/■ . / » > V Digitized by the Internet Archive in 2015 https://archive.org/details/b21724817_0002 ÉLÉMENS D’HISTOIRE NATURELLE E T DE CHIMIE ; / # / •' / / * i \ * C~téL ÉLÉMENS D’HISTOIRE NATURELLE JL* JUl, e ’P' DE CHIMIE. QUATRIÈME ÉDITION; F j. r M. Fou a c r o y , Médecin , de F Académie des Sciences , de la Société de Médecine de Paris , F rofesseur de Chimie au Jardin des Flan les , etc . TOME SECOND. A PARIS, Chez Cuchet , Libraire , rue 8c hôtel Serpente. M. DCC. XCI. n • r \ ■V* \ \ \ i x %V % x ’ 2 > > * v« ** > > ÎK* v^-t^ % v-xS { i « J» Wmê fl 'b ■; »*> • B uj Il Élémens poraffe. Ce fel a une faveur fraîche ; il eft parfai- tement neutre, il n’altère point la couleur du fi- ropde violettes. Sescryflaux font des prifmes à fix pans,, terminés par des fommets dièdres ou en bifeau, & fouvent creufés par un canal dans toute leur longueur. Ilexifteen très-grande quantité dans la nature il fe forme journellement dans les lieux habités par les animaux. On le trouve allez abondara- méat fur les murs abrités de la pluie ; on l’appelle alors falpêtre ou nitre de houflage. Il paroît qu’il y a trois circonfïances princi- pales qui favorifent fa formation. La première , c’efl la préfence de la craie ou d’un fel calcaire quelconque ; c’efl ainfi que fe forme le nitre de houffage que l’on ramaffe fur les murs recou- verts de plâtre ; c’eft ainfi que les démolitions des vieux édifices contiennent de grandes quantités de nitre. Ce fel fe trouve encore tout pur dans des craies; M. le duc delà Rochefoucault en a retiré jufqu’à une once par livre d’une craie de la Roche-Guyon. La fécondé circondance dans laquelle ce fel fe produit, c’efl la putréfaéUon ou la décompo- sition fpontanée des matières végétales & ani- males. C’efl un fait très-connu que les lieux arro- gés de liqueurs animales, ou qui contiennent des matières animales en putréfa&ion , tels que les d’Hist. Nat. et de Chimie. ,\2$ fumiers , les étables , les latrines , prdduifeùt beaucoup de nitrate de potafie. On a profité de cette obfervation confiante pour former des nitrières artificielles;, on conftruit des foffes ou des hangards couverts, mais expofés à l’air par les côtés; on les remplit de fubfiances putrelci» blés comme du fumier, des- excrémens de qua- drupèdes, des fientes; de volailles, des débris, de végétaux ; on arrofe ces matières de temps en temps ,& fur-tout avec.des eaux chargées de fubf-. tances animales ou végéralesfufceptibles de fe pourrir, & on les agite pour renouveller toutes les furfaces. Lorfque la putréfaéUon efi avancés, on prend une petite portion de ces matières & on la lefiive pour s’afîurer de ce qu’elle contient de nitre : fi on la trouve afiez chargée on lefiive toute la matière. La troifième circonftance qui paroît favorifer la production du nitre c’eft le contact de l’aire Telle efi la raifon de la formation du falpêtre de houflage; c’efi aufii celle pour laquelle on agite les mélanges des nitrières artificielles , pour que l’air les touche dans tous leurs points. Enfin les craies qui contiennent naturellement du nitre,; n’en fourniffent qu’à une certaine profondeur , §£ point du tout au-delà de cet efpace Si ces trois circonfiances font réunies, la production du nitso fera très-abondante.;, tels font les principes fui; B iv Ï4 Ê L É M E N S lefquelsil faut conftruite des nitrières artificielles. On ne connoit que depuis peu de temps la théorie de la formation du nitre. Glauber & plu- sieurs autres chimiftes qui l’ont fuivi , penfoient que ce fel étoit tout formé dans les végétaux > qu’il paffoit delà dans les animaux, & que la putréfaction ne faifoit que le dégager de fes entraves; mais on a bientôt reconnu que les végétaux n’en contenoient point une affez grande quantité pour fuffire à celle que l’on retire dans les nitrières artificielles. M. Thouvenel qui a remporté le prix de l’académie fur la formation du nitre, a fait beaucoup d’expériences pour en déterminer la caufe ,& il a reconnu que l’acide nitrique étoit produit par la combinaifon d’un fluide élaftique dégagé des matières animales en putréfaétion,avec l’air vital. 11 a également établi que cet acide une fois formé , fe combine avec la terre calcaire lorfque l’on n’emploie que des matières animales pour les nitrières , & que les débris des végétaux font utiles pour fournir l’al- cali fixe ou la potafle, qui eft la bafe du nitre ordinaire. Mais M. Thouvenel n’avoit point dé- terminé la nature du gaz qui fe dégage des matiè- res animales en putréfaction, & c’eft M. Caven- difch qui a démontré que ce gaz eft le même que celui qui constitue un des principes de l’at- iîicfphèies fous le nom d’air phlogiftiqué , de d’Hist. Nat. et de Chimie; 25 mofette atmofphérique , ou de gaz azote; il a fait de véritable acide nitrique par la combinai- î on de ce gaz avec l’air vital au moyen de l’étin- celle éleârique. Le nitrate de potafte eft très-altérable par la chaleur : fi on l’expofe à l’aéfcion du feu dans un creufet , il fe liquéfie allez vite , & cette liqué- fa&ion eft une fufion ignée ; car quoiqu’on le tienne quelque temps dans cet état , il ne fe defsèche pas , & peut rougir fans prendre la forme sèche. Si on le laide refroidir après l’avoir fait fondre, il fe fige en une malle opaque que l’on nomme crifïal minerai , & qui eft aulîi pe- fant, aulîi fufible & aulîi diftbiuble que le nitrate de potafte. Le criftal minéral des pharmacies dif- fère du nitre pur fondu, en ce qu’il contient un peu de fulfate de potafte produit par la combuf- tion du foufre qu’on ajoute , à la dofe d’un gros par livre de nitre , fuivant la pharmacopée de Paris. Si on laifte le nitrate de potafte expofé à. l’aélion du feu après fa fufion , il fe décompofe & il s’alcalife de lui-même. Cette opération faite dans une cornue réuftit de même , & ins- truit en même -temps fur la décompofition de l’acide nitrique. En effet au lieu d’obtenir cet acide pur, il paffe une grande quantité d'un fluide açriforme qu’on peut recueillir au-deffirs '3.6 Ê L É M É N S de l’eau , & qui eff de véritable air vital mêlé de gaz azote. L’alcali réffdu fait ordinaire- ment fondre très-vite la cornue , & on ne peut pourfuivre l’opération jufqu’à la fin qu’avec une cornue de grès très-réfraéiaire. Voilà donc l’acide nitrique entièrement décompofé en air vital & en gaz azote , par le moyen de la cha- leur & la lumière qui féparent fes deux prin- cipes. Si l’on ne pouffe point le feu jufqu’à d6- compofer entièrement le nitrate de potaffe, l’al- cali reffe chargé d’une certaine quantité d’acide nitreux, ou nitrique avec excès de gaz nitreux; on en dégage cet acide avec le vinaigre ; ce fel dans cet état eft ce que nous appelions nitrite ck potajfe , en raifon de l’état de l’acide nitreux qu’il contient; comme on nomme fulfite de potaffe, la combinaifon de l’acide fui fur eux avec cet al- cali; fi l’on chauffe plus fortement le nitrate de potaffe , l’alcali reffe pur & cauftique. On con- çoit d’après la facilité avec laquelle la chaleur décompofé le nitrate de potaffe, que pour faire du criffal minéral par la fimple fuffon il ne faut pas tenir ce fel trop long-temps au feu ; fans cette précaution ce médicament contiendroit un ex- cès de potaffe dont l’effet feroit beaucoup trop violent. Le nitrate de potaffe fe décompofé avec d’au- tr es phénomènes, lorfqu’onl’expofe à l’aclion-du d’Hist. Nat. et de Chimie; i 7 feu avec des corps combufîibles; appliqué fur un charbon, il produit une flamme blanche, vive* accompagnée d’une efpèce de décrépitation ; c’eft ce qu’on appelle détonation ou fufion du nitre, on dit alors que ce fel détonne ou fufe, & c’efl à ce caraéfère qu’on le reconnoît faci- lement. Sthal croyoit que ce phénomène étoit dû à la combinaifon rapide de l’acide du nitre avec le phlogiflique ; & M. Baume , d’après cette ih éorie penfoit qu’il fe formoit dans cette expé- rience un foufre nitreux qui s’enflammoit fur le champ. J’ai lu en 1780 à l’académie un mémoire dans lequel j’ai démontré que le nitrate de potaffe n’eft pas combuflible par lui-même 6c ne forme pas de foufre nitreux dans fa dé- tonation , mais que ce phénomène n’eff dû qu’à ce que la matière combuflible , qu’il efl néceffaire d’ajouter à ce fel pour le faire détoner , brûle plus ou moins rapidement à l’aide de l’air vital qui fe dégage en grande quantité du nitrate de potaffe fortement chauffé. Cette théorie eft complètement prouvée, i°. parce que ce fel ne fufe jamais feul ; z°. parce qu’après fa dé- tonation à l’aide d’une matière inflammable , cette dernière efl entièrement brûlée; 30. parce que plus la quantité de nitrate de potaflè efl grande , relativement à celle du corps com- buflible, plus la combuflion de ce corps efl 28 Élémens complète; 40. enfin parce que la de'tonation a lieu a u fii bien dans les vaiffeaux clos qu’à l’a-r fibre , ce qui ne peut fe taire qu’à l’aide de l’air viral fourni p r ce tel. Cette affertion e]j entièrement démontrée par ce qui fe paffe odns l’opération des clyjfus de nitre, qui ne font que des détonations de ce fel avec differentes ma: ères combufi: blés dans des vaiffeaux fermés* Norav ne c erons ici que celle qui fe fait avec le chai b >n. On adapte deux ou trois ballons enfilés à une cornue de terre ou de fer, à laquelle on a pratiqué dans la partie fupérieure une cuverrure que l’on peut boucher avec un couverte. Or, fait chauffer ce vaiffeau & lorf- que fon fond ett rouge, on projette peu à-peu le mélange du nitrate de pc-taffe & de charbon par la tubulure que l’on ferme promptement. Pendant ’a détonation les ballons font remplis de vapeurs dont une partie fe condenfe en une liqueur fade nullement acide & fouvent alcaline» le réfidu n’eft que de la potaffe chargée d’acide cai bonique : l’acide nitrique eft donc entierément décdmpofë, il fe produit une grande quantié «le gaz que j’ai recueilli en adaptant à la partie fupérieure des ballons qui étoient tubulés dans cette rcg’on , ou une vefiie ou des tubes dont les ext remîtes étoient reçues fous des cloches pleines d’eau, Ce gaz étoit en grande partie d’Hist. Nat. et de Chimie. 29 de l’acide carbonique , mêlé d’un peu de gaz inflammable & de gaz azote, l’un des principes de l’acide nitrique. Le gaz inflammable provient de la décompofltion d’une partie de l’eau du nitre par le charbon. Le réfldu de la détonation du nitrate de po- tafle avec du charbon faite dans un- çreufet , porte le nom impropre de nitre fixé par les charbons , c’elfc de la potafle combinée avec l’acide carbonique. Le nitrate de potafle bien pur ne s’altère en aucune manière à l’air. Il eft très-difloluble puifque trois ou quatre parties d’eau froide en difîblvent une partie , l’eau bouillante en diffout le double de fon poids. Aufli criflallife-t-il très-bien par refroi- diflement; c’efl fur ces deux propriétés qu’efl: fondé l’art d’extraire le nitrate de potafle des plâtras où il efl: contenu. Les falpêtriers mettent les plâtras concsflbs dans des tonneaux dont le fond percé d’un trou dans fon milieu efl cou- vert de cendres. Ils y font palier de l’eau jufqu’à ce qu’elle en foit très-char gée , cbfer- vant de mettre de l’eau pure fur des plâtras déjà lavés pour les épu fer tout - à - fait , tk l’eau déjà falée fur des plâtras neufs pour la char- ger entièrement. Ils font enfuite évaporer leur lefliyç dans des chaudières de cuivre* Ils en $Q É L É M E N S retirent les premières pellicules qi^i ne font quô du muriate de fonde ou fel marin contenu dans les plâtras. Ils nomment ce fel grain , & ils font obligés par leurs règlemens de le rapporter aux rafîneries. Lorfque l’eau eft affez évaporée pour qu’elle fe fige par le refroidiffement , ils la met- tent dans des bafiinaux où le nitrate de potafte fe criftallife : ce fel eft très-impur & très-fale ; c’eft ce qu’on appelle le nitre de la première cuite. Quelques chimifles ont cru que les cen- dres employées par les falpêtriers ne fervoient qu’à dégraiffer le nitrate de potaffe, & cette opinion paroifToit fondée fur ce que ces ma- tières ne contiennent prefque point d’alcali > & fur-tout fur ce que les falpêtriers du Languedoc emploient les cendres du tamarifc , qui ne con- tiennent que du fulfate de fonde. Mais ce fel ainfi que le fulfate de potaffe eft tout aufii bon pour décompofer le nitrate calcaire qui fe trouve en grande quantité dans les plâtras, par la voie des attra&ions éle&ives doubles , ainfi que M. Lavoifier l’a obfervé pour les cendres lefîivées employées par les falpêtriers de Paris : nous reviendrons fur ce fait avec plus de détail à l’article du nitrate calcaire. Le nitrate de potaffe de la première cuite eft toujours fort impur ; il contient outre le nitre pur cinq autres fortes de fels; favoir du muriate d’Hist, Nat. et de Chimie. 31 de foude, du nitrate de magnéfie, du nitrate calcaire , du muriate de magnéfie & du muriate calcaire , qu’il s’agit de féparer pour avoir le nitrate de potaffe dans fon état de pureté. On parvient à le purifier en le faifant rediffoudre dans le moins d’eau pofiible , en clarifiant cette liqueur bouillante à l’aide du fang de boeuf dont le coagulum albumineux formé par la chaleur entraîne toutes les impuretés en s’élevant du fond de la liqueur à fa furface; on fait enfuite évaporer cette fécondé leflive , & on en obtient par le refroidiffement un nitrate de potaffe, qui eff beaucoup plus pur & qu’on nomme nitre de la fécondé cuite. Il eff encore altéré par, une certaine quantité de muriate de foude 3s d’eau mère. On le purifie une troifième fois par le même procédé , & il devient beaucoup plus blanc & plus pur ; c’eft le nitre de la troifième cuite. Comme on le fait criftallifer très-promp- tement, il eft en groffes maffes affez confufes? il fe forme cependant dans le milieu des bafli- naux une couche de criftaux allongés & .réguliers qu’on appelle nitre en baguette. Ce dernier eft rejette dans les arfenaux, parce qu’il e fl moins propre à former de bonne poudre à canon , que le nitre en groffes maffes informes , à caufe de l’eau qu’il retient dans fa criftallifation, & qui nuit à la çombuftion de la poudre. 3* É L É M E N S Les chimiffes & les pharmaciens purifient encore le nitre de la troifième cuite par de nouvelles diffolutions & criftallifations: de cette manière ils font certains d’avoir un nitrate de potaffe très-pur, & qui ne contient plus aucune matière étrangère , fur-tout les muriates à bafe de foude , de chaux & de magnéfie , dont on ne peut prefque jamais enlever les dernières por- tions dans les raffineries en grand (i). Le nitrate de potaffe paroît éprouver quelques altérations de la part de la terre filicée , puifqu’on en retire l’acide en le difiillant avec du fable. Cet acide paffe fans couleur, il répand quelques vapeurs; le réfidu eft plus ou moins vitreux, (i) Rien n’eft fi fingulier aux yeux des naturalises 8c des chimiftes , que la production de fix fortes de fels dans les plâtras, & lur-tout l’union confiante de chaque bafe alcaline à un acide particulier. La potaffe fe trouve toujours unie à l’acide nitrique, &la foude eft toujours combinée avec l’acide muriatique. Il femble qu’il y ait un rapport particulier entre ces différentes efpèces de fels primitifs, & qu’ils fechoififfent mutuellement; car pourquoi ne trouve- t-on pas de inuriate de potaffe ou du nitrate de foude ? On pourroit obferver la même chofe pour les fels terreux : en effet, il y a bien plus de muriate de magnéfie 8i de nitrate calcaire , que de nitrate de magnéfie ou de muriate cal- caire ; cela indique que la magnéfie a une affinité parti- culière avec l’acide muriatique , & que la chaux en a de^ même une avec l’acide nitrique. fuivant d’Hist. Nat. et de Chimie. 33 fuîvant la quantité de fable employé, & fuivant le degré de chaleur qu’on a / donné. 11 parent que le fable décompofe le nitrate de potaffe par la tendance qu’il a pour fe combiner avec fa bafe alcaline , puifqu’en diflillant le nitre fans inter- mède , on n’obtient point d’acide nitrique* mais de l’air vital mêlé de gaze azote. Je crois que cela vient de ce que dans la diflillation du nitrate de potaffe fans intermède , l’alcali réagit fur l’acide & contribue à fa décomposition ; tandis que lorfqu’on chauffe ce fel mêlé avec du fable , ce dernier tendant à s’unir à la potaffe pour former du verre, l’empêche de réagir fur l’acide qui paffe alors fans altération. Les .terres argileufes décompofent aufli le nitre. On fe fert communément d’une argile plus ou moins colorée. C’efl une pareille terre que les difhlla- teurs d’eau-forte da Paris emploient. Ils in- troduifent deux livres de nitre de la fécondé cuite avec fix livres d’argiie colorée de Gen- tilly dans des cornues de terre d’une forme particulière qu’on nomme des cuincs , &c qui font placées les unes à côté des autres fur des fournaux allongés , connus fous le nom de galères ; leur col eft reçu dans une bouteille de même forme qui s’ert de récipient. Ils retirent* par ce moyen , d’abord une liqueur tranfparente peu acide , qu’ils nomment flegme de l’eau,- Tome II t C 34 Ê L É M E ÎSf $ forte, enfuite de l’acide de plus en plus con- centré. Le rélidu eft une fubflance terreufé rouge & très-dure, qui fert à faire une efpèce de mortier. Cette expérience n’eft rien moins que propre à prouver que l'argile décômpofe îe nitre de potaffie. i°. Les diftillateurs n’em- ploient qu’un nitre fort impur , & qui contient beaucoup de nitre terreux. i°. Ils fe fervent d’une argile très-compofée & fouvent remplie d’une grande quantité de pyrites donc l’acide fulfurique peut décompofer le nitre. Pour compter fur cette décompofition , il faut la faire avec de, l’argile blanche , & mieux encore avec la bafe de l’alun ou l’alumine. Cette terre n’ayant pas autant de tendance pour s’unir à l’alcali que le fable , & ne formant pas de verre avec ce fel » ne paroît pas pouvoir dé- ccmpofer aufîicomplètement lenîtrate-de potaffie que le fable. Cependant M. Baume dit avoir obtenu l’acide du nitrate de potaffie par la porce- laine l’argile cuite en grès , qui ne contiennent point d’acide fulfurique, quoiqu’il ait cru que c’étoità cet acide, contenu dans les argiles, qu’étoit due la décompofition de ce fel* La baryte décompofe le nitrate de poraffie & en fépare l’alcali. Bergman dans fa table d’affi- nités ^ place cette fubftance falino - terreufe avant les alcalis immédiatement après l’acide nitrique. b’Hist. Nat. et de Chimie: La magnéfie , la chaux & les alcalis n’ont aucune a£Hon fur le nitre* Les acides en ont une très-marquée fur ce fel, fur- tout l'acide fulfurique qui a réellement plus d’affinité avec les alcalis que n’en a l’acide nitrique* Si on verfe de l’acide fulfurique con- centré fur du nitrate de potaffe bien fec * il fe produit une effervefcence corlîdérable , & l’on voit s’élever des vapeurs rouges qui ne font que de l’acide nitreux. En faifant cette opération dans une cornue à laquelle eft ajufté un récipient , on recueille cet acide connu fous le nom d’efprit de nitre : cette opération eft appellée dans les laboratoires diffillation de lefprit de nitre à la manière de Glauber, parce que c’eft ce ehimifte qui le premier l’a décrite affez clairement. Dans ce procédé on étoit obligé de laiffer au ballon un petit trou ouvert pour donner ifîïie aux vapeurs d’acide nitreux; on avoit remarqué que ces vapeurs ctoient très-difficiles à condenfer , & qu’elles cccafionnoient deux accidens : le premier étoit la perte d’une quantité notable du plus fort efprit de nitre qui fe diffipoit par la tubulure du vaiffeau ; le fécond confiftoit dans le danger que couroit l’artifte expofé à ces vapeurs très-âeres & très-corrolives; c’étoit donc un procédé très-défe&ueux. M. Woulfe Lavant chimide anglois a trouvé le moyen de Cij y $6 É L E M E N S remédier à ces inconvéniens : au lieu d’em- ployer un récipient percé d’un petit trou , il fe fert d’un ballon à deux pointes ; il place dans l’extrémité de ce vaifleau oppofée à la cornue un tube dont un bout qui fait angle droit avec l’autre, plonge dans une bouteille ; cette bouteille a deux tubulures ‘fur fes côtés j chacune cle ces tubulures reçoit un fyphon qui pade dans une autre bouteille , placée de chaque côté cle la première. Les deux bouteilles collatérales font jointes par le moyen d’un fyphon avec deux vaideaux pareils donc les tubulures latérales redent Ouvertes. La première bouteille rede ordinairement vicie , les bouteilles collaté* raies contiennent une certaine quantité d’eau dans laquelle plonge l’extrémité inférieure & la plus longue du tube qui communique de l’une à l’autre; la partie fupérieure de ces bouteilles rede vide, & lorfque la vapeur d’acide pade 'au-deiTus de l’eau des premières, elle ed portée par les autres tubes jufque dans l’eau des bou- teilles fuivantes. Par cet appareil ingénieux il ne fe perd rien du tout, & i’artide n’efl nulle- ment incommodé. L’acide nitreux en vapeur palTe dans le ballon & va dans les premières bouteilles où il ed abforbé par l’eau. Celui qui ne peut pas l’être pade dans les fécondés bouteilles collatérales , s’y unit à l’eau ) d’Hist. Nat. et de Chimie. 37 qu’elles contiennent. U fe dégage par la tubu'ure ouverte des dernières bouteilles une q .anîite plus ou moins grande d’air vital qu’on peut recueillir dans des cloches. Cet appareil tel qu’il vient d’être décrit a un avantage dont il doit être fait mention ; à la fin de l’opération , lorfqu’on laide refroidir la cornue , il fe fait un vide dans les vaiffeaux , &c l'air extérieur pref- fant fur l’eau des dernières boufei’les ouvertes , la force de remonter par les fyphons dans les1 premières bouteilles collatérales, & de celles-ci dans la bouteille moyenne &C la plus voifine du ballon. Si la première bouteille n’étoit pas vide & n’avoit pas allez de volume pour con- tenir toute l’eau des buvantes , les liqueurs acides pafferoient dans le ballon ; & comme l’acide nitreux le plus fort eft contenu dans ce vaiffeau , il fe trouveroit mêlé avec toutes les liqueurs des bouteilles , &: il n’auroit pas le degré de force qu’on y recherche ; cet incon- vénient feroit encore plus préjudiciable pour d’autres dibillations dont nous parlerons par h fuite, parce qu’au lieu de diminuer limple- ment la force du produit il en akéreroit la pureté. Pour faire cette opération dans un labora- toire, on met quatre livres de nitrate de poîafie pur 6c fondu en crijlal minerai dans une cornus C iij |8 ÊLEMENS de grès tubulée placée dans un fourneau de réverbère : on peut aufli fe fervir de cornues de verre tubulées que l’on place fur un bain de fable. On verfe tout-à-la'-fois par la tubulure deux livres & demie d’acide fulfurique con- centré, êc on bouche la cornue. On l’adapte on la lutte promptement à l’appareil décrit ci- deffus qu’on a eu foin de monter la veille. On ïa chauffe par degrés jufqu’à ce qu’il ne paffe plus rien; on peut régler la conduite de l’opé- ration d’après le dégagement & le partage du gaz dans les bouteilles. S’il efl: trop rapide , la chaleur efl trop violente, & on doit la diminuer de peur que toute la maffe de la cornue ne fe gonfle trop & ne paffe dans le ballon; fi le jeu des bouteilles efl: trop lent , on augmente le feu pour éviter l’abforption ; ainfi cet appareil a encore l’avantage d’avertir l’artifle fur la marche de fon procédé. Le réfidu de cette dccom ;ofition efl: du fulfate A de potaffe, formé par fanion de l’acide fulfuri- que avec l’alcali bafe du nitre : ce fel réfidu efl connu en pharmacie fous le nom de fel de duobus , OU arçanum duphcatutn. Il efl ordinairement en une maffe blanche opaque à fdemi-vitrifiée remplie de cavités qui annoncent on bourfoutflement ; ce fel efl fort acide , en ç-aifon de la quantité d’acide fulfurique que iToj* d’Hist. Nat. et de Chimie. 39 emploie, & c’eft cet excès d’acide qui fait fon- dre le fel, comme nous l’avons vu dans l’hif- toire dufulfatede potaffe. L’acide nitreux qu’on obtient par ce procédé eft très-rouge & très- fumant , en raifon de la^ chaleur forte qu’on emploie dans cette diftillation , &C qui dégage une portion d’air vital. Comme il eft toujours mêlé d’une certaine quantité d’acide fulfurique > on le rectifie en le rediftillant fur un quart de fon poids de nitre. On doit encore obferver qu’il eft néceftaîre d’employer du nitrate de potaiTe bien pur pour avoir de l’acide nitreux fur les effets duquel on puiffe compter. Celui qu’on retire du nitre de la fécondé cuite con- tient de l’acide muriatique , & agit dans les. diffolutions à la manière de l*e.au régale . On peut purifier cet acide &lui enlever l’acide muriatique qu’il contient par une diftillation bien ménagée, comme l’ont démontré MM. de Laffonne && Cornette. ( Acad. 1781 , page 6 53 à <^5 6.) L’acide boracique concret décoir.pofe le nitre à l’aide de la chaleur, & en dégage un acide- nitrique affez concentré; il paroît que c’eft en raifon de fa fixité qu’il opère cette décompo- fition, comme le penfent- MM. les Académiciens de Dijon ; cependant il faut aufii l’attribuer ei* par-tie à l’aîtraclion qui efl entre l’acide bora^ tique & la potaffe bafe du nitre. Cil- 40 ÉLÈMENS Le nitrate de potafle efl d’un très-grand ufage dans les arts. Il efl le principal & le plus utile des ingrédiens de la poudre à canon, donc nous parlerons à l’article du foufre. Brûlé avec diffé- rentes dofes de tartre, il forme des matières fondantes nommées flux , qu’on emploie en docimafie , pour fondre & réduire les fubftances méîallicmes , &c, &c. j 7 On s’en fert fréquemment en médecine , comme d’un médicament calmant , rafraîchif- fant , diutitique , anti-feptique , &c. On l’admi- niflre dans une boifTon quelconque A la dofe de dix à douze grains, jufqu’à celle d’un demi- gros & plus. Les médecins en obtiennent tous les jours de très-bons effets. Sorte IV. Nitrate desoude. Le nitrate de foude que l’on a nommé nitre cubiq.UC , nitre. quadr angulaire , nitre rhomboidal , efl le fel neutre parfait , réfultant de la com- binaifon faturée de l’acide nitrique & de la foude. Ce fel efl: ordinairement en allez gros crjf- taux rhomboïdaux très-réguliers ; le nom de nitre rhomboïdal lui convenoit donc mieux que celui de nitre cubique. Sa faveur efl fraîche tk un peu plus amère que celle du nitrate de potafTe. d’Hist. Nat. et de Chimie. 41 Le feu le décompofe comme ce dernier ; mais il décrépite & fe fond moins facilement que lui. Au refte , il donne de l’air vital mêlé de gaz azote & s’alcalife comme le nitre de potaffe. Il eff un peu plus altérable à l’air que ce der- nier, & il en attire légèrement l’humidité. II fe diffout allez bien dans l’eau froide Sc même plus abondamment que le premier , puifque deux parties d’eau à la température ordi- naire de iô degrés, en diffolvent une partie ; l’eau bouillante n’en diffout prefque pas davantage; auffi pour l’avoir criffallifé régulièrement , on eft obligé d’évaporer lentement fa diffolution. En expofant une lefîlve bien claire de ce fel dans un endroit fec , on y trouve au bout de quelques mois des criftaux rhomboïdaux de ftx à huit lignes, & quelquefois de près d’un pouce d’éten- due. Ce procédé eft en général celui qui réuffit le mieux pour faire criftallifer les fels qui ne font pas plus folubles dans l’eau chaude que dans l’eau froide. Le nitrate de foade détonne fur les charbons ardens, & fait biûlertous les corps combuftibles avec lefquels on le chauffe un peu moins rapi- dement que le nitrate de potaffe. La terre ftlicée en dégage l’acide nitrique Si forme du verre avec fa bafe ; l’argile en fépare aufti l’acide , & le réfidu de cette décompofttion 4 i' E L é M F N s eft une efpece de fritte un peu bourfouflée ^ &C opaque lorfqu’on a donné un bon coup de feu. La baryte le décompofe & met à nud la foude. La magnéfie & la chaux ne l’altèrent pas fenfi- blement. La potaffe a plus d’affinité que fa bafe avec l’acide nitrique avec lequel elle forme du nitrate de poraffe ; on peut fe convaincre de cette décompofîtion par une expérience très-facile. Si Ton partage une diffolution bouilllante ÔC faturée de nitrate de foude en deux portions , & fi l’on jette dans une d’elles de la potaffe cauf- tique , celle-ci dépofera pendant fon réfroidif- fement des criflaux prifmatiques de nitrate de potaffe ; tandis que la portion dans laquelle on n’aura point rnis de potaffe ne criftallifeifa point, parce que les criftaux de nitrate de foude ne fe forment que par l’évaporation lente. L’acide fulfurique concentré verfé fur le nitrate de foude en dégage l’acide nitrique avec effer- vefcence. On peut diftilîer ce mélange , & obte- nir de l’acide nitrique , comme avec le nitrate dç potaffe. Les autres acides minéraux dont pas plus d’a&ion fur ce fel que fur le précédent. Les fels neutres déjà examinés , les fulfates de potaffe & de fonde, & le nitrate de potaffe «fanèrent en aucune manière le nitrate de foude j d’Hist. Nat. et de Chimie; 4* fi ces fe's font diffous dans la môme eau , fls crifiallife it fépajrémenc , 6c chacun dans leur ordre ordinaire ; le nitrate de potaffe & le fulfate de foude par réfroidiffement , le fulfate de po- taffe 6c le nitrate de foude par l’évaporation. Toutes ces propriétés démontrent que le nitrate de foude ne diffère du nitrate de potaffe que par fa forme, fa faveur.,, fa légère déliquef- cençe , fa folubilité plus grande , fa propriété de eriffallifer par l’évaporation , 6c fur-tout fa décompofition par la potaffe. On n’a point encore trouvé le nitrate de foude dans la nature j il eft toujours un produit de l’art qui le forme de cinq manières différentes ; i°. en unifiant directement l’acide nitrique avec la foude ; 20. en décompofant par çe même al- cali les nitrates terreux , le nitrate ammoniacal èc les nitrates métalliques ; 3p. en décompofant le muriate de foude par l’intermède de l’acide nitrique ; 40. en décompofant le fulfate de foude par l’efprit de nitre fumant ; 50. enfin , en dé^- compofaïtt les difiolutions métalliques nitriques qui en font fufceptibles par le muriate de foude : dans ce dernier cas , à me fuie que l’acide mu- riatique s’unit au métal qu’il fépare de l’acide nitrique , ce dernier fe combine avec la foude qui quitte fon premier acide. Toutes ces dé- çompofitiç>ns feront détaillées e» parçulier à A4 É LÉM ENS l'article de chacun des fels qui en font fufcep- tibles. Le nitrate de fonde pourroit fervir aux mêmes ufages que le nitrate de potaffe ; mais comme il ne produit pas tous les effets de ce dernier fel , fans doute à caufe de la plus grande affinité qu’il a avec l’eau , on ne l’emploie pas dans les arts ; d’ailleurs comme on ne le trouve point dans la nature , & comme il n’eft qu’un pro- duit de l’art , on n’a pas effayé d’en faire un ufage particulier ; on n’a même pas encore fait fur ce fel tcfutes les recherches nécef&ir es poar en bien connoître les propriétés. Sorte V. Murïate de potasse. Le mini a te de potaffe , appelé autrefois fd fébrifuge de Sylvius , eff formé par l’union fa- turée de l’acide muriatique avec la potaffe. Il a été mal à propos nomme fel marin régénéré , puifqu’il d fîere de ce fel par la nature de fa bafe. Ses criftaux font des cubes, mais qui ont prefque toujours un afpeéf confus & une forme peu régulière. Sa faveur eft talée , piquante ? amère & défagréable : lorfqu’on i’expofe au feu, il décrépite , c’eff-à-dire , que fes criffaux fe brifent & s’éclatent en petits morceaux , ce qui vient de la raréfa&ion fubite de l’eau qui entre dans leur compcfition ; li on le laiile fur le d’Hist. Nat. et de Chimie. 45 feu après qu’il a décrépité , & que la chaleur foit allez forte , il fe fond & fe volatilife, mais fans fe décompofer; il peut fervir de fondant aux terres &: aux fubftances métalliques. Sa prin- cipale utilité dans ce cas, c’eft qu’en recou- vrant les matières, il fixe l’aûion des autres fon- dans , les empêche de fe volatilifer , & prévient les altérations que l’accès de l’air pourroit pro- duire. Le muriate de potaffe eft peu altérable à l’air, il n’en attire que très-légèrement l’humidité. Il lui faut environ tçois parties d’eau froide pour être tenu en diffolution ; l’eau chaude n’en diffout pas davantage ; c’eft pour cela qu’on eft forcé d’avoir recours à l’évaporation lente pour l’obtenir criflallife. C’eft un des fels qu’il eft le plus difficile d'avoir en criftaux réguliers d’un certain volume. L’argile paroît le décompofer en partie, puif- qu’en diftillant du muriate de potaffe avec les glaifes des environs de Paris , on obtient de l’acide muriatique ; à la vérité , cette opération n’en fournit qu’une petite quantité, & fon ré- sultat eft bien éloigné de celui que donne le nitrate de potaffe. Il paroît auffi que le fabla a la même a&ion que l’argile fur le mariale de potaffe. La baryte s’empare de fon acide & en féparç 4^ É L i M E N § la poraffe fuivant Bergman. La magnéfie & la chaux ne l'altèrent en aucune manière. Les acides fulfurjque & nitrique en dégagent î’acide muriatique avec effervelcence (i) : ce phénomène eft d’autant plus marqué , que le muriate de potaffe ed plus fec. Celui que l’on a fair décrépiter, & qui a perdu Ton eau de crif- tallifarion, produit une effervefcence très-confit dérable avec l’acide fulfurique coneenrré , & le mélange s'échauffe beaucoup,* En faifant ces (i) Nous avons déjà fait obferver, en parlant de la ’décompofition du nitrate de potaffe par l’acide fulfuriqué cbncentré, que l’acide nitrique fe dégageoit avec une vive effervefcence. Nous retrouvons ici le mérite phéMoftiène pour l’acide muriatique : il ed même beaucoup plus mar- qué dans ce dernier fel , parce que fon acide a une très- grande tendance pour fe mettre dans l’état de gaz. Telle ed la caufe générale des effervefcence3 dont la nature & les différences n’ont été bien connues que depuis très-peu de temps. On croyôit autrefois que c’étoit au dégagement de l’air qu’elles étoient dues ; on ed convaincu aujourd’hui que ce n’ed pas l’air , mais tous les corps qui petivent af- fefter l’aggrégation aériformr qui les produiferit ; ainfi ,• nous avons fait voir que l’ébullition de l’eau pouvoir être regardée comme une forte d’edervefcence. Comme cette vérité a befoin d’être fouvent répétée jufqu’à ce qu’elle foit bien connue & bien entendue de tout le monde j nous re- tiendrons plüfieurs fois fur Cèf objet, en traitant des diffé- rens fels neutres fufeeptibles d’être décômpofés par les acides. d’Hist. Nat. et dé Chimie: ‘47; décôtàpo fit ions dans des cornues on obtient de l’acide muriatique dans le récipient , & la cornue contient du fulfate de potaffie Iorfqu’on opère avec l’acide fulfurique : le récipient con- tient, au contraire , de \'eau régale, & le téfidu donne du nitrate de potaffie , fi l’on emploie l’acide nitrique. L’acide boracique décompofa suffi le muriate de potaffe par le moyen de la diffillation , & en dégage l’acide muriatique. Comme toutes ces opérations fe pratiquent avec le muriate de foude ou fel marin, nous les dé- crirons plus en détail à l’article de ce dernier. Les acides carbonique & fluorique n’ont aucune aélion fur le muriate de potaffie. Les fulfates & les nitrates de potaffie & dé fonde n’en ont pas davantage fur ce fel 5 lors- qu'ils font diffious dans la même eau, chacun d’eux criflallife féparément & à fa manière. Le muriate de potalle fe rencontre fréquem- ment dans la pâture ; mais toujours en allez petite quantité. On le trouve dans les eaux de la mer & dés fontaines falées ; il exifte , quoi- que rarement , dans les lieux où l’on rencontré le nitrate de potaffie; on le trouve encore dans les cendres des végétaux', & dans quelques hu- meurs animales. L’art peut auffi le produire , 1°. en combinant dire&ement l’acide muriatique avec la potaffie ; iQ. en décompofant les muriates 4$ Élémens terreux , ammoniacaux ou métalliques par le même alcali ; 30. en décompofant le fulfate ou le nitrate de potaffe, par le moyen de l’acide muriatique , comme l’a indiqué M. Corwetre. On employoit autrefois ce fel neutre comme un excellent fébrifuge; mais il ne pofsède cette propriété, que Sylvius lui a attribuée, qu’en fa qualité de fel amer. On préféré aujourd’hui à ce fel les fulfates de potaffe & de foude. Le muriate de potaffe n’eft pas d’ufage dans les arts; fon goût défagréable empêche qu’on ne s’en ferve pour affaifonnement comme on le fait du muriate de foude; il a d’ailleurs toutes les pro- priétés chimiques de ce dernier fel, dont il ne différé que par fa faveur amère , fa clifTol ubiliré moins grande , fon altérabilité à l’air & fa crif- tallifation moins régulière ; c’eft pourquoi nous n’infifferons pas davantage fur fon hiftoire. Sorte VI. Muriate de soude. Le muriate de fonde, plus connu fous les noms de fel marin ou fel de cuifîne , fal culinarc , eft un fel neutre parfait , formé par la combinaifon faturée de l’acide muriatique & de la foude. On doit s’appercevoir que , dans la nomenclature adoptée jufqu’ici , la définition de la nature de ces fels neutres eft prefque inutile , puilqu’elle eû exprimée par la dénomination. Ce d5Hist. Nat; et de Chimie. 49 Ce fel eft répandu en quantité confidérable dans la nature ; c’eft le plus abondant de tous. On le trouve en maftes immenfes dans l’intérieur de la terre , en Efpagne , en Calabre , en Hon- grie, en Mofcovie , & fur-tout à Vielizcka , en Pologne, près les monts Crapacks. Les mines de ce dernier endroit font d’une grandeur très- confidérable , & le muriate de fonde y eft en quantité prodigieufe. Ce fel , contenu dans la terre , eft ordinairement irrégulier , rarement criftallifé : il eft plus ou moins blanc ; on en trouve de coloré : dans cet état on l’appelle fel gemme , parce qu’il a fouvent la tranfparence des criftaux connus fous ce nom. Les eaux de la mer en font chargées, ainft que celle de certains lacs & de quelques fontaines, C’eft de ces eaux qu’on le retire par quatre procédés généraux. Le premier eft l’évaporation fpontanée par la chaleur du foleil ; ce moyen eft mis en ufage dans nos provinces méridionales, en Langue-* doc , à Peyrac , Pecais , &c. On creufe fur le bord de la mer des efpèces de foftes qu’on en- duit d’argile bien battue \ on y pratique des pe- tits murs qui les partagent en plufieurs compar- timens, & qui communiquent les uns avec les autres. La marée montante dépofe de l’eau dans ces marais falans , o£ elle eft retenue par les efpèces de cloifons que forment les murs j 01% J'orne //, D É LÉ M ENS n’y en laifle qu’une couche aflez mince que la chaleur du foleil cvapore très-bien. Quand il s'y eft formé une pellicule faline , on la cafte, &: elle fe précipite ; on la brife ainfi jufqu’à ce qu’il n’y ait plus d’eau. Alors on ramafle le fel avec des râteaux , & on le met en tas pour le faire fécher. Ce fel eft mêlé avec tous ceux qui font diffous dans les eaux de la mer, tels que les fuîfates de fonde de magnéfie , les muriates de magnéfie & de chaux. Il eft aufli fali par une porrion de la glaife qui forme le fond des marais falans ; enfin on y trouve du fer & du mercure en très -petits globules; ce dernier s’y démontre facilement en laiffant féjourner une lame d’or dans le fel ; elle y eft blanchie très-manifefte- ment Ce fel fort impur eft connu fous le nom de fel de gabelle. Dans les provinces feptentrionales de la France , en Normandie & en Bretagne , on fe {>-rt de l’évaporation artificielle à l’aide du feu. Dans l’Avranchin , on prend les fables mouvans fur Iefquels l’eau de la mer a dépofé des crif» taux filins ; on les lave avec la moins grande quantité poflvble d’eau de mer , afin que le fel n’en ait que ce qu’il lui en faut pour être dif- fous ; on porte cette eau falée dans des chaudières de plomb clans lefquelles on l’évapore jufqu’à #ccité. Ce fel eft très-blanc & plus pur que celui VHist. Nat. et de Chimie. 51 éks marais falans. Guettard a décrit avec foin ce travail dans les Mémoires de l’Académie pour l’année 1758. La Lorraine & la Franche-Comté ont beau- coup de fontaines falées. L’eau de ces fontaines eft chargée de différentes quantités de muriate de foude. A Montmorot, dans la dernière de ces provinces, pour obtenir ce fel on réunit l’éva- poration fpontanée à l’évaporation par le feu. Pour cet effet., Peau des puits eft portée, par' des pompes à chapelet , dans un grand baftin. Ce dernier eft placé au haut d’un hangard nommé bâtiment de graduation. Sous cet hangard font fufpendues, par érages , des planches fur lef- quellesfont placés de petits fagors d’épines. L’eau tombe fur ces fagots par des robinets ; elle fe divife -en pluie fine } & comme elle préfente beaucoup de furface à l’air qui circule avec ra- pidité fous ceshangards, il s’en cvapore prefque les deux tiers ; elle dépofe du fuifate de chaux ou de la fèlénite fur les fagots ; &: lorfqu’elle eft aftez chargée de fel pour donner treize à qua- torze degrés au pèfe-liqueur, elle eft portée dans de grandes chaudières de fer , fouttnues par des crochets d« même métal , qui partent de leur fond & repofent fur des pièces de bois portées par les bords de ces vaiffeaux. Ces chaudières , appelées poêles , font très-larges & peu pro- 52 É L É M E N s fondes. Elles contiennent cent muids d’eâu falée* On les chauffe brufquement ; lorfque l’eau bout à gros bouillons, elle fe trouble d’abord, & dé- pofe à fa furface une terre ochreufe en forme d’écume. Il s’en fépare enfuite un fel peu foluble qui n’eft que du fulfate de chaux ; les ouvriers le nomment Jchlot : le fchlot eft mêlé d’un peu de muriate de foude, de fulfate de foude & de muriates terreux : il eft reçu dans de petites au- ges de tôle, placées fur les bords des chaudières, dans lefquelles il eft porté par les flots de la li- queur qui bout ; on enlève les augelots de temps en temps, & on les remet jufqu’à ce qu’il fe forme à la furface de la liqueur une grande quan- tité de petits criftaux cubiques que les ouvriers appellent pieds de mouches . A cette époque on retire les augelots pour la dernière fois. On di- minue le feu on enlève le muriate de foude avec des écumoirs , à mefure qu’il s’en eft crif- tallifé une affez grande quantité ; on continue de l’enlever ainfi , & d’évaporer jufqu’à ce que l’eau ne donne plus de criftaux cubiques. Le fel que l’on obtient eft en criftaux plus ou moins gros, fuivant la rapidité ou la lenteur de l’évaporation; l’eau qui n’en fournit plus eft appelée mulre ou eau mere : elle contient des muriates terreux (i). (i) On prépare à Montmoror un fel neutre, connu fous d’Hist. Nat. et de Chimie. Wallerius rapporte un quatrième procédé pour retirer le fel des eaux de la mer , mis en ufage dans les pays du Nord. On expofe cette eau. dans des folTes fur le bord de la mer ; comme elle n’y forme qu’une petite couche , le froid la pénètre , & elle fe gèle ; mais la portion d’eau fiirabondante à la diiTolution faline étant la feule fufceptible de fe geler , celle qui refte fluide retient tout le fel qui étoit contenu dans la quan- tité primitive , & elle fe trouve concentrée ait point de laiffer criftallifer le muriate de foude à la moindre chaleur ; on la porte dans des chau- dières de plomb, dans lefquelles on l’évapore. Les criftaux de muriate de foude font des cubes très -réguliers & d’autant plus gros, que l’évaporation a été plus lente; ils fe groupent enfemble par leurs bords, de manière à former des efpèces d’efcaliers ou de trémies creufes. Rouelle l’aîné a obfervé & décrit ce phénomène avec beaucoup de foin dans fes Mémoires fur là criftalhfation. Bergman en a donné line éthiolo- gie fort ingénieufe. le nom de fel d Epforn de Lorraine ; mais ce n’eft que du fulfate de foude ou fel de Glaubei dont on a troublé lst> criftallifation. On le diftingue du vrai fulfate de magnéfifc. ou fel d'Epfom , en ce qu’il s’effleurit à l’air , tandis que le premier , tel qu’il vient d’Angleterre , eft déliquefeent, Diij 54 É t É m E N 5 La faveur de ce fel , qui eft falée &: agréable l eft connue de tout le monde. Lorfqu’on l’expofe à l’avion d’un feu bruf- que, il pétille & faute en éclats. On appelle ce phénomène décrépitation ; il eft du, ainfi que nous l’avons déjà fait obferver pour le fulfate de po- laire & le muriate de potaffe, à ce que l’eau qui entre dans les criftaux fe raréfiant fubitement , brife & écarte avec effort toutes les petites lames dont ils font compofés. Lorfque toute l’eau eft ainfi évaporée , la décrépitation ceffe, & le fel eft en pouflicre. Si on continue à le chauffer for- tement , il fe fond après avoir rougi : en le cou- lant fur une plaque de marbre, il fe fige en une efpèce de criftal minéral. Mais il n’eft altéré en aucune manière , car on peut lui rendre fa pre- mière forme en le diffolvant dans l’eau. Le feu ne le décompofe donc pas : en le tenant fondu quelque temps , il finit par fe volatililer fans al- tération, mais il faut pour cela un feu de la der- nière violence. Le muriate de fonde n’éprouve pas d’altéra- tion fenfible à l’air , lorfqu’il eft bien pur ; il fe defsèche plutôt qu’il ne s’humeûe , & il n’en attire l’humidité que lorfqu’il contient des mu- riates à bafes terreufes , comme celui de ga- belle. _ Jl eft très-diffoluble dans l’eau; il ne lui faut d’Hist. Nat. et de Chimie. 5 5 que trois parties de ce fluide pour etr-e tenu en diffolution. Trois onces & demie d eau dif- fblvent très-complètement une once de ce fel : il n’efl pas plus difïokible dans l’eau bouillante que dans l’eau froide. La diffolution fe fait feule- ment un peu plus vite parla chaleur. On obtient les criflaux de ce fel par une évaporation très- lente. Il fe forme d’abord fur la liqueur des pieds de mouches qui fe joignent , & donnent naiffanee a une pellicule plus ou moins épaiffe 3 quelquefois, au lieu de cubes, on obferve des efpèces de pyramides quarrées & creufes , fem* blables à des trémies. Rouelle l’aîné , qui a cb- fervé avec grand loin tous les phénomènes de cette criffallifation ,, a vu que ces trémies pre~ noient naiffanee de la manière fuivante. Lorf- qu’il y a un cube farrné , ce petit folide s’en- fonce un peu dans l’eau ; il en naît enfuite un fécond qui eft attiré par le premier, & qui s’at- tache à lui par un de fes côtés 3 le même phéno- mène a lieu pour les trois autres côtés du cube. Il eft aifé de concevoir que cet accroiffemenî fucceftif produira des pyramides creufes, dont la pointe fera en bas 8c la bafe en? haut. Lorf- qu’elles font trop groffes, elles fe précipitent au fond de la liqueur. L’eau dans laquelle on a dif- fous ce fel , & qu’on a fait évaporer jufqu’à ce quelle n’en fourniffe plus., ne contient plus au® D iv $6 Élémens cune matière faline , fi le Tel employé étoît bien pur : celle de la mer & des falines contient tou- jours quelques fels à bafe terreufe. On peut en précipiter la terre à l'aide de la foude , comme nous le dirons à l’article des fels neutres terreux. Tel eft le moyen qu’on emploie pour obtenir du muriate de foude très-pur. Le muriate de foude paroît faciliter la fufion des verres j il occupe toujours la partie fupé- rieure des pots dans lefquels on fond cette ma- tière , &: constitue en grande partie le fiel de yerre. On s’en fert pour vitrifier la furface de cer- taines poteries , & pour leur donner ainfi une efpèce de couverte aux dépens de leur portion extérieure, qui fe fond à l’aide de la grande cha- leur communiquée par le fel ; on y parvient aifé- ment, en jetant dans les fours où on la cuit une certaine quantité de muriate de foude. Il fe vo- îaiiiife &. fe répand fur la furface des poteries , dont il occafionne la fufion par fon extrême cha- leur. C’eft ainfi qu’on enduit la poterie d’Angle- terre. La terre filicée ne l’altère en aucune manière , quoiqu’il paroiffe en favorifer la fufion. L’argile pure a beaucoup moins d’a&ion fur le tnuriate de fonde que fur les nitres: elle ne donne, en la diûillant avec ce fel , qu’un acide foible d’Hist. Nat. et de Chimie: $7 & phlegmatique en affez petite quantité. Les dis- tillateurs d’eau-forte retirent , il eft vrai , l’acide muriatique appelé efprit de fd de cette manière ; mais ils emploient du fe* ae gabelle, qui contient beaucoup de munates à bafe tcrreuft , èz ils fe fervent d’une argile très-colorée & très-impure. La baryte décompofe le muriate de Soude comme tous les autres Sels alcalins , d’après les expériences de Bergman. La chaux & la magnéfte n’altèrent en aucune manière le muriate de Soude. Peut-être ces deux Subffances SaIino-terreuSes,combinées avec l’acide carbonique, peuvent-elles Séparer les principes du muriate de Soude par une attra&ion éle&ive double ? La potaffe cauflique décompofe le muriate de Soude , parce qu’elle a plus d’affinité avec Son acide que n’en a la Soude. Une diffolûtion de mu- riate de Soude , mêlée avec de la potaffe, donne du muriate de potaffe par l’évaporation, 8c l’eau mère contient la Soude pure 8c ifolée. Les acides ont une a&ion très-marquée Sur le muriate de Soude. Si l’on verfe de l’acide Sulfuri- que concentré Sur ce Sel , il Se produit un mouve- ment très -confidérable, une chaleur très- vive; on obferve une effervefcence violente (1), cau- 0) L’effervefcence eft aufîi raanifefie dans cette opé* ÊLÉMEtfS fée par l’acide muriatique qui fe dégage forts î? forme de gaz; on reconnoît la nature de cet acide aériforme dégagé , par la vapeur blancha qu’il forme avec l’eau de l’atmofphère, & par fon odeur piquante analogue à celle du fafran , lorfque cette vapeur eft fort étendue. Si l’on fait cette opération avec l’appareil pneumato-chimi- que au mercure, on obtient beaucoup de gai acide muriatique. Glauber eit le premier qui ait obfervé & décrit avec foin cette décompolition du fel marin par l’acide fulfurique , pour re- tirer l’acide de ce fel ; c’eft pour cela qu’on a donné à cet acide le nom d ’efprit de fel marin à la maniéré de Glauber . En examinant le rélidu de •ette opération , il a découvert fon fel admira- ble , ou le fulfate de foude» Prefque tous les auteurs prefcrivent, pour dif- tiller l’acide muriatique , de mettre du muriate de fonde décrépité dans une cornue de grès tu- bulée, de ver fer par la tubulure la moitié de fon poids d’acide fulfurique concentré ; il fe dé- ration , que dans l’union du même acide avee la chaux les alcalis faturés d’acide carbonique. Elle a donc lieu toutes les fois qu’un corps , féparé d’une combinaifon , fe volatilife fous la forme de gaz ; elle peut donc être occa- fionnée par l’acide carbonique, l’acide muriatique, l’acide nitrique, l’acide fulfureux , l’acide fluorique, &c. Elle ne doit pas être attribuée au dégagement de l’air» d’Hist. Nat. et de Chimie. 59 gage fur le champ beaucoup de vapeurs acides , qui partent par le bec de la cornue , & vont fe raffembler dans deux ballons enfï és ; le dernier de ces vaiffeaux eft percé d’un petit trou , afin de laiffer échapper les vapeurs & de prévenir la rupture de l’appareil. Il en eft de cette opéra- tion comme de la diftillation de l’acide nitreux j on perd une grande quantité de l’acide muriati- que le plus pur , qui fe diflipe fous la forme de gaz par le trou du ballon , & on eft fort incom- modé par les vapeurs très - corrofives de cet acide , qui rempliffent le laboratoire où fe fait la diftillation. M. Baumé, pour éviter une par- tie de ces inconvéniens, ajoute de l’eau dans la cornue. Cette eau , volatilifée dans le ballon, abforbe une partie du gaz acide muriatique ; mais comme elle eft beaucoup moins volatile que lui, il fe perd toujours une grande quantité de cet acide. M. ’W’oulfe a corrigé tous ces dé- fauts , & a trouvé le moyen de fe procurer l’a- cide muriatique le plus fort & le plus concentré poflible , en faifant l’inverfe du procédé de M. Baumé. Au lieu de faire volatilifer l’eau pour aller après les vapeurs d’acide muriatique, il préfente ce liquide à la rencontre du gaz , & il emploie pour cela l’appareil que nous avons dé- crit à l’article du nitre. On met huit onces d’eau diftillée dans les &0 Ê L É MENS bouteilles collatérales, pour un mélange de deux livres de muriate de foude & d’une livre d’acide fulfurique concentré. Le gaz acide muriatique , conduit par des tubes dans l’eau des bouteilles , s’y diffouf. Cette eau s’échauffe prefque juf- qu’à l’ébullition en fe combinant avec le gaz, & elle en abforbe un poids égal au lien. Lorf- qu’elle en efl chargée à ce point, elle n’en dif- fout plus , & elle fe refroidit ; mais le gaz paf- fant dans les fécondés bouteilles collatérales ,s’y noie de nouveau dans l’eau qu’il échauffe & qu’il fature. Ce procédé , très-ingénieux & bien d’accord avec les propriétés connues du gaz acide muria- tique, a plufieurs avantages : i°. il évite les in- convéniens de l’acide en vapeur répandu dans l’air; i°. il empêche qu’on n’en perde la plus grande quantité, comme cela arrivoit même dans le procédé ancien ; 30. il procure l’acide muriatique le plus fort , le plus concentré , le plus fumant qu’il foit poffible d’avoir ; 40. cet acide efl en même temps très pur, puifqu’il n’eft formé que du gaz diffous dans l’eau. Audi efl- ii très-blanc , tandis que celui qu’on avoit au- trefois dans les laboratoires étoit toujours d’une couleur citrine ; ce qui a même induit les chi- miftes en erreur, puifqu’ils ont donné cette couleur comme un cara&ère de cet acide. La d’Hist. Nat. et de Chimie: 6i portion d’acide liquide qui, dans ce procédé, fe condenfe dans les allonges , eft jaune & falie par les matières étrangères entraînées par l’eau contenue dans le mélange , ainli que cela arrive dans l’ancien procédé; 50. la méthode nouvelle avertit l’artifte du degré de feu nécedaire, & de la manière de conduire fon opération , par le paflage plus ou moins rapide de l’acide muriati- que gazeux à travers l’eau des bouteilles; 6°. en» fin, ce qu’il y a de plus précieux , elle fournit un moyen de connoître exa&ement la quantité d’a- cide contenu dans le fel neutre , puifqu’on n’en perd aucune portion. L’acide nitrique décompofe aufîî le muriate de foude ; mais comme il ed volatil, il monte ÔC s’unit à l’acide de ce fel; il réfulte de cette union l’acide mixte connu fous le nom d’acide nitror muriatique ou Veau régale. JSaron a découvert que l’acide boracique dé- gage l’acide du muriate de foude à l’aide de la chaleur. Le réfidu de cette diftillation ed du vé- ritable borate de foude très-pur. L’acide carbonique &: l’acide fluorique n’ont point d’a&ion marquée fur le muriate de foude. Les fels neutres que nous avons fait connoître jufqu’ici n’en ont pas davantage fur ce fel. Lorfque les fulfates , les nitrates de potade U, de Élémins fonde , & le muriate de potafTe fe trouvent dif- fous dans la même eau que le muriate de foude , chacune de ces matières falines criftallife à fa ma- nière • le muriate de foude eft un de ceux qui s’en fépare le premier pendant les progrès de Tévaporation , & il fe mêle avec un peu de ful- fate & de muriate de potaffe ; mais le fulfate de foude & le nitrate de potaffe reftent les derniers en diffolution , & ne fe criftallifent que par le refroidiffement. C’eft pour cela qu’en Lorraine on prend l’eau mère des falines d’où on a retiré le fei de cuifine ; on la met dans des tonneaux , & on l’agite avec des bâtons ; pendant fon re- ^roidiffement, le fulfate de foude fe criftallife confufément , & en petites aiguilles qui reffem- blent à celles du vrai fel d’Epfom , ou fulfate de magnéfie. Les ufages du muriate de foude font fort éten- dus. Il eft employé, i®. dans quelques poteries, pour faire entrer leur furface en fufion , & leur' donner une'efpèce de couverte; 2®. dans la ver- rerie pour blanchir & purifier le verre; )°. dans la docimafie ou dans l’effai des mines, pour fer- vir de fondant aux matières qui forment les fco- ries , pour faciliter la précipitation des métaux, &: pour empêcher leur altération par l’air, en les défendant du contaft de l’atmofphère. d’Hist. Nat.' ét de Chimie. On fent aujourd’hui le befoin de le faire fervir a un ufage encore plus important que ceux-là; à l’extraâion de la foude qui devient tous les Jours de plus en plus rare , & dont l’ufage eft très-néceflaire pour les arts. Plufieurs perfonnes pofsèdent ce fecret en Angleterre , & retirent en grand la foude du fel de la mer. Quelques chimiftes ont penfé que la litharge eft fufceptible de décompofer le muriate de foude à froid & par la Ample macération ; il paroiflbit que réunifiant deux propriétés , la première de contenir de l’acide carbonique capable d’attirer la foude, la fécondé de former avec l’acide mu- îiatique un fel infoluble , & facile à fe féparer de la lefiive alcaline , elle devoir agir par une attraôion éle&ive double ; mais les eflais que J’ai faits , fur cet objet , m’ont prouvé que ce procédé étoit infuffifant. Schéele a vu que le fer plongé dans une diflblution de muriate de foude fe couvre de foude faturée d’acide carbonique ; il a obtenu lç même fuccès du fulfate & du ni- trate de foude, traités de la même manière. Il a découvert que la chaux vive mêlée à une diflb- lution de muriate de foude , Sc ce mélange laiflfé dans une cave humide, donnoit une efflorefcence de foude, •& qu’il fe formoit du muriate cal- caire. Cohaufen avoit annoncé ce fait en 1717, M- de Morveau a prouvé que çss décompositions 44 É L t M E N 5 s’opèrent à la faveur de l’acide carbonique ? puifqu’une diffolution de fulfate 6c de muriate de potaffe , verfée dans de l’eau de chaux pré- cipitée par l’acide carbonique, devenoit claire 6c tranfparente , & puifqu’il n’y a pas de précipité en verfant dans un mélange d’eau de chaux 6c d’une diffolution de ces fels , de l’eau chargée d’acide carbonique. Tous ces faits font autant de données d’où il faut partir pour trouver l’art de retirer la foudç du fel de la mer , & pour former des établiffemens en grand fur cette utile ex* tradion. Le muriate de fonde fert d’affaifonnement pour les alimens, dont il corrige la fadeur ; il facilite la digeftion , en produifant un commen- cement d’altération putride dans les fubffances alimentaires. Quoiqu’il foit bien prouvé par les expériences de MM. Pringle , Macbride, &c. qu’il retarde la putréfadion , & qu’il eft un anti- feptique puiffant, comme la plupart des matières falines, lorfqu’on le mêle en grande dofe avec les fubffances animales, il agit d’une manière bien différente quand on le mêle en petite quan- tité à ces mêmes fubffances, puifqu’il les fait paffer p-us vite à la putréfadion. Ce fait eft piouvé par les expériences de l’auteur des effais peur fervir à l’hiftoire de la putréfaction , 6c par celles de Gardane. Ce d’Hist. Nat* et d.e Chimie; 6$ Ce (el n*eft pas moins utile en médecine; on le met dans la bouche & on l’emploie en lavemens comme un ftimulant très-utile dans l’apoplexie , la paralyfie , &rc. C’efl un fondant affez a£Iif dans beaucoup de cas , &c. Il eft fort recommandé par Ruffel ( de Tabe Glandulari ) pour les engorge- mens lymphatiques qui dépendent du vice fcro- phuleux. J’en ai moi-même obtenu de très-bons effets dans plufieurs maladies de cette nature. Il purge iorfqu’on l’adminiflre à la dofe de plufieurs gros. Comme c’tft le fel gris que l’on' emploie ordinairement dans ces différentes circonfiances , les effets qu’il produit font dus en partie aux mu- riates calcaire & magnéfien qu’il contient. Sorte VII. Borax de soude ou Borate sursaturé de soude (i). Le borax de foude ou borax commun, eflun fel neutre formé par la combinaifon de l’acide boracique avec la foude en excès. L’hifioire de ce fel qui nous vient des Indes Orientales eff fort incertaine. On ne fait pas (i)Nous avons jufqu’ici commencé par examiner les fels neutres, formés par chaque acide uni à la potafte. Quant a ceux dans lefquels entre l’a.cide boracique , nous fommes forcés de commencer par celui à baie de foude, parce que c eft le feul bien connu. Tome //. E 66 É l I mens encore pofitivement fi c’eft un produit de la na- ture ou de l’art. En effet , fi la découverte de l’acide boracique en diffolution dans les eaux de pîufieurs lacs de Tofcane , dont nous avons fait mention dans l’hiffoire de cet acide , peut faire préfumer que le borax de foude eft un produit de la nature, pîufieurs faits que nous rapporterons plus bas femblent démontrer qu’il efi pofiiblede former ce fel de toutes pièces par certains pro- cédés, & peut-être aura-t-on quelque jour des minières artificielles de borax , comme on a au-, jourd’hui des nitrieres artificielles dans diffé- rentes parties de l*Europe. Le borax eft fous trois états dans le commerce; Le premier eft le borax brut , tinckal ou chryfo - colle , qui nous vient de Perfe ; il eft en maffes verdâtres , grades au toucher , ou en efpeces de criftaux opaques , d’un vert de porreau , qui font des prifmes à fix pans , terminés par des pyra- mides irrégulières. On trouve même deux varié- tés de ces criftaux verdâtres différentes par la groffeur dans le commerce. Ce fel eft très-impur & mêlé de beaucoup de matières étrangères à fa çompofition. La fécondé efpece de borax eft connue fous le nom de borax de la Chine ; celui-ci eft un peu plus pur que le précédent \ il eft en petites pla- d’Hist. Nat. et de Chimie. 67 ques , ou en malles irrégulièrement criftallifées , d’un blanc fale ; on y apperçoit des rudimens de prifmes & de pyramides , mais confondus en- semble fans aucun arrangement fymmétrique : on obferve fur 'ces criftaux une pouffiere blanche qui en enduit la furface , & que l’on croit de nature argileufe. La troifieme efpece eft le borax de Hollande , f t 1 * ou borax raffiné. Il eft en portion de criftaux tranfparens & affez purs; on y reconnoît des pyramides, à plufieurs faces , mais dont la criftal- lifation a été interrompue. Cette forme indique d’une maniéré certaine que 1a méthode employée par les hollandois pour rainer ce fel ëft la diffo- lution & la criftallifation. Enfin on prépare à Paris , dans le laboratoire defylM. Lefgüil,lèrs, droguiftés rue des Lombards, un borax; purifié qui ne le cede en rien à celui de Hollande ,/ & qui fupéneur de pureté Outre ces quatre efpeces de borax, un pharma- cien dé Paris , M. la Pierre, a cru découvrir qu*il s’en forme journellement dans les eaux de fa von mêlées à celles des cuifinçs , qu’un particulier laiffe féjoumer dans une, efpece de foffe ; il en retire au bout d’un certain tems de vrai boçax en beaux criftaux : mais ce fait annoncé il y a plus £ij peut-être, a même un degré 68 élément de dix ans j n’a point été confirmé depuis. On n’efi: donc pas encore inftruit fur la forma- tion du borax; il paroît feulement qu’il s’en pro- duit dans les eaux Gagnantes qui contiennent des matières graffes. Quelques auteurs afîurent qu’on le fait artificiellement à la Chine, en mêlant dans une fofîe de la graiffe , de l’argile & du fumier , couches par couches , en arrofant ce mélange avec de l’eau , & en le laiflant ainfi féjourner pendant quelques années. Au bout de ce tems on lefiive ces matières , on évapore la leflive , & on obtient le borax brut. D’autres ont cru qu’on le tiroit d’une eau qui fe filtre à travers des mines de cuivre. M. Baumé dit pofitivement que le premier de ces procédés lui a fort bien réuflî. ( Chim. expèrim . tom. II , page 132.) Le borax purifié efi: en prifmes à fix pans , dont deux font plus larges , avec des pyramides triè- dres. 11 préfente d’ailleurs beaucoup de variétés dans fa criftallifation. Sa faveur eft ftiptique &Z urineufe ; il verdit le firop de violettes , parce qu’il contient un excès de foude ; c’eft pour le diftiriguer de celui qui efi: faturé d’acide boracique, ou du vrai borate de foude , que nous lui laiffons le nom de borax ; nous le nommons aufii borate furfaturé de foude , pour défigner la nature de f* jçombinaifon. d’Hist. Nat. et de Chimie. <% Lorfqn’on l’expofe à l’aftion du feu , il fond afîez vite à l’aide de l’eau de fa criftallifation ; il perd peu-à-peu cette eau,& acquiert un volume confidérable : il eft alors fous la forme d’une maffe légère , poreufe & très-friable que l’on dé^ ligne fous le nom de borax calciné ; le volume confidérable , la forme lainelleufe & poreufe que prend le borax dans fa calcination viennent de ce que l’eau qui fe dégage dans l’état de vapeur fouleve la portion de la fubftance faiine à demi- defféchée en pellicules légères , & de ce que les bulles qu’elle forme crevant à la furfarce dufel, ces pellicules fe de flèchent entièrement \ & fe placent les unes fur les autres, de forte à laifler des intervalles entr’elles. Le borax calciné n’eft nullement altéré dans fa compofition jjln’aperdu que fon eau de criftallifation , qui fait à-peu-près fix onces par livre. On peut lui rendre fa première forme en le diflolvant dans i’eau y & en le faifanr criftallifer j mais lorfqu’on continue de chauffer ce fel calciné, il fe fond dès qu’il commence à rougily & forme un. verre très-^fufible , tranfparent, un peu verdâtre , qui fe ternit à l’air & qui fe diffouî dans l’eau. Le borax.n’a point changé de nature par cette fufion^on peut le faire reparoître avec toutes les propriétés qui lui font particulières, par le. moyen de la diffolution & de la criftallifation« E üj i 7° Élémens L’air n’altere point ce Tel; il s’effleurit cependant à fa furface en perdant une portion de foneau de criftallifation. Il paroît même que cette efïloref- cence n’eff pas toujours la mêmedansles différens boraxs purifiés; celui de la Chine s’effleurit beau- coup moins que celui de Hollande , & celui-ci plus que le borax purifié à Paris ; cette légère différence dépend fans doute des procédés qu’on a fuivis dans fa purification, de la maniéré dont on le fait criftallifer , de la quantité d’eau que fes crifiaux contiennent fuivant la rapidité plus ou moins grande avec laquelle ils fe font formés , & peut-être aufîi des différentes proportions d’acide boracique Si de foude qui entrent dans fa compo- sition. Le borax eft très-diffoluble dans l’eau : il faut douze parties d’eau froide pour diffoudre une partie de ce fel ; fix parties d’eau bouillante en diffolvent une. On obtient fes criflaux par le re- froidiffement de fa diffolution ; mais les plus beaux Si les plus réguliers fe forment dans une diffolution qu’on laifïe s’évaporer très-lentement, & à la température ordinaire de l’atmofphère. Le borax fert de fondant à la terre filicée , & il forme avec elle un verre affez beau. On l’emploie dans la préparation des pierres précieufes artifi- cielles, ou des verres durs. d’Hist. Nat. et de Chimié. 71. Il vitrifie également l’argile , mais avec beau- coup plus de difficulté & beaucoup moins corn-' plétemeirt ; telle eft la raifon pour laquelle il ad- hère aux creufets dans lefquels on le fait fondre. On ne connoît par bien Pattion de la baryte Sô de la magnéfie pures fur le borax de foudo. Bergman place cependant ces deux fubftances avant les alcalis dans la première colonne de fa table des affinités \ ce qui annonce quelles font fufceptibles de décompofer ce fel ; mais il dit dans fa differtation que les affinités de la terre pefante & de la magnéfie avec l’acide boracique ne font point encore exa&emen& déterminées. La chaux a réellemerft plus d’affinité avec cet acide , que n’en a la foude. L’eau de chaux précipite la diffolution de ce fel ; mais pour en opérer tout-à-fait la décompofition, il faut faire bouillir de la chaux vive avec le borax de foude j alors le dépôt qui fe forme efl un compofé falin peu fdluble de la chaux avec l’acide boracique , tandis que la foude cauflique refte en diffolution dans Peau. La potaffe paroît décompofer le borax de foude , comme elle le fait à l’égard de tous les autres fels neutres à bafe de foude. L’ammo- niaque ne l’altère en aucune manière* E iv 72 Élémins Les acides ont une a&ion très marquée fur ce fel. Si dans une diffolution bouillante de borax <îe foude on verfe avec précaution de l’acide fulfurique concentré, jufqu’à ce qu’il y ait un léger excès d’acide dans la liqueur, on obtient par le refroidiffement du mélange filtré un pré- cipité très-abondant , & difpofé en petites écail- les brillantes , c’efl l’acide boracique ; on le lave avec de l’eau diftillée , & on le fait fécher à l’air pour l’avoir bien pur. En évaporant & laiffant refroidir la difïolution ainfi préparée, on en ob- tient à plufteurs reprifes de l’acide boracique. A la fin on ne retire plus que du fulfate de foude , formé par l’union de l’acide fulfurique qu’on a employé , avec la bafe alcaline du borax. L’acide nitrique &c racidemuriatique décompo- fent de même le borax de foude, parce qu’ils ont comme l’acide fulfurique plus d’affinité avec la foude , que n’en a l’acide boracique. On retire des dernières évaporations de ces mélanges du nitrate ou du muriate de foude. La découverte de l’acide boracique paroît être due à Bec- cher, mais on a coutume de l’attribuer à Hom- berg qui a le premier décrit avec allez d’exac- titude , dans les Mémoires de l’Académie pour 1701 , un procédé pour l’obtenir. Ce chimifte découvrit ce fel fublimé dans la diftillation d’Hist. Nat. et de Chimie. 73 d’un mélange de fulfate de fer calciné , de borax de foude & d’eau. Comme il crut que la pre- mière de ces matières contribuoit beaucoup à fa formation il l’appela fel volatil narcotique, de vi- triol. Louis Lemery, fils aîné du fameux Nicolas Lemery , a beaucoup travaillé fur le borax de foude, & a découvert en 1728 qu’on pouvoit obtenir l’acide boracique appelé alors Jd fédatif par l’acide fulfurique pur , & que les acides nitri- que & muriatique en donnoient de même*, mais il employ oit toujoursla fublimation. C’eft à Géof- froy le cadet qu’on doit l’anaiyfe complète du borax de foude ; il a prouvé en 1732. qu’on obte- noit l'acide boracique par évaporation & par criftallifation; & en examinant le réfidu de ces opérations , il a démontré que la foude étoit un des principes du borax. Les travaux de Baron fur ce fel , préfentés à l’Académie en 1745 & *748, ontajoutéà cesdé- couvertes deux faits importans pour la connoif- fance du borax de foude. Le premier, c’efi: que les acides végétaux le décompofent aufli bien que les acides minéraux ; le fécond , c’eft qu’on peut refaire du vrai borax en unifiant l’acide bo- racique avec la foude ; ce qui prouve que cet acide eft tout formé dans ce fel,& que les acides que l’on emploie pour le précipiter ne contri^ buent en rien à fa formation. 74 É L È M E N s L’acide fluorique & l’acide carbonique mêirft ; quoiqu’un des plus foibles , paroiffent être fuf- ceptibles de décompofer le borax de foude & d’en féparer l’acide boracique. Ce dernier s’unit facilement au borax du commerce dont la bafe alcaline demande, pour être entièrement faturée d’acide boracique, un peu plus de cet acide que le poids total du borax. Bergman penfe même que ce fel n’eft bien neutre &: bien faturé, & que les propriétés alcalines qui y dominent ordinai- rement ne peuvent être mafquées que par cette addition d’acide boracique. On n’a point encore examiné en détail les propriétés de ce fel neutre ou vrai borate de fonde. Les fels neutres alcalins fulfuriques , nitriques & muriatiques , n’ont aucune a&ion fur le borax de foude. Ce fel, fondu avec des matières combuftibles , comme le charbon , acquiert une couleur rou- geâtre : mais on ne connoît pas l'altération qu’il éprouve de la part de ces matières. Le borax du commerce eft d’une très-grande utilité dans plufieurs arts. On l’emploie dans la verrerie , comme un excellent fondant, ainfi que dans la docimafie. On s’en fert avec grand avan- tage dans les foudures , parce qu’il fait couler l’al- liage deitiné à fouder j de plus , il entretient les d’Hist. Nat. et de Chimie; ' 75 furfacesdes métaux que l’on veut réunir, dans un ramoliffement très-propre à cette opération ; &c en les recouvrant, il empêche que le contaâ: de l’air ne les altère. On en faifoit autrefois unufage alfezétendu en médecine , mais il eft entièrement abandonné aujourd’hui. Sorte VIII. Borate de potasse; Nous donnons le nom de borate de potaffe à la combinaifon de l’acide boracique avec la potaffe. On fait que ces deux fubftances falines font très- fufceptibles de s’unir , & qu’il réfulte de cette union un fel neutre analogue au borate de foude. Tel eft le réfidu du nitre de potaffe décompofé par l’acide boracique. M. Baumé dit que ce ré- fidu eft en maffe blanche , demi -fondue , & que diffous dans l’eau j il lui a fourni un fel en petits criftaux. Le borate de potaffe eft donc fuftble , diffoluble & criftallifable ; les acides purs le dé- compofent ainfi que le borax de foude. On ne connoît rien de plus fur ce fel qu’il feroit nécef- faire d’examiner comme on a fait le borate de foude. Baron a connu la poflibilité de faire ce fel en combinant dire&ement de l’acide boracique avec la potaffe, il l’a même bien diftinguédu bo- rax ordinaire ou à bafe de foude , mais il n’a rien dit fur les propriétés particulières de ce borate. 7* ' Êlémens Sorte IX. Fluate d f. potasse; On doit défigner par ce nom, fuivant les règles de nomenclature adoptées jufqu’ici , la combinai* fon de l’acide fluorique avec la potaffe. Cette ef- pèce de fel neutre n’a encore été que très-légère- ment examinée par MM. Schéele & Boullanger. Il eft toujours fous forme gélatineufe, & ne crif- tallife jamais, d’après ces deux chimiftes. Deffé» ché & fondu , il eft âcre, cauftique & déliquef- cent, fuivant Schéele. Ce chimifte le compare alors à la liqueur des cailloux. Il paroît que le feu en dégage l’acide fluorique , & que la terre filicée dont fe charge toujours ce dernier pendant fa préparation fe fond en un verre foluble , à l’aide de la potaffe. Le fluate de potaffe eft très-foluble dans l’eau ; il retient toujours une fl grande quantité de ce fluide , qu’on ne peut lui faire prendre une forme criftalline. Lorfqu’il eft bien faturé, fa diffolu- tion n’altère point le ftrop de violettes. On ne connoît pas bien l’a&ion des terres fili- cée , argileufe & bary tique fur ce fel, non plus que celle de la magnéfle. Suivanr Schéele & Bergman , la chaux a plus d’afKnité avec l’acide fluorique , que n’en a la potaffe. Le fluate de potaffe , mis dans l’eau dq d’Hist. Nat. et dê Chimie: 7 7 chaux, y eft fur-le*champ décompofé; la chaux s’unit avec l’acide fluorique, & forme un fel in- foluble qui trouble la liqueur , & qui eft du fluate de chaux. On connoîtra des fels neutres formés par l’acide carbonique, & les alcalis fixes, qui font également décompofés par la chaux. On a vu le borax de foude être précipité par l’eau de chaux;l’acide fluorique n’eft donc pas le feul acide qui ait plus d’affinité avec cette fubftance falino- terreufe , que n’en ont les alcalis fixes. L’acide fulfurique concentré décompofé le fluate de potafle , en dégage l’acide, qui, fui» vant M. Boullanger, fe préfente avec l’odeur 6c les vapeurs blanches propres à l’acide muriatique. En faifant cette expérience dans un appareil diftil- latoire, on recueilleroit l’acide fluorique, comme on le fait à l’égard du nitrate de potafle & du mu- riate de foude décompofés par l’acide fulfurique. On n’a point examiné l’attion des acides nitri- que & muriatique , ainfi que celle des fels neutres que nous connoifîons fur le fluate de potafle. Ce fel , d’ailleurs très-peu connu , n’eft encore 4’aucun ufage. Sorte X. Fluate de soude. Ce nom défigne aflez le fel neutre formé par la combinaifon faturée de l’acide fluorique avec la 7$ É L E M E N S fonde. Ce fel eft dans le même cas que le précé-" dent; il a été fort peu examiné. Il n’y a que MM. Schéele &. Boullanger qui en aient dit quel- que chofe ; encore ne font-ils point dfaccord entr’eux } comme on va le voir. Schéele allure que la foude unie à l’acide fluo- nque forme une gelée comme le fel précédent, M. Boullanger avance , au contraire , que cette combinaifon donne de très-petits criftaux durs, caffans, figurés en quarrés oblongs , d’une faveur amère &un peu ffiptique. Ce fel mis fur les char- bons ardens décrépite comme le muriate de foude : il nefediffout qu’avec peine dans l’eau. L’eau de chaux le décompofe coQjme le fluate de potaiïe. L’acide fulfurique en dégage l’acide avec effets vefcence , vapeur blanche & odeur piquante , analogues à celles de l’acide muriatiques On voit , d’après ce court expofé , que ce fel n’eft pas plus connu que le précédent. Sorte XI. Carbonate de potasse. Les deux derniers fels neutres parfaitsqui nous reftent à examiner font les combinaifons de l’a- cide carbonique avec les alcalis fixes. Ces fubiïances n’ont jamais été rangées parmi les fels neutres ; cependant ils en font de véri-f tables , comme nous l’allons voir. d’Hist. Nat. et pE Chimie. 79 Nous donnons le nom de carbonate de potaffe au fel neutre qui réfulte de la combinaifon fatu- rée de l’acide carbonique avec la potaffe. Quel- ques chimiftes modernes rappellent /a/rre mepÆi- tique , alcali végétal aéré , &c. Cette fubftance fa- line , qu’on avoit toujours prife pour de l’alcali pur , n’eft connue comme un fel neutre que de- puis les travaux de M. Black. On lui donnoit au- trefois le nom de fel fixe de tartre , parce qu’on le retire de l’incinération du tartre du vin. On le regardoit comme un alcali , parce qu’il a quel- ques-unes des propriétés de ces Tels. En effet , il verdit le firop de violettes; mais le borax & plu- ffeurs autres Tels ont la même propriété; d’ailleurs ii ne détruit pas ou n’affoiblit pas la couleur des violettes comme la potaffe. lia une faveuralcaline qu’on retrouve aufîi dans le borax. Onfediffin- guoit feulement de l’alcali de la foude , par la pro- priéfé qu’on lui attribuoit d’attirer très-prompte- ment l’humidité de l’air, & de ne pas pouvoir fe criftallifer ; ainfi hume&é par l’air , on l’appeloit huile de tartre par défait lance{\ fi Mais ces deuxpror (1) Bohnius rapporte qu’ayant évaporé lentement & à fine douce chaleur , de t'huile de tartre , il a obtenu, fous une pellicule faline , de beaux crifleaux, qui fe font con- servés plus de fix ans fans altération , quoiqu’expofés à Êl£mens priétés ne dépendent que de ce que le Tel fixe de! tartre n’eft pas un Tel neutre parfait. Comme il contient encore une certaine quantité de potaffe » non faturée d’acide carbonique, c’eff en raifon de cet excès d’alcali qu’il eft déliquefcent. Aujour- d’hui on efi: parvenu à avoir ce fel très-criffalli- fable,qui n’attire point du tout Vàumidité de l’air , & qui s’effleurit plutôt. M. de Chaut- ncs ,qui s’eft beaucoup occupé de cet objet , pré- pare ce fel en expofant une diffolution de potaffe cauffique , ou chargée de peu d’acide carboni- que,dans un lieu rempli decetacide gazeux, com- me dans le haut d’une cuve de bierre en fermenta- tion. L’alcali s’empare de tout l’acide carbonique qu’il peur abforber , &c il criffallife très- réguliè- rement. Ses criftaux font des prifmes quadrangu- laires , terminés par des pyramides à quatre faces très-courtes. La faveur du carbonate de potaffe eft urineufe , mais beaucoup moins forte que celle de l’al- cali végétal cauffique , puifqu’on l’emploie en médecine à la dofe de quelques grains comme «cny— ... différentes températures. ( DiJJ'ert. Phyjico-Chim.,1666. ). M. Montet , célèbre chimifte de Montpellier , qui fans doute n’avoit pas connoiffance de la découverte de Boh- nius , a trouvé defon côté un procédé pour faire criftalli-j fer le fel fixe de tartre. Acad, des Sc, an 1764 ,pœg‘ 5 76. fondant. dHist. Nat. et de Chimie 8ï fondant. Ce fel neutre eft très -altérable au feu ; il fe fond.aifément , 6c il s’alcalife aflez vite. Si on le di Aille dans une cornue en adaptant à ce vaiffeau un récipient 6c un appareil pneumato* chimique au mercure , on en retire l’eau de crif- tallifation , 6c fon acide dans l’état aériforme ; ia poraffe efi: en maffe irrégulière après cette opé- ration, & elle retient toujours une petite portion de fon acide que le feu ne peut lui enlever qu’a- vec la plus grande difficulté. D’après l’analyfe de Bergman , le carbonate de potaffe (attiré d’acide & bien criiftallifé, qu'il nomme alcali végétal aéré 9 contient par quintal vingt parties d’acide, qua- rante-huit d’alcali pur, & trente-deux d’eau. Mais il faut obferver que les carbonates paroiffent être en général plus fufceptibles que les autres de con- tenir des dofes très-différentes 6c très- variées de leur acide. Malgré cette propriété , ce fel ne fourniffant jamais de criftaux réguliers que lorf- qu’il eft parfaitement faturé, on peut regarder comme exad & affez confiant le calcul donné par Bergman. Le carbonate de potaffe , Iorfqu’iî efi bien crif- tallifé , n’éprouve aucune altération de la part de l’air ; fes criftaux refient tranfparens , fans fe fondre ni s’effleurir. Comme il efi très - impor- tant & très néceffaire pour beaucoup d’experien» Tomt II. p s 2 ÉLEMEN5 ces, d’avoir ce Tel afflz pur pour jouir de cette propriété, & pour réfifhr ainfi à l’épreuve de l’air humide ou fec , on en préparera facilement en expofant une leffive de potaffe ordinaire bien pure , bien blanche & bien féparée du fulfate de potaffe que ce fel contient ordinairement, au- deffus d’une cuve à bierre dans un vaiffeau plat , & mieux encore en l’agitant avec des mouffoirs, ou en la verfant continuellement d’un vafe dans un autre ; on la laiffera ainfi en contaél avec l’a- cide carbonique, produit en grand pendant la fermentation , jufqu’à ce que la leffive ait dépo- sé de beaux criffaux de carbonate de potaffe. Ce fel fe diffout très-bien dans quatre parties d’eau froide, & il exige un peu moins d’eau chaude pour êt; e tenu en diffclution ^ il produit du froid en s’unifiant à ce fluide. Cette propriété qui diftingue les fels neutres des fels fimples , ca- raâérife affez la différence du carbonate de po- taffe d’avec la potaffe pure ou cauftique. Il orif- tal'ife par l’évaporation jointe au refroidiffement; fi la diffclution eft trop rapprochée , il fe pi end en maffe irrégulière, ce qui arrive très-fouyent dans les laboratoires. 11 peut (ervir de fondant aux terres vitrifiables, comme la potaffe, parce qu’il s’alcalife par fac- tion du feu , en perdant l’acide carbonique ; d’ail* d’Hist. Nat. et de Chimie; 85 leurs lorfqu’on chauffe fortement ce fel mêlé avec du fable dans des creufets,on obferve que dans le moment de la vitrification il fe produit une vive effervefcenceoccafionnée par le dégagement de l’acide aériforme. Ce phénomène prouve que la terre filicée ne peut point fe combiner avec l’alcali faturé de cet acide , & que celui-ci s’en dé- gage dans l’inftant de la combinaifon vitreufe. Ce caractère d’effervefcence efi fi confiant qu’il a été prcpofé par Bergman , pour reconnoître en petit & par l’acfion du chalumeau , une terre filicée , qui fe fond avec le carbonate de potafié, en pro- duifant un bouillonnement ou une effervefcence très-remarquable, tandis que es autres terres ne préfentent point le même phénomène. L’alumine n’a point d’aélion fur le carbonate de potaffe qui réduit cette terrç par la fufion en une fritte vitreufe , un peu moins facilement à la vérité que la potaffe cauftique j la baryte enlè- ve l’acide carbonique à ce fel. La chaux le décompofe aufiî , parce qu’elle a plus d’affinité avec cet acide, que n’en a la po- ttaffe. Si l’on verfe de l’eau de chaux dansuneclif- ifoîution de carbonate de potaffe , il fe précipite un fel prefque infoluble formé par l’union de la chaux à l’acide carbonique , &: l’alcali pur ou u cauftique refie en diffolution dans l’eau. Onem- 84 Élémens ploie en pharmacie cette décompofition pour préparer la pierre à cautère , qui n’eft que l’alcali fixe végétal rendu caufiique par la chaux. Les con- 'noiflances modernes ont appris que le procédé de Lemerÿ , fuivi par plufieurs pharmacopées , eft très- défectueux. Il confiftoità mêler deux livres «de cendres gravelées (i) avec une livre de chaux vive , à arrofer ce mélange avec feize livres d’eau, à le filtrer, à évaporer la lefiive dans un vaiffeau de cuivre ,& à fondre dans un creufet & couler fur une plaque le réfidu de cette évapora- tion. Dans cette opération on n°obtient qu’un al*’ cali fale , peu cauftique , chargé de cuivre. Bucquet qui a fenti tous ces inconvéniens , a donné un procédé plus long & plus difpendieux à la vérité , mais beaucoup plus fur & plus utile , fur- tout pour préparer de la potaffe bien pure , fi néceffaire dans les expériences de chimie. On prend deux livres de chaux bien vive , on l’arrofe d’un peu d’eau pour la faire brifer, on ajoute une livre de fel fixe de tartre, & on verfe allez d’eau pour former une pâte ; Iorfque le mélange (i)Les cendres gravelées font celles que fournit la fombufiion du marc & de la lie de vin. Ces cendres con- tiennent beaucoup d’alcali végétal ou de carbonate depo- & du fulfate de potaffe. b’Hist. Nat. et de Chimie. 85; eft refroidi , on ajoute de l’eau jufqu’à la Quan- tité de feize pintes , on jette le tout fur un pa- pier foutenu par un linge; il pafle douze livres environ d’une liqueur claire ; on lave encore le réfidu avec quatre pintes d’eau bouillante pour emporter tout l’alcali. Cette liqueur ne fait au- cune effervefcence avec les acides ; mais la meil- leure pierre de touche de fa parfaite cauûieité , c’eft quand elle ne trouble point l’eau de chaux , parce que la petite quantité d’acide carbonique qu’elle contient fuffit pour y occafionner des nuages fenfibles. Or comme après cette première opération elle précipite encore un peu cette li- queur , fi Ton defire avoir un alcali très-pur pour des. expériences délicates , il faut traiter cette lefîive avec deux nouvelles livres de chaux vive; alors elle pafle Très- claire & fi cauftique qu’elle n’altère pas la tranfparence de l’eau de chaux. Lorfqn’on évapore l’alcali à feu ouvert , ce fel fe charge de l’acide carbonique contenu dans l’atmofphère. On doit donc pour l’obtenir bien cauftique & fous forme sèche , évaporer la liqueur dans une cornue jufqu’à ficçiré. Cette opération très-longue n’eft pas néceffaire pour la pierre à cautère puifqu’il fufSt pour ce médica- ment qu’il y ait une portion d’alcali cauftique qui puiffe ronger le tiflu de la peau-; mais comme Ü Fiij $6 Élémens e/l très-nécefiaire pour les expériences exaéfes d’avoir de la potafTe sèche & fol i de dans le plus grand état de pureté } je dois faire obferver que l’évaporation de la!effive alcaline caufKque doit être faite dans des vaifieaux fermes , & que com- me cette évaporation préfente de grandes diffi- cultés relativement à la d enfilé que prend fur la fin la liqueur , il faut conduire le feu avec beau- coup de précaution. L’alcali fixe que l’on obtient par ce procédé doit être très-blanc, ne faire nulle efrervefcence avec es acides & ne point troubler du tout l’eau de chaux. l a magndlie n’agit point fur le carbonate de potafTe , parce que lVcali fixe végétal a plus d’af- finité avec l’acide carbonique que n’en a cette fiibftar.ee falino-terrèufe. Les acides fulfurique , nitrique , muriatique & fiuoricjue clécompofent le carbonate de porafie , en s’unifiant a l’alcali fixe, &en féparant l’acide carbonique qui fe dégage avec effervefcence. On peut recueillir cet acide au - deflus de l’eau ou du mercure j on le reconnoît aux quatre cara&ères fuivants ; il efi: plus pefart que l’air atmofphéri- que , il éteint les bougies , il rougit la teinture de tournefol , & il précipite l’eau de chaux. L’acide boracique paroît ne point féparer a froid l’acide du carbonate de potafTe ; mais il l’en dégage uès-facilementà chaud. d’Histoire Nat. et de Chimte. 87 Les fels neutres que nous avons examines jufqu’à préfent ne font point altérés par le carbonate de potaffe , & ne l’allèrent point lui- même. Ce fel eft très-abondant dans la nature. Il fs trouve tout formé dans les végétaux, & on le retire par l’incinération de ces corps organiques , comme nous le dirons dans le règne végétal f c’eft fur - tout du tartre brûlé qu’on l’obtient» On le prépare encore par la détonation du nitrate1 de potaffe. Les ufages du carbonate de potaffe font affez étendus dans les arts. On l'emploie en médecine ^ comme un fondant très-a&if, dans les embarras du méfentère & des voies urinaires. On nel’ad- miniftre qu’à une t ès-petite dofe.,& on a foin de le donner avec quelque fubftance qui en mo- dère l’aétion. Sorte XII. Carbonate de soude. Il en eft de ce fel neutre comme du précédent. On le rcgardoir autrefois comme un alcali ; c’eft (cependant une combinaifon del’acide carbonique avec l’alcali minéral: il paroîtque c’eft ce fel que les anciens avoient appelé natrum. On le nomme communément Jcl de fouit , parce qu’on le retire affezpu'r & affez bien criftallifé, en évaporant une Fiy <53 Êlf.men.9 leffive de foude du commerce. Audi diftinguok- on l’alcali marin de l’alcali fixe végétal parla pro- priété de criftallifer & de s’t fleurir, cequi dépend de ce qu’il eft tout-à-fait faturé d’acide carboni- que dans la foude ordinaire. Le carbonate de foude a une faveur alcaline \ il verdit le firop de violettes , mais fans en altérer la couleur comme le fait la fonde cauftique. Sa faveur eft urineufe, mais non brûlante & beau- coup moins forte que celle de l’alcali marin pur. Ce fel eft naturellement plus neutre que le carbonate do potaffe , puifqu’il y a long-tems qu’on lui connoît la propriété de crîftallifer \ propriété qui,prife en général, d-i (lingue les Tels neutres d’avec les Tels fimples. Il la doit à ce qu’il contient preique toujours la quantité d’a- cide carbonique nécedàire à fa faturation & à fi criftallifation. Ce fel neutre, criflallifé rapidement , préfente des lames rhomboïdales appliquées oblique- ment les unes fur les autres, de forte qu’elles parodient fe recouvrir à la manière des tuilesi Si on le fait cridallifer 'entement, il prend la forme d’oéïaèdres rhomboïdaux dont les pyra- mides font tronquées très j près de leur bafe, ou de folides décaèdres qui ont deux angles aigus & deux obtus, d*Hist. Nat. et de Chimie. S 9 Ce fel fond en général plus facilement que le carbonate de potaffe ; c’eft pour cela qu’on l’emploie dans les verreries préférablement à ce dernier. Il perd la plus grande partie de fon acide par l’aèUon de la chaleur , mais il en retient tou- jours un peu. Bergman a trouvé par une analyfe exafle j que cent parties de carbonate de foude , qu’il nomme alcali miner al aéré, contiennent feize parties d’acide , vingt parties d’alcali pur & foi- xante- quatre parties d’eau, de forte que la foude demande plus d’acide carbonique pour être fatu- rée que la potaffe & qu’elle retient dans fes criffaux une fois plus d’eau que celle-ci. C’eft à cette grande quantité d’eau que le carbonate de foude doit fa criftailifation plus facile , plus régu- lière, & fon efflorefcence. Le carbonate de foude eft plus diffoluble que celui de potaffe. Il fe diffout dans deux parties d’eau froide , & dans une quantité d’eau bouil- lante égale à la Tienne. Il criftallife par le re- froidiffement , mais l’évaporation lente fournit des cri (faux beaucoup plus réguliers. Ce fel expofé à l'air tombe très-facilement en pouffière , en perdant fon eau de criftallifa- tion que l’air lui enlève; mais ïl n’eft point altéré par cette efflorefcence ; on peut lui fendre fa pre- mière forme en le diffolvapt dans l’eau en le faifant criffallifer. 9° Élemens Il facilite beaucoup la fufion des terres vîtri- fiables , & fait un verre moins altérable que celui dans lequel entre le carbonate de potaffe ; aufti le préféré t-on dans les verreries. On a obfervé que le f ble , en s'unifiant à ce fel , en dégage l’acide carbonique qui s’échappe avec une effervescence bien marquée, comme nous l’avons vu pour le carbonate de potaffe. Il n’a pas plus d’action fur l’argile que ce dernier fel. La baryte , ainft que la' chaux & fa dilToIu- tion ,décompofent lecarbonate de fonde , comme elles font celui de potaffe, & elles en dégagent l’alcali minéral pur &: cauftique. Quand on vcrfe une diffolurion de ce fel dans l’eau de chaux, il y produit un précipité , ce qui n’a point lieu avec la fonde cauftique. Si l’on veut obtenir ce dernier fei dans cet état pour des expériences délicates de chimie , il faut avoit recours au procédé que non avons décrit pour la préparation de la pierre à cautcrc , que l’on fait ordinairement avec la potaffe. Le carbonate de fonde cftdécompofé comme celui de potaffe, par les acides fulfurique, nitri- que , muriatique , &tc. On peut en obtenir l’a- cide carbonique en le recevant fous une cloche pleine d’eau ou de mercure. Ce fel exifte tout formé à la furface de la terre. c d’Hist. Nat. et de Chimie. çti én Egypte , &c. On le retrouve encore dans les cendres des plantes marines ; mais il n’eft pas fatuié de tout l’acide auquel il doit être uni. Pour le rendre plus parfaitement neutre , on peut le combiner direCtemerit avec l’acide de la craie , foit en l’agitant dans une cuve en fermen- tation 3 foit en recevant dans fa diffolution de l'acide carbonique dégagé de la craie par l'acide fulfurique. On le fait encore en imprégnant les parois d’un vafe de diflolution de foude , 8c en verfant dans ce vafe dé l’acide carbonique; on le couvre d’une veffie mouillée , & au bout de quel- ques l:e ;resla combinaifon eff faite , la veffie efl enfoncée à caufe du vide qui s'eft formé dans le vaiffeau , & le fel neutre eft dépofé en criftaux réguliers fur les parois. Le carbonate de foude peut être employé comme le carbonate de potaffe ; il eft d’un ufage beaucoup plus multiplié pour les manu- factures de verrerie , de favon , &c. &c. Il eft donc très-néceffaire d’en augmenter la quan- ti >é , & de chercher à le retirer en grand du mu- riate de foude. Nous avons vu que la litharge , propofée par quelques chimiftes pour produire cet effet , ne décompofe pas bien ce fel; que Schéele a découvert une décompofition plus m2nifefle dans le muriate de foude par la chaux 91 Ê L É MENS vive & le fer , au moyen du conta& de l’atmcf- phère & de l acide carbonique qui y eft mêlé. On voit qu’une proportion de cet acide, plus grande que celle qui exifte communément dans l’air , doit favorifer cette décompofition , en agi fiant p&r Ton attradion fur la fonde. CHAPITRE VI. Genre IL Sels neutres imparfaits, A base d' Ammoniaque , ou Sels AM M O NI AC A UX. Xj es feîs ammoniacaux font formés par la combinaifon d’un acide avec X alcali volatil oit l’ammoniaque; leur faveur efl: en général uri- neufe, ils font tous plus ou moins volatils &. plus décompofables que les feîs neutres par- faits. Nous en connoiffons fix fortes ; le fulfate ammoniacal, le nitrate ammoniacal , le muriate ammoniacal ou Jd ammoniac proprement dit* le borate ammonical , le fluare ammoniacal le carbonate ammoniacal. Sorte I. Sulfate ammoniacal. i Le fulfate ammoniacal , appelé d’abord fel ammoniacal vitriglique , ou vitriol ammoniacal eil le résultat .de la combinaifon faturée de d’Hist. Nat. et de Chimie. r^cide fulfuriq\ie & de l’ammoniaque. On Ta nommé fel ammoniacal fecret de Glaubtr , parce que c’eft ce chimifte qui l’a découvert. Lorsqu’il eft bien pur, il fe préfente fous îa ferme d’aiguilles qui , examinées avec foin , font des prifmes comprimés à fix pans , donc deux font très-larges, terminés par des pyramides à fix faces plus oumoins irrégulières ;prefque toujours cette forme offre des variétés qui s’éloignent de celle que nous venons de décrire. Quelquefois ce feî paroîtêtre en prifmes quadrarigulaires ; j’en ai fouvent obtenu en plaques quarrées & très-min. ces. Ce qui paroît dépendre , comme dans toute criftallifation, de la manière dont les molécules criftallines fe dépofent plus ou moins régulière- ment les unes à côté des autres , ou de la loi de leur décroiffement. La faveur de ce fel eft amère & urineufe; il eft affez leger & très-friable. Comme il contient beaucoup d’eau dans fa Criftallifation , il fe liquéfie d’abord à un feu même affez léger; mais pen-à-peu il fe defsè- che à meiiîre que fon eau de criftallifation fe diflipe. Dans cet état il commence par rougir & fe fond bientôt fans fe volatilifer fuivan$ Bucquet; cependant M. Baumé annonce qu’iî eft demi- volatil. En répétant cette expérience, j’ai obfervé qu’en effet une partie de ce fel fe 94 ÉLÉMENS iublime, mais qu’il en relie une portion fixe dans le vailïeau ; c’elf fans doute cette dernière dont a voulu parler Bucquet. Le füîfate ammoniacal n’éprouve prefque au- cune altération de la part de l’air; il ne tombe point en efflorefcence comme le fulfate de foude , mais au contraire il en attire légèrement l’humi- dité. Il eft très - diffoluble dans l’eau ; deux parties d’eau froide en diffolvent une de ce fel , & l’eau bouillante en diffout fon poids. Il crifiallife par le refroidiffement, mais les p’us beaux criftaux ne s’obtiennent que par l’évaporation infenfible & fpontanée de fa diffolution. Il s’unit aufii à la glace qu’il fait fondre en produifant beaucoup de froid. Il n’a point d’aflion fur les Terres filicée& alumi- neufe :1a magncfie en décompofe une partie & fur* tout à l’aide du tems , fuivant l’obfervation de Bergman. La chaux, la baryte & les alcalis fixes purs en dégagent l’ammoniaque , comme nous le verrons à l’égard du muriate ammoniacal. Si l’on diftiile du carbonate de potaile ou de foude avec le fulfate ammoniacal s d fe fait une double décompofition & une double combinaifon ; l’acide fulfurique fe porte fur l’alcali fixe pour former du fulfate de potafle ou de foude , fuivant la nature de l’alcali ; d’Hist. Nat. Et d.e Chimie. 95 l’acide carbonique dégage fe volatilifaot en même- tèms que le gaz alcalin ou ammoniac, ces deux corps s’unifient, & il enréfulte un fel ammoniacal particulier qui le cri fl ail i 1e dans le récipient. Nous reviendrons plus en détail fur cet objet dans l’hif- toire du muriate ammoniacal. L’acide nitrique & l’acide muriatique féparent une partie de l’acide fulfurique du fulfate ammo- niacal,comme ils le fontpourles iulfatesde potafïs & de foude. On ne l’a point trouvé jufqu’ici dans les pro- duits de la nature. Cependant on lit dans l’effai de crifîalIographiedeM.Roméde Lille , 1772 , page -57, que fuivant M. Sageîe fel ammoniac natif des volcans efl de cette efpèce. L’art le produit en combinant directement l’acidefulfurique & l’am- moniaque, en décompofant des fels terre ux ou des Lels métalliques par l’alcali volatil, ou enfin en dé- compofant les fels ammoniacaux nitrique, muria- tique & carbonique par l’acide fulfurique. Le fulfate ammoniacal n’efl d’aucun ufage ^ quoique Glauber l’ait fort recommandé dans les opérations de la métallurgie. Sorte II. Nitra-Te ammoniacal; Le nitrate ammoniacal , ou fitl ammoniacal nitreux , efl comme le précédent un produit de 1 5>6 Élémens fart. On le prépare en combinant dire&ement l’a- cide nitrique avec l’ammoniaque. Ses criftaux font des prifmes dont le nombre & la difpofi- tion des pans n’ont pas été bien examinés. M, Ro- mé de Lifle dit qu’il eft fufceptible de criftallifer en belles aiguilles afiez femblables à celles du ful- fate de potafle} mais fes aiguilles font tres-allon- gées, ftriées & beaucoup plus femblables à celles du nitre ordinaire qu’au fulfate de potafte. Sa faveur eft amère , p’quante, un peu fraî- che &: urineufe. Sa friabilité eft la même qu® celle du fulfate ammoniacal. Lorfqu’on l’ex- pofe à l’aâion du feu , il fe liquéfie , exhale des vapeurs aqueufes , fe defsèche , 6e long- tems avant de rougir, il détonne feul fans leçon- taû d’aucune matière combuftible & même dans les vaiffeaux fermés. Nous avions fait obferver dans notre première édition que cette propriété fingulière paroiffoit dcpendre de l’ammoniaque; puifque le gaz alcalin femble avoir quelque chofe de combuftible , & puifqu’il augmente la flamme des bougies avant de l’éteindre. M. Ber- tholet ayant expofé du nitrate ammoniacal à l’ac- tion du feu dans un appareil diftillatoire & pneu- mato-chimique , & ayant oblervé avec plus da foin qu’on ne l’avoit fait avant lui les phéno- mènes de cette opération , a remarqué que ce n’eft d'Hist. Nat. et de Chimie. 97 n*eft point une véritable détonation qui a lieu dans ce cas; mais une décompofition brufqne & rapide, dans laquelle une partie de l’alcali volatil ou ammoniaque eft entièrement détruite; l’eau que l’on obtient dans le récipient contient un peu d’acide nitrique à nud en proportion de H’ammoniaque décompofée, & celui-ci donne (du gaz azot ou de Xzmofetu atmofphérique. En pefant le produit liquide de cette opération, on trouve plus d’eau qu’il n’y en gvoit dans le nitrate ammonical , & M. Bertholet penfe que cette eau furabondante eft formée par l’union «Jde l’hydrogène appartenant à l’ammoniaque , aavec l’oxigène de l’acide nitrique. L’azote, îutre principe de l’ammoniaque fix fois plus abondant dans ce fel que l’hydrogène, fe dégage - & fe raflemble dans les cloches de l’appareil pneumatique , fous la forme de gaz azote. On ne fait fi ce fel eft fufible ; car la pre- mière liquéfaûion n’efl due qu’à l’eau de fa l :riftallifation , & il fe diflipe avant de paffer 1. la fécondé. Il en eft de même de fa volatilité; on ne peut n juger , puifqu’avant de fe fublimer il fe dé-, ompofe avec bourfoufflement. Il attire un peu l’humidité de l’air, fes crif- : atux s’agglutinent & forment des efpèces de 1 pelotons. Jomt IL Q 9* ÉLÉMeNS Il eft très-diffoluble dans l’eau ; il s’unit à ïa glace qu’il fait tondre , &c il produit alors un froid confidérabl#. Il eft plus diffoluble dans l’eau chaude que dans l’eau froide; il n’exige qu’une demi-partie de la première pour être tenu en diffolution, & il criftallife par refroi- diffement ; mais cette criftallifation eft irrégu- lière ; & pour obtenir des criftaux bien formés de ce fel, il faut avoir recours à l’évaporation fpontanée ou infenfible. Le nitrate ammoniacal eft décompofé par la baryte , la chaux & les alcalis fixes comme le fulfate ammoniacal. Le gaz alcalin féparé par ces fubftances cauftiques étant très-vohtil ÔC très-expanfible , la décompofition du nitrate ammoniacal , comme celle des autres fels de ce genre , eft fenfible à froid , & elle s’opère en triturant ce fel avec la chaux; mais Porfqu’on veut procéder à cette décompofition par le feu dans des vaiffeaux fermés , il faut donner un degré de chaleur très-ménagé pour éviter fa combus- tion fpontanée. L’acide Sulfurique dégage l’acide nitrique de Ce fel avec effervescence , & il forme avec fa bafe du fulfate ammoniacal. Les carbonates de potaffe & de foude le dé- composent font mutuellement décompofés ; il fe Sublime dans ces opérations de l’ammo- d’Hist. Nat. et de Chimie. 99 iliaque fous forme concrète, que nous examine- rons plus bas fous le nom de carbonate, ammo- niacal. * Le nitrate ammoniacal n’efl: d’aucun ufage. Sorte III. Muriate ammoniacal ou Sel ammoniac. Le muriate ammoniacal ou la combinaifon faturée de l’acide muriatique avec l’ammo- niaque , a été appellé , par les anciens, fel ammo- niac , parce qu’ils le tiroient de l’Ammonie , contrée de la Libye où étoit finie le temple de Jupiter Ammon. Ce fel fe rencontre aux environs des volcans ; ion l’y trouve fous la forme d’efflorefcence &C (de grouppes aiguillés ou compares ordinaire- ment colorés en jaune ou en rouge , & mêlés cd’arfenic & d’orpiment ; on ne fe fert point de (celui-ci , & l’on n’emploie dans les arts que ccelui que l’on prépare en grand , comme nous aa’ions l’expofer. La véritable origine de ce fel faâice n’a été cconnue qu’au commencement de ce fiècle , cquoiqu’on s’en fervît dans un grand nombre d’arts depuis un temps prefque immémorial. C’eft par une lettre de Lemere, conful au Caire, écrite à l’académie le 24 Juin 1719, qu’on a appris l’art de retirer le fel ammoniac des fuies de fiente de chameau , que l’on brûle au Cairâ aau lieu de bois. G ij §00 È L É M E N S On met cette fuie dans de grandes bouteil! rondes, d’un pied &c demi de diamètre, te minées par un col de deux doigts de haut & on les remplit de cette matière jufqu’à qit tre doigts près de leur col. Chaque ballon cor tient environ quarante livres de cette fuie < fournit à peu-près fix livres de fel. On plat ces vaiffeaux fur un fourneau en forme c four , de forte qu’il n'y ait que leur col qui d< borde. On allume le feu avec la fiente de ch; meau, & on le continue pendant trois jours l trois nuits. Ce n’efi: que le deuxieme 6c le rroi fième jour que le fel fe fublime. On cafie enfuil les ballons 6c on en retire les pains de fel fu blimé. Ces pains } qui nous font envoyés te qu’ils ont été retirés des ballons en Egypte font convexes 6c inégaux d’un côté, 6c offren dans le milieu de cette face un tubercule qu dcfigne le col du vaiffeau où ils ont été fublimé^ La face inférieure effc concave 6c falie, ainfi qu la fupérieure , par une ef, èce de fuie. Pomer a indiqué un fel ammoniac venant pai la voie de la Hollande, 6c qui étoit en pain; tronqués femblabks aux pains de fucre. Geof- froy qui le premier a découvert en France le« matériaux de ce fel , 6c qui a deviné le procède employé au Caire pour le préparer, a décou- vert que çette fécondé efpèce de fel ammo- d’Hist. Nat. et de Chimie. toi nîac fe fait aux Indes ; qu’il fe prépare en beau- coup ph. s grande quantité qu’en Egypte, & qu’il ne différé de ce dernier que par la forme, puifqu’il eft également fublimé. En effet , ces pains de quatorze à quinze livres font creux à leur bafe & formés de différentes couches* Lé cône eft tronqué, parce qu’on enlève la pointe qui n’eft qu’une matière impure. M. Baumé a établi aux environs de Paris une manufacture de muriate ammoniacal , oit l’on fabrique entièrement ce fel, en quoi il différé de la préparation des Egyptiens, qui ne font que 1 extraire. Le fel de M. Buimé a encore fur celui d Egypte l’avantage d’être beaucoup plus i pur. La faveur dumuriateammoniacal efl piquante, âcre & urineufe. La forme de fes criftaux efl une pyramide hexaèdre trèsalongée; celle en barbe de p’ume n’eft que la réunion de toutes ccs pyramides , qui fe font rapprochées fous dés angles plus ou moins aigus. M. Romé de r L'fle penfe que les criftaux du muriate ammo- r nia cal font des oétaèdres réunis. On trouve $ * ^uoicllie raremenc , des criftaux cubiques de ce 5 fel, au mi ieu de la partie concave U creufe de 6 leurs pains fublimés. ■ Ce Tel a une p-oprété phyfique aff z fingu- • lièrejcVft une forte deiduûilité, ou d’èuUiié» Giij K10î E L É M E N S qui fait qu’il faute fous le marteau , & qu’il fe laifle plier fous les doigts, ce qui le rend difficile à réduire en poudre. Le nuiriate ammoniacal eft entièrement vola- til j mais il demande un coup de feu allez fort pour fe fublimer. On emploie ce moyen pour l’obtenir très-pur , & privé d’eau autant qu’il eft poflible. On le met en poudre dans des matras» qu’on plonge dans un bain de fable jufqu’au milieu de leur capacité ; on les chauffe par degrés pendant plufieurs heures. Par ce procédé on obtient une mafie compofée d’aiguilles can- nelées & appliquées fuivant leur longueur. Lorf- que l’opération a été conduite avec ménage- ment, on trouve fouvent dans le milieu de ces pains des criftaux cubiques très-réguliers ; mais fi on a chauffé trop fortement , on n’a qu’une maffe informe très-denfe à demi-tranf- parente cl comme fondue. . M. Baume a obfervé qu’en fublimant plu- fieurs fois ce fel, il s’en dégage à chaque fois un peu d’ammoniaque & d’acide muriatique , de forte qu’il feroit peut-être poftible, fuivant ce chimifte , de déçompofer le muriate ammoniacal par des fublimations répétées. Ce fait demande à être confirmé. Le muriate ammoniacal n’eft point altérable à l’air ; ils’y conferve très-long-tems fans éprou- ver de changement fenfible, d’HiST; NAT. ET DE CHIMIE. 103 Il eft très- diffoluble dans l’eau. Six parties d’eau froide fuffifent pour diffoudre une partie de ce fel. Il produit dans cette diffolution un froid confidèrabîe ; ce froid eft encore plus vif lorfqu’on mcle ce ftl avec de la glace. On fe fert avec avantage de ce froid artificiel pour donner naiffance à plufieurs phénomènes qui n’auroient point lieu fans cette circonftance , tels que La congélation de l’èau , la criftallifation de certains fels , la confervation & la fixation de quelques liquides crès-evaporabî'es , &c. L’eau bouillante difFout prefque fon poids de. muriate ammoniacal : ce fël criftalîife par re- froidiffement , mais fes criftaiix les plus régu- liers s’obtiennent, comme ceux des autres fels* par l’évaporation fpotanée ou infenfible. Sou- vent une diffolution très-chargée de ce fel , renfermée dans un flacon , laiffe dépofer au bout de quelques jours des criflaux en panaches formés par un filet moyen auquel un grand nom- bre d’autres filets fe réunifient perpendiculaire- ment, & ceux-ci en fouriennent d’autres plus petits, de forte que L’enfetnble imite parfaite- ment une végétation. J’ai obfervé plufieurs fois ce phénomène dans mon laboratoire (1). I (1) Il n eft aucun Chirnifte qui n’ait éprouvé combien, il eft iméreffant de vifiter de tems à autre les produit^ G iv 104 Elémens Le muriate ammoniacal n’eft pas décompofé par l’alumine. La magnéfie ne le décompofé que très-difficilement , & en partie comme l’a ob- fervé Bergman. Si on met dans une fiole un mélange de magnéfie & de diffolution de mu- riate ammoniacal , il fe dégage , fuivant la remarque du célèbre chimifte d’Upfal, des va- peurs d’ammoniaque au bout de quelques heures; mais ce dégagement ceffe bientôt , & il n’y a que très-peu de fel décompofé. La chaux ainfi que la baryte féparent l’am- moniaque de l’acide muriatique même à froid. Il fuffi: de triturer ce fel avec la chaux vive , V pour qu’il fe volatilife fur - le - champ du gaz ammoniac , dont; l’odeur frappe vivement les nerfs. En faifant cette expérience dans des vaif- confervés dans un laboratoire, fur-tout les diftolutions des fels. Lorfque le hafard préfente quelques obfervations curieufes , on doit les noter fur-le-champ , afin de ne pas laiffer perdre des faits qui peuvent devenir très-importans. C’eft ainfi que j’ai vu un grand nombre de fois fe former des criftaux que je n’avois pu obtenir par l’évaporation. J1 arrive encore qu’en remuant ou débouchant les flacons , il s’y dépofe, peu de tems après, des criftaux dont l’agitation &. le contaâ de l’air favorifent fingulièrement la naiflance. Cette note , inutile pour ceux qui travaillent depuis long-tems , n’eft qu’en faveur des perfonnes qui fe propofent de fe livrer aux recherches chimiques. \ d’Hist. Nat. et d t Chimie. i°5 féaux fermés , on peut recueillir l’ammoniaque ou gazeufe ou diffoute dans l’eau ; cette opéra- tion n’étant jjas encore sffiez bien développée dans les auteurs , quoique les connoiffances modernes aient permis de la rendrt £•£ plus exafte & plus sûre, nous croyons devoir infifler fur fa def- cription. Si l’on emploie de la chaux très-vive 8c du muriate ammoniacal bien lèc , & fi l’on chauffe ce mélange dans une cornue dont le Dec plonge fous une cloche pleine de mercure, ou obtient une grande quantité de gaz alcalin Iou ammoniac. On fait aéluellement pourquoi lorfqu’on diffilloit un pareil mélange dans des ballons fans l’appareil pneumato- chimique , on n’obtenoit prefque point de produit, & pour- quoi l’on étoit expofé aux dangers de la rupture des vaiffeaux. L’état deraréfa&ion , & la quantité de gaz ammoniac qui fe dégage dans cette ex- périence en font la véritable caufe. M. Baumé , qui a fenti une partie de ces inconvéniens , a confeil'é de mettre de l’eau dans la cornue. Ce fluide abforbe en effet une partie du gaz, 8c l’entraîne avec lui ; mais comme ce gaz eff beaucoup plus volatil que l’eau , qn eu perd toujours la plus grande quantité. Les chimiffes qui connoiffent aujourd’hui la grande affinité du gaz ammoniac avec l’eau, & fa fingulière 10(5 É t É M E N S ^volatilité , emploient avec grand ftiecès , pour cette operation , l’appareil de M. Woulfe ; ce procédé ingénieux confiée à adapter à un ballon à deux pointes une bouteille vide , à laquelle on en joint deux ou quatre autres collatérales, qui communiquent enlemble à l’aide de typhons. On mec dans une cornue de grès deftinée a être luttée avec le ballon , la chaux vive & le mu- riate ammoniacal fec en poudre ; on chauffe lentement & avec beaucoup de précaution , jufqu’à faire rougir ôc même vitrifier le fond de la cornue. Le gaz ammoniac dégagé par la chaux , pnffe dans le ballon ÔC dans les bouteilles; il s’unit à l’eau avec chaleur, la fature , & forme dans les premières bouteilles ce qu’on appelle Ytfptit alcali volatil , le plus cauôique poffible. Par ce moyen il ne fe perd aucune portion d’ammoniaque , & on a de phis les avantages de pouvoir bien conduire fon ^opération , d’avoir un produit très-pur tte. très blanc, de n’être point affeéfci par la vapeur, &; enfin de n’avoir rien à craindre pour la rupture des vaiffeaux. Nous nous fommes aufli affurés, Bucquet & moi, par un grand nombre d’expériences , qu’il ne faut qu’une partie &Z demie de chaux , au lieu de trois qu’on em- ployoit ordinairement pour décompofer une partie de rmiriate ammoniacal. La chaux éteinte d’Hist. Nat. et de Chimie; io? à l’air décompofe ce tel , de même que la chaux vive. Le réfidu eft du muriate calcaire , que nous examinerons par la fuite. Cette opération prouve que la chaux a plus d’affinité avec l’acide muriatique que n’en a l’ammoniaque. Les deux alcalis fixes décompofent le muriate ammoniacal, comme le fait la chaux, & ils en dégagent de même l’ammoniaque pure & fous forme de gaz. On peut les employer comme la chaux pour obtenir l’efprit alcalin ; mais on ne fait point ordinairement cette opération dans les laboratoires , parce qu’elle coûte beaucoup plus cher que la décompofition par la chaux vive , & parce que celle-ci remplit abfolument le même but. Les acides fulfurique & nitrique féparent l’a- cide muriatique de ce fel , & s'unifient à l’am- moniaque avec laquelle ils ont plus d’affinité. Le réfidu de ces décompofitions conftitue le fulfate & le nitrate 'ammoniacal. La plupart des feis neutres alcalins n’ont aucune aftion fur le muriate ammoniacal : il n’y a que ceux qui font formés par l’acide carbonique & les deux alcalis fixes , qui le dé- compofent. Il s’opère dans ces mélanges une double décompofition &: une double combi- naifon. En effet, tandis que l’acide muriatique s’unit aux alcalis fixes pour former les muriates r foS É L à M E N S de potaiTe ou de foude , l’acide carbonique qui efi fépa'*é de ces derniers le reporte fuç Pammoniaque dégagée , &£ forme avec elle du caibonate ammo iacal , qui fe fublime en criftaux dont i’intérieur du ballon elt rapide. Pour faire cette opération , on mêle une partie de carbonate de potaiTe ou de foude bien fecs , avec une partie de muriate ammoniacal il blimé. en poudre ; on introduit ce mélange dans une cornue de g. è>, à laquelle on adapte un grand ballon, ou m eux une cucurbite de verre; on do ne le’ feu par degrés , jufqua ce que le fond de la cornue foit rouge. Il fe fublime dans la cucuibite un fel blanc bien criftallifé ; ( c’eft le carbonate ammoniacal.) II paile auiîi un peu d’humidité ; le réiidu eft du n uriate de potaiTe \ ou de fonde fuivant l’a’ca’i fixe qu’on a employé. On retire par ce moyen une quantité très- confidé able de ce fil, qui égale plus des d.ux tiers du muriate ammoniacal employé. Ce phé- nomène avoit fiiit penfer à Duhamel qu’il pafioit un peu d’alcali fixe avec l’alcali volatil. 11 efl aifé de concevoir, depuis que les ex- périences modernes ont éclairé cette théorie , que c’efi: à l’acide carbonique de l’alcali fixe qui s’tft reporté fur l’ammoniaque, qu’eil due la quantité confidérable de fel fubîimé que l’on obtient, Cependant jufqu’à ces derniers teras d’Hist. Nat. et de CïÏimîë. te£ ©n avoit toujours regardé cet alcali volatil con- cret comme le plus pur , & on lui avoit attribué la propriété de criftallifer, de faire efFer- vefcence avec les acides , tandis que celui qu’on obtient par la chaux, & qui efl le véritable alcali volatil pur, pafToit pour un fel altéré r & en partie décompofé. On doit apprécier , d’après cela , combien les découvertes du doc- teur Black ont jetté de jour fur les matières faline ; & l’on ne peut s’empêcher de dire qu’elles ont créé une chimie entièrement neuve, Les ufages du muriate ammoniacal font fort étendus. En médecine , on l’emploie comme fondant à l’intérieur , à la dofe de quelques grains, dans les obflru&ions , les fièvres inter- mittentes, &c. Il agit à l’extérieur comme un puiffanc antifeptique dans la gangrène, &c,&ç. On s’en fert dans un grand nombre d’arts ; mais fpécialement dans la teinture , dans les opérations de métallurgie relatives à la réunion ou à la foudure de différens métaux ; les chau- dronniers l’emploient pour décaper la furface du cuivre qu’ils veulent étamer. Sorte IV, Borate ammoniacal. Le borate ammoniacal ou la combinaifon faturée de l’acide boràcique avec l’ammoniaque, a’a encore été examiné par aucun chimiÆe. IIO ÉtÉ M ENS Voici ce que j’ai obfervé fur quelques-unes de fes propriétés. J’ai diflbus de l’acide boracique bien pur dans de l’ammoniaque ou alcali volatil cauftique , jufqu’à ce que la faturarion m’ait paru complète ; j’ai étendu cette dilTolution dans un peu d’eau , & j’ai fait évaporer au bain de fable environ moitié de la liqueur; elle a fourni par le refroi- diflement une couche de criftaux réunis, donc la furface oifroit des pyramides. Ce fel a une faveur piquante & urineufe; il verdit le firop de violettes ; il perdpem à-peu fa forme criftalline, & devient d’une couleur brune par le contact de l’air ; il paroît allez difloluble dans l’eau ; la chaux en dégage l'ammoniaque. Telles font les principales propriétés que je lui ai reconnues par un premier examen ; mais je n’ai point tenté affez d’expériences pour en con- noître plus à fond la nature. Le borate ammoniacal n’eft abfolument d’au- cun ufage. Sorte V. Fluate ammoniacal. Il en eft de ce fel comme du précédent \ on n’a point encore reconnu les propriétés qui le diftinguent des autres fels ammoniacaux. M. Boullanger s’accorde avec Schéele à dire que l’acide fluorique combiné avec l'ammonia- que ne cridallife point, mais forme une gelée d’Hist. Nat. eT de Chimie iiT qui donne des vapeurs analogues à ceMes de l’acide muriatique , par l’addition de l’acide fulfurique. Ces deux ch- milles n’cnt point exa- miné les autres propriétés de cette efpèce de fel; mais ils en ont vu affez pour faire diftin- guer l’acide fluor ique de l’acide muriatique. Sorte VI. Carbonate ammoniacal. Nous donnons le nom de carbonate ammo- niacal àl’efpèce de fel neutre que l’on appelloit autrefois alcali volant concret 3 &. qui eff véri- tablement une combinaifon faline neutre de l'acide carbonique avec l’ammoniaque. Il n’exifte pas pur & ifolé clans la nature. On le retire de prefque toutes les fubftances ani- males par l’aélion du feu. On le forme aufîi par l’union direffe de l’ammoniaque avec l’acide carbonique , i°. en agitant cet alcali dans une cuve en fermentation , i° . en faifant palier de l’acide carbonique dans l’efprit alcali volatil , 3 S. en \erfant cet acide dans un vaiffeau, fur les parois duquel on a mis des gouttes d’ammo- niaque diffoute dans l’eau , 40. en combinant dire&ement au-deffus du mercure le gaz acide carbonique & le gaz ammoniac : ces deux gaz fe prénétrent tout à-coup , il s’excite beau- coup de chaleur , & il fe forme un fel concret fur les parois de 'la cloche où l’on a fait le mélange, Dans tous ces cas on voit bientôt fe 111 É L i M E N S former des criftaux de carbonate ammoniacal On l’obtient encore en décompofant le muripte ammoniacal par les Tels neutres «arboniques à bafe de potafle ou de foude. Le carbonate ammoniacal eft fufceptible de prendre une forme régulière ; fes criftaux paroil- fent erre des prifmes à plufieurs faces. Bergman les défigne par des oCtaèdres ayant quatre de leurs angles tronqués. M. Romé de Lille a vu des grouppes de ce fel dans iefquels il étoit fous la forme de petits prifmes tétraèdres comprimes, terminés à leur extrémité fupérieure par un fom- met diètire. Sa faveur efl: urineufe , mais beaucoup moins forte que celle de l’ammoniaque pure & caufti- que; fon odeur, quoique femblable à celle de cette dernière , eft aufîi beaucoup moins énergi- que ; il verdit le firop de violettes. Nous croyDns néceffaire de rappeller ici , relativement à cette dernière propriété , que l’acide carbonique ne détruit point complètement les caractères de toutes les matières alcalines avec lefquelles il eft combiné, qu’il leur laiffe des qualités alcali- nes toujours reconnoiffables; fîiais ce n’eft point une raifo'npour refufer le nom de felsneutres aux alcalis faturés par cet acide foible , puifque leurs propriétés alcalines font très-mafquées , puifque leur âcreté, leur caufticité eft cout-à-fait détruite, puifqu’ils ne corrodent plus les matières animales. Le d’Hist. Nat. et de Chimie; i i $ Le carbonate ammoniacal eff très-volatil, la moindre chaleur le fubiime en entier. S’il eff bien criffallifé , lorfqu’on le chauffe, il com- mence par fe liquéfier à l’aide de l’eau de fa criffallifation ; mais il fe volatilife prefqu’en même temps, de manière qu’il eff très- difficile d’avoir ce fel bien criffallifé &i bien fec. Il eft très-diffoluble dans, l’eau; il produit t du froid dans cette diffolutiou , comme tous les fels neutres criffailifés ; cette propriété très- différente de celle de l’ammoniaque pure qui donne beaucoup de chaleur en fe combinant avec l’eau, fuffiroit pour le ranger parmi les fels meutres. Deux parties d’eau froide en diffolvent {plus d’une de carbonate ammoniacal ; l’eau chaude en difl'out plus que fon poids; mais comme il fe diffipe à la chaleur de l’eau bouillante, on ne Deutj’jfans rifque d’en perdre beaucoup, employer ;e moyen pour le faire criffallifer. Il s’hume&e légèrement à l’air, fur-tout îorf- qu’il n’eft pas entièrement faturé d’acide carbo- nique. Les terres filicée & alumineufe n’ont pas plus d’ac; ion fur lui que fur les autres fels ammoniacaux, a magnéfie ne le décompofe que très-foible- nent. La chaux le décompofe comme les autres els ammoniacaux , en s’emparant de fon acide Tome II, H l I 14 É L É M E N S. avec lequel elle a beaucoup d’affinité. Si l’on verfe de l’eau de chaux dans une difiolution de carbonate ammoniacal , il fe fait fur le champ un précipité , &: l’on fent une odeur vive d’ammoniaque cauftique. La chaux s’eft: emparée de l’acide carbonique avec lequel elle a formé de la craie ou du carbonate calcaire qui s’eft précipité, & l’ammoniaque s’eft féparée. La chaux vive triturée avec le carbonate ammo- niacal en dégage fur le champ l’ammoniaque fous forme gazeufe. En mettant ce mélange dans une cornue , on peut obtenir à l’aide de l’eau placée dans les bouteilles de l’appareil de Woulfe, l’ammoniaque cauftique, ainfi qu’on l’obtient du muriate ammoniacal diftillé avec le même intermède. Cette décompofition prouve que la chaux a plus d’affinité avec l’acide car- bonique que n’en a l’ammoniaque ; ce qui eft également démontré pour les autres acides. Les alcalis fixes décompofent le carbonate am- moniacal, comme le fait la chaux, en féparant l’ammoniaque pure , en s’unifiant à fon acide. Enfin les acides fulfurique, nitrique, muriatique & fluorique ont plus d’affinité avec l’ammo- niaque que n’en a l’acide carbonique. Lorfqu’on verfe un de ces acides fur le carbonate ammo- niacal , il fe produit une vive effervefcence due d’Hist. Nat. et de Chimie. i i 5 au dégagement de l’acide carbonique. Si on fait cette décompofitlon dans un vaifleau étroit & allongé, on peut reconnoître la préfence de l’acide carbonique gazeux , en y plonge; < ccompofe le ful- £-te calcaire à l’aide des doubles affinités tandis que ,’acide fulfurique fe porte fui l’ammoniaque, la chaux eft fèparée de l’acide fulfurique par l’acide carbonique, avec lequel elle a une très- grande affinité , & forme avec ce dernier de la craie qui le précipite. Cette décompofitiou eff fi fmfible, &Z fa caufe eft fi bien connue depuis les défc’ouyertes du célèbre Black , que fi l’o.i la.ffe que'que temps expole à l’air un mélange de difiolution de fulfare calcaire & d’ammoniaque cauftique, ce me1 ange d a la tranfynr nce refie parfaite dans le moment qu’il eld fait, préfente bientôt un nuage remarquable à fa furface, en raifon de l’acide carbonique qui lé précipite de l’atmof- phère & qui donne naiff nce à une double af- finité ;ie même phénomène a lieu en faifant paffier quelques bulles de cet acide gazeux dans la liqu ur. Comme on croyoit autrefois que l’alcali volatif concret , ou le carboi are ammoniacal, etoi c l’alca'i volatil pur : Geoffroy, fondé fur ce que ce fel précipite réellement le fulfate cal- caire, a cru que cet alcali avoit plus d’affinité avec l’acide fulfurique , que n’en a la chaux. Le lulfate calcaire eft décompofé par un grand nombre de matières combuftibles , à l’aide de la chaleur. Le charbon des fubftances *2l6 È L Ê M E N s végétales enlève à l’acide fulfurique l’oxigene avec lequel il a plus d'affinité que n’en a le foufre ; il le dégage de l’acide carbonique dans cette décompoiition , & le foufre féparé de l’acide fulfurique s’unit à la chaux , &: forme ce qu’on a appelé ht par calcaire , & ce que nous nommerons par la fuite fui fur e de chaux . Les variétés du fulfate calcaire criftallifé font Cbnfervées avec fdin dans les cabinets d’hiftoire naturelle ; on s’en fert après fa calcination , &c en la détrempant dans l’eau , peur couler des Hautes , des modèles, &c. On fait difFérens meu- bles affiez agréables avec l’albâtre gypfeux taillé & poli , les beaux morceaux de celui de Lagny font employés à cet ufage. La pierre à plâtre eft une des matières les plus utiles que la nature produite. Cette pierre eft un mélange de fulfate calcaire de car- bonate calcaire ou craie. Lorfqu’on l’expofe à l’afîion du feu pour cuire le plâtre , le fulfate calcaire perd fon eau de criflallifation & la craie fon acide. Le plâtre cuit eff donc un mélange de chaux vive & de fulfate calcaire privée d’eau. Lorfqu’on verfe de l’eau fur cette fubftance , ce fluide eft abforbé très-rapidement par la chaux; il en réfulte de la chaleur. L’odeur fétide que l’extincfion du plâtre répand vient decon- liftance & fe durcit même comme une efpèce de pierre factice, lorfque les proportions font exactes pourra faturation réciproque. C’efl cette expé- rience que les premiers chimirtes qui i’ont con- nue ont appellée miracle chimique . Le carbonate ammoniacal décompofe le mu- riate calcaire par une double affinité , comme nous l’avons expliqué pour le fulfate & le nitrate cal- caires. L’ammoniac s’unit à l’acide muriatique, 5c forme du muriate ammoniacal qui refte en diffolution dans la liqueur, tandis que l’acide carbonique combiné avec la chaux forme du car- bonate calcaire qui fe précipite. Le muriate calcaire diffous dans l’eau avec le nitrate calcaire efl difficile à féparerde ce dernier, parce que la loi de criffallifation eft la même pour ces deux fels ; mais on conçoit très-bien que s’il étoit diffous avec le fulfate de chaux, il feroit aifé de les obtenir féparément, parce que ce der- nier fel ne criftaîlifant que par évaporation, laif- feioit à la fin de cette opération le muriate cal- d'Hist. Nat. et de Chimie. 139 Caire pur, qui criftaliife par refroidiffement. 11 eff important de faire cette remarque , parce que ices deux Tels (e trouvent fréquemment en diilo- ilution dans la même eau mit érale. Le muriate ca: caire n’a été jufqu’aujourd’hui cque très-peu en ufage. Comme il exiffe en allez grande quantité dans le fél de gabelle, que l’on rrecommande comme un purgatif fondant dans le wi:e fcrophuleux , j’ai fait voir que ce dernier (el lui doit une partie de fes propriétés. J’ai ajouté que la faveur forte du muriate calcaire & fa grande L'Jifîblubiliré promettaient des effets très- utiles de c:e tel dans toutes les maladies où il s’agit de [fondre , & d’altérer la nature des humeurs. ïl I èroit fort à defirer que les médecins en connuf- Vent les propriétés & en hffent ufage dans un qrand nombre de cas où les fonda ns ordinaires '•dont fouvent que des effets peu marqués , fut- out dans ceux où l'on ne peut pas fe permettre es remèdes mercuriels. J’ai réuni ce que l’expé- iience m’a déjà appris fur les vertus de ce fef rendant dans un mémoire inféré parmi ceux de i fociété royale de médecine , peur les années -781 & 1783. Sorte ï V. Borate calcaire. On peut appellerainfi la ccmbinalfon de l’acide 14° E L É M ENS fèdatif ou boracique avec la chaux; ce fel n’a point dti tout été examiné , quoiqu’il foit certain que l’acide boracique eft fufceptible de s’unir à la chaux , puifque cette dernière décompofe le borax de fonde , ainfi que nous l’avons dit. MM. les ehimiffces de l’académie de Dijon ont oblervé que l’acide boracique concret , traité au feu avec la chaux éteinte , a donné une matière foiblement agglutinée & fans adhérence au creu- fet. Cette matière ’jettée dans l’eau n'a pas préfenté les phénomènes de la chaux, ce qui prouve qu’il y avoit une véritable combinaifon, M. Baumé dit avoir faturé de l’eau de chaux avec du fd fèdatif ; cette liqueur évaporée à l’air , ne lui a point donné de criftaux , mais des pellicules jau- nâtres qui avoient une foible faveur d’acide bora- cique. Enfin, MM. les académiciens de Dijon ont fait digérer au bain de fable de l’eau chargée de cet acide fur de la chaux éteinte à l’air. Cette difîolution filtrée a donné un précipité blanc $£ abondant par l’alcali fixe. Ces diverfes expé- riences ne font qu’indiquer la diflblubihté de la chaux par l’acide boracique , & ne nous appren- nent rien fur les propriétés du fel neutre qui ré* fuite de cette combinaifon. d’Hist, Nat. et de Chimie. 14* Sorte V. Spath fluor ou fluate calcaire. Cette efpèce de Tel eft la combinaifoiT d’acide fluorique avec la chaux. Il eft: répandu fort abon- damment dans la nature. On !e rencontre fur-tout dans les environs des mines , dont il indique même la préfence. Il a été regardé jufqu’à préfent comme une matière pierreufe, en raifon de fon infipidicé , de fa dureté & de fon indiffolubilité. On Ta appellé fpath , parce qu’il a la forme & la cafl'ure fpatique ; jluor ou fujible , parce qu’il fe fond très-bien , & eft même employé avec fuccès dans les travaux des mines ; vitreux , parce qu’il a rafpeél du verre , Si d’ailleurs parce qu’il en forme un affez beau par la fufion ; cubique , parce qu’il a le plus fouvent cette forme ; enfin phofpho - rique } parce que chauffé & porté dans l’obfcurité, il y paroît lumineux. Avant la decouverte de Schéele , le fpath vitreux bien diftingué par les mineurs de toutes les autres matières minérales , à caufe de fa fufibilité, avoir été confondu par les naturaliftes, foit-avec les gvpfes, foir avec les fpaths calcaires, foit avec Iesfpaths pefans, qu’on a auffi appelles fufiblcs. Le cé èbre Margraf a voit cependant diftingué ce fel d’avec le fpath pelant, en adoptant pour le premier le nom de fpath fuüble vitreux , Si pour le fécond , celui de fpath Î41 ÉLÉMENS fufble phofphorique ; & l’on doit rendre à ce chimifte l’hommage des premières découvertes faites fur les propriétés du fluate calcaire. Ce fel eft ordinairement fous la forme de criftaux cubiques de diverfes couleurs, très-régu- liers, d’une tranfparence glaceufe & virreufe : fa cafture eft fpaîhique, & I on y obferve des pla- ques cubiques & comme gercées à fa furface. Il fe brife par le choc du briquet \ il fe rencontre toujours dans les mines , & il leur fert fouvent de gangue. Quelquefois il eft opaque & en maffes irrégulières. Sa pefanteur eft plus confi- dérable que celle de toutes les matières falines que nous avons examinées jufqu’à préfent ; il eft quelquefois nué, veiné, taché, & p'us fouvent entièrement coloré en vert , en rofe, en violet, en rouge , &c. On peut diftinguer dix variétés principales de cette fubftance parmi cell-.s que la nature nous préfente. Variétés. 1. Fluate calcaire eu fpath vitreux cubique, blanc & tranfparejt. 2. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique , blanc & opaque. •* Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique ^ jaune ; faufte topaze. d’Hist. Nat, et de Chimie, 14$ Variétés. 4. Fliiate calcaire ou fpath vitreux cubique , rougeâtre ; faux rubis. 5. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique, verd pâle ; fauffe aigue-marine. . 6. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique, verd; faillie émeraude. 7. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique , violet ; fauffe amethyfle. 8. Fluate calcaire ou fpath vitreux oôaèdre, dont les pyramides font incomplettes. J’ai dansmacoîieètion uncriftaldecetteefpece, qui eff demi-tranfparen: & un peu noirâtre. 9. Fluate calcaire ou fpath vitreux en maffe lamelieufe irrégulière. Il eft prefque toujours d’un vert clair , ou . violet : il forme la gangue de plufieurs mines, 1 eff quelquefois roulé. . % 10. Fluate calcaire ou fpath vitreux en couches de différentes épaiffeurs , &C colorées di^erfement. Ces différentes variétés cle fluate calcaire ne ont , pour la plus grande partie , qu’une feule même fubflance faline , ç’eff-à-dire la com- unaifon de l’acide fluorique avec la chaux. Dépendant comme e.les font formées par la rature , on y trouve ordinairement par une :r.nalyfe exaéte plufieurs matières étrangères , ‘ •omise de la^tcrre filicée , de l’argile ôc du fer, Ï44 E l é m e n s C’efl en général le caractère de tous les pro- duits naturels. L’Angleterre eft fort riche en fluate calcaire. Ce fel terreux expoféàun feu doux , acquiert «ne propriété phofphorique affez marquée ; mais fi on le chauffe jufqu'à le faire rougir , il la perd entièrement , fa couleur verte ou violette fe diffipe en même-tems,il devient gris &c friable ; fi on le chauffe brufquement , il décré- pite prefque auffî vivement que le muriate de fou de. Lorfqu’on jette du fluate de chaux en poudre fur un fer chaux, il éfente une lueur bleuâtre ou violette qui paffe promptement. Une nouvelle chaleur ne donne plus le même phéno- mène fur celui qui l’a déjà préfenté. Une chaleur forte fait fondre ce fel en un verre îranfparent & uniforme ; ce verre adhère aux creufets. On peut fondre un quart de fon poids de quartz fin avec le fluate calcaire ; c’efl pour cela qu’il eft employé comme fondant dans les mines. Le fluate calcaire n’eft point altérable à l’air , ni diffoluble dans l’eau. Il fert de fondant aux matières terreufes & falino-terreufes. Les alcalis fixes purs ne peuvent le décompofer , parceque la chaux a plus d’affi- nité avec fon acide que n’en ont ces fels, fuivant Bergman. L’acide d’Hist. Nat. et ï>e Chimie. 145 L’acide fulfurique concentré en dégage l’acide fluorique , & c’eft le moyen dont on fe fert ordinairement pour obtenir cet acide. On met dans une cornue de verre une partie de fmate calcaire en poudre , avec trois parties d’acide fulfurique ; le mélange s’échauffe peu-à-peu , il fe produit une effervefcence , & il fe dégage des vapeurs d’acide fluorique. Cette diftillation s’établit fans chaleur étrangère , & il fe fublime dans le récipient une fubftance blanche , comme effleurie , & dépofée par le gaz acide. On donne le feu , & on obtient de l’acide fluorique con- centré, qui fe couvre d’une pellicule terreufe , «cpaiffe, femblable à i’efïïorefcence blanche donc mous avons parlé, forfqu’il tombe goutte à ; goutte dans l’eau qu’on a foin de mettre dans Je récipient. On peut obtenir cet acide fous la forme de gaz , lorfqu’on plonge le bec de la ' «cornue fous une cloche pleine de mercure. Cet acide aériforme eft tranfparent, &tne laiffe pré- cipiter la terre qui lui eff unie que lorfqu’on 1 lie met en contaéb avec de l’eau. On conçoit 1 d’après cela pourquoi l’acide fluorique liquide ' dépof® dans le ballon des croûres pierreufes , : puifqu’il ne peut les tenir en diffolution tomes ‘ les fois qu’il eft combiné avec l’eau. Nous avons vu que cette terre qui eft de nature filicée appar- tient aux yafes dç veïrç 311e l’açide fluorique %omc 11„ e ÏLÉMENS corrode, Sc. qu’elle n’eft point le produit de la combinaison de l’acide avec l’eau , comme î’avoit d’abord penfé Schéele. Lorfque la dis- tillation eft finie , on obferve que le réfidu eft dur, blanc ou rougeâtre, par plaques, & que la cornue eft trouée ou corrodée très-fenfible- ment. Cette obfervation n’avoit point échappe à Margraf ; & ft l’on examine par les difFérens moyens la nature du réfidu , on reconnoît que cveft du Sulfate calcaire mêlé à de la Silice „ Souvent même à de l’alumine Ôz h un peu de. magnéfie. Ces deux dernières Subftances Sem- blent j ainfi que le fer , n’être qu’accidentelles-i dans le fluate calcaire. La croûte dépofée pa* avec quatre parties de ccarbonate & de potaffe , & en jettant ce 1 Tnélange fondu dans l’eau, il fe précipite du ■ ccarbonate de chaux formé par l’acide carbonir que uni à la chaux du £uare calcaire , & la ' liqueur contient du fluate de potaffe qu’on peut ’ obtenir fous forme de gelée par l'évaporation. 0 (Ce procédé répété avec le carbonate de foude e fournit également du carbonate de chaux & > * du fluate de foude que l’on obtient criftallilé e en évaporant la liqueur. Le fluate calcaire n’eft d’ufage que dans quel* lues pays de mines , çû çn Remploie ÇQnm$ K 3 I 4& Elémens un très- bon fondant. On pourroit aufli s’en fervir au meme ufage dans les travaux doci- maftiques. Sorte VI. Carbonate de chaux ou craie; Matières calcaires en général. Le fpath calcaire , le marbre , la craie , & tout Ce qu’on appelle en général matière ca lcaire , eft un fel neutre formé par l’union de l’acide carbonique avec la chaux : il faut donc appeler ce fel carbonate, de, chaux ou carbonate, calcairt. Cette fubftance a été mife au rang des pierres; par les naturaliftes , parce qu’ils ne lui avoient reconnu aucune propriété faline. Cependant nous verrons qu’elle a une forte de faveur , qu’elle eft diflbîuble dans l’eau, qu’elle peut être décompofée, & qu’elle fournit dans fcn analyfe; une grande quantité d’acide carbonique , & lat fubftance falino-terreufe que nous avons connue fous le nom de chaux. Comme le fpath calcaire cfl la dernière modification d’une matière très- variée dans fa forme , &c qui pafte par beaucoup d’érats différens avant d’être régulièrement crif- tallifee, il eft néceffaire de conftdérer en généra) les fubftances calcaires, ou crétacées (i). (i) Je crois qu’on devroit appeller crétacées toutes les 4Tubftances que l’on défigne ordinairement en hiûoire na- turelle gai, le fipgk çrtwrjs i çn.çffet , le premier 1 d'Hist. Nat. et de Chimie. ï4# Aucune partie de l’hiftcire naturelle n’oflre un champ plus vafte à parcourir, un enfemble plus complet de cofinoiflances pofitives que celle des matières calcaires. Une longue obfervation tqui ne s’eft jamais démentie, & fur-tout la pof- iibilité de fuivre pas à pas la marche de la mature dans la formarion de ces matières , ont appris que le fein des mers eft le laboratoire :©ii elles font fans ceffe travaillées. Parmi le grand nombre d’animaux que ces immenfes amas d’eaux nourrirent, il en efè pluheurs claffes dont les individus, multipliés prefqu’à l’infini , fèm- iblent deftinés à ajouter à la maffe de notre globe. Tels font les vers à coquille, les ma- drépores , les li.hopbites , dont les parties foli- ddes , examinées par l'art du chimifte, quelque t temps après qu’ils ont cefTé de vivre , préfentent indique la combinaifon faline neutre formée par la chaux ■Sc l’acide carbonique, c’ed-à-dire, la craie, creta\ le fécond . appartient en propre à la chaux , calx , qui fait la bafe d le ce fel. L’expreiïion matière ou terre calcaire devroit ll'lonc être réfervée pour la chaux vive , & celle de matière raieufe ou crétacée diftingueroit la combinaifon de la. r ehaux avec l’acide delà craie; mais on ne peut pas fe- îâtter de faire adopter de fitôt ces deux expreffions qui ont toujours été fynonimes, quoiqu’elles dufi'ent être appli- quées à des fubftances vraiment différentes , & quoiqu’ël* tes fiiffent lufceptibles d’enrichir notre langue. * ï0 Ë L É- M 2 N S tous les caraélères de fubfîances calcaires. C’elî la bafe de ces efpèces de fquelettes marins qui produit , par leur entaffement fucceffif , les mon- tagnes entièrement formées dè ces matières. Quoiqu’il y ait bien loin de l'état naturel de ces être animés, jufqti’à la cri fralli Cation du fpath calcaire , quoiqu’il foit difficile d’appercevoir au premier coup-d’œil la différence étonnante qui exiÜe entre la fubftance molle & pulpeufe de ces animaux vivans , & la dureté de ces maffes pierreufes qu’ils forment avec le temps, & qui font deftinées à donner de la folidité à nos étffïces les plus durables, il eft cepen- dant poffible de fe former une idée des nuan- ces d’altération par lefquels ils paffent pour fe confondre avec les corps minéraux. Voici comment on peut concevoir ces dégradations depuis l’organifation animale agiffante, jufqu’au dépôt régulier qui forme peu-à-peule carbonate de chaux tranfparent & criflallifé, c’eft-à-dirc le fpath calcaire. Les eaux de la mer, en fe balançant fui- vantlesioix d’un mouvement qui nous eft encore inconnu, fe déplacent infenfibiement , & chan- gent de lit. Elles quittent un rivage qui s’ag- grandit peu-à-peu pour s’avancer fur une terre dont l’étendue diminue en même proportion.’ Ce fait eft démontré dans la lavante théorie \ d’Hist. Nat. et de Chimie. 151 | ;de la terre de Buffon. A mefure que les I eaux abandonnent une partie de leur lit , elles 1 daiffent à découvert des fonds fur lefquels leurs I mouvemens variés , & fi bien appréciés par l’homme célèbre que nous venons de citer , 1 ont formé des couches , par le dépôt fuccehif ce genre peut-être réduit a deux lortes fous lefquelles on pourra com- prendre toutes l$s priées po£&.ble^ E L JE M a N s.' *58 Sortes. 1. Coquilles entières ou fofïiles. On y diftingue différentes nuances d’altéra- tions, pour les couleurs, le brillant , la dure- té, &c. Il faut y comprendre les madrépores & toutes les habitations calcaires de polypes dans l’érat de fofïiles. 2. Falun ou cron. Coquilles brifées & fous la forme de terre; le fol d’une partie de la Touraine & de plu- fieurs autres provinces de la France eft entiè- rement de cette nature. On emploie ces terres comme un très-bun engrais. Genre 1 1. Ter re s et Pierres ; CA L C AI RE S. Elles font formées par les matières du pre- mier genre ufées ôt dépofées par les eaux. On les trouve difpofécs par couches ou par bancs dans l’intérieur de la terre. Nous fuivons M. Dau- . benton dans la diftinûion des différentes fortes» Sortes. 1. Terre calcaire compa&e ; craie. Elle varie par la couleur ôc la fîneffe du grain on l’emploie à beaucoup d’ufages domefti- ques. 2. Terre calcaire fpongieufe J moelle de, pierre. ) 0 A d’Hist. Nat. et' de Chimie. 159 I Sorte?. 3. Terre calcaire en poudre ; farine, fojjlle . 4. Terre calcaire en bouillie ÿ Lait de Lune. 5 Terre calcaire molle •, tuf. Il durcit & blanchit en le léchant. 6. Pierre calcaire à gros grains. Celle d’Arcueil en fournit un exemple. On y trouve des coquilles à demi-brifées. 7. Pierre calcaire à grain fin. La pierre de Tonnerre en elt une variété. Sans entrer dans des détails inutiles, on conçoit que la couleur, la dureté & les ufages divers auxquels on emploie ces terres & ces pierres donnent un grand nombre de variétés qu’on connoît fous différons noms. En général elles fervent à faire de la chaux, à la conftruffioa des édifices , &c. &c. Genre l.I.I. il I arbre Les marbres différent des pierres calcaires proprement dites, par leur dureié un peu plus confidérable, Comme elles, ils n’étincèlent pas fous le briquet, ils font effervefcence avec les acides , & leur caffure eff grenue. Mais leur grain eft beaucoup plus fin & plus ferré ; leurs cou- leurs font plus brillantes , & ils prennent un plus beau poli. Tout le monde connoît les ufages du marbre dans la fculpture a l’arçhite&ure, 3cc., Mo E I É M E N S pa l’emploie aufïi dans quelques pays pour faire de la chaux. Sortes. f. Lumachelle. Ce nom a été donné par les italiens à une jefpèce de marbre formé par des coquilles agglu- tinées. 2. Brèche. C’eft un marbre compofé de petites malles arrondies, liées par un ciment de même nature, 3. Marbre proprement dit. On n’y trouve ni les coquilles des lumachelles, ni la compofition en maffes arrondies des brè- ches; lès taches font irrégulières : il eft l'ouvent veiné. M. Daubenton divife les marbres par le nombre & la combinaifon des couleurs, en comprenant fous la même dénomination les lumachelles & les brèches. 10. En marbre de fix couleurs : ex. blanc , 'gris , vert , jaune , rouge & noir ; marbre de Wirtemberg. 2°. En marbre de deux couleurs : ex. blanc* gris ; marbre de Carare. 3®. En marbre de trois couleurs : ex. gris, jaune & noir; lumachelle. 40. En marbre de quatre couleurs : ex. blanc* gris , jaune, rouge ; brocïïtelle d’Efpagne. 50. En marbre de cinq couleurs : ex. blanc , d’Hîst. Nat. Ef de Chimie* 161 Sottes. gris , jaune , ronge , noiï ; brèche de la vieille Cafhlle. 4. Marbre figuré. Il repréfente des ruines comme le marbre de -Florence , ou des herbes comme celui de HefTe* On obfervera que les couleurs du marbre dé- pendent prefque toujours du fer qui a été inter- pofé entre fes grains ; cette fubftance , quoique I ufceptible d’un allez beau poli , efl très-poreu- fe ; tout le rhonde fait qu’il le tache très-facile* nent ; c’efl lur cette propriété qu’efl fondé Part Py deiîiner de s fleurs , & de les teindre de beau- oup de cou’eurs variées* Souvent le marbre eft mêlé de quelques frag- iens de pierre dure, telles que le quartz, le lex i alors la partie qui contient ces frapriens mit feu avec le briquet ; j’ai trouvé fréquemment e; caractère dans piufieurs efpèaes de marbre coir. Genre IV. Concrétions , Les concrétions font formées irrégulièrement 9 ir un dépôt plus ou moins ient , ne la matière Jcaire châtiée pat les eaux , à la fut face d’un ,rps quelconque. Elles ne font point difpoléei Tome IL •« l i6z E L É M E N S par grandes couches , mais par fragmens en maffes d’abord ifo'ées , qui peu-à-peu fe rapprochent ÔC fe confondent en augm entant d’étendue. Sortes. 1. Incruftations. Les eaux très-charg es de cra:e les dépofent à la furface de tous les corps far lefquels elles cou- lent; les incruftations peuvent donc avoir toutes les formes poffibles , fuivant les f.ibftances qui leur ont fervi de noyaux. Telles font celles des eaux d’Arcueil ; telle eft l’oftéocolle , &c. 2. Stala&ites. Elles font formées lentement & par couches concentriques, dépofées par les eaux, aux voû- tes des cavernes, &c. Elles diffèrent entr’elles par la grofEur, la tranfparence ou l’opacité , le grain , la couleur , la rorme. Elles font en géné- ral pyramidales & creufes. Le jlos ferri eff la plus pure de toutes. Lorfqu’elles font collées le long des parois des cavités fouterreines , on les nomme congélations : dépofées fur le, fol, elles portent le nom de flalagmitcs • 3. Albâtre. L’albâtre paroît fermé par les ftala&ites les plus pures, enfouies pendant long'tems. Il eft moins dur que le marbre; lor qu’il eft poli, fa furface paroi: graffe & huüeufe. I eft manifefte- ment compofé de couches qui ont différentes di- d’Hist. Nat. Et de Chimie: ‘ïëy redions. Il a toujours une îranfparence, plus ou moins grande, qui le diflingue des marbres; mais elle n’égale jamais celle de quelques fpaths. L’albâtre a d’ailleurs tous les caraûères des pier- res calcaires. On en fait des vafes 6c des ftatues» On peut en diftinguer beaucoup de variétés. ,\ ariètés. 1. Albâtre Oriental. C’eft le plus tranfparent & le plus dur. 2. Albâtre occidental. Il eft moins beau 6c moins pur que le précé- dent. 3. Albâtre taché de différentes couleurs. 4. Albâtre ondé. On l’appelle auiTi albâtre d’agate. s. Albâtre fleuri. 1 J ' Il préfente des efpèces d’herborifations.' Genre V. Spath calcaire f Le fpath calcaire diffère des quatre genres pré4’’ cédens par fa forme le plus fouvent régulière & fur-tout par fa calibre. Il eft formé de lames appliquées les unes fur les autres , & très-appa- rentes dans fa fra&ure, Il s'égrène par le Conrad du briquet, . Lij l E L £ M E N 5 $64 Sortes. 1. Spath calcaire opaque. Il eft blanc ou coloré de diverfes manières ; il efl ordinairement formé de lames rhomboï- dales. 2. Spath calcaire rhomboïdal obtus ; cryftal d’iflande. Il double les objets. C’eft fouvent un fragment artificiel. ''1 3. Spath calcaire lenticulaire. M. Rome de Lille le croit une variété dufpath prifmatique hexaèdre , terminé par deux pyra- mides triangulaires obtufes , placées en fens con- traire. Mais c’efl réellement la variété précé- dente arrondie dans fes ang'es folides. 4. Spath calcaire prifmatique fans pyrami- des, 1 Ce font des prifmes hexaèdres purs , dont les pans font égaux ou inégaux, & dont quelquefois les angles font coupés, de forte qu’ds forment des prifmes à douze faces ; ce qui donne trois Variétés, 5. Spath calcaire en prifmes terminés par deux pyramides. 11 y a un afftz grand nombre de variétés de ce fpath, Quelques-unes font des prifmes à fixpans, terminés par des pyramides hexaèdres , ou en- tières, ou incomplettes; D’autres préfentent , à d’Hist. Nat, et de Chimie. ï6S Sortes. l’extrémité des mêmes prifmes à fix pans , des pyramides trièdres , entières ou incomplettes , ou des fommets dièdres. Enfin, il en efl dont les prifmes quadrangulaires font terminés par des fommets dièdres. On y compte , lorfqu’il efl ré- gulier , 18 facettes crapézoïdes. 6. Spath calcaire pyramidal, ou à douze triangles. Celui-ci eft formé d’une ou de deux pyramides réunies fans prifme intermédiaire. La forme hexaèdre ou triangulaire de ces pyramides , l’i- négalité de leurs faces , leurs angles fouvent tronqués établirent un grand nombre de varié- tés (i). (i) Si l’on veut prendre une idée des variétés de forme que l’on peut diftinguer dans les fpaths , & du grand nombre d’efpèces que l’on pourroit en faire , fi l’on avoit égard à ces nuances de forme , on peut confulter l’Ou- vrage anglois de M. Hill , qui a pour titre : The Hijlory of fojjîls , containing the hijlory of metals , and gems , &c. London , 1748, in fol. cum tab. tzneis. M. Romé de Lille en a donné un extrait dans la première édition de fa Cryftallographie , page 131 & fuiv. page 191 & fuiv.. relativement au fparh calcaire & au cryflal de roche. Il démontre que la méthode de M. Hill efl défeéfueufe 3 embarrafl'ante , &c. Liij E L É M E N S i 66 Sortes. 7. Spath calcaire dodécaèdre. Cette variété eft formée de douze faces pen- tagones ftriées en fens inverfe : quand il eft petit, on le nomme fpath en tête de clous. 8. Spath calcaire en (tries. C’eft un amas de longs prifmes ralîemblés en faifceaux, &c qui ne préfentent point de forme régulière qu’il foit pofiib'e de déterminer. Le lapis fuijlus des Suédois appartient à cette forte. * §• II. Propriétés chimiques du carbonate calcaire . Comme les propriétés chimiques tiennent à la combinaifon ou aux principes des corps, il faut donner à çeux-ci des noms qui expriment leur nature; d’après cette confidération , les diverfes matières calcaires que nous avons défignées doi- vent être confondues chimiquement fous la dé- nomination de carbonate calcaire : c’e(t fur le fpath calcaire le plus tranfparent ou fur le mar- bre blanc pur , que l’on doit faire les expériences qui établiffent les propriétés de ce fel terreux. Pour foumettre du carbonate calcaire à l’ana- lyfç , il faut en détruire l’aggrégation en le ré- duifant en poudre. Sous çette forme , il eÜ blanc 6c opaque ; il n’a pas de faveur marquée , ce- pendant il reiferre un peu les fibres du palais &: d’Hist. Nat. it de Chimie: 167 He la langue , lorfqu’on le tient pendant quelque tems dans la bouche. Ce fel terreux, expofé à Pa&ion du feu , perd fon acide 6c fon eau de criftalhiation. Si on le chauffe brufquenient , il décrépite 6c perd fa tranfparence. En le diffiilant dans une cornue, on en retire de l’eau & beaucoup décide car- bonique gazeux ; mais il faut une chaleur con- fidérable pour dégager ce dernier. Après cette opération, la matière calcaire eft réduite à l’état de chaux vive ; on peut réformer ce fel eu combinant cette dernière avec i’aclde qu’on a obtenu de fa décompofition. La difliliation de la craie , qui ne différé du fpath calcaire que par fon peu de cohérence & fon opacité , a été faite par M. Jacquin. M. de la Rochefou- cauîd , qui i’a répétée avec beaucoup de foin , a obfervé que les cornues de grès laiffoient échap- per une partie de l’acide carbonique aériforme, M. Prieftley a conffaté ce fait par plufieurs ex- périences très-exaèles. On peut fe fervir d’une cornue de fer , ou d’un canon de fufil , mais on obtient toujours un peu de gaz inflammable ou hydrogène produit par l’aélion de l’eau conte- nue dans la craie fur le fer. Le carbonate calcaire 3 expofé à un grand feu dans des creufets d’asgile , eft fufceptible de fe Liv I 68 E L I M E N S fondre en verre autour des parois de ce vaifTeau, ■ M. d’Arcet en a fondu plufieurs fortes en un verre tranfparent marqué de quelques taches ; mais comme Macquer a obfervé que ce fel ter- reux n’a point été fondu au foyer de la lentille de M, de Truda;ne, on ne peut dourer que la fuffion obtenue par M. d’Arcet ne fût due à l’ar- gile des creufets, Le carbonate calcaire n’eft point ahérab'e par l’air pur. Mais le contad vie Patent fphère humi- de , joint aux rayons du (o'eil , lui fait perdre fa trafd'parençe 6c la cohv.fi on de les lames. Sa furface prend «es couleurs de l’iris , s’oblçurcit & fe délite peu -à -peu» Il ne pare il pas ditîpluble dans l’eau. La craie, que l’art ne parvient pas plus à didoudre dans çe fj tée pur que le carbonate calcaire , ed ce- pendant tenue en difîolution par les eaux qui coulent à travers ces fubdançes ; quelques-unes même en contiennent une quantité notable, Telles font celles d’Arcueil aux environs de Pa-? ris; elles font chargées d’une affez grande quan-' tiré de craie pour incruder, en quelques mois, les corps plongés dans les canaux qu’elles par* courent. Les eaux des bains de Saint Philippe en Italie font tellement chargées de cette fubf- tançe , qu’elles en dépolent des couches de prés 4’uq demhpQUçe d’épaifTeur dans l’eipace d§ d’Hist. Nat. et de Chimie. *$9 quelques jours. On profite de cette propriété pour y former des tableaux & des figures ; on y plonge des moules creux à la furface inté- rieure defquels ces eaux dépofent la craie quel- les contiennent. Le carbonate calcaire aide la vitrification de quelques fubflances terreufes & pierreufes ; mele avec la terre filicée , il la fait entrer en fufion, lorfque cette dernière efl dans la proportion d un tiers ou d’un quart. Ce fel, mêlé par la nature avec une terre ar- gileufe , forme une matière terreufe , mixte , que les naturalises & les cultivateurs défignent fous le nom de marne. Cette fubSance , qui offre un grand nombre de variétés différentes par la couleur, la denfité, &c. fe fond à un grand feu en un verre d’un jaune verdâtre ; on l’em- ploie avec beaucoup de fuccès pour ameublir les terres Sc pour les fertilifer, La baryte & la magnélîe n’ont aucune aftion fur le carbonate calcaire par la voie humide } l’a- cide carbonique adhère plus fortement à la chaux qu’à ces deux fubftances falino-terreufes ; mais le carbonate calcaire, traité au feu avec ces ter- res alcalines, forme avec eiles des combinaifons Vitreufes. M. Achard a fait une grande fuite d’ex- périences fur tous ces mélanges par la vitrifîca- 170 E L É M E K S tion ; les détails en font confignés dans le Journal de Phyfique. Les alcalis fixes & l’ammoniaque n’altèrent point le carbonate calcaire , parce que l’acide carbonique a plus d’affinité avec la chaux que n’en ont ces fels. Les acides fulfurique, nitrique, muriatique & ffiiorique le décompofent en lui en'evant fa bafe , & en dégageant l’acide carbonique. Si l’on verfe de l’acide fulfurique fur du carbonate cal- caire , il s’excite un bouillonnement dû au dé- gagement de l’acide carbonique fous la forme gazeufe. Les naturalises fe fervent avec avau*, tage de ce caradère chimique pour diftinguer toutes les fubftances calcaires. On peut faire , à l’aide des acides, une analyfe exade du carbo- nate calcaire. Pour cela , on verfe de l’acide ful- furique fur ce fel réduit en poudre. L’effervefi- cence violente qui fe produit dans l’inftant du mélange indique la féparat'on de l’acide* carbo- nique , que l’on peut obtenir &z mefurer en le recevant, à l’aide d’un fyphon , dans des cloches remplies de mercure. L’effiervefcence efi accom- pagnée de froid , à caufe de la volatilifaticn de l’acide. Lorfqu’elle efi: finie, fi l’on examine la nouvelle combinaifon , on trouve que c’efi: du fiulfate calcaire, formé par l’acide fulfurique uni à la chaux , qui faifoit la bafe du premier feb d’Hist. Nat. et de Chimie. 171 Des expériences nouvelles ont appris cjue quel- ques-uns de ces fpaîhs contiennent un peu de roagtaéfie, & donnent du fulfate de magnefie, lorfqu’on les diffout par l’acide fulfurique. L a- cide nitrique que les naturaliftes emploient ordi- nairement dans leurs efifais produit la meme efFer- vefcence fur le carbonate calcaire ; il en dégagé l’acide carbonique forme du nitrate calcaire avec fa bafe. L’acide muriatique fépare de même avec effer- vefcence violente l’acide du carbonate calcaire , & donne du muriate de chaux en fe combinant avec fa bafe. L’acide fluorique le décompofe de même , & forme du fluate calcaire avec fa bafe. L’acide boracique ne décompofe point à froid le carbonate calcaire } mais il produit une efter- vefcence lorfqu’on le fait chauffer en le mêlant avec de la craie en poudre , & en délayant dans ce mélange fuffifanîe quantité d’eau. L’acide carbonique a la propriété de donner de la folubilité au carbonate de chaux ou à toutes les matières calcaires en général. Nous avons déjà vu , à l’article de cet acide , qu’il précipite l’eau de chaux en craie, & qu’il la re- diiïout fi on en ajoute plus qu’il n’en faut pour cette précipitation. L’eau chargée d’acide carbo- nique qui féjourne fur du carbonate ca’ caire en 17* E L É M E N S poudre, fe charge peu à-pcu d’une certaine quan- tité de ce Tel neutre terreux. Plufieurs eaux con- tiennent auffi de la craie àla faveur de Ton acide; mais toutes ces diffo’utions (ont peu durables. Lor (qu’on les expofe à l’air , elles fe troublent peu-à-peu , 6c la craie fe piécipite à mefure que l’acide carbonique fe diflipe. Cet effet e(l beau- coup plus rapide par l’o&ion de la chaleur; c'eft pour cela qu’on emploie avec fuccès l’ébullition pour corriger les eaux chargées de craie, qui font dures & crues, (ans cette précaution. Comme c’eft prefque toujours en raifen de l’acide carbonique que les eaux tiennent de la craie endiüolut-ion , on coi çoir que ce fel terreux doitfe précipiter lorfque l’ac'de s’évapore; telle efl la caufe des dépôts calcaires 6c des incrus- tations qui fe forment dans les fontaines , autour des canaux que l’eau parcourt, ainfi qu’on l’eb* fervepour celles d’Arçueil 6c des bains de Saint- Philippe en Italie. Lorfque l’hiftoire naturelle n’étoit point encore éclairée par la chimie, on don noir le nom de fontaines pénifiantes à celles qui préfentoient ces dépôts , oc la fuper (lition des peuples les comptoir au nombre des mira- cles. Le carbonate calcaire n’a aucune a&îon fur les fels n.utres à bafe d’alcalis fixes. Il décompofe les fcls ammoniacaux. On obtient d’une part un v d’Hîst. Nat. .-et te Chimie. 17$ fel calcaire formé par l’acide des fels ammo- niacaux 6c la chaux , & de l’autre part , du car- bonate ammoniacal , réfultant de la combi- naifonde l’acide carbonique avec l’ammoniaque. On fait cette opération en d iffillanr dans une cornue de grès un mélange/d’une livre de fel ammoniac & de deux livres de craie , ou bien de fpa:h calcaire en poudre. On a foin d’em- ployer ces deux fubflances b. en sèches. On adapte à la cornue un ballon avec une allonge , ou mieux encore une cucurbite de verre ou de grès. On donne le feu par degrés jufqu’à faire rougir le fond de la cornue , & l’on refroidit le récipient avec des linges mouillés, eu un filet d’eau froide dont l’écoulement efl entretenu pendant toute l’opération. Il paffe des vapeurs blanches, qui fe condenfent en criftaux très- blancs & très-purs fur les parois du récipient^ C’eft le carbonate ammoniacal : il parok que c’efl par ce procédé qu’on le prépare en grand à Londres , d’oîi il éioit envoyé autrefois dans toute l’Europe, fous le nom de fl volatil d' An- gleterre ; aujourd’hui on fait préparer ce fel par- tout. Le réfidu de cette opération efl du muriate calcaire avec excès de chaux , ordinairement fon- du, lorfqu’on a donné un bon coup de feu fur la fin de l’opération. Les ufages du fpath & des matières calcaires 1 74 E L É M E N S en général font fort étendus , ainlî que nous l’avons déjà fait obferver en traitant de leur hiftoire naturelle* Mais un des plus importans , eft la préparation qu’on leur fait fubir pour les changer en chaux. L’art du chaufournier con- fiée à décompofer les matières calcaires par l’aétion du feu , & à leur enlever leur acide. Les pierres chargées de coquilles, les marbres, & la plupart des fpaths calcaires font celles de ces fubftances qui donnent la meilleure chaux. Ce- pendant on fe fertplus communément, fur-tout aux environs de Paris , d’une efpèce de pierre calcaire dure , que l*on nomme pierre à chaux . On arrange ces pierres dans une efpèce de four ou de tourelle , de manière qu’elles forment une voûte; on allume fous cette voûte un feu de fagots , que l’on continue jufqu’à ce qu’il s’élève une flamme vive , fans fumée , à environ dix pieds au-deffus du four , & jufqu’à ce que les pierres foient dune grande blancheur. On com- mence aujourd’hui à fe fervir aux environs de Paris de charbon de terre & de tourbe pour la cuiffon de la chaux. Pour que la chaux foit bonne , elle doit être dure , fonore , s’échauffer promptement & for- tement avec l’eau , & donner une fumée épaiffe dans fon extin&ion. Si elle n’a pas été affez cal- cinée, elle eft moins fonore , & elle ne s’échaude d’Hist. Nat. et de Chimie. 175 que peu 6c lentement avec l’eau ; fi elle l’a été trop, elle efi à demi- vitrifiée ; elle rend, lorf- qu’on la frappe, un fon trop clair; 6c elle ne peut plus s’unir facilement avec l’eau. Les chau- fourniers la nomment alors chaux brûlée . Nous ne parlerons pas des ufages de la chaux , parce que nous en avons traité dans i’hilloire de cette fubfiance pure. Nous ajouterons ici que le carbonate calcaire qui fe trouve mêlé en irès-petiis fragmens avec le fulfate calcaire eu le gypfe , 8c qui efi: dé- pofé dans les montagnes par grandes couches ordinairement régulières, fiparées par des bancs de glaife & de marne , comme on l’obferve dans tous les environs de Paris, confiitue la pierre à plâtre la plus utile pour la bâtifie. Quoique nous ayons déjà parlé de cet objet à l’article du fulfate calcaire, nous croyons devoir y revenir encore ici , ÔC entrer dans un aflez grand détail , pour fuppléer à cet égard à ce qui manque dans tous les ôuvrages d’hiftoire naturelle Sc de chimie. Nous devons d’abord r< ppeller que le füifaie calcaire pur ne donne par la ca'ciiiation que du plâtre fin , qui ne fait qu’une pâle incohérente avec l’eau, 6c que l’on emploie pour couler des fiatues ; tout le monda fait que cette pâte defiechée efi très-çaffante 6c n’a aucune tena- I76 ËLÉMENS cité , qu’elle fe brile au moindre effort ; ceîat dépend de ce que cette matière la'ine , en re- prenant l’eau qu’elle a perdue par la calcina- tion, forme une maffe égale 6c homogène dans toutes les parties. 11 n’en eft pas de même du plâtre propre à bâtir. La pierre qui le fournit à Montmartre 6c daiià tous les endroits qui contiennent ce minéral , eli utie forte de brèche formée de très-paits crydaux grenus de fulfate de chaux , 6i de âmes très-tenues de carbonate calcaire; on y reconnoît la j.réfence de ce der- nier en mettant une goutte d’acice nitrique fur la pierre ; il le produit une vive effervefcence due au dégagement de l’acide caibonique ; en ,faifant uhioudre un poids donné de pierre à plâtre de Montmartre dans fufHfante quantité d’eau-forte, tout le carbonate calcaire eft dé- compofé à mefure que la chaux s’unit à l’acide nitrique , 6c il ne relie plus que le fwlfate ca caire qui eit inioiuble dans cet acide ^ on trouve par cette expérience que le carbonate calcaire varie en proportion dans les différentes pierres à plâ- tre , 6c que dans la meilleure il fait plus du tiers de fa maffe. Ce point une fois bien démontré fur la na- ture mélangée de la pierre à plâtre , il efl fort aifc de concevoir les phénomènes que prélente 1« d’Hist. Ntaty êt de Chimie. 177 le plâtre à bâtir clans fa cuiffon , dans Ton ex- tin&ion &c dans fon endurciilemenr. Quand on cuit ce fel terreux, le fulfate calcaire qu’il con- tient perd fon çau de criftallifaîion &c devient friable , le carbonate calcaire perd fon acide & paffe à l’état de chaux; d’après cela le plâtre bien cuit eft âcre & alcalin , il verdit le fyrop de violettes , il s’échauffe avec les acides fans faire d’effervefcence, il perd (fa force à l’air, à mefure que la chaux vive qui’il contient s’éteint en attirant l’acide carbonique & l’eau de l’atmof phère; il abforhe l’eau avec chaleur ^ quand on le gâche; quant à la folidité qu’il prend très- promptement comme tout le monde le fait, cette propriété eft l’inverfe de celle de la chaux pure , elle eft due à ce que la chaux vive ayant d’abord abforbé l’eau qui lui eft néceffaire pour fon exiin&ion , le fulfate calcaire qui eft inter- pofé entre fes molécules en attire une portion , & fe crifta'lifant fubitement , produit l’effet du fable ou du ciment dans le mortier, en liant êk. en accrochant , pour ainft dire , enfemble les parcelles calcaires. On connoît enfin , d’après cette théorie , pourquoi le plâtre fe conferve bien par la chaleur & la féchereffe , tandis qu’il fe dé- truit & s’enlève promptement par l’humidité. Les deux principes falins & foîubles dans Tome II, M 178 E L É M E N S l’eau qui le conftituent font la caufe de ceâ phénomènes. fil— BlüJiM— ■ nm M— ! CHAPITRE VIII. Genre IV. neutres a base d£ MAGNESIE OU SELS MAGNESIENS . On a déjà vu dans l’hiftoire des acides que la magnéfie fe combine très-bien avec ces fels, qu’elle forme dans ces combinaifons des fels neutres diffiérens de ceux que conftituent tou- tes les autres bafes. Ces fels ne font pas encore entièrement connus, Sc ils n’ont point été l’objet des recherches de beaucoup de chitniftes. Le célèbre M. Black eft le premier qui les ait bien diftingués ; on les confondoit avant lui avec les fels à bafe terreufe en général. Les fels magnéfiens ont des caractères géné- riques qui les difîinguent; ils font prefque tous 1 amers & falés, la plupart criftallifent réguliè- 1 rement quoique difficilement ; la plupart font £ très-folubles dans Feau , quelques-uns attirent snême l'humidité de l’air; ils font plus décorn- pofables que les fels ammoniacaux &: calcaires , iis cèdent leurs acides à la baryte , à la chaux , aux deux alcalis fixes , ôc en partie à 1 d'Hist. Nat. et de Chimie; 1791 l’ammoniaque ; cette dernière fubftance reffe en partie unie aux acides en même-temps que la magnefle , & forme alors des fels triples ammoniaco-magnéfiens. Nous examinerons dans ce chapitre fix de ces fels , favoir le fulfate m3gnéfien ou le fel d’Epfom , le nitrate magnéfien , le inuriate magnefien, le borate magnéfien, le fluate ma-> gnéfien & le carbonate magnéfien. Sorte I. Sulfate de magnésie ou Sel d’Epsom. Le fel neutre formé par l’acide fulftirique uni à la magnéfie a été appell éfeUEpfom, à raifon du lieu d’oii on le droit autrefois en plus grande quantité : c’eft une fontaine d’Angleterre. Il exifte encore dans les eaux d’Egra, de Sedlitz, de Seydfchutz. Son véritable nom efl fulfate de magnifie ou fulfate magnéfien . Ce fel a une faveur très -amère, auffi ]UJ a-t-on donné le nom de fel cathar clique- amer . H eft dans le commerce fous la forme de très- petites aiguilles terminées par des pyramides fort aigues ; dans cet état il reffemble affez au fulfate de foude ou fel de Glauber , mais fit faveur eft plus amère, il ne s’effleurit point à l’air , & fa criftallifation ett bien différente lorf- qu’elfe eft très - régulière ; on l’obtient en le îaiffant criftallifer fpontanément fous la formg M ij ïSo É L É M E N 5 de beaux prifmes quadrangulaires , terminés par des pyramides également quadrangulaires ; les faces de fes prifmes & de fes pyramides font lifl’es & fans canelures , & fes criltaux font en général plus courts & plus gros que ceux du fulfate de foude; d’ailleurs toutes fes autres pro- priétés le diflinguent de ce fel neutre parfait , comme on va le voir. Le fulfate de magnéfie retient allez d’eau de, criftallifation pour être en état d'éprouver , comme le fulfate de foude & le borax, la liqué- faction aqueufe. Il fe fond à la plus légère cha- leur ; il fe prend en une malle informe par le refroidiflement. Lorfqu’on le lailfe fur le feu, après qu’il a éprouvé la liquéfaction aqueufe , il fe defsèche en une malfe blanche , friable , qui n’eli que le fel privé de fon eau de crif- taliifation, &: dont la nature n’a point changé. Il faut un feu extrême pour faire éprouver une véritable fufion ignée au fulfate magnéfien del- féché. Ce fel contient près de la moitié de fon poids d’eau de criftallifation. Macquer & plulieurs chimides ont dit qu’il s’humeCte légèrement à l’air , &: que cette pro- priété peut fervir à le faire diltinguer du fulfate de foude qui s’y edleurit. Mais Bergman annonce, au contraire, qu’expofé à un air fec , le fulfate magnéfien perd d’abord fa tranfparence , & d’Hist* Nat. et de Chimie. 181 fe réduit à la fin en une poudre blanche ; & il avance que celui qu’on vend en petites aiguilles efi humide &c déliquefcent à caufe du muriate de magnéfie qu’il contient. M. Butini , citoyen de Genève, à qui l’on doit de fort bonnes recher- ches fur la magnéfie , dit avoir trouvé dans le fel d’Epfom d’Angletterre du fulfate de foude ou fel de Glauber , auquel on pourroit attribuer cette efilorefcence ; mais le fulfate de magnéfie bien purifié quoique perdant un peu de fa trans- parence à l’air , n’eft point à beaucoup, près efflorefeent comme le fulfate de foude , qui fe réduit entièrement en poufiîère au bout d’un certain tems. Le fulfate de magnéfie eft fi diffoluble dans l’eau, qu’il ne demande pas deux parties de ce fluide froid pour être tenu en diffolution, & que l’eau chaude- peut en difloudre près du doufi^ de fon poids. Il fe crifiallife par le refroïdÿW^-' ment; mais pour l’avoir très-régulier, i'l! fh'iiJt Iaiffer évaporer fpontanément une difioîution'jde ce fel faite àê froid. Ce fel n’ë prouve aucune alteration de la part des terres: fiiicéé &: alumineufe. • La baryte le clécompofè- parce qu’elle a plus aL’affinité avec l’acide fifi’füri'que que n’en a la «magnéfie." s ■ v • ' ", i La chaux le déçompofe par la meme raifoni -M iij ïSl Ê L É M T. N S. Si l’on met un peu de fulfate de magnéfie dans de l’eau de chaux, ou fi l’on verfe cette dernière dans une diffoîution de ce Tel , il fe forme un précipité dû à la magncfie & au fulfate calcaire. Cette précipitation effc un caractère $ur pour diûinguer le fulfate magnéfien de celui de foude. Les alcalis fixes purs décompo.fent aufii le fulfate de magnéfie. L’ammoniaque cauftique ayant la même propriété , tandis qu’elle ne dé- compofe pas le fulfate calcaire , il efi démontré que ce fêla p1us'drafifiraté avec l’acide fulfurique que n’en a la magncfie , & qu’il en a moins que la chaux ; il peut donc fervir à faire diftinguer dans les eaux la préfence du fulfate magnéfien. C’efi ainfl qu’on obtient par l’ammoniaque cauf- ' tique la magnéfie pjure, dont nous avons fait ^hifloirê au commencement des matières falines. -ée^gman a vu cependant que l’ammoniaque ne ±pr&ci|)ite point complètement la magnéfie du fel fd’Epfom , & qu’il y a une partie de ce fel qui refie fans déccmpofirion. La liqueur après ce njqlange tient en difTolution du fvdfaîe ammor niacal & du fulfate magnéfien ; les ichimiftes ont découvert que ces deux fels formeofr-'enfemble une efpèce de fel triple , ou compofe d’un acide &: de deux bafesj mais pour éviter/ l’erreur-, remarquons que quoique ces Tels fe trouvent b’Hist. Nat, et de Chimie. 183 dans la même eau, l’un efl formé par Fa ci de fulfurique uni à l’ammoniaque , & Fautre par le même acide combiné avec la magnifie ; tous les deux onr une portion différente d’acideÿ & ce n’efi pas la même qui adhère en même- îems aux deux bafes ; mais ces deux fulfates- ont une affez forte attraûion l’un pour l’autre,, ils fe criflallifent enfemble , & e’efi: .cette union- opérée par la crifial'lifation qn’on peut appe- ler fil triple ou Julfatt ammoniaco - magne* fun0 On ne connoît pas encore bien l’aéiion du fulfate magnéfien fur les Tels neutres à bafe d’alcalis fixes & d?ammoniaque. Il eft probable qu’il décompoferoit les fels nitriques & muriati- ques de ces deux genres par une double affinité. M„ Quatremère Dijonval afïure dans une lettre à M. de Morveau, (Journal de phyflque, mai 1780 , vol. XVII , pag. 391 , ) que îorfqu’on linit une diffolution de fulfate de magnéfie avec une diffolution de fulfate ammoniacal, il s’opère une précipitation totale du premier fel fans décompofition; celui-ci , dit-il , tombe ali fond du verre fous la forme de criftaux affez gros , qu’on peut reconnoître par la faveur , &c. Il attribue cet effet ù ce que fe fulfate ammoniacal eft fufceptible de s’emparer de l’eau du fulfate de magnéfie , qu’il croit être très-cri ftnllifable* M iv 184 É L É M E N S Mais c’eft une erreur , puifque le Tel criftallifé dans cette opération eft un vrai fel triple ou fu'fate ammoniaco-magnéfien , comme je m’en fuis affuré par l’expérience. Quant aux Tels carboniques, il eft certain que le fulfate magnéfien les décompole, àc qu’il eft décompofé par eux. Lorlqu’on verfe une dif- folution de carbonate de potafte ou de foude dans une diffolution de fulfate de magnéfie , il y a alors double décompofttion double com- binailon. L’acide fulfurique du fel d’Epfom s’u- nit aux alcalis fixes , l’acide carbonique qui fe fépare de ces derniers fe reporte fur la magnéfie , forme avec elle un fel neutre , connu fous le nom de magnéfie douce ou effer- vefc&nte , & que nous nommerons carbonate de magnéfie. C’eft par ce procédé que l’on prépare la magnéfie douce dont on fait ufage en mé- decine , comme d’un très -bon purgatif. Nous décrirons très en détail cette opération à la fin de ce chapitre. Une difidùition de fulfate de chaux, mêlée avec iirçe diffolution de fif faite de magnéfie, offre la' précipitation de ce dernier, fuivant M. Dijgnval, quoique ce phénomène foit peu ftnfible à c,uife de la petite quantité de fulfate calcaire tenue en diffolution. Le nitrate & le mnriate calcaires décompofeht auffi le fulfate d’Hist. Nat. et de Chimie. cle magnéfie , &: font décompofés en même- tems par ce Tel ; mais nous ne croyons pas que l’on puiffe en conclure , avec M. Dijonval , que les acides nitrique & muriatique ont plus d’affinité avec la magnéfie , que n’en a l’acide fulfurique , pùifque dans ces expériences on doit nécefiairement tenir compte des attractions élec- tives doubles. Bergman dit que le quintal de fulfate de magnéfie criftallifé contient dix-neuf parties de magnéfie pure , trente-trois d’acide fulfurique , & quarante- huit d’eau. Le fulfate de magnéfie ou fel d’Epfom efi: employé en médecine avec beaucoup de fuccès. C’eft un purgatif fort utile , & qui jouît en même-temps de la propriété fondante. On le préfère même aux autres fels purgatifs à caufe de fa grande diffolubilité. On l’adminiftre , ou feul , diffious dans l’eau , depuis une once jufqu’à deux , ou comme adjuvant ,, à la dofe d’un à deux gros. Il minéralife la plupart des eaux purgatives naturelles , & fpécialement celles d’Egra , de Sedlitz , de Seydschutz, mais il y eft toujours accompagné de muriate de magnéfie. Sorte II. Nitrate magnésien. Le nitrate magnéfien appelé jufqu’ici par les chimifies nitre de magnéfie ou magnéfie mirée % J 36 Élément a été examiné par Bergman. Cet ilîuffre chi- mifte dit que la diffolution de ce fel fait par Fart , donne après une évaporation convenable des criftaux prifmatfqites , quadrangulaires , fpa- thiques, fans pyramides. Ce fel a une faveur acre & trcs-amère; il fe décompofe par la chaleur; il attire l’humidité de l’air. Il efï très-diffoluble dans Feau;on ne l’obtient criffaliifé que par une évaporation lente; & r on ne connoît même pas afiez bien les loix de fa criftaliifation , peur le faire paroître à volonté feus fa forme régulière , comme cela a lieu pour un grand nombre d’autres fels. La baryte , la chaux &c les alcalis fixes le décom- pofent. Comme le nitrate magnéfien fe trouve di flous dans les eaux mères du nitre, M. de Morveau- a propofé d’en retirer en grand la magnéfie , en les précipitant par "l’eau de chaux. Ce pro- cédé pourroit être très-avantageux par la faci- lité de fort exécution & le peu de frais qu’il demande ; mais le même chimifle ayant obfervé que Beau de chaux récente précipite le nitrate calcaire bien pur , lorfque celui-ci ne contient point allez d’eau de diffolution, la magnéfie qu’on obtiendroit par ce procédé n’auroit point le degré de pureté convenable à un médicament aulli mile , fi l’on n’opéroit pas cette précipita- d’Hist. Nat. et de Chimie; i S7 tion fur des eaux-mères étendues d’une très- grande quantité de liquide. L’acide fulfurique 6c l’acide fluorique déga- gent l’acide du nitrate de magnéfie. L’acide bora- cique le fépare suffi à l’aide de la chaleur , 6c a raifon de fa fixité. Telles font les propriétés de ce fel indiquées par Bergman. M. Quatremère Dijonval , qui a fait des re- cherches fur 1 plu fieurs combinaifons de la ma-4 gnéfie, a trouvé dans le nitrate magnéfien quel- ques propriétés très-différentes de celles annon- cées par le chimiffe d’Upfal. 11 dit avoir obtenu de criitiux non déliquefcens du nitrate ma- gnéfifri, 6c il ajoute meme que les fels ma- gnéfiens font autant criftallifables & portés à s’effieurir que les fels calcaires font avides d’hu- midité. Le nitrate de magnéfie paroît être fufceptible de décompofer , à l’aide des affinités doubles, les fulfates de- poïafTe , de foude & d’ammonia- que j mais ces dëcompofitions ne font point fenfiblés dans le mélange des diflbluîions de ces différens fe-ls i ebnîme dans Celles 'qui font opé- rées par fé;-nitfà?e) c&’lcaire, parce que les nitrates de' potaffiéT de . fëhde 6c d?ammoniaque, ainfi que le flufate*'- dè^ittagnéfie , qui en réfultent , font tous îrè-S-fpkïiales dans l’eau, tandis que le fulfàte'dë chauxT formé -dansJa décompofirion -*88 É L É M E N 5 du fulfate de potaffe, de foude & d’ammoniaque par le nitrate calcaire , préfente un précipité très- abondant. Cependant on peut fe convaincre de l’efFet de ces affinités doubles opérées par le ni- trate magnéfien en évaporant les liqueurs. On trouve les nitrates formes par le tranfport des alcalis fur l’acide nitrique , Ôc le fulfate de ma* gnéfie réfultant de l’union de l’acide fulfurique des felsdécompofésavec labafe du nitrate magné» lien. , ' M. Dijonval a annoncé un fait digne de toute l’attention des chimiftes. C’efi la précipitation du nitrate magnéfien, opérée par le nitrate cal- caire. Lorfqu’on môle, dit M. Dijon val, des diffolutions tranfparentes bien pures de ces deux fels , le nitrate de magnéfie fe dépofe fur- ie-champ fous la forme criftalline , & fans être décompofé en aucune maniéré ;tla liqueur retient en diffiolution le nitrate calcaire. Il eft très-fm- gulier que deux fels qui , féparés , ont affez d’eau pour être diffous parfaitement, préfen- tent dans leur mélange la précipitation & . la criftallifationfubite de l’undes^ux, jyi. DijonyaJ penfe , comme nous bavons, déjà annoncé plus haut, que cela dépend de. la grande .tendance du nitrate calcaire pour s’unir à Celef pouvant, fuivant lui, abforber une plus grande quantité d’eau que celle qui lui eft néçeilairt d’Hist. Nat. et de Chimie. 1S9 pour être tenu en diffolution , dès qu’on mêle avec lui une diffolution de nitrate de magnéfie - qui d’ailleurs tend fortement à fe criflallifer , il s’empare auffi-tôt de Peau de criflallifation de ce dernier , & alors le nitrate de magnéfie n’étant plus équipondrable à la quantité d’eau qui le foutenoit , fe précipite fous fa forme criflalline. Cette explication ne paroît pas lever plufieurs difficultés qu’il efl poffiible de lui oppofer. Comment en effet un fel , quelque diffoluble qu’il foit , & quelque tendance qu’il ait pour fe combiner avec l’eau, peut-il s’emparer de l’eau de criflallifation d’un autre fel, lorfqu’il eft lui- même uni à une affez grande quantité d’eau pour être tenu en diffolution ? Si l’on répond qu’il n’efl pas faturé d’eau , il exifte donc un point de faturation où le nitrate calcaire ceffieroit de faire ainfi précipiter le nitrate de magnéfie ; Sc c’eflce qu’il auroit été néceffairede démontrer. Cette fuppofition même admife , comment le nitrate calcaire s’empareroit-il de l’eau de criflal- lifarion du nitrate magnéden, tandis qu’il peut abforber celle qui tient en diffolution ce même fel , avant de lui enlever la portion de ce fluide qui doit faire partie conflituante de fes criflaux ? Enfin , comment peut-on concevoir dans cette explication, que le nitrate magnéfien, privé de l’eau de fa criflallifation par le nitrate calcaire , Ï9<* Ê L E M E N S foit fufceptible de fe précipiter fur-le- champ fous la forme criftailine, tandis qu’il a perdu un des élémens de les criftaux ? Nous croyons d’après ces obfervations , qu’il a échappé à M. Dijon- val quelques circonftances dans le phénomène qu’il a obfervé , & qu’il tient à une caufe qu’on ne connoîtra bien que lorsqu’on aura répété &Z varié cette expérience de beaucoup de manières différentes, relativement à la quantité d’eau, des fels, à la température , &c. Le nitrate magnéfien n’eft d’aucun ufage dans les arts ni dans la médecine. Sa faveur forte , fa déliquefcence & toutes fes propriétés annoncent qu’il auroit une forte aèfion fur l’économie ani- male, & il feroit fort à défirer qu’on l’effayât comme fondant incifif dans tous les cas oii lesmédicamens de ce geme font indiqués. Sorte III. Muriate magnésien. Ce fel qui efl la combiaaifon faturée d’acide muriatique & de magnéfie , exifle dans toutes les eaux falées, & dans toutes celles qui tiennent du fulfate de magnéfie en diffolution, comme les eaux d’epfom , d’Egra , de Sedlitz , de Seyds- cbutz & beaucoup d’autres ; il eft infiniment plus commun qu’un ne l’a cru. '■j J d’Hîst. Nat. et de Chimiè. 19 1 Le muriate magnéfien a une faveur très-amère & très-chaude. Bergman dit qu’on ne peut l’ob- . tenir criftaliifé qu’en expofant fubitement à un grand froid fa diffioktion fortement concentrée par l’évaporation. Il eft alors fous la forme de petites aiguilles tiès-déliquefcentes. Cette difio- îution offre le plus fouvent une gelée îranfpa- rente. M. Dijonval qui annonce avoir obtenu ce fel fous une forme régulière & permanente, croit même qu’il efî plutôt effiorefcent que déli- quefcent. Le muriate de magnifie fe décompofe, &C perd fon acide par l’adion du feu. Lts dernières portions d’acide ne fe dégagent qu’avec beau- coup de difficulté } la magnéfie refte cauftique après cette opération. Ce fel expofé à l’air parcîfen attirer puiffiamment l’humidité &fe réfoudre promptement en liqueur* Bergman &c beaucoup d’autres chimiftes ont re- connu cette propriété ^ M. Dijonval efl le feid qui ait annoncé que le muriate de magnéfie , comme le nitrate magnéfien, s’effleurifloit plutôt que de s’hume&er ; mais cette affertion demande à être confirmée par de nouvelles expériences. Le muriate magnéfien eft très-foluble dans i’ëau; il paroît même qu’il ne lui faut qu’un poids de ce liquide égale au fieu pour être terni x92 Élémens en diffo’ution. II eff très-difficile de l’obtenir bien criftallifé; l’évaporation à l’aide de la cha- leur ne réuffit que très-mal , parce qu’il faut épaiffir beaucoup la liqueur qui en fe refroi- diffant prend prefque toujours la confiffance géîatineufe; il y a plus d’efpoir de réuffir en laiffant évaporer fpontanément dans les chaleurs de l’été une diffolution de ce fel bien pur ; encore ce moyen ne fournit-il des criftaux qu’avec beaucoup de difficultés. Le muriate de magnéfie , chauffé dans une cornue avec la terre filicée & l’argile, donne fon acide; mais comme l’a&ion du feu feul le dégage , on ne peut point attribuer cette décom- pofuion aux terres. La baryte Sc la chaux décompofent ce fel & en précipitent la magnéfie. Comme les eaux mères du muriate de foude des fontaines falées contiennent du muriate de magnéfie mêlé avec le muriate calcaire, on pourroit en précipiter en grand à peu de frais la magnéfie par le moyen de l’eau de chaux. Les alcalis fixes & l’ammoniaque cauffique ont plus d’affinité avec l’acide muriatique que n’en a la magnéfie, & précipitent cette dernière du muriate magnéfien. La liqueur tient en diffo- lution des muriates de potaffe , ou de foude ou d’ammoniaque , fuivant la nature de l’alcali qu’on a d’Hist. Nat. TEir de Chimie. 193 a esnployé pour cette décompofition. L’ammo- niaque ne le décompofe pas complètement, ôc forme un fel muriatique triple cryftallifable, avec la portion fubfiftante de muriate magnéfien. Les acides fulfurique & nitrique décompofent ce fel , & en féparent l’acide muriatique avec elfervefcence. Pour opérer ces décompofitions , il faut diftiller dans une cornue de verre un mé- lange d’une partie de ces acides & de deux parties de muriate de magnéfie. L’acide de ce dernier fe volatilife, tandis que les deux autres plus puif- fans fe combinent avec la magnéfie , & forment du fulfate ou du nitrate magnélîen. L’acide bora- racique en dégage auffi l’acide muriatique par la chaleur. Le muriate magnélîen décompofe les feîs fulfu- riques oi nitriques à bafe d’alcalis fixes & d’am- moniaque , par la voie des doubles affinités ; mais pour s’affurer de ces décompofitions , il faut évaporer ou mêler avec 1 alcohol les diffioluiions de ces fels verfées fur la difioliition du muriate de magnéfie, parce que les matières lalines nou- velles qui en réfuîcent reûent en dilfolution dans la liqueur aqueufe après le mélange. Mis en contad avec le muriate de potaffe , & tous les deux en diffolution , le muriate de magnéfie fe précipite en cridaux , luivant Tome. II, N i s>4 Éléjæens, M. Dijonval , par la grande difpofition à fa criflallifer qu’il admet dans ce dernier , corn' ». parativement au muriate de potaffe , qui retient l’eau de fa diffolution. 11 eft encore très-difficile de concevoir , dans l’opinion de ce chimifte , comment un fel auffi peu foluble ôc déliquef- cent que le muriate de potaffe , en comparaifon de ces deux propriétés confidérées dans le mu- riate de magnéfie , peut s'emparer de l’eau qui diffout ce dernier. Si l’on mêle une diffolution de muriate magnéfien avec une diffolution de muriate calcaire, t ej premier fel fe précipite en cryffaux d’après le même chimiffe. Toutes ces affertions doivent être confirmées par de nou- velles expériences pour faire partie des élémens de h fcience chimique. Il eft très-vraifemblable que ces criffaux précipités ne font pas purs , ôc & appartiennent à la claffe des fels triples. Le muriate magnéfien n’eft d’aucun ufage j mais nous croyons qu’il pourra être employé en médecine avec beaucoup d’avantage comme purgatif & fondant ; les médecins en adminif- trent tous les jours de petites quantités; en pref- crivant le fel d’Epfom , les eaux de Sedlitz, & le fel marin gris , puifque ces fubftances en con- tiennent toujours. d’Hist. Nat. et de Chimie; 19$ Sorte IV. Borate Magnésien. On doit donner ce nom à la combinaifon de l’acide boracique avec la magnéfie. Ce fel n’eft prefque pas connu. Bergman a obfervé que lorfqu’on jette de la magnéfie dans une difld- lution d’acide boracique, elle s’y difTout , mais lentement. La liqueur évaporée donne des cryk taux grenus, fans forme régulière* Ce fel fe fond au feu fans fe décompofer. Les acides le décompofent en s’emparant de la magnéfie , & en en féparant l’acide boracique, L’efprit-de-vin lui enlève aufli cet acide, &laiffe la magnéfie à nud ; celle-ci n’adhère donc point fortement à l’acide du borax. On ignore, comme l’on voit, prefque toutes les propriétés de ce fel, fur lequel les chimiftes n’ont encore fait que très-peu d’expériences. • « , Sorte V. Fluate magnésien; La combinaifon de la magnéfie avec î’acido fluorique , qu’on doit appeller fiuau mapnéfien n’efl pas plus connue que le borate magnéfien* Bergman efl le feul chimifte qui en ait dit quel- que chofe. Suivant lui, l’acide fluorique diflouf rapidement la magnéfie j une grande partie de e$ Nij *96 É L É M E N S fel fe dépofe à mefure que la faturatîon ap- proche. La diflolution fournit, par l'évaporation fjpon- tanée, une forte de moufle tranfparente , qui grimpe fur les parois du vafe , & qui préfente quelques filets criftallins allongés & très-fins. On obtient auffi dans le fond du vafe des crif- taux fpathiques , en prifmes hexagones termi- nés par une pyramide peu élevée , compofée de trois rbombes. Ce fel n’éprouve aucune alté- ration de la part du feu le plus violent. Aucun acide ne peut le décompofer par la voie humide. C’efl: un des fels neutres fluoriques qui mérite- roient un examen fuivi d’après les fingulières propriétés que Bergnanlui a reconnues. Sorte VI. Carbonate de magnésie; Ce fe1 , nommé magnéjîe douce ou effervefcente 9 par le do&eur Black, qui l’a fait connoître le premier; efl formé, comme l’indique le nom que nous avons adopté, par la combinaifon faturée de la magnéfie avec l’acide carbonique. On le prépare ordinairement en précipitant une dif- fo'ution de fulfate de magnéfie, par les carbonates de potafie ou de fonde , ainfi que nous l’expofe- rons à la fin de cet article. dHist. Nat. et de Chimie. 197 Le carbonate de magnéfie a le plus fc^cnt Fafpeét terreux; iî èu ën poudre très- blanche cependant Bergman & M. Butini de Genève Fout obtenu cryftallifé par le procédé que nous décrirons plus bas. Il eft fufceptible de contenir une plus ou moins grande quantité de fon acide,. Comme tous les fels carboniques en général , & fes propriétés varient fuivant qu'il en eô plus ou moins chargé; fa faveur eft crue & comme terreufe il en a une plus marquée dans les intcflins , puif- qu’il eft purgatif.- Lorfqu’on i’expofe su feu dans un creufst, ce fel perd l’eau & l’acide qui lui font unis^M. Tin- gry, apothicaire de Genève , a obfervé que lorf- qu’on calcine en grand la magnéfie effervefcente, elle bouillonne & femble jouir d’un mouvement de fluidité à fia furface; ce phénomène dépend du dégagement de fon gaz acide. Il s’élève du creufèt un léger brouillard qui dépofe fur les corps en- vironnans une pouffière blanche que l’onrecon- noît facilement pour la magnéfie emportée par le courant de l’acide carbonique. Si l’on y plonge- un corps chaud, ce fel y adhère , fuivant le même obfervateur ; un corps froid en emporte encore davantage. Sur la fin de l’opération , la magnéfie brille d’une lueur bleuâtre & phofphorique très*- fenfible dans i’obfcurité* N it$ fï 5?S Ê L É M E N S Si l’on calcine le carbonate de magnéfie dans des vaifïeaux fermés avec un appareil pneu^ mato-çhimique, on obtient l’eau & l’acide qu’il contient, M. Butini , qui a fait cette opération avec beaucoup d’exa&itude, allure, d’après des calculs fur les produits qu’il a obtenus , que trente-deux grains de magnéfie commune , ( U appelle ainfi l’efpèce de carbonate magnéfien que l’on prépare pour la pharmacie , & qui n’eft pas tout-à-fait faturé d’acide, ) contiennent en-> viron treize grains de terre pure , douze grains d’acide & fept grains d’eau. Bergman eflime que ce fel contient , au quintal , vingt-cinq ou trente parties d’acide , fuivant fon état , trente d’eau & quarante^cinq de magnéfie pure. Si on le chauffe plus fortement, après qu’il a perdu fon acide, il s’agglutine & prend de la dureté comme la ma- gnéfie pure ou cauflique. Le carbonate de magnéfie n’éprouve point d’altération bien remarquable de la part de l’air 5 cependant il (e pelotonne dans l’air humide , & il paroîtètre légèrement déliquefeent. L’eau ne diront qu’une infiniment petite quantité de ce fel, & cette diffolubilité varie fuivant qu’il contient plus ou moins d’acide. Si on le môle avec un peu d’eau, il forme une efpèce de pâte qui n’a que peu de liant , & qui sççhç fans prendre ni confiflance ni retraite, d’Hist. Nat. et de Chimie. 199 En l’étendant d’abord avec beaucoup d’eau , il fe difl’out à-peu-près à la dofe d’un quart de grain par une once de ce fluide, ce dont on peut s’afliirer par l’évaporation. Mais il exifte des moyens de Caire difïbudre ce fel en beaucoup plus grande quantité , comme nous le dirons tout-à-l’heure. Le carbonate de magnéfie n’eft pas décompofé par les terres pures. La chaleur lui enlève fon acide avec lequel elle a plus d’affinité. De l’eau de chaux verfée dans une difiolution de ce fel occa- fionneun précipité allez notable , quelque petite que foit la quantité de ce Cet neutre tenu en dif- folution dans l’eau. Le précipité eft du carbonate de chaux 8c un peu de magnéfie cauftique, qui , comme on le fait , eft prefque infoluble. Les alcalis fixes 8c l’ammoniaque cauftiqu.es le décompofent comme la chaux, parce qu’ils ont comme elle plus d’affinité avec l’acide car- bonique que n’en a la magnéfie. Il refaite de ces mélanges des carbonates de potafte , de foude 8c d’ammoniaque; la magnéfie pure 8c cauftique fe précipite. -<■ Les acides fulfurique, nitrique 8c muriatique déçompofent le carbonate de magnéfte d’une manière inverfe , 8c rendent l’analyfe de ce feî neutre complète Ils s’uniftent à la magnéfie N iv 200 É L É M E N S avec laquelle ils ont plus d’affinité que n’en a l’acide carbonique, & ils dégagent ce dernier acide fous la forme gazeufe , ce qui confiitue l’ef- fervefcence. On peut reconnoître l’acide carboni- que à fes caractères ordinaires. M. Butini aobfer- vé dan^ fes recherches que les âcideçen dégagent moins d’acide carbonique que le feus &que cha- cun de ces fels fépare des quantités différentes de cet acide : qu’ainfi , par exemple, l’acide muriati- que en dégage plus que l’acide nitrique , & celui- ci plus que le fulfurique. Il en conclut que les fels neutres formés par la magnéfie unie aux acides 9 fa voir le fulfate & le nitrare magnéfiens, retien- nent une portion d’acide carbonique. L’acide carbonique a la propriété de rendre le carbonate de magnéfie beaucoup plus diffoluble qu’il ne l’efi: naturellement. C’df fur les phéno- mènes de cette diffolution que roulent fpé- cialement les expériences neuves de M. Bu- tini. Il a découvert que lorfqu’on jette de la magnéfie ord’na’re & non faturée d’acide car- bonique dans l’eau gazeufe, ou chargée de cet acide , la magnéfie fe fature d’abord de l’acide en l’enlevant à l’eau , & ne fe diffout que lorf- qu’elle en efi très-cha-gée. Cette diffolution ver- dit le firop de violettes ; expofée au froid , elle perd fon acide furabondant , 'mais fans que la d’Hist. Nat. et de Chimie. 201 magnéfie s’en fépare , & elle refie en parfaite combinaifon dans l’eau, même glacée. Si l’on chauffe une diffolution de magnéfie avec fura- bondance d’acide carbonique , elle fe trouble 8c reprend une forte de tranfparence lorfqu’on la laiffe refroidir; ce phénomène fingulier nous of- fre, comme l’a très-bien dit M. Butini , un genre nouveau dans les fels , dont le caractère eff de fe diffoudre en plus grande quantité dans l’eau froide que dans l’eau bouillante. Plus une diffolution ga- zeufe efl chargée de magnéfie , plus vite elle fe trouble par la chaleur. Pour bien obferver le paf- fage de cette diffolution de l’opacité à la tranfpa- rence à l’aide du refroidiffement , il faut prendre, fuivantce chimifle,une diffolution qui contienne deux grains par once « ài la faire chauffer ju foira foixante degrés du thermomètre deRéaumur; elle devient laiteufe par la chaleur . & toute la magnéfie qui s’en précipite fe redhTcut par le froid. Bergman avoir annoncé que la diffolution de magnéfie chargée d’acide carbonique évaporée lentement donnoit des crifiaux , les uns en g -ai ns tranfparens, les autres reffeimblams à deux fais- ceaux de rayons qui divergent du même point. M. Butini a obfervé avec la plus grande exac- titude tous les phénomènes de cette criflalii- *0* É L É M E N S ; fation. II a fait évaporer à la chaleur très-foible d’une lampe une difl'olution chargée de neuf grains de ce ftl par once d’eau. Il s’effc formé d’a- bord à fa fur fa ce une pellicule dont le deffous ainli que les parois du vafe étoient tapifles de plufieurs houppes de criftaux. Le réfidu offroit des aiguilles brillantes, effilées par leurs bafes s & compofant de petites maffes hémifphériques à filets divergens. Ces aiguilles qui n’avoient pas line ligne, offroient au microfcope de longs prif- mes à fix pans tranchés par un hexagone ôc fem- blables à ceux de certains fpaths. M. Butini a découvert encore une autre ma- nière de faire criftaliifer ls carbonate de magnéfie* Elle confifte à expofer à l’air une difiolution acide de ce fel , précipitée par la chaleur. Il s’y forme au bout de quelques jours des crif- taux femblables à ceux que l’on obtient par l’évaporation. La magnéfie précipitée du fel d’Epfom par le carbonate de potafie , & defle- chée , n’en donne aucun ; lorfqu’on la déhye dans l’eau , elle ne forme jamais que des malles pelotonnées irrégulières. Mais une difiolution de fulfate de magnéfie nouvellement précipitée par le même fel , donne des criftaux aiguillés au bout de quelques jours. La même difl'olution {épatée de fon précipité par le filtre , fournit I d’Hist. Nat. et de Chimie. 103 auffi des aiguilles de magnéfie. J’ai obferve plu- fieurs fois qu’une diffolution de carbonate de ma- gnéfie préparée pour l’ufage d’un laboratoire, confervée dans des flacons de verre bien bou- chés, dépofe au bout de quelque tems une grande quantité de petites aiguilles très «fines- èz* très- brillantes , qui préfentent à la loupe des prifmes à fix pans. Les Tels neutres parfaits n’éprouvent point d’al- tération de la part du carbonate de magnéfie, &C ils ne lui en font point éprouver ; ils augmentent feulement fa diffolubilité dans l’eau , fuivant M. Butini ; il faut cependant excepter le carbonate de poîafie qui lui enlève cette propriété. Les fels neutres calcaires font décompofés par la magnéfie eflervefcente ; c’eft en vertu des affinités doubles que s’opère cette décom- pofition. Nous avons fait obferver que la chaux a plus d’affinité avec les acides que n’en a la magnéfie, & qu’elle décompofe les fels neutres qui ont cette dernière fubflance pour bafe. Ce n’eft donc qu’en raifon de l’acide carbonique que fe font ces décompofitions ; & c’efl: à caufe de la grande affinité de la chaux avec cet acide, qu'elle quitte les autres pour s’y unir , pourvu que ces derniers trouvent une bafe avec laquelle ils puiflent fè combiner. Lors donc 104 E L É M ENS qu’on verfe une diffolution de carbonate de ma- gnéfie dans une di Ablution de fulfate , de nitrate ou du muriate caicaires , l’acide fulfurique, ni- trique ou muriatique quitte la chaux pour fe porter fur la magnéfie , s’y unit & forme du ful- fate ,«du nirrate ou du muriate de magnéfie , tan- dis que la chaux fe combine avec l’acide carboni- que féparée de la magnéfie , &: fe précipite en. craie. Il en efi: donc de la magnéfie comme de l’am- moniaque. Lorfque tous les deux font purs 8c cauftiques, ils ne peuvent décompofer les fels calcaires, parce qu’ils ont moins d’affinité avec les acides que n’en a la chaux. Maislorfqu’ils font unis à l’acide carbonique , & dans l’état de fels neutres , alors ils font capables de décompofer les fels calcaires , en vertu des doubles attractions y comme nous l’avons déjà expliqué à l’article du fulfate de chaux , du nitrate calcaire , &c. Le fel dont nous venons d’expofer les pro- priétés efi: d’ufagé en médecine, fous le nom de magnifie douce ou blanche. On la préparoit autrefois avec l’eau-mère du nitre évaporée à fjccité , ou précipitée par l’alcali fixe. Elle a été connue d’abord fous les noms de poudre du comte de Palme , poudre de Sentonelli ; elle a été nommée enfuite poudre laxative polychrcjle d’Hist. Nat. et de Chimie. 205 par Yalentini , magnéfie blanche du nitre , magné fie du fcl commun , parce qu’on la retiroit auflide l’eau- mèrede ce dernier Tel. Mais ce médicament, pré- paré de cette manière , contient toujours de la terre calcaire & plufieurs autres fubffances étran- gères. Celle dont on fe fert aujourd’hui eft ordi- nairement précipitée du fui fa te de magnéfie par l’alcali fixe végétal ou carbonate de potaffe. M. Butini a donné un très-bon procédé pour l’obtenir très- fine & en plus grande quantité poffible. On délaye une quantité quelconque de potaffe dans le double de fon poids d’eau froide ; on la laiffe expofée à l’air pendant quelques mois , fi le temps le permet , pour qu’elle abforbe l’acide carbonique de l’atmof- phère, & pour que la terre qu’elle contient fe précipite ; on la filtre , on diffout une quan-: tité de fulfate de magnéfie égale à celle de la po- taffe , dans quatre ou cinq fo s fon poids d’eau \ on filtre cette diffolution , & on y ajoute de nou- velle eau à-peu-près quinze fois le poids du fel. On fait chauffer cette liqueur , & lorfqu’elle bout on y verfe la diffolution alcaline. Le précipité de magnéfie fe forme, on agite bien le mélange , & on le filtre au papier. On lave le précipité refté fur le filtre avec de l’eau bouil- lante, pour enlever le fulfate de potaffe qui 10 6 E L É M E N S peut y être mêlé. Quand la magnéfië eft bien égoutée, on l’enlève de deiïiis le filtre, on l’étend en couches minces fur des papiers que l’on porte à l’étuve. Lorfqu’elle eft deftéchée , elle offre des morceaux blancs quis’écrafent fous le doigt en une poudre extrêmement fine & adhé- rente à la peau. On doit préférer comme purgative cette ma- gnéfie combinée avec l’acide carbonique à celle qui eft cauftique , parce qu’elle eft beaucoup plus foluble. On la donne à la dofe d’une ou de deux onces, fuivant les cas. La magnéfië cauftique eft , au contraire , préférable comme abforbante , & on doit en préparer des deux efpéces dans les pharmacies. La raifon principale de cette préfé- rence dans les divers cas de pratique , & de la nécefîité d’avoir les deux efpèces de magnéfië dans les pharmacies , a été très-bien expofée par Macquer dans un mémoire configné parmi ceux de la fociété royale de médecine. Lorfqu’on ad- miniftre la magnéfië comme abforbante , c’eft pour détruire & neutralifer un acide développé & trop abondant dans les premières voies , com- me cela a lieu chez les enfans , les jeunes filles, les femmes en couches , &c. Cet acide gaftrique eft certainement plus fort que l’acide carbonique; lorfque la magnéfië douce eft retenue dans ce vif- • d’Hist. Nat. et de Chimie. 207 cère,ilfe produit une effervescence plus ou moins vive, fuivant que l’aigre e fl: plus ou moins déve- loppé danslespremières voîes;l’acide carbonique dégagé par cette effervefcence diflend,l’eflomac, occafionne fouvent des douleurs, des naufées , des vomiflemens, des difficultés de refpirer , beaucoup d’autres accidens fpaftnodiques, fuivant la fenfibilité des fujets. Dans ces circonflances il vaut beaucoup mieux employer Iamagnéfie pure, quiabforbe auffi puiflamment les aigres, & qui n’occafionnepas d’effervefcence. Lorfqu’au contraire on donne la magnéfie com- me purgative, &dans les cas oii l’on n’a point l’in- dication d’abforber des aigres dans les premières voies , on peut prêfcrire celle qui efl chargée d’a- cide carbonique. Alors cetacide n’eflpoint dégagé, & l’on n’a point à craindre les accidens qui dépen- dent de la diftenfion de l’eflomac par ce fluide élaftique. Il efl donc néceflaire que les médecins connoiffent ces deux efpèces de magnéfie , les cas où chacune d’elles doit être préférée, & que les apothicaires en aient dans leurs pharmacies. M. Butinipropofe une eau minérale artificielle faite avec l’eau gazeufe chargée de magnéfie; il obferveque ce fluide peut contenir plus de trois gros de cette terre magnéfienne par livre , & que d’ailleurs elle n’efl pas plus difficile à préparer que 2oS ' E l é m e n s , les eaux martiales acidulées ou gazeufes. En effet, la manipulation eft ab olument la même pour toutes les deux. Les médecins pourroient s’en Servir dans plufieurs cas avec Excès. Voye^ mes Mémoires Jur Us fels magnefiens , dans les annales de chimie , deuxieme & troifième volumes . ■HW" Il W— CHAPITRE IX. Genre V. sels neutres argile u x OU ALUMINEUX . Ï_TArGILE ou l’alumine bien pure Se com. bine très -bien avec la plupart des acides ; il réfulte de ces combinaisons $ des Sels neutres qu’on connoît Sous le nom de fels argileux ou alumineux. Ce genre de matières Salines , Si l’on en excepte la première. Sorte , n’a pas encore été examiné avec aûez de loinpar les chimiftes. Auffi leurs propriétés Sont-elles encore moins connues que celles des quatre genres précé- dens. En général les Sels alumineux Sont moins parfaits que tous les Sels neutres dont nous nous Sommes déjà occupés ; ils cèdent leurs acides aux alcalis fixes , à l’ammoniaque , à la baryte , à la chaux & à la magnéfie ; ils ont une Saveur acerbe & aftrigente. Ce d’Hist. Nat. et de Chimie.1 io$> Ce genre comprend fix fortes , l’alun ouïe ful- fate d’alumine, le nitrate alumineux, le mûri ite alumineux, le borate alumineux, lefluate alumi- neux & le carbonate d’alumine. Sorte I. Sulfate d’alumine ou Alun. L’alun eft un fel formé par la combinai- fon de l’acide fulfurique avec l’alumine , ou argile pure , & qui mérite en conféquence le nom de fulfate d'alumine. Les chimiftes n’ont pas toujours été d’accord fur la baie de l’alun. Les uns la diftingnoient de l’argile , & la dé- fignoient fous le nom particulier de terre alu - mineufe ou de terre de l'alun. Margraf a démontré que cette terre broyée avec le filex réduit en poudre fine, forme de l’argile. Hellot, Geoffroy, Pott, & fur-tout M. Baumé , ont fait de vé- ritable alun avec l’argile 6c l’acide fulfurique. Enfin , fi les vrais caractères de l’argile font de prendre du liant avec l’eau , de la retraite 6z de la dureté au feu, la terre alumineufe , pré- sentant toutes ces propriétés dans un degré émi- nent , doit être regardée comme la partie la plus pure de l’argile. Telle eft aujourdh’ui l’opinion générale de tous les chimiftes. On fent d’après cela de plus en plus la néceflité de distinguer cette terre bafe de l’alun par le nom particulier Tome II, Q 210 E L É M E N S à" alumine, puifque l’argile, quelque pure qu’elle (bit , contient toujours de la filice. Le fulfate d’alumine ou l’alun a une faveur d’abord douceâtre & enfuite fortement aftrin- gente ; il rougit le papier bleu , ce qui annonce qu’une portion de fon acide eft à nud & n’eft point faturée. Il eft fufceptible de prendre une forme très-régulière qui fera décrite plus bas. L’alun n’exifte prefque jamais pur & ifolé dans la nature ; on le trouve quelquefois dans le voifmage des volcans ; il eft toujours mêlé avec de l’a gile. Les minéraîogides , & fur - tout Wallerius, ont diftingué plufieurs fortes d’alun natifs , tels que l’alun folide , l’alun criftallifé , l’alun en efflorefcence , les terres alumineufes blanches , grifes , brunes , noires , les fchiftes alumineux. On connoît plufieurs fortes d’alun dans le commerce. i°. L’alun de glace ou de Roche en mafies confidérables & tranfparentes. Bergman croit que ce nom lui vient de la ville de Roche en Syrie , aujourd’hui EdeJJe , cil étoit établie la plus ancienne manufaûure de ce fel , & non pas de fa forme femblable à celle d’un rocher, comme l’ont dit plufieurs auteurs, ou bien de ce qu’on le retire des rochers ; cette efpèce d’alun eft fort impure. 2ï I. d’Hist. Nat. et de Chimie. 2q. L’alun de Rome , qui fe prépare dans le territoire de Civita-Vecehia, & qu'on retire d’un lieu nommé en italien Aluminmc délia Tolfa ; cet alun eft en morceaux gros comme des œufs ; il eft couvert d’une efflorefcence rougeâtre ; il paffe pour pur , lorfqu’on en a féparé cette efflorefcence. 3°. L’alun de Naples , que l’on extrait d’une terre particulière à la Solfatare ; il eft en maffes plus grofles que celui de Rome, & une de fes furfaces efl toute hériffée de criftaux pyrami- daux. 4°. L’alun de Smyrne ; c’efi,à ce qu’il paroît, dans les environs de cette ville & de Conftanti- nople , qu’ont été élevées les plus anciennes ma- nufadlures d’alun. Ii n’en exifie que quelques échantillons dans les cabinets. 5°. L’alun de France ; on prépare de toutes pièces de l’alun dans plufieurs manufactures de France , & fur'tout à Javel près Paris. 6*. On peut extraire de l’alun defchiftes efib- refcens , & des produits volcaniques. J’en ai re- tiré une quantité notable d’une terre qui m’a été envoyée d’Auvergne; on pourroit retirer ce fel de plufieurs fubfiances analogues que la France pofsède , & enlever ainfi cette branche de com- merce aux étrangers. On extrait de cette mu- ÉLÉ MENS niere l’alun des terres ou des pierres qui le con- tiennent dans beaucoup d’endroits de l'Allema- gne où il y avoit des manufaftures dès 1544» en Angleterre , en Efpagne , en Suède , 6c dans prefque toutes les parties de l’Europe. Beckman a fait fur l’hiftoire de la fabrica- tion de ce fel une diflertation très - détaillée que l’on trouve dans les a&es de Gottingue. Il paroît , d’après les recherches de ce favant, que les peuples de l’Orient ont les premiers préparé ou extrait de l’alun ; car ce que les anciens , & Pline en particulier , appelaient chi(lon , trïchitls , calchitès % & qu’ils paroiffoit avoir confondu avec l’alumen & le cwi-ap/ct des grecs , femble plutôt appartenir aux différens états du fulfate martial ou de la couperofe verte. Les italiens prirent à bail les fabriques d'alun des environs de Conflantinople ; vers l’année 1459 ? Bartholomé Perdix ou Pernix, génois, découvrit une mine de ce fel dans l’île d’Hchia ; dans le même tems à-peu-près Jean de Caftro en trouva une autre à la To!fa,& bientôt il s’établit un grand nombre de fabri- ques d’alun en Italie , fur-tout lorfque le pape Pie II défendit 1* m, >01 talion de l’alun d’Orient. Cet art paffa enfuite en Efpagne, en Allema- gne, en A' gL er e x. en Suède, vers le commen- cement du dix-leptième fiède. (V. Beckman .) d’Hist. Nat. et de Chimie; ü f La préparation du fulface d’alumine eft très- variée , fuivant les pays & les matières d’où on le retire. Bergman, qui a fait une très- bonne differtation fur cet objet, divife les matières que l’on emploie pour préparer ce fel, 6c que l’on nomme ordinairement mines d'alun , en deux efpèces; celles qui le contiennent tout formé* & celles qui n’en contiennent que les principes. Les premières n’ont befoin que d’être leffivées pour fournir leur alun ; telle eft la terre qui fe trouve à la Solfatare , telle efl: auffi celle d’Auver- gne dont j’ai parlé. A la Solfatare on met cette terre avec de l’eau dans des chaudières de plomb enfoncées dans le fol. La chaleur naturelle du fol favorife la diffolution & la criftallifation de l’alun ; on le purifie par une fécondé criftallifation. On pourroit lefii ver ainfi les terres de l’Auvergne, 6ccè évaporer l’eau dans des chaudières de plomb , ôc faire criftallifer l’alun, Quant aux fubftances naturelles qui ne con- tiennent que les principes du fu'fate d’alumine* & qui font beaucoup plus communes que les premières , elles demandent une préparation pré- liminaire avant de fournir ce fel neutre ; il faut les calciner ou les expofer à l’air , fuivant leur rature. Les fchiftes alumineux demandent à être calcinés , afin de brûler le bitume qui les colore, & de décompofer les pyrites qui doivent Püj f âI4 ÉLÉMENS fournir l’alun. Bergman s’ed affuré qu’avant d’avoir été calciné , ce fchide ne donne pas un atome d’alun , lorfqu’on le lave avec de l’eau. L’expoütion à l’air fait le meme eff,_r fur les pyrites pures que l’on arrofe d’eau. La décom- podtion fpontanée de ces fubdarces produit de l’acide fulfurique qui fe porre fur l’argile &c forme de l’alun. On ledive ces pyrites efdeu- ries , on laide dépofer à plufieurs reprifes le fer que contient la ledive, on la fait évaporer & on la met cridallifer dans des tonneaux. Le fel fe dépofe en gros cridaux. On emploie fou- vent une forte ledive des favôniers pour fa- ciliter la cridallifation de l’alun. Tel eff le pro- cédé qu’on fuit dans plufieurs manufactures ; mais ces aluns retirés des pyrites contiennent toujours plus ou moins de fer j celui que l’on retire des pierres où il exide tout formé ed toujours plus pur , comme l’alun de Rome. L’alun qu’on fabrique en combinant dire&ement l’acide fulfurique avec les argiles ed fouvent mêlé d’une certaine quantité de fer , parce que les argiles colorées qu’on emploie pour cette préparation font chargées de ce métal. Le fulfate d’alumine , fous fa forme régulière, ed un o&aèdre parfait formé de deux pyramides à quatre faces jointes bafe à bafe. Cette forme varie beaucoup Clivant les circondances de la d’HiST. N AT. ET DE CHIMIE. 1 1 f criftallifation ; l’o&aèdre eft plus ou moins tron- qué, irrégulier, aigu, applati. Les angles font plus ou moins complets, coupés; les crifiaux font fouvent réunis oc comme emboîtés les uns dans les autres par leurs pyramides. M. Rome de Lille a décrit avec beaucoup de loin toutes ces variétés dans la nouvelle édition de la Crifi* tallographie. Ce fel fe liquéfie à une chaleur douce ; il exhale des vapeurs aqueufes très-abondantes s: il fe bourfouffle beaucoup , & il offre une maffe très~volumineufe , légère, d’un blanc, mat, Ô£ remplie de beaucoup de cavités. Ce phénomène eft dû, comme dans le borate , au dégagement de l’eau, dont les bulles fo ilèvent peu-à-peu &; étendent les molécules falines. L’alun dans cet état prend le nom d’alun calciné ; il a perdu à-peu-près la moitié de fon poids;, il elt un. peu altéré , il rougit le firop de violettes; fa faveur eft beaucoup plus conlidérable , & il femble que fon acide fe foit développé. Si on le diffout dans l’eau , il s’en précipite un peu de terre ; on peut îe faire crilfallifer, mais il ne fe baurfoüffle prefque plus lorfqu’on îe cal- cine de nouveau , fuivant l’obfer.vation de M„ Beaumé. Si on calcine de l’alun dans un appa- reil diff illatoire on obtient du phlegme qui fur la fin devient acide; mais on ne peut pas 1© O iv 2.1 6 E L f M E N s décompofer entièrement , puifque Geoffroy l’a tenu dans une cornue à un feu extrême j pendant trois jours & trois nuirs, fans qu i! ait iubi d’al- tération bien remarquable. Cependant je penfe qu’on n’a point encore examiné convenablement les changemens que l’alun éprouve de la part d’un feu long-tems foutenu. Le fulfate d’alumine s’efReurit légèrement à l’air , & perd l’eau de fa criftallifation. Ce fel ü’efl que peu diffoluble dans l’eau froide , puif- que deux livres de ce fluide ne peuvent diffoudre que quatorze gros d’alun , fuivant M. Beaumé; mais l’eau bouillante en diffout plus de la moitié de fon poids. Huit onces de ce fluide dans cet ctat peuvent tenir en diffolution cinq onces de ce fel. Il fe criftallife très «bien par réfroidif- fement. Ses criftaux paroiffent être des efpèces «le pyramides triangulaires dont les angles font tronqués , mais qui ne font que des portions d^oflaèdres. Lorfqu’iis fe dépofent fur des fils SU milieu de la diffolution , ils forment alors des o&aèdres très- réguliers, dont les pyramides précédentes ne font qu’une moitié coupée obli- » a ment. La rerre îliicée ne fait éprouver aucun chan- gement notable au fulfate dVumine. Ce fel t s’unir à une plus grande quantité d’alumine ^’il p’eti co/itient dans fon état ordinaire. Il d’Hist. Nat. et de Chimie. 217 prend dans cette union les cara&ères de l’argile commune, fuivant les recherches de M.Beaume. Pour faturer l’alun de fa terre 3 on fâii c bouillir une diffolution de ce Tel avec de l’alumine bien pure ; on continue de chauffer ce mélangé jufqu’à ce qu’il ait perdu fa faveur ftyptique. La combinaifon bien faite n’a plus qu’une favçur fade , douceâtre & terreufe. M. Beaumé a ob- fervé qu’en la faifant évaporer , on en obtenoit de'; paillettes femblables au mica. M. Chaülnes ayant laiffé long-tems expofée à l’air une lef- five de ce fel faturé de fa terre , y trouva au bout de quelques mois des crifiaux cubiques très-réguliers. M. le Blanc a également obtenu ces criflaux cubiques à volonté. I! paroît qu’on ne peut plus faire repaffer l’alun faturé de f a terre à l’état de véritable alun , comme il étoit auparavant. Le fulfate d’alumine peut être décompofé par la baryte & par la magnéfie , qui ont plus d’affi- nité avec l’acide fulfurique que n’en a l’alumine, ïl réfidte du fulfate barytique ou rnagnéfien de ces décomposions. L’eau de chaux verfée dans une diffoîution de ce fel neutre en précipite la terre. Les alcalis fixes , ainfi que l’ammoniaque , ont auffi la propriété de décompofer l’alun. Les car- bonates de pctaffe } de foude , d’ammo- 2i8 E l é m e n s iliaque, de chaux & de magnéfie, en feparent auffi ralumine qui retient une portion de l’acide carbonique, fi la précipitation fe fait à froid; mais j’ai obfervé qu’en prenant une diffolution d’alun, ainfi que des diffolutions chaudes des carbonates alcalins , & en mêlant les liqueurs , la précipitation eft accompagnée d’ure effervef- cence produite par le dégagemeet de l’acide car- bonique. ✓ L’alumine précipitée par ces différentes fubf- tances efl , flocconneufe ; elle fe dépofe, peu-à* peu; defféchée doucement, elle eft très-blan- cne ; elle décrépite au feu comme les argiles; la chaleur forte lui donne une dureté confidé- rable ; fon volume eft en même - temps fort diminué , & elle prend beaucoup de retraite ; elle n’efl point fufible , même au plus grand feu, telle que celui de la lentille du jardin de l’Infante. Elle retient les dernières portions d’eau avec une fi grande force, qu’il faut un feu de la dernière violence pour l’en priver. Elle fe délaye dans l’eau , & forme une pâte qui a du liant , & qui fe cuit au feu en une porcela'ne d’excellente qualité. L’alumine a donc tous les cara&ères des terres argiieufes , & c’eft l’argile la plus pure que l’on puiffe fe procurer , ainfi que l’a annoncé Macquer. On ne connoît pas bien l’a&ion de la baryte r I d’Hist. Nat. et de Chimie. 219 de la magnéfîe , de la chaux & des alca'is purs fur l’alumine. Il efl vraifemblable que ces lubf- tances , fur-tout les dernières , la mettroient, à l’aide du feu , dans l’état d’une fri rte vitreufe. M. Achard a fait une fuite d’expériences qui prouvent cette affertion. la couleur , la tranf- parence , la dureté & toutes les propriétés de ces efpèces de verres , varient fuivant les proportions relatives des fubftances que l’on mêle pour les obtenir , comme on l’apprend dans la differtation du chimide de Berlin déjà cité. L’acide fulfurique difîout facilement l’alumine lorfqu’elle ed fraîche & humide ; il ne la difloüt qu’avec peine quand elle ed sèche. Cette dif- folution , faite à la dofe de plufiêurs onces , donne des cridaux d’alun mêlé de quelques paillettes ou écailles femblables à celles du mica. M. Beaumc ajoute même que fi on fait cette ex- périence en petit, ont n’obtient prefque que de ces dernières & point d’alun. Les autres acides dif« folvent aufîi cette terre , & forment avec elle des feTs peu connus , dont nous parlerons dans les articles fuivans. On ne fait pas quelle feroiî l’aftion de îa terre alumineufe fur les fels neutres; mais la propriété la plus fingulière qu’elle préfente c’ed celle de fe combiner par excès au fulfate d’alumine , &: 2-^0 Elément de lui donner des caractères nouveaux, comme nous l’avons déjà fait obferver plus haut. M. Beaumé , à qui appartient cette découverte , a fait bouillir une diffolution d’alun avec de la terre précipitée de ce fel par les alcalis fixes; cette liqueur a diflous la terre avec effervef- cence. Filtrée elle n’avoit plus la faveur de l’alun , mais celle d’une eau dure ; elle ne rou- gifloit point la teinture de tournefol , & elle verdiflbit le firop de violettes. Par une évapo- ration fpontanée , elle a fourni quelques crif- taux en écailles douces au toucher , femblables au mica ; M. Beaumé les compare à la félénite ou fulfate de chaux. Il n’eft pas aile de réfor- mer de l’alun en ajoutant de l’acide fulfurique à ce fel déjà faturé de fa terre ; le mélange eft alors acide fans ftipticité. Cependant , par une évaporation fpontanée de trois mois, la difio- lution a donné des criftaux d’alun , mêlés avec quelques paillettes micacées , fembjables à celles . que fournit l’alun faturé de fa terre. Telle eft le précis des travaux de MM. Macquer & Beaumé fur la terre alumineufe. L’alun traité au feu avec les matières com- buftibles forme une fubftance qui s’enflamme à l’air , & qu’on appelle pyrophore de Hom - ierg. Ce chimifte, qui l’a fait connoître en 17 1 1, travailloit fur la matière fécale humaine , pour d’Hist. Nat. ï.t de Chimii. 22 1 en tirer une huile blanche qui devoit fixer le mercure en argent fin. Ce travail fut l’origine de plufieurs découvertes. Un réfidu de cette matière animale , diftillée avec de l’alun , prit feu à l’air. Homberg répéta plufieurs fois ce procédé , qui lui réufiil: confirmaient. Lémery le cadet a publié en 1714 & 1715 deux Mé- moires , dans lefquelsil a annoncé qu’on pouvoit faire du pyrophore avec un grand nombre de matières végétales & animales , traitées par l’alun. Mais il n’a pas réufîi à en former avec plufieurs autres fiels fulfuriques. Ces deux chimifies , qui regardoient l’alun comme une combinaifon d’aci- de fulfurique & de terre calcaire , penfoient que cette dernière, réduite à l’état de chaux, attiroit l’humidité de l’air , ÔC enflammoit par la chaleur qui s’excitoit dans le mélange le foufre qu’ils fa-; voient s’y former. Depuis ces chimifies , le Jay de Suvigny , doc- teur en médecine , a donné fur le pyrophore ' un très-bon Mémoire imprimé parmi ceux du troifième volume des Savans Etrangers. Il y dé-: taille un grand nombre d’expériences par lef- quellesil eft parvenu à faire du pyrophore , non- feulement avec l’alun & différentes matières corn* buftibles, comme l’avoic fait Lémery, mais en- core avec la plupart des fels qui contiennent l’acide fulfurique. Ce médecin a auffi donné fu$ 222 É L É M E N S l’inflammation du pyrophore expofe à l’air une théorie qui a été adoptée par tous les chi- miftes jufquà ces derniers rems. Il penfoit que le pyrophore contenoit de V huile de vitriol glacialt qui , attirant l’humidité de l'air s’échauffant fortement , allumoit le foufre & produifoit l’in— mation fponranée. Pour préparer le pyrophore, on fait fondre dans une poêle de fer trois parties d’alun avec une partie de fucre , de miel ou de farine ; on defsèche ce mélange jafqu’à ce qu’il foit noi- râtre , & qu’il ne fe bourfouflle plus ; on le concaffe ; on 'le met dans un maîras ou dans une fiole lutée avec de la terre, on place ce vaiffeau dans un creufet avec du fable ; on le chauffe jufqu’à ce qu’il forte du col de la fiole une flamme bleuâtre ; & lorfqu’elle a brûlé pendant quelques minutes , on retire le creu- fet du feu ; on le laide refroidir , & on verfe le pyrophore qu’il contient dans un flaccon bien fec & qui bouche exa&ennent. Si l’on expofe ce pyrophore à l’air , il s’enflamme d’autant plus vite que l’atmofphère efl plus humide. On accélère fa combuÜion en dir géant à fa fur- face une vapeur humide , comme celle de l’haleine. 11 ne faut pas chauffer trop lcng-tems le pyrophore, fans cela il ne prend pins feu à Pair. Il fe charge peu-à-peu d’humidité, lorf- d’Hist. Nat. et de Chimie. 113 qu’il eft dans un vaiffeau mal bouché ; il perd la combuftibilité , mais on peut la lui rendre en le calcinant de nouveau avec les précautions indiquées. Telles étoient les connoiffances que l’on avoit fur le pyrophore avant M. Prouft , qui a donné d’utiles recherches fur cetre matière dans le Journal de Médecine , juillet 1778. Ce chi- mifte ayant eu occafion de trouver dans fes expériences un grand nombre de rélidus pyro- phoriques , dans lefquels on ne pouvoit pas foupçonner l’exiftence de l’acide fulfurique , a cru que cet acide n’eft pas la caufe de l’inflam- mation fpontanée du pyrophore ; il a prouvé , par une expérience bien fimple, qu’en effet cette fubftance combuftible n’en contient pas un arôme de libre , puifqu’en verfant de l’eau fur le pyrophore , il ne fe produit point de chaleur. 11 paroît , d’après ie dénombrement des différens pyrophores qu’il a obtenus, que toutes les fubf- tances qui laiffent après leur déeompofition un réfidu charboneux , divifé par une terre ou par un oxide métallique, font fufceptibles de s’enflammer à l’air. Mais on ne peut difconve- nir que la partie de fon travail que M. Prouft a fait connoître n’indique point encore la caufe de l’inflammation du pyrophore de Hom- berg , qui, fuivant lui, différé de ceux qu’il a t 2*4 E L É U E N 5 obfervés; & en effet, fon Mémoire n’apprend rien fur la compofirion de la fubflance qui nous occupe. M. Bewîy, chirurgien anglois , dans une let- tre écrite à M Prieftley, attribue l’inflamma- tion du pyrophore à ce qu'il contient une fubf- tance capable d’attirer l’acide nitrique de l’atmof- pbère. Il eft fondé dans cette opinion , parce qu’il a découvert que l’efprit de nitre inflamme fur-le-champ un pyrophore qui n’a pas été affez calciné , ou qui s’eft chargé d’humidité. Mais il eft démontré, d’une part, que l’acide nitrique n’eft pas contenu en nature dans l’atmofphère ; &c d’une autre part, M. Prouft a découvert que l’inflammation du pyrophore par l’efprit de ni- tre , efl due au charbon contenu dans cette fubf- tance, puifque cet acide détonne avec toutes les matières charbonneufes bien sèches & très-divi- fées , comme nous le dirons plus en détail à l’ar- ticle du charbon. L’explication de M. Bewly h’eid donc pas plus latisfaifante que celle des chi- mifles qui l’ont précédé. La feule manière de découvrir la caufe de ce phénomène , eft de bien connoître la nature chimique du pyrophore de Homberg ; il paroît qu’il contient la terre de l’alun , une matière charbonneufe très-divifée, fournie par le miel , le fucre, &c. un peu de poçaffe, & du foufre uni d’Hist. Nat. et de Chimie. Mï uni en partie à la terre de l’alun, & en partie à l’alcali.En chauffant fortement du pyrophore dans un appareil pneumato-chimique , on en retire une grande quantité de gaz hydrogène fulfuré , ou hépatique . Lorfqu’il n’en fournit plus , il ne s’enflamme plus à l’air. Si l*on plonge du pyro- phore dans l’air vital , il brûle rapidement avec une flamme rouge très-brillante. En le lavant avec de l’eau chaude , on en retire un véritable fulfure , & il ne reffe plus fur le filtre que la ma- tière charbonneufe $c un peu d’alumine. Le py-» rophore eff alors décompofé. Lorfque le pyro- phore a ceffé de brûler, il a augmenté de poids à caufe de la portion d’oxigène qu’il a abforbée. Sa lefîive fournit alors du fulfate d’alumine, parce que le foufre brûlé parl’aûion de l’air forme de l’acide fulfurique qui s’unit à la terre aluminéufe j mais ce fel eff de l’alun faturé de fa terre. On a donné dans le Journal de Phyfique, No^ vembre iy8o , des obfer valions fur le pyro-* pbore , dans lefquelles on annonce , qUç cette fubffance doit fa combuffibilité à une certaine quantité de phofphore formé par l’acide des ma- tières muqueufes; i°. que la diffillation du pyro- phore fournit par once cinq à fept grains de phof- phore ; 3°. que l’on peut en faire fur-le- champ en triturant dans un mortier de fer cinquante-*’ Tome II 4 # y élément quatre grains de fleur de foufre , trente-fix de charbon de Taule bien fec,& trois grains de phof- phore ordinaire. Les détails de cette analyfe ne répondent pas exactement aux indu&ions qu’on en tire , puisqu’il n’y eff pas démontré qu’on en ait retiré du véritable phofphore. Au refte , ce mémoire offre plufleurs faits intéreffans, & qui feront utiles aux chimifles qui voudront entre- prendre une analyfe fui vie du pyrophore. L’alun efl; d’un ufage très-étendu. On l’emploie en médecine comme aflringent ; mais il demande beaucoup de précautions pour être admimflré à l’intérieur. On s’en fert plus fouvent à l’exté- rieur , comme d’un fliptique & d’un defliccatif puiflant. Il entre dans les collyres , les garga-, rifmes , les emplâtres, &c. L’alun eft une des matières falines les plus utiles dans les arts. Les chandeliers le mêlent au fuif pour le rendre plus ferme. Les imprimeurs frottent leurs balles avec l’alun calciné , pour leur faire prendre l’encre. Le bois, imprégné d’une diffoîution d’alun , ne brûle qu’avec peine; c’eff d’après cela qu’on a propofé ce moyen pour ga« rantir les édifices des incendies; on a le même avantage pour le papier ; mais celui-ci jaunit & s’altère affez promptement. Les blanchiffeuies jettent un peu d’alun danç d’Hist. Nat. et de Chimie; ±ïf ï’eau trouble pour l’éclaircir. M. Baume croit que ce tel le charge d’une partie de la terre fufpendué dans ce fluide , &- fe précipite avec elle * en for- mant un compolé infoluble. Quelques perfGnnés fe fervent de ce moyen pour purifier 6c rendre claire l’eau que l’on veut boire. On s’en fert pour préparer les cuirs ; pour imprégner les pa- piers 6c les toiles que f’on veut colorer à l’aide de l’impreffiom Une di Ablution d’alun retarde la putréfaèiion des fubftances animales. C'eft un moyen très-bon & très-économique pour conferver les produc- tions naturelles que l’on envqie des pays étran- gers. La terre d’alun fait la bafe des paflels , 6c elle leur donne du corps ; enfin , ce fel eft famé de la teinture * comme le dit Macquer. 11 aug- mente l’éclat 6c l’intenfité des couleurs; il donne de la folidité aux parties colora tes extractives * qui fans lui ne feroient point durables 6c s’enlé- veroient par l’eau. Cette dernière aétion de l’alun fur les matières colorantes végétales fera exami- née dans l’h’ftoirt de ces matières; on y verra que e’eft en changeant leur natu e , en les décompo- fant , 6c en les rendant indiflolubles dans l’eau j que l’alun leur fait prendre de la loliditéi tl2& Ê L É M E N 9 Sort. II. Nitrate alumineux; M. Bautné dit que l’acide nitrique diffout com- plètement la terre de l’alun. Cette diffolution eft limpide & beaucoup plus aftringente que celle de i’alum Elle donne par une évaporation fpontanée des petits criftaux pyramidaux, très-ftiptiques , qui font déliquefcens. On n’a point encore examiné les autres pro- priétés de ce fel ; on fait feulement qu’il eft dé- compofable par les mêmes intermèdes que l’alun. On ne l’a point encore trouvé dans la nature, ôi. il eft toujours un produit de l’art. Sorte III. Muriate aluminïux. L’acide muriatique diffout mieux la terre alu- jnineufe que ne le fait l’acide nitrique. Cette diffo- lution faturée eft gélatineufe ; on ne peut la filtrer qu’en l’étendant dans beaucoup d’eau. La faveur du muriate alumineux eft falée & ftiptique ; il rougit le firop de violettes , & le verdit enfuite. Il donne par une évaporat'on fponranée des criftaux très- ftiptiques,dont on n’apoint examiné la forme : l’eau de chaux le décompofe. Le mu- riate alumineux eft déliquefeent ; il a toujours été jufqu’à préfent un produit de l’arr. On ne çonnost point fes autres propriétés. d’Hist. Nat. et de Chimie. 2.29 Sorte IV. Borate alumineux. On n’a point encore examiné la ccmbinaifon de l’acide boracique avec l’âluhûne , que nous appelons borate alumineux. On fait que fi l’on verfe une diffolution de borate de foude dans une diffolution de fulfate alumineux , il fe forme un précipité léger tk flocconneux. L’acide fulfuri- que quitte l’alumine pour s’unir à la foude. Cette terre fe combine avec l’acide boracique , qui fe fépare en même temps ; & ce nouveau fel fe re- diffout peu-à-peu. Cette liqueur précipite enfuite % par l’alcau fixe , & elle donne par l’évaporation une malle vifqueufe & aftringente, dans laquelle le fulfate de foude & le borate alumineux font confondus. Cette efpèce de borate efl décompo- fab'e par les mêmes intermèdes que l’alun; ait refte , on n’en a point examiné avec aflez de foin les propriétés, * Sorte V. F lu ATI alumineux.’ Nous cléfignons par ce nom la combinaifoil d’acide fîuorique avec l’alumine. Ce fel neutro n’eft point connu , & on ne l’a point du tout examiné. MM. Schéele , Boullanger ’ Hist. Nat. et te C«îmie. 137 •fuite ces gâteaux , & on les calcine fortement en les mettant au milieu des charbons dans un fourneau qui tire bien ; on ne les en retire que lorfque le charbon eft confume Si le fourneau tféfroidi ; on les nettoie par le moyen d’un fouf- flet, on les expofe à la lumière pendant quelques minutes , & en les portant dans un lieu obfcur, on les voit briller comme un charbon ardent. Ces gâteaux luifent même dans l’eau ; ils perdent peu- à-peu cette propriété , & on la leur rend en les chauffant de nouveau. Mais beaucoup d’autres fubftances préfentent le même phénomène; la magnéfte , la craie , le fulfate ôc le fluate cal- caires , ôzc. deviennent lumineux après avoir été chauffés. Macquer a reconnu la même propriété dans la terre de l’alun , le fulfate de potaffe , la craie de Briançon , la pierre à fufil noire calcinée, ce qui prouve que la préfence d’un acide n’eft pas abfolument néceffaire pour la produéiion de ce phénomène , quoiqu’elle paroiffe contribuer pour quelque chofe à fon intenfité. Le fulfate barytique chauffé dans une cornue , n’a rien donné à Margraf. Ce favant a obfervé que ce fpath n’étoit nullement altéré par cettç opération. Ce fel eft parfaitement infoluble dans l’eau ; les matières terreufes ÔC falino-terreufes n’ont au- *3 “ E L É M E N S.1 cune aélionfur lui. Les alcalis fixes purs ne péitf veut le décompofer ; & c’efflà la propriété la plus fingulière qu’il préfente. En effet , les autres ma- tières terreufes & falino-terreufes ont moins d’af- finité avec l’acide fulfurique , que n’en ont les alcalis fixes. La baryte , au contraire , a plus d’affinité que ces fels avec ces acides. Auffi nous avons fait obferver , d’après Bergman , que cette terre décompofoit les fulfates de poraffe & de foude. 11 en eft de même de l’ammoniaque. Les acides minéraux n’ont point d’aéfion fur le fulfate bary tique, parce que l’acide fulfurique efl le plus adhérent de tous à la terre qui fert de bafe à ce fel. Les fels neutres ne l’altèrent pas davantage , fi l’on en excepte les carbonates de potaffe & de foude. Ces deux fubffances falines décompofent le fpath pefant à l’aide des affinités doubles. La baryte eft féparée de l’acide fulfuri- que , parce qu’elle eft attirée par l’acide carboni- que , en même-temps que l’un ou l’autre des alcalis fixes fe porte fur le premier acide; Pour opérer cette décompcfition , on fait fortement chauffer dans un creufet un mélange de deux parties de carbonate de potaffe , & d’une partie de fulfate barytiqne réduit en poudre. Onîeffive cette matière , qui eft à demi-vitrifiée, dans l’eau diftillée ; on filtre la liqueur , ÔC q n en obtient b’Hist. Nat. et de Chimie; 239 par l’évaporation du fulfate de potalfe. La fubf- tance reliée fur le filtre ell le carbonate de baryte^ on le lave à grande eau pour le bien delfaler , 8c il ell fous la forme d’une nirtière pulvérulente très-blanche & très-fine, mais ordinairement im- pure , parce qu’il contient prefque toujours une portion de fulfate baryîique qui a échappé à la décompofition. Les fubllances combuilibîes ayant la propriété de déccmpofer ce fel terreux , peuvent aulîi être employées pour en obtenir la bafe. Lorfqu’oa expofe au feu , dans un creufet , ce fel pulvérifé avec un huitième de fon poids de charbon en poudre , & lorfqu’on fait rougir le creufet pen-; dant deux ou trois heures, la matière verfée dans de l’eau dillillée donne fur-le-champ à ce fluide une couleur jaune rougeâtre , & tous les carac- tères d’une dilfolution de fulfure terreux. En effet , le charbon ayant enlevé l’oxigène à l’acide fulfurique , le foufre mis à nud par cette dér compolition s’unit à la baryte qui le réduit dans l’état de fulfure ou d ’hépar. On précipite la diffo- lution de ce fulfure à l’aide d’un acide ; on choifit l’acide muriatique parce qu’il forme, avec cette terre, un fel folubie , tandis que l'acide lulfu- rique reformeroit du fulfate barytique qui ell infoluble j on filtre la liqueur décompofée par I *4° E L £ M Ê N s l'acide ; le foufre féparé par cet acide refte fat le filtre , & l’eau filtrée tient en diffolution du xnuriate barytique. On le décompofe par une diffolution de carbonate de potaffe , & la ba- ryte fe précipite unie à l’acide carbonique , dont on peut la Séparer par la calcination , comme nous le d'rons dans un autre article.Ce procédé, que j’ai exécuté un grand nombre de fois , ne fournit que très-peu de baryte , &: l’on ne trouve fur le filtre de la précipitation de l’hépar par l’acide muriatique que quelques atomes de foufre, fi l’on ne fait pas chauffer très - fortement le mélange. Pour aider la décomposition de ce fel terreux , Bergman & Schéele ont prefcrit d’a- jouter au mélange de fulfate barytique & de charbon un quart environ de fel fixe de tartre . Alors on fépare plus facilement le foufre & la baryte; ce qui dépend de la fufion plus complète opérée par l’alcali fixe. On voit , d’après les deux procédés par les- quels on décompofe le fulfate barytique , ainfi que d’après l’examen de- toutes les propriétés de ce fel , combien la terre ou la fubftance falino- terreufe qui en fait la bafe , différé de celles que nous connoiffons, favoir, de l’alumine, de La chaux & de la magnéfie. Le fulfate barytique n’eft abfolument d’aucun ulâge d’Hist. Nat. et de Chimie. 141 ufage dans les arrs : on en prépare des gâteaux phofphoriques, & on en extrait la baryte pour l’ufage des laboratoires de chimie. Sorte II. Nitrate barytique. L’acide nitrique s’unit facilement à la baryte ; il réliilte de cette combinaifon un fel neutre , qui donne ou de gros criftaux hexagones , ou de petits criffaux irréguliers , fuivant M. d’Ar- cet : on ne l’obtient criffallifé qu’avec affez de difficulté. Le nitrate barytique fe décompofe au feu , & il donne de l’air vital. Il attire l’humidité de* l’air ; & cependant il lui faut une affez grande quantité d’eau pour être tenu en diffolution. Les alcalis purs ne le décompofent point non plus que le fable , l’alumine , la chaux & la ma- gnéiie. L’acide fuîfurique verfé dans la diffolution dit nitrate barytique en précipite fur le champ du fulfate de baryte. L’acide fluorique s’empare auffi de fa bafe. Les carbonates alcalins le décompofent par une double affinité. Ce fel n’eft encore que très-peu connu. Sorte III. Muriate barytique. Ce fel a été auffi peu examiné que le préeé- Tome IL Q M2- É L Ê M E N 5 dent. Bergman dit qu’il eft fufceptibîe de crif- taliifer , & qu’il ne fe diffout que difficilement; on l’obtient en effet fous la forme de criftaux quarrés allongés affez fernbîables à ceux du fpath pefant en tables. Le labié, l’alumine, la chaux, la magnéfie & les alcalis cauftiques ou purs n’ont nulle ac- tion fur ce fel , & n’en féparent point les prir> cipes. Les acides fulfurique & fluorique décompcH fent ce fel, en s’emparant de fa bafe. Les carbonates de potaffe & de foude en pré- cipitent la baryte unie à l’acide carbonique. Bergman met le muriate barytique au nom- bte des réa&ifs les plus fenfibles ; & il le pro- pofe pour reconnoître la plus petite quantité pcffible d’acide fulfurique contenu dans une eau minérale. Une ou deux gouttes de diffolu* tion de ce fel verfées dans environ trois livres d’eau chargée de douze grains de fulfate de foude en criftaux y prpduifeut bientôt des ftries blanches de fulfate bary tique, formé par la dou- ble décompofition de ces deux fels , & par le tranfport de l’acide lulfurique fur la baryte ; il refte du muriate de foude en diffolution dans la liqueur : tous les fels fulfuriques font également fenfibles par ce réattif qui les déçompofe en for- mant du fui fat ç bary tique. d’Hist. Nat. et de Chimie. 245 Sorte IV. Borate barytique. On ne connoît point du tout cette combinai» fon de l’acide boracique avec la baryte. Bergman affure que l’acide du borax eft tirî de ceux qui a le moins d’affinité avec cette flibf- tance falino-terreufe , & il le place dans fa table au-deflbus de la plupart des acides végétaux Sc animaux. Sorte Y. Fluate barytique. Ce fel n’efl pas plus connu que le précédent,' & c’efl un objet de travail abfolument neuf, ainfi que beaucoup d’autres matières falines , qui n’ont point encore été examinées, & fur les- quelles la difette de faits nous a obligés d’être fort courts. Bergman affure dans fa differtation fur les attrapions éle&ives, que l’acide fluorique verfé dans une diffolution de nitrate ou de rnuriate barytique, y occaflonne un précipité , & que ce précipité fait effervefcence avec l’acide fulfuri- que qui en dégage l’acide fluorique. Cette expérience prouve que l’acide fluorique a plus d’affinité avec la baryte que les acides nitrique ôi muriatique, & qu’il forme avec cette fubftance falino-terreufe un fel beaucoup moins foluble que le nitrate £{le muriate barytique. Qü 1 *44 E L É M E N S Sorte VI. Carbonate barytique.' La baîyte efl fufceptible de s’unir à l’acide carbonique, & il en réfu te une efpèce de fel neutre qui préfente des propriétés particulières, & qui femble avoir quelques rapports avec la craie* On a déjà obfervé que c’efl en raifon de l’afEnité de la baryte avec l’acide carbonique, que le fulface bary tique &c tons les fels en géné- ral dont cette terre efl la bafe font dé .ompofés par les carbonates alcalins. Dans ces décompo- litions , il le précipite toujours du carbonate de baryte. On prépare encore cette efpèce de fel en expofant à i’air une diffolution de cette fubflance filino - tcrreule pure ; la furface fe / couvre lentement d’une pellicule qui fait effer- vefcence avec ies acides, & qui efl due à cette terre chargée de l’acide carbonique de l’atmof- phère, & devenue moins foluble par fa neutra- lifation ; ce phénomène efl femblable à celui que préfente l’eau de chaux , & c’efl une analogie frappante qui exifle entre ces deux fubfta ces falino-terreufes , quoiqu’elles diffé- rent fmgulièrement par beaucoup d’autres pro- priétés. Le carbonate barytique expofé au feu perd fon acide. Si on le chauffe dans une cornue ou D’HiSt'. Nat. et de Chimie. 24$ dans un matras auquel on a adapté un appareil pneumato-chimique , on obtient cet aude fous fa forme gazeufe naturelle. Cependant on n’en fépare les dernières portions que très- difficile- ment & à une chaleur exceffive. Tous les acides minéraux dccompofent ce fel & en dégagent l’acide carbonique ; ce qui produit l’effervefcence vive qui le diflingue d’a- vec la baryte cauffique ou pure. Bergman ef- time que ce Tel contient au quintal fept parties d’acide carbonique , foixante-cinq de baryte, Sc huit d’eau. \ . L’eau ne diffout qu’à peine le carbonate ba- rytique, mais lorfqu’elle efl elle-même char- gée d’acide carbonique , elle en diffout environ lin mil cinq cent cinquantième de fon poids'. On voit, d’après cela, que le carbonate bary- tique eff moins diffoluble que la baryte pure ou cauftique , puifque dans ce dernier état l’eau peut en diffoudre environ un neuf- centième, fnivant les expériences de Bergman. Il fe com- porte donc à-peu-près comme la craie ou le carbonate de chaux , puifqu’il fe précipite auffi comme ce dernier, à mefure que l’acide carbo- nique uni à l’eau qui le tient en diffolution s’évapore. Au refte il en diffère par un grand nombre d’autres propriétés , &c fur-tout par les fels qu’il forpie avec les atitres acides s comme Q “i Z4& É L É M E M S nous l’avons démontré par l’examen de ces Tels. Le carbonate barytique n’eft d’aucun ufage î on l’a trouvé dans la nature. Voyez l’Analyfe de celui d’Alfton-Moore , Annales de Chimie, CHAPITRE XL Récapitulation Jur tous les fels minéraux comparés entreux . J^L'PR Ès avoir expofé les connoiffances ac- quifes jufqu’à ce jour fur les propriétés de tous ies fels minéraux connus, nous croyons devoir présenter un précis de leurs principaux carac- tères, de leur nature comparée, & de leurs attrac- tions réciproques. I. Les fels fe reconnoiflent à quatre propriétés générales, la faveur, la tendance à la combinai- fcn , la didolubilité Sc l’incombuftibilité ; ces propriétés font dans des degrés très-différens d’énergie , & ces degrés conflituent des -diffé- rences efTemielles dans les matières Câlines. II. Tous les fels peuvent être rapportés à quatre ordres ou à quatre genres principaux, pavoir , î®. les fubifances falino - terreufes qui joignent des propriétés terreufes aux qualités d’Hist. Nat- et de £»imie. 2.47 jfalines; 20. les alcalis dont les carà&ères con- fident dans ia faveur urineufe & dans la pro- priété de verdir placeurs couleurs bleues végé- ta les ; 3 9. les acides reconnoidables par la faveur aigre & la couleur rouge qu’ils font prendre aux matières végétales bleues; 4®, les fels moyens ou neutres qui different des précédons par moins de faveur , & fur-tout une faveur mixte falée, amère, &cc. moins de diffolubilité, &c„ III. Il y a trois fubdances falino-terreufes la terre pefante ou baryte , la magnéfie &: la chaux. On connoît allez bien leurs propriétés, mais on ignore leur compofition. Aucun chi- mide n’a encore pu féparer les principes ele ces fubdances ni les reformer par des combinpifons ; ainlî ces matières font réellement fimpîes, relati- vement à l’état aéhiel de la fcience ; peut-être parviendra-t-on par la fuite à les décompofer. IV. On connoît trois fels alcalis ; la potaffe appellée aulîi alcali fixe végétal y alcali du tarin ; la foude nommée alcali minéral ou alcali marin ; l’ammoniaque ou alcali volatil. Les deux pre- miers font fecs , folides , caudiques , fufibles , déliquefcenS , &c. On ne peut les didinguer l’un de l’autre lorfqu’iîs font purs ; on les dis- tingue facilement par leurs combinai fons avec les acides. Aucune expérience n’apprend encore' rien de pofitit fur leur compofition imime > Q iv *4$ Ê L É M E N S perfonne n’en a féparé les principes ] ou n’en a forme par des combinaifons particulières. L’opinion des chimiftes qui les regardoient com- me une union de l’eau & de la terre, n’eft qu’une hypôthèfe autrefois ingénieufe à laquelle on doit renoncer, parce qu’elîe n’eft appuyée fur aucun fait politif. L’ammoniaque diffère des deux pre- miers, parce qu’c le eft fous la forme d’un fluide élaftique très-odorant, très-expanfible , &rc. On entrevoit aujourd’hui qu’elle eft compofée de la bafe de deux gaz», de celle du gaz inflammable ou hydrogène , & de celle de la mofette atmof- phérique on de l’azote, qu’elle fe décompofe dans pîufieurs opérations, & qu’elle fe forme dans d’autres. Il paroîc que les deux alcalis fixes contiennent atiiïi de l’azote , & que ce corps peut être regardé comme le principe alcalifîant, ou comme alcali fine. V. Les acides bien connus font au nombre de fix; l’acide carbonique, l’acide muriatique, l’acide fluorique , l’acide nitrique , l’acide fulfu- rique & l’acide boracique ; tous ont des pro- priétés particulières qui les diftinguent; l’acide carbonique, l’acide muriatique, l’acide fluorique prennent très-facilement l’état é'aflique ou aéri- forme ; il n’en eft pas de même de l’acide nitiique & de l’acide fuifurique; l’acide bora- cique eft concret & criftallin. Les acides arfé- d’Hist. Nat. et de Chimie. 249 nique , molybdique & tunftique , dont nous traiterons dans une efpèce de fupplément , font concrets , mais pulvérulens & fans forme crif- talline. VI. On commence à connoître la nature des acides beaucoup mieux qu’autrefois. Il eft prou- vé que l’hypothèfe qui les regardoit comme l’union intime de l’eau & de la terre n’a plus rien de vraifemblable. On a démontré que la bafe de l’air vital ou Fcxigène entre dans leur compofition ; que fouvent cet oxigène y efi uni avec un corps combufiible , comme le charbon dans l’acide carbonique , le fouffre dans l’acide fulfurique, l’azote dans l’acide nitrique ; îa for- mation d’un grand nombre d’acides particuliers par l’a&ion de l’acide nitrique fur des corps combufiibles confirme cette afiertion fur la né- cefiité de l’oxigène pour conftituer les acides. VII. Les acides s’unifient fans décompofition à l’alumine , à la baryte , à la magnéfie , à la chaux, aux alcalis fixes & à l'ammoniaque j il réfui te de ces combinaifons un grand nom- bre de fels appelles fels compofés , fels moyens , fels neutres. On nomme bafes les fubfiances qui neutralifent les acides dans ces combinaifons falines. VIII. Les fels moyens ou neutres ont des propriétés différentes de celles de leurs compo- 2$0 É L É M E N S fans ; on ne reconnoît plus dans la plupart les Cara&ères de l’acide ni de la bafe. Cependant celle-ci paroît donner aux fels neutres quelques propriétés générales ou communes , & c’eft pour cela que nous avons diftingué les genres de ces fels par leurs baies. IX. Il y a d’après ce principe lix genres de fels neutres dont nous croyons devoir retracer ici Tordre, la compolition àc la nomenclature. Genre I. Sels neutres a base d'alcalis fixes. Noms anciens. ' Sort : I. Acide fulfurique & potaffe. Ç Tajtre vitriole , fel de duo bu fr Sulfate Dï POTASSE. < Arcanum duplicjiurn, Vï~ C. triol de potaffe. Sorte IL Acide fulfurique Sc foude. „ r Sst de Glnuber, Vitriol èt Sulfate de soude. £ Sorte 111. Acide nitrique &. potafle. Nitrate DEPOTASSE. Nitre commun. Salpêtre.. Sorte IV. Acide nitrique St foude. < Nitre cubique , Nitre rhons* Nitrate de soude. ^ boïdil. Sorte V. Acide muriatique & P°taU<“‘ Ç Sel digeflif , Sel fébrifuge de MURIATE DE POTASSE. ^ Sylvius, Sel marin régénéré» Sorte VL Acide muriatique 2c foude. „ , . _ , ,, c r ç Set marin , Sel de mer , Sel MuriatX DE soude. Z commun , Sel de cuifine . d’Hist. Nat. et de Chimie; 151; Sorte T II. Acide boracique & potafle. Noms anciens. Borate de potasse. Borax végétal. Sorte VIII. Acide boracique & foude. : • Borate sursaturé de*Ï soude ou. Borax. , < > Boiax commun , Tinckal . Sorte IX. Acide fluorique & potafle. Fluate de potasse. J (' Tartre fpathique ; Spath, de tartre . Sorte X. Acide fluorique Sc foude. Fluate de SOUDE. Soude fpathiquci Sorte XI. Acide carbonique & potafle. Carbonate de potasse. £ Tartre çrayeu-*. £ Craie de potajje . Sorte XII, Acide carbonique & foude. Carbonate de soude. Genre II. Sels neutres ammoniacaux • Sorte 1. Acide fulfurique & ammoniaque. Sulfate ammoniacal. S Selammoniat fecret de Glau - c Vitriol ammoniacal. Sorte II. Acide nitrique Sc ammoniaque. Nitrate ammoniacal. Nitre ammoniacal. • \ Sorte 111. Acide muriatique & ammoniaque. Muriate ammoniacal. Sel ammoniacs 1 *5» ÊlB E M E N S Sorte IV. A eide fluorique & Noms anciens. ammoniaque Fluate ammoniacal. Sorte T Acide boracique & ammoniaque i BojtATE AMMONIACAL. Sorte VI. Acide carbonique & ammoniaque. i Carbonate ammonia- Ç ^ £ ^ V0Jat^ ^ Angleterre*, CAL. ) Alcali volatil concret. (. Fraie ammoniacale. Genre III. .Seis neutres calcaires % Sorte 1. Acide fulfurique & chaux. T Plâtre. Sulfate calcaire. 1 belcmte. V Vitriol calcaire . Sorte II. Acide nitrique & chaux. Nitrate calcaire. Nitre calcaire. I ' *v Sorte III. Acide muriatique & chaux. Ç Sel ammoniac fixe , Huile de MuRIATE CALCAIRE. chaux. ( Sel marin calcaire . Sorte IV. A eide fluorique & chaux. Ç Spath cubique , Spath vi- Fluate calcaire. { "eux > SJ. Mh Mf.‘ “ 1 fluor , rluor Jpathique , % Chaux fluorée. Sorte V. Acide boracique & chaux. Borate calcaire. / • . d’Hist. Nat. et de Chimie. '253 Sorte VI. Acide carbonique Noms anciens; 6c chaux. „ C Craie , Spath calcaire. Terre Carbonate de chaux. l calcaire. Genre IV- Sels neutres magnésiens . Sorte I. Acide fulfurique 6c magnéfie. Ç Sel d’Epfom , de Sedlit Sel Sulfate MAGNÉSIEN. < cathartique amer, Vitriol de C magnifie. 1 Sorte II. Acide nitrique & magnéfie. Nitrate magnésien. Sorte III. Acide muriatique 6c magnéfie. Muriate magnésien. Sel marin à bafe de magnifie é Sorte IV. Acide fluorique & magnéfie. Fluate magnésien; Sorte V. Acide boracique 6c magnéfie. Borate magnésien. Sorte VI. Acide carbonique 6c magnéfie. Ç Magnéfie ejf rvefrente. Carbonate MAGNÉSIEN. < Magnifie douce, airée. Craie magnéfiene. Genre V. Sels neutres alumineux. Sorte I. Acide fulfurique 6c alumine. Sulfate alumineux. i Alun , Vitriol d'argile '. Il . MENS. 2Î4 É L É SOr“ 11 âumL!itriq“e & No'ms“ Nitrate alumineux. 5 Njtre argileux. ( Alun nitreux. Sorte III. Acide muriatique & alumine. Muriate alumineux. 5^cj mar'ln-arS^eux» l Alun mariné Sorte IV. Acide fluorique & alumine. Fluate ALUMINEUX. I Argile fpanque. I Iluor argileux. Sorte V. Acide boracique & alumine. Borate alumineux. Borax argileux. \ ï. Sorte VI. Acide carbonique & alumine. „ f Argile effervefeente. Carbonate alumineux. | c Jie JgdJ^ Genre VI. Sels neutres a base de baryte 9 ou Sels neutres barytiques . Sorte I. Acide fulfurique & baryte. „ i, Spath pefant. Sulfate barytique. < barodqu^ Sorte II. Acide nitrique & baryte. Nitrate barytique. i Sorte III. Acide muriatique & baryte. MUJUATË BARYTIQUE. Sel marin pefant. d’Hist. Nat. et de Chimie. 155 Sotte IV. Acide fluorique Se Noms anciens, baryte. Fluate barytique. Sorte V. Acide boracique & baryte. Borate barytique. Sorte VL Acide carbonique & baryte. Ç Terre pe faute aérée . Carbonate barytique. < Terre pe/ ante crayeufe. Ç, Craie barotiejuè . X. On pourra joindre à ces fels ceux qui font formés par les acides arfénique , molybdique, tun&que & fuccinique , en appellant les pre- miers ARSENIATES DE POTASSE, DE SOUDE, &C. les féconds, molybdates de potasse* db SOUDE , AMMONIACAL , CALCAIRE , &C. les troifièmes, tunstates de potasse, de soude, de chaux, &c. les quatrièmes, succina.t£S DE POTASSE , DE MAGNESIE , D’ALUMINE , &c. Nous traiterons de ces quatre genres de fels neutres dans l’hiftoire des fubfîances métalliques & bitumineufes. XI. Chaque fel en particulier, foit fimple,’ foit neutre ou moyen , a des cara&ères diüinc- tifs qui le font différer de tous les autres & à l’aide defquels on peut le reconnoître. Ces caractères confident dans leur faveur , leur forme, leur altérabilité par le feu, par l’air, par les terres &: par les diverfes fubftances 25 6 Élemens falines. On ne peut apprendre à les bien diftin- guer qu’en étudiant avec foin toutes leurs pro- priétés , en les comparant entr’elles , & fur-tout en confidérant celles qui contraftent les unes avec les autres. XII. Quoique la plupart des fels {impies & fpécialement des fels neutres foient prefque tou- jours un produit de l’art, la nature en préfente cependant beaucoup à la furface ou à très-peu de profondeur de la terre. On n’a point encore trouvé la baryte & la magnéfie pure; la chaux exifte aux environs des volcans ; les alcalis fixes ne font jamais cauftiques à la furface du globe, mais combinés avec des acides; l’acide carbonique eft contenu dans l’atmofphère ^em- plie quelques cavités fouterreines , & fe dégage de plufieurs eaux ; l’acide muriatique paroît être libre à la furface de la mer ; l’acide fluo- rique eft toujours combiné avec la chaux; l’acide nitrique fe rencontre dans les environs des matières en putréfaéfion ; l’acide fulfurique a été trouvé criftallifé par M. Baldoftari dans une grotte des bains de S. Philippe en Italie , & par M. de Dolomieu dans une grotte de l’Etna. M. Vandelli a obfervé qu’aux environs de Sienne & de Yiterbe , l’acide fulfurique diffous dans Peau fuinte à travers les pierres. L’acide füil fur eux fe dégage fans ceffe dans les lieux d’Hist. Nat. et de Chimie. 2^7 lieux volcanifés. L’acide boracique eft di.ffous dans l’eau de plufieurs lacs de Tofcane, fuivant M. Hoëfer. XIII. Parmi les quarante-deux efpèces princi- pales (1) de fels neutres dont nous avons fait l’hiiloire , on n’a trouvé à la furface ciu globe , dans les eaux ou dans les fluides des êtres orga» nifés, que les fuivans , dans le genre des fels neu- tres parfaits ou à bafe d’alca'is fixes. Le fulfate de potaffe dans les végétaux ; le fulfate de fonde dans les eaux & dans quelques plantes ; le nitre da^s les fucs des végétaux & dans les terres im- prégnées de matières putrides; le muriatede po- tafTe dans les eaux & dans les plantes marines; le muriate de fonde dans la terre , dans les eaux 5 clins les végétaux du bord de la mer &: dans les humeurs animales ; le carbonate de potaffe dans les végétaux ; le carbonate de foude en effloref- cence fur la terre, fur les pierres, & dans les hu- meurs animales; il y a de l’incertitude fur le (1) On ne parle pas ici des modifications de ces Tels appelles Sulfites de, &c. Nitrites de , & c. Muria- tes oxigènes de , &c. ni des a8 fortes formées par les acides métalliques & bitumineux ; le nombre des fels neutres feroit bien plus confidérable ; d’ailleurs la plu- part de ceux-ci ne paroifient pas exifter dans la nature. Tome //. pv E L É M E N S borax. Le nitrate de fonde, le fluate de potafle, le fluate de fonde , le borate de potaffe font tou- jours un produit de l’art. XIV. Parmi les fels ammoniacaux, on ne connoît tout formés dans la nature que le mu- riate ammoniacal aux environs des volcans, oC le carbonate ammoniacal dans les mat é es ani- males pourries; le fulfate ammoniacal , le nitrate ammoniacal , le fluate ammoniacal &c le borate ammoniacal font toujours formés par les chimif- tes dans leurs laboratoires, XV. Les fels neutres calcaires font très-abon- dans à la furface du globe ; tk des fix efpèces que nous en connoifîons , cinq ont été trouvées pro- duites par la nature. Le fulfate calcaire ou la fêlé- nite forme des lits confidérables dans les monta- gnes; le carbonate de chaux ou les matières cal- caires confiituent une grande partie des couches fupcrieures du globe ; le nitrate calcaire accom- pagne conflamment le nitre ordinaire dans les ];eux oit il fe produit ; le muriate cakaire en fait autant à l’égard du muriate de fonde; le fluate calcaire fe trouve abondamment dans les mines, XVI. Les fels magnéfiens font beaucoup plus rares dans la nature; il n’y a que le fulfate inag- néfien le muriate de magnéfie qui fe rencon- trent difTous dans plufieurs eaux; le nitrate mag- » j*. . . d’Hist. Nat. et de Chimie. 2 59 ncfien y exifle auffi quelquefois, mais en très- petite quantité. La nature n’a point encore offert le borate magnéfien , le fluate magnéfien & lo carbonate de magnéfie ; celui-ci paroît cire ce- pendant contenu dans pli; heurs pierres. XVII. Des fix fels neutres baryriques , le fuî- fate de baryte eft le feul qui ait été trouvé abon- damment parmi les minéraux ; on le rencontre dans les fentes des montagnes, & toujours aux environs des mines. On ne connoîc point encore dans la nature le nitrate , le muriate , le borate y ni le fluate barytioues. Mais on a découvert , il y a quelques années , le carbonate de baryte pur, très-bien cryftallifé & en grofles maiTes , en Angleterre. XVIII. Il en eft à-peu-près de même des fels alumineux. Le fulfate acids d’alumine eft prefoue le feul que l’on trouve aux environs des vol- cans dans les terres vôlcariifées. Il fe ren- contre en efilorefcence fur les laves décompo- fées, &c. les pyrites effleuries en contiennent auffi ; quant au nitrate s au muriate , au borate ôc au fluate alumineux , on ne les a point encore reconnus dans les produits naturels. L'alumine eft affiez fréquemment combinée avec l’acide carbonique, & il n’y a prefque aucune terre de cette efpèce dont on ne puiffie féparer plus ou R ij "6° Élément moins d’acide carbonique par des acides pîu£ forts. CHAPITRE XII. Examen de quelques propriétés générales des fils- 5 particuliérement de leur cryf- tallifation , de leur fufibilité 3 de l'efflo- refcence ou de la déliquejcence , de leur dijjolubiliié , &c. XjES propriétés que nous avons fait connoître dans les fels fimples & compcfés, & que nous n’avons examinées que dans chacun d'eux ifolés, doivent être confidérées en général & compa- rées dans les diverfes cfpèces, pour qu’on puiffe en tirer quelques réfultats utiles. Nous traite- rons donc ici fous ce point de vue de la cryftal- lifation , de la fufibilité, de Pefflorefcence , de la déliquefcence & de la dilTolubilité dans l’eau. La cryüallifation , confidérée en général dans tous les corps qui en font fufceptibles , elï une propriété par laquelle ils tendent à prendre une forme ulière, à l’aide de certaines circonftan- d’Hist. Nat. et de Chimie. 26 i ées nécefîaires pour en favorifer l’arrangeaient. Prefque tous les minéraux en jouifFent , mais il n’y a point de corps dans lefquels elle foit auffi. énergique que les fubfances falines. Les circonf- tances qui la favorilent , & fans lefqueiies elle ne peut avoir lieu , fe réduifent toutes pour les fels aux deux fuivantes ; i°. il faut que leurs mo- lécules foient divifées & écartées par un fluide, afin qu’elles puiffent enfuite tendre les unes vers les autres par les faces qui ont le plus de rapport entr’elles; 20. il efl nécefîaire, pour que ce rap- prochement ait lieu , que le fluide qui écarte leurs parties intégrantes foit enlevé peu-à-peu, &cefie de les tenir écartées. Il efl ’aifé de concevoir, d’a- près ce fimpîe expofé , que la cryflallifation ne s’opère qu*en vertu de l’attracïion entre les mo- lécules, ou de l’afiinité d’aggrégation qui tend à les faire adhérer les unes aux autres. Ces confé- dérations conduifent à perafer que les parties in- tégrantes d’un fel ont une forme qui leur efl par- ticulière , & que c’efl de cette forme primitive des molécules que dépend la figure différente que chaque fubflance faline afretle dans fa cryfïallî- fation ; elles portent également à croire que les. petites figures polyèdres appartenantes aux mo- lécules des fels ayant des côtés inégaux ou des faces plus étendues les unes que les autres , ses. Riij I *6 1 E L É M EN S molécules doivent tendre à ft rapprocher Sc à fe réunir par celles de ces faces qui font les plus larges. Celapofé, l’on concevra facilement qu’en enlevant le fluide qui tient ces molécules difper- fées , elles fe réuniront par les faces qui fe con- viennent le p’us, eu qui ont le plus de rapport entr’elles, fi c.e fluide ne les abandonne que peu-’ à-peu , & de manière à laiffer , pour air.fi dire , aux parcelles falines le tems de s’arranger, de fe préfenter convenablement les unes aux autres, a’ors la crydallifation fera régulière ; & qu’au contraire, une fouftra&ion trop prompre du fluide qui les écarte les forcera de fe rapprocher flibitement, & pour ainfi dire parles premières faces varies; dans ce cas la cryflalîifation fera iî régulière & la forme difficile à déterminer. Si O même l’évaporation efl tout-à-fait fubite , le fel ne formera qu’une maffie concrète qui n’aura prefque rien de cryftaHin. C’eft fur ccs vérités fondamentales qu’efî fon- dé Fart de faire cry^lfalîifer les matières iâünes. Tous les Tels en font fufceptibles, mais avec phis on moins de facilité; il en eft qui cryflaliifent fi facilement qu’on réuffit confhmment à leur faire prendre à volonté la forme régulière ; d’autres demandent plus de foin 8c de précautions ; enfin il y en a pliffieurs qu’il eft h difficile d’obtenir H ' ■ Y d’Hist. Nat. et de Chimie. *^3 dans cet état , qu’on n’a pas encore pu y parve- nir. C’eft en étudiant bien les circcnftances parti- culières à chaque fe! qu’on réuffit à le taire cry 1- tallifer. Une première condition pour réuflîr dans ces opérations , c’eft de ciifloudre les fubltances falines dans l’eau; mais il y en a-qtii font fi peu fol 11 blés par nos moyens , qu’il eff prefqu’impoi- fible çn fuite d’en obtenir le rapprochement ré- gulier; tels font lefulfate calcaire , le carbonate calcaire, le fluate calcaire, le fulfate barytique ; la nature nous préfente tous les jours ces fels neutres terreux cryftallifés très-réguliérement , & l’art ne peut l’imiter qu’à l’aide d’un tems très- long ; même plufi eurs favans diflingués ne croient point encore à la pofîibilité de ce procédé, que nous indiquons d’après M. Achard, 8c à l’aide duquel on a alluré avoir produit des cryfhux de carbonate calcaire. Ce procédé ingénieux con- fiée à faire palier Veau. qui a féjourné long-tems fur des fels très -peu foîübles à travers un canal très-étroit , & à en procurer l’évaporation avec beaucoup de lenteur. Il y a, au contraire, d’au- tres matières falines qui font fi fo lubies , & qui ont tant d’adhérence avec l’eau , qu’elles ne l’a- bandonnent qu’avec beaucoup de difficulté , & qui! eft auffi très difficile de les obtenir fous des formes régulières, comme cela a lieu pour tous R iv E L É M E N S les Tels déliquefcens, tels que les nitrates ôc les «mri a es calcaires & magnéfiens. On ne peut douter que chaque fel n’ait: fa ma- niéré propre & particulière de cry ftallifer , ou ce qui eff la même chofe , qu’il n’ait dans fes der- nières molécules une forme déterminée & diffé- rente de celle de tous les autres. Telle eft fans doute la caufe des variétés remarquables qui exiftent entre les cryffaux qu’on obtient. Les fel s (impies, depuis les fublfances falino-terreufes jufqu’aux acides les plus puiffans, n’ont, pour la plupart , aucune forme diftin&ive ; il n’y a que quelques circoriffanc s qui, fans détruire rout-à- fait leurs propriétés falines diftinéfives, leur font affeéler une forme cryhalline, comme cela a lieu dans l’acide muriatique oxigéné, & dans l’acide fulfurique concret. Cependant les alcalis caufti- ques cryflallifent en lames, fuivant M. Bertho- let, & l’acide du borax picfente la même forme îamelieufe à tous les chimiffes. Malgré cette ano- male apparente entre les fels limples , la plupart ne prennent point de forme régulière dans nos laboratoires , foit parce qu’en effet ils n’en font pas réellement fufceptibles , foit parce que nos moyens font infuffî fans pour la leur donner ; mais les fels compofés ou moyens affe&ent tous une forme régulière , U l’art eff parvenu à la repro- d'Hist. Nat. et de Chimie. 265 cîuire & à la faire difparoître à volonté dans la plupart d’entr’eux. En confidérant cette propriété bien différente de celle des fels fimples , eft»il pofîible de déterminer fi elle dépend des acides, ou fi elle dépend des bafes alcalines qui les neu- tralifent. Il paroît qu’on ne peut attribuer ni aux uns ni aux autres cette propriété exdufive , puis- que les mêmes acides forment fou vent avec des bafes différentes des fels d’une figure très-diverle ; tandis que, dans d’autres exemples, la même bafe combinée avec des acides divers préfente la même diflémblance dans les crydaux ; c’eff donc au changement total des propriétés de chaque nouveau compoféfalin qu’il faut attribuer la di- verfité des formes que ces compofé.s afreâent. Il y a en général trois moyens de faire cryf- raîhferles fels dans nos laboratoires ; i°. l’éva- poration. Ce procédé confide à faire chauffer une diffolution faline de manière à réduire en va* peurs l’eau qui en tient les molécules écartées. Plus cette évaporation ell lente, & plus la cryf- tallifarion fera régulière; c’eft ainfi qu’on pro- cède pour obtenir crydallifés le fulfate de potaffe, les muriates de potaffe & de fonde, le fui fa te calcaire ,1e carbonate magnéfien. Leur forme n’êft que très-peu régulière fi l’on évapore trop promp- tement comme par la chaleur de l’ébullition $ 266 E L É M ENS mais en tenant fur un bain de fable d’une chaleur de 45 degrés à-peu-près les dilTolurions falines de cette nature, on obtient confia mment , à l’aide d’un rems plus ou moins long, des cryflaux très- beaux & très-réguliers , & il n’y a prefque point de felqui ne pui (Te prendre une forme rrès-diflincte par ce procédé , s’il efl exécuté avec intelligence.. 2.°. Le refroîdiffement efl employé avec fuccès pour ceux des fels qui font plus diflolubles dans l’eau chaude que dans l’eau froide; on conçoit îrès-bien qu’un fel de cette nature doit préfenter ce phénomène, puifqu’il ceffe d’être également foîuble dans l’eau dont la température s’abaiffe ; la portion qui ne refloit difïbute qu’à la faveur de cette élévation de température fe (éparera à mefure que la liqueur fe refroidira , & lorfqu’elle fera tout-à-fait froide, l'eau n'en retiendra^plus en difîolution que la partie qui efl difloluble à froid. Il en efl de ce fécond procédé comme du premier, plus l’eau fe refroidira lentement , & plus les molécules falines fe rapprocheront par les faces qui fe conviennent le mieux , alors on aura une cryflallifation très-régulière; voilà pour- quoi il faut entretenir pendant quelque tems un certain degré de chaleur fous les diffolütions la- lines, ék le diminuer graduellement pour le con- duire peu-à-peu 3 fi cela efl nécefi'aire , jufquaiî d’Hist. Nat. et be Chimie. 167 degré de la congélation. On doit obferver en effet que tous les fels qu’on pt ut faire cryflallifer par ce procédé , font beaucoup plus diffoîubles en général que ceux pour lefquels on fe fert du premier , 6f. que comme on les diffout d’abord dans l’eau bouillante , celle-ci refroidie fubite- ment laifferoit dépofer en maffe informe tout ce qui a été diflous à la faveur de la chaleur de l’é- bullition ; au contraire, fi on place fur un bain de fable la diffolution très-chaude , & fi on a foin d’en graduer lentement le refroidiffement , la cryflallifaîion fera très-régulière. Telle eft la manière d’obtenir en beaux cryflaux le fulfate de foude,Ie nitre , les carbonates de foude de potaffe , le muriate ammoniacal, &c. 30. La troifième manière de faire cryflallifer les fels , c’efl de les foumettre à l’évaporation fpontanée. Pour cela on expofe une diffolution faline bien pure à la température de l’air dans des capfules de verre ou de grès qu’on a foin de couvrir de gaze afin d’empêcher la poufîière d’y tomber ,’fans s’oppofer à l’évaporation de l’eau ; on choifir pour cette opération une chambre ou un grenier ifolés, & qui ne fervent qu’à cela; on laiffe cette diffolution ainfi expofée à l’air juf- qu’à ce qu’on y apperçoive des cryftaux , ce qui n’a quelquefois lieu qu’au bout de 4 à 5 mois &c meme plus tard pour certains fels. Ce procédé 1 2-68 E L É M E N S eft en général celui qui rcuffit le mieux pou?* obtenir des cryftaux très-réguliers Si d’un volume eonfidérable. Il devroit être employé générale- ment pour tous les fels, fi le tems le permettoit, parce que c’ed le moyen de les avoir parfaite- ment purs. On doit opérer ainfi pour le nitrate de/foude , le muriate de fou de , le borax, les fulfates d’alumine & de magnéfie, le fulfate am- moniacal , le nitrate ammoniacal, &c. Dans quelques circondances on réunit avec avantage plufieurs de ces procédés; c’ed particu- liérement pour obtenir crydallifés les fels très* déliquefcens , tels que le nitrate & le muriate calcaires , le nitrate & le muriate magnéfiens, Sic» On cvapore fortement leurs diffolutions Si en les expofe tout de fuite à un grand froid ; mais ce moyen ne fournit jamais que des crydaux irré- guliers, & quelquefois des mafles concrètes fans forme régulière. Si l’on n’ed point encore par- venu à faire crydallifer un adez grand nombre de fels neutres , cela vient de ce qu’on n’a pas déterminé exactement l’état de concentration où doit être chacune de leurs diffolutions pour pou- voir fournir des crydaux. Ce travail , facile en lui-même, & qui n’exige que du tems 8i de la pa- tience, n’a point encore été completternent fuivi par les chimides ; c’ed par la pefanteur fpécifique des ditlolutions qu’on arrivera à eetes donnée d’Hist. Nat. et de Chimie.1 ±£9 . £brt utile pour les laboratoires de chimie; déjà ce procédé a été mis en ufage dans plufieurs tra- vaux en grand fur les matières fahnes ; onfe fert avec fuccès d’un aréomètre ou pèfe-liqueur pour déterminer le point de la cryftaÜifabiiité pour les liqueurs falines. Outre ces différens moyens de faire cryflal- lifer les fels , il exifle plufieurs circonftances qui favorifent cette opération, &C dont il eft nécef- faire de favoir apprécier l’influence. Un léger mouvement eft quelquefois utile pour détermi- ner une cryftallifation qui ne réuffit point ; c’eft ainfi qu’en agitant ou en tranfportant des capfules pleines de diffolutions falines qui n’offrent point de cryflaux formés , on voit fouvent la cryftal- lifation s’établir quelques inflans après la plus légère agitation ; j’ai déjà fait remarquer que ce phénomène avoit fur-tout lieu pour le nitrate & pour le muriate calcaires. Le contaâ: de l’air eft d’une nécefîité indifpenfable pour la formation des cryflaux ; fouvent une diflolution évaporée au point néceflaire pour la cryflallifation ne fournit point de cryflaux dans un flacon bien bouché, tandis qu’expofée à l’air dans une cap- ftile , on les voit fe former très-promptement. Cette obfervation a été faite avec beaucoup d’exaftitude par Rouelle l’aîné. La forme des I vaiflcaux , les corps étrangers plongés dans les 27° SIEMENS tli Ablutions falines ont encore beaucoup d’in- fluence fur la cryftallifation. La première mo- difie la figure des cryftaux , & y produit une très-grande1 variété; c’eft pour cela qu’cn place avec avantage des fils ou des petits bâtons dans les capfules oit s’opère la cryflallifalion , pour obtenir des cryftaux réguliers ; ceux-ci fe dépo- fent fur les fils , &: comme leur bafe eft alors très-peu étendue , ils ont ordinairement la forme la plus régulière , tandis qu’en s’appliquant fur les parois obliques , irrégulières , inégales des terrines & des autres vaiffeaux communément employés à cet ufage , ils font plus ou moins tronqués & irréguliers. Souvent les corps étran- gers plongés dans les diffolutions falines ont en- core un autre avantage ; ils déterminent la for- mation des cryftaux qui âuroit été beaucoup plus lente fans leur préfence ; c’eft: ainfi qu’un mor- ceau de bois ou une pierre jettée dans une four- ce falée devient une bafe fur laquelle l’eau dépofe des cryftaux de muriate de foude. C’eft d’après l’obfervation de ce phénomène , que quelques chimiftes ont propofide plonger un cryftal faim clans une di Ablution d’un fel qui ne cryftallife point facilement ; pîufieurs ont afîuré que ce moyen favorifoit la produébon des cryftaux des fels qu’il eft très-difficile d’obtenir fous une forme régulière. Telles font les principales cnufes qui d’Hist. Nat. et de Chimie. 271 influent fur la cryfiallifation ; il en eff fans cloute encore beaucoup d'autres que rob'ervation fera connoitre par la fuite aux chimiftes. La féparation d’un fel d’avec l’eau qui le îe- noit fondu ou en .diffohition ne peut fe faire d’une manière régulière fans que le fel ne retienne une partie de ce fluide. On peut fe convaincre de ce phénomène en prenant un fel réduit en. poudre par la chaleur , comme du fulfate d’alu- mine j du borate de fonde calcinés , ou du ful- fate de foude defféché; en les diffolvant dans l’eau & en les faifant cryftallifer , on les trou- vera augmentés quelquefois à partie égale après leur cryftalii dation ; c’eft-à-dire , qu’une once de fel traite ainfi donnera deux onces de cry{- taux. Les chimiftes ont conclu de ce phénomène, ■qu’un fel bien cryftallifé contient plus d’eau que le même fel privé de fa forme par l’aâion du few ou ce l’air j ils ont appelle cette eau étrangère à fon efferxe faline , mais nécefîaire à fa forme cryfialline , eau de cryfiallifation. , parce qu’en effet elle eft un des élémens de leurs cryftaux; lorfqu’on leur enlève certe eau , ils perdent eu même-tems leur tranfparence & leur forme ré- gulière , les différées fels contiennent une pli s ou moins grande quantité de cette eau de cryfialli- fation ;• il en eft qui en contiennent la moitié 2-71 E L É M E N S de leur poids, comme le fulfate de foude , le carbonate de foude , le fulfate alumineux ; d’au- tres n’en ont qu’une petite quantité, comme le nitre , le muriate de foude , &c. on n’a point en- core déterminé exaflement cette quantité reV.ive d’eau de cryffaliifation dans tous les fels bien cryffallifables. Cette eau peut être enlevée aux fels fans que leur nature intime en foie a’térce en aucune manière , & elle eff elle-même parfaite- ment pure &: fembîable à de l’eau diftillée. Comme d’après tout ce que nous avons expolé jufqu’ici fur la cryftallifition des fels, il eft démontré que les diverfes fubffances falines ne cryftallifent point par les mêmes procédés , & fuivent différentes loix dans leur formation en cryftaux , il eff clair qu’on peut fe fervir de ce moyen avec avantage pour opérer leur féparation; c’eft ainfi qu’un lel cryffallifable par le refroidiffement peut être obtenu très-exac- tement féparé d’un autre fel cryffallifable par la feule évaporation continuée , comme cela a lieu pour les eaux des fontaines de Lorraine qui contiennent du muriate & du fulfate de foude. Malgré cela il arrive fouvent que deux fels diffous dans la même eau, quelque différence qu’ils préfentent dans la manière dont ils cryf- tallifent , fe trouvent plus ou moins mêlés enlembîe ? V d5Hist. Nat. et £>e Chimie. 2.75 fenfemble, & qu’il faut avoir recours à plufieurs <$i Solutions & criftallifations fucceffiveS pour les obtenir purs & fans mélange. Cette obfervaîion eff encore plus importante à faire fur les fels qui fe reffemblent par les loix de leur criftaîli- fation ; ceux-ci font beaucoup plus difficiles à féparer les uns des autres, fur-tout s’ils font en plus grand nombre. Far exemple , fi la même eau contenoit quatre fels également criflallifa- bles par l’évaporation ou par le refroidiffiement', il feroit impoffible de les féparer par une ou «leux crifraliifations fucceffives j & il faudroir multiplier ces opérations un allez grand nombre de fois, pour faire agir les nuances légères qui exigent entre leurs criflall habilités ; car il faut remarquer que , quoique deux ou plufieurs fels foient également criftaîlifables par le refroidif- fement ou par l’évaporation , il y a cependant entr’eux des nuances fenlibles qui modifient , peur ainfi dire , cette loi général ; fans cela, ils criflaliiferoient toujours erhemble, oc l’on ne ponrroiî jamais les obtenir bien féparés, ce qui a cependant lieu même pour les fels les plus fem- blables parleur cr.ftallifabiUté. 11 n’y en a que quelques-uns qui ont exception à cette règle , parce qu’ils ont une adhérence particulière ou une affinité remarquable entr’eux ; tels font en général les fels neutres formés par le mêm® Tomt II, S / 274 E L i M E N s acide , & en même temps eriftatlifables par le même procédé comme les fuîfates magnéfien & ammoniacal ; mais on n’a point encore aff z ob- fervé ces fmguiières adhérences entre les Tels neutres, &: cet objet mérité toute l’attention des chirmftes. Enfin, pour terminer cette biftoire abrégée de la criftallifation des fiels , nous ajouterons qu’il y a me autre manière de les obtenir criftallifés, c'ell de les précipiter de leurs diffolutions par une fubllance qui ait plus d’affinité avec l’eau qu’ils n’en ont ; l’efprit-de - vin verfé dans une diffolution fialine produit cet effet fiur le p'us grand nombre djs fiels neutres; on ne doit en excepter que ceux qui font diffolubles dans ce liquide. Le même phénomène de précipitation des criftaux latins a lieu dans le mélange de quel- ques fiels dont la diffolubi'ité eft très-différente, & même quelquefois par le mélange de plufieurs 4 dififo utions fialines entr’elles ; c’tll ainii que du fulfiate de maguéjie diflous dans l’eau paroît précipiter en cnffaux 'e fulfiate ammoniacal dit— fi us dans l’eau; mais On n’a point allez étudié ce qui fie paffe dans ces lingu'iers mé’anges , pour que je doive militer tur le phénomène qu’ils font naître • La fipfibilité par la chaleur a été traitée dans l’hiftoue de chaque fiubitance fialine en particu- MH d’Hist. Nat. et de Chimie. i-jS lier , mais il eft bon de la comparer dans les di- verfes efpèces. On diflingue deux efpèces de fn- fibilité dans les fels, l’une qui eft due à l’eau & qu’on appelle fufion aqueufe, l’autre qui n’a point la même caufe , qui appartient fpécialement à la matière faline, & qu’on déligne fous le nom de fujion ignée. La fufion aqueufe dépend entière- ment de l’eau de criftallifation , qui étant très» abondante dans plulieurs fels , & faifant quel- quefois la moitié du poids des criftaux falins , devient capable de diffoudre ces fels lorfqu’elte a acquis 60 degrés de chaleur. Alors la forme criftalline difparoît , le fel fe diffout, &L la fufion qu’il préfente n’eft en effet qu’une véritable dif- folution ; cette obfervation eft fi vraie que lorf- qu’on tient quelque temps fondu un fel de cette nature , comme le fulfate de foude, le borate de foude , le fulfate d’alumine , l’eau qui les diffout par la chaleur venant à s évaporer peu à peu , le fel fe defsèche & ceffe de pareître fondu. Cette fufion apparente ou aqueufe eft d’ailleurs indé- pendante de la véritable fufion ignée , puifque celle-ci peut avoir lieu dans tous les fels qui ont été defféchés après avoir été d’abord liquéfiés par leur eau de criftallifation. C’eft ainfi qu’on fait fondre le muriate de foude & le borate de foude en les chauffant fortement , après leur t £7 £ E l è M a N 5 avoir fait éprouver par une chaleur modérée ta fufion aqueufe & le defféchement. La véritable fufibilité ignée n’eft pas la même poùr tous les fels ; il en eft qui , comme le nitrate & le muriate de foude,fe fondent dès qu’ils commencent à bien rougir ; d’autres exigent un feu beaucoup plus violent pour fe fondre, ainfi que le fulfate de potaffe , le fulfate de fonde. Enfin , il y en a quelques-uns dont la fufibilité eft fi forte , qu’ils peuvent la communiquer à des corps d’ailleurs très-réfra&aires ou très-infufibles par eux-mêmes; c’eft ainfi que les alcalis fixes entraînent dans leur fufion le quartz , le fable & toutes les terres fili« - cées , qui font absolument infufibles ; on appelle ces fels des fondons en raifon de cette propriété , & parce qu’on s’en fe rt pour hâter la vitrification & la fufion des fubftances terreufes & métalli- ques. Nous avons déjà fait remarquer ailleurs que l’extrême de la fufibilité étoit la volatilifa- tion , &. nous obferverons ici que les matières falines font toutes plus ou moins volatiles , & qu’il n’en eft aucune qu’on ne puiffe volatilifer par un très-grand feu. C'ell ainfi que le fulfate de potaflè & le muriate de fonde fe fubliment en vapeurs au plus grand degré de chaleur qu’ils puiftent éprouver. Tous les fels criftallifés expofés à l’air ne s’al- d’Hist. Nat. et de Chimie; 277 tërent point de la même manière , il en eft qui n’y éprouvent aucun changement fenfible ; mais plufieurs perdent plus ou moins promptement leur tranfparence , leur forme, &c parmi ceux-là les uns fe fondent peu à peu en augmentant de poids, les autres deviennent pulvérulens en per- dant une portion de leur mafTe. La première de ces altérations porte le nom de déliquefcence & la fécondé celui d’efîlorefcence. On a appelle l’un de ces phénomènes déliquef- cence, parce que la matière faline qui réprouva devient liquide ; on dit aufti qu’un fel tombe en ddiquium lorfqu’il fe fond ainii par le contaél de l’air. Autrefois le mot défaillance éioit fynonyme de déliquefcence , mais cette expreftion a vieilli , & on ne la trouve prefque plus aujourd’hui dans les livres de chimie. Cette altération dépend de ce que les fels attirent l’humidité contenue dans l’air, j’ai cru devoir la regarder comme une vraie attra&ion éleûive , qui eft plus forte entre le fel & l’eau qu’entre cette dernière & l’àir at- mofphérique ; la déliquefcence n’eft pas la même dans tous les fels , foit pour la rapidité avec la- quelle elle a lieu,foir pour l’efpèce defaturation qui la borne ; il en eft, comme ces alcalis fixes , f ammoniaque gazeufe, le gaz acide muriatique &: l’acide fulfurique concentré, qui enlèvent lVau de Vaîmofphère, defsèchent, pour ainii dire, l’air S iii 178 E L É M E N S avec une énergie très-confidérable , & abforbent line quantité de ce fluide plus confldérablc que leur poids ; cela efl fur-tout remarquable pour la potafîe sèche , ainfi que pour l’acide fulfurique rendu concret par le froid ; ces deux fels devien* nent d’abord mous , & prennent bientôt une li- quidité épaifl'e femblable à la conflflance de quel- ques huiles, ce qui a fait appeller le premier huile de tartre , & le fécond huile de vitriol , quoique ces noms foient très-mal appliqués & plus fufcepti- bles d’induire en erreur que d’éclairer les per- fonnes qui commencent l’étude de la chimie. Quelques autres font encore très-déliquefeens , mais n’attirent pas l’humidité avec autant de promptitude , & en aufli grande quantité que les précédons ; tels font le nitrate & le muriate cal- caires, le nitrate Si le muriate de magnéfie ; en- fin, il y en a qui ne font que s’hume&er fenfible- ment , & qui ne fe fondent point complètement , comme le nitrate de foude , le muriate de po- tafle , le fui fa te ammoniacal , &c. L’efflordcence a été ainfi nommée, parce que les fels qui en font fufceptibles femblent fe cou- vrir de petits filets blancs femblables aux matières fublimées qu’on connoît en chimie fous le nom de fleurs. Cette propriété efll’inverfe de la déli- quefcence } dans celle-ci les criftaux falins déeom- pofent l’atmofphère numide, parce qu’ils ont une d’Hist. Nat. et de Chimie. 279 attraélion élective p'us forte pour l’eau que l’air atmofphérique ; dans i’efflorefcence,au contraire, c'eft l’atmofphère qui décompofe les criflaux fa- lins, parce que l’air a plus d’affinité avec l’eau que n’en ont ’es fels qui forment ces crifhux. C’eft donc l’eau de la criftallifation qui eft enle- vée par l’tfflorefcence, & telle eft la caufe pour laquelle lesr fels qui s’tffleuri fient perdent leur tranfparence , leur forme & une partie de leur malle. Il eft eflentiel d’obferver que tous les crif- taux falins efflorefcens éprouvent de la part de l’air une altération femblable à celle que la cha- leur leur fait fubir ; c’eft une forte de calcination lente & froide qui décompofe les fels criftallifés , & qui en fépare l’eau à laquelle ils doivent leur forme criftalline , & toutes les propriétés qui les caraftérifoient criflaux falins } aufli un fel com- plètement effieuri éprouve -t- il exactement la même perte de poids dans cette opération que lorfqu’on le defsèche par l’adion du feu. Remar- quons encore que les fels dont les criflaux font efflorefcens appartiennent à la clafle des plus dif- folubles , & de ceux qui criftallifent par le re- froidiffement de leurs diflolutions. Il en eft de l’effiorefcence comme de la déli- quefcence ; elle n’eft: pas la même pour tous les fels neutres dans lefquels on l’obfervè. Il en efl: comme le fulfate & le carbonate de for.de , qui S iv i&O E L E M E N 5 s’effleurifient promptement, & jufqu’à la dernière parcelle criflalline , de forte qu’ils fe trouvent réduits en une pouflière blanche très-fine; comme ils ont perdu plus de la moitié de leur poids par cette décompofition de leurs crifiaux , on peut en conclure que c’eft en raifon de la grande quantité d’eau qui enfce dans leur criftalli fation , qu'ils éprouvent une efllorelcenee» aufli com- plète ; & en effet' les le’ s qui ne s\ ffleuriffent que très-peu, tels que le borax, le fulfate d’alumine & de magnéfie,ne contiennent point une aufïi grande quantité de ce fluide dans leurs criflaux. Si l’eftlorefcence dépend d’une atrraéhon eleèiive plus forte entre l’air & l’eau qu’entre cette der- nière & les Tels , Iorfque Patmofphère fera très- sèche, ce phénomène aura lieu d’une manière plus marquée & plus prompte, &c c’eft aufli ce que l’on obferve , tandis que l’air chargé d’humi- dité n’a pas la même afîion furies fels efïlorefcens, &: les laifle inta&s. On peut encore confirmer cette aflertion en répandant Hne petite quantité d’eau fur les criflaux fa’ins fufceptibies d’cflloref- cence ; par ce moyen l’atiriofphère enlevant cette eau & s’en faturant ne touche point à celle qui entre dans la conftiturion des criflaux , & ceux- ci reflent fans altération ; mais fi l’on n’a pas foin de renouveller ce fluide, l’air agit alors fur le fel criflaliifé & en détruit îa criflallifaticn. On d’Hist.Nat. et deCüïmie. 2.3 î' obferve journellement ce phénomène dans le9 pharmacies oii l’on a foin d’Iiumeèter le fulfate de fonde ou fel di Glaubcr d’une petite quantité d’eau, afin de le conferver bien criftallifé. La diffolution des fels dans l’eau eft un des phénomènes qui méritent le plus a’attention de la pan des chimiftes. Quelques perfonnes ayant obferve qu’elle fe fait fans le mouvement fenfibla & fans l’effervefcence qui accompagne la dillo- lution des métaux dans les acides , avoient pro- pofé de la diffinguer de celle-ci par le nom de folution j mais l’une & l’autre de ces expreffions ne préfentant point un fens différent , & faction réciproque des acides & des métaux étant tout-à- jfait différente de la diffoluîion des fels dans l’eau , & tenant à des caufes particulières que nous ex- ' poferons plus bas, cette diftinèrion ne peut avoir aucun avantage. La diffolution des fels dans l’eau a été regardée par quelques chimiffes physiciens comme une fimple divifion mécanique des parti- cules falines ; mais il y a une pénétration intime entre ces deux corps : leur température change fur le champ , & il par oit qu’il fe paffe entre les fels & l’eau une vraie combinaifon qu’on ne fan- roit expliquer par le feul écartement des molé- cules des fels. Ceci eft prouvé non-feulement par la température qui change dans ces opérations, mais encore par la poffibilité de féparer un fel de É L I M E N s; l’eau par un autre fel qui a plus d’affinhé avec ce fluide; c’ed ainfi que la potafle précipite le ful- farytique. Piufieurs chimilles ont déjà effayé de prefenter des tables de la différente diflolubilité des f.ls;mais ces tables feront incomplètes jufqu’à ce qu’on ait allez multiplié les expériences pour établir des proportions très-exaftes entre ces diverfes foîu- biliiés. Nous rappellerons ici que tous les feis fimples,foit alcalins, foit acides, produifent conflamment de la chaleur lorfqu’on les diffout dans l’eau, tandis qu’il s’excite toujours du froid pendant la dt Ablution des feis neutres. La me- fure de ces changemens de température n’eff point encore convenablement connue pour tous les feis; on commence à faire plus d’attention au- d’Hist. Nat. et de Chimie ig$' jourd'hui à ce phénomène qu’on n'en faifoit au- trefois. Elle conduira fans doute à des réfultats utiles ; & déjà l’on peut entrevoir quelques vé- rités dont on n’avoit pas même foupçonné l’exif- tence ; par exemple, en obfervant que les fels neutres qui produifent le plus de froid dans leur diffolution, comme le fulfate de foude, le ni- trate, le muriate ammoniacal, font beaucoup plus folubles dans l’eau chaude que dans l’eau froide , ne peut-on pas penfer que cette diffolubilité plus i grande dépend de ce qu’ils trouvent dans l’eau chaude une quantité plus confidérable de chaleur «qu’ils paroifient avoir, pour ainh dire , befoin (d’abforber pour fe fondre & prendre l’état li- cquide ; à la vérité cet excès de chaleur leur eft •facilement enlevé par l’air, de forte qu’il s’en pré- cipite une partie fous la forme de criflaux pen- dant le refroidiffement. É L É M E N S CHAPITRE XII. Des attractions électives qui ont lieu entre les divtrjes matières falines . Lf.s découvertes dues aux travaux multipliés que les chimiftes ont faits fur les matières falines depuis le milieu de ce fièele, leur ont appris que ces matières ont entr’elles d fïjrens degrés d’affi- nités ou d attrapions élePives. Geoffroy eft le premier qui les aitj comparées les unes aux au- tres; mais les recherches des modernes ont dé- montré que fa table contenoir plufieurs f rreurs. Bergman les a corrigées, & a fait connoître un beaucoup plus grand nombre d’attraPions élec- tives entre tous les fels; cependant en confultant les articles de la tab e du célèbre chinai de Sué- dois qui ont rapport aux attrapions élePives des fubdances falines entr’elles, on remarque que pUiiieurs ne font point encore fondée* fur un allez grand nombre d'expériences exactes , & qu’il en reconnoît lui-même l’incertitude. Sans étendre donc la théorie des attrapions élePives à un fi grand nombre d’acides & de bafes que l’a fait Bergman , il faut fe borner dans l’état aPuel de la d’Hist. Nat. et de Chimie; 285 chimie à l'examen des affirmés qui ont lieu entre les matières falines dont la nature & les proprié» tés font les mieux connues. Parmi les fix efpèces d’acides que nous avons examinés, l’acide fulfurique paroît être le plus fort ou celui dont les attrapions élePives font en général les plus marquées pour les différentes bafes; c’eft- à-dire , qu’il enlève la plupart des bafes alcalines ou faîino - terreufes aux autres acides ; ainfi il décompofe les nitrates , les mu* riates , les rîuates, les borates & les carbonates en dégageant leurs acides. L’acide nitrique tient en général le fécond rang j il cède les bafes alcalines à l’acide fulfu- rique , mais il les enlève aux quatre acides fui-* vans. Pour mieux faire connoître les différentes af- finités qui ont lieu entre les acides minéraux & les bafes falines du même règne, nous allons les préfenter dans l’ordre où Bergman les range dans fa table des affinités. En confidérant j i°. cha- que acide par rapport aux diverfes bafes aux- quelles il peut s’unir ; 20. chaque matière alca- line relativement aux acides qui les faturent, & au degré d’adhérence qui les tient unies avec ces i fels. I. Les attraPions élePives de l’acide fulfuri-; que pour les différentes bafes font difpofées pai; 286 É L É M E N S. Bergman dans l’ordre fuivant, en commençant par celle à laquelle il adhère le plus (i). Acide sulfurique. Baryte. Potafle. Soude. Chaux. Ammoniaque. Magnéfie. Alumine. Comme les acides nitrique & muriatique ont le même ordre d’attra&ions éle&ives pour les bafes alcalines, nous les préfenterons ici à la fuite des premiers. Acide nitrique. Baryte. Potalïe. Soude. Chaux. Ammoniaque. Magnéfie. Alumine. (i) Nous avons déjà indiqué l’ordre des affinités des acides avec les baies dans l’hiftoire de chacun d’eux ; mais nous avons cru devoir les repréfenter ici en colonnes , comme on le fait dans les tables d’affinités , afin de les off' ir fous un feul point de vue , & d’en faire faire la comparaifon. d’Hist. Nat. et de Chimie. 287 Acide muriatique. Baryte. PoTafie. Soude. Chaux. Ammoniaque. Magnéfie* Alumine. La baryte a donc avec les acides fulfurique , nitrique & muriatique plus d’affinité que toutes les autres bafes, & elle décompofe tous les fels neurres formés par ces acides unis aux autres matières alcalines. Bergman place la magnéfie avant l’ammoniaque, parce qu’il aûure que cette fubftance falino-terreufe décompofe les tels am- moniacaux. Nous remarquerons que l’ammonia- que décompofe plus complètement les fels ma- gnéfiens ; à la vérité toute la magnéfie n’ctf pas précipitée par cet alcali, & il rtfte dans la li- queur des fels mixtes ou triples formés par l’union des fels magr.éfiens avec les fels ammoniacaux. Nous croyons cependant , malgré l’autorité de Bergman , qu’il y a une plus grande attraâion éle&ive entre les acides ik l’ammoniaque, qu’en- : tre les mêmes lels & la magnéfie, parce que celle-ci, quoiqu’elle dégage un peu d’ammonia- que des fels ammoniacaux par la voie humide, ne décompofe pas ces fels par la diflillation ; i2§ Élément. c’efi pour cela que nous avons placé flamme- oiaque avant la magnéfie , & nous penfons que cette correPion eft néceflfaire dans la table de Bergman. H. Les attrapions élePives de l’acide fluorique pour les bafes alcalines font très-diflérentes de celles des trois précédons ; les alcalis cèdent cet acide à la chaux & aux deux autres fubflances fàlino-terreufes. Une diflblution de fluate bary- tique dans l’eau chaude eft précipitée par l’eau de chaux qui réforme fur le champ du fluate cal- caire; il en efl de même des autres Tels neutres fluoriques; la chaux leur enlève cet acide, comme l’exprime la huitième colonne de la table de Berg- man difpofée ainft : Acide fluorique. Ghaux. Baryte. 1 Magnéfie. PotafTe. Soude. Ammoniaque. Alumine. Les mêmes phénomènes ont lieu par la voie sèche , car le fluate calcaire n’efl pas décompofé par les alcalis fixes purs & caufliques , mais il l’eft par les carbonates de potaflè de fonde. III. d*Hist. Nàt. et de Chimie. 289 I î l. Bergman préfente dans fa dixième co- lonne les affinités de l'acide boracique dans le même ordre qlie celles de l’acide fiuorique, parce qu’en faifant chauffer dans de l’eau du borax avec la chaux vive , celle-ci fe porte fur fon acide , forme du borate calcaire très -peu fo- Iuble , 5c laiffe la foude pure. Quant aux autres bafes 3 il ne les a difpofées que par analogie, 5c il ne regarde encore cette difpcfition que comme line conjepure probable. Quod idem accidat cum alcali vegetabili , acido boracis faturato , Raclerais tantum probabilis ejl conjcciura , es que ac terres pon - derofœ & magnejïœ, pofitura. Acide b o r a c 1 Ne Chaux. Baryte. Magnéfie. Potaffe. Soude. Ammoniaque. Alumine. IV. Les attrapions éîepives de l’acide carbo- nique font un peu différentes de celles qui ont été expofées pour les autres. Cet acide adhère plus à la baryte Sc enfuite à la chaux qu’à toute autre fubflance. Sa combinaifon avec la magnéfie eff auffi détruite par l’ammoniaque , comme Berg- Tome IL T 2-9° É L É M E N S msn l’a prouvé par des expériences exaPesi Nous ne ferons donc pas ici l’obfervation que nous avons faite fur les autres acides, & nous présenterons la partie de la colonne i $ delà table de ce célèbre chimie , qui exprime les attrac- tions de l’acide carbonique pour les diverfes bafes falines, Aciqe carbonique. Baryte. Chaux. Potaffe. Soude. Magné (le. Ammoniaque. Alumine. V. Les fept bafes terreufes ou alcalines dont nous avons examiné les combinaifons avec les acides minéraux ont des attrapions élePives différentes les unes des autres pour ces mômes acides. Cinq çVentr’elles , {avoir, les deux alcalis £xes, l’ammoniaque, la chaux Sz l’alumine, fe reiTemblent par l’ordre de leurs affinités. Toutes les cinq adhèrent aux acides dans les degrés de force fuivans , l’acide fulfurique , l’acide nitri- que , l’acide muriatique , l’acide fluorîque, l’acide boracique & l’acide carbonique; mais la baryte oz la magnéfie ont des affinités différentes de d’Hist. Nat. et de Chimie. 291 c elles de ces cinq premières bafes avec les acides minéraux, &L analogues entr’elles. Voici comment Bergman difpofe les attrac- tions élePives de la baryte 5c de la magnelie relativement aux acides minéraux. Baryte&Magnésie. Acide fulfurique. Acide fluorique. Acide nitrique. Acide muriatique. Acide boracique. Acide carbonique. Il n’y a d’autres’ différences entre ces affini- tés & celles des cinq bafes précédentes, fi ce n’efl que l’acide fluorique efl: avant les acides nitrique & muriatique, ce qui indique que les nitrates &: les muriates baryîiques & magnéfiens font décompcfés par l’acide fluorique ; tandis que les fluates baryîique & magnéfien ne cèdent pas leurs bafes aux acides nitrique & muria- tique. VI. Les attrapions élePives que nous venons d’expofer indiquent l’ordre des décompofitions fimples qui ont lieu dans le mélange- de trois matières falines entr’elles ; mais ce n’eft point affez de conroître ces affinités ou attrapions élePivcs fimples , il faut encore é;udier celles J 2.92. E L É M E N S qui Ce paffient Couvent entre quatre de ces fubf- tances. On doit Ce rappeller qu’on entend par affinité double une force combinée en vertu de laquelle un compofé de deux corps qui ne peut être détruit ni par un troifième , ni parun quatrième autre corps féparé , l’eft cependant avec la plus grande facilité lorfque ces deux derniers font combinés enfembîe. Cette double attrac- tion cleélive a très- Couvent lieu dans les Cels neutres ; c>eft ainfi que le Cuîfate , le nitrate & le muriate calcaires ne Cont point décom- poCés par l’ammoniaque ni par l’acide carbo- nique Ceuls , parce que le premier de ces corps a moins d’affinité avec les acides Culfurique, nitrique &C muriatique , que n’en a la chaux , tandis que le Cecond en a moins avec la chaux , que n’en ont les mêmes acides ; mais lorCqu’on pfélente à. ces Cels calcaires un compofé -d’am- moniaque ôc d’acide carbonique , ce compofé devient Cufceptible de détruire l'adhérence de leurs principes. J’ai fait voir dans le chapitre du premier volume ou je traite des affinirés en géné- ral, qu’on pourroit expliquer h raifon de ce phénomène, en exprimant par des nombres les différens degrés d’attraélions éle&ives. J’ai eCTayé d’appliquer cette idée aux matières falines ; mais comme on ne connoît point encore bien la na- d’Hist. Nat. et de Chimie; 293 ture & les combinaifons des acides fluorique & boracique , je n’ai fait cette application qu’aux acides iulf urique , nitrique , muriati- que & carbonique , confidérés relativement aux bafes falines minérales , & aux différens degrés d’adhérence qu’ils' paroiffient avoir avec ces bafes. Les nombres que j’ai fuppofés pour exprimer ces divers degrés d’adhérence , font fondés fur le réfciltat des décomposions (im- pies ; on doit être prévenu qu’ils ne font peut - être pas très » exaPement Pexprefficn de la force d’affinité , mais qu’ils ne font def- tinés qu’à faire concevoir la caufe des affinités doubles. Je donnerai d’abord la table des affinités numériqnes des quatre acides défignés avec fix bafes, je n’y comprends pas encore la baryte, parce qu’on ne connoît point encore affez fes diverfes combinaifons falines. J’expoferai enfuite dans des tableaux particuliers le jeu des affi- nités doubles connues entre les fels neutres , en adoptant la difpofition donnée par Berg- man, 6c que j’ai déjà décrite à l’article des affi- nités en général. Je rappellerai ici que, dans cette ingénieufe difpofition à laquelle je n’ai fait qu’ajouter l’expreffion des affinités par des sombres , la fomme des deux nombres verti- caux qui défignentles attrapions divéllentes doit â94 É L É MENS l’emporter fur ce'.le des nombres horizontaux qui indiquent les attrapions quiefcentes-, pour qu’il ’exifte une décompofition paraffinité double* Tableau des degrés dé a ttracîion exprimés par des nombres entre quatre acides 6* fix bafcs. Première Colonne. la potaffe , une affinité égale à 8 lia foude L’acide fulfurique a ha cjiaux t< pour fe combiner avec 1 il ammoniaque 4 'la magnéfie 3- l’alumine 2 Seconde Colonne. • la potaffe , une affinité égale à 7 lia foude 6 L’acide nitrique a pour 3 ^ ^aux fe combiner avec 4, llammomaque 3 la magnéfie 2 1 N VO d’Hist. Nat. et de Chimie. 295 Troisième Colonne. ‘lapotaffie, une affinité égale à' 6 T, .j . . lia foude ç L acide munatique a J > _ r .. -Ma chaux pour le comb:ner avec 1 [l’ammoniaque .. ... 2 la masnêfie » 1 \ > l’alumine Quatrième Colonne. * • la chaux, une affinité égal Ÿ'\ a T , . , , jla potaffe .„. L acide carbonique a J r , , . \la foude pour le combiner avec /l’ammoniaque la magnélie .l’alumine f • Tir. tf *»|H 296 E L É M E N S 1 A B L E A V de dix efpeces di> affinités doubles qui ont lieu entre divers Jets neutres & qui font exprimés par des nombres pris du tableau précèdent . Premier Exemple. fulfate de potafle. nitre. potaffe. 7 acide nitrique. 8 affinités acide fulfurique. • nitrate rai re. 3 quiefeentes 4^12 /calcai' — chaux. *3 fulfate calcaire. S e c o n. d Exemple,' muriate de potafle,' fulfate de potafle. potaffe. acide muriatique. muria^ > _ 1 8 affinités '*3 quiefeentes % \i J. /te cal- acide fulfurique. te, — chaux* 12 cane. fulfate calcaire. * Ce nombre mis à droite dans une petite accolade eft la fomme des deux affinités horizontales , ou quiefeentes , d’Hist. Nat. et de Chimie. *197 Troisième Exemple. nitrate de fonde.' fulfate de Coude. foude. 6 acide ^ nitrique; i 'u i M 1 •S " nitrate 7 affinités quiefcentes 4{ 1 1 ^ fcalcâi- ^ i ^ 1 [ te* acide. — chaux. fulfurique. 12 fulfate calcaire. Quatrième Exemple.' muriate de fonde. fonde. 5 acide c: muriatique. fulfate 1 * ^ S muria* de i catbo- mnrïate | 3 affinités. ~'3. quiefc.\ £ 3^\nateam- ^ / monia- * 1 cal. chaux. JL acide carbor.iq. calcaire carbonate calcaire. d’Hist. Nat. et de Chimie. 299 Huitième Exemple. fulfate magnéfien , ou fel d’Epfum. "acide fulfurique. „r niagnefu. jcarbo- - ^nate de magûé- fulfate J 6 affinités. quiefc. ~ £ 6-r Vfie , ou calcaire \ 3 - chaux, 71 acide carbonjq. 'Ivefcen- ' J te. carbonate calcaire. Neuvième Exemple. nitrate magnéfien. acide nitsique. 2, magnéile. magne- fieefFer- nitrate calcaire' - carbo- 4 affinités quiefc 4 jVnarema. gnéfien chaux. JJ_ acide carboniq. 5 carbonate calcaire. Dixième et dernier Exemple. muriate magnéfien. acide muriatique 1 magnéfie. HJ 3 muriate calcaire carbo- 3 affinités quiefc.- 2 3 f \nate de chaux. acide'carboniq. Il / magné- s fie. carbonate calcaire. 500 É L É M E N S Ces dix affinités doubles ne font pas les feules qui exillent entre tous les fels neutres que nous avons examinés ; nous avons vu , par exemple , que les fels barytiques ne font pas décompofés p sr la potafîe , tandis que les carbonates de potaffe & de fonde les décompofent ; que le fluate calcaire préfente le meme phénomène \ ces deux efpèces d’affinités doubles , & peut- être quélques autres qui ne font point encore connues entre les fels, n’ont point été repré- fentées dans la table précédente, parce qu’on n’a point encore allez étudié les attra&ions éle&ives delà baryte & de l’acide fluorique, pour que nous ayons pu les déligner par des nombres. Lorf* que les recherches néceffaires pour acquérir ces connoiffances auront été faites, il fera fans doute nécelfaire de changer les nombres indiqués, pour les faire quadrer avec les affinités que l’on dé- couvrira ; mais la méthode propofée reliera tou- jours &c elle ne pourra meme acquérir que plus d’exa&itude. J m \ d’Hist. Nat. et de Chimie. 301 TROISIEME SECTION. t * DE LA MINÉRALOGIE. Corps combustibles . CHAPITRE PREMIER. Des corps combuftihles en général. N o u s avons déjà parlé de la cômbiiftion dans l’hifioire de l’air. L’ordre que nous avons adop- té exige que nous rappellions en peu de mots ce qui a été dit fur cet objet. Un corps combuftible eft, fuivant Stabl , un compofé qui contient le feu fixe ou le phlo- giftique. La combuftion n’efl, d’après fa théorie, que le dégagement de- ce feu fixé, & fon paf- fage à l’état de feu libre ; ce dégagement fe manifefie par la lumière par la chaleur. Lorf- qu’il efi: entièrement fini , le corps qui l’a éprouvé rentre dans la clafie des matière? in- combuftibles , & on’ peut lui rendre fa pre- . mière combuftibilité en lui rendant fon phlo- gifiique , ou en lui unifiant la matière du feu . fixée dans un autre corps. Nous avons trouvé L 302 ÉlImens quatre grandes difficultés dans cette théorie; i°. l’impoffibilité de démontrer la préfence du phlogiftique ; 20. l’augmentation de poids par la combullion qui ne peut pas fe concevoir avec la perte d’un principe; 30. la perte de poids du' corps par l’addition du phlogillique , lorf- qu’on le fait palier de l’état incombuilible à l’état inflammable ; 40. le peu d’attention que Stahl avoit faite à la nécèffité de l’air. Ce dernier phénomène mieux obfervé , & raugmentation de poids des corps combuftibles pendant leur combullion , a fait naître la théorie fui vante. Un corps n’elt combuflible que parce qu’il tend fortement à fe combiner avec la bafe de l’air vital ou l’cxigène. La combullion n’eft que l’ade même de cette combinaifon, elle n’a lieu qu’autant que l’oxigène perd le calorique qui le tenoit en état d’air. Cette opinion ell fondée fur les quatre faits fuivans : i°. Un corps ne peut brûler làns air vital ; 20. plus l’air efr pur , plus la combullion ell rapide; 30. dans la combullion il y a abforption de l’air 6z augmentation de poids dans le corps brûlé ; 40. enfin, le corps brûlé dans i’atmofphcre contient en exigène la partie en poids que l’air atmofphérique a perdue , & on peut fouvent extraire cet oxigène par diffé- rens moyens que nous connoîtrons plus bas. d’Hist. Nat. et de Chimie. 303 Macquer avoit réuni cette théorie avec celle de Siahl en regardant la lumière fixée comme lephlogiftique, & en admettant l’air vital comme précipitant de la lumière/; il penfoit que dans toute combuftion , le phlogiftique étoit leparé dans l’état de lumière par l’air vital qui prenoit fa place dans le corps combuftible , & il regar- doit ces deux matières , la lumière & l’air vital , comme les précipitons l’une de l’autre ; ainfî , lorfqu’on faifoit pafTer la lumière fixée d’un corps combufiible dans un corps déjà brûlé * il croyoit que ce pacage n’avoit lieu- qu’à mefure que l’air vital uni au corps brûlé cédoit fa placé à la matière de la lumière, & fe transportait dans celui d’oû la lumière s’échappoit» La forme exa&e & rigoureufe que la dodirine moderne a acquife depuis quelques années n’exige , ne permet même plus qu’on ait recours à ces théo- ries compliquées ôc forcées : en la rappeliant ici nous ne ferons qu’ajouter à la (implicite & à la clarté. L’air viral eft compofé d’une bafe fixable appellée oxigène , tk qui eft tenue en difTolution dans l’état de fluide ëlaftiquè par le calorique & la lumière. Lorfqu’on chauffe un corps com- buflible dans ce fluide , ce corps décompofe l’air vital en s’emparant de fa îfafe ou de fon oxigène , & alors le calorique la lumière 304 É L E M E N S devenus libres , reprennent tous leurs droits , & s’échappent avec les caradères qui les didin- guent ; (avoir, le premier fous forme de cha- leur, & la fécondé fouscelle de flamme. Suivant cette dodrine , l’air vital eft le véritable &; le f’eul corps combudible. Cette théorie femble ne pas détruire la préfence du phlogidique dont la lumière joue ici le rôle, mais elle diffère de celle de Stahl par le lieu du phlogidique ou du feu fixé, que nous admettons dans le corps qui fert à la combudion, tandis que Stahl l’admet- toit dans le corps combudible. Quoiqu’on puiffe faire contre le principe oxigène de l’air vital une partie de l’objedion qu’on a faite contre le phîo- gidique de Stahl , puifqu’on ne connoîr pas plus ce principe ifolé ou pur , puifqu’il ed toujours ou combiné avec le calorique dans l’air vital , ou avec les corps combudibles lorfqu’ils ont brûlé; puifqu’enfin il ne Fait comme le phlogidique que paffer d’un corps dans un autre , & changer de combinaifon fans pouvoir être féparé & préfenté dans un état de pureté ; il y a cepen- dant une très-grande différence entre les deux théories; la dernière, celle que nous admettons, a tous les caraêlères de l’exa&itude & de la vérité; elle ed fondée fur l’addition ou la four- tradion du poids , ce qui n’a jamais pu être fait dansdâ doctrine de Stahl. Les d’Hist. Nat. et de Chimie. 305 Les différçns corps combuftibles préfentent beaucoup de degrés ou de différences dans leur tendance à fe combiner avec l’oxigène ; & il paroîtque le plus ou le moins de combuftibilité dépend des rapports variés qui exiftent entre ce principe & les corps combuftibles ; de forte qu’on pourroit établir un ordre de leur combu - tibilité , &t conftruire une table de leur affinité avec la bafe de l’air vital. Cette variété d’affinité entre les corps com- buftibles & l’oxigène eft la caufe des différens phénomènes que ces corps préfentent dans leur combinaifon avec ce fluide. On pourroit d’après cda diftinguer quatre fortes de combuflions. r°. La combuflion avec flamme Sc chaleur, comme celle du foufre, &c. 2.0. La combuflion avec chaleur fans flamme , comme celle de plufieurs métaux , &c. 30. La combuflion avec flamme fans chaleur , comme celle des phofphores , &c. 4°. La combuflion très-lente , fans flamme ni chaleur apparentes , comme cela a lieu par le contact de certains corps combuftibles avec l’air, ou ’orfque l’oxigène fixé dans un corps & dépourvu de calorique , pafl'e immédiatement , tacitement pour ainfi dire , de ce corps dans un autre. Il faut obferver qu’outre cette diftindioti , V 3 o 6 ÉléMËNS la combuftion diffère encore par un grand nom- bre d’autres phénomènes particuliers à chaque corps combuftible. La rapidité, la couleur , l’éten- due de la flamme, l’odeur qui l’accompagne, la quantité d’oxigène abforbée , la forme , la couleur^ la pefanteur, l’état du réfidu du corps brûlé, & plufieurs autres circonflances qu’il feroit inutile de développer ici , & qui feront traitées avec toute l’importance qu’elles méritent à l’article de cha- que corps combuftible , érabliffent les différences eflentielles , & propres à caraftérifer chacun des êtres qui appartiennent à cette clafle. En confldérant toutes les variétés que pré- fentent les corps combuflibles pendant leur combuftion , on ne peut s’empêcher de conve- nir que leur caufe n’eft point encore connue, & qu’il refle des découvertes importantes à faire fur ce point de la théorie chimique ; déjà les degrés d’affinité différens que paroiflent avoir les divers corps combuflibles pour s’unir à l’oxigène peu- vent fervir à expliquer une partie de ces phéno- mènes ; en effet , il eft naturel de croire qu’un corps qui a une grande attra&ien pour fe com- biner avec ce principe offrira dans cette combi- naifon plus de chaleur , plus de mouvement ÔC plus de lumière, parce que celle-ci fera féparée * * de l’air vital avec plus d’énergie. Mais cette doc- trine n’explique point encore quelle eft la caufe b’H'i'st. Nat. et de Chimie. 507 '<3e la couleur fi variée de la flamme des difFé— rens corps inflammables; pourquoi, par exemple-, le cuivre brille en verd, &c. Elle n explique point non plus, au moins par des expériences, comment quelques matières combustibles brûlent fans flam- me apparente, à moins qu’on ne croie avec plu- lieurs phyficiens que la matière de la lumière eft la même que celle de la chaleur , & n’en différé que parce qu’elle eft plus divifée, plus éparpillée ; or , on fait combien cette opinion fouffre encore de difficultés. Si l’on fe rappelle que la lumière eft un des principes de l’air vital , & qu’elle s’en dégage pendant la combuftion , on pouirroit croire que ce corps êft dégagé diverfement de l’air vital par les différentes matières combuftibles $ qu’il y en a , par exemple , où toute la lumière , l’enfemble de fes fept rayons ou principes , eft féparée ; qu*il en eft d’autres où il n’y a que le rayon ofangé de dé- gagé comme par le gaz nitreux, lê jaune ou le verd comme par le zinc & le cuivre ; mais cette hypo- thèse , dont il a déjà été queftion dans l’hiftoire de la combuftion traitée à l’article de l’air,n’eft point encore appuyée par l’expérience. Il fuffit qu’il foit prefque démontré que la lumière eft plutôt conte- nue dans l’air vital que dans les corps combufti- bles. En effet , comment concevoir qu’un corps auffi divifé & auffi élaftique en même- temps que lalumicre , puiffe fe fixer & prendre de la folidité? v I 308 É L I M ! NJ NVtl-il p?s plus naturel & plus conforme à tou- tes les idees e la faine phy tique de penfer que , loin de pouvoir prendre ainti une forme folide, la lumière etl plutôt capable de la faire perdre à ceux qui en jouiffent , & qu’elle et! une des caufes de l’élatlicité de l’air vital, qui n’etl que l’oxigène folide par lui-même uni au calorique &c à la lumière ? Quoiqu’il relie donc encore quelques difficul- tés à réioudre dans l’hitloire de la combutlion , il ell bien prouvé aujourd’hui que les corpscom- buftibles qui onr brûlé ont tout-à fait changé de nature ; que l’oxigène qui ell fixé leur donne tou- jours plus de pefanteur abfolue;& que ce principe y prend lui- même une forme plus folide que celle qu’it avoit. dans fa combinaifon avec le calorique & la lumière qui le continuent air vital. Nous divifons les matières combutlibles du règne minéral en cinq genres ^ {avoir , le diamant, le gaz hydrogène ou inflamm ibîe, le foufre, les matières métalliques & les bitumes. 4 arufe i- i w > f d’Hist. Nat. et de Chimie. 309 CHAPITRE IL Genre I. Diamant . Le diamant eft une fubftance unique dans fori efpèce ; on Ta placé avec les pierres , parce qu’il en a la dureté,rinfipidité,rinfolubilité. il eft d’ail- leurs le plus tranfparent Si le plus dur de tous les minéraux. Sa dureté eft telle que l’acier le mieux trempé ne mord point fur lui, oc qu’on ne peut ufer les diamans qu’en les frottant l’un contre l’autre ; c’eft ce qu’on nomme égriler. Les diamans fe trouvent aux grandes Indes , particulièrement dans les royaumes de Golconde ôi de Vifapour. On en tire auflî du Bréfil;mais ils parbiftent d’une qualité inférieure: on les con» noît dans le commerce fous le nom de diamans de Portugal. Les diamans fe rencontrent ordinairement dans une terre ochracée , jaunâtre , fous des roches de grès & de quartz; on en trouve auiïi quelquefois dans l’eau des torrens ; ces diamans ont été détachés de leurs mines. Il eft rare que les diamans ioient d'un certain volume. Les fouverains de l'Inde gardent les plus volumi- V üj A 310 É L É M E N S neux , afin que le prix de ces fubftances ne dimi- nue point. Les diamans ne fortent pas de la terre avec leur éclat ; il ne s’en trouve de brillans que dans les eaux. Tous ceux que l’on retire des mines font enveloppés d’une croûte terreufe qui recouvre line fécondé couche de la nature du fpath calcaire , fuivant M. Romé de Lifle. Jh Souvent les diamans n’ont pas de forme régu- lière; ils font plats ou roulés. Quelquefois ils. offrent des criffaux réguliers en oélaèdres.formés, dô deux pyramides quadrangulaires réunies par leurs bafes ; on en trouve auffi à 12, à 24 & à 48 faces. Quelques diamans font parfaitement tranfpa- rens &£ de la plus belle eau; d’autres font tachés, veinés, nues; alors ils perdent beaucoup de leur prix. Ii en eft qui ont des teintes uniformes &Z bien marquées de jaune , de rouge , de bleu, de noir ; ces derniers font fort rares. Les diamans paroiffent être formés de lames, appliquées les unes fur les autres; on les divife aifément en les frappant dans le fens de ces lames avec un infiniment de bon acier. Il y a cependant quelques diamans qui ne paroifîent point compofés de lames dillin&es , mais de fibres entortillées, comme font celles que l’c% d’Hist. Nat. et de Chimie. 3 it obferve dans les nœuds du bols. Ces derniers font fort durs, & ne peuvent être travaillés; les lapidai es les nomment diamans dénature, La tranfparence , la dureté du diamant , la forme criftalline régulière qu’il affe&e , avoient déterminé les naturalises à ranger cette fubf- tance au nombre des pierres vitrifiables. Ils le reeardoient comme la matière du criflal de ta» roche , la plus pure &: la plus homogène. Ils le croycient inaltérable au feu , parce que les joaillier^ font dans l’ufage de faire chauffer &c même rougir les diamans tachés de jaune; par ce procédé , les taches deviennent noires , & n’empêchent pas l’éclat de la pierre. Cependant on favoit que le diamant étoit plus pefant & plus dur que le criftal de roche , & qu’il avoit une propriété éleéirique très- marquée ; mais on n’attribuoit cela qu'à fon extrême pureté. On fait que tous les corps tranfparens pier- reux ou falins refrangent la lumière en raifon direêle de leur denfité , mais que les corps rranf- parens combuflibles la refrangent en raifon dou- ble de leur denfité. L,e diamant a une force réfrin- gente prefque triple de celle qu’il devroit avoir en raifon de fa denfité ; il paroît que c’eft de cette grande force réfringente que dépend le ûngulier éclat du diamant. Comme il eft très** y ly f 3ii Êlémens îranfparent , Si que la lumière fe refrange forte- ment entre fes lames lcrfqu’on multiplie fes furfaces par la taille , chacune de fes facettes fournit unfaifceau de lumière très-brillant. Audi ceux qui font taillés à facettes fur totfte leur circonférence ont-ils un éclat bien fupérieur à ceux qui ne font taillés que d’un côté ; c’eft pour cela que les lapidaires défignent les premiers fous le nom de bùLLans , Si qu’ils appellent les féconds des rofes. Boyleavoitditque le feu altéroit les diamans. Si qu’il s’en dégageoit des vapeurs âcres; mais le fait annoncé par ce phyficien ne fixa point l’at- tention des favans. Cependant CofmelII, grand duc de Tofcane , vit à Florence, en 1694 Sz. 1695 , le diamant fe détruire au miroir ardent. L’empereur François I fut auffi témoin à Vienne de la deflruûion du diamant par le (impie feu des fourneaux. ✓ M. d’Arcet , dans fes belles expériences fur les matières pierreufes expofées à l’aèlion d’un feu violent Si continu , n’oublia pas les diamans. Il annonça qu’ils s’évaporoient dans le fens de leurs lames, Si que fi on arrêroit l'évaporation à propos, ce qui redoit n’éroit nullement altéré, & n’offroit qu’un diamant de moindre volume. M, d’Arcet voulant lavoir fi l’évaporation du d’Hist. Nat. et de Chimie. 3 1 3 diamant n’étoit pas une fimplç decrepitation, imagina de le traiter dans des vaiffeaux diffé- remment fermés. Il prit une fphère de pâte de porcelaine , & après l’avoir coupée en deux, il plaça un diamant au centre ; il ajufta enfuite les deux hémifphères , de manière que le dia- mant fe formant à lui-même fa cavité , il n’y eût pas d’efpace vide autour. Ayant laide ces boules au four jufqu’à ce qu’elles fufTent cuites , il les caffa , & trouva la loge vide & le diamant évaporé , fans qu’on pût appercevoir la moindre gerçure à la boule. M. d’Arcet a varié cette expérience de plu- fieurs manières; tantôt en prenant des boules de pâte de porcelaine, tantôt des creufets de porcelaine cuite , fermés d’un bouchon de pareil- le matière, enduit avec une fubftance fufible qui, en fe vitrifiant du feu , taiioit un lut hermétique. M. d’Arcet a toujours vu le diamant difparoîfre, &■ en a conclu qu’il étoit évaporable fans le fecours de l’air. Depuis, MM. d’Arcet & Roux ont obfervc qu’il n’étoit pas néceflaire d’avoir recours à de* feux d’une fi grande violence, pour opérer la volatilifation du diamant; & en 1770 M. Roux en volatiüfa un, aux écoles de médecine, en cinq heures de temps , dans un fournau de cou- pelle. ?I4 ÉLÉMENS £n 1771 Macquer obferva un nouveau phé- nomène relatif à la deflru&ion de cette fubf- ïance. Ayant eu un diamant à volatilifer , il employa le fourneau de Pott , auquel il avoit fait quelques corre&ions. Ce fourneau, lorfqu’il eft terminé par un tuyau de poêle de dix à douze pieds de hauteur * produit une chaleur égale à celle d’un four à porcelaine dure. Macquer avoir place une moufle au centre de Ion fourneau, qui n’avoit qu’un tuyau de deux pieds. Il mit un diamant taillé en brillant , & pefant trcis-feizièmes de karat , dans une coupelle qu’il plaça d bord au-devant de la moufle bien rou- ge ; il eut foin de ne l’enfoncer que par de- grés , peur éviter que le diament ne s’éclatât. Au bout de vingt minutes , ayant obfervé le diamant, il le trouva augmenté de volume & beaucoup plus brillant que la capfule dans laquelle il étoit ; enfin il obferva une flamme légère & comme phofphorique , qui formoit une auréole très-marquée autour de la pierre > mais il ne fentit point de vapeurs âcres , comme l’avoit annoncé Boyle. Le diamant ayant été reporté fous la moufle , au bout de trente minutes il étoit entièrement difparu, fans laifler après lui aucune îrace. Ainfi Macquer a volacilifé en moins d’une heure un diamant de près de quatre grajns, & il a vu que ce corps brûle d’Hist. Nat. et de Chimie.4 315 avec line flamme fenfible à la manière des autres, corps combuftibles. Ce fait annoncé par Macquer a été vérifié plufieurs fois depuis. En 1775 Bucquet a vola-* tilifé un diamant d’environ trois grains & demi; il s’eff fervi du fourneau de Macquer , mais fans tuyau 3 & la moufle eft reftée ouverte prefque tout le tems de l’opération , afin qu’on put voir ce qui fe pafïoitpendant lacombuft ion du diamant. Il eft refté environ quinze minutes avant de s’enflammer , & à compter du moment de fin- flcimmation , il n’a p<-.s fallu vingt - cinq minutes pour fon entière volatilifation. Comme aucune de ces expériences ne démon- troit ce que devenoit le diamant, MM. Mac- quer , Lr*voifier &: Cadet réfolurent de faire quelques effais dans des vailfeaux clos. Ils chauf- fèrent vingt grains de diamans dans une cor- nue de grès , avec un appareil propre à retenir les produits , s’il eût pafTé quelque chcfe ; ils employèrent un feu de la plus grande violence, & n’obtinrent rien ; ils trouvèrent les diamans bien entiers, mais ayant perdu un peu de leur poids ; ils foupçonnèrent dès - lors que cette perte dépendoit de ce que les diamans avoient brûlé en partie, à l’aide du peu d’air renfermé dans les vaiffeaux ; les diamans d’ailleurs étoient ^ouverts d’un enduit noirâtre , & comme char- 3 1 £ Élémens bonneux , qui difparoiffoit promptement en les frotta t fur la meule. Pendant que les chimiftes s’occupoient des re- cherches fur le diamant , les lapidaires croyoient toujours à la parfaite indeftruétibilité de cette pierre. L’un d’eux, M. le Blanc, porta chez M. Rouelle un diamant pour être expofé au feu; mais il voulut l’envelopper à fa manière. En conléquence , il le mit dans un creufet avec un cernent de craie de poudre de charbon ; ce premier creufet fut enfermé dans un autre , fer- mé de fon couvercle ôc luté avec le fable des » fondeurs. Cet appareil refta au feu pendant qua- tre heures, ainfi que plulieurs autres diamans fur lefquels M. Rouelle rravailloit. Au bout de ce tems , les diamans de M. Rouelle avoient difparu , ainli que celui de M. le Blanc. M. Mail- lard, autre lapidaire, fe rendit chez M. Cadet, où travailloient MM. Macquer & Lavoiûer ; ayant apporté trois diamans, il propofa de les expofer au feu , après qu’il les auroit cémentés à fa manière. Il remplit de charbon pilé & bien prefl'é le fourneau d’une pipe , & ayant mis les diamans au centre du charbon , il couvrit la pipe d’une, plaque de fer qu’il luta avec le fable des fondeurs; la pipe fut renfermée dans un creufet garni de craie & revêtu d’un enduit de Cible détrempé avec l’eau falée. Le tout fut d’Hist. Nat. et de Chimie. 317 mis au fourneau de Macquer , &: efi'uya un feu tel qu’au bout de deux heures l’appareil ctoit ramolli 6c prêt à couler. Après l'opéra- tion , le creufet étoit vitrifié & informe ; on le cafia avec précaution , Sc l’on trouva la pipe bien ent.ère : le charbon qu’elle conrenoit étoit parfaitement noir, 6c les diamans n’avoient rien perdu. Ils étoient feulement noircis à leur fur- face , mais en les frottant fur la meule , ils redevinrent blancs & brillans. Macquer a répété cette expérience dans le grand four qui cuit la porcelaine dure de Sèves, elle a réufii de même; cependant , comme le fer qui couvroit la pipe avoir été fondu, une partie ayant atteint le diamant , l’avoit fcorifié d’un côté , mais l’autre étoit bien entier ; le feu avoir duré vingt-quatre heures. M. Mitouard , ayant eu occafion de traiter plufieurs diamans dans des vaififeaux fermés 6z avec différens cemens, a reconnu que le char- bon étoit celui de tous qui empêchoit le mieux la combuftion de ce corps. Tous les chimiftes ont été perfuadés par ces faits que le diamant brûloit à la manière des corps combuftibles , & qu’il ne fe détruifoit , comme le charbon , qu’autant qu’il avoit le contaél de l’air. Cependant les expériences très- £i8 Êlémens bien faites & îrès-multipliées de M. d'Àrcet fembloient établir le contraire. Pour éclaircir ce point de théorie , Macquer prit du charbon en poudre, il en remplit plufieurs boules de porce- laine cuite & plufieurs creufets de pâte de por- celaine; le charbon fe réduifit en cendres dans les creufets de porcelaine non cuite , les cen- dres même fe vitrifièrent, tandis que le char- bon renfermé dans les vaille aux de porcelaine cuite refia fans altération ; d’où ce chimifle a conclu qu’il y a une grande dffiérence entre ces deux fortes de vaifleaux. Il penfe que pen- dant la cuite de la porcelaine il fe fait des fentes , des gerçures peu fenfibles , mais fuffi- fantes pour faciliter la combuflion , & que ces porcelaines prenant de la retraite en fe refroi- diffant, toutes ces petites ouvertures fe referment & difparoiffent entièrement après la cuite. M. Lavoifier a ajouté à ces expériences de nouvelles recherches qui prouvent que le dia- mant ne fe brûle qu’autant qu’il a le contaél de l’air. Il a expofé des diamans au foyer de la lentille de M. de Trudaine } après les avoir couverts d’une cloche fous laquelle il a fait monter de l’eau ou du mercuie en afpirant l’air. Ce chirmfte,dans des travaux fur les effets du verre ardent , faits en commun avec MM. Mao* d’Hist. Nat. et de Chimie. 3 1 9 quer , Cadet & Briffon , avoit déjà obfervé que fi on chauffoit brufquement les diamans , ils pe- tilloient & s’éclatoient fenfiblement , ce qui n’arrive pas lorfqu’on les chauffe lentement ÔC par degrés. Il a vu aufîi les diamans fe fondre & couler en certains endroits : la furface de ceux qui étoient refiés quelque tems expofés au feu de la lentille lui a paru crib’ée de petits trous comme une pierre ponce. En les chauffant dans l’appareil pneumato-chimique décrit ci-deffus il s’efl convaincu que le diamant ne bruloit que pendant un certain tems plus ou moins long à raifon de la quantité d’air contenu fous la cloche ; il a examiné l’air dans lequel avoit brûlé le diamant , & il l’a trouvé abfolument femblable à celui qui refie après la combuf- tion de tous les autres corps combuflibles , c’efbà-dire , privé de la partie d’air vital propre à entretenir ce phénomène. Une circonflance qu’il faut noter j c’efl que cet air réfidu de la combuflion du diamant préeipitoit l’eau de chaux & contenoit de l’acide carbonique. Pour conflater de plus en plus la nature du diamant , M. Lavoifier a effayé de le brûler fous une cloche pleine d’acide carbonique. Le diamant a éprouvé un peu de déchet dû fans doute à une portion d’air mêlé à cet acide. Ce chimifte penfe que cette perte dépend aufîi en 32.0 E L É M E N S grande partie de la volatilifation du diamant , & il en conclut que ce corps pourroit fe vo- latilifer en entier dans des vaiffeaux fermés , fi on lui appliquoit une chaleur fuffifante. M. Lavoifier ayant opéré de même fur le char- bon , a eu des réfultats analogues, foit relative- ment à la combuftion, foit relativement à la volatilifation. Il a aufïi vu le diamant fe noircir toujours à fa furface. Il réfulte de ces différens faits , que le dia- mant eff une fubftance très-différente des pier- res ; que c’eff , au contraire , un véritable corps combuflible , fufceptible de brûler avec flamme toutes les fois qu’on le chauffe jufqu’à le faire rougir avec le contaél de l’air ; en un mot , que c’eff: un corps combuflible volatil , puif- que le diamant ne laiffe aucun réfidu fixe ; qu’il reflemble parfaitement au charbon par la manière dont il fe comporte au feu , en- core qu’il en diffère beaucoup par fa tranf- parence , fa pefanteur , fa dureté , & plufieurs autres propriétés. Toutes ces expériences, ainfi que l’art de cliver le diamant , ont appris qu’il eff formé de lames ou de couches pla- cées les unes fur les autres ; qu’il y a quelque- fois entre ces couches une matière étrangère colorante à laquelle eff peut-être dû renduit charbonneux dont fe couvrent les diamans chauffés , d'HiSÏ. NaÏ. ÊT DÈ CüïMÎÊ; 51! chauffés, fur - tout dans les vaiffeSux fermés. C’eft cette couche colorée placée plus ou moins profondément , qui rend incertain le procédé employé par les lapidaires pour blanchir les dia- mans tachés. Si elle efl peu profonde, elle peut fe détruire facilement , & le diamant fera blan- chi. Si elle eft , au contraire , dans l’intérieur de ce corps, on ne pourra l’enlever que par la deffruôion fucceflive des lames qui la recou- vrent , & alors il faut quelquefois détruire pref- qu’entiérement le diamant avant de lui enlever fa couleur. g Malgré tous ces travaux, oïl ne fait rien ericôrô fur la compoficion du diamant , & on doit le regarder , dans l’état aftuel de nos coilnoiffan* ces , comme un corps combuffible particulier ÔC différent de tous les autres. Le diamant n’eff d’ufage que Comme orne-- ment ; mais la propriété qu’il a de réfranger les rayons lumineux , de les décompofer & d’offrir à l’œil les couleurs les plus brillantes & les plus vives, le rend véritablement précieux, fans qu’on puiffe attribuer au caprice de la mode l’eftime dont il jouit. Sa dureté excefîive à la- quelle il doit le poli inaltérable de fes furfaces , fa rareté & l’art de la taille ajoutent encore à fon prix. On s’en fert avec avantage pour grav.f fur le verre & fur les pierres dûtes , & pour ÿ'omc II, X $1% E 1 à m e ®r $ donner à ces corps ia forme & les grandeur^ C^nvenab’es* La poufîîere des diamans fert à ufer 8l à po% cteux qui font entiers. ST""* ... — -A CHAPITRE IÎL Genre IL Gaz Hydrogéné, Ï^E gaz nommé air inflammable par Prieftley* &; que nous défi gnons par le nom de §ar hydro- gène , eft un fluide aériforme qui jouit de routes îes propriétés apparentes de l’air* Il eft environ ty fois plus léger que lui 9 il ne peut fervir à la Combuftion , il tue très-promptement les ani- maux en leur donnant des convulfions vives- Il a une odeur forte 8c très-reconnoiffable : une de fes propriétés cara&ériftiques eft de s’allu- mer lorfqu il eft en contafl avec l’air & qu’ot» lui préfente un corps enflammé > ou qu’on y fait pafler l’étincelle élefhique.. Le gaz hydrogène étoit connu depuis long- temps dans la nature 8c dans l’art. Les mines métalliques , celles de charbon de terre, la fur- face des eaux, les matières animales ou végé- tales en putréfaâion ^voient offert un grand nombre d’exemples de vapeurs combuftibles natuzelleç. L’art s’étoit exercé à en produire I d’Kist. Nat. et de Chimie. 31$ «ans la diffolution de plufieurs métaux par les acides fulfurique & muriatique, par la diflillation des fubftances animales & végétales; Mais per- fonne avant M. Priefl'ey n’avoit imaginé de recueillir ces vapeurs dans des récipiens , & d’en examiner les propriétés. Ce phyficien a décou- vert qu’elles formoient une efpece de fluide élas- tique permanent. Le gaz hydrogène préfente tous les phéno- mènes des corps combuftibles dans un degré très-marqué. Comme eux il ne peut brûler fanâ le contaft de l’air; il brûle avec une flamme plus ou moins rouge îorfqu’il etr bien pur * & bleue ou jaune , quand il efl: uni à quelque fubflance capable de modifier f es propriétés. Souvent il pétille 5c produit en brûlant de petites étin- celles brillantes, avec un bruit femblable à celui du nitre qui détone. Il s’excite dans fa combuflion une chaleur vive. Il s’allume par le contaél de l’érincelle électrique* Il brûle d’autant plus rapidement qu’il efl environné d’une plus grande quantité d’air. Comme ces deux fluides ont une aggrégation pareille , on conçoit qu’il efl: poffible de les mêler , de forte qu’une molécule de gaz hydro- gène foit environné de molécules d’air ; . £& qu’alors il doit brûler avec rapidité. C’efl aitffi Xi j $24 ' ÉLÉMENS ce qui a lieu lorfqu’on enflamme un mélange de deux parties d air atmofphérique & d’une partie de gaz hydrogène ; ce mélange s’allume , il brûle dans un infant , & en, produifant une explofion vive femblable à celle de la poudre à canon ; le gaz hydrogène feul ne brûle , au contraire , que lentement & à fa furface. On peut le faire brûler de même en un inf- tant & avec beaucoup plus de véhémence , fi on en mêle deux ou trois parties avec une partie d’air vital ou gaz oxigène ; il produit alors une explofion beaucoup plus confidérable que dans l’expérience précédente. M. Cavendifch avoir remarqué 3 plufieurs an- nées avant M. Lavoifier > que toutes les fois qu’on brûloit du gaz hydrogène il fe manifef- loit toujours des gouttes d’eam En faifant brû- ler ce gaz dans un vailleau plein d’air vital , ôc au-defïus du mercure , il fe fait un vide dans l’appareil , le mercure remonte , & les parois du val'e fe trouvent enduites d’une grande quantité de gouttelettes d’eau très -pure qui augmente en quantité à mefure que la cornbuf- tion s’opère. M. Lavoifier a combiné de cette maniéré une affez grande quantité de ces deux fluides diadiques l’un avec l’autre pour pouvoir obtenir plufieurs gros d’eau. Il a eu foin de faire palier l’un 6c l’autre de ces fluides à travers un r d’Hist. Nat. et de Chimie. 315 cylindre de verre rempli d’alcali fixe càuftique bien fec , afin de les dépouiller de la portion d’eau qu’ils pouvoient contenir. L’eau qu’il a obtenue répondoit parfaitement par fon poids à celui des fluides diadiques qu’il avoit employés ; &il en a conclu qu’elle eft en effet un compofé de la bafe de ces deux gaz , favoir , de fix parties en poids d’oxigène & d’une partie d’hydrogène; car il eft aifé de concevoiqd’après tout ce que n ous avons fait connoître jufqu’ici , que le calorique & la lumière de l’air vital & du gaz hydrogène fe dégagent pendant leur combuftion. C’eft à ce dégagement qu’on doit attribuer la pefanteur de l’eau comparée à celle des gaz cxigène Sz hydro- gène ; ce fluide eft à la pefanteur du gaz hydro- gène comme 11050 eft ai, en fuppofant celle de ce dernier gaz , relativement à celle de l’air , dans le rapport de 1 3 à 1 ; ce rapport fera en- core bien plus éloigné fi l’on éleve la légéreté du gaz hydrogène à 16 , comme il paroît que cela peut être îorfqu’il eft d’une parfaite pureté. L’eau obtenue par la combuftion de l’air vital & du gaz oxigène s’eft trouvée contenir quel- ques grains d’acide nitrique. Pour concevoir la formation de cet acide, il faut fe rappeller que M. Cavendilch l’a produit en combinant , à l’aide de l’étincelle éle&rique , fept parties d’air yital &z trois parties de gaz azote de i’aîmof- X iij ji G , ÉlémEns phère. Or, l’air vital que M. Lavoifier a employé pour Ton expérience ayant été retiré du précipité rouge ou oxide mercuriel par l’acide nitrique , çet oxide qui l'a fourni a bien pu donner une petite quantité de l’azote qui entre dans fa com- position ; ainfî cette portion d’acide ne change rien au réfultat & aux alertions de M. La- voilier fur la produêfion de l’eau. Si l’on com- pare à cette belle expérience celle par laquelle le même chimifte a décompofé l’eau en la fai- fant tomber Sur le fer , le zinc & le charbon rouge , airsfi que fur les huiles bouillantes , & en a retiré du gaz hydrogène en proportion de la combuflion qui avoit lieu dans ces différens çorps, on fera convaincu que cette théorie de la nature de l’eau eft appuyée fur des fondemens aulTi Solides que toutes celles qui ont été pro- posées fqr les différens faits chimiques, La proportion des compofans de l’eau , dé- montrée par les expériences les plus exaêres* cSl de 8 s parties d’oxigène & de 1 5 d'hydro- gène en poids, U ne refie plus qu’un point à déterminer fur la rature du gaz hydrogène ; cet être eft-il Simple ou compofé ; efl-il d’une feule efpece toujours identique ? Peut- on le regarder comme le phlo- giibque de Stahl , ainSi que le penfent pluSieurç çhiî^iftes angloisj & fur- tout M. Kirwan? d’Hist. Nat. et de Chimie. 317 A l’égard de * premûce quel i m , les chi- aniftes font aujourd’hui bien près d’être d’accord entr’eux fur l’identité de gaz inflammable retire de fi.ibftan.ces très-différentes , & qui paroî t jouir de propriétés diverfes. lien eft , à la vérité, quelques-uns qui penfent encore qu’il y en a réellement plufieurs efpeces; tels font, fuivant eux, le gaz inflammable obtenu du fer & du zinc par l’eau, qui brûle en rouge & détonne avec Pair vital Celui que Laffone a retiré du bleu de Pruffe , de la réduction des Heurs de zinc par le charbon , qui bride fans dé- tonner avec Fair ; le gaz inflammable des marais qui brûle en bleu & ne détonne pas } celui que Ton obtient de la diftillation des matières orga- niques & qui reffemble au gaz des marais. Mais uneanalyfe exa&e nous a prouvé que ces deux derniers font des compofés de véritable gaz hydrogène pur & détonnant , avec du gaz azote , & de l’acide carbonique en différentes proportions ; & nous étions portés à croire avec Filluftre Macquer , en 1782 , qu’il n’y a qu’un être de cette efpece fufceptible de plufieurs modi- fications par fes combinâifons avec différentes fabftances. Les travaux d’un grand nombre de phyficiens célèbres, ôc en particulier de MM. Cavendifch , Prieftley , Wath , Kirwan , La- yoifier, Monge, Berthollec , Morveau, &c, X iv $Z§ E L È M E N S ont confirmé cette opinion. Les mélanges de gaz étrangers indiqués, la diffolution du charbon, du foufre , du phofphore dans le gaz hydrogène dont ils augmentent la pefanteur & diminuent la combuflibilité , annoncent que c’eft à ces mêlant ges ou à ces combinaifons que font dues les différences apparentes des gaz inflammables. Je crois donc qu’on peut regarder comme dé- montré aujourd’hui qu’il n’y a qu’une feule çfpece d§ gaz inflammable provenant toujours de la dccompofition de l’eau , la reformant par fon union avec l’air vital; en un mot , qu’il n’exifle dans ce genre que le gaz hydrogène pré» fentant plus ou moins d’inflammabilité & des couleurs diverfes dans fa combui‘lian,fuivant qu’il çft mêlé ou combiné avec différens autres corps. Quant à la fécondé queflion , quoique i’opi» ni on de Bergman & des chimiftes anglois qui regardent le gaz hydrogène comme le phlo» giftique de Stahl paroiffe s’accorder avec un certain nombre de faits 3 il en eff cependant un plus grand nombre qui empêchent qu’on puiffe l’adopter. En effet , il paroît que ce ne font point toujours les fufbflances combuflibles dans le (quelles Stahl admettoit la préfence du phlo- giftique qui fourniffent cette efpece de fluide , & que l’eau contribue toujours à fa formation, M» Kirwan, qui s’occupe depuis quelques années d’Hist.' Nat. et de Chimie; 319 de l’examen de cette importante queftion , n’a point encore trouvé , à notre connoiffance , d’expérience qui puiffe la démontrer pofitive- ment. Nous aurons foin d’expofer dans plulieurs autres articles de cet ouvrage ce que nous penfons du gaz hydrogène que ce célèbre chi- mifte a obtenu d’une amalgame de zinc , ainfî que de quelques autres expériences analogues que plulieurs phyliciens ont oppofées à notre doélrine. Nous n’entrerons point ici dans le détail des obje&ions qu’on peut lui oppofer , parce que nous rifquerions de n’être peint en- tendus des perfonnes qui n’auront lu que ce qui précède ce chapitre de notre ouvrage ; nous ferons connoître ces objeèlions dans les chapitres où nous traiterons des fubftances mé- talliques , du phofphore , &c. Quoi qu’il en foit , nous conviendrons ici qu’il feroit polîible- d’ex- pliquer les phénomènes de la chimie en admet- tant l’hydrogène pour phlogiftique ; mais nous obferverons en même-temps que cette théorie phlogiftique exige des fuppofitions forcées , qu’elle eft bien loin de paroître auffi fimple & suffi fatisfaifante que celle que nous avons adoptée comme le fimple réfultat des faits (1). (1) Voyez la. traduction dei’ouvrage de M. Kirwan , les notes que nous y ayons ajoutées. $30 E L É M E N S Aucun chimifte n’a pu, jufqu'à préfent , ré- parer les principes du gaz hydrogène : c’eft un être (impie dans l’état aéhiel de nos connoif- fances; fa baie ou l’hydrogène fe comb ne en entier avec celle de l’air pur ou l’oxigène, &C forme de l’eau dans ceite combinaifon. On doit s’appercevoir que nous ne difons rien des théories de quelques auteurs qui ont avancé, les uns , que le gaz inflammable eft un compolé d’air & de la matière du feu ; les ai très , que c’eft une modification de la lumière, du fru, du fluide éleèirique , 6cc, Toutes ces affermons font trop vagues , elles reffemblent trop au langage inexaét 6c incertain des premiers tems de la phyfique , 6c elles font trop éloignées des expériences 6c de toutes démonftrations , pour qu’elles nous paroiffent devoir mériter une dif- cuffion foutenue. Suivant M, Kirvan , M. Craw- ford vient de faire voir que le gaz hidrogène contient plus de lumière 6c de calorique que l’air vital, 6c que le rapport de lumière 6c de calo- rique dans ces deux gaz e(l comme 24 à f.Il feroit très-utile de déterminer combien l’hydrogène perd de ces principes en entrant dans des combi- naifons liquides ou folides.On ne peut douter que le gaz hydrogène ne contienne beaucoup de cha- leur fpécifique ou de calorique , peut - être même de la matière de la lumière , 6c que le çaîorique ne fe fépare de ce gaz toutes les fois d’Hist. Nat. et de Chimie; $ $ 1 qu’il perd Ton étar élaftique , & qu’il pîtffe dans des combinaifons liquides. Le gaz hydrogéné ne s’unit point à 1 eau ; on peut le conferver long-tems fans altération au-deflus de ce fluide/ Cependant à la longue il eft altéré & n’eft plus inflammable. M. Priefliey n’a point déterminé cette efpece de change- ment , ni l’état de l’eau qui le produit. Il eft vraifemblable que cette expérience faite avec foin jetteroit beaucoup de jour fur la nature de ce corps combuftible. Le gaz hydrogène ne paroît point avoir d’ac- tion fur les terres, ni fur les trois fubftances falinc-terreufes ; cependant il détruit la blan- cheur de la baryte & il la colore ; ce qui Ta fait regarder comme la chaux , ou l’oxide d’un métal particulier encore inconnu. On ne connoît point l’altération que les alca- lis ôc les acides pourroient lui fa;re éprouver y & celle qu’il feroit naître lui même dans ces fels. Il eft vraifemblable qu’il décompoferoit quelques acides, & fur-tout l’acide fülfurique Sc l’acide muriatique oxigéné , en s’emparant de leur ox:gène avec lequel il formeroit de l’eau. Quant à l’açide fulfurique , on peut ioupçonner qu’il éprouveroit cette décompoft- îion , la bafe de l’air vital ayant plus d’affinité avec l’hydrogène qu’avec le foufre , puifque ççhii-çi ne décompofe point l’eau , comme nous 332 Elément \ le verrons plus bas. L’acide muriatique oxigéné a une fi grande quantité d’oxigènefurabondantSe fi peu adhérent, qu’on peut préfumer que le gaz hydrogène le lui enleveroit pour former de l’eau. Le gaz hydrogène ne paroît point avoir d’aélion fur les fels neutres, & on a peu exa- miné en général fa maniéré d’agir fur toutes les fubflances falines. Ce gaz eft devenu un être beaucoup plus important pour les favans , depuis qu’on s’en eft fervi pour remplir les machines aéroftatiques, dont la découverte eft due à MM. de Montgol- fier. Sa légéreté fpécifique , treize fois plus con- fidérable que l’air , efl la caufe de l’afcenfion de ces machines. Il efl plus que vraifemblable qu’il joue un très- grand rôle dans les phénomènes météoriques , qu’il exifte en grande quantité dans l’atmofphère qu’il s’y allume par l’étin- celle cle&rique , qu’il y forme de l’eau. Peut- être eft-il emporté par les vents comme une efpece d’aéroftat naturel. On a cherché à le fubftituer à d’autres matières combuftibles dans plufieurs befoins de la vie, comme pour éclairer , pour chauffer , pour charger quelques armes à feu , &c. M. Volta l’a confidéré fous ce dernier point de vue , &C il a propofé plufieurs maniérés de s’en fervir. M. Neret a donné la defcription d’un réchaud « gaz inflammable dans le journal de phyfique. d’Hist, Nat. et de Chimie. 33^ ( janvier 1777. ) MM. Furftenberger , phyficien de Bâle t B ranci er 9 méchanicien d’Augsbourg , Ehrmann , démonftrateur de phyfique à Straf- bourgj ont [imaginé des lampes que Ton peut allumer la nuit à l’aide d’une étincelle électri- que. Enfin, on fait des feux d’artifices fort agréables avec des tubes de verre différemment contournés , & percés d’un grand nombre de petites ouvertures. On introduit le gaz inflam- mable dans ces tubes à l’aide d’une vefïle qui en eft remplie , & qui s’y adapte par un robinet de cuivre. En preffant cette vefîie , le gaz in- flammable pafie dans le tube , fort par toutes les ouvertures qui y font pratiquées , & on l’enflam- me en approchant une bougie allumée. CHAPITRE IV. Genre III. Soufre, Le foufre eft lin corps combuftible , fec^ très-fragile, d’un jaune citron, qui n’a d’odeur que lorfqu’il eft chauffé, & dont la faveur par- ticulière eft foible , quoique cependant très- fenfible. Si on le frotte , il devient éledlrique. Si lorfqu’il eft en gros morceaux on lui fait éprouver une chaleur douce , mais fubite , com- me en le ferrant dans la main , il fe brife en pétil'ant* 334 E I É M EN s Le foufre fe rencontre en grande quantité dans la nature , tantôt pur & tantôt combiné» Il ne doit être ici queftion que du premier» Voici les variétés de forme qu’il préfente dans fon état de pureté. Variétés. 1. Soufre tranfparent criftallifé en oétaè- dres dont les deux pyramides font tron- quées. Il eft dépôfé par l’eau le plus fou- vent à la fur face d’un fpath calcaire. Tel efî celui de Cadix. / 2. Soufre tranfparent en morceaux irrégu- liers. Celui de la Suifle eft dans cet état. 3. Soufre blanchâtre pulvérulent , dépofé dans des géodes filiceufes. On trouve des cailloux remplis de foufre en Franche- Comté , &c. 4. Soufre pulvérulent, dépofé à la furface des eaux minérales , comme à celles d’Aix-la-Chapelle, d’Enghien près de Pai is, &c. ç. Soufre criftallin fublimé; il eft en crif- taux tranfparens; on le rencontre dans les environs des volcans. (u Soufre pulvérulent fubümé des volcans ; celui-ci eft fans forme régu'iere , & fou- vent interpolé dans des pierres tendres * comme on l’obferve à la Solfatare aux environs de Naples* t jD’Hîst. Nat. et de Chimie.1 3 3 ? 7. Sialdftitcs de foutre , formées par le feu des volcans. Outre ces fept variétés de f< ufre minéral pur,1 cette fubftance combtiftible fe trouve combinée avec différentes matières. C’eft le plus fouvent à des méiaitx qu’il eft uni, & il les mer dans l’état de pyrites ou fulfures métalliques, & de mines. Quelquefois il eft combiné avec des ma- tières calcaires dans l’étal: de fulfure ou foie de foufre terreux - les pierres calcaires fétides, la pierre-porc , paroiffent être de cette nature. Des découvertes récentes étendent encore l’empire de ce minéral. Il femble fe former jour-; aellement dans toutes les matières végétales & animales qui éprouvent un commencement de putréfa&ion. Quoique ces efpeces de foufre n’appartiennent pas effentiellement au régné mi- néral , nous croyons cependant devoir les join- dre aux variétés précédentes, pour rendre fon hiftoire naturelle plus complette. Variétés. S. Soufre criftalüfé , formé par la déeom- pofition lente des matières animales accumulées ; tel eft celui que l’on a trouvé dans des anciennes voieries à Paris, près la porte Saint-Antoine. 9. Soufre pulvérulent, formé par les va- peurs dégagées des fubftances animales en putréfa&ion ; on en ramaffe fur les murs des étables , des latrines , &c, E L É M E N S •53s [Variétés: 10. Soufre retiré de plùfieurs végétaux^ notamment de la racine de patience , de l’efprit de cochléaria , &ic. C’eft à MM. Baumé &. Deyeux, membres du college de pharmacie , & démonftrateurs de chimie , qu eft due cette découverte. 1 1 . Soufre obtenu de l’analyfe des matières animales , Si notamment du blanc d’œuf par M. Deyeux. 12. Soufre retiré du crottin de cheval. On a trouve ce corps combuftible dans du crottin de cheval , à l’inftant où il ve- noit d’être rendu. Il eft vraifemblable que des travaux ultérieurs le feront dé- couvrir dans un grand nombre d’autres fubftances animales. Cesdifférens foufres ne conftitueni point celui que l’on emploie dans les arts. On l’extrait par la diffillation des compofés métalliques dont il forme un des principes , & qu’on appelle pyrites. En Saxe & en Bohême on les met en petits morceaux dans des tuyaux de terre pla- cés fur un fourneau allongé. Le bout des tuyaux qui fort du fourneau eft reçu dans des cailles carrées de fonte de fer, dans lefquelles on met de l’eau. Lç foufre fe ramaffe dans ces efpeces c • de d’Hist. Nat. et de Chimie. 337 de récipiens ; mais il eft fort impur. Pour le purifier, on le fond dans une poète de fer; les parties terreufes métalliques fe précipitent. On le verfe dans une chaudière de cuivre , ou il forme un autre dépôt des matières étrangères qui l’altéroient. Apres l’avoir tenu quelque tems en fufion, on le coule dans des moules de bois cylindriques , & il forme le foufre en canons. Celui qui s’eft précipité au fond de la chaudière pendant la fufion eft gris & très-impur ; on le nomme fort improprement foufre vif. Dans d’au- tres pays , comme à Rammelsberg , on extrait le foufre des pyrites d’une manière plus fimple. O11 fe contente d’enlever avec des cuillers celui qui fe trouve fondu dans les maffes de pyrites que l’on grille à l’air, & on le purifie par une nouvelle fonte. Le foufre ne s’altère point par le contaft de la lumière. Chauffé dans des vaiffeaux fermés , il fe ramollit , fe fond , prend fouvent en fe figeant une couleur rouge , brune ou verdâtre , & une forme aiguillée. Pour réuflîr dans cette criftallifation , il faut , d’après le procédé de Rouelle, biffer figer la furface & décanter auffi- tôt la portion fluide qui fe trouve au-deffous de cette efpèce de croûte ; alors on obtient des aiguilles de foufre qui fe croifent en diftérens fens. Tome II, y 338 Ê L É M E N s Si on chauffe doucement le foufre îcrfqu’iî eft fondu , il fe volatilife & fe conduit dans les récipiens en petites parcelles pulvéru- lentes d’un jaune citron, qu’on appelle fleurs de foufre . Comme il n’y a que la portion du foufre pur qui fe volatilife dans cette opéra- tion , on l’emploie avec fuccès pour le purifier. Pour faire cette préparation , on met du fou- fre commun en poudre dans une cucurbite de terre à laquelle on adapte des pots de terre ou de faïance qui fe reçoivent mutuellement , &: qu’on nomme aludtls. On termine le dernier par un entonnoir renverfé, dont la tige établit une légère communication avec l’air; on chauffe la cucurbite jufqu’à liquéfier le foufre , qui fe fublime à ce degré de chaleur , & s’attache aux parois des aludels. Les fleurs de foufre préparées en grand con- jiennent Cuvent un peu d’acide fulfurique, for- mé par la combuflion d’une petite quantité de ce foufre , qui a eu lieu en raifon de l’air conte- nu dans les vaiffeaux. On les purifie très-exa&e- ment en les lavant ; c’eft le foufre ainfi préparé qu’on doit employer en médecine , àc dans les expériences délicates de la chimie. Le foufre chauffé avec le concours de l’air s’allume lorfqu’il eft fondu , & brûle avec une flamme bleue, fi la chaleur qu’on lui fait éprou- ver n’eft que peu confidérable , ou bien avec d’Hist. Nat. et de Chi mie. 3 3 9 line flamme blanche ÔC vive , fi on le chauffe fortement. Dans la première de ces combuf- tions il répand une odeur iufroquante, & fi 1 on recueille la vapeur qu’il exhale , on obtient de l’acide fulfureux très-fort. Dans la combufiion rapide fon odeur eft nulle , & ion refidu n a plus celle de l’acide fulfureux ; c’eft en effet de l’acide fulfurique. Sîahl , qui a penfé que le foufre étoit un compofé de cet acide & de phlogif- tique , croyoit que pendant fa combufiion ce corps perdoit fon principe inflammable , &C ccnféquemment étoit réduit à l'état d’acideb L’enfemble des preuves qu’il a préfentées fur cette opinion étoit bien fait pour entraîner tous les chimiftes qui l’ont fuivi. Cependant depuis que l’on a cherché à connoître l’in- fluence de l’air dans la combufiion , influence k laquelle Stahl paroît n’avoir fait que peu d’at- tention , quelques chimiftes frappis de la d ffi- cu té qu’on a éprouvée jufqu’ici à démontrer le phlogiftique , & de la facilité avec laquelle on répond à toutes les obj^&ions fa'tes à cette 1 doéli ine,par les nouvelles connoidances acquifes fur l’air , ont adopté une opinion entièrement oppofée à celle de Stahl fur la nature du foufre , & fur fa combufiion. Vomi les faits fur lefquels cette nouvelle opinion eft fondée. Haies avoit obfervé que le Yij 34° É L É M E N S foufre abforboit en brûlant une grande quantité d’air. M. Lavoifier a démontré qu’il en eft du foufre comme de toutes les matières combuf- tibles, c’eft- à-dire, i°. qu’il ne peut brûler qu’avec le concours de l’air vital ; i°. qu’il ab- forbe la portion la plus pure de ce fluide pendant fa combuflion ; 30. que ce qui refle de l’air ath- mofphérique après fa combuflion ne peut plus fervir à une nouvelle combuflion ; 4°- que l’acide fulfurique qui en provient , a , en excès fur la quantité du foufre qui l’a produit , le poids que l’air a perdu pendant la combuflion de ce der- nier ; 50. qu’en conféquence le foufre s’efl com- biné avec la bafe de l’air pur ou l’oxigène pour former l’acide fulfurique. Cet acide eft donc un corps compofé d’oxigène & de foufre ; ce dernier, au lieu d’être un corps compofé, n’efl qu’un des principes de l’acide fulfurique ; il ne lui manque plus que de s’unir à la bafe de l’air ou à l’oxigène pour former cet acide ; & c’eft ce qu'il fait dans la combuflion. La chaleur eft néceflaire pour le faire brûler, parce qu’en le divifant & en déîruifant fon aggrégation , elle favorife fa combinaifon avec l’oxigène ; lorfqu’il eft une fois brûlé ou combiné avec ce dernier principe , il n’efl plus fufceptible de s’enflammer , & il rentre dans la ciüfîe des corps incombuftibles. d'Hist. Nat. et de Chimie. 341 Suivant la manière dont on s’y prend pour le faire brûler , il abforbe des quantités diver- fes d’ox'gène ^ & il devient plus ou moins acide. Telle eit la théorie de la différence qui exihe entre les combuftions lente &c rapide du foufre , & les acides fulfureux & fulfurique qui réfultent de l’une ou de l’autre. Stbal croyoit qu’en brûlant lentement du foufre il ne perdoit pas tout fon phlogiftique , &: qne l’acide fulfurique qui en retenolt une partie confervoit de l’odeur & de la volatilité; aujourd’hui il eh prouvé par l’expérience qu’en brûlant lentement il n’ab- forbe pas tout l’oxigène auquel il peut s’unir , tandis que dans fa combuhion rapide il fe combine avec toute la quantité de ce principe néceffaire pour le conhituer acide fulfurique. C’eh en abforbant peu-à-peu la bafe de l’air vital athmofphérique que l’acide fulfureux com- biné avec les matières alcalines paffe à l’état d’aci- de fulfurique. On conçoit tout anfîî facilement dans cette théorie ce qui fe paffe lorfque l’on forme du foufre avecl’acide fulfurique & quelques matières combuflibles , comme nous l’avons indiqué pour les fulfates de potaffe , de foude, ammo- niacal , calcaire , magnéfien , alumineux & ba~ rytique , chauffés avec du charbon. Le corps çombuffible s’empare de l’oxigène contenu dans Yüj 34* E L É M E N 5 l’acide fulfurique, & ne laiffe plus conféquem-. ment que le foufre qui eft l’autre de Tes princi- pe : aufîi toutes les fois que l’acide fulfurique efl changé en foufre par un corps combuftible quelconque , ce dernier eft il toujours réduit à l’état de corps b.ûlé r comme nous le verrons dans l'biftoi e de plu ficurs lubûances métalliques. C’eft pour cela que l’on obtient une grande quan- tité d’acide carbonique dans cette produélion ar- tifîcie’le du foufre , par le tranfporî de l’oxigène de Y acide fulfurique fur la matière charbcnneide pure ou le carbone: on doit fe rappeller qu’on démontre facilement la préfence de la bafe de l’air pur ou de l’oxigène dans l’acide fulfurique. On a cherché à déterminer les proportions d’o- xigène &: de foufre contenues dans l’acide fulfu- rique, comme on les connoît pour les acides nitrique , carbonique &: phofphorique ; cette proportion n’efl pas encore exa&ement connue. Le foufre n’efl: en aucune manière altérable à l’air, ni difToluble dans l’eau. Si lorfqu’il a été tenu quelque teins en fufion , & qu’il s’eft épaitfi , on le verfe dans ce fluide, il devient rouge , & il conferve un certain degré demol- leffe; en peut le pétrir dans les mains, mais il perd ces propriétés au bout de quelques jours. L’eau jettée goutte àgout'e fur du foufre allu- sni ne parcît point décompofée , & n’en entre» r d’Hist. Nat. et de C mje. 345 tient peint la combuftion ; ce qui indique que îabafe de l’air vital ou l’ôxigène a plus d’affinité avec l’hydrogène qu’avec le (oufre; cette afiertion peut être confirmée par l’a dion du gaz hydro- gène fur l’acide fulfuriqüe auquel ce gaz paroit enlever l’oxigène. Le foufre n’a point d’adion fur la terre filicée ; il ne s’unit que difficilement avec l’alumine qui, cependant , quand elle eft très divifée, paroît le réduire dans l’état hépatique ou de fulfure fé- tide , comme on le voit dans la préparation du pyrophore. On nomme en général fulfure alcalin , kl par 5 ou foie de foufre , un compofé formé par toutes les matières alcalines avec le foufre. Ce compofé confidéré en général a une couleur plus ou moins brune , femblab'e à celle du foie des animaux ; il eft décompofable par Pair vital ; l’eau en le diffolvant y développe une odeur fétide ; les aci- des en précipitent le foufre & en dégagent une efpècedegaz particulier appelle d’abord gai hépa- tique , & que nous nommons , en raifon de fa na- ture, gaz hydrogène fulfuré. Il y a fix fortes de fulfures alcalins produits par la baryte, la magné- fie, la chaux , les deux alcalis fixes & l’ammoiw- que ou alcali volatil; il faut examiner les pro- priétés de chacun d’eux en particulier. La baryte pure n’a point une forte a&ion fur Y iv 544 Élêmens le foufre , lorfqu’on la fait chaufer dans l’eau avec ce corps combuftible ; il en réfulte une liqueur foiblement fwlfurée ou hépatique; mais elle s’y combine beaucoup plus intimement par la voie sèche ; c’eft pour cela que lorfqu’on chauffe fortement dans un creufet un mélange de huit parties de fulfate barytique en poudre avec une partie de charbon , on obtient une maffe un peu cohérente fans fufion, quifediffout promptement dans l’eau chaude , &qui a l’odeur & tous les caraélères hépatiques, La diffolution eft de couleur jaune , dorée ou orangée ; j’ai découvert qu’elle criftallife par le refroidiffe- ment ; le fui fur e barytique ainfi criftallifé eft d’un blanc un peu jaune; il fe décompofe à l’air, il en attire l’humidité, fa couleur fe fonce; il s’en précipite du foufre , & il s’y reforme du ful- fate de baryte. Ce fulfure laiffe échapper par les acides qui le précipitent un fluide élaftique connu fous le ncm de gaz hydrogène fulfuré , déjà indi- qué, &c dont nous examinerons plus bas les pro- priétés particulières. Lorfqu’on précipite le ful- fure barytique par l’acide fulfurique , il fepréci- p te du foufre & du fulfate de baryte ; en fe fer- vant d'acide nitrique & d’acide muriatique ,1e ni- trate &: le muriate barytique reftent en diffolu- tion , Sc le foufre feul fe dépofe. Le foufre s’unit à la magncfia pure à l’aide b’Hist. Nat. et de Chimie. 345 de la chaleur ; pour faire cette combinaifon, on prend ordinairement le fel neutre que nous avons appelle carbonate de magnéfie , comme plus fo- luble dans l’eau. On en met une pincée avec un pareil volume de fleurs de foufre dans une bou- teille pleine d’eau diflillée ; on expofe ce vaiffeau vide d’air & bien bouché à la chaleur d’un bain- marie pendant plufieurs heures ; alors on filtre l’eau; elle a une odeur fétide d’oeufs pourris; elle colore fortement les difïolutions métalliques ; elle fournit par une évaporation fpontanée de petites aiguilles criflallines ; c’efl en un mot un véritable fulfure magnéfien ; la magnéfie peut en être précipitée par l’un ou l’autre des alcalis fixes qui ont plus d’affinité quelle avec le foufre. Quant à ce corps combufiible , fa préfence y efl facilement démontrée par les acides qui le féparent fous la forme d’une poudre blanche. Telle étoit l’efpèce de foie de foufre que le Roi, médecin de Montpellier, faifoit aifloudre dans l’eau pure pour imiter les eaux minérales fulfureufes; mais l’on fait aujourd’hui que la plu- part de ces eaux ne contiennent pas de véritable fulfure, & font minéralifées par le gaz hydro- gène fulfuré. La chaux s’unit beaucoup plus promptement & avec bien plus de vivacité au foufre , que les deux fubdances faîino-terreufes précédentes. Si 346 É L t M E N s l’on vcrfe peu-à peu de l’eau fur un mélange de chaux vive & de foufre en poudre, la cha- leur dégagée par l’a&ion de Peau fur la chaux fuffîr pour favorifer la combinalfon entre cette dernière le foufre> Si l’on ajoute de l’eau , elle p-end une couleur rougeâtre & une odeur fétide ; elle tient en diffolution du foufre com- biné avec la chaux. Ce fulfure calcaire ne fe prépare bien que par la voie humide ; fouvent lorfque la chaux n’eft pas très-vive & ne s’é- chauffe pas beaucoup avec l’eau , l’on eft obligé d'aider la combinalfon par un feu doux. Ce compofé eft d’un rouge plus ou moins foncé* fuivant la caufticité de la chaux ; j’ai oblervé que lorfqu’il eft fort chargé , il dépofe par le refroidiffement une couche de petits eriftaux aiguillés, d’un jaune orangé, difpofés en houp- pes, & qui m’ont paru être des prifmes tétraèdres comprimés , terminés par des fommets dièdres. Ces eriftaux perdent peu à-peu leur couleur à Pair , & deviennent blancs & opaques , fans éprouver d’altération dans leur forme. Le fui- fure calcaire , hume&é d’un peu d’eau & diftillé à l’appareil pneumato-chimique , fe décompofe en partie , & donne une grande quantité de gaz hydrogène fulfuré. Si on l’évapore à ficcité , & fi on le calcine dans un creufet à l’air jufqu’à ce qu’il ne fume plus , il ne refte , après cette opé- r d’Hist. Nat. et de Chimie. 547 ration, que du fulfate calcaire formé par la chaux & l’acide fulfurique dû à la combuflion lente du foiifre. Le fulfure calcaire s’altere tiès- promptement à l’air ; il perd fon odeur & fa couleur à mefure que fon gaz fe diffipe. Diffous dans une grande quantité d’eau , ii éprouve la meme altération , fur- tout lorfqu’il efl agite , comme l’a fait obfirver M. Monnet dans fon Iraitédes Eaux Minérales : il ne refte apres ces altérations que du fulfate calcaire, Conierve dans des boureil'es en partie vides , il dépofe fur les parois un enduit noirâtre , & ii fe forme des croûtes ou pellicules qui tombent au fond de la liqueur. Si le vafe qui le contient efl bien fermé, il fe conferve long-temps fans altération , comme je l’ai obfervé bien des fois dans mon laboratoire. J’en ai eu qui étoit préparé depuis 15 ans i il confervoit encore beaucoup de couleur & d’odeur ; il précipitoit abondamment par les acides. Le fulfure calcaire efl décom- pofi par les alcalis fixes purs qui ont plus d’affinité avec le foufre que n’en a la chaux. Les acides en précipitent le foufre fous la forme d’une poudre blanche très tenue , à la- quelle on a donné le nom de magïjtcr de foufre. L’acide carbonique opère cette précipitation de même que les autres. On ne connoît point l’aclion des. fels neutres fur le fulfure calcaire. 43 ^ Élémens Les deux alcalis fixes purs ou cauftiques ont unea&ion très-marquée fur le foufre. Ils forment les véritables fulfures , ceux qui font le moins décompofables , & les plus permanens. J’ai dé- couvert que les alcalis fixes fecs bien cauftlques agiffent même à froid fur le foufre ; il fufiit pour cela de triturer dans un mortier de la potafie ou de la foude folides avec du foufre en poudre ; l’humidité de l’air attirée par l’alcali favorife la réa&ion de ce fel furie foufre; le mélange le ramollit, fe colore en jaune , exhale une odeur fétide & forme un fulfure; mais lorlqu’on le dif— fout dans l’eau, cette diffolution n’a qu’une cou- leur jaune pâle , & ne contient pas une suffi gran- de quantité de foufre que le même fulfure pré- paré à l’aide de la chaleur. On fait le fulfure alcalin de deux manières dans les laboratoires , ou par la voie scche ou par la voie humide. Pour exécuter le premier procédé , on met dans un crcufet partie égale de potaffe ou de fonde pures & folides, 6c de foufre en poudre ; on fait chauffer ce mélange jufqu’à ce qu’il foir entièrement fondu ; on le coule alors fur une plaque de marbre , & quand il efi refroidi , il eft d’une couleur rouge foncée femblable à celle du foie des animaux. M. Gengembre qui a lu à l’académie de très-bonnes recherches fur le g-^z hydrogène fulfuré , a fait une cbfervation / d’Hist. Nat. et de Chimie.' 349 effentiellefur le fulfure alcalin préparé par la voie scche; c’eft que ce compofé n’a point de fétidité , & n’exhale point de gaz hydrogène fulfuré tant qu’il eft fec ; il faut qu’il ait attiré l’humidité de l’air , ou qu’on le diffolve dans l’eau , pour que fon odeur fe développe , ce qui prouve que le dégagement du gaz fétide eft opéré par l’eau , comme nous le dirons plus en détail. Les deux alcalis fixes purs & cauftiques agiffent abfolu- ment de la même manière fur le foufre, & le diffolvent également par la voie sèche. Ces combinaifons des alcalis cauftiques avec le foufre n’ont été que peu examinées ; on a prefque toujours fait le fulfure alcalin avec les alcalis fixes faturés d’acide carbonique. H y a cepen- dant des différences notables entre ces deux efpèces de fulfures. D’abord ceux que l’on fait avec les alcalis fixes effervefcens demandent plus de tems pour leur préparation , parce que ces fels font beaucoup moins aftifs. Mais la plus importante différence que nous avons eu occa- fion d’obferver entre les fulfures alcalins cauf- tiques ou non cauftiques faits par la voie sèche, c’eft l’état de leur faturation comparée. En effet , les premiers font plus bruns , plus fétides lorf- qu’on les diftout , & le gaz qu’ils donnent eft: beaucoup plus inflammable que celui des féconds. Ces derniers font d’une couleur plus 3 lève Tes propriétés métalliques , & elle ne peut les recouvrer que iorfqu’elle en eft féparée. Cette matière, que l’on nomme le minèralifateur , eft ou du foufre , ou un autre métal. Quelques chi» milles affiirent même que le foufre eft le mini- ralifateur le plus commun. Il eft uni à l’argent dans la mine d’argent vitreufe ; celles de cuivre contiennent prefque toujours une très -grande quantité de foufre ; le fer eft combiné avec ce minéral dans la pyrite martiale , le plomb dans la galène , le mercure dans le cinabre , le zinc dans la blende ; enfin , on trouve quelquefois le bifmuth & fouvent Farfenic unis au foufre. Il eft bon d’obferver que les métaux n’ont pas tous la même affinité avec le foufre. Il en eft qui en contiennent beaucoup 6c qui le perdent aifé- ment; leur état métallique en paroît peu altéré; tels font le cuivre , le plomb , l’antimoine ; d’au- tres en contiennent très-peu , mais ce foufre leur eft très - adhérent , 6c quoiqu’il foit en petite quantité , il fait difparoître prefque toutes les qualités métalliques ; c’eft ce qu’on obfervc à l’égard du cinabre. 384 É L É M E N S Les métaux peuvent fe trouver alliés avec d’autres métaux, mais c’efl particulièrement l’ar- fenic qui les minéralife. On trouve le fer, l’étain, le cobalt , iouvent unis à l’arfenic ; quelquefois le métal eft uni en même-temps à l’arfenic 6c au foufre, comme dans la mine d’antimoine rcuge , dans l’argent rouge ; enfin , il y a des mines mé- talliques compofées de plufieurs métaux 6c de plusieurs fubflances minéralifantes , ainfi que la mine de cuivre grife, la mine d’argent grife &C quelques autres. Le quatrième état que les métaux préfentent dans l’intérieur de la terre efl; leur combinaifon avec des fubflances falines, & prefque toujours avec des acides. L’acide fulfurique s’y trouve combiné très-fréquemment ; les oxides de zinc , de plomb , de cuivre , de fer , font fouvent dans l’état de fulfates ; l’acide carbonique efl un des minéralifateurs les plus communs des métaux; les acides muriatique , arfenique 6c phofphorique y ont aufli été démontrés depuis quelques années. Les fubflances métalliques font bien moins abondantes dans le globe terreflre que les ma- tières pierreufes. Elles forment dans les monta- gnes des veines ou filons qui coupent plus ou moins obliquement les couches de terrés 6c de pierres, c’efl; l’état le plus ordinaire des métaux jninéralifés. d’Hist. Nat. et de Chimie. 385 tïïinéralifés. Ceux qui iont dans l’état d oxides • ou de fels fe trouvent fouvtmt par mailes que l’eau a tranfportées 6c quelquefois criftallifées ; on rencontre aufti plufieurs mines métalliques en tas informes : e-ies doivent alors leur for- mation à quelques accidens particuliers* Les filons métalliques font accompagnés de matières pierreufes qui femblent avoir été for- mées en même - temps quVox. C s pierres font ordinairement du. quartz & du fpath * elles for- ment deux couches ; l’une ,'fur laquelle pofe la mine, fe nomme lit ou fol ; l’autre qui la re- couvre eft le toit. Ces pierres conflituent ce qu’on appelle la gangue ou matrice de la mine à qui ne doit pas être confondue avec le miné- ralifateur ; car celui - ci eft combiné avec le métal, de manière qu’il ne pe u en être iëparé que par des procédés chimiques , tandis que la gangue peut en être féparée psf des moyens méchaniques j il ne faut pas non obis confondre ia gangue qui eft formée de pierres criftallifées > avec la roche qui forme la mafle des monta- gnes, dans lefquelles fe trouvent les filons mé- talliques. Ces derniers fe divif nt en riches oü pauvres , en filons capitaux ou veinules , en filons de vrais cours qui fe continuent drtns la meme dire&ion , ou filons rebelles qui fe détournent & font interrompus dans leur continuité. J ome H, B b 3$é ÊL É ME NS Les mines métalliques paroiffent toutes devoir leur formation à l’eau ; en effet , la plupart fe trouvent criftallifées ou mêlées à des fubftances que le feun’auroit pas manqué d’altérer , comme les pierres calcaires & le loutre ; &: Ton ren- contre p3rmi elles des corps qui ont confervé l'organifation végétale ou animale , organifation que le feu n’auroit pas refpe&ée ; il y a peut- être quelques mines métalliques qui ont été for- mées par le feu ; telle paroît être la mine de fer fpéculaire du Mont-d’Or en Auvergne , celle de file d’Elbe ; niais ces cas font rares. Les mines fe trouvent plus communément dans les montagnes que dans les plaines , 8c prefque toujours dans celles qui forment des chaînes continues. On obferve que les plantes qui croiflent à la furface des montagnes qui renferment ces matières, font arides ; les arbres y tort tortueux , & ont un. mauvais port ; la neige y fond prefque aufii - tôt qu’elle y tom- be , les fables offrant fouvent des couleurs mé- talliques. On trouv, dans le voif nage, des four- ces d’eaux minérales métalliques ; l’examen de ces eaux & des fables qu’elles charient, four- ni fient de très-bons indices de la préfence des matières métalliques qui les avoifinent. Lorf- qn’on voit paroître à la furface de la terre quelques veines métalliques, ces indices doivent d’Hist. Nat. et de Chimie. 387 fuffire pour taire fonder le lerrcin ; la fonde rapportant les fubftdnces qui compofent l’in- térieur de la montagne avec la matière miné- rale métallique, lert à faire connaître quelle eft la nature de cette fubflance , tk. la réfiftance qu’on doit at endre du terrein, §. III. De l'art cPejJayer les mines , ou de la Docimasie. Lorfqu’on a reti é une certaine quantité de mine, il convient d’en faire l’effai pour en con- noître exd&ement la nature & le produit. Ces eftais forment une des parties les plus impor- tantes de la chimie, à laquel'e on a douné.le nom de docimajie. l’s doivent être variés fuivant la nature de chaque mine ; cependant il eft certains procédés généraux qu’il con\ient de fuivre dans tous les effais. On prend des échantillons de mine qu’on choi- ftt parmi les plus riches, les plus pauvres, $£ ceux d’une richefle moyenne, cette opération s’appelle lotir les mines ;\e lonflageeft indftpenfable , parce que fi on ne tentoit que l’effdi d’un échantillon ri- che, on pourron concevoir des efpérances trop flatteufes; fi on n’efiayoit que des échantillons très-pauvres , on tomberoit dans le décourage- ment. Les mines étant loties » il faut les piler exac? bo xj 388 Élemehs tement , & enfuite les laver à grande eau* €e fluide emporte la gangue réduite en poudre ; le minerai , comme plus pefant , refte au fond du vafe où fe fait le lavage. La mine lavée doit être enfuite grillée avec loin pour enlever par la fu- jblimation la plus grande quantité poffible du mi- néralifateur ; on doit faire le grillage dans une petite écuelle de terre , couverte d’un vaiffeau femblable. Cette précaution eft néceflaire, parce que certaines mines pétillent au feu & fautent hors delà capfule dans laquelle on les grille ; cet accident eft capable de rendre le réfultat incer- tain. Comme ce grillage fait en plein air lailfe ordinairement le métal dans l’état d’oxide, & peut même en faire perdre une partie li le métal que l’on eflaie eft volatil, nous préférons de griller les mines dans une cornue degrés. Cette opéra- tion , quoique plus longue & plus difficile , a l’a- vantage de faire connoître la nature & la quantité du minéralifateur , & de donner une analyfe beaucoup plus exafte du minéral dont on fait l’eftai. Lorfqne la mine a été tenue rouge pendant quelque temps , &: qu’il ne s’en exhaie aucune vapeur , le grillage eft fini. Comme on a pefé la mine avant & après le lavage pour déter- miner la quantité de gangue qu’elle conte- noit , ©n la pèfe de nouveau après le grillage. d’Hist. Nat. et ce Chimie. 385» pour favoir combien elle a perdu par cette opération. La mine grillée doit être fondue; à cet effet on la mêle avec trois parties de flux noir & un peu de muriate de fonde décrépité , on la met dans un creufet fermé de fon couvercle, on place ce creu- fet dans un bon fourneau de fufion. L’alcali du flux noirfond le métal, &abforbe laponion de minéra- lifateur qui refie dans lamine. Le charbon du tar- tre qui fe trouve dans le flux noir, fert à réduire l’oxide du métal en abforbant fon oxigène ; le mu- riate de fonde empêche que le mélange ne fou.ffre de déperdition pendant la fufion, parce que ce fel fondu étant plus léger que les autres matières , oc- cupe toujours la partie fupérieure du creufet, re- couvre le mélange & fupporte feul le décher. La fufion étant achevée , il faut laiffer refroi- dir très-lentement le creufet; on s’apperçoit que la matière a été bien fondue, lorfque le métal eft raffemblé en un feul culot convexe à fa fuper- fcie, qu’il ne fe trouve aucun grain dans les fcories , & que ces fcories elles-mêmes font en une maffe vitreufe , compare & uniforme, cou- verte d’une couche de fel marin fondu. On pèfe exactement le culot métallique, & on connoît en quelle proportion le métal fe trouve dans la mine que l’on a effayée. B b iij 39<> fe L É M É N S I! efî des rrines qui font plus Jures & plutf réfra&aires ; a’or.s on a: ru te des fondons p'us aclif.s ôc ii pK s grande quantité, comme le bo- rax , le verre pilé , 1ef a c b fxes , &rc. Il arrive foir e :t que le meme mi érai contient des mé- taux parlai s avec des métaux imparfaits; on les fép re en chauffmt avec le contact de l'air le Culot métallique. Le métal imparfait s’oxiJe & fe diflïpe , le métal parfait refie pur *, cette opération fe romme en général ûflîjage. Le métal parfait qu’on obtient par ce procédé eft prefque toujours un mélange d’or & d’argent. On fépare ces deux métaux par le moyen d’un didolvant oui s’empare de l’argent & laide l’or intaét; cette opération fe nomme dipart. Le réfîdusque tous ces procédés fourniflent , doivent être pefés avec la balance d’efîai. Ce travail, quelqu’exaét qu'il paroifTe , efb fouvenr moins utile pour guider dans l’exploita- tion d’une mine , que ne feroit un efTai plus grof- fer; parce que , dans les travaux en grand, on n’emploie pas des matériaux auffi chers , & que d’ailleurs on n’opère pas avec autant de précau- tion ; il faut donc effayer de fondre la mine à travers les charbons dar s un fourneau de fufion. Les charbons réduifent l’oxide métallique; l’al- càli fixe qui fe produit dans leur combuilion. -î r d’Hist. Nat. et de Chimie. 391 abforbe une portion de la fubftance qui miné» ralife le métal. Il faut quelquefois ajouter un peu de limaille ou de fcories de fer , ou du fiel de verre pour faciliter la ftifton des mines très-réfra&aires. Il efl une forte d’eflai par la voie humide qui peut fe pratique»" lorfqu’on veut connoître les métaux conterais dans des échantillons de mines qu'on fe propofe de conferver dans des cabinets d’hilfoire naturelle. On prend un petit morceau de l’échantillon, on le fait digérer dans des acides qui diffolver.t le métal &C en féparent le minérali- fatetir ; le tel oui réfuhe de l’union du métal à l’a- v t eide fait connoître la qualité de ce métal ; mais ceteffaine peut pas avoir lieu pour toutes fortes de mines, parce qu’elles ne font pas toutes fuf- cepîibles d’être attaquées par les acides. Bergman a donné fur la docirnafie humide une très-bonne dlffertation qu’on pourra confulter avec fruit. A IV. De L'art d'extraire & de purifier en grand les métaux , ou delà MÉTALLURGIE. Lorfqu’on s’efr allure, par un efTal convenable , que la mine peut être exploitée utilement , on y procède de la manière fuivante. On creufe un puits carré perpendiculaire , allez large pour y placer des échelles droites, à l’aide defqueîles Bb iv l / J92 E L É M F. N s les ouvriers piaffent descendre & monter. Ordi- nairement on pofe fur ces puits des treuils pour tirer les îceaux charbés de minerai ; quelquefois auffi on y rr.ei des pompes pour puifer l’eau qui s’y raffen bie. Si la mine eff trop profonde pour qu’un feul puits conclmie au fol du filon , on pra- tique ur>e gaieriehori.cn le, au bout de laquelle on çreufe un nouveau puits, & ainfi de fuite j juf- qu’à ce qu’on fort parvenu au fond de lamine. Si ;a roche dans iacue e on creuieeft fort dure Cdpab e de fe fourenir d’e’le-même , la mine n’a pas befoin d’être étayée ; mais fi on travaille dans des roches tendres ou dans des terres qui peuvent s’ébouler , on eff obligé d’érançonner les galeries &l de garnir les puits de pièces de charpente qu’cn recouvre de p'anches dans tout le pourtour. Il eff effentiel de renouveller l’air dans les mines ; lorsqu’il efl poffible de creufer une galerie, qui du bas des puits réponde dans la plaine, le courant d’air s’établit aifément; quand cela ne fe peut pas , on creufe un puits qui aboutit à l’ex'rêmité de la galerie oppolée à celle où fe trouve le premier. Lorfque l’un des deux puits eff plus bas que l’autre , l’air circule trcs-aifément; mais fi les deux puits font de hauteur égale , le courant d’air ne faurok. d’Hist. Nat. et de Chimie^ 39$’ s’établir : dans ce dernier cas on allume du feu dans un fourneau, au-deffus de 1 un des puits ; & l’air , forcé de traverfer les matières combuflibles, fe renouvelle continuellement dans la galerie. L’eau efl encore un inconvénient très - grand dans les mines ; fi elle fort peu-à-peu entre les terres, on tâche de lui ménager une iffue dans !a plaine , & de là dans la rivière la plus voifine , à l’aide d’une galerie de percement. Si elle fe ra- maffe en plus grande quantité , on tire l’eau à l’aide des pompes. Quelquefois en perçant la roche il en fort une quantilé d’eau énorme, 5c ca- pable de remplir à l’inffant toutes les galeries ^ les ouvriers en font avertis par le retentiffement qu’ils entendent en frappant la roche ; alors ils érabliilent uneportedans une des galeries, cette porte peut fe fermer par un valet ; un ouvrier perce la roche pour donner iffue à l’eau , & fe retire en fermant la porte fur lui ; il a le temps de s’éloigner avant que l’eau puiffe gagner. Il s’élève dans les fouterreins des mines des vapeurs d’acide carbonique de gaz hydrogène, dégagées ou formées par la réaâion des ma- tières minérales 3z métalliques les unes fur les autres. Souvent aufîi les feux que les ouvriers font obligés d’allumer dans le deffein d’attendrir 394 Elémens la roche , favorifent le dégagement de ces gaz ; dont les dangereux effets ne peuvent être préve- nus que par les courans d’air rapides , ou par la détonation. Le minéral tiré de la terre eft enfuite pilé , lavé, grillé , fondu & affiné. On pile la mine fous de gros pilons mus par un courant d’eau ; les pilons fe nomment bocatds ; la mine pilée eft lavée fur des tables inclinées , de forte que l’eau s’écoule & emporte la gangue. Les mines qui con- tiennent beaucoup de foufre , doivent être gril- lées à l’air ; celles qui en contiennent peu , doi- vent l’être dans des fourneaux qui fervent enfuite à les fondre } quelques mines fe fondent feules , d’autres veulent être fondues à travers les char- bons , & avec différens fondans. Les fourneaux d.e fufon diffèrent fuivant les pays &: la qualité plus ou moins réfraftaire de la mine. Ceux qui fervent à l’affinage , ne font pas effeniiellement différens des premiers. Quelquefois même ces deux opérations fe font dans un feul fourneau. Lorfqu’on a ainfi réduit les métaux , ils font prefque toujours unis plufieurs enfemble ; on a alors recours pour les féparer , à des procédés entièrement chimiques , & que nous ferons con- noître à l’article de chaque métal. d ni st. Nat. et de Chimie. 595 f* §. V. Dis propretés chimiques des jubjlances métalliques» Toutes les propriétés chimiques des fubf- tances métalliques fen bl nt d montrer que ces matières font fimp'cs, & qu’on ne peut les dé- compofer Les altérations qu’ lies éprouvent de la part de la chaleur, de l’air & des fubftances fa ines, font toujours dues, comme on le verra , à des combinaifons , & pas une de ces a'térations ne peut être comparée à une analyie, ainfi que nous al onsle faire voir par l’cxpofition détaillée des phénomènes qu’elles préfentent. La lumière paroît a’té^er la couleur & le brillant de quelques fubflances métalliques. Bien enfermées dans des vaifleaux tranfparens , quelques unes s’y terniffent , prennent une cou- leur changeante , qui fait difparoître peu-à-peu leur brillant. On n’a pas fuivi plus loin cette ef- pèce d’altérat on. Le caloriqne ne leur fait éprouver que quel- ques changemens d’aggrégation , & cela avec plus ou moins de facilité & de prompî'tude. Toutes les fubflances métalliques , chauffées dans des vaifleaux bien fermés , fe fondent les unes bien avant de rougir , d’autres dans l’inftant qu’elles rougiflent , d’autres long- tems après qu’elles 39& * Elémens ont rougi. Il y a autant de degrés dans la f Ha- bilité de ces matières , qu’il y a d’efpèces de métaux. Si on les ^iffe refroidir lorfqu’ils ont été fondus ils crifiallifent ; fi on les pouffe à un feu violent , ils bouillent à la manière des fluides, 6c fe réduiféht en vapeurs. Ilyalong- tems qu’on connoiffoit ces propriétés dans le mercure ; les orfèvres voyent fouvent bouillir l’or & l’argent en fufion. Buffon avoit obfervé qn’en expofant des plats d’argent au foyer d’un grand miroir concave , il s’élevoit une fumée blanche de la furface des plats. MM. Macquer &: Lavoifier ayant mis de l’argent de coupelle au foyer de la lentille de Tfchirnaufen , virent ce métal s’exhaler en fumée ; une lame d’or expofée à cette fumée fut parfaitement argen- tée. L’or mis au même foyer donna également des fumées qui dorèrent parfaitement une lame d’argent qu’on y expofa. Les cheminées des orfè- vres &c des effayeurs font remplies d’or & d’argent fublimés. Le cuivre, l’étain, le plomb, le zinc, l’antimoine , le bifmuth 6c l’arfenicfe vo- latilifent affez facilement. Tous les méraux fondus paroiffent convexes à leur furface, & lorsqu’ils font en très-petites maffes , ils forment des fphères parfaites ; cec effet dépend de la force d’aggrégation qui fait î d’Hist, Nat. et de Chimie. 397 rapprocher les partie, métalliques les unes vers les autres, & de leur peu de tendance à la com- binaifon avec le corps fur lequel elles pofênt. Cette propriété eft générale dans tous les fluides, & on peut l’obferver dans l’huile à l’égard de l’eau , & dans l’eau à l’égard des corps gras. Les métaux expofés à TaéHort du calorique avec lecontaûde l’air y éprouvent des altérations affez fenfibles , les uns plutôt , les autres plus tard : ceux qui ne font point fenfiblement altérés , fe nomment métaux parfaits ; on appelle métaux imparfaits , ceux qui perdent entièrement leurs propriétés métalliques par ce procédé. Cette altération des matières métalliques , que nous nommons oxidaùoti , eft une véritable combuftion ; elle ne peut fe faire qu’avec le fecours de l’air „ comme celle de toutes les fubftances combuûibles ; & lorfqu’elle a eu lieu quelque tems dans une certaine quantité d’air , elle ne peut plus s’y continuer à moins que l’air ne foit renouvellé. Cet air dans lequel les métaux ont brûlé , eft devenu méphitique. La combuftion des fubftances métalliques eft ac- compagnée d’une flamme plus ou moins vive, cette flamme eft très - fenfible dans le zinc / * l’arfenic , le fer, l’or, l’argent; elle l’eft même dans le plomb , l’étain , l’antimoine } qui font 3ç>8 Élémens choutfcs fortement. Les métaux perdent en brû- lant leurs pn;pr étés métalliques d’u ie manière d’autant plus marquée, qu’i'.s ont été expolés à 1’ ét on du f u & au conraél de i’air pendant lin itms plus ’o g ; quelques uns femblent alors fe rapprocher à l’extérieur du car.Ctere des ma- tières terreufes ; auffi leur a t-on donné , dans cet éî^t , le nom de terres ou de chaux métalliques. On doit préféré, à ce nom celui d’oxi les mé- talliques, parce ou’il tfl démontré aujourd’hui ' r que ces métaux b'û'ésne font j-oint des terres comme on le croyoit il y a quelques années ; mais des combinailbns avec l’oxigène. Les oxides métalliques n’ont plus 7e bri 1 ant & la fufib Lié des métaux , i's n’ont p’us du tout J’c/ffinité avec ces corps , pas môme avec ceux qui ont tervià les faire. Si on les pouffe au feu , ils (e voLtiiifent ou fe fondent en verres. Ces derniers font d’au- tant plus tranfparens &L d’autant plus difïicil s à fondre, que b s métaux ont éecxidés, ou qu’ils contiennent plus d’ox'gène. les oxides métalli- ques s’unifient aux matières faiinesdc rerreufes. Plufieurs d’entr’eux o u les caractères de matières falines, L’arienic Lien oxidé devien un acide par- ticulier , dont les propriétés ont été examiné, s par Schéele 6t Eergman. RoiieUe a reconnu que l’oxided’antimoine fe diffout dans l’eau commç le fait i’arfenic. r d’Hist. Nat. et de Chimie* $9? Quelques oxides métalliques expofésà l’aftion du feu , fe réduisent en métaux &" fourniffent en fe réduiiant un fluide aériforme qui efl de l’air vital très-pur. C’efl àM. Bayen que l’on doit les premières connoiffances fur cet objet. Il a ob- fervé que les oxides de mercure chauffés dans des vaiffeaux fermés donnoient beaucoup d’air , & qu’ils fe réduifoient en mercure coulant. M* Prieftley 3 ayant examiné cet air , vit qu’il étoit beaucoup meilleur que l’air atmofphérique ; & ic’eft à cette découverte que l’on doit fixer l’é- poque de la connoiffance exa&e que nous avons aujourd’hui fur la calcination des métaux. Reve- nons un moment fur les phénomènes de cette opération. Un métal ne fe calcine jamais que lorf- qu’il a un contaél avec l’air ; plus ce corïtaél eft i multiplié , plus le métal fe calcine ; une quantité donnée d’air ne peut fervir à calciner qu’une quantité donnée de métal , comme l’a ingénieu- fement démontré M. Lavoifier en calcinant du plomb , k l’aide d’un miroir de réflexion, dans une cloche qui contenoit un volume connu d’air. Le métal en fe calcinant . abforbe une portion de l’air qui l’environne, puifque le mercure au-def- fus duquel on calcine un métal fous une cloche, remonte dans ce vaiffeau à mefure aue la calci- 1 nation avance. C’cfl à cet oxigène abforbé que S4©0 Ê L É M E N S les oxides métalliques doivent la pefânteüf qu’ils ont acquiiè clans la calcination , puifque quand on l’extrait des oxides de mercure , ils perdent en » revenant à l’état métallique cet excès de poids que Ton retrouve exactement dans l’air vital qu’elles 'fourni fient à l’aide de la diftillation. Il paroît démontré , d’après tous ces phénomènes , que la calcination n’efl autre choie que la combi- na.'fon du métal avec la bafe de l’air pur ou l’oxi- gène contenu dans l’atmofphère. Cette combi- nation fe fait fouvent par le ieul contaft de l’air & de l’eau , dans les métaux qui font fufcepti- blesde fe rouiller. Si l’on a befoinde faire chauf- fer'a p1up rr des métaux pour les oxider , c’eft que la chaleur, en diminuant la force d’iggréga- tiondes molécules de ces corps pour elle - même, augmente eri même proportion la force d’affinité ou de combinailon , & favorife ainfi celle que l’on veut opérer entre l’oxigène & le métal. La chaleur n’ell donc , dans cette opération , qu’un auxiliaire comme dans beaucoup de diiTolutions. L’air qui a lervi à oxider un métal ne peut plus entretenir la combuftion , parce qu’il eft privé de la portion d’air vital qu’il cpntenoit , & qui feule peut donner lieu à !a combufïion & à la vie. Plus le fluide attnofphérique contient de cet air vital , plus il eft propre à oxider promp- tement D’HiSTo NAT. ET DE CHIMIE. 401] bernent une quantité donnée de métal. J’ai bien des fois obfer-vé qu’on peut faire une beaucoup pins grande quantité ü’oxide métallique de plomb , de bifmuth , &c en plongeant ces mé- taux fondus dans une cloche pleine d’air vital, qu’on n’en feroit dans le même temps au milieu de l’air atmofphérique. Tous ces faits , & un grand nombre d’autres, que l’on trouvera dans, 1’hiftoire particulière de chaque métal, font bien propres à démontrer qu’un oxide métallique n’eft autre chofe qu’une combinaifon chimique du métal & de l’oxigène atmofphérique , que la calcination n’eff que l’a de même de cette com- binaifon, Si que l’air vital étant fixé dans cette opération , il ne refie plus que le gaz azote qui fai Toit partie de l’atmofphère. La rédudion des oxides métalliques, à l’aide des matières combuflibles , éclaire encore cette théorie, & lui donne de nouvelles forces. On efl fouvent obligé , lorfqu’on veut réduire un oxide métallique en métal, de le faire chauffer, dans des vaiffeaux fermés avec une matière combuftible , comme avec des graiffes , des huiles, du charbon, Sic. Dans tous ces cas on décompofe l’oxide métallique , en lui enlevant foxigène qui le conftituoit tel. Pour bien en- tenclie ce qui fe paffe dans cette opération, il faut concevoir, i°, que les métaux ne font pas J ome II. Ce v 402 Ê L É M E N S les corps les plus combuftibles de la nature, ou^ ce qui eft la même chofe, que les métaux n’ont pas avec l’oxigène la plus grande affinité poffi- ble; 2°. que les matières combuftibles animales ou végétales ont plus d’affinité avec cet oxi- gère que n’en ont les fubftances métalliques ; 30. qu’en conféquence , lorfqu’on réduit un oxide métallique à l’aide du charbon, ce der- nier étant plus combuftible que le métal, ou ayant plus d’affinité que lui avec l’oxigène , s’en empare & décompofe l’oxide métallique , qui paffe à l’état du métal. Auffi ces fortes d’opéra- tions ne réuffifTent-elles bien que dans des vaif- feaux fermés, parce que la matière combuftible, n’ayant pas de conta# avec l’air, eft obligée de briller à l’aide de l’oxigène de l’oxide. C’eft pour cela que la portion de carbone pure, qui s’empare de l’oxigène uni à la fubftance métal- lique , fe trouve changée en acide carbonique pendant la réduftion. En faifant l’hiftoire de la calcination métal- lique , d’après la théorie des modernes , nous devons dire un mot de la doélrine de Stahl , qui a été adoptée prefque univerfefement par tous les chimiftcs , jufqu’aux dernières décou- vertes iur l’air & fur la cembuftion. Stahl re- gardoit les fubftances métalliques comme des compofés de terres particulières ôc de phlogif- d’Hist. Nat. et de Chimie. 40$ tique. La calcination n’étoit fuivant lui que le dégagement du phlogijlique , & la réduction fer- voit à rendre aux chaux métalliques ce principe qu’elles avoient perdu dans leur calcination. On voit que cette théorie eft abfolument l’inverfe de celle des modernes, puifqu’elle annonce que les métaux font des êtres compofés , tandis que la dodrine adueile les confidère comme des corps fimples ; ils perdent, fuivant Stahl , un principe dans leur calcination , & la dodrine nouvelle prouve qu’ils fe combinent à un nou- veau corps dans cette opération ; enfin, ce grand, homme penfoin que pendant la rédudion , les oxides métalliques reprenoient le phlogifîique qui avoit été dégagé des métaux par le feu, &. les modernes ont prouvé que la rédudion n’eft qne la féparation de l’oxigène qui s’éto t combiné avec eux dans la calcination. Eflayons de démontrer , après ce léger parai* lèle de ces deux théories, à laquelle des deux le plus grand nombre des faits peut être favo- rable. Stahl , uniquement occupé à démontrer la préfence du phlogijlique dans les métaux, fem- ble avoir oublié l’influence de l’air dans la cal- cination. Beccher, Jean Rey, Boyle & plufieurs autres chimiftes avoient cependant foupçonné avant lui que cet élément jouoit le principal C c ij '404 Ê L É M E N S rôle dans ce phénomène. La théorie de Stahl ; quelque fatisfaifante qu’elle ait dû paroître juf- qu’à l’époque des nouvelles découvertes fur l’air, ne pouvoit donc pas Te trouver d’accord avec tous les faits qui démontrent la néceflité & l’ac- tion de ce fluide dans la calcination. Aufli y a- t-il plufieurs phénomènes inexplicables dans la do&rine de Stahl, &: qui même la rendoient im- parfaite. Telle eft, par exemple, la pefanteur des oxides métalliques , plus confidérable que celle des métaux avant leur calcination. On ne concevra jamais comment un corps peut aug- menter de poids en perdant une de fes parties conftituantes; & comme la pefanteur eft une des propriétés qui fert à démontrer la préfence de toute fubflance, l’explication ingénieufe que M. de Morveau a donnée dans fa diflertation fur le phlogiflique , relativement au phénomène dont il s’agit, ne peut pas entièrement fatisfaire, fur-tout depuis qu’on a reconnu l’exiftence de rair dans les oxides métalliques. Il paroît donc, d’après ces faits, que la théorie pneumatique a de grands avantages fur celle de Stahl. Macquer, guidé par cette fage retenue dont nous ne pouvons que faire l’éloge, a voit cru pouvoir allier tes décou- vertes modernes avec la coftrine du phlogi/U - que. Suivant ce célèbre chimifle , les métaux ne * d’Hist. Nat. et de Ghimie. 405 •peuvent perdre leur phlogiflique fe calciner , qu’autant que l’air pur de l’atmofphère fe préci- pite & s’unit à leur propre fubftance, en déga- geant la lumière qui leur eft unie , Sc ils ne le réduifcnt que lorfque la lumière , aidée par la chaleur, en fépare l’air pur, en prenant fa place, de forte que ces deux corps font mutuellement précipitans l’un de l’autre. Mois comme per- fonne n’a démontré encore l’identité de la lu- mière & de ce que Stahl a appellé phlogijlique , ni le principe de la lumière dans les corps com- buftiblts, l’opinion de Macquer n’eft qu’une by- pothèfe dont on peut entièrement fe palier , Sc qu’il n’eft plus permis d’admettre. Il eft donc bien démontré aujourd’hui que les oxides métalliques font des compofés des mé- taux & d’oxigène ; il feroit très-important de connoître les diverfes attractions éle&ives qui exiftcnt entre ce principe &. les fubftances mé- talliques. M. Lavoifier s’eft déjà occupé de ce travail intérelfant j mais fes expériences ne font point encore allez multipliées , 5c leur réfultat n’eft point affez exaû, pour qu’il foit polîible de traiter ici cet objet avec les détails qu’il exi- geroit. , Les fubftances métalliques s’altèrent à l’air *, Jeur furfdce fe ternit , quelques-unes fe couvrent C c iij 40 6 É L É M E N S de rouille. Les chimiftes ont regardé la rouille comme un oxide métallique. Nous aurons occa- fion de revenir plufieurs fois fur cet objet , & de faire voir que l’eau en vapeurs oxide plufieurs fubflances métalliques , & que l’acide carboni- que contenu dans l’atmofphère s’y unit après leur calcination. L’eau diflout certains métaux ; elle n’a aucune aftion fur quelques autres ; lorfqu’tlle eft en vapeurs, elle favorife finguüèrement la produc- tion de la rouille fur ceux qui en font fufcep- tibles;on fait, d’après les nouvelles découvertes de M. Lavoifier , qu’elle oxide avec beaucoup d’énergie ceux des métaux qui font les plus com- buffibles , comme le zinc &z le fer , Sc qu’elle fe dicompofe en oxigène , qui s’unit à ces métaux, ÔC en hydrogène qui fe dégage uni à une très- grande quantité de calorique , & conféqiiem- ment fous la forme de gaz très-léger. Les mat ères térreüfes ne paroiffent avoir au- cune aftion fur les fubflances métalliques ; mais elles s’uniffent avec leurs oxides par ia fu fi on. On ne connoît pas du tout l’aéiion des ma- tières faüno-terreufes fur ces fubflances. Les akedis en diflfolvent quelques-unes, & n’agiffent que foiblement fur la plupart d’en- tr’elles. Il paroît que l’eau ou le contâél de l’at- : d’Hist. Nat. et de Chimie. 407 mofphère contribuent beaucoup à l’oxidation de plufieurs métaux opérée à l’aide des alcalis. Les acides altèrent beaucoup plus ces fubf- îances& les diffolvent plus ou moins facilement. L’acide fulfurique produit alors ou du gaz hy- drogène, ou du gaz fulfureux, fuivant qu’il eft uni à l’eau ou concentré ; dans le premier cas , c’eft l’eau qui fe décompofe,,& qui en donnant fon oxigène aux métaux produit le gaz hydro- gène ; dans le fécond, l’acide lpi-même effc dé- compofé , & fon oxigène propre en fe fixant en partie dans les fubftances métalliques laiffe le foufre encore uni à une portion de ce principe,. & conféquemment dans l’état de gaz acide fuL fureux. L’acide fulfurique faturé des oxides mé- talliques dans l’une & l’autre de ces circonf- tances forme des fulfates appellés autrefois vi- triols , qui doivent être regardés,, lorfqu’ils font criftallifés, comme des compofés de quatre corps favoir des métaux, d’oxigène ,, d’acide, fulfurique & d’eau. Ces fulfates métalliques font plus ou moins colorés, criftaIlifab!es,folubles dans l’eau,, décompofables par la chaleur, par l’air vital dont ils abforbent l’oxigène , par les alcalis qui fépa» rent les oxides métalliques , Sec. L’acide nitrique paroît agir fur les métaux avec plus de rapidité que l’acide fulfurique, quoi- C c iv / 4°S É l É M E N S qu’il y adhère en général beaucoup moins. Il fo dégage, pendant. fon aPion fur ces fubftances , line grande quantité de gaz nitreux ; le métal fe trouve plus ou moins oxidé ; il fe précipite, ou bien il rtfie uni à cet acide. Srahl artribuoit cet effet au dégagement du phlogiflique des métaux. Les chimifles modernes penfent aujourd’nui qu’il c-fl dit à la clécompofuion de l’acide nit ri— ' que & à la féparation d’une partie de i’oxigène d’avec l’azote, qui forment, comme nous l’a- vons expofé ailleurs, les deux principes de cet acide. Les difiolutions métalliques nitriques, ou les nitrates métalliques, font plus ou moins crif- îallifables , dccompofables par la chaleur , par l’air, par l’eau; les matières alca’ines en fépa- rent les oxides des métaux ; l’acide nitrique a des attrapions élcPives variées pour les différens métaux , comme l’acide fulfurique. M. Prouft a découvert que p udeurs fubflances métalliques s’enflamment par le contaP de cet acide. L’acide muriatique agit en général avec peu d’énergie fur les métaux. L'eau qui lui eft unie commence par les oxder , & produit le gaz hydrogène qui fe dégage des difiolutions opé- rées par cet acide. Ces difiolutions muriatiques font en général plus permanentes que les deux précédentes , & prefque toujours plus difficiles \ d’Hist. Nat. et de Chimie.4 409 à décompofer par la chaleur. Quelquefois elles fourni ffent des criffaux, louvent elles n’en don- nent que très-difficilement. L’acide muriatique a plus d’affinité que les deux précédens avec plu- lieurs fubffances métalliques, &L décompofe leurs diffoîutions fulfuriques & nitriques. Les muriates métalliques ont fouvent de la volatilité. L’acide muriatique oxigéné oxide la plupart des métaux avec beaucoup d’énergie , en raifort de l’excès d’oxlgène qu’il contient & qui lui eft peu adhérent. Il les diffout fans effcrvefcence S Z de la même manière que l’eau diffout les fels. L’acide carbonique attaque foiblement les mé- taux ; cependant il efl fufceptible de fe combi- ner à la p'upart, comme l’a démontré Bergman. La nature préfente fouvent des combinauons de métaux avec cet acide, &: quelquefois ces ef- pèces de fe’s font crifta.lifées ; on les conncit fous le nom de n létaux fpathiques , comme le fer , le plomb fpathiques ; mais nous les défi- gnerons comme les’ autres fe’s formés par cet acide , par les noms de carbonates de ffir, de plomb , & c. L’acide fluorique l’acide boracique s’unif- fent également aux matières métalliques ; mais ces compofés font en général peu connus. Parmi toutes les combinaifons des métaux 410 É L É M E N S avec les acides , les unes font fufceptibles de criflallifer , d’autres ne prennent aucune forme régulière. Il en eft que le feu décompofe , & quelques-unes n’éprouvent aucune altération de la part de cet agent. La plupart s’altèrent à l’air dont elles abforbent l’oxigène. Toutes font plus eu moins folubles dans l’eau , & peuvent être décompofées par ce fluide en grande quantité , ainfi que l’a fait remarquer Macquer ; toutes font précipitées par l’alumine s la baryte , la ma- gnéfîe , la chaux & les alcalis , qui ont en gé- néral plus d’affinité avec les acides, que n’en ont les oxides métalliques. Lorfque quelques métaux font employés pour féparer d’autres métaux de leurs diffolutions , les métaux précipités reparoiffent avec leur forme & leur brillant métallique , parce que l’oxigène qui leur étoit uni dans l’état de difTolution s’en fépare & fe reporte fur le métal précipitant qui fe diffout à fon tour dans l’acide; c’eft: pour cela que M. Lavoifier regarde avec raifon ces précipitations des métaux les uns par les au- tres, comme le produit des attrapions élec- tives diverfes de l’oxigène pour ces corps com- buftibles. Les feîs neutres ne font que peu altérés par les matières métalliques, tant que l’on opère d’Hist. Nat. et de Chimie. 411 par la voie humide ; mais (1 l’on chauffe forte- ment des mélanges de ces tels avec les métaux, plusieurs d’entr’eux font decompofés. Quelques fels fulfuriques forment alors du foufre. M. Mon- net eft le feul chimifte qui ait annoncé cette décompofition pour l’antimoine. Dans un tra- vail fuivi fur cet objet , j’ai découvert plufieurs autres métaux, tels que le fer, le zinc, 6cc. qui décompofent le fulfate de potaffe, &c. Le nitre détone avec la plupart des fubftances métalliques , & il les oxide plus ou moins for- tement} ce phénomène dépend de ce que l’oxi- gène a plus d’affinité avec plufieurs de ces fubf* tances qu’il n’en a avec l’azote. Les métaux , oxidés par ce fel , portent le nom d 'oxides mé- talliques par le nitre. La bafe alcaline de ce fel aiffout fouvent une partie de ces oxides. Le muriate ammoniacal eft décompofé par plufieurs métaux , & par les oxides de prefque toutes ces fubftances. ilucquet, qui a fait des re- cherches fuivies fur cet objet, a remarqué que toutes les fubftances métalliques fur lesquelles l’acide muriatique a une aflion immédiate , font fufceptibles dedécompcfer complètement le mu- riate ammoniacal, qu’il fe dégage du gaz hydro- gène pendant ces decompcfuicns , Ôc qu’elles n’ont point également lieu avec celles de ces ifl* É L E M E N s fubftances qui ne font point diffolubles par Fa- ci de muriatique ordinaire. L’ammoniaque, ob- tenue par ees décompofitions , efl toujours tiès- cauftique & trèî-pure. Prefque toutes les matières combuftibles mi- nérales s’unifient facilement avec les métaux. Le gaz hydrogène les colore, & il réduit quelques- uns de leurs oxides, parce qu’il a plus d’affinité avec l’oxigène que n’en ont la plupart des mé- taux, comme l’a prouvé M. Prieftley p3r des expériences fort ingénieufes. Ces rédu&ions des oxides métalliques par le gaz hydrogène , font accompagnées de la produ&ion d’une certaine quantité d’eau, par la combinaifon de l’hydro- gène avec l’oxigè îe dégagé des métaux. Le foufre s’unit à la plupart des métaux ; ces combinaifons forment des efpèces de mines ar- tificielles ; lorfqu’clles font humc&ées ou expo- fées à i’air humide, elles fe vhriolifent ou fe chan- gent peu à peu en fulfates métalliques. Les Cul - fures alcalins diffiolvent tous les métaux. Le gaz hydrogène fulfuré les colore & dceompofe leurs oxides, qu’il fait repaffier à l’état métallique en abforbant l’oxigène qui leur eft uni. Les métaux fe combinent plus ou moins faci- lement entr’eux ; il en réfnlte des alliages dont les propriétés diverfes les rendent fufceptibles d’èire employés avec fuccès dans ditFérens arts. d’Hist Nàt. et de Chimie; 415 VI. Difîinciion méthodique des fubjlances métalliques. Les fubftances métalliques étant en affez grand nombre, il eft nécefiaire d’établir entr’elles un (ordre qui réunifie celles dont les propriétés font ifemblables , & fépare celles qui diffèrent les lunes des autres. La du&iüté fervoit autrefois ffeule de cara&ère. Les fubflances métalliques, qui m’en ont point' du tout, ou au moins dans lef- qjuelles cette propriété efi: très -bornée , ont été aappellées demi-métaux. Celles , au contraire , qui font très-duétiles , ont été nommées métaux. Les ddemi-métaux étoient ou très-caflans , ou fuf-i cceptibles de s’étendre légèrement fous le marteau; parmi les métaux, les uns, chauffes avec le con- (cours de l’air , s’oxident facilement ; d’autres, au I contraire , traités de même , n’éprouvent aucune (altération. Les premiers étoient les métaux impar- I faits ; les féconds, les métaux parfaits. Mais les moins de demi-métaux & de métaux imparfaits 1 ttenant mamiefiement à des idées alchimiques ë>C \ fraudes tur ces fubltances , nous croyons devoir fubftituer d’autres divifions , fondées fur la duc- £ titilité& furl’attraôion des métaux pour l’oxigène; < mous partageons les 17 métaux connus en 5 fec- 1 liions : nous n’y rangeons point encore l’uranite 9 mi quelques autres matières métalliques annon- , I 41.4 É L E M E N S. cées nouvellement & dont la découverte n’eft pas confirmée. Section ï. Métaux caffans 6* acidi- fiables. Section III. Métaux demi - duBiles & oxidables L’arfenic, Le tungfiène , Le molybdène. Section II. Métaux cajfans & non ad difiables. Le cobalt , Le bifmuth, Le nickel , Le manganèfe , L’antimoine. Le zinc , Le mercure. Section IV. Métaux duBiles & facile- ment oxidables . LJ t • etam , Le plomb. Le fer , Le cuivre. Section V.* Métaux très-duBiles & dif- ficilement oxidables. L’argent , L’or, Le platine. f d’Hist. Nat. et de Chimie; 415 CHAPITRE VL De l1 Arsenic et de l' a ci d e A R S E N I QUE (i). L’arsenic doit être placé au premier rang des demi-métaux , parce qu’il a beaucoup de rapport avec les fels. Kunkel le regardoit comme une eau forte coagulée. Beccher & Stahl l’ont confl- déré comme une matière faline. Schéele a prouvé qu’il efl fufeeptible de former un acide particu- lier. D’un autre côté, Brandt & Macquer ont démontré que cette fubflance étoit un vrai demi- métal. L’arfenic , pourvu de toutes fes proprié- tés, a en effet les caraéfères des matières métal- liques; il efl: parfaitement opaque, il a la pefan- teur & le brillant propres à ces fubftances. L’arfenic fe trouve fouvent natif ; il efl en mafles noires peu brillantes, très-pefantes; quel- quefois il a l’éclat métallique , & réfléchit les couleurs de l’iris. Dans fa caffure, il paroît plus (t) Nous donnons le nom d 'arjenic à la matière demi- métallique, connue ordinairement fous celui-ci de rende d’arfenic. Cette dernière dénomination efl impropre, & Il «doit être abandonnée. Ce qu’on appelle arfenic blanc efl JJ 1 l’oxide de ce demi-métal. i6 Êlémens brillant, & femble cc i pofé d’un grand nombre de petites écailles ; lorfque ces écailles font fen- fibles à l’extérieur des échantillons, on les nomme alors arfenic tejlacé , ou improprement cobalt tef- tacé, parce qu’autrefois, comme on ne connoif- foit point le cara&ère met, lliqne de Farfenic , & qu’on retiroir des mines de cobalt une grande quantité d’oxide d’arfenic, en avoit regardé Far- fenic tedacé comme une mine de cobalt. L’ar- fenic vierge ed très-aifé à reconncître lorfqu’il a l’éclat métallique, qu’il ed en : etites écailles; mais lorfqu’il ed noir, & que dans fa frafture il parrît compofé de grains dns & très-ferrés, on ne peut le didinguer que par fa pefanteur qui ed très-confidérable , & parce que fi on l’expefe fur des charbons ardens , il fe diflipe r entier fous la forme de fumées blanches, qui ont une forte odeur d’ail. Ce dernier métal fe trouve abondamment à Saime-Marie-aux- Mines. Il ed mêlé avec la mine d’argent grife ; on en rencon- tre anfîi parmi les mines de cobalt en S.;xe , 5c à Andrarum en Scanie. La nature cdïe quelquefois l’arfen’c en oxide blanc, ayant même Fafpeft vitreux, mais le plus feuvent fous la forme de poudière fuper- fïcielle,ou mêlée à quslqms terres. Cet oxide exide auffi à Sainte-Marie-aux-Mines ; on le re- connaît J d’Hist. Nat. et de Chimie. 417 connoît par les fumées blanches & l’odeur d’ail qu’il exhale lorfqu’on en jette au feu. L’oxide d’arfenic eft fouvent uni avec le foufre ; il forme alors l 'orpiment &: le rêaLgar, ou les oxides d’arfenic fulfurés jaune & rouge. U orpiment natif eft en maffes plus ou moins groftfes , jaunes, brillantes & comme talqueufes ; il y en a de plus ou moins brillant ; fouvent il eft mêlé de ré ai - gar ; quelquefois il tire fur le verd. Le réalgar eft d’un rouge plus ou moins vif & tranfparent, &: fouvent criftallifé en aiguilles biillantes. On en trouve beaucoup à Quitto & fur le Véfuve ; ces deux matières ne paroiffent différer que par le plus ou moins grand degré de feu qui les a combinées. Le mifpikel , ou pyrite arfénicale , eft la der- nière mine d’arfenic. C? métal s’y trouve com- biné au fer; quelquefois le mifpikel eft crif- tallifé en prifmes droits quadrangulaires, fou- vent il n’a point de forme régulière. Cette mine c-ft de couleur blanche- & chatoyante ; Wallérius la nomme mine d’arfenic blanche cubique. O11 trouve encore l’arfenic dans les mines de cobalt, d'antimoine, d’étain, de fer, de cuivre & d’argent. L’arfenic pur, nommé aufti régule cParfenlc , eft d’une couleur grife noirâtre, réfléchiffant les cou- leurs de l’iris; il eft très-pefant $£ très- friable. Tome IL D d / 4 18 Ê L É M E N S Expofé au feu dans des vaifleaux fermés, iî fe fublime fans éprouver de décompofition c’eft: même une des matières métalliques les plus vo- latiles. Il eft fufceptible de criftallifer en té- traèdres réguliers , lorfqu’on le fublime lente- ment. L’arlenic chauffé avec le contaét de l’air , s’cxide très-promptement , & fe difîîpe fous la forme de fumées blanches , qui répandent une odeur d’ail très-forte. Lorfque l’arfenic eft rouge, il brûle avec une flamme bleuâtre. Dans cette combuftion, il fe combine avec l’oxigène de l’air vital , forme un compofé connu fous les noms à’arfenic blanc , de chaux àlarfenic , & que nous nommons oxide d’arfenic : c’eft en raifon de ce phénomène , que les mines de cobalt ar- fenicales fournifltnt dans les fourneaux ou on les traite une grande quantité de fumées blan- ches qui fe condenfent dans les cheminées fous la forme d’une matière blanche , pefante , vitri- fiée, dépofée couches par couches , que l’on dé- bite fous le nom très-impropre d’arfenic. C’eft: un vrai oxide d’arfenic vitreux. L’oxide d’arfenic diffère effentiellement de tous les autres oxides métalliques ; il a une fa- veur très -forte, & même cauftique ; c’eft un poifon violent. Si on l’expofe au feu dans des vaifleaux fermés , il fe volatilile à une chaleur médiocre, en une poudre blanche, criftalline 3 r b’HisT. Nat. et de Chimie. 419 nommée fleurs d’arfenic ; fi la chaleur eft un peù plus forte , il fe vitrifie en fe fivblimant , il ert réfulte un verre très-tranfparent, fufeeptible'dé fe criftallifer en tétraèdres , dont les angles font tronqués. Ce verre fe ternit facilement à l’airt Aucun oxide métallique n’eft vraiment Volatil par lui - même , & celui d’arfenic prélente feul cette propriété. Il eft en même tems très-fufiblé & très-vitrifiable. Beccher attribuoit la pefanîeur & la volatilité de l’arfenic à un principe particu- lier, qu’il nommoit terre mercurielle ou arfenicàle $ ôc dont Siahl n’a pas pu démontrer l’exiitence. L’arfenic, dans l’état métallique, n’agit pas d’une manière fenfible fur les corps combufti- bles ; mais l’oxide d’arfenic les altère fenfible®. ment, & reprend l’éclat métalliaue. Stahl penfé que dans ce cas le phlogiftique que l’arfenic a perdu dans la calcination lui eft rendu par le corps combuftible. Les modernes ont prouvé, au con- traire, que l’oxide d’arfenic eft un compofé d’ar« fenic & d’oxigène, & que le corps combuftible, en enlevant ce dernier avec lequel il a plus d’affinité que l’arfenic ,fait paffer celui-ci à l’état métallique. Pour réuffir à réduire l’oxide d’arfe- nic, on fait une pâte avec cet oxide en poudré du favon noir ; on met cette pâte dans uri matras , fur un bain de fable ; on chauffe d’abord Ddij . m. ■ 410 É L É M E N S faiblement pour defiecher l’huile ; Icrfqu’il ne s’exhale plus de vapeurs humides, on augmente le feu pour faire fublimêr l’arfenic. On cafle le inatras,& on trouve à fa partie fupérieure un pain , ayant l’afpeft oi le .brillant métallique de l’arfenic ; la plus grande partie du charbon de l’huile relie au fond du matras, L’arfenic , expofé à l’air , y noircit fenfible- jnent; l’oxide d’arfenic vitrifié perd fa tranfpa- rence , & devient laiteux, en éprouvant une forte d’cffiorefcence. L’arfenic ne paroît point être attaqué par l’eau; mais fon oxide fe diflout trè -bien dans ce rnenftrue, en quantité un peu plus grande à chaud qu’à froid ; au refie , la diflolubilité de cette fubftance varie fuivant qu’elle a été plus ou moins parfaitement oxidée. L’oxide d’arfenic fournit, par l’évaporation lente de fa diffolu- tion, descriflaux jaunâtres en tétraèdres plus ou moins réguliers ; on ne connoît aucun oxide mé- tallique qui fe difîolve dans l’eau en auffi grande quantité; cette propriété, jointe à fa faveur ex- trême, le rapproche des matières falines. L’oxide d’arfenic s’unit allez bien aux rerres par la fufion ; il fe fixe avec elles , &: en accélère la vitrification ; mais tous les verres dans lefquels il entre ont l’inconvénient de fe ternir à l’air en D'Hi5T. Nat. et de Chimie. 419 -peu de temps. On ne connoît pis l’-aâion des matières fàlino-terreufes fur l’arienic , ni fur f on oxide. Les alcalis fixes caufiiques,qui n’ont point une action fenfible fur l’arfenic, difîblvent très- bien l’oxide de ce demi- métal. Maequer , dans fon beau travail fur cette matière {Acad. 1746) » a obfèrvé qu’en faifant bouil ir de l’oxide d’ar- fenic en poudre dans la liqueur de nitre fixé , ou di Ablution de potaffe çauftique , cette fubf- tarc; s’y diffout complètement , ôc forme un fluide brun, gélatineux, dont la conf, fiance aug- mente peu-à-peu. Ce compofé, auquel il a donné le nom d q feic d\irfcnic , ne criftallife point; il devient dur &C caffant ; il cft déliquefcent , dif- foluble dans l’eau, qui en précipite quelques flocons bruns. Pouffé au grand ftu, le fçie dtar- Jenic laiffe échapper cette dernière fubffance. Il cft décompofé par les acides. La fonde préfente les mêmes phénomènes ; mais fa diffolution a donné à Maequer des criffaux irréguliers dont il lui a été impoffible de déterminer la forme. L’acide fulfurique, même concentré, n’attaque pasl’arfenic à froid; mais fi en le fait bouillir avec ce demi -métal dans une cornue, l’acide donne d’abord beaucoup de gaz fulfureux ; er - fuite il fè fublime un peu de foufre , & l’arfenic fe trouve réduit en oxide, mais fans être difTous* D d ii j Ê L É M E N S L’acide fulfiirique concentré & bonifiant diffouî suffi l’oxide d’arfenic ; mais lorfque la diffolu** îion eft refroidie , cet oxide fe précipite , &C l’acide ne paroît plus en retenir. Il acquiert dans çette combinaifon une fixité afifez confidérable» Bucquet affiire qu’en le leffivant pour emporter la portion d’acide qu’il peut retenir, il reprend1 toutes fes qua.'ités. L’acide nitrique, appliqué à Tarfenic, l’attaque, avec vivacité & l’oxide ; cet acide diffout auffi l’oxide d’arfenic en affi z grande quantité, lorf- qu’il efi aidé d’une douce chaleur. Saturé de l’une ou de l’autre de ces fubffances , il conferve l’o- deur qui lui efi: propre ; évaporé fortement , il forme un fel qui n’a point de forme régulière 5, fuivant Bucquet , & que M. Baumé dit être en partie cubique, & en partie taillé en pointes de diamans. Wallérius dit que fes criflaux font fem- b, labiés à ceux du nitrate d’argent. Le nitrate d’ar- fenic attire puiffamment l’humidité de l’air ; il ne détone pas fur les charbons ; il n’efl: décom- pofé ni par l’eau, ni par les acides; les alcalis n’y occafionnent aucun précipité : cependant ils le. décompofent, fuivant Bucquet, puifqu’en faifant évaporer une diffolytion nitrique d’arfenic, à la- quelle on a ajouté une leffive alcaline, on obtient nitrate ordinaire & de l’arfeniate de pot allé» d’Hist. Nat. et de Chimie. 4*5 Nous verrons plus bas que tous les chimiftes , très- embar rafles fur la nature fingulière des dif- folurions de l’arfenic & de fon oxide dans les acides , n’avoient point découvert ce qui pafTe dans la combinaifon de cet oxide avec l’acide ni- trique , & n’avoient même pas foupçonné h pro- dudion de l’acide arfenique. Remarquons feule- ment ici que l’oxide d’arfenic enlève à l’acidç nitrique une grande partie de fon oxigène. L’acide muriatique 3 aidé de l’adion du feu , diffout l’arfenic & fon oxide, fuivant . Bucquet. Cette combinaifon peut être précipitée par les alcalis fixes & volatil. M. Baume dit que ce mé- tal fe diffout dans l’acide muriatique bouillant , & qu’il s’en précipite enfuite une poudre jaune comme du foufre. MM. Bayen & Charlard ont conflaté que l’acide muriatique n’a aucune adion à froid fur l’arfenic. Ge métal en poudre jette dans le gaz acide muriatique oxigéné , y brûle avec une flamme blanche. On ne connoît pas i’adion des autres acides fur l’arfenic & fur l’oxide de ce demi-métal. L’ar- fenic mêlé avec le nitre , & projette dans un creu- fet rougi au feu, produit une détonation vive l’acide nitrique calcine , bride le demi métal : on trouve dans le creufet, après l’opération, l’alcali fixe qui fervoit de bafe au nitre , & l’ai fenic ré- Ddiy M • ijlji £ L É M E N 5 d ait en oxide combiné en partie avec l’alcali fixe. Si on mêle partie égale d’oxide d’arfenic & de nitre, & qu’on mette ce mélange en diftilla- tion dans une cornue de verre, on obtient un ef- prit de nitre en vapeurs très-rouges. Cet acide ne peut fe condenfer qu’autant qu’on met un peu d’eau dans le ballon , ce qui lui donne une couleur bleue. Beccher , Stahl & Kunckel ont décrit cette operation. Macquer, qui l’a répétée avec foin, ayant examiné le réfidu dont ces chi- miftes n’avoient pas parlé, a découvert que c’é- toit un fel neutre particulier auquel il a donné le nom de fel neutre arfenlcal; il doit être nommé arfeniate de potafl'e. Ce fel, diffous dans l’eau ôc évaporé à l’air , donne des criftaux très-réguliers en prifmes tétraèdres, terminés par des pyra- mides à quatre faces égales; quelquefois la forme de ces criflaux varie. L’arfeniate de potafle expofé au feu fe fond facilement , refte en fonte tranquille fans s’al- califer , & fans qu’il fe volatilife aucune portion d’arfenic ; il n’éprouve pas d’altération fenfible à l’air. Il e ft beaucoup plus diffoluble dans l’eau que l’oxide d’arfenic pur, & il fe diffout en plus grande quantité dans l’eau chaude que dans l’eau froide. Il ne peut être décompofé par aucun acide pur, mais i! l’elï par la voie des affinités doubles. d’Hist. Nat. et de Chimie. 425 Si on mêle à la diffolution de ce fel un peu de diffolution de Sulfate de fer ou vitriol maniai , il le fait une double décompofition & une double combinaifon ; l’acide fulfurique quitte le fer pour, s’unir à la potaffe , & l’acide arfenique , féparé de l’alcali, fe combine avec l’oxide du fer. Les matières combustibles décompofent très - bien l’arfeniate de potaffe. L’oxide d’arfenic décotnpofe aufîi le nitrate de fonde, à l’aide de la difbl'ation , & forme avec fa bafe de l’arfeniate de foude qui, Suivant Mac- quer, diffère peu du premier fel à bafe de po- Jaffe , & qui criffallife abfolument de la même manière. Cet oxide agit de même fur le nitrate ammoniacal ; uni avec fa bafe , il conffitue un arfeniate ammoniacal. On avoit cru que cette opération demandoit beaucoup de précautions à caufe de la propriété qu’a le nitrate ammoniacal de détoner fans addition dans les vaiffeaux clos : mais M. Pelletier a prouvé qu’on pou voit la faire fans aucun danger, même à la dofe de plu- sieurs livres. La découverte du fel neutre arfeni- cal de Macquer a mis fur la voie de celle de l’acide arfenique , puifque cet illuffre chimiffe avoit vu & annoncé que l’oxide d’arfenic fai- Soit fonêbon d’acide dans ce fel. Mais c’eff à Schéele, comme nous le dirons plus b: ayant le brillant métallique ; on y voyoit à la loupe des petits grains ronds , brillans & gris que M.. Pelletier regarde comme le métal, ou le molyb- dène pur. Le manganèfe n’a de même été encore obtenu que fous la forme de grenailles. Voici, d’après les efîais faits fur ce demi - métal , les propriétés qu’on y a reconnues. Le molybdène eft gris, formé de petits grains agglutinés , caf- fans, d’une extrême infufibilité. Chauffé avec le contact de l’air, il fe change en un oxide blanc, volatil , & qui fe criffallife par la fublimation en prifmes aiguillés & brillans, comme celui de l’antimoine. Cet oxide furchargé d’oxigène de» vient acide, c’eft le produit falin qu’on con- noît le mieux d’après les recherches de Schéele* L’acide nitrique brûle facilement le molybdène 8c le convertit en un oxide blanc , & même en acide molybdique. L’oxide de molybdène de- vient bleu brillant en repaiTant à l’état métal- lique. Les alcalis , aidés par l’aélion de l’eau a oxident & diffolvent ce demi-métal ; il eft fuf- ceptibîe de s’allier avec le plomb, le cuivre* le fer, l’argent, & il forme des alliages grenus* grisâtres , très-friables. Enfin , uni au foufre , il Ecij 43 6 E L É M E N s contiens le fulfure de molybdène , & ce com- pofé eft tout-à-fait femblable à la mine de ce métal , connue improprement fous le nom do Molybdène. & de Potelot. Comme c’efl cette der- nière mine qui a été le fujet des expériences de Schéele , & comme c’eil avec ce minéral beau- coup plus connu que le métal qu’il contient, que ce chimifle a préparé l’acide molybdique , nous allons en examiner les propriétés plus en détail. Le potelot ou fulfure de molybdène natif ex- pofé au feu dans un vailTeau ouvert exhale du foufre & s’évapore prefque tout entier en fumée blanche. Traité an chalumeau dans la cuiller, il donne la môme fumée, qui fe condenfe en lames criftallines jaunâtres, & qui prend une couleur bleue par le contact des corps combiiftibles. M. Pelïètier ayant calciné du fulfure de molyb- dène dans un creufet recouvert d’un autre creu- fet a obtenu des criftaux aiguillés , blancs ôc brillans, femblables à ce qu’on appelloit fleurs argentines d'antimoine. Cet oxide de molybdène fublimé a déjà les caractères d’acide ; mais ce procédé feroit trop long & trop difpendieux pour la préparation de l’acide molybdique. Les terres falines & les alcalis fixes , fondus avec le fulfure de molybdène , en diffolvent le foufre & le métal. I d’Hist. Nat. et de Chimie; 43? Quelques acides font éprouver des altérations remarquables à cette mine. L’acide fulfurique concentré en oxide le mé- tal , & s’exhale en acide fulfureux à l’aide de l’ébullition. L’acide muriatique n!'a nulle a&ion fur ce minéral. L’acide arfenique, traité par la diftillation avec le fulfure de molybdène, cède fon oxigène à line partie du foufre qui devient acide fulfureux , fe volatilife en orpiment avec une partie dvt même foufre, change une portion de molybdène en acide molybdique, & en laide la plus grande partie dans l’état métallique. M. Pelletier con- clut de cette expérience , que le molybdène eft à l’état métallique dans fa mine. En diflillant 30 onces d’acide nitrique étendu d’eau fur une once de molybdène en 5 reprifes , c’eft-à-dire, 6 onces de cet acide à la fois , il fe dégage une grande quantité de gaz nitreux , & il refte dans la cornue une poudre blanche qu’il faut laver avec fuffifante quantité d’eau didilléa froide pour emporter l’acide étranger foîuble à cette température ; il refte après cette édulcora- tion fix gros & demi d’acide molybdique pur. Schéele , à qui eft due cette découverte , penfe que l’acide nitrique s’empare du phlogidique 9 L e u) > ^3'3 E L i. M Ë N s & s’échappe en vapeurs rouges ; il brûle aufîi îe fonfre qui fe trouve clans le molybdène ; ot voilà pourquoi l’eau qu’on emploie peur laver l’acide du molybdène contient de l’acide fulfurique qu’on obtient concentré par l’évaporation , &C qui retient un peu de molybdène en diffolution; cette fubfhmce donne à la liqueur évaporée une couleur bleue allez brillante. Nous penfons que dans cette opération, ainli que dans toutes celles oii l’acide nitrique, diftiilé fur quelque fubfiance que ce loir 3 la réduit en état d’acide, le premier efl décompofc , & que c’efc à la féparation de l’oxigène de l’acide nitrique & à fa fixation dans le molybdène que font dus le dégagement du gaz nitreux & la formation des acides fulfurique 6c moîybdique. L’acide moîybdique , obtenu par le procédé que nous venons de décrire, efl fous la forme d’une poudre blanche , d'une faveur légèrement acide & métallique. Chauffé dans la cuiller au chalumeau , ou dans un creufet avec le contaél de l’air, il fç volatilife en une fumée blanche , qui fe condenfe en criilaux aiguillés, & il fe fond en partie fur lçs parois du creufet. Malgré l’édul- coration il retient une portion d’acide fulfureux que la chaleur forte en dégage complètement. Cet acide fe difTopt dans l’eau bouillante j : b’Hist. Nat. et de Chimie. 439. Schéele en a diffous un fcrupule dans 20 onces d’eau. Cette diffolution a une faveur finguüère- ment acide Si prefqué inétallique ; elle rougit la teinture de tournefol, décompofe la diffolution de favon, 8i précipite les fulfures alcalins ou foies de foufre ; elle devient bleue Si prend de la confiflance par le froid. L’acide molybdique fe difTout en grande quan- tité dans l’acide fulfurique concentré à l’aide de la chaleur ; cétte diflolution prend une belle couleur bleue. Si s’épaifîit par le refroidiffement; on fait difparoître ces deux phénomènes en la chauffant , Si ils reparoiffent à mefure que la liqueur refroidit; fi l’on chauffe fortement cette combinaifon dans une cornue, l’acide fulfurique fe volatilife, Si l’acide molybdique refie fec au fond de ce vaiffeau. L’acide nitrique n’a nulle a£lion fur l’acide molybdique. , L’acide muriatique ordinaire en diffout une grande quantité; cette diffolution donne une ré- fidu bleu foncé , lorfqu’on la diflille à ficcité ; en pouffant le feu, ce réfidu donne un fublimé blanc Si un autre bleuâtre; ce qui refie dans la cornue eft gris ; le fublimé eft déliquefcent Si colore les métaux en bleu; l’acide muriatique paffe oxigéné dans le récipient. Il eft facile de concevoir que dans cette opération l'acide mu- E e iv 440 E L E M E N 5 riatîque enlève une portion d’oxigcne à l'acide molybdique , & qu’une portion de cet acide paffe à l’état de molybdène. L’acide molybdique décompofe, à l’aide de[la chaleur, les nitrates & les muriates alcalins, en dégageant leurs acides , & il forme avec leurs bafes des feîs neutres dont Schéele n’a point exa- miné toutes les propriétés. Cet acide dégage aufli l’acide carbonique des trois alcalis,& forme des feîs neutres avec leurs bafes. Quoique Schéele n’ait point fait connoître tontes les propriétés de ces fels neutres , que nous défignerons par les noms de molybdates de. potaffe , de foudc y d' ammoniaque , &c. il en a ce- pendant indiqué trois qwi fuffifent pour caraélé- nfer leur état de ncutralifation. 11 a reconnu , i°. que l’alcali fixe rendoit l’acide molyb- dique plus foluble dans l’eau ; 2°. que ce fel empêchoit l’acide molybdique de fe volatiüfer par la chaleur ; 30. que le molybdate de potaffe fe précipitoit par le refroidiffement en petits criflaux grenus ; & qu’on pouvoit le féparer aufîi de fcn diffolvant par les acides fulfurique 6c muriatique. L’acide molybdique décompofe le nitrate & le muriate barytiques. Le molybdate barytique formé dans ces opérations eft difToluble dans 3’eau, d’Hist. Nat. et de Chimie. 44T L’acide molybdique paroît décompofer en partie le fulfate de potaffe par une forte chaleur. L’acide molybdique diffout plufieurs métaux, & prend une couleur bleue , à mefure qu’il leur abandonne une portion de fon oxigène. Il précipite plufieurs ditTolutions métalliques , &c. M.Klaprot l’a trouvé combiné avec le plomb dans une mine de plomb fpathique jaune. CHAPITRE VII. Du Tungjlène & de l'acide TunJUque . j A • • ... ( L E minéral nommé tungfléne par les Suédois , appellé pierre pejanie , lapis ponderofus , par plu- fieurs naturalifies , & en particulier par Bergman dans fa Sciagraphie, a été regardé par Cronftedt comme une efpèce de mine de fer, & défigné par lui fous cette phrafe : ferrum calciforme terra, quadam irreognitâ intime mixtum. La plupart des naturalifies allemands le rangeoient parmi les mines d’étain , fous le nom de enflai d'étain blanc ou de iinn-fpath ; dans prefque tous les cabinets d hifioire naturelle on le préfentoit comme apr partenant à ce métal. On ne setoit point occupé de Panalyfe exafte de ce minerai avant Scheele, Ce chimifie ayaat 441 E L É M E N 5 examiné cetre prétendue mine d’étain , cécou- vrit par fes expériences qu’elle étoit compofce d’un acide particulier uni à la chaux; Bergman, faifant de fon côté des recherches fuivies fur cette matière , trouva les mêmes réfultats. Cette découverte eft de iySi. Les deux chimifles fué- dois ont penfé, d’après l’examen des propriétés de ce minéral, que l’acide qu’il contenoit étoit métallique. Depuis cette époque , MM. d’Elhuyar , de la fociété royale Batqugife , M. Angulo , de l’aca- démie de Walladoiid , Sc M. Crell , ont répété les expériences des c invites fuédois 5 Sc en ont- confirmé les réfultats» D’après la définition que nous venons de donner de ce fel naturel Sc de fon acide, nous ferons obferver que ce que les Suédois ont appelé tungjlène , eft un fel formé par l’acide tunfiique Sc par la chaux : nous adop- tons ce nom de îungftène pour le demi-métal qui paroît être la bafe de cet acide , Sc nous ap- pellerons cette efpèce de mine tunjlate de chaux natif. MM. d’Elhuyar , de la fociété Bafquaife , ont découvert que le wolfram , qu’on regardoit au- trefois comme une mine de fer pauvre , efl une combinaifon de cet acide îiinflique avec le man- ganèfe Sc le fer. Ils ont obtenu un régule parti- culier de ce minéral. Le wolfram qu’ils ont ana- d’Hist. Nat. et de Chimie. 44* lyfé venoit de la mine d’étain de Zinwalde. Il eff en maffes ou en prifmes hexaèdres comprimés ; 11 a le brillant métallique, la caffure feuilletee , &C fe laiffe entamer au couteau. Il contient par quintal iz parties d’oxide noir de manganèfe , 12 d’oxide de fer , 64 d’acide tunftique & 2 de quartz. Le tunftate de chaux natif de Schlecken- walde , en Bohème , contient fuivanî eux 68 liv. d’acide tunftique , & 30 de chaux. V oilà deux mines connues du demi - métal nouveau que nous nommons tungjlhne. MM. d’El- huyar ont fondu une partie de wolfram avec 4 parties de carbonate de potaiTe -, ils ont leftivé ce mélange ; l’eau a diflous le tunftate de po- taiTe, d’où ils ont précipité l’acide tunftique en poudre jaune par l’acide nitrique. Ce précipité , pouffé au feu avec du charbon dans un creufet , leur a donné un bouton métallique compofé de beaucoup de petits globules friables. Voici les propriétés qu’ils ont reconnues dans le nouveau demi-métal. Une pefanteur fpécifîque , confidé- rable, mais jamais au-deffus de 17,9; une infu- fîbilité très-grande & qui parcît même excéder celle du manganèfe ; une indiffolulité dans les 3 acides les plus forts , & même dans l’acide nitro- muriatique^ une union facile avec quelques mé- taux , & en particulier avec le fer & l’argent 444 É L É M E N s dont il change finguliérement les propriétés ; une oxidation affez facile , un oxide jaune qui de- vient bleu par la chaleur , qui eft indiffoluble dans les acides & foluble dans les alcalis , qui refie fufpendu dans l’eau ou on le triture & imite une émulfion. Quoique quelques-uns de ces caraélères foient analogues à ceux du molyb- dène, ainfi que Bergman & Schéele l’avoient déjà entrevu dans l’acide molybdique, leur enfemble fuffit cependant pour regarder le tungflène comme un métal particulier. Mais il manque encore beaucoup d’expériences pour en con- noître avec exaélitude toutes les propriétés. Les chimiftes qui fe font occupés de cet objet ont fait beaucoup plus de recherches fur le tunf- tate de chaux natif , que fur le métal qu’en ont retiré MM. d’ELhuyar : pour faire connoître l’enfemble de leurs découvertes fur ce minéral , il efl néceffaire que nous infiflions quelque temps fur ces propriétés. Le tunflate de chaux patif a été affez rare juf- qu’aéluellement ; on en trouve dans les mines de fer de Bitzberg, dans celles d’étain de Schleckenr- walde en Bohême ; & la plupart des criffaux d’é- tain blanc de Sauberg, près d’Ehrenfrienderfdorf, font du tunflate de chaux ; ainfi en effayant les criffaux d’étain blanc confervés dans les cabi- d’Hist. Nat. et de Chimie: 445 nets, par les moyens que nous indiquerons, on pourra en reconnoître quelques échantillons dont on ne foupçonnoit pas la nature. Le tunftate de chaux n’éprouve point d’altéra- tion fenfible par la chaleur ; il décrépite & fe ré- duit en pouffière par l’a&lon du chalumeau, mais il ne fe fond pas. La flamme bleue le colore légè- rement , & le nitre lui enlève cette couleur. L’eau bouillante n’a nulle aélion fur ce fel mé- tallique en poudre , & il eft parfaitement infolu- bîe. On n’a point examiné l’a&ion de l’air, des terres , des fubftances falino-terreufes ôc des alca* lis cauftiques fur certe fubftance. L’acide fulfurique chauffé & diûillé fur le tunftate de chaux natif paffe fans altération ; le réfidu prend une couleur bleuâtre ; lefîivé avec de l’eau bouillante , on en retire un peu de fub» fate calcaire ; ce qui prouve que cette fubflance contient de la chaux , & que l’acide fulfurique •• n’en décompofe qu’une très-petite partie. L’acide nitrique foible agit fur ce fel à l’aide de la chaleur , mais fans effervefcence fenfible. Cet acide lui donne une couleur jaune, ce qui le diftingue d’avec la vraie mine d’étain , & il le décompofe en lui enlevant la chaux ; il faut environ douze parties d’acide nitrique dans l’é- tat d’eau-forte ordinaire pour décompofer en- 44^ ' É L É M E N S tièrement une partie de tunftate calcaire. Schéele a fait cette opération en pîufieurs reprifes ; après l’attion de trois parties d’acide nitrique foible fur une partie de ce fel neutre, il verfe deux parties d’ammoniaque cauftique ; la poudre que l’acide nitrique change en jaune devient blanche par l’alcali ; il répète Paétion fucceffive de l’a- cide & de l’alcali , jufqu’à ce que le tunftate cal- caire foit tout-à fait diffous. De quatre fcru- pules traités par ce procédé, il a eu trois grains1 de rélidu qui lui a paru être de la filice. En pré- cipitant l’acide nitrique employé pour cette opération par du pruffiate de potaffe, 6c enfuite par la potaffe, il a obtenu deux grains de pFuf- fiate de fer ou bleu de Pruffe., 6c cinquante-trois grains de craie; l’ammoniaque unie à l’acide ni- trique lui a donné un précipité acide. Dans cette expérience, l’acide nitrique décompofe le tunf- ,.tate calcaire en s’emparant de la chaux , 8c l’a- cide tunftique , mis à nud par cette décompofi- tion , eft enlevé par l’ammoniaque. Le fel ammo- niacal formé par cette dernière diffolution , eft décompofé par l’acide nitrique qui a plus d’affi- nité avec l’ammoniaque , que celle - ci n’en a avec l’acide tunftique ; comme ce dernier acide gft beaucoup moins foluble que le tunftate am- moniacal , il fe précipite à mefure qu’il devient d’Hist. Nat. et de Chimie. 447/ libre fous la forme d’une poudre blanche ; en leffive cette poudre avec de l’eau diffillée froide pour avoir l’acide tunflique bien pur. On peut encore obtenir cet acide par un autre procédé que Schéele a employé avec un égal fuccès. On fait fondre, dans un creufet de fer, une partie de tunffate calcaire natif en poudre , avec quatre parties de carbonate de potaffe ; oti leffive cette maffe avec douze parties d’eau bouil- lante ; & on y verfe de l’acide nitrique jufqu’à, ce qu’il n’y ait plus d’effervefcence ; on la fond une fécondé fois avec quatre patties de carbo- nate de potafle ; on la leffive avec i’eàu, & on la traite par l’acide nitrique , jufqu’à la ceffation de l’effiervefcence ; alors il ne reffie qu’un peu de filice , & tout le fel tunftique eff décompofé. En effet, pendant la fufiûn , la potaffe fe porte fur l’acide tunffique avec lequel elle forme un fel neutre particulier , tandis que l’aride carbo- nique s’unit à la chaux qu’il change en craie. Lorfqu’on leffive la maffe fondue , l’eau diffout le tunffate de potaffe , qui eff beaucoup plus fo« lubie que la craie , & celle-ci reffe feule ; l’acide nitrique qu’on emploie après l’eau diffout la craie avec effervefcence fans toucher à la portion de tunffate calcaire que les quatre premières par- ties d’alcali n’ont pas décompofée. A la fécondé opr ation , le fel étant complètement décompofé 448 ÉLÉ ME NS par les quatre autres parties de carbonate de potafle , l’acide nitrique enlève toute la craie ; de forte qu’à l’aide de huit parties d’alcali fixe &C d’une petite quantité d’eau forte employée fuc- cefiîvement , on a tout-à-fait féparé les principes du tunfiate calcaire ; fon acids eft uni avec la potaffe & fa chaux combinée avec l’acide nitri- que ; en précipitant le nitrate calcaire par la po- taffe, on connoît la quantité de chaux contenue dans le tunflate calcaire employé ; il ne s’agit plus enfuite que de féparer l’acide tunftique uni à l’alcali fixe. Pour cela , on fe fert du procédé qui a été décrit dans la première expérience. On verfe dans la lelfive du mélange fondu du runf- tate de chaux avec le carbonate de potafle , une fuffifante quantité d’acide nitrique ; cette lefiive fe trouble & s’épaiffit , parce que l’acide nitrique ayant plus d’affinité avec l’alcali fixe que n’en a l’acide tunflique , celui-ci fe précipite en poudre, & la liqueur tient du mitre en difiblution. On lave le précipité avec de l’eau froide , & l’on a i — l’acide tunflique pur fous la forme d’une poudre blanche comme dans la première opération ; ce procédé doit même être préféré comme moins difpendieux & plus facile. L’acide muriatique agit fur le tunffiite calcaire de la meme manière que l’acide nitrique; il le décompose d’Hist. Nat. et de Chimie. 449 décompofé avec la même énergie ; et comme il lui donne une couleur plus jaune , Bergman le recommande pour effayer & pour reconnoître ce fel terreux. L’acide tunfliqne , obtenu par l’un tHi l’autre de ces trois protédés , eu , comme nous l’avons dit, fous la forme d'une poudre blanche. Au chalumeau, il devient .fauve , brun &r noir fans fe fondre ni fe volatiÜfcT. Il fe diffiou.t dans 20 parties d’eau bouillante ^ cette diffoluîion a une faveur acide, 8t rougit la teinture de tournefoî. L’acide lundi que paroit former avec la baryte un fel abfolument infoluble dans l’eau, avec la jnagnéfie un autre fel difficilement foluble. Lorfqu’on verfe fa diffiolution dans de l’eau de chaux , elle y opéré un peu de précipité qui augmente beaucoup par la chaleur , &qui efl du tundace calcaire régénéré , fui vant Schéele. L’acide tundique faturé de potafle donne un fel qui fe précipite en très-petits cridaux , Ô£ dont la forme n’a point etc déterminée. Schéele n’a point parlé de fa corn binai fon avec h foude. Il formé , fuivantlui , avec l’ammoniaque, un fel figuré en très-petites aiguilles ; ce tunftate am- moniacal , expoféaufeu dans une cornue, laide aller l’ammoniaque , & l’acide tundique rede en poudre sèche &t jaunâtre ; le même fel decom- Tomc 11% F f 4^0 E L É M E N S pofe le nitrate calcaire & reforme du tunftate de chaux. L’acide tunftique chauffé avec de l’acide fui- furique prend une couleu bleuâtre; avec l’acide nitrique &i l’acide muriatique , il devient jaune citron; il précipite en verd le fulfure alcalin ou foie de foufre. Sellée1 e n’a point déterminé à quelle caufe font dus ces changemens de couleur. Ce chimifle ayant obfervé que l’acide tunûi- que le colore facilement par les corps combufti- i • bies, & colore lui-même en bleu les flux vitreux comme le borax, fkc, a chauffé dans un creufet cet acide avec de l’huile de iin ; mais il n’en a point obtenu de métal , & l’acide n’a été que noirci. Bergman penfoit cependant, & avec rai- jfon , d’après la pefanteur confidérable de cet acide , fa coloration par les corps inflammables , 6c la précipitation par le pruffiate de potaffe ou l’alcali prufîien, qu’il étoit d’origine métallique. Nous avons dit par quel procédé MM. d’El- hy?.r font parvenus à réduire en globules mé- talliques l’oxide tunfïique retiré du wolfram , &: la nature métallique de cet acide n’eft plus un problème. d’Hist. Nat. et de Chimie, 454* CHAPITRE IX. Du Cobalt. T cobalt ou cobolt efi un métal cafiant d’une couleur blanche , tirant un peu fur le rouge, d’un grain fin & ferré , qui efi très-caflant 6c qui fe réduit facilement en poudre par l’aûion du pilon. Pefé à la balance hydrofiatique , il perd environ un huitième de fon poids. Sa pefan- teur fpécifique efi d’environ 7,700 , fuivant Bergman. Il efl fufceptibîe de fe criftallifer en faifceaux d’aiguilles couchées les unes fur les ; autres. Le cobalt n’a jamais été trouvé pur &: natif «dans la nature, il efi; prefque toujours calciné 6c luni avec l’arfenic ou fon acide , le foufre, le fer,&c. Voici les principales fortes de mines de la magnéfie &. des trois alcalis purs fur le nickel cft encore inconnue. M. Sage dit qu’en diftihant quatre parties E L É M E N S d’acide fulfurique concentré fur une partie de ré- gule dekupfer nickel en poudre il paffe de l’acide fulfureux; le réfidu eft grifâtre ; & en le diffol- vant dans l’eau diftiliée, il eft de la plus belle cou- leur verte. Il fournit des criftaux feuilletés de la couleur de l’émeraude. Suivant M. Arvidffon , l’acide fulfurique forme avec l’oxide de nickel un fel vert en criftaux décaèdres } ce font deux pyramides quadrangulaires , réunies& tronquées près de leur bafe. Le même oxide fe diflbut très-bien dans l’acide nitrique. Le nitrate de nickel criftallife en cubes rhombéaux , fuivant M. Sage ; toutes les autres dilîolutions du nickel , ou de fon oxide dans l’acide muriatique & dans les acides végétaux, font plus ou moins vertes. Les alcalis fixes le précipitent en blanc verdâtre & le ré- dilTolvent ; la liqueur devient alors jaunâtre. L’ammoniaque , verfée dans une diffolution acide de nickel , y produit une belle couleur bleue j ce fel préfente le même phénomène lorfqu’on le mêle avec les précipités de ce métal par les alcalis fixes. Comme les diffolu- tions de cuivre offrent la même couleur avec l’ammoniaque , & qu’on eft même convenu de re. garder cette couleur comme une pierre de touche . très-propre à indiquer la préfence de ce méta par-tout où il fe trouve, on a cru, àc quelques perfonnes d’Mist. Nat. et de Chîmie. 48$ perfonnes croient encore d’après cela , que le nickel contient du cuivre,. Cependant Cronftedt a tenté en vain tous les moyens connus de re* tirer ce métal de la diffolution de nickel colorée en bleu par l’ammoniaque. D’ailleurs , ce lel ne diffout pas immédiatement le nickel , comme il difl'out le cuivre, il eft donc démontré par- là * comme le penfe Bergman , que cette propriété appartient au nickel lui-même 3 & qu’il ne la doit point au cuivre. Ce dernier chimifte n’a pas reconnu des lignes certains de la difîclurion de nickel par l’acide carbonique , en tenant pendant huit jours ce métal dans de l’eau gazeufe ou chargée de cet acide. Le nickel détone avec le rJtre ; cette détona- tion a fourni à M. Arvidfl'on un moyen de re- connoître dans ce métal la préfence du co» hait, qu’aucune autre épreuve n’avoit rendue fenftble. Le nickel eft enfuite plus ou moins oxi- de , fuivant la quantité de nitre qu’on a em- ployée. Ce fel neutre a auftï la propriété d’aug- menter l’intenfité de la couleur d’hyacinthe que l’oxide de nickel communique aux verres , &: de la faire reparoître lorfqu’elle a été difîipée par la fufion ; ce qui arrive aflez fouvent à cet oxide , & ce qui lui eft commun avec l’oxide du demi- ynétal que nous examinerons après celui-ci. L’oxide de nickel fondu avec au bora** Jom H* H h 482 É L I M E N S lui donne aufii une couleur d’hyacinthe. 11 décompofe en partie le muriate ammoniacal. Le fublimé ferrugineux que M. Sage a obtenu dans cette expérience , dépend de ce qu’il a em- ployé un régule qui n’étoit pas aufli pur que celui de M. Àrvidffon; car ce dernier chimifte affure que le muriate ammoniacal fublimé avec ce mé- tal étoit blanc, & nedonnoit aucun indice de fer par la noix de galle. Il paffe un peu d’ammonia- que & d’acide muriatique ; le réfidu réduit donne lin nickel qui a perdu un peu de fon magnétifine. On ne connoît point l’a&ion du gaz hydrogène fur le nickel. Ce métal fe combine bien au foufre par la fufion ; il forme alors une efpèce de minéral dur, de couleur jaune, & à petites facettes bril- lantes. Lorfqu’on le chauffe fortement & en con- tai avec l’air, il pétille & répand des étincelles trèsdumineufes , comme celles qui fortent du fer forgé. Cronfiedt, à qui eft due cette expérience ne l’a pas fuivie plus loin ; il a obfervé feulement que ce phénomène n’a pas lieu , fi on a foin d’ôter 3e conraél: de l’air , en couvrant ce minéral de verre en fufion ; ce qui indique que cet effet n’eft dû qu’à la combuflion rapide du nickel opé- rée par le foufre. Le même chimifte nous ap- prend que ce métal fe diffout dans les fulfures alcalins j & forme un compofé femblable aux d’Hist. Nat. et de Chimie. 485 mines de cuivre jaunes. Le foufre ne peut être féparé du nickel que par des fufions 6c des gril- lages multipliés. Le nickel fe combine avec l’arfenic , auquel il adhère fortement. M. Monnet , qui regardoit d’abord, d’après Cronfledt, le nickel comme un métal particulier , ayant obfervé que lorf- qu’il eft uni à î’arfenic il forme un verre bleu , femblable à celui que fournit le cobalt, a penfé , d’après cela , que le nickel n’eft que du cobalt privé d’arfenic & de fer. Il fuit de cette opinion que M. Monnet regarde le cobalt , ainfi que le nickel, comme un véritable alliage. M. Bergman croit que fi , en ajoutant de l’arfenic au nickel, ce dernier peut donner du verre bleu, c’eft parce que le cobab que le nickel contient toujours , 6c dont les propriétés font mafquées par ce der- nier, qui eft en beaucoup plus grande quantité, eft oxidé 6c féparé du nickel par l’arfenic , &c qu’alors il jouit de fes propriétés, 6e fur-tout de celle de fe fondre en verre plus oit moins bleu. Nous avons dit qu’on ne fépate entière- ment le nickel de l’arfenic qu’à l’aide de la calci- nation répétée avec du charbon en poudre. Le nickel s’unit encore plus intimement au cobalt qu’à l’arfenic, 6c on ne l’en féparé qu’avec la plus grande difficulté; il peut même y être combiné fans manifefter fes propriétés , 6c il n’y H h ij 484 Elémens a que le nitre, le borax & l’arfenic qui puiffent en indiquer la prél'ence par la fufion, Crcnftedt dit que le nickel forme avec le bif- muth un régule cafîant & écailleux. La difTolu- tion par l’acide nitrique peut féparer , quoi- qu’imparfaitement , ces deux matières métalli- ques, parla propriété que nous connoifïbns au nitrate de bifmuth d’ètre décompofé par l’eau. On n’a fait encore aucun ufage du nickel. CHAPITRE XII. Du Manganèse. On connoiffoit , depuis long-tems, fous le nom de magnifie, noire ou manganife , un minéral d’une couleur grife , fombre , qui iâlit les doigts, qu’oil emploie dans les verreries pour colorer ou blan- chir le verre. Les ouvriers Pavoient appellé le favon du verre, à caufe de cette dernière propriété. La plupart des naturaliftes Pavoient pris pour une mine de fer pauvre , à raifon de fa couleur « fk. de la terre ferrugineufe dont fa furface eft fouvent enduite. Pott 6c Cronftedt , après une analyfe exade , ne Pont point rtc :>nnu pour ure matière ferrugineufe. Le dernier dit y avoirtrou- vé un peu d’étain. M. Sage l’a rangé parai les mines de zinc , 6c il croit qu’il efl formé par la d’Hist. Nat. et de Chimie» 4S5 combinailon de ce de mi- métal & du cobalt avec l’acide muriatique ; il ajoute , d’après les efiais , qu’on y rencontre quelquefois du fer ou du plomb. La peiantenr de ce minéral , la propriété de teindre le verre, & celle de donner par les pruf» fiâtes alcalins verfés fur fes diffolutions dans les acides un précipité blanchâtre , avoient fait foup- çcnner à Bergman , comme il nous l’apprend dans le dernier paragraphe de la Difiertation fur les attractions électives , que ce minéral contenoit une fubflance métallique particulière. Son loup- çon a été plein , ment confirmé par un de fes élè- ves , M. Gahn , doéleur en. médecine à Stockolm, qui a fait conjointement avec Schéele , la décou- verte de l’acide phofphorique dans les os. Ce médecin efl le premier qui ait obtenu du régule de manganèfe , vraifemblablement en traitant ce minéral avec un flux rédu&if. Le degré de feu néceflaire pour cette opération efl fans doute ex- cefîif; car j’ai vu M. Brongniart_, chimiile très- habile & très-exercé , effayer en vain de réduire en culot ce minéral dans un fourneau, qui donne cependant un grand coup de feu. On m’a alluré qu’on avoit réufTi à Paris en employant le flux de M. Morveau , avec lequel ce chimifie obtient e fer en culot très-bien fondu. Mais je crois , comme M. la Peyroufe , que les flux nuifent beaucoup dans cette opération. J’ai îenré cette 4S6 E L É M E N S réclusion dans un très-bon fourneau de fufion conftruit au laboratoire de l’école vétérinaire d’Alfort. Je n’ai point obtenu un culot entier, mais j’en ai retiré une bonne quantité de grenail- les de deux ou trois lignes de diamètre. En em- ployant plufieurs fois des alcalis fixes & du bo- rax, je n’ai point eu de.métal. Dans mes diffe- rens efiais , chaque petit globule métallique de manganèfe étoit environné d’un verre ou d’une fritte vitreufe verte foncée. Cette matière doit , d’après nos principes, être regardée comme un métal particulier , puif- qu’on ne peut en faire l’analyfe, &. puifqu’elle préfente d’ailleurs des propriétés qui n’appartien- nent à aucune antre fubftance métallique. Pour avoir une nomenclature uniforme , nous appel- lerons cette fubftance le manganèfe. Ce métal eft beaucoup mieux connu au- jourd’hui d’après les travaux de MM. Bergman, Schceie, Gahn, Rinman, d’Engeftroem, llfemao, la Peyroufe. C’eft des travaux de ces chimif- tes , ainfi que de mes expériences particulières , que j’emprunterai ce que je vais en dire. Je ferai cbferver d’abord que la difficulté de réduire les mines de ce métal a été caufe que l’on cc-n- noît beaucoup mieux les propriétés de Ion oxide que celles de fa fubftance métallique. Schéele, l’un des plus habiles chimiftes de ce fiècle , paroît dHist. Nat. et de Chimie. 487 n’avoir pas pu réduire cette fubftance , puifqu’il n’indique aucune de fes propriétés dans l’crat métallique. Les mines de manganèfe Te reconnoiffent à leur couleur grife , brune ou noire, plus ou moins brillante , & à leur forme. On peut en diflinguer un aflez grand nombre de variétés. Variétés. 1. Mine de manganèfe criftallifée en prifmes té» traèdres , rhomboïdaux , flriés , fuivant leur longueur & féparés les uns des autres. z. Mine de manganèfe criftallifée , dont les prif- mes font difpofés en faifceaux. 3. Mine de manganèfe criflallifée en petites ai- guilles , qui font difpofées en étoiles. 4. Mine de manganèfe effleurie noire 8z friable.' Elle tache les doigts comme de la fuie. 5. Mine de manganèfe veloutée. Ce font de très- petites aiguilles cffleuries., dont la belle cou-* leur noire matte imite le velours. 6. Mine de manganèfe compa£ïe.& informe; elle eft d’un gris noir, fouvent caverneufe, très- pefante. Elle falit les doigts , on y trouve quel- quefois des aiguilles brillantes. La pierre ds? Périgueux appartient à cette variété. 7. Manganèfe fpathique trouvée dans les mines, de fer de Klapperud à Fresko , dans le Dabi»- and, ôi décrite par Mi Rinman. H h iv 4§§ Elémens 8, Miriiganèfe native en globules métalliques trouvée à Sem , dans le comté de Foix, par M. la Peyroufe. Ce naturalise a décrit dans le Journal de Phyfique, Janvier 17S0, beau- coup de variétés de mines de manganèfe trou* vées dans le meme endroit. 1 Schéele a découvert i’oxide de manganèfe dans les cendres des végétaux , & il lui attribue îa couleur verte ou bleue que prend fouvent l’al- cali fixe calciné. La couleur verte que préfente îa potaffe lorfqu’on la, traite par la chaux , & la couleur rofe que j’ai fouvent obfervée dans fa combinaifon avec les acides, font dues (fuivant lui) à cet oxide métallique. On le trouve en pe- tite quantité dans tous les charbons. Le manganèfe extrait de fa mine eft d’un blanc brillant dans fa frafture ; fon tiflu eft grenu comme celui du cobalt. ïl efl dur & fe brife après avoir fubi un peu d’applatiflement par le marteau. Son înfufibiliîé eft telle , qu’il eft plus difficile à fondre que le fer ; ce qui a d’abord fait conjefturer à Bergman qu’il avoit quelque rapport avec le pla- tine. Le manganèfe chauffé avec le conta# de l’air fe change en un oxide d’abord blanchâtre , & qui devient de plus en plus noir , à mefure qu’il s’oxide davantage. J’ai obfervé que les petits globules de manganèfe, obtenus par le procé dé d’Hist. Nat. et de Chimie; 48# que j’ai indiqué plus haut, s’altèrent très-promp- tement par le contaft de l’air ; ils fe terniftent d’abord ôc fe colorent en lilas §c en violet ; bien- tôt ils tombent en poulîière noire , & refTem- blent alors à l’oxide de manganèfe natif. Cette oxidstion rapide du manganèfe par le contatt de l’air , eft un fait dont l’obferva- tion a toujours eu pour moi quelque chofe de irès-fingulier. Des globules métalliques durs , brillans , très-réfraélaires , fe confervent entiers pendant allez îong-tems dans un flacon bien bou- ché , pourvu que leur furface foit entière 6c re- couverte de la petite couche d’oxide qui s’y eft formée pendant la fufion du demi-métal ; mais fi l’on cafTe ces globules en trois ou quatre frag- mens, on trouve, en fixant les yeux quelques minutes fur leur caftiue expofée à l’air , qu’elle change promptement de couleur ; de blanche qu’elle étoit , elle devient rapidement rofée , pourpre ou violette, & enfin prefque brune. Si on laiffe les fragmens dans un flacon qui contienne en même tems une certaine quantité d’air, 6c fi' on les fecoue légèrement de tems en tems , au bout de quelques mois on les trouve réduits en une poufiière prefque noire ; c’eft une forte de pulvérifation ou d’efflorefcence métallique ana- logue à celle des fub fiances faillies ou des pyri- tes. Elle prouve la forte attraction qui exifte entre 490 Ê L É M S N g îe manganèfe & Poxigène atmofphérique, &: la rapidité avec laquelle ces fubdances tendent à s’unir. On n’a point examiné l’a&ion du maaganèfe fur les terres & fur les fubftances falino-terreufes. L’oxide de ce métal donne au verre une cou- leur violette ou brune , fufceptible d’un grand nombre de modifications, & quife difîipe faci- lement parl’a&ion des matières combuflibles. Le nitre revivifie ou fait reparoître promptement cette couleur brune ou violette , en rendant de l’oxigène au manganèfe. Telle eft la raifon pour laquelle les matras & les cornues de verre blanc que l’on emploie dans nos laboratoires , pour obtenir Pair vital du nitre , prennent toujours une couleur brune ou violette. Schéelea fait un grand nombre d’expériences ingénieufes fur cette colo- ration du verre par Poxide de manganèfe. On ne connoît pas bien la manière dont les al- calis agiffent fur le manganèfe. Mais on fait que l’oxide de ce métal s’y combine , Sc eft re- vivifié par l’ammoniaque. Bergman obferve que dans cette combinaifon il fe dégage un gaz par- ticulier, qu’il regarde comme un des principes de l’ammoniaque, & fur lequel il ne donne point de détails. Il paroît que c’eft le gaz azote, d'après la découverte de M. Berthollet , & que l’hydrogène de l’ammoniaque fe porte fur Poxigène qu’il eiv d’I-Iist. Nat. et de Chimie. 491 lève au manganèfe ; celui-ci eft alors réduit & devient blanc. Schéele a donné le nom de camé- léon minéral à une combinaifon de potaûe & d’oxide de manganèfe, qui prend une belle cou-, leur verre dans î’eau chaude, & rouge avec l’eau froide. L’oxigène & le calorique paroiffent être les principales caufes des phénomènes que pré- fente cette combinaifon. Peut-être 1 azote , que je regarde comme le principe' alcalifiant ou comme Y alcaligene , fe dégage-t-il de la potafïe dans cette opération , & efl-il en partie la caufe de ces fiq- gulières modifications de la couleur. L’acide fulfurique efi décompofé par le man- ganèfe & diflout fon oxide. Cette diflolution ed colorée, &. elle perd fa couleur par l’addition d’une matière combuflible , comme le fucre , le miel ; elle donne un fulfate de manganèfe trans- parent en criflaux parallélipipèdes. Ce fulfate efl décompofé par le feu & donne de l’air vital; les alcalis en féparent un oxide de manganèfe qui de- vient brun par fon expofition à l’air. L’acide nitrique diflout ce métal en don- nant des vapeurs rouges. Son oxide n’e'ft point at- taqué par cet acide , à moins que ce dernier ne foit rutilant, ou qu’on n’y ajoute un corps com- buflible, comme du miel ou du fucre. Les alca- lis précipitent de ces diflolutions un oxide blanc diffoluble dans les acides, qui noircit & s’oxide 492 E L E M ENS davantage lorsqu’on le chauffe. Bergman penfe que ce métal eft une des fubftances métalli- ques qui a le plus d’affinité avec les Tels , puifque dans fa table d'attraélions chimiques il le place prefqu au haut des colonnes qui expriment les at- Traéfions éleéfives des acides pour les différentes fubftances auxquelles ils font fufceptibles de s’unir. L’acide muriatique difîout auffi le manganèfe , qui le colore à froid en brun foncé ; en chauf- fant cette diffolution , elle perd fa couleur ; l’eau la précipite, & les alcalis la décornpofent. Nous avons vu dans Phifloire de cet acide , qu’en le diftillant fur l’oxide natif de ce métal , celui-ci devient blanc & fe rapproche de l’état métallique, en donnant une partie de fon oxigène à l’acide muriatique qui fe dégage en gaz acide muriatique oxïgéné. Il parcît que cet acide a plus d'affinité avec le manganèfe que n’en a l’a- cide fuifurique , puifqu’une diffolution de ce métal par ce dernier , verfé dans Pacide mu- riatique , forme un précipité que Bergman a reconnu pour erre du muriate de manganèfe , par la propriété qu’il a de fe diffioudre dans l’aico- hol -, propriété que ne préfente point le fulfate du meme métal. L’acide fluorique ne difîout que très - peu d’oxide de manganèfe ; on unit mieux ces deux fubftances, fuivant Schéele, en décompofant le d’Hist. Nat. et de Chimie. 49 3 fulfate , le nitrate ou le muriate de manganèfe par le fluate ammoniacal. L’acide carbonique diflout une petite quantité de manganèfe par la digeffion à froid ; la potaffe & le contaft de l’air en précipitent l’oxide métal- lique. Schéele a examiné l’aélion du nitre , du borax &C du muriate ammoniacal fur l’oxide de manga- nèfe. Cet oxide dégage l’acide du nitre par la chaleur ; il forme avec la potaffe une malle verte foncée, diffoluble dans l’eau, à laquelle elle donne la même couleur. Celle-ci n’eft verte qu’à raifon du fer contenu dans le manganèfe ; à mefureque le fer s’en précipite , il laiffe la diffolution bleue; l’eau êc les acides précipitent cette diffolution alcaline. C’eft le caméléon minéral de Schéele dont nous avons déjà parlé. Le nitrate de potaffe, chauffé dans des vaiffeaux de verre contenant du manganèfe , donne à ce ver- re une couleur violette d’autant plus foncée que l’oxidation de ce métal par l’acide nitrique eff plus complette. Le borax fondu avec l’oxide de manganèfe prend une couleur brune ou violette. Le muriate ammoniacal, diftillé avec cet oxide métallique , donne de l’ammoniaque , & celle-ci eft en partie décompofée. Schéele , qui a fait cette obfervation , a annoncé en même tems qu’il fe 494 E L É ME N S dégage un fluide diadique qu’il regarde comme un des principes de l’ammoniaque, mais il n’a point indiqué la nature de ce fluide ; M. Ber- îhollet a reconnu depuis que dans les décompofi- tions de l’ammoniaque parles oxides métalliques, il fe forme de l’eau par l’union de l’hydrogène, l’un des principes de ce fel, avec l’oxigène des oxides, tandis que l’azote., autre principe de l’am- moniaque , fe dégage en gaz. Il fe forme aufTi de l’acide nitrique dans cette opération. On ne connoît pas l’a&ion .de l’hydrogène & 'du foufre fur le manganèfe & fur fon oxide natif. L’arfenic même en oxide blanc paroîr être fufcep- tible d’enlever à cet oxide une portion de fon oxigène , puifqu’il décolore les verres brunis par cette fubftance. Bergman ajoute à ces propriétés que le man- ganèfe ne peut pas être exactement féparé du fer qu’il contient toujours ; ainfi donc il en eft de ce nouveau demi-métal, comme du nickel : on ne le connoît point encore dans fon état de pureté. Schéele , dans l’analyfe exaCte qu’il a faite de l’oxide de manganèfe naturel , y a découvert du fer, de la chsux,de la baryte & un peu de lilice. On emploie l’oxide de manganèfe , nommé magnifie noire , dans les verreries , foit pour ôter les teintes de jaune , de verd ou de bleu aux verres blancs , foit pour colorer ces fubflances d’Hist. Nat. et de Chimie. 49? en violet. Il eft vraifemblable que cephenomene eft dû à l’avion de l’oxigène féparé de l’oxide de manganèfe par la chaleur fur les lubftances co- lorées. On fe fert aujourd’hui de l’oxide de manga- nèfe natif en chimie pour préparer l’acide mu- riatique oxigéné, 6c pour un grand nombre d’autres expériences. Cet oxide natif donne , en le chauffant feul dans un appareil pneumato-chimique , de l’air vital ou gaz oxigène très-pur ; c’eft cet air vital qui feul peut être employé avec avantage pour les malades chez fefquels fon adminîftration eff indiauée. Il faut obferver que pour obtenir l’air vital bien pur en diflillant l’oxide de man- ganèfe natif, il faut en remplir entièrement les cornues , & ne point y laiffer d’air atmofphéri- que; c’eft ainii qu’on doit procéder pour obtenir l’air vital defliné aux malades, ou employé pour recompofer l’eau. Sans cette précaution on a, dans cette dernière expérience, une quantité plus grande d’acide nitrique formé , ou un réûdu mé- phitique qui arrête la combudicn du gaz hy- drogène, & qui oblige de faire plufieurs fois le vide dans le ballon. L’affinité du manganèfe pour le principe de la combuffion guide auffi le? chiaiiûçs modernes 496 £ L E M E N S, &C. dans un grand nombre de cas, & pourra con-* duire quelque jour à de nouvelles découvertes, qui ne font pas même encore foupçonnées , fur la nature de plulieurs fubftances 2 inconnue juf* qu’a&ueliemenc. Fin du Tome fcconcL / * ■/ PAçfVi. ;^.yV.'r,'ï ■*Vèt£-ï-A*±. ï£ ri'Jr'"--*?. ’ ; ; ’r - lia :iK-’r ■(£> ■ \