Digitized by the Internet Archive in 2016 https://archive.org/details/b28037893_0002 t ; t \ / t \ . » J ÉLÉMENS D’HISTOIRE NATURELLE E T DE CHIMIE. TOME S-ECOND. / • V. 4 K a A / É L É M E N S D’HISTOIRE NATURELLE E T DE CHIMIE, TROISIÈME ÉDITION; Par M. de Fourcroy , Docteur en Médecine y de la Faculté de Paris , de V Académie Royale des Sciences , de la Société Royale de Médecine , A PARIS , Chez Cuc h et, Libraire, rue & hôtel Serpente. M. DCC. L XX XIX. Sous le Privilège de l'Académie Royale des Sciences . ROYAL COLLEGE OF PHYSIC1ANS LIBRARY CLASS SU ACCN. >nlo SOURCE DATE É'LÉMENS D’HISTOIRE NATURELLE E T DE CHIMIE. Suite de la seconde Section de la Minéralogie où de l'histoire des Matières salines (i). «sa cnMSarrcsix CHAPITRE V. Ordre II. Sels fecondaires ou neutres . N o us comprenons fous le nom de fels fe~ condaires , toutes les matières qui font compo- fées de deux fubftances falines primitives com- ( i ) Il faut le rappeler que cet Ouvrage eft divifc eti ' quatre Parties. La première , traitée dans le premier volume , comprend dans huit Chapitres les généralités de la Chimio. Tome II, A ÊLÉMENS Villes enfemble. Ces fels ont été nommés neu- tres, parce qu’ils n’ont point les caradères des fet* primitifs; c’eft-à-dire qu'ils ne font en gé- néral ni acides ni alkaiins. Cependant il en ed plufieurs, comme le borax 5 la craie & les al- calis unis à l’acide carbonique, qui jouirent de quelques-unes des propriétés des fels primitifs-, mais dans un degré beaucoup moins marqué qu’eux. Ces fels fecondaires n’ont point une fa- veur auflî forte que la plupart des fels primitifs ; leur tendance à la combinaifon & leur difïo- lubilité font moins c.onfidérables ; mais ce qui les di flingue fur-tout des premiers , c’ed qu’ils ne peuvent point communiquer les propriétés fa ines à d’autres corps comme les fels primi- tifs ; leur forme cridalline condante ed encore un caraétère marqué dont l’étude appartient au naturalise & qui quelquefois indique leur nature , La féconde renferme le rçgne minéral ou la minéralogie, la troilième contient l'hiflcire ch mique des végétaux , & 1^ quatrième celie des fubftances animales. La minéralogie a été partagée en trois Sedions. La pre mière, coutenue dans le premier volume, expofe Q,-.ns quatre Chapitres les caractères phyfiques & chimiques des terres & des pierres. La féconde Sedion eft dedinee aux matières farines ; ce volume commence par un des Chapitres de cette féconde Sedion. d’Hist, Nat. et de Chimie. 3 quoiqu’elle Toit fouvent capable d’induire en erreur. On appelle ordinairement bafe , la matière la plus fixe qui entre dans la compofuion des Tels neutres. Comme cette bafe, qui quelque- fois eft volatile , donne plufieurs caradères gé- néraux allez conflans aux diverfes combinai- fons qu’elle forme avec les acides , nous pren- drons le nom de la bafe pour didinguer les gen- res que nous établirons dans les fels fecondaires. Nous diviferons donc ces fels en autant d® genres qu’il y a de bafes falines ou alkalines qui peuvent être unies aux acides. Le premier genre comprendra ceux qui font formés par l’union des deux alkalis fixes avec les acides; nous les appelerons fels neutres parfaits , parce que leur union ed très-intime. Le deuxième genre renfermera ceux qui font cotnpofés par l’alkali volatil ou l’ammoniaque combiné avec les acides. Ils feront défignés fous le nom de fels ammoniacaux , d’après le nom de leur bafe adopté par les modernes. On pourroit audi les connoître fous celui de fels imparfaits , parce qu’ils font beaucoup plus décompofables que les premiers. Dans le troifième genre nous rangerons les fels neutres dont la chaux ed la bafe. Ils font en général moins parfaits que ceux du fécond A ij ^ ÉlÉMËNS aenre, quoique la chaux ait plus d’affinité avec fes acides que n’en a l’ammoniaque , comme les détails le feront voir. Ces fels auront le titre de fels neutres calcaires. La matméfie combinée avec les divers acides , conffituera le quatrième genre des fels neutres. Ces fels font plus décompofables que les pré- cédées , parce que la chaux & les alkalis ont plus d’affinité avec les acides que n’en a la macméfie. Ils retiendront le nom de fels neutres jnagnéfiens ou à bafe de magnéfie. Le cinquième genre fera deffiné à ceux qui ont la terre argileufe pure on l’alumine pour bafe- Comme l’alun eft la principale de ces combinai- fons on leur a donné le nom générique de fels alumineux. Les alkalis , la chaux & la magnéfie décompofent en général les fels neutres alu- mineux. Enfin dans le fixième genre nous placerons les fels neutres à bafe de baryte ou terre pelante. Ces fels ainfi que la plupart de ceux des deux genres précédens , ne font que très-peu connus. On les appelle fels bary tiques. On conçoit que ces différentes bafes combi- nées avec les acides dont nous avons examine les propriétés doivent donner un grand nom- bre de fels neutres , & que ce nombre peut même aller beaucoup au-delà , fi 1 ou admet d’HisT. Naï. et ce Chimie. y avec Bergman , pour des compofés particuliers ceux qui réfultént de l’union de ces mêmes bafes avec les acides qu’il appelle phLogif- tiqités , & qui font privés d’une partie de leur oxigène fuivant la doctrine moderne. Mais ces derniers n’étant que des modifications peu durables , qui s’altèrent par le contaét de l’air, & qui paflent alfez promptement à l’état des véritables fels neutres , nous croyons ne pas devoir multiplier ces fubflances dont le nombre n’ell déjà que trop confidérable ; & nous nous propofons d’indiquer les diflérences que pré- fentent ces fels fuivant l’état de leurs acides^ Nous obfervons encore que les bafes alkalines' dont nous venons de faire l’énumération com- binées avec l’eau régale , donnant des fels nitreux 8c muriatiques mélangés qu’on peut obtenir ifolés & qui font parfaitement femblabîes à ceux que forment ces deux acides féparés* nous ne parlerons que des combinaifons de ces mêmes bafes avec les acides (impies. Comme- nous n’avons encore examiné que les fix prin- cipaux acides-, nous ne traiterons que* des com- binai Tons falines neutres de ceux-ci. Quant au rang 8c à la difpofition des diffe- rentes fortes de fels neutres , nous avons cru’ devoir fuivre l’ordre de la force d’artraétiou des acides : ainfî dans tous les genres noua A iij / 6 ÉtÉMENS commencerons par les fels fulfatiques, & nous pafferonsde fuite aux fels nitriques , aux muriati- ques , à ceux dans lefquels entre l’acide bo- racique , puis à ceux qui font formés par l’acide fluorique ; & enfin nous terminerons ces détails par les fels qui contiennent l’acide car- bonique > parce que cet acide efl le plus foible de tous. Nous adopterons pour défigner tous ces fels les noms compofés des acides & des bafes , afin que cette nomenclature exprime la nature de chacun , & qu’il ne puiiïe plus y avoir d’erreur fur ce point ; nous aurons foin d’y joindre une fynonimie pour faire connoître les differens noms que chaque fel neutre a reçus à diverfes époques. Genre I. Sels neutres parfaits , OU A BASE D'ALKALJS FIXES. Sorte I. Sulfate de potasse. Le fulfate de potaiïe qui a été nommé tartre vitriolé , J cl de duobus , fel polychrejle , arcatiunt duplicatum , ell un fel neutre parfait , réfultant de la combinaifon de l’acide fulfurique avec la potaffe , comme le nom adopté l’indique. Il n’exifle que très-rarement dans le règne miné- d’Hist. Nat. et de Chimie. 7 sa! ; quelques végétaux en contiennent une petite quantité. Ce fel efl communément fous la forme d’un corps tranfparent , plus ou moins blanc & ré- gulier. Ses crillaux varient fuivant les circons- tances de fa criftallifation. Quand elle a été faite en petit & avec lenteur , elle donne des pyra- mides tranfparentes à lix pans , taillées à-peu- près comme des pointes de diamans en rofes , ou plus rarement des prifmes à fix faces termi- nés par une ou par deux pyramides hexaèdres , à-peu-près comme le criHal de roche. Mais fi l’évaporation a été très-prompte , tous- les crif- taux s’agglutinent 8c fe confondent fous la for- me d’une croûte folide 7 dont la' furface efl hériflfée de pointes ou de pyramides irréguliè- res ; tel eft celui du commerce. Enfin-, îorfque pour avoir des crillaux très-réguliers de ce fel on expofe fa dilïolution à évaporation lente 8c fpontanée , opérée par la chaleur de l’atmofi» phère , on obtient fouvent des folides à douze faces , formés par deux pyramides hexaèdres réunies à leur bafe , Sc quelquefois féparées par un commencement de prifine à fix pans. Il eft vrai que ces derniers crillaux font ordinairement fales , & n’ont jamais la blancheur ni la tranfpa- rence de ceux qu’on obtient par la première évaporation. Mais c’eft une difficulté qui exilte A iv g É L ï M E N 3 . « dans îa plupart des fels neutres. Ils font prefque toujours blancs aux dépens de la forme, ou réguliers aux dépens de la tranfparence. Le fulfate de potalfe aune laveur amère , allez défagréable ^ il n’éprouve que peu d’altération de la part du feu. Lorfqu’on fexpofe fur des charbons ardens , il fe brife avec bruit en un grqnd nombre de petits fragmens ; ce phéno- mène , qu’on appelle décrépitation, dépend de la raréfaction fubite de l’eau de fa criflallifa- tion. Lorfque le fulfate de potaffe a décrépité, il n’a rien perdu de fes propriétés elfentielles. Si on l’expofe dans un creufet à l’action du feu , il décrépite également , & devient fec, friable & même pulvérulent en perdant l’eau de fa criflallifation ; il rougit avant de fe fondre • il lui faut même un feu allez violent pour en- trer en fufion ; expofé au froid lorfqu’il eft fon- du , il fe prend en une malle opaque, friable, dilîoluble , qui n’a éprouvé aucune altération dans fes principes , puilqu’on peut lui rendre fa forme tranlparente & criltalline en le diflol- vant de nouveau dans l'eau. Tenu en fuiront dans un vaille au ouvert , il fe volatilife , mais toujours fans fe décompofer. Le fulfate de potafle n’éprouve aucune altéra- tion à l’air ; il relie dans fon état crillallin fans rien perdre, ni de fa. forme, ni de fa tranfpa- ü’Hist. Nat. et de Chimie. 9 rence. Il efl peu diffoluble dans l’eau , mais cependant dans des degrés très-différens , fui- vant la température de ce fluide. Suivant Spiel- man , il faut environ dix-huit parties d’eau froide pour diffoudre une partie de ce fel neutre ; lorfqu’elle efl bouillante elle paroit en difTou- dre prefque le quart de fon poids , puifque M. Baumé afTure que quatre onces d’eau bouil- lante diffolvent fept gros quarante-huit grains de fulfate de potafTe. Il fe criflallife en partie par refroidiflement, & plus encore par évaporation; il ne retient que peu d’eau dans fes criftaux *, c’eft ce qui fait qu’il ne change point d’état lorfqu’on l’expofe à l’air. Le fulfate de potafTe n’a point d’aétion fur les terres (impies. On a obfervé que celui qui efl par hafard uni aux fels fondans , dont on fe fert pour faire le verre , fe retrouve dans les fcories , & on le retire en affiez grande quantité du fiel de verre. La baryte ou terre pefante décompofe le fui fate de potafTe fuivant Bergman, parce qu’elle a plus d’affinité avec l’acide fulfurique que n’en a la potafTe. Si Ton verfe une diiïblution de cette terre dans une difTolution de ce fel , il fe forme un précipité de fulfate barytique ou fpath pefant tout -à- fait infoluble , 8c dont nous examinerons plus bas les propriétés. La potafTe ïo É r é m e n s relie pure & caullique en diffolution dans la liqueur. La chaux & la magnéfîe n’ont aucune actioiv fur le fulfate de pouffe , mais plufîeurs acides en ont une très-marquée fur ce fel. Rouelle a découvert qu’ii étoit poflible de combiner avec ce fel une plus grande quantité d’acide fulfurique, que celle qu’il contient naturellement. Son pro- cédé confifîoit à diltiller de l’acide fulfurique concentré fur le iulfate de pouffe; ce dernier relie imprégné d’acide, & acquiert des pro- priétés nouvelles ; celles de rougir la teinture de violettes , d’être plus diffoluble dans l’eau , d’avoir une faveur aigre , 8c de faire effervef- cence avec les alkalis laturés d’acide carbonique, même après avoir été dilTous 8c critlailifé. M. Baumé a foutenu que cet acide n’étoit point réellement combiné , & qu’on pouvoir l’enlever au fel neutre en le faifant Amplement égoûter fur du papier gris ou fur le fable. Cependant Macquer remarque que l’acide fulfurique adhère avec une force allez confldérable au fulfate de potafl'e , 8c croit que cette adhérence efl due à une affinité particulière de ces deux fubflance*, puifque fuivant lui l’adion du feu 8c celle de l’eau ne peuvent la détruire. J’ai fait plusieurs fois cette combinaifon d’acide fulfurique con- centré & de fulfate de potaife à ia manière de II d’Hist. NaT. ET de Chimie. Rouelle; c’eft-à-dire , par la diftillation clans des cornues de verre , & j’ai obfervé des phénomènes dont on n’a pas fait affez mention dans la difcuffiori favante qui s’efl élevée fur cet objet. Le fulfate de potafTe s’eft fondu en une efpèce de verre ou d’émail blanc opaque, d’une faveur fort acide; mais cette fritte vitreufe n’a point attiré l’humidité de l’air , elle s’eft au contraire comme effleurie , lorfque l’acide ne faifoit que le quart du poids total ; il y a donc, comme l’a penfé Macquer , une adhérence affez forte entre ce fel neutre & l’acide ; & cette adhérence eft due fans doute à une combinaifon particulière. M. Baume a obfervé que le fulfate de po- talfe éprouvoit une altération très-marquée de la part de l’acide nitreux. Si l’on fait bouillir de l’eau forte fur ce fel , l’acide nitreux s’empare d’une partie de la potalfe & en dégage l’acide fulfurique; en laiHant refroidir ce mélange, il fe crifiallife du véritable nitre. On avoit cru d’abord que cette décompofition ne s’opéroit qu’à l’aide delà chaleur; mais l’efprit de nitre fumant verfé fur du fulfate de potafTe en poudre, dépofe des criflaux de nitre au bout de piufieurs heures. On avoit aulïï avancé que le mélange devenant froid, l’acide fulfurique reprenoit Tes droits , 8c décompofoit à fon tour le nitre de potalfe; 12 E L S M E N S cependant j’ai confèrvé plufieurs années des mélanges de fulfate de potafTe & d’efprit de nitre , aufond defquelsil efl relié conflammerit des crifi- taux falins qui détonnent fur les charbons, & qui n’ont point changé de nature', quoiqu’ils foient plongés dans l’acide fulfurique , féparé par l’acide nitreux. M. Cornette a obfervé que lacide muriatique concentré décompofe auffi le fulfate de potafTe même à froid. Il fembleroit d’après ces deux faits , que la loi d’affinité relative aux différens acides, n’ell pas fi conf- iante qu’on l’avoit cru ; cependant il faut obferver avec Bergman, i°. qu’il n’y a qu’un tiers de fulfate de potafTe décompofé dans ces expériences , quelle que Toit la quantité d’acides nitreux & muriatique employée, tandis que l'aci- de fulfurique , en dofe modérée , décompofe complètement les fels nitreux & muriatiques ; 2°. que ces décompofitions n’ont lieu que lorf- quele fulfate de potafTe contient un peu d’acide fulfurique excédent à fa neutralifation, La décompofition la plus importante du ful- fate de potafTe efl celle qui a lieu par beaucoup de matières combuflibles , notamment par le charbon & par plufieurs fubflances métalliques. (Voyez mes Mémoires de Chimie , pag. 22$. ) Sj l’on chauffe fortement dans un ereufet un 1 mélange de ce fel & de charbon , le fulfate d’Hist. Nat. et de Chimie. 13 de potafle n’exiftera plus , & l’on ne retrouvera que du foufre uni à l’alkali fixe. S thaï a regardé cette expérience comme très-propre à démon- trer la préfence du phlogiftique ; les chimifles modernes l’expliquent par la théorie pneumati- que , nous expoferons ces diverses théories dans l’hiftoire du foufre. Un quintal de fulfate de potafle criflallifé contient, fuivant Bergman, environ 72 parties de potafle , 40 d’acide fulfurique , & 8 d’eau de criftallifation. Ce fel n’exiflant que rarement & en petite quantité dans la nature , celui qu’on emploie en médecine efl toujours le produit de l’art. On peut le faire de trois manières; premièrement en combinant diredement l’acide fulfurique avec la potafle ; il en réfulte fur-le-champ du fulfate de potafle qu’on peut difloudre dans l’eau 8c faire criflallifer , comme nous l’avons dit. Le fécond moyen , c’efl de décompofer à l’aide de l’acide fulfurique , les fels neutres formés par l’union de la potafle aux autres acides , tels que le nitrate , le muriate tSc le car- bonate de potafle , 8c c. il réfulte toujours du fulfate de potafle de ces décompolitions. La troifième manière de former ce fel , c’efl de décompofer les fels fulfuriques terreux & mé- talliques par la potafle. Cette dernière précipite 14 É L È M E N S les fubftances falino - terreufes & les foxides métalliques unis à l’acide fulfurique. Nous reviendrons fur ces deux dernières manières de préparer le fulfate de potafTe . lorfqu’il fera queftion des lels neutres qu’on emploie pour cette préparation. Ce fel n’eft d’un grand ufage qu’en méde- cine. C’elt un purgatif alfez bon. On le donne quelquefois feul à la dofe d’une demi-once ou d’une once. Le plus fouvent on ne l’admi- niflre qu’à celle d’un ou de deux gros , afTocié comme auxiliaire , à d’autres médicamens pur- gatifs. On l’emploie atiffi comme fondant dans les maladies chroniques & fur - tout dans les dépôts laiteux. On le donne alors à la dofe de quelques gros dans des boiflons appropriées; mais fa vertu fondante eft fort inférieure à celle de plufieurs autres fels neutres plus folubles 8c plus fapides. L’acide fulfureux , ou l’acide fulfurique avec excès de foufre, uni à la potafle, forme un fel neutre un peu différent du précédent , que Stahl appelloit fel fulfureux , 6c que nous nom- merons J'ulfite de potajje ; ce fel criftallife en polyèdres à dix faces , ou en deux pyramides tétraèdres coupées vers leurs bafes ; il eh très- amer, très-dilfoluble , légèrement déliquefcent ; prefque tous les acides minéraux& plufieurs aci- d’Hist. Nat. et de Chimie, 15* des végétaux en dégagent l’acide fulfureux fous la forme de gaz & avec effervefcence. Expofé à l’air, le fuliïte de potaflè abforbe peu à peu de l’oxigène & devient fulfate de potaffe. Sorte II. Sulfate de Soude. Le fulfate de foude nommé jufqu’à préfent fel de Glauber , d’après le nom du Chimifte allemand qui l’a découvert , eft un fel neutre parfait formé , comme l’indique fon nom , par l’union de l’acide fulfurique & de i’alkali minéral ou foude. Ce fel a beaucoup de propriétés communes avec le fulfate de potaffe , 8c il en a quelques-unes de particulières ; il eft égale- ment criftailifable; il a une faveur amère; il çft très-peu fufible ; il ell foluble dans l’eau ; il ne s’unit point aux terres ; il eft en partie décom- pofable par les acides nitreux & muriatique , comme le fulfate de potaffe ; cependant plufieurs de fes propriétés s’éloignent beaucoup de celles de ce dernier , comme nous allons le voir en * les parcourant plus en détail. Le fulfate de foude eft ordinairement un corps plus ou moins blanc ou tranfparent , d’une forme régulière Ses criftaux font des prifmes à fix faces inégales & fttiées , terminés par des fommets dièdres. Il eft rare qu'ils aient rette forme régulière, le nombre des faces varie ainû l6 É £ É m E N § que leur étendue , leur pofition , leurs fines , comme l’a expofé fort en détail M. Romé de Lille dans fa criftallographie. Ses criftaux varient auffi en étendue depuis celle de prifmes très- fins ou de petites aiguilles , jufqu’à celle de gros prifmes de près d’un pouce de diamètre, & de 6 à 8 pouces de longueur , comme on les obtient dans des criftallifations en grand. La faveur de ce fel eft d’abord fraîche , puis d’une amertume très-forte. Il n’altère point les couleurs bleues végétales. Lorfqu’on l’expofe à l’adion du feu , il fe liquéfie allez promptement, mais bientôt il fe defsèclæ & devient d’un blanc mat ; dans cet état, il ne peut être fondu qu’à une chaleur confidérable , comme le fulfate de potaffe. Pour bien concevoir ce qui fe pafle dans cette adion du feu fur le fulfate de foude , il faut dis- tinguer deux efpèces de fufion dans les matières falines ; l’une qui eft due à l’eau qui entre dans la formation de leurs criftaux, & qu’on appelle fufion aqueufe ; elle n’a lieu que poul- ies fels qui font plus folubles dans Peau chaude que dans l’eau froide; &: elle eft due à ce que la portion de ce fluide qui entre dans la conf- titution des criftaux falins , s’échauffe & devient alors capable de diffbudre la matière faline ; cette fufion aqueufe n’eft donc qu’une diffolu- tion d’HisT. Nat. et de Chimie. 17 lion par l’eau chaude ; aufii le fulfate de fonde fondu fe prend-il en malfe lorfqu’on le lailfe re- froidir. Mais fi l’on continue de le chauffer, après l’avoir fait liquéfier , il fe defsèche & devient blanc ; alors la fufion qu’on opère à l’aide d’une plus grande chaleur eft vraiment due au feu , & fe nomme fufion ignée. Le fulfate de fonde efl donc tout auffi peu fufible que le fulfate de potaffe i comme lui, il fe volatilife à la dernière violence du feu, mais il n’éprouve aucune altération dans fes principes par l’action de la chaleur. C’eft encore à la grande quantité d’eau que contiennent les crifiaux de fulfate de fonde , qu’ell due la propriété qu’ils ont de fe réduire en une pouffière blanche trps-fine, lorfqu’on les lailfe expofés à l’air. On donne à ce phéno- mène le nom d 'efflorefcence , parce qu’en effet les crifiaux fe couvrent d’une efpèce de duvet pulvérulent, femblable par la blancheur 8c par la forme, aux matières fublimées que l’on connoît en chimie fous le nom impropre de fleurs. Ce n’efi que parce qu’il perd l’eau qui entre dans la compofition de fes crifiaux , que ce fel tombe ainfi en pouffière par le contaél de l’air ; auffi fon efïlorefcence n’efi -elle jamais plus rapide 8c plus marquée que lorfque l’air eft très-fec 8c par conféquent très-avide d’humidité. Ce phé- nomène eft donc trcs-analogue au défié chement Tome IJ. B iS É L É M E N S opéré par la chaleur ; tous les deux dépendent uniquement de l’évaporation de l’eau qui fait partie conffituante des criftaux. Cependant comme l’eau qui entre dans les criilaux de fulfate de foude 8c dans ceux de tous les fels efflorefcens en général, eft exactement combi- née avec la matière faline , il paroît que c’eft par une efpèce d’attraction éle&ive entre l’air & l’eau que l’efflorefcence a lieu. Ce phénomène doit être regardé comme une décompofition des criftaux , opérée en raifon de l’affinité plus grande qu’il y a entre l’eau 8c l’air, qu’entre l’eau & la matière faline. C’eft ainfi que j’ai toujours conçu Peffiorefcence , 8c je ne vois pas qu’on puiffie l’expliquer autrement. (Voyez mes Mé- moires de Chimie. ) Le fulfate de foude perd prefque la moitié de fon poids dans cette alté- ration; mais fa nature n’eft pas changée, on peut lui rendre fa forme criftalline , en lui reüituant l’eau qu’il a perdue. Quoiqu’aucun auteur de matière médicale n’ait fait cette obfervation , il nous paroît important de connoître exaélement la quantité d’eau que perd le fulfate de foude dans fon efïïorefcence , pour prefcrire en mé- decine une dofe toujours égale de ce fel dans ces deux états. On doit le donner effieuri à un peu plus d’un tiers de moins que lorfqu’il ed en beaux cridaux tranfparens. d’Hist. Nat. et ce Chîmï£. 19 Le fulfate de foude efl très - difïoluble dans Peau. Il ne faut que quatre parties d’eau froide pour en diflfoudre une partie. Cçtte quantité d’eau néceiïaire à fa dilTolution , diminue en proportion de la chaleur de ce fluide. Une partie d’eau bouillante difïbut prefque fon poids de ce fel. C’efl fur cette propriété qu’efl fondée la manière de le faire criflallifer. Comme il efl plus foluble dans Peau chaude que dans l’eau froide, il fuffit de biffer refroidir une dilTolution bien chargée de ce fel , & elle donne des crif- taux d’autant plus beaux & plus réguliers , que la dilTolution efl faite à plus grande dofe, & qu’elle fe refroidit avec plus de lenteur. En faifant cette opération en grand dans les pharmacies , on obtient fouvent des prifmes flriés de plufieurs pouces de longueur, dans lefquels on peut facile- ment reconnoitre la forme régulière de ce fel. Le fulfate de foude n’a pas plus d’adion fur les terres filicée & alumineufe que le fulfate de potaffe ; il n’entre pas plus que lui dans la for- mation des verres à caufe de fon peu de fufi- bilité. La baryte le décompofe comme le fulfate de potaffe , mais les autres fubflances falino- terreufes ne Taltèrent en aucune manière. La potaffe pure 8c cauflique mêlée à une difTolution de fulfate de foude le décompofe, parce qu'elle a p'us d’affinité avec l’acide fulfuri- ' B. ij 20 ÉLÉMENS ' ’ N ' - dpie, que n’en a la fonde. Pour fe convaincre de cette ’ÿérité , il fuffit de verfer une leffive de potaffe cauftique dans une diffolution chaude 8c bien Pâturée de fulfate de fonde. Cette diffolu- tion qui auroit donné des criftaux de ce dernier fel par le refroidiffément, ne fournit que du fulfate de potaffe par l’évaporation • l’eau mère contient la foude cauflique. L’acide fulfurique fe combine avec le fulfate de foude, 8c y adhère de la même manière qu’au fulfate de potaffe.. Les acides nitreux 8< muriatique le décom- pofent alors avec les mêmes circonltances que ce dernier fel. Lorfqu’on chauffe fortement le fulfate de foude avec du charbon & quelques métaux , l’acide fulfurique paffe à l’état de foufre, comme nous le dirons plus en détail dans l’hiftoire de ce corps combuftible. Toutes les propriétés du fulfate de foude , qui different de celles du fulfate de potaffe, font voir que les deux alkaiis fixes , qui fe reffemblent parfaitement lorfqu’on les confidère dans leur état de pureté, font cependant très -différens l’un de l’autre , puifqu’ils forment des fels très- diffembîables avec le même acide. D’ailleurs ,1a proportion des principes de ce fel différé beaucoup de celle qui confiitue le fulfate de \ d’HisT. Nat. et de Chimie. 21 potalfe; pùifqu’un quintal de fulfate de fonde contient, d’après les recherches de Bergman, 1; parties de fonde , 27 parties d’acide fulfu- rique , & 78 parties d’eau. Ce fel efl plus abondant dans la nature que le fulfate de potalfe. On le trouve en affez grande quantité dans les eaux de la mer, dans .celles de certaines fontaines falées , 8c fur-tout dans pliifieurs eaux minérales. L’art peut d’ailleurs lui donner naiffance parles trois moyens dont nous avons parlé à l’article du fulfate de potalfe. Il n’eft pas plus employé dans les arts que ce dernier ; mais il l’efl beaucoup plus que lui en -médecine. On le donne comme fondant , apé- ritif 8c purgatif, depuis un demi-gros jufqu’à une once 8c demie , fuivant les cas où on l’ad- miniftre ; fes effets font même plus marqués & plus prompts que ceux du fulfate de potalfe , parce qu’il elt beaucoup plus foluble dans nos humeurs, 8c parce que fa faveur ell plus vive. On ne connoît pas les propriétés du fulfite de fonde, ou de la combinaifon de l’acide fulfu- reux avec Palkali de la foude. Sorte III. Nitrate de potasse ou Nitre ordinaire. ✓ Le nitrate de potalfe , le nitre commun ou falpctre, efl un fel neutre formé, par la com- binaifon faturée de l’acide nitrique avec la B iii / 32 Ê £' Ê M E N S potafte. Ce fel a une faveur fraîche ; il eft parfaitement neutre ; il n’altère point la couleur du firop de violettes. Ses criftaux font des prif- mes à lîx faces , terminés par des pyramides dièdres ou en bifeau , & fouvent creufés par un canal dans toute leur longueur. Il exiile en très-grande quantité dans la nature ; il fe forme journellement dans les lieux habités par les animaux. On le trouve allez abon- damment fur les murs abrités de la pluie ; on l’appelle alors falpêtre ou nitre de houlfage. Il paroît qu’il y a trois circonflances princi- pales qui favorifent fa formation. La première , c’eft la préfence de la craie ou d’un fel cal- caire quelconque ; c’efl ainfi que fe forme le nitre de houüage que l’on ram a de fur les murs recouverts de plâtre ; c’efi ainfi que les démo- litions des vieux édifices contiennent de grandes quantités de nitre. Ce fel fe trouve encore tout pur dans des craies ; M. le duc de la Rochefou- cauit en a retiré jufqu’à une once par livre d’une craie dé la Roche- Guyon. La fécondé circonfiance dans laquelle ce fel fe produit, c’elt la putréfadiQn ou ladécompo- fition fpontanée des matières végétales & ani- males. C’efi un fait très-connu que les lieux arro- fés de liqueurs animales ou qui contiennent des matières animales en pütréfadion , tels que les d’Hist. Nat. et de Chimie. 23 fumiers , les étables , les latrines , produifent beaucoup de nitrate de potafTe. On a profité de cette obfervation confiante pour former des nitrières artificielles ; on conflruit des folles ou des hangards couverts , mais expofés à l’air par les côtés; on les remplit de fubftances putrefci- bles conme du fumier, des excrémens de quadru- pèdes , des fientes de volailles , des débris de vé- gétaux; on arrofe ces matières de tems en tems , & fur-tout avec des eaux chargées de fubftances animales ou végétales fufceptibles de fe pourrir, & on les agite pour renouveller toutes les fur- faces. Lorfque la putréfaction ell avancée , on prend une petite portion de ces matières & on laleffive pour s’affurer de ce qu’elle contient de nitre : fi on la trouve aiïez chargée on leffive toute la matière. La troifième circonflance qui paroît favorifer la produétion du nitre , c’efl le contaél de l’air. Telle eft la raifon de la formation du falpêtre de houfîage; c’efi auffi celle pour laquelle on agite les mélanges des nitrières artificielles , pour que l’air les touche dans tous leurs points. Enfin les craies qui contiennent naturellement du nitre , n’en fourniflent qu’à une certaine profondeur , & point du tout au-delà de cet efpace. Si ces trois circonfiances font réunies, la produétion du nitre f era très-abondante ; tels font les principes fur B iv 24 É L É M E tt S îefquels il faut conflruire des nitrières artificielles. On ne connoît que depuis peu de tems la théorie de la formation du nitre. Glauber 6c plu- fieurs autres chimiftes qui l’ont fuivi, penfoient que ce Tel étoit tout formé dans les végétaux, qu’il paiïoit delà dans les animaux , 6c que la putréfaction ne faifoit que le dégager de fes entraves ; mais on a bientôt reconnu que les végétaux n’en contenoient point une aflez grande quantité pour fuffire à celle que l’on retire dans les nitrières artificielles. M. Thouvenel qui a remporté le prix de l’académie fur la formation du nitre, a fait beaucoup d’expériences pour en déterminer la caufe , 6c il a reconnu que l’acide nitrique étoit produit par la combinaifori d'un fluide élaflique dégagé des matières animales en p tréfaétion 8c de l’air vital. Il a également établi que cet acide une fois formé , fe combine avec la terre calcaire lorfque l’on n’emploie que des matières animales pour les nitrières, 6c que les débris des végétaux font utiles pour fournir l’al- kali fixe ou là potaffe , qui eft la bafe du nitre ordinaire. Mais M. Thouvenel n’avoit point dé- terminé la nature du gaz qui fe dégage des matiè- res animales en putréfaction , 6c c’efl M. Caven- difch qui a démontré que ce gaz efl le même que celui qui conftitue un des principes de l’at- mofphère, fous le nom d’air phlogilliqué, de ü’Hist. Nat. eT de Chimie. 25* mofette atmofphérique, ou de gaz azotique ; il a fait de véritable acide nitrique par la cotnbi- naifon de ce gaz avec l’air vital au moyen de l’ctincelle éleétrique. Le nitrate de potade eft très-altérable par la chaleur : fi on l’expofe à l’aélion du feu dans un creufet , il fe liquéfie allez vite , & celte liqué- faction eft une fufion ignée ; car quoiqu’on le tienne quelque tems dans cet état , il ne fe defsèche pas , & peut rougir fans prendre la forme sèche. Si on le laide refroidir après l’avoir fait fondre, il fe fige en une made opaque que l’on nomme criftal minéral , & qui eft aufti pefant , auffi fufible & auffi didoluble que le nitrate de potade. Le criftal minéral des phar- macies dilfere du nitre pur fondu, en ce qu’il contient un peu de fulfate de potade produit par la combuftion du foufre qu’on ajoute, à la dofe^d’un gros par livre de nitre, fuivant la pharmacopée de Paris. Si on laide le nitrate de potade expofé à Paétion du feu après fa fufion , il fe décompofe & il s’alkalife de lui-même. Cette opération faite dans une cornue réudit de même, & inf- truit en même - tems fur la décompoiition de l’acide nitrique. En effet au lieu d’obtenir cet acide pur, il pafie une grande quantité d’un fluide aénforme qu’on peut recueillir au-dcffus %6 Élémens ^ de l’eau , & qui efi de véritable air vital mêlé de gaz azotique. L’alkali réfidu fait ordinaire- ment fondre très-vite la cornue , 8c on ne peut pourfuivre l’opération jufqu’à la fin qu’avec une cornue de grès très - réfractaire. Voilà donc l’acide nitrique entièrement décompofé en air vital & en gaz azotique , par le moyen de la chaleur qui feule fépare les deux principes. Si l’on ne poulie point le feu jufqu’à décompo- fer entièrement le nitrate de potafie, i’alkali fefie chargé d’une certaine quantité d’acide ni- treux , ou nitrique avec excès de gaz nitreux ; on en dégage cet acide avec le vinaigre ; ce fel dans cet état efi ce que nous appelions nitrite de potaffe , en raifon de l’état de l’acide nitreux furchargé d’azote ; comme on nomme fulfite de potafie , la combinaifon de l’acide fulfureux avec cet alkali; fi l’on chauffe plus fortement le nitrate de potaffe , l’alkali refie pur 8c cauflique. On conçoit d’après la facilité avec laquelle la chaleur décompofé le nitrate de potafie, que pour faire du crifial minéral par la fimple fufion il ne faut pas tenir ce fel trop long-tems au feu ; (ans cette précaution ce médicament contiendroit un excès de potafie dont l’effet feroit beaucoup trop violent. Le nitrate de potafie fe décompofé avee d au- tres phénomènes, lorfqu’on l’expofe à l’adion du d’Hist. Nat. et de Chimie. 27 feu avec des corps combuffibles : appliqué fur un charbon, il produit une flamme blanche , vive, accompagnée d’une efpèce de décrépitation ; c’efl ce qu’on appelle détonation ou fufion du nitre, on dit alors que ce fel détonne ou fufe, & c’efl à ce caradère qu’on le reconnoît facile- ment. Stahl croyoit que ce phénomène étoit du à la combinaifon rapide de l 'acide du nitre avec le phlogiflique ; & M. Baumé d’après cette théorie penfoit qu’il fe formoit dans cette expé- rience un foufre nitreux qui s’enflammoit fur- ie-champ. j’ai lu en 1780 à l’académie un mémoire dans lequel j’ai démontré que le nitrate de potaiïe n’efl pas combuflible par lui-même Si ne forme pas de foufre nitreux dans fa dé- tonation, mais que ce phénomène n’efl dû qu’à ce que la matière combuflible, qu’il eflnéceflaire d’ajouter à ce fel pour le faire détoner, brûle plus ou moins rapidement , à l’aide de l’air vital qui fe dégage en grande quantité du nitrate de potaiïe fortement chauffé. Cette théorie eft complètement prouvée , i°. parce que ce fe! ne fufe jamais feul ; 20. parce qu’après fa dé- tonation à l’aide d’une matière inflammable , cette dernière efl entièrement brûlée j 30. parce que plus la quantité de nitrate de potaiïe efl grande relativement à celle du corps com- buflible, plus la combuflion de ce corps efl 1 28 É L É M E H S complète ; 40. enfin parce que la détonation a lieu aufti bien dans les vaiffeaux clos qu’à l’air libre , ce qui ne peut fe faire qu’à l’aide de l’air vital fourni par ce fel. Cette affertion eft entièrement démontrée par ce qui fe pafie dans l’opération des clyffus de nitre , qui ne font que des détonations de ce fel avec différentes matières combufiibles dans des vaiffeaux fermés. Nous ne citerons ici que celle qui fe fait avec le charbon. On adapte deux ou trois ballons enfilés à une cornue de terre ou de fer , à laquelle on a pratiqué dans la partie fupérieure une ouverture que l’on peut boucher avec un couvercle. On fait chauffer ce vaiflfeau , & lorf- % que fon fond eft rouge , on projette peu-à-peu le mélange de nitrate de potaffe & de charbon par la- tubulure que l’on ferme promptement. Pendant la détonation les ballons font remplis de vapeurs dont une partie fe condenfe en une liqueur fade nullement acide & fouvent alkaline;' le réfîdu n’eft que de la potaffe chargée d’acide carbonique : l'acide nitrique eft donc entièrement décompofé 3 il fe produit une grande quantité de gaz que j’ai recueilli en adaptant à la partie fupérieure des ballons qui étoient tabulés dans cette région, ou une veftie ou des tubes dont les extrémités étoient reçues fous des cloches pleines d’eau, Ce gaz étoit en grande partie i d’Hist. Nat. et de Chimie. 29 de l’acide carbonique , mêlé d’un peu de gaz inflammable & de gaz azodque , l’un des prin- cipes de l’acide nitrique. Le gaz inflammable provient de la décompofition d’une partie de l’eau du nitre par le charbon. Leréfidu de la détonation du nitrate depo- taffe avec du charbon faite dans un creufet, porte le nom impropre de nitre fixé par les charbons ; c’efï de la potafïe combinée avec l’acide carbonique. Le nitrate de potafïe bien pur ne s’altère en aucune manière à l’air. Il efl très-difToluble jbuifque trois ou quatre parties d’eau froide en difTolvent une partie, ’HrsT, Nat. et de Chimie. 55 fuivant la quantité de fable employé , & fuivant le degré de chaleur qu’on a donné. Il paroît que le fable décompofe le nitre de potalfe par la tendance qu’il a pour fe combiner avec fa bafe alkaline , puifqu’en diflillant le nitre fans inter- mède , on n’obtient point d’acide nitreux , mais de l’air vital mêlé de gaz azotique. Je crois que cela vient de ce que dans la diflillation du nitre de potalfe fans intermède , l’alkali réagit fur l’acide 8c contribue à fa décompofition ; tandis que lorfqu’on chauffe ce fel mêlé avec du fable , ce dernier tendant à s’unir à la potalfe pour former du verre , l’empêche de réagir fur l’acide qui paffe alors fans altération. Les terres argileufes décompofent aulfi le nitre. On fe fert communément d’une argile plus ou moins colorée. C’elt une pareille terre que les diflilla- teurs d’eau-forte de Paris emploient. Ils in- troduifent deux livres de nitre de la fécondé cuite avec lix livres d’argile colorée de Gen- tilly dans des cornues de terre d’une forme particulière qu’on nomme des cuines , 8c qui font placées les unes à côté des autres fur des fourneaux allongés , connus fous le nom de galères ; leur col ed reçu dans une bouteille de même forme qui fert de récipient. Ils retirent, par ce moyen, d’abord une liqueur tranfparente peu acide, qu’ils nomment flegme de l’eau- Tome II C 34 E t i i e n j forte , en fui te de l’acide de plus en plus con- centré. Le réfidu ell une fubflance terreufe rouge & très- dure , qui fert à faire une efpèce de mortier. Cette expérience nefl rien moins que propre à prouver que l’argile décompofe le nitre de potaffe. i°. Les diflillateurs n’em- ploient qu’un nitre fort impur , & qui contient beaucoup de nitre terreux. 20. Ils fe fervent d’une argile très-compofée 8c fouvent remplie d’une grande quantité de pyrites dont l’acide vitriolique peut décompofer le nitre. Pour compter fur cette décompofition , il faut la faire avec de l’argile blanche , 8c mieux encore avec la bafe de l’alun ou l’alumine. Cette terre n’ayant pas autant de tendance pour s’unir à l’alkali que le fable , 8c ne formant pas de verre avec ce fel , ne paroît pas pouvoir dé- compofer auffi complètement le nitre de potaffe que le fable. Cependant M. Baumé dit avoir obtenu l’acide du nitre de potaffe par la porce- laine 8c l’argile cuite en grès , qui ne contiennent point d’acide fulfurique , quoiqu’il ait cru que c’étoit à cet acide, contenu dans les argiles, qu’étoit due la décompofition de ce fel. La baryte décompofe le nitre de potaffe 8c en fépare l’alkali. Bergman dans fa table d’affi- nités , place cette fubflance falino - terreufe avant les alkalis & immédiatement après l’acide nitrique. I d’H ist. Nat. et de Chimie. 3; - La mngnéfie , la chaux & les alkalis n’ont aucune adion fur le nitre. Les acides en ont une très- marquée fur ce fel , fur-tout l’acide fulfurique qui a réellement plus d’affinité avec les alkalis que n’en a l’acide nitrique. Si on verfe de l’acide fulfurique con- centré fur du nitre de potaffe bien fec , il fe produit une effervefcence confidérabîe , & l’on voit s’élever des vapeurs rouges qui ne font que de l’acide nitreux. En faifantcetteopération dans une cornue à laquelle eil ajufté un récipient, on recueille cet acide connu fous le nom d’efprit de nitre : cette opération eft appelée dans les laboratoires diffillation de l’efprit de nitre à la manière de Glauber , parce que c’efl ce chimilte qui le premier l’a décrite allez clairement. Dans ce procédé on étoit obligé de laiffer au ballon un petit trou ouvert pour donner iffiie aux vapeurs d’acide nitreux ; on avoit remarqué que ces vapeurs étoient très-difficiles à condenfer, & qu’elles occafionnoient deux accidens : le premier étoit la perte d’une quantité notable du plus fort efprit de nitre qui fe diffipoit par la tubulure du vaiflfeau ; le fécond confiÜoit dans le danger que couroit l’artifte expofé à ces vapeurs très-âcres 8c très-corrofives ; c’étoit donc un procédé très - défectueux. M. Woulfe favant chirpilte anglois a trouvé le moyen de C ij Ê L E M E N S remédier à ces inconvéniens : au lieu d’em- ployer un récipient percé d’un petit trou , il Te fert d’nn ballon à deux pointes ; il place dans l’extrémité de ce vaifleau oppofée à la cornue, un tube dont un bout qui fait angle droit avec l’autre plonge dans une bouteille ; cette bouteille a deux tubulures fur fes côtés ; chacune de ces tubulures reçoit un fyphon qui paiïe dans une autre bouteille, placée de chaque côté de la première. Les deux bouteilles collatérales font jointes par le moyen d’un fyphon avec deux vaifîeaux pareils dont les tubulures latérales relient ouvertes. La première bouteille relie ordinairement vide , les bouteilles collaté- rales contiennent une certaine quantité d’eau dans laquelle plonge l’extrémité inférieure & la plus longue du tube qui communique de l’une à l’autre ; la partie fupérieure de ces bouteilles refte vide , 8c lorfque la vapeur d’acide palfe au-delîus de l’eau des premières , elle ell portée par les autres tubes jufque dans l’eau des bou- teilles fuivantes. Par cet appareil ingénieux il ne fe perd rien du tout , & l’artifle n’eft nulle- ment incommodé. L’acide nitreux en vapeur paffe dans le ballon 8c va dans les premières bouteilles où il eft abforbé par l’eau. Celui qui ne peut pas l’être , palfe dans les fécondés bouteilles collatérales , 8c s’y unit à l’eau d’Hist. Nat. et de Chimie. 37 qu’elles contiennent. Il fe dégage par la tubulure ouverte des dernières bouteilles -une quantité plus ou moins grande d’air vital qu’on peut recueillir dans des cloches. Cet appareil tel qu’il vient d’être décrit a un avantage dont il doit être fait mention ; à la fin de l’opération lorfqu’on laifie refroidir la cornue , il le fait un vide dans les vai (Féaux , & l’air extérieur pref- fant fur l’eau des dernières bouteilles ouvertes , la force de remonter par les fyphons dans les premières bouteilles collatérales, & de celles-ci dans la bouteille moyenne & la plus voifine du ballon. Si la première bouteille n’étoit pas vide & n’avoit pas atTez de volume pour con- tenir toute l’eau des fuivantes , les liqueurs acides pafTeroient dans le ballon ; & comme l’acide nitreux le plus fort efi contenu dans ce vaifTeau , il fe trouveroit mêlé avec toutes les liqueurs des bouteilles , 8c il n’auroit pas le degré de force qu’on y recherche ; cet incon- vénient feroit encore plus préjudiciable pour d’autres difliliations dont nous parlerons par la fuite , parce qu’au lieu de diminuer fimple- menMa force du produit il en altéreroit la pureté. Pour faire cette opération dans' un labora- toire, on met quatre livres de nitre de potaffe pur & fondu en crifial minéral dans une cornue C iij 38 E L É M E N S de grès tabulée placée dans un fourneau de réverbère : on peut auffi fe fervir de cornues de verre tubulées que l’on place fur un bain de fable. On verfe tout à-la-fois par la tubulure deux livres & demie d’acide fulfurique con- centré , 8c on bouche la cornue. On l’adapte 8c on la lutte promptement à l’appareil décrit ci- delfus qu’on a eu foin de monter la veille. On la chauffe par degrés jufqu’à ce qu’il ne paffe plus rien; on peut régler la conduite de l’opé- ration d’après le dégagement & le partage du gaz dans les bouteilles. S’il ert trop rapide , la chaleur ert trop violente, & on doit la diminuer de peur que toute la marte de la cornue ne fe gonfle trop 8c ne paffe dans le ballon ; fi le jeu des bouteilles ert trop lent, on augmente le feu pour éviter l’abforption ; ainfi cet appareil a encore l’avantage d’avertir i’artirte fur la marche de fon procédé. Le réfîdude cette décompofition ert du fulfate de potafle , formé par l’union de l’acide fulfu- rique avec l’alkali bafe du nitre : ce fel réfidu ert connu en pharmacie fous le nom de fel de duobus , ou arcanuni duplicaturn. ïl ert ordinairement en une marte blanche opaque à demi-vitrifiée remplie de cavités qui annoncent fon bourfoufflement ; ce fel ell fort acide, en rai fon de la quantité d’acide fulfurique que l’on d’Hist. Nat. et de Chimie. 39 emploie , 8c c’eh cet excès d’acide qui fait fon- dre le fel , comme nous l’avons vu dans l’hif- toire du fulfate de potaffe. L’acide nitreux qu’on obtient par ce procédé efl très - rouge 8c très- fumant , en raifon de la chaleur forte qu’on emploie dans cette diftillation , & qui dégage une portion d’air vital. Comme il eh toujours mêlé d’une certaine quantité d’acide fulfurique , on le reétitîe en le redillillant fur un quart de fon poids de nitre. On doit encore obferver qu’il eh nécefîàire d’employer du nitre de potafTe bien pur pour avoir de l’acide nitreux fur les effets duquel on puifTe compter. Celui qu’on retire du nitre de la fécondé cuite con- tient de l’acide muriatique , 8c agit dans les diiïolutions à la manière de l’eau régale. On peut purifier cet acide 8c lui enlever l’acide muriatique qu’il contient par une dihillation bien ménagée , comme l’ont démontré MM. de Laffone 8c Cornette. ( Acad. ij8i , pag. 65g à 656.) L’acide boracique concret déccmpofe le nitre à l’aide de la chaleur, 8c en dégage un acide nitrique ahez concentré ; il paraît que c’eh en raifon de fa fixité qu’il opère cette décompo- fition , comme le penfent MM. les Académiciens de Dijon ; cependant il faut aufli l’attribuer en partie à l’attradion qui ch entre l’acide bora- cique 8c la potaffe bafe du nitre. C iv 40 Élémens Le nitre de potaffe eft d’un très-grand ufage dans les arts.Ii eft le principal & le plus utile des ingrédiens de la poudre à canon , dont nous parlerons à l’article du foufre. Brûlé avec diffe- rentes dofes de tartre , il forme des matières fondantes nommées flux , qu’on emploie en docimafte, pour fondre & réduire les fubftances métalliques , &c. & c. On s’en fert fréquemment en médecine , comme d’un médicament calmant, rafraîchif- fant , diurétique , anti-feptiques &c. On l’admi- niftre dans une boiffon quelconque à la dofe de dix à douze grains , jufqu’à celle d’un demi- gros & plus. Les médecins en obtiennent tous les jours de très-bons effets. Sorte IV. Nitrate de soude. Le nitrate de foude que l’on a nommé nitre cubique , nitre quadr angulaire , nitre rh.om~ boidal , eft le fel neutre parfait, réfultant de la combinaifon faturée de l’acide nitrique & de la foude. Ce fel eft ordinairement en affez gros crif- taux rhomboïdaux très-réguliers ; le nom de nitre rhomboïdal lui convenoît donc mieux que celui de nitre cubique. Sa faveur eft fraîche 8c un peu plus amère que celle du nitre de potaffe. d’Hist. Nat. et de Chimie. 41 Le feu le décompofe comme ce dernier; mais il décrépite de fé fond moins facilement que lui. Au relie, il donne de l’air vital mêlé de gaz azotique & s’alkalife comme le nitre de potafiTe. Il ell un peu plus altérable à l’air que ce der- nier, & il en attire légèrement l’humidité. Il fe diffout allez bien dans l’eau froide & même plus abondamment que le premier , puifque deux parties d’eau à la température ordi- naire de 10 degrés , en diffolvent une partie ; l’eau bouillante n’en diffout prefque pas davantage ; aufii pour l’avoir crillallifé régulièrement, on ell obligé d’évaporer lentement fa diffolution. En expofant une leffive bien claire de ce fel dans un endroit fec, on y trouve au bout de quelques mois des crillaux rhomboïdaux de fix à huit lignes, & quelquefois de près d’un pouce d’éten- due, Ce procédé ell en général celui qui réulfit le mieux pour faire criftallifer les feîs qui 11e font pas plus folubles dans l’eau chaude que dans l’eau froide. Le nitre de fonde détonne fur les charbons ardens , & fait brûler tous les corps combuflibles avec lefquels on le chauffe, un peu moins rapi- dement que le nitre de potaffe. La terre filicée en dégage l’acide nitrique 8c forme du verre avec fa bafe ; l’argile en fépare au (fi l’acide , & le réfidu de cette décompofition ^2 Elémens efl une efpèce de fritte un peu bourfoufflée , 8c opaque lorfqu’on a donné un bon coup de feu. La baryte îe décompofe & met ànudla foude. La magnéfîe & la chaux ne l’altèrent pas fen- liblement. La p ota Le a plus d’affinité que fa bafe avec l’acide nitrique avec lequel elle forme du nitre de potaffe ; on peut fe convaincre de cette décompofition par une expérience très -facile. Si l’on partage une diffolution bouillante & faturée de nitre de foude en deux portions, 8c fi l’on jette dans une d’elles de la potaffe cauf- tique, celle-ci dépofera pendant fon refroidif- fement des crilîaux prifmatiques de nitre de potaffe; tandis que la portion dans laquelle on n’aura point mis de potaffe ne criflallifera point, parce que les crilfaux de nitre de foude ne fe forment que par l’évaporation lente. L’acide fulfurique concentré verfé fur le nitrate de foude, en dégage l’acide nitreux avec effer- vefcence. On peut diffiller ce mélange, 6c obtenir de l’acide nitreux, comme avec le nitre de potaffe. Les autres acides minéraux n’ont pas plus d’adion fur ce fel que fur le précédent. Les fels neutres déjà examinés, les fulfates de potaffe 8c de foude, 8c le nitrate de potaffe n’altèrent en aucune manière le nitrate de foude; d’Hist. Nat. et de Chimie. 43 fi ccs fels font difïous dans la meme eau , ils criflallifent féparément , & chacun dans leur ordre ordinaire ; le nitre de potaffe & lefulfate de fonde par refroidiffement , le fulfate de potalfe & le nitre de loude par l’évaporation. Toutes ccs propriétés démontrent que le nitrate de foude ne différé du nitrate de potaffe que par fa forme, fa faveur, fa légère déliquef- cence, fa folubilité plus grande, fa propriété de criflaîiifer par l’évaporation , & fur-tout fa décomposition par la potaffe. On n’a point encore trouvé le nitrate de foude dans la nature; il efl toujours un produit de l’art qui le forme de cinq manières différentes ; i°. en uniffant directement l’acide nitrique avec la fende ; 20. en décompofant par ce même alkali les nitrates terreux, le nitrate ammo- niacal, 8c les nitrates métalliques; 30. en décom- pofant le muriate de foude par l’intermède de l’acide nitrique ; 40. en décompofant le fulfate de foude par l’efprit de nitre fumant ; y°. enfin , en décompofant les diffolutions métalliques, nitreufes qui en font fufceptibles par le muriate de foude : dans ce dernier cas , à mefure cpie l’acide muriatique s’unit au métal qu’il fépare de l’acide nitrique, ce dernier fe combine avec la foude qui quitte fou premier acide. Toutes ces décompofuions feront détaillées en par- 44- Ê L Ê M E N S tien lier à l’article de chacun des Tels qui en font fufcepnbles. Le nitrate de fonde pourroit fervir aux mêmes ufages que le nitre de potaffe ; mais comme il ne produit pas tous les effets de ce dernier lel , fans doute à caufe de la plus grande affinité qu’il a avec l’eau, on ne l’emploie pas dans les arts ; d’ailleurs comme on ne le trouve point dans la nature , & comme il n’eft qu’un pro- duit de l’art , on n’a pas effayé d’en faire un ufage particulier; on n’a même pas encore fait fur ce fel toutes les recherches néceffaires pour en bien connoître les propriétés. Sorte V. Müriate de potasse. Le muriate de potaffe appelé autrefois fel fébrifuge de Sylvius , eh formé par l’union fa- turée de l’acide muriatique avec la potaffe. Il a été mal-à-propos nommé fel maria régénéré , puifqu’il différé de ce fel par la nature de fa bafe. Ses crifiaux font des cubes , mais qui ont prefque toujours un afpeét confus & une forme peu régulière. Sa faveur eft falée , piquante, amère & défagréable : lorfqu’on l’expole au feu, il décrépite, c’ell-à-dire , que fes crillaux fc brifent & s’éclatent en petits morceaux , ce qui vient de la raréfaétion fubite de l’eau qui entre dans leur compofition : fi on le laiffe lur le d’HisT. Nat. ET de Chimie. 47 feu après 'qu’il a décrépité, & que la chaleur foit allez forte , il fe fond & fe volatilife , mais fans fe décompofer; il peut fervir de fondant aux terres & aux fubfiances métalliques. Sa principale utilité dans ce cas , c’ell qu’en re- couvrant les matières , il fixe l’aétion des autres fondans , les empêche de fe volatilifer , & pré- vient les altérations que l’accès de l’air pour- roit produire. Le muriate de potafie efl peu altérable à l’air, il n’en attire que très-légèrement l’humidité. Il lui faut environ trois parties d’eau froide pour être tenu en diffolution ; l’eau chaude n’en diflout pas davantage ; c’eft pour cela qu’on efl forcé d’avoir recours à l’évaporation lente pour l’obtenir crifiallifé. C’efl un des fels qu’il efl le plus difficile d’avoir en criftaux réguliers d’un certain volume. L’argile paroît le décompofer en partie, puif- qu’en diflillant du muriate de potafie avec les glaifes des environs de Paris , on obtient de l’acide muriatique ; à la vérité, cette opération n’en fournit qu’une petite quantité, & fon ré- fultat efl bien éloigné de celui que donne le nitrate de potafie. Il paroît auffi que Je fable a la même adion que l’argile fur le muriate de potafie. La baryte s’empare de fon acide & en féparc 4 6 Élêmens la potaffe fuivant Bergman. La magnéfie & la chaux ne l’altèrent en aucune manière. Les acides fulfurique & nitrique eu dégagent l’acide muriatique avec effervefcence (i): ce phénomène eid d’autant plus marqué , que le muriate de potaffe eft plus fec. Celui que l’on a fait décrépiter & qui a perdu fon eau de crif- talîifation, produit une effervefcence très-confi- dérable avec l’acide fulfurique concentré, 8c le mélange s’échauffe beaucoup. En faifant ces (i) Nous avons dé j à fait obferver , en padant de la décompofition du nitre de potaffe par l’acide fulfurique concentra , que l’acide nitreux fe dégageoit avec une vive effervefcence. Nous retrouvons ici le même phénomène pour l’acide muriatique : il efl même beaucoup plus marqué dans ce dernier fel , parce que fbn acide a une très-grande tendance pour fe mettre dans l’état de gaz. Telle efl la caufe générale des effervefcences dont la nature & les différences n’ont été bien connues que depuis très-peu de temps. On croyoit autrefois que c’étoit au dégagement de l’air qu’elles étoient dues •, on efl convaincu aujourd’hui que Ce n’efl pas l’air r mais tous les corps qui peuvent affeéler l’aggrégation aériforme qui les produifenî ; ainfî , nous avons fait voir que l'ébullition de l’eau pouvoit être regardée comme une forte d’effervefcence. Comme cette vérité a befoin d’être fouvent répétée jufqu’à ce qu’elle foit bien connue & bien entendue de tout le monde, nous revien- drons plufîeurs fois fur cet objet , en traitant des différens tels neutres , fufceptibles d’être décompofés par les acides. d’Hist. Nat. et de Chimie. 47 décompofitions dans des cornues, on obtient de l’acide muriatique dans le récipient , & la cornue contient du fulfate de potaffe lorfqu’on opère avec l’acide fulfurique : le récipient con- tient, au contraire, de l’eau régale , & le réfidu donne du nitre de potaffe, fi l’on emploie l’acide nitrique. L’acide boracique décompofe aulîî le muriate de potaffe par le moyen de la' diflilla- tion, 8c en dégage l’acide muriatique. Comme toutes ces opérations fe pratiquent avec le muriate de foude ou Tel marin, nous les décri- rons plus en détail à l’article de ce dernier. Les acides carbonique 8c fluorique n’ont aucune adion fur le muriate de potaffe. Les fulfates 8c les nitrates de potaffe 8c de foude n’en ont pas davantage fur ce fel; lorf- qu’ils font diffous dans la même eau , chacun d’eux criftallife féparément 8c à fa manière. Le muriate de potaffe fe rencontre fréquem- ment dans la nature , mais toujours en afïez petite quantité. On le trouve dans les eaux de la mer & des fontaines falées ; il exifle , quoique rarement , dans les lieux où l’on rencontre le nitre de potaffe ; on le trouve encore dans les cendres des végétaux, 8c dans quelques humeurs animales. L art peut auffi le produire, i°. en combinant diredement l’acide muriatique avec la potaffe ; 20. en décompofant les muriate» 48 É L É M E N S terreux , ammoniacaux ou métalliques par le même alkali; 30. en décompofant le fulfate ou le nitrate de porafle , par le moyen de l’acide muriatique , comme l’a indiqué M. Cornette. On employoit autrefois ce fel neutre comme un excellent fébrifuge ; mais il ne pofsède cette propriété que Sylvius lui a attribuée , qu’en fa qualité de fel amer. On lui préféré aujourd’hui les fulfates de potaffe & de foude. Le muriate de potaffe n’efl pasd’ufage dans les arts; fon goutdéfagréable empêche qu’on ne s’en ferve pour affaifonnement comme on le fait du muriate de foude ; il a d'ailleurs toutes les pro- priétés chimiques de ce dernier fel, dont il ne différé que par fa faveur amère , fa diffolubilité moins grande, fon inaltérabilité à l’air & fa crif- tallifation moins régulière ; c’efl pourquoi nous n’infiflerons pas davantage fur fon hiftoire. Sorte VI. Muriate de soude. Le muriate de foude plus connu fous les noms de fel marin ou fel de cuifine , fai cnlinare , eft un fel neutre parfait , formé par la combinaifon faturée de l’acide muriatique 8c de la foude. On doit s’appercevoir que dans la nomenclature adoptée jufqu’ici, la définition de la nature de ces fels neutres eft prefque inutile , puifqu’elle eh exprimée par la dénomination. Ce I d’Hist. Nat. et de Chimie. 49 Ce fel eft répandu en quantité confidéuable dans la nature ; c’eft le plus abondant de tous. On le trouve en malles immenfes dans l’intérieur de la terre, en Efpagne, en Calabre, en Hongrie, en Mofcovie & fur-tout à Wieliczka , en Po- logne , près les monts Crapacks. Les mines de ce dernier endroit font d’une grandeur très-con- fidérable, & le muriate de foude y eft en quantité prodigieufe. Ce lel , contenu dans la terre, eft ordinairement irrégulier , rarement criflallifé : il eft plus ou moins blanc; on en trouve de coloré ; dans cet état on l’appelle Jel gemme , parce quil a fouvent la tranfparence des criftau'x con- nus fous ce nom. Les eaux de la mer en font chargées, ainft que celles de certains lacs & de quelques fontaines. C’eft de ces eaux qu’on le retire par quatre procédés généraux. Le premier eft l’évaporation fpontanée par la chaleur du foleil ; ce moyen eft mis en ufage dans nos provinces méridionales, en Langue- doc, à Peyrac, Pecais, &c. On creufe fur Je bord de la mer des efpèces dè folles qu’on enduit d’argile bien battue; on y pratique dés petits murs qui les partagent en plusieurs corn- parti mens' & qui communiquent les uns avec les autres. La marée montante dépofe de l’eau dans ces marais falans , & elle eft retenue par les efpèces de cloifons que forment les murs ; on Tome 17, p) y0 Elémens n’y en laifle qu’une couche allez mince que la chaleur du foleil évapore très-bien. Quand il s’y eh formé une pellicule faline , on la cafte & elle fe précipite; on la brife ainfi jufquà ce qu’il n’y ait plus d’eau. Alors on ramaffe le fel avec des râteaux & on le met en tas pour le faire fécher. Ce fel eh mêlé avec tous ceux qui font dihous dans les eaux de la mer, tels que les fulfates de fonde & de magnéfie , les muriates de magnéfie & de chaux. Il eh aufli fali par une portion de la glaife qui forme le fond des marais falans ; enfin on y trouve du fer & du mercure en très-petits globules; ce dernier s’y démontre facilement en laihant féjourner une maffe d’or dans le fel ; elle y eh blanchie très-manifehement. Ce fel fort impur eh connu fous le nom de fel de gabelle. Dans les provinces feptentrionales de la France, en Normandie &c en Bretagne, on fe fert de l’évaporation artificielle à l’aide du leu. Dans l’Avranchin on prend les fables mouvans fur lefquels l’eau de la mer a dépofé des crif- taux falins , on les lave avec la moins grande quantité poflible d’eau de mer, afin que le fel n’en ait que ce qu’il lui en faut pour être dilfous ; on porte cette eau falée dans d^s chau dières de plomb dans lefquelles on l’évapore jufqu’à ficcité. Ce fel eh très-blanc & plus pur / d’Hist. Nat. et de Chimie, yi que celui des marais falans. Guettard a décrit avec foin ce travail dans les Mémoires de l’Aca- démie pour l’année 1758. La Lorraine & la Franche-Comté ont beau- coup de fontaines falées. L’eau de ces fontai- nes eft chargée de différentes quantités de muriate de foude. A Montmorot, dans la dernière de ces provinces, pour obtenir ce fel on réunit l’éva- poration fpontanée à l’évaporation par le feu. Pour cet effet , 1 eau des puits eft portée , par des pompes à chapelet, dans un grand baffirû Ce dernier elt place au haut d’un hangard nom- mé batiment de graduation. Sous cet hangard font fufpendues , par étages , des planches fur lefquelles font placés de petits fagots d’épines. L eau tombe fur ces fagots par des robinets j elle fe divife en pluie fine; & comme elle pré- fente beaucoup de furface a l’air qui circule avec îapidité fous ces hangards, il s’en évapore prefque les deux tiers ; elle dépofe du fulfate de chaux ou de la félénite fur les fagots • & lorfqu’elle' elt affezchaigéede fel pour donner treize à quatorze degrés au pèfe-liqueur , elle elt portée dans de grandes chaudières de fer, foutenues par des crochets de même métal, qui partent de leur fond & repofent fur des pièces de bois portées par les bords de ces vaiffeaux. Ces chaudières , appelées poêles, font très -larges & peu pro- Dij ' -f2 È L t M E N 5 fondes. Elles contiennent cent muids d’eau falée. On les chauffe brufquement ; lorfque l’eau bout à gros bouillons, elle fe trouble d’abord, & dépofe à fa furface une terre ochreufe en forme d’écume. Il s’en fépare enfuite un fel peu foluble qui n’eft que du fulfate de chaux , les ouvriers le nomment fçhlot , le fchlot eft mêlé d un peu de muriate de foude , de lulfate de foude & de muriates terreux ; il eft reçu dans de petites auges de tôle , placées fur les bords des chaudières , dans lefquelles il eft porté par les Ilots de la liqueur qui bout ; on enlève les auge- lots de temps en temps , & on les remet jufqu’à ce qu’il fe forme à la lurface de la liqueur une grande quantité de petits criftaux cubiques que les ouvriers appellent pieds de mouches. A cette époque on retire les augelots pour la dermere fois. On diminue le feu & on enlève le muriate de foude avec des écumoirs , à mefure qu’il s’en eft criftallifé une affez grande quantité ; on continue de l’enlever ainfi, & d’évaporer jufqu’à ce que l’eau ne donne plus de criftaux cubiques. Le fel que l’on obtient eft en criftaux plus ou moins gros , fuivant la rapidité ou la lenteur de l’évaporation ; l’eau qui n’en fournit plus eft appelée i nuire ou eau mère , elle contient des muriates terreux (i). " (0 On prépare à Montmorot un fel neutre, connu fous d’Hisî. NaT. et e>e Chimie, yy Wallerius rapporte un quatrième procédé pour retirer le Tel des eaux de la mer, mis en ufage dans les pays du Nord. On expofe cette eau dan; des folles fur le bord dé la mer; comme elle n’y forme qu’une petite couche , le froid5 la pénètre , & elle fe gèle ; mais la portion d’eau furabondante à la diffolution faline , étant la feule fufceptible de fe geler, celle qui relie fluide retient tout le fel qui étoit contenu dans la quantité primitive, & elle fé trouve concen- trée au point de lailfer crilïallifer le muriate de foude à la moindre chaleur ; on la porte dans des chaudières de plomb , dans lefquelles on l’évapore. Les crillaux de muriate de foude font des cubes très-réguliers & d’autant plus gros , que l’évaporation a été plus lente ; ils fe groupent enfemble par leurs bords , de manière à for- mer des efpèces d’efcaliers ou de trémies creufes. Rouelle l’aîné a obfervé & décrit ce phénomène avec beaucoup de foin dans fes Mémoires fur la criflallifation. Bergman en a donné uneéthiologie fort ingénieufe. le nom de fel d’Epfom de Lorraine ; mais ce n’eft que dut fulfate de fcude ou fel de Glauber dont on a troublé la crifl- tallifation. On lediftingue du vrai lulfate de magnéfîe ou lel d’Epfom , en ce qu’il s’effleurit à l’air, tandisque lepremiera, tel qu’il vient d’Angleterre , eft déliquelcent. D iij 5*^ É L É M E tî S La faveur de ce fel , qui efl falée & agréable , efl connue de tout le monde. Lorfqu’on l’expofe à l’aélion d’un feu bruf- que , il ‘pétille & faute en éclats. On appelle ce phénomène décrépitation ; il efl dû, ainfi que nous l’avons déjà fait obferver pour le fulfate de potalfe 8c le muriate de potaffe , à ce que l’eau qui entre dans les criflaux fe raréfiant fubi- tement , brife 8c écarte avec effort toutes les petites lames dont ils font compofés. Lorfque toute l’eau efl ainfi évaporée , la décrépitation ceffe, 8c le fel efl en ponflière. Si on continue à le chauffer fortement,, il fe fond après avoir rougi : en le coulant fur une plaque de marbre , il fe fige en une efpèce de criflal minéral. Mais il n’eft altéré en aucune manière , car on peut lui rendre fa première forme en le diffolvant dans l’eau. Le feu ne le décompofe donc pas : en le tenant fondu quelque tems , il finit par fe volatilifer fans altération , mais il faut pour cela un feu de la dernière violence. Le muriate de foude n’éprouve pas d’alté- ration fenfible à l’air , lorfqu’il efl bien pur ; il fe defsèche plutôt qu’il ne s’humeéte , & il n’en attire l’humidité que lorfqu’il contient des muriates à bafes terreufes , comme celui de gabelle. Il efl très-diffoluble dans l’eau ; il ne lui faut d’Hist. Nat. et de Chimie. 57 que trois parties de ce fluide pour être tenu en diflolution. Trois onces & demie d’eau dif- f vivent très complètement une once de ce fel : il n’efl p?s plus diiïoluble dans l’eau bouillante que dans l’eau froide. La diflolution fe fait feule- ment un peu plus vite par la chaleur. On obtient les ciiflaux de ce fel par une évaporation très- lente. Il fe forme d’abord fur la liqueur des p’eds de mouches qui fe joignent, & donnent naiiïance à une pellicule plus ou moins épaifle; quelquefois , au lieu de cubes , on obferve des efpèces de pyramides quarrées & creufes , fem- blables à des trémies. Rouelle l’aîné , qui a obfervé avec grand foin tous les phénomènes de cette criflallifation , a vu que ces trémies pre- noient naiflance de h manière fuivante. Lorf- qu’il y a un cube formé , ce petit folide s'enfonce un peu dans l’eau ; il en naît enfuite lin fécond qui efl attiré par le premier , 8c qui s'attache à lui par- un de fes côtés ; le même phénomène a lieu pour les trois autres côtés du cube. Ï1 efl aifé de concevoir que cet accroifle- ment fucceflif produira des pyramides creufes, dont la pointe fera en bas & la bafe en haut. Lorfqu’elles font trop groiïes, elles fe précipitent au fond de la liqueur. L’eau dans laquelle 011 a diffous ce fel , & qu’on a fait évaporer juf- qu’à ce qu’elle n’en fournifle plus , ne contient D iy ) 5*6 ÉtÉMINS plus aucune matière faline , fi le Tel employé étoît bien pur : celle de la mer & des falines con- tient toujours quelques fels à bafe terreufe. On peut en précipiter la terre à l’aide de la foude , comme nous le dirons à l’article des Tels neutres terreux. Tel efl le moyen qu’on emploie pour obtenir du muriate de foude très-pur. Le muriate de foude paroit faciliter la fufion des verrés ; il occupe toujours la partie fupé- rieure des pots dans lefquels on fond cette matière , 8c conflitue en grande partie le fiel de verre. On s’en fert pour vitrifier la furface de (Cer- taines poteries , 8c pour leur donner ainfî une efpèce de couverte aux dépens de leur portion extérieure , qui fe fond à l’aide de la grande chaleur communiquée par le fel ; on y parvient arfément en jetant dans les fours où on la cuit, une certaine quantité de muriate de foude. Il fe volatilife 8c fe répand fur la furface des poteries, dont il occafionne la fufion par fon extrême chaleur. C’eR ainfî qu’on enduit la pote- rie d’Angleterre. La terre filicée ne l’altère en aucune manière, quoiqu’il paroiffe en favorifer la fufion. L’argile pure a beaucoup moins d’adion furie muriate de foude que fur les nitres : elle ne donne en la diflillant avec ce fel , qu’un acide foible •d’Hist. Nat. et de Chimie. 57 & phlegmatique en allez petite quantité. Les dillillateurs d’eau-forte retirent , il elï vrai , l’acide muriatique appelé efprit de fel de cette manière; mais ils emploient du fel de gabelle , qui contient beaucoup de muriates à bafe terreufe , & ils fe fervent d’une argile très-colorée & très-impure. La baryte décompofe le muriate de foude comme tous les autres fels alkalins , d’après les expériences de Bergman. La chaux & la magnéfie n’altèrent en aucune manière le muriate de foude. Peut-être ces deux fubllances falino-terreufes combinées avec l’acide carbonique peuvent-elles féparer les principes du muriate de foude par une attradion éledive double. La potaiïe cauffique décompofe le muriate de foude , parce qu’elle a plus d’affinité avec fou acide , que n’en a la foude. Une diüolution / de muriate de foude , mêlée avec de la potaiïe donne du muriate de potaiïe par l’évaporation , & l’eau mère contient la foude pure & ifolée. Les acides ont une adion très-marquée fur le muriate de foude. Si l'on verfe de l’acide fulfurique concentre fur ce fel , il fe produit un mouvement très-confidérable , une chaleur très- vive; on obferve uneeffervefcence violente (1) , (1) L’efFervetcence eft auffi manifefte dans cette ope-. J8 'ÉlemeSs caufée par l’acide muriatique qui fe dégage fous la forme de gaz; on reconnoît la nature de cet acide aériforme dégagé par la vapeur blanche qu’il forme avec l’eau de l’atmofphère , & par fon odeur piquante analogue à celle du fafran , lorfque cette vapeur efl fort étendue. Si l’on fait cette opération avec l’appareil pneumato- chimique au mercure, on obtient beaucoup de gaz acide muriatique. Glauber efl; le premier qui ait obfervé & décrit avec foin cette décom- pofition du fel marin par l’acide fulfurique, pour retirer l’acide de ce fel ; c’eli pour cela qu’on a donné a cet acide le nom d 'efprit de fel marin à la manière de Glauber. En examinant le réfidu de cette opération , il a découvert fon fel admirable , ou le fulfate de foude. Prefque tous les auteurs prefcrivent , pour difliller l’acide muriatique, de mettre du muriate de foude décrépité dans une cornue de grès tubulée, de verfer par la tubulure la moitié de fon poids d’acide fulfurique concentré ; il fe ration , que dans l’union du même acide avec la chaux & les alkalis faturés d’acide carbonique. Elle a donc lieu toutes les fois qu’un corps , féparé d’une combinaifon , fe volatilité fous la forme de gaz; elle peut donc être occa- lîonnée par l’acide carbonique, l’acide muriatique, l’acide nitrique , l’acide fulfureux , l’acide fluorique , &c. Elle ne doit pas être attribuée au dégagement de l’air. d’Hist. Nat. et de Chimie, yp dégage fur-le-champ beaucoup de vapeurs acides, qui paiïent par le bec de la cornue , & vont fe raflembler dans deux ballons entilés ; le dernier de ces vaiflteaux efl percé d’un petit trou , afin de lai (Ter échapper les vapeurs & de prévenir la rupture de l’appareil. Il en efl de cette opé- ration comme delà diflillation de l’acide nitreux; on perd une grande quantité de l’acide muria- tique le plus pur , qui fe diffipe fous la forme de gaz par le trou du ballon , & on ell fort incommodé par les vapeurs très-corrofives de cet acide, qui rempliffent le laboratoire où fe fait la diflillation. M. Baumé , pour éviter une partie de ces inconvéniens , ajoute de l’eau dans la cornue. Cette eau } volatilifée dans le ballon, abforbe une partie du gaz acide muriatique ; mais comme elle eft beaucoup moins volatile que lui , il fe perd toujours une grande quantité de cet acide. M. Woulfe a corrigé tous ces défauts , & a trouvé le moyen de fe procurer l’acide muriatique le plus fort & le plus con- centré poiïible, en faifant l’inverfe du procédé de M. Baumé. Au lieu de faire volatilifer l’eau pour aller après les vapeurs d’acide muriatique, il préfente ce liquide à la rencontre du gaz, & il emploie pour cela l’appareil que nous avons décrit à l’article du nitre. On met huit onces d’eau diflillée dans les ’6ù É E ’Ê M E N S bouteilles collatérales , pour un mélange de deux livres de muriaie de foude & d’une livre d’acide fulfurique concentre. Le gaz acide muriatique , conduit par des tubes dans • l’eau des bouteilles , s’y diffout. Cette eau s’échauffe prefque jufqu’à l’ébullition en fe combinant avec le gaz, & elle en abforbe un poids égal au lien. Lorfqu’elle en efl chargée à ce point, elle n’en diffout plus , & elle fe refroidit ; mais le gaz paffant dans les fécondés bouteilles col- latérales , s’y noie de nouveau dans l’eau qu’ii échauffe 8c qu’il fature. Ce procédé , très-ingénieux 8c bien d’accord avec les propriétés connues du gaz acide muria- tique, a plufieurs avantages: i°. il évite les in- convéniens de l’acide en vapeur répandu dans l’air ; 2°. il empêche qu’on n’en perde la plus grande quantité , comme cela arrivoit même dans le procédé de M. Baumé ; 30. il procure l’acide muriatique le plus fort , le plus con- centré, le plus fumant qu’il foit poffible d’avoir; 40. cet acide efl en même-tems très-pur, puif- qu’il n’efl formé que du gaz diffous dans l’eau. Auffi eft-il très-blanc ; tandis que celui qu’on avoit autrefois dans les laboratoiies , étoit toujours d’une couleur citrine ; ce qui a même induit les chimifles en erreur , puifqu’ils ont donné cette couleur comme un caraétère de cet / d’Hist. Nat. et de Chimie. 6i acide. La portion d’acide liquide qui , dans ce procédé, le condenfe dans les allonges , eft jaune & falie par les matières étrangères en- traînées par lcau contenue dans le mélange , ainli que cela arrive dans l’ancien procédé; 5°. la méthode nouvelle avertit l’artifte du degré de feu néceflaire , & de la manière de conduire fon opération , par le puiïage plus ou moins rapide de l’acide muriatique gazeux à travers l’eau des bouteilles ; 6°. enfin , ce qu’il y a de plus précieux , elle fournit un moyen de con-; noître exactement la quantité d’acide contenu dans le fel neutre , puifqu’on n’en perd aucune portion. L’acide nitrique décompofe aulïi le muriare de foude ; mais comme il eft volatil , il monte & s’unit à l’acide de ce fel ; il réfulte de cette union l’acide mixte connu fous le nom d’acide nitro-muriatique ou l’eau régale. Baron a découvert que l’acide boracique dégage l’acide du muriate de foude à l’aide de la chaleur. Le réfidu de cette diflillation efl du véritable borax de foude très-pur. L’acide carbonique & l’acide fluorique n’ont point d’aélion marquée fur le muriate de foude. Lesfels neutres que nous avons faitconnoître jufqu’ici, n’en ont pas davantage fur ce fel. t 62 É L É M E N S Lorfque les fulfates , les nitrates de potalfe & de foude , & le muriate de potaffe fe trouvent diffous dans la même eau que le muriate de foudé , chacune de ces matières falines crif- talife à fa manière ; le muriate de foude eft un de ceux qui s’en fépare le premier pendant les progrès de l’évaporation , 8c il fe mêle avec un peu de fulfate 8c de muriate de potaffe ; mais le fulfate de foude 8c le nitrate de potaffe relient les derniers en diffolution , 8c ne fe criftallifent que par le refroidiffement. G’eft pour cela qu’en Lorraine on prend l’eau mère des falines d’où on a retiré le fel de cuifïne, on la met dans des tonneaux, 8c on l’agite avec des bâtons ; pendant fon refroidiffement , le fulfate de foude fe criilallife confufément, 8c en petites aiguilles qui relfemblent à celles du vrai fel d’Epfom , ou fulfate de magnéfie. Les ufages' du muriate de foude font fort étendus. Il eft employé , i°. dans quelques po- teries, pour faire entrer leur furface en fufion, 8c leur donner une efpèce de couverte ; 20. dans la verrerie pour blanchir 8c purifier le verre; 30. dans la docimafie ou dans l’effai des mines, pour fervir de fondant aux matières qui forment les fcories , pour faciliter la précipitation des métaux, 8c pour empêcher leur altération par l’air, en les défendant du contaddel’atmofphère. 1 d’Hist. Nat. et de Chimie. 63 On fent aujourd’hui le befoin de le faire fervir à un ufage encore plus important que ceux-là j à l’extradion de la fonde qui devient tous les jours de plus en plus rare,& dont l’ufage eft très-néceffaire pour les arts. Plufteurs perfonnes pofsèdent ce fecret eu Angleterre, & retirent en grand la foude du fel de la mer. Quelques chimiftes ont penfé que la litharge eft fufceptible de décompofer le muriate de foude à froid & par la fimple macération ; il paroiffoit que réunifiant deux propriétés , la première de contenir de l’acide carbonique capable d’attirer la foude , la fécondé de for- mer avec l’acide muriatique un fel infoluble , & facile à fe féparer de la leftïve alkaline , elle devoit agir par une attradion éledive double ; mais les eftaisque j’ai faits , fur cet objet, m’ont prouvé que ce procédé étoit infuffifant. Schéele a vu que le fer plongé dans une diffolution de muriate de foude , fe couvre de foude faturée d’acide carbonique; il a obtenu le même fucccs du fulfate & du nitrate de foude , traités de la même manière. 11 a découvert que la chaux vive' mêlée à une diffolution de muriate de foyde, & que ce mélange laine dans une cave humide , donnoit une efïïorefcence de foude , & qu’il fe formoit du muriate calcaire. Cohaufen avoit annoncé ce fait en 1717. M. de Morveau a prouvé É L É M É S que ces décompofitions s’opèrent à la faveur de l’acide carbonique ; puifqu’une diffolution defulfate & de muriate de potaffe, verfée dans de l’eau de chaux précipitée par l’acide car- bonique , devenoit claire & tranfparente , & puifqu’il n’y a pas de précipité en verfant dans un mélange d’eau de chaux 8c d’une diffolution de ces fels , de l’eau chargée d’acide carbo- nique. Tous ces faits font autant de données d’où il faut partir pour trouver l’art de retirer la foude du fel de la mer , 8c pour former des établiffemens en grand fur cette utile extradion. Le muriate de foude fert d’affaifonnement pour les alimens dont il corrige la fadeur ; il facilite la digeftion , en produifant un commen- cement d’altération putride dans les fubftances alimentaires. Quoiqu’il foit bien prouvé par les expériences de MM. Pringle, Macbride, &c. qu’il retarde la putréfadion , 8c qu’il ell un anti- feptique puiffant , comme la plupart des ma- tières falines 3 lorfqu’on le mêle en grande dofe avec les fubftances animales , il agit d’une ma- nière bien différente quand on le mêle en petite quantité à ces mêmes fubftances , puifqu’il les fait paffer plus vite à la putréfadion. Ce fait eft prouvé par les expériences de l’auteur des effais pour fervir à l’hiftoire de la putréfadion , 8c par celles de M. Gardane. Ce d’Hist. Nat. et de Chimie. Ce Tel n’eft pas moins utile en médecine; on le met dans la bouche & on l’emploie en lave- mens comme un flimulant très-utile dans l’apo- plexie , la paralyfie , &c. C’efl un fondant allez aétif dans beaucoup de cas , &c. Il elt fort recommandé par Ru (Tel ( de Tabe Giandulari ) pour les engorgemens lymphatiques qui dépen- dent du vice fcrophuleux. J’en ai moi-même obtenu de très-bons effets dans plufieurs maladies de cette nature. Il purge lorfqu’on l’adminifîre à la dofe de plufieurs gros. Comme c’en le fel gris que l’on emploie ordinairement dans ces différentes circonftances , les effets qu’il produit font dus en partie aux muriates -calcaire & magnélien qu’il contient. Sorte VII. Borax de soude ou Borate sursaturé de soude, (r) Le borax de foude ou borax commun , efl un fel neutre, formé par la combinaifon de l’acide boracique avec la foude. L’hiftoire de ce fel qui nous vient des Indes Orientales , efl fort incertaine. On ne fait pas r » (i)Nous avons jufqu’ici commencé par examiner les fels neutres , formes par chaque acide uni à la potaffè. Quant à ceux dans lefqusls entre l’acide boracique , nous lômmes forcés de commencer par celui à baie de foude , parce que c’eft le feul bien connu. Tome IL E 66 Ë l É mens encore pofitivement fi c’eft un produit de la nature ou de l’art. En effet, fi la découverte de l’acide boracique en diffolution dans les eaux de plufîeurs lacs de Tofcane, dont nous avons fait mention dans l’hiftoire de cet acide , peut faire préfumer que le borax de foude eff un produit de la nature , plufieurs faits que nous rapporte- rons plus bas , femblent démontrer qu’il eff poffible de former ce fei de toutes pièces par certains procédés , & peut-être aura-t-on quel- que jour des minières artificielles de borax , comme on a aujourd’hui des nitrières artificielles dans différentes parties de l’Europe. Le borax de foude eff fous trois états dans le commerce. Le premier eff le borax brut, tinckal ou chryfocolle , qui nous vient de Perfe ; il eff en maffes verdâtres , graffes au toucher , ou en efpèces de criftaux opaques d’un vert de porreau , qui font des prifmes à fix faces , ter- minés par des pyramides irrégulières. On trouve même deux variétés de ces criftaux verdâtres différentes par la groffeur dans le commerce. Ce fel eff très-impur & mêlé de beaucoup de matières étrangères à fa compofition. La fécondé efpèce de borax eff connue fous le nom de borax de la Chine; celui-ci eff un peu plus pur que le précédent ; il eff en petites plaques , ou en maffes irrégulièrement criftalli- d’Hist. Nat. et de Chimie. 67 fées j d’un blanc fale ; on y apperçoit des rudi- mens de prifmes & de pyramides , mais con- fondus enfemble fans aucun arrangement fym- métrique : on obferve fur ces criflaux «une pouffière blanche qui en enduit la furface, & que l’on croit de nature argileufe. La troifième efpèce efl le borax de Hollande, ou borax raffiné. 11 eü en portions de criflaux tranfparens 8c affiez purs ; on y reconnoît des pyramides à plufieurs faces , mais dont la crif- tallifation a été interrompue. Cette forme in- dique d’une manière, certaine que la méthode employée par les hollandois pour ratiner ce fel , eft la diffiolution & la criffallifation. Enfin on prépare à Paris dans le laboratoire de MM. Lefguillers droguiftesruedes Lombards, un borax purifié qui ne le cède en rien à celui de Hollande, & qui peut-être a même un degré fupérieur de pureté. Outre ces quatre efpèces de borax , un phar- macien de Paris , M. la Pierre , a cru découvrir qu’il s’en forme journellement dans les eaux de favon , mêlées à celles des cuifines, qu’un par- ticulier laide féjourner dans une efpèce de foffie ; il en retire au bout d’un certain tems de vrai borax en beaux criflaux : mais ce fait annoncé il y a près de dix ans n’a point été confirmé depuis. E ij 6g £ L Ê M E N S On n’efi donc pas encore inftruit fur la forma- tion du borax de foude ; il paroît feulement qu’il s’en produit dans les eaux flagnantes qui contiennent des matières grades. Quelques auteurs aflurent qu’on le fait artificiellement à la Chine; en mêlant dans une fofle de la graifle, de l’argile & du fumier, couches par couches; en arrofant ce mélange avec de l’eau , & en le laiflant ainfi féjourner pendant quelques années. Au bout de ce tems on leflive ces matières , on évapore la leflive , & on obtient le borax brut. D’autres ont cru qu’on le tiroit d’une eau qui fe filtre à travers des mines de cuivre. M. Baumé dit pofltivement que le premier de ces procédés lui a fort bien réuflî. ( Chitn. expérim. tom. II , page i^.) ■ Le borax de foude purifié eft en prifmes à fix faces , dont deux font plus larges, avec des pyra- mides trièdres. Il préfente d’ailleurs beaucoup de variétés dans fa criflalKfation. Sa faveur efi flipti- que 8c urineufe; il verdit le firop de violettes , parce qu’il contient un excès de foude ; c’eft pour le diflinguer de celui qui efi faturé d’acide boranque , ou du vrai borate de foude , que nous lui làiflons le nom de borax ; nous le nommons suffi borate furfaturé de foude , pour défigner la nature de fa combinaifon. Lorfqu’on l’expofe à l’adion du feu , il fond d’Hîst. Nat. et de Ghimte. 6ÿ- a-iïez vite à l’aide de l’eau de fa criifallifation 5; il perd peu-à-peu cette eau , & acquiert un, volume confidérabîe : il efl alors fous la forme d’une malTe légère , poreufe & très-friable que l’on défigne fous le nom de borax calciné ; le volume confxdérable , la forme lamelleufe & poreufe que prend le borax de foude dans fa calcination , viennent de ce que l’eau qui fe dégage dans l’état de vapeur, foulève la portion, de la fubflance faline à demi-delféchée en pelli- cules légères , & de ce que les bulles qu’elle forme , crevant à la furface du fel , ces pelli- - cules fe defsèchent entièrement , 8c fe placent les unes fur les autres , de forte à lailfer des intervalles entr’elles. Le borax de fonde calciné n’eil nullement altéré dans fa compofition ; il n’a perdu que fon eau de crillallifation , qui fait à- peu-près fix onces par livre. On peut lui rendre fa première forme en le diffolvant dans l’eau , 8c en le faifant crillallifer ; mais lorfqu’on continue de chauffer ce fel calciné , il fe fond dès qu’il commence à rougir, 8c forme un verre très- fufible , tranfparent , un peu verdâtre , qui fe ternit à l’air 8c qui fe difïout dans l’eau. Le borax n’a point changé de nature par cette fufion ; on peut le faire reparoître avec toutes les propriétés qui lui font particulières , par le moyen de la diffolution & de la cxiflallifation. E ni yo Élément L’air n’altère point ce fel ; il s’y effleurit ce- pendant à fa furface en perdant une portion de fon eau de cnfiallifation. Il paroit même que cette effiorefcence n’efi pas toujours la même dans les différens borax de foude purifiés ; celui de la Chine s’effleurit beaucoup moins que celui de Hollande, & celui-ci plus que le borax purifié à Paris ; cette légère différence dépend fans doute des procédés qu’on a fuivis dans fa purification , de lajmanière dont on le fait crif- tallifer, de la quantité d’eau que fes crifiaux con- tiennent fuivant la rapidité plus ou moins grande avec laquelle ils fe font formés , 8c peut - être auffi des différentes proportions d’acide boraci- que & de foude qui entrent dans fa compofition. Le borax de foude eft très-diffoluble dans l’eau : il faut douze parties d’eau froide pour diffoudre une partje de ce fel -, fix parties d’eau bouillante en diffolvent une. On obtient fes crifiaux par le refroidiffement de fa diffolution ; mais les plus beaux 8c les plus réguliers fe for- ment dans l’eau-mère, qu’on laide s’évaporer très-lentement , & à la température ordinaire de l’atmofphère. Le borax de foude fert de fondant à la terre filicée , 8c il forme avec elle un verre affez beau. On l’emploie dans la préparation des pierres précieufes artificielles. d’Hist. Nat. et de Ci-itmie. 71 Il vitrifie également l’argile , mais avec beau- coup plus de difficulté & beaucoup moins com- plètement ; telle ell la raifon pour laquelle il adhère aux creufets dans lefquels on le fait fondre. On ne connoît pas bien l’adion de la baryte & de la magnéfie pures fur le bofax de foude. Bergman place cependant ces deux fubüances avant les alkalis dans la dixième colonne de fa table des affinités ; ce qui annonce qu’elles font fufceptibles de décompofer ce fel ; mais il dit dans fa differtation que les affinités de la terre pefante & de la magnéfie avec l’acide boracique , ne font point encore exadement déterminées. La chaux a réellement plus d’affinité avec cet acide, que n’en a la foude. L’eau de chaux précipite la diffolution de ce fel ; mais pour en opérer tout-à-fait la décompofition, il faut faire bouillir de la chaux vive avec le borax de foude; alors le dépôt qui fe forme eh un compofé falin peu foluble de la chaux avec l’acide boracique , tandis que la foude cauffique relie en diffolution dans l’eau. La potaffe paroît décompofer le borax de foude, comme elle le fait à l’égard de tousles autres fels neutres à bafe de foude. L’ammo- niaque ne l’altère en aucune manière. E iv 72 É L É M F. N S Les acides ont une action très-marquée fur ce fel. Si dans une diflolution bouillante de borax de foude , on verfe avec précaution de î’acide fuîfurique concentré, jufqu’à ce qu’il y ait un léger excès d’acide dans la liqueur , on obtient par Ip refroidifTement du mélange filtré, un précipité très-abondant, & difpofé en petites écailles brillantes, c’efi l’acide boracique ; on îe lave avec de l’eau difiillée, & on le fait fécher à l’air pour l’avoir bien pur. En évaporant & laifîant refroidir la dififoluiion ainfi préparée, on en obtient à plufieurs reprifes de l’acide boracique. A la fin on ne retire plus que du frilfate de foude , formé par l’union de l’acide fuîfurique qu’on a employé, avec la bafe alkaline du borax. L’acide nitrique & l’acide muriatique décom- pofent de même le borax de foude, parce qu’ils ont comme l’acide fuîfurique plus d’affinité avec la foude, que n’en a l’acide boracique. On retire des dernières évaporations de ces mélanges du nitrate ou du muriate de foude. La découverte de l’acide boracique paroît être due à Beccher, mais on a coutume de l’attribuer à Homberg qui a le premier décrit avec affiez d’exaditude dans les Mémoires de l’Académie pour 1702, un procédé pour l’obtenir. Ce chi- mifie découvrit ce fel fublimé dans la difiilla- d’Hist. Nat. et de Chimie. 73 lion d’un mélange de fulfate de fer calciné , de borax de foude & d’eau. Comme il crut que la première de ces matières contribuoit beaucoup à fa formation , il l’appela fel volatil narcotique de vitriol. Louis Lemery , fils aîné du fameux Nicolas Lemery , a beaucoup travaillé fur le borax de foude , & a découvert en 1728 qu’on pouvoit obtenir l’acide boracique appelé alors fel fédatif par l’acide fulfurique pur , 8c que les acides nitrique 8c muriatique en donnoient de même; mais il employoit toujours la fubli- mation. C’eft à Geoffroy le cadet qu’on doit l’analyfe complète du borax de foude ; il a prouvé en 1732 qu’on obtenoit l’acide boracique par évaporation & par criflallifation , 8c en exa- minant le réfidu de ces opérations , il a démontré que la foude étoit un des principes du borax. Les travaux de Baron fur ce fel , préfentés à l’Académie en i74y 8c 1748 , ont ajouté à ces découvertes deux faits importans pour la connoiffance du borax de foude. Le premier , c’eft que les acides végétaux le décompofent aufîi-bien que les acides minéraux ; le fécond , c’eft qu’on peut refaire du vrai borax , en unifiant l’acide boracique avec la foude ; ce qui prouve que cet acide eft tout formé dans ce fel , & que les acides que l’on emploie pour le précipiter , ne contribuent en rien à fa formation. I f 74 ÉLÉMENS L’acide fluorique double combinaifon dans ce mélange. L’acide fulfurique quitte la chaux pour s’unir à l’alkali fixe , & former du fulfate de potaffe ; l’acide car- bonique , féparé de la potaiïe , s’unit à la chaux ï & forme avec elle du carbonate calcaire , très- connu fous le nom de craie. Le carbonate de foude décompofé de même le fulfate calcaire, & eft auiïi décompofé par ce fel. Il fe forme dans ce mélange du fulfate.de foude , par l’union de l’acide fulfurique avec l’alkali minéral , & du carbonate calcaire ou de la craie par la combinaifon de la chaux & de l’acide carbonique. d’Hist. Nat. et de Chimie. 12% Le carbonate ammoniacal décompofe le ful- fate calcaire à l’aide des doubles affinités ; tandis que l’acide fulfurique fe porte fur l’ammoniaque, la chaux eft féparée de l’acide fulfurique par l’acide carbonique , avec lequel elle a une très- grande affinité , & forme avec ce dernier de la craie qui fe précipite. Cette décompofitiori eft.fi fenfible & fa caufe eft fi bien connue depuis les découvertes du célèbre Black, que fi Ton laide quelque tems expofé à l’air un mélange de diftolution de fulfate calcaire 8c d’ammoniaque cauftique , ce mélange dont la tranfparence refte parfaite dans le moment qu’il eft fait , préfente bientôt un nuage remarquable à fa furface , en raifon de l’acide carbonique qui fe précipite de l’atmofi phère & qui donne naiftance à une double affi finité; le même phénomène a lieu en faifant paffer quelques bulles de cet acide gazeux dans la liqueur. Comme on croyoit autrefois que Palkali volatil concret , ou le carbonate ammoniacal , étoit l’alkali volatil pur : Geoffroy, fondé fur ce que ce fel précipite réellement le fulfate cal- caire , a cru que cet alkali avoit plus d’affinité avec l’acide fulfurique , que n’en a la chaux. Le fulfate calcaire eft décompofé par un grand nombre de matières combuftibles , à l’aide de la chaleur. Le charbon des fubftances 12 6 Elémens végétales enlève à l’acide fulfurique l’oxigène avec lequel il a plus d’affinité que n’en a le foufre -, il fe dégage de l’acide carbonique dans cette décompofition , & le foufre féparé de l’acide fulfurique s’unit à la chaux , 8c forme ce qu’on a appelé hépar calcaire , 8c ce que nous nommerons par la fuite fulfure de chaux. Les variétés du fulfate calcaire criflallifé font confervées avec foin dans les cabinets d’hifloire naturelle ; on s’en fert après fa calcination , & en la détrempant dans l’eau, pour couler des flatues , des modèles , 8c c. On fait différens meu- bles affiez agréables avec l’albâtre gypfeux taillé & poli ; les beaux morceaux de celui de Lagny fonc employés à cet ufage. La pierre à plâtre efl une des matières les plus utiles que la nature produife. Cette pierre efl un mélange de fulfate calcaire , & de car- bonate calcaire ou craie. Lorfqu’on l’expofe à l’action du feu pour cuire le plâtre , le fulfate calcaire perd fon eau de criflallifation & la craie fon acide. Le plâtre cuit efl donc un mélange de chaux vive 8c de fulfate calcaire privé d’eau. Lorfqu’on verfe de l’eau fur cette fubflance , ce fluide efl abforbé très - rapidement par la chaux j il en réfulte de la chaleur. L’odeur fétide, que l’extindion du plâtre rcpand, vient d’un peu de foufre formé par l’acide fulfurique , d’Hist. N^T. et, de Chimie. 127 décompofé par les matières charbonneufes ani- males ou végétales qui fe rencontrent toujours dans la pierre à plâtre ; ce foufr.e difTous par la chaux , forme une efpèce de fulfure ou foie de foufre, qui répand l’odeur dont nous parlons. Lorfque la chaux a abforbé aflez d’eau pour être dans l’état de pâte , elle enveloppe le fulfate calcaire qui, reprenant une portion de ce fluide, criflallife au milieu de cette pâte. La chaux fe deiïechant peu-à-peu, prend corps à l’aide des criflaux de fulfate calcaire , & forme l’efpèce de mortier qu’on nomme plâtre. On conçoit, d’après cette théorie , pourquoi le plâtre doit être cuit à un point particulier ; s’il ne l’efl pas allez, il ne fe lie pas à l’eau, parce que la chaux n’efl pas aflez vive; s’il l’efl trop , la chaux forme avec le fulfate calcaire , une efpèce de mauvaife fritte vitreufe , qui ne peut plus s’unir à l’eau ; c’efl le plâtre brûlé. On con- çoit encore que fi le plâtre perd fa qualité Ior£. qu’on le laifle expofé à l’air, c’efl que la chaux s’éteint peu-à-peu ; on lui rend fa force en le calcinant de nouveau. Enfin, ilefl facile de fentir pourquoi le plâtre fe conferve très-bien dans des lieux fecs & chauds , & pourquoi il fe dé- truit & s’enlève par écailles ou par lames dans les endroits humides. Dans ce dernier cas , le fulfate calcaire qui efl difloluble dans l’eau. 128 ÊLEMËNS perd peu-à-peu fa forme criflalline & fa confif- tance ; c’eft par cette diffolubiîité que le plâtre différé des vrais mortiers , dans lefquels le fable ou le ciment qui en fait la bafe , n’efl pas attaquable par l’eau ; auffi n’emploie-t-on pas le plâtre dans les endroits où il y a de l’eau , comme les badins , les réfervoirs , les terraffes, &c. auffi le plâtre ne conferve-t-il pas fa dureté dans les lieux bas, fouterreins, 8c c. Sorte II. Nitrate calcaire. Le nitrate calcaire ou JLe fel réfultant de la combinaifon de l’acide nitrique avec la chaux , efl beaucoup moins abondant dans la nature, que le fulfate calcaire ou la félénite. On ne le trouve que dans les endroits où fe rencontre le nitre alkalin. Il fe forme fur les parois des murs , dans les lieux habités par les animaux ; dans les matières animales en putréfadion , dans quelques eaux minérales ; mais comme il eft très-foluble 8c même déliquefcent , à mefure qu’il fe forme il efl diffous par les eaux; c’efl pour cela qu’il exifïe en grande quantité dans les eaux mères des falpêtriers. Lorfqu’il efl criflallifé régulièrement par- le procédé dont nous parlerons plus bas, il pré- fente un folide prifmatique à fix faces , affez femblable au nitrate depotafle, 8c terminé par des d’Hist. Nat. et de Chimie. 129 des pyramides dièdres. Il eft affez rare de l’ob- tenir de cette régularité ; le plus fou vent il eft en petites aiguilles ferrées les unes contre les autres , & dont on ne peut déterminer la forme. Ce fel a une faveur amère & défagréable ; en quoi il différé beaucoup du fulfate calcaire. Sa faveur a même quelque chofe de frais comme celle du nitrate de potaffe. Il fe liquéfie aifément fur le feu & devient folide par le refroidiffement. Si on le porte dans l’obfcurité , après l’avoir fait ainfi chauffer, il paroît lumineux, & conflitue dans cet état le phofphore de Baudouin , Balduinus. Si on le met fur un fer rouge , il préfente le même phénomène. Jeté fur un charbon ardent, il fe liquéfie & détone lentement à mefure qu’il fe defsèche. Le nitrate calcaire chauffé pendant long-tems, perd fon acide qui fe décompofe par l’aclion de la chaleur. En faifant cette opération dans une cornue, dont le bec eft plongé fous une cloche pleined’eau, on obtient de l’air vital, & fur la fin du gaz azotique. Le réfidu eft de la chaux unie à une certaine quantité d’acide nitreux fi l’on n’a employé qu’un feu médiocre & pendant trop peu de tems ; mais on peut obtenir par ce procédé la chaux très - vive, en donnant un très-grand degré de feu , & en le continuant affcz long-tems pour décompofer Tome IL I y 30 É L É M E N S entièrement l'acide nitreux. Cette décompo* fmon eft abfolument femblable à celle que l’acidè éprouve lorfqu on dillille le nitre de potafle , comme nous lavons expofé dans l’hiftoire de ce fel neutre. Le nitrate calcaire attire très-vîte l’humidité de l’air ; aufli eft-il nécelTaire de le tenir dans des vaifleaux bien fermés, fi on veut le con- ferver en criftaux ; on le voit même fe fondre affez promptement fi l’on débouche trop fouvent les flacons qui le contiennent. Ce fel eft très-difloluble dans l’eau ; il ne faut que deux parties de ce fluide froid , pour dif- foudre une partie de nitrate calcaire ; l’eau bouil- lante en diffbut plus que fon poids. Pour l’obtenir criftallifé , il faut faire évaporer fa diflolution , & lorfqu’elle a acquis une confiftance un peu moindre que celle de firop , l’expofer dans un endroit frais; il s’y forme alors des criftaux prifmatiques très - allongés , & qui préfentent ordinairement des faifceaux dont les aiguilles divergent d’un centre commun. En expofant une diflolution de nitrate calcaire un peu moins éva- porée que la précédente , à une température sèche & chaude, il s’y forme à la longue des prifmes plus réguliers , & femblables à ceux que nous avons décrits au commencement de cet article. d’Hist. Nat. et de Chimie. 131 Le fable & l’argile décompofent le nitrate calcaire , & en féparent lacide. La baryte le décompofe comme le fulfate calcaire, fuivant Bergman ; lamagnéfienelui fait éprouver aucune altération fenfible. M. de Mor- veau a obfervé que l’eau de chaux verfée dans une diffolution de nitrate calcaire, y occafionne un précipité. Il attribue cet effet au phlogiltique de la chaux vive, & il penfe que cette dernière a plus d’affinité avec l’acide nitreux , que n’en a la chaux qui lui eft unie, & que cet acide a déjà dépouillée de fon phlogiffique. Ce chimifte n’a malheureufement pas examiné la nature du précipité; cet examen auroit vraifemblablement fourni quelques lumières fur cet#e fingulière expérience. M. Baumé avoit déjà obfervé qu’une diffolution de fpath calcaire dans l’acide nitreux eft précipitée par l’eau de chaux, mais il avoit attribué ce phénomène à un peu de terre argileufe, contenue dans le fpath. Cet effet dépend ou d’un peu de magnéfie, ou de l’avidité du nitre calcaire pour l’eau qu’il enlève à la chaux. Les alkalis fixes s’emparent de l’acide nitrique du nitrate calcaire , & en précipitent la chaux. L’ammoniaque bien pure ne le décompofe pas plus qu’elle ne fait le fulfate de chaux & tous les fels calcaires en général. 'Iij '2^2 È c E M E N S L’acide fulfurique en dégage l’acide nitrique avec effervefcence. L’on peut obtenir cet acide ainfi dégagé dans un récipient , comme on l’ob- tient du nitre ordinaire. L’acide fulfurique, verfé dans une diffolution de nitrate calcaire , y forme fur-le-champ un précipité defulfate de chaux, & l’acide nitrique relie libre & à nud dans la liqueur. On ne connoît point encore l’aétion des autres acides fur ce fel. Le nitrate calcaire décompofe les fels neutres alkalins fulfuriques ; 11» en réfulte du fulfate de chaux & du nitre de potalTe ou de foude. Il en elt de même du fulfate ammoniacal; il produit, lorfqu’on le mêle avec une diffolution de nitrate calcaire , du nitrate ammoniacal & dit fulfate de chaux. Ce dernier, qui n’eft que tres- peu diïïoluble , fe précipitant dans l’inflant du mélange , ne laide aucun doute fur ces doubles décompofitions. Le carbonate de potalTe décompofe de même le nitrate calcaire qui en défunit en même-tems les principes, & il réfulte de cette double dé- compofition du nitrate de potalTe qui relie en diffolution dans la liqueur , & de la craie ou carbonate calcaire qui fe précipite. Le carbonate de foude , qui agit de même fin- ie nitrate calcaire , donne du nitrate de foude diffous dans l’eau, & du carbonate calcaire ou de la craie qui fe précipite. d’Hist. Nat. et de Chimie. 135 Le carbonate ammoniacal décompofe aufîi ce fel , à l’aide des affinités doubles ; il fe forme du nitrate ammoniacal & du carbonate de chaux. Le fulfate de chaux n’altère point le nitrate calcaire ; mais lorfque ces deux tels fe trouvent dilTous dans la même eau , comme le premier n’eft que très-peu diffoluble , & que le fécond l’eft beaucoup , on peut les féparer par la criftallifation ; le fulfate de chaux fe précipite d’abord, & le nitrate calcaire ne fe criflallife que lorfque la liqueur très-rapprochéefe refroidit. Le nitrate calcaire n’eft d’aucun ufage : il pourroit être employé en médecine comme un fondant très-aéhf , & quelques médecins chimiftes difent en avoir obtenu des fuccès , quoiqu’ils n’en connurent pas bien les propriétés. Sorte 1 1 1. M u r 1 ate calcaire. Le murîate calcaire ou le fel formé par la combinaifon de l’acide muriatique & de' la chaux, qui étoit autrefois nommé très-impro- prement fel ammoniac fixe , huile de chaux , &c. fe rencontre abondamment dans tous les lieux où fe trouve le murîate de fonde , & fpéciale- ment dans l’eau de la mer , à laquelle il donne cette faveur âcre Sx amère, qui a voit fait autre- fois admettre du bitume dans cette eau ; mars il n’eft jamais pur dans ce fluide ; ii eft toujours mêlé de murîate de magnéfte. Si l’on veut fe I iij 134 É L É M E N S procurer du muriate calcaire très- pur , il faut combiner immédiatement l’acide muriatique avec la chaux jufqu’au point de faturation. Cefel, lorfqu’on l’a dans l’état fec 6c folide, eft fous la forme de prifmes à quatre faces ftriées, terminées par des pyramides très-aiguës. Il a une faveur falée 6c amère très-défagréable. Expofé à Padion d’un feu doux , il fe liquéfie à la faveur de fon eau de criftallifation , & il fe fige par le refroidifTement. A un feu plus fort , il n’éprouve prefque pas d’altération. M. Baumé a obfervé qu’il ne perdoit pas fon acide. Mis fur une pelle rouge , il devient lumineux : c’efi pour cela qu’on l’a appelé phofphore de Homberg. Le muriate calcaire qui refte dans la cornue après la décompofition du muriate ammoniacal par la chaux , ôc qu’on appelle Jel ammoniac fixe , fe fond en une efpèce de fritte d’un gris légèrement ardoifé , 6c fans donner d’acide muriatique , quoiqu’on lui fade éprouver une chaleur capable de vitrifier la furface de la cornue. Cette fritte fait feu avec le briquet , 6c frottée dans l’obfcurité avec de l’acier , elle donne des étincelles phofphoriques. 11 faut obferver que ce fel réfidu contient ordinairement une portion de chaux excédente à la faturation de l’acide muriatique , parce qu’on emploie plus de chaux qu’il n’en faut pour dé- d’Hist. Nat. et de Chimie. 137 compofer le muriate ammoniacal. C’efi fans doute à cette quantité furabondante de chaux, que ce réfidu doit la propriété de donner une fritte vitreufe dure , qui d’ailleurs s’altcre 8c s’humede à la loilgue , lorfqu’on l’expofe à l’air. Le muriate calcaire , fans excès de chaux ne prend jamais autant de dureté que ce réfidu par l’adion du feu , & ne préfente point la même 4 phofphorefcence que lui. Le muriate calcaire pur expofé à Pair , en attire promptement l’humidité , & tombe en- tièrement en déiiquium. Il eft néceflaire de le tenir dans un vaifieau bien bouché, fi l’on veut le conferver fous fa forme crifialline. , Ce lel eft très-difloluble dans Peau , il ne faut qu’environ une partie & demie de ce fluide froid, pour en di (Foudre une de muriate calcaire ; Peau chaude en diffout plus que fon poids. En évaporant fa diiïolution prefqu’en confiflance de firôp , 8< en la laiffant enfuite refroidir len- tement , on obtient des criftaux en prifmes té- traèdres, de plufieurs pouces de longueur, & qui forment comme autant de rayons partans d’un centre commun -y nous ferons obferver que cette forme paroît être aflez confiante dans tous les fels calcaires. Si la liqueur efi trop évaporée, & fi elle refroidit trop promptement, elle fe prend en une malle informe, un peu aiguillée à fa furface. I iv i3 <5 É l é m e n s ■ Une difiTolution de muriate calcaire évaporée jufqu’à ce qu’elle donne quarante-cinq degrés à l’aréomètre de M. Baumé , & expofée au frais dans un flacon , dépofe des prifmes très-réguliers & fouvent très-gros : quelquefois lorfqu’elle n’a •point encore criftallifé , & lorfqü’on l’agite , elle fe prend tout-à-coup en une matTe très-folide, & il fe dégage beaucoup de chaleur. La baryte décompofe le muriate calcaire , parce qu’elle a plus d’affinité avec l’acide mu- riatique que n’en a la chaux , d’après les expé- riences de Bergman. La chaux & la magnéfie ne l’altèrent pas. Les aîkalis fixes en précipitent la chaux ; fi les deux liqueurs font concentrées , la chaux a abforbant le peu d’eau qu’elles contiennent , forme prefque fur-le-champ une gelée qui devient bientôt très-folide. On donne à cette expérience le nom de miracle chimique , parce qu’elle offre deux fluides qui paffent fubitement à l’état d’un folide ; mais elle ne réuffit bien qu’avec la diffolution de carbonate de potafte & de foude, parce que les alkalis purs & cauf- îiques précipitent la chaux trop divifée. L’ammoniaque cauffique ne décompofe pas le muriate calcaire , parce qu’elle a moins d’af- finité avec l’acide muriatique que n’en a la chaux 3 ce que prouve la décompofition com- d’Hist. Nat. et de Chimie. 137 plcte du müriate ammoniacal par cette fubftance falino-terreufé. L’acide fulfurique & l’acide nitrique déga- gent l’acide muriatique de ce fel avec efferves- cence , 8c l’on pourroit , avec l’appareil dif- tillatoire , obtenir cet acide comme on l’obtient du muriate de foude. La dillillation de ce fel terreux avec l’acide nitrique, fournit de l’acide nitro- muriatique ou de l 'eau régale , à caufe de la volatilité des deux acides. Le muriate calcaire décompofe les fuîfates de potaffe & de foude ; il efl aifé de s’affurer de ce fait , en mêlant les dilfolutions de ces différens fels ; il fe fait fur-le-champ un pré- cipité que l’on reconnoît pour du fulfate de chaux • la liqueur qui fumage , contient du muriate de foude ou de potaffe , que l’on peut obtenir par l’évaporation , & reconnoître même par la faveur de la liqueur qui fumage le ful- fate calcaire. Les carbonates de potaffe & de foude dé- compofent auffi le muriate calcaire. Dans ces mélanges il fe fait deux décomposions 8c deux combinaifons 3 l’acide muriatique du dernier fel fe porte fur la potaffe , ou la foude , avec lequel il forme du muriate de potaffe ou de foude qui refie en diffolution dans la liqueur ; èc l’acide carbonique qui abandonne les alkajis 238 É L É M E N S fixes , s’unit à la chaux avec laquelle il forme de la craie ou du carbonate calcaire, qui fe pré- cipite. Si le carbonate de potafTe ou de foude font diffous dans une très-petite quantité d’eau , & que la dilïolution du muriate calcaire foit auffi très chargée , le mélange devient épais 8c. gélatineux ; enfuite il prend plus de conlillance 8c fe durcit même comme une efpèce de pierre faétice , lorfque les proportions font exades pour la faturation réciproque. C’elï cette expé- rience que les premiers chimilies qui Font connue ont appelée miracle chimique . ^Le carbonate ammoniacal décompofe le muriate calcaire par une double affinité , comme nous l’avons expliqué pour le fulfate 8c le nitrate calcaires. L’ammoniaque s’unit à l’acide muria- tique , 8c forme du muriate ammoniacal qui relie en dilïolution dans la liqueur , tandis que l’acide carbonique combiné avec la chaux forme du carbonate calcaire qui fe précipite. Le muriate calcaire diffous dans l’eau avec le nitrate calcaire elt difficile à féparer de ce dernier , parce que la loi de crillallifation ell la même pour ces deux fels ; mais on conçoit très-bien que s’il étoit diffous avec le fuhate de chaux, il feroit aifé de les obtenir fcparé- ment , parce que ce dernier fel ne criflallifant que par évaporation 5 lailferoit à la fin de cette d’Hist. Nat. et de Chimie. 139 opération le muriate calcaire pur, qui criftallife par refroidiflement. Il eft important de faire cette remarque , parce que ces deux Tels fe trouvent fréquemment en diffolution dans la même eau minérale. Le muriate calcaire n’a été jufqu’aujourd’hui que très-peu en ufage. Comme il exifte en allez grande quantité dans le fel de gabelle , que l’on recommande comme un purgatif fondant dans Je vice fcrophuleux, j’ai fait voir que ce dernier fel lui doit une partie de fes propriétés. J’ai ajouté que la faveur forte du muriate cal- caire & fa grande difïolubilité promettoient des effets très-utiles de ce fel dans toutes les mala- dies où il s’agit de fondre , & d’altérer la nature des humeurs. Il feroit fort à defirer que les mé- decins en connuffent les propriétés & en fiiïent ufage dans un grand nombre de cas , où les fondans ordinaires n’ont fouvent que des effets peu marqués, & fur- tout dans ceux où l’on ne peut pas fe permettre les remèdes mercuriels. J’ai réuni ce que l’expérience m’a déjà appris fur les vertus de ce fel fondant , dans un mémoire inféré parmi ceux de la fociété royale de médecine, pour les années 1782 & 1783. Sorte I V. Borate calcaire. On peut appeler ainfi la combinaifon de l’acide 1^0 E L É M E N S fedatif ou boracique avec la chaux ; ce fel ira point du tout été examiné , quoiqu’il foit certain que l’acide boracique efl fufceptible de s’unir à la chaux , puifque cette dernière décompofe le borax de foude , ainfî que nous Pavons dit. MM. les chimifles de l’académie de Dijon ont obfervé que l’acide boracique concret, traité au feu avec la chaux éteinte, a donné une matière foiblement agglutinée & fans adhé- rence au creufet. Cette matière jetée dans l’eau n’a pas préfenté les phénomènes de la chaux , ce qui prouve qu’il y avoit une véritable com- binaifon. M. Baumé dit avoir faturé de l’eau ' r , r .. I de chaux avec du fel fédatif ; cette liqueur évaporée à l’air, ne lui a point donné de crif- taux , mais des pellicules jaunâtres qui avoient une foible faveur d’acide boracique. Enfin , MM. les académiciens de Dijon ont fait digérer au bain de fable , de l’eau chargée de cet acide fur de la chaux éteinte à l’air. Cette diffolution filtrée a donné un précipité blanc & abondant par l’alkali fixe. Ces diverfes expériences ne font qu’indiquer la diflTolubiiité de la chaux par l’acide boracique, Sc ne nous apprennent rien fur les propriétés du fel neutre qui réfulte rie cette combinaifon. 1 d’Hist. Nat. et de Chimie. 141 Sorte V. Spath fluor ou Fluate calcaire. £ Cette efpèce de fel eft la combinaifon d’acide fluorique avec la chaux. Il ell répandu fort abon- damment dans la nature. On le rencontre fur- tout dans les environs des mines, dont il indi- que même la préfence. Il a été regardé jufqu’à préfent comme une matière pierreufe , en raifon de fon infipidité , de fa dureté & de fon indif- folubilité. On l’a appelé fpath , parce qu’il a la forme & la caffure fpathique 3 fluor oufufibley parce qu’il fe fond très-bien, & eft même em- ployé avec fuccès dans les travaux des mines ; vitreux , parce qu’il a l’afped du verre , & d’ail- leurs parce qu’il en forme un allez beau par la fufion; cubique , parce qu’il a toujours cette forme ; enfin phofphorique , parce que chauffé & porté dans l’obfcurité , il y paroît lumineux. Avant la découverte de Schéele , le fpath vitreux bien Hiftingué par les mineurs de toutes les autres matières minérales , à caufe de fa fufibilité , avoit été confondu par les naturaliftes, foit avec les gypfes , foit avec les fpaths cal- caires , foit avec les fpaths pefans , qu’on a auffi appelés fufibles. Le célèbre Margraf avoit cependant diftingué ce fel d’avec le Ipath pe- fant, en adoptant pour le premier, le nom de ipath fufible vitreux, & pour le fécond , celui I£2 É L É M E N S de fpath fufible phofphorique ; & l’on doit ren- dre à ce chimifte l’hommage des premières dé- couvertes faites fur les propriétés du fluate calcaire. Ce fel eft ordinairement fous la forme de crillaux cubiques de diverfes couleurs , très- réguliers, d’une tranfparence glaceufe& vitreufe: fa cafliire eft fpathique , & l’on y obferve des plaques cubiques & comme gercées à fa fur- face. Il fe brife par le choc du briquet; il fe rencontre toujours dans les mines, & il leur fert fouvent de gangue. Quelquefois il eft opaque & en malfes irrégulières. Sa pefanteur eft plus confidérable que celle de toutes les matières falines que nous avons examinées jufqu’à pré- fent ; il eft quelquefois nué , veiné , taché , 8c plus fouvent entièrement coloré en vert , en rofe , en violet, en rouge, &c. On peut diftinguer dix variétés principales de cette fubftance parmi celles que la nature nous préfente. Variétés. 1. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique, blanc 8c tranfparent. 2. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique , blanc 8c opaque. 3. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique, jaune-, fauffe topaze. 1 d’Hist. Nat. et de Chimie. 145 Variétés. §' 4. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubi- que , rougeâtre ; faux rubis. y. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubi- que , vert pâle ; fauffe aigue-marine. 6. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubi- que , vert ; fauffe émeraude. 7. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubi- que , violet ; fauffe améthyfte. 8. Fluate calcaire ou fpath vitreux octaèdre, dont les pyramides font tronquées. Je pofsède un criftal de cette efpèce, ijui eft demi-tranfparent & un peu noirâtre. 9. Fluate calcaire ou fpath vitreux en rnafle lamelleufe irrégulière. Il eft prefque toujours d’un vert clair , ou violet : il forme la gangue de plufieurs mines , il eh quelquefois roulé. 10. Fluate calcaire ou fpath vitreux en couches de différentes épaiffeurs , & colorées diverfement. Ces différéntes variétés de fluate calcaire ne font , pour la plus grande partie , qu’une feule & même fubftance faline , c’eft-à-dire la com- binaifon de l’acide fluorique avec la chaux. Cependant comme elles font formées par la nature , on y trouve ordinairement par une analyfe exaéte plufieurs matières étrangères , comme de la terre filicée t de l’argile 8c du fer. I Ï44 É l é m e n s C’efh en général le caradère de tous les pro- duits naturels. L’Angleterre eft fort riche en fluate calcaire. Ce fel terreux expofé à un feu doux, acquiert une propriété phofphorique aflez marquée \ mais, fi on le chauffe jufqu’à le faire rougir, il la perd entièrement , fa couleur verte ou violette fe diffipe en même-tems , il devient gris & friable ; fi on le chauffe brufquement , il décrépite prefque auffi vivement que le muriate de foude. Lorfqu’on jette du fluate de chaux en poudre fur un fer chaud , il préfente une lueur bleuâtre ou violette qui paffe promp- tement. Une nouvelle chaleur ne donne plus le même phénomène fur celui qui l’a déjà préfenté. Une chaleur forte fait fondre ce fel en un verre tranfparent 8c uniforme ; ce verre adhère , aux creufets. On peut fondre un quart de fon poids de quartz fin avec le fluate calcaire ; c’eff pour cela qu’il eff employé comme fondant dans les mines. Le fluate calcaire n’eft point altérable à Pair, ni diffoluble dans l’eau. Il fert de fondant aux matières terreufes 8c falino-terreufes. Les alkalis fixes purs ne peuvent . Je décompofer , parce que la chaux a plus d’affinité avec fon acide que n’en ont ces fels , fuivant Bergman, L’acide,' i » d’Hist. Nat. et de Chimie. 14^ L’acide fulfurique concentré en dégage l’acide fluorique , & c’efl le moyen dont on Te fert ordinairement pour obtenir cet acide. On met dans une cornue de verre une partie de fluate calcaire en poudre, avec trois parties d’acide fulfurique; le mélange s’échauffe peu-à-peu, il fe produit une effervefcence , & il fe dégage des vapeurs d’acide fluorique. Cette diflillation s’établit fans chaleur étrangère , & il fe fublime dans le récipient , une fubflance blanche, comme effleurie , & dépofée par le gaz acide. On donne le feu , & on obtient de l’acide fluorique con- centré , qui fe couvre d’une pellicule terreufe , épaiffe, femblable à l’efflorefcence blanche dont nous avons parlé , lorfqu’il tombe goutte à goutte dans l’eau qu’on a foin de mettre dans le récipient. On peut obtenir cet acide fous la forme de gaz , lorfqu’on plonge le bec de la cornue fous une cloche pleine de mercure. Cet acide aériforme efl tranfparent, & ne laiffe pré- cipiter la terre qui lui efl unie , que lorfqu’on le met en conraét avec de l’eau. On conçoit d’après cela pourquoi l’acide fluorique liquide dépofe dans le ballon des croûtes pierreufes , puifqu’il ne peut les tenir en diffolution , toutes les fois qu’il efl combiné avec l’eau. Nous avons vu que cette terre qui efl de nature filicée appar- tient aux vafes de verre que l’acide fluoriquç Tome II, K t 146 Elément corrode , & qu’elle n’eft point le produit de la combinaifon de l’acide avec l’eau , comme l’avoit d’abord penfé Schéele. Lorfque la dif- tillation eft finie, on obferve que le réfidu eft dur, blanc ou rougeâtre, par plaques, & que la cornue eft trouée ou corrodée très-fenfible- ment. Cette observation n’avoit point échappé à Margraf; & fi l’on examine par les différens moyens la nature du réfidu , on reconnoît que c’eft du Sulfate calcaire mêlé à de la filice , fouvent même à de l’alumine & à un peu de magnéfie. Ces deux dernières fubftances Sem- blent, ainli que le fer, n’être qu’accidentelles dans le fluate calcaire. La croûte dépofée par l’acide fluorique eft de nature filicée , puisqu’elle n’eft ni fufible , ni diftbluble dans les acides , & puiSque les alkalis fixes la fondent en verre blanc & durable. Les détails de celte expé- rience font voir qu’il eft impoftible de diftiller une grande quantité de cet acide ; j’ai eflayé plufieurs fois d’opérer fur une livre de fluate calcaire , pour obtenir une bonne quantité d’acide fluorique, & n’ayant jamais trouvé de cornue capable de réfifter à cet agent corrofif, j’ai été obligé de renoncer entièrement à cette diftillation. L’acide nitrique décompofe le fluate calcaire , mais avec des phénomènes très - différens 3 d’Hist. Nat. et de Chimie. 147 îiiivant M. Boullanger , puifqu’on n’obferve point de croûte dans cette opération, comme dans celle qui eft faite avec l’acide fulfurique. On n’a point encore bien examiné les détails de cette expérience. L’acide muriatique fépare également l’acide fluorique , fuivant Schéele ; mais il n’a point in- fifté fur les phénomènes de cette décompofîtion. On ne connoît point encore l’aâiofl du plus grand nombre des fels neutres fur le fluate calcaire. On fait feulement que les carbonates de potaffie & de foude le décompofent à l’aide d’une double affinité , tandis que les alkalis fixes caufliques ne le décompofent pas. En - fondant une partie de ce fluate , avec quatre parties de carbonate de potaffie , & en jettant ce mélange fondu dans l’eau , il fe précipite du carbonate de chaux formé par l’acide carbo- nique uni à la chaux du fluate calcaire , & la liqueur contient du fluate de potaffie qu’on peut obtenir fous forme de gelée par l’évaporation. Ce procédé répété avec le carbonate de foude fournit également du carbonate de chaux & du fluate de foude que l’on obtient criflallifé en évaporant la liqueur. Le fluate calcaire n’efl d’ufage que dans quelques pays de mines , où on l’emploie comme un trcs-bon fondant'.' On pôurroh auffi K ij -iq-8 Élément s’en fervir ail même ufage dans les travaux docimaftiques. Sorte VI. Carbonate de chaux ou Craie; Matières calcaires en général. Le fpath calcaire, le marbre, la craie , & tout ce qu’on appelle en général matière calcaire , efl un fel neutre formé par l’union de l’acide carbonique avec la chaux : il faut donc appeler ce fel carbonate, de chaux ou carbonate calcaire. Cette fubftance a été mife au rang des pierres par les naturalises , parce qu’ils ne lui avoient reconnu aucune propriété faline. Cependant nous verrons qu’elle a une forte de faveur , qu’elle eft diiïbluble dans l’eau, qu’elle peut être décompofée , & qu’elle fournit dansfon analyfe une grande quantité d’acide carbonique, & la* fubftance falino-terreufe que nous avons connue fous le nom de chaux. Comme le fpath calcaire elt la dernière modification d’une matière très- variée dans fa forme, & qui paffe par beaucoup d’états différens avant d’être régulièrement crif- tallifée , il efl néceffaire de confidérer en général les fubftances calcaires , ou crétacées (i). (i) Je crois qu’on devroit appeler crétacées toutes les fubftances que l’on délïgne ordinairement en hiftoire na- turelle par le nom de calcaires y eo effet, le premier mot d’Hist. Nat. et de Chimie. 149; Aucune partie de- l’hiftoire naturelle n’offre- un champ plus vafie à parcourir , un enfemble plus complet de connoiffances pofitives que celle des matières calcaires. Une longue obfervation qui ne s’eft jamais démentie , 8c fur-tout la pof- fîbilité de fuivre pas à pas la marche de la nature dans la formation de ces matières , ont appris que le fein des mers eft le laboratoire où elles font fans ceffe travaillées. Parmi le grand nombre d’animaux que cesimmenfes amas d’eaux nourriffent . il en eft plufieurs claffes dont les individus, multipliés prefqu’à l’infini, fem- blent deflinés à ajouter à la maffe de notre globe. Tels font les vers à coquille , les ma- drépores, les lithdphites dont les parties foli- , des examinées par l’art du chimifie, quelque temps après qu’ils ont ceffé de vivre , préfentent indique la combinaifôn faline neutre formée par la chaux & l’acide carbonique , c’eft* à-dire, la craie, creia ; le lècond appartient en propre à la chaux , calx , qui fait la bafè de ce fel. L’expre flion matière ou terre calcaire devroit donc être réfervée pour la chaux vive , & celle de matière, craieufe ou crétacée diflingueroit la combinaifon de la chaux avec l’acide de la craie mais on ne peut pas Ce flatter de faire adopter de fitôt ces deux expreffions qui ont toujours été fÿnonimes, quoiqu’elles duflent être appliquées à des fubflances vraiment différentes, & quoiqu’elles fuf- fent fufçeptibles d’enrichir notre langue. K iij iyo ÉLÉMENS tous les caraétères des fubftances calcaires. C’eft la bafe de ces efpèces de fquelettes marins qui produit, par leur entaffement fucceffif, les mon- tagnes entièrement formées de ces matières. Quoiqu’il y ait bien loin de l’état naturel de ces êtres animés, jufqu’à la criflallifation du fpath calcaire , quoiqu’il foit difficile d’appercevoir au premier coup-d’ccil la différence étonnante qui exifte entre la fubftance molle & pulpeufe de ces animaux vivans , & la dureté de ces maffes pierreufes qu’ils forment avec le tems , & qui font deftinées à donner de la folidité à nos- édifices les plus durables, il eft cepen- dant poffible de fe former une idée des nuan- ces d’altération par lefquelles ils paffent pour fe confondre avec les corps minéraux. Voici comment on peut concevoir ces dégradations depuis l’organifation animale agiffante, jufqu’au dépôt régulier qui forme peu-à-peu le carbonate de chaux tranfparent & criftallifé , c’ell-à-dire le fpath calcaire. Les eaux de la mer, en fe balançant fui- vant les loix d’un mouvement qui nous eft encore inconnu , fe déplacent infenfiblement , & chan- gent de lit. Elles quittent un rivage qui s’ag- grandit peu-à-peu pour s’avancer fur une terre > dont l’étendue diminue en même proportion. Ce fait eft démontré dans la favante théorie de d’H i s t. Nat. et de Chimie. i;r la terre de M. de Buffon. A mefure que les eaux abandonnent une partie de leur lit , elles , laiflTent à découvert des fonds fur lefquels leurs mouvemens variés , 8c fi bien appréciés par l’homme célèbre que nous venons de citei , ont formé des couches , par le dépôt fucceffii des parties folides , ou des fquelettes des ani maux marins. Ces couches font prefqu’entière- ment remplies de coquilles , dont la putréfac- tion détruit bientôt le gluten animal, & qui alors ayant perdu leurs couleurs , le poli de leur furface interne , 8c fur-tout leur confiftance , font devenues friables , terreufes , & ont paffé à l’état de foffiles ; delà la production des terres coquillières 8c des pierres de là même nature. Ces pierres , ufées par les eaux , perdent peu- à-peu la forme organique , deviennent de plus en plus friables, 8c forment bientôt une matière d’un grain peu cohérent , 8c que l’on appelle craie. Lorfqu’une pierre coquillière a acquis allez de dureté pour être fufceptible de poli, & que les coquilles qui la compofent ont pris diverfes couleurs , en confervant leur orgamfa- tion , elle conftitue alors les lumackelles. Si les traces de l’organifation font tout-a-fait détruites, fi la pierre eft dure , fufceptible de poli , on la connoît fous le nom de marbre. L’eau chargée de craie, la dépofefur tous les corps tur lefquels K iv / 1^2 Ê L É M E N S elle coule, & forme les incrujlaûons. Lorfqu’elîe fe filtre à travers les voûtes des cavités fou- terraines, elle produit des dépôts blancs, opa- ques , formés de couches concentriques , dont l’erifemble eft conique 8c femblable à des culs- de- lampes ; ce font les Jlalaâites. Si ces der- nières , réunies en grande maffe , 8c rempliftant des cavernes , féjournent pendant long - tems dans la terre , elles acquièrent une dureté con- frdérable , & donnent n ai (Tance à l’albâtre. Enfin lorfque l’eau , qui tient une craie très- fine 8c très - atténuée en diffolution pé- nètre lentement des cavités pierreufes , elle ' dépofera cette fubftance , pour ainfi dire , mo- lécule à molécule , 8c ces petits corps fe rapprochant par les furfaces qui fe conviendront le mieux , prendront un arrangement fymmé- , trique 8c régulier , 8c formeront des ciiftaux durs, tranfparens, femblables à ceux des ma- tières falines; on les défigne fous le nom de fpaihs calcaires. C’eft-là le dernier degré d’at- ténuation de la craie , l’état où elle eft le plus éloignée de fon origine animale , 8c dans lequel elle reffemble le plus à un véritable fel. Ces paffages fi variés & fi nombreux de la fubftance crétacée , dont la confidération four- nit de fi grandes vues au naturalifte , fur l’anti- quité du globe, fur fes altérations, fur l’empire d’Hist. Nat. et de Chimie. 13*3 du rcgne animal, qui conftitue une grande partie de fa furface 8c de fes couches externes, ne préfentent cependant aux yeux du chimilte qu’une feule matière femblabie à elle-même , nn feul 8c unique fel neutre, formé de chaux & d’acide carbonique. Nous allons le confidérer fous ce double point de vue. §. I. Hijloire naturelle des fubjlances calcaires(i). Avant d’entrer dans le détail des matières calcaires, il efl bon de jetter un coup-d’œil général fur leur difpofition dans le globe. Ces fubflances forment des couches plus ou moins étendues, horifontales ou inclinées, qui portent manifeflement l’empreinte de l’aétion des eaux. Ces couches compofent des montagnes entières , des collines , &c. 8c forment une grande partie de l’écorce du globe. Elles attellent que les eaux de la mer ont recouvert notre terre, 8c y ontdépofé une immenfe quantité de dépouilles (1) Quoique dans l’hiftoire des terres & des pierres, nous ayons déjà prélènté des divifions méthodiques des matières calcaires rangées ordinairement dans cette dalle par les naturaliftes, nous croyons devoir offrir dans cet article de nouvelles divifions lur ces matières , parce qu’elles font relatives à d’autres confidérations que celles qui ont guidé les méthodifles dans leurs travaux. É L É M E N S de fes habitans. Les eaux en fe filtrant à travers ces mafles calcaires , en entraînent des por- tions, & vont les diffribuer plus profondément darfs les cavités fouterraines , fous les diffé- rentes formes que nous allons examiner. Leurs caraétères généraux donnés par les naturaliffes, & très-propres à les faire diilinguer , font tirés de deux propriétés remarquables ; elles n’étincèlent point fous le briquet , 8c elles font effervefcence avec les acides. Comme d’après ce que nous avons dit , la forme de ces ma- tières calcaires eft affez multipliée , il eff indif- penfable de les divifer en plufieurs genres. Nous en reconnoilîons fix (i). Genre I. Terres et Pierres C O QU I L L I È RE S. Ces fubflances ont été rangées parmi les pier- res , parce qu’elles n’ont ni faveur , ni diffolu- biîité apparentes ; mais leur analyfe démontre qu’elles font véritablement falines , ainfi que (i) On fera peut-être étonné de trouver de nouvelles divifîons de genres, dans l’hiftoire d’une forte de tel j mais on doit oblerver que ces genres ne font que relatifs à l’hiftoirè naturelle , & qu’ils doivent en effet être rap- portés à l’efpèce de fèl neutre dont nous examinons les pro- priétés chimiques. I I d’Hist. Nat. et de Chimie, iyy tous les autres genres fuivans. On les recon- noît à la forme organique -, fouvent les coquil- le? y font encore tout entières , & la pierre n’eft qu’un amas de ces corps organifés 5 quel- quefois même elles ont confervé une partie de leurs couleurs. Il arrive auffi qu’on trouve de ces animaux, dont les analogues n’exiflent plus vivans dans l’intérieur des mers , tels que plu- fieurs efpèces de cornes d’Ammon & de Nauti- les en général. Il exifle au contraire en Europe & en France des coquilles foffiles dont on con- noit les individus analogues vivans en Amérique. Quelques naturalilles ont fait des divilions très- étendues des coquilles foffiles; mais comme elles font femblables à celles de ces animaux vivans, nous- en traiterons ailleurs. Il exille auffi parmi les débris fofiiles des animaux marins , des corps dont la forme & l’organifation ne peuvent être en aucune manière rapportées à aucun habitant connu de la mer. Quoique nous n’ayons point encore d’Ouvrage complet fur les animaux fof- files , Sc quoique cette partie de f Hilloire Na- turelle n’ait pas été traitée avec autant de foin 8c de précifion que la Minéralogie , les defcrip- tions d’un alfez grand nombre de ces corps fuffifent pour prouver qu’il a exiflé dans les mers des animaux dont l’efpcce a été détruite. Lorfque les corps foffiles calcaires paroiffient / l4 , \ T I $6 I É L É M E N S manifeflement avoir appartenu à des animaux connus , on leur donne alors un nom relatif à leur origine, & formé ordinairement de celui de la clalTe d’animaux à laquelle ils appartiennent , er> ajoutant un mot qui défigne leur état pierreux ; tel elt celui de madréporites, &c. mais il faut obferver que les os de l’homme ydes quadru- pèdes, des oifeaux, des poilTons qui ont été enfouis dans la terre , & qu’on connoît aulfi fous le nom de fofTiles , ne font point de nature cré- tacée ; ils confervent leur caraétère de phofphate calcaire ; ainfî , les ornitholithes , les ichthyo- îithes , & c. ne doivent point être rangées parmi les fubflances crétacées. Dans la defcription des fubflances organiques fofliles dont on ne connoît pas l’origine , on leur a donné des noms particuliers pris de leur forme. Telles font les pierres judaïques , que quelques perfonnes croient être des pointes d’ourfins; les pierres numifmales ou liards de Saint-Pierre , femblables à des pièces de monnoie , & qui ne paroiffent être que des petites cornes d’Am- mon appliquées les unes fur les autres ; le léopard fojjlle , efpèce de mafle arrondie ou de concrétion par couches concentriques; le Ludus Helmontii dont les aréoles femblent avoir été formées par la retraite 6c le deflechement d’une matière terreufe , molle , 8c remplies par de 1& d’Hist. Nat. et de Chimie, i yy terre calcaire , les crochues , entroques 3c ajlroi - tes , qui proviennent d’un zoophyte , nommé palmier marin ’3 les pifolites , oolites ou méconi- tes , que l’on croit être des oeufs de poilfons ou d’infedes pétrifiés , mais dont la véritable origine elt inconnue. Comme on rapportoit au(Ti à ce genre de pierres vraiment calcaires, toutes les fubftances pétrifiées, à quelques animaux qu’elles eulfent appartenu ; on connoît en hiltoire naturelle des gammarolites , des cancrïtes , des entomo- lïies , des amphibiolites , des ^ oolites , des an- tropolites. Mais depuis les nouvelles découver- tes fur les os , ces matières ne doivent plus être rapportées à la craie, ainfî que nous l’avons déjà expofé ; il en efl de même des glojjopètres ou dents de requins pétrifiées , de Y ivoire ou imicornu fojjile , qui vient des dents d’éléphans; des turquoifes ou des os colorés en vert & en bleu ; des crapaudines , pierres grifes ou jau- nâtres 3c creufes , qui, d’après M. de Juffieu, font les couronnes des dents molaires du poiflbn du Bréfil appelé Grondeur ; 8c des yeux de ferpens qui appartiennent , fuivant ce naturalifte, aux dents incifives du même poiffon. D’après ces détails % ce genre peut être réduit à deux fortes fous lefquelles on pourra com- prendre toutes les variétés poflibles. Ê I ’i M E N S îyS Sortes. 1. Coquilles entières ou foffiles. On y diftingue differentes nuances d’altéra- tions , pour les couleurs , le brillant, la dure- té , &c. Il faut y comprendre les madrépores & toutes les habitations calcaires de polypes dans l’état de foffiles. 2. Falun ou cron. Coquilles brifées & fous la forme de terre : le fol d’une partie de la Touraine & de plufieurs autres provinces de la France , eft entièrement de cette nature. On emploie ces terres comme un très-bon engrais. Genre II. Terres et Pierres CALCAIRES. Elles font formées par les matières du pre- mier genre ufées & dépofées par les eaux. Ou les trouve difpofées par couches ou par bancs dans l’intérieur de la terre. Nous fuivons M. Dau- benton dans la diftinélion des différentes fortes. Sortes. 1. Terre calcaire compade ; craie. Elle varie par la couleur & la finefTe du grain ; on l’emploie à beaucoup d’ufages domes- tiques. 2. Terre calcaire fpongieufe , moelle de pierre. d’Hist. Nat. et de Chimie. iyp Sortes. 3. Terre calcaire en poudre ; farine foffile. 4. Terre calcaire en bouillie; lait de lune. y. Terre calcaire molle; tuf. Il durcit & blanchit en fe féchant. 6. Pierre calcaire à gros grains. Celle d’Arcueil en fournit un exemple. On y trouve des coquilles à demi-brifées. 7. Pierre calcaire à grain fin. La pierre de Tonnerre en efi une variété. Sans entrer dans des détails inutiles , on con- çoit que la couleur, la dureté & les ufages divers auxquels on emploie ces terres & ces pierres, donnent un grand nombre de variétés qu’on connoît fous différens noms. En général elles fervent à faire de la chaux, à la confîruétion des édifices, 8c c. &c. Genre III. Marbre. Les marbres different des pierres calcaires proprement dites , par leur dureté un peu plus confidé table. Comme elles , ils n’étincèlent pas fous le briquet , ils font effervefcence avec les acides , êc leur caffure efl grenue. Mais leur gain efi beaucoup plus fin & plus ferré ; leurs cou- leurs font plus brillantes , 8c ils prennent un plus beau poli. Tout le monde connoît les usages du marbre dans la Sculpture , l’archi- { l6o ÊLÏM ENS teélure, &c. On l’emploie aufli dans quelques pays pour faire de la chaux. Sortes. 1. Lumachelle. Ce nom a été donné par les italiens à une efpèce de marbre formé par des coquilles agglutinées. 2. Brèche. C’ell un marbre compofé de petites malles arrondies, liées par un ciment de même nature. 3. Marbre proprement dit. On n’y trouve ni les coquilles des lumachelles , ni la compofition en mafles arrondies des brè- ches ; fes taches font irrégulières : il eft fouvent Veiné. M. Daubenton divife les marbres par le nombre & la combinaifon des couleurs , en comprenant fous la même dénomination les lumachelles 8c les brèches. i°. En marbre de fix couleurs : ex. blanc , gris , vert , jaune , rouge 8c noir ; marbre de Wirtemberg. v 2°. En marbre de deux couleurs : ex. blanc , 1 gris ; marbre de Carare. 30. En marbre de trois couleurs : ex. gris , jaune 8c noir ; lumachelle. 40. En marbre de quatre couleurs : ex. blanc , gris, jaunè, rouge; brocatelle d’Efpagne. 50. En marbre de cinq couleurs : ex. blanc, g*? d’Hist. Nat. et de Chimie. rSi Sortes. gris , jaune, rouge , noir ; brèche de la vieille Cahille. 4. Marbre figuré. Il repréfente des ruines comme le marbre de Florence , ou des herbes comme celui de HefTe. On obfervera que les couleurs du marbre dépendent prefque toujours du fer qui a été interpofé entre fes grains ; cette fubhance quoi- que fufceptible d’un allez beau poli , ell très- poreufej tout le monde fait qu’il fé tache très- facilement ; c’eh fur cette propriété qu’ell fondé l’art d’y delfmer des fleurs colorées , & de les teindre de beaucoup de couleurs variées. Souvent le marbre eh mêlé de quelques frag- mens de pierre dure , telles que le quartz , le filex* alors la partie qui contient ces fragmens fait feu avec le briquet ; j’ai trouvé fréquem- ment ce caradère dansplufieurs efpèces de mar- bre noir. Genre IV. Concrétions. Les concrétions font formées irrégulière- ment, par un dépôt plus ou moins lent, de la matière calcaire chariée par les eaux , à la fur- face d’un c'orps quelconque. Elles ne font point difpofées par grandes couches, mais par frag- Tome IL L 1 162 É L Ê Mi E N S mens en maffes d’abord ifolées, qui peu-à-peu fe rapprochent & fe confondent en augmentant d’étendue. Sortes. 1. Incruftations. Les eaux très-chargées de craie la dépofent à la furface de tous les corps fur Iefquels elles coulent ; les incruflations peuvent donc avoir toutes les formes poffibles , fuivant les fubftan- ces qui leur ont fervi de noyau. Telles font celles des eaux d’Arcueil ; telle eft l’ofteocol- le , 6cc. 2. Stalaétites. Elles font formées lentement & par couches concentriques, dépofées parles eaux , aux voû- tes des cavernes, & c. elles different entr’elles par la grofîeur , la tranfparence ou l’opacité , le grain, la couleur, la forme. Elles font en général pyramidales 6c creufes. Le fl os-ferri eff la plus pure de toutes. Lorfqu’elles font col- lées le long des parois des cavités fouterraines, on les nomme congélations : dépofées fur le fol, elles portent celui de Jlalagmites. 3. Albâtre. L’albâtre paroît formé par les flalaélites les plus pures , enfouies pendant long-tems. Il eft moins dur que le marbre ; lorfqu’il eft poli , fa furface paroît grade & liuiieufe. Il eft manifef- d’HisT. Nat. et de Chimie. 165 tement compofé de couches qui ont différen- tes directions. Il a toujours une tranfparence plus ou moins grande , qui le diftingue des marbres; mais elle n’égale jamais celle de quel- ques fpaths. L’albâtre a d’ailleurs tous les caradères des pierres calcaires. On en fait des vafes & des ftatues. On peut en diftinguer beau- coup de variétés. Variétés. 1. Albâtre oriental. C’eft le plus tranfparent & le plus dur. 2. Albâtre occidental. Il eft moins beau & moins pur que lq précé- dent. 3. Albâtre taché de différentes couleurs. 4. Albâtre ondé. On l’appelle auiïi albâtre d’agathe. y. Albâtre fleuri. Il préfente des efpèces d’herborifations. Genre V. S p at h calcaire. . * \ ■ Le fpath calcaire diffère des quatre genres précédens, par fa forme le plus fouvent régu- lière , & fur-tout par fa caiïure. Il eft formé de lames appliquées les unes fur les autres , & très-apparentes dans fa fraCture. Il s’égrène par le contaCt du briquet, L ij E L é JB E K ' S 164 Sortes. 1. Spath calcaire opaque. Il eft blanc ou coloré de diverfes manières il efl ordinairement formé de lames rhombor dales. 2. Spath calcaire tranfparent rhomboïdal criftal d’Illande. Il double les objets. . 3. Spath calcaire prifmatique fans pyra- mides. Ce font des prifmes hexaèdres tronqués, dont les faces font égales ou inégales , & dont quelquefois les angles font coupés de forte qu’ils forment des prifmes à douze faces; ce qui donne trois variétés. 4. Spath calcaire en prifmes terminés par deux pyramides. Il y a un a(Tez grand nombre de variétés de ■ce fpath. Quelques-unes font des prifmes hexaè- dres , terminés par des pyramides auffi hexaè- dres , ou entières , ou tronquées. D’autres pré- fentent , à l’extrémité des mêmes prifmes hexaè- dres , des pyramides trièdres , entières ou tron- quées , ou des fommets dièdres. Enfin , il en efi dont les prifmes quadrangulaires font termi- nés par des fommets dièdres. Toutes ces variétés peuvent offrir une ou deux pyramides , fuivant leur pofition. •» 1 m d’Histv Nat. et de Chimie. i6f Sortes. y. Spath calcaire pyramidal. Celui-ci efl formé d’une ou de deux pyra- mides réunies fans prifme intermédiaire. La> forme hexaèdre ou triangulaire de ces pyrami- des, l’inégalité de leurs faces, leurs angles fou- vent tronqués , établirent un grand nombre de variétés (i). 6. Spath calcaire dodécaèdre. Ce fpath , qui reffemble à une efpèce de deux pyramides pentagones tronquées 3 6c réunies par leur bafe. 7. Spath calcaire en flries. C’eft un amas de longs prifmes ralTemblés en faifceaux, 8c qui ne préfentent point de for- me régulière qu’il foit poffible de déterminer.. (x) Si Ton veut prendre une idée des variétés de forme que l’on peut diflinguer dans les Ipaths , & du grand nombre d’elpèces que l’on pourroit en faire , fi l’on avoir égard à ces nuances de forme , on peut confulter l’Ou- vrage anglois de M. Hill , qui a pour titre : The Hijîory offoJJîLs , containing the hijîory of muais , and gems , 6v. London , 1748 , in-fol. cum tah . remis, M. Romé de Lifle en a donné un extrait dans la première édition de fa Criftallographie , page 13 1 & fuiv. page ipi & fuiv. relativement au fpath calcaire , & au criftal de roche. Il démontre que la méthode de M. Hill efi défeftueufe ». embarraïïante , &c. L iij É L é M E N S 1 66 Sortes. Le Lapis fuillus des fuédois appartient à cette forte. 8. Spath calcaire lenticulaire. Ce font des crirtaux plats , difpofés oblique- ment les uns à côté des autres. M. Rome de Lifle le croit une variété du fpath prifmatique hexaèdre , terminé par deux pyramides triangu- laires obtufes, placées en fens contraire. Crif- tallogr . pag. izj , prem . édit. §. II. Propriétés chimiques du carbonate calcaire . Comme les propriétés chimiques tiennent à la combinaifon ou aux principes des corps, il faut donner à ceux - ci des noms qui ex- priment leur nature ; d’après cette confidéra- tion , les diverfes matières calcaires que nous avons défîgnées doivent être confondues chimiquement fous la dénomination dè car- bonate calcaire : c’eft fur le fpath cajcaire le plus ttanfparent ou fur le marbre blanc pur , que l’on doit faire les expériences qui établirent les propriétés de ce fel terreux. Pour foumettre du carbonate calcaire à l’ana- lyfe, il faut en détruire l’aggrégation en le ré- duifant en poudre. Sous cette forme , il eft blanc & opaque ; il n’a pas de faveur marquée , cependant il refferre un peu les fibres du palais ' / 1 V • ’ • > I / d’Hist. Nat. et de Chimie. 167 & de la langue, lorfqu’on le tient pendant quel- que teins dins la bouche. Ce Tel terreux expofé à l’adion du feu, perd fon acide & Ion eau de criÜallifation. Si on le chauffe brufq.uement , il décrépite & perd fa tranfparence. En le diflillant dans une cornue , on en retire de l’eau & beaucoup d’acide car- bonique gazeux ; mais il faut une chaleur con- fidérabie pour dégager ce dernier.. Après cette opération , la matière calcaire eft réduite à l’etat de chaux vive ’y on peut réformer ce fel eu combinant cettè dernière avec l’acide qu’on a obtenu de fa décompofition. La diflillation de la craie, qui ne différé du fpath calcaire que par fon peu de cohérence & fon opacité , a été faite par M. Jacquin. M. le duc de la Roche- foucauld, qui l’a répétée avec beaucoup de foin, a obfervé que les cornues de grcs laiffoient échapper une partie de l’acide carbonique aéri- forme. M. Prieflley a conftaté ce fait par plufieur s ' expériences très-exades. On peut le fervir d’u cornue de fer , ou d’un canon de fufil , mais on obtient toujours un peu de gaz inflammable ou hydrogène, produit par l’adion de l’eau contenue dans la craie fur le fer. Le carbonate calcaire expofé à un grand feu dans des creufets d’argile , eft fufceptible de fe fondre en verre autour des parois de ce v aideau» L iv 1 68 É L É M E N S M. d’Arcet en a fondu plufieurs fortes en un verre tranfparent marqué de quelques taches; mais comme Macquer a obfervé que ce fel terreux n’a point été fondu au foyer de la lentille de M. deTrudaine, on ne peut douter que la fulion obtenue par M. d’Arcet, ne fût due à l’argile des creulets. Le carbonate calcaire n’efl point altérable par l’air pur. Mais le contad de l’atmofphère humide, joint aux rayons du foleil , lui fait perdre fa tranfparence , & la cohéfion de fes lames. Sa furface prend les couleurs de l’iris , s’obfcurcit & fe délite peu-à peu. Il ne paroît pas dilToluble dans l’eau. La craie, que l’art ne parvient pas plus à dilToudre dans ce fluide pur que le carbonate calcaire, efl cepen- dant tenue en diflolution par ies eaux qui cou- lent à travers ces fubflances ; quelques - unes même en contienneut une quantité notable. Telles font celles d’Arcueil aux environs de Paris ; elles font chargées d’une aflez. grande quantité de craie pour incrufter , en quelques mois, les corps plongés dans les canaux qu’elles parcourent. Les eaux des bains de Saint- Philippe en Italie , font tellement chargées de cette fubflance, qu’elles en dépofent des cou- ches de près d’un demi-pouce d’épaifleur dans l’eipace de quelques jours, On profite de cette d’Hist. Nat. et de Chimie. 169 propriété pour y former des tableaux & des figures, on y plonge des moules creux à la furface intérieure delquels ces eaux dépofent la craie qu’elles contiennent. Le carbonate calcaire aide la vitrification de quelques fubflances terreufes & pierreufes ; mêlé avec la terre iilicée , il la fait entrer en fufion , lorfque cette dernière eft dans la proportion d’un tiers ou d’un quart. Ce Tel mêlé par la nature avec une terre argileufe , forme une matière terreufe mixte, que les naturaliftes & les cultivateurs défignerit fous le nom de marne. Cette fub fiance qui offre un grand nombre de variétés , differentes par la couleur, la denfité, &c. fe fond à un grand feu en un verre d’un jaune verdâtre ; on l’em- ploie avec beaucoup de fuccès pour ameublir les terres & pour les fertilifer. La baryte & la magnéfie n’ont aucune aétion, fur le carbonate calcaire par la voie humide; l’acide carbonique adhère plus fortement à la .chaux qu’à ces deux fubflances falino-terreufes; mais le carbonate calcaire traité au feu avec ces terres alkalines , forme avec elles des combi- naifons vitreufes. M. Achard a fait une grande fuite d’expériences fur tous ces mélanges par la vitrification ; les détails en font confignés dans le Journal de Phyfique, 170 É L É X B N S Les alkalis fixes & l’ammoniaque n’altèrent point le carbonate calcaire , parce que l’acide carbonique a plus d’affinité ayec la chaux que n’en ont ces fels. Les acides fulfurique , nitrique , muriatique 8c fluorique le. décomposent en lui enlevant fa bafe, & en dégageant l’acide carbonique. Si l’on verfe de l’acide fulfurique fur du carbonate calcaire y il s’excite un bouillonnement dû au dégagement de l’acide carbonique fous la forme gazeufe. Les naturalifies fe fervent avec avan- tage de ce caradère chimique pour diftinguer toutes les fubflances calcaires. On peut faire , à l’aide des acides, une analyfe exade du car- bonate calcaire. Pour cela , on verfe de l’acide fulfurique fur ce fel récluit en poudre. L’effer- vefcence violente qui fe produit dans l’inftant du mélange, indique la Séparation de l’acide carbonique, que l’on peut obtenir & mefurer en le recevant , à l’aide d’un fyphon, dans des cloches remplies de mercure. L’effervefcence efl accompagnée de froid , à caufe de la vola- tilifation de l’acide. Lorfqu elle efl finie , fi l’on examine la nouvelle combinaifon , on trouve que c’eft du Sulfate calcaire , formé par l’acide fulfurique uni à la chaux , qui faifoit la bafe du premier fel. Des expériences nouvelles ont appris que- quelques- uns de ces Spaths con- d’Hist. Nat. et de Chimie. 171 tiennent un peu de magnéfie , & donnent du fulfate de magnéfie, lorfqu’on les diffout par l’acide vitriolique. L’acide nitrique que les na- turalises emploient ordinairement dans' leurs efl'ais, produit la même effervefcence fur le carbonate calcaire ; il en dégage l’acide car- bonique 8c forme du nitrate calcaire avec fa bafe. L’acide muriatique fépare de même avec effer- vefcence violente l’acide du carbonate calcaire 8c donne du muriate de chaux en fe combinant avec fa bafe. L’acide fluorique le décompofe de même, 6c forme du fluate calcaire avec fa bafe. L’acide boracique ne décompofe point à froid le carbonate calcaire ; mais il produit une effervefcence , lorfqu’on le. fait chauffer en le mêlant avec de la craie en poudre , 8c en délayant dans ce mélange fuffifante quantité d’eau. v L’acide carbonique a la propriété de donner de la folubiiité au carbonate de chaux ou à toutes les matières calcaires en général. Nous avons déjà vu à l’article de cet acide , qu’il précipite l’eau de chaux en craie , 8c qu’il la rediffout fi on en ajoute plus qu’il n’en faut pour cette précipitation. L’eau chargée d’acide carbonique qui féjourne fur du carbonate cal- 1^2 É L Ê M E N S caire en poudre , fe charge peu-à peu d’une certaine quantité de ce fel neutre terreux. Plufîeurs eaux contiennent auffi de la craie à la faveur de fon acide ; mais toutes ces dif- folutions font peu durables. Lorfqu’on les expofe à llair, elles fe troublent peu-à-peu, 8c la craie fe précipite à mefure que l’acide car- bonique fe diffipe. Cet effet eil beaucoup plus rapide par l’adion de la chaleur ; c’efl pour cela qu’on emploie avec fuccès l’ébullition pour corriger les eaux chargées de craie , qui font dures 8c crues , fans cette précaution. Comme c’eft prefque toujours en raifon de l’acide carbonique que les eaux tiennent de la> craie en diffolution ; on conçoit que ce fel terreux doit fe précipiter lorfque l’acide s’évapore; telle efl la caufe des dépôts calcaires & des incruf- tations qui fe forment dans les fontaines , autour des canaux que l’eau parcourt , ainfi qu’on l’ob- ferve pour celle d’Arcueil 8c des bains de Saint- Philippe en Italie. Lorfque l’hiftoire naturelle n’étoit point encore éclairée par la chimie, orr donnoit le nom de fontaines pétrifiantes à celles qui préfentoient ces dépôts , 8c la fuperllition des peuples les comptoit au nombre des. miracles. Le carbonate calcaire n’a aucune a&ion fur les fels neutres à bafe d’alkalis fixes. Il décompofe- d’Hist. Nat. et de Chimie. 173» les Tels ammoniacaux. On obtient d’une part un Tel calcaire formé par l’acide des Tels ammo- niacaux & la chaux , & de l’autre part , du car- bonate ammoniacal , réfultant de la combi- naifon de l’acide carbonique avec l’ammoniaque. On fait cette opération en diilillant dans une cornue de grès , un mélange d’une livre de fel ammoniac & de deux livres de craie , ou bien de fpath calcaire en poudre. On a foin d’em- ployer ces deux fubilances bien sèches. On adapte à la cornue un ballon avec une allonge , ou mieux encore une cucurbite de verre ou de grès. On donne le feu par degrés jufqu a faire rougir le fond de la cornue , & l’on refroidit le récipient avec des linges mouillés , ou un filet d’eau froide dont l’écoulement eft entretenu pendant toute l’opération. 11 pafie des vapeurs blanches , qui fe condenfent en crillaux très- blancs & très-purs fur les parois du récipient. C’eft le carbonate ammoniacal : il paroît que c’elt par ce procédé qu’on le prépare en grand à Londres , d’où il étoit envoyé autrefois dans toute l’Europe , fous le nom de Jd volatil d' An- gleterre ; aujourd’hui on fait préparer ce fel par- tout. Le réfidu de cette opération efl du muriate calcaire avec excès de chaux , ordinaire- ment fondu , lorfqu’on a donné un bon coup de feu fur la fin de l’opération. 174 É L é M E N s Les ufages du fpath & des matières calcaires en général' font fort étendus , ainfi que nous l’avons déjà fait obferver en traitant de leur hiftoire naturelle. Mais un des plus importans , efl la préparation qu’on leur fait fubir pour les changer en chaux. L’art du chaufournier con- fiée à décompofer les , matières calcaires par l’adion du feu, & à leur enlever leur acide. Les pierres chargées de coquilles , les marbres , 8c la plupart des fpaths calcaires, font celles de ces fubflances qui donnent la meilleure chaux. Cependant on fe fert plus communé- ment , fur-tout aux environs de Paris , d’une efpèce de pierre calcaire dure , que l’on nomme pierre à chaux. On arrange ces pierres dans une efpèce de four ou de tourelle , de manière qu’elles forment une voûte ; on allume fous cette voûte un feu de fagots , que l’on continue jufqu’à ce qu’il s’élève une flamme vive, fans fumée, à environ dix pieds au-deflus du four, 8c jufqu’à ce que les pierres foient d’une grande blancheur. On commence ' aujourd’hui à fe fervir aux environs de Paris de charbon de terre 8c de tourbe pour la cuiiïon de la chaux. Pour que la chaux foit bonne , elle doit être dure, fonore , s’échauffer promptement 8c forte- ment avec l’eau , 8c donner une fumée épaifle dans fon extindion. Si elle n’a pas été aflez d’Hist. Nat. jet de ohimie. 175- calcinée, elle eft moins lonore, & elle ne s’échaude que peu & lentement avee- l’eau ; ft elle l’a été trop, elle eil à demi- vitrifiée ; elle rend, lorfqu’on la frappe , un fon trop clair; & elle ne peut plus s’unir facilement avec l’eau. Les chaufourniers la nomment alors chaux brûlée* Nous ne parlerons pas des ufages de la chaux, parce que nous en avons traité dans l’hiftoire de cette fubflance pure. Nous ajouterons ici que le carbonate calcaire qui fe trouve mêlé en très-petits fragmens avec le fulfate calcaire ou le gypfe , & qui efl dé- pofé dans les montagnes par grandes cou- ches ordinairement régulières , féparées par des bancs de glaife & de marne , comme on l’ob- ferve dans tous les environs de Paris , conllitue la pierre à plâtre la plus utile pour la bâtiffe. Quoique nous ayons déjà parlé de cet objet à l’article du fulfate calcaire, nous croyons devoir y revenir encore ici, & entrer dans un aflez grand détail , pour fuppléer à cet égard à ce qui manque dans tous les ouvrages d’hiftoire naturelle 8c de chimie. Nous devons d’abord rappeler que le fulfate calcaire pur ne donne par la calcination que du plâtre fin , qui ne fait qu’une pâte incohérente avec l’eau, 8c que l’on emploie pour couler des flatues ; tout le monde fait que cette pâte r *1*7 '6 É r é m e n s dehechée efl très-caffante & n’a aucune téna- cité , qu’elle fe brife au moindre effort • cela dépend de ce que cette matière faline en re- prenant l’eau qu’elle a perdue par la calcina- tion , forme une maffe égale & homogène dans toutes fes parties. Il n’en eh pas de même du plâtre propre à bâtir. La pierre qui le fournit à Montmartre 8c dans tous les endroits qui contiennent ce minéral , eh une forte de brèche formée de très-petits crihaux grenus de fulfate de chaux, 8c de lames très-tenues de carbonate cal- caire ; on y reconnoît la préfence de ce dernier en mettant une goutte d’acide nitrique fur la pierre ; il fe produit une vive effervefcence due au dégagement de l’acide carbonique ; en faifant diftoudre un poids donné de pierre à plâtre de Montmartre dans fuffifante quantité d’eau-forte, tout le carbonate calcaire eh décom- pofé à mefure que la chaux s’unit à l’acide nitri- que, Sc il ne rehe plus que le fulfate calcaire qui eh infoluble dans cet acide ; on trouve par cette expérience que le carbonate calcaire varie en proportion dans les différentes pierres à plâtre , & que dans la meilleure il en fait plus du tiers Ce point une fois bien démontré fur la na- ture mélangée de la pierre à plâtre , il eh fort aifé de concevoir les phénomènes que préfente’ le d’Hist. Nat. et de Chimie. 177 le plâtre à bâtir dans fa cuifTon , dans l'on ex- tinétion 8c dans fon endurciiïement. Quand on cuit ce fel terreux, le fulfate calcaire qu’il con- tient perd fon eau de criftallifation & devient friable , le carbonate calcaire perd fon acide ST ' paiïe à l’état de chaux • d’après cela le plâtre bien cuit eft âcre 8c alkalin , il verdit le fyrop de violettes , il s’échauffe avec les acides fans faire d’effervefcence , il perd fa force à l’air, à mefure que la chaux vive qu’il contient s’éteint en attirant l’acide carbonique 8c l’eau de l’atmof* phère ; il abforbe l’eau avec chaleur , quand on le gâche -, quant à la folidité qu’il prend très- promptement comme tout le monde le fait , cette propriété eft l’inverfe de celle de la chaux pure, elle elt due à ce que la chaux vive ayant d’abord abforbé l’eau qui lui eft néceffaire pour fon extinction , le fulfate calcaire qui eft inter- pofé entre fes molécules en attire une portion, 8c fe criftallifant fubitement , produit l’effet du fable ou du ciment dans le mortier, en liant 8c en accrochant , pour ainfi dire , enfemble les parcelles calcaires. On connoit enfin , d’après cette théorie , pourquoi le plâtre fe conferve bien par la chaleur 8c la féchereffe , tandis qu’il fe dé- truit 8c s'enlève promptement par l’humidité. Les deux principes falius 8c folubles dans Tome II, M I7B E I É M E N S l’eau qui le conilituent font la caiife de ces \ phénomènes. CHAPITRE VIII. Genre IV. Sels neutres a base DE MAGNÉSIE OU S E LS MAGN ÊS I EN S. On a déjà vn dans l’hiltoire des acides que la magnéfîe fe combine très-bien avec ces fe!s & qu’elle forme dans ces combinaifons des fels neutres différens de ceux que conilituent tou- tes les autres bafes. Ces fels ne font pas encore entièrement connus , & ils n’ont point été l’objet des recherches de beaucoup de chi milles. Le célèbre M. Black efl le premier qui les ait bien dillingués ; on les confondoit avant lui avec l'es fels à bafe terreufe en général. Les fels magnéfiens ont des caraétères géné- riques qui les diilinguent ; ils font prefque tous amers & fa'és, la plupart criflallifent réguliè- rement quoique difficilement; la plupart font très-folubles dans l’eau, quelques-uns attirent même l’humidité de l’air -, ils font plus décom- pofables que les fels ammoniacaux & calcaires, & ils cèdent leurs acides à la baryte , à la chaux, aux deux alkalis fixes, 8c en partie à J I d’Hist. Nat. et de Chimie. 179 ^ammoniaque ; cette dernière fubftance relie en partie unie aux acides en même-temps que la magnéfie , & forme alors des Tels triples ammoniaco-magnéfiens. , Nous examinerons dans ce chapitre ,lix de ces fels , favoir le fulfate magnéfien ou le lel d’Epfom , le nitrate magnéfien , le muriate magnéfien , le borate magnéfien , le fluate magnéfien & le carbonate magnéfien. Sorte I. Sulfate de magnésie ou Sel d’Epsom. Le fel neutre formé par l’acide fulfurique uni à la magnéfie , a été appelé fel d^Epfom , à raifon du lieu d’où on le droit autrefois en plus gran- de quantité : c’efi une fontaine d’Angleterre. Il exille encore dans les eaux d’Egra , de Sedlitz, de Seydfchutz. Son véritable nom eit fulfate de magnéfie ou fulfate magnéfien. Ce fel a une faveur très-amère , aufii lui a- t-on donné le nom de fel cathar clique- amer. Il eft dans le commerce fous la forme de très- petites aiguilles terminées par des pyramides fort aiguës ; -dans cet état il relfemble alfez au fulfate de foude ou fel de Glauber , mais fa faveur eft plus amère , il ne s’effieurit point à l’air, &,fa crifiallifation eft bien differente lovf- qu’elle eft très - régulière ; on l’obtient en le laiffant criftallifer fpontanément fous la forme s 8 o Elémens de beaux prifmes quadrangnlaires, terminés par des pyramides également quadrangulaires ; les faces de fes prifmes & de fes pyramides font lilTes 8c fans canelures , & fes crittaux font en général plus courts & plus gros que ceux du fulfate de fonde; d’ailleurs toutes fes autres pro- priétés le diftinguent de ce fel neutre parfait, comme on va le voir. Le fulfate de magnéfie retient allez d’eau de crillallifation , pour être en état deprouver comme le fulfate de foude 8c le borax, la liqué- faction aqueufe. Il fe fond à la plus légère chaleur ; il fe prend en une malle informe par le refroidilfernent. Lorfqu’on le lailfe fur le feu, après qu’il a éprouvé la liquéfaction aqueufe , il fe defsèche en une malfe blanche , friable , qui n’efl que le fel privé de fon eau de crif- tallilation, 8c dont la nature n’a point changé. Il faut un feu extrême pour faire éprouver une véritable fufion ignée au fulfate magnéfien def- féché. Ce fel contient près de la moitié de fon poids d’eau de crillallifation. Macquer 8c plufieurs chimifles ont dit qu’il s’humeête légèrement à l’air , & que cette pro- priété peut fervir à le faire diilinguer du fulfate de foude qui s’y effieurit. MaisBergman annonce, au contraire, qtfexpofé à un air fec, le fulfate magnéfien perd d’abord fa tranfparence , & d’Hist. Nat. et de Chimie. fc réduit à la fin en une poudre blanche ; & il avance que celui qu’on vend en petites aiguilles, eh humide 3c déliquefcent à caufe du muriate de magnéfie qu’il contient. M. Butini y, citoyen de Genève^, à qui l’on doit de fort bonnes recher- ches fur la magnéfie , dit avoir trouvé dans le fel d’Epfom d’Angleterre du fulfate de foude ou fel de Glauber , auquel on pourroit attribuer cette effiorefcence ; mais le fulfate de magnéfie bien purifié quoique perdant un peu de fa tranf- parence à l’air , n’eh point à beaucoup près efflorefcent comme le fulfate de foude, qui fe réduit entièrement en poulfière au bout d’un certain tems. Le fulfate de magnéfie eh fi diholuble dans l’eau, qu’il ne demande pas deux parties de ce fluide froid pour être tenu en diholution , & que l’eau chaude peut en diflbudre près du double de fou poids. Il fe crihallife par le refroidifle- ment ; mais pour l’avoir très-régulier , il faut îaiJTer évaporer fpontanément une diholution de ce fel faite à froid. Ce fel n’éprouve aucune altération de la part des terres filicée & alumineufe. La baryte le décompofe parce qu’elle a plus d’affinité avec l’acide fulfurique que n’en a la magnéfie. La chaux le décompofe par la même raifon* M iij 182 É lé m e n s Si l’on met un peu de fulfate de magnéfie dans de l’eau de chaux , ou fi l’on verfe cette dernière dans une difTolution de ce fel , il fe forme un précipité dû à la magnéfie & au fulfate calcaire. Cette précipitation efi un caraélère sûr pour diftinguer le fulfate magnéfien de celui de foude. Les aîkalis fixes purs décompofent auiïi le fulfate de magnéfie. L’ammoniaque cauftique ayant la même propriété , tandis qu’elle ne dé- compofe pas le fulfate calcaire, il efi démontre que ce fel a plus d’affinité avec l’acide fulfurique que n’en a la magnéfie , & qu’il en a moins que la chaux ; il peut donc fervir à faire diftinguer dans les eaux la préfence du fulfate magnéfien. C’eft ainfi qu’on obtient par l’ammoniaque cauf- tique la magnéfie pure , dont nous avons fait l’hiftoire au commencement des matières falines. Bergman a vu cependant que l’ammoniaque ne précipite point complètement la magnéfie du fel d’Epfom , 8c qu’il y a une partie de ce fel qui refte fans décompofition. La liqueur après ce mélange tient en diflolution du fulfate ammo- niacal 3c du fulfate magnéfien ; les chimiftes ont découvert que ces deux fels forment enfemble une efpèce de fel triple, ou compofé d’un acide 8c de deux bafes ; mais pour éviter l’erreur a remarquons , que quoique ces fois fe trouvent d’Hist. Nat. et de Chimie. rSj clans la même eau , l’un eft formé par l’acide fulfurique uni à l’ammoniaque , & l’autre par le même acide combiné avec la magnélîe ; tous les deux ont une portion différente d’rcide* 8c ce n’eit pas la même qui adhère en même- tems aux deux bafes ; mais ces deux fulfates ont une affez forte attraélion l’un pour l’autre , ils fe criftallifent enfemble , & c’eff cette union opérée par la criftallifation qu’on peut appeler fel triple ou fulfate ajnmoniaco-ma - gnéjîen. On ne connoît pas encore bien l’adion du fulfate magnéfien fur les fels neutres à bafe d’alkalis iixes de d’ammoniaque. Il eft probable qu’il décompoferoit les fels nitriques & muriati- ques de ces deux genres par une double affinité» AI. Quatremère Dijonval affure dans une lettre à M. de Morveau , ( Journal de phyfique , Alai 178a, vol. XVII, pag. 391 ,) que lorfqu’on unit une diffolution de fulfate de magnéfie avec une diffolution de fulfate ammoniacal , il s’opère une précipitation totale du premier fel fans décompofition ; celui-ci, dit-il , tombe au fond du verre fous la forme de crillaux affez gros , qu’on peut reconnoître par la faveur , Sec. Il attribue cet effet à ce que le fulfate ammoniacal eft fufcepfible de s’emparer de l’eau du fulfate de magnéfie j qu’il croit être très - c ri ftalli fable» M iy I ) I84 É L É M E N S Mais c’efi une erreur , puifque le fel crifiallife dans cette operation ell un vrai fel triple ou fulfate ammoniaco-magnéfien , comme je m’en fuis alTuré par l’expérience. Quant aux Tels carboniques, il efi certain que îe iulfate magnéfien les décompofe , & qu’il eft décompofe par eux. Lorfqu’on verfe une dif- folution de carbonate de potafîe ou de foude dans une difiolution de fulfate de magnéfie , il y a alors double décompofidon & double combinaifon. L’acide fulfurique du fel d’Epfom s’unit aux alkalis fixes , l’acide carbonique qui fe fépare de ces derniers fe reporte fur la magnéfie , Sc forme avec elle un fel neutre , connu fous le nom de magnéfie douce ou ejfier- vefeente , Sc que nous nommerons carbonate do magnéfie. C’efi par ce procédé que l’on prépare la magnéfie douce dont on fait ufage en mé- decine , comme d’un très-bon purgatif. Nous décrirons très en détail cette opération à la fin de ce chapitre. Une difiolution de fulfate de chaux , mêlée avec une diffolution de fulfate de magnéfie , offre la précipitation de ce dernier , fuivant M. Dijonval, quoique ce phénomène foit peu fenfible à caufe de la petite quantité de fulfate calcaire tenue en difiolution. Le nitrate Sc le miïriate calcaires décompofent aufii le fulfate d’Hist. Nat. et de Chimie. ï8£ * N de magnéfie, & font décompofés en même- tems par ce feb mais nous ne croyons pas que Ton puïiïe en conclure, avec AI. Dijonval, que les acides nitrique & muriatique ont plus d’affinité avec la magnéfie , que n’en a l’acide fulfurique , puifque dans ces expériences on doit néceffairement tenir compte des attradions éledives doubles. Bergman dit que le quintal de fulfate de magnéfie crilïaliifé contient dix-neuf parties de magnéfie pure , trente-trois d’acide fulfurique, & quarante-huit d’eau. Le fulfate de magnéfie ou fel d’Epfom eft employé en médecine avec beaucoup de fuccès. C’eft un purgatif fort utile , & qui jouit en même-tems de la propriété fondante. On le préfère même aux autres fels purgatifs à caufe de fa grande diflblubilité. On l’a d minière , ou feul , diffous dans l’eau, depuis une once jufqu’à deux , ou comme adjuvant , à la dofe d’un à deux gros. Il minéralife la plupart des eaux purgatives naturelles , & fpécialement celles d’Egra, de Sedlitz, de Seydschutz, mais il y efl toujours accompagné de muriate de magnéfie. Sorte II. Nitrate magnésien. Le nitrate magnéfien appelé jufqu’ici par les chimifles nitre de magnéfie ou magnéfie l86 É L É M E N S nitrée , a été examiné par Bergman. Cet illuffrs chimifte dit que la diffolution de ce Tel fait par l’art , donne apres une évaporation convenable des criltaux prifmatiques , quadrangu! aires , fpathiques , fans pyramides. Ce fel a une laveur âcre & très-amère ; il fe décompofe par la chaleur ; il attire l’humi- dité de l’air. Il ell très - diffoluble dans l’eau ; on ne l’obtient criilallife que par une évapora- tion lente -, & l’on ne connoit même pas allez bien les loix de fa criflaliilatîon , pour le faire paroître à volonté fous fa forme régulière , comme cela a lieu pour un grand nombre d’autres fels. La baryte , la chaux & les alkalis le décompofent. Comme le nitrate magnéfien fe trouve diffous dans les eaux mères du nitre , M. de Morveau a propofé d’en retirer en grand la magnéfie , en les précipitant par l’eau de chaux. Ce pro- cédé pourroit être très -avantageux par la faci- lité de fon exécution 6c le peu de frais qu’il demande ; mais le même chimifte ayant obfervé que l’eau de chaux récente précipite le nitrate calcaire bien pur , lorfque celui-ci ne contient point affez d’çau de diffolution , la magnéfie qu’on obtiendrait par ce procédé n’auroit point le degré de pureté convenable à un médicament auffr utile > fi l’on n’opérait pas cette précipita- d’Hist. Nat. et de Chimie. 1S7 tion fur des eaux-mcres étendues d’une très- grande quantité de liquide. L’acide fulfurique N l’acide fluorique déga- gent l’acide du nitrate de magnéfie. L’acide boracique le fépare auffi à l’aide de la chaleur , & à raifon de fa fixité. Telles font les propriétés de ce fel indiquées par Bergman. M. Quatremcre Dijonval , qui a fait des re- cherches fur plufieurs combii'iaifons de la magnéfie, a trouvé dans le nitrate magnéfien quel- ques propriétés très-différentes dë celles annon- cées par le chimifte d’Upfal. Il dit avoir obtenu des criftaux non déliquefcens de nitrate magnéfien , 8c il ajoute même que les fels magnc-liens font autant crihallifables 8c portés à s’effleurir que les fels calcaires font avides d’humidité. Le nitrate de magnéfie paroît être fufceptibîe •de décompofer , à l’aide des affinités doubles, les fulfates de potaffe, de fonde 8c d’ammonia- que ; mais ces décompofitions ne font point fenfîbles dans le mélange des diffolutions de ces différens fels , comme dans celles qui font opérées par le nitrate calcaire , parce que les nitrates de potaffe, de foude 8c d’ammoniaque , ainfi que le fulfate de magnéfie, qui en réfultent, font tous très-folubles dans l’eau , tandis que le fulfate de chaux, formé dans la décompofition I i88 Élément du fulfate de potaffe, defoude & d’ammoniaqner par le nitrate calcaire, préfente un précipité très-abondant. Cependant on peut fe convaincre de l’effet de ces affinités doubles opérées par le nitrate magnéfien en évaporant les liqueurs. On trouve les nitrates formés par le tranfport des alkalis fur l’acide nitrique , & le fulfate de magnéfie réfultant de l’union de l’acide fulfu- rique des fels décompofés avec la bafe du nitrate magnéfien. \ M. Dijonval a annoncé un fait digne de toute l'attention des chimifîes. C’eft la précipitation du nitrate magnéfien , opérée par le nitrate calcaire. Lorfqü’on mêle , dit M. Dijonval , des diffolutions tranfparentes & bien pures de ces deux fels 3 le nitrate de magnéfie fe dépofe fur- îe-champ fous la forme criflalline , 8c fans être décompofé en aucune manière ; la liqueur retient en diffolution le nitrate calcaire. Il eft très^- fîngulier que deux fels qui , feparés , ont allez d’eau pour être diffious parfaitement , préfen- tent dans leur mélange la précipitation 8c la criflallifation fubite de l’un des deux. M. Dijonval penfe , comme nous l’avons déjà annoncé plus haut , que cela dépend de la grande tendance du nitrate calcaire pour s’unir à l’eau. Ce le! pouvant , fuivant lui , abforber une plus grande # quantité d’eau que celle qui lui ett néceffaire d’Hist. Nat. et de Chimie. 189 pour être tenu en diffolution , des qu’on mêle avec lui une diffolution de nitrate de magnéfie, qui d’ailleurs tend fortement à fe crillallifer , il s’empare auffi-tôt de beau de criflallifation de ce dernier, & alors le nitrate de magnéfie n’étant plus équipondérable à la quantité d’eau qui le foutenoit , fe précipite fous fa forme crifialline. Cette explication ne paroît pas lever plufieurs difficultés qu’il efl pofiible de lui oppofer. Comment en effet un fel, quelque diffoluble qu’il foit , & quelque tendance qu’il ait pour fe combiner avec l’eau , peut-il s’emparer de l’eau de criftallifation d’un autre fel , lorfqu’il efl lui- même uni à uneaffez grande quantité d’eau pour être tenu en diffolution ? Si l’on répond qu’il n’eft pas faturé d’eau , il exifle donc un point de faturation où le nitrate calcaire cefferoit de faire ainfî précipiter le nitrate de magnéfie ; 8c c’eft ce qu’il auroit été néceflaire de démontrer. 'sCette fuppofition même admife , comment le nitrate calcaire s'empareroit-il de l’eau de crif- tallifation du nitrate magnéfien, tandis qu’il peut abforber celle qui tient en diffolution ce même fel , avant de lui enlever la portion de ce fluide qui doit faire partie confiituante de fes criflaux ? Enfin , comment peut-on concevoir dans cette explication, que le nitrate magnéfien, privé de l’eau de fa criûallifation par le nitrate calcaire, ipô E L É M E ÎST S foit fufceptible de fe précipiter fur-le-champ fous la forme criftalline , tandis, qu’il a perdu un des élémens de fes criftaux ? Nous croyons d’après ces obfervations , qu’il a échappé à M. Dijon val quelques circonftances dans le phénomène qu’il a obfervé , & qu’il tient à une caufe qu’on ne connoîtra bien que lorfqu’on aura répété & varié cette expérience de beau- coup de manières différentes , relativement à la quantité d’eau , des fels , à la tempéra- ture , &c. Le nitrate magnéfien n’eft d’aucun ufage dans les arts ni dans la médecine. Sa faveur forte , fa déliquefcence St toutes fes propriétés annon- cent qu’il auroit une forte aétion fur l’écono- mie animale, St il feroit fort à defîrei quon l’effayât comme fondant St incifif dans tous les cas où les médicamens de ce genre font in- diqués. Sorte III. Muriate magnésie n. Ce fel qui eff la combinaifon faturée d’acide muriatique St de magnefîe , exilte dans toutes les eaux falées , St dans toutes celles qui tiennent du fulfate de magnéfie en diffolution, comme les eaux d’Epfom , d’Egra , de Sedlitz , de Seyds- chutz St beaucoup d’autres ; il eh infiniment plus commun qu’on ne l’a cru. d’Hist. Nat. et de Chimie, xpi Le muriate magnéfien aune faveur très-amère puifque l’argile, quelque pure qu’elle ' foit, contient toujours de la filice. Le fulfate d’alumine ou l’alun a une faveur d’abord douceâtre 8c enfuite fortement aftrin- gente ; il rougit le papier bleu , ce qui annonce qu’une portion de fon acide efl à nud & n’eft point faturée. Il efl fufceptible de prendre une forme très-régulière qui fera décrite plus fias. L’alun n’exifle prefque jamais pur & ifolé dans la nature ; on le trouve quelquefois dans le voifinage des volcans ; il efl toujours mêlé avec de l’argile. Les minéralogifles , 8c fur - tout Wallerius , ont diflingué plufîeurs fortes d’alun natif, tels que l’alun folide , l’alun criflallifé, l’alun en efflorefcence , les terres alumineufes blanches , gtifes , brunes , noires , les fchifles alumineux. On connoît plufieurs fortes d’alun dans le commerce. i°. L’alun de glace ou de Roche en malles conlidérables & tr.infparentes. Bergman croit que ce nom lui vient de la ville de Roche en Syrie, aujourd’hui EdeJJe, où étoit établie la plus ancienne manufaéture de ce fel , 8c non pas de fa forme feinblable à celle d’un rocher, comme l’ont dit plufieurs auteurs, ou bien de ce qu’on le retire des rochers ; cette efpèce d’alun efl fort impure. b’Hist. Nat. et de Chimie. 21 i 20. L’alun de Rome, qui fe prépare dans le territoire de Civita-Vecchia , & qu’on retire d’un lieu nommé en italien Aluminiue délia. Tolfa ; cet alun eft en morceaux gros comme des œufs ; il eft couvert d’une efflorefcence rougeâtre ; il paffe pour pur , lorfqu’on en a Téparé cette efflorefcence. 30. L’alun de Naples, que l’on extrait d’une terre particulière à la Solfatare ; il eft en malles plus greffes que celui de Rome, & une de fes furfaces eft toute hériffée de criftaux pyra- midaux. 4°* L’alun de Smyrne ; c’eft à ce qu’il paroît dans les environs de cette ville & de Conftan- tinople , qu’ont été élevées les plus anciennes manufactures d’alun. Il n’en exifte que quelques échantillons dans les cabinets. y0. L’alun de France; on prépare de toutes pièces de l’alun dans plufieurs manufaétures de France, & fur-tout à Javel près Paris. 6°. On peut extraire de l’alun des fchiües efflorefcens , & des produits volcaniques. J’en ai retiré une quantité notable d’une terre qui m’a été envoyée d’Auvergne; on pourrcit retirer ce fel de plufieurs fubftances analo-. gués que la France pofsède, 8c enlever ainfi cette branche de commerce aux étrangers. On extrait ainfi l’alun des terres ou des pierres O >j £12 E L i M E w s ■qui le contiennent dans beaucoup d’endroits de l’Allemagne où il y avoit des manufadures dès 1544, en Angleterre, en Efpagne , en Suède, & dans prefque toutes les parties de 'l’Europe. Beckman a fait fur l’hiftoire de la fabrica- tion de ce fel une dilTertation très - détaillée que l’on trouve dans les ades de Gottingue. Il paroît , d’après les recherches de ce favant , que les peuples de l’Orient ont les premiers préparé ou extrait de l’alun ; car ce que les anciens , & Pline en particulier , appeloient chïjlon , trichitès , calchitès , & qu’ils parodient avoir confondu avec l’alumen& le ç-uttt«p A des grecs , paroît plutôt appartenir aux différens états du fui fa te martial ou de la couperofe verte. Les italiens prirent à bail les fabriques d’alun des environs de Conftantinople ; vers l’année 14x5) , Bartholomé Perdix ou Pernix génois découvrit une mine de ce fel dans l’ile d’Ifchia -, dans le même tems à-peu près Jean de Cadro en trouva une autre à la Tolfa, 8c bientôt il s’établit un grand nombre de fabri- ques d’alun en Italie , fur tout lorfque le pape Pie II défendit l’importation de l’alun d’Orient. Cet art pafTa enfuite en Efpagne , en Allema- gne , en Angleterre 8c en Suède vers le commen- cement du dix-feptième fiècle, (V. Beckman .) dHist. Nat. et de Chimie. 213? La préparation du fulfate d’alumine eft très- variée fuivant les pays & les matières d’où on îe retire. Bergman qui a fait une très-bonne diiïertation fur cet objet, divife les matières que l’on emploie pour préparer ce fel , & que l’on nomme ordinairement mines d'alun , en deux efpèces j, celles qui le contiennent tout formé 3 & celles qui n’en contiennent que les principes.. Les premières n’ont befoin que d’être leftivées pour fournir leur alun ; telle eft la terre qui fe trouve à la Solfatare, telle eft auffi celle d’Auver- gne dont j’ai parlé. A la Solfatare on met -cette terre avec de l’eau dans des chaudières de plomb, enfoncées dans le fol. La chaleur naturelle du fol favorife la difTolution & la criftallifation de l’alun ; on le purifie par une fécondé criftalli- fation. On pourroit lefftver ainll les terres de l’Auvergne , &c. évaporer l’eau dans des chau- dières de plomb , & faire criftallifer l’alun. Quant aux fubftances naturelles qui ne con- tiennent que les principes du fulfate d’alumine, de qui font beaucoup plus communes que les premières , elles demandent une préparation pré- liminaire avant de fournir ce fel neutre ; il faut les calciner ou les expofer à l’air , fuivant leur nature. Les fehiftes alumineux demandent à être calcinés , afin de brûler le bitume qui les colore , & de décompofer les pyrites qui doivent O iij Ï2I4- Elémens fournir l’alun. Bergman s’ed affiné qu’avant d’avoir été calciné , ce fchiffe ne donne pas un atome d’alun , lorfqu’on le lave avec de l’eau. I/expofition à l’air fait le même effet fur les pyrites pures que l’on arrofe d’eau. La décom- pofîtion fpontanée de ces fubdances produit de l’acide fulfurique qui fe porte fur l’argile & forme de l’alun. On lelîive ces pyrites effleu- ries, on laide dépofer à plufieurs reprifes le fer que contient la leffive , on la fait évaporer & on la met criftallifer dans des tonneaux. Le fel fe dépofe en gros criftaux. On emploie fouvent une forte leffive des favoniers pour fa- ciliter la cridallifation de l’alun. Tel ed le pro- cédé qu’on fuit dans plufieurs manufactures ; mais ces aluns retirés des pyrites contiennent toujours plus ou moins de fer; celui que l’on retire des pierres où il exide tout formé , ed toujours plus pur , comme l’alun de Rome. L’alun qu’on fabrique en combinant directement l’acide fulfurique avec les argiles ed fouvent mêlé d’une certaine quantité de fer , parce que les argiles colorées qu’on emploie pour cette préparation font chargées de ce métal. Le fulfate d’alumine fous fa forme régulière , ed un oétaèdre parfait formé de deux pyramides tétraèdres jointes bafe à bafe. Cette forme varie beaucoup fuivant les circondances de la d’Hist. Nat. et de Chimie. 2i>y crihallifation; l’odaèdre eh plus ou moins tron- qué, irrégulier, aigu, applati. Les angles font plus ou moins complets, coupés, les erihaux font Couvent réunis & comme emboités les uns dans les autres par leurs pyramides. M. Rome de Lille a décrit avec beaucoup de foin toutes ces variétés dans la nouvelle édition de fa Ciif- tallographie. Ce fel fe liquéfie à une chaleur douce ; il exhale des vapeurs aqueufes très -abondantes : il fe bourfouffle beaucoup , & il offre une malle très-volumineufe , légère, d'un blanc mat, & remplie de beaucoup de cavités. Ce phénomène eh dû, comme dans le borate , au dégagement., de l’eau, dont les bulles foulèvent peu-à-peu & étendent les molécules falines. L’alun dans cet état prend le nom d’alun calciné; il a peidu à-peu-près la moitié de fon poids ; il ell un peu altéré , il rougit le firop de violettes ; fa faveur eh beaucoup plus confidérable , & il fen.ble que fon acide fe foit développé- Si on le diffout dans l’eau , il s’en précipite un peu de terre ; on peut le faire erihallifer , mais il ne fe bourfouffle prefque plus lorlquon le cal- cine de nouveau, fuivant l’obfervation de M. Baume. Si on calcine de l’alun dans un appa- reil dihillatoire, on obtient du phlegme qui fur la fin devient acide ; mais on ne peut pas le , O iv \ 21 6 E t É M E N S décompofer entièrement, puifque Geoffroy l’a tenu dans une cornue à un feu extrême , pen- dant trois jours & trois nuits , fans qu’il ait fubi d’altération bien remarquable. Cependant je penfe qu’on n’a point encore examiné conve- nablement les changemens que l’alun éprouve de la part d’un feu Iong-tems foutemv Le fulfate d’alumine s’effleurit légèrement à l’air, 8c perd l’eau de fa criftallifation. Ce fel n’eft que peu diffoluble dans l’eau froide , puif- que deux livres de ce fluide ne peuvent diffoudre que quatorze gros d’alun , fuivant M. Baumé ; mais l’eau bouillante en diffout plus de la moitié de fon poids. Huit onces de ce fluide dans cet état peuvent tenir en diffolution cinq onces de ce fel. Il fe cridallife très-bien par refroidif- fement. Ses criflaux parodient être des efpèces de pyramides triangulaires dont les angles font tronqués, mais qui ne font que des portions d’oétaèdres. Lorfqu’ils fe dépofent fur des fils au milieu de la diffolution , ils forment alors des oétaèdres très-réguliers , dont les pyramides précédentes ne font qu’une ‘moitié coupée obliquement. La terre fîlicée ne fait éprouver aucun chan- gement notable au fulfate d’alumine. Ce fel peut s’unir à une plus grande quantité d’alumine qu’il n’en contient dans fon état ordinaire. II d’Hist. Nat. et de Chimie. 217 prend dans cette union les caractères de l’argile commune , fuivant les recherches de M. Baume. Pour Pâturer l’alun de fa terre , on fait bouillir une diflolution de ce fel avec de l’alumine bien pure; on continue de chauffer ce mélange jufqu’à ce qu’il ait perdu la faveur ffyptique. La combinaifon bien faite n’a plus qu’une faveur fade, douceâtre & terreufe. M. Baume a ob- fervé qu’en la faifant évaporer , on en obtenoit des paillettes femblables au mica. M. le duc de Chaulnes ayant laide long-tems expofée à l’air une leffive de ce fel faturé de fa terre , y trouva au bout de quelques mois des criftaux cubiques très-réguliers. M. le Blanc a également obtenu ces criffaux cubiques à volonté. Il paroît qu’on ne peut plus faire repaffer l’alun làturé de fa terre à l’état de véritable alun , comme il étoit auparavant. Le fulfate d’alumine peut être décompofé par la baryte & par la magnéfie , qui ont plus d’affinité avec l’acide fulfurique que n’en a l’alumine. Il réfulte du fulfate barytique ou magnéfien de ces décompofitions. L’eau de chaux verfée dans une diffolution de ce fel neutre , en précipite ia terre. Les alkaîis fixes, ainfi que l’ammoniaque, ont auffl la propriété de décompofer l’alun. Les car- bonates de potaffe , de fonde, d’n mm. o- 21 8 É L É M E N S niaque , de chaux & de magnéfie en féparent auiTi l’alumine qui retient une portion de l’acide carbonique , fî la précipitation fe fait à froid j mais j’ai obfervé qu’en prenant une diiïolution d’alun , ainfi que des diffolutions des carbonates alkalins chaudes , 8c en mêlant les liqueurs , la précipitation eft accompagnée d’une efTervef- cence produite par le dégagement de l’acide carbonique. L’alumine précipitée par ces differentes fubf- tances , eft ftocconneufe , elle fe dépofe peu-à- peu ; de (léchée doucement , elle elt très-blan- che , elle décrépite au feu comme les argiles ; la chaleur forte lui donne une dureté confidé- rable ; fon volume eft en même - tems fort diminué , 8c elle prend beaucoup de retraite ; elle n’eft point fufible , même au plus grand feu , telle que celui de la lentille du jardin de l’Infante. Elle relient les dernières portions d eau avec une fi grande force , qu il faut un feu de la dernière violence pour l’en priver. Elle fe délaye dans l’eau, & forme une pâte qui a du liant , & qui fe cuit au feu en une porcelaine d’excellente qualité. L’alumine a donc tous les caradères des terres argileufes , 8c c’eft 1 aigile la plus pure que l’on puiffe fe procurer , ainft que l’a annoncé Macquer. On ne connoît pas bien l’adion de la baryre, d’Hist. Nat. et de Chimie. 2ï travailloit fur la matière fécale humaine , pour d’Hist. Nat. et de Chimie. 221, en tirer une huile blanche qui devoir fixer le mercure en argent fin. Ce travail fut l’origine de plulieurs découvertes. Un réfidu de cette matière animale, diilillée avec de lalun, prit feu à l’air. Homberg répéta plufteurs fois ce procédé, qui lui réuftit conft’ammenr. Lémery le cadet a publié en 1714 & 17 deux Mé“ moires, dans lefquels il a annoncé qu’on pouvoit faire du pyrophore avec un grand nombre de matières végétales 8c animales, uaitces pari alun. Mais il n’a pas réufti à en former avec plufieurs autres fels fulfuriques. Ces deux chimiftes, qui regardoient 1 alun comme une combinaifon d’acide fulfurique & de terre calcaire, penfoient que cette dernière , réduite à l’état de chaux , attiroit l’humidité de l’air , & enfïammoit par la chaleur qui s’excitoit dans le mélangé , le foufie qu’ils favoient s’y former. Depuis ces chimiftes , le Jay de Suvigny , doâeur en médecine , a donné fur le pyro- phore un très-bon Mémoire imprimé parmi ceux du troifième volume des Savans Etrangers. Il y détaille un grand nombre d’expériences par lefquelles il eft parvenu à taire du pyro- phore , non-feulement avec l’alun 8c diffei entes matières combuftibles , comme l avoit fait Le- mery, mais encore avec la plupart des fels qui contiennent l’acide fulfurique. Ce médecin 222 É r É M E N ^ a auffi donné fur l’inflammation du pyrophore expoie à l’air , une théorie qui a cté adoptée par tous les chimifles jufqu’à ces derniers tems. II penfe que le pyrophore contient de Vhuile de vitriol glaciale qui , attirant l’humidité de l’air & s’échauffant fortement , allume le foufre & produit l’inflammation fpontanée. Pour préparer le pyrophore , on fait fondre dans une poêle de fer trois parties d’alun avec une partie de fucre , de miel ou de farine ; on defsèche ce mélange jufqu’à ce qu’il foit noi- râtre , & qu’il ne fe bourfoulfle plus ; on le concaffe ; on le met dans un matras ou dans une fiole lutée avec de la terre , on place ce vaifleau dans un creufet avec du fable; on le chauffe jufqu’à ce qu’il forte du col de la fiole une flamme bleuâtre ; & lorfqu’elle a brûlé pendant quelques minutes , on retire le creufet du feu ; on le laide refroidir , & on verfe le pyrophore qu’il contient dans un flaccon bien fec & qui bouche exactement. Si l’on expofe ce pyrophore à l’air , il s’enflamme d’autant plus vite que l’atmofphère efi plus humide. On accélère fa combufiion en dirigeant à fa fur- face une vapeur humide , comme celle de Phaleine. Il ne faut pas chauffer trop long- tems le pyrophore, fans cela il ne prend plus leu à l’air. Il' fe charge peu-à-peu d’humidité, lor> d’Hist. Nat. et de Chimie. 22^ ; qu’il elt dans un vaifleau mal bouché ; il perd j fa combuflibilité, mais on peut la lui tendre ; eu le calcinant de nouveau avec les précautions indiquées. Telles étoient les connoiffances que l’on avoit 1 fur le pyrophore avant M. Prouft , qui a donné : d’utiles recherches fur cette matière dans le I Journal de Médecine, juillet 1778. Ce chi- : mille ayant eu occafion de trouver dans fes : expériences un grand nombre de îefïdus pyro- phoriques, dans lefquels on ne pouvoit pas foupçonner l’exiftence de l’acide fulfurique , a cru que cet acide n’ell pas la caufe de 1 inflam- mation fpontanée du pyrophore; il a prouvé par une expérience bien Ample quen effet cette ïubflance combuflible n’en contient pas un atome de libre , puifqu’en verfant de 1 eau fur le pyrophore , rl ne fe produit point de chaleui. 11 paroît d’aprcs le dénombrement des différens pyrophores qu’il a obtenus , que toutes Ils fubl- tances qui laiffent apres leur decompofition un réfldu charbonneux , divifé par une terre ou par un oxide métallique , font fufceptibles de s’enflammer à l’air. Mais on ne peut dis- convenir que la partie de fon travail que M. Proufl a fait connoître , n’indique point encore la caufe de l’inflammation du pyrophore de Homberg, qui, fuivant lui, différé de ceux ‘22^ , > E r £ jt k s 3 qu’il a obfervés ; & en effet, fou Mémoire n’apprend rien fur la composition de la fubf- tance qui nous occupe. M. Bewly , chirurgien anglois , dans une let- tre écrite à M. Prieftley , attribue l’inflamma- tion du pyrophore à ce qu’il contient une fubf- tance capable d’attirer l’acide nitrique de l’atmof- phère. Il efl fondé dans cette opinion , parce qu’il a découvert que l’efprit de nitre enflamme fur-le- champ un pyrophore qui n’a pas été affez calciné, ou qui s’eft chargé d’humidité. Mais il n’efl pas démontré d’une part, que l’acide nitrique foit contenu en nature dans l’atmof- phère ; & d’une autre part , M. Proufi a dé- couvert que l’inflammation du pyrophore par l’efprit de nitre , efl due au charbon contenu dans cette fubflance , puifque cet acide détone avec toutes les matières charbonneufes bien sèches & très-divifées , comme nous le dirons plus en détail à l’article du charbon. L’expli- cation de M. Bewly n’efl donc pas plus fatis- faifante que celle des chimiftes qui Pont précédé. La feule manière de découvrir la caiife de ce phénomène , efl de bien connoître la nature chimique du pyrophore de Homberg ; il paroît qu’elle contient la terre de l’alun, une matière charbonneufe très-divifée , fournie par le miel, le fucre , 8c c. un peu de potaffe , 8c du foufre uni d’Hist. Nat. et de Chimie. 22? uni en partie à la terre de l’alun , & en partie à l’alkali. En chauffant fortement du pyrophore dans un appareil pneumato-chimique , on en retire une grande quantité de gaz hydrogène fulfuré , ou hépatique. Lorfqu’il n’en fournit plus, il ne s’enflamme plus à l’air. Si l’on plonge du pyrophore dans l’air vital, il brûlé rapi- dement avec une flamme rouge très-brillante. En le lavant avec de l’eau chaude , on en retire un véritable fulfure d’alumine, & il ne relie plus fur le filtre que la matière charbonneufe 8c un peu d’alumine. Le pyrophore efl alors décom- pofé. Lorfque le pyrophore a cefle de brûler , il a augmenté de poids à caiife de la portion d’oxigène qu’il a abforbée. Sa lelfive fournit alors du fulfate d’alumine , parce que le foufre brûlé par l’action de l’air forme de l’acide fulfu- rique qui s’unit à la terre alumineufe ; mais ce fel eff de l’alun faturé de fa terre. On a donné dans le Journal de Phyfique, Novembre 1780 , des obfervations fur le pyro- phore , dans lefquelles on annonce, i°. que cette fubflance doit fa combuffibilité à une cer- taine quantité de phofphore formé par l’acide des matières muqueufes -, 2°. que la diflillation du pyrophore fournit par once cinq à fept grains de phofphore ; 30. que l’on peut en faire fur- ie-champ en triturant dans un mortier de fer Tome IL P 226 É l é M E N S cinquante-quatre grains de fleurs de foufre, trente-fix de charbon de faule bien fec & trois grains de phofphore ordinaire. Les détails de cette analyfe ne répondent pas exa&ement aux indudions qu’on en tire , puifqu’il n’y efl pas démontré qu’on en ait retiré du. véritable phof- phore. Au refle, ce mémoire offre plufieurs faits intéreflans , & qui feront utiles aux chimifles qui voudront entreprendre une analyfe fuivie du pyrophore. L’alun efl; d’un ufage très-étendu. On l’em- ploie en médecine comme aftringent ; mais il demande beaucoup de précautions pour être adminiftré à l’intérieur. On s’en fert plusfouvent à l’extérieur, comme d’un fliptique & d’un defliccatif puîfîant. Il entre dans les collyres , les gargarifmes , les emplâtres , &c. L’alun efl une des matières falines les puis utiles dans les arts. Les chandeliers le mêlent au fuif pour le rendre plus ferme. Les im- primeurs frottent leurs balles avec l’alun calciné , pour leur faire prendre l’encre. Le bois , im- prégné d’une diffolution d’alun, ne brûle qu av^ec peine ; c’efl d’après cela qu’on a propofe ce moyen pour garantir les édifices des incendies ; on a le même avantage pour le papier; mais celui ci jaunit 8c s’altère afl'ez promptement. Les blanchiffeufes jettent un peu d’alun dans \ - / N d’Hist. Nat. et de Chimie. 227 l’eau trouble pour l’éclaircir. M. Baumé croit que ce fel fe charge d’une partie de la terre Tuf- pendue dans ce fluide , & fe précipite avec elle, en formant un compofé infoluble. Quelques perfonnes fe fervent de ce moyen pour purifier 8c rendre claire l’eau que l’on veut boire. On s’en fert pour préparerles cuirs, pour imprégner les papiers & les toiles que l’on veut colorer à l’aide de l’impreflfon. Une difTolution d’alun retarde la putréfaélion des fubfiances animales. C’efi un moyen très- bon 8c très - économique pour conferver les produâions naturelles que l’on envoie des pays étrangers. La terre d’alun fait la bafe des paffeïs, 8c elle leur donne du corps ; enfin ce fel efl l’ame de la teinture , comme le dit Macquer. Il augmente l’éclat 8c l’intenfité des couleurs ; il donne de la folidité aux parties colorantes ex- tractives, qui fans lui ne feroient point durables 8c s’enleveroient par l’eau. Cette dernière aétion de l’alun fur les matières colorantes végétales , fera examinée dans l’hifioire de ces matières on y verra que c’efl en changeant leur nature, en les décompofant, 8c en les rendant indif- folubles dans l’eau , que l’alun leur fait prendre de la folidité. i. i P ij I É l é m e n s Sorte II. Nitrate alumineux. M. Baumé dit que l’acide nitrique diflout com- plètement la terre de l’alun. Cette diiïblution efl limpide 8c beaucoup plus aüringente que celle de l’alun. Elle donne par une évaporation fpontanée des petits criftaux pyramidaux , très- fliptiques , qui font déliquefcens. On n’a point encore examiné les autres pro- priétés de ce fel ; on fait feulement qu’il eft décompofable par les mêmes intermèdes que l’alun. On ne l’a point encore trouvé dans la nature , & il eft toujours un produit de l’art. Sorte III. Mûri at e alumineux. L’acide muriatique diflout mieux la terre alumineufe que ne le fait l’acide nitrique. Cette diiïblution faturée efl gélatineufe ; 'on ne peut la filtrer qu’en l’étendant dans beaucoup d’eau. La faveur du muriate alumineux efl falée & fliptique-, il rougit le firop de violettes , & le verdit enfuite. Il donne par une évaporation fpontanée des criftaux très-ftiptiques , dont on n’a point examiné la forme : l’eau de chaux le décompofe. Le muriate alumineux efl déliquef- cent ; il a toujours été jufqu’à préfent un pro- duit de l’art. On ne connoît point fes autres propriétés. d’Hist. Nat. et de Chimie. 229 Sorte IV. Borate alumineux. On n’a point encore examiné la combinaiforr de l’acide boracique avec l’alumine , que nous appelons borate alumineux. On fait que fi l’on - verfe une diffolution de borate de fonde dans „ une diffolution de fulfate alumineux, il fe forme un précipité léger 8c floconneux. L’acide ful- furique quitte l’alumine pour s’unir à la fonde. Cette terre fe combine avec l’acide boracique , qui fe fépare en même-tems ; & ce nouveau fel fe rediffout peu-à-peu. Cette liqueur précipite enfuite par l’alkali fixe, 8c elle donne par l’éva- poration une malle vifqueufe 8c aftringente , dans laquelle le fulfate de foude 8c le borate alumineux font confondus. Cette efpèce de borate eft décompofable par les mêmes inter- mèdes que l’alun ; au reffe on n’en a point- examiné avec allez de foin les propriétés. Sorte V. F LU A TE ALUMINEUX. Nous défignons par ce nom la combinailon* d’acide fluorique avec l’alumine. Ce fel neùtre n’eff point connu , 8c on ne l’a point du tout examiné. MM. Schéele, Boullanger & Bergman n’ont rien dit fur cette combinaifon. Sorte VI. Careonate alumineux. L’union de l’acide carbonique avec l’alumine P iij 230 E L É M E N s n’a été encore que peu examinée. II eft cepen- dant certain que cet acide fe combine avec une portion de terre alumineufe, puifque, i°.fuivant la remarque de Bergman, lorfqu’on précipite une diffolution d’alun par les carbonates alkalins, la liqueur filtrée IailTe dépofer au bout de quel- que tems un peu de terre , qui y étoit tenue en diffolution par l’acide carbonique , & qui s’en fépare à mef’ure que ce dernier fe diffipe ; 20. cette précipitation faite à froid ne préfente point d’effervefcence , & une portion de l’acide carbonique qui fe fépare de l’alkali, paroît fe porter fur l’alumine, tandis qu’une autre portion fe diffout dans la liqueur. D’ailleurs il eR reconnu aujourd’hui d’après l’analyfe de ptufieurs terres argileufes faites par quelques chimiftes modernes , qu’elles contien- nent de l’acide carbonique, puifqu’elles font une effervefcence plus ou moins marquée * lorf- qu’on les diffout dans les acides fulftirique 8c. muriatique, d’Hist. Nat. et de Chimie. 231 CHAPITRE X. Genre VI. Sels neutres Barytiques t OU A BASE DE BARYTE. fl baryte forme avec les acides des fels neutres différens de tous ceux que nous avons examinés jufqu’ici , non - feulement par leur forme , leur faveur , leur folubilité, mais encore par les loix qu’ils fuivent dans leur décompo- fition. La bafe terreo-alkaline qui les conflitue a plus d’affinité avec les acides que n’en ont les trois alkalis & les autres terres ; il faut que ces fubflances alkalines foient unies à l’acide carbonique pour pouvoir féparer cette bafe 8c décompofer les fels barytiques. Ces fels font au nombre de fix , favoir , le fulfate barytique ou fpath pefant, le nitrate barytique, le muriat'e barytique , le borate barytique , le fluate bary- tique 8c le carbonate barytique. A ces fix fels il faut ajouter les combinaifons de la baryte avec les acides tunffique, arfénique, molybdique, ex fuccinique ; mais ceux-ci étant bien moins connus, nous n’en parlerons que dans l’hifloire particulière de ces quatre acides. P iv 232 É L Ê M E N S Sorte I. Sulfate earytique ou Spath pesant. Le fpath pefant , regardé jufqu’à préfent comme une pierre par les naturalifles , parce qu’il n’a ni faveur , ni diffolubilité, efl le réfultat de la combinaifon de l’aciae fulfurique avec la baryte , & doit porter le nom de fulfate bary- tique. Ce fel terreux a fouvent été confondu wvec\efpatk fluor ou. fluate calcaire par beaucoup de naturalifles; 8c en effet, il a la même calibre , 8c 11e fait pas plus d’effervefcence que lui avec les acides. Mais fa forme , fon peu de tranf- parence , 8c fur-tout fa pefanteur extrême , le font aflez facilement diflinguer. Un feul caradère chimique fuffit encore pour le faire reconnoître. Si on verfe un peu d’acide fulfurique fur ce fpath réduit en poudre, cet acide le mouille fans en dégager aucune vapeur , ni aucune odeur ; tandis que le fluate calcaire ou fpath- fluor, traité de même, exhale peu- à -peu un gaz d’une odeur piquante, qui forme une fumée blanche dès qu’il eft en contad avec l’air , 8c que l’on reconnoît bientôt pour l’acide fluorique. D’autres naturalifles l’ont confondu avec le fpath féUniteux , mais celui-ci n’a ni la même forme , ni la même infolubilité, 8c il efl décom- pofé par les alkalis fixes purs ou caufliques, tandis que le fpath pefant n’éprouve point d’al- tération de la part de ces fels. d’Hist. Nat. et de Chimie. 233 Le fulfate barytique fe trouve en grande quan- tité dans la nature; il accompagne le plus fou- vent les mines métalliques ;il ell , ou crihallifé, ou en malTes informes, mais toujours difpofé par couches plus ou moins épaiffes , & plus ou moins étendues. Il eh d’une dureté allez con- fidérable, quoiqu’il n’étincèle pas fous le briquet. Ses principales variétés font les fuivantes. Variétés. j. Sulfate barytique ou fpath pefant blanc, demi tranfparent , criflallifé, en prifmes à fix faces , deux très - larges , quatre très-petites, terminés par des fommets dièdres. Ces crihaux font placés obli* quement fur des mahes de même nature. Ils rehemblent à des plaques quarrées allongées, dont les quatre bords auroient été taillés en bifeau à chaque face. Ils font fouvent recouverts de crihaux rhom- boïdaux jaunâtres. On l’appelle comme' le fuivant , Jpatli pefant en tables. 2. Sulfate barytique, ou fpath pefant d’un blanc laiteux en tables fans bifeaux. Il n’eh pas crihallifé régulièrement, mais il eh formé de couches ahez épaihes, pofées les unes fur les autres. Il eh fouvent incruhé d’une pouiïière rouge de mine d’argent rougeâtre o u de pyrites. É L É M E N S 234 Variétés. 3. Sulfite bary tique ou fpath pefant arrondi & demi- chatoyant ; pierre de Boulogne. Elle eft formée de plufieurs filets con- vergens , qui fe réunifient en lames appliquées les unes fur les autres. C’eft cette variété qui eü la plus connue , à caufe de fa propriété phofphorique. Elle a manifeüement été roulée par les eaux. 4. Sulfate barytique ou fpath pefant oétaèdre. ïl a la criftallifation de l’alun ; les fommets des pyramides font fouvent tronqués, ce qui forme un décaèdre. 11 préfente aufil plufieurs autres variétés fuivant l’allongement ou la troncature de fes angles. y. Sulfate barytique ou fpath pefant dodé- caèdre. Il a la forme de certains grenats & de quelques 1 pyrites. Il eû plus rare que le précédent. 6. Sulfate barytique ou fpath pefant pyra- midal. Cette variété , ainfi que la précé- dente , eft indiquée dans le tableau de M. Daubenton. J’avois regardé comme une variété dejpath pefant celui qu’on appelle Jpath perle , & qui avoit été placé autrefois parmi 1 qs fpath fêlé - d’I-îist. Nat. et de Chimie. 23? nlteux comme la plupart des précédentes. Ce fpath eft formé de petites écailles rhombéales fouvent brillantes , qui fe recouvrent oblique- ment les unes les autres. Il eft opaque , bril- lant , comme micacé & femé fur du fpath cal- caire , fur du quartz ou fur la première variété que nous avons décrite. Il eft coloré en jaune ou en vert fale ; quelquefois il eft d’un blanc argentin. C’eft un vrai Jpath calcaire fuivant M. l’abbé Haüy. Margraf, qui a examiné plufieurs variétés de fulfate barytique, telles que la pierre de Bou- logne & le fpath pefant blanc opaque , avoit cm le reconnoître pour une efpèce de félénite ou fulfate calcaire, mêlée avec un peu d’argile, qui la rendoit infolüble ; mais MM. Gahn, Schéele St Bergman y ont trouvé la terre particulière, que nous avons appelée baryte. M. Monnet y avoit auffi reconnu une bafe différente de la terre calcaire par les Tels qu’elle forme avec les acides; mais ce chimifte y admet le foufre tout formé , 8c regarde le fpath pefant comme un foie de foufre terreux criflallifé. Le fulfate barytique fe fond à une chaleur violente, telle que celle des fours de porce- laine, Sec, il donne un verre plus ou moins coloré. Expofé à une chaleur foible , il n’eft nullement altéré. Si 011 le porte da.ns l’obfcurité. 2^6 Elément lorfqu’il a été chauffé un peu fortement, il pré- fente une lumière bleuâtre très-vive. Lemery rapporte qu’un cordonnier d’Italie appelé Vincenzo Cafciarolo découvrit le premier la propriété phofphorique de la pierre de Boulo- gne. Cet homme ramaffa au bas du mont Pa- terno cette pierre dont le brillant & la pefanteur lui avoient fait penfer qu’elle contenoit de l’ar- gent ; l’ayant expofée au feu , pour effayer fans doute d’y reconnoître quelques traces de ce précieux métal, il remarqua qu’elle étoit lumi- neufe dans l’obfcurité ; cette découverte attira fon attention , 8c l’expérience répétée plufieùrs fois lui réufnt conftamment. Beaucoup de phv- ficiens Sc de chimiftes fe font fucceffivement occupés de ce phénomène, 8c ont varié de toutes les manières la calcination de la pierre de Boulogne; les ouvrages de la Poterie, de Mon- talban, de Mentzel , de Lemery , les Mémoires de Homberg, de Dufay , de Margraf contien- nent pluGeurs procédés pour cette opération. On fait aujourd’hui que cette propriété eft commune à toutes les variétés de fulfate bary- tique. Il fuffitde les faire rougir dans un creufet, de les réduire en poudre dans un mortier de verre , d’en faire une pâte avec un peu de mu- cilage de gomme adragant , d’en former des gâteaux minces comme des lames de couteau ; d’Hist. Nat. et dé Chimie. 237 on fait fécher enfuite ces gâteaux , & on les calcine fortement en les mettant au milieu des charbons dans un fourneau qui tire bien ; on 11e les en retire que lorfque le charbon eft confumé & le fourneau refroidi ; on les nettoie par le moyen d’un foufflet , on les expofe à la lumière pendant quelques minutes , & en les portant dans un lieu obfcur, on les voit briller comme un charbon ardent. Ces gâteaux luifent même dans l’eau ; ils perdent peu-à-peu cette propriété , & on la leur rend en les chauffant de nouveau. Mais beaucoup d’autres fubftances préfentent le même phénomène ; la 111a- gnéfie , la craie, le fulfate, & le fluate cal- caire , &c. deviennent lumineux après avoir été chauffés. Macquer a reconnu la même propriété dans la terre de l’alun , le fulfate de potalfe , la craie de Briançon, la pierre à fnlil noire cal- cinée, ce qui prouve que la préfence d’un acide n’efl pas abfolument néceffaire pour la pro- duction de ce phénomène , quoiqu’elle paroiffe contribuer pour quelque choie à Ion intenfité. Le fulfate barytique chauffé dans une cornue, n’a rien donné à Margraf. Ce favant a obfervé que ce fpath n’étoit nullement altéré par cette opération. Ce fel ert parfaitement infoluble dans l’eau • les matières terreufes & falino-terreufes n’ont 238 E L i M Ë N S aucune aétion fur lui. Les allcalis fixes purs ne peuvent le décompofer ; & c’eft-là la propriété la plus fingulière qu’il préfente. En effet , les autres matières terreufes & falino-terreufes ont moins d'affinité avec l’acide fulfurique , que n’en ont les alkalis fixes. La baryte , au contraire , a plus d’affinité que ces fels avec ces acides. Audi nous avons fait obferver, d’après Berg- man, que cette terre décompofoit les fulfates de potaffe & de foude. Il en efl de même de l’ammoniaque. Les acides minéraux n’ont point d’action fur le fulfate barytique , parce que l’acide fulfu- rique efl le plus adhérent de tous à la terre qui fert de bafe à ce fel. Les fels neutres ne l’altc- rent pas davantage, fi l’on en excepte les car- bonates de potaffe & de foude. Ces deux fubllances falines décompofent le jpatn pefant à l’aide des affinités doubles. La baryte efl féparée de l’acide fulfurique , parce qu’elle efl attirée par l’acide carbonique, en même-tems que l’un ou l’autre des alkalis fixes fe porte fur le premier acide. Pour opérer cette décom- pofition, on fait fortement chauffer dans un creufet un mélange de deux parties de carbonate de potaffe , & d’une partie de fulfate barytique réduit en poudre. On leffive cette matière , qui efl à demi- vitrifiée , dans l’eau diflillée ; on filtre / d’Hist. Nat. et de Chimie. 239 la liqueur, & on en obtient par levaporation du fulfate de potafle. La fubflance refiée fur le filtre eft le carbonate de baryte ; on le lave à grande eau pour le bien deffaler , & il efl fous la forme d’une matière pulvérulente très-blanche & très-fine, mais ordinairement impure, parce qu’il contient prefque toujours une portion de fulfate barytique qui a échappé à la décom- pofition. Les fubilances combullibles ayant la pro- priété de décompofer ce fel terreux , peuvent aulli être employées pour en obtenir la bafe. Lorfqu’on expofe au feu, dans un creufet, ce fel pulvérifé avec un huitième de fon poids de charbon en poudre, & lorfqu’on fait rougir le creufet pendant deux ou trois heures, la matière verfée dans de l’eau diflillée , donne fur-le-champ à ce fluide une couleur Jâiffte rou- geâtre, & tous les caractères d’une diffolution de fulfure terreux. En effet , le charbon ayant enlevé l’oxigène à l’acide fulfurique , le foufre mis à nud par cette décompofition s’unit à la baryte qui le réduit dans l’état de fulfure ou d ’hépar. On précipite la diffolution de ce fulfure à l’aide d’un acide ; on choifit l’acide muriatique parce qu’il forme avec cette terre , un fel foluble, tandis que l’acide fulfurique réfor- meroit du fulfate barytique qui efl infoluble • 2^0 È L È M E U 5 on filtre la liqueur décompofée par l’acide; le foufre féparé par cet acide relie fur le filtre, & l’eau filtrée tient en dilïolution du muriate barytique. On le décompofe par une difTolutiôn de carbonate de potafîe , & la baryte fe pré- cipite unie à l’acide carbonique , dont on peut la féparer par la calcination , comme nous lc^ dirons dans un autre article. Ce procédé que j’ai exécuté un grand nombre de fois , ne fournit que très-peu de baryte, & l’on ne trouve fur le filtre de la précipitation de l’hépar par l’acide muriatique que quelques atomes de foufre , fi l’on ne fait pas chauffer très - fortement le mélange. Pour aider la décompofition de ce fel terreux , Bergman & Schcele ont prefcrit d’ajouter au mélange de fulfate barytique 8c de charbon un quart environ de fel fixe de tartre . Alors on fépare plus facilement le foufre & la baryte; ce qui dépend de la fufion plus complète opérée par l’alkali fixe. On voit , d’après les deux procédés par les- quels on décompofe le fulfate barytique, ainfi que d’après l’examen de toutes les propriétés de ce fel, combien la terre ou la fubflance falino- terreufe qui en fait la bafe , difiere de celles que nous connoiffons , favoir , de l’alumine , de la chaux 8c de la magnéfie. Le fulfate barytique n’efl abfolument d’aucun u Page i l d’Hist. Nat. et de Chimie. 241 ufage dans les arts : on en prépare des gâteaux phofphoriques , & on en extrait la baryte pour Tufage des laboratoires de chimie. ' Sorte II. Nitrate barytique. L’acide nitrique s’unit facilement à la baryte ; il réfulte de cette combinaifon un fel neutre , qui donne ou de gros criftaux hexagones , ou de petits criftaux irréguliers , fuivant M. d’Ar- cet : on ne l’obtient crifiallifé qu’avec affez de difficultés. Le nitrate barytique fe décompofe au feu , & il donne de l’air vital. Il attire l’humidité de l’air ; & cependant il lui faut une allez grande quantité d’eau pour _ • être tenu en diffiolution. Les alkalis purs ne le décompofent point non plus que le fable , l’alumine , la chaux & la rna- gnéfie. L’acide fulfurique verfé dans la diffiolution du nitrate barytique en précipite fur-le champ du fulfate de baryte. L’acide fluorique s’empare auffi de fa bafe. Les carbonates alkalins le décompofent par une double affinité. Ce fel n’ell encore que trcs-peu connu. Sorte III. Muriate barytique. Ce fel a été auffi peu examiné que le précé- Tome II, Q 2^2 É L É M E N S dent. Bergman dit qu’il eft fufceptible de crif- tallifer, & qu’il ne fe diffbut que difficilement ; on l’obtient en effet fous la forme de ctiflaux quarrés Sc allongés affez femblables à ceux du fpath p e faut en tables. Le fable , l’alumine , la chaux , la magnéfie Sc les alkalis cauftiques ou purs n’ont nulle aôion fur ce fel, Sc n’en féparent point les principes. Les acides fuîfurique de fluorique décompo- fent ce fel, en s’emparant de fa bafe. Les carbonates de potaffe Sc de foude en précipitent la baryte unie à l’acide carbonique, Bergman met le muriate barytique au nom- bre des réaélifs les plus fenfibles ; Sc il le pro- pofe pour reconnoître la plus petite quantité poffible d’acide fuîfurique contenu dans une eau minérale. Une ou deux gouttes de diflb- iution de ce fel verfées dans environ trois livres d’eau chargée de douze grains de fulfate de foude en criftaux, y produifent bientôt des ftries blanches de fulfate barytique , formé par la double décompofition de ces deux fels , Sc par le tranfport de l’acide fuîfurique fur la baryte ; il relie du muriate de foude en dilTolution dans la liqueur : tous les fels fulfuriques font égale- ment fenfibles par ce réaétif qui les décompofe en formant du fulfate barytique. Hist. Nat. et de Chimie. 24? Sorte IV. Borate barytique. On ne connoît point du tout cette combi- naifon de l’acide boracique avec la baryte. Bergman allure que l’acide du borax eiî un de ceux qui a le moins d’affinité avec cette fubftance falino-terreufe , & il le place dans fa table au-deffous de la plupart des acides végé- taux & animaux. 1 Sorte V. FtUATE BARYTIQUE. Ce Tel n’eft pas plus connu que le précédent, & c’elt un objet de travail abfolument neuf, ainfi que beaucoup d’autres matières falines , qui n’ont point encore été examinées , & fur lefquelles la difette de faits nous a obligés d’être fort courts. Bergman affure dans fa diflertation fur les attrapions éleétives, que l’acide fluorique verfé dans une diffolution de nitrate ou de muriate barytique, y occafionne un précipité, & que ce précipité fait effiervefcence avec l’acide fulfuri- que qui en dégage l’acide fluorique. Cette expérience prouve que l’acide fluori- que a plus d’affinité avec la baryte que les acides nitrique & muriatique , & qu’il forme avec cette fubflance falino - terreufe un fel beaucoup moins foluble que le nitrate 8c le muriate barytiques, Q H Ê L É M E N S ^44 Sorte VI. Carbonate bar v tique. La baryte elt rufceptible de s’unir à l’acide carbonique, & il en réfuîte une efpèce de Tel neutre qui prérente des propriétés particulières , - & qui Tenable avoir quelques rapports avec la craie. On a déjà obfervé que c’eft en raifon de l’affinité de la baryte avec l’acide carbonique, que le fuhate barytique & tous les fels en général dont cette terre elt la bafe , font décompofés par les carbonates alkalins. Dans ces décora- pofitions, il fe précipite toujours ducarbonate. de baryte. On prépare encore cette efpèce de fel en expofant à l’air une diffolution de cette fubftance falino - tegreufe pure ; la furface fe couvre lentement d’une pellicule qui fait effer- vefcence avec les acides, & qui elt due à cette terre chargée de l’acide carbonique de l’atmof- phère, 8c devenue moins foluble par fa neu- tralifation ; ce phénomène elt femblable à celui que préfente l’eau de chaux , & c’eft une analogie frappante qui exifle entre ces deux fubflances falino-terreufes , quoiqu’elles diffe- rent fingutièrement par beaucoup d’autres pro- priétés. Le carbonate barytique expofé au feu , perd fon acide. Si on le chauffe dans une cornue ou d’Hist. Nat. et de Chimte. 243? dans un matras auquel on a adapté un appa- reil pneumato-chimique , on obtient cet acide fous fa forme gazeufe naturelle» Cependant on n’en fépare les dernières portions que très- difficilement & à une chaleur exceffive. Tous les acides minéraux décompofent ce fel & en dégagent l’acide carbonique ce qui produit FefFervefcence vive qui le diffingue d’avec la baryte caufiique ou pure. Bergman effimeque ce fel contient au quintal fept parties- d’acide carbonique, foixante-cinq de baryte 5c huit d’eau. L’eau ne difïout qu’à peine le carbonate barytique , mais lorfqu’elle eft elle-même char- gée d’acide carbonique , elle en diffout environ un mil -cinq -cent -cinquantième de fon poid?. On voit, d’après cela, que le carbonate bary- tique eft moins diffoluble que la baryte pure ou caufiique, pnifqire dans ce dernier état l’eau peut en diffoudre environ un neuf-centième, fuivant les expériences de Bergman. Il fe com- porte donc à-peu-près comme la craie ou le carbonate de chaux , pnifqu’il fe précipite aufïï comme ce dernier à mefure que l’acide car- bonique uni à l’eau qui le tient en diiïblution,. s’évapore. Au refte il en différé par un grand nombre d’autres propriétés, & fur-tout par les fois qu’il forme avec les autres acides, comme Q H 2^.6 £ L- i M ? N s nous l’avons démontré par l’examen de ces fels. Le carbonate bar y tique n’eft d’aucun ufage : on l’a trouvé dans la nature. CHAPITRE XI. Récapitulation fur tous les fels minéraux comparés entreux. Ar rès avoir expofé lesconnoilTancesacquifes jufqu’à ce jour fur les propriétés de tous les fels minéraux connus, nous croyons devoir pré- fenter un précis de leurs principaux caradères , de leur nature comparée & de leurs attrapions réciproques. I. Les fels fe reconnoiffent à quatre pro- priétés générales , la faveur , la tendance à la combinaifon, la diffolubilité & l’incombufli- bilité ^ ces propriétés font dans des degrés très- différens d’énergie , & ces degrés conflituent des différences effentielles dans les matières -falines. II. Tous les fels peuvent être rapportés à quatre ordres ou à quatre genres principaux, favoir , 1°. les fubflances falino - terreufes qui joignent des propriétés terreufes aux qualités d’Hist. Nat. et de Chimie. 247 \ felines; 20. les alkalis dont les caraâères con- fluent dans la faveur urineufe & dans la pro- priété de verdir plufieurs couleurs bleues végé- tales; 30. les acides reconnoiflables par la faveur aigre & la couleur rouge qu’ils font prendre aux matières végétales bleues ; 40. les fels moyens ou neutres qui different des précédens par moins de faveur , & fur-tout une faveur mixte falée 8 amère, &c. moins de difïolubilité , &c. III. Il y a trois fubflances falino-terreufes r la terre pefante ou baryte , la magnéfie & la chaux. On connoît allez bien leurs propriétés r mais on ignore leur compofition. Aucun chi- mifle n’a encore pu féparer les principes de ces fubflances ni les reformer par des combinaifons ; ainfi ces matières font réellement fimples, relati- vement à l’état a&uel de la fcience ; peut-être parviendra-t-on par la fuite à les décompofer. IV. On connoît trois fels alkalis; la potaiïe appelée aufli alkali fixe végétal , alkali du tartre ; la foude nommée alkali minéral ou alkali marine l’ammoniaque ou alkali volatil. Les deux pre- miers font fecs, folides, caufliques , fufibles , déliquefcens , &c. On ne peut les diflinguec Von de l’autre lorfqu’ils font purs ; 011 les dif- tingue facilement par leurs combinaifons avec les acides. Aucune expérience n’apprend encore rien de pofitif fur leur compofition intime ; Q w 248 Ê L É M E N S perforine n’en a féparé les principes , ou n’en a formé par des combinaifons particulières. L’opinion dçs chimiftes qui les regardoient comme une union de l’eau & de la terre, n’eft qu’une hypothèfe ingénieufe à laquelle on doit renoncer, parce qu’elle n’eft appuyée fur aucun fait pofitif. L’ammoniaque différé des deux pre- miers , parce qu’elle eft fous la forme d’un fluide élaftique très-odorant , très-expanfible , &c. On entrevoit aujourd’hui qu’elle eflcompoféede la bafe de deux gaz, de celle du gaz inflammable ou hydrogène , & de celle de la mofette atmof- phérique ou de l’azote , qu’elle fe décompofe dans plufieurs opérations , & qu’elle fe forme dans d’autres. Il paroît que les deux alkalis fixes contiennent auffi de l’azote, & que ce corps peut être regardé comme le principe alkalifiant ou comme alkaligène. V. acides bien connus font au nombre . de fix ; l’acide carbonique , l’acide muriatique , l’acide fluorique, l’acide nitrique, l’acide ful- furique 8c l’acide boracique ; tous ont des pro- priétés particulières qui les diflinguent ; l’acide carbonique, l’acide muriatique, l’acide fluorique prennent très - facilement l’état élaflique ou aériforme ; il n’en efl pas de même de l’acide nitrique 8c de l’acide fulfurique ; l’acide bora- cique efl concret & criflallin. Les acides d’Hist. Nat. et de Chimie. 249 arfénique , molybdique & tunllique, dont nous traiterons dans une efpèce de fupplément , font concrets , mais pulvérulens 8c fans forme crif- talline. VI. On commence à connoître la nature des acides beaucoup mieux qu’autrefois. Il efl prouvé que l’hypothèfe, qui les regardoit comme l’union intime de l’eau & de la terre , n’a plus rien de vraifemblable. On a démontré que la bafe de l’air vital ou Poxigène entre dans leur compofition ; que fouvent cet oxigène y eft uni avec un corps combuRible , comme le charbon dans l’acide carbonique , le foufre dans l’acide fulfurique, l’azote dans l’acide nitrique ; la formation d’un grand nombre d’acides parti- culiers par l’aâion de l’acide nitrique fur des corps combuflibles , confirme cette affertion fur lanéceiïité de i’oxigènepour conftituer les acides. VII. Les acides s'unifient fans décompofition à l’alumine, à la baryte, à la magnéfie, à la chaux , aux alkalis fixes & à l’ammoniaque ; il réfulte de ces combinaifons un grand nom- bre de fels appelés fels compo/és , fels moyens , fels neutres. On nomme bafes les fubftances qui neutralifent les acides dans ces combinaifons falines. VIII. Les fels moyens ou neutres ont des propriétés différentes de celles de leurs compo- 270 Ê L É M E *r $ fans, on ne reconnoît plus dans la plupart les caractères de l’acide ni de la bafe. Cependant celle-ci paroît donner aux fels neutres quelques propriétés générales ou communes, 8c c’eft pour cela que nous avons ditlingué les genres de ces fels par leurs bafes. IX. Il y a d’après ce principe fix genres de fels neutres dont nous croyons devoir retracer ici l’ordre , la compofition & la nomenclature. Genre I. S e l s neutres a base Dj A L K A LI S FIXES . Noms anciens. Sorte I. Acide fulfurique & potaflè. V Tartre vitriolé , Sel de duobus , Sulfate de potasse. % Arcanum duplicatum, Vitriol / de potajfe. Sorte II. Acide fulfurique & foude. Sulfate de soude. SeldeGlauber, Vitriol de Joule* Sorte III. Acide nitrique & potaflè. NiTRATE de potasse. Nitre commun , Salpêtre. Sorte II y. Acide nitrique & foude. Nitrate de soude. Nitre cubique , N itrerhomboïdaL Sorte V. Acide muriatique & potaffe. \ Sel dise fit f, Sel fébrifuge de Murïate de potasse. I . , , , , t Sylvius , Sel marin régénéré. Sorte VI. Acide muriatique & foude. Murïate de soude. Sel marin , Sel de mer , Sel commun , Sel de cuijine . d’Hist. Nat. et de Chimie. Sorte VII. Acide boracique & Noms anciens.. potaiïè. Borate de potasse. Borax végétal. Sorte VIII- Acide borac. & foude. Borate sursaturé de lBorax commun , TinckaL soude ou Borax. } Sorte IX. Acide fluorique & potalfe. ' f Tartre Jpathique . Fluate de potasse. ^Sfath de tame_ Sorte X. Acide fluorique & foude. Fluate de soude. Soude fpathique . Sorte XL Acide carbonique & potaiïe. Carbonate de potasse. C Tartre crayeux. \Craie de potajje. Sorte XII- Acide carbonique & foude. Carbonate de soude. {Soude crayeufe. *[Craie de foude. Genre II. Sels neutres AMMONIACAUX. Sorte I. Acide iulfurique & ammoniaque. f Sel ammoniac fecretde Glauber Sulfate ammoniacal. ^ Vitriol \ ammoniacal . Sorte II. Acide nitrique & ammoniaque. Nitrate ammoniacal. Nitre ammoniacal. Sorte III. Acide muriatique & ammoniaque. Muriate ammoniacal. Sel ammoniac* ^2 Élément Sorte IV. Acide fluorique & Noms anciens» ammoniaque. Fluate ammoniacal. Sorte V. Acide boracique & ammoniaque. Borate ammoniacal. ' Sorte VI. Acide carbonique & ammoniaque. rSel volatil de leur dijfolubilité , &c. Les propriétés que nous avons fait connoître dans les fels fimples & neutres , & que nous n’avons examinées que dans chacun d’eux ifolés, doivent être confidérées en général & comparées dans les diverfes efpèces, pour qu’on puifle en tirer quelques réfultats utiles. Nous traiterons donc ici fous ce point de vue de la criftallifation , de la fufibilité, de l’efflo- refcence , de la déliquefcence & de la ditTolu- bilité dans l’eau. La criftallifation , confédérée en général dans tous les corps qui en font fulceptibles , eft une propriété par laquelle ils tendent à prendre une forme régulière , à l’aide de certaines cir- conftancesnécefîairespour en favorifer l’arrange- ment. Prefque tous les minéraux en jouifTcntj d’Hist. Nat. et de Chimie, 2Ôî mais il n’y a point de. corps dans lefqucls elle {bit aufli énergique que les fubfiances falines. Les circonftances qui la favorifent , & fans les- quelles elle ne peut avoir lieu, fe réduifent toutes pour les felsaux deuxfuivantes ; i°. il faut que leurs molécules foient divifées oc écartées par un fluide , afln qu’elles puiflent enfuite ten- dre les unes vers les autres par les faces qui ont le plus de rapport entt’eiles ; 2°. il elt né- ceffaire pour que ce rapprochement ait lieu , que le fluide qui écarte leurs parties intégrantes foit enlevé peu-à-peu , & celle de les tenir écartées. Il efl. aifé de concevoir, d’après ce fimple expofé , que la criflallifation ne s’opère qu’en vertu de l’attraction entre les molécules , ou de l’affinité d’aggrégation qui tend à, les faire adhérer les unes aux autres. Ces confédération^ conduifent à penfer que les parties intégrantes d’un fel , ont une forme qui leur efl particu- lière, & que c’eft de cette forme primitive des molécules , que dépend la figure différente que chaque fubflance faline affeéte dans fa cri f- tallifation ; elles portent également à croire que les petites figures polyèdres appartenantes aux molécules des fels ayant des côtés inégaux ou des faces plus étendues les unes que les autres , ces molécules doivent tendre à fe rapprocher & à fe réunit par celles, de ces ' 'bnt E L Ê M E N S les plus larges. Cela pofé, Pon concevra faci- lement qu’en enlevant le fluide qui tient ces molécules dffiperfées , elles fe réuniront par les faces qui fe conviennent le plus , ou qui ont ïe plus de rapport entr’elles , fi ce fluide ne les abandonne que peu-à-peu, & dç manière à 1 aider, pour ainfl dire, aux parcelles falines le tems de s’arranger , de fe préfenter convena- blement les unes aux autres , alors la oriflalli-ï fation fera régulière; 8c qu’au contraire, une fouftradion trop prompte du fluide qui les écarte les forcera de fe rapprocher fübitement , & pour ainfl dire par les premières faces venues ; dans ce cas la criflalflfation fera irrégulière & la forme difficile à déterminer. Si même l’éva- poration efl tout-à-fait fubite, le fel ne formera qu’une maffe concrète qui n’aura prefque rien de criftallin. C’efl fur ces vérités fondamentales qu’efl fondé l’art de faire criflallifer les matières, falines. Tous les fels en font fufceptibles , mais avec plus ■ou moins de facilité ; il en efl qui criflallifent fi facilement qu’on réuffit conftarnment à leur faire prendre à volonté la forme régulière; d’autres demandent plus de foin 8c de précautions ; enfin il y en a plufieurs qu’il efl fi difficile d’ob- tenir dans cet état , qu’on n’a pas encore pu y parvenir, C’efl en étudiant bien, les circonfiances d'Hist. Nat. et de Chimie. 263 particulières à chaque Tel , qu’on réuffit à le faire criOallifer. Une première condition pour reuiïfr dans ces opérations , c eft de diffoudre les fubf- tances falines dans l’eau ; mais il y en a qui font fi peu folubles par nos moyens , qu’il eft prefqu’impoffible enfuite d’en obtenir le rap- prochement régulier ; tels font le fulfate calcaire ,, le carbonate calcaire , le fiuate calcaire, le fu - fate barytique -, la nature nous préCente tous les. jours ces Tels neutres terreux crillalhfes très- régulièrement , & l’art ne peut l’imiter qu’a 1 ai e d’un tems très-long ; même plufieurs favans dis- tingués ne croient point encore à la poffibihte- de° ce procédé, que nous indiquons d’après M. Achard , & à l’aide duquel on a allure avoir produit des crihaux de carbonate calcaire. Ce procédé ingénieux eonfifte à faire palier l’eau qui a féjourné long tems fur des Tels très-peu folubles, à travers un canal très-étroit, & a eu procurer l’évaporation avec beaucoup de len- teur. Il y a, au contraire, d’autres matières faillies qui font fi folubles , & qui ont tant d’adhérence avec l’eau, qu’elles ne l’abandonnent quavec beaucoup de difficulté, & qu’il effi auffi très- difficile de les obtenir fous des formes régulières ^ t comme cela a lieu pour tous les fels dchquefcens, tels que les nitrates & les muriates calcaires & maguéfiens, R iv Ê L Ê M E N 5 On ne peut douter que chaque fel n’ait fa manière propre & particulière de criüallifer , ou ce qui ell la même choie , qu’il n’ait dans fes dernières molécules une forme déterminée & différente de celle de tous les autres. Telle ell fans doute la caufe des variétés remarquables qui exiflent entre les g filiaux qu’on obtient» Les fels iimples, depuis les fubftances falino- teireufes jufqu’aux acides les plus puilîàns , n ont, pour la plupart, aucune forme diftindive, il n’y a que quelques çirconhances qui, fans détruire tout à-fait leurs propriétés falines dif- tmdives, leur font affeéter une forme criflalline-, comme cela a lieu dans l’acide muriatique oxigéné , pour les obtenir purs & fans mélange. Cette obierva- tion elt encore plus importante à faiie fur les Tels qui fe rellemblent par les loix de leur crif- tallifation ; ceux-ci font beaucoup plus difficiles à féparer les uns des autres , lur-tout s'ils font en plus grand nombre. Par exemple, h la même eau contenoit quatre fe s également criflalli- fables par l’évaporation ou par le refroidi iïê- lîient , il feroit impoffioie de les lepafer par une ou deux criftallifations luoceffives , & il faudroit multiplier ces operations un affez grand nombre de fois , pour lai e agir les nuances légères qui exillent entre leurs ci îidu 1 li ( abilités ; car il faut remarquer que , quoique deux ou plufieurs fels foient également crifiallifables par le refroidiffement ou par l’évaporation , il y a cependant entr’eux des nuances fenfibles qui modifient pour ainfi dire cette loi générale * fans cela ils criftalliferoient toujours enfemble, & l’on ne pourroit jamais les obtenir bien fepa- rés, ce qui a cependant lieu même pour les lels les plus femblables par leur crifiaililabilité. Il n’y en a que quelques-uns qui font exception à cette règle , parce qu’ils ont une adhérence particulière ou une affinité remarquable enti’eux; tels font en général les fels neutres formés par Tome II. S 274 ’ Elément le même acide, & en même-tems criftaliifables par le même procédé comme les fulfates ma- gnéfîen 8c ammoniacal ; mais on n’a point encore affez obfervé ces Gngulières adhérences entre les Tels neutres , & cet objet mérite toute l’attention des chimifles. Enfin pour terminer cette hiftoire abrégée de la crïftaliifation des feîs , nous ajouterons qu’il y a une autre manière de les obtenir crif- tallifés , c’eft de les précipiter de leurs diffoîu- tions par une fubftance qui ait plus d’affinité avec l’eau qu’ils n’en ont ; i’efprit-de-vm verfé dans une diffoiution faline produit cet effet fur le plus grand nombre des feîs neutres ; on ne doit en excepter que ceux qui font diffolubles dans ce menftrue. Le même phénomène de précipitation des criftaux falins a lieu dans le mélange de quelques fels dont la diffoîubilité eft très - différente, & même quelquefois par le mélange de pîufieurs diffolutions lalines entr’elles ; c’eft aînft que du fulfate de magnéhe diffous dans l’eau , paroît précipiter en criftaux le fulfate ammoniacal dilfous dans l’eau; mais on n’a point allez étudié ce qui fe paffe dans ces finguliers mélangés , pour que je doive infifter fur le phénomène qu'ils font naître. La fufîbilité par la chaleur a été traitée dans l’hifloire de chaque fubftance faline en parti- 1 */* d’Hist. Nat. et de Chimie. 275- culier , mais il eft bon de la comparer dans les diverfes efpèces. On di (lingue deux efpèces de fufibilité dans les Tels , l’une qui eft due à l’eau & qu’on appelle fufion aqueuje , l’autre qui n’a point la même caiife , qui appartient fpécia- lement à la matière faline , & qu’on défrgne fous le nom de fufion ignée. La fufion aqueule dépend entièrement de l’eau de criftallifatiôn , qui étant très- abondante dans plusieurs fels , & faifant quelquefois la moitié du poids des criftaux falins , devient capable de difToudre ces fels lorfqu’elle a acquis 60 degrés de cha- leur. Alors la forme criftalline difparoît , le fel fe difTout, 8c la fufion qu’il préfente n’eft en effet qu’une véritable dififolution ; cette obfervation eff fi vraie que lorfqu’on tient quelque tenrs fondu un fel de cette nature comme le fulfate de foude , le borate de foude , le fulfate alumi- neux , l’eau qui les diiïbut par la chaleur venant à s’évaporer peu- à -peu, le fel fe defsèche 8c ceffe de paroître fondu. Cette fufion apparente ou aqueufe eff d’ailleurs indé- pendante de la véritable fufion ignée , puifque celle-ci peut avoir lieu dans tous les fels qui ont été deflTéchés après avoir été d’abord liqué- fiés par leur eau de criftallifatiôn. C’eft ainlf qu’on fait fondre le muriate de foude 8c le borate de foude en les chauffant fortement , après leur S ij 2~]6 É L 'É M E N S avoir fait éprouver par une chaleur modérée la fufion aqueufe & le deflechement. La véritable fulibilité ignée n’eft pas la même pour tous les fels ; il en efl qui , comme le nitrate & le mu- riate de fonde, fe fondent dès qu’ils commen- cent à bien rougir; d’autres exigent un feu beaucoup plus violent pour fe fondre , ainfi que le fulfate de potafle , le fulfate de foude. Enfin , il y en a quelques-uns dont la fulibilité efl fi forte , qu’ils peuvent la communiquer à des corps d’ailleurs très-réfraétaires ou très-in fufibles par eux-mêmes; c’efl ainfi que les alkalis fixes entraînent dans leur fufion le quartz , le fable & toutes les terres filicées , qui font abfolu- ment infufibles; on appelle ces fels des fondans en raifon de cette propriété , & parce qu’on s’en fert pour hâter la vitrification & la fufion des fubflances terreufes & métalliques. Nous avons déjà fait remarquer ailleurs que l’extrême de la fulibilité étoit la voladlifation , & nous obferverons ici que les matières falines font toutes plus ou moins volatiles , & qu’il n’en efl aucune qu’on ne puiiTe volatilifer par un très-grand feu. C’efl ainfi que le fulfate de potatfe & le muriate de foude fe fubliment en vapeurs au plus grand degré de chaleur qu’ils puiflent éprouver. Tous les fels criflallifés expolés à l’air ne d’Hist. Nat. et de Chimie. 277 s’altèrent point de la même manière, il en efl qui n’y éprouvent aucun changement fenfible , mais plufieurs perdent plus ou moins prompte- ment leur tranfparence , leur forme , & parmi ceux-là les uns fe fondent peu-à-peu en aug- mentant de poids , les autres deviennent pul- vérulens en perdant une portion de leur malfe. La première de ces altérations porte le nom de déliquefcence , & la fécondé celui d efflo- refcence. On a appelé l’un de ces phénomènes déli- quefcence , parce que la matière faline qui l’éprouve devient liquide ; on dit auiïi qu’un fel tombe en deliquium lorfqu’il fe fond ainfi par le contaét de l’air.: Autrefois le mot défaillance étoit fynonime de déliquefcence , mais cette exprelîion a vieilli, 8c on ne la trouve prefque plus aujourd’hui dans les livres de chimie. Cette altération dépend de ce que les fels attirent l’humidité contenue dans l’air, & j’ai cru devoir- la regarder comme une vraie attraélion éleélive , qui efl plus forte entre le fel Si l’eau , qu’entre cette dernière & l’air atmofphérique ; la déli- quefcence n’eft pas la même dans tous les fels , foit pour la rapidité avec laquelle elle a lieu , foit pour l’efpèce de faturation qui la borne; il en efl comme les alkalis fixes , l’ammoniaque gazeufe , le gaz acide muriatique Si l’acide ful- S iij <1 1 2"jS E L È M E N S furique concentré qui enlèvent l’eau de l’atmof- phère , deflechent pour ainfi dire l’air avec une énergie très - confidérable , & abforbent une quantité de ce fluide plus confidérable que leur poids ; cela efl fur -tout remarquable pour la polaire sèche, ainfi que pour l’acide fulfurique rendu concret par le froid ; ces deux fiels de- viennent d’abord mous , & prennent bientôt une liquidité épaifle fiemblable à la confiflnnce de quelques huiles , ce qui a fait appeler le ■premier huile de tartre , & le fécond huile de vitriol , quoique ces noms foient très - mal appliqués & plus fufceptibles d’induire en erreur que d’éclairer les perfonnes qui commencent l’étude de la chimie. Quelques autres font encore très-défi quefcens , mais n’attirent pas l’humidité avec autant de promptitude , & en auflï grande quantité que les précédens ; tels font le nitrate & le muriate calcaires , le nitrate & le muriate de magnéfie ; enfin , il y en a qui ne font que s’humeéter fenfiblement , & qui ne fe fondent point complètement, comme le nitrate de fonde , le muriate de potaiïe , le fulfate ammoniacal , &c. L’efïïorefcence a été ainfi nommée parce que les fiels qui en font fufceptibles femblent fe couvrir de petits filets blancs femblables aux matières fubliinées qu’on connoît en chimie fous d’Hist. Nat. et de Chimie. 279 le nom de fleurs. Cette propriété eft l’inverfe de la déliquefcence ; dans celle-ci: les criftaux « {alins décompofent 1 atroofphcre humide, paice qu’ils ont une détradion éleélive plus forte pour l’eau que l’air atmofphérique ; dans l’efflorcT- cence au contraire , c’eft l’atmofphère qui dé- compofe les criftaux falins , parce que l'air a plus d’affinité avec l’eau que n’en ont les feis qui forment ces criflaux. C’eft donc l’eau de la crif- talîifation qui eft enlevée par l’efflorefcence 5 8c telle eft la caufe pour laquelle les fels qui s’effleuriflent perdent leur tranfparence » leur forme & une partie de leur mafle. Il eft eflen- tiel d’obferver que tous les criftaux falins eftlo- refcens éprouvent de la part de 1 air une alté- ration fembîable a celle que la chaleur leur fait fubir ; c’eft une forte de calcination lente & froide qui décompofe les fels criflallifés , 8c qui en fépare l’eau à laquelle ils doivent leur forme criftalline , & toutes les propriétés qui les caradérifoient criftaux falins ; auffi un fel complètement effleuri éprouve-t-il exade- ment la même perte de poids dans cette opé- ration que lorfqu’on le defîeche par l’adion du feu. Remarquons encore que les fels dont les criftaux font efflorefcens appartiennent à la claffe des plus diflolubles , 8c de ceux qui criftal- Jifent par le refroidiffement de leurs diffolutions* S iv I 2S0 É L Ê MENS Il en eft de l’effloielcence comme de la dé- liquefçence ; elle n’eft pas la même pour tous les Tels neutres dans lefquels on l’obferve. 11 en eft comme le fulfate & le carbonate de fou de, quis’effleuriflent promptement, &jufqu’à la dernière parcelle criftalline , de forte qu’ils fe trouvent réduits en une poufîière blanche très- line; comme ils ont perdu plus de la moitié de leurs poids par cette décompofition de leurs criftâux , on peut en conclure que c’eft en raifon de la grande quantité d’eau qui entre dans leur criflallifation , qu’ils éprouvent une efflorefcence aufli complète ; & en effet les Tels qui ne s’effleuriffent que très-peu, tels que le borate, le fulfate d’alumine & de magnéfie , ne contiennent point une aulfi grande quantité de ce fluide dans leurs criftâux. Si l’efflorefcence dépend d’une attradipn élective plus forte entre l’air & l’eau qu’entre cette dernière & les fels, lorfque l’atmofphère fera très-sèche, ce phénomène aura lieu d’une maniéré plus mar- quée & plus prompte, & c’eft aufli ce que l’on obferve, tandis que l’air chargé d’humidité n’a pas la même a&f n lur les fels efllorefcens , & les îaiffe intads. On peut encore confirmer cette aiïertion en répandant une petite quantité d’eau fur les criftâux falins fufceptibles d’efflo- refceuce; par ce moyen l’atmofphère enlevant d’Hist. Nat. et de Chimie. 281 cette eau & s’en faturant ne touche point à celle qui entre dans la conllitution des criltaux , &: ceux-ci relient fans altération; mais fi l’on n’a pas foin de renouveller ce fluide , l’air agit alors fur le fel criflallifé & en détruit la criflallifation. On obferve journellement ce phénomène dans les pharmacies où l’on a foin d’humeéter le fulfate de foude ou fel de Glauber d’une petite quantité d’eau , afin de le conferver bien criflallifé. La diflolution des fels dans l’eau efl un des phénomènes qui méritent le plus d’attention de la part des chimifles. Quelques perfonnes ayant obfervé qu’elle fe fait fans le mouvement fenfi- ble 8c fans l’eflervefcence qui accompagne la diflolution des métaux dans les acides , avoient propofé de la diflinguer de celle-ci par le nom de folution, mais l’une & l’autre de ces expref- fions ne préfentant point un fens different , 8c l’aélion réciproque des acides & des métaux étant tout à- fait différente de la diflolution des fels dans l’eau, 8c tenant à des caufes particu- lières que nous expoferons plus bas , cette diflirâion ne peut avoir aucun avantage. La diflolution des fels dans l’eau a été regardée par quelques chimifles phyficiens comme une Ample diviflon mécanique des particules falines, mais il y a une pénétration intime entre ces deux 2%2 E L É !» E N S corps, leur température change fur-Ie-champ, 8s il paroît qu’il fe paffe entre les fels- 8c l’eau une vraie combinaifon qu’on ne fauroit expliquer par le feul écartement des molécules des Tels, Ceci efl prouvé non-feulement par la tempé- rature qui change dans ces opérations , mais encore par la poffibilité de féparer un fel de l’eau par un autre fel qui a plus d’affinité avec ce fluide > c’en ainfi que la potaffe précipite le Calfate de potaffie 8c le carbonate calcaire des eaux qui les tiennent en difïolution ÿ toutes les précipitations des fels les uns par les autres ne font pas à beaucoup près connues , 8c la chimie tireroit beaucoup d’avantages d’un travail fuivi fur cette matière importante» On a pu remarquer dans l’hifloire particulière de chaque fubiiance faline qu’elles jouiffent toutes d’un degré de folubilité différent , depuis celles qui ont une fs grande tendance pour s’unir à l’eau qu’elles font toujours fluides , comme l’acide fulfurique 8c l’acide nitrique , jufqu’à celles qui font prefque parfaitement infolubles comme le fulfate baryti- que. P lu fleurs chimifles ont déjà effayé de pré- fenter des tables de la différente diffolubilité des fels ; mais ces tables feront incomplètes jufqu’à ce qu’on ait affez multiplié les expériences pour' établir des proportions très-exaéles entre ces diverfes folubilités. Nous rappellerons ici b’Hist. Nat. e T de Chimie. 283 qus tous Iss fels {impies , foit alkalins , foit acides, produifent conftamment de la chaleur lorfqifon les dilïbut dans 1 eau , tandis qu il s’excite toujours du froid pendant la dif- folution des fels neutres. La mefure de ces changemens de température n’eft point encore convenablement connue pour tous les fels ; on commence à faire plus d attention aujourdhui à ce phénomène qu’on n’en faifoit autrefois. Elle conduira fans doute à des réfultats utiles ; & déjà l’on peut entrevoir quelques vérités dont on n’avoitpas même foupçonné l’exiftence; par exemple , en obfervant que les fels neuties qui produifent le plus de froid dans leur dif- folution , comme le fulfate de foude , le nitrate , le muriate ammoniacal , font beaucoup plus folubles dans l’eau chaude que dans l’eau froide, 11e peut-on pas penfer que cette dilTolubilité plus grande dépend de ce qu’ils trouvent dans l’eau chaude une quantité plus confidérable de chaleur qu’ils paroiffent avoir , pour ainfi dite, befoin d’abforber pour fe fondre & prendre l’état liquide ; à la vérité cet excès de chaleur leur eft facilement enlevé par l’air, de forte qu’il s’en précipite une partie fous la forme de crillaux pendant le refroidiffement. / 284 É L Ê ,M E N S CHAPITRE XII. Des attractions électives qui ont lieu entre les diverfes matières falines. Les découvertes dues aux travaux multipliés cpie les chimiftes ont faits fur les matières falines depuis le milieu de ce fiècle, leur ont appris que ces matières ont entr’elles différens degrés d’affinités ou d’attractions éledives. Geoffroy eft le premier qui les ait comparées les unes aux autres , mais les recherches des modernes ont démontré que fa table contenoit pîufieurs erreurs ; Bergman les a corrigées , & a fait connoître un beaucoup plus grand nom- bre d’attradions éledives entre tous les fels j cependant en confultant les articles de la table du célèbre chimifte Suédois qui ont rapport aux attradions éledives des fubltances falines entre elles , on remarque que pîufieurs ne font point encore fondées fur un affez grand nombre d’ex- périences exades , & qu’il en reconnoît lui- même l’incertitude. Sans étendre donc la théorie des attradions éledives à un fi grand nombre d’acides & de bafes que l’a fait Bergman 3 il faut fe borner dans l’état aduel de la chimie I d’Hist. Nat. et de Chimie. 285- à l’examen des affinités qui ont lieu entre les matières falines dont la nature & les propriétés font les mieux connues. Parmi les fix efpèces d’acides que nous avons examinés, l’acide fulfurique paroit être le plus fort ou celui dont les attrapions élePives font en général les plus marquées pour les différentes bafes; c’eil -à-dire , qu’il enlève la plupart des bafes alkalines ou falino-terreufes aux, autres acides ; ainfi il décompofe les nitrates , les mu- riates, les finates, les borates & les carbo- nates en dégageant leurs acides. L’acide nitrique tient en général le fécond rang , il cède les bafes alkalines à l’acide ful- furique, mais il les enlève aux quatre acides fuivans. Pour mieux faire connoître les différentes affinités qui ont lieu entre les acides minéraux & les bafes falines du même règne , nous allons les préfenter dans l’ordre où Bergman les range dans fa table des affinités. En confîdérant, i°. cha- que acide par rapport aux diverfes bafes aux- quelles il peut s’unir ; 20. chaque matière alkaline relativement aux acides qui les faturent , 8c au degré d’adhérence qui les tient unies avec ces fels. I. Les attradions élePives de l’acide fulfurique pour les différentes bafes font difpofées par f 2.26 E L É ’M E N S Bergman dans l’ordre fuivant , en commençant par celle à laquelle il adhère le plus (i). . Acide sulfurique. Baryte. Potafle. i Soude. Chaux. Ammoniaque. Magnéfie. Alumine. i Comme les acides nitrique & muriatique ont le même ordre d’attradions éledives pour les bafes alkalines , nous les préfenterons ici à la fuite des premiers. Acide nitrique. m Baryte. PotafTe. Soude. . i Chaux. Ammoniaque. Magnéfie. Alumine. ( i ) Nous avons déjà indiqué l’ordre des affinités des acides avec les bafès dans l’hiftoire de chacun d’eux ; mais nous avons cru devoir les repréfenter ici en colonnes, comme on le fait dans les tables d’affinités, afin de les voir fous un fèul point de vue , & d’en faire la comparaifon. i d’Hist. Nat. et de Chimie. 287 Acide muriatique. Baryte. Potafle. Soude. Chaux. Ammoniaque. Magnéfie. Alumine. La baryte 'a. donc avec les acides fulfurîque, nitrique 8c muriatique plus d’affinité que toutes les autres bafes , 8c elle décompofe tous les fiels neutres formés par ces acides unis aux autres matières alkalines. Bergman place la magnéfie avant l’ammoniaque, parce qu’il allure que cette fubfiance falino-terreufe décompofe les fiels ammoniacaux. Nous remarquerons que l’ammo- niaque décompofe plus complètement les fiels magnéfiens ; à la vérité toute la magnéfie n’ell pas précipitée par cet alkali , 8c il refie dans la liqueur des fiels mixtes ou triples formés par l’union des fiels magnéfiens avec les fiels ammo- niacaux. Nous croyons cependant , malgré l’autorité de Bergman, qu’il y a une plus grande attraâion éleftive entre les acides & l’ammo- niaque, qu’entre les mêmes fiels 8c la magnéfie, parce que celle-ci, quoiqu’elle dégage un peu d’ammoniaque des fiels ammoniacaux par la voie humide , ne décompofe pas ces fiçls par 288 E L É M E N S la diflillation ; c’eff pour cela que nous avons placé l’ammoniaque avant la magnifie , & nous penfons que cette çorrePion eff nécellaire dans la table de Bergman. IL Les attrapions éleâives de l’acide fluori- que pour les bafes alkalines , font très differen- tes de celles des trois précédais ; les alkalis cèdent cet acide à la chaux 8c aux deux autres fubftances falino-terreufes Une diffolution de fiuate bary tique dans l’eau chaude eff précipitée par l’eau de chaux qui réforme fur le champ du fluate calcaire; il en eff de même des autres fels neutres fîuoriques ; la chaux leur enlève cet acide , comme l’exprime la huitième colonne de la table de Bergman difpofée aiiifi : Acide fluorique, Chaux. Baryte. Magnéfie. Potafle. Soude. Ammoniaque. Alumine. r Les mêmes phénomènes ont lieu par la voie sèche , car le fluate calcaire n’eft pas décompofé par les alkalis fixes, purs & cauffiques , mais il l’eff par les carbonates de potaffe 8c. de foude. m. ) d’Hist. Nat. et de Chimie. 289 III. Bergman préfente dans fa dixième co- lonne les affinités de l’acide boracique dans le même ordre que celles de l’acide fluorique , parce qu’en faifant chaufler dans de l’eau du borax avec la chaux vive, celle-ci fe porte fur fon acide, forme du borate calcaire très-peu foluble , & laide la foude pure. Quant aux autres bafes , il ne les a difpofées que par ana- logie, & il ne regarde encore cette difpofition que comme une conjeéture probable. Quod idem, açcidat cum alkali vegetabili , acido boracis faturato , haâenus tantum probabilis ejî conjectura , ccquè ac terres ponderofes & magnejics pofit+ira . Acide boracin. Chaux. Baryte. Magnéfie. Potaffe. Soude. Ammoniaque. Alumine. IV. Les attrapions éleétives de l’acide carbo- nique font un peu différentes de celles qui ont été expofées pour les autres. Cet acide adhère plus à la baryte & enfuite à la chaux qu’à toute autre fubdance. Sa combinaifon avec la ma- gnéfie eff auffi détruite par l’ammoniaque; Tome II. T / £pO - E L B M E N S comme Bergman l’a prouvé par des expériences exades. Nous ne ferons donc pas ici I’obfer- yation que nous avons faite fur les autres acides, & nous préfenterons la partie de la colonne ay de la table de ce célèbre chimiûe , qui exprime les attradions de l'acide carbonique pour les diverfes bafes falines. Acide carbonique. v Baryte. Chaux. PotaflTe. ' Soude. Magnéffe. Ammoniaque. Alumine. V. Les fept bafes terreufes ou alkalines dont nous avons examiné les combinaifons avec les acides minéraux , ont des attractions éledives différentes les unes des autres pour ces mêmes acides. Cinq d’entr’elles , favoir , les deux alkalis fixes, l’ammoniaque, la chaux & l'alumine, fe reffemblent par l’ordre de leurs affinités. Toutes les cinq adhèrent aux acides dans les degrés de force fuivans , l’acide fulfurique, l’acide nitri- que , l’acide muriatique, l’acide fîuorique , l’acide boracique & l'acide carbonique; mais la baryte & la magnéffe ont. des affinités différentes de S d’Hist. Nat. et de Chimie. 29 i celles de ces cinq premières bafes avec les acides minéraux , & analogues entr’ elles. Voici comment Bergman difpofe les attrac- tions éledives de la baryte 8c de la magnéfle relativement aux acides minéraux. Baryte 8c Magnésie, Acide fulfurique. Acide fluorique. Acide nitrique. Acide muriatique. Acide boracique. Acide carbonique. Il 115 y a d’autres différences entre ces affini- tés & celles des cinq bafes précédentes, fi ce n’efl que l’acide fluorique elt avant les acides nitrique & muriatique, ce qui indique que les nitrates 8c les muriates barytiques & magnéfiens font décompofés par l’acide fluorique ; tandis que les fluates barytique 8c magnéfien fle cèdent pas leurs bafes aux acides nitrique 8c muria-' tique. VI. Les attradions éledives que nous venons cfexpofer indiquent f ordre des décoffipofitions Amples qui ont lieu dans le mélange de trois matières falines entr’elles ; mais ce n’efl point àffez de cohjioître ces affinités ou attradions éledives Amples , il faut encore étudier celles T ij 2 E L K M E N S qui fe paflfent fouvent entre quatre de ces fubf- tances. On doit fe rappeler qu’on entend par affinité double une force combinée en vertu de laquelle un compofé de deux corps qui ne peut être détruit, ni parmi troifîème, ni par un quatrième autre corps féparés, l’elt cependant avec la plus grande facilité lorfque ces deux derniers font combinés enfemble. Cette double attrac- tion éledive a très-fouvent lieu dans les Tels neutres, c’efl ainfi que le fulfate, le nitrate Sc le muriate calcaires ne font point décom- pofés par l’ammoniaque ni par 1 acide car- bonique feuls, parce que le premier de ces corps a moins d’affinité avec les acides fulfu- rique, nitrique & muriatique, que n’en a la chaux, tandis que le fécond en a moins avec la chaux, que n’en ont les mêmes acides; mais lorfqu’on préfente à ces fels calcaires un compofé d’ammoniaque & d’acide carbonique, ce com- pofé devient fufceptible de détruire l’adhérence de leurs principes. J’ai fait voir dans le chapitre du premier volume où je traite des affinités en général , qu’on pouvoit expliquer la raifon de ce phénomène, en exprimant par des nom- bres les différens degrés d’attradions éledives. J’ai eflâyé d’appliquer cette idée aux matières falines ; mais comme on ne connoîc point d’Hist. Nat. et de Chimie. 293. encore bien la nature & les combinaifons des acides fluorique 8c boracique , je n’ai fait cette application qu’aux acides fulfurique , nitri- que, muriatique 8c carbonique , confédérés, relativement aux bafes falines minérales , & aux différens degrés d’adhérence qu’ils paroiffent avoir avec ces bafes. Les nombres que j’ai fuppofés pour exprimer ces divers degrés d’adhérence , font fondés fur le réfultat des décompofitions fimples ; on doit être prévenu •• qu’ils ne font peut-être pas très - exactement l’expreffion de la force d’affinité, mais qu’ils ne font deffinés qua faire concevoir la caufe des affinités doubles. Je donnerai d’abord la table des affinités numériques des quatre acides défignés avec flx bafes , je n’y comprends pas encore la baryte, parce qu’on ne connoit point encore allez fes diverfes combinaifons falines. J’expoferai en fuite dans des tableaux particuliers le jeu des affinités doubles connues entre les fels neutres , en adoptant la difpofition donnée par Bergman , & que j’ai déjà décrite à l’article des affinités en général. Je rappellerai ici que dans cette ingcnieufe difpofiiion à laquelle je n’ai fait qu’ajouter l’expreffion des affinités par des nom- bres, la fomme des deux nombres verticaux qui d'éfigrient- les attrapions divellentes doit T Uj 2P4 É l é m e n s l’emporter fur celle des nombres horifontaux , qui indiquent les attrapions quiefcentes, pour qu’il exifteune décompofition par affinité double. Tableau des degrés d' attraction exprimés par des nombres entre quatre acides & Jix bafes. I ’fi V M - Première Colonne. L’acide fulfurique pour fe combiner avec / ■ '■ , • la potafïè , une N a affinité égale 8 \t\ fonde ........ la chaux l’ammoniaque . . . la magnéfie 3 f l’alumine . <*in Seconde Colonne. fe - / ? ' : L’acide nitrique a pour combiner avec la potafle , une affinité égale à 1 7 lafoude 6 la chaux. . . . . .4 l’ammoniaque J la magnéûe 1 l’alumine 1 d’Hist. Nat. et de Chimie. 29; Troisième Colonne. la potaiïe , une affinité égale à 6 j lafoude. 5 L’acide muriatique a ( la chaux 3 pour fe combiner avec \ 1 l'ammoniaque i la magnéfie . . . . i , l’alumine \ Quatrième Colonne. . * la chaux , une affinité égale à. .3 I la potafTe z L’acide carbonique a J ( la loude . .1 pour fe combiner avec \ . , 1 1 1 ammoniaque £ l la magnéfie f V l’alumine ............... \ * T iv / 296 . É L Ê M E N S Tableau de dix efpèces d'affinités doubles qui ont lieu entre divers fels neutres & qui font exprimées par des nombres pris du tableau précédent. Premier Exemple. (ulfate de potaiïè. nilfate de potaiïè. » nitre • potaiïè. \ 7 acide f * i ' * / é nitrique. \ 8 affinités f nitrate quiefcentes 4 { 1 calcai- acide 6 ( re. chaux. 1 fuifurique. 1 3 fùlfate calcaire. Second Exemple. muriate de potaiïè. potaiïè. acide 6 k muriatique. *•*>* cane. -ü . ièlma- 8 affinités ^ quiefcentes 3 {lArincal- L y* acide 6_ chaux, fuifurique. 11 fulfate calcaire. * Ce nombre mis à droite dans une petite accolade dî îa fomme des deux affinités horifontales , ou quiefcentes , d’Hist. Nat. et de Chime. 297 Troisième Exemple, nitrate de Coude. foude. fulfate de foude. R JO **'*k «O acide nitrique. nitrate 7 affinités ^ quief cernes 4 {1 1 ) calcai- ^ ‘ re‘ acide fulfurique. V JL R 6 chaux. 1 1 fulfate calcaire. Quatrième Exemple. muriate de Coude. Coude. fulfate de foude. R JO !>» <0 acide muriatique. muriate 7 affinités ** quiefcentes 3 { 10/ calcai- ^ l re* acide fulfurique R' 6 chaux. - 1 1 fulfate calcaire. qui doit être moindre que celle des affinités verticales , ou divellentes , pour que la double décompofition ait lieu. 298 £ l é m e n s Cinquième Exemple. fulfate ammoniacal. acide lûlfurique. 4 ammoniaque, "j J carbona» fteammo- 6 affinités ^ quiefc. | { 6 | \ niacal, ou «î / alkali vo», • klarilcon- «U fulfate calcaire. chaux. acide carbonique. Jcret*' carbonate calcaire. Sixième Exemple. nitrate ammoniacal. acide nitrique. 3 ammoniaque, nitrate calcaire. T/ carbona- 4 affinités quiefc . | { 4 | >te ammo- ^ / niacal. chaux. x 6 chaux. carbonate calcaire. Septième Exemple. muriate ammoniacal. 'acide muriatique. 1 ammoniaque». ) carbona- * muriate calcaire. ' 3 affinités quiefc. z { 3 i >te ammo- ^ / niacal. îique. 1 chaux. — acide carbonique. carbonate calcaire d’Hist. Nat. et de Chimie. -299 Huitième Exemple. fùlfate magnéfien , ou fel d’Epfom. acide fulfurique. magnéfie. jcarbona. S te de ma- fulfate , «■alcaire. «U ^ r « \ gn^e » 6 affinités quiefc. 4 \ 6 f >0u ma- 4 [ gnéfie ef- 13 Vfervefi- chaux. -1-acide carbonique. J cente. carbonate calcaire. Neuvième Exemple. ■ nitrate magnéfien^- acide nitrique, z magnéfie. «O > carbona- nitrate calcaire. fien. 4 affinités " quiefc. f { 4 j Me magné- $ chaux. —acide carbonique. carbonate calcaire. Dixième et' dernier Exemple. muriate magnéfien. ’ acide muriatique, i , magnélîe. muriate calcaire. carbona- 3 affinités ~ quiefc. 7(3 iVtedema- Séj ' ( gnéfie. y1 chaux. JLacide carbonique. 4 carbonate calcaire. 300 E L 4 M E N S Ces dix affinités doubles ne font pas les feules qui exiftent entre tous les fels neutres que nous avons examinés ; nous avons, vu par exemple que les fels barytiques ne font pas décompofés par la potaffe , tandis que les carbonates de potaffe Si de foude les décomposent ; que le fluate calcaire préfente le même phénomène.; ces deux efpèces d’affinités doubles, & peut- être quelques autres qui ne font point encore connues entre les fels, n’ont point été repréfentées dans la table précédente, parce qu’on n’a point encore affez étudié les attradions électives de la baryte & de l’acide fiuorique , pour que nous ayons pu les défigner par des nombres. Lorfque les recherches néceffaires pour acquérir ces con- noiffances auront été faites , il fera fans doute néceffaire de changer les nombres indiqués, pour les faire quadrer avec les affinités que l’on découvrira ; mais la méthode propofée reliera toujours & elle ne pourra même acquérir que plus d’exaditude. -ionur •CIUm . .c a fc.-i ^ ' ^ / d’Hist. Nat. et de Chimie. 301 TROISIEME SECTION. DE LA MINÉRALOGIE. t f : . '• (i Corps combustibles . CHAPITRE PREMIER. Des Corps combuflibles en général . ]Nfous avons déjà parlé de la combufiion dans l’hifioire de l’air. L’ordre que nous avons adopté, exige que nous rappéllions en peu de mots ce qui a été dit fur cet objet. Un corps combufiible efi, fuivant Stahl , un compofé qui contient le feu fixé^ou le phlo- gifiique. La combufiion n’efi, d’après fa théorie, que le dégagement de ce feu fixé , & fon paflage à l’état de feu libre ; ce dégagement fe manifefte par la lumière & par la chaleur. Lorfqu’il eft entièrement fini , le corps qui l’a éprouvé rentre dans la clafle des matières in- combuflibles , 8c on peut lui rendre fa pre- mière combuflibilité en lui rendant Ton phlo- giftique , ou en lui unifiant la matière du feu fixée dans un autre corps. Nous avons trouvé 302 £ L É M E N s quatre grandes difficultés dans cette théorie ; 1°. l’impoiïibilitc de démontrer la préfence du phlogiffique ; 2°. l’augmentation de poids par la combullion qui ne peut pas fe concevoir avec la perte d’un principe ; 30. la perte de poids du corps par l’addition du phlogiffique , lorf- qu’on ie fait palter de l’état incombuffible à l’état inflammable -, 40. le peu d’attention que ^ Stahl avoit fait à la néceffité de l’air. Ce dernier phénomène mieux obfervé , & l’augmentation de poids des corps combuflibles pendant leur combuffion , a fait naître la théorie fui vante. Un corps n’efl combuftible que parce qu’il tend fortement à fe combiner avec la bafe de l’air vital ou l’oxigène. La combullion n’efl que l’aéle même de cette combinaifdU , elle n’a lieu qü’autant que l’oxigène perd le calorique qui le tënoit en état d’air. Cette opinion efl fondée fur les quatre faits fuivans : i°. Un corps ne peut brûler fans air vital ; 20. plus l’air efl pur, plus la combtiflion efl rapide ; 30. danslacombuflion il y a abforption de l’air 8c augmentation de poids dans le corps brûle; •£*. enfin, le corps brûle dans l’atmofphère contient en oxigène la partie en poids que l’air atmofphérique a perdué, & on peut, foirvent extraire cet oxigène par diffé- rens moyens que nous ccnnoîtfons plus bas. d’Hist. Nat. et de Chimie. 305 Macquer avoit réuni cette théorie avec celle dé Stahl en regardant la lumière fixée comme le phlogillique, & en admettant l’air vital comme précipitant de la lumière ; il penfoit que dans toute combuftion , le phlogillique étoit féparé dans l’état de lumière par l’air vital qui prenoit fa place dans le corps combuftible, & il regar- doit ces deux matières , la lumière & l’air vital , comme les précipitans l’une de l’autre ; ainfi, lorfqu’on faifoit paffer la lumière fixée d’un corps combuftible dans un corps déjà brûlé, il croyoit que ce paffage n’avoit lieu qu’à mefure que l’air vital uni au corps brûlé cédoit fa place à la matière de la lumière, & fe tranfportoit dans celui d’où la lumière s’échappoit. La forme exaéfe & rigoureufe que la dodrine moderne a acquife depuis quelques années, n’exige, ne permet même plus qu’on ait recours à ces théo- ries compliquées & forcées ; en la rappelant ici nous ne ferons qu’ajouter à la fimplicité & à la clarté. L’air vital eft compofé d’une bafe fixable appelée oxigène , 8c qui eft tenue en diffolution dans l’état de fluide élaftique par le calorique & la lumière. Lorfqu’on chauffe un corps com- buftible dans ce fluide , ce corps décompofe l’air vital en s’emparant de fa bafe ou de fort oxigène , & alors le calorique , & la lumière 504 E L É M E N S devenus libres, reprennent tous leurs droits, & s’échappent avec les caradères qui les diftin- guent; lavoir, le premier fous forme de cha- leur , & la fécondé fous celle de flamme. Suivant cette doétrine , l’air vital efl le véritable & le feul corps combuflible. Cette théorie femble ne pas détruire la préfence du phlogiltique dont la lumière joue ici le rôle , mais elle différé de celle de Stahl par le lieu du phlogillique ou du feu fixé, que nous admettons dans le corps qui fert à la çombuftion , tandis que Stahl l’admet* toit dans le corps combuflible. Quoiqu’on puiffe faire contre le principe oxigène de Pair vital , l’objeélion qu’on a faite contre le phlogillique de Stahl; puifqu’on ne connoît pas plus ce principe ifolé ou pur, puifqu’il efl toujours ou combiné avec le calorique dans Pair vital , ou avec les corps combullibles , lorfqu’ils ont brûlé ; puifqu’enfin il ne fait comme le phlogillique que paffer d’un corps dans un autre , & changer de combinaifon , fans pouvoir être féparé & préfenté dans un état de pureté ; il y a cepen- dant une très-grande différence entre les deux . théories ; la dernière , celle que nous admettons a tous les caradères de l’exaélitude 6c de la vérité , elle ell fondée fur l’addition ou la fouf- tradion du poids, ce qui n’a jamais pu être fait dans la dadrine- de Stahl. Les d’Hist. Nat. et de Chimie. 305* Les différents corps combuffibles préfentent beaucoup de degrés ou de différences dans leux tendance à fe combiner avec l'oxigène ; & il paroît que tle plus ou le moins de combuffibilité dépend des rapports variés qui exigent entre ce principe & les corps combullibles ; de forte qu’on pourroit établir un ordre de leur com- buffibilité , & conftruire uue table de leur affinité avec la bafe de l’air vital. Cette variété d’affinité entre les corps com- buffibles & l’oxigène efl la' caufe des différens phénomènes que ces corps préfentent dans leur combinaifon avec ce fluide. On pourroit d’après cela diffinguer quatre fortes de combuftions. i°. La combuffion avec flamme 8c chaleur, comme celle du foufre, &c. 2°. La combuffion avec chaleur fans flamme, comme celle de plufieurs métaux, & c. 30. La combuffioiCavec flamme fans chaleur, comme celle des phofphores , &c. q°. La combuffion très-lente fans flamme ni chaleur apparentes , comme cela a lieu par le contaâ de certains corps combuffibles avec l’air, ou lorfque l’oxigène fixé dans un corps 6c dépourvu de calorique , paffie tacitement de ce corps dans un autre. Il faut obferver qu’outre çette diffinclion , Tome II, V go6 E L É M E N S la combuftion différé encore par un grand nom- bre d’autres phénomènes particuliers à chaque corps combuftible. La rapidité, la couleur, l’étendue de la flamme , l’odeur qui l’accompa- gne , la quantité d’oxigène abforbée , la forme , la couleur, la pefanteur, l’état du réfidu du corps brûlé , & plufieurs autres circonflances qu’il feroit inutile de développer ici , & qui feront traitées avec toute l’importance qu’elles méritent à l’article de chaque corps combuflible , établiflent les différences eflentielles , & propres à caradérifer chacun des êtres qui appartiennent à cette clalfe. En confidérant toutes les variétés que pré- fentent les corps combuflibles pendant leur combuftion, on ne peut s’empêcher de con- venir que leur caufe n’eft point encore connue, & qu’il refte des découvertes importantes à faire fut ce point de la théorie chimique ; déjà les degrés d’afftnité différensque paroiflent avoir les divers corps coinbuftibles pour s’unir à l’oxigène , peuvent fervir à expliquer une partie de ces phénomènes ; en effet , il eft naturel de croire qu’un corps qui a une grande attradion pour fe combiner avec ce principe offrira dans cette combinaifon plus de chaleur , plus de mouvement 8c plus de lumière, parce que celle- ci fera féparée de l’air vital avec plus d’énergie. d’Hist. Nat. et de Chimie. 307 Mais cette doélrine n’explique point encore quelle' eft la caufe de la couleur ft variée de la flamme des cîifférens corps inflammables ; pourquoi , par exemple , le cuivre brûle en vert , &c. Elle n’expHque point non plus , au moins par des expériences, comment quelques matières combuflibles brûlent fans flamme apparente, à moins qu’on ne croie avec plufleurs phyficiens que la matière de la lumière efl la même que celle de te chaleur , & n’en différé que parce qu’elle eft plus divifée , plus épar- pillée ; or , on fait combien cette opinion . fouffre encore de difficultés. Si fort fe rap- pelle que la lumière eft un des principes de Pair vital , & qu’elle s’en dégage pendant la combuflion , on pourroit croire que ce corps eft dégagé diverfement de l’air vital par les différentes matières combuftibles, qu’il y en a, par exemple, où toute la lumière, l’enfemble de fes fept rayons ou principes , eft féparée , qu’il en eft d’autres où il n’y a que le rayon orangé de dégagé comme par le gaz nitreux, le jaune ou le vert comme par le zinc 8c le cuivre; mais cette hypothèfe, dont il a déjà été queftion dans l’hiftoire de la combuflion traitée à l’article de l’air, n’eft point encore appuyée par l’expérience. Il fuffit qu’il foit pref- que démontré que la lumière eft plutôt contenue V ij ^q8 É l É M E N s dans l’air vital, que dans les corps combuflibles. En effet , comment concevoir qu’un corps auffi divifé & auffi élaftique en même-temps que la lumière, puiffe fe fixer & prendre de la folidité? N’eil-il pas plus naturel 8c plus conforme à toutes les idées de la faine phyfique depenfer, que lpin de pouvoir prendre ainfi une forme folide , la lumière eft plutôt capable de la faire perdre à ceux qui en jouiffent , 8c qu’elle efl une des caufes de 1 elaflicité de l’air vital , qui n’efi que l’oxigène folide par lui-même uni au calorique 8c à la lumière. Quoiqu’il relie donc encore quelques difficul- tés à réfoudre dans l’hifloire de la combuflion * il eff bien prouvé aujourd’hui que les corps combuflibles qui ont brûlé ont tout-à-fait changé de nature, que l’oxigène qui y ell fixé leur donne toujours plus de pefanteur abfolue, & que ce principe y a pris lui-même une forme plus folide que celle qu’il avoit dans fa combinaifon avec le calorique 8c la lumière qui le condiment air vital. Nous divifons les matières combudibles du règne minéral en cinq genres; favoir, le diamant, le gaz hydrogène ou inflammable, le foufre , les matières métalliques 8c les bitumes. d’Hist. Nat. et de Chimie. 309 CHAPITRE II. Genre I. Diamant. Le diamant efl une fubftance unique dans (on eîpèce ; on l’a placé avec les pierres , parce qu’il en a la dureté , l’infipidité , l’infolubilité. Il efl d’ailleurs le plus tranfparent & le plus dur de tous les minéraux. Sa dureté ell telle que 1 acier le mieux trempé ne mord point fur lui , & qu on ne peut ufer les diamans qu’en les frottant l’un contre l’autre ; c’elt ce qu’on nomme égrifer. Les diamans fe trouvent aux grandes Indes , particulièrement dans les royaumes de Golconde & de Vifapour. On en tire aulfi du Bréfil; mais ils paroifferit d’une qualité inférieure : on les connoît dans le commerce fous le nom de diamans de Portugal. Les diamans fe rencontrent ordinairement dans uhe terre ochracée , jaunâtre , fous des roches de grès & de quartz 5 on en trouve aufïï quelquefois dans l’eau des torrens ; ces diamans ont été détachés de leurs mines. [I efl rare que les diamans foient d’un certain volume. Les fouverains de l’Inde gardent les plus volumi- 310 E L É M E N $ neux , afin que le prix de ces fubffances ne diminue point. Les diamans ne fortent pas de la terre avec leur éclat ; il ne s’en trouve de brillans que dans les eaux. Tous ceux que l’on retire des mines font enveloppés d’une croûte terreufe, qui recouvre une fécondé couche de la nature du fpath calcaire , fuivant M. Romé de Lille. Souvent les diamans n’ont pas de forme ré- gulière ; ils font plats ou roulés. Quelquefois ils offrent des criftaux réguliers en oélaèdres, formés de deux pyramides quadrangulaires réunies par leurs bafes.j on en trouve aufii à 12 , à 24 i & à 48 faces. Quelques diamans font parfaitement tranf- panens & de la plus belle eau ; d’autres font tachés , veinés , nués ; alors ils perdent beau- coup de leur prix. Il en efi: qui ont des teintes uniformes & bien marquées de jaune , de rouge, de bleu, de noir ; ces derniers font fort rares. Les diamans paroiffent être formés de lames appliquées les unes fur les autres ; on les divife aifément, en les frappant dans le feus de ces lames avec un infiniment de bon acier. II y a cependant quelques diamans qui ne paroiffent point compofés de lames difiinéfes , mais de fibres entortillées , comme font celles que l’on d’Hist. Nat. et de Chimie. 311 obferve dans les nœuds du bois. Ces derniers font fort durs, & ne peuvent être travaillés, les lapidaires les nomment dïamans de nature. La tranfparence , la dureté du diamant , la forme criftalline régulière qu’il affede, avoient déterminé les naturaliftes à ranger cette fubf- tance au nombre des pierres vitrifiables. Ils le regardoient comme la matière du criftal de roche, la plus pure & la plus homogène. Ils le croyoient inaltérable art feu , parce que les joailliers font dans l’ufage de faire chauffer 8c même rougir les diamans tachés de jaune ; par- ce procédé , les taches deviennent noires , 3c n’empêchent pas l’éclat de la pierre. Cepen- dant on favoit que le diamant étoit plus pefant & plus dur que le criftal de roche, 8c qu’il avoit une propriété éledrique très - marquée -y mais on n’attribuoit cela qu’à fon extrême pureté. On fait que tous les corps tranfparens pier- rieux ou falins refrangent la lumière en raifoft direde de leur denfité, mais que les corps tranf- parens combuftibles la fefrangent en ralfon dou- blé de leur denfité. Le diamant a une force réfringente prefque triple de celle qu’il devroit avoir en raifôn de fa denfité \ il paroît que c’eft de cette grande force réfringente que dé- pend le fingulier éclat du diamant. Comme il eh V iv É L É M 1 N S S12 très-tranfparent , 8c que la lumière fe refrange fortement entre fes lames, lorfqu’on multiplie fes furfaces par la taille, chacune de fes facettes fournit un faifceau de lumière très - brillant. Auili ceux qui font taillés à facettes fur toute leur circonférence ont-ils un éclat bien fupérieur à ceux qui ne font taillés que d’un côté ; c’eft pour cela que les lapidaires défignent les pre- miers fous le nom de brillant, 8c qu’ils appellent les féconds des rafes. Boyle avoit dit que le feu altéroit les diamans, 8c qu’il s’en dégageoit des vapeurs âcres; mais le fait annoncé par ce phyficien ne fixa point l’at- tention des favans. Cependant Cofme III, grand duc deTofcane, vit à Florence en lôpy. Je diamant fe détruire au miroir ardent. L’em- pereur François I fut aufii témoin à Vienne de la deftru&ion du diamant par le fimple feu des fourneaux. M. d’Arcet, dans fes belles expériences fur les matières pierreufes expofées à l’aétion d’un feu violent 8c continu , n’oublia pas les dia- mans. Il annonça qu’ils s’évaporoient dans le fens de leurs lames , 8c que fi on arrêtoit l’éva- poration à propos , ce qui refloit n’étoit nul- lement altéré, 8c n’oflfroit qu’un diamant de moindre volume. M. d’Arcet voulant favoir fi l’évaporation du d’Hist. Nat:. et de Chimie. 31^ •diamant n’étoit pas une {impie décrépitation, imagina de le traiter dans des vaiffeaux diffé- o t , remment fermés. Il prit une fphère de pâte dè porcelaine , & après l’avoir coupée en deux , il plaça un diamant au centre , il ajufia enfuite les deux hémifphères , de manière que le dia- mant fe formant à lui même fa cavité, il n’y eût pas d’efpace vide autour. Ayant laiffé ces boules au four jufqu’à ce qu’elles fulfent cuites, il les calfa, & trouva la loge vide & le diamant évaporé , fans qu'on pût appercevoir la moindre gerçure à la boule. M. d’Arcet a varié cette expérience de plu- fieurs manières , tantôt en prenant des boules de pâte de porcelaine , tantôt des creufets de porcelaine cuite , fermés d’un bouchon de pareille matière , enduit avec une fubllance fufible qui , en fe vitrifiant au feu , faifoit un lut hermétique. M. d’Arcet a toujours vu le diamant difparoître, 8c en a conclu qu’il étoit évaporable fans le fecours de l’air. Depuis MM. d’Arcet & Roux ont obfervé qu’il n’étoit pas nécefTaire d’avoir recours à des feux d’une fi grande violence , pour opérer la volatilifation du diamant; & en 1770 M. Roux en volatilifa un, aux écoles de médecine, en cinq heures de tems dans un fourneau de cou- pelle. 314 Élémens En 1771 Macquer obferva un nouveau phé- nomène relatif à la deflru&ion de cette fubf- tance. Ayant eu un diamant à volatilifer, il employa le fourneau de Pott , auquel il avoit fait quelques corredions. Ce fourneau, lorfqu’il eft terminé par un tuyau de pôele de dix à douze pieds de hauteur , produit une chaleur égale à celle d’un four à porcelaine dure. Macquer avoit placé une moufle au centre de fon fourneau , qui 11’avoit qu’un tuyau de deux pieds. Il mit un diamant taillé en brillant , & pefant trois-feizièmes de karat, dans une coupelle qu’il plaça d’abord au-devant de la moufle bien rou- ge ; il eut foin de 11e l’enfoncer que par de- grés, pour éviter que le diamant ne s’éclatât. Au bout de vingt minutes , ayant obfervé le diamant , il le trouva augmenté de volume 8c beaucoup plus brillant que la capfule dans laquelle il étoit j enfin , il obferva une flamme légère 8c comme phofphorique , qui formoit une auréole très-marquée autour de la pierre ; mais il ne fentit point de vapeurs âcres, comme l’avoit annoncé Boyle. Le diamant ayant été reporté fous la moufle , au bout de trente minutes , il étoit entièrement difparu , fans laitier après lui aucune trace. Ainfi Macquer a volatiiifé en moins d’une heure un diamant de près de quatre grains, 8c il a vu que ce corps 1 d’Hist. Nat. et de Chimie. 317 brûle avec une flamme fenfible à la manière des autres corps combuftibies. Ce fait annoncé par Macquer a été vérifié plufieurs fois depuis. En 177J Bucquet a vola- tilifé un diamant d’environ trois grains & demi ; il s’efl fervi du fourneau de Macquer, mais fans tuyau , & la moufle efl reflé ouverte prefque tout le tems de l’opération , afin qu’on pût voir ce qui fe pafloit pendant la combuflion du diamant. II efl reflé environ quinze minutes avant de s’enflammer, & à compter du moment de l’in- flammation, il n’a pas fallu vingt-cinq minutes pour fon entière volatilifation. Comme aucune de ces expériences ne démon- troit ce que devenoit le diamant, MM. Mac- quer , Lavoifier & Cadet réfol urent de faire quelques eflais dans des vaiiïeaux clos. Ils diflillèrent vingt grains de diamans dans une cornue de grcs , avec un appareil propre à retenir les produits s’il eût pafle quelque chofe; ils employèrent un feu de la plus grande vio- lence , & n’obtinrent rien ; ils trouvèrent les diamans bien entiers , mais ayant perdu un peu de leur poids ; ils foupçonncrent dès-lors que eette perte dépendoit de ce que les diamans avoient brûlé en partie , à l’aide du peu d’air renfermé dans les vaifleaux ; les diamans d’ail- leurs étoient couverts d’un enduit noirâtre , & 3j6 Ê L i M E N S comme charbonneux , qui difparoilfoit promp- tement en les frottant fur la meule. Pendant que les chimiftes s’occupoient des re- cherches fur le diamant , les lapidaires croyoient toujours à la parfaite indeftruélibilité de cette pierre. L’un d’eux , M. le Blanc , porta chez M. Rouelle un diamant pour être expofé au feu ; mais il voulut l’envelopper à fa manière. En conféquence , il le mit dans un creufet avec un cément de craie & de poudre de charbon • ce premier creufet fut enfermé dans un autre , fermé de fon couvercle & luté avec le iable des fondeurs. Cet appareil relia au feu pendant quatre heures, ainli que plufieurs autres dia- mans fu; lefquels M. Rouelle travailloit. Au bout de ce tems, les diamans de M. Rouelle avoient difparu , ainfi que celui de M. le Blanc. M. Maillard , autre lapidaire , fe rendit chez M. Cadet, où travailloient MM. Macquer & Lavoilîer ; ayant apporté trois diamans , il pro- pofa de les expofer au feu , après quil les auroit cémentés à fa manière. Il remplit de charbon pilé elles ne pourront plus fuir fous le marteau , 6c que dans ce cas } le métal fe déchirera. La chaleur en le dilatant en écarte les parties , 6c produit entre elles de nouveaux efpaces qui leur permettent de fe rapprocher de nouveau à l’aide des percuiïions réitérées. Comme la dudilité ne fe rencontre que dans certaines fubflances métalliques , les chimifles 6c les naturalises fe font fervis de l’abfence ôc de la préfence de cette propriété pour diflin- guer ces fubflances entr’elles. Ils ont appelé métaux , celles qui réunifient la dudilité à l’opa- 380 E L É M E N S cité, à la pefanteur & au brillant métallique; 8c demi-métaux , celles qui , avec l’apparence métallique , ne font point dudiles. Mais cette diftindion , quoiqu’afîez exade , ne fuffit cepen- dant pas pour féparer en deux claffes toutes les matières métalliques, parce que depuis la duc- tilité extrême de l’or jufqu’à la fingulière fragi- lité de l’arfenic , on ne trouve que des degrés înfenfibles dans cette propriété , & parce qu’il y a peut-être plus loin pour la dudilité de l’or au plomb qui ed regardé comme un métal , qu'il n’y a du plomb au-zinc qu’on range parmi les demi-métaux , 8c du zinc à l’arfenic , la na- ture palfant , à ce qu’il paroît , par nuances înfenfibles d’un corps à l’autre. Lès métaux confidérés relativement au degré de leur dudilité , doivent être rangés dans l’or- dre fuivant. L’or ed le plus malléable de tous ; enfuite viennent l’argent, le cuivre, le fer, l’étain & le plomb. Les demi-métaux ont été regardés comme n’en ayant aucune. Nous ver- rons cependant que cette propriété exilte jufqu’à un certain degré dans le zinc & dans le mercure. Quant à la ténacité , l’or ed celui qui en a le plus : on place à la fuite le fer , le cuivre , l’ar- gent, l’étain 8c le plomb; celle du platine n’ed pas bien connue. Les fubdances métalliques font fufceptibles d’Hist. Nat. et de Chimie. 381 de prendre une forme régulière foit par le travail de la nature , foit par les efforts de l’art. Les naturaliftes connoiflToient , depuis long- temps, cette propriété que la nature leur avoit offerte dans le bifmuth natif, l’argent vierge, & quelques autres métaux. Les alchimitles même avoient obfervé foigneufement les figures ramifiées ou étoilées qui fe forment à la fur.face de l’antimoine & du bifmuth. M. Baumé a annoncé dans fa chimie expéri- mentale 8c raifonnée que les matières métal- liques qui ont été bien fondues , prennent , par un refroidiffement lent, un arrangement fym- métrique 8c régulier , & c. M. l’abbé Mongez , chanoine régulier de fainte Geneviève, a fait un travail fuivi fur la criflallifation de toutes les matières métalliques. M. Brongniart, démonffra- teur de chimie au jardin du roi , s’eff aufli occupé de cet objet , 8c beaucoup de chimifles ont répété leurs procédés. II en réfulte que tous les métaux peuvent eriffallifer , 8c que , quoique plufieurs d’entr’eux aient une criffal- lifation en apparence différente , le plus grand nombre préfente cependant la même forme odaèdre avec quelques modifications. Quelques matières métalliques ont de la faveur 8c de l’odeur , comme l’arfenic, l’antimoine , le plomb j le cuivre, l’éuin, le fer. Ces propriétés fe 382 É L é M E N S rencontrent conflamment dans toutes celles qui font les plus altérables. Elles y font même quel- quefois dans un degré fi marqué , que ces ma- tières font fufceptibles de corroder & de détruire entièrement les organes des animaux. §. II. Hijloire naturelle des fubjlances métalliques. Les fubflances métalliques exiflent dans l’in- térieur de la terre dans quatre états diiférensj le premier eft celui de métal vierge ou natif , c’eft-à-dire , pourvu de toutes fes propriétés ; c’efl ainfi que fe trouvent toujours l’or , fouvent l’argent, le cuivre, le mercure, le bifmuth , l’arfenic, rarement le fer, plus rarement encore le plomb, le zinc, l’antimoine, &c. Le deuxième état où fe rencontrent les fubf- tances métalliques eft celui d’oxides ou de chaux \ c’ell-à-dire , n’ayant pas l’afpeél métal- lique, mais plutôt une forte de reifemblance avec les ochres ou les matières terreufes. On trouve fouvent le cuivre dans l’état d’oxide vert ou bleu ; le fer dans celui d’oxide jaune, rouge ou brun ; le plomb dans l’état d’oxide blanc , gris, jaune, rougeâtre & même vitreux; le zinc dans l’état de calamine; le cobalt en fleurs rou- ges ; l’arfenic en oxide blanc , &c. Le troifième état naturel des métaux Sc celui d’Hist. Nat. ej de Chimie. 383 qui eft le plus commun, coilftitue les mines ou minérais. La fubftance métallique s’y trouve combinée avec une matière combuftible qui lui enlève Tes propriétés métalliques , & elle ne peut les recouvrer que lorfqu’elle en eft féparée. Cette matière que l’on nomme le minéralïfa- teur , eft ou du foufre , ou un autre métal. Quelques chimiftes aflurent même que le foufre eft le minéralifateur le plus commun. Il eft uni à l’argent dans la mine d’argent vitreufe; celles du cuivre contiennent prefque toujours un très-grande quantité de foufre - le fer eft combiné avec ce minéral dans la pyrite mar- tiale , le plomb dans la galène , le mercure dans le cinabre, le zinc dans la blende; enfin, on trouve quelquefois le bifmuth & fouvent l’arfenic unis au foufre. Il eft bon d’obferver que les métaux n’ont pas tous la même affinité avec le foufre. Il en eft qui en contiennent beaucoup & qui le per- dent aifément; leur éclat métallique en paroît peu altéré ; tels font le cuivre, le plomb , l’anti- moine; d’autres en contiennent très-peu, mais ce foufre leur eft très-adhérent , 8c quoiqu’il foit en petite quantité, il fait difparoître prefque toutes les qualités métalliques ; c’eft ce qu’on obferve à l’égard du cinabre. Les métaux peuvent fe trouver alliés avec 384, É L É M E N S d’autres métaux, mais c’elt particulièrement Parfenic qui les minéralife. On trouve le fer , l’étain , le cobalt , fouvent unis à l’avfenic ; quelquefois le métal efl uni en même-tems à l’arfenic & au foufre , comme dans la mine d’antimoine rouge, dans l’argent rouge; enfin, il y a des mines métalliques compofées de plufieurs métaux & de plufieurs fubflances minéralifantes , ainfi que la mine de cuivre grife , la mine d’argent grife & quelques autres. Le quatrième état que les métaux préfentent dans l’intérieur de la terre , eftleur combinaifon avec des fubflances falines, & prefque toujours avec des acides. D’acide fulfurique s’y trouve combiné très - fréquemment ; les oxides de zinc, de plomb , de cuivre , de fer, font fouvent dans l’état de fulfates ; facide carbonique efl un des minéralifateurs les plus communs des métaux; les acides muriatique, arfenique & phof- phorique y ont aufli été démontrés depuis quel- ques années. Les fubflances métalliques font bien moins abondantes dans le globe terreflre que les ma- tières pierreufes. Fdles forment dans les monta- gnes, des veines ou filons qui coupent plus ou moins obliquement les couches de terres & de pierres , c’efl l’état le plus ordinaire des métaux minera lifés. d’Hist. Nat. et de Chimie. 385* minéralifés. Ceux qui font dans, l'état d’oxides ou de Tels Te trouvent fou vent par mafTes que l’eau a tranfportées & quelquefois critf allifëes ; on rencontre auffi plufieurs mines métalliques en tas informes : elles doivent alors leur for- mation à quelques accidens particuliers. Les filons métalliques font accompagnés de matières pierreufes qui femblent avoir été for- mées en même-tems qu’eux. Ces pierres font ordinairement du quartz & du fpath , elles for- ment deux couches ; l’une fur laquelle pofe la mine, fe nomme lit ou fol ; l’autre qui la re- couvre eft le toît. Ces pierres confiituenc ce qu’on appelle la gangue ou matrice de là mine , qui ne doit pas être confondue avec le miné- ralifateur ; car celui-ci efl combiné avec le mé- tal , de manière qu’il ne peut en être féparé que par des procédés chimiques, tandis que la gangue peut en être féparée par des moyens mécaniques; il ne faut pas non plus confondre la gangue qui efi formée de pierres crifiallifées , avec la roche qui forme la malle des monta- gnes dans lefquelles fe trouvent les filons mé- talliques. Ces derniers fe divifenc en riches ou pauvres , en filons capitaux ou veinules , en filons de vrai cours qui fe continuent dans la même direction , ou filons rebelles qui fe détour- nent (Sc font interrompus dans leur continuité. Tome II. B b 386 È L É M E N S Les mines métalliques paroilTent toutes devoir leur formation à l’eau ; en effet , la plupart fe trouvent criftallifées ou mêlées à des fubilances que le feu n’auroit pas manqué d’altérer, comme les pierres calcaires & le foufre ; & l’on rencontre parmi elles des corps qui ont con- fervé l’organifation végétale ou animale , orga- nifation que le feu n’auroit pas refpeétée ; il y a peut-être quelques mines métalliques qui ont été formées par le feu ; telle paroît être la mine de fer fpéculaire du Mont-d’Or en Auvergne; mais ces cas font rares. Les mines fe trouvent plus communément dans les montagnes que dans les plaines , 6c prefque toujours dans celles qui forment des chaînes continues. On obferve que les plantes qui croiffent à la furface des montagnes qui renferment ces matières , font arides ; les ar- bres y font tortueux , 8c ont un mauvais port ; la neige y fond prefqu’auffi-tôt qu’elle y tom- be, les fables offrent fouvent des couleurs mé- talliques. On trouve dans le voifinage des four- ces d’eaux minérales métalliques ; l’examen de ces eaux & des fables qu’elles charient , four- niffent de très-bons indices de la préfence des matières métalliques qui les avoifînent. Lorf- qu’on voit paroître à la furface de la terre quelques veines métalliques, ces indices doivent d’Hist. Nat. et de Chimie. 387 fuffire pour faire fonder le terrein ; la fonde rapportant les fubftances qui compofent l’in- térieur de la montagne avec la matière minérale métallique , fert à faire connoître quelle eft la nature de cette fubftance, & la réfiftance qu’on doit attendre du terrein. §. III. De Pan dPejJayer les mines , Ou de la Do CI MASIE. Lorfqu’on a retiré une certaine quantité de mine , il convient d’en faire l’eflai pour en con- noître exactement la nature & le produit. Ces e (bais forment une des parties les plus impor- tantes de la chimie , à laquelle on a donné le nom de docimajie. Ils doivent être variés fuivant la nature de chaque mine ; cependant il eft certains procédés généraux qu’il convient de fuivre dans tous les effais. On prend des échantillons de mine qu’on choifit parmi les plus riches, les plus pauvres, & ceux d’une richefle moyenne , cette opéra- tion s’appelle lotir les mines 1 le lotiflage eft indifpenfable , parce que fi on ne tentoit que 1 effai d un échantillon riche, on pourroit con- cevoir des efpéra::ces trop flatteufes; fi on n’eftayoit que des échantillons très-pauvres , on tomberoit dans le découragement. Les mines étant loties , il faut les piler exactement , 8c Bb ij ^88 É L :Ê M E N S enfuite les laver à grande eau. Ce fluide emporte la gangue réduite en poudre; le minerai, comme plus pefant , refie au fond du vafe où fe fait le lavage. La mine lavée doit être enfuite gril- lée avec foin pour enlever par là fublimation la plus grande quantité poffible du minéra- lifateur ; on doit faire le grillage dans une petite écuelle de terre , couverte d’un vaif- feau femblable. Cette précaution efl néceffaire , parce que certaines mines pétillent au feu & fautent hors de la capfule dans laquelle on les grille , cet accident efl capable de rendre le réfultat incertain. Comme ce grillage fait en plein air, laifïe ordinairement le métal dans l’état d’oxide, 8c peut même en faire perdre une partie fi le métal que l’on efTaie efl vola- til, nous préférons de griller les mines dans une cornue de grès. Cette opération , quoique plus longue 8c plus difficile , a l’avantage de faire connoître la nature & la quantité du miné- ralifatèur, 8c de donner une analyfe beaucoup plus exaéte du minéral dont on fait l’efTai. Lorfque la mine a été tenue rouge pendant quelque tetris,, & qu’il ne s’en exhale aucune vapeur, le grillage efl fini. Comme on a pefé la mine avant 8c après le lavage pour déter- miner la quantité de gangue qu elle conte- noit , on la pèfe de nouveau après le grillage, d’Hist. Nat. et de Chimie. 3S9 pour favoir combien elle a perdu par cette opération. La mine grillée doit être fondue ; à cet effet on la mêle avec trois parties de flux noir & un peu de muriate de foude décrépité , on la met dans un creufet fermé de fon couvercle , on place ce creufet dans un bon fourneau de fufion. L’alkali du flux noir fond le métal , & abforbe N la portion de minéralifateur qui reffe dans la mine. Le charbon du tartre qui fe trouve dans le flux noir, fert à réduire l’oxide du métal en abforbant fon oxigène; le muriate de foude em- pêche que le mélange ne fouflfre de déperdition pendant la fufion , parce que ce fel fondu étant plus léger que les autres matières , occupe toujours la partie fupérieure du creufet, re- couvre le mélange & fupporte feul le déchet. La fufion étant achevée, il faut biffer refroidir très-lentement le creufet ; on s’apperçoit que la matière a été bien fondue , lorfque le métal eff raffemblé en un feul culot convexe à fa fu perfide , qu’il ne fe trouve aucun grain dans les fcories, & que ces fcories elles-mêmes font en une mafle vitreufe, compaéte & uniforme, couverte d’une couche de fel marin fondu. O11 pèfe exadement le culot métallique, & on con- noît en quelle proportion le métal fe trouve dans la mine que l’on a effayée. B b iij jpo Élément II eft des mines qui font plus dures & plus réfradaires • alors on ajoute des fondans plus actifs 8c en plus grande quantité , comme le borax, le verre pilé, les alkalis fixes, &c. Il arrive fouvent que le même minerai contient des métaux parfaits avec des métaux imparfaits ; on les fépare en chauffant avec le contad de l’air , le culot métallique. Le métal imparfait s’oxide & fe dilîipe , le métal parfait relie pur ; cette opération fe nomme en général affinage . Le métal parfait qu’on obtient par ce procédé eff prefque toujours un mélange d’or 8c d’argent. On fépare ces deux métaux par le moyen d’un diffolvant qui s’empare de l’argent 8c laiffe l’or intaéb ; cette opération fe nomme départ. Les réfidus que tous ces procédés four- niffent, doivent être pefés avec la balance d’effai. Ce travail , quelqu’exad qu’il paroiffe, eft fouvent moins utile pour guider dans l’exploi- tation d’une mine, que ne feroit un effai plus groffier; parce que, dans les travaux en grand, on n’emploie pas des matériaux auffi chers , 8c que d’ailleurs on n’opcre pas avec mitant de précaution ; il faut donc effayer de fondre la mine à travers les charbons dans un fourneau de fufion. Les charbons réduifent l’oxide mé- tallique , l’alkali fixe qui fe produit dans leur d’Hist. Nat. et de Chimie. 391 combuftion abforbe une portion de la fubftance qui minéralife le métal. Il faut quelquefois ajouter un peu de limaille ou de fcories de fer , ou du fiel de verre pour faciliter la fufion des mines très-réfradaires. Il eft une forte d’efîai par la voie humide qui peut fe pratiquer lorfqu’on veut connoître les métaux contenus dans des échantillons de mines qu’on fe propofe de conferver dans des cabinets d’hifioire naturelle. On prend un petit morceau de l’échantillon , on le fait digérer dans des acides qui dilfolvent le métal & en féparent le minéralifateur ; le fel qui réfulte de l’union du métal à l’acide fait connoître la qualité de ce métal ; mais cet effai ne peut pas avoir lieu pour toutes fortes de mines , parce qu’elles ne font pas toutes fufceptibles d’être attaquées par les acides. Bergman a donné fur la docimafie humide une très-bonne dilïertation qu’on pourra confulter avec fruit. §. IV. De 2’ art <£ extraire & de purifier en grand lesmétauxyOu de la Métallurgie. Lorfqu’on s’efi: alluré , par un efïai convenable, que la mine peut être exploitée utilement , on y procède de la manière fui vante. On creufe un puits quarré perpendiculaire , alfez large pour y placer des échelles droites, a l’aide defquelle» ' B b iv 39 2 Elémen s les ouvriers puiflent defcendre & monter. Ordinairement on pofe fur ces puits des treuils poui tirer les féaux chargés de minerai; quel- quefois au ITi on y met des pompes pour puifer 1 eau qui s’y rafiemble. Si la mine efl trop pro- fonde pour qu’un feul puits conduife au fol du filon, on pratique une galerie horifontale, au bout de laquelle on creufe un nouveau puits , & ainfi de fuite, jufqu’a ce qu’on foit parvenu au fond de la mine. Si la roche dans laquelle on creufe efi fort dure & capable de fe foutenir d’elle-même , la mine n’a pas befoin d’être étayée ; mais fi on travaille dans des roches tendres ou dans des lerres qui peuvent s’ébouler , on efi obligé d’étan- çonner les galeries & de garnir les puits de pièces de charpente qu’on recouvre de planches dans tout le pourtour. II efi effentiel de renouveller l’air dans les mines; lorfqu il efi pofiîble de creufer une galette , qui du bas des puits réponde dans la plaine , le courant d’air s’établit aifément; quand cela ne fe peut pas, on creufe un puits qui aboutit a 1 extrémité de la galerie oppofée à celle où fe trouve le premier. Lorfque Pun des deux puits efi plus bas que l’autre , l’air circule très-aifément ; mais fi les deux puits font de hauteur égale, le courant d’air ne fauroit d’Hist. Nat. et de Chimie. 593 s établir : dans ce dernier cas , on allume du feu dans un fourneau , , au-defius de l’un des puits , 8c l’air forcé de traverfer les matières combuflibles , fe renouvelle continuellement dans la galerie. L’eau eft encore un inconvénient très-grand dans les mines ; fi elle fort peu-à-peu entre les terres, on tâche de lui ménager une ifïiie dans la plaine, & delà dans la rivière la plus voifine , à l’aide dJune galerie de percement. Si elle fe ramaiïe en plus grande quantité, on tire l’eau à l’aide des pompes. Quelquefois en perçant la roche il en fort une quantité d’eau énorme & capable de remplir à i’inftant toutes les galeries ; les ouvriers en font avertis par le retentiife- ment qu’ils entendent en frappant la roche; alors ils établirent une porte dans une des ga- leries, cette porte peut fe fermer par un valet , un ouvrier perce la roche pour donner ilTue à l’eau , & fe retire en fermant la porte fur lui , il a le tems de s’éloigner avant que l’eau puilfe gagner. Il s’élève dans les fouterreins des mines des vapeurs d’acide carbonique & de gaz hydrogène, dégagées ou formées par la réa&ion des ma- tières minérales 8c métalliques les unes fur les autres. Souvent aulfi les feux que les ouvriers font obliges d’allumer, dans le deflein d’attendrir 394 Élément la roche , favorifent le dégagement de ces gaz , dont les dangereux effets ne peuvent être pré- venus que par les courans d’air rapides, ou par la détonation. Le minéral tiré de la terre, eü enfuite pilé, lavé , grillé , fondu & affiné. On pile la mine fous dè gros pilons mus par un courant d’eau ; les pilons fe nomment bocards ’ la mine pilée eff lavée fur des tables inclinées de forte que l’eau s’écoule & emporte la gangue. Les mines qui contiennent beaucoup de foufre , doivent être grillées à l’air ; celles qui en contiennent peu, doivent l’être dans des fourneaux qui fervent enfuite à les fondre; quelques mines fe fondent feules ; d’autres veulent être fondues à travers les charbons, 8c avec differens fondans. Les fourneaux de fufion different fuivant les pays 8c la qualité plus ou moins réfractaire de la mine. Ceux qui fervent à l’affinage , ne font pas effentiellement differens des premiers. Quel- quefois même ces deux opérations fe font dans un feul fourneau. Lorfqu’on a ainfi réduit les métaux, ils font prefque toujours unis plulieurs enfemble ; on a alors recours pour les féparer, a des procédés entièrement chimiques , Sc que nous ferons connohre à l’article de chaque métal. i d’Hist. Nat. et de Chimie. 39^ t » r §. V. Des propriétés chimiques des fubjiances métalliques. Toutes les propriétés chimiques des 'fubf- tances métalliques femblent démontrer que ces matières font fimples , & qu'on ne peut les dé- compofer. Les altérations qu’elles éprouvent de la part de la chaleur , de l’air & des fubffan- ces falines, font toujours dues, comme on le verra , à des combinaifons , 8c pas une de ces altérations ne peut être comparée à une ana- lyfe , ainfi que nous allons le démontrer par l’expofition détaillée des phénomènes qu’elles préfentent. La lumière paroît altérer la couleur & le brillant de quelques fubftances métalliques. Bien enfermées dans des vaiffeaux tranfparens, quelques-unes s’y terniffent , prennent une cou- leur changeante, qui fait difparoître peu-à-peu leur brillant. On n’a pas fuivi plus loin cette efpèce d’altération. La chaleur ne leur fait éprouver que quel- ques changemens d’aggrégation , & cela avec plus ou moins de facilité 8< de promptitude. T ous les fubüances métalliques , chauffées dans des vaiffeaux bien fermés , fe fondent les unes bien avant de rougir , d’autres dans l’inflant qu’elles rougiffent , d’autres long - tems après 1 ÊIÉMENS qu’elles ont rougi. Il y a autant de degrés dans la fufibilité de ces matières, qu’il y a d’efpèces de métaux. Si on les lailTe refroidir lorfqu’ils ont été fondus , ils criftallifent ; fi on les pouffe à un feu violent, ils bouillent à la manière des fluides , & fe réduifent en vapeurs. Il y a Iong- tems qu’on connoiffoit ces propriétés dans le mercure ; les orfèvres voyent fouvent bouillir l’or & l’argent en fufion. M. de Buffon avoit obfervé qu’en expofant des plats d’argent au foyer d’un grand miroir concave , il s’élevoit une fumée blanche de la furface des plats. MM. Macquer & Lavoifier ayant mis de l’ar- gent de coupelle au foyer de la lentille de Tfchirnaufen, virent ce métal s’exhaler en fu- mée; une lame d’or expofée à cette fumée fut parfaitement argentée. L’or mis au même foyer, donna également des fumées qui dorèrent par- faitement une lame d’argent qu’on y expofa. Les cheminées des orfèvres 8c des effayeurs font remplies des fumées d’or 8c d’argent. Le cuivre, l’étain, le plomb, le zinc, l’antimoine, le bifmuth 8c l’arfenic fe volatilifent afîez fa- cilement. Tous les métaux fondus paroiffent convexes à leur furface , 8c lorfqu’ils font en très petites malles , ils forment des fphères parfaites ; cet effet dépend de la force d’aggrégation, qui fait d’Hist. Nat. et de Chimie. 397 rapprocher les parties métalliques les unes vers les autres , & de leur peu de tendance à la combinaifon avec le corps - fur lequel elles pofent. Cette propriété efl générale dans tous les fluides, & on peut Pobferver dans l’huile à l’égard de l’eau , & dans l’eau à l’égard des corps gras. Les métaux expofés à l’adion du feu avec le contact de l’air, y éprouvent des altérations allez fenfibles , les uns plutôt, les autres plus tard : ceux qui ne font point fenfiblement altérés, fe nomment métaux parfaits • on appelle métaux imparfaits , ceux qui perdent entière- ment leurs propriétés métalliques par ce procé- dé. Cette altération des matières métalliques , que nous nommons oxidation , ell une véritable combuflion ; elle ne peut fe faire qu’avec le fecours de Pair, comme celle de toutes les fubf- tances combultibles ; & lorfqu’elle a eu lieu quelque tems dans une certaine quantité d’air, elle ne peut plus s’y continuer à moins que l’air ne foit renouvellé. Cet air dans lequel les métaux ont brûlé, efl devenu méphitique. La combuflion des fubflances métalliques efl ac- compagnée d’une flamme plus ou moins vive, certe flamme efl très - fenfible dans le zinc , Parfenic, le fer, l’or , l’argent ; elle l’efl même dans le plomb , l’étain l’antimoine , qui font 35)8 Ê L É M E N S chauffés fortement. Les métaux perdent en brûlant leurs propriétés métalliques d’une ma- nière d’autant plus marquée , qu’ils ont été expofés à Paélion du feu & au contad de l’air pendant un tems plus long ; quelques-uns fem- blent alors fe rapprocher à l’extérieur du ca- radère des matières terreufes; auffi leur a-t-on donné, dans cet état, le nom de terres ou de chaux métalliques . On doit préférer à ce nom celui d’oxides métalliques, parce qu’il eft dé- montré aujourd’hui que ces métaux brûlés ne font point des terres comme on le croyoit il y a quelques années ; mais des combinaifons avec l’oxigène. Les oxides métalliques n’ont plus le brillant &la fufibilité des métaux ; ils n’ont plus du tout d’affinité avec ces corps , pas même avec ceux qui ont fervi à les faire. Si on les pouffe au feu , ils fe volatilifent ou fe fondent en verres. Ces derniers font d’autant plus tranf- parens & d’autant plus difficiles à fondre, que les métaux ont été plus oxidés , ou qu’ils con- tiennent plus d’oxigène. Les oxides métalli- ques s’uniffent aux matières falines 8c terreufes. Plufieurs d’entr’eux ont les caradères de matières falines. L’arfenic bien oxidé devient un acide particulier, dont les propriétés ont été examinées par Schéele & Bergman. Rouelle nous a appris que l’oxide d’antimoine fe diffout dans l’eau comme le fait l’arfenic. d’Hist. Nat. et de Chimie. 399 Quelques oxides métalliques expofés à l’ae- rion du feu, fe réduifent en métaux & four- niflent en fe réduifant un fluide aériforme qui eft de l’air vital très-pur. C’efl à M. Bayen que l’on doit les premières connoiflances fur cet objet. Il a obfervé que les oxides de mercure chauffes dans des vaifleaux fermés donnoient beaucoup d’air, & qu’ils fe réduifoient en mercure coulant. M. Prieflley, ayant examiné cet air, vit qu’il étoit beaucoup meilleur que l’air atmofphérique ; & c’efl à cette découverte que l’on doit fixer l’époque de la connoiflance exa&e que nous avons aujourd’hui fur la cal- cination des métaux. Revenons un moment fur les phénomènes de cette opération. Un métal ne fe calcine jamais que lorfqu’il a un contad avec l’air ; plus ce contad efi multiplié , plus le métal fe calcine ; une quantité donnée d’air ne peut fervir à calciner qu’une quantité donnée de métal, comme l’a ingénieufement démontré M. Lavoifier en calcinant du plomb , à l’aide d’un miroir de réflexion , dans une cloche qui contenoit un volume connu d’air. Le métal en fe calcinant , abforbe une portion de l’air qui l’environne, puifque le mercure au - deflus duquel on calcine un métal fous une cloche , remonte dans ce vaifleau à mefure que la cal- cination avance. C’efl: à cet oxigène abforbé 400 Ë L É M E N S cjue les oxides métalliques doivent la pefanteur qu’ils ont acquife dans la calcination , puifque, quand on 1 extrait aes oxides de mercure , ils perdent en revenant à l’état métallique cet excès de poids que l’on retrouve exactement dans l’air vital qu’elles fourniffent à l’aide de la diffilla- tion. II paroît démontré , d’après tous ces phé- nomènes , que la calcination n’elt autre chofe que la combinaifon du métal avec la bafe de Pair pur ou l'oxigène contenu dans l’atmofphère. Cette combinaifon fe fait fouvent par le feul contaét de 1 air Sc de 1 eau , dans les métaux qui font fufceptibles de fe rouiller. Si l’on a befoin de faire chauffer la plupart des métaux poul- ies oxider, ceff que la chaleur, en diminuant la force d’aggrégation des molécules de ces corps pour elles - mêmes, augmente en même proportion la force d’affinité ou de combinai- fon, & favorife ainfi celle que Lon veut opérer entre l’oxigène & le métal. La chaleur n’eff donc , dans cette opération , qu’un auxiliaire comme dans beaucoup de dilïblütions. L’air qui a fervi à oxider un métal ne peut plus entretenir la combuffion , parce qu’il eff privé de la portion d’air vital qu’il contenoit, Sc qui feule peut donner lieu à la combuffion Sc à la vie. Plus le fluide atmofphérique contient de cet air vital, plus il eff propre à oxider promp- , tentent d’H IST. Nat. et de Chimie. 401 tement une quantité donnée de métal. J’ai bien des fois obfervé qu’on peut faire une beaucoup plus grande quantité d’oxide métallique de plomb, de bifmuth , &c. en plongeant ces mé- taux fondus dans une cloche pleine d’air vital , qu’on n’en feroit dans le nvême tems au milieu de l’air atmofphcrique. Tous ces faits, & un grand nombre d’autres , que l’on trouvera dans l’hifloire particulière de chaque métal , font bien propres à démontrer qu’un oxide métallique n’efl autre chofe qu’une combinaifon chimique du métal & de l’oxigène atmofphérique , que la calcination n’ert que l’aéte même de cetté combinaifon , & que l’air vital étant fixé dans cette opération , il ne relie plus que le gaz azotique qui faifoit partie de l’at mofp hère. La réduction des oxides métalliques , à l’aide des matières combuflibles , éclaire encore cette tnéorie , & lui donne de nouvelles forces. On efl fouvent obligé lorfqu’on veut réduire un oxide métallique en métal , de le faire chauffer dans des vailfeaux fermés avec une matière combuftible , comme avec des graiffes , des huiles , du charbon , &c. Dans tous ces cas on décotnpofe l’oxide métallique, en lui enlevant l’oxigène qui le conflituoit tel. Pour bien eiv tendre ce qui fe paiTe dans cette opération , il faut concevoir , i°. que les métaux ne font pas Tome II. Cg ^Q2 E t Ê M E N S les corps les plus combuffibles de la nature, ou, ce qui efl. la même chofe , que les métaux n’ont pas avec l’oxigène la plus grande affinité poffibie ; 2°. que les matières combuftibles animales ou végétales ont plus d’affinité avec cet oxigène que n’en ont les fubüan- ces métalliques ; 30. qu’en conféquence, lorf- qu’on réduit un oxide métallique à l’aide du charbon , ce dernier étant plus combuffible que le métal, ou ayant plus d’affinité que lui avec l’oxigène, s’en empare & décompofe l’oxide métallique, qui paffe à l’état de métal. Auffi ces fortes d’opérations ne réuffiffient - elles bien que dans des vaiffieaux fermés , parce que la matière combuffible n’ayant pas de conta# avec l’air, efl obligée de brûler à l’aide de l’oxigène de l’oxide. C’elt pour cela que la portion de carbone pure, qui s’empare de l’oxigène uni à la fubltance métallique, fe trouve changée en acide carbonique pendant la réduéhon. En faifant l’hiftoire de la calcination métalli- que , d’après la théorie des modernes , nous devons dire un mot de la doétrine de Stahl , qui a été adoptée prefque univerfellement par tous les chimiftes , jufqu’aux dernières décou- vertes fur l’air & fur la combuffion. Stahl re- gardoit les fubflances métalliques comme des compofés de terres particulières & de phlogif- d’Hist. Nat. et de Chimie. 403 « tique. La calcination 11’étoit fuivant lui que le dégagement du phlogifliquc , 6c la réduction fer- voit à rendre aux chaux métalliques ce principe qu’elles avoient perdu dans leur calcination . On voit que cette théorie efl abfolument l’inverfe de celle des modernes , puifqu’elle annonce que les métaux font des êtres compofés, tandis que la dodrine aduelle les confîdère comme des corps fimples ; ils perdent , fuivant Stahl , un principe dans leur calcination , Sc la dodrine nouvelle prouve qu’ils fe combinent à un nouveau corps dans cette opération ; enfin, ce grand homme penfoit que pendant la ré- dudion , les oxides métalliques reprenoient le phlogijlique qui avoit été dégagé des métaux par le feu , 6c les modernes ont prouvé que la rédudion n’eft que la féparation de l’oxigène qui s’étoit combiné avec eux dans la calci- nation. Effayons de démontrer, après ce léger paral- lèle de ces deux théories, à laquelle des deux le plus grand nombre des faits peut être favo- rable. Stahl , uniquement occupé à démontrer la préfence du phlogijlique dans les métaux , femble avoir oublié l’influence de l’air dans la calcination. Beccher , Jean Rey , Boyle , 6c plulieurs autres chimifles avoient cependant foupçonné ayant lui que cet élément jouoit le Ce ij 404- E L É M E N S principal rôle dans ce phénomène. La théorie de Stahl, quelque fatisfaifante qu’elle ait dû paroître jufqu’à l’époque des nouvelles découvertes fur l’air , ne pouvoit donc pas fe trouver d’accord avec tous les faits qui démontrent la néceflité & l’adion de ce fluide dans la calcination. Audi y a-.t-il plufieurs phénomènes inexplicables dans la dodrine de Stahl , & qui même la ren- doient imparfaite. Telle eft, par exemple, la pefanteur des oxides métalliques , plus confi- dérable que celle des métaux avant leur cal - çinçLtion. On ne concevra jamais comment un corps peut augmenter de poids en perdant une de les parties conflituantes \ & comme la pe- fanteur eft une des propriétés qui fert h démon- trer la préfence de toute fubftance , l’explica- tion ingénieufe que M. de Morveau a donnée dans fa diflertation fur le phlogiflique , relati- vement au phénomène dont il s’agit, ne peut pas entièrement fatisfaire, fur tout depuis qu’on a reconnu Pexiftence de l’air dans les oxides métalliques. Il paroît donc , d’après ces faits , que la théorie pneumatique a de grands avan- tages fur celle de Stahl. Macquer , guidé par cette fage retenue dont nous ne pouvons que faire l’éloge, avoit cru pouvoir allier les décou- vertes modernes avec la dodrine du phlogif- tique. Suivant ce célèbre, chimifte, les métaux d’Hist. Nat. et de Chimie. 407 ne peuvent perdre leur phlogijlique , & fe cal- ciner, qu’autant que l’air pur de l’atmofphère fe précipite 8c s’unit à leur propre fubflancé , en dégageant la lumière qui leur efl unie , 8c ils ne fe réduifent que lorfque la lumière , aidée par la chaleur, en fépare l’air pur, ên prenant fa place , de forte que ces deux corps font mutuellement précipitans l’un de l’autre. Mais comme perfonne n’a démontré encore l’identité de la lumière 8c de ce que Stahl a appelé phlo- gijliqne , ni le principe de la lumière dans les corps combuflibles , l’opinion de Macquer n’eH qu’une hypothèfe dont on peut entièrement fe palier, & qu’il n’eft plus permis d’admettre. Il eh donc bien démontré aujourd’hui que les oxides métalliques font des compofés des métaux & d’oxigène; il feroit très-important de connoître les diverfes attrapions éleélivës qui exiftent entre ce principe & les fubllances mé- talliques. M. Lavoilier s’eft déjà occupé de ce travail intéreffant ; mais fes expériences nè font point encore afTéz multipliées , 8c Ieiït réfultat n eh point alfez exaét , pour qu’il foit po'lTible de traiter ici cet objet avec les détails qu’il exigèroit. Les fubflances métalliques s’altèrent à l’air ; leur furface fe terftit, quelques-unes fe couvreur de rouille. Les chimiftes ont règàfdé la rouiltè Ce iij 4 o6 £ L É M E N S comme un oxide métallique. Nous aurons occa- fion de revenir plufieurs fois fur cet objet , & de faire voir que l’eau en vapeurs oxide plu- fieurs fubllances métalliques , & que l’acide carbonique contenu dans l’atmofphère s’y unit après leur calcination. L’eau difTout certains métaux; elle n’a aucune aétion fur quelques autres ; lorfqu’elle efl en vapeurs , elle favorife finguGèrement la produc- tion de la rouille fur ceux qui en font fufcep- tibles ; on fait d’après les nouvelles découvertes de M. Lavoitier , qu’elle oxide avec beaucoup d’énergie ceux des métaux qui font les plus com- buftibles, comme le zinc & le fer, & qu’elle fe décompofe en oxigène, qui s’unit â ces métaux, 8c en hydrogène qui fe dégage uni à une très -grande quantité de calorique , 8c conféquemment- fous la forme de gaz très- léger. Les matières terreufes ne paroiffent avoir aucune adion fur les fubllances métalliques. Mais elles s’unifient avec leurs oxides par la fufîon. On ne connoît pas du tout l’adion des ma- tières falino-terreufes fur ces fubllances. Les alkalis en dilFolvent quelques - unes , 8c n’agi (lent que faiblement fur la plupart d’en- tr’elles. Il paroît que l’eau ou le contad de l’at- d’Hist. Nat. et de Chimie. 407 mofphère . contribuent beaucoup à l’oxidatiort de plufieurs métaux opéree a 1 aide des alkalis. Les acides altèrent beaucoup plus ces fubf- tances & les dilTolvent plus ou moins facilement. L’acide fulfurique produit alors ou du gai hydrogène , ou du gaz fulfureux , fuivant qu il efl uni à l’eau ou concentré ; dans le premier cas , c’efl l’eau qui fe décompofe , & qui en donnant fon oxigène aux métaux produit le gaz hydrogène ; dans le fécond , 1 acide lui- même eft décompofe , & fon oxigène propre en fe fixant en partie dans les fubllances métalli- ques laide le foufre encore uni à une portion de ce principe , & conféquemment dans l’état de gaz acide fulfureux. L’acide fulfurique faturé des oxides métalliques dans Tune &: l’autre de ces circonüances forme. des fuifates appelés autrefois vitriols , qui doivent être re- gardés , lorfqu’ils font criitallifés comme des compofés de quatre corps , favoir des métaux , d’oxigène , d’acide fulfurique & d’eau. Ces fui- fates métalliques font plus ou moins colorés criflallifables , folubles dans l’eau, décompo- fables par la chaleur , par l’air vital dont ils, abforbent l’oxigène, par les alkalis qui fépar eut les oxides métalliques , &c. L’acide nitrique paroît agir fur les métaux avec plus de rapidité que l’acide fulfurique, quoiqu il Ce iv 4°8 K L É M E N S Y adhère en général beaucoup moins. Il fe dégage, pendant fon aftion fur ces fubrtances, une grande quantité de gaz nitreux ; le métal fe trouve plus ou moins oxidé; il fe précipite, ou bien il relie uni à cet acide. Stahl attribuoit cet effet au dégagement du phlogiflique des métaux. Les chu miles modernes penfent au- jourd hui qu il ell du a la décompofition de l’acide nitrique & à la réparation d’une partie de 1 oxigène d’avec l’azote, qui forment, comme nous l’avons expofé ailleurs , les deux principes de cet acide. Les -dilTblutions métalliques ni- treufes , ou les nitrates métalliques font plus ou moins crilialKfables , déco mpo fables par la chaleur, par l’air, par l’eau pies matières allca- lines en féparent les oxides des métaux; l’acide nitrique a des attrapions éledrves variées pour les diflerens métaux, comme l’acide fulfurique. M. Prou (la découvert cpie plulîeurs fubflances métalliques s’enflamment par le contaâ de cet acide. L acide muriatique agit en général avec peu d’énergie fur les métaux. L’eau qui lui efl unie commence par les oxider , & produit le gaz hydrogène qui fe dégage des diflblutions opé- îées par cet acide. Ces difTolutions muriatiques font en général plus permanentes que les deux précédentes, & prefque toujours plus difficiles d’Hist. Nat. et de Chimie. 409 à décompofer par la chaleur. Quelquefois elles fourniflent des criftaux , fouvent elles n’en donnent que très-difficilement. L’acide muria- tique a plus d’affinité que les deux précédais avec plufieurs fubflances métalliques, & décom- pofe leurs diffiolutions fulfuriques 6c nitriques. Les muriates métalliques ont fouvent de la volatilité. L’acide muriatique oxigéné oxide la plu- part des métaux avec beaucoup d’énergie, en raifon de l’excès d’oxigène qu’il contient 8c qui lui ett peu adhérent. Il les diüout fans effer- vefcence 8c de la même manière que l’eau diffiout les Tels. L’acide carbonique attaque foiblement les métaux ; cependant il eh fufceptible de le com- biner à la plupart , comme l’a démontré Berg- man. La nature préfente fouvent des combinai* fons de métaux avec cet acide , 8c quelquefois ces efpèces de Tels font criltallifces ; on les connoît fous le nom de métaux fpathiques , comme le fer, le plomb fpathiques; mais nous les défgnerons comme les autres Tels formés par cet acide , par les noms de carbonates de fer , de plomb , 8cc. L’acide fluorique 8c l’acide boracique, shinif- fent également aux matières métalliques ; mais ees compofés font en général peu connus. 3.10 E L É M E N S Parmi toutes les combinaifons des métaux avec les acides , les unes font fufceptibles de criftallifer, d’autres ne prennent aucune forme régulière. 11 en eft que le feu décompofe, & quelques-unes n’éprouvent aucune altération de la part de cet agent. La plupart s’altèrent à l’air dont elles abforbent l’oxigène. T outes font plus ou moins folubles dans l’eau , 8c peuvent être décompofées par ce fluide en grande quantité, ainfî que l’a fait remarquer Macquer; toutes font précipitées par l’alumine, la baryte, la magnéfie , la chaux &c les alkalis , qui ont en général plus d’affinité avec les acides, que n’en ont les oxides métalliques. Lorfque quelques métaux font employés pour féparer d’autres métaux de leurs diffolutions , les métaux précipités reparoifient avec leur forme 8c leur brillant métallique , parce que J’oxigène qui leur étoit uni dans l’état de diflo- lution s’en fépare & fe reporte fur le, métal précipitant qui fe diffout à fon tour dans l’acide- c’eft pour cela que M. Lavoilîer regarde avec raifon ces précipitations des métaux les uns par les autres , comme le produit des attrac- tions éledives diverfes de l’oxigène pour ces corps combuflibles. Les fels neutres ne font que peu altérés par les matières métalliques , tant que l’on opère d’Hist. Nat. et de Chimie. 411 par la voie humide j mais fi l’on chauffe forte- ment des mélanges de ces Tels avec les mé- taux , plufieurs d’entr’eux font décompofés. Quelques Tels fulfuriques forment alors du fou- fre. M. Monnet eft le feul chimifie qui ait annoncé cette décompofition pour l’antimoine. Dans un travail, fuivi fur cet objet, j’ai décou- vert plufieurs autres métaux, tels que le fer, le zinc, &c. qui décompofent le fulfate de potaffe , &c. Le nitre détone avec la plupart des fubftan- ces métalliques , & il les oxide plus on moins fortement ; ce phénomène dépend de ce que l’oxigène a plus d’affinité avec plufieurs de ces fubfiances qu’il n’en a avec l’azote. Les mé- taux, oxidés par ce fel , portent le nom d’ oxides métalliques par le nitre. La bafe alkaline de ce fel diftout fouvent une partie de ces oxides. Le muriate ammoniacal eft décompofé par plufieurs métaux , & par les oxides de prefque toutes ces fubfiances. Bucquet, qui a fait des recherches fuivies fur cet objet , a remarqué que toutes les fubfiances métalliques fur lef- quelles l’acide muriatique a une adion immé- diate, font fufceptibles de décompofer com- plètement le muriate ammoniacal, qu’il fe dé- gage du gaz hydrogène pendant ces décom- pofitions , & qu’elles n’ont point également 4 12 E t É M Ê N S lieu avec celles de ces fubltances qui ne font point diffolublês par l’acide muriatique ordi- naire. L’ammoniaque , obtenue par ces décom- posions, eft toujours très - caullique & très- püre. Prefque toutes les matières combuffibles mi- nérales sunifTeut facilement avec les métaux. Le gaz hydrogène les colore , & il réduit quel- ques-uns de leurs oxides, parce qu’il a plus d affinité avec l’oxigène que n’en ont la plupart des métaux, comme l’a prouvé M. Prieffiey par des expériences fort ingénieufes. Ces réductions des oxides métalliques par le gaz hydrogène , font accompagnées de la produétion d’une certaine quantité d’eau , par la combinaifon de l’hydrogène avec l’oxigène dégagé des métaux. Le foufre s’unit à la plupart des métaux ; ces combinaifons forment des efpècés de mines artificielles; lorfqu’eiles font humeétées ou expo- fées à l’air humide, elles fe vitriolifent ou fe changent peu-à-peu en fulfates métalliques. Les fulfures alkalins diffiolvent tous les métaux. Le gaz hydrogène fulfuré les colore & décompofe leurs oxides , qu’il fait repafler à l’état métallique en abforbant I’oxigcne qui leur efl uni. Lês métaux fe combinent plus ou moins faci- lement entr’eux ; il en réfuite des alliages dont d’H i s t. Nat. et de Chimie. 413 les propriétés diverfes les rendent fufceptibles d’être employés avec fuccès dans différons arts. §. VI. Dijîinâiûn méthodique des fubflances métalliques . Les fubflances métalliques étant en allez grand nombre , il efl néceffaire d’établir entr’elles un ordre qui réunifie celles dont les propriétés font femblables, 8c fépare celles qui different les unes des autres. La dudilité nous fert de premier caradère. Les fubflances métalliques, qui n’en ont point du tout , ou au moins dans lefquelles cette propriété efl très-bornée , ont été appelées demi-métaux,. Celles, au contraire, qui font très-dudiles , font nommées métaux. Les demi-métaux font , ou très-caffans fous le marteau , ou fufceptibles de s’étendre légère- ment ; ce qui fournit une fubdivifion entre ces fubflances. Les métaux peuvent aufli être fubdi- vifés, relativement à la manière dont le feu agit fur eux. En effet, les uns, chauffés avec le con- cours de l’air , s’oxident facilement ; d’autres au contraire , traités de même , n’éprouvent aucune altération. Les premiers font les métaux imparfaits ; les féconds , les métaux parfaits. Pour ne pas multiplier les divifions dans le cours du traité de ces fubflances , nous préfenterons ici une table dans laquelle les matières métalliques 414 E L Ê M E N J font difpofées dans le rang que chacune d’elles doit occuper. Les fabftances métalliques font, Ou peu dudiies. I. Section. Demi-métaux. I. Divijîon. Les uns Ce caflènt fous le marteau, L’arfenic , Le molybdène , Le tungftène , Le cobalt. Le bifmuth , L’antimoine, Le nickel , Le manganèfe. I I. Divijîon. Les autres ont une forte de demi-dudilité. Le zinc , Le mercure. Ou très-dudiles. II. Section., Métaux. 1. Divijîon. Les uns s’ôxident aifémenc lorlqu’on les chauffe avec le contad de l’air. Métaux imparfaits. Le plomb , L’étain , Le fer. Le cuivre. II. Divijîon . Les autres ne s’oxident point par le même procédé. Métaux parfaits. L’argent , L’or , d’Hist. Nat. et de Chimie. 415* CHAPITRE VI. De L'Arsenic et de l’acide arsenique ( I ). L’Arsenic doit être placé au premier rang des demi-métaux , parce qu’il a beaucoup de rapport avec les fels.Kunkel le regardoit comme une eau-forte coagulée. Beccher & Stahl l’ont confidéré comme une matière faline. Schéele a prouvé qu’il eft fufceptible de former un acide particulier. D’un autre côté, Brandt 8c Macquer ont démontré que cette fubftance étoit un vrai demi-métal. L’arfenic , pourvu de toutes fes propriétés, a en effet les caradères des matières métalliques; il eff parfaitement opaque, il a la pefanteur 8c le brillant propres à ces fubffances. L’arfenic fe trouve fou vent natif ; il eft en maffes noires peu brillantes , très - pefantes • quelquefois il a l’éclat métallique , & réfléchit les couleurs de l’iris. Dans fa caflure, il paroît (1) Nous donnons le nom d 'arfenic à la matière demi- métallique , connue ordinairement fous celui-ci de régulé d’arfenic. Cette dernière dénomination efl impropre , & doit être abandonnée. Ce qu'on appelle arfenic blanc eft l'oxide de ce demi-naétal. Ê L É M E N S plus brillant , & femble compofé d’un grand nombre de petites écailles ; lorfque ces écailles font fenfibles à l’extérieur des échantillons , on les nomme alors arfenic teftacé , ou impropre- ment cobalt teflacé ; parce qu’autrefois , comme on ne connoiflbit point le caractère métallique de l’arfenic , & qu’on retiroit des mines de cobalt une grande quantité d’oxide d’arfenic , on avoit regardé l’arfenic teftacé comme une mine de cobalt. L’arfenic vierge eft très-aifé à reconnoître lorfqu’il a l’éclat métallique, & qu’il eft en petites écailles ; mais lorfqu’il eft noir, & que dans fa fradure il paraît compofé de grains fins & très-ferrés , on ne peut le diftin- guer que par fa pefanteur qui eft très-confidé- yable , & parce que fi on l’expofe fur des char- bons ardens , ilfe diftîpe en entier fous la forme de fumées blanches , qui ont une forte odeur d’ail. Ce dernier métal fe trouve abondamment à Sainte-Marie-aux-Mines. Il eft mêlé avec la mine d’argent grife ; on en rencontre aufti parmi les mines de cobalt en Saxe , & à Andrarum en Scanie. La nature offre quelquefois l’arfenic en oxide blanc , ayant même l’afped vitreux , mais le plus fouvent fous la forme de pouffière fuper- ficielle , ou mêlée à quelques terres. Cet oxide exifte aufti à Sainte-Marie- aux-Mines; on le re- connoît d’H i s T. Nat. et de Chimie. 417 connoît par les fumées blanches & l’odeur d’ail qu’il exhale lorfqu’on en jette au feu. L’arfenic eft fouvent uni avec le foufre; il forme alors X orpiment &c le réalgar , ou les oxides d’arfenic fulfurés jaune & rouge. LV- piment natif eft en maffesplus ou moins grottes , jaunes, brillantes, 8c comme talqueufes ; il y en a de plus ou moins brillant ; fouvent il eft mêlé de réalgar ; quelquefois il tire fur le verd. Le réalgar eft d’un rouge plus ou moins vif & tranfparent, & fouvent criftallifé en aiguilles brillantes. On en trouve beaucoup à Quitto 8c fur le Véfuve ; ces deux matières ne paroiflent différer que par le plus ou moins grand degré de feu qui les a combinées. Le mifpikel , ou pyrite arfénicale, eft la der- nière mine d’arfenic. Ce demi-métal s’y trouve combiné au fer ; quelquefois le mifpikel eft criftallifé en cubes , fouvent il n’a point de forme régulière. Cette mine eft de couleur blanche 8c chatoyante ; Walle rius la nomme mine d’arfenic blanche cubique. On trouve encore l’arfenic dans les mines de cobalt , d’antimoine , d’étain , de fer , de cuivre 8c d’argent. L’arfenic pur , nommé aufli régale d'arfetiic , eft d’une couleur grife noirâtre, réfléchiffant les cou- leurs de l’iris; il eft très-pefant 8c très-friable. Tome II. D d qi8 E l é m e n s Expofé au feu dans des vaiffeaux fermés , il fe fublime fans éprouver de décompofition ; c’eft même une des matières métalliques les plus volatiles. Il efl fufceptible de criffallifer en pyramides triangulaires, lorfqu’on le fublime lentement. L’arfenic chauffe avec le contaét de l’air, s’oxide très - promptement, & fe diiïipe fous la forme de fumées blanches, qui répan- dent une odeur d’ail très-forte. Lorfque l’arfenic eff rouge , il brûle avec une flamme bleuâtre. Dans cette combuflion , il fe combine avec poxigène de l’air vital , & forme un compofé connu fous les noms d ’arfenic blanc , de chaux à'arfenic , Sc que nous nommons oxide d’arfenic : c efl: en raifon de ce phénomène , que les mines de cobalt arfenicales fourniflent dans les four- neaux où on les traite une grande quantité de fumées blanches qui fe condenfent dans les che- minées fous la forme d’une matière blanche, pelante, vitrifiée, dépofée couches par couches, que l’on débite fous le nom très-impropre d’ar- fenic. C’eft un vrai oxide d’arfenic vitreux. L’oxide d’arfenic différé eflentiellement de tous les autres oxides métalliques ; il a une faveur très-forte, 8c même cauflique ; c’efl un poifon violent. Si on l’expo fe au feu d^ns des vaiffeaux fermés, il fe volatilife à une chaleur médiocre , en une poudre Blanche , cristalline , nommée d’H i s t. Nat. et de Chimie. 4x9 fleurs d'arfenic ; fi la chaleur efi un peu plus forte , il le vitrifie en fe lublimant , il en réfulte un verre très-tranfparent , fufceptible de fe crif- talliler en folide triangulaire applati , dont les angles font tronqués. Ce verre fe ternit facile- ment à l’air. Aucun oxide métallique n’efi vraiment volatil par lui-même, & celui d’arfenia préfente feul cette propriété. Il efi en même- tems très - fufible très - vitrifiable. Becchec attribuoit la pefanteur 8c la volatilité de l’arfenic à un principe particulier , qu’il nommoit terre mercurielle ou arfenicale , 8c dont Stahl n’a pas pu démontrer l’exiftence. L’arfenic , dans l’état de régule , n’agit pas d’une manière fenfible fur les corps combuf- tibles ; mais l’oxide d’arfenic les altère fen- fiblement , 8c reprend l’éclat métallique. Stahl penfe que dans ce cas le phlogifiique que l’a r- fenic a perdu dans la calcination lui efi rendu par le corps combuftible. Les modernes ont prouvé, au contraire, que l’oxide d’arfenic efi un compote d’arfenic 8c d’oxigène , 8c que le corps combufiible , en enlevant ce dernier avec lequel il a plus d’affinité que l’arfenic, fait pafi'er celui-ci à l’état métallique. Pour réuffir à réduire l’oxide d’arfenic , on fait une pâte avec cet oxide en poudre 8c du favon noir; on mec cette pâte dans un matras , fur un bain de fable . Dd ij 420 É L É M E N S on chauffe d’abord faiblement pour deffécher l’huile ; lorfqu’il ne s’exhale plus de vapeurs humides , on augmente le feu pour faire fubli- mer l’arfenic. On caffe le matras , & on trouve à fa partie fupérieure un pain , ayant l’afped & le brillant métallique de l’arfenic ; la plus grande partie du charbon de l’huile refte au fond du matras. L’arfenic , expofé à l’air , y noircit fenfible- ment ; l’oxide darfenic vitrifié perd fa tranf- parence , & devient laiteux , en éprouvant une forte d’efflorefcence. L’arfenic ne paroît point être attaqué par l’eau; mais fan oxide fe diffout très-bien dans ce menftrne , en quantité un peu plus grande à chaud qu’à froid; au refie, la diffoîubilité de cette fubfiance varie fuivant qu’elle a été plus ou moins parfaitement oxidée. L’oxide d’ar- fenic fournit , par l’évaporation lente de fa diffolution, des criftaux jaunâtres en pyramides triangulaires ; on ne connoît aucun oxide mé- tallique qui fe diffolve dans i’eau en auffi grande quantité ; cette propriété , jointe à fa faveur extrême, le rapproche des matières falines. L’oxide d’arfenic s’unit affez bien aux terres par la fufion ; il fe fixe avec elles, & en accélère la vitrification ; mais tous les verres danslefquels il entre ont l’inconvénient'defe ternir à l’air en d’Hist. Nat. et de Chimie. 421 peu de tems. On ne connoît pas l’aétion des matières falino-terreufes fur l’arfenic., ni fur fon oxide. Les alkalis fixes caufiiques , qui n’ont point une a dion fenfible fur l’arfenic , difiolvent très-bien l’oxide de ce demi-métal. Macquer „ dans fon beau travail fur cette matière ( Académ. iy/fG) , aobfervé qu’en faifant bouillir de l’oxide d’arfenic en poudre dans la liqueur de nitre fixé, ou difiolution de potafle cauf- tique, cette fubftance s’y difiout complètement v & forme un fluide brun , gélatineux , dont la confiftance augmente peu-à-peu. Cecompofé,. auquel il a donné le nom de foie d'arfenic , ne criflallife point ; il devient dur & caflant • il efl déliquefcent , difloluble dans l’eau , qui et* précipite quelques flocons bruns. Pouffé au grand, feu, le foie d’arfenic laiffe échapper cette der- nière fubflance. Il efl décompofé par les acides* La foude préfente les même phénomènes; mais- fa difiolution a donné à Macquer des criflaux. irréguliers dont il lui a été impoffible de déter- miner la forme. L’acide fulfurique , même concentré , n’at- taque pas l’arfenic à froid ; mais fi on le fait bouillir avec ce demi- métal dans une cornue , l’acide donne d’abord beaucoup de gaz fulfu- reux; en fuite il fe fublime un peu de foufre , & l’arfenic fe trouve réduit en oxide , mais fans Dd ii] 422 E L É M E N S être dilfous. L’acide fulfurique concentré & bouillant diiïout auiïi l’oxide d’arfenic ; mais lorfque la diffolution eft refroidie , cet oxide fe précipite , & l’acide ne ^paroît plus en rete- nir. Il acquiert dans cette combinaifon une fixité allez confidérable. Bucquet allure qu’en le leiïivant pour emporter la portion d’acide qu’il peut retenir , il reprend toutes fes qualités. L’acide nitrique, appliqué à l’arfenic, l’attaque avec vivacité 8c l’oxide ; cet acide diflout aufli l’oxide d’arfenic en aflez grande quan- tité , lorfqu’il eft aidé d?une douce chaleur. Sature de l’une ou de l’autre de ces fubfiances , il conferve l’odeur qui lui eft propre ; évaporé fortement, il forme un fel qui n’a point de forme régulière, fuivant Bucquet, 8c que M. Bautné dit être en partie cubique , 8c en partie taillé en pointes de diamans. Wallerius dit que fes criftaux font femblables à ceux du nitrate d’ar- gent. Le nitrate d’arfenic attire puiftamment l’humidité de l’air, il ne détone pas fur les char- bons ■ il n’eft décompofé ni par l’eau , ni par les acides; les aikalis n’y occafionnent aucun pré- cipité : cependant ils le décompofent , fuivant Bucquet, puifqu’en faifant évaporer une difto- lution nitrique d’arfenic , à laquelle on a ajouté une leffive alkaline, on obtient du nitrate ordi- naire 8c de l’arfeniate de potafte. Nous verrons d’Hist. Nat. et de Chimie. 423 plus bas que tons les chimifles, très-embarraffés fur la nature fingulière des diffolutions de l’ar- fenic & de fon oxide dans les acides, n’avoient point découvert ce qui paffe dans la combinaifon de cet oxide avec l’acide nitrique , & n’avoient même pas foupçonné la produétion de l’acide arfenique. Remarquons feulement ici que l’oxide d’arfenic enlève à l’acide nitrique une grande partie de fon oxigène. L’acide muriatique , aidé de l’aétion du feu , diffout l’arfenic & fon oxide, fuivant Bucquet. Cette combinaifon peut être précipitée par les alkalis fixes 8c volatils. M. Baumé dit que ce régule fe diffout dans l’acide muriatique bouil- lant , & qu’il s’en précipite enfuite une poudse jaune comme du foufre. MM. Bayen & Char- lard , dans leurs recherches fur l’étain , ont conflaté que l’acide muriatique n’a aucune aétion à froid fur l’arfenic , & qu’à chaud il n’en a qu’une très-foible , & à peine fenfible. On ne connoit pas l’aétion des autres acides fur l’arfenic 8c fur l’oxide de ce demi-métal. L’arfenic mêlé avec le nitre, 8c projetté dans un creufet rougi au feu , produit une détona- tion vive; l’acide nitrique calcine, brûle le demi- métal: on trouve dans le creufet, après l’opé- ration , Palkali fixe qui fervoit de baie au nitre 8c l’arfenic réduit en oxide combiné en partie avec l’alkali fixe. Dd iv 424 E L é M E N S Si on mêle partie égale d’oxide d’arfenic & denitre, & qu’on mette ce mélange en dis- tillation dans une cornue de verre , on obtient un efprit de nitre en vapeurs très rouges. Cet acide ne peut fe condenfer qu’autant qu’on met un peu d’eau dans le ballon , ce qui lui donne une couleur bleue. Beccher , Stahl & Kunckel ont décrit cette opération. Macquer , qui l’a répétée avec foin , ayant examiné le réfidu dont ces chimiftes n’avoient pas parlé , a découvert que c’étoit un fel neutre particulier auquel il a donné le nom de fel neutre arfenical , il doit être nommé arfeniate de potaffe. Ce fel, di flous dans l’eau 8c évaporé à l’air , donne des criftaux très-réguliers en prifmes tétraèdres , terminés par des pyramides à quatre faces égales 5 quelquefois la forme de ces criftaux varie. L’arfeniate de potafte expofé au feu fe fond facilement , refte en fonte tranquille, fans s’al- kalifer , & fans qu’il fe volatilife aucune portion d’arfenic ; il n’éprouve pas d’altération fenfible à l’air. Il eft beaucoup plus diffoluble dans l’eau que l’oxide d’arfenic pur , & il fe diftout en plus grande quantité dans l’eau chaude que dans l’eau froide. Il ne peut être décompofé par aucun acide pur, mais il i’efl par la voie des affinités doubles. d’Hist. Nat. et de Chimie. 42^ Si on mêle à la diflolurion de ce Tel un peu de difîolution de fulfate de fer ou vitriol martial , il fe fait une double décomposition 8c une double combinaifon ; l’acide fulfurique quitte le fer pour s’unir à la potaiïe , 8c l’acide ar- fenique , féparé de l’alkali , fe combine avec l’oxide du fer. Les matières combuftibles dé- compofent trcs-bien l’arfeniate de potalfe. L’oxide d’arfenic décompofe aulîi le nitrate de fonde , à Paide de la diftillation , 8c forme avec fa bafe de l’arfeniate de foude qui , fuivant Macquer, différé peu du premier fel à bafe de potaiïe, 8c qui criflallife abfolument de la même manière. Cet oxide agit de même fur le nitrate ammoniacal ; uni avec fa bafe , il \ conüitue un arfeniate ammoniacal. On avoit cru que cette opération demandoit beaucoup de précautions à caufe de la propriété qu’a le nitrate ammoniacal de détoner fans addition dans les vaiffeaux clos: mais M. Pelletier a prouvé qu’on pouvoit la faire fans aucun danger, même à la dofe de plufieurs livres. La découverte du fel neutre arfenical de Macquer a mis fur la voie de celle de l’acide arfenique, puifque cet illuflre chimifle avoit vu 8c annoncé que l’oxide d’arfenic faifoit fondion d’acide dans ce fel. Mais c’efl à Schéele , comme nous le dirons plus bas j que l’on doit véritablement la connaît 425 E L É M E N S fance exaéte de ces nouvelles combinai- fons. L’oxide d’arfenic ne décompofe pas les ma- riâtes alkalins. Il ne fépare que difficilement , ainli que l’arfenic lui-même, l’ammoniaque du mûriate ammoniacal. On. n’a point examiné l’adion des matières combuftibles minérales fur J’arfenic. L’oxide de ce demi-métal paroît être fufceptible de fe réduire par le gaz hydrogène , qui a plus d’affi- nité que l’arfenic avec l’oxigène , ou la bafe de l’air. L’oxide d’arfenic fe combine très-bien avec le foufre. Lorfqu’on fait fondre ces deux fubf- tances, il en réfulte un corps jaune ou rouge, volatil, qui a une faveur moins forte que l’oxide d’arfenic pur & qui n’eft plus folubîe dans l’eau. Cet oxide d’arfenic fulfuré jaune a été nommé orpln ou orpiment factice ; il elt fufceptible de cfiflallifer en triangles, comme l’oxide d’arfenic vitreux ; Iorfqu’il eib rouge ou l’appelle réalgal , réalgar , rïfigal factice ou arfenic rouge. Nous nommons ce compofé oxide d’arfenic fulfuré rouge. Quelques chi milles ont cru qu’il ne difié- roit du jaune ou de l’orpiment qu’en ce qu’il contenoit plus de foufre ; mais Bucquet a dé- montré que le compofé de foufre & d’oxide d’arfenic ell rouge lorfqu’il a été fondu , puif- d’H i s t. Nat. et de Chimie. 427 qu’il fuffit d’expofer de l’orpiment à une cha- leur vive pour le faire palier à l’état de réalgar. Je me fuis convaincu que le réalgar efl beau- coup moins volatil que l’orpiment , puifqu’il relie au fond des matras où l’on a fublimé le mélange d’oxide d’arfenic & de foufre , des lames rouges bourfoufflées , & qui ont été ma- nuellement fondues. L’orpiment 8c le réalgar artificiels ne different point des naturels. On les décompofe par la chaux 8c les alxalis , qui ont plus d’affinité avec le foufre que n’en a l’oxide d’arfenic. Cependant cet oxide a , comme les acides , la propriété de décompofer les fulfures alkalins. Toutes les propriétés de l’oxide d’arfenic annoncent que cette matière demi-métallique 8c combullible , unie à la bafe de l’air vital , a pris les caradères d’une fubllance faline. La théorie que nous avons expofée en traitant des fels en général , fe trouve donc confirmée par ces expériences. Macquer , par fes belles dé- couvertes fur l’arfeniate de potaffe, avoit déjà obfervé , comme je l’ai dit , que l’oxide d’ar- fenic faifoit fondion d’acide dans ce fel. Mais il étoit difficile de concevoir pourquoi cet oxide diffous immédiatement dans la potaffe , diffère tant de la même combinaifon faite par la dé- compofition du nitre à l’aide du même oxide. É L É M E N S Schéele , conduit par la découverte de l’acide muriatique oxigéné , a penfé qu’il arrive quel- que chofe de femblable lorfqu’on diflille du nitie avec 1 oxide d’arfenic. Ilcroyoït que l’acide nitiique s’emparoit du phlogiflique encore exiflant dans cet oxide, & qu’alors ce der- nier paffoit à l’état d’un acide particulier, que nous nommons acide arfenique. Il a préparé l’acide par des procédés analogues à celui par lequel il a produit l’acide muriatique oxigéné. L’un de ces procédés confifte à difliller un mélange d’acide muriatique oxigéné & d’oxide d arfenic. Suivant lui , l’acide muriatique s’em- pare du phlogiflique de cet oxide, qui pafle alots a 1 état d’acide. On réuffit auffi à préparer l’acide arfenique, en diflillant fur fon oxide fix parties d’acide nitrique. Ce dernier donne beau- coup de gaz nitreux , & l’oxide d’arfenic prend les caractères d’acide ; on le chauffe affez forte- ment 8c alTez long-tems pour dégager tout l’acide nitreux furabondant. Ce qui fe paiïe dans ces opérations favorife beaucoup la doétrine moderne. En effet, d’un côté, il eft difficile d’accorder, fuivant la théorie de Stahl, I’exiftence du phlogiflique dans l’oxide cf arfenic, & de l’autre, rien n’efl fi facile à concevoir , d’après la nouvelle doctrine , que le paffage de cet oxide à l’état d’acide , par d’Hist. Nat. et de Chimie. 429 l’adion de l’efprit cle nitre ou de l’acide muria- tique oxigéné. L’oxide d’arfenic paroît avoir une grande affinité avec l’oxigène dont il n’eft pas faturé ; lorfqu’on le diffille avec l’acide nitrique ou avec l’acide muriatique oxigéné ou aéré, il s’empare de l’oxigène qui entre comme principe dans l’un & l’autre de ces acides. Plus il contient d’oxigène , plus il fe rapproche des fubftances falines, 8c lorfqu’il en eft entièrement faturé, il prend tous les caractères des acides, qui, comme nous l’avons démontré, ne font que des matières combuffibles combinées avec l’oxigène , auquel elles doivent toutes leurs pro- priétés falines. On conçoit très-bien, d’après cette théorie, pourquoi l’oxide d’arfenic non faturé d’oxigène , 8c tel qu’il eft par la fimple oxidation au feu , ne forme point d’arfeniate de potaffe , 8c pourquoi il ne peut conffituer ce fel qu’après avoir été préalablement traité par les acides qu’il décompofe , 8c auxquels il enlève l’oxigène à l’aide de la chaleur. L’acide arfenique différé beaucoup de l’oxide d’arfenic ordinaire. Sa faveur efl plus forte. Il eft fixe au feu , & l’on fe fert de ce procédé pour féparer exactement cet acide de la portion d’oxide d’arfenic qu’il peut contenir. C’eft fans doute en paffant à l’état d’acide que l’oxide d’arfenic prend de la fixité, lorfqu’on l’unit avec É. L É M E N S l’acide fulfurique. Cet acide eft fufceptible de {e fondre en un verre tranfparent ; il entraîne dans fa fulîon les matières terreufes , il paroît même fufceptible de rortger le verre. Il rougit foiblement les couleurs bleues végétales. J’ai obfervé que par l’expofition à l’air , il perd fa tranfparence, fe délite & s’écaille en fragmens fouvent pentagones, & attire peu-à-peu l’humi- dité. Il fe dilTbut dans deux parties d’eau. Il fe combine facilement avec la chaux , plus diffici- lement avec la baryte 8c la magnéfie. Lorfqu’on l’unit avec les alkalis , il forme des fels neutres., que la chaux décompofe, fuivant Bergman. La baryte & la magnéfie paroiffent avoir auffi plus d’affinité avec cet acide que n’en ont les alkalis , d’après le même chimilte. Il y a encore une grande quantité d’expériences à faire pour con- noître toutes les propriétés de l’acide arfenique. M. Pelletier a préparé cet acide en décbmpc— fant le nitrate ammoniacal par l’oxide d’ar- fenic : l’arfeniate ammoniacal qui en réfulte lailTe dégager l’ammoniaque par la chaleur , & en continuant l’aétion du feu fur cette fubflance , l’acide arfenique relie feul 8c pur au fond de la cornue. Bergman remarque que la pefanteur fpéci- fique de i’arfenic varie beaucoup depuis fou état métallique jufqu’à fon état d'acide. Voici t d’Hist. Nat. et de Chimie. 431 celles qu’il lui attribue dans Tes différentes mo- difications. Arfenic en régule, 8,308.— Oxide d’arfenic vitreux, y,coo.— Oxide -d’arfenic blanc, 3,706. — Acide arfenique,. 3,35)1. L’arfenic eft employé dans phjfieurs arts , 8c . notamment dans la teinture. On fe fert auffi de l’arfeniate de potaffe, 8c M. Baumé en a pré- paré pendant Iong-tems pour l’ufage des arts. La facilité qu’a l’oxide d’arfenic de fe diflou- dre dans l’eau 8c dans tous les fluides aqueux, fait qu’il peut devenir un poifon très- dangereux. On connoit qu’une perfonne a été empoifonnée par cette fubffance , aux fymptômes fuivans. La bouche eft sèche, les dents agacées, le gofier ferré : on éprouve un crachottement involon- taire, une douleur vive à l’eflomac , une grande foif, des naufées, des vomiffemens de matières glaireufes , fanguinolentes ; des 'coliques très- vives , accompagnées de fueurs froides , des . convulfions. Ces fymptômes font bientôt fuivis de la mort ; on s’affure que l’oxide d’arfenrc en eft la caufe , en examinant les aîimens fufpeds. La préfence de ce poifon s’y manifefle, lorfqu’en jettant fur des charbons une portion de ces alimens defféchés , il s’en élève une fumée blan- che d’une forte odeur d’ail. On avoit coutume de donner aux perfonnes empoifonnées par l’oxide d’arfenic , des boiffons 432 É L É M E N S mucilagineufes ou du lait , ou des huiles douces en grandes dofes , dans le deffein de relâcher les vifcères agacés , de diffoudre 8c d’emporter la plus grande partie du poifon arfenical. Navier, médecin de Châlons , qui s’eft occupé de la recherche des contre-poifons de l’oxide d’ar- fenic , a trouvé une matière qui fe combine avec cette fublïance par la voie humide , la fature & détruit la plus grande partie de fa caullicité. Cette fubftance efl le fulfure calcaire ou aîkalin , 8c mieux encore le même fulfure qui tient en dilïolution un peu de fer. La diffo- lution d’oxide d’arfenic décompofe les fulfures fans exhaler aucune odeur ; cet oxide fe com- bine au foufre avec lequel il fait de l’orpiment, 8c il s’unit en même tems au fer fi le fulfure en contient. Navier prefcrit un gros de foie de foufre dans une pinte d’eau , qu’il fait prendre par veriées: on peut également donner cinq à fix grains de fulfure de potaiïe fec en pillules, <$: pardelfus chaque pillule un verre d’eau chaude. Lorfque les premiers fymptômes font diffipés , il confeille l’ufage des eaux minérales fulfu- reufes. L’expérience lui a fait connoître qu’elles font très-propres à détruire les tremblemens 8c les paralyfies qui fuivent ordinairement l’effet de l’oxide d’arfenic, 8c qui mènent à la phthiiie 8c à la mort. Navier approuve auflî l’ufage du lait , d’Hist. Nat. et de Chimie. 43? lait, parce que cette fubflance difTout l’oxide d’arfenic auffi-bien que le fait l’eau ; mais il con- damne les huiles , qui ne peuvent le diffoudre. CHAPITRE VII. Du Molybdène & de l'acide molybdique. Nous donnons le nom de molybdène à un nouveau demi- métal , découvert par M. Hielm, retiré de la fubflance minérale connue fous ce même nom. Cette fubflance ne doit point être confondue avec la 'mine de plomb ordinaire, plombagine, ou crayon noir dont on fe ferc pour defliner, & qui porte aujourd’hui le nom particulier de carbure de fer . Cette confufion a certainement apporté quelque différence dans les travaux des chimiftes qui ont examiné cette fubflance depuis Pott jufqu’à Schéele. Il faut obferver que le carbure de fer ou plombagine étant beaucoup plus commun que le molybdène, dont on ne trouve encore que très - peu d’é- chantillons dans les cabinets d’hifloire naturelle, c’efl prefque toujours fur la première que les chimifles ont travaillé , fi l’on en excepte MM. Quifl & Schéele. La vraie mine de molybdène efl difficile à Tome II. Ee É L É M E N S 434 diffinguer du carbure de fer par les caradères extérieurs; cependant le molybdène ell un' peu plus gras au toucher; il eft formé de lames écail* îeufes hexagones plus ou moins grandes , très- peu adhérentes les unes aux autres ; il tache les doigts & lailTe fur le papier des traces bleuâtres ou d’un gris argentin ; lorfqu’on le réduit en pou- dre, ce quiell difficile à caufe de l’élafficité de fes lames , fa pouffière ell bleuâtre, on le coupe facilement avec le couteau , il ne fe brife point & n’a point le tiffii grenu comme le carbure de fer. Pour pulvérifer la mine de molybdène, il faut, d’après le procédé de Schéele, jetter dans le mortier un peu de fulfate de potaffie; on lave enfuite la poudre avec de l’eau chaude qui em- porte le fel , & cette mine refte pure. L’analyfe de cette mine faite par différens moyens prouve que c’ert: un compofé de foufre & du demi- métal que nous examinons , mais celui - ci eü très-difficile à obtenir. L’illuilre Schéele n’a pas pu réduire fon oxide en métal ni avec le flux noir & le charbon , ni avec le borax & le même corps combuffible, ni avec l’huile. Berg- man dit que M. Hielm a été plus heureux , 8c qu’il ell parvenu à obtenir allez de ce demi- métal pour en faire connoître les propriétés ; mais depuis cette note de Bergman , M. Hielm n’a rien publié fur cette matière. d’Hist. Nat. et de Chimie. 43 y M. Pelletier , dans Tes expériences fur la ré- duction de l’oxide & de l’acide moîybdique, n’a jamais obtenu un culot de molybdène , mais une matière agglutinée , noirâtre, friable, ayant le brillant métallique; on y voyoit à la loupe des petits grains ronds, brillans & gris, que M. Pelletier regarde comme le métal , ou le molybdène pur. Le manganèfe n’a de même été encore obtenu que fous la forme de gre- nailles. Voici d’après les eiïais faits fur ce demi- métal, les propriétés qu’on y a reconnues. Le molybdène eft gris, formé de petits grains agglutinés, calfans, d’une extrême infufibilité. Chauffé avec le contad de l’air, il fe change en un oxide blanc , volatil , & qui fe criftallife par la fublimation en prifmes aiguillés & brillans, comme celui de l’antimoine. Cet oxide furchargé d’oxigène devient acide , & c’eft le produit falin qu’on connoît le mieux d’après les recherches de Schéele. L’acide nitrique calcine facilement le molybdène 8c le convertit en un oxide blanc , 8c même en acide moîybdique. L’oxide de molybdène devient bleu 8c brillant en repalïant à l’état métallique. Les alkalis, aidés par l’adion de l’eau , oxident & difTolvent ce demi-métal; il efl fufceptible de s’allier avec le plomb, le cuivre, le fer, l’argent, 8c il forme des alliages grenus, grisâtres, très - friables. Enfin , uni au Ee ij 436 E L É M E N S foufre, il conftitue le fulfure de molybdène, 5c ce compofé eft tout-à-fait femblable à la mine de ce métal , connue improprement fous le nom de molybdène & de potelot. Comme c’efî cette dernière mine qui a été le fujet des expé- riences de Schéele, 5c comme c’eft avec ce minéral beaucoup plus connu que le métal qu’il contient , que ce chimifte a préparé l’acide molybdique , nous allons en examiner les propriétés plus en détail. Le potelot ou fulfure de molybdène natif expofé au feu dans un vailfeau ouvert , exhale du foufre 5c s’évapore prefque tout entier en fumée blanche. Traité au chalumeau dans la cuiller, il donne la même fumée, qui fe con- denfe en lames criftallines jaunâtres , 8c qui prend une couleur bleue par le contaét des corps combuflibles. M. Pelletier ayant calciné du fulfure de molybdène dans un creufet re- couvert d’un autre creufet , a obtenu des crif- taux aiguillés , blancs 8c brillans , femblables à ce qu’on appeîoit fleurs argentines d'antimoine. Cet oxide de molybdène fublimé , a déjà les caractères d’acide ; mais ce procédé feroit trop long 8c trop difpendieux pour la préparation de l’acide molybdique. Les terres falines 5c les alkalis fixes , fondus avec le fulfure de molybdène , en diiïblvent le foufre 5c le métal. d’Hisï. Nat. et de Chimie. 437 Quelques acides font éprouver des altérations remarquables à cette mine. L’acide fulfurique concentré en oxide le métal , & s’exhale en acide fulfureux à l’aide de l’ébullition. L’acide muriatique n’a nulle aétion fur ce minéral. L’acide arfenique, traité par la diftillation avec le fulfure de molybdène , cède fon oxigène à une partie du foufre qui devient acide fulfu- reux , fe volatilife en orpiment avec une partie du même foufre , change une portion de mo- lybdène en acide molybdique, 8c en laide la plus grande partie dans l’état métallique. M. Pel- letier conclut de cette expérience , que le mo- lybdène eft à l’état métallique dans fa mine; En diflillant 30 onces d’acide nitrique éten- du d’eau fur une once de molybdène , en 5 reprifes , c’ell-à-dire , 6 onces de cet acide à la fois , il fe dégage une grande quantité de gaz nitreux , & il relie dans la cornue une poudre blanche qu’il faut laver avec fuffifante quantité d’eau diflillée froide pour emporter l’acide étran- ger foluble à cette température ; il relie après cette édulcoration fix gros 8c demi d’acide mo- lybdique pur. Schéele, à qui efl due cette découverte , penfe que l’acide nitrique s’empare du phlogiflique , 8c s’échappe en vapeurs rou- Ee iij 438 É L É M E N S ges ; il brûle auffi le foufre qui fe trouve dans le molybdène ; & voilà pourquoi Peau qu’on emploie pour laver l’acide du molybdène , con- tient de l’acide fulfurique qu’on obtient con- centré par l’évaporation, & qui retient un peu de molybdène en diifolution ; cette fubllance donne à la liqueur évaporée une couleur bleue alfez brillante. Nous penfons que dans cette opération , ainfi que dans toutes celles où l’acide nitrique , diftillé fur quelque fubllance que ce foit, la réduit en état d’acide, le premier eft décompofé, & que c’elt à la féparatiori de l’oxi- gène de l’acide nitrique 8c à fa fixation dans le molybdène , que font dus le dégagement du gaz nitreux 8c la formation des acides fulfurique & molybdique. L’acide molybdique , obtenu par le procédé que nous venons de décrire , efl fous la forme d’une poudre blanche , d’une faveur légèrement acide 8c métallique. Chauffé dans la cuiller au chalumeau, ou dans un creufet avec le contaâ de l’air , il fe volatilife en une fumée blanche , qui fe condenfè en criftaux aiguillés , 8c il fe fond en partie fur les parois du creufet. Malgré l’édulcoration il retient une portion d’acide fulfureux que la chaleur forte en dégage com- plètement. Cet acide fe dilfout dans l’eau bouillante; d’Hist. Nat. et de Chimie. 439 Schéele en a diffous un fcrupule dans 10 onces d’eau. Cette diffolution a une faveur fingulière- ment acide & prefque métallique ; elle rougit la teinture de tournefol, décompofe la diffo- lution de favon, & précipite les fulfures alkalins ou foies de foufre ; elle devient bleue 8c prend de la confillance par le froid. L’acide molybdique fe dilTout en grande quantité dans l’acide fulfurique concentré à l’aide de la chaleur ; cette diffolution prend une belle couleur bleue, & s’épaifft par le refroi- diffement ; on fait difparoitre ces deux phéno- mènes en la chauffant , 8c ils reparoiffenc à mefure que la liqueur refroidit ; fi l’on chauffe fortement cette combinaifon dans une cornue , l’acide fulfurique fe volatilife , 8c l’acide molyb- dique refie fec au fond de ce vaiffeau. L’acide nitrique n’a nulle aétion fur l’acide molybdique. L’acide muriatique ordinaire en diffout une grande quantité ; cette diffolution donne un réfidu bleu foncé, lorfqu’on la difflle àficcité; en pouffant le feu , ce réfidu donne un fublimé blanc & un autre bleuâtre ; ce qui relie dans la cornue ell gris; le fublimé eff déliquefceht 8c colore les métaux en bleu ; l’acide muria- tique paffe oxigéné dans le récipient, fl ell facile de concevoir que dans cette opération , l’acide Ee iv 44° E L Ê M E N S muriatique enlève une portion d’oxigcne à l’a- cide molybdique , & qu’une portion de cet acide paffie à l’état de molybdène. L’acide molybdique décompofe à l’aide de la chaleur , les nitrates & les muriates alkalins , en dégageant leurs. acides , & il forme avec leurs bafes des fels neutres dont Schéele n’a point examiné toutes les propriétés. Cet acide dégage auffi l’acide carbonique des trois alkalis,& forme des fels neutres avec leurs bafes. Quoique Schéele n’ait point fait connoître toutes les propriétés de ces fels neutres , que nous défignerons par les noms de molyb dates de potajfe , de foude , d? 'ammoniaque , &c. il en a cependant indiqué trois qui fuffifent pour caractérifer leur état de neutralifation. Il a re- connu , i°. que l’alkali fixe rendoit la terre acide molybdique plus foluble dans l’eau ; 2°. que ce fel empêchoit l’acide molybdique de fe volatilifer par la chaleur ; 30. que le molyb- date de potafie fe précipitoit par le refroidif- fement en petits criftaux grenus , & qu’on peut le féparer auffi de fon diffolvant par les acides fulfurique 8c muriatique. L’acide molybdique décompofe le nitrate & le muriate barytiques. Le molybdate barytique, formé dans ces opérations, elî diffioluble dans l’eau. d’Hist. Nat. et de Chimie. 441 L’acide molybdique paroît décompofer en partie le fulfate de potafle, & en dégager un peu d’acide fulfurique par une forte chaleur. L’acide molybdique diffout plufîeurs métaux , & prend une couleur bleue, à mefure que cet acide leur abandonne une portion de fon oxi- gène. Il précipite plufîeurs diffolutions métal- liques, &c. CHAPITRE VIII. Du Tungftène & de V acide muftique. J_jE minéral nommé tungflène par lesfuédois, appelé pierre pefante , lapis ponderofus , par plufîeurs naturalifles , 8c en particulier par Bergman dans fa Sciagraphie , a été regardé par Cronftedt comme une efpèce de mine de fer , & défîgné par lui fous cette phrafe , fer rum calci- forme terra quâdam incognitâ intime mixtum. La plupart des naturalifles allemands le rangeoient parmi les mines d’étain , fous le nom de enflai d'étain blanc ou de finn-fpath ; dans prefque tous les cabinets d’hifloire naturelle on le préfentoit comme appartenant à ce métal. On ne s’étoit point occupé de l’analyfe exade de ce minéral ayant Schéele. Ce chi mille ayant 442 E L É M E N S examiné cette prétendue mine d’étain , décou- vrit par fes expériences qu’elle étoit compofée d’un acide particulier uni à la chaux; Bergman, faifant de fon côté des recherches fuivies fur cette matière, trouva les mêmes réfultats. Cette découverte eft de 1781. Les deux chimiltes fuédois ont penfé, d’après l’examen des pro- priétés de ce minéral , que l’acide qu’il contenoit étoit métallique. Depuis cette époque MM. d’Elhuyar, de la fociété royale Bafquaife, M. Angulo de l’aca- démie de Walladolid , & M. Crell, ont répété les expériences des chimiftes fuédois , & en ont confirmé les réfultats. D’après la définition que nous venons de donner de ce fel naturel & de fon acide, nous ferons obferver que ce que les fuédois ont appelé tungjlène , efl un fel formé par l’acide tunflique , & par la chaux : nous adoptons ce nom de tungfiène pour le demi- métal qui paroît être la bafe de cet acide , & nous appellerons cette efpèce de mine tunjlate de chaux natif. MM. d’Elhuyar de la fociété Bafquaife, ont découvert que le wolfram , qu’on regardoit autrefois comme une mine de fer pauvre , efl une combinaifon de cet acide t tin fl i que avec le & le fer. Ils ont obtenu un régule de ce minéral. Le wolfram qu’ils ont manganèfe particulier d’Hist. Nat. et de Chimie. 443 nnalyfé venoit de la mine d’étain de Zinwalde. Il eft en malTes ou en prifmes hexaèdres com- primés ; il a le brillant métallique , la calibre feuilletée , & fe laiffë entamer au couteau. Il contient par quintal 22 parties d’oxide noir de manganèfe, 12 d’oxide de fer, 64 d’acide tunf- tique & 2 de quartz. Le tunftate de chaux natif de Schleckenwalde , en Bohême , contient fui- vant eux 68 livres d’acide tunflique , 8c 30 de chaux. Voilà deux mines connues du demi -métal nouveau que nous nommons tungjlène. MM. d’El- huyar ont fondu une partie de wolfram avec 4 parties de carbonate de potafïè -, ils ont lelïivé ce mélange; l’eau a diffous le tunftate de po- laire, d’où ils ont précipité l’acide tunflique en poudre jaune par l’acide nitrique. Ce précipité, pouffé au feu avec du charbon dans un creufet, leur a donné un bouton métallique compofé de beaucoup de petits globules friables. Voici les propriétés qu’ils ont reconnues dans le nou- veau demi-métal. Une pefanteur fpécifique, con- fidérable , mais jamais au-deffus de 17,6 ; une infulîbilité très - grande & qui paroît même excéder celle du manganèfe-, une indiffolubilité dans les 3 acides les plus forts , 8c même dans l’acide nitro-muriatique ; une union facile avec quelques métaux , & en particulier avec le fer 444 E L Ê M E N S & l’argent dont il change lingülièrement les propriétés; une oxidation aiïez facile, un oxide jaune qui devient bleu par la chaleur , qui efl indilïbluble dans les acides & foluble dans les alkalis , qui relie fufpendu dans l’eau où on le triture & imite une émulfion. Quoique quelques- uns de ces car aét ères foient analogues à ceux du molybdène , ainli que Bergman 8c Schéele l’avoient déjà entrevu dans l’acide molybdique, leur union . fuffit cependant pour faire regarder le tungftène comme un demi-métal particulier. Mais il manque encore beaucoup d’expériences pour en connoître avec exactitude toutes les propriétés. Les chimiftes qui fe font occupés de cet objet ont fait beaucoup plus de recherches fur le tunftate de chaux natif, que fur le demi- métal qu’en ont retiré MM. d’Elhuyar : pour faire connoître l’enfemble de leurs découvertes fur ce minéral , il efl néceflaire que nous in lif- tions quelque tems fur fes propriétés. Le tunftate de chaux natif a été allez rare jufqu’aduellement -, on en trouve dans les mines de fer de Bitzberg , dans celles d’étain de Schleckenwalde en Bohême ; & la plupart des crillaux d’étain blanc deSauberg, près d’Ehren- frienderfdorf , font du tunftate de chaux; ainli en effayant les crillaux d’étain blanc confervés d’Hist. Nat. et de Chimie. dans les cabinets , par les moyens que nous indiquerons, on pourra en reconnoître quel- ques échantillons dont on ne foupçonnoit pas la nature. Le tunflate de chaux n’éprouve point d’alté- ration fenfible par la chaleur ; il décrépite 8c fe réduit en pouffière par l’aétion du chalumeau, mais il ne fe fond pas. La flamme bleue le colore légèrement , & le nitre lui enlève cette couleur. L’eau bouillante n’a nulle action fur ce fel métallique en poudre , & il eh parfaitement infoluble. On n’a point examiné faction de l’air, des terres , des fubftances lalino-terreufes & des alkalis caufliques fur cette fubftance. L’acide fulfurique chauffé & diftillé fur le tunflate de chaux natif paffe fans altération ; le réfidu prend une couleur bleuâtre ; leffivé avec de l’eau bouillante , on en retire un peu de fulfate calcaire ; ce qui prouve que cette fubf- tance contient de la chaux , & que l’acide fulfurique n’en décompofe qu’une très - petite partie. L’acide nitrique foible agit fur ce fel à l’aide de la chaleur , mais fans elfervefcence fenfible. Cet acide lui donne une couleur jaune, ce qui le diftingue d’avec la vraie mine d’étain, 8c il le décompofe en lui enlevant la chaux; il faut environ 12 parties d’acide nitrique dans 446 E L É M E N s l’état d’eau-forte ordinaire pour décompofer entièrement une partie de tunftate calcaire. Schéele a fait cette opération en plufieurs re- prifes ; après l’adion de trois parties d’acide nitrique foible fur une partie de ce fel neutre, il verle deux parties d’ammoniaque cauflique ; la poudre que l’acide nitrique change en jaune devient blanche par l’alkali ; il répète l’adion fucceffive de l’acide & de l’alkali , jufqii’à ce que le tunftate calcaire foit tout-à fait diffous. De q fcrupules traités par ce procédé , il a eu 3 grains de réfidu qui lui a paru être de la filice. En précipitant l’acide nitrique employé pour cette opération par du prufliate de potaffe , 6c enfuite par la potaffe, il a obtenu 2 grains de prufliate de fer ou bleu de Prude, 6c y j grains de craie ; l’ammoniaque unie à l’acide nitrique lui a donné un précipité acide. Dans cette expé- rience, l’acide nitrique décompofe le tunftate calcaire en s’emparant de la chaux , 6c l’acide tunflique mis à nud par cette décompoiition , eft enlevé par l’ammoniaque. Le fel ammoniacal formé par cette dernière diflolution , eft dé- compofé par l’acide nitrique qui a plus d’affinité avec f ammoniaque, que celle-ci n’en a avec l’acide tunflique ; comme ce dernier acide eft beaucoup moins foluble que le tunftate ammo- niacal, il fe précipite à mefure qu’il devient d’Hist. Nat. et de Chimie. 447 libre fous la forme d’une poudre blanche ; on Iedïve cette poudre avec de l’eau diflillée froide pour avoir l’acide tunftique bien pur. On peut encore obtenir cet acide par un autre procédé que Schéele a employé avec un égal fuccès. On fait fondre, dans un creufetde fer, une partie de tunftate calcaire natif en poudre , avec 4 parties de carbonate de potafle • on lehive cette malle avec 12 parties d’eau bouil- lante ; & on y verfe de l’acide nitrique jufcju’à ce qu’il n’y ait plus d’effervefcence ; on la fond une fécondé fois avec quatre parties de carbo- nate de potalfe , on la lelTive avec l’eau, & on la traite par l’acide nitrique , jufqu’à la celfa- tion de l’effervefcence ; alors il ne relie qu’un peu de filice & tout le fel tunftique eft décom- pofé. En effet, pendant la fulion , la potaiïe fe porte fur l’acide tunftique avec lequel elle forme un fel neutre particulier, tandis que l’acide car- bonique s’unit à la chaux qu’il change en craie. Lorfqu’on leffive la malle fondue, l’eau diffbut le tunftate de potaffe , qui eft beaucoup plus foluble que la craie , & celle - ci relie feule ; l’acide nitrique qu’on emploie après l’eau dif- fout la craie avec effervefcence fans toucher à la portion de tunllate calcaire que les quatre premières parties d’alkali n’ont pas décompofée. A la fécondé opération , le fel étant complè- tement décompofé par les quatre autres par- ties de carbonate de potafle , l’acide nitrique enlève toute la craie, de forte qu’à l’aide de huit parties d’alkali fixe 8c d’une petite quantité d’eau- forre employée fucceffivement, on a tout- à-fait féparé les principes du tunftate calcaire; fon acide eft uni avec la potafle & fa chaux combinée avec l’acide nitrique ; en précipitant le nitrate calcaire par la potafle, on connoît la quantité de chaux contenue dans le tunftate calcaire employé ; il ne s’agit plus enfuite que de féparer l’acide tunftique uni à l’alkali fixe. Pour cela on fe fert du procédé qui a été dé- crit dans la première expérience. On verfe dans la leflive du mélange fondu du tunftate de chaux avec le carbonate de potafle , une fuffi- faute quantité/ d’acide nitrique; cette leflive fe trouble 8c s’épaiflit , parce que l’acide nitrique ayant plus d’affinité avec l’alkali fixe que n’en a l’acide tunftique , celui-ci fe précipite en pou- dre , & la liqueur tient du nitre en diffolution. On lave le précipité avec de l’eau froide , 8c l’on a l’acide tunftique pur fous la forme d’une poudre blanche comme dans la première opé- ration ; ce procédé doit même être préféré comme moins difpendieux & plus facile. L’acide muriatique agit fur le tunftate calcaire de la même manière que l’acide nitrique , il Je décompofé d’Hist. Nat. et de Chimie. 944 décompofe avec la meme énergie ; & comme il lui donne une couleur plus jaune, Bergman le recommande pour effayer & pour reconnoître ce fel terreux. L’acide tunflique obtenu par l’un ou l’autre de ces trois procédés , eft comme nous l’avons dit fous la forme d'une poudre blanche. Au chalumeau , il devient fauve , brun & noir fans fe fondre ni fe volatilifer. Il fe diflbut dans 20 parties d’eau bouillante ; cette diiïo- lution a une faveur acide , & rougit la teinture de tournefol. L’acide tunflique paroît former avec la ba- ryte un fel abfolument mfoluble dans l’eau t avec la magnéfie un autre fel difficilement foluble. Lorfqu’on verfe fa diflblution dans l’eau de chaux, elle y opère un peu de précipité qui augmente beaucoup par la chaleur, & qui efl du tunflate calcaire régénéré fuivant Schéele. L’acide tunflique faturé de potafle donne un fel qui fe précipite en très - petits criflaux , & dont la forme n’a point été déterminée. Schéele n’a point parlé de fa combinaifon avec la foude. II forme fuivant lui avec l’ammoniaque un fel figuré en très-petites aiguilles ; ce tunflate am- moniacal , expofé au feu dans une cornue , laide aller 1 ammoniaque, & l’acide tunflique refle en Tome II, p f 4;o E L É M E N S poudre sèche & jaunâtre ; le même fel décom- po'fe le nitrate calcaire & réforme du tunflate de chaux. L’acide tunflique chauffé avec de l’acide ful- furique prend une couleur bleuâtre j avec 1 acide nitrique & l’acide muriatique , il devient jaune citron ; il précipite en vert le fulfure alkalin ou foie de foufre. Schéele n’a point déter- miné à quelle caufe font dus ces changemens de couleur. Ce chimifle ayant obfervé que l’acide tunfli- que fe colore facilement par les corps combufti- bles , & colore lui même en bleu les flux vitreux , comme le borax , &c. a chauffé dans un creufet cet acide avec de l’huile de lin ; mais il n en a point obtenu du métal , & l’acide ffa été que noirci. Bergman penfe cependant d’aprcs la pefanteur confidérable de cet acide , fa colo- ration par les corps inflammables , & fa pré- cipitation par le prufliate de potaffe ou 1 alkali pruffien, qu’il efl d’origine métallique. Nous avons dit par quel procédé MM. d’E- lhuyar font parvenus à réduire en globules mé- talliques l’oxide tunflique retiré du wolfram , Sc la nature métallique de cet acide n eit plus un problème. d’Hist. Nat. et de Chimie. 471 CHAPITRE IX. Du Cobalt . Le cobalt ou cobolt efl un demi-métal d’une couleur blanche , rirant un peu fur le rouge , d’un grain fin & ferré , qui eft très-caflant & qui fe réduit facilement en poudre par l’àdion du pilon. Pefé à la balance hydroflatique, il perd environ un huitième de Ion poids. Sa pefan- teur fpécilique eft d’environ 7,700 , fuivant Bergman. Il eft fufceptible de fe criftaliifer en faifceaux d’aiguilles couchées les unes fur les autres. Le cobalt n’a jamais été trouvé pur & natif dans la nature, il eft prelque toujours calciné & uni avec l’arfenic ou fou acide , le foufre , le fer, &c. Voici les principales fortes de mines de cobalt diltinguées d’après leurs combinaifons , par Bergman 8c M. Mongèz. 1°. Cobalt natif uni à l’arfenic. Cette mine eft folide , grife , pefante , peu brillante 8c grenue dans fa cafture ; elle fait feu avec le briquet, 8c noircit au feu. L’acide nitrique la diiïout avec eftervefcence, & elle donne une encre de fym- pathie par l’acide muriatique. 20. Cobalt en oxide. Cette mine , qui paroît ’ Ff ij E L É M E N S 4Ï2 être du cobalt oxidé par les acides , eft ordi- nairement grife noirâtre , & quelquefois fem- blable à du noir de fumée , fouvent friable 8c pulvérulente. Elle falit les doigts ; celle qui eft compacte préfente des taches rofées dans fa calTure ; elle reflemble quelquefois à des fcories de verre , ce qui l’a fait appeler mine de cobalt vitreufe par quelques naturalises. Cette mine ne contient point d’arfenic lorfqu’elle efl pure, mais elle efl fouvent mêlée d’ochre martiale. fl. Cobalt uni à l’acide arfenique , fleurs de cobalt rouges , rofes , couleur de fleurs de pêcher . L’acide arfenique que Bergman 8c M. Mongez y ont découvert , lui donne fa couleur. Cette mine eft ou en mafle , ou en poudre , ou en efflorefcence flriée , ou en prifmes à q pans avec des fommets à deux faces. Sa couleur fe détruit au feu , à mefure que l’acide arfenique fe dégage. q°. Cobalt uni au fer Sc à l’acide fulfurique; mine de cobalt fpéculaire ; on l’a appelée fort improprement cobalt fulfureux , parce qu’elle ne contient point de foufre, mais un peu d’a- cide fulfurique. Cette mîfle eft blanche ou grife 8c très-brillante, c’eft la plus riche de toutes; elle fait fouvent feu avec le briquet. fl. Cobalt uni au foufre, à l’arfenic & au fer. Ce minéral porte le nom de mine de cobalt d’Hist. Nat. et de Chimie. 475- blanche ou grife : elle efl d’un gris blanchâtre, criflallifée en cubes entiers ou tronqués , de manière à former des folides à quatorze, dix- huit ou vingt-fix facettes. Sa caflure eft lamel- leufe & fpathique. Quelquefois elle offre à fa furface des dendrites en feuilles de fougère ; dans cet état , on la nomme mine de cobalt tricottée. Souvent les mines de cobalt blanches n’ont aucune criftallifation régulière ; mais elles font toujours reconnoiffables à leur couleur grife blanchâtre , à leur pefanteur moindre que celle des précédentes , & à l’efflorefcence rouge' qu’elles ont prefque toutes à leur furface. Pour faire l’elTai d’une mine de cobalt, on commence par la piler 8c la laver , enfuite on la grille pour en féparer l’arfenie. Le cobalt refie dans l’état d’un oxide noir plus ou moins foncé;, on mêle cet oxide avec trois parties de flux noir 8c un peu de fel marin décrépité ; on te fond dans un creufet brafqué 8c couvert an feu de forge ; on attend que la fonte foit complète , 8c que la matière foit parfaitement liquide pour laiiTer refroidir le creufet ; on l’agite légèrement pour faire précipiter le demi- métal , qui fe raffemble en culot au fond dit vaifTeau. Ce culot elt quelquefois formé de deux matières métalliques ; le cobalt efl placé fupérieurement ? 8c le bifmuth fe trouve au- Ff üj 4f4 É L é M E N S deffons ; on les fépare facilement d’un coup de marteau. Les minéralogifies modernes , & fur - tout Bergman 8c M. Kirwan , propofent de faire l’ellai des mines de cobalt par l’acide nitrique ; cet acide diflout le cobalt & le fer; on les pré- cipite par le carbonate de fonde , 8c on difiout enfuitele précipité cobaltique par l’acide acéteux. Scheffer confeille de reconnaître la puiiïance colorante des mines de cobalt, en les fondant avec trois parties de potafie 8c cinq de verre en poudre. Dans les travaux en grand, on ne retire point le cobalt fous la forme métallique. Après avoir pilé & lavé la mine de cobalt, on la grille dans le fourneau à manche. Ce fourneau fe termine par une longue galerie horifontale qui fert de cheminée ; c’eft dans cette galerie que l’oxide d’arfenic fublimé fe condenfe 8c fe fond en verre , que l’on vend dans le commerce fous le nom impropre à’arjenic blanc. Si la mine contenoit un peu debifmuth , comme ce métal eft très-fufîbie , il fe rafietnble au fond du four- neau ; le cobalt refle dans l’état d’un oxide gris obfcur , nommé Jafre. Le fafre du com- merce n’efi jamais pur ; on le mêle avec trois fois fon poids de cailloux pulvérifés. Le fafre, ainfi mêlé 8c expofé au grand feu, le fond en / *■ ^ I d’Hist. Nat. et de Chimie. 457 un verre d’un bleu obfcur , nommé /malt. On réduit ce fmalt en poudre dans des moulins , 8c on le délaye dans l’eau. La première portion de verre qui fe précipite efl la plus groffière ; on la nomme a^ur gro/fer ; on décante l’eau encore trouble; elle donne un fécond précipité ; on la décante ainfi jufqu’à quatre fois, 8c le dépôt qu’elle forme alors efl plus fin que tous les autres ; on le nomme improprement a^ur des quatre feux. Cet azur eft employé dans plufieurs arts pour colorer en bleu les métaux 8c les verres , &c. Le fifre du commerce, fondu avec trois fois fon poids de flux noir & un peu de fuif & de fet marin, donne le demi-métal connu fous le nom impropre de régule de cobalt. La réduction du fafre efl très-difficile. Il faut employer une grande quantité de fondant , & avoir foin de tenir le creufet rouge-blanc pendant un tems allez long, pour que la matière foitbien fluide, tranquille, 8c que les lcories foient fondues en un vetie bleu ; alors le cobalt le précipite & fe ralTemble en un culot au-deflous des fcories. Le cobalt , expofé au feu , ne fe tond que lorfqu’il efl bien rouge; ce demi-métal efl de très-difficile fufion , & paroît très- fixe au feu on ignore même s’il fe peut volatilifer dans des vailïeaux fermés; mais on fait que fi on le lai e F£ iv 45^ ËtÉMENS refroidir lentement, il fe criftallife en prifmes aiguillés , couchés les uns fur les autres & réunis en faifceaux ; & ils imitent allez bien une maffe de bafaltes écioulés , comme Pobferve M. Alon- gez. Pour réuiïir dans cette criftallifation , il iuffit de faire fondre du cobalt dans un creufet, jufqu à ce qu il éprouve une efpèce d’ébullition, & d incliner ce vaifleau , lorfqu’après l’avoir retiré du feu, la furface de ce demi -métal fe fige. Par cette inclinaifon , la portion encore fondue s’écoule , & celle qui adhère aux parois de l’efpèce de géode formée par le refroidifle- ment des furfaces du cobalt, fe trouve tapilfée de cridaux prifmatiques entalTés. Le cobalt fondu expo fé à Pair , fe couvre dune pellicule fombre & terne, qui n’eft qu’un oxide de ce demi-métal, formé par fa combi- naifon avec 1 oxigene. On fait plus facilement ^ une plus grande quantité d’oxide de cobalt , en expofant ce demi-métal réduit en poudre dans un têt à rôtir fous la mouille d’un fourneau de coupelle, & en l’agitant pour renouvelleras furfaces. Cette poudre, tenue rouge pendant quelque tems , perd fou brillant , augmente de poids & devient noire. Cet oxide noir de cobalt demande un feu de la dernière .violence pour fe fondre en un verre bleu très-foncé. Le cobalt fe ternit un peu à Pair , & il n’efl d’Hist. Nat. et de Chimie. 45-7 point attaqué par l’eau. Ce demi-métal ne s’unit point aux terres , mais fon oxide s’y combine par la fufion , & il forme avec elles un beau verre bleu de la plus grande fixité au feu. C’eft à caufe de cette propriété de l’oxide de cobalt, que cette fubftance eft d’un grand ufage dans la peinture des émaux, de la porcelaine & de la faïence. On ne connoît pas bien l’aétion de la ba- ryte , de la magnéfie & de la chaux fur le cobalt. Les alkalis diiï'ous dans l’eau l’altcrent manifeflement ; mais on n’a point encore fuivi ces altérations. Ce demi-métal fe diflbut dans tous les acides, mais avec des phénomènes différens , fuivant fon état & celui de l’acide. Le cobalt ne fe diflbut que dans l’acide ful- furique concentré & bouillant. On fait cette difîolution dans une fiole de verre ou dans une cornue ; lorfque l’acide eft prefque tout évaporé en gaz fulfureux , on lave le réfidu; une portion fe diflbut dans l’eau & lui commu- nique une couleur rofée ou verdâtre; c’eft le fulfate de cobalt; l’autre eft du cobalt oxide par l’acide , dont l’oxigène s’eft combiné avec le demi-métal. M. Baumé dit qu’on obtient , de la diflblution fulfurique de cobalt fuflùfamment évaporée, & par le refroidiflement , deux fortes 458 É L Ê M E N S de criftaux; les uns blancs , petits & cubiques; les autres verdâtres , quarrés , de fix lignes de long, & larges de quatre. Ce font ces derniers qu’il regarde comme le fulfate de cobalt. Les premiers dépendent de quelques autres matières métalliques étrangères unies au cobalt. Les c if- taux de fulfate de cobalt, que l’on obtient le plus fouvent fous la forme de petites aiguilles, 8c que M. Sage défigne par celle de prifmes tétraèdres rhomboïdaux , terminés par un fom- niet dièdre à plans rhombéaux, fe décompofènt au feu ; il ne relie qu’un oxide de cobalt qui ne peut fe réduire feul. La baryte, la magnefie, la chaux & les trois alkalis décompofènt au (h ce fel , 8c en précipitent le cobalt en un oxide rofé • 100 grains de cobalt diffous dans l’acide fulfurique donnent par la foude pure environ 140 grains de précipité , 8c par le carbonate de fonde 160 grains. Cette augmentation de poids dépend de l’oxigène de l’acide fulfurique qui s’ell uni au cobalt ; dans la fécondé précipita- tion l’acide carbonique , qui fe combine à l’oxide de cobalt, augmente encore fa pefanteur. L’acide fulfurique , étendu d’eau , agit fur le fafre , & en dilïbut une portion avec laquelle il forme du fulfate de cobalt. L’acide nitrique dilTout le cobalt avec eder- vefcence , à l’aide d’une douce chaleur ; il fe d’Hist. Nat. et de Chimie. 45'<> dégage du gaz nitreux , à mefure que le prin- cipe oxigène de cet acide s’unit au cobalt. Lorfque la difTolution eft au point de faturation , elle eft d’un brun rôle ou d’un vert clair. Elle donne, par une forte évaporation, un nitrate de cobalt en petites aiguilles réunies. Ce fel eft très-déliquefcent ; il bouillonne fur les charbons fans détoner , & il laide un oxide rouge foncé. Il eft décompofé par les mêmes intermèdes falins que le fulfate de cobalt. Si dans ces dé- compofitions , on ajoute plus d’aîkali qu’il n’en faut pour précipiter l’oxide de cobalt, cette fubftânce fe difîout dans l’excédent du fel, & le précipité difparoît. L’acide muriatique ne diflbut pas le cobalt à froid ; mais à l’aide de la chaleur, il en diflbut une portion. Cet acide agit mieux fur l’oxide du demi-métal ; il forme une diftolution d’un brun rouge, qui devient verte dès qu’on la chaude ; cette diftolution évaporée , & bien concentrée , fournit un muriate de cobalt qui criftallife en petites aiguilles , & qui eft fort dé- liquefcent ; la chaleur lui donne d’abord une couleur verte, & le décompofé. L’eau régale ou l’acide nitro-muriatique dif- . fout le cobalt un peu plus aifément que ne fait l’acide muriatique feul , mais avec moins d’é- nergie que ne fait l’acide nitrique. Cette diffo-i E L é M É N S îution efï connue depuis long-tems comme une forte d 'encre de JjmpaLhïe , qui ne devient appa- rente que lorfqu’on la chauffe ; l’écriture qui n’étoit pas vifible à froid , paroît d’un beau vert céladon par la chaleur , 8c difparoit à mefure que le papier fe refroidit. Cette propriété appartient à la diffolution de l’oxide de cobalt dans l’acide muriatique, & l’acide nitrique qu’on a ajouté pour faire l’eau régale, n’y contribue qu en facilitant fa diffolution 8c fa fufpenfîon. On avoit cru que la couleur verte que produit 1 encre de cobalt chauffée , 8c qu’elle perd en refroidiffant , étoit due au fel métallique que la chaleur faifoit criftalhfer , 8c qui étant expofé a 1 air froid, attiroit allez d’humidité pour fe diffoudre 8c difparoître entièrement ; mais il efb prouvé que le muriate de cobalt , diffous dans l’eau , prend la même couleur dès qu’on lui fait éprouver un certain degré de chaleur. L acide boracique ne diffout point immédia- tement le cobalt ; mais lorfqu’on mêle une diffo- lution de borate de fonde avec une diffolution du demi-métal dans un des acides précédens , il s’opère une double décompofition. La foude s unit avec l’acide qui tenoit l’oxide métallique en diffolution , 8c l’acide boracique , combiné avec cet oxide, forme un fel peu foluble , qui fe précipite : on peut recueillir ce borate d’Hist. Nat. et de Chimie. 4^ de cobalt, en féparant par Je filtre la liqueur qui Je fumage. Le cobalt n’a point d’adion fur la plupart des fels neutres. Il s’oxide Jorfqu’on le traite au feu avec du nitre. Si on projette dans un creufet rouge , un mélange d’une partie de cobalt en poudre, & de deux ou trois parties de nitre bien lec, il ne fe produit point une détonation vive, mais il s’excite de petites fcintillations bien marquées; on trouve enfuite une portion du cobalt changée en un oxide d’un rouge plus ou moins foncé & fouvent verdâtre. Cette expé- rience, ainfî que toutes celles fur l’adion récipro- que du nitre & des matières métalliques, deman- deroit à être fuivie. Le cobalt ne décompofe point le muriate am- moniacal. Bucquet, qui a fait cette expérience avec beaucoup de foin , n’a pas obtenu un atome d’ammoniaque; cela dépend du peu d’adioa qu’a l’acide muriatique fur ce demi-métal. On ne connoît pas l’aclion du gaz hydrogène fur le cobalt. Le foufre ne s’unit que très-diffi- cilement avec cette fubflance , mais les fulfures alkalins favorifent cette combinaifon ; il en réfulte une forte de mine artificielle, à facettes plus ou moins larges ou d’un grain plus ou moins fin, d’une couleur blanche ou jaunâtre, fuivant la quantité de foufre combiné. M. Baumé, qui a donné d’excellens détails fur cette combinai- fon, dans fa Chimie expérimentale & raifonnée , ( tome II, page 2 .88 àzgy) obferve qu’elle ne peut être décompofée que par les acides , & que le feu n’efl pas capable d’en féparer tout le foufre. Le cobalt n’eft d’aucun ufage dans fon état métallique , mais on emploie fon oxide pour colorer en bleu les verres, les émaux , les faïen- ces, les porcelaines. On en fabrique auffi une encre de fympathie. .juiwilmmw i mwnTfi — " ~i~ 'i < pwi/ï-: "TvV cstTSigS CHAPITRE X. Du Bismuth. Le bifmuth, nommé autrefois étain de glace , eft un demi - métal d’un blanc jaunâtre , fort pefant , difpofé en grandes lames. Il s’enfonce un peu par les coups de marteau , mais il fe brife bientôt en petites paillettes , & finit par fe réduire en poudre. Il perd dans l’eau un dixième de fon poids. Il eil fufceptible de crif- tallifer en prifmes polygones, qui fe difpofent en volutes grecques quarrées , ou entièrement femblables à celles du muriate de foude. Il n’a que très-peu d’odeur & de faveur. d’Hist. Nat. et de Chimie'. 465 Le bifmuth eü fouvent fous forme métalli- que dans la nature. On le reconnoît à fa cou- leur brillante jaunâtre, à fa mollette, telle qu’il fe laide couper au couteau, à fa forme lamel- leufe , & fur-tout à fa grande fufibilité. Il efl ordinairement crillallifé en lames triangulaires qui font polee» les unes fur les autres par recouvrement. J’en pofsède des échantillons dans lefquels ce demi-métal ed fous la forme d’oétaèdres très - réguliers. Sa gangue eft ordi- nairement quartzeufe ; on en trouve à Scala en Neritie , en Dalecarlie , & à Schnéeberg en Allemagne. Plufieurs minéralogiftes modernes doutent de l’exiftence de la mine de bifmuth arfenicale. Cependant quelques-uns a (Turent que cette mine efl chatoyante, fouvent difpofée en petites lames luifantes d’un gris clair. Elle ed auffi , fui vaut ces derniers , prefque toujours mêlée de bifmuth natif & de cobalt , dont l’efflcrefcence rougeâtre fe fait quelquefois remarquer à la furface des échantillons. La mine de bifmuth fulfureufe, ou le ful- fure de bifmuth natif, reconnue par tous les minéralogides , ed d’un gris blanchâtre , quel- quefois tirant fur le bleu , à facettes ou en p ri fines aiguillés. Cette mine a l’éclat & la cou- leur de la mine de plomb ou galènes elle pré- fente prefque toujours des facettes quarrées ; mais jamais on n’y voit de véritables fragmens cubiques ; elle fe coupe au couteau ; elle eft fort rare , on la trouve à Baitnaës en Suède & à Schnéeberg en Saxe. Cronftedt parle auffi d’une mine de bifmuth martiale, qu’il dit fe rencontrer en grofles écail- les cunéiformes , à Konsberg en Norwege. Enfin, le bifmuth fe rencontre quelquefois dans l’état d’oxide. Il eft fous la forme d’une efflorefcence granuleufe , d’un jaune verdâtre & jamais rouge, à la furface des mines de bifmuth. M. Kirwan croit que cet oxide de bifmuth y eft uni à l’acide carbonique. Quelques minéralogiftes afturent qu’il y a un fulfate de bifmuth natif mêlé à cette chaux. Pour faire l’eflai d’une mine de bifmuth, on fe contente de la fondre à une douce chaleur dans un creufet& à l’aide d’une certaine quantité de flux rédudif. Comme le bifmuth eft volatil, on doit le fondre le plus vite poffible ; il vaut même mieux faire cet effai dans des vaiffeaux fermés, comme le recommande Cramer. La fonte en grand des mines de bifmuth n’eft pas plus difficile ; on fait une fofte en terre , on la couvre de bûches , qu’on place près les unes des autres; on allume le bois, & on jette par- deffus la mine concalTée ; le bifmuth fe fond de d’Hi'st. Nat. et de Chimie. 4 6$ & coule dans la foiïe, où il fe moule en pain orbiculaire. Dans d’autres endroits on incline un tronc de pin creufé en canal , fur lequel on met un lit de bois ; on jette le bifmuth fur cette matière combuftible après l’avoif allumée. Ce demi-métal fe fond , coule dans le canal qui le conduit dans un trou fait en terre, fur lequel pofe l’extrémité du ^ronc de pin. On puife le bifmuth dans cette efpèce de caffe , on le verfe dans des moules de fer , ou dans des 1 iingotières. v Le bifmuth n’efl que peu altéré par le conta# de la lumière. Il eil extrêmement fufible, il fe fond long-tems avant de rougir. Chauffé dans des vaiffeaux fermés , il fe fublime en entier. Si on le laide refroidir lentement, il fe criftallife en volutes grecques. C’efl une des fubflances métalliques qui fe criflallife le plus facilement. M. Brongniart efl le premier chimifle qui ait bien réufli à cette criflallifation. Si on tient le bifmuth en fufion avec le conta# de l’air, fa furface fe couvre d’une pellicule qui fe change en un oxide d’un gris verdâtte ou brun , nommé cendre ou chaux de bifmuth. Dix- neuf gros de bifmuth calcines dans une caplme de verre , ont donné à M. Baumé vingt gros trente quatre grains doxide. Le bifmuth chauffé jufqu’à rougir , brûle avec une petite flamme Tome 11. °g bleue peu fenfible ; fon oxide s’évapore fous la forme d’une fumée jaunâtre, qui fe condenfe à la furface des corps froids en une pouflière de même couleur , nommée improprement fleurs de bifmuth ; cette poudre ne doit fa volatilifation qu’à la rapidité avec laquelle le bifmuth brûle ; car fi on l’expofe feule au feu , elle fe fond en un verre verdâtre fans fe fublimer. Geoffroy le fils a obfervé que fur la fin cet oxide de bifmuth fublimé devient d’un beau jaune d’or- piment. Les oxides gris ou brun , fublimé & vitreux , ne font que des combinaifons de ce demi-métal avec la bafe de Pair vital ou l’oxigène. Ils ne fe réduifeut pas fans addition , parce qu’il y a beaucoup d’adhérence entre les deux principes qui les compofent ; mais le gaz hydrogène , le charbon 6c toutes les matières combuftibles organiques qui conciennent l’un 8c l’autre de ces corps font capables de les décompofer 8c de leur rendre leur état métallique , en s’emparant de l’oxigène avec lequel ces corps ont plus d’affinité que n’en a le bifmuth. M. d’Arcet ayant expofé du bifmuth dans une boule de porcelaine non cuite, à la chaleur du four qui cuit cette dernière fubflance , ce demi-métal a coulé au dehors par une crevafTe du creufet; la portion reliée dans ce vaiffeau d’Hist. Nat. et de Chimie. 467 y a formé un verre d’un violet fale, tandis que le bifmuth fondu à l’extérieur de la boule étoit jaunâtre. Il paroît, d’après ce fait & pluOeurs autres femblables , que les verres métalliques faits avec ou fans le contad de l’air, different les uns des autres. Le bifmuth fe ternit un peu à l’air , & il fe forme une rouille blanchâtre à fa furface. Il n’eff point attaqué par l’eau , & il ne fe combine point aux terres ; mais fon oxide s’unit avec toutes les matières terreufes , fie en facilite la fufion ; il donne une teinte jaune - verdâtre aux verres dans la combinaifon defquels on le fait entrer. On ne connoît pas l’adion des fubffances falino - terreufes & des alkalis fur ce demi- métal. L’acide fulfurique concentré 8c bouillant ell altéré par le bifmuth ; cet acide fe décompofe en partie 8c laide exhaler du gaz fulfureux. La maffe qui reffe dans le vaifleau après la décom- pofition d’une partie de l’acide , ed blanche ; on fépare par l’eau la portion qui eff dans l’état falin , de celle qui eff; pur oxide , 8c qui ne con- tient que très-peu d’acide; la leffive évaporée fournit un fulfate de bifmuth en petites aiguilles déliquefcentes. Ce fel peut être décompofé par le feu, par les fubffances falino-terreufes, Gg ij q(58 É L é MENS par les alkalis & même par l’eau en grande quantité. On ne connoît point le fulfite de bifmuth. L’acide nitrique diffout le bifmuth avec une rapidité étonnante , ou plutôt ce demi-métal dé- compofe l’acide & lui enlève très-promptement une partie de fon oxigène. Le mélange s’échauffe beaucoup, il s’en exhale des vapeurs rouges très-épaiffes. Si l’on fait cette combinaifon dans l’appareil pneumato-chimique , on en obtient une très-grande quantité de gaz nitreux ; c’eft un moyen très-prompt & très-commode de fe procurer ce gaz. Il fe précipite pendant cette diffolntion une poudre noire que Lémery a prife pour du bitume , que Pott a regardée comme un oxide de bifmuth très-calciné. M. Baumé l’a prife pour du foufre ; peut-être ell-ce du char- bon. La diffolution nitrique de bifmuth eft fans couleur ; lorfqu’elle eft chargée , elle dépofe des criflaux fans évaporation. Ce dernier moyen com- biné avec le refroidiffement , fournit un nitrate de bifmuth , fur la forme duquel les chimifles ne font nullement d’accord. M. Baumé dit que ce fel eft difpofé en groffes aiguilles taillées en pointes de diamant par un bout. Af. Sage définit ces criltaux des prifmes tétraèdres, un peu comprimés 8c terminés par deux pyramides trièdres obtufes , dont les plans font un rhombe I d’Hist. Nat. et de Chimie. 4^ & deux trapèzes. Par une évaporation lente, j’en ai obtenu des rhombes applatis , fort gros & tout - à - fait femblables au fpath calcaire d’I {lande. Le nitrate de bifmuth détone foiblement & par fcintillations rougeâtres ; il fe fond & fe bourfouffle , & il laifle un oxide d’un jaune verdâtre , qui ne fe réduit pas fans addition. Ce fel , expofé à i’air , perd fa tranfparence en même-tems que l’eau de fa criflallifation fe diiïipe. Dès qu’on eflaie de le diffoudre dans l’eau , il la rend blanche , laiteufe , & y forme un précipité d’oxide de bifmuth. Il en efl de même fi l’on verfe dans l’eau la diffolution nitrique de bifmuth ; la plus grande partie de l’oxide de ce demi-métal fe précipite fous la forme d’une poudre blanche , nommée blanc de fard ou magïjler de bifmuth. Cent grains de ce métal diflfous dans l’acide nitrique, donnent 1 1 3 grains d’oxide précipité, en raifon de l’oxigène qui s’y eft fixé. Pour avoir ce précipité très -blanc 8c très -fin, il faut le préparer avec une grande quantité d eau. Les femmes s’en fervent pour blanchir la peau, mais il a l’inconvénient de noircir lorfqu’il ell en conta# avec des matières odorantes 8c corn— buftibles ; c’efl meme un des oxides métalli- ques dans lefquels cette propriété eft la plus G g iij 470 ÏC L É M E N s énergique. Quoique le nitrate de bifmuth foit en grande partie décompofé par l’eau , il en telle cependant une portion en diffolution , & cette portion ne peut être précipitée que par la chaux ou les alkalis. Ce caradère d’être précipité par l’eau , appartient à toutes les diffolutions de bifmuth. On ne connoît point le nitrite de bifmuth. L’acide muriatique agit difficilement fur ce demi-métal ; il faut que cet acide foit concen- tré & qu’on le tienne long-tems en digeffion fur le bifmuth ; cette diffolution réuffit encore mieux en diffillant une grande quantité d'acide muriatique fur le métal • il s’exhale une odeur fétide de ce mélange : on lave le réfîdu avec de 1 eau , qui fe charge de la portion d’oxide métallique unie à l’acide, Le inuriate de bifmuth criffallife difficilement ; il eff fufceptible de fe fublimer & de former une forte de fel mou, fufible, nommé improprement beurre de bifmuth, qui attire fortement l’humidité de l’air ; l’eau le décompofé 8c en précipite un oxide blanc. On ne connoît point l’aétion des autres acides minéraux fur le bifmuth. Le bifmuth eff calciné par le nitre ordinaire, mais fans détonation fenffble. Ce demi-métal ne décompofé point du tout le muriate ammo- niacal , mais fon oxide en fépare complètement I d’HisT. Nat. et de Chimie. 471 l’ammoniaque. On obtient dans cette expérience une grande quantité de gaz ammoniac , & le réfidu contient la combinaifon de l’oxide mé- tallique avec l’acide muriatique. Si le bifmuth n’agit point fur le muriate ammoniacal , en raifon du peu d’aétion que l’acide muriatique a fur ce demi-métal ; la propriété de décompofer ce fel , dont jouit fon oxide , efl bien remar- quable, & elle prouve qu’elle fe rapproche des fubftances falines. Le gaz hydrogène altère la couleur du bif- muth , & lui donne une teinte violette. Le foufre fe combine avec lui par la fufion. Il en ré fuite une forte de mine grife, bleuâtre 8c brillante qui criflallile en belles aiguilles tétraèdres femblables par leur couleur & leurs reflets aux plus beaux morceaux d’antimoine. On ne connoît pas bien l’action de l’arfenic fur le bifmuth , on fait que ce demi-métal ne s’allie point au cobalt , & qu’il en refte féparé dans la fonte. Le bifmuth efl employé par les potiers d’étam pour donner de la dureté à ce derniei métal. Il pourroit être fubflitué au plomb dansai art de coupeller les métaux parfaits ; parce qu il a, comme ce métal , la propriété de fe fondie en un verre que les coupelles abforbent. Geolïroy le cadet a trouvé beaucoup de rapport entie ce Gg iv 472 É L é M E N s demi-métal & le plomb. On ne peut que foup- çonner les effets du bifmuth fur l’économie animale ; on croit , avec affez de vraifemblance , que fon ufage feroit dangereux comme celui du plomb. On connoît meme quelques mau- vais effets de ce demi -métal appliqué exté- rieurement. On fe fert de l’oxide de bifmuth , appelé blanc de fard , pour blanchir la peau ; mais il faut alors éviter avec foin toutes les matières très-odorantes, & fur-tout celles qui font fétides. Le voifînage des boucheries , des voiries , des égouts, des latrines, même ^es odeurs fortes, influe tellement fur cet oxide , qu’il lui donne une couleur plus ou moins noire. La vapeur des fulfures alkalins , celle des œufs produifent cet effet avec beaucoup d’énergie ; on fait en phy- fique une expérience qui prouve cette propriété; on trace des caraffères avec une diffoluuon de bifmuth fur le premier feuillet d’un livre blanc, compofe d une centaine de pages ; on imprégné le dernier feuillet d’un peu de fulfure alkalin liquide ; quelques inflans après la vapeur hé- patique portée par l’air qui circule entre tous les feuillets , arrive à l’extrémité du livre 8c colore en brun foncé les caraétères tracés fur la première page. On a dit que le gaz hydro- gène fulfuré ou hépatique, traverfoit le papier; d’Hist. Nat. et de Chimtë. 473 mais M. Monge a prouvé que c’eft l’air qui le porte ainfi de feuille en feuille, puifqu’en collant ces feuilles les unes aux autres , la co- loration n’a plus lieu. CHAPITRE XI. Du Nickel. Le nickel a été regardé par Cronfledt comme un demi métal particulier , qu’il a fait connoîtie en 1751 de 175*^5 dans les actes de 1 acadé- mie de Stockolm. Ce demi-métal eft fuivant lui d’une couleur blanche , brillante , tirant fur le rouge , ftir-tout à l’extérieur. Il eft très-fragile, 3c paroît compofé de facettes dans fa frac- ture, ce qui le diflingue du cobalt. M. Arvidfîon, qui a publié, conjointement avec Bergman » une thefe fur les propriétés du nickel, traduite 3c inférée dans le journal de phyfique , Oéto- bre 1776, a obfervé que le nickel obtenu par le grillage & la fufion de fes mines , comme l’avoit indiqué Cronftedt , n’ell rien moins que ce demi-métal pur, 3c qu’il contient du fou- fre, de l’arfenic, du cobalt 3c du fer. Comme Bergman eft parvenu par un grand nombre de procédés ingénieux, à extraire la puis grande 471' É L É M E N S partie de ces matières étrangères , & à obte- nir du nickel différent par plufieurs de Tes pro- priétés , de celui de Cronfledt ; c’efl de celui-là cjue nous parlerons après avoir fait l’hiffoire de fes mines. On trouve le nickel uni au foufre & à l’ar- fenic. Ses mines ont une couleur rouge de cui- vie; elles font prefque toujours couvertes d’une effloiefcence d un gris verdâtre; les allemands les nomment kupfer-nickel , ou cuivre faux . Ce minéral elt très-commun à Freyberg en Saxe; il e(l fouvent mêlé avec la mine de cobalt grife. Mais fa couleur rouge , fon efïïorefcence ver- dâtre le diflinguent de cette mine qui elt grife ou noire , 8c dont l’effiorefcence eü rouge ; il eft fouvent criflallifé en cubes. Wallerius défigne le kupfer-nickel fous le nom de mine de cobalt d’un rouge de cuivre ; il la croit un com- pofé de cobalt , de fer 8c d’arfenic'. Linnæus le regardoit comme du cuivre minéralifé par Far- cie* M. Romé de Lille l’a rangé avec Wallerius parmi les mines de cobalt , & penfe comme lui que c’efl un alliage. M. Sage ayant traité cette mine avec le muriate ammoniacal, en a retiré du fer, du cuivre 8c du cobalt. Il croit qu’elle efl formée de l’alliage de ces trois ma- tières métalliques avec Farfenic. On y trouve aufîi un peu d’or, fuivant ce chimifte. Il ell bon d’Hist. Nat. et de Chimie. 47; d'obferver qu’il a eu des réfultats différens de ceux de Bergman. Il dit avoir opéré fur des kupfer-nickels de Biberen Hefle, 8c d’Allemont en Dauphiné. Cronfledt alTure qu’on peut féparer du nickel la matière métallique nommée par les allemands , 8c qui fe rafle mïjle dans les creufets où on fond le fmalt. M. Monnet croit que le fpeiff de la manufaéture de Gengenback , à quatorze lieues de Strasbourg ,o efl du vrai nic- kel ; 8c comme la mine de cobalt qu’on emploie dans cet endroit pour faire le fmalt , efl très- pure , il en conclut que le nickel efl néceiïaire- ment produit par le cobalt lui-même , comme nous le verrons plus bas. Mais M. Baume a retiré du nickel de prefque toutes les mines de cobalt , par le moyen du fulfure alkalin. Il paroit donc que la mine de cobalt que l’on travaille à Gengenback , contient du nickel qu’il efl im- poffibled’y reconnoître à l’œil, à caufe de l’union intime de ces deux matières métalliques. Pour retirer le nickel de fa® ruine , on la faîr griller lentement , afin d’enlever une poition du foufre 8c de l’arfenic. Elle fe change en un oxide verdâtre ; plus elle efl verte , plus elle contient de nickel , d’après Bergman 8c Ar- vidffon. On la fond en fuite avec trois paities de flux noir 8c du muriate de foude , 8c on en 47^ E L É M E K s tire un régule tel que l’a défigné Cronfledt , mais qui efl bien éloigné d’être le nickel pur ; fes fcories font brunes ou bleues. Beaucoup de chimiftes, depuis le travail de M. Arvidfïon, îegardent encore cette fubflance métallique comme un alliage naturel de fer, de cobalt & d’arfenic. Quant au cuivre, il n’y a que M. Sage qui dit en avoir retiré du kup fer-nickel. M. Monnet penfe que le nickel n’eft que du cobalt privé dus fer & de l’arfenic. A mefure que nous examinerons les propriétés de ce demi- métal, nous verrons fur quoi font fondées ces différentes opinions ; nous croyons avec Berg- man , que ce qui en a impofé aux chimifles fur cet objet , c’efl l’extrême difficulté que 1 on éprouve pour obtenir du nickel très-pur ; vérité bien démontrée dans la differtation de M. Arvidffon , déjà citée. Comme il efl cer- tain qu’amené autant qu’il efl poffible à cet état de pureté, il a des propriétés très-particulières j &: qu on n’a pas encore pu ni le féparer par 1 analyfe en différentes fubflances métalliques , ni le recompofer par un alliage quelconque , on doit le regarder comme un demi -métal particulier , jufqu’à ce que des expériences ulté- rieures nous aient convaincus du contraire. Le demi-métal, que fournit la fimple fufion du kupfer-nickel grillé , efl à facettes d’un blanc ÆfHi'ST. Nat. et de Chimie. 477 rougeâtre, 8c très-fragile. 11 contient beaucoup d’arfenic , de cobalt & de fer. M. Arvidffon lui a fait éprouver fix calcinations qui ont duré depuis fix jufqu’à quatorze heures chacune ; il a réduit le demi-métal après chaque calcination; il a obfervé qu’en le calcinant, il s’en exhale des vapeurs d’arfenic & des vapeurs blanches qui ne fentent point ce demi-métal ; la poudre de charbon mêlée dans ces opérations, facilite la volatilifation de l’arfenic. Le nickel dont le poids étoit beaucoup diminué par ces fix calci- nations , fentoit encore l’arfenic & étoit attira- ble. On le fondit fix fois avec de la chaux 8c du borax, 8c 011 le calcina une feptième en y ajoutant du charbon, jufqu’à ce qu’il ne répandît plus de vapeurs d’arfenic. Cet oxide étoit ferrugineux, nuancé de taches vertes; réduit, il donna des fcories martiales 8c un bouton encore attirable à l’aimant. Le fuccès a toujours été pareil avec plufieurs nickels de dififérens pays. Le foufre, le fulfure de potaffe , la déto- nation du nitre , les diffolutions dans l’acide nitrique 8c dans l’ammoniaque, employés par M. Arvidffon , n’ont jamais pu enlever tout le fer du nickel. Il a conclu de ccs expériences, qu’il efl impoflible de purifier exactement ce demi- métal; que le foufre ne s’en fépare que par les calcinations répétées ; que l’arfenic y efl plus 478 É L É M E N S adhérent ; qu’on peut l’en extraire à Paide de la poudre de charbon Sc du nitre; que le cobalt y eft encore plus intimement combiné , puif- que le nitre le fait découvrir , quoique rien n’indiquât fa préfence ; 8c qu’il elt impoffible de le priver de tout le fer qu’il contient, puif- que lorfque le nickel a été traité de toutes ces manières, il eil quelquefois plus attirable à 1 aimant que jamais. M. ArvidfTon croit, d’après cela, que cette fubffance n’efl autre chofe que du fer dans un état particulier ; & il préfente un tableau comparé de plusieurs propriétés de ce métal avec celles du cobalt , de l’aimant & du nickel , d’après lequel il regarde ces trois matières métalliques , comme du fer différem- ment modifié. Mais la principale propriété du nickel , qui a conduit M. ArvidfTon àcettecon- clufîon , ell Ton magnétifme. Ne pourroit-on pas croire qu’elle n’efl: pas fufhfante pour con- fondre deux matières métalliques differentes dans toutes leurs autres propriétés , puifque d’ailleurs il eff poffible que le magnétifme ne foit pas particulier au fer , 8c fe rencontre dans plufieurs fubffances métalliques. Je penfe donc que malgré la propriété que préfente le nickel d’être attirable à l’aimant , on doit le confidé- rer lorfqu’il a été purifié par les procédés de M. Arvidffbn , comme un demi-métal particulier. d’h r s t. Nat. et de Chimie; 47 9 puifque, comme je l’ai déjà annoncé, on ne peut ni en extraire d’autres fubflarcces métal- liques, ni l’imiter parfaitement par aucun alliage, puifqu’ enfin il a alors des propriétés qui n’ap- partiennent qu’à lui, & à l’examen defquelles nous allons palTer. M. Kirwan a adopté entière- ment cette opinion dans fa minéralogie. Il n’offre pas de facettes, comme l’avoit indi- qué Cronfledt , mais fa caffure efl grenue ; il pèfe neuf fois plus que l’eau ; il n’elt pas fra- gile, comme Cronfledt l’avoit annoncé; il jouit au contraire de la dudilité dans un degré affez marqué pour que Bergman doute s’il doit être rangé parmi les métaux ou les demi- métaux; il efl prefque aufli difficile à fondre que le fer forgé; il efl très-fixe; il fe calcine lorfqu’on le chauffe à l’air , & il donne un oxide d’autant plus vert qu’il efl plus pur. On ne fait point fi cet oxide peut fe fondre en verre ; on le réduit à l’aide des fondans & des matières combuf- tibles qui le décompofent comme tous les autres. On ne connoît point l’adion de l’air & de l’eau fur le nickel. Son oxide fondu avec des matières propres à faire du verre , leur donne une couleur d’hyacinthe , plus ou moins rouge. L’adion de la chaux , de la magnéfie & des trois alkalis purs fur le nickel efl encore inconnue. M. Sage dit qu’en diflillant quatre parties ^8o E L É M E N S d’acide fulfurique concentré fur une partie de ré- gule de kupfer nickel en poudre , il paiïe de l’acide fulfureux ; le réfidu eft grisâtre ;& en lediffolvant dans l’eau diftillée , il eft de la plus belle cou- leur verte. Il fournit des criftaux feuilletés de la couleur de l’émeraude. Suivant M. Arvidflon, l’acide fulfurique forme avec l’oxide de nickel un fel vert en criftaux décaèdres -, ce font deux pyramides quadrangulaires, réunies & tronquées près de leur bafe. Le même oxide fe diftout très - bien dans l’acide nitrique. Le nitrate de nickel criftallife en cubes rhombéaux , fuivant M. Sage; toutes les autres diffolutions du nickel , ou de fon oxide dans l’acide muriatique & dans les acides végétaux, font plus ou moins vertes. Les alkalis fixes le précipitent en blanc verdâtre & le re- diffolvent ; la liqueur devient alors jaunâtre. L’ammoniaque , verfée dans une diflolution acide de nickel , y produit une belle couleur bleue; ce fel préfente le même phénomène, lorfqu’on le mêle avec les précipités de ce demi- métal par les alkalis fixes. Comme les diiïolu- lions de cuivre offrent la même couleur avec l’ammoniaque, & qu’on eft même convenu de re- garder cette couleur comme une pierrede touche très-propre à indiquer la préfence de ce métal par-tout où il fe trouve , on a cru , tSt quelques perfonnes I d’Hist. Nat. et de Chimie. 481 perfonnes croient encore d’après cela , que îe nickel contient du cuivre. Cependant Cronfledt a tenté en vain tous les moyens connus de retirer ce métal de la dilTolution de nickel co- lorée en bleu par l’ammoniaque. D’ailleurs ce fel ne diffout pas immédiatement le nickel , comme 11 ditTout le cuivre. Il ell donc démontré par-là, comme le penfe Bergman, que cette propriété appartient au nickel lui-même, & qu’il ne la doit point au cuivre. Ce dernier chimilte n’a pas reconnu des lignes certains de la di Ab- lution de nickel par l’acide carbonique, en tenant pendanthuit jours ce métal dans de l’eau gazeufe ou chargée de cet acide. Le nickel détone avec le nitre; cette détona- tion a fourni à M. Avvidlfon' un moyen de reconnoître dans ce demi-métal la préfence du ' cobalt , qu’aucune autre épreuve n’avoic rendue fenfible. Le nickel ell enfuite plus ou moins oxidé , fuivant la quantité de nitre qu’on a employée. Ce fel neutre a auiTi la propriété d’augmenter l’intenfité de la couleur d’hyacinthe que l’oxide de nickel communiqué aux verres , & de la faire reparoître lorfqu’elle a été difTipée par la fulion ; ce qui arrive allez fouvent à cet oxide , & ce qui lui ell commun avec l’oxide du demi - métal que nous examinerons après celui-ci. Tome IL H h * I 482 E L É M E N S L’oxide de nickel fondu avec du borax , lui donne auffi une couleur d’hyacinthe. Ildécompofeen partie le muriate ammoniacal. Le fublimé ferrugineux que M. Sage a obtenu dans cette expérience , dépend de ce qu’il a employé un régule qui n’étoit pas auffi pur que celui de M. Arvidffon j car ce dernier chimifte allure que le muriate ammoniacal fublimé avec ce métal étoit blanc, & ne donnoit aucun indice de fer par la noix de galle. Il palfe un peu d’am- moniaque & d’acide muriatique ; je réfidu réduit, donne un nickel qui a perdu un peu de fon 'magnétifme. On ne connoît point l’adion du gaz hydro- gène fur le nickel. Ce-demi-métal fe combine bien au foufre par la fufion; il forme alors une efpèce de minéral dur, de couleur jaune, 8c à petites facettes brillantes. Lorfqu’on le chauffe fortement 8c en contad avec l’air , il pétille & répand des étin- celles très- lumineufes, comme celles qui- fortent du fer forgé. Cronffedt , à qui eff due cette expérience , ne l’a pas fuivie plus loin ; il a obfervé feulement que ce phénomène n’a pas lieu, fi on a foin d’ôrer le contad de l’air, en couvrant ce minéral de verre en fufion ; ce qui indique que cet effet n’eft dû qu’à la combuilion rapide du nickel , opérée par le loüfre. Le même dHist. Nat. et de Chimie. 483 chiinifte nous apprend que ce demi - métal fe. diflout dans les fulfures alkalins , & forme un compofé femblable aux mines de cuivre jaunes. Le foufre ne peut être féparé du nickel que par des fufions & des calcinations multipliées. Le nickel fe combine avec 1 arfenic , auquel il adhère fortement. M. Monnet , qui regardait d’abord, d’après Cronfiedt, le nickel comme un demi-métal particulier , ayant obfervé que lorfqu’il efl uni à Parfenic, il forme un verre bleu , femblable à celui que fournit le cobalt, a penfé , d’après cela , que le nickel n’efi que du cobalt privé d’arfenic & de fer. Il fuit de cette opinion que M. Monnet regarde le cobalt ainfi que le nickel, comme un véritable alliage. M. Bergman croit que fi , en ajoutant de l’ar- fenic au nickel , ce dernier peut donner du verre bleu, c’eft parce que le cobalt que 'le nickel contient toujours , & dont les propriétés font mafquées par ce dernier , qui efi en beau- coup plus grande quantité , efi oxidé & féparé du nickel par Parfenic , & qu’alors il jouit de fes propriétés, & fur-tout de celle de fe fon- dre en verre plus ou moins bleu. Nous avons dit qu’on ne féparé entièrement le nickel de Parfenic qu’à l’aide de la calcination répétée avec du charbon en poudre. Le nickel s’unit encore plus intimement au H h ij 4S4 £ L Ê M E N S cobalt qu’à l’arfenic; & on ne l’en fépare qu’avec la plus grande difficulté : il peut même y être combiné fans manifeüer Tes propriétés , & il n’y a que le nitre, le borax & l’arfenic qui puiffient en indiquer la préfence par la fufion. Cronfledt dit que le nickel forme avec le bifmuth. un régule cafTant 8c écailleux. La dif- folution par l’acide nitrique peut féparer quoi- qu’imparfaitement ces deux matières demi- métalliques , par la propriété que nous connoif- fons au nitrate de bifmuth d’être décompofé par l’eau. On n’a fait encore aucun ufage du nickel. <|*ti»ll'WII U-mim. ■■ 1 ■"■■PIWI|»r|'ir CHAPITRE XII. Du Manganèse. 1 On connoilîbit depuis long-tems fous le nom de magnéjïe noire ou manganèfe , un minéral d’une couleur grife, fombre, qui falit les doigts, qu’on emploie dans les verreries pour colorer ou blanchir le verre. Les ouvriers l’avoient appelé Jg Javon du. verre , a caufe de cette deiniere propriété. La plupart des naturalifles l’avoient pris pour une mine de fer pauvre , a raifon de fa couleur & de la terre ferrugineufe dont fa d’Hist. Nat. et de Chimie. 4Sy fiirface efi fouvent enduite. Pott & Cronfiedt , apres une analyfe exade , ne l’ont point re- connu pour une matière ferrugineufe. Le der- nier dit y avoir trouvé un peu d etain. M. Sage l’a rangé parmi les mines de zinc , & il croit qu’il efi formé par la combinaifon de ce demi- métal & du cobalt avec l’acide muriatique ; il ajoute , d’après fes effais , qu’on y rencontre quelquefois du fer ou du plomb. La pefanteur de ce minéral , la propriété de teindre le verre , 8c celle de donner par les prufiiates alkalins verfés fur fes diflolutions dans les acides un précipité blanchâtre, avoient fait foupçonner à Bergman, comme il nous l’apprend dans le dernier paragraphe de fa Dilfertation fur les attrapions éledives, que ce minéral contenoit une fubftance métallique particulière. Son foup- çon a été pleinement confirmé par un de fes élèves, M. Gahn, dodeur en médecine à Stoc- kolm,qui a fait conjointement avec Schéele, la découverte de l’acide phofphorique dans les os. Ce médecin efi le premier qui ait obtenu du régule de manganèfe , vraifemblablement en traitant ce minéral avec un flux rédudif. Le degré de feu néceffaire pour cette opération efi fans doute excefiif ; car j’ai vu M. Brongniart , chimifie très-habile & très- exercé, efiayer en vain de réduire en culot ce minéral dans un four- H h iij q8<5 E L É M E K S neau , qui donne cependant un grand coup de feu. On m’a afluré qu’on avoit réufïi à Paris en employant le flux de M. de Morveau , avec lequel ce chimifle obtient le fer en culot très- bien fondu. Mais je crois, comme M. de la Peyroufe , que les flux nuifent beaucoup dans cette opération. J’ai tenté cette rédudion dans un très-bon fourneau de fufion confirait au laboratoire de l’école vétérinaire d’Alfort. Je n’ai point obtenu encore un culot entier, mais j’en ai retiré une bonne quantité de grenailles de deux ou trois lignes de diamètre. En em- ployant plu (leurs fois des alkalis fixes & du borax , je n’ai point eu de métal. Dans mes différens efLis , chaque petit globule métallique de manganèfe eft environné d’un verre ou d’une fritte vitreufe verte foncée. >Cette matière doit, d’après nos principes, être regardée comme un demi- métal particu- lier, puifqu’on ne peut en faire l’analyfe, 8c puif- qu’elle préfente d’ailleurs des propriétés qui n’ap- partiennent à aucune autre fubftance métallique. Pour avoir une nomenclature uniforme, nous appellerons cette fubflance le manganèfe. Ce demi- métal efl beaucoup mieux connu aujourd’hui d’après les travaux de MM. Berg- man, Schéele, Gahn , Rinman, d’Engeflroein, llfernan, de la Peyroufe. C’ell des travaux de I d’Hist. Nat. et de Chimie. 487 ces chimiftes , ainfi que de mes expériences par- ticulières , que j’emprunterai ce que je vais en dire. Je ferai obferver d’abord que la difficulté de réduire les mines de ce demi- métal a été caufe que l’on connoît beaucoup mieux les propriétés de fon oxide que celles de fa fubf- tance métallique. Schéele, l’un des plus habiles chimiltes de ce fiècle, paroît n’avoir pas pu réduire cette fubftance , puifqu’il n’indique aucune de fes propriétés dans l’état métallique. Les mines de manganèfe fe reconnoiffient à leur couleur grife , brune ou noire , plus ou moins brillante, & à leur forme. O11 peut en diftinguer un allez grand nombre de variétés. Variétés. 1. Mine de manganèfe criftallifée eir*prifmes tétraèdres , rhomboïdaux , ftriés , fuivant leur longueur , & féparés les uns des autres. 2. Mine de manganèfe criftallifée, dont les prif- mes font difpofés en faifceaux. 3. Mine de manganèfe criftallifée en petites aiguilles , qui font difpofées en étoiles. 4. Mine de manganèfe effleurie noire & friable. Elle tache les doigts comme de la fuie. y. Mine de manganèfe veloutée. Ce font de très-petites aiguilles effleuries , dont la belle couleur noire matte imite le velours. Hh iv - 48,8 , E L É . M E N s 6. Mine de manganèfe compacte & informe; elle ell d’un gris noir , fouvent caverneufe , très-pefante. Elle falit les doigts, on y trouve quelquefois des aiguilles brillantes. La pierre de Périgueux appartient à cette variété. 7. Manganèfe fpathique, trouvée dans les mines de fer de Klapperud à Fresk'o , dans le Dahl- land , & décrite par M. Rinman. 8. Manganèfe native en globules métalliques trouvée à Sem , dans le comté de Foix, par M. de laPeyroufe. Ce naturalifte a décrit dans le Journal de Phylique , Janvier 1780, beaucoup de variétés de mines de manganèfe trouvées dans le même endroit. Schéele a découvert l’oxide de manganèfe dans les cendres des végétaux, 6c il lui attribue la couleur verte ou bleue que prend fouvent l’alkali lixe calciné. La couleur verte que pré- fente la p o ta fié lorfcju’on la traite parla chaux, 6c la couleur rofe que j’ai fouvent obfer- vée dans fa combinaifon avec les acides, font dues ( fuivant lui) à cet oxide métallique. On le trouve en petite quantité dans tous les char- bons. Lé manganèfe extrait de fa mine efl d’un blanc brillant dans fa fradure ; fon tiffu efl grenu comme celui du cobalt. Il efl dur 6c fc brife après avoir fubi un peu d’applatiffement d’Hist. Nat. et de Chimie. 489 par le marteau. Son infuGbilité eft telle , qu’il efl plus difficile à fondre que le fer ; ce qui a d’abord fait conjedurer à Bergman qu’il avoit quelque rapport avec le platine. Le manganèfe chauffé avec le conta# de l’air , fe change en un oxide d’abord blanchâtre, & qui devient de plus en plus noir , à mefure qu’il fe calcine davantage. J’ai obfervé que les petits globules de manganèfe , obtenus par le procédé que j’ai indiqué plus haut , s’altèrent très-promptement par le conta# de l'air, ils fe terniffient d’abord & fe colorent en lilas & en violet ; bientôt ils tombent en pouffière noire, & reffiemblent alors à l’oxide de manganèfe natif. Cette oxidation rapide du régule de man- ganèfe par le conta# de l’air, eft un fait dont l’obfervation a toujours eu pour moi quelque chofe de très-fingulier. Des globules métalli- ques durs, brillans, très-réfra#aires , fe con- fervent entiers pendant affiez long-temps dans un flacon bien bouché, pourvu que leur fur- face foit entière 8c recouverte de la petite cou- che d’oxide qui s’y eft formée pendant la fu- fion du demi-métal ; mais fi l’on cafte ces glo- bules en trois ou quatre fragmens , on trouve en fixant les yeux quelques minutes fur leur caflure expofée à l’air , qu’elle change promp- 45 }0. Ë L É M E N S tement de couleur , de blanche qu’elle étoit , elle devient rapidement rofée , pourpre ou violette, & enfin prefque brune. Si on laifîe les fragmens dans un flacon qui contienne en même temps une certaine quantité d’air, & fl on les fecoue légèrement de temps en temps, au bout de quelques mois on les trouve ré- duits en une pouflière prefque noire; c’eft une forte de pulvérifation ou d’efflorefcence métal- lique analogue à celle des fubflances falines ou des pyrites. Elle prouve la forte attraction qui exifle entre le manganèfe, & l’oxigène atmofphérique, & la rapidité avec laquelle ces fubflances tendent à s’unir. On n’a point examiné l’aétion du manganèfe fur les terres & fur les fubflances falino-terreufes. L’oxide de ce demi-métal donne au verre une couleur violette ou brune, fufceptibled’un grand nombre de modifications , 8c qui fe diflipe faci- lement par l’adion des matières combuflibles. Le nitre révivifîe ou fait reparoître prompte- ment cette couleur brune ou violette, en ren- dant de l’oxigène au manganèfe. Telle eft la raifon pour laquelle les matras 8c les cornues de verre blanc que l’on emploie dans nos laboratoires, pour obtenir l’air vital du nitre, prennent toujours une couleur brune ou vio- lette. Schéele a fait un grand nombre d’expé- 42 1 d’Hist. Nat. et de Chimie. riences ingénieufes fur cette coloration du verre par l’oxide de manganèfe. On ne connoît pas bien la manière dont les alkalis agiffent fur le manganèfe. Mais on fait que l’oxide de ce demi-métal s’y combine, &'efi revivifié par l’ammoniaque. Bergman obferve que dans cette combinai fon il fe dégage un gaz particulier, qu’il regarde comme un des prin- cipes de l’ammoniaque, & fur lequel il ne donne point de détails. Il paroît que c’efi le gaz azo- tique d’aprcs la découverte de M. Berthollet , & que l’hydrogène de l’ammoniaque fe porte fur l’oxigène qu’il enlève au manganèfe ; celui- ci efi alors réduit & devient blanc. Schéele a donné le nom de caméléon minéral à une com- binaifon de potaffe & d’oxide de manganèfe , qui prend une belle couleur verre dans l’eau chaude , 8c rouge avec l’eau froide. L’oxigène & le calorique paroiffent être les principales caufes des phénomènes que préfente cette combinaifon. Peut-être l’azote que je regarde comme le principe alkalifiant ou comme Val- kaligène , fe dégage-t-elle de la potaffe dans cette opération , & efi-elle en partie la caufe de ces lîngulières modifications de la couleur. L’acide fulfurique efi décompofé par le man- ganèfe & diffout fon oxide. Cette diffolution efi colorée, 8c elle perd fa couleur par l’addi- 492 £ L É ffl E N S tion d’une matière combuftible , comme le fucre, le miel; elle donne un fulfate de man- ganèfe tranfparent en criftaux parallélipipèdes. Ce fulfate eit décompofé par le feu & donne -'de l’air vital ; les alkalis en féparent un oxide de manganèfe qui devient beau par fon expo- fition à l’air. L’acide nitrique dilfout ce demi - métal en donnant des vapeurs rouges. Son oxide n’eft point attaqué par cet acide , à moins' que ce dernier ne foit rutilant, ou qu’on n’y ajoute un corps combuftible , comme du miel ou du fucre. Les alkalis précipitent de ces diftolütions un oxide blanc diftoiuble dans les acides , qui noircit & s’oxide davantage lorfqu’on le chauffe. Bergman penfe que ce demi-métal eft une des fubftances métalliques qui a le plus d’affinité avec les fels , puifque dans fa table d’attrac- tions chimiques il le place prefqu’au haut des colonnes qui expriment les attractions éleétives des acides pour les différentes fubftances aux- quelles ils font fufceptibles de s’unir. L’acide muriatique diffout aufti le manga- nèfe , qui le colore à froid en brun foncé; en chauffant cette diffolution , elle perd fa couleur; l’eau la précipite, & les alkalis la dé- eompofent. Nous avons vu dans l’hiftoire de cet acide, d’Hist. Nat. et de Chimie. 493 qu’en le diffillant fur l’oxide de ce demi-métal, celui-ci devient blanc & fe rapproche de l’état métallique , en donnant une partie de fon oxigène à l’acide muriatique qui fe dégage en gaz acide muriatique oxigéné. Il paroît que cet acide a plus d’affinité avec le manganèfe , que n’en a l’acide fulfurique , puifqu’une diffolution de ce demi- métal par ce dernier, verfé dans l’acide muriatique , forme un précipité que Bergman a reconnu pour être du muriate de manganèfe , par la propriété qu’il a de fe dif- foudre dans l’alcohol ; propriété que ne pré- lente point le fulfate du même demi- métal. L’acide fluorique ne diffout que très - peu d’oxide de manganèfe ; on unit mieux ces deux fubftances , fuivant Schéele , en décompofant le fulfate, le nitrate ou le muriate de manganèfe par le fluate ammoniacal. L’acide carbonique diffiout une petite quantité de manganèfe par la digellion à froid; la po- ta (Te & le contad de l’air en précipitent l’oxide métallique. Schéele a examiné l’adion du nitre , du borax & du muriate ammoniacal fur l’oxide de man- ganèfe. Cet oxide dégage l’acide du nitre par la chaleur; il forme avec la potall'e une malle verte foncée, diffioluble dans l’eau, à laquelle elle donne la même couleur. Celle-ci 11’eft verte 424, Elémens qu’à raifon du fer contenu dans le manganèfe; à mefure que le fer s’en précipite, il laiffe la diffolution bleue ; l’eau & les acides précipi- tent cette diffolution alkaline. C’ell le caméléon minéral de Schéele dont nous avons déjà parlé. Le nitrate de potaffe , chauffé dans des vaif- feaux de verre contenant du manganèfe , donne à ce verre une couleur violette d’autant plus foncée que la calcination de cet oxide par l’acide nitrique eft plus complète. Le borax fondu avec l’oxide de manganèfe prend une couleur brune ou violette. Le muriate ammoniacal , diftillé avec cet oxide métallique, donne de l’ammoniaque, & celle-ci eft en partie décompofée. Schéele, qui a fait cette observation , a annoncé en même-tems qu’il fe dégage un fluide élaftique qu’il regarde comme un des principes de l’am- moniaque, mais il n’a point indiqué la nature de ce fluide , & M. Berthollet a reconnu depuis que dans les décompofitions de l’ammoniaque par les oxides métalliques , il le forme de l’eau par l’union de l’hydrogène, l’un des prin- cipes de ce fel , avec l’oxigène des oxides , tandis que l’azote, autre principe de l’ammo- niaque, fe dégage dans l’état aériforme ou gazeux, en fe combinant avec le calorique. dRist. Nat. et de Chimie, On ne connoît pas l’adion de l’hydrogène & da foufre fur le manganèfe & fur Ton oxide natif. L’arfenic même en oxide blanc paroît être fufceptible d’enlever à cet oxide une por- tion de fon oxigène, puifqu’il décolore les verres brunis par cette fubftance. Bergman ajoute à ces propriétés que le man- ganèfe ne peut pas être exadement féparé du fer qu’il contient toujours ; ainfi donc il en eft de ce nouveau demi-métal, comme du nickel: on ne le connoît point encore dans fon état de pureté. Schéele dans l’analyfe exade qu’il a faite de l’oxide de manganèfe naturel , y a décou- vert du fer, de la chaux, de la baryte & un peu de filice. * - On emploie l’oxide de manganèfe , nom- mé magnéjie noire , dans les verreries , foit pour ôter les teintes de jaune, de verd ou de bleu aux verres blancs , foit pour colorer ces fubflances en violet. Il eft vraifemblable que ce phénomène eft dû à l’adion de l’oxigène feparé de l’oxide de manganèfe par la chaleur fur les fubflances colorées. On fe fert aujourd’hui de l’oxide de man- ganèfe natif eri chimie pour préparer l’acide muriatique oxigéné, & pour un grand nombre d’autres expériences. Cet oxide natif donne , en le chauffant feul ÊLÉIENS.&C, dans un appareil pneumato - chimique , de l’air vital ou gaz oxigène très - pur ; c’eft cet air vital qui feul peut être, employé avec avan- tage , pour les malades chez lefquels fon ad- miniftration eft indiquée. L’affinité du manganèfe pour le principe de la combuffion , guide auffi les chimiûes modernes dans un grand nombre de cas. / Fin du Tome fécond. < 50M E T IfrUT fruTTE'KS