Digitized by the Internet Archive in 2016 https ://arch i ve . org/detai Is/b28037893_0004 I ÉLÉMENS ' r D’HISTOIRE NATURELLE E T DE CHIMIE. TOME QUATRIÈME. S / . f \ :L > . x i. . - . ' TT r* -S. ' - >• JL ' ' T f J É L È M E N S . D’HISTOIR E C T R O I S I E Par M. de Fourcroy , Docteur en Médecine de la Faculté de Paris , de V Académie Royale des Sciences , de la Société Royale de Médecine , de la Société Royale d' Agriculture , ProfeJJeur de Chimie au Jardin du Roi. TOME QUATRIÈME, V A PARIS , Chez C ü c h e t , Libraire , rue & hôtel Serpente». M. D C C. L XXX IX. Sous lc Privilège de V Académie Royale des Scienees . ROYAL COLLEGE OF PHYSICIAN LIBRARY CLASS SU ACCN. SOURCE DATE \ ÉLEMENS D’HISTOIRE NATURELLE E T DE CHIMIE. TROIS IEME PARTIE. Règne végétal. CHAPITRE PREMIER. De la Jlruclure des Végétaux. Les végétaux font des êtres organifés , fixés à la furface de la terre , &c qui n’ont ni mou- vement ni fenfibilité. On les reconnoît à leur afpeét & à leur conformation. Ils font diltingués Tome IV. A 2 E L É M E N S des minéraux, parce qu’ils fe nourriffent par intus-fufc’ëption , 6c qu’ils élaborent les Tues deflinés à leur accroiffement. Ils présentent des phénomènes qui dépendent de leur organisation , 6c qu’on appelle fondions; la principale efl de fe reproduire à l’aide de femences ou d’œufs , comme les animaux. Les végétaux different les uns des autres , i°. par la grandeur : on les diffingue en arbres , en arbufles , en herbes, en moufles , 6c c. 2°. par le lieu ; il en efl qui croiflent dans des ter- reins fecs , d’autres dans un fol humide ; quel- ques-uns dans les fables, l’argile, les eaux, à la Surface des pierres , ou fur les autres végé- taux, 6cc. 3°. par l’odeur, la faveur, la cou- leur , &c. 40. par la durée : les plantes font vivaces, annuelles, bifanuelles , 6cc. y0, par leur ufage; on les emploie comme alimens ou comme remèdes. Un grand nombre fervent aux arts, à la teinture, 6cc. d’autres font deflinés à orner les jardins, 6c c. Les végétaux confidérés à l’extérieur, font formés de fix parties ou organes deflinés à des fondions particulières ; ces parties font , la ra- cine, la tige, la feuille, la fleur, le fruit 6c la femence. Chacune d’elles diffère par la forme, le tiflu, la grofîeur, le nombre, la couleur, la dureté, la faveur, 6cc, d’Hist. Nat. et de Chtmie.* 3 i°. La racine eft cachée dans la terre, dans les eaux,, ou dans l’écorce des autres végétaux. Elleeil ou tubéreufe, ou fibreufe, ou bulbeufe. Sa diredion la rend pivotante , traçante. Sa confiftance eft très variée , ainfl que fa forme. Les botaniftes en diftinguent plu Heurs efpèces, 6c ils fe fervent quelquefois de ces dillindions comme de caradères fpéciftques. 20. La tige part de la racine , & foutient les autres parties ; elle eft , ou folide ou creufe , ligneufe ou herbacée , ronde , quarrée , trian- gulaire ou à deux angles très-aigus , &c. La tige comprend le bois & l’écorce. Le bois eft diftingué en bois proprement dit & en aubier ; l’écorce eft formée de l’épiderme , du tiftu véfi- culaite & des couches corticales. La tige fe divife en branches , qui ont abfolument la même ftrudure. La diverfité de cette partie fert aufti très - fouvent aux botaniftes pour établir des caradères diftindifs entre les efpèces , & plus fouvent entre les variétés. 30. Les feuilles font très -variées dans les végétaux ; a par la forme ; elles font ovales , rondes, linéaires, en flèches, en fer de lance, oblongues , elliptiques , en coin , en forme de violon, &c. b par la pofition fur la tige, fediles, pétiolées, oppofées , alternes , verticillées, am- plexicaules, perfoliées , vaginales, Scc. c par leur A ij £ Élémèns contour, unies, dentelées, crénelées, en fcie , pliffees , ondées , ondulées , lacinées , décou- pées ; d par leur fimplicité ou leur compofition: les feuilles compofées le font par les folioles ; alors elles font ou palmées ou conjuguées avec, ou fans impaire ; e par leur lieu ou leur place elles font radicales , caulinaires , florales ; f par la couleur, l’odeur, la faveur, la confiffamce , &c. Leur ufage paroît être d’abforber les fluides élaftiques de l’atmofphère, & d’en exhaler de differentes efpèces , fuivant diverfes circonf- tances. 40. Les fleurs font des parties deffinées à con- tenir les organes de la génération , & à les dé- fendre jufqu’à ce que la fécondation foit ac- complie ; alors elles tombent. On diffingue deux parties dans la fleur. Les extérieures font deffi- néês à envelopper & à protéger les intérieu- res, dont l’ufage eff de reproduire la plante. Les premières comprennent le calice & la co- rolle ; le calice eff extérieur & vert. Linnæus en diffingue fept efpèces ; lavoir* le périanthe, le fpathe , la balle , l’enveloppe , le châton , la coeffe & la boiirfe. La corolle eff ce que tout le monde appelle la fleur ou la partie co- lorée; elle eff d’une feule pièce & monopé- tale, ou de plulieurs pièces 8c polypétale. C’eft fur la corolle qu’eft fondé le fyftême de Tour- Ml d’Hist. Nat. et de Chimie. y nefort. On nomme les pièces de la corolle , pétales. Les organes renfermés , & fonvent cachés dans la corolle , font les étamines & les piftils. Les étamines font les parties mâles ou fécondantes ; elles font prefque toujours plus nombreufes que les piftils. Elles font formées du filet & de l’anthère. Cette dernière , pla- cée à l’extrémité, efl une petite bourfe pleine de pouffière fécondante ; le piflil efl au milieu des étamines ; quelquefois il efl; dans une autre fleur, 8< même fur un autre individu; c’efl ce qui a fait diflinguer quelques plantes en mâles 8c en femelles. Le piflil efl formé de trois par- ties; l’inférieure ou l’ovaire, qui contient l’em- brion ; on le nomme en latin , germen; le filet qui furmonte l’ovaire ou le ftyle, 8c fon extrémité plus ou moins dilatée, appelée Jllgmate. C’efl fur le nombre , la grandeur 8c la pofition refpec- tive des étamines & des piftils , que Linnæus a fondé fon fyftême fexuel. M. de Juftieu en a établi un d’après l’infertion des étamines , au- defliis ou au-deflbus du germe, 8c c. y0. Les fruits fuccèdent aux fleurs. Les bota- niftes diftinguent fept efpèccs de fruits ; la cap- fule, la filique , la gonfle , le cc>ne qui fe sèchent; les fruits à noyaux , les fruits à pépins & les baies qui reftent fucculentes. Ces organes fout A fij. 6 Elémens deftinés à renfermer les femences & à les dé- fendre de l’adion des corps extérieurs. 6°. La femence dillere beaucoup par la for- me , la groffeur, les appendices , &c. Elle con- tient la plumule ou plantule , la radicule & les cotiledons. Ces derniers font au nombre de deux dans la plus grande partie des végétaux; dans plufieurs familles de plantes , il n’y a qu’un cotiledon. Cette partie efl à la graine, ce qu’eft le jaune & le blanc à l’oeuf dans les oileauxj elle contient une nourriture appropriée au jeune individu pendant la germination. Outre les co- tiledons beaucoup de femences contiennent des corps charnus , farineux , &c. Les végétaux confidérés dans leur intérieur, offrent cinq efpèces de vaifieaux ou d’organes , que l’on trouve dans toutes leurs parties. i°. Les vaifieaux communs, deilinés à porter la sève. Ils (ont placés dans le milieu des plantes & des arbres ; ils montent perpendiculairement -, mais ils fe contournent de côté, de manière qu’ils forment entr’eux des mailles ou des aréoles. 2°. Les vaifieaux propres , qui charient des Lues particuliers â chaque végétal , tels que des huiles, des gommes, des rétines , Sec. Ils font placés fous l’écorce : on les voit fouvent dilatés en cavités ou réfervoirs ; ils femblent être les b’Hist. Nat. et de Cpiimtë. 7 canaux excrétoires. 30. Les trachées qui font circuler l’air que les végétaux reçoivent de l’at- mofphère. En déchirant une jeune branche verte, on les reconnoît à ce qu’elles font tournées en fpirale , & reflemblent à des tire-bourre. Elles fe trouvent fouvent remplies par la sève. q.°. Les utricules formées de facs qui renferment la moelle , & fouvent une partie colorante ; elles font placées dans le milieu des tiges. y°« Le tilîu véliculaire , offrant une fuite de petites cellules qui , fe détachant horizontalement de la moelle, & traverfant les vaiffeaux féveux dont elles rempliffent les aréoles , s’épanouiffent fous l’épiderme, & y forment un tiffu feutré, fem- blable à la peau des animaux. Le tiffu véliculaire des végétaux paroît répondre au tiffu cellulaire des animaux. Toutes les parties des végétaux font for- mées de Paffemblage de ces cinq efpèces de vaiffeaux, qui y font chacun en particulier plus ou moins nombreux, dilatés, refferrés , & c. De ce nombre 8c de cette difpofition diverfe dépendent les différences de forme 8c de tiffu que préfentent les racines , les tiges , les feuil- les , &c. Malpighy, Grew 8c Duhamel font les trois phylîciens qui fe font occupés avec le plus de fuccès de l’anatomie des végétaux , 8c que A iv 8 E L É M E N S l’on peut confulter avec le plus de fruit relati- vement à la flrudure interne de leurs diverfes parties. ^ CHAPITRE IL De la Phyfique des Végétaux. JL o us les organes des végétaux dont nous venons de préfehter une légère efquifle, font deftinés à exécuter diflerens mouvemens que l’on a appelés fonctions. Ces fondions font, i°. Le mouvement des fluides ou une efpèce de circulation : 2°. Les altérations ou les changemens de ces fluides , qui appartiennent à la fécrétion : 3°. L’accroiflement & le développement du végétal , qui tient à la nutrition : q°. L’exhalation des diflerens fluides élaborés dans les organes des végétaux , & l’inhalation de plüfieurs principes contenus dans l’atmofphère par les mêmes organes : 5'°. L’adion de l’air , 8c l’ufage de ce fluide dans les vaiffeaux des végétaux: 6°. Le mouvement exécuté par quelques-unes de leurs parties : 7°. L’efpèce de fenfibilité qui les fait recher- d’Hist. Nat. et de Chimie. 9 cher le contad des corps qui leur font utiles, comme1 la lumière, &c. 8°. Enfin , les divers phénomènes qui fervent a la reproduétion des efpèces , & qui confli- tuent la génération des plantes. Parcourons cha- cune de ces fondions en particulier. Le principal fluide des végétaux qu’on con- noît fous le nom de sève , efl contenu dans des canaux particuliers qu’on appelle vaifleaux communs. Ces vaifleaux placés dans le milieu des tiges & au-deflous de l’écorce, s’élèvent 8c fe prolongent depuis la racine jufquaux feuil- les 8c aux fleurs. La sève qu’ils chargent efl un fluide fans couleur , d’une faveur plus ou moins fade , 8c qui efl defliné comme le fang chez les animaux , à fe féparer en difterens fucs pour la nourriture 8c l’entretien des divers organes. Elle efl très- abondante au printems , 8c fon mouvement fe manifefle alors par le dévelop- pement des feuilles 8c des fleurs. Il paroît dé- montré , par la ligature auffi bien que par tous les phénomènes de la végétation , qu’elle monte de la racine vers les tiges 8c les branches. On ne fait pas fi elle defcend de nouveau vers la racine , comme quelques phyficiens l’ont cru. Les valvulves admifes dans les vaifleaux com- muns par plufieurs botanifles , n’ont point été démontrées , à moins qu’cn ne veuille donner 10 E L Ê M E N S ce nom à quelques filets ou poils dont leur paroi intérieure a paru hériffée à Tournefort & à Duhamel. Il y a bien loin de ce mou- vement irrégulier à la circulation des ani- maux. La sève portée dans les utricules & de - là dans les vaiffeaux propres , y eil élaborée d’une manière particulière. Elle y donne naiffance à dillérens fluides, fucrés, huileux , mucilagineux, qui fortent par une excrétion organique, & dont l’évacuation femble être un avantage pour le végétal, puifqu’il ne fouffre point de la perte fouvent confidérable qui s’en fait. Cette altéra- tion des fluides que l’on obferve encore d’une manière marquée dans plufieurs organes , comme dans les nedaires , à l’extrémité du piftil , dans la pulpe des fruits, à la bafe des calices & de plufieurs feuilles, appartient entièrement à la fonction qui , dans les animaux , porte le nom de Jécrétïon. Guettard a pouflé cette ana- logie jufqu’à décrire des glandes de plufieurs formes différentes à la bafe des feuilles des arbres fruitiers , vers l’onglet des pétales de certaines fleurs, C’efi cette fécrétion qui déve- loppe le principe odorant , la matière colo- rante, la fubflance combuflible; &c. Mais elle différé de la fécrétion animale , en ce que celle- ci efi entièrement due à l’organifation des glan- II d’Hist. Nat. et de Chimie. des qui élaborent les fluides animaux ; tandis que dans les végétaux , les flics chariés par les vaiffeaux communs , font plus expolés au coniaét de l’air, de la lumière, à l’action de la chaleur, & que leur flafe les rend ful'eeptibles de palier par l’adion de ces agens , à des mouvemens de fermentation qui feuls font capables de les altérer. Le fluide féveux par Ton féjour dans les ca- vités des utricules 8c du tiffu véficulaire, s’épaif- fit, prend une confiflance plus ou moins forte. Cette altération le rend fufceptible de fe col- ler aux parois des fibres, d’y adhérer, de faire corps avec elles , d’en augmenter peu -à-peu les dimenfions. Tel efl le mécanifme de la nutrition des végétaux , de leur accroiffement 8< du développement de toutes leurs parties. Il a beaucoup de rapport avec la nutrition des animaux. Le tiffu véficulaire des premiers & le tiflu cellulaire des féconds ont la meme flruéture & les mêmes ufases dans ces deux O dalles d’êtres organiques. Ils pénètrent égale- ment tous leurs organes-, ils étabiiffent entr’eux une communication immédiate , & ils font tous les deux le véritable fiége de la nu- O trition. Il y a long-temps que les botanifles phyfi- ciens fe font convaincus qu’il fort de la furface 12 E L é M E N S des plantes des exhalaifons qui fe répandent dans l’air. L’efprit odorant des feuilles & des fleurs forme autour des végétaux une atmof- phère qui frappe nos fens , & que le contaél d’un corps embrafé efl quelquefois capable d’enflammer , comme on l’a obfervé pour la fraxinelle. Cette efpèce d’exhalaifon paroît être un gaz inflammable d’une nature particulière. Une malheureufe expérience avoit encore appris que plufieurs végétaux exhalent des vapeurs mortelles pour les animaux qui y font expofés. Tels font le noyer, i’if & plufieurs arbres des pays chauds. Les travaux de M. Ingen-housz lui ont fait découvrir que les feuilles de toutes les plantes expofées au foleil & à la lumière , verfent dans 1’atmofphère un fluide invifible, un air vital femblable à celui qu’on retire des oxides de manganèfe , de mercure, &c. L’ombre change entièrement cette propriété des feuilles , qui ne donnent plus que du gaz acide carbonique , lorfqu’elles font privées du contaél: de la lumière. Cette belle découverte annoncée d’abord par M. Prieftley , démontre dans les végétaux une nouvelle propriété , celle de purifier & de re- nouveller l’air en lui rendant cette portion de fluide vivifiant , fans cefle détruit par la com- buflion j la refpiration , &c. Mais fi les vegé- f d’Hist. Nat. et de Chimie. 13 taux répandent fans celle des fluides vaporeux qui ne font que le dernier travail de la vé- gétation , ils ont auffi la propriété d’abforber plufieurs des principes contenus dans l’atmof- phère. La face inférieure des feuilles abforbe l’humidité portée par la rofée , fuivant les ex- périences de Bonnet. Les recherches de M. Prieftley ont démontré que les végétaux ab- forbent les gaz réfidus de la combullion & de la refpiration , puifque la végétation devient plus énergique & plus rapide dans l’air altéré par ces deux phénomènes. L’exhalation & l’inhalation font donc beaucoup plus étendues dans le règne végétal qu’on ne le croyoit avant les découvertes modernes. Il paroît même que l’eau abforbée par la partie inférieure des feuilles efl décompofée dans leur tiffu , que fon hydrogène efl abforbé , 8c que l’air vital qui fe dégage de la partie fupérie'ure des feuilles, efl dû à l’oxigène contenu dans ce liquide. Le contact des rayons du folei! contribue beaucoup à cette décompofition, puifqu’eue n’a pas lieu dans l’ombre. Alors l’eau abforbée en entier, 8< non décompofée , rend les plantes blanches , fades, molles, étiolées en un mot, 8c il s’y forme beaucoup moins de matière colorée com- buflible ou huileufe. Les ga,z abforbés par les végétaux font por- 14 É L Ê M E N S tés dans tous leurs organes par les vaifTeaux connus fous le nom de trachées , St qui fe rap- prochent par leur ufage & leur flructure , de celles des infectes & des vers. Cependant les trachées ne font pas feulement deflinées à con- tenir, ce fluide : on les trouve remplies de fuc féveux dans les fairons où cette humeur eft très-abondante , ce qui les éloigne beaucoup des organes de la refpiration fi eflentiels & fi con flans dans un grand nombre • d’animaux. D’après la théorie de la refpiration que nous avons expofée dans l’hifloire de l’air , il efl facile d’expliquer pourquoi les végétaux n’ont point de chaleur libre fupérieure à celle de l’air qui les environne. On ne peut douter que phifieurs parties des végétaux ne jouiflent du mouvement. Quel- ques-unes même en ont un fi étendu qu’il efl fenfible à l’œil. Tels font les mouvemens de la fenfitive , des étamines de l’opuntia , de la pariétaire, de l’helianthème , &c. Ce mouve- ment femble appartenir à la fonétion connue dans les animaux fous le nom d 'irritabilité , puif- qu’il s’exécute par l’adion d’un flimulus , & qu’il a des organes particuliers, cpie quelques bota- niftes ont comparés aux fibres mufculaires. Peut-on refufer encore une forte de fenfi- bilité aux plantes , lorfqu’on les voit tourner d’Hist. Nat. et de Chimie. iy leurs feuilles & leurs fleurs du côté du foleil , lorfqu’on obferve qu’enfermées dans des caitTes de bois vitrées d’un côté, trouées , ou Ample- ment plus minces dans une de leurs parois que dans toutes les autres , elles fe portent conflamment vers le corps tranfparent , ou l’ouverture , qui lai(Tent paffer la lumière , ou même vers le côté le plus rapproché de ce fluide par fon peu d’épaiiTeur ? ou bien cette apparence de fenfibîlité ne doit - elle être re- gardée que comme l’effet de la force d’affi- nité , de la tendance à la combinaifon qu’il y * a entre les végétaux & la lumière ? Il efl bien démontré que ce fluide développe dans les plantes , foit par la percuffion , foit par la com- binaifon, la couleur, la faveur, la propriété combuflible ; puifque les plantes élevées à l’ombre font blanches , fades , aqueufes , & ne contiennent rien d’inflammable ; tandis que les végétaux expofés dans les climats brûlans du midi , aux rayons du foleil , deviennent très-colorés , chargés de parties amères 8c ré- fineufes , & éminemment combuftibles. Quel- que forte que puiffe être fuppofée cette affi- nité , on ne conçoit pas comment elle feroit capable d’exciter un fi grand mouvement dans les branches 8c dans les feuilles des végétaux. Il efl donc néceffaire d’admettre une fenfation i6 Elément particulière , un tad bien différent , il eft vrai , des fens des animaux qui fait choifir'aux végé- taux les lieux les plus éclairés , ou qui donnent le plus d’accès à la lumière. Les moyens que la nature emploie pour reproduire les efpèces dans les végétaux , ont beaucoup de rapport avec ceux qu’elle a mis en ufage pour les animaux. Les fexes & leur réunion y font néceffaires dans le plus grand nombre de plantes. On a trouvé , d’après les travaux du célèbre Linnæus , une analogie mar- quée entre les organes deflinés à cette fondion dans ces deux claffes d’êtres organiques. Les étamines répondent à ceux du mâle , de le piflil eft compofé de trois parties analogues à celles des parties génitales des femelles des animaux. L’embryon fe développe par l’adion de la pouflière fécondante , fans laquelle il n’eil pas fufceptible de reproduire un nouvel individu , ainfi qu’on l’obferve tous les jours dans les oifeaux. Mais outre cette analogie qu’il feroit inutile de pourfuivre plus loin , les végétaux étant d’une ftrudure beaucoup plus fimple que les animaux , & toutes leurs parties étant com- pofées des mêmes organes , chacune d’elles ell capable de produire un nouvel individu fem- blable à celui à qui elle appartenoit. Telle efl la raifon de la reprodudion des plantes par le moyen / d’Hist. Nat. et de Chimie. 17 moyen des cayeux, des drageons , des boutures, des marcottes , ainfi que de l’altération de leurs fucs par l’opération de la greffe, foit naturelle , foit artificielle. C’efi encore une nouvelle analogie entre les végétaux vendu d’abord comme un fecret * & découvert en même-tems par Boulduc & Geoffroy en 1731,3 une faveur amère. Il fe décompofe au feu comme le tartrite de potaffe; il s’efHeurit à l’air, parce qu’il contient beaucoup d’eau de criflallifation ; il eft prefqu’auffi diffoluble que le tartrite de potaffe & décompofable comme lui par l’air f par les acides minéraux & par les diffolutions métalliques. L’eau-mère de ce fel contient la portion de tartrite de potaffe qui faifoit partie de l’acidule tartareux. L’ammoniaque forme avec f acidulé de tartre un tartrite ammoniacal , qui criftallife très bien par l’évaporation & le refroidiffement. Bucquet dit que fes criflaux font des pyramides rhom- boïdales. Macquer a vu les uns en gros prifmes à quatre , cinq ou fix côtés , les autres renflés dans leur milieu, 8c terminés par des pointes très-aigues , 8c MM. les académiciens de Dijon d’Hist. Nat. et de Chimie. 63 l’ont obtenu en paralléiipipèdes à deux bifeaux alternes. Ce Tel ou tartrite ammoniacal, a une faveur fraîche, & il fe décompofe au feu; il s’effleurit à l’air; il efi-plus diffoluble dans l’eau . chaude que dans l’eau froide , & il crifiallife par refroidiiïement; la chaux & les alkalis fixes en dégagent l’ammoniaque : le conta# de l’air, les acides minéraux & les diïïolutions métalli- ques le décompofent. Quand on le prépare , il paroit que la portion de tartrite de potafie, dont l’union avec l’acide tartareux confiitue kicidule ou la crème, de tartre , refie dans l’eau- mère. Pott & Margraf ont traité l’acidulé tartareux par les acides minéraux, & le dernier, en a retiré des fels neutres, femblables à ceux que chacun de ces acides forme avec la potafie-, d’ou il a conclu que cet alkali efi tout formé dans cet acidulé.. Rouelle le jeune, qui a fait beaucoup de travaux fur cet objet, a obtenu es mêmes réfultats. En jettant une livre d’acide lulfunque concentré fur égal poids d’acidule tartareüx en poudre très-fine , le mélange s’é- c auffe, on favorife l’adion réciproque des deux lub tances par la chaleur d’un bain-marie, & en les agitant avec une fpatule de verre • on continue cette chaleur pendant dix à douze CUreS * Ie Plonge devient épais comme une &£ E L é M E N1 s bouillie, on y verfe deux ou trois onces d’eau diflillée bouillante , qui donne de la fluidité à la matière , on la laide dans le bain - marie environ deux heures ; alors on la retire du feu, 5c on ajoute à la liqueur trois pintes d’eau diflillée bouillante ; cette diffoluiion efl colorée & opaque , elle contient de l’acide fulfurique à nud , une portion d’acidule tartareux non décompofé 5c du fulfate de potafle. On fature l’excès d’acide fulfurique par de la craie, il fe précipite du fulfate de chaux avec un peu d’a- cidule tartareux; on filtre le mélange 6c on fait évaporer la liqueur filtrée ; elle donne un peu d’acidule tartareux Sc de fulfate de chaux, jufqu’à ce qu’elle foit réduite à dix -huit ou vingt onces ; alors on la décante, 6c évaporée de nouveau , elle fournit par le repos des crif- tauxde fulfate de potaiïe, que l’on peut obtenir ainfi jufqu’à la fin par des évaporations 8c des criflallifations répétées. Ce fel efl toujours mêlé d’un peu d’acidule tartareux , 8c il brûle fur le fer rouge; mais en le leflivant avec une jufle quantité d’eau diflillée , on le diiïout , 5c l’aci- dule refle au fond du vailTeau où fe fait ce lavage. Tel efl le procédé décrit 6c répété avec fuccès par M. Berniard , d’après Rouelle. L’acide nitrique 5c l’acide muriatique , traités de la même manière avec l’acidule tartareux , donnent d’FIist. Nat. et de Chimie. 6$ donnent du nitrate & du muriate de potafle; ce qui prouve fans répliqué la préfence de la potafl'e dans cette fubflance. L’acidule tartareux acquiert de la lolubilité par l’union du- borax 8c de l’acide boracique; fuivant les expériences de M. de La (To ne , une partie de ce dernier Tel peut rendre jufqu’à quatre parties d’acidule tartareux folubles. Cette didolution mixte, évaporée, donne un fel gom- meux verdâtre 8c fort acide. L’acidule tartareux paroit fufceptible de s’unir fans décompofition à la plupart des fubdances métalliques, comme l’ont démontré M. Monnet 8c MM. les chimides de , l’académie de- Dij on ; mais comme on n’a que peu examiné toutes ces combinaifons r nous ne parlerons ici que de celles de l’antimoine, du mercure, du plomb 8c du fer avec cette fubflance faline , parce que ces compofés font mieux connus , 8c font la plupart employés en médecine. La combinaifon d’acidule tartareux 8c d’an- timoine porte le nom de tartre Jlibïé ou anti- monté. C’efl du tartrite d’antimoine 8c de po- tafle. Comme c'efl un des remèdes les plus importans que la chimie puiffe fournir à la mé- decine , il faut en examiner avec foin les pro- priétés. Depuis Adrien de Mynficht , qui le pre- mier l’a faitconnoître en 1631 y on a beaucoup Tome IT'. E 66 Elémens varié fur fa préparation. Les pharmacopées & les ouvrages des chimifles different tous , foit fur les fubilances antimoniales qu’on doit em- ployer pour cette préparation , foit fur leur quantité , ainfî que fur celle de l’eau & de l’acidule tartareux , foit enfin fur la manière de la faire. On peut voir dans la Differtation de Bergman fur ce médicament, un tableau très- bien fait des divers procédés donnés jufqu’ac- tuellement pour préparer le tartrite d’antimoine. On a fucceiïivement confeillé les oxides blanc fublimé & vitreux , brun ou orangé ; les uns ont prefcrit de faire bouillir ces fubilances avec l’acidule tartareux & une plus ou moins grande quantité d’eau , pendant dix à douze heures ; d’autres ne demandent qu’une ébulli- tion d’une demi-heure; enfin, il ell des auteurs qui veulent qu’on évapore la lefiive filtrée à ficcité, 8c il en eft d’autres qui exigent qu’on la faffe crifiallifer , 8c qu’on n’emploie en mé- decine que les criftaux. Il arrive de ces diffé- rentes préparations que le tartrite d’antimoine n’ell jamais le même, 8c qu’il jouit de divers degrés d’énergie , de forte qu’on ne peut jamais être sûr de fes effets. Auffi Geoffroy , qui a examiné plufieurs tartres jlibiés de différens degrés de force , a-t-il trouvé par l’analyfe que les plus foibles contiennent par once depuis / d’Hist. Nat. et de Chimie. 6j trente grains jufqu’à un gros dix - huit grains d’oxide d’antimoine ; ceux d’une éméticité moyenne un gros & demi , & les plus a&ifs jufqu’à deux gros' dix grains. L’oxide d’anti- moine vitreux a été choifî préférablement aux autres fubflances antimoniées, parce qu’il efl un des plus folubles par l’acidule de tartre ; mais ce verre métallique peut être plus ou moins oxidé , & ces degrés divers d’oxidation doivent nécelTairemerjt influer fur fon éméticité. .Cependant en prenant un oxide vitreux d’an- timoine bien tranfparent & porphyrifé , en le faifant bouillir dans l’eau avec partie égale d’acidule tartareux , jufqu’à ce que ce dernier foit faturé , filtrant & faifant évaporer à une chaleur douce cette dilTolution , on obtient par le repos & le refroidiiTement des criflaux de tartrite antimonié , dont les degrés d’éméticité paroiiïent être alfez conflans. On décante la liqueur, on la fait évaporer, & elle fournit par plufieurs évaporations fucceflives de nouveaux criflaux. L’eau -mère contient du loufre, du tartrite de potaffe , & une certaine quantité de fulfure alkalin antimonié. Lorfqu’on filtre le mélange d’acidule tartareux , d’oxide vitreux d’antimoine & d’eau qu’on a fait bouillir pour la préparation du tartrite antimonié , il refle fur le filtre une matière comme gélatineufe jaune / ‘ E ij 68 Elémens ou brune , que Rouelle a fait connoître. Cette gelée diflillée donne un pyrophore très-inflam- mable fuivant M. Prouft. Macquer a propofé de fubflituer à l’oxide vitreux d’antimoine, l'oxide blanc précipité du muriate d’antimoine par l’eau ; cet oxide efl lin émétique violent , que Macquer croyoit être toujours le même. Bergman a adopté l’opinion de Macquer , 8c on prépare depuis dans le laboratoire de l’académie de Dijon , un tartrité d’antimoine, fuivant la méthode de ce chimifle & celle de M. de Laflone. Ce mé- dicament a été employé avec le plus grand fuccès; il opère à la dofe de trois grains fans fatiguer l’eflomac ni les inteflins. Le tartrité d’antimoine fe criflaîlife en pyra- mides trièdres; il efl très-tranfparent ; il fe dé- compofe au feu , 8c devient charbonneux; il efl efflorefcent à l’air, & devient d’un blanc mat 8c farineux ; il fe diflbut dans foixante parties d’eau froide , & dans beaucoup moins d’eau bouillante ; il fe criflaîlife par refroidiflement; les alkalis 8c la chaux le décompofent. La terre calcaire 8c l’eau pure en grande dofe font fuf- ceptibles de le décompofer ; d’où il fuit qu’ou ne doit l’adminiflrer que dans l’eau diflillée. Les lulfures alkalins 8c le gaz hydrogène fulfuré le précipitent en une poudre rouge ou efpèce d’Hist. Nat. et de Chimie. 69 d’oxide d’antimonic, fulfuré , & peut fervir à faire reconnoître ce fel dans toutes les liqueurs où il fe trouve. Le fer s’empare de l’acide tarta- reux, & fépare l’oxide d’antimoine jonne doit donc pas préparer le tartre ftibié dans des vaif- feaux de ce métal. M. Durande , médecin & profeflfeur de Dijon , a propofé de faire pré- parer ce médicament publiquement 8c par un procédé uniforme , comme on a coutume de faire pour la thériaque. Nous croyons que cela ne pourroit qu’être fort utile en procurant un tartrité d’antimoine uniforme , v& fur les effets duquel le médecin pourroit toujours compter. Il paroît que le tartrité d’antimoine contient la portion de tartrité de potaffe qui fait partie de l’acidule tartareux 8c que c’eft une forte de fel triple. On peut combiner l’acide tartareux avec le mercure par deux moyens. L’un, dont M. Mon- net a fait mention , confide à faire diJToudre dans l’eau bouillante fix parties d’acidule tarta- reux avec une partie d’oxide de mercure pré- cipité de l’acide nitrique par le carbonate de potaffe. Cette liqueur filtrée 8c évaporée lui a donné des cnftaux qui ont été décompofés par l’eau pure. Le fécond moyen d’unir le mercure à l’acidule tartareux , c’ed de verfer une difîb- lution nitrique de ce métal dans une difTolu- E üj yo ÉLÉMENS tion de tartrite de potaflfe ou de Coude , ou obtient un précipité for/né par le tartrite mer- curiel , & le nitrate de potafle ou de Coude relie en diflblution dans la liqueur. L’acidule tartareux agit d’une manière fen- fible Cur les oxides de plomb. Rouelle le jeune s’elt alluré- que le tartrite de plomb qui Ce forme dans cette opération, ne refie point en diffolu- tion dans la liqueur, & que cette dernière évaporée ne fournit que du tartrite de potafie pur qui étoit tout contenu dans l’acidule tartareux ; c’elt.un des procédés dont il s’ed fervi pour dé- montrer la préfence de la potaiïe dans le tartre. Le cuivre Sc Ces oxides font allez facilement attaqués par l’acidule tartareux ; il en réfulte un fel d’un beau vert , fufceptible de criftallifa- tion, mais qui n’a été que peu examiné jufqu’à préfen t. Le fer ell un des métaux Cur lequel l’acidule tartareux agit le plus efficacement. On prépare un médicament, nommé tartre chalybé , en fai- fant bouillir dans douze livres d'eau quatre on- ces de limaille de fer porphyrifée 8c une livre de tartre blanc. Lorfque le tartre ell diffous, on filtre la liqueur, elle dépofe des criflaux, on en obtient de nouveau en faiCant évaporer Peau-mère. Pour préparer la teinture de mars d’Hist. Nat. et de Chimie. 71 tariarlfte, on fait une pâte avec foc onces de limaille de fer, une livre de tartre blanc en poudre , & fuffifante quantité d’eau ; on laifie ce mélange en repos pendant vingt-quatre heu- res; on l’étend enfuite dans douze livres d’eau, & on fait bouillir le tout pendant deux heures , en ajoutant de l’eau pour remplacer celle qui s’évapore ; on décante la liqueur , on la filtre , on l’épaiffit en confiflance de firop , & on y ajoute une once d’alcohol. Rouelle s’eft alluré que la potalTe efl libre dans cette teinture, & qu’en la traitant par les acides , on obtient des Tels neutres qui font reconnoître cet alkali. Il y a encore deux médicamehs formés par la combinaifon de l’acide tartareux & dit fer ; l’un ell le tartre martial fo lubie qui n’eft qu’un mé- lange d’une livre de teinture de mars tartarifés , & de quatre onces de tartrite de potalTe , éva- poré à ficcité; l’autre efl connu fous le nom de boules de mars. On les prépare' en mettant Une partie de limaille d’acier , 8c deux par- ties de tartre blanc en poudre , dans un vaif- feau de verre, avec une certaine quantité d’cau- de-vie ; lorfque cette dernière eR évaporée , on pulvérife' la mafife , & on ajoute de l’eau- de -vie, qu’on lailTe évaporer comme la pre- mière fois ; on repète ce procédé jufqu’à ce E iv 72 ' £ L é M E îif S que le mélange foit gras 6c tenace • alors on en forme des boules. Le tartre cnid eft fort utile dans la teinture , les chapeliers en font aufîi üfage. Les différentes préparations de l’acidule tar- tareux dont nous avons fait l’énumération , font employées la plupart en médecine. L’acidule tartareux pur eft regardé comme rafraîchiffant 6c antifeptique ; à la dofe d’une demi - once ou d’une once, il purge doucement 6c fans exciter de naufées. Les tartrites de potaiïe 8c de fonde font d’un ufage fréquent , comme purgatifs adjüvansv, à la dofe de quelques gros. Le tartrite d’antimoine eft un des médicamens les plus utiles 6c les plus puiftans que la médecine doit à la chimie. Ce fel eft émétique , purgatif, diurétique , diaphonique , fondant, fuivant les dofes 8c les procédés qu’on emploie dans fon adminiftration. Souvent même il produit tous ces effets à la fois. Il doit encore être regardé comme un altérant puiffant, & comme propive à détruire les embarras 6c les obflïuéfions des vifcères lorfqu’cn le donne à une dofe très- petite 6c répétée. On l’adminiflre à la dofe d’un grain jufqu’à quatre, diffous dans quelques verres d’eau , comme vomitif. On le mêle à la dofe d’un grain avec d’autres purgatifs dont D’fllST. iÿ A T. ET DE CHIMIE. 73 il aide l’aétion : enfin , à celle d’un demi-grain étendu dans une grande quantité .d’eau , il agit comme altérant. M. de LafTone a découvert que le tartrite d’antimoine ell rendu très-foluble dans l’eau par le mélange du muriate ammo- niacal , & qu’il en réfulte un fel mixte analogue au muriate ammoniaco-mercuriel. Ce nouveau fel triple doit produire des effets très- énergiques fur -l’économie animale. Le tartre clialybé , le tartre martial Coluble , la teinture de mars tarta - rïjée , font employés comme toniques & apé- ritifs. Telles font les propriétés de l’acidule tartareux natif ou de l’acide tartareux combiné par la nature avec une certaine quantité de potafle ; il étoit nécelfaire de les examiner avec foin , parce que cette fubftance eff très-utile Sc très- employée dans cet état. Mais ce n’ell point là l’acide tartareux pur ; il eff également impor- tant d’en connoître les caraétères les pro- priétés. M. Retzius a publié dans les mémoires de Stockolm en 1770, un procédé du à Schéele pour l’extraction Sc la purification de cet acide. On jette dans une diffolution de deux livres d’acidule tartareux à l’eau bouillante, de la craie lavée, jufqu’à ce qu’il n’y ait plus d’effervefcence, ni d’acide libre; il en faut un peu plus du quart du poids de l’acidulc. On 74 Elémens *amafie fur un filtre & on lave à l’eau chaude le précipité de tartrite calcaire qui s’eft formé ; on en a communément 32 à 33 onces, en rai- fon de l’eau qu’il retient. La liqueur décantée de deflfus ce précipité donne par l’évaporation à-peu-près la moitié de Pacidule employé, de tartrite de potaffe qui n’a point été décom- pofé par la craie. On vcrfe fur le tartrite cal- caire en poudre un mélange de 9 fonces d’acide fulfurique concentré étendu avec y livres y on- ces d’eau; on laide digérer pendant douze heures en agitant de tems en tems le mélange. On décante la liqueur de delfus le fiilfate de chaux ; on l’évapore après s’être alluré qu’elle 17e contient point d’acide fulfurique. Pour cela on y verfe quelques gouttes d’acétite de plomb ou de fel de fatnrne ; fi le précipité qui fe forme elt entièrement foluble dans le vinaigre, la lefiive ne contient pas d’acide fulfurique; s’il ne l’eft pas par cet acide fermenté , elle contient de l’acide fulfurique; on l’en débarraffe en faifant digérer la liqueur fur une certaine quantité de tartrite calcaire. On peut employer la chaux an lieu de craie pour obtenir l’acide tartareux; mais comme cette terre alkaline dé- compofe le tartrite de potaffe contenu dans l’acidule tartareux, la lefiive ne contient que de l’alkali au lieu de tartrite de potaffe , comme d’I-Iist. Nat. et de Chimie. 75* dans le premier procédé. L’emploi de la chaux vive dans cette décompofition donne plus d’acide, parce que cette terre décompofe le double de Ton poids d’acidule tartareux. L’acidule tartareux pur obtenu liquide par l’un, ou l’autre des procédés décrits doit être évaporé à ficcité , puis rediflbus & crillallifé, foit par l’évaporation douce fuivant M. Pœcken, foit par le refroidilTement de la liqueur éva- porée en confiflance de fyrop clair fuivant Bergman. On l’obtient fous la forme de petites aiguilles très-pointues, ou de prifmes fins dont il elt bien difficile de déterminer la forme. Bergman les décrit comme des feuillets diver- gens ; M. Retzius les compare à des cheveux entrelacés ; ils font d’abord très-blancs , ceux qu’on obtient à la fin font jaunes. L’acide tartareux criflallifé fe fond , fume , noircit & s’enflamme même par le contact des corps embrafés. Diffillé il ne donne, comme l’acidule tartareux lui -même, qu’un phlegme acide , un peu d’huile & beaucoup d’acide car- bonique gazeux , mêlé de gaz hydrogène car- boné. Le charbon qui relie ne contient ni acide, ni alkali; ce qui prouve que ce dernier ne fe forme point par la décompofition de l’acide tartareux opérée par le feu ; cet acide , quoique purifié , ell toujours huileux. C’eft pour cela 7 6 É L É M E N S que nous le défignons par le nom d’acide tar- tareux , & Tes fels par celui de tartrites. Il eü , inaltérable à Pair. Il efl bien plus dif- foluble que l’acidule tartareux. Sa faveur eü très-piquante, il rougit la teinture de violettes comme celle de tournefol. Il diflbut bien l’alumine & forme avec elle un tartrite alumi- neux qui ne prend qu’une confiftance gommeufe ou mucilagineufe par l’évaporation. Uni à la magnélie , l’acide tartareux pur forme un feî qui donne aufli une forte de matière gélatineufe au lieu de crillallifer. Combiné avec la chaux , il donne un feî pref- qué infoluble. Si l’on verfe dans fa dilïbludon un peu de potafle , il fe précipite des criftaux d’acidule tartareux ou de crème de tartre. Cette décou- verte de Schéele 6c de Bergman , efl celle qui jette le plus de jour fur la nature de ce fel végétal; il ne refle plus , comme le dit M. de Morveau , de preuves à acquérir fur la com- pofition de l’acidule tartareux , on fait que c’efl du tartrite de potafle avec excès d’acide ; mais ce qui efl très - fingijlier , c’efl que cet acide qui efl très-difloluble perd tout-à-coup cette propriété, lorfqu’on en fature environ la moitié- par la potafle qui efl cependant elle- même très - foluble. Cette belle expérience d’Hist. Nat. et de Chimie. 77 prouve encore que l’acide tartareux n’eft en aucune manière altéré par le procédé de Schéele, puifqu’il Te forme avec environ un quart ou un tiers de fon poids de potalTe, un fel acidulé abfolument femblable à celui de la nature. Si l’on augmente la proportion de la potalTe , il fe forme un fel neutre tout-àfait faturé & foluble qui ed du tartrite de potalTe ou Jel végétal . L’acide tartareux , uni à la foude , conflitue un fel neutre, crillallifable , ou tartrite de foude, ( fel de Seignette ) très-pur. Avec l’ammoniaque if donne auffi un tartrite ammoniacal criltalli- fable. M. Retzius annonce que fi l’on combine l’acide tartareux avec une quantité d’ammo- niaque, bien au-deffous de celle qui feroitné- ceffaire pour la faturer , il fe forme un acidulé tartareux ammoniacal peu foluble qui fe crif- tallife, comme l’acidule tartareux de potalTe, ou la crème de tartre ordinaire. Quoique l’acide tartareux ait moins d’affinité avec les alkalis que lés acides minéraux, ceux- ci en décompofant les tartrites de potalTe & de foude , n’en féparent pas complètement ces bafes , mais dégagent l’acide tartareux dans l’état d’acidule de potalTe ou de foude. L’acide tartareux libre décompofe lui-même en partie le fulfate, le nitrate & le muriate de potalTe, & 78 Êlémens en fépare la portion d’alkali dont il a befoin pour être en état d’acidule tartareux ou de tartrite acidulé de potaffe. Il ne fait pas le même effet fur le nitrate & le muriate de foude. M. Hermftadt afTure que l’acide tartareux devient acide oxalique par le moyen de l’acide nitreux. Bergman n’a pas pu opérer ce change- ment ; mais il efl vraifemblable que ce manque de fuccès dépend de ce qu’il n’a point employé affez d’acide nitreux: comme celui-ci donne du gaz nitreux pendant cette converfîon , il pa- roît que l’acide oxalique différé du tartareux , en ce qu’il contient une plus grande quantité d’oxigène. L’acide tartareux n’a nulle adion fur le pla- tine, l’or & l’argent; il diffout leurs oxides. Il n’agit qu’infenfiblement fur le cuivre , le plomb & l’étain; il diffout leurs oxides & enlève là cou- leur rouge de celui de plomb. Il diffout le fer avec une effervefcence très- lente. Il n’altère en aucune manière l’antimoine à l’état métallique , mais il diffout bien Tes oxides vitreux. i 11 enlève la chaux aux acides nitrique , muria- tique , acéteux , formique & phofphorique. Il précipite les diffolutions nitrique de mer- cure , muriatique de plomb , &c. d’Hist. Nat. et de Chimie. 75? Ses attrapions, indiquées par Bergman, font dans l’ordre fuivant; la chaux, la baryte, la magnéfie, la potaffe, la foude, l’ammoniaque, l’alumine, les oxides de zinc, de fer, de man- ganèfe , de cobalt , de nickel , de plomb , d’étain, de cuivre, de bifmuth , d'antimoine, d’arfenic, d’argent, de mercure, d’or, de pla- tine; l’eau & l’alcohol. §. II, De l'acidulé oxalique ou fel d'ofeille du commerce , & de V acide oxalique pur . Le fel d’ofeille du commerce ou l’acidule oxalique eft retiré en grande quantité en Suifle , au Hartz , dans la Thuringe 8c la Souabe , du fuc de l’ofeille nommée par Linneus oxalis acetofella : cent livres de cette plante en belle végétation donnent, fuivant M. Savary, yo livres de fuc par expreffion , & celui - ci ne fournit que y onces de fel concret par l’évaporation & la criftallifadon. On diflingue dans le com- merce le fel d’ofeille de SuilTe qui eft le plus beau & le plus blanc ; celui des Forêts de Thu- ringe eft fale & jaunâtre. On fait depuis long-tems que le fuc de l’ofeille donne un fel neutre par l’évaporation. Duclos en fait mention dans les mémoires de l’académie pour 1668. Juncker en parle aufti; Boerhaave a décrit avec beaucoup de foin le procédé 8o É L É M È N S propre à obtenir ce fel qu’il compare ail tartre. Margraf a découvert la préfence de la potafîe dans l’acidule oxalique comme dans l’acidulé tartareux. Mais les connoilTances exades fur la nature de ce Tel n’ont été acquifes que depuis les travaux de MM. de Savary, Wenzel, V7iegleb , Schéele & Bergman. L’acidule oxalique eft en petits criflaux blancs; opaques j aiguillés ou lamelleux. La forme exaéte n’en a pas encore été déterminée , quoi- que Cape'iler & Ledermuller l’aient repréfenté vu au microfcope. M. de Lille les définit des parallélipipèdes fort allongés. Ce font des aflem- blages ou grouppes de feuillets minces & allon- gés réunis par un bout & écartés par l’autre. Sa faveur eft aigre, piquante & en même-tems acerbe. II rougit fortement la teinture de tour- nefol S< le papier bleu : 4.80 grains de cet aci- dulé dillillés dans une cornue à un feu bien réglé par M. Wiegîeb , ont donné iyo grains d’un phlegme fort acide, fans odeur, fans cou- leur. Il refloit 160 grains d’un fel gris d’où on tira iy6 grains d’alkali végétal. Il fe fublima aufli environ 4 grains de fel concret acide au col de la cornue ; il ne paffa pas une goutte d’huile. Il y a eu i<56 grains de perte dans cette difiil- lation; mais comme M. Wiegleb ne fait nulle mention des fluides élailiques qui ont dû fe dégager , d’Hist. Nat. et dé Chimie. 8i' dégagerons cette analyfe , il eff vraifemblable que cette perte eff due à de l’eau en vapeurs & à du gaz acide carbonique mêlé d’un peu de gas hydrogène & de carbone. On voit d’après cette analyfe comparée à celle de l’acide tar- tareux , que l’acidule oxalique n’eff pas auffi huileux que ce dernier; auffi l’acide liquide obtenu dans cette diftillation eft-il de l’acide oxalique pur, tandis que l’acidule tartareux traité au feu donne un acide altéré & different de l’acide tartareux , que nous diflinguons par le nom d’acide pyro tartareux. C’eff en raifort de cette moindre quantité d’huile contenue dans l’acide de l’ofeille , que nous l’avons nom- mé acidulé & acide oxal ique , tandis que l’acide plus huileux du tartre a été nommé fuivant les règles de la nomenclature méthodique , acide tartam/jc. L’acidule oxalique expoTé a l’air n’éprouve aucune altération lorfqu’il eff pur ; il eff plus diffoluble que l’acidule tartareux. Suivant M. Wiegleb , un gros d’acidule oxalique de Suiffe n’exige que 6 gros d’eau bouillante , mais il fe précipite tout entier par le refroidiffement malgré l’addition de 6 gros d’eau froide. Suivant M. Wenzel il eff encore bien plus diffoluble, puifque d’après fes expériences p6o parties d’eau bouillante prennent 675" de ce fel; mais Tonte F. g3 Élêmens fa folubilité paroît varier , fuivant fon état plus ou moins acide qui dépend fans doute de celui de la plante d’où il a été extrait. L’acidule oxalique s’unit à la baryte , à la magnéfie , à la foude , à l’ammoniaque , & forme des Tels triples ou trijules. La chaux le décompofe en s’emparant de tout fon acide, tant de celui qui y eft libre , que de celui qui elt combiné avec la potaflfe ; ioo grains de craie décompofent 1 37 grains d’acidule oxa- lique. Le précipité d’oxalate calcaire qui fe dépofe pèfe 177 grains ; la liqueur furnageante fournit par l’évaporation 32 grains de carbonate de potaffe. Ce procédé ne peut pas fervir à préparer l’acide oxalique pur , comme il fert à obtenir l’acide tartareux pur , parce que l’oxalate calcaire ne peut pas être décompofe par l’acide fulfurique, comme l’eft le tartrite calcaire ; au contraire l’attraélion de l’acide oxalique pour la chaux eft fi forte, qu’il l’en- lève à tous les autres acides, & qu’un moyen sûr de reconnoître la pureté de l’acidule oxa- lique ou du fel d’ofeille du commerce, con- fifie à verfer fa diffolution dans une eau char- gée de fulfate calcaire; fi cet acidulé efi vrai- ment extrait de l’ofeille, il précipite abondam- ment cette eau. L’acide fulfurique facilite le dégagement de d’Hist. Nat. et de Chimie. l’acide oxalique de cet acidulé par le moyen de la chaleur fuivant M. Wiegleb. L’acide nitri- que décompofe l’acidule & en fépare l’alkali bien plus difficilement qu’il ne le fait de l’acidule tartareux d’après les recherches de Maigraf. L’acidule oxalique attaque le fer, le zinc, l’étain, l’antimoine 8c le plomb; il diffout les oxides de tous les autres métaux & forme avec eux des fels triples criltallifables & non déli- quefcens , dans lefquels la potaffie relie toujours unie à l’acide ; il précipite les diffiolutions nitri- ques de mercure d’argent. M. Bayen , en évapo- rant la liqueur qui fumage ces précipités , en a retiré du nitrate de potaffie , & a confirmé par- là la préfence de l’alkali dans cet acidulé. Pour préparer l’acide oxalique & le priver de la portion de potaffie qui le rend acidulé , on peut, comme nous l’avons déjà fait voir , employer la dillillation; mais ce procédé n’en fournit qu’une petite quantité , 8c on doit pré- férer celui de Schéele qui elt beaucoup plus sûr & plus facile. On fature l’acidule oxalique d’ammoniaque. On verfe dans la diffolution de cet oxalate trifule d’ammoniaque 8c de potaffie, du nitrate de baryte. Il fe forme un précipité d’oxalate de baryte , 8c l’acide nitrique retient la potaffie 8c l’ammoniaque. On décompofe l’oxalate barytique bien lavé avec de l’acide F ij gq, E L Ê M E N S fulfurique; le fulfate de baryte qui fe forme relie infoluble au fond de la liqueur. Ou dé- cante celle-ci , on l’effaie par de l’oxalate ba- rytique dilTous dans l’eau bouillante pour en féparer la portion d’acide fulfurique qui pourroit y être contenue , & lorfqu’il ne forme plus de précipité on décante le liquide , qui contient l’acide oxalique pur. On la fait évaporer con- venablement , & elle donne par le refroidif- fement ce fel criflallifé en prifmes quadrila- tères, dont les faces font alternativement larges & étroites , terminés par des fommets dièdres. Ces criftaux ont fouvent la forme de plaques quarrées ou rhomboïdales. Cet acide concret a une faveur aigre très- forte. 7 grains dans deux livres d’eau lui don- nent une acidité fenfible. Il altère en rouge toutes les couleurs bleues. Un grain de ce fel donne à 3600 grains d’eau, la propriété de rougir le papier teint avec le tournefoL L’acide oxalique concret , expofé à un feu doux, fe defsèche 8c fe couvre d’une croûte blanche ; il fe réduit bientôt en poufîière , 8c il perd ~ de fon poids. Diftillé dans une cornue à un feu plus fort , mais toujours modéré , il fe liquelie , devient brun en bouillant, donne Un phlegme acidulé, fe fublime en partie fans altération ; il s’en dégage en même - tems un d’Hist. Nat. et de Chimie. 85" gù z mêlé d’acide carbonique & de gaz hydro- gène. Si l’on chauffe très- fortement on a plus de gaz, moins d’acide concret fublimé , plus de phlegme acidulé non criftallifable ; il ne laiffe au fond de la cornue qu’une maffe grife ou brune, faifant £ de l’acide employé. Mis fur un charbon allumé dans l’air , il s’exhale en fumée blanche très -âcre, qui irrite vive- ment les poumons , il ne laiffe qu’un réfidli blanc fans matière charbonneufe. Tel efl le réfultat de la décompofition de l’acide oxalique par le feu , obfervée par Bergman. M. l’Abbé Fontana a obtenu près du double de produit gazeux , mais cela dépend , comme nous l’avons déjà indiqué , du feu plus fort qu’il a donné , dans l’intention de décompofer complètement cet acide. L’acide oxalique concret , expofé à l’air humide, relie déliquefcent, mais il fe defsèche plutôt à l’air fec. L’eau froide en diffout moitié de fon poids. Lorfqu’on jette des criftaux de cet acide dans l’eau froide, ils font entendre un petit bruit qui annonce un brifement fubit dans leurs molécules, La pefanteur fpécifique de cette diffolution froide efl 1,0593, fuivant M. de Morveau. Si on évapore l’eau de dif- folution , il ne s’élève point de vapeur acide même par l’ébullition. L’eau bouillante diübut F iij 86 E t È M î NS une quantité de ce fel acide concret égale à fon poids. Il sJen précipite la moitié en criflaux par le refroidifTement. L’acide oxalique diront l’alumine. Cette dif- folntion évaporée donne une malle jaunâtre , tranfparente , douce, aftringente, qui s’humeéte à l’air , & rougit le tournefol. Ce fel fe bour- foufHe au feu ; il perd fon acide , 8c laide l’alu- mine un peu colorée. Il eft décompofable par les acides minéraux. Combiné avec la baryte il forme un fel peu foluble, qui donne des criflaux ' anguleux à la faveur de l’excès d’acide : l’eau chaude, en leur enlevant cet excès, les rend opaques , pulvéru- lens & infolubles. Uni à la magnéfie, il donne un fel blanc en poudre , décompofable par l’acide fluorique & la baryte. Saturé de chaux , l’acide oxalique conflitue un fel infoluble dans l’eau , pulvérulent , qui n’efl décompofable que par le feu , parce que l’affinité de Cet acide avec la chaux eft telle qu’il enlève cette bafe à tous les autres acides. C’eft d’après cette propriété que Bergman a pro- pofé l’acide oxalique pour reconnoître la pré- fence 8c la quantité de chaux contenue dans les eaux minérales, 8c combinée à quelqu’acide. I/oxalate calcaire verdit le firop de violettes. d’Hist. Nat. et de Chimie. 87 L’acide oxalique s’unit à la potaflTe , & eft fiifceptible de criftallifer , iorfque l’un de fes deux principes eft en excès. L oxalate de po- taiïe, très - foluble dans l’eau, fe décompofe par l’adion du feu & par les acides minéraux. Si on ajoute à la difïolution de l’acide oxalique pur, goutte à goutte, il fe forme bientôt un précipité que l’on reconnoît pour de l’acidule oxalique ou du fel d’ofeille , analogue à celui du commerce. Combiné avec deux parties de foude , l’acide oxalique forme un fel peu foluble, qui fe dif- fout mieux dans l’eau chaude, & qui verdit le firop de violettes. Un excès d’acide forme un oxalate acidulé de foude peu foluble. Uni à l’ammoniaque , l'acide oxalique donne l’oxalate ammoniacal, qui criftallife par 1 évapo- ration lente en prifmes quadrilatères; ce fel fe décompofe au feu , & fournit du caibonate ammoniacal , formé aux dépens de 1 acidulé oxalique détruit. Un excès de cet acide verfé dans la dilTolution de ce fel en précipite un acidulé oxalique ammoniacal, qui fe piécipite en criftaux beaucoup moins folubles que le fel neutre pur. L’acide oxalique eft difToluble dans les aci- des minéraux. Il brunit l’acide fulfurique con- centré; il efl décompofé par l’acide nitreux» F iv 8g Elément & réduit en acide carbonique. Cet acide fe combine en général plus facilement avec les oxides métalliques qu’avec les métaux. i°. Il forme avec l’oxide d’arfenic des criflaux prifmatiques , très - fufibles , très- volatils , dé*^ compofables par la chaleur. 2°. Avec l’oxide de cobalt, un fel pulvéru- lent d’un rofe clair, peu foluble. 3°. Avec l’oxide de bifmuth, un fel blanc en poudre , très-peu difToluble dans l’eau. 4°. Avec l’oxide d’antimoine, un fel en grains criflallins. j°. Avec l’oxide de nickel , un fel d’un blanc ou d’un jaune verdâtre très-peu foluble. 6°. Avec l’oxide de manganèfe, un fel en poudre blanche , qui noircit au feu. 7°. Avec le zinc, dont la difïolution efl accompagnée d’effervefcence , un fel blanc pulvérulent. 8°. Il dilTout l’oxide de mercure , & le ré- duit en une poudre blanche , que le contact de la lumière noircit. Cet acide décompofe le fulfate 8c le nitrate mercuriels. 9°. Il noircit d’abord l’étain , qui fe couvre enfuite d’une pouÏÏière blanche. Le fel qu’il forme avec ce métal eh d’une faveur auflère; il crihallife en prifmes par une évaporation bien ménagée. Si on l’évapore fortement , il d’Hist. Nat. et de Chimie. 8* donne une maffe tranfparente , femblable à de la corne. io°. Il ternit le plomb , mais diffout mieux fon oxide. La liqueur faturée dépofe de petits criftaux qu’on obtient aufli par l’acide oxalique verfé dans une diffolution de nitrate ou de mu- riate de plomb, ainfi que dans l’acétite du même métal. ii°. Il attaque le fer en limaille , & il fe dé- gage du gaz hydrogène de cette dilTolution pendant laquelle l’eau etl décompofée. L’oxalate de fer ell fliptique ; il donne des criftaux pris- matiques d’un jaune verdâtre, décompofables par la chaleur. L’oxide de fer jaunâtre, uni à cet acide, préfente un fel d’une couleur jaune , femblable à celle que l’on obtient en verfant l’acide oxa- lique en liqueur dans une dilTolution de fulfate de fer. 12°. Il agit fur le cuivre, & diffout entière- ment les oxides de ce métal le fel qu’il forme eft d’un bleu clair , peu foluble. On peut aufli avoir ce fel en précipitant les diffolutions ful- furique, nitrique, muriatique, 8c acéteufe de cuivre par l’acide oxalique. 130. L’oxide d’argent précipitée par la po- taffe fe diffout en petite. quantité dans cet acide. La meilleure manière de fe procurer ce fel £0 Elémens c’eft de précipiter la diffolution nitrique de ce métal par l’acide oxalique ; il fe forme un depot blanc, à peine foluble dans l’eau, qui brunit par le contad de la lumière. 140. Cet acide n’agit que très-peu fur l’oxide d’or. i;°. Enfin , il difïout le précipité de platine , fait par la foude. Cette difTolution eft un peu jaune , & donne des criftnux de la même couleur. Tels font les phénomènes décrits par Bergman , fur les combinaifons de l’acide oxalique avec les fubflances métalliques. Ce célèbre chimifte a fait toutes ces combi- naifons en employant de l’acide oxalique arti- ficiel préparé par le fucre & l’acide nitrique. Le fucre, ainfi que tous les mucilages, les ex- traits, les huiles douces , les farines , donnent , lorfqu’on les traite par l’acide nitreux , un acide tout-à-fait femblable à l’acide oxalique pur, comme Schéele l’a reconnu. Toutes ces ma- tières, & même un grand nombre de fubflan- ces animales comme l’a découvert M. Ber- thollet , contiennent donc le radical oxalique,, auquel il ne manque que de l’oxigène pour de- venir acide oxalique. Bergman efl le premier qui ait découvert que le fucre traité par l’acide nitreux , for moi t un acide différent de tous les autres , 8c qu’on a d’Hist. Nat. et de Chimie. de couleur ambrée , fans mélange d’huile , & dont la pefanteur étoit à celle de l’eau diltillée :: 49 : 48 ; il a fallu 23 7 onces d’eau de chaux pour faturer une once de cet acide. Chauffé doucement il s’dève en vapeur; une forte cha- leur le décompofe ainfi que tous les autres aci- des végétaux. On ne peut pas l’obtenir fous une forme concrète.. Il fe combine avec les bafes terreufes 8c alkalines, & il forme des fels particuliers, que nous nommons pyro - lignites d’alumine , de baryte, de magnéfie, de chaux, de potaffe, de foude & d’ammoniaque. On n’a point encore examiné ces fels avec affez de foin „ pour qu’il nous foitpoffibled’en tracer ici l’hiftoire. M. Eloy Bourlier de Clervaux a communiqué au cours de chimie de Dijon des expériences propres à déterminer quelques-unes des attradions élec- tives de l’acide pyro-ligneux. Les terres calcaire 8c barytique y adhérent plus que les aîkalis ; la chaux plus que la baryte , la magnéfie plus que G iij 102 Ê 1 Ê M E N î l’ammonidqüe ; de forte que l’ordre de ces attradions pourroit feul fervir à le dillinguer du plus grand nombre des autres acides végétaux. Il agit aufîi fur plufieurs métaux & dilfout la plupart de leurs oxides. Il paroît que tous les bois donneront le même acide par la diflîilation , puifque le buis, le bouleau, ie hêtre , en ont déjà donné un fem- blable. Au relie on voit combien il relie d’ex- périences & de recherches à faire pour com- pléter la connoilfance des propriétés & des caraétères propres à cet acide. §. IV. Des Acides végétaux formés par V Acide nitrique. Bergman a démontré que l’acide nitrique convertilïoit le fucre en un acide qu’on à d’abord cru différent de tous les autres , & qu’on a nommé acide faccharin. Schéele a fait voir que cet acide étoit abfolument de la même nature que celui qui eft en partie neutralifé par la potalfe dans le fel d’ofeille j cet acide identique efl donc aujourd’hui l’acide oxalique. Plufieurs chimilles modernes, 8c fur-tout M. Ber- thollet, ont prouvé que la plus grande partie des matières végétales 8c animales donnoient cet acide par le moyen de celui du nitre. Il efl donc certain que la bafe ou le radical oxalique d’Hist. Nat. et de Chtmie. 2-03 exifle dans un grand nombre de corps, & gé- néralement dans tous ceux qui ont été formés par le travail de la végétation ou de la vie animale. L’acide nitrique agit d’une manière égale & uniforme fur toutes ces fubftances; il leur cède toujours une quantité plus ou moins grande de fon oxigène , & pafle à l’état d’acide nitreux, de gaz nitreux, ou même de gaz azo- tique, fuivant la proportion d’oxigène qui s’en dégage. Comme la bafe ou le radical oxalique ed plus ou moins abondant , dans les diverfes matières organiques qui la contiennent, celles-ci donnent plus ou moins de cet acide par l’acide nitrique. En même-tems que l’acide du nitre efï décompofé par les fubdances organiques, il fe dégage avec le gaz nitreux ou le gaz azoti- que, une certaine quantité de gaz acide car- bonique , qui prouve que la matière organique a perdu une portion de fon carbone, & que l’acide oxalique qui en provient contient moins, de ce principe que la fubftance qui l’a fourni. Puifque plufieurs acides végétaux & en particulier l’acide tartareux , &c. pafTent à l’état d’acide oxalique par l’adion de celui du nitre, & puifqu’il fe dégage de l’acide carbonique, pendant que cette converfion s’opère , on voit bien que ces acides végétaux ont le même radical , & qu’ils ne différent que par la proportion d’oxigène* G iv 104 É L Ê M Ê N î On a annoncé dans les Nouv. de la Républ. des lettres , année 1787, Nos. 42 & 44. , que M. Kofegarten a obtenu du camphre en dif- tillant huit fois de fuite de l’acide nitrique fur cette matière , un acide concret , en criflaux parallélépipèdes, d’une faveur amère & qui rou- giffoit la teinture des violettes & du tournefol. Ce fel , fuivant le chimifle que nous citons, différé de l’acide oxalique , en ce qu’il n’enlève pas la chaux à l’acide muriatique-, il forme avec la potaflTe un fel en hexagones réguliers, avec la fonde un fel en criltaux irréguliers, avec l’ammoniaque des criilaux prifmatiques ou en aiguilles, avec la magnéfie un fel pul- vérulent diûoluble ; il diiïout le cuivre , le fer , le bifmuth, le zinc , l’arfenic & le cobalt; mais les premiers faits dont on n’a point eu confir- mation ne fuffifent pas pour traiter en détail des propriétés de cet acide , qui n’eft peut-être qu’une modification de ceux dont nous avons parlé. Au relie fi des recherches nouvelles fur cet acide y font découvrir des propriétés par- ticulières St différentes de celles de tous les autres, on en examinera la nature & on en décrira les caraétères fous le nom d’acide cam- phorique , 8c. de camphorates pour fes Tels neutres. M. Brugnatelli a découvert en 1787 que le d’Hist. Nat. et de Chimie. iof liège , fur lequel il a diftillé quatre fois fon poids d’acide nitreux , a laifle une maffe jaunâtre • épaiffe , acide , dilToluble dans l’eau , d’une faveur aigre un peu amère. Cet acide n’efl pas criflallifable ; il fe prend par une évaporation forte en une malle vifqueufe , femb labié à de la cire , & qui fe ramollit & fe moule comme elle entre les doigts ; il elt dilToluble dans l’alcohol, il fe charbone fans s’enflammer fur des charbons ardens ; il forme avec les terres & les alkalis des fels déliquefcens , dont plu- fieurs criflallifent ; enfin, il a pour la chaux une attraâion aufli forte que l’acide oxalique , 8c forme avec elle un fel infoluble dans l’eau , mais dilToluble dans l’acide muriatique. Sans rien décider fur la nature particulière de cet acide, M. Brugnatelli paroît cependant penfer qu’il différé de l’acide oxalique. C’efl. à de nouvelles expériences à décider fi cet acide eff réellement différent, 8c mérite d’être examiné en particulier, ainfi que celui que MM. Prouft 8c Angulo ont découvert aux environs de Madrid , à la furface des pois chiches dans des véficules placées à l’extrémité des poils de cette plante légumineufe. Telle eft l’hifloire de tous les acides végétaux connus ; il ne nous relie plus qu’à traiter de ceux qui fe forment par la fermentation ; mais I o6 É L É M E N S le plus & même le feul connu de ces acides étant le produit d’une altération qui a lieu dans des liqueurs déjà fermentées , nous en place- rons l’hifloire immédiatement après celle de la fermentation fpiritueufe & de fon produit. CHAPITRE VIII. De la Matière fucre'e des Gommes & des Mucilages. I_jA matière fucrée que beaucoup de chimiftes ont regardée comme une efpèce de fel effen- tiel, le trouve dans un grand nombre de vé- gétaux , & doit être rangée parmi leurs princi- pes immédiats. L’érable , le bouleau , la bette- rave , le panais , le raifin , le froment , le bled de Turquie, &c. en contiennent. Margraf en a retiré de la plus grande partie de ces végé- taux. Les pétales de beaucoup de fleurs , les neétaires placés dans ces organes préparent un principe de cette efpèce. La canne à fucre , arundo faccharifera , eft la plante qui en contient le plus, & dont on l’extrait avec le plus d’avantage. Ces cannes mûres font écrafées entre deux, cylindres de fer pofés perpendiculairement. Le fuc exprimé d’Hist. Nat. et de Chimie. 107 tombe fur une plaque placée au-deffous : on le nomme véfou. il coule dans une chaudière où on le fait bouillir avec la cendre 8c de la chaux : on l’écume , on le fait ainfi bouillir 8c écumer avec des cendres & de la chaux dans trois autres chaudières ; on lui donne alors le nom de firop. On le fait enfuite bouillir de nouveau à gros bouillons avec de la chaux 8c de l’alun : quand il ell allez cuit , on le verfe dans une badine nommée rafraîchiffoir ; lorf- qu’il ell refroidi au point qu’on puiiïe y tenir le doigt , on le jette dans des barriques pofées fur des citernes , 6c dont le fond ell percé de plulîeurs trous bouchés avec des cannes. Le firop fe prend en màfle folide dans les barri- ques , une portion s’écoule dans la citerne. Le fucre ainfi rendu concret , ell jaune & gras ; on l’appelle mofcouade. On le raffine dans les ifles , en le faifant cuire 8c en le verfant dans des cônes de terre renverfés , qu’on appelle formes. Le fucre , qui ne peut pas devenir con- cret, coule par le trou des formes dans un pot placé au-delTous. On le nomme gros firop. On enlève la bafe des pains de fucre , on met à fa place du fucre blanc en poudre , que 1 on tape bien : on recouvre le tout avec de 1 ai- gile détrempée 8c claire. L’eau de l’argile fe filtre à travers le fucre , 8c entraîne une por- ioS É L 4 M E N s tïon d’eau-mère du fucre qui s’écoule par le trou des formes , & eff reçue dans de nou- veaux pots. On la nomme Jirop fin , parce qu’elle eff plus pure que le premier. On remet une fécondé couche d’argile lorfque la pre- mière eff sèche, on laide l’eau fe filtrer une fécondé fois ; & lorfque cette terre eff épuifée d'eau , on porte les pains dans une étuve pour les faire fécher. Au bout de huit à dix jours on caffe ces pains , & on envoie les differentes cafTonnades qu’ils forment, en Europe, où on les raffine pour en former les fucres de diverfes qualités. Le travail des raffineries confiffe à faire bouil- lir le fucre dans de l’eau de chaux , 8c avec du fang de bœuf, à enlever les écumes deux ou trois fois , à filtrer cette liqueur & à la couler dans des formes pour la faire prendre en pains On terre enfuite les pains avec une couche d’argile délayée , on les laiffe filtrer. On recommence cette efpèce de filtration à l’aide de l’argile délayée jufqu’à ce que le fucre foit allez blanc; on porte les pains dans une étuve, & au bout de huit jours on les enve- loppe de papiers 8c de ficelles pour les envoyer dans le commerce. Les firops qui ne peuvent plus fe criltallifer fe vendent fous le nom de mélajfe. d’Hist. Nat. et de Chimie. iop Tous les chimifles ont penfé que ces diffé- ; rentes opérations féparoient une matière grafTe , du Fucre, & rendaient ce fe! FuFceptible de crif- tallifaiion. Bergman croit que la chaux Fert à lui enlever l’exccs d’acide qui l’empêche de prendre de la folidite. Cet acide ne pourroit iêtre que celui qui efl Formé par la chaleur , ou ) l’acide pyro - muqueux dont nous avons parlé i dans le chapitre précédent. Comme la liqueur : eft Fortement évaporée dans tout ce travail , elle Fe prend en une malle grenue & informe, ainli que nous avons vu que cela arriyoit au Fulfate de zinc. ■ r Le Fucre efl formé d’un acide particulier, : uni à un peu d’alkali, & altéré par beaucoup • d’huile ou matière grafTe. Il criflalliFe en prifmes ‘hexaèdres tronqués. On l’appelle en cet état, fuue candi. Il donne à la diflillation de l’eau, de 1 acide pyro - muqueux , & quelques gouttes : d’huile empyreumaticjue. Il fe dégage en même- tems une grande quantité de gaz acide carbo- nique, & de gaz hydrogène tenant du charbon en diÜolution. Il refle un charbon fpongieux 6c !leger, qui contient un peu de carbonate de potade. Le fucre eh inflammable ; mis Fur les char- bons ardens, il fe fond & Fe bourfouflle forte- ment; il exhale une vapeur acide très-piquante; HO Éléiïni il devient d’un jaune brun, & forme le caramel. Il efl très-difïoluble dans l’eau. Il lui donne beaucoup de confiftance, & conûitue une forte de mucilage fucré , auquel on a donné le nom de firop. Ce firop étendu d’eau, efl fufceptible de fermenter, de devenir une liqueur vineufe, & de donner de l’alcohol par la diflillation. Bergman a préparé avec toutes les matières fucrées , & fpécialement avec le fucre , l’acide oxalique pur par le moyen de l’acide nitrique. Pour l’obtenir , on met dans une cornue une partie de fucre en poudre, avec fix parties d’acide nitrique ; on chauffe doucement ce mélange. On continue l’évaporation quelque tems après qu’il ne paffe plus de vapeurs rou- , ges ; on laiffe refroidir cette diffolution , & il fe précipite des criflaux blancs aiguillés ou prif- matiques , qui font l’acide oxalique concret. Le fucre efl d’un ufage très-étendu. C’efl un aliment dont la grande quantité efl capa- ble d’échauffer. On l’emploie beaucoup dans la pharmacie; il fait la bafe des firops, des. tablettes & des pâtes. Il efl fort utile pour favorifer la diffolution ou la fufpenfion dans -■ l’eau , des réfines , des huiles , &c„ Il fert à conferver les fucs des fruits que l’on réduit en gelée; il peut même être confidéré comme un médicament, puifqu’il efl incifif , apéritif, lé- d’Hist. Nat. et de Chimie, iii gèrement tonique & flimulant ; auffi rapporte- t-on quelques faits fur des maladies dépendantes d’engorgement, guéries par un ufage habituel du fucre. Il y a quelques fucs qui découlent des plan- tes & qui ont une faveur fucrée. La manne & le nedar font de cette efpèce. La manne efl produite par les feuilles du pin , du chêne , du genevrier , du faule , du figuier , de l’éra- ble, &c. Le frêne très - abondant en Calabre 6c en Sicile , fournit celle du commerce. Elle coule naturellement de ces arbres ; mais on l’obtient en plus grande abondance en fai— fant des incifions à leur écorce. Celle qui fe ramafie fur des pailles ou fur des petits bâ- tons introduits dans les ouvertures artificielles , forme des efpèces de fialadites percées dans leur milieu ; on l’appelle manne en larmes. La manne en fortes coule fur l’écorce , & contient quelques impuretés. La manne graffe efi char- gée de beaucoup de matières étrangères , elle efi formée du débris des deux premières; elle efi toujours humedée & fouvent altérée. La faveur de la manne efi douce & fade. Celle que fournit le mélèze abondant dans le Dau- phiné , 8c celle de l’alhagi qui croît en Perfe aux environs deTauris, ne font point d’ufage; cette dernière porte le nom de léréniabïn. La 112 ÊtÉMENS manne eft foluble dans l’eau; elle fournit à la diftillation les mêmes produits que le fucre. On en retire, à l’aide de la chaux & des blancs d’œufs, une matière femblable au fucre , 8c traitée par l’acide nitrique, elle donne l’acide oxalique concret. On l’emploie comme purgative à la dofe d’une once jufqu’à deux ou trois , ou à celle de quelques gros étendus dans un grand véhicule , li on l’adminiflre comme fondante. Une autre efpèce de fuc propre elt celui qu’on appelle gomme ou mucilage. Cette fubftance elt très - abondante dans le règne végétal. On la trouve dans un grand nombre déracinés; les jeunes tiges 8c les feuilles nou- velles en contiennent beaucoup ; en les écra- fant entre les doigts , on reconnoît ce principe à fa propriété vifqueufe 8c collante. Dans la faifon où le fuc elt le plus abondant , il découle naturellement par l’écorce des arbres , 8c il s’épailîit en gomme à leur furface. La gomme elt difloluble dans l’eau , à laquelle elle donne une confiflance épaiffe 8c vifqueufe. Cette diiTolution, connue fous le nom de mucilage , évaporée , devient sèche , tranfparente 8c friable. La gomme brûle fans flamme fenfible; elle fe fond 8c fe bourfouffle fur les charbons ; elle donne ) d’Hist. Nat. et de Chimie. 115 donne à la diltillation beaucoup d’eau & d’acide pyro-muqueux , un peu d’huile épailïe & brune & du gaz acide carbonique mêlé de gaz hydro- gène ; fon charbon très-volumineux contient un peu de carbonate de potalïe. On connoît trois efpèces de gommes dont on fait ufage en médecine & dans les arts. i°. La gomme de pays qui coule de l’abri- cotier , du poirier } du prunier , &c. Elle elt blanche , jaune ou rougeâtre ; celle qui eft bien choilie peut être employée aux mêmes ufages que les autres. Il découle de l’orme une efpèce de fuc gommeux d’une belle couleur orangée , qu’on trouve quelquefois en allez grande quantité fur fon écorce. Cette gomme m’a préfenté Tinfipidité , la dilïo habilité , la vif- coûté, & tous les caractères des fucs de cette nature. 2°. La gomme arabique qui coule de l’acacia en Egypte & en Arabie. La gomme du Sénégal elt de la même nature ; on l’emploie en méde- cine comme un remède adouciffant & relâchant; on en fait la bafe des pâtes & des paltilles. Elle fert dans plufieurs arts. 30. La gomme adraganthe qui découle de l’adragant de Crête : Tragacantha Cretica. O11 l’adminiflre comme la précédente. Sa dilïolution elt un peu plus épailfe que la Tienne ; elle lailïe Tome 1V% H E L é M Ê N g facilement dépofer des floccons vifqueux, & elle exige plus d’eau pour être difToute. On retire de beaucoup de plantes des mu- cilages de la même nature que les gommes. Les racines de mauve , de guimauve , de grande confonde , l’écorce d’orme , la graine de lin , les pépins de coings , &c. fourniiïent par la macération dans l’eau des fluides vifqueux , qui , lorfquon les évapore à ficcité , donnent de véritables gommes. On fubflitue ces plantes en décodion aux didolutions de gommes^ pour l’ufage de la médecine. Toutes ces matières , confidérées chimique- ment, femblent au premiercoup-d’œiln’êtreque des corps peu compofés, puifque les expérien- ces chimiques préfeutent fouvent des fubftan- ces dont la forme gélatineufe fe rapproche des gommes & des mucilages. Cependant on extrait rie ces produits de la végétation , qui femblent conflituer une humeur excrémentitielle, de l’eau, de l’acide pyro - muqueux liquide , de l’acide carbonique, un principe huileux, & de l’alkali fixe lié au réfidu charbonneux. Ce réfidu con- tient lui- même une terre fixe dont la nature n eft pas encore connue. Lorfqu’on traite les gommes & les mucila- ges par l’acide nitrique aidé de la chaleur s #lles fourniflent de l’acide oxalique criftallifé. d’Hist. Nat. et de Chimie. 115* Elles contiennent donc le principe huileux ou le radical, dont la combinaifon avec l’oxigène confiitue cette efpèce d’acide. Cette analogie entre le mucilage & la ma- tière fucrée eft encore remarquable par l’odeur de la gomme brûlée , qui approche de celle du caramel , par la nature des produits que donnent l’un & l’autre principe à la difîillation , par le volume & la légèreté de leurs charbons. Parmi les fruits qui deviennent fucrés, il en eft , tels que les abricots , les poires , &c„ d’où il fuinte, avant leur maturité, une véri- table gomme. L’efpèce de mucilage fec, que nous examinerons plus bas fous le nom de fécule amylacée , devient matière fucrée par la germination. Ces faits, & beaucoup d’autres qu’il feroit pofîible de raffembler, annoncent qu’il y a un grand rapport entre le fucre 8c la gomme ; peut - être le mucilage fade ou gommeux paffe-t-il à l’état de corps fucré par une efpèce de fermentation. Si ce fait étoit reconnu, il faudroit placer cette fermentation avant celle que Boerhaave a appelée fermen- tation. fpiritueufe , 8c elle la précéderoit tou- jours, foit dans le travail de la végétation, foit dans les procédés que l’art met en ufage pour développer la faveur fucrée de l’orge, &c. JO H ij j i n<5 Ê L é M E N S CHAPITRE IX. Des Huiles fixes ou retirées par V exprefiion. Les huiles- font des fucs propres, gras & onâueux , fluides ou folides , indiflolubles dans l’eau , combuflibles aveo flamme , volatils en •differens degrés; elles font contenues dans des vaifleaux propres ou dans des véftcules particu- lières. Ces corps fe trouvent fous deux états dans les végétaux; ou ils font combinés à d’au- tres principes , comme on les trouve dans les extraits , dans les mucilages , &c. ou ils font libres. C’eft de ces derniers fucs huileux que nous devons nous occuper ici. Les chtmifles ont penfé qu’il exiftoh un prin- cipe huileux iimple , ainfi qu’un fel primitif. Ce principe huileux combiné avec differentes fubf- tances , Sc modifle par ces combinaifons , conf* tituoit , buvant eux , les diverfes efpèces d’huiles que l’on obtient dans l’analyfe des végétaux. On donnoit pour caraélère à cette huile Ample & primitive une grande fluidité , beaucoup de volatilité , point de couleur , point d’odeur ; elle brûloit avec flamme & fumée $ elle ne d’Hist. Nat. et de Chimie. 117 sunilToit point à l’eau ; on lacroyoit formée d’eau & d’un acide uni à une terre & au phlogiflique. Il eft certain que les huiles dans leur décom- pofition donnent toujours une petite quantité d’acide & beaucoup de gaz hydrogène ; la terre n’en fait que la plus petite partie , puisqu'elles ne laiflent que très-peu de réfidu fixe 8c char- bonneux. Cette idée fur le principe huileux ne doit être regardée que comme une hypo- thèfe. Les huiles ne font jamais formées que par les êtres organiques, 8c tous les corps qui préfentent les caractères huileux dans le règne minéral , doivent leur origine à faction de la vie végétale ou animale. Il eft même très - vraifemblable que les végétaux font les Seuls dans lefqueîs elles fe forment, 8c qu’elles pafient fans alté- ration de ces êtres dans les animaux. On diflingue les fucs huileux des végétaux en huiles fixes & en huiles volatiles. Les huiles fixes nommées au (fi huiles graffes , huiles douces , huiles par eicprefjion , font très- ondueufes ; elles ont la plupart une faveur douce 8c fade , 8c font fans odeur ; elles ne fe volatilifent qu’à un degré de feu fupérieur à celui de l’eau bouillante , 8c ne s’enflamment que lorsqu’elles font parvenues au degré de chaleur qui les volatilife. Tel efl l’ufage de la. H iij u8 Eté MENS mêehe qu’on emploie pour faire brûler une huile fixe dans les lampes; elle échauffe l’huile au point de la volatilifer. La plupart des huiles fixes font fluides 8c demandent un froid affez confidérable pour devenir folides ; d’autres le deviennent au plus léger degré de froid ; d’autres enfin , font prefque toujours folides; on nomme ces der- nières , beurres végétaux , quoique très-impro- prement. Les huiles fixes ne coulent point de la fur- face des végétaux ; elles font contenues dans les amandes , dans les pépins & dans les femences émulfives. On les retire en brifant les cellules qui les renferment , à l’aide du broiement & de l’expreffion. Les huiles fixes, expofées à l’air, s’altèrent 8c fe ranciflent ; leur acide fe développe, elles perdent leurs propriétés , elles en acquièrent de nouvelles , qui les rapprochent des huiles volatiles. L’eau 8c l’alcohol , en enlevant cet acide développé, leur ôtent leur faveur forte, mais ne les rappellent jamais à leur premier état. M. Berthollet a découvert qu’en expofant des huiles graffes à l’air , en furface très-mince fur 1 ’eau , elles s’épaiffilfent 8c deviennent affez femblables à de la cire. Il efl aujourd’hui dé- montré que cet épaifliflement efl dû à l’abfor- d’Hist. Nat. et de Chimie. 119 ption de l’oxigène atmofphérique , parce que tous les corps qui contiennent ce principe 6c qui le cèdent aux huiles fixes, comme plufieurs acides 6c fur-tout l’acide muriatique oxigéné, les oxides métalliques, épaiffifTent les huiles fixes, & les rapprochent de l’état de cire. Les huiles fixes donnent à la difiillation un peu d’eau chargée d’un acide très-âcre & très- piquant, de l’huile légère, une huile épaifle , «ne grande quantité de gaz hydrogène , mêlé d’acide carbonique. Leur charbon eit très-peu abondant. En rediflillant ces produits, on ob- tient l’acide fébacique pur dont nous parlerons dans le règne animal , 6c de l’huile de plus en plus légère. Cette huile efi connue fous le nom impropre d 'huile des phïlofophes ; les alchi- mifles la préparaient en difliliant à plufieurs reprifes une huile fixe dont ils avoient impré- gné une brique. On ne fait point exadement jufq u’où peut aller cette décompofition , quoi- qu’on ait dit autrefois qu’on pouvoit réduire une huile fixe en principe inflammable libre, en eau, en acide, en air 6c en terre. L’eau n’altère point à froid les huiles grades , elle les purifie en leur enlevant une partie de leur mucilage , qui fe précipite aufli pendant leur combuflion , 6c auquel elles doivent leur propriété fermentefcible, ou celle de devenir H iv ^T20 E L Ê M E K S rances. On fait que l’eau jettée fur des huiles allumées, les enflamme davantage au lieu de les éteindre; cela dépend de ce qu’elle fe dé- compofe , fournit de l’oxigène aux huiles , & laifle dégager beaucoup de gaz hydrogène. En recueillant dans une cheminée terminée par un ferpentin la vapeur de la flamme que donne l’huile fixe en brûlant , on obtient une grande quantité d’eau , ce qui prouve la préfence du gaz hydrogène dans ce principe immédiat des végétaux. Les huiles fixes ne fe combinent point avec la terre filicée. Elles forment avec l’argile une pâte molle , qu’on emploie dans les manipulations chimiques , fous le nom de lut gras. Elles fe combinent par des procédés particu- liers avec la magnéfie , qui les réduit à un état favoneux, La chaux s’y unit, mais d’une manière peu marquée , lorfqu’on les combine immédiate- ment. Les alkalis purs fe combinent aifément aux huiles grades, & donnent naiffance à un com- pofé qu’on appelle favori. Pour le préparer , on triture l’huile d’olive ou d’amandes douces avec une leflive concentrée de fonde rendue cauflique par la çhaux, qu’on d’Hist. Nat. et de Chimie. 121 appelle lejjive des favoniers . Le mélange ne s’épaiffit qu’au bout de quelques jours, & donne le favon médicinal. On fabrique celui du com- merce en faifant bouillir la leffive avec de l’huile altérée ; il eft alors blanc. Le favon vert fe fait avec le marc des olives & la potafte. Le favon eft diiïoluble dans l’eau pure. La chaleur le décompofe , en dégage du phlegme, de l’huile 8c de l’ammoniaque formée aux dé- pens de l’alkali fixe 8c de l’huile ; le charbon contient beaucoup d’alkali fixe. Cette compo- fition artificielle d’ammoniaque femble prouver la préfence de l’azote dans les alkalis fixes , 8c fà réaétion fur l’hydrogène de l’huile. L’eau de chaux décompofe le favon fuivant la remarque de M. Thouvenel ; il fe forme alors un favon calcaire non diftoluble , 8c qui fe dépofe en grumeaux. Les acides verfés fur le favon en dégagent l’huile un peu altérée. L’ammoniaque ne fe combine que difficile- ment aux huiles fixes ; cependant , par une trituration longue , le mélange acquiert un peu de confiftance , 8c devient opaque. Les huiles fixes s’uniffent aux acides , & forment des efpèces particulières de favon ^ lorfque ces fels font employés foibles. Meffieurs Àçhard , Cornette & Macquer fe font occupés 1% 22 E l É M E N S de ces compofés. M. Achard les fait en verfant peu-à-peu de l’acide fulfurique concentré fur de l’huile fixe. En triturant fans cefle ce mé- lange, il en réfulte une maiïe brune difloluble dans l’eau & dans l’alcohol. L’huile qu’on en retire par les alkalis efi toujours plus ou moins concrète, ainfî que celle que l’on obtient par la diflillation. Macquer confeille , pour faire ce favon , de verfer l’acide fur l’huile ; mais il avertit qu’un favon acide , fait de cette manière, elt peu difloluble dans l’eau. Celui qu’il prépare en triturant du favon alkalin ordinaire avec l’acide fulfurique concentré , efi plus foluble. L’acide fulfurique concentré noircit les huiles fixes & les rapproche des bitumes. Il parois que ce phénomène efi du à la réaftion de l’hy- drogène de l’huile fur l’oxigène de cet acide. L’acide nitreux fumant noircit fur le champ les huiles fixes , & enflamme celles qui font ficcatives. Celles qui ne fe defsèchent pas ne peuvent être enflammées que par un mélange de cet acide 8c de celui du foufre, ainfi que l’a enfeigné Rouelle l’aîné dans fon mémoire fur l’inflammation des huiles, Académie , année 1747. L’acide muriatique 8c l’acide carbonique n’ont qu’une action très-foible fur les huiles fixes. Cependant le premier , dans fon état de cou» d’Hist. Nat. et de Chimie. 125 centration, s’y combine jufqu’à un certain point, fuivant M. Cornette. L’acide muriatique oxigéné les épaiffit beaucoup St femble les faire palier par l’abforption de fon oxigène, à un état allez voifin de la cire. O11 ne connoît point l’aélion des autres acides fur les huiles fixes. Il paroît qu’elles ne fe combinent pas aux feîs neutres. Plufieurs d’entre ces derniers décompolent le favon alka- lin , & notamment tous les fels calcaires. Dans cette décompofition , fur-tout celle opérée par les fulfates de chaux St de magnélîe qui fe ren- contrent fréquemment unis aux eaux , l’acide fulfurique s’unit à l’alkali fixe du favon , St forme du fulfate de foude ; la chaux ou la magnéfie fe combinent avec l’huile , St donnent naiflance à une forte de favon très-peu folu-? ble , qui vient nager en grumeaux blanchâtres au-delTus de l’eau. Telle efi la caufe du phé- nomène que prcfentent les eaux qui caillebottent le favon fans le difioudre. L’adiondu gaz hydrogène fur les huiles fixes n’a point encore été examinée. Ces huiles difTolvent le foufre à l’aide de la chaleur de l’ébullition , St cette diflfolution ert d’une couleur rouge foncée tirant fur le brun ; elle a une odeur trcs-fétide ; elle dépofe peu- à-peu du foufrq criflallifé. Si on diftille cette 12^ Ê L É M E N S combinaifon , le foufre fe volatilife , di flous dans le gaz hydrogène dégagé de l’huile , & on ne peut plus en trouver un atome. Cette expérience mériteroit un examen particulier. On obtient aufli un peu de gaz fulfureux dans cette décompofition. Les huiles fixes ne paroiflent point fufcepti- blés de s’unir aux fubflances métalliques pures , excepté le cuivre & le fer , fur lefquels elles ont une adion marquée. Mais elles fe combinent avec les oxides métalliques, 8c forment avec eux des combinaifons épaifles concrètes , qui ont l’apparence favoneufe , comme on l’obferve dans la préparation des onguens 8c des emplâ- tres. On n’a point encore examiné chimiquement ces préparations ; on fait feulement que quelques oxides métalliques fe réduifent dans la formation des emplâtres, comme l’oxide de cuivre dans l’emplâtre divin, & celui de plomb ou la litharge dans l’onguent de la mère, &c. Dans la Doci- mafie, on fe fert des huiles fixes pour réduire les oxides métalliques. M. Berthollet a donné un procédé ingénieux 8c fimple pour former fur le champ une véritable combinaifon d’huile fixe , 8c d’un oxide métallique quelconque , ou un favon métallique. Il confiile à verfer dans une diflolution de favon ordinaire une diflo- lution métallique l’acide de cette dernière fe b’Hist. Nat. et de Chimie. 12 % porte fur Palkali fixe du favon , & l’oxide métallique Te précipite uni à l’huile à laquelle il donne fa couleur. On prépare ainfi avec le fulfate de cuivre un favon d’une belle couleur verte, & avec le fulfate de fer un favon brun foncé aiïez éclatant • peut-être ces compofés pourroient-ils être utiles à la peinture. Schéele a découvert qu’en combinant l’huile d’amandes douces , d’olives , de navette 8c de lin , avec de l’oxide de plomb , en ajoutant un peu d’eau aux mélanges , il fe fépare de ces huiles une matière qui fumage , 6c qu’il appelle principe doux. En évaporant cette eau qui fumage , le principe qu’elle tient en dilfolu- tion lui donne la confifiance de firop ; en l’é- chauffant fortement il prend feu; une partie fe volatilife fans fe brûler dans la difiillation ; il donne un charbon léger ; il ne fe criflallife pas, il ne paroit pas fufceptible de fermentation. L’acide nitrique diflillé quatre fois fur cette ma- tière la change en acide oxalique. Il paroîtque ce principe doux de Schéele eft une forte de mucilage. Les huiles fixes diffolvent les bitumes , 6c en particulier le fuccin ; mais elles ont befoin d’être aidées de la chaleur pour opérer cette difToIution. Elles forment des efpèces de vernis gras qui ne fe defsèchent qu’avec peine. Î2n liqueur le dilTolvent à l’aide de l’ébullition. Cette diflo- lution eft trouble, 8c elle dépofe du gluten non élaftique par l’addition des acides. Les acides minéraux diflolvent le gluten, L’acide nitrique le diftout avec beaucoup d’ac- tivité, M. Berthollet a obfervé que cet acide en dégageoit du gaz azotique comme des fubftances animales. Après ce fluide élaftique la diftblution donne une grande quantité de gaz nitreux 3t§4 É L | M E N S §. III. De la partie extradive mnqueufe de la farine. En évaporant l’eau claire qui a fervi à la- ver la pâte , & qui a 1 aillé dépofer l’amidon , M. Poulletier a obtenu une matière d’un jaune brun , vifqueufe , collante , dont la faveur étoit très-foiblement fucrée. Cette fubftance, que ce Lavant nomme mucofo - fucrée , lui a préfenté dans fa combuftion & fa diftillation tous les phénomènes du fucre. C’ell elle qui excite la fermentation acide dans l’eau qui fumage l'amidon, puifque , comme l’obferve très-bien Macquer , ce dernier n’ed nullement foluble dans l’eau froide. La matière mucofo - fucrée n’eft qu’en très-petite quantité dans la farine de froment ; peut-être exifte-t-il d’autres farines dans lefquelles elle efl plus abondante. On ne peut douter que , quelque petite que foit la dofe de cette fubflance dans la farine de froment, elle ne joue cependant un rôle dans la fermentation particulière qui s’établit dans la pâte , & qui la fait lever. Ce mouve- ment néceffaire pour faire du bon pain , efl encore peu connu , quant à fa nature. Il fem- ble que ce ne foit qu’un commencement de fermentation, putride dans le gluten , acide dans 3’amidon, & peut-être fpiritueufe dans la matière d’Hist. Nat. et de Chimie. 185: 1 rnucofo - fucrée ; de ces trois fermentations comihençantes , 8c qui s’oppofent lin mutuel obftacle , naît peut-être le compofé, beaucoup plus léger que la pâte , & qui par la cuiflon doit former le pain. Ce qu’il y a de certain , c’eft que dans le pain les trois fubflances que nous venons d’examiner fe trouvent combinées 1 enfemblç, & tellement altérées qu’on ne peut plus les extraire. L’action de la chaleur fuffit même fans le mouvement de la fermentation, pour combiner 8c dénaturer tellement ces trois fubflances, que le pain azyme ou cuit fans qu’il ait levé, ne fournit plus de partie glutineufe , fuivant Malouin & M. Poulletier. o On voit par ces détails combien les farines différentes de celle du froment, 8c à plus forte raifon les fçmences légumineufes ou farineufes , telles que les feves, les pois, les châtaignes, &c. font éloignées de pofféder toutes les qua- lités néceffaires pour faire du bon pain. i8$ È U M E N S CHAPITRE XVIII. Des Matières colorantes végétales , & de la Teinture . Les végétaux contiennent des parties colo- rantes dans tous leurs organes. Ces parties different beaucoup les unes des autres ; fouvent une matière végétale , qui n’a point de couleur apparente, en prend une très-marquée par des menftrues particuliers. C’efl fur la diffolubilité des parties colorantes dans les différens menf- trûes , fur la manière de les appliquer aux fubflances à teindre , & de les rendre fixes & tenaces fur ces fubflances , qu’eft fondé l’art de la teinture , dont tous les procédés font abfolument chimiques. En examinant les pro- priétés de chaque matière colorante, nous aurons occafion de parler des principes de cet art important, fur lequel MM. Hellot , Macquer, le Pileur d’Apligny , Hecquet d’Orval, 8c l’abbé Mazéas ont déjà donné de bons ouvrages. Il paroît que la matière colorante propre- ment dite des végétaux, n’efl pas encore con- nue. Rouelle croyoit que la partie verte fi d’Hist. Nat. et de Chimie. 187 abondante dans le règne végétal, étoit analo- gue au gluten de la farine ; mais il eft certain cjue cette matière préfente des caractères chi- miques différens , fuivant la bafe à laquelle elle . elt unie. C’eft donc cette bafe plutôt que la partie colorante elle -même dont on veut parler , en difant que telle ou telle couleur cft extraélive, telle autre réfineufe, &c. La véritable fubftance qui colore chacune des parties végé- tales employées dans les arts , eft fans doute un corps très-tenu, & peut-être aufli divifé que le principe des odeurs. On feroit même porté à croire qu’elle ne réfîde que dans une modifica- tion particulière des parties l'olides 8c liquides des végétaux. Il eft important de rappeler ici que la colo- ration des végétaux dépend en grande partie du contad de la lumière. Mais comment ce contact y contribue-t-il ; c’efi un problème dont la phyfique n’a point encore donné la folution. Quoi qu’il en foit , comme il elt impofiâble de féparer entièrement la matière colorante de la bafe végétale à laquelle elle adhère, on cft convenu de prendre ces deux fubftances en- femble pour la partie- colorante. Macquer eft celui de tous les chimiftes qui a le mieux diftinçmé les différentes matières colo- rantes des végétaux , confidérées relativement à ) » ïS8 E L é M E N S la teinture; & fa théorie fur l’application & la fixation des couleurs aux fubflances à teindre , eft fans contredit la plus fatisfaifante. Notre intention étant de lier cette théorie de la teinture avec Philloire des propriétés chimiques des par- ties colorantes végétales , nous les confidérerons relativement à ces dernières propriétés. i°. Un grand nombre des parties colorantes végétales qui font extraélives ou favoneufes, fe difTblvent très - facilement dans Peau. La gaude , la garance, le bois de Campêche, le bois d’Inde , le bois de Bréfil fournifîent des couleurs jaunes ou rouges de cette efpèce. On conçoit que des matières teintes avec ces cou- leurs , doivent perdre leur teinture à Peau ; auffi fe fert-on pour rendre ces couleurs durables , d’une matière capable de les fix'er en les dé- compofant ; comme d’un fel acide , tels que le tartre rouge, l’alun & plufieurs autres. Ces fels font appelés mordans. Un acide libre feroit le même effet , mais il altéreroit la partie colorante. La portion d’acide furabondante de l’alun s’unit à Palkali de l’extrait favo'neux colorant, «Sc fait précipiter fur la matière que l’on teint , la partie réfineufe qui eft alors infoluble dans Peau. Cependant cette portion colorante , rendue infoluble par l’alun ou par le mordant, eft de deux efpèces ; la première eft très-folide jd’Hist. Nat. et de Chimie. i8p 8c réfiile à l’air ,■ aux favons & à toutes les épreuves nommées en teinture déboidllis . On défigne cette première couleur par le nom de bon teint ou grand teint. L’autre s’altère à l’air, & fur-tout par l’adion des débouillis ; on la nomme de faux teint ou de petit teint. Pour connoître la nature de ces couleurs & la durée des teintures en général , M. Berthollet a pro- pofé 1’ufage de l’acide muriatique oxigéné. Cet acide fait en très-peu de teins à l’aide de fon excès d’oxigène, ce que l’air vital de l’atmof- phère fait à la longue, 8c la quantité qu’on fera obligé d’en employer pour décolorer 8c blan- chir entièrement une étoffe teinte, ainfi que le tems qu’elle demandera pour être déteinte , pourront fervir de mefure pour déterminer la folidité 8c la durée des couleurs. Il faut obferver que la laine eff la fubflance qui prend le mieux la couleur, 8c qu’enfuite la foie , le coton , le fil de chanvre 8c le lin font les matières qui fe teignent de plus en plus difficilement, 8c qui retiennent moins bien les fubffances colorantes. Les auteurs qui fe font occupés de la tein- ture j ont eu diverfes opinions fur la manière dont les parties colorantes s’appliquent aux fubf- tances qui font ex pofées à leurcontaél. Plufieurs ont imaginé que cette application n’avoit lieu ICJO É L é M E N s qu’en raifon .des pores plus ou moins grands & plus ou moins nombreux des matières que Pou teint , 8c que la laine ne prenoit mieux la couleur que la foie 8c le fil, que parce que les pores étoient plus ouverts 8c plus nombreux. Mais Macquer penfe que cette application plus ou moins facile dépend de la nature relative de la partie colorante & de la -matière à tein- dre, 8c que la coloration efl une véritable pein- ture, dont la réufîite 8c l'adhérence efl due à une affinité 8c à une union intime entre la couleur 8c la fu bilan ce teinte. Ce chimille célèbre a adopté cette opinion , d’après le grand nombre d’expériences qu’il a faites fur cet art , qui doit beaucoup à fes découvertes. 2.\ Il efï une autre claffe de matières colo- rantes qui fbmblent être des compofés d’extrait favoneux &-de réfîne. Macquer les nomme rifino-terreufes. Lorfqu’on fait bouillir ces ma- tières dans l’eau-, la fùbftance réfineufe qu’elles contiennent , fe fond 8c s’étend dans ce fluide à l’aide de la chaleur 8c de la portion favo- neufe diffoute; mais elle fe précipite à mefure que la décodion ou le bain refroidit. Lors donc qu’on plonge de la laine ou une autre matière dans la décodion d’une partie colorante mixte de cette nature , la réfine fe fépare par le re- feoidifTement , 8c s’applique fans autre prépa- d’Hist. Nat. et de Chimie, ipi ration fur ces fubllances. Comme elle n’e(î pas foîuble dans l’eau , elle forme une couleur de bon teint. On retire des parties colorantes de cette nature de prefque tous les végétaux aflrin- gens ; tels font le brou de noix , la racine de noyer, celle de patience, Je fumac , l’écorce d’aune , le bois de fantal , &c. Ces couleurs font toutes fauves; les teinturiers les nomment couleurs de racines. Elles fervent le plus fou- vent à former un très-bon fond , fur lequel on applique d’autres couleurs plus brillantes, Il faut encore remarquer que les ingrediens colorans , qui n’exigent aucune préparation , ni pour eux, ni pour les matières à teindre, fourni (Te nt l’efpèce de teinture la plus (impie ôc la plus facile à pratiquer. 3°. Le principe colorant de plufieurs autres fubftances réfide dans une 'matière purement réfineufe , infoluble dans l’eau. Quelques-unes de ces matières ne font même point folubles dans l’alcohol ; mais toutes le font dans les alkalis, qui les mettent dans une forte d’état favoneux , & les rendent folubles dans l’eau. Les principales couleurs de cette nature que l’on emploie pour teindre, font les fuivantes : a. Le rocou , efpèce de fécule qu’on retire , par la macération , des feoiences de P urucu , putréfiées dans l’eau. Cette fécule fe dépofe ï très* D’HïST. NAT. ET DE CfîIMtÈ. 20$ >j trcs-vivement avec l’acide nitreux , & la ra- }j pidité de l’erribrafement éleva la poudré « comme une gerbe d’artifice très -jolie ; je jj calcinai de la poudre très-fine de charbon » ordinaire, la détonation réuffit très-bien. jj J’inïrdduifis environ un gros dé poudre jj de charbon dans une cornue de verre très- » sèche ; j’y verfai enfuite environ un gros ij d’acide nitreux : celui-ci n’eut pas plutôt jj gagné le fond de la cornue , que la déto-* sj nation fe fit avec la plus grande rapidité; jj il fortit du bec de la cornue , pendant que sj je la tenois à la main, un jet de flamme dé » plus de quatre pouces de long , qui entraîna jj avec lui de la poudre & des vapeurs très- jj foncées d’acide nitreux. Ces vapeurs fe con« jj densèrent en une liqueur verte 8c peu fii- » mante ; c’étoit de l’acide nitreux afFoibli pac jj l’eau qui entroit dans la compofition de ® celui qui détona le premier* Je reverfai » de nouvel acide nitreux fur le charbon qui jj refloit dans la cornue ; je l’enflammai dé sj même jufqu’à ce que j’en eufle épuifé toute jj la quantité. jj J'ai répété cette expérience avec du rioit: sj de fumée Calciné ; elle fe comporta de lâ » même manière : on ne retrouve dans la cor- s> nue qu’une très -petite portion de cendre Tome IVi O il b E L é M E N s » quelquefois à demi-vitrifiée & adhérente ait >3 fond de la cornue. i>3 Tous les charbons généralement fe char- >3 gent d’une allez grande quantité d’humidité; » il m’a paru que du charbon calciné & m gardé du foir au lendemain, n’étoit plus pro- »3 pre à ces détonations, parce qu’il s’étoit fen- 3> Hblément humêdé dans cet el'pace de tems. 53 Mais ce qu’il y a de plus fingulier, c’efl que ces » expériences font capricieufes 8< ne réufïïffent 53 pas toujours , quôiqu’avec le même charbon , 53 le même acide & les mêmes proportions. 33 Voici Un tour de main qui m’a femblé en 33 allurer le fuccès , c’ell que 11 l’on verfe l’acide sa fur le milieu de la poudre , elle ne s’enflamme 33 pas; fi , au contraire, on laide couler l’acide 33 fur le bord du creufet ou de la capfule , & 33 qu’il fe rende au fond , la détonation part de » ce point , la potidre fe foulevê & s’embrafe 33 par l’acide nitreux ; lorfque l’acide nitreux 33 vient à manquer , la détonation celle d’elle- 33 même , & lé charbon qui l’environne refle j >3 noir 33. On ne connoît pas l'adion des autres acides fur le charbon. Ce corps décompofe à l’aide de la chaleur tous les tels fui uriques, 8c il forme des fulfures de différentes baies. rftîïst. Nat. et de Chimie. 2îÜ ïl fait détoner le nitre qui le brûle à l’aide ide" l’air vital qu’il fournit par l’adion du feu* On -fait pour la chimie & la pharmacie une préparation , qu’on appelle nitre fixé par le char- boa. On mêle deux parties de nitre & une partie de charbon en poudre ; on projette ce mélange dans un creufet rougi au feu ; il s’excite une détonation vive. Lorfqu’elle effc ceffee , il refie une malTe blanche qui attire Phtimidité de, Pair, 8c qui n’efl que de l’alkalî fixe du nitre 8c du charbon uni à l’acide car-- bonique; en lefïivant cette matière , l’eau difTout l’alkali fixe , 8c il ne refte plus qu’une fubffancâ regardée comme terreufe. Le fulfure de potaffe difTout le charbon avec beaucoup de facilité par la voie sèche 8c pan îa voie humide ; c’efl même la fubflance qui s’y combine le plus facilement. Cette décou- verte eft due à Rouelle. Les métaux ne s’unifient point au charbon * mais leurs oxides pa fient à l’état métallique* lorfqu’on les chauffe plus ou moins fortement avec ce corps. Nous avons vu à l’article des métaux , que ce phénomène dépend de la grande attraéliôn de Toxigène pour le carbone. On a peu examiné l’adion des fubffances Végétales fur le charbon. On fait feulement O àî2 Ë L ê M E N S que lorfqu’on mêle ce dernier avec des huiles gra (Tes , on peut les rendre par ce moyen inflammables par l’acide nitreux ; ce qui con- firme la belle théorie de Rouelle fur l’inflam- mation des huiles par cet acide. Tout ce que nous avons expofé fur les propriétés connues du charbon , tend à prou- ver que ce corps eft un compofé d’une ma- tière combuftible, dè fubftances falines & de terres. La matière combuflible particulière qui fait plus des trois quarts du charbon , ou le car- bone proprement dit n’eft encore que peu connu ; il paroît feulement que c’efl un des corps qui a le plus d’attradion pour l’oxigène , qui peut l’enlever à prefque tous les autres 9 & que dans plufieurs circon fiances il a beau- coup de rapport avec le carbure de fer natif. \ On connoît aflez tous les ufages du charbon dans les arts ; il eft aufli fort utile dans les opé- rations de chimie. d’Hist. Nat. et de Chimie. 215 CHAPITRE XXI. Des Sels fixes & des Terres des végétaux . Lorsque l’onabrûléun charbon végétal , il refie une matière grife , noirâtre ou blanche , fuivant la nature de ce charbon ; cette matière nommée cendre, ç. fl. fort compofée ; lorfqu’el!e efl bien faite , elle ne contient que différentes fubf- tances falities & terreufes , mêlées avec du fer 8c un peu de manganèfe ; lorfque le charbon étoit peu combuliible , la cendre qui en provient contient encore quelquefois un peu de matière inflammable. M. Lavoifier, en examinant les cendres de bois employées par les falpêtriers, y a trouvé des matières extraélives 8c réfino- Cxtradives. On a donné le nom de fels fixes (les plantes aux fubflances falines que l’on re- lire par la leflive de leurs cendres. On fe fert de l’incinération des végétaux , pour obtenir trois efpèces de fels qu’il efl néceiïaire de connoitre. i°. La potafîe que l’on prépare dans le nord, en brûlant le bois , qui y efl fort abon- dant, Ce fel efl fort impur ; il contient fouvent O iij 214 E L i M E U S des matières combuflibles , qui en altèrent la blancheur; beaucoup de fels neutres, tels que des fulfat.es de potafle , de fonde & de chaux, des muriates de potafle & de foude , un peu 'de carbonate de foude , de i’oxide de fer 8c des fubftances terreufes. Pour purifier ce fel, 8c en extraire la potafle pure , on le fait dif- foudre dans la plus petite quantité pofiible d’eau froide. Ce fluide fe charge de l’alkali , O y 8c de quelques fels neutres , & on le fépare par le filtre , de la terre , du charbon , du fer & du fulfate de chaux que contient fou- vent la potafle. On évapore cette diflolution jufqu’à pellicule, 8c on y laifle fe former par le repos 8c le refroidiffement les criftaux des divers fels neutres qu’elle contient; lorfqu’aprcs plufieurs filtrations , évaporations & criflallifa- tions, cette lefiive ne donne plus de fels neu- tres , on l’évapore à licéité , Sc on la calcine. 'Ce fel efl alors du carbonate de potaflTe , mêlé de potafle cauftique ; il contient cependant toujours quelques fels neutres, & un peu de matières terreufes, qu’on peut encore en fé- parer en laifîant repofer une dilfolution bien chargée de cette potafle purifiée , & en fépa- rant par le filtre le dépôt qui s’y forme. On peut alors l’employer avec sûreté aux expé<* jdcnces de chimie les plus délicates. D’Hist. Nat. et-üe Chimie. 21$ W J.' ^ 2°. La foude du commerce , elt le réfidu cîe la combuftion des plantes qui croifle.it lur le bord de la mer, On la prépare à Alicante en Efpagne , dans le Languedoc , à Cher- bourg , ikc. Elle fe fait en brillant diilerentes fortes de plantes ; à Alicante on emploie les kalis, à Cherbourg on fe fert des algues & des fucus fous le nom commun de varech. ; la première plante contient beaucoup piinj de foude que la fécondé , qui n’en donne prefque point. On brûle ces diverfes plantes bien sèches au deifiis d’une fofle. A Cherbourg, lorfque la combuflion efl; avancée, & que les cendres font très - chaudes. , on. les agite & on les pétrit fortement avec de gros bâtons. Par ce mouvement, cette fuollance, qui efl aile^ chaude pour éprouver une forte de. demi- vitrification , fe met en morceaux durs & fo- lides, qu’on envoie dans le commerce fous les noms de foude en pierre , Jalicore , falicoie , la marie , aiun-caùn . Les noms qui la diitin- gueut le plus, & qui annoncent fon état, fout ceux du pays d’où on la tire , ou de la plante qui la fournit. La foude d’Alicante, appelée auflî foude de banlle efl la meilleure pour la chimie 8c tous les arts où l’on a befoin de beaucoup d’alkali fixe. La foude de Cherbourg ou de varech , eü. O iy &fé E £ É M fi N S celle qui contient le moins d’alkali S: qu’on doit rejeter en chimie , quoique pour la ver- rerie, on l’emploie avec beaucoup de fuccès, parce que la fritte vitreufe qu’elle préfente remplit les vues des verriers , 6c facilite la Vitrification, La foude du commerce, confîdérée chimi- quement, eft un compofé de foude cauftique, de carbonate de foude , de carbonate de po- tage en petite dofe , de fulfates de potafie 6c de foude , de muriates de foude , de charbon , de fer à l’état pruflîate ou bleu de Truffe , fuivant l’obfervation de Henckel, 8c de terre en partie libre , en partie combinée avec Lalkali fixe , comme dans celle de Cherbourg. Pour féparer ces fubfiances , 8c obtenir de carbonate de foude pur , on la lefiive avec de l’eau difiillée froide ; on filtre cette lefiive pour féparer la terre,, le fer 8c les matières char- bonneufes; enfuite on l’évapore, comme nous l’avons dit pour la potaiïe. On purifie cet alkafi plus facilement que celui de la potalfe, parce que comme il criflallife plus facilement, il fe fépare mieux de la portion de foude cauflique* cependant il entraîne dans fa criftab Bfation quelques-uns des fels neutres 8c du bleu de Prude qu’il contient, 8c il faut les en féparer par plufieurs cfififoludons 8c crifiallifations fuo- edEvcs* ïj’Hist. Nat. et de Cïïîmie. 217 3*. On prépare en pharmacie des Tels fixes , qui ont été fort recommandés par Takenius , & qui portent encore fon nom. Le procédé de ce chimille confite à mettre dans une mar- mite de fonte la plante dont on veut retirer le fel ; on fait chauffer ce vaiffeau jufqu’à ce que fon fond foit bien rouge; la plante, qu’on remue continuellement, exhale beaucoup de fumée ; elle s’enflamme , alors on couvre la marmite avec un couvercle qui lailfe diffiper la fumée en fuffoquant la flamme. Parce moyen, la plante fe confume peu- à-peu ; lorfqu’elle eft réduite en une efpèce de cendre noirâtre, on la leffive avec l’eau bouillante , & en éva- porant cette leffive à ficcité , on obtient un fel jaunâtre ou brun. Ce fel ell fouvent alkalin • mais il eft fort impur ; il contient beaucoup de matière extractive qui le colore , & qui fe trouve mêlée avec tous les fels neutres que la plante contenoit ; il eft dans une forte d’état favoneux, ce qui le fait employer en méde- cine avec quelque fuccès ; mais il ne faut pas croire qu’il ait les mêmes vertus que la plante d’où on l’a extrait , puifque la combuflion en a a'.téré néceffairement les principes. Il feroit important d’examiner par l’anal y fe chimique les différens fels fixes des plantes , préparés à U manière de Takenius, pour découvrir les '2i8 ÊiImüts fubflances falines & extradives qu’ils contient nent, & pour pouvoir déterminer leurs vertus & la dofe à laquelle chacun d’eux doit être adminiftré. 4°. Lorfqu’on a enlevé par la leffive des cendres des végétaux, tout ce qu’elles con- tenoient. de matières falines , il ne relie plus qu’une fubftance pulvérulente , plus ou moins blanche ou colorée , infipide , infoluble dans l’eau, & qu’on a regardée jufqu’àpréfent comme formée par des terres. ,On peut en retirer du fer par le barreau aimanté. Ce métal étoit tout formé dans le végétal , ainfi que le manganèfe qu’on y a trouvé il y a quelque tems. Plufieurs natura- lises ont penfé que c’efl au fer que font dues les couleurs des plantes. M. Baume , qui., dans fou mémoire fur les argiles, a fait men- tion dn rélidu terreux des végétaux , allure qu’il forme avec l’acide fulfurique de l’alun & du fulfate de chaux un peu différent de celui qui ell produit par la terre calcaire pure. M. Baume croit, d’après cela, que la terre des végétaux ell formée d’argile , Sc d’une terre voiline des terres calcaires , quoi- qu’elle différé fenfiblement , fuivant lui de ces dernières , en ce qu’elle ne forme point de chaux vive par l’adion du feu. Il d'Hist. Nat. et de Chimie. 21^ penfe que l’argile eft formée dans ces êtres parles collifions qu’y éprouve la terre filicée, & par l’aétion des acides auxquels elle fe combine ; que l’argile , une fois formée, paiïe à l’état de terre calcaire, par les nouvelles élaborations qu’elle fubit dans les filières des végétaux. Qu’il nous foit permis d’obferver que les dé- couvertes faites en Suède fur la nature faline des , os des animaux , qui font pour ces êtres ce que paroîtêtre le tiflu fibreux des plantes pour les vé- gétaux, femb'lent annoncer que le réfidu de ces derniers n’èftrièn moins qu’une terre. Peut être qu’une analyfe exacte, telle qu’on n’en a point encore faite fur cet objet, apprendrait que ce qu’on a pris pour une matière terreufe, n’elt que du phofphate calcaire. A11 moins eft-il permis de le foupçonner , d’après les travaux de Margraf , de M. Berthollet , qui ont retiré du phofphore de la graine de finapi , du gluten &deplufieurs autres matières végétales, 8c ceux de M. Halfenfratz qui a extrait de l’acide phof- phorique , de beaucoup de plantes des marais. 220 E L É M E U S CHAPITRE XXII. Des Fermentations en général , & de la Fermentation fpiritueufe en particulier . Ap r ès avoir confldéré les végétaux tels que la nature nous les préfente , il faut connoître les changeraens & les altérations qu’ils font fuf- ceptibles d’éprouver dans différentes circonf- tances : ces altérations, qui dépendent entière- ment de leur nature, font toujours dues à un phénomène que l’on appelle fermentation. La fermentation efl un mouvement fpontané, qui s’excite dans un végétal , & qui en change totalement les propriétés. Ce mouvement efl propre aux fluides des corps organiques , & il n’y a que les fubflances élaborées par le prin- cipe de la vie végétale ou animale qui en foiertt fufceptibles. Les chimifles n’ont pas affez in- fiflé fur cette importante vérité, dont l’applica- tion aux phénomènes des êtres organifés , efl fingulièrement utile au médecin. Il y a plufieurs circon fiances néceffaires à toute efpèce de fermentation. Telles font: i°. Un certain degré de fluidité j en effet, des d’Hist. Nat. et de Chimie. 22 1 fubftances sèches n’éprouvent aucune efpèce de fermentation. 2°. Une chaleur plus ou moins forte. Les degrés de chaleur varient pour chaque efpèce de fermentation ; mais le froid les arrête toutes. Les chimiftes ont diflingué , d’après Boer- haave, trois efpèces de fermentations; la fpi- ritueufe , qui fournit de l’alcohol ; la fermenta- tion acéteufe , qui donne le vinaigre ou l’acide acéteux ; la fermentation putride ou la putréfac- tion , qui produit de l’ammoniaque. Il faut obferver qu’il y a plufieurs mouvèmens fermen- tatifs , qui femblent ne point appartenir à ces trois efpèces; telles font peut-être la fermenta- tion panaire, celle des mucilages fades, celle qui développe des parties colorantes } &c. On a cru que les fermentations fe Envoient tou- jours dans l’ordre que nous venons d’énoncer; mais il y a des corps qui deviennent acides fans avoir palTé auparavant à la fermentation fpiritueufe ; & il en eft d’autres qui fe pour- riiïent fans éprouver les deux premières fer- mentations. Obfervons encore que le motive- ment inteftin de la maturation paroît conftituer une efpèce de fermentation primitive qui dé- veloppe la matière fucrée. La fermentation fpiritueufe eft celle qui 22 2 è i, ’i M E K 3 fournit de l’alcohol. Pour bien connoître cetté fermentation , nous confidérerons , i°. les con- ditions néce flaires à fa production ; 2°. les phé- nomènes qui l’accompagnent ; 30. les diverfes matières qui en font fufceptibles ; 40. la caufe de ce mouvement inteftin ; y°. le produit qu’elle fournit. L’expérience a appris aux chimifles , que toutes les matières végétales ne font pas fufcep- tibles de pafler à la fermentation fpiritueufe , & qu’il efl néceflaire , pour qu’elle ait lieu , qu’on réunifie plufieurs circonflances particu- lières : ce font ces différens objets que nous conlidérons comme conditions nécefîaires à la fermentation fpiritueufe. Ces conditions font : i°. Un mucilage fucré. Il n’y a que cette matière qui foit fufceptible de pafler à la fer- mentation fpiritueufe. 20. Une fluidité un peu vifqueufe. Un fuc trop fluide ne fermente pas plus qu’un fuc trop épais. 30. Une chaleur de dix à quinze degrés au thermomètre de Réaumur. 40. Une grande malle , dans laquelle il puiiïe s’exciter un mouvement rapide. Lorfque les quatre conditions que nous venons d’indiquer font réunies, alors la fer-« d’Hist. Nat. et de-Chimie. 22 1 tnentation fpiritueufe s’établit, & on la recon- noît à des phénomènes conftans qui la carac- térifent. Voici ce que l’obfervation a appris fur cet objet. i°. Il s’excite dans la liqueur un mouvement qui va en augmentant jufqu’à ce que la fer- mentation foit bien établie. 2°. Le volume du mélange efl bientôt aug- menté, & cette augmentation fuit la progreflion du mouvement. 30. La tranfparence de la liqueur efl trou- blée par des lîlamens opaques qui font agités éc portés dans tous les points de ce fluide. q°. Il fe produit une chaleur qui va jufqu’à dix-huit degrés fuivant M. fabbé Rozier. y0. Les parties folides mêlées à la liqueur s’élèvent & la furnagent à caufe du fluide élaf- tique qui s’y développe. 6°> Il fe dégage une grande quantité de gaz acide carbonique. Ce gaz forme au-de'îus des cuves une couche que l’on diflingue facilement de l’air. C’efl dans cette couche que M. Prieft- ley. 8c M. le duc de Chaulnes ont fait leurs belles expériences. Les bougies s’y éteignent, les- animaux y meurent; la chaux difloufe dans l’eau y efl précipitée en craie; les alkalis cauf- tiques criltallifent parfaitement. C’efl cet acide contenu fur les cuy-cs en fermentation qui 224 ÉLÉMENT expofe a un danger fi grand les hommes qui y travaillent. 7°. Le dégagement de ce gaz efi accom- pagné de la formation d’un grand nombre de bulles , qui ne font dues qu’à la cofité de la liqueur que l’acide Carbonique ell obligé de traverfer. Tous ces phénomènes s’appaifent à mefure que la liqueur, de douce & fiicrée qu’elle étoitj devient vive j piquante & fufceptible d’enivrer. «■ Le befoin a fuggéré aux hommes de pré- parer des liqueurs fermentées avec un grand nombre de fubflances végétales différentes les unes des autres; mais l’expérience a convaincu qu’il n’y a que les matières fucrées qui font fufceptibles d’en former. Parmi ces dernières celles dont on fait le plus d’ufage , 8c qu’il ell par conféquent nécefîaire d’examiner , font les fuivantes. i°. Le fuc de raifin produit le vin propre- ment dit, la meilleure de toutes les liqueurs fermentées. Pour bien connoître l’art du vigneron , dont l’objet efi très-important pour les befoins de la vie, il faut examiner, i°. la nature du terrein on croît la vigne. On fait qu’un fol fec Sc aride ell en général très-bon pour cette plante } 8c qu’une terre gïaffe & for ta? ^Hist. Nat. et de Chimie. 12$ forte ne lui convient pas. 2°. Le travail & la culture de ce végétal; on le taille, on en courbe les branches pour arrêter le cours de la sève î on a foin que la vigne foit expofée au foleil , & fur - tout à la réverbération de fes rayons par la terre, &c. on ne lui fournit point d’engrais , &c. f. L’hifloire de la vé- gétation de la vigne , de fon expofition , de fa fioraifon , de la formation du raifin , de fa maturité ; q.°. celle des accidens auxquels elle eîl expofée, tels que la gelée, îa pluie abon- dante, l’humidité ; j°. le tems de îa vendan- ge, qui doit être fec & chaud. Ces connoif- fances préliminaires une fois acquifes , on doit confidérer l’art de faire le vin , qui con- fiile à mettre les raifins égrappés dans une cuve, à les expofer à une chaleur de quinze à feize degrés , à les écrafer , à les fouler ? à les agiter; alors la fermentation s’y excite „ & tous les phénomènes ont lieu. Le fuc de raifin , ou le moût , ne doit être , ni trop fluide , ni trop épais ; dans le premier cas , on l’épaiflît par la cuiffon ; dans le fécond , on le délaye avec de l’eau. Lorfque le vin eft fait , on le foudre & on le met dans des tonneaux qu’on ne bouche pas. Il éprouve une leconde Fermentation infenfible qui eu combine plus intimement les principes; il s’eu Tome If^% p &2$ Ê L Û M E N S précipite une lie fine & un fe! connu fous le' nom de tartre , que nous avons examiné dans un des premiers chapitres de ce vo- lume. Pour conferver le vin, on le fourre ou on le mute , en failant brûler dans le ton- neau où il ell contenu , des linges imprégnés de foufre. Il eft encore important de connoître les différons vins. La France en produit un grand nombre d’excellens. Ceux de Bourgogne font les meilleurs de tous pour l’ufage journalier. Leurs principes font parfaitement combinés , & il n’y en a aucun qui domine. Les vins de l’Orléannois ont des qualités affez fem- blables à ceux tle Bourgogne , lorfque le tems a diïîipé un peu de leur verdeur, & a enchaîné l’efprit ou l’alcohol qui y efl excé- dent. Les vins rouges de Champagne font très - bons & très - délicats. Le vin blanc non moulîeux de ce pays vaut beaucoup mieux que le vin mou (feux , dont le goût piquant fk aigrelet , ainfi que la propriété de mouller , dépendent de l’acide carbonique qui y a pour ainfi dire été renfermé loiTqu’on l’a mis en bouteille avant que la fermentation fût ache- vée. Les vins de Languedoc & de Guyenne font foncés en couleur , très-toniques & rrès- ftoiiiachiques, fur- tout tjuand ils font vieux* ÎD’HlSf. N Aï. Eï DE ChiMiÈ. Ôâf Les vins d’Anjou font blancs , fort fpiritueux, & ils enivrent très - promptement. Quant aux vins étrangers , ceux d’Allemagne * connus fous le nom de vins de Rhin 8c de la Mofelle , font blancs, très - fpiritueux -, leur faveur eft fraîche & piquante ; ils enivrent très-promp- tement. Quelques vins d’Italie , tels que ceux d’Orviette, de Vicence, le LaciÜma Chrifti, &c* font bien fermentés, & imitent affez les bons vins de France : ceux d’Efpagne & de Grèce fout en général cuits, doux, peu fermentés > & très-mal fains. Il faut cependant en excepter ceux de Rota 8c d’Alicante , qui paffent , avec raifon , pour des ftomachiques 8c des cordiaux très-utiles. 2°. Les pommes &; les poires donnent 1er cidre 8c le poiré ; ces efpèces de vins font aiïez bons , 8c on peut en tirer de bonne eau® de vie, comme l’a démontré M. d’Arcet* 3°. Les cerifes fourniffent un affez bon vin , dont on retire une eau-de-vie nommée , par les Allemands kirchenw biffer . 4°. Les abricots, les pêches, les prunes , eil donnent de moins bon. j°. Le fucre, diffous dans l’eau, fermente facilement; on tire de cette efpèce de vin, fait avec lè fuc brut de la canne, une eau-de^ vie nommée tafjia , rhutti , guil dive , àc, P ij 228 É L É M E N S 6°. Les femences des graminées , & fpécia* bernent Forge , fournilTent une efpèce de via appelé bierre. L’arc du bralïeur confifte dans les procédés fuivans. On fait tremper Forge pendant trente ou quarante heures dans l’eau pour le ramollir ; on laide germer cet orge nais en tas ; on le sèche à la tou raille ou fourneau terminé par une trémie fur laquelle on l’étend ; on le crible enfuite pour en fé- parer les germes appelés toura'dlons • on le moud en une farine nommé malt on délaye cette faune dans la cuve matière avec de l’eau chaude qui diiïbut le mucilage ; on nomme cetie eau , premier métier ; on la reverfe de nouveau fur le malt, après l’avoir fait chauffer, & elle forme le fécond métier ; on la fait cuire & on la met à fermenter avec du hou- blon & de la levure, dans une cuve nommée guilloire ; quand la fermentation ed appaifée, on l’agite ou on bat la guilloire ; on tire la bierre dans des tonneaux ; la fermentation fecondaire en élève une écume nommée levure , qui fert à exciter la fermentation de la décodion d’orge dans la cuve guilloire. La germination déve- loppe dans l’orge une matière fucrée , à la- quelle il doit la propriété de former du vin* on en pourroit faire de même avec la plupart des autres femences graminées, d’Hist. Nat. et de Chimie. 229 Tous ces faits démontrent que. la matière fucrée ell le feul principe des végétaux , qui fait fufceptible de palier à la fermentation' fpîritueufe, & que l’eau ell nëceflaire pour la production de ce mouvement ihtéflin. M. La- voifler penfe que ce fluide eit décompofé dans cette opération ; Foxigèrie fe porte fur la matière charboneufe du lucre , & forme l’acide carbonique qui fe dégage pendant cette fermentation , tandis que l'hydrogène s’unit à l’huile du corps fucré , & forme une fif fiance- combullible très-légère, très-divifée 3 ’ qui contient beaucoup moins de carbone que le fucre entier , qui eft beaucoup plus légère „ beaucoup plus inflammable que lui, & qui conllittie l’alcohol. Le produit de toutes ces fübliances fermen- tées , ell une liqueur particulière plus ou moins colorée, d’une odeur aromatique , d’une faveur piquante & chaude, qui ranime fe jeu des fibres affaiblies , lorfqu’On la prend à petite dofe , & qui enivre lorfqu’on en boit trop; c’efl ce que tout le monde connoît fous le nom de vin. Le vin de raifln que nous prendrons pour exemple, efl un compofé d’ttne grande quan- tité d’eau , d’un arôme particulier à chaque vin, d’alcohol , d’un fel ellentieî nommé tar^ P iij ^30 É L É M E N 5 tre , & d’une matière extrado -réfineufe coi lorante , à laquelle les vins rouges doivent leur couleur. Avant d’indiquer les moyens de féparer ces principes, il faut connoître les propriétés du vin entier non altéré , & fes ufages. Le vin eft fufceptible de difioudre beaucoup de corps , en raifon de l’eau , de l’akohol &c du fel edentiel acide dont il eft formé. Il s’unit aux extraits , aux réfines, à certains métaux, &c. C’efi fur ces propriétés que font fondées les préparations des vins médicinaux. Tels font , :lVle vin émétique qui fe prépare en faifant macérer dans deux livres de bon vin blanc quatre onces de fafran des métaux ; on filtre Ja liqueur , ou bien on l’emploie trouble comme un très- fort irritant dans l’apoplexie, dans la paralyfie, &c, 2°. Le vin chalybé fait par la digefiion d’une once de limaille de fer avec deux livres de vin blanc ; c’efl un excellent tonique & apéritif, 30, Les vins végétaux qui fe préparent, a ou avec le vin rouge, dans lequel on fait macérer des plantes afiringen- tes , aromatiques ; b ou avec le vin blanc qu’on emploie ordinairement pour les plantes ami - feorbutiques ; c ou avec le vin d’Efpa? gne ; le vin fcîllitique fe fait avec cette efpèce de vin 1 ainfî que le laudanum liquide de d’Hist. Nat. et de Chimie. 231 Sydenham. L'on prépare ce dernier en foifant digérer pendant plulieurs jours deux onces d’opium coupé par tranches , une once de fafran , un gros de canelle & de clous de giro- fle concaffe , dans une livre de vin d’Efpagne. Ce médicament ell un trcs-bon calmant à la dofe de quelques gouttes, fur tout loilqu on craint que l’opium n’afloibliffe le malade, ou n’arrête quelqu’evacuation utile. Pour décompofer le vin Sc en féparer les difi'érens principes , on le fert ordinairement de Padion du feu. On diitille cette liqueur dans un alambic de cuivre étamé , auquel on adapte un récipient ; on obtient , des que le vin bout, un fluide blanc légèrement opaque & laiteux, d’une faveur piquante Sc chaude, d’une odeur forte Sc fuave ; on continue à recevoir ce fluide jufqu’à ce que les vapems qui s’en élèvent ceflent de s enflammer à l’approche d’une lumière. Ce produit cfl ce qu’on appelle eau-de-vie, c’efl un compofé d’eau , d’alcohol & d’une petite quantité d’huile qui lui ôte fatranfparen.ee pendant qu’elle diflill e , & qui la colore en jaune par la fuite. On ne doit point attribuer la couleur des vieilles eaux- de-vie du commerce à cette efpèce d huile feule qui paffe avec elle dans la dillillation 9 mais bien à la matière extradive du bois qu elle P iv 232 Ëlémens a di (Toute dans les tonneaux qui ont fefvi à la contenir. L'eau-de-vie efl la liqueur d’où on extiait 1 alcohol , co mme nous le verrons plus bas. Après avoir fourni l’eau - de vie, le vin ell dune couleur foncée, d’un goût acide & auflère ; ii ert trouble , & on y ob- ferve une grande quantité de criflaux falins qui ne font que du tartre. Ce fluide eft alors tout- a- fait décompofé , & on ne peut plus lui donner fes premières propriétés , en combinant le produit fpiritueux qu’on en a obtenu avec le réfidu qu’il a fourni. Cette analyfe elt donc compliquée. Si on évapore îe réfidu du vin d’où on a retiré l’eau-de vie, il prend la forme & la conflflance d’un ex- trait. On peut en féparer la partie colorante avec 1 alcohol , qui ne touche point au tartre. Cette efpece de teinture n’efl point précipitée par ! eau ; en l’évaporant à flccité , le réfidu s enflamme facilement , & eft diflbluble dans 1 eau ; c efl une véritable fubflance réfino-extrac- tive que l’alcohol formé par la fermentation a enlevée de la pellicule des raifins. On voit d après cette analyfe , que le vin efl vérita- oiement compofé d’eau, d’alcohol, de tartre, d'une matière colorante & d’un arôme qui fe perd ou fe modifie par l’aâion du feu. Nous connoiflons la nature & les propriétés de la d’Hist. Nat. et de Chimie. 23? plupart de ces fubfïances , il ne nous reüe plus qu’à examiner celles de l’alcohol. Avant de parler de ce produit , nous de- vons dire un mot d’une fubflance qui Te pré- cipite du vin pendant la fermentation , 8c qu on appelle lie. C’efl un compofé de pé- pins , de pelures de raifins , de tartre groffier & de fulfate de potafTe. On en retire de l’eau-de-vie en la diflillant à feu nud. Si on la traite a la cornue } elle donne du phleg- me acide , de l’huile , de l’ammoniaque , 8c fon charbon contient du carbonate 8c du ful- fate de potafTe. L incinération de la lie du vin , faite à l’air libre , fournit de la potafTe • cauflique, mêlée de carbonate 8c de fulfate de potafTe , qui efl connue dans les arts fous le- nom de cendres gravelées. Les détails dans lefquels nous allons entrer fur les propriétés de I alcohol , completteront ce que nous Verîons de dire fur la lie. *3* E L i M E N S CHAPITRE XXIII. Du produit de la Fermentation Jpiritueufi OU de U A kohol. u-D e-v i E que l’on retire en didillant le vin à feu nud , eft un compofé d’alcohol , d’eau , & d’une petite portion de matière hui- leufe. Pour féparer ces fubftances , & obtenir l’alcohol pur, on fe fert de la diftillation. Il y a pluHeurs procédés pour diililler 1 alcohol. 3\I. Baunié confeille de dhldler l'eau-de vie au bain -marie un allez grand' nombre de fois, pour en tirer tout ce qu’elle contient de fpiii- tueux. Il recommande de féparer le premier quart du produit de la première di délation , & de mettre également à part la premièie moitié du produit des diflillatiôns Rêvantes; on mêle cnfemble tous ces premiers produits, & on les reélifie à une chaleur douce. La première moitié de liqueur qui paie dans cette rectincation , eft l’alcohol k plus pur & le plus fort ; le relie eft un alcohol moins fort, mais encore très -bon pour les ufages ordinaires. Rouelle prefcrivoit de retirer , par la diftillution au bain-marie, la nioitié de l’eau de-vie e mployée -, ce premier produit eft de l’alcohol commun ; en le re&iian* d’Hist. Nat. ST de Chimie. 237 deux fois , & le réduifant environ à deux tiers, on obtient de l’alcohol plus fort , que l’on dillille de nouveau avec de l’eau , d’après le procédé de Kunckel ; l’eau fépare l’alcohol de l’huile qui l’altéroit : on rectifie cet alcohol dillille avec l’eau , & on elt sûr alors de l’avoir parfaitement pur. Le réfidu de l’eau-de-vie difiillée n’elt qu’une eau chargée de quelques parties colorantes , & furnagéç par une efpèee d’huile particulière. On conçoit que ce fluide peut , d’après les differens procédés que l’on emploie , avoir differens degrés de force 8c de pureté. On a cherché depuis long -teins des moyens de re- connoître fa pureté. On a cru dtebord que l’alcohol, qui s’enfiammè facilement 8c qui 11e laide aucun réfidu, étoit très-pur; mais on fait aujourd’hui que la chaleur, excitée par fa corn- bultion , ell allez forte pour diffiper tout le phlegme qu’il pourroit contenir. On a propofé l’épreuve de la poudre ; lorfque l’alcohol allumé dans une cuiller fur de la poudre à canon ne l’enflamme pas, il ell regardé comme mauvais; fi, au contraire, il y met le feu, on le juge très -bon. Mais cette épreuve ell fautive & trompeufe, car en mettant beaucoup du meil- leur alcohol fur peu de poudre , l’eau qu’il fournit dans fa combuflionj humecte te poudre. & elle ne s’allumera pas , tandis qu’on pourra l’enflammer en faifant brûler à fa furface une très -petite quantité d’alcohol phlegmatiqwe. Ce moyen n’eft donc pas plus sûr que le pre- mier. Boerhaave a donné un très- bon procédé pour connoître la pureté de ce fluide ; il con- Clie à jeter dans Palcohol de la potafle bien sèche en poudre. Elle s’unit à l’eau furabondante de Palcohol , & elle forme un fluide plus pefant fèc plus coloré que Palcohol , & qui ne fe mêle point avec ce dernier qui le fumage. Enfin , M. Baumé , fondé fur ce que Palcohol efl d’autant plus léger que l’eau , qu’il efl plus pur, a imaginé un aréomètre , à l’aide duquel on peut déterminer d’une manière exaéte le degré de pureté de ce fluide & de toute^ les liqueurs fpiritueufes. Cet infiniment plongé dans l’ai— cohol , s’y enfonce d’autant plus que ce fluide efl plus pur. Il s’efl afîtiré par des expériences bien faites , que Palcohol le plus pur & le plus redifié donne trente-neuf degrés à fou aréomètre , à dix degrés du thermomètre de Réaumur. On peut voir dans fes étémens de pharmacie, la manière de conllmire cet infini-? nient, ainfi que les réfultats que Paîcohol mêlé avec différentes quantités d’eau a donnés ; ce qui peut fervir à faire reconnoître par compa- rai fon celui qu’on examine au pèfe- liqueur. t>>HlSTkNAT. ET DE CHIMIE. L’alcohol pur , obtenu par le procédé que nous venons de décrire , eil un fluide tranf* parent, très- mobile , très -léger, qui pèfe fix gros quarante - huit grains , dans une bouteille qui tient une once d’eau diflillée. Son, odeur efl pénétrante & agréable ; fa faveur efl vive & chaude. Il efl extrêmement volatil. Lorf- qu’on le chauffe même légèrement dans des vaiffeaux fermés , il s’élève & pafle fans alté- ration dans les récipiens ; il fe concentre par ce moyen, '& il fe fépare du peu d’eau qu’il pourroit contenir. C’efl pour cela que les pre- mières portions font les plus fuaves , les plus volatiles & les plus pures. On croyoit autre- fois que , dans la diflillation de l’alcohol , il fe dégageoit toujours une grande quantité d’air; on fait aujourd’hui que c’efl la partie fpiritueufe qui fe fépare de l’eau, 8c qui fe volatilife dans l’état de gaz. Lorfqu’on chauffe l’alcohol avec le contaifl de l’air , il s’allume bientôt 8c préfente une flamme légère, blanche dans le milieu, & bleue fur fes bords , il brûle ainfi fans lailfer aucun réfidu , lorfqu’il efl bien déphlegmé. Plufieurs chimifles ont effayé de favoir ce que donne l’alcobol en brûlant. Ils fe font allurés que fa flamme n’efl accompagnée d’aucune fuie ni d’aucune fumée , 8c qu’en recevant ce qui s’en « _ 238 È t 1 M E NS. volatilife , on n’obtient que de l’eau pure , infi- pide, inodore Sc abfolument dans l’état d’ead diflillee. Boerhaave penfoit d’après ce phéno- mène , que la flamme étoit dûe à l’eau , & cette opinion efl confirmée par ce qu’on fait aujourd’hui fur le gaz hydrogène obtenu de la décompofition de l’eau , & par l’eau qu’on obtient en brûlant ce même gaz avec l’air vital. M. Lavoifier a découvert en brûlant de l’alcohol dans une cheminée propre à en recueillir les vapeqrs , que l’on obtient plus d’eau que l’on n’emploie de ce liquide ; ce qui prouve que l’alcohol contient une grande quantité de gaz hydrogène ; d’un autre côté 3 M. Berthollet a remarqué que lorfqu’on fait brûler un mélange d’alcohol & d’eau , le fluide réfidu précipite l’eau de chaux ; cette expé- rience annonce que l’alcohol contient un peu de carbone qui , par fa combuflion ou fa combinaifon avec l’oxigène , forme de l’acide carbonique. Les chimifles ont adopté différentes opinions fur fa nature. Stahl, Boerhaave, & plu- fieurs autres ont regardé ce fluide comme com- pofé d’une huile très-tenue, d’un acide atténué, & d’eau. C’eff donc, fuivant cette opinion, une forte de favon acide. D’autres , à la tête, defquels on doit placer Cartheufer & Macquer, penfent que l’alcohol efl formé de l’union d’Hist. Nat. et de Chimie. 239 * du phlogiftique avec l’eau. On ne connoît pas encore bien la nature de celte liqueur. L'alcoliül expofé <* l’air s’évapore à une tem- pérature de dix degrés au - delTus de la glace, & il ne lai lie aucune efpèce de refidu, lî ce n’eft un peu d’eau , lorfqu’il n’eft pas très- déphlegmé. Cette évaporation à l’air efl d’au- tant plus rapide , que l’atmofplière eft plus chaude ; elle produit un froid plus ou moins vif, fuivant fa rapidité ; à 68 degrés de chaleur au deffus de o du thermomètre de Réaumur, l’alcohol eft fous forme de fluide élaiiique. L’alcohol s’unit à l’eau en routes proportions, & il y eft parfaitement diflbluble. Cette difto- lution fe fait avec chaleur, 8c elle forme des efpèces d’eaux-de-vie d’autant plus fortes, que l’aîcohol y eft en plus grande quantité. L’affinité de combinaifon entre ces deux fluides efl fl forte, que l’eau eft capable de féparer de l’al- cohol plulieurs corps qui lui font unis, 8c que réciproquement l’alcohol décompofe la plupart des dilîolutions falines, 8c en précipite les tels. C’eft d’après cette dernière propriété que Boul- duc a propofé de fe fervir d’alcohol pour précipiter les fels contenus dans les eaux mi- nérales, 8c pour les obtenir fans altération. L’alcohol n’a point d’a&ion fur les terres pures. On ne fait point s’il feroit altéré par la ap ElImeîî* baryte & la magnéfie. La chaux paroît fufcep- tible de lui faire éprouver quelque changement, piiifqué , lorfqu’on dillille l’aleohol fur cette fub (tance falino-terreufe , ce fluide prend une odeur particulière ; mais on n’a pas fuivi cette altération» Les alkalis Axes paroiiîent décompofer réelle— ment l’alcohol , comme le prouve la prépara- lion connue en pharmacie fous le nom de teinture âcre de tartre . Pour préparer ce médi- cament, on fait fondre de la poîaffe dans un creufet, on la pulvérife toute chaude, on là met dans un matras ; on verfe de l’alcohol très-déphlegmé trois ou quatre travers de doigt au-delTus du fel ; on bouche le matras avec un autre plus petit ; on les lute enfembîe 8c on fait digérer le tout au bain de fable, jufqu’à ce que l’alcohol ait acquis une couleur rou- geâtre. Il relie plus ou moins d’alkali au fond du vaiffeau. En diflillant la teinture âcre de tar- tre, on obtient un alcohol d’une odeur fuave, peu altéré , 8c la cornue offre une matière femblable à un extrait favoneux , qui dïflillée à feu nud , donne de l’alcohol , de l’ammonia- que , 8c une huile empyreumatique légère ; il relie après cette opération un peu de charbon a dans lequel on retrouve de la potafle. Cette expérience femble démontrer que l’alcohol con- tient / b’HisT. Nat. et de Cüîmïe. 24*1 tient une huile dont l’alkali fîxes’empàre , & avec laquelle il forme un véritable favon, qui fe trouve dilfous dans la portion d’alcohol non décorn*, pofé. Le lilium de Paracelfe ne différé de la teinture âcre de tartre, que parce que l’alkali fixe qu’on emploie pour le préparer, paroît avoir été mis dans l’état de catiflicité par les oxides métalliques avec lefquels il a été chauffé. On fait fondre enfemble les régules d'antimoine maniai , jovial , & de venus à la dofe de quatre onces de chaque , on les réduit en poudre , on les fait détoner avec dix- huit onces de nitre 8c autant de tartre ; on pouffe à la fonte, on pulvérife ce mélange â on le met dans un matras, & on verfe par- deffus de l’alcohol bien déphlegmé , jufqu’à ce qu’il fumage de trois ou quatre travers de doigt. Ce mélange mis en digeftion fur un bain de fable, prend une belle couleur rouge a plus foncée que la teinture âcre de tartre, & elle préfente tous les mêmes phénomènes j on peut faire cette dernière entièrement fem- blable au lilium de Paracelfe , en faifant digérée l’alcohol fur l’alkali fixe cauftique, au lieu de fe fervir de fel fixe de tartre , que l’affion du feu ne prive pas entièrement d’acide carbonique, à moins qu’on ne le tienne rouge pendant long- Xems. M. Berthollet s’eft affuré que ces teîflh Tome IP f • o ■ E L É M E K S tures ne font que des dilfolutions de potnfle cauftique dans l’alcohol , & qu’elles fournif- fent un moyen utile d’obtenir cet alkali très- pur , en le féparant par l’évaporation. L’alcohol a la même action fur la fonde pure. La teinture âcre de tartre & le lilium font de très - bons toniques & de puiffans fondans. On les em- ploie dans tous les cas où les forces des ma- lades ne font point fuffifantes pour favorifec les crifes , comme dans la fièvre maligne , les petites véroles de mauvais caraétère, &c. On n’a point encore bien examiné l’aclion de l’ammoniaque cauftique fur l’alcohol. Tous les acides préfentent avec l’alcohol , des phénomènes fort importans à obferver; lorfqu’on verfe de l’acide fulfurique bien con* centré fur partie égale d’alcohol reétifié , il fe produit une chaleur & un fifflement remarqua- bles ; ces deux fubflances fe colorent, Si il fe dégage en même-rems une odeur fuave, com- parable à celle du citron ou des pommes de reinette. Si l’on place la cornue dans laquelle on fait ordinairement ce mélange, fur un bain de fable échaufté, & qu’on y adapte deux grands ballons , dont le premier plonge dans une terrine pleine deau froide, on obtient, 1°. un alcohol d’une odeur fuave ; 2°. une liqueur nommée éther , d’une odeur très-fuavej d*Hîst. Nat. et de Chimie. 24^ ti’iinc volatilité extrême , & dont là préfencé efl annoncée par l’ébullition de la liqueur con- tenue dans la cornue , & par les 'grottes il ri es qui fillonnent la voûte de ce vattfeau On à foin de rafraîchir le ballon qui le reçoit, avec des linges mouillés. 3°. Après l’éther , il paffs de l'acide fülfureux, dont la couleur blanche Si l’odeur avertiffeno qu’on doit déluter le ballon pour avoir l’éther fépuré. 4°. Il fe volatilité cil inême-tems une huile légère, jaunâtre, qu’on nopelle huile douce de vin± On doit modérer beaucoup le feu après que l’tther efl patte * parce que la matière contenue dans la Cornue: efl noire, épaitte , & fe bourfouffle considéra- blement. ç°. Lorfque l’huile douce efl toute difliîlée , il patte encore de l’acide fuifureux, qui devient de plus en plus épais. & n’efl plus à la fin que de l’acide fulfurique noir Si laie. 6°, En continuant cette opération par un feu doux, on parvient à deiïecher entièrement le réfîdü , Si à lui donner la forme 8c la conffl- tance d’un bitume. On en* retire une liqueur acide, Sc une fubttance sèche & jaunâtre comme! du foufre, en expofant ce bitume à un leu très-fort. fvl. Bauiné, qui a fait une grande fuites de travaux fur l’éther fulfurique , a examiné' te ré fi du avec beaucoup de-foin; il y a trouve du fulfate de fer, du bleu de Prude* une lubff Q h tance faline & une terre particulière , dont il na point déterminé la nature : il allure meme que le fublimé jaunâtre qu'il fournit , n’efl point du foufre, 8c qu’il refie blanc & pulvérulent, fans s’enflammer fur les charbons. Nous ajou- terons à ces détails , que le réfidu de l’éther peut refournir de nouvel éther en y ajoutant, fuivant le procédé de M. Cadet , un tiers d al- cohol déphlegmé parla potaffe, & en diflillant ce mélange. On peut réitérer plufieurs fois ces diflillations, & retirer ainfi d’un mélange de fnc livres d’acide fulfurique 8c d’alcohol , auquel on ajoute fuccefïivement quinze livres de ce dernier fluide, plus de dix livres de bon éther. L’opération que nous venons de décrire, efl une des plus fingulières que la chimie fourmfle par les phénomènes qu’elle préfente , &c en même tems une des plus importantes , par les lumières quelle peut répandre fur la compofi- tion de l’alcohol. Il y a fur la formation de l’éther, deux opinions qu’il efl nécellaire de faire connoître. Macquer, qui, comme nous l’avons dit, regarde l’alcohol comme uncom- pofé d’eau 8c de phlogiftique , penfe que l’acide fulfurique enlève l’eau de cette fubflance, Sc la rapproche de plus en plus des caradères de l’huile. Ainfi , fuivant cette opinion, il paüe d’abord de l’alcohol peu altéré, enfuite urç t>’HisT. Nat. et de Chimie. 247 fluide qui tient le milieu entre l’alcohol & l’huile, qui eft l’éther, & enfin une véritable huile ; parce que l’acide fulfurique agit avec d’autant plus d’énergie fur les principes de l’al- cohol , que la chaleur employée pour obtenir l’éther efi plus forte. Bucquet , frappé d’une objeétion forte qu’il avoit faite à cette théorie, fur ce qu’il étoit difficile de concevoir comment l’acide fulfurique , chargé des le commence- ment de fon action fur l’alcohol , d’une cer- taine quantité d’eau qu’il avoit enlevée à ce fluide, pouvoit , quoique phlegmatique, réagir affiez fur line autre portion du même alcohol pour le mettre dans l’état huileux , a propofé une autre opinion fur la production de l’éther; il regardoit Talcohol comme un fluide com- pofé d’huile, d’acide & d’eau; il penfoit que lorfqu’on mêloit l’acide fulfurique à l’alcohol , il réfultoit de ce mélange une forte de fluide bitumineux , qui fourniflbit par la chaleur les mêmes principes que tous les bitumes, c’efl-à- dire, une huile légère, très- odorante , très- combuflible , une efpèce de naphte qui étoit l’éther, & enfuite une huile moins volatile & plus colorée que la première , qui étoit l’huile douce du vin ; on verra en effet par les pro- priétés de l’éther, que nous allons examiner; que ce fluide a tous les caractères d’une huile . Q “j E L É M E N S très-tenue , Sc telle que le naphte. Cette théorie m’explique point aflez clairement ce qui fe patte dans la préparation de l’éther; il paraît que l’oxigçne elt enleve a 1 acide lultutique par l’alcohol ; qu’une partie de l’hydrogène , prin- cipe de ce dernier, forme de 1 eau avec cet oxigène , & que l’alcohol , privé de cette portion d’hydrogène , forme l’éther. Mais tout ce qui fe patte dans cette opération n’elf pas encore connu. L’éther , obtenu par le procédé que nous avons décrit, n’eft pas très-pur; il ett uni a de l’alcohol âi à de l’acide fulfureux. Pour le reéliher , on le diflihe dans une cornue au bain de fable, avec de l’alkali fixe. Ce fel fe com- bine avec l’acide fulfureux , & l’éther patte très-pur à la plus douce chaleur. Si l’on fépare la première moitié de ce produit, on obtient l’éther le plus pur & le plus reétifié. L’éther ett un fluide plus léger que l’alcohol , d’une odeur forte, fuave & très - expan'ihle , d’une faveur chaude & piquante. Il efl fi vo- latil , qu’en le verfant ou en l’agitant , il fe diflipe en un inftant. Il produit dans Ion éva- poration un froid te1 , qu’il peut faire geler peau , comme M. Baumé l’a démontré par les belles expériences, ü fe réduit en une foi te de gà z éthéïé , qui brûle avec rapidité. L’air qui d’Hist. Nat. et de Chimie. 247 tient de l’éther en dilfolution , peut paffer à tra- vers l’eau , fans ceffer d’être inflammable 8c 1* odorant. L’éther s’allume très - facilement , dès qu’on le chauffe à l’air libre ou qu’on en appro- che un corps enflammé ; l’étincelle éleélrique l’allume de même. Il répand une flamme blan- che fort lumineufe , 8c il lai fie une trace noire comme charboneufe à la furface des corps que l’on expofe à fa flamme. M. Lavoifler a conflaté qu’il fe forme de l’acide carbonique pendant la combuflion de cette liqueur, 8c M. Schéele que le réfidu de l’éther brûlé fur un peu d’eau contient de l’.açide fulfurique. L’éther fe diflout dans dix parties d’eau , fuivant AI. le comte de Lauraguais. On rfa point encore examiné en détail les phénomènes que l’éther préfenteroit avec toutes les fubflan- ces falines; on ne connoît bien que l’aètion de quelques acides. La chaux 8c les alkalis fixes ne paroiffent point fufceptibles de l’altérer.. L’ammoniaque cauflique s’y mêle en toutes pro- portions , & elle forme une matière dont l’odeur mixte pourroit être très-utile dans les afphixies & les maladies fpafmodiques. L’acide fulfuri- que s’échauffe beaucoup avec l’éther, & il peut en convertir une bonne partie en huile douce du vin par la diflillation. L’acide nitreux fumant y excite une effervefcence confldérable ; 8c Q iv 24$ É L É M E N S ï’éther femble devenir plus confîflant , plus coloré & plus huileux dans cette expérience* Mêlé avec la diüblution muriatique d’or , il re- tient une partie de ce métal , & femble agir alors comme les huiles volatiles qui retiennent égale- ment une portion d’oxide d’or. Il diffout les huiles volatiles & les refînes comme l’alcohol ; & les mé- decins emploient fouvent des teintures éthérées. L’éther efî regardé en médecine comme un tonique puifîant , & comme un très-bon anti- fpafmodique. On l’emploie dans les accès’hyllé- liques , dans les coliques fpafmodiques. 11 s’op- pofe promptement aux vices de la digeftion , qui ont pour caufe la foibleffe de l’eüomac. On ne doit l’adminiflrer qu’avec prudence, parce qu’on fait que fon ufagé exceflif efl dangereux ; on s’en fert encore avec fuccès à l’extérieur, dans les douleurs de tête, dans les brûlures, 8c c. Hoffman , qui s’efl beaucoup oc- cupé des combinaifons de l'alcohol avec l’acide fulfurique, fe fervoit d’un médicament compofé d’huile douce du vin diiïbute dans l’alcohol , qu’il appeloit liqueur minérale anodyne. La faculté de médecine de Paris a ajouté Péther à cette liqueur , 8c elle a prefcrit dans fon difpenlaire de la préparer en mêlant deux onces de l’alcohol qui pafTe avant l’éther, deux onces d’éther , & douze gouttes d’huile ü’Hist. Nat. et de Chimie. 24$ douce de vin. Ce médicament s’emploie comme l’éther ; mais il n’a pas à beaucoup près la même vertu. L’acide nitrique agit d’une manière très-rapide fur l’alcohol. Navier de Châlons eft le premier qui ait donné un procédé facile & peu difpen- dieux pour préparer l’éther nitrique. On prend d’après ce chimifle , une bouteille de Sèves très-forte , on y verfe douze onces d’alcohoî bien pur 8c bien reétifié , & on la plonge dans l’eau froide, ou mieux encore dans .la glace ; on ajoute à plufieurs reprifes, 8c en agitant chaque fois le mélangé , huit onces d acide nitrique concentré, on la bouche avec un bou- chon de liège , qu’on affujettit avec de la peau, 8c qu’on ficèle bien. On laiffe ce mélange en repos dans un endroit écarté, pour prévenir les acidens de la fraéture de la bouteille, qui quel- quefois a lieu. Au bout de quelques heures , il s’élève des bulles du fond de ce vaifleau , & il fe rafifemble à la furface de la liqueur , des gouttes qui forment peu-a-peu une couche de véritable éther. Ce dégagement a lieu pen- dant quatre à fix jours. Dès qu’on n’apperçoic plus de mouvement dans la liqueur , on perce le bouchon avec un poinçon pour laitier échapper une certaine quantité de gaz , qui , fans cette précaution, fortiroit brufquement en débou- 22p E L 2 M E N i chant la bouteille, & entraînerait l’éther, quî feroit perdu. Lorfque le gaz eil diff/pé , on dé- bouche la bouteille , on verfe la liqueur qu’elle contient dans un entonnoir , dont on bouche la tige avec le doigt , on fepare le réfidu d’avec l’éther qui le fumage, & on reçoit ce dernier dans un flacon à part. M. Woulfe a donné un autre procédé pour préparer l’éther nitreux. Il confifle à employer des vaifleaux très - grands , pour offrir beau- coup d’efpace à l’air qui fe dégage. On prend un ballon de verre blanc de huit à dix pintes, terminé par un col de fept à huit pieds de long; on le pofe fur un trépied affez élevé pour qu’on puiffe placer deffous un réchaud; on ajulle au col de ce matras un chapiteau tubulé , au bec duquel on adapte un tuyau de verre de fept à huit pieds ; ce dernier ell reçu par fon extrémité inférieure dans un ballon à deux pointes, percé en-deffous d’une tubulure à laquelle on joint un flacon ; on ajoute à la troifîème tubulure de ce ballon les bouteilles qui conflituent l’appareil de Woulfe que nous avons décrit plufieurs fois. Lorfque tous ces vaifleaux font bien lutés , on verfe dans le matras par la tubulure du chapiteau , une livre d’aîcohol reéüfié & autant d’acide nitreux fu- mant ; on bouche enfuite le chapiteau avec un d’Hist. Nat. et de Chimie, ayi bouchon de criltal , qu’on enveloppe d’une peau ficelée. Dès que le mélange ell fait , il s’échauffe beaucoup ; il s’en dégage des vapeurs qui parcourent rapidement le coldubalion; de en chauffant ce dernier jufqu’a 1 ébullition de la liqueur qu’il contient , il paffe de 1 ether nitrique dans le ballon qui fert de îecipient. Ce procédé , quoique fort ingénieux , a plu- ficurs inconvéniens. L appareil ell 1 ng a établir , il cil très-cher & très-embarrallant ; en outre, il expofe à des dangers, parce que, malgiç l’efpace donné aux vapeurs , edes le déga- gent fi rapidement , qn’il cil arrivé plufienis fois que les vaiffeaux fe font briiés avec fracas. M. Bogues a publié en 1773 une ?utre ma- nière de faire l’éther nitrique. Il concilie de mêler dans une cornue de verre de huit pintes* une livre d’aicohol avec une livre d acide ni- trique affaibli au point de ne donner que vingt- quatre degrés au pèfe-liquéur de M. baume; d’adapter à la cornue un ballon de douze pin- tes ; de donner paiîage à 1 air en aju liant deux tuyaux de plume a la jonction des hits , & de diiliüer à un feu très-doux, en n’enfon- çant que très-peu la cornue (jf&ns le labié. Il a eu par ce moyen fix onces d’un éther nitiique affez pur. Il paroît , d’après ce qu’a dit M. 1 abbé Rozier , que Mitouard employoit , dès 177°* ^ gj'S Ê L ï M 1 tf ÿ lin procédé affez fembîable à celui de M. Bo-* gués. Ce chimifte mettoit quatre onces d’efprit de nitre fumant avec douze onces d’alcohoî, en diüillation dans une cornue , qu’il ne faifoit que-pofer légèrement fur le fable, & il ob- tenoit, par ce moyen qui paroît le plus (impie de tous, de l’éther nitrique fembîable à celui de M. Navier. Enfin , M. de la Planche , apo- thicaire de Paris, a imaginé fucceflivement deux méthodes de préparer l’éther nitrique d’une manière affez commode. La première confîfle à mettre du nitre dans une cornue de grès tubulée , à laquelle on adapte un grand ballon ou deux enfilés , à verfer par la tubulure d’abord de l’acide fulfurique concentré , enfuite de l’alcohol. L’acide fulfurique dégage refprit de nitre qui réagit fur l’alcohol , & forme prefque fur le champ de l’éther nitrique. Comme on pouvoit foupçonner que l’éther préparé, par ce moyen , étoit en partie fulfurique , il a fubflitué à cette première méthode un fécond procédé fort ingénieux. Il adapte à une cornue de verre tubulée , dans laquelle il a mis fix livres de nitre bien fec , une allonge & un ballon qui communique par un tube recourbé à une bouteille vide. Cette dernière plonge à l’aide d’un fyphon dans une autre bouteille qui contient trois livres d’alcohol le i d’Hist. Nat. et de Chimte. 2 plus parfait. Le tout bien luté & la cornue pofée fur un bain de cendre, on jette fur le nitre , par la tubulure de ce dernier vaiffeau, trois livres d’acide fulfurique concentré , 011 ferme la cornue avec un bouchon de criflal * on donne le feu jufqu’à l’ébullition, 8c on l’en- tretient dans cet état jufqu’à ce qu’il ne paffe plus de vapeurs. Dans cette expérience l’acide fulfurique dégage celui du nitre qui pafle en partie dans le ballon 8c en partie dans le fécond flacon. L’opération finie, le ballon contient de l’acide nitreux fumant, la cornue du fulfate de potafle, & le fécond flacon une liqueur éthérée* On diflille cette dernière dans une cornue avec un fimple ballon, 8c on ne prend que les deux tiers du produit. On diflille ce produit avec un cinquième d’acide nitreux fumant, qu’on y verfe peu-à-peu à l’aide d’un entonnoir de verre à longue tige; on n’obtient que les deux tiers; enfin , on redifie ce fécond produit fur de la potafle, on en retire d’abord quatre onces puis les trois quarts du refle. Les quatre onces font de l’éther nitrique très-pur ; les trois quarts du refle font une liqueur minérale anodyne nitreufe. Les réfidus des deux redifications font de l’efprit de nitre dulcifié. L’éther nitrique , obtenu par tous ces difîe- jens procédés , efl un fluide jaunâtre , aufl* È L é M E N S Volatil & auffi évapofable que l’éther fulfuriqlfé$ fon odeur etl analogue à celle de ce dernier, quoiqu’elle foit plus forte 6c moins fuave ; fa faveur ell chaude 6c plus défagréable que celle de l’éther fulfuriqite. Il contient un peu d’acide furabondant; il fait fauter le bouchon des fla- cons dans lefquels il éft renfermé , parce qu’il s’en dégage continuellement une grande quantité de gaz; il répand en brûlant une flamme plus brillante 6c une fumée plus épailTe que l’éther fulfurique ; il iailfe auffi un charbon un peti plus abondant ; enfin, il enlève ccjfmme l'éther fulfurique l’or de fa dilTolution , 6c ils en chaige d’une certaine quantité. Leréfidu de l’éther nitrique efl d*une couleur jaune citrique ; fon odeur efl acide 6c aroma- tique ; fa faveur efl piquante & imite celle du vinaigre diflillé. Si on le diflille , il donne, fui ya ht M. Baume, une liqueur claire, daine odeur plus fuave que celle de l’éther nitrique, d’un goût acide agréable , qui rougit le firop de violettes , s’unit à l’eait en toutes propor- tions , 6c fait effervefcence avec le carbonate de potaffe. Il refie enfuite dans la cornue une' matière jaune ambrée, friable, femblable à du fuçcin, qui attire l’humidité de l’air, 6c y de- vient poiffeufe , qui fe diflout dans l’eau (ans Ja rendre mucilagineufe, Cette fubftance , que d’Hist. Nat. ET DE ChîMïE. 2 M. Baume appelle gümmi - favoneufe , donne à la cornue quelques gouttes d’une liqueur acidulée, très-claire, d’une confiftance huiletife & d’une légère odeur empyreümaticjue. Il relie après la diftillation un charbon fpongieux, bril- lant, fans faveur , très-fixe au feu. JBucquet dit que li on fait évaporer la liqueur qui relie après la formation de l’éther nitrique, elle prend la confiance d’un mucilage , & qu’il s’y forme au bout d’un tems plus ou moins loncr des criftaux falins , allez femblables à des chenilles velues , auxquels on a donné le nom de criüaux d’Hiœrne, d’après celui du chimifte qui les a le premier décrits; on a découvert que ce réfidu efl de l’acide oxalique : ce qui prouve que le radical , qui forme cet acide , efl contenu dans l’alcohol. L’acide muriatique n’a pas d’aflion fenfible fur l’alcohol ; cet acide n’elî que dulcifié par le (impie mélange de cette liqueur , comme le font les deux autres mêlés en petite quantité avec l’alcohol. M. Baumé, dans fa diflertation fur l’éther, dit avoir obtenu un peu d’éther muriatique, en faifant rencontrer l’acide muria- tique & l’alcohol en vapeurs. Ludolf & Pott ont employé le muriate d’antimoine fublimé dans cette vue. M. le baron de Bornes a prefcric de ^difloudre de l’oxide de zinc daus l’acide îfâ ÊtÈMÎNJ muriatique , & de diftiller ce fel concentré p zt l’évaporation dans des vaiffeaux fermés , avec l’alcohol. Ce procédé donne allez facilement de l’éther muriatique. Mais perfonne n’a fuivî ce travail avec autant de foin que ML le marquis de Courtanvaux. On verfè dans une cornue de verre, fuivant le procédé de ce chimifte, une pinte d’alcohol avec deux livres 8c demie de muriate d’étain, ou liqueur fumante de Libavius % il s’excite une chaleur très-forte, 8c il s’élève une vapeur blanche fuffoquante qui difparoît dès qu’on agite le mélange* il fe dégage une odeur agréable, & la liqueur prend une couleur citrine. On place la cornue fur un bain de fable chaud ; on lute deux ballons , dont le dernier efl plongé dans de l’eau froide. Il palTe bientôt de l’alcohol déphlegmé, l’éther monte enfuite; on s’en ap perçoit à fon odeur fuave & aux fines qu’il forme fur la voûte de la cornue. Dès que cette odeur change 8c devient forte 8c fuffoqnante , on change de récipient , & l’on continue de difliller; on obtient une liqueur acide claire , furnagée de quelques gouttes d’huile douce à laquelle fuccède une matière jaujfe, d’une confiflance butyreufe , un vrai muriate d’étain , 8c enfin une liqueur brune, pefante , qui exhale des vapeurs blanches fort abondantes. Il relie dans la cornue une matière grife b’HisT. Nat. et de Chimie. 257 grife pulvérulente , qui efl un oxide d’étain. On verfe le produit éthéré dans une cornue fur de la potafle , il fe fait une vive effervefcence & un précipité fort abondant , dû à l’étain que l’acide enlève avec lui pendant la diflil— lation. On ajoute un peu d’eau , & on diflille à une chaleur douce ; on obtient la moitié environ de ce produit éthéré. Toutes les liqueurs qui paffent après l’éther muriatique font très-* chargées d’oxide d’étain; elles attirent l’humidité de l’air , elles s’unilTent à l’eau fans rien pré- cipiter. On ne favoit pas à quoi attribuer l’aétion fi rapide de l’acide muriatique contenu dans la liqueur fumante fur l’alcohol , tandis que cet acide pur n’y agit en aucune manière; mais il paroît, d’après la découverte de Schéele , que cela efi dû à ce que cet acide efl alors dans l’état d’acide muriatique oxigéné, & que c’eft à l’excès de l’oxigène qu’il contient , qu’il faut attribuer la propriété qu’il a de convertir l’al- cohol en éther. Telle efi la théorie que j’avois donnée le premier de cette opération en 1781, 8c que les travaux de MM. Berthollet & Pelle- tier ont confirmée. M. de la Planche l’apothicaire a propofé pour préparer l’éther muriatique de verfer dans une cor- nue tubulée , de l’acide fulfurique 8c de l’alcohol , fur du muriate de foude décrépité. Le gaz acide Tome IK. K 2jg E L É M E N S muriatique dégagé par l’acide fulfurique , ren- contre dans le ballon Palcohol en vapeurs, avec lequel il fe combine. Il en réfulte un acide éthéré que l’on rectifie fur de la potaffe fixe , pour en obtenir l’éther pur. Il paroît que dans ce procédé , l’acide muriatique enlève une por- tion d’oxigène à l’acide fulfurique. L’éther muriatique eft tres-tranfparent, tiès- volatil -, il a à-peu-près la même odeur que L'éther fulfurique ; il brûle comme lui , & donne une fumée femblable à la fienne. Mais il en différé par deux propriétés ; l’une, c’eft d’exhaler, • en brûlant , une odeur auffi piquante & auffï vive que l’acide fulfureux; l’autre, c’eff d’avoir une faveur ftiptique, femblable à celle de l’alun. Ces deux phénomènes indiquent que cet éther eff différent & peut être moins parfait que les deux premiers ; fans doute qu’en continuant l’examen de fes autres propriétés, on lui trouvera encore des différences plus fingulières. Après avoir rendu compte de l’aétion de trois acides minéraux fur l’alcohol, nous devons reprendre l’hiffoire de ce fluide. On n’a que peu examiné l’aétion des autres acides fur 1 al- cohol. On fait feulement qu’il s’unit facilement avec l’acide boracique, que ce fel communi- que à fa flamme une couleur verte, que l’al- cohol abforbe plus que fon volume d’acide d’Hist. Nat. et de Chimie. 25*9 carbonique gazeux. Quant aux Tels neutres, Macquer a déterminé que les Tels fulfuriques ne s’y diffolvent que difficilement , que les ni- triques & les muriatiques s’y uniflfent beaiicoup mieux , & qu’en général il diffout d’autant plus ces fubftances , que leur acide y efl moins adhérent. L’alcohol bouilli fur les fulfateS de potafTe & de fonde, n’en a rien diffous. Les carbonates de potafle & de foude ne s’y unif- fent point : la plupart des fels ammoniacaux s’y combinent. Les fels terreux déliquefcens , tels que les nitrates 8c les muriates calcaires 8c magnéfiens , s’y diffolvent très-bien. Quelques fels métalliques y font auffi très-folubles, tels que le fulfate de fer à l’état d’eau mère , le nitrate de cuivre , les muriates de fer 8c de cuivre , le muriate oxigéné de mercure , ou fublimé corrofif; tous les fels cuivreux donnent une trcs-belle couleur verte à fa flamme. M. de Morveau a donné depuis Macquer une table plus complette des degrés de folubilité des fels par l’alcohol ; cette table efi inférée dans le Journal de phyfique. L’alcohol 11e diffout pas le foufre en malle ni en poudre , mais il s’y unit lorfque ces deux corps font en contact dans l’état de vapeurs , d’après la découverte de M. le comte de Lau- raguais. Son procédé confiüe à mettre du foufre R ij £ L É M E N S en poudre dans une cucurbite de verre -, à placer dans Le même vaiffeau & fur les fleurs de foufre un bocal plein d’alcohol, & à chauffer la cucurbite au bain de fable , en y adaptant un chapiteau 8c un récipient. Le foufre fe vo- latilife en même-tems que l’alcohol; ces deux fubflances fe combinent, & le fluide qui coule dans le récipient eft un peu trouble 8c répand une odeur fétide. Il contient environ un grain de foufre par gros d’alcohol. J’ai découvert qu’on obtient la même combinaifon en diftrllant les eaux fulfureufes, telles que celle d’Enghien avec de l’alcohol. L’efprit ardent n’a aucune action fur les ma- tières métalliques , ni fur leurs oxides. Il dilîout en partie le fuccin ; il ne touche point mut bitumes noirs 8c charbonés , on obferve que lorfqu’il a été diflillé fur un alkalifixe, il s’unit mieux au fuccin ; 8c que ce fel , mêlé avec ce bitume , le rend beaucoup plus diiïoluble , en le mettant fans doute dans un état favoneux. Il eff peu de matières végétales fur lefquelles l’alcohol ne puifîe avoir une adion plus ou moins marquée ; les extraits y perdent leur partie colorante & fouvent toute leur fubflance, lorfqu’ils font de la nature des extrado - réfi- neux ou des rélino - extradifs ; les fucs fucrés 8c favoneux s’y uniffent. Margraf a retiré , par d’Hist. Nat*, et' de Chimie. 26s l’alcohol un fel effentiel fiiçré de la betterave, du chervis , du panais , &c. Mais les matières avec lefquelles il fe combine le plus facile mené font les huiles volatiles , l’arome , le camphre, les baumes Sc les réfines. On donne le nom impropre tfeuux diftillées fpiritueufes à l’alcohol chargé de l’arome des plantes. Pour obtenir ces fluides, on diflille au bain-marie l’alcohol avec des plantes odorantes. Ce liquide s’empare du principe de l’odeur , & fe volatilife avec lui j il entraîne même une certaine quantité d’huile volatile , ce qui fait qu’il blanchit avec l’eau diflillée ; mais on le fépare de ce principe étranger, en le redifiant au bain-marie, à une chaleur très-douce ; & on a foin de ne retirer que les trois quarts de l’alcohol qu’on a em- ployé , afin d’être sur de ne volatilifer avec lui que l’arome. Ces eaux diftillées fpiritueufes acquièrent une odeur plus agréable à mefure qu’elles vieilliffent, & il paroît que le principe odorant fe combine de plus en plus intimement l’alcohol. L’arome a tant d’attradion pour l’alcohoî, que ce dernier eft capable de l’enlever aux huiles volatiles & à l’eau. En effet, en diffillant de l’alcohol fur des huiles volatiles & fur l’eau chargée de l’odeur d’une plante , l’alcohol prend le principe odorant, & laide l’huile 8c l’eats R üj 262 Été MENS fans odeur. On obferve que l’alcohol diiïout mieux les huiles volatiles pefantes & épailfes, que celles qui font bien fluides & légères.- L’eau peut défunir ce com'pofé ; elle en précipite l’huile fous la forme de globules blancs & opa- ques ; mais l’arome refle toujours uni à l’al- cohol. Ce liquide difTout facilement le camphre à froid ; mais il le diflout en plus grande quan- tité , lorfqu'il efl aidé de la chaleur. Cette dif- folution bien chargée comme de deux gros de camphre par once d’alcohol , mêlée avec de l’eau qu’on y ajoute peu-à-peu 8c par gouttes, fournit une végétation criflaîline obfervée par M. Romieu ; c’efl un filet perpendiculaire fur lequel font implantées des aiguilles qui s’élèvent contre le filet, fous un angle de foixante degrés. Cette expérience ne réuflit que rarement, & elle demande beaucoup de tâtonnement pour la quantité d’eau, le refroidiflement , &c. On donne le nom de teintures , d’élixirs , de baumes, de quinteflences , &c. aux compofés de fucs huileux ou réfineux & d’alcohol , quand celui ci efl allez chargé de ces fubflances pour avoir beaucoup de couleur, 8c pour précipiter abon- damment par l’eau. Elles font comme les eaux diflillées fpiritueufes, ou Amples Iorfqu’elles ne contiennent qu’une matière en diflolution , ou compofées lorfqu’elles en contiennent plufieurs 1 d’HiST. Nat. et de Chimie. 263 à la fois. Ces médicamens fe préparent en gé- néral en expofant le fuc en poudre, ou la plante sèche dont on veut difToudre l'huile volatile ou la réfine , à l’adion de l’alcohol que 1 on aide par l’agitation & par la chaleur douce du foleil , ou d’un bain de fable. Lorfque 1 on veut retirer les réfines de plufieurs plantes ou fubfiances végétales quelconques à la fois , on a foin de faire digérer d’abord la matière qui eft la moins attaquable par Falcohol , & d’ex- pofer fucceffivement à fon adion les fubfiances qui y font le plus diffolubles j lorfque ce menf- true efl autant chargé qu’il peut l’être r on Fe pa(Te. Quelquefois on fait fur-le-champ une teinture compofée, en mêlant plufieurs teintures fi m pies; telle eft la manière de préparer V élixir de propriété , en unifiant les teintures de myrrhe r de fafran & d’aloè's. On peut féparer les réfines & les baumes de l’alcohol en verfant de l’eau fur les teintures , ou en les diftillant ; mais dans ces deux cas , Falcohol retient le principe odo- rant de ces fubfiances. L’eau n’eft pas capable de décompofer les teintures formées avec les extrado-réfineux ou les réfino-extradifs, comme celles de rhubarbe , de fafran , d opium r de gomme ammoniaque , &c. parce que ces ma- tières font également difiolubles dans ces deux menftrues. R iv 264 E L Ê M E N S L’alcohol 8c l’eau-de-vie ont des ufages très- étendus & très-multipUés. On boit la dernière de ces liqueurs pour relever les forces abattues ; mais l’excès en eü dangereux , parce qu’elle defsèche les fibres , & produit des tremble- mens , des paralyfies , des obftru&ions , des hydropifies. On emploie l’alcohol pur ou uni au camphre à l’extérieur pour arrêter les progrès de la gangrène. Les eaux diflillées fpiritueufes font adminif* trées en médecine comme toniques, cordiales, anti-fpafmodiques , flomachiques , &c. On les donne étendues dans de l’eau , ou adoucies par des firops. N On fait avec ces eaux & le fucre , des boif- fons connues fous le nom de ratafiats ou de liqueurs. Ces boiflons bien préparées 8c prifes à petite dofe , peuvent être utiles ; mais en général elles conviennent à peu de perfonnes, & elles peuvent être nuifibîes à un très - grand nombre. L’excès de ces fortes de liqueurs com- porte les plus grands dangers ; & au lieu de donner des forces 8c d’augmenter celles de Fefiomac, comme on le croit afiez communé- ment , elles produifent le plus fouvent un effet entièrement oppofé. Celles qui font les moins nuifibîes, lorfqu’on en boit rarement 8c avec modération, doivent être préparées à froid ayec d’Hist. Nat. et de Chimie. 26 $ une partie d’alcohol difiillé fur la fubflance^ aromatique dont on veut lui communiquer l’odeur , deux parties d’eau & une partie de fucre royal. Les teintures ont à-peu-près les mêmes vertus que les eaux diflillées fpiritueufes ; mais leur aétion elt beaucoup plus énergique ; aulTi ne les emploie-t-on qu’à une dofe beaucoup plus petite , on les donne dans du vin , dans des po- tions, ou même dans des liqueurs aqueufes. Le précipité qu’elles forment dans ce dernier cas eft également fufpendu dans le mélange, & d’ail- leurs la partie odorante relie en diffolution dans l’alcohol. Enfin , l’alcohol uni à la réfine copal , à l’huile d’afpic ou de grande lavande, à celle de térébenthine , forme des vernis que l’on nomme Jiccatifs , parce qu’en appliquant une couche de ce compofé fur les corps que l’on veut vernir, l’alcohol fe volatilife promptement, & laifie fur ces corps une lame réfineufe tranfpa- rente. Les huiles volatiles qu’on y mêle empê- chent ces vernis de fe deffécher trop prompte- ment , & elles en préviennent la fragilité par l’onftuofité qu’elles leur communiquent. 2 66 É L i M E N S CHAPITRE XXIV. De la Fermentation acéteufe , & des Acides- acéteux & acétique . Beaucoup de fubflances végétales font fuf- ceptibles de pafîer à la fermentation acide. Telles font les gommes , les fécules amylacées diflbutes dans l’eau bouillante ; mais cette pro- priété eft fur-tout très - remarquable dans les liqueurs fermentées & fpiritueufes. Tous ces fluides expofés à la chaleur & en contact avec l’air, paflent à la fermentation acide, & don- nent ce que l’on appelle du vinaigre. C’elt fpécialement le vin de raifin que l’on emploie pour préparer cette liqueur , quoiqu’il foit pofïible de., feire de très-bon vinaigre avec le cidre, le poiré , &c. Il y a trois conditions néceüaires à la fer- mentation acéteufe ; i°. une chaleur de vingt à vingt-cinq degrés au thermomètre de Réaumur ; 2°. un corps vifqueux & en même-tems acide , tels qu’un mucilage & le tartre; 30. le comaét de l’air. On ne peut attribuer le changement des vins qui palîent à l’état de vinaigre , qu’au mouvement inteflin excité dans ces fluides par la préfence d’une certaine quantité de corps' / d’Hist. Nat. et de Chimie. 267 muqueux , non altéré & capable de fubir une nouvelle fermentation. La préfence d’uîie ma- tière acide , telle que le tartre , y efl néceffaire pour déterminer la fermentation acide. Enfin, le contact de l’air y eft indifpenfable , & il paroît qu’il y en a une portion d’abforbée pen- dant cette fermentation , comme l’a prouve M. l’abbé Rozier. Tous les vins font également prop*es à former du vinaigre. On y emploie préférablement les mauvais , parce qu’ils font moins chers ; mais les expériences de Beccher & de Cartheufer démontrent que les vins généreux & chargés d’alcohol donnent en général les meilleurs vinaigres. Boerhaave a décrit dans fes élémens de chi- mie un très-bon procédé pour faire du vinai» gre. On prend deux tonneaux , on établit a quelque diilance de leur fond une claye d’ofier, fur laquelle on étend des branches de vigne 8c des rafles ; on y verfe du vin , lie forte que l’un des tonneaux foit plein 8c l’autre à moitié vide. La fermentation commence dans ce der- nier; lorfqu’elle efl bien établie, on remplit ce tonneau avec le vin contenu dans le pre- mier. Par ce moyen , la fermentation fe ralentit dans le tonneau rempli , 8c elle s’établit bien dans celui qui eil à moitié vide ; lorfqu’elle elt 2(59 É L É M E N S parvenue à un degré allez confidérable , on remplit ce dernier tonneau avec la liqueur de celui qui a fermenté le premier ; de forte que la fermentation recommence dans le premier, & fe ralentit dans le fécond. On continue à remplir & à vider ainfi alternativement les deux tonneaux jufqu’à ce que le vinaigre foit entiè- rement formé, ce qui va ordinairement de douze à ‘quinze jours. En obfervant ce qui fe paffe dans cette fer- mentation , on voit qu’il y a beaucoup de bouillonnement & de fifflement ; la liqueur s’é- chauffe & fe trouble , elle offre une grande quantité de fîlamens 8c de bulles qui la parcou- rent en tous fen§ ; elle exhale une odeur vive, acide, nullement dangereufe; elle abforbe une grande quantité d’air : on efl obligé d’arrêter la fermentation de douze en douze heures ; peu-à-peu ces phénomènes sappaifent, la cha- leur tombe, le mouvement fe ralentit, la liqueur devient claire ; elle laide dépofer un fédiment en floccons rougeâtres, glaireux , qui s’attachent aux parois des tonneaux. Des expériences mul- tipliées ont appris que plus la malle de vin eff petite , plus elle a le contad de l’air , 8c plus vite elle paffe à l’état de vinaigre. On a foin de tirer le vinaigre à clair lorfqu’il eft fait , afin de le féparer de defflis fa lie , qui , fans cette d’Hist. Nat. et de Chimie. 2 6$ précaution , le feroit bientôt pafTer à la fer- mentation putride. Le vinaigre ne dépofe point de tartre par le repos comme le vin; ce fel s’elt diffous & combiné avec l’alcohol & l’eau pendant la fermentation ; il efl même vraisem- blable que c’efl la préfence de ce fel qui influe fur le développement des propriétés du vinaigre. Ce fluide a plus ou moins de couleur, fuivant le vin employé pour fa préparation ; mais en général les vinaigres les moins colorés le font beaucoup plus que les vins blancs , parce qu’ils tiennent en diflolution la matière colorante du tartre , qui a été encore développée par la pro- dudion de l’acide. Le vinaigre préparé, comme nous venons de le dire , efl très- fluide , d’une odeur acide 8c fpiritueufe , d’une faveur aigre plus ou moins forte ; il rougit les couleurs bleues végétales. Expofé à une chaleur douce dans des vaiffeaux. mal bouchés , il s’altère , perd fa partie fpiri- tueufe , dépofe une grande quantité de floccons 8c de filamens muqueux , 8c prend une odeur 8c une faveur putrides. Pour le conferver il faut le faire bouillir pendant quelques inflans , comme l’ü indiqué M. Schéele. En diflillant du vinaigre à feu nud dans une cucurbite de grès recouverte d’un chapiteau , ou dans une cornue de verre placée fur un bain X]0 Ê L é M E N S de fable, il paffe d’abord un phlegme d’une odeur vive & agréable , mais très-peu acide ; il lui fuccède bientôt une liqueur acide très-blan- che , très - odorante ; c’eft le vinaigre diflillé ; celui qui diftille enfuite a moins d’odeur & plus d’acidité, il devient d’autant plus acide , que la diflillation avance davantage. On peut fra&urer tous ces produits , & obtenir des vinaigres diftillés différens les uns des autres par l’acidité & par l’odeur : on fe contente de retirer par ce procédé , environ les deux tiers de liqueur qui conftitue le vinaigre le plus pur. La portion qui paflfe enfuite eft plus acide, mais elle a une odeur empyreumatique qu’on peut faire diffiper en l’expofant à l’air; elle prend auiïi un peu de couleur. Cette opération indique que l’acide acéteux eft plus pefant que leau. Le vinaigre réfidu eft épais , d une couleur îouge foncée & fale ; il dépofe une certaine quantité de tartre -, il eft d’une acidité confidérable. Si on l’évapore à feu ouvert , il prend la forme d’un extrait ; & fi, lorfqu’il eft fec, on le diftille à la cornue, ‘il fournit un phlegme rougeâtre, acide, une huile d’abord légère & colorée, enfuite pefante , & un peu d’ammoniaque ; le charbon qu’il laide contient beaucoup dalkali fixe. On peut concentrer le vinaigre en l’expofant à la gelée. On décante la portion qui eft reftee d’Hist. Nat. et de Chimie. 271 liquide, & qui a pris beaucoup d’acidité ; la partie gelée n’efl prefque que de l’eau; on 11’a que peu de vinaigre par cette opération. L’acide du vinaigre, féparé du tartre & de fa partie colorante par la diflillation , efl fufcep- tible de s’unir à un grand nombre de corps. Il ne fe combine qu’imparfaitement avec lalu- mine, & forme avec elle des petits criflaux aiguillés, dont les propriétés font peu connues; c’efl l’acétite d’alumine. Il s’unit facilement avec la magnéfie, 8c il donne un fel très-foluble dans l’eau , qui ne peut point criflallifer , mais qui fournit par l’évaporation une malfe vifqueufe , déliquef- cente. L’acétite de magnéfie efl décompofé par le feu, par les acides minéraux, par la baryte, la chaux 8c les trois alkalis. Il efl très-foluble dans l’alcohol. L’acide acéteux fe combine avec la chaux, & il décompofé la craie dont il dégage l’acide fous la forme de fluide élaflique. Le fel qu’il forme avec la chaux efl fufceptible de criflal- lifer en prifmes très - fins aiguillés 8c comme faunes. L acétite calcaire efl amer 8c aigre ; il s’effieurit à l’air. Il efl décompofé par le feu, par les alkalis fixes qui en féparent la terre, & par les acides minéraux qui en dégagent l’acide. I 272 Ê L É M £ K Ê La combinaifon de l’acide acéteux avec la potaffe porte dans les pharmacies le nom impro- pre de terre foliée de tartre 8c doit être défigné par celui d’acétite de potaffe. Pour préparer ce fel on verfe fur du carbonate de potaffe pré- paré par l’incinération ciu tartre, du vmaigte dillillé bien pur, on agite le mélange, 8c on met du vinaigre jufqu'à ce que la faturation foit parfaite , 8c le fel bien difious : on doit même mettre un excès de cet acide : on filtre la liqueur , on levapore à un feu très - doux dans un vaiffeau de porcelaine ou d’argent pur ; lorfqu’elle devient épaiffe , on continue l’évaporation fur un bain-marie jufqu’à ce qu’elle foit bien sèche. Par ce moyen, on obtient un fel bien blanc. Si on le chauffe tiop , il fe colore en gris ou en brun , parce qu une portion du vinaigre fe brûle. Quelques chi- miltes affurent qu’on peut obtenir de l’acétite de potaffe fous une forme régulière , en laiffant refroidir la diffolution évaporée jufqu’à forte pellicule. L’acétite de potaffe a une faveur piquante , acide 8c urineufe. Il fe décompofe par l’aftion du feu, 8c donne à la cornue un phlegme acide , une huile empyreumatique , de l’ammo- niaque , 8c une grande quantité d’un gaz tres- odorant , formé d’acide carbonique 8c de gaz hydrogène. dHist. Nat. et de Chimie. 27 3 hydrogène. Le charbon réfidu contient beau- coup de potaffe à nud. Ce Tel attire fortement l’humidité de Pair; il eh très-difToluble dans i eau. L acide fulfurique le décômpofe ; pour opérer cette décompofition, on verfeune partie de cet acide concentré fur deux parties d’acétite de potaffe introduit dans une cornue de verre îubulée , à laquelle eh adapté un récipient; il fe dégage fur le champ avec une vive effer- vefcence un fluide vaporeux d’une odeur pé- nétrante qui fe condenfe dahs le récipient en acide acétique ou vinaigre radical . Ce vinaigre eh très-concentré, d’une acidité très- forte; mais il n’eh pas pur, & il eh toujours mêlé d’une certaine quantité d’acide fulfureux, reconnoif- fable par fon odeur. L’acidule tartareux dé- compofe auffi l’acétite de potaffe parce qu’il a plus d’affinité que l’acide acéteux avec la bafe alkaline de ce fel. Le vinaigre s’unit parfaitement avec la fonde & forme un fel improprement nommé terre foliee crijlallijable ; nous le défignons par le nom d’acétite de foude. Ce fel ne différé de l’acétite de potaffe que' parce qu’il eh fufcep- tible de criflallifer en prifmes hriés affez fem- blables au fulfate de foude , 8c parce qu’il n attire pas 1 humidité de l’air. Pour l’obtenir bien crihallifé, il faut faire évaporer fa difl©- Tome IV, q t I- É M E S lution j lu qu’à pellicule, & la meure enfuite dans un lieu frais. L’acétite de foude efl décom- pofable par le feu & par les acides minéraux, comme l’acétite de potalTe. Nous ajouterons à ces détails que lorfquon donne un bon coup de feu en diflillant les fels acéteux calcaire & alkalin , les réfidus de ces fels font autant de pyrophores, & brûlent lorfqu’on les expofe à l’air. M. Proufl , à qui font dues ces décou- vertes , penfe quil fuffit pour produire un pyrophore, qu’un réfidu charboneux foit divifé par une terre ou par un oxide métallique. L’acide du vinaigre forme avec l’ammoniaque une liqueur qu’on a nommee e.fpnt de Mende- rerus , & qui e£l l’acétite ammoniacal. On ne peut évaporer ce fel qu’en en perdant la plus grande partie à caufe de fa volatilité : cepen- dant on en obtient par une évaporation lente, des criftaux aiguillés dont la faveur efl chaude & piquante, 8c qui attirent très-promptement l’humidité de l’air. L’acétite ammoniacal eit décompofé par l’aétion du feu , par la chaux 8c les alkalis qui en dégagent l’ammoniaque, 8c par les acides minéraux qui en féparent l’acide acéteux. Le vinaigre agit fur prefque toutes les fubf- tances métalliques, 8c préfentedes phénomènes fort importans dans ces combinaifons. / d’îÎist. Nat. et de Chimie. zjç II ne paroît pas qu’il diiïolve immédiate- ment l’oxide d’arfenic ; mais cette dernière fubllance , diflillée avec parties égales d’acétite de potafle, a donné à M. Cadet 6r à Meilleurs les Chimifles de l’académie de Dijon , une liqueur rouge , fumante , d’une odeur très-, infede, très-tenace& d’une nature très-fingulière, M. Cadet avoit déjà obfervé que cette liqueur etoit capable d’enflammer le lut gras. MM. les Académiciens de Dijon voulant examiner une matière jaunâtre d’une confiflance huileufe, raffemblée au fond du flacon qui contenoit la liqueur fumante arfenico-acéteufe, décantèrent une portion de cette liqueur furnageante, & versèrent le refte fur un filtre de papier. A peine eut il pafle quelques gouttes, qu’il s’é- leva tout-à-coup une fumée infede très-épaifle, qui formoit une colonne depuis le vafe jufqu’au plafond ; il s’excita fur les bords de la matière une efpèce de bouillonnement , 6c il en partit une belle flamme rofe qui dura quelques inflans. On peut voir dans le troifîème volume des Elémens de Chimie de Dijon , le détail des belles expériences que ces favans académiciens ont faites fur cet objet. Ils comparent la liqueur dont nous venons de parler à un phofphore liquide ; nous croyons que c’efl une efpèce de pyrophore, comme ceux dont nous parlerons S ij 12j<$ Sti'MlKS plus bas. Le réfidu de la diftillation de l’acétitg de potalfe avec l’oxide d’arfenic , ed formé en grande partie par la potalfe. Le vinaigre difTout le cobalt en oxide , & il forme une dilfolution d’un rofe pâle. Il n’a aucune action fur le bifmuth ni fur fon oxide , mais il dilfout celui de manganèfe. Il dilfout direftement le nickel , fuivant M. Arwidlfon ; cette dilfolution donne des crif- taux verds , figurés en fpatule. Cet acide n’agit point fur l’antimoine , mais il paraît dilfoudre l’oxide vitreux de ce demi- métal , puifqu’Angelus Sala faifoit une prépa- ration émétique avec ces deux fubftances. Le zinc fe dilfout très-bien dans le vinaigre diflillé, ainfi que fon oxide. M. Monnet a ob- tenu de cette dilfolution évaporée , des criltaux en lames plates. L’acétite de zinc fulmine fur les charbons , & répand une petite flamme bleuâtre. Il donne à la diflillation une liqueur inflammable , un fluide huileux jaunâtre , qui devient bientôt d’un vert foncé , & un fublimé blanc , qui brûle à la lumière d’une bougie avec 3nne belle flamme bleue. Le réfidu efl à l’état xd’un pyrophore peu combuflible. L’acide du vinaigre ne dilfout pas le mer- cure dans l’état métallique. Cependant on par- vient à faire cette combinaifon en divifant for-» d’Hist. Nat. et de Chimie, zjj: tement le métal à l’aide des moufToirs, comme le faifoit Keyfer. On unit facilement le mer- cure dans l’état d’oxide avec le vinaigre. Il fuffit de faire bouillir cet acide fur l’oxide de mer- cure rouge nommé précipité per fe , fur le tur~ bith , ou fur le mercure précipité de la diffo- lution nitrique par la potafïe. La liqueur devient blanche , & s’éclaircit lorfqu’elle elt bouillante 5, on la filtre ; elle précipite par le refroidiffe- ment des criflaux argentés en paillettes , fem- blables à l’acide boracique. On a donné à cet acétite de mercure le nom de terre foliée mer- curielle. On le prépare fur-le- champ en veiy fant une diffolution nitrique de mercure dans une diffolution d’acétite de potaffe ; l’acide nitrique s’unit à Palkali fixe de ce dernier fel, avec lequel il forme du nitre qui refie en dif- folution dans la liqueur l’oxide de mercure ,, combiné avec l’acide du vinaigre , fe précipite- fous la forme de paillettes brillantes. On filtre le mélange ; l’acétite mercuriel refie fur le filtre. Ce fel fe décompofe par l’adion du feu ; fon réfidu donne une efpèce de pyro- phore. Il eft facilement altéré par les vapeurs combuflibles. L’étain n’efl que peu altéré par le vinaigre;. Cet acide n’en diffout qu’une petite quantité, & celte diflolution évaporée a donné à â ü 'i 27g Ê L É M E N S M. Monnet un enduit jaunâtre , femblable à une gomme , & d’une odeur fétide. Le plomb eft un des métaux fur lefquels l’acide du vinaigre a le plus d’adion. Cet acide le dilïbut avec la plus grande facilité. En expo- fant des lames de ce métal à la vapeur du vinaigre chaud , elles fe couvrent d’une pou- dre blanche, qu’on appelle cérufe, & qui n’efl- qu’un pur oxide de plomb. Cet oxide broyé avec un tiers de craie, forme le blanc de plomb employé dans la peinture. Pour faturer le vinaigre du plomb qu’il peut diffoudre , on verfe cet acide fur de la cérufe dans un matras i on met ce mélange en digellion fur un bain de fable; on filtre la liqueur après plufeurs heures de digellion , on la fait évaporer jufqu’à pellicule; elle fournit par le refroidi (ïement & par le repos , des crillaux blancs , formant ou des aiguilles informes , fi la liqueur a été trop rapprochée, ou des parallélipipedes applatis , terminés par deux furfaces dilpofées en bifeau, îorfque l’évaporation a été bien faite. On nomme cet acétite de plomb fel ou fucre de faturne , à caufe de fa faveur fucrée ; cette faveur elt en même-tems lliptique. On prépaie un fel femblable avec la litharge & le vinaigre; on fait bouillir jufqu’à faturation, parties égales de ces deux fubflances; on évapore jufqu à con- d’Hist. Nat. et de Chimie. 279 fillance le fyrop clair, on a alors V extrait de faturne de M. Goulard, connu long-tems avant lui fous le nom de vinaigre de faturne. L’acétite de plomb eft décompofé par la chaletir ; il fournit une liqueur acide, rouffe, très -fétide fort différente du vinaigre radical , ou acide acétique pur dont nous parlerons tout à l’heure.- Le réfidu eft un très-bon pyrophore. Ce fel eft décompofé par l’eau diffillée par la chaux, les alkalis 8c les acides minéraux. U extrait de faturne étendu d’eau, 8c mêlé d’un peu d’eau- de-vie, forme Y eau végéto-minérale. Le vinaigre diffout le fer avec adivité ; l’effer- vefcence qui a lieu dans cette diffolution elî due au dégagement du gaz hydrogène fourni' par l’eau qui parait être décompofée. La liqueur prend une couleur rouge ou brune ; elle ne donne par l’évaporation qu’un magma gélati- neux , mêlé de quelques criftaux bruns allongés. L’acétite de fer a une faveur fliptique &c dou- ceâtre ; il eft décompofé par le feu , 8c laiffe échapper fon acide; il attire l’humidité de l’air, il fe décompofé dans l’eau diftillée. Lorfqu’on* le chauffe jufqifà ce qu’il ne répande plus- d’odeur de vinaigre , il laiffe un oxide jaunâtre attirable à Taimant. La diffolution acéteufe de fer donne une encre très-noire avec la noix de galle, & elle pourrait être employée avec fuc- S iv 2$0 Ê L Ê M E N S cès dans la teinture ; les pruffiates alkalins en précipitent un bleu de Pruffe très-éclatant. Les oxides de fer noir, jaune & brun , le carbonate de fei natif, ou la mine de fer' fpathique , don- nent avec le vinaigre des diffolutions d’un très- beau rouge. Le cuivre fe diffout avec beaucoup de faci- lité dans l’acide acéteux. Cette diffolution aidée par la chaleur , prend peu à-peu une cou- leur verte ; mais elle s’opère plus facilement avec ce métal déjà altéré & oxidé par le vinaigre. Le cuivre , ainfi oxidé , eft le vert- de-gris. On le prépare aux environs de Mont- pellier , en mettant des lames de ce métal dans des vafes de terre avec des rafles de raifln , qu on a d’abord arrofées éx fait fermenter avec de la vinafle. La furface de ces lames fe cou- vre bientôt d’une rouille verte, qu’on augmente encore en les mettant en tas, & en les arro- fant avec de la vinafle ; alors on ratifie le cui- vre , & on enferme le vert-de-gris dans des facs de peau , qu’on envoie dans le commerce. M. Montet , apothicaire de Montpellier , a très- bien décrit cette manipulation dans deux mé- moires imprimés parmi ceux de l’académie des fciences en 175*0 & 17 5*3. Le vert-de-gris fe diffout avec promptitude dans le vinaigre. Cette diffolution , qui efl d’une belle couleur verte 3 d'Hist. Nat. et de Chimie. 281 fournit par l’évaporation & le refroidiffemenc des criltaux verts en pyramides quadrangulai- res , tronqués , auxquels on donne le nom de verdet ou de crijlaux de venus. Ceux qu’on prépare dans le commerce , 8c qui portent le nom de verdet dijlillé , parce qu’on les prépare avec le vinaigre diflillé, font fous la forme d’une belle pyramide ; les crillaux de ce fel offrent cet arrangement , parce qu’ils fe font dé- pofés fur un bâton fendu en quatre , dont les bran- ches ont été écartées par un morceau de liège. Le verdet ou acétite de cuivre a une faveur très-forte , & c’efl un poifon violent. Il fe décompofe par faction du feu. Il s’effieurit à l’air , 8c fe couvre d’une pouflière dont la couleur verte efl beaucoup plus pâle que celle qui diflingue ce fel non -altéré. Il fe diffout complètement dans l’eau fans fe décompofer. L’eau de chaux 8c les alkalis précipitent cette dilfolution. Lorfqu’on diftille ce fel réduit en poudre dans une cornue de verre ou de terre avec un récipient , on obtient un fluide d’abord blanc 8c peu acide > mais qui acquiert' bientôt une acidité confldérable, 8< telle qu’il égale la con- centration des acides minéraux. On change de récipient pour avoir à part le phlegme 8c l’acide. On a donné à ce dernier les noms de vinaigre E L Ê M E N S radical ou vinaigre de venus . Cet acide fe co- lore en vert par une certaine quantité d’oxide de cuivre qu’il entraîne dans fa diftillation. Lorfqu’il ne pa(Te plus rien , & que la cornue eft ronge , le réfidu qu’elle contient eft fous îa forme d’une pouffière brune de la couleur du cuivre , 8c qui donne fouvent aux parois du vaifïeau le brillant de ce métal. Le réfidu eft fortement pyrophorique , comme l’ont ob- fervé MM. le duc d’Ayen & Prouft. On redifie le vinaigre de venus , en le diltillant a une chaleur douce ; alors il eft parfaitement blanc, pourvu qu’on ne pouffe pas trop le feu vers la fin de l’opération , 8c qu’on .ne defsèche pas trop la portion d’oxide de cuivre qui relie dans la cornue. La réduction du cuivre obfervée dans cette expérience , éclaire fur la nature du vinaigre radical . Cet acide paroît être au vinaigre ordinaire , ce qu’eft l’acide muria- tique oxigéné à l’acide muriatique pur , ou plutôt ce que l’acide fulfurique , eft a 1 acide fulfureux, & ce que l’acide nitrique eft a 1 acide nitreux. Dans cette opération l’acide aeéteux s’unit à l’oxigène de l’oxide de cuivre, qui paffe en ^nême-tems à l’état métallique. Les effets produits par le vinaigre radical très-diffe- rens de ceux qui font occafionnés par le vinaigre ordinaire paroiffent donc dus à l’excès d’oxigène d’Hist. Nat. et de Chimie. 283 dont cet acide s’eft emparé. C'eft pour cela que, fuivant les règles de nomenclature que nous avons déjà expofées ailleurs, nous nom- mons ce Tel acide, acétique. L’acide acétique ou le vinaigre radical ainfî rectifié, eft d’une odeur fi vive & fi pénétrante, qu’il eft impoffible de la foutenir quelque tems ; il a une telle cauflicité , qu’appliqué fur la peau, il la ronge & la cautérife; il eft extrê- mement volatil & inflammable ; chauffe avec le contaét de l’air , il s’enflamme , & brûle d’autant plus rapidement, qu’il eft plus redifié. Cette expérience a porté les chimiftes à croire que le vinaigre contient de l’alcohol , & femble être une forte d’éther naturel. Cette idée s’ac- corde avec l’odeur pénétrante & agréable que répandent les premières portions de cet acide diftillé. L’acide acétique s’évapore en entier à l’air; il s’unit à l’eau avec beaucoup de chaleur; il forme avec les terres , les alkalis & les métaux des fels différons de ceux du vinaigre ordinaire; nous les nommons acétates de potafle, de foude, de zinc, de mercure, &c. M. de Laffonne a fait voir que le fel ammoniacal , formé par le vinaigre radical ou acide acétique, eft diffé- rent de l’acétite ammoniacal ou efprit de Men- dererus ; quoique nous n’ayons point encore S84 / Ê L ï M £ N S une connoifTance fuffifante de tous les acétates ? leur forme,' leur faveur, leur diflolubilité , annoncent afTez qu’ils font réellement différens des acétites. Le marquis de Courtanvaux a démontré qu’il n’y avoit que la dernière portion d’acide acé- tique, obtenue dans la diflillation de l’acétate de cuivre ou verdet , qui fût inflammable, & qu’elle jouiffoit aufli de la propriété de fe con- geler par le froid. Cette dernière portion reétifiée fe criflallifa dans le récipient en grandes lames & en aiguilles , & elle ne devint fluide qu’à treize ou quatorze degrés au-deffus du terme de la glace. Cette propriété efl analogue à celle de l’acide muriatique oxigéné. L’acide acétique décompofe l’alcohol & forme de l’éther avec autant de facilité que les acides minéraux , comme l’a découvert M. le comte de Lauraguais. Il fuffit pour cela de verfer dans une cornue du vinaigre radical fur partie égale d’alcohol. Il s’excite une cha- leur confidérable. On met la cornue fur un bain de fable chaud , on y adapté deux rcci- piens , dont le dernier plonge dans l’eau froide ou dans la glace pilée ; on fait bouillir promp- tement le mélange. Il pafïé d’abord un alcohol déphlegmé , enfui te l’éther , 8c enfin un acide qui devient d’autant plus fort , que la diflil'anor* tfHrST. NAT. ET De Chimie. 28 f. avance davantage ; il refie dans la cornue une mafie brune aflez femblable à une refîne. On a foin de changer de récipient , dès que l’odeur éthérée devient âcre & piquante , & on recueille l’acide à part. On reétifîe l’éther acéti-* que à une chaleur douce avec de la potaffe ; il s’en perd beaucoup dans cette opération. C’eft à l’excès d’oxigène du vinaigre radical, qu’efl due la formation de cet éther. Schéele dit n’avoir pas pu réuffîr à préparer l’éther acétique par le vinaigre radical uni à l’alcohol, & ne l’avoir obtenu qu’en ajoutant un acide minéral. M. Pœrner avoit déjà fait la. même remarque fur la difficulté d’obtenir l’éther acétique , par le procédé de M. de Lauraguais. Cependant beaucoup de chimiftes françois ont exécuté ce procédé, & je puis affûter l’avoir répété moi- même avec fuccès. M. de la Planche l’apoticaire prépare l’éther acétique en verfant fur de l’acétite de plomb introduit dans une cornue , de l’acide fulfurique concentré & de l’alcohol. La théorie & la pra- tique de cette opération font abfolument les mêmes que celles des éthers nitrique & muria- tique préparés par un procédé analogue. L’éther acétique a une odeur agréable comme tous les autres, mais elle efl toujours mêlée de pelle du vinaigre , quoiqu’il ne foit point acide. 286 ÈtiMEHS Il efl très-volatil & très-inflammable » il brûle avec une flamme vive , & laifle une trace char- boneufe après fa combuflion. Il refle aux chimifles un grand nombre de recherches à faire fur l’acide acétique. Ce que nous avons expofé ici fur fes propriétés , fuffit pour annoncer , i°. qu’il différé fingulièrement de l’acide acéteux ou vinaigre ordinaire ; 2°. que cette différence dépend de i’oxigène plus abon- dant dans l’acide acétique , que dans l’acide acé- teux , excès d’oxigène que ce dernier a enlevé à l’oxide de cuivre. Reprenons actuellement l’examen de quelques autres propriétés du vinai- gre ordinaire. L’acide acéteux , aidé de la chaleur, diflout l’or précipité de l’acide muriatique oxigéné par l’alkali fixe. Cette diflolution acéteufe d’or, précipitée par l’ammoniaque , donne de l’or fulminant , comme l’a démontré Bergman. Il en efl du platine & de l’argent comme de l’or ; le vinaigre n’a aucune aéfion fur ces métaux tant qu’ils font dans l’état métallique , mais il les diflout lorfqu’on les lui préfente dans l’état d’oxides. Le vinaigre efl fufceptible de fe combiner avec plufieurs des principes immédiats des végé- taux ; il diflout les extraits, les mucilages, les fels effentiels. Il s’unit à l’arome ; on l’a regardé comme le diflolvant propre des gommes d’Hist. Nat. et de Chimie. 2S7 réfines. II a meme, à la longue ou par la voie de la diftillation , une adion marquée fur les huiles grades, qu’il met dans une forte d’état favoneux; au relie, on n’a point encore examiné d’une manière exade la combinaifon du vinai- gre avec les fubftances végétales. On fe fert de cet acide pour extraire quel- ques-uns de ces principes , & fur-tout celui de l’odeur de ces corps , 8c on prépare pour la médecine des vinaigres de différentes natures, fimples ou compofés. Les vinaigres fcillitique , colchique , 8c c. donnent un exemple des pre- miers ; le vinaigre thériacal 8c celui des quatre- voleurs appartiennent aux féconds. Ces mé- dicamens fe préparent par macération 8c par digeftion continuée pendant quelques jours. Comme cet acide eft volatil , on le diflille fur des plantes aromatiques , dont il fe charge du principe odorant; tel eflle vinaigre de lavande diflillé qu’on emploie pour la toilette. Ces liqueurs font en général moins agréables que les eaux diftillées fpiritueufes. Le vinaigre ed fort employé comme affai- fonnement. On s’en fert beaucoup en méde- cine , il ed rafraîchiffant 8c anti-feptique ; on en fait avec le fucre un firop qu’on donne avec beaucoup de fuccès dans les fièvres ardentes, putrides , 8c c. appliqué à l’extérieur, cet acide Î2. 88 E L ï » fi N s efl aflringent & réfolutif. Toutes fes combî^ naifons font également d’ufage comme de très- bons médicamens. L’acétite de potaiïe & l’acétite de fonde , connus fous les noms de terre foliée de tar- tre j & de fel acéteiix minéral , font de puif- fans fondans & apéritifs , on les adminiflre à la dofe d’un demi - gros & même d’un gros. L’efprit de Mendererus ou l’acétite ammo- niacal , donné à la dofe de quelques gouttes dans des boiffons appropriées , efl apéritif, diurétique , cordial , anti-feptique , 8c c. Il réufîit fouvent dans la leucophlegmatie ou enflure des parties extérieures du corps. L’acétite de mercure ou la terre foliée mer- curielle efl un très- bon anti-vénérien ; elle faifoit la bafe des dragées de Keyfer. L 'extrait de jaturne , le vinaigre de futur ne , Veau végéto-minérale s’emploient à l’extérieur comme deiïiccatifs. Ces médicamens étant i violemment répercuflifs , doivent être admi- niflrés avec beaucoup de prudence , fur- tout lorfqu’on les applique fur des parties où la peau efl découverte & ulcérée. Boerhaave a vu plufîeurs filles attaquées de la pulmo- nie, après l’ufage extérieur des préparations de plomb. La d’Hist. Nat. et de Chimie. 28? La cérufe entre dans les ongueris & les emplâtres defficcatifs , & le vert de gris dans plufieurs collyres Sc dans quelques onguens. L’acide acétique ou vinaigre radical ell em- ployé comme un irritant & un ilimulant très- aélir. On le fait refpirer aux perfonnes qui tombent en foibleffe. Pour pouvoir s’en fervir commodément , on verfe une certaine quantité de cet acide fur du fulfate de potalTe en poudre groflière , que l’on a mis dans un flacon bien bouché; ce médicament efl connu de tout le monde fous le nom de Jel de vinaigre • On n’a point encore mis en ufage Péther acétique , & l’on ne fait pas s’il a quelques vertus différentes de celles des autres liqueurs éthérées. CHAPITRE XXV. De la Fermentation putride des Végétaux . Toutes les fubflances végétales qui ont éprouvé la fermentation fpiritueufe & la fer- mentation acide , font encore fufceptibles d’un nouveau mouvement inteflin qui les dénature ; cefl ce mouvement qu’on appelle fermentation putride. Sthal & plufieurs autres çhimiftes ont Tome IV, X £p0 E L'Ê M E K S cru que cette efpèce de fermentation n’eft qu’une fuite des deux premières , ou plutôt que ces trois phénomènes ne dépendent que d’un feul & unique mouvement, qui tend à détruire le tiffu des folides, & à dénaturer les fluides ; & en effet, on obferve que fi on aban- donne certaines fubftances végétales à elles- mêmes , elles éprouvent les trois fermentations fucceffivement & fans interruption : par exem- ple, toutes les matières fucrées étendues d’une certaine quantité d eau , Sc expofees a un de- gré de chaleur de douze à vingt degrés, don- nent d’abord du vin , enfuite du vinaigre , & enfin leur caraétère acide fe perd bientôt; elles s’altèrent , fe pournffent , perdent tous leurs principes volatils, & finiflent par n’étre plus qu’une fubftance seche , infipide 8c teiteufe. Cependant il faut obferver qu’un grand nom- bre de fubftances végétales n’éprouvent pas , au moins d’une manière fenfible , ces tiois efpèces de fermentations dans l’ordre énonce. Les mucilages fades , les gommes diffoutes dans l’eau , patient à l’aigre fans devenir ma- nifeftement fpiritueux; la matière glutmeufe fembie palier tout de fuite à la putréfaction, fans avoir éprouvé l’acefcence. Il paroît donc que quoique dans plufieurs principes des vé- gétaux ces trois fermentations fe fuivent & le d’Hist. Nat. et de Chimie. 2pi fuccedenl , il en elt cependant un grand nom- bre d’autres qui font fufceptibles d’éprouver les deux dernières fans la première , ou même de fe pourrir Tans avoir donne préliminaire- ment des lignes d’acidité. Ces dernières par* ticipent de la nature des fubliances animales*, aulTi donnent-elles de l’amjmoniaque par l’ac- tion du feu, & du gaz azotique par l’acide du nitre. C’eil en raifon de ce caradère que ces fubliances végéto - animales le pourrirent fi facilement. Le mouvement inteflin qui change la nature des matières végétales , & qui les réduit en leurs élémens, exige pour avoir lieu, des conditions particulières qu’il efl: important de connoîtrç. L’humidité ou la préfence de l’eau ell une des plus néceflaires ; les végétaux fecs & folides , tels que le bois, ne s altèrent en aucune ma- nière tant qu ils font dans cet état ; mais li on les humecte & li on en écarté les fibres , alors le mouvement inteflin s’y établit bientôt ; l’eau paroît donc être une des caiifes de la putréfac* uon ; & nous verrons dans le règne animal que c efl la décompofition de ce liquide qui femble donner naiflance à ce mouvement inteflin ; la chaleur n’y efl pas moins néceflaire; le froid ou la température de la glace s’oppofe non- feulement à cette deflruétion fpontanée, mais T ij Sp2 'E L É M É N S il en retarde même les progrès, & il la fait j pour ainfi dire , rétrograder dans les fubltances qui ont commencé à l’éprouver. Le degré de chaleur néceffaire à la putréfadion eft beaucoup moindre que celui qui entretient les fermen- tations fpiritueufe 8c acide , -puifque ce phéno- mène s’établit à la température de cinq degrés; mais une chaleur plus confidérable la favorife, à moins qu’elle ne foit affez forte pour volati- le toute l’humidité , 8c pour defïecher entiè- rement la fubftance qui fe pourrit. L’accès de l’air eft encore une condition qui favorife tingulièrement la putréfadion, puifque les fiibf- tances végétales fe confervent très-bien dans le vide. Cependant cette confervation a des bornes , -8c le contad de l’air ne paroît pas être auffi indifpenfable pour la fermentation putride, que les deux conditions dont nous avons parlé. La putréfadion des végétaux a fes phéno- mènes particuliers. Les fluides végétaux qui fe pourriffent, fe troublent , perdent leur couleur, dépofent différais fédimens; il s’élève des bulles à leur furface , il s’y forme des moifi fibres dans le commencement. Les matières végétales Amplement humedées 8c qui font molles , éprou- vent les mêmes phénomènes. Le mouvement aui s’excite alors n’eft jamais fi confiderabk d7Hist. Nat. et de Chimie, 293: que celui qu’on obferve dans la fermentation fpiritueufe & dans l’acéteufe. Le volume de la matière qui fe pourrit ne paroît pas s’aug^ menter , ni fa chaleur s’accroître ; mais le phé- nomène le plus important, c’efl le changement de l’odeur & la volatilifation d’un principe âcre,, piquant, urineux , en un mot de l’ammoniaque; c’efl d’après cela qu’on a appelé la putréfaâion fermentation alkaline , & qu’on a regardé l’am- moniaque comme fon produit. I^odeur piquante s’exhale peu-à-peu , il lui fuccède une odeur fade nauféeufe qu’il ell difficile de définir. Alors la décompofition efl à fon comble, la maffe végétale pourrie efl très -molle, comme une bouillie, elle s’affai fie, elle éprouve un grand nombre de modifications fucceffives dans le principe odorant qu’elle exhale; enfin, elle fe defsèche, fon odeur^défagréable fe diffipe peu^ à-peu , 8c elle ne laifie qu’un réfidu noirâtre comme charbonneux , que l’on connoît fous le nom de terreau , Juimus vegetab 'dis , 8c dans lequel on ne peut plus trouver que quelques fubftances falines 8c terreufes. Tel efl l’ordre des phénomènes que l’on obferve- dans la, dé- compofition fpontanée des végétaux qui fie pour- ri fient ; mais cette décompofition poufiee juf- qu’à ce que ces corps foient réduits à leur fque- îette terreux ou falin, efl très-longue à fe faire T iij 2P4 E L É M E N S & l’on doit même ajouter qu’elle n’a encore été obfervée convenablement par perfonne. Ce reproche fait aux phyficiens 6c aux chimifles fur les matières animales , efl bien plus frappant & plus mérité pour les fubüances végétales. Aucun favant n’a encore entrepris d’obferver la putréfadion complète de ces dernières , quoi- que beaucoup aient commencé à décrire les phénomènes qui ont lieu dans celle des matières animales. Aufl# croyons-nous devoir terminer ici l’hifloire de l’analyfe fpontanée 8c naturelle des végétaux , en ajoutant feulement , i°. que le peu que nous avons expofé fuffit pour faire voir que la putréfadion végétale atténue , vola- tilife 8c détruit toutes les humeurs de ces êtres, 6c les réduit à l’état terreux; 2°. que l’on ne fait encore rien de pofitif fur les phénomènes 6c fur les limites de cette efpèce de putréfadion , qu’il faut bien diftinguer de celle des matières animales; 3 enfin , que comme cette fermen- tation efl beaucoup plus marquée, 8c a été mieux obfervée dans les humeurs 8c dan les folides des animaux , les détails plus étendus que nous donnerons dans l’examen de ces dernières fubf- tances, compléteront l’efquifle que nous venons de tracer , 8c termineront l’hilloire des faits connus fur la putréfadion. D’HrST. Nat. ET DE CHrMTE. QUATRIEME PARTIE. REGNE ANIMAL . — CHAPITRE PREMIER. De Vanalyfe chimique des Sub fiances, animales en général, ( i ) L’Analyse des fub fiances animales eft la* partie de la chimie la plus difficile & la moins- avancée ; les chimiO.es anciens fe font contentés de diffiller à feu ntid ces matières , & l’on fait aujourd’hui que cette opération altère & déna- ture entièrement les corps auffi compofés que (1} Dans la teconde édition de cet ouvrage, le règne- animal eommençoit par une expofition tùccinte de la nature des animaux , de leurs différences, des méthodes d’hiftoire naturelle néceffaires pour les diftinguer, 8c de la phyfîtjue- animale. La difpofition nouvelle des volumes, le peu de- rapport de cet objet pour ainfi dire defcriptif avec la chimie animale, nous a engagés à féparer cette partie, & a Is. reporter dans le cinquième volume. T xv 2Ç) 6 E l é m e n s le font les fubflances folides ou fluides des ani- maux : on n’a encore fournis à l’analyfe que quelques-unes des humeurs de l’homme, & celles de certains quadrupèdes. Beaucoup de raifons fe font oppofées à l’avan- cernent de cette branche de chimie; la difficulté & le défagrément de ces travaux , le peu de reffour- ces que la fcience offroit il y a quelques années pour traiter les matières animales fans leur faire éprouver de grandes altérations , l’impoffibilité de trouver la fynthèfe même la plus éloignée de la nature , pour reproduire ces matières, & fur- tout le peu d’intérêt que la plupart des chimiffes non médecins ont eu jufqu’à préfent pour les connoiffances que cette analyfe peut fournir, font les principaux motifs qui ont arrêté les progrès de la fcience fur cet objet. Cependant les recherches de quelques modernes, fur-tout de MM. Rouelle, Macquer, Bucquet, Poulletier de la Salle , Bertholet , Prouff , Schéele & Bergman, ont ouvert une carrière nouvelle , & annoncent que l’art de guérir pourra retirer de grands avantages de ce genre de travail. Le corps des principaux animaux , tels que l’homme & les quadrupèdes dont nous nous occupons en particulier, efl formé de fluides & de folides. On diflingue les humeurs des animaux en trois clalTes, relativement à leur d’Hist. Nat. et de Chimie. 297 ufage. La première clalLe renferme les humeurs récrémentitielles , deüinées à nourrir quelques organes ; la fécondé comprend les humeurs excrémentitielles qui font rejettées hors du corps par quelques émondoires, comme inutiles, & même comme fufceptibles de nuire fi elles étoient retenues trop long-tems. Dans la troi- fième, on range les humeurs qui tiennent des deux précédentes , Sc dont une partie elt récré - mentitielle & l’autre excrémentitielle. Les pre- mières font, le fang, la lymphe, la, gelée ou gélatine , la partie fibreufe ou glutineufe , la g rai fie , la moelle, la matière de la perfpira- tion intérieure & le fuc olTeux. Les fécondés comprennent le fluide de la tranfpiration , celui de la fueur, le mucus des narines , le cérumen des oreilles , la chaflie des yeux , l’urine & les excrémens. Les dernières font la falive , les larmes, la bile, le fuc pancréatique, le fuc gaflrique & inteflinal, le lait charbon qui fe brûle facilement ; les autres 33 fe réduifent en un charbon, dontlacombuflion 33 efl difficile ; enfin les unes forment la plus 33 grande partie des fubflances végétales , 8c les 33 autres la plus grande partie des fubflances 33 animales 8c delà vient qu’on les diflingue 33 par ces deux dénominations. 33 M. Bergman avoit formé par le moyen du I d’Hist. Nat. et de Chimie, ^or 33 lucre & de l’acide nitreux , un acide qu’il 33 nomma acide faccharin , & qui a des propriétés 33 remarquables ; j’appliquai aux fubllances ani- 33 males cette efpcce d’analyfe par l’acide /zi— 33 treux , & je trouvai que toutes donnoient une 33 quantité plus ou moins grande d’acide fac- 33 charin , mais toujours accompagne d’une huile » particulière; j’obfervai qu’on ne retiroit point 3> de Tel ammoniacal, mais qu’il reliait un réfidu os qu’on ne retrouvoit pas dans les fubllances 33 végétales. Je conclus de ces premières expé- 33 riences. Mémoires de V Académie jy8o , que les 33 fubftances animales contenoient une fubflance 33 analogue au lucre, qui étoit unie à une huile que 33 je regardois comme propre aux fubllances ani- 33 males. Mes expériences m’apprenoient encore 33 que l 'alkali volatil n’exifloit pas dans les fubf- » tances animales , mais qu’il étoit dû à une 33 combinaifon qui fe formoit , ou par l’aétion 33 de la chaleur , ou par l’influence de la putré- 33 fadion ; & enfin le réfidu, fur lequel je ne 33 m’expliquai point dans ce mémoire , contient 33 de l’acide phofphorique en excès combiné 33 avec la terre calcaire. » J’examinai enfuite l’adion que les chaux 8c 33 les fels métalliques exercent fur les fubllances 33 animales , 8c je prouvai que cette adion à 33 laquelle efl due leur cauflicité , efl: une fuite 302 E L é M E N s * des affinités chimiques des chaux métalliques qui tendent à fe revivifier avec plus ou moins >3 de force *, de forte que celles qui fe revivifient 39 très-facilement , telles que les chaux d’argent » & de mercure, ont beaucoup de caufticité >3 8c forment des fels trcs-canftiques. Il réfulte 3» delà , en appliquant les découvertes modernes des phyficiens à la théorie que j’avois donnée, »3 que c’eft l’air combiné dans les chaux métal- 33 liques 6c privé du principe de l’élafticité , qui 33 tend à s’unir avec un principe des fubftances 33 animales, &c ce principe me paroît être Fhuile 33 qu’elles contiennent ; mais la caufiicité des 33 alkalis ne pouvoit être attribuée à la même 33 caufe , elle devoit être l’effet d’une autre 33 affinité. J’ai prouvé dans les mémoires de 33 l’académie de 1782,. que l’alkali cauftique 33 diffolvoit les fubftances animales , fans défunir 33 leurs principes; j’ai fait connoître les pro- 33 priétés de cette combinaifon , & je m’en fuis »3 fervi pour unir enfuite la fubftance animale 33 avec les différentes chaux métalliques ; il en 33 eft réfulté plufieurs combinaifons qui étoient » inconnues aux chimiftes ; mais l’alkali caufli- >3 que traité de même avec les fubftances végéta- 33 les n’a point formé de combinaifons avec elles. 39 En fuivant mes recherches je fuis parvenu 33 à déterminer les principes de l 'alkali volatil d’HisT. Nat. et de Chimie. 303' » j’ai fait voir que Yalkali volatil étoit une com- sj binaifon de ga ^ inflammable détonant , ou sa pour le défigner d’une manière plus exacte, » de gaz inflammable de l’eau , & de Y air phlo - 3, gifliqué ou mofete , de forte que le gaz 53 inflammable fait à-peu-près le fixième en 33 poids ou les deux tiers en volume de Yalkali « volatil. J’ai enfuite déterminé comment Yalkali « volatil peut être produit par la putréfaèlion 33 ou par l’adion du feu. Toutes les fub fiances 33 qui ont le caradère de fubflances animales , 33 contiennent de la mofete , qu’on peut en 33 féparer abondamment par le moyen de l’acide 33 nitreux : il faut donc , lorfqu on diflille ces 33 fubflances , que leur mofete pafle dans quel- » que combinaifon, ou qu’on la retrouve dans les 33 produits aériformes; or, on ne la retrouve point 33 dans ces derniers , ainfi que je m’en fuis affiné 33 en faifant détoner le ga % inflammable qu’on 33 obtient par ce moyen , dans l’eudiomètre de 33 M. Volta , 8c en le comparant avec le gaz 33 inflammable , qu’on obtient par la diflillation » du charbon & celle des fubflances végétales, 33 & il n’y a dans les autres produits de la diflil- 33 lation , que Yalkali volatil qui ait pu la recevoir 33 dans fa compofition ; lors donc qu’il fe forme 33 de Yalkali volatil , la mofete des fubflances »3 animales fe combine avec le ga^ inflammable •304 É L É M E N S sj qui fe fépare de l’huile, ou plus probablement » avec celui qui provient de la décompofition >3 de l’eau , dont l’air vital fe combine en même 33 tems avec du charbon pour former de 1 \ùr nfixe* Dans la putréfadion le ga ^ inflammable 33 fe combine avec la mofete , au lieu que 33 dans la fermentation fpiritueufe, ce même 33 gaz fe combine avec une huile végétale & 33 du fucre pour former 1 'efprit-de~vin ,' dans 33 lequel j’ai retrouvé 8c féparé ces fubftances. 33 par le moyen de l’ acide marin déphlogifliqué. 33 II réfulte de ces différentes obfervations, 33 que les fubftances animales font beaucoup 33 plus compofées , que les fubftances purement 33 végétales ; elles contiennent une matière ana- 33 logue au fucre , une huile particulière , de 33 l’acide phofphorique combiné avec un peu 33 de terre calcaire , de la mofete Sc très- 33 probablement de l 'air fixe. C’eft l’acide phof- 33 phorique qui fe retrouve dans les charbons 30 des fubftances animales, combiné avec une 33 portion de véritable charbon , d’huile & de 33 terre, qui me paroît former la différence qu’011 » remarque entre les charbons des fubftances 33 animales & ceux des fubftances végétales >3. . Telle eft la manière claire & lumineufe dont M. Berthollet conçoit .& exprime la nature générale des fubftances animales ; lorfqu’on compare d’Hist. Nat. et de Chimie. 30; Compare ces réfultats précis aux idées vagues que l’on avoit préfentées jufqu’ici fur la diffé- rence des matières animales & végétales , on efl frappé des progrès que la chimie a faits depuis quelques années , par les recherches des chimiftes fuédois 8c françois. Il y a tout lieu d’efpérer que des travaux fuivis fur les matières animales , d’après le plan tracé par les plus célèbres chimiftes , depuis Margraf 8c Rouelle jufqu’au moment aétuel , donneront, beaucoup de connoiffances précieufes fur ces fubftances , fur leur formation , leurs altéra- tions & leur deftruction , 8c feront fpéciale- -ment très-utiles à l’art de guérir. L’application des découvertes déjà faites que nous préfente- rôns dans les chapitres fuivans , mettra cette affertion au nombre des vérités démontrées. CHAPITRE II. Du Sang . Parmi les humeurs récrémentitielles, la plus importante, la plus compofée, la plus impéné- trable, c’eft^e fang. Nous le traitons le premier parce que, fuivant la doctrine des plus grands médecins , il eft la fource 8c le foyer de tous les autres fluides animaux, Plufieurs médecins, Vonie IV\ V 506 E t É M Ë N s & en particulier M. Bordeu, le regardoient comme une efpèce de chair coulante , & comme un compofé de toutes les humeurs animales; ce fentiment n’efl cependant pas encore entièrement démontré, quoiqu’il foit très-vraifemblable. Le fang efl un fluide d’une belle couleur rouge , d’une confiflance ondueufe & grade , comme favoneufe , d’une faveur fade & un peu falée, qui efl contenu dans le cœur, les artères 8c les veines. Ce fluide différé beaucoup , fui- vant les régions qu’il parcourt ; 8c il n’efl pas le même, par exemple, dans les artères & dans les veines , dans la poitrine 8c dans la région du foie, dans les mufcles & dans les glandes, &c. C’eft un fait fur lequel les chimifles n’ont pas affez infiflé dans leurs recherches. En confidérant le fang dans tout le règne animal, on obferve qu’il varie Gngulièrement dans les différens animaux , par la couleur , la confiflance , l’odeur, & fur-tout la température. Cette dernière propriété efl la plus importante & paroît dépendre de la circulation & de la refpira- tion. L’homme , les quadrupèdes & les oifeaux , ont un fang plus chaud que le milieu qu’ils habi- tent; on les appelle , à caufede cela, animaux à fang chaud. Chez les poifTons 8c les reptiles, il efl d’une température à-peu-près égale à celle du milieu dans lequel ils vivent: on les nomme d’Hist. Nat. et de Chimie. 507 animaux à lang froid, à caufe de cette propriété; il efl vraifemblable qu’il en feroit de même des autres propriétés de ce fîuide, & fur-tout des qualités ou caraéfères chimiques, fi l’on cou- noiffoit le fang de tous les animaux. Le fang de l’homme , dont nous nous occu- pons fpécialement, différé fuivant l’âge, le fexe, le tempérament & l’état de fanté de chaque individu; dans l’enfance, chez les femmes & chez les pituiteux , il e(t plus pâle 8c moins confillant ; dans les hommes robufles & bien portans, il ell épais, d’un rouge foncé , prefque noir, & d’une faveur beaucoup plus falée. Avant de paflTer à l’analyfe du fang, il faut connoître fes propriétés phyfiques, fa'couleur, fa chaleur, fa faveur, fon odeur, fa confillance particulière que nous avons déjà indiquées. Le microfcope y découvre un grand nombre de globules, qui, lorfqu’ils viennent à fe brifer en pafiant, fuivant Leuwenhoek & Boerhaave, par des filières plus petites , perdent leur couleur rouge , deviennent jaunes 8c enfin blancs ; de forte que , fuivant le médecin de Leyde , un globule rouge eft un affeinblage de plufieurs globules blancs plus petits , & ne doit fa cou- leur qu’à l’aggrégation. Le fang offre encore une propriété phyfique fingulière. Tant qu’il ell chaud 8c en mouvement , il refte conflainment Vij . 308 E l é m e n s fluide & rouge ; lorfqu’il fe refroidit & qu’il ell en repos , il fe prend en une ma(Te folide qui peu-à-peu fe fépare d’elle- même en deux parties , l’une rouge qui fumage , dont la cou- leur fe fonce, 8c qui relie concrète jufqu’à ce qu’elle s’altère ; on la nomme le caillot ; l’autre qui occupe le fond du vafe , ell d’un jaune verdâtre , collante , on l’appelle férum ou lym- phe. Cette coagulation & cette Réparation fpon- tanée des deux parties du fang, fe fait dans les derniers inflans de la vie de l’animal -, 8< elle donne naiffance à ces matières concrètes que l’on trouve après la mort, dans le cœur 8c dans ' les gros vaifleaux , & qui ont été fjauflement regardées comme des polypes. Le fang expofé à une chaleur douce , long- tems continuée , pafle à la fermentation putride. Si on le diflille au bain-marie , il donne un phlegme d’une odeur fade , qui n’efl ni acide , lii alkalin , mais qui pafle facilement à la putré- fadion, à l’aide d’une fubflance animale qui y efl' diffoute. Le fang chauffe plus fortement fe coagule & fe defsèche peu-à-peu, comme l’a découvert de Haen ; il perd les fept huitièmes de Ton poids , 8c il fait effervefcence avec les acides. Il peut fe durcir allez par un feu bien ménagé pour former une efpèce de fubflance cornée. Si on expofe à l’air du fang defléché. d’Hist. Nat. et de Chimie. 309 il attire légèrement l’humidité , & il s’y forme au bout de quelques mois une effiorefcence faline, que Rouelle a reconnue pour du car- bonate de foude. Diflillé à feu nud, il donne tin phlegme falin ou tenant en difiblution un fel ammoniacal furehargé d’ammoniaque. La nature de l’acide empyreumatique contenu dans le fel ammoniacal, apperçu d’abord par Wieufiens, & qui a excité tant de difputes parmi les phyfiologiftes , n’a point encore été convenablement examinée. IL pafie après cè phlegme une huile légère „ puis une huile colorée & pefante , &,du carbonate ammoniacal fali par l’huile épaifTe , il relie dans la cornue un charbon fpongieux très-difficile, à incluérpn , dans lequel on trouve du muriate de fonder du carbonate de fonde , de J’oxide de fer, & une matière en apparence terreufe qui paroît être du phofphate_cal.cqire, . d Le fang entier uni aux; alcalis , devient plus fluide par le repos. Les. àçid^s le coagulent .ffirç, le qhamp , 8c en altèrent la couleur ; on relire alors en le filtrant , en évaporant la liqueur p a fiée par le filtre, en la défié chant à -pu fep; doux, &,en leffivant cette matière defiéçhée, les fels neutres que la foude forme avec chaque acide , que l’on peut employer indiffinélemcnu L’alcohol coagule le fang. : r' - i ■ 3.10 E.t'/É M E ÎT 5 Les expériences faites fur le fang entier, ne font point connoîtrè la nature ries (ubftances dont ce fluide eft compofé; mais la decompofi- tion fpontanée du fang:& la réparation de fes deux parties, le caillot & le férum, nous o tirent un moyen d’acquérir ces conooiffances , en exa- minant chacune de ces matières en particulier. Il n’y a que quelques, années que l'anal y fe chi- mique du fang étoit bornée à ce que nous venons d’expofer ; MM. Menghini , Rouelle le jeune & Bu.cquet , ont examiné cette humeur d’une manière toute différente ; ces deux der- niers chimifîes fur-tout ont fait fur cet objet des travaux , qui prouvent combien Tanalyfe des matières animales eft fufceptible d’être per- fectionnée en marchant fur leurs traces.- G’eft d'après les recherchés de ces favahs,- que-nous allons! coofidérer les propriété-, de chacune des fubfîances qui compofent le fang. Le férum eff bien éloigné d’être de l’éau pure, c’eft’une matière particulière, très - importante à confidérer , & à laquelle nous donnons le nom dé fluide albumineux. Ce fluide eft d’un blanc jaunâtre , qui tire un peu fur le vert ; fa faveur eft fade & falée ; fa conflltance eft onCtueule & collante. Expofé au feu , il fe coa- gule & fe durcit long-tems avant de bouillir ; il verdit le firop de violettes, Diftillé au bain- d’Hist. Nat. et de Chimie. 311' marie, il donne un phlegme d’une faveur douce & fade , qui n’eft ni acide , ni alkalin , mais qui fe pourrit promptement ; privé de ce phlegme, il eft fec , dur & tranfparent comme de la corne ; il ne peut plus fe dilToudre dans l’eau ; dilhllé à la cornue, il fournit un phlegme alkalin , beau- coup de carbonate ammoniacal 8c une huile épaiffe tiès-fétide. Tous ces produits ont en général une odeur fétide particulière. Le charbon du férum dillillé à feu nud, remplit prefqu’en- iièrement la cornue, il eh fi difficile à incinérer , qu’il faut le tenir embrafé pendant plufieurs heures, & lui faire préfenter une grande furface à l’air avant de le réduire en cendre. Cette dernière eft d’un gris noirâtre , elle contient dn - muriate & du carbonate de foude , du phof- phate calcaire. Le férum , expofé quelque tems à une tempe- rature chaude dans un vailTeau ouvert J paiTe facilement à la putréfaction , & donne alors beaucoup de carbonate ammoniacal accompa- gné d’une huile dontl’odeur eft infupportable. Il fe pourrit fi rapidement, que Bucquet na pas pu s’aftbrer s’il paffoit à l’acide avant de devenir alkalin. Cette liqueur s’unit à l’eau en toutes proportions , elle perd alors fa confié tance , fa faveur 8c fa couleur verdâtre , 1 atrt agiter ce mélange , afin d’en favorifer la com V iv 312 ÊlémeNs binai Ton , paice que la cienfi té différente de ces deux fluides met un obflacle à leur union. Le férum j vei fe dans 1 eau bouillante, fe coagule en grande paitie , 5c fur le champ. Une portion de ce fluide forme avec l’eau une efpèce de liqueur blanche opaque & laiteufe , qui a , fuivant Bucquet, tous les caraétères du lait; ceft-à-dne, qui fe raréfie 5c monte comme ce fluide par la chaleur , qui fe ■ coagule parles mêmes agents , par les acides, par l’alcohol. Les alkalis unis au férum , le rendent plus fluide en y- opérant une forte de diflolution. Les acides l’altèrent d’une manière oppofée ; ils Im donnent.de la carhflànce, & ils île coagulent. En filtrant ce mélange 8c en faifant évaporer le fluide obtenu par cette filtration , on obtient le fel neutre que 1 acide employé doit former avec la foude ;.ce qui prouve que ce dernier fel exifte a nud 8c pourvu de toutes fes propriétés dans le férum. Le coagulum formé dans cette liqueur pat 1 addition d’un acide , fe diflout très-promp- tement dans l’ammoniaque , qui efl le véritable diflblvant de la partie albumineufe ; mais il ne fe dilfout pas du tout dans l’eau pure : les acides précipitent cette matière unie à l’ammo- niaque. Le coagulum diflillé à feu nud, donne les mêmes produits que le férum defféché, 8c fon charbon contient beaucoup de carbonate to’HisT. Nat. et de Chimie. 3r3 de foude; ce qui prouve, fuivant Bucquet , qu’il y a une portion de ce Tel combiné intimé- ment dans le férum , que l’acide employé pour le coaguler ne fature point. Le férum épaiffi donne du gaz azotique par l’aélion de l’acide nitrique, à l’aide d’une légère chaleur; en augmentant le feu, il fe dégage du gaz nitreux -du mélange, le réfidu fournit de l’acide oxalique., & on en retire auiïi une petite quantité d’acide malique. Le férum ne décompofe point les fels neu- tres calcaires & alumineux ; mais il décompofe très-bien les fels métalliques. Il eft coagulable par l’alcohol ; ce coagulu.m différé beaucoup de celui qui eft formé par les acides , par fa diffolubilité dans l’eau , fuivant la découverte de Bucquet. Ce liquide paroît donc être d’après ces recherches., un mucilage animal , compofé d’eau , de bafes huileufes acidifiables, de muriate & de carbonate de foude , de phofphate cal.-l caire ; c’efl à ce dernier que paroît être dû le précipité rofé que j’ai obtenu en verfant de la diffolution nitrique de mercure dans le férum. Quoique le liquide foit très-peu coloré, le mélange de l’acide nitrique & fur - tour du .nitrate de mercure y développe une couleur rofe ou gris de lin , que j’ai eu occafion d’ob- ferver dans beaucoup d’autres liqueurs ani- 2*4 Ë L É M E N S males. La propriété la plus iîngulière de ce mu- cilage, & qui mérite, de fixer l’attention des médecins, eft celle de devenir concret par fac- tion du feu 8c des acides. Schéele croit que ce phénomène eft du à la combinaifon de la chaleur. Le caillot du fang, expofé à la chaleur du bain-marie, donneuneeau fade; il fe defsèche Sc devient caftant. Il fournit à la cornue un phlegme alkalin une huile épailfe d’une odeur fétide 8c empyreumatique , 8c beaucoup de car- bonate ammoniacal. Son réfidu eft un charbon fpongieux, d’un afpeél brillant 8c métallique, difficile à incinérer, 8c qui, traité avec l’acide fulfürique, donne des fulfates de foude 8c de fer ; il laifle après ces opérations un mélange de phofphate calcaire & de. matière charbo- lieufe. Le caillot fe pourrit allez promptement à un air chaud. Lorfqu’on le lave avec de l’eau , ce fluide le fépare en deux matières très- diftin&es. L’une qu'il diflbut , lui donne une couleur rouge. Cette diflblution , traitée par diflerens menftrues , préfente tous les caraélères du férum-, mais elle contient une beaucoup pliis grande quantité de fer. Ce métal s’en retire par l’incinération , & en lavant le charbon incinéré pour en fcparer les matières falines. Le réfidu de cette leffive eft dans l’état d’oxide de d’Hist. Nat. et de Chimie. 317 fer d’une aiïez belle couleur brune ; il eft ordi- nairement attirable à l’aimant. C’eft à ce métal que l’on a attribue la couleur du fang. Le fer a été tiré de ce Üuicle en aiïez grande quantité par MM. Menghini, Rouelle & Bucquet. Le caillot , après avoir été lavé & épuifé de tout ce qu’il contenoit du fcrura rouge , eft dans l’état d’une matière blanche fibreufe , qui nous relie à examiner. La partie fibreufe du fang eft blanche & fans couleur, lorfqu’elle a été bien lavée; elle n’a qu’une faveur fade. On en retire en la dif- tillant au bain-marie, un phlegme infipide d’une odeur fade, & fufceptible de fe pourrir. La chaleur la plus douce durcit fingulièrement la matière fibreufe. Lorfqu’on l’expofe brufque- ment à un feu vif, elle fe retire comme du parchemin ; diftillée à la cornue , elle donne un phlegme ammoniacal , une huile pefante, épaifle & très-fétide , beaucoup de carbonate ammo- niacal, fali par une portion d’huile. Son char- bon eft peu volumineux, compare , pefant, moins difficile à incinérer que celui du férum. Sa cendre eft très - blanche ; elle ne contient ni matière faline , emportée fans doute par le lavage du caillot, ni fer; c’eft une efpèce de réfidu dont l’afped eft terreux , & qui paroit être du phofphate calcaire. É L t M Ë N 3 316 La partie fibrenfe fe pourrit très- vite, 8c avec beaucoup de facilité. Lorfqu’elle efl expofée à un air chaud & humide, elle fe gonfle, 8c dort il è: alors beaucoup d’ammoniaque Elle n’efl pas foluble daris l’eau; lorfqu’on la fait bouillir avec ce fluide, elle fe durcit 8c prend une couleur grife. Les alkalis ne la diflolvent pas ; maisrdes acides même les plus foibles s’y com- binent. L’acide nitrique en dégage beaucoup de gaz azotique , ainfi ..que l’a annoncé M. Ber- thôllet; enfuiteiibla difTout avec effervefcence. 8c dégagement de gaz nitreux; lorfque tout ce gaz efl dégagé , on obferve dans le réfidu des floccohs huileux 8c falins qui nagent dans une liqueur jaunâtre-, en évaporant cette liqueur on en obtient des criflaux d’acide oxalique , 8c il fe dépofe une aflez grande quantité de floccons formés d’une huile particulière 8c de phofphate calcaire. Il paroît qu’il y a deux huiles dans la partie fibreufe, l’une qui avec l’oxigène conftitue l’acide oxalique , l’autre qui forme avec le même principe l’acide malique. La matière fibreufe fe difTout aufli 'dans l’acide muriatique qui lui fait prendre la forme d’une efpcce de gelée verte. L’acide du vinaigre la difTout. à l’aide de la chaleur; l’eau, 8c fur-tout les alkalis précipitent .la, partie fibreufe unie aux acides. Cette matière animale efl décorn.- d’Hist. Nat. et de CiïimiE. 317 pofée dans ces combinaifons ; & lorsqu’on la fépare des acides par un moyen quelconque , «lie ne préfente plus les mêmes propriétés. Les fels neutres & les autres matières minérales l/ont aucune aétion fur elle. Elle s’unit à la matière albumineufe, fur-tout à celle qui eff colorée , pour former le caillot. Ce dernier eff foluble en entier dans les acides comme la partie fibreufe , fans doute à caufe de la combinaifon de cette matière avec le férum rouge On voit d’après cela que la partie fibreufe différé beau- coup de la matière albumineufe. C’eff une fubf- tance plus animalifée que cette dernière, une forte de gluten animal qui a beaucoup de rapport avec celui de la farine , & qui fur-tout a la propriété bien remarquable de devenir concret par le refroidiffement 8c le repos. On ne peut douter que cette matière , qui n’a point encore étéaffez diffinguée par les phyfiologifles 8c les pathologilles , ne joue un rôle particulier dans l’économie animale. J’ai annoncé depuis long-tems qu’elle fe dépofe dans les mufcles , qu’elle fait la bafe fibreufe de ces organes 8c qu’elle conftitue la matière irritable par excel- lence. J’ai cru qu’il étoit important de faire plus d’attention à cette fubftance qu’on ne l’a fait jufqu’aduellement , 8c de la confidérer comme capable de caufer par fon abondance E L é M E N S ou fa déviation , des maladies particulières » 8c j’ai configné les preuves de ces confidéra- tions utiles à la médecine , dans un mémoire inféré dans le volume de la fociété royale de médecine pour 1783, &c. Il paroît que c’eft dans fa fubftance fibreufe qu’exifte l’acide par- ticulier que fournit le fang à la diftillation, 8c que M. Chauffer en a retiré par l’adion de l’al- cohol. C’eft pour cela que j’ai propofé de l’appeler acide cruorique , fi on parvient à le faire connoître comme un acide animal parti- ticulier. Malgré ces belles recherches fur le fang, il s’en faut de beaucoup que toutes les pro- priétés chimiques de cette humeur foient con- nues. On ne fait point encore quelle différence intime il y a entre le férum & la partie fibreufe ; on n’a point examiné le fang dans tous fes états , 8c fur-tout dans différentes maladies où ce fluide éprouve des altérations confidérables ; par exemple , dans les fortes inflammations , dans la chlorofe, le fcorbut , &c. Les médecins ne connûiffent ces altérations que par des caraétères extérieurs, 8c il eft fort à defirer que des analyfes exades éclairent la pratique fur leur nature. Rouelle a examiné le fang de quelques qua- drupèdes, tels que le bœuf, le cheval, le veau, d’Hist. Nat. et de Chimie. 319 le mouton , le porc , l’âne & la chèvre. Il en a retiré les mêmes produits que de celui de l’homme , mais en différentes proportions. CHAPITRE III. Du Lait . Le lait efl une humeur récrémentitielle defli- née à nourrir les jeunes animaux dans le pre- mier tems de leur vie. Il eff d’un blanc mat, d’une faveur douce fucrée , d’une odeur légè- rement aromatique. Après la femme , les qua- drupèdes & les cétacés font les feuls animaux qui aient du lait. Tous les autres animaux n’ont point les organes deffinés à la fécrétion de cette humeur. On a toujours cru que le lait fe féparoit immédiatement , par les glandes mammaires , du fangque des artères allez nombreufes y verfent j mais on n’a point démontré jufqu’ici dans le fang, les principes que l’on trouve dans le lait, & l’anatomie moderne a appris que les mam« melles font garnies d’une grande quantité de vaifleaux lymphatiques 8c abforbans plongés dans un tilïii grailfeux; la liqueur qu’ils contien- nent eff peut-être un des principaux matériaux du lait. 320 £ L É M E N S Le lait différé beaucoup dans les diverfes efpèces d’animaux ; dans la femme , il eft très -fucré ; celui de vache eff doux, & fes principes font bien liés -, ceux de la chèvre & de l’âneffe ont une vertu particulière ; ils font f©u vent légèrement aftringens. Au relie , les propriétés variables du lait dépendent ordinai- rement des alimens dont les animaux fe nour- riffent. Le lait de vache qu’on prend pour exemple dans l’analyfe , parce qu’on fe le procure faci- lement , eû un compofé de trois fubllances différentes , du férum ou petit lait , qui efl fluide & tranfparent , du beurre & du frdmage, qui tous les deux ont plus de confiflance. Ces trois parties font mêlées & fufpendues , de forte qu’elles forment une efpèce d’émullioû animale. Le lait diflillé à la chaleur du bain-marie , donne un phlegme fans faveur, d’une odeur fade & fufceptible de fe putréfier. A une chaleur un peu plus forte, il fe coagule comme le fang, fuivant l’obfervation de Bucquet. En l’agitant 8c en le féchant peu-à-peu , il forme une forte d’extrait fucré que l’on appelle fran- chipane. Cet extrait diffotis dans l’eau conflitue le petit lait d’Hoffman. Diflillé à feu nud, cet extrait fournit de l’acide , de l’huile fluide , de L’huile d’Hist. Nat. et de Chimie. 32B l’huile concrète & du carbonate ammoniacal. Son charbon contient un peu de potaiïe,,du tnuriate de potaffe 8c du phofphate calcaire. Le lait , expofé à une température chaude, eh fufceptible de paflhr à la fermentation fpiri- tueufe, 8c de former une efpèce de vin, mais il faut qu'il foit en grande maire. Les Tartares préparent une liqueur fpiritueufe avec le lait de jument. Le lait pafle promptement à l’acide , Sc alors il fe coagule. La partie caféeufe fe prend en maffe, le férum s’enfépare. Les acides produifent fur-le-champ le même effet fur le lait ; ils le coagulent ; les alkalis , Sc fur-tout l’ammoniaque rediflolvent ce coagu - lum. Boerhaave alTure qu’en faifant bouillir du lait avec de l’ huile de tartre , ce fluide devient jaune , enfuite rouge 8c de la couleur du fang. Il penfe même que c’efl une combinaifon fem- blable, qui fait pafler le lait à l’état de véritable fang dans le corps humain. Les fels neutres, le fucre, 8c la gomme coagulent auffl le lait à l’aide de la chaleur, fuivant l’obfervation de Schéele. Pour préparer le petit lait, on fait chauffer le lait entier, en y ajoutant douze à quinze grains de préfure par pinte. Cette fubflance, formée par le mélange du lait aigri dans l’eftomac des yeaux , 8c du fuc gaftrique ; efl un ferment qqi Tome IV t X $22 E L É M E N coagule la partie caféeufe. Lorfque cette coagu- lation efl: faite , on patte le lait par une éta- mine. Le gallium , la fleur de chardon & d’ar- îichaud agiffent comme la préfure fur le lait. La membrane interne de Peflomac du veau 8c des oi féaux, féchée & mife en poudre, produit le même effet fur le lait, ce qui prouve que c’eft au fuc gaflrique deflcché & contenu dans les pores de cette membrane qu’efl due la coa- gulation de cette liqueur. ^ Le férum ou le petit lait , préparé de cette manière, eft trouble ; on le clarifie dans les pharmacies a 1 aide du blanc d ceuf & du tartre. Lorfqu’on veut avoir le ferum ou petit lait bien pur , pour en examiner la nature , il ne faut point y mêler de tartrite acidulé de potaffe. Le férum du lait a une faveur douce. Lorf- qu’il efl préparé avec du lait frais , il contient un fel effentiel fucré , mais il prend facilement un goût; aigre par la fermentation qui s’y établit* Ce mouvement efl produit par l’altération d’un principe muqueux contenu dans le lait ; c efl le développement de cet acide , qui fépare le petit lait des autres matières qui condiment le lait entier. Il efl donc neceflane d examiner la nature de l’acide qui fe forme dans le lait aigri 8c qui conflitue le petit lait fermenté. d’Hist. Nat. et de Chimie. 323 Tout le monde fait que le lait livré à lui- même, à une température de 16 à 20 degrés, éprouve en quelques jours une fermentation qui y développe un acide , & qui en fépare le beurre & le fromage. L’acide qui fe forme par cette fermentation & qui efi auffi fort qu’il peut l’être au bout de douze à quinze jours a été examiné par Schéele ; nous l’appelons acide lactique. Voici le procédé que Schéele a fuivi pour obtenir cet acide pur, après avoir tenté inutilement de le féparer par la diîfïHatiùn du petit lait aigri ; cette opération ne iui ayant donné qu’un peu de vinaigre , il a fait éva- porer le petit lait aigri au huitième , après l’avoir filtré pour en féparer toute la matière caféeufe ; il en a précipité la terre animale par l’eau de chaux ; il l’a délayée avec trois fois fon poids d’eau , & il en a féparé la chaux par l’acide oxalique ; pour s’afiurer qu’il n’ÿ refioit point de ce dernier acide , il l’a eflayée par l’eau de chaux, enfuite il a évaporé la liqueur eh Confiftance de miel, & il en a pré- cipité le fucre de lait & quelques autres fubf- tancés étrangères en y mêlant de laîcohol, qui diffout facilement l’acide ladique ; enfin il a diflillé cette difiolution, & l’alcohol ayant été volatilifé, l’acide ladique elt refié pur dans la Xij Elément cornue. Schéele a reconnu les propriétés fuivân- tes à cet acide. Evaporé même en confiflance très-forte, il ire donne point de criflaux ; il attire l’humidité de l’air i il fournit à la diflillation un acide em- pyreumatique , femblable a 1 acide pyro-tarta- reux , un peu d’huile , 8c un mélange de gaz acide carbonique & de gaz hydrogène car- boné. I Uni aux trois alkalis , à la baryte & à la chaux l’acide laétique forme des fels déliquefcens. Sa combinaifon avec la magnéfie fe criflallife, mais elle attire aufli l’humidité de l’air. La plupart de ces fels ou laétates alkalins 8c terreux font folubles dans l’alcohol. L’acide laétique n’at- taque en aucune manière le cobalt , le bif- muth , l’antimoine , le mercure , l’argent 8i l’or , même par la chaleur de l’ébullition. Il diiïbut le zinc 8c le fer, en produifant du gaz hydro- gène ; le premier de ces fels ou le laétate de zinc , criflallife ; le fécond ou laétate de fer , forme une mafle brune déliquefeente. L’acide laétique oxide 8c diiïbut le cuivre de le plomb. La diffolution de ce dernier métal laide dépofer un peu de fulfate de plomb , ce qui indique la préfence d’un peu d acide Sulfurique dans cet acide animal. Enfin il dé- d’Hist. Nat. et de Chimie. 32? eompofe l’acétite de potafTe ; cette dernière propriété , ainfi que la plupart de celles que nous venons de faire connoîrre , annoncent que l’acide laétique différé du vinaigre. Schéele ajoute à ces détails qu’on peut obtenir un vrai vinaigre du lait , en mêlant fix cuillerées d’al- cohol à trois pintes de lait , & en faisant fer- menter ce mélange dans un vafe bien bouché; il faut donner de tems en tems iffue au gaz qui fe dégage de cette fermentation .; au bout d un mois le lait eft changé en bon vinaigre; 011 peut le paffer à travers un linge & le conferver dans des bouteilles. Le célèbre chimifte fuédois- . ' ’ , . ; r ajoute encore que du lait mis dans une bou- teille, dont on plonge le goulot dans un vafe plein de la même liqueur, éprouve à une cha- leur un peu plus forte, que celle de l’été, une fermentation qui donne lieu au dégagement d'une grande quantité de fluide élaflique. Ce fluide déplace le lait , & en vuide prefque entiè- rement la bouteille au bout de deux jours; l’acide qui eft produit dans cette fermentation, qui a lieu fans le contad de l’air , paroît devoir fon oxigène ou la bafe acidifiante de l’air , à la décompofition de beau- Le férum du lait doux & non aigri féparé par la préfure, tient en diffolution une certaine quantité d’une fubflance faline , connue fous le X ii i E L É M E N' 3 nom de Tel ou fucre de lait. Quoique Kempfer aiïure que les Bracmanes ont connu le procédé pour prépare? ce fel , il paroît que Fabricius Bartholet ou Bartholdi médecin italien , eft le premier qui en ait fait mention en iéip.Etmuller, Tefti , Werlolchnigg , Wallifnieri , Fickius & Çartheufer , en ont fucceffivement parlé & ont décrit les moyens de l’obtenir. MM. Vulgamoz 6c Liçhtenftein ont très-bien détaillé l’art de retirer cette fubfiance faline , que l’on prépare en grand dans plufieurs endroits de la Suiffe. On évapore le petit lait , obtenu du lait écrémé 8c coagulé par la préfure, jufqu’en confiflance de miel, on le met dans des moules, 8c on le fait fécher au foleil , c’eft le fucre de lait en tablettes ; on les fait dilïoudre dans l’eau , on les clarifie avec le blanc d’œuf, on évapore en confiftancq de firop , 8c on lailTe criftallifer la liqueur au frais ; il s’y forme des criflaux blancs , en pa- rallélipipcdes rhomboïdaux; l’eau-mère en dé- pofe de jaunes 8c de bruns , qu’on purifie par des diffolutions fuccefîives. M. Lichtenflein a examiné 8c analyfé les differens fucres de lait qui fe vendent à divers prix en SuifTe , 8c il a fur-tout difiingué , 1°. le fucre de lait doux 8c blanc qui efi retiré du petit lait doux 8c puri- fié ; 2°. le fucre de lait acefcent , qu’on obtient du petit lait aigri ; 30, le fucre de lait rendu. d*Hist. Nat. et de Chimie. 327 impur par des parties grajfes , qui fe fépare, fuivant lui, par première c.iflalüfation ; q°. le fucre de lait mêlé d huile & de fol commun qui criflallife le dernier ; J°. le fucre de lait mêlé de parties grajjes f de jel commun & de Jel am- moniac ; il efi glüant & faumide ; il donne de l’ammoniaque par l’alka;i fixe ; 6°. enfin, le fucre de lait mêlé de toutes les fubfiances pré- cédentes, & de plus de partie extr active & de matière cafoeufo j ce dernier efï de la confiltanoe du miel, il fe rancit , il elt âcre & malfaifant. Le fucre de lait bien pur a une faveur légère- ment fucrée , fade & comme terreufe ; il s’en perd toujours par des diffolutions fuceeflives. Il fe dif- fout dans trois ou quatre parties d’eau chaude J il donne à la diftillation les mêmes produits que le fucre, fuivant A1M. Rouelle,. V ulgamoz. 8c Schéele. Le premier de ces chimilles a retiré d’une livre de ce fel brûlé 24- à 30 grains de cendre dont 3 quarts étoient du murrate de potafTe , Sc le quart du carbonate de potafïe* Sur un charbon allumé , le fucre de lait fe fond , fe bourfoulÏÏe , exhale une odeur de caramel , 8c brûle comme le fucre. Ces pro- priétés dévoient faire préfumer que ce fel don- neroit comme le fucre de l’acide oxalique par l’acide nitrique; Schéele a confirmé ce loupçorc par fes expériences ; mais il a obfervé qu il X iv 32$ E l è m e u' 3 falloit beaucoup plus d’efprit de nître pouï l’obtenir ; que 4 onces de fucre de lait don- noient y gros d’acide oxalique ; & il a découvert en étendant dans l’eau le réfidu du fucre de lait traité par l’acide nitrique , 6c en le filtrant pour faire évaporer & criftallifer l’acide oxa- lique, qu’il refloit fur le filtre une poudre blan- che , dans laquelle il a trouvé les caraélères d’un acide particulier, 8c différent du premier. Nous le délignons par le nom d’acide facco - laàique. Voici les propriétés que Schéele y a reconnues. Cet acide eft fous la forme d’une poudre blanche 8c grenue ; deux gros de ce fel bien pur chauffés dans une cornue de verre fe font fondus , bourfouffiés & noircis ; il s’efl fublimé un fel brun d’une odeur mixte de benjoin & de fuccin , pefant 3 y grains ; ce fublimé étoit acide , diffoluble dans I’alcohol , plus difficile- ment dans l’eau , 8c brûloit fur les charbons. Il y avoit dans le récipient une liqueur brune fans caradère huileux ; il eft refié onze grains de charbon dans la cornue. Il s’efl dégagé de i^acide carbonique & du gaz hydrogène pen- dant cette diflillation. L’acide faccholaétique efl très- peu foluble dans l’eau , puifqu’une once d’eau bouillante n’en diffout que fix grains , dont un quart fe précipite par le refroidiffe- d’HisT. Nat. et de Chimie. 329 ment. M. de Morveau dit que cet acide fait effervefcence avec la diffolution chaude de carbonate de potaffe; le faccho-lade de potaffe criitallifé par le refroidiffement fui dilfous dans huit fois fon poids d’eau chaude , 6c criitallifa de nouveau par le refroidi (Tement de la liqueur* Le faccho-lade de foude eft criffallifable, 6c il n’exige que cinq parues d’eau pour fa diffo- lution. Cet acide fe combine également avec l’ammoniaque } le fel neutre qui en réfulte perd fa bafe volatile par la chaleur. L’acide faccho- ladique forme avec la baryte, l’alumine, la magnéfîe Sc la chaux des fels prefque infolu- bles. Il n’agit que très-foiblement fur les mé- taux , 6c il forme avec leurs oxides des fels peu folubles. Il précipite les nitrates de mercure, de plomb 6c d’argent, ainfi que le muriate de plomb. Schéele crut d’abord en faifant cette dé- couverte , que la poudre blanche dépofée par l’acide oxalique obtenu du fucre de lait par l’acide nitrique , n’étoit qu’une portion d’oxalate calcaire formé par la chaux, qui pouvoit être contenu dans ce fel animal ; mais il fut bientôt détrompé en verfant un peu d’acide oxalique pur dans une diffolution de fucre de lait ; ce mélange ne donne aucun précipité ; cependant M, Hermfladt, qui a donné dans le journal' 330 Ë t i M E s de M. Crell deux mémoires fur le fucre de Iair, dans le fécond defquels il s’occupe particuliè- rement de cet acide terreux, croit malgré les expériences de Schéele , que c’eft un compofé d’acide oxalique, de chaux & d’une matière grade ; mais M. de Morveau en examinant avec fon exaditude ordinaire les expériences de ce c-himifle , & en les comparant aux recherches de Schéele , fait voir dans le nouveau Didion- naire Encyclopédique, que M. Hermllatd n’a pas rempli la tâche qu’il s’étqit propofée , & que d’après fes réfultats mêmes, la découverte du chi mille fuédois eft plutôt confirmée que détruite. M. de Morveau a fait lui-même plu- fieurs expériences ingénieufes qui établilfent cette alfertion. Ajoutons à ces détails que les acides oxalique & faccholadique n’exillent point tout formés dans le fucre de lait , & que ce fel n’en contient que les bafes qui enlèvent l’oxigène ou principe acidifiant à l’acide nitrique. Obfer- vons encore que peut-être par de nouvelles expériences, on pourra démontrer quelque joue que l’acide faccholadique n’eft qu’une modifica- tion de quelqu’autre acide végétal , car tout prouve que les principes du petit lait appar- tiennent aux végétaux dont les animaux fe nourrillent. Le baron de Haller a donné les proportions d’Hist. Nat. tr de Chimie. 331 s fuivantes du fucre dans le lait des difiérens animaux. Quatre onces de lait de brebis ont fourni de fucre de lait. à 37 grains. De chèvre 47 4P- De vache « 73 74 De femme ^ 7 De jument. ^9 7° D’âneffe 80 82 Rouelle a obfervé que le petit lait de va- che , d’où on a retiré le fucre de lait fe prend en une efpèce de gelée par le refroidiflement , & il y admet conféquemment de la matière ^élatineufe. Le fromage ou la matière caféeufe du lait fe. prend en maffe , & fe fépare des auties par- ties de ce liquide par l’aétion du feu , par la fermentation acide que cette liqueur eü fufcep- tible d’éprouver , & par le mélange des acides. Cette matière bien lavée eü blanche , folide 8c comme de l’albumen cuit ; l’aâion d’un feu doux la durcit. La diflillarion au bain - marie en extrait un phlegme infipide & qui fe pourrit. La fromage deüeché , diüillé à la cornue 9 donne un phlegme alkalin , une huile pelante 8c beaucoup de carbonate ammoniacal. Son charbon eü denfe , trèf-difôcile à incinérer , & $3* Ê t ï m i ii s il ne fournit point d’alkali fixe. En traitàrrc ce charbon avec l’acide nitrique, on y trouve de lâ chaux & de l’acide phofphorique. Le fromage fe pourrit a une température chaude; il fe gonfle, répand une odeur infede, prend une demi-fluidité, fe couvre d’une écume due au dégagement d’un gaz très - odorant & tiès-méphitique qui s’échappe difficilement de cette matière vifqueufe. Le fromage efl indiffbluble dans l’eau froide; l’eau chaude le durcit. Schéele a obfervé que lorfqu’il a été précipité par un acide étran- ger, 1 eau bouillante peut en diffoudre un© partie. Les alkalis le diflolvent, & fur-tout Pammo- maque qui, verfée à la dofe de quelques gouttes dans du lait coagulé par un acide, fait bientôt difparoître le coagulum . Les acides concentrés diflolvent auffi fe fro- mage ; 1 acide nitrique en dégage du gaz azo- tique ; les acides végétaux ne le diflolvent point fenfiblement. Sa diflblution dans les acides miné- raux , efl: précipitée par les alkalis qui le re- di doivent , fi Pon en met une trop grande quantité. Les Tels neutres , 8c fpécialement le muriate de foude, retardent fa putréfaction. L’alcohol le coagule, ' d’Hist. Nat. et de Chimie. 355 II paroît , d’après tous ces détails , que le fromage e£l une fubflance femblable à l’albumen du fang. Le beurre fe fépare en partie du lait par le repos ; il fe rafïemble à fa furface j mais comme il eft mêlé avec beaucoup de férum & de ma- tière caféeufe , on le dégage de ces fubftances par un mouvement rapide ; c’eft ce qui conflitue l’art de faire ou de battre le beurre. Le férum qui fumage le beurre battu , retient une portion de cette fubflance huileufe , il eft jaune, aigre 8c gras; on le nomme lait de beurre. Ce que l’on appelle la crème , eft un mélange de fromage & de beurre , que l’on enlève de deflus le lait. Elle eft beaucoup plus difficile à digérer que le lait entier. Cette fubflance eft fufceptible de moulïer par une grande agitation. Dans cet état elle conflitue la crème fouettée . Le beurre pur eft concret & mou, d’un jaune plus ou moins doré , d’une faveur douce, agréable. Il fe fond à une douce chaleur , 8c devient folide par le refroidiffement. Diflillé au bain-marie , il donne un phlegme prefqu’in- fipide. A la cornue , il fournit un acide d’une odeur très-piquante 8c très-forte; d’abord une huile fluide , enfuite une huile concrète , colorée, de la même odeur piquapte que l’aci- 554 É L É M E N S de. En reélifîant ces produits , on rend l’huile fluide & aufti volatile que les huiles eflentielles. Le charbon qui refte eft peu abondant. L’acide obtenu du beurre par la dillillation , paroît être de la même nature que celui qu’on retire de la graille , 8c dont nous parlerons plus bas fous le nom d’acide fébacique. On peut aufft Je retirer dans l’état de fels neutres par la chaux , la p ota (Te & la fonde* Le beurre devient aifément acide 8c rance à une température chaude. Son acide efl alors développé, 8c il a une faveur défagréable. L’eau 8c l’alcohol le rapprochent de fon premier état en dilTolvant l’acide. L’alkali fixe diftout le beurre , 8c forme avec lui un véritable favon. On voit d’après ces détails , que le beurre efl une fubflance huileufe , de la nature des huiles fixes végétales concrètes. Le beurre frais eft doux , tempérant & re- lâchant. Mais il s’aigrit facilement, 8c convient en général à peu d’eftomacs ; le beurre roux , dont l’acide efl développé , eft un des alimens les plus mal-fains & les plus difficiles à digérer. Le lait eft un aliment agréable & utile dans un grand nombre de cas. C’eft même un des médicamens les plus précieux que la médecine pofsède. Il adoucit les humeurs âcres dam les maladies de la peau 8c des articulations, telles d’Hist. Nat. et de Chimie. 33^ que les dartres , la goutte , &c. Il cicatrife quel- ques ulcères d’une bonne nature. On peut le charger des parties aromatiques des plantes; & c’efl alors un médicament excellent dans la phthifie pulmonaire. Tous les eftomacs ne digè- rent pas le lait. Les perfonnes qui ont des aigres ou trop d’acide dans les premières voies, en font ordinairement incommodées. Il demande en général beaucoup de prudence dans fon adminiftration. On fe fert fouvent avec fuccès d’un lait rendu médicamenteux par les diverfes fubftances qu’on fait prendre à l’animal qui le fournit , &c. Le lait des difîerens animaux a quelques ver- tus particulières. Celui de femme eft doux, très-fucré, & il convient beaucoup dans le ma- rafme. Le lait d’ânefle s’emploie avec fuccès dans la phthifie pulmonaire , la goutte ; il re- lâche ordinairement. Le lait de jument fe rapproche de celui d’âneffe. Le lait de chèvre eft féreux, & légèrement aflringent. Celui de vache efl le plus épais , le plus gras , le plus nourrit- fant ; il eft auflï le plus difficile à digérer , & on efl fouvent obligé de le couper avec de l’eau, ou avec quelqu’infufion aromatique, fur -tout s’il ne patte pas facilement , ou s’il caufe le dé- yoiement. Le lait s’emploie aufli à l’extérieur , comme ÊILÉMEN* adouciiïant & émollient. Il calme promptement les douleurs , il mûrit les dépôts & les abcès , 8c il en accélère la fuppuration. On l’applique chaud & renfermé dans une veffie fur les parties douloureufes. CHAPITRE IV. De la GraiJJe . La graille eft une matière huileufe concrète , renfermée dans le tilïu cellulaire des animaux'; elle eft blanche ou jaunâtre, d’une odeur 8c d’une faveur ordinairement fades ; elle différé dans tous les animaux par fa folidité , fa cou- leur, fa faveur, &c. L’âge même multiplie en- core ces différences ; dans l’enfant elle eft blan- che, infipide 8c peu folide; dans l’adulte elle eft ferme 8c jaunâtre ; dans le vieillard fa couleur eft plus foncée , fa confiftance eft très-variée , 8c fa faveur eft en général plus forte. Celle de l’homme & des quadrupèdes eft confiftante , blanche ou jaune ; celle des oifeaux eft plus fine, plus douce, plus ondueufe, 8c eu général moins folide ; dans les cétacés 8c les poiffons, elle eft prefque fluide, 8c fouvent pla- cée dans des réferyoirs particuliers, comme dans d’Hist. Nat. et de Chimie. 337 ia cavité du crâne & des vertèbres. On la re- trouve dans les ferpens, les infeétes & les vers ; mais chez ces animaux elle n’accompagne que les vifcères du bas-ventre fur lefquels elle eft placée par pelotons ; on ne l’y rencontre qu’en petite quantité fur les mufcles & fous la peau. On a obfervé que la graille des animaux fru- givores & herbivores eft ferme 8ç folide , tan- dis que celle des animaux carnivores eft plus ou moins fluide. Il faut cependant remarquer à ce fujet que la graille eft toujours moins folide 8c moins concrète dans un animal vivant & chaud, qu’elle ne le paroît dans un animal mort, refroidi 8c fournis à la diiïedion. La graine varie encore fuivant les différais lieux du corps de l’animal qui la recèlent ; elle eft folide aux environs des reins 8c fous la peau ; elle l’eft moins entre les fibres mufculaires ou dans le voifinage des vifcères mobiles , tels que le cœur , l’eftomac , les inteftins ; elle eft plus abondante en hiver qu’en été; elle paroît fervir à entretenir la chaleur dans les régions où elle eft placée , comme beaucoup de faits recueillis par les phyfiologiftes le démontrent ; elle paroît même contribuer à la nourriture des animaux , ainfi qu’on l’obferve dans les ours , les marmot, tes , les loirs , 8c en général dans tous les ani- Tome 1 K, Y I É L É M E K 'S maux forcés à une longue abftinence , chez îef- quels la graiffe fe fond & fe détruit peu-à-peu. Pour fe fervir de la graiffe en pharmacie , ou pour examiner fes propriétés chimiques , il faut la couper par morceaux , en féparer les membranes 8c les vaiffeaux qui la parcourent ; en fuite on la lave avec beaucoup d’eau, on la fait fondre dans un vailfeau de terre neuf 5 en y ajoutant un peu d’eau ; lorfque ce fluide eft difhpé & qu’il n’exifte plus de bouillonnement , on la coule dans un vaiffeau de faïence , où elle fe fige. La graiffe n’a point encore été examinée dans toutes fes propriétés chimiques. On ne connoit encore que l’aftion du feu , de l’air 8c de quel- ques réai® fs fur cette fubflance. C’efl cepen- dant une des matières animales les plus nécef- faires à bien connoître , pour pouvoir juger de fes ufages fur lefquels on ne fait encore rien de certain , 8c fur- tout des altérations qu’elle eff fufceptible d’éprouver dans les corps vivans. La graiffe de quelque animal que ce foit ex- pofée à un feu doux , fe liquéfie , 8t elle fe con- gèle par le refroidiffement. Si on la chauffe for- tement 8c avec le conta# de l’air , elle répand une fumée d’une odeur piquante , qui excite les larmes 8c la toux , & elle s’enflamme lorfqu’elle d’Hist. Nat. et de Chimie. 339 eft aflez chaude pour fe volatilifer ; elle ne donne qu’un charbon très-peu abondant. Si on dillille la grdifTe au bain-marie, on en retire une eau rapide , d’une légère odeur animale qui n’ell ni acide ni alkaline, mais qui acquiert bientôt une odeur putride, & quidepofe des tîlamenscomme mucilagineux. Ce phénomène qui a lieu dans l’eau obtenue par la diflillation au bain-marie de toutes les fubflances. animales , prouve que ce fluide entraîne avec lui quelque principe mu- queux qui eü la caufe de Ton altération. La graille diftillée à la cornue donne un phlegme d’abord aqueux, enfuie fo.tement acide ; une huile en partie liquide & en partie concrète; il relie une très-petite quantité de charbon fort difficile à incinérer , dans lequel M. Crell a trouvé un peu de phofphate calcaire. Ces pro- duits ont une odeur acide , vive & pénétrante, auffi forte que celle de l’acide fulfureux ; l’acide efl d’une nature particulière , il a été examiné avec foin par M. Crell ; mais comme il efl: très- difficile de l’obtenir par la diflillation , ce célèbre chimifle s’efl fervi d’un procédé beau- coup plus sûr 8c plus prompt. Nous en parle- rons plus bas. L’huile concrète peut être rec- tifiée par plufieurs diflillations , au point d’être très-fluide, très-volatile , très-pénétrante; en un mot , de préfenter tous les caradères d’une yé- Y ij É L ï M E N S Titable huile eflentielle ou volatile. Vingt-huit onces de graille humaine ont fourni à M. Crell , vingt onces cinq gros quarante grains d’huile fluide , trois onces trois gros trente grains d’a- cide fébacique, trois onces un gros quarante grains de charbon brillant , & aflez voifin de l’état de plombagine ou carbure de fer , fuivarit la remarque de M. de Morveau. Il y a eu cinq gros dix grains de perte dans cette analyfe. Il faut l’attribuer à l’eau en vapeur & aux fluides élafliques , parce que M. Crell ne s’efl point fervi des appareils pneumato-chimiques. La graille expofée à l’air chaud , s’y altéré très-promptement ; de douce & inodore qu elle efl lorfqu’elle eft fraîche , elle devient forte & piquante , elle fe rancit ; il paroît que cette altération efl une véritable fermentation qui développe l’acide & le met à nud. Quoique cet acide développé paroifle être de la nature de l’acide fébacique, je ne crois pas que la partie hutleufe de la graifle foit la feule caufe de ce changement. Le mucilage animal particulier , que l’analyfe ultérieure nous fera découvrir , entre pour quelque chofe dans cette altération. La graifle rance peut être corrigée par deux moyens ; l’eau feule efl capable d’enlever l’aci- de qu’elle contient , comme l’a fait obferver M. Poerher ; l’alcohol préfente aufli la même d’Hist. Nat. et de Chimie. 34.1 propriété , fuivant M. de Machy. Cela prouve que l’acide de la graifle rance met cette ma- tière dans une forte d’état favoneux , & la rend ainfi foluble par l’eau & par l’alcohol. Ces deux fluides pourront donc être employés avec fuccès pour rétablir une graiflTe altérée par la rancidité. Lorfqu’on lave la graille avec une grande quantité d’eau diflillée , ce fluide diffout une matière gélatineufe qu’on peut y démontrer par l’évaporation ; mais la graifle retient toujours une certaine portion de cette matière qui lui eli intimement combinée , & d’où dépend fa pro- priété fermentefcible. Au refle , on n’a point encore déterminé exactement l’adion de l’eaiir fur cette fubflance animale. MM. Crell & les chimifles de Dijon nous ont fait connoître l’adion des matières alkali- nes fur la grailfe. On favoit depuis long-tems que les alkaüs purs formoient une efpèce de favon avec les graiffes. M. Crell en traitant ce favon avec une diffolution d’alun , ou fulfate d’alumine » en a féparé l’huile , 8c a obtenu le febate de potaffe en évaporant la liqueur. Il a diflillé ce fel avec de l’acide fulfurique con- centré, qui en a dégagé l’acide fébacique. Pour enlever à cet acide la portion d’acide fulfuri- que qui peut lui être uni , M. Crell confeille de X üj 342 É t é M EUS le rediflilïer fur un quart de fébate de potaiïe qu’il faut réferver pour cet ufage ; on s’afliire qu’il ne contient plus d’acide fulfurique en l’eiïayant par l’acétite de plomb ; fi le précipité qu’il forme elt foluble en entier dans le vinaigre, il ne contient point d’acide fulfurique. MM. les chi milles de l’académie de Dijon emploient un procédé plus Simple pour obtenir 1 acide fébacique. On fond le luif , on y jette de la chaux vive ; lorfque le mélange eit retioidi, on le fait bouillir à grande eau; on filtre, on évapore la leffive , on a du lebate calcaire brun & âcre. Pour le purifier on le calcine dans un Creufet , on le düïout , on fi-ue, on mêle à la difïblution affez d’eau chargée d’a- cide carbonique pour féparer par précipitation, la chaux furabondante ; on évapore ; on a un fel blanc que l’on diflille avec l’acide fulfurique pour en dégager l’acide fébacique. Cet acide exiite dans le beurre de cacao , le blanc de baleine , & vraifemblablement dans toutes les huiles fixes végétales. Voici quelles font les propriétés qui le cara&érifent. Il ell liquide, blanc, d’une odeur très-vive ; il exhale des fumées blanches ; il fe décompofe par le feu , jaunit & donne de l’acide carbonique. Il rougit fortement les couleurs bleues ; il s’unit en toutes proportions à l’eau ; il forma d’Htst. Nat» et de Chimie. 34J nvec la chaux un fel criftallifable, avec la potaffe & la foude des Tels qui criftallifent en aiguilles, & qui font fixes au feu ; il paroît agir fur les pierres filicées j furie verre, comme l’acide fyru- peux. Il diffout l’or lorfqu’on l’unit avec 1 acide nitrique ; il attaque le mercure & l’argent ; il précipite le nitrate Sc l’acétite de plomb ; il décompofe le tartrite de potaffe , en précipitant l’acidule tartareux ou la crème de tartre , il décompofe auffi les acetites alkalins. Chauffé fortement avec les fels fulfuriques , il en fépare l’acide dans l’état fulfureux ; il précipite les nitrates de mercure Sc d’argent. Plufieurs de ces propriétés avoient fait penfer à M. Crell que l’acide fébacique pourroit bien n’etre qu une modification de l’acide muriatique; mais M. de Morveau obferve que comme il décompofe le muriate corrofif de mercure , ce caraétère feul fuffit pour l’en diflinguer. Les acides minéraux concentrés altèrent Sc brûlent la graiffe. L’acide fulfurique la brunit , le nitrique la jaunit Sc lui donne une couleur de citron. Le foufre s’unit très- facilement a la graille, Sc il forme avec elle une combinaifon qui n a point encore été bien examinée. La graiffe efl fufceptible de diffoudre certains raétaux ; elle s’allie avec le mercure dans la. Y iv 544 Elément préparation connue fous le nom de pommade mercurielle. Pour opérer cette union , il fuffit de triturer ce métal avec de l’axonge ou graiiïe de porc pendant long - tems ; le mercure fe divife , s’atténue & s’unit fî intimement à la graiiïe, qu’il lui communique une couleur d’ar- doife, & qu’il ne paroit plus fous la forme métallique. Cependant cette union n’efl en partie qu’une divifîon extrême, ou au moins il n’y a qu’une portion de mercure diiïous par l’acide fébacique , puifqu’à laide d’une loupe on apperçoit toujours des globules de mercure dans l’onguent le mieux préparé. Le plomb, le cuivre & le fer font les trois métaux les plus altérables par la graiiïe. Les oxides de ces métaux s’y combinent de même très-facilement ; auiïi efl-ce pour cela qu’il efl dangereux de laiiïer féjourner des alimens pré- parés avec de la graiiïe dans des vaiiïeaux de cuivre , 8c même dans ceux de terre dont la couverte contient du verre de plomb. Dans les combinaifons de la graiiïe avec les oxides des métaux , on obferve que ceux-ci paiïent faci- lement à l’état métallique , lorfqu’elles font aidées par la chaleur ; ce phénomène eiï dû au gaz hydrogène dégagé de la graiiïe , qui s’unit à l’oxigène de ces oxides. La plupart des matières végétales font fufcep- d’Hist. Nat. et be Chimie. 345* tibles de s’unir à la graiffe ; les extraits & les mucilages lui donnent une forte de folubilité dans l’eau , ou au moins favorifent fa fiifpenfion dans ce fluide. Elle fe combine en toutes pro- portions avec les huiles , 8c elle leur communi- que une partie de fa confiflance. Telles font les propriétés chimiques connues de la graiffe, elles nous apprennent que cette fubffance eft très-analogue au beurre , c’eft-à- dire , que c’eff une efpèce d’huile fixe concrète par une quantité notable d’acide , 8c par l’oxigène. Quant à fes nfages dans l’économie animale , outre la chaleur qu’elle entretient dans les par- ties qu’elle environne, outre les formes arron- dies, fouples & agréables, 8c la blancheur qu’elle donne à la peau , elle paroît encore fervir, fui- vant Macquer , à abforber les acides furabon- dans qui peuvent fe trouver dans le corps des animaux vivans, 8c elle eff comme le réfervoir de ces Tels. On fait cependant qu’une trop grande quantité d’acide introduit dans le corps d’un animal , diffout & fond la graiffe , fans doute en lui donnant un caraétère favoneux , & en la rendant plus foluble. L’abondance exceffive , 8c fur-tout les altéra- tions de la graiffe , produifent dans l’économie animale des maladies funefles, dont on n’a point 4 6 É t è M E N S encore bien examiné les fymptômes & les effets. Lorry s’en efl fpécialement occupé , 8c il a établi entre cette fubftance 8c la bile , une analogie frappante. On fe fert de la graiffe comme affaifonne- ment ; elle efl: nourriflante pour les perfonnes qui ont un bon eilomac. On l’emploie en mé- decine comme adouciffante 8c calmante à l’extérieur ; elle entre dans les onguens 8c dans les emplâtres. La moelle contenue dans les os longs préfente les mêmes propriétés que la graiffe ; mais on n’en a point fait encore une analyfe comparée affez exaéle , pour qu’on puiffe décrire fes pro- priétés caraétérifliques. CHAPITRE V. De la Bile & des Calculs biliaires , La bile ou le fiel efl un fluide d’un verd plus ou moins jaunâtre, d’une faveur très - amère , d’une odeur fade 8c nauféabonde , qui fe fépare du fang dans un vifcère glanduleux , que tout le monde connoît fous le nom de foie. Elle fe ramaffe chez le plus grand nombre des animaux. d’Hist. Nat. et de Chimie. 347. excepté les infe&es oc les vers , dans un réfer-, voir membraneux voifin du foie , qu’on appelle véficule du fiel. On n’a encore que peu examiné la bile humaine, parla difficulté que l’on éprouve à s’en procurer une certaine quantité ; cell celle de bœuf qu’on a foumife aux expériences chimiques. Cette liqueur eff d’un confiftance prefque gélatineufe ou glaireufe ; elle file comme un firop un peu clair ; en l’agitant , elle moufle comme l’eau de favon. Si on la diffille au bain- marie, elle donne un phlegme qui n’eft ni acide ni alkalin ; mais qui eff fufceptible de paffer au bout d’un certain tems à la putridité. Ce phlegme m’a fouvent préfenté un caractère fingulier ; celui d’exhaler une odeur fuave bien marquée, & fort ana- logue à celle du mufc ou de l’ambre. Cette expérience a été faite un grand nombre de fois dans mon laboratoire. Elle réuffit fur-tout en diffillant de la bile un peu altérée & confervée depuis quelques jours. Lorfqu’on a féparé de la bile toute l’eau qu’elle peut fournir au bain- marie , on la trouve dans l’état d’un extrait plus ou moins fec , d’un verd foncé 8c brun. Cet extrait de bile attire l’humidité de l’air ; il eff très tenace & très-poiffeux , il eff entièrement diffoluble dans l’eau. En le diffillant à la cor- 348 E t i M e n s nue , il donne un phlegme jaunâtre & alkalin , une huile animale empyreumatique , beaucoup de carbonate ammoniacal, un fluide élaflique mêlé d’acide carbonique & de gaz hydrogène j il relie apres cette opération un charbon aiïez volumineux, moins difficile à incinérer que ceux dont nous avons parlé jufqu’à préfent. Suivant M. Cadet , qui a donné à Pacadémie en 1767, un très bon mémoire fur l’analyfe. de la bile , ce charbon contient du carbonate de foude , une terre animale & une petite portion de fer. Il faut O'bferver que la dillillation demande à être conduite avec lenteur, parce que cette fubflance fe bourfouffle confidérablement. Quant au fel que M. Cadet indique dans le charbon de la bile , & qu’il croit être analogue au fucre de lait, on fent bien qu’il eft impolfible que cette matière ait ré fi fié à la chaleur forte néceflaire pour réduire la bile à l’état char- boneux. La bile expofée à une température chaude de ï; à 27 degrés s’altère très-promptement ÿ fon odeur devient d’abord fade & nauféabonde, fa couleur fe détruit & fe dénature; il s’en pré- cipite des flocons mucilagineux blanchâtres; elle perd fa vifco(ité,& elle prend bientôt une odeur fétide & piquante. Lorfque fa putré- faction efl fort avancée j fon odeur devient d’Hist. Nat. et de Chimie. 349 îiiave & comme ambrée. M. Vauqaeün mon élève a découvert qu’en faifant chauffer de la bile au bain-marie, & en l'ëpaididant un peu, elle fe conferve enfuite plufieurs mois fans s’al- térer , comme cela a lieu pour le vinaigre que l’on fait bouillir. Il a aufTi découvert que la bile altérée, exhalant une odeur fétide, & dont la couleur eÜ brune , fale & trouble , devient d’un beau vert, perd fon odeur lorfqu’on la chauffé, & qu’il s’en fépare alors quelques flo- cons albumineux concrets. La bile fe difïout très bien dans l’eau. Sa couleur paffe alors au jaune plus ou moins clair, fuivant la quantité d’eau que l’on y ajoute. Tous les acides la décompofent à la manière des favons ; ils y produifent un coagulum. Si on filtre ce mélange , & qu’on évapore la liqueur filtrée , on en obtient un fel neutre for- mé par l’acide qu’on a employé , 8c la foude. Cette belle expérience due à M. Cadet, dé- montre la préfence de la foude dans la bile. La matière reliée fur le filtre dans ces expé- riences, eft épaiffe , vifqueufe, très - amère & très-inflammable ; fa couleur 8c fa conflffance varient, fuivant la nature & le degré de con- centration de l’acide qu’on a employé pour la féparer. J’ai obfervé que l’acide fulfurique lui donne une couleur yerte foncée , l’acide nitrique ÇfO Ë L É M E N S un peu concentré , une couleur jaune bril- lante, & l’acide muriatique un vert clair très- beau-, au refie , ces couleurs varient beaucoup fuivant l’état de la bile & celui des acides. Ce précipité efl une fubftance analogue aux réfines ; il fe bourfouffle, fe fond & s’enflamme fur les charbons ardens ; il fe difïout en totalité dans l’alcohol , & l’eau le précipite comme les fucs réfîneux. L’adion des acides fur la bile dé- montre donc que cette humeur efl: un véritable favon formé par une huile de nature prefque réfineufe , unie à la foude. Ils annoncent aulTx la préfence d’une certaine quantité de matière albumineufe dans cette liqueur animale ; c’efl cette matière qui efl la caufe de la coagulation de la bile par le feu , par les acides , par l'al- cohol, & de la putréfadion. Les fels neutres mêlés à la bile l’empêchent de pafler à la putréfadion. Les diflo huions métalliques font décompo- fées par la bile qu’elles décompofent en même» tems ; l’alkali fixe de cette humeur s’unit à l'acide de la di Ablution , & l’huile colorée de la bile fe précipite combinée avec l’oxide métallique. La bile s’unit facilement aux huiles , 8c elle les enlève de deffus les étoffes , comme le fait le favon. d’Hist. Nat. et de Chimie. 35-1 Ce fluide entier fe difTout dans l’alcohol qui en fépare la matière albumineufe. La teinture de bile n’efl pas décompofée par l’eau; ce qui démontre que cette fubflance efl un véritable favon animal également foluble dans les menflrues aqueux & fpiritueux. L’éther la diflout aufli très-facilement. Le vinaigre décompofe la bile comme les acides minéraux ; en évaporant la liqueur fil- trée , on obtient de l’acétite de foude bien criflallifé. Il fuit de ces diverfes expériences , que la bile efl un compofé de beaucoup d’eau , d’un arôme particulier , d’un mucilage albumi- neux, d’une huile de la nature des réfines & de carbonate de foude. M. Cadet dit y avoir trouvé un fel qu’il croit être de la nature du fucre de lait, 8c dont M. Van-Bochaute a con- firmé depuis l’exiflence. Mais il efl vraifem- blable que cette prétendue matière faline efl plutôt analogue à la fubflance feuilletée, bril- lante 8c criftalline, que M. Poulletier a trouvée dans les calculs biliaires humains , & dpnt il va être queflion. La bile , confidérée dans l’économie animale , efl. un fuc qui parôît fervir à la digeflion. Sa qualité favoneufe la rend capable d’unir les piatières huileufes à l’eau. Sa faveur amère 35*2 E L É M E N S indique qu’elle ftimule les inteftins, & qu’elle favorife leur adion fur les alimeris. Roux, cé- lèbre médecin & chimifle de la faculté de mé- decine de Paris , que la mort a enlevé beau- coup trop tôt à ces deux fciences , croyoit que ia bile avoit encore pour principal ufage d’éva- cuer hors du corps la partie colorante du fang. Il paroît qu’elle elt décompofée dans le duodé- num , par les acides qui exiftent ou qui fe déve- loppent prefque toujours dans les organes de la digeflion. Au moins eft-il certain qu’elle eft fort altérée , fur-tout dans fa couleur lorfqu’elle fait portion des excrémens qu’elle colore. Audi les bons médecins tirent-ils fouvent des induc- tions très-utiles de l’infpedioft de ces matières t pour favoir quel eft l’état de la bile des inteftins où elle coule & celui du foie qui la fépare. On emploie l’extrait de fiel du bœuf & de plufieurs autres animaux , comme un très-bon médicament ftomachique. Il fupplée au défaut & à l’inertie de la bile; il donne du ton à l’eftomac & rétablit les fondions de ce vifeère affoibli ; mais il demande de grandes précau- tions dans fon ufage , parce qu’il eft âcre & échauffant ; & il ne doit être adminiftré qu’à petite dofe, fur-tout chez les perfonnes fenfi- bles & irritables. Quelques perfonnes attribuent des vertus particulières au fiel des poilfons ; mais b'HisT. Nat. et de Chimie. $$$ biais l’expérience n’a point du tout prouvé cette afTertion, qu’il faut ranger dans la datte trop nombreufe des préjugés qui exiflentdans la ma- tière médicale. Des Calculs biliaires . Toutes les fois que la bile humaine efî arrêtée dans la vélieule par une caufe quelconque, 8c fur- tout par les ferremens fpafmodiques, comme dans la mélancolie , les accès hiftériques , les longs chagrins, &c. elle s’épaiflît & donne naif- fance à des concrétions brunes, légères, inflam- mables, d’une faveur amère très-forte, qu’on appelle calculs biliaires. Ces concrétions font fouvent en très-grand nombre -, elles diflendent la vélieule , elles la remplirent quelquefois en- tièrement ; elles produifent des coliques hépa- tiques violentes, des vomiffemens , l’iâère, &c. J’en diilingiie trois variétés ; les uns font bruns, noirâtres , irréguliers , tuberculeux , 8c formés comme par grumeaux ; les autres plus durs , bruns j jaunâtres ou verdâtres, offrent des cou- ches concentriques, 8c font fouvent recouverts d’une croûte sèche , unie 8c grife. Leur forme eh ordinairement anguleufe & polyèdre. La troifièine variété comprend des concrétions blanches ovoïdes plus ou moins irrégulières , couvertes d’une écorce blanchâtre & fouvent Tome 11^* E L É M E N S inégale, formées de couches comme Apathiques* ou de lames criÜallines tranfparentes , & fouvent rayonnées du centre a la circonférence» Les calculs biliaires de la féconde variété ont été examinés par M. Poulletier de la Salle. Il a obtervé qu’ils étoient ditTolubles dans l’alcohol. Ayant mis ces pierres en digeflion dans de bon efprit de vin , il a remarqué au bout de quelque tems , que cette liqueur étoit remplie de par- ticules minces, brillantes & criftallines , & ayant toutes les apparences d’un fel. Les expériences qvfil a faites fur cette fubftance lui ont fait foupçonner que c’étoit un fel huileux analogue par quelques propriétés au fel acide que nous avons connu fous le nom de fleurs de benjoin , mais il paroît qu’on n’en connoît point encore la nature. D’après les recherches de ce favant , ce fel n’efl contenu que dans les calculs biliaires de l’homme ; il ne l’a point trouvé dans ceux du boeuf. Ce fait très-fingulier mérite encore d’être confirmé, car nous avons trouvé M. Vau-» quelin & moi , un peu de matière lamelleufe dans les calculs du bœuf. La découverte de M. Poulletier de la Salle a éclairci plufieurs faits recueillis à la fociété royale de médecine, fur les pierres de la vé- ficule du fiel. Cette compagnie a reçu de fes correfpondans des calculs biliaires de la troi-* d’Hist. Nat, et de Chimie. 3ijf fième variété indiquée ci-defitts, & qui n’avoiênt pas encore été décrits. Ce font des amas de lames crifiallines tranfparentes, femblables au mica ou au talc, qui ont absolument la même forme que la matière trouvée par M. Poulletier. Il paroît même que la bile humaine peut fournir une grande quantité de ces criflaux , puifque la fociété de médecine a dans fa colledion dé calculs, une véficule du fiel entièrement rem- plie de cette concrétion faline tranfparente* J’en ai recueilli deux autres entièrement fem- blables, & qui m’ont été donnés par MM. lé Preux & Hallé mes confrères. Il elf à fouhaiter qu’on examine la nature de ces nouveaux cal- culs; les recherches fur cet objet ne peuvent être que fort utiles à la médecine. On a propofé le fa von , le mélange d’huilé de térébenthine & d’éther, &c. pour fondre ces calculs biliaires. Il eft important d’obferver qu’on n’en trouve dans la véficule des boeufs ÿ qu’aprcs les faifons sèches * & la difette des fourrages frais ; 8c qu’ils difparoiffent au prin- tems 8c dans l’été, lorlque ces animaux trou- vent abondamment des végétaux verts & fuc- culens. Les bçuehers font fort au fait de ce phénomène; ils favent que c’eft depuis le mois de novembre jufqu’au mois de mars que ces pierres exiftent dans ces animaux , 8c qu’à cette Z ij 35 '<$ £ L É M E N $ époque on n’en trouve plus. Ce phénomènè fait afîez connoître la puiffance des fucs favo- neux des plantes pour fondre les calculs biliaires. Cependant on ne doit point croire que les re^- mèdes, quelque adifs & quelque volatils quils foient , pui(Tent parvenir en affez grande quan- tité dans la véficule, pour y diffoudre les calculs biliaires avec la même énergie qu’ils le font dans nos expériences. Je crois que la ceflTation du fpafi.ne & conféquemment la dilatation du canal cholédoque eft la véritable caufe des bons effets des mélanges éthérés, propofés par M. Durande , dont je confeille d’ailleurs de fup primer l’huile de térébenthine; d’autant plus qu’il parort démontré que , très - échauffante d’ailleurs , elle n’a d’avantage que comme di- minuant la volatilité de l’éther , 8c que des obfervations ont déjà prouvé que le jaune d’œuf, [& fans doute auffi beaucoup d’autres fubftances pouvoient être employés de même 8c fans avoir les mêmes inconvéuiens; fc’HisT. Nat. ït de Chimie, CHAPITRE VI. De la Salive 3 du Suc pancréatique & du Suc gajîrique. Les anatomifles & les phyfiologifles ont trouvé une grande analogie entre la falive & le fuc pancréatique. Les glandes falivaires 6c le pancréas ont en effet une ffruclure tout-à-fait analogue , & l’ufage de l’humeur que ces orga- nes préparent, paroît êjtre le même. L’homme & les quadrupèdes, font les feuîs chez lefquels ia falive exifle. Du moins, on n’a point encore trouvé de glandes falivak.es dans la plupart des autres animaux. Les chnniffes n’ont encore rien fait d’exaét fur ces deux fluides. On ne peut en accu fer que la difficulté que l’on éprouve pour s’en pro- curer une quantité même très -petite. On fait feulement que la falive eft un fue trcs-fluide , féparé par les parotides & plufieurs autres glan- des, qui coule continuellement dans la bou- che, mais en plus grande abondance pendant la maflication. Cette humeur paroît être favoneufe, imprégnée d’air qui la rend écumeufe ; elle ne laiffe que peu de réfidu , lorfqu’on l’évapore à ficcité \ il fe forme cependant quelquefois des Z iij E L i M E N S concrétions falivaires dans les canaux deflinés à porter cette humeur dans la bouche, Elle paraît contenir un Tel ammoniacal, puifquela chaux & les alkalis fixes cnuRiques en dégagent une odeur piquante & urineufe; Pringle avoit çru , d’après fes expériences , que la lalive étoit très - feptique , & qu’elle favorifoit la dfaeftion en excitant un commencement de putridité dans les alimens -, M. Spallanzani 6c plufieurs autres phyficiens modernes penfent au contraire qu’elle eR éminemment douéede la pro- priété d’empêcher' & de rallentir la putréfacRion. Le fuç gaRrique fe fépare de petites glan- des ou des extrémités artérielles qui s’ouvrent dans la tunique interne de l’efiomac. L éfopha- ge en fournit auffi une petite portion, fur-tout dans la région inférieure -, on y voit dans phi- heurs oifeaux des glandes très - grades qui Rouvrent par des canaux excrétoires fort fen- fibles. M. Vicq d’Azyr les a décrits avec foin dans la cigogne, &c. Quelques phyficiens modernes fe font beau- coup occupés du fuc gaRrique ; MM. Spallan- ^ani , Scopoli , Mo.nch, Urugnatelb , L,aimi- nati ont examinç depuis, quelques années , les propriétés de çette liqueur. Ils l’ont recueillie d^ns i’eflomac des moutons & çles veaux en ÇMYÏ3RI après lçs ayç\ç îaiffés jçunç? d’Hist. Nat. et de Chimie. 35’f? que temps. Ils en ont obtenu des oifeaux car- nivores & des galünacées en leur faifant avaler des fphères & des tubes de métal percés de trous , & remplis d’une éponge très - fine ; M. Spallanzani a examiné le fuc gaflrique de fon eflomac, en fe procurant un vomiffemenr , ou en avalant des tubes de bois remplis de différentes fubflanees pour juger de l’effet du fuc gaflrique fur chacune d’elles. Les expérien- ces faites à l’aide des tubes , avoïent déjà été tentées autrefois par M. de Réaumur. Enfin , M. Golfe de Genève a eu le courage de fe faire vomir un grand nombre de fois , par un procédé qui lui eft particulier , & qui confite à avaler de l’air. D’après toutes les obfervations modernes, le fuc gaflrique paroît jouir des propriétés fuivantes. Ce fuc eff le principal agent de îa digeftion; il change les alimens en une efpèce de pâte molle uniforme ; il agit fur l’eftomac , même» après la mort des animaux ; des eflets font ceux d’un diffolvant; mais qui a cela de particulier , qu’il diffout les fubflanees animales & végétales uniformément 8c fans marquer de préférence ou d’affinité plus forte pour les unes que pour les autres; loin de pouvoir être regardé comme un ferment , c’elt un des plus puiffans antifepti- ques connus; quant à fa nature intime, il paroît d’après les travaux des phyficiens cités plus N Z iw %6o È L É M E N S haut , qu’elle differg dans les diverfes claffes d'animaux. Suivant M. Erugnatelli , le fuc gaf- îrique des oifeaux de proie & des, granivores çfl très-amer & cbmpofé d’un acide libre , de réfine, de matière animale & de fel commun; celui des quadrupèdes ruminans efi très- aqueux, trouble, Talé; il contient de l’ammoniaque, un extrait animal & du fel commun. M. de Morveau ayant fait digérer des portions de tunique interne de l’eftomac du veau dans l’eau , y a trouvé un caraélère acide. M. Spallanzani croit que ce caractère dépend des alimens , ce phy- sicien n’a jamais trouvé le fuc acide dans les carnivores, & il l’a toujours trouvé tel chez lés granivores. M. Gofle a éprouvé la même chcfe fur lui- même, après avoir fait un long tifage de végétaux cruds. M. Erugnatelli penfe que la matière blanche des excrémens des oifeaux carnivores , contient de l’acide phof- phorique ; mais M. de Morveau obferve que fes expériences ne font point concluantes. M. Sco« poli y a trouvé du muriate ammoniacal , & il foupçonne que l’acide muriatique eft pro- duit par la vie des animaux , mais aucun fait déeifif n’appuie cette opinion , & tout fe réunit au contraire pour indiquer que cet acide vient ç]e§ alimens, MM, Macquart & Vauquelin ont Uquyç au fuc gafhiquç du boçuf 3 du veau & du d’Hisï. Nat. et de Chimie. 561 mouton , un caractère conflamment acide; mais il réfuite de leurs expériences exades que c’efl de l’acide phofphorique à nud qui leur donne ce caradère ; ils ont reconnu aufli que ces Tues s al- tèrent &fe pourrirent mêmeaOez promptement. Il paroît que le fuc gaflrique des carnivoies a plus éminemment la propriété antifeptique. De tous ces faits , on doit conclure , 1 . que le Tue gaflrique n’efl point encore bien connu , 2°. qu’il paroît être différent dans les diverfes clafTes d’animaux , & modifié fuivant la diver- fité des alimens ; 30. que rien ne démontie encore qu’il puiffe être regardé comme un acide particulier, & qu’on doive reconnoîtie lin acide gaflrique; 40. que fes propriétés les plus remarquables , font un caradère diffolvant très-fingulier qui agit affez facilement fut les fubflances offeufes & métalliques , que 1 on oit même capable d’attaquer les pierres filiceufes , & une forte d’indifférence-' Sc une égale attrac- tion pour telle ou telle matière à difïbudre. Sa propriété antifeptique très-forte , & qu il communique à tous les corps avec lefquels en le mêle, & qui arrête même la putréfac- tion des fubflances qui l’ont déjà éprouvée, a excité plus d’attention que les autres. MM. Car- minati , Jurine & Toggia ont appliqué le fuc gaflrique fur les plaies ; M, Carminati l’a même $62 Ê L ? M E îf J employé à l’intérieur, & ils font d’accord fur fa vertu antifeptiqiie. Mais les expériences de MM. Macquart & Vauqueîin que j’ai citées ci* deffus & qui ont été faites dans mon labora- toire , prouvent que cette qualité antiputride m’appartient point au fuc gaflrique des ruminans. CHAPITRE VII. Des Humeurs ou Matières animales qui tiont point encore été examinées., telles que la fueur , le mucus nafal , le céru- men , les larmes , la chajjie y la liqueur féminale ù les excrémens . * i * . Il y a encore beaucoup de liqueurs & de matières animales dont on n’a point fait l’exa- pien. C’eût donc moins pour en faire c.onnoîtra la nature, que pour engager les jeunes méde- cins à des recherches aufli utiles que neuves , que nous dirons un mot de l’humeur de la tranfpiration , de la fueur , du mucus des nari- nes , du cérumen des oreilles , des larmes , de la chafhe , de la liqueur féminale & des excrémens. Les médecins ont découvert une grande analogie entre l’humeur de la tranfpiration cutanée & l’urine ; ils favent que l’une & l’autre d'Hist. Nat. et de Chimie. 363 de ces excrétions fe fuppléent réciproquement dans beaucoup de circonftances , ils font na- turellement portés à regarder le fluide vapo- reux de la tranfpiration , comme étant de la même nature que l’urine, La pratique de la médecine a appris, que fes qualités varient; que fon odeur eft fade, aromatique, alkaline ou aigre ; que fa confihance efl quelquefois gluti- neufe , épaiiïe , tenace, & qu’elle laiffe un ré- fidu fur la peau; que fouvent elle teint le linge en jaune de diverfes nuances. Je l’ai vu deux fois colorer le linge & des étoffes de laine en un bleu éclatant. M. Berthollet affaire que la fueur rougit le papier bleu, & il a cbfervé que ce phénomène a lieu fur-tout dans les parties affeétées de la goutte. Il croit quelle entraîne de l’acide phofphorique. Il a été juf- qu’aduellement impoffible de recueillir une allez grande quantité de cette humeur exoémenti- tielle, pour en examiner avec foin les pro- priétés. Il relie donc à faire fur cet objet un grand nombre de recherches , que des ciiconf* tatices particulières pourront feules permettre aux médecins d’entreprendre & de pourfuivre. L’humeur préparée par la membrane de Schneider , & qui eh rejettée des narines par l’éternuement , mérite beaucoup d attention de \a part des. médecins ; c eh une efpèce de mu- \ 5 ^4 È t É M ï N # cilage épais, blanc ou coloré, plus ou moins fluide ou confinant dans certaines aliénions, 6 fur-tout dans les catarrhes. Perforine n’en a encore fait l’examen. Il en eh de même de i’efpèce de matière jaune verdâtre ou brune qui s’anlafle dans le canal auditif, qui s’y épaiffit , & que l’on con- çoit fous le nom de cérumen en raifon de fa confiilance. Cette humeur efl très-amère ; elle paroît être de nature réfîneufe ; on fait qu’elle devient quelquefois allez concrète pour bpucher le canal auditif & empêcher Je fan d’y parvenir librement ; il fembleroit quelle a de l’analogie avec la matière inflammable de la bile. Il faut en dire autant des larmes préparées dans une glande particulière fituée vers l’angle externe de l’orbite , & que la nature a defli» nées à entretenir l’humidité & la fouplefTe des parties extérieures de l’oeil ; cette liqueur efl claire, limpide & manifeflement fal'ée, elle fort quelquefois en très-grande quantité ; dans l’état naturel elle Coule peu-à-peu dans les nari- nes , & paroît fervir à délayer le mucus qui y efl produit. La plupart des auteurs qui ont parlé de cette liqueur des larmes, & en particulier Pierre Petit, médecin de Paris, qui a publié vers la fin du dernier fiècle, un traité fur les larmes, les regardent comme de l’eau prefuuo ïytfisT. Nat. et de Chimie. 3 6$ pure. On ne connoît pas mieux la chaflie ou l’hu- meur qui coule du bord des paupières, & qui paroît être féparée par les glandes de Meibomius. La nature chimique de l’humeur féminàle a été attiïi peu examinée qué celle des fluides précédées. Le peu d’obfervations qu’il a été poflîble de faire jufqu’aéluellement fur cette humeur, ont appris qu’elle fe rapprochoit des mucilages animaux , qu’elle devenoit fluide par le froid & par la chaleur , & que l’aétion du feu la réduifoit en une fubflance sèche 8c friable. Les obfervations anatomiques & micro feo- piques ont été beaucoup plus loin que les ex- périences de chimie fur cet objet. Elles ont démontré que l’humeur féminàle efl un océan dans lequel nagent des petits corps arrondis , doués d’un mouvement rapide , regardés par les uns comme des animaux vivans deflinés à reproduire les efpèces , 8c par les autres , comme des molécules' organiques propres à former, par leur rapprochement, un être vivant. Le micro f- cope a aufli fait voir , à un obfervateur moderne des criflaux qui fe forment pendant le refroidif- fement 8c l’évaporation de la liqueur féminàle. Mais on ne peut s’empêcher de difeonvenir que ces belles expériences n’ont encore rien produit pour l’avancement de la fcience , & qu’elles n’ont donne lieu qu’à des hypothèfes ingénieufes. Les alimens que prennent les animaux, con- tiennent une grande quantité de matière quin’ert point fufceptibk de les nourrir, & qui eft rejet- tée hors des intertins fous une forme folide. Les excrémens font colorés par une portion de bile qu’ils entraînent avec eux; l’odeur fétide qu’ils exhalent ert due à un commencement de putré- faétion qu’ils éprouvent dans le long trajet qu’ils font dans les intertins. Homberg ert le feul chi- mirte qui ait examiné ces matières. Il a obfervé que le phlegme fourni par les excrémens diflillés an bain-marie avoit une odeur infeéte : il en a retiré, par le lavage & l’évaporation , un fel qui fufe comme le nitre, & qui s’enflamme dans les vaifleaux fermés. Cette matière dirtillée à la cor- nue , lui a donné les mêmes produits que les autres fubltances animales. Les excrémens pu- tréfiés lui ont fourni une huile fans couleur & fans odeur , qui n’a point fixé le mercure en ar- gent , comme on le lui avoit fait efpérer. Il faut obferver que la matière fécale que Homberg a examinée , provenoit d’hommes nourris avec du pain de Gonefle & du vin de Champagne ; ce qui avoit été exigé pour la réuffitede l’expérience alchimique qu’on lui avoit indiquée. Sans doute le genre de nourriture doit faire varier la nature des excrémens , puifqu’ils ne font que le réfidu des alimens* to’HtsT. Nat. et de Chimie. 367 CHAPITRE VIII. De l’Urine. L’Urine eft un fluide excrémentitiel tranfpa- rent, d’un jaune citron, d’une odeur particulière, d’une faveur faline , féparée du fang par deux vifccres glanduleux qu’on appelle reins, & por- tée de ces organes dans un réfervoir que tout le monde connoît fous le nom de veflle, où elle féjourne quelque tems; c’efl une forte de leffive chargée des matières âcres contenues dans les humeurs des animaux, & qui, fi elles étoient retenues trop long-tems dans le corps , porte- refient le trouble dans les fondions. L’urine eft une diflolution d’un grand nombre de fels 8c de deux matières extradives particulières. Elle varie pour la quantité & les qualités , fuivant plufieurs circonftances. Celle de l’homme que nous nous propofons d’examiner en particulier différé de celle des quadrupèdes. Dans les autres dalles d’animaux, elle offre encore des différences plus grandes. L’état de l’eflomac 8c celui des humeurs en particulier produifent une infinité de changemens qu'il ne fera polfible d’apprécier qu’après une longue fuite d’expé- È t i M e N i riences , qui n’ont encore été qu’ébauchées : ridtif ne parlerons donc ici que de l’urine humaine rendue dans l’état de fauté* Ce fluide ell diflingué par les bons médecins * en deux efpèces ; l’une appelée urine de la boif- fon , ou urine crue , coule peu de tems après le repas; elle ed claire, prefq'ue fans faveur & fans odeur ; elle contient beaucoup moins de principes que hatitre qui eft nommée urine du fanu ou urine de la codion : cette dernière ne fort que lorfqüe la digedion ed finie , & elle eft féparée du fang par les reins , tandis que la pre- mière paroît fe filtrer en partie de l’edomac 8c des inteffins, immédiatement jufqu’à la veflie.par le tiflu cellulaire , ou par les vailTeaux ab forban s'. L’état de la fanté , 8< fur-tout la difpofitibn des nerfs , modifient Cngulièrement l’urine. Après les accès hyftériques ou hypochondriaqués, elle coule en grande quantité ; elle ed inodore, infi- pide 8c fans aucune couleur. Les maladies des os, celles des articulations influent encore beau- coup fur cette leffive animale. Elle charie ton* vent Une grande quantité de matière en appa- rence terreufe , mais qui paroît être de l’acide lithique Sc du phofphate calcaire, comme nous le dirons plus bas-; tel ed le dépôt des urine! des goutteux. Les médecins , & Hérifiant oc Morand en particulier , ont obfervé que lorfque \ 1 . I b’HksT. Nat. et de Chimie. 3 69 \es os s’altèrent ou fe ramollilfent, les malades rendent une urine qui dépofe beaucoup de cette matière; il paroit même que dans l’état de fauté, l’urine charie la quantité de cette matière bafé des os , excédente à la nutrition & à la répara- tion de ces organes-. Beaucoup d^alimens font fufceptibles de com- muniquer quelques propriétés particulières à rurine. La térébenthine & Les afperges lui donnent , la première une odeur de violettes, la fécondé une odeur très-fétide. Les perlonne.s dont Feftomac ell foible rendent des urines qui retiennent l’odeur des alimens qu’elles ont pris * le pain, l’ail, les oignons , le bouillon , tous les végétaux donnent à leur urine une odeuc qui fait reconnoitre ces fttbflances. D’après tous ces détails , on conçoit que l’urine offre au mé- decin des phénomènes dont il peut tirer le plus grand avantage dans la pratique. Il faut cepen- dant bien fe garder de croire que l’on puifîd juger fur la feule infpe&ion de l’urine, de la maladie , du fexe d’un malade, 8c des remèdes qui lui conviennent, comme certains charlatans le prétendent. L’urine humaine , Confidérée relativement à \ fes propriétés chimiques, efl une difTolution d’un nffez grand nombre de fubftances différentes. Les unes font des Tels femblables à ceux des , Tonte IV * A a 370 Ê L É M E N S minéraux, & qui, comme le penfe Macquer, viennent des alimens, & n’ont foufFert aucune altération. D’autres font des matières analogues aux principes extraétifs des végétaux ; enfin il en efl qui parodient particulières aux animaux, & même à l’urine, ou qu’au moins on n’a point encore trouvées en quantité notable dans les pro- duits des autres règnes, ni même dans d’autres fubflances animales que l’urine. Après avoir indiqué les moyens qu’on emploie pour extraire ces diveiTes matières de l’urine , nous ferons l’hifloire de celles de ces matières qui font pro- pres à ce fluide, & dont nous n’avons pas encore pris connoiffance. L’urine avoitété regardée comme une liqueur ou leflive alkaline ; mais M. Berthollet fait re- marquer qu’elle contient toujours un excès d’acide phofphorique , & qu’elle rougit la teinture de tournéfol (i). Ce médecin a obfervé que les urines des goutteux contiennent moins de fel acide que celles des perfonnes en parfaite faute; que pendant l’accès de goutte, ce fluide efl: encore moins acide qu’à l’ordinaire. Il con- jeélure que dans les goutteux l’acide phofphô- (i) Coldeviilars avoit indiqué dans fon Cours de Chirurgie que l’urine rougifloit confhmment la teinture «lê tournéfol, bvtïr st. Nat. et de Chimie. 37M tàque ne s*évacue point par les urines comme chez les hommes Tains, qu’il s’égare pour ainlî dire , & que porté dans les articulations , il y excite de l’irritation , de la douleur. Cet excès d’acide de l’urine paroît tenir en difTolution du phofphate calcaire. . Schéele penfoit que cet acide de l’urine n’e point en entier de l’acide phofphorique , mais en partie le même acide que celui qu’il a trouvé dans le calcul humain, & que nous appelons acide lithique; cet acide , fufceptible de concré- tion & de criftallifation * forme , fuivant ce célèbre ch i mi lie , les crillaux rouges qui Te dé- pofent de l’urine, ainfi que le précipité briqueté eue l’on obferve dans l’urine des fiévreux. Les concrétions tophacées des articulations dans les goutteux paroiflTent être de la même nature que le calcul ; c’eft-à-dire , en grande partie for- mées par l’acide lithique. L’urine fraîche, diftillée au bain-marie, donne une grande quantité d’un phlegme qui n’eft ni acide ni alkalin , mais qui fe pourrit prompte- ment. Comme ce phlegme ne contient lien dé particulier , on évapore ordinairement l’ilriria à feu nud. A mefure que l’eau , qui fait plus des fept huitièmes de cette humeur animale * fe dilïîpe , l’urine prend une couleur brune 3 Ü s’en fépare une matière pulvérulente, qui à À a *i 37 ± Ë L É M E N S l’apparence terreufe, que l’on a prife pour dit fulfate calcaire, mais qui eft un mélange de phofphate calcaire & d’acide lithique. Ce Tel eft de la même namre que la bafe des os , 8c la matière du calcul de la vefîie. Lorfque l’urine a acquis la ccnliflance d’un firop clair, on la filtre, on la met dans un lieu frais - il s’y dé^ pofe au bout de quelque tems des criftaux fa- lins, qui font compofés de muriate de fonde & de deux fubftances faîines particulières. On connoît ces derniers Tels fous le nom de fels fuJtBles , fels natifs de V urine , phofphates alka - lins , &c. nous en examinerons les propriétés dans le chapitre fuivant. On obtient plufieurs levées de ces criftaux par des évaporations 8c des criftallifations réitérées ; dans ces évapora- tions fucceffives , il fe criflallife une certaine quantité de muriate de foude 8c de muriate de potaffe ; quand l’urine ne donne plus de ma- tières falines , elle eft dans l’état d’un fluide brun très -épais, d’une efpèce d’eau -mère, & e^e tient en diffolution deux fubflances extradives particulières. En l’évaporant jufqu’enconfiftance d’extrait mou , & en traitant ce réfidu par 1 al- cohol , Rouelle le jeune a découvert qu’une portion fe diffolvoit dans ce menflrue fur lefquelles les chimiftes n’ont point encore fait les recherches néceffaires pour fixer l’opi- nion des phyfiologiftes. Les os de l’homme & des quadrupèdes qui ont été feuls examinés jufqu’à préfent par les chimiftes, ne font pas des matières terreufesj comme on l’a cru autrefois. Ils contiennent une certaine quantité de matière gélatineufe, difper- fée dans les petites cavités formées par l’écar- tement des lames folides qui compofent leur tiffu, &ces lames folides elles-mêmes, que leur infolubilité &leur confiftance fembloient rappro- cher des matières terreufes, ont été reconnues depuis quelques années pour un véritable fel neutre compofé d’acide phofphorique & de chaux. Les os éxpo fés au feu avec le contad de l’air, s’enflamment à l’aide d’une certaine quantité de graiffe médullaire qu’ils contiennent. Si on les diftille dans une cornue , ils donnent un phlegme alkalin , une huile empyreumatique fétide , & beaucoup de carbonate ammoniacal. Leur charbon eft compacte , il s’incinère affez difficilement; il laide un réfidu blanc qui fournit par fon lavage à l’eau froide une petite quantité de carbonate de fonde. L’eau chaude en enlève enfuite une certaine quantité de fulfate de chaux. Taine I K. - Ee 1 Ê L ê MENS Ce qui relie après ces lelhves efl. infoluble dans l’eau; c’ell du phofphate calcaire que M. Cahn de Stockolm y a découvert en 1769. Les os calcinés dans un foyer au milieu des charbons, relient lumineux dans l’obfcurité ; en les chauf- fant très - fortement ils éprouvent une demi* vitriheation , qui les réduit en une efpèce de porcelaine dure très -blanche & demi - trani- parente. L’eau dans laquelle on fait bouillir les os réduits en petites parcelles ou râpés, le chaige d’une fubflance qui lui donne de la vifeofite, & qui ell une véritable matière gélatineufe. Les carbonates alkalins font fufceptioles de décompofer le phofphate calcaire qui forme la bafe des os. Cette dëcompofition a été indiquée par MM. les chimiftes de l’académie de Dijon ; ils difent l’avoir opérée en traitant par la fufion un mélange de poudre des os calcinés & de carbonate de potalTe. Les acides âgiffent fur les os , & décomposent le phofphate calcaire qu’ils contiennent. C tl par leur moyen que Schéele ett parvenu en 2771 à préparer le phofphore avec les os e chimifte a difïbus les os dans l’acide nitrique. Cet acide s’empare de la chaux avec laquelle ïl forme du nitrate calcaire , qui relie en di Ab- lution en même-tems que l’acide phofphonque d’Hist. Nat. et de Chimie. 455* devient libre. Il verfoit dans ce mélange de l’acide üilfuricjue , qui en enlevant la chaux du mrrate calcaue ■ foimoit du fulfate de chaux* il féparoit ce dernier , précipité à catife de Ton infolubilité , en filtrant la liqueur ; enfin , il difliîloit dans une cornue la liqueur filtrée qui étoit un mélange d’acide nitrique & d’acide phofphorique , & il chahlîoit ce dernier évaporé en confiflance de firop, avec dit charbon, pour en obtenir du phofphore. MM. Poulletier de la Salle & Macqiier font les premiers qui ont répété ces belles expériences à Paris. Enfuite MM. les académiciens de Dijon, M. Rouelle, M.Proufi, M. Nicolas de Nancy ont communiqué leurs recherches & leurs procédés. Plufieurs autres chimilles ont examiné à l’envi les diver- fes matières folides des animaux -, & parmi ces derniers , M. Berniard a retiré l’acide phofpho- rique des os foiïiles, de ceux de baleine , d’élé- phant , de maiTouin , du bois d’élan , des os de bœuf, des os humains , de la dent de vache marine, d’une dent mâdhelière d’éléphant, & il a obfervé que tous ces os donnoient les mêmes fubfiances , & contenoient de l’acide phofpho- rique en quantités différentes. M. le marquis de Bullion a auffi retiré du verre phofphorique de l’ivoire & des arrêtes de poilTons. Pour retirer l’acide phofphorique des os, on E e ij El É MENS emploie aujourd’hui le procédé de MM. lés ch milites de Dijon & de IV1. inLcoI.is , 0.11 calcine les os au blanc, on les réduit en poudre, ou les pafTe au tamis, on les mêle dans une terrine de grès avec partie égale d’acide fulfurique concentré, & on ajoute allez d’eau pour faire du tout une bouillie claire-, on laide ce mélangé en repos pendant quelques heures, il s’épaidit; on le porte fur une double toile foutenue par un carrelet , on le lave avec de l’eau jufqu’à ce que ce fluide, qui pafle clair à travers la toile, foit fans faveur & ne précipite plus l’eau de chaux. Alors on eft alluré que le réfidu ne contient plus d’acide phofphorique libre ; on fait évaporer l’eau des lavages , elle dépofe p eu -à* p eu une matière blanche qui eft du fui- fate de chaux , & que l’on en fépare par le filtre; on a foin de laver ce fel, pour en enlever tout l’acide phofphorique ; on répète ces filtra- tions jufqu’à ce que la liqueur ne dépofe plus rien. On continue à l’évaporer jufqu’en cp li- ft fiance de miel ou d’extrait mou ; elle acquiert alors (Une couleur brune & un afpecl gras. On la met dans un creufet & on la chauffe par degrés jufqu’à ce quelle cefte d’exhaler une odeur fulfureufe & comme aromatique , & jufqu’à ce qu’elle ne bouillonne plus. Dans cec état , cette matière a une conliftance demi- d’Hist. Nat. et de Chimie. 437 vitreufe , une faveur acide ; elle attire l’hu- midité de l’air. Si on la chauffe davantage , elle fe fond en un verre tranfpnrent, dur, infipide, infoluble, qui 11e préfente plus aucun caradère d’acidité. Lorfqu’on veut en obte- nir du phofphore , on ne doit pas attendre que ce rélidu de la liqueur acide évaporée foit dans cet état de verre infoluble , parce qu’il n’en donne alors qu’à un feu extrême , &. beau- coup plus tard que Lorfqu’il efl encore mou 8c déliquescent. Pour réduire ce verre en phof- phore , on le met en poudre , on le mêle avec le tiers de fou poids de charbon bien fec , on l’introduit dans une cornue degrés , à laquelle on adapte un ballon à moitié rempli d’eau , & percé d’un petit trou , ou terminé par un fiphon avec l’appareil de Woulfe. On donne le feu par degrés jufqu’à faire rougir la cornue à blanc 5- alors le phofphore coule en gouttes, • Ffüj §. V L Des œufs des oifeaux. Les œufs des oifeaux 3 & en particulier ceux des poules, font compofés, i°. d’une coque ofTeufe , qui contient une gelée & du phofphate calcaire démontré par M. Berniard ; 2 . dune pellicule niembraneufe placée fous la coque , & qui paroît être un tiffu de matière fibreüfs; 3°, du blanc ; 40. du jaune contenu & fu.fpendu dans le milieu du blanc. C’elt fur cette dernière fubftancè qu’eft foutenu le germe. Le blanc d’œuf efl abfolument de la même nature que le férum du fang ; il eil vifqueux, collant i il verdit le fyrop de violettes, & con- tient du carbonate de fonde à nud. Expofé à une chaleur douce, il fe coagule en une malle blan- che opaque qui exhale une odeur fétide de gaz hydrogène fulfuré ou hépatique. Ce blanc coagulé fçchié au bain - marie , donne un phlegme fade qui fe pourrit, £\ il prend la fecheretTe & -la tranfparence roufsâtre de la corne. Dihilîc à la cornue , il donne du carbonate ammoniacal 8c de l’huile empyreumatique ; fon charbon con- tient de la fonde & un peu de phofphate cal- caire. M. Deyeux en a auffi retiré un peu: de foufre par la fublimatioh. Le blanc d^euf, expofé à l'air en couches. minces., fe defsèçhe plutôt que de fe çorrompiç* d’Hist. Nat. et de Chimie. 45*^ & forme une forte de vernis tranfparent. Il fe dilTo ut dans l’eau en toutes proportions. Les acides le coagulent ; fi on filtre ce coagulum étendu d’eau , le fluide qui pafle donne par l’éva- poration le fel neutre que doit former l’acide employé avec la foude contenue dans cette liqueur. L’alcohol coagule auffi le blanc d’œuf. L’eau de chaux en précipite du phofphate cal- caire , & le nitrate de mercure forme du phof- phate de mercure qui prend une couleur rofée par la déification. Le jaune d’œuf efl formé en grande partie d’une matière albumineufe , mais qui efl mêlée avec une certaine quantité d’une huile douce ; de forte que ce mélange fe diflbut dans l’eau, 8c forme une efpèce d’émulfion animale , connue fous le nom de lait de poule. Si on l’expofe au feu , il fe prend en une mafle moins folide que le blanc. Lorfqu’il efl: delFéché, il éprouve une forte de ramolliflernent dû au dégagement de fon huile qui fuinte à fa furface. Si dans cet état on le foumet à la p relie , on obtient cette huile qui efl douce & grade, d’une faveur & d’une odeur légère de rôti ou d’empyreume. Le jaune d’œuf diflillé, après qu’on a retiré l’huile, donne les mêmes produits que toutes les matières ani- males. Les acides 8c l’alcohol le coagulent. L’huile douce qu’il contient établit une analo- Ff iv 45 '<5 É L Ê M E N S gie frappante entre les œufs des animaux & les graines d’un grand nombre de végétaux , puif- que ces dernières en contiennent auffi une qui eft liée de même avec du mucilage , & réduite à l’état émulfif. Les œufs font d’un nfage très-étendu comme matière alimentaire. On fie fert" en pharmacie 8c en médecine de .leurs différentes parties. La coquille calcinée eft employée comme abfor- bante. L’huile d’œuf eft adouciffante ; on s’en fert à l’extérieur dans les brûlures, les ger- çures , &c. Le jaune d’œuf rend les huiles dif- folubles dans l’eau , 6c forme des loochs ; on le triture avec les réfines , le camphre, &c. Le blanc d’œuf eft employé avec fuccès en phar- macie 6c dans l’office , pour clarifier les fucs des plantes ,1e petit lait, les firops, les liqueurs, &c. On l’applique auffi fur les tableaux qu’il conferve en formant un vernis tranfparent à leur furface. §. VIL De la Colle de PpiJJon. L’iéthyocolle ou colle de poiffon , eft une fubftance en partie gélatineufe 6c en partie lym- phatique , qu’on prépare en roulant les mem- branes qui forbnent la veffie natatoire de 1 ellut- geon 6c de plufieurs autres poiffons , & en les f enfant féch'er à l’air, après leur avait* donné la forme d’une corde tournée en cœur. Cette matièie donne une gelée vifquçùfe par l’ébullidon dans d’Hist. Nat. et de Chimie. 457 l’eau. Lorfqu’on la laifîe macérer quelque tems dans ce fluide , on peut la déplier & l’étendre en une efpèce de membrane. Elle n’eft jamais caftante comme les colles proprement dites ; mais elle plie à caufe de fon tiffu fibreux & élaftique. On en prépare auiïi une efpèce par la décoétion de la peau, del’eftomac& desînteffîns des poiflons ; mais elle n’a pas les mêmes pro- priétés dans les arts. On retire de l’iéthyocolîe tous les produits des autres fubflances animales. On peut l’employer en médecine, comme un adouciiïànt, dans les maladies de la gorge, des inteftins, &c. Mais on préfère ordinairement plufieurs autres fubflances végétales qui jouiflent de la même vertu. Elle fert dans les arts pour clarifier les liqueurs , le vin , le café, &c. Elle attire 6c précipite toutes les parties étrangères qui en altèrent la tranfparence. §. VIII. De la Tortue , des Grenouilles & des Vipères. La tortue, la grenouille, le lézard & la vipère font fort employés en médecine ; on fait avec leur chair 6c leurs os des bouillons auxquels on a attribué des vertus particulières. Il a femblé en effet que des animaux , dont les parties ont en général une odeur plus forte, 6c paroiflent contenir plus de matière faline , puif- 45'S É L é M E N s qu’elles fourniffent beaucoup d’ammoniaque en les diftillant à une chaleur douce, après les avoir triturées avec la potaffe , il a femblé, dis-je ^ que ces animaux devraient jouir de vertus plus, énergiques 6c plus multipliées. Cependant beau- coup de médecins doutent de leur énergie , 6c les affocient aux autres animaux. Malgré cette opinion, on eff encore dansl’ufage d’adminiflrer les bouillons de tortue & de grenouille dans les maladies de langueur , dans les confomptions fans caufe apparente, dans les convalefcences des maladies aigues, 6c l’on en éprouve fouvent de bons effets. Il paraît que leurs décoc- tions font plus nourrillantes , plus légères, plus douces 6c peut - être douées en même- tems d’une certaine activité , que leur odeur forte 6c leur faveur particulière annoncent allez. On a beaucoup recommandé depuis quel- ques années , les lézards verts dans les maladies de la peau , dans les cancers , mais il eff permis, de douter de ces vertus. Les vipères font regardées comme plus ac- tives ; les anciens en ont beaucoup vanté les vertus dans les maladies de la peau , dans celles de la poitrine , dans les afteélions chroniques où la lymphe eff viciée. On ne peut s’empêcher de croire que leurs bouillons doivent produire des dépurations par la peau , à l’aide de leur d’Hist. Nat. et de Chimie. 45*9 aromate exalté. Leur poudre, leur fcl volatil n’ont pas à beaucoup près les mêmes vertus. On doit les adminiltrer entières & comme al i me ns dans ces maladies , pour en obtenir du fuccès. L’analyfe chimique a démontré à M. Thou- venel dans ces animaux, une gelée plus ou moins légère , confiflante ou vifqueu le , un, extrait âcre, amer 8c déliquefcent , une matière albumineufe concrefcible , un Tel ammoniacal 8c une fubftance huileufe , d’une faveur 8c d’une odeur particulières , quelquefois foiuble dans l’alcohol , &c. §. IX. Des Cantharides. 1 Les cantharides , remède fi important par fa qualité corrofive 8c épifpafiique , font for- mées , fuivant M. Thouvenel , iu. d’un paren- chyme dont il n’a pas déterminé la nature, 8c qui fait la moitié du poids de ces infeétes deiïe- çlrés; 2°. de trois gros par once d’une matière extradive jaune rougeâtre , fort amère , qui donne de l’acide dans fa diflillation ; 30. de douze grains par once d’une matière jaune 8c cireufe, à laquelle efi due la couleur jaune do- rée des cantharides; 40. de foixante grains d’une fubftance verte huileufe analogue à la cire , d un goût âcre, dans laquelle réfide principalement l’odeur des cantharides. Cette fubftance diinüec 4 <5o E L É M E N S donne un acide trcs - piquant , & une huile concrète comme la cire. L’eau difFout l’extrait, l’huile jaune , & même un peu d’huile verte ; mais l’éther n’attaque que cette dernière , & peut être employé avec fttccès pour la féparer des autres. C’elt de l’efpèce de cire verte que dé- pend la vertu ‘des cantharides. Pour extraire cette dernière en même tems que la matière extradive, & former en général une teinture bien chargée de ces infedes, il faut employer un mélange d’alcohol & d’eau à parties égales. En dittillant cette teinture mixte, l’alcohol qu’on / retire cou fer ve une légère odeur des cantha- rides; & les diverfes matières qu’il tenoit en diffolution , fe féparent les unes des autres à inefure que l’évaporation a lieu. §. X. Des Fourmis & de V Acide formique. L’acide des fourmis a été reconnu parTragtis, Bauhin & plufîeurs autres botaniftes qui avoient vu la fleur de chicorée devenir très-rouge dans une fourmilière. Samuel Fisher , Etmuller, Hoffman , s’en font occupés fucceflivemenr. Margraf l’a examiné avec foin , de a trouvé dans les fourmis un acide particulier , une !*uiie fixe & un extrait. MM. Ardwiffon 8c Oehrne ont fait la fuite la plus complète d’expériences fur cet acide. / d'Hist. Nat. et de Chimie. 451 On retire l’acide des fourmis, & fur- tout de la groiïe fourmi roufle , formica rufa , foit en les difiillant dans une cornue , foit en les leiïivant avec de l’eau bouillante. Cet acide rectifié & un peu concentré , a une odeur piquante ; il e(t brûlant ; fa faveur efi agréable , lorfqu’il eft fort étendu d’eau ; auffi l’a-t-on propofé comme aflfaifonnement au lieu du vinaigre. Il rougit facilement toutes les couleurs bleues végétales j il fe décompofe par le feu , qui en convertit une partie des principes en acide carbonique , & par les acides fulfurique 8c nitrique c|ui eu dégagent ce même acide ; il enlève l’oxigène à l’acide muriatique oxigéné ; -il efi plus fort que les acides fulfurique, boracique , carbonique, acéieux , 8c nitreux. Il forme une efpèce d’éther avec l’alcohol. Les fels neutres qu’il confiitue avec les bafes alkalines , ont été examinés par MM. Ardwiffon 8c Oerhne. Le formiate de potafîe a été préparé par M. Thouvenel , en étendant des linges imprégnés de potafle fur ' des fourmilières découvertes. Les fourmis en le parcourant y ont dardé leur acide , 8c le principe odorant de la même nature, quelles exhalent en fi grande abondance , a bituré l’ai— kali fixe répandu fur la toile. La leffive de ces linges évaporée, a donné un fel neutre crifi- talliféen parallélogrammes applatis ou en colon- nes prifmatiques , non-déliquefccnt. 462 É L é M E N S La chaux forme avec cet acide un fel crif- tallifable & foluble ; en un mot , les chimifl.es modernes regardent l’acide formique comme un acide particulier , & de fon genre. Ses attrac- tions ont été difpofées dans l’ordre fuivant par MM. Ardwiflon 8c Oerhne; la baryte, lapotaffe, la foude , la chaux , la magnéfie , l’ammonia- que, le zinc, le manganèfe, le fer, le plomb , l’étain, le cobalt, le cuivre, le nickel , le bif- muth , l’argent , l’alumine. L’alcohol digéré fur les fourmis en extrait un peu d’huile volatile , qui conflitue avec ce fluide Yefprit de magnanimité de Hoffman. Si l’on fait bouillir ces infedes dans de l’eau , & qu’on les exprime enfuite , on en retire une huile fixe, qui va jufqu’à treize gros par livre. Cette huile efl d’un jaune verdâtre ; elle fe congèle à une température beaucoup moins froide que l’huile d’olives , & elle efl fort ana- logue à la cire. L’eau de la décoétion évaporée, donne un extrait brun rougeâtre, d’une odeur fétide , acidulé 8c caféeufe, d’une faveur amère, nauféeufe 8c acide. Cet extrait efl féparé en deux fubflances par l’application fucceflive de l’eau 8c de l’alcohol. Le parenchyme des four- mis privées de ces différentes fubflances , va à trois onces deux gros par livre. d’Hist. Nat. et de Chimie. 4.63 §. XI. Des Cloportes. Les cloportes millepedes , afelli , porcelli , onifd, 8cc. ont préfenté à AI. Thouvenel quel- ques particularités dans leur analyfe. Dilhllës au bain-marie fans addition, ils ont donné ua phlegme fade & alkalin , faifant quelquefois effervefcence avec lès acides , & versifiant le firop de violettes. Ils ont perdu dans cette opé- ration les cinq huitièmes de leur poids. Traités enfuite par l’eau 8c par l’alcohol , ils ont fourni par once deux gros de matière foluble , dont plus des deux tiers étoientune matière extradive, & le relie une fubftance huileufe ou ciréufe. Ou fépare facilement ces deux produits par l’éther, qui diffout le dernier fans toucher à l’extrait. Ces matières different de Celles des cantharides & des fourmis , en ce qu’elles donnent plus de carbonate ammoniacal , & point d’acide dans leur dillillation. AI. Thouvenel fait obferver à ce lu jet que dans les infeétes, les cloportes paroif- fen't être aux cantharides & aux fourmis, ce que font les quadrupèdes ovipares 8c les fer- pens , relativement aux quadrupèdes vrais , ou vivipares. Quant aux fels neutres contenus dans ces in- fedes , ils font en fort petite quantité , & trcs- difficiles à retirer. M. Thouvenel affiure que les cloportes 8c les vers de terre , lumbrici , lui ont 4^4 Êlémens conflamment donné du muriate calcaire & du muriate de potaffe, tandis que dans les four- mis & les cantharides , ces deux bafes , dont la première lui a toujours paru la plus abondante, font unies à un acide qui a le caraâère de l’acide phofphorique. Il eft néceffaire d’obferver que ce chimifte n’a donné dans fa diftertation , ni les moyens d’extraire ces Tels , ni les procédés dont il s eft fervi pour reconnoître leur nature. On réemploie guère en médecine que les cantharides 8c les cloportes. Ces derniers ne parodient agir que comme des flimulans 8c des diurétiques légers, 8c encore doit-on les ad- miniflrer, d’après les expériences de M. Thou- venel, à une dofe beaucoup plus forte qu’on ne fait ordinairement. Le fuc exprimé de qua- rante ou cinquante cloportes vivans, donué dans une boifton adouciftante , ou mêlé avec le fuc de quelques plantes apéritives , peut être employé avec fuccès dans la jaunille , les ma- ladies féreufes , à ferosâ coLLuvie , les dépôts laiteux , 8c c. Quant aux cantharides , c cil un des médicamens les plus puiiïans que la mé- decine pofsède. M. Thouvenel a éprouvé fur lui-même l’effet de la matière ciieufe cite , dans laquelle paroît réfider la vertu de ces in- feétes ; appliquée fur la peau a la dofe de neuf grains, elle a fait élever une cloche pleine de férofité , d’Hist. Nat. et de Chimie. 4^ féroîhé , comme le font les cantharides en poudre. Mais cc qu’il y a de plus précieux dans les faits relatifs aux vertus de ce remcde hé- roïque, c’efl que la teinture fpiritueufe des cantharides peut être employée avec le plus grand fuccès à l’extérieur , depuis la dofe dé deux gros jufqu’à celle de deux onces & demie dans les douleurs de rhumatifme, de fciatique, de goutte vague. Elle échauffe la peau, accélère le mouvement de circulation , excite des éva- cuations par les fueurs, les urines, les Telles, fuivant les parties fur lefquelles on l’applique. Les jeunes médecins doivent être prévenus qu’il faut être très-modéré fur l’ufage intérieur de ce médicament; on lui a vu occafîdnner des cha- leurs à la peau , des inflammations , des cra- chemens de fang , des douleurs aux reins , à la veflie, des dyfuries, &c. §. X 1 1. Du Miel & de la Cire. Le miel & la cire, préparés par les abeilles , femblent appartenir au règne végétal, puifque ces infeâés vont ramâfier la première dans les nedaires des fleurs , & la fécondé dans les an- thères de leurs étamines. Cependant elles ont fubi une élaboration particulière ; & d’ailleurs comme on les retire après le travail des abeilles, c’elt dans l’hilloire des inledes qu’on doit exa- miner leurs propriétés. Tome IV, G g a{ 66 E L é M E N s Le miel eh une matière parfaitement fem « blable aux fucs fucrés que nous avons examinés dans les végétaux. Il a une couleur blanche ou jaunâtre , une confiflance quelquefois fyrupeufe, fouvent molle & grenue , une faveur fucrée & aromatique. On en retire par le moyen de l’alcohol , & même par l’eau , à l’aide de quel- ques manipulations , un véritable fucre. Il donne à la cornue un phlegme acide, une huile, & fon charbon eil pare & fpongieux comme celui des mucilages des plantes. L’acide nitri- que le convertit en acide oxalique comme le fucre. Il eft très difibluble dans l’eau ; il forme un' firop , & il pahe comme le fucre à la fer- mentation fpiritueufe. C’eh un très -bon ali- ment, 8c un médicament adoucilfant, béchique, légèrement apéritif. On le donne diffbus dans l’eau & mêlé avec du vinaigre , fous le nom d’oxymel ; on le combine fouvent avec quel- ques plantes âcres , comme dans l’oxymel fcil- litique, colchique. Il fait l’excipient de plufieurs médicamens qui portent fon nom , comme le miel rofat, le miel de nénuphar, le miel mer*, curial , 8c c. La cire eh un fuc huileux concret , analogue aux huiles fixes folides , telles que le beurre de cacao , 8c plus encore à la cire végétale. Quoiqu’on ne puifTe douter que cette fubhauce d’Hist. Nat. et de Chimie. 467 ne vienne des étamines des fleurs, il efl cepen- dant démontré qu’elle reçoit dans le corps de l’animal une élaboration particulière , puifque fuivant les effais deRéaumur, on ne peut faire une cire flexible avec la pouflière des anthères. La cire qui compofe les alvéoles des abeilles efl jaune, d’une faveur fade. On la blanchit en Pexpofant à l’adion de la rofée & à Pair, après l’avoir réduite en lames minces ; l’acide muriatique oxigéué la blanchit très-proprement. Chauffée à un feu doux , elle fe ramollit , fe fond & forme un fluide huileux tranfparent ; elle re« devient folide & opaque par le refroidiiïement. Lorfqu’on la chauffe avec le contad de l’air, elle s’allume dès qu’elle fe volatilife ; tel efl l’effet que produit la mèche dans les bougies. Si on la diflille dans une cornue, on en retire de l’acide fébacique , une huile d’abord fluide, qui fe fige enfuite dans le récipient , & qui a la confiflance d’un beurre. Elle ne laide qu’une très-petite quantité de charbon fort difficile à incinérer. En redifiant plulieurs fois le beurre de cire , il devient fluide & volatil. La cire blanche n’eft pas altérable à l’air; elle s’y colore au bout d’un certain tems. Elle fe diffout dans les huiles , auxquelles elle donne de la confiflance. En la faifant fondre dans ces fluides à une douce chaleur , elle forme les Gg ij médicamens connus fous le nom de cérats , L^lcohol n’a point d’aétion fur la cire. Les acides la noirciffent , les alkalis s’y combinent & la mettent dans l’état favoneux. La cire eft employée dans un grand nom- bre d’arts. On s’en fert en pharmacie pour la préparation des pommades, des onguens & des , emplâtres. §. XIII. Des Vers-h; foie , de L'Acide Botulique & de la Soie. . Le ver-à-foie contient , fur-tout dans fon état de chryfalide , une liqueur acide dans un réfer- voir placé vers l’anus. M. Chauflier de l’aca- démie de Dijon a retiré cet acide foit en exprimant le fuc des chryfalides dans un linge, & en précipitant le mucilage par l’alcohol , foit en faifant infufer les chryfalides dans cette liqueur. En le féparant par l’alcohol , celui-ci entraîne l’acide par le filtre , X il relie lur le papier une huile grade orangée , une matière go mm eu fe & un peu de gluten. Pour obtenir l’a- cide bombique pur , il faut difliller Palcohol ; celui ci fe voîatilife , l’acide relie feul dans la cornue. Cet acide efl très- piquant , d’une cou- leur jaune ambrée j on ne connoît point encore fa nature & fes combinailons. Beaucoup d’autres infeétes contiennent aulli d’Hist. Nat. et de Chimie. 469 de l’acide ; la grande chenille à queue du Taule en fait jaillir un affez âcre , fuivant la remarque de M. Bonnet ; j’ai vu fouvent les buprefles , les. ftaphylins colorer en rouge le papier bleu dont les boîtes qui les renfermoient étoient revêtues. M. Chauffier a retiré egalement un acide de la fauterelle , de la punaife rouge , de la lampyre ou ver-luifant. La foie qui ne paroît être qu’une efpèce de matière gommeule defféchée , différé cependant des fubftances végétales, i°. par l’ammoniaque qu’elle fournit à la dillillation ; 20. par le gaz azotique qu’on en retire à l’aide de l’acide nitri- que ; 30. par l’huile particulière que cet acide en fépare à mefure qu’il la change en acide oxalique , comme M. Berthollet l’a démontré. Elle paroît être un compofé de mucilage vé- gétal avec une huile animale particulière , qui* lui donne fa foupleffe , fa duâilité & fou élaf- ticité. §. ,X£V. De la Refîne Lacque. On a donné le nom impropre de gomme lacque aune fubflance réfmeùfe d’un rouge foncé, qui eft dépofée fur les branches des arbres par une efpèce de fourmi particulière aux Indes . orientales. Cette fubflance a paru à Geoffroi une forte de ruche dans laquelle les fourmis dé- pofent leurs œufs. En effet , fi on brife la lacque 470 £ L É M E N S en bâtons, on la trouve remplie de petites cavités ou cellules régulières , dans lefquelles font placés de petits corps oblongs , que Geoffroy a regardés comme les embryons des fourmis. Ce chimifle penfe que c’efl à cette matière animale que la lacque doit fa couleur. Il re- garde cette dernière comme une véritable cire ; cependant fa fécherelfe , l’odeur aromatique qu'elle exhale en brûlant, & fa folubilité dans l’alcoliol , femblent la rapprocher des réfines ; elle donne à la diûillation une efpèce de beurre, fuivant le même auteur. On diflingue dans le commerce , la lacque en bâtons , la lacque en grains , & la lacque plate. Il faut obferver que beaucoup d’autres fubflances colorantes , 8c en particulier les fécules rouges animales ou végé- tales , préparées d’une manière particulière, por- tent en teinture le nom de lacques. On em- ploie la réfine lacque dans le Levant, pour tein- dre les toiles 8c les peaux. Elle fait la bafe de la cire à cacheter. On en fait une teinture avec l’efprit de coçhléaria. Elle entre dans les trochif- ques de karabé , dans les poudres 8c les opiates dentrifiques , dans les paflilles odorantes , &c. §. XV. Du Chermès. Le chermès ou kermès, caccus infeâonus , a été regardé par les premiers naturalises comme d’FIist. Nat. et de Chimie. 471 un tubercule ou uneexcroiffancedes plantes. Des obfervations plus exades ont appris que c’eft la femelle d’un infede rangé parmi les hémiptères par Geoffroy. Cette femelle fe fixe fur les feuilles du chêne verd ; après avoir été fécondée , elle s’y ctend , y meurt , & perd bientôt la forme d’infede. Elle repréfente une coque brunearron- die, fous laquelle font renfermés les œufs en très-grand nombre. O11 fe fervoit autrefois de cette coque dans la teinture ; on l’a abandonnée depuis qu’on a la cochenille. Le chermès pré- fente les mêmes propriétés chimiques que cette dernière. Il entre dans le firop de corail du codex, & dans la confedion alkermès. §. XVI. De la Cochenille . Il en eft de la cochenille comme du cher- mès ; on l’a regardée long-tems comme une graine. Le père Plumier eft un des premiers qui ait reconnu cette erreur. En eflèt , cette fubftance eft la femelle d’un infede hémiptère , qui différé du chermès, en ce qu’elle conferve fa forme , quoique fixée fur les plantes. La co- chenille employée en teinture , croît fur l’opun- tia, figuier d’Inde ou raquette. On la récolte en grande quantité dans l’Amérique méridio- nale. Geoffroy , qui en a fait l’analyfe, y a trouvé les mêmes principes que dans le chet- Gg iv \ 472 E L É M E N S mès ; il en a retiré de J-ammoniaque. On peut reconnoître la forme de cet infeéle en le faifant macérer dans l’eau. On emploie la cochenille pour faire le carmin , & dans la teinture. Ou en retire une couleur cramoifie ou écarlate, fuivant la manière dont on l’emploie. Comme c’efl une matière colorante extraélive , elle ne peut s’appliquer fur les fubflances à teindre qu’à l’aide d’un mordant. Elle prend facilement fur la laine , & elle la teint en écarlate par le moyen de la diffolution cl’étain dans l’acide mu- riatique qui décompofe l’extrait colorant, & en avive fîngulièrement la couleur. On n’avoit pas pu donner cette belle couleur à la foie avant Macquer. Ce célèbre chimifle a trouvé le moyen de la fixer fur cette fubltance, en imprégnant la foie de diffolution d’étain avant de la plonger dans le bain de cochenille , au lieu de mêler cette diffolution dans le bain , comme on le fait pour la laine, §. XVII. Des Pierres cTEcreviJJes. Les concrétions pierreufes, fauffement ap- pelées yeux et écreviJJ'es , lapides cancrorum > fe trouvent au nombre de deux dans la partie intérieure 8c inférieure de l’eflomac de cçs infeétes eruffacées. Elles fout arrondies , con- vexes d’un pâté, concaves de l’autre, & pU- d’Hist. Nat. et de Chimie. 473 c ces dans l’animal entre les deux membranes du ventricule. Comme on ne les rencontre que dans le tems où les écreviffes changent de peau & d’eflomac, & comme elles fe détruifent peu- a-peu à mefure que leur nouvelle enveloppe prend de la confiftance, on croit avec allez de vraifembiance , qu’elles fervent à la reproduc- tion de la fubflance calcaire qui fait la bafe de leurs écailles j ou plutôt de leur tell. Ces pierres n’ont point de faveur ; elles con- tiennent un peu de matière gélatineufe. On les prépare en les lavant h plufieurs reprifes , 3c en les porphyrifant avec un peu d’eau pour les réduire en une pâte molle , que l’on moule en trochifques , & que l’on fait fécher. L’eau des lavages emportant ce que ces pierres contien- nent de gelée animale , il ne relie plus que la fubflance terreufe. Préparées de cette manière, elles font une vive effervefcence avec tous les acides, 8c font abfolument de la même nature que la craie. Elles n’ont d’autre vertu que celle d’abforber les aigres des premières voies; c’ell d’après des opinions fort hafardées fur toutes ces fubflances animales en général , qu’on les a mifes au rang des remèdes apéritifs, diurétiques, & même cordiaux, 374 É L é M E N s §. XVIII. Du Corail. Il en eft abfolument de même du corail , efpèce de ramification calcaire , blanche , rofe ou rouge, qui fait la bafe de l’habitation des polypes marins. On le prépare comme les pierres d’écrevifle. Il eft de nature calcaire comme ces fubftances pierreufes. Il entre dans la confection alkermès , la poudre de guttete , les trochifques de karabé. On lui a attribué des propriétés fans nombre ; mais il n’a abfolument d’autre vertu que celle' d’un pur abforbant , à moins qu’il ne foit combiné avec les acides. On l’emploie fouvent, ainfi que les pierres d’écrevifle , dans l’état de fel neutre formé avec le vinaigre ou le fuc de citron , comme apéritif, diurétique, &c. §. XIX. De la vraie Coralline. La coralline , appelée moujj'e marine , eft , comme nous l’avons dit , une habitation par- ticulière de polypes. Elle donne à la cornue les mêmes principes que les matières animales; elle a une faveur falée , amère & défagréable. On 1 ’emploie avec fuccès comme vermifuge. On la donne en poudre à la dofe de vingt- quatre grains pour les enfans, jufqu’à celle de deux gros & plus pour les adultes ; on en fait un ftrop anthelmin tique ; elle entre dans la poil' d’Hist. Nat. et de Chimie. 47$ dre contre les vers. Il ne faut point confondre cette coralline ordinaire avec celle qu’on appelle aujourd’hui coralline de Corfe , lemhho ou helminto-corion ; cette dernière eft un végétal , une efpccede fucus qui a la propriété de former une gelée avec l’eau chaude. CHAPITRE XV. Réfultat de U analy Je des Su.bjla.nces Ani- males ; comparaifon de ces Subjlances avec les Matières Végétales. Nous avons préfenté dans les quatorze cha- pitres précédens l’état aâuel des connoiiïances acquifes fur la nature des fubflances animales. Les perfonnes qui cultivent la chimie depuis vingt ans, doivent apprécier facilement ce que cette fcience a gagné fur cet objet, 8c les progrès finguliers qu’elle a faits dans cette partie. Quoi- qu’il lui relie encore beaucoup plus de décou- vertes 8c de travaux à faire qu’on n’en connoît jufqu’à préfent, pour completter l’hifloire des matières animales, ce qu’on pofsède aujourd’hui eft d’un bien plus grand prix que ce qu’on poftedoit autrefois ; au moins la marche né- ceftaire à tenir pour ce grand travail eft-elle trouvée, 8c l’on n’a plus à craindre de s’égarer 47 6 E L É M E N s dans de fauffes routes. On voit clairement ce que peut efpérer la phyfique animale, & quels fervices la médecine peut attendre de la chimie , lorfqu’on fera marcher ces deux fciences d’un pas égal. Si cette affertion avoit befoin de nou- velles preuves après les détails que nous avons déjà confignés dans les chapitres précédens, on les trouveroit dans le réfumé fuccint que nous allons préfenter ici. Les matières que l’on a nommées principes immédiats dans les fubflances organiques , c’eft- à-dire les matières que l’on fépare immé- diatement & fans altération des corps organifés, reflemblent beaucoup dans les animaux à celles que nous avons extraites des végétaux. En effet on trouve dans les premières comme dans celles - ci, des extraits, du principe fucré, des muci- lages. fades, des fels acides 8c alkalins , des huiles fixes & volatiles , des réfines , de la matière- glutineufe , un principe aromatique , des fubf- tances colorantes. Mais malgré cette analogie , déjà preffentie depuis long-tems, il exifte entre ces principes immédiats des deux règnes des différences remarquables , Sc dont l’examen mérite toute l’attention des phyficiens. i°. L’extrait & la matière fucrée ne font pas à beaucoup près auflî abondans parmi les fubflau' ces animales que dans les végétales. d’Hist. N At. ET DE Chimie. 477 20. Les mucilages ne font pas entièrement de la même nature ; il font plus mous , moins faciles à cfeflecher, fufceptibles d’attirer l’humi- dité de l’air ; ils fe prennent en gelée par le rcfroidifîement , ils ont une faveur plus mar- quée, s’aigriffent & fur- tout fe pourriffent bien plus promptement. 3°. Les huiles fixes different auffi dans le règne animal de ce qu’elles font dans les végé- taux • on les trouve plus ramaffées ou recueillies en plus grande quantité dans des cellules par- ticulières j elles font toujours plus ou moins concrètes , fouvent même fufceptibles de fe deffécher & de criflallifer. - Les huiles volatiles & les réfmes font en général plus rares & bien moins abondantes dans les animaux que dans les végétaux ; il femble que la nature ait pris foin d’écarter des organes fenfibles 8c irritables des animaux , des fubflances âcres qui en auroient fans ceffe flimulé les fibres , 8c qu’elle a même reléguées dans les parties extérieures 8c feulement aux environs des tuniques dans les végétaux. 5 . La matière albumineufe ou concrefcible par la chaleur , quoiqu’exifiant dans les ftics des plantes, y efi bien moins abondante que dans les animaux , dont toutes les parties en con- tiennent une quantité fouvent très-confidérable. 47S E L É Itf E N S 6°. La fusb fiance fibreufe quoiqu’analoguê au gluten de la farine , a cependant plus de téna- cité , d’élaflicité dans les animaux, & d’ailleurs elle y eft dans une proportion fi grande , que quand il n’y auroit que cette feule différence entre les animaux 8c les végétaux, elle feroit dicrne d’occuper les phyfiologiftes , & de fixer toute leur attention. Tous les mufcles ou tous les organes du mouvement en font compofés, & comme les animaux ont une mobilité qu’on n’obferve pas dans les végétaux, les parties né- ceffaires pour les mouvoir doivent différer effenti effleurent de ce qui conflitue le coips immobile des plantes. 7°. Mais c’efl fur-tout par la nature des ma- tières faillies que les animaux different des vé- gétaux; outre les Tels 8c les radicaux falins analo- gues à ceux des végétaux que l’on trouve dans les animaux , comme la chaux , la foude , les acides muriatique, oxalique, malique , ben- zoïque, fébacique, phofphorique , on en extrait l'es acides ludique, faccholadique, lithique, for* mique & bombique , dont on ne connoît pas la nature , mais qui ne paroiffent pas exilter dans les végétaux. On trouve encore dans les animaux, les principes néceffaires pour la for- mation de l’ammoniaque 8c de l’acide pruffique bien plus abondamment que dans les végétaux ; d’Hist. Nat. et de Chimie. 47^ & c’eA Spécialement par ce caractère qUe h matière animale différé de la végétale. Ces principes néceffaires à la formation de l’ammo- niaque & de l’acide pruflîque, c’efl-à-dire l’azote, l’hydrogène, le carbone, font même fi abondans dans les fubflances animales, qu’on y trouve très-fouvent ces deux compofés tout formés , fur-tout quelque tems après la mort des animaux. J’ai trouvé du bleu de Pruffedans des matières animales pourries; j’ai même vu cnez une malade, dont le fang étoit très-altéré ' ce fluide prendre la couleur bleue la plus écla! tante par fon expofition à l’air. Mais il ne faut pas oublier que les végétaux contiennent auflî, quoi- que bien moins abondamment , les principes de l’acide pruflîque. Quant à l’ammoniaque , fa formation bien plus facile & bien plus fré- quente dans les matières animales que dans les végétales , annonce que fes principes y font bien plus abondans; & en effet, M. Berthollet a prouvé que ces matières donnent une très- grande quantité de gaz azotique par le moyen de l’acide nitrique; j’ai prouvé après lui qu’après en avoir extrait ce gaz, ces fubflances ne four- mffent plus d’ammoniaque ; c’efl donc à la prefence de ce principe qu’elles doivent la pro- priété de donner , dans leur analyfe artificielle ou fpontanée , une grande quantité de ce fel alkalin. 4So E L É M E N S Si l’on recherche enfuite quels font les pre- miers principes plus {impies dont ces principes immédiats font compofés , on trouvera que les feuls compofans des matières animales font comme ceux des fubftances végétales, de l’hy- drogène , du carbone, de l’azote & de l’oxigène. Ges corps jufqu’aètuellement indécompo fables, ces efpèces d’élémens paroiffent conftituer par leurs combinaifons , les huiles , les acides , les mucilages, la partie fibreufe , &c. Ces divers principes immédiats ne different les uns des autres que par le nombre Se la proportion ref- peétive des êtres primitifs qui les compofent. Mais comme les matières animales , quoique formées en général des mêmes principes que les fubftances végétales , ont cependant des propriétés réellement différentes, la came pro- ductrice de ces différences ne paroît exifter que dans la proportion variée de ces principes. Ainfi la quantité d’azote, bien plus confidé- rable dans les matières animales que dans les végétales, explique déjà une grande partie de ces différences ; elle apprend pourquoi les fubftances animales donnent beaucoup d’am- moniaque par l’aCtion du feu , pourquoi elles fe pourriffent fi facilement , pourquoi elles font néceffaires à la production de l’acide du nitie, &c. 11 ne s’agit plus que de déterminer quelle D'Il i s t. Nat* et de Chimie. 48 1 ell I’efp'èce de changement que les matières Végétales éprouvent en pafiant dans le corps des animaux ; car il eÜ certain qu’il n’y a que lés matières végétales qui nourriflent les ani- maux, 8c qui fe convertiffent en leur propre, fubftance. Obfervons d’abord que piufieurs principes immédiats des végétaux paflent fans altération 8c confervent leur nature propre dans le corps des animaux, ou au moins n’y* éprouvent que très-peu d’altération ; tels font en particulier piufieurs Tels, les huiles fixes, &c. mais les différentes fortes de mucilages , le gluten , les fubfiances colorantes , changent manifefiement de nature j la matière gommeufe devient gélatineufe, le gluten paffe à l’état de pa:tie fibreufe • la bafe du gaz azotique, ou l’azote fe fixe , fe combine en grande quantité dans ces fubfiances , 8c femble par fa feule fixation changer la matière végétale en animale* C’efi fur ce changement , fur la formation des diverfes fubfiances animales , que doit fpécia- lement fe porter l’attention des phyfiologifles ; c’efi en un mot le problème de l’animalifatiori qui refie à réfoudre. Déjà l’analyfe a fourni quelques données utiles pour cette folution ; mais il en refie beaucoup plus à chercher , Sc la chimie feule par fes procédés exaéls, peut faite cfpérer qu’on en réunira un nombre alfex Tome IP' H h l 4Si Elémens complet pour arriver à ce réfultat fi utile à la phytique animale. CHAPITRE XVI. De h putréfaction des S ub fiances animales» Quoique les fubftances végétales foient fuf- ceptibles d’être décompofées, & entièrement détruites par la fermentation putride, elles font cependant en général fort éloignées d eue auffi propres à fubir ce mouvement inteflin , que les matières animales. La putréfaéhon de ces dernières efl beaucoup plus rapide , fes phénomènes font différens ; tous les fluides & toutes les parties molles des animaux y font également expofés , tandis que plufieurs. ma- tières végétales femblent en être à l’abri , ou au moins ne l’éprouver que très- difficilement & avec beaucoup de lenteur. La putréfadion des animaux qu’on ne peut s’empêcher de regarder avec Boerhaave, comme une véritable fermentation , efl un des phéno- mènes les plus importans, & en même- teins très-difficile à connoître. Tous les travaux des favans depuis Bâcon de Vérulam qui avoit bien fenti l’importance des recherches fur cet o je * dHist. Nat. et de Cjeîimiè, 48 jufqu’à nos jours, it’ont encore éclairci -que quel- ques points , & entrevu les phénomènes géné- raux des matières qui fe pourriQènt. Beccher, Haies , Stahl , Pringle , Macbride , Gaber * Baumé, l’eflimable auteur clés effais fur la putré- faction , 8c ceux des differtations fur les anti- septiques couronnées en 1767 par l’académie de Dijon, ont obfervé & décrit avec foin les faits que préfente l’altération putride - mais on verra par l’expofé que nous allons offrir, qu’i$ telle encore un grand nombre d’expériences à faire pour connoître en détail les phénomènes de cette opération naturelle. Toute fubflance fluide ou molle extraite du coips d un animal, expofée à l’air & à une terri- petatiue eux degres ou au-deflus , éprouvé plus ou moins promptement les altérations fui- vantes. Sa couleur pâlit , fa conliflance diminue • fi c’efl une partie fohde comme de la chair ÿ elle fe ramollit , elle Iaiffe fuinter une férofité dont la couleur s’altère bientôt ; fon tiffu fe re- lâche 8c fe déforganife ; fon odeur devient fade, défagréable ; peu-à-peu cette fubflance s’aflâiffe 8c diminue de volume ; fon odeur s’exalte 8c devient ammoniacale. Alors fi elle efl contenue dans un vaiffeau fermé , la marche de la putré- faction femble fe rallentir ; on ne (eut qu’une odeur alkaline &c piquante -, la matière fait effer- Hh ij w vetcence avec les acides, & verdit le firop ds violettes. Mais , en donnant communication aveô l’air, l’exhaîaifon urine'ultf le diiïîpe, & il le répand avec une forte d’irr.pétuofné une odeur pu tilde particulière , înfupportable , qui dure long tems , qui pénètre par* tout, qui paioît aide «de r le corps des animaux, co'mmeun ferment capable d’en altérer les fluides ; cette odeur elt corrigée Sx comme enchaînée par l’ammoniaque. Lorfque cette dernière ell volatilifée, la pourri- ture prend une nouvelle aélivité , la maffe qui fe pourrit, fe gonfle tout-à-coup, elle fe remplit de bulles de fluide élaftique , & bientôt elle s’affaifle de nouveau ; fa couleur s’altère, le tilTu fibreux de la chair n’eld prefqne plus reconnoil- fable ; elle efl changée en une matière molle , pultacée , brune ou verdâtre; fou odeur elt iade, nauféabonde, très-aétive fur le corps des ani- maux. Ce principe odorant perd péu-à-peti de fa force ; là portion fluide de la chair prend une forte de confiflànce , ht couleur fe fonce , Sc elle finit par fe réduire en une matière friable à demi -sèche & un peu dêliquefcente , qui , frottée entre les doigts , fe bnfe en pondre oroflière comme de la terre. Tel efl le dernier état obfervé dans la putréfaction des fubflances animales ; elles n’arrivent à ce terme qu’au bout d’un tems plus ou moins long. Dix-huit mcisa d’Hist. Nat. et de Chimie. 48^ deux & même trois ans fuffifent à peine pour dé- truire complettement le ti(Tu du corps entier des animaux expofés à l’air , Si l’on n’a point encore évalué d’une manière certaine la durée de la rîeftrudion totale des cadavres enfouis dans la terre. Sans parler même des corps qui fç defsèchent dans certains fols & qui y relient: inaltérables , beaucoup de faits annoncent que des cadavres humains enfouis en grand nombre dans des terres humides n’y font point détruits même au bout de 30 ans.. Il fuit de cet expofé , ]°. que les conditions, propres à développer. Sa à entretenir la putré- fadion des matières animales , font le contaéf de l’air, la chaleur, l’humidité & le repos ou l'inertie des malfes ; 2°. que l’ammoniaque efl un des produits de la putréfaction , qu’elle efl for- mée pendant que cette fermentation a lieu , puifqu’elîe n’exiftoit point en eiujer dans ces. fubflances animales , avant la naiflance de ce mouvement; 30. que La putréfaélion opérée par un mouvent inteflin propre aux matières orga- nîfées , peut être aflimilée à l’aétion du feu , comme M.. Godard l’a fait remarquer, S: regar- dée comme une décompofltio,n fpontanée, ainfl que l’a penfé M. Baumé, & qu’elle n’en différé, que par fa lenteur; 40. que dans cette opération de la nature , les principes prochains des anir H h ii] piaux réaghTent les uns fur les autres, à l’aide? de l’eau de de la chaleur qui y fait naître le mouvement; qu’ainfi les matières volatiles nou- vellement formées fe dÜTîpent pei>à peu dans l’or* dre de leur volatilité , & qu’il ne relie plus après la putréfaélion qu’un réfidu infipide & comme terreux; y0. enfin, que l’exhalaifon putride fi bien caraélérifée & difiinguée par les nerfs de l’odorat , de dont faction efi 11 vive fur l’économie animale , doit être regardée comme un des principaux produits de la putréfaction , puifqu’elle efi pro- pre à cette opération , & qu’elle ne fe rencontre dans aucun antre phénomène naturel; & puif- qu’enfin elle paroît capable de développer le mouvement putréfaétif dans tous les fubffances animales qui font expofées à fon aétion. Quant à la nature de cet être odorant fugace , c’efi fpécialement fur ce point que les recherches font peu avancées , de qu’elles demandent à être fuivies. Ce que nous en favons , nous in- dique qu’il efi extrêmement volatil , atténué , pénétrant; que l’air pur, l’eau à grande dofe, les gaz acides; font fufceptibles d’en modérer les effets. Quoiqu’il ne faille pas le confondre sivec le gaz acide carbonique , qui fe dégage en grande quantité des. corps en putréfaction , dr au dégagement duquel Machride aitnbuoit entièrement la caufe de ce phénomène naturel ; •d’Hist. Nat. et de Chimie. 4S7 quoiqu’on ne doive point non plus l’affimiler, ni au gaz hydrogène dégagé des corps putref- cens , ni à la matière iumine.ufe qui brille à la furface des fibres animales pourries , & qui fait de ces êtres autant de phofphores , on ne peut cependant difeonvenir qu’il a quelques rapports bien direds avec ces fubflances, puifqu’il les accompagne conftamment, puifqu’il eflauiïi vo- latil , aufli tenu qu’elles , & puifqu’il agit avec tout autant d’énergie fur les organes des animaux. On peut diflinguer avec M. de Boiflieu quatre degrés dans la fermentation putride des fub fian- ces animales. Le premier appelé , par ce phyficiën , tendance à la putréfaction confifie dans une altération peu conlidérable qui fe manifefie par une odeur fade ou de- relent très-légère, Sc dans le ramol- îifiement de ces. fubflances. Le fécond degré , celui de la putréfiâion commençante , efi indiqué quelquefois par des marques d’acidité. Les matières qui l’éprouvent, perdent de leur poids , prennent une odeur fétide , fe ramollirent & laifïent échapper de la féroflté, lorfqu’elles font dans, des vaifieaux fermés ; ou bien elles fe defsèchent & prennent une couleur foncée , fi elles font expofees à i ail' libre. Dans le troifième degré , ou la putréfaction H h iv \ 488 É L é M E N S avancée , les matières putrefcentes exhalent und odeur ammoniacale , mêlée de l’odeur putride & nauféabonde ; elles tombent en diffolution , leur couleur s’altère de plus en plus, 8c elles perdent en.même-tems de leur poids & de leur volume. Enfin y le quatrième degrc, celui de la putré- faction achevée , fe reconnoît à ce que l’ammo- niaque efl entièrement dilfipée, & ne laiffe plus de traces; l’odeur fétide perd de la force, le volume 8c le poids des fubllances putréfiées font confidérablement diminués ; j! s’en fépare une mucofité gélatineufe ; elles fe defsècherit peu-à- peu, & enfin fe rériuifent en une matière ter- ïenfe & friable. Tels font les phénomènes généraux qu’on obferve dans la putréfaction des fubllances ani- males; mais il s’en faut de beauceup qu’ils foient les mêmes dans tomes les matières qui fe pour- ïiffent. ïî y a d’abord une grande dillindion à faire entre la pütréfadion des parties des animaux: vivaus , eSc celle de leurs organes morts. Le mouvement qui exiite dans les premiers, modifie fingulièrement les phénomènes de cette altéra- tion, & les médecins ont de fréquentes occa- sions de voir les différences qui exifient entre ces deux états, relativement à la putréfadion* Outre cela , chaque humeur, chaque partis folide féparée d’un animal mort , a encore fa manière d’Hist. Nat. et dé Chîmi’é. $8$ propre de fe pourrir ; le tilTu mufculaire, mem- braneux ou parenchymateux plus ou moins ferré des organes ; la nature huileufe , mucilàgi- neufe ou lymphatique des humeurs , leur con- fiflance, leur état relatif à celui de l’animal qui les a fournies , influent fur le mouvement putré- fadif , & le modifient de mille manières , peut- être inappréciables. Enfin, que fera-ce fi l’on fait entrer dans ce dénombrement , l’état de l’air, fa température , fon élafticité , fon poids , fa fccherefle ou fon humidité, l’expofîtion de la fubfiance pourrifiante dans différens lieux , 8c jufqu’à la forme des vaiiïeaux qui la renferment , circonllances qui toutes font varier les phéno- mènes de l’altération fpontanée ? Il faut donc convenir que l’hifloire de la putréfadion animale n’ell qu’ébauchée , 8c qu’elle demande encore une fuite immenfe de recherches & d’expé- riences. Les phénomènes obfervés jufqu’aduellement dansla putréfadion nous indiquent que l’eau en efl la caufe; il eft on ne fauroit plus vraifem- blable que ce fluide fe décompofe , que fon oxigène fe porte fur l’azote des fubftarices ani- males 8c contribue à la formation de l’acide nitrique, qu’on trouve fi fréquemment dans les matières animales; 8c que fon hydrogène uni à une portion de l’azote très-abondant dans ces 4