re- marquer que les filets radicaux des Orchidées naissent / tubéreuse , bulbifère , progressive. 91 ordinairement de leur collet, et que leurs tubercules ne s’enracinent point [PI. 16, fig. 2, 3.]; aussi doit-ou soupçonner que ces tubercules ne tirent que peu de nourriture de la terre. Les ramifications des racines se renflent en tubercules dans une multitude d’espèces. Les Pommes-de-terre , les Patates, les Ignames, les tiodus de la Filipendule [ PI. 17, fig. 3.], etc., n'ont pas une autre origine. 4° Nous devons entendre par racines bulbifères, des tubercules minces, élargis en plateau [PL 17, fig. 8, a.], dont la surface inférieure produit des filets radicaux, et dont la surface supérieure porte un ognon, ou bulbe , sorte de gros turion qui se forme dans une année , et se développe une ou plusieurs années après. La destruction du caudex descendant de la plan- tule des Monocotylédons à tige annuelle, et le mode de croissance de leurs feuilles , amènent souvent la forma- tion d’une racine bulbifère. La différence entre la racine bulbifère et la racine tubéreuse est légère. Dans la première , le turion est très - apparent et le tubercule l’est fort peu ; dans la seconde, l’inverse a lieu, c’est-à-dire que le tubercule présente un volume considérable, et que le turion est à peine visible (1). Quand je traiterai des boutons , je vous présenterai la bulbe et le turion sous un autre point de vue. 5° Les racines progressives [PI. 16, fig. 12, i3. — PL 17, fig. 2, 10.], sont, à proprement parler, des tiges enracinées qui s’alongent et se ramifient entre deux (1) C’est pour cela que M. fjprengel, clans l’édition qu’il a donnée du Philosophia botanka , fait du tubercule une espèce d’hybernacle ou bouton. Tu ber est hybcrnaculum solidum, substantiel margina/i mol- liori cinctum. RACINE. terres , en suivant une direction plus ou moins hori- zontale. Elles donnent des pousses annuelles, et se dé- veloppent par le moyen de turions qui naissent à leurs extrémités antérieures, tandis que leurs extrémités pos- térieures se détruisent et semblent avoir été tronquées ou mordues , selon l’expression des Botanistes. Quelques racines progressives offrent de distance en distance des impressions qui ressemblent à celles d’un cachet sur une cire molle [ Sceau de Salomon, Allium nutans , PI. 16, fig. t 3 , £.]. Ce sont des cicatrices que laissent les tiges annuelles en se détachant. Les cinq espèces de racines que je viens d’examiner, se confondent ensemble par des nuances intermédiaires. Ainsi, la racine du Navet [PI. 16, fig. 5.] tient en même- temps de la pivotante et de la tubéreuse; et la racine de l' Alliwn nutans [PI. 16, fig. 1 3. ] , participe de la tu- béreuse , de la bulbifère et de la progressive. La racine du Topinambour [PI. 16, fig. io.j offre à-la-fois un pivot qui s’enfonce dans la terre , et des racines pro- gressives chargées de tubercules. Revenons à des considérations plus générales. La force et la longueur des racines ne sont pas tou- jours proportionnées à la grandeur des végétaux. Le groupe des Conifères et celui des Palmiers comprennent peut-être les plus élevés de tous les arbres, et cepen- dant leurs racines sont courtes, et ne les attachent quel- quefois que faiblement à la terre (i); tandis que la Lu- zerne de nos prairies , dont les tiges herbacées ne s’élè- vent pas à plus de cinq à six décimètres , a souvent des racines pivotantes, longues de trois à quatre mètres. (i) Il ne se trouve pas, sur les côtes de Barbarie, de Chamærops humilis de plus de deux mètres do haut, parce que les vents déra- cinent ces Palmiers dès qu’ils commencent à s’élever. ( Note de M. Desfontaines. ) Considérations générales. Je pourrais ici vous parler de la structure interne des racines, mais ces détails anatomiques trouveront place quand j’exposerai l’organisation des tiges, qui est à peu de chose près la même que celle des racines. Pour le moment je me bornerai à vous faire remarquer que les racines des plantes herbacées , diffèrent beaucoup par leurs propriétés, des parties de ces plantes qui sont exposées à l’air et à la lumière. Cela est visible dans la Carotte , la Pomme - de - terre , la Scamonée , le Jalap , la Betterave , etc. Les racines des arbres n’offrent pas en général des différences aussi prononcées • cependant on en voit des exemples. C’est une chose bien remar- quable que la forte odeur d’ail qu’exhalent les racines des Mimosa , odeur qui ne se retrouve dans aucune autre partie de ces végétaux, si ce n’est quelquefois dans leurs graines. Je vous ai dit que c’était par les ramifications déliées que l’on nomme radicelles , que les sucs nutritifs péné- traient dans la plante ; en voici la preuve : un Navet dont la pointe seule trempe dans l’eau , pousse des feuilles • mais un Navet , dont la partie moyenne plonge dans le liquide, tandis que la pointe est à sec, ne fait aucun développement. Pour ne pas s’affamer mutuellement, les racines de plantes d’une égale vigueur ont besoin d’être d’autant plus éloignées les unes des autres , que la terre qui les nourrit est moins substantielle. Les herbes périssent au pied des jeunes arbres , parce que le chevelu ramassé autour du collet épuise la terre; mais les vieux arbres étendant au loin leurs racines vigoureuses , laissent subsister les herbes voisines , et détruisent celles qui sont plus éloignées. La croissance des racines vivaces commence en au- tomne. A cette époque, les rayons du soleil sont saris 94 racine. force ; les nuits deviennent froides ; les feuilles s’imbi- bent de l’humidité de l’atmosphère, et transpirent peu; les sucs se cantonnent dans les parties inférieures du végétal , et les nourrissent. Mais sitôt que le froid a pé- nétré la couche superficielle de la terre, la végétation des racines s’arrête , et elle ne reprend qu’au retour de la belle saison. Alors l’extrémité de chaque radicelle se gonfle, et forme un mamelon blanchâtre qui s’allonge et se fortifie jusqu’à ce que les vives chaleurs de l’été, attirant toute la sève vers les parties supérieures , en privent les racines et les épuisent. C’est par cette raison qu’il faut récolter en hiver les racines vivaces que l’on recherche pour leurs propriétés médicinales. Tant que la sève est en mouvement , l’oxigène de l’air se combine avec le carbone de la racine , et forme de l’acide carbonique ; les mucilages , les sels , les gaz en dissolution dans l’eau , sont aspirés par le chevelu ; l’acide carbonique contenu dans la racine, soit qu’il y ait été formé par l’action de 1 oxigène , soit qu’il pro- vienne directement de la terre , s’élève par les tiges jusque dans les feuilles où il est décomposé, ainsi que je l’ex- pliquerai plus tard. On serait dans l’erreur si l’on croyait que le chevelu choisit dans la terre les substances propres au végétal ; il aspire tout ensemble l’eau avec les matières qu’elle tient en dissolution; mais la succion est d’autant plus considérable que les matières étrangères altèrent moins la liquidité de l’eau. Quand ce liquide chargé de sub- stances solubles acquiert une grande viscosité, la racine pompe fort peu et le végétal pâtit. Quant au contraire l’eau est dans un grand état de pureté, la racine pompe beaucoup, mais néanmoins le végétal ne profite guère davantage. Cela nous fait comprendre pourquoi les terres trop riches ou trop pauvres sont également contraires A une belle végétation. Considérations générales.

plus ingénieuse que solide : l’économie rurale exige que la plupart des opérations agricoles se fassent à jours fixes, sans considération des vicissitudes des saisons. Sur ces matières , l’expérience du laboureur est souvent préfé- rable aux théories des savans. formation des feuilles a lieu nécessairement avant celle des fleurs. Il semble toutefois que les fleurs devan- cent les feuilles dans le Dirca palustris , le Daphné meze- reum , etc. , qui fleurissent en hiver ; mais ces fleurs , loin d’être précoces, sont tardives ; elles étaient depuis long- temps tout organisées dans le bouton; elles appartiennent à la végétation précédente; et, à bien considérer les choses, elles confirment la rè^le au lieu de la détruire. ' o Plusieurs Colchiques , plusieurs Safrans , le Meren- dera , etc., plantes bulbeuses, qui fleurissent en au- tomne, et dont les feuilles lentes à poindre, ne se montrent au-dessus de terre que le printemps suivant, sont , au jugement de quelques observateurs , des excep- tions à la loi générale. Je ne partage pas l’opinion de ces savans; je crois que les faits quils allèguent rentrent dans cette loi , que 1 on peut énoncer ainsi qu’il suit : La for- mation des organes de la 'végétation précédé toujours celle des organes de la reproduction. Pour se convaincre de la solidité de ce principe, on n’a qu’à remonter à l'origine de la plante ; on arrive en définitif à l embryon , lequel n’a jamais offert dans aucune graine le plus léger indice des organes lloraux. A la vérité , nous lisons dans Leuwen- dcbet ica dicta pratica rustica vulgi , (fuœ hue usque findamento nimis In- fo rico in desuetudinem in tantum abiit , ut inter commenta absurda hodie referatur , quœ nihilotninus et potest et débet, secundum licec principia , in idem fastigium evehi , ut iila haud facile bonus ccconomus destitai queat. ilinc agricola setre tandem poterit justutn et aptissimum temporis articulum , quo négocia sua féliciter peragere potest; ut codera taceam. Amœn. Acad. Calendarium florce. IO FEUILLES. I 46 hoek que l’épi de blé est déjà tout formé dans la graine, et qu’on peut l’y apercevoir ; mais il est démontré au- jourd hui que Leuwenhoek, qui soutenait la préexistence des germes, et qui cherchait dans les plantes aussi bien que dans les animaux , des preuves de cette doctrine, s’est abusé lui-même en croyant voir ce qu’il voulait trouver. Les feuilles dans le bouton sont roulées ou pliées sur elles-mêmes, et arrangées diversement les unes à l’égard des autres (1). Elles sont roulées de quatre manières. i° Leurs bords sont roulées en dehors dans la Persi- caire, le Romarin , etc. [ PI. 20, fîg. 9, 18.]. 20 Ils sont roulés en dedans dans le Peuplier, le Poi- rier, etc. [ PI. 20 , fig. 8 , 16 , 17.]. 3° Dans le Bananier, l’Abricotier, etc., chaque feuille est roulée sur elle -même de telle sorte que l’un de ses bords représente un axe autour duquel le reste du limbe décrit une spirale [ PI. 20 , fig. 7, 1 5.]. 4° Dans les Fougères, chaque feuille est roulée en crosse ou en volute, c’est-à-dire, du sommet à la base [ PI. 20 , fig. 6.]. Les feuilles sont pliées de trois façons. i° Elles sont pliées en longueur moitié sur moitié , dans le Syringa, etc., de sorte que leurs bords sont rap- prochés parallèlement, etc. [PI. 20, fig. 10.]. ^i) Linné nomma d’abord foliatio, cette disposition des feuilles en bouton. Foliatio est complicatio ea , quant servant folia , dt'im inter gem- mam aut asparagos plantarum latent. Phil. Bot. , ann. I y5o. Mais ensuite il substitua le mot •vernatio à celui de foliatio. Vernatio foliarum dispo- sitio intra gemmam. Aiucen. ac. , an. 1762. Quoique le mot •vernatio soit très-vague , il est certainement préférable au mot foliatio, qui doit être réservé pour indiquer le moment où les boutons commen- cent à bourgeonner et à développer leurs feuilles. C’est dans ce sens qu’il a été employé par les Latins. Forme et Structure. i '\~ 2° Elles sont pliées de haut en bas, dans 1 Aconit, le Cyclamen, etc. [PL 20, fig. 5.]. 3° Elles sont plissées dans leur longueur comme une manchette ou un éventail , dans la Vigne , le Groseiller, etc. [PL 20, fig. 4, 14.]. Les feuilles offrent quatre positions relatives. i° Elles sont pliées moitié sur moitié, et appliquées les unes contre les autres côte à côte, dans le Hêtre. 20 Elles sont demi-embrassées dans la Saponaire, etc., c’est-à-dire, quelles sont opposées , pliées moitié sur moitié , et que chacune reçoit dans son pli un côté de l’autre [PL 20, fig. 1 3.]. 3° Elles sont embrassées dans Y Iris , Y Hemerocallis , Y J co rus, etc. , c'est - à -dire , qu’une feuille pliée moitié sur moitié est reçue par une autre feuille opposée , qui est de même pliée moitié sur moitié; de sorte que les deux tranchans de la première sont placés dans le pli de la seconde [PL 20 , fig. u, 19.]. 4° Elles sont en regard, quand les feuilles opposées, et pliées moitié sur moitié, se touchent par leurs bords sans s’embiasser, comme on le voit dans le Troène [PL 20, fig. 12.]. Forme et structure des Feuilles. Les feuilles sortent des graines et des boutons. Elles sont, en général, composées d’une lame, expansion mince qui termine la partie du végétal exposée à l’air, et en augmente la surface, et d’un pétiole, petit support qui unit la lame au végétal, et que l’on nomme vulgairement la queue de la feuille (1). La lame a une marge ou bord , (1) Folium hoc, quod exercetur 'volaCu -ventorum , aUrahit prœparatque (cxcppùs Pnrasiticorum anCea pnvparatisj humores, pagina superiore a lace ÎO. i/|8 feuilles. Lame. Pétiole. c’est la ligne que dessine son contour; un disque, c’est toute l’étendue de sa surface; une face supérieure , c’est la partie de son disque qui regarde le ciel; une face in- férieure, c’est la partie de son disque qui regarde la terre; une base , c’est l’extrémité par laquelle elle fait corps avec le pétiole; un sommet, c’est l’extrémité opposée à sa base ; deux côtés , ce sont les deux portions du disque partagé par une ligne médiane, fictive ou réelle, qui s’é- tend de la base au sommet. Le pétiole part soit du collet, soit de la tige, soit de la branche. Il renferme ,sous une enveloppe de tissu cel- lulaire, qui est un prolongement de la substance herba- cée de 1 écorce , des fdets composés de trachées , de fausses- trachées, de vaisseaux poreux , en communication directe avec l’étui médullaire et le liber. Quand les filets vasculaires du péliole sont disposés en cylindre ou en gouttière , ils se soutiennent mutuellement , et chacun met obstacle à la flexion des autres; c’est ce qui a lieu dans la plupart des feuilles. Mais quand ces filets sont rangés sur un même plan , ils cèdent tous à- la-fois ; le pétiole est très -flexible, et le moindre mou- vement de l’air agite la feuille. C’est ce qui paraît dans plusieurs Peupliers, et sur-tout dans le Tremble. Le pétiole est tantôt tout d’une venue et tantôt ra- mifié, et comme composé de plusieurs pièces réunies par des articulations. Dans le premier cas, la feuille a une seule lame continue; dans le second cas , la feuille se subdivise en plusieurs petites lames ou folioles (i). electricurn inspirât , pagina inferiore roridum perspirat, a casu nunquam renascituram. Folium expandens per aéra superjiciem , volatile, sœpe petiolatum. Syst. veg. Petiolus , trunci species , adnectens folium , nec fructificationein. Phil. Bot. (i) Foliolum partiale est folii compositi. Syst. veg. Pétiolule. Rachis. Articulation. il\Ç) souvent portées chacune sur un pétiole particulier , que je désignerai , avec M. Decandolle , sous le nom de pétiolule. Toute la partie d’un pétiole qui sert d’attache aux pé- tiolules prend le nom de rachis. La structure de l’articulation pétiolaire n’offre rien de compliqué. Les filets vasculaires au lieu de marcher séparément, comme dans le reste du pétiole, se réu- nissent en un setd fdet, et produisent ainsi une articu- lation qui permet à la feuille d’exécuter certains mou- vemens de ginglyme et de torsion, dont je parlerai bientôt. Le Robiuia pseudo - acacia , les Mimosa, VHedy- sarurn gjratis , les Casses , et presque toutes les autres Légumineuses, ont des feuilles composées de folioles à pétioles et pétiolules articulés. Les feuilles simples et sans articulations de presque tous les Mimosa de la Nouvelle- Hollande , doivent être considérées comme des pétioles transformés. Vous pouvez étudier sur les Mimosa stricta ,floribuuda , obliqua , etc., les gradations de cette métamorphose. A mesure que les folioles disparaissent, les pétioles changent visiblement deformeetde structure. La plu part s’élargissent vers le mi- lieu et s’alongent en se rétrécissant vers les deux bouts , à la manière d’un fer de lance. Plusieurs forment une lame également étroite dans toute sa longueur ; quel- ques-uns s’endurcissent et s’aiguisent comme des épines. Voilà, sans contredit, un des phénomènes les plus dignes d’attention qu’amène l’extrême flexibilité de l’organisa- tion végétale. Pour former la lame de la feuille le tissu cellulaire se dilate et s’étend, les filets vasculaires se séparent et se ramifient. Ces filets offrent un ou plusieurs troncs prin- cipaux, d’oû s’échappent communément de nombreuses ramifications disposées en un réseau dont les mailles sont remplies par le tissu cellulaire. j5o feuilles. Côte. Nervures. Lorsque la surface que forme le tissu cellulaire est plus ample que le réseau vasculaire , la lame s’élève et s’abaisse en plis plus ou moins marqués, semblables à des bulles ou à des ondes [PL 22,6g. 3. — PL 25,11g. 14.]. Si le réseau existe , mais que les mailles soient vides , faute de tissu cellulaire qui les remplisse, la lame, toute percée «à jour , prend l’aspect d’un gTillage ou dune dentelle. Les feuilles de 1 ' Hydrogcton fenestralis [Pl. 2 G , fîg. 4- ]i herbe qui croît dans les eaux de Ma- dagascar, et les expansions foliacées du Claudea [PL 67 , iig. 3. ], espèce d’Algue des mers antarctiques, offrent les seuls exemples connus de cette structure non moins élégante qu’extraordinaire. On qualifie de côte, de nervures, de veines et de veinules, les lignes en relief, ou bien en creux , que forment à la superficie de la lame, les ramifications des filets vasculaires du pétiole. La côte est le faisceau principal qui part directement de la base de la lame et se prolonge dans toute sa lon- gueur , en se tenant à égale distance des deux bords , de manière à la partager en deux portions égales. Les nervures sont des faisceaux très- marqués qui naissent de la base de la lame ou de la côte , et se portent en divergeant de l’un et de l’autre côté. Les veines sont des filets déliés qui , partant de la côte et des nervures, se ramifient dans toute la lame et s’ana- stomosent çà et là. Les veinules sont des filets encore plus déliés que les veines, dont les extrémités s’effacent et se perdent dans le tissu cellulaire. Ces ramifications vasculaires marquent les sinuosités , les découpures , les dents de la feuille. Quelquefois elles se prolongent en épines au-delà du tissu cellulaire [ Houx , Pl. 22 , fig. 2. ] 5 mais plus ordinairement celui-ci /- cinés. ?rein u les . 101 semble céder à la force d’expansion des ramifications vas- culaires, et il s’étend avec elles. La culture , la nature du sol , les circonstances at- mosphériques, et sans doute aussi des causes organiques qui nous échappent, empêchent ou favorisent le déve- loppement du tissu cellulaire, et modifient le contour des feuilles ; mais la disposition des nervures est toujours la même ; et la seule différence qu’on y remarque , est qu’elles s’alongent un peu plus ou un peu moins , selon que le bord de la lame s’étend ou se resserre davantage. Le Mûrier à papier du Japon , le Chêne noir de l’Amé- rique septentrionale , l’ Ernbotlirium tinctoriwn , et beau- coup d’autres espèces, confirment cette remarque [PI. 26, % 6, 8, 9, 11.]. Dans les Graminées , les Cypéracées , les Palmiers , les Bananiers , les Liliacées , les Iridées , en un mot , dans la plupart des Monocotylédons , les nervures marchent isolées et ne communiquent guère par des veines ana- stomosées. Les nervures des Graminées , des Cypéracées , des Liliacées, etc. , sont longitudinales. Elles courent presque toujours parallèlement dans le corps de la lame et con- vergent à son sommet. Celles des Palmiers sont lonaitu- dinales et elles divergent dès leur origine [ PI. 22 , fig. 9. ]. Celles des Bananiers sont parallèles et transversales ; elles sortent toutes d’une forte côte moyenne et s’étendent latéralement jusqu’au bord de la lame [PI. 1 , fig. ]. Les Aroïdes et les Fougères, autres plantes monocotylé- dones , ont souvent des nervures et des veines jointes par de nombreuses anastomoses , comme sont en général celles des plantes dicotylédones. La disposition des nervures caractérise quelquefois très -nettement des espèces et même des genres tout entiers. Les Mélastomes , par exemple , ont une côte 1 32 feuilles. Gaine. moyenne et de fortes nervures curvilignes qui partent au nombre de deux, quatre, six, huit, delà base de la côte moyenne [PI. 22, fig, 12, i3. — PI. 25 , fig. 18. — PI. 26 , fig. 1,. 2. ]. La côte, les nervures, les veines, les veinules , sont composées de trachées , de fausses-trac- liées , de vaisseaux poreux qui se terminent à leur extrémité en un tissu cellulaire très-alongé. Ces vaisseaux contiennent des sucs épais et colorés dans les Liserons , les Euphorbes , les Apocynées, etc. La face supérieure de la lame est ordinairement lisse et luisante 5 les nervures y paraissent, mais n’y produi- sent pas d’éminences , et on 11e les distingue communé- ment que par leur couleur blanchâtre qui tranche sur le vert de la feuille. La face inférieure au conti’aire , est velue , inégale, chagrinée , relevée de nervures , et quel- quefois rude et raboteuse. Elle est souvent d’un vert moins foncé que n’est la face supérieure , parce que son épiderme plus lâche ne s’applique pas aussi exacte- ment sur la substance verte qui remplit ses cellules. Cette différence des deux surfaces est , en général , plus prononcée dans les arbres que dans les herbes. Lorsque les filets vasculaires , destinés à pénétrer dans la lame , s’épanouissent immédiatement au sortir de la tige, la feuille, dépourvue de pétiole, est sessile, selon l’expression de nos auteurs [ PI. 27 , fig. x. ]. Si les filets vasculaires partent de plusieurs points rangés en anneau autour de la tige , la feuille forme né- cessairement une gaine à sa base [PI. 27 , fig. 7.]. Les feuilles engainantes aident dans bien des cas à distin- guer les Monocotylédons des Dicotylédons. Quelquefois le pétiole est roulé en gaîne , tandis que la lame offre une surface plane. Telles sont les feuilles de la grande famille nxonocotylédone des Graminées : Ligule. Vrille pètiôlèennes. 1 5 j leur pétiole est large et mince; leur lame est façonnée en fer de lance , en ruban ou en glaive. A la ligne de jonction de la lame et du pétiole, on observe une pe- tite membrane, appendice tantôt entier, tantôt frangé, ' qui est la ligule des Botanistes [PI. 27, fig. 7.]. Entre la feuille simple, dont le contour uniforme n’est tourmenté ni par des angles, ni par des sinuosités, et la feuille composée, dont le contour revenant sans cesse sur lui-même , divise la lame en une multitude de folioles , on trouve des nuances sans nombre qui ne per- mettent pas d’assigner, dune manière précise, où finis- sent les feuilles simples , où commencent les feuilles composées. 11 y a des feuilles qui sont découpées à leur bord, en dents aiguës ou en crénelures arrondies; d’autres qui sont entamées par des échancrures , des sinus plus profonds; d autres qui sont partagées presque jusqu à leur côte moyenne, ou jusqu’à leur base, en lobes plus ou moins larges; d’autres qui sont divisées en folioles , sans que pour cela leurs pétioles rameux , et cependant continus dans toutes leurs parties , laissent apercevoir la moindre trace d’articulation; d’autres qui sont également divisées en folioles, et qui ont en outre, des pétioles articulés. Parmi les feuilles composées, il en est dont le pétiole principal porte immédiatement les pétiolules, et par conséquent les folioles ; d’autres dont le pétiole se subdivise une fois, deux fois, trois fois, quatre fois même, avant de produire les pétiolules (1). Le rachis est quelquefois articulé au point de départ des folioles , quand celles-ci sont disposées par paires. Les vrilles qui terminent certaines feuilles composées (1) Voyez les planches 21 — 27 inclusivement, qui représentent les feuilles. 1^4 feuilles. sont produites par le rachis prolongé au-delà des der- nières folioles. Ces vrilles pétioléennes portent des rami- fications disposées comme des folioles les unes à l’égard des autres [ Lathyrus. Vicia , PI. 27 , fig. 4. ]. En général les feuilles ont si peu d’épaisseur , que Ion peut dire quelles sont la plupart tout entières en surface ; mais ce caractère admet des exceptions nota- bles. Certaines feuilles sont façonnées en poinçon , en aiguille, en épée triangulaire, en carrelet, en cylindre alon°é; d’autres prennent la forme d’une langue très charnue, d’une palette épaisse, d’un œuf, d’une do- loire, etc., et quelques-unes, par une singularité plus remarquable encore , sont aplaties latéralement de telle sorte que leurs deux bords , qui tiennent la place des faces des autres feuilles , regardent, l’un le ciel, l’autre la terre. Enfin , si la plupart sont remplies de tissu cellu- laire et de vaisseaux , il s’en rencontre de creuses qui , semblables à des vessies enflées ou à des tubes clos, offrent peu de substance , eu égard à leur grand volume \Aldrovanda , Ognon commun, Ciboule.] (1). J’ai dit, à l’article de la germination , que les Cotylé- dons épigés prenant les caractères généraux des feuilles sitôt qu’ils étaient sortis de terre , recevaient, dans ce nouvel état, le nom de feuilles séminales ; et que les feuilles primordiales , de même que les cotylédons , exis- taient tout organisées dans la graine. J’ajouterai , au sujet de ces dernières, que par leur forme et leur po- sition elles diffèrent quelquefois des feuilles qui se dé- veloppent dans un âge plus avancé. Les feuilles pri- mordiales des Pins et du Schubertia disticha sont dis- posées en anneau autour delà tige, comme les cotylé- (1) Voyez encore les planches des feuilles. Forme . Disposition. 1 55 dons , et leurs autres feuilles sont disposées en spirale. Les feuilles primordiales du Haricot sont opposées deux à deux par leur base et n’ont qu’une foliole ; les autres feuilles ont trois folioles et sont également disposées en spirale. Les feuilles primordiales de presque tous les Mimosa de la Nouvelle-Hollande, sont composées, les autres feuilles sont simples. Les feuilles qui naissent des racines, celles des tiges, des branches et des rameaux, varient à tel point dans certaines espèces, sur un même individu , que si on ne les avait vues que séparées de la plante, on ne pourrait croire quelles eussent une origine semblable. Le Vale- riana pim produit de sa racine , des feuilles entières , et de sa tige , des feuilles découpées. Le Sison ammi a trois sortes de feuilles : à sa racine, des feuilles planes, étroites et longues; sur sa tige, des feuilles grêles et cy- lindriques ; sur ses rameaux , des feuilles divisées et subdivisées profondément. Le Broussonetia ou Mûrier à papier , porte des feuilles en cœur , d’autres à deux lobes, d’autres à trois [PI. 26, fig. 6.]. Les Boehmeria ont des feuilles de deux sortes , alternant entre elles , et disposées en spirale autour de la tige. Les unes alon- gées , lancéolées , avec de longs pétioles ; les autres plus petites, en cœur, avec de courts pétioles [ PL 26, fig. 7. ] Un arbre des îles Maurice, que Commerson a nommé , par allusion à la diversité de son feuillage, Ludia de Indus jeu , porte des feuilles longues tantôt de quatre millimètres, tantôt de quatre centimètres, soit entières, soit dentelées, soit arrondies, soit elliptiques, ou lancéolées, ou bien en trapèze alongé; et ces feuilles, de formes et de dimensions si variées , sont distribuées sans mélange, et, pour ainsi dire, classées d’après leur contour et leur grandeur, sur des rameaux différens [PL 26, fig. 10.]. Dans beaucoup de plantes aqua- ••I I$6 FEUILLES. tiques , telles que le Ranonculus aquatilis , le Trapa natans , le Ccibomba , les feuilles varient selon le milieu où elles se développent. Les supérieures qui surnagent , ou même s élèvent au-dessus de l’eau, ont une lame pleine, composée de nervures saillantes, de veines ré- ticulées, et de tissu cellulaire remplissant les mailles du réseau vasculaire; les inférieures qui sont plongées dans 1 eau , ont des nervures presque entièrement dépourvues de tissu cellulaire, et elles semblent avoir été découpées avec un scalpel. Presque toujours les feuilles des herbes vont se rape- tissant de la base au sommet de la tige [PI. 8, fig. 3.]. Je pourrais entrer dans des détails longs et minutieux sur les formes diverses du contour des feuilles; mais, comme j’ignore les r elations de ces formes avec les autres caractères des végétaux , aussi bien que leur influence dans la végétation, je ne vous offrirais guère que des dé- finitions techniques , qui seront mieux placées dans la Terminologie à laquelle vous devez recourir sans cesse pour graver dans votre mémoire l’ensemble des faits qui servent de fondement à toute la classification des plantes. En guise de feuilles, l’Hypociste, le Lathrœa [ PI. 21, fig. 6.], etc., ont des écailles; les Epkedra , les Casua- rina , etc., des gaines; mais la Cuscute n’offre rien qui rappelle cet organe. Les Cierges, les Stapelia , quelques Euphorbes, quel- ques Cacalia semblent privés de feuilles comme la Cus- cute, parce que leurs feuilles, qui sont fort petites, tombent de très - bonne heure. Celles des Cierges sont charnues et en forme d’alène : chacune d’elles est accom- pagnée d’épines réunies en faisceau qui subsistent après sa chute. La disposition des feuilles est telle , que les plus voi- sines ne sont jamais placées les unes au-dessus des autres; Disposition. i$7 et cela provient de ce que la naissance de chaque feuille détermine une déviation dans les vaisseaux de la tige ou de la branche. On peut ramener à trois modes la disposition de toutes les feuilles. Elles sont alternes, opposées, ou ver- ticillées. Les feuilles alternes naissent une à une sur la tige, en décrivant une ligne spirale. Les feuilles oppo- sées sont attachées par paires, et naissent de points dia* métralement opposés. Les feuilles verticillées sont ras- semblées de distance en distance au nombre de plus de deux, et partent de la circonférence de la tige en rayons divergens. Les feuilles opposées ou verticillées sont pour l’ordi- naire réunies par une bride vasculaire qui, passant de l’une à l’autre, les maintient à la même hauteur, et oc- casionne leur développement simultané. Quand les boutons naissent dans l’aisselle des feuilles , et ce cas souffre peu d’exceptions, les branches et les rameaux sont nécessairement, de même que les feuilles, opposés, verticillés ou alternes. Les feuilles engainantes des Monocotylédons s’alongent par leur base , et leur sommet ne prend aucun accrois- sement. Les autres feuilles, à quelque classe quelles ap- partiennent, grandissent encore quelque temps par leur sommet après que leur base a cessé de croître. Aux endroits où les vaisseaux de la tige se détournent pour produire les boutons et les feuilles, le canal mé- dullaire s’élargit., en sorte qu il offre assez communément, sur sa coupe transversale, autant d’angles saillans qu'il faut de feuilles pour faire le tour complet de la tige. Ce fait , entrevu par Haies, et démontré par M. de Beauvois , avait suggéré à l’illustre physicien anglais l’idée que la dilatation de la moelle pouvait être la cause première de l’alongement des boutons ; mais cette hypothèse , qui fut; feuilles. 1 58 reproduite par Linné , est inadmissible. Si le canal mé- dullaire forme des saillies, ce n’est pas que la moëlle presse , pousse et rejette les vaisseaux vers la circonfé- rence , comme on l’a encore répété dans ces derniers temps ; c’est que les vaisseaux s’écartant d’eux -mêmes, permettent à la moëlle de se développer et de s’étendre. Tout est lié dans l’organisation; on n’y découvre point de causes prédominantes ; les phénomènes s’y montrent dans une subordination mutuelle. Stipules. Je terminerai ces détails par un mot sur les stipules (i) , appendices membraneux ou foliacés , qui , dans nombre d’espèces, accompagnent les feuilles, et même en tiennent lieu quelquefois [ Lathyrus apliaca ]. Avant le bourgeon- nement, ces appendices composent la pérule sous laquelle la jeune pousse est cachée [Poivre, Figuier, Tulipier, Magnolia , Polygonées, PI. 20, fîg. 1,2. — PI. 27, fig. 10.]. Les stipules n’ont pas toutes une origine semblable. Celle du Poivre noir [PI. 27, fig. 18.] et du Nénuphar, sont de simples prolongemens des deux bords amincis du pétiole; celles des Polygonées sont produites par une dilatation interne de la base de ce support, et, après le bourgeonnement, elles forment des colerettes autour de la tige [PI. 27, fig. 10.]; celle des Géraniées, des Malva- cées , etc., sont des excroissances foliacées, séparées du pétiole; celles des llubiacées à feuilles opposées , sont opposées comme les feuilles , et ne semblent être que des feuilles avortées. (i) Stipula est squama quce basi Pctiolorum aut Pedunculorum enascen •• tium utrinque adstat. JSlipidatio est stipularum situs et structura ad basin foliorum. Pliil. Bot. Stipules. i 5q De même que la plupart des autres organes , les sti- pules perdent leurs traits distinctifs par une suite de dé- gradations qui se marquent dans la série des espèces, et elles finissent par changer totalement de nature. Cepen- dant l’analogie ne permet guère de voir autre chose que des stipules dans les excroissances ligneuses et acérées qui naissent à la base des feuilles de lÉpine-vinette, du Juju- bier, etc. [PI. 27, fig. i6\]. Les stipules en forme d’écailles , de l’aisselle des- quelles partent les feuilles des Asperges, ont, ainsi que l’a prouvé Ramathuel, une analogie marquée avec les feuilles engainantes des autres Monocotylédons : d’où Ion doit conclure que les filets réunis en faisceau, que nous nommons feuilles dans l’Asperge , représentent des rameaux, ou sont, en d’autres termes, des rameaux transformés en feuilles. En suivant cette idée, on arrive avec M. Jule de Tristan , à cette autre conséquence qui étonne et qui néanmoins est inévitable, que les feuilles du Ruscus ne sont de même encore, que des espèces de rameaux métamorphosés. Au premier aperçu, ces idées peuvent sembler étranges ; et sans doute, si l’on préten- dait attribuer ici aux mots transformation et métamor- phose leur sens propre et rigoureux, on tomberait dans une erreur palpable ; car les feuilles et les stipules des Asperges et des Rusais ont , dès l’origine , la structure et la forme quelles offrent au terme de leur existence ; mais il suffit d’y réfléchir un moment pour comprendre que ces mots sont pris dans un sens métaphorique., et qu’ils indiquent seulement que les organes sont tels que s’ils eussent éprouvé une véritable transformation (1). Il (1) On aurait grand tort de comparer cette métamorphose des ra- meaux en feuilles, à celle des mains delà Chauve-souris, qui se dé- veloppent en ailes ; ou de la queue du üanguroo , qu’il emploie 160 feuilles. Fonctions. est visible que ces altérations dans la forme se lient avec la propriété qu’on les principes immédiats de se conver- tir les uns dans les autres par un simple changement dans les proportion de leurs élémens. Fonctions des Feuilles. Les feuilles remplissent dans l’atmosphère les mêmes fonctions que les racines dans la terre ; on les a donc nommées avec raison des racines aériennes. Ce sont aussi des espèces de poumons ; car les fluides contenus dans le végétal se portent dans les nervures des feuilles, et y subissent, par le contact de l’air ambiant, des élabora- tions qui les rendent propres à la nutrition. Mais il est à propos d’observer que la respiration des plantes 11e produisant pas de combustion comme la respiration des animaux , n’élève point leur température , qui reste à- peu-près la même que celle du sol dans lequel leurs ra- cines sont enfoncées. comme une troisième jambe de derrière Dans la Chauve-souris et le Kanguroo , quoique les fonctions des organes aient changé, la struc- ture interne a conservé ses principaux traits. Elle offre à l’Anatomiste les mêmes os et les mêmes muscles que dans les autres Quadrupèdes ; et la seule différence consiste dans la force et les proportions des parties. Les ailes des Oiseaux comparées aux jambes antérieures des Quadrupèdes , donnent lieu à de semblables considérations. Dans tous ccs animaux, les modifications ne font pas disparaître le type primitif. Mais les rameaux transformés en feuilles , n’ont plus rien qui les distingue des feuilles ordinaires; la structure interne a chan- gé en même temps que la forme extérieure et les fonctions; ce ne sont plus des rameaux, ce sont de véritables feuilles. On peut dire aussi que les stipules transformées en épines, sont de véritables épines; les pédoncules transformés en vrilles, de véri- tables vrilles, etc. Concluons que la métamorphose n’est qu’apparente dans les ani- maux, mais qu’elle est réelle et complète dans les plantes. Fonctions. 1G1 Les poils, et ce qu’on nomme les glandes miliaires, paraissent être autant de suçoirs au moyen desquels les gaz et les fluides sont introduits dans le tissu des feuilles. Les feuilles des arbres reçoivent et aspirent par leur face inférieure les vapeurs aqueuses qui s’élèvent de la terre. Les feuilles des herbes, plus voisines du sol, et tout entières plongées dans une atmosphère humide, pom- pent indifféremment leur nourriture par l’une et l'autre surface. A l’exemple de Bonnet , posez des feuilles d’arbres sur l’eau, par leur face inférieure, elles se conserveront saines pendant plusieurs mois ; mais posez-les par leur face su- périeure, elles se faneront en peu de jours. Les feuilles des herbes se conserveront long- temps saines dans les deux positions. Les feuilles, aussi bien que les autres parties vertes, sou- mises à l’influence des rayons solaires , décomposent le gaz acide carbonique qu elles reçoivent des racines , ou quelles enlèvent à l’atmosphère, retiennent tout le car- bone , et rejettent presque tout l’oxigène. Alors le car- bone du gaz acide décomposé , s’unit aux élémens de l’eau et forme avec eux, du bois, des résines, des huiles, de la matière verte , et autres substances combustibles ; de là cette vigueur que les plantes acquièrent à la lu- mière directe du soleil. Les phénomènes sont tout autres à l’obscurité. Les feuilles au lieu d exhaler de l’oxigène, en enlèvent à l’atmosphère , et le remplacent par un vo- lume égal de gaz acide carbonique. Dans ces circonstances les composés saccharins se produisent, et les végétaux s’alongent plus qu’ils ne se fortifient. Il est certain ce- pendant qu’alors même les feuilles décomposent du gaz acide carbonique, mais pas en quantité suffisante pour les besoins de la végétation. Vous comprenez mainte- nant pourquoi les plantes qui végètent à l’ombre sont FEUILLES. 162 faibles, décolorées, et ne contiennent presque pas de carbone. Elles restent toute leur vie dans l’état de débi- lité d’une jeune pousse au moment oii elle sort de la graine ou du bouton. Ces faits sont mis hors de doute parles belles expériences des Jngenhouss, des Sénebier et des Théodore de Saussure. Lorsque l’air est sec, les feuilles lui cèdent une partie des fluides qu’elles contiennent, et il s’établit une trans- piration plus ou moins abondante, qui, par le vide momentané quelle occasionne, contribue beaucoup à l’ascension de la sève. Lorsqu’au contraire l’air est chargé d’humidité, les feuilles s’imbibent, et la sève devient sta- tionnaire , ou même elle rétrograde dans les vaisseaux. De là résulte une sorte d’équilibre d’humidité entre l’atmosphère et la plante; mais il ne faut pas croire que cet équilibre soit rigoureux , car la plante est un être vivant, et la vie, cause première de la succion et de la transpiration , modifie sans cesse l’action des lois géné- rales de la physique. Aux approches du printemps, avant la foliation (1), c’est-à-dire, avant que les végétaux ligneux aient pris leurs feuilles , les vaisseaux sont gorgés de sève , et le premier effort de ce fluide nourricier fait ouvrir les bou- tons et alonger les branches. A cette époque , les végé- taux ne croissent pas encore en épaisseur; mais quand les feuilles sont développées, l’alongement des branches s’arrête, et le tronc, aussi bien que ses ramifications, commence à grossir. Si , dans ces circonstances, on sup- prime les feuilles , la sève se porte vers les boutons , qui (x) Linné ayant employé le mot foliatio pour désigner l’arrange- ment des feuilles dans le bouton , nomme frondescentiu l’époque an- nuelle où les feuilles se développent. Frondescentia est tempus œstatis , quo spccies singulcc pJantarum prima foiia explicant. Pllil. Bot. Irritabilité. Mouvement. Sommeil. i63 ne devaient bourgeonner que l’année suivante; ils s a- longent tout-à-coup , et la croissance en grosseur est sus- pendue. Les causes de ces phénomènes sont faciles à comprendre ; les feuilles attirent continuellement la sève vers tous les points de la circonférence; les boutons ne l’attirent que vers les extrémités supérieures. La suppression des feuilles suspend la transpiration, ou du moins la ralentit considérablement. Les arbres transplantés pendant la végétation , périssent presque toujours , parce que leurs racines, meurtries, déchirées, flétries, ne peuvent aspirer une sève suffisante pour fournir à l’énorme dépense des feuilles , et que , par con- séquent, le tissu se dessèche. Si donc avant la transplan- tation on supprime la lame des feuilles, la déperdition n’est plus à beaucoup pi'ès aussi forte, et les arbres non- seulement ne périssent pas, mais même nouent leurs fruits. Les boutons placés à l’aisselle des feuilles ne tar- dent pas à percer, et les pétioles tombent d’eux-mêmes. Il est bon de laisser les pétioles en place, parce qu’ils déterminent une légère ascension de sève qui ai ie au développement des boutons. D’ailleurs, il serait à crain- dre, en les supprimant, que la plaie faite au voisinage des boutons ne leur devînt nuisible. Irritabilité , Mouvement et Sommeil des Feuilles. Si I on abaisse l’extrémité supérieure d’une branche vers la terre, de manière que la face inférieure des feuilles regarde le ciel, elles se contourneront sur leur pétiole, et reprendront la position qui leur est naturelle. Le pa- lissage des arbres en été, donne fréquemment lieu à cette observation. Le retournement des feuilles s’opère la nuit comme le jour; mais il est plus prompt à la lumière. F EUI LLES. ï 64 En général , la position des feuilles n’est pas précisé- ment la même pendant la nuit que pendant le jour. Cette différence est bien marquée, sur- tout dans les plantes à feuilles composées avec articulation. Quand le soleil se lève , les folioles de X Acacia s’éten- dent horizontalement ; à mesure que la chaleur et la lumière deviennent plus vives , elles se redressent, et, au milieu du jour, elles pointent vers le ciel; mais quand le soleil est sur son déclin , elles s’abaissent , et durant la nuit elles sont tout-à-fait pendantes. Le contraire a lieu dans le Baguenaudier. Ses folioles s’élèvent sitôt que l’obscurité remplace la lumière. Dans le même temps, le pétiole principal du Mimosa pudica s’incline sur la tige; ses pétioles secondaires se rappro- chent; et leurs folioles, dirigeant leurs pointes vers le sommet de la feuille , s’appliquent les unes sur les autres comme les tuiles d’un toit. Les folioles de la Casse du Maryland sont plus remar- quables encore. Aux approches de la nuit, elles s’abais- sent en tournant sur leur articulation; de sorte que les deux folioles de chaque paire s’appliquent l’une contre l’autre , non par leur face inférieure , mais par leur face supérieure. D’autres espèces affectent d’autres positions; mais j’en ai dit assez pour faire connaître le phénomène que Linné désigne sous le nom de Sommeil des plantes (i). Les feuilles, en cet état, éprouvent une véritable con- traction. Si on essaie de les étendre , on sent une légère (i) Per somnum vero heic intelligo eam formant facicmqae , quam planter sub nocte induunt, maxime a diurna cartim facie diversam , ntt/lâ Ttabitâ rationc partium inCernantm , seu ipsius fruedpeationis. Amcen. Acad. Somnns plantartm. Irritabilité. Mouvement. Sommeil. i65 résistance; et dès qu’on les abandonne à elles -memes, elles reprennent leur position. La plupart des Physiciens pensent que l'irritabilité or- ganique est la cause de ce phénomène ; mais en même temps ils croient que certains agens extérieurs se com- portent comme slimulans. Bonnet, déterminé par des expériences peu concluan- tes, trouve ces agens dans la chaleur du jour et l’humi- dité de la nuit, sans songer que l’état- hygrométrique de l’atmosphère est si variable, que si son hypothèse était fondée , les feuilles seraient dans une perpétuelle agitation. a Linné, considérant l’accord du mouvement des feuilles avec le mouvement diurne de la terre, juge que lab- sence do la lumière est la cause occasionnelle du som- meil des plantes. Hill adopte l’opinion de Linné , et montre par des expériences , qu en effet l’action de la lumière ne peut être révoquée en doute. M. Decandolle place dans un caveau plusieurs plantes à feuilles composées [ Mimosa pudica , leucocephala • Oxa~ lis incarnata , strict a , etc.]. Il les prive de lumière pen- dant le jour, les éclaire fortement pendant la nuit, et obtient ce curieux résultat, que quelques-unes changent insensiblement les heures de leurs veilles et de leur som- meil, de telle sorte qu elles font de la nuit le jour et du jour la nuit. Mais ce qui montre bien que la lumière n’est ici qu'une cause secondaire , c’est que d’autres per- sistent dans leurs habitudes, et veillent ou sommeillent aux mêmes heures que celles de leurs espèces qui végè- tent en plein air. Les feuilles ont d’autres mouvemens d’irritabilité aux- quels la lumière n’a aucune part. Lorsque le voyageur parcourt les savanes de l'Amérique , où croît en abonr FEUILLE S. I G6 dance le Mimosa pudica, les feuilles de cette jolie plante légumineuse, agitées au loin par sa marche , s’inclinent vers la terre , et semblent se faner; niais les articulations, au lieu dêtre flasques , sont au contraire dans un état de roideur. Ce Mimosa a été l’objet de beaucoup d expériences. Une üecousse , une égratignure, la chaleur, le froid , les liqueurs volatiles, les agens chimiques, ont une action évidente sur lui. Lorsque 1 irritabilité est portée à son comble, toutes les folioles s’appliquent les unes sur les autres par leur face supérieure, et le pétiole commun s’abaisse sur la tige; mais souvent l’irritabilité ne se ma- nifeste que dans quelques parties de la feuille. Si Ion touche légèrement l’une des folioles, cette foliole seule s’ébranle et tourne sur son pétiole particulier; si 1 at- touchement a été un peu plus fort, lirritation se com- munique à la foliole opposée, et les deux folioles se joignent sans que les autres éprouvent aucun change- ment dans leur situation. Si Ion gratte avec la pointe d’une aiguille une tache blanchâtre qu’on observe à la base d es folioles, celles-ci s’ébranlent tout-à-coup et bien plus v ivement que si la pointe de l’aiguille eût été portée dans tout autre endroit. Quoique fanées, les feuilles ont encore des mouvemens très-marqués, parce que les ar- ticulations ne s’altèrent pas aussi* promptement que le reste du tissu , et qu elles sont évidemment le siège de l’irritai ) dite. Le temps nécessaire à une feuille pour se rétablir, varie suivant la vigueur de la plante, l’heure du jour, la saison et les circonstances atmosphériques. L’ordre dans lequel les différentes parties se rétablissent, varie tpareillement. Si l’on coupe avec des ciseaux, même sans occasionner de secousses, la moitié d’une foliole de la dernière ou de l’avant-dernière paire, presque aussitôt la foliole mutilée, et celle qui lui est opposée, se rap- Irritabilité. Mouvement. Sommeil. 167 prochent; l’instant d’après, le mouvement a lieu dans les folioles voisines, et continue de se communiquer, paire par paire, jusqu’à ce que toute la feuille soit re- pliée. Souvent encore, après douze ou quinze secondes, le pétiole commun s’abaisse et les folioles se rapprochent; mais alors l’irritabilité , au lieu de se communiquer du sommet de la feuille à sa base, se communique de la base au sommet. L’acide nitrique , la vapeur du soufre enflammé, l’ammoniaque, le feu appliqué par le moyen dune lentille de verre, l’étincelle électrique, produisent des effets analogues. Une chaleur trop forte , la privation de l’air, la submersion dans l’eau, ralentissent ces mou- vemens en altérant la vigueur de la plante. Le balance- ment d’une voiture fait d’abord fermer les feuilles; mais quand elles sont , pour ainsi dire , accoutumées à ce mouvement, elles se rouvrent et ne se ferment plus (1). UHedysarum gyrcuis , plante du Bengale découverte par milady Monson, a des feuilles composées de trois folioles ; l une est grande et terminale ; les deux autres sont petites et latérales. La grande n’a qu’un mouve- ment de ginglyme qui paraît dépendre de l’action de la lumière ; les petites ont un double mouvement de gin- glyme et de torsion , qui s’exécute sans l’intervention apparente d’un stimulant extérieur. Elles tournent con- tinuellement sur leur charnière. Les mouvemens sont brusques, interrompus, irréguliers. En même - temps quelles se meuvent de haut en bas , elles se rappro- chent ou s’éloignent de la grande foliole. Quelquefois l’une est en1 repos , tandis que l’autre s’agite. Cette irri- tabilité est indépendante de la plante-mère ; car la feuille , détachée de la tige , continue à en donner des marques. (1) Observation de M. Desfontaines. FEUILLES. î68 Chaque foliole même , fixée par son pétiole particulier sur la pointe d’une aiguille , se balance encore. Enfin , le pétiole isolé laisse apercevoir un reste d irritabilité. Lorsque 1 Hedysarurn vespertilionis a des feuilles à trois folioles (ce qui n’est pas très-rare), les deux folioles latérales ont un mouvement analogue à celui de ÏH'èdy- saruin gyrans , mais infiniment moins sensible. La feuille du Dionœa muscipula a deux lobes réunis par une charnière qui règne le long de la ligne mé- diane. Quand un corps quelconque , un insecte par exemple , touche la face supérieure de ces lobes , ils se rapprochent et saisissent l’animal qui les irrite. De là le nom d 'Attrape-mouche donné à cette plante de l’Amé- rique septentrionale. Les Drosera rotundifolia et angustifolia , qui croissent dans la vallée de Montmorency, au bord de l’étang de Saint -Gratien , ferment leui’s feuilles comme des bourses à jetons, et méritent, ainsi que le Dionœa , le surnom d’ Attrape-mouclie. On observe que tous ces mouvemens s’exécutent mieux quand le ciel est pur, la lumière vive, la température élevée. Sans doute l’irritabilité contribue autant que la pro- priété hygrométrique au phénomène que présente le Porliera hygrometrica et les Ncpenthes distillatoria , phyl- lampliora et madagascariensis. Les feuilles du Porliera sont composées ; elles rap- prochent leurs folioles dès que le ciel se dispose à la pluie. L extrémité supérieure des feuilles des Nepenthes [PL 4 , fig. 4- — Ph 27 , fig. 5. ] est façonnée en un vase pourvu de son couvercle. Le vase se remplit d’une liqueur que distille sa paroi interne ; le couvercle tantôt s’ouvre, tan- tôt se ferme , selon l’état de l’atmosphère. Les lois de la mécanique n’expliquent qu’imparfaite- Leur chute. 169 ment ces phénomènes. Peut-être, comme le pense le savant et ingénieux M. De la Marck , les fluides, passant des branches dans les feuilles, occasionnent- ils les mou- vemens que nous venons d’examiner ; mais, outre que cette opinion n est encore quune hypothèse, que semble même démentir l’espèce d’orgasme qu’on observe dans les articulations des feuilles repliées , il est évident quelle ne lève point la difficulté , mais que seulement elle la recule ; car on demandera qu’elle force fait mouvoir les fluides, et dès -lors il faudra bien avoir recours à l’irri- tabilité. L irritabilité animale se manifeste sur -tout dans la fibre musculaire, laquelle est toujours accompagnée de filets nerveux ; mais les plantes n’ont point de muscles et de nerfs, et l’on ignore jusqu’ici dans quelle partie de leur tissu réside la force contractile qui fait mouvoir les feuilles. Quelques modernes , s’appuyant sur ce que Malpighi rapporte qu il a vu , dans des trachées séparées de la plante , un mouvement comparable au mouvement péri- staltique des intestins, croient que la mobilité des feuilles dépend de lirritabilité des trachées. Je ne partage pas ce sentiment. Je soupçonne que c’est dans le tissu cellu- laire qu’il faut chercher la cause du phénomène. Ce serait une faible objection à produire contre mon opinion de dire que le tissu cellulaire des animaux n’est point sen- siblement contractile; car il n’y a aucune analogie de propriétés entre ces deux tissus, et par conséquent on ne saurait conclure de l’un à l’autre. Chute des Feuilles (1). C’est une loi constante que, dans les êtres organisés, (1) Dcfoliatio est tempus quo arbores folia dejiciunt ; coque indïeant progression autumni et insequcntis hjemis, Phil. Bot. FEUILLES. 170 il s’opère par suite de l’activité vitale, une solution de continuité entre le mort et le vif. On peut donc dire que la mort des feuilles est la cause principale de leur chute. Le développement des boutons, l’endurcissement de lécorce, la formation du bois, en accélèrent l’époque. La chaleur, la sécheresse, 1 humidité, les frimats , les vents, les brouillards, nuisent aussi à la durée des feuilles. Aux approches de l’hiver , les feuilles du Sumac et de la Vigne rougissent ; celles du Noyer brunissent ; celles du Chèvrefeuille bleuissent ; celles du Peuplier jaunissent ; toutes prennent plus tôt ou plus tard cette teinte uni- forme et triste, connue sous le nom de couleur feuille- morte. Une preuve que le froid n’est pas l’unique cause de la mort des feuilles , c’est que , malgré la douceur de la tem- pérature , les Chênes originaires de nos climats, trans- portés au Cap de Bonne - Espérance, et les Vignes que nous cultivons dans nos serres, se dépouillent comme les Chênes et les Vignes exposés à la rigueur de nos hivers. Les arbres qui entrent en feuilles de bonne heure les perdent en général plutôt que les autres. Le Sureau fait exception \ il est très-hâtif, et pourtant ses feuilles tom- bent très - tard. Les vieux arbres se dépouillent plutôt que les jeunes. Les feuilles dont la base élargie adhère au pourtour de la tige et l’embrasse, se déssèchent et se détruisent à la longue , mais ne tombent pas tout d’une pièce , comme les feuilles qui ne tiennent à la tige que par un point. Il est des espèces dont les rameaux sont chargés en tout temps de feuilles vertes et vivantes. Ces espèces transpirent peu ; elles abondent en sucs huileux et rési- neux ; l’épiderme de leurs feuilles est épais et dur 5 les Leur chute . 17 1 filets vasculaires du pétiole et les nervures de la lame acquièrent la rigidité du bois. Les Pins, les Sapins, les Genévriers, les Cyprès, les Thuya, appartiennent à cette classe , et ont reçu spécialement le nom d 'Arbres verts. Ils habitent, presque tous, les climats septentrionaux et les lieux élevés , parce qu’ils redoutent la chaleur. La zone comprise entre les Tropiques a aussi ses arbres verts ; mais ceux-ci ne peuvent endurer le froid. De ce nombre sont les Myrtes, les Lauriers, les Oran- gers , le Nerium oleander , etc. Enfin la plupart des arbres et des arbrisseaux des Terres - Australes ne se dépouillent jamais entièrement. Tels sont les Eucalyptus , les Metrosideros , etc. , et toute cette série de Légumineuses dont les pétioles se trans- forment en feuilles simples. Si ces différens groupes de végétaux sont toujours verdoyans , ce n’est pas que leurs feuilles ne tombent à la longue ; mais c’est que les jeunes sont déjà dévelop- pées quand les anciennes se détachent. Les feuilles des herbes ne se séparent point de la tige; elles meurent en même -temps quelle. DES GLANDES ET DES POILS DES VEGETAUX. Sous le nom de glandes et de poils , les Botanistes comprennent les organes de l absorption, de l’exhalation et des sécrétions. L’extrême simplicité de l’organisation végétale ne permet pas toujours de démêler nettement les différences qui existent entre ces organes; et d’ail- leurs , il est très - probable que leurs fonctions varient selon les circonstances. Les plantes ont sans doute des glandes , c’est-à-dire, des organes destinés à séparer certaines liqueurs de la l’jn glandes et poil s. masse générale des fluides (i). Les glandes sont formées d’un tissu cellulaire plus ou moins serré, et elles reçoi- vent quelquefois des vaisseaux très- déliés. Elles varient beaucoup par leurs formes. Vous en distinguerez facile- ment huit espèces. t° Les glandes miliaires : Ce sont les plus nombreuses et les plus petites. Elles paraissent sur l’épiderme dé- taché et opposé à la lumière, sous la forme d’une aire ronde ou elliptique ayant à son centre une ligne tantôt obscure , tantôt transparente [PI. x 4, fig. i , 2, 3, 4, 6.]. Les glandes miliaires couvrent en général les parties vertes des végétaux. Elles sont plus multipliées à la sur- face inférieure des feuilles qu’à leur surface supérieure. Elles n’existent qu’en petit nombre sur les plantes étio- lées , et ne se montrent que très-rarement sur les pétales, les filets des étamines, les pistils, de même que sur les feuilles et les tiges développées sous l’eau. Elles sont dis- posées en séries longitudinales sur l’épiderme des feuilles du Pin , du Sapin , du Mélèze , des Graminées , etc. ; mais dans la plupart des végétaux , elles sont semées sans aucun ordre. Il est permis de soupçonner que les glandes miliaires sont des poils très-courts dont le sommet, com- primé latéralement, offre sous la lentille du microscope cette ligne obscure ou transparente que beaucoup d’ob- servateurs ont prise pour un pore (2). 20 Les glandes vésiculaires : Ce sont des vésicules logées dans le tissu de l’enveloppe herbacée ,et remplies d’huile essentielle. Elles paraissent comme des points transpa- (1) Glandula est papilla humorem exccrnens. — Glandulatio 'vasa secre- torin offert. Pliil. Bot. (a) Voyez Kroker De plantarum Epidermide ; les observations de M. Decandolle , et mon mémoire sur les Labiées. Différentes sortes. tens sur les feuilles, les pétales, les étamines et les fruits de 1 Oranger , les feuilles du Myrte, celles du Cacaha porophyllum. 3° Les glandes globulaires: Celles-ci sont tout-à-fait sphériques j elles n’adhèrent à l'épiderme que par un point de leur périphérie. Elles forment une poussière brillante sur le calice, la corolle, les anthères de beau- coup de Labiées [PL i4, fig- 5.]. Ce sont de toutes les glandes les plus simples, car elles sont évidemment pro- duites chacune par la dilatation d’une seule cellule. Les petites vessies alongées en massue, qui garnissent l’orifice de la corolle du Nepeta crispa et d’une foide d’autres plantes , ont beaucoup de rapports avec les glandes globulaires. 4° Les glandes utriculaires ou ampullaires : Ce sont des espèces d’ampoules formées par la dilatation de l’épi- derme, et remplies d’une lymphe incolore. Telles sont les glandes de la Glaciale. 5° Les glandes en mamelon ou papillaires : Elles cou- vrent ordinairement la surface inférieure des feuilles des Labiées qui ont une odeur piquante. Elles paraissent sous la forme de mamelons , et elles sont logées dans des fossettes; ce qui fait que M. Kroker les compare , pour l’aspect, aux papilles de la langue de l’homme. Elles sont composées de plusieurs rangs de cellules placées circu- lairement [PI. i4, fig. 3, 6.]. C’est, je pense, à cette es- pèce de glande qu’il faut rapporter les mamelons qui brillent comme des pointes de diamant sur les deux sur- faces des feuilles du Rhododendrum punctatum. 6° Les glandes lenticulaires : Elles forment de petites- saillies rondes ou oblongues à la surface des tiges du Pso- ralea glandulosa , du Ptelea trifoliata et de beaucoup d’autres Dicotylédons. Ce sont des lacunes remplies de sucs huileux ou résineux , qui ne diffèrent des vaisseaux 174 GLANDES ET POILS. propres solitaires que parce qu elles sont beaucoup plus petites. 7° Les glandes à godet ou cyathiformes : Ce sont des disques charnus, creusés dune fossette à leur centre, et qui distillent souvent une liqueur visqueuse. Quelquefois ils reposent sur un petit support. Ces glandes sont très- visibles au bord des dents inférieures des feuilles de la plupart des Peupliers et des Saules, sur les pétioles du Ricin , sur ceux des Arbres fruitiers à noyau [ PL 14, fig. 1 5 .] , et d’un grand nombre de Légumineuses arbo- rescentes. Une glande de cette nature est toujours placée au bas de chaque pétiole du Plumbago rosea. 8° Les glandes florales ou Nectaires : Elles existent dans les fleurs, et secrétent ordinairement des sucs mielleux que récoltent les abeilles. Elles sont, par leur structure interne, beaucoup plus compliquées que les autres, et se rapprochent davantage des glandes des animaux. J’en parlerai plus en détail quand je traiterai de la fleur. La plupart des glandes ne diffèrent des poils que par leurs formes. Les poils (i) sont souvent placés sur une glande en mamelon. Il arrive aussi quelquefois qu’ils portent à leur sommet une petite masse glanduleuse [ Croton penicil- latum , Rasa maocinia , Fraxinelle, PI. i4> fig. 7, xi, 17.]. Peu de végétaux sont totalement dépourvus de poils. Quelques-uns en portent de différentes sortes [ Croton penicillalum , PI. 1 4 , fig. 7, 8.]. Ces organes ont des formes extrêmement variées; ils ressemblent à un cylindre, à un cône [ Borrago laæijlora , PI. t4, fig- 18.] , à une mas- sue [Fraxinelle, PI. i4, fig- 17-], à un chapelet [ Belle- de-Nuit], à un enclume [Houblon , PI. i4s fig- 10-] ? à (1) Pilus est ductus cxcretorius planta: cetaceus. Pliil. Bot. — Pttbes vcstiens ■vi/lositate. Syst. yeg. Différentes sortes. 175 une navette [ Malpighia , PI. 1 4 ? fig- *6.], à une étoile rayonnante [ Croton penicillatum , PI. 1 4 » fig- 8.], à un goupillon [PL 1 4, fig- i3.], etc. On remarque souvent qu’ils sont coupés par des diaphragmes [ Lychnis chalce- donica , PI. 14, fig- 9.] , et que leur surface est mamelon- née [Borrago laxiflora, PL i4,fig- 18.]. Selon les circon- stances , ils absorbent ou rejettent les fluides. Plusieurs ont une pointe très -acérée qui blesse ceux qui les tou- chent imprudemment, et font naître sur la peau, des ampoules cuisantes. La douleur vient moins de la bles- sure en elle-même que de la liqueur corrosive que le poil introduit dans la plaie. Les Orties desséchées piquent en- core, mais n’excitent plus de démangeaison. En général les jeunes feuilles et les jeunes pousses , les plantes nées en terre aride, celles des climats chauds et des hautes montagnes, celles qui sont exposées à l’ac- tion d’une vive lumière, sont plus velues que les autres, ce qui confirme dans cette opinion, que les poils sont des organes de l’absorption , de la transpiration et des secrétions. Quelques-uns sont percés à leur extrémité, et livrent passage à des sucs [Rose, PL 14, fig. 1 1 .] ; plu- sieurs croissent sensiblement en longueur et en épaisseur, et deviennent des piquans. Les aiguillons du Rosier se forment quelquefois de cette manière. DES PIQUANS. Sous le nom de piquans sont compris tous les prolon- gemens durs et acérés dont les végétaux sont armés. On en distingue de deux sortes : i° ceux qui proviennent de la partie vasculaire du tissu, et ne peuvent être séparés de l’individu qui les porte, sans rupture ou sans déchi- rement très-marqué: ce sont les épines (1). 20 Ceux qui (i) Spina est mucro duras e ligno plantœ protrusus. Pliil. Bot. Spina terminons cornu lignoso. Syst. veg. I76 PIQUANS. sont formés cl’un simple tissu cellulaire endurci , et n’ad- hèrent qu’à l’épiderme ; de sorte qu’on les détache sans même offenser l’écorce : ce sont les aiguillons (1). L’Épine-vinette, le Groseiller [PI. tiy , fig. 14.] et la plupart des arbres du Levant ont des épines au lieu de stipules. Plusieurs Mimosa de la Nouvelle - Hollande , plusieurs Asperges de l’Europe méridionale , de l’Afrique et des Indes, ont des épines au lieu de feuilles. Les ner- vures des feuilles du Houx [PI. 22, fig. 2.] s’alongent en épines. La surface des feuilles de quelques Solanam[ PI. 22, fig. 5.] est couverte d’épines dont la base repose sur les nervures. Des épines divergentes entourent la base des petites feuilles des Cactus. Les pédoncules du Mesem- bryanthemum spinosum , les pétioles de l’ Astralagus traga- cantha survivent aux fleurs et aux feuilles, et deviennent des épines. Le Prunier épineux , ÏElœagnus angustifolia , et une multitude d’autres arbres, portent des rameaux terminés par une épine ou par un bouton , suivant qu’ils viennent dans une terre maigre ou dans une terre sub- stantielle. La Chicorée épineuse et la Molène épineuse, qui croissent sur les sables maritimes de la Crète , per- dent leurs épines dans nos jardins. La plupart des Rosiers sont armés d’aiguillons. On dit qu’ils en sont dépourvus quand on les cultive dans du sable. Ce fait mériterait d’être constaté. On dit aussi que le Rosier des Alpes, qui n’a point d’aiguillons dans les hautes régions dont il est indigène , en prend dans la plaine. Je ne nie pas que cela ne puisse arriver; mais j’ai toujours trouvé dans nos jardins cette espèce sans aiguil- lons , de même que je l’avais observé sur les Pyrénées. Le tronc et les branches du Zanthoxylum clavatum (1) Aculcus est rnucro plantes ejusdem cortici tantum afftxus. Pliil . Bot. Aculeus sparsus utigue cortici tcintum inserto. Svst. veg. Épines. Aiguillons. 177 sont couverts d’aiguillons coniques d’une grosseur dé- mesurée et d’une organisation fort remarquable. Ils sont composés de couches cellulaires très- épaisses , pla- cées par assises les unes au-dessus des autres. Ils gran- dissent, selon toute apparence, au moyen de nouvelles couches qui s’interposent entre la plus ancienne et l’écorce. Le Hura crepitans porte également des aiguillons sur son tronc et sur ses branches. Ce sont des prolongemens endurcis de l’écorce, qui recouvrent des mamelons li- gneux, comme les cornes recouvrent les deux apophyses coniques des os frontaux du Bœuf ou de la Gazelle. On ne sait pas jusqu à quel point la présence des épines et des aiguillons influe sur les opérations de la vie végé- tale. Malpighi attribue à ces piquans la propriété d’éla- borer la sève. Rien ne prouve qu’il en soit ainsi. Linné cherche la raison de leur existence dans les causes fi- nales. A l’entendre , le duvet et la laine auraient été donnés aux plantes pour les garantir de l’intempérie des saisons; et elles auraient été pourvues de soies, d’épines et d’aiguillons, pour quelles fussent en état de se dé- fendre contre les attaques des animaux; mais cette expli- cation , si peu d’accord avec les faits connus', n’est pas moins vicieuse sous un autre point de vue : chercher dans les harmonies qui résultent de la coexistence des êtres , la cause de certaines structures particulières, n’est- ce pas éteindre de plein gré le flambeau de l’observation et de l’expérience ? Il y a peu de végétaux armés de piquans dans les cli- mats tempérés ; il y en a au contraire un très-grand nombre dans les climats chauds. Ces végétaux rendent les forêts impraticables, et sont un puissant obstacle aux conquêtes de l’homme sur la Nature agreste et sauvage. CINQUIÈME SECTION. DE LA COMPOSITION CHIMIQUE DU VEGETAL ET DE SA NUTRITION. DES SUBSTANCES VÉGÉTALES. Principes élémentaires. L’accroissement des végétaux, et l’augmentation de leur poids , montrent qu’ils s’emparent de certaines sub- stances extérieures et les transforment en leur propre substance. C’est le phénomène de la nutrition , phéno- mène lié à 1 irritabilité qui distingue la matière vivante de la matière brute. L analyse par le feu fait reconnaître dans les plantes , du carbone, de l’oxigène, de l’hydrogène et de l’azote; du soufre et des substances terreuses métalliques ou sa- lines, telles que la silice, l’alumine, les oxides de fer et de manganèse, l’hydriodate de potasse, les sous-phos- p liâtes de chaux , de potasse et de magnésie , les sulfates de potasse et de soude , le nitrate de potasse , les hy- drochlorates de potasse , de soude , de magnésie , de chaux , et d’ammoniaque. On trouve aussi dans les cendres quelques sous-carbonates produits par la décom- position d’acides végétaux unis à la chaux, à la potasse, etc. La terre , l’air et l’eau sont les grands magasins où les végétaux prennent ces diverses substances. Dans un temps où la composition de l’eau , ses pro- Principes élémentaires. 179 priâtes dissolvantes , et tous les phénomènes de la chi- mie pneumatique, étaient inconnus, on agita cette grande question : Si l’eau seule servait d’aliment aux végétaux, ou s’il fallait encore pour opérer leur nutrition que des substances terreuses fussent jointes à l’eau. L’illustre Robert Boyle tenta de résoudre le problème. 11 sema une graine de Courge dans un vase contenant une quantité connue de terre séchée au four: il arrosa cette terre avec de l’eau de pluie ou de source 5 il obtint une plante qui pesait plus de \\ livres, et la terre n’a- vait pas sensiblement perdu de son poids. Avant Boyle Van Ilelmont avait fait une expérience analogue sur un Saule. Cet arbre, qui pesait 5 livres au commencement de l’expérience, en pesait 1 6g après cinq ans de végé- tation , et la terre n’avait perdu que deux onces. Van Hel- mont avait conclu que l’assimilation de l’eau étaitl’unique cause de l’accroissement des plantes. Quatre-vingts ans après, Woodward réfuta Van Helmont ; il prouva, par des expériences comparatives, que les plantes alimentées par l’eau seule n’augmentent pas en poids à beaucoup près autant que celles qui végètent dans l’eau mêlée à de la terre et sur -tout à du terreau. Plus tard enlin de bonnes analyses ont fait voir que leau commune tient presque toujours en dissolution, une certaine quantité de terres, de sels , et de matières animales et végétales ; que les prin- cipes terreux et salins ont une si grande affinité pour l’eau, que le chimiste ne parvient pas sans peine à l’en débarrasser totalement; que toutes ces substances sont charriées avec la sève, dans le tissu organique; qu’une partie s échappe par la transpiration , et que le reste entre dans la composition des principes solides ou li- quides de la plante. Comme c’est de l eau que paraît venir tout l’hydrogène qui existe dans les substances végétales , et que la quantité 12. l8o SUBSTANCES VÉGÉTALES, de ce gaz , comparée à celle de l’oxigène, y est quelquefois plus considérable qu’il ne serait nécessaire pour produire de l’eau (x) , les Chimistes ne doutent pas que ce liquide ne soit décomposé dans l’acte de la végétation. Ils pré- sument que ses élémens, l’hydrogène et l’oxigène, en- trent en entier dans la formation des substances végé- tales. Le gaz acide carbonique provenant de la combustion , de la fermentation , de la respiration ou de toute autre source extérieure, pénètre, dans les plantes, par les par- ties vertes et par les racines ; il se décompose par l’action de la lumière sur les parties vertes; le carbone se fixe, et l’oxigène se dégage en majeure partie. Une petite quantité d’azote introduite avec l’eau et les matières animales dans le tissu organique , entrant en combinaison avec d’autres principes élémentaires , donne naissance à des substances azotisées ; et l’oxigène de l’air s’unissant au carbone contenu dans le végétal, produit du gaz acide carbonique, lequel est exspiré à l’obscurité ou décomposé à la lumière. Ces considérations et les faits développés précédem- ment expliquent, d’une manière satisfaisante, l’utilité des engrais. Ils fournissent aux végétaux des substances carbonisées et azotisées ; ils divisent la terre et favorisent le développement et la multiplication des racines; ils 'attirent l’humidité de l’atmosphère, et probablement ils excitent l’irritabilité des organes, et augmentent par ce moyen la succion et la nutrition. Au reste , les végétaux , comme je vous l’ai dit en traitant des racines , absorbent indifféremment tous les liquides dans lesquels on les plonge , et l’absorption (j) Expériences de MM. Thénard et Gay-Lussac. Principes immédiats. i8r est d’autant plus considérable, que la liquidité est plus grande (i). Principes immédiats. La végétation donne naissance à des combinaisons chimiques, que l’on désigne sous le nom de principes immédiats des végétaux. Ces combinaisons sont très- inultipliées ; mais jusqu’à ce jour on n’en connaît bien qu’un petit nombre. Comme elles se forment par l’action des forces vitales , elles doivent être un sujet d’étude pour le Physiologiste. Le carbone, l’hydrogène, l’oxigène et l’azote, sont les élémens de tous les principes immédiats des végé- taux. On peut partager ces principes en deux classes : i° ceux qui sont composés de carbone, d’hydrogène et d’oxigène , et dans lesquels il n’entre point d’azote ; 2° ceux qui contiennent, avec le carbone, l’hydrogène et l’oxigène , une certaine quantité d’azote ; ce sont les principes les moins nombreux. La première classe se subdivise en trois ordres: i° les principes dans lesquels l’oxigène se trouve en quantité plus considérable quil ne serait nécessaire pour pro- duire de l’eau (2). 20 Les principes dans lesquels l’hy- drogène et l’oxigène existent en exacte proportion pour former de l’eau, et qui, par conséquent, semblent ne devoir qu’à ce liquide, soit décomposé, soit fixé, l’hy- drogène et loxigène qu’ils contiennent j 3° les prin- cipes dans lesquels lhydrogène est en excès. (1) Expériences de M. Théodore de Saussure. (a) La quantité nécessaire pour produire de l’eau est , comme 011 sait, 88,3 (en poids) d’oxigène, et 11,7 (en poids) d’hydrogène. l8a SUBSTANCES VÉGÉTALES. Ces généralités sont le résultat des savantes recher- ches de MM. Thénard et Gay-Lussac; mais, comme on n’a pas encore analysé tous les principes immédiats , on ne peut les faire tous rentrer dans cette classification. Les analyses ultérieures des Chimistes nous feront con- naître par la suite, la place que doivent occuper les substances dont nous ignorons jusqu’ici la compo- sition. Je vais indiquer les principes immédiats des végétaux sans m’étendre sur leurs propriétés chimiques. Ces dé- tails n’appartiennent point à mon sujet ; ils sont spécia- lement du ressort de la chimie végétale. Cependant pour ne pas priver d’une instruction utile ceux des élèves qui voudraient approfondir la Physiologie , je place , à la fin de cette première partie, l’extrait d’un travail de mon savant ami M. Chevreul , sur les principes immé- diats des végétaux. lrc Classe. Principes immédiats composés de car- bone , d’hydrogène et d’oxigène. 1er Ordre. Principes immédiats avec excès d’oxi- gène. Tous les acides végétaux, savoir : L’acide acétique ou vinaigre pur. On le trouve com- biné avec la chaux et la potasse, dans le bois de Cam- pêche [ Hœmatoxylum campechianum ] , la sève de l’Orme, du Charme, etc. ; et à l’état libre dans le suc acide du Cicer arietinam , dans le Sureau noir. L’acide malique. C’est une liqueur sirupeuse qu’on obtient difficilement à letat de pureté , parce quelle est presque toujours unie à une matière gélatineuse. On peut l’extraire de la Pomme, delà Prune, des fruits de l’Epine- vinette , du Sureau noir, etc. Principes immédiats. Acides. 1 83 La plupart des Plantes grasses contiennent du inalate acidulé de chaux. L’acide oxalique. 11 est combiné avec la potasse dans plusieurs espèces d’Oseilles, d 'Oxalis, dans le Bananier, etc. ; et avec la chaux dans la Saponaire , le Sceau de Salomon , le Frêne , le Chêne, etc. Les feuilles du Pois chiche exsudent naturellement de l’acide oxalique mélangé avec de l’acide malique, et de l’acide acétique. L’acide tartarique. La pulpe de la gousse du Tamarin contient cet acide libre. Le suc des Raisins verts donne une très-grande quantité de surtartrate de potasse , vul- gairement crème de tartre. L’acide citrique. Il est pur dans le fruit du Citron- nier, du Mérisier à grappe [ Prunus padus], de la Can- neberge [ Vaccinium oxpcoccos], etc. Il est mélangé avec de l’acide malique dans la Groseille, la Cerise, la Framboise, etc. Il est combiné à la chaux dans le Pastel [ Isatis tinctoria ] , l’Ognon commun , etc. L’acide kinique. On le retire du Kinkina. L’acide gallique. L’écorce de Chêne et la noix de galle donnent cet acide en abondance. Il forme de pe- tits cristaux aciculaires à la surface du Sumac. Suivant M. Chevreul, il communique la propriété astringente à la plupart des substances végétales qui le contiennent. L’acide benzoïque. Il existe dans le Canellier , la Va- nille; et l’on pense que l’odeur suave des baumes est due à sa présence. L’acide prussique. Cet acide, qui exhale une forte odeur d’amande amère , est un poison très-actif. On peut l’ex- I 84 SUBSTANCES VÉGÉTALES, traire de la feuille du Laurier-cerise [ Prunus lauro*cc- rasus\ , de l’Amande amère, des amandes de la Pêche , de l’Abricot , de la Prune, de la Cerise, etc. C’est peut- être cet acide qui donne aux graines des Rosacées leur qualité malfaisante. .Te ne parle point des acides succinique et mellitique, parce qu’ils sont très -peu connus. 2e Ordre. Principes immédiats formés de car- bone , d hydrogène et d’oxigène , dans la proportion qui constitue l’eau. Les gommes. On en distingue plusieurs espèces. Elles n’ont ni saveur ni odeur; mises dans l’eau, elles forment un mucilage plus ou moins épais. Les plus re - marquables sont , la gomme arabique , la gomme de pays, et la gomme adragant. La première découle du Mimosa nilotica ; la seconde du Prunier, du Cerisier, de l’Abricotier; la troisième de plusieurs espèces d’ Astragales , et notamment de \'As- tragalus tragacantha. Cette dernière est très-peu soluble dans l’eau. La superficie des graines du Lin et de quelques autres graines, est recouverte d’une véritable gomme. Les sucres. Ils se dissolvent dans l’eau , et ont ce qu’on appelle une saveur sucrée. On en distingue quatre espèces bien tranchées : Le sucre de Canne qu’on extrait par expression, de la canne [ Saccharum officinale ], de la Betterave, de la Châtaigne ; et par ponction , de différens Erables. Sa sa- veur est plus agréable que celle des autres espèces. Il cristallise en prismes quadrilatères ou hexaèdres, ter- minés par des sommets dièdres ou trièdres. Principes immédiats. Sucre. Amidon, etc. 1 85 Le sucre de Raisin, qu’on extrait du Raisin , de la Gro- seille , de l’Abricot, de la Figue. Il cristallise en petites aiguilles. 11 a une saveur fraîche que n’a pas le sucre de canne, et il se moisit facilement quand il est dissous dans l’eau. Le sucre de Champignon. Il cristallise en prismes quadrilatères à base carrée. Le sucre liquide. On le trouve mêlé au sucre de Canne et à celui de Raisin. On le trouve encore dans le jus de la Pomme, de l’Azérolle [ Mespylus azarolus~\, du Coing , et de beaucoup d’autres fruits. 11 ne cristal- lise pas. Le principe cristallisable de la manne. Il diffère peu du sucre de Raisin par sa saveur ; mais il a d’autres pro- priétés chimiques. La manne transsude à travers répi- derme des feuilles du Mélèze. Elle forme , avec le sel marin , des efflorescences à la superficie des Fucus sac- char atus , siliquosus , etc. La manne du commerce est récoltée principalement sur le Frêne à fleur [ Fraxinus ornus~\. L’amidon. C’est une poussière cristallisée , blanche, insipide , renfermée dans les loges du tissu cellulaire des plantes. Elle est très- abondante dans les tubercules du Solanum tuberosum [Pomme de terre j , de la Pi- voine, de la Bryone, des Orcîiis , du Jatropha manihot , etc. Elle forme la base de la farine des graines des Cé- réales et de beaucoup d’autres plantes. Le stipe du Sagoutier [ Sa pus farinifcra ] , du Caryota urens , de plusieurs autres Palmiers , et de quelques Cycadées , se remplit 'de cette substance quand il approche de la vieillesse. L’inuline, que Rose a découverte dans les racines de l’Aun ée[Inula hefenium ], diffère peu de l’amidon. l8G SUBSTANCES VEGETALES. Le ligneux. Il constitue la partie la plus considérable du bois. On l’y trouve sous la forme de tissu cellulaire à cellules très-alongées ; il est insipide , et insoluble dans l’eau et l’alcool. La subérine. Cette substance , dont nous n’avons pas encore 1 analyse , forme le tissu cellulaire de la partie la plus extérieure de l’écorce de quelques Chênes verts, et l’épiderme du Bouleau. La subérine, ainsi que la moelle du Sureau, doivent être rapprochées du ligneux, selon M. Chevreul , sans cependant être confondue avec ce principe. 3e Ordre. Principes immédiats formés de car- bone, d’oxigène et d’un excès d’hydrogène. Les huiles. Ce sont des substances fluides et très-com- bustibles , insolubles ou peu solubles dans l’eau. On dis- tingue les huiles fixes et les huiles volatiles. Les huiles fixes qui sont épaisses , onctueuses et peu odorantes, se divisent en huiles grasses et siccatives. Les huiles grasses s’épaississent à l’air et deviennent opaques , telles sont celles d’Olive, d’ Amande douce, de Faîne , de Colza , etc. Les huiles siccatives se dessèchent sans perdre leur transparence, à la manière des vernis. Telles sont les huiles de Lin , de Noix , de Pavot [huile d’OEillette] , de Chénevis , etc. Les huiles volatiles se distinguent des huiles fixes par leur volatilité , leur odeur pénétrante et aromatique , et leur solubilité dans l’eau. Les plus remarquables sont celles du Térébinthe , de l’Orange, du Citron, de la Lavande, de la Rose , du Jasmin , de la Canelle , du Gi- rofle , etc. Les huiles volatiles sont beaucoup plus répandues que Principes immédiats. Huiles. 187 les huiles fixes. Il est rare que l’on trouve celles-ci autre part que dans la graine , tandis que les premières se ren- contrent dans toutes les parties. Les racines de l’Iris, le bois du Sassafras et du Campêche , lecorce du Canel- lier, les feuilles, les calices des Labiées, et les corolles d’une multitude de fleurs , contiennent des huiles vo- latiles. Les arômes ( c’est ainsi que l’on nomme les odeurs qu exhalent les végétaux) ne sont ordinairement que des émanations de ces principes volatils. C’est à leur présence qu’il faut attribuer l’odeur aromatique des ra- cines des Amomées [ Amomum zingiber ou Gingembre, Curcumci longa , ou Safran des Indes, etc.], du bois et des feuilles des Laurinées , des feuilles des Labiées , des Myrtées , des Aurantiacées , etc. • l’odeur suave des fleurs du Jasmin, de la Rose, de l OEillet, etc. ; l’odeur douce, mais narcotique, des fleurs des Cestrum, des Datura , etc. ; l’odeur fétide du bois de 1 Olaoc zejlanica , des fleurs des Stapelia, des feuilles des Rutacées et des Solanées ; des bulbes des Aulx, des racines des Mimosa, des Valérianes, etc. , etc. Et comme les huiles volatiles sont quelquefois différentes dans les diverses parties d’une même plante, les odeurs varient également. Ainsi l’arome des fleurs du Volkameria japonica, du Sisjmbrium tenuifolium , etc. , est très -suave, tandis que l’arome des feuilles est d’une fétidité insupportable. Les espèces aromatiques sont beaucoup plus com- munes dans les pays chauds que dans les pays froids. Il est digne de remarque que l’odeur de plusieurs pollens est la même que celle de la liqueur sperma- tique de certains Quadrupèdes. Le froid s’oppose à l’expansion des arômes; une vive chaleur les dissipe; une température douce et un temps humide les rendent sensibles à l’odorat. î 88 SUBSTANCES VÉCÉTALES. Le principe odorant du Tabac est du petit nombre de ceux qui n’ont rien de commun avec les huiles volatiles. La cire paraît sur les Prunes , les Oranges , les feuilles 'de Chou, de Crambe , les Joubarbes , les Cacalia ficoïdea, repens , etc., en poussière glauque , très-fine. Cette poussière, qui s attache aux doigts quand on touche les tiges ou les feuilles qui en sont couvertes , se régénère promptement. La cire forme une couche épaisse autour du stipe du Ceroxyllon andicola ; elle enveloppe le fruit du Myrica cerifera , etc.. Par cette substance, les végétaux sont mis à l’abri de faction nuisible de l’humidité. Les feuilles glau- ques ne sont jamais mouillées; l’eau s’amasse à leur sur- face comme sur une toile cirée et roule en gouttes. M. Proust croit que les Abeilles ne composent point la cire avec laquelle elles construisent leurs rayons, mais qu elles la récoltent toute formée, sur les végétaux. Le camphre. Cette substance a beaucoup d’analogie avec les huiles volatiles. Elle est incolore , transparente, ductile, et s’évapore à une température très -basse. On l’extrait du Laurus campliora , du Laurus cinnamomum, et de plusieurs autres espèces de Lauriers. Suivant M. Proust , les huiles volatiles de Lavande , de Marjolaine, de Sauge, contiennent du camphre; mais plusieurs chimistes doutent que la substance qu’il a dé- couverte dans ces huiles , soit identique avec le camphre du commerce. ’t Les résines. Elles sont sèches , cassantes , insolubles clans l’eau, solubles dans l’alcool, susceptibles de se ra- mollir à une faible chaleur, et très -inflammables. On doit les considérer comme des huiles volatiles qui ont éprouvé l’action de l’oxigène ; car les huiles volatiles passent a l’état résineux en absorbant l’oxigène de l’air. Principes immédiats. Résines, etc. 189 Ce phénomène explique pourquoi les parties végétales qui contenaient des huiles volatiles dans leur jeunesse, contiennent souvent des résines dans leur vieillesse; pourquoi aussi le suc résineux qui coule dans les vais- seaux ligneux des Arbres verts est beaucoup plus fluide que celui qui coule de leur écorce. Les résines mêlées à des huiles volatiles et à de l’acide benzoïque forment les baumes, substances épaisses, odo- rantes , inflammables. Le nombre des résines et des baumes est très -consi- dérable. Je ne citerai que les plus connus. Le galipot est produit par le Pinus maritima y la poix , par VAbies picea y le mastic, par le Pistachia lentiscus y le sang-dragon, par une espèce de Rotang, par le Dracœna draco , etc. ; la sandaraque, par le Thuya articulata y la résine copale, par le Rhus copalinum y la résine élémi , par VAmyris ele- mifcra ; le styrax ou storax,par le Liquidambar d’Orienl selon les uns, et par un Amyris suivant les autres ; le baume de la Mecque, par X Amyris gilcadensis et VAmyris opobalsamum y le baume de Marie, par un Calophyllum y le baume du Pérou, par le Mirospermum sessile; le baume de Tolu, parle Toluifera balsamum , etc. M. Thompson fait un principe particulier de la ré- sine de Gayac. Souvent les résines sont mélangées avec des substances gommeuses. Dans cet état elles prennent le nom de gom- mes-résines. Parmi les gommes-résines on remarque l’assafétida et la gomme ammoniaque , qui proviennent de deux diffé- rentes espèces de Férules ; l’opoponax que l’on retire d’un Panais; le galbanum qui paraît être le produit d’un végétal très-voisin des précédens ; l’aloès que l’on extrait de 1 ' Aloe perj'ohata , et probablement de plusieurs autres IQO SUBSTANCES VÉGÉTALES. espèces du même genre; la gomme-gutte qui découle du Cambogia gutta. Les gommes-résines, en sortant des végétaux, ont quelquefois la blancheur et la liquidité du lait ; mais elles brunissent et se coagulent promptement à l’air. Le caoutchouc ou gomme élastique. Il découle en suc laiteux du Siphonia elastica de la Guyane, de 177/- ceola elastica des Grandes - Indes , et de plusieurs autres arbres de la zone équatoriale. A l’air il se coagule, bru- nit, prend l’apparence du cuir, et acquiert une pi-odi- gieuse élasticité; ni l’eau, ni l’alcool ne le dissolvent, mais il se renfle dans l’eau. Le principe vert des feuilles. C’est à ce principe que toutes les parties vertes , exposées à la lumière, doivent leur couleur. C’est lui qui forme la résine Verte par son union avec une matière végéto- animale. D|e même que les résines, cette substance se dissout dans l’alcool, et ne se dissout point dans l’eau ; mais elle diffère des ré- sines en ce quelle n’est pas précipitée par l’eau de ses dissolutions alcooliques. Elle s’altère facilement, et passe presque toujours au jaune ou au rouge brun ; c’est ce qu’on voit en automne à la chute des feuilles. M. Davy attribue ce changement de couleur à la for- mation de quelque acide. La lumière a une grande in- fluence sur la production de la résine verte : si vous faites germer du Blé, des Haricots, etc. , dans l’obscu- rité , les tiges et les feuilles seront d’un blanc jaunâtre ; mais que vous les exposiez ensuite, à la lumière, elles ne tarderont pas à verdir. En même-temps que la résine verte se produit, le gaz acide se décompose et le car- bone se fixe , en sorte qu’on ne peut guère douter que ces phénomènes n’aient une liaison étroite. 11 est bon d’observer que les feuilles rouges de X Atriplex hor- Principes Immédiats. Indigo. Gluten, etc. 191 tensis rubra décomposent aussi le gaz acide carbo- nique (1). IIe Classe. Principes immédiats formés de carbone , d’hydrogène, d’oxigène et d azote. L’asparagine. Cette substance, qu’on extrait de l’ As- perge, est cristallisable , très-soluble dans l’eau chaude, peu soluble dans l’eau froide, insoluble dans l’alcool. Le principe narcotique connu sous le nom de sel d'opium. On le retire du Pavot. Il est cristallisable. Il se dissout dans l’alcool , et un peu dans l’eau bouillante. L'hématine. C’est le principe colorant du bois de Cam- pêche. Il forme des cristaux d un b,lanc -rosé, qui sont peu solubles dans l eau froide. L’indigo. Celte précieuse substance colorante se forme dans les Indigofera argentea , disperma , tinctoria , et dans le Pastel. Exposée à la chaleur, elle se volatilise en une fumée pourpre, qui se condense et se cristallise en petites aiguilles de la même couleur. Elle est soluble dans l’alcool bouillant. Le principe glutineux ou gluten. Il est élastique, insi- pide, très-soluble dans le vinaigre et fort peu dans l’eau bouillante. Il a une grande analogie avec les principes immédiats des animaux, et se putréfie comme eux. On l’extrait des cotylédons des Légumineuses , du périsperme des Graminées et des Arbres-verts. 11 m’a paru que tout le tissu cellulaire du périsperme du Blé et du Pinus pinea était formé de cette substance. Les végétaux contiennent encore beaucoup d’autres (1) Expérience de M. Théodore de Saussure. I92 SUBSTANCES VÉGÉTALES. principes immédiats trop peu connus pour qu’on puisse les classer dans les grandes divisions de MM. Thénard et Gay-Lussac. Telles sont entre autres : La matière très -amère et cristallisable trouvée dans le Daphné alpina ; La picrotoxine de la coque du Levant, poison actif qui diffère peu de la substance du Daphné ; La gelée qui est presque insoluble dans l’eau froide, dissoluble dans l’eau bouillante , et se prend en masse tremblante et diaphane par le refroidissement. C’est ce qui donne au suc cuit de la Pomme et de la Groseille la propriété de se coaguler. Il paraît qu’elle constitue la matière soluble dans l’eau bouillante de la Mousse d’Is- lande [ Physcia islandica ] et du Cladonia rangiferina; Un grand nombre de principes colorans qui n’ont pas encore été séparés des substances auxquelles ils sont unis, et qu’on ne connaît que par quelques - unes de leui’s propriétés : tels sont le rouge de la Garance et du Car- thame, le jaune de la Gaude, de la Graine d’Avignon j Rhamnus i/ifectoria] , du Fustet [Rhus cotinus ] , et du Quercitron [Quercus tinctoria ]. M. Guyton a observé que la couleur rouge des fruits provient de la combinaison d’un acide avec un principe colorant bleu. M. Chevreul a reconnu que presque toutes les fleurs pourpres, rouges, bleues , sont colorées par un principe analogue à celui des fruits. Ces observations expliquent les changemens de couleurs qu’éprouvent certaines fleurs pendant la végétation. Il n est pas rare, par exemple , que les fleurs bleues passent au rouge. Cette nouvelle couleur résulte de la combinaison du principe bleu avec un acide. D’autre part, quelques fleurs rouges Sève. 1 9*3 passent au bleu : c’est qu’alors l’acide qui était en com- binaison est séparé du principe colorant. Sève. La sève est , à proprement parler, le fluide transparent et incolore que le végétal puise dans la terre et dans l’air, c’est-à-dire, de l’eau qui tient en dissolution un peu de gaz acide carbonique, de gaz oxigène, de gaz azote, de terres, de sels minéraux, et de matières animales et végétales. Considérée sous ce point de vue , la sève doit être à- peu-près semblable dans tous les végétaux , mais on ne l’obtient jamais pure. Elle est mêlée à des principes im- médiats , en sorte qu’elle diffère suivant les espèces. Néan- moins l’eau en constitue toujours la majeure partie. Voici le résultat de quelques analyses laites par M.Vau- quelin. Sève d’Orme [Ulmiis campestris] : eau, matière vola- tile , acétate de potasse , carbonate de chaux , matière végétale, trace de muriate et de sulfate de potasse. Sève de Hêtre [Fagus sylvatica ] : eau, acétate de chaux avec excès d’acide, acétate de potasse, acide galhque, tanin , matière muqueuse extractive , acétate d’alumine. Sève de Charme [ Carpinus sylvestris ] : eau, extractif, matière saccharine , matière mucilagineuse , matière co- lorante, acétate de potasse, acétate de chaux. Sève de Bouleau [ Betula alba ] : eau, matière extrac- tive, matière sucrée, acétate de chaux et d’alumine, et probablement acétate de potasse. Sève de Marronier [OEsculus hippocastanum] : eau, matière extractive muqueuse, nitre, probablement acé- tate de potasse et acétate de chaux. La sève pénètre dans les vaisseaux de l’étui médul- laire et du bois 5 elle y éprouve un balancement très- i3 194 SUBSTANCES VÉGÉTALES, marqué ; elle se dissipe par la transpiration insensible des parties herbacées, et se renouvelle par la succion des racines et des feuilles. Elle s’élabore en parcourant les vaisseaux du végétal; elle se mêle, dans sa route, avec certains principes im- médiats, et quelquefois elle forme avec les gommes-ré- sines une émulsion laiteuse; mais dans ce dernier cas, elle reçoit le nom de suc propre , car les Physiologistes s’ac- cordènt jusqu’à présent à ne donner le nom de sève qu’à des liqueurs incolores et limpides. Les arbres contiennent ordinairement plus de sève en hiver qu’en été; mais la sève d’hiver est stagnante et vis- queuse, tandis que la sève d’été est fluide, et qu’elle n’entre dans le végétal que pour en sortir bientôt après par la transpiration ; en sorte que durant quelques heures d’un jour d été, il passe souvent dans les vaisseaux d’un arbre, une quantité de sève beaucoup plus considérable que celle qui est en réserve dans ce même arbre durant tout un hiver. Les forestiers observent que les bois coupés dans la belle saison, sont plus sujets à la vermoulure, et plus perméables à l’humidité que ceux que I on abat au temps du repos de la sève. 11 est probable que cela tient par- ticulièrement à la qualité de ce fluide. Sucs propres. Les Physiologistes comprennent sous le nom de sucs propres, les fluides gommeux, résineux, oléagineux, etc., qui donnent aux différentes espèces une odeur et une saveur particulières, et qui sont contenus tantôt dans des lacunes, tantôt dans des vaisseaux, tantôt dans de sim- ples cellules de l écorce et de la moelle. Les sucs propres des Euphorbes , des Pavots , des Fi- guiers, des Apocinées , etc., sont laiteux. Les sucs de cette sorte se décomposent souvent à l’air ; une partie . Sucs propres. Cambium. iç>5 se coagule et se précipite en petits grains; l’autre de- vient un fluide transparent et incolore. Le suc de la Ghélidoine est jaune; il se décompose de même qne les précédens. Le snc de l’Artichaut est rouge- orangé ; il paraît être de la nature des huiles grasses. Le suc de la Pervenche est vert ; il n’a pas encore été exa- miné par les Chimistes. Les sucs des Conifères ne sont que des huiles volatiles en partie résinifiées. MM. Four- croy et Vauquelin ont analysé le suc laiteux du Castil - loya elastica , et ils y ont trouvé du caoutchouc , une matière azotisée, une matière acide, une matière amère analogue à l’aloës, de lacétate acide de potasse , du mu- riate de potasse. Les sucs propres du Schinus molle et de quelques Rhus se montrent non - seulement dans l écorce et la moelle, mais encore dans les vaisseaux naissans du liber et de l’aubier. Ceux des Conifères paraissent même dans les vaisseaux du bois , mais ils y sont moins résinifiés que dans les lacunes de l’écorce. Les parties vertes, telles que les feuilles et les jeunes branches , sont les principaux laboratoires où se com- posent les sucs propres. La lumière aide puissamment à ce travail; et cela doit être, puisque les élémens néces- saires à la formation des sucs propres sont lhydrogène, le carbone et l’oxigène, lesquels ne peuvent provenir que de la décomposition du gaz acide carbonique et de l’eau. La chaleur paraît aussi contribuer à la formation des sucs propres. Le Fraxinus or nus donne de la manne dans le midi de l’Europe , et n’en produit pas dans le nord. Le suc propre du Periploca grceca, et sans doute de beaucoup d autres végétaux , n’existe que dans les jeunes pousses. Les tiges et les branches anciennes n’en offrent plus de traces. Lorsque les sucs propres qui ne sont pas susceptibles i3. jg6 INTRODUCTION ET MARCHE DES SUCS, de se vaporiser par la chaleur, et par conséquent de s’é- chapper par la transpiration insensible, deviennent trop abondans , le tissu se rompt , et le trop-plein se répand au dehors, sans qu’il en résulte rien de fâcheux pour la végétation. Quelquefois aussi des glandes excrétoires facilitent lecoulement des sucs propres. Cambium. Le Cambium est un mucilage incolore, sans odeur, et d’une saveur douce semblable à celle de la gomme. Il ne coule point dans des vaisseaux particuliers , il trans- sude à travers les membranes. Il se montre par-tout où doivent s’opérer de nouveaux développera ens • et de même que Ion a dit que le sang était de la chair fluide, on pourrait dire aussi que le cambium est un tissu vé- gétal fluide , car tout porte à croire que ce mucilage con- tient déjà les linéamens d’une nouvelle organisation. La gomme n’est peut-être que du cambium extravasé. La maladie des Pruniers, des Cerisiers, des Abrico- tiers, connue des Jardiniers sous le nom de gomme , semble due à une surabondance de cambium. On re- médie quelquefois au mal en fendant l’écorce du tronc de haut en bas. Le bois grossit alors d’une manière très- sensible, et la gomme ne se montre plus. DE l’introduction ET DE LA MARCHE DES SUCS NOURRICIERS ET AUTRES. Succion. La succion est cette propriété qu’ont les racines, les feuilles et les autres parties du végétal , de pomper les fluides et les gaz dont elles sont environnées. Les racines jouissent de cette propriété à un degré plus i Succion. 197 éminent qu’aucune autre partie ; aussi les regarde-t-on comme le principal organe de la succion. Haies pratiqua une fosse au pied d’un Poirier ; il mit à découvert une racine dont il retrancha la pointe, et il ajusta à cette racine, l’une des extrémités d’un tube qu’il remplit d’eau, il plongea l’autre extrémité dans un bain de mercure , et vit le métal s’élever de huit pouces dans le tube , en six minutes. Une branche renversée aspira quatre livres d’eau en quatre jours; une autre branche éleva le mercure à douze pouces en trois heures. Dans l'état naturel, la succion s'opère surtout par le chevelu et par les feuilles. L’anatomie fait voir une communication intime entre les diverses parties du végétal ; les expériences physio- logiques montrent les résultats de cette communication. Chaque partie est en état de succion à l’égard des autres, et les fluides, sollicités par cette force aspirante , se ré- pandent de tous côtés. Des entailles profondes , faites au tronc d'un arbre dans différens sens, de manière que la communication directe soit interrompue , n’empê- chent pas les fluides de se porter dans tous les organes , parce que les vaisseaux ont de nombreuses anasto- moses, ou, pour mieux dire, composent en réseau, et que leurs parois sont criblées de pores (1). Que l’on prenne une branche chargée de feuilles , qu’on applique à la surface de l’eau quelques-unes de ces feuilles, et que les autres soient à sec, l’abondante transpiration de ces dernières, et la durée de leur fraî- cheur, prouvent que leau absorbée par les premières s’est partagée entre toutes (2). (1) Voyez mon Exposition de la Théorie de l’organisation ■végétale. (1) Expériences de Bonnet, de Sénebier, etc. 198 INTRODUCTION RT MARCHE DES SUCS. Haies a essayé de mesurer la force avec laquelle une Vigne aspire 1 humidité de la terre. Le 6 avril, à six heures dn matin, il coupa un cep de Vigne à 33 pouces de terre. Le chicot était sans rameaux et avait y à 8 lignes de diamètre. A cette section transversale, il ajusta un tube recourbé qu’il remplit de mercure , jusqu’à ce qu’il se fût élevé jusqu’à un point e. [PL 1 5. ] tout près de la courbure. Les pleurs de la Vigne, sortant successi- vement dans ce jour et les suivans, eurent assez de force pour pousser le mercure et le soutenir à 32 pouces et demi au-dessus de son niveau. Or, on sait que le poids d’une colonne d’air, de la hauteur de l’atmosphère, est égal à celui d’une colonne de mercure d'un pareil dia- mètre, et d’environ 28 pouces de haut, ou d’une co- lonne d’eau d’environ 33 pieds. Ainsi la pression de la sève était plus considérable que la pression de l’at- mosphère. Dans une expérience analogue, Haies vit monter le mercure à 38 pouces , ce qui revient à une colonne d’eau de 43 pieds 3 pouces et demi , et il observa que cette force est environ cinq fois plus grande que celle qui pousse le sang dans la grande artère crurale du Cheval , sept fois plus grande que la force du sang dans la même artère du Chien , et huit fois plus grande que la force du sang dans la même artère du Daim. Quelques physiciens, étonnés de ces résultats , en ont contesté l’exactitude. Ils ont allégué que l’épiderme et les enveloppes des boutons ne pourraient résister à une telle force ; mais tous les raisonnemens échouent contre les faits ; M. Chevreul et moi nous avons répété l’expé- rience de Haies au mois d’avril 181 1 , et nous avons vu la sève d une vigne élever et soutenir pendant plusieurs jours le mercure à plus de 29 pouces , résultat qui , tout inférieur qu’il est à celui qu’obtint l’illustre physicien Déperdition . 1 99 anglais, ne nous permet pas île douter de la vérité de ce qu'il avance (i). Déperdition. La propriété que les plantes ont de laisser échapper, ou même de rejeter une partie des fluides et des gaz qu’elles contiennent, est ce qu’on nomme déperdition. Il est évident que s’il n’y avait pas de succion , il n’y aurait pas de déperdition , et que si la déperdition ve- nait à s’arrêter, la succion s’arrêterait aussi. Toutefois, ces deux propriétés ne sont pas tellement dépendantes l’une de l’autre , qu’elles doivent se manifester aux mêmes instans , et que les quantités de matières pom- pées et rejetées soient dans des rapports constans et rigoureux. Il y a trois sortes de déperditions , savoir : i° la dé- perdition liquide, ou les déjections; 2° la déperdition gazeuze , ou l’exspiration ; 3° la déperdition vaporeuse , ou la transpiration. Les trois produits réunis des déjections , de l’exspira- tion et de la transpiration , sont égaux à la quantité de substance absorbée , moins celle qui est employée à la nutrition. Selon Senebier, la quantité d’eau absorbée est à la quantité d’eau rejetée, comme 3:2; mais cette propor- tion n’est sans doute pas applicable à tous les végétaux. Les déjections sont des sucs plus ou moins épais ou fluides , rejetés à l’extérieur par la force de la végéta- tion. Ces sucs sont de la nature des résines, des huiles, de la manne, du sucre, de la cire, etc. Dans le Ptelea trifoliata , de petits grains de résine s’échappent en crevant l’épiderme; dans le Rosier, le (i) Voyez PI. i5, fig. 2 , la représentation de notre expérience. 200 INTRODUCTION ET MARCHE DES SUCS. Martynia , le Drosera , etc. , des sucs visqueux s’écou- lent par l’extrémité des poils; dans les Mimosa jutibris- sin , glandulosa , etc., des glandes à godet, placées sur les pétioles , distillent des liqueurs diverses ; dans le Mélèze, le Tilleul, le Saule, lÉrable, le Figuier, l’Oli- vier, etc. , des matières visqueuses et sucrées suintent par les pores invisibles des feuilles, et ces matières pa- raissent peu différentes de la manne qui couvre les feuilles du Frêne; dans une multitude de fleurs, des glandes ou des pores excrétoires rejettent des humeurs dont les propriétés varient autant que les espèces. Une liqueur sucrée se dépose au fond du tube de la corolle du Jas- min. Une liqueur beaucoup plus abondante et d’une saveur aussi agréable, remplit la corolle du Gesneria to- mentosa. Le Melianthus ne porte ce nom que parce qu’une des divisions de son calice sert de réservoir à un suc mielleux. Ce suc est d’une couleur brune très-fon- cée. Aiton a trouvé du sucre cristallisé dans l’appendice concave de la brillante fleur du Strelitzia reginœ. Les six divisions du périanthe de l’Impériale ont chacune, à leur base, une petite cavité qui fait fonction de glande excrétoire; mais la liqueur quelle distille a l’odeur de l’ail, et sa saveur, d’ailleurs assez douce, a quelque chose de nauséabonde (i). On peut encore citer comme exemples de déjections végétales , la cire répandue sur les plantes , tantôt en poussière fine, tantôt en couche épaisse , et les sucs que certaines racines versent dans la terre. (i) J’ai recueilli une certaine quantité de la liqueur de l’Impé- riale; M. Vauquelina bien voulu en faire l’analyse. Elle est compo- sée, i° De matière sucrée, qui en fait la plus grande partie après l’eau ; a° De malate de chaux avec excès d’acide ; 3° D’une matière mucilagineuse ; 4° D’un principe fermentatif ( matière végéto-auL male); 5° De beaucoup d’eau. 201 . t Déperdition. L’exspiration se compose de gaz acide carbonique el d’oxigène. Il serait superflu de rappeler ici 1 origine de ces substances aériformes , et les causes qui déterminent leur dégagement. Des trois moyens de déperdition , le plus efficace sans doute, c’est la transpiration. Elle est formée d’eau réduite en vapeur, et dune petite quantité de principes immédiats , solubles dans l eau , ou susceptibles de se vaporiser par la chaleur. Il n’est personne qui n’ait remarqué le matin , dans la belle saison , des sucs limpides sur les feuilles de beau- coup de plantes. Les feuilles des Graminées sont termi- nées par une gouttelette. Cinq gouttelettes paraissent à l’extrémité des cinq nervures des feuilles de la Capucine. Une quantité d’eau assez notable s’amasse à la surface des feuilles du Chou, du Pavot, etc. Musschenbroeck prouva le premier que ces liqueurs ne proviennent pas de la ro- sée, ainsi quon l’avait cru jusqu’à lui, mais de la trans- piration condensée par la fraîcheur de la nuit. Ce phy- sicien divisa en deux parties égales, une plaque ronde de plomb 5 il fit une échancrure circulaire à chaque par- tie, de telle façon qu’en les rapprochant l’une de l’autre, elles présentaient une surface circulaire percée à son milieu. Il appliqua cette plaque sur la terre, fit passer la tige d’un Pavot par le centre , ôta tout accès aux éma- nations terrestres , par le moyen d’un vernis , et recouvrit la plante d’une cloche de verre qu’il fixa sur la plaque. Le lendemain les gouttes parurent comme à l’ordinaire. Haies, après Musschenbroeck, voulut connaître les rapports de quantité entre la succion et la transpiration. Il mit dans un vase de terre vernissé, un Helianthns an- nuus , plante vulgairement nommée Grand-Soleil; il ferma l’orifice du vase avec une plaque de plomb qui laissait passer la tige par un trou pratiqué à son milieu; il fixa 202 INTRODUCTION ET MARCHE DES SUCS, sur la plaque un tube de communication pour arroser la plante; il la pesa pendant quinze jours , entre le 3 juillet et le 8 août. Il se trouva que la transpiration, dans un jour fort sec et fort chaud, était d’une livre quatorze onces ; que la transpiration moyenne était d’une livre quatre onces pour douze heures de jour, ce qui repré- sente un volume d’eau égal à 34 pouces cubes ; que la transpiration , dans une nuit chaude et sèche , était à - peu - près de trois onces ; qu elle était nulle quand il y avait de la rosée ; qu’en fin il y avait absorption de deux ou trois onces quand il tombait un peu de pluie. Haies évalua, par des moyens approximatifs, la sur- face des feuilles de son Soleil, à 56i6 pouces quar- rés , ou 39 pieds quarrés , la surface des racines à 2286 pouces quarrés, ou i5 pieds quarrés, et la surface de l’aire de la coupe horizontale de la tige, «à 1 pouce quarré. Ces trois surfaces sont donc comme les nombres 56i6, 2286, 1 ; d’où il suit que, s’il passe 34 pouces cubes d’eau en vingt -quatre heures par l’aire de la tige , qui a 1 pouce quarré , il en entrera dans le même temps un soixante - septième de pouce cube pour chaque pouce quarré superficiel des racines , et il en sortira un cent -soixante -cinquième de pouce cube par chaque pouce quarré superficiel des feuilles ; en sorte que le passage de l’eau par 1 pouce superficiel des feuilles , des racines et de la tige , sera , dans un temps donné , comme les nombres 7^, £■, 34- Cependant ce calcul ne peut être considéré comme rigoureux, parce qu’il y a une partie de l’eau qui sert à la composition des produits immédiats et à la nutrition du végétal , qu on ne saurait évaluer avec exactitude , et dont Haies ne fait aucune mention. Le poids du Soleil, mis en expérience, était d’envi- ron trois livres. Haies, d’après tous les faits et la con- Déperdition. 2o3 naissance acquise de la surface, du poids et de la trans- piration d’un homme bien taillé et en bonne santé , tira cette conclusion , qu’à surface égale et en temps égaux , la transpiration de l’homme est à celle de VHe- lianthus annuus , comme 5o est à i5 , et qu’à masse égale et en temps égaux , la plante tire et transpire dix- sept fois plus que l'homme. Deux expériences comparatives , semblables à celles que je viens de rapporter, ont été faites au Jardin des Plantes, au mois d’août 1811, par MM. Desfontaines, Chevreul et moi, pour estimer la succion et la transpi- ration de l’ Helianthus annuus , et nous avons eu de nou- veau l’occasion de remarquer la sagacité et l’exactitude de Haies (i). De même que toutes les parties jeunes sont suscep- tibles de succion , de même aussi elles sont susceptibles de transpiration , et ces deux fonctions s’exécutent, à ce qu’il semble, par les mêmes organes, mais dans des circonstances différentes. L’équilibre d’humidité tend toujours à s’établir entre les parties d’un végétal et le milieu dans lequel elles sont plongées. Ainsi, dans les expériences du Jardin des Plantes, nous avons remarqué que la succion et la transpiration était en rapports assez exacts avec letat hygrométrique de l’atmosphère. La terre étant ordinairement plus humide que l’air , il arrive ordinairement que la succion s’opère par les racines , et la transpiration par les feuilles ; mais quand, après de vives chaleurs qui ont desséché le sol et réduit en vapeur invisible une énorme quantité d’eau , l’atmos- phère vient tout-à-coup à se rafraîchir, et dépose par conséquent une grande partie de l’humidité dont elle (t) Voyez PI. 1 5 , fig. x, la représentation de notre expérience. S04 INTRODUCTION ET MARCHE DES SUCS, était chargée, les feuilles absorbent, et il se peut même que les racines transpirent. Néanmoins, la quantité d’eau rejetée par les racines doit être, dans tous les cas, bien moins considérable qne la quantité d’eau rejetée par les feuilles, i° parce que les parties transpirantes des ra- cines ont une surface beaucoup moins considérable que celle des feuilles , et que la transpiration augmente en raison de l’étendue des surfaces ; et 20 parce que l'hu- midité que les racines communiquent à la terre , ne se dissipe qu’avec lenteur, tandis que celle des feuilles est promptement entraînée par l’air ambiant. Marche des fluides dans le végétal. Si l’on met la partie inférieure d’une branche char- gée de feuilles dans une liqueur colorée, la liqueur montera dans la branche et laissera des marques non équivoques de son passage sur les trachées , les fausses- trachées, les vaisseaux en chapelets, etc. 5 le tissu en- vironnant sera coloré, et Ion pourra quelquefois suivre la liqueur jusque dans les feuilles. Si l’on renverse cette branche et qu’on la fasse tremper dans la liqueur par son sommet, dont on aura retranché l’extrémité, la liqueur s’élèvera par les mêmes canaux qui auront servi à la première ascension. Si l’on perce jusqu’à la moelle le tronc d’un Peuplier ou d’un Orme au temps de la végétation, on verra la sève s’échapper des gros vais- seaux du bois, et particulièrement de ceux qui sont au voisinage du centre. Si Ion entaille un arbre de sorte qu’il ne reste dans une partie du tronc qu’un petit cylindre ligneux qui établisse la communication entre la base et le sommet, la sève continuera de s’é- lever , et la végétation ne sera pas interrompue ; mais si l’on ôte tout le bois, et qu’on laisse seulement sub- Mouvement de la sève. 20 S sister l’écorce, la sève s’arrêtera, et l’arbre cessera de végéter (1). De ces faits et de beaucoup d’autres, on a tiré cette conséquence, que la sève est charriée des racines jus- que dans les feuilles, ou des feuilles vers les racines, par les gros vaisseaux du bois, et notamment par ceux qui sont à la proximité de la moëlle, et qu elle se répand du centre à la circonférence par les pores et les fentes du tissu. Si maintenant vous considérez la quantité énorme d’humidité que les plantes absorbent dans le cours de leur vie , et que vous fassiez réflexion que l’eau com- mune , loin d être en parfait état de pureté , contient toujours diverses substances minérales en dissolution , vous ne serez pas surpris que les matières végétales don- nent par l’analyse, des terres, des alcalis, des sels, etc. Au moment où la végétation recommence, dès avant que les feuilles soient développées , et que , par leur moyen , une abondante transpiration se soit établie , la sève monte dans les végétaux ligneux ; et, comme elle n’a pas d’issue, elle remplit non -seulement les vaisseaux du bois et de l’aubier, mais souvent encore tout le tissu cellulaire : c’est ce qu’on remarque au printemps, dans le Bouleau , dans la Vigne, et autres végétaux très-riches en sève. Quand les feuilles sont développées, la sève ne monte guères que par le centre, parce que les racines, le tronc, les branches, les rameaux, ont une communication cen- trale , et que les gros vaisseaux des feuilles aboutissent au cœur des rameaux. Quelques Physiciens ont cru que la sève circulait (5) Voyez les Expériences de MM. Reichel, Bonnet, Cotta, Cou- Ion , Link , et mon Exposition de la. Théorie de l’organisation végétale . ao6 introduction et marche des sucs. comme le sang , et par conséquent , ils ont admis des veines et des artères dans le système organique des vé- gétaux ; mais l’observation ne confirme point cette théo- rie. Le tissu végétal n’offre rien de semblable aux veines et aux artères ; et loi’sque l’on considère que le tronc d’un arbre dont on a retranché la cime , continue de végéter, on est forcé de reconnaître que la sève ne cir- cule pas à la manière du sang. D’autres ont imaginé que les racines envoyaient de la sève aux feuilles pendant le joui', et que les feuilles envoyaient de la sève aux racines pendant la nuit. Mais voici à quoi se réduit le phénomène : lorsqu’après une journée chaude et desséchante, survient une nuit fraîche avec du brouillard , de la pluie ou de la rosée , 1 air contenu dans la plante se condense, et les feuilles, au lieu de transpirer , absorbent de l’air et de l’eau pour remplir le vide qui se forme. Si , dans de telles circon- stances, on fait une entaille au tronc, la sève, qui sans doute fut devenue stationnaire du moment que les vais- seaux eussent été remplis, prendra son cours parla lèvre supérieure de la plaie (i) , et les feuilles alors tireront beaucoup plus d’eau que si les choses fussent restées dans l’état naturel. La sève s’élabore dans les parties jeunes, et elle pro- duit les sucs propres et le cambium. Les sucs propres, ainsi que je vous l’ai dit, remplis- sent quelquefois les vaisseaux du bois et de l écorce , et alors ils sont soumis aux mêmes mouvemens que la sève avec laquelle ils se confondent. D’autres fois, ils se dis- tinguent fort bien de la sève par la place qu’ils occupent; ils sont cantonnés dans des lacunes de l’écorce et de la (ijl Expériences de Bai, de Wülougby, de Tonge. Mouvement de la sève. 207 moelle; là, il ne paraît pas quils aient de mouvemens as- cendans ou descendans. Le cambium est le commencement d’une nouvelle organisation. La sève élaborée dans les vaisseaux imper- ceptibles de la membrane végétale, la nourrit et la dé- veloppe. A sa naissance , le tissu membraneux , tout pénétré du fluide qui l’alimente , semble n’être qu’un simple mucilage, et c’est en cet état qu il est nommé cambium. On juge bien que cette substance ne peut se déposer dans des vaisseaux particuliers , et qu’elle n’a point de mouvement ; mais la sève élaborée qui déve- loppe le tissu , vient du centre et du sommet du vé- gétal. Sur le corps ligneux du tronc d’un Cerisier , à l’extrémité des rayons médullaires , Duhamel a vu le cambium se former en gouttes mucilagineuses , et régé- nérer l’écorce; et quand on fait une forte ligature sur le tronc d’un arbre dicotylédon , ou qu’on lui enlève un anneau d’écorce , le suc qui se porte des branches vers les racines , développe incessamment un bourrelet au- dessus du lien, ou au bord supérieur de la plaie. Si , dans le cours de l’année , les bords de la plaie restant séparés , ne rétablissent point la communication directe des racines par le tissu de l’écorce , la base du tronc se dessèche, les racines cessent de croître, la suc- cion diminue de jour en jour, et l’arbre meurt après deux ou trois ans d’une vie languissante; car les fluides qui se portent du centre à la circonférence, ne sont pas assez abondans pour nourrir la partie du liber, située plus bas que la plaie , et pour déterminer la formation de nouvelles racines. Ce que je viens de dire de la marche des fluides s’ap- plique plus particulièrement aux Dicotylédons qu’aux Monocotylédons ; mais j’ai peu de mots à ajouter pour que cette théorie convienne également aux deux classes. ao8 introduction et marche des sucs. Chaque filet des Monocotylédons est, sous quelques rap- ports , comme le corps ligneux tout entier des Dicotylé- dons. La sève monte parles gros vaisseaux ; les sucs pro- pres se déposent dans le tissu cellulaire environnant , et le cambium qui se montre à la superficie des filets, donne naissance à un nouveau tissu ligneux et parenchymateux. Quant aux Champignons, aux Lichens, aux Hypoxy- lées et autres plantes acotylédones, qui n’ont ni trachées , ni fausses -trachées, ni vaisseaux poreux, il paraît que les fluides se répandent dans leur tissu , de proche en proche , sans suivre de routes fixes et régulières. Causes de la succion, de la transpiration et de la marche des fluides. Beaucoup de physiciens des deux derniers siècles croyaient que la succion des végétaux était une simple imbibition , et que leur transpiration résultait unique- ment de la vaporisation des fluides par la chaleur. La succion des racines et des feuilles, et la marche ascen- dante de la sève étaient, suivant eux , le résultat de l’at- traction capillaire des tubes ; mais cette hypothèse , et plusieurs autres , tirées des lois générales de la Physique, ne répondaient pas à cette grande objection , que , dans les végétaux morts , on n’observe n’y succion , ni trans- piration , ni mouvemens réguliers des fluides , bien que les formes organiques n’y diffèrent point sensiblement de celles des végétaux en pleine végétation. Il a donc fallu avoir recours à la force vitale , qui est pour le Na- turaliste , ce qu’est l'attraction pour le Physicien : un effet général auquel on rapporte comme a une cause pre- mière, tous les phénomènes particuliers qui concourent a le produire. Nous dirons donc que la succion, la transpiration et Causes de ces phénomènes. 209 la marche des fluides dépendent de la force vitale ; mais parce que nous voyons que cette force n’agit pas tou- jours avec une égale intensité , et que même ses effets sont modifiés par des causes extérieures , il nous reste à con- naître ces causes, et l influence que chacune d elles exerce sur les phénomènes de la végétation. Le calorique est celle dont faction est le moins équivoque. Indépendam- ment de ce qu’il détermine 1 évaporation , il agit encore comme stimulant de l’irritabilité, puisqu’il faut diffé- rens degrés de chaleur pour faire entrer en sève les dif- férentes espèces , et que chacune est douée d’une force particulière , au moyen de laquelle elle supporte, sans risque de la vie , un abaissement de température plus ou moins considérable. L’action de la lumière occasionne la décomposition du gaz acide carbonique et le dégagement de l’oxigène : c’est un fait que prouve l’expérience , quoique les théories chimiques n’en puissent rendre raison. Le fluide électrique a sans doute quelque influence sur la vie végétale ; mais , jusqu’à ce jour, on ne sait rien de positif à ce sujet. La croissance extraordinaire des plantes, quand le ciel est orageux, dépend peut-être beaucoup plus de la lumière diffuse du jour, et de la cha- leur humide de l’atmosphère, que de l’action du fluide électrique. La raréfaction et la condensation de l’air contenu dans les vaisseaux , contribuent aux mouvemens des fluides. La plante, au moyen de l’air, agit comme une pompe foulante et aspirante; mais cet effet a pour cause les va- riations de l’atmosphère, et l’air n’est ici qu’un véhicule que la température met en jeu. Quant à l’attraction capillaire , elle tend sans cesse à introduire et à retenir dans le tissu végétal, une quantité considérable d humidité, et , par cette raison , il n'y a, *4 :2ÏO INTRODUCTION ET MARCHE DES SUCS. pas de doute quelle n’aide à la nutrition ; mais le tissu végétal , privé de vie, ne cesse pas d’être hygrométrique, parce que cette propriété résulte de formes que la mort ne détruit point; ainsi on ne saurait expliquer certains mouvemens de la sève , qui ne se manifestent que dans le végétal vivant, par les seules lois de l’attraction ca- Concluez de tous ces faits , que la force vitale joue un rôle dans les mouvemens de la sève, aussi bien que dans les autres phénomènes de la végétation. Le premier effet de la vie végétale, je veux dire la succion, n’est sensible que dans les parties jeunes, telles que le liber, les feuilles et l’extrémité des racines. Le liber est lorgane essentiel de la succion. Une branche peut pomper les fluides sans feuilles, sans boutons, sans racine, mais non pas sans liber; et encore dois-je rap- peler que les boutons , les feuilles et l’extrémité des ra- cines , qui , dans un arbre en pleine végétation , aident si puissamment à la succion , ne sont que des dévelop- pemens du liber ou de X herbe annuelle , ce qui est la même chose. Tant que les vaisseaux ne sont pas remplis de sève, la succion peut s’opérer indépendamment de la transpira- tion. Les arbres entrent en sève avant l’épanouissement des boutons , et les individus dont on supprime les feuilles et les branches à l’époque de la végétation , continuent durant quelque temps, de pomper les fluides par leurs racines. Dans les climats tempérés, au retour du printemps, lorsque l’élévation de la température excite l’irritabilité végétale, les jeunes racines des végétaux ligneux entrent en succion , et la sève s’élève et s’amasse dans leurs tiges et leurs branches. A cette époque, les feuilles sont en- ‘core enfermées dans les boutons , la transpi ration est 2 1 I Causes de ces phénomènes. à-peu-près nulle, et la moindre blessure faite aux végé- taux, occasionne une perte considérable de sève. La ponc- tion de l’Érable à sucre se fait dans l’Amérique septen- trionale , au mois d’avril , temps où la terre est toute couverte de neige. C’est aussi dans ce mois que la Vigne et les Bouleaux d’Europe se remplissent de sève (i). Mais les boutons abreuvés de fluide, ne tardent pas à se développer, et dès-lors les choses prennent une autre face. La sève, auparavant presque stagnante, s’élance dans les vaisseaux avec une force prodigieuse , pénètre les jeunes rameaux , se distribue dans les feuilles , et pro- duit à-la-fois, la matière de la transpiration, les sucs pro- pres et le cambium. Aussi long -temps que les feuilles transpirent abon- damment , la sève est entraînée vers les extrémités , et les rameaux s alongent , mais le végétal ne gagne pas en diamètre. Sitôt que la transpiration se ralentit, la crois- sance des rameaux s’arrête , les sucs nourriciers se por- tent vers la circonférence , et le végétal grossit. Vers la fin de l'été , les feuilles endurcies transpirent si peu , que la sève s’amasse dans les vaisseaux comme au printemps. Cette surabondance de nourriture , à une époque où la chaleur sollicite la transpiration et anime toutes les forces vitales, fait bientôt épanouir les bou- tons terminaux ; de jeunes feuilles paraissent, le mou- vement de la sève se rétablit, et le végétal s’alonge. Le renouvellement de la végétation continue jusqu’à ce que (i) On reconnaît clairement, à cette époque, l’effet d’une force interne propre au végétal vivant; car une fois que le mouvement séveux a commencé, un abaissement marqué dans la température, non seulement n’arrête pas, mais même ne ralentit pas la succion du liber. Nous l’avons souvent observe, M. Chevreul et moi, dans le cours de nos expériences. l4- 212 INTRODUCTION TT MARCHE DES SUCS. les froids de l’arrière-saison y mettent un terme; mais alors même la transpiration et la nutrition ne sont pas to- talement interrompues. En cet état, l’arbre est comparable à ces animaux donneurs, qui passent l’hiver dans un en- gourdissement léthargique. Un fi'oid accidentel , ou la suppression des canaux né- cessaires à la transpiration , prolonge le repos des plantes au-delà du temps ordinaire'. M. Thouin rapporte, qu’ayant envoyé des arbres en Russie, au comte Dimidoff, celui-ci les fit. déposer dans une glacière, jusqu’au moment favo- rable à la plantation; que quelques-uns de ces arbres, oubliés dans la glacièi'e, passèrent l’été sans donner signe de vie, et que l’année suivante, ils furent mis en terre et poussèrent très -bien. Quelquefois des arbres trans- plantés ne se développent pas la première année : on les croit morts; mais l;i seconde année ils percent avec une vigueur toute nouvelle. On a vu des pieux enfoncés dans le sol , s’enraciner et produire des branches au bout de quinze à dix-huit mois.' La chaleur et l’humidité excessives des pays situés entre les tropiques , apportent quelques modifications dans la marche des phénomènes de la végétation , mais quoi- qu’il en soit, on y reconnaît toujours linfluence des causes que j’ai indiquées précédemment. VV*. SIXIÈME SECTION. DES ORGANES REGENERATEURS ET DE LEURS FONCTIONS. CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES SUR LA FLEUR ET LA FÉCONDATION. Les corps organiques et inorganiques sont formés des mêmes élémens, mais ils diffèrent par leurs propriétés. Ces derniers obéissent sans réserve, aux lois générales et particulières de la Physique ; les autres ne dépendent de ces lois que jusqu’à certain point, et ils jouissent d’une force transmise , au moyen de laquelle ils présen- tent des phénomènes dont le principe échappe égale- ment à l’observation , à l’expérience et au calcul. Cette force paraît être le résultat de l’arrangement particulier des molécules, c’est-à-dire, de l’organisation. Les simples lois de la Physique, selon toute apparence, n’ont jamais produit et ne produiront jamais de corps organisés. Comme, après un temps plus ou moins long, l’arrange- ment des molécules organiques éprouve, par une suite nécessaire de l’action vitale , des altérations qui entraî- nent la destruction des corps organisés , le globe terrestre neût présenté, bientôt après sa formation, qu’une vaste solitude , si les créatures qui l’habitent n’avaient été douées de la puissance génératrice. C’est parce quelles engendrent des êtres semblables à elles, que je dis que tout être organisé existe en vertu d’une force transmise. L’irritabilité n’est que la manifestation de cette force ; 2 I 4 FLEUR ET FÉCONDATION, la nutrition et la reproduction en sont des effets maté- riels. Je vous ai déjà entretenus de la nutrition et de la conservation de l’individu, je dois maintenant vous par- ler de la propagation de l’espèce ou de la génération. Ce serait une erreur de croire avec plusieurs bota- nistes , que Jes boutures n’étant que la continuation de 1 individu dont elles ont fait partie , ne constituent point de nouveaux individus; car il est évident que les bou- tures, séparées comme elles lé sont de la plante-mère, multiplient le type de l’espèce. Il en est de même des tubercules, des bulbes, etc., dont j’ai parlé à l’article des boutons, et, à plus forte raison, des graines que produisent les Phénogames. Or, la multiplication du type de l’espèce, de quelque façon qu elle s opère, est à parler rigoureusement, le phénomène de la génération. Dans le premier âge, les végétaux et les animaux sont inhabiles à la génération qui doit s’opérer par le concours des sexes ; mais il y a cette différence, que les animaux , à l’exception des insectes qui subissent des métamor- phoses , apportent en naissant les organes sexuels , et que les végétaux , sans aucune exception , ne prennent ces organes qu’au moment de travailler à la génération. Sou- vent les herbes ne fleurissent que plusieurs mois après leur germination , et il est bien rare qu’un arbre pro- venu de semence , porte fleur dès sa première année. Beaucoup , dans leur jeunesse , donnent naissance à des fleurs infécondes. Le Dattier ne produit pas de bons fruits avant quinze ou vingt ans. D’autres Palmiers fleu- rissent et fructifient une ou deux fois quand ils appro- chent de la vieillesse, et périssent ensuite. La réunion des sexes ou l’hermaphrodisme, est très- commun chez les plantes, et très-rare chez les animaux. Ces derniers sont doués du sentiment, et de la faculté locomotive ; le besoin et l’attrait du plaisir les rappra- Considérations préliminaires. 2 1 5 client. De-là naît cet état de société si utile à la conser- vation de leur progéniture. Les plantes sont insensibles et fixées au sol ; chez elles la proximité des organes sexuels favorise la fécondation , et le nombre considé- rable des germes fait que les races se conservent. La facile multiplication des végétaux par bouture, et l’extrême simplicité de leur structure interne , autorisent, à considérer chaque individu comme la réunion d’une innombrable quantité d’êtres, vivant en commun. C’est d’après cette idée que l’on nomme monoïques, et non pas hermaphrodites, les espèces qui portent des fleurs mâles et des fleurs femelles distinctes , sur un même pied. Les espèces dioïques sont celles qui se composent de pieds mâles et de pieds femelles sans aucun mélange. Les trioï- ques sont celles qui comprennent des pieds hermaphro- dites , des pieds mâles et des pieds femelles. Ces trois combinaisons n’ont lieu souvent que par suite d’avor- tement. Les animaux et les plantes éprouvent des modifications organiques au temps de la fécondation. La plupart des Quadrupèdes , se sentant plus de vigueur , deviennent plus fiers, plus indomptables et plus entreprenans. 11 en est dont la tête se charge d’armes menaçantes , et beau- coup changent de pelage. La voix des Oiseaux est alors plus éclatante et souvent même plus mélodieuse. Leur plumage s’enrichit de couleurs vives et brillantes. Les Insectes prennent de nouvelles formes , de nouveaux organes , un nouvel instinct. La chair des Poissons ac- quiert une saveur plus agréable , singulier effet de l’ef- fervescence qu’éprouvent ces animaux ! Enfin les plantes développent leurs fleurs , ces productions délicates et passagères , composées des organes de la génération et de tégumens souvent très-remarquables par leurs formes , leurs couleurs et leurs odeurs. 2l6 fleur et fécondation. An temps de la fécondation , le spadix de Y Arum ita - licuin s’échauffe, noircit et répand du gaz acide carbo- nique. M. Bory-Saint-Vincent rapporte, d’après M. Hu- bert, que la chaleur de Y Arum cordifolium de l’Ile-de- France, fait monter le thermomètre de Réaumur de 21° à 49°- Ces faits offrent les seuls exemples non équivoques d’une combustion végétale qui a quelque analogie avec la combustion du sang dans l’acte de la respiration. On pourrait soupçonner que les organes sexuels des autres plantes dégagent aussi de la chaleur , mais que la pe- titesse des parties empêche que cette chaleur ne devienne sensible pour nous. Les organes sexuels, à l’exception de l’ovaire, se des- sèchent toujours, et souvent se détachent après la fécon- dation. Quant à l’ovaire, il continue de croître jusqu’à ce qu’il soit arrivé à sa parfaite maturité , et alors il se sépare ordinairement de la plante -mère. La destruction des organes sexuels qui devance toujours celle de la plante , établit une notable différence entre les végétaux et les animaux. La production d’un trop grand nombre de fleurs et de fruits est nuisible , parce que les fleurs et les fruits consom- ment beaucoup de nourriture , et ne renvoient presque rien à l’individu qui les porte. Le cultivateur intelligent supprime quelquefois une partie des boutons à fleurs, et la nourriture qui eût été employée à la propagation de l’espèce , sert à la conservation de l’individu. Des milliers de plantes meurent après une seule flo- raison. Leur vie se prolongerait indéfiniment si on les empêchait de fleurir, et qu’aucune cause extérieure n’ar- rêtât en elles la force végétative. Un Bananier est une herbe à racine vivace ; sa tige se développe , fleurit et meurt en moins d’une année dans les climats chauds ; mais, dans nos serres, elle se conserve en vigueur et Considérations préliminaires. 2 1 7 santé, aussi long- temps que la température suffit pour entretenir l’irritabilité, et ne suffit point pour occasion- ner la floraison. On prolonge aussi la vie des Papillons en retardant leur accouplement. DE LA FLEUR. La fleur est cette partie locale et transitoire du végétal , existant par la présence et la jeunesse d’un ou de plu- sieurs organes mâles , ou bien d’un ou de plusieurs or- ganes femelles, ou encore des organes mâles et femelles rapprochés et groupés , nus ou accompagnés d’enve- loppes particulières (1). Un organe mâle ou femelle peut donc , à lui seul , constituer une fleur ; mais cette fleur est incomplète. Pour qu’une fleur soit complète , elle doit offrir les (1) Définition de la fleur par Jungius : Flos est pars planta: tenerior, colore et figura , vel utroque insignis , rudimento fructus cohcerens. Par Rai : F/os est pars plantée tenuior, fiugax , colore et figura , vel utro- que insignis , fructui prœvia, eique p/urimum cohcerens, et tenello tegendo fovendoque inserviens , quee , postquam explicatur , brevi aut discedit aut rnarcescit. Par Tournefort : F/os est pars planter , forma et naturel cœteris dissi- milis , fructui nascenti plerumque adheerens , cui primuin alimentum ad tenernmas ejus partes explicandas ministrare ■videtur. Par Pontedéra : F/os est pars plantée , forma et naturâ cœteris dissimilis, embryon i semper , si tuba instructus est flos , vel adheerens , vel quam pro- xime affixa, cujus usui inservit; si vero tuba careat , nulli embryoni adhee- rens. Par Ludwig : Flos est pars plantée filamentosa et membranosa , quee a reliquis loborum clegantia, et subtiliore fabricâ in vu/gus distinguitur . Par Linné : Flos ex anthera et stigmate nascitur , sive tegumenta adsint , sive non. Par J. -J. Rousseau : La fleur est une partie locale et passagère de la plante, qui précède la fécondation du germe , et dans laquelle ou par la- quelle elle s’opère. FLEUR. 2l8 organes des deux sexes, environnés d'une double en- veloppe. La Rose, lOEillet (1), sont des fleurs complètes; c’est ce que vous reconnaîtrez facilement si vous examinez les parties qui les composent. Prenons LOEillet pour exemple: ce qui attire d’abord les regards, ce sont cinq lames délicates et colorées, ou, si Ion veut, cinq pé- tales disposés en rosace, et qui sortent d’un tube vert. Les cinq pétales constituent la corolle. Le tube vert, est le calice. Le calice et la corolle forment le périanthe double, c’est-à-dire, la double enveloppe de la fleur. Deux filets incolores, divergens et courbés, sortent du milieu de la corolle. En détachant le calice et la corolle, vous verrez que les deux filets surmontent un corps oblong, placé au centre de la fleur. Si vous exa- minez, à l’aide d’une loupe, les deux filets, vous aper- cevrez des papilles très-délicates , placées sur une ligne longitudinale, d’un seul côté des filets. Le corps oblong est l’ovaire; les filets sont les styles; les papilles indi- quent la place des stigmates. L’ovaire , les styles et les stigmates composent le pistil ou l’organe femelle. Avant que vous eussiez détaché le double périanthe, vous avez dû remarquer dix petites masses membra- neuses et colorées , placées avec symétrie autour des styles. Après la suppression du périanthe, vous voyez clairement que ces dix petites masses sont attachées au sommet de dix supports grêles ; que cinq des dix sup- ports sont fixés sous l’ovaire ; que les cinq autres sont fixés à l’extrémité inférieure des pétales. (1) Je n’ai point représenté dans mes gravures les détails de la fleur de l’OEillet ; je me suis borné à en donner la forme extérieure pl. 68 ; mais j’ai analysé celle du Silene , pl. 39 , fig. 6, et tout ce que je dis ici de l’OEillet s’applique à cette autre fleur, si ce n’est qu’elle a trois styles au lieu de deux. Observations générales. 219 Si la fleur est un peu avancée , une quantité innom- brable de corpuscules jaunâtres , semblables à une pous- sière très -fine, s’échappent des dix petites masses pai' des fentes qui s’ouvrent d’elles -mêmes. Les corpuscules sont le pollen ; les dix petites masses, ou, pour mieux dire , les dix petits sacs membraneux qui contiennent le pollen, sont les anthères; les supports des anthères sont les filets, que j’appellerai, en employant une expression plus générale, les androphores. Le pol- len, les anthères et les androphores composent les éta- mines qui sont les organes mâles. Cet examen rapide et superficiel de la fleur de lOEillet nous suffit pour juger quelle est complète , et par con- séquent hermaphrodite. La fleur du Lis est moins complète que celle de l’OEillet; elle offre, à la vérité, les deux sexes réunis : le pistil se compose d’un ovaire, d’un style et d’un stig- mate ; les étamines, au nombre de six, offrent chacune un androphore ou filet, surmonté d’une anthère remplie de pollen ; ainsi nul doute que la fleur du Lis ne soit hermaphrodite comme celle de l’OEillet ; mais le pé- rianthe de l’OEillet, composé d’un calice et d’une co- rolle, est double, tandis que celui du Lis, formé d’une seule enveloppe, est simple. La fleur du Saururus [PI. 32, fig. 8.] est plus incom- plète encore. Elle n’a pas de périanthe, car on ne sau- rait reconnaître cet organe dans la foliole à la base de laquelle elle est attachée. Un pistil à quatre stigmates roulés en dehors , six étamines à filets grêles et à an- thères dressées , sont les seules parties qui la constituent. A plus forte raison devons-nous estimer qu’une fleur est incomplète quand elle est mâle ou femelle , c’est-à- dire, quand elle ne présente qu’un des deux sexes, les étamines ou le pistil [ Casuarina , Arbre à pain , Xjlo - 220 FLEUR. phylla , Platane , Mélèze , Genévrier , Ilura crepitans , etc. PI. 3a, 33, 34.]. La partie d’où naissent médiatement ou immédiate- ment les organes sexuels et la corolle, est le réceptacle de la fleur (1). Lorsqu’une fleur n’a pas de périanthe , le point de la plante-mère sur lequel elle repose est le ré- ceptacle; lorsqu’une fleur a un périanthe simple, le fond de ce périanthe est le réceptacle; lorsqu’une fleur a un périanthe double, le fond du calice est le réceptacle. Nulle fleur n’est privée de réceptacle, puisqu’il faut bien que les organes qui la composent soient attachés en quel- que endroit. On distingue les fleurs en régulières et irrégulières. Pour qu’une fleur soit parfaitement régulière, il faut que les pièces de même nature qui composent chacun de ses systèmes organiques, soient absolument semblables entre elles , et placées sur un plan régulier , à égale dis- tance les unes des autres, et que les pièces de natures diverses qui appartiennent aux différens systèmes orga- niques de cette même fleur, affectent entre elles une ordon- nance symétrique. Mais il suffit que cet état de choses existe dans le périanthe, pour que l’on considère la fleur comme l’égulière ; et, par opposition, on nomme fleur irrégulière , celle dont les divisions ou les segmens du périanthe diffèrent entre eux par la grandeur, la forme et la position. Une seule de ces différences entraîne l’ir- régularité de la fleur, et la plus grande irrégularité pos- sible résulte du concours de toutes ces différences. Il y a des espèces qui portent habituellement des fleurs régulières [Liseron, Silene , Rosier, etc., PI. 3 9, fig. 6. — PI. 43, fig. 4-] j et d’autres, des fleurs irrégulières [ Li- (1) Recept/aculnm , basis qua partes fructifications conneetuntur. Phi). Bot. 1 Observations générales. 221 noria , Labices, etc., PI. 36.]. Les espèces à fleurs ré- gulières produisent quelquefois, par accident, des fleurs irrégulières (1), et les espèces à fleurs irrégulières, des fleurs régulières (2). Dans les deux cas , ces fleurs sont censées des monstres , c’est-à-dire, des êtres dont l’orga- nisation s’écarte du type primitif de l’espèce. La dégradation du type primitif a lieu par surabon- (1) La transformation des fleurs régulières en fleurs irrégulières, est fréquente dans les Synanthérées radiées. Par l’effet de la culture, les petites corolles du disque se prolongent latéralement en languettes semblables à celles des corolles qui forment les rayons. Voyez la Rei- ne-Marguerite , la Paquerete, l’OEillet d’Inde, etc., doubles. Il est très-rare que les fleurs régulières polypétales , se changent en fleurs irrégulières. Le Triphasia , arbre de la famille des Auran- tiacées, offre un exemple de ce genre de monstruosité. Ses fleurs ont généralement trois pétales réguliers et six étamines ; mais il s’en trouve qui n’ont que cinq étamines , et dont un pétale , plus grand que les autres , est voûté. (a) Le Teticrium campanulatiim et plusieurs autres Labiées, portent quelquefois à l’extrémité de leurs rameaux, des fleurs régulières. J’ai observé une modification semblable dans le Cleonia huitanica ; sa corolle avait la forme d’un entonnoir avec un limbe à six lobes ; ses étamines étaient au nombre de six, et alternaient avec les lobes de la corolle. Le Linaria officinalis porte d’ordinaire des corolles prolongées pos- térieurement en un long éperon ; mais sur certains individus , les corolles prennent cinq éperons au lieu d’un, et par l'effet de cette superfétation et de quelques autres changemens qui ont lieu dans le nombre, la forme et la disposition des parties, la fleur devient ré- gulière d’irrégulière qu’elle était. C’est de cette variété monstrueuse de la Linaire que Linné a fait le genre Peloria; genre qui a été rejeté par les Botanistes, dès qu’ils ont reconnu que les caractères sur lesquels il était établi , résultaient d’un accident individuel. Beaucoup de botanistes modernes désignent sous le nom de Peloria , tout individu à fleurs régulières appartenant à une espèce qui pot te habituellement des fleurs irrégulières. 111 fleur. dance, pai defaut., par difformité. Un organe peut pren« die un accroissement excessif, ou bien rester plus petit qu il n a coutume d’être ; le nombre des pièces peut aug- menter ou diminuer; les formes peuvent même éprouver des altérations manifestes. L’extrême simplicité du tissu végétal se prête à toutes ces modifications ; c’est comme une pâte molle à laquelle on donne toutes les figures possibles, sans faire éprouver le moindre changement à sa substance. 11 n en est pas de même dans les animaux, parce que la forme extérieure des parties, y est combi- née de telle sorte avec la structure interne , qu’un chan- gement marqué dans lune, produirait un dérangement total dans l'autre (i). (1) C’est ici le lieu de prémunir les élèves contre les dangers d’une doctrine née en Allemagne, et qui commence à s’introduire chez nous. ..Te suis bien trompé, ou elle ne tend à rien moins qu’à sub- stituer les subtilités d’une métaphysique frivole, aux faits évidens qui seuls doivent servir de base à nos théories. Dans la langue vulgaire, l’épithète d'irrégulier entraîne avec elle l’idée de l’imperfection. C’est qu’en effet, communément parlant, ce que nous qualifions d’irrégulier, est en contradiction avec quel- que ordre préétabli , ou blesse certaines règles de convenance des- quelles résultent à nos yeux l’ensemble et l’harmonie. Mais si ce mot peut s’entendre ainsi pour les discours , les actions, les ouvrages des hommes , il n’en est pas de même quand il s’agit des productions de la Nature. Les irrégularités constantes dans les êtres créés , n’ont rien de défectueux en elles-mêmes. Cependant , quelques naturalistes, dominés par l’habitude , prétendent aujour- d’hui qu’un être irrégulier dans sa forme, est nécessairement un être dégradé; et, partant de ce principe très-arbitraire, ils admettent que les types primitifs de tous les êtres sont essentiellement réguliers "5 hypothèse séduisante pour les esprits qui négligent d’approfondir les choses et qui se paient de mots , mais qui ne saurait satisfaire ceux qui n’appuient leurs opinions que sur des observations évidentes et une logique sévère. Je voudrais bien que les auteurs de eette hypothèse nous définis- Pistil. 2^3 L’anthère et le stigmate ne conservent pas long-temps leur fraîcheur. Dès qu’ils sont fanés, ce qu’on nommait Jleur n’existe plus : c’est pourquoi Linné a dit, dans son style concis et dogmatique, que l’anthère et le stigmate font l’essence de la fleur. Essentia Jloris in antherâ et stigmate consistit. Phil. Bot. Pistil. Le pistil est l’organe femelle , tel qu’il se montre dans la fleur à l'époque où l’anthère est chargée du pollen, sent ce qu’ils entendent par le mot régulier ; qu’ils nous apprissent s’ils lui donnent un sens absolu ou relatif, et s’ils ont calculé où s’arrêtent les conséquences de leur doctrine. Il me semble, autant que je la conçois, qu’elle n’est qu’une dépendance de ce système hardi, qui veut que tout ce qui a vie, ait eu pour type originaire une simple molécule organisée. Quoiqu’il en soit , les botanistes imbus de cette opinion , ne dou- tant pas que les irrégularités organiques ne proviennent d’un déran- gement ou d’un trouble dans l’ordre des développemens , tiennent pour certain que toute fleur irrégulière n’est que la dégradation d’un type régulier, de sa nature plus parfait. Pour défendre cette doctrine, ils imaginent des avortemens prédisposés. Mais que signifie avortemens prédisposés , si non, avortemens dont on ne voit aucune trace , avortemens qui n’existent pas , avortemens qui n’ont jamais existé, enfin absence d’avortemens ? Il est donc évident que ces botanistes, à l’aide de deux mots, dont le second donne une valeur négative au premier, disent, lors même qu’ils pensent le nier, que les irrégularités dont il s’agit, sont nécessaires et primitives; d’où l’on peut conclure que cette opinion que toute fleur est essentiellement régulière , ne repose jusqu’à ce jour que sur un paralogisme. Ce n est pas néanmoins qu’il ne faille reconnaître souvent dans les êtres organisés, une analogie très -prononcée entre les types ré- guliers et les types irréguliers; mais s’il nous arrive de dire que les seconds sont des modifications des premiers, on ne doit prendre ces paroles que pour ce qu’elles sont réellement : un langage figuré par lequel nous exprimons , d’une manière plus frappante, les rap- 224 FLEUR. Pislil. ou vient seulement de s’en débarrasser (i). On y dis- tingue trois parties, i° l’ovaire, qui contient les ovules; 20 le style, prolongement de l’ovaire s’élevant au-dessus de lui ; 3° le stigmate , qui termine le style et reçoit le pollen. Le style manque quelquefois, et, dans ce cas, le stigmate, qui ne manque jamais, est immédiatement placé sur l’ovaire [PI. 3o et suiv.]. En général , le pistil occupe le centre de la fleur, et repose , sans intermédiaire , sur le réceptacle. La base du pistil est la partie par laquelle cet organe reçoit les vaisseaux de la plante-mère. Le sommet du pistil est le stigmate. Le nombre des pistils n’est pas le même dans toutes les espèces; ordinairement il n’y en a qu’un [Crucifères, Caryophyllées , Aurantiacées , etc., PI. 3g, fig. x, 6, y, 8,9. — PI. 4 o , fig. 3 , 4 » 5. ] ; quelquefois il y en a plu- sieurs [ Renonculacées , Rosier, etc., PI. 4i , fig- 10. — PL 42, fig. 1 , 8. — PL 43 , fig. 4.]. On reconnaît qu’il y a unité de pistil dans les trois cas suivans : i° lorsqu’il n’y a qu’un style et qu’un ovaire ports de formes qui enchaînent les êtres. Nous choisissons alors pour objets de comparaison les types réguliers, de préférence aux autres ; parce que ce sont ceux dont nous conservons le plus facilement le souvenir, et qui s’accordent le mieux avec les idées mesurées et méthodiques que nous portons dans l’exécution de nos propres ouvrages. Ainsi voulons -nous faire ressortir l’analogie des corolles irrégulières des Labiées avec les corolles régulières des Borraginées, nous admettons par hypothèse , que les corolles des Labiées sont une copie défectueuse de celle des Borraginées. A l’aide de cette supposition nous donnons une sorte de réalité matérielle à des rap- ports que l’esprit seul pouvait saisir; mais au fond nous savons très- bien que les corolles des Labiées sont tout aussi parfaites que celles des Borraginées , et nous sommes loin de croire que ces dernières aient servi de modèle aux autres. (1) Pistillum, visais fructui adheerens , pro pollinis receptione. Pistillum intra antheras communicer collocatur. Phil. Bot. Podogyne. Gynophore. 22 5 [Lis, Liseron, PI. 3o, fig. i.jj 20 lorsqu’il y a un seul style et plusieurs ovaires [Apocinées. Gomphia , Labiées, PL 3o, fig. i5. — PL 36, fig. 7.]; 3° lorsqu'il y a un seul ovaire et plusieurs styles [ Nigella hispanica , PL 47 5 fig. a.]. Le pistil s’amincit quelquefois à sa base en une espèce de support ou de pédicelle, que quelques auteurs ont nommé podogyne \^Grevillea , Pavot, Robinia, Pl. 35, fig. 1. — PL 43, fig. i.J. Il ne faut pas confondre le podogyne avec le gyno- phore , qui est une partie saillante du réceptacle , sur laquelle est attaché le pistil. Le podogyne n’étant que le prolongement aminci de la base du pistil, ne s’en distingue par aucune interrup- tion de surface : les Légumineuses , le Pavot , le Grevil- lea [PL 35, fig. 1.], en offrent des exemples. De plus, quand le pistil est mûr, c’est-à-dire, quand il est trans- formé en fruit , le podogyne devient nécessairement une partie du fruit, et d’ordinaire il se détache du récep- tacle. Le gynophore est simplement articulé avec le pistil , en sorte que les deux surfaces ne sont pas continues. Le pistil arrivé à maturité , se sépare souvent du gyno- phore, qui reste fixé sur le réceptacle dont il n’est qu’un développement particulier. Dans le Framboisier, un gynophore conique porte un grand nombre de pistils. C’est ce gynophore qui, lorsqu’on détache la framboise mûre, reste sur le calice au centre duquel il est placé. Dans les Cleome penta- phylla, la Fleur de la Passion, XHelicteres, le Sterculia , le Grewia , 1 Anona , un gynophore , plus ou moins ap- parent, sert de pied non-seulement au pistil, mais encore aux étamines [Pl. 3o, fig. 20. — PL 39, fig. 5. — PL 40 . fig. a. — PL 41, fig. 3,4.]. 22Ô FLEUR. Pistil. Si l’on fend dans sa longueur le calice de l’OEillet, du Silene , du Cucubalus , du Lychnis et de quelques autres Caryophyllées , et qu’on renverse ses lambeaux , on dis- tingue le gynophore chargé du pistil , des étamines et des pétales [PI 39, fig. 6,7.]. Le gynophore est beaucoup moins visible dans le Gyp - sophila , et il disparaît totalement dans le Cerasâum, deux autres genres de la famille des Caryophyllées [ PL 3 9 , %• », 9-]- Souvent le gynophore se confond avec les glandes qui distillent les sucs mielleux des fleurs, et dont je vous entretiendrai à l’article du nectaire. Ovaire. L’ovaire , presque toujours la partie inférieure du pis- til , et en même temps la plus épaisse , est comparable , sous beaucoup de rapports, à l’ovaire des animaux (1). 11 renferme les ovules, graines naissantes, attachées par leur cordon ombilical ou funicule, à la paroi d une ca- vité intérieure , souvent divisée en plusieurs loges par des cloisons. L’ovaire abrite les graines jusqu’au temps de la maturité, et il élabore dans son tissu, les sucs nu- tritifs qui servent à leur développement [PI. 3o et suiv. ]. Presque toujours l’ovaire porte le style, et toujours il existe entre ces deux parties une liaison , soit immé- diate , soit médiate. La base du pistil est en même temps la base de l’ovaire. Le sommet de l’ovaire peut être déterminé de deux manières , i° par rapport à l’organisation , et l’on obtient (1) Germen est pericarpii seminisve rudimentum immaturum , existons prcecipue codera tempore , quo antliera pollen dirait tit. Germen, rudimentum fructus immaturi in flore. Germen ovarium , cura continent seminum rudimenta. Pliil. Bot- Ovaire. 227 le sommet organique ; 20 par rapport à la masse, et Ion obtient le sommet géométrique. L’expérience vous appren- dra que cette distinction, qui n’a jamais été énoncée po- sitivement, est d’un emploi journalier pour indiquer la forme du pistil, la position du style relativement à la masse de l’ovaire, et la situation des ovules dans les ca- vités qui les contiennent. Le sommet organique de l’ovaire n’existe qu’autant que l’ovaire porte le style , et sa place est à la base du style. Le sommet géométrique de l’ovaire existe toujours : c’est le point le plus élevé de la surface de l’ovaire que puisse atteindre un axe central, parti de sa base. Dans les pistils d’une forme régulière qui n’ont qu’un style [Liseron, Pervenche, Lis, Hyacinthe, Lilas], ou qui ont plusieurs styles nés d’un même point [ OEillet , Silene ] , le sommet organique de l’ovaire est aussi son sommet géométrique [ PI. 3o , fig. 1 , 1 5. — PI. 3g, fig. 6.]. Dans les pistils d’une forme régulière qui ont plusieurs styles éloignés les uns des autres [ Nigella liispanica ] , il y a par cette raison, plusieurs sommets organiques, et le sommet géométrique est déterminé par un plan fictif, placé horizontalement au niveau des parties les plus éle- vées de l ovaire. Comme les pistils irréguliers d’une même fleur [Aco- nit, Pied-d’Alouette ] ne sont, anatomiquement parlant, que les parties séparées et irrégulières d’un pistil régu- lier, les sommets organiques et géométriques des ovaires de cette fleur, se déterminent de la même manière que si ces ovaires étaient unis symétriquement autour d’un axe central , et formaient la partie inférieure d’un seul pistil régulier. Dans les pistils solitaires et irréguliers [Noix d’acajou , Légumineuses, PI. 48, fig. g.], les sommets organique 2^8 fleur. Pistil. et géométrique des ovaires peuvent être situés au même point ou à des points différens, selon l’espèce d’irrégu- larité dont le pistil est affecté [PL 41, fig. 9.]. Quant aux ovaires qui ne portent pas immédiatement le style [ Gomphia , Labiées ] , ou dans lesquels le style part de la base [ Arbre à pain ], il est évident qu’il n’y a point de sommet organique, mais seulement un som- met géométrique [ PI. 3o, fig. 16, 18. — PI. 32 , fig. 5. ]. Ces considérations paraissent inutiles au premier coup- d’œil, mais l’expérience prouve quelles sont nécessaires pour distinguer avec netteté la situation du style et celle des ovules. Tantôt l’ovaire est libre et dégagé jusqu’à sa base [OEillet et autres Caryophyllées , Crucifères , etc. , PI. 39 , fig.i, 6 , 7, 8 , 9.] , tantôt il adhère plus ou moins au pé- rianthe dans sa longueur [ Potiron et autres Cucurbita- cées, Myrte, Eucalyptus et autres Myrtacées, PI. 3o, fig. 9. — PI- 43, fig- 7-] C1 2)- La partie interne de l’ovaire à laquelle est attaché chaque ovule, soit immédiatement, soit par l’intermé- diaire d’un funicule , prend le nom de placenta (2). Le placenta diffère dans les différentes espèces. 11 se pré- sente sous la forme d’un renflement , d’une aréole glan- duleuse [ W achendorfia\ , ou bien d’une ligne, ou même d’un simple point. La réunion de plusieurs placentas constitue un pla- (1) Cet état d’adhérence a été nommé soudure , expression figurée que quelques botanistes n’ont pas craint d’employer au sens propre, en admettant que la greffe des organes s’était opérée dès les pre- miers instans du développement , comme si l’union du périantlie et de l’ovaire était si contraire à l’ordre naturel, qu’elle ne pût ja- mais avoir lieu que par accident. (2) Receptaçulum semi/iis proprium. Gsert. Ovaire. Style. 229 centaire (1). Quelquefois le placentaire, en forme cl axe ou de columelle (2) centrale, fixée par ses deux bouts, sert en même temps de support aux graines et d’appui aux cloisons [ Rhododendrum ] ; d’autres fois le placen- taire se montre comme une sphère [Mouron rouge], ou un cône [ Primevère ] attaché inférieurement ; d’autres fois encore , le placentaire tapisse toute la superficie in- térieure des valves [ Butomus ] ou des cloisons [Pavot], ou bien salonge à leur bord [ Pois -de-senteur, Chou], ou dans la partie mitoyenne de chaque valve [ Orchidées, Violette, Ciste]. Le nombre des ovules varie selon les espèces. Il y a des espèces dont les ovaires ne contiennent jamais plus d’un ovule [Renoncule], il y en a d’autres dont les ovaires en contiennent plusieurs milliers [Pavot, Tabac]. Comme il arrive fréquemment que l’ovaire, en passant à l’état de fruit, subit des modifications essentielles, non seulement dans sa forme extérieure, mais encore dans le nombre de ses loges et de ses graines , parce qu’il y a des cloisons qui se détruisent et des ovules qui avor- tent [Marronier, Frêne, etc.], les botanistes judicieux s’appliquent à connaître les caractères primitifs du fruit, par la dissection de l’ovaire. Cette sage pratique décou- vre souvent des rapports naturels qu’on ne soupçonnait point, et fait rentrer dans leurs genres et dans leurs fa- milles , beaucoup d’espèces dont la place était ignorée. Style. Le style est le support du stigmate (3), et il commit- (1) Reccptaculwn seminis commune. Gært. 1 * 3 (a) Columella , pars connectens parieles internos cum seminibus. Phil. Bot. (3) Stylus est pes stigmatis connectens illtid cum germine. — Stylus apici a3o FLEUR. Pistil, nique avec 1 ovaire médiatement ou immédiatement. Lorsque la communication est immédiate, le style est terminal , latéral ou basilaire , selon qu’il part du som- met [Lis], du côté [Rosacées] ou de la base de lovaire [Arbre à pain]. J’entends du sommet, du côté ou de la base géométrique, car le sommet organique est, comme je l’ai dit tout- à- l’heure , le point d’où nait le style. Lorsque la communication est médiate, le style au lieu dètre attaché sur l’ovaire, repose sur le réceptacle [Bourrache officinale , Myosotis , etc.] , ou sur un gyno- phore [ Scutellaria ] , et c’est par l’intermède de ces par- ties que s’établit la communication qui existe entre le style et l’ovaire. [PI. 3o, fig. 2, 8 , 18]. Quelquefois un seul style s’élève de deux ovaires dis- tincts [Pervenche et autres Apocinées, PI. 3o, fig. 1 5] ; (1) plus ordinairement plusieurs styles surmontent un seul ovaire \Silene , OEillet, PL 3y, fig. 6‘]. Quand le style n’existe pas , l’ovaire porte immédiate- ment le stigmate [Pavot]. Dans toutes les Orchidées, et dans XAlpinia , le Canna et quelques autres Amomées , le style et l’androphore sont réunis. Dans le Stylidium le style est soudé à la. corolle, et semble n’en être qu’une nervure (2). gcrminis communiler insidet ; exceptis paucis. — Stylus, pais pistilli , stigma elevans a germine. — Stylus xaginœ mel tubœ fallopianœ respondet. Phil. Bot. (1) La règle que j’ai établie tout-à-l’heure , touchant les pistils ir- réguliers d’une même fleur, savoir : qu'ils ne sont , anatomiquement parlant, que les parties séparées et irrégulières d’un pistil régulier , con- vient également aux ovaires irréguliers des Apocinées. Dans l’origine ils sont unis par leurs sutures. (2) Observation de MM. de Jussieu et Richard. Style. Stigmate. s3i Selon les espèces , le style varie par sa forme , sa longueur , sa consistance. Je dois vous faire remarquer que Linné, dans sa Mé- thode artificielle, compte autant d’organes femelles qu il y a de styles sur un ovaire , tandis que selon les secta- teurs des familles naturelles, et selon les Physiologistes, le nombre des pistils doit seul indiquer celui des parties femelles. Stigmate. Il n’y a pas de pistil sans stigmate (i). Lorsque l’ovaire est pourvu d’un style , ce style porte toujours le stigmate , et souvent il le porte à son sommet. Si le style manque, c’est ordinairement au sommet de l’ovaire que le stigmate est placé [PI. 3o et suiv. ]. Le contact immédiat entre une certaine matière vola- tile provenant du pollen et le stigmate , paraît être en général une condition indispensable pour que les grai- nes mûrissent, et deviennent aptes à produire de nou- veaux individus. Le mot stigmate fait naître l’idée d’une cicatrice ; il semble en effet au premier coup-d’œil, que le stigmate ait été excorié. Il est souvent humide, inégal et couvert, de papilles ou de petits mamelons. Le stigmate du Baguenaudier a la forme d’un crochet ; celui de la Fumeterre jaune a la forme d’un croissant, celui de la Belle-de-nuit est globuleux ; celui du Pavot (r) Stigma est apex genninis roridus. Stigma su m mitas pistilli madida humore pollen absorbens . Stigma mulva , respondcns parti illi , quœ in sexu sequiore, Ijrmpham ge- nitalem secernit. Stigma germini ubique adnexa esse genitalia Jeminina , probat essentia , prcecedenlia , sitùs , tempus, casus , abscissio. Phil. Bot. 282 l’LEUR. Pistil, et (lu Nénuphar est comme un bouclier arrondi ; celui du Hura crepitans est creusé en entonnoir; celui du Martjrma et du Mimulus est composé de deux lamelles mobiles; les stigmates du Blé, de l’Orge, de l’Avoine, représentent deux petits goupillons , etc., etc. [PI. 3o et suiv. ]. Organisation du Pistil. Cæsalpin et Linné (i) ont avancé que le pistil n’était que la continuation de la moelle : s’ils ont voulu faire entendre simplement que le canal médullaire aboutit à la base du pistil, ils ont eu raison pour ce qui est des végétaux pourvus d’un canal médullaire; mais s’ils ont regardé le pistil comme un développement particulier de la moelle , et qu’ils se soient imaginé que l’organisa- tion de ces deux parties était absolument la même, ils se sont trompés ; car la moëlle ne contient en général qu’un tissu cellulaire régulier , et l’on trouve commu- nément dans le pistil, des trachées, des fausses-trachées, des vaisseaux poreux et du tissu cellulaire allongé. De plus, il est visible que l’extrémité des vaisseaux du bois aboutit à la base du pistil , de sorte que l’on serait également autorisé à dire que le pistil est la continuation du bois; mais cette façon de parler ne saurait donner de justes idées des choses. Un organe qui a une forme, une position , une structure , et des fonctions qui lui sont propres , et ne conviennent qu’à lui seul , ne peut être considéré comme la continuation d’un autre organe, quoiqu’il ait avec cet organe une communication immé- diate. (i) Pistillum centri Jloris , ex propria eaque medullari substantia orCtim est, cum alia hoc in loco snpersit niil/a. Aman. Acad. Son organisation. ?">°> Les vaisseaux de la plante- mère pénètrent dans le pistil, et suivent des routes diverses. Les uns forment comme le squelette des parois de l’ovaire : ce sont les vaisseaux pariétaux ; les autres se rendent dans le pla- centaire : ce sont les vaisseaux nourriciers et conduc- teurs ; les nourriciers portent les sucs nutritifs aux ovules; les conducteurs montent jusqu’au stigmate, et servent selon toute apparence à l’acte de la fécondation. Les vaisseaux conducteurs et nourriciers réunis dans l’inté- rieur des placentaires , y composent les nervules , fais- ceaux vasculaires qui donnent naissance aux funicules ou cordons ombilicaux. L’extrémité de chaque funicule se développe en un petit sac contenant les premiers linéa- mens d’une nouvelle plante. C’est à ce petit sac que I on a donné le nom d’ovule. Le nombre des nervules est souvent égal à celui des O branches ou des lobes du placentaire, mais quelquefois, à une distance plus ou moins considérable de leurs points de départ, les nervules se réunissent ou bien se rami- fient. Les six nervules qui correspondent aux six séries d’ovules fixés sur le placentaire du Lis, se réunissent deux à deux avant de pénétrer dans le style , et chacun des trois faisceaux se termine dans un des lobes du stigmate. o L’unique nervule du Blé, de l’Orge, de l’Avoine, se di- vise, presque dès son origine, en deux branches dans la paroi de l’ovaire , et chacune de ces branches aboutit à l’un des deux stigmates. Souvent le nombre des styles est égal à celui des lobes ou des branches du placentaire, et chaque style reçoit une nervule. Souvent aussi il n’y a qu’un style , quoique le placentaire se compose visiblement de plusieurs lobes ou de plusieurs branches, et qu’il y ait un nombre égal de nervules [Oranger]. Ce style unique est considéré par l’anatomiste, comme une réunion de plusieurs styles 234 FLEUR. Pistil, sous un même épiderme. Ce qui justifie cette opinion c'est qu il arrive quelquefois qu’ils se séparent effective- ment en plusieurs styles. On remarque ce phénomène dans la fleur de l'Oranger. Lorsqu’un lobe ou une branche du placentaire ne se développe pas , le style et le stigmate correspondans ne se développent pas davantage. Lorsqu’au contraire, il y a superfétation, c’est-à-dire, lorsque le placentaire a plus de branches ou de lobes qu’il n’a coutume d’en avoir , les styles et les stigmates se multiplient égale- ment. Quand le périanthe fait corps avec l’ovaire, il arrive fréquemment que les vaisseaux pariétaux , au lieu de s’unir aux nervules à l’endroit où ces cordons passent de l’ovaire dans le style, ainsi qu’on l’observe dans les pistils libres, demeurent isolés et montent en faisceaux distincts vers le stigmate, concurremment avec les ner- vules [Campanula aured]. Le nom de faux-conducteurs désigne ces prolongemens des vaisseaux pariétaux. On pourrait être tenté de croirê que l’extrémité des vaisseaux conducteurs s’ouvre à la superficie des stig- mates ; mais l’Anatomie prouve qu’il n’en est pas ainsi. En approchant de l’épiderme, ces vaisseaux se changent en un tissu cellulaire extrêmement délié , et les con- duits de la matière fécondante (si toutefois ces conduits existent réellement ) échappent aux plus forts micro- scopes. Le style et le stigmate sont souvent perforés dans leur longueur [Lis, Amaryllis formosissima , etc.]; cette tu- bulure qui, selon toute apparence, est une sorte de la- cune, prend le nom de canal excrétoire. Avant la fécon- dation , le canal excrétoire rejette continuellement une liqueur qui lubréfie le stigmate; dès que la fécondation est opérée, cette liqueur ne se montre plus. Sans doute Son organisai ion. s35 alors tous les sucs sont employés à nourrir et à dévelop- per les ovaires et les ovules : ce n’est donc pas sans raison que l’on a comparé la liqueur du canal excrétoire au sang menstruel des femelles de quelques animaux (i). Par une suite de l’extrême flexibilité de l’organisation végétale , les pistils se changênt quelquefois en lames pétaloïdes et deviennent stériles. D autres fois, des bul- billes se développent à la place des ovules dans les ca- vités de l’ovaire [ Ail , Pancratium , Amaryllis , Agave , Eugenia jambos, etc.] / Etamines. Les étamines sont les organes par lesquels s opère la fécondation (a). Elles remplissent , dans les plantes , les mêmes fonctions que les organes mâles dans les animaux. Aussi les designe-t-on souvent sous le nom d’organes mâles [PL 3i et suiv.] On distingue trois parties dans les étamines : le pollen, petites vessies membraneuses qui contiennent la liqueur fécondante ; l’anthère , sachet dans lequel est renfermé le pollen ; l’androphore qui sert de support à l’anthère. Le pollen et l’anthère, ou quelque chose d’analogue, se retrouvent dans toutes les espèces pourvues de pistils. L’androphore manque quelquefois. Lorsque ce support ne soutient qu’une seule anthère , comme il arrive pres- que toujours , il prend le nom de filet. La forme la plus ordinaire à l’étamine est d’avoir son filet étroit et terminé en pointe ; son anthère oblongue, (1) Consultez sur tout ce qui vient d’être dit, mon Mémoire sur l’Organisation de la fleur dans les Mémoires de l'Institut , pour l’année 1808, p. 33 1 et suivantes. (2) Stamen , viscus pro pollinis preeparatio/ie. Phil. Bot. * a36 fleur. Étamines, à deux lobes accolés latéralement et marqués chacun d un sillon longitudinal; son pollen composé de grains globuleux [Lis, Tulipe]. Quelques fleurs n’ont qu’une étamine [ Hippuris, Canna , B Ht uni ] , d’autres deux, trois, quatre, cinq, six, etc., etc. , jusqu’à cent et même mille. On a observé que lors- que le nombre passait douze dans une fleur, il n’avait plus rien de fixe , mais qu il était assez constant dans la même espèce au-dessous de douze. C’est sur cette considération que sont établies la plupart des classes de la Méthode artificielle de Linné, devenue si célèbre sous le nom de Système sexuel. Il y a des espèces dans lesquelles les étamines sont constamment égales entre elles [Lis, Tulipe, Bourrache, etc., PI. 35; fig. 4]- H y en a d’autres dans lesquelles les étamines sont constamment inégales [Labiées, Cruci- fères, etc. , PI. 36 , fig. 6, etc. — PI. 3g , fig. 1,2]. Des six étamines du Lis aucune ne s’élève au-dessus des au- tres; des dix étamines du Bauhinia , neuf restent très- courtes, une s’alonge considérablement et laisse les au- tres loin derrière elle [PI. 42, fig- 10 ]• Un caractère des Labiées , est d’avoir deux étamines courtes et deux lon- gues [PI. 36]. Un caractère des Crucifères, est d’avoir quatre étamines longues et deux courtes. [ PI. 3g, fig. 1,2]. Les Jatropha ont dix étamines, dont cinq sont plus lon- gues ; les courtes et les longues sont placées alternati- vement les unes à côté des autres. [PI. 3o, fig. 25]. L’insertion des étamines (je veux dire le point de la fleur où les étamines, dégagées du tissu environnant, deviennent des parties distinctes ) n’est pas la même dans toutes les plantes. Les étamines sont insérées à la base du style dans le Balisier ; au sommet du style dans les Limodorum , les Serapias , [PI. 34, fig- 5, 6] etc.; sous le stigmate, dans X Aristolochia [PI. 34, fig- 3]; sur Leurs nombre et insertion. ^3; l’ovaire, dans les Ombellifères [PL , fig. 'J-, 8. PL 38 , fig. 5,6]; sous l’ovaire , dans le Pavot, le Parnassia , la Capucine [PL 4a, fig. 5, 6] ; à la gorge du calice, dans la Rose [PL 43 , fig. 4] ; au tube de la corolle, dans les Borraginées, les Labiées, les Synanthérées et dans la plupart des autres espèces à fleurs monopétales [PL 35, fig. 4 , 5 , 8. — PL 36 , fig. io. — PL 37 , fig. 6. — PL 38, fig. 1] ; au tube du périanthe simple dans XAletris ; sur le gynophore, dans le Cleome pentaphjlla , le Ster- culia, l’ Helicteres [ PL 39, fig. 5. — Pl. 41 ■> fig* 4 > 6* ] (i)* En général , l’insertion est semblable dans les plantes d’une même familie ou dans les plantes de familles très- voisines. Les Ericinées offrent une exception à cette loi: les unes ont leurs étamines insérées sous l’ovaire [Bru- yère, Pyrole, etc. ] 5 ies autres ont leurs étamines insé- rées sur la corolle [ Epacris ], Je dirai encore quelques mots sur l’insertion des éta- mines , quand je traiterai de la corolle. Les six étamines du Lis , du Grevillea , etc. , sont pla- cées vis-à-vis les six divisions de son périanthe [ Pl. 35 , fig. 1]. Vous observerez la même situation relative dans presque toutes les fleurs qui ont un périanthe simple, et autant d’étamines que le périanthe a de segmenS ou de découpures. [ Liliacées , Protéacées ]. Les cinq étamines de la Bourrache et autres Borragi- nées, sont placées vis-à-vis les cinq divisions de son calice , et par conséquent, entre les cinq divisions de sa corolle [PL 35, fig. 4 j 5]. Vous remarquerez une distri- bution analogue dans la plupart des fleurs à périanthe double , pourvues d un nombre d’étamines égal à celui (1) Consultez la T'erminologie , au mot Etamines y vous verrez coin* ment les Botanistes classent les diverses insertions. a38 fleur. Etamines. des découpures ou des sépales du calice, et des décou- pures ou des pétales de la corolle. Ce n’est donc pas un cas ordinaire que les étamines au lieu d alterner avec les découpures de la corolle ou avec ses pétales, leur soient opposées , ainsi qu’on le voit dans les Pi’imulacées , les Vinifères, les Loranthées. Des dix étamines de lOEillet et du Silene , cinq sont opposées aux cinq pétales, et cinq aux cinq dents du calice [PI. 39, fig. 6]. Telle est communément la distri- bution des étamines, quand leur nombre est égal à celui des divisions de la corolle et du calice pris ensemble. Quelquefois les étamines sont réunies par leurs filets ou par leurs anthères, comme je le montrerai tout-à- rbeure. Un terrain très-substantiel transforme souvent les éta- mines en périanthe. Les fleurs doubles et pleines qui embellissent nos parterres, sont dues k des métamorphoses de ce genre. Quand ces métamorphoses sont complètes , en sorte que toutes les étamines ont disparu, la stérilité des pistils en est une suite inévitable. Dans l’état sauvage, la Rose n’a que cinq pétales , mais ses étamines sont très- nombreuses, et ses graines reproduisent de nouveaux individus. Dans l’état domestique, la Rose a des pétales très - multipliés , mais elle n’a point d’étamines, et ses graines avortent. Il arrive souvent que le filet de l'éta- mine changé en pétale, porte encore l’anthère à son sommet, en témoignage de sa métamorphose (1). fi) Luxuriansflos tegmenta fructifiùùtionis ita multiplient , ut esséhtiales ejusdem partes destruantur y esttpue vel multiplicatus , vel pic nus , velpto- lifeu Multiplicatus Jlos de corolla multiplicata , salvis quibusdam stamirtibus communiter prtedicatur , estque dupheatus vel triplicutus . Periunthiutn et Leurs métamorphose et avortement. 239 On a conclu de ces faits que les corolles n étaient que des étamines métamorphosées; mais si nous faisons atten- tion que dans certaines (leurs, les étamines et la corolle avortent simultanément; que dans d autres, les pistils sont remplacés par des pétales ou bien par un bourgeon chargé de feuilles ; que dans d’autres , les pétales pren- nent la forme , la couleur et la consistance des divisions calicinales, tandis que les étamines disparaissent pour faire place à des pistils (1) , etc. , etc. ; nous admettrons comme principe fondamental de Physiologie , que l'état habituel d'un organe en est aussi l'état le plus naturel. Il paraît que l’influence du sol pour faire doubler les fleurs, s’exerce, non pas tant sur l’individu , que sur les embryons qui proviennent de lui. Des graines de fleurs simples, qui auront été recueillies dans des lieux infer- tiles , et seront semées dans une terre excellente, ne produiront, en général , que des fleurs simples ; mais les nouvelles graines provenues de ces fleurs simples , et se- mées même dans un sol ingrat , donneront fréquemment des fleurs doubles ou pleines. Des causes organiques qui nous sont tout- à -fait in- connues, déterminent l’avortement constant d’une ou de plusieurs étamines dans quelques espèces. Cet avortement est rarement complet. Presque toujours on peut observer à la place de l’étamine, un appendice ou un filet plus ou moins développé , qui même quelquefois porte un corps involucrum raro ; stamina vix iinquam multiplicatuin constituant florem , Plenus flos, cum corolta adeo multiplicatur , ut stamina omnia exclu- dan tur. Prolifcr flos fit , cum intra florem ( scepius plénum ) alii flores enascun- tur. Phil. Bot. (1) J’ai eu l’occasion d’observer pette singulière monstruosité dans des fleurs de Pécher. a4o fleur. Étamines* difforme dans lequel on reconnaît la grossière ébauche de l’anthère. La séparation des sexes provient pour l’or- dinaire de l’avortement des étamines ou des pistils. Dans la fleur femelle du Potiron, trois filets imparfaits mon- trent que cette fleur est construite sur le plan d’une fleur hermaphrodite [PI. 3o, fig. 9]. Dans la fleur mâle du Kœlreuteria , on distingue un ovaire qui demeure infécond, sans doute parce que sa conformation est vicieuse [ PI. 4o, fig. 1.]. Une étamine avorte dans le Chelone , le Martjnia , le Sesamum , Y Antirrhinum ; deux dans le Pinguicula , la Verveine, la Sauge, le Romarin, le Mo- narda , le Collinsonia [ PI. 36, fig. 10. ] , etc. ; trois dans le Gratiola, le B ig no nia , le Pélargonium ; quatre dans le Curcuma ; cinq dans le Pentapetes , V Erodium , V Hernia- ria , etc. Dans un petit nombre d’espèces, l’avortement de l’étamine ne se manifeste que sur une partie de l’an- thère. Ainsi les deux étamines fécondes de beaucoup de Sauges n’ont souvent qu’un lobe au lieu de deux. Un avortement semblable affecte les deux étamines supé- rieures des Scutellaires [PI. 3i , fig. 22.]. Androphore. Comme je l’ai dit plus haut, l’androphore prend le nom de filet (1) quand il ne porte qu’une seule anthère, et il retient le nom d’androphore, quand il en porte plusieurs. La forme du filet est très-variée : il est capillaire dans (1) Filamentum pars elevans adnectensque ancherarn. Filamentum est pes antherce quo 'vegetabili alligatur . Fi/amenta quœ succum ad antheras deferunt, vasa spermatica dictmtur. Phil. Bot. Androphore. Filet. 241 le Plantain; large et mince dans XHermanma , noueux dans le Sparmannia af ricana , coudé dans le Mahernia , dilaté et voûté à sa base dans la Campanule et l’Ornitho- gale, bifurqué à son sommet dans le Porreau, la Prunelle et le Cleonia [PI. 3i et suiv. ]. Les filets sont souvent d une substance molle, délicate, altérable , semblable à celle de la corolle. On observe or- dinairement, dans leur centre, un faisceau de trachées. Quelquefois ils sont creux ; c’est ce qu’on remarque dans la Tulipe. Presque tous les filets sont blancs; cependant on en trouve qui sont colorés [ Amaryllis formosissima , Hemerocallis Jlava , Fuchsia coccinea ]. L’androphore , proprement dit , n’offre pas des modi- fications moins prononcées que le filet. L’androphore épais et cylindrique du Hura crepitans , est chargé de deux ou trois rangs d’anthères vers son sommet [PI. 34, fig- 1.]. L'androphore grêle du Typha palustris porte trois anthères à sa partie supérieure. Dans beaucoup de Légumineuses papillonacées , un androphore en forme de gaine fendue longitudinalement, porte neuf anthères , et une dixième anthère repose sur un filet libre et distinct qui , correspondant à la fente de l’androphore , semble avoir été détaché du faisceau com- mun. Le pistil de ces Légumineuses est recouvert pres- que en totalité parle tube de l’androphore [PI. 43, fig. 1.]. L’androphore des Mauves, des Hibiscus, des Roses tremières , s’élève comme une colonne, du centre de la fleur, et il est traversé par le style [PI. 41, fig. 5,]. Cinq androphores , divisés à leur partie supérieure en une multitude de filets , se font remarquer dans le Me- laleuca .[PI. 42 , fig- 2.]. Le Gomphrena globosa a un androphore tubulé, min- ce, pétaloïde, que l’on prendrait pour une corolle, si 16 o.fii fleur. Étamines. les affinités organiques permettaient qu’on y vît autre chose que le support des étamines [PI. 37, fig. 4.]. Comme les androphores se partagent d’ordinaire, à leur sommet , en autant de filets qu’ils soutiennent d’an- thères, et que cette division est quelquefois préparée à leur superficie par des stries ou des sillons plus ou moins marqués , les Botanistes nomment les androphores des filets soudés. Anthère. L’anthère est la partie qui contient le pollen avant la fécondation (1). Elle offre souvent deux lobes, tantôt soudés immédiatement l’un à l’autre, tantôt réunis par l'intermédiaire d’un connectif, partie charnue plus ou moins développée. Chaque lobe est un sac membraneux divisé intérieurement par une cloison mitoyenne, et marqué à sa superficie , d’une suture correspondante à la cloison. A l’époque de la matuxité, les deux lobes s’ouvrent par deux valves , et le pollen s’échappe [PI. 3i et suiv.]. Quand il existe un filet, c’est ordinairement à son ex- trémité que l’anthère est attachée. Voilà , en peu de mots, les caractères propres au plus grand nombre d’anthères ; mais pour bien connaître cette partie de l’étamine, il faut passer en revue quel- ques faits particuliers. (1) Anthera , pars Jloris gravida polline , quod rnatura dimittit. Anthera est vas pollen producens et dimittens. Antheras esse plantanun genitalia rnasculina , et eornin pollen meram genituram, docet essentia , prœcedentia , situ s , tempos, loculamenta , cas- tratio, pol/inis structura. PhiJ. Bot. Antherœ sunt tcsticu/i qui laclibus piscium haud incommode assimilant tnr. Amœn. Acad. Sponsalia plàtliarum. Anthère. Loges. Connectif. a43 Les anthères du Thuya , du Cyprès , du Genévrier, du Schubertia disticha, du Zamia , du Cycas , sont remar- quables par leur extrême simplicité. Elles consistent en de petits sacs membraneux, arrondis, à une loge, qui se déchirent plutôt qu’ils ne s’ouvrent. La plupart de ces anthères sont privées de fdets [PI. 33, fig. 5.]. Les anthères du Potiron et des autres espèces de la famille des Cucurbitacées , sont linéaires et repliées sur elles -mêmes comme une N dont les jambages seraient rapprochés [PI. 3 1 , fig. 12, 1 3. ] . Les anthères des Solarium , des Casses , des Rhododen- drum , des Melastoma, du Kiggellaria , da Cyanella , ne s’ouvrent point dans leur longueur, mais se percent à leur sommet [PI. 3i , fig. \\ , 20.]. Les anthères des Lauriers, des Epines-vinettes, s’ou- vrent par de petits opercules qui se lèvent comme des soupapes [PI. 3i, fig. 3 1 . ]. Dans les Malvacées , le Bouillon blanc, la Lavande, l’anthère prend la forme d’un rein , par la réunion et la confluence de ses deux lobes [PL 3i, fig. 27.]. Dans le Lis, 1 Aletrïs, l 'Yucca, le Datura , etc., le connectif tient les deux lobes rapprochés , mais non pas réunis. Le connectif se relâche, pour ainsi dire, dans le Thy- mus patavinus , et il permet aux lobes de s’éloigner l’un de lautre. [PI. 3i , fig. 18.]. Un relâchement analogue , mais beaucoup plus pro- noncé, se montre dans la Sauge : le connectif, très-alongé, est attaché en travers sur le filet, et porte un lobe à cha- que extrémité [ PL 3 1 , fig. 19. ]. La forme étrange des étamines des Melastoma provient aussi du développement considérable que le connectif ac- quiert [PI. 3i , fig. 20.]. Dans le Kœmpferia , le Bégonia , YAnona, etc., les 1 6. 244 fleur. Étamines, lobes sont attachés le long des côtés du filet, lequel rem- plit alors les fonctions de connectif [PI. 3i , fig. 7, 24. ]. En général, la face antérieure des anthères regarde le centre de la fleur, cependant les anthères du Mahernia , de 1 Hennannia , etc., tournent le dos au pistil. Les anthères, dans les plantes d’une même famille, ont fréquemment une forme et une organisation ana- logues ; c’est ce que vous reconnaîtrez en étudiant les Rosacées , les Cucurbitacées, les Magnoliacées , les Mal- vacées , les Graminées , etc. Toutefois, il existe des fa- milles parfaitement naturelles, dans lesquelles les an- thères subissent des modifications si considérables, qu’on a peine à y retrouver quelques indices d’un type primitif. Je prends pour exemple le Serapias, le Limodorum et l’ Orchis , trois genres de la famille des Orchidées [PI. 34, fig. 4,5,6.]. Le Serapias longifolia a une seule anthère dressée , mobile , dont la face , chargée d’un pollen humide et pulvérulent , est appliquée contre la partie postérieure du style , dans une cavité particulière. Cette anthère a deux lobes bien marqués, et chaque lobe est divisé longitu- dinalement par une cloison , ensorte que l’anthère ne s’éloigne pas beaucoup de la forme la plus habituelle à cet organe. Le Limodorum purpureum a une anthère pendante et mobile, dont la face, engagée dans une cavité pratiquée antérieurement à la partie supérieure du style , est par- tagée en deux compartimens , creusés chacun de quatre fossettes. Le pollen est une masse élastique , divisée en huit lobes. Chaque lobe est logé dansune des fossettes de l’anthère. Cette organisation n’a presque plus de rapport avec la forme ordinaire. L’Orchis maculé à une anthère dressée , ovale , fixée au sommet du stigmate. Elle est divisée en deux lobes , Anthère. *4^ lesquels ont chacun une loge et deux valves. Au fond de chaque loge est un pollen d’une structure toute parti- culière : c’est un fil élastique , chargé de petits corps py- ramidaux qui , rapprochés les uns des autres par la con- traction du fil , offrent une masse ovoïde. Ce fil , au mo- ment où l’anthère s’ouvre , part souvent comme un ressort, et s’élance hors de la loge. Il y a fort peu de res- semblance entre cette anthère et les deux précédentes, et si nous poursuivions l’examen des organes mâles des Orchidées, chaque genre nous offrirait des modifications non moins prononcées. 11 en est de même de la famille des Apocinées. Je ci- terai la Pervenche, le Laurier-rose et l’Asclépias. Les cinq anthères de la Pervenche ne s’éloignent pas de la forme la plus habituelle. Les cinq anthères du Laurier-rose ressemblent aussi, sous beaucoup de rapports, au type ordinaire; mais elles ont cela de particulier, que chacune est surmontée d’un appendice barbu, et est fixée au sommet et à la base du stigmate par deux points différens [PI. 35 , fig. io. ]. Les cinq anthères de l’Asclépias diffèrent bien davan- tage du type ordinaire. Elles sont larges, sèches, appli- quées chacune contre l’une des faces d’un stigmate pen- tagone, et portées toutes sur un androphore en forme d’anneau. Ces anthères ont deux loges ouvertes. Le pol- len est composé de dix petites masses oblongues, amin- cies en fil à leur partie supérieure, et suspendues deux à deux, par cinq corpuscules durs, noirs et luisans, aux cinq angles du stigmate. Chaque petite masse se rend dans la loge anthérale la plus voisine, en sorte que les deux masses suspendues à chaque angle , sont logées sé- parément dans les deux anthères contiguës [ PL 35, fig. 9.]. Malgré des différences si notables, la Pervenche, le Laurier-rose, et i’Asclépias viennent se ranger comme 2/|6 fleur. Étamines. deux-mêmes dans la famille des Apocinées , l’une des plus naturelles que l’on connaisse. Vous avez vu que les étamines sont quelquefois réunies par leurs filets ; elles le sont aussi quelquefois par leurs anthères. Les cinq anthères du Lobelia et de la plupart des fleurs de la nombreuse famille des Synanthérées, sont soudées lune a 1 autre par leurs côtés, en un tube que traverse le style [PL 37, fig. 6. — PI. 38, fig. i, 3, 4-]- Les quatre anthères du Melampyrum arvense, forment aussi un tube, mais il est fermé à sa partie supérieure, et il ne reçoit point le style. L’avortement de l’anthère ou de l’un de ses lobes, et le développement irrégulier du connectif, sont des carac- tères constans dans certaines espèces, et c’est à cela qu’il faut attribuer souvent les formes bizarres des anthères. Voyez pour exemple celles du Commelina et du Justicia [PI. 3i , fig. i r , 16. ]. J’ai étudié l’organisation de l’anthère dans quelques Liliacées et autres plantes où cet organe acquiert les plus grandes dimensions. J’ai remarqué (x) que souvent les trachées du filet pénètrent dans le connectif, quelles y sont environnées d’un tissu cellulaire dont les parois sont fendues dans une direction horizontale relativement à la base de l’anthère; que les valves des loges sont com- posées de deux lames cellulaiies continues entre elles, mais distinctes par leur natui’e ; que l’une, située à l’ex- térieur, a ses parois ddatées, entières, et renflées en petits mamelons à sa superficie ; que l’autre , située sous la pre- mière , a ses parois découpées verticalement, et quelle jouit, à un degré considérable, de la propi’iété de se dilater à l’humidité, et de se contracter à la sécheresse. (i) T'oyez mon Mémoire sur l’Organisation fie la fleur, dans les Mémoires de l’Institut , pour 1808 , pag- 3 3 fi et suiv. Anthère. Pollen- (i) 2^7 C’est encore par le moyen de l’anatomie que j ai re- connu que le nombre ordinaire des loges des anthères est de quatre et non de deux , selon 1 opinion commune [ PI. 3i, fig-9-]. Pollen. Le pollen est le réservoir de la liqueur séminale des plantes (i). Il existe nécessairement dans toutes les espè- ces oii le concours de deux organes , l’un mâle et 1 autre femelle, est indispensable au parfait développement de la graine [PI. 3i , fig. 3o et suiv.]. Dans l’article précédent, j'ai déjà eu 1 occasion de vous parler du pollen, mais les faits que j’ai cités s’écartaient de la règle commune, et, par conséquent, vous lais- saient dans l’ignorance touchant les caractères habituels de la partie la plus importante de l’étamine : j’y reviens donc. Quand les valves des anthères s’ouvrent, le pollen se répand au dehors. 11 est composé d’une innombrable quantité de corpuscules organisés, ordinairement jaunes, quelquefois blancs, rouges, bleus, violets, verdâtres, etc., qui ressemblent à une fine poussière. Ces petits corps diffèrent souvent dans les espèces différentes. Pour les bien observer, il faut les mettre sur l’eau; l’humidité , en les dilatant, fait paraître leur véritable forme. Ils (i) Pollen pulvis jloris , linmore rumpendus , atomosque elasticos ej'acu- lans. Pollen est pulvis •vegetabilium approprialo liquore madefactus , rumpen- dus et substantiam sensibus midis imperscrutabilem elastiee explodens. Pollen est pulvis Degetabilium substantiam oculis nudis invisibilem continens. Pliil. Iîot. Pollen geniturce et •venniculis seminalibus respondet , sicca licct sit , ut transferatur ab aere , humorem vero ad altactum stigmatis acquirït. Amœn . Acad . Sponsalia pluntarum . 2/j 8 fleur. Etamines, sont oblongs clans les Ombellifères, le Commelina tube- rosa. , etc. ; ils sont globuleux dans les Cucurbitacées , les Malvacées , les Synanthérées , la llose, le Jasmin , le Ré- séda, etc. ; ils sont icosaèdres dans le Salsifis; ils appro- chent plus ou moins de la forme pyramidale triangulaire clans les Onagrariées , le Trapa , le Fuchsia , YAzalea. Leur surface est très -lisse clans un grand nombre d’es- pèces , et elle est armée de petites pointes dans les Synan- thérées , les Malvacées, Ylpomæa nil et le coccinea , le Potiron, etc. Ils ont des côtes comme le Melon cantalou clans le Symphytum. Ils sont attachés les uns aux autres par des fils d’une extrême ténuité dans le Rhododêndrtim , YAzalea , l’ Epilobium , le Gaura , la Balsamine, etc. Je ne finirais pas si je voulais indiquer toutes les modifications du pollen. Chaque corpuscule mis sur l’eau , s’enfle , se dilate et crève. On voit sortir alors, par l’ouverture, un jet de matière liquide qui s’alonge en serpentant, et s’élargit bientôt comme un léger nuage à la surface de l’eau. Cette matière paraît être de la nature des huiles. Elle a, selon les espèces, plus ou moins de consistance. Celle qui s’é- chappe du pollen du Potiron et du Passiflora serrata , offre une multitude infinie de petits grains placés les uns à côté des autres ; elle se maintient dans cet état durant un assez long temps; mais à la fin, les petits grains dis- paraissent comme s’ils se fondaient. Souvent, quand les corpuscules se sont tout-à-fait vi- dés, ils diminuent de volume, ils se plissent, ils chan- gent d’aspect et deviennent plus transparens. Rolreuter prétend que chaque corpuscule est composé de deux enveloppes dont l’une revêt l’autre ; que l’enve- loppe intérieure est mince, élastique , et quelle contient la liqueur séminale ; que l’enveloppe extérieure est ferme, épaisse, inégale , garnie de vaisseaux, et percée de porcs Pollen. 249 par lesquels s’écoule peu-à-peu la liqueur dans 1 état na-f turel ; car Kolreuter est d’avis que l’excès de 1 humidité est la seule cause de la rupture instantanée des corpus- cules que l’on place sur l’eau. Gærtner ne s’éloigne pas beaucoup du sentiment de Kolreuter. Hedwig, au con- traire , pense que chaque corpuscule est formé par une seule enveloppe vasculaire, et que cette enveloppe crève brusquement sur le stigmate. Les observations que M. Schubert et moi avons faites, nous portent à croire qu’en général on ne peut former que des conjectures relativement à l’organisation de ces corpuscules : car leur finesse les soustrait à la dissection. Cependant , il se rencontre des espèces dans lesquelles les grains du pollen laissent apercevoir, à travers leur épiderme mince et diaphane, le tissu cellulaire qui, selon toute apparence, forme la partie principale de leur or- ganisation. Tel est le pollen du Passiftora serrata [PI. 3i, fig. 4b. 1. Il semblerait même que le tissu cellulaire y serait divisé en petites masses, entre lesquelles il y au- rait des vides , sorte de lacunes qui serviraient de ré- servoirs à la liqueur séminale. Le pollen de beaucoup de végétaux brûle avec une vive lumière quand on le projette sur un corps enflam- mé. Il donne, par l’analyse chimique, une quantité no- table d’acide phosphorique , ce qui établit un singulier rapport entre cette poussière çt la secrétion animale à laquelle il est naturel de la comparer 5 mais l’analogie paraît plus étonnante encore, si l’on fait attention à l’o- deur particulière qu’exhale , au temps de la fécondation , le pollen du Châtaignier, de Y Aylantus , de l’Épine-vi- nette, du Dattier, etc. , et peut-être le pollen de toutes les plantes. Les Abeilles récoltent cette poussière qui sert de nour- riture à leurs larves ; aussi, selon l’observation d’IIuber, PLlîüH, a5o ces larves périssent - elles quand on enlève le pollen emmagasiné dans les ruches. Vous verrez, quand je traiterai des Cryptogames, que les Mousses portent de petites bourses oblongues, qui paraissent être analogues aux grains du pollen des Phé- nogames [ PI. 62.]. Périanthe. Le périanthe, prolongement de la partie extérieure du support de la fleur, sert d enveloppe immédiate aux or- ganes de la génération, et ne peut, soit par sa forme, soit par sa consistance, soit par sa situation, être con- fondu avec les bractées, les spatlies, les spathelles , les spathellules , les involucres et autres feuilles florales dont il sera fait mention par la suite. Le périanthe est simple (1) ou double [PI. 32 et suiv.]. Le périanthe simple est monosépale ou polysépale : monosépale, lorsqu’il est d’une seule pièce, c’est-à-dire , lorsqu’il n’a point de divisions ou que ses divisions, s’il en a, ne le partagent point jusqu’à sa base [Muguet, igave ] ; polysépale, lorsqu’il est partagé jusqu’à sa base en plusieurs segmens ou sépales distincts les uns des autres, et qui tombent séparément [ Lis , Tulipe]. Chaque sépale d’un périanthe polysépale, ne représente pas , quoique le mot semble l’indiquer , un périanthe monosépale tout entier, mais seulement une pièce dun périanthe monosépale. En effet, le périanthe monosépale (1) Perianchium , calix plantai fructificatioiti contigmis. Phil Bot. En désignant sous le nom de Périanthe simple , l’enveloppe florale quand elle est unique, je me conforme à l’esprit du Philosophia botanica. M. de Jussieu nomme ordinairement cette enveloppe un calice , et M. Decandolle , un périgone. Périanthe. 1 2 3 offre d’ordinaire des dents , cr en el lires, lobes ou lanières, qui sont comme autant de sépales soudés ensemble inié- rieurement. Ainsi, les six lobes du périantbe monosépale I de 1 ’ Hem erocal lis , de X Amaryllis, de 1 Agave, tiennent la place des six sépales du périantbe polysépale de la Tulipe, de X Yucca et du Lis. En comparant dans cet esprit , les périanthes différens appartenant à des espèces de mêmes familles ou de fa- milles voisines, malgré les soudures et les irrégularités, les anomalies s’effacent, et les analogies reparaissent (i). Cette remarque sur laquelle je n’insisterai pas davan- tage , s’applique aussi au calice et à la corolle dont je vous parlerai bientôt. Le périantbe simple est tantôt d’un tissu vert, ferme et peu succulent [Jonc, Oseille, etc.]; tantôt d’un tissu coloré, mou, aqueux [Daphné , Polygomun , Lis, Hya- cinthe] , tantôt vert extérieurement, et coloré intérieu- rement [ Tetragonia]. 11 est rare que les étamines ne soient pas opposées aux segmens du périantbe simple, quand elles sont en nombre égal à ces segmens (2). Le périantbe double se compose de deux enveloppes distinctes; lune est extérieure et continue avec l’écorce du support de la fleur : on la nomme calice; l’autre est intérieure et continue avec le corps ligneux placé sous l’écorce du support; elle recouvre immédiatement les organes de la génération : on la nomme corolle (3). (1) En t8io, clans mon Mémoire sur les Labiées, annales du Mu- séum, t. XV, j’ai fait usage de cette méthode pour montrer l’ana- logie des corolles monopétales irrégulières avec les corolles mono- pétales régulières. (2) Corolla a perianlhio distinguitur qttod ilia cum staminibus situ alter- nat , per ianthium atitcm opponilur. Phil. bot. (3) Corolla et calix sunt legurnenta staminum et pistillorum quorum hit ex epidermide corticali , ilia ex libro orta est. Phil. Bot. aSa fleur. Périanth®. Ces distinctions de périanthe simple , de périanthe double, de calice, de corolle, sont fondées particulière- ment sur le nombre des enveloppes llorales et sur leurs positions respectives ; car l’expérience journalière ap- prend que tous les caractères tirés des fonctions, de l’or- ganisation interne, de la forme, de la consistance, des propriétés chimiques, sont vagues et incertains. Calice. Le calice est la partie la plus extérieure du périanthe double. Il est continu avec l’écorce du support de la fleur dont il a ordinairement la consistance ferme et la couleur herbacée. Son épiderme est couvert de glandes miliaires comme celui des feuilles. Il contient presque toujours des trachées quand il est épais ou qu’il a des nervures saillantes. A la lumière directe des rayons so- laires , il décompose le gaz acide carbonique , rejette l’oxigène et retient le carbone. A l’ombre, il exspire du gaz acide carbonique. Le périanthe simple , quand sa substance est verte, se comporte à la lumière et à l’ombre absolument comme le calice (i). (i) Définition du calice par Malpighi : Calix Jloris basis est et fnlci- mentum , sua corporaturo foliorurn stamina fovet , quia et ipsorum pro- gressait plerumque cooperit. Par Rai : Calix est qui Jlorcm sustentât ejusque nsélut basis et funda- mentuin ; est idcoque crassior et minus insignis Jlore. Par Tournefort : Calix dici debet, pars .Jloris posterior , crassitudine quadam notabili a pediculo distinct a. Par Ludwig : Calix s. perianthium est membrana exterior Jloris. Par Linné : Calix , cortex plantœ m fructificatione prœsens. Calix est thalamus ■vel si mavis cunnus , seu labia ejusdem intra qua : organa genitalia mascu/ina et feminina. Par M. A. L. de Jussieu: Exterius involucrum calix dictwn , interno stabi/ius, continuum culiculce pedunculi Jloralis sccpius ipsi concolor , ac ideo virescens , cceteras Jloris partes complectitur. Calice. a 53 On u beaucoup d’exemples de calices colorés : on en- tend par calices colorés, des calices dune autre couleur que le vert, qui est la couleur commune à la plupart des parties jeunes exposées à la lumière. Le calice de la Capucine est jaune, celui du Grenadier et du Fuchsia est rouge, celui de la Nigelle est bleuâtre. Il y a des fleurs qui ont un double calice, et par con- séquent , on pourrait dire qu elles ont un triple périantbe. Dans ce cas, le calice extérieur prend le nom de cali- eule [Mauve, Hibiscus , Scabieuse, PI. 3y, fig. 3. — PL 4 1 , fig- 5.]. Le calice est monosépale [OEillet, Primevère] ou po- lysépale [ Renonculacées , Crucifères]. Quand le calice fait corps avec l’ovaire , il est nécessairement monosépale [Campanule, Myrte, Eucalyptus , Pl. 43, fig. 7.]. On distingue dans le calice monosépale, le tube , l’ori- fice du tube et le limbe'. Le calice a un tube , lorsque étant d’une seule pièce, il ressemble dans une partie de sa longueur, à un tuyau plus on moins alongé [OEillet, Silene. Pl. 39, fig. 6.]. L’orifice du calice est l entrée du tube. Le limbe du calice est la partie supérieure qui se prolonge en lame mince au-delà des incisions ou de l’orifice du tube. Le calice polysépale est nécessairement détaché de 1 ovaire 5 mais le calice monosépale y adhère souvent. [Myrtacées. Pl. 43, fig. 7.]. Le calice polysépale tombe ordinairement quand la fleur s’épanouit, ou quand la fécondation est opérée et que le fruit commence à nouer [Chou et autres Crucifè- res , Pavot. ]v Le calice monosépale se maintient après la féconda- tion , et presque toujours il accompagne le fruit dans son développement. Il prend même alors, dans plusieurs es- 2 54 fleur. Périanthe. pèces, un accroissement considérable [Alkekenge, Fissi- Ha , Ileisteria , Patagonula , PI. 45, fig. 8. — PI. 54, lig. 3.}. Corolle. La corolle, partie intérieure du périanthe double, entoure immédiatement les organes de la génération. Elle est continue avec le tissu ligneux situé sous 1 écorce ; mais il s’en faut beaucoup qu elle en ait la consistance et l’aspect. Son tissu est mou , aqueux , coloré , fugace. Œjlle exspire du gaz acide carbonique et ne rejette point doxigène, soit à la lumière, soit à 1 obscurité (i). La plus grande partie de son tissu est cellulaire ; ce- pendant, au milieu des cellules alongées qui la parcou- rent comme un réseau vasculaire, on trouve des trachées très-délicates que l’on parvient à dérouler en déchirant doucement le tissu. Il arrive aussi qu’alors des goutte- lettes de suc propre paraissent quelquefois aux endroits où le réseau est rompu. Cela est bien apparent dans le Liseron dont le suc a la blancheur du lait. Très-raremeut l’épiderme de la corolle offre des glandes miliaires. Sou- vent il est couvert de poils ou de glandes globuleuses. Dans l’OEillet d’Inde , la Pensée, etc. , cet épiderme pré- sente à l’œil l’aspect du velours , parce que les parois cellulaires qui le composent , se dilatent en mamelons (i) Définition de la corolle par Linné : Corolla liber planta: in Jlotc prœscns. Corolla alterum floris inlegumentum tenerum in flore prœscns. Corolla est aulcum vel potins nymphœ. Par M. A. L. de Jussieu : Corolla in calice interior , libro pedunâuli continua, altéra involucri species nonnunquam abortiva , sœpe colorata non virais , indivisa aut ex pluribus constant foliolis seu pctalis , pro flore vulgatius habita titpotè manifestior , sexualibus immédiate apponitur or- ganis quœ surit stamina mascula ambientia et pistillum femineum centrale. Corolle. 20 6 dune finesse extrême. Les couleurs changeantes et har- monieuses d’une multitude de fleurs , résultent de cette organisation délicate. La corolle est régulière ou irrégulière. Pour qu elle soit régulière , il faut, non seulement quelle présente des formes symétriques dans son ensemble, mais encore que toutes ses parties correspondantes soient parfaitement: semblables entre elles [ Silene , Rose, Renoncule, OEillet, Campanule, Bourrache, etc. PI. 35, fig. 4- — PL 3c> , fig. 6. — PI. 4 2 , fig. i. — PL 43 , fig. 4-]. Sans cela elle est censée irrégulière [Capucine, Pied-d’ Alouette , Pélar- gonium , Labiées , etc. PL 36. — PL 42 , fig. 6 , 7,8.]. La corolle est monopétale ou polypétale : monopétale, lorsqu’elle est formée d’une seule pièce, de manière que si on l’arrache du lieu de son insertion , ou qu’elle s en détache delle même, elle offre un tout parfaitement con- tinu ; polypétale, lorsqu’elle est composée de plusieurs segmens ou pétales distincts , qui tombent séparément et qu’on peut arracher un à un [PL 35 et suiv.] (1). Cette distinction paraît fondée sur des caractères aussi évidens qu’absolus, toutefois elle n’est pas exempte d’in- certitudes. La corolle du F accinium oxycoccus se détache en quatre segmens , elle semble donc être polypétale ; cependant, avant leur chute, les segmens sont réunis par la hase; par conséquent, la corolle de Y Oxycoccus est monopétale comme celle des autres Faccinium . La corolle des Malvacées tombe tout d’une pièce avec l’an- drophore tubulé auquel les segmens sont attachés. A ne j uger que par l’union de ses parties après sa chiite , on (1) Petala surit folia ilia, que* forma et colore plerurnque carter is par- tibus preestant quoique nunquarn fiunt seminis involucrum. Touinef. Isa^* Petalum tegmen florin corollaccum. Phil. Bot. 2 56 fleur. Périanthe. rangera cette corolle dans les monopétales , à l’exemple de Tournefort; mais, si l’on fait attention que l’union n’est point immédiate , quelle a lieu par l’intermédiaire de landrophore, et qu’en supprimant celui-ci, il reste cinq pétales isolés, on se décidera , avec les modernes, pour le sentiment des prédécesseurs de Tournefort qui admettaient dans les Malvacées, des corolles polypétales. [PI. 4i, fig. 5.]; Un cas plus embarrassant , c’est lorsque plusieurs pé- tales sont soudés latéralement, et imitent, comme disent les Botanistes, une corolle monopétale, ainsi qu’on le voit dans le Statice monopetala , le Polygala heisteria, etc. Sans doute, à prendre les choses à la rigueur, de telles corolles sont réellement d’une seule pièce; mais quand on considère que les segmens qui les composent ont des lignes de jonction très-marquées , correspondantes aux lignes de contact des pétales des espèces congénères visiblement polypétales i et qu’il est facile de séparer ces segmens les uns des autres , sans qu’il y ait apparence manifeste de lésion , on a moins de répugnance à se prêter au langage figuré des Botanistes, et à rapporter ces corolles à des corolles polypétales [PI. ‘4rj, fig. i.]. Quelquefois le nombre des pièces qui se séparent dans une corolle polypétale, est moindre que celui des péta- les ; cela provient, comme on dit, d’une soudure partielle, expression qui , de fait , n’est pas plus rigoureuse que la précédente. La corolle du Fissilia , par exemple , a cinq pétales , et elle tombe en trois pièces , parce que quatre des pétales sont soudés deux à deux [PI. 4°i fig- 6 ]• Quoiqu’il en soit , pour ne pas s’engager dans des sub- tilités qui ne roulent que sur des suppositions gratuites £t sur des définitions arbitraires, on doit, en général, adopter cet axiome de llivin , que le nombre des -pétales Corolle. Formes diverses. 207 se compte par le nombre clés segrnens distincts et sépares au moment de la chute de la corolle (1). On distingue dans toute corolle monopétale, le tube (2), qui est la partie inférieure, laquelle a plus ou moins la forme d’un tuyau; l’orifice ou la gorge du tube, qui est l’ouverture supérieure ; le limbe (3) , qui est toute la partie mince et dilatée, depuis l’orifice jusqu’au bord in- clusivement [PI. 35. — PL 36. — PL 3y.]. On distingue dans toute corolle polypétale , les pétales qui sont les différens segmens dont l’ensemble constitue la corolle ; et dans chaque pétale , l’onglet (4) qui est la partie par laquelle le pétale tient à la fleur, et la lame (5) qui est la partie supérieure, mince et dilatée, correspon- dante au limbe de la corolle monopétale [PL 39 et suiv.]. La Circée a deux pétales; le Cneorum , trois; le Chou et les autres Crucifères, quatre; la Rose, cinq, etc. [Pl. 39 , fig. 1 , 2 , 1 1. — PL 43 , fig. 4.]. Les corolles monopétales se classent par leurs formes de la façon qui suit : i° Les campanulées : Le tube est dilaté dès la base, l’orifice est large, en sorte que ces corolles ressemblent à de petites cloches [Campanule. Voy. PL 68, Méth. de Tournefort , Classe I, fig. 1.] (6). (1) Toi petala numeramus , in quot resolvitur Jlos deciduus. (а) Tubus , corollœ monopetalœ pars inferior lubulosa. Phil. Bot. (3) Limbus , corollœ monopetalœ pars superior dilatata. Phil. Bot. (4) Ungttis , corollœ polypetalœ pars inferior basi affxa. Phil. Bot. (5) Lamina , corollœ polypetalœ pars superior patula. Phil. Bot. (б) F/os campaniformis carnpanœ quidem formata obtinet ; sed in eo tria maxime spectanda surit. Fundum nempe, latera, et os. Si fundum simul etlatera ampla sint , neque os muhb mugis diffusum , tune flos campani- formis tantum appellandus ; quoniam a carnpanœ 'vulgaris forma non multurn reccdit, qualis est Jlos Campanules , Belladonœ. Si 'vero fundum *7 ■2 58 fleur. Périanthe. 20 Les infundibuliformes : Le tube est étroit et dilaté insensiblement, le limbe est large à la manière des co- rolles campanulées , ce qui les a fait comparer à un en- tonnoir [Tabac. Voy. PL 68, Métli. de T. CL 11, fig i.] (i). 3° Les hypocratériformes : Le tube est étroit et ne se dilate point à son orifice, le limbe est plane ou peu con- cave , en sorte quelles ont l’aspect d’une coupe antique, ou bien d’un tuyau cylindrique élargi en plateau à sa partie supérieure [Pblox. Yoy. PL 68 , Méth. de T. CL 11, fig. 2.]. 4° Les rotacées ou corolles en roue : Le tube est très- court, le limbe est plane et découpé en plusieurs dents ou plusieurs lobes égaux ; le tube forme comme le moyeu, et les divisions du limbe comme les rayons de la roue \Solanum. Voy. PL 68 , Méth. de T. CL 11, fig. 3.] (2). et latcra angustiora sint ac vcluti in tuburn contracta ut in flore Polygonati et Ccrinthes observantur , tune campanifonnis tubu/atus dicendus. Campa - niformis autern patens et diffusas , si os lateraque fundo magis pateant ; qualis est acetabuli forma , flosque Malvce , Asclepiadis , Bryoniœ. Demuin si cceteris parlibus os angustius sit , campanifonnis globosus nominari débet, ut révéra est J Los Arbud , Husci , Ericce. Tourncf. Isag. Limbus campanulatus , ventricosus absque tubo. Vrceolatus , pelvis instar injlatus. Ph il . Bot. (1) E/os infundibulifonnis ab infundibulo nomen invenit. Inferior e/us pars in tubum desin it, superiore in conum inversum vel in discum dila- tatâ : quare alius infundibu/iformis propriè dicitur , qui nempe è cono in tubum coarctatur ; alius hypocratcriformis qui hypocrateram seu vas quod poculis inter bibendurn supponi so/et , reprœscntet. Flos Auriculœ ursi , Cen- taurii minoris , Jalapcc , Echii , infundibulifonnis est. F/os vet o Primulœ veris et Androsaces hypocralerifarmis , quia tubas ej us in discum , non in conum explicatur. Tournef. Isag. Limbus infundibulifonnis , conicus , tubo impositus. Limbus hypocratcriformis , planus , tubo impositus. Phil. Bot. (2) Flos rotatus rota: formata exhibet, ut palet in floribus Jlorraginis , Anagallidis , lys i m achiæ. Tourncf. Isag. Limbus planus , nu/li tubo impositus. Phil. Bot. Corolle. Formes diverses. ^5t) Quand les corolles en roue sont très-petites, et que les découpures de leur limbe sont aiguës, on les désigne sous le nom d’étoilées [Caillelait.]. 5° Les labiées : Le tube est plus ou moins courbé, la gorge est dilatée; le limbe est divisé en deux lobes prin- cipaux, dissemblables, disposés l’un au-dessus de l’autre comme deux lèvres [Voy. PI. 68, Mét. de T. Cl. IV.] (i). 6° Les personées : Le tube est plus ou moins courbé ; la gorge est large et renflée ; le limbe a deux lobes princi- paux, dissemblables et disposés en lèvres fermées par la dilatation proéminente de leur surface. Ces corolles imi- tent grossièrement un mufle d’animal, ou certains masques antiques [Mufle-de-V eau. Voy. PI. 68, Méth. de T. Cl. III.] (a). (1) Flos labiatus inferne tcnuatur in Jislulam , superne in labium am- pliatur vel unicum 'vel geminum. Huic proprium est ut pistillum ejtis abeat in fructum ex quatuor seminibus constantem , in ipso calice tanquam in capsula propria maturescentibus ; ut in Salviâ , Hormino , Marrubio , Cha- îner dri. Ne que tamen a methodo med, quæ in classibus statuendis tota pende t a floribus , dejlectere mihi ■videor, curn fructûs etiam mentio fiai in quorumdam forum defnitione : nam preeterquam quod id herbariorum usa fuerit confirmation , qui umbellatnm florem fnierunt eum , cui geminum succedit stmen ; cur , queeso , pistilli vel calicis ratio non habenda in fioris explicatione , chm fioris partes non ignobiles sint , quarum alterutra sem- per abitin fructum ? Tournef. Isag. Limbus ringens , irregularis , in duo labia divisas. Galea labium snperius fornication. Phil. Bot. (2) Flores simp/ices monopetali anomali , etiam pandores , multiformes tamen sunt : nec singulari nomine comprehendi possunt , ut sunt fores Aristolochiœ , Digitalis , Scrophulariœ . Ab his excipias eos , qui labiatorum faciem pree se ferunt , ut Linarice fores , Antirrhini , Pedicularis , Mclam- pyri , etc. , personati dici possunt, quod confictam faciem seu personarn , rostrurnque animalium rictu et labiis non malè référant. Personati a labiatis differunt , quod illorum pistillum abeat in capsulam seminum , à calice omnino distinctam. Tournef. Isag. Limbus larvatus , ringens fauce clausa utroque labio. Palatum pars pro- prominens. Phil. Bot. 17, 260 fleur. Périanthe. 70 Les ligulées ou demi -fleurons : Le tube est délié , le limbe se prolonge d’un seul côté en languette [ Synan- thérées semiflosculeuses et radiées. Yoy. PL 69,Méth. de T. , Cl. XIII et Cl. XIV.] (1). Les corolles polypétales se classent également par la considération de leurs formes. i° Les cruciformes : Elles ont quatre pétales placés en croix [Chou et autres Crucifères. Voy. PI. 68, Méth. de T. , Cl. V, fig. 2.] (2). 20 Les caryophyllées : Elles ont cinq pétales réguliers dont les onglets longs , dressés , sont environnés et cachés par le calice, et dont les lames ouvertes, sont étalées en rosace [OEillet. Voy. PL , Méth. de T. Cl. VIII, fig. 1.] (3). 3° Les rosacées ou roselées : Leurs pétales au nombre de cinq au moins , ont des onglets ordinairement très- courts ,. et sont disposés en rosace à partir de leur base [Rose, Fraisier, Framboisier, Renoncule , etc. , Voy. PI. 68, Méth. de T. Cl. VI, fig. 2.] (4). 4° Les papillonacées : Celles-ci , composées de cinq pétales qui ont reçu des noms particuliers, sont irrégu - (1) Flos lingu/atus monopetalus , planus linearis compositarum. Phil. Bot. édit, de Sprengel. (a) Flos crucifonnis dicitur ille ex quatuor petalis conficitur crucis par- tium in modum positis ; qua/es surit Jlores Leucoii et Brassicœ. Hujus pariter calix quatuor obtinet fo/ia , eodem ordine posita. Pistillum autem semper abit in fructurn. Tournef. Isag. Lamina crucifonnis , petalis quatuor œqualibus patens. Pliil. Bot. (3) F/os carjophjllœus in eo differt a rosaceo , quod petala ex ipso calice tanquam è tubulo emergant , ut sunt flores Caryophylli , Liai , Statices, Tournef. Isag. (4) Flos rosaceus ex pluribus aut paucioribus petalis quarn quatuor componitur in orbem positis , quo plane modo petala florum rosœ dispo- nuntur. Ut viderc est in Ranunçulo, Quinquefolio , Pcvonia. Tournef. Isag. Corolle. Formes diverses. aGr lières. Le pétale supérieur , ordinairement grand et re- dressé , est l’étendard ou pavillon ; les deux pétales laté- raux, rapprochés l’un de l’autre par leur face interne, sont les ailes ; les deux pétales inférieurs , taillés en rondache , se touchant ou même se soudant par leur bord antérieur, imitent une carène et en prennent le nom. [La plupart des Légumineuses. Voy. PI. 68, Méth. de T. , Cl. X, fig. i, 2.] (i). Ces onze formes de corolles, tant monopétales que po- lypétales, sont en quelque façon, des types auxquels on peut rapporter la plupart des corolles, en indiquant les modifications par des expressions convenables. Les corolles irrégulières monopétales ou polypétales , qui échappent à cette classification , sont anomales , c’est- à-dire, qu elles sont hors de la règle commune \ Utricula~ lia , Capucine, Aconit, Pied- d’ Alouette, etc. , PI. 4(i) 2 ■> fig. 7, 8.]. De toutes les parties de la fleur, aucune n’attire autant les regards que la corolle. La forme de cet organe de luxe, si je puis ainsi parler, semble d’abord un caractère très-important ; toutefois, les résultats de l’expérience ne s’accordent point avec les premières impressions. Les familles les plus naturelles rapprochent souvent des co- rolles de formes très-diverses. Les corolles régulières (i) Flores simpliccs poTypctali anoma/i, etiamsi pauciores , multiformes tamen sunt , nec singulari nomine comprehendi possunt , exceptis Legurni- nosis quos V alerius Cordus a Papilionis forma papilionaceos appellavit. Flos autem papilionaceus constat ex petalis dissimiUbus , quorum supe- rius • vexillum , inferius carina , duo quœ media sunt , alœ nuncupari oient. Carina quoque scepissimè ex duobus petalis componilur , ut in Fabâ, Piso , Lathyro. Haie flori proprium est ut pistillum abeat in fructum qui siliqua ■vocari solct. Tournef. Isag. Lamina papilionacea , irregn/aris : petalo infcriorc cymbiformi , supe- riori ascendente , lateralibus solitàriis. Phil. Bot. 262 fleur. Périanthe. s’associent aux corolles irrégulières dans les Borraginées, les Solanées, les Canipanulacées , les Synanthérécs , les Renonculacées , les Géraniées , les Légumineuses [Voy. Bourrache et Echium , PI. 35, fig. 4, et PI. 36, fig. 3. — Renoncule et Pied-d’Alouette , PI. \ fig. 3, et PI. 43, fig 1 et 2.], etc. Enfin, la même famille et le même genre comprennent quelquefois des espèces pourvues de corolle, et d autres qui en sont privées. Le Frêne à fleurs, ainsi nommé parce qu’il a un calice et des pétales, se place de lui -même auprès des autres Frênes qui n’ont ni calice ni corolle, et le genre Frêne est inséparable des genres Jasmin et Lilas, qui ont une corolle monopétale. C’est une loi assez constante que la corolle monopétale porte les étamines. Depuis la base de la corolle jusqu’au point de départ de chaque filet, règne une nervure plus ou moins saillante [Datura , Tabac, etc.] formée par les vaisseaux staminaux. Cette organisation a fait dire à plu- sieurs botanistes que dans les monopétales, c était à la base de la corolle qu’il fallait chercher la véritable inser- tion des étamines, et non au point où les vaisseaux sta- minaux se dégagent du tissu pour produii’e les filets. Je ne repousse pas cette idée, mais j’observe que, très-sou- vent, on peut, de même que dans les corolles monopé- tales, suivre la trace des vaisseaux staminaux à la surface interne des périanthes simples; en sorte que, pour être conséquent , ce serait à la base de ces périanthes que l’on devrait chercher également l’insertion des organes males. fl est rare que les pétales des corolles polypétales por- tent des étamines. Corolle. Insertion. Couleur. aG3 La corolle est attachée sous l’ovaire dans le Liseron, etc. ; autour de l’ovaire dans la Campanule, etc.; sur 1 ovaire dans le Chèvre-feuille , etc. ; sur le calice dans la Salicaire, la Rose, etc.; sur le gynophore dans l’OEillet, le Silene [PI. 39, fig. 6.3, etc.; cà sa base, dans le Cleome pcnta- p/yl/a, YHelicteres [PI. 39, fig. 5. — — PI. 4 1 ? fig- 3.], etc. Si la corolle devient double dans quelques circonstan- ces, comme je vous l ai fait remarquer en vous parlant des métamorphoses des étamines et des pistils, dans d’autres circonstances elle avorte, et alors le calice, en- tourant immédiatement les organes de la génération , de- vient un périanthe simple. C’est ce qui arrive au Campa- nula perfoliata , au Glciux maritima etc., (1). Quand la corolle est grande , que sa forme est élégan te , que ses couleurs plaisent à l’œil , et quelle exhale une odeur suave, elle est , sans contredit, une des plus gra- cieuses et des plus riches productions de la Nature ; aussi les personnes qui ignorent l’existence des organes sexuels dans les plantes , ne voient-elles de fleurs que là où elles trouvent des corolles, ou des périantlies simples qui en ont le tissu délicat et brillant. La fraîcheur et l’éclat de la corolle dépendent de l’ex- trême ténuité de son tissu , et sa délicatesse organique est la cause de sa courte durée. Aucune corolle n’est noire; beaucoup sont blanches, jaunes, bleues, rouges, violettes, etc. 11 en est dans lesquelles plusieurs de ces couleurs sont fondues et nuan- cées, et d’autres dans lesquelles elles sont rapprochées brusquement, sans aucune teinte intermédiaire. La couleur de la corolle et celle des périantlies simples (1) Adanson assure qu’il a vu , dans les serres du duc d’Ayen , le Bocconia avec une corolle , quoique communément cette plante de de la famille des Papavéracées en soit privée. 26/4 fleur. Périantbe. et des calices d’un tissu semblable à celui de la corolle, diffère souvent dans une même espèce, sans que nous puissions en pénétrer la cause. La Belle- de- Nuit porte une corolle rouge, jaune ou blanche; l’Églantier porte une corolle ponceau ou jaune , etc. L’homme ne crée point; ces variétés ; des circonstances encore inaperçues, et que par cela même nous ne pouvons reproduire à volonté , les font naître; le cultivateur s’en empare ; il les conserve et les propage par son industrie. Les Botanistes remarquent même très -fréquemment ces accidens de couleurs dans les plantes venues en lieux agrestes. Je n’en citerai qu’un exemple entre mille. Sur les rives sauvages du Volga et du Samara , Pallas a trouvé X Anemone patens chargé de périanthes tantôt bleus, tantôt blancs, tantôt jaunes. Dans beaucoup de corolles et de calices ou de périan- thes pétaloïdes, la couleur change insensiblement à me- sure que ces enveloppes délicates approchent du terme de leur existence. Dans quelques-unes la transition est brusque et très -marquée. Le calice pétaloïde de X Hor- tensia est d’abord verdâtre, il passe ensuite au rose ou au bleu , puis il prend une teinte violette , et enfin il devient d’un blanc sale, ou d’un rouge pourpre. La co- rolle du Cheiranthus mutabilis passe du blanc au jaune, et du jaune au pourpre ; celle de plusieurs Borraginées et du Lathyrus sylvestris , du rouge au bleu ; ■'Celle de plusieurs Véroniques , du blanc au bleu. Le périantbe simple du Gladiolus 'versicolor présente un phénomène plus remarquable encore (i). Il est brun le matin, mais pendant la journée cette couleur change, et vers le soir, le périantbe est d’un bleu clair. Il re- prend, dans la nuit, la couleur quil avait la veille, et (2) Observation de M. Andrews. Corolle. Couleur. Odeur. 260 ce changement s’exécute tous les jours, jusqu à ce que la fleur soit fanée, ce qui n’a lieu qu’après huit à dix jours. A mesure qu elle approche du terme de son exis- tence, la couleur brune acquiert plus de fixité, et enfin elle devient constante. C’est, je pense, le seul exemple que l’on connaisse d’une fleur qui reprenne la couleur et l’éclat qu’elle a une fois perdus. Tous ces changemens de couleurs résultent, comme je l’ai dit en traitant des principes immédiats, des différen- tes modifications qu éprouvent les matières colorantes végétales, par faction des acides et de l’oxigène (1). Toutefois il existe des espèces et même des genres dans lesquels la couleur est invariable. Elle peut alors aider le Botaniste dans ses recherches , pourvu qu’il ne considère ce caractère que connue un avertissement pour remonter à certains autres caractères plus essentiels. On sait , par exemple, que dans les Ombellifères , où la couleur est assez constante, la corolle des Peucedanum , des Cachrjs , des Persils, etc., est jaune, et que celle des Cicutaria , des Cerfeuils, etc., est blanche. On ne connaît pas un seul Hieracium dont la fleur ne soit jaune ou orangée. Les huiles volatiles , élaborées dans le tissu des coi’ol- les , sont la source ordinaire des émanations odorantes que les fleurs répandent dans l’atmosphère. Ces odeurs varient à 1 infini, et leur production résulte de mille cau- ses internes ou externes que nous ne pouvons toutes éga- lement apprécier. La température rend les odeurs des fleurs plus ou moins sensibles. Si la chaleur est très-forte, les huiles volatiles se dissipent plus promptement qu’elles ne se renouvellent ; si la chaleur est très-faible , les huiles volatiles restent concentrées dans les cellules où elles se (1) Opinion de M. Chevreul. 266 fleur. Périanthe. sont élaborées ; dans ces deux cas, les Heurs sont à peine odorantes. Mais si la chaleur n’est ni trop forte ni trop faible, les huiles volatiles s’exhalent sans se dissiper, et forment autour des fleurs une atmosphère parfumée. Voilà pourquoi les fleurs ont en général une odeur plus pi'ononcée le matin et le soir que durant la nuit et que dans le milieu du jour. Cependant, il ne faut pas regar- der cette loi comme invariable , parce que l’action des organes , et la nature des substances odoriférantes pro- duites par la végétation, diffèrent selon les espèces, et occasionnent des modifications dans les phénomènes. L’humidité de l’air contribue aussi à rendre les végétaux plus odorans. Elle pénètre le tissu délicat des corolles et en expulse les huiles volatiles. La plupart des Heurs répandent leur odeur sans inter- ruption , tant qu elles ne sont pas flétries ; d’autres ne sont odorantes que pendant le jour [Cestrum diurnum\ ; d’au- tres , que pendant la nuit [ Cestrum nocturnum , Géranium triste\ Quelques-unes, telles quel’ Arum dracontium et les Stapclia , exhalent des odeurs d’une fétidité insuppor- table , et elles attirent les insectes qui se nourrissent d’excrémens et de chair corrompue ; beaucoup , au con- traire , exhalent des odeurs suaves ; mais quelle que soit la sensation que ces différentes odeurs fassent éprouver, il est certain qu elles agissent sur les nerfs comme stupé- fiantes et narcotiques , et qu’il est dangereux de les res- pirer long -temps. Appendices et Formes anomales du Périanthe. Les appendices du périanthe sont des proéminences qui , partant brusquement de sa surface, sans que sa for- me générale en éprouve une altération marquée, sem- [ Appendices et formes anomales. 267 blent des parties surajoutées [PI. 35, fig. 5, B. — fig. 10, B. a. ]. Les formes anomales des périantlies dépendent de l’accroissement plus ou moins singulier et extraordinaire de leurs parties [PI. , fig. 7, A. b. — fig. 8, A. £.]. Quelquefois une proéminence n’est qu’un simple ap- pendice dans le périanthe d’une espèce, et elle prend un tel développement dans le périanthe de l’espèce voisine , qu’elle y détermine une anomalie prononcée. D’autres fois la production de certains appendices est due à une forme anomale quelconque. Sous cette double dénomination de formes anomales et d’appendices , je range les lamelles , les couronnes , les fossettes , les sillons , les plis , les bosses , les sacs , les cornets et capuchons, les éperons, les labelles, etc., qui font partie des périanthes simples ou doubles , et des étamines. Les lamelles sont des appendices minces , pétaloïdes r souvent découpés ou frangés. Cinq lamelles dentelées et saillantes garnissent l’orifice de la corolle du Laurier- rose [PI. 35, fig. 10, B.]. Dix lamelles disposées parallè- lement, deux à deux, parcourent l’intérieur du tube de YHjdrophjllum dans sa longueur [PI. 35, fig. 5 B.]. Une lamelle dentelée est située au point de jonction de l’onglet et de la lame du Silene [PI. 89, fig. 6.]. Deux lamelles situées sous la lèvre supérieure des Dracocepha- lum peltatum et incanum , se referment sur les éta- mines. Les couronnes sont minces et pétaloïdes comme les lamelles ; mais elles sont formées d’une seule pièce cir- culaire qui surmonte l’orifice des périanthes. Telle est la couronne du Narcisse. Les fossettes sont des enfoncemens en forme de srodets ou de cuillers. Elles se remplissent quelquefois d’une 2.68 fleur. Périanthe. liqueur propre à la fleur. On remarque six fossettes au fond du périanthe de la Couronne impériale. Les sillons sont des espèces de fossettes très-alongées. Un caractère distinctif du Lis, est d’avoir les divisions de son périanthe sillonnées longitudinalement. Les plis ressemblent aux plis d’une étoffe. Les sacs sont des cavités plus creuses que les fossettes, mais dont le fond est également arrondi. Les bosses ne sont autre chose que les sacs vus sur la face opposée à leur ouverture. L’orifice de la corolle du Lycopsis , de X A nchus a , de la Bourrache, de la Cyno- glosse, est garni de cinq bosses saillantes qui correspon- dent à un égal nombre de sacs ouverts sous le limbe [PI. 35, fig. 4,8.]. Les cornets et les éperons , plus apparens que les sacs et les bosses, sont aussi des développemens des périan- thes qui paraissent en creux ou en relief, sous l’aspect de cornets ou d’éperons, selon la surface que l’on ex - mine. Le calice coloré de la Capucine et du Pied-d’A- louette, se prolonge en un éperon [PI. 4a, fig. 7,8.]. Cinq appendices, en forme de cornets, sont attachés à la corolle de l’Asclépias, et font partie de l’androphore [PI. 35, fig. 9.]. Les capuchons sont de grands cornets ou de grands sacs redressés et ouverts antérieurement, comme des capu- chons ou des casques. Cette forme anomale, toujours très- apparente , se montre dans l’Aconit, etc. [PI. 69, XI. a.]. Le labelle est un prolongement de l’une des divisions du périanthe , laquelle s’abaisse en avant en manière de lèvre. Dans la plupart des Orchidées, il y a un labelle [ PI. 34, fig. 4, 5 , 6.]. Les espèces d’une même famille offrent souvent plu- sieurs de ces modifications organiques, et le passage de Appendices et formes anomales. 269 l’une à l’autre est visible. Un exemple frappant peut se tirer des Renonculacées [PI. 41 1 fi»- 10- — PI- 4 2i ^g- 1 , 8 , 9. — PI. 6g , XI. a.\ La fleur de l’Adonis n’a ni appendices ni formes anomales. La Renoncule voisine de l’Adonis porte, «à la base de ses pétales, une simple écaille glanduleuse , faible commencement d’anomalie. La Nigelle offre des pétales façonnés en cornets , et dont la lame se termine en deux lèvres irrégulières. Des cornets beaucoup plus grands , et qui s’alongent en éperons au-dessous du calice, composent la corolle de l’Ancolie. Jusqu’ici l’anomalie s’arrête aux pétales et les affecte tous également, de sorte qu’elle ne détruit pas la régularité de la fleur ; mais dans le Pied-d’ Alouette , le sépale supé- rieur du calice se creuse en cornet , deux pétales alongés en éperons se cachent dans sa concavité, et les autres parties du calice et de la corolle prennent , à peu de chose près, la forme la plus commune; d’où il résulte que le périanthe est très-irrégulier dans son ensemble. La seule différence entre le périanthe du Pied-d Alouette et celui de l’Aconit ; c’est que dans ce dernier le sépale supérieur du calice et les deux pétales qu’il recouvre, sont creusés en capuchons et non pas en cornets comme dans le Pied-d’Alouette. Les rapports natui’els entre la Capucine et les Géra- nium d'Afrique, ou Pélargonium , se confirment par la forme anomale du calice. Cette partie extérieure du pé- rianthe est pourvue d’un cornet dans l’un et l’autre genre ; mais le cornet de la Capucine se développe en un éperon libre et saillant, tandis que celui du Pélargonium est soudé le long du pédoncule , et ne devient visible que par la dissection [PI. 42 , fig. 6, 7.]. L’étude de ces altérations successives des types est une source de lumière pour le botaniste , et l’usage qu’il en sait faire pour rapprocher ou éloigner les espèces , 270 fleur. Périanthe. donne le mesure de l’étendue de ses connaissances , et de la justesse de ses vues. Parmi ces formes anomales il en est qui semblent n’exister que pour modifier les types et distinguer les races j mais d’autres sont de véritables organes de sécré- tions, ou bien servent de réservoirs aux liqueurs que la fleur rejette. Au fond des pétales en capuchon des Aco- nits et des pétales en cornet des Ancolies,on remarque une lame glanduleuse qui distille un suc particulier. Ce n’est donc pas toujours sans raison que Linné considère les appendices et les formes anomales comme des nectai- res , quoique à vrai dire, il vaille mieux appliquer ex- clusivement cette dénomination aux corps glanduleux dont je vais parler. Nectaires. Les nectaires ou glandes florales sont des corps char- nus qui naissent sur le réceptacle, l’ovaire , les étamines ou les pétales, et qui séparent de la masse des fluides le nectar , suc mielleux que l’on trouve déposé au fond des périanthes (1). Les nectaires sont souvent lisses et colorés. Leur substance est formée d’un tissu cellulaire très-fin, traversé par des ramifications vasculaires. Dans certaines espèces, notamment dans le Cobœa (2), les vaisseaux du pédoncule parcourent le nectaire, et y font plusieurs cir- cuits avant d arriver au pistil. Le suc mielleux des fleurs s’échappe tantôt , ar un ou plusieurs pores placés au fond de quelque repli du nectaire, tantôt par toute sa surface, couverte de porosités imperceptibles. (1) N ectaria stricto sensu, s. organa humorem nectarinwn secernentia. Phil. Bot. édit, de Sprengel. (2) Voyez mou Mémoire sur f Organisation de la fleur , dans les Mé- moires de T Institut, pour 1808. Nectaires. 27 1 Dans les Rosacées, les Légumineuses, les Onagrariées, les Saxifragées, les Sapinilées, etc., le nectaire, sous la forme d’une lame charnue , tapisse , en partie, la surface intérieure du calice. Dans les Labiées , les Aurantiacées , etc. , il tient la place d’un gynophore [ PI. 36, lig. 7, B. b. — PI. 4°, fig. 4, C. a.]. Dans le Cobæa , le Pcganum, les Bignonées , les Per- sonées, etc. , il entoure la base de 1 ovaire comme un an- neau [PI. 3o, 6g. 7.]. Dans le Chironia frutescens , il ressemble également à un anneau , mais au lieu d’entourer l’ovaire , il entoure la base de la corolle. Dans le Liseron, il fait corps avec la partie inférieure de l’ovaire [PI. 3o, fig. 1.]. Dans les Synanthérées , il le couronne [PI. 37, 6g. 6, D. a. ]. Dans l’OEillet, le Silene , le Cucubalus ,1e Scutellaria , il est placé au haut du gynophore [PI. 39, 6g. 6, 7.]. Dans le Xylophylla , il est divisé en cinq glandes ar- rondies [PI. 32, 6g. 4.]. Dans le Parnassia , il est divisé en cinq grandes écailles qui se terminent chacune par six à douze lanières déliées, surmontées chacune d’une glande [PI. , 6g. 5.]. Dans le Balanites œgyptiaca , il est dilaté et creux comme une bourse à jetons. Sa superheie est veloutée; il porte les étamines vers sa base, et cache, dans sa con- cavité, le pistil naissant. Le pistil, en se développant , écarte les bords de la bourse et paraît au jour [PI. 4o , fig. 3. ]. Il y a aussi des nectaires qui sont de simples pores. On en compte trois de cette sorte sur l’ovaire de l’Aspho- dèle rameux. Enfin, on peut rapprocher des nectaires la petite écaille 272 fleur. Nectaires. attachée à l’onglet des pétales de la Renoncule [PI. 42, fi g-, 1.]; les lames pétaloïdes qui entourent l’ovairé des Tilleuls d’Amérique [PI. 41 2 ■> %• 7 •]; les glandes des sépales du Malpighia , des pétales de l’Epine'- vinette , des filets des étamines du Mahernia pinnata [PI, 3 1 , fig. i5.] , des Géranium , etc. Celles des Géranium ne diffèrent en aucune façon des glandes cyathiformes. C’est particulièrement avec les sucs que distillent les nectaires , que les Abeilles composent leur miel. Je termine par une observation critique. Linné réunit en bloc, sous le nom général de nectaire , non seulement les corps glanduleux, les pores, les appendices et les formes anomales des fleurs , mais souvent encore les éta- mines , les anthères , les ovaires avortés, et les andropho- res simulant plus ou moins un godet ou le tube d’une corolle. Il suit de là que, sur ce point, Linné obscurcit les analogies naturelles au lieu de les éclairer. Du mo- ment que l’on confond les organes, on détruit les bases de toute bonne classification. Pédoncule. Les fleurs sont attachées aux rameaux , aux tiges , aux feuilles, aux racines, quelquefois immédiatement, d’autres fois par l’intermédiaire d’un support privé de feuilles. Ce support est un pédoncule (1). Les dernières divisions d’un pédoncule ramifié sont des pédicelles (2). (1) Pedunculus , truncus partialis , elevans fructijicationem , nec folia. Lin. Phil. Bot. (2) Pedicellus est pedunculus partialis. Lin. Phil. Bot. Je m’écarte ici de la définition de Linné; à l’exemple des moder- nes, je ne donne le nom de pédicelle qu’aux dernières ramifications du pédoncule qui servent de supports immédiats aux fleurs. Pédoncule. Hampe. Clinanthe. i'j j La distribution des vaisseaux du pédoncule varie dans chaque espèce. Elle s’accorde, comme on devait le croire, avec la disposition des parties de la fleur auxquelles les vaisseaux portent la nourriture (i). Lorsque le pédoncule part immédiatement de la racine, il prend le nom de hampe. Une hampe, selon la rigueur de la définition, doit être dépourvue de feuilles; cependant , quand les feuilles sont rares, petites, sans pétiole, et quelles ressemblent à des écailles, on se sert encore du nom de hampe. La hampe forme la transition entre le pédoncule et la tige. Toute la partie d’un pédoncule qui porte plusieurs fleurs dans sa longueur, soit immédiatement, soit par l’intermédiaire de ramifications plus ou moins multipliées, reçoit le nom d’axe ou de spadix. Le spadix, èn lui- même, ne diffère pas de l’axe ; mais on lui a donné un nom particulier, parce qu’il est environné dune spa- the (2), enveloppe florale dont il sera question plus bas; tandis que l’axe en est dépourvu [PI. 28, fig. 3, 10. — PI. 29, fig. 1.]. Un pédoncule élargi à son sommet en un plateau chargé de plusieurs fleurs sans pédicelle apparent, reçoit le nom de clinanthe [ PI. , fig. 6. — PI. 36 , fig. 1,2, 3. ]. Le clinanthe du Zinnia est convexe ; celui du Dorste- nia est plane; celui de 1 ' Ambora est creusé en coupe ; celui du Figuier est dilaté à sa partie moyenne et fermé à son sommet, en sorte qu’à l’extérieur il ressemble à une poire [PI. 43, fig, 8, 9. — Pi. 55, fig. 4-]- C’est par de telles nuances que la Nature modifie les (1) Vovez mon Mémoire sur l'organisation de la Jlcur , dans les Mé- moires de l’Institut , pour 1808. (2) Spadix ,pedunculus commuais e spatha oriens. Phil. Bot. Sprengel. l8 274 fleur. Enveloppes accessoires. types , et les rend méconnaissables pour quiconque ne l’étudie que superficiellement. Enveloppes accessoires de la fleur , telles que Bractées proprement dites, Calicules , lnvolu- cres , lnvolucelles , Calathides , Bractèoles , Spa- thes , Spathelles , Spatliellules , Paléoles, Cupules. Les fleurs sont accompagnées souvent d’enveloppes distinctes des périanthes, et qu’on peut regarder comme accessoires.' Ces enveloppes ont une grande analogie avec les feuilles; elles se confondent même quelquefois avec elles. Ce sont des bractées (i) : il y en a de plusieurs es- pèces. Les bractées proprement dites, sont des feuilles or- dinairement très - petites , placées auprès des fleurs , et qui diffèrent des autres feuilles, soit par leur couleur, soit par leur dimension, soit par leur forme, soit par leur consistance [ Melampyrum , Lavande , Sauge , Mo- narda , etc. PI. 29, fig. 4-]« Les bractées deviennent des involucres (2) quand elles sont disposées en colerettes d’une ou de plusieurs pièces ou folioles , au-dessous d'une seule fleur [ Anemone nemo- morosa , Clematis calycina ], ou de plusieurs fleurs \_An- (1) Bractea dicitur folium florale, curri colore et figura recedit a cœteris. Bracteam pro perianthio sœpius et facile assumi, patet ex Uelleboro , Nigella, Passif ora, Pegano. Phil. Bot. (2) Involucrurn cafyx umbcllœ a fore remotus. Involucrum universale , umbcllœ universali subjectum. Involucrurn partiale, umbellœ partiali subjectum. Phii. Bot. On ne doit pas prendre le mot Ca/yx à la lettre ; un involucre n’est point un calice. Bractées. Bractéoles. Invo lucres. Spathes. 27 5 drosace , Ombellifères , Synanthérées , PI. 28, fig. 1. — PI. 37, fig. 6. ] (1). Elles deviennent des involucelles quand elles entourent la base de plusieurs pédicelles qui partent de pédoncules pourvus d’un involucre commun [ Ombellilères , PI. 28, fig-1 2-]; Si 1 involucre, ne contenant qu’une fleur, adhère à la base du calice, on le nomme calicule [ Mauve, Hibiscus , PI. 4i , fig. 5. ], parce qu’il représente alors un second calice. Le plus notable exemple de calicule se trouve dans le Pileanthus de M. de la Billardière. L’involucre, parfaitement clos, s ouvre en travers comme une boîte à savonnette, au moment de la floraison , et découvre le double périanthe de la fleur, et les organes sexuels. Les bractées prennent le nom de bractéoles, quand elles accompagnent des fleurs entourées de plus grandes bractées [ Lavandula spica ] . Elles prennent le nom de soies ou de paillettes , quand elles accompagnent des fleurs fixées sur un clinanthe bordé d’un involucre [PI. 38, fig. 3.]. Ce sont des spathes (1) quand elles forment chacune une enveloppe membraneuse ou foliacée , ou même li- gneuse, dabord parfaitement close, et contenant une ou plusieurs fleurs, lesquelles ne se montrent qu après sa rupture ou son déroulement [Arbre à pain, Narcisse, Palmier, Arum , PI. 28, fig. 10. J. Les bractées des Graminées et des Cypéracées [PI. 32, fig. 1 , 4 > b, 7- — PI. 33 , fig. 8 , g.] , ont reçu aussi des (1) Quelques modernes nomment anthodium , les involucres des Synanihérées. Anthodium calix Commuais Jlorum compositorum , dit M. Spiengel. (2) Spatha calyx spadicis longitudina/iter ruptus. Pli il . Bot. Cette définition de la Spathe n’est plus admise par les Botanistes. 18. 276 fleur. Enveloppes accessoires, dénominations particulières. Les plus extérieures sont des spatlielles, petites spathes minces, sèches, façonnées en forme d’ écailles ou de nacelles , et années , dans beau- coup d’espèces, d’appendices grêles, durs et pointus, qu’on nomme des arêtes. Rarement il n’y a qu’une seule spathelle ; presque toujours il y en a deux. Les spatlielles composent la glume, laquelle enveloppe une ou plusieurs fleurs. La glume et les fleurs quelle enveloppe prennent le nom de locuste. Sous la glume se ti’ouvent les spathellules. Elles ne diffèrent souvent des spatlielles que par leur situation. Les spathellules composent la glumelle qui ne contient jamais plus d’une fleur. Enfin , sous la glumelle , sont cachées plusieurs pa- léoles, petites excroissances, pétaloïdes dans les Grami- nées, filiformes dans les Cypéracées , qui partent du réceptacle comme les étamines et l’ovaire. Micheli voyait une corolle dans les paléoles ; M. Schreber les range parmi les nectaires ; M. Desvaux s’attache à prouver qu’elles ont la plus grande analogie avec les spatlielles et les spathellules. La réunion des paléoles forme la lodicule (1). (1) Linné nomme la glume, calice; la glumelle, corolle; les spa- thelles qui composent la glume , et les spathellules qui composent la glumelle, valves; les paléoles, écailles. M. de Jussieu, à l’exemple de Linné, désigne sous le nom de val- ves, les spathelles et les spathellules, et sous celui d’écailles, les pa- léoles; mais il emploie le mot glume, dans le sens que j’indique ici, et il fait un calice de la glumelle. Pour M. de Beauvois , la glume est une bâle ou tegmen ; la glumelle est une stragule ; chaque spathelle prend le nom de glume , et chaque spatliellule, celui de paillette. M. de Beauvois, le premier, impose i Spathelles. Spathellules. Paléolcs. Cupules. 277 Les bractées qui s éloignent davantage des feuilles sont les cupules. Elles sont d’une seide pièce, et renferment une ou plusieurs fleurs femelles dont le périanthe est simple et adhère à l’ovaire [ Conifères, Chêne]. Leur lim- be est plus ou moins ouvert (1). Quand il se resserre au-dessus de l’ovaire, la cupule ressemble tellement à un pistil, que l’on peut s’y tromper [Conifères] (2). C’est un caractère de la cupule d’accompagner le fruit et de le revêtir en tout ou en partie. La cupule , les involucres et les gaines articulaires de YEphedra , se rapprochent par des nuances insensibles, et ne semblent être que des modifications d’un même type. Les enveloppes ligneuses, parfaitement closes, qui con- tiennent les fleurs mâles et femelles des Salviniées [Pilu- le nom de lodicule à l’ensemble des petites écailles ou paléoles, qui entourent l’ovaire. M. Desvaux emploie les mots de glume et de glumelle, comme je l’ai fait depuis , à son exemple. Il rend le nom de spathelles commun aux spathelles et aux spathellules , et il réserve le nom de spathel- lules pour les paléoles. M. Richard propose d’appeler l’épicène , la glume et la glumelle, de désigner sous le nom de glumelle, la lodicule, et de donner à chacune des écailles qui la composent, le nom de paléoles. La glume et la fleur, ou les fleurs qu’elle contient , forment ce que Tournefort nommait une locuste. La locuste ne doit pas être confon- due avec l’épillet, comme l’observe très-judicieusement M. de Beau- vois, attendu que l’épillet peut être formé de plusieurs locustes. ( 1) Le limbe de la cupule varie sensiblement dans le Mélèze, le Pin et le Cèdre. Dans le Mélèze, il est renflé en tète; dans le Pin, il se prolonge en deux petites cornes divergentes; dans le Cèdre, il est lacinié et oblique. (1) Voyez les observations que M. Schubert et moi avons consi- gnées dans le Bulletin de la Société Philomatique d’avril , mai, juin et août i&ia. INFLORESCENCE. 27 8 laria, Marsilea , SaJvinia , Isoetes ], et les garantissent du contact de leau dans laquelle elles sont toujours plon- gées, sont, si 1 on veut, des espèces d’involucres 5 mais il faut avouer qu’il y a peu de ressemblance entre les colerettes des Ombellifères et les enveloppes des fleurs de ces plantes aquatiques. Inflorescence . La disposition des fleurs sur un végétal est ce qu’on nomme son inflorescence (1). Il y a des fleurs solitaires [ Asarum ] , d’autres qui viennent deux à deux [ Linnœa borealis ], d’autres trois à trois [ Teucrium flavum ]. 11 y en a qui partent des racines, d’autres de l’extrémité des rameaux, d’autres de l’aisselle des feuilles ou de leur bord [ Xylophjlla ] , ou de leur surface [ Ruscus aculeatus]. Elles sont oppo- sées, alternes, distiques, etc. Elles se réunissent quel- quefois en groupes variés, que Ion a classés ainsi que je vais dire. Le Chaton : Des fleurs mâles ou femelles sont portées par des bractées attachées sur un axe commun (2). Comme (1) Injlorescentia est rnodtis , quo Jlores pedunculo plantœ annectuntur , quem inodum fiorendi dixere antecessores. Pulcherrima inter umnes différentiels mihi semper visa est injlorescentia in plurimis generibus. Spirece alite Jloribus duplicata racemosis , alite floribus corymbosis , alite floribus umbellatis , ut demta hac nota nulla certitudo spe- ciei. Pli il. Bot. (a) Amentum , species spicte , squamulis partes fructifcationis distinguent tibus. Phil. Bot. édit, de Sprengel. Amentaceus aggregatus Jlos habet receptaculum filiforme distinctum squamis amentaceis : Betula, Salix , Populus , etc. Phil. Bot. Ce que Linné nomme ici receptaculum filiforme , est ce prolongement Chaton. Épi. 279 les fleurs ne tiennent pas directement à l’axe , mais aux bractées qui font l'office de pédicelles , en arrachant celles-ci, on détache nécessairement les fleurs [Saule, Peuplier, etc. , PI. 28, fig. 5.]. Les Pins, les Sapins, les Mélèzes ont des chatons fe- melles dont les fleurs cachées dans des cupules , sont renversées de manière que les stigmates regardent l’axe, et dont les larges pédoncules , fixés chacun à la base d’une bractée , se métamorphosent insensiblement en écailles ligneuses , recouvrent les fruits mûrs, et forment un cône ou strobile par leur rapprochement [PI. 33, fig. 3. — PI. 55, fig. 5.]. Les Cyprès, les Thuya, les Genévriers, le Schubertia, ont encore une espèce de chaton. Son axe est très-court, ses fleurs sont redressées, et renfermées dans des cupules fixées immédiatement sur des bractées qui deviennent des écailles ligneuses [ Cyprès , Thuya , Schubertia [PL 33, fig. 5.] ou succulentes [Genévrier, PI. 55, fig. 6.], et dont les sommets s’élargissent en tête de clou. Ces écailles composent ce que quelques modernes nomment des galbules. Les chatons des Pins, des Sapins , des Cyprèà, etc. , transformés en strobiles ou en galbules, prennent place parmi les angiocarpes, dont il sera fait mention à l’arti- cle du fruit. L epi : Il est composé de fleurs sessiles ou portées sur de très-courts pédicelles, attachées à un pédoncule alongé d’un pédoncule commun , que j’ai désigné précédemment sous le nom d’axe. Ces deux définitions sont incomplètes. Il y a des épis qui ont des bractées squamiformes et imbriquées , à la façon des bractées des cha- tons [ Origunum ] . Mais un caractère qui n’appartientpoint à l’épi et qui est propre au chaton, c’est de porter scs fleurs sur les bractées elles- mêmes. 2 8 o inflorescence. Grappe. Thyrse. Particule. en axe ou en spadix, lequel est très-rarement ramifié (i). Une certaine roideur caractérise l’épi ; il se soutient or- dinairement par sa propre force , dans une situation ver- ticale [Lavande, Héliotrope, PI. 28, fig. 3.]. Les rami- fications de l’épi ou épilets, quand il en existe, sont redressés et appliqués contre Taxe [Blé , Ivraie, PL 29, fig. 1.]. La grappe : Un pédoncule long, souple et pendant, sert d’axe à des pédicelles égaux 110:1 ramifiés, qui por- tent des fleurs solitaires [Groseiller, FauxÉbénier, Prunus patlus, PL 29, fig. 6. ] (2). Une nuance bien légère sépare l’épi de la grappe. Le mot grappe ne s’emploie jamais pour caractériser l’inflorescence des Graminées. Le thyrse: Ici l’axe, ordinairement redressé , soutient des pédicelles courts et ramifiés ; et les fleurs sont ramas- sées en petits groupes distincts , dont l’ensemble a une forme pyramidale [Troène, Marronier- dinde , Lilas, PI. 28, fig. 4.) (3). La panicule : L’axe est ramifié comme dans le thyrse , mais ses ramifications sont plus alongées [Avoine, fleurs mâles du Maïs , Holcus , PL 29, fig. 7.] (4). Le eorymbe : L’axe porte des ramifications qui partent (x) Spica , Jlores sessilcs sparsi alterni in pedunculo commuai simplici. Phil. Bot. Malgré cette définition de Linné, les Botanistes admettent des épis à fleurs verticillées. (a) Racemus pedunculo ramis laleralibus constat: Vitis , Ribes. Phil. Bot. C’est sans doute par inadvertence que Linné cite la Vigne. Les fleurs de la Vigne sont disposées en thyrse et non pas en grappe, quoique ce dernier mot ait prévalu dans la langue française. (3) TIvyrsus panicula est coarctata in formata ovatam. Phil. Bot. (4) Panicula fructificatio sparsa in peduncu/is diverse subdivisis. Phil. Bot. Corymbe. Cyme. Faisceau. Ombelle. 28 r de différens points et arrivent tous à-peu-près à la même hauteur [ Achillea , PI. 28, fig. 2.](i). La cyme : Les principales ramifications de l’axe par- lent d’un même point; les autres ramifications partent de points différens; les pédicelles arrivent à-peu-près à la même hauteur [ Cornouiller , Sureau, PI. 28, %• 7] (1 2 3 4> Le faisceau : Dans cette inflorescence plusieurs fleurs serrées les unes contre les autres, et disposées en corymbe, en cyme, ou en panicule, ont des pédicelles si courts qu’à peine peut-on en reconnaître l’arrangement f Dian- thus carthusianorum , PI. 28 , fig. 9.] (3). L’ombelle : Les pédoncules partent du même point, divergent et s’alongent dans une telle mesure, que l’en- semble des fleurs offre, pour l’ordinaire, une surface large et bombée, comme un parasol ouvert [ Ognon , Smilax , Ombellifères , PI. 28, fig. x , 8. — PI. 29, fig. 2- ] (4). (1) Corymbus fit e racerno dum rarni inferiores prolongantur , superiores abreviantur , situ elevato proportionali : Siliquosœ. Pliil. Bot. (2) Cyma , pedunculi nec simplices nec uno orientes puncto , umbcllain. tamen mentientes. Pliil. Bot. édit, de Sprengel. Cyma -vero flos est aggregatus ex flosculis plnribus insidentibus recepta- culo in pedunculos fastigiatos , primores ex eodem puncto productos, pos- teriores autem sparsos. Cjmosus flos habet receptaculum divisum in pedunculos ex eodem centra universali enatos , pedicellis 'vero 'vage prodeuntibus. Phil. Bot. Le mot receptaculum n’est pas employé par les Botanistes dans le sens que lui donne ici Linné. Voyez ce mot, page 22 et 220. (3) Fasciculus colligit flores erectos , parallelos , fastigiatos , approxima- tos : Dianthus barbatus. Pliil. Bot. (4) Umbellatus flos habet receptaculum divisum in pedunculos , omnibus eodem centro exeuntibus. Umbellatus flos est aggregatus ex flosculis pluribus insidentibus recepta- culo in pedunculos fastigiatos , omnes ex eodem puncto productos. Umbe/la est ubi pedunculi omnes ex eodem centro ambitu cequali exeunt. Phil. Bot. 282 inflorescence. Verticille. L’ombelle est simple quand les pédoncules portent immédiatement les fleurs [ Ognon , Srnilax , PI. 28 , fig. 8. — PL 29, fig. 2.] (1). Elle est composée, quand les pédoncules, réunis en ombelle, portent d’autres pédoncules réunis également en ombelles ou ombellules [ Ombellifères , Planche 28, fig. 1.] (2). A la base des ombelles il y a souvent un involucre , et à la base des ombellules un involucelle [PL 28, fig. 1. ]. Le verticille : C’est un assemblage de fleurs disposées en anneau autour de la tige, ou comme les rayons d’une roue autour de son moyeu [ Hippuris , My riophfllum , Monarda , Pl. 29, fig. 4* ] (3). Les fleurs de beaucoup de Labiées passent pour ver- ticillées; cependant il est de fait quelles naissent, non pas autour de la tige , mais de deux côtés opposés. Comme il arrive que lorsque ces fleurs sont nombreuses , elles imitent assez bien un verticille , on a pris l’apparence du caractère pour le caractère lui - même. Le capitule : Des fleurs nombreuses , n’ayant point de pédicelles ou n’en ayant que de fort courts, accompa- gnées presque toujours de bractées , sont ramassées en boule au sommet d’un pédoncule commun , garni sou- vent d’un involucre [ Gomphrena globosa , Ceplialanthus , PL 28, fig. 6.] (4). (1) Simplex umbella , ubi receptaculum semel dividitur in pedunculos. (2) Composita umbella, ubi omnes pedunculi communes subdividuntur in umbcllulas. Umbellula itaque partialis umbella. Phil. Bot. Le mot receptaculum revient encore dans ces définitions et tou- jours dans un sens que n’admettent pas les Botanistes. (3) Verticillus fit ex foribus subsessilibus , caulciji annulatirn ambicnti- bus. Phil. Bot. (4) Capitulum constat foribus plurimis in globum ferme conjestis. Phil. Bot. Capitule. Calathide. 283 Le capitule est une sorte d’épi très-peu développé. Lorsque plusieurs petits groupes de fleurs naissent en borde le long des tiges, ou que plusieurs de ces petits groupes forment un capitule par leur réunion , chaque groupe prend le nom de glomérule. [Bliturn capitatum ]. La calathide : Le sommet du pédoncule élargi en un clinanthe entouré d’un involucre , est couvert de fleurs serrées, entremêlées quelquefois de soies ou de brac- téoles. Cette inflorescence a ordinairement l’aspect d’une petite corbeille de fleurs [ Scabieuse , Synanthérées , PL 3 y , fig. 3 , 6. — PL 38 , fig. i , 3. ] (i). La calathide et le capitule se confondent vers leurs li- mites. La grande famille des Composées de Tournefort, que Vaillant et les Jussieu divisent en Chicoracées , Cyna- rocéphales et Corymbifères , que Linné rapporte à sa Syngénésie , et que M. Richard désigne fort bien sous le nom de Synanthérées , a ses fleurs disposées en ca- lathides. Il en est de même du Figuier, de 1 ' Ambora, du Dorstenia , etc. [ PL 48 , fig. 8,9.]. Des considérations tirées de la forme de la corolle des fleurs que porte le clinanthe dans les Cynarocéphales , les Chicoracées et les Corymbifères , ont fait donner le nom de Fiosculeuses , de Semiflosculeuses et dé Radiées (1) Compositus flos est aggregatus continens flosculos plures sessiles , receptaculo communi integro, et perianthio eontentos , scd antheris in cylin- drum connatis instructos. Phil. Bot. Le rcceptaculum commune de Linné est ce que je nomme clinanthe ; le perianthium est ce que je nomme involucre. Les seules Synanthérées rentrent dans les fleurs composées ; mais l’inflorescence en calathide admet des plantes de plusieurs autres familles. 284 INFLORESCENCE. Calalhide. aux calathides des plantes de ces différens groupes (i). Les calathides flosculeuses contiennent de petites fleurs ou fleurons à corolle monopétale , tubulée , régulière , infundibuliforme , ayant un limbe à cinq divisions [ Char- don , Centaurée , etc. PI. 37, fîg. 6. ] (2). Les calathides semiflosculeuses contiennent des demi- fleurons, c’est-à-dire , de petites fleurs à corolle mono- pétale, irrégulière, tubulée, prolongée latéralement en languetté [ Pissenlit, Hieracium , Andryala , etc. PL 38, fig. 1. ] (3). . Les calathides radiées contiennent des fleurons qui couvrent le disque du clinanthe , et des demi-fleurons qui bordent sa circonférence, et se prolongent en dehors, comme des rayons divergens [Reine-Marguerite, Soleil, Ximenesia , etc. , PI. 38, fig. 3. ] (4). (1) Compositi syngenesiœ flores constant Del corollulis fistulosis [ Floscit- losis T. ] ; Del corollulis ligulatis [ Semiflosculosis T. ] ; Del corollulis fistu- losis disci , ligulatis ambitus [ Radiati T. ] . Phil. Bot. (2) Flores fosculosi ex plurimisjlosculis componuntur dense positis eodcm- q ue calice comprehensis. Flosculi autem sunt petala fistulosa, tenuia , quo- rum suprema pars ampliatur , multifariam , sœpius tamcn stcllœ instar divisa. Singuli quoque flosculi tenero plerumque fructui seu embryoni insident , e quo surgit capillamentum ultra Daginam eam protentum , de qua superius locuti similis. Prcctcrea teneri fructus fi/iditm calicis occupant quod thala- mus Docitatur. Hujusmodi flores observant ur in Santolina , Jacea, Carduis. Cordus flosculi Docem usurpavit ad describendurn florem Petasitidis. Tour- nef. Isag. (3) Flores semiflosculosi e semiflosculis conflciuntur dense in orbem posi- tis, eodemque calice coercitis. Semiflosculus autem est petalum inferna tan- tum parte flstu/osum , media Dero et suprema planum ac Délit ti in lingulam productum. Semiflosculi quoque tenero fructui seu embryoni insident , e quo surgit capillamentum ultra Daginam protentum , perinde ac in flosculis. Prœterea teneri fructus calicis fundum pariter occupant, quod thalamus etiam dicitur. Plinius semiflosculos barbu/as appellavit. Tournef. Isag. (4) Flores radiati duas parles habent , quarum quœ medium tenet , disons Sores. ^85 Il est à remarquer que l’alongement irrégulier de la corolle des Semiflosculeuses et des Radiées s’opère tou- jours du centre de la calatliide à sa circonférence ; que les fleurons des calathides des Scabieuses ont une ten- dance toute semblable; que les fleurs de la circonférence d’un grand nombre d ombelles [ Caucalis , Heracleum , Coriandre , PL 38 , fig. 6] , sont irrégulières par le déve- loppement plus considérable des pétales extérieurs, et qu’un phénomène analogue se manifeste dans quel- ques autres plantes à fleurs en cyme ou en corymbe [ Iberis ] . Je termine ce que j’ai à dire de l’inflorescence, par un mot sur l'arrangement des ovaires des Fougères. Ils O O naissent en paquets sur le dos des feuilles , le long des nervures ou à leur extrémité , et composent ce qu’on appelle des sores. Ces sores se présentent sous l’appa- rence de petites taches arrondies dans le Polypodium [ PI. 64 , fig- 6 , ], de lignes dans le Pteris , le JVoocUvar- dia,e te., de croissans dans le Lonchitis , et ils couvrent souvent toute la surface de la feuille dans X Achrosticum. 9 EPANOUISSEMENT DE LA FLEUR, ET FLORAISON. L’apparition des organes sexuels par suite de la dila- tation, et de 1 écartement naturel des enveloppes florales immédiates ou accessoires , est ce qu’on nomme l’épa- nouissement de la fleur. L’épanouissement successif ou simultané des fleurs d’un végétal marque le temps de sa floraison. dicitur , ex flosculis tota constans , quœ circumfcrentiam seu limburn , corona. nominatur ex semijloscuiis facta. Singuli floscu/i et semiflosculi tenero suo fructui seu embrjroni soient insidere , eodemque calice comprehendi , cujus fundum thalamus et'am appe/latur: taies sunt flores As teris y Jac.obeœ , Cha - mcemcli, etc. Tournef. Isag. 9.86 ÉPANOUISSEMENT ET FLOUAIS ON. Quand toutes les fleurs sont passées , et qu’il n’en pa- raît pas de nouvelles, la floraison est terminée (i). Les fleurs des Salviniées sont, je pense , les seules qui n’aientpoint d’épanouissement. L’enveloppe dans laquelle elles sont renfermées reste toujours close. Les plantes annuelles fleurissent peu de temps après la germination ; leurs fleurs sont quelquefois accompa- gnées de bractées, d’involucres , de spathes, etc., mais jamais de pérules écailleuses semblables à celles des boutons à fleurs des arbres et des arbrisseaux. Les pé- rules écailleuses sont des rudimens de feuilles arrêtées dans leur croissance par suite des vicissitudes des sai- sons; or, les herbes ne vivent pas assez long- temps, et elles se développent dans des circonstances trop favo- rables pour que leurs feuilles ne prennent pas d’abord toute la croissance dont elles sont susceptibles. L’intensité.et la durée de la chaleur ont une influence marquée sur la floraison des différens végétaux , selon leurs natures diverses, et déterminent visiblement les époques auxquelles elle s’effectue. De là vient que l’on hâte ou retarde la floraison des plantes annuelles en les semant plutôt ou plus tard ; que certaines plantes bisannuelles des climats tempérés de- viennent annuelles si nous les cultivons en serre chaude, en sorte qu’avant l’année révolue, elles germent, fleu- rissent, fructifient, et meurent; qu’au contraire, certaines plantes annuelles des tropiques , portées dans les régions plus voisines des pôles, y deviennent bisannuelles , et , par conséquent, ne fleurissent que la seconde année ; (i) Ejflorescen lia est tcmpus tnensis, çiio singulce species plantarum pri- mos flores ostendunt. Phil. Bot. Linné a peut-être trop restreint le sens du mot efflorescentia , en ne l’appliquant qu’aux premiers momens de la floraison. Calendrier de Flore. 287 que sous les mêmes parallèles , aux mêmes expositions et hauteurs, la floraison des individus d’une espèce quel- conque s’opère, en général, dans un espace de temps compris entre des limites très -rapprochées, ce qui fait que les saisons, les mois, et je dirais presque les jours , ont en chaque pays leur floraison particulière, et que l’épanouissement des fleurs peut servir, aussi bien que le développement des boutons, à composer un Calendrier de Flore. Le tableau que M. de Lamarck a publié de la floraison annuelle de quelques végétaux indigènes ou exotiques qui croissent aux environs de Paris, vous offre un exem- ple de cette sorte de Calendrier (1). (1) Epoque de la floraison de quelques plantes sous le climat de Paris , d'après M. de Lamarck. JANVIER. Le Groseiller épineux. L'Hellébore noir. Le Tussiiago petasites. Le Tussiiago farfara. FÉVRIER. Le lianwiculus auricomus. L’Anne. La Giroflée jaune. Le Saule marceau. La Primevère. Le Noisetier. La Kumeterre bulbeuse. Le Daphné mezereum. Le Narcissus pseudo-narcissus. Le Galanthus nivalis. L’ Anemone ranuncu/oides. MARS. Le Safran printanier. Le Saxifraga crassifolia. Le Cornouiller mâle. L’Alaterne , etc. , etc. L’Anémone hépatique. L 'Androsa.ce carnea. AVRIL. La Soldanelle. Le Prunier épineux. Le Buis. Le Rhodora de Cauada. Le Thuya. La Tulipe. L’If. Le Draba aizoides. L’ Arabis alpina. Le Draba verna. La Renoncule ficaire. Le Saxifraga granulata. L’Hellebore d’hiver. Le Saxifraga tridactjlites. L’Amandier. Le Cardamine pratensis. Le Pêcher. \i Asarum europcrum. L’Abricotier. Le Paris quadrifolia. t>88 ÉPANOUISSEMENT ET FLORAISON. L’art de composer et d’orner les jardins est fondé, en partie, sur la connaissance des époques de la lloraison. La succession non interrompue de fleurs différentes par leurs couleurs , leurs formes et leurs odeurs , ajoute beaucoup , comme on sait , à l’agrément des partages et des bosquets. Que ceux donc qui nient obstinément et contre toute évidence , que l’étude du Règne végétal A une utilité directe, conviennent du moins qu’elle peut contribuer à nos jouissances. Si la chaleur seule agissait sur les plantes , et que la force vitale n’eût aucune influence dans les résultats ; il Suite du Tableau de la floraison. Le Pissenlit. La Jacinthe. Le Lamium album. Les Pruniers. ~V Anemone nemorosa. L’Orobe printanier. La Petite Pervenche. Le Frêne commun. Le Charme. Le Bouleau. L’Orme. La Fritillaire impériale. Le Lierre terrestre. Le Juncus sylvaticus. Le Juncus campestris. Le Cerastium arvense. Les Erables. Le Prunier mahaleb. Les Poiriers , etc. MAI. Les Pommiers. Le Lilas. De Marronier. Le Cercis ou Bois de Judée. Le Mérisier à grappes. Le Cerisier. Le Frêne à fleurs. Le Faux Ebénier. Le Spircea fdipendula. La Pivoine. L’ Erj simum alliaria. La Coriandre. La Bugle. L’Aspérule odorante. La Brioue. Le Muguet. L’Épine - vinette. La Bourrache. Le Fraisier. L’Argentine. Le Chêne. Les Iris , etc. , et le plus grand nombre de plantes. JUIN. Les Sauges. L’Alkekenge. Le Coquelicot. Le Leonurus cardiaca. La Ciguë. Le Tilleul. La Vigne. Les Nigelles. L ' Heracleum sphondylium . Les Nénuphars. La Brunelle. Le Lin. Le Cresson de fontaine. Le Seigle. Calendrier de Flore. 289 est évident que, sans aucune exception , tous les indi- vidus de même espèce dans des circonstances semblables, devraient fleurir en même temps. Mais les plantes ne sont pas des corps bruts, et une multitude de causes dont la plupart nous échappent, concourent à avancer ou retarder les époques de leurs développemens. En général, il semble qu’une grande vigueur dans les individus nuise à la production des organes de la géné- ration , et que, pour que les fleurs se forment , il est né- cessaire que la sève circule avec lenteur. Les arbres ne fleurissent pas dans leur première jeunesse; ils donnent souvent alors des jets d’une longueur considérable , et Suite clu Tableau de la floraison. L’Avoine. L’Orge. Le Froment. Les Digitales. Les Pied-d’Alonette. Les Hypericuin. Le Bleuet. L’Amorplia. Le it lelia azedarach. JUILLET. L’Hysope. Les Menthes. L’Origan. La Carotte. La Tanaisie. Les Œillets. Le Gentiana centaurium. Le Monotrnpa hypopithys. Les Laitues. Plusieurs Inules. La Salieaire. La Chicorée sauvage. Le Solidago -virga aurea. Le Bignonia catalpa. Le Cephalanthus. Le Houblon. Le Chanvre, etc., etc. AOUT. Le Scabiosa succisa. Le Paruassia. La Gratiole. La Balsamine des jardins. L’Euphraise jaune. Plusieurs Asters. Le Vïbitmum tinus. Les Coreopsis. Les Rudbeckia. Les Silphium , etc. SEPTEMBR E. Le Ruscus raceinosus. ïl /Irai ia spinosa. Le Lierre. Le Cyclamen. L’ Amaryllis lutea. Le Colchique. Le Safran. OCTOBR E. L 'Aster grand iflorus. L’ Helianth us taberosus. L’ Aster miser. L’Anthemis grandiflora, etc. l9 agO ÉPANOUISSEMENT ET FLORAISON, leur sève, s’élevant clans une tige droite, élancée , dé- pourvue de branches, court avec d’autant plus de vitesse, quelle suit des canaux plus directs pour se porter vers les feuilles. Par des raisons contraires, les vieux arbres sont plus précoces, et donnent quelquefois plus de fleurs que les autres. L’excès de nourriture est un obstacle à la floraison des végétaux ligneux et, par conséquent, nuit à leur fé- condité. Qu’un arbre fatigué par un voyage de long cours, qu’une bouture nouvelle, fleurissent dans la première an- née , il ne faut pas s’y méprendre ; c’est symptôme de fai- blesse, non de vigueur. Trop de faiblesse néanmoins peut devenir contraire à la floraison. On remarque que certaines espèces des plages mariti- mes, cultivées dans l’intérieur des terres (le Nitraria par exemple), fleurissent plus promptement quand on les arrose avec de l’eau salée. 11 arrive quelquefois que , dans une avenue , des arbres de même espèce et placés dans des circonstances tout-à- fait semblables en apparence , fleurissent à des époques très - éloignées. La raison peut en être dans des causes extérieures, que nous ne sommes pas encore parvenus à découvi’ir, et aussi dans des différences individuelles, de nature à échapper toujours aux recherches des obser- vateurs. Les fleurs sont déjà toutes formées dans le bouton. Ecartez, en automne, les écailles d’un bouton de Lilas ou de Marronier d’Inde, vous trouverez au centre, le thyrse qui se serait développé le printemps suivant [PI. 18, fig. 1. ]. Les fleurs sont quelquefois visibles pour le Botaniste, plusieurs années avant l’époque marquée pour la florai- Quelques circonstances de ces phénomènes. 29 f son. C’est ce que M. Du Petit-Thouars remarque relative- ment aux Palmiers. Avant l’épanouissement, les corolles sont pliées ou roulées sur elles -mêmes de différentes manières. Dans les Apocinées , les Malvacées, elles sont roulées en spi- rale ; dans le Fraisier, le Geum, les pétales s'inclinent les uns vers les autres et se touchent par leur sommet ; dans le Liseron, la corolle est fermée comme une bourse à jetons ; dans le Pavot, le Ciste , elle a des plis nom- breux et irréguliers comme si elle avait été chiffonnée , etc. , etc. L’appareil de l’inflorescence acquiert quelquefois un développement très- considérable dans un espace de temps assez borné. On a vu en 1793, au Jardin des Plantes de Paris, Y Agave fcetida élever sa hampe termi- née par une magnifique girandole de fleurs, à 17 mè- tres j en 70 jours. Je puis dire sans hyperbole que cette hampe s’alongeait à vue d’œil. Le bourgeonnement et l’épanouissement marchent dans un sens inverse. Le bourgeonnement commence presque toujours par les boutons supérieurs, l’épanouis- sement par les fleurs inférieures. Les épis , les grappes, les panicules , les thyrses, fleurissent graduellement de la base au sommet , quelle que soit leur situation. Les cy- mes , les ombelles, les calathides, fleurissent de la cir- conférence au centre , c’est- à - dire , encore de bas en haut ; car les fleurs de la circonférence représentent les fleurs de la base d’un épi. J’attribue cette marche inverse de l'épanouissement et du bourgeonnement, à ce que les fleurs n’ont pas une force de succion égale à celle des boutons à feuilles, et que , par cette raison , la sève au lieu de se porter d’abord à l’extrémité supérieure, comme elle fait dans les branches , s’élève insensiblement et , pour ainsi dire, par échelons. 19. 292 ÉPANOUISSEMENT ET FLORAISON. Le Micliauocia fait exception à la règle générale (1). La lleur qui termine sa tige fleurit la première , et l’épa- nouissement gagne de proche en proche jusqu’à la fleur la plus voisine de la terre; mais j’observe que les ca- lices du Mickaïucia , par leur grandeur et leur nature , sont très - propres à remplir les fonctions des boutons à feuilles. L’épanouissement, dans une espèce donnée , ne se fait pas indifféremment à tous les instans du jour ou de la nuit. Beaucoup de fleurs s’épanouissent plus ou moins selon l’intensité de la lumière, en sorte qu’on les voit s’éten- dre ou se resserrer progressivement, à mesure que le soleil s’élève ou s’abaisse. On les nomme tropiques ou canicu- laires. De ce nombre sont quelques Mcsembryanthemum , le Gorteria rigens , etc. D’autres s’ouvrent ou se ferment à plusieurs reprises, selon 1 état de l’atmosphère. Les vents d’est, les grandes chaleurs, les pluies d’orage, agissent visiblement sur ces fleurs météoriques : c’est le nom qu’on leur donne. Le Calenclula pluvialis épanouit sa calathide quand le ciel est serein ; le Sonchus sibiricus resserre la sienne pendant la nuit quand un beau jour se prépare. D’autres s’ouvrent et se ferment en temps marqué par le mouvement solaire. On distingue parmi elles les éphé- mères diurnes qui s’épanouissent le matin et se ferment le soir pour ne plus se rouvrir [la plupart des Cistes] ; les éphémères nocturnes qui s’épanouissent le soir ou durant la nuit et se ferment également pour toujours avant le lever du soleil [ Cactus grandiflorus ] ; les équinoxiales qui s’ouvrent et se ferment plusieurs jours de suite au (1) Observation de M. Decandolle. \ Horloge de Flore. 293 retour des mêmes heures [ Ornithogalum umbellatum ou Dame d’onze heures]. Les éphémères et les équinoxiales indiquant avec assez de régularité les différentes heures du jour et de la nuit, composent X Horloge de Flore , comme s’exprime ingénieu- sement Linné, qui nomme 'veille , le temps durant lequel ces fleurs sont ouvertes, et sommeil , le temps durant le- quel elles sont fermées (i). (i) Horloge de Flore ou Tableau de l'heure de 1 épanouissement de certaines J, leurs à Upsal , par 6o° de latitude boréale. Heures du Lever c’est - à - dire de l’épanouissement des fleurs. NOMS DES PLANTES OBSERVÉES. Heures du Coucher c’est-à-dire où se ferment ces mêmes fleurs. Matin. Matin. Soir. h. h. h. 3 à 5 Tragopogon pratensis 9 à io 4 à 5 Leontodon tuberosum 3 4 à 5 Picris hiercicioides 4 à 5 Chicorium intjbus IO 4 à 5 Crépis tectorum io à 12 4 à 6 Picridium tingitanum IO 5 Sonchus oleraceus 1 1 à 1 2 5 Papaver nudicaule 7 i> 5 HemerocaUis fulva 7 à 8 5 à 6 Leontodon taraxacum 8ù 9 5 à 6 Crépis alpina „ I I 5 à 6 Rhagadiolus edu/is. iq à r 6 Hypochœris maculata 4 à 5 6 Hieracium umbellatum 5 6 à 7 Hieracium murorum 2 6 à 7 Hieracium pilosella 3 à 4 6 à 7 Crépis rubra i à 2 6 à 7 Sonchus arvensis 10 à 12 6 à 8 Alyssum utriculatum 4 7 Leontodon hostile 3 7 Sonchus laponicus I 2 7 Lactuca saliva IO 7 Calendula pluvialis 3 à 4 n J Njmphœa alba 5 1 Anthericuin. ramostun 3 à 4 ] 2q4 EPANOUISSEMENT ET FLORAISON. L’heure de l’épanouissement dans chaque fleur, Avance ou retarde selon le degré de latitude , et par conséquent l’horloge de Flore a une marche particulière pour chaque Suite du Tableau. Heures du Lever c’est - à - dire de l’épanouissement des fleurs. NOMS DES PLANTES OBSERVÉES. Heures du coucher c’est - à - dire où se ferment ces mêmes fleurs. Matin. Matin. Soir. h. h. h 7 a 8 Mescmbrranth. barbatum 2 7 a 8 Mesembrfànth. linguiforme . . . . 3 8 Hieracium auricula 2 8 Anagallis arvensis 8 Dianthus prolifer I 9 Hieracium chondriloides I 9 Calendida arvensis 12 à 3 9 à io Arenaria rubra 2 à 3 9 à 10 Mescmbrjanth. crystallinum . . . 3 à 4 10 à 11 Meseinbryanth. nodijlorum .... 3 Soir. 5 Mirabilis jalapa 6 Géranium triste 9 à 10 Silcne noctijlora 9 à 10 Cactus grandijlorus 12 Selon la remarque d’Adanson , le tableau de Linné , pour le cli- mat d’Upsal , diffère d’une heure de celui qu’on pourrait faire pour le climat de Paris. Dix degrés de latitude donnent une dif- férence d’une heure, à-peu-près. Au reste les heures de la florai- son ne sont pas bien fixes. Elles varient dans chaque saison selon sa température, et à-peu-près dans la même raison que diffèrent entre eux les climats de la zone torride , des zones tempérées et gla- ciales ; en sorte qu’au printemps et en automne, où il fait une fois moins chaud qu’en été , les mêmes fleurs s’ouvrent et se ferment une heure ou deux plus tard. C’est pour cela qu’on a mis souvent dans la première colonne deux chiffres , comme 4 à 6 , 5à6,6à7, qui indiquent que la même plante qui s’ouvre, par exemple, à quatre heures du matin en été, 11e s’ouvre qu’à cinq ou six heures au prin- temps ou en automne. Action de la lumière, etc. 29 J climat. Une fleur qui s’épanouit au Sénégal dès six heu- res du matin, ne s’épanouira qu’à huit heures au Jardin des Plantes de Paris, et qu’à dix heures , au Jardin d’Up- sal ou de Stockholm. Il paraît que tous ces phénomènes dépendent de trois ordres de causes : i° les agens extérieurs, tels que la lu- mière, la chaleur, 1 humidité, peut-être le fluide élec- trique, etc. , qui agissent suivant les lois de la Chimie et de la Physique, et qui sans doute aussi sont des stimu- lans de l’irritabilité végétale; i° les agens intérieui's, tels que la sève , les sucs propres et les gaz , qui se compor- tent mécaniquement et qui, de plus, doivent avoir quel- que influence sur l’irritabilité de même que les agens extérieurs; 3° enfin , 1 irritabilité elle-même , sans laquelle il n’y a point de vie et par conséquent point de phéno- mènes physiologiques. Le tissu délicat des fleurs , pénétré par les fluides et les gaz, se dilate, et l’épanouissement a lieu; les fluides s’échappent par la transpiration , les gaz se dégagent ; dès- lors le tissu s’affaisse et les fleurs se ferment. Mais pour- quoi toutes les fleurs ne se comportent-elles point de la même manière dans des circonstances semblables? D’où vient que l une s’ouvre à la lumière , l’autre à l’obscurité , l’autre quand le ciel est pur, l’autre quand il est nébu- leux ? Je l’ignore : ce sont des mystères de l’organisation et de la vie. De tous les agens extérieurs, le plus actif semble être la lumière. Dans les jours sombres, le Liseron des baies reste épanoui , contre l’ordinaire , après dix heures du matin , et le Géranium triste n’attend pas le coucher du soleil pour ouvrir sa corolle, et répandre son doux parfum. M. Decandolle nous apprend par ses belles expérien- ces, que le Mirabilis jalapa s’épanouit pendant le jour quand on le place dans un lieu très-obscur, et qu’il se 296 FECONDATION. ferme pendant la nuit, quand on l’éclaire d’une lumière artificielle. La lumière est sans contredit l’un des moteurs les plus puissans de la végétation. Que les parties herbacées versent dans l’atmosphère des torrens d’air vital; que le carbone, se combinant avec les élémens de l’eau, forme les gommes , les résines , les huiles etc. ; qu il s’unisse au tissu de la plante et le fortifie; que les feuilles, les fleurs, les fruits se nuancent de mille couleurs; que les grains du pollen se remplissent de la liqueur fécon- dante ; que les feuilles et les étamines se meuvent comme si elles avaient des nerfs et des muscles ; que les bril- lantes enveloppes des organes de la génération étalent ou resserrent les lames délicates qui les composent ; tous ces phénomènes sont soumis à l’influence de la lumière. S’il était possible que le soleil perdant tout-à-coup son éclat, ne lançât plus sur la terre que des rayons calori- fiques, bientôt il ne subsisterait de tout le Règne végé- tal , qu’un petit nombre d’espèces , placées si bas dans l’échelle des êtres, qu’à peine osons- nous leur donner le nom de plantes (1). FÉCONDATION. Nous ne pouvons définir la fécondation, parce que nous n’en connaissons que les signes extérieurs et les (x) Ce sont, dit M. de Humboldt, en parlant des plantes qui vi- vent dans les ténèbi'es, ce sont des Cryptogames d’une structure sou- vent bizarre... Végétant dans une obscurité profonde et perpétuelle, elles tapissent les parois des grottes souterraines et la charpente qui soutient les travaux des mineurs. J’ai reconnu les mêmes espèces ( B oie tus ceratophora , Lichen 'verticillatus , Boletus botrytes , Gymnoderma sinuata , Byssus speciosa) dans les mines de l’Allemagne , de l’Angleterre et de l’Italie , comme dans celles de la Nouvelle-Grenade et du Mexi- que, et dans celles de Hualgayoc au Pérou. Opinions diverses sur ce phénomène. 297 résultats ; quant au mode d’action , qui fait l’essence du phénomène, il échappe complètement à nos sens et à notre intelligence. Toutes les fois que la liqueur séminale sécrétée par l’organe mâle, a été mise en contact .avec l'organe femelle ou avec les ovules, et qu’à la suite de ce contact, de nouveaux individus se sont développés dans ces mêmes ovules , nous disons qu’il y a eu fécondation. Mais quelle relation a-t-il existé entre la liqueur sémi- nale et les ovules ? c’est ce qu’il est impossible d’indiquer dans l’état actuel de nos connaissances. Cette grande question a fait naître trois principales hypothèses tour-à-tour attaquées et défendues par les hommes les plus illustres dans la Physiologie et la Méta- physique. Beaucoup avec Leuwenhoek ont dit : La liqueur sémi- nale du mâle contient les germes; ils pénétrent dans les ovaires et s’y développent; et comme ils ne pourraient se développer ailleurs, la fécondation est, rigoureuse- ment parlant , le passage des germes dans les ovaires. D’autres , M. de Buffon à leur tète, ont prétendu que le mâle et la femelle produisent chacun une liqueur sé- minale , et que le mélange et la pénétration réciproque des deux liqueurs donne lieu à la formation des germes: ainsi la fécondation ne serait, à leur sens, qu’une crys- tallisation d’un ordre particulier. D’autres, à l’exemple de Graaf, ont soutenu que les germes sont tout formés dans la femelle avant l’acte de la fécondation , qu’ils y sont dans un état d’inertie , et que la liqueur séminale du mâle leur donne le mouvement et la vie, à-peu-près comme un stimulant de l’irritabilité met enjeu les forces organiques. Tous les systèmes physiologiques sur la fécondation rentrent plus ou moins dans l’une de ces trois hypothè- ses. On objecte contre la première et la seconde, la pré- 298 FÉCONDATION, existence des germes dans les femelles, pini on rendue très-probable par les belles observations de Malpighi , Graaf, Haller, Spallanzani, etc. On objecte contre la troi- sième, les modifications organiques que le père imprime au produit de la fécondation ; et en effet , si l’on ne peut nier f existence de la cicatricule et de la membrane in- testinale dans lœuf des oiseaux , avant la fécondation, on ne peut non plus révoquer en doute que la nature de la liqueur fécondante n’ait une influence très -directe et très' active sur le développement, la structure et la forme des organes, puisque les mulets provenus d’un Ane et d’une Jument, d’un Chardonneret et d’un Serin , etc. , et toutes les plantes hybrides, dont l’existence est due éga- lement à des fécondations croisées , ressemblent à leurs pères par plusieurs caractères qui touchent au fond de l’organisation. Aucune de ces hypothèses n’est donc complètement admissible ; mais les vérités de détail sont indépendantes des systèmes et méritent toute l’attention du Naturaliste. Les signes extérieurs de la fécondation dans les plantes sont les suivans : ouverture des loges des anthères; émis- sion du pollen; contact immédiat de cette poussière avec le stigmate ; écoulement sur cet organe de la liqueur du pollen (1). L’ouverture des anthères ou l’anthèse, comme parlent les Botanistes, s’effectue quelquefois dans la fleur encore fermée; plus souvent à l’instant où elle s’épanouit; plus souvent encore après son épanouissement. Le pollen s’é- (1) Generationem 'vegetabilium flerimediante pollims ancherarum illapsu supra stigmata mida , quo rumpitur pollen , efjlatque auram seminalcin , quœ absorbetur ab humore stigmatis; quod confirmât octtlus , proportio , locus , tempus , pluviœ , palmicolœ , flores nutantes , submersi , syngenesia , ïmo omnium flortun gentdna consideratio. Pliil- Bot. Comment elle s'opère. 5.99 chappe , se disperse et couvre les corps environnans. Quelques-uns de ses grains, arrêtés sur le stigmate dont la superficie est ordinairement visqueuse et garnie de poils, d’aspérités, de mamelons ou de papilles, y répan- dent la liqueur séminale, et la fécondation s opère. Comme on ne peut guère douter que les vaisseaux des nervules qui passent du placentaire dans les stigmates , n’absorbent la liqueur séminale , et ne servent de cette manière à l’accomplissement du phénomène , j’ai pensé que le nom de conducteurs de Y entra seminalis ferait bien connaître leur situation dans le pistil , et donne- rait quelque idée de leurs fonctions présumées. Quoique la fécondation des plantes dépende un peu du hasard, les chances favorables sont si multipliées, qu’il paraît impossible que, dans l’ordre naturel, une plante chargée de fleurs bien conformées , reste stérile , et meure sans postérité. Le pollen est très-léger ; ses grains sont innombrables; les Papillons , les Mouches à miel et autres insectes volans, les transportent de fleur en fleur. Les vents sur-tout leur servent de véhicule. Le pollen du Pin , du Sapin , du Mélèze, s’élève comme un nuage au-dessus des forêts et va couvrir au loin la terre et l’eau d’une poudre jaunâtre, que le peuple a pris quelquefois pour une pluie de soufre. Quelques-uns de ces grains tombent sur les chatons fe- melles, et roulent entre leurs écailles, jusqu’à l’orifice des cupules qui contiennent les pistils (1). (1) Voyez le travail que M. Schubert et moi avons fait sur les Co- nifères, Bulletin de la Société Philomatique , année 1812. Je n’ai jamais détaché les pédoncules squnmiforines des jeunes cônes des Pins, des Sapins, des Mélèzes, du Cèdre, que je n’aie trouvé quelques grains de pollen arrêtés à l’orifice des petites cu- pules qui contiennent les fleurs. 300 FÉCONDATION. L’hermaplirodisme, rare dans les animaux, est très- commun dans les plantes, et l’organe mâle placé auprès de l’organe femelle, l’inonde, pour ainsi dire, de la poussière fécondante. Linné , attentif à saisir toutes les harmonies que pré- sente la Nature, remarque qu’en général les fleurs dont les étamines et les pistils ont une égale longeur, sont indifféremment dressées, pendantes ou horizontales; que celles qui ont les étamines plus longues que le pistil , sont dressées ; que celles qui ont les étamines plus cour- tes , sont pendantes. Il observe même que certaines fleurs s’inclinent ou se relèvent seulement lorsque la féconda- tion va avoir lieu , et disposent ainsi les stigmates à re- cevoir le pollen. Ces faits sont exacts : le pistil de l’Eu- phorbe, par exemple, s’élève en naissant, au-dessus des étamines; au temps de la puberté, il s’incline au-dessous d’elles , après quoi il se redresse et devient un fruit rempli de graines fécondes [PI. 34, fig. 2.]. Nous n’igno- rons pas que ces changemens de position dépendent du développement du pédoncule dont la longueur et la flexibilité varient aux différentes époques de la floraison et de la fructification , par une suite nécessaire des lois les plus simples de la vie végétale; mais c’est précisé- ment ce merveilleux accord dans les phénomènes qui doit exciter l’admiration du Naturaliste (1). Linné dit encore que dans les végétaux monoïques , les fleurs mâles sont presque toujours placées au-dessus des femelles. Cependant il faut avouer que les exceptions sont nombreuses. Tous les végétaux dioïques de mêmes" espèces appar- tiennent à la même terre, par conséquent, selon l’ordre (1) Les jeunes cônes d’arbres verts sont redressés avant la fécon- dation et beaucoup s’inclinent ensuite. Mouvemens clés organes sexuels. 3 o/ de la Nature, les femelles et les mâles ne naissent point séparés. Aucun végétal pourvu d’étamines ou de pistils visibles, n’est privé de son analogue dans l’autre sexe. La floraison des mâles et des femelles s’opère presque toujours à des époques concomitantes , de sorte que les pistils sont en état de puberté quand les anthères dis- persent leur pollen. Les chatons mâles du Cèdre parais- sent dès l’automne , mais l’épanouissement n’a lieu qu’au printemps suivant, alors que les chatons femelles vien- nent à poindre. A la vérité, la floraison du Jatropha multifida commence par des fleurs femelles qui , faute de pollen , demeurent stériles , et ce n’est qu’ ensuite que les fleurs mâles s’épanouissent; mais la floraison se termine par l’apparition de nouvelles fleurs femelles qui reçoivent la poussière séminale et deviennent fécondes. Les étamines ont de certains mouvemens favorables à la fécondation. Les uns sont dus à une simple élasticité des filets , les autres à une cause cachée que l’on com- pare , non sans raison , à l’irritabilité de la fibre animale. Les étamines du Mûrier , du Broussonetia , de la Pa- riétaire et de plusieurs autres Urticées, courbées dans la lleur avant l’épanouissement , se redressent comme au- tant de ressorts , au moment où les divisions du périan- the s’écartent, et la même secousse fait ouvrir les an- thères et jaillir le pollen. Les dix étamines du Kalmia , engagées par leurs an- thères dans dix fossettes de la corolle , s’échappent subi- tement avec élasticité, et dispersent leur pollen comme celles de la Pariétaire. Les anthères du Mahernia et de X Hermannia , atta- chées de manière qu’elles tournent le dos au pistil, s’ouvrent en rejetant leurs valves en arrière, de façon que l’émission du pollen se fait vers le stigmate. Ces mouvemens et beaucoup d’autres sont purement 3o2 fécondation mécaniques, mais ceux dont je vais vous entretenir, résultent, selon toute apparence, de l’irritabilité végé- tale. Les étamines de la Rue s’inclinent les unes après les autres sur le pistil, touchent les stigmates avec leurs anthères, puis se redressent, et se jettent en arrière. Les anthères du Seigle s’élèvent en pirouettant sur leurs filets , disséminent leur poussière et s’abattent en- suite. Les filets de l 'Opuntia, de l’Epine-vinette, du Spcir- mannia , sont tellement irritables qu’ils s’agitent dès qu’on les touche. Les organes femelles ne sont pas moins mobiles. Les styles de la Nigelle , de la Fleur de la Passion, de 1 Epi- lobe , etc. , se penchent vers les étamines , jusqu’à ce que la fécondation soit achevée. _ Les stigmates de la Tulipe, de la Gratiole , etc. , se dilatent sensiblement. On fait fermer à volonté les deux palettes du stigmate du Mimulus , du Martynia et de plusieurs autres plantes de la famille des Bignonées , des Personées , etc. , en les irritant avec une pointe. 11 suffit de passer légèrement la main sur la calathide de plusieurs Cynarocéphales , pour que le style contenu dans l’étui que forment les cinq anthères de chaque fleuron, éprouve aussitôt un mouvement ondulatoire. Dans le Leuwenhoekia , le stigmate , ou du moins un appendice de cet organe, se redresse et s’applique contre landrophore chargé de deux anthères. Vers 1 époque de la fécondation , les fleurs du Nénu- phar , du Menyanthes , du Potamogéton , et de beaucoup d’autres plantes aquatiques , montent à la surface de l’eau et s’y épanouissent ; après la fécondation, elles redescen- dent sous l’eau où leurs fruits se développent. dans les Plantes aquatiques . 3o3 Le Vallisneria spiralis | PI. 8, fi g. x.] qui croit si abon- damment dans les fleuves de l’Italie et du midi de la France , et que les voyageurs ont retrouvé dans l’Amé- rique septentrionale et à la Nouvelle- Hollande, présente un phénomène qui sera toujours un sujet detormement et d’admiration pour le Naturaliste. Au temps de la pu- berté, les fleurs femelles portées sur de longs pédoncu- les roulés en tire -bourre, gagnent la superficie de l’eau; les fleurs mâles attachées à des pédoncules ti'ès-courts , rompent alors les liens qui les arrêtent loin des femelles , viennent se mêler à elles et répandent le pollen vivifiant. Bientôt après les fleurs femelles devenues fécondes, sont l’amenées au fond de l’eau par leurs pédoncules, qui l’ap- prochent leurs circonvolutions, et elles y mûrissent leurs fruits. Quoi de plus digne de nos recherches que les moyens secrets que la Nature met en jeu pour amener ce résultat ! D’autres plantes aquatiques, le Zostera, 1 ’Hippuris, etc., ne portent pas toujours leurs fleurs à la surface de l’eau, et cependant elles produisent des gi’aines fécondes, ce qui, joint à quelques observations dixectes, peut faire soupçonner que le pollen de ces plantes est d’une nature particulière, ou que, peut-être, son action n’est pas absolument indispensable au développement des ovules. Voici pourtant des faits qui dissipent une partie de nos doutes. M. Ramond avait vu dans un lac des Hautes- Pyrénées le Ranunculus aquatilis fleurir sous l’eau, et y produire des ovaires si bien conformés , qu’il n’y avait pas moyen de douter que les graines ne fussent fécondes. Il semblait donc naturel de croire que le pollen agissait dans l’eau comme en plein air, ou que le par- fait développement des graines du Ranunculus aqua- tilis pouvait s’opérer sans le secours du pollen ; mais M. Bastard a retrouvé cette même Renoncule au fond 3o4 FECONDATION du lac d’ Aidât, et il a observé que chaque corolle était r etc plie d’une bulle d’air qui formait autour des or- ganes générateurs, une petite voûte sous laquelle la fé- condation devait s’opérer sans obstacle. Depuis, MM. Auguste de Saint-Hilaire et Choutant ont fait des obser- vations analogues sur V dlisma natans et 1 ' lllecebrum ver- ticillatum. Je pense , comme M. Bastard, que cette bulle d’air, formée si à propos dans les fleurs submergées provient de la respiration des organes, et je conviens avec lui que les lois ordinaires de la fécondation des Phénogames reprennent ici toute leur force. Mais , dans les espèces aquatiques dont les organes générateurs ne sont point accompagnés de périanthe, et sur-tout dont les sexes sont séparés, est -il bien démontré que les fleurs doivent s’épanouir à l’air, sous peine de rester infécondes? C’est ce que je demande, et je ne crois pas qu’on puisse encore me répondre affirmativement. Dès que l’ovaire est fécondé, il se développe et les autres parties de la fleur commencent à se flétrir , ou , pour mieux dire, la fleur qui n’est qu’un état transitoire des organes régénérateurs , n’existe plus. Quand la fécondation n’a pas lieu, les périantlies con- servent plus long - temps leur fraîcheur : c’est la raison pourquoi les fleurs doubles passent moins rapidement que les autres. Expériences et observations qui ont servi a démontrer F exis- tence des sexes et la fécondation dans les plantes. L’appareil vasculaire du pistil et particulièrement la disposition des nervules , la présence constante du stigmate, 1 irritabilité manifeste de cet organe et des éta- mines, la conformation de ces dernières , l’ouverture de leurs anthères , l’émission du pollen , sa rupture sur prouvée par les plantes dioïqucs. 3o5 l’eau, l’écoulement d’une liqueur particulière, les épo- ques correspondantes de la floraison dans les fleurs à étamines et dans les fleurs à pistil appartenant à une même espèce, l’ascension de la plupart des fleurs aqua- tiques au moment de l’épanouissement, et beaucoup d’autres phénomènes qui ont lieu au temps de la fé- condation , n’ont été observés attentivement, et réunis en corps de doctrine , que lorsque les Naturalistes ont eu la certitude de l’existence des sexes , certitude qui n’a pu résulter que de l’expérience. Dans tous les pays où des végétaux d’une utilité indispensable et journalière , portent le sexe mâle et le sexe femelle séparés sur deux individus, le besoin a bientôt instruit l’homme des relations qui existent entre les étamines des uns et les pistils des autres. Les Orientaux savent de temps immémorial, que, pour que le fruit du Dattier ou du Pistachier se développe , il est indispensable que les individus mâles soient placés au voisinage des individus femelles. Pour assurer les ré- coltes , ils disposent leur culture de manière que des vents réguliers portent le pollen sur les pistils. On lit dans Hérodote , que de son temps , les Égyptiens aidaient à la fécondation du Dattier en introduisant, à lépoque de l’épanouissement , des rameaux chargés d’étamines dans les spathes des fleurs femelles , et cette pratique ancienne est encore en usage sur les côtes septentrio- nales de l’Afrique et dans tout 1 Orient. En général , quand les individus femelles viennent à des distances considérables des individus mâles, les ovules ne prennent aucun accroissement, à moins qu’en temps opportun , on ne répande le pollen sur les pis- tils. Gleditsch en fit l’expérience, lin Chamœrops hu- mi/is femelle existait depuis plusieurs années au Jardin de Berlin, et ses fruits étaient inféconds : Gleditsch fit, ao FECONDATION 3oG venir de Karl'srhu du pollen d’un Chamœrops mâle, et le versa sur les fleurs du Chamœrops femelle : la féconda- tion s’opéra, les fruits nouèrent et donnèrent de bonnes graines. L’expérience n ayant pas été répétée les années suivantes, les fruits manquèrent ;*mais dix-huit ans après on féconda de nouveau ce même Chamœrops. Un Rhodiola femelle, introduit en 1702 dans le Jar- din d’Upsal,y resta stérile jusqu en iy5o , époque à la- quelle un pied mâle fut transporté dans ce jardin. On possédait le Clutia femelle dans plusieurs jardins de la Hollande et de la Belgique, mais il y était stérile. Un seul individu cultivé à Leyde, produisait des fruits féconds ; Linné avança que l’individu mâle n’était pas éloigné : on le chercha, on le trouva. Si vous tenez rapprochés deux pieds de Mercuriale, l’un mâle, l’autre femelle, tous les pistils seront fé- condés; si vous les placez à quelque distance l’un de l’autre , beaucoup de pistils seront inféconds; si vous les éloignez davantage , aucune graine 11e se déve- loppera. Linné voulut obtenir un seul fruit fécond sur un pied de Clutia , et il y parvint en attachant une fleur mâle auprès d’une fleur femelle. 11 dit même qu’une seule loge est féconde si le pollen ne touche qu’un stig- mate; mais d’autres assurent qu’il 'suffit que le pollen touche un stigmate pour que toutes les loges devien- nent fécondes, et cette opinion est plus probable , parce que les nervules ont souvent entre elles, dans le placen- taire , des communications latérales. On empêche la fécondation des plantes monoïques en supprimant les fleurs mâles, et celle des plantes herma- phrodites en supprimant les étamines. Les jardiniers ignorans retranchent quelquefois les fleurs mâles du Me- lon, dans le dessein de soulager la plante, et ils nuisent à sa fécondité. prouvée par les plantes hybrides. 3o 7 Dans tics expériences que j'ai tentées sur la féconda- tion , j’ai enlevé les anthères de diverses espèces de Da- tura avant l’émission du pollen , et quoique je n’aie jamais attaqué le pistil ni même le calice ou la corolle , et que j’aie laissé subsister les lilets pour n’occasion- ner aucune blessure grave , les fruits ont constamment avorté. Les pluies qui surviennent au moment où les an- thères s’ouvrent empêchent l’action du pollen. On le remarque sur-tout dans la Vigne, et l’on dit alors que la Jleur coule. Lorsque le stigmate est mal conformé ou qu’il avorte complètement, la fécondation n’a pas lieu ; cela est bien visible dans les Flosculeuses et les Radiées. Toute fleur dont les étamines se transforment en pé- tales devient inféconde. De même que des animaux d’espèces très- voisines , comme le Cheval et l'Ane, le Chien et le Loup, le Serin et le Chardonneret, etc., engendrent ensemble, de même aussi des plantes très -voisines, telles, par exemple, que le Coquelicot et le Pavot somnifère , se fécondent mu- tuellement et produisent des espèces mixtes que les Bo- tanistes nomment des hybrides. Elles empruntent quel- que chose de la physionomie du père et de celle de la mère. Elles se renouvellent en général par la généra- tion ; cependant il paraît que certaines plantes hybrides sont infécondes. Kolreuter a opéré le croisement du Ni- cotiana rustica et du TSicotiana paniculata. Les indivi- dus qui en naquirent avaient des étamines bien con- formées , mais leurs pistils étaient en mauvais état , et ne purent être fécondés. Les hybrides se produisent quelquefois dans letat sau- vage, et l’on ne peut guère douter quelles n’augmen- tent, au moins passagèrement, le nombre des espèces. 20. 3o8 FECONDATION On soupçonne même que c’est à la formation des hy- brides qu’il laut attribuer l’existence de ces grands genres dont les espèces nombreuses se rapprochent et se nuan- cent de telle sorte qu’il est souvent impossible d’assigner les caractères distinctifs des diverses races. Les genres Brassica , Saxifraga , Hieracium , Géranium , lxia , Me- sembryantliemum , Erica , Protea, sont dans ce cas. La probabilité de la naissance adultérine des espèces qui composent ces grands genres, s’accroît quand elles se trouvent confinées pour la plupart dans quelques coins de la terre , comme les lxia , les Mesembryanthemum , si multipliés au cap de Bonne -Espérance , et dont on a peine à retrouver quelques analogues épars sur le reste du globe. On attribue les variétés nombreuses de Fraisiers, de Melons , etc. , qui paraissent journellement dans les jar- dins , au mélange des poussières. Cette idée de la formation de nouvelles races par croisement d’espèces , avait préoccupé Adanson à ce point, qu’il penchait à croire que le Règne végétal est dans un perpétuel état de mutation ; que d’anciennes espèces disparaissent; que de nouvelles espèces se for- ment; que ces dernières seront remplacées par d’au- tres; que le nombre des races va croissant à mesure que les siècles s’écoulent; que si les anciens Botanistes ne nous ont laissé qu’un petit nombre de descriptions , c’est que les types étaient moins nombreux de leur temps qu’ils ne le sont aujourd’hui. Linné professe, en thèse générale , un sentiment tout opposé. 11 affirme que les types ne sont ni plus nom- breux , ni différens de ce qu’ils furent aux premiers jours de la création ; mais quand il descend aux parti- cularités, il doute, il hésite; il fait plus, il prend à tâche de ruiner sa propre doctrine, en accumulant sans choix prouvée par les plantes hybrides. 309 et sans mesure, des exemples d’espèces hybrides, dont la plupart sont faux ou du moins très-suspects (i). Si l’ex- périence et la théorie nous portent à regarder comme fabuleuse la naissance d’un animal provenant du Cheval et du Bœuf, du Lapin et du Chat, etc.; si des raisons du même ordre , ne nous permettent pas de croire au succès de la greffe du Rosier sur le Houx, de la Vigne sur le Mûrier, etc., nous ne devrons pas admettre, tant que l’expérience ne l'aura pas démontré, que des plantes de familles différentes puissent engendrer ensemble. Linné s’écarte donc de toute vraisemblance lorsqu’il fait naître le Saponaria hybrida du Saponaria officinalis et d’une Gentiane , V Actcea spicata alba de X Actœa spicata nigra et du Rhus toxicodendron , etc. Linné voulait prouver la fécondation des végétaux, et je me permettrai à ce sujet une réflexion critique , afin que l’autorité d’un si grand maître ne prévale ja- mais dans votre esprit sur les résultats de l’expérience et (1) Species tôt numeramus , quot diverses formée in principio sunt créâtes., Species tôt sunt quot diverseis formas ab initio produxit Infinitum Ens ; quee formes , secundum generationis inditas loges , produxere p/ures , at sibi semper similes. Ergo species tôt sunt , quot diverses formes structures hodier- num occitrrunt. Novas species dari in vegetabilibus negat generatio continiuita , proprga- tio, observationes quotidiance , cotylcdones . Phil. Bot. Ces passages sont très-positifs; mais voici comme Linné s’exprime autre part : Mira forte multis 'videbitur proposita heee thesis de novo specierum ortu , et credere quis poterit, totam indc lurbari politiam et esconomiam natures : sed , quod ad prias attinet , non sine ratione credo, taies species tôt , jam tanta mundi cetate , esse produc tas , quot produci facile possunt. Sed jureirc tamen non atideo , plures jam non dari hodie in Europa plantas , quam ante CL annos, quum Bauhinius Pinacem ederet. Phil. Bot. Ed. de Spreng. Voyez dans les Amœnitatcs academices de Linné , les dissertations intitulées Peloria, Plantes hybrides, Disquisitio de sexu plantarurn. 3lO FÉCONDATION, de l’observation. Lorsque Linné entreprit de démontrer une vérité importante, il crut ne pouvoir trop multi- plier les preuves , et les donna souvent pêle-mêle , sans les soumettre à l’examen , comme s’il eût pensé que l’essentiel était d’abord de s’emparer des imaginations, et qu’ensuite on trouverait bien le temps de les régler. Loin d’adopter sans réserve l’opinion d’Adanson , on peut douter avec Linné que les espèces hybrides se conservent. Parmi les animaux, il ne semble pas qu’il se forme de mulets dans l’état sauvage , sans doute à cause de l’extrême aversion que les espèces les plus voisines ont presque toujours les unes pour les autres; et les mulets qui naissent dans l’état domestique, si l’on en juge par les faits, n’ont pas en eux les qualités re- quises pour laisser de races durables , en sorte que leur apparition ne trouble que passagèrement l’écono- mie de la Nature. Les plantes ont, à la vérité, une or- ganisation plus flexible que les animaux; chez elles, les traits distinctifs des races offrent des empreintes moins fermes et moins profondes; mais quoiqu'il en soit, nous remarquons dans le renouvellement non interrompu des générations, une certaine uniformité qui doit nous incliner à croire que les hybrides, de même que les mu- lets, pourraient aussi n’avoir qu’une existence éphémère. Il n’est pas absolument démontré que la fécondation soit nécessaire dans tous les cas pour la formation d’une graine, lors même que les organes mâles existent. Ca- merarius, Tournefort, et depuis, Spallanzani , ont fait des expériences dont le résultat tend à prouver que le Chanvre fructifie sans avoir été fécondé. 11 en est de même, selon Spallanzani, de l’Épinard et de la Courge. Cependant, quelle qu’ait été l’exactitude de ces observa- teurs, beaucoup de botanistes répugneront à croire que la fécondation ne soit pas indispensable là où se trou- Doute. 3 1 1 vent les organes sexuels. Cet argument tiré de l’idée sinon très -fausse, du moins très - incomplète que nous nous formons souvent des causes finales , ne prouve- rait rien contre une opinion fondée sur des expé- riences rigoureuses; mais comme Ion sait que les vents transportent au loin. le pollen; que les grains isolés de cette poussière échappent à la vue par leur extrême té- nuité ; qu il est très -difficile de supprimer en temps convenable toutes les fleurs mâles des plantes monoï- ques, et que les dioïques , qui, pour la plupart, ne sont telles que par avortement , produisent quelquefois des anthères chargées de pollen, il faut attendre, pour porter un jugement définitif, que des expériences , à l’abri de toute critique, mettent la vérité en évidence. SEPTIÈME SECTION. DE LA FRUCTIFICATION ET DE LA DISSEMINATION. DE LA FRUCTIFICATION. Xj es étamines et le stigmate sont flétris; la fleur n’existe plus; une nouvelle période s’ouvre pour le végétal; c’est celle de la maternité , s’il est permis d’employer, en par- lant d’êtres organisés, mais privés du sentiment de leur existence, une expression qui rappelle les affections les plus vives des êtres animés. Dès 1 instant que l’œuvre de la fécondation est achevée, le temps de la fructification commence, et son terme est marqué par la dispersion des graines. Le mot fructification peut se prendre dans plusieurs sens: tantôt il indique les cliangemens successifs qui font passer l’ovaire à letat de fruit parfait ; tantôt les diverses parties dont l'ensemble compose le fruit ; tantôt l’ensemble des fruits eux -mêmes sur un végétal quel- conque. Ce n’est pas ainsi, je dois le dire, que Linné définit la fructification. Elle existe, selon lui, dans la fleur et dans le fruit. Le calice, la corolle, l’étamine, le pistil, le péricarpe, la graine, le réceptacle même, sont à ses yeux des parties de la fructification. Par là il confond les moyens et le résultat, les instrumens naturels qui Développement des Ovules et Ovaires. 3 1 3 opèrent la fécondation des ovules, et les parties déve- loppées qui assurent la durée de l’espèce (i). Développement des Ovules et des Ovaires. Le fœtus des animaux vivipares est renfermé dans deux sacs membraneux : le chorion et l’amnios. L’amnios est recouvert par le chorion , et il contient une liqueur où nage le fœtus. Malpighi , trop pressé de marquer les rapports des organes des animaux et des plantes, crut reconnaître dans la lorique, dans le tegmen et dans le périsperme , des parties analogues au chorion , à lam- nios et à sa liqueur; mais la ressemblance n’est rien moins qu’évidente. Négligeons donc ces analogies incer- taines, et cherchons la lumière dans l’examen des faits. Avant que la fleur s’épanouisse, quand le pistil com- mence à se développer, lovaire est rempli d’un tissu cellulaire très - délicat , qui semble être , dans tous ses points, d’une nature parfaitement homogène, et dont les cellules transparentes sont infiltrées par une liqueur limpide. A cette époque , les ovules ne paraissent pas encore. Peu après , ils se dessinent dans le tissu cellu- laire. Ordinairement ce tissu se dessèche et se détruit , et les ovules s’isolent les uns des autres. Ce sont de pe- tits corps arrondis, verdâtres, lisses et luisans. Ils tien- nent tous au placentaire, tantôt immédiatement, tantôt (i) Fructificatio 'vegetabilium pars temporaria , generationi dicata , anti- qttum terminans , novum incipiens ; hujus partes VII rmmerantur : I. Ca/ix. II. Corolla... IlI.Stamen... IV. Pistillum... V. Pericarpium... VI. Semen..x VII. Receptaculum... Partes Jloris : calix , corolla, stamen , pistillum. Partes fructus : pericarpium , semeu , receptaculum. Partes fructificationis , itaque Jlos , fructus sunt. Pliil. Bot. Fructificatio temporaria, terminans, Icge naturce spontanea dehiscens melamorphosi, ut substanda interna patent flore et fructu. Syst veg. FRUCTIFICATION. 3 1 4 par l’intermédiaire du cordon ombilical ou funicule , et ils reçoivent, au point du hile, l’extrémité des vais- seaux conducteurs et nourriciers. On trouve souvent alors beaucoup plus d’ovules dans l’ovaire que l’on ne trouvera de graines dans le fruit, parce qu’il arrive fréquemment que quelques-uns d’entre eux , s emparant de toute la nourriture, en privent les autres et les font avorter [ Jasminées , Chêne , Marronier d’Inde , etc. ]. La substance des ovules est formée d’un tissu cellulaire continu ; la partie superficielle de ce tissu est opaque , ferme et serrée; la partie intérieure est faible, humide et diaphane. Avant , et même quelque temps après la fécondation , les jeunes graines n’offrent rien de nou- veau, si ce n’est que leur volume augmente. Quand la fleur est passée , c’est-à-dire , quand les étamines et les stigmates sont flétris, il survient des changemens plus notables. Des linéamens vasculaires, premier indice non équivoque de lexistence de lembryon , se développent dans le tissu de chaque ovule. Les cellules qui avoisi- nent les linéamens vasculaires se remplissent d’une sub- stance opaque, blanchâtre ou verdâtre. Cette substance, aussi bien que les vaisseaux , gagne de proche en pro- che , tantôt de la circonférence au centre , tantôt du centre à la circonférence. Le tissu qu’elle pénètre et qu’elle colore est, en quelque façon , un canevas orga- nisé sur lequel la Nature travaille à l’ébauche du vé- gétal. La croissance de l’embryon est comparable à celle des os des animaux: les os sont d’abord cartilagi- neux; des centres d’ossification y paraissent ; ils envoient des rayons dans tous les sens , et donnent peu à peu , aux différentes pièces du squelette , cette solidité et cette opacité qui caractérisent les os parfaits. Si tout le tissu de l’ovule entre dans la structure de l’embryon , l’embryon à lui seul constitue toute la graine, Développement des Ovules et Ovaires. 3 r 5 et par conséquent, il n’y a point de périsperme , point de tegmen, point de loriquc:la paroi de l’ovaire de- vient 1 enveloppe séminale immédiate [ Avicennia PI. 56, flg. 2.1. . Cette paroi devient encore l’enveloppe immédiate, lors même que l’embryon n’envahit point la totalité du tissu de l’ovule , si la portion de ce tissu qui reste en dehors, pénétrée par des sucs prompts à se concréter, se change toute entière en périsperme [Conifères, Belle- de-nuit, etc. PI. 56, fig. 3. — PL 57, fi g. 3.] Mais il arrive souvent que le tissu extérieur de l’ovule forme une ou plusieurs tuniques séminales bien dis- tinctes de la paroi de l’ovaire , ce qui n’empêche pas qu’une portion du tissu de 1 ovule ne se métamorphose en périsperme , et alors la graine est aussi composée qu’elle puisse l'être [ Ricin , Hura crepitans , etc. , PI. 5o, %• 1,2.]. Deux exemples particuliers feront mieux concevoir encore les circonstances les plus remarquables du déve- loppement de la graine. Dans 1 intérieur de l’ovule de l’Acanthe , on ne dis- tingue d'abord que le tissu humide et délicat dont il a été parlé plus haut ; ensuite on voit paraître un petit corps blanchcàtre au centre de ce tissu. Ce corps est l’embryon qui commence à se développer. Les cotylé- dons se montrent sous la forme de deux lames arron- dies, appliquées l’une contre l’autre, et la radicule qui leur sert de point d’union , sous celle d’un mamelon charnu. De ce mamelon partent des linéamens vascu- laires qui pénètrent les cotylédons, et s’étendent , en di- vergeant . jusqu’à leur bord : ce sont les vaisseaux mam- maires. En y faisant attention , on reconnaît que le tissu de l’embryon est continu avec le tissu diaphane qui l’environne. Cependant les vaisseaux mammaires se dé- FRUCTIFIC A.T ION. 3lG veloppent, et les cotylédons grandissent dans tous les sens, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une légère couche de tissu cellulaire à leur superficie. Alors l’embryon est arrivé au terme de sa croissance , et il se détache du tissu superficiel , qui devient une enveloppe séminale immé- diate, c’est-à-dire , un tegmen. Ainsi, dans l’Acanthe, tout le tissu cellulaire de l’ovule entre comme partie constituante du tegmen et de l’embryon ; d’où il suit que l’Acanthe ne peut avoir de périsperme. Les choses se passent d’une toute autre manière dans la Belle-de-nuit. Un ovide remplit entièrement la cavité de l’ovaire ; l’embryon forme la partie la plus extérieure de cet ovule ; les cotylédons larges , minces , rejetés à la circonférence , laissent subsister au centre , une masse épaisse de tissu cellulaire ; les cellules de ce tissu se remplissent d’une liqueur émulsive qui se change insen- siblement en une substance amilacée, sèche et pulvéru- lente. Ici donc , tout le tissu de l’ovule constitue la base organique de l’embryon et du périsperme 5 la graine est dénuée de tuniques propres, et la paroi de 1 ovaire devient son seul tégument. On n’eût peut-être pas avancé tant d’idées systémati- ques sur la nature et l’importance du périsperme et des tuniques séminales , si I on eût bien étudié cette suite de phénomènes. Dans l’histoire de la fleur, en parlant du pistil , j’ai insisté sur la nécessité d’examiner les caractères, tant in- ternes qu’externes de l’ovaire, avant quil soit changé en fruit. Je vous ai dit que souvent les traits les plus essen- tiels de cet organe s’altéraient ou même disparaissaiènt par le développement. Vous vous convaincrez bientôt de cette vérité, si vous faites comparativement l’anato- mie de l’ovaire et du fruit de certaines espèces. Vous verrez, par exemple, que l’ovaire du Frêne a deux loges Développement des Ovules et Ovaires. 3 1 7 et quatre ovules, et que ce même ovaire, transformé en fruit , n’a plus qu’une loge , laquelle est remplie par une seule graine [PI. 44if>g- 2. ] ; que l’ovaire de la Valé- riane est organisé pour avoir trois loges et sans doute autant de graines, et que son fruit n’a qu’une loge et qu’une graine, comme celui du Frêne; que le jeune embryon, renfermé dans l’ovule de l’Acanthe, dirige sa radicule vers le hile et quil len éloigne à mesure qu’il s’accroît , de telle façon qu’enfin il la porte dans une direction diamétralement opposée, etc. La culture a une grande influence sur le développe- ment des ovaires. Comparez les fruits des sauvageons à ceux des arbres de mêmes espèces qui croissent dans nos vergers : les premiers sont peu nombreux , très- petits, sans parfum et d’un goût acerbe; les autres sont nombreux, gros , parfumés , savoureux. La saveur et le parfum sont dus au hasard et non à la culture ; seu- lement le jardinier propage les variétés que la Nature lui offre; mais la multiplication des fruits et leur beauté sont la juste récompense de son travail et de son industrie. La taille des branches , opérée avant que la sève se porte vers les boutons à fruits , assure de plus belles ré- coltes. L’enlèvement d’un anneau d’écorce ou les liga- tures au-dessous des fruits déjà formés, peuvent quel- quefois bâter la maturité , et accroître le volume des fruits. Dans le cas de la taille, la sève qui se serait dis- sipée par les feuilles se dirige vers les boutons ; dans le cas des ligatures ou des décortications annulaires , les sucs élaborés qui descendent par 1 écorce, rencontrant un obstacle , s’amassent au-dessus et fournissent aux fruits plus de sucs nutritifs. La fécondation est aussi indispensable au développe- ment de l’ovaire qu a celui des ovules. Lovaire d’une fleur dont le stigmate n’a point reçu la poussière fé- FRUCTIFICATION. 3 1 8 condante, se flétrit sans prendre d’accroissement. Au contraire, si la fécondation s’est opérée, l’ovaire s’ac- croît, ses pariétaux produisent de nombreuses ramifica- tions, et il acquiert des dimensions et une forme souvent très -différentes de celles qu’il avait d'abord. Le cultivateur peut marier des variétés ou même des espèces voisines en répandant le pollen des unes sur les fleurs des autres. Parmi les nouvelles variétés qui nais- sent de ces croisemens , il s’en trouve dont les fruits sont préférables à ceux qu’on possédait déjà. Par ce pro- cédé, M. Knight a obtenu, il y a quelques années , une très -grosse variété de pois. Les croisemens s’opèrent d’eux-mêmes entre les diffé- rentes variétés qui végètent sur le même terrain ; il suffit donc pour qu ils aient lieu , que le cultivateur sème en- semble les graines de plusieurs variétés. Les pollens , emportés par le mouvement de l’air, se mêlent et fécon- dent indifféremment les pistils dont ils touchent les stigmates. M. Knight nous apprend que dans les an- nées 1795 et 179b, où la récolte du Blé ne donna dans presque toute l’Angleterre , que des grains sans farine , les variétés obtenues par les croisemens, échappèrent toutes à ce fléau, quoiqu’elles eussent été semées à des expositions et dans des terrains très - diffé rens. Ces observations qui ne sont pas moins importantes pour les progrès de l’Agriculture que pour ceux de la Physiologie végétale , viennent à l’appui de ce que je vous ai dit en traitant de la fleur. Mais est -il vrai, comme le prétendent plusieurs cultivateurs , que les fécondations adultérines modifient immédiatement l’or- gane fécondé, de sorte que son développement n’est pas tel qu’il eût été si les choses se fussent passées selon la règle ordinaire de la Nature? Faut-il admettre que les Melons qui croissent au voisinage des Courges, doi- Développement clés Ovules et Ovaires. 3 f 9 vent à l’influence du pollen de ces dernières, leur saveur peu agréable 5 et que les Oranges chiffonnées , digitées, bigarrées, que celles qui contiennent une seconde Orange sous une première écorce, etc. , offrent cette structure bizarre , parce que les stigmates des pistils dont elles proviennent ont reçu un pollen étranger ? je n’ose dé- cider cette question. Si l’on considère ce qui se passe dans les animaux et qu’on veuille raisonner par analogie, on penchera sans doute pour la négative ; car il est bien certain que les accouplemens hors de la loi commune, ne changent rien à la structure de l’organe femelle ; mais comme la Nature procède souvent par des voies très-diffé- rentes dans l’un et l’autre Règne , et que les plus graves erreurs en Physiologie végétale , sont nées de l’abus qu’on a fait de l’analogie, je pense que pour porter un jugement définitif sur cette matière délicate , de nouvelles lumières, fruits de l’expérience et de l’observation, sont indispen- sables. Il est à remarquer que la fructification de la plupart des arbres est soumise à des intermittences assez résu- lières ; qu’il y a des années presque stériles, et d autres au contraire très -fertiles. Une année sur quatre est favo- rable au Chêne ; les forestiers attendent le retour de cette période pour faire leurs semis. Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, le physiologiste prudent ne fait pas de système; il sait que d’heureuses découvertes peuvent seules lui donner l’explication des phénomènes. Les fonctions de l’ovaire ne se bornent pas à garantir les jeunes graines de l’action immédiate des agens ex- térieurs qui pourraient leur nuire. L’ovaire est une es- pèce de corps glanduleux; il prépare dans son tissu les sucs nutritifs nécessaires au développement des ovules. L’illustre Haies a fait voir que les fruits ont une trans- piration marquée, quoique moins abondante que celle FRUCTIFICATION. 3ao des feuilles. La Chimie moderne prouve que les fruits verts respirent à la manière des autres parties vertes , et que , par conséquent, ils décomposent le gaz acide carbonique et retiennent le carbone. Duhamel rapporte qu’ayant cueilli des Noix à l’époque où l’amande n’est encore qu’un tissu transparent et mucilagineux , et les ayant abandonnées à elles -mêmes, l’amande se forma presque aussi bien que si les Noix eussent mûri sur l’arbre. Quand les fruits étaient tenus dans un lieu sec , l’amande était plus petite qu elle n’a coutume de l’être ; mais elle acquérait sa grosseur ordinaire dans un lieu humide , tel qu’une cave. Comme toutes les parties de la plante ont de nom- breux canaux de communication, et que parleur moyen les fluides peuvent passer presque instantanément d’un organe à tin autre, les fruits succulens cèdent quelque- fois leur humidité aux parties voisines. Ce phénomène paraît sur- tout dans les pays chauds, où il arrive sou- vent que les fruits de la saison précédente , sont encore suspendus aux branches quand l’arbre pousse de nou- veaux jets. Ces fruits sont comme des réservoirs que la Nature aurait disposés sur le végétal pour lui procurer au besoin un aliment déjà tout préparé. Les Botanistes qui ont habité le midi de l’Europe , savent qu’au mois de juin , en même temps que les bourgeons et les fleurs de l’Oranger se développent, les oranges restées sur l’arbre perdent leurs sucs, mais quelles en reçoivent de nouveaux au mois de juillet, époque où la végé- tation devient moins active. Le savant M. Du Petit- Thouars a fait cette curieuse observation , que si I on expose comparativement à l’air des fruits sans branches ni feuilles , et des fruits tenant encore à des branches chargées de feuilles, les premiers conservent leur fraî- cheur beaucoup plus long-temps que les autres. Développement des Ovules et des Ovaires. 3 ^ t Ce résultat s’accorde très -bien avec la théorie. Les fruits attachés aux branches perdent leur humidité par leur surface et par les feuilles ; mais les fruits isolés ne la perdent que par leur surface. L’évaporation est donc moins considérable dans ces derniers. Les changemens chimiques qui s’opèrent dans les péri- carpes et les graines, depuis l’apparition des fleurs jusqu’à la parfaite maturité des fruits , sont des phénomènes di- gnes de l’attention des Physiologistes, et sur lesquels nous n’avons encore que dés notions assez vagues. D’a- bord, les graines sont mucilagineuses et elles ont, dans beaucoup d’espèces , une saveur douceâtre ; à mesure que leur tissu se consolide et que leurs sucs se concrètent, le mucilage devient moins abondant et la fécule rem- place le principe sucré. Cette même fécule , au temps de la germination , se convertira en sucre en perdant de son carbone, et servira pour lors de nourriture à la jeune plante. Les péricarpes à l’état d’ovaires sont très- mucilagineux ; un peu plus développés, ils verdissent, ils prennent une saveur d’herbe , ils exspirent de l’oxigène, mais ne produisent pas une quantité sensible de gaz acide carbonique. En vieillissant , la plupart deviennent li- gneux ou pulpeux. Les péricarpes pulpeux absorbent de loxigène et rejettent du gaz acide carbonique; des liqueurs sucrées s’élaborent dans leurs tissus ; elles éj^rou- vent une légère fermentation; lorganisation s’altère, les sucs s’aigrissent, la pulpe se décompose et tombe en pourriture. Ne perdons pas de vue que les mucilages, les résines, les huiles, le ligneux, l’amidon, le sucre, les acides végétaux, etc. , sont formés d’oxigène , d’hydro- gène et de carbone, dans des proportions différentes ; que, lorsque les proportions de ces élémens changent les principes immédiats varient, et que c’est par ce sim- ple et admirable procédé de la Nature, que les su b- 322 fructification. Fruit. Péricarpe. stances végétales subissent toutes les métamorphoses par lesquelles nous les voyons passer successivement. Du Péricarpe et de la Graine , considérés comme parties constituantes du Fruit. Le pistil fécondé, en parvenant à son dernier degré de développement, constitue le fruit (i). Il est composé de deux parties distinctes; la graine dont je vous ai fait connaître la structure et les fonctions, et le péri- carpe qui est l’ovaire accru et modifié par l’âge (2). Les fruits occupent nécessairement la même place que les fleurs dont ils proviennent ; et toutefois leur situation , eu égard à l’ensemble du végétal , peut être différente par suite des développemens subséquens. Les fleurs femelles des Pins et des Sapins , sont situées à l’extrémité des rameaux; il en est de même des fleurs femelles de quelques Mousses ; mais à la base des unes et des autres, il se développe des boutons à bois qui se prolongent au-dessus d’elles, ensorte qu’on voit des fruits latéraux succéder à des fleurs terminales. Nous pouvons dire en théorie , qu’une fleur quelcon- que n’a jamais plus d’un ovaire, et que les petites boîtes (1) Fructiis pars planta; annua , jlori coluerens et succedens , qui, ubi ad pcrfcctioneni pervenerit , sponte a planta abscedit, et coinmoda nutrice exceptas nova planta facit initium. Jungius. Le fruit , dit Rousseau, est le dernier produit de la végétation, contenant les semences qui doivent la renouveler par d’autres indi- vidus.... Le fruit n’est proprement autre chose que l’ovaire fécondé ; et cela , soit qu’il se mange ou ne se mange pas , soit que la semence soit déjà mûre , soit qu’elle ne le soit pas encore. (2) Pericarpinm , visais gravidum seminibus , quee matura dimhlit. Pliil. Rot. Pericarpinm gerinen dejloralum seminiferum. Syst. veg. Ailes. Couronne. Aigrette. Queue. 3a3 distinctes, fixées sur un même réceptacle, qui se mon- trent dans une foule d’espèces, ne sont que des portions d’un péricarpe unique. L’anatomie comparée des ovaires et des fruits , dans une même famille, et l’analogie vrai- ment admirable qui existe presque toujours entre les fruits formés de plusieurs boîtes séparées , et ceux qui sont tout d’une pièce , donnent le plus grand poids à cette assertion. Mais, dans la pratique, nous admettons autant de péricarpes que de boîtes distinctes , dès l ins- tant que lorgane femelle paraît à la lumière; à moins que, par effet des développemens ultérieurs, les diffé- rentes boîtes ne s’entre-greffent et ne forment plus qu’une masse , comme on le voit dans la Framboise. Les points d’attache des styles ou des stigmates , soit que ces parties subsistent ou se détruisent , marquent les sommets organiques des fruits. Quand un fruit n’a qu’un sommet organique il est monocéphale [ Pêche, Cerise] ; quand il en a plusieurs il est polycéphale [ Sida abutilon 1. Nous devons distinguer dans les péricarpes , les dil'fé- rens appendices extérieurs, tels que les ailes, la cou- ronne, l’aigrette, la queue, etc.; et de plus, les valves , les cloisons, le placentaire , les funicules ou cordons om- bilicaux , etc. Les ailes sont des crêtes minces, des lames membra- neuses, qui se développent à la superficie des péricarpes. Le péricarpe du Frêne se prolonge à son sommet, en une aile éti’oite qui a la forme d’une langue d’oiseau ; celui de l’Orme s étend latéralement en deux ailes minces et ari-ondies. La couronne appartient aux fruits qui proviennent d’ovaires soudés au calice. Elle est formée par les boi’ds desséchés de cet organe. La Pomme , la Poire , la Gre- nade, sont des fruits couronnés. 21. 3a4 fructific A-tion. Fruit. Péricarpe. L’aigi'ette a la même origine que la couronne; c’est-à- dire, que ce n’est autre chose que le limbe du calice; mais ce limbe est formé de fdets grêles, alongés, nom- breux, qui ressemblent à un faisceau de poils. Beaucoup de Synantbérées , telles que le Pissenlit, le Chardon, etc., ont des aigrettes. La queue est le style qui s’alonge et se couvre de duvet ( Clématite ). Les valves sont les panneaux dont la réunion com- pose la plupart des péricarpes (i). On reconnaît qu’un péricarpe a de véritables valves, quand il offre à sa su- perficie , des sutures , lignes rentrantes ou saillantes , plus ou moins marquées, distribuées avec symétrie, qui indiquent la soudure de plusieurs panneaux distincts. Presque toujours les valves de ces péricarpes se séparent nettement à l’époque de la maturité. Ce phénomène est connu sous le nom de déhiscence. Pour ne pas s’engager dans des discussions délicates , on est convenu que tout fruit serait censé n’avoir pas plus de valves que de panneaux libres après la déhis- cence; mais néanmoins le nombre et la disposition des sutures , prouvent que chaque panneau est composé très- souvent de deux valves soudées qui ne se séparent jamais. Les cloisons sont des diaphragmes qui partagent la ca- vité intérieure du péricarpe en plusieurs loges (2). Si l’on considère la forme du péricarpe, la distribution des rameaux vasculaires qui le parcourent , l’agencement des valves qui le ferment , la continuité ou l’interruption (1) V^alvula , paries , quo fructus tegitur externe. Phil. Bot. (2) Dissepirnentum , paries, quo fructus interne dislinguitur in conca- rnerationes plares . Loculamentum , concamcratio vacua pro seminum loco. Phil. Bot. Valves. Cloisons. Placentaire. Funicule. 32D de la surface de ces valves, leur union ou leur sépara- tion au moment de la déhiscence , on reconnaîtra que les cloisons n’ont pas toujours la même origine. Beau- coup sont produites par les valves dont les bords ren- trent dans la cavité du péricarpe [ Kœlreuteria , Rhodo- drendrum , Ombellifères, etc. , PI. 4^, fig. 4- — PI. 47 ■> fig. i. — PI. 5o, fig. 4,5.]; d’autres par un simple élar- gissement du placentaire [Plantain, Crucifères, PI. 48, fig. 2. — PI. 5 1 , fig. 3,4,5.]; d’autres enfin , par de sim- ples lames de tissu cellulaire [ Casse, PI. 48, fig- 4-]* Lorsque les cloisons sont formées par les valves ren- trantes , chaque loge est circonscrite par une ou par deux valves. Dans le premier cas la valve est pliée dans sa longueur, et ses deux bords vont gagner l’axe du fruit [ Ombellifères , PI. 5o , fig. 4- ]• Dans le second cas , les deux valves de la loge , placées vis - à - vis l’une de l’autre et soudées antérieurement par l’un de leurs bords, enfoncent leur autre bord jusqu’à l’axe [Manulea, Digi- tale, Euphorbe, Hura crepitans , etc. , PI. 5o, fig. 2. — PL 52, fig. 8.]. Quand ce dernier mode d'organisation a lieu (ce qui arrive fréquemment ) , les valves des loges contiguës sont presque toujours soudées par leur partie rentrante, en sorte que chaque cloison est composée de deux lames accolées l’une à l’autre [ Lis , Kœlreuteria , etc. , PI. /[6 , fig. 3,4,], A l’époque de la maturité , les loges des péi’icarpes à valves rentrantes, se séparent souvent les unes des autres et forment autant de coques, lesquelles s’ouvrent oures- tent closes. Le placentaire, dont j’ai déjà parlé au sujet de l’ovaire, est la partie de la paroi interne du péricarpe où sont fixées les graines. Les vaisseaux conducteurs et nour- riciers constituent essentiellement le placentaire. Ils se 3-îG fructification. Fruit. Péricarpe. distribuent en filets que j’ai désignés sous le nom de nervules. Les nervules sont quelquefois réunies par une masse de tissu cellulaire ; d’autres fois elles sont sépa- rées et forment plusieurs branches distinctes, appliquées contre la paroi du péricarpe ou contre les cloisons ; d’autres fois encore, elles traversent sa cavité en cor- dons grêles , fixés seulement par leurs extrémités. Le funicule ou cordon ombilical est, comme vous le savez, une portion de la substance même du placentaire qui se prolonge en un filet plus ou moins long et délié, à 1 extrémité duquel la graine est attachée. Quand les fruits des Magnolia grancliflora et tripetala se sont ouverts par l’effet de la maturité, leurs graines , d’un rouge de corail, pendent au dehors, attachées à 1 extrémité dun funicule qui a plus de deux centimètres de longueur; mais dans une multitude de plantes ce cordon est très-court [ Haricot, Genista , Ricinus , etc. , PI. 48, fig. 3. — PI. 5o, fig. i.], ou même souvent il n existe pas, et alors les graines sont fixées immédiate- ment sur le placentaire [ Primulacées , Pavot, etc., PI. 47 ? fig- 3. —PI. 49 > flg- 5-]- La situation de la graine dans le péricarpe est toujours un excellent caractère de famille. Il n’y a pas d’Ombelli- fère dont la graine ne soit renversée ; point de Synan- thérée dont la graine ne soit dressée; point de Liliacée dont les graines ne soient attachées à l’axe central du péricarpe; point d’Orchidée dont les graines ne soient attachées le long de la ligne médiane des valves , etc. Je ne parle pas de la situation de l’embryon par rap- port au péricarpe, parce qu’elle est exprimée implicite- ment quand on a énoncé la situation de l’embryon par rapport au hile , et celle de la graine par rapport an reste du fruit. Il existe peu de péricarpes dont la substance soit sem- Pannexterne. Pan ninterne. Noyau. Nucule. 3 9.7 blable à elle-même dans toute son épaisseur. On y dis- tingue fréquemment deux parties ,1 une extérieure , 1 autre intérieure, de nature très - différente. La première, qui forme l'écorce du fruit, est la pannexterne; l’autre, qui circonscrit la cavité péricarpienne, est la panninterne (x). Quelquefois la pannexterne est ligneuse ou coriace, tandis que la panninterne est charnue et pulpeuse [ Me- lon , Coloquinte, Cacao , etc. ] ; d’autres fois , c’est la pan- nexterne qui est succulente et molle, tandis que la panninterne est sèche et solide [ Pêche , Prune , Ce- rise, etc. ]. Quand cette dernière fait corps avec l’autre, et ne s’en détache point, même après la maturité, on y fait peu d’attention ; mais quand elle s’en sépare facile- ment, et qu elle continue à recouvrir les graines jusqu à l’évolution de la plantule , ce qui ne peut avoir lieu que si elle est d’une substance ligneuse , crustacée ou coriace, elle fournit des caractères qu’il importe d indiquer dans l’histoire naturelle des espèces. On donne à cette boîte solide, sorte d’enveloppe auxi- liaire de beaucoup de graines , le nom de noyau ou de nuculc. La différence entre le noyau et le nucule , consiste uniquement en ce que le premier est toujours solitaire dans le fruit, et qu’au contraire l’autre n’y est jamais seul. Les nucules sont plus ou moins obliques; ils sont dis- posés comme des rayons autour de l axe du fruit ; ds n’ont d’ordinaire qu’une loge [Nèfle, PI. 53, fîg. 2.]. Le noyau est souvent conformé comme un nucule (1) On a désigné récemment trois parties dans l’épaisseur de la paroi du péricarpe , l’épiderme extérieur, l’épiderme intérieur et la substance intermédiaire; ce qui donne lieu de dire que le péricarpe comprend l’épi carpe, l’endocarpe et le sarcocarpe ; mais cette désinen- ce carpe , qui revient quatre fois, est intolérable dans les descriptions. 3u8 fructific A.T ion. Fruil. Péricarpe. [Abricot, Cerise, Pêche, PI. 53, fîg. i.] ; mais souvent aussi il offre une structure régulière et des loges rayon- nantes , de façon qu’il semble être produit par le rap- prochement et la soudure de plusieurs nucules [Azéda- rach ]. Dans quelques fruits suturés et notamment dans le Swietenia mahogoni, la panninterne avant la déhiscence, s’isole de la pannexterne et se partage en plusieurs valves élastiques, qui, pressant la pannexterne comme autant de ressorts, contribuent à en désunir les panneaux. Une élasticité semblable dans les deux valves qui com- posent la paroi interne de chaque coque du Hura crepi- tans , occasionne la rupture soudaine et violente de ce fruit, à l’époque de sa maturité. Les péricarpes distincts provenant d’une seule fleur, et fixés sur un même réceptacle , sont irréguliers ; mais il est aisé de voir que s’ils étaient unis les uns aux autres par la partie correspondante à laxe du fruit, ils forme- raient un seul péricarpe régulier. Ces péricarpes prennent les noms de camares, de follicules etd’érêmes, selon leur organisation. La camare [PI. 47; fig'. 7- — PI. 49; fig- 1 ; 2-] est llne boîte péricarpienne souvent comprimée sur les côtés, et dont le profil a plus ou moins la forme d’un D romain ou de deux ^/"italiques réunies , ou encore d’un arc tendu. Elle est composée de deux valves jointes par deux su- tures marginales. C’est dans l’épaisseur de l une des sutures que se prolongent les vaisseaux conducteurs et nourriciers, c’est-à-dire, ceux qui servent à la fécondation et ceux qui portent les sucs nutritifs aux ovules; par conséquent, c’est là qu’est située la nervule du placentaire , et que sont attachées les graines. Cette suture est tournée constam- ment vers l’axe idéal du fruit; en sorte que, dans la supposition où les différentes camares provenant de la Forme. Carnare. Follicule. Fié me. 029 même fleur, viendraient à se rapprocher et à se souder, la boîte régulière qu’elles composeraient serait divisée en plusieurs loges par des cloisons rayonnantes, et porte- rait les graines le long de son axe central, lequel serait formé par la réunion des nervules. Cette combinaison , si facile à concevoir, la Nature la réalise dans tous les péricarpes à valves rentrantes; car leurs loges, leurs co- ques, leurs nucules sont évidemment des camares grou- pées [PI. 47 , fig. 2. — PI. 5o, fig. 2.]. Il est rare que la camare s’ouvre lorsqu’elle ne contient qu’une graine [Renoncule, Clématite, PI. 49, fig- 3.] et plus rare qu’elle reste close lorsqu’elle en contient plusieurs. Si elle s’ouvre par la suture postérieure , c’est- à-dire , par la suture tournée vers l’axe idéal du fruit, le placentaire se fend dans sa longueur et se partage entre les deux bords désunis, emportant les graines d’un et d’autre côté [Pivoine, Aconit, Pied-d’Alouette]. Toute camare libre et distincte est surmontée d’un style. Le follicule est une espèce de camare formée par une seule valve pliée dans sa longueur, et soudée par ses bords. Souvent le placentaire du follicule, au lieu de faire corps avec la valve , est simplement adhérent le long de la suture , et s’en détache quand celle-ci vient à se rompre [Beaucoup d’Apocinées, PI. 4y , fig. 4 ]- L’érême (1) est encore, si l’on veut, une sorte de camare; mais il n’a ni valves, ni sutures apparentes; et comme il provient d’un ovaire qui ne portait point de style, il est clair qu’il n’en offre aucune trace [Labiées, Olacinées, PI. 52, fig. 5.]. Certains fruits ont un seul péricarpe qui ne diffère point d’une camare \ Actea , Légumineuses, PI. 48 , fig. 3, 7.], cl’un follicule [ Aviccnnia , PI. 56, fig. 2.], ou d’un (T) Graine nue de Linné et de quelques uns de ses prédécesseurs* 33o fructification. Fruit. érême. Quelques botanistes ont pensé que cette boîte péricarpienne n’était solitaire que par suite de l’avorte- ment d’une ou de plusieurs boîtes correspondantes. Ils s’appuient sur cette supposition qu’il est dans l’ordre des choses que la puissance végétative s’exerce en rayonnant, et avec une force égale dans toutes les directions, d’où doit résulter à leur sens le développement de parties similaires et symétriques. Mais comment pouvons-nous prendre une idée juste de 1 ordre des choses, si ce n’est par l’examen des choses elles-mêmes? et, quand nous voyons que beaucoup d’êtres organisés sont construits constamment sur un plan qui manque de symétrie, de quel droit dirions-nous que la structure de ces êtres de- vait être symétrique? Ne serait-ce pas, comme s’exprime un grand écrivain , vouloir soumettre la Nature aux conceptions étroites de notre esprit ? Le péricarpe est masqué quelquefois par des organes essentiels ou accessoires de la fleur, qui subsistent après la maturité et semblent faire partie du fruit lui-même. Ces faux péricarpes , produits par les périanthes simples dans le Blitum , etc.; par les calices , dans les Rosiers, etc. ; par les cupules, dans YEphcdra , l’If, etc. , ont fait naître souvent des idées peu exactes sur la structure des fruits de ces végétaux. Je pourrais maintenant vous parler en détail de la surface des péricarpes , du nombre de leurs loges , de leurs valves et de leurs graines, de la position de ces dernières, etc.; mais ces développernens, et beaucoup d’autres, trouveront plus naturellement leur place dans la Terminologie. Je passe à la classification des fruits. Classification artificielle des Fruits. La méthode la plus savante et la plus naturelle pour classer les fruits, serait de les distribuer et de les nommer, Classification des fruits. 33 1 en considérant d’abord la structure vasculaire des péri- carpes et des graines, et en n’employant que comme ca- ractères secondaires , la succulence ou la sécheresse du tissu et la déhiscence ou X indéhiscence des péricarpes , c’est-à-dire, la propriété qu’ils ont de s’ouvrir ou de rester clos. L’élève reconnaîtrait alors , avec une singu- lière satisfaction, que les fruits, dans une même famille, sont Je plus souvent dessinés sur un même modèle qui peut bien éprouver des modifications extérieures, mais qui conserve presque sans altération, ses caractères es- sentiels de structure interne. Malheureusement l’état ac- tuel de la science ne permet guère encore de distribuer les fruits d’après de telles considérations; et peut-être, quand on aura plus approfondi cette matière, trouvera- t-on qu’une classification fondée sur des caractères si importans, mais si délicats , très-bonne sans doute pour éclairer l’Anatomie et la Physiologie végétales, ne sau- rait être employée avec succès dans la Botanique des- criptive. Je dois donc renoncer, au moins pour le moment, à vous exposer les principes fondamentaux de cettd clas- sification. Toutefois, comme celle qui a été suivie jus- qu’ici, est devenue insuffisante, je vais m’appliquer à vous en présenter une qui se ressente en quelque chose des progrès de la science. Je divise, par la considération des fruits, tous les vé- gétaux phénogames en deux grandes classes. D’un côté, je range ceux qui ont des fruits libres ou bien des fruits adhérons au calice, lesquels ne sont masqués par aucun organe étranger, et ne contractent aucune union qui les rende méconnaissables : ce sont les végétaux gymnocar- piens [ Renonculacées , Crucifères, Ombellifères , Malva- cées, Pêchers, Cerisiers, etc.]. De l’autre côté, je range tous les végétaux à fruits recouverts par quelque organe 33a fructification. Fruits. Classification. étranger qui les déguise, pour ainsi dire, et ne permet pas de les reconnaître au premier coup-d’œil : ce sont les Angiocarpiens [Conifères, Corylacées, etc.]. Je commencerai par l’examen des fruits des Gymno- carpiens et je les diviserai, ainsi que les Angiocarpiens, en Ordres et en Genres , pour rendre cet exposé plus méthodique (i). Fruits des Gymnoearpiens. Ier Ordre. Fruits Carcérulaires. Les fruits carcérulaires n’ont qu’un péricarpe , lequel ne s’ouvre pas, quoiqu’il ait quelquefois des sutures apparentes. Ces fruits sont ordinairement secs. Il y en a qui font corps avec le calice et d’autres qui en sont détachés ; la plupart n’ont qu’une loge et ne contiennent qu’une (r) Voici les définitions que Linné donne des différentes espèces de péricarpes : Capsula , pericarpium cavum , detenninate dehiscens. Pliil. Bot. — Cap- sula membranacea , valvis dehiscens •varié in •variis. Syst. veg. Siliqua , pericarpitun bivalve , longitm , affigcns sembla sutura; utrinque. Phil, Bot. — Siliqua membranacea , bivalvis , sutura ulraque semini- fera. Syst. veg. Legumen , pericarpium bivalve , afjigens semina suturce alteri tantum. Pliil. Bot. — Legumen mem branaceuifi , bivalve , sutura altéra semini- fera. Syst. veg. Folliculus membranaceus , univalvis , latere dehiscens , a seminibus dis- tinctus. Syst. veg. Drupa , pericarpium farctum evalvc, nucem continens, Pliil. Bot. — Drupa pu/posa , nucleo osseo. Syst. veg. Pomum, pericarpium farctum evalve capsulant continens. Phil. Bot. — Pomuin pulposum , capsula includente semina. Syst. veg. Bacca, pericarpium evalve', semina ceteroquin nuda continens. Pliil. Bot. — Bacca pu/posa seminibus distinctis. Syst. veg. Strobilus, pericarpium ex amento factum. Phil. Bot. — Strobilus bnbricatus fimenti coarctati. Syst. veg. Cypsèle. Cérion. Carcérule. 33 j graine; quelques-uns ont plusieurs loges et plusieurs graines. I er Genre. La Cypsèle [ PI. 44 ■> ^ » 7 t 8 , 9. — PI. 45, fig. 1,2, 3.]. (1). Ce fruit monocéphale , qui ap- partient à la nombreuse famille des Synanthérées , et qui la caractérise très - bien , est régulier , si ce n’est à sa base qui, presque toujours, est tronquée obliquement. 11 fait corps avec le calice, et il est couronné par son bord , prolongé souvent en écailles , en arêtes ou en ai- grette. Un pédicelle , plus ou moins visible l’unit à un clinanthe environné d’un involucre (2). Le péricarpe est ligneux, membraneux ou succulent ; il n a quune loge et qu’une graine. La graine ne tient au péricarpe que par le funicule qui s’attache à la base de la loge. L’embryon est charnu; il a deux cotylédons, et il est dépourvu de périsperme ; il remplit toute la cavité d’un tegmen membraneux ; la radicule aboutit au hile. 2e Genre. Le Cérion [PI. 58.]. Ce nom con vieil I parfaitement au fruit des Céréales et autres Graminées. Les cérions sont irréguliers , monocéphales ou dicé- phales ; ils n’ont qu’une loge et qu’une graine, et don- nent l’idée, par leur aspect, d’une camare sans valves ni sutures. Le péricarpe est mince et collé pour l’ordi- naire sur le tegmen , qui lui -même adhère à un grand périsperme farineux. Le hile correspond , selon toute apparence, à l’axe idéal du fruit, indiqué souvent par un sillon longitudinal, ou par une tache basilaire. L’em- bryon est logé dans une cavité antérieure, située vers (1) Graine nue de Linné. (a) L’existence de ce pédicelle, qui est très-visible dans quelques espèces, montre que les calathides des Synanthérées sont des om- belles déprimées. 334 fructification. Fruits. Classification. la base du péricarpe. 11 est appliqué contre le tegmen. Il n’a qu’un cotylédon , lequel est grand, charnu, tourné vers le périsperme. La gemmule est revêtue d’une pi- léole ; les mamelons radiculaires sont renfermés dans des coléorhizes. 3e Genre. La Carcérule [ PL 44 1 %• i , a , 4 > 5. — PL 45, fig. 4 •> G* — PL 54, fig. 5.]. Sous ce nom géné- rique , je désigne tous les fruits qui appartiennent à l’ordre des earcérulaires , et qui ne peuvent prendre place dans les deux genres précédens. IIe Ordre. Fruits Capsulaires. Les fruits de cet ordre sont, en général secs; ils tirent leur origine d’un seul ovaire libre ou soudé au calice ; ils ont des valves et, par conséquent, des sutures; ils s’ouvrent d’or- dinaire par la désunion plus ou moins profonde de leurs valves, et jamais ils ne se divisent complètement en plu- sieurs tranches ou coques closes. Ier Genre. Le Légume ou la Gousse [Pl. 43, fig. 3, 4, 5, 6, 7.]. Un péricarpe alongé , monocépliale , irré- gulier, libre, à deux valves jointes par deux sutures, l’une antérieure, l’autre postérieure et contenant quel- ques graines dans une seule loge; un placentaire situé le long de la suture postérieure, et se divisant au mo- ment de la déhiscence , en deux nervules fixées chacune à l’une des valves , en sorte que celles-ci se partagent les graines; une lorique percée d’un micropyle ; un em- bryon à deux cotylédons ; une radicule aboutissant au hile : tels sont les caractères ordinaires du fruit des Lé- gumineuses ; mais il est des espèces où ces caractères s’effacent en partie. Par exemple, le légume des AEschy- nomene est coupé de distance en distance par des articu- lations , et les articles se désunissent sans s’ouvrir; le Légume. Silique. Pyxide. 335 légume de la Casse reste fermé , et sa cavité est partagée par des cloisons transversales ; le légume du Detarium est également indéhiscent; il n’a qu’une loge , qu’une graine , et sa pannexterne est charnue , en sorte qu’il res- semble à nos fruits à noyau , etc. Quoi qu’il en soit , les légumes ne diffèrent point des camares par leurs caractères essentiels, et cette remarque est importante , comme vous le verrez bientôt. 2 e Genre. La Silique et la Silicule [PI. 5i, fig. 2, 3, 4, 5, 6.]. Ce fruit est régulier et monocéphale ; son péricarpe a deux loges, deux valves, et un placentaire élargi en une cloison parallèle aux valves. Le placen- taire est bordé par deux nervules qui l’entourent comme ferait un châssis. Les valves sont soudées le long des nervules. Les graines sont rangées en deux séries oppo- sées dans chaque loge ; elles sont revêtues d’une tunique et n’ont point de périsperme. L’embryon a deux cotylé- dons ; sa radicule aboutit au hile. La silique caractérise la famille des Crucifères. Ce genre de fruit capsulaire subit de grandes modifica- tions. Il y a des siliques qui ne s’ouvrent pas et dont la cloison s’oblitère ; d’autres qui n’ont qu’une ou deux graines, etc. Quand ce fruit est très-alongé, c’est une silique proprement dite ; mais quand il est court , et sur-tout quand il a une largeur notable , eu égard à sa longueur , c’est une silicule. 3e Genre. La Pyxide [PL 48, fig. 1,2.* — PL 49, fig. 5.] (1). Ce fruit est monocéphale et régulier; son pé- ricarpe n’adhère point au périanthe, ou n’y adhère que par sa moitié inférieure. Il a deux valves, l’une est infé- (i) Nom introduit par Ebrhart. 336 fructification. Fruils. Classification . rieure et reste fixée au réceptacle ; l’autre est supérieure, et elle se détache. Cette dernière ressemble au couvercle d’une urne ou d une boîte à savonnette [ Anagallis ou Mouron rouge, Plantain, Pourpier, Jusquialne , Le- cythis , etc. PI. 48, fig. i , 2. — PI. 4,9 5 fig- 5- ]• La valve fixe prend le nom d’amphore , la valve mo- bile , celui d’opercule. Ce fruit ne caractérise aucune famille en particulier, et il varie , soit par la nature de ses graines , soit par la position et la forme de son placentaire j soit par le nombre de ses loges. 4° Genre. La Capsüle. [ PI. 46- — PL 47* fig- 2 > 3, 4, 5, 6, 8.]. Tous les fruits capsulaires qui ne pren- nent point place parmi les légumes, les siliques et les pyxides, sont des capsules. Ces fruits sont monocéphales [ Lis , Tulipe] , ou polycéphales [ Nigella hispanica ] ; ils ont ou n’ont point d’adhérence avec le calice ; ils con- tiennent une ou plusieurs graines ; ils ont une ou plu- sieurs loges. Mais de toutes les différences qu’on y observe, celles qui tiennent davantage au fond de l’or- ganisation, et qui répandent une plus vive lumière sur la structure des fruits, résultent sans doute de la nature des valves , tantôt réunies par leurs bords à l’extérieur , tantôt repliées dans l’intérieur du péricarpe et y for- mant des cloisons qui partagent sa cavité en plusieurs loges. Dans ce dernier cas , chaque cloison peut être considérée comme étant composée de deux lames réu- nies, produites par les parties rentrantes des valves con- tiguës. Souvent il arrive que l’union est telle entre les deux lames , quelles sont indivisibles; souvent aussi elles se dédoublent au temps de la maturité , et la capsule s ouvre par son centre [Rhododendrum , Quinquina et au- tres Rubiacées capsulaires]. Alors les loges divergentes ne Capsule. Crémocarpe. Regmate. 337 diffèrent des coques, que parce qu elles restent unies par leur base. IIIe Ordre. Fruits Diérésiliens. Les fruits qui «instituent ce troisième ordre, proviennent d’un seul ovaire libre ou soudé au calice. Ils sont secs, réguliers, et presque toujours monocéphales. Leur péricarpe est composé de plusieurs coques rangées symétriquement autour d’un axe central , réel ou imaginaire. Ces coques , formées par les valves rentrantes , sont soudées latérale- ment jusqu’à la maturité; à cette époque elles se désu- nissent, se séparent, et, selon leür structure particulière, elles s’ouvrent ou restent closes. Vous voyez, par cette description, que les fruits dié- résiliens sont à peine distincts des capsules à valves ren- trantes dont les cloisons se dédoublent. Ier Genre. Le Crémocarpe [PI. 5o , fig. 4, 5.]. Ce fruit , qui tire son origine d’un ovaire surmonté de deux styles , fait corps avec le calice, et souvent il est couron- né par son limbe. Il a deux loges et deux graines. Il se divise en deux coques parfaitement closes , lesquelles restent suspendues quelque temps par leur sommet , à un axe central, grêle, presque toujours bifurqué à sa partie supérieure. Chaque coque contient une graine renversée, revêtue d’un tegmen membraneux et adhé- rent, et munie d’un périsperme semblable à de la corne par sa consistance. L’embryon est très-petit; il a deux cotylédons , et sa radicule correspond au hile. Le crémocarpe est peut-être de tous les fruits, celui dont le type est le moins altérable. Il ne se montre que dans la famille des Ombellifères. 2e Genre. Le Regmate [PI. fio, fig. i, 2,3.]. Ce fruit, qui n’adhère presque jamais au calice , est souvent 338 fructification. Fruits. Classification. relevé de côtes arrondies , très-saillantes. Sa pannexterne forme une écorce plus ou moins molle, qui se détache au temps de la maturité. Sa panninterne est une boîte ligneuse composée de plusieurs coques , presque tou- jours à deux valves chacune. La séparation des valves s’opère avec élasticité, et commence par la suture posté- rieure. Chaque coque contient une ou deux graines de structure variable; l’embryon a deux cotylédons. Le regmate caractérise la plupart des Euphorbiacées, et il se rencontre aussi dans plusieurs espèces apparte- nant à d’autres familles. 3e Genre. La Diérésile [PI. 5i, fig. y , 8.]. Ce genre l’éunit tous les fruits qui ne peuvent prendre place parmi les crémocarpes et les regmates [ Mauve , Rose- tremière, Caille-lait.]. / IVe Ordre. Fruits Etciirionnaires. Les fruits qui constituent cet ordre , offrent toujours plusieurs péricarpes irréguliers qui n’adhèrent point au calice, et qui contiennent une ou plusieurs graines. Ces péricarpes ont une suture postérieure. Ils ne semblent être , et ne sont quelquefois évidemment que des portions irrégu- lières et séparées d’un ovaire régulier. Les fruits capsulaires polycéphales \Nigella kispanica, etc. , PI. 47 ? fig- 2-] nous montrent un commencement de séparation des loges ; les fruits diérésiliens [ Ombel- lifères, Lavcitera, Rose- tremière, etc. [PI. 5o. — PI. 5i, fig. y, 8.] nous montrent cette séparation complète dans le péricarpe partagé en plusieurs coques après sa maturité ; les fruits étairionnaires dont je vais bientôt vous parler avec plus de détails [ Pivoine, Aconit, Re- noncule, Spirée , Asclépias, etc. PI. 47 > fig- 7- — PI- 49? Diérésile. Double Follicule. 339 fig. i, 2, 3, 4-] nous montrent cette séparation dès la jeunesse même de l’organe femelle. 11 y a donc une ana- logie très-marquée entre les capsules polycéphales et par conséquent à valves rentrantes , les fruits diérési- liens et les fruits étairionnaires ; aussi la même famille renferme-t-elle souvent des espèces voisines où se trou- vent ces diverses formes, qui se rattachent d’elles-mêmes à un type unique. Voyez dans la famille des Renoncu- lacées, la Nigelle , la Pivoine et la Renoncule ; dans la famille des Malvacées , la Rose- tremière et 1 Hibiscus. Parcourez les Rosacées , les Alismacées , etc. , et vous apercevrez des nuances analogues. Ces considérations sont dignes de toute l’attention du Botaniste. Elles re- mettent eh lumière des rapports naturels qui disparais- saient sous la diversité des formes. Ier Genre. Le Double Follicule [PI. 4.9, fig. 4> ] (i). Ce fruit, qui n’a été observé que dans la famille des Apocinées , est formé de deux follicules qui proviennent d’un seul pistil monocéphale. Chaque follicule a ordi- nairement un placentaire soudé le long de sa suture , lequel se détache dans la maturité, et devient libre. Les graines sont revêtues d'un tegmen et elles ont un périsperme. L’embryon est rectiligne; il a deux cotylé- dons , et il s’étend d’une extrémité du périsperme à l’autre; la radicule aboutit au bile. Il arrive quelquefois que le placentaire , au lieu de s isoler au moment de la déhiscence, comme on le voit dans lAsclépias, l’Apocin et beaucoup d’autres genres, ée divise en deux branches fixées à la marge de la valve. Ce caractère rapproche le follicule de la camare. L’analogie qui existe entre le double follicule et les (i) Fnictus bifollicularis. Juss. ■â/jo fructification. Fruits. Classification. capsules à deux valves longitudinales à bords rentrans , a été remarquée par M. de Jussieu, qui même en a tiré cette conséquence, que dans la série des familles dicoty- lédones monopétales , les Gentianées doivent prendre place auprès des Apocinées. 2 e Crenre. L’Étairion [ PI. 47 , fig. 7- — PI- 49 ? fig. 1 , 2.]. Plusieurs eamares disposées autour de l’axe imaginaire du fruit, forment un étairion. La Renoncule, l’Anémone, les Crassulées, le Spirœa , le Geum, la Pivoine, l’Aconit, F Ancolie, YAlisma plantago , ont des fruits de cette nature. Le nombre des eamares varie , non pas seulement par suite d’avortemens , mais encore par suite de la structure originaire des espèces. Vous concevez donc qu’un fruit peut être réduit à une seule camare. Il y en a un grand nombre dans la Renoncule et l’Ané- mone ; une douzaine dans quelques Spirées ; cinq dans l’Ancolie ; trois , et quelquefois une seule , dans le Pied- d’Alouette. Les eamares du Framboisier et de XAnona , sont revê- tues d une pannexterne succulente , et elles s’entre-gref- fent en se développant, de façon que dans leur parfaite maturité elles ne forment plus qu’une seule masse [PI. 52, fig. 3.]. La gousse des Légumineuses n’est, à bien considérer la chose , qu’une camare solitaire. La graine des étairions est très-variable. Ve Ordre. Fruits Cénobionnaires. Cet ordre ne comprend qu’un seul genre. Genre . Le Cénobion [ PI. 52, fig. 4, 5.]. C’est un fruit régulier , partagé jusqu’à sa base en plusieurs pé- ricarpes acéphales, c’est-à-dire, qui n’ont point de Étairion. Cénobion. Drupe. 34 1 sommet organique, ou en d’autres termes, qui ne por- tent point de style. Ces péricarpes sont des érêmes. Ils sont secs ou succulens , et presque toujours unilocu- laires. Leur structure exclut toute adhérence avec le calice. Le style au lieu de reposer sur les péricarpes , s'implante au centre du réceptacle. Les graines sont variables ; l’embryon a deux cotylédons. On peut concevoir un fruit formé par des érêmes , comme ayant un péricarpe régulier à plusieurs loges , dont l’axe central, surmonté du style, se serait affaissé au point de se confondre avec le réceptacle et de laisser chaque loge en liberté. Dans certaines séries naturelles de plantes , laffaissement de l’axe central s’opère par gradations d’une espèce à une autre, et la même famille comprend des fruits capsulaires, des fruits diérésiliens , et des fruits cénobionnaires [ Borraginées]. Les Labiées, les Ochnacées, la Bourrache , la Buglose, la Vipérine , le Cerinthe , etc. , ont des cénobions [PI. 52 , fig. 4,5.]. VIe Ordre. Les Drupacés. Cet ordre ne com- prend qu’un seul genre. Genre. Le Drupe [PI. 53, fig. 1,4.]. Le péricarpe des drupes est composé d’une panninterne ligneuse ou osseuse, connue sous le nom de noyau , et d’une pan- nexterne quelquefois sèche et filandreuse, mais plus sou- vent charnue ou pulpeuse. C’est l’unique caractère par lequel on distingue cette sorte de fruit. Le drupe peut être régulier ou irrégulier, monocéphale ou polycéphale, adhérent au calice ou libre ; il peut avoir une ou plu- sieurs loges, et contenir un nombre de graines très-va- riable, etc. ; par conséquent, il a souvent une analogie de structure avec des fruits très-différens entre eux. 34? fructification. Fruits. Classification. Quand un drupe a un noyau à plusieurs loges rayon- nantes autour d’un axe central par lequel passent les nervules, il est régulier 5 mais d’ordinaire ce fruit 11’a qu’une loge , et les nervules s’élèvent d un seul côté jusqu’au sommet du noyau d’où pendent les graines. Il ré- sulte de ce défaut de symétrie dans la structure interne , que le drupe a presque toujours à sa superficie , un sillon , ou au moins une ligne longitudinale qui aboutit à la base du style, et que son sommet géométrique n’est pas précisément le même que son sommet organique. Construit de cette manière, le drupe ne diffère des camares étairionnaires , que parce qu’il est solitaire et charnu. C’est sur ce modèle qu’est formé le fruit du Detarium et de plusieurs autres Légumineuses qui con- finent aux Rosacées; et, comme dans cette famille, la Pêche , l’Amande, la Prune, l’Abricot, la Cerise , offrent une organisation analogue, on voit clairement que la gousse des Légumineuses et le drupe des Rosacées se confondent vers leurs limites, et que si, dans certains cas, l’on se décide à employer l’un de ces deux noms de fruits de préférence à l’autre , c’est parce qu’on y est déterminé par des affinités de familles , étrangères à celles qui résultent de la structure des péricarpes. Nous désignerons , pour faciliter les descriptions , sous le nom de drupéole , tout drupe succulent dont le volume ne surpasse pas la grosseur d’un pois [ Rivinia ], et sous le nom d’utricule, tout drupe très -petit dont la pannexterne forme autour du noyau un sac mem- braneux [Atriplex\ VIIe Ordre. Fruits Bacciens. Ils sont succu- lens ; ils ont toujours plusieurs graines, et quelquefois ces graines sont renfermées dans des nucules. Rien de constant dans les autres caractères. Pyridion. 3 1\ 3 Il est peu de fruits de cet ordre qui , par le nombre et l'arrangement de leurs loges , la nature de leurs cloi- sons et la direction de leurs nervules , ne se rattachent aux fruits capsulaires , diérésiliens ou étairionnaires. Létat sec ou succulent du tissu fait souvent toute la différence. Ier Genre. Le Pyridion [PI. 53, fig. 2, 3.] (i). C est un huit régulier, couronné par le limbe du calice auquel il adhère. Le péricarpe est charnu, et il a plusieurs loges dans lesquelles sont renfermées une ou plusieurs graines. La paroi de ces loges est tantôt élastique et mince ; (Poirier, Pommier); et tantôt épaisse et ligneuse (Néflier). Dans ce dernier cas , chaque loge forme un nucule. Les nervules suivent la direction de l’axe du fruit. Les graines sont tuniquées ; et elles n’ont ordinairement point de périsperme : l’embryon a deux cotylédons; sa radicule correspond latéralement au liilh; ses cotylé- dons sont grands et charnus. Le pyridion prend vulgai- rement le nom de poire dans le Poirier , de pomme dans le Pommier, de coin dans le Coignassier, de nèfle dans le Néflier, d’azérolle dans l’Azérollier , de corme dans le Cormier. On n’a observé de pyridion que dans les seules Rosacées. Aucune famille ne présente plus de variétés dans l’aspect de ses fruits que les Rosacées; et pourtant il est certain que le fond de l’organisation reste , à peu de chose près, le même. Admettons , par hypothèse, que dans la Pomme, ou mieux encore , dans le Coin, le tissu cellulaire et succulent qui est interposé entre la lame (1) Le Pyridion est la mt'me sorte de fruit que Linné nomme Po- mum, Pomme; mais l’usage veut que le mot Pomme s’applique ex- clusivement au fruit du Pommier. 344 fructification. Fruits. Classification. calicinale et les loges , vienne à s’évanouir, et qu’il en soit de même du tissu qui unit les loges les unes aux autres , nous aurons alors un fruit étairionnaire , tout-à- fait semblable au fruit du Spiræa. Le Spirœa appartient aux Rosacées. Une Nèfle, divisée en cinq segmens perpendiculaires à sa base , représenterait fort bien , quant aux traits essen- tiels, cinq Cerises ou cinq Prunes, disposées avec symé- trie sur un réceptacle , de façon que le sillon longi- tudinal de chacune d’elles regardât un axe central ima- ginaire. La Nèfle, la Cerise, la Prune, sont des fruits de Rosacées. Enfin , et pour rassembler sous le même point de vue les principales nuances qui modifient les divers fruits de cette famille, groupons de petites Cerises sur un même réceptacle , et supposons que ces drupes s’entregref- fent, nous aurons en grand l image exacte d’un étairion analogue à la Framboise , autre fruit de la famille des Rosacées. Ces idées ne doivent pas être considérées comme un simple jeu d’esprit, puisqu’il est visible que la Nature elle-même les réalise dans la série des espèces. Je ne sa-? che rien de plus curieux et qui attache davantage à l’étude des productions naturelles , que ces structures , tout ensemble si simples et si variées. Quand une fois on a saisi les premiers anneaux de cette belle chaîne de faits , on marche de découverte en découverte , et l’on s’étonne que l’on ait pu méconnaître si long-temps l’ad- mirable industrie de la Nature. 2e Genre. Le Pépon [PI. 5a, fig. i, a.] (i). Les (i) Du latin Pepo , Melon. Gærtner a établi le premier ce genre de fruit. Pépon. Baie. 3/jf> vraies Cucurbitacées produisent des pépons. Ce sont des fruits réguliers , monocéphales , qui font corps avec le calice et ont plusieurs graines. Leur panninternei est pulpeuse; leur pannexterne est sèche, solide, élastique. L'intérieur de ces fruits est divisé en plusieurs loges par un placentaire rayonnant dont les lobes amincis en cloi- sons sont bordés de nervules qui portent les graines d’un et d’autre côtés, en sorte que dans chaque loge il y a deux rangs de graines appartenant à deux lobes du placen- taire. Quelquefois les loges sont subdivisées chacune par une cloison pulpeuse, mitoyenne, laquelle n’a point de nervules. Les graines ont une lorique qui a la consistance du cuir. Leur périsperme , quand elles en ont un , est très- mince. Leur embryon a deux cotylédons épais et larges, et une radicule assez petite qui aboutit au hile. Le tissu cellulaire du centre du pépon se détruit souvent lors de la maturité, et alors les péricarpes n offrent plus qu’une seule loge dans laquelle les divisions du placentaire forment des saillies de la circonférence au centre [ Po- tiron ]. 3e Genre. La Baie [PL 53, fig. 5. — PI. 54, fig. r, a, 3, 4-]- Tous les fruits bacciens qui ne peuvent ren- trer dans les genres pyridion ou pépon sont des baies. Ce genre est un assemblage de fruits de nature bien di- verse. On y retrouve l’appareil vasculaire de tous les fruits secs , revêtu d’une pulpe succulente ; ainsi , la baie de YActea est organisée comme la camare du Pied- d’Alouette ; celle de Y Atropa belladona, comme la cap- sule du Tabac, celle du Café, comme la diérésile du Caille-lait, etc. Il y a îles fruits pulpeux , tels que le Muscadier, qui font la transition entre la baie et le drupe. Ils diffèrent 346 fructification. Fruits. Classification. du drupe en ce qu’ils n’ont point de noyau, et de la baie en ce qu’ils n’ont qu’une graine. » Fruits des Angiocarpiens. On ne saurait dire que les fruits des Angiocarpiens soient essentiellement différens des fruits des Gymnocar- piens; aussi convient-il de les classer dans les genres pré- eédens , quand on fait abstraction des enveloppes étran- gères qui les recouvrent : mais ces enveloppes leur sont si étroitement unies, qu’on les considère comme en étant une partie , et c’est pour me conformer à cette manière de voir, que j’admets les cinq genres suivans. 1° Genre. Le Calybion [PI. 55, fig. i.]. Il est composé d’une cupule de forme variable , et d’une ou de plusieurs carcéruies contenues en entier ou en partie dans la cupule [Cycadées, If, Ephedra , Hêtre, Cou- drier, Chêne]. Les carcéruies des calybions prennent le nom par- ticulier de glands ; elles font toujours corps avec le périanthe. Le gland du Chêne se cache à moitié dans sa cupule ; celui du Hêtre, du Châtaignier, s’y cache tout entier; il en est de même de celui de l’If. Ce dernier a deux cu- pules l’une dans l’autre ; l’extérieure , d’un rouge-orangé est succulente, et ressemble à une Cerise entrouverte à son sommet; l'intérieure, dure et ligneuse, se. referme pres- que totalement sur le fruit, et ressemble si bien au noyau d’un drupe, que jusqu’à ces derniers temps tous les Botanistes s’y sont trompés. 2e Genre. Le Strobile ou Cône [PI. 55, fig. 5,6, y. — PI. 57, fig. 3.]. Il est formé par le rapprochement et la réunion en une seule masse de bractées ou de pé- Calybion. Strobile. Sycône. Sorose. 7 doncules considérablement accrus , entre lesquels sont cachés de simples carcérules [ Bouleau, Aune] , ou des calybions [Pin , Sapin ]. Les bractées du Cyprès s’élargissent en tète de clou, se serrent par leurs bords, et composent un strobile arrondi auquel les anciens et plusieurs modernes ont donné le nom de gcilbule. Les bractées du Genévrier deviennent succulentes, se soudent les unes aux. autres et prennent 1 aspect d’une baie. Les pédoncules du Mélèze , du Cèdre , du Sapin , du Pin , disposés en spirale autour d’un axe commun ^ élar- gissent en écailles ligneuses , se recouvrent mutuelle- ment à la manière des écailles des poissons , et forment un strobile conique, qui a fait désigner sous le nom de Conifères ou d’Arbres à cônes, le groupe auquel ces vé- gétaux appartiennent. 3e Genre. Le Sycône [PL 43, fig. 8,9. — P1-. 55 , fig. 4. ]. Un involucre d’une seule pièce, prenant la forme d’un plateau , d’une coupe ou d’une urne, et de consistance variable , porte des fruits careérulaires ou des drupéoles sur un clinanthe qui tapisse toute sa paroi interne [Figuier , Ambora , Dorstenici\. 4e Genre. Le Sorose [PL 55, fig. 3.]. Il est com- posé de plusieurs fruits rapprochés en épi ou en chaton, et reçouvert de leurs enveloppes florales succulentes et entre-greffées , de sorte que l’ensemble de chaque épi ou chaton représente une baie mamelonnée [Mûrier, Arbre à pain. Ananas]. Il est peu de fruits qui échappent à la classification que je viens d’exposer. Ainsi que je l’ai dit d’abord, elle est tout artificielle. Je sépare , en m’attachant à des considérations secondaires , des modes d’organisation 348 DISSÉMINATION, qui ont beaucoup d’analogie; mais, comme je ne néglige pas de faire sentir ces analogies , l’élève judicieux ne verra dans les divisions que je propose , qu’un moyen plus expéditif et plus commode d’exposer les traits ca- ractéristiques des fruits. Je les ai divisés en ordres et en genres ; j’aurais pu subdiviser les genres en espèces ; alors , j’aurais montré que souvent un seul fruit réunit en lui les caractères de plusieurs autres , et , pour faire sentir ces rapports, il m’aurait suffi d’employer adjecti- vement mes noms d’ordres et de genres. Mais ces détails appartiennent à la Terminologie plutôt qu’à la Physio- gie , et je m’abstiens d’en parler ici. DT LA DISSÉMINATION. La dispersion naturelle des graines à la surface de la terre, est nommée dissémination (i). Ce phénomène, qui garantit la durée de l’espèce, annonce le terme de la végétation annuelle. La dissémination faite , tous les or- ganes tendent visiblement au repos dans les individus dont l’existence se prolonge au-delà dune année; et à la désorganisation dans ceux qui n’ont qu’une année à vivre. La dissémination elle-même n’est que le commen- cement de la destruction de l’herbe annuelle. Qu’un pé- ricarpe se sépare de la plante-mère, que ses valves s’en- tr’ouvrent, que les liens qui attachent les graines au placentaire se rompent, ce n’est pas l’effet de 1 activité vitale , c’est au contraire la preuve que le fruit a cessé de végéter. Le fruit a le sort des feuilles à la fin de Pau- O tomne. Il ne tarde pas à rentrer comme elles sous l’em- (l) Consultez, dans les Amœnilates acadeinicce de Linné, les disserta- tions intitulées : OEconomia Naturce , Oratio Telluris haOilabilis iucrç- mento , Politia Naturcv , Coloniœ Plantarum. Fécondité des plantes. 3/|Ç) pire des lois qui régissent la matière inorganisée. Est -il d une nature succulente et pulpeuse P ses fluides fermen- tent et s’aigrissent, son tissu se détruit et tombe en pu- tréfaction ; est- il d’une nature sèche et ligneuse? il se comporte de même que les bois ou les feuilles dont la végétation est terminée , et il est soumis aux mêmes ac- cidens. L’amour que les animaux portent à leur progéniture, leur instinct admirable pour la préserver des dangers ou pour subvenir à ses premiers besoins; leur force, leur courage , leurs ruses , sont autant de moyens qui assurent la durée des espèces ; mais la sensibilité aussi bien que les ressorts nécessaires pour les mouvemens spontanés, ont été refusés aux plantes, et cependant les races nombreuses du Règne végétal se reproduisent annuellement sous nos yeux , telles qu'elles se durent montrer aux premiers jours du monde. Examinons les causes de cette admirable stabilité des races. La cause la plus puissante, sans doute, est l’extrême fécondité des plantes. Au rapport de Sir Digby,les Pères de la Doctrine chrétienne, conservaient à Paris, vers 1660, un pied d’Orge qui avait poussé quarante - neuf tiges , chargées de plus de 18,000 graines (1). Rai en a compté 32,ooo sur un pied de Pavot, et 36o,ooo sur un pied de Tabac. Selon Dodart, un Orme en donna 529,000. Mais il s’en faut bien que le Pavot, le Tabac, l’Orme, soient les végétaux les plus féconds. Le nombre de graines que produit un pied de Bégonia, de Vanille, et sur-tout de Fougère, étonne l’imagination. S’il est beaucoup de graines, telles que celles de l’An- gélique, de la Fraxinelle, du Cafayer, qui se détériorent (1) Discours sur la végétation, prononcé à l'Académie royale Londres, le a3 janvier i6ëo. 35û DISSÉMINAI1 2 ION en peu de temps , et que pour cette raison , on doit semer sans retard après la récolte ; il en est un bien plus grand nombre qui conservent pendant des années , et même pendant des siècles , leur propriété germinative. Dernièrement on a vu se développer des Haricots tirés de l’herbier de Tournefort (t). Home a semé, avec un plein succès, des grains d’Orge recueillis depuis i4o ans. On a découvert dans des matamores , oubliés depuis un temps immémorial, des Blés aussi sains qu’au moment où ils avaient été détachés de l’épi (2). A la vérité les insectes, les oiseaux, les quadrupèdes, sont de grands consommateurs de graines ; mais elles sont trop nombreuses pour qu’ils puissent les dévorer toutes. 11 en est même auxquelles ils ne touchent jamais à cause de la dureté de leurs enveloppes, ou des épines dont elles sont hérissées , ou des sucs âcres et corrosifs dont leur tissu est rempli. La dissémination des graines qui favorise le dévelop- pement des individus , en empêchant qu’ils ne se ras- semblent en trop grand nombre sur un terrain trop resserré , s’opère par différens moyens. Les valves du péricarpe de la Balsamine, du Dionœa, de la Fraxinelle, du Hura crépitons , etc. , se disjoignent subitement par force de ressort , et projettent les graines à quelque dis- (1) Expérience de M. Girardin. (2) En général, les graines huileuses telles que celles du Lin, du Noyer, du Hêtre, etc. , ne tardent pas à rancir; il convient donc de les semer promptement; mais les graines farineuses, telles que les Pois, les Marrons , le Blé, l’Orge , etc. , se conservent fort long-temps, pourvu qu’elle soient placées dans des lieux secs., à une basse tem- pérature. Beaucoup de graines, et notamment les graines fines, se gardent mieux dans leurs enveloppes naturelles, que quand elles en sont dépouillées. L’humidité et la chaleur sont contraires à la con- servation de toutes. par l’élasticité des Péricarpes. 35 1 tance de la plante-mère. Le pépon du Momordica ela- terium se contracte au moment où il se détache du pédoncule, et, par une ouverture pratiquée à sa base, il lance ses graines et son suc corrosif. La graine de YOxalis est contenue dans un arille extensible, qui se dilate d’abord à proportion que le fruit se développe; mais il arrive un moment enfin où cette poche , ne pou- vant plus s étendre , se déchire et chasse la graine par un mouvement élastique. Les plantes d’un ordre infé- rieur, telles que les Champignons , ont aussi des moyens tle disséminer leurs poussières régénératrices. Ainsi , quelques Pézizes secouent leur chapeau quand les sé- minules dont il est couvert sont arrivées à maturité. Les Vesseloups , autres Champignons , se percent à leur sommet comme un cratère, et leurs séminules sont si nombreuses et si fines, qu’au moment où elles s’échap- pent elles ressemblent à une épaisse fumée. Les ovaires des Fougères s'ouvrent par secousses, effet naturel de la contraction de leur tissu quand il vient à se dessécher. Une cause analogue fait mouvoir les cils qui bordent l’orifice de l’urne des Mousses. Ces phénomènes parti- culiers, très -curieux sans doute, ne jouent pourtant pas un grand rôle dans la dissémination. Il est des cau- ses plus générales et plus puissantes dont je vais vous entretenir. Beaucoup de semences sont fines1 et légères comme les grains du pollen; les vents les emportent et les dépo- sent sur les plaines, les montagnes, les édifices, et jus- ques dans le fond des cavernes. Aucun réduit ne paraît assez clos pour interdire l’entrée aux séminules impal- pables des Moisissures. Des graines et des fruits plus pesans sont munis d’ailes qui les soutiennent dans les airs et leur servent à fran- chir des distances considérables. La carcérule de l’Orme 352 DISSÉMINATION est bordée d’une aile circulaire • celle du Frêne se ter* mine par une aile alongée. La diérésile de l’Erable a deux grandes ailes latérales. La cupule du Pin, du Sapin , du Cèdre, du Mélèze, se prolonge à sa partie inférieure en une aile extrêmement mince. Le pédoncule du Til- leul est accolé à une sorte de bractée qui fait fonction d’aile. Les cypsèles aigretées des Synanthérées ressemblent à de petits volans. Les fdets déliés qui composent leurs aigrettes , s’écartant par l’effet de la dessication , leur ser- vent de leviers pour sortir de l’involucre qui les envi- ronne , et de parachute pour se soutenir dans l’atmo- sphère. Linné soupçonne que \ Eriger on canadense est venu par les airs, de l’Amérique en Europe, et certes, cela n’est pas impossible. Du moment que cette Synanthérée est introduite dans un canton, elle se disperse et se res- sème d’elle-même dans tous les lieux environnans. Le funicule des graines de l’Apocin , de l’Asclépias , du Periploca , etc. , le calice de beaucoup de Valérianes et de ScabieuseSj forment d élégantes aigrettes, sembla- bles à celles des Synanthérées. Les trombes de vent transportent bien loin du sol na- tal , des graines de toute espèce. Quelquefois ces tourbil- lons impétueux couvrent tout- à -coup les campagnes mai’itimes du midi de l’Espagne, de graines originaires des côtes septentrionales de l’Afrique. Il y a des fruits fermés hermétiquement et construits de telle manière qu’ils peuvent voguer sur les eaux. Les torrens, les fleuves, la mer, les transportent à des distances plus ou moins considérables. Les drupes du Cocotier , les carcérules de X Anacardium occidentale , connues sous le nom de noix d Acajou, les gousses du Mimosa scandons , qui ont jusqu’à deux mètres de Ion- pai' les vents , les eaux , les oiseaux. 353 gueur, et beaucoup d’autres fruits des pays chauds, sont jetés quelquefois sur les grèves de la Norvège. Sans doute leurs graines se développeraient sur ce sol étran- ger, si la température des climats du nord pouvait con- venir à des végétaux originaires des contrées brûlantes de l’équateur. Des courans réguliers portent les doubles Cocos des Sechelles sur les côtes du Malabar, à 4oo lieues de la terre sur laquelle ils ont pris naissance. Souvent les fruits nau- tiques ont indiqué aux peuples sauvages les îles situées au vent des contrées qu’ils habitaient. Ce fut à de pa- reils indices que Christophe Colomb, voguant vers l’Amé- rique , reconnut qu’il n était pas éloigné du continent dont il avait deviné l’existence. Linné remarque que les animaux travaillent très-effi- cacement à la dissémination. L'Ecureuil et la Loxie à bec croisé sont très - friands delà graine des Pins ; ils désunissent les écailles des cônes en les frappant à coups redoublés contre les ro- chers , et par ce moyen ils en dispersent les semences. Les Corbeaux , les Rats , les Marmottes i les Loirs , transportent des graines et des fruits dans des lieux écartés. Ils en font des magasins sous la terre pour l’arrière-saison; mais ces magasins sont souvent oubliés ou perdus, et les graines germent au retour du printemps. Les Oiseaux avalent des baies dont ils digèrent la pulpe ; ils rendent les graines intactes et prêtes à ger- mer. C’est ainsi que les Grives et d’autres Oiseaux, dé- posent sur les arbres les graines du Gui, qui privées, comme elles le sont, d’ailes et d’aigrettes , et ne pouvant se développer sur la terre, ne se répandent que par ce moyen. La Phjtolacca decandra , originaire de la Virginie , introduit en 1770 , par les moines de Carbonnieux 23 354 DISSÉMINATION dans les environs de Bordeaux , pour y être employé à colorer les vins, a été porté par les Oiseaux, dans les départeinens méridionaux de la France , et jusques dans le fond des vallées des Pyrénées (i). Les Hollandais, voulant s’assurer le commerce exclusif de la muscade , détruisirent les Muscadiers dans beau- coup d’îles sur lesquelles ils ne pouvaient exercer une surveillance active; mais on assure qu’en peu de temps les Oiseaux repeuplèrent ces îles de Muscadiers , comme si la Nature n’avait pas voulu permettre cette atteinte à ses droits. Les Quadrupèdes granivores disséminent aussi les graines qu’ils ne digèrent point. Tout le monde sait que les Chevaux infestent les prairies. Les fruits de l’Aigremoine, du Myosotis lappula , du Galiurn aparine , du Sanicula , etc. , sont pourvus d’ha- meçons , au moyen desquels ils s’accrochent à la toison des animaux lanigères, et ils voyagent avec eux. Il est des plantes , telles que la Pariétaire , l’Ortie , l’Oseille, qui recherchent, pour ainsi dire, la société de l’homme , et qui s’attachent à ses pas. Elles croissent le long des murs dans les villages , et jusques dans les rues des villes; elles suivent les pasteurs, et s’élèvent avec eux sur les plus hautes montagnes. Lorsque , dans ma jeunesse, je parcourus les monts Pyrénées avec M. Ra- mond , plus dune fois ce savant naturaliste me fit remar- quer ces végétaux émigrés de la plaine , croissant sur les ruines des cabanes abandonnées , et se maintenant là malgré la rigueur des hivers , comme des monumens en témoignage du séjour des hommes et des troupeaux. Les distances, les chaînes de montagnes , les fleuves , (i) Note communiquée par M- Saint-Pierre de Lespéret. par les quadrupèdes , par l'homme. 355 les mers mêmes, n’opposent que (les obstacles insuffi- sans à la migration des graines. L’influence du climat met seule des bornes à la dispersion des végétaux; c’est le climat qui fixe des limites que les espèces ne peuvent franchir. Il est probable qu'un temps viendra où la plu- part des végétaux qui cxoissent entre les mêmes parallèles, seront communs à toutes les contrées de cette zone. Ce doit être un des beaux résultats de l’industrie et de la persévérance des nations civilisées ; mais aucune puis- sance humaine ne parviendra jamais à faire croître sous les pôles , les végétaux des tropiques , et sous les tropi- ques les végétaux des pôles. En ceci la Nature est plus forte que l’homme. Les espèces ne se propagent pas d’elles-mêmes d’un pôle à l’autre , parce que la chaleur des contrées inter- médiaires s’y oppose; mais nous pouvons favoriser leur migration , et c’est ce que nous avons fait déjà pour beaucoup d’espèces. Nous cultivons en ces climats les Eucalyptus , les Metrosideros , les Mimosa , les Casuarina , etc. , des Terres - Austi’ales; et les jardins de Botani - Bay, sont peuplés des légumes et des arbres fruitiers de l’Europe. La dissémination des graines ferme le cercle de la végétation. Les arbrisseaux et les arbres ont perdu leur feuillage ; les herbes desséchées se décomposent et ren- dent à la terre les élémens qu elles ont puisés dans son sein. Cette terre, dans sa triste nudité , semble privée pour toujours de sa brillante parure , et cependant d’in- nombrables germes n’attendent qu’un ciel favorable pour la décorer encore de verdure et de fleurs. Telle est la prodigieuse fécondité de la Nature, qu’une surface mille fois plus étendue que celle de notre globe ne suffirait pas aux végétaux que produiraient les graines d’une seule année , si toutes venaient à se développer ; mais la a3. 356 DISSÉMINATION. destruction des graines est immense , et ce n’est que le moindre nombre qui se conserve. Ces graines privilé- giées , recouvertes de terre ou de dépouilles végétales , ou cachées dans les fissures des rochers , enfin proté- gées par un abri quelconque , demeurent engourdies tant que règne la froide saison , et germent sitôt que les premières chaleurs du printemps se sont fait sentir. Alors le Botaniste diligent qui parcourt les campagnes et considère d’un œil curieux les espèces végétales dont la terre commence à se revêtir, voyant reparaître suc- cessivement tous les types des générations passées , admire la puissance de la Nature et l’immuabilité de ses lois. HUITIÈME SECTION. DES MALADIES ET DE LA MORT DES VEGETAUX. MALADIES DES VÉGÉTAUX. Après avoir parlé de l’organisation, de l’enfance, des développemens , et de la reproduction du végétal , il nous reste à dire quelques mots de ses infirmités et de sa mort (i). L’irritabilité donne aux molécules qui composent les corps organisés une force telle, qu’elles résistent jusqu a certain point, aux lois des affinités chimiques et de la pesanteur. Tant que cette force est prédominante , elle fait passer la matière brute à l’état de matière organi- sée ; mais comme la pesanteur et les affinités agissent sans relâche, et toujours avec une égale intensité, tan- dis que l’irritabilité se ralentit ou même s’éteint par un trop long exercice, tôt ou tard la vie cesse, et les formes de l’organisation disparaissent. Le temps suffit donc pour amener la destruction des êtres organisés et vivans; mais chez les plantes, de même que chez les animaux, la mort de vieillesse est rare. Une multitude de circonstances accidentelles troublent ou sus- pendent l’action des forces vitales. De là les maladies qui abrègent la vie des individus, et altèrent quelquefois la vigueur des races. (i) Morbus : œstus , sitis , perriio , famés , polisarclùa , cancer, insccta . Mori , oppositum viCae est. Phil. Bot. 358 MALADIES DES VÉGÉTAUX Les plantes privées de sentiment et par conséquent de volonté, semblent être, au premier coup d’œil, moins exposées que les animaux à l’influence des causes des- tructives; toutefois, il faut considérer que si, d’une part, elles ne vont pas au devant des dangers, d’autre part, elles n’ont en elles aucun désir de les éviter, aucun moyen pour les fuir. On a comparé, sans fondement, les maladies des vé- gétaux à celle des animaux. La manie trop commune de chercher des analogies avant de bien connaître les faits, a beaucoup nui aux progrès de la Pathologie végétale. Toute lésion organique détermine un dérangement quel- conque dans les fonctions des êtres vivans. Chaque sys- tème d’organes est sujet à des accidens morbifiques, se- lon la nature de ses fonctions, et le degré d’irritabilité et de sensibilité dont il est doué. Ainsi les différences dans l’organisation et dans les propriétés vitales , occa- sionnent nécessairement des différences essentielles dans les maladies. Les plantes qui n’ont ni sensibilité, ni for- ces locomotives , ni digestion , ni circulation , parce ' qu elles sont privées de cerveau , de nerfs , de muscles , d’estomac , de cœur, d’artères , de veines , etc. ; les plantes dont toutes les fonctions semblent se réduire , en der- nière analyse, à la nutrition et à la génération, et chez lesquelles les forces organiques résultantes de l’irritabi- lité ont très-peu d’énergie; les plantes, dis -je, ne sau- raient être exposées aux maladies qui affectent des sys- tèmes d’organes dont elles sont dépourvues, et qui trou- blent des fonctions quelles n’exercent pas. C’est donc par ignorance ou par légèreté qu’on a donné à ces affections morbifiques des plantes , des noms qui rappellent ces organes ou ces fonctions, et ne peuvent avoir de juste application que dans la Pathologie animale- Je vais d abord passer rapidement en revue les prin- causées par la nature du sol, etc. 35g eipales causes connues des maladies des plantes. Je dirai ensuite quelques mots des races parasites qui deviennent, pour les individus sur lesquels elles se fixent, des hôtes souvent dangereux et toujours incommodes. Je parlerai enfin de la guerre continuelle que les animaux font aux plantes pour satisfaire à leurs premiers besoins. Ces con- sidérations se rattachent à l’économie générale de la Nature ; vues en grand, elles sont de quelque intérêt pour le Botaniste; mais les détails appartiennent spécia- lement à l’agriculture, et seraient superflus dans un livre de Botanique élémentaire. D'ailleurs, il faut convenir que si la Pathologie humaine est une science conjectu- turale à beaucoup d’égards , la Pathologie végétale l’est bien davantage encore. Les maladies des plantes sont générales quand elles affectent à-la-fois tout le système organique; locales» quand elles n’affectent que telle ou telle partie, comme les boutons, les branches, les feuilles, les organes de la génération, etc.; endémiques, quand elles sont particu- lières à certaines races ou à certaines familles : par exem- ple, aux Arbres verts, aux Graminées, etc. ; sporadiques, quand elles attaquent indifféremment , tantôt une es- pèce, tantôt une autre; épidémiques, quand elles frap pent tout-à-coup un grand nombre d individus dans une même contrée ; contagieuses , quand elles se propagent d’un individu à un autre, soit par le contact immédiat soit par des particules subtiles qui sont transportées par les vents. La nature du sol est une des principales causes des affections morbifiques des végétaux. Un sol très - inaigre ne porte que des individus chétifs; les arbres qui y naissent n’y trouvant point d’aliment , éprouvent avant l’âge les infirmités de la vieillesse ; leur écorce se couvre d’érosions cancéreuses ; leurs branches se dessèchent ; leur tronc se 36o maladies par l’excès de l'humidité. dégarnit ou, comme on dit, se couronne ; leur tissu contient peu de carbone et beaucoup de matières ter- reuses et alkalines. Un sol engraissé de dépouilles animales et végétales, loin de convenir aux Liliacées bulbeuses , fait tomber leurs oignons en pourriture. Quelquefois 1 excès de sucs nutritifs, en fortifiant lin- dividu, nuit à la reproduction de l’espèce. Dans une terre très-ricbe, les arbres fruitiers poussent de longues bran- ches chargées d’un grand nombre de feuilles , les Céréales produisent des chaumes élevés et vigoureux ; mais les uns et les autres ne donnent qu’une très -petite quantité de fleurs. Quand les sucs se portent en trop grande abondance aux organes de la génération , ils transforment les éta- mines et les pistils en pétales, et rendent les plantes infé- condes. Ces plantes dont les fleurs magnifiques font l’or- nement de nos parterres, sont perdues pour la propaga- tion des races. Ce n’est pas seulement dans les terres cultivées que les étamines subissent ces brillantes méta- morphoses. Le phénomène se produit quelquefois dans les lieux abandonnés à la Nature. Non loin de Bagnères de Bigorre, sur le plateau du Lyéris, montagne couverte des plus riches pâturages, et que visita jadis l’immortel Tournefort, j’ai vu des Anémones, des Benoncules , des Roses , pleines commp dans nos jardins. La trop grande fertilité de la terre occasionne ces métamorphoses qui , sous une riche apparence, cachent une véritable dégra- dation. Les Botanistes les rangent parmi les monstruosités. Us considèrent aussi comme telle la transformation des calices en feuilles, des ovules en bulbilles, des pistils en boutons, des corolles régulières en corolles irrégulières, etc. ; mais les causes de ces développemens extraordi- naires leur sont inconnues. Excroissances. Ulcères. Gangrène. Chancres. 36 1 L'influence du sol est quelquefois manifeste dans les avortemens. Souvent les branches des individus mal nourris , au lieu de porter un bouton à leur extrémité, s’alongent en une pointe acérée. Dans les années pluvieuses , beaucoup de végétaux éprouvent une espèce de pléthore ; l’eau remplit les vais- seaux sans s’y élaborer ; les huiles et les résines ne se forment point; les fruits sont sans saveur; les graines n arrivent pas à parfaite maturité; les feuilles tombent; les racines se couvrent de Moisissures , et pourrissent. Les tiges des plantes aquatiques ont des lacunes rem- plies d’air qui semblent les préserver de ces accidens. Il faut croire aussi que leur tissu cellulaire est d’une telle nature qu’il peut résister à l’action prolongée de l’eau , et qu’il ne s’y réduit pas facilement en mucilage, comme celui des autres plantes. L’eau chargée de principes putrides, occasionne des dépôts , des excroissances fongueuses , des plaies , des ulcères , des écoulemens purulens , et une sorte de gan- grène. Les arbres fruitiers , situés dans les lieux bas , sont sujets à ces diverses maladies. Si l’eau séjourne sur la blessure d’un arbre, il s’y forme un chancre, ou une carie qui gagne de proche en proche. Les eaux du ciel , au temps de la fécondation , empor- tent le pollen et rendent les plantes stériles. La grande sécheresse de l’air et de la terre est encore plus nuisible à la végétation que l’excès de l’humidité. Quand le sol est sec et que latmosphère échauffée contient beaucoup d’eau en vapeur , les feuilles suppléent les racines. Voilà pourquoi les murs, les rochers, les sables privés d’eau, ne sont pas toujours dépourvus de verdure. Mais toutes les espèces n’ont pas au même degré la propriété d’absorber l’humidité par leurs 36a maladifs par défaut de lumière, par le froid, feuilles ; aussi , lorsqu’un soleil ardent a dissipé l’humi- dité du sol, que les terres glaiseuses se sont resserrées en masses dures, et que les terres meubles et siliceuses se sont réduites en une poussière aride, des milliers de végétaux meurent sur pied. 11 n’est pas rare , après un été brûlant, de voir dans les forêts de Sapins, des espa- ces immenses , couverts d’arbres desséchés jusque dans leurs racines. Une chaleur et une lumière trop vives excitent une grande transpiration , et nuisent particulièrement aux jeunes pousses. Presque tous les végétaux privés des rayons directs de la lumière , sont blanchâtres et languissans. Du gaz oxi- gène est absorbé ; du gaz acide carbonique se dégage ; le principe saccharin se développe; il ne se forme que peu ou point d’huile, de résine , de ligneux ; les mem- branes restent minces et diaphanes ; les tiges s’allongent sans se fortifier ; les feuilles sont rares et petites ; les fleurs s’épanouissent à peine et sont décolorées ; le pollen est sans vertu et les fruits avortent. Les cultivateurs dé- signent cette chlorose sous le nom d’étiolement ; ils font étioler la Chicorée, le Céleri, et d’autres espèces com- mestibles, pour en adoucir la saveur. L’étiolement explique pourquoi l’on ne parvient pas toujours à repeupler les clairières des forêts, et à rempla- cer les arbres qui périssent dans les anciens quinconces. Les panachures jaunes ou blanches des organes, qui naturellement devraient être verts, semblent provenir de l’impuissance où sont les parties affectées de décom- poser le gaz acide carbonique. Les végétaux élevés sur couches et sous châssis, et par- ticulièrement les Melons et les Concombres, sont égale- ment sujets à une sorte de chlorose. Les extrémités su- périeures blanchissent d’abord; puis la pâleur gagnant Ètiolem1. Cadran. Roulure. Gèlivure. Brûlure. 363 Jes parties inférieures, les feuilles s inclinent, se fanent, et les plantes ne tardent pas à périr. Une grande lumière produit des effets analogues sur X Hortensia, et si l’on ignorait la cause des altérations que l’on remarque dans cette plante , on la croirait étiolée. Le froid qui suspend la végétation quand il est mo- déré, anéantit l’irritabilité et détruit l’organisation quand il est excessif ; il resserre le tissu et occasionne des dé- chiremens internes. Durant les grands hivers, les arbres des forêts éclatent quelquefois avec un bruit semblable à celui d’une arme à feu. Delà le cadran ou cadranure, si les déchiremens s’étendent du centre à la circonférence; et la roulure, s’ils isolent les couches ligneuses les unes des autres. La roulure provient aussi quelquefois de l’aridité du sol. Lorsque la gelée atteint l’aubier, elle le désorganise et empêche qu’il ne passe à l’état de bois. Cette couche imparfaite est recouverte , à la nouvelle sève , par une couche ligneuse , et demeure pour toujours enclavée dans le tronc. Cet accident se nomme gèlivure. Le froid est dangereux , sur-tout quand les végétaux entrent en sève, parce qu’il congèle les sucs et occasionne la rupture des cellules. Lorsque 1 humidité se joint au froid, les jeunes bour- geons se couvrent de givre qui se fond au premier rayon du soleil ; mais le tissu trop tendre est déjà désorganisé ; il noircit et tombe en pourriture. C’est la raison pour- quoi les lieux bas et humides sont peu favorables aux végétaux hâtifs. On donne à cette maladie le nom de brûlure. Les brouillards méphytiques, les vapeurs des volcans. 364 mala.pi F. s par des causes inconnues. la fumée et les exhalaisons des laboratoires de chimie, font sécher les feuilles. La grêle déchire ou meurtrit les parties tendres des végétaux ; la foudre , attirée par la cime des grands ar- bres , les frappe , les écrase et en disperse les débris. Les vents impétueux arrachent leurs branches , brisent leur tronc et secouent si violemment leurs racines , qu’é- tant lacérées en mille endroits , elles deviennent incapa- bles de remplir leurs fonctions (i). Parmi les maladies dont la cause est inconnue , et qui sont en très-grand nombre , je ne citerai que le blanc mielleux ou meunier , et la teigne des Pins. Le blanc mielleux ou meunier attaque les arbres frui- tiers , et notamment l’Abricotier , le Prunier et le Pêcher, Cette maladie se manifeste dès la fin de juin et durant le mois de juillet , d’août et de septembre. Les jeunes feuilles des rameaux se couvrent d’une substance blan- châtre, mielleuse, qui transsude à travers les pores de l’épiderme, et qui paraît au microscope, comme une multitude de fils colés les uns aux autres. Insensible- ment le mal gagne les parties inférieures ; il attaque toutes les feuilles , il détermine leur chute prématurée , et occasionne, par cette raison, l’avortement des boutons à fruits qui étaient destinés à se développer l’année suivante. (i) Les vents ne sont réellement nuisibles aux arbres que lors-, qu’ils les brisent par leur violence. Les arbres exposés à des vents auxquels ils peuvent résister, deviennent plus robustes; leur bois acquiert plus de dureté; leurs racines sont plus fortes, sur-tout du côté frappé par l’air. Rien de plus simple que l’explication de çes phénomènes. L’agitation de l’air hâtant l’évaporation des fluides, augmente la transpiration des parties herbacées, et par conséquent la succion des racines, d’où suit que l’assimilation des molécules, nutritives est plus abondante et plus prompte. Blanc mielleux. Teigne. 365 tlne des maladies endémiques les mieux caractérisées est la teigne des Pins. Les arbres attaqués répandent une forte odeur de térébenthine ; les feuilles tombent , la ré- sine sort en goutelettes de l’écorce crevassée, qui bientôt se détache par plaques. Le Dermeste typographe, attiré par l’odeur qu’exhalent les arbres malades, vient dé- poser ses œufs dans leurs plaies et rend les accidens plus graves. Il est à remarquer que les Insectes insultent de préfé- rence les végétaux malades. Certaines espèces de végétaux portent préjudice à d’autres. Les plantes pourvues de racines traçantes et vo- races affament les plantes voisines. Les plantes grimpantes se roulent autour des tiges des autres plantes et les privent d’air et de lumière. Si ces espèces grimpantes sont ligneuses, elles serrent vigoureu- sement les tiges qu’elles entourent , et y font naître des bourrelets. Les Mousses et les Lichens fatiguent les arbres sur lesquels ils se cramponnent, non qu’ils se nourrissent de leurs sucs , car ils puisent dans l’atmosphère une suf- fisante nourriture , mais parce qu’ils empêchent la trans- piration, et qu’ils entretiennent à la superficie de l’écorce une humidité qui la pourrit et y attire une multitude d’insectes. Les Orobanches , les Cuscutes , les Guis , les Loran - thus , etc. , sont de véritables parasites. Ils vivent aux dé- pens des végétaux qui les portent , et les font quelque- fois périr. Les Orobanches viennent sur les racines de quelques espèces ligneuses. Les Cuscutes s’attachent aux tiges des plantes herbacées. Les Guis, les Loranthus , croissent sur le tronc et les branches des arbres. La maladie appelée blanc- fongeux, est due au Mucor er/siphæ , petit Champignon qui se développe sous l’épi- 366 maladies par les plantes parasites, derme de la face inférieure des feuilles de l’Erable , du Houblon, etc. D’abord il paraît comme une tache blan-* châtre et pulvérulente , ensuite il brunit et offre au mi- croscope une multitude de petits grains. Les gerçures et les verrues qu’on voit quelquefois sur les feuilles , proviennent le plus souvent de la présence d’autres Champignons du genre AEcidium. Les jardiniers ont remarqué que l’Anémone , attaquée par ces parasites , ne fleurit point. La rouille est produite par un autre Champignon , le Puccinia des Graminées. Les Céréales chargées de ce Puccinia ne donnent que des épis maigres , et même avortés. Les Uredo naissent pour l’ordinaire sur le dos des feuilles ; ils y paraissent souvent comme des points jaunes, dans lesquels des yeux peu exercés ont cru recon- naître la fructification des Fougères. Ils nuisent à la flo- raison. L' Uredo sejetum, connu sous le nom de charbon , se développe dans les ovaires du Froment , de l’Orge’, de l’Avoine et autres Graminées ; il détruit le périsperme , et remplit le péricarpe d une poussière noire. L’ergot , cette excroissance brune du grain de l’Orge , du Seigle , de l’Avoine , et quelquefois du Blé , n’est aussi , selon quelques naturalistes , qu’une espèce de Champignon parasite ; mais cela n’est pas encore bien démontré. Le Sclerotium croccorum , plante voisine de la Truffe, attaque sous la terre , les bulbes du Safran , et les fait périr. Quelques espèces de plantes laissent écouler par leurs racines des sucs qui sont, suivant l’opinion de Plenk et de Brugmans , des poisons mortels pour d’autres plantes. Blanc fonguèux. Bouille. Charbon. 367 Mais n’est-il pas bien plus probable, que si certains vé- gétaux d’espèces différentes ne peuvent vivre ensemble sur le même sol, cela provient de ce que les uns enlè- vent à la terre des principes nourriciers nécessaires au vigoureux développement des autres. Cette hypothèse explique d'une manière assez plausible ce qu’on nomme les antipathies des plantes. Les animaux font aussi beaucoup de mal aux végé- taux. Les Pucerons répandent sur les feuilles , au moyen de deux canaux situés près de leur anus, une liqueur gluante et sucrée , qui nuit à la transpiration et à l’ab- sorption. Les plantes surchargées de ces Insectes , meu- rent de consomption. Une foule d Insectes armés de tarières découpent l’épiderme des végétaux, déposent leurs œufs dans le parenchyme des feuilles ou des jeunes branches, et dé- terminent ainsi la production d excroissances charnues, au centre desquelles leurs petits se développent. Telle est l’origine de la galle du Chêne , du bédeguar du Ro- sier, des cornes des feuilles du Tilleul , de l’épaississe- ment charnu des bourgeons des Sapins , des Saules , etc. Beaucoup d’insectes , non moins industrieux , dépo- sent leurs œufs dans le péricarpe de différens végétaux. C’est ce singulier instinct qui rend les Charançons si nuisibles aux récoltes des Céréales. Quand les petits sont éclos , ils dévorent le fruit qui leur a servi de berceau. Les Cynips psenes se logent dans les sycônes du Figuier sauvage [Ficus carica]. Voilà l’origine de la caprifica- tion , pratique ancienne dont le but est de hâter la maturité des figues. Les cultivateurs des îles de l’Ar- chipel suspendent chaque année , depuis un temps immémorial , des branches de Figuiers sauvages au-dessus des Figuiers domestiques. Les Cynips sortent de leurs 368 maladies par les insectes. retraites et pénètrent dans les figues des arbres cultivés par l’ouverture située au sommet de l’involucre. La coulure des feuilles , la torsion extraordinaire des tiges, provient encore de la piqûre des Insectes. La Chrysomèle oléracée dévore les feuilles séminales des Crucifères , qui prennent, comme la plupart des autres cotylédons , une saveur très-sucrée au moment de la germination. Les Limaçons et les Limaces n’épargnent presque au- cuns végétaux - mais ils préfèrent les plantes potagères et les Graminées. Les larves du Scarabeus melolontha restent quatre ans sous la terre, et y vivent de racines tendres. Elles font périr en peu de jours les plus grands arbres , quand elles se réunissent pour les attaquer. Ces larves, transfor- mées en Hannetons, se jettent sur les feuilles des arbres et les dévorent. Les Cantharides dépouillent en un moment les Frênes de toutes leurs feuilles. Les Sauterelles, toujours redoutables pour les plantes herbacées , se multiplient quelquefois à tel point, que les moissons tombent sous leurs dents comme sous la faucille du moissonneur. La Taupe-grillon se nourrit de racines. Les galeries souterraines qu elle pratique nuisent à la végétation d’une multitude de plantes faibles. Dans certaines années les Grillons voyageurs émi- grent par milliers de la Grande - Tartarie en Europe, et détruisent tout ce qui se rencontre sur leur passage. Les Marmottes du nord ( Glis lemnus ) descendent des montagnes neigeuses de la Scandinavie , quand un hiver rigoureux se pi’épare , et s’avancent en corps d’armée sur une ligne , sans être arrêtées par fleuves , rivières ou montagnes 7 portant par-tout la désolation. par les quadrupèdes, etc. 36q Les Marmotcs de nos climats, les Rats , les Loirs, les Ecureuils , les Taupes , etc. , etc. , se nourrissent pen- dant l’été , d’herbes , de racines , de fruits, et font pour l’arrière-saison , des provisions de Blé, de Fèves, de Pois , etc. Les Oiseaux granivores, les Moineaux-francs sur-tout, consomment une quantité prodigieuse de grains. Combien d’autres animaux encore fondent leur exis- tence sur la destruction des végétaux ! Parlerai-je aussi de l’homme , l’ennemi le plus redou- table des animaux et des plantes ? Il extirpe, avec une infatigable activité, les individus du Règne végétal, inu- tiles à ses jouissances ou à ses besoins, et ne souffre autour de lui que les espèces dont il retire quelque avantage. Je ne finirais pas si je voulais énumérer toutes les causes accidentelles qui restreignent dans de j listes bornes le nombre des individus du Règne végétal ; mais il est temps de parler de la mort de vieillesse dont rien ne peut affranchir tout être organisé. MORT DES VÉGÉTAUX. La privation de la vie, c’est-à-dire , l’extinction des forces qui contre-balancent dans les corps organisés l’acr tion des lois générales de la chimie et de la physique , est ce qu’on appelle la mort. Tout individu , animal ou végétal , s’il ne meurt de maladie ou d’accident , meurt de vieillesse. La vie de beaucoup de Moisissures , de Byssus , de Champignons , ne dure que quelques jours, ou même que quelques heures. Les herbes, dites annuelles, meurent de vieillesse long-temps avant une année révolue. Leur mort a lieu , dans nos climats, aux approches de l’hiver. 11 ne faut a 4 il O R T 370 pas croire pourtant que le froid en soit la cause pre- mière ; une température plus douce ne prolongerait point leur existence. Les herbes qui croissent sous la ligne ne vivent guère plus long-temps que celles qui habitent les régions voisines des pôles. Les unes et les autres périssent, quand la propagation de l’espèce est assurée par la production de la graine. Dans les herbes bisannuelles, des feuilles radicales se montrent seules durant la première année. La plupart de ces feuilles se dessèchent quand 1 hiver survient; mais au retour du printemps de nouvelles feuilles se dévelop- pent et annoncent l’apparition des tiges. Celles-ci ne tar- dent pas à produire des fleurs et des fruits, et peu après les herbes bisannuelles meurent , de môme que les herbes annuelles. Dans les herbes vivaces , les parties exposées à l’air et à la lumière se détruisent chaque année après la fruc- tification ; mais les racines se conservent sous la terre, et donnent l’année suivante de nouvelles tiges, qui por- tent encore des fleurs et des fruits. La mort chez les plantes ligneuses , n’arrive en gé- néral qu’après que la floraison s’est renouvelée pendant un nombre d’années plus ou moins considérable. 11 y a pourtant de grands arbres monocotylédons , tels que le Palmier qui produit le sagou [ Sagus farinifera ] , et cet autre Palmier dont les feuilles en éventail ont huit à dix mètres de longueur [ Corjpha umbrcicuUfera\ , qui ne fleurissent qu’une seule fois et périssent ensuite; mais en revanche , il se trouve parmi les arbres dicotylédons des individus énormes, dont la naissance paraît être antérieure à tous les temps historiques, et qui, malgré leur haute antiquité, se couvrent chaque année de fleurs et de fruits. F.n ne considérant les plantes vivaces et ligneuses que des plantes herbacées et ligneuses. 'irj t comme de simples individus, vous seriez naturellement induits à tirer cette conséquence , quelles ne périssent que de maladies ou d’accidens , et ne sont point sujettes à la mort de vieillesse; mais des réflexions plus pro- fondes vous apprendront qu’il faut distinguer, dans toute plante vivace ou ligneuse , la partie qui vit et végète actuellement , des parties plus anciennes qui ont cessé de végéter et de vivre. Je m’explique. Les plantes ont deux modes de géné- ration : la génération par graines et la génération par développement continu de parties semblables. Le premier mode nous présente, dans une graine, un embryon , nouvel individu tout-à-fait isolé de l’indi- vidu qui lui a donné la vie; le second mode , une série d’individus qui , naissant à la superficie les uns des autres, se succèdent sans interruption , et peuvent sou- vent demeurer unis. Que les individus proviennent de génération par graines ou de génération par développe- ment continu , il est de fait que dans l’un et l’autre cas ils ne sauraient se soustraire à l’influence du temps. Mais la succession des individus ou la race , quelle que soit son origine, ne peut éprouver les atteintes de la vieil- lesse, et elle se conserve tant qu’elle n’est pas détruite par des causes accidentelles. Essayons de faire l’application de ces lois générales. Toutes les parties d’une jeune herbe sont susceptibles d’accroissement : les cellules et les tubes, d’abord très- petits, se dilatent bientôt dans tous les sens; ensuite leurs parois membraneuses , pénétrées par les sucs nu- tritifs, se fortifient, s’épaississent, et perdent insensible- ment leur première souplesse. Une lois les membranes endurcies, l’irritabilité s’éteint, les opérations vitales cessent; plus de nutrition, plus de croissance , et la plante, incapable d’opposer aucune résistance aux agens M O RT. 3 72 destructeurs qui l’attaquent sans relâche, ne tarde pas à se décomposer. Les mêmes causes amènent de semblables résultats dans les tiges herbacées des plantes vivaces ; mais leurs racines se régénèrent par développement continu. C’est aussi une génération du meme ordre qui renou- velle la vie des arbres et des arbrisseaux. Leur liber re- présente une plante herbacée , et n’a, comme elle, qu’une végétation très -courte. Si les. espèces ligneuses recom- mencent à végéter au retour de la belle saison , c’est parce qu’un nouveau liber, doué de toute l’énergie vitale d’une herbe naissante , remplace , sous l’écorce , l’ancien liber endurci et transformé en bois. Les Ils du comté de Surrey, qui existaient déjà, à ce qu’on croit, du temps de Jules- César, et qui ont 2 mètres de diamètre; les Cèdres de 9 mètres de tour, que notre savant Labillardière a mesuré sur le Liban ; les Figuiers du Malabar qui , suivant Rumphe ,ont commu- nément de 16’ à 17 mètres de circonférence ; les énormes Châtaigniers du mont Etna, dont un entre autres , au rapport de Houel , a un diamètre de près de 17 mètres ; les Céibas de la côte occidentale de l’Afrique , si épais et si élevés , que les indigènes en font des pirogues d’une seule pièce , de 3 à 4 mètres de large sur 18 à 20 mètres de long ; les Baobabs du Sénégal et des îles de la Magde- leine , qui ont de 10 à 12 mètres de diamètre, et qui, s’il faut en croire les calculs d’Adanson , n’auraient pas moins de cinq à six mille ans d’antiquité ; tous ces ar- bres gigantesques , de même que les moindres arbris- seaux, végètent uniquement par la lame herbacée qui se produit chaque armée à la superficie interne de leur écorce. Les couches superposées des anciens libers con- stituent la masse du corps ligneux , squelette sans vie , dont les fonctions se bornent à servir de support aux Considérations particulières et générales. parties jeunes , et à leur transmettre les sucs nutritifs ; encore même pour remplir ces fonctions, n est -il pas nécessaire que le bois subsiste tout entier. Des Saules , des Châtaigniers creux, continuent de végéter vigoureu- sement ,• mais quelque robustes que soient ces arbres, ils périraient bientôt si on les dépouillait de leur écorcc. Maintenant, pour peu que l’on y réfléchisse , on verra que la longue vie de la plupart des arbres, et l’immor- talité qui semble avoir été départie à quelques-uns d'entre eux et à toutes les herbes vivaces, ne contrarient point la loi générale selon laquelle tout individu orga- nisé doit périr dans un espace de temps déterminé , puisqu’il est de fait que les parties anciennes des racines des plantes vivaces se détruisent continuellement dans le sein de l?i terre , et que les couches ligneuses des troncs ne sont autre chose qu’une suite de générations accumulées, qui ont cessé de végéter et de vivre. Telle est l’idée philosophique qu’il convient d’adopter touchant la vie et la mort, dans les êtres qui se régénè-r rent sans cesse par le développement successif de parties semblables et continues. Et remarquez que le liber qui se forme sur un tronc de plusieurs siècles , quand d’ailleurs ce tronc n a pas subi d’altération , jouit d’une force végétative qui n’est pas moindre que celle du liber d’un arbre à sa pre- mière année 5 et qu’une branche saine et bien venue, détachée d’un arbre antique , mais vigoureux , donne une bouture aussi belle que celle qui est prise sur un jeune arbre , en sorte que par le moyen des boutures , sans le secours de la graine , on pourrait conserver l’es- pèce. D’où il est juste de conclure que, dans l’ordre na- turel, la génération par développement continu ne s’ar- rêterait jamais, si 1’aecroissement démesuré des branches MORT. et du tronc, l’endurcissement du bois et V obstruction des canaux qui le parcourent , ne mettaient obstacle à la marche de la sève , et par conséquent à son accès jus- qu’au liber. Ainsi, pour me résumer, ce qu’on nomme dans les arbres , mort de vieillesse , est , à proprement parler, l’ex- tinction de la race , suite inévitable de la mort préma- turée du liber, occasionnée par la privation des sub- stances nutritives. On a indiqué en général trois époques dans la durée des arbres ; l’enfance , l’âge mur, et la vieillesse. Dans l’enfance , 1 arbre acquiert de jour en jour plus de vi- gueur • dans l’âge mur, il se soutient sans perdre ou gagner sensiblement; dans la vieillesse, il dépérit. Ces trois époques varient pour chaque espèce , suivant le sol, le climat , l exposition et les qualités individuelles. Le Chêne commun subsiste 6 à yoo ans ; ses époques de végétation sont environ de deux à trois siècles chacune. On remarque qu’il dure moins long-temps dans un ter- rain humide que dans un terrain sec. Il en est de même du Châtaignier. Chaque espèce demande , pour son parfait dévelop- pement, une certaine température comprise entre des limites plus ou moins resserrées. Le Chêne commun , le Pin , le Sapin , le Bouleau , etc. , prospèrent vers le nord ; le Frêne , l’Olivier, etc. , se plaisent dans les climats chauds de I Europe ; le Bao- bab , le Céiba , les Palmiers, etc. , ne végètent avec vi- gueur qu’entre les tropiques. Suivant 1V1. Davy, les quantités respectives de charbon que fournissent les divers bois , offrent un indice assez exact de leur longévité. Ceux dans lesquels la matière cbarboneiise et la terre abondent , sont les plus dura- bles ; et ceux dans lesquels on trouve en plus grande Considérations particulières et générales. 3 7 5 proportion les éléinens gazeux , sont les plus destructi- bles. Cette règle peut être applicable à nos arbres indi- gènes ; mais je doute que le Baobab, le Céiba, et beaucoup d autres arbres des tropiques , dont le bois est d’un tissu tendre et lâche, donnent, à masse égale, autant de charbon que nos Chênes, nos Châtaigniers, nos Ormes, quoiqu’ils durent bien plus long -temps. M. Davy pense aussi que les arbres de mêmes espèces atteignent à un âge plus avancé dans le nord que dans le midi , parce que le froid prévient la fermentation et la décomposition ; mais tout arbre résiste long-temps quand il est dans le climat qui convient le mieux à sa nature. L’opinion de M. Davy ne serait fondée que si les es- pèces végétales dont il s’agit, étaient organisées de telle sorte qu’elles pussent supporter tous les climats, et que leur durée fût constamment plus longue vers les pôles que vers la ligne. Je crois bien qu’il est plus commun de trouver de vieux Chênes et de vieux Pins dans le nord que dans le midi de l’Europe; mais certainement les Frênes de la Prusse et de l’Angleterre ont une vie moins longue que ceux de Calabre et de Sicile. Ces phénomènes ont pour cause la nature particulière des espèces, laquelle nous est tout-à-fait inconnue. A mesure qu’un arbre grossit , les vaisseaux de ses couches ligneuses s’obstruent et la sève circule avec plus de difficulté ; par cette raison la succion et la transpi- ration ne sont plus aussi considérables que dans la jeu- nesse, en raison du volume de l’individu. Le liber est moins vigoureux ; les boutons et les racines qu’il produit sont faibles et en petit nombre ; les branches se dessè- chent ; le tronc se couronne ; l’eau séjourne dans les plaies qui se forment; le bois tombe en pourriture. Dès -lors , le nouveau liber, l’herbe annuelle des végé- MORl’. taux ligneux , n'a plus la force de se régénérer ; tout dé- veloppement cesse , et l’arbre meurt. L’arbre mort se couvre de Piiccinia, de Mu cor, de Sphce- ria , et autres plantes cryptogames ; il attire î’ humidité et s’en pénètre , non plus comme autrefois par la force de succion de ses organes , mais par la propriété hygro- métrique qu’il doit à sa structure poreuse et à l’action chimique des élémens qui le composent 5 l’oxigène de l'air brûle une partie de sa substance , de l’eau se forme, du gaz acide carbonique se dégage ; le reste se réduit en humus , substance pulvérulente, brune, onctueuse , émi- nemment fertile , où se retrouvent , en des proportions différentes , les mêmes principes que dans les végétaux , et qui est douée de la propriété de décomposer l’air et de se combiner avec l’oxigène. Ainsi finissent les plantes selon l’ordre régulier des choses. La terre qu elles embellissaient au temps de leur végétation , s’enriçhit de leurs dépouilles ; des germes vi- goureux , déposés dans son sein , font succéder d’autres générations à celles qui viennent de s’éteindre , et la mort des individus est comme un garant de la jeunesse éter- nelle des races. NEUVIÈME SECTION. PES CRYPTOGAMES ET DES AGAMES. CONSIDÉRATIONS GENERALES. Pour répandre plus de clarté sur l’histoire de la vé- gétation , j’ai pensé que je devais développer, dans une section particulière , ce qui concerne la physiologie des plantes agarnes et des plantes cryptogames. Les rapports entre les organes de ces plantes et ceux des espèces phénogames, ne sont pas encore clairement démontrés; il y aurait donc de la témérité à vouloir rapprocher, sous un seul point de vue, les faits qui appartiennent aux uns et aux autres. Les plantes cryptogames ont des organes très-petits, très-différens par leurs formes de ceux des Phénogames , et souvent recouverts de tégumens particuliers qui les dérobent à la vue. Les plantes agarnes n’ont point d’organes sexuels , ou du moins , tous les efforts des Botanistes pour découvrir ces organes , ont été vains jusqu’à ce jour. La multiplication s’opère dans ces plantes imparfaites, par turions , bulbilles , propagules [ propagüla 1 et sémi- nules [ seminula ]. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit autre part des deux premiers modes : je ne m’arrête qu’aux deux derniers. Les propagules appartiennent exclusivement aux Agarnes. Elles paraissent comme une poussière à la su- ÔJQ PLANTES AG AMES ET CRYPTOGAMES, perficie de la plante ; en aucun temps elles ne sont ren- fermées dans des ovaires ; et I on pense , avec beaucoup de probabilité, qu’elles sont de simples fragmens du tissu extérieur. Des genres entiers ne se perpétuent que par propagules. Les séminules appartiennent également aux Againes et aux Cryptogames. Ce sont de très - petits corps orga- nisés qui reproduisent l’espèce , et ne diffèrent peut-être des graines des Phénogames que par leur moindre vo- lume. Les séminules des Cryptogames se développent dans des ovaires qui font partie de véritables pistils. Les séminules des Agames se développent dans des conceptacles , sortes d ovaires qui, n’ayant jamais fait partie de pistils , n’offrent point de vestiges de styles et de stigmates. Ces petites graines sont quelquefois libres dans leurs conceptacles , et quelquefois renfermées plu- sieurs ensemble dans des élytres [ clytrœ\ , conceptacles particuliers , contenus dans des conceptacles communs qui font alors fonctions d’involucres. La dénomination de Plantes Agames est tout- à- fait moderne. Depuis le temps de Camérarius , qui prouva 1 existence des sexes dans les plantes , jusqu’à ces der- niers temps , les botanistes, ou bien niaient absolument qu’aucune plante eût des organes sexuels, ou bien ne voulaient pas admettre qu’aucune plante pût en être privée. Ces idées absolues venaient de la tendance trop ordinaire de l’esprit humain à généraliser les faits parti- culiers , tendance d’autant plus forte, que nos connais- sances sont moins avancées. Linné lui -même, en ce point comme en plusieurs autres , n’eut pas une philosophie dégagée de préjugés : loin de combattre l’opinion des Anciens , il posa en prin- cipe, que les lois de la reproduction dans les plantes sont nécessairement les mêmes pour toutes. Ce fut lui Considérations préliminaires. ojg qui introduisit la dénomination de Plantes Cryptogames. Il l’appliqua , sans aucune exception , aux espèces dans lesquelles il ne vit pas nettement , ou ne vit point du tout les organes sexuels : il enseigna que tout être or- ganisé a la propriété de se propager par œuf ou par graine ; qu’un œuf ou une graine ne se peut former sans fécondation , et que par conséquent aucun être organisé n’est dépourvu de parties mâles et femelles , lors même que l’œil de l’observateur ne les saurait dé- couvrir (x). Mais des recherches ultérieures font penser que certains êtres organisés ne produisent ni œufs , ni graines, et que d’autres jouissent de ces moyens de mul- plication sans qu’il y ait eu fécondation préalable: de sorte qu'aujourd’hui la plupart des Botanistes tombent d’accord que l’existence des sexes n’est rien moins que démontrée dans beaucoup d’espèces que Linné a quali- fiées du nom de Cryptogames. Si nous nous attachons à cette dernière opinion , qui paraît solidement établie, nous sei’ons conduits à di- viser les végétaux en trois classes : i° les Phénogames où le phénomène de la fécondation se montre à décou- vert ; 2° les Cryptogames où ce phénomène est envi- ronné de quelque obscurité ; 3° les Agarnes où ce phé- nomène n’a point lieu. (l) Ornne -vivurn ex ovo ; per consequens etiam 'vegetabilia ; quorum semi/ta esse ova , docet eorum finis , sobolem parentibus confor/nein pro- duccns. . . Prolem non ab ovo tantum , nec a genitura sola , sed ab utriusque simul prodire , probant animalia , hybrida, ratio, anatomia. . . Ovurn non fœcundatum germinare , negat omnis experientia ; adeoque et ova ■vegetabilium. Omnis species 'vegetabilium fiore et fructu instruitur ; etiam , ubi 'visas çosdem non assequitur. Pegetabilc omne fiore et f rue tu instruitur ; ut milia species his deslituta. Phil. Bot. 38o PLANTES AGAMES ET CRYPTOGAMES. Mais autant il est facile de concevoir ces trois glandes divisions dans leur ensemble, autant il est difficile d’en circonscrire nettement les limites. Pour démontrer l’exis- tence des sexes, l’expérience est sans doute le moyen le plus direct. Nous ne pouvons nous méprendre sur les fonctions des étamines , quand nous voyons que les ovules avortent constamment dans les ovaires bien conformés, dont le stigmate n’a pas reçu le pollen , et qu’au con- traire les ovules deviennent des graines fécondes, quand le pollen arrive jusqu’au stigmate. Un moyen moins direct, mais non moins sûr, et d'ailleurs beaucoup plus commode dans l’usage journa- lier , c’est lanalogie rendue évidente par l’observation et la confrontation des organes. Nous n’avons point tenté d’expériences sur la fécondation d’une multitude de plantes que nous ne balançons pas à classer parmi les Phénogames , parce qu’il nous a suffi , pour reconnaître qu’elles ont des étamines et des pistils, de comparer les détails organiques de leurs lleurs au petit nombre de celles dans lesquelles l’existence des sexes a été démon- trée par des expériences directes. Mais lorsque , d’une part , l’analogie des organes , fondée sur la ressemblance des formes, n’est point évidente, et que, d’autre part, la structure et la petitesse des parties ne nous permet- tent point de tenter d’expériences, vous concevez que l’existence des sexes devient problématique , et c’est ce qui a lieu pour beaucoup de plantes , que chaque Bota- niste, d’après certaines considérations auxquelles il atta- che plus ou moins d’importance, rapproche des Phéno- games, des Cryptogames ou des Àgames. Les avis sont donc très- partagés. Il est telle plante qui a changé de place aussi souvent qu’elle a été soumise à l’examen ; et telle autre qui , lors môme qu elle a été rangée d’un commun accord , dans l’une des deux classes que je vais Considérations préliminaires. 38 1 examiner, prête encore matière à beaucoup d’incerti- tudes , parce que les fonctions de chaque organe ne peuvent être démontrées avec rigueur; de là vient que souvent, dans les plantes agames et dans les plantes cryptogames , les noms d’étamine et de pistil, d anthère et d’ovaire, de pollen, de graine, de propagule , etc. , sont donnés tour-à-tour aux mêmes parties par les dif- férens botanistes , et que les: systèmes vont se multi- pliant à mesure que l’on découvre quelques détails d or- ganisation qui avaient échappé aux recherches des pre- miers observateurs. Si vous pesez attentivement toutes ces choses , vous reconnaîtrez que je dois suivre , dans l’examen des Agames et des Cryptogames , une méthode différente de celle que j’ai adoptée pour les Phénogames ; en effet, il ne s’agit point d’établir des généralités et de présenter dans un seul cadre tout ce qui appartient à chaque sys- tème d’organes, puisque les formes sont très-variées, et que les fonctions , et par conséquent les analogies , sont plutôt soupçonnées que connues ; il faut se borner à étudier chaque groupe en particulier, distinguer les faits qui sont dans la Nature , des systèmes qui sont l’ouvrage de 1 homme , et se déterminer, en dernière analyse, pour la doctrine la plus probable , sans se faire illusion sur ce quelle peut contenir encore de faible ou de hasardé, levais examiner successivement les Salviniées, les Equi- sétacées , les Mousses , les Hépatiques , les Lycopodia- cées , les Fougères , les Algues , les Lichens , les Hypoxy- lées et les Champignons ; je passerai ainsi par des nuances graduées , des espèces qui sont les plus voisines des Phénogames à celles qui s’en éloignent davantage, et je compléterai par-là l'histoire, des phénomènes physiolo- giques de la végétation. Mais, avant de pénétrer dans ces détails, je veux vous' j82 PLANTES AG AMES ET CRYPTOGAMES, parler du tissu organique de ces plantes , sujet intéres-» sant et peu connu, dont je vous ai déjà entretenus dans la seconde section de ces Elémens. Toutes les plantes sont essentiellement formées d’un tissu membraneux et cellulaire, mais ce tissu est soumis à de grandes modifications, qui toutes ne se rencontrent pas dans chaque plante en particulier. 11 existe telle espèce Phénogame où l’on chercherait en vain des trachées, ou des fausses-trachées , ou des vaisseaux moniliformes. Ces diverses modifications du tissu manquent absolu- ment dans les Champignons, les Lichens, les Hypoxylées et les Algues , groupes qui , selon toute apparence , ne sont composés que d’Agames. Leur substancè est formée d’un amas de cellules continues, plus ou moins allongées, et dont les parois membraneuses sont plus ou moins épaisses ; leur épiderme , qu’on ne peut que rarement isoler du reste du tissu , n’a point de glandes miliaires. Ces plantes , si I on en excepte les Algues , ne produi- sent jamais de feuilles ni aucune partie de nature her- bacée. Les autres groupes , savoir : les Fougères , les Lycopo- diacées , les Hépatiques , les Mousses , les Equisétacées et les Salviniées ne semblent pas différer des Phéno- games par la nature de leur tissu : toutes ont des feuilles ou des expansions herbacées qui en tiennent lieu, et dans la plupart , on a découvert des vaisseaux. Quelques auteurs , frappés de cette ressemblance avec les Pliéno- games , en ont conclu qu’il était impossible que les plantes comprises dans ces groupes , fussent privées de sexes , façon de raisonner, peu concluante sans doute t puisque jusqu’ici rien ne prouve que la présence des trachées, des fausses-trachées, des glandes miliaires, des feuilles , etc. , etc. , nécessite la présence des pistils et des I Les Sahu niées. 383 «lamines. Rejetons ces conséquences hasardées , et cher- chons la lumière dans 1 examen des faits. Sah'i niées. La Pillulaire, le Marsilea , le Salvinia , Xhoetes , plantes aquatiques que l’on trouve en France , composent ce groupe , que je placerai , à l’exemple de la plupart des botanistes, au premier rang des Cryptogames. La Pillulaire croît dans les lieux humides. Ses tiges rampantes jettent , de distance en distance, de petits ra- meaux qui produisent des feuilles grêles, cylindriques , d’abord roulées en crosse ; à la base de chaque rameau naît un involucre globuleux , gros comme un pois, et parfaitement clos ; cet involucre se partage en quatre pièces formant alors quatre loges distinctes qui contien- nent chacune seize à vingt pistils, et trente à trente-deux anthères ; les pistils sont placés à la partie inférieure de la loge, et portent un stigmate obtus ; les anthères sont suspendues et groupées en lioupe , au sommet de cette même loge : elles sont coniques et s’ouvrent transversa- lement à leur sommet ; leur pollen est composé de grains globuleux qui n’éclatent point sur 1 eau; chaque pistil contient une graine qui produit une feuille séminale en germant. Linné qui n’avait porté sur la Pillulaire qu’un coup- d’oeil superficiel , mais qui était déterminé à trouver les organes sexuels dans cette plante aussi bien que dans les autres, imagina que l’involucre tout entier était un seul pistil contenant plusieurs ovules , et que la poussière mâle était semée sur les feuilles. Mais Bernard de Jussieu, en faisant connaître la véritable structure des organes sexuels de la Pillulaire, a renversé de fond en comble l’opinion de Linné. Il faut convenir d’ailleurs qu’aucune 384 PLANTES AGAMES ET CRYPTOGAMES. observation sérieuse, aucune raison d’analogie évidente, ne la fortifiaient , et quelle prouve combien peu les au- teurs, même les plus habiles, sont circonspects dans leurs assertions, quand ils ont à cœur de faire prévaloir un système. La suite nous rappellera souvent cette réflexion. Le Marsilea pousse une tige rampante , de même que la Pillulaire ; mais il a de longs pétioles qui portent à leur sommet quatre folioles disposées en croix, et vers leur base , des involucres ovoïdes qui ne s’ouvrent pas. La cavité de ces involucres est divisée longitudinalement en deux grandes loges subdivisées en plusieurs cases, lesquelles contiennent des pistils et des anthères mêlés ensemble. Les anthères sont très-nombreuses et très-pe- tites : elles ne s'ouvrent pas; elles n’ont qu’une loge, et elles sont remplies d’un pollen à grains globuleux, opa- ques ; les pistils sont peu multipliés; ils ont un style; ils recèlent sous une double membrane, une matière granu- leuse et transparente. Voilà ce qu’on peut conclure des observations de Bernard de Jussieu, et de M. Robert Brown ; mais, quoique les faits que rapportent ces habiles botanistes soient exacts, les noms de pistil, d’étamines, de pollen, sont peut-être appliqués ici mal à propos, puisque l’expérience ne nous a encore rien appris sur les véritables fonctions des organes du Marsilea. Le Salvinia nage et s’étale en tapis d’un vert gai à la surface des eaux dormantes. Ses rameaux portent de pe- tites feuilles opposées, ovales, parsemées de glandules surmontées de quatre poils roulés en spirale; plusieurs involucres parfaitement clos, globuleux, de deux centi- mètres de diamètre, naissent en groupes au-dessous des paires de feuilles, entre les racines; dans chaque groupe il n’y a qu’un seul involucre femelle : les autres sont males; ceux-ci contiennent deux à trois cents an- thères globuleuses , blanchâtres , qui ont chacune leur Les Suivi niées. 385 filet particulier, et se réunissent en grappes sur un an- drophore commun. Linvolucre femelle renferme dix à douze pistils blancs, oblongs , chagrinés , pédicellés, qui deviennent autant de petits fruits capsulaires, contenant chacun une seule séminule. Tous les involucres se déta- chent à la fin de la belle saison, et tombent au fond de l’eau. Au mois d’avril suivant, les capsules débarrassées de leur involucre , remontent à la surface , et la germi- nation commence. D’abord les capsules s’ouvrent au sommet par trois dents ; ensuite deux radicules sembla- bles à deux petites cornes se développent ; puis paraît une feuille pétiolée, en forme de croissant renversé; enfin, du milieu de l’échancrure de cette feuille , part la tige (i). Linné ne connaissait point les organes sexuels du Salvinia. A l’exemple de Micheli, il prit les involucres mâles pour des ovaires , les anthères pour des graines , les poils des feuilles pour des étamines; mais depuis, Guettard a décrit soigneusement les parties régénératri- ces de cette plante, et M. Vaucher en a fait connaître la germination. Quoiqu’il en soit, la manière dont s’opère la fécondation est encore un problème, et jusqu’à ce qu’il soit complètement résolu, l’existence des étamines sera mise en doute par le naturaliste circonspect, qui ne reconnaît pour vrai que les faits rigoureusement démontrés. L Isoetes offre un faisceau de feuilles étroites et al^on- (i) Il est fâcheux que M. Vaucher, qui nous a donné d^s observations si curieuses sur la germination du Salvinia, n’en ait pas étudié la fleur. Cet excellent observateur a été plus que personne , à portée de vérifier l’exactitude des faits avancés par Mi cheli et par Guettard, mais il a borné ses recherches à la germination , et il n’est pas facile de rattacher sa description à celle de scs, prédécesseurs ; j’ai tâché de le faire ; je ne sais si j’y ai réussi. 386 Plantes agames et cryptogames. géés. La base des feuilles extérieures se renfle et devient un in vol uere où est renfermée une centaine de pistils. Àdanson avance que ces pistils sont accompagnés d’éta- mines ; mais Linné place les étamines à la base des feuilles intérieures , et prétend quelles sont composées d’une écaillé surmontée d’üne anthère à une loge. Tout céla o est bien obscur. Il est impossible de porter un jugement sue les opinions de Linné et d’Adanson, avant d’avoir examiné de nouveau Vlsoetes. Vous voyez que les formes habituelles des organes sexuels des Pliénogames , disparaissent déjà dans ce pre- mier groupe; aussi plusieurs botanistes croient-ils que les plantés qu’il renferme sont dépourvues d’étamines, de pistils et dé graines. Necker, par exemple, assure que les involucres de la Pillulaire , du Marsilea et du Salvinia , ne contiennent que des bésimences , c’est-à-dire , selon sa définition, que des corps réproducteurs , d’abord mu* cilaginéux, eésuite solides, qui se forment sans fécon- dation dans des espèces d’ovaires. Cependant il est bon de rappeller que dans la Pillulaire , le Marsilea et le Salvinia , des involucres recouvrent des corps de deux sortes , et que Bernard de Jussieu a vu s’ouvrir transver- salement ceux qu’il considère comme des étamines. Ce groupe se compose des différentes espèces de Prèles, plantes sans feuilles , à tiges fistuleuses , herbacées, à racines vivaces , qui habitent les lieux aquatiques et s’élèvent an plus à trois pieds. Leurs tiges sont cylin- driques , caneléu , articulées de distance en distance, et Équisétacées (1) Consultez la Planche fig. 65. Les Équisé lacées. 3S-] ceintes, à chaque articulation , d’une gaîne membra- neuse à bord dentelé, que l’on peut considérer comme formée par la réunion de feuilles verticillées. Immédia- tement au-dessous des gaines, naissent souvent des ra- meaux verticillés, dont la structure est la même que celle des tiges. Cette organisation ne diffère point de celle du Casuarina , que l’on prendrait volontiers, si l’on ne connaissait sa fleur et son fruit , pour une Prèle en arbre. La fructification des Prèles est un épi très-serré qui termine la tige. Cet épi est composé de petits invo- lucres qui ressemblent , par leur face externe , à des têtes de clous, ou, mieux encore, aux bractées épaisses des galbules du Cyprès*, et qui portent , sur leur face interne, une rangée de loges membraneuses , allongées en forme de dents ; chaque loge s’ouvre par une fente longitudi- nale qui regarde le centre de l’involucre, et elle répand une poussière dont les grains, qu’on ne voit distinctement qu’au microscope, sont autant de fleurs hermaphrodites. L’ovaire est verdâtre et globuleux; il est surmonté d’un 6tigmate en forme de mamelon. Les étamines, au nombre de quatre, sont attachées en croix à la base de l'ovaire. Ce sont des lames allongées , étroites, un peu élargies au sommet, couvertes d’un pollen très-fin; elles se contrac- tent et se roulent en spirale autour de l’ovaire , quand l’humidité les pénètre; elles s’étendent comme les pattes d’une araignée, sitôt qu’elles viennent à se dessécher. Dans ce dernier cas, elles se déroulent par une élasticité de ressort si brusque et si ferme, qu’elles impriment un mouvement projectile au pistil auquel elles sont fixées, et s’élancent avec lui à une hauteur considérable, eu égard au poids infiniment léger de cette petite machine hygrométrique. Souvent, en moins d’une minute, ces bonds se répètent plusieurs fois. Dans la désignation des organes des Equisétacées , j’ai s5. 388 Plantes agames et cryptogames. suivi le sentiment d’Hedwig; mais cet auteur n’est point d’accord avec Linné et Necker. Le premier, séduit appa- remment par une certaine ressemblance de forme entre les écailles staminifères du Genévrier, du Thuya, du Cyprès , de l'If, etc., et les involucres delà Prèle, croit que les loges membraneuses, attachées au revers de ceux-ci, sont des anthères , et que la poussièi’e qui s’en échappe est le pollen , et il laisse à ses successeurs le soin de dé- couvrir les pistils 5 le second, bien déterminé à ne voir que des Agames dans les Cryptogames du botaniste sué- dois , désigne sous le nom de bésimences stériles , les fleurs hermaphrodites d’Hedwig. Quoi qu’il en soit, cet appa- reil organique a véritablement des rapports de forme avec les fleurs de plusieurs Phénogames ; mais cela ne suffit pas pour faire prévaloir l’opinion d’Hedwig ; il faudrait encore que l’existence du pollen fût mieux cons- tatée, et que Ion connût la germination des séminules. Les Equisétacées ont des fausses -trachées qui com- posent un étui médullaire, et qui jettent des ramifications vers les rameaux. Il y a une grande lacune centrale et deux séries. de lacunes plus petites, disposées symétri- quement autour de l’axe de la tige. Toutes ces lacunes sont interrompues par des diaphragmes cellulaires à l’endroit des nœuds. L’épiderme porte des glandes miliaires. L’or- ganisation des Equisétacées se rapproche plus de celle des Dicotylédons que de celle des Monocotylédons. Mousses (i). Voici le groupe le plus curieux de toute la Cryptoga- (i) Consultez la Planche 62, et suivez, avec l’explication des figures sous les yeux, les différons caractères des organes repro- ducteurs des Mousses. Les Mousses. 3 89 mie de Linné (1). Il comprend un grand nombre de races distinctes, quoiqu’elles aient été en quelque sorte dessinées d’après un seul type, dont les traits principaux se reproduisent dans la plupart des espèces, sans alté- ration notable. Aucun groupe , même parmi les Phénogames , n’a un appareil d’organes générateurs plus compliqué et plus digne d’attention. On s’étonne que des êtres si petits qu’à peine souvent l’œil les peut apercevoir, prennent un rang si élevé dans le Règne végétal , par la singularité des phénomènes qu’ils présentent. Les Mousses sont répandues sur toute la terre ; elles abondent dans les lieux humides; elles aiment, en gé- néral , l’ombre des forêts. Beaucoup croissent sur les tiges et les branches des grands végétaux; cependant on ne doit pas les confondre avec ces parasites incommodes qui épuisent les individus sur lesquels ils se fixent, car on les trouve souvent sur des arbres dont les pousses vigoureuses attestent la santé. Leurs racines déliées et touffues s’insinuent dans les crevasses des vieilles écorces, où s’amasse toujours xxn peu d’humus. Leurs petites feuilles effilées, étroites, aiguës, lxiisantes et satinées, recueillent et aspirent l’humidité, décomposent l’eaxx et l’acide caiboniqxxe, retiennent l’hydrogène et le carbone, et rejetteixt l’oxigène du gaz acide de même que les feuilles des autres végétaux. Quelquefois, loin de nuire à la santé des arbres, les Moxxsses sex’vent à l’entretenir ; réunies en société , elles rapprochent et serrent leurs tiges délicates, (1) Musci. Servi , hyemales , imbricati , calyptrati , reviviscentes , impasti, loca omnia a prioribus rclicta occupant numerossimi. Hi radiées incolarurn fovent : ne adurantur a bruma hyberna ; ne exsiccentur a Sirio œstivo ; ne evellantur a vicissitudine vernali ; ne corrumpantur a putramine autumnali , Çolligunt etiarn pro dominorum peculio hu/nuin dœdalam. Syst. veg. 3 qo Plantes agamf.s et cryptogames. et forment des coussins épais qui mettent à l’abri de la gelée les racines et les tiges des grands arbres du nord. Ces Cryptogames, si chétives en apparence, résistent cepen- dant à toutes les vicissitudes des saisons ; elles bravent les grandes chaleurs, elles reverdissent et se développent quand la terre est couverte de frimas : l’hiver même est l’époque de leur floraison. Les Mousses portent des fleurs males et femelles sé- parées sur un ou sur deux individus, tantôt à l’extrémité des tiges ou des rameaux , tantôt à l’aisselle des feuilles , et toujours dans des périchèzes [ perichœtia~\ , espèces d’involucres composés de plusieurs bràctéoles 'y folia, perichcçtialia ], imbriquées et fixées sur un clinanthe(î) renflé en tubercule. Le clinanthe sert de support à plusieurs fleurs entre- mêlées de paraphyses [ paraphyses ] , poils fistuleux et cloisonnés. Elles n’ont point de périanthe (2). Rarement des fleurs mâles et femelles sont rassemblées dans le même involucre. Chaque fleur femelle se compose d’un ovaire oblong, d’un style grêle, et d’un stigmate évasé comme le pa- villon d’un cor de chasse. Chaque fleur mâle se compose d’un filet souvent très- court, et d’un seul grain de pollen de forme oblongue, fixé par l’un de ses bouts à l’extrémité du filet. Cette petite bourse spermatique est verdâtre ou blanchâtre, si ce n’est à son sommet, qui est incolore et diaphane. Quand on la met sur l’eau , le sommet se fend, s’entr ouvre en manière de bec , ou bien s'enlève comme un opercule, et la liqueur, chassée au (1) Perocidiu/n de Necker. (a) On a avancé que le périchèzc représentait le calice, et que la coiffe représentait la corolle ; mais ces rapprocheinens ne sont auto- risés par aucune analogie certaine. Les Mousses. 39 1 dehors, s’écoule d’abord çn serpentant, puis s’étale et disparaît. Ce phénomène , découvert par Iledwig , et constaté tout récemment par les observations que M. Schubert et moi avons faites en commun , fortifie mer- veilleusement lopinion de l'existence des sexes dans les Mousses. Peu après la fécondation , le style et le stigmate se flé- trissent, et la pannexterne se développe. Cette pannex- terne est formée, comme celle de l’Euphorbe et du Hura crepitansy par l’écorce superficielle de l’ovaire qui se dé- tache des parties intérieures, sans cesser néanmoins de les recouvrir. Elle porte les restes du style , et se divise transversalement en deux parties : la partie inférieure prend le nom de gaînule [ vaginula ] , c’est un petit tube cylindrique ; la partie supérieure prend le nom de coiffe [calj-ptra] , c’est un chapeau en forme d’éteignoir. L’ovaire, en mûrissant, s’élève sur un pédicule grêle, lequel part de l’intérieur de la gaînule. A mesure que le pédicule ou la soie [ seta ] , pour me servir de l’expression reçue, s allonge, la coiffe portée par l’ovaire s’éloigne de la gaînule, qui reste fixée au clinanthe. Quand la soie a pris toute l’extension qu’elle doit avoir , l’ovaire se transforme en fruit, et ordinairement la coiffe tombe bientôt après. Le péricarpe , qqe l’on désigne sous le nom d’urne [theca] , parce qu’il a la forme d’un vase, est quelquefois posé sur un apophyse [apophjsis] , et presque toujours surmonté d’un opercule [ apcrculum ]. L’apo- physe est un renflement charnu ; l’opercule est un petit couvercle conique qui se détache au temps de la dissé- mination, et met ainsi à découvert l’orifice de l’urne: ce péricarpe a une double paroi , en sorte qu’on peut se le représenter comme étant composé de deux vases d’inégale grandeur, dont le plus grand [sporangiiun\ , servirait d’étui à l’autre \sporcingidium \ ; ces deux vases 392 Plantes agames et cryptogames. sont soudés à leur bord. Une petite colonne centrale, U columelle [ columella ] , part du fond de l’urne /et s’élève jusqu’au niveau de l’orifice. Les séminules de couleur jaune, verte ou brune, sont placées dans le vase intérieur autour de la columelle. L’orifice est rarement continu comme le bord d’un gobelet [ Sphagnwn , Gymnostomum ] ; le plus souvent il est découpé en petites lanières rangées cireulairement ; celte bordure est ce qu’on appelle le péristôme [ peristoma ]. Quand les lanières procèdent du vase externe, ce sont des dents [ dentes ]; quand elles procèdent du vase interne, ce sont des cils [ cilia\. Il y a des urnes qui n’ont qu’un seul péristôme (1) composé, soit de dents (2) , soit de cils (3) , et d’autres qui ont deux péristômes (4) , l’extérieur composé de dents, l’in- térieur composé de cils. Les dents , au moment de la chute de l’opercule , se courbent et se redressent alter- nativement. , comme si elles avaient des nerfs et des muscles; mais tous ces mouvemens ne sont qu’un effet hygrométrique, que l’observateur reproduit quand il lui plaît , en dirigeant son haleine sur le péristôme. Dans quelques espèces [ Polytrichum , A trie hum ] l’orifice de l’urne est fermé par un épiphragme [epiphragma] , niera- Liane délicate qui est attachée au péristôme, et qui sub- siste long-temps après la chute de l’opereule; dans quel- ques autres [Fissidens pului/iatus , Hed.; Dicranumpur- purcum , lied., etc.], une lame élastique, en forme d’an- neau, couvre la suture qui unit l’opercule à l’orifice de l’urne , jusqu’au moment où 1 opercule se détache. Les séminules répandues sur la terre, germent. Hedwig (1) Les Aploperistomates de M. Bridel ; ex. Grimmia. (2) Les EcCopogones de M. Beauvois ; ex. Dicrunum. (3) Les Entopogones de M. Beauvois ; ex. Tortula. (4) Les Diploperisiomates de M. Bride! ; ex. l'Hrpnum /'Orthotrichum . Les Mousses. 3g3 a observé leur évolution telles déchirent, en se gonflant, un tegmen qui renferme leur amande ; elles produisen t une radicule, une plumule, et quelques filets succulens et articulés, d’abord simples, ensuite ramifiés, que l’au- teur nomme des cotylédons, mais qui ne ressemblent aux cotylédons des Phénogames , ni par leur forme , ni par leurs développemens. Vous connaissez maintenant les organes reproducteurs des Mousses. J’ai adopté , dans cet exposé , les idées principales de la théorie d’Hedwig, parce quelles sont, à mon avis , mieux fondées que toutes celles qui ont été proposées par les autres Cryptogamistes ; cependant elles ont trouvé des critiques. Ils ont fait remarquer que, dans beaucoup de Mousses, l’appareil organique qu’Hedwig et ses sectateurs nomment des fleurs mâles, est si étroi- tement enveloppé , qu’il ne serait pas concevable que 1 aura seminalis pût s’échapper pour arriver jusqu’au stigmate ; et que , dans d’autres Mousses , quelques re- cherches qu’on ait faites, on n’est jamais parvenu à dé- couvrir le moindre indice de ces prétendues fleurs mâles 5 mais ces objections me semblent plus spécieuses que solides. Si des rapports multipliés de formes et de struc- ture tendent à établir que la plupart des Mousses ont des sexes, suffira-t-il, pour renverser cette hypothèse, de prouver que les parties désignées comme organes mâles, manquent dans plusieurs, ou que l’action de ces organes n’est pas absolument nécessaire au développe- ment des séminules ?. . . . je ne le pense pas. Il existe une multitude d’exemples d’organes qui demeurent sans fonction dans certaines espèces, quoiqu’ils en remplissent de très -importantes dans d’autres. Pourquoi un Rat d’orient, le Zemni [Mus tjphlus ], a-t-il les yeux cachés sous une double couverture qui le rend aveugle? L’or- gane de la vue ne paraît pas d’une structure moins par- 3q4 Plantes agames et cryptogames. faite dans cette espèce que dans les autres. On y distingue nettement la sclérotique, la choroïde, la rétine, le cris- tallin, et même la glande lacrymale; cependant le &emni est privé de la lumière. Pourquoi X Ophisaurus ventralis de l’Amérique septentrionale, et f Orvet d’Europe, ont-ils des vestiges de clavicules , d’omoplates , de bassin , et point de jambes? Pourquoi beaucoup de Quadrupèdes, pour- vus d’apophyses marsupiales, n’ont-ils point de poches abdominales? Et, pour en revenir au Règne végétal, qu on nous explique par quelle raison une foule de plantes portent constamment, soit des feuilles, soit des étamines, soit des pistils, etc. , dont la conformation est telle qu’ils sont incapables de servir aux usages pour lesquels ils semblent avoir été formés. Voilà des faits qu’on ne saurait révoquer en doute. Or, s’il est des or- ganes qui, pour ainsi dire, ne sont pas achevés , et d’autres qui , malgré leur perfection apparente , sont rendus inutiles aux êtres qui en sont pourvus, ne pour- rions-nous donc concevoir que ces organes avortassent complètement dans certaines espèces; ou, pour parler un langage plus philosophique, que ces espèces ne nous en offrissent aucune ébauche ? Certes, il ne nous est pas plus donné de connaître la fin que s’est proposée l’Auteur des choses dans la création de chaque être en particulier, que dans la création de l’Univers. Ce sentiment raisonné de notre insuffisance doit nous éloigner de la recherche vaine des causes finales , et nous ramener à la solide étude des faits. 11 est certain que l’hypothèse d’Hedwig est fondée sur des observations dont l’exactitude ne peut plus être contestée. Je termine ce chapitre en vous indiquant les systèmes qui ont précédé ou suivi la théorie d’Hedwig. Micheli, le premier botaniste qui ait étudié les or- ganes reproducteurs des Mousses, prend les involucres Les Mousses. / 3g5 males pour un assemblage de fleurs hermaphrodites. Dans son hypothèse, les grains de pollen sont des pistils, et les poils articulés sont des étamines; et il qualifie Furne du nom de fruit. Dillen veut, au contraire, que l’urne soit l’organe mâle. Les involucres mâles sont, suivant lui, des fleurs femelles. D’après Hill, les involu- cres mâles ne seraient que de simples bourgeons; l’urne renfermerait les deux sexes; les séminules seraient les pistils, et les lanières du péristôme, les étamines. Méese admet en même temps l’opinion de Hill, touchant l’urne, et celle de Micheli, touchant l’involucre mâle. Kolreuter se range du sentiment de Hill , en le modifiant; il enlève aux cils et aux dents la vertu fécondante , pour l’accorder à la coiffe. Linné suit la doctrine de Dillen , pour ce qui est de l’urne , et il ne s’explique pas sur le reste. Gærtner, à l’exemple de Hill , de Méese et de Kolreuter, fait de l’urne une fleur hermaphrodite; mais il prétend que la liqueur séminale est secrétée par l’opercule. L’urne est aussi, selon M. de Beauvois, une fleur hermaphrodite; mais ce botaniste pense, avec Dillen, que les séminules sont le pollen, et il décide que la columelle centrale est le pistil (i). Il ne veut voir, comme Hill, que de simples bourgeons dans les fleurs mâles. Enfin, toutes ces hypo- thèses, y compris celle d’Hedwig, sont attaquées à-la-fois par celles de Necker, qui, toujours ferme dans l’opinion que les Cryptogames de Linné ne sont que des Agames, considère les séminules comme des bcsiniences stériles , et (i) Les petits grains que M. de Beauvois a observés dans le tissu cellulaire de la columelle, et qu’il regarde comme les séminules, ne me paraissent, d’après mes propres observations, que des corpus- cules analogues à ceux que j’ai vus souvent dans le tissu cellulaire des plantes phénogames. 3q6 Plantes agames et cryptogames. croit que la propagation des races s'opère par de simples bourgeons. On n’a découvert, jusqu’à ce jour, aucune espèce de tube vasculaire dans le tissu des Mousses ; cependant on soupçonne que ces plantes , si voisines , par la forme des leudleset des tiges, des végétaux phénogames, n’en sont pas totalement dépourvues, Hépatiques (i). Les Hépatiques sont très -voisines des Mousses. On y retrouve , avec quelques modifications , l’appareil d’oi> ganes sexuels qui appartiennent à ces dernières. Quel- ques-unes ont des tiges grêles et de petites feuilles dé- licates; mais la plupart sont privées de feuilles, et elles ont en place, des frondes [ frondes ], expansions minces, succulentes, aplaties, entières ou découpées, qui nais- sent des racines et portent les organes régénérateurs. Toutes les Hépatiques ont pour fleurs femelles des pistils entourés d’un périchèze. Chaque pistil a un style et un stigmate , et son écorce devient une pannexterne qui diffère de celle des Mousses en ce qu elle s’ouvre au sommet , au lieu de se couper transversalement ; d’où il résulte que les fruits des Hépatiques ont des gaînules mais sont dépourvus de coiffes. Le péricarpe, qui repré- sente l’urne, n’a point d’opercule. C’est une petite cap- sule qui se divise de haut en bas en plusieurs valves , ou une carcérule membraneuse qui se déchire irrégu- lièrement. Il contient d’innombrables séminules sem- blables à une fine poussière. Les Hépatiques ont en outre de petites bourses mem- (i) Consultez la Planche 63. Les Hépatiques. 3 9 7 braneuses , que l’on peut comparer aux étamines des Mousses. Hedwig a vu sortir un jet de liqueur des bourses du Jungermannia epiphylla. Micheli , Schmidel , Linné , Hedwig, rangent les Hé- patiques parmi les plantes qui ont des sexes; mais ils ne s’entendent point sur la détermination des organes. J’ai suivi le sentiment de Scjamidel et d’Hedwig , comme étant le plus probable. Ordinairement les parties que ces deux observateurs prennent pour les organes mâles , sont les organes femelles pour les deux autres ; et celles que ces derniers désignent comme les organes mâles, sont, au contraire , les organes femelles suivant Schmi- del et Hedwig. Gærtner et Necker ne voient que des Agames dans les Hépatiques ; en cela ils sont conséquens avec eux- mêmes : Necker , parce qu’il a pris le parti de nier l’existence de toute espèce de Cryptogame ; Gærtner, parce qu’il reconnaît l’analogie des Mousses et des Hé- patiques , et ne trouve point dans ces dernières l’oper- cule qu’il croit être l’organe mâle des autres. Je pourrais m’en tenir à ces généralités ; mais un exemple bien choisi vous donnera une idée plus nette de l’organisation propre aux Hépatiques, disposera votre esprit à l’étude de ces plantes cryptogames, et vous fera saisir les traits par lesquels elles se rapprochent ou s’éloi- gnent des Mousses. Examinez le Marcliantia polymorpha [PI. 63.]. C’est une petite plante dioïque, très-commune dans les lieux humides, et sur-tout au bord des fontaines et sur les pierres des puits; sa fronde est verte, lobée, et appli- quée sur le sol , auquel elle s’attache par un chevelu abondant; des pédoncules qui s’élèvent verticalement des sinus de la fronde, portent à leur sommet, dans 3g8 Plaintes agames et cryptogames. l’individu femelle, une ombrelle [ umbrella ] , sorle d’invo- lucre en parasol. Cette ombrelle est divisée en rayons diverge ns ; les rayons sont garnis en - dessous de mem- branes frangées qui environnent de très -petites fleurs pendantes , lesquelles sont composées d’un périanthe membraneux et d’un ovaire arrondi , surmonté d un style grêle et d’un stigmate à peine visible. L’ombrelle de l’individu mâle est moins profondément divisée; elle est concave à la partie supérieure, qui est mamelonée. Elle contient, dans son épaisseur, autant de bourses spermatiques que I on observe de mamelons à sa superficie. Ces bourses spermatiques sont ovales, elles ont un cordon vasculaire qui répond au sommet de chaque mamelon , et sert, selon toute apparence, à l écoulement de la liqueur séminale. La fécondation opérée, l’ovaire , après avoir percé sa pannextei’ne, devient une gaînule campanulée, à bord dentelé, descend ün peu au-dessous de son point d’insertion , soutenu par une soie très- courte, s’ouvre à son sommet en plusieurs dents qui se roulent sur elles-mêmes, et laissent à un paquet de fds hygrométriques [crinulcé], la liberté de se dilater et de s’étendre. Ces fds sont des tubes membraneux , dia- phanes, amincis par les deux bouts, contenant, s’il n’y a pas d’illusion d’optique, deux fdels tordus en hélices, et enlacés en sens contraire. Ils se meuvent, s’agitent, se tordent comme des crins que l’on approcherait du feu, et lancent, par bouffées, d’innombrables séminules jaunâtres auxquelles ils servaient de placentaire. Ce n’est pas le seul moyen de reproduction de ce Mar- chanda. Il a , en outre , sur sa fronde , des conceptacles à peine saillans, qui s’ouvrent à leur sommet par un grand nombre de dents très-petites, et s’évasent en manière de corbeille. Je leur donne, avec Necker, le nom d’ori- gomes [ origoma\ Ils contiennent des bulbilles vertes , Les Lycopodiacées. 3 99 charnues, oblongues , comprimées, dont Micheli a ob- servé le développement. Lycopodiacées (1). Les Lycopodiacées s’éloignent des Mousses par leurs organes reproducteurs, mais elles s’en rapprochent par leur port, quoique en général elles soient beaucoup plus grandes. Leurs racines sont chevelues et ramifiées; leurs tiges sont simples ou rameuses, et, dans ce dernier cas, souvent leurs rameaux sont plusieurs fois bifurques. Elles portent de petites feuilles attachées en spirales autour de la tige, ou bien en échelons de deux côtés opposés. Ces plantes croissent volontiers à l’ombre ; elles sont très- multi pliées dans les forêts du nord. Leurs tiges longues et souples , rampent sur la terre et s’enracinent cà et là. Toutes portent des conceptacles à une, deux ou trois loges, et disposés en épi ou dans faisselle des feuilles. Ces conceptacles sont remplis de séminules rouges, jaunes ou brunes, lisses ou hérissées de pointes, opaques ou transparentes , et groupées , trois à trois ou quatre à quatre , en une multitude de petites sphères. Quand la maturité a fait ouvrir les conceptacles, les séminules se séparent, et forment une poussière extrêmement fine, qui , dans quelques espèces , s’embrase et répand une vive lumière si on la projette sur un corps enflammé. Lind- say, Fox et Willdenow, ont vu germer ces séminules. Un tiers environ des Lycopodiacées connues offre une autre sorte de conceptacles entremêlés avec les premiers, ou placés au-dessous d’eux. Ils contiennent une à quatre séminules globuleuses , lesquelles ont une lorique , et (1) Consultez la Planche 64 , fig. 1, 3,3,4. /|00 Plantes a g âmes et cryptogames; même un tegmen , au rapport de M. de Beauvois. La ger* mination de ces séminules a été constatée par M. Brotero. Voilà donc, sur les mêmes individus, deux espèces d’o- vaires et de graines. Quelque extraordinaire que cela puisse paraître, on ne peut en douter, puisque le fait est démontré par l'expérience. Toutefois plusieurs bota- nistes modernes , imbus de l’idée qu’aucune plante n’est dépourvue d’organes sexuels, suivent encore l’opinion de Linné , de Haller et d’Adanson , qui consiste à prendre les premiers conceptacles pour des anthères, et les se- conds pour des pistils. Je ne soutiendrai point contre ces botanistes, que les Lycopodiacées sont des plantes agames, car il me serait impossible de le démontrer rigoureuse- ment ; mais je remarquerai , ne fut-ce que pour fortifier en vous cet esprit de doute, qui est le plus sûr préser- vatif de l’erreur, que, jusqu’à ce jour, aucune observa- tion solide, aucune analogie spécieuse ne tend à prouver que les Lycopodiacées doivent être rangées parmi les Cryptogames, plutôt que parmi les Agames. Fougères (i). Ce groupe (2) comprend les plus grands végétaux connus, dans lesquels on n’ait pu, jusqu’à ce jour, dé- montrer l’existence des sexes. Beaucoup de Fougères ont une racine chevelue, d’où naît une touffe de feuilles. Beaucoup d’autres ont une racine progressive, formée par la base des feuilles qui percent à la suite les unes des autres , et périssent annuellement. Quelques-unes ont une tige sarmenteuse, rampant sur la terre ou s’é- (1) Consultez la Planche 62 , fig. 6 , 7, 8 , 9. (2) Fi/ices. Novcecnlœ , laCcbrosi, stipicati , dorsiferi , macri. Ht prœpa- î-ant posceris teiram. Syst. veg. Les Fougères. 4ÜI lovant sur les corps voisins; quelques autres ont un slipe vertical , marqué de larges cicatrices , produites par la chute des feuilles inférieures, et elles ressemblent, par leur port, à des Palmiers de médiocre grandeur. Les feuilles , très-variées dans leurs formes , sont d’abord roulées en crosse sur elles -mêmes, et recouvertes d’é- cailles membraneuses qui se détachent à mesure que la lame se déploie. Les conceptacles naissent sur la face inférieure de la lame , le long des nervures et des veines , ou bien à leur extrémité. Quand ils sont très-multipliés, comme il ar- rive ordinairement, ils forment sur la lame, par leur réunion , des taches plus ou moins nombreuses , plus ou moins grandes, et dont la distribution et le contour varient dans les différentes espèces. Ces amas de concep- tacles, que Ion nomme sores [w/], commencent à se dé- velopper sous l’épiderme, et quelquefois ils en soulèvent de petites portions qui tiennent lieu d’involucre , et que les auteurs désignent sous le nom d’indusies [ indusiæ ]. La lame est couverte de glandes miliaires , et elle porte souvent des poils très-divers par leur forme et leur con- sistance. Les conceptacles sont crustacés ou membraneux, nus ou operculés , ou bien entourés d’un anneau élastique. Ils ont une ou plusieurs loges ; ils s’ouvrent en deux valves ou se déchirent , et contiennent des séminules très-fines, jaunes, blanches ou incolores, sphériques, ovoïdes, py- ramidales , etc., etc., lisses ou hérissées de pointes. Les conceptacles à anneau sont ceux qui méritent le plus notre attention : ils forment une poche membra- neuse, uniloculaire, parfaitement close, ceinte en tota- lité ou en partie par un bourrelet étroit , composé de cellules saillantes, placées bout à bout. C’est ce bour- relet qui prend le nom d’anneau. Quand un conceptacle 2 6 4o2 Plantes agames et cryptogames. est mûr, son anneau se roidit et se courbe en arrière avec tant de force, qu’il déchire la poche et chasse les séminules au dehors. Il arrive quelquefois que cette pre- mière secousse ne suffit pas pour expulser toutes les sé- minules, et qu’il en reste encore dans les lambeaux delà poche ; mais comme les mouvemens de l’anneau dépen- dent de sa propriété hygrométrique, il se distend ou se contracte aussi souvent qu’il est humide ou sec , et finit toujours par vider la poche de toutes les séminules quelle contenait. Ces petites graines , semées sur une terre humide, se débarrassent, selon quelques auteurs, d’un véritable tegmen , et produisent, pour cotylédon, une foliole verte, arrondie, sinuée, sans nervure, la- quelle s’applique sur la terre et s’y attache par un che- velu délié qui part de l’un des points de son contour; de ce même point s’élève la plumule roulée en crosse. Quoiqu’on n’ait rien trouvé dans les Fougères qui fît fonction d’étamines , la plupart des auteurs n’ont pu se résoudre à classer de si grands végétaux parmi les Aga- mes. Ils ont donc porté leur jugement avec des préven- tions qui les ont rendus peu scrupuleux sur les analo- gies. Ainsi, les étamines sont, selon Micheli et Hedwig, les poils des jeunes feuilles ; selon Stehelin , Hill et Schmidel, les anneaux des conceptacles ; selon Gleichen , les glandes miliaires; selon Kolreuter, les indusies. Algues (i). Ce groupe (2) se compose d’une multitude de plantes diverses qui croissent dans les marais, les lacs, les ruis- seaux , les fleuves , les sources thermales , les mers. Leur (1) Consultez les Planches 66 et 67. (a) Algœ. Vernaculi , aquigeni , squa/entes , redivivi , abstemii , nudius- culi. Hi inchoant cu/curam primarn 'vegetationis. Syst. veg. Dans cette définition Linné réunit les Algues et les Lichens. Les Algues. Thalassiopliytes. /jo;> Structure est telle , qu’elles ne peuvent se développer que dans l’eau ; exposées à l’air, elles cessent de végé- ter et se dessèchent ; mais beaucoup reprennent la vie quand elles sont replongées dans leau avant que l’action de l’air et de la lumière ait altéré leur substance. Nous remarquerons, à l’exemple de M. Lamouroux, deux grandes classes dans les Algues : les Thalassio- phytes , qui habitent les mers et les eaux, saumâtres, et les Conferves , qui végètent dans les eaux douces. Comme nos classifications des êtres naturels ont toujours quelque côté défectueux, celle-ci n’est pas à l’abri de la critique. Un petit nombre d’espèces , inséparables des Algues marines par leur structure, croissent avec les Conferves dans les eaux douces; et je serais bien surpris si les Conferves que M. Lamouroux rejette de la classe des Thalassio- phytes, n^vaient pas leurs représentans dans le sein des mers. Les recherches des Botanistes de ces derniers temps, quelque laborieuses qu’elles aient été, n’ont pas encore placé cette partie de la science au niveau des autres ; mais l obscurité qui l’environnait commence à se dissiper. M. Lamouroux subdivise les Thalassiophytes en arti- culées et non - articulées. Ces plantes, connues vulgai- rement sous le nom de Varecs , sont de consistance herbacée, ligneuse , cartilagineuse , membraneuse ou cornée ; leur parenchyme celluleux , qui s’élargit plus ou moins et se découpe en fronde à la partie supérieure, se resserre en tige à la partie inférieure, et se termine à la base en une sorte de griffe ou d’empâtement [ pas] au moyen duquel ces végétaux s’enracinent ou se cram- ponnent sur les corps solides. Leur tige offre au centre et à la circonférence, des cellules larges et régulières; et dans la partie mitoyenne, une couche de cellules étroites et alongées; et cette organisation, selon M. La- afi. /jo/f Plantes agamis et cbyptogames. mouroux, qui a travaillé avec tant de succès sur cette classe des végétaux, rappelle, à quelques égards, la struc- ture des tiges dicotylédones, et-peut faire soupçonner de l’analogie dans les développemens. Du reste, les Tlialas- siophytes n’ont point de -vaisseaux, à moins qu’on ne veuille donner ce nom à de simples lacunes du tissu cellulaire. Leur fronde rouge , jaune, brune , verte, selon les es- pèces , a souvent des nervures qui partent de la tige et sont des ramifications des cellules allongées. Ces expan- sions, que l’on peut assimiler aux feuilles des végétaux terrestres , ont cependant un autre aspect que les par- ties herbacées qui végètent à l’air ; la différence se sent mieux qu’elle ne s’exprime , elle n’est pas tant dans les formes que dans la substance. On serait tenté de com- parer les frondes à des cartilages , à des morceaux de parchemin , à des lames de corne très-minces , à des membranes animales , découpées en lobes , en lanières ou en feuilles. Les Tlialassiophytes se propagent par séminules, les- quelles sont ordinairement contenues dans des élytres de formes diverses. Les élytres sont tantôt renfermées dans des loges du tissu cellulaire , et ne se disséminent que lorqu’il vient à se déchirer, et tantôt renfermées dans des conceptacles particuliers , qui sont clos d’abord et se crèvent en vieillissant, ou qui, dès l’origine, ont à leur sommet un petit conduit, une sorte d 'oviductus , ouvert à la superficie de la fronde par un pertuis que l’on nomme ostiole (ostiohun). Ces conceptacles, presque toujours enchâssés dans l épaisseur du tissu , et remplis d’une substance gélatineuse où nagent les élytres, sont, selon les espèces , épars ou groupés : souvent ils sont rassemblés dans des tubercules creux qui s allongent en épis aux sommités de la plante. Entre une foule de Varees très - remarquables , je Les Algues. Thalassiophytes. /job citerai le Claudca de M. Lamouroux, comme offrant la structure la plus extraordinaire. Sa 1 ronde, cornée et trans- parente, est découpée en nombreuses frondilles toutes percées à jour , semblables à de petites pièces de den- telles montées latéralement sur des fds de laiton courbés en arc. Ses conceptacles membraneux, allongés en fuseau, et d’un rouge de corail , sont attachés par leurs extré- mités aux nervures parallèles des frondilles. Ils contien- nent des élytres anguleuses, réunies en groupes sphé- riques. Des élytres semblables ont été observées par MM. Lamouroux, Merteus , Dawson -Turner, dans un assez grand nombre de Thalassiophytes. Ces savans tom-r bent daccord que plusieurs espèces qui en sont pour- vues portent en même temps des conceptacles tels que ceux que j’ai décrits précédemment; et M. Lamouroux, en particulier , fait voir que ce double mode de repro- duction ne se rencontre que dans les Thalassiophytes non-articulées. Ce double mode rappelle les organes reproducteurs des Lycopodiacées. Serait-ce une simple analogie d’ap- parence , ou bien existerait- il entre les Thalassiophytes et les Lycopodiacées des rapports essentiels dans les moyens de reproduction ? Nous le demandons aux Bota- nistes qui font des Cryptogames et des Agames , l’objet spécial de leurs éludes. Les séminules des Thalassiophytes , au sortir de leurs conceptacles, s’attachent souvent à la surface de la fronde qui les a produites, ou à des frondes étrangères, et s’y développent. Rien de plus commun dans cette classe, que les parasites par accident. MM. Gunner , Stackhouse et Lamouroux , ont ob- servé la germination des séminules de quelques Tha- lassiophytes. Il n’est pas clair que ces petites graines aient des tuniques ; et leur première expansion , quelque 4o6 Plantes agames et cryptogames. forme quelle prenne, ne peut être assimilée, selon moi, aux cotylédons des plantes pourvues de feuilles. Le mucilage qui environne les séminules , favorise leur développement. M. Lamouroux l’a prouvé par une expé- rience simple et curieuse. L’eau douce a la propriété de dissoudre ce mucilage; l’eau salée n’a aucune action sur lui. M. Lamouroux lava des séminules séparément dans de l’eau douce et dans de l’eau salée ; les unes perdirent leur propriété germinative, les autres ne subirent aucune al- tération nuisible , et se développèrent sous ses yeux. Cet excellent observateur assure que les séminules d’une es- pèce quelconque ne germent pas indifféremment sur toutes sortes de substances ; que telle espèce ne réussit que sur des sables calcaires, telle autre que sur des sables siliceux, telle autre que sur le granit, ou le schiste, ou le marbre, etc.; et il conclut de ces faits, que les racines des Varees puisent des matières nutritives dans le sol auquel ils sont fixés; en quoi il s’éloigne de lopinion de la plupart des botanistes, qui prétendent que les em- pâtemens et les crampons de ces Algues ne servent qu’à les amarrer et à empêcher quelles ne soient le jouet des flots. La surface de la fronde, dans quelques espèces, est couverte de points d’où partent, en rayonnant, des poils courts, blanchâtres et articulés. Réaumur, qui les ob- serva le premier, les considéra comme des organes de secrétion, et les qualifia d’ étamines, mot dont la valeur n’était pas encore rigoureusement fixée de son temps. Quelques botanistes plus modernes lurent les mémoires de Réaumur avec tant de négligence, qu’ils s’imaginèrent que cet auteur prenait les faisceaux de poils pour de,s organes mâles , lui qui doutait même de l’existence des sexes dans les plantes pourvues de pistils et d’étamines. Linné chercha autre part les étamines des Thalassio- Les Algues. Talassiophytes. 4°7 phytes. Plusieurs portent, indépendamment de leurs con- ceptacles , des ampoules (ampullœ ) , espèce de lacunes gonflées d’air, qui diminuent la pesanteur spécifique de la fronde et l’aident à surnager. Des filamens entre- lacés , contenus dans ces vessies natatoires , filamens qui sont sans doute les débris d’un tissu cellulaire intérieur, furent , pour le célèbre professeur d’Upsal , les supports du pollen. Les temps actuels ont vu naître une troisième opinion, dernière ressource des botanistes, qui soutiennent qu’il n’y a pas de germes nouveaux sans fécondation , et qui conviennent néanmoins de l’absence des organes sexuels dans les Varecs. La matière mucilagineuse où nagent les séminules , est, suivant eux , une véritable liqueur spermatique , en sorte que l’imprégnation est immédiate. C’est à-peu-près de cette manière , au rapport de quel- ques zoologistes , que les fœtus des Huîtres et des Moules sont fécondés. Il faut convenir que s’il est impossible de démontrer la fausseté de cette opinion , il ne l’est pas moins de citer un seul fait qui la rende probable ; d’où il suit quelle rentre dans cette foule d’hypothèses qui n’ajoutent rien à nos connaissances positives. Les Thalassiophytes d’un vert d’herbe , et sur-tout les espèces du genre Ulve , exposées sous l’eau , à la lu- mière du soleil , dégagent beaucoup de gaz oxigène , de même que les parties herbacées des plantes phéno- games. On retire des \ arecs une grande quantité de matière végéto-animale , et ce sont jusqu’à présent les seuls êtres dans lesquels on ait trouvé de l’iode, substance que l’on croit simple. Comme il répugne à la raison d’admettre que la force de la végétation crée l’iode , on ne doute pas qu'il ne vienne de l’extérieur; cependant MM» Davy et Gaultier de Claubry ri’ont pu le découvrir /|oS Plantes agames et cryptogames. dans les eaux de la mer , et aucune analyse ne prouve quil existe dans le sol sur lesquels les Yarecs sont at- tachés. L’origine de Üode est donc encore ignorée. Plusieurs Thalassiophytes se couvrent d’une sub- stance analogue au sucre cristallisé de la manne. Les Algues d’eau douce, connues en général sous le nom de Conferves , présentent des phénomènes non moins intéressans que les Thalassiophytes. Elles sont quelquefois fixées au sol par un empâtement radical ; mais le plus souvent elles sont libres et nagent au gré des eaux. Elles forment des filamens très-déliés , dont la structure ne peut être étudiée qu’avec le secours du mi- croscope : par le moyen de cet instrument , on reconnaît que chaque filet est creux et membraneux ; qu’il est tout d’une venue ou qu’il se ramifie, et que sa cavité est continue ou partagée de distance en distance , par des cloisons transversales. Quelques Algues marines ont line semblable structure; les Conferves se multiplient toutes par le développement indéfini et la séparation de leurs parties , et beaucoup ont, en outre , des séminules renfermées dans les filets mêmes , ou dans des concepta- eles particuliers. Les Conferves hydrodictyes semblent être privées de ce dernier moyen de reproduction. Ces végétaux, qui naissent dans les eaux douces , de même que ceux dont je parlerai tout-à-l’heure , sont des sacs alongés formés par des réseaux à mailles pentagones. Au bout d’un cer- tain temps , les cinq filamens qui composent chaque pentagone , se détachent les uns des autres , se renflent, se dilatent, et présentent aux regards de l’observateur, cinq sacs réticulés , tout semblables à celui dont ils fai- saient partie. Ces nouveaux sacs , à leur tour, se multi- plient par la séparation et le développement des fila- Les Algues. Conferves. /joc) mens de leurs mailles, et c’est ainsi que 1 espèce se conserve. Les Conferves polyspermes de M. Vaucher contien- nent , dans leurs tubes cloisonnés et rameux , des sémi- nules d’abord transparentes, et disposées à la suite les unes des autres comme des grains de chapelet. En vieil- lissant , ces séminules deviennent opaques et se séparent ; alors les loges des tubes se déchirent , et les séminules qui se répandent au dehoi's, ne tardent guère à produire de nouvelles Conferves. Les Ectospermes , ou Vaucheria, portent à la surface de leurs tubes des conceptacles globuleux , à côté des- quels s’allongent des appendices en massue, en crochet ou en pointe, qui, selon M. Vaucher, sont des étamines remplies d’une poussière fécondante; mais que M. Spren- gel considère, avec plus de probabilité, comme de sim- ples jets prolifères. Chaque conceptacle contient une seule séminule. M. Vaucher a suivi le développement de ce corpuscule reproducteur. C'est aux travaux de ce savant et à ceux de MM. Coque- bert (Charles et Romain) et Dillwin que les Naturalistes doivent la connaissance de productions fort extraordi- naires, que Ton place peut-être mal-à-propos parmi les Conferves. Je veux parler des Conjuguées. Leurs tubes ne se ramifient point : ils sont cloisonnés et contiennent de petits grains disposés à la suite les uns des autres , en double spirale croisée. Quand ces tubes sont isolés , ils végètent sans se multiplier; mais quand ils sont très- rapprocliés les uns des autres, ils s’unissent par un véri- table accouplement, et donnent naissance à de nouvelles Conjuguées. Voici comme le phénomène a lieu: les loges des tubes développent chacune latéralement une ex- croissance creuse et transparente comme les tubes eux- mêmes ; les excroissances produites par deux loges cor- 4 io Plantes agames et cryptogames. respondantes s’allongent, se rencontrent, se soudent bout-à-bout , et forment un canal de communication ; à la faveur de ce canal , les grains d’une loge passent dans l'autre et se mêlent à ceux qui y sont déjà ; tous ces grains se réunissent en une petite masse arrondie ou ovale ; alors les parois de la loge se déchirent ; la pe- tite masse , devenue libre , s’entrouvre en deux lobes , du milieu desquels sort un filet grêle qui offre bientôt tous les caractères des êtres auxquels il doit la vie. Les loges d’un même tube s’accouplent indifféremment à droite ou à gauche ; il arrive donc quelquefois que trois tubes sont réunis parallèlement. Chaque tube donne ou reçoit des grains , et souvent , tandis qu’une loge s’emplit, la loge contiguë se vide ; d’où l’on infère que chaque tube est pourvu d’organes mâles et femelles ; mais que, semblable au Limaçon , il ne peut se féconder lui-même. Cependant il est bien probable qu’un tube plié en deux , de façon que les deux moitiés seraient voir sines , agirait sur soi-même comme deux tubes distincts. A ne regarder que la structure , les Conjuguées ne doivent pas être séparées des Conferves , mais leur ac- couplement , l’émission , le mélange et le groupement de leurs grains pour former un œuf, sont des phéno- mènes qui semblent exclure ces êtres du Règne végétal, et qui présentent en même temps' de tels caractères , qu’ils n’établissent que de faibles analogies avec les animaux. Lichens (i). Les Lichens affectent des formes très-diverses. Ils pa- raissent tantôt comme une poussière extrêmement fine ou comme une croûte lépreuse ou farineuse , tantôt (r) Consultez la Planche 65. Les Lichens. 4 1 1 comme des expansions foliacées, aplaties ou redressées, tantôt sous 1 aspect de cornes , de filets , d’entonnoirs , de petits arbustes plus ou moins ramifiés ; les uns s’atta- chant aux rochers, détruisent quelquefois le poli de leur surface , et s'y inscrustent fortement ; les autres végètent sur les murs , sur la terre , sur les troncs des arbres , ou pendent en longues barbes de leurs rameaux; ils offrent toutes les couleurs et toutes les nuances , depuis les plus plus sombres jusqu’aux plus éclatantes. Vous distinguerez dans les Lichens, la thalle [ thaï - lus ] ; les fibrilles [ fibrillœ] ; le podétion [podetium] ; les pulvinules \pulvinuli ] ; les cyphelles [ cjphellœ j ; les conceptacles [conceptacula] ; les sporules [ sporulœ ],- les sorédions [soredia). La thalle est la fronde des Lichens. Elle porte la fructification , soit immédiatement , soit par 1 intermé- diaire d’un support particulier. Sa consistance varie beaucoup ; elle est pulvérulente , grenue , cornée , géla- tineuse , filamenteuse , membraneuse , et elle se divise quelquefois en lobioles [ lobioli ], petites pièces ou la- nières dont la forme approche de celle des feuilles. Les fibrilles sont des filets déliés , de petites racines qui naissent de la thalle , et la fixent sur l’écorce des arbres , sur la terre ou sur les pierres. Les cyphelles sont des fossettes orbiculaires et bordées, qui se montrent à la surface inférieure de la thalle des Lichens nommés Sticta. Les pulvinules sont des filets quelquefois simples , quelquefois rameux et semblables alors à de petites ar- borisations , qui se montrent à la surface supérieure de la thalle des Lichens nommés Lecidea. Le podétion (i) est une petite tige simple ou rameuse, (i) Dacilla d’Acharius. 412 Plantes agames et cryptogames. qui s’élève de la tlialle d’un grand nombre d’espèces et porte les conceptacles. Il y a trop de variétés dans les conceptacles pour que je puisse vous en donner une description générale. A 1 exemple des auteurs qui ont le plus approfondi cette matière, je vais passer en revue les formes principales et les désigner sous des noms particuliers. On peut compter dix espèces de conceptacles dans les Lichens: i° Le pelta \pclta'\ (i). Il se développe au bord de la tlialle ; il est recouvert d’une membrane mince , gélati- neuse , qui s’évanouit bientôt ; sa surface est large et aplatie ; sa substance est coriace ; il n’a point de bordure ou en a une peu apparente [ Physcici\ 2° La scutelle [ scutella ] . Ce conceptacle paraît dans l’origine comme un simple pore à la surface de la tlialle , il s’élargit peu à peu et forme un petit disque corné, bordé par la substance même de la tlialle [Pa- tellaria ] . 3° L'orbill e [orbilla] (2). Elle est portée sur un po- détion ; elle se développe et s’élargit en disque , de même que la scutelle ; mais la substance du podétion qui forme sa bordure, se prolonge en cils ou en rayons [ Usnea ]. 4° La patellule [patellula] (3). On la distingue de la scutelle, parce qu’au lieu d’avoir une bordure produite par la tlialle , elle est entourée d’un bourrelet , renfle- ment de sa propre substance [ V ariolaria ]. 5° La mammule [ mammulci}. Elle naît de la tlialle, de même que la scutelle et la patellule , mais elle est plus bombée que ces deux conceptacles, et elle n’a ni bordure ni bourrelet [ Coniocarpon]. (1) Scutella d’Acharius. (a) Idem. (3) Glomerithts d’Acharius. Les Lichens. 4*3 6° Le céphalode [ cephalodium ] (i). Ce conceptacle, renflé, bombé, sans bordure et sans bourrelet, prend naissance sur un podétion [ Stcrcocaulon ]. 70 La gyrorne (2). Elle forme sur la thalle une protubérance orbiculaire, marquée de plis saillans contournés en spirale , qui se fendent dans leur lon- gueur, et laissent échapper des élytres à huit séminules [ Umbilicaria ]. 8° Le globule \globidus ] (3). Ce conceptacle est glo- buleux ; il naît à l’extrémité d un podétion dans la sub- stance duquel il est enchâssé à moitié. Il se détache et tombe au bout d’un certain temps , et laisse voir , par sa chûte, la fossette qu’il remplissait [ Isidium ]. 90 Le pilidion [ pilidium ] (4). Il est orbiculaire ou hémisphérique , et sa superficie se réduit en une pous- sière régénératrice [ Calycium ]. io° La cistule \cistula^ (5). Ce conceptacle orbicu- laire, creux et parfaitement clos dans sa jeunesse, sur- monte un podétion , et n’est qu’un développement de sa substance. Il se fend irrégulièrement dans sa maturité, et l’on peut voir alors à son centre une fongosité fibreuse qui servait de placentaire à des séminules grou- pées en petites masses [ Sphœrophorus ]. L’existence des séminules dans les Lichens n’est pas douteuse; on regarde comme telles en général, la pous- sière qui recouvre la surface ou qui est nichée dans la propre substance des conceptacles développés ; mais plu- (1) Tnberculurn d’Acharius. (a) Trica d’Acharius. (3) Tuberculum d’Acharius. (4) Idem. (5) Ciste/la d’Acharius. /j 1 4 Plantes agîmes et cr yptogàmes. sieurs observateurs croient que cette poussière, quelque fine quelle soit, est un amas d’élytres qui contiennent des séminules infiniment plus petites. Cependant on n’a vu clairement d’élytres jusqu’à ce jour , que dans les con- ceptacles appelés gyrômes. Beaucoup de Lichens se multiplient non -seulement par séminules , mais encore par propagules , qui se réu- nissent çà et là , et forment des taches pulvérulentes , que la plupart des Botanistes modernes nomment soré- dions [ soreclia ] (i). Cette poussière, composée de frag- mens de la thalle ou du podétion , est désignée sous le nom de fleurs mâles dans les ouvrages de Linné, d’Hed- wig et de plusieurs de leurs disciples. Aucun Lichen n’est d’une subslancedterbacée, quoique plusieurs soient d’une couleur verte et que beaucoup rejettent du gaz oxigène dans les mêmes circonstances que les feuilles. Leur tissu est tout cellulaire, sans la moindre apparence de vaisseaux. Dans les podétions développés en tiges solides , on distingue très -bien un filet ligneux revêtu d’une écorce lâche. M. Ramond ob- serve que lorsqu’on déchire un Lichen , sa substance de blanchâtre qu’elle était, devient verte; phénomène qu'il attribue à l’extravasion de sucs colorés qui s’échap- peraient de cellules particulières; mais ne se pourrait- il pas qu’il eût pour cause la combinaison de l’oxigène de l’air avec la substance du Lichen ? Hypoxylées (2). Ce groupe s’enchaîne naturellement avec les Lichens, en sorte qu’on ne peut marquer avec rigueur les limites respectives de l’un et de l’autre. (1) Glomerulus d’Acharius. (2) Consultez la Planche G5, lî g. 2 et 1 1 , et la Planche 6& , fig. * -, Les Ilypoxylèes. 4 ' 5 Les conceptaclcs des Hypoxylées , sont des sphérules [ sphærulœ ], ou des lirelles [ lirellœ ]. Les sphérules sont arrondies , oblongues ou coniques ; elles s ouvrent au sommet par des fentes ou des pores, et chacune cons- titue quelquefois à elle seule la plante entière ; leurs séminules , de substance mucilagineuse , se répandent au dehors sous forme de gelée , que la sécheresse réduit en une poussière très -fine. Les lirelles sont étroites, allon- gées et souvent ramifiées ; elles s’ouvrent par une fente longitudinale ; elles contiennent des élytres polyspermes. Les sphérules et les lirelles sont souvent portées par une thalle, tantôt mince, sèche, crustacée , tantôt épaisse et subéreuse; cette dernière espèce de thalle , qui se dé- veloppe quelquefois en forme de fronde ou de fongo- sité, prend le nom de strôme [ stroma ]. Certaines Hy- poxylées offrent à leur surface, dans leur jeunesse , une poussière blanche , qui peut-être est analogue aux soré- dions des Lichens. On trouve ordinairement les Hypoxylées sur les troncs, les branches et les feuilles des végétaux ligneux morts ou vivans , et rarement sur les pierres ou sur la terre. M. Decandolle assure qu’aucune espèce exposée sous l’eau à la lumière des rayons solaires, ne donne du gaz oxigène , et que plusieurs, dans les mêmes circonstances, donnent du gaz hydrogène. Champignons (i). Ce groupe (2) , de même que les Lichens et les Hy- poxylées r diffère de tous les autres par la forme , l’aspect et la nature particulière des êtres qu’il comprend. (1) Consultez la Planche 66 , 6g. 2 , 3 , 4 , 5. (a) Fungi. Nomades , aucumnales , barbari , denudati-, pu tridi, fugaces /ji6 Plantes agames et cryptogames. Les Botanistes de l’antiquité, frappés de ces différences - crurent que les Champignons étaient engendrés sponta- nément par la fermentation et la putréfaction. Ils ad- mettaient sans répugnance que des êtres organisés pou- y «aient se former par apposition de molécules , à la ma- nière des corps bruts , et cette doctrine prévalut dans un temps où les principes fondamentaux de la Physio- logie animale et végétale étaient totalement ignorés. Boccone 1 appliquait non-seulement aux Champignons, mais encore à beaucoup de plantes aquatiques 5 et deux hommes à jamais célèbres dans la science , Tournefort et Dillen , ne rejetèrent pas ces idées. Charles de l’Ecluse, leur prédécesseur, avait mieux apprécié la marche de la Nature dans la propagation de ces corps organisés : il ne doutait pas qu’ils ne se reproduisissent par graines comme les autres végétaux. Micheli et Réaumur rendi- rent cette opinion très-probable ; le premier en indi- quant les séminules du Bjssus velutina , qui est VEcto- sperma terrestris de M. Vaucher ; le second en indiquant les séminules du Nostoc commun. Enfin , il ne fut plus permis aux Naturalistes éclairés d’admettre des généra- tions fortuites , dès que I on eut constaté l’existence des espèces par la comparaison et le rapprochement des in- dividus constamment semblables entre eux. Ce grand travail a été suivi avec une patience admirable par plu- sieurs naturalistes modernes. Les Champignons sont , en généi’al , d’une consistance très -molle. Ils végètent sur la terre, sous la terre ou dans l’eau , sur les autres végétaux vivans ou morts , sur une multitude de substances de natures différentes ; presque tous aiment l’ombre et l’humidité ; leurs cou- 'i voraces . Hi Flora reducente plantas hyematum , legunt relictas carum quis- quilias sordesque. Syst. veg. Les Champignons. 4 1 7 leurs sont très-variées, mais aucun cependant ne se colore d’un vert herbacé. Ils ne donnent point de gaz oxigène sous l’eau; quelques-uns exspirent du gaz hydrogène , d’autres du gaz azote, d’autres du gaz acide carbonique. La plupart s’altèrent facilement et subissent la fermen- tation putride. L’analyse chimique retire de ces végétaux plusieurs principes azotisés , tels que l’albumine , l’os- mazone , l’adipocire , une matière grasse, et un produit particulier, auquel M. Braconnot a donné le nom de fongine. Quelques Champignons contiennent une espèce de sucre cristallisable. Les formes des Champignons sont très-variées : ils ressemblent à des globes , à des massues , à des mitres , à des chapeaux , à des coupes , à des branches de corail , à des houpes , à des crinières , à des instrumens de car- deurs , à des lames de parchemin , à l’écume des ma- rais, etc., etc. ; plusieurs ont des fibres radicales, d’autres n’ont rien qui rappelle de tels organes. Le conceptacle ou péridion [peridium], constitue sou- vent à lui seul toute la plante ; il s’ouvre de différentes manières ; il contient des séminules tantôt libres , tantôt renfermées dans des élytres. Un réseau [retic ulus] , ou de Simples filets [< capillitia\ , servent souvent de placentaire aux élytres ou aux sémi- nules. La plante est quelquefois contenue dans un volva membrane épaisse qui part de sa base et ressemble à un sac. Le péridion prend, dans beaucoup d’espèces, la forme d’un disque ou d’une calotte , auquel on donne le nom de chapeau [pileus]; il est soutenu ordinairement par un pédicule \pediculus\. Une membrane unit le chapeau au pédicule, avant • le développement du Champignon. Si cette membrane 2 7 4)8 Plantes agames et cryptogames. se détache du pédicule et que ses lambeaux subsistent au bord du chapeau, elle prend en cet état le nom de cortine [< oortind\ ; mais si elle se détache du chapeau et reste fixée au pédicule , c’est un anneau [ annulas ] ; la cortine et l’anneau peuvent exister à-la-fois dans un même individu. Le chapeau est le plus souvent garni en dessous de lames rayonnantes \lamellœ\, ou de tubes [tubi] , ou de pores [pori] , ou de pointes \aculei~\, qui servent de placentaires aux séminules. J’ai dit tout-à-l’heure que le péridion constituait sou- vent à lui seul toute la plante ; cela est évident pour la Truffe, masse épaisse, charnue, irrégulière, semblable aune racine tubéreuse, et qui se multiplie quand la destruction de sa substance met en liberté les séminules quelle contient. Les Uredo ont une organisation plus simple encore , et les noms de péridion et de sémi- nule n’y trouvent pas même d’application ; ce sont de petites vessies membraneuses, transparentes, jaunâtres , qui naissent sous l’épiderme tendre des feuilles et des jeunes branches de certains végétaux, et le crèvent pour paraître à la lumière. A l’œil nu, ils ressemblent au pol- len du Lis blanc ; mais quand on les observe au micros- cope , on découvre qu’ils contiennent d’autres vessies beaucoup plus petites, et celles-là sans doute en con- tiennent d’autres qui sont imperceptibles; c’est donc un véritable emboîtement de germes ou plutôt d’individus qui n’ont pas pris encore toute leur croissance, manière d’être si semblable à ce qu’on remarque dans le Volvox , qu’à ne juger que par la forme et par le mode de repro- duction, on serait disposé à ne faire qu’un même genre des Uredo , qui sont rangés parmi les Champignons, et du Volvox, qui appartient aux animaux infusoires. Les Uredo , les AEcidium , les Puccinia , sont des Cham- pignons intestins; ils se développent dans le tissu cellu- Les Champignons. Ï19 laire des plantes, et 11e peuvent se développer autre part. Ils représentent, dans le Règne végétal, les Hydalides , les Tœnias , les Tétragules, les Ascarides, et une foule d’autres Vers qui vivent dans le corps des animaux. Vous noterez pourtant cette différence que les Vers intestins ne paraissent point au dehors, tandis que les Champi- gnons intestins déchirent, en se développant, l’épiderme qui les recouvre, et terminent leur croissance à l’air libre. C’est une question qui n’est pas résolue de savoir comment ces Champignons se disséminent. Il n’y a aucun doute que leurs séminules impalpables arrivent sous1* l’épiderme ; mais comment y parviennent- elles ? voilà la difficulté. Sont-elles introduites avec 1 humidité de la terre , dans les racines, et déposées par la sève, dans le tissu qui végète à la lumière; ou bien, pénètrent- elles directement sous l’épiderme par les pores imperceptibles dont il est criblé ? Cette dernière opinion semble plus probable. De quelque manière qu’on explique le phéno- mène (en rejettant toutefois l’hypothèse des générations fortuites), il est une preuve irréfragable de la prodi- gieuse divisibilité de la matière organisée et vivante. Les Botanistes qui ont cru à l’existence d’organes mâles et femelles dans les Algues , les Lichens et les Hypoxy- lées, ont supposé qu’ils existaient également dans les Champignons. Les lames et les tubes de ces végétaux ont quelquefois un rebord frangé. Micheli voit dans ce rebord l’organe mâle; Hedwig, au contraire, pense que c’est le stigmate , et il prend pour des étamines cer- tains filets succulens chargés de petits grains qui , selon lui, entourent les globules reproducteurs, ou, pour parler dans son sens, les pistils avant l’entier dévelop- pement de la plante. Bulliard pense que, dans plusieurs espèces, le fluide fécondant dépourvu d’enveloppe, est en contact immédiat avec les embryons , et que dans 27. 4 20 Plantes AC a. mes et cryptogames. d’autres , il est contenu dans des vessies membraneuses extrêmement petites. Vous pouvez juger, par l’histoire sommaire que je viens de tracer des plantes Agames et Cryptogames , combien il est difficile de les étudier et de les connaître; mais les difficultés ne doivent pas nous rebuter. L’intérêt qu’excitent en nous les phénomènes de la Nature , ne se mesure pas à la grandeur des êtres dans lesquels ils se manifestent , et la gloire de nos découvertes est d’au- tant mieux acquise , que nous avons rencontré plus d’obstacles pour parvenir à la connaissance des faits. D’ailleurs, voulons-nous prendre une juste idée du Règne végétal , nous devons l’examiner dans toutes ses modifi- cations , rechercher et circonscrire ses limites autant qu’il est en notre pouvoir, et nous appliquer à saisir les rapports délicats qui unissent par des nuances graduées, ces poussières impalpables, ces filets déliés , ces lames irré- gulières , ces masses de formes variées et bizarres où l’œil ne distingue que faiblement la trace de l’organisation , à ces superbes végétaux qui cachent leur cime dans les nuages , et couvrent de leur ombre épaisse la terre dont ils sont le plus bel ornement. DIXIÈME SECTION. CONSIDÉRATIONS GENERALES SUR LA VEGETATION. / (Quelles lois président à la répartition des diverses races de végétaux sur la terre? Quelle influence le climat, la hauteur, l’exposition , le sol, exercent-ils sur ces êtres organisés? Comment, à leur tour, les plantes modifient- elles la couche superficielle du sol , la température qui résulte de la latitude ou de l’exposition, et la constitu- tion de l’atmosphère? Telles sont les questions impor- tantes dont je vais vous entretenir. Je les passerai rapi- dement en revue. Si je voulais pénétrer dans les détails, bientôt le sujet deviendrait trop vaste pour le temps quç j’y puis donner ; et d’ailleurs je me verrais arrêté par des difficultés sans nombre ; car les Naturalistes sont loin encore d’avoir réuni tous les faits nécessaires pour ap- précier avec quelque rigueur le rôle que joue la végé- tation dans la Physique générale de notre globe. La terre est couverte d’une multitude d’espèces de plantes diverses ; de même que les animaux , elles ont la propriété de se propager à l’infini ; elles diffèrent non moins les unes des autres par leur structure interne que par leurs formes extérieures ; chacune a ses besoins, et, s’il se peut dire, ses habitudes et son instinct particulier. Nous observons des espèces propres aux montagnes, d’autres aux vallées, d’autres aux plaines; nous en obser- vons qui s’accommodent d’un sol argileux, d’autres d’un sol calcaire, d’autres d’un sol quartzeux, et quelques- 4^2 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES unes qui ne réussissent que lorsque la terre est impré- gnée de nation ou de sel marin (i). lien est qui ne vien- nent que dans les eaux ; et parmi celles-ci , on distingue les plantes des marais, des lacs, des rivières, des mers. 11 en est qui demandent une température très-élevée'; d’autres qui se plaisent dans des climats doux et tempérés; d’au- tres qui ne prospèrent qu’au milieu des glaces et des frimas. Un grand nombre veulent une atmosphère tou- jours humide; plusieurs réussissent assez bien dans un air sec ; la plupart craignent également la sécheresse et l’humidité. Beaucoup végètent avec vigueur, quand elles sont exposées à l’action d’une vive lumière; beaucoup aussi cherchent de préférence une lumière diffuse. Il suit de cette variété de besoins que presque toute la surface du globe est couverte de végétaux. L’excès de la chaleur, du froid et de la sécheresse , la privation totale de l’air ou de la lumière, sont les seuls obstacles à la végétation; encore se rencontre- 1- il des espèces agames , qui végètent dans des cavernes pro- fondes où la lumière ne pénètre jamais. Comme les formes des végétaux sont très-variées, que certaines espèces , certains genres, certaines familles même, habitent certaines contrées exclusivement à toute autre, et que cette répartition des races, suite naturelle de l’ordre primitif de la création , s’est Conservée jusqu’à ce jour par l’effet de la température ou des localités, sans éprouver de dérangemens notables, on peut dire qu’en général le sol emprunte de la végétation un ca- ractère particulier. 11 est des espèces qui sont confinées dans des espaces de terre très-limités. L’ Origanum Tournefortii , découvert (l) Dignoscitur ex sola inspectione plantqrum subj.ccta terra et solum. PLU. Bot. S TJ R LA VÉGÉTATION. par Tournefort en 1700, sur un seul rocher de la petite île d’Amorgos, a été retrouvé , plus de quatre-vingts ans après, par Sibthorp, dans la même île, sur le même rocher; personne ne l’a observé ailleurs. Deux espèces d Orchidées, le Disa lortgicornis et le Cymbidium tabulare, croissent au cap de Bonne- Espérance , sur la montagne de la Table; Thumberg, qui les a décrites , ne les a vues qu’en cet endroit. Les pays montueux offrent beaucoup de ces espèces sédentaires. Elles vivent isolées sur les hauteurs , et ne descendent point dans les plaines. Aussi voyons-nous que les Pyrénées, les Alpes , les Apennins, etc. , ont des Flores particulières, et que plusieurs montagnes de ces grandes chaînes nourrissent des espèces qui leur sont propres, et qu’on chercherait en vain sur les pics envi- ronnans. 11 semblerait que tous les individus de chaque espèce devraient s’établir sous les mêmes parallèles ou du moins sous des parallèles voisins , puisqu’ils y trouveraient à- peu-près la même température. Cependant , quelques espèces se propagent dans la direction des longitudes, et ne se portent ni à droite, ni à gauche. Les causes de ces anomalies ne sont pas toujours faciles à saisir. Le Phalangium bicolor commence à paraître dans les cam- pagnes d’Alger ; il passe en Espagne , franchit les Py- rénées , et va finir en Bretagne. Le Menziezia polifolia habite le Portugal, la France et l’Irlande. Les Bruyères appartiennent toutes à l’Europe et à l’Afrique ; elles s éten- dent depuis les terres polaires jusqu’au cap de Bonne- Espérance , sur une surface très-étroite en comparaison de sa longueur. Le Ramonda pyrenaica , qu’on n’a ob- servé, jusqu’à ce jour, que dans les Pyrénées, suit, sans jamais se détourner, les vallées qui courent du nord au sud, en sorte qu’on n’en rencontre aucun pied dans les l\1 4 CONSIDERATIONS GÉNÉRALES vallées latérales (i). Mais ne nous arrêtons pas à ces faits particuliers , et portons nos regards sur l’ensemble de la végétation. En faisant exception des Lichens qui bravent tous les climats, nous remarquerons qu’un bien plus grand nombre d espèces ont été douées des qualités nécessaires pour sup- porter une température élevée, que pour supporter un froid rigoureux. La progression est sensible si I on s’ar vance des régions polaires vers les contrées équinoxiales. Les Botanistes estiment qu’au Spitzberg, vers le 8o° de latitude boréale, il y a 3o espèces environ; qu’en Lapo- nie, sous le 70°, il y en a 534 j qu’en Islande, sous le 65°, il y en a 553; ils en comptent. i,3oo dans la Suède, qui s’étend depuis les terres méridionales de la Laponie jusqu’au 55° ; 2,000 dans la marche de Brandebourg , entre le 52 et le 54°; 2,800 en Piémont, entre le 43 eç le 46°; 4,00° à-peu-près à la Jamaïque, entre le 17 et le iq° ; plus de 5, 000 à Madagascar, situé sous le tropi- que du Capricorne, entre le 1 3° et le 24°. Mais ces éva- luations sont loin de donner une idée juste de la quantité des espèces des pays chauds , comparées à celles des pays froids ou tempérés. Pour arriver à des nombres certains, il faudrait savoir combien d’espèces couvrent la surface du globe; combien habitent la même étendue de terre, sous les mêmes longitudes et à des latitudes différentes ; combien sont communes à plusieurs pays à-la-fois; com- bien appartiennent exclusivement à certaines contrées. Sans doute il s’écoulera plusieurs siècles avant que les Botanistes soient en état de répondre à ces questions. L’aspect de la végétation d’un pays ne dépend pas uni- (1) Consultez sur tous ces faits, le beau Mémoire de M. Ramond , i in primé dans les Annales du Muséum d’Histoire Naturelle, tome 4» page 497- Le Ramonda Pyrçnaica est le Verbascmn myconi de Liane. quement de la quantité des espèces qui y croissent; il dépend aussi des caractères plus ou moins remarquables que présentent ces espèces. La plupart des caractères sont fixes; ils viennent, comme je l’ai indiqué tout-à- l’ heure , de l’organisation primitive, et non de l’influence du climat. Quant à la nécessité de coexistence entre telles formes végétales et telles formes animales dans un climat donné; nécessité occulte dont quelques écrivains ingé- nieux ont cherché la preuve dans les harmonies et les contrastes qui naissent toujours du rapprochement de plusieurs êtres différens , nous ne prétendons pas la nier, mais la saine logique nous défend de l’admettre comme un point de doctrine , puisque la subordination et l'en- chaînement des phénomènes nous sont inconnus. Obser- vateurs scrupuleux, abandonnons à l'imagination vive et brillante des poètes , l’entreprise hazardeuse d’expliquer les desseins du Créateur, et bornons-nous modestement à décrire ses ouvrages. La végétation des pays situés entre les tropiques, a un air de vigueur et de majesté qui frappe d’admiration le voyageur européen. Le nombre des espèces ligneuses, comparé à celui des espèces herbacées, est beaucoup plus considérable vers l’équateur qu’en Europe , et cette différence est à l’avantage des terres équinoxiales, car ce sont les arbres sur-tout qui donnent un caractère de grandeur à la végétation. Les arbres dicotylédons des tropiques se distinguent souvent par l’élévation et la grosseur de leur tronc, la richesse et la variété de leur feuillage, les couleurs brillantes et tranchées de leurs fleurs. Ils contrastent, par leur port irrégulier, avec les monocotylédons arhorescens de la famille des Palmiers, qui ont en général les formes simples et tranquilles de nos colonnes, dont elles sont les premiers modèles. C’est aussi vers l’équateur que se trouvent ces lianes robustes /j26 CONSIDÉRATIONS GENERALES qui acquièrent quelquefois plusieurs centaines de mètres de longueur, et ces herbes magnifiques de la famille des Amomées et de celles des Musacées, qui sont aussi hautes que les arbres de nos vergers. Les fleurs et les feuilles de la plupart de ces végétaux se font encore remarquer par leurs dimensions considérables. Je me contenterai de citer ici le Corjpha umbraculifcra , Palmier des Indes orientales, dont les feuilles en parasol, ont plus de six mètres de diamètre , et cette belle Aristoloche des bords du fleuve de la Magdeleine, qui , selon M. de Humboldt, produit des fleurs si grandes, que les enfans s’en couvrent la tête comme d’un chapeau. Enfin la plupart des aro- mates appartiennent aux contrées de l’équateur. A côté de cette végétation riche et variée, celle de l’Europe paraît pauvre et monotone. Les espèces arbo- rescentes y sont en très-petit nombre; presque toutes offrent ùn port et des feuilles à-peu-près semblables. Leurs fleurs ont si peu d éclat, que le vulgaire, qui n’ap- plique le nom de fleur qu’à la corolle, parce qu’il ignore l’usage et l’importance des organes, croit que la plupart de nos arbres en sont dépourvus. On sentira mieux encore l’infériorité de la végétation de nos contrées, si l’on met en parallèle les espèces de mêmes genres ou de mêmes familles, qui croissent en Europe et sous la ligne. Dans l’Amérique méridionale , des végétaux de la famille des Fougères , dont le feuillage et la fructification ne diffèrent pas beaucoup de ceux de nos Pteris et de nos Polypodes, ont des stipes en colon- nes qui végètent à la façon des Palmiers. Nos climats froids et tempérés abondent en Graminées faibles, basses, herbacées, gazonneuses ; les pays chauds produisent aussi beaucoup de plantes de cette famille, mais elles y sont plus développées. La différence se mon- tre déjà en Italie; le Sorgho y acquiert quatre à cinq SUR LA VÉGÉTATION. 1 4^7 mètres de hauteur. Les Bambous, les Panicum , les Cannes à sucre de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, atteignent quelquefois de huit à neuf mètres. Il existe , dit-on, aux grandes Indes, de vieux Bambous, vrais arbres, dont le chaume est si épais, qu’un tronçon, coupé dans sa longueur, peut former deux pirogues. Les herbes monocotylédones des tropiques , telles que les Liliacées, l’emportent de beaucoup sur les nôtres, par la beauté de leurs fleurs. Les Bruyères des pays septentrionaux de l’Europe sont des arbrisseaux bas, à tiges très-faibles, à fleurs très- petites; celles des côtes de la Méditerranée ont également des fleurs petites , mais leurs tiges se fortifient et s’élè- vent; celles du Cap charment les yeux par la forme, léclat et la grandeur de leur corolle. Les Géranium d’Europe n’approchent pas de ceux d’Afrique par la hauteur des tiges et la beauté des fleurs. Toutes nos plantes Malvacées sont des herbes ; les Malvacées des pays chauds sont des arbrisseaux ou des arbres. Cette famille, si peu remarquable dans nos cli- mats , se place au premier rang dans les contrées équi- noxiales. Elle compte parmi ses espèces , le Baobab et le Ceïba, qui sont les colosses du Règne végétal, et ce bel arbre du Mexique , que I on désigne sous le nom d’ Arbre a la main , parce que ses étamines écartées et crochues imitent assez bien une griffe à cinq doigts. La famille des Légumineuses fournit à l’Europe beau- coup d espèces herbacées, quelques arbrisseaux, et un seul arbre de moyenne grandeur; les feuilles de ces plantes sont composées d’un petit nombre de folioles. Cette même famille fournit aux climats chauds de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique , une multitude de grands arbres dont les feuilles délicates, divisées et subdivisées 4 2 8 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES en une quantité innombrable de folioles , se balancent au gré des vents , comme des plumes légères. Les Aroïdes d’Europe parviennent, au plus, à un mètre de hauteur; celles du Mexique, du Brésil, et du Pérou, tantôt s’élèvent comme des Bananiers, et en prennent le port ; tantôt s’allongent en lianes flexibles . et montent au sommet des arbres. On observe des différences non moins prononcées dans la famille des Orchidées. Les espèces européennes sont très-basses; leurs fleurs , dont la structure singulière est aussi curieuse pour le Botaniste que celle des espèces exotiques , sont trop petites pour attirer l’attention des personnes étrangères à l’étude des plantes ; mais il en est tout autrement des Orchidées de la zone torride ; la plupart se font admirer par la grandeur et l’éclat de leurs périanthes; et quelques-unes, telles que la Vanille, laissent pendre de la cime des arbres , leurs tiges cou- vertes de feuilles d’un vert luisant, et leurs superbes gi- randolles de fleurs. Les Apocinées , les Borraginées, les Convolvulacées , et beaucoup d’autres familles , fournissent matière à de semblables contrastes. Le Naturaliste européen, que son avide curiosité conduit sous 1 équateur, contemple avec ravissement la végétation de ces fertiles contrées , qui lui offrent à chaque pas des formes connues , enrichies par- le luxe d’une Nature plus puissante et plus libérale. Il est certaines beautés d une terre agreste et sauvage, que la civilisation fait disparaître. Le sol européen ne produit aujourd’hui en profusion que les espèces que l’homme lui demande. Les végétaux domestiques , favo- risés par le cultivateur, ont envahi les campagnes; à peine reste -t-il de place pour les espèces que nous ne croyons pas utiles à nos besoins. Les antiques forêts des Garnies et de la Germanie ont disparu. Nos forêts ne sont SUR L /V V É G 7£ T A T I O TT . 49-9 éfue de vastes plantations alignées. De tous côtes, elles sont percées de routes et de chemins. L’homme les par- court sans obstacle; les animaux n’y trouvent point de refuge. Les générations d’arbres se renouvellent rapide- ment sur ce sol que le propriétaire industrieux met sans cesse à contribution , et c’est hasard si quelques végétaux ligneux y périssent de vieillesse. Disons pourtant que plu- sieurs forêts du nord laissent encore apercevoir des traces de ce qu’était autrefois la végétation européenne. Là, des Chênes respectés par la hache, acquièrent une grandeur prodigieuse ; les arbres que le temps a ruinés , s’affaissent sur eux mêmes, se décomposent et accroissent incessam- ment la masse de l’humus ; de hautes Mousses , d’épais Lichens , revêtent la terre et y entretiennent une humi- dité fécondante. Mais rien n’égale la magnificence des forêts qui om- bragent les contrées équinoxiales de l’Afrique et du Nouveau -Monde. On ne peut se lasser d’admirer cette quantité infinie de végétaux rapprochés, serrés, con- fondus , si différens entre eux , et quelquefois si extraor- dinaires dans leur structure et leurs produits ; ces Dico- tylédons énormes, dont l’origine remonte à des époques voisines des dernières révolutions de la terre, et qui ne portent encore aucune marque de décrépitude ; ces Palmiers élancés, contrastant, par l’extrême simplicité de leur port, avec tout ce qui les environne; ces Lianes sarmenteuses , ces Rotangs à feuilles chargées d’épines , dont les tiges longues et flexibles s’enlacent les unes aux autres, et par des circuits et des nœuds multipliés, réu- nissent comme en un seul groupe, tous les végétaux de ces vastes contrées. En vain , pour s’y frayer un passage, s’arme-t-on du fer et du feu; la hache s’émousse ou se brise sur le bois endurci ; la flamme , privée d’air, s’éteint dans l’épaisseur du feuillage. Le sol est trop resserré 430 CONSlDliIÎATIOKS GÉNÉRALES pour les germes nombreux qui s’y développent. Chaque arbre dispute aux arbres voisins qui le pressent, le ter- rain nécessaire à sa subsistance ; les forts étouffent les faibles; les générations nouvelles font disparaître jus- qu aux moindres traces de la destruction et de la mort; - la végétation ne se ralentit jamais, et la terre, loin de s’épuiser, devient de jour en jour plus féconde. Des lé- gions d’animaux de toute sorte, Insectes, Oiseaux, Qua- drupèdes, Reptiles, êtres aussi variés et non moins ex- traordinaires que les végétaux indigènes, se retirent sous les voûtes profondes de ces vieilles forêts, comme dans des citadelles à l’épreuve des entreprises de l’homme. Sous les mêmes parallèles que l’Angleterre et la France, et avec une température plus froide, l’Amérique septen- trionale présente une végétation beaucoup plus riche. De grands arbres, les Tulipiers, les Magnolia , y produi- sent des fleurs superbes. Celles d’une multitude d’arbres et d’arbrisseaux le disputent en beauté aux fleurs de la zone torride; les feuilles légères des Robinia et des Gle- ditsia rappellent celles des Mimosa des Tropiques. Le seul genre du Chêne comprend plus d espèces aux Etats- Unis, que nous ne comptons d’espèces d arbres indigè- nes dans toute l’Europe. La végétation de la partie septentrionale de 1 Asie dif- fère peu de celle de nos climats. On y trouve à-peu-près les mêmes genres avec des formes analogues. Mais les Terres-Australes ont un autre caractère. Privées d’eau, exposées à des vents brûlans, elles sont d’une extrême aridité. On y chercherait en vain les lapis d’une molle verdure et les ombrages frais des belles contrées de l’Eu- rope et de l’Asie. La plupart des végétaux ont des feuilles rares, sèches, étroites , allongées, sans dentelures, et d’un vert sombre ; plusieurs en sont privés , ou du moins celleà qu’ils portent sont si dures , qu’on peut , à juste SUR LA V LG LT A TI O PT. 43 I titre , leur donner le nom d’épines. Beaucoup d’arbres et d’arbrisseaux sont chargés de fleurs éclatantes. Les plus grands arbres appartiennent à la famille des Myrta- cées; leurs feuilles sont ponctuées, et répandent une o leur aromatique quand on les froisse. Le sol produit aussi un grand nombre darbrisseaux légumineux à feuilles com- posées ; mais les folioles ne se développent que dans les premiers temps de la germination. Lorsque ces arbris- seaux ont pris plus de vigueur , les pétioles , tout-à-fait nus , s’élargissent en feuilles simples et lancéolées, ou bien se transforment en épines acérées comme les feuilles de certaines Asperges. Les Protéacées abondent à la Nou- velle-Hollande, aussi bien qu’au cap de Bonne-Espérance; mais les Liliacées y sont rares, tandis quelles font le principal ornement de la Flore du Promontoire africain. Chose remarquable ! Aucun végétal des terres situées vers le pôle antarctique ne donne de fruits dont la pulpe savoureuse puisse servir de nourriture à l’homme (1). Il est des conditions indispensables au développement des diverses espèces. Les unes exigent une chaleur con- tinue : l’abaissement momentané de la température les ferait périr ; d’autres , capables de supporter un froid assez vif tai.it quelles ne sont pas en sève , demandent (1) Il n’y a pas de point de vue curieux ou important sous le- quel Linné n’ait envisagé le Règne végétal. On ne saurait dire qu’il ait tout approfondi; cela était impossible; mais il atout indiqué; et lors même qu’il généralise trop ses aperçus , on reconnaît , dans son langage liardi et pittoresque , le grand observateur et l’homme de génie. Voyez comme il peint d’un trait les plantes des différens climats. . . Primo intuitu discinguit sœpins exercitatus Botanicus piaulas Africœ , Asiœ , America:, Alpiumque , sed non facile diccrct ipse , ex qna nota. Nescio quce faciès torva, sicca , obscura Afris ; quce superba , exaltata Asiatiçis ; quce lœ ta , glabra , Americqnis ; quai coarctata, in dur ata Alpi- nis? Phil. Bot. 43a CONSIDERATION^ GÉNÉRALES une chaleur forte à l’époque de leur végétation ; d’au- tres s’accommodent d’une température modérée, et re- doutent également les grandes chaleurs et les froids ex- cessifs. Le cultivateur fonde sa pratique sur la connais- sance de ces phénomènes ; il sait qu’il tenterait inutile- ment de faire croître sans abri le Dattier et l’Oransrer au- O delà du 43e degré de latitude septentrionale ; que l’Olivier s’avance un peu au-dessus de cette limite ; que la Vigne ne pousse que des pampres, vers le 5oe degré , ou, du moins , qu elle n’y conduit jamais ses fruits à parfaite maturité. Il se garde bien d’exposer à l’ardeur du midi , les espèces qui, sensibles à la moindre atteinte de la chaleur, entrent subitement en sève; il n’ignore pas que les gelées tardives les feraient périr; témoins les vigno- bles des environs de Paris : les plans qui échappent à l’action nuisible du froid, ne sont pas ceux qui sont ex- posés au midi, mais bien ceux qui sont exposés au nord. Ces derniers n entrent que fort tard en sève ; et quand les chaleurs arrivent jusqu’à eux, la température a déjà pris une marche uniforme, et la végétation ne court plus risque d’être arrêtée par le froid. Ce sont particulièrement les gelées tardives qui nui- sent aux végétaux délicats de l’Amérique septentrionale et des Terres Australes, que nous essayons de naturaliser en Europe. Beaucoup supportent, au fort de l’hiver, des froids assez vifs ; mais aux approches du printemps , dès qu’un air plus doux se fait sentir, comme aussitôt leurs racines commencent à travailler sous la terre, quelles en aspirent les sucs, que leur liber s’humecte, que leurs boutons se gonflent et s’entr’ouvrent , un abaissement momentané dans la température les fait infailliblement périr. Au reste, les circonstances locales, telles que l’éléva- tion des lieux , l’exposition , l’inclinaison et la nature du SÜR LA VÉGÉTATION. 4^3 sol, la proximité des forêts, des montagnes et de la mer ; la direction des vents, etc., etc., font varier la tempé- rature, et sont autant d’élémens dont il faut tenir compte pour expliquer la végétation de chaque canton en par- ticulier. Par exemple, l’hiver est moins rigoureux sur nos côtes septentrionales que dans l’intérieur des terres , à une même hauteur, et cela résulte du voisinage de l’Océan. La mer conserve une température beaucoup plus égale que celle de l’atmosphère , et tend sans cesse à y ramener un certain équilibre de chaleur. Dans l’été, elle enlève du calorique à l'air ; dans l’hiver, elle rend à l’air une partie du calorique dont elle est pénétrée. Ainsi l’énorme masse d’eau qui remplit le bassin de l’Océan, tempère, sur les côtes maritimes, la chaleur des étés et le froid des hivers. C’est la raison pourquoi le Myrte, le Fuchsia , les Magnolia, le Grenadier, le Rosier du Bengale, et une foule d’autres arbres ou arbrisseaux exotiques , vien- nent en pleine terre, sur les côtes du Calvados, et ne peuvent se passer d’abri dans le département de la Seine. La même cause fait qu’aux environs de Londres , on cul- tive à l’air et sans précautions, plusieurs espèces que nous sommes obligés de rentrer dans l’orangerie, sous le climat de Paris. Toutefois les circonstances locales n’ont qu’une in- fluence limitée, et l’on peut poser en principe, qu’en général, durant lhiver, rabaissement de la température, sous les mêmes longitudes ou sous des longitudes voi- sines, est en raison directe de 1 éloignement de l’équateur. Je dis durant l’hiver, car la longueur des jours d’été des contrées polaires, y rend quelquefois les chaleurs plus vives que dans nos climats 5 aussi est-il bien probable qu’une multitude de plantes herbacées des tropiques , réussiraient en Suède, en Norvège, en Laponie, et même a8 /{ 3 4 CONSIDERATIONS GÉNÉRALES au Spitzbei’g, si les froids ne survenaient trop tôt pour permettre à ces plantes d’accomplir les dernières périodes de leur développement. A mesure que Ion s’approche du pôle, on observe que l’aspect de la végétation change. Les espèces qui deman- dent la douceur des climats tempérés font place à celles qui se plaisent dans les climats froids. Les forets se peu- plent de Pins, de Sapins, de Bouleaux , parures naturelles des régions hyperboréennes. Le Bouleau est, de tous les arbres, celui qui brave le plus long-temps la rigueur de la température ; mais plus il s’avance vers le pôle , et moins il prend de développement; son tronc et ses bran- ches deviennent noueux et rabougris ; enfin, vers le yo°, limite où l’homme se voit contraint de renoncer à la culture des Céréales, sa végétation s’arrête absolument. Au-delà, on ne rencontre que des arbrisseaux, des ar- bustes et des herbes. Les rochers se couvrent de Serpolet, de Daphné , de Saules rampans et de Framboisiers sau- vages. Le fruit de Ruhus arcticus acquiert dans ces froides contrées, une saveur et un parfum délicieux. Les arbrisseaux disparaissent à leur tour. Ils sont remplacés par des herbes basses, munies de feuilles radicales, du milieu desquelles s’élève une courte hampe surmontée de petites fleurs. Ce sont des Saxifrages, des Primevères, des Androscice , des Aretia, etc. Ces jolies plantes se can- tonnent dans les crevasses des rochers, tandis que des Graminées à feuilles déliées et nombreuses, s’étendent sur la terre en un riche tapis de verdure. Le Lichen ra- meuxqui nourrit le Renne, se mêle souvent au gazon; quelquefois aussi il revêt seul d’immenses terrains ; ses touffes blanchâtres, placées les unes à côté des autres, se dessinent en compartimens , tantôt réguliers, tantôt irréguliers. Cette singulière végétation ressemble de loin à des amas de neige que la chaleur n’aurait pu fondre. SUR LA VÉGÉTATION. Si l’on pénètre plus avant, on ne trouve qu’un sol nu, qu’une terre inféconde, que des rochers arides, et des glaces éternelles. Les derniers vestiges de la végétation sont quelques Bfssus pulvérulens , quelques Lichens crus- tacés , qui forment des taches diversement colorées à la superficie du roc. Trois causes principales amènent ces cliangemens pro- gressifs ; i° la longueur excessive des hivers, causée par l'obliquité et la disparition des rayons solaires; 2° la sé- cheresse de l’air, suite de l’abaissement de la tempéra- ture; 3° l’action prolongée de la lumière, qui , à l époque de la végétation , éclaire continuellement l’horizon. Je vais vous rappeler en peu de mots les effets qui résul- tent de ces trois causes. Nul doute qu’une température trop basse, en conge- lant la sève , n’occasionne la rupture du tissu vasculaire des végétaux , et par cette raison , ne les fasse périr ; mais l’action nuisible du froid ne se borne pas à des effets pu- rement mécaniques : il est prouvé que la chaleur est un stimulant indispensable à la végétation. Plusieurs espèces élaborent dans les pays chauds , des sucs dont elles sont privées dans les pays froids. Le Frêne donne de la manne en Calabre , il perd cette propriété vers le nord. Les fruits de la Vigne forment beaucoup de matière sucrée dans le midi de l’Europe , tandis que dans le nord ils contiennent, un excès d’acide. Tant que les fonctions or- ganiques qui dépendent de 1 intensité de la chaleur ou de sa durée peuvent s’exécuter, le Frêne et la Vigne se développent; ils se développent même lorsque ces fonc- tions ne s’exécutent point dans toute leur plénitude ; mais leur croissance est gênée. Enfin, ils disparaissent quand la chaleur du climat , assez considérable encore pour empêcher la congélation de leur sève, ne l’est plus assez pour exciter l'irritabilité de leurs organes. Tous les autres 28. 436 CONSI Dlî HATIONS GKNliIÎ ALKS végétaux , qui par leur dimension et leur durée sont exposés à la rigueur des frimas, subissent le même sort, plus près ou plus loin de la zone équinoxiale , selon que leur tempéramment exige plus ou moins de chaleur. 11 ne peut donc se trouver vers le pôle que des arbrisseaux nains abrités sous la neige pendant la froide saison , que des herbes annuelles ou vivaces, douées d’une telle ac- tivité vitale , qu’en moins de trois mois elles peuvent germer, fleurir et fructifier; que des Agames et des Cryp- togames, qui s’accommodent de toutes les températures, et sont par conséquent les dernières formes organiques sous lesquelles se manifeste la vie végétale. La chaleur et l’humidité réunies sont très- favorables au développement des plantes. Quelles contrées plus her- beuses et plus boisées que le Sénégal , la Guinée , lu Guyane , où régnent si puissamment ces deux soutiens de la végétation ! Les expériences faites par le moyen de 1 hygromètre, prouvent qu’en général, l’humidité atmos- phérique est d autant plus grande que l’on approche da- vantage de 1 équateur. Dans les climats chauds, lorsque le soleil s’abaisse sous l’horizon, les vapeurs aqueuses se condensant et retombant en rosée, humectent la surface des feuilles et nourrissent les végétaux dans lesquels la succion des parties supérieures suffit à l’entretien de la vie. De ce nombre sont les plantes grasses : les Aloës, les Cierges , les Mesembryanthemum , quelques Euphor- bes , etc. Leurs racines fibreuses ne servent qu’à les fixer au sol ; mais leurs tiges spongieuses aspirent et retiennent l’humidité de l’atmosphère. Ainsi, dans les immenses plaines où se versent les eaux des pentes orientales de la chaîne des Andes , quand les chaleurs dévorantes de l’été ont consumé les Graminées et les autres herbes qui s’é- taient développées durant la saison des pluies , on voit encore çà et là quelques Cactus qui , sous une écorce SUJI LA VÉGÉTA T t O W. 4*7 chargée d’épines , recèlent un tissu cellulaire imbibe d’une sève abondante. Mais dans les contrées ou l’atmos- phère ne tient en évaporation que peu d’humidité, soit parce que le sol est tout-à-fait dépourvu d’eau, soit parce que la température habituelle est très- basse, la végéta- tion est nulle ou se compose seulement de quelques espèces d’un tissu sec et dur. Les sables de l’Afrique, que n’arrose aucun fleuve , sont d’une absolue stérilité. Le Spitzberg, la Nouvelle-Zemble, le Kamschatka , etc., où le soleil ne fait sentir son influence que deux mois au plus dans le cours de l’année, et où, par conséquent , l’air est dans un état habituel de sécheresse , ne produi- sent qu’un très -petit nombre d’herbes ou d arbrisseaux peu élevés , à feuilles étroites et coriaces. Sans doute la sécheresse n’est point ici 1 unique cause de cette dégra- dation végétale, mais elle suffirait seule pour la produire; car il est certain que les plantes ne prennent de hautes tiges et de larges feuilles, qu’autant qu’elles trouvent dans l’atmosphère une nourriture abondante, et cette nour- riture est l’eau réduite en vapeur que l’air tient en sus- pension. Les végétaux privés de lumière s’allongent, poussent des tiges grêles et blanchâtres, ont un tissu lâche, et ne prennent aucune consistance; en un mot, ils s'étiolent. L’effet des rayons lumineux sur ces êtres organisés , con- siste particulièrement à séparer les élémens de l’eau et de l’acide carbonique qu’ils contiennent, et à dégager l’oxigène de ce dernier. Le carbone de l’acide , avec l’hy- drogène et l’oxigène de l’eau, produisent les gommes, les résines , les huiles, qui coulent dans les vaisseaux ou qui remplissent les cellules. Ces sucs nourrissent les membranes et les amènent à l’état ligneux, résultat d’au- tant plus marqué que la lumière est plus vive , et que son action est plus prolongée. T/obscurité et la lurçiièrg 438 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES produisent done-sur la végétation deux effets absolument opposés. L’obscurité, en entretenant la souplesse des par- ties végétales, favorise leur allongement; la lumière, en aidant à leur nutrition , les consolide et arrête leur crois- sance. Il suit de-là qu’une belle végétation , je veux dire celle qui réunit dans une juste mesure la grandeur et la force, dépend en partie de l’alternative heureusement ménagée des jours et des nuits. Or , les plantes hyper- boréennes se développent à l’époque oii le soleil ne quitte plus l’horizon , et la lumière qui agit incessamment sur elles, les endurcit avant qu’elles aient eu le temps de s’al- longer. Leur végétation est active , mais courte ; elles sont robustes, mais petites. Ces mêmes espèces , transplantées sous un ciel moins rigoureux, environnées d’une atmosphère humide, et sou- mises à Faction consécutive de la lumière et de l’obscu- rité , lorsque d’ailleurs elles sont dpuées d’une organi- sation assez flexible pour supporter ce nouveau genre de vie, allongent leur tige, développent leurs rameaux, multiplient, élargissent et assouplissent leurs feuilles. La végétation , en s’élevant au-dessus du niveau de la iner , subit des modifications analogues à celle qu elle éprouve en se portant de l’équateur aux pôles. Les phé- nomènes qui , dans ce dernier cas , agissent par nuances insensibles, se pressent au contraire et se succèdent avec rapidité sur la pente des montagnes. Une hauteur dequatre à cinq mille mètres dans les plus chaudes contrées , produit des changemens aussi marqués que la distance de plus de deux mille lieues, qui sépare la ligne équinoxiale des régions liyperboréennes. Les trois causes dont je viens d’indiquer l’influence , se représentent ici : abaissement de la température ; sécheresse de l’air; durée de la lumière. A ces causes , il faut en joindre deux autres ; le raccour- cissement de la colonne de l’atmosphère , et la rareté des SUR LA VÉ G ÉT ATI O AV 4^9 matières abondantes en carbone , qui proviennent de la décomposition des corps organisés. Plus on s élève, moins est épaisse la couche dair su- périeure; de là , les froids excessifs des grandes hauteurs; car c’est faction de l’atmosphère sur les rayons lumineux qui en dégage le calorique, et l’on sait que ce dégage- ment de calorique est d'autant moins considérable, que la masse d’air traversée par les rayons a moins de pro- fondeur ; mais, en revanche, la lumière est plus pure et plus vive, comme si le calorique n’était, suivant la ma- nière de voir de quelques physiciens , qu’une simple transformation de la lumière. Le poids de l’atmosphère, représenté au niveau de la mer par une colonne de mercure de 28 pouces, diminue nécessairement à mesure que l’on s’élève ; il ne fait plus équilibre qu’à une colonne de i3 pouces et quelques lignes, à la hauteur de 6,000 mètres. Une conséquence de ce fait, c’est que la vaporisation des fluides a lieu, sur les hautes montagnes , à un degré de chaleur très- faible. Toutefois, la diminution de la température y est telle , que l’air ambiant y est habituellement peu chargé d’humidité. A la vérité , les hauteurs n’ünt point les longs jours' des pôles , mais elles reçoivent , plutôt que les pays de plaines, les rayons du soleil , et elles les perdent plus tard ; ainsi les nuits y sont moins longues. Enfin , les matières carboneuses, résidus de la destruc- tion des corps organisés, sont rares sur les montagnes, parce que les eaux pluviales et les eaux de sources qui s’écoulent dans les vallées, les dissolvent et les entraî- nent. On ne saurait douter que toutes ces causes réunies n’agissent puissamment sur la végétation. La chaleur la moins forte doit occasionner dans les plantes de monta- I 44o CO iVSt D£R ATIONS GÉNÉRALES gnes , une transpiration abondante ; la rigueur du froid , Ja sécheresse de l’atmosphère, la courte durée des nuits, la rareté du carbone, mettent obstacle à l’élargissement de leurs feuilles, et à la croissance de leurs tiges ; la vi- vacité de la lumière et la longueur des jours , hâtent l’en- durcissement de toutes leurs parties. La marche de la végétation sur les montagnes n’avait pas échappé aux regards pénétrans de Tournefort. Au pied du mont Ararat, il avait vu les plantes de l’Arménie ; un peu plus haut, celles de l’Italie et de la France; en- core plus haut, celles de la Suède; et sur les sommets, celles de la Laponie. Depuis, des observations analogues avaient été faites sur le Caucase, sur les Alpes, sur les Pyrénées , et sur d’autres montagnes de l’ancien conti- nent. Tous les botanistes avaient reconnu que beaucoup de plantes Alpines, cest-à-dire, de plantes qui habitent les hauteurs de l’Europe et de l’Asie, se retrouvent éga- lement au Spitzberg, à la Nouvelle-Zemble, en Laponie, et au Kamschatka. Les montagnes de la Jamaïque, sous un ciel plus chaud, avaient offert à Swartz, sinon nos Phénogames Alpines, du moins des espèces analogues; et il y avait observé une grande quantité de Cryptogames tout à fait semblables aux nôtres : le Funaria hjgrometrica, les Bryuni serpillifolium et cespititium , le Sphagnum pa- lustre , le Dicrarnun glaucum , etc. Linné, fidèle à sa mé- thode, avait réduit tous les faits à un simple axiome, o La station des diverses plantes , dit-il , indique la hauteur « perpendiculaire de la terre (i). » Quoi qu’il en soit, jus- qu’à ces derniers temps, il n’existait sur celte intéres- (i) PlanCee diverses indicant aUitudincm perpendicularem terrcc. Phil. Bot. Lisez dans Jes Amccnitatcs acadcmicœ de Linné, la dissertation in- titulée : Stationes p/antarum. SUR LA VÉGÉTATION. 44r santé partie de la Géographie botanicpie, aucune obser- vation rigoureuse. Les premières recherches qui aient été faites avec suite et dans le dessein réfléchi d’étudier les lois de la succes- sion des végétaux sur les montagnes , appartiennent à M. Ramond. Ce savant parcourut la chaîne des Pyrénées pendant dix ans ; il l’étudia non-seulement en géomètre, en physicien et en minéralogiste , mais encore en bota- niste consommé ; et il reconnut avec cette rare sagacité qui le distingue, les stations des divers espèces végétales, et les circonstances particulières qui troublent quelque- fois l’ordre naturel de leur succession. Je vais vous in- diquer, en peu de mots, les principaux résultats de ses recherches (i). Le Chêne commun [ Quercus robur ] végète dans les plaines , au niveau de la mer ; il gagne les pentes des montagnes et monte jusqu’à 1600 mètres. Sa végétation est d’autant moins belle, qu’il approche davantage de cette hauteur, où il cesse de croître. Le Hêtre [Fagus sylvatica ] ne paraît qu’à 600 mètres, et il finit à 200 mètres au-dessus du Chêne. Le Sapin à feuille d’If \ Abies taxifolid\ , et l’If [ Taxus communis ] se montrent à i4oo mètres, et vont jusqu’à 2000 mètres. Le (1) Personne n’a plus étudié et ne connaît mieux les plantes des Hautes - Pyrénées que M. Ramond. Son herbier est remarquable par l’ordre et la classification des espèces et des variétés nombreuses qu’il renferme, par les analyses délicates, les notes savantes et les dessins précieux qui y sont joints. Cet herbier est un livre excel- lent , dont , malheureusement , il 11’existe qu’un exemplaire. Les Bo- tanistes auront toujours à regretter que M. Ramond n’ait pas publié la Flore des Hautes-Pyrénées. Au reste , il a généreusement commu- niqué ses plantes et ses notes à tous ceux qui en ont voulu prendre connaissance ; ainsi , ses travaux n’ont pas été inutiles aux progrès, rie la Botanique. /|4â CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Pin sylvestre [ P inus Sylvestris ] et le Pin mugho s’éla- blissent entre 2000 et 2400 mètres. Là, s’arrêtent les arbres et commencent les arbrisseaux à feuilles sèches et à tiges basses ou même rampantes , qui restent cachés sous les neiges pendant l’hiver. Ce sont des Rhododendrum , des Daphné , des Passerina , le da- bu laria repens , les Salix herbacea et reticulata , etc. Bientôt après on rencontre de petites herbes à racines vivaces, à feuilles en rosette et à hampe nue. Elles par- viennent, avec les Lichens et les Byssus , jusqu’à 3ooo et même 34oo mètres. On aperçoit d’abord le Gentiana campestris, le Primula -villosa, les Saxifraga longifolia , aizaon, etc.; puis les Ranunculus alpestris , nivalis , par- nassfolius, VAretia alpina, et enfin le Ranunculus glacialis , et les Saxifraga cespitosa , opposit folia, androsacea , groen- landica. Ces dernières plantes arrivent jusqu’au pied des glaces éternelles. Les Alpes ont offert aux botanistes qui les ont visitées, des phénomènes qui correspondent parfaitement à ceux que M. Rarnond a remarqués dans les Pyrénées. Mais il était réservé à MM. de Humboldt et Bonpland de nous montrer les modifications successives de l'organisation végétale , sur les plus hautes montagnes que l’on con- naisse, et dans une des contrées les plus chaudes et les plus fécondes de la terre. La végétation des régions équinoxiales de l’Amérique se déploie aux yeux de l’observateur , sur les gradins d’un immense amphithéâtre, dont la base s’enfonce sous les eaux de l’Océan , et dont le sommet rencontre , à 5ooo mètres au-dessus du niveau de la mer , la limite inférieure des glaciers qui couronnent les Andes. Il existe donc en Amérique, des espèces végétales à 16 ou 1800 mètres plus haut que la ligne où finit la végétation des Pyrénées et des Alpes. Cette différence dépend non-seulement de S U K LA VÉGÉTATION. 44 J la latitude , mais encore , selon la remarque importante de M. Rainond , de 1 étendue transversale, ou , si 1 on veut , de lépaisseur de la chaîne des montagnes. L influence de l’air et de la température des plaines se fait sentir dans des chaînes de peu d épaisseur , comme sont celles d Eu- rope , et tend sans cesse à y confondre les limites des différentes espèces végétales ; mais il n’en est pas de même de la chaîne des Andes, qui a de 48 à 6o lieues détendue transversale. 11 faut dire encore , à l’avantage des observa- tions de MM. Humboldt et Bonpland, que, comme ils les ont faites sous l’équateur , ils ont suivi toute la série des modifications qui se manifestent entre les deux extrêmesde température à la surface de la terre ; tandis que les au- tres botanistes , n’ayant visité que les montagnes septen- trionales de l’ancien continent, n ont pu observer que les modifications comprises entre la température moyenne et le froid extrême. Au Mexique , de même qu’en Allemagne , en Angle- terre , et en Italie , des plantes qui cherchent toujours les ténèbres et 1 humidité, les Boletus ceratophorus et botrjtes , le Lichen verticillatus , le Gymnoderma sinuata , et le Byssus speciosa , s’attachent aux voûtes des caver- nes , et aux pièces de bois qui soutiennent les travaux des mineurs. Ces espèces imparfaites , cachées dans les en- trailles de la terre, composent la zone la plus basse de la végétation. Viennent ensuite les plantes d’eau douce et d’eau salée. Un grand nombre habitent indifféremment toutes les latitudes , parce que le milieu , dans lequel elles sont plongées, conserve une température plus égale que celle de l’atmosphère. Le Lemma minor et le Typha latifolia , croissent dans les marais de l’Asie , de l’Europe , et de l’Amérique septentrionale. Le Typha latifolia vient même à la Jamaïque , à la Chine et au Bengale. 11 n’est peut» 444 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES être aucune contrée du globe où l’on ne trouve le Sphag- num palustre. Cette indifférence pour le climat est plus sensible encore dans les plantes marines, telles que les Fucus, les Ulves , les Ceramium. Le Fucus natans , qui se détache des rochers et forme des bancs d’une étendue immense à la surface des eaux de l’Océan , embarrasse et retarde la marche des navires vers les pôles , aussi bien que sous l’équateur. Du niveau de l’Océan jusqu’à la hauteur de 1000 mètres, croissent les Palmiers, les Liliacées , les Musacées , les Amomées , le Theophrasta , le Plumeria, le Mussenda- , le Cœsalpinia, le Cecropia pel- tata , YHjtnenœa , le baume Tolu , le Cusparé ou Quin- quina de Carony , et une foule d’autres espèces qui ne vé- gètent qu’à une haute température. Cette zone est celle des Palmiers. Les Palmiers se font distinguer par l’élé- gance et la majesté de leur port; ils sont un des princi- paux ornemens des plaines brûlantes situées entre les ti’opiques. Cependant quelques-uns prospèrent dans des régions moins chaudes. Le Ceroxylon andicola , magnifique Palmier de 60 mètres de haut, ombrage les Andes de Quindiu et de Tolima , sous le 4° 2Ô' de latitude boréale, à partir de 1860 mètres jusqu a 2870 mètres au- dessus de l’Océan , élévation où la chaleur de l’atmosphère est très- modérée. Une autre espèce de cette famille a été trouvée au détroit de Magellan, vers le 53° paral- lèle sud. Dans notre Europe , sur les côtes de la Méditer- ranée, non loin des bases des Pyrénées orientales, nous voyons deux espèces de Palmiers , le Chamœrops et le Dattier , s’avancer sous le 43° parallèle nord. Mais ces faits sont des exceptions ; les Palmiers, en général, sont confinés dans les pays les plus chauds du monde , et il ne s’en rencontre aucun vers les contrées polaires. A la zone des Palmiers et des Amomées succède la zone des Fougères arborescentes et des Quinquinas. Les SUR LA VÉGÉÎAÏtOBT. 44> Fougères commencent à /\oo mètres, et finissent à 1600. Les Quinquinas montent jusqu’à 2yoo mètres. Les Cliônes paraissent à 1700 mètres. Ils se dépouillent chaque année de leur feuillage , et leur bourgeonnement périodique rappelle à l’Européen errant sur cette terre lointaine , le doux printemps de sa terre natale. La végétation des arbres cesse à 35oo mètres , et les arbrisseaux qui 3 jusqu’alors , n'avaient joué qu’un rôle secondaire , s’emparent du sol. Beaucoup plus bas, à 2000 mètres environ , se mon- trent déjades Gentianes, des Lobelia, des Renoncules, etc., qui correspondent à nos plantes Alpines. Elles se sou- tiennent jusqu’à 4 100 mètres. A cette hauteur où la neige tombe de temps en temps, la famille des Graminées , dont les espèces nombreuses se mêlent à la végétation des gradins inférieurs, com- mence à régner seule. Les Avenci , les Agrostis , les Dac- tjlis , les Panicum , les Stipa , les Jarava , etc. , couvrent les montagnes et ne s’arrêtent qu’à 4600 mètres , limite, de la végétation des Phénogames. Au-delà, et jusqu’aux neiges perpétuelles, il n’y a plus que des Bjssus , des Hypoxylées et des Lichens. Ainsi les moindres plantes dans l’ordre de la perfection organique , occupent la base et le sommet de cet immense amphithéâtre, dont les gradins intermédiaires sont ornés de tout ce que le Règne végétal produit de plus riche et de plus varié. Beaucoup de plantes imparfaites croissent dans les cir- constances les moins favorables à la végétation. L’absence totale ou l’excès de la lumière ; une humidité ou une sécheresse extrême ; des chaleurs dévorantes ou d’hor- ribles froids ; la privation absolue de terre végétale et la diminution sensible du carbone , ne sont point des ob- stacles au développement de ces espèces rustiques: aussi 446 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRAI, ES ne sont-elles pas d’une médiocre importance dans l’éco- nornie générale de la Nature. Elles défrichent le sol et commencent la végétation. Les Lichens les plus grossiers, des Lepraria , des Ver- rue aria , des Lecidea , etc. , croûtes organisées , peintes de diverses couleurs, rongent, creusent et labourent la surface des rochers auxquels ils s’attachent. Le temps réduit ces Lichens en poussière. Ils sont remplacés par des Gyrophora , des Cenomyce , des Stereocolon , etc. , autres Lichens d'un ordre plus relevé , et par des Mousses élégantes qui semblent être des arbrisseaux et des arbres en miniature. Tous ces végétaux, en se décomposant et se renouvelant durant une longue suite d’années , for- ment sur la pierre , une légère couche d’humus dans laquelle s’implantent des Phénogames herbacées telles que certaines espèces de Graminées, de Sedum , de Saxifrage, de Draba, d’ Absinthe , etc. , à petites feuilles , à tiges grêles et basses. Les générations se succèdent et la couche d hu- mus augmente. De hautesherbes , des arbustes, des arbris- seaux , prennent place sur ces rochers devenus fertiles. Enfin , des graines d’arbres , transportées par les animaux , les eaux ou les vents , s’y développent , et voilà peut-être les premiers habitans d’une forêt qui devra quelques jours ombrager une immense étendue de pays. Les Lichens ne peuvent végéter sur des sables mobiles; mais les Graminées et les Cyperacées, qui ne sont guère moins rustiques que les Lichens , fournissent des espèces gazonneuses , dont les racines, composées d’une innom- brable quantité de fibres menues, s’enlacent les unes dans les autres et retiennent les sables que les aquilons soulevaient auparavant comme des flots orageux. Une fois le sol fixé , les végétaux de toute grandeur y pros- pèrent. A 1 imitation de la Nature , l’Européen indus- trieux se sert de YElymus arenarius , du Bromus avenu- SUR LA VÉGÉTATION- 44? rius , etc., pour enchaîner les dunes qui menacent les campagnes situées au voisinage de la mer. Les plantes aquatiques , les Mjriophyllum , les Prèles , les Potamogétons , les Nénuphars, les Typha , les Scir- pus , le Butomiis , les Lentilles d’eau , les Sphagnum , les Conferves, etc., exhaussent insensiblement le fond des marais et des lacs. Les eaux «rainent en surface à mesure O O quelles perdent en profondeur, et quelquefois elle s’é- panchent de côtés et d’autres; et même elles finissent par disparaître , quand les sources qui les alimentent ne suffisent plus pour contrebalancer la perte occasionnée par l’évaporation , laquelle, comme Ion sait, augmente en proportion de la surface. Il arrive aussi que certaines espèces, et notamment les Sphagnum , se soutiennent sur les marais et les lacs, et y forment des îles et des presqu’îles flottantes, dont l é- lendue et l’épaisseur s’accroissent de jour en jour, par l’accumulation des débris des plantes qui végètent à leur superficie. Ce sol factice se couvre de prairies , d’arbris- seaux , d’arbres mêmes ; mais il se rompt quelquefois sous le poids qui le charge, et il s’abyme au fond des eaux. Ces phénomènes ne sont point rares en Prusse , en Li- thuanie, et dans les autres pays du nord. Ils changent plus ou moins la surface du sol , et même , en de certains cantons, ils peuvent modifier sensiblement la tempéra- ture et les qualités de l’atmosphère; mais leur influence ne s’étend guère au-delà des lieux où ils se manifestent. Il n’en est pas ainsi des grandes réunions d’arbres con- nues sous le nom de forêts : leur influence se fait sentir au loin. Un effet ordinaire de la présence des forêts, c’est de produire un abaissement dans la température, plus considérable que celui qui résulte du degré de latitude. Lorsque la Gaule et la Germanie étaient couvertes de bois , l’Europe était beaucoup plus froide quelle ne l’est 448 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES aujourd’hui; les hivers de l’Italie se prolongeaient da- vantage; l’on ne pouvait cultiver la Vigne au-delà de Grenoble; la Seine gelait tous les ans. Les côtes de là Guyane, que les Européens ont défrichées, éprouvent en été, les chaleurs dévorantes du soleil de la zone tor- ride , et, dans la même saison, l’intérieur des tenes est rafraîchi à tel point par la présence des forêts , que souvent l’on ne saurait y passer la nuit sans abri ou sans feu. Les causes de cet abaissement de température sont évidentes. Les forêts arrêtent et condensent les nuases: elles répandent dans l’atmosphère des torrens de vapeurs aqueuses ; les vents ne pénètrent point dans leur en- ceinte; le soleil ne réchauffe jamais la terre qu’elles om- bragent. Cette terre poreuse , formée en partie de feuilles, de branches, de troncs décomposés , et recouverte d’un lit épais de broussailles et de mousses , l’etient une humidité perpétuelle. Les lieux bas servent de réser- voirs à des eaux froides et stagnantes ; les pentes don- nent naissance à des ruisseaux sans nombre ; aussi les contrées les plus boisées de la terre, sont-elles arrosées par les plus grands fleuves. A mesure que l’homme qui se trouve à l’étroit dans les pays d’ancienne culture , recule les limites de son domaine en dépouillant le sol de ses antiques forêts , les vents et le soleil dissipent 1 humidité surabondante ; les sources se tarissent ; les lacs se dessèchent ; les inon- dations cessent ou se portent à de moindres distances ; la masse d’eau que roulent les fleuves diminue; l’atmo- sphère se réchauffe et s’assainit. On ne saurait nier ces résultats , et , sans parler des nombreux exemples que nous offre l’histoire, il suffit de citer les Etats-Unis de l’Amérique. C’est un fait avéré que les défrichemens que les colonies européennes y ont commencés dans les deux SUR LA VÉGÉTATION. 449 siècles derniers , et qu elles continuent sans relâche , ont occasionné une diminution notable dans la quantité de$ eaux , et une élévation sensible de température. Ainsi les défrichemens peuvent tourner au profit de l’espèce humaine. Mais lorsque , par suite d’une insouciance aveugle ou d’un égoïsme brutal , les hommes détruisent sans réserve toutes les forêts d’une contrée, le sol privé de l’humidité nécessaire au maintien de la végétation, devient d’une affreuse stérilité. Les îles du cap Vert, jadis rafraîchies par des sources nombreuses , et couver- tes de grandes forêts et de hauts herbages , ne présentent guère maintenant, aux regards de l’observateur , que des ravins à sec et des rochers dégarnis de terre végétale où croissent de loin à loin des herbes dures, des arbris- seaux rabougris, et quelques plantes grasses telles que «les Cacalia, des Euphorbes , des Aloës, des Yucca , des Mesembryanthcmum et des Cierges. L île-de-France, au- trefois si productive, est menacée d’une pareille stérilité, si une administration sage ne se hâte de mettre des bornes aux défrichemens qui se poursuivent sur tous les points avec une activité effrayante. C’est sur-tout dans les pays montueux que la destruc- tion des arbres a des suites funestes. Les forêts qui ceignent les plateaux supérieurs protègent les campagnes situées au-dessous d’elles ; mais si l’on y porte indiscrè- tement la hache , les pluies délayent et entraînent la couche de terre végétale que les racines ne consolident plus ; les torrens ouvrent de tous côtés de larges et pro- fonds ravins ; les neiges amoncelées sur les sommets du- rant l’hiver, glissent le long des pentes au retour des chaleurs; et comme ces énormes masses ne trouvent point de digues qui les arrêtent , elles se précipitent avec un bruit effroyable au fond des vallées, détruisant dans a9 /(5o CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES leur chiite, prairies, bestiaux, villages, liabitans. Une fois le roc mis à nu, les eaux pluviales qui pénètrent dans ses fissures , le minent sourdement ; les fortes gelées le délitent et le dégradent; il tombe en ruine, et ses débris s’accumulent à la base des montagnes. Le mal est sans remède : les forêts bannies des hautes cimes n’y remontent jamais ; les lavanges et les éboulemens qui se renouvellent chaque année , changent bientôt en des déserts sauvages des vallées populeuses et florissantes. La lumière , la chaleur, et l’oxigène , décomposent l’hu- mus que les plantes herbacées produisent sur les terrains découverts, tandis que celui qui se forme à 1 ombre des forêts, garanti par elles de l’action des agens destruc- teurs, s’augmente chaque jour, non seulement des dé- pouilles des végétaux, mais encore de celles des animaux de tous genres qui cherchent un refuge dans ces lieux solitaires. Voilà pourquoi les terres nouvellement défri- chées sont d’une fécondité prodigieuse. Dans les premiè- res années on y cultive le Seigle ou l’Avoine , de préfé- rence au Froment, parce que cette précieuse Céréale y trouvant une nourriture trop abondante , s’emporterait en longs chaumes, et ne donnerait que peu de grains. Mais après un nombre d années plus ou moins considé- rable , la terre s’épuise , et il faut avoir recours aux engrais, c’est-à-dire, qu’il devient indispensable de res- tituer au sol les principes nourriciers dont les récoltes successives l’ont privé. Si le cultivateur néglige ce soin , les récoltes s’appauvrissent, et bientôt la Ronce , le Char- don , et cent autres espèces sauvages , prennent la place des espèces agricoles. Alors les troupeaux diminuent à vue d’œil ; car la multiplication des troupeaux , et par conséquent celle de la race humaine, dépendent sur-tout de iétat prospère de l’agriculture. SUR LA VÉGÉTATION. 4^1 Ces considérations sur la nutrition des plantes me conduisent à vous entretenir des plus importans résultats de la végétation , et c’est par là que je terminerai ce dis- cours. Tout est lié dans le vaste système de notre monde; l’ordre y résulte de l’équilibre entre les phénomènes con- traires. Les animaux enlèvent l’oxigène de l’atmosphère, et le remplacent par du gaz acide carbonique; ils travaillent donc à changer la constitution de l’air , et à le rendre impropi'e à la respiration. Les végétaux s’emparent du gaz acide, retiennent le carbone, restituent l’oxigène ; ils purifient donc l’air altéré par les animaux , et rétablissent les proportions nécessaires entre sesélémens. Quand nos végétaux européens, dépouillés de leur feuillage par la rigueur de la saison , n’exspirent plus d’air vital , les vents alisés nous apportent ce gaz salutaire des contrées mé- ridionales de l’Amérique. C'est ainsi que les vents , d’un bout de la terre à l’autre, confondent les couches de l’atmosphère, et rendent sa constitution uniforme dans tous les temps et à toutes les hauteurs. Les substances provenant de la décomposition des matières animales et végétales, dissoutes dans l’eau, sont absorbées par les plantes, et font une partie de leur nourriture; les plantes à leur tour sont la pâture d’une multitude d’animaux, et ceux-ci deviennent la proie des espèces qui se repais- sent de chair et de sang. Malgré cet état perpétuel de guerre et de destruction rien ne périt puisque tout se renouvelle. Merveilleuse harmonie de la Nature ! les deux grandes classes des êtres organisés se maintiennent l’une par l’autre ; la vie et la mort des individus sont égale- ment utiles à la conservation des races. Si maintenant nous considérons la végétation par rapport à nous -mêmes, nous reconnaîtrons que cette 2 9- 402 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES force de la Nature , soumise jusqu’à certain point à l’empire des sociétés humaines , est le principal ins- trument de leur grandeur ou de leur misère. Par elle en effet , l’homme change la face de la terre et modifie les climats, tantôt à son avantage, tantôt à son détriment. Combien l’ambition et la cupidité des princes, la lâcheté et l’abrutissement des peuples, n'ont-ils pas rendu de pays stériles ! Rappeliez-vous ce que furent l’Asie mineure , la Judée, l’Egypte, les provinces situées au pied du mont Atlas, et voyez ce qu’elles sont devenues. Rappeliez-vous la Grèce, autrefois la patrie des arts et de la liberté, aujourd hui celle de l'ignorance et de la servitude ; elle n’est reconnaissable qu à ses ruines et à ses tombeaux. L’homme a refusé son travail à la terre , et la terre ses trésors à l’homme : tout a disparu avec l’agriculture. Le voyageur qui parcourt cette contrée célèbre ne trouve, à la place des belles forêts dont les montagnes étaient couronnées , des riches moissons que récoltaient vingt- nations industrieuses , des nombreux troupeaux qui fer- tilisaient les campagnes , que des rochers décharnés et des sables arides habités par de misérables bourgades. Vainement il cherche plusieurs lleuves dont 1 histoire a conservé les noms, ils sont effacés de la terre. Ce n’est donc pas assez que la fureur des conquêtes et le despo- tisme renversent les villes , dépeuplent les provinces , et replongent l’espece humaine dans la barbarie, il faut encore qu’ils tarissent jusque dans leur source les ri- chesses naturelles du sol ! Je pourrais opposer à ces tristes résultats de nos pas- sions les heureux effets de notre industrie : de nombreux troupeaux rendant à la terre les substances nutritives que les végétaux lui enlèvent ; les débris des corps organisés transportés des villes dans les campagnes ,• les substances SUR LA VÉGÉTATION 453 terreuses mélangées avec art, se corrigeant les unes parles autres; les saignées faites aux fleuves pour arroser des ter- rains trop secs; les marais pestilentiels transformés en de gras pâturages; les dunes inconstantes fixées par des forêts; les bois abattus et replantés avec une intelligente éco- nomie ; la mer refoulée dans son lit et contenue par des digues; l’Europe associant à sa végétation celle des autres parties du monde , et répandant sur tout le globe les végétaux utiles qu’elle possède, etc. Mais ces considérations importantes se rattachent plus naturellement à fart de la culture ou à la science administrative qu’à la Physiologie végétale, et sur-tout qu’à la Botanique, dont il est temps que je vous expose les principes fondamentaux. FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE. - ' ■ ’ ■ **« . 1 SUPPLÉMENT. PE LA COMPOSITION CHIMIQUE DES VEGETAUX, Par M. CHEVREITL. i. v^N distingue dans les végétaux deux sortes de matières , l’inorganique et l’organique. La première comprend toutes les substances qui constituent immédiatement les minéraux , telles sont l’eau, la potasse, la soude, la chaux, la magnésie, l’alu- mine , la silice , les oxydes de fer et de manganèse , l’ammo- niaque , les acides carbonique , pbosphorique , sulfurique , nitrique, liydriodique (i) et hydrochlorique [muriatique]; chacune d’elles est un composé binaire. La matière organique renferme des substances qui sont le principal résultat des for- ces qui constituent la vie des végétaux ; elles ne diffèrent pas essentiellement des corps bruts par leur composition, car les quatre élémens qui les forment , le carbone , l’hydrogène , l’azote , et l’oxigène , se retrouvent à l’état libre ou de combi- naison dans la nature inorganique; mais il y a cette différence que dans celle-ci , ils ne forment que des composés binaires , tandis que dans les végétaux , ils produisent des matières que nous regardons comme immédiatement composées de trois ou quatre principes. On trouve bien dans les minéraux des com- posés de quatre élémens, mais ces corps sont presque toujours le résultat de l’union de deux composés binaires. 2. Lorsqu’on met les composés organiques en parallèle avec les composés inorganiques , on aperçoit d’abord de grandes (i) Nous n’assurons pas que l’iode soit à l’état d’acide liydriodique daus les végétaux, mais c’est dans cet état de combinaison qu’il a été trouvé dans la soude de Varec. SUPPLEMENT. 456 différences; les premiers ont une disposition marquée à pren- dre de nouvelles formes ; les seconds sont caractérisés par une disposition contraire, de sorte que la fixité paraît le partage des uns , et la mobilité, le partage des autres. Mais un examen plus approfondi finit par rapprocher les corps qui s’étaient montrés si différens les uns des autres au premier coup- d’œil,et par prouver que les différences tiennent sur-tout aux circonstances dans lesquelles on établit la comparaison. En effet, lorsque nous parlons de la fixité des minéraux, nous portons notre attention sur des corps qui ont satisfait aux affinités les plus fortes qui les sollicitent dans l’état des choses où nous vivons. Or, ces corps sont formés de combustibles unis à des comburens (i) , de sorte que l’affinité la plus éner- (i) Nous croyons devoir expliquer ici ce qu’on entend par les mots de com- bustion , de comburens et de combustibles. Lorsqu’on élève suffisamment la température de l’hydrogène , du charbon , du phosphore , du fer ou du zinc , dans l’air atmosphérique, ces corps donnent l’exemple d’une combustion; ils dégagent , comme l’on sait, de la lumière et de la chaleur. Si l’on examine en particulier les résultats de ces combustions , on voit qu’outre le corps qui a brûlé, ils coutienuent tous un principe commun qui est l’oxigène , l’uu des principes de l’air, et en second lieu qu’ils ont des propriétés distinctes de celles des corps qui les ont produits. Il résulte de là que l’hydrogène , le charbon, le phosphore, le fer et le zinc, en se combinant au gaz oxigène, dégagent de la chaleur et de la lumière , qu’en conséquence la combustion de ces corps n’est que leur combinaison avec l’oxigène. L’oxigène étant né- cessaire à toutes les combustions dont nous venons de parler, a été appelé comburenl , c’est-à-dire qui fait brûler, et on a douné le nom de combustible aux corps qui s’y combinent. Telle est l’idée fondamentale que Lavoisier a donnée de la combustion. Le dégagement de chaleur et de lumière , ou le feu, qui est le premier phénomène de combustion que les hommes aient observé, n’en est point un résultat essentiel , car il y a des combustions qui s’opèrent sans lumière, et il y a des corps déjà brûKs qui deviennent lumineux en se combinant ensemble ; ces cas ne doivent pas surprendre , car la combustion qui s’opère avec le phénomène du feu n’étant qu’une combinaison chimique très -forte, il s’ensuit qu’un corps qui n’aura qu’une faible affinité pour l’oxi- gène devra s’y unir sans dégager de lumière, et qu’ au contraire , si des corps brûlés ont une action mutuelle aussi énergique que celle d'un comburent et d’un corps très - combustible, ils pourront donner lieu à un dégagement de chaleur et de lumière, lorsqu’ils viendront à se combiner ensemble. Or, C'est De la composition chimique des végétaux. 4^7 gique que nous connaissions est celle qui produit une com- bustion ; mais , si nous considérons des composés d’élémens combustibles, nous n’observons pas la même fixité, parce que l’affinité mutuelle de leurs élémens n’étant pas assez forte pour surmonter celle qu’ils ont chacun en particulier pour les com- burens , il arrive nécessairement que ccs corps doivent être disposés à changer de nature, jusqu’à ce qu’ils aient enfin éprouvé une combustion; et la disposition que les produits de la combustion peuvent avoir à se saturer réciproquement , contribue encore à effectuer ce changement. Ue là on peut conclure que l’affinité qui régit les corps bruts , tend à unir des combustibles avec des comburens , et à produire ainsi des composés stables. 3. C’est en cela que les forces en vertu desquelles les corps organisés s’assimilent la matière brute, paraissent opposées au en effet ce qui a lieu lorsque certains acides se combinent à plusieurs al- calis. C’est donc par la natnre des produits de la combustion qu’on doit caractériser cette opération vraiment chimique , et non par le phénomène du feu. Lavoisier n’avait admis qu’un seul comburent; mais depuis cet illustre chimiste on a trouvé que plusieurs corps , qui pouvaient à la rigueur être regardés comme des combustibles , parce qu’ils se combinaient avec l’oxigène , avaient cependant plus de propriétés comburentes que de propriétés com- bustibles , c'est - à - dire , qu’ils s’unissaient avec des combustibles en produisant du feu ; qu’ils en changeaient les propriétés , et formaient des composés analogues aux substances brûlées; eufin, qu’ils n’avaient que très-peu d’affiuité avec l’oxigène, ce qui annonçait une analogie de nature avec cet élément. On conçoit, d’après ce qui précède, la difficulté de définir absolument ce qu’est un corps comburent et un corps combustible , et l’on voit en même temps qu’il est plus naturel de ranger les comburens et les combus- tibles en une même série , en plaçant en tète les corps les plus combu- rens, ainsi que l’a proposé M. Oersted, que d’en former deux classes abso- lument distinctes l’une de l’autre. Les corps qui possèdent les propriétés comburentes au plus haut degré , sont l’oxigène , le chlore, l’iode , le soufre , et même l’azote, suivant M. Gay-Lussac. En général, les corps les plus com- burens sout ceux qui possèdent la plus grande énergie électro-négative , et les combustibles, ceux qui ont l’énergie opposée. S U P P Ii F, JVI K N T. 458 dernier résultat de l’aflinité ; car en général elles tendent a réunir de l’hydrogène, du carbone, de l’azote, avec une pro- portion d’oxigène insuffisante pour neutraliser chacun des combustibles; elles produisent des composés qui doivent être d’autant plus altérables, qu’ils contiennent plus d’élémens com- bustibles , et qui sont disposés par conséquent à se convertir en matière inorganique lorsqu’ils ne sont plus soumis à l’in- fluence de la vie, et qu’ils ont le contact de l’oxigène; mais il ne faut pas croire que les forces assimilatrices soient essentiel- lement opposées à l’affinité , et donnent des résultats chimiques distincts des corps bruts , car les composés organiques , consi- dérés en eux-mêmes, ont de grands rapports avec les composés inorganiques combustibles ; et ils paraissent d’ailleurs assujétis à des lois analogues dans leur composition et dans les combi- naisons qu’ils contractent entre eux et avec les corps bruts : et sans rappeler ici les matières végétales qui se convertissent l’une dans l’autre , au moyen de certains acides minéraux (i), nous ajouterons que l’art compose, avec des élémens bruts , des composés ternaires qui sont semblables aux composés or- ganiques , tels que l’acide prussique et la matière huileuse produite pendant la dissolution des fontes dans l’acide sulfu- rique. La formation de ces corps lie donc la nature inorgani- que à la nature organique. 4. De ce qui précède (2 et 3) on doit conclure que les corps abandonnés à leurs affinités réciproques tendent à produire des composés brûlés , et que les corps organisés tendent à former au contraire des composés avec excès de matières com- bustibles ; que ces résultats n’indiquentpas de causes opposées; qu’ils ne sont, en dernier lieu, que des produits de l’affinité chimique qui s’exerce en des circonstances différentes. 5. Si, après avoir considéré en grand la composition des végétaux nous fixons notre attention sur les mêmes parties (1) Un grand nombre de matières végétales se convertissent en acide oxa- lique , acétique , quand on les traite par l’acide nitrique. De la composition chimique des 'végétaux. 4^9 de plusieurs plantes , nous verrons, qu’abstraction faite de leur organisation, elles diffèrent par l’odeur, la saveur, la cou- leur, etc. Nous sommes portés, d’après cela, à y soupçonner plusieurs sortes de matières, qu’un léger examen nous apprend bientôt être de nature organique. Si nous soumettons ensuite les mêmes plantes à l’analyse chimique, nous en obtiendrons des substances très-distinctes, mais dont chacune présentera quelques-unes des propriétés que nous avions reconnues aux végétaux d’où ces substances auront été extraites. Nous en conclurons que les plantes sont formées de différentes matières qu’il est possible d’isoler par des procédés chimiques. Lors- qu’on ne pourra séparer aucun corps hétéi’ogène de ces matiè- res, sans en altérer évidemment la nature , on les regardera comme les principes ou matériaux immédiats des plantes ana- lysées. 6. Pour étudier et décrire les principes immédiats, il faut en faire autant d’espèces que l’on en rencontre qui diffèrent les uns des autres ; et l’analyse de ces principes prouve que leurs espèces doivent être distinguées par leurs propriétés plutôt que par leur composition ; car la gomme arabique contient , suivant MM. Gay-Lussac et Thénard, les mêmes proportions de carbone, d’oxigène , et d’hydrogène, que le sucre de canne. Quand on a observé plusieurs espèces qui possèdent un certain nombre de propriétés semblables , on peut les réunir et en former un genre. C’est ainsi, par exemple, que si l’on compare ensemble les sucres cristallisables de la Canne , du Raisin , et des Champignons, on trouvera à chacun d’eux des propriétés qui ne permettent pas de les confondre dans une même espèce, mais parce qu’ils possèdent tous quelques propriétés analogues très - remarquables , comme celles d’éprouver la fermentation alcoolique , on pourra en former un genre. Si l’on compare ensemble les amidons qu’on retire d’un grand nombre de végétaux , on trouvera qu’ils se ressemblent tous parfaitement, on en fera donc une espèce. 7. Cette manière de définir et de distribuer les principes immédiats , diffère de celle qu’on a suivie jusques ici dans les 46o SUPPLÉMENT. ouvrages élémentaires. Au lieu de faire un genre des sucres dont nous avons parlé, on en a fait une espèce qu’on a dis- tinguée en variétés. Mais quel sens attache-t-on au mot de variété ? En minéralogie , on le donne à des individus d’une même espèce qui ont différentes formes, qui sont diversement colorés par un principe accidentel. Ces distinctions très-bonnes pour le Naturaliste qui étudie les corps de la nature avec les modifications sous lesquelles ils se présentent à ses sens , ne sont pas admissibles dans la description des principes immé- diats , parce que le Chimiste attache peu d’importance à une variété de formes; et qu’avant de décrire un principe, il cher- che à l’isoler de tous corps étrangers. Mais si l’on prétend, pour soutenir l’emploi du mot variété , qu’il n’y a qu’un corps sucré dont les autres sont des modifications , il faut dire quel est le type de l’espèce; et comme le sucre de la canne et celui du Raisin , soumis à l’action de plusieurs corps qui n’en allèrent pas la composition, sortent de ces épreuves avec leurs proprié- tés premières , il est évident qu'on n’est pas en droit de regar- der l’un plutôt que l’autre comme le type de l’espèce Sucre. Maintenant, si l’on prétend que tous les deux renferment un corps identique uni à des corps différens , j’en demanderai la preuve ; et tant qu’on ne l’aura pas donnée, il faudra regarder les sucres de Canne, de Raisin, etc. , comme autant d’espèces distinctes d’un même genre. Ce que nous venons de dire est applicable aux collections de corps qu’on a appelées Gomme , Résine , Huile fixe , Matière colorante } etc. 8. Mais, parce que la plupart des huiles, des résines, etc. , qu’on retire des végétaux , diffèrent entre elles par l’odeur , la fusibilité, la solubilité, doit-on en faire autant d’espèces dis- tinctes? Quel qu’en fut le nombre, il le faudrait bien, si l’on ne pouvait séparer de chacune d’elles plusieurs sortes de matières. Mais j’ai tout lieu de penser qu’il n’en est pas ainsi : les expériences que j’ai entreprises sur les graisses animales m’ont prouvé qu’elles étaient formées de quelques principes im- médiats seulement, et que les différences qu’elles présentaient tenaient en partie à la proportion de ces principes. Il me parait De la composition chimique des 'végétaux. /[St qu’il en est de même d’un grand nombre d’huiles et de résines végétales. Elles diffèrent les unes des autres , plutôt par la proportion des principes immédiats qui les constituent, que par la nature de chacune d’elles. Les principes immédiats sont assujétis à des proportions définies , mais il n’en est pas de même de la plupart des combinaisons qu’ils forment entre eux. g. Les principes immédiats ont plusieurs sortes de compo- sitions qui peuvent servir à les distribuer en différentes classes. Les uns sont composés de carbone, d’hydrogène , et d’une quantité d’oxigène telle que celui-ci est en excès pour saturer l’hydrogène ; d’autres , formés des mêmes principes , contien- nent les deux derniers dans le rapport qui constitue l’eau; de troisièmes ne diffèrent des précédens , qu’en ce qu’ils con- tiennent une quantité d’hydrogène qui est plus que suffisante pour saturer l’oxigène. Ces trois sortes de compositions ont été découvertes par MM. Gay-Lussac et Thénard. Enfin, il y a des principes immédiats qui sont formés de carbone , d’hydrogène, d’oxigène, et d’azote. D’après ces observations, il est évident qu’on peut faire quatre classes de principes immédiats végé- taux ; et il faudra en établir une cinquième pour l’acide prus- sique, si l’on vient à démontrer que ce corps est formé de carbone, d’hydrogène, et d’azote, ainsi que M. Bertliollet l’a avancé, d’après un grand nombre de faits. Nous allons décrire les espèces de principes immédiats les plus remarquables, mais comme il s’en faut beaucoup qu’elles aient été toutes soumises à l’analyse , nous ne les rangerons point par classes. Des Acides 'végétaux. io. Acide Acétique. Liquide , volatil , très - odorant , se con- gelant à zéro quand il est concentré, formant des sels solubles avec toutes les bases. L’acétate de potasse est en petits feuillets brillans , très - déliquescens. L’acétate de cuivre cristallise en rhomboïdes d’un bleu-verdâtre ; celui de mercure est sous la forme d’écailles extrêmement brillantes. (Carbone. . . . 60,22 \ Oxigène 44,i5j G. Lussac et Thénard. Hydrogène.. 5,63/ SDPPLEMENT. 462 11. Acide Malique. Toujours liquide, et un peu coloré en jaune, décomposable par la distillation; donnant une grande quantité d’acide oxalique, quand on le traite par l’acide nitrique , ne précipitant pas l’eau de chaux , formant des sels déliquescens avec la potasse et la soude. 12. Acide Oxalique. Il cristallise en prismes quadrangulaires terminés par des sommets dièdres. Il se volatilise presqu’en totalité, sans éprouver de décomposition. Il précipite l’eau de chaux , et même le sulfate de cette base ; il forme trois com- binaisons avec la potasse ; l’une d’elle est le sel d’Oseille. /Carbone. . . 26,566 \ Il est formé de j Oxigène . . . 70,689 \ G. Lussac et Thénaru. (Hydrogène. 2,746* 13. Acide Tartarique. Cristallise en lames ou en prisme très- aplalis , qui sont ordinairement réunis par une extrémité ; il se décompose à la distillation en eau , en huile, en gaz acide carbonique et hydrogène carburé , en acide acétique , et en un acide particulier, cristallisable , qu’on appelle pyro-lar- tarique. Il s’unit à la potasse en deux proportions ; le sur- tartrate est connu sous le nom de tartre ; il précipite l’eau de chaux en flocons , mais le précipité diffère de l’oxalate de chaux en ce qu’il est soluble dans un excès de son acide, tandis que le dernier ne l’est pas. /Carbone . . . 2/,,o5o\ Il est formé de Oxigène. . . 69,321 l G. Lussac et Thénard. (Hydrogène. 6,629 / 14. Acide Citrique. Il cristallise en prismes rhomboïdaux , dont les pans sont inclinés entre eux d’environ 60 et 120°, terminés par des sommets à quatre faces trapézoïdales , qui in- terceptent les angles solides. Quand on le distille, on obtient de l’eau, du gaz acide carbonique et hydrogène carburé, de l’huile, de l’acide acétique, et, dit-on, une portion d’acide non décomposé , enfin du charbon. II ne s’unit à la potasse que dans une proportion } en cela il diffère des acides tartarique et oxa- lique. Il ne précipite pas l’eau de chaux , mais si l’on fait bouillir De la composition chimique des végétaux. /\6?> celle qu’on a neutralisée par cet acide , la combinaison se dé- posera. L’acide citrique ne précipite pas les nitrates d’argent et de mercure. (Carbone. . . 33,8 1 1 \ Oxigène . . . 59,85y y G. Lüssac et Thénard. Hydrogène. 6,33o ) i5. Acide Qui/iique. Cet acide a été découvert par M. Yau- quelin , dans un sel calcaire retiré de l’extrait de Quinquina , par M. Deschamps; il cristallise en lames divergentes; il a une saveur très-acide ; il n’éprouve pas d’altération par son exposition à l’air; il se décompose par la chaleur; il forme des sels solubles avec les terres et les alcalis ; il ne précipite pas les nitrates d’argent , de mercure et de plomb. 16. Acide Moro.valique ou Morolinique. Cet acide, qui a été découvert par M. Rlaprotli , dans une concrétion saline, re- cueilli sur l’écorce du Mûrier blanc cristallise en petits prismes. Quand on le distille , il donne une eau acide et un sublimé blanc d’acide non altéré ; il est très-soluble dans l’eau et l’alcool ; il ne précipite pas les dissolutions métalliques : il est peu connu. 17. Acide Honigstique ou Meilitique. Il a été découvert par M. Klaproth, dans la pierre de miel ; il cristallise en prismes , qui se réunissent en globules rayonnées ; il a une saveur douce , acide et amère ; il est décomposé par la chaleur; il est peu soluble dans l’eau ; il forme deux combinaisons avec la potasse; il précipite les eaux de chaux, de strontiane, et de baryte , et même le sulfate de chaux : on pourrait le confondre avec l’acide oxalique , mais il en diffère en ce que l’honigstate de chaux est soluble dans un excès d’acide , et en ce que le sur-honigstate de potasse précipite le sulfate d’alumine, tandis que le sur-oxalate de potasse ne le trouble pas. Cet acide n’a point encore été trouvé dans les végétaux vivants. 18. Acide Gallique. Il cristallise en petites aiguilles blanches; il a une saveur acide marquée sans être forte ; quand on le distille, il y en a une portion qui se sublime , et une autre qui /J64 SUPPLÉMENT. se décompose ; il se distingue de tous les acides végétaux , par la propriété de colorer en bleu- foncé les dissolutions de peroxyde de fer. ig. Acide Succinique. Il cristallise en prismes aplatis, qui paraissent rhomboïdaux ; il se décompose en partie par la distillation; il est peu soluble dans l’eau; le succinate de potasse est déliquescent , celui de chaux est peu soluble; l’acide succinique précipite les sels de peroxide de fer, et ne pi’écipite pas ceux de proloxide de manganèse. Cet acide n’a été trouvé que dans le succin , qui est une substance d’origine végétale. 20. Acide Benzoïque. Il cristallise en aiguilles brillantes par la voie humide ou par la sublimation ; il s’enflamme à la manière des résines ; il est beaucoup plus soluble dans l’alcool que dans l’eau ; il forme des benzoates très-solubles avec la potasse, la chaux, et l’ammoniaque; le benzoate de potasse précipite les sels de peroxide de fer. M. Braconnot a trouvé plusieurs autres acides dans les Champignons ; nous renvoyons le lecteur aux mémoires de ce chimiste. 21. Les acides végétaux, très-répandus dans les plantes, s’y trouvent rarement à l’état libre , presque toujours ils forment des sels avec la potasse, la soude, la chaux, et les autres bases saliliables que nous avons désignées plus haut (r). Lorsqu’on fait brûler des plantes, ces combinaisons se dé- composent et donnent naissance aux carbonates , et aux bases libres qui constituent la plus grande partie des cendres : les sels ne sont pas contenus également dans toutes les parties des plantes. On a observé que celles qui sont succulentes donnent plus de cendres que les parties sèches, et que cette cendre contient plus de sels alcalins que la cendre de ces dernières. 22. Genre des Gommes. Ce genre renferme des substances incristallisables , insolubles dans l’alcool , qui forment un (i) Annales de Chimie. De la composition chimique des 'végétaux . /[GZ mucilage plus ou moins épais avec l’eau, qui donnent de l'acide sacholactique quand elles sont traitées par l’acide ni- trique, et qui ne sont pas susceptible d’éprouver la fermen- tation alcoolique. Ire Espace. Gomme Arabique. Assez soluble dans l’eau, {Carbone. . . 4'2,23\ Oxigène . . . 5o,8/j j G. Lussac et Thénard. Hydrogène . G,g3 ) IIe Espèce. Gomme Adragante. Elle forme un mucilage extrêmement épais avec l’eau, elle ne se dissout pas, ou que très-peu dans ce liquide , elle donne plus de charbon à la dis- tillation, et plus d’acide sacholactique que la précédente. II serait très-possible que les gommes , telles que nous les connaissons, ne fussent pas des principes purs , car elles n’ont pas de propriétés spécifiques bien tranchantes , et si elles n’avaient pas pour caractères génériques de se transformer en acide sacholactique , leur existence , comme principes immédiats particuliers, serait très-douteuse. 23. Genre des Sucres. Substances douées d’une saveur douce ; solubles dans l’alcool d’une pesanteur de o,83 ; solubles dans l’eâu, ne donnant pas d’acide sacholactique par l’acide nitrique ; susceptibles d’éprouver la fermentation alcoolique. Ire Espèce. Sucre de Canne. Il cristallise en prismes quadri- latères ou hexaèdres, terminés par des sommets dièdres et quelquefois trièdres ; il n’est que très-peu soluble dans l’alcool absolu ; il forme avec l’eau un sirop épais qui se conserve long-temps. /"Carbone 4 2 , 4 7 \ Il est formé de Oxigène 5o,G3 ' G. Lussac et Thénard. t Hydrogène . . . 6,90) Il se trouve dans la Betterave , la sève d’érable, et la Châ- taigne. He Espèce. Sucre de Raisin. Il ne cristallise qu’en petites 3o SUPPLÉMENT. 466 aiguilles ; il est bien moins soluble dans l’eau froide que le précédent , et sa dissolution moisit assez promptement -, il diffère encore du sucre de canne par une saveur fraîche. Cette espèce a été caractérisée par M. Proust. IIIe Espèce. Sucre des Champignons. Il cristallise en prismes quadrilatères à base carrée , quand on laisse évaporer spon- tanément sa dissolution aqueuse ; il a été découvert par M. Braconnot. IVe Espèce. Sucre" liquide. Il ne se cristallise pas , il est toujours coloré en jaune. 24. Espèce. Substance cristallisable de la Manne. Elle a une saveur fraîche et sucrée , qui n’est pas nauséabonde; elle cris- tallise en petits prismes ; elle ne donne pas d’acide sacliolac- tique quand on la traite par l’aQide nitrique ; elle ne peut éprouver la fermentation alcoolique. Cette espèce ne peut donc être confondue avec celles du genre précédent. 7.5. Espèce. Amidon. Il est en petits cristaux brillants insipides, il est insoluble dans l’alcool et l’eau froide; il se dissout dans l’eau bouillante, et si la solution est concentrée, elle se prend en gelée par le refroidissement. Il ne donne pas d’acide sacholactique par l’acide nitrique. 76. Espèce. Inuline. Cette substance qui a été découverte par Rose , dans la racine d ’lnula heleniurn , a quelques rap- ports avec l’amidon , mais elle s’en distingue en ce que sa so- lution dans l’eau bouillante , au lieu de se prendre en gelée par le refroidissement , dépose l’inuline , sous la forme d’une poudre blanche. 27. Espèce. Ligneux. Il n’est pas cristallisable; il est formé de fibres ; il est insoluble dans l’eau froide et bouillante ; il Hydrogène . . . 6,77 De la composition chimique des végétaux. 4^7 forme une gelce avec l’acide nitrique , qui finit par se convertir en acide oxalique. 28. Espèce. Subérine. J’ai donné ce nom à la substance qui constitue le tissu du liège , et celui de l’épiderme de plusieurs végétaux ; cette espèce est caractérisée par la propriété de donner l’acide subérique, quand on la décompose au moyen de l’acide nitrique. 29. Espèce. Moelle de Sureau. Elle me paraît devoir con- stituer une espèce de principe immédiat, qui ressemble à la subérine par sa structure , mais qui en diffère en ce qu’elle ne donne pas d’acide subérique par l’acide nitrique ; elle se dis- tingue du ligneux en ce qu’elle laisse près de o,25 de charbon quand on la distille, taudis que le ligneux n’en donne que de 0,17 à 0,18. 30. Espèce. Picrotoxyne. Il est extrêmement amer et véné- neux ; il se comporte au feu à la manière d’une résine ; il ne donne pas de produit ammoniacal ; il est. soluble dans 3 parties d’alcool, dans 25 parties d’eau bouillante, dans 5o parties d’eau froide ; il se dissout dans l’acide acétique ; il est insoluble dans les huiles. Cette substance a été trouvée par M. Boulet, dans la coque du levant. 31. M. Vauquelin a découvert dans le Daphné Alpina , une substance cristallisable , et très-amère, qui parait avoir de l’analogie avec la précédente. 32. Les matières grasses et inflammables se composent d’un grand nombre de genres, savoir : les huiles , qui comprennent des corps insolubles dans l’eau , fluides à la température ordi- naire , et non - susceptibles de se volatiliser sans décompo- sition ; les cires et les suifs , qui ne diffèrent guère des précé- dentes qu’en ce qu’ils sont solides à la température ordinaire; les huiles volatiles , qui ressemblent aux huiles, mais qui SUPPLÉMENT. /,68 s’en distinguent par une odeur plus ou moins forte ,une légère solubilité dans l’eau , et enfin par la propriété de se volatiliser sans décomposition ; les résines , qui renferment des corps secs plus ou moins fragiles assez solubles dans l’alcool et plus ou moins altérables par l’action de la chaleur : à ces genres, il faut ajouter le camphre , qui a de grands rapports avec les huiles volatiles, mais qui s’en distingue en ce que l’acide nitrique le convertit en un acide particulier. A ce genre, on peut ajouter le principe colorant vert des feuilles et le Caoutchouc, qui pour- rait bien être formé d’une substance solide particulière, et d’une substance huileuse liquide. 33. Les genres précédents (3î) ne me paraissent pas établis sur des caractères précis ; ce qui en est une des principales causes, c’est l’ignorance dans laquelle nous sommes sur la composition des espèces qu’ils comprennent. Les huiles me semblent pour la plupart formées de plusieurs corps gras, outre les principes odorants et colorants qu’elles contiennent presque toutes. D’un autre côté , elles ne sont pas suffisamment distinguées des cires et des suifs , et même des résines. Ces dernières renferment beaucoup de combinaisons qu’on a re- gardées comme des corps purs; j’en ai analysé plusieurs qui. m’ont donné un acide, un principe colorant, une huile vo- latile , et un principe! résineux (i), qui imprime ses caractères à la combinaison dans laquelle il entre. Il est très-vraisem- blable qu’il n’y a qu’un petit nombre de principes résineux purs. Ii serait peut-être plus naturel de distribuer les corps gras en séries, plutôt qu’en genres, parce qu’ils présentent une liaison de propriétés , qui est plus marquée que celle qu’on rencontre dans les autres genres de principes immédiats. 34. Espèce. Jsparagine. Cristallise en prismes rhomboïdaux, dont le grand angle de la base est de i3o° , les bords de cette base et les deux angles situés à l’extrémité de sa grande diago- (1) Je crois que la substance blanche, cristallisant par la sublimation en belles aiguilles que j'ai extraite de l’épiderme de Bouleau, est nu principe résiueux pur. . De la composition chimique des végétaux. 4^f) nale, sont tronqués; saveur fraîche, légèrement nauséabonde ; peu soluble dans l’eau froide, très-soluble dans l’eau bouil- lante; insoluble dans l’alcool. Quand on la chauffe, elle donne un premier produit acide, et un second ammoniacal. (Vàu- qijelin et Robiqukt. ) 35. Espèce. Substance cristallisée de l'Opium. Cristallise en prismes droits, à bases rhomboïdales ; elle est insipide et ino- dore. Elle exige ^oo parties d’eau bouillante pour se dissoudre. 2 4 parties d’alcool bouillant en dissolvent i de substance. Elle est soluble dans tous les acides; les alcalis la précipitent de ces dissolutions. Elle est peu soluble dans l’eau de potasse; elle brûle à la manière des résines, et donne à la distillation beaucoup) de carbonate d’ammoniaque. (Derosne.) 36. Espèce. Hématine. Cristallise en petites écailles d’un blanc-rosé, qui ont l’aspect métallique. Elle est peu soluble dans l’eau: la dissolution orangée devient p*ourp>re par l’action de la chaleur ; les acides la font passer au jaune et au rougp, quand ils sont énergiques et en exees. Les alcalis et presque tous les oxides qui saturent les acides , la font passer au bleu ; l’hydrogène sulfuré la décolore en s’y combinant. Quand on la distille, elle donne de l’acétate d’ammoniaque, et o,55 de charbon. (Chevreul.) 37. Espèce. Indigo bleu cuivré. Ayant l’asptect métallique quand il est cristallisé; volatil en fumée pourpre; colorant l’acide sulfurique en bleu ; décoloré par beaucoup de combus- tibles, redevenant bleu ])ar le contact du gaz oxigène ; don- nant beaucoup) de matière résineuse, et deux substances amères et détonantes quand on le traite par l’acide nitrique. Il contient beaucoup) d’azote. (Chevreul.) 38. Espèce. Clutineu.r. lncristallisable ; formant avec l’eau une matière élastique, insoluble , ou extrêmement p)eu soluble dans l’eau; insoluble dans l’alcool; donnant beaucoup de carbonate d’ammoniaque à la distillation ; se décomposant spontanément en exhalant l’odeur fétide des matières animales SUPPLEMENT. 4"° 39. M. Braconnot , regarde le tissu des Champignons comme une espèce de principe immédiat , qu’il nomme Fungine. La fungine est blanche, molasse, fade, peu élastique, elle peut servir d’aliment; l’acide nitrique en dégage du gaz azote, et la convertit en une matière analogue au suif , et en une autre analogue à la cire, en matière résinoïde , en amer de Vellher , et en acide oxalique; la fungine se combine à la substance astringente de la noix de galle. 40. Nous n’avons point regardé le tannin comme une espèce ou un genre de principe immédiat , parce que la plupart des corps auxquels on a donné ce nom , sont des composés d’acide gallique, de principes colorants, etc., et que la propriété de précipiter la gélatine , par laquelle on les a caractérisés , appartient à des corps trop différents pour qu’elle puisse ser- vir à distinguer un genre. Il en est de même du principe ex- tractif ; on a presque toujours donné ce nom à des combi- naisons d’acide, de principe colorant, et de matière rzotisée. Les gommes résines et les baumes sont également des mé- langes ou des combinaisons indéfinies de trois ou quatre prin- cipes immédiats. ■%. W* -%/%*/ v f I - mmm fpp ■riMÉfc