' ' ifi 9^ mj/ \i iHl R.C.P. EOINBURGH LIBRARY R25973N0236 Digitized by the Internet Archive in 2016 https://archive.org/details/b21948914_0003 V iii-ÿ î?.’* *' ’ '-'■‘►^fli^^“ •'V -Ifriv’;^"- *t^i= '■«• ■ F£ - i‘V ►.-:jï^: .«rrr/ .. ^’‘‘ ,• ' ** % ‘''-'‘f-^ '’ - • ' r ^ T-m émki^-- :‘ u;■." ^' . Ai ”'î ■■ r ■■ ' • «■'‘■îaMiÉÉrj r .A ^ ■■ . :'->î=^ , . V <*.1^7 ,*'..r. . - n. «4 # N OEUVRES # VICQ-D’AZ YR. , ' ÉLOGES HISTORIQUES^ 4 \ 7 OEUVRES ICQ-D’AZ YR,;^^ HECUElLIilES ET PUBLIEES AVEC DBS NOTES ET UN DISCOURS SUR SA VIE ET SES OUVRAGES , PAR Jacq. L. Moreau (de la Sarthe)^ Docteur médecin, Sous -bibliothécaire de l’École de médecine, Membre adjoint de la Société de cette École , membre de la Société philo--* mathique, des Sociétés de médecine de Paris, de Montpellier, etc. ORNÉES d’un volume DE PLANCHES, GRAND IN-4.», ET d’un frontispice ALLÉGORIQUE. tome TROISIÈME- DE L’IMPRIMERIE DE BAUDOUIN. A PARIS, Chez L. DUPRAT-DUVERGER, rne des Grands- Augustins, N.o 2.4. an XIII. — i8o5. # SUITE DE LA TROISIÈME SECTION. LIEU T AU D. C’est un singulier spectacle que de voir les hommes formant des projets qu’il n’est pas souvent en leur pouvoir d’executer , frapper presque toujours un but different de celui qu’ils veulent atteindre. Les ima se donnent une peine inutile pour sortir de la sphère dans laquelle ils sont circonscrits ; les autres , aban- donnés au tourbillon qui les entraîne, et n’étant plus Ii-S maîtres de 1 impulsion qu ils ont reçue, se "trouvent portés vers des objets qui n’étoient pas ceux de leurs premieies recherches j quelques-uns même chérissent en vain le repos et la tranquillité 5 en vain ils sont attachés au sol qui les a vu naîtoe. Des circonstances qu’ils n’ont point ménagées rompent toutes leurs me- suiesj et celui qui vouloit vivre oublié, conduit par des événemens imprévus , se trouve loin de sa patrie, revetu de dignités qui sont venues s’offrir d^elles- inêines. Tel a été Joseph Lieutaud, conseiller d’état, pre- T. 3< i 2 ÉLOGES HISTORIQUES. mier médecin du roi, de Monsieur, frère du roi, de monseigneur comte d’Artois, ancien professeur de médecine en l’université d’Aix , docteur-régent de la Faculté de médecine de Paris, de l’Académie royale des sciences , membre de la Société royale de Londres , président de la Société royale de Médecine. Ce savant naquit à Aix en Provence , le 2i juin i7o3, de Jean- Baptiste Lieutand , avocat au parlement d’Aix , et de Louise Gai'idel. Ecrire son histoire c’est montrer com- ment un homme modeste et sans ambition est parvenu à la première place de son état, c’est tracer une route peu suivie, quoiqu’elle soit la plus honorable, sans cependant être la plus sâre. M. Lieutaud étoit le plus jeune et le plus foible d» douze enfansj il ne tarda pas à les surpasser en consi- dération et en fortune : étrange effet de l’ordre social , dans lequel les forces physiques sont ordinairement le moindre de tous les avantages , tandis que dans l’ordre naturel elles occupent le premier rang ! Déjà sa famille avoit fourni des hoinnies utiles à son pays et à l’état, tels que des ecclésiastiques, des militaires, des magistrats distingués et des savans, parmi lesquels on compte Garidel, médecin et bota- niste célèbre, qui a décrit dans un ouvrage estimé les plantes do la Provence. • De tous les genres de travaux et de célébrité dont ses ancêtres lui offroient des modèles, ce dernier fut le seul qui excita son éinulallon. La délicatesse de sou tempérament s’opposa long -temps à l’exécution de son dessein. 11 est assez d’usage que le chef d’ium PHYSIOL. ET MÉD. — LIEUTAUD. 3 famille nombreuse consacre quelqu’un de ses enlans à l’autel , et qu’il se charge lui-mème du soin de la choisir. Les parens de M. Lieiitaud le regardoient comme celui des leurs qui étoit le moins propre à réussir dans le inonde , et que ses inceiirs et son esprit rendoient le plus capable, sinon d’obtenir, au moins de mériter des distinctions dans l’état ecclésiastique j mais les engagemens qu’il devoit contracter l’elCrayè- rent lorsqu’il en connut toute l’étendue. Il pensoit trop délicatement pour mettre de la contradiction entre sa conduite et ses devoirs , et ses parens furent obligés de renoncer i\ leur projet. Plus d’une fois cependaut M. Lieiitaud hésita dans le choix pour lequel il s’est déterminé. Il craigiioit que la diflormlté de sa taille et la froideur de sou ca- ractère ne fussent un obstacle à ses succès dans la prati- que de la médecine. Il se seroit épargné cette inquiétude s’il avoit réfléchi que pour obtenir la confiance du public il s’agit moins de lui plaire que de fixer son attention, et que l’homme qui le traite avec le plus de rigueur n’est pas toujours celui qui en reçoit le moins de caresses. Chaque trempe d’esprit a ses besoins : les uns veulent trouver dans la figure , dans le maintien , dans le ca- ractère de leur médecin, de la douceur et de la conso- lation 5 les autres aiment à rencontrer dans le leur un hommé sévère et menaçant : s’il les gronde pour les fautes qu’ils ont cqjnmises dans le régime, ils lui savent gré de ses reproches et même de sa dureté , qui leur paroît être l’effet de l’intérêt qu’il prend à leur conservation: il eu est enfin qui, regardant la méde- 4 ÉLOGES HISTORIQUES. cilié comme mie sorte de magistrature , désirent (|iie leur juge soit un homme froid, impartial , indiflé- rent : classe à lac^uelle M. Lieutaud devoit être rap- porté. Ses premiers goûts furent le fruit de l’exemple. Elevé sous les yeux de Garidel, l’étude de la botanique devint la principale occupation de sa jeunesse (1)5 les voyages fréquens qu’elle lui lit entreprendre fortifièrent son tempérament. Cette science , féconde en plaisii*s , et dans la pratique de laquelle chaque instant a sa récom- pense , est en effet un moyen très-favorable à la santé de ceux qui ont besoin d’être toujours occupés, et qui na savent se distraii’e qu’en changeant de travail. Elle consume utilement une partie de cette activité qu’il est si facile d’employer, môme dans la carrière des sciences, d’une manière préjudiciable à notre conser- vation. Après avoir été reçu docteur en la Faculté d’Alx , il lut envoyé à Montpellier. Le neveu de Garidel , (1) M, Lieutaud joiguoit à l’éiudp de la l>otanique celle de la. Tiiiriéralogie i il s’étoit lormé dans ce dernier genre un cabinet ird-s-curieux. Il avoit beaucoup cultivé le dessin. Voyez , à la fin de son Ana- totiiic, plusieurs ligures qu’il a dessinées lui-inéinc. Presque toutes les connoissances physiques lui étoirnt familières. Il avoii beaucoup étiulié l’asirononiie. Jo,,ltii ai entendu dire qu’une laïuité qu’il u conservée toute sa vie étoit duc à ce qu’il avoit déiuontré le ciel ii ses élèves pendant plusieurs nuits très-froides. Deux globes, l’iin terrestre, l’autre céleste, qui onioient son ca- binet, étoirnt son ouvrage. PHYSIOL. ET MÉD. — LIEUTAUD. A qui avoit déjà lui-méme acquis de la célébrité, y de- vint bientôt le chef des herborisations dont les Pyré- nées et les Cévènes étoient le théAtre le plus ordi- naire. M. Lieutaud en rapporta plus d’une fols des plantes dont on ne soupçonnoit pas même l’existence dans ces contrées , et qui avoleut échappé aux recher- ches de Tournefort et de Nissole. M. Chicoyneau y alors chancelier de l’université , remarqua son zèle j et il le fortifia par des encouragemens auquel le jeune Lieutaud fut très-sensible ; car le mérite naissant a sur- tout besoin d’êtr» accueilli. La Faculté d’Aix s’empressa de s’attacher un méde- cin qui donnoit d’aussi grandes espérances, en lui ac- cordant la survivance des chaires occupées par Garldel. Il lut donc chargé d’enseigner l’anatomie, la physiolo- gie et la botanique. Quelqu’étendues que soient les con- nolssances d’un professeur, peuvent-elles jamais l’être autant que ces trois sciences à la fois ? et chacune ne demande-t-elle pas un homme tout entier (i)? M. Lieu- taud les enseigna d’une manière utile. Alais lorsque (i) Il existe, dira-t-on, tant de bons livres élémentaires; est-il donc si difficile de les expliquer dans les écoles l Mais celui quîT enseigne une science ne doit-il pas y exceller? S’il ne la possède pas dans tous ses détails , pourra-t-il en extraire les principes et les oüVir à ses élèves sous l’aspect le plus facile à saisir? Com- ment en inspirera^il le goût s’il n’en a pas l’enthousiasme? Et l’on ne se passionne point pour ce que l’on ignore. Enfin , que doit- on attendre d’un professeur qui , plus écolier que ses disciples , et moins savant que le livre dont il comnltnte les passages , se trouve réduit à faire connoître sa médiocrité , ou à la cacher sous le voile d’une latinité obscure et d’une pédanterie révoltante ? 6 ELOGES HISTORIQUES. le succès d’une école dépend de la réunion de tant de lumières , peut-on espérer de voir souvent des Ibnc- tions aussi importantes convenablement remplies par un seul homme? et n’est-il pas à désirer que le pro- grès des lumières , auquel on doit un commencement de réforme dans l’éducation privée , influe bientôt sur l’enseignement public , qui a besoin d’une révolution générale pour être mis au niveau des connoissances acquises ? Comme professeur de botanique ^ et comme chargé de continuer la description de l’iiistoire naturelle de la Provence , commencée par Garidel , M. Lieutaud y faisoit avec ses élèves de fréquens voyages. Il s’en fallut peu qu’il ne fût un jour la victime de son zèle. Il clier- clioit depuis long-temps une belle plante appelée echiunt fore alla ; il la vit à une distance considérable sur le penchant d’un coteau qui étoit comme suspendu au- dessus d’une carrière très-profonde. Emporté par son ardeur , il y courut , et s’aperçut du danger seule- ment après avoir cueilli la fleur qui étoit l’objet de ses désirs. Il n’osa faire aucun mouvement sur un terrain rapide et glissant j la moindre tentative pouvoit le précipiter. On trouva dans les environs unç corde usée à laquelle il fut obligé de confier sa vie , et il gagna ainsi le sommet , au milieu des acclamations de ses élèves qu’il àvoit eu beaucoup de peine à empêcher de s’exposer aux mêmes risques en volant h son secours. Jusque-là M. Lieutaud avoit suivi la roule tracée par son oncle ^ mais il est rare que les honiines se lais- sent long-temps gouverner par des goûts qui ne sont PîIYSlOL. ET MÉD. — LIEUTAUD. 7 pas les leurs. Il semble qu’ils aiment à user de leur "bberté , en faisant un choix qu’on ne puisse attribuer n aucun autre motif. L’anatomie devint l’objet prin- cipal de ses travaux. Ayant été nommé médecin de l’hdtel-dieu de la ville d’Aix , il sentit combien ce genre de i-ecberches lui deveiiüit nécessaire : il ne pensoit pas comme cour qui prétendent (pie l’on peut être un très-habile mé- decin , (pioiquc l’on n’ait pas pris la peine de s’instruire en anatomie. La chimie et la physique se trouvant en- veloppées dans la même proscription , n'est -ce pas comme si l’on assuroit cpie l’on peut guérir des ma- lades sans connoitre le siège et la nature des organes affectés 5 qu’il est possible de préparer convenablement les médicamens , quoicpie l’on ignore les lois de leurs combinaisons 5 et, que pour régler le régime et la diète, il est inutile de savoir quelles sont les cpialités des ali- niens , de l’air et des eaux? Toiles sont cependant les conséquences absurdes et dangereuses des assertions que l’ignorance et l’envie répandent et font croire ü la multitude. Les fauteurs de ces principes se vengent de ceux dont ils redoutent les talens , en se servant de leurs propres travaux pour opposer un obstacle à leurs succès. Ils leur accordent volontiers la supériorité des connoissances , en se réservant celles de l’habileté : comme si les premières n’étoient pas nécessairement la base de la seconde ! Chacun d’eux croit ou dit en savoir assez ^ mais la précision et l’enchaînement que ces sciences exigent étant incompatibles avec la mé- diocrité , de pareilles restrictions ne servent qu’à prou- 8 ÉLOGES HISTORIQUES. ver l’ignorance de ceux qui les réclament. M. Lieutaud se rangea dans la classe des médecins qui s’exposent ^ par leur amour pour l’étude, à fournir contre eux des armes à l’envie , et cependant il fut assez heureux pour n’.avoir pas à s’en plaindre. L’hôpital qui lui fut confié le mit à portée de se livrer aux travaux de l’anatomie 5 il y éprouva d’abord des difficultés assez grandes. Un ecclésiastique , admi- nistrateur de cet hôpital , s’opposa à ce que la dissec- tion y fût permise. M. Lieutaud , qui chercholt à s’em- parer de sa confiance , remarqua qu’il parloit quelque- fois avec éloge de la géométrie 5 il profitai de ce pen- chant pour le ramener à son but. Comme il en savoit assez pour lui en donner des leçons , il devint son maître ; et bientôt le disciple plus docile , avec un juge- ment plus droit, permit non seulement ce qu’il avoit proscrit , mais il devint encore un des plus zélés par- tisans de l’anatomie. Si M. Lieutaud avoit mis moins d’adresse dans cette négociation , la médecine auroit sans doute été privée des observations qu’elle doit à ses travaux ; l’ecclésiastique auroit continué d’ètre igno- rant et entêté , ce qui est presque inséparable , et la dissection seroit peut-être encore défendue dans l’hô- pital de la ville d’Aix. Ses succès dans l’enseignement de l’anatomie dé- terminèrent le parlement û lui accorder les corps des suppliciés , sur lesquels il a pltisieurs fols démontré les vaisseaux du chyle et les vésicules spermatiques. M. liioulaud profita de celte circonstance pour don- ner à scs élèves une instruction qu’il n’auroit pu leur PIIYSIOL. ET MÉD. — LIEUTAUD. 9 procurer par xine autre vole. Mais ce ne dut pas être sans répiigance 5 et comment n’en coùtcrolt-il pas à un homme sensible pour s’exercer sur des corps qui ^ tout défigurés par les marques d’une flétrissure humi- liante , pussent de l’échafaud dans un umphithéêtre y où. ils semblent être abandonnés au derftler instru- ment de la vengeance ordonnée par les lois ? Long- temps l’anatomie fut restreinte i\ ces tristes moyens : et quelle ardeur , quel amour de la vérité ne devons- nous pas supposer A ceux qui ont puisé dans les en- trailles des suppliciés les découvertes dont nous jouis- sons avec tant de sécurité ! Les connoissances acquises sont un bienfait dont la trace est perdue , un héri- tage dont nous usons sans reconnoissance. Il semble même que nous ignorions combien cette masse de lumières dont notre siècle s’honore , et qui promet dans l’avenir un si beau jour ^ a coiité de soins et de peines à ceux qui nous les ont transmises. ]\I. Lieutaud goûtoit alo^'s tout le plaisir que Ton éprouvé lorsqu’on aimant le travail on a le bonheur d être livre a celui que l’on préfère. Il étoit dans cette époque moyenne de la vie où , après s’être donné beau- coup de peine , on commence à jouir , et où l’on a 1 esperaiice bien fondée d’obtenir des succès dont la perspective est souvent plus agréable que la possession j la première surpassant autant la seconde que l’aopa- lence et 1 illusion sont au-dessus de la réalité. Il se concentra long-temps dans l’hôpital d’Aix j et ce ne fut qii’après y avoir mûri ses idées qu’il osa Æe mesurer avec les medeems de cette ville ^ qu’iuie lo ÉLOGES FIISTORÎQÜES. longue expérience avoit rendus célèbres. On ne le vit point imiter ces guérisseurs , qui , tout couverts de la poussière des écoles , se tourmentent pour avoir l’air d’être occupés , et qui , peu différons des empiriques , dont l’art consiste à se montrer sur les places pour attirer la foule autour d’eux , ne cessent de se faire voir dans les différons quartiers de la ville , où ils fei- gnent d’être appelés pour en imposer à la multitude. Ce n’est pas sans doute pour les vrais médecins que l’on a cru devoir placer ici ces réflexions j c’est en faveur du public , qui seroit moins souvent induit en eiTeur s’il avoit les yeux plus ouverts sur les moyens que l’on emploie pour le séduire , et s’il savoit que rien ne peut suppléer à l’application et à l’étude j que l’experience n’instruit point celui qui n’est pas en état d’en profiter : que la routine est souvent la source des méprises les plus funestes: et que si les gens du monde se montroient plus difficiles dans le choix des per- sonnes auxquelles ils dorment leur confiance , et s’il etoit plus aise de la mériter que de la surprendre , on verroit les vrais talens plus honorés , la science faire plus de progrès , et la nature moins accablée par des maux que l’on aggrave , et par des remèdes que l’on accumule sans indication et sans besoin ^ comme sans succès. M. Lieutaud choisissoit parmi les faits qu’il obscr- yoit ceux qui méritoient le plus d’attention , et il les communiquoit l’Académie royale des sciences , qui j satisfaite de ses travaux, le nomma son correspondant en iy35 , sur le rapport do Wiiislow. De ce nombre PIIYSIOL. ET MED. — LIEUTAUD. ii sont les' obsei-vations qu’il a faites sur la vésicule du (iel , dont il a fait voir que le conduit (i) sert tantôt à recevoir la bile qui remonte du ciuial cliolédo(]ue , tantôt à porter vers l’intestin ce même fluide lorsqu’il a acquis une énergie plus grande (2) ; sur le mécanisme du vomissement (3) , dont il a prouvé que lea forces même de l’estomac sont l'agent immédiat 5 et sur l’usage de la rate (4). Il a fait voir que l'on f)eut regarder la pression de l'estomac distendu comme la cause qui la détermine à se vider pendant la digestion , et à four- (i) Observations sur la vésicule du fiel, Académie des sciences, J 735. Le col de la vésicule du fiel dont il a parlé ctoit bouché par un calcul qui eiupôclioit la bile hépatique d'y arriver. (a) Il a aussi communiqué à l’Académie les observations sui- vantes ; 1.® sur une quantité très-considérable de pus, dont les sinus frontaux, sphénoïdaux et maxillaires étoient le foyer, dans un cas où l’on croyoit mal à propos la poitrine affectée, 1735 : a.® sur deux livres au moins de sérosité très-claire trouvée dans les ven- tricules du cerveau . 1735 ; 3.° sur un corps osseux , de forme trés- irrégnlière, observé dans le côté droit du cervelet d’un épilepti- que ; 1737. (3) Relation dune maladie de l*eitomac, avec quelques obser- vations concernant le mécanisme du vomissement et, l’usage de la rate. Académie royale des sciences, 175a. Il est prouvé par l’ex- périence que l’estomac se suffit à lui-même pour l’expulsion des matières qu il renferme, et que les forces des muscles abdominaux seules sont incapables de produire cet effet. (4) La rate est en général d’autant plus gonflée que l’estomac l’est moins : dans les personnes mortes de faim, on a toujours trouvé son volume très-considér.able. Voyez les observations de M. Lieu- taud sur la grosseur naturelle delà rate : Acad. royale des sciences, / 12 ÉLOGES HISTORIQUES. nir au foie une grande quantité de sang déjà disposé à prendre la nature de la bile. Il publia pendant son séjour à Aix deux ouvrages plus considérables , l’un sur l’anatomie , l’autre sur la physiologie. Le premier , sous le titre modeste d’Essais (i) , contient une description exacte et abré- gée du corps humain : on y remarque sur-tout un tahleau méthodique des articulations ^ une description bien soignée de l’œil et du cerveau , et une exposition claire et succincte des muscles de la face (2) , du plia- rynx et du dos : l’auteur y a joint des avis très-utiles sur la maniéré de disséquer et tle préparer les différens organes du corps humain. La méthode est l’instru- ment le plus nécessaire aux savans : en montrant com- ment on arrive aux résultats connus , elle indique la route qui conduit aux vérités nouvelles. M. Lieutaud a fait j dans ce traité ^ peu d’usage de ce qui avoit été publié avant lui par les autres anato- mistes. Il regardoit les détails poussés un peu loin comme propres à surcharger la science , et il étolt vraiment affligé lorsqu’il paroissolt un ouvrage de ce genre. Mais s’il existe une portion de matière qu’il nous importe de connoître , c’est sans doute celle qui (t) Essais anatomiques, Paris, in-8.0 1742; 2.® édition, 1766; 3.® édition , avec . Une des- cription exacte du péricarde , une exposition fidèle de la structure des oreillettes , de celle des valvules , et une division très-ingénieuse de chaque ventricule en deux régions , dont l’une appartient à l’oreillette et I autre à l’artère y sont les objets qu’il a le mieux traités (2). (0 1.” Observations anatomiques siirle cœur, premier mémoire, Académie royale des sciencer^iySa ; a.» Observations anatomiques ’ ou second Mémoir^ snr le cœur , ibid. 1752 ; 3.» Observations ana- tomiques sur le cœur, contenant la description particulière des oreillettes, dn fron ovale et du canal artériel. (2) Il en a principalement conclu que la contraction des oreil- lettes et celle des ventricules se faisant alternativement, le vo- lume, dans un des cas, compense celui de l’autee ; que le péri- T. 3. 2 i8 ÉLOGES HISTORIQUES. Quoique la vessie urinaire eût été observée très-an- ciennement , sa structure n’étoit cependant pas bien comme avant M. Lieutaud. Ce que l’on avoit dit de son sphincter , de sa forme comparée avec celle d’une bouteille , et des différentes couches de ses fibres , n’étoit pas exact. La membrane interne de cette poche est , suivant cet anatomiste (i) , la seule qui soit ca- pable de contenir l’urine. Au lieu d’une membrane charnue , on n’y trouve que des trousseaux muscu- laires diversement entrelacés , et qui sont comme jetés au hasard j et un corps spongieux de figure triangu- laire , qu’il a nommé trigoiie j s’étend depuis les ure- tères jusqu’auprès du veru-montanum. Les productions de l’esprit portent ordinairement l’empreinte de l’dge dans lequel elles sont écrites. Il s’étoit glissé quelques systèmes dans les premiers essais de M. Lieutaud: il a eu le courage et la bonne-foi de les proscrire lui-même comme un reste d’esprit pro- fessorial : ce sont ses expressions. Ceux dont les ou- vrages contiennent des faits intéressans renoncent faci- lement aux hypothèses qui les déparent 5 il n’y a que les auteurs dont ces dernières sont tonte la richesse y qui ne peuvent se déterminer à en faire le sacrifice. Tant de travaux et de zèle attirèrent sur lui les re- canle est également rcmj>li dans ces doux instans , et que les yen- triculcs , en se resserrant, poussent le sang dans deux directions, une partie de ce fluide étant refoulée Tcrs l’oreillette par la cloi- son valvulaire, lundis que l'autre est lancée dans le tube artériel. (i) Voyez les OliscrTntions anatomiques tle M. Lieutaud sur la •tructurc de la vessie, Acudéiuie royale dc^ scicuccs* 1753. PHYSIOL. ET MÉD. — LIEUf AUD. 19 garils du feu roi. Ou sait combien les qualités d’un bon père avoient d’énergie dans l’ame de ce prince. Il cherchoit un médecin non seulement habile , mais en- core doux, affectueux , prudent , auquel il pût confier le dépôt le plus cher de l’état, la santé de ses augustes enfans. M. Lieutaud fut choisi pour occuper cette place importante : il s’en montra digne dans la mala- die de feu monseigneur le duc de Bourgogne. Déjà les médecins s’étoient réunis plusieurs fois sans avoir rien arrêté de positif sur sa nature : les uns ignoroient, les autres n’osolent dire quelle en étolt la cause. Cepen- dant la santé du prince s’affoibllssoit chaque Jour. Que les enfans des rois sont à plaindre ! La vérité semble les fuir dans tous les états de la vie ; c’est dans ses der- niers uistans seulement qu’elle s’empare d’eux pour ne les plus quitter , et la mort qui l’accompagne rend terribles des oracles qui , entendus plus tôt , auroient été une source de bonheur et de prospérité. Le feu roi peu satisfait des résultats de plusieurs consultations déjà convoquées au sujet de la maladie du prince , en ordonna une nouvelle , et voulut que chaque médecin et chirurgien donnât son avis par écrit. M. Lieutaud fut précis et vrai : « La maladie de monseigneur est , » dit-il , une luxation de la cuisse , opérée par la con- n tusion des cartilages , du ligament et des glandes 3> articulaires de la cavité cotyloïdenj énoncé qui fixa l’attention de toute la famille royale. Mais cette véi'ité vint trop tard , comme c’est l’ordinaire dans les palais des rois 5 il n’étoit plus temps d’en profiter. i^I‘ Lieutaud quitta l’infirmerie royale pour se fixer* 20 ÉLOGES HISTORIQUES, à la cour auprès des jeunes princes. Transportés dans ce tourbillon , les hommes simples et droits y sont tou- jours étrangers. On pourroit les comparer à ces rochers qui, couverts par les eaux d’une mer orageuse , voient tout se renouveler et changer autour d’eux sans se mou- voir, et qui se trouvent au milieu de la tempête sans en partager l’agitation ni l’épouvante. Toujours à la même hauteur , on les remarque comme des écueils contre lesquels se brisent les flots de l’intrigue. M. Lieu- taud étolt un de ces hommes rares dont il se trouve un petit nombre dans les cours ; il resta toujours le même , et il ne fut jamais que médecin et anato- miste. Occupé depuis long-temps dans un hôpital consi- dérable , soit à Aix , soit à Versailles , sa nouvelle place lui offrit une sorte de reti’aite et de solitude 5 il y éprouva un calme dont il n’avoit pas joui depuis plu- sieurs années , et il ne vécut jamais plus seul qu’au milieu de la cour la plus brillante de l’Em-ope. L’art de s’isoler dans ce sens n’appartient point à l’égoïsme. Celui-ci ne détruit, pas toutes les liaisons 5 il en con- serve autant qu’il a de besoins , soit réels , soit ima- ginaires. M. Lleutaud n’avoit respecté que celles der ses devoirs. Cette excessive sévérité dans les mœurs est plus féconde en plaisirs qu’on ne le pense commu- nément , parce qu’il u’y a point de sacrifice raison- nable rj^ui ne porte avec lui son attrait et sa conso- lation. Il profita de ce loisir pour mettre la dernière main ù plusieurs ouvrages commencés depuis long-temps. PHYSIOL. ET MÉD. — LIEÜTAUD. 21 Le premier est un Précis de médecine pratique (i) , dans lequel les définitions , les symptômes et le trai- tement de chaque maladie sont exposés avec soin. Le second (2) est un Traité de matière médicale , auquel il a joint un supplément sur les allmens et les dilf’é- lentes espèces de boissons. Il est divisé eu plusieurs classes , dont les limites sont presque impossibles à déterminer; on n’y trouve aucune notion de chimie, et les propriétés attribuées aux diflereiites substances sont vagues et trop nombreuses. Quoique cette pro- duction ne réponde pas au mérite de son auteur , elle a cependant été la plus achetée , la plus réimprimée et la plus répandue ; sans doute parce que , contenant une suite de formules annoncées pour tous les cas qui peuvent se présenter , elle fournit à ces hommes qui pratiquent la médecine sans la savoir , des ressources propres à cacher leur impéritie et à favoriser un com- merce des plus coupables , dans lequel le trésor inap- préciable de la vie est mis en balance avec celui de la cupidité. (j) Précis jde médecine pratique , Paris, 1760, 1 vol. in-S.**. Le même, augmenté, Paris, 1766, 2 vol. Le même, 1769 et 1776. Voyez aussi Synopsis unU-ersce medicinœ practicœ , Am.st. 1765, 2 vol, in-4.**. JEailein aucta cum libro de cibo et potu, Parisiis , Ï770 , a vol. in-4.“. Cet ouvrage a été réimprimé à Padoue, et plusieurs de ses chapitres ont été traduits et employés dans l’édition de l’Encyclo- pédie d’Yverdun. (2) Précis de la matière médicale , traduction de la seconde par- tie du Précis de la médecine pratique publiée en latin , avec un Traité des allmens et des boissons, 2 vol. in-S,®, 1770, 22 ÉLOGES HISTORIQUES. Bonnet , Valsalvaet Morgagni avoient' publié flivers traités sur le siège des maladies , si souvent caché par la profondeur des organes ou par les sympathies ner- veuses J lorsque M. Lieutaud fut engagé par M. Senac à réunir les faits les plus intéressans dans ce genre (i). Les lésions du ventre , de la poitrine , de la tête et de la surface du corps j sont décrites successivement dans ce recueil. On ne peut s’empêcher de regretter que chaque observation n’y ait pas été rapportée plus au long. La plupart ne sont que des résultats dans les- quels on trouve à la vérité l’exposition des principaux symptômes de la maladie ; mais l’ordre et la succession des accidens qui peuvent seuls en former le tableau ayant été supprimés , le lecteur ne peut que rarement en reconnoître les caractères. Cet ouvrage ressemble aux abrégés d’histoires , dans lesquels les faits rappro- chés satisfont la curiosité par la succession rapide des événemens , mais que l’on a rendus moins instructifs , en retranchant les détails qui dévoilent le véritable esprit des révolutions et le génie des peuples dont on écrit l’histoire. Si M. Lieutaud avoit été un de ces hommes mé- diocres , dont la vie présente à peine quelques cir- constances remarquables , nous nous serions expliqués (i) C’cBt CO qu’il a rxôciité d.ins un ouvr.igc inlilulc : Historia anatoniico-mcdica , sistens nuincrosa cadaverunt hurnanorum exti' piscia , quibu.\ in apricum venit genuina morborutn sedes , etc. a vol. in-p®, '7^’7- M. Portai en a été l’éditeur, et y a joint scs propres . obsrrralions. PHYSIOL. ET MED. — LIEUTAUD. a3 avec moins de liberté sur ses productions j mais il s’est actjuis assez de véritable gloire pour ne pas re- douter le jugement , la critique la plus severe. Le pa. négyriste , placé en quelque sorte entre son siècle et la postérité , doit se souvenir qu’il parle d’un bomme qui n’existe plus , A des générations qui existeront toujours , et vis-à-vis desquelles il se lendroit coupable , en alToi- blissant la vérité qui doit être la base de son discours. Après la mort de M. Senac , premier médecin du feu roi , tous les droits et privilèges de cette place furent conférés à uiie commission. Content de son sort pen- dant tout cet intervalle , M. Lieutaud avoit été bien éloigné d’en désirer un meilleur j mais un grand évé- nement devoit le porter au premier rang. Une conta- gion affreuse frappe le roi. Louis XVI monte sur le trône 5 ce jeune prince appelle à lui le Nestor de la France 5 il s’entoure de ministres éclairés. Après avoir j-eté les fondemens d’une administration sage et bien- faisante , il se montre juste dans le choix des officiers de sa maison. La place de premier médecin ne restera point vacante : M. Lieutaud se présente ; il est aussi- tôt désigné pour la remplir , et c’est à la reconnois- sance qu’il doit cette faveur. Tout le monde applaudit à un choix qui l’élève sans rien changer en lui , ni autour de lui. Quelle joie pour ce vieillard de voir ces mains si foibles , si délicates lorsqu’elles lui furent confiées , tenir un aussi beau sceptre ! de contempler cette tête si chère à tous les Français, mais qui devoit lui être encore plus précieuse qu’à tout autre , envi- ronnée de la majesté royale , et de pouvoir dire : « Je c4 ÉLOGES HISTORIQUES. 5> mourrai donc à l’ombre de cette plante que j’ai cul- î) tivée en silence , et dont j’ai vu les rameaux croître y s’étendre et couvrir les deux mondes »! \ M. Lieutaud fut à peine nommé premier médecin , qu’il lui fallut donner une preuve éclatante de sa pru- dence et de son zèle. Le deuil avoit étendu son crêpe sur les rejetons de nos rois. De vertueuses pi’incesses y en se dévouant à la tendresse liliale y avoient contracté le germe d’une maladie désastreuse ; et la France, qui trembloit pour les jours de son nouveau maître , avoit les yeux fixés sur son premier médecin.^ Celui-ci se joint à M. de Lassone ; et , sourds aux cris de la prévention , ils conseillent au roi d’employer lesTnoyens que l’art fournit pour diminuer les dangers d’un mal presque inévitable. En médecine comme en politique , lorsqu’on a un ennemi nécessaire à combattre , il vaut mieux se disposer prudemment à l’attaque , que de l’attendre dans une fausse sécurité. Le roi et une partie de la famille royale furent inoculés avec succès, et la nation vit ses inquiétudes calmées par la sagesse de ceux qui veilloient à la conservation de leur santé. La place de premier médecin des rois ou des empe- reurs a toujours été regardée comme très-importante dans leurs cours. Connu sous le nom d’arcliiatre (i) , (i) Il pnroîr que ce titre a passé de l’cinpîre d’Orient à la cour des empereurs romains; on l’a «lonné, dans plusieurs ouvrages, il Androinarlms, médecin de Néron, et à Démélriiis, médecin «l’Antoniii, mais il n'est pas bien prouvé qu'ils nient réellement possédé ce titre, qui semble avoir rommrncé sous Constantin, dont Théodore utuit ardiialrc. Dès-lois il y eut à la cour des ciupcrcui-» PIIYSIOL. ET MÉD. — LIEUTAT^D. a5 il présitloit à tout ce qui concernoit la santé publique. Cette dignité ne perdit rien de son éclat dans le coiiit niencement de notre monarchie j le premier médecin fut même décoré , sous le règne de Henri III , du titre de comte, qu’il a conservé depuis cette époque. Les uni- versités lui ayant enlevé les droits de réception et d’exa- men , il lui restoit encore des privilèges dont une partie est attribuée à la Société royale. Ainsi les progrès des connoissances , qui favorisent toujours ceux de la li- berté , ont en quelque sorte changé la nature de cette place : l’archlatre a cessé d’être le chef des médecins : fiers de leur indépendance qu’ils préfèrent k tout , ils ne veulent point de maître , mais ils ont besoin d’un- appui. La science qu’ils cultivent tient à toutes les un collège d’archiatres, dont le president ûi(^ appelé comte. Vindi- cianus, un des médecins de Valentinien, .s'est ainsi qualilié. Il y avoit deux sortes d’archiatres : les uns pratiquoient dans le palais , les autres dans les villes; ils étoient stipendiés par le prince, et ne recevoient pa.s d’honuraires des particuliers. Il y avoit parmi ces derniers deux classes distinctes : lapremière étoit composée de ceux qui étoient réellement en fonction , et la seconde l’étoit de ceux qui n’exerfoient pas encore, et auxquels on avoit accordé une simple agrégation : ils étoient appelés archiatri novi, 11 est certain que les arebiatres parvenoieut à la comitive , soit du second, soit même du premier rang. Vindjcien, dont saint Augus- tin a parlé; Théophile, comte et médecin, dont saint Clirysos- tôme a fait mention; Jule Auzone de Bazas , préfet d’Illvrie ; et saint Césaire, receveur de Bithynie , etc. ont joui de ces honneurs. Lorsque les rois goths eurent des archiatres, il paroit que la juridiction de la médecine ne leur fut pas accordée d’abord comme elle l’avoit été à ceux qiri avoient occupé cette place dans d’autres gouvernemens ; mais on la leur attribua, dans la suite avec la qualité de comte. 26 ELOGES HISTORIQUES. autres : lente dans sa marche , difficile dans ses re- cherches , compliquée dans ses rapports , elle languit sans la protection du gouvernement. Distribués dans les provinces , les officiers de santé doivent y jouir des prérogatives attachées à leur état et des récompenses dues à leurs services j en un mot il est de leur intérêt de ne faire qix’un grand corps , dont l’ame doit être Faraour du travail et l’honneur. Telles sont les vues qu’un premier médecin doit se proposer , parce que lui seul peut les remplir 5 telle est la gloire qu’il doit faire rejaillir , non sur ses inférieurs y mais sur ses égaux. Il faut donc J s’il ne veut pas ajouter un nom inutile à tant d’autres dont les fastes de notre art sont sur- chargés , qu’il joigne aux connoissances de son état les talens d’un administrateur actif j et ce zèle des promoteurs des sciences que la persécution ne peut ralentir. Si l’on juge d’après ces principes ceux qui ont occupé cette place y un très-petit nombre sans doute aura des droits au souvenir de la postérité. Foihle de constitution , courbé sous le poids des années, M. Lieu- taud ne se crut pas assez fort pour de semblables en- treprises : on trouvoit en lui la délicatesse de la vertu sans y rencontrer toute son énergie ; et l’on peut dire que s’il n’a pas fait tout le bien qui étoit en sa puis- sance, au moins il n’a jamais fait que le bien: élogo vrai, et qui, tout simple qu’il est, ne conviendroit pas h tous ses prédécesseurs. La Faculté de médecine de Paris qui connoissoit dc|mis long- temps le mérite profond et modeste de PIIYSIOL. ET MÉD. — LIEUTAUD. 27 M. Lieutaud , lui donna une marque de son estime en plaçant son nom parmi ceux de ses docteurs- régens 5 et la Société royale, non moins jalouse de lui prouver sa déférence , nomma des commissaires pour lui off rir le titre de président, cpi’il accepta, et qu’il a conservé jusqu’à sa mort. Tout entier aux jouissances de la vie privée , M. Lieit- taud troiivoitles plus douces consolations dans sa biblliv thèque. Il semble même qu’il y ait eu dans ce goiit quelque contradiction, qu’il est facile de justifier. Il faisoit peu de cas de l’érudition , et personne ne pas- soit plus de temps euvent réussir devant des témoins éclairés. Lorsque les assertions de l’empirisme ne sont que ridicules ou absurdes , sans être dangereuses , le moyen le plus propre à en arrêter les progrès est sans doute de l’abandonner à lui-meme. Le silence de la renommée succède à son enthousiasme : l’artifice y de trop près y paroît enfin grossier ; et il ne reste au charlatan que la ressource d aller dans un autre climat faire de nouvelles dupes. Ces reflexions seront peut-être utiles dans un moment où, environné d’hommes merveilleux et d’hommes crédules , celui qui sait douter a l’air de se refuser à 1 evidence. Heureusement le nombre excessif de leurs prétentions et de leurs promesses apprend au public à les juger. Car le propre des erreurs est de se détruire 1 une 1 autre , tandis que les vérités se servent mu- tuellement d’appui. La dissimulation est un rôle pénible, toujours corn- 3o ÉLOGES HISTORIQUES. mandé pai‘ l’intérêt , et dont on se dépouille le plus souvent qu’il est possible, M. Lieutaud n’étant que simple spectateur à la cour , et ne se mêlant que de ses affaires ^ on se cachoit peu devant lui : de sorte que j sans en avoir formé le projet , il connoissoit assez bien ceux dont il étoit entouré. La franchise de son carac- tère 5 jointe à une sorte de gaieté qui lui étoit parti- culière , donnoit quelquefois à ses réponses une ori- ginalité piquante et agréable. Le roi lui ayant demandé son avis sur un médecin que l’on avoit loué outre me- sure en sa présence : cc Sire , lui dit M. Lieutaud, cet 3> homme n’est rien de ce que l’on a dit à votre ma- îj jesté j mais c’est souvent avec cette monnoie que 3> les grands paient leur médecin. 33 M. Lieutaud aimoit encore à raconter l’anecdote suivante. Un de ces fourbes qui se servent avec adresse du masque de la probité lui disoit un jour : « Que 33 nous sommes à plaindre vous et moi d’habiter un 33 pays tel que celui-ci , où. l’on ne trouve sur ses pas 33 que des inlrigans ! — Vous avez raison, lui répon- 33 dit M. Lieutaud 5 mais apprenez - moi donc à les 33 distinguer , ils rn’ont tous jusqu’ici tenu le même 3) langage que vous 33. Le courtisan s’aperçut que son secret étoit découvert : il applaudit par un sourire à la sagacité de M. Lieutaud, et il ne s’en fâcha polntj car CCS hommes sans pudeur ne tiennent leur déguise- ment (pie vis-à-vis de ceux qu’ils ont intérêt de trom- per ou de séduire. M. Lieutaud avoit vu sa fortune s’accroftre sans augmenter sa dé|>ense 5 ç’auroit été pour lui un sur*- PHYSIOL. ET MED. — LIEUTAUD. 3i croît d’embarras. Il en est des richesses comme de l’autorité : ce sont les deux choses qu’on désire le plus 5 ce sont aussi celles dont il est le plus difficile de faire un bon usage , et dont chacun connuît le moins la mesure qui lui convient. La plupart en abusent. On n’eut point ce reproche à faire à M. Lieutaud. Après avoir pourvu aux frais de sa maison , à ceux de sa bibliothèque et au soulagement de plusieurs malheu- reux, il oubliüit en quelque sorte l’excédent de ses revenus qui restoit sans emploi , parce que lui-juéme étüit sans besoins. Il s’éleva encore un grief contre lui ; il fut soup- çonné de ne pas croire à la médecine. Il savoit sans doute combien sont dangereux ces hommes qui , pré- tendant être en état de commander à la nature et de suppléer aux crises , expliquent tout et connoisscnt tout , excepte l’erreur dans laquelle ils sont plongés. Il avoit dit dans ses oiiA'rages qu’il n’y a point de remede contre I intempérance , et qu’une vie longue et saine est le prix de la sagesse et de la sobriété j mais il étoit trop instruit pour ignorer les grands principes de la médecine , ses découvertes fondées sur l’observa- tion , et ses réglés de conduite, qui ^ sans être toujours ceitaïues , 11e sont jamais dangereuses entre les mains d un médecin prudent. Ainsi , restreindre notre art dans ses justes limites , c’est pour plusieurs ne pas y croire j comme on accuse d’irrçligioh ceux qui se persuadent que l’on peut avoir une piété vraiment chr^ienneen repoussant les prestiges de la superstition et du fanatisme. 32 ÉLOGES HISTORIQUES. Malgré la f’oiblesse de ses organes , M. Lieutaiid a joui long-temps d’une bonne santé , qu’il devoit à sa modération et à l’exactitude de son régime. Il fut atta- qué le 6 décembre 1780 d’une fluxion de poitrine gan- gréneuse J à laquelle il succomba le cinquième jour de cette maladie. Il en connut tout le danger 5 il vit bien qu’il ne lui restoit aucune espérance de guérison , et il refusa tous les remèdes qui lui furent présentés, cc Laissez -moi, disoit-il à ceux qui l’entouroieut et 33 qui le prcssoient d’en faire usage , je mourrai bien 33 sans tout cela 33. Lorsque la médecine cesse d’être Utile à un malade , elle doit en effet cesser aussi de lui être importune. On respecta les derniers momens de M. Lieutaud, qui furent consacrés à la distribution de ses bienfaits 5 et sa mort fut aussi paisible que sa vie l’avoit été (1). Il ne reste de la famille de cet illustre médecin qu’une sœur âgée de quatre-vingt-six ans , plusieurs petits-neveux , et un frère qui se distingue dans l’ordre des Coi’deliers par ses talens poin- la chaire. M. Lieutaud tenoit à la Société royale, parce qu’il en avoit accepté la présidence, qui lui fut ensuite conférée par le roi en 1778. Les lettres -patentes qui ont établi cette compagnie lui avoient rendu la surin- tendance des eaux minérales du royaume , place dont les fonctions sont liées intimement avec les nôtres , et dont il avoit agréé le titre et les honoraires. Toutes (1) Son corps a clé inhumé , par ordre du roi , dans l’église de ^gtrc-Danic de Versailles. PIIYSIOL. ET MED. — LIEUTAÜD. 33 les fois que la Société lui a fait des demandes relatives A cèttc administration , elle l’a toujours trouvé prêt à remplir ses vues. Il a plusieurs fois présenté au roi , en qualité de président , les cahiers d’observations sur la température de l’atmosphère et sur les maladies ré- gnantes , qui sont remis chaque semaine A sa majesté. Nous n’ignorons pas qu’il a été compté par plusieurs au nombre do ceux qui ont fait dos efforts pour nuire A la Société royale : s’il en étoit ainsi , ce qu’elle ne croit pas ^ en consacrant A sa mémoire un témoignage authentique de ses sentimens , elle inontreroit com- ment elle traite ses ennemis lorsqu’elle les estime. Que font A la postérité les haines de quelques particuliers ? Mais ce qu’il importe de lui apprendre , c’est que , parmi nous, le mérite et la vertu ne restent jamais sans éloge et sans récompense. T. 3. 3 34 ÉLOGES HISTORIQUES. LOBSTEIN. jBAK-FiiiDiBic Lobstein, ancien recteur de J’üniversité, professeur d’anatomie et de chirurgie delà Faculté de Strasbourg (i), et notre correspondant près de cette compagnie j naquit en 174^ ^ Lampethem, village d’Alsace (a) , d’Antoine Lobstein , chirurgien , et de Marie-Ursule Eckel (3). Si l’on en croit M. le docteur Schurer ^ qui a écrit son éloge (4), M. Lobstein montra de très-bonne heure le penchant le plus décidé pour l’anatomie. On le voyoït y à peine au sortir de l’enfance y essayei de préparer des os et de faire des squelettes ; de sorte qu’il n’eut point à délibérer sur son état y et qu en se livrant à l’étude du corps humain il ne lit qu obéir (i) Il étoit aussi chanoine de IVglise Saint-Thomas. (a) Ce village est éloigné de deux lieues de la ville de Stras- bourg. (3) Elle étoit originaire de Strasbourg. (4) Mernoriam viri nohilissimi amplissimi, experientissiml J. F. Lobslenii,ect. dicxi octobr. mdccxxxiv piè defuneti UniversUas argentoratcnsls civibus et cricris comniendat. Hector UniWrsatis- J. L. Schurcnis, philosophiœ et medicincB professor publicus, ctc^ Jtocloribus, iii-l'ol niaj. 17II5. PTIYSIOL. ET MED. — LOBSTEIN. 35 au vœu de la nature. Sans rechercher si cette impul- sion fut aussi précoce , on juge qu’elle a été grande lorsqu’on voit avec quel zèle il a rempli sa carrière ; comme on pardonne à quelques auteurs d’avoir avancé que l’inspiration d’un génie détennina Galien à étu- dier en médecine , lorsqu’on a sous les yeux les pro- ductions de ce grand homme. Le père de M. Lobstein , avant de céder au désir de son fils , voulut savoir si sa capacité répondolt à sou ardeur, et il le confia à M. Lliidern , médecin célèbre de Strasbourg , dont le suffrage fut favorable au jeune homme, et qui lui donna lui-même les pre- mières leçons de son art. * M. Lobstein apprit l’anatomie et la chirurgie de MM. Elsemann, Boeckler et le lllche. • Le docteur Liudern étant mort, il acheta la biblio- thèque de ce médecin : cette collection s’accrut chaque jour entre ses mains j mais les livres de son premier maître lui furent toujours plus précieux et plus chers que les autres. Je ne puis , disoit-il , les ouvrir sans ressentir im trouble involontaire. Il éprouvolt alors l’émotion que le souvenir des bienfaits produit dans les cœurs reconnoissans. M. Lobstein ne s’étoit d’abord occupé que de l’étude de la chirurgie, M. Boeckler l’engagea à y joindre celle de la medecine. Il fut reçu docteur en iy6o , après avoir publié une savante dissertation sur le nerf acces- soire , dans laquelle l’origine de ce nerf singulier , sa route , ses connexions avec la huitième paire, et toutes 36 ELOGES HISTORIQUES. ses distributions sont décrites avec plus de soin qu’on nel’avoit fait encore (i). Il partit peu de temps après pour visiter les écoles les plus fameuses de l’Europe, où ce premier travail avolt donné l’idée la plus avantageuse de ses talens. A Leyde , Alblnus lui témoigna tant de confiance , qu’il le pria de diriger, pendant son séjour dans cette ville, les travaux anatomiques de ses élèves, et il reçut à Paris l’accueil le plus distingué de la part des professeurs qui y enseignoient alors. Revenu à Strasbourg , la Faculté de médecine lui permit d’ouvrir des cours de chirurgie et de patholo- gie (2) , et en 11768 il succéda à M. Isemann dans la- chaire de professeur ordinaire d’anatomie et de chi- ruxgie. Les élèves vinrent à ses leçons avec une telle af- fluence , que l’excédant des fonds résultant des sommes annuelles payées par chacun d’eux a suffi pour faire à la bibliothèque publique de grandes augmentations. Ce qui rendolt les leçons de M. Lobstein très-inté- ressantes , c’est qu’il possédolt au même degré les connoissances physiques , médicales et chirurgicales. Après avoir décrit la structure d’ime partie , et en (1) DUscrtalio iriauguralis de nervo spinali ad par vagum ac-. cessorio. Die xvi julii 1760. (a) En 1764 il fut nommé premier démonslrnteur public d’ana- tomie, avec (les appointeiiiens assi{>nés par la ville. En 17681! fut élevé au grade do professeur extraordinaire , et dans la mémo anm-c la cUaire de M. Eisemanu ayant vaqué, elle lui fut ec-' cordée. PHYSIOL. ET MED. — LOBSTEIN. 87 avoir expliqué le mécanisme , il exécutoit toutes les opérations dont elle étoit susceptible. La théorie et la pratique de ces opérations étoient elles-mêmes pré- cédées de l’iiistoire des maladies , soit internes f soit externes, dont les accidens y avoient quelques rap- ports. Ainsi les notions que l’on trouvoit éparses ail- leurs, M. Lobstein les réunissoit : comme l’ensei- gnement devenoit par-l«\ plus complet , l’instruction étoit en même temps plus attrayante et plus simple, et on avoit raison de la préférer à toutes les autres ; car, s il existoit un homme auquel la chaîne de toutes les vérités fût connue, il lui seroit plus facile d’en montrer l’ensemble qu’il ne l’est à nos professeurs d’en exposer quelques fragmens dans les écales. Sur-tout, que Ion ne dise point que cet accord des connoissances que donnent la physique , la médecine et la chirurgie , doit être regardé', dans tous les cas , comme un phénomène rare , puisqu’il peut résulter sans peine d’une éducation mieux dirigée. Que les écoles de médecine soient établies dans les grandes villes , près des hôpittiux , ou même qu’elles en fassent partie j que les etudians y soient reçus près du lit des malades j que le même amphithéâtre seire aux démonstrations anatomiques et chirurgicales j que les corps de tous ceux qui succomberont y soient exa- minés j que l’on y remarque chaque jour les variations de 1 atmosphère ; que toutes ces observations soient publiées par les professeurs, après avoir été recueillies par les disciples 5 en un mot , que l’on réunisse ce qui ne doit point etre séparé , la théorie et la pratique, 38 ÉLOGES HISTORIQUES. le médecin elle malade, la médecine et la chirurgie, et l’on verra que les étudians feront alors des progrès rapides dans toutes les parties de notre art , et qu’une seule école clinique ainsi dirigée répandra plus de lumières que cette foule de professeurs qui décrivent longuement et obscurément des objets dont l’image, sans le secours des yeux , ne parvient jamais nettement à l’esprit. M. Lobstein n’a point fait de découvertes propre- ment dites en anatomie , mérite devenu très-rare de- puis que tant de mains ont moissonné ce champ , fatigué maintenant à force de culture 5 mais il a per- fectionné la description des organes déjà connus. H n’a point publié de traité complet sur cette science j mais un grand nombre de dissertations contiennent sa doctrine , et peuvent au moins en partie nous en dédommager. En 1771 , il a publié des observations sur la valvule d’Eustache (1) et sur le fluide séreux du labyi’inthe (2). Il a fait sur la rate des recherches très-étendues : l’histoire des opinions accréditées en différons temps sur ce viscère sufKroit pour faire voir combien l’es- prit humain a de penchant h s’égarer. Tandis que divers ])hyslologistcs attribuoient h la rate des usages contradictoires , quelques-uns prétendoicnt qu’elle étoit mutile, et ni les uns ni les autres ne connoissoient (i) valvula Eustachi. Prœs. J. F. Lobstein.. DcfT. J. M. Dio» bolilt, die 5 junii 1771. (a) De aqua labyrinlhi auri-i f 1771» PHYSIOL. ET MED. — LOBSTEIN. 89 sa structure. Il suit des travaux de M. Lobstem que la rate (1) est toute vasculaire, que ses veines ne sont point percées par des pores ou trous latéraux , que le sang ne s'y dépose point dans des cellules , et qu il n’y a ni conduit excréteur ni parenchyme proprement dit dans cet organe. La lecture de ces dissertations est instructive , parce que l’auteur joint à l’exposition des parties celle des procédés qu’il a mis eu usage, et qu’il n’est aucun de ses essais que l’on ne puisse facilement répéter apres lui. Ainsi lorsqu’il recherche si la dure-mère reçoit quelques nerfs (i)> il examine chacun de ceux qui naissent de la base du ceiTcau , depuis leur origine jusqu’à leur sortie du crâne j il répond aux objections de de Haën j il sépare la dure-mère en feuillets , et il conclut que , semblable à plusieurs ligamens et à plu- sieurs aponévroses, elle est tout-à-falt insensible (a). Les nerfs étant les instrumens par l’intermède des- quels l’ame est avertie de la présence des corps et réagit sur eux , c’est luie grande et belle recherche en anato- (1) De Liene Præs. J. F. Lobstein. Dcff. J. J. Busch , i77<. Voyez, à ce sujet, les savantes recherches de M. de Lassone, qui a donné la description de la structure interne de la rate i Acadé- mie des sciences, année 1764, pag. 187. (a) De nervis duree matris. Praesid. J. F. Lobstein-. Deff. Beyckert, 177a. (3) Quel anatomiste est assez sûr de l’exacthude de ses recherches •ur une aussi grande surface que celle de la dure-mère pour oser affirmer qu’elle ne reçoit aucun rameau nerveux? Contentons- nous de dire que cette membrane est très-peu sensible. 4o ÉLOGES HISTORIQUES. mie que celle de leur structure. M. Lobstein a publié en 1782 (1) les observations qu’il a faites à ce sujet. Jonston avoit pensé que les entrelacemens et les gan- glions nerveux avoient pour usage de soustraire les nerfs qui en sortoient à l’empire de la volonté; mais les objections de Haller contre ce système ingénieux avoient paru sans réplique, ou au moins personne n’avoit répliqué. M. Lobstein y répondit, après s’être assuré parla dissection que les ganglions ophthalmique et sphéno-palatin ne fournissoient immédiatement aucun rameau aux parties musculaires , et en mon- trant d’ailleurs comment de légères exceptions à la loi établie par Jonston ne suffiroient pas pour la détruire. M. Lobstein n’est pas moins exact lorsqu’il déve- loppe la structure des ganglions , dans lesquels il n’a trouvé que des filets (2) divisés, ramollis et contournés de mille manières , sans se confondre , et où le mou- vement nerveux , quelle que soit sa nature , est ralenû et interrompu. M'. Lobstein réunissoit donc les qualités d’un grand anatomiste à celles d’un grand professeur, c’est-à-dire qu’à une instruction très-étendue il joignoit un esprit aussi sage qu’éclairé. Remarquons sur-tout que l’on (1) Déstructura nervorum. Dcff. J. Pfeffingcr, 178a. Voypj!, à ce sujet, i.® ^ nnotaliones anntomicas : Scarpa, lib. I. De vervorum eangliis et pïexilms , 1779, par le même, a.® le Traité des nerfs, par M. Tissot, tom. II, part. II, p. aa et suiv. 1780. 3° G. Procliaska, Adnot, acad. fascicul. 3.«* , cap. III, 4. i> a et 3, 1784. < (a) Voyez lei ouvrages cités ci-dcssus. PIIYSIOL. ET MÉD. — LOBSTEIN. 4i ne trouve dans les nombreux écrits sortis de son école (i) aucune trace de cette métaphysique obscure que l’on s’efforce en vain d’introduire dans la théorie de notre art, et qui ne s’est montrée jusqu’ici que dans des ouvrages tout-à-iait étrangers à ses progrès. M. Lobstein pratiquoit la chirurgie à Strasbourg avec un grand succès. On s’adressoit à lui de toutes parts pour les opérations de la lithotomie et de la ca- taracte (îi) 5 et de savantes dissertations sur le bubo- nocèle (3) , sur les hernies de naissance (4) , sur les (i) Les plus remarquables des Dissertations anatomiques sorties de son école, outre celles que j’ai citées ci-dessus, sont les sui- vantes : De aeris in sanguinem actione. Deffend. P. H. Busch , 1780. De conceptione tubaria. Deflend. F. A. Fritze, 1779. De linguce involucris. Deif. J. A. Rinder, >778. De foramine oi-ali. Défi'. J. M. Dioboldt, 1771. De situ testiculorum aliéna. Défi'. J. F. Rheinlænder, 178a. De pyloro. Deff. H. P. Leveling, 1764. De structura renum. Deff. A. Schumlansky , 1783. De calculis biliariis. Deff. B. J. B. Fels, 1764. De calculis biliariis. Deff. C. H. Vilekens , 1777. De labyrinthi auris contentis. Deff. P. F. Meckel, 1777. De vi vitali arteriarum. Deff. G. Kramp, 1784. De valvula Eustachi, 1771. (®) suffusione secundaria rarioriy 1779. M. Lobstein imaginé un instrument propre à l’opération de la cataracte, qui a été décrit par M. Henkel , et dont les avan- tages sont détaillés dans une thèse soutenue par M. Jung. (3) De buhonocelcs evitandi methodo , 1778. Jleon lethale è concretione prcstematurali intestinorum cum utero, 1775- (4) De hemiâ congenUa. Præs. J. F. Lobstein. Deff. J. Non- nenmann. 4a ÉLOGES HISTORIQUES. pierres enkistëes (i), sur les tumeurs et sur les fistules tle différentes espèces (2) , annoncent combien il étoit instruit dans la pratiq^ue et dans l’histoire de son art (3)., (1) De calculis vescicB urinariœ. Præs.Lobstein. Deff. J. G.Psash- 1er, 1774. (2) De tumoribut capilis. Deff. C. B. Will, 1774- De fistula ani- Deff. J. Meyer, 1771. De fistula /acryma/i. Deff. G. Schuize, 1780. De viarutn lacr^malium morbis. Deff. J. F. Licbt, 1776- (3) Les dissertations médicales et chirurgicales suivantes sont «orties de l’école de M. Lobstein, et elles ont été publiées par ses disciples. En les lisant on y trouve presque par - tout ses idées et ses principes. De uteri hœmorragia. TieîE. J. C. Beyer, 1782. De pressione cranii, Deff. J. H. Cro|>p, 178t. De fonticulorum usa in sanandis morbis. Deff. G. P. Hara-ÿ 1784. De gonorrhea virulcnta.Tieiï. M. Pibault, 1779. De probatissiina extrahendi calculum methodo. Deff. Z. Lcriche, 1759. De stœatomate. Deff. G. T. Buser , 1768. De hernia scrotali. Deff. P. J. Beyckert, 1773. De ischuria vesicali et vœsicœ paraccntesi. Deff. J. W. Wagner, 1779. De slrangulationibus intestinorum in cavo abdominis. Deffend. J. R. Meyer , 1776. De hernia crurali incarcerata. Deff. F. C. Mezler, 1779. Casus hydrocelis. Deff. J. N. Spath, 1761. Casas ischuricB. Deff. P. H. G. Petersen, 1772. De lœ.tionibus capitis, Deff. P. Kees , 1770. De carie ossium. Deff. D. Perrier, 1770. De labio /eporino. Deff. G. Bidcrmnnn , 1770. De osœna maxillari , etc. Deff. F. L. WeylamI, 1771. De dysuria. Deff. A. Weglin, 1779. De hernia ccrcbri, Resp, J. C. Siillcncuve, 1781. PHYSIOL. ET MED. — LOBSTEIN. 43 Comment , avec un tel mérite , M. Lobstein étoit-il aussi connu? C’est que ses écrits ne peuvent être lus que par des personnes très-versées dans l’étude du corps humain ; et on sait combien il y eu a peu ; c’est que d’ailleurs la renommée a besoin d’être avertie par une sorte d’éclat et de bruit qui l’étouflbit toujours y loin de l’accroître 5 c’est qu’enlin il cralgnoit vrai- ment les embarras de la célébrité. Content de la jus- tice que Haller, Albinus , Gaubius et Ferrein avoient j'endue A ses travaux, la louange des lionmies éclairés éloitla seule à laquelle il attachât quehjue prix : c’étoit de la confiance et non de l’admiration qu’il cherchoit ît inspirer. La seule chose qu’il ne pardonna point à ses lecteurs , c’étoit d’élever quelques doutes sur ses observations j ilétoit, comme Ruyscli , très-intolérant sur cet article, parce qu’il étoit, comme lui, patient dans ses recherches et scrupuleux dans ses écrits : par la même raison , il rejetoit sans ménagement tout ce qui ne lui paroissoit pas avoir l’expérience pour appui. Cette justice sévère déplaisoit à plusieurs, et lui donnoit l’air de la dureté. « Je sais , disoit-il avec JDe hydrocele. DefF. J. F. Boiihceffer, 1777. Casus nephritidis calculosœ , etc. Deff. G. A. Frank, 1763. Circa generationem puris, Deff. J. C. Pétri, 1775. Z>e ischuria. Deff. F. J, Haas , 1783. De partu difficili. Deff. F. Engelhard , 1779. De partu difficili. Deff. C. G. Reuss, 1777. De anchylosi. Deff. C. A. Paul, 1777. De non nccessaria fiiniculi ombilicalLs deligatione. Deffend. G. L, Schweickliard , 1769. 44 ÉLOGES HISTORIQUES. 3î humeur , lorsqu’on lui faisoit ce reproche , qu’un 3î anatomiste doit être exact et vrai ; mais il n’est pas îi aussi nécessaire qu’il soit doux et poli 5 et lorsque î> je prends la peine de l’être j ce n’est jamais pour 3> des menteurs. Les relations de M. Lohstein avec l’Allemagne étant, par la position de la ville qu’il habitoit , plus nom- breuses qu’avec la France , ses talens y étoient aussi mieux appréciés. Le roi de Prusse , l’électeur de Saxe, l’Université de Gœttingue et la ville de Hanovre lui offrirent des chaires à occuper et des places de chi- rurgien à remplir avec des honoraires considérables : mais il préféra son repos à ces fonctions briUantes , et nous n’aurons point à le suivre dans d’autres cli- mats. Qu’est-ce en effet que la gloire et la fortune lorsqu’on ne les obtient qu’en renonçant à ses amis? Les habitudes ne sont-elles pas comme les racines de l’arbre? Et quel sera le soutien de celui que l’on en aura privé ? Les hommes sages , lorsqu’ils ont parcouru la moitié de leur carrière , demeurent attachés au sol qui les porte et qui les nourrit. M. Lobstein fut dédommagé de ses sacrifices par les lionncurs que lui rendii'ent l’Université de Strasbourg, dont il fut nommé deux fois recteur, et la Faculté de médecine qui le choisit dix fois pour la présider en qualité de doyen. La simplicité de ses mœurs plalsolt sur-tout aux élèves , au milieu desquels il passolt une grande partie de ses journées. Il les employolt utilement pour eux et pour lui-mêiue ; plusieurs eu ont reçu des soins vrai- PHYSIOL. ET MÉD. — LOBSTEIN. 45 ment affectueux : tels sont MM. Dubolcl , Busch , Ampoclick, Metzger, et M. Meckel privé trop tôt d’un père illustre. M. Lobstein éprouva une fâcheuse révolution dans sa santé vers sa trente-sixième année. Il acquit un embonpoint qui devint excessif. On lui conseilla du voyager pour en diminuer les progrès. Ce fut alors que nous le vîmes assister à plusieurs de nos assemblées , ou il nous communiqua une observation très-curieuse sur un utérus double. En 1782, la Faculté de Strasbourg l’engagea à re- noncer a ses leçons d’anatomie, et à ne professer que la médecine pratique. Mais , en faisant le tableau des souffrances des autres , il étoit nécessairement ramené vers les siennes , et ce retour ajoutoit beaucoup à son ennui. Ses maux ayant redoublé , il mourut le 1 1 octobre 1784, âgé de quarante-huit ans, et avec lui périrent deux ouvrages dont il s’occupoit depuis long-temps sur l’anatomie et la physiologie (1). Sa perte est une des plus grandes que ces deux sciences aient faites dans notre siècle , et une des plus dilficiles à réparer. (i) Ces ouvrages, dont il lisoit souvent des morceaux à ses élèves, devoieiit avoir pour titre : Ariatomicœ institutiones et comni€HtQrii physiologici^ 46 ÉLOGES HISTORIQUES. LORRY. Anxe-Charles LonKT J docteur-régent de la Faculté de médecine de Paris , et associé ordinaire de la Société royale de médecine , naquit à Crosne, le lo octobre 1726 , de François Lorry , professeur de la Fa- culté de droit en PUniversité de Paris , et de Made- leine Lafosse. On sera peut-être surpris qu’un homme aussi juste- ment célèbre ne fut décoré d’aucun, de ces titres qui annoncent la faveur des grands et les distinctions aca- démiques. Dévoué de très-bonne heure , et tout entier à son état , averti sans doute par cet instinct qui ne trompe guères, et de ses forces , et de sa supériorité , il sentit qu’il n’avoit besoin d’aucun moyen étranger pour arnver à son but, et il mit peut-être autant d’or- gueil à s’en passer , que d’autres en mettent à s’en sei-vir. M. Lorry eut le bonheur d’être élevé au sein d’une famille également passionnée pour les beaux arts , les lettres et la philosophie. Son père avoit publié un ou- vrage sur les Instituts de Justinien. Son frère aîné suivoit avec éclat la même carrière oà il s’est aussi dis- tingué par ses écrits. l’Argllièrc et Lafosse , peintres fumeux de l’Ecole française , et Lafosse , auteur do Manlius, élolcnt ses ])arcns du cêlé maternel. Féli- PHYSIOL. ET MÉD. — LORRY. 47 citons l’enfant qui naît parmi les Muses , dont les yeux en s’ouvrant à la lumière seront frappés par les modèles de la perfection et du goût. Tel fut le sort de l’homme aimable et vertueux dont la mort cause nos regrets. Le célèbre Rollin prit plaisir à diriger lui - même les études de M. Lorry. Ses succès au collège fu- rent du petit nombre de ceux qui eu promettent de réels dans un âge plus avancé j ils n’étoient pas seule- ment le fruit d’une mémoire facile , ou d’un travail opiniâtre j l’imagination et le goût y avoient la plus grande part. Il s’est toujours souvenu , et ses amis lui rappeloient souvent l’anecdote suivante : Il s’agissoit de peindre en vers latins j pour un concours , les em- barras du premier jour de l’année , dans lequel le peuple agité par les convulsions de l’empressement et de la politesse , se mêle , s’approche , se fuit avec une préci- pitation égale. Ce tableau fut tracé par M. Lorry dans les deux vers suivaus que l’on jugea dignes du prix. Hœc est ilia dies quà plebs vesana furensque Se fugiendo petit , seque petendo fugit. Nous quittons à regret cet âge heureux où les plaisirs sont si vifs , les chagrins si rapides , les succès si mé- l'ités et si bien sentis , pour suivre M. Lorry dans la carrière de la médecine y où la nature et l’importance du sujet, la difficulté des recherches, et la jalousie des compétiteurs , préparent tant de soucis à ceux qui ont le courage de s’y livrer. Ço n’est plus ce jeune homme tenant successivement ÉLOGES historiques. la plume et le pinceau, récitant Horace , jouant avec Ovide et s’amusant de cette belle Mythologie grecque qui peuple le ciel au gré d’une imagination brillante , fournit des dieux à la poésie et aux arts , et reproduit sous toutes sortes de formes les emblèmes des passions et de la sensibilité. Ces doux passe-temps ne sont plus ceux de M, Lorry. Astruc et Ferrein sont devenus ses maîtres. Déjà ses jours sont partagés entre l’étude du corps humain dans les amphithéâtres , et celle des maladies dans les hôpitaux. Oh combien le silence morne et sombre qui règne dans ces asiles , cette dou- leur muette et que rien ne distrait , ces gémissemens auxquels ne répond point la voix compatissante de la tendresse ou de la pitié , ces regards inquiets , ces yeux desseches par la souffrance , où se peignent la douleur ou l’ennui , et qui n’attendent que la présence de l’amitié pour verser un torrent de pleurs; oh combien ce spectacle dut lui paroître déclarant et pénible ! M. Lorry devenoit le consolateur de ces malheureux , qui , la plupart sans parens , sans amis , sont disposés à prendre la curiosité même pour de l’intérêt lorsque la commisération l’accompagne. Il n’oublia jamais ces impressions vives et profondes. Vous ne savez pas , disoit-il quelquefois aux gens du monde , combien il nous en coûte pour vous devenir utiles , et dans quelles sources amères nous puisons les connoissances dont ■^ous usez si nonchalamment. Il lui restoit encore quelques années pendant les- quelles il pouvoit jouir de lui-même , et suivre son goût pour les lettres : c’étoit le temps de sa licence , PIIYSIOL. ET MÉD. — LORRY. 4^ époque qui est la cleruière où les métleciiis puissent se permettre cette gaieté franche qui ne convient qu’à la jeunesse. Pour les plus instruits , cette carrière est lé- conde en jouissances. Des examens où l’on peut faire preuve d’érudition 5 des discours où l’on peut mon- trer de l’esprit , même de l’éloquence ; un auditoire toujours composé de juges éclairés 5 des collègues par lesquels on est apprécié : tout assure à l’amour-propre de ceux qui méritent les premières places , une récom- pense par laquelle les plus grands elforts sont toujours hzen payés des applaudisscmcns et des éloges. L est sur-tout dans la Faculté de médecine de Paris que la langue de Cicéron et de Virgile a conservé une partie de son éloquence et de sa beauté. Cette réputa- tion si bien fondée par Fernel et Sylvius , et soutenue avec éclat par Astruc, avoit besoin d’un nouvel organe , la Faculté le trouva dans M. Lorry. Il n’y a aucun de ses discours latins où il n’ait montré cette richesse , cette abondance de style que donne l’étude des grands modèles. Il avoit toujours l’adresse de choisir des sujets très-susc'eptiblesd’étre embellis. Une mémoire étendue, une imagination brillante lui retraçoient et dlstribuoient avec art ces ornemens , ces tours ingénieux que l’on ad- mire dans les productions du siècle d’Auguste ; et jamais la longueur et l’aridité des recherches n^ont altéré dans ses écrits la pureté de l’expression ou la fraîcheur de la pensée. Ses lectures joumaWres n Vtoient pas moins propres i lu. former le go.1tqu’à développer sa raison. A côté des ouvrages immortels d’Hippocrate et d’Arétée il T. 3. . ’ 5o ÉLOGES HISTORIQUES. plaçoit ceux d’Homère et de Pindare. Il ne quittoit Pline et Celse que pour Virgile et Gallus. Consultant ainsi successivement le génie froid et sérieux de l’ob- servation , et le génie fécond et léger de la poésie et des grâces; comme ils présidoient à ses études , ils favo- risoient aussi ses compositions. Leur réunion cache les difficultés au lecteur , comme elle les a diminuées pour l’écrivain , et ceux qui lui reprochent d’avoir semé trop de fleurs dans les sentiers pénibles où l’on se plaît tant avec lui , seroient plus indulgens sans doute, s’ils se souvenoient que tant d’autres , en suivant une mé- thode contraire dans leurs volumineuses productions , fatiguent encore plus qu’ils n’instruisent , et répandent moins de lumières que d’ennui. M. Lorry consacra les premières années qui suivi- rent sa licence à des recherches théoriques. Les phy- siciens étoient alors occupés à déterminer les différences et les rapports de l’irritabilité et de la sensibilité. Il parut avec avantage dans cette carrière. Il est un des premiers qui aient soumis toutes les régions du cerveau à des ex- périences rigoureuses propres A faire connoître l’étendue de leur influence réciproque. Il a démontré dans un mémoire très-curieux , publié par l’Académie royale des sciences , que le cervelet étoit la seule des parties contenues dans le crâne , dont la compression produisît aussitôt le sommeil, et que la piqûre de la moelle épi- nière , entre la seconde et la troisième vertèbre cervi- cale, étoit suivie de la mort la plus prompte. Les détails de ces expériences sur la sensibilité ont été consignés dans le Journal do médecine. Il a soumis PIIYSIOL. ET MED. — LORRY. 5i tous les organes des corps animés à des stimulons de plusieurs genres dont il a déterminé les effets. Toutes ces recherches avoient des liaisons intimes avec la pratique de notre art. Personne n’a mieux senti combien il est nécessaire de séparer ce qui est prouvé par l’expérience , de ce que l’on croit sur parole , et que l’on fait par routine , et d’appliquer à l’étude du corps humain considéré dans l’état de maladie cette méthode exacte que les autres sciences physiques suivent maintenant avec tant de succès , et qui manque à plu- sieurs de nos observations. M. Lorry fut présenté par son digne ami M. Lemon- nier au feu maréchal de Noailles : bientét après M. le maréchal de Riclielieu le choisit pour son médecin , et l’on sait avec quelle constance ces deux maisons illustres lui ont voué leur confiance et leur amitié. M. le duc de Fronsac fut attaqué d’une maladie grave à Ver- sailles, et il fut guéri par les soins de M. Lorry alors âgé de vingt-huit ans. Consulté peu de temps après pour mademoiselle de Charolois , son avis fut diffé . rent de celui du médecin ordinaire , et l’événement confirma le pronostic de M. Lorry. Ces circonstances heureuses lui furent plus utiles que tous ses travaux; elles le firent connoître parmi les grands , et bientôt apres dans le public ; progression qui est beaucoup plus rapide que celle qui s’étend du public aux grands. Sylva ne vivoit plus , et Dumoulin, qui jouissoit de la première réputation , tenolt , s’il est permis de s’ex- primer ainsi , le scepti'e de la médecine dans la capl- 52 ÉLOGES HISTORIQUES. taie lorsque M. Lorry commença à l’y exercer. Cette grande confiance fut partagée après sa mort entre plusieurs médecins , au nombre desquels M. Lorry ne tarda pas à être admis. Une étude profonde de son art le rendait vraiment digne de ses succès , et ses qualités morales lui conci- liaient l’amitié de tous ceux par lesquels il étoit appelé : humain, compatissant, il plaisait sans efforts. 11 n’a- voit pas besoin , pour paraître affable , d’étudier ses gestes , de donner à un corps robuste des attitudes con* traintes , d’adoucir l’éclat de sa voix , de réprimer la fougue de sa pensée , de cacher les impulsions d’uns volonté absolue : la nature l’avoit fait aimable , c’est- à-dire qu’en lui donnant de la sailhe , de la finesse et de la gaieté , elle y avoit joint cette sensibilité , cette douceur , sans lesquelles l’esprit est presque toujours incommode pour celui qui s’en sert, et dangereux pour ceux contre lesquels il est dirigé. Son aménité se pelgnoit dans ses manières , dans ses discours , dans ses conseils , elle étoit auprès de ses malades le premier de tous les moyens qu’il employoit , celui qui dimi- nuoit le dégoût de tous les autres , qui tempéroit la sévérité du régime , qui s’étendoit jusqu à 1 ame et la soulageoit en la rendant plus forte , ou moins attentive à ses douleurs. Ce caractère devoit sur-tout plaire aux femmes. Douées d’une sensibilité exquise , et exposées à un grand nombre de souffrances , elles sont sur-tout inté- ressées à chercher un consolateur dans leur médecin. M. Lorry eut la plus grande part à leur confiance, et PHYSIOL. ET MÉD. — LORRY. 55 ses détracteurs ne manquèrent pas d’en tirer des induc- tions contre lui j mais s’il ne devoit cet accueil qu’aux impressions d’une ame douce et compatissante, à cette pénétration, à cette sagacité particulières qui font de- viner aux uns ce que les autres n’apprcnncnt que par de longs discours , à cet art d’interroger la nature sans soulever le voile de la décence , et sans alarmer la pudeur , combien ces considérations ajouteroieiit i» notre estime pour M. Lorry ! N’avons-nous pas pour garans de ces motifs l’intégrité de ses mœurs , et la coniiance non interrompue des femmes les plus res- pectables , les meilleurs j uges en pareille matière ; parce qu’elles connoissent le degre d’attention que mé- ritent les qualités aimables , et qu’elles savent en même temps quel est le prix de la délicatesse , et ce qu’on doit à la vertu ? Je parle d’un homme connu de tout l’auditoire, et je ne craindrols point de répéter ici les reproches qui lui ont ete faits. On l’accusoit de ne point tenir assez à son avis , et de céder trop facilement à celui de ses confrères. D’autres n’y cèdent jamais ; et si j’avols à choisir entre ces deux défauts , je préférerois celui qui me laisseroit la liberté de travalUer à mou instruction et d’abjurer mes erreurs Il poussoit trop loin l’in- dulgence, ajoute-t-on Elle est si souvent nécessaire, et tant de gens en ont besoin ! D’ailleurs , il n’en montra jamais pour les méchans. Conduit par uu cœur droit et généreux , il ne citoit ses confrères dans ses ouvrages que pour leur rendre un tribut d’estime ou d admiration. Les jeunes médecins trouvoient dans 54 ÉLOGES HISTORIQUES. ses avis, dans sa bibliotlièfjiie , dans sa fortune , tous les secours qu’il ponvoit leur offrir : quelques-uns même de ceux que le sang ou l’amitié lui rendait plus chers ont contracté envers lui des obligations plus intimes j il leur a communiqué les fruits de son expérience , en leur donnant , près du lit des malades , des leçons inappréciables , soit par leur importance, soit par leur rareté ; car il n’est point d’usage parmi les médecins de se rendre réciproquement les services que , dans les professions les moins honorées , les élèves reçoivent toujours de leurs maîtres. Ces derniers ne se contentent pas de remettre à ceux qu’ils instruisent les instrumens de leurs arts ; il se' trouve toujours une main qui xli- rlge leurs premiers travaux , tandis qu’à la sortie , soit des écoles où l’on n’apprend rien d’exact , soit des hôpitaux où le nombre des malades , la rapidité des visites, l’incertitude des traitemens et l’ignorance des motifs qui les ont déterminés, ne présentent au spec- tateur qu’une longue suite d’énigmes à deviner , les jeunes médecins restent sans véritable instruction et sans guide, lorsqu’ils font le premier essai de leurs forces. M. Lorry croyoit remplir un devoir sacré , en leur donnant des secours qu’il n’avoit lui-même reçus de personne. La célébrité des savans qui n’ont point publié d’ou- vrages se prolonge l'arement au-delà do leur durée : ha postérité, à laquelle ils n’ont rien transmis , croit ne leur rien devoir. M. Lorry n’éprouvera point un pareil sort. Ce qui caractérise scs productions, c’est sur-tout une érudition agréable , et une connoissance profonde PHYSIOL. ET MED. — LORRY. 55 éIcs anciens et de Phistoire de notre art. Lire scs ou- vrages , c’est lire ceux d’Hippocrate , d’Aretée , de Galien , de Celse. Un lil adroitement tendu se dirige depuis les temps les plus reculés jusqu’aux époques les plus récentes. Soit rpi’il observe ou qu’il décrive , il montre par-tout la même exactitude , la meme fécon- dité. Quelquefois on y deslrerolt plus de précision j plus de méthode , et des résultats plus clairement ex- posés j mais ce rejiroche dont tant d’autres qualités adoucissent la rigueur, perd beaucoup de sa force lors- qu’on réfléchit ooinblcn il faut d’attention pour faire régner l’ordre et l’économie au sein de la ricliesse et de l’abondance. On connoîtra la marche de son esprit en considérant la suite de ses ouvrages et comment ils se sont succédés. Le premier de tous a été son Traité des alimens, des- tiné à sei'vir de commentaire anx livres diététiques d’Hippocrate. Le fameux chancelier Bacon , toute la classe des adeptes , et un grand nombre de philo- sophes , ont donné des conseils sur la manière de pro- longer la durée de la vie. M. Loriy les a réunis , commentés et réduits à leur juste valeur dans plusieurs articles de cet ouvrage. L’hygiène, sur laquelle il a si bien écrit, ne peut-elle pas- être compai'ée sous beau- coup de rapports avec la morale?’ Dans l’une comme dans l’autre, ceux qui pèchent contre les préceptes s’abusent rarement eux-mêmes ; et ils montrent assez qu’ils connaissent leurs fautes , par la peine qu’ils se donnent pour les dissimuler II faut convenir que ces Conseils de modération et de réserve , qiii supposent 56 ÉLOGES IITSTORIQUES. une ame forte et un corps docile , ne seront jamais bien exécutes que par des hommes sages et vertueux ; admirable providence de la nature! Et périsse à jamais l’art qui enseigneroit à créer des jours longs et heu- reux pour des médians ou des ingrats ! Dans son Traité de la mélancolie , M. Lorry apublié les recherches lei? plus instructives sur l’humeur ap- pelée du nom d’atrabile par les anciens , qui la regar- doient comme le foyer d’un grand nombre de mala- dies opiniâtres, telles que la fièvre quarte, la manie, quelques maladies de la peau, et diverses constitutions automnales. Une remarque curieuse , c’est que les expressions employées par eux pour désigner l’atrabile , ou bile noire , et ses diverses affections , l’ont été dans plu- sieurs circonstances par les poè'tes de la plus haute antiquité, par Homère lui-même : c’est ainsi qu’ils ont peint les emportemens d’Achille contre Agamemnon , et les fureurs d’Oreste. Des actions violentes et peu réfléchies , une ame ardenté et passionnée , des yeux caves , un teint livide , étoient les traits dont ils char- geoient ces tableaux. Platon s’est quelquefois servi de ces mêmes figures dans son Timée. Le fléau dont Lycaon se ci'oyoit frappé 5 la maladie des filles de Prœtus , et les divers genres de folie de ceux qui se re- gardolent comme inspirés par les dicïix ou punis par les dénions , n’étolcnt pour les sages qui vivoient alors que des maladies plus ou moins graves , qu’ils coin- liattoieiil avec l’herbe fameuse d’Anticyre. Notre savant confrère a trouvé dans plusieurs rdics PIIYSIOX. ET iAJÉD. — LORRY. 57 de valets que Plaute a mis sur la scène un exposé fidèle des effets que l’ellébore produit, et sur-tout du trouble généi'al et du resserrement douloureux de la gorge qu’il fait toujours éprouver. L’histoire lui a fourni des preuves de l’efficacité de l’ellébore employé dans les memes cas. Il rapporte qu’un abbé de l’église de Saint-Nicolas de Venise , fa- tigué d’exorciser en vain des maniaques qui se disoient et que l’on croyoit possédés du démon , les avoit guéris par ce remède, dont M. Lorry a fait lui-même des essais heureux. II est un autre état moins grave , mais plus fré- quent que le premier , et dont M. Lorry a parlé en bon observateur : c’est celui que l’on appelle du nom de vapeurs ou de maux de nerfs, dans lequel le délire, s’il est permis d’employer ici cette expression avec Boërrahaave , se borne à un petit nombre d’idées qu’il exalte ou qu’il alfoiblit. L’âge , le sexe , les circonstances, 1 liabitude , donnent â quelques organes une énergie dont les autres sont privés. La sensibilité s’accroît , et chaque point des reseaux où les nerfs s’épanouissent devient un foyer de vibrations iiTégullères , rapides et précipitées : de-la cette mobilité dans les perceptions et dans les jugemens , cette inquiétude que fiiient le repos et le bonheur ; cet ennui du présent 5 cette exa- gération du passé ; cette crainte des maux à venir j cette indifférence pour ce qui est simple , sérieux et réfléchi j ce penchant pour le fanatisme en divers genres, pour tout ce qui produit des ébranlemens inattendus ; cette disposition à imiter les mouvemcns auxquels l’ame 58 ÉLOGES HISTORIQUES. étonnée reste long-temps attentive ; de-là , en un mot, tous ces prodiges de l’imagination , sources de tant de biens et de tant de maux 5 instrument de tant de ré- volutions ; arme si chère à l’imposture , si souvent victorieuse dans les entreprises de l’erreur contre la vé- rité , si puissante sur la multitude , et si funeste aux progi'ès de la raison. Les maladies des nerfs doivent être considérées , sur-tout dans leur principe , comme dépendantes de l’arae, qui réagit sur eux et leur commande 5 c’est elle sur-tout qu’il faut traiter , suivant M. Lorry , pour en obtenir la cure. Ce sont des habitudes à changer , des idées dont il faut éloigner le tableau , des goûts qu’il faut combattre par d’autres penchans ; c’est un ordre de mouveraens que l’on doit interrompre et tou- jours sans paroître s’en occuper : mais combien ne faut-il pas d’adresse pour mouvoir de pareils ressorts ! Les personnes atteintes de ces sortes d’affections dési- rent qu’on les croie très-souffrantes j elles demandent qu’on^ les traite , et ne consentent presque jamais à être guéries ; elles mettent tout leur esprit à se tour- menter , et c’est un combat de ruse et de hnesse entre le médecin et les malades , qui semblent réunir toutes, leurs facultés pour conspirer à leur perte. Après avoir étudié l’homme jusque dans les replis les plus cachés de son économie , M. Lorry s’est dé- lassé , pour ainsi dire , en se livrant à des recherches plus faciles sur les expériences statiques de Saiictoruis ouvons lui payer. ‘ La Société se croit fondée à lu regarder comme lui PHYSIOL. ET MÉD. — LORRY. 67 ayant appartenu presque sans partage depuis l’époque de son établissement, qui a eu lieu en 1776. Elle lui doit des services de tous les genres , et sa reconnois- sance ne sauroit être ni trop publique ni trop étendue. Une académie naissante ne peut jeter aucun éclat sur ceux qui la composent : c’est de leurs efforts et do leur célébrité que doit résulter sa gloire. Elle a sur-tout besoin de bons conseils et de bons exemples. Appelé parmi ceux qui ont Jeté les premiers fondemens de nos travaux, M. Lorry ne se contenta pas de les en- courager et d’y applaudir , il s’y associa , il y contribua lui-meine j en nous indiquant les sources , il nous apprit à y puiser. Dans nos séances , auxquelles il éloit ti'ès-assidu , son érudition se développent avec une abondance qui nous étonnolt toujours, et l’on godtoit d’autant plus de plaisir à l’entendre , qu’il paroissoit en éprouver lui-même eu exposant avec grâce et sou- vent avec gaieté les fruits de ses longues et pénibles études. Loin de ressembler à ces savans qui mettent de la réserve dans tous leurs discours^ en parlant avec mystère de ce qu’ils connolssent le mieux , il usolt de l’esprit comme les hommes sages font des richesses • il fuyoiü les embarras, il s’en serA'oit toujours sans gêne comme sans affectation. ^ Mais ces obligations , quelque grandes qu’elles soient , ne sont pas encore les plus importantes que la Société royale ait contractées envers M. Lorry. Qu’elle nous permette de lui rappeler le moment où en 1778 elle fit des pertes imprévues , et qui causèrent ses regrets. Le souvenir des obstacles que l’on a sur- ^8 ELOGES HISTORIQUES. montés porte avec lui quelque chose de doux et de con- solant 5 et quand il steroit encore pénible parmi nous , la Société n’en devroit pas moins publier que M. Lorry fut un de ses principaux appuis. Cet homme vertueux et bon que l’on avoit tant accusé de manquer de ca- ractère , se montra ferme et inébranlable dans ses prin- cipes comme dans sa conduite. 11 excita le zèle par son exemple j il lut plusieurs mémoires ; il proposa divers plans de travaux qui furent exécutés , et bientôt la Compagnie publia des volumes qu’il avoit enrichis de ses observations. Il étoit naturel que M. Lorry fût le soutien d’un édifice qui s’élevoit en partie par ses soins. Que l’on ne croie pas cependant que cette affection fût le seul motif de son attachement pour la Société royale. Un examen approfondi l’avoit convaincu que cette Compagnie , comme tribunal , n’exerçoit que des droits ci-devant attribués au premier médecin , etquin’avoient jamais appartenu qu’û lui 5 que sa correspondance n’avoit été ni projetée ni exécutée par aucun autre corpsj que les recherches et expériences auxquelles elle se livroit d’ailleurs comme académie, étoient un champ ouvert à tout le monde , et dans lequel on ne devoit chercher à se vaincre qu’avec les armes de l’émulation, 11 trouva parmi nous l’indéjiendance et l’égalité con- solidées par nos règlemens ; il vit que, maîtres de l’é- lection de tous nos chefs , et forcés à les renouveler souvent , nous étions autant libres qu’il est possible {le l’étre sous la tutelle des lois. Notre constitution lui parut d’accord avec la dignité de notre état, j\ laquelle il tenoif plus que personne 5 cl ces raisons qui le fixèrent PHYSIOL. ET MÉD. — LORRY. 69 irrévocablement dans le parti (pi’il avoit embrassé , nous les consignons dans son éloge comme un monu- ment de son courage et de son zèle pour les progrès de la médecine. Que ne pouvons-nous y dévoiler tout entière l’ame du confrère estimable que nous avons perdu ! La nouvelle carrière dont il nous resteà rendre compte sufïiroit pour illustrer un savant des plus laborieux. Nos volumes sont remplis de ses productions : on y trouve la constitution médicale observée et décrite pai* M. Lorry depuis l’année 1775 jusqu’à l’année 1777 y et divisée à la manière des anciens, en semestre veniul et automnal. Dans un savant Mémoire sur les maladies de la graisse , il a fait connoître ses diverses altérations , ses rapports avec la bile , les suites de sa fonte , les tlangers de son mélange avec la matière purulente j et il a dé- veloppé, dans tous ses détails, un sujet quin’avoit point encore été convenablement traité par les observateurs. Dès l’année 1753 , M. Lorry avoit publié des expé- riences sur les effets de l’opium donné à des animaux. Ln 1779 il compléta ses recherches qu’il a publiées dans le troisième volume de nos Mémoires. On sait avec quel art les Tmcs et la plupart des habitans de l’Asie prolongent jusque dans le sommeil les illusions de la volupté. M. Lorry avoit reçu de Constantinople de l’opium préparé , et quelques-unes de ces liqueurs eni- vrantes dont on raconte tant de merveilles j il est ré- sulte de ses essais que , malgré tous les déguisemens connus , l’opium produit toujours deux effets très- 70 ÉLOGES HISTORIQUES. distincts , qu’il endort et qii’il donne en même temps aux libres une disposition au spasme , qui dure long- temps après que la première impression a cessé d’avoir lieu. Les extrémités postérieures des animaux se sont af’l'oiblies les premières dans ses expériences. Il a retiré, par la distillation de l’opium qui avoit fermenté, une liqueur calmante et peu narcotique j et parmi tous les inélaliges que M. Lorry a tentés de cette substance avec celles qui sont le plus employées en médecine , c’est en la combinant avec le camphre , l’ail , la scille ou le musc , qu’il en a obtenu les effets les plus remar- j Ce n’est pas seulement par la nature et la variété des sujets que la lecture de ces mémoires est attrayante ; c’est sur- tout par les vues qu’ils annoncent , et par un mélange piquant d’érudition et de philosophie. Chaque fait y est environné de détails curieux , de rapports inattendus j chaque vérité y est placée de manière à en faire pressentir un grand nombre d’autres : enfin , ces productions sont du petit nombre de celles qiil offrent par-tout le germe de la réflexion et de la pensée. La société conserve cinq autres mémoires de M. Lorry, qui ont été lus dans ses séances, et parmi lesquels quatre sont relatifs îi la pratique de notre art. Ils coiitleiment des observations sur les efforts critiques qui se font sans que la fièvre survienne 5 sur la nature et les effets du frisson , considéré comme un sym])tonie général des fièvres 5 sur les aphthes , tels qu’on les observe à Taris, comparés avec ceux (pic Roërrhaavc adécritseii Hollande, et Kctlaër en Zélande ; enlln sur les acci- PHYSIOL. ET MÉD. — LORRY. 71 dens qui précèdent , accompagnent et suivent le sommeil dans les maladies aiguës. Le seul délassement que M. Lorry se soit permis au ïnilieu de tant de fatigues a été la culture de deux terrains qu’il avoit achetés près de Paris. Il n’y a q\io ceux dont Paine est douce et tranquille qui se plaisent aux champs : l’avare ^ l’ambitieux , l’homme subjugue par ses passions, ne s’aperçoivent point si la nature est riche et féconde , si le ciel est pur , si les Heurs répandent leur parfum. Ces premières jouissances étoient celles que M. Lorry sentolt le plus vivement. Tous les végétaux utiles aux arts et à la médecine ont trouvé place dans ses jardins. Parmi les observations curieuses qu’il y a faites, nous citerons celles dont les parties volatiles des plantes, et les odeurs ont été le sujet. Il les a divisées en cinq grandes classes. Il a donné è la première le nom de camphrée. Son principe est très-étendu et s’envole facilement , mais sans se dénaturer. M. Lorry rapporte à cet ordre les labiées , leslauxiers , les myrtes et les térébenthines. La seconde classe comprend les odeurs vireuses, analogies à celles de l’opium | la troisième , celles qu’il a comparées à l’odeur de l’éther : la quatrième et la cinquième , celles qui. se- l'approchent des acides ou des alkalis volatils. Haller , en traitant des molécules odorantes , a désiré qu’un physicien insti'uit en fit une division méthodique. Notre confi'ère a rempli au moins une partie du vœu formé par ce grand homme. La Société royale est dans l’usage de publier des avis sur le traitement des maladies épidémiques ou 72 ELOGES HISTORIQUES. constilutioimelles des saisons , lorsqü’ elles sont assez graves pour mériter son attention. Une dyssenterie cruelle sc répandit , et fit de grands ravages dans plu- sieurs de nos provinces en 1779. Des fièvres bilieuses à peu près semblables à celles qu’Hippocrate a obser- vées à Thase à la suite d’un été sec et brûlant , régnèrent en 1781 à Paris et dans tout le royaume. L»a Société fut consultée l’année suivante par les états de Lan- guedoc sur une maladie accompagnée de sueurs opi- niâtres , qui étoit épidémique dans une partie de cette province. Des instructions publiées à ces différentes époques ont rempli les vues du gouvernement. M. Lorry qui les avoit rédigées ne voulut point que son nom y fût cité. Nous nous empressons de rendre à l’auteur de ces utiles productions le tribut qui lui appartient , et dont il est d’autant plus digne qu’il a fait tous-ses efforts pour se dérober à la reconnoissance publique. Parmi les rapports dont M. LoiTy a été chargé sur différens sujets y et qui sont contenus dans nos re- gistres, un sur-tout mérite d’être remarqué. M. Viel , amateur éclairé d’architecture , avoit demandé à la Société si les plantes dont on reconnoît des parties sur les monumens des anciens, sont de la classe de celles que l’on regarde comme salutaires? Quoique la Soclélc îie se livre point ordinaii'ement à dos travaux de cette nature , M. Lorry promit de communiquer ses ré- flexions sur cette question qu’il prit plaisir à traiter. II scroit en effet difficile de trouver un sujet plus piquant parmi tous ceux (jui tiennent à l’histoire de notre art. L’auteur comiucncc par jeter un coup- PHYSIOL. ET MED. — LORRY. 73 d’œil sur les végétaux consacrés aux dieux, et que l’on multiplioit aux environs de leurs temples. C’étoit dans une forêt de chênes antiques que Jupiter rendoit scs oracles 5 Appollon se plaisoit au milieu des lauriers 5 Bacclius se coûronnoit de lierre et de pampre; de blonds épis ornoientla chevelure deCérès ; la sage Minerve avoit préféré l’olivier, le seul des arbres sacrés dont, suivant la remarque de Phèdre , les fruits fussent utiles ; des couronnes de peuplier couvroient la tête de ceux qui sacrilioient à Hercule. Les divinités qui présidoient aux vendanges , celles des champs, étoient représentées tenant des cyprès dans leurs mains. Ainsi chaque ordre de végétaux , chaque classe d’êtres avoit un protecteur assis parmi les dieux. L’imagination avoit tout animé, tout embelli , tout lié avec le ciel. Les feuilles , les fleurs, les fruits , tissus en guirlandes, entrelacés dans des couronnes , étoient suspendus autour des autels , et servoient de festons à l’entrée des temples ou d’or- nemens aux victimes. Les athlètes , les guerriers , les vainqueurs, le& amans, les buveurs, tous participoietit a ce culte , et portoient chacun les symboles de leur divinité. Ils les représentoient sur les colonnes , sur les murs des édifices publics ou des maisons particulières. L art préféra sans doute , pour ces emblèmes , les vé- gétaux dont le port étoit le plus noble, et qui dévoient etre regardes par cette raison comme plus agréables aux dieux. Bientôt on s’efforça de donner aux fleurs et aux feuilles des contours plus élégans. La nymphée , le raolacanthe furent tellement défigurés qu’ils ne lessemblerent pdtis a la nature, on sacrifia tout aux 74 ÉLOGES HISTORIQUES. formes , et rien n’annonce qu’au milieu de ce beau' délire d’où naquirent tous les arts , on ait spéciale- ment choisi les plantes salutaires pour servir d’orne- mens à l’architecture, qui semble plutôt les devoir aux brillantes inspirations de la poésie qu’aux sages conseils de la raison. M. Lorry s’étoit livré depuis long-temps à des re- cherches qui lui furent d’un grand secours pour résou- dre la question proposée par M. Viel. Très-versé dans « lalectui’e des anciens , il avoit résolu d’extraii’e de leurs ouvrages tout ce qu’il jugeoit avoir quelque rapport avec l’art de guérir. ^ Il avoit commencé par Hérodote , le père de l’his- toire. Il avoit ensuite passé à Thucydide et à Xéno- phon. La description de la Grèce par Pausanias , les seize livres de Strabon , le plus ancien des géographes, et ceux de Diodore de Sicile , lui avoient fourni de grandes richesses. Déjà il avoit étendu ses travaux jus- qu’aux poètes 5 il avoit recueilli dans Hésiode et dans Homère tout ce qui pouvoit entrer dans son plan. Ces recherches composent un manuscrit précieux que M. Hallé notre confrère , digne héritier des vertus et du savoir d’un oncle illustre , ne nianqxiera pas de publier. M. Lorry y a traité très au long de la peste d’A- thènes , si bien décrite par Thucydide , fléau qu’aucun remède ne put adoucir , dont les médecins furent les premières victimes, et dont l’histoire doit être à jamais nu objet de terreur pour la postérité. Celte contagion transportée de l’Ethiopie en Egypte , et dans l’ilc do PHYSIOL. ET MÉD. — LORRY. j5 Lemnos , pénétra jusque dans l’Attlcpie , où les Pélo- pOnésiens , cpii la ravageoient alors et dont on fuyolt les approches , furent exempts , conime les Juifs l’ont été î\ Home , dans la constitution pestilentielle décrite par le cardinal Gastaldi. M. Lorry a comparé la maladie cruelle cpie Tlm- cydifle a décrite, avec les autres fléaux analogues ; et il a prouvé que, semblable à la peste traitée par Sydenham à Londres , et par les médecins français à Marseille , sa cause ne résidoit point dans les vices de la temp>é- rature, qui n’avolt jamais été ni plus belle ni plus salu- taire sous tous les autres rapports : bien différente de celle dont les Grecs furent frappés au siège de Troie j de celle de Thèbcs, décrite par Sophocle dans son OEdlpc , ou de celle dont Hippocrate a parlé, et qui parolssolt dépendre de l’influence des saisons , s’étendre aux divers animaux , même aux végétaux , sur-tout aux fruits , et menacer ainsi tous les êtres d’une des- truction prochaine. Les Grecs avoient snr la cause de la peste , sur celle des morts subites et de l’eprlepsie , une opinion singu- lière qui etoit âdoptee pai' les médecins eux-mêmes. Ils croyoient y reconnoître le sceau de la puissance divine, qui vouloit punir ou éprouver les hommes , ou , dans quelques-uns de leurs revers, leur faire de la mort un funeste présent. Ces idees n’ont pas la précision des nôtres , mais elles sont nobles et élevées , et il n’appar- tenoit qu’aux Grecs d’imprimer à toutes leurs fables le caractère de la grandeur et de la sublimité. On employoit dans l’ancienne Grèce les eaux ther- 76 . ÉLOGES HISTORIQUES. males pour le traitement de plusieurs maladies. Héro- dote , Pausanias , Strabon et Diodorerde Sicile eu ont fait une mention expresse , ainsi que de plusieurs inof- fettes. La préparation et les vertus du castoréum étoient connus d’Hérodote, et le baume confié à l’Académie française de Paris , ilont l’excellence « rendroit inutile le travail des autres sur de pareilles matières. » C’est donc dans la philosophie la principale partie de cette U Faculté des arts qu’on peut trouver le sujet de ces conférences, » désirant que leurs objets soient moins l’artifice des paroles que U la connoissaiice des choses, sans négliger pourtant les règles de » l’art de parler. U II n’y a point de sciences, etc. >1 La pliysique (a) étant la connoiesnnee de tous les corps natu> » rels doit être en partie l’objet de ces conférences. » La conduite des mœurs doit être aussi un des sujets de ces con- » férences, etc. « Quant à la Faculté de médecine , elle comprend plusieurs par- u ties , dont les unes lui sont propres, et les autres qui lui serrent » de principes, sont empruntées de la physique ; car l’on ne peut V raisonner sûrement sur la connoissance du corps humain si l’on « en ignore les premiers élémens. » Ces conférences (b) ne s’étendront point sur toutes les parties » de cette Faculté, mais sur celles seulement qui dépendent de la » physique, qui sont la physiologie , la chimie , l’anatomie et la bota* 'tt tanique, etc. Extrait des lettres -patentes du mois de juin 1740, portant établit- ' sentent d’une Académie dans la ville de Dijon. n Louis , par la grâce de Dieu , etc. « Art. IX (c). Parmi les pensionnaires, quatre seront versé» (a) Page i£ de l'impriiaj. (b) Page 17. (c) Page 7. I 102 ÉLOGES HISTORIQUES. Les recueils de l’Académie de Dijon, qui ont toijsi, été rédigés par M. Maret, ont paru sous deux formes • et à deux époques différentes. Les derniers, divisés par semestres (i), contiennent des mémoires sur la phy- sique, sur l’anatomie , sur la chimie et suiTa médecine, dont la distribution est à peu près la même que celle des ouvrages de ce genre publiés par les Académies ^e Paris, de Londres et de Berlin: mais ce ne fut | pas sans peine que l’on parvint à se conformer à ces | modèles. On en jugera par le premier volume, qui ; fut imprimé au nom de l’Académie en 1769. Pour i obéir au vœu de la Classe de belles - lettres , il fallut : y insérer des vers français. A coté des chapitres où les règles de la perspective et la calcination des mé- taux sont traitées par des physiciens habiles : où l’appareil effrayant de la taille, et le tableau de ses souffrances sont tracés froidement par un chirurgien fameux, un poè'te aimable chante le réveil indiscret de Céliraène , et sa sui’prise , et son lit de flciirs, et le silence des bois et le murmure de l’onde. L’esprit ; » dans les matières de pliysiqiie; quatre dans celles de la morale w concernant les devoirs de l’homme par rapport à lui-mème et « à la société ; et quatre dans les parties de la médecine qui M dépendent de la physique, telles que la physiologie, la chimie, » l’anatomie et la botanique. » Art. X. Des associés, deux s’ajipliqueront h la physique; » deux il la morale, et les deux autres à la médecine, de la IJ manière dont elle est expliquée dans l’article précédent. « (i) Voyez les nouveaux Mémoires de l’Académie de Dijon ponr la partie des sciences et arts. Premier semestre lySj et tes suivans. PIIYSIOL. ET MED. — MARET. io3 ïic se prête point à de tels contrastes. Les hommes doués de talens aussi opposés entre eux sont les uns pour les autres un sujet d’étonnement 5 leurs écrits, dans nos bibliotlièfpies, ont besoin d’être séparés par de grands intervalles, et comment lorsque leurs pro- ductions SC repoussent, peut- on les confondre en les pressant sous la même enveloppe et en les forçant de s’offrir ensemble aux legards de la postérité? M. Maret et ses savans confrèi-es furent , comme nous, fiappés de cette opposition. Le volume de 1774 ne contient point de vers (1) , et les recueils par semes- tres sont entièrement voués aux sciences. J’oserai dire mon avis sur ce mélange de sciences et de belles-lettres si commun dans les Académies de | nos provinces , et par-tout si contraire aux véritables intérêts de ces corps. Pourquoi vouloir réunir des hommes pai'mi lesquels la rivalité ne sera point celle de l’éinulalion et qui ne pouvant, ni s’apprécier, ni même s’entendie , ne combattront qu’avec les armes de la prétention et de l’orgueil? Les sciences recon- noissent des lois qui l'èglent la marche des idées , et dans ce genre un bon esprit peut toujours savoir s’il a bien fait. Dans les lettres au contraire , outre les lois écrites, il existe un tribunal sans appel au sein des grands sociétés. Ce tribunal sent plutôt qu’il ne jnge, ou, bien sentir, pour lui, c’est juger 5 son coup-d’œil est (1) Plusieurs pièces de vers tues à l’Académie de Dijon furent insérées dans l’Almanach des muses, années 1778 et 1774; Histoire de l’Académie, 1774» P- 53 et 54. io4 ïtLOGES lîlSTOKIQTJES. ! rapide; il est prompt h rendre ses décrets; ce qu’il voit , il se liate de l’exprimer ; ce qu’il a décidé chacun ' le répète et croit le décider avec lui; le bon goût commande et 1 opinion régné : mais ce tribunal est j un ; il ne peut ni se diviser, ni se multiplier, ni ] tiansmettie ses droits a un autre. Dans les sciences, il 1 en est autrement. Depuis le génie qui embrasse toute la nature , jusqu’à l’observateur qui ne s’occupe que d un seul lait , on voit s’étendre une chaîne de travaux qui sont tous nécessaires. Les savans élèvent un édifice pour lequel on a besoin de l’architecte habile et de l’artisan modeste. Dans les lettres, au contraire, l’homme médiocre est nul. Qu’à ces corps dont les divisions intestines montrent assez combien leur cons- titution est vicieuse, l’on substitue des académies où l’on ne s’occupe que des sciences et de leur applica- tion à l’agriculture ou au çommerce , de l’étude des productions naturelles du sol ou de l’histoire mémo de la province (i); que l’on réserve à la capitale, c'est-à-dire au petit nombre des grands hommes dont elle reçoit le mouvement, le soin de faire fleurir les lettres et les beaux arts; sur-tout que la jeunesse qui les cultive connoisse le danger des succès faciles et des jouissances précoces , et l’on verra renaître cet accord de l’esprit, de la raison et du goût, qui peut (i) T3(ins tous les cas, les corps savnnsiloivcnt être séparés île ceux r)ui ne sont que littéraires, et s’ils forment une seule acadéinir, il Inut au moins qu’ils s'assemlilcnt à «les heures ou dans «les s.slle.s «tinérvntes, et qu’ils ne se réunissent que «luns les séances publiques. PHYSIOL. ET MÉD. — MARET. io5 *eul imprimer aux nations et aux siècles le sceau de la véritable grandeur. L’histoire de l’Académie de Dijon , placée en tcte du volume de 1769, ne se borne point à ce qui con- cerne l’établissement de cette compagnie ; on y lit un abrégé des travaux qui ont illustré la Bourgogne depuis le règne de Philippe le bon et celui de Charles , son successeur et le dernier de ses ducs (i)j Jusqu à nos jours. Papillon (a) et Perard (3), poët(« estimés au commencement du seizième siècle 5 Martin, Godran et Odebert (4), fondateurs des plus anciens collèges de la ville de Dijon, y reçoivent les premiers hom- mages offerts aux grands hommes de la patrie: niais, dans des temps plus modernes , quels hommes que Bossuet , la Monnoye , Crébillon , Bouhler (5) , Rameau et Pilon , dont elle se glorifie d’avoir été le berceau ! Quels hommes que Vauban , Saumalse , Bussy llabu- tln (6), Marriote, Lacurne de" Sainte - Palaye j que M. de Biiffon et Daubenton , tous nés dans son terri- toire ou près de ses murs ! Quel noble concours de talens divers I Quels modèles et quels aïeux pour les jeunes littérateurs de la Bourgogne qui ne liront pas (1) Histoire de l’Académie de Dijon, année 1769, p. 2. (2) Né en 1487. (.1) Mort en i558. (4) Histoire de l’Académie de Dijon , année 1 769 , pag. 3 et 4> (5) M. le président Desbrosses est aussi né k Dijon, (6) Il faut encore ajouter madame de Sévigné k la liste des auteurs célèbres qui sont nés en Bourgogne. io6 ÉLOGES HISTORIQUES. sans fruit ce morceau d’histoire écrit par M. Maret ij . L’Académie de Dijon n’ayant publié aucun mémoire' avant l’année 1769, M. Maret y supplée par quelcpies détails sur ce (jui s’est passé dans ses assemblées depuis 1741 jusqu’à cette époque. Je me permettrai de faire un l'eproche à cette partie de son histoire. En parlant de la fameuse question sur le rétablissement et l’in- fluence des sciences et des arts , traitée en 1760 d’une manière aussi sublime qu’inattendue par le philosophe de Genève , auquel le prix fut décerné , il s’efforce de justifier l’académie de ce jugement, dont il rejette la faute sur quelques-uns de ses membres qui ne sont plus (1). Que ne la justifioit-il plutôt de ce qu’elle n’a pas couronné le second discours du même auteur, qui n’est que la suite et le complément du premier (2)! On y trouve à la vérité des paradoxes dont la religion toutefois et le gouvernement ne se sont point offensés; (j) Ceux qui liront cette histoire (dit M. Maret, histoire de l’Académie de Dijon, 1769, p. 28), ne se permettront pas de rejeter le hlârne de ce jugement sur l' Académie entière, et n’au- ront pas l’injustice de reprocher encore aujourd’hui cette espèce d’erreur à une société qui, dans ce niomcnt-ci, ne compte plus pour ses membres aucun de ceux qui concoururent par leurs suf- frages à couronner M. Rousseau. (2) Lorsque l’Académie de Dijon couronna le premier discours dans lequel Rousseau prétendoit démontrer le danger des sciences et des arts, personne ne soupçonna cette compagnie d’avoir adopté l’o|)iiiion du philosophe de Genève t on vit bien qu’elle navoit eu égard qu’à l’éloquence et au style: de pareils cliefs-d’œuvrcs doivent être exceptés de toute règle, et sous ce rapport le second discours méritoit bien d’ètrc traité comme le premier. , PHYSIOL. ET MÉD. — MARET. 107 mais aussi que de pensées rendues plus piquantes par leur contraste avec des opinions bizarres! Comme il peint le brigandage de l’opulence , l’orgueil et le néant du savoir! avec quel soin j en dépouillant 1 hoinine de tout ce qu’il croit étranger h sa nature, il le revet d’innocence et de bouté, et combien 011 aime ti se rapprocher de son cœur lorsipi’on s’éloigne le plus de son esprit ! Est-il des palmes qui soient au-dessus d un ouvrage tpie le génie consacre à la vertu? L’Académie de Dijon a eu tant de part aux affec- tions de M. Maret qu’elle devoit tenir une place dis- tinguée dans son éloge. Il laut encore que je dise com- ment cette compagnie, qui dans Tannée 1764 n’avoit qu’un logement étroit et un revenu très-modique , lors- qu’elle perdit M. Maret étoit en possession d’un grand hôtel , d’un jardin de botaniipie , d’un mobilier I considérable et d’un revenu siiliisant pour scs dépenses annuelles J bienfaits qu’il avoit, ou préparés par son économie , ou obtenus par les pressantes sollicitations de son travail et de son zèle. Il faut que je dise com- ment les états de la province accordèrent, à sa demande et à celle de son illustre ami M. de Morveau , les Tonds nécessaires pour l’établissement d’un cours de chimie, qui fut annexé à l’Académie de-Dijonj com- ment , dans l’exécution de ce nouveau plan , il se ; chargea des leçons relatives aux eaux minérales et [aux substances tirées des animaux : il faut que je dise comment il y joignit un cours très-étendu de matière médicale , et comment enfin il continua ses leçons jusques en 1784 autre salaire que la reconnois* io8 ÉLOGES IIISTOniQUES. sance publique et la bienveillance des états , auxquels on doit cette inslitnlion utile. Gloire aux adminis- trations des provinces qui ont déjà donné des marques éclatantes de leur amour pour les lettres à celles qui, pour régénérer l’état , ne manqueront pas de répandre l’instruction et les lumières ! honneur à tous ceux par qui le domaine de la vérité s’agrandit. Pendant que M. Maret sembloit donner tous ses soins à l’Académie de Dijon , son activité s’étendoit au loin , et il concouroit pour les prix de plusieurs académies dont il recevoit/les couronnes. En 1767 il remporta le prix de l’Académie de Bor- deaux sur la manière d’agir des bains d’eau douce et de mer (1). Son discours est un traité complet de cette partie de l’hygiène et de la thérapeutique. Il y a exposé dans le plus bel ordre la doctrine des anciens et celles des modernes ; et sur ce point les anciens en savoient plus que nous. Les bains étoient parmi eux , comme ils le sont encore aujourd’hui dans l’Afrique et en Asie, (1) Mémonre sur la manière d’agir des bains d’eau douce et de mer et sur leur usage , qui a remporté le prix en 1767 an jugement de l'Académie royale de Bordeaux; par M. Maret. Jii-8.®, 1769. Voyez un abrégé de cet ouvrage nu mot bains de l’ancienne Encyclopédie. Voyez aussi le traité théorique et pratique des bains d’eau simple rt «l’eau de mer, avec un mémoire sur la donclie ; par M. Marteau. Jn-8.®, Amiens, 1770. Un Second prix fut accordé par l’Académie de Bordeaux i l’aiiteMr de cet ouvrage. PÎÎYSIOL. ET MÉD. — MARET. lo^ un objet de luxe et d’utilité publique. De superbes édifices étoient destinés ù leur usage, et leur admi- nistration étoit si compliquée , que , malgré les recher- ches de Vitruve et les commentaires de Baccius (i), il reste encore de grandes incertitudes sur les pré- cautions avec lesquelles ils passoient du bain froid au baiu chaud, et de l’etnve au bain froid (2), et sur l’art d’oindre le corps d’huile , de baumes et de par- fums. On ne voit pas sans étonnement la précision et la sûreté de leurs conseils sur quelques accidens des fièvres aiguës qu’ils guérissoient par les bains , sur la manière de préparer ainsi les malades à 1 usage de l’ellébore et sur l’utilité du bain froid dans le traite- ment de certains rhumatismes et catarrhes, tels que celui dont Musa guérit Auguste. Ce qui distingue l’ouvrage de M. Maret , c'est qu’il a établi ses assertions sur des expériences. Il a déter- miné l’action de l’eau sur divers fragmens du corps humain (3) , et il a compai'é les résultats de ces épreuves avec les observations connues sur les effets du bain appliqué aux différentes parties des corps vivans. On remarque dans cet écrit des idées exactes sur la combinaison de la matière de la chaleur avec l’eau (4) (i) Baccius, de Thermis veterum, chap. XXV, et Gai. Meth. meil. , p. 4P- (a) Le l)àlinient éestiné aux Bains étoit divisé en sept pièces. Vltruv. (3) Pag. 48 et SUIT. Pag. 5^ Iio ÉLOGES HISTORIQUES. ^ur l’absorption (i) et sur le spasme (2), qu’il ne re- gardoit pas seulement comme produits par la tension des libres, mais comme un état combiné de relâche- ment et de tension dans les divers points du même organe (3). L’Académie d’Amiens demanda en 11770 quelle avoit été l’influence des mœurs des Français sur leur santé , et M. Maret remporta encore ce prix (4). On lit, dans son discours , par quelles révolutions une nation gros- sière est devenue le peuple le plus poli ; il montre noS' superstitieux ancêtres errans dans les vastes forêts des Gaules j il les suit dans les villes, où ils se l'enferment d’abord sans police et presque sans lois: ardens dans leurs entrepiises, déjà mobiles dans leurs projets, leurs mœurs étoient simples, leurs corps robustes, leurs plaisirs bruyans, et leurs amours fidèles. Leurs habitations étoient malsaines 5 les exhalaisons des marais infectoient l’atmosphère; la lèpre s’étoit répan- due des plages maritimes vers le centre du royaume : (i) Pag. 40. (a) Pag. 20. (3) On trouve des idées analogues dans le discours de M. Godard sur les antispasmodiques , couronné par l’Academie de Dijon en 1764. (4) Mémoire dans lequel on cherche à déterminer quelle in- fluence les mœurs îles Français ont sur lu s.'inté et qui a remporté le prix au jugement de l'Académie d'Amiens en l’année 1771 ; par M. Maret. A Amiens, chea la veuve Godard 177*' Voyez le compte qui en a été rendu dans la Gozelte salutaire, ijniiéc 177a, n.** 44 et 45. ■PFIYSIOL. ET MED. — MARET. m des fièvres rebelles dcvoroient les liabitans des cam- pagnes et des villes 5 plus de cent pestes dans l’espace de quatre siècles avoient anéanti la population et l’in- dustrie, et la nation dépérissoit faute de savoir com- ment il falloit s’alimenter , se loger et se vêtir. Elle l’aj)prlt enfin après de longues infortunes. François appela les dames à sa cour ; sous le ministère de Richelieu, le peuple, moins efïrayé , respira; il aima plus la vie et il craignit mq^ns de la communiquer; ses efforts s’étendirent aux sols Ingrats qu’il bonifia , aux terrains malfaisans dont il changea la nature. Los marais devinrent des prairies fertiles; des canaux creusés reçurent les eaux , auxquelles on rendit le mou- vement; le luxe orna les villes; une police habile en éloigna la contagion , et la peste fut reléguée dans ces climats où le Janissaire et le IMamnielouck protè • gcnt l’ignorance et prêchent la fatalité. Mais, comme si la succession des siècles ne devoit être qu’un enchaî- nement de misères, la création du commerce et le développement des facultés intellectuelles produisirent d autres maux. L’auteur peint les hommes des diverses contrées se transmettant leurs richesses et leurs souf- frances ; il les peint attires par l’intérêt commun et repousses par 1 egoisme. La sensibilité trop exercée fatigua les organes, et de ces désordres naquirent les spasmes , l’atrabile , et le dégoût de la vie , plus fâcheux lui seul que tous les autres chagrins dont elle est em- poisonnée. Peut-être auroit-il fallu dans ce discours ne passe bor- ner aux détails liistoriques qui composent presque tout 113 ÉLOGES HISTORIQUES. l’ouvrage , et , pour le rendre plus complet, considérer la question en général et sous les rapports des différens sols et des divers gouvernemens. Alors on auroit vu , dans l’état le plus voisin de la nature , la santé rece- voir toute l’influence du climat et des saisons et la communiquer aux mœurs. On auroit vu dans les grandes sociétés un ordre inverse s’établir j le sol changé par la culture, les organes soustraits aux im- pressions de l’atmosphèrq par les inventions des arts , les mtEurs assujéties aux usages et aux lois, et la santé réciproquement modifiée par les mœurs : les mœurs et la santé des peuples sont donc, ainsi que leur for- tune entre les mains de leurs chefs , qui en répondent ; vérité que l’on a déjà dite, mais qu’il faudra redire encore jusqu’à ce qu’elle soit devenue familière au petit nombre d’hommes par qui le monde est gouverné. En 1773 M. Maret concourut au prix proposé parla Faculté demédecine de Paris sur la possibilité deprévenir le retour des maladies épidémiques (1). Cette compagnie lit la mention la plus honorable de ses recherches, et en 1784 la Société royale de médecine lui décerna un des prix qu’elle avoit à distribuer sur l’analyse des eaux minérales (2). M. Maret gagne beaucoup à être jugé par l’en- semble de ses productions. S’aglt-il de donner aux ^lagistrats un avis motivé sur les questions les plus (1) Il rciDport» l’AccpSsil. (2) Lr nicmoirc couronné a pour ohjot l’Analyse îles eaux ininé* ralos de iiaiiitc-llcino. PHYSIOL. ET MÉD. — MARET. ii3 difficiles de la médecine légale (i)? S’agit-il de pres- crire le traitement des maladies produites par le mau- vais état des grains (2) 5 d’éloigner des foyers de contagion; de rappeler à la vie les personnes asphy- xiées (3); de détermuier l’emplacement d’un cimetière ou la meilleure forme d’un hûpltal : il expose les dan- gers, il indique les précautions, il marque le but, et sa prévoyance n’étonne pas moins que son activité. Il est un des premiers qui aient écrit sur les dan- gers des inhumations dans les églises et dans l’enceinte des villes Le mémoire de M. llaguenot (4) sur plu- sieurs accidcns arrives en 1 y44 ® Montpellier par la meme cause étoit presipie oublié lorsque celui de M. Maret parut. L arrêt rendu en iy65 (5) par le (i) Consultaiions médico-légales sur une grossesse prématurée. Sur la sun’ie d'un enfiint à sa mérc. Sur une imbécillité, 177a. (a) Mémoire sur le traitement qu’il convient de faire dans les maladies qui euivcnt l’usage du seigle ergoté ; par M. Maret. Dijon, 1771. (3) Mémoire sur les moyens à employer pour rappeler à la vie les personnes que les vapeurs du charbon , le froid excessif, ou la submersion, ont réduites dans l’état de mort apparente:’ Dijon, 1776. Gazette de santé, 1776, p. 70. (4) Lu dans la séance publique de la Société royale des sciences de Montpellier, année 1746; imprimé en 1747 ; réimprimé dans les Mélangés curieux et intéressons , etc., à Avignon, in-8.® chet Roberty, 1769. ‘ ’ Le »5 mai. T. 3. 8 ii4 ÉLOGES HISTORIQUES. parlement de Paris pour ordonner et régler les sépul- tures hors de cette capitale , quoique dicté par la justice la plus éclairée et accompagné d’un plan très- sage, étoit resté sans exécution. M. Maret, consulté par les officiers municipaux de la ville de Dijon sur le cimetière de la maison de force, traita de nouveau la question dans toute son étendue. Il prouva par des faits nombreux que les exhalaisons des corps ense- velis dans l’enceinte des villes avoient été souvent funestes à leurs habitans 5 il insista beaucoup sur l’évé- nement arrivé dans l’église de Sauheu ^1) , où un cercueil s’étant ouvert, l’odeur très-fétide qui se ré- pandit frappa un grand nombre de personnes , parmi lesquelles plus de cent furent très -incommodées et dix -huit périrent (2). M. Maret rappela ensuite les diverses circonstances relatives à l’infection de la cathé- drale et de l’église de Saint-Médard de Dijon; à ces témoignages il ajouta l’autorité de la religion et celle des lois, et sa conclusion fut que par-tout les sépul- tures dévoient être éloignées des villes. (1) En 1773. Lettre sur la maladie épiildmique deSauIicu, attri- buée à des inhumations dans l’église paroissiale de cette ville; par M. Maret: Gazette de santé, 1773, n.“ 6. Mémoire de M. Maret, p. 3a. Voyez aussi, i.“ dans le Journal encyclopédique, septembre 1773, et dans le Mercure de France , même année , une lettre de M. Maret sur les dangers des inhumations dans les églises ; a.“ le rapport sur plusieurs questions proposées par l’ordre de Malte à la Société royale . o5 et \S. PIIYSIOL. ET MÉD. — MARET. 119 bliquetloit consacrer à rhunianité souffrante. Au reste, quelque bonne que soit cette action , c’est la Justice et non la générosité qu’il faut louer en elle. Ce n’est pas un présent que la nation fait aux pauvres , mais un oubli qu’elle répare , une dette sacrée quelle paie : car, de luêinc qu’on doit à l’indigent un salaire pour son travail , on lui doit an moins un lit oi\ il se repose lorsqu’il succombe à la fatigue , ou lorsqu il est prêt de terminer une vie dont le riche seul a profite. M. Maret publia en 1780 un traité sur la petite- vérole (1) , dans lequel il se proposa de faire voir que l’inoculation, lépandue et généralementadoptee, étoitle seul moyen d’arrêter les progrès de ce mal. M. Maret étoit très-opposé au système ingénieux de quelques médecins célèbres (a) qui pensent qu’il seroit pos- (1) Mémoire sur les moyens à employer pour s’opposer .lux ravages de la vaiiole, adressé à ses concitoyens; j>ar M. Maret, in-8.0, 1780. Voyez, aussi le mémoire dans lequel on prouve l’impossibilité d’anéantir la petite- vérole, etc.; par M. Gardane, in-8.°, >778. (a) Voyez j.° Mémoire pour servir à l’histoire de la petite- vérole, dans lequel on démontre la possibilité et la facilité de préserver un peuple entier de cette maladie; par M. Paulet,. in-8.'*, 176S. 2. “ Le seul Préservatif de la petite-vérole , ou nouveaux faits et , observations qui prouvent qu’un peuple entier , un village , une ville, une province, un royaume, peuvent également se préserver de cette maladie en Europe ; par M. Paulet, 1776. ’ 3. ° Examen du Mémoire sur les moyens à employer pour s’op- poser aux ravages de la variole; par M. Maret, etc. Extrait des. numéros 24 et a6 de la Gazette de santé, en 1780. 120 ÉLOGES IIJSTÔRIQÜES. sible de détruire tont-à-fait ce fléau en le traitant comme la peste; c’est-à-dire en prenant des mesurés très-rigou- reuses qu’ils ont indiquées contre sa contagion (i). Dirai- je que les journaux de la capitale et de la province de Bourgogne ont été le théâtre de plusieurs querelles qui Se sont elevees entre IVI. IMaret et différentes personnes de 1 art sur les avantages qui résultent de la fomen- tation (2) et de l’incision des boutons varioleux pour diminuer la profondeur des cicatrices j sur la propriété apéritive du jaune d’œuf. (3) , sur l’utilité des gaz fl) .Sans chercher à rcsomlre ici ce problème, on ne peut s’em- pèchcr de convenir avec les partisans de la dernière opinion que l’on ne se donne point assez de soins pour arrêter les progrès de ce mal. La chambre de police de la ville de Dijon (ordonnance de la chambre de commerce et de police de la ville de Dijon, du 25 septembre 1779, qui ordonne les précafutions k prendre contre la contagion de la petite-vèrole ) avoit publié en 1779 un règle- ment dans cette vue. M. Marct n’en a point parlé , et l’on a eu raison de lui reprocher ce silence. Peut-être encore auroit-il dft s’ex- pliquer plus clairement lorsqu’il a dit ce que plusieurs ont réjicté, que la petite-vérole inoculée ctoit moins contagieuse que la petite-vérole naturelle; différence qui dépend, non de ce qu’elle est d’une autre nature, mais de ce qn’étani moins abondante et devant toujours être pratiquée hors des villes, le foyer de ses mia.snics a , pour ces deux r.'iisons, moins de fon?e et comporte moins de dangers. En avançant qu'il n’est pas bien démontré que la petite-vérole n’ait pas d’autre cause que la eontagion , etc. (Mémoire sur les moyens a employer jioiir s’opposer aux progrès de la variole etc. ; Avertissement , p. 5), il a encore donné prise à la critique. Sa doclrine sur cette maladie et sur l’inoculation en général mérite d’ailleurs des éloges. (s) Carotte salutaire, 8 ’piin 1785. (3) .Sur les bons effets des œufs frais rnis , délayés dans l'eaa froide, toutre In jaunisse : Gazette de santé, «77i. 121 PHYSIOL. ET MED. — AIATîET. flaiis le traitement externe du cancer et sur les sé[)ul- turcs? Je n’entrerai dans aucun détail sur ces discus- sions j mais en le plaignant de ce cpi il les a crues nécessaires J je remarquerai qu’elles ont fait le tour- ment, de sa vie, et sur-tout le malheur de scs der- nières années. Les gens de lettres et tous ceux (jui montrent ainsi le spectacle de leurs liâmes ne sauront- ils donc jamais que dans ces sortes de combats, comme dans tous les autres , il est ju escpie impossible que 1 on frappe sans être* frappé j (]ue le vainqueur lui-même est quelquefois atteint île blessures profondes , et que d’ailleurs c’est s’agiter en vain, puisque, si l’on en excepte les disputes des rois et qiiebpies persécu- tions que de grands hommes se sont suscitées entre eux, touslcs autres troubles de nos sociétés demeureront i\ jamais dans l’oubli. M. Maret étoit auteur de ]iliisieurs articles très- étendus del’ancieniie Encyclopédic(i). Les éloges histo- riques de M. le Goux de Gerland , l’un des bienfai- teurs de l’Académie 5 de Rameau , l’un de ses membres ; et de Jean Philibert Maret, son oncle, sont de toute Il a aussi écrit une lettre à l’auteur du Journal de Bourgogne! Dijon, 1786. Gazette salutaire, 1786, n.° 23. Journal encyclopé- dique, 1786, p. 204. (1) Tels sont les mots atowie db la. ai.vTRiCE , bains , cime- TlÈRES, DÉPÔTS LAITEUX , LOCHISS, MÉRIDIENNE. Dans l’Encyclopédie méthodique, il a rédigé le mot acide mé- phitique du Dictionnaire de chimie et de pharmacie, et il deroit être auteur de tous les articles do pharmacie de ce diction- naire. 122 ÉLOGES HISTORIQUES. les productions littéraires (i) de M. Maret celles que le public a le mieux accueillies. ANNÉES. (i) Notice chronologique des mémoires, obser- valions, etc., de M, Maret, avec la date de leur lecture dans les séances de l’Aca- iPOQÜES DES DECT. ' iy56 , 9 janvier et 26 mars. 17 décembre. 1707, 14 janvier. 1759 , 6 avril. 6 juillet et ï2 août. 1760, 22 février et 7 mars. 1761 , 3o avril. 26 juin. 176a, 29 janvier et 5 février. 12 février. 12 mars. 3o avril, 3o juillet , 6 et 17 ooût. Discours sur la passion hypocondriaque ou maladie vaporeuse. Sur l’inoculation. Anciens Mémoires , 1 769. Dissertation sur la saline de Montmorot. Traduction de plusieurs morceaux de phy- sique expérimentale tirés des Actes de l’Académie de Copenhague. Sur la petite-vérôle. Anciens Mémoires, 1769. Suite de cette dissertation. Observations sur la maladie singulière d’une lillc qui a craché plusieurs portions de poumons et do membranes. Observations sur l’crnj)loi des vésicatoires dans les pleurésies et dans les péripneu- monies. Ane. Méin. 1769. Essais sur les maladies épidémiques de 1760 et 1761. Ane. Mém. 1769. Tableau de la fièvre pétéchiale épidémique, oh. servéeen divers endroits. Ane. Mém,, 1769. Observations sur l’effet d’un cataplasme épi- pastique dans la goutte anomale. Exposition d’une maladie de poitrine sin- gulière par ses arcidens. Discours sur les avantages de la méridienne; réflexions et réponses h des objections contre cette dissertation. Anciens Mémoi- res, tome II, I774' PHYSIOL. ET MÉD. — MARET. laS L’étude de la chimie , dont il ne s’occupa que dans \in âge avancé y ajoutera un nouvel intérêt a son ANNÉES. 1763, 8 juillet. Observation sur une aiguille trouvée dans le cœiu- d’une jeune brebi.s. Anciens Mé- moires , 1769. 1764» â janvier. Observations météorologiques et médicales pour l'année 176a. 3o mars. Quatrain pour mettre au bas d’un tableau allégorique, en l’honneur de son A. S. Mgr. le prince de Condé. 6 avril. Observation tl’une éclipse de soleil. a3 novembre. Observation sur une hydrophobie spontanée , causée à une jeune fille par une violente résistance aux tentatives d’un jeune homme. Idem. Ane. Mém., 1769. Suite de l’observation sur la maladie d’une fille qui a été guérie après avoir rendu divers fragmens de poumons, etc. Idem. Sur la fécondité de différentes espèces de blé. Ane. Mém. , 1769. 9 décembre. Histoire littéraire de l’Académie depuis l’année 1764. 1765, 29 mars, 7 juin et 19 juillet. Lettre au sujet des inoculations faites à Besançon. 22 juin. Observation sur la rage , donnée par le baiser d’un chien enragé. 1767 , 7 août. Lettres sur l’usage de la saignée du bras pour les femmes, quoiqu’elles se trouvent dans un temps critique. 1768, 5 février. Histoire de la fièvre scarlatine de 1764 et 1765. 124 ÉLOGES HISTORIQUES.- histoire. Il avoit toujours pensé que cette science pou- voit être très-utile à la médecine non seulement , comme * A s N É B g. a6 mars. Projet d’un mémoire sur l’air et sur la ma- mière d’entretenir la salubrité dans les lieux que l’on habite. i8 novembre. Consultation médico - légale sur une gros- sesse prématurée. 1769, 14 juillet. Lettre à M. de la Condamine, au sujet des inoculations faites à Dijon. Idem. Lettre sur un maçon qui est demeuré vivant sous quarante-cinq degrés de décombres dans un puits, à Cbenove près de Dijon. 29 décembre. Consultation médico-légale sur la survie d’un enfant à sa mère. 17^0, 6 avril. Réflexions concernant l’avis au public .«ur . son plus grand intérêt ; par M. Paulet. 1771 , 4 janvier. Réflexions au sujet du canal projeté en Bourgogne.' 18 janvier. Expériences faites pour connoîlre la qualité des farines du meunier du moulin d’Oudie. i5 mars. Histoire de la maladie de madame la pré- sidente de’*'*’*'. >4 juin. Description d’une vessie avec des appen- • diccs borgnes ayant la forme d’un doigt. 19 juillet. Remarques sur le bic ergoté, et observa- tions critiques Sur une dissertation de M. Schleger, qui prétend que l’ergot n’est pas nuisible à la santé. * a .'lodt. Mémoire sur le traitement de la maladie occa- sionnée par le blé ergoté. PIIYSIOL. ET MÉD. — MARET. ia3 îe croit le vulgaire, pour diriger la manipulation des drogues, mais encore en ajoutant aux coiinoissances Jl N N B 8. J772, 3i janvier, ai lévrier. 15 niui. aa mai et 16 août. 1773, i5 janvier. 29 janvier et aa tév. 5 mars. a juillet. 16 juillet. i3 août, la novembre. 1774, a3 avril. 11 Juki. Consultation médico-légale sur uneimbêcillité. Rapport lie l’ouverture du cadavre de M. de Fontette. Réflexions sur les observations contenues dans un ouvrage de M. l’ablië Sans sur l’électricité , considérée l Oiume remède de la paralysie. Mémoire sur la population de la Bourgogne. Mémoire sur le cimetière de Kotre-Dame. Mémoire sur les épidémies. Lettre au sujet de l’infection de la cathé- drale de Dijon. Discours pour l’ouverture du cours de bota-; nique. Lettre sur l’événement occasionné par l’ou- verture d’une fosse à Saulieu. Observation sur une espèce de manie guérie par le stramonium. Mémoire sur l’abus des enterremens dans les églises. Effet antiseptique ’ de l’acide sulfureux volatlL Histoire de l’Académie , pour être placée à la tête du second volume des Mémoires. Dissertation sur la méi'idiennej par M. Maret. Âne. Mém. de l’Académie de Dijon^ 1774* 126 ÉLOGES HISTORIQUES. fondamentales sur les causes premières des maladies , sur la nature des diverses matières morbili(j^ues et sur A ir N É B s. 1774, 17 novembre. Mémoire pour servir au traitement d’une fièvre maligne épidémique. 1775 , 17 juin. Mémoire ou réponse à une^ lettre de MM. les administrateurs de l’hèpital d’Aix. 20 juillet. Consultation concernant les enfans- trouvés nés avec la maladie vénérienne. 1776 , i5 février. Consultation au sujet de la maladie épidé- mique de Poisseuil-la-Ville. 21 février. Mémoire sur les moyens de rappeler à la vie les asphyxiés. 14 mars. Histoire du traitement de l’épidémie de Pois- seuil. Nouvelle consultation sur cette maladie , et observation sur l’effet du vinaigre donné à forte dose. !.•' août. Observation • d’une, éclipse de lune, con* jointement avec M. Trullard. 1777, 16 janvier. a3 janvier. Plistoire de la maladie de Brascy. Analyse de l’eau de Saint-Jean, près de Pont-dc-Vcsle. ao février. Observation sur l’usage interne du sublimé corrosif. 37 février. Observation d'un météore lumineux. ao mors. Consultation sur l’épidémie de Montoillot. 17 juillet. 3i juillet. Mémoire sur le lait alkalisé. Nouveau procédé pour faire l’étUiops mar- tial. PHYSIOL. ET MED. — MARET. 127 l’action des médicaniens. L’occasion avoit manqué à M. Maret pour s’exercer dans ce genre de recherclies; ANNÉES. 1777, 3i juillet. Ï778, 8 janvier. ' la février. 39 février, la mars. 16 juillet. a3 juillet, la août, »779, 32 avril. la août. a5 novembre. 3o décembre. 1780, i3 avril. 37 avril. aa juin, ro août. Observation sur l’efficacité de la noix de galle , et sur celle de l’eau froide donnée en lavement. Observation sur l’alkali volatil et le jaune d’œuf. Analyse d’une nouvelle eau de Plombières* les-Bains. Nouvelle expérience relative à l’alkali volatil. Histoire nosologique de 1777. Observation sur une tumeur carcinomateuse. Lettre sur la contagion de la plitbisic. Observations météorologiques pour l’année 1777. Observations des bous effets des purgatifs actifs réitérés dans les dépôts laiteux , aigus et chroniques. Mémoire sur les moyens de s’opposer aux ravages de la variole. Mémoire sur une dyssenterie épidémique. Observations sur des varioles confluentes. Nouvelles remarques sur l’éthiops martial. Description topographique , physique et mé- dicale de la ville de Dijon. Mémoire sur les ravages de la variole en 1779. Lettre écrite a M. Castellani y médecin a Mantoue^ sur la contagion de la pulnio- nie. 128 ELOGES HISTORIQUES. elle se présenta , et il la saisit lorsque les états dé Bourgogne fondèi’ent en 1775 le cours de chimie de ANNÉES. 1781 , II janvier. Discours sur l’utilité de la chimie en mé- decine. 28 juin. 1782 , 18 avril. Premier semestre. Histoire d’une fièvre maligne qui a régné à Norges. Analyse des eaux de Sainte-Reine. Mémoire sur une nouvelle manière de com- poser le incrcui'e doux. Mémoire sur l’air dégagé de la crème de chaux et du minium. Second semestre. 1783, 3 juillet. 4 décembre. Mémoire sur la construction d’un hôpital , dans lequel 011 détermine quel est le meil- leur moyen à employer pour entretenir dans les infirmeries un air pur et salubre. Histoire météorologique de 1782. Analyse des eaux de Prémeaux. Observation sur une colique causée par des calculs biliaires, et guérie par le mélange d’étlicr et d’huile de térébenthine. Extrait tics registres météorologiques. Suite de l’histoire météoro nosologique de 178a. Mémoire sur la réalité de la contagion de l’air. Adilition nu catéchisme des asi)byxies, de M. Gardane. Premier semestre. Expériences sur des combinaisons du mer- cure et de l’acide muriatique par alfiniié simple. PllYSIOL. ET MED. — MARET. 129 l’Académie de Dijon. Alors il eut le courage de se ranger au nombre des disciples j bientôt il fut assez A tr N B B s. Description irun -météore observé à la Chartreuse de Dijon le ao juillet 1779. Essai sur lu durée et les probabilités de la vie, calculées paur la ville de Dij,.u d’après les registres mortuaires. Histoire météorologique de 1783. Deuxième semestre. Mértioirc sur le tremblement de terre arrivé le 6 juillet 1783. Suite de l’histoire inétéoro - nosologique de 1783. 178 j, I."' semestre. Observation sur la guérison d’une épilepsie. Histoire noso-météorologique pour l'auaée 1784. Deuxième semestre. Mémoire sur la qualité contagieuse de quel- ques espèces de fluxions de poitrine. Mémoire sur le brouillard qui a régné en juin et en juillet 1783. Analyse de l’eau du lac de Cherchiaïo, près de Monte-Rotundo en Toscane. • Suite de l’histoire météoro-nosologique de 1784. 1785, i.*"" semestre. Mémoire dans lequel on examine si la mine d’antimoine, les éthiops antimoniaux et les mercuriels, pris intérieurement, peu- vent être dangereux par leur décompo- sition dans les premières voies. 9 i3o ÉLOGES HISTORIQUES. instruit pour conduire les travaux du laboratoire , et je ferai voir qu’il fut même assez heureux pour y faire plusieurs expériences fines et délicates que nul chimiste n’avoit tentées avant lui.' Schéele n’avoit point publié ses observations sur le gaz qui se développe dans la destruction de l’alkali volatil, et M. Berthollet ne nous avoit point encore » appris à faire l’analyse de cette substance , que l’on regai’doit comme un être simple. M. Maret fut bien près d’en connoîti’e la formation. A H N £ E s. Analyse de la pierre de Manlay en coin- intiii avec MM. de Morveau et Chaiissier. Notes historiques, p. a. Histoire météorologique , nosologique et éco- nomique pour l’année lyBS; par M. Maroc et par M. Picardet, prieur de Neuilly. 1785 , a.' semestre. Mémoire sur la maladie de Saint-Jean de Pontaillcr. Réflexions sur les inductions que l’on tire /de la mort d’un liomme, arrivée dans l’es- • pace des quarante jours qui ont suivi le le moment où il a été blessé. Mémoire sur les maladies épidémiques «)bser‘ vées en Dourgogiic dans le printemps de Suite de l’Iiistoire météoro -nosologique de 1785. I PIIYSIOL. ET MÉD. — MAREt. i3i En répétant une expérience de Boërrhaave (i), il Rvoit inutilement essayé de retirer ce principe du lait par tous les procédés de la vole humide; enfin il le dégagea par l’intermède de la potasse caustique : mais il n’osa prononcer , et il laissa l’honneur de cette belle découverte au chimiste habile qui l’a montrée sous tous ses rapports. Les avis n’étoient point encore arretés sur la naturo de l’alkall volatil dégagé par la crème de chaux et par le minium. M. Maret prouva que la crème de chaux très-pure produisoit de l’alkali non caustique ; il s’as- sura que la seule action dji feu séparolt du minium un principe gazeux (a), et il reconnut que le ininlum perdoit alors sa couleur et s’approchoit de l’état de plomb réduit. On ne savolt pas encore quelle étolt la raison de ce phénomène ; mais des expériences exactes n’ont -elles pas une valeur assurée? Schéele a tout expliqué par le phlogistique , et ses découvertes sont- elles aujourd’hui moins importantes, parce qu’on les a fait entrer dans un édifice élevé sur les ruines de ce système ? (1) Sur le mélange de l’alkali caustique et du lait. (2) Académie de Dijon, 178a. • Premier semestre, et Annales chimiques de M. Crell, 1786, part. 9. M. Maret a rédigé, dans les Elemens de chimie de l’Académie de Dijon, tous les articles relatifs aux alkalis, aux substances tirées des animaux et aux eaux minérales. Elémens de chimie Théorique et pratique , rédigés par MM. de Morveau , Maret et Diirande. Dijon, 1777, >778, in- ta, 3 roi. i3a ÉLOGES HISTORIQUES. M. Maret d. déterminé les circonstances dans les- (■juelles l’alkali volatil précipite le fer dissous par l’acide nitreux, sous la forme d’éthiops attirable à l’aimant. C’étolt , comrtie l’on peut s’en convaincre en lisant les mémoires de M. Fourcroy sur le même sujet, le pre- mier pas vers la solution des plus intéressans pro- blèmes (i). La découverte de l’acide phosphorique dans la substance osseuse avoit fait soupçonner qu’il existoit aussi dans les autres parties des animaux*, mais ce n’étoit qu’un soupçon. M. Maret retira du verre phos- pliorlque de la chair du bœuf, et la question fut décidée (a). Lorsque M. Kosegarten annonça qu’il avoit obtenu un nouvel acide en distillant plusieurs fois de l’acide nitreux sur du camphre , on révoqua cette assertion en doute. M. Maret lit voir que la simple combustion de cette substance lui donnait une acidité remarquable en y fixant la base de l’air vital (3). M. Maret tenta et obtint en 1783, avec un appareil très-simple , la combinaison immédiate de l’acide marin avec le mercxireen les faisant rencontrer en vapeurs (4). L’attention scrupuleuse qu’il apporta dans l’exaracu (j) Histoire «le la Société royale de médecine, année 1776, p. .^24 , 3e5 et 326. Voyez aussi les deux m«;moires lus par M. de Fourcroy k l'Aca- déiiiic royale des sciences sur les précipités martiaux. (a) Nouvelles de la république des lettres. (3) Nouvelles de la république «!es lettres. (4) Acadénde de Dijon, 1783, premier semestre. PIIYSIOL. ET MÉn. — MARET. des produits de celte opération lui fit apercevoir line surcomposition saline qui ifétoit pas connue et dans laquelle un sel neutre tenoit du mercure en dis- solution. Il regardoit ce nouveau sel , qu’il appela le inuriate de potasse mercuriel , comme devant être utile dans le traitement de plusieurs maladies. Ârmé de tous les instrnmeiis que lui founiissoit la chimie des gaz, il recommença l’examen d’un grand nombre d’eaux minérales, dont il idrma un talileaii très-instructif pour ses leçons (i). Il a successivement soumis k ces nouvelles recherches les eaux de l’tér nieaux (a), celles de Sain te -Heine (3), de Pont-de- Vesle (4) , et celles du lac Cherchiaïo près de Monter Ilotundo en Italie (5), dont l’analyse, faite par M. Maret, en conlu'mant l’observation jusqu’alors unique de (i) Ce tableau imlique la température et la pesanteur de plus de quarante sortes d’eaux minérales, la nature et les doses de leurs principes. M. Maret s’est aussi beaucoup occupé de la préparation des. eaux minérales artificielles. Pour conserver les eaux minérales dans les bureaux de distri- bution, il vouloit que l’on tînt les flacons renversés sur leurs bou- chons, afin d’empêcher la dissipation des principes gazeux, sur- tout en été. (a) Académie de Dijon, année 1782, second semestre. (ü) Cette analyse a été communiquée à la Société royale de medecine , dont elle a mérité un des prix à M, Maret. M. Maret a publié séparément l’analyse de l’eau d’une souren du Màconnois. (4) Analyse de l’eau de Pont-de-Vesle. Dijon, 1779. (5) Académie de Dijon, 1784, premier semestre. i34 ÉLOGES HISTORIQUES. M. Hocfer, a démontré l’existence de l’acide libre du borax dans notre continent (i). Les mêmes vertus qui avoicnt formé la trame de sa vie en marquèrent aussi la fin. Depuis l’année ijSo il avoit dirigé le traitement des épidémies de la Bour- gogne, les fièvres pétéchiales de iy6i et 11762 (2), les miliaires de 1761 , les- scarlatines de 1764 et de 1766, les fièvres anomales de 1770, les fièvres malignes des environs de Dijon en 1774 et en 1776, celles de Pois- seuil en 1776 , celles de Montoilloten 1777, la dyssen- terie et la petite-vérole épidémique de 1779, les fièvres malignes de Norges de 1781, enfin celles de Fresne- Saint-Mametz , dont il est mort : tels sont les fléaux qu’il a combattus. Leur histoire est consignée dans les registres de l’Académie de Dijon, et la description de plusieurs de ces épidémies (3) a été publiée séparément. (1) Ces connoissanccs chimiques ne furent point st(5rilcs entre les mains de M. Marct. On avoit introduit en Bourgogne des l)outcilles dites façon de Sainte-Mcnéhould , qui gâtoient le vin; M. Marct publia un procédé pour les rcconnoître sur-le-champ. Une autre fois, il fit proscrire une espèce de faïence dans laquelle le vernis de plomb étoit si abondant et si à nu, que le vinaigre y fonnoit à froid de l’acétite de plomb. (2) Tableau de la fièvre pétéchiale maligne , observée à Halle en à Breslaw en 1699; à Plyinouth on 1734,01 à Dijon en 1761 et 176a, par M. Maret. Mémoires de l’Académie de Dijon, tome I , p. ia5 et 176. (3) Mémoire pour servir ou traitement d’une fièvre cpidéniique, fait cl imjirimé par ordre du gouvernement; par M. Maret, in-8.“, 177,5. Mémoire pour servir nu traitement de la dysscntcric. Dijon, 1779; et Gazelle salutaire, 1780, n.® 6. I PIIYSIOL. ET MÉD. — MARET. i35 Tout ce qui concerne celles tic Fresne-Saint-Mametz nous a été envoyé par M. Maret lui -même pour avoir notre avis. Il le reçut étant au lit de mort , et nous avons appris qu’au milieu de ses soulïiances les témoignages de notre satisfaction avoient eu pour lui quelques douceurs. Il étoit parti pour Fresne-Saint-Mametz ^ alfoibli par de grandes latigucs; dès son arrivée répulémie le frajipaj mais elle lut long-temps a 1 abattre j il con- tinua pendant plusieurs jours d’exercer ses fonctions : c’étoit alors un malade courageux qui visltolt les autres et qui s’efforçolt do les rap^ieler à la vie , que liii-même alloit quitter. Enlin il s’arrêta. Dans son délire , il ne parlolt que des infortunés liabitans de Saint-AIamctz j il les interrogeoit sur leurs maux , il croyoit eiitcndro leurs plaintes. La vue et les pleurs de scs eulans dis- sipèrent ces illusions et le rendirent pour un moment tl lui. Peut-être alors s’aperçut -il de toute l’étendue du sacrifice qui étoit près de s’accomplir; peut-être aussi se souvint -il qu’il avoit été citoyen avant d’être père : et quel autre sentiment que celui de ses devoirs , quelle autre force que celle d’une grande pensée peuvent servir d’appui dans ces instans (i) de dé- périssement et d’angoisse J où les derniers souvenirs qui subsistent doivent être ceux du bien et du mal que l’on a fait? A ne considérer les diverses professions de la société (i) Il est mort le ii juia 1786, dans la cinquante-neuvième année de son ùge. i36 ÉLOGES historiques. «jiie sous le rapport du dévouement avec lequel on les exerce, je demande s’il en est une où l’on trouve un aussi parfait oubli de sôi-même que dans celle de mé- decin j s il en est une ou l’intérêt, d’accord avec tous les motifs de considération ou de gloire, exige un aussi grand empressement à servir les hommes? Qu’y a-t-il de plus beau qu’un ministère dont tous les devoirs se confondent avec ceux de la plus délicate amitié? Le premier besoin des malheureux est d’épancher leur amej le médecin prête ime oreille attentive au long récit de leurs souffrances 5 auprès d’eux , rien ne le rebute : c’est par lui qu’ils seront soulagés, c’est au moins par lui qu’ils espèrent ; et , réduit aux simples fonctions de consolateur, il seroit encore le plus géné- reux des mortels. S’il veille^ ce tableau de douleur le suit par -tout j s’il dort , il le retrouve dans ses songes, et son sommeil ne dure qu’autant que les autres n’ont pas besoin de le ti'oubler. Dans les épidémies , il par- tage tous les dangers j des vapeurs malfaisantes se mêlent à l’air qu’il respire 5 de tous côtés la contagion l’environne; elle l’atteint, il meurt, et on l’oublie. Si nous en croyons les rcnseigncniens que nous avons reçus, la mémoire de M. Maret n’éprouvera point un pareil sort. Toutes les classes de citoyens ont gémi sur sa perte; son portrait sera placé dans la salle de l’Académie, comme nu monument de la recon- ‘noissance publique, et scs ennemis eux -mêmes ont mêlé leur voix à ce concert de louanges et de regrets. Ici finiroit ce discours, si, pour notre propre ins- tnicliori , il ne me restoit pas ;\ montrer de . Fidèle interprète de leurs sentirnens , j’ai commencé cet éloge en faisant connoître les vœux et les regrets de sa patrie : si l’homme bienfaisant a des droits i\ la recoiiiioissanco de tous les hommes , celui qui écrit l’histoire n’en a t-il pas quelques-uns à leur indulgence? M. Navier se livra pendant son séjour i\ Pans à l’étude de la chimie et de l’anatomie. MM. Geoftroy , Ilellot et liülduc lui apprirent les éléineiis de la pre- mière de ces deux sciences , dont il s’est occupe depuis PHYSIOL. ET MÉD. — NAVIER. 143 avec tant de succès. Ils lui enseignèrent non seulement l’art difficile de bien observer , mais on pourroit dire l’art encore plus difficile de faire des découvertes : il piit dans leurs leçons et dans leur entretien cet esprit d’ijivention qui , s’écartant de la route déjà tracée , sait s’en frayer à propos une nouvelle. Le célèbre M. Ferrein l’admit aussi dans son amphithéâtre , et lui inspira le goilt le plus vif pour l’anatomie. Ce dernier genre de travail lui suscita uue querelle littéraire dont il s’est trop occupé pour son repos. Le péritome , sur les insertions et les duplicatui'es duquel les opinions ont été si long-temps partagées , en fut le sujet. M. Navier avoit avancé dans une lettre publiée en 175 1 que cette expansion enveloppe immédiatement les intestins. Un médecin critiqua très -amèrement cette assertion , et à plusieurs argumens dont la réfu- tation étoit facile il ajouta les inculpations les plus graves : il ne craignit pas même de discuter la con- duite de M. Navier vis-à-vis de ses malades 5 et il l’ac- cusa d’avoir commis des fautes qui , ne relevant d’au- cun autre tribunal que de celui de la conscience intime, et ne pouvant être citées devant aucun juge , ne don- nent par conséquent aucune prise au dénonciateur. M. Navier donna à cet écrit plus d’attention qu’il n’en méritoit ; et il prouva , en y répondant longue- ment (1), et peut-être avec trop de chaleur, qu’il y (i) Réplique à la critique ou libelle de M, h. Paris, 1 vol. iu-ia. imprimé en 175a i44 ELOGES HISTORIQUES. avoit été très-sensible. Nous aurions nous-mêmes con- tribué par notre silence à laisser cette réplique dans l’oubli, si elle n’ avoit pas été pour le savant que nous regrettons la source d’un chagrin de plusieurs années. La voix de la postérité peut-elle d’ailleurs se faire trop tôt entendre contre ces tyrans de l’opinion publique , qui, ne s’élevant que sur des ruines, et ne respectant rien dans leurs rivaux , n’ont souvent d’autre avantage q\io d’être les seuls qui osent employer de pareilles armes? Ceux qui travaillent avec courage à l’édifice des sciences peuvent-ils donc ignorer qu’il y a une classe d’hommes uniquement occupés à détruire , qui mettent toute leur gloire à troubler celle des autres , toute leur jouissance à les affliger , toute leur adresse à les distraire , dont on est sùr de triompher en n’engageant point le com- bat , et avec lesquels toute la victoire compromettroit celui qui ne craindroit pas de souiller ses mains en cueillant de semblables lauriers ? Une observation sur une dilatation des gros intes- tins , communiquée en ij5o à l’Académie royale des sciences j des réflexions sur la cause du ramollisse- ment des os (i) , publiées en lySi , sont de nouvelles preuves des progrès de M. Navicr dans l’étude de l’anatomie. Celte science , aux travaux de laquelle les préjugés ont toujours apporté tant d’obstacles , ne peut sur-tout (i) Obscrvalionf) t1icorl(|ue8 et pratiques sur le ramollissement des 9s en }>7^^! à Paris, in>ia. PHYSIOL. ET MED. — NAVIER. 145 être cultivée avec Irult dans les provinces : il faut presque y commettre un crime, il faut y affronter l’opi- nion publique , pour s’en procurer les moyens. Le pauvre, au-delà du malheur de succomber dans les hô- pitaux , voit encore celui d’y être livré , après sa mort, au scalpel de l’anatomiste 5 et ce n’est pas cette frayeur dont il est le moins occupé. Le riche met une partie de son luxe à défendre , autant qu’il est en lui , ses dépouilles des ravages du temps ; et il croit faire beau- coup lorsqu’en employant toutes les ressources de l’art il suspend pour quelques momens une décom- position nécessaire à la reproduction des êtres. Ainsi l’homme , couvert pendant sa vie du manteau de U feinte, enveloppé après sa mort dans la nuit d’un tombeau où il est défendu de pénétrer , semble être voué pour toujours à s’ignorer lui-mème 5 et l’anato- mie , dont 011 célèbre tant l’utilité sans en favoriser les découvertes , paroît être condamnée à ne faire des progrès qu’au milieu des grandes villes , où les abus étant plus multipliés , il est plus facile de se dérober aux lois qui s’opposent à son avancement. Combien de fois.M. Navier a fait des vœux inutiles pour qu’il lui fût permis de suivre à Châlons-sur-Marne ce genre de travaux ! L’impossibilité de s’y livrer l’engagea à parcourir une autre carrière , dans laquelle il a bien mérité de sa patrie. Indépendamment des causes qui affectent la santé de chaque Individu , il y en a de générales , dont l’in- fluence s’étend sur tous les habitans d’une contrée où elles multiplient des maladies du même genre , lO i46 ÉLOGES HISTORIQUES. dont la source est souvent cachée , le caractère do>»- -teux et le traitement incertain. Celui qui se propose de donner des soins utiles dans ces circonstances fâ- cheuses doit joindre l’instruction à la prudence et à la fermeté. Ce n’est pas assez qu’il possède les con- noissances que requiert la pratique ordinaire de notre art 5 il faut qu’il soit en état de rechercher dans les qualités de l’air et des eaux , dans la nature des ali- mens , dans la situation du climat , dans l’examen scru- • puleux de tout ce qui a précédé l’origine du mal dont il veut arrêter les progrès 5 il faut qu’il remonte à sa première invasion , qu’il en suive la marche , qu’il en^ découvre les communications ^ qu’il mette des bornes à la contagion lorsqu’il en a déterminé l’exis- tence , qu’il s’élève en quelque sorte au-dessus de la condition humaine , au secours de laquelle il vole 5 et qu’après avoir oublié tous les dangers qui l’entou- rent J il rassure , il console , il porte par-tout le calme ^ eïi même temps qu’il rétablit la santé. Tel a été M. Navier, tant que ses forces lui ont per- mis de parcourir les campagnes dont les habitans avolenl recours à ses lumières 5 tel on l’a vu , en au Mesnil près des Vertus, et h Herpon près de Sainte- Menéhouldj en 1754 â Nuisemont (i) , eu 1757 à Suippe et aux Orandes-Loges , en 177^ Grauve (2) , en 1773 à Barhoniie (3), où il a traité de la manière (1) La iiu^me inaladiv rôgna à Ecurie, à quelqiias Huues «If CIiiiloiM. (s) Près d’Epernai, (3) Près de Scuannc, PHYSIOL. ET MED. — NAVIER. 147 la plus heureuse un grand nombre de malades atta- qués de différentes épidémies (1). Les divers cantons de la Cliampagne frappés de ces fléaux ont été pendant plus de trente années témoins de ses succès. Il n’y a régné aucune maladie flcheuse contre laquelle ce médecin n’ait signalé sou zèle. Il n’a désiré pour toute faveur qu’un brevet honorable , dans lequel le roi l’a décoré du titre d’inspecteur pour les épidémies de la province (a) 5 c’est-à-dire que sa majesté lui a donné , pour prix de ses peines , le droit honorable de courir de nouveaux dangers en rendant de nou- veaux services. Accoutumé à multiplier ses bienfaits , et à les répan- dre dans \ine classe de citoyens dont la plupart ne pou- volent lui offrir que leur sensibilité y M. Navier n'avoit jamais songé à les faire valoir auprès de l’administi'a- tion. Quelques gratifications lui fournirent un encou- ragement dans ses travaux 5 mais elles ne lui enlevè- rent pas la douce satisfaction de croire que l’état lui (i) En 1775 il a soigné les malades attaqués d’une épidémie très- grave à Suippe. De plus , il a dirigé le traitement des maladies qui ont régné en 1758 , en janvier , à Orvilliers ; en 1778 , en avril , à la Lobbe; et en août, à Gisancourt, près de Sainte-Menéhould ; en. 1775 , en janvier, à Ville-en-Tardenois ; en mai, à Smide , près de Réthel ; et en juillet , à Langres ; en 1776 , en mal et juin , à Che • mizé , près de Vaucouleurs , et à Bannogne , ainsi qu’à Recouvrance, près de Réthel. (a) Ce brevet de médecin du roi pour les maladies épidémiques de la Champagne a été expédié le ao décembre 1774, et registre au greffe de la subdélégation le lo février 1773. i48 éloges historiques. devoit plusieurs de ces Services pour lescpiels ou reçoit ordinairement peu de récompenses : sans doute parce qu’il est impossible d’en donner assez , parce qu’on laisse à la reconnoissance publique le soin de les acquit- ter dignement. M. Navier tenoit un registre exact de ses observa- tions 5 et ce cahier renfermoit l’histoire de toutes les épidémies au traitement desquelles il avoit été em- ployé dans la généralité de Champagne : il en a extrait des réflexions sur une dyssenterie épidémique , sur la, petite-vérole j la rougeole , la fièvre pourprée et la co- queluche, qui ont été imprimées en lySS, et sur la ma- ladie terrible qui a enlevé tant de bétail depuis 1744 jusqu’en 1745. > Sa droiture et son amour pour la vérité étoient con- nus et respectés dans toute sa province. MM. de Beau- pré, de Saint-Contest et Rouillé d’Orfeuil , qui se sont succédés dans l’intendance de la Champagne , lui ont donné les memes marques de confiance. Jamais il n’a sollicité des secours que pour des maux réels ; mais aussi il n’en a jamais vu de tels , sans en demander et sans en obtenir. Aucun administrateur n’auroit osé rejeter sa prière : ç’auroit été refuser le père du peuple; et, quelle que soit la dureté des hommes, la voix d’un ])ère fjui demande pour ses enfans trouve toujours quelqu’un qui l’écoule. Soit que M. Navier parcourut les campagnes , soit qu’il exerçAt la médecine à ChA,lons-sur-Marne, l’estiiue ])ul)li(|uc le suivoit par-tout ; et cette estime apftarteiioit autant à sa personne qu’à ses laJens. Ce n’éloit poi-at PHYSIOL. ET MÉD. — NAVIER. 149 un de ces hommes dans lesquels on trouve un méde- cin sans y renconti’er un ami , que l’on ne consulte y comme l’oracle , qu’en tremblant , et aux conseils des- quels on obéit plutôt qu’on n’y défère : il étoit doux y affable 5 jamais il n’a porté l’efïroi dans une ame déjà troublée par la maladie : il savoit sur-tout inspirer cette confiance que l’on peut regarder comme un des plus grands bienfaits de la médecine, puisqu’elle peut, dans tous les cas , doimer quelque espérance aux ma- lades les plus affoiblis , et que c’est apporter un soula- gement réels à leurs maux , que de leur en faire entre- voir la possibilité. Une dissertation sur les affections scorbutiques , qui a été publiée en 1763 ; des réflexions sur les remèdes propres à fondre les pierres urinaires (1) j des recherches sur quelques vertus particulières du baume de Co- paliu (2) , et sur les effets de la teinture de pavots rouges (3) donnée intérieurement , sont autant d’ou- (1) Dissertation sur les litliontripti^ues ^ commitaiquée à l’Aca- démie de Cliùloiis en 1754. (a) Gazette de médecine, n.® a5, avril 17^1*. Il publia aussi dans la même année des remarques qui prouvent combien il est utile , dans te traitement des maladies , de connoître l’action du petit-lait sur les sels de saignette et végétal, ibid^n.°3i, in-8.® , 176s. (3) Mémoire concernant l’elTet singulier de la teinture de pa- vots rouges sur le corps humain , etc. présenté à l’Académie des Sciences en i’/Sj, et imprimé dans le Journal de médecine, tom. VU, p. 333. Cette teinture avoit coloré les parois des intestins , telle- ment qu’on avoit mal-à-propos , regardé ces taches comme l’effet i5o ÉLOGES HISTORIQUES. Tragcs utiles , dus aux observations que M. Navier avoit'faites en pratiquant la médecine. Attentif à tout ce qui pouvoit intéresser la santé ^ il veilloit sur les fautes que l’on commet si souvent et avec si peu de scrupule dans le régime. Comme il désiroit que ses conseils fussent suivis , il se gardoit bien d’être trop exigeant : il savoit que les lois trop rigoureuses sont rarement exécutées lorsqu’elles sont d’un usage journalier, et qu’en modifiant ses habitudes l’homme fait tout ce que l’on doit en attendre. D’après ces principes , M. Navier ne grossit point le nombre de ceux qui ont écrit de longues et inutiles disserta- tions contre l’usage du tabac 5 mais il indiqua les moyens de le préparer d’une manière capable d’en pré- venir les fâcheux effets , sans diminuer son agré- ment (1). Le cacao et le chocolat furent aussi le sujet d’un ouvrage dans lequel il rassembla tout ce qui est relatif à l’analyse et â l’emploi de ces substances. Par- tout il a fait de louables efforts pour concilier la santé de ceux dont il avoit la confiance avec leurs godts et leur plaisirs ; il s’est toujours souvenu qu’il traitoit avec ses semblables : il n’a pas oublié qu’il n’en est pas d’un médecin qui donne aux gens du monde des avis sur leur régime , comme de celui qui soigne un ma- «Tun poison. Cette observation et tant d’autres prouvent que l'on doit t^tre bien réservé dans les jugemens que l’on porte sur ces sortes de tiiHliéres. (1} Observations sur les l>on8Ct les mauvais effets du tabac^ et sur les moyens de lui donner une qualité bienfaisante et agréable. Gazette de médecine, n.” 5,iuillct 176a. PHYSIOL. ET MÉD. — NAVIER. i5i ladc. Le premier ne peut être écouté qu’en prescrivant une conduite facile , et en présentant successivement les difïérens points de la réforme qu’rl projette ; le second doit être plus sévère 5 on lui feroit même un crime de sa complaisance. Sans ces précautions , on multiplie des conseils qui ne sont point suivis , et on manque son but , liiute de s’être appliqué à con- noître les hommes avant d’avoir songe a les gueiir. Environné de substances capables de porter le troubla dans ses organes y privé , ou au moins dépourvu »lans l’état actuel, de l’instinct qui conduit la brute, et pos- sédant l’art funeste de déguiser les poisons , l’homme est continuellement exposé à leur atteinte. Cette science qui apprend à distinguer les végétaux vénéneux d’avec ceux qui sont bienlaisanset alimentaires , est une arme de plus qu’il a tournée contre lui-même 5 et comme il a plus à se défier de la méchanceté de ses semblables , que de ses propres méprises , il seroit peut-être à sou- haiter que , moins éclairé sur la nature des dangers qu’il court , il n’eût rien à craindre que de son igno- rance. Une de ces plantes que l’on n’ose nommer et que l’on n’auroit jamais dû faire connoître au peuple, de l’espèce de celles qui substituent un délire furieux à la raison la plus saine , et qui , après avoir agité le corps par des convulsions violentes, le laissent dans un affais- sement mortel , avoit été mangée en salade par plu- sieurs personnes , qui étoient dans l’état le plus fâcheux lorsque M. Navier fut appelé : il leur fit prendre des acides , et il excita le vomissement avec l’oxymel scil- litiqiie , dont il conseilla l’usage, dans le Journal d« i52’ éloges historiques.' ‘ mc^decine (i) , lorsqn’en pareil cas l’estomac a besoin d’étre ëvacué. Quelques précautions que l’om prenne contre les ra- vages des poisons , les secours les mieux administrés sont presque toujours moins sûrs que les coups de l’ennemi dont on cherche à triompher. S’il étoit pos- sible d’essayer leurs effets sur quelques-uns de ceux qui ont la cruauté de les répandre , et de les soumettre ensuite aux divers traitemens , parmi lesquels il est important de choisir le meilleur , on acquerroit sans doute des instructions très-précieuses. Le citoyen bar- bare qui auroit osé former le projet de tuer ses frères seroit rappelé à son premier devoir par l’expérience dans laquelle il leur deviendroik utile; sa vie seroit moins exposée que celle de ses malheureuses victimes , puisque , connoissant la nature du poison qu’il auroit pris , on y apporteroit plus facilement un remède con- venable ; et il feroit le genre de réparation le ])lus digne de l’humanité offensée , puisqu’il seroit en même temps le plus doux pour le coupable , et le plus profit.ible pour elle. Celte observation n’étoit que le prélude des tmvaux que M. Navicr projctoil sur les contre-poisons. Sans cesse occupé des dangers qui assiègent l’homme , il lui a fait connoître tous les risques qu’il court, soit en sc noiirrissaiil avec «les substances our jouir paisiblement de scs succès. l'ious croyons devoir rappeh*r ici ([uc plusieurs villes ont à des médecins célèbres I4 mémo ubllgaliuu que PHYSIOL. ET MED. — NAVIER. i65 «elle de Chûlons-sur Marne a contractée envers M. Na- vier. Déjà , en rendant un tribut d’éloge à la mémoire de quelques-uns des confrères que nous avons perdus , nous les avons présentés comme ayant , par la fonda- tion de différentes académies , des droits à la recoa- noissance publique. Ce sont en effet autant d’asiles consacrés au culte de la vérité : en les multipliant, on est siir d’augmen- ter et d’affermir son empire. S’il en est loin des grandes villes, dans lesquelles on ne l’interroge pas d’une ma- nière assez pressante pour lui faire rendre souvent de nouveaux oracles , les habitans de ces contrées n’en sont pas moins disposés à la recevoir et à l’entendre : ou n’y voit plus , comme autrefois , des hommes cons- titués en dignité se glorifier de leur impéritie 5 ils rougiroientde se montrer aujourd’hui tels qu’ils étoient dans la nuit épaisse des préjugés et de l’erreur. Qu’il nous soit permis do faire des vœux pour que, nourries dans le sein des universités , épurées dans celui des aca- démies , soutenues par l’accord de ces deux genres d’ins- titutions si bien faites pour fleurir ensemble , et pour orner les différentes époques de la vie , les sciences et les lettres subjuguent de proche eu proche toute la surface du globe pour qu’elles forcent ses habitans à devenir meil- leurs, et sur-tout pour qu’elles préviennent, en répan- dant leur douce clarté , ces grands crimes de l’igno- rance et de la superstition qui retiennent encore tant de peuples dans leurs chaînes , et qui ont fait quelque- fois la honte et le malheur de plusieurs siècles. Le plus grand bien que l’on puisse attendre de» i66 ÉLOGES HISTORIQUES. çorps acacléniicpics répandus dans les provinces, lors- que les circonstances ne les mettent pas à portée de se livrer aux recherches de la physique transcendante , jc’est d’exposer fidèlement ce que les provinces dans lesquelles ils sont étabhs présentent d’intéressant et de défectueux 5 c’est de chercher à leur procurer les res- sources que la nature leur a refusées 5 c’est de remédier aux abus qui s’y sont introduits. D’après la lecture de plusieurs écrits publiés par M. Navier , et lus dans les séances de l’Académie de Châlons-sur-Marne , il est facile de voir que ce plan étoit celui qu’il avoit conçu : il fit en ij56 des recherches chimiques sur la nature fies différentes sortes de terres de la Champagne , et sur les moyens fie les améliorer (1). Dans l’année sui- vante , il communiqua l’analyse d’une eau minérale fie la source de Rouay (2). Enfin , on doit attribuer aux mêmes motifs son ouvrage sur les dangers fies exhu- mations précipitées et suiTes ruconvéniens des inhuma- tions dans les églises , publié en lyyS. Plusieurs acci- fiens arrivés h. Châlons-sur-Marne donnèrent lieu ce travail. M. Navier ajouta à ces exemples un précis des malheurs occasionnés par ces abus, et il répondit aux objections qui avoient été faites contre le projet de les réformer. (i) Mémoire ronfennnt ilc» rcclierclies économique* sur la ma- nière (l’augmenter la production et la végétation des grains dans les terres arides de la Champagne» lu a l’Acad(hnic de Châlons en juin i7.'j6. (a) Mémoire sur l’examen et l’analyse de l’eau luincraie de PHYSIOL. ET MÉD. — NAVIER. 167 Déjà un prélat aussi respectable cpi’élo([uent (1) avoit prévenu les inrpûétiules que la piété alarmée auroit pu se permettre sur ces changemens. Déjà plusieurs cours souveraines avoient ordonne la proscription de ces usages. Plusieurs auteurs estimables avoient donné des projets qui concilioient les dlflérentos opinions. Ou avoit traité avec tout le ménagement possible les prétentions mêmes de l’orgueil et de la vanité , qui sont ce qui meurt le dernier dans l homme : on leur avoit assigné un espace de terre tout-a-fait sepaie, ou leur faste auroit aisément suppléé au luxe des tom- beaux élevés dans nos temples. Malgré tous ces efforts et ces précautions, il n’y a qu’un tres-petit nombre de villes hors de l’enceinte desquelles 011 ait porté les sépultures. Si jamais cette révolution se fait d une ma- nière aussi complète qu’elle est nécessaire , M. Navier devra être compté au nombre de ceux qui y auront contribué. La Faculté de médecine de Paris avoit proposé en 11774 prix sur la nature et le traitement de la peste. IM. Navier y concourut , et auroit même été couronne, si cette illustre Compagnie n’avoit pas remarqué dans un des mémoires envoyés des observations- faites par un médecin habile (3) qui avoit traite des pestiférés a Rouay, située à trois lieues de Reims, lu à la même Académie en 17.57. (1) Monseigneur l’Archevêque de Toulouse. (2) M. Paris, médecin à Serre près d’Arles, “correspondant de la Société. F 168 ÉLOGES historiques. Constantinople. Ce dernier travail fut préféré, et M. Navier obtint Vaccessit. Tant d’écrits estimés , une célébrité justement ac- quise, ne firent point désirer à ce médecin de paroître sur le grand tliédtre de la capitale : et qui auroit pu lui rendre rattachement , la déférence de ses conci- toyens , et cette considération personnelle qu’il ché- rissoit plus que sa réputation ? Quelle jouissance peut suppléer à celle du cœur pour les hommes qui ont le bonlieur d’en connoître tout le prix ? Il resta donc au milieu de sa famille ; et il vit s’écouler paisible- ment des jours qu’une rivalité jalouse auroit remplis d’amertume , si l’ambition l’avoit éloigné du foyer de ses pères. Il se contenta de former dans sa retraita deux de ses fils qu’il destinoit à vivre loin de lui dans le sein de deux écoles célèbres : ils jouissent, l’un a Paris , l’autre à Ileiras, de la confiance publique et de l’estime de leurs confrères. La Société , dans le moment de sa première insti- tution, plaça M. Navier à la tête de ses adjoints, titre qui a été changé en celui d’associé par les lettres- patentes de 1778. Nous avons reçu de lui un exposé rédire de quelles révolulions elle étoit susceptible, tra^a la route qu’il lalloit suivre pour les opérer, et indiqua un grand nombre d’expériences et de découvertes faites depuis par les modernes , à l’invention desquelles il semble avoir eu quelque part , puisqu’il les a pressenties , et dont il n’auroit abandonné la gloire à personne, si, trop supérieur à sou siècle, il n’avoit pas maïupié des instruinens et des moyens nécessaires à l’exécution des projets formés par son génie. M. Bringle faisoit aussi des leçons très-recherchées sur la métaphysique , et principalement sur la nature et les fonctions de l’ame (1)5 matière qui a donné lieu à des disputes interminables , parce que la raison, qui juge tout en dernier ressort , s’égarant dans le dédale de ces vaines subtilités , chacun conserve et défend son système avec les armes que fournit l’imagination ou ' le fanatisme : d’ailleurs il ne s’agit point dans ces sortes de discussions , de savoir qui des deux a tort , mais lequel a le plus d’esprit , genre de triomphe auquel il est bien rare que l’on veuille renoncer. HeureuÆment le lord comte de Stair qui commandoit alors l’armée britamiique enleva hl. Pringle à ce genre (') Cette nititicre ctoit alors le sujet des disputes les plus vives en Ecosse. 176 ÉLOGES HISTORIQUES. d’occupation , en lui donnant sa confiance ^ et il le rendit à la médecine (1). M. Pringle fut successivement nommé médecin de l’hôpital de Flandre (2) , médecin en chef des hôpi- taux (3) , et premier médecin des armées (4). H servit , depuis 1742 jusqu’en 1745 ^ en Flandre , et depuis 1746 jusqu’en 1749 en Angleterre , et pendant tout ce temps il se livra sans relâche à l’observation. Il éprouva dans cette carrière le plaisir que donne à l’ame l’entier développement de ses facultés j senti- ment qui tient à l’amour-propre satisfait , et dont la privation produit sans doute l’inquiétude et l’ennui attachés aux travaux pour lesqusls on ne trouve eu soi ni le penchant ni les dispositions nécessaires au succès. Lorsqu’il visita les hôpitaux , il s’aperçut que , pour les mettre en sûreté contre les poursuites de l’ennemi , on les avoit placés à une distance du camp dont l’e- loignement rendoit le service très-pénible et iiisuffi- fisant. Il fit à ce sujet les représentations les plus fortes, (j) M. Pringle dut cette faveur au docteur Stevenson son ami et celui du comte de Stair. (a) Cette nomination fut faite, le a4 août 174» > par le comte de Stair. (31 Cette nomination eut lieu le 11 mars 1744» ** dut au duc de Cumberlaml. (4) M. Pringle conserva sa place de professeur de pneumatique et de morale à Edimbourg, justiu’cn 1741- ^M. Muirhe.'id et Cicgborn furent désignés pour enseigner eu son absence. Voye» l'ouvrage de M. le docteur Kippl», intitulé ; Tlie lile ol sir Joui» Pringle Uart. PIIYSIOL. ET MÉD. — PRINGLE. 177 desquelles il résulta im traité entre le maréchal de Noailles et le comte de Stair : ils arrêtèrent que les hôpitaux des deux armées seroient établis sans aucune gêne dans les lieux les plus commodes et les plus proj)res à la guérison des malades. Le maréchal de Woailles fut assez heureux après la bataille d’Ettingue , pour avoir le premier occasion de se conformer à cette loi (1) j il s’empressa de la mettre en vigueur , en donnant un hdpital anglais établi au village de Feckenliein, vers lequel il faisuit marcher ses troupes, des marques éclatantes de sa protection. Les dispositions de douceur et de générosité dont ces deux généraux donnèrent alors un exemple si re- marquable, sont maintenant celle de tous les guerriers comme des administrateurs. Les vaisseaux destinés à des expéditions savantes n’ont- plus, quelque soit l’état politique do l’Europe , d’autres ennemis à craindre que la tempête et les orages ; toutes les inventions des arts , toutes les découvertes des sciences sont appli- quées à l’utilité générale. Ou consacre des inonuinpns à la vertu ; on prodigue des secours à l’indigence : les hommes , s’ils ne sont pas meilleurs , font au moins plus de bien ; et quoi qu’en disent les détracteurs du siècle , jamais on ne montra plus de patriotisme et d’humanité. Ce service important rendit le nom de M. Pringle cher à tous les militaires. Des circonstances d’un autre (1) M. Pringle rapporte lui-méme cette anecdote dans la Pré- face de ses Observations on the diseases of the ariny. 3. 13 lyS ÉLOGES HISTORIQUES. genre augmentèrent leur attachement pour lui. Un médecin instruit est sans doute un dieu tutélaire pour une armée; mais un médecin qui joiiidroit des preuves d’intrépidité à celles de savoir , deviendroit l’idole de tous. Tel fut M. Tringle, il courut à la bataille d’Et- tingue le plus grand danger avec le lord Carteret : la voilure dans laquelle ils étoient fut surprise , et resta pendant presque toute l’action entre le feu de la ligne de front et Tine batterie française. M. Tringle se con- duisit avec mi sang-froid qui est peut-être la marque la plus certaine du véritable courage. De toutes les conditions humaines , aucune n’a plus besoin des secours de la médecine que celle du soldat. Ce que la fougue de la jeunesse ,1a rigueur des saisons, les qualités vicieuses des alimens et les blessures les plus meurtrières peuvent produii*e de maux , est ras- ' semblé sur sa tête. Le choix des vêtemens , du régime , d’une habitation convenable, suffit pour lui conserver toute sa vigueur , et par conséquent son courage, qui ne peut exister sans elle ; car une armée ne doit point se traîner au combat : il faut qu elle y vole , et son succès dépend de sou impulsion , qui est toujours en raison de ses forces. Ces guerriers qui ne craignent point de périr les armes è la main, sont-ils menacés d’une mort obscure ; une contagion épidémique commence-t-elle h infecter leurcamp , qui fera renaître celle sécurité sans laquello le bras est mal affermi? Un médecin dont la réputation est fondée. suV des succès peut seul répandre ce calme salutaire. C’est alors que scs fonctions , toujours utiles I PIIYSIOL. ET MED. — PRINGLE. 179 et recommandables, prennent un caractère de noblesse et de grandeur. Tandis que l’on s’apprête au oombat il établit des hospices , il prépare des appareils contre tous les genres de blessures 5 lui seul remplit un mi- nistère de paix et d’humanité. Tout lui retrace la dignité de ses devoirs. Il ne s’agit point de développer toutes les ressources de son art en faveur de ce riche * fainéant qui demande à prolonger son inutile exis- tence, ni de faire de grands efforts pour ajouter quelques momens h la durée de ces hommes qui veulent conti- nuer d’être après avoir trop vécu. C’est la santé d’une armée entière , la richesse , l’élite de la nation qui sont remises à sa prudence. Un seul de ses avis peut con- server des milliers d’hommes. Ses yeux sont toujours ouverts sur leurs besoins ; rien n’échappe à sa pénétra- tion , et c’est souvent dans les plus petits détails qu’il trouve l’origine des plus grands désordres. Tel a été M. Pringle pendant les campagnes de Flandre et d’Ecosse. Les armées des anciens peuples n’étoient point exemptes de maladies désastreuses 5 il paroît même , suivant le rapport de Xénophon (i) , de Plutarque (2) , de Tite-Live (3) et de Diodore de Sicile (4) , qu’elles (1) Dans la retraite des dix mille, l’armée fut attaquée de plu- sieurs maladies dont la disette et le froid furent les principales causes. (2) Dans la dernière expédition de Démétrius. 0) En Sicile, dans les armées des Romains et des Carthaginois. (4) Une dyssenterie très-meurtrière régna au siège de Syracuse. J i8o ÉLOGES HISTORIQUES. y ont fait à différentes époques de grands ravages 5 mais ces détÿ-ils ne nous ont été transmis que par les his- toriens (1). Avant Langius (2), qui vivoit dans le seizième siècle , aucim médecin n’avoit écrit sur les maladies des armées (3) ; "Willius (4) et Gloxin (5) , vers la fin du dernier siècle 5 Kranier (6), Scrincius (7) et Bruchner (8) dans le commencement du nôtre , avoient publié des ouvrages utiles sur le même sujet : mais aucun ne l’avoit traité avec la même étendue que M. Pringle , et nul ne l’avoit fait avec le même succès (9). (1) Végèce est peut-être le seul qui ait fait une mention expresse des médecins employés dans les expéditions militaires. (2) Medicinalium epistolarum miscellanea, in-4.*’, i535. (3) Encore la fièvre de Hongrie observée par cet auteur étoit- elle devenue presque générale en Europe apres la campagne de Maximilien II en Hongrie contre les Turcs. Elle a aus.si été décrite par Jordan en iJyé; par CodroncU , en iSqJ; par Ruland, en iCoo; et par Rhumel, en 1624* (4) En 1676. (5) En 1680. Voyea aussi Daniel Ludovic, en 1700, et Ramax- zini , à peu près à la môme époque. (6) 1735. (7) 1743. (8) 1748. (y) Ce fut vers l’époque de son mariage, en lySsjque M. Pringle, publia son Traité sur les maladies des armées, qui parut seul alors, 11 lut réimprimé l’année suivante avec quelques additions, et raiiti-ur répondit aux objections de M.M. de Hacn et Gaber, dans un appendice qui a été ajouté à la troisième édition de cet ouvrage, à laquelle M. Pringle a fuit plusieurs ebangemens re- PHYSIOL. ET MED. — PRINGLE. i8i L’armée dont il étoit premier médecin , ayant habité des climats d’une température différente , ayant été divisée en cjuar tiers et réunie dans des camps j les cam- pagnes ayant commencé et fini à des époques plus ou moins avancées, et M. Tringle l’ayant toujours suivie avec le même zèle, il est résulté de son recueil des 1ns- triictioiis pour tous les cas où un corps de troupes peut se trouver. Il désiroit que chaque médecin ou chi- rurgien , que chaque officier même eût un exemplaire de ce Traité , afin d’apprécier ses réflexions , et d’y ajouter les siennes. Son vœu a été rempli , et c’est assez en faire l’éloge. On sait combien parmi les livres dont nos bibliothèques médicales sont surchargées , il y en a peu qui soient dignes de trouver place dans l’é- quipage d’un homme de guerre. Après avoir donné le plan topographique des pays qu’il a parcourus , et exposé les causes des maladies les plus ordinaires i\ une armée (i) , il a principalement insisté sur les moyens préservatifs. Cette partie de son travail intéresse siu-tout ceux auxquels le commande- ment des troupes est confié j c’est elle dont le général marquables. La traduction française de ce Traité , qui a déjà été réimprimée elle -môme, » été faite sur la septième édition anglaise. Il fut aussi traduit en allemand et en italien. Haller, en l’annonçant, s’est exprimé dans les termes suivans sur M. Pringle : yir illustris de omnibus bojiis artibus benè mentus. Bibiioth. anatom. (i) Ces causes sont le défaut dans le régime'; l’iniinidité , le* exhalaisons putrides, l’excès du mouTement ou du repos, du chaud ou du froid. Il a divisé ces maladies en celles des camps ou d’été , et celles des quartiers ou d’iiiver. i82 Éloges historiques. Melville, qui jolgnolt autant qu’il est possible l’esprit philosophique aux taleiis militaires , faisoit un si grand cas, et qu’il a si utilementemployée dans les îles neutres d’Amérique, dont il ctoit gouverneur (i). Dans les pays marécageux , tels qu’une partie de la Flandi’e et la Zélande , les chaleurs excessives élèvent beaucoup de vapeurs dans l’atmosphère , et y entre- tiennent une humidité presque continuelle (a). Les lièvres rémittentes et intermittentes, le choléra morbus et la dyssenterie , sont les elïets de cette constitution (3), dans laquelle les libres sont relâchées , tandis qu’un principe pourrissant se répand de toutes parts. Les maladies d’hiver ou de quartier participent tou- jours plus ou moins du caractère inflammatoire (4). (1) Il logeoit les soldats dans des salles vastes, sèches, bien aérées, et il changeoit promptement leurs quartiers, en les trans- portant, autant qu’il étoit possible , des contrées basses , humides, marécageuses, sur des terrains secs et élevés. (2) Les pluies an contraire précipitent ces émanations et détrem- pent les eaux croupissantes, qui, étant renouvelées, sont pendant quelque temps moins dangereuses. (3) Cetteconslitulionest souvent celle des camps, qui , danspresque tous les cas, sont exposés à la plupart des inconvéniens des pays bas et marécageux. (4) M. Pringle employoit trés-heureusement les vésicatoires dans la cure îles maladies inflammatoires locales. Ses conseils sur 1 usage du quinquina vers la fin des fièvres rémittentes et dans les inala. dics putrides, annoncent un médecin sage, auquel on ne jient rr- prochcr ni témérité, ni prévention : le quinquina réussit alors comme tonique et comme antiseptique; sa propriété astringente ne. porte ni chaleur ni irritation proprement dites. Cette siibs- PHYSIOL. ET MÉD. — PRINOEE. i83 I.e printemps est la saison (i) la pins salubre pour une année , la température chaude et seche n occa- sionne presque aucune lésion , si les soldats ne sont d’ailleurs exposés ni à la fraîcheur ni h l’humidité (a). La dyssenterie est la plus redoutable des maladies de rautomiie. M. ?rinf>le a sur-tout démontré que les fruits acides , loin d’en être la cause , en étoiont quel- quefois le remède y et quelle étoit de nature conta- gieuse 5 observation qui avoit échappé h Sydenham , et qu’il étoit bien importaut d’établir , puisqu’elle a servi de base aux précautions nécessaires pour en arrêter les progrès (3). M. Pringle a décrit , dans une lettre adressée au docteur Mead , une autre maladie connue sous le nom de lièvre de prison ou d'hôpital (4)- Elle est toujours produite par des vapeurs dégagées , soit des animaux t.ince convient dans tous les cas où la fibre étant lâche et les sucs dénaturés , on auroit à craindre un état plus funeste encore si l’on donnoit des remèdes vraiment échauffans, soit spiritueux, soit résineux ou aromatiques. M. Pringle n prescrit les limites dans lesquelles on doit s’arrêter. (i; C’est en juillet sur- tout que les accidens bilieux se mani- festent-, et, vers l’automne, les points de côtés, les douleurs, les rhumatismes, se joignent aux autres symptômes fébriles. (a) Le moyen le plus sûr et le plus facile pour entretenir la transpiration est de leur faire souvent laver les pieds et les mains. (a) Les matières évacuées étoient le foyer de cette contagion , et on mettüit tout en œuvre pour soustraire les soldats à leurs funestes impressions. Voyez ces détails dans l'ouvrage même. (4) Cette description, qui a paru en 1760, a été insérée dans le Traité des maladies des armées i84 ÉLOGES HISTORIQUES. réunis en trop grand nombre dans un espace trop étroit,' soit de leurs corps en putréfaction (i). Deux grands malheurs ont fixe Inattention des médecins anglais sur cette maladie : les assises d’Oxford en 1677, et les ses- sions d’Old-Bayley en 1760, répandirent dans la ville la fièvre de prison dont quelques - uns des coupables étoient atteints. Ce fut à l’occasion de cette dernière que M. Pringle s’empressa (2) de publier ses observations sur les maladies du même genre qu’il avoit traitées dans les hôpitaux , et que Huxhara avoit aussi vu régner parmi les prisonniers français à Plymouth (3). Une remarque importante de M. Pringle , qui démontre combien il est nécessaire que l’air circule librement dans les hôpitaux , c’est que les malades traités dans des maisons dont les portes et fenêtres étoient en très- mauvais état ont été guéris plus promptement et en (1) Ces émanations agissent en même temps sur la fibre sen- sible, sur les humeurs, dont elles tendent à opérer la décomposition ; influence qui est d’autant plus à craindre, que leurs rapports arec elles sont plus étendus et jdus prochains. (2) Ce lut en lySo que parut la lettre de M. Pringle sur la fièvre des prisons : il la rédigea d’abord avec un peu de précipi- tation; il la retoucha depuis. (3) De la comparaison que l’on peut faire de cette maladie avec celles qui ont été traitées à Dclft par Korestus en 1757; à Bàle, par Félix Platcr; et en Dancmarck , par Thomas Rartliolin, il lésiilic qu’elle est analogue aux fièvres pestilentielles et puncii- ciilaires , qui sont presque toutes accompagnées des mêmes cir- constances , et qui reco'nnoisscnt la même cause. M. Pringle a remarqué que la contagion de cette maladie se répandoit avec une sorte de lenteur, et qu’elle n’infcctoit guère que ceux qui y étoient long-temps exposés. PHYSIOL. ET MÉD. — PlUNGLE. i85 plus grand nombre qne ceux qui liabiloient des appui - teniens bien fermés. Il est donc prouve par tes faits que les hommes trop rapprochés les uns des auties se nuisent et s’infectent réciproquement; vérité qui n’est pas seulement physique , et dont il seroit facile de faire l’application au moral. Il est cependant certain, et M. Priiigle Ta observé, que plusieursgrandes capitales, tels que Pans et Loiidi es, sont depuis très-long-temps exemptes d epidemies pro- prement dites. En consultant leur histoire , on voit qu’elles ont cessé de payer un tribut aux nialaalernent livrés au traitement d’une maladie, quoi- qu’ils ii’aiciit encore eu le temps d’en observer aucune. A l’aide de ce stratagème maintenant assez en usage , leur nom circule avec le volume , et apres leur audace rien ne doit autant étonner que leur succès. M. Pringle n’avolt jusqu’à ce moment pratiqué la médecine que dans les hôpitaux militaires , ou chacun obéissant à une discipline rigoureuse , ses ordonnances étolent fidèlement et complélcmeiit exécutées : il fut très-étoiiné lorsqu’il ^lariit dans le monde où il ne donnoit j.unais son avis sans être arrêté par mie ob- jection. On y exige de la part des médecins de la con- descendance et des égards dans leurs conseils , comme s’il dépendoll d’eux de changer quelque chose dans ce PHYSIOL. ET MÉD. — PRINGLE. 189 que la nature du mal exige. Il s’accoutuma difficilement à cette contradiction dont il eut cependant moins à se plaindre que tout autre, parce que sou exactitude et sa sagesse avoient inspiré une confiance qu’il seroit plus facile d’obtenir si ces qualités précieuses étoient plus communes. L’esprit humain sortolt à peine de cette longue tu- telle dont le fanatisme et la tyrannie ont tant prolongé la durée, et l’on commençoit au milieu des guerres élevées par Cromwel à chercher de l’instruction j mais les pas que l’on faisoit étoient chancelans , les efforts mal assurés , et la plus légère secousse auroit suffi pour éteindre cette lueur naissante. Les premiers fondemens de la Société royale de Londres furent jetés alors, et bientôt l’Académie royale des sciences fut établie à Paris. La physique , appuyée sur ces deux bases, prit chaque jour de nouveaux accrolssemens , et l’on vit un spectacle auqual les yeux n’étoient point accoutumés, deux corps destinés, dans les deux plus belles capitales du monde , à la recherche , à la défense de la vérité, contre laquelle toutes les compagnies s’étoient liguées jusqu’alors, et que les hommes puissans avoient cm qu’il etoit de leur intérêt d’a- néantir. S’il est Important que cette lutte contre les protecteurs trop nombreux encore de l’ignorauce et des préjugés , ne soit point interrompue , et si les promoteurs des sciences ont des droits à la reconnoissance publique , M. Prlngle a mérité d’y avoir la plus grande part. ipo ÉLOGES HISTORIQUES. Couronné par la Société royale de Londres (i) , reçu au nombre de ses membres (2) , appelé plusieurs fois à ses comités , il en a enfin occupé la première place pendant plusieurs années. La présidence de cette Société est regardée en An- gleterre comme la dignité la plus éclatante dont un homme de lettres puisse être revêtu (3). Celui qu’un corps de cette nature reconnoît pour son chef , et auquel il remet le soin de sa gloire , doit réunir les suffrages de sa nation 5 il doit joindre la douceur à la fermeté , la connoissance des hommes à celle de la nature 5 il faut que ses confrères aient pour lui plus que de l’estime , parce qu’il ne suffit pas qu’il ait des lumières et de la probité. Personne ne possédoit à un plus haut degré que M. Pringle les qualités qui peuvent concilier au chef d’une compagnie composée d’hommes égaux et libres de la déférence et de l’amitié. Il succéda dans cette présidence à sir James ^Vest, qui lui-même avoit remplacé milord Morton , tous (1) En 1752, la Société royale de Londres adjugea à M. Pringle la médaille de Copley, au sujet de ses expériences sur les anti- septiques. (2) En 17.^5 , il fut reçu membre de la Société royale de Londres; le 3o octobre de la même année, il fut rappelé en Ecosse i>our le service de l’nrmêe contre les rebelles : il y passa encore une partie de l’année suivante, 1746, avec le duc de Cumberland. Il étoit premier médecin de l’armée anglaise à la bataille de Culloden. (3) 11 fut élu membre du comité de la Société royale en 1763, 1770, 177a. PHYSIOL. ET MÉD. — PRINGLE. 191 deux illustres par une haute naissance et par un grand zèle pour le progrès des arts et de la philosophie. A la vérité le nom de M. Tringle qui étolt d’origine noble et très-ancienne, pouvoit être prononcé après ceux là j mais que l’on ne croie pas que ce motif ait iiiüué sur son choix : on n’eut en vue ith remarks rrlatiiig to their use in the ihcory of mcdicinc In .several papers, rcad beforc the royal Society. Phil. Trans. for 1731. PHYSIOL. ET MÉD. — PRINGLE. ip3 Ce fut d’après un projet du chancelier Bacon que M. Pringle essaya d’appliquer les connoissances rela- tives à la putréfaction au traitement des maladies et A l’usage des médlcamens. Déjà Stahl avolt remarqué et répété en plusieurs endroits de ses ouvrages que la conservation des corps organiques , dont la décom- position est si prompte lorsqu’ils ont cessé de vivre , étoit une sorte de miracle auquel nos yeux étoient accoutumés , mais dont il nous étoit impossible de donner une raison satisfaisante. Cette force inhérente à la santé s’affoiblit lorsqu’elle est souffrante, et l’on observe dans ces dispositions une tendance à la putri- dité. M. Pringle s’est proposé dans ses travaux de faire connoître, par de nombreuses expériences , les moyens les plus propres à rappeler les substances animales déjà altérées , à leur premier état. Les acides , les amers, les astringens, le suc, les alkalls eux-mèmes, les végétaux en général , et le sel marin à grande dose lui ont paru jouir de cette propriété 7 que les sels (1) neutres (2) possèdent à un moindre degré. La salive Voyez aussi son Traité des maladies des armées, où ces mémoires se trouvent. Ce lut en lySo, 5i et 5a, qu’il lut à la Société royale ses mé- moires sur les antiseptiques. Il a’y a eu que les trois premières qui aient été imprimées dans les Transactions philosophiques. (1) Le nitre est celid qui est le plus antiseptique. (2) Les principaux résultats tirés par M. Pringle de ses expé- riences sont les suivans. Il en a conclu : 1.0 Que c’est le halitus des corps en putréfaction qui en est T. 3. ,3 ^94 ÉLOGES HISTORIQUES. retarde le mouvement des corps en putréfaction , dont les émanations sont le ferment le plus propre à la ré- le ferment, et qu’il est très-dangereux pour l’économie animale. 2. ° Que les alkalis sont antiseptiques. 3. " Que les absorbans terreux, les yeux d’écrevisse, la craie, sont au contraire septiques. 4. » Que les sels neutres sont très-foiblement antiseptiques. 5.0 Que la myrrhe , le camphre , la serpentaire de Virginie , sont plus antiseptiques que les sels neutres. On doit dire la mênTb chose de la camomille, du poivre, du gingembre, du safran, du cüBtrayerva , de la noix de galle , de la rhubarbe , des roses , de l’ab- siiiüie , etc. . , , 6.° Que tous ces antiseptiques ont en même temps la propriété de corriger et de rétablir les substances dont la putrelaction est commencée, dans leur premier état. 7» Que le quinquina ne guérit les fièvres intermittentes qu en aoissant sur les humeurs qui commencent à s’altérer; de même dLs les fièvres pestilentielles et dans la gangrène. 8 O Que les astringens sont toujours antiseptiques. ./o Que les antiscorbutiques sont antiseptiques, et que cest «linsi Qii'ils ucriss ent» ^ , ,0.» Que le sel marin à petites doses accélère b putréfaction, tandis iiu’il la retarde à fortes do.ses. ,, O Que le sucre est antiseptique, et que c’est a son grand „.,age «.• austère dans les substances végétales. Que les végétaux mêlés avec les substances animales arrêtent leur fermentation par l’acide qu’ils produisent. «é.» Que dan. un sang iullammatoire la croûte ou couenne se PUYSIOL. ET MÉD. — PRINGLE. 195 pandie. Les absorbans terreux ^ la craie et les yeux tl’ëcrevisse , peuvent aussi en accélérer les progrès. Ainsi, dans le traitement du scorbut , des fièvres pu- ponrrit la première, la partie rouge ensuite, et la sérosité la dernière. 17.0 Que les acides versés sur des matières animales corroin- piics en dégagent une odeur cxtrèiuement fétide , sans les rê> tablir. 18. ^ Que le coagulum putride du sang, versé dans l’urine fraî- che , la rend ronge , comme il arrive dans les fièvres , dans la scorbut, dans le cas d’ulcères, etc. 19. “ Qu’il n’y a qu’une seule espèce de scorbut, dans laquelle le sang tend plus ou moins à la putridité, et que tous les anti- scorbntiques sont des antiputrides. M. Pringle paroît n’avoir pas fait d’attention à l’activité vitale, le plus grand de tous les antiseptiques. De la chair putride est rétablie dans l’estomac des hommes vigoureux. Le poisson presque pourri nourrit les Kamtv.chadales , et ils ne sont point sujets aùx maladies putrides. L’action des antiseptiques est tou- jours subordonnée à la vie, à la sensibilité et à l’irritabilité. Les véritables antiseptiques ne corrigent la putréfaction que dans les premières voies , au moins , d’une manière comparable aux expériences de M. Pringle. Dans les maladies putrides des secondes voies , les antiseptiques guérissent, sur-tout en fortifiant l’estomac, en agissant sur les nerfs , et en augmentant l’action vitale. Les acides ne passent point comme tels dans les secondes voies ; loin de guérir, ils uieroient. Si les antiscorbutiques guérissoient le scorbut en dénaturant les bumeiirs et en s’y mêlant, cette cure seroit toujours constante et très-prompte ; mais c’est une bonne digestion, c’est l’accroissement du ton des fibres et de l’irritabilité qui opèrent la guérison. Ileurensement pour la doctrine des anriseptiques que beaucoup de maladies putrides ont leur foyer dans les premières voies , et q'ue ce foyer est véritablement corrigé par ces remèdes, qui s’y combinent. ipg ÉLOGES HISTORIQUES. trides , même des intermittentes , tout l’art consiste ^ suivant l’auteur , à faire un usage bien entendu des antiseptiques. On lui reproche avec raison d’avoir trop négligé l’effet tonique de ces substances (i) qui, agissant stir les membranes musculaires , sur les nerfs de l’estomac et des intestins , et sur les plexus abdo- minaux , donnent aux glandes une force suffisante pour expulser les matières qui les engorgent , et raniment ainsi l’action vitale , prête à succomber. M. Pringle se distingua sur-tout dans un des devoirs qu’il eut à remplir comme président de la Société royale. Cette Académie décerne chaque année à l’auteur du meilleur mémoire sur la physique expérimentale une médaille d’or du poids de six gulnées seulement (2) , mais dont l’opinion publique a tellement rehausse lo prix , que la découverte la plus brillante est toujours assez payée par cette récompense , et ne l’est jamais assez sans elle. M. Martin Folkes est le premier des présidens qui ait introduit l’usage de prononcer un dis- cours sur le sujet du mémoire couronné 5 mais aucune de ces dissertations n’avoit été publiée avant la prési- dence de M. Pringle. On trouva dans celle qu’il lut un tableau savamment tracé (3) des progrès de la phy- sique moderne, et la Société royale eu fut si satlsfiiitc , qu’elle en ordonna l’impression. (0 Voyor. l’ouvrage «!c M. Milman sur le scorbut. (a) Elle a été loiulée p.ir sir Godefroy Copcley. (U II est a souhaiter m'‘c l’"" ce recueil , qui .levien «Iroil uu uionumeiit utile, pour l’histoire des sciences. PHYSIOL. ET MÉD. — PRINGLE. 197 Dans son premier discours il exposa les belles expé- riences de M. Priestley , ampiel le prix fut adjugé en 1778, sur Pair nitreux, sur Pair inflammable, sur Pair infecté par la resj)iration des animaux : il montra combien on devoit espérer des appareils ingénieux au moyeu descpicls on agit sur des fluides invisibles que Pon sait extraire , mêler ou séparer A volonté , décom- poser même; fluides qui étolcnt encore, au milieu do ce Siècle, le rebut de la chimie; et dont, loin d’en faire l’analyse , on clierclioit ü se débarrasser de manière à ne point troubler l’opération dans laquelle ils se déga- geoient (1). La torpille, que les Grecs ont connue et décrite, dont Galien conseilloit l’application dans le traitement de plusieurs maladies, dont 011 asuccessivementattribuéla propriété stupéfiante à des particules frigorifiques (2) , et à des muscles très-irritables (3), olfroit encore, il y a quelques années , une énigme aux physiciens. Quoique les savans français eussent fait des recherches très-curieuses sur ce sujet, 011 étoit bien loin de croire que le même fluide qui fait jaillir l’éclair du sein de la nue , reiidoit la torpille redoutable sous le limon des (1) Ce fut le premier tome des Expériences de M. Priestley qm mérita ce prix ; il est intitulé : Observation on differents kainds of air. Les rccliercLes sur l’air dépholgistiqué ont été laites depuis cette époque. (s) Borelli et Réaumur admeitoient des molécules d'un autre genre, des émanations qui agissoieiit, suivant eux, sur les corps environnans. “ (3) Ce sont les muscles falciformes de Lorenzini. jpS ÉLOGES HISTORIQUES. eaux (i) ', et que cet animal non seulement en ét’oit pénétré , niais quTl pouvoit encore en diriger à volonté l’impulsion et les efforts (2). Tels sont cependant les étonnans résultats qui ont mérité à M. Walsh le prix d.e la Société royale. Ce physicien, quifit ses expériences à la Rochelle où il vint enlever en quelque sorte cette d.écpuverte aux savans français , a d.émontré que la tor- pille , semhlahle à la bouteille de Leyde, a scs deux sur- faces électrisées d’une manière inverse (3) , et que le choc se communique en rétablissant l’équilibre entre elles. Il a aussi expliqué pourquoi certains phéno- mènes (4) 5 tels que la scintillation et l’attraction ou ré-i pulsion des corps légers ne se présentent point dans ce genre d’électricité, qui est toujours très - foible (5). (1) Elle habite le plus souvent le limon et la boue , où les an-, ciens disoient qu’elle se cachoit pour surprendre sa proie. (2) La torpille n’est pas le seul animal qui présente des phé- nomènes électriques. L’anj^uille de Surinam , et plusieurs espères de gymnotes sont dans ce cas. (3) L’une en plus , l’autre en moins. (4) La torpille ne donne point d’étincelle ; les corps légers ne sont point attirés ni repoussés par elle. Si l'on étend une petite quantité de fluide électrique dans de grandes jarres , et si on la soumet aux différentes expériences connues , on obtient des effets analogues à ceux de la torpille. (5) En louchant la torpille avec du verre ou un b.\ton de cire d’Espagne, on n’éprouve point de commotion, qui est très-forte avec une barré de fer, par exemple, ou avec d’autres corjisde même nature. M. Schilling a fait des expériences sur une petite torpille vi- vante , très-vigoureuse, longue de six pouces, et d'un pouce d’é- PTIYSIOL. ET MÉD. — PRINGÎ.E. 199 M. Pringle, en publiant Jans un second discours en 1774 la déIib(5ration de la Société royale a rapproché paissc’iir. Ayant approché de l’animal placé sur une table dans nu bocal plein d’eau un aimant naturel qui pouroit soutenir quatre onces, on a vu aussitôt le poisson se mouvoir vivement et fuir de toutes scs forces. Ayant approché davantage l’aimant, sans ce- pendant toucher l’animal , le poisson a continue de s’agiter près d’une demi-heure ; il s’est approché peu à peu de l’aimant qu’on tenoit suspendu sur l’eau contenue dans le vase, et il a fini par y rester adhérent toiimie le fer : on l’en a séparé avec une ba- guette de bois , à laquelle il seinbloit résister; il a paru languis- sant quand il en a été arraché. Il a recouvré sa vigueur lorsqu’il en a été plus éloigné. Déjà un des spectateurs le touchoit sans éprouver aucune sensation. Le poisson s’est rapproché bientôt une seconde fois de l’aimant conmre par attraction, et y est resté collé près d’une demi-heure, après lequel temps il a quitté de lui-môme l’aintant, encore plus foible et plus languissant que la première fois, quoiqu’il ne cessât pas de se mouvoir. Alors on pouvoit le toucher impunément. L’auteur le plaça dans un vase jrlein «l’eau, avec du sable, et des vers pour sa nourriture. Il reprit sa vivacité ; mais on le toucha impunément pendant huit jours. M. Schilling ayant mis de la limaille de fer dans son eau, il éprouva, deux jours après, un choc violent dans les doigts en touchant le poisson, sans pourtant que la commotion passât jus- qu’au pli du bras, comme avant de soumettre l’animal à l’épreuve de l’aimant. A cette dernière époque il adhéra de nouveau à l’aimant comme auparavant; mais il n’y resta pas long-temps attaché , et ne frappa point notablement la main qui le touchoit. M. Schilling a répété cette expérience sur d’autres torpilles à peu près de la même grandeur, et à peu près avec le même résultat ; mais , sur une torpille épaisse d’un pied environ, et longue de quatre, la tentative ne lui a pas réussi. Minores torpedines y dit-il, semper magis obsequiosas deprehendi, ita ut appropinquante magnete fortins commoverentur et citiùs attraherentur. L’auteur a fait ces expériences en tenant l’aimant suspendu sur l’eau. Voyez son ouvrage intitulé: Godefr. TVich. SchilHng, \ 200 ÉLOGES HISTORIQUES. d’une manière très-ingénieuse les expériences de M. Walsh (i) , des observations anatomiques de M. Jean Hunter notre confrère, qui a découvert dans ces ani- maux un organe nerveux où la matière électrique se rassemble et qui, s’épuisant après leur mort, démontre, ce qu’il est très-important de remarquer , que cette pro- priété surprenante est une des modifications de la vie , puisqu’elle s’exhale et périt avec elle. Dans une autre circonstance (2) M. Pringle a dé- veloppé un des phénomènes les plus remarquables de la gravitation universelle. Il suivoit des découvertes de Newton que les corps graves, suspendus à un fil près d’unemontagne, devoients’en approcher, etM. Bouguer l’avoit prouvé par ses observations faites près des Cor- dillières au Pérou. M. Maskeline eut les mêmes ré- sultats long-temps après dansles montagnes de l’Ecosse, ' dont il calcula la densité et l’attraction moyennes. C’est en prenant des deux côtés de la montagne la hauteur viedicinœ doctoris , Diatribe de rnorbo in JBuropa jtenè ignoto , queni udnicricani vacant Jaws. jddjecta est decas casnum rariorunt in praxi medica observatomm , neenon obsen>alio physica de torpedinc. Trajecti ail Rhenum , 1770, in-8.®. (1) Depuis cette époque on a fait à Londres des expériences sur l’anguille tremblante : on y a vu l’éteincelle ; et son organe nerveux a été décrit par M. Jean Hunter. La torpille et l’anguille lie Surinam n’attirent point les corps légers, parce qu’elles ne sont électriques qu’au moment où elles se chargent ; et comme le fluide accumulé est aiissitét consumé, et que la décharge suit promptement la charge, il ne peut y avoir ni attraction ni ré]>iilsion des corps légers. (a) En 1775. PHYSIOL. ET MÉD. — PRINGLE. 201 d’une étoile , que l’on peut calculer la déviation du lil à plomb, de sorte que ce phénomène , lié avec tous ceux du système céleste, ne peut être aperçu sans leur secours. Cette réflexion annonce qu’il y a des illusions presque inévitables et des découvertes ( i ) bien dlliicilcs à faire j mais elle encourage en montrant que la chaîne des vérités s’étend à des distances immenses, qu’elle lie entre eux les objets les plus éloignés, et qu’elle conduit souvent le physicien, du fait le plus indifférent, à l’ob- servation la plus curieuse et la plus Intéressante. Qui fut jamais plus digne que M. Cook, du prix de la Société royale? Il lui fut adjugé en son absence , et M. Pringle célébra cet événement dans un quatrième discours (2). 11 peignit ce capitaine connue le plus grand des navigateurs. Ce que les autres avoient déjà vu , il l’a mieiix observé , mieux décrit : scrupuleux dans ces récits , il n’a point paidé d’une terre s’il n’en a parcouru les bords et l’intérieur : portant son attention sur tous les objets , il a fait trois fois le tour du monde ; et soit que son vaisseau sillonnât des mers brûlantes ou glacées , il a toujours conservé dans son équipage la santé la plus constante pai' les moyens les plus sim- (i) Celle dont il s’agit ici avoit été pressentie par Newton. L’observation a été plus marquée en Ecosse qu’au Pérou, et M. Bou- guer avoit soupçonné que les Cordillières étoient en partie creu- ses. M. Maskeline a trouvé les montagnes d’Ecosse plus denses, et les phénomènes de l’attraction y ont été , toutes choses d’ailleurs égales , plus fortement exprimes. (a) En 1776. 2.02 ÉLOGES I1IST0P.IQÜES. le, s (i). A ce succès dont il n’y avoit jamais en d’exem- pleSjilajoiritla gloire d’avoir décidé les questions lesplus curieuses J et en même temps les plus importantes pour la navigation. Il a déterminé les bornes de l’océan na- vigable dans l’hémisphère austral. On admettoit dans ces parages , d’après Quiros et Gonneville , un con- tinent dont il a détruit l’illusion. On cherchoit un passage par le détroit du nord dans la mer glaciale : il a prouvé que cette communication existe , mais que les glaces la rendent impraticable , et il n’a pas laissé plus d’espérance sur le passage de la baie d’Hudson dans la mer du sud. Mille autres projets non moins utiles s’étoient présentés à cet homme infatigable. M. Pringle, eti les annonçant, ne prévoyoit pas que pro- tégé par toutes les puissances , connu et respecté sur toutes les mers , si habile à éviter les écueils, ce voya- geur illustre ne jouiroit jamais du prix qui lui étoit dé- cerné , et qu’il toinberoit sous les coups dessauvages (2), (1) M. Poissonnier Dcsperriercs , mcnihre de la Société royale de médecine, mifeur de plusieurs ouvrages trés-estimés sur le même sujet, avoit indiqué dans s#>s mémoires les moyens con- seillés par M. Pringle dans le discours dont il s’agit, et ces moyens avoient été démontrés utiles par une expérience pu- bliée long-temps avant l’époque de ce discours. M. Despcrriercs R eu raison de se plaindre de ce que M. Pringle ne l’avoit point cité. En comparant, article par article, ce que ces deux médecins ont écrit à ce sujet, on ne peut s’empêcher de prononcer que l’an- tériorité appartient h. M. Desperrieres. Voyer, Observations sur le discours ilc M. Pringle, qui termine la Relation du voyage de M. Cook; par M. Desperrières , 1778 , in-8.“. (a) En lévrier 177^). PHYSIOL. ET MÉD. — PÏÏIIVGLE. ao3 auxquels il auroit pu se soustraire ; car il ne s’u^’is* soit point de s’emparer d’un pays , mais de le parcourir 5 de combattre ses liabltans , mais de les connoître. Le navigateur dont le but est de recueillir des vérités utiles, doit se conduire non en conquérant, mais en philo- sophe , qui par-tout où il trouve des hommes les traite avec douceur , n’en attend de la modération qu'après en avoir donné l’exemple , et ne cherche point à les punir, mais à les éclairer lorsqu’ils ont eu Iw malheur d’adopter des coutumes opposées aux lois de la nature, M. Mudge , chirurgien de Plymouth , ayant fait connoître des procédés nouveaux pour préparer des miroirs paraboliques (1) applicables au télescope de réflexion , la Société royale lui décerna son prix an- nuel , et M. Pringle indiqua dans son discours toutes les époques auxquelles les physiciens ont perfectionné cet instrument si surprenant dans lequel la lumière dont l’homme a su se rendre maître , brisée, rompue de mille manières différentes , et revenant à l’œil sous des angles ])lus ouverts , fait disparoître les distances , agrandit les objets, et nous dévoile le mécanisme des cieux. . Avec quel plaisir M. Pringle applaudit depuis cette époque aux travaux de sou illustre compatriote M. Hers- chel (2) , dont l’heureuse industrie a laissé si loin de (i) Newton avoit prévu que l’on trouverait des procédés pour exécuter des miroirs paraboliques. On ne voit pas cependant que Jusqu’ici le moyen de M. Mudge ait été adopté par les artistes. (a) M. Herschel a écrit à M. Messier qu’il se servoit d’un mi- io4 ÉLOGES HISTOTIIQUES. lui tous ceux qui se sont exercés dans cette même car- rière J et qui s’est préparé y nous ne dirons pas seule- ment une gloire immortelle y mais une sorte d’apo- théose y puisqu’en ajoutant une nouvelle planète aux sept déjà connues , il a pour ainsi dire associé son nom à ceux des divinités qui les président ! La Société royale ayant couronné en 1779 le mé- moire de M. Hutton (1) y sur divers procédés tendant à perfectionner l’art du canonnier , M. Pringle traça dans son dernier discours l’iiistoire des projectiles, et il s’attacha sur-tout à mettre en évidence ce principe si consolant pour ceux qui ont vu comme lui , de près et long-l#mps, les désastres de la guerre, que plus cet art terrible approche de sa perfection , moins il est fu- neste y que les moyens de destruction les plus effrayans en apparence sont cependant ceux qu’il faut préférer, parce qu’ils rendent les avantages ou les pertes plus rapides , les campagnes moins longues , les actions moins meurtrières, et que, frappant de loin , ils s’op- posent aux horreurs de la mêlée j tant il est vrai que dans tous les cas possibles le désordre est le plus grand de tous les maux ! M. Pringle ne quitta le service de l’armée qu’en roir parabolique. C’est itepiiis que M. Pringle a qiiittë la prési- dence que M. Ilcrsclicl a fait connoître ses belles observations et ses moyens. (1) The force of firctl gun-powdcr and ihc initial Tclocity of cannon-bulls. PHYSIOL. ET MÉD. — PRINGLE. 2o5 i'^58 (i) , époque à laquelle le College de niedecine de Londi’es l’inscrivit au nombre de ses membres (2). Les places de médecin de la reine ^ de la princess* douairière de Galles el du roi, lui furent conférées suc- cessivement (3) j et S. M. voulant lui donner un» marque publique de son estime qui fdt proportionné» à ses services, le nomma baronnet, titre (4) déjà hé- réditaire dans les deux branches de sa famille , et qui par conséquent ne lui fut conféré que pour lui seul. La présidence de la Société royale , ses voyages et sur-tout la douceur de son caractère lui avoient donné des i*elutious très-nombreuses. Les étrangers instruits ne nianquoient jamais de le visiter. Il les recevoit dans certains jours de la semaine où des hommes de lettres de tous les ordres pass'oient chez lui la soirée. Dans ces sortes de cercles , ou est l’un pour l’autre un objet de curiosité 5 n’étant ni du même état ni du même pays, on se dépouille de ses préjugés par amour-propre , et ce sacrifice momentané suffit pour que l’on soit tel que l’on devroit toujours être, tolérant et modéré. Des ob- (1) Pendant les dernières années il demeura à Londres, et il faisoit quelquefois des voyages pour le service de l’armée. (a) Le 5 juin lySS. (3) En 1751 il fut nommé médecin de la maison de la reine; en 1763 il lut nommé médecin extraordinaire du roi, et méde- cin ordinaire en 1764; en 1768 la princesse douairière de Galles le choisit pour son médecin ordinaire. (4) Ce titre, de la création de Jacques premier, tient le milieu entre celui de chevalier et de lord ; mais il est fort au-dessus de celui de chevalier. 2o6 éloges historiques. servations intéressantes sur les progrès de la physique et des arts , des remarques fines , des discussions utiles, des anecdotes piquantes, sont le fruit de ces conversa- tions dans lesquelles l’esprit et la science répandent toujours plus d’agrément qu’ils n’y apportent de gêne, parce qu’on n’y traite aucun sujet à fond, et qu’on n’entre point dans les détails, qui sont toujours la source des querelles et de l’ennui. Ces assemblées ont un autre avantage : elles accoutument les savans et les littéra- teurs à vivre ensemble , elles leur donnent plus de force en les rapprochant ; elles servent à faire circuler des vérités utiles j en un mot , elles ne peuvent dé- plaire qu’à deux sortes de personnes, ou à celles qui les blâment , parce qu’elles n’y sont point admises , ou aux ennemis de la vérité qui , donnant le nom d’in- trigue à tout ce que l’on entreprend pour ses intérêts, voudroient qu’il ne lût permis qu’à eux seuls de se réunir , afin d’agir plus efficacement contre elle. Dej)uis quelques années , les devoirs attachés à la présidence de la Société royale fatlguoient beaucoup M. Prlngle ; une chute très-grave altéra beaucoup sa santé. Dans le même temps la Société royale étoit agitée par des opinions différentes sur la prélérence à donner dans la construction des paratonnerres aux con- ducteurs mousses ou aigus (i). M. Franklin s’étoit (i) Au moi* «le juin 1773» le dépnrtcmcnt «le l'artillerie «icrivii à la Socii'té royale «le Londres pour la consulter sur la manière la plus sûre «le pr«5server «les rlTets «lu tonnerre les magasins à pou«irc «le Pulllcet, situés à «juclqiio «iistancc «le la ville «le PUYSIOL. ET MÉD. — PRIINGLE. 307 déclaré pour les derniers, et l’on présume que son opinion dut alors trouver des contrudicteui’s. M. Pringle Londres, M. le chevalier Pringle étoit alors président de la So- ciété royale, qui nomma MV. Franklin, Watson, \V ilson, Henley f Délavai membres du comité pour aviser aux meilleurs moyens de préserver les magasins. On convint sans dilficulté qu’il falloit les armer de conducteurs ; mais il n’en fut pas de même lorsqu’on délibéra sur la forme et sur la hauteur qu’on leur doiincroit. JMM. Franklin et Watson préférèrent les conducteurs pointus , et qui dévoient s’élever à une certaine hauteur au-dessus de tes magasins. MM. Wilson et Délavai prétendirent au contraire qu’il y anroit du danger à les élever ainsi au-dessus de l’édifice et à leur don- ner une forme aiguë : ils ajoutèrent qu’ils dévoient étie terminés pur une extrémité mousse, ou figurée en globe, qu’ils ne dé- voient pas déborder le toit , et que même il serait peut-être con- venable de placer ces globes au-dessous des toits, seulemeut comme préservatifs en cas que la foudre y tombât. On écrivit de part et d’autre. Enfin l’opinion de M. Franklin prévalut, et les magasins de Puffleet furent armés de conductenrs pointus qui s’élevoient au-dessus du toit. Voyez le soixante-troi- sième volume des Transactions philosophiques. M. le Roy, de l’Académie des sciences, a lu à cette compa- gnie un savant Mémoire dans lequel il adopté et défend d’une manière victorieuse le système des conducteurs pointus. Ce phy- sicien a fait voir combien il est different de tirer le fluide élec- trique ou la matière fulminante des nuages, et de la faire étinceler ou éclater. Malgré les précautions qui avoient été prises en pla«ant des conducteurs pointus sur les magasins de Pulïleet , une partie de ce bâtiment fut foudroyée au mois de mai 1777. Le département de l’artillerie écrivit alors à la Société royale pour l’inviter à exa- miner les lieux foudroyés , et à en rechercher la cause. Il est facile d’imaginer que cet événement fit beaucoup de bruit. M. Wil- son, qui avoit toujours été à la tête de ceux qui s’étoient oppo- ao8 ÉLOGES HISTORIQUES.' vit avec chagrin les efforts que l’on fit et tout le crédit que l’on employa contre une vérité physique qui fut enfin reconnue par le plus grand nombre. Toutes ces circonstances le déterminèrent à prier la Société royale d’accepter sa démission, qu’elle reçut avec le plus grand regret en 1778 (1). Il continua , lorsque sa santé le lui permit , d’as- sister à ses séances 5 mais ses infirmités ayant aug- menté , il espéra qu’un voyage à Edimbourg pourroit rétablir ses forces , et il partit en 1780 pour cette ville où il résolut de se fixer. Il y avoit passé sa jeunesse , et tout ce qui en rappelle le souvenir est précieux dans un âge avancé. 11 y acheta une maison et il vendit celle qu’il avoit à Londres (2). Mais il s’aperçut bientôt sés aux conducteurs pointus, fit avec appareil un grand nombre d’expériences dans le Pantheum, auxquelles le roi assista. Il pré- tendit prouver que les pointes avoient été la cause du foudroie- ment; mais le comité , qui fut chargé défaire des recherches sur cet objet, après avoir pris connoissancc des expériences, trouva qu’elles ne prouvoient rien contre le sentiment qui établit l’avan- tage des 'pointes conductrices. Ou arrêta qu’il en fallait placer quelques-unes de plus, et mettre toutes les parties de la cou- verture de cet édifice dans la communication métallique la plus exacte avec les conducteurs ou barres de transmission qui s éten- doient en Ims dans les puits. Depuis ce temps on est resté tran- quille. M. Pringlc éioit encore président pendant cette année, et coniinna de l’ètrc pendant l’année suivante. (1) M. le clicvalicr Banks fut élu unanimement pour lui suc- céder. Ce savant est connu par son zèle inlatigabic pour les progrès des sciences utiles , auxquelles il est entièrement dor voué. (3) Sa maison du Pall-Mall à Londres fut vendue en 1781» PHYSIOL. ET MÉD. — PRINGLE. 209 que la scène étoit changée. Pendant le long intervalle de son absence , presque tous ceux qu’il avoit connus intimement éloient morts. A la vérité leurs fils lui rendirent les hommages le« plus empressés , et il fut accueilli par-tout avec les témoignages de la j)lus grande considération 5 mais ce sentiment ne suffit pas à ceux qui ont vécu dans le sein de la confiance et de Pa- mitié. Soit que M. Pringle fût privé de ces douceurs à Edim- bourg , soit que le climat ne convint point à son tem- pérament (1) , il revint à Londres vers la fin de l’année 1781 . Il y reprit ses habitudes; il retrouva avec joie scs anciens anus ^ et ses soirées recommencèrent. Les hommes auxquels de longs travaux ont donné un grand fonds d’idées , et qui se plaisent à discuter , ont besoin d’êti'e contredits au moins quelquefois ; et comme tout le monde n’en a pas le droit , il ne faut pas qu’ils s’éloignent de ceux qui Pont acquis. C’est peut-être un des plus grands malheurs dont les vieillards soient menacés , que celui de sur^'ivre à leurs contem- porains , de n’entendre que le langage froid et mono- tone du respect, de n’être environnés que de personnes d’un autre âge, avec lesquelles la conversation est vide et dépourvue d’intérêt , et de voir ainsi s’accroître le nuage qui les sépare du reste des vivans. Accoutumé à passer des jours dont toutes les heures 0) M. Pringle dit alors que le climat d’Edimbourg étoit trop froid pour lui. 'aïo ÉLOGES HISTORIQUES. étoient remplies par une activité douce et modérée , M. Pringle s’étoit trompé en rompant des liens que l’habitude lui avoit rendus nécessaires, et en se condam- nant à une inaction qui devint bientôt une source d’en- nui. A Edimbourg même , ilassistoit aux assemblées du Collège de médecine (i) , auquel il ht remettre, avant son départ , im manuscrit en dix volumes , contenant ses observations et remarques sur la physique et sur la médecine. Il étoit aussi membre de la Société des antiquaires Ed’dimbourg, et il prenoltlaplus grande part aux succès de cette académie , dont le but est de rechercher et de réunir les débris des monumens qui peuvent servir à l’histoire de l’Ecosse : monumens que la politique d’Edouard I.®"^ a mutilés , et que ce conquérant avoit formé le projet d’anéantir. Il croyoit rendre le joug de sa domination plus supportable et plus assure , eu effaçant ainsi jusqu’aux traces de l’anéienne indépen- dance , comme s’il étoit au pouvoir des rois d’unposer silence à l’histoire , et comme si cette destruction , qui est un vol fait à la postérité , ne déposoit pas à jamais contre l’oppresseur de la liberté publique. Les forces de M. Pringle s’affoiblircnt de plus en plus depuis son retour à Londres : le i4 janvier 1782, (0 Le docteur Jlope fut chargé par M. Pnnglc CO. n.anu,crita au Collège aux con.li.ion. «...vante: .. T- ne oroict point p«Mié« , parce qu’il no lc« croyo.i l- - ^ voir le iour u.» q..’üa ne «croient inn.nis cniporté. hor, .le le bibliollu-.iue, «ou. quelque prétcllc que ce fût. PHYSIOL. ET MED- — PRINGEE. an il fut attaqué d’une paralysie (i) , aux suites de laquelle il succomba le i8 du meme mois , Agé de 75 ans. Les membres du Collège de médecine d’Edimbourg voulant témoigner leur respect pour sa mémoire, pa- rurent en deuil dans la première assemblée qui suivit la nouvelle de sa mort. Les dispositions de son testament ont été dictées par la justice , la reconnoissance et l’amitié , et aucune plainte n’a troublé les larmes que sa mort a fait ré- pandre. Pendant lesdemières années de sa vie il s’étolt occupé de recherches théologiques et il avolt profondément étudié quelques passages des Livres saints. Son amc douce et sensible y cherclioit des paroles de paix , et y trouvoit toujours de la consolation. S’ils n’avoient été lus que dans cet esprit , combien les hommes se seroient épargné de désastres et de malheurs ! La correspondance de M. Pringle avec le savant pro- fesseur Michaëlis de Gottingue sur une des prophéties de Daniel avoit paru si intéressante , qu’elle avoit été publiée en 1778 (2). (.) M le docteur Saunders , son ami, lui donna ses soins dans cette maladie. (a) Joannis Bavidis Michaëlis , prof, ordin. philos, et soc res scient, gottengensis , collegœ epislolœ de LXX hebdomadib Daniëüs, ad Joannem Pringle, baronettum , -primà ;,„VuZ manuscr, nuncveràutriusqueconsensupublicè édites in-8.‘>. Nidiols’a I < 213 ÉLOGES HISTORIQUES. Il étoit versé clans la connoissance de plusieurs langues ; la franeaise lui étoit sur-tout très-familière. Il assuroit que jamais aucmie lecture ne lui avoit fait biographical and litterary anecdotes of Williams Bowyer, p. 446, 447. Ibid. p. 601. J’ai cru devoir ajouter ici le tableau suivant des ouvrages de | M. Pringle. 1,0 Diisertatio inauguralis de maivore senili, in-4.0 Lugd. . Bat. 2. » Several accounts of tlie success of the vitrum ceratum an- timonii. Edin. Med. essays, vol. V. . , ^ , 3. " Observations on tlie nature and cure of hospital and goa fevêrs, in a Ictter d.' Mead, in-8.<». London lySo, lyJS. 4. “ Expcriments «pon septic and antiseptie substances, with reniarks relating to tlieir use in the theori of inedicme, m se- veral papers rend before the royal Society. Pbil. Trans. lor. lySi, and since republished in an appendix to the observations on the diseases of tlm array. . o o t 1 5» Observations on the diseases of the Army, m-8. .London, »7'îa • in-4.“ , ibid. 1765 , and sixth édition , in-8.", corrected , .768. 6.0 An account of the case of the latc right Hon. Horace lord Walpole. Phil. Trans. vol. IV , part. I. . „ , 7. » A Discourse on the different kinds of air, in-4. . London, 1 773 • 8. ° A Discourse ou the torpédo, in-j.”. London , 1774. <;.« A Discourse on the attraction ofinountains , in-j.®., London , A Disrourse npon some latc împrovements of the n.eans • of preserv ing tlie nicaUli of tnariners , in*4.“. Lomion, 1776. n.** A Discoursc on the theori of gunneiy, in*4 London , *779- M. Ki|,n, . W. c. .,8Î le. .11. .«.cou,, r™- noucO» M. Prlnel» “ Londres. PIIYSIOL. ET MÉD. — PRIIV'gLE. 2i3 plus fie plaisir que celle des Œuvres de Voltaire, et il ii’avoit point pour Sliakespear cet enthousiasme aveugle qui fait louer jusqu’à ses défauts. Un savant anglais qui a publié ces détails dans nn éloge de M. Pringle , ■fiprès lui avoir accordé toutes les qualités qui fonnent un littérateur profond , ajoute que son compatriote ne se connoissoit point en poésie. Ici l’intérêt national a prévalu en faveur de Sliakespear. Il nous seroit sans doute permis et facile de défendre le parti contraire 5 mais ne doit-on pas regarder comme frivoles et dé- placées ces discussions dans lesquelles on compare entre eux les hommes du premier ordre qui ont tous un caractère propre , un mérite particulier, dont les nuances ne sont point soumises à une mesure com- mune? Qui oseroit au moins se ilatter de les connoître, lorsqu’il s’agit de juger deux auteurs placés dans des climats tres-diflérens , et aux deux extrémités de la même carrière , dont l’un qui l’a ouverte s’est montré dans ses ouvrages neuf, grand, mais bizarre et inégal; tandis que l’autre, formé par les leçons des plus grands maîtres , génie facile et fécond , riche des productions du plus beau siècle de notre littéi-ature , a brillé par toutes les grâces réunies de l’expression et de la pensée ? Il serait trop long de rapporter ici les noms de tons ceux qui ont eu avec M. Pringle des liaisons in- times (1) , et qui s’honoroient d’être au nombre de ses amis. On comptoit parmi eux des hommes du pre» (0 M. Ingen-Houae a dédié à M. Pringle ses expériences sue les végétaux. âi4 ÉLOGES HISTORIQUES, mier rang , soit par leur naissance , soit par leurs places (i) , et il étoit au niveau de tous par la dignité de son caractère. Sur-tout il n’attendoit pas que ses confrères eussent besoin de ces services pour les leur offrir. Ce n’est qu’avec ces égards et à ces conditions que les gens de lettres peuvent pardonner à quelques- uns d’entre eux de jouir d’une grande fortune. Son affabilité n’étoit point affectée; elle paroissoit être l’effet d’un naturel doux , obligeant , et qui s» livroit volontiers. Pendant la guerre on s’adressoit toujours à lui pour réclamer les morceaux d’histoire naturelle qui avoient été pris sur les vaisseaux français; comme s’il eût été comptable de tous ces objets, il de- venoit l’agent de ceux qui faisoient des plaintes , et il leur obtenoit souvent une prompte restitution. Cette politesse , cette bienfaisance , en le rendant agréable ^ tant aux nationaux qu’aux étrangers, avoient multiplié les rapports qui l’attaclioient à la vie. Ses amis observèrent qu’il témoigna beaucoup de regret lorsqu’il fallut la quitter. Il est mort entouré de ceux qui la lui avoient rendue chère. On lui prépare sous leurs yeux (2) et par leurs soins, (1) Sir Alexandre Dick a conservé une suite de lettres de siri Jean Pringle, au nombre de quarante-sept. Elles offrent dansi tout son jour l'excellence de son caractère , et montrent la chaleur, ri la constance de son amitié. Elles contiennent aussi plusieur.i orliclrs précieux de oiédcciiic et «le physique. (a) C’est principalement aux dépens de son neveu et héritier, que ce monument a été élevé. M. Kippis m’a eiiToy.' l’épitaphe suivante, qui a été proposée! PHYSIOL. ET MED. — PRINGLE. aiS un monument qui sera placé parmi ceux que la recon- noissance publique a consacrés à la mémoire des grandi hommes dans l’abbaye de Westminster , où le nom il- potir être inscrite sur le tombeau de M. Prin^^le, et que l’on at* nibue k M. Georges Baker. M. S. Viri egregii Joannis Pringle, b.nronetti; . Qiiein excrcitiis britanniciis, Celsissima Walliæ principessa , Reginn serenissima , Tpsius (Ionique regis innjestas , Medirum sibi comproba\’it Experientissiinuni , sagaccni , strenuuin ; Queni stmliis acndeinicis florenteni , Edimburgenses olim sui In cathedra disciplinaa etbirœ dicata Adbuc juvenem collocàrunt: Quein posteà optate ac scientià provectum, Primùm perhonorifico ornarit proemio , Deinde ad suniinani apud se dignitatem evexil Socictas regin londinensis. Qualis fuerit medendi artilex , Qualis rerum comprehensione prasditus , Materiam suam multiplicem Quam scienter oxplicueiit et illiistraverit, Scripta viri doctissimi testentur Per Europam omnem disseminata , Nec foris niiniis quàm domi nota. Quâ auteni fide et integritate fuerit , Quàm veri tenax et inimicus fraudi , Quàm constans supremi numiuis cultor, li quibuscum rixit, Testes sunto. Excessit è vitâ , etc-. *2i6 • ÉLOGES HISTORIQUES. lustre de Newton se lit entre ceux de Milton et de Sha- kespear. Elevé près des bustes de Haies , de Freind , de Mead, ce monument rappellera à ses concitoyens un sa- vant modeste et zélé pour la gloire littéraire de sa patrie, et à la postérité un physicien sage , un médecin célèbre, dont les observations, cpii portent l’empreinte de la vé- rité , dureront autant que l’édilice des sciences dont elles font .partie. La place d’associé étranger vacante par la mort de M. Pringle est maintenant remplie par M, Black , professeur de chimie à Edimbourg. PHYSIOLOGISTES ET ÎMÉDECINS. 217 SANCHEZ (kibeiro). Un homme d’une constitution folble et délicate, presque toujours souffrant, d’un caractère timide et doux, qui, plein d’ardeur pour l’étude, n’a aucun désir de la célébrité , qui ne fait nul cas des ri- chesses, et qui sur-tout est très-élolgné de tout esprit d’afTaires et d’intrigues t cet homme entre dans une carrière dont il ne connolt ni les fatigues ni les dan- gei-s ; il parcourt les climats glacés du Nord , y est témoin des guerres les plus sanglantes , s’y dis- tingue par ses services dans le traitement des épidé- niles les plus désastreuses , est porté par ses succès à une des cours les plus brillantes de l’Europe , y est comblé d’honneurs; et compromis enfin dans la que- relle de rois y perd tout au milieu de la tempête ; il tremble même pour ses jours: mais la fortune , qui veut plutôt l’instruire que l’aiHlger , lui rend le câline, dont ses revers lui font sentir tout le prix. Pour cette fois les leçons de l’expérience et du malheur ne sont point perdues. Cet homme estimable , à l’abri de toute secousse , vit tranquille , réunit ses observations, les écrit ou les publie , et ne meurt qu’après avoir été long-temps un modèle de bienfaisance et de vertu. Tel est le précis de l’iiistoire que je dois tracer au- jourd’hui. ai8 ÉLOGES HISTORIQUES. Antoine Nunès IIibeiro Sanchez, docteur en mé- decine de rUniversité de Salamanque , conseiller d’état de la cour , et ancien premier médecin de l’impératrice de toutes les Russies , ancien premier médecin de ses armées et du corps des cadets, ancien correspondant de l’Académie royale des sciences de Paris, associé honoraire de l’Academie de Samt-Petersbourg , mem- bre de celle de Lisbonne , associé étranger de la So- ciété royale de médecine, naquit à Pegna Macor en Portugal , le 7 mars 1699 , de Simon Mîmes et d’Anne Nunès IIibeiro. Sa famille , d’origine noble , descend de la maison des Nunès , qui vivoient a Rome dans le dernier siècle (1). Son père , quoique principalement occupé du com- merce , et demeurant à l’extrémité d’une des provinces portugaises, faisoit ses délices de l’étude des lettres. La lecture des meilleurs écrivains lui étoit familière, et M. Sanchez s’est toujours souvenu avec recomiois- (i) Le marquis Nunès 0 fait à Rome quelques fondations reli- cieuscs. Antoine Ribeiro, médecin et théologien célèbre , q"‘ v*' voit à Rome, étoit aussi son parent. Baccius nous apprend (De- T,alur. vinor. bistor. lib. IV, part. Il) que cet Antoine R.bc.ro étoit son ami, et qu’ils étoient tous les deui de la Société dm rordiîial il hit nommé , à l’âge de 2.5 ans (2), médecin de la ville de Benavenli en Portugal (3). Ses fonctions étoient de visiter les pauvres attaqués de maladies. Il y consacroit tout le temps néces- saire à l’examen de leur état et à son instruction 5 et leur reconnoissance étoit pour lui le plus doux salaire j car le pauvre sait gré de tous les instans que l’on passe près de lui : le médecin qui réfléchit beaucoup avant d’agir lui paroît un ange consolateur , iinic|uement occupé du soin de sa conservation ; au lieu que, près des riches on ne peut ni délibérer sans paroître indécis , ni demeurer long-temps sans avoir l’air d’être oisif. M. Sanchez s’aperçut bientôt qu’il n’avoit pris à (i) Il y avoit étudié en philosophie dans les années 1717 e* 1718. (3) Le doctettrFonsecaHenriqiiez, célèbre médecin de Lisbonne, connut de bonne heure tout le mérite de M. Sanchez. Il en a parlé très-honorablement dans son Traité sur les eaux minéraye» de Pena Garcia. Vid. ^qui leg. médicinal, cap. I. Lisb. 1726.'” (.3) En Portugal chaque ville pensionne un médecin pour veiller à la santé des pauvres. Il règne souvent à Salva Terra et à Benaventi des fièvres pu- trides, que M. Sanchez attribuoit à la stagnation et à la corrup- tion des eaux du Tage , qui, se mêlant avec celles de la mer, féjoumoient dans des marais. aaa ÉLOGES HISTORIQUES. Coimbre et même à Salamanque que des connoissancea incomplètes : il n’y avoit point trouvé cet enseigne- ment dont la précision peut seule satisfaire un esprit juste. Les sciences accessoires à la médecine , telles que la chimie, l’anatomie, l’histoire naturelle, y éloient sur-tout très-négligées : mais on y savoit tout ce que 'les Grecs, les Latins et les Arabes ont écrit sur ces divers sujets 5 et si l’on avoit connu la nature aussi bien que les livres , M. Sanchez n’auroit pas cherché ailleurs les principes qui lui mancpoient. Comment peut-on en- core Ignorer quelque part que les recherches les plus profondes , la lecture la plus assidue ne sont que des moyens d’instruction dont l’application seule fait le mérite , et que se tourmenter pour devenir érudit sans avoir d’autre talent et sans se proposer d’autres vues , c’est passer sa vie à aiguiser une arme dont on ne doit jamais .se servir ? Semblables aux vieillards qui racon- tent avec enthousiasme ce qu’ils ont vu dans leur jeu- nesse et qui refusent d’apprendre ce que les modernes ont découvert , la plupart des anciens corps enscignans prodiguent des éloges aux âges qui les ont précédés , et se traînent péniblement après le leur. Est-il donc im- possible de prévenir cette décadence , qui est un pro- duit lent , mais assuré , du temps , et dont riiorniue semble communiquer le germe à tout ce qui sort do ses mains? Observons la nature: toujours jeune , parce qu’elle renouvelle toujours ses productions , ne semble- t-elle pas nous dire : « Mortels , renouvelez aussi les vôtres, si vous voulez qu’elles conservent leur gloire avec leui- existence»? Les fondateurs de plusieurs républiques PHYSIOL. ET MÉD. — SANCHEZ. ont eu raison d’exiger qu’elles revissent, à certaines épo- ques, leur code de législation , et qu’elles y fissent les cliangeraens prescrits par les circonstances. Il devroit en être de môme de l’enseignement; et cependant , d’un bout de l’Europe à l’autre, notre enfance est gouver- née par de vieux usages , et par des lois surannées qui ont été faites pour d’autres hommes et pour ua autre siècle. Ces réflexions , qui s’offroient alors à i\I. Sanchez , lui firent pressentir l’utilité d’un ouvrage qu’il a publié long-temps après sur la manière de perfectionner l’en- seignement de la médecine , et dès ce moment il se détermina à quitter Bonaventl pour voyager dans les villes de 1 Europe où les sciences étoient le mieux cul- tivées. Le voilà donc encore une fois soustrait à une vie douce et heureuse. Il se rendit à Gènes (i), d’où il partii*: pour Londres (a) : il y séjourna pendant deux année.s. Il vint ensuite en France , où il visita les écoles de Pan s et de Montpellier. Nos provinces méridionales , lorsqu’il y voyagea (3) , étoient encore efirayées par le souvenir de la peste qui avoit dévasté les villes de Marseille et de Toulon et menaC'S to,ute la France. Il voulut parcourir le tliéàtre de ces funei^es scènes. Ici , lui disoit-on , le fléau a (0 Une put ali'er à Rome, parce qu’à cette époque le roi de Portugal nvoit déf.îudu à tous ses sujets de séjourner dans cette ville, i>t ordonné à ceus qui y étoient d’en sortir au plus tôt. .(2) A- Londres il suivit les leçons d’anatomie de Douglass. Cfi) Il vint à Montpe llier en 1728. aa4 ÉLOGES HISTORIQUES. commencé ces ravages *, et il suivoit des yeux les traces de son débordement. Dans cette maison , dont on avoit fermé les avenues , et que la contagion a respectée , les magistrats , frappés de la terreur commune , ren- doient au peuple une Justice qui ne fut jamais ni aussi entière ni aussi prompte. Sur cette place, ajoutoit-on , les cadavres amoncelés et restés sans sépulture re- pandoient des vapeurs meurtrières , lorsqu’un citoyen généreux anima, par son courage, une jeunesse bouil- lante et détruisit ce foyer de mort. Muet au récit de ces grands événemens , M. Sanchez visitoit les hos- pices , les lazarets. Le cœur encore serré par le tableau de tant de misères , il fut conduit près d’un des liabi- tans de Marseille , qui , depuis le desastre de cette ville , avoit continué d’être l’objet de la vénération publique j non qu’il fût puissant par sou opulence , ou illustre par son extraction : quelle valeur peuvent avoir les titres que donnent la naissance ou la fortune lorsque les sources de toutes les richesses sont empoi- sonnées, et la vie menacée de toutes parts? Cet homme estimable étolt le docteur Bertrand. Sa bienfaisance et son courage , dont lui seul n’étoit point étonné , lavoient rendu cher à tousses compatriotes, qui, réunis, hono- roient ses vertus. Tant que la contagion affligea la ville , on le vit chaque jour courir tous les dangers; il parcourolt les liupitaux , les prisons : tout le monde le déslroit, et il allolt chez tout le monde. Il yporloU l’œil d’un observateur attentif , les conseils d’un mé- decin expérimenté, les entrailles d un c;itojren sinsible. trois fols il éprouva l’atleinle du fléau qu’il sembloit PHYSIOL. ET MED. — SANCHEZ. 2a5 braver ; et trois fois sa maladie fut un surcroît de ca- lamité pour le peuple. Tantôt il le haranguoit , en lui prouvant par des exemples la nécessité des précautions qu’il avoit indiquées une autrefois 5 il le rassuroit en lui montrant ses cicatrices. Lorsque la peste eut cessé ses ravages", et que le calme fut rétabli , il ne parut que plus grand au milieu des ruines. La reconnoissance des habitans sembloit le désigner aux voyageurs ; et nul étranger ne passoit par Marseille sans avoir vu cet homme , devenu plus grand que les autres , parce qu’il avoit fait consister tout son bonheur à les se- courir (1). Quelle Joie pour M. Sanchez de se trouver près d’un médecin aussi recommandable par ses connoissances et par ses vertus ! Il l’approcha avec respect; il l’inter- rogea, et il recueillit ses réponses sur la nature et les causes de la fièvre pestilentielle (2). (i) Voyez, page 36o, les obserrations de M. Bertrand sur les maladies contagieuses de Marseille. — Traité de la peste, par Chicoyneau. (a) Il étoit d’autant plus empressé de l’entendre qu’il avoit déjà été témoin des ravages laits ii Lisbonne en 1723 par uns épidé- mie très. meurtrière, que le docteur Bertrand, consulté par or- dre du roi de Portugal , avoit trouvée différente de celle de Mar- seille. Des vomissemens noirs étoient le symptôme le plus effrayant de l’épidémie de Lisbonne, et un suintement de sang par le nez étoit un des accidens les plus fâcheux de celle de Marseille, d’après le rapport que le docteur Bertrand en fit à M. Sanchez. Ce dernier avoit fait une remarque curieuse en 1723. à Lisbonne : l’épidémie qui y régnoit alors attaquoit peu de femmes, et épargnoit absolument tous les nègres de l’un et de 226 ELOGES HISTORIQUES. Les services du docteur Bertrand ne se bornèrent pas à ces renseignemens 5 il fit connoître à M. Sanchez les aphorismes de Boërrhaave , dont les ouvrages n’étoient point encore pai-venus à Coimbre , ni à Salamanc][ue (1). M. Sanchez crut, en les lisant, que l’auteur étoit un de ces grands hommes qui appartiennent à l’antiquité , et que l’on n’aperçoit que dans l’éloignement de plusieurs l’autre sexe. La môme chose est arrivée à la Caroline et à la baie de Tous-les-Saints. Suivant le docteur Bertrand, la fièvre pestilentielle de Marseille n’étoit point le produit d’une contagion apportée du Levant : ce médecin la regardoit comme une maladie locale qui s’etoit dé- veloppée dans le territoire de Marseille, et dont le levain, com- muniqué d’un individu à un autre, corrompoit les humeurs et es infectoit par son acrimonie. H étoit faux, disoit-il, que les commis de la douane eussent péri à l’ouverture de ballots pé- nétrés de miasmes contagieux; et la plupart des quarantaines auxquelles on assujettit les vaisseaux qui arrivent des pays sus- pects lui paroissoient avoir le double inconvénient d’étre presque Ljours inutiles et le plus souvent mal administrées De, a M. In- eram avoit annoncé cette opinion en lySS , et M. Sanchev, a pu- blia en 1774. Mais sait-on combien il faut de temps pour dissiper ou dénaturer les molécules contagieuses dont ils reconnoissent unanimement l’existencel Existe-t-il des expériences qu, le cons- tâtent avec précision 1 Quand môme on supposeroit la question in- décise, qui oseroit courir les risques d’exposer, par une omis- sion coupable, une ville, une province, un royaume, au plus. fllTreiix de tons les fléaux; et comment ne voit-on pas que dan • des circonstances de cette nature un excès de prudence est le seul que l’on puisse ne pas se reprocher 1 (i) Le docteur Alvarez, savant médecin portugais et ami de leu M. Sanchez, nous a écrit que l’on ne connoissoit point encore ces ouvrages en Portugal ni en Espagne, lorsque M. Sanchez ornva dans les provinces inéridionulcs de la France. PHYSIOL. ET MÉD. — SANCHEZ. 327 siècles. Mais le docteur Bertrand l’ayant détrompé : « Quoi, Boënhaave est vivant j s’écria-t-il, et je ne suis point son disciple ! w Aussitôt il vole à Leyde : il trouva celui qu’il clier- clioit , entouré d’une foule d’élèves et de malades venus de toutes les parties du monde pour lui demander des leçons ou des avis 5 et Boërrhaave jouissant dans sa patrie de tous les avantages de sa renommée lui offrit un spectacle aussi toucliant qu’il étoit sublime : car les peuples de la Hollande , véritablement éclairés sur leurs intérêts , savent ce qu’on paroît ignorer ailleurs , qu’un grand Jiomme est de toutes les productions la plus rare , celle dont la culture mérite le plus de soin , et qui est la plus honorable et eu même temps la plus utile pour le pays qui l’a vu naître. M. Sanchez passa trois années auprès de Boërhaave(i), qui le pressant de se faire recevoir docteur , apprit enfin que ce grade lui avoit été conféré à Salamanque , et qu’il avoit même pratiqué la médecine à Benaventi. Le professeur , étonné de la modestie de M. Sanchez , qui restant confondu parmi ses disciples lui avoit rendu l’hommage le plus flatteur, voulut lui doimer à son tour une preuve de sa générosité. Il força M. Sanchez à reprendre les honoraires qu’il lui avoit payés comme étudiant : ces deux hommes , si dignes (1) M. Sanchez avoit une mémoire prodigieuse. Il étoit le seul qui n’écrivit point les leçons de Boërrhaave ; et il n’a jamais rien oublié de ce que ce grand professeur lui avoit appris. 2a8 ELOGES HISTORIQUES. de s’estimer l’un l’autre , seinbloient vouloir se vaincre à force de vertus. En même temps que Boërhaave enseignoit avec une abondance égale presque toutes les parties de la mé- decine J Sgravesande , Albinus, Gaubius , van Swieten , Osterdick , van Royen , Burman , répandoient sur l’école de Leyde un éclat dont l’Europe littéraire étoit jalouse. Enflammée parla présence de tant de grands hommes , toute la jeunesse ne respiroit que pour l’instruction et pour la gloire. Ce fut dans leur entretien que M. San- chez puisa cet enthousiasme du bien , cet amour de la vérité qui ne s’affoiblirent jamais en lui, et qui ont été les seules passions qu’il ait jamais ressenties. Nous touchons à l’époque de sa fortune et de son malheur , deux modifications de la vie humaine qui ne s’accompagnent que trop souvent. L’impératrice de toutes les Russies , Anne Ivanowna , pria Boëerhaave de choisir parmi ses élèves trois médecins auxquels elle destinoit des emplois honorables dans ses états. M. Sanchez fut désigné le premier 5 et il partit aussi- tôt (1). H fut d'abord placé à Moscow avec le titre de premier médecin de la ville ^2^ ; il y pratiqua pendant deux (1) Il préféra cette place à celle qu’on lui aroit proposée à la Guadeloupe ou à la Martinique. ( i\To/c fournie par M. Alvarez. ) (a) Il avoit le droit d’examiner tous les médecins et chirurgiens qui se présentoient pour exercer dans la ville. PHYSIOL. ET MED. — SANCÎIEZ. 229 années ^ après lesquelles il fut appelé à Pétersbourg (i). Le docteur Rieger, alors premier médecin , le fit nom- mer membre (2) de la Chancellerie de médecine et mé- decin des armées impériales (3). Il parcourut en cette qualité une partie de la Pologne , où les armes de la Russie faisoient des progrès si rapides , qu’il avoit à peine le temps d’écrire ce qu’il croyoit digne d’atten- tion. En 11735 f iy36 et 1737 y il fit , sous les ordres du maréchal Munich son ami , toutes les campagnes contre les Turcs et les Tartares. 11 traversa Ptlkraine 5 il suivit les bords du Don jusqu’il la mer de Zabache : les déserts de la Crimée et de Bachmut , tout le pays qui s’étend du Cuban aux plaines d’Azof furent com- pris dans ses voyages. Il examina les Kalnionks , les plus dilïbrrnes de tous les hommes y dont les yeux très- écartés l’un de l’autre sont le caractère très-dlstinclif j les Tartares de Nogai, qui conservent leur liberté, parce que , toujours errans, ils n’ont point de demeure fixe à laquelle puisse s’attacher la chaîne de la dépen- dance ‘y ceux du Cuban dont le teint est basané ^ enfin les Tartares deKergissi, dont le visage est effrayant par sa largeur. Il compara entre elles ces différentes races d’hommes, dont les organes resserrés par une tempé- rature froide , privés , sous un ciel ingrat , d’alimens dont la digestion soit facile , ne se développent ni en (1) En 1733. (a) En 1734 le docteur Rieger étoit président de cette chan- cellerie. (3) En 1735. 23o Éloges historiques. entier , ni avec toutes leurs proportions : semblables à ces vég(^taux dont un souffle glacé endurcit l’écorce , épaissit les sucs y engourdit et détériore jusqu’au centre de leurs folioles les germes qui doivent en perpétuer l’espèce. M. Sanchez vit avec surprise au milieu de ces Tar- tares des hommes et des femmes qui ne leur ressem- bloient point (i). Le sang de Circassie et de Géorgie , allié avec celui des naturels du pays , dans les sérails , y produit des dégradations qui offrent toutes les nuances et les contrastes de la disproportion et de l’élégance des formes , de la laideur et de la beauté (2). Enfin M. Sanchez observa comment en se mêlant avec les Russes orientaux et les Chinois , les Tartares ont influe sur ces deux peuples y dont le dernier ne paroît différer que par de simples modifications. Ces résultats intéressans sont consignés dans le troi- sième volume de l’Histoire naturelle de M. le comte de Buffon y qui les a reçus de l’auteur, auquel il a offert un juste tribut d’éloge. L’usage que M. Sanchez en a fait est une nouvelle preuve de sa modestie. Tout annonce qu’il observoit pour son plaisir et non pour sa gloire. On ne poiivoit être plus empressé de parcourir le (1) Le teint éiiérieunes. jjg cura variolarum vaporarii ope apuJ Ruthenos ornni me- morid anliquiori usu recepti. 5. a De l’origine des hôpitaux , tyaa. 6. ® Du mariage des prêtres. 7. ® Dissertation sur les passions de l’ame (en ijurtiigais ) , PHYSIOL. ET MÉD. — SANCHEZ. e43 amé active et graiwle, et mie connoissaiice profonde du cœur liuinairi j ce tableau de ses pensées, à (jui 8. ® Dissertation sur les beaux arts, leur utilité, leurs incon- véiiiens , leurs avantages, 1765. 9. “ Lettre adressée à l’Université de Moscow sur la méthode 'd’apprendre et d’enseigner la médecine. 10. ® Instruction pour le professeur qui enseignera la chirur- gie dans les deux hôpitaux de Saint-Pétersbourg. 11. ® Plan pour l’éducation d'un jeune seigneur. la.** Lettre sur les moyeus de faire entrer un cours de morale dans l'éducation publique. 13.0 Origine de la dénomination de cub^tibn xucibn et de chbb- TiEic NOUVEAU dans le royaume de Portugal , et de< causes de la continuation de ces dénominations, ainsi que de la persécuâon de.s Juifs, avec les moyens défaire cesser en peu de temps cette distinction entre les sujets d'un même état , ainsi que U persé- cution des J uifs : lé tout pour la propagation de la religion ca- th< lique et l’utilité de l’état. (Kn portugais.) , 14.“ Dissertations sur les moyens propres à conserver les con- quêtes et les colonies de Portugal. (En portugais.) 15.0 Plan sur la manière de nourrir et élever les enfans - trouvés dans l’iiopital de Moscow, 1764. 16. ® Traité sur le commerce de l’empire de Russie, 1770. 17. ® Moyens pour consercer le commerce déjà établi en Russie , et pour le faire fleurir à perpétuité, 1776. 18. ® Moyens pour lier et attacher de plus en plus les provinces conquises à l’empire de Russie, de la même manière que le fit Auguste par rapport aux provinces de son empire, 1766. 19.0 Traité sur le rapport que les sciences doivent avoir avec l’état civil et politique, appliqué à l’état présent de l’empire de Russie, 1765. 20. ® Réflexions sur l’économie politique des états, appliquées particulièrement à l’empire de Russie , 1767. 21. ® Réflexions sur l’état désavantageux des laboureurs de Russie , des esclaves des domaines et des seigneurs , lesquels souffrent les plus grandes charges de l’état, de manière qu’ils a44 ÉLOGES HISTORIQUES. M. Sanchez les reinettra-t-il? A l’homme qu’il estime le plus , à son meilleur ami. C’est à ce titre que diminuent tous les jours en nombre, et font languir J’agriculture et les arts de première nécessité, avec des moyens propres à pouvoir recruter les armées de terre et de mer , sans y employer les laboureurs , et à récompenser les soldats et les officiers qui ont servi pendant vingt ans. 22.® Projet pour l’établissement d’une école d’agriculture. a3.“ Traité sur les moyens propres à augmenter le commerce de la Russie. 24.“ Traité dans lequel on prouve que l’introduction d’une meil- leure administration de Injustice contribue à l’amélioration de la société. r «.i.® Dissertation dans laquelle on examine si la ville appelée par les Romains Pez-Augusta est celle de Beja en Portugal , ou telle 779. PHYSIOL. ET MED. — SANCHEZ. 247 que le sublimé corrosif étoit employé à grandes doses en Sibérie dans le traitement des maladies vénériennes, l’essaya (1) plusieurs années avant que van SvN'ieten eût publié ses réflexions- à ce sujet (2). 11 fit même une observation importante : il remarqua que ce re- mède réussissoit plus sûrement et ii’exposoit à aucune suite fàclieuse lorsqu’on soumettoit en meme temps les malades à l’action des bains des vapeurs, qui, ramollissant le tissu nerveux de la peau , rendent les eiléts du sublimé con-osif plus doux, eu meme temps que son énergie se déploie d’une manière plus com- plète et plus étendue. Les reclierclies de M. Sanchez sur l’origine du mal vénérien niontront encore combien il étoit éloigné d’adopter facilement les idées des autres, et combien il tenoit aux siennes. La découverte de l’Amérique par Colomb, et la première apparition de la maladie vénérienne en Europe , étant des événeinens très- remarquables-, dont les époques cbincident à peu près, (i) M. Sanrhez avoit fait des essais infructueux du remède antivénérien du docteur Barry, décrit volume IV, art. 4 êes Meilical essays, etc., comme Scroeber nous l’apprend dans ses Observa- tions, £t cogitât, de peste quee ann. i638, 1739, in Ukrania grassata est, propos. J'IJ,exper. 7. M. le docteur Alvarez, célèbre médecin portugais, et ami de M. Sancliez, nous a donné sur cette partie de l’histoire de ce métlecin les renseigùemens et les détails les plus exacts et les plus sûrs. (a) M. Sthelin, savant disKngué fixé à Pétersbonrg , et ami dfe M. Sanchez, nous a aussi communiqué des détails précieux sur la vie de cet illustre médecin. 248 ÉLOGES riISTOr.IQUES. il ne seroit point étonnant qu’on les eiit fait dépendre 1 un de 1 autre ^ quand meme il n’y auroit point eu de liaison entre eux. Telle étoit l’opinion adoptée par IM. Sanchez ^ et qu’il a soutenue contre l’avis du savant Astruc J et contre van Swieten, qui en avoit pris la defense. Nous nous contenterons d’exposer les auto- rités et les motifs sur lesquels M. Sanchez a établi des doutes que nul n’avoit élevés avant lui. Christophe Colomb a fait trois voyages en Amé- rique. On convient de part et d’autre que le premier de ces voyages ne donna lieu à aucun événement fâcheux 5 mais il n’en fut pas de même du second, commencé en septembre (i) 1498, et terminé en juin (2) 1496 (3). L’équipage de Colomb revint (4), si l’on en croit Oviedo , infecté du vice vénérien , et plusieurs Espagnols qui passèrent en Italie avec l’ar- mée que Cordova menoit au secours du roi de Naples le répandirent dans ce royaume, où il fut contracté par les Français (5). Tel est le récit d’Oviedo, qui (^i) Le a5. (a) Le 8. (3) 31. Astnic s’est trompé, suivant M. Sanchez, lorsqu’il «dit que le voyage de Colomb a fini en i494* E*' consultant les ori- ginaux on peut s’en assurer. (4) Il revenoit de l'Isle espagnole actuellement Saint-Domingue. (.')) A In rigueur il seroit possible que Pierre Marguerit ou An>- toinc Tores, qui partirent oint été apportée d’Amérique, mais qu’elle a commencé en Europe par une épidémie : Paris , 1750, in-8.“;et arec un nouveau tin'c, Didot, 1765. Cet ouvrage a été traduit en anglais par M. Castro, médecin de Londres. 2.® L’Examen historique sur l’appnrition tic la maladie véné- rienne en Europe, et sur la nature dt-î cette épidémie. Lisbonne, 1774, in-8.®. Ces deux dissertations ont été réunies en un volume in-8.® en 1777, Leydc. M. le professeur Gtmbius, qui a été I auteur de cette édition , y a ajouté une préface , dans laquelle ri parolt incliner pour l’opinion de son ami. PIIYSIOL. ET MÉD. — SANCflEZ. a5» voyage de Colonih , qui en a fait dans ses mémoires une mention expresse : d’où M. Sanchez se croit fondé à conclure que cette maladie, inennnue dans l’Amé- rique avant l’arrivée des Espagnols, loin d’y avoir pris naissance, y a été portée par eux. S’il en étoit ainsi, de combien ‘de maux les Européens auroient nlïligé les habitans du Nouveau -Monde 1 La petite- vérole, la rougeole, la rage, le mal vénérien, et, ce qui les surpasse tous, la soif de l’or et la servitude: tels sont les fléaux dont le grand intervalle des mers n’a pu les garantir. Osons espérer qu’une navigation plus heureuse leur portera enfin ces lumières que les sciences et les lettres -seules répandent, dont un rayon éclaire déjà le nord du nouveau continent, et qui ne peuvent apprendre A l’homme à se connoitre sans lui inspirer le plus grand éloignement pour tout ce qui peut le dégrader et l’avilir ! Ce que M. Sanchez a dit, dans le Dictionnaire encyclopédique , du mal vénérien , qu’il appelle chro- nique , est effrayiuit. Presque toutes les éruptions dar- treuses , les douleurs vagues , les engorgemens des glandes, le rachitis (i), ne lui paroissent être que les effets lents et funestes de ce vice affbibli ou dégé- néré : de sorte que, dans ime grande ville telle que Paris, nul ne pouvoit, selon lui, se flatter d’en être (i) Il regaréoît répaississement de la bile et plasieurs de ses maladies comme un effet le plus souvent produit par le vire vénérien. . 0 ît52 ÉLOGES HISTORIQUES. tout-à-fait exempt. C’étoit sous ce point de vue qu’il traitoit les maladies les plus rebelles aux remèdes ordi- naires; mais, dans ce cas, il ne confioit son secret à personne. Le mercure, caché lui-méme , modifié dans sa formule , opéroit sans être connu la guérison d’un mal également ignoré. Il évitoit ainsi , et les dif- ficultés que ne manquent jamais de faire ceux que le plus léger soupçon offense , et les objections de ces grands raisonneurs , qu’il est plus facile de guérir d’un mal, qu’il ne l’est de leur persuader qu’ils en sont atteints. La cour de Portugal, qui connoissoit l’attachement de M. Sanchez pour sa patrie, le consulta sur la ma- nière d’y faire fleurir les sciences, et sur toutes les pré- cautions relatives à la santé publique. Deux ouvrages écrits en langue portugaise ( i ) furent sa réponse. (i) Ces ouvrages, les plus étendus qu’il ait publiés, ont paru avec les litres suivans : 1. ° Tratailo da conservaçao da sande dos povos , etc., com liiim appendix considernçions sobre os terre motos, com a no- ticia dos mais considernndis deque fas mençao a bistoria, c duos ultimos que se sentirao na Europa desde o j de novembre 1755. In-4.”, 1756. 2. ® Metbodo para apprendor a esludar e medicina illustrado , coin os- aponiamentos para estabelecerre liuma Univercidade real na quai deviain ajiprender - se as scicncias liumanas «le qua né- cessita o estado civil è polilico, in-8.0 , 1768. Les Considérations sur les iremblcmcns de terre ont été tra- duites du Portugais en italien en 1788 par M. Marcello Sanchez, irérc de ruutciir. M. Sanchez avoit remarque que le séjour Je 1 PHYSIOL. ET MÉD. — SAYCHEZ. a53 Dans l’un , en exposant les moyens propres a con- server la santé des peuples, il a fait parler aux lois le langage de la saine physique*, dans l’autre, il a tracé le plaiiï d’une université royale oxi toutes les sciences nrtodex:ncs dévoient être enseignées. Il vouloit qu’un- hôpital annexé à cet établissement servît à l’instruction des élèves sous la conduite d’un profes- seur de médecine expérimentale. La chirurgie devoit être réunie ô ce corps, et il proposoit 1 institution d’une correspondance de médecine, A peu près sem- blable à celle que la Société royale est chargée d’en- ti’etenirj projet auquel nous dex’ons sans doute l’em- pressement avec lequel il applaudit A nos premiers efforts et le zèle qu’il mit A les seconder. M. Sanchez fut long-terapa réduit A une fortune très- médiocre. La conr de Hussie , dont il avoit si bien mérité, l’abandonna seize ans sans secours et sans recompense 5 triste eflét des résolutions et des trou- bles, qui ne laissant subsister que les droits de la force, détruisent jnsqu’A la trace du bienfait et de la reconnoissance. Il étoit réservé A l’impératrice actuel- lement régnante de réparer les torts de ses prédéces- seurs. Elle se souvint du médecin portugais qui l’avoit guérie, dans sa première jeunesse, d’une maladie très- gî’ave, et elle lui assigna une pension annuelle de raille roubles. Cette marque de souvenir combla de Lisbonne étoit devenu plus sain depuis l’époque du tremblement de terre de iî54 ÉLOGES HISTORIQUES. joie M. Sanchez, que de son inquiétude sur mon sort, et il m’a tou- 3> jours fourni les seçours les plus abondans. Sa géné- 3) roslté, ajoute-t-il, m’a poursuivi jusqu’.au fond de 33 la Sicile, et il a plusieurs fols trouvé le moyen de fl) Daim uni! lettre ilu aa novembre i78j> aJrcsicc à ÎVI. AnJry. PIIYSIOL. ET MÉD. — SANCHEZ. 257 » nie faire parvenir ses bienfaits dans des lieux d’où 5) je ne savois moi-même par cpielle voie je ponrrois 31 lui ofïrir les témoignages de ma reconnoissance. 3> Celui cpii a fait une fois le bien -de cette mariièrt» a dû le pratiquer pendant toute sa vie. On ne reçoit que pour donner, dlsoit-il. Ce fut sans doute pour conserver à la postérité le souvenir de ses rares vertus, long- temps admirées à la cour de Russie, que les armes de JVI. Sanchez furent décorées , par les ordres de l’impératrice, de cette légende si honorable pour sa menione et si jiropre à. peindre un homme qui s est toujours oublié lui-même pour ne s’occuper que du bonheur des autres : Mon sibi, sed loti genitum se credere mundo, La place d’associé étranger , vacante par la mort de M. Sanchez, est maintenant remplie jiai Al. Black, professeur de chimie à Kdnubour*^. O T. à. 17 ÉLOGES HISTOIIIQUES. fc58 SERRAO. Erakçois Serrao ) premiei- médecin du roi de Naples ^ premier professeur de médecine pratique , doyen de la Eaculté, et ancien secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences de la même ville , associé étranger de la Société royalede médecine, naquit en octobre (i) 1702 , à Saint-Cyprien , village de la Campanie (2) dans le royaume de Naples , de Paul Serrao et d’Hlppolyte Furnia (3). Plusieurs éloges de M. Serrao ont été prononcés à Naples , et sa patrie a été juste à son égard. M. Fasano , Pun de ses confrères , a scrupuleusement recueilli tous les événemensde sa vie dans un ouvrage latin (4) , dont le style est élégant et pur , mais dont nous blâmerions l’étendue s’il n’avoit pas été dicté par l’amitié (5). (1) XI KXL. . (2) A quatre milles d’Aversa et à douze milles de Naples. (3) De la ville d’Aversa. (4) De i>ita , muniis et scnptis Francisci Serrai, philosophiet me- dici neapolitani darissirni, Comrnentarius , Ncapol. , 1784 •• îy/'"* uraphia simoniana publicû auciontatc. Précédé du portrait de M. Serrao, dont l’ép.graplie eto.t: Vivere est hertà agere. L’auteur, en parlant de M. Serrao. rend compte de scs PHYSIOL. ET MED. ^ SËRtlAO. s5t) Ce recueil rie JM. Fasaiio nous a fbimii Jps riJsuItats iiitéressans ; il montre JVI4 Serrao respectueux et tendre envers ses païens , fidèle observateur des devoirs que la reconnoissance impose , humain et généreux , rjua* lites sans lesquelles il n’est point de vertu. Il oublia tout pour sa mère qui mourut entre ses bras ; il eut deux amis qui n’étoient pas riclios et qui ne firent riert pour le devenir, parce qu’il l’étoit assez pour eux et pour lui ; il conserva dans l’opulence un grand res- pect pour la famille nombreuse des indigens , dont il avoit lui-inème fait partie ; il se jugea toujours bien, parce qu’il cOnipaia toujours ses premiers efforts avec fies derniers succès. 11 passa du ht des pauvres à celui des grands, et du lit des grands à celui des rois ; c est- à-dire qu’ilconnut tous les genres de misère : mais il se souviiit 4q4’il avoit puisé son instruction chez les pauvres , et qu’il leur devoit cette expérience qui parmi nous, constitue le véritable savoir. A Naples ^ tout le monde coiinoissoit M. Serrao ; il étoit sur-tout Hdole de cette multitude oisive et indisciplinée què l’on y voit répandue sur les ports et dans les places et que l’on croiroit tout-à-fait avilie , si elle ne censen’oit «cnons les plus indifférentes. C’est «ne erreur de croire honorer la mémoire des grands hommes en publiant de longs commentaires Sur leur ne et sur leurs ouvrages. L’histoire ainsi présentée seroit de tous es monumens, le plus périssable. Ne pourroit-on pal dire quil en est de tous les écrits que l’on destine à la postérité comme de ceux que l’on envoie à de grandes distances? S’ils sont trpp volumineux, on doit craindre qu’ils n’arrivent pas à leur •dresséj ^ “ 2ÔO ÉLOGES HISTORIQUES. un sentiment profond de sa liberté. Plus d’une fois ces hommes qu’il avoit secourus l’environnèrent à son passage , et le forcèrent de s’entendre bénir par eux. Félicitons-nous d’avoir à louer l’esprit et les travaux d’un savant qui fut un bon citoyen , et dont la perte a fait couler les larmes du peuple en même temps qu’elle a excité les regrets de l’Académie. M. Serrao se fit remarquer de bonne heure par une s’écria le jeune homme en se précipitant vers lui, je n suis heureux par toi : eu me plaçant à la source des lumières , tu me dévoiles le passé , je te réponds de 33 l’avenir. » Qui n’a pas éprouvé dans sa jeunesse le sentiment d’admiration et de respect qu’inspire la vue d’une grande collection de livres ? mais à ce premier mou- vement succède une réflexion affligeante pour celui qui doit en faire usage. Là se trouvent en effet mêlés et confondus , comme sur toutes les parties du globe , 264 ■ ÉLOGES HISTORIQUES. le bien et le mal , Terreur et la vérité. Les bibliollièqiies sont (les temples consacres au genie des lettres ^ où ^ comme dans tant d'autres ^ le fanatisme et la supers- tition corrompent le culte que Ton y rend à la divinité. Le docteur Cyrillo servit de guide à son élève ^ cpii ne tarda pas a faire des progrès rapides dans Tétude et dans Tcnseigneinent de la médecine. ' En 11722, et en 1727 il parut avec éclat dans les concours de la Fitculté de médecine de Naples, et il y occupa successivement la première cliaire de physio- logie (i) , la seconde (2) , et enfin la premièe chaire de médecine pratique (S). M. Serrao composa en 1782 , à la sollicitation de Tarchevêque de Thessalonique , un discours d’inaugu- ration pour l’ouverture des écoles , dans lequel , au lieu de suivre l’usage ordinaire , il imita d’une ma- nière ingénieuse et piquante Toraison de Cicéron , Fost reditum^ ad Quintes. Mais cette nouveauté diîplutj on y trouva des propositions hardies , et 011 l’empêcha de prononcer ce discours 5 il le ht imprimer , et le public le vengea de ses censeurs. Cet acte de courage dans un pays où il n’est guère permis d’en avoir lut la sauvegarde de toute sa vie. Ce n’est pas seulement pour lui-nu'me qu’un medecm a ^besoin de celte vimiciir de Taine qui constitue le carac- (i) En 17a- il (licroit. et il cxpliqiioil à ses élèves des Institut* U‘ês-<‘sliinés do pliysiolcyie et de llicrapcuiicjue. fa) Eu lytl. PHYSIOL. ET MÉD. — SERRAO. a65 tère 5 C'est aussi pour ceux qu’il traite et auxquels il faut souvent qu’il sache la communiquer. Peu Je temps après, M. Serrao composa un second discours , pour lequel il obtint l’approbation des censeurs, et, lorsqu’il fut pro- nonce , il leur fit voir qu’il contenoit les memes prin- cipes que le premier , et qu’il ne méritoit pas plus d’indulgence. Depuis cette époque on craignit de se compromettre en l’attaquant, et il conserva sa liberté , ]>arce qu’il avoit eu , ce qui est assez rare , la hardiesse de la défendre. : Les connoissances de M. Serrao dans la critique et dans l’histoire avoicnt inspiré tant de conhaiice aux gens de letties , que la plupart le consultoient sur leurs recherches. C est ce que fit le célèbre Mazocclù lors- qu’il publia sa fameuse Dissertation sur la hache , consideiee comme symbole dans les monuniens anti- ([ues (i). M. Serrao lui écrivit à ce sujet une lettre 1 emplie d observations curieuses et de remarques origi- nales, que IMazoccln fit paroitre avec sou ouvrage. M. Serrao n’oublia point ce trait , qu’il appeloit de la générosité , quoique ce ne fût que de la justice. Après la mo.it de Mazocchi, il rassembla tout ce qui pou volt honorer sa mémoire ; il recueillit un grand nombre de circonstances jusqu’alors peu comnies de ses tra- vaux ; il publia les recherches de ce savant sur les ins- criptions des anciens temples de la Campanie, et il dédia cet ouvrage au marquis de Poleni , qui réunls- solt le goût des antiquités à celui des mathématiques. ^ (0 -De dedicatione sub ascia. 1748. a66 ÉLOGES HISTORIQUES. Cependant il se préparoit une révolution utile aux progrès des sciences et des lettres. L’archevêque do Tliessaloni([ue jetoit à Naples les fondemcns d’una académie dont M. Cyrlllo devoitêtre nommé président, et dans laquelle M. Serrao devoit exercer les fonctions de secrétaire. On remarque dans les Mémoires de cette académie , dont il a été le rédacteur , des observations sur l’aberra- tion des étoiles fixes , et sur l’explication que Bradley a donnée des phenomenes celestes j des recherches sur le mouvement en général et sur la manière dontLeibnitz en estimoit la quantité. On y trouve l’analyse d’un grand nombre d’eanx muierales chargées de foie de soufre et de bitume , dont abonde le royaume de Naples , soutenu tout entier sur des volcans. Depuis sept années le Vésuve briiloit d’un feu tran- quille lorsqu’on 1787 une éruption des plus violentes, produisit des phénomènes inattendus. Le roi Charles, jiour qui ce spectacle étolt nouveau , chargea son Aca- démie des sciences d’en publier l’histoire , et M. Serrao. fut choisi pour rédiger en un corps d’ouvrage les faits que l’on poiirroit recueillir. Ce traité , écrit eu italien , a été regardé long-temps comme le plus exact qui eut paru sur cette matière. M. Serrao avolt pris pour modèle la description d’un des incendies do l’ALthiia par Borrelli. Après avoir jeté un coup d’œil général sur les divcre produits des volcans , sur les effets de leurs secousses „ bur leurs rapjiortsavec l’émigration de cerlauis peuples , et sur le.s mouiuneiis qu’ils transmettent à l’iiisloii-c ,, V PIIYSIOL. ET MÉD. — SERRA O. 267 il considère les principales variétés, et les circonstances les plus frappantes de leurs éruptions. Il remarque que Pline n’a point parlé de ces fleuves de matières embrasées qui coulent quelquefois des flancs de la montagne , et dont , jusqucs au temps de Cassiodore , nul auteur n’a fait mention. En i63i , une calamité nouvelle alors se joignit à celles dont jusqu’à cette époque le Vésuve avoit été le foyer. La terre s’ébranla an loin : on entendit des mugissemens profonds qui se répétoient par intervalles. Ee cratère vomit des flots d’étincelles et de fumée ; l’air s’obscurcit, fut sillonné d’éclairs j les éclats de la foudre se mêlèrent an bruit du volcan et au sifflement des corps qui s’élançoient de ses abîmes. Tout-à-coup l’at- mosphère entière sembla se fondre en eau j des torrens coulèrent de toutes parts , et la campagne fut ravagée. Ses malheureux colons , frappés d’une frayeur mor- telle, crurent que les eaux de la mer, pompées et répandues par le volcan , produiroient un déluge dans lequel ils périroient tous. Cette terreur s’étant renou- velée plusieurs fois dans ce siècle , M. Serrao fit voir que la mer n’avoit aucune part à ces inondations , et que des pluies abondantes , versées sur un sol bitumi- neux , étpient la seule cause de ces désordres. L’éruption de 1707 produisit d’autres effets. Des jilcrres calcinées , des roches brisées et noircies furent rejetées avec fracas par le volcan ^ des nuages épais de poussière et de cendre en sortirent 5 le soleil eu fiit voilé , la terre en fut couverte. Tantôt onctueuse, ^titot seclic et friable, cette pluip d’un nouveau genre 268 ÉLOGES HISTORIQUES. incrusta les arbres et les fruits, écrasa les plantes, suf- foqua les animaux , combla les vallées , changea le lit des rivières 5 poussée par des vents impétueux, elle porta l’étonnement et l’effroi jusque dans l’Egypte , et les hahitans de la Campanie se virent sur le point d’être ensevelis vivans sous ces ruines de la nature. Mais le volcan s’appaisa , le ciel reprit sa clarté ; de - fortes rosées mêlèrent la cendre avec la glèbe ; des sels utiles en furent extraits ; et le cultivateur , toujours content lorsque son champ est fertile , oublia ses clia-- grins et reprit sa gaieté parmi les travaux d’une récolte abondante. En 1707, la montagne s’échauffa successivement de proche en proche : elle s’embrasa enfin toute entière , et sa masse énorme , étincelant de toutes parts , offrit à la cour de Naples et à la multitude assemblée le spectacle pyrrhique le plus imposant que l’œil eût jamais aperçu. A ces détails est jointe une table exacte du poids et de la chaleur de l’air , de l’état des vents , des mé- téores aqueux, et des divers autres phénomènes atmos- phériques qui ont accompagné l’éruption de 17^7* y trouve des recherches curieuses sur les mofettes , sur les laves , sur leurs différences , sur leur boursoufle- ment et leur cristallisation , sur leur décomposition et leur mélange , sur leur durete et sur leur pesanteur, comparées à celles des laves delà Sicile. Enfin M. Serran a décrit l’état du Vésuve avant et apres cet incendie , . (4) Pro Nicolao Cyrillo Vindici» adversiiü Lipsiensiuin rcsi>on- KÎoucm ad viriiin amplissiinnm Antoiiium I.eprottiim , iniiniuni cii- Wriilnriiim atqiic archiatrum pontiliciuin. Kicolai Cyrilli Consilia incdica, 3 vol. 111-4.". PIIYSTOL. ET MÉD. — SEERAO. 279 cette eiîtieprise. Enfin, après avoir réduit au silence les ennemis de son maître (1) , M. Serrao lui éleva un monument digne de tous les deux , en publiant sa vie. H regardolt ces sortes d’écrits comme devant être très- utiles A l’instructioji de la jeunesse et servir d’intro- duction A l’étude de l’histoire. Combien en effet doivent déplaire A ceux qui en re- çoivent les premières leçons , ces abrégés stériles où les hommes sont peints sans caractère et les révolutlone sans énergie J qui n’inspirent aucun intérêt , parce que les acteurs, qu’on ne volt qu’un moment, disparolssent sans être connus , et presque toujours sans qu’on s’en souvienne 5 qui n’excitent pas même la curiosité, l’es- prit ne pouvant se plaire A la vue d’une multitude d’évé- nemens qui le fatiguent? Représentez: plutôt A l’enfant la succession des siècles sous l’emblème d’un tableau divisé en grandes époques ; faites naître en lui le désir de connoître les grandes cités et les nations qui ne sont plus ; animez alors votre récit , en lui parlant des législateurs , des philosophes et des héros qui les ont illustrées : il n’y a rien de grand dans les fastes du monde qui ne leur ait appartenu , et que votre élève ne puisse trouver dans leur histoire ; celle d’un peuple est trop abstraite pour sa pensée; la vie d’im grand homme a quelque chose de merveilleux qui fixera son atten- tion ; il le verra se mouvoir , pour ainsi dire , en sa (1) Post ejiis fatum et mihi tuenda ejus viri jura, quasi om- Mis, eo sublato, in me suaima negotiorum ejus reciderit. (Epist. Scruaï ad Leprottum. ) zBo ÉLOGES HISTORIQUES. présence 5 son ame ardente s’attachera toute entière à sa fortune. En vous servant ainsi de l’imagination pour imprimer des traces profondes dans la mémoire, la curiosité de votre élève croîtra en même temps que ses connoissances tleviendront plus étendues j en l’exer- çant vous aurez rendu sa tête active ; les abrégés d’his- toire*, qui 1 auroient rebuté d’abord , lui deviendront necessaires pour classer les. faits nombreux qu’il aura recueillis, et le sentiment de sa force , ainsi ménagé , le .préparera a de nouvelles entreprises en lui promet- tant de nouveaux succès. Parmi les ouvrages publiés par M. Serrao sur la mé- decine , on compte une traduction en italien du Traité de Pringle (1) sur les maladies des armées, des recher- ches sur la manière de rappeler à la vie les personnes noyees(2,), et une lettre latine , écrite en lySa au doc- teur Bruno, médecin mallois, sur la phthisie pulmo- naire , très-rcdoiitée dans les pays chauds. Le but de cette lettre étoit de faire coimoître les abus qui résul- toient de la loi par laquelle on devoit brûler tous les meubles , linges et hardes qui pouvoient être impré- gnés de miasmes contagieux , et d’indiquer des procé- dés que l’on j)ût substituer à des ordres dont l’exécution étoit ruineuse pour les familles. Le roi adopta les mo- (i) Le célèbre Mcizocclii a porté sur la traduction italienne des Observations de Pringle par M. Serrao, le jugement suivant: « Qnod ita factum n viro dissertissiino fuit, nt id opiis non ex t} aliéna lingua transmissuni , sed plané genuinuin , et mine priniîUn U in Italia fclicissimo in solo prognatum credas. » (a) En 1767. PHYSIOL. ET MED. — SERRAO. 281 dlfîcatloiis proposées par M. Serrao , et il abolit une coutume barbare sans cloute , puisqu’elle ajoutoit aux Jiorreurs de la mort celle de l’exaction et du pillage ^ et bien inutile en même temps , puisque la défiance des uns et la cupidité des autres laissoient presque toujours subsister le foyer de la contagion. Ou sait que Chirac et Chycoitieau s’étoient réunis pour soutenir un grand paradoxe en médecine. Sui- vant eux J la peste de Alarseille ne se cornmunicpioit point par le contact ^ et n’eloit point contagieuse, l'iciud et Mead s’élevèrent contre cette assertion ^ et M.. Scirao adressa (1) , sur le même sujet y une savante lettre au docteur Leprotti, premier médecin du pape, dans laquelle il ne lui fut pas difficile de prouver que Chirac et Chycoiiieau s’étoient tromjiés. Mais si cette erreur a été commise par deux médecins de l’École fiançaise , ce sont aussi des médecins de cette école qui 1 ont combattue avec le plus de force et de succès. Qu’on lise les ouvrages d’Astruc et de Deidier , et l’on verra que les étrangers n’ont rien écrit d’aussi con- vaincant, et qu’ils n’ont aucun reproche à nous faire à cet égard. En 1744 , M. Serrao publia ses réflexions sur l’épi- zootie cruelle qui ravageoit alors toute l’Europe , et qui étoit de la même nature que celle dont Lancisi et Ramazzini avoient écrit l’histoire un demi-siècle aupa- ravant. * (1) En 1744. 282 ÉLOGES HISTORIQUES. On doit encore a IVI.Serrao la description du catarrlie épidémique des années 174^ renouve- lant en 1772 5 se répandit en Europe du nord au le- vant J et se manifesta meme en Amérique. IVI. Serrao croyoit s’être assuré par un grand nombre de faits que ce rhume étoit contagieux 5 opinion qui fut alors an- noncée et débattue dans les journaux anglais. On voit par ces détails qu’il ne s’est passé pendant une longue suite d’années aucun événement remar- quable en médecine, qui n’ait été le sujet de ses médi- tations et de ses écrits. Veut-on avoir une preuve authentique et irrévocable de la grande confiance dont il jouissoit en Europe? on la trouvera dans la lettre que la Faculté de médecine de Paris lui écrivit en 1748 pour lui demander des renseignemens sur l’état delà médecine dans le royaume de Naples. L’opinion de cette illustre Faculté est d’un si grand poids , et son suffrage est si flatteur , que je n’ai pas dû manquer d’en faii’e mention ici. En 1768 M. Serrao fut nommé premier médecin de la reine de Naples , et il reçut du célèbre vnn Swicten , alors ])remier médecin de la cour impériale à Vienne , une lettre très-détaillée sur la santé tle cette princesse 5 peu de temps après, le roi le choisit pour son premier médecin, et il a joui long-temps de toute la confiance de leurs majestés. Parmi les marques de son dévouement il leur per- sonne , on doit sur-tout compter la dernière circons- tance de sa vie. La reine étoit dangereusement malade PIIYSÏOL. ET MÉD. «- SERRAO. a83 d’une suite de couche; M. Serrao(i) s’étant levé pendant la nuit pour aller son secours , oublia de se couvrir de son manteau : le froid le saisit, et il mourut, {juel- qnes jours après (2), Agé de quatre-vingt-un ans, des suites d’une péripneumonie dont ce refroidissement avoit été la cause. Ce sçicrl^ce au moins ne fut pas inutile ; il apprit que la reine , en suivant ses conseils , avoit été rtappelée à la vie , qu’alors il quitta, sans regret. M. Fasano, qui l’avoit accompagné long-temps près des malades , nous a transmis les principes généraux d après lesquels ce médecin célèbre ^3) se conduisuit dans sa pratique (4). (1) Il lut long-temps tourmenté par une maladie de gosier, que M. Fasano décrit comme il suit : Respirabat quidem liberriinè in quohbet corporis situ et æque in vigilia ac sonino ; léquebatur «>riam expeditè ; esculenta degliitiebat, potulenta verô perdiffi- ciilter ; sic ut, si ati'atim celeriterque biberet, suflocaretur. ;De vita Serrai, p. 124. ) (2) En 1738, il s’ctoit marié vers TAge de 5o ans, et il aroit eu de ce mariage une fille appelée Hippolyta. (3) Trois qualités sont nécessaires nu médecin, disoit M. Serrao piima est scientia , secundo facundia , tertio comitas. (4) En 1764 il dirigea le traitement d’un grand nombre de ma- lades attaqués d’une fièvre putride épidémique, compliquée de pros-, iration de forces et de mouvemens convulsifs: au lieu de les entasser dansdes hôpitaux, il les fit placer sous des bangards construits en plein air. Les acides, l’eau froide, même à la glace, et le mu.sc, furent le moyen qu’il opposa heureusement aux progrès du mal. M. Ser- rao ndnicttoit trois causes des maladies nouvelles. Univcrsim novos •norbos ab una ex tribus causis proficisci statuebat : nimirùm ex 284 ÉLOGES HISTORIQUES. Au sujet du quinquina , M. Serrao avoit coutume de dire , ce qui seroit vrai, même ici , qu’il meurt plus de personnes , faute d’en avoir pris , que pour en avoir trop usé. Avare d’opium , il prodiguoit les cautères et les vé- sicatoires, très-utiles dans un climat où les affections cutanées (i) sont très-répandues. Les maladies de nerfs y sont aussi très-fréquentes. Il lesultoit, disoit-il , de ses observations, que les sys- tèmes nerveux et irritable étoient toujours dans un état réciproque de mouvement et d’inaction : hypothèse ingénieuse qui explique d’une manière simple les effets de l’exercice et du repos. Trois considérations étoient la base de son pronos- tic ^ l’état du visage , celui de la respiration et celui des forces (2). 11 fut long-temps le partisan zélé de l’inoculation j immulnta qualiiaîe victfls , ex totius vitao ralione mutata, ex com- mercio et coinmistionc contagioneque dissiinüiuin ilissitarumque na- tiomim. (De rira Serrai’, p. i4<;. ) (i) Salsedo^ salsitudo de Pline. (a) En gi'ndral il redouloit IVmciique et la saignée : on se souviemira qn’il praliquoit à Naples. 11 fnisoit un cas infini des écrits d’Hippocrate. Tantôt autem Hippocralis studio ducebattir, ut Galenum non aliit causà pluris (’aceret , qnùni quéd Hippoerntis doctrinæ assertor et vindex i'iiisset. Tniprnséque laiidabat noërrhaviiini , quùd is ora* tlonrm Df. commfndando studio iii ppock atico publicè babiiisset patrio lycoo. Ili])|)orraiis lectionrm eis verbis aiidiloribus com- nicndabnt qiiibiis cloqiienliœ stmliosis Ciccronis leclionem Quincli- lianus. ( Fasano, De rita Serrai’, p. i5j.) PHYSIOL. ET MÉD. — SERRAO. 285 mais ayant perdu l’aîné de ses petits-fils de la petite- vérole artificielle , il changea d’avis. 11 n’ignoroit pas cependant qu’il étoit possible d’en mourir 5 mais celte objection , à laquelle il avoit ré- pondu tant de lois , lui parut sans répli(|ue lorsque le sentiment eut trouble sa^pensée y et qu'il vit dans son calcul un fils à la place d’un citoyen. On a trouvé dans ses j)aplers , après sa mort, dus vers latins et italiens (1) adressés, les mis, à Mazoc- clii qui lui avoit dédié son poëme latin sur la pierre infernale (2) , les autres au feu docteur Vaxallo , son aini le plus tendre ^ auquel il eut le iiiallieur de sur- vivre. Ils s’étoieiit promis de réunir leurs cendres dans le meme tombeau ; Al. Serrao s’empressa de remplir ce vœu de son cœur, en faisant élever dans l’église de Saiiite.Mane-les-\ierges un monument où le corps de son ami fut déposé et où il se ménagea pour lui- même un dernier asile. Le sacrifice est maintenant accompli , et la mort , qui d’ordinaire rompt tous les liens , les a réunis pour toujours. (1) Extant ejus liUina et etrusca, tum séria, lum lepula, carmina perpulchra , paiiim édita, partini inedita ; et séria optimis sententiis leferta; et ludicra, quamvis leporis plena , nihil ta.uen quodiii mores vel ininimùin peccet , rcdolentia. Extant quoqiie orationes, cpistolæ, et carmina laliua, qiim , vel alieno nomine Tul__ata, vel ab aliis recitata fiicrunt ; quæ nimirùm rogantibus litterariæ gloriae cwpi- dis, sed iileieratis amicis scripsir , quæqus postmodùin ipsius fuisse (qiiamquàin ipse cum nemine commuiûcasset) Stylus declara- rit- (Fasano, De vita Serrai', p. iS.p ) (2) Lapis ikferkalis, ad Franciscura Serraum, Eleeo-enos nar Waaocebi. ® ‘ a86 ÉLOGES HISTORIQUES. M. Scrrao a joui, jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans, de sa sensibilité et de sa raison. On le citoit encore dans sa vieillesse comme un modèle de tolérance et de cou- rage. Témoin éclairé des progrès des sciences, il suivit toujours. le mouvement de son siècle , et la chaîne des vérités physiques ne se rompit à ses yeux qu’au mo- ment où ils se fermèrent à la lumière. Il ne calomnia point les dernières années de sa vie , et il se félicita d’avoir assez vécu pour voir les hommes plus instruits qu’ils ne l’étoient auparavant. Ces qualités aimables le rendoient cher à tous. Qu’est- ce en effet qu’un médecin célèbre qui se repose après soixante ans de travaux ? C’est un vieil ami de ses con- citoyens. Sa bienfaisance s’est étendue à plusieurs gé- nérations 5 il a vu de près leurs maux et leurs faiblesses 5 le masque de l’hypocrisie , le voile même de la pudeur sont tombés en sa présence. Le vice et la A’^ertu se sont montrés nus à ses regards , et cette parfaite connois- sance du cœur humain , ces leçons , ces secrets , ce.s exemples , concentrés dans son ame , seront ensevelis avec lui dans la tombe , où l’attendent les regrets de sou siècle et l’estime de la postérité. Tel a été M. Serrao ; la voix de la reconnoissanco publique a retenti jusqu’à nous, et nous a dicté cet éloge. On dira de lui : Comme citoyen, c’est en conso- lant , c’est eu soulageant les m.albeureux qu’il a bien mérité de sa patrie ; comme philosophe , c’est en dé- truisant dos eiueurs qu’il a servi la vérité. MEDECINS ET PHYSIOLOGISTES. 287 STOLL. IVT AXiMinEN Stoll, JocteuF CH niéJeciiie et pro- fesseur ordinaire de niédecme pratique à Vienne en Autriche J correspondant de la Société royale, naquit en 1742 } le la octobre , à Erzingen , village de la seigneurie de .Kettgau en Souabe , de Pierre Stoll , maître en chirurgie. L école de médecine de Vienne tient un des premiers laiigs parmi celles de l’Europe savante , et c’est à la protection éclairée de l’impératrice Marie- Thérèse , qu elle doit tout son lustre. Le premier service que cette auguste princesse lui a rendu a été de lui donner pour président le disciple chéri de Boërrhaave , van Svvieten, qu’elle avoit appelé à sa cour, où il est mort comblé de ses bienfaits. Bientôt Storck , de Haën , Meitens, Quarln et Stoll , se firent connoître par leurs ouvrages ; et taudis que la chirurgie languissoit à Vienne , la médecine y faisoit des progrès rapides , qui occuperont une place distinguée dans l’histoire lit- téraire du siècle où nous vivons. M. Stoll commença par exercer à Erzingen , sous les yeux de son père , les fonctions d’élève en chi- rurgie. On remarque dans ceux qui se livrent à l’élude de.s arts deux sortes de dispositions, qui , réunies , portent 283 ÉLOGES HISTORIQUES. le talent à son comble. L’iine consiste clans une flexi- bilité d’organes qui rend toute imitation facile; l’autre ' dépend d une force de tète qui perfectionne et qui in- vente. La première de ces qualités manquoit à M. Stoll; mais son ardeur pour le travail étoit extrême , et il trouva dans le collège des Jésuites de Rotweil , où il passa une partie de sa jeunesse y de fréquentes occasions de faire pressentir ce qu’il deviendroit un jour. Avec de grands taleiis , sans fortune, comment au- roit-il échappé aux adroites insinuations de ses maîtres? n entra dans leur Société en iy6i. 11 acheva ses études à Ingolstadt , et bientôt après il fut nommé pi’ofésseur des humanités dans l’université de Hall en Tyrol. Les Jésuites avoient établi dans leurs collèges que les professeurs enseigneroient successivement dans toutes les classes : ce cpii jolguolt à l’avantage d^éloigner la médiocrité celui de former de savaiis littérateurs. C’étoit une manière de recommencer ses études et de s’affermir dans la connoissancc des bons modèles. M. Stoll se fit remarc|uer dans cette carrière en em- ployant une méthodenouvelle pourenseigner les langues grecque et latine; mais cette innovation, quoicjue bien reçue du public , et peut-être parce qu’elle en avoit été trop bien accueillie , déplut aux supérieurs de M. Stoll , qui le punirent de èes succès en le reléguant à Eiclistad, ville dont le collège avoit beaucoup moins de célébrité que celui de Hall , d’où il eut ordre de sortir. M. Stoll avoit formé le projet d’écrire tm traite da l’éducation pnblitpie : j’oserai hasarder ici quelques ré- flexions analogues aux vues de ce savant , dont un d« PMYSIOL. ET MÉD. — STOIL. 289 ses disciples, qui m’eu a lait part, a gardé le souvenir. Ou dit que les eiilaiis passent trop de temps dans les collèges ; mais ce temps ne seroit pas trop long , si renseignement des sciences exactes y ëtoit joint à celui des lettres. Pent-etre faudruit-il , comme un de nos philosophes l’a conseillé, se contenter, pendant lu cours des premières années , d’exercer la mémoire , en laissant mûrir la raison ; car ce sont des idées, et non des préceptes, qu’il importe aux enlansde recueillir. Peut-être l'audrolt-11 commencer par ne fixer leur atten- tion que sur les temps les plus simples des verbes, et ■se borner long -temps à les faire traduire, sans lejjr proposer aucune composition dans une langue dont les tours ne leur sont point assez coimus| peut-être que les ]>rocédes de certains arts et quelques expériences de physique , dénués d abord de tout raisonnement , se- roient pour eux un spectacle attrayant et un amuse- ment utile, A leurs questions nombreuses , ou neféroit que de courtes réponses 5 leur curiosité seroit ainsi plutôt excitee que satisfaite 5 et le temps étant enfin arrivé , toutes leurs idées , toutes leurs observations «eroient liées par une théorie simple et facile. Les prin- cipes de la grammaire générale , appuyés par des exemples, leur dévoilerolent le mécanisme du discours ; on leur donneroit alors pour composer , la traduction des ouvrages les plus purement écrits , et la lecture des originaux leur montreroit en quoi la convenance et le goût auroient été respectés ou blessés par eux; on les engageroit, dans de certains joiirs ou à de certaines heures , à ne parler que la langue qui seroit l’objet de T. 3. ' ^9 apo ÉLOGES HISTORIQUES. leur étude : les élémens des sciences physiques f'eroient disparoître le merveilleux des phénomènes dont ils auroient d’ahord été frappés | le calcul et la géométrie, appliqués à propos , leur offriroient la solution des plus piquans problèmes ; les chaînes des montagnes , les ri- vages des mers , les sillons que décrivent les fleuves , leur traceroient les limites naturelles des empires j la destinée des grands peuples leurmarqueroit des époques dans la durée des siècles; dans les substances des trois règnes , avec les couleurs les plus riches , ils Irouve- roient les formes les plus variées et les plus belles. Parmi tant d’objets agréables, les délassemens des arts seroient pour eux de nouveaux encouragcmens au tra- vail. Le crayon , le pinceau , la plume , les armes , maniés successivement , les niouvemens de la danse excités et mesurés par les sons de la musique , la course, la lutte elles-mêmes , tant d’exercices et de jeux mêlés à l’étude , ne laisseroient dans une éducation bien soignée aucuns instans qui ne fussent voues à l’instruc- tion et au plaisir. C’est l’ennui sur-tout qu’il faut bannir des lieux habités par la jeunesse ; il flétrit , il dessèche les premiers germes de l’esprit : jirès de ces êtres , dont l’anie active tend à s’épanouir sans cesse , on ne doit rien admettre ejui la resserre ou qui la glace ; car c’est au sein du mouvement que l’homme croît et se dévelopjie , comme c’est dans l’inaction qu il perd le bien le plus réel , la force, sans laipielle il n est pour lui ni bonlieur ni liberté. M. Stoll quitta , en 1767 , l’ordre dans lequel il étoit entré, fl y fut déterminé pur un entretien qu’il eul PHYSIOL. ET MÉD, - STOLL. 291 avec un jésuite de ses amis qui, étant à l’article de la nioit, lui révéla, sur la constitution de cette Société , diverses circonstances secrètes, par lesquelles il se crut obligé de n’y pas rester attaché plus long-temps. Après avoir suivi pendant une année, à Strasbourg, les leçons de la Faculté de médecine, la réputation du célèbre deHaën l’attira à Vienne où il fut reçu docteur en 177a. Le gouvernement l’envoya aussitôt en Hon- grie où des maladies épidémiques faisoient de grands ï'avages. C’est dans les pays malsains , tels que cer- taines provinces de la Hongrie , où le règne des épi- démies est très-marqué ; c’est lù que l’influence de la température se montre par des effets très-sensibles , et que toutes les fièvres portent évidemment l’empreinte de la maladie dominante de la saison. Environné de ces tristes objets de son étude , il lut les œuvres de Sydenham , et il reconnut dans la nature les grands traits des tableaux tracés par ce médecin illustre ; il hit ensuite les autres traités écrits sur le même sujet ; mais il revint toujours ù celui de Syden- ham qu’il regardoit comme le premier des observateurs modernes , et qu’il se proposa toujours pour modèle dans ses travaux. .Ce sont sur-tout les fièvres intermittentes et rémit- tentes de mauvais caractère qui affligent les diverses contrées de la Hongrie. M. Stoll apprit à leurs habitans à faire usage du quinquina pour se guérir , et quel- quefois aussi pour se préserver ; mais il ne pouvoit Tivre au milieu dW sans courir les mêmes dangers , 292 ÉLOGES HISTORIQUES. et il acfjuit une partie de son savoir aux dépens de sa santé. Ce seroit une assez bonne manière de choisir un mé- decin fpie de prefeier celui ipn aiiroit éprouvé la rnala- die dont on seroit atteint. On ne pourroit douter au moins cj^u il 11 eut médité long-temps sur les moyens de la traiter. M. Stoll avoit si profondément étudié les épidémies , dont le climat de Hongrie est le foyer , qu’il en prévoyoit le retour par l’état du ciel , et qu’il en recunnoissoit l’existence par des symptômes pré- curseurs que l’on ii’avoit point observés avant lui, et qu’il auroit sans doute ignorés , comme les autres, s’il ne les eht pas remarqués sur lui-même. Epuisé par les attaques réitérées de ces maux cruels , il fut obligé de quitter un pays où il s’étolt rendu si utile , niais qui lui étoit devenu si contraire. Il vint ù Vienne où , après quelques mois de repos, M. Storck qui connoissoit son mérite le chargea de suppléer M. de Haëen, alors malade, dans les fonctions de sa chaire de médecine clinique , dont M. Stoll est devenu le titulaire , et où il s’est acquis tant de gloire. Ne négligeons point de fixer l’attention publique sur un genre d’établissement des plus iinportans , et qui manque à la France. Dans une école clinique , le pro- fesseur enseigne la médecine jirès des malades ; il ap- prend aux élèves qui l’entourent à reconnoître l’espèce d’affection qui se présente , et à prévoir les crises qui doivent la terminer j il calcule avec eux les forces de la vie , et coininc ils ont dans leurs mains le fil qui le PHYSTOL. ET MED. — STOLL. 29:? conduit J ils jugent en même temps et la nature et son ministre 5 tout, jusqu’aux fautes do leur maître, peut servir h. les éclairer. Sur un registre qui demenre attaché au lit du malade , sont consignées la série des accidciis et celle des remèdes par lesquels ou les a combattus ^ le journal de la convalescence , on , si la nrort a ter- miné la scène, la description des ravages intérieurs quele mal a produits achève le tableau. Ces divers états réunis composent l’histoire de l’hospice , oii le souvenir de tout ce qui intéresse l’avancement de la médecin» est conservé. C’est par les élèves que les registres sont tenus, que les dissections sont faites, que les phéno- mènes de l’atmosphère sontrecuelllis 5 c’estpar eux que les observations physiques et médicales sont rassem- blées 5 et ces diverses fonctions, décernées aux plus habiles , sont le prix de leur exactitude et de leur zèle. Chaque jour, après sa visite, le professeur les entre- tient des cas rares qui se sont ofTerts , et il expose les détails dans lescpiels la présence des malades ne lui a pas permis d’entrer: car il n’oublie point qu’il exerce un ministère de bienfaisance , et qu’il ne doit porter que des paroles de paix. C’est là que les opinions sont discutées, que les jugemens sont approfondis, et que les élèves sont rappelés sans cesse aux véritables sources de l’érudition et du savoir. Ainsi , non seulement on les instruit , mais on le& accoutume encore à la pré- cision dans les recherches j on les force à se rendre compte de ce qu’ils ont remarqué , et en traitant avec eux la médecine , comme une branche de la physique, on leur donne une impulsion utile d’où l’on verra 294 ÉLOGES historiques. naître, non quelques découvertes isolées , telles que le lasard les livre à l’empirisme, mais un enchaînement de connoissances nouvelles , comme une étude assidue les trouve toujours dans les sentiers de l’expérience et de la raison. Voilà quels fruits produiroit l’établisse- ment d’une chaire de médecine pratique en France. Les maladies queM. Stoll a le plus souvent observées dans le climat de Vienne sont celles que produit l’al- teration de la bile , les fièvres lentes nerveuses , les pé- ijpneumonies , les catarrhes, la dyssenterie et les rhu- matismes. Les anciens appeloient du nom de bilieuses les ma- ladies dans lesquelles le sang que l’on avoit tiré se cou- vroit d’une croûte jaune et dure. Suivant l’acception des modernes, dans les maladies bilieuses, l’estomac et les uitestins sont remplis de sucs amers , dont l’àcreté ou l’abondance excite la nausée. Comme cette matière n’a ni la meme mobilité ni la même consistance dans toutes les saisons , dans tous les âges , dans tojis les tempéramens, comme les qualités des alimcns inlluent sur sa nature et sur les changemens dont elle est sus- ceptible , on voit combien ce sujet est vaste , et com- bien il faut d’expérience et de savoir pour le traiter. Les nombreux ravages que cette matière exerce , soit ]>ar son séjour dans le lieu de son foyer , soit au loin par la réaction des nerfs que sa présence a blessés , soit par son absorption dans les vaisseaux lymphati- ques, les resserrenicns , les innanimatlons des divers organes , les éruptions cutanées des différons genres , l’espèce de pléthore que produit l’excès de la bile dans PMYSIOL. ET MÉD. — STOLL. 296 un corps (|ui en est comme pénétré , la complication des accidens aigus et chroniques, primitifs ou secon- daires qui en sont la suite , et les indications qui on naissent forment un cncliaînement de maux et de re- mèdes, dont nul auteur avant M. Stoll n’avoit offert IVnsemble , et dans l’exposition desquels aucun n avoit mis autant d’exactitude et de clarté. Il est une autre liiimeiir, celle de l’insensible trans- |)irulion , éroné. 31 a decnt une espèce de rhumatisme bilieux qui cède aux emétiques. 31 a fait prendre avec succès le lichen islandicus et le polygala aux personnes dont les pou- mons etoient engorgés d’une mucosité gluante ; il a prouve que dans les cas analogues l’exercice du cheval est utile , et qu’il nuit à ceux qui sont attaqués d’un ulcère avec phlogose au poumon. U regardoit V arnica comme le quinquina des pauvres, et iU’eniployoltdans le tiaitemcnt de toutes les diarrhées qui dépendoient de l’affolblissement des intestins, et pour remédier à la stupeur des organes des sens. Le remède nerviii qu il pieféroit etoit un mélange de poudre de pe- tite valériane, de fer et de quimpiina. Ses observations sur l’elhcacité des extraits d’aconit, de bella-doua et de slramoniuin , donnés aux malades attaqués d'an- ciens rhumatismes, ou de I’éj)ilc[vsie , ont lixé l’atten- tion de tous les médecins; enfin, dans le traitement des dyssenterlcs les plus rebelles , il a fait a|>pliquer f PIIYSIOL. ET MÉD. — STOLL. 29^ fivec succès des vésicatoires ou des sinapisnies sur la région du bas-ventre j et ces dillérens secours j donnés à ])iüj)os et presque toujours sous une forme nouvelle j sont autant de richesses pour notre art, qui, cultivé de cette manière et se liant de toutes parts avec les sciences exactes, deviendra comme elles, scrupuleux dans ses essais et dans ses preuves, et clair dans ses résultats. Avant M. Stoll, M. de Haën avolt constaté, dans le même liêpital les- propriétés médicales de l’eau de chaux , de Vanonts et de l^uva ursi dans le traite^ ment des calculeux , et celles des feuilles d’oranger, ar son amour pour les lettres et ])our la liberté j cette ville si souvent victorieuse, tant de fois anéantie par des ennemis nombreux, et renaissant toujours de éa cendre j la patrie du Uantc, de IVlacliiavcl, do PHYSIOL. ET MED. — TARGIONI. 309 Galilée, d’Améric Vespuce, où se ralluma pour la première fois le flambeau des sciences , depuis long- temps éteint pour toute la teiTCj où l’on a vu renaître le bon goftt avec les beaux îfï ts, où furent fondées les premières académies : cette ville conserve un profond souvenir de sa gloire, et plusieurs sociétés littéraires y jouissent encore d’une grande célébrité. Deux de ces académies s’associèrent M. Targioni. L’une est l’Académie des apathistes de Florence, dont le plan embrasse toute l’étendue des sciences et des arts. Il se distingua sur-tout pendant au jeunesse dans le sibyllone qui tennlne chaque assemblée. On appelle de ce nom un jeu d’esprit qui consiste à im- proviser, et dans lequel , après avoir proposé une ques- tion quelconque, on demande ü un très -jeune enfant un seul mot dit au hasard, dont on doit se servir pour résoudre le problème annoncé. Il faut sans doute beaucoup d’esprit, ou au moins de subtilité pour vaincre tous les obstacles réunis dans un pareil con- cours. Quoique cette manière de tourmenter les mots soit essentiellement contraire au bon goût, les Italiens montrent dans ces exercices tant de grâce, d’abon- dance et de facilité , qn’ils en font disparoître presque toute la contrainte. Au reste , ces combats de paroles qu’une coutume ancienne a consacrés J ces singuliers emblèmes , adoptés par les sociétés académiques , très- nombreuses dans chacune des villes d’Italie j ces noms bizarres donnés à leixrs membres, et que nul d’enti'e eux ne voudroit mériter : toutes ces allégories ont acquis de grands droits., je ne dirai pas seulement à ho - ÉLOGES historiques. riiidulgcnce, mais encore à la recoimoissance des. hommes , en préparant la renaissance des lettres, dont Jeurs jeux ont entoure le berceau. La seconde académie, purement littéraire , à laqueUe M. Targioni se glorifioit d’appartenir, étoit ceUe délia Crusca. Chargée en i58z de veiller à la perfec- tion et à la pureté de la langue italienne; instituée dans un temps où il n’existoit aucun établissement de ce genre , cette Société s’est rendue recommandable par un dictionnaire fameux , où le précepte est par- tout joint à l’exemple. M. Targioni a contribué sur- tout a rectifier un grand nombre d’erreurs commises dans la nomenclature des sciences , auxquelles il im- porte plus qu’on ne pense d’appliquer le grand art d écrire. Cet art ne consiste pas seulement dans la consonnance des mots, dans l’ornement et dans l’ar- rondissement 4es périodes, comme le croient ceux qui n en connoissent que la parure, et qui. n’ont point réfléchi sur son mécanisme : il tient sur-tout à l’art de bien voir, de bien définir et de bien juger, à celui de comparer les sensations , d’enchaîner les idées et d en faire l’analyse ù l’aide d’une sorte de formule, qui est le discours; il tient à la méthode, qui peut seule trouver les résultats des faits; il tient à l’ordre, à la précision, à la clarté, qui sont la base du raisonne- ment et sans lesquels il n’est point de véritable élo- quence. . M. Targioni eut occasion de rendre un grand ser- vice aux lettres. Le célèbre Magllabccchi avolt réuni dans sa bibliothèque plus de quarante mille volumes PIIYSIOL. ET MÉD. — TARGIONl. 3ii et plus de onze cents manuscrits ; il mourut après les avoir légués au public 5 mais ce présent exigeoit, pour être mis en valeur, des soins dont peu de per- sonnes étoient capables. Magliabecchi avoit toujours vécu au milieu de ses livres , rjui étoient en desordre pour tout autre ipie pour lui : il lui suflisoit de les connoître et de pouvoir les trouver 5 sa mémoire sup- pléoit au défaut de catalogue, dont il n’avolt pas besoin: mais il fallut en dresser un, et classer des volumes écrits dans toutes les langues et sur toutes sortes de sujets : MM. Targioni et Cocclii furent et pouvoient seuls être chargés de ce travail, ar un grand exemple, il l’éclaira par scs conseils. PMYSIOL. ET MitD. — TARGIONI. 3ai Lisez Steiioii, lui dit-il 5 et ces paroles n’ont jamais sorti de sa mémoire. Ce Stenou , soixante années auparavant , avoit par- couru la Toscane, et l’avoit examinée dans le plus grand détail. L’analyse la plus sévère des faits qu’il avoit recueillis lui avoit ollèrt un grand nombre de vérités nouvelles 5 mais l’ouvrage dans lequel il devoit les développer avec étendué n’ayant point été fini , elles ne furent qu’énoncées dans une sorte d’intro- duction que M. Targioni lut et i*elut. Il y trouva des conséquences dénuées de leurs prémisses , et des résul- tats d'observations dont il ne restoit aucune trace. Stenon étoit un de ces hommes qui savent beaucoup et qui parlent peu, qui prennent tant de plaisir à voir qu’il ne leur reste point de temps pour écrire, et qui , à force de s’être livrés à la contemplation de la nature, deviennent, comme elle, silencieux, pro- fonds , et ne dévoilent leurs connoissances , comme elle ne révèle ses secrets, qu'à ceux qui s’en sont rendus dignes par l’application et par l'étude. Pénétré de ces lectures , élevé par ces pensées M. Targioni eut le courage de chercher et le bonheur de réunir presque tous les matériaux de l'ouvrage de Stenon, épais sur tous les points de la Toscane. Il rassembla les preuves de ses assertions, et il mit toute sa gloire à faire briller celle d’un homme dont il ne pouvoit être l’interprète sans être en même temps l’organe de la vérité. Tel est l’ascendant des grands ©bservatenrs; leur renommée va toujours en croissant; T. 3. 21 322 ■ ÉLOGES HISTORIQUES. comme les grands fleuves s’emparent des eaux qui coulent près d’eux, les faits accessoires appartiennent à la découverte principale , et tous les hommages se rapportent à son auteur. Pendant que M. Targioni appliquoit à toutes les pai'ties de la Toscane les principes de'Stenon, auquel on doit la distinction importante des montagnes pn- niitives et des collines , Rouelle déterminoit à Paris les propriétés et les formes de l’ancienne et de la nouvelle terre , dont M. Desmarets a fait connoître avec tant de soin les différens massifs en France. N’oublions pas d’ajouter que ce savant naturaliste a parcouru la Toscane, le livre de M. Targioni à la main, et qu’il en a facilement vérifié les ohsei-vations. En nous fondant sur un témoignage d'un aussi grand poids , et en ne parlant que 'd’après lui , nous rendons ixn tribut flatteur à la mémoire de noti'e con- frère et nous assurons sa célébnté. M. le duc de la Rochefoucauld acco^mpagnoitM. Des- marcts dans cet intéressant voyage. Je le prie de per- mettre que je dévoile ici un de scs bienfaits , non de ceux dont l’indigence secourue garde un profond sou- venir, sa modestie ne le permettroit pas, mais de ceux que lui doivent les sciences. M. Targioni avoil employé dans sa collection et dans son catalogxie dos noms propres aux cantons où chacjue substance avoit été recueillie; les Italiens avolcnt adopté cette nomen- clature, et il étoit impossible de lire avec fruit leurs ouvrages. M. le duc de la Rochefoucauld a fait venir PIIYSIOL. ET MÆd. — TARGIOiM. 3z3 de r’iüi cnce nne suite complète tics miiiéruux et des fos- siles de la ToscîUie, classés et étiquetés ptu M.Targioni, L’inspection en a facilement déterminé la nature, et il existe maintenant une langue commune entre les mli néralogisles dTtalie et ceux de France. Depuis 1770 jusqu’en 1780, M. Targioni ne s’oct cupa que de médecine pratique. A cette époque il termina sa carrière littéraire par un savant ouvrage dont il n’a paru que quatre volumes, sur les progrès des sciences physiques dans la Toscane. Ainsi IJaller consacra ses dernières années à la rédaction de ses Bibliothèques de médecine, d’anatomie et de chirurgie. C’est sur-tout lorsqu’on n’est plus en état de coutrir buer par scs eflorts à 1 avancement des coniioissances <]ue l’on se plaît à en écrire ou à en parcourir l’his- tolre. Le jeune homme mesure des yeux la carrière où il va s’élancer; il vit tout entier dans l’avenir ? celui qui sort de la lice fatigué par les années , la voit encore avec intérêt en la quittant; mais toute sa gloire est dans le passé, dont il aime à rassemr hier les débris : il s’enivrolt d’espérance; alors il se repaît de souvenirs; et ces deux âges, qpi sont impatiens de s’atteindre , no laissent pas dans une vie utilement occupée nu seul instant qui ne soit rempli par le désir de bien faire, ou par la jouissance du bien que l’on a fait. « Dans l’année 1782, M. Targioni éprouva un dépé- rissement dont les progrès furent lents et auquel il succomba le 7 janvier 1783, 324 . ÉLOGES HISTORIQUES. - M, Octave Targioni , son fils unique , lui a succédé dans les places de directeur du jardin et de professeur de botanique dans l’hôpital de Sainte -Marie. Riche de plusieurs successions littéraires que son père lui a transmises , il réunit la belle suite de tous les bois de l’île d’Amboine, préparés par Rumphius, les zoo- phites et l’herbier de Micheli à la nombreuse collec- tion de plantes et de minéraux, et à la bibliothèque de M. Targioni lui-même, sur les traces duquel tout l’invite à marcher. Les monumens que l’on élève aux grands hommes, les honneurs ’qu’on leur rend , les soins que l’on se donne pour rassembler et louer dignement leurs tra- vaux, ne sauroient intéresser une cendre insensible: ils appartiennent tout entiers à l’amour-propre des vivans, auxquels ils montrent dans l’avenir l’espé- rance d’un grand nom et les hommages de la posté- rité. Puisque c’est pour notre seul instruction que nous écrivons leur histoire, ne faut-il pas toujours essayer d’en extraire quelque leçon utile ? • Ici nous avons été témoins d’une grande activité. Un esprit orné, des recherches très-étendues, un savoir profond , ont mérité à M. Targioni des places hono- rables et une grande considération dans sa patrie; mais remarquons qii’après avoir réuni un nombre immense de matériaux, il a laisse le plus sou^cnt i un autre le soin de construire l’édifice, et que recueil- lant toujours et no jouissant jamais du fruit de ses veilles, il u aussi négligé d’en rendre la jouissance PHYSIOL. ET MÉD. — TARGIOiVI. 325 facile ail public, qui ne connoissoit point assez sou nom et ses ouvrages. Ceux qui cultivent les sciences et. qui aiment la gloire doivent donc se souvenir que le zèle a besoin d’ètre secondé par la méthode, et que dans cette car- rière, comme dans toutes les autres, on est vraiment riche, non par ce que l’on acquiert, mais par ce que l’on sait mettre à profit. 3-^iS ■ ÉLOGES HISTORIQUES. : VAN DOEVREN. G UALTERUS VAK DoEVREN, ancien professeur d’anatomie et de cliirurgie à Groningue j professeur de médecine théorique et pratique, et président du Col- lège de chirurgie à Leyde 5 premier médecin de S. A. S. le Stathouder 5 membre de la Société d’agriculture d’Amsterdam , de celle des sciences et arts d’ütrecht , de l’Acadéinie de Harlem , de Rotterdam , de Fles- singue ; de celle des Curieux de la nature 5 de la Société de médecine d’Edimbourg 5 associé étranger de la So- ciété royale de médecine , naquit le 16 novembre lybo à Philijipine dans la Flandre hollandaise, d’Antoine van Hoevren , inspecteur des digues et directeur des travaux qui se font sur les bords de la mer; fonctions importantes dans un état quia tout à espérer et à craindre de cet élément. M. van Doevren étudia la physique et les dilférentes branches de lannédecine à Leyde où il reçut les leçons de IVluscbeiibroeck , des deux Albinus, de Gaubius , de van Royen et de Winter qui succédoient immédia- tement il l’école de Boërrhaave et de Ruysch : h Paris , Nollet, Ferrein, Astruc , Petit et Levret furent ses maîtres. Revenu en lySS dans sa patrie, M. van Hociren fut reçu docteur en incdccine à Leyde, et il publia à PHYSIOL. ET MÉD. — VA^’ DOEVREN. Say cette occasion un ouvrage sur les vers des intestins de l’homme , qui a été traduit en français en 1764* Le tænia est presque endémique en Hollande ; il est tros- fréquent dans les pays marécageux, près des lacs et le long des plages maritimes ; d’où M. vau Doevren a conclu que ce ver et le strongle dévoient être regardés comme étrangers au corps luunain , et coiimie vivant O ri si liai rement dans les eaux. Son ouvrage est recom- O mandable sur- tout parce (|u’il y a rasseinhlé les con- noissances acquises jusqu’ù cette époque sur le traite- inent des maladies oc<;asionnees par la présence des vers de toute espèce. Des observations récentes ont appris que la corabne de Corso , et en général toutes les plantes maritimes, sont elbcaces dans le traitement des alTeclions vermineuses ; M. van l)t>evren a prmive quo les eaux de la mer jouissent elles-mêmes de cette pro- priété. La fougère, è. liante dose, chasse le ttcniaj mais tous les amers , les astrlngens et les antiseptiques ont produit des effets analogues. L’huile de ricin est em- ployée avec succès dans cette circonstance 5 mais des huiles plus ou moins âcres y avoient également réussi , d’où il résulte que nos moyens , quokpie nouveaux et plus si'irs, ont été pris dans la classe de ceux qui étoieut déjà connus et que les indications primitives avoient été bien établies, puisque, pour mieux faire, on n’aen qu’à suivre la route déjà tracée par l’expérience. La réputation deM. van Doevren fut fixée par ces re- cherches. Ce qui le caractérisoit c’étoit de la sagacité dans l’esprit , de la justesse dans les idées , et une ■grande méthode dans son travail. Tous les résultats de 328 ÉLOGES HISTORIQUES. ses observations étoient classés sur des tablettes dont l’.ordre etoit le même que celui de sa mémoire j et comme il avoit l’iiabitude de remonter des dernières proposi- tions aux premières , il pouvoit jouir à volonté de tous les objets de son étude. Ses amis lui communiquoient souvent des faits ou des réflexions dont ils craignolent de perdre le souvenir , bien assurés que M. van Doevren joiiidroit ces richesses aux siennes , et qu’il pourroit les leur représenter au besoin. Cette manière l’avoit rendu nécessairement un censeur redoutable; car que penser d’un livre qui n’ avoit rien fourni à ses tablettes ? C’étoit souvent la seule question qu’on lui faisoit , et souvent aussi c’étoit sa seule réponse. Marchant avec autant de réflexion et de sûreté dans la carrière de la médecine théorique , il sentit combien il resteroit pour lui de questions indécises, ta.-it qu’elles ne seroient pas résolues par l’observation , et il se li\Ta de bonne heure à la pratique de notre art. Ceux qui le consultolent oublioient facilement son âge , parce que la sagesse se montrolt dans ses actions, la véinté dans ^ses discours , et que les bons avis présentés avec réserve sont toujours les fruits assurés de la maturité do l’esprit. Parmi ces circonstances lieureuses il rencontra des obstacles dans la rivalité de quelques médecins , qu’il embarrassoit par sa précision près des malades, pour lesquels ou l’ajipelolt avec eux^ Fatigué de leur voir confondre les effets avec les causes , les aperçus avec les pi’euves , et sur-tout le savoir avec l’ancienneté , il résolut de dénoncer hu public ces grandes et dange- PHYSIOL. ET MÉD. — VA:V DOEVREN. 829 relises méprises : c’est ce qu’il lit dans un discours qu’il prononça pour l’inaugurallon de sa chaire d’a- natomie et de chirurgie à Groningiie où il a eu pour successeur M. Camper , un de nos plus illustres associés. Après avoir insisté dans ce discours sur la préémi- nence de la médecine dogmatique , il dit à comhicn d’erreurs est exposé celui qui cherche des règles de con- duite , soit dans l’observation des autres , soit dans la sienne propre j il ouvre les fastes de notre art , et il voit que tous ses procédés , quels ([u’ils soient , sem- blent avoir reçu la sanction de l’expérience j que toute pratique a ses faits , comme toute croyance a ses martyrs ; que Sylvius et De-Le-Boé , en cherchant à neutraliser des acides imaginaires 5 Paracelse, en van- tant les sudorifiques et en proscrivant la saignée 5 Chl rac et Sylva , en versant au contraire le sang à grands flots*, Fizes , en |)rodignant les purgatifs dès le principe des fièvres , se sont appuyés sur des observa- tions ou mal faites ou mal appréciées. Il remonte à l’époque où Baglivi s’est trompé sur la cause des mou- vemens alternatifs du cerveau , et où toute l’école d’I- talie s’est égarée avec lui. Il suit le génie de Boërhaave dans ses systèmes sur l’inflammation et sur les diverses altérations des fluides. Par-tout on est l’erreur il dé- couvre que de fausses inductions tirées des faits en sont la source : il la surprend dans la bouche même du vieillard qui’ abuse de la théorie en déclamant contre elle : il prouve que l’on est novice dans la science des faits, tant que Pou n’a pas assez de lumières pour 33o ÉLOGES HISTORIQUES. les bien voir ^ ou assez de méthode pour lesbien juger j il appelle Tobservation au tribunal de la philosophie ; enfin il montre que si la médecine est fille du temps , l’empirisme n’a rpie trop prolongé son enfance , et qu’elle ne peut devoir ses progrès qu’aux seuls conseils de la raison. Dans un discours prononcé pendant son premier rectorat à Groningue, M. van Doevreii offre au public et à ses confrères des réflexions consolantes. Il s’étoit élevé souvent et avec force contre les erreurs des mé- decins : cette fois il fait voir que leurs fautes ont quel- quefois conduit à des résultats heureux et inattendus 5 que, par exemple, le cristallin échappé par l’ouverture de la prunelle dans la chambre antérieure de l’œil , lorsque Daviel s’efforcoit de l’abaisser , a fourni l’idée de l’opération de la catai'acte par extraction ; que des doses excessives de mercure, de quinquina, de camphre, d’opium , de cloportes, données contre toutes les règles de l’art , ont appris à se servir de ces substances avec un nouveau succès. A ces remarques utiles, il Joint le tableau des grandes entreprises faites contre la santé des hommes , comme l’histoire offre celles que l’on a jnultlpliées contx’e leur repos : sous le voile des erreurs, sous le bandeau des préjugés qu’il soulève , il trouve toujours des vérités captives , et il les affranchit en les mettant au grand jour 5 il trace la route en marquant les écueils 5 il décrit les essais meurtriers, les méthodes systématiques , les pratiques hasardées , les longues habitudes de la routine, connue des expériences mé- PHYSIOL. ET MED. — VAN DOEVREN. 33i morables, laites aux dépens du genre humain et dont il est important que l’on se souvienne pour n’y plus revenir. Nommé pour la seconde fois en 1770 recteur de l’Ü'* niversité de Grouingue, il prononça un discours sur la situation , l’air et les eaux de cette ville , et sur la santé de ses liahitans. On sait conibit n la plupart des mémoires éents sur la tojiographie médicale sont sté- riles et dénués de faits. Ce sujet est un de ceux que la foule des écrivains croit faciles , parce qu’ils sont vastes, pareeque milles limites déterminéesn’en bornent l’éten- due, parce qu’ils se prêtent h tout ce qu’un observateur ingénieux veut y placer, mais dans lesquels la médio- crité du talent se décèle par le vide immense qu’elle ne sauroit remplir. La topographie médicale est pour nous Ce que sont en histoire naturelle les voyages minéra- logiques , maintenant si communs , et dont la plupart sont si fastidieux. Dans ces sortes de travaux , c’est perdre sa peine que de grossir un volume de menus détails, de faits isolés, de petites descriptions, lors- qu’on ne sait pas en former un ensemble , et qu’au lieu de voir des masses on n’aperçoit que des points sur la surface que l’on parcourt. La description topogra- phique de Groningue par M. van Doevren ne mé- rite aucun de ces reproches ; la Société pourroit même la proposer pour modèle si elle avoit besoin d’en cher- cher ailleurs que dans ses volumes,' où* plusieurs mé- moires de ses membres ne laissent rien à désirer à cet égard. M. van Doevren publia pendant son séjout dans 33a ■ ÉLOGES HISTORIQUES. cette ville un autre ouvrage sur l’art des accouchemensj qu’il pratlquoit et qu’il démontroit avec célébrité. Tant de talens fixèrent l’attention des adminis- trateurs de l’Université de Leyde, par lesquels il fut nomme professeur ordinaire de medecine théorique el pratique. Le discours d’inauguration qu’il prononça en cette qualité reçut le meme accueil que ceux dont j’ai déjà lendu compte : il y traita un sujet digne de toute son érudition. Apres avoir fait un savant tableau de la mé- decine ancienne , des phases et des progrès de notre art, il prouva que toutes ses parties se sont accrues par les travaux des modernes. Il étoit assis dans la chaire d’où Boërrhaave s’étoit fait entendre à son siècle et a la postérité. Ce fut aussi le génie de ce grand homme qu’il invoqua dès son début. Il salua le tombeau d’Albinus dont la perte étoit récente, il rappela la mé- moire de Iluysch ; et, s’enfonçant dans les ténèbres de l’antiquité , il montra la médecine cultivée et honorée par les Grecs comme la première de toutes les sciences; il loua sur-tout leur sagacité dans l’observation , leur sagesse dans la marche générale du traitement, et leurs vues sur les grands phénomènes des maladies. Il s’é- tonna qu’avec aussi peu de moyens ils eussent pu s’é- lever aussi haut|l’impcrfeclion même de leur anatomie, de leur matière médicale , de leur pathologie , adroite- ment présentée par M. van Doevren , sembla contri- bijer pour quehjue cliose à leur éloge : mais enfin cette imperfection étoit réelle ; leur théorie toute entière étoit vicieuse; les secours les plus efficaces dout nous PIIYSIOL. ET MED. — VAN DOEVREN. 333 usons leur étoient inconnus : etj sans nous écai ter des temps les plus modernes, cpie l’on compare la physio- logie de Haller avec celle de Senac , la Pathologie de Gaubius avec celle d’Astruc , les Matières médicales de Cartheuser et de Vogcl avec celle de Boeder et d’Her- man , le Traité des lièvres de Toril et de ^Yerlhofavec celui de Chirac, la précision et la sdretédii diagnostic, dont Sauvages a réuni les principes dans sa Nosologie, avec tontes les séméiotiques qui l’ont précédée; enfin les Elémons de médecine du célèbre praticien d’Edim- bourg avec les fameiixConimentalres de van S\%ieten : et l’on verra combien nous avons acquis depuis un demi siècle, et l’on ne doutera plus que la médecine ne marche, comme les autres sciences, vers la per- fection. Quelcontraste! ajouterons-nous avec M.van Doevren. Tous en parlent , et peu la connolssent , plusieurs la pratiquent sans l’avoir étudiée. Souvent on la loue de ce qu elle n a point fait ; rarement on lui tient compte de ce qu’elle opère , et on lui conteste jusqu’à ses progrès. A entendre le plus grand nombre, on dlroit qu’il ne s’agit que de trouver une herbe , un spécifique propre à la guérison de chaque maladie ; chimère qui trompe l’ignorance en alimentant le charlatanisme. Ses nom- breux protecteurs n’apprendront-ils donc jamais que la puissance suprême dévoilerolt en vain aux yeux des hommes la connolssance de tous les remèdes , si elle n’y joignoit pas en même temps celle de toutes les ma- ladies? que les différens degiés et le mélange des diverses affections sont ce qu’il importe le plus de déterminer? 334 ELOGES IlISTOIllQUES. qu’avant de rédiger des formules il faut établir des mé- thodes j et ([u’en médecine comme eu physique on ne sait rien lorsqu’on ne s’est pas imposé la loi de s’ins- truire avant de voir et de réfléchir après que l’on a vu? En éci-ivant l’histoire des travaux littéraires de Gau- bius , j’ai fait mention de plusieurs discours prononcés par ce savant médecin sur des sujets propres à répandre l’instruction et à détruire les préjugés. Iluysch et van Iloyen en ont aussi publié de semblables. Plus sages que beaucotip d’antres j les orateurs de ces peuples éco- nomes semblent mettre à profit tous les inslans : tls en- tretiennent leur assemblée , moins de ce qui jjourroit lui être agréable , que de ce qui doit lui être utile; ils ne font point d’efforts pour plaire , mais ils plaisent souvent et toujours sans en avoir formé le projet, parce que la véritable éloquence naît presque sans culture d’un fonds riche eu pensées et en faits , et qu’en parlant de ce qu’ils savent le mieux, do ce qui les touclie le plus, de ce qui a été l’objet de tputes leurs méditar lions , de ce qui les émeut, en un mot, ils sont ouxt memes plus sûrs d’affecter et d’émouvoir. Quelque temps a]>rès avoir fixé son séjour à Leyde , M. van Eoevren publia un traité sur les maladies des femmes. Si cet ouvrage d’iin petit volume, mais d’un grand sens, est devenu célébré, on doit 1 attri- buer à la clarté do rcxposition et aux vues morales qu’il renferme. Deux époques divisent la vie entière des lemrnos en trois grands intervalles. C est jiour elles sur-tout «|ue lu nature a tracé des hmitosccrlaines enln) les divers .'Ige.s, entre les temps d’action et ceux de repos. PIIYSIOL. ET MÉD. — VAN DOEVREN. 335 Des révolutions déterminées marquent les instans de leurs jouissances. Leurs organes, d’un tissu frêle et peu robuste , se prêtent aux tliangeniens les plus prompts et les plus étendus : malgré la mobilité de leurs libres, leurs principaux mouvemeus sont soumis à des pé- riodes : parcourant un espace dont les devoirs , les besoins et les souffrances occupent une grande partie, elles sont on quelque sorte Ibrcées à se presser de vivre , et c’est cette ra{)ldlté dans leur coiu'se , cette souplesse et cette irritabilité dans leurs libres j ce sont ces nuances de foiblesse et de force , toutes dépendantes de la sen- slbllitéj ce sont ces impressions aheniatives, j’ai presierrcs précieuses, la transpai’ence et la pureté; aux êtres animés, la paix, la douceur et l’abondance. L’abbé de Veiitadoiir fut appelé à Home auprès du cardinal de Bolian son oncle pour lui servii" de conclaviste à l'élection du pape futur, Benoît XIV, dont la douceur et la prudence ont rendu la mémoire si recommand.ible , et (pii a été si considéré par ceux même qui n’ont vu en lui que le souverain d’une portion de l’Italie. Il pensa qu’il s’instruiroit agréa- blement dans ce voyage , en recevant des leçons de la bouche d’un savant aimable, et il pria M. de Moii- tlgny de l’accompagner. Un grand respect pour tout ce qui tenoit aux Bomains , une étude suivie de leur histoire, un désir très-vif d’observer les hommes dans un pays oii le génie des arts s'est établi sur les ruines de la liberté, tous ces motifs rendirent cette propo- sition d’autant plus Intéressante pour M. de Montigny, qu’elle lui présentoit en quelque sorte le complément de ses travaux. Après avoir été témoin des cérémonies du conclave , les voyageurs donnèrent toute leur attention aux objets que ce pays renferme. Du sein de l’ancienne Rome , il s’est élevé une ville nouvelle que l’on peut regarder , suivant l’expression de Montaigne , comme le sépulcre de la première. Là , un sel exhaussé soutient des maisons qui sont fondées sur d’immenses débris. Ici, un palais, un temple, 344 NOTICES. ont résisté aux efforts des barbares. La hardiesse et la beauté de leur structure, leur solidité, leur masse, ont étonné nos aïeux j elles surprendront encore notre postérité. Ailleui'S on distingue les monumens érigés par la république d’avec ceux qui sont l’ouvrage des empereurs : ces derniers montrent, par leur super- fluité , le luxe de leurs fondateurs ; les autres offrent une ''Magnificence utile 5 tout rappelle le souvenir et retrace Timage de ces héros qui se sont disputé l’em- pire du monde , et dont les cendres sont réunies dans ce vaste tombeau. Quel mélange de grandeur et de décadence! Où l’homme a-t il montré plus de courage et de vigueur? où a-t-il opposé au temps et à la des- truction de plus fortes barrières? et cependant chaque jour porte une atteinte funeste à ces restes précieux. Encore quelques siècles , et le Tibre , tant de fois en- sanglanté par le meurtre et le carnage , coulera pur et tranquille sur une terre où le nom des llomains sera peut-être tout-à-fait oublié. Les voyageurs ne visitèrent pas avec moins d’intérêt le reste de l’Italie. Revenus à Paris, l’un fut élevé aux premières dignités de l’église ^ il devint dans peu car- dinal (1) : l’autre rentra dans le sein de l’Académie , qui SC l’étüit associé h l’âge de vingt-six ans (2). 11 est difficile que deux personnes voyagent long- temps ensemble sans lire réciproquement clans leur pensée. L’ame, en s’occupant toujours d’objets nou- (i) Il a été connu sous le nom de cardinal de Soiihisc. (a) Cette compagnie le rejm en «7lo adjoint en mécanique. DE MONTTCNY. 345 veaux, s’agrandit en quelque sorte , et doit répugner davantage à la contrainte; il y a d’ailleurs tant de niomens qui ne peuvent être remplis que par la con- versation) tant de circonstances où il faut dire son avis sans délai , que l’homme le plus dissimulé ne pourroit résister à cette épreuve. Le cardinal et l’aca- démicien s’apprécièrent donc ) et ils restèrent unis par les liens de l’amitié la plus sincère. Une Académie est un coi’ps dont tous les mouvemens doivent tendre vers un centre commun ) qui est la vérité) dont tous les membres recherchent la même récompense) qui est la gloire ; mais dans lequel tous les emplois ne sont pas également importans. Les uns ) placés en quelque sorte à l’extérieur) répandent de l’éclat sur ceux qui les remplissent avec succès ; les autres ) concentrés dans les fonctions les plus in- times) ne sont pas les moins utiles; mais ils exigent des travaux assidus et journaliers) dont la renommée ne tient aucun compte ) et dont la connoissance ne parvient pas même jusqu’au public ) pour le bonheur duquel ils sont entrepris ; ainsi dans le corps humain les ressorts les plus cachés ne sont pas les moins né- cessaires. M. de Montigny a bien mérité de l’Acadé- mie par des travaux de ce genre : ses lumières ) comme son zèle ) s’étendoieut à tout ; chimie , physique ) mé- canique ) géométrie ) tout étoit de son ressort lorsqu’il falloit) non se rendre célèbre, il n’en a jamais formé le projet, mais se montrer utile. Il excelloit sur-tout dans l’art de laire des rapports ; art délicat et difficile, parce qu’il suppose une attention soutenue sur des 346 ÉLOGE objets qui intéressent plus l’académie que l’académi- cien, parce qu’il faut toujours être en garde contre la fraude , et que ces recherches demandent un temps perdu pour l’amour-propre j qui pourroit facilement l’employer à son profit. Dès 1728 ; M. de Montigny avoit présenté à l’Aca- démie-deux machines, qu’elle avoit jugées dignes de son approbation (i). En 1741 j ü donna une nou- velle preuve de ses connoissances en mécanique , dans un mémoire où il résolut le problème (2) des trajec- toires par le calcul intégral et diflérenclel , le seul qui pûtatteindi'e à de semblables questions. M. d’Alera- bert n’avüit point encore publié sa Méthode générale , dont l’application se fait d’une manière plus commode et plus prompte aux cas de diverse nature. (i) M. tle Montigny a présenté à l’Académie royale des sciences , en 1728 , trois machines : la première pour élerer des fardeaux , décrite dans l’histoire de celte année, page 109, et, dans le tome V des Machines approuvées par l’Académie, page 55, n." 3a3. Fdle a été regardée comme devant être plus commode sur les vais- seaux que le cabestan qui y est en usage. La seconde pour pren- dre hauteur en mer, décrite, même année et même page , dans l’Histoire ain qu’on y débite , et sur les moyens de^ les corriger. Mémoires de l’Académie royale des sciences, anneo 176a , i>. 5ij de l’Histoire ; p. 102 des Mémoires. (2) l.’amertump et le mauvais goftl du sel tenoicnt au vice de la préparation. Des pains de .sel marin môlés avec le sel d’epwmi, pétris avec des eaux grasses qui renleimoient et des sels marins a base terreuse, et des matières susceptibles de putréfaction, des-^ séchées enfin sans précaution, de inaiiière à permettre la forma- tion de quelques parties de foie de soufre, étoient la cause réella des plaintes formées par le peuple. (3) Il fit donner une assez grande quantité de ce sel a des bestiaux, qui n’en furent point incomniodés. I 355 DE MONTIGNY. lesquels les montagnes, les défilés, les forêts, sont des asiles si propres à conserver long-temps le germe de rindépendance et de la liberté. En revenant , il visita Voltaire (i), plus étonnant peut-être lui seul que tout ce qu’il avoit vu dans son voyage. Ce grand lioinme lui peignit avec les couleurs les plus vives le malheur des liabitans du pays de Gex , pour lequel il sollicitoit depuis long-temps la permis- sion de racheter par un iinpdt dont la perception fdt facile des droits aussi onéreux à ce peuple qu’ils étoient peu profitables pour le roi. MM. de Voiuire et de Montigny se réimirent, et demandèrent cette grâce, qui leur fut accordée en 1776. Jamais Voltaire n’apprit une nouvelle avec autant de plaisir; car de toutes les jouissances de lamour-propre , les seules qui répandent dans l’ame un véritable bonheur, sont celles qui naissent du souvenir du bien que l’on a fait. En 1763,1a perception des droits sur les eaux-de-vie donna heu à des tlisciissions et à des procès. Les fer- miers généraux et les commissaires s'en rapportèrent à la décision de M. de Montigny, qui proposa un nouvel aréomètre réglé avec des poids , et propre à mesurer les degrés de force des liqueurs spiritueuses , c est-à-dire , la proportion des mélanges d’eau et d’es- prit de. vm, dont les rapports sont marqués par l’ins- (i) La sœur de Voltaire avoit épousé son oncle paternel. 359 EfLOGE trunient (i), et doivent iiidlc|uer les diverses taxes de l’impôt. Une épizootie désastreuse ravageoit en lyôS les provinces inéridioniiles de la France. M. de Montigny rédigea et présenta à l’Académie royale des sciences un recueil d’observations (2) relatives à cette maladie, et depuis cette époc^ue il a lu un mémoire sur le même sujet dans une des séances de la Société. Les fozictions de* commissaire du conseil au dépar- tement du commerce (3) exigent de celui qui les exerce , que , placé entre l’artiste et le magistrat , entre l’Académie et le gouvernement, il soit pour l’un et l’autre un interprète aussi éclairé qu’équitable, et qu’il concilie les lois de l’administration avec celles de la physique, accord si long-temps négligé et si important à établir. M. de Montigny , dont les con- (1) Voyez le Mémoire sur la construction des aréomètres de comparaison, applicables au commerce des liqueurs spiritueu- ses, et à la perception des droits imposés sur ces liqncurs , par M. de Monti{-ny , année 1768, et non lyôS, comme l’imliquent les tables de M. Demours. Voyez le Dictionnaire de physique de M. Brisson, tome I , p. i44 ‘. et un mémoire sur les inconvéniens qui résultent de la perception des droits imposes sur les eaux-de-vie, déterminées par les dilïérens degrés de l’ancien aréomètre , et sur les moyens d’établir une perception plus avantageuse , et moins oné- reuse au commerce et aux consoininaieiirs. (a) Instructions et avis aux habitans des provinces méridio- «aies, etc. sur la maladie qui désole le bétail, etc., i77*^ » in-4“. (3) Cette place a été créée en 1775, en faveur de M. Dufay. DE MONTIGNY- .^57 Moissauces éloient très-variûes , remplit cette comniis- sioii avec un grand succès, ainsique celle qui lui fut conl^'ée relativement aux recherches A faire sur le travail de la porcelaine de Sèvre (i). M. de Montigny occupa jusqu’à sa mort la place de trésorier de France , «pie son père lui avoit trans- mise. Avec de la lortiine, des talens et du crédit, il lui auroit sans doute été fticde de s’élever à d’autres emplois, et de parvenir à quelqu’une de ces dignités importantes dans lesquelles on a souvent une grande autorité et pou de Iniuières^ il aima mieux avoir beaucoup de lumières et peu d’autorité ; il aima mieux passer sa vie à éclairer les hommes en place que de s’exposer à partager leurs inquiétudes. Sans cette feime lesolution, auroit-il pu dire ce tpi’il se pbusoit tant à répéter, et ce qu’il a écrit vers la (in de sa vie? vous seront remis , ils auront marqué ma dernière heure. Puissent-ils mesurer près de vous une car- >3 rière longue (i) et heureuse, et vous rappeler sou- vent l’ami que vous aurez perdu ! 3> Son dernier vœu a donc été celui d’un homme sensible et modeste , < qui bornoit toute son ambition au souvenir de ses confrères sans prétendre à celui de la postérité. La place d’associé libre, vacante par la mort de M. Montigny , est maintenant remplie par M. de La- voisier. (i) Depuis ce temps les sciences, les lettres et la philosophie ont perdu M. d’Alembert. Il est mort le 29 octobre 1783. NOTICES. s II. No T TC E sur la vie et les Ouvrages de ^ MM. BONAFOS et BERNARD, associés régnicoles; et BLANCHON.^ correspondant de la Société. ^ N -L"ous avoii.s cru ilevoir réunir dans !e même article les noms de trois médecins t|ui se sont rendus recom- mandables auprès de leurs concitoyens par leurs services ^ et dont le zèle a mérité notre reconnoissance. Leur vie n offre aucune anecdote piquante , leurs ouvrages ne con- tiennent point de découvertes. Concentrés, soit par leur modestie, soit par les circonstances, dans le cercle de leurs devoirs , ils n ont pensé qu^à se rendre utiles , sans songer à la célébrité 5 ils ont consacre leur temps et leurs soins à 1 humanité , à 1 amitié , a la nature. Ces qualités douces, simples , aflectueuses , portent avec elles leur récompense , et sont beaucoup au-dessus de la renommée. Elles répan- dent dans les âmes assez sages pour s’y abandonner un calme , une tranquillité absolument inconnues dans la car- rière de l’ambition et des honneurs : avec elles la marche du temps est moins rapide; chaque jour ramène l’ordre et la sérénité ; en un mot , on passe sa vie dans le pprt , loin de la tempête et des orages. Les trois confrères que nous regrettons habitoient la province. On y a en général plus de loisir et moins de 362 NOTICES. ressources pour ailtlver les sciences; on n’y est point agité par ce tourbillon , qui, dans la capitale, communique ses impulsions aux personnes les plus paisibles , et qui précipite les heures sans que l’on sache en jouir. Loin du tumulte et des clameurs , ces hommes estimables ont pro- fité de tous leurs momens pour servir leurs semblables et pour travailler aux progrès de notre art. Nous avons à les louer de ce que ne consultant ni leurs intérêts, ni leur amour-propre, ils se sont livrés sans ré- serve à des recberches pénibles et peu attrayantes que la Société leur avoit proposées , et de ce qu’ils y ont apporté ce courage qii’on ne montre ordinairement que pour le succès de ses propres entreprises. Il entre dans le plan de la société de recueillir une suite non interrompue d’observations sur l’état de l’atmos- phère, sur la constitution des saisons, sur la nature des épidémies régnantes , et sur les maladies particulières à certains climats. Des médecins et des physiciens habiles lui donnent sur^ces objets les renselgnemens dont elle a besoin, et cette correspondance, très-utile en elle-même, mérite d’autant plus d’éloges à ceux qui l’entretiennent, qu’elle suppose une attention continuelle, une exactitude scrupuleuse, et une patience à toute epreuve î car il en est de l’histoire en médecine comme en politique. Dans l’une comme dans 1,’uutre, il faut long-temps écrire et conserver des journaux, avant que l’on puisse, en rappro- chant les circonstances analogues , apercevoir la chaîne des événemens, et porter un jugement sur leurs causes. IVliyi. llonafos , Bernord et Planchon , avoient senti 1 uti- lité de ce projet : ses difficultés et ses longueurs ne les nvoicnt point découragés; ils ont contribué de toutes leurs forces à son exécution. NOTICES. 363 M. Joseph Bnnafos étoit doyen et professeur de la Faculté de médecine et médecin consultant des années du roi à Perpignan , où il naquit en 1725. Son père, qui y exerçoit la médecine avec célébrité, l’engagea à prendre le même parti. M. Bonafos suivit la route qui hii avoit été si utilement tracée; il fut reçu docteur en médecine à Perpignan en 1746. Dix années après il se distingua et il réunit les suffrages dans la dispute qui eut lieu pour une chaire alors vacante, à laquelle il fut nommé. M. Bonafos étoit en même temps médecin de l’hôpital général, de l’hôtel - dieu , et de l’hôpital militaire de Perpignan : ainsi la plus grande partie de ses journées se passoit à consoler les pauvres, adoucisseoient qui est peut- être le seul qu’un médecin puisse goûter au milieu des tristes occupations qui le surchargent. Au mérite de ces soins tendres et touchans , il joignoit celui de remplir presque gratuitement les deux premières de ces fonctions; car les honoraires des médecins des hôpitaux sont si modi- ques, qu’ils semblent ne les accepter que par excès de délicatesse, et pour diminuer, autant qu’il est en eux, le poids de la reconnoissance due si légitimement à leurs ser- vices. La bienfaisance est un sentiment gravé par la nature dans le cœur de tous les hommes ; elle devient nécessai- rement une habitude pour le médecin compatissant et sen- sible , qui, honoré’ de la confiance du peuple , et ne perdant jamais de vue le tableau déchirant des misères humaines , goûte chaque jour le plaisir d’essuyer des larmes et de soulager des malheureux , dont les maux physiques ne sont pas toujours la plus grande infortune. Les devoirs multipliés d’une pratique très-étendue n’ont point empêché M. Bonafos de rédiger des observations qui ont rendu sa correspondance précieuse pour la Société. 364 NOTICES. Nous lui devons deux mémoires, l’un sur la nature et les ])ropriétés des eaux minérales de la Preste , l’autre sur le traitement d’une maladie épidémique observée dans l’hôpital militaire. Il avoit publié auparavant deux disser- tations, la première sur le sang humain, et la seconde sur les qualités de l’air et des eaux, et sur le tempérament de la ville de Perpignan. La médecine , considérée en général et d’une manière abstraite , n’existe que dans les livres ; lorsque l’on aura recueilli des instructions sur la topogra- phie médicale de toutes les provinces , comme M. Bonafos en a donné sur le Roussillon , les jeunes médecins y trou- veront des règles capables de les diriger dans l’application de leurs principes, à des cas particuliers et déterminés. M. Bonafos s est occupe long-temps à rédiger un traité complet de médecine pratique, qu’il n’a point publié, peut- etre parce qu il a senti la difficulté de cette entreprise. 11 est mort en 1779 lionne fièvre putride , âgé de cinquante- trois ans. M. Jean Bernard, docteur en médecine, membre de la Société royale de Londres, résident à Douai, joignoit aussi la jilace de doyen à celle de professeur. Ses succès dans ses premières études, qu’il fit à Nantes, où il naquit eu 1702, l’engagèrent à cultiver pendant quelques années la littérature latine. Il se présenta en i734,»lans l’intention de s’y perfectionner, h. la compagnie de l’Oratoire, qui le nomma professeur d’humanités à Saumur. Le moyen le plus sôr pour acquérir des connoissances exactes et complètes dans une science est en effet de l’enseigner. Oii est alors obligé d’en étudier également lotis les détails et (le n’oublier aucun des points de son étendue. lAtrs(jue M. Bernard crut avoir donné assez de temps 4 cette étude , il s’occupa de celle de la médecine. Revêtu NOTICES, 365 en 1732 du litre de docteur de l’Université de Montpel- lier, il pratiqua pendant quelques années à la Rochelle. Il vint ensuite à Paris, ou il prit du goAt pour l’anatomie } et de là il se rendit à Nantes , avec le dessein de se faire agruger à la Faculté de celte ville. A peine avoit-il coiii- luencé ses actes, qu’il résolut de les iiiteirompre. Il se plaignit de quelques difficultés qui se présentèrent; la Faculté fut mécontente’, et tous les deux y perdirent, l’une l’avantage déposséder un médecin savant ; l’autre , le plaisir de vivre dans sa patrie, au sein de sa famille, et avec des confrères qu’il estimoit. Il revint alors à Paris, où il reprit ses travaux anatomiques sous les yeux de M. Ferrein ; et il mérita l’amitié de plusieurs littérateurs distingués. M. le chancelier d’Aguesseau devint son protecteur. C« ministre avoit formé le projet d’une réforme utile dans l’en- seignement de la médecine. La Faculté de Douai résidoit alors toute entière dans la personne d’un professeur. M. d’Aguesseau créa une seconde chaire, à laquelle il nomma M. Bernard, bien persuadé que ce médecin y mettroit le zèle et l’exactitude nécessaires au succès des nouveaux éfablissemens. L’espérance de M. le chancelier fut remplie. M. Bernard étoit très - exercé dans Part de la dissection; il trans^iorta à Douai plusieurs pièces d’ana- tomie, qui , réunies dans un cabinet, devinrent un objet de curiosité pour la ville , et même pour les étrangers ; il y enseigna la physiologie avec distinction ; et la Faculté de Douai, maintenant très-estimée , acquit une considération qu’elle a conservée depuis. La doctrine physiologique de M. Bernard se trouve exposée dans sept dissertations latines qu’il a publiées en différens temps. La finesse des vuies , l’érudition , Ta pureté du style, tout annonce que .ce physicien est resté beau- 366 NOTICES. i coup au-dessous de ce qu’il auroit pu être , et qu’il avoit, ce qui est fort rare , moins d’ardeur que de moyens pour arriver à la célébrité. Les mémoires dont il est auteur, ont pour objet la structure du tissu cellulaire, la nature du chyle, du lait, de la graisse , l’irritabilité des fibres , et la différence qui existe entre les organes du mouvemeut soumis à la volonté , et ceux dont l’action , nécessaire à notre existence , se passe en nous sans qu’il nous soit possible de l’arrêter ou de la suspendre : de sorte que l’homme , si puissant sur tout ce qui l’environne , ne peut rien sur les agens immédiats de la vitalité : distrait par ses besoins , occupé de ses plai- sirs, quel temps auroit-il pu donner à des soins de tous les instans , et trop précieux pour lui être confiés ? Dans une autre dissertation il a essayé de déterminer la vitesse du sang , et sa quantité respective dans les dif- férentes parties du corps humain. Il dut à ces recherches son admission parmi les membres de la Société royale de Londres. M. Bernard cessa bientôt de pratiquer la médecine ; sa grande sensibilité lui servit de motif ou de prétexte; car celui qui ne suit que son goût, en convient rarement et veut qu’on le croie toujours gouverné par sa raison. Le caractère de M. Bernard, hors de son cabinet, étoit l’enjouement et la plaisanterie. Il lui étoit quelquefois dif- ficile de conserver dans les cérémonies scolastiques le sérieux et la gravité qu’elles exigent, mais il se montrolt sévère dans les examens; il y mettoit autant de rigueur que de jirobité. Il regardoit les autres actes comme inu- tiles. Si on l’avolt cru, tout appareil auroit été banni; et les candidats , pour lier plus inllnieinent l’idée de la science avec celle du doctorat, auroicut été déclarés pourvus NOTICES. 367 de cette dignité , sans aucun intervalle, et au moment même où la Faculté les auroit jugés publiquement dignes de l’obtenir. Sa vieillesse fut aussi calme que sa jeunesse avoit été active. Il mourut des suites d’une hernie étranglée en i7Sj^ Agé de quatre-vingts ans. Peu d’hommes ont eu l’esprit plus délié et la tête plus philosophique, comme il serait facile de le prouver s’il nous étoit permis d’entretenir plus long-temps le public d’un savant peu connu , parce qu’il n’a pas regardé la gloire comme le plus grand bonheur de la vie. MM. Bonafos et Bernard, outre qu’ils étolent nos asso- ciés régnicoles , avolent été chargés par leurs compagnies , dont ils étoient doyens , d’entretenir avec la Société la cor- respondance qu’elle a établie avec les Facultés et Collèges de médecine du royaume. Cette considération a été pour nous une , nouvelle source de regrets , et une raison de plus pour nous engager à célébrer publiquement leur mé- moire. M. J £an-B aptïste-Luc Pl axchon' , médecin consultant de feu monseigneur Charles, duc de Lorraine, licencié en médecine de la Faculté de Louvain , membre de l’Aca- démie de Dijon, naquit à Renaix, dans le Pays-Bas, comté de Flandre , en 1704. Son père, qui exerça pendant quelque temps la médecine à Lexize, petite ville du Hainaut autrichien , fut ruiné par l’incendie qui la consuma presque toute entière en 1742; et il se trouva dans l’impossibilité de donner à son fils la première éducation, sans laquelle il est difficile que l’esprit se développe. Le jeune Planchon annonçoit beaucoup de disposition et de vivacité. Un cha- noine dont on nous a laissé ignorer le nom, quoiqu’il soit bien digne d’étre connu , lui dgnna les premiers 368 NOTICES. principes de la langue latine, et obtint avec beaucoup de peine la permission de l’envoyer au college des prêtres de la ville d’Ath , où il fit ses liumanites. Son père craignoit qu’après l’avoir fait sortir pour un moment de l’état fâcheux où son infortune l’avoit réduit, on ne l’y laissât retomber, malheur qui auroit été beaucoup plus grand que le premier, et qu’il vouloit au moins éloigner de» son fils. Il se rendit cependant aux sollicitations et aux promesses de l’ecclé- siastique qui destinoit à un emploi aussi honorable la plus grande partie de son revenu. Nous croyons devoir rappeler ici c{ue nous avons déjà eu occasion de louer un chanoine de Châlons-sur-Marne pour un bienfait de la même nature. M. Planchon connut de bonne heure la détresse de son père et la générosité de son protecteur. En ne donnant pas toute son attention aux instructions qu’on lui ofTroit , il auroit manqué de reconnoissance , et il en étoit inca- pable. §on goût naturel pour le travail fut augmenté jiar la circonstance , cpii lui fit sentir le pressant aiguillon du besoin; et son ardeur pour l’étude devint telle , qu’on ne douta plus qu’avec une passion aussi forte il ne pût acquérir les connoissances les plus difficiles et les plus abstraites. Dans la carrière des sciences oomme dans celle des arts , ceux qui ont le plus de facilités, et que le hasard a placés le plus ])rès du but , sont jnesque toujours les derniers à y arri- ver ; tandis qu’en parlant de plus loin , outre qu’on met tous les instans à profit, on marche avec une vitesse d’autant plus grande, que les Impulsions s’accélèrent et s’accroissent en se succédant mutuellement. Du obstacle fut à peine surmonté qu’il s’en pi'ésenla un autr(^ M. Planclion avoit un goêt décidé pour l’étude de la médecine; mais son père, dont l’anie étoit irritée par I NOTICES. 371 le malheur, parce qu’il n’avoit ni assez de force pour le vaincre, ni assez de foiblesse pour eh être abattu, s’op- posa constamment à l’exécution de ce projet : il ne voulut pas consentir à ce que son fils se destinât à un état qui ne 1 avoit pas défendu des rigueurs de la pauvreté. - M. Planchon , devenu libre dans son choix par la mort de son père, se rendit à Louvain, où il fut admi» à la licence en 1758; car, dans cette Faculté, le titre de docteur est une dignité si importante , que les professeurs la réservent pour eux et ne l’accordent que rarement aux étrangers. M. Planchon pratiqua la médecine à Leuze , ensuite à Pernwelz; et dé là il vint à Tournai, où il étoit désiré depuis long-temps. Il y éprouva toutes les inquiétudes qui sont inséparables même des succès, et qui se raultiplieut sur-tout lorsqu’un homme à talens jette avec beaucoup de peine les premiers fondeniens de sa réputation et de sa fortune. Il se distingua sur-tout dans les concours acadé- miques : genre pénible , en ce qu’il offre souvent des pro- blèmes très-difficiles à résoudre, et dont le sens, quel- quefois énigmatique , exige autant de sagacité que de courage de la part de ceux qui se livrent à ces travaux. Gjuronné par plusieurs académies et par la Faculté de médecine de Paris , il s’étoit rendu célèbre et redoutable dans cette carrière. La suette de Picardie, qui est une véritable miliaire, ayant fait depuis 1718, à diverses époques, des ravages très -étendus dans cette province, l’Académie d’Amiens proposa, pour sujet d’un prix qu’elle a distribué en 1770, des Recherches à faire sur la nature et le teaitement de cette m-aladie. M. Planchon obtint l’accessit, et il publia sa dissertation. Après avoir discuté ce que David Hamilton, 3rj2, NOTICES. Sydenham et Hoffmann ont écrit sur la miliaire , il en a fait remonter l’origine à des époques très -reculées : il a même soupçonné qu’Hippocrate l’av oit observée sur Silène , et il croyoit en avoir rencontré des traces dans Aétius et dans Hali. L’éruption miliaire symptomatique a été en effet très-anciennement observée 5 mais la miliaire essen- tielle est nouvellement connue dans nos provinces : quel- quefois elle se manifeste dès l’invasion 5 souvent elle paroît au milieu du régime le plus rafraîchissant ^ et ses symp- tômes forment un tableau dont tous les traits sont déter- minés. On ne peut donc croire , ni avec M. de Haën , que son éruption est toujours produite par l’abus des remèdes échauffans , ni avec M. Planchon , qu’elle a été vue par les anciens, qui, s’il en avoit été ainsi, n’auroient pas manqué d’en faire une description exacte. Notre académicien a donné des détails curieux sur une espèce de miliaire chronique dont Hoffmann avoit parlé; il a bien établi que c’est à un effort critique que la nature doit . l’expulsion de ce virus. Nous désirerions pouvoir faire connoître toutes les vues et les réflexions judicieuses qui se trouvent dans cet ouvrage. Nous ne dissimulerons point cependant que le choix des différentes autorités pour- roit, dans quelques passages, être fait avec plus de dis- cernement. M. Planchon a traité à peu près la même question dans un mémoire sur la miliaire des femmes en couche , que la Faculté de médecine de Paris a jugé digne de l’ac- cessit en 1 778* Tandis qu’il méritoit les encouragemens de l’Academie d’vVmieiis en ^70 , celle de Dijon applaudissoit au nu^moire qu’il avoit envoyé pour concourir, dans la mime annee, à un de ses prix , Sur l’usage qu’il convient de faire <•» NOTICES. 373 médecine de la méthode échaufiknte et de la rafraî- chissante. Celte même académie désira en 1776 de fixer l’atten- tion des médecins sur une question à laquelle on ne sau- roit les ramener trop souvent : elle leur demanda quelles étaient les maladies dans le traitement desquelles la mé- thode expectante était préférable à r agissante. Pour dé- terminer ces différons cas , il faut se rappeler qu’il existe en nous une force qui réaoit contre tout ce qui la blesse: c’est une sorte d’irritabilité que tout stimulant excite. Soit qu’un virus se mêle avec les humeurs , soit qu’une sensibilité excessive porte le resserrement dans un organe, soit que l’abondance des iluides gonfle et distende lel vaisseaux, soit enfin que le tissu des fibres se reldrhe, s engorge ou s’imbibe de sucs qui deviennent pour elles un fardeau: dans tous ces cas, les nerfs ,' ébranlés par 1 action des molécules malfaisantes ou par la surcharge des viscères, portent le trouble dans les organes contrac- tils avec lesquels ils ont des liaisons ; et de cette aug- mentation d’activité suit la dépuration des humeurs ou le rétablissement des mouvemens nécessaires à l’entretien des fonctions. La puissance qui donne la première im- pulsion aux fluides épaissis ou stagnans, et qui développe à la fin des maladies lentes une mobilité sans laquelle la eoction ne peut se faire , est inhérente aux corps animés C’est beauconp de connoître son existence; mais il faut de plus savoir quelle est son énergie, avant de déterminer les secours qui lui conviennent ; elle à une marche qu’il n’est pas permis d’ignorer lorsqu’on entreprend de diriger ses efforts , et c’est toujours selon son penchant qu’il faut lagir lorsqu’on se propose d'alléger son travail. Ces grands principes ont été bien exposés par M. Plan 374 NOTICES. chon , qui partagea avec M. Voulloiine , médecin d’Avignon, le prix proposé par l’Académie: son traité étonne par l’éru- dition et par l’étendue des connoissances 5 mais il est un peu diffus J et il manque quelquefois de méthode. En voulant tout dire et discuter tous les cas , on s’appe- santit sur les détails, lorsqu’il faudroit frapper par l’en- semble , et l’on trace avec peine une multitude de portraits isolés lorsqu’une main exercée et hardie devroit tout ordon- ner dans un seul lablean. Les états du Brabant, instruits du succès de M. Plan- chon , crurent devoir lui en témoigner leur satisfaction , on pourroit même dire leur reconnoissance ; car la gloire litté- raire , après avoir honoré celui qui s’en est rendu digne , rejaillit sur sa patrie, et ses concitoyens ont raison de s’en féUciter. La feue impératrice , voulant récompenser le zèle de M. Planchon et les services qu’il avoit rendus dans le traitement des épidémies , chargea M. Storck , son premier médecin, de lui écrire une lettre honorable et de lui faire parvenir une médaille d’or. Huit jours après , il en reçut une seconde dont le coin réunissoit les portraits de Marie-Thèrese et de Joseph II. L’empereur se montra jaloux de participer à ce bienfait} et cette noble sollicitude est d’autant plus importante à remarquer , que son objet, sans faste et sans éclat, ne pouvant intéresser l’amour-propre du prince, n’étoit que le mouvement natu- rel de sa justice et l’impulsion de cet amour du bonheur et de la gloire nationale, qui doit être la première et peut- être la seule passion des rois. Al. Planchon a consigné dans le Journal de médecine un grand nombre d'*observations sur une lièvre double- tierce avec constipation opiniâtre, qui lut guerie [>ar la seule ouverture des ^eines hémorroïdales, sur les inala- NOTICES. S75 dies laiteuses , sur le traitement de j)lusîeurs ëpauclicmens séreux par l’oxymel colchique , sur les accideiis occa- sionnés par des semences de jusquiame prises intérieure- ment , enfin sur la nature et les propriétés des eaux minérales du Saulchoir. La Société a reçu de lui plusieurs observations et une suite de tableaux contenant l'état des saisons et des maladies régnantes depuis 1776. M. Planchon fut attaqué de la fièvre miliaire en 1781 : il mourut de cette maladie , qu’il avoit toujours redoutée et sur lacjuelle il avoit si savamment écrit, le 6 novembre, âgé de 47 ans. Nos regrets seront augmentés en réfléchissant qu’il étoit dans cette époque de la vie la plus propre aux sciences d’observation , où l'on connoit mieux la valeur de ce que l'on voit et même celle de ce que l’on a vu , où l’on apprécie l'expénence des autres par la sienne propre, et où se perfectionne ce tact particulier, qui, trop facile ù s'irriter dans la jeunesse , ne transmet alors que des sen- sations exagerees , mais qiii, travaillé, mûri par l’usage, devient enfin un sens exquis , habile à démêler le vrai d'avec le faux dans les matières douteuses , et si néces- saire à ceux qui ont des hommes à gouverner ou à, conduire. Les grands noms que toutes les voix répètent avec admi- ration sont ceux qui ont le moins besoin de nos éloges ^ leur place est marquée dans l’histoire des sciences ; mais, indépendamment du génie qui préside à leur développement et qui en opère les révolutions, ne doit-on pas un tribut de reconnolssance à ces hommes laborieux qui s'occupent des détails , et sans l’activité desquels l’édifice ne s^élè- veroit jamais? Les académies, suivant certains critiques, prodiguent trop les éloges. Quand ce reproche seroit fondé 3y6 NOTICES. à quelques ëgards, ne devroit-on pas facilement excuser un excès, qu’elles ne j)orteront jamais assez loin pour compenser celui de l’envie et de la méchanceté, dont les hommes qui cultivent les sciences et les lettres ne sont que trop souvent les instrumens ou les victimes? NOTICES. 377 S III. Notice sur la vie et les ouvrages de MM. Hahmant, Butet et Vetillart iîu RiberTj correspondans de la Société (1). L br ES correspondans delà Société forment un corps num> reux, dont les yeux sont toujours ouverts sur ce qui concerne la santé publique dans les différentes parties du royaume. Nous devons à leur zèle cette collection de faits qui forme l’histoire médicale de chaque année. Lorsque la mort enlève quelqu’un de ces hommes esti- mables , nous le regrettons comme un confrère qui nous ëtoit cher par sa liaison avec la Compagnie, précieux par ses travaux, et dont la perte laisse dans nos recueils un vide prescjye toujours très-difilcile à remplfr. Les trois coopérateurs dont la Société royale m’a chargé de recueillir et de lui rappeler' les services ont consacré leur vie entière au soulagement de l’humanité.^ Quoique placés loin du foyer d’où s’élèvent toutes les voix de la renommée , chacun d’eux s’est fait connoilre par des pro- ductions utiles; productions dont le sort a été le même que celui de leurs auteurs ; c’est-à-dire que leur mérite n’est parvenu que lentement et à force de temps jusqu’à la .capitale, d’où l’on répand avec profusion un si grand nombre d’ouvrages médiocres, Undis que les écrivains qui en sont éloignés ne lui adressent qu’en tremblant le fruit de leurs veilles. M. Dominique -Benoit Harmant étolt président du (1) Mémoires de la Société, annceA 17S0 et 8x, M NOTICES. Collège royal de médecine et médecin en chef de Inèpital de Saint-Stanislas à Nancy, où il naquit en jyzS. Son pèi-e, qui y exer^oit la même profession , fut chargé du traitement d'une épidémie : il guérit presque tous les ma- lades confiés à ses soins ; mais en ayant été lui-même atteint, il mourut, et laissa a son fils une petite fortune et un grand exemple. Le jeune Harmant n'eut pas plutôt achevé ses études i Nancy et à Pont-a-Mousson , qu'il partit pour Mont- pellier. Il ne balança point sur le choix de son état ; il senibloit qu'il eût à venger la mort de celui dont il tenoit le jour. Il voulut au moins, en bravant les mêmes dan- gers , se signaler par le même courage. De retour à Nancy, il se présenta devant les magistrats ; il les conjura de lui ouvrir la carrière qui avoit été si courte, mais si honorable pour son père; et il fut nommé médecin des pauvres de la ville, place cju’il a remplie pen- dant trente-deux années avec la plus grande exactitude, et sans avoir jamais vu , dans son exercice , un moyen de pari'enir à la confiance du riche, ou un degré pour s'élever à la fortune. En 1 750 , le roi Stanislas fonda un grand hôpital à Nancy. Quel médecin étoit plus digne que M. Harmant d’y être employé en chef? Il ne se borna pas aux seules fondions de son état : chaque malade trouva en lui un consolateur, et ses avis étoient exécutés avec un empres- sement qui en assuroit le succès. Ainsi, dans tous les hospices ouverts .aux citoyens pau- vres et souffrans, le premier de tous les devoirs à remplir par la charité publique est d’y placer des médecins dont les talens et la sagesse inspirent une confiance générale. I On doit sur-tout en écarter res féuiér lires qui, gouvernés NOTICES. 379 par leur imagination , et variant leurs essais comme leurs systèmes, tantôt répandent le sang à grands ilôts, tantôt ]>rodiguent des remèdes incendiaires; une autre fois restent dans 1 inaction la plus absolue , et qui , contens de leurs expériences , écrivent froidement sur leurs registres lo bien et le mal qu’ils ont fait , et en tirent des résultats qu’ils appellent leurs découvertes. De pareils hommes sont l'effroi de rindlgent : il redoute plus leurs décrets que le mal dont il est atteint; et cette première source de bien- faits étant empoisonnée, il n’en sort rien que d’amer et de funeste à la santé. En même temps que le roi Stanislas jetoit les fondemens d’un hôpital, il étnblissoit une académie, et ce prince bien- faisant sembloit montrer par-là que l’amour des sciences doit toujours être joint à celui de l’humanité. M. Hannant y occupa une des premières places; et il lut plusieurs mémoires dans ses séances. Sa Dissertation sur les daiigereu.x effets du charbon allumé a réuni tous les suffrages. Ce travail eut encore pour objet le soulagement du peuple, parmi lequel ces accidens sont très-communs. Ce que M. Harmant a écrit sur le traitement de cette espèce d’asphyxie est appuyé sur la théorie la plus saine, et prouvé par l’observation la plus décisive. La peau du visage étant fine et très-sensible, les ébran- lemens qui s’y font se communiquent facilement à tout le système nerv eux : ainsi Leau froide , même glacée , jetée de loin sur cette région, doit produire une secousse urile, ranimer les fibres engourdies. Mais les succès rapportés dans son ouvrage ne pouvoient être obtenus que par un homme aussi ardent à bien faire, et aussi constant dan« «on dessein. II a fallu quelquefois plu? d’une heure de 38o NOTICES. persévérance pour exciter cette constrlction , ce frémisse- ment si désirés, qui sont le premier effort de la nature affoiblie; et quoique le moyen principal de cette cure, c’est-à-dire la projection de l’eau froide , eût été prati- qué par Boerhaave, ce que M. Harmant ignoroit, ce der- nier en a exj)osé les accessoires et en a’ déterminé les cir- constances d’une manière si complète et si neuve , qu’il se l’est rendu propre , et qu’il en a fait oublier l’inventeur. Il existe à Nancy un collège royal de médecine, qui est encore l’ouvrage de Stanislas. Ce prince, malgré ses mal- heurs , ne fut point à plaindre pendant ses dernières années , puisqu’il conserva le pouvoir de faire le bien , le seul des privilèges de la royauté qui eût été vraiment digne de ses regrets. Il accorda en lySa une place dans ce collège à M. Harmant, qui en devint président en 1780. Ce fut cette dignité qui lui donna des droits parmi nous , la, Société se félicitant d’être liée par une association de correspondance avec le Collège royal de médecine de Nancy. Pendant sa présidence, il a montré le plus grand zèle pour la gloire de ce corps célèbre. Il est mort le 27 sep- tembre 1782, âgé de 5q ans. On a trouvé quelques manuscrits dans sa bibliothèque. Il est à souhaiter qu’on mette dans leur révision autant de sévérité qu’il y en auroit apporté lui- meme. C’est manquer à la mémoire des hommes qui ont bien mérite de la patrie, c’est en quelque sorte leur désobéir, que de publier des ouvrages aux(juels ils n’ont pas donne leur sanction; ou, pour en user autrement, il faut au moins être sûr d’ajouter à nos connoissances et à leur gloire. M. I’baîiçois Büttet, chirurgien en chef de 1 hûtel- NOTICES. 38v dieu d’Etampes , et associé de l’Académie royale de chi- nirgie, naquit, en avril 1/25, dans le bourg d’Arrou , près de Cliàteaudun, de parens dont la fortune étoit très- bornée. Il auroit été perdu pour les sciences, si un d& ses freres , uiuinlenant curé dans la Beauce , ne lui avait donné celte première éducation , sans laquelle l’esj>rit est pour jamais inhabile à la recherche de lu vérité. Après avoir achevé ses humanités, toujours sous les auspices de son frère, il prit le grade de maitre-ès-arts , et reçut la tonsure. Le sentiment profond de lu reconnois- saiice dont il étoit pénétré ne lui avoit pus permis de songer à un autre état qu’à celui de son bienfaiteur; niais ses yeux s’étant ouverts , il osa renoncer à un projet vers lequel toute son instruction avoit été dirigée. Le digne ecclésiastique qui y avoit présidé vit sans peine ses soins tourner nu profit de la chirurgie, que M. Buttet étudia à Orléans et ensuite à Paris; et, en continuant de lui donner des secours, *il montra qu’il n’avoit mis, ce qui est fort rare, aucune condition à ses bienfaits. L etablissement de 1 Academie royale de chirurgie venoit de donner à tous ceux qui cultivoient cette science une impulsion que les étudions avoient ressentie , et l’ému- lation avoit suivi cette marche, qui produit toujours de grands effets en se répandant des maîtres parmi les dis- ciples. M. Buttet, ardent au travail, facile à enflammer, conçut dès ce moment le désir d’être un jour membre de cette académie, et il fit consister tout son bonheur dans l’exécution de ce dessein. Ses ressources et celles de son bienfaiteur étant épui- sées , il fut non seulement obligé de quitter la capitale beaucoup plus tôt qu’il n’avoit projeté; mais il faUut encore flu’il se résolût à se faire recevoir pour la campagne, sa 382 NOTICES. fortune ne lui permettant pas de prétendre à l’agrégation des communautés établies dans les villes voisines. Combien une semblable coutume est injuste et bizarre ! La santé du laboureur n’est-elle donc pas assez Importante pour mériter les soins d’un chirurgien habile? Y a-t-il un milieu entre savoir et ignorer son art, et ne sont-ce pas des citoyens que l’on a par-tout à traiter? Cette faute, que l’on peut aussi reprocher à la médecine sous d’autres rapports , n’est d’ailleurs celle d’aucun corps en particulier : elle appartient à d’anciennes lois que l’on devroit abolir, parce qu’elles ont été faites dans des temps où l’on paroissoit ignorer encore quels étoient les droits et les privilèges de l’humanité. Ce fut à la communauté des chirurgiens d’Etampes qu’il se présenta. Ils furent étonnés, j’ai presque dit effrayés du mérite du récipiendaire. Mais quoiqu’il eût excité leur admiration , ils ne lui accordèrent cependant que le droit de pratiquer dans le bourg d’Angerville , où il exerça pen- dant trois années les fonctions de chirurgien de campagne; fonctions très - honorables , sans doute, lorsqu’elles sont confiées à un homme aussi instruit, puisqu’elles consistent à faire beaucoup de bien pour un très-petit salaire. Il y avoit loin de cet état obscur et ignoré à celui de membre de l’Académie royale de chinirgie , qui n’avoit point cessé d’être l’objet de ses vœux. Cette espérance le soutint au milieu des obstacles qui s’opposoient de toutes parts à son avancement. Dans les grandes entreprises on a besoin d’un motif qui, toujours présent à la pensée, donne le courage de chaque instant : ce motif, cette chi- mère que l’on poursuit en secret, sont les causes cachées de toutes les révolutions. L’homme , concentre dans le présent, resteroit immobile : ce n’est qu’en s’élançant sers l’avenir qu’il connolt scs forces , qu’il acquiert de l énergie. NOTICES. 383 et que son imagination le console des maux essentiellement attachés à son existence. Que l’on se représente M. Buttet, formé par une bonne éducation , très-versé dans les différentes parties de l’art de guérir , avide de connoissances et de gloire j qu’on se le peigne loin ide tout commerce littéraire , en^ronné d’hommes grossiers, dont aucun ne pouvoit ni apprécier son mérite , ni même lui savoir gré de ses travaux. Ce qui l’afillgeoit le plus , c’étoit l’ignorance et la témérité des chirurgiens répandus dans les campagnes, avec lesquels il avoit à soutenir une concurrence humiliante. Il prit le parti de les instruire. Il leur proposa des conférences qu’ils acceptèrent ^ le mot de leçons les auroit épouvantés. Reconnu pour leur maitre , il en imposa bientét à tous par l’ascendant de ses lumières, et il devint dans son village le chirurgien le plus célèbre et le plus consulté de la province. Appelé par la voix publique à Etampes , il réunit les places de chirurgien en chef de l’hôtel -dieu, et celle de lieutenant de 1\I. le premier chirurgien du roi. Il établit une correspondance avec les grands maîtres de l’art, et il communiqua ses observations à l’Académie royale de chirurgie. Cette compagnie a inséré dans le quatrième tome de son Recueil un mémoire de M. Buttet sur la luxation des côtes. ^ Aucun auteur n’avoit parlé de cette espèce de dépla- cement , dans lequel la tète de l’os du rayon s’écarte en. dehors de celui du coude, et de la facette radiale de l’humérus qui lui correspond. Elle est fort rare, parce qu’elle ne peut être produite que par la combinaison de circonstances très-difficiles à réunk. M. Buttet l’observa 384 NOTICES. sur un malade. Ce nouveau fait, bien présenté à l’Aca- démie royale de chirurgie , parut si intéressant , qu’elle chargea deux de ses plus illustres membres , MM. Louis et Sabatier, de se transporter à Etampes pour le vérifier. On peut juger, par les talens distingués des deux com- missaires , de l’importance que l’académie attachoit à cette observation. A cette époque, elle nomma M. Buttet son associé régni- cole. Il vit alors ses plus chères espérances remplies , et il fut comblé de joie. Parmi les pièces qui nous ont été remises de la part de sa famille, et qui nous ont appris à le coimoître , une nous a sur-tout inspiré le plus grand respect pour sa mémoire : c’est un très-gros volume où il consignolt chaque jour ses observations sur l’art des accouchemens , dans lequel il excelloit. Il s’y rend compte à lui-même de ses manœuvres, et il les juge avec sévérité. Ici, il recherche ce qu’il aurolt dû faire dans quelques circons- tances ; ailleurs, il expose les procédés et le succès dés opérations délicates dont ses concitoyens ne lui tenoient aucun compte 5 et l’on voit avec plaisir 1 homme de bien content de sa propre estime , et soutenu , dans les cas les plus difficiles , par le seul témoignage de sa çonscience. En parcourant ce recueil , on y aperçoit une lacune depuis le mois de décembre 1762 jusqu’il celui d’avril 1763, et on lit au bîls de la page l’explication suivante, bien honorable pour celui cpii l’a donnée. « Ayant commis « une faute dans la pratique d’un accouclitmenl difficile, » j’ai passé CCS trois mois à Paris pour y consulter les » maîtres de l’art et profiter de leurs leçons. » Le cahier dans lequel , en dévoilant ainsi son ame toute entière, il a donné des preuves de sa délicatesse, NOTICES. 38S en contient ausSi de sa générosité. Jamais on n’attacha moins de prix aux plus grands services : dans la plupart des cas qui y sont exposés, les malades étolent des iudi- gens^ auxquels il prodiguoit des secours de toute espèce. Il n’avoit point prévu que les secrets de la bienfaisance seroient ainsi réiélés au public, et qu’un œil curieux par- courroit ce recueil de ses actions et de ses pensées ; en les écrivant, il proTongeoit sa jouissance , il s’cn assuroit le souvenir, et il élevoit , sans s’en douter, un monument à sa gloire. Cet homme si bon, si honnête, a été persécuté, parce qu’il a eu des succès, et il a été malheureux, parce qu’il étoit très-sensible. Sa rupture avec M. livret lui donna sur -tout beaucoup de chagrin. Personne ne respecta jamais plus que M. Buttet les talens de ce chinirmen illustre dont il étoit disciple. Il osa, en 1772, propLer quelques corrections à faire au forceps courbe de M. Levret. Celui-ci avolt conseillé, pour la Ugaturedes polypes utérins, un instrument composé de deux cyUndres creux et réunis : en 1774 il en changea la forme. M. Buttet lui écrivit qu’il préléroit les premiers cylindres non réimis et disposés sui- Tant un plan dont il lui envoya le modèle. Cette lettre qui devoit être particulière, se trouva publiée dans le Journal de médecine, et critiquée sans que M. Buttet en fût prévenu. Il réclama , et tous les deux sont morts sans que la difficulté fût terminée. Mais ces petites discus- mons, faites pour grossir les journaux, doivent être éla- guées de l’histoire des sciences, car il y a des querelles que l’on perpétue en voulant les juger. ■ Il »or. TicliMe de eon zèle. Ayant voyagé pendant la nml pour un malade, il fut saisi de froid; la fièvre sur- vint, et il succomba à ses suites en mars 1782. 386 NOTICES. Son histoire offre le spectacle d’un homme de bien luttant sans cesse avec la fortune , et l’emportant toujours. Tant d’autres ont vu leur vie entière se consumer en efforts inutiles , parce que de vaines formalités , des coutu- mes barbares, les ont éloignés des circonstances où ils auroleiit pu servir utilement la patrie ! Ce que nous avons à dire de M. Noël -Patrice Vetillart t)u Ribert, sera court, parce que, comme médecin, il n’a fait qu’une seule chose dans toute sa vie, partager les dangers de la contagion et des épidémies de sa province, en se livrant tout entier à leur traitement. Après avoir achevé ses humanités au Mans , et avoir été reçu docteur en médecine à Reims , il revint dans sa patrie , où il fut agrégé au collège de medecine en i'j55. Une péripneumonie maligne régnoit alors epidemique- ment dans la ville du Mans M. du Ribert ne' laissa point échapper cette occasion de signaler son aèle. U eut des succès *, mais il fut lui-même atteint de l’épidémie. L in- térêt qu’il inspira ayant été général, il n’oublia jamais que le public avoit pris part à son sort; et ce souvenir ne lui laissa voir, dans le dévouement le plus absolu, dans les fonctions les plus périlleuses de son état, qu’un tribut de reconnoissance envers ceux qui avoient encouragé sa jeunesse. La vie de M. du Ribert a été, depuis cette époque, un long sacrifice à ses concitoyens et à l’humanité. La voix du peuple l’appeloit dès que l’alarme comn.ençoit ù se répandre, et sa présence rassurait aussitAt les^espnts. Fins- d’une fols, frappé d’un mal contagieux, il l’a com- muniqué H sa famille, à ses enfans. De même qu’il avoit tous les fléaux à redouter, il avoit aussi tous les dangera notices. à craindre. Comme père, comme époux, son ame étolt ouverte de toutes parts à l’inquiétude; mais son courage’ ne lui montroit, lorsqu’il falloit agir, que son devoir pour mobile , et la gloire pour récompense. Que l’on ne croie pas que ce tableau soit exagéré : la Société royale a eu sous les yeux les témoignages de considération que plusieurs villes du Maine, et dilTérentes communautés , se sont empressées de rendre à M. du Kibert Pour écrire exactement son histoire, il faiTdroit rassem- 1er tous les cas où, depuis vingt-huit années, la santé des habitaiis de sa province a eu besoin d’étre secourue Il nous suffira d’indiquer les épidémies dont le traitement Un a présente le plus d’obstacles , et de rappeler quelques- ums de ses bienfaits, persuadés qu’il ne nous en 1 été révélé que la moindre partie, et que, dans la carrière d’un homme de bien, dans une vie toute tissue de bonnes œuvres, ce que l’on ignore, ce qui fait la jouissance intime le secret d’un cœur généreux et pur, ;st toujours ce qu il y a de plus digne de notre admiration et de nos hommages. * ' Une péripneumonie pn.ride et gangténenee, aen.bl.ble 1 celle ,u. .vo.t régné an Man, en ,yS5, f«, en .76, e grand, ravagea dan, 1. ville de Beanmo„,-le-Vicon..e ^ M. Percheron , médecin habile , y avoir Modu Riber, le remplaça, et , établit 1. Ihode de traitement. En 1765 , il rendit le même service à la vill.^ dm p table où il régnoit une fièvre putride contagieuse , saute fut long-temps affoiblie par des furoncles très d t ' ccn., aun,nel, le cou, art de, malade, avoiÜtjtû”'. ae ia:.Ti: , années d une dysseiiterie cruelle , 25 388 NOTICES. ' eurent recours à ses avis. Il a publié la description de cette maladie dons un mémoire qui contient l’exposé des moyens utilement employés pour la combattre. II donnoit à ces honorables commissions tout le temps qü’elles exigeolent. Il n’imitoit point ces médecins qui j livrés à une pratique lucrative et nombreuse , se contentent de jeter un coup-d’œil rapide sur les malades attaqués d’épidémies , les abandonnent à des subalternes , et s em- pressent de rstourner à leurs affaires , comme s’il pouvoit y en avoir de plus Importantes que la santé de tout un peuple conBé ^ leurs soins. M. du Ribert se fixoit dans le lieu où ses conseils pouvoient être utiles; il se nour- rissoit des mêmes allmens , il respiroit le même air que ses malades; Il les observoit dans tous les instans du jour. Il persuadoit aisément le peuple, dont il étoit aimé, et il subsistuoit ainsi des pratiques utiles à des coutumes dangereuses; car il est Important, lorsqu’on a des vérités nouvelles à répandre dans les campagnes, de bien choisir celui qui doit les annoncer. Trop souvent trompés , les culti- vateurs n’accordent leur estime qu’à ceux qui l’ont mérilee par des services : ils ont fait tant de bien aux habitans des villes, et ils en ont reçu tant de mal, qu’ils n ac- cordent que difficilement une déférence entière à leurs avis. Les préjugés qu’ils tiennent de leurs pères, et qu on leur reproche tant, sont mille fois préférables aux erreurs nue la prévention des enthousiastes et la ruse des char- latans leur offrent de toutes Sparts. Et comment ne leur pardonneroit-on pas leur incrédulité, leur méfiance, lors- qu’on rélléchlt qu’elles sont les seules armes que hommes laborieux et simi.les puissent opposer aux enne- mis dont ils sont environnés? . NOTICES. 38^ sain^ produisent J lorsqu’elles sont altérées par certaines maladies, un poison brûlant, et capable de porter la mort la plus prompte dans les membres jusqu’alors réparés par leurs sucs. La société d’agriculture du Mans, à laquelle les funestes effets du seigle ergoté étoient connus , s^ap- perçut,'en 1770, que ce vice étoit très-commun parmi les blés de la province. M. du Hibert fut chargé de publier un mémoire sur ses dangers , et sur les remèdes de la gangrène dont il pouvoit être la cause. Cette instruction, imprimée par ordre du roi, fut distribuée dans tout le royaume. En 1771 et 1772, les prisons de la ville du Mans furent infectees par cette fièvre si contagieuse et si meurtrière , que Huxham et Prlngle ont décrite dans leurs ouvrages. Déjà un ecclésiastique et le geôlier y avoient succombé. M. du Rlbert prit des mesures si sages , qu’il l’empêcha de pénétrer dans la ville; mais il en fut gravement atta- qué , et elle s’étendit à un de sés enfans. Production funeste de l’oppression ou de la misère, ce fléau n’aurolt point paru dans le monde, si les hôpitaux avoient tou- jours été traités comme les asyles du peuple, les prisons comme celui de Pinnocence , et si une autorité peu éclairée ou une charité mal entendue, n’avoient jamais entassé les hommes dans des demeures trop étroites, du sein des- quelles la mort, frappant à la fois les gardiens et le* Vie’- times, et rompant toutes les barrières, semble exercer une. sorte J vengeance contre les instrumeng de ces maux. M. du Robert passa l’année 1773 dans les paroisses de Luce, Villaines, Challé et Volnay , où des fièvres rémit- tentes exigeolent sa présence. Pemlont lVm.ée ,yy4, „„e épidémie trés-m,unMr, ,1 la Ferté-Bernard. M. Hachard , „àdaci„, a„ Syo. NOTICES. mourut. Resté seul , M. du Ribert suffît à tout ; mais immédiatement après son retour au Mans, il en fut atteint, et il la communiqua à son épouse. Vous voyez , lui disoit-il dans sa convalescence , que la Providence nous conserve au milieu de tous ces dangers. Ainsi ce qui auroit affoibli , détruit le courage d’un autre , élevoit le sien , et le pré- paroit à de nouvelles entreprises. La dyssenterie , qui affligea en 1 779 presque toutes les provinces du royaume , fut très - opiniâtre dans plusieurs N cantons du Maine, sur- tout à Lucé. M. du Ribert la traita en médecin habile , et il publia ses observations dans un ouvrage imprimé sous le privilège de la Société royale. Quelques mois après, étant à cheval pour le service des épidémies, il fut terrassé i)ar un coup de sang, et celui qui avolt consacré sa vie à secourir les autres , resta lui-même sans secours. Le sang sortit abondamment par le nez , et il fut conservé : mais ses forces s’afToiblirent toujours depuis ce moment jusqu’en 1782, où il mourut épuisé , vieilli par ses travaux , quoiqu’il ne fût âgé que de 53 ans. Plusieurs années avant sa mort, le Gouvernement lui avoit accordé une pension de 800 Uvres , et il en avoit été content, non qu’il se regardât comme payé de scs peines , mais il préféroit cette modique récompense à un de. ces irailcmens qui sont assez forts pour faire oublier le souvenir des bienfaits. De quatorze cnfans qu’il avoit eus , il lui en étoit resté netif. Il ne sentit combien il leur étoit nécessaire qu’au moment où il alloit leur manquer. Il versa des larmes sur leur sort; et pou de temps avant de mourir, U nous adressa une lettre dans luciuello sa main uembluuto avoit tracé NOTICES. 391 ces mots : « J’expire victime de mon zèle et de mon » devoir. Je vous recommande, mes chers confrères, des « enfans et une veuve que je laisse presque sans fortune : » faites-les jouir du fruit de mes travaux} car, lorsque >> vous lirez cette lettre, je ne serai plus. » La Société a obtenu pour eux la moitié de la pension qui lui avoit été accordée. Jamais on ne porta plus loin que M. du Ribert cet enthousiasme du bh?n public , cet entier oubli de soi-méme, qui font que l’on ne vit que pour la patrie. Nous avons pensé qu’il seroit agréable pour elle et honorable pour nous de tracer un semblable caractère , et de conserver un aussi parfait modèle de désintéressement et de vertu. • NOTICES. $ IV. Notice sur la vie et les ouvrages de MM. Alexandre, Diankyèbe, Desmery, Rose et Darluc, associés régnicoles et cor- respondans de la Société, Ces confrères ne se sont point illustrés par de rares in- ventions ou par d’immortels ouvrages 5 aussi nous ne leur décernons point un éloge. C’est moins leurs noms, c[ue leur dévouement et leurs vertus , qu’il Importe de faire connoître 5 et ce n’est point pour la postérité , mais pour nos concitoyens et pour nous-memes, que nous en tra- cerons le tableau. Modestes dans nos regrets, autant qu’ils l’ont été dans leur conduite , nous dirons en peu de mots comment, par un zèle sans bornes, par une probité sans tache, par un sacrifice entier d’eux -mêmes, et par des travaux de plus de quarante années , ils ont mérité la confiance et l’estime de leur pays. / MM. Alexandre, médecin à Nantes , Diannyère a Mou- lins , et Desmery à Amiens, ont été long-temps les chefs des corps de médecine qui y sont établis : ils ont préparé nos liaisons avec ces compagnies; et quand nous n’en aurions reçu que ce seul service, ils auroicnt des droit» sacrés à notre reconnoissancc. M. Acexanure, doyen de la Faculté de médecine de Nantes, étoit Agé de quatre-vingt-trois ans, lorsque son nom fut inscrit sur notre liste. « L’exécution de votre utile projet, nous écrivit -il « alors, loin de trouver ici des obstacles , sera favorisée » par tous mes confrères. Nous avons lu les lettres- NOTICES. *> patentes qui établissent votre compagnie, ajoutoit-il, 5> et nous y avons vu que la société ne peut donner à ses n membres aucun droit pour enseigner ou pratiquer la 55 médecine ; qu’elle ne forme qu’un corps académique , 55 et qu’elle ne peut avoir d’influence que par des travaux 55 littéraires auxquels nous nous ferons un devoir de 55 contribuer. 55 M. Alexandre naquit à Nantes en 16945 et il y a pra- tiqué la médecine avec une grande célébrité pendant plus de 60 années. L’université lui conféra plusieurs fois les honneurs du rectorat, et on s’y souvient encore des dis- cours qu’il prononça en cette qualité, et qui furent re- marqués par l’élégance et la pureté de la diction. Mais ce qui honore le plus sa mémoire , ce que sur-tout je ne dois pas oublier ici, ce sont les soins assidus et tendres qu’il ne cessa de donner aux pauvres, depuis lySy, époque k laquelle il fut nommé médecin des épidémies. M. Alexandre ne remit jamais à des subalternes les fonctions de cet emploi. Il secouroit les habitans des campagnes par sa ])résence et par ses conseils. On ne lui reprochera point de les avoir traités de loin et par écrit , à la manière de ceux qui, du sein des villes et sans quitter leurs affaires, se contentent de répandre des feuilles où ils prescrivent des méthodes et dictent des formules. Dans les grandes •calamités, ce ne sont pas de vains papiers, mais des hommes habiles et courageux qu’il faut opposer à l’in- fortune d’un peuple consterné : ce ne sont pas des pen- sées écrites dont on 'a besoin alors; il faut de ces âmes actives et fécondés, qui brûlent de l’amour du bien, dont 1 inquiétude s etend à. tout, dont les ressources varient comme les souffrances des malheureux , en un mot , à qui rien n’est impossible, telle enfin que celle du confrère M NOTICES. que nous regrettons. C’étoit au moins l’idée- qu’en avoient les liabitans de la Bretagne. Lorsqu il fut appesanti par les années ^ il abandonna des fonctions devenues trop pénibles; mais les liabitans des campagnes, accoutumés à ses conseils, ne pouvoient y renoncer ; ils venoient le consulter de toutes parts , et cette multitude servoit de cortège à sa vieillesse. Ce fut au milieu de ce culte , et à l’àge de 87 ans , qu’il termina une carrière toute remplie de bienfaits. M. Diannyeke , doyen du Collège de médecine de Moulins , ville près de laquelle il naquit en 1711 5 nous offre en tout le même caractère que M. Alexandre: il pratiqua les mêmes vertus , et il jouit de la même confiance, de la même estime, et sans doute aussi du même bonheur; car celui qui. fait du bien aux hommes, et auquel on en tient compte , ne sauroit manquer d’être heureux. M. Diannyère dut son éducation à un oncle auquel il fit le sacrifice de plusieurs places , pour se fixer à Moulins près de ce généreux parent. Là, sa vie fut uniforme; ses jours furent également occupés, également tissus de bonnes œuvres. Il étoit le médecin des prisons , où il a fait des changcmens utiles , et celui des pauvres, en faveur desquels il avolt rédigé une suite de formules simples et peu dispendieuses, dont il se servoit , et dont il leur avolt appris à faire usage avec un grand succès. Il est inutile d’ajouter qu’il leur ])ro(1iguoit des secours avec des conseils : se plairolt-on à visiter les indigcns , si ce u’éloit pour les plaindre, les soulager, et diminuer le poids de leurs maux? Pendant scs dernières années, une maladie de langueur avoit rendu tous ses mouvemens pénibles. Lorsqu il sor- NOTICES. ‘ 395 toit, conduit et soutenu par ses enfans, les acclamations, les bénédictions du pauvre , que ses confrères ont fait parvenir jusqu’à nous, le suivoient partout. Le peuple est libre au moins de manifester son respect et son amour j sentimens qu’il aime à répandre, et qu^il est bien doux de lui inspirer. Les uns le remercioient de .ses bienfaits; les autres se lamentoient sur sa perte prochaine : il les entendoit , et il les consoloit encore en les rassurant sur son état. M. Diajinyère a consigné dans le journal de méde- cine, des observations intéressantes sur la meilleure ma- nière d’employer les vermifuges , et sur le traitement d’une colique périodique. Il a publié, en 1746, une analyse des eaux minérales de Bardon , dont il étoit intendant ; et nous en avons reçu des observations qui annoncent autant de talens qu’il nous a montré de zèle. Un de ses fils s’est fait connoitre dans la carrière des lettres, par un éloge de Gresset. M. Desmery, doyen du Collège de médecine d’Amiens, où il naquit en lyoS, et où il est mort octogénaire, étoit le médecin le plus célèbre de toute la province qu’il habi- toit. A ces connoissances étendues et variées , il joignoit un esprit fin et beaucoup de philosophie. Ses premiers pas dans la carrière furent marqués par une de ces circonstances qui contribuent quelquefois plus que le mérite, à jeter les foademens d’une grande réputation. Etant a Saint-Quentin , il vit par hasard un chanoine de la cathédrale, dans lequel il remarqua quelques-uns des symptômes de plénitude, qui sont les avant-coureurs de l’apoplexie ; il en prédit une attaque , si on n’y opposoit les remèdes les plus prompts. On n’eut aucun égard à 1 3p6 NOTICES. cet avis ; lé chanoine fut frappé d’apoplexie , et il mourut dans la journée. La nouvelle de cet évènement prévint le retour du jeune docteur dans la ville d’Amiens. Le chapitre, les abbayes, les monastères , et toutes les personnes considérables , à leur exemple, s'empressèrent de le choisir pour médecin. Le pronostic est la partie la plus difficile de notre art: c’est celle qui demande le plus d’étude , de précaution et de sagacité; elle attire sur-tout l’attention du commun des hommes , parce qu’elle s’exerce sur l’avenir, et qu elle semble tenir du merveilleux. M. Desmery, content de son premier sucdès , se garda bien de s’exposer à perdre, par une imprudence , le fruit de la combinaison heureuse qui lui avoit si bien réussi. Il savoit apparemment, ce que la plupart ignorent , que l’enthousiasme est inconstant et versatile , et que le public, en prodiguant son admiration, exige que l’on s’en rende digne au moins après l’avoir obtenue , condition sans laquelle il s’én venge par le ridi- cule ou par l’oubli. M. Chaubelin, alors intendant d’Amiens, y avoit établi en 1740 une Société académique, dont M. Desmery fut un des premiers membres. Il y apporta ce zèle propre aux fondateurs, qui, comme le courage , s’irrite par les obstacles et s’accroît à mesure que les dilficultés augmen- tent. Il professa long -temps la botanique dans le jardin des plantes de l’académie , dont elle l’avoit nommé direc- teur , et il s’est passé peu de séances publiques où il n’ail lu des mémoires. Les uns c’onliennent des recherches sur Fernel et Guy-Patin; d’autres, des réflexions sur les dis- positions organiques considérées relativement à l’esprit, flur l’étude des langues anciennes , sur la nécessité des lettres dons les principales professions de U société; quelques- NOTICES. 397 •uns, des observations sur les teinpéramens , sur l'inocu- lation, qu’il a pratiquée le premier à Amiens, et sur l’apoplexie. Lin évènement singulier avoit fixé sur M. Desmery l’attention du public dès son entrée dans le monde : une catastrophe non moins extraordinaire hâta sa fin. La mort d un fils unique l’avoit plongé dans la plus affreuse mé- lancolie : le coeur plein de son image, il rencontra un jeune homme dont la démarche et la [physionomie lui olfrirent quelque ressemblance avec celle de ce fils l’objet de ses regrets. « Le voilà, s’écria-t-il, mon fils, mon cher filsl L’erreur de ses yeux étoit devenue celle de sa pensée. Il se précipite vers le jeune homme qui le reçoit entre ses bras, s’attendrit et pleure avec lui. Épuisé par cette scène déchirante, l’infortuné vieillard s’évanouit et mourut quel- jours après, à la suite d’un délire dans lequel l’ombre de son fils sembloit se présenter sans cesse et lui échapper toujours. Toute la ville d’Amiens prit part à ce malheur; et le nom de M. Desmery y sera à jamais compté parmi ceux des bons citoyens et des bons pères. ' M. Rose, chirurgien, correspondant de l’Académie royale de chirurgie , et de la Société royale de médecine , naquit eu 1724 à Gy, bourg de l’élection de Montar- gls. Un de ses parens , chirurgien à Chàüllon-sur-Loln , lui enseigna les premiers principes de son art. A Paris, il suivit les leçons de Winslow et Ferrein; il fut élève de Foubert et de Bassuel, et il devint l’ami in- time de Quesnay , un des plus savons et des meilleurs hommes dont notre siècle puisse s’honorer. 39» NOTICES. M. Rose se fixa à Nemours, où il a joui de la réputa- tion la plus distinguée. Il possédoit deux genres de con- noissances bien difficiles à réunir , celles de la médecine et de la chirurgie ; et il a reçu , dans cette double car- rière , des honneurs académiques mérités et justifiés par de grands travaux. L’établissement de l’Académie royale de chirurgie étoit encore récent, et une émulation générale s’étoit répandue dans tout le royaume parmi les gens de l’art. M. Rose, témoin pendant son séjour à Paris des succès de cette Académie, partit pour la province, avec le désir le plus vif de s’y associer un jour, et d’obtenir quelques-unes des palmes qu’elle offroit aux talens.. Malheur à celui qui commence sa carrière sans être anime par la passion de la gloire! cet Instinct des cœurs généreux, ce senti- ment d’où l’ame tire sa vigueur , sans lequel l’œil s’abaisse et la pensée languit j ce sentiment sur-tout necessaire à ceux dont l’opinion publique règle le sort , et qui , dé- daignant de la surprendre, osent vouloir la subjuguer. Avide de voir et de recueillir , habile à enchaîner les faits entre eux, M. Rose fut bientôt en état d'entretenir une correspondance avec l’Academie. Une contusion violente des tégumens de la tête et du péricrâne exigea que M. Rose y fit une large incision , et qu’il ruglnât l’os pariétal. Cette opération découvrit, le quatrième jour, une fêlure dans le Heu frappe; mais comme aucun des symptômes qui annoncent la compres- sion , ou même une forte commotion , ne se montroit dans ce malade, il n’eut pas recours au trépan. On recon- nolt ici In marche de la chirurgie rationnelle, qui n’opère jamais sans une indication précise. Ce fait offre d ailleura NOTICES. 399 l’exemple tr<^s-rare d’une frachire de la table externe, qui ne s est point communiqué à la table interne des os du cr;\ue. Dos circonstances particulières ayant empêché M. Rose de pratiquer la gastroraphie dans les premiers jours qui suivirent tine grande plaie du ventre, cette opération fut faite avec succès , quoiqu’elle eût été très-différée. M. Rose expose à ce sujet les 'dangers qui naissent de l’usage des tentes. Dans une autre observation , il démontra que les symp- tômes annoncés par J. L. Petit , comme les signes de la luxation , ou plutôt de la fracture des vertèbres , avoient été l’effet d’une commotion violente de la moëlle épinière , et que par conséquent le diagnostic de J. L. Petit étoit vicieux. Plusieurs dépôts s’étolent formés au bras très-tnméfié d’un malade; ils furent ouverts par M. Rose, qui observ-a que toutes les lames externes de la partie supérieure de l’os , ayant la forme d’une virole , étoient séparées jus- qu’à une grande profondeur d’avec les couches internes : il coupa cette pièce circulaire suivant toute sa longueur , et il l’enleva sans porter aucune atteinte aux mouvemens de l’extrémité.. L’académie royale de chirurgie adjugea à l’auteur de ces observations un de ses prix. Elle y remarqua sans- doute cette exposition simple et vraie, qui tient moins au talent de bien écrire qu’à celui de bien voir; cette sûreté dans le conseil que l’instruction ne donne qu’aux bons esprits , et sur-tout cette méthode qui , dans le récit des faits extraordinaires les unit par tous leurs rapports avec «eux qui sont déjà connus , tandis que le propre de l’igno- jîfoo TfOTlCES. rance est de les montrer incohérens,' invraisemblables et merveilleux. Peu de temps après il communiqua à la même acadé- mie deux mémoires : l’un sur le traitement du charbon , l’autre sur celui de la rage. • Dans ces deux maladies , le vice commence par être local , et c’est dans son foyer seulement qu’il est possible de l’attaquer avec avantage. Une théorie mab entendue avoitfait oublier ces vérités Importantes , dont l’empirisme ^ moins dangereux que l’esprit de système , avoit au moins conservé quelques traces. M. Rose prouva, dans une sa- vante dissertation, où la nature des inflammations malignes et gangréneuses est bien développée, que le sommet des tumeurs charbonneuses devoit être recouvert par un caus- tique. Il fondolt aussi toute son espérance sur 'la cautérisa- tion dans le traitement de la rage , pour lequel il étoit appelé de toutes parts. La préférence qu’il donnoit aux caustiques sur le feu , n’étoit pas aussi bien établie. Il craignoit que l’escarre formée par ce dernier moyen ne retint la suppuration ou ne la rendit incomplète ; mais il s’agit moins, dans cette opération, de dégorger la partie mordue, que de brûler, de détruire sa surface, d anean- tire en même temps et le levain dont on la suppose péné- trée , et les extrémités des nerfs qui pourroient être bles- sés par sa présence , et les bouches des vaisseaux lym- phatiques propres à eu absorber les molécules. L’Académie royale de chirurgie décerna deux médailles à l’auteur de ces Mémoires, en le priant de ne plus con- courir à ces sortes de prix, et de laisser A. d’autres les honneurs d’un triomphe qui lui étoit devenu trop facile. NOTICES. 4°i M. Rose, placé dans une ville où il n’y avoit point de médecin , étoit souvent requis pour en faire les fonc- tions, qui devinrent même son occupation principale j il y donna toute son attention , et il en fit une étude pro- fonde : il dilTéroit donc peu des médecins instruits, puis- que c’étoit le titre et non la science qui lui manquoit ; et jamais il ne dut être compté dans la classe trop nom- breuse de ceux qui exercent notre art sans avoir ni l’un ni l’autre. Depuis l’Age de vingt-cinq ans , il avoit été chargé par MM. les intendans de la province du traitement des épidémies de l’élection de Nemours. Les années lyia , 1/53, 1758, 1765, 1775, J 778 et 1781, sont les prin- cipales époques de leur histoire, dont il nous a transmis les détails. Il a prouvé dans les mémoires qu’il nous a adressés sur la topographie médicale de Nemours , de ChAteau-Landon et de Cheroy, qu’ihconnoissoit les causes dont l’influence pouvoit produire ou aggraver les maladies populaires, et il y a joint un tableau chronologique des inondations dont la ville de Nemours a été affligée. Ün pourroit distinguer deux sortes de chirurgie. L’une a les grandes opérations pour objet; l’autre s’occupe des soins relatifs aux maladies internes dont nous dirigeons le traitement. Moins brillante que la première , celle-ci a l’avantage d’èti'e plus souvent utile. M. Rose avoit donné une grande attention à cette espèce de chirurgie , comme il nous l’a prouvé par de savantes et judicieuses réflexions sur l’application et le pansement des diverses sortes de vésicatoires. Tout annonce dans cet écrit un praticien habile, et sur-tout entièrement dévoué à ceux qui l’ap- peloient; circons tante importante pour leur conservation; car, dans toutes les conditions de la Vie, l’Iiomme dépend 4o2 notices. moins des grandes secousses qu’il reçoit que des causes habituelles qui le gouvernent; et le sort de celui dont la fièvre encliaine les mouvemens et trouble la raison étant tout entier dans les mains des gardes qui le soignent et des proches qui s’en emparent , -ce n’est pas toujours le malade qu’il faut surveiller le plus. Tant de services rendus dans le traitement des épidé- mies , tant de preuves de talent et de zèle, engagèrent la Société royale à inscrire le nom de M. Rose parmi ceux de ses correspondans ; et nous ne dissimulerons point ici que ses connoissances en médecine furent alors le motif qui nous détermina. C’est un grand malheur sans doute que l’exercice de cette science soit confié de toutes parts à des chirurgiens peu instruits ; mais n’est-ce pas une raison de plus pour rendre justice à celui qui n’a point mérité ce reproche? Dailleurs , pour qu’il ne restât aucun prétexte aux personnes qui pratiquent notre art sans le savoir, il seroit généreux , et peut-être juste de leur offrir tous les moyens de l’apprendre; et l’émulation ainsi ré- pandue , remédieroit plus sûrement que des lois coactives aux grands abus dont on se plaint. En attendant que l’enseignement soit dirigé d’après ces principes , nous fai- sons des vœux pour que la Société royale ait souvent à encourager des chirurgiens aussi savans en médecine que l’étoit M. Rose. ‘Il mourut en 1785 des suites d’une fièvre putride. M. Rose a laissé un lils <[ue la Faculté de inédecine de Paris compte jiarmi ses docteurs, et <}ui jouit de l’es- time de tous ses confrères. Michei, Daiujc, prolesseur de botanique à v\ix, asso- cié régnicolc de lu Sudvlé royale de médecine, naquit à NOTICES. 4o3 Fréjus en 1717. Il fit ses études à Marseille dans le collège tenu par les pères de l’Oratoire , au nombre des- quels il désira d’etre admis. Il avoit éprouvé dans leur école tout le pouAUjir de l’attrait qui porte les jeunes gens à une entière imitation de leurs maîtres, dont la condi- tion devroit toujours être libre , pour ne montrer à ceux qui les approchent d’autre penchant que celui de l’étude, d’rsuLre chaîne qua celle des lois, d’autre amour que celui de la >erlu. On goût très-vif pour les soyages, favorisé par des circonstances h„urea,.es , arraciia M. Darluc à la congréga- tion dans îaqaelle il venoit d’étre reçu. Il demeura pen- dant trois années en Italie; il parcolrn. l’Allemag'ne; il passa en Corse, oh il occupa, penaant quelque temps, la place de secrétaire intime du roi l'hfo.iore, et il revint en France après avoir visité les principales villes d’Es- pagne, et sur-tout Barcelone, où il suivit des leçons de médecine. Il continua d’étudier cette science à a"ix , ou feu M. Lieutaud enseignoit alors Tanatomie et la bota- nique ; et son dernier voyage fut celui de Paris , où la célébrité de l’école de RoueUe l’attira. Il se fixa ensuite à Caillai! en Provence. Ce fut là qu’il écrivit un grand nombre d’obsen-ations , qu’il publia dan's le Journal de médecine , et parmi les- quelles plusieurs sont relatives aux épidémies. On remarque souvent , dans les mémoires publiés sur ces maladies, des défauts que nous croyons devoir dé- noncer ici. Non seulement les auteurs de ces descriptions oublient^ quelquefois de dire avec précision quelle a été la température des années précédentes , quelles sont la ' situation du local et la constitution des peuples ; mais encore 4o4 notices. les détails de l’épidémie sont souvent aussi incomplets que sa nomenclature est vague et indéterminée. On se tait sur la nature, l’ordre et la correspondance des redoublemens } on suit des divisions imaginaires } on parcourt des époques que l’on croit voir , et on néglige cette suite de revolu- tiens fébriles , dont la succession compose la maladie prin- cipale , et forme ses véritables temps qu’on ne voit pas: ainsi, en parlant trop, on n’en dit point assez; au Heu d’un journal on écrit un discours , et un roman au Heu d’une histoire. • M. Darluc, en traitant des épidémies qui ont régne ans les territoires de Caillan, de Grimaud et de Saint-Tropez, depuis 1748 jusqu’en 1761 , a presque toujours évite e commettre ces fautes. , i . n» • Une consatution chaude et humide avoit précédé 1 épi- démie qui régna, en .748, à Grimaud, et qui se prolon- gea depuis le printemps jusqu’à l’automne. Considérée Ls cette dernière saison, la fièrre double-tierce se dé- masqua tout-à-fait; mais la marche de la constitution set- nale n’est pas décrite avec assez de soin. Tout annonce que cette fièvre étoit alors une tierce continue. ^ L’épidémie qui parut à Salnt-Césalre en >755, étoit évidemment une tritaeophie automnale. M. Darluc en a bien observé les redoublemens, et il a fait, dans son traitement, un usage heureux des toniques et du cam- ''''Le. marais de Villepey et de la Napoule sont un foyer d’infecion pour tous ceux qui en habitent les bords Leum ealialalsons produisirent, en 176. , une fièvre éiudémiquo très-désastreuse, qu’il a désignée sous le nom do remif- iente , et dont les symptômes étoieut ceux d une tn NOTICES. 4o5 phie semblable à celle que Lancisi et Pringle ont observée dans des pays marécageux. En lySo, l’été fut pluvieux à Caillan et aux environs j les feuilles des arbres jaunirent avant l’automne} la rouille couvrit les tiges des bleds , et les plantes et les hommes participèrent à ce vice de l’air , par un érysipèle épidé-» inique qui se manifestoit à la tète , et dont M. Darluc a fait une savante description. J en dirai autant de son Mémoire sur la constitution froide et très-humide de l’hiver observée en lySi à Hoque- bnine, pendant laquelle une péripneumonie gangreneuse fut épidémique. On doit i\ M, Darluc des observations curieuses sur les différentes circonstances du traitement de la gangrène par le quinquina } sur les bons effets de la bclladona et des stupefiaus en général, dans la cure des tumeurs squirrheuses des intestins , et sur les propriétés de l’alkali volatil Joint aux frictions mercurielles dans le traitement de la rage } méthode qui ne doit pas faire perdre de vue la cautéri- sation de la plaie. Il a fait connoître dans quelles espèces de coliques on guérit en relevant le ton des fibres intes- tinales } il a décrit une sorte d’hydropisie dont le siège étoit le tissu cellulaire externe du péritoine} il a publié l’analyse des eaux minérales de Greoux} et c’est encore le Journal de médecine où ces différons faits sont consi- gnés. M. Darluc a été dans la Provence un des premiers fau- teurs de l’inoculation. Sans doute il auroit dû se contenter de l’appuyer par ses écrits, et de la répandre par ses conseils , sans s’exposer aux risques de la célébrer dans un poëme. Le succès de quelques vers publiés dans sa jeu- r / 436 NOTICES. liesse, et accueillis par Voltaire, lui avoit fait espérer que cette entreprise ne seroit pas au-dessus de ses forces. L’ou- vrage parut, et l’auteur fut bientôt désabusé. On vit avec indulgence son enlbousiasnie pour une méthode qu’il pra- tiquoit mieux qu’il ne l’avoit chantée 5 mais il ne se par- donna jamais de s’être trompé sur son talent ; et si une critiqué sévère et juste inscrit son nom dans la classe des poëtes médiocres , il faudra le compter au moins dans le très-petit nombre de ceux qui se seront lait justice, en se montrant repentans et confus. Les habitans de Caillan jouissoient sans partage de M. Darluc, qui ne songeoit point à d autres destinées : mais la voix de M. de Monclor ce fit entendre, et lui imposa de nouveaux devoirs. Ce magistrat, alors pro- cureur-général du parlement de Provence, .avoit acquis sur tous les citoyens l’empire que dour<- la supériorité des talens et des vertus. Jamais on u’eiitcniTt rusux les inté- rêts du roi, c’est-à-dire, ceux de l’.i;at5 -amais on ne résista et on ne se soumit avec plus «lo respect : il ne chercha point, mais il saisit toutes les occasions de se montrer inébranlable dans le chemin de la justice et de l’honneur : il ne brava point, mais il ne craignit par l’in- fortune. Son courage soutenoit cfdui de tous ; son aine fut active , sa plume éloquente et son cœur pur. Lorsqu’un homiiie de cet le trenqic occupe une grande place, il doit être le mailre de toutes les volontés. M. de Monclar , plein do zèle pour les progrès de l’enseignement dans l’Université , vit que M. Darluc y éloit nécessaire ; il le fit nonimer, à son insu , professeur de Imtaniquc , et l’un des médecins de l’iiôlel-dicu de la ville d’Aix; et il fallut bien ' remplir les vues du magistrat qui l’appeloit dans cette capitale. NOTICES. 437 M. Darluc s’étoit souvent occupé, dans ses nombreux voyages , de l’histoire naturelle et de la botanique , dont l’étude est une de celles que l’on cultive le plus à Aix; et comment n’ainieroit*on pas cette sciencé dans une ville où naquirent Tournefort et Garidel? Heureux le climat qu’honore la naissance d’un grand homme! son souvenir est un germe qui reproduit à jamais l’émulation et le savoir. «Ce lieu, dit-on, lut l’asyle de son enfance; 55 cette école lut le théâtre de ses premiers exercices; là » s’ouvnt la route qui le conduisit à riminortalité >5. C’est ainsi qu’une ardente jeunesse s’excite au travail, et qu’ivre d’espoir, elle n’est point eÜrayéo pai- l’immensité d’une carrière dont elle ne voit jamais que le commencement et la Un. L’espérance de M. de Monclar ne fut point trompée. M. Darluc mit le plus grand zèle dans l’enseignement qui lui étoit confié. Les administrateurs de la ville achetèrent, à sa sollicitation, un terrain où il fonda une école dl botanique qu’il entretenoit à ses dépens, et où il cultivoit un grand nombre de plantes étrangères. M. Darluc inéditoit depuis long-temps un grand ouvrage ; depuis long-temps il réunissoit des mémoires sur VHh~ foire naturelle de la Provence; et il n’avoit épargné ni dépenses, ni voyages, pour rendre ce travail complet. La Société royale en a reçu successivement la première et la seconde partie , dont chacune a mérité à son auteur un des prix que nous décernons dans nos séances publiques. Il a résulté de ces recherches un recueil en trois volumes ' dans lesquels la topographie médicale de toutes les villes de la Provence est tracée avec soin. Les nombreuses pro- ductions ^de ses différens sols y sont exposées et analy- 26 * 438 rsOTICKS. sées : la profondeur et la nature des carrières et des mines, l’élévation des montagnes, soit de celles dont les sommets glacés dominent sur des plaines brûlantes, soit de celles que couvrent des débris volcaniques, les contoiirs etl’ételi- due des étangs, des golfes, des plages maritimes, tout y est décrit*, quelquefois même l’auteur s’anime à la vue de certains objets : il ne parle point sans émotion de la fon- taine de Vaucluse; il dessine avec grâces les danses légères des Tarasconolses ; il peint avec des couleurs plus sombres les mœurs presque sauvages des montagnards , et par-tout il s’efforce d’offrir un discours varié comme son sujet. En 1 782 , sa vue s’affoibllt par l’effet d’une cataracte dont l’opération, quoique bien faite, fut sans succès, parce qu une fluxion inflammatoire , survenue peu de temps après , obs- curcit les membranes de l’œil. Neanmoins il continua ses leçons de botanique pendant l’année suivante. Les organes de l’odorat et du tact suppléoiënt en partie à celui de la vue , et sa mémoire falsoit le reste. Il apporta le même zèle dans scs autres occupations; il' épuisa ainsi ses forces, et il mourut des suites d’une hémoptysie vers la fin de 1 783, Le public est maintenant en état de juger si ces hommes infatigables mériloient une mentiôn dans notre histoire. On loue trop, disent quelques Arlstarquos; ils ont raison, s’ils entendent parler de cette fastidieuse complaisance avec laquelle on célèbre tout ce que font, écrli;cnt, annoncent ou pensent certaines personnes; de ce vil trafic d’eloges que des gens intéressés se prêtent et se rendent de toutes parts : dans ces cas et dans tant d autres, on loue trop sai doute; mais, s’il s’agit de l’écrivain modeste et lalmneux , dont le aèle qui s’éteiiil a besoin qu’on le ranime, de NOTICES. 439 l’obsen’ateur qui se dévoue à des recherches utiles, loin des puisstinces qui distribuent l’or et la gloire ^ je dis qu’on ne loue pas assez; je le dis sur-tout, et la Société royale le dit avec iiioi , lorsqu’elle voit dispersés dans les pro- vinces des médecins et des cliirurgiens habiles , qui' lui consacrent tous les fruits de leurs veilles, sans savoir si on leur en tiendra quelque compte, et même sans le de- mander; qui vivant et mourant pour leur pays, croient ne faire que leur devoir, et sont bien éloignés de penser qu’il subsistera quelques traces de ce grand sacrifice : je dia qu on ne loue point assez et qu’on ne sauroit trop louer cetle-espèce d’héroisme inconnu dans nos capitales, ou il est juste au moins de lui rendre hommage , si on u’a paa la force de l’imiter. J\ O T ï c E sur L E H O ü X et Boürdois de EA Mot HE. La Société choisit dans les villes des provinces, et même dans les campagnes, des coopérateurs avec lesquels elle entretient une correspondance sur divers objets de salubrité. A leur mort elle recueille tout ce qui peut honorer leu» mémoire. Ce n"est point, par leurs écrits, ce n’est point pai- quelques-unes de leurs actions , c’est par leur vie entière qu’ils ont des droits à nos éloges. Leur réputation se fond© autant sur leur vertu que sur leur savoir ; hors les temps de calamité pendant lesquels leur zèle n’a point de bornes ^ toutes leurs journées, se ressemblent, et Pon peut dire d’eux comme des hommès simples et bons au milieu des- ^quels ils sont placés, « Naître, faire le bien et mourir, » voila toute leur histoire, n 54o - NOTICES. Tels ont été MM. Lehoux et Bourdois de la Mothe. M. Lehoux a passé la moitié de sa vie à traiter gratuite- ment les pauvres de la ville et de la campagne. • Il avoit commencé un ouvrage dont il n^a laissé que quelques -fragmens, sur la comparaison de la médecine ancienne avec la moderne. Il étoit très-versé dans la lecture des médecins grecs , dont il citoit à propos les passages. Cette érudition main- tenant trop rare , peut devenir très -utile à ceux qui la possèdent. Les jeunes médecins doivent s'en servir, sans trop la faire valoir 5 mais elle sied aux vieillards , par qui ces oracles de l'expérience et du tem2>s gagnent beau- coup à être prononcés. Lorsque la Société composa, en 1778 , le tableau de ses membres, elle divisa les médecins les plus connus de la France en deux classes ; les plus célèbres sous le nom à.* Associés , formèrent la première , dans laquelle M. Bour- dois de la Mothe fut compris. Ce médecin, qui naquit en 1720 à Jolgny en Champa- gne , étoit auteur d’ùne observation dont le sujet avoit ex- cité la curiosité publique. Par une combinaison de circons- tances rares, une femme avoit porté pendant vingt-deux ans un enfant mort dans son sein, où il s'étoit desséché et endurci. M. Bourdois de la Mothe envoya cet enfant à l’Académie des sciences , avec l’exposé de tout ce qui con- cernolt la mère. L’histoire de l’enfant de Joigny fut ra^ portée dans tous les journaux, et le nom de M. Bourdois de la Mothe, répété souvent, devint célèbre. On dira peut-être c[ue ces sortes de succès ne coûtent guère j mais y a si peu de personnes qui examinent ce qu elles xiient, il y en a si peu qui décrivent ce qu’elle ont exaniuié, et U hasard fait chaque jour tant d’avances dont on ne m* NOTICES. 44i aucun parti , cju'il faut remercier beaucoup Phomme exact qui recueille avec soin un fait important. JVI. Bourclois de la Mothe avoit d'ailleurs tant de titres a l estime publique , qu'il ne pouvoit manquer de l'obtenir. Il a fait , près de Joigny , l'examen des eaux minérales desEcharlis, qui sont analogues à celles de Spa, et do celles de INeuilly j qui sont à peu près de la nature des eaux de Forges. Les premières avoieiit été très-fréquen- tées sous le règne de Louis VI, dit le Gros, qui y venoit presque tous les ans. Ce prince , en mémoire du soulage- ment qu il en avoit retiré , y avoit fait des fondations pieuses, dont les Bernardins des Lcharlis jouissoient en paix, tandis que la source du bienfait demeuroit dans l'oubli. M. Bourdois de la Mothe lui rendit toute sa va- leur. Il fit connoître ces eaux ; il détermina les cas où elles dévoient être employées , et les médecins de la Cham- pagne eurent un moyen de plus à mettre en usage dans le traitement des maladies. La ville de Joigny possède un hôtel-dieu : il en fut nommé médecin, il en fut même administrateur; et par ses soins, les lits y ont été augmentés d'un tiers. Deux hô- pitaux sont établis, l'un à Brienon , l'autre à Villeneuve- le-Roi ; il en accepta la directiou , et il y faisoit de fréquens voyages. Il conservoit la description de cent quarante épidémies dont il avoit ordonné le traitement. Trois fois R en avoit été gravement atteint. Une fièvre quarte dont il fut attaque, en 1783, dans un pays humide où il don- noit ses soins à des malades, l'afFoiblit tellement, qu'il y succomba peu de temps après. Il ne se plaignit point- tout son étonnement, disoit-il, étoit que la mort qu'il avoit bravée tant de fois , l'eût épargné si long-temps. I 44a NOTICES. Le trait snlvant fera voir jusqu^à quel point il étoit connu et honoré de tout le monde. Ses nombreuses occupations le forçoient à voyager souvent. Deux voleurs Layant at- taqué pendant la nuit : Arrêtez; c’est moi ^ leur dit-il avec courage. C’est M. de la Mothe , s'écrièrent-ils. Leurs mains s'ouvrirent : ils reculèrent, et ils s'enfuirent effrayes de l'ascendant qu'avoit sur eux le cri de la vertu. Le seul ouvrage que M. Bourdois de la Mothe ait pu- blié est un Mémoire sur la topographie medicale de Joigny , et sur une épidémie qui se manifesta en 1782 parmi les habitans de cette ville, et parmi ceux de Brienon et d’Avrolles. On a trouvé dans ses papiers un registre sur lequel il écrivoit ses observations cliniques , et qu’il ap- peloit sa justification, M. de la Mothe étoit du petit nom- bre de ceux que le trouble de leur conscience ne détourne pas de l’examen de leurs actions; car l'homme ne descend point en lui-même s’il n’est sûr d'y trouver quelque sen- timent qui lui serve de consolation et d appui. M. Bourdois de la Mothe a laissé un fils qui est mem- bre de la Faculté de médecine de Paris , où il jouit de l’es- time de ses confrères et de la confiance publique. Ein du troisième volume. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. r Eêlogs de Lieutaud y page 1 — — de Lobstein. 34 de Lorry. 46 de Macbride. 81 — — de JMaret. 95 — — de Navier. 140 de Pringle. 171 de Sanchez (Ribeiio) 217 de Serrao, 258 de Stoll, 287 de Targioni. 3o5 — ' ■ de van Doevren. 326 SUPPLÉMENT. ËlOGE de MonTIGNT, 339 I^OTJCM sur la vie et les ouvrages de ilOT. Bonafos et Bernard, associés régnicoles } et Planchon ^ corres^ fondant de la Société. 36 1 444 TABLE. Notice sur la vie et les ouvrages de MM. Ilarmanty Butet et Vetillart. du lUbert ^ correspondans de la Société. 'i’j’j sur la vie et les ouvrages de JSIJSI. Alexandre Dianyère y Desmery y Rose et Darluc y associés ré- gnicoles et correspondans de la Société. 3^2 sur MM. Lehoux et Bourdois de la MotJie. 4^9