MÉMOIRE StR LÉS EFFETS DE LA TERREUR. a y'. ^ l A \ 4. te'-'..- WK '; ' » t \ \ “X" #- ■ V .0 0, *■ »' .*••--• r- •* .-k » -V > ' i 0 >, » / J MÉMOIRE QUI A REMPORTÉ LE PRIX AU JUGEMENT DE l’ACADÉMIE Dés sciences, arts et belles-lettres de CAEN, Dans sa Séance publique du 3 Juillet l8n , SUR LA QUESTION PROPOSÉE EN CES TERMES : « Quels sont les effets de la Teb^ V économie animale •> O fà 2E PAR M. GUITA^,q P Docteur en medecine de la faculté de Pari^ ^Ùf^decin de bien- faisance du 3«. arrondissement de Bordeaÿx ^iMembre de^,iy Sociétés académique des sciences et de médeoiper^aT|rd^ Paris , de l’Académie des sciences, arts et b~li'rV~ltrttrii'r‘ Caen, de la Société libre des sciences et arts du département des Deux-Sèvres, des Sociétés de médecine de Montpellier , de Bordeaux , de Lyon , de Bruxelles, &c. Ohstupui , steterunlque comœ , vnx faucihus hcptU, C -Æneid. , lib. ii, vers. ^72 ), A BORDEAUX , UlIEZ LaWALLE JEUNE , IMPRIMEUR - LIBRAIRE ALLÉES DE TOURNY , nA 20. M. DCCC. XL 'i.-A -li ^ • <-*‘ . î*^Â<*'4^y • <>!** ♦ . ' . ■ ' A* : ■ • ^/ - O A - :i\îrA;is\ii» A ;.T r 'Ja M ^ i^ 'I 0 ^-t;)-'T,>^T.V,i.= h;.;> rr ■. * • ;jj H'- ,-v:^ ■ * f/f ►.•’ >•■ ii « L'<« -*SL'3r^>l\« . ^4.. ' Jnr. :::" ‘ ir.' •'• »’'•' '"ï^ •■ -» 1« »»4»i.- .«i**»-* ■ ^ *■- /• # ** ‘ ‘«A-Aa* '*««*> ' ••"*’ i;;r .x?i;.v*-ii-'.J> , ^ jOiL!; 'b / ■,1 ïi. , »,U^.U^;-. "i -. l' ^ J 'f '»* ï , ; , ^ V. •■, .« ; ' •'■>• ïl -> , «'...i‘ t* ’ «•4 •.». > ^ ' ■« ■i' i .1 , f *► • • .«> ■ ^ .SM ROYAL COLLEGE OF PHYSICIA LIBRARY CLASS ACCN. SOURCE DATE A m: roman. Conseiller , Inspecteur - général de V Université impériale , Chanoine de V Église de Paris , Archiprêtre de Sainte-Geneviève y etc. , etc. OFFERT COMME UN TÉMOIGNAGE DE MA VÉNÉRATION POUR SES VERTUS, DE MON ESTIME POUR SES TALENS, DE MA GRATITUDE POUR UN CORPS DONT IL ÉTAIT UN DES CHEFS (*) ET QUI GUIDA MES PREMIERS PAS DANS LA CARRIÈRE DES SCIENCES. GUITARD. (*) UOratoire , dont le zèle pour l’instruction de la jeunesse fut connu de tous ceux qui ont eu l’avantage d’être élevés dans, sou sein. AVANT-PROPOS S’il est vrai , comme Va dit Buffon , cfue les passions sont la pox’te par laquelle il sort le plus d’individus de ce monde , cela prouve la dependarice mutuelle et invincible qui existe entre le physique et le moral de Vhomme^ et com- bien la considération de Vun et de Vautré devient importante dans la pratique de la Médecine. En effet , les affections de Vame , source de tant de Jouissances , lorsqu’elles sont douces et Modérées, produisent la plupart de nos maladies , si elles sont tumultueuses ou violentes , et si nous nous y abandonnons avec excès. J’ai déjà traité dans un Mémoire particulier (^) ce sujet digne d’étre (♦■) Des passions considérées dans leurs rapports aVec la Mé- decine , etc. ( A Paris , chez Bossauge , Masson et Besson , in-b“. , 1808 ). (8) médité non- seulement par les Médecins ^ mais par tout homme ami de sa propre conservation. Je présente aujourd’hui au Public une partie de ce même travail ^ avec les développemens que je jugeai nécessaire d’y ajouter , pour répondre à l’appel fait par V Académie de Caen qui , dans sa séance publique de l’année i8io , mit au concours la question suivante : « Quels sont les effets de la terreur sur » l’économie animale » ? Cette Société savante ayant couronné mon Mémoire , jai pensé que son suffrage le re- commanderait à V attention des hommes curieux de faire un retour sur eux-mêmes , pour contem- pler V enchaînement et l’action réciproque du moral ctu physique dont nous devons conserver soigneusement l’harmonie , puisque sans il ne peut exister ni santé ^ nibonhev^' MEMOIRE SUR LA QUESTION PROPOSÉE EN CES TEpiES : « Quels sont les effets de la Terreur sur » V économie animale » ? L’homme ne vient que de naître , et déjà le plaisir et la douleur ont rais en jeu sa sensibi- lité; son ame obéit à deux espèces de mouve- mens , l’une qui la porte à chercher ce qui lui plaît, et l’autre à fuir ce qui lui cause de la peine. Dans le premier cas, le système nerveux s épanouit, l’ame se dilate et tout l’organisme pai’ait s’élancer au devant de la sensation : dans le dernier , le système nerveux se resserre , ainsi que les organes auxquels il communique ( lo ) 1 action et le sentiment , l’ame se concentre et semble se dérober au péril qui la menace. Les diverses fonctions de l’économie animale se ressentent de cet état moral , et partagent le bien-être ou le trouble que l’ame éprouve. Ainsi, les différentes affections ou passions aux» quelles nous sommes sujets , vues d’une ma- nière générale , peuvent être considérées comme agréables ou pénibles , excitantes ou débilitan- tes , puisqu’elles causent du plaisir ou de la douleur, augmentent ou ralentissent l’activité organique. Indépendamment de ces deux modes élé- mentaires de la sensibilité qui font naitre en nous des émotions salutaires ou nuisibles , d’où dérivent nos passions primitives et sim- ples, plusieurs affections de l’ame produisent alternativement , ou à la fois , des effets si contraires, qu’on peut les considérer comme mixtes , ayant une influence tantôt favorable, et tantôt funeste à l’hai’monie des fonctions du corps humain , mais toujours relative à la constitution morale et physique , à l’âge , au sexe, etc. , de chaque individu , au temps ou aux circonstances de leur développement, à la violence ou à la durée de leur action. ( “ ) Parmi ces dernières affections nous com- prenons la terreur dont nous allons cîiercher à déterminer les effets qu’elle peut produire sur l’économie animale. La terreur naît de l’émotion excitée dans l’ame, à la vue d’un grand mal ou d’un grand péril qui a lieu instantanément, et nous frappe à l’improviste. On exprime par les mots peur y frayeur y ef- froi, terreur, les différens degrés de cette vive et profonde affection de l’ame. En effet, si la vue du péril qui nous menace est vive et subite , elle cause la peur -, si elle est plus frappante et plus réfléchie , elle produit la frayeur j si elle est subite et violente, c’est l’effroi j si elle abat nol^re espérance, c’est la terreur. Ces états gra- duels de l’ame , plus ou moins troublée par la vue de quelque danger , ayant entre eux une grande analogie, et les phénomènes particuliers qu’ils produisent sur nos organes se confon- dant le plus souvent chez le même sujet, lors- qu’il est soumis un certain temps à l’impression de la terreur, nous allons les réunir dans la meme description, les nuances qui les distin- guent étant à peine perceptibles, tant ils se suc- cèdent avec rapidité ! ( 12 ) L’homme saisi d’une frayeur subite, frissonne par tous ses membres : les palpitations du cœur sont accélérées j la contraction spasmodique des capillaires à la surface du corps donne lieu à la pâleur, et une distension soudaine du coeur et des gros vaisseaux , par le reflux du sang à l’intérieur , est suivie de suffocation et d’une interruption momentanée dans la respiration j il survient fréquemment alors un tremblement involontaire dans tout le système locomoteur; bien plus , l’impression de cette passion peut être assez profonde pour que tous les muscles soient frappés d’une atonie générale ; de-là , le relâchement des sphincters , l’expulsion invo- lontaire des matières stercorales , des urines ; les jambes semblent se dérober sous le poids du corps. Si cette affection de l’ame est portée jusqu’à l’effroi ou terreur, les muscles se con- tractent, les cheveux se dressent, l’œil est fixe, la bouche béante, une sensation de froid par- court tout le corps ; on tombe quelquefois sans sentiment et sans parole. Cet exposé rapide des phénomènes les plus ordinaires, produits par la frayeur et la terreur, fait pressentir combien de désordres peuvent être la suite de ces vives affections : nous allons énumérer les principaux. ( >3) Le spasme général , que nous avons noté fcomme le pi’emier effet produit par la frayeur, amène la suppression de la transpiration, dont le reflux sympatique sur Fappareil urinaire ou sur le canal intestinal, est suivi, dans le premiet' cas, d’urines abondantes et aqueuses, dans le second, d’une diarrhée subite, très-forte , et quelquefois opiniâtre j Tissot en rapporte un exemple remarquable (i). Le sang , accumulé dans l’intérieur, engorge le poumon , gêne la respiration , surcharge le cœur et les gros vais- seaux, et de graves lésions se manifestent bien- tôt dans ces organes : le docteur Corçisart a vu un homme d une forte constitution , chez qui une vive frayeur détermina la dyspnée , une toux sèche, et des palpitations qui étaient devenues de plus en plus fortes ; ces phénomènes se renouvelaiént au moindre mouvement du malade, dont la figure était animée et injectée: les battemens du cœur étaient tumultueux et se faisaient avec une sorte de bruissement; après sept mois de séjour à l’hôpital de la Charité, le malade mourut. On trouva le volume du cœur fort augmenté; l’orifice du ventricule aortique (i) Malad, des nerfs , tom. 2, partie t , 392, . ( ï4) était rétréci et formait une sorte de fente courLe, irrégulière , présentant des duretés et quelques aspérités osseuses j la valvule mitrale était dure et comme ossifiée ; les aortiques étaient épaisses etrecoquillées (i). La peur est une des sources des anévrismes du cœur, et Desault avait observé que celte maladie se multipliait singulièrement en France sous le règne delà terreur. Dans les cas où cette affection de Famé produit cet effet , elle agît en débilitant Faction du cœur dont les parois éprouvent une dilatation passive. Les humeurs étant refoulées par la frayeur de la circonfé- rence au centre, il peut en résulter des déter- minations du sang vers certaines parties : de là des pertes , l’avortement , des hémorragies , Fhémoptisie , l’apoplexie promptement mor- telle. Van Swieten dit avoir connu une femme grosse qui , félicitée par sa mère de n’avoir pas été éveillée par l’incendie d’une maison voisine de la sienne, commença bientôt à trem- bler par tout son corps et à se plaindre ; tout (i) Essai sur les maladies organiques du cœur, pag ;j5. ( i5) son lit fut en un instant inondé de san^ ; elle eut ensuite des faiblesses et des convulsions ; elle se rétablit cependant de cette perte , mais elle fit une fausse couche au terme de quatre mois (i). L’orage effraya tellement un matelot , qu’il en tomba de peur, et son visage suait du sang, qui, comme une sueur ordinaire, revenait à. mesure qu’on l’essuyait , pendant tout le temps que dura l’orage (2). Stalh avait vu une fille qui , menacée de mort par des soldats, perdit tout son sang par tous les pores de son corps , et fut prompte- ment morte (3). Quelquefois la frayeur produit un spasme qui, se communiquant jusqu’aux parties in- ternes , suspend les crises , trouble les sécré- tions et les excrétions. Chez une nouvelle ac- couchée les lochies furent supprimées par une violente frayeur,- il se forma dans le ventre une inflammation qui se termina par un abcès dont (r) ran SivieUn, tom. 4 , pag. 622. (2) Journal encycl. , Janv. 1776 , pag. i55. (3) De Vathem, , parag 26. il soï'tit plusieurs livres de pus (i). L’améuor- rliée , la suppression du flux hémorroïdal ont été fréquemment observées à la suite de la frayeur et de la terreur (a). Le saisissement, dé- terminé par ces affections de Tame, tarit quel- quefois les sources du lait , et fait dégonfler les mamelles d’une manière subite. La région épigastrique étant le lieu où l’im- pression primitive des passions est le plus sen- sible ( comme le prouvent le saisissement et l’anxiété que nous y ressentons ), Pestomac et les divers organes qui concourent à la digestion sont frappés d’atonie , et leurs fonctions lan- guissent ou sont perverties , sur-tout durant la frayeur et la terreur. Van Helmont parle d’une fille qui fut si fort effrayée par le tonnerre , qu’elle en perdit sur- le-champ l’appétit j depuis lors elle ne pût pren- dre que quelques cuillerées d’eau tous les huit jours (3). Les diarrhées opiniâtres en sont sou- vent résultées (4). (1) p^an Swiet, , iom. 4> pag. 6î2. (2) Vid. Fahrl de Hildan , Hoffmann, et autres observaleurs; (3) Jus duumeifatus , parag. a5 , op. , pag. 244. (4) suprà , locQ citato , pag. l3. ( 17 ) La terreur agît particulièrement sur Torgane biliaire, qui réagit ensuite sur la peau. Tissot a Yu une femme qu’une frayeur sur l’eau reu- dit jaune en quelques minutes. Un homme effrayé par la chute d’une gale- rie, sur laquelle il était, tomba dans un ictère si noir , qu’il ressemblait à un more (i). L’érysipèle a été observé par Sennert , et les maladies cutanées n’ont jamais été si fréquentes que chez les peuples qui ont vécu sous la ty- rannie , sur-tout , chez les individus les plus exposés par leurs richesses et leur naissance , à en ressentir les effets (2). Le système lymphatique et glanduleux peut aussi ressentir l’impression funeste de cette passion : an Swieten vit une femme très- saine , à qui une frayeur subite occasionna sur- le-champ une tumeur au sein, qui, quoique traitée d’abord par les meilleurs remèdes , (1) Malad. des nerfs, tom. a , part. I , pag. 3g5 et 3g6, (2) I,es passions tristes sont une des principales causes déter- minantes des maladies cutanées par l’influence directe qu’elles ont sur la peau. ( Obs. de médec.-prat. , par M*’. Lordat, journ.» génér. de médec. , Mars i8o5. 2 ( i8 ). devint un squirre incurable (i). V ater a vu cette affection produire le même effet sur une des glandes bronchiales d’un jeune homme. Les brusques assauts de celte passion bou- leversent tout le système nerveux : on n’en sera pas surpris , si l’on réfléchit que la frayeur porte spécialement son impression directe sur la région de l’estomac , comme le prouve le l’esserreraent qui s’y fait sentir , sur-tout au cardia. La réaction de cet organe sur le cer- veau, ou sur une autre partie du système sen- sible , est donc suffisante pour déterminer l’é- pilepsie, la catalepsie ( tulpius ), l’hysterie, les convulsions, et autres maladies spasmodiques, dont les observateurs nous fournissent plusieurs exemples. Au rapport de Zacutus , un enfant qui se baignait dans la mer , fut tellement effrayé d’un coup de canon que tira un vaisseau qui partait , qu’il mourut dans un quart d’heure d’une attaque d’épilepsie (2). (1) Van Siviettn , toni. i , parag. 127 , pag 190. (2) Praxis medie. ( 19 ) 3Jor<:as^nî nous a transmis Thisloire d’iid, O O iiomme qui devint épileptique après atoir éprouvé une grande frayeur (i). Ha'èn a vu l’effroi produire un spasme très- fort de la mâchoire inférieure (2). Lorsque l’impression que cause cette affec- tion est très forte, il peut en résulter un trem- blement de tout le corps : « V^idi 'virum^ qui in cetatis vigore dormiens , horrendo tonitus fra^ gôre expergefactus , fulmine domum incensurtj/ esse credidit , et posteà in talein tremoreni totius corporis incidit , ut nulliis omninb musculus 'VO- lunlatis imperio mohilis ab illo immunis foret. Vixit in Hoc statu per 'viginti annos, in reîiquis sanus (3) ». La pai’alysie a lieu quelquefois. Le professeur Pinel rapporte dans sa Mé- decine clinique (4) , qu’une femme tomba dans l’hémiplégie du côté droit, à la suite de convulsions produites par la frayeur. Les (1) Epist. LXIV, art. 5. (■2) Ratio meJenài, (3) Van Swieten , loni. ii , iÔ3. Ci) pag. 82. ( 20 ) défaillances, la syncope , sont aussi détermi- nées par cette affection de l’ame qui affaiblit alors directement le cœur. Sawages rapporte qu’il tomba une fois en lypotbimie, en voyant rouer un criminel (i). Zimmermann vît un paysan robuste qui , effrayé de l’idée d’être pendu pour cause de vol, tomba eu syncope , et demeura vingt-quatre heures comme mort, ün a observé des fièvres bilieuses dont l’invasion était décidée par la terreur (2). Tralles ù. connu une femme à qui la frayeur que lui causa une chenille , en tombant sur son cou, donna la' fièvre tierce. Les fièvres malignes régnent communément dans les villes assiégées, et à la suite des trem- blemens de terre (3). Les fonctions intellectuelles sont fréquem- ment dérangées par une frayeur vive et subite : aussi a-t-on vu survenir plusieurs fois les ver- (1) IVos. MIeth. , tom. 5 , pag- 36a. (2) Finke , de marhis biliosis. (3) Telofiius t de terrœ motu. ( 21 ) liges, le délire, la mélancolie continuelle, la folie , la manie , l’imbécillité et autres désor- dres à la suite de cette affection , dont l’im- pression perturbatrice s’est propagée alors jus- que dans le sensorium. Pni-cn/manqua d’être précipité dans la Seine, les cbevaux qui traînaient sa voilure ayant pris le mors aux dents ; il en éprouva une frayeur si vive et si profonde , que depuis cet événe- ment son imagination lui offrait sans cesse un précipice ouvert à son côté gauche, et il y faisait placer un siège pour se rassurer. Un jeune bomme ayant été attaqué par des voleurs , fut si effrayé , qu’il devint sur-le- champ maniaque (i). Suivant Tissot ( 2 ) , une paysanne robuste- étant descendue par une corde dans une ca- verne assez profonde , pour y chercher un animal égaré , en ressortit folle, et n’a jamais, été guérie. Le même auteur parle de deux jeunes filles. (i) ObserF. de médec. des hôpitaux militaires, fa) Malad. des nerfs , tom. a , part. i. , pag. 405. qui restèrent dans une espèce d‘imbécillité à la suite d’une frayeur causée par le tonnerre (i). Enfin , la mort plus ou moins prompte a été le résultat de l’action excessivement dé- bilitante de la frayeur et de la terreur ; aussi observe-t-on souvent, dans les temps de peste, que les miasmes contagieux sont assez puis- sans pour faire tomber l’homme soumis à leur influence , comme s’il avait été frappé d’un coup de foudre (2). « Voir mourir a suffi , dans les temps de » peste , pour la propager d’un individu à un » autre (3). Diemerhroëck (4) rapporte qu’une jeune fille de vingt ans voyant un jeune homme attaqué delà peste, et pousser des cris horribles dans les transports d’une violente frénésie, fut elle- même aussitôt frappée de cette maladie. (1) Ut svprà , pag. Spg- (2) Ces affections augmentent la disposition des vaisseaux ab- sorbans à l’inbalatioii , et rendent ainsi plus susceptible d’être atteint parles maladies contagieuses. (3) Lachambre , caractère des passions, (4) Tractatus copiosissimas~diL-peste. (23 ) Kerkring parle d’un homme à qui on avait annoncé la mort pour un jour fixé j s’effrayant tous les jours davantage , il mourut enfin au. jour fatal. Plusieurs criminels sont morts en enten- dant prononcer leur arrêt de condamnation. Montaigne nous a conservé un fait très-remar- quable de mort subite causée par la peur j il s’exprime en ces termes : «Etau même siège (de » Saint-Paul ) fut mémorable la peur qui serra, » saisit et glaça si fort le cœur d’un gentilhomme ^ ” qu’il en tomba roide mort par terre à la, brè- » che , sans aucune blessure ( i ) ». Après avoir décrit les effets pernicieux de la terreur, il convient d’indiquer les circonstan- ces , rares à la vérité , dans lesquelles cetto violente affection de l’ame a été salutaire à l’homme , en déterminant, relativement à la santé, des révolutions aussi avantageuses qu& surprenantes. Hildanus (2) rapporte qu’un goutteux, dont. (1) I.iv. I , chap. xvri , de la peur. (2) 0/wer. 07/in. , epist. XLVii , p. çç3. (34) le caractère médisant lui avait fait beaucoup d’ennemis, fut arraché de son lit par un homme déguisé en spectre , qui le transporta sur ses épaulés en lui faisant frapper les pieds , pris de la goutte , contre les degrés d’un escalier , et l’abandonna dans la cour de la maison. Le malade qui ne pouvait auparavant se tenir sur ses pieds , remonta en courant dans sa cham- bre , dont il ouvrit les croisées pour appeler du secours ,* dès ce moment il fut délivré de sa goutte , et n’en eut plus aucune attaque. Salmuth (i) cite l’observation d’un goutteux qui , ayant le pied couvert d’un cataplasme de navets pour calmer sa douleur , fut tellement effrayé par un cochon qui entra dans sa cham- bre et voulut manger le cataplasme, qu’il se mit à s’enfuir, et que les douleurs cessèrent à l’instant. Suivant Daignan{2) , un receveur de deniers publics, retenu depuis plus de trois mois dans son fauteuil , par un accès de goutte , ayant (1) Cent. i^'. , obs. 48, p. 5a. (2) Tableau delà vie humaine, second vol. , p. 198. (25) appris qu’il devait être arrêté le lendemaîa pour avoir dissipé les fonds qui lui étaient confiés, fut si effrayé de l’avertissement, que, quoique ce fat dans le mois de Janvier , il s’entortilla les pieds de serviettes , s’arma d’un bâton , se mit en route malgré les glaces et la rigueur de la saison , et qu’enfin, arrivé dans un lieu qui le mettait en sûreté , il se coucîia et fut depuis ce temps exempt des retours de sa maladie. Dans ces cas , la terreur paraît avoir agi en rompant la chaîne des accès de la goutte, dont un des principaux caractères est de se re- produire avec une espèce de périodicité. C’est d’après le même principe qu’on peut se ren- dre raison de la cessation de certaines fièvres intermittentes , par l’effet de la même affec- tion, La guérison de plusieurs maniaques , par leur immersion dans l’eau de la mer , ne doit- elle p.as être rapportée aux effets perturbateurs et salutaires produits , dans ce cas , par une frayeur subite et considérable , plutôt qu’à une prétendue spécificité de ces bains en pareille circonstance ? Si l’ébranl ement qu’éprouve le cerveau par rimpression d’une grande terreur, est , dans certains cas , assez violent pour avoir pu déterminer sur-le-cliamp la manie, l’épilepsie et la catalepsie j par contre, il a guéri quel- quefois ces mêmes affections : ainsi Boerhaave sut tirer un parti avantageux de cette passion, lorsque s’entourant adroitement d’un appareil de terreur , il arrêta , dans l’hôpital d’Har- lem, des convulsions qui semblaient se pro- pager par une espèce de contagion. Lieutaud fît tirer un coup de fusil au pied du lltd’une épileptique, aumomentoùl’accès finis- sait ; elle fut pendant trois heures dans un état violent et dangéreux, mais elle se trouva guérie. On a vu des douleurs de dents céder comme par enchantement au seul contact du redou- table davier. Certaines hernies ont été réduites avec facilité au moment où tous les instrumens étaient prêts pour opérer le malade , effrayé à la vue de l’appareil, et lorsque déjà toutes les tentatives pour en faire la réduction avaient été vainement essayées. Qui ne voit dans tous ces cas les effets ma- giques produits f'"' cette vive affection? Ces ( ^7 ) prodiges dépendent de la modification que la sensibilité a reçue dans ces occuiTences heu- reuses , mais souvent trop difficiles à appré- cier pour qu’on puisse en déduire des règles qui servent à guider le Médecin dans des cas analogues. Le génie seul saura saisir l’instant où ce moyen perturbateur sera bon à em- ployer sans compromettre la vie des malades; l’on ne doit jamais y avoir recours que lors- que les remèdes ordinaires auront été employés plusieurs fois inutilement. Une forte commotion déterminée par la terreur , a fait cesser des états nerveux qui avaient résisté aux moyens employés souvent avec succès en pareil cas. Le docteur Petit , de Lyon, rapporte, dans son Discours sitr Vinjiaence de la révolution sur la santé publique , qu’une jeune fille de dix-huit ans, tourmentée depuis long- temps par les pâles couleurs , était restée sujette à des palpitations de coeur qui devenaient in- supportables au plus léger mouvement, et dont 1 excès causait souvent la défaillance. Cette affection fut combattue sans succès , et cette jeune personne , abandonnée de l’art , vivait ( ^3 ) en se confiant à la nature , lorsque , clans la terrible journée du 2g Mai 1793, traversant le quai du Rhône , elle se trouva exposée au feu de deux colonnes ennemies j une allée dans laquelle elle se précipita la garantit du dan- ger , mais ne put la sauver de cette terreur profonde qu’elle dut éprouver pendant une heure cjue dura le combat. Dans une posillou aussi cruelle pour son état , elle ne tomba point en défaillance , mais elle ressentit dans toute la poitrine une chaleur brûlante c[uî fut suivie d’un vomissement abondant de ma- tières glaireuses. Transportée chez elle , elle eut un mouvement de fièvre qui dura trois jours, finit par des sueurs copieuses , et laiss.a la malade complètement délivrée de ses palpi- tations et de toutes ses autres incommodités (i). Le même Médecin a recueilli le fait suivant : Une femme, âgée de cinquante ans, atteinte d’une hydropisie générale , vit son enflure dis- paraître tout-à-coup, le premier jour du bom- bardement de Lyon ; on crût cette malade perdue , mais bientôt les forces, que la terreur (i) Médecine du cœur , pag- 1*5’ I ( 29 ) avait concentrées dans riatérîeiir des organes, se déployèrent avec rapidité, la fièvre s’établit* et sous son influence heureuse , les vaisseaux absorbans ayant repris leur ton naturel, une diarrhée salutaire , un flux abondant d’urines évacuèrent tout le liquide épanché. On prétend que des muets de naissance ont recouvré la parole dans des momens de ter- reur. Au rapport à! Hérodote (i) , Cresus , roi de Perse , se trouvant à la prise de Sardes , allait etre tué par un de ses soldats qui le prenait pour un général ennemi , lorsque son s J muet de naissance , frappé du danger que courait son père , s’écria : Soldat , d est le roi Cresus! et il conserva depuis la faculté de pouvoir parler librement. _ Suivant Pausanias (2), un jeune homme fut SI effraye à la vue d’un lion , qu’il en recou- Tra la parole. Tulplus et Diemerbroëck ont vu une para- (1) Lit. cap. 85. (2) Lib. X. (3o) lysie invétérée guérie par la fr'ayeur du ton* nerre. Nous terminerons ce que nous avons à dire sur la terreur, en observant qu’elle peut pro- duire des effets absolument différens sur le même individu , suivant son idiosyncrasie, sa disposition à l’instant où il est affecté, et enfin, la situation physiologique où se trouve la sen- sibilité de certaines parties. Ainsi , un senti- ment de terreur, après avoir anéanti en quel* que sorte toutes les facultés., a paru un ins- tant après faire cesser cet état de stupeur, et redonner de l’activité à des organes qui étaient comme paralysés j le fait suivant en offre un exemple : L’empereur Téophile fut tellement frappé de terreur dans une bataille qu’il perdit contre les Agarênes , qu’il resta sans forces et immobile sur la place, quoiqu’il eut la meilleure volonté de se sauver, et la même cause morale qui lui avait ôté l’usage de ses forces les lui rendit lorsque Manuel ^ un des principaux chefs de son armée, l’ayant secoué inutilement, pour le re- tirer de cet état d’anéantissement , parvint à lui faire prendre la fuite en menaçant de le tuer. (3i ) D’aprèsl’exposédes phénomènes et des effets que produit le plus fréquemment la terreur, nous pouvons conclure que sa principale ac- tion porte sur le centre phrénique , et de là , sur tout le système nerveux j c’est par ce mé- canisme qu’elle détermine une secousse le plus souvent funeste , mais cependant quelquefois salutaire, selon que l’économie animale réagit plus ou moins puissamment contre cette vive et profonde affection de l’ame. FIN. ■; .. >:' "■ ‘- '-•*.■■ ■- "1 ’^' * * ■ '* rf ■ > *,< t ,. ' '*=■ ' ■’■ - . v¥^ * . „À-: ir,'> >:-■ /;, -1 r.’î-H'' ' ' I : ■ '*ï .•• . •- 4.' > * •- ;: >Uirt|^fv... ;f: V ■! -îtu»- '■•'!*« VJ,: • <• :.';«î ^ i/ ' /■' "îVvjtt:;7.''ï¥'. .^1, 'H. ; . .< •>