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PUSCULES

CHIMIQUES.

TOME SECOND.

OPUSCULES

CHIMIQUES

D E

PIERRE BAYE K,

M e m b re de ly Institut national de France y de la Société de Médecine , et du collège de Pharmacie de Paris $ V un des Inspecteurs généraux du Service de Santé des Armées de la République .

TOME SECOND.

A PARIS,

Chez A. J. DUGOUR et DURAND, Libraires, Rue et Hôtel Serpente.

An YI de la République.

V

/

ANALYLSE*

D’UNE MINE

DE FER. SPATHIQUE,

CONNUE EN ALLEMAGNE SOUS LE NOM DE MINE AC 1ER.

PREMIÈRE PARTIE,

Contenant les expériences faites par la

voie sèche.

La mine de fer , dont l’examen chimique fait le sujet de ce mémoire, est connue des naturalistes sous le nom de minera ferri

* Cette Analyse auroit précéder les quatre Nlémoires que j’ai donnés sur les précipités de mercure, puisqu' en effet on la trouve citée deux fois dans le second , dont la publication est du mois d’avril 17 y 4'

Des circonstances , dont le récit serait fort inutile > m’ont empêché de la faire paroitre dans le temps elle a été faite , c’est-à-dire , à l’époque où. la question de Pair fixe commencoit à occuper tous

Tome IL A

2

AN A L Y S E

alba spathi- for rnis ( i ) : c’est un amas de cristaux en lames minces , brillantes , douces au toucher, à demi-transparentes, de couleur grise et de forme rliomboïdale ; on y distingue des cristaux de quartz , et quelquefois des petites pyrites [aunes et gorge-de-pigeon : elle n’est pas très-dure,

les chimistes . La première partie de ce Mémoire n’aura donc plus le mérite de la nouveauté ; aussi ai-je eu quelque temps le dessein d’en supprimer tous les détails > qu’on pardonne toujours lorsqu’il s’agit d’ expériences nouvelles , mais qu’on dé- daigne, dès qu’ils sont connus. Cependant > l’aca- démie qui m’a voit permis de lui faire lecture de cette Analyse y le -i.6 juin ayant daigné

l’ accueillir y j’ ai cru devoir la présenter au public , telle qu’elle étoit , lorsque j’ai eu l’honneur de la lire dans une assemblée de cette savante compagnie .

(1) J’avois rapporté d’Allemagne, en 1763, divers échantillons de mines de fer, parmi lesquels il s’en trouvoit un de mine spathique, du poids de quatre livres et demie. Ettling , célèbre négociant de Franc- fort sur le Mein, et possesseur d’un riche cabinet d’IIisloire naturelle, me l’avoit donné, en me le dési- gnant sons le nom de mine dont on retire le meilleur acier. C’est sur cet échantillon, qui étoit très-pur, que j’ai fait toutes les expériences qu’on va lire. J’ai d’autres morceaux de la même mine, le quartz et les pyrites sont les parties dominantes.

3

d’une mine de fer SPATIIIQUE.

la pointe d’un couteau peut facilement y imprimer des traits 3 le briquet n’en peut donc point tirer d’étincelles , à moins que, par hasard ou à dessein, le coup ne porte sur un grain de quartz ou sur une pyrite. Cette mine n’est point du tout attirable par l’aimant : si on en tient long-temps à l’air un morceau, elle jaunit à sa superficie et perd son brillant 3 ce qui annonce un com- mencement de décomposition. Lorsqu’on l’expose au feu en morceaux d’une cer- taine grosseur, ou simplement concassée, elle décrépite fortement et se sépare en pe- tites parcelles, qui sont jetées hors du vase se .fait l’opération. Il n’est donc pas possible , dans le travail en petit , de la calciner, à moins qu’on n’en ait préala- blement détruit l’aggrégation cristalline , en la réduisant en poudre assez fine pour passer au tamis de soie.

I. Expérience. Ayant exposé au feu , dans un petit creuset, 4 gros ou 288 grains de mine pulvérisée et tamisée , sa couleur ne tarda pas à s’altérer 5 elle devint brune, et en moins de demi -heure , elle étoit tout- à-fait noire 3 le feu fut poussé jusqu’à la faire rougir, et tenu en cet état plus d’une

A 2

ANALYSE

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4

Iieure et demie , sans qu’il s’en soit élevé rien de sensible à l’odorat, ni à la vue; re- froidie et mise sur la balance, elle se trouva diminuée de 90 grains, c’est-à-dire qu’elle avoit perdu le tiers de son poids moins 3 grains; c’étoit une poudre d’un noir foncé, qui paroissoit avoir augmenté de volume ; je lui présentai alors un barreau d’acier aimanté , auquel elle s’attacha avec autant de vitesse et en aussi grande quantité que l’auroit fait la limaille de fer la plus récente et la plus pure.

II. Expérience. Je crus devoir répéter cette expérience dans les vaisseaux fermés. Je mis, en conséquence, une once de la même mine pulvérisée , dans une petite retorte de verre lutée , à laquelle j’adaptai un ballon percé: je lui lis subir le plus grand feu , ayant attention d’ouvrir de temps en temps le petit trou du récipient , d’où il sortoit à chaque fois une quantité d’air remarquable ; il ne passa rien de visible dans le récipient; il ne s’attacha rien dans le col de la retorte, si ce n’est que dans le cours de l’opération , j’avois aperçu, à 2, pouces au-dessus du bec, une petite rosée qui disparut bientôt. La cornue s’étoit

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d’une mine de fer seAtiiique. 5

affaissée, mais sans se rompre ; la matière qu’elle contenoit avoit pris une couleur noire foncée 5 son poids étoit diminué de 2 gros 42 grains , ne pesant plus que 5 gros 3o grains , en sorte qu’elle avoit perdu , à très - peu de chose près , le tiers de son poids ; tout s’étoit donc passé dans les vais- seaux fermés, comme dans les vaisseaux ouverts.

III. Expérience. Je n’avois pas de vais- seau propre à faire des distillations pneu- matiques, et j’étois pressé de satisfaire ma curiosité. Je mis une once de mine pulvé- risée dans une petite retorte de verre lutée, à laquelle j’adaptai une vessie de bœuf, mouillée et absolument vide d’air : en moins de trois-quarts d’heure de feu vif, la vessie se gonfla si fort , que craignant l’explosion , je supprimai le feu et laissai tout refroidir ; il rentra un. peu d’air dans la retoi te , ce qui permit de pincer la vessie immédiatement au-dessous du bec , et d’y faire une forte ligature assujétie par un nœud coulant. Je détachai alors celle qui unissoit la vessie à la cornue , et substi- tuant à cette dernière un tube de verre , long de 4 pouces , je devins le maître de

A 3

6

analyse

transporter le gaz dans un vaisseau plus commode. Je choisis une bouteille cylin- drique de quatre pintes environ , que je remplis d’eau pure, et l’ayant renversée et assujétie sur la surface d’une terrine égale- ment pleine d’eau , je lis entrer dans son gouleau le tube de verre qui étoit adapté à la vessie $ et détachant le nœud coulant qui y fixoit le gaz, je parvins à faire sortir, par une pression légère, environ 3 pintes d’eau , dont le gaz occupa la place. L’eau ne tarda pasà remonter dans la bouteille, et par de légères secousses, l’ascension en fut accélérée jusqu’au moment il en étoit rentré environ deux pintes ; alors la bouteille fut fermée et retirée de la terrine son orifice étoit plongé. En la débou- chant, il se fit un sifflement qui annonçoit que le gaz étoit encore comprimé ; il s’en élevoit une odeur que je ne peux mieux com- parer qu’à celle du phosphore; je goûtai l’eau, et je la trouvai aigrelette ; j ’en mis quel- ques onces dans une petite bouteille il y avoit environ un demi-grain de limaille de fer , et en peu de temps elle eut la pro- priété de prendre , avec la poudre de noix de gale, une teinture purpurine.

d’une mine de ter spathique: 7

Lamine employée dans cette expérience ayant été retirée de la retor te , n’avoit perd a de son poids qu’un gros Sy grains, c’est à- dire , qu’il s’en falloit 5 ) grains qu’elle n’eût donné tout le gaz que la première 'et seconde expérience nous ont appris être contenu dans une once ; j’en achevai la calcination à feu ouvert , et je l’amenai au point de perdre à-peu-près le tiers de son poids. L’expérience que je venois de faire commeneoit à m’instruire ; mais elle ne remplissoit pas mes vues. Je disposai sur- le-champ un de ces appareils chimico- pneuma.ticp.ies , dont TIales passera tou- jours pour être l’inventeur, quelle que soit la forme que nous puissions leur donner; j’espérois qu’ayant des instrumens plus commodes et plus exacts, je serois en état non-seulement de recevoir tout le gaz que fourniroit une quantité donnée de notre mine, mais encore d’en déterminer le vo- lume , et peut-être même le poids spécifique.

IV. Expérience. Je choisis une retorte de verre lutée , qui contenoit un volume d’air égal à 4 onces un gros d’eau : je la chargeai d’une once de mine tamisée , j’adaptai à son bec un conducteur ou tube

A 4

8 ANALYSE

cle verre recourbé , dont la capacité con- tenoit un volume d’air égal à une once 2 gros d’eau , je les assujétis l’un à l’autre avec du lut gras et des bandes de linge enduites de chaux et de blanc d’œuf ; lorsqu’elles furent séchées , je plaçai la retorte dans le fourneau, et en l’y assujé- tissant, je lui donnai une situation propre à s’unir à l’autre partie de l’appareil , qui consistoit en une terrine pleine d’eau sur- montée d’un récipient ou bouteille haute, et cylindrique , contenant 7 livres 9 onces d’eau ; l’extrémité recourbée du conducteur ayant été introduite dans le col du récipient, le feu fut allumé, l’air de la cornue se ra- réfia, et il en passa dans le récipient une quantité suffisante pour déplacer 2 ou 5 onces d’eau; le feu ayant été augmenté, les bulles se succédèrent assez vite , l’eau du récipient se déprimoit sensiblement, et lorsque la retorte fut échauffée au point d’étre rouge, la dépression se fît avec une promptitude étonnante : l’eau comrnençoit à sortir de la terrine , et bientôt elle forma un filet de la grosseur de celui qu’on voit sortir du bec d’un alambic , lorsqu’une distillation se fait rapidement ; ce filet

d’une mine de FEll spathique. 9

étoit l’image de celui que formoit le gaz en sortant du conducteur; l’opération n’é- toit pas finie, et toute l'eau a voit été poussée hors du récipient, le feu étoit toujours aussi vif ; et le fluide ne trouvant plus d’eau à déplacer, se fit jour à travers celle qui étoit dans la terrine, ce qui dura environ cinq ou six minutes ; après lequel temps , tout étant devenu tranquille , je jugeai l’opé- ration finie : mais ne voulant pas laisser refroidir l’appareil dans l’état il étoit , de peur que l’eau ne montât dans la re- torte , je soulevai légèrement le support et le récipient, sans cependant lui faire quitter la surface de l’eau , et je l’écartai du con- ducteur d’environ un pouce; je fus alors le maître d’éloigner le fourneau et toute la partie de l’appareil qui en dépendoit ; l’eau ne tarda pas à rentrer dans le récipient qui étoit resté en place ; en moins de deux heures , il en étoit remonté plus de 4 onces, et en douze heures, environ 16 ; le lende- main matin , j’évaluai ce qui s’y trouva de 32 à 34 onces ; je le fermai à cet instant, et l’ôtant de dessus son support, je remar- quai qu’en le débouchant , il se fit un sif- flement assez fort, l’eau qui étoit remontée

ÎO -ANALYSE

avoit absorbé une grande quantité de gaz ; elle étoit aigrelette , son odeur étoit forte , et resseinbloit à celle du j^hos- pliore.

La mine ayant été retirée de la retorte , et mise sur la balance , se trouva avoir perdu, à 3 grains près, le tiers de son poids ; elle étoit , comme dans les opérations pré- cédentes , d’un noir foncé et entièrement attirable parl’aiinant; le volume de fluide élastique ou gaz qui s’est exhalé de l’once de mine employée dans cette opération , surpassoit donc celui de 121 onces, ou ce qui est la même chose , de 7 livres 9 onces d’eau.

Mon appareil commençoit à se perfec- tionner ; mais il n’étoit pas au point je le desirois : ma quatrième expérience étoit imparfaite \ je n’avois pu évaluer que, par à-peu-près , l’eau déplacée, et le récipient dont je m’étois servi , étoit trop petit ; il étoit facile de remédier au dernier incon- vénient , et possible de se garantir du premier.

Je me procurai , en conséquence , une bouteille cylindrique , plus grande que celle qui m’avoit servi dans l’expérience

d’une mine de fer SPATHIQUE.' 11

précédente : je collai dessus une bande de papier blanc , large de 6 à 7 lignes , et assez longue pour s’étendre depuis la base jusqu’au collet : je fis avec une petite bou- teille à orifice étroit , une mesure qui contenoit 4 onces d’eau, après quoi, ayant posé la bouteille sur une table bien nive- lée , j’y versai une mesure , et dès que le mouvement communiqué à l’eau par la cliute , fut passé , je fis sur la bande de papier une marque à l’endroit la super- ficie de l’eau étoit fixée ; ce premier degré de l’échelle indiquoit4 onces d’eau - j’ajou- tai une autre mesure d’eau, ce fut le second degré qui en indiquoit 8 onces ; et conti- nuant ainsi de 4 onces en 4 onces , je par- vins à remplir le récipient, dont le dernier degré étoit le 39e , ce qui fait , à 4 onces par degré, i56 onces, ou g livres trois- quarts d’eau 5 comme je connoissois la tare de ce vaisseau , je pus vérifier ce poids , et je trouvai qu’à un gros près , il conte- noit en effet 9 livres trois - quarts , ou i56 onces , ce qui prouvoit que les degrés de l’échelle que je venois de faire étoient assez justes.

V. Expérience. Je procédai sur -le-

12

analyse

cliamp à la cinquième expérience ; et comme j’avois observé dans les distillations précédentes , qu’il s’attachoit constamment un peu d’eau , sous la forme d’une rosée , à la partie supérieure du col de la retorte, je crus devoir exposer celle dont j’allois me servir , à un grand feu , et l’y tenir assez long- temps pour en chasser toute l’humidité qu’on auroit pu y soupçonner; je tins ainsi la mine plus de deux heures , à un degré de chaleur qui , sans l’altérer , pouvoit en enlever l’humidité , dans le cas elle en auroit pris de l’atmosphère , ce que je ne présumois cependant pas , vu qu’elle étoit gardée dans une bouteille exactement bouchée ; la retorte étoit en- core chaude lorsque je la chargeai d’une once de mine ; le volume d’air qu’elle con- tenoit j égaloit 4 onces 2 gros 17 grains d’eau , et celui du conducteur , une once 2 gros ; j’appareillai comme dans la qua- trième expérience , et le feu fut allumé.

Il étoit dix heures trois-quarts du matin , lorsque hair des vaisseaux étant au plus grand degré de raréfaction, le gaz com- mença à passer et à déprimer l’eau du ré- cipient : alors j’aperçus , comme dans les

1

d’une mine de fer SPATIIIQUE. l3

expériences précédentes , une petite rosée ou amas de gouttelettes d’eau dans la partie supérieure du col de la retorte ; l’opération fut conduite avec célérité , en sorte qu’en moins d’une heure, la mine ayant donné tout le gaz qu’elle' contenoit, l’eau du récipient se trou voit fixée au 55e degré de l’échelle , ce qui indiquoit un déplacement de 140 onces.

La cornue, le conducteur , le fourneau furent enlevés avant le refroidissement , et l’eau remonta bientôt dans le récipient qui étoit resté sur son support ; en moins de deux heures , elle avoit atteint le 54e degré , le lendemain le 29e , le troisième jour , elle étoit au 24e ; le quatrième , au 19e 5 le cinquième , au i4e et demi ; le sei- zième , au 12e un quart : à cette époque , l’ascension n’étoit presque plus sensible ; Je septième jour , elle s’étoit à peine ex- haussée d’un quart de degré 5 le huitième, elle me parut fixée un peu au-dessus du 11e; je fermai alors le récipient de son bouchon , et rayant retiré , je le posai sur sa base ; il ne se fit point ou peu de sifflement en le débouchant ; l’eau qu’il contenoit n’étoit presque pas aigrelette ,

\

V

1 4 ANALYSE

quoiqu’elle eût une forte odeur de phos- phore (1).

Les 576 grains de mine employés dans cette expérience , étoient réduits à 3gi grains , la perte étoit donc de 180 grains , que tout nous porte à regarder comme le véritable poids du gaz ; mais i85 grains de gaz n’ayant déplacé que 140 onces , ou 80,640 grains d’eau , pouvoient m’induire à croire que la pesanteur spécifique de ce fluide singulier , n’étoit à l’eau que comme 1 à 436, et conséquemment, que son poids étoit à-peu-près le double de celui de l’air de l’atmosphère , dont les physiciens ont établi le rapport à l’eau , comme 1 à 85o.

VI. Expérience. Cette différence entre le poids de l’air et celui du gaz , me ht soupçonner qu’une portion de ce dernier avoit pu être absorbée par l’eau du réci- pient ; pour m’en assurer , je recommençai l’expérience, et j’eus la précaution, cette

(1) L’eau est peu aigrelette , parce qu’en absorbant le gaz avec lenteur, celui-ci s’étend non-seulement clans la portion qui s’élève dans le rédipiènt, niais encore dans celle de la terrine, qui sert de sup- port; enfin, de proche en proche, le gaz finit par se confondre avec l’air de l’atmosphère*

d’une mine de fer sfatiiique. l5

fois, de mettre un travers de doigt d’huile d’olive sur l’eau qui devoit être déplacée : j’employai un récipient beaucoup plus grand que le précédent , mais également gradué, tout fut appareillé à l’ordinaire , et après l’opération , la superficie de la couche d’huile se trouva fixée au degré de l’échelle qui indiquoit 192 onces, et l’once de mine employée avoit perdu 193 grains de sou poids ; or, 193 grains de gaz ayant déplacé 192 onces , ou 110,592 grains d’eau , il s’en suit que sa pesanteur se trou- voit déjà être en rapport avec l’eau, comme 1 à 5<]3.

Ce dernier procédé , en me faisant voir une diminution considérable dans la pe- santeur spécifique que j’attribuois au gaz d’après la cinquième expérience , ine fit présumer que je pouvois encore rapprocher son poids de celui que les physiciens ont tâché d’assigner à l’air de l’atmosphère.

Mon appareil avoit un défaut essentiel , qu’il falloit corriger ; le bec recourbé du conducteur n’entroit dans le col du réci- pient , que d’environ un pouce , et le gaz , en se dégageant , avoit à traverser un volume d’eau très considérable ; je crus

l6 ANALYSE

que cette eau pouvoit aussi en absorber une portion , et j’en fus convaincu d’après l’expérience suivante.

YII. Expérience. Je rendis le récipient de mon appareil pneumatique propre à être rempli par succion -, je fis faire un conducteur de verre , dont la branche recourbée pouvoit s'élever un peu au- dessus du premier degré de l’échelle j je mis une once de mine dans une retorte , et j’appareillai à l’ordinaire : lorsque , par la succion , l’eau fut montée et arrêtée au deuxième degré environ , j’introduisis dans le récipient une quantité suffisante d’huile, en faisant en sorte d^en fixer la superficie vis-à-vis le deuxième degré de l’échelle qui marquoit 8 onces.

Dans cette expérience , l’once de mine employée fournit 189 grains de gaz , qui déplacèrent 216 onces, ou i24,4i6 grains d’eau. Cette quantité d’eau déplacée , bien* supérieure à tout ce que j’avois obtenu ci- devant , me mit en état de conclure , sans prétendre toutefois avoir atteint le véritable point , que la pesanteur spécifique du gaz est à l’eau comme 1 à 658 , c’est-à-dire , qu’un volume de gaz , qui seroit égal à

celui

r>''tJNE MINE DE FER SFATIII^UE. 17

celui d’une once ou 5y6 grains d’eau , pe- seroit à-peu-près six septièmes de grain (1).

Dès que j’eus fixé , le plus exactement qu’il m’étoit possible , le vôlurne du gaz que fournissoit une quantité donnée de mine de fer spathique , je voulus savoir si ce fluide , que les Anglais ont nommé air fixe y pouyoit être respiré impunément par les animaux.

Pour cet effet , je chargeai une retorte d’une once de mine, j’y adaptai un con- ducteur 5 je suspendis sur la superficie d’une terrine pleine d’eau , un de ces grands récipiens de machine pneumatique, dans lequel j’avois placé une alouette jeune et vigoureuse $ je fis monter , par la suc- cion , l’eau dans le récipient , jusqu’à une hauteur convenable, pour laisser à l’oiseau

(1) Je crois que le poids spécifique du gaz , seroit enoore moindre si on pouvoit trouver un intefmède qui empêchât absolument son -absorption dans l’eau j l’huile d’olive dont je me suis servi , ia retarde, sans doute 5 mais outre qu’elle en absorbe elle même, il ine

r r

semble qu’elle n’empêche pas l’eau et le ghz de s’unir': j’ai vu plusieurs fois l’eau remonter, en sept ou huit jouis, de i5 dettes .et plus, malgré l’huile qui la recouvroit.

Tome II.

B

A N À E Y S E

î8

tout l’air nécessaire à sa respiration ; îe fut introduit , en un instant , dans cet appareil , et à-peine l’eau fut-elle dé- primée d’un demi-travers de doigt , que j’aperçus l’alouette s’inquiéter : ses aspi- rations devinrent plus fréquentes , elle tomba et lit de foibles efforts pour se re- lever ; elle tomba de nouveau , et bientôt elle perdit tout mouvement , et paroissoit morte ; je la retirai promptement, et l’ap- pliquant contre mon corps, en moins d’une minute , elle revint à la vie.

Cette expérience prouve que le gaz > qui s’élève de notre mine , est une mofette suffocante , qui ressemble assez par ses effets sur les animaux, à celle de la Grotte du Chien en Italie , et à plusieurs autres que j’ai eu occasion d’observer en France.

VIII. Expérience. Quoique je me sois proposé , dans ce mémoire , d’écarter tout ce quipourroitparoître étranger à l’analyse de la mine qui fait le sujet de mon tra- vail , je ne peux cependant m’empêcher de rendre compte d’une expérience qui peut, ainsi que quelques autres qui ont déjà été publiées , commencer à nous donner des idées sur la nature de cet être singulier ,

B*UN£ MlKE DE 1ER SE ATIIIQU £.

que nous nommons gaz , air fixe , fuide élastique y etc.

J’ai cherché à fixer le gaz d’une once de mine dans de l’alkali lixe , et pour cet effet j'ai chargé une petite retorte , d’une once de notre mine pulvérisée j’ai luté à son bec un tube de verre de 6 à 7 lignes de diamètre , et de i5 à 16 pouces de lon- gueur. ( Mon dessein étoit d’éloigner, au- tant qu’il seroit possible, du fourneau le récipient dont j’allois me servir, et cepen- dant de porter dans son fond le gaz qui s’échapperoit de la mine, lors de l’opéra- tion. ) J’ai versé environ un gros d’eau distillée , dans un petit ballon , et en le tournant en tous sens , j’ai pu l 'humecter légèrement; après quoi j’y ai jeté 00 grains de sel de tartre en poudre , sur la pureté duquel je n’avois aucun doute : ce sel ab- sorba l’humidité du ballon , tomba eu de - liquium , et se rassembla dans la partie la plus déclive.

Je joignis ce ballon au reste de l’appareil , je fermai exactement les jointures avec du lut gras , recouvert de bandes de toile , trempées dans du blanc d’œuf et de la chaux. Dans les premiers instans le feu

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80 A N A L Y S E

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fut allumé, j’ouvrois , de temps en temps, la petit trou du récipient , pour donner issue à l’air des vaisseaux ; mais me dispo- sant à ne plus l’ouvrir aussitôt que la cha- leur seroit assez forte pour dégager 1 egaz, je le bouchai exactement avec un peu de lut gras : je pris en meme teins des précau- tions contre la fracture et l’explosion des vaisseaux j j’enveloppai le ballon dans des linges mouillés , et attachant autour de l’appareil des toiles fortes , je ne laissai qu’une petite ouverture vis-à-vis la porte du fourneau , pour y mettre le charbon lorsque le besoin le requéroit.

Tout étant ainsi disposé , je poussai le feu aussi vivement et aussi long-temps qu’il étoit nécessaire -, je m’attendois , à chaque instant , à voir sauter mon appareil , et ce n’étoit qu’en tremblant que j’en approchois pour mettre du charbon sous la cornue; enfin , après une heure et demie d’un feu vif, jugeant l’opération finie, je fermai la porte du cendrier , et laissai tout refroidir.

Je ne pouvois concevoir que 3o grains d’alkali fixe eussent été suffisants pour absorber tout le gaz que je savois être contenu dans une once de mine ; je présu-

d’une mine de ter spatiiique. 2 T

mai que mes vaisseaux avoient pris air par quelque endroit 5 je soupçonnois sur-tout que le lut gras, qui fermoit le petit trou du récipient , avoit pu être soulevé; rien Je tout cela n’étoit cependant arrivé , je trouvai les jointures en bon état , et le petit trou me parut très-bien fermé.

Quoi qu’il en soit , le sel de tartre , que l'humidité du récipient avoit résout en liqueur , ainsi que je l’ai fait remarquer , s’étoit coagulé , et comme il paroissoit contenir un peu de liqueur , je le fis égoutter en renversant le récipient sur un verre ; ce qui en tomba avoit le goût purement alkalin , et je le regardois comme de l’alkali surabondant , qui n’avoit subi aucune altération ; mais l’ayant saturé avec un peu d’acide vitriolique , je vis , avec surprise , que le tartre vitriolé qui se forma , prenoit , ainsi que la liqueur, une couleur bleue : les vaisseaux dont je m’étois servi , étoient neufs; l’eau que j avois mise dans le ballon , avoit été distillée dans le erès

O

et le verre ; je ne pouvois avoir de soupçons sur l’alkali que j’avois employé ; c’étoit du pur sel de tartre : cependant , je crus de- voir faire une contre -expérience. Je fis

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22 ANALYSE

dissoudre 10 ou 12, grains de ce sel de tartre , dans 24 ou 2 5 gouttes de la même eau distillée j j’en fis la saturation avec un peu du même acide vitriolique ; le sel qui se forma, étoit de la plus grande blancheur, ainsi que la liqueur qui le surnageoit. Ne pouvant attribuer la cause de cette couleur, ni aux vaisseaux , ni aux intermèdes dont je m’étois servi , je jugeai que, sans doute , la mine sur laquelle je travaillois , conte- noit du cuivre , et qu’il n’étoit peut-être pas impossible qu’une portion de ce métal eut été volatilisée par le gaz : mais ayant tenté de rendre la couleur bleue pius fon- cée , en versant dans la liqueur quelques gouttes d’alkali volatil , j’abandonnai ma conjecrure, parce que cet alkali, bien loin d’augmenter la couleur bleue, la détruisit entièrement. Il étoi'. donc plus naturel d’en rapporter la cause au fer, et c’est en effet à lui qu’est due cette couleur (1).

Quant au sel qui étoit resté attaché à l’endroit du ballon il s’étoit formé , ne voulant point le déranger , je pris le parti de couper le récipient, ce qui me donna la

(1) Ainsi que je m’rn suis convaincu eu le pré- cipitant sous la forme de bleu de Prusse.

d’ü NE MINE DE FER SPATHIQUE. 23

facilité d’en retirer les cristaux qui étoient blancs et assez réguliers ; ils pesoient 22 à grains j la plupart étoient en colonne à quatre faces ; leur goût est celui de l’alkali très-adouci ; si on en met un sur un charbon ardent , il décrépite , ainsi que plusieurs autres sels ; il perd alors sa transparence , et se change en une poudre blanche ; enfin , ce sel est entièrement soluble dans les acides ; celui de vitriol le dissout avec effervescence, et la vapeur qui s’en élève , me paroît ne point différer de celle qu’on obtient en saturant un alkali avec le meme acide ; l’acide de sel marin le dissout aussi entièrement avec effervescence : on en peut dire autant de l’acide nitreux et du vinaigre distillé : je dois meme faire obser- ver, qu’après l’acide marin , c’est sur-tout dans le vinaigre distillé qu’on doit faire l’expérience de la dissolution , si on veut en tirer quelques conséquences ; car si on jette dans ce dernier acide un cristal de ce sel , comme l’effervescence est peu tu- multueuse , on peut , en suivant de l’œil la dissolution , remarquer que le mouvement , excité par l’action du dissolvant , ne finit qu'au moment le dernier atome de sel

B 4

s4 analyse

est dissous , ce qui ne permet pas d’attri- buer l’effervescence à l’alkali fixe , dont on pourroit peut-être soupçonner notre sel d’être mouillé , vu que la liqueur dans laquelle il a cristallisé ctoit alkaline.

Il est liors de mon sujet de m’étendre davantage sur cette matière , qui est trop intéressante pour ne pas mériter un travail suivi , mais séparé de cette analyse.

SECONDE PARTIE,

Contenant les expériences faites par la

voie humide.

Xjorsqu’on expose notre -mine spathique à l’action des acides minéraux , soit crue , soit calcinée , elle en est facilement atta- quée, etàl’exception des parties de quarta et des pyrites qui y sont plus ou moins abon- dantes , elle s’y dissout entièrement ; elle ne résiste même pas à l’acide végétal.

Rapport de la mine avec V acide vitriolique .

Si on fait digérera une clialeur douce, une once de mine crue pulvérisée , dans

d’une mine de fer spàthique. s5

une suffisante quantité d’acide vitriolique, la dissolution s’en fait paisiblement , et si par des précautions indiquées par l’art, on est parvenu au point de saturer l’acide, en dissolvant tout ce qui est soluble, il ne restera dans la capsule que quelques grains de quartz , sous la forme d’un sable menu et d’une blancheur parfaite ; qu’on mette la dissolution au point de donner des cris- taux , on obtiendra environ 14 gros (jle vitriol martial , et quelque peu d’eau- mère.

II. Expérience. Que l’on fasse calciner une once de la même mine , pour lui faire perdre le gaz qui la minéralisé , on la ré- duira , à quelques grains près, aux deux tiers de son poids , c’est-à-dire à environ 5 gros 24 grains (1).

Que l'on traite ces 5 gros 24 grains de mine calcinée avec de l’acide vitriolique ,

(1) En calcinant une once de mine, on perd tantôt plus , tantôt moins 5 ce qui reste dans le têt, pèse quelquefois plus de 5 gros 24 grains , et quelquefois moins ; cet accident dépend du plus ou du moins de quartz qui s’y rencontre , circonstance qui fait ans".i virier le volume de gaz qu’on retire de cetîe même mine.

26

Analyse

comme il a été dit dans la première expé- rience , l’effervescence sera presqu’aussi forte que celle qui s’excite avec la limaille de fer et le même acide ; que l’on mette la liqueur au point de cristalliser , on obtien- dra autant de vitriol martial , qu’on en auroit obtenu d’une once de mine non calcinée , ce qui prouve démonstrative- ment , que tandis que le fer de la mine crue se cojnbine avec l’acide , la substance volatile , ou le gaz , auquel le fer devoit sa forme cristalline , s’évapore.

En faisant cristalliser différentes disso- lutions de notre mine dans l’acide vitrio- lique , j’ai eu quelquefois un peu de sélénite calcaire : et quelquefois je n’en ai pas obtenu un atome , ce qui me porte à con- clure , qu’outre le quartz , cette mine contient aussi quelques petites portions de terre calcaire 5 j’aurai dans un instant une nouvelle occasion de faire observer l’exis- tence de cette terre dans notre mine spa- tliique , d’une manière plus marquée.

III. Expérience. J’ai mis une once de mine dans une petite retorte de verre, j’y ai aussi introduit , à l’aide d’un tube , 2 onces d’acide yitriolique , j’ai adapté un

d’une mine de fer spath i que. 27

petit ballon mouillé avec de l’alkali dissous : le feu fut poussé assez légèrement, mais suffisamment pour faire passer un peu de liqueur dans le récipient : l’alkali fixe s’étant coagulé, je retirai le ballon , et à l’aide d’un peu d’eau distillée , j’en retirai le sel , que je fis cristalliser de nouveau , et que je reconnus pour être du tartre vitriolé.

On peut déjà juger , d’après cette expé- rience , que les intermèdes acides doivent être rejetés , si on veut se procurer un gaz pur.

IV. Expérience. Dans la vue de décou- vrir si la mine contenoit quelques portions de cuivre, j’ai fait dissoudre dans de l’eau distillée tout le vitriol que j’avois obtenu en faisant cristalliser différentes dissolu- tions de mine crue et de mine calcinée ; mais ayant tenu j>endant plusieurs jours dans la liqueur, une lame de couteau bien, avivée , sans apercevoir la moindre trace de cuivre précipité , je crois être en droit de conclure que notre mine ne contient point de cuivre.

28

analyse

Rapport de la jnine avec l} acide nitreux .

Ire. Expérience. Ayant mis dans un petit matras , une once de mine crue pul- vérisée , j'ai versé dessus 6 gros d’acide de nitre très-pur; il ne se lit dans les premiers instans , aucun mouvement ; mais après quelques minutes , il s’établit une légère effervescence , qui continua plusieurs jours (1) ; l’acide prit, en se saturant, une couleur jaune-foncée; je le décantai, et lui en substituai d’autre ; l’effervescence se rétablit , et dura jusqu’à la dissolution totale , qui se fit si lentement , qu’elle ne fut complète que vers le douzième jour : comme la mine que j’avois employée é toit fort pure , il ne resta dans le matras que 6 grains et demi de quartz.

J’ai fait évaporer cette dissolution jusqu’à siccité , et je fai tenue au feu de calcina- tion , le temps nécessaire pour lui faire perdre tout l’acide qu’elle contenoit ; il resta dans la capsule 5 gros 12 grains de safran de mars, d’une couleur rouge tirant sur le brun.

(1) L’opération se f’aisoit à froid ; car si on emploie le feu , la dissolution se fait beaucoup plus vite.

«

d’une mine de ter sjpathiqu e, 29

Gette expérience prouve de plus en plus qu’une once de notre mine la plus pure , contient à - peu - près deux tiers de fer, et un tiers d’une substance volatile , qui s’évapore par la dissolution dans un acide , aussi - bien que par la cal- cination dans les vaisseaux, ouverts ou fermés.

II. Expérience. Ayant chargé deux petites retortes de verre , chacune d'une once de mine concassée , dans laquelle on apercevoit quelques grains de quartz , elles ont été placées l’une et l’autre sur un bain de sable , et il a été adapté à chaque bec un appareil chimico - pneumatique , dont l’un a voit un récipient avec une couche d’huile , tandis que l’autre étoit simple- ment rempli d’eau. .

En vingt -quatre heures, l’eau du réci- pient avec l’huile fut déprimée jusqu’au degré qui indiquoit 60 onces , et dans le même espace de temps, celle qui étoit dans le récipient sans huile, avoit à peine atteint le degré qui en indique 16 ; cependant tout se passoit également dans l’une et l’autre retorte; l’effervescence étoit la même, etltr procédé se faisait à froid j le degré de tein-

30 ANALYSE

pérature étoit aussi le même : le quatrième jour , j’échauffai légèrement le bain de sable ; la dépression suivit la même marche dans l’un et l’autre appareil ; dans l’un elle étoit peu marquée , dans l’autre elle étoit très-sensible ; en sorte que le septième jour , depuis le commencement de l’opé- ration , la superficie de l’eau du récipient avec l’huile , étoit vis-à-vis le degré qui indique 116 onces, et celle du récipient sans huile , un peu au - dessous du degré qui en indique 21.

A cette époque, l’effervescence me parut absolument finie , et j’en fus convaincu en voyant l’eau remonter dans les récipiens, fort lentement à la vérité , mais suffisam- ment pour annoncer qu’il ne se dégageoit plus rien.

Je défis les appareils ; le récipient avec l’huile exhaloit une forte odeur d’acide nitreux; celui il n’y avoit point d’huile, non-seulement répandoit la même odeur , mais l’eau dont il étoit encore presque plein , avoit un goût très- acide, qui lui avoit été communiqué pâr l’esprit de nitre , qui , s’étant élevé avec le gaz , s’étoit , aussi bien que ce dernier, absorbé dans l’eau , à

d’une mine de fer spatiiique. 3l

mesure qu’ils se dégageoient l’im et l’autre : il resta après la dissolution de a onces de mine employées , 2 5 grains de quartz de l’une , et 19 grains a de l’autre (1).

On voit par cette double expérience , combien il est nécessaire d’interposer un travers de doigt d’huile entre l’eau et le gaz , quand on veut mesurer le volume de ce dernier $ mais ce qui mérite princi~ paiement d’être remarqué, c’est, sans con- tredit, cette portion d’acide nitreux , qui, s’élevant avec le gaz et se mêlant à l’eau , ne peut que jeter dans l’erreur ceux des chimistes qui , dans leurs recherches sur la nature de ce fluide , emploieroient des intermèdes acides pour le dégager.

III. Expérience. Si notre ruine se dissout dans l’acide nitreux avant la calcination , elle le fait encore plus facilement et avec plus d’effervescence , lorsqu’elle a subi cette opération : j’en ai fait dissoudre 5 gros 21 grains, qui étoient le produit d’une once de mine crue ; et ayant retiré, par la distillation, tout l’acide nitreux, je lavai

(1) Comme dans cette expérience la mine n’étoit pas en poudre, ce quartz étoit en morceaux assez gros pour souffrir le coup d’un briquet.

02 ANALYSE

avec de l’eau distillée , le safran de mars qui étoit resté dans la cornue : l’eau me parut avoir dissous quelque chose de salin ; elle fut filtrée , et l’alkali fixe en précipita 22. grains d'une terre blanche , que des expériences décisives me firent reconnoître pour être de nature calcaire.

Si nous ajoutons cette nouvelle preuve à celle que nous a déjà donnée la sélénite retirée de la même mine par le procédé avec l’acide vitriolique , nous reconnoî- trons dans cette mine des portions de terre calcaire qui , ainsi que le quartz , y sont éparses et isolées.

-, . q

Son rapport avec V acide de sel marin .

fT

L'acide de sel marin dissout également la mine de fer spathique , soit devant, soit après sa calcination; et cet agent est, aussi- bien que les autres acides , un excellent in- termède pour séparer les portions de quartz d’avec celles qui sont purement métalli- ques; mais comme il m’a été d’un très- grand secours dans cette analyse , et que c’est lui qui m’a fait soupçonner que le zinc pourroit bien exister dans la mine.

d’une mtne de fer spathfque. 33

je dois dire un mot sur la manière dont il en fait la dissolution.

Ayant mis dans un petit matras demi- once de mine crue pulvérisée , et une quan- tité proportionnée de très-bon acide de sel marin, il se lit sur - le - champ une vive effervescence: lorsqu’elle fut rallentie, on apercevoit sur la partie de la mine qui n’étoit pas encore dissoute , quelques cor- puscules noirs qui en salissoient la blan- cheur: je n’avois rien observé de semblable dans les dissolutions parles acides de vitriol et de nitre ; je me rappelai sur-le-champ l’elfet de l’acide de sel marin sur le zinc (on sait que dans la dissolution de ce demi- métal par cet acide, il s’en sépare des petits flocons noirs ) ; je crus que ceux que je venois d’observer dénotoient que le fer é toi t dans la mine , uni à une portion de zinc, et je me déterminai aussitôt à m’en convaincre par quelque expérience qui ne laissât aucun doute.

Tome IL

C

analyse

Procédé par lequel il est démontré que la mine contient du zinc (i).

Qu’on mette dans un petit matras une once de notre mine calcinée, qu’on y ajoute grains de vitriol martial (2), qu’on verse sur le tout 6 onces d’eau distillée, et qu’on laisse digérer à froid , pendant dix ou douze jours, avec la précaution d’agiter le matras toutes les fois que l’occasion s’en présente;

(1) Ce procédé, qui peut être de la plus grande utilité dans certaines occasions , est fondé sur une loi des affinités , qui étoit déjà connue des chimistes du siècle passé : mais, si je ne me trompe, on n’y a pas trop fait d’attention parmi nous ; 1rs Allemands, au contraire, n’ont pas manqué de le célébrer dans leurs écrits. Pott , entr’autres , en fait mention dans sa dissertation sur le Zinc, en ces termes : Jam Glavbems et Beccherus adverterunt , quôd Zincuni ex vitriolo praecipitet inh abitans metalium. et scmet ipsum acido vitriolico associet , tanquam corpus istis solubilius , et cum eo -vitriolum Zmcinum efformet .

(2) 11 faut, dans cette expérience, employer du vitriol, martial très- pur ; celui du commerce contient communément de la couperose blanche, ce qui doit le faire rejeter; aussi me suis -je servi de celui que m’avoit donné la mine spathique en la vilriolisant.

d’une mine de fer SFATHIOUE. 35

qu’on filtre la liqueur , et qu’on la fasse évaporer à une chaleur douce; quand elle sera réduite à 5 ou 6 gros au plus , on la retirera du bain de sable , et on l’aban- donnera à l’évaporation spontanée , au moyen de laquelle on obtiendra une belle cristallisation de vitriol blanc, dont le poids sera de 2.5 à 26 grains.

Cette expérience , que j’ai répétée sur différens échantillons de mine, et toujours avec un pareil succès , démontre jusqu'à l’évidence, que dans notre mine le fer est uni à une petite portion de zinc.

«

Expériences qui prouvent que le fer est dans la mine spathique , sous sa forme métallique .

Je pourrois rapporter un grand nombre d’expériences qui prouvent que le fer est dans notre mine sous sa forme vraiment métallique; qu’il y est enfin avec tout son phlogistique : mais je me contenterai d’en citer quatre , qui me paroissent ne rien laisser à désirer sur ce sujet.

i°. La mine calcinée est totalement atti- rablc par l’aimant.

C 2

36

ANALYSE

2q. EUe se dissout entièrement avec fa- cilité, et avec une effervescence très-vive dans l’acîde nitreux.

3°. Je m’en suis servi avec succès pour revivifier le mercure du cinabre.

4°. Ayant exposé dans les vaisseaux fer- més, un mélange de minium et de mine, le plomb s’est réduit comme il auroit fait avec de la limaille de fer.

Eu démontrant que le fer est dans la mine calcinée sous sa forme vraiment mé- tallique, je crois avoir levé tous les doutes qu’on pouvoir avoir sur l’état il se trouve dans la mine crue.

CONCLUSION.

Il résulte des expériences dont je viens de rendre compte ,

i°. Que la mine spatliique qui en fait le sujet, considérée dans son état de pureté, est une combinaison de fer et de gaz , être singulier , qui donne au fer la propriété de prendre » en cristallisant, laforme que nous lui voyons dans cette mine j

2°. Que dans cette combinaison , le gaz est au fer à-peu-près comme î est à 5

d’ïTNE MINE UE EEtl ÔPATHIQUË. $7

3°. Que ce fer est uni à une petite por- tion de zinc $

4°. Que cette mine considérée en masse, se trouve , dans quelques endroits , mé- langée de quartz et de spath calcaire (1).

5°. Enfin , « si j’ai démontré qu’il est 5) possible de faire une analyse complète >5 d’une mine , sans avoir recours aux w moyens usités dans l’art des essais, j’ai 33 rempli le but que je m’étois proposé (2) 3>.

(1) On pourroit aussi faire entrer pour quelque chose dans la composition de cette mine , la petite portion d’eau qu’elle a constamment donnée lor squ’elle a été exposée au feu dans les vaisseaux fermés : ce n’est qu’un atome} mais enfin, cet atome s’y trouve, et on 11e peut pas douter qu’il ne soit nécessaire à l’union des parties; au reste, ce que j’appelle gaz , n’étant que V air fixe des chimistes anglais, doit pré- senter, à l’idée du lecteur, un être qui admet uuo

»

certaine cpiantité d’eau dans sa mixtion.

( 2 ) Bayen a dit que la mine de fer spathique con- tenoit du zinc. La forme et la couleur blanche de9 cristaux disséminés parmi ceux de sulfite de fer ob- tenus , en traitant cette mine avec l’acide sulfurique, lui ont paru être du sulfate de zinc : il se fonde sur les lois des affinités , qui donnent au zinc la propriété de cristalliser séparément du sulfate de fer. Mais , quoique la forme et la couleur soient des caractères

A X A Ii Y S E

distinctifs des substances salines , la précision qu’on apporte aujourd’hui dans l’analyse chimique des corps* exigeroit un examen particulier de la matière saline blanche , que Ba yen a nommée vitriol blanc , d’après ses formes et les lois des affinités chimiques dont jouit le zinc. L’analyse des mines de fer blanches , qie Bergman nous a donnée dans sa Dissertation IX, tome 2 de ses opuscules chimiques, bien postérieure à celle de Ba yen , et écrite à une époque la science avoit acquis beaucoup , ne faisant aucune mention de l’exis- tence du zinc dans les mines de fer blanches $ et comme an contraire il entre dans des détails pour y démontrer le calce et la manganèse, l’existence du zinc dans les mines de fer analysées antérieurement par B aven , présente à l’esprit beaucoup d’incertitude. Personne n’a pris la peine de vérifier le fait, et de prononcer avec des résultats exacts, sur les expérien- ces des deux chimistes justement célèbres.

Mais afin d’écarter toute espèce de doute sur l’ana- lyse do Bayen , dont la manière particulière de voir et d’opérer m’était connue , j’ai refait l’analyse de la mine de fer blanche sur le même échantillon qui avait servi à ce chimiste. 5c grammes de mine de fer blanche , en ooudre très fine , ont été traités avec cent grammes d’acide nitrique pur. Lorsque l’action de cet acide fut épuisée , on en versa cent nouveaux grammes sur la matière , et cette addition d’acide fut répétée jusqu’à quatre cents grammes. La distillation ayant été poussée jusqu’à siccité , l’acide nitrique oxida tout le fer , et le convertit en oxide rouge - brun.

d'une MINE DE EETl SPATTIIOUE. 3()

Ensuite je fis bouillir cet oxide dans l’eau pure , et l’en séparai par le filtre- La liqueur qui passa était très-claire ; elle avait un goût salin , le prussiate de cliaux n’en troubla pas la transparence. L’acide oxa- lique et l’acide sulfurique n’y démontrèrent pas la présence de la cliaux. Le carbonate de soude en pré- cipita une matière blanche floconneuse assez abon- dante. Cette matière recueillie sur un filtre , bien lavée et séchée , pésoit cinq grammes , représentant à-peu-près trois grammes de zinc métallique 5 elle étoit d’un blanc parfait. Je la mêlai avec le double de son poids de charbon en poudre 5 et après l’avoir introduite dans une très petite cornue de grès, dont l’extrémité plongeoit dans l’eau , je la chauffai , et poussai le feu pendant deux heures : l’appareil re- froidi , on trouva des molécules de zinc sublimées à la partie supérieure de l’extrémité du col de la cornue.

Il est donc matériellement prouvé que la mine de fer analysée par Bayen en 1 7 7 J y contenoit du zinc , et que ce chimiste l’avoit reconnu par la forme des cristaux qu’il avoit obtenus. On sait de plus aujourd’hui, qu’à la voû'e des fourneaux dans lesquels on exploite les mines de fer blanches , il se fixe un oxide de zinc, que Pline le naturaliste nomme Botrillis , au chap. X. Ainsi on est en droit de conclure que Bergman , en passant sous silence dans sa dissertation sur les mines de fer blanches , le zinc dont Bayen avoit annoncé l’existence dans celles qu'il avoit analysées, a confondu ce demi-métal

4o A3ST al. d’une mine de fer RPATHTQTJE*

avec la manganèse qui pou.voit aussi se trouver dans les échantillons examinés par le ihimiste suédois.

Le respect que je porte à la mémoire de B .yen , m’a engagé à sai ir cette occasion pour rendre justice aux soins cpie cet homme célèbre a apportés dans son travail , dont l’exactitude paroLsoit avi ir été con- tredite dans une analyse postérieure faite par un cliimiole non rupins illustre. Note du C. Dizé.

V.

J

A

EXAMEN

DE DIFFÉRENTES PIEPaRES,'

PUBLIÉ EN i 7 7 8.

PREMIÈRE PARTIE.

A vaut Pott, les chimistes ne s’occupoient que fort 'peu , ou plutôt ne s’occupoient point de l’examen des pierres ; mais la Lithogéognosie de ce savant et laborieux auteur, ayant paru parmi nous en 1753, y produisit une révolution , dont la partie de la. physique qui s’occupe de Phistoire naturelle , devoit retirer les plus grands avantages.

Alors, ceux des chimistes qui sont em- portés par le goût des découvertes et par 1 amour du travail , dirigèrent leurs vues vers le riche et important objet que Pott venoit de leur montrer. Un très-^rand nombre de terres et de pierres furent sou- mises à l’examen l’histoire naturelle sortit du chaos elle etoit , et ses catalogues

4 2 EXAMEN

prirent un ordre plus conforme à la nature , dont on vouloit décrire les productions.

On vit à l’époque dont je parle , toutes les terres et pierres qui, au premier coup d’œil , paroissent si différentes enlr’elles, se rapprocher par une suite d’expériences exactes , au point de ne plus former que quatre classes qui , bientôt après , furent même restreintes à trois : la terre vitres- cible , la terre argileuse, la terre calcaire.'

La quatrième étoit la terre gynseuse ou pierre à plâtre $ mais comme on ne tarda pas à découvrir que cette pierre étoit elle- même composée d’acide vitriol ique et de terre calcaire , on cessa de la regarder comme une terre proprement dite : on la rangea parmi les sels.

O11 ne reconnut donc plus que les trois autres classes de pierres dont il vient d’être fait mention 3 car telle est la manière des chimistes, sans croire à la simplicité d’au- cun des corps qui frappent nos sens , ils sont dans l’usage d’envisager, pour le mo- ment , comme corps simples , tous ceux qu’ils ne peuvent analyser.

Ainsi, quoique les terres propres à faire le verre , à se durcir au feu, à faire de la

\

DE DIFFÉRENTES PIERRES. 4*

chaux , soient aujourd’hui les trois classes toutes les pierres de notre globe peuven t être rapportées , les chimistes sont bien éloi- gnés de les regarder comme des corps d’une simplicité absolue ; déjà même, quelques- uns d’entr’eux croient que les terres argi- leuses et vitrescibles sont composées ; et s’ils parviennent à le démontrer aussi clai- rement que Cronstadt a démontré que le gypse est composé d’acide vitriolique et de terre calcaire , la chimie , déjà si hère de ses découvertes , verra luire uri de ses plus beaux jours.

En attendant que de nouvelles expé- riences viennent nous instruire sur un sujet aussi important , il convient de suivre la division fort simple, que la chimie, disons mieux, que l’évidence a forcé les natura- listes d’adopter.

Mais tout ce que nous voyons de lapidifié dans la nature, étant rarement simple ou homogène , au contraire , tout étant mé- langé et combiné de mille manières diffé- rentes, la chimie a-t-elle en ce genre des moyens analytiques sûrs ? Peut-elle séparer les trois terres , ainsi que les autres subs- tances qui ont concouru à former cette

EXAMEN

44

innombrable variété de pierres que nous rencontrons ? Oui , sans doute , la chimie possède ces moyens ; et laissant ses four- neaux trop vantés par les uns, et trop dé- criés par les autres , elle peut , sans le secours du feu, analyser presque tout le règne minéral, et même cette analyse sera d’autant plus facile , que la composition des corps sera plus compliquée.

Le genre de travail auquel je me suis livré depuis plus de douze ans, est pour moi une preuve convaincante de ce que j’avance , et je désire ardemment que d’au- tres veuillent l’adopter* l’histoire naturelle ne peut qu’y gagner : les procédés sont fa- ciles, peu dispendieux, et, j’ose le dire, les conséquences sont sûres, et peuvent jeter le plus grand jour sur la lithologie.

On en jugera parles mémoires que je don- nerai successivement sur les marbres, les serpentines, les porphyres, les ophites, les granits, le jaspe , les schistes argileux, etc.

La plupart de ces p’erres , on le sait , passoient pour résister aux acides ; on les verra cependant céder à nos dissolvans , et subir, par 1 ur moyen, tout le degré d’analyse dont elles sont susceptibles.

DU MARBRE DE C A M 1* A N. 45

EXAMEN

Du Marbre de Camp an.

Les naturalistes divisent les marbres en trois espèces générales :

i°. En inarbre d’une seule couleur, et cette première espèce comprend, selon eux, les marbres blanc, gris, noir, jaune, etc.

2°. En marbre de diverses couleurs ; et dans celle-ci, ils placent tous les marbres dans lesquels 011 distingue les couleurs pré- cédentes , mélangées et distribuées de ma- nière à former des variétés agréables.

5°. En marbre figuré ; cette dernière espèce , moins répandue dans la nature que les deux autres, comprend les marbres de Florence et de Hesse, dont on voit de si beaux morceaux dans les cabinets.

Les chimistes qui ne classent point les corps naturels d’après leur forme exte- jieure, diviseroient sans doute ce genre de pierre tout autrement que n’orit fait les naturalistes, si, par une suite d’expé- riences , pour ainsi dire docimastiques , ils avoient constaté Es différences de chaque espèce de marbre en particulier : en atteu-

EXAMEN

46

dant que ce travail se fasse, je crois qu’on pourroit déjà en former chimiquement trois classes générales, sauf à les restreindre ou à les augmenter à mesure que l’expérience éclaireroit le chimiste qui entreprendroit l’examen des différons marbres connus.

La première classe comprendroit uni- quement les marbres purs, ou , ce qui est la même chose , les marbres blancs, quelle que soit leur dureté , quelle que soit la forme de leur grain. Cn sait que toute cette classe est sans mélange de matières étrangères ; que les acides la dissolvent en- tièrement , qu’elle forme avec eux divers sels à base calcaire , et qu’étant calcinée , elle se convertit en chaux la plus pure.

On rangerait dans la seconde classe les marbres colorés , qui ne différeraient du marbre simple et pur , que par la petite portion de matière colorante qui leur seroit unie.

J’ai examiné le marbre noir qu’on em- ploie à Paris , et dans 2. onces , je n’ai trouvé que 60 grains , ou de matière colorante. Le reste , abstraction faite de Pair et de Peau que donne ce marbre dans la calci- nation , étoit de pure terre calcaire , dont

I

du marbre DE C A M P A n . 47

l’essence est d’être blanche ; aussi, ai-je obtenu , en précipitant la dissolution de ce marbre noir, une terre d’une blancheur parfaite. Lorsque la matière colorante noire se trouve unie au marbre blanc en plus pe- tite quantité, par exemple, elle lui

donne une couleur intermédiaire entre le noir et le blanc , ce qui constitue le inarbre gris plus ou moins foncé. Ou en peut dire autant des morceaux de marbre jaune qui se trouvent dans certaines Ivèches, et que l’examen in’a appris être colorés par une petite quantité de terre martiale, de la na- ture de l’ocre.

Ainsi, tous les marbres qui ne contien- nent d’autres matières étrangères que celles qui les colorent , devroient entrer dans cette classe, sans en excepter ceux dont les couleurs sont variées ; on n’en excluroit même pas les brèches, lorsque les f ragmens qui entrent dans leur com- position , et le ciment qui les unit, sont absolument de nature calcaire.

Toute cette seconde classe est propre , sans doute, à faire de bonne chaux 5 mais comme le fer est en grande partie cause de leur couleur, cette chaux ne peut êüe

EXAMEN

employée avec succès au blanchiment de nos maisons. La couleur, quelque blanche qu’elle paroisse au moment on l’ap- plique, ne tarde pas à prendre un ton roux.

On mettroit enfin dans la troisième classe ceux qui , outre la matièi e colorante , con- tiendraient une quantité remarquable de terre, ou pierre d’une nature absolument différente de celle de la pierre calcaire. Cette troisième espèce ne feroit que de très - mauvaise chaux, sur- tout si la ma- tière étrangère s’y trouvoit dans de grandes proportions. Ainsi, tous les marbres cal- caires connus seroient rangés dans un ordre eniièrement chimique, c’est-à-dire, le plus convenable et même le plus naturel , puisque, par une seule dénomination , on donneroit une idée juste et précise de la pierre dont on veut parler; marbres purs on blanc5 ; rnar bres pur> , ruais colo; es ; mar- bres mixtes ou mélangés de diverses terres.

cJ

Les naturalistes font entrer dans la des- cription qu’ils donnent du marbre , une demi-transparence qu’on y remarque, lors- que ses fragmens on les ouvrages qu’on en fait , n’ont pas trop d’épaisseur. C’est sur- tout dans ceux de la première classe que

> ,

1 ai

I

s ir marbre de cAmpan. ^

j’ai appelés simples et purs, que cette demi- transparence est sensible (i).

Les marbres de la seconde classe ont d’autant moins la propriété de trans* mettre la lumière, que les matières qui les colorent sont plus grossières, plus abon- dantes et moins fondues dans le marbre blanc , quelles ternissent , quelles trou- blent, pour ainsi dire, ou enfin, qu’elles

(i) La cause de cette transparence ne peut-elle pas être rapportée à la cristallisation que subit la terre calcaire, lorsque l’eau et l’air qu’elle contient, éprouvent avec elle le degré de combinaison intime qui constitue le marbre? Car, quoique je sois naturel- lement éloigné de tout ce qui s’appelle système , je ne peux cependant m’empêcher d’avouer que je tiens pour démontré , que tous les corps du règne minéral sont soumis aux lois de la cristallisation qui cons- titue les masses , et que je la regarde , après la com- bina,son qui constitue les mixtes , comme une des grandes opérations de la nature. Il ne serait pas diffi- cile de prouver que tout ce que nous, connoissons de minéralisé ou de lapidifié, a pris un arrangement conforme aux lois de la cristallisation ; on dit com- munément, les animaux vivent, les plantes végètent On pourrait dire de même, les minéraux cristal.

lisent -, ce qui exprimerait en un seul mot leur maniéré de s’aggréger.

Tome II .

5o

examen

V

rendent absolument opaque , selon les proportions elles se trouvent.

Quant à ceux de la troisième classe, il est impossible que la lumière puisse les pénétrer; les corps étrangers avec lesquels ils sont mélangés, leur communiquant leur opacité , cet accident doit les faire regarder comme pierres opaques. Tel est, par exem- ple , le marbre de Campan ; telles sont les pierres de Florence, et beaucoup d’autres marbres dont je parlerai dans la suite.

Le marbre connu dans les ateliers.et dans les appartemens, sous le nom de vert-cam~ ■pan , nous est apporté de la partie des hautes Pyrénées , dépendantes du Bigore : la carrière dont on le tire, est située à très- peu de distance de la rive droite d’un des torrens qui forment les sources de l’Adour \ ce marbre doit sa double dénomination , 1 ?. à la vallée de Campan, vers l’extrémité supérieure de laquelle on trouve la mon- tagne dont on le détache ; 2Q. à la couleur verte q paroît faire le fond de presque tout celui qu’on nous apporte.

La couleur rouge est après la couleur verte, celle qui se fait le plus remarquer; souvent même, elle y est la dominante, et

D U MARBRE DE CAMPA N. 5l

alors on l’appelle rougn-campnn ; on y ren- contre aussi des veines de marbre blanc $ enfin , on y a perçoit quelque Pois des petites pyrites martiales, jaunes et luisantes.

On y chercheroit en vain des débris de coquilles, de madrépores, etc. Les marbres, ainsi que les autres pierres des hautes Py- rénées , ne contiennent , ou du moins ne m’ont paru contenir aucunes productions du règne animal, qui fussent reconnois- sables (1).

(1) Il faut bien distinguer les hautes Pyrénées d’avec les basses Pyrénées; cette distinction ne sera pas pour les géographes , mais elle intéresse les natu- ralistes. Dans l’état actuel des choses, la masse des Pyrénées ne nous offre que le noyau de montagnes autrefois plus hautes et plus épaisses: les dégrada ions journalières qu’elles éprouvent, nous laissent aperce- voir des pierres de la plus am ienne formation , tous les corps qui ont pu appartenir à la mer , sont tellement identifiés avec les pierres qu’ils ont aidé à former, qu’il peut fort bien n’en plus rester aucun vestige.

Il n’en est pas de même des premières pierres que l’on trouve en approchant de cette chaîne, et que j’appellerois volontiers le premier échelon de ces hautes montagnes. En quelques endroits , ce premier échelon est de nouvelle formation 5 les couches y sont

L> 2

EX A M E N

£2

Analyse du marbre vert- campan par Vacide nitreux .

Tremier procédé. J’ai choisi des frag- mens de vert-campan, dans lesquels on ne

quelquefois horizontales , et les corps marins n’y sont pas rares.

Cependant, je n’ose prononcer sur l’existence ou Ja non existence des corps marins dans ces montagnes, depuis que Palassau , qui travaille avec un zèle infa- tigable à nous donner une carte lithographique des Pyrénées, m’a fait voir un morceau de marbre gris, dans lequel on peut distinguer avec facilité un madré- pore. Cette pierre , ce morceau de marbre , a-t-il été tiré des hautes Pyrénées? Palassau ne manquera pas de nous en instruire. Mais , je le répète , j’ai trouvé des coquilles et des madrépores dans des pierres de nouvelle formation , qui avoisinent, en certains en- droits , ces montagnes ; et ces pierres étoient des espèces de pierres de taille , dont on ne rencontre jamais le moindre vestige, dès qu’on est entré dans la véritable chaîne qui n’est composée , à proprement parler , que de granits , de marbres et de schistes , qui se présentent les uns et les autres avec toutes les variétés déjà connues des naturalistes.

Si on veut se former une bonne idée de ces monts 'fameux , cpi’on lise l’excellent Discours en forme de Dissertation sur l’état actuel des Montagnes des Pyrénées, prononcé par d’Arcet , au collège de •France , le 11 décembre i 775.

DU MARBRE DE C À M P A N* o5

voyoit absolument point de marbre rouge ni de marbre blanc, et j’en exposai 2 onces à l’action de l’acide nitreux étendu d’eau distillée: la dissolution s’en fit dans le com- mencement avec assez de vitesse, mais sur la fin elle devint fort lente. Lorsque l’acide employé fut saturé , je le décantai et en substituai d’autre que je laissai sur la ma- tière plus de vingt-quatre heures , après même qu’on n’apercevoit plus d’efferves- cence.

La portion sur laquelle l’acide nitreux n’avoit point agi, étoit partie en poudre grise et partie en morceaux assçz tendres, et de la même couleur que la poudre ; le tout pesa , après l’édulcoration et la dessic- cation , ù gros et 12 grains : la texture de cette matière ne permet pas de douter de sa nature ; c’est du vrai schiste.

La liqueur qui tenoit la terre calcaire de notre marbre en dissolution, avoitun excès d’acide, et n’étoit que foiblement colorée; la noix de gale ne l’altéroit point;une goutte d’alkali fixe versée dessus , y excitoit une vive effervescence , et il se formoit une pe- tité quantité de précipité rougeâtre , qui étoit sur-le-champ redissous ; ce qui se fit

D d

EXAMEN

54

constamment, jusqu’à ce qu’en versant de nouvel alkaii, tout l’acide surabondant fût parvenu au point d’une saturation parfaite, qui fit prendre à la dissolution une couleur de bière forte, sans cependant la troubler; je remarquai alors que la noix de gale pou- voit la teindre en noir-foncé, ce qui n’étoit point arrivé tant qu’il y avoit un excès d’acide.

La couleur rouge des premières portions delà poudre, qui se séparoit du dissolvant par Y affusion de quelques gouttes d’alkali fixe , me détermina à précipiter en deux temps la dissolution , que j’étendis dans deux liv. d’eau distillée. Les premières por- tions d’alkali que je versai dessus peu à peu et avec précaution , en précipitèrent une matière rouge qui s’amassa bientôt au fond du vase : au moment je m’aperçus que la liqueur avoit perdu sa couleur de bière forte , qu’elle étoit devenue claire et lim- pide comme l’eau , enfin qu’elle ressem- bloit parfaitement à une dissolution de marbre blanc , je suspendis l’opération , et séparai par le filtre ce premier préci- pité , qui, édulcoré et séché, pesoit 3i grains. La couleur foncée de la liqueur,

DU MARBRE DE CAMPA v. 55

son goût martial, sa propriété de teindre en noir l’infusion de noix de gale , la cou- leur rousse du précipité , tout enfin annon- çoit qu’il étoit de nature ferrugineuse ; et une simple expérience m’a appris que c’é- toit un mélange de fer et de terre alumi- neuse. J’ai fait dissoudre ce précipité dans une suffisante quantité d’acide vitriolique foible : la dissolution qui ayoit un goût très - stiptique , ayant été filtrée et aban- donnée à l’évaporation insensible , donna en moins de cinq jours , des cristaux d’alun bien caractérisés, et un peu de vitriol vert. Le moyen que j’avois employé pour séparer de la dissolution de notre marbre , tout ce qu’elle contenoit de ferrugineux et d’alu- mineux m’ayant réussi, même au-delà de mes espérances, je procédai sur-le-champ à la seconde précipitation de la liqueur , par le même alkali, qui en sépara une terre calcaire d’une blancheur parfaite, dont le poids se trouva être d’une once et 40 grains, après avoir été suffisamment lavée et sé- chée.

En additionnantles produits, nous voyons que les 2 onces de marbre vert employées * conten oient ;

i> 4

56

EXAMEN

i°. .... 5 gros 12 grains de schiste.

2°. ....... . 3i grains de terre

martiale, mêlé de terre alumineuse.

3°. i once ... 4o grains de terre calcaire.

Total î once 6 gros n grains.

La perte, qui est d’un gros 6i grains, doit être attribuée à l’air qui s’est échappé pendant la dissolution , et à l’eau qui , ainsi que l’air, s’étoit combinée avec la terre cal- caire pour former notre marbre; cette perte a été même de beaucoup plus forte; mais îa précipitation faite par l’alkali fixe, ayant rendu de l’air et de l’eau à la terre calcaire , les choses sont un peu rapprochées de leur état naturel (i).

( i ) Il étoit important de savoir si les 3i grains de premier précipité étoient la quantité précise de fer et de terre alumineuse , contenue dans les 2 onces de marbre que j’avois employées dans mon premier pro- cédé. Pour m’en assurer , je fis l’expérience suivante.

Je saturai avec une suffisante quantité d’acide vitriolique , étendu de beaucoup d’eau distillée , une demi-once de la terre calcaire que j’avois obtenue par la deuxième précipitation : je séparai , par le moyen du filtre , la sélénite qui s’étoit formée ; mais la liqueur ne se trouva être ni vitriolique , ni alumi*

TtÜ MJLRBRE DE CAMPAN. 5 7

Analyse du marbre rouge de Campan par le jnêrne acide.

^Deuxième procédé. J’ai soumis à l’ac- tion de l’acide nitreux , 2 onces de marbre de Campan en un seul morceau , qui ne contencit point de marbre blanc , et dans lequel la couleur rouge étoit domi- nante.

4

Il se sépara , pendant la dissolution, une poudre d’un rouge - obscur, semblable au colcotar , ou plutôt à ce rouge -brun dont on colore le carreau des appartemens.

En agitant l’acide nitreux et en le dé- cantant , lorsque la saturation fut à son point, il fut facile de retirer cette poudre rouge , qui , lavée et séchée , pesoit 60 grains. C’étoit du fer qui avoit perdu la propriété d’être attiré par l’aimant , mais auquel il fut facile de la rendre , en le te- nant quelque temps au feu dans un creuset fermé , avec un corps qui pouvoit lui donner du phlogistique.

neuse 5 elle ne fut point altérée* par la noix de gale : concentrée par une évaporation lente , elle ne donna ni alun ni vitriol.

68

EXAMEN

Lorsque je me fus assuré que toute îa partie sur laquelle l’acide nitreux avoit de l’action, étoit dissoute, je substituai à cet agent quelques onces d’eau distillée , pour laver la matière insolub'e qui , séchée exac- tement, pesoit un gros 63 grains. Elle étoit divisée en plusieurs morceaux fort fragiles et percés de divers trous; sa couleur étoit grise et tachée en certains endroits par un peu de la poudre rouge que les lavages n’avoient pu enlever.

En précipitant la dissolution en deux temps , suivant la méthode indiquée ci- dessus , j’ai obtenu un premier précipité martial du poids de 2 ,5 grains , et un deuxième de nature calcaire du poids de une once 3 gros 53 grains.

Les 2 onces de marbre de Campan rouge employées dans ce procédé , ont donc produit :

60 grains de safran

de mars, rouge-brun, qui s’est séparé de lui-même pendant la dissolution ;

20 1 gros 63 grains de schiste ;

. 2 5 grains de terre

martiale et alumineuse , précipitée par les premières portions d’alkali ;

pu marbre de cAnr an, 5 9

4°. 1 once 3 gros 53 grains de terre cal- caire.

Total, 1 once 6 gros 5y grains.

Perte .... 1 gros 1 5 gr. (1)

Si on compare les produits de ce second procédé avec ceux du premier , on verra la différence qu’il y a entre les deux mor- ceaux de marbre qui en ont été le sujet, et on sentira les raisons qui m’ont déterminé à travailler sur les deux échantillons aux- quels j’ai donné la préférence. Je les ai envisagés comme les extrêmes ; le vert ne contenoit de marbre rouge , et le rouge ne contenoitde marbre vert, que le moins pos- sible.

Si on choisissoit des morceaux d’un mé- lange différent, on trouveroit sans. doute des proportions différentes de celles que j’ai indiquées; et qui sait si on pourroit jamais parvenir à rencontrer précisément

(O Pour mieux faire comprendre la cause de cetie perte , je dois dire qu’ayant exposé au feu , pendant deux Iiewes trois quarts, 2 onces de marbre pareil à l’échantilion dont il est question , elles perdirent un gros i?> grains , quoique te marbre fût encore bien éloigné d’être réduit en chaux.

6o

EXAMEN

les mêmes. J’ai, par exemple, traité par l'acide nitreux un morceau de notre mar- bre, dans lequel j’avois aperçu une pyrite y il pesoit une once : c’étoit un mélange de marbre rouge et vert : on y distinguoit même quelques portions de marbre blanc.

Je désirois savoir à laquelle des terres, la calcaire ou la schisteuse , étoit attachée la pyrite. La dissolution de la terre cal- caire étant faite, il resta 2 gros et quelques grains de schiste , dont un morceau se lai- soit remarquer par sa grosseur et par une petite excavation on voyoit , non- seu- lement la pyrite dont j’ai parlé, mais en- core plusieurs autres que le marbre qui les couvroit avoit empêché d’apercevoir.

Analyse des mêmes marbres par l’acide

vitriol} que.

T, •oisième procédé. Qu’on mette dans une capsule de verre une certaine quan- tité de marbre concassé, et qu’on l’humecte avec de l'acide vitriolique foible 5 ce dissol- vant attaquera le marbre, se desséchera, et les fraginens seront couverts d’une in- crustation blanche sé’éniteuse, c’est-à dire, d’un sel vitriolique à base calcaire.

DU MARBRE DE CAllPAN, 6l

Si la matière étoit desséchée ayant que la saturation fût au point requis, il faudi oit l’humecteravecun peu d’eau distillée, pour étendre de nouveau l’acide, et lui donner plusde prise sur les corps qu’il doit dissoudre.

Dès qu’on s’apercevra que l’acide ne se fait plus sentir, on versera dans la capsule se fait la dissolution , quelques onces d’eau distillée, pour délayer la sélénite, qu’on pourra par ce moyen retirer et re- mettre dans un autre vase , pour y être gardée jusqu’à la fin de l’opération ; apres quoi on versera de nouveau sur le marbre une pareille quantité du même acide, qui, en se saturant , formera de nouvelle sélé- nite , qu’on retirera et qu’on conservera soigneusement , ainsi qu’il a été dit ; en continuant ce travail , qui est long, mais sûr et facile, on parvient à combiner avec l’acide de vitriol , tout ce que le marbre employé contient de soluble ; et par cette sorte de vitriolisation, on forme divers sels, beaucoup mieux caractérisés que ceux qui résultent de l’union de l’acide nitreux avec les mêmes matières , avantage qui , dans ce genre de travail , doit faire préférer l’acide yitriolique à celui du nitre.

6*

EXAMEN

En traitant, suivant la méthode que je viens d’indiquer , 2 onces de inarbre vert- campan séparé, autant qu’il a été possible, des portions rouges ou blanches , j’ai ob- tenu ÿ

i°. 1 once 6 gros 60 grains de sélénite gypseuse, ou vitriol calcaire.

20 5 gros 63 grains de terre

schisteuse 5

3°. 1 4 onces d’une liqueur légèrement colorée en vert-jaunâtre , et d’un goût vitriolique , dont quelques gouttes versées sur une infusion de noix de gale , la tei- gnirent en noir foncé.

Lorsque, par une évaporation faite dans un vase de verre au bain de sable , cette liqueur fut réduite à-peu-près à 6 ou 6 onces , il s’en sépara un peu de sélénite et une petite quantité de terre martiale : filtrée et mise de nouveau sur le s ible, elle fut concentrée au point de ne pas excéder le volume d’une once et demie d’eau ; à ce moment elle fut abandonnée à l’évapo- ration spontanée.

Le sixième jour , on apercevoit au fond du vase une trentaine de petits cristaux

t

du marbre de c a m r a n. 63

blancs et séparés les uns des autres ; leur goût et leur forme octaèdre annonçoient leur nature , c’étoit une cristallisation d’alun très-régulière. Deux jours après , il se forma une seconde cristallisation du meme sel dont les cristaux , quoique plus petits , étoient encore très-bien caracté- risés ; à celle-ci, il en succéda une troi- sième plus petite encore que la précédente. A cette époque, il commença à se former , sur les parois du vase , des efflorescences salines , et , en moins de quatre jours, la matière se coagula entièrement en une masse de couleur verte , tirant sur le jaune, dans laquelle il fut impossible de distin- guer aucun sel par des caractères propres à le faire reconnoître.

En traitant les sels vitrioliques alumi- neux dans l’état d’eau-mère , tel qu’étoit celui dont je parle, il n’est pas facile de les mettre au point de donner de beaux cristaux, à moins qu’on n’ait recours aux alkalis fixes ou volatils, ainsi qu’on le pra- tique dans les travaux en grand de la Halô- thecnie ; ce ne fut donc qu’après bien des tentatives , toutes faites sans addition d’aucun alkali, que je parvins à retirer

64 T, X AME !Nr

encore de cette eau-mère quelques cris- taux d’alun pur , et de vitriol de mars ; la couleur peu foncée de ces derniers , et leur goût prouvoient assez que ce n’é- toit qu’un mélange de ces deux sels , et que l’alun même y étoit le dominant $ ce qui me restoit de liqueur se coagula de nouveau : je fis différons essais pour la ramener au point de donner des cristaux ; mais ce?,fut en vain : la matière saline s’élevoit constamment le long des parois du vase , sans prendre aucune forme régu- lière. J’eus recours alors aux intermèdes , et 11e voulant employer ni alkali fixe , ni alkali volatil , pour ne pas trouver un sujet d’erreur dans les dernières cristallisa- tions , j’étendis l’eau-mère dans 2. onces d’eau distillée , et j’y ajoutai quelques grains de craie en poudre 5 il se fit une effervescence , la craie devenue sélénite se précipita , entraînant avec elle une petite portion de terre martiale. Cette dernière liqueur qui, filtrée, avoit une couleur rousse, ayant été concentrée par une évaporation lente, donna jusqu’à la fin des cristaux d’alun, sans qu’il me fût possible d’apercevoir un seul cristal de

sel

DU marbre de camp an. 65

Sel de Sedlitz , autre sel vitriolique , que je soupçonnois devoir etre dans cette liqueur , d’après un grand nombre d’expé- riences qui m’ont appris que les terres alumineuse et sedlicienne se trouvent sou- vent ensemble dans des pierres schisteuses de différentes espèces.

Il résulte de l’analyse du marbre Campan vert par l’acide vitriolique,

i°. Que les 2 onces employées ont fourni à cet acide une quantité de terre calcaire suffisante pour former une once 6 gros 60 grains de sélénite;

2°. Qu’il s’est trouvé dans ces 2 onces 7 5 gros 33 grains de schiste ;

3°. Que ce dernier a fourni une quantité suffisante de fer pour former 12 a i3 grains de vitriol martial , et environ 5 grains de terre ocreuse , qui s’est séparée d’elle- mêtne pendant l’évaporation ;

4°. Qu’il s’y est également trouvé une quantité suffisante de terre alumineuse pour former au moins grains d’alun.

Je n’ai rien négligé pour m’assurer que le sel de Sedlitz n’existoit p^s dans la dis- solution du marbre de Campan, par l’acide vitriolique ; c’étoit le principal but de Tome IL E

66

EXAMEN

toutes les tentatives que j’ai faites pour mettre les dernières portions de liqueur en état de donner d’elles- mêmes des cristaux réguliers ; et quand enfin j’ai été contraint d’avoir recours à un intermède , je me suis servi de la craie qui , formant avec l’acide vitriolique un sel peu soluble et d’ailleurs facile à distinguer, ne in’exposoit à aucune erreur : d’où je crois pouvoir conclure que la terre qui fait la base du sel de Sedlitz, n’existe pas dans le schiste qui se rencontre dans notre marbre.

Analyse du marbre Campan j'ouge , par l} acide vitriolique .

(Quatrième procédé . Ayant également traité par l’acide vitriolique 2 onces de marbre rouge de Campan, j’en ai obtenu une once 7 gros 42 grains de vitriol cal- caire ou sélénite de couleur blanche tirant sur le rouge ; il est resté dans la capsule se faisoit l’opération 2 gros et demi de schiste absolument décoloré et en petits fragmens , parmi lesquels on en distin- guoit un de la grosseur d’une petite noi- sette , dont la surface étoit hérissée de pyrites martiales j on en apercevoit aussi

\

MARBRE DE CA M PAN. C)J

quelques-unes dans le schiste pulvérulent, arec lequel elles n'a voient pi us d’adhé- rence.

Les différons arrosemens d’acide vitrio- lique et les lavages avec l’eau distillée , m a voient donné 12 onces de liqueur aluinmo vitriolique, de laquelle j’ai retiré 5/ grains d’alun et 4S grains de vitriol vert ; il s’est séparé pendant l’évaporation 7 grains de terre martiale.

Ce quatrième procédé confirme .les diffé- rences déjà observées dans les échantil- lons de marbre lors de leur analyse par 1 acule nitreux; il y a constamment plus de Schiste dans le marbre vert que dans le marbre rouge , et plus de fer dans celui-ci que dans le premier.

Quoiquil soit hors de mon sujet de m’étendre sur le sel séleniteux que j’ai obtenu en traitant le marbre de Cau.pan avec l’acide vitriolique, je ne peux cepen- dant m’empêcher de dire que ce sel que on nomme souvent sélénite , que j'ai ap.' pele quelquefois vitriol calcaire et qu’on pourroit aussi nommer seigypseu*. gypse » rajicie , ou simplement gypse, étant cuit 1 comme la pierre à plâtre, pulvérisé et

E 2

/

68 EXAMEN

gâche avec une suffisante quantité d’eau , a été plus de deux heures à prendre corps, mais qu’enfin il est devenu , en moins de douze ou quinze heures , aussi dur que le meilleur plâtre; retardement qui n’arrive pas toujours au gypse artificiel. Je dois aussi faire remarquer que le sel séléniteux, fourni par le marbre vert, perdit pendant la calci- nation sa couleur blanche qui se changea en rouge briqueté , effet qu’on doit attri- buera un peu de vitriol martial et à quel- ques portions de schiste des plus tenues, qui étoient restées dans le sel séléniteux.

Il résulte des expériences qu’on vient de lire , i°. que le marbre vert de Campan est un marbre mixte ou composé ; que c’est enfin un mélange de marbre et de schiste ; 2°. que les parties véritablement marbre , sont les dominantes ; 3°. que le schiste qui les accompagne contient , ainsi que toutes les pierres de ce genre, que j’aï jusqu’ici examinées , une quantité remar- quable de terre alumineuse et de fer ; 4°. que c’est au fer, minéralisé avec le schiste , qu’est due la couleur verte qui distingue le marbre dont je parle.

Q\x ant aux portions de marbre rouge qui

15 Ü MAHBHÏ T) E CAMPA N? c9

se rencontrent dans le marbre vert, nous avons vu qu’elles doivent leur couleur à un safran de mars , dispersé sous la forme d’une poudre fine entre toutes les parties do la terre calcaire. D’où il faut conclure que le fer qui est uni au marbre de Campan, s’y trouve dans deux états très-différens. Dans le marbre vert , il est minéralisé avec le schiste , de manière qu’il a con- servé la propriété d’être entièrement dis- sous par les acides , sans en excepter même celui de nitre , qui , comme on sait , n’a pas d’action sur le fer déplilo- gistiqué. Dans le marbre rouge , au con- traire , ce métal est dans un état de safran de mars ou de chaux martiale qui , dis- persée entre toutes les parties de la terre calcaire , lui communique sa couleur en y adhérant fortement , mais sans avoir subi avec elle de combinaison intime : ce safran de mars n’est point du tout solu- ble dans l’acide nitreux , et par- le chi- miste trouve un moyen sûr et facile de le séparer entièrement de la terre calcaire , sous sa forme pulvérulente et sans altérer sa couleur, ainsi qu’il est prouvé par le se- cond de mes procédés avec l’acide nitreux.

E 3

EXAMEN

Quand on traite notre marbre rouge avec l’acide vitriolique , il n’est pas pos- sible de séparer et de mettre , pour ainsi dire , à nu le safran de mars : il perd, à la vérité, son adhérence à la terre calcaire ; mais comme celle-ci se charge, par sa combinaison avec l'acide , en un sel qui cristallise à l'instant même de sa formation , le safran de mars , recouvrant son état pulvérulent , se mêle entre les parties de ce nouveau corps salin , et lui communique cette teinte rouge qu’on re- marque dans le se 1 séléniteux , obtenu par le quatrième procédé.

Je finirai par cette observation. Le marbre de Campan étant une sorte de brèche composée de marbre proprement dit , et de schiste argileux , ne peut pas résister long-temps aux injures de l*air j aussi voyons nous qu’en moins d’un siècle, celui qui a été employé dans les jardins de Marly , est entièr ement dégradé ; les por- tions schisteuses sont trop tendres , elles n’ont pu tenir contre les intempéries des saisons, et les vicissitudes de l’atmosphère.

Quand il s’agit d’élever des monumens , quand il s’agit de décorer des temples, des

!

BU MARBRE DE CAMPA N. 7 1

palais , on ne sauroit prendre trop de pré- cautions pour s’assurer de la bonté , de la solidité des matériaux qu’on veut employer, sur-tout si ces matériaux ne sont pas connus , ou s’ils sont tirés d’une carrière nouvellement découverte.

Il est fâcheux de ne s’apercevoir des mauvaises qualités d’une pierre , qu’après qu’elle a été mise en œuvre ; qu’on ne se laisse donc pas séduire par la beauté d’un, nouveau marbre : l’essentiel est sa solidité, et les architectes , jaloux de leur gloire , ne devroient jamais employer un marbre in- connu, quelque beau qu’il paroisse, sans l’avoir fait soumettre à un examen chimique.

EXAMEN

Des Pierres figurées de Florence.

La description des pierres figurées de Florence , seroit ici fort inutile , elles sont connues de tous ceux qui ont vu des collections de curiosités naturelles ; mais si la variété vraiment étonnante des tableaux qu’elles nous offrent, leur font occuper un rang distingué dans les cabi- nets , on peut dire que la nature de ces

E 4

examen

72

pierres n’en est pas pour cela mieux connue ; et si les noinenclateurs leur ont assigné une place parmi les marbres , ce n’est certainement que d’après l’étude des surfaces, moyen insuffisant et trop équi- voque , pour oser prononcer sur la nature des corps. Aussi , se sont-ils bornés à l’ap- peler marmor jiguratum.

Les procédés que j’ai employés pour analyser le marbre de Campan , sont si simples, si peu dispendieux, j’ose même 3e dire , sont si sûrs , que j’ai cru devoir y soumettre les pierresde Florence ; et comme ils sont déjà connus, je vais, sans entrer dans de nouveaux détails , présenter une analyse, d’après laquelle les naturalistes pourront assignera ces curieux morceaux le rangqu’ilsdoiventoccuperdansles cabinets.

Les pierres de Florence sont un mélange de terre calcaire et de terre argileuse , l’une et l’autre diversement colorées par un peu de fer ; on y découvre aussi une petite quantité de terre alumineuse (1).

(1) Je ne parle pas de l’air et de l’eau qui entrent aussi dans la composition de ces pierres $ on sait qu’ils sont l’un et l’autre le vrai medium de la lapidification de la terre calcaire.

DES PIERRES FIGUREES DE FlORENCE. jZ

Les deux premières s’y trouvent quel- quefois, à peu de chose près, à parties égales ; cependant, c’est toujours la terre calcaire qui y domine ; la partie de ces pierres qui forme les ruines , est ordinai- rement ]>lus schisteuse et plus ferrugineuse, tandis que celle qui forme le fond des ta- bleaux est plus calcaire et moins ferrugi- neuse ; quant à la terre d’alun , c’est tou- jours à la terre schisteuse qu’elle est unie.

Voici les proportions j’ai trouvé ces différentes substances dans les échantillons que j’ai examinés.

Analyse par V acide nitreux.

Un morceau de pierre de Florence for- mant une petite tablette du poids de 5 gros 33 grains , dans laquelle la couleur grise, tirant un peu sur le jaune , faisoit le fond du tableau et étoit la dominante , ayant été traité par l’acide de nitre , a donné :

69 grains de terre schisteuse, 9 grains de fer sous forme de chaux métallique ,

4 gros 6 grains de terre calcaire

pure.

Total, 5 gros 2 grains.

Perte 3i grains.

EXAMEN

7-f

Un autre morceau pesant 3 gros 56 grains, dans lequel la partie qui forme les ruines , dominoit , ayant été soumis à l’action du meine acide , il en a été retiré ,

1 gros i4 grains de terre schisteuse,

1 1 grains de fer sous forme de chaux ,

2 gros 1 7 grains de terre calcaire pure.

Total 3 gros 41 grains.

Perte i4 grains.

D’après ces deux expériences , on voit que , dans les pierres figurées dont je parle , la partie des ruines contient plus de terre schisteuse et moins de terre cal- caire , et que c’est tout le contraire dans 3e fond des tableaux ; mais, cependant, que dans l’une et dans l’autre , la terre calcaire est la dominante.

Analyse par V acide vitriolique.

En vitriolisant différens morceaux de pierres de Florence , j’ai constamment obtenu plus de vitriol martial que d’alun ; je ne citerai pour exemple que ce pro- cédé.

Une petite tablette du poids de 5 gros 60 grains , dans laquelle les parties figurées

DES PT ERRES FTGURÉES DF. FLOU ENTE. 7 5

étaient à-peu-près égales à celles du fond du tableau , aymt été saturée d’acide vi- ti iolique , selon la méthode indiquée pour le marbre de Campa n , a donné 10 grains d’alun et 4 3 grains de vitriol martial.

D’après les détails que j’ai donnés ert parlant du marbre de Carnpan , j’ai cru devoir être fort succinct dans le compte que je rendois de l’analyse des pierres ligurées de Florence ; mais les résultats que je présente aux physiciens sont plus que sulfisans pour leur faire conclure que ces deux pierres doivent être rangées dans la troisième classe, que j’ai appelée celle des marbres mixtes ou composés de diffé- rentes terres.

SECONDE PARTIE.

Examen de quelques Marbres antiques .

L e s pierres que les Grecs appelèrent »appapo< , étoient en très -grand nombre; ce mot , qui signifioit dans leur langue une pierre que le poli rend luisante, resplen- dissante, fut adopté par les Romains, qui, en le latinisant, y attachèrent la même idée.

EXAMEN

76

L’architecture recherche dans les ma- tières qu’elle emploie , la solidité et la beauté , et s’embarrasse fort peu de nos divisions en genres ou espèces ; on donna donc indistinctement chez ces deux peu- ples, et on a donné long-temps parmi nous, le nom de marbre à des pierres dont les propriétés physiques sont d’ailleurs fort différentes.

Caryophillus , dans son traité de Mar - moribus antiquis , publié en 1743 , en compte jusqu’à soixante-quinze , dont les auteurs grecs ou latins ont fait mention mais de ce nombre , sont les granits , les porphyres, l’ophite, les basaltes, la pierre obsidienne , etc.

Nous manquions d’expressions propres au langage des arts , lorsqu’ils reparurent parmi nous ; et les langues modernes ne se prêtant que difficilement à la formation de nouveaux mots , on trouva qu’il étoit plus facile d’adopter les termes grecs ou latins ÿ on se les rendit donc propres , et ceux - mêmes qui ignoroient les langues anciennes se familiarisèrent avec des mots grecs, et s’accoutumèrent peu -peu à y attacher les idées dont les savans leur fai-

DE QUELQUES MARBRES ANTIQUES. 77

soient part, d’après une étude profonds des écrivains de l’antiquité.

Isidore de Séville , qui vivoit dans le septième siècle , avoit dit dans son ou- vrage sur les Origines , marmora dicuntur eximii lapides , qui maculis et coloribus. commendantur. On adopta cette définition dans les arts : elle servit meme de règle à ceux qui, les premiers parmi nous, cul- tivèrent l’histoire naturelle ; on continua donc à confondre sous le nom de marbre, toutes les pierres susceptibles de prendre le poli , et agréablement colorées.

La physique n’est qu’une, mais elle est immense , et c’est beaucoup pour un homme que d’embrasser une de ses parties ; c’est donc dans l’étude de la nature que les se- cours mutuels sont indispensables.

Malheureusement la chimie n’est venue que fort tard prêter ses moyens à ceux qui s’adonnoient à l’histoire naturelle -, aussi, avons-nous vu de nos jours un auteur cé- lèbre augmenter dans la lithologie la con- fusion qui n’étoit déjà que trop grande. Sans égard pour la signification du mot grec, sans égard pour la définition d’Isi- dore, qui ayoit jusqu’alors servi de règle.

7$ 33 X A M E K

ïe célèbre Linnæus donnoit , en 17 44, le nom de marbre à la pierre à chmx la plus commune , à la pierre à plâue , à la pierre de touche , etc.

La Lithogéognosie de Pott , rpielles que soient les fautes qu'on a remarquées depuis dans cet excellent ouvrage , occasionna , ainsi que je l’ai déjà fait remarquer , une révolution avantageuse dans l’histoire du règne minéral; et d’après les principes de cet homme, justement célèbre, on n’a plus admis dans la classe des marbres , (pie les pierres qui, outre la propriété de prendre un beau poli , avoient encore celle de pou- voir être converties en chaux vive par le feu. On vit alors disparoître de cette classe, le gypse, la pierre d’azur, la pierre ly- dienne , les graniis , les porphyres , les ophites , etc.; et les marbres, regardés comme pierres calcaires , ne furent plus distingués entr’eux que par leurs couleurs.

On étoit cependant encore, à quelques égards, dans l’erreur: les marbres colorés ne sont pas toujours de pure terre calcaire ; il en est de mélangés, il en est enfin , qui sont composés de différentes teires.

J’ayois eu occasion de voir plusieurs fois

DE QUELQUES MARBRES ANTIQUES. Jï)

la carrière de Campan ; les veines vertes qui se rencontrent en abondance dans le marbre qu’on en tire , et qui l’ont fait long- temps rechercher parmi nous , me frap- poient : je ne trouvois point dans leur fracture le grain qui caractérise le marbre ; je soupçonnai cette matière verte d’être schisteuse ; l’expérience a changé mes soupçons en certitude, ce qui m’a de nou- veau fait conjecturer que tous les marbres verts pouvoient bien devoir leur couleur à la même cause , et n’être enfin que des marbres mixtes. Le point étoit d’avoir des échantillons d’un volume suffisant; on m’en a donné quelques-uns; j’en ai fait venir un grand nombre d’Autun (1). J’en ai analysé une partie, et cette analyse est le sujet du mémoire que je présente aujourd’hui aux chimistes et aux naturalistes.

(1) On sait combien les Ptomains se plurent à em- bellir cette ancienne ville. Le temps , et peut-être la main des hommes , ont tout détruit ; on ne voit aujour- d’hui que des débris , que des ruines sous lesquelles on trouve les plus beaux marbres de la Gièce, les ophites, les granits, les porphyres les plus recherchés dans l’antiquité.

ï X A M B N

Examen d’un marbî'e antique apporté de

Home.

Le premier marbre antique que j’ai sou- mis à l’examen, étoit une portion détachée d’un assez gros morceau de marbre cipolin , venu de Rome et appartenant à Desmarest, de l’académie, qui , voulant concourir aux recherches que je faisois sur ce genre de pierre, n’a point hésité à casser l’échan- tillon, qu’il garde dans son cabinet.

Ce marbre , qui est un de ceux que les naturalistes appellent poîizones , se fait distinguer par de larges bandes blanches et vertes, et ressemble parfaitement à celui de ces belles colonnes, dont on a décoré le maître-autel de l’abbaye de Saint Germain- des-Prés.

Les Italiens ont donné le nom de cipolino à cette belle pierre , à cause de sa couleur verte ; nous lui conserverons le même nom, quoique nom d’atelier , en attendant que quelque naturaliste le range dans la classe et sous la dénomination que l’examen chi- mique doit sans contredit fixer.

La simple inspection de ce marbre ne laisse apercevoir rien de particulier dans

les

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DE QUELQUES MARBRES ANTIQUES. fil

les zones blanches, ou du moins, on ne croit y voir que du marbre blanc ; si on considère les zones vertes , on y distingue des petites lames vertes parsemées de points blancs, qu’on est porté à prendre pour des grains de marbre ; cependant, une expé- rience fort simple va nous convaincre que les zones blanches ne sont pas toujours du marbre pur. Si on frappe avec le briquet un morceau de ce marbre , on en tire quel- quefois des étincelles qui annoncent déjà la présence du quartz (1); et en effet, cette dernière substance se trouve souvent dans ce cipolin en assez grande quantité, ainsi que nous allons le démontrer par l’expé- rience suivante.

J’ai soumis à l’action de l’acide nitreux un morceau de ce marbre cipolin , dans lequel on voyoit à-peu-près autant de blanc que de vert ; son poids étoit de 2 onces 2 gros : l’acide fut mis en quantité suffisante, et laissé tout le temps nécessaire pour opérer la dissolution totale de la terre calcaire.

Il s’est trouvé après l’opération , 5 gros

(1) Wallérius et Bomare s’en sont aperçus, et en ont parlé dans les Mincralogies qu’ils ont publiées.

Tome IL F

I

3a 'EXAMEN

54 grains de matière , sur laquelle l’acide nitreux n’a voit point agi ; c’étoit la por- tion de quartz qui s’étoit rencontrée dans réchantillon que j’examinois , ainsi que la substance verte qui n’a voit reçu d’autre altération que celle d’être devenue friable, par la raison qu’ayant perdu la terre cal- caire, et peut-être un peu de fer, qui lui servoient de ciment, elle avoit en même- temps perdu sa cohérence. Cette matière verte est de nature schisteuse , et a beau- coup de ressemblance avec ces ardoises grises , dures et sonores , qu^on tire sur les bords de la Meuse.

Quant au quartz , il n’ avoit également point souffert de changement; il paroissoit seulement corrodé dans tous les sens ; l’a- cide avoit pénétré par-tout il y avoit de la terre calcaire, ce qui le faisoit paroître comme un amas de grains de sablon , que l’on pouvoit facilement séparer les uns des autres. Un seul morceau remarquable par sa grosseur ( il pesoit 39 grains ) , avoit conservé sa contexture et sa solidité ; c’étoit une petite masse de quartz pur dont les parties contiguës ne recéloient rien d’étranger.

DE QUELQUES MARBRES ANTIQUES. 83

Un autre morceau qui pesoit à-peu-près un gros , et dont les grains pouvoient faci- lement se désunir , avoit un de ses cotes couvert d’une légère couche de schiste, et étoit traversé dans son intérieur par plu- sieurs petites lames de la même matière ; le reste du quartz étoit en petits fragmens, ou sous la forme de sablorj.

La dissolution de la terre calcaire, éten- due d’eau distillée , et la petite portion de fer qu’elle contenoit, ayant été précipitée par quelques gouttes d’alkali , donna en- viron 2 grains de safran de mars.

La liqueur filtrée de nouveau , je pro- cédai sur-le-champ à la précipitation de la terre calcaire avec le même sel , et par cette opération , j’obtins 10 gros 38 grains de terre parfaitement blanche et de nature vraiment calcaire.

En récapitulant nos produits, nous trou- verons (pie les 18 gros de cipolin romain, contenaient ,

y

i°. Matière insoluble dans l’a- cide nitreux , quartz et schiste (i). 5 gros 54 grains.

(i) Il est difficile, pour ne pas dire impossible , de séparer entièrement la partie pulvérulente du schiste d’avec les menus grains de quartz , mais on peut dire ,

F a

E X A M E K

2°. Fer sous forme de safran de mars 2 grains.

3°. Terre calcaire. . . . logros grains.

Total. . 16 gros 32 grains.

Perte en gaz ou en terre emportée par les lavages. . . i gros grains.

La désunion des parties du marbre cipo- îin , opérée par l’action de l’acide nitreux sur la terre calcaire , ne laisse apercevoir dans le mélange des trois terres, qui cons- titue cette belle pierre , qu’un amas confus au hasard ; ou , si l’on veut , ce sera l’ouvrage des alluvions qui ont amoncelé des grains de sable quartzeux , du schiste et de la terre calcaire , sans aucun ordre et sans aucune proportion constante -, mais si on fait attention à l’arrangement symé- trique qui existe entre les zones blanches et vertes , on ne sera pas peu embarrassé, si on veut en rechercher la cause -y et en effet , comment concevoir qu’une masse aussi énorme que le sont ordinairement les carrières de marbre , ait pu , lors de

sans trop s’éloigner de la vérité , que le schiste pesoit à peine un gros et demi , et que le reste étoit du pur quarts.

DE QUELQUES MARBRES ANTIQUES. 83x

sa formation , recevoir par des aliuvions alternatives , tantôt de la terre calcaire et du quartz pour faire les zones blanches , tantôt de la terre schisteuse pour faire les zones vertes.

On n’éprouveroit peut-être pas moins de difficultés , si on vouloit rapporter la cause de cet arrangement au poids respectif des trois terres , qui ont formé sous l’eau dont elles étoient imbibées , des dépôts différens, mais toujours placés dans l’ordre de leur pesanteur spécifique.

La chimie , qui voit dans le règne mi- néral plus que de la pesanteur, plus que de la juxtà- position , ne peut se contenter de ces explications : elle voudroit quelque chose de plus , elle voudroit une raison plus conforme aux lois de la nature tou- jours agissante, et toujours occupée de la formation des corps que renferment les trois règnes ; la chimie donc, pour rendre raison de ce phénomène, pourroit, ce me semble, avoir recours aux lois de la cris- tallisation , ou , si Ton veut, de l’attraction, lois auxquelles sont soumis tous les corps du règne minéral. Cette opinion se confir- mera peut-être par la suite ; mais je m’ar-

F 3

86

EXAMEN

rête , mon objet n’embrasse que l’analyse des marbres , et point du tout le système de leur formation.

EXAMEN

ID’un autre cipolin envoyé d’Autun .

Parmi les différens marbres que j’avois reçus d’Autun , il s’en trouvoit un étiqueté cipolin, et qui en effet mérite cette déno- mination à cause de sa couleur verte. J’en avois deux échantillons : le premier est un fragment de corniche , dont les moulures étoient assez bien conservées ; ce morceau, quoique d’un volume assez considérable , n'avoit aucune veine blanche , et , à cet égard, il pouvoit passer pour un marbre zmicolor. Le second est un fragment de tablette de six lignes d’épaisseur , traversé de bandes blanches quelquefois fort larges, quelquefois fort étroites, dont la direction est en zigzag, à-peu-près comme ces bandes différemment colorées qu’on voit sur les tapisseries dites Point de Hongrie .

Je détachai une portion des bandes blan- ches , et après in’étre assuré, par un essai , que c’étoit du marbre pur, je dirigeai mes recherches sur la partie verte , et je n’em-

I

DES MARBRES D A U T U N . Z'J

ployai , en conséquence, dans mon travail, que le morceau de cipoiin qui n^avoit point de veines blanches.

Si on considère ce marbre dans ses frac- tures , il paroît à l’œil n’étre qu’un amas de petites lames luisantes d’un blanc ver- dâtre 5 si on la regarde à la loupe , on ne voit plus que des cristaux blancs et trans- parens, qui semblent emprunter leur teinte verte du corps étranger dont nous allons parler dans l’instant.

Que l’on mette un petit morceau de ce marbre dans de l’acide nitreux étendu d’eau , la dissolution s’en fait avec viva- cité , et à mesure qu’elle s’opère, on voit des petits corps verdâtres et brillans se séparer et gagner le fond du vase, ce qui continue jusqu’à ce que la terre calcaire soit entièrement dissoute.

Qu’on décante alors la liqueur, et qu’on lave exactement la matière sur laquelle l’a- cide nitreux n’a point agi , on aura la partie qui colore notre cipoiin, sans aucune alté- ration ; c’est une sorte de mica ( i ) dans

(i) D’Aubenton , qui a bien voulu jeter un coup- d’œil sur cette partie de mon travail , m’a dit que cette espèce de mica étoit le vrai talcite.

F 4

\

88

EXAMEN

lequel la loupe fait distinguer quelques petits cristaux de quartz.

Enlin , la liqueur qui tient en dissolution la terre calcaire , prendra avec la noix de gale une teinte noire, ou donnera du bleu de Prusse avec l’alkali de Dippel.

En suivant le procédé que je viens de décrire , j’ai fait disssoudre dans l’acide nitreux 6 onces 2 gros et demi de ce même marbre , et le résultat de cette opératicfea

r . r

ete :

i°. Matière colorante verte ou talcite 5 gros 69 grains.

20. Terre martiale, mêlée d’un peu de terre calcaire 28 grains.

3°. Terre calcaire pure. . 5 onces 2 gros 18 grains.

■■ - -

Total 6 onces . . . /\b grains.

Perte gros 65 grains.

J’avois traité le marbre de Campan avec l’acide vitriolique , et ce moyen in’avoit parfaitement bien réussi pour y démontrer l’existence d’une petite portion de terre alumineuse; j’ai cru devoir aussi employer cet intermède avec le cipolin d’Autun: j’ai donc, pour cet effet, mis en poudre fine

DES MARBRES d’ A U T U N . 89

2 onces de ce marbre , que j’ai arrosé de 19 à 20 onces d’eau distillée rendue aigre- lette par l’acide de vitriol : cette manière est beaucoup plus courte que celle que j’avois suivie en vitriolisant le marbre de Campan : il ne m’a fallu cette fois que 24 heures au plus pour opérer la saturation de tout ce qui étoit susceptible de s’unir à l’acide.

La sélénite ou gypse factice ayant été séparée de la liqueur par le moyen du filtre , et l’évaporation en ayant été faite, partie au bain de sable, partie à la tempé- rature de l’atmosphère , j’ai obtenu sept petits cristaux d’alun, et un peu de vitriol martial. J’ai lieu de soupçonner que la terre qui sert de base au sel de Sedlitz, s’y trouve aussi, parce qu’au milieu du vitriol martial, qui étoit ici sous la forme d’eau-mère , j’ai aperçu quelques petits cristaux prismati- ques qui avoient tous les caractères du sel de Sedlitz, mais n’ayant pu les goûter, je suis resté dans le doute.

En vitriolisant le marbre cipolin qui fait le sujet de cet article, il s’est présenté un accident que je crois ne devoir point passer sous silence.

ÿO EXAMEN

La terre calcaire combinée avec l’acide vitrioliqne, avoit gagné le fond du vase, et étoit surmontée d’environ un pouce de liqueur claire et limpide , qui , en moins de 6 heures , se couvrit à son tour d’une pellicule qui ressembloit à une feuille d’or ; en versant sur le filtre la sélénite et la li- queur dans laquelle elle s’étoit formée , cette pellicule dorée garda constamment le dessus, et perdant par la filtration l’eau qui la soutenoit , elle sc posa sur la sélé- nitc , et y resta fixée meme après la des- siccation parfaite, sans que la couleur d’or ait souffert la moindre altération jusqu’à ce jour.

Cette matière m’en imposa un instant; mais ayant répété le procédé pour in’en procurer une quantité suffisante , je l’ai soumise à quelques expériences qui m’ap- prirent que c’étoit du fer , à la vérité , dans un état singulier , mais que je re- garde comme à l’air qui s’échappe au moment de l’effervescence, et se combine avéc la portion de ce métal qui se trouve dans le marbre; enfin, je crois qu’il en est de cette pellicule couleur d’or, comme des cristaux noirs qui se forment à la superficie

DES MARBRES ïf A U T U N . i)l

de l’eau on a précipité du sublimé cor- rosif, et dont j’ai parlé dans la troisième partie de mes Essais sur les précipités de mercure.

Ex amen d’un troisième cipolin d’ Autan y et connu en Italie sous le nom D’Aman- dola (1).

De quclqu’endroit que les Romains aient tiré le marbre qui fait le sujet de cet article, et dont j’avois reçu plusieurs échantillons d’Àutun, il est certain qu’il a beaucoup de rapport avec les parties du vert de Campait , dans lesquelles il ne se rencontre point de rouge.

Un morceau de ce marbre cipolin ou amandola , du poids de 2. onces , traité par l’acide nitreux , a donné : i°. Matière colorante

verte qui est un vrai schiste. . . . 3 gros 12 grains.

2°. Précipité martial 9 grains.

3°. Terre calcaire parfai- tement blanche 1 once 3 gros 68 grains.

Total once 7 gros 57 grains.

Perte 55 grains.

(1 ) Cette espèce de marbre n’est pas rare en France , on en trouve fréquemment dans les Pyrénées , sur-y

$2 EXAMEN

Ce marbre est de tous ceux que j’ai traités jusqu’ici, le plus propre à démontrer l’ar- rangement de la partie schisteuse à laquelle est due la couleur verte qui le distingue.

L’acide qui n’a d’action que sur la terre calcaire, en dissolvant cette dernière, laisse subsister en entier la partie schisteuse qui forme une sorte de tissu cellulaire , ou un assemblage d’alvéoles , dans lesquelles la partie calcaire se trouvoit enfermée ; or , c’est à ces alvéoles, ou plutôt à leurs cloi- sons , que notre marbre doit sa variété de couleur 5 ce sont elles qui font les hachures vertes qu'on y remarque.

Si donc on veut se donner la satisfaction de pouvoir considérer à son aise l’arran- gement des cellules , il ne faut pas , en

tout dans le Couserans. J’en ai examiné plusieurs , et je les ai trouvés parfaitement ressemblans à celui dont il est question dans cet article. Les Italiens lui ont donné le nom d ' Amandola , parce que les petites portions de marbre blanc , paroissent enfermées dans la partie verte, comme les amandes le sont dans ces gâteaux appelles vulgairement Nouga . C’est ainsi que le Benjoin en masses parsemées de larmes blanches , est désigné dans les pharmacies sous le nom de Ben - zoinum. Amygdaloïdes .

DES MARBRES D* AU T UN. ÿ’i

traitant ce marbre, attendre la dissolution totale de la substance calcaire ; car alors le schiste n’ayant plus de soutien , il est difficile de le retirer du dissolvant sans en détruire l’aggrégation , sans le réduire en poudre ; il est donc à propos de ne laisser le morceau de marbre dans l’acide, que le temps nécessaire pour dissoudre un quart au plus de la terre calcaire ; on peut alors Pen retirer, le laver à plusieurs eaux, sans craindre la désunion des cloisons.

En examinant l’ordre des cellules, on sera peut-être conduit à dire quelque chose de satisfaisant sur leur formation , que je suis toujours porté à attribuer à la cristallisation , ou à l’attraction qui a rassemblé le schiste en différentes couches, lorsque le mélange des deux terres (la cal- caire et la schisteuse ) passoit de l’état de fluidité à celui de coagulation , de l’état terreux à l’état pierreux (1).

(i) On trouvera, sans doute, de la difficulté à con- ce\ oir que deux terres bien mélangées et réduites en une sorte de boue, puissent, en se lapidifiant , se séparer l’une de l’autre , et former des pierres de leur propre genre; mais un exemple très-commun ne pour-

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E X A M E N

Examen (T un quatrième marbre d' Autun,

connu sous le nom de Vert-antique.

Ce marbre qui présente clés couleurs très- variées , devoit produire un grand effet par- tout on l’employoit. Le fond, qui est d’un vert tendre , se trouve par- semé de taches noires , blanches , d’un vert foncé , d’un vert obscur , et quelque- fois on y remarque du pourpre.

Pour peu qu’on y lasse attention , on voit que ces couleurs ne s’étendent et ne

roit-il pas nous prouver au moins la possibilité de ce que j’avance.

Entrons dans les laboratoires des pharmaciens , et voyons-y des électuaires d’une consistance très-forte , dans lesquels cependant on découvre quelquefois d’assez gros cristaux de sucre : voyons-y des cristaux de sel marin et de nitre se former dans des extraits fort solides : les pulpes , les poudres, dans les premiers , la substance extractive très-rapprochée , dans les se- conds , n’ont point empêché les sels de se former et de prendre le caractère propre à leurs cristaux 5 ces sels , à la vérité , ne sont pas très-purs , ils se res- sentent du milieu dans lequel ils ont été formés 5 mais aussi-, dans les marbres amandolins dont je parle , le schiste participe un peu de la terre calcaire , et celle-ci contient un peu de echiste.

DES MARBRES d' A U T U N. g5

se perdent pas dans celle qui forme le fond ; ce sont autant de petits morceaux détachés , ou circonscrits que l’on parvient même à séparer des parties voisines aux- quelles elles n’adhèrent que par juxtà-posi- tion ; enfin , ce sont des petits corps étran- gers; ce sontdescorpssolidesenfèrmésdans un autre corps solide ; soiida ïntrà soli- duîTi nata , et à cet égard notre marbre antique se rapproche des brèches.

Si on examine ce vert-antique dans des fractures récentes, on y aperçoit un grain cristallisé qui ressemble plus à celui de certains talcs , qu’à celui des marbres.

Il seroit, sans doute , intéressant d’exa- miner en particulier chacune des diffé- rentes petites pierres qui se rencontrent dans le marbre dont je parle ; mais les échantillons que j’avois , ne m’ont pas permis de varier et d’étendre mes procédés autant que je l’aurois désiré.

J’ai donc été obligé de me borner à dé- tacher des petites portions de chacune des pierres colorées , et l’expérience m’a appris que les fragmens blancs étoient du marbre pur ; que ceux qui sont verts obscurs , verts foncés, ne dévoient ces nuances

EXAMEN

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qu’à leur masse , et que d’ailleurs ils sont transparens ; enfin , les fragmens verts et noirs paroissent n'être point attaqués par l’acide nitreux. Je dis , paroissent ne point etre attaqués, car si on les laisse dans ce dissolvant , il agit insensiblement sur la plupart d’entre eux , et pénètre meme jusque dans leur centre 5 ce qui leur fait perdre la transparence, la contiguïté et la cohérence de leurs parties , en sorte qu’ils deviennent pulvérulens. Leur cou- leur est alors altérée , mais il faut beau- coup de temps pour opérer ces change- mens , ainsi que nous allons le voir dans l’expérience suivante.

Ayant exposé à l’action de l’acide ni- treux un morceau de ce vert -antique , dont le poids étoit d’une once , ce dissol- vant attaqua promptement les parties blan- ches , les parties vraiment calcaires , tandis qu’il ne paroissoit pas toucher aux parties vertes ; bientôt l’effervescence disparut , ou du moins elle ne se faisoit plus aper- cevoir aux yeux 5 mais en approchant de l’oreille le vase se faisoit l’opération , on entendoit, de temps en temps, un bruit léger qui annonçoit que l’acide

continuoit

97

des marbres d’au t un.

continuoit à agir sur la matière 5 la cap- sule fut couverte d’un carton , et laissée à la température de l’atmosphère.

Ce ne fut que le trente-quatrième jour après l’opération commencée , que le bruit léger dont j’ai parlé ne se faisoit plus en- tendre ; l’acide nitreux étoit saturé , il en lut substitue d autre , et le petit mouve- ment de dissolution se rétablit , et ne cessa que deux mois après.

A cette dernière époque, tout ce qui pouvoit être dissous par l’acide nitreux ,

1 doit en effet. Je confondis les deux dis- solutions auxquelles furent ajoutés les lavages de la matière insoluble qui, bien séchée , pesoit 2 gros 5a grains. Elle étoit encore en un seul morceau et d’un volume à-peu-près égal à celui de l’échan- tillon , dont elle n’etoit qu’une partie ; elle est corrodée, percée en tous sens , le moindre attouchement la réduiten poudre, les trous qu’on y aperçoit , sont les cellules des parties blanches , ou pierre calcaire ; on y découvre des vestiges des parties colorées en vert ou en noir , mais elles sont devenues si friables , quelles se pul- vérisent sous les doigts.

Tome IL

G

B X A M E N

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Cette matière insoluble , considérée à la loupe , ne paroi t qu’un amas confus qu’il n’est pas aisé de définir ; mais quoi- que dans cet échantillon je trouve de la difficulté à lui assigner la place qu’elle doit occuper dans l’ordre de nos connoissances lithologiques, je pense, et ceci sera dé- montré dans un instant, qu’elle doit être rangée avec les pierres que les naturalistes appelent argileuses , et notamment avec le talc connu sous le nom de craie de Briançon.

En examinant soigneusement cette ma- tière , j’y ai découvert une pierre ver- dâtre , de la forme et de la grosseur d’un petit grain de café , sur laquelle l’acide nitreux n’a point eu d’action ; c’est , à ce qu’il me semble , un petit fragment de talc pur qui a conservé sa contexture, sa cou- leur verdâtre et sa transparence.

Il en est tout autrement des parties colorées en noir qui , à la vérité , ont conservé leur forme et leur couleur 5 mais l’acide y ayant rencontré une substance sur laquelle il pouvoit agir, les a pénétrées et rendues friables.

La dissolution de la terre calcaire ayant

DES MARBRES d’ A UT U N. 99

été filtrée et précipitée en un seul temps par l’alkali fixe , a donné 5 gros 6 grains de terre calcaire un peu martiale ; ajou- tons les 2 gros 5 2 grains de matière inso- luble , nous aurons un total de 7 gros 58 grains, et la perte sera de \\ grains.

Ayant traité par l’acide nitreux une once du même marbre réduit en poudre fine, la dissolution de la partie calcaire a été achevée en moins de deux jours ; les ré- sultats ont été d’ailleurs les mêmes, à quel- cjues grains près.

Autre procédé par V acide vitriolique .

J’ai aussi traité 2 onces de ce marbre réduit en poudre , avec l’acide vitriolique, et , outre la sélénite , j’ai obtenu environ 3o grains de sel de Sedlitz pur et bien caractérisé , ce qui prouve démonstrati- vement que la terre qui sert de base à ce sel , se rencontre aussi dans notre vert- antique (1).

Les échantillons que j’avois reçus d’ Au- tun , étoient des fragmens de tablettes , de 5 , 6 et 9 lignes d’épaisseur ; ils n’é-

(1) Dans ce procédé on obtient la pellicule, couleur d’or , dont j’ai parlé.

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2 00 E X A M E N

toient pas d’un beau poli ; exposés a l’air ou enfouis pendant quinze siècles au moins , leur surface étoit altérée ; mais en les frottant sur un grès , je suis parvenu, en quelques minutes à faire reparoître leurs belles couleurs. En supposant que ces différens morceaux soient sortis origi- nairement de la même carrière, je dois faire observer qu’ils différoient entre eux à bien des égards. Dans les uns, les corps colorés en noir , en yert foncé , en vert obscur , sont les do min ans ; la matière qui leur sert d’excipient ou de ciment , se trouve alors en moindre quantité , tandis qu’elle domine dans d’autres. J’ai un de ces échantillons l’on voit une portion de marbre blanc d’un pouce de longueur sur 9 lignes d’épaisseur ; au lieu que dans les autres , le marbre blanc ne se rencontre qu’en petits fragmens : enfin , il en est de notre vert-antique comme de tous les mar- bres mixtes , on trouve rarement une ressemblance parfaite entre des tables tirées du même bloc.

L’examen chimique donne donc des variétés dans les produits , et on ren- contre dans un échantillon ce qu’on n’avoit

DES MARBRES d’ A U T U N. 101

pas trouvé dans un autre. J’en apporte pour preuve très- convaincante l’expérience suivante.

Un morceau de marbre vert-antique , qui pesoit 6 gros 66 grains , ayant été mis dans une suffisante quantité d’acide ni- treux , y perdit toute la terre calcaire qu’il contenoit , et se trouva réduit à 3 gros 1 5 grains.

Cette matière insoluble est dans un état bien différent de celui que nous avons remarqué dans la portion insoluble ob- tenue par le procédé dont j’ai rendu compte au commencement de cet article? là, c’étoit un amas pulvérulent, confus, peu ou point caractérisé ; ici , c’est un amas de petits cristaux réguliers qui n’adhèrent les uns aux autres que très- foiblement , ne se touchant , pour ainsi dire , que par un point ; ils laissent en- tre eux les interstices que remplissoit la terre calcaire , enlevée par l’acide de nitre.

Ce morceau qui offre à la loupe une de ces raretés dignes de tenir une place dans un cabinet d’histoire naturelle , me paroît très- propre à confirmer ce que j’ai avancé

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102 EXA3MEW

touchant le schiste qui formait les cloisons des cellules que nous avons remarquées en examinant le second marbre d’Autun. Mais ce qui n’est pas moins intéressant , c'est que ce même morceau peut servir à nous bien faire connoître la nature tal- queuse de la matière insoluble , qui con- court avec la terre calcaire à former notre marbre, et lui donne les belles couleurs qui l’ont fait autrefois et le font encore rechercher.

Au reste , la quantité de pierre talqueuse que contient le marbre vert-antique, la portion de terre sedlicienne qui s’y ren- contre , le rapprochent , à la vérité , des serpentines ollaires ; mais la terre calcaire y étant la dominante , nous sommes forcés de lui conserver sa dénomination.

I

Examen d’un cinquième m^arbre.

J’ai examiné un autre marbre vert venu d’Autun , qu’on m’avoit désigné sous le nom de Vert- Africain , et j’en ai retiré par once jusqu’à 4 gros 7 grains de matière insoluble, 5 gros 22 grains de terre calcaire colorée par un peu de fer. Si on le vitrio- lise , pellicule couleur d’or se manifeste,

s

DES MARBRES D A U T U X. lo3

et on retire quelques cristaux d’alun et un peu de vitriol martial.

D’après ces expériences , qui toutes ont été faites sur des marbres verts, il me sem- ble qu’on ne peut ranger les pierres de ce nom , que dans la classe des marbres mixtes ; et en effet, cette espèce est si éloignée de celle que j’ai appelée pure , que la plupart de ceux que j’ai examinés pourroient être aussi bien placés dans les schistes que dans les marbres.

Mais de tous les marbres ceux que la couleur verte caractérise , seroient-ils les seuls qui se feroient distinguer par un mélange de terre schisteuse et de terre calcaire ? Non , sans doute , et il me reste à en présenter deux autres aux naturalistes, l’un de copieur rouge , qui ne peut être placé qu’avec les marbres mixtes , l’autre de couleur noire , qui doit être rejeté même de la classe des marbres.

Examen cT un marbre rouge envoyé d’Autun .

Ce marbre qui est d’une belle couleur rouge , nuancée de différentes teintes , faisoit partie de ceux que j’avois reçus

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EXAMEN

io4

d’Autun , et étoit désigné sous le nom de Griotte.

Exposé en masse au poids d’une once , à l’action de l’acide nitreux , il a fallu près d’un mois pour opérer la dissolution de toute la partie calcaire, et les produits ont été :

i°. Schiste couleur de lie de vin. 2 gros 5 grains.

2°. Terre martiale 8 grains.

3°. Terre calcaire pure. ... 5 gros 23 grains.

Total . . . 7 gros 36 grains.

Perte 36 grains.

Si on réduit ce marbre en poudre line , et qu’on l’expose en cet état dans l’acide nitreux , la dissolution de la terre calcaire se fait en peu de temps , la portion inso- luble ou schisteuse étant alors très-divisée est d’une belle couleur de lilas, les pro- duits sont d’ailleurs les mêmes que ceux de l’autre procédé.

Enfin , ce marbre rouge contient aussi un peu de cette terre qui sert de base au sel de Sedlitz 5 j’en ai vitriolisé une once, et j’ai obtenu 9 à 10 grains de ce sel en cristaux bien caractérisés.

CES MARBRES d’ A U T U N. lo5

Examen d’une pierre envoyée d* A utun ,

sous le nom de Marbre noir antique.

En supposant que les Pvomains ont em- ployé dans leurs édifices la pierre dont je vais parler , on peut dire que leurs archi- tectes mettoient en usage toutes celles qui par leur couleur pouvoient contribuer à la décoration des monurnens qu’ils étoient chargés d’élever.

Celle-ci ayant de la disposition à se sé- parer par couche, lorsqu’on essaie de la rompre , pouvoit d’avance être placée dans la classe des pierres scissiles ou schis-

i

teuses.

Elle est , à volume égal , beaucoup moins pesante que les marbres , et quoi- qu’elle n’ait pas leur dureté, elle ne laisse pas d’être susceptible d’un beau poli , et alors elle est d’un beau noir ; si, au con- traire , on la considère dans ses fractures , la couleur noire est matte ; son grain n’a d’ailleurs aucun rapport avec celui des , marbres proprement dits.

Si on échauffe cette pierre, soit en la frottant , soit en la pilant , elle répand une odeur de bitume.

io6 E X A M E N

Si on en met un petit morceau sur des charbons ardens , il s’en élève une fumée bitumineuse , et bientôt il s’enflamme.

Si on en pulvérise une demi-once , et qu’on la fasse digérer avec de l’esprit-de- vin. , celui-ci se colore et acquiert la pro- priété de blanchir avec l’eau.

J’en ai traité 2 onces dans les vaisseaux

T

fermés, et j’en ai retiré environ un gros et demi d’huile et de phlegme.

Ce qui étoit resté dans la cornue ne pesoit plus qu’une once 5 gros 24 grains; il s’en étoit donc échappé environ 4 5 grains d’air (1).

J’en ai soumis à l’action de l’acide ni- treux une once réduite en poudre , et par la précipitation j’en ai retiré 4 h 5

(1) Cette matière charbonneuse, restée dans la retorte , quoique friable , a conservé une certaine dureté qui la rend propre à former sur le papier des traits d’un beau noir ; il seroit possible de faire avec cette pierre de bons crayons , en en traitant au feu et dans des vaisseaux fermés des morceaux d’une cer- taine grosseur , qu’il seroit alors facile de débiter à la scie : peut-être seroit-il avantageux pour les dessina- teurs d’en retrouver la carrière qui pourroit fort bien se trouver dans les environs d’Autun , ou du moins dans le Morvan.

DES MARBRES d’aUTUN. 10J

grains de fer et un gros 3i grains de terre calcaire.

La portion insoluble pesoit 6 gros 29 grains.

Enfin , j’ai yitriolisé une once de cette même pierre, et par cette opération, j’ai non-seulernent converti en sélénite gyp- seuse tout ce qui s’y trouvoit de terre cal- caire , mais encore j’ai obtenu par cristal- lisation 42 grains d’alun , q.3 grains de vitriol martial, enfin les dernières portions de liqueur ont donné quelques cristaux de sel de Sedlitz.

Cette somme d’expériences est plus que suffisante pour faire rejeter la pierre dont je viens de parler de la classe des marbres mixtes , sa vraie place devant être avec les bitumes, ou du moins avec les schistes bitumineux.

io8

EXAMEN

TROISIÈME PARTIE.

Examen de la serpentine d’ Allemagne > du Limousin , et de la stcatite de Corse.

M argraff, dont la réputation est si bien établie et si justement méritée , a fait des recherches sur la serpentine , et il y a trouvé en abondance la terre qui fait la base du sel cathartique amer. Il l’a égale- ment rencontrée dans la pierre néphréti- que, dans la pierre de Lard, dans l’amiante, dans le talc et dans le sel marin à base terreuse ; enfin , ce chimiste a combiné cette même base de différentes manières , dans la vue d’en constater les propriétés.

J’ai répété les expériences de Margraff , elles sont toutes vraies (1) ; mais comme son but n’étoit pas , ou du moins ne paroît pas avoir été de faire une analyse , il s’en est tenu , à l’égard de la serpentine et des autres pierres, à des procédés purement halotecniques , dont il a même négligé de fixer les résultats.

(1) J’en excepterai pourtant une dans la suite , sur laquelle j’ai môme plus que du doute.

I? E LA SERPENTINE. 109

Dans le dessein j’étois de suivre le travail que j’ai entrepris sur les marbres et sur d’autres pierres , qu on a souvent con- fondues avec les marbres , j’ai cru devoir suppléer à ce qui me paroissoit manquer dans l’ouvrage de Margraff, quelqu’inté- ressant qu’il soit d’ailleurs , et ce supplé- ment est l’objet du mémoire que je publie aujourd’hui.

La serpentine sur laquelle j’ai travaillé , est cette pierre opaque , de couleur verte obscure et différemment nuancée , qu’on nous apporte d’Allemagne sous la forme de pots, de boîtes , d’écritoires , de mor- tiers, etc. et dont on trouve aussi des car- rières en France.

t

Cette pierre , qui est susceptible du poli , se travaille aisément sur le tour, et les ouvrages qu’on en fait , principalement les mortiers, sont d’un grand débit on les emploie communément dans les labora- toires allemands. Le bon marché de cette sorte d’ustensile , m’a paru être la seule cause du grand usage que j’en ai vu faire au-delà du Rhin ; en France on les a re- jetés ; ils sont trop tendres , et , quelle que soit la différence du prix, nous leur préfé-

ïiO EXAMEN

rons , avec juste raison , les mortiers de marbre, de porcelaine et de verre.

Mais si la facilité d’être corrodée rend la serpentine peu propre aux usages aux- quels l’art prétend l’amener , en en faisant sans peine des mortiers de diverses gran- deurs, il faut convenir que sa composition naturelle n’en mérite pas moins d’être connue. J’ose même croire que la curiosité des chimistes sera piquée au point de re- commencer quelque jour mon travail, et de le rendre meilleur 5 il étoit fait, lors- qu’en 1775 , Costel , qui s’occupoit de traduire la dissertation de Margraff, m’en parla et mêla communiqua. Je n 'étais plus le premier qui eût traité cette matière ; mais il étoit encore flatteur pour moi de marcher sur les pas de Margraff, j’ai refait mon mémoire , en tâchant de rendre à ce chimiste toute la justice qu’il méritoit , et en évitant avec soin de me mettre à sa place.

Effet du feu sur la serpentine df Allema- gne , traitée dans les vaisseaux fermés .

La serpentine , soit celle qu’on nous apporte d’Allemagne , soit celle du Limon-

de la serpentine. 111

sin, n’est pas spécifiquement fort pesante, et à n’en juger qu’à la main , son poids est de beaucoup inférieur à celui du marbre , ce qui devoit faire conjecturer qu’elle ne contenoit point de gaz ; pour m’en assu- rer , j’ai pulvérisé grossièrement 4 onces de celle qui nous vient d’Allemagne, et je les ai soumises à la distillation pneuma- tique. La retorte a été tenue dans l’embra- sement pendit une heure au moins , sans que l’eau du récipient se soit déprimée de plus d’un degré ; chaque degré de l’échelle représentant \ onces d’eau.

Convaincu par ce simple essai , que la serpentine ne donnoit point , ou du moins ne donnoit que fort peu de gaz , je séparai le récipient pneumatique ; il s’étoit ras- semblé dans la boule du conducteur une quantité d’eau remarquable ; on voyoit encore une vapeur aqueuse s’élever de la retorte au bec de laquelle il se forma bien- tôt une goutte de liqueur qui, reçue sur. le doigt et portée sur la langue, y impri- moit une sensation acide ; une autre goutte reçue sur du papier bleu , en changea la couleur en rouge.

Voulant tirer parti de cette expérience.

/

113 EXAMEN

/

toute imparfaite qu’elle étoit , je reçus clans un verre les sept ou huit gouttes qui succédèrent aux deux précédentes ; elles furent délayées dans deux dragmes d’eau distillée , dans laquelle il avoit été mis une très - petite quantité de dissolution d’argent.

Il se fit sur-le-champ un coagulum blanc et grumelé ; on sait que ces accidens an- noncent l’action de l’acide marin sur l’ar- gent ; mais comme , en fait d'expériences chimiques, ce seroit une négligence impar- donnable de ne pas employer des moyens plus certains que celui dont je viens de rendre compte, je crus devoir recommencer la distillation de la serpentine , en adaptant à la retorte un récipient ordinaire.

Dans cette opération , 6 onces de serpen- tine d’Allemagne pulvérisée , ont donné 5 gros 62 grains d’eau aigrelette , qui avoit une odeur terreuse. La matière restée dans la cornue avoit perdu un huitième de son poids , ne pesant plus que 5 onces 2, gros ; ce qui, à 12, grains près , faisoit la pesan- teur de l’eau acidulé qui s’étoit trouvée dans le récipient.

Au reste, la serpentine ainsi distillée,

perd

DE L A SERPENTINE. Il3

perd la couleur ardoisée que lui donne la pulvérisation ; elle prend un œil rougeâtre.

Il falloit, par un procédé qui ne laissât aucun doute, constater la nature de l’acide qui avoit passé dans la distillation ; je me déterminai pour celui-ci , comme le plus simple et le plus sûr.

Je lis tomber , au moyen d’une paille , quelques petites gouttes d’alkali pur, dans les 5 gros 62 grains d’eau acidulé, qui dans le moment cessa d’altérer la couleur du papier bleu ; la liqueur ayant été , au moyen d’une douce chaleur, rapprochée jusqu’à ne pas excéder le volume d’une dragme d’eau commune , fut mise dans un verre de montre et abandonnée à l’évaporation spontanée ) en moins de cinq jours, il se forma des cristaux de sel marin très dis- tincts et très-bien caractérisés.

Ces expériences ont été répétées jusqu’à quatre fois , sur différens échantillons de serpentine d’Allemagne , et toujours avec le meme succès, c’est-à-dire, que cette pierre a constamment donné , à peu de chose près, un huitième de son poids d’eau acidulée par une petite quantité d’esprit de sel marin.

Tonie II. Jl

Il 4 EXAMEN

Memes expériences faites sur la serpentine du Limousin .

Desmarest ayant fait connoître , il y a quelques années , la serpentine qui se trouve dans cette province, je me contenterai de dire ici , que cette pierre est si ressem- blante par son extérieur à celle qui nous vient d’Allemagne , qu’il étoit facile de conclure qu’elle donneroità la distillation les mêmes résultats , et c’est en effet ce qui est arrivé ; car ayant traité 6 onces de cette serpentine , comme je venois de traiter celle d'Allemagne , j’en ai retiré 5 gros 6a grains d’eau légèrement acide qui, saturée d’un peu d’alkali , s’est convertie en cristaux cubiques.

Mêmes expériences sur la stéatite de

Corse,

Les naturalistes qui ont vu cette pierre lui donnent quelquefois ie nom de serpen- tine , et certainement l’erreur n’est pas grande ; car, quoiqu’elle diffère à bien des égards des serpentines du Limousin et d’Allemagne , elle s’en rapproche cepen- dant assez pour qu’on puisse , au moins ,

t

T> E T, A serpentine. il 5

la placer à coté de ces dernières. Les prin- cipales qualités par lesquelles elle en diffère, sont, i°. sa couleur qui est uniformément d’un vert tendre , approchant de celui du jade ; 2°. sa demi-transparence 5 3°. elle est plus tendre et beaucoup plus douce au toucher que les serpentines proprement dites , dont elle diffère encore chimique- ment en ce que , traitée au feu dans les vaisseaux distillatoires , elle donne, à la vérité , de l’eau , mais sans aucun signe d’acidité , ce qui va être démontré par l’expérience suivante. Sa couleur ne s’al- tère pas au degré de feu qu’on emploie pour en faire distiller l’eau qu’elle contient; mais sa demi-transparence y diminue sen- siblement.

Ayant soumis à la distillation 5 onces de cette pierre réduite en poudre grossière, il a passé dans le récipient 2 gros 5o grains d’eau , qui n’a voit point la propriété d’al- térer la couleur du papier bleu; la dernière goutte , celie qui auroit contenir l’acide le plus concentré , ayant été absorbée par un petit morceau de ce même papier , n’y apporta aucun changement.

La stéatite de Corse 11e contenant pas

II 2

\

E X A Ivl E N

1 16

d’acide marin , diffère essentiellement des serpentines dont nous avons parlé , et dans lesquelles il seroit , sans doute, intéressant de découvrir comment cet acide est com- biné. Est- ce avec le fer, avec la base du sel cathartique amer , ou avec la terre ar- gileuse , dont nous démontrerons dans un instant l’existence dans cette espèce de pierre ? ou bien y est-il étranger à sa com- position , ainsi qu’on peut le présumer ? Car enfin , l’expérience nous apprend qu’il n’est pas d’eau de pluie , de neige ou de source qui ne contienne du sel marin ; nous savons aussi que toutes les pierres , dont les couches superficielles du globe sont formées , ont été faites sous l’eau (1) ; une autre vérité, c’est que les corps , en passant de l’état pulvérulent ou terreux à l’état solide ou pierreux , se combinent avec une portion du liquide dans lequel ils prennent une nouvelle forme , ou ce qui est la même chose , dans lequel ils cris- tallisent.

Or ce liquide , cette eau est toujours imprégnée de quelques particules salines-

(i) A l’exception toutefois de celles qui sont l’ou» vrage des volcans.

DE L A SERPENTINE.

marines, qui à raison de leur petite quan- tité, ne mettent point obstacle à la pétri- fication.

On sait, d’un autre côté, que les pierres , sur-tout celles qui n’ont pas une très-grande dureté , sont toujours humectées tant qu’elles demeurent dans le sein de la terre : cette humidité , cette eau dont elles sont pénétrées , vient-elle à s’exhaler ? les nio* lécules salines répandues dans toute la masse , y restent fixées sans subir de com- binaison.

Telles , sans doute , peuvent être les causes de l’existence du sel marin , ou do son acide dans nos serpentines ; mais, en ce cas , on pourroit dire que ce sel est un corps étranger à la pierre on le trouve. Tout cela mériteroit bien d’être discuté , non par des discours , mais par de bonnes expériences ; car , je le répète , il seroit très-intéressant de connoître la manière d’être de l’acide marin dans les serpen- tines , de savoir enfin quel rôle il y joue.

Effet de l’acide nitreux sur la serpentine

En traitant la serpentine par l’acide ni- treux , soit qu’on l’ait pulvérisée , soh;

H 3

1

llS EXAMEN

qu’on l’ait simplement concassée , on n’a- perçoit qu’un mouvement léger : la disso- lution s’en fait très - lentement , et elle demande beaucoup de temps si on veut épuiser la pierre de tout ce qu’elle contient cle soluble. Lorsqu on y est parvenu , on trouve qu’une once de cette pierre contient 4 gros 16 grains de matière inso- luble ,

24 grains de fer par une première précipitation de la liqueur,

3 gros 8 grains d’une terre par- faitement blanche , qu’on obtient par une seconde précipitation.

Total 7 gros 48 grains.

Perte .... 24 grains (1) enfin , si on sature d’acide vitriolique les

(1) Nous savons déjà qu’une once de serpentine donne à la distillation un gros d’eau légèrement acide ; la perte qui ne paroît ici que de 24 grains , devroit donc être d’un gros au moins ; car enfin , on perd réellement quelque cliose dans le travail; mais notre étonnement cessera lorsque nous saurons que cette terre blanche , obtenue par la seconde précipita- tion , est la terre qui sert de base au sel de Sedlitz$ or , on sait combien cette même terre absorbe d’air lorsqu’on la précipite par un alkali.

DE L A. SERPENTINE.

3 gros 8 grains de terre blanche, on aura près de 12 gros d’un sel semblable en tout point à celui qu’on nous vend sous le nom de sel de Sedlitz (1).

Si au lieu de faire la précipitation de la liqueur avec 1 alkali fixe , 011 veut , au contraire, la concentrer au point requis , ainsi que je 1 ai fait plusieurs fois , on obtiendra des cristaux de nitre à base de sel cathai tique amer , rjui , au premier coup-d’œii , pourroient être pris pour du nitre ordinaire $ mais si on est parvenu à se procurer une cristallisation bien carac- térisée , on remarquera qu’ils ont encore plus de conformité avec les cristaux de sel amer, qu’avec ceux du salpêtre ; au reste , ce s cristaux sont déliquescents.

Margraff , qui a fait avant moi ces cris- taux , en saturant d acide nitreux la terre qu’il avoit précipitée par l’alkali fixe , ou du sel de Sedlitz ou du sel marin à base terreuse , a remarqué que ce sel fus oit sur le charbon , ce qui l’induit à conclure que

(1) Cette quantité de sel ne doit pas surprendre , cette terre absorbe à peu-près poids égal d’acide vi- triolique; d’où il résulte un sel qui , en cristallisant , prend à son tour son poids d’eau.

II 4

Î20 E X A M E W

cette terre saturée d’acide nitreux forme une sorte de nitre qui détone malgré sa propriété déliquescente.

De toutes les expériences faites par Mar- graff sur la serpentine , et consignées dans un mémoire , dont la traduction de Costel paroîtra incessamment, celle-ci estla seule sur laquelle je suis en contradiction avec ce célèbre chimiste.

En saturant avec l’acide nitreux la terre précipitée par l’alkali fixe , soit du sel de Sedlitz , soit du sel marin à base terreuse , soit même du nitre à base de sel de Sed- Htz , j’ai , à la vérité , obtenu quelquefois des cristaux qui fusoient légèrement sur les charbons $ mais je n’en obtins jamais de tels , en saturant l'acide de nitre avec cette même terre prise immédiatement dans les serpentines de France ou d’Alle- magne ; d’où je conclus que cette terre précipitée d’un acide quelconque par un alkali fixe , peut fort bien retenir une por- tion du précipitant que les lavages n’em- portent pas toujours, et que c’est à cette portion d’alkali qu’on doit attribuer la cause de la détonation que Margraff a remarquée dans cette espèce de nitre.

DE E A SERPENTINE.'

121

"Effet de V acide nitreux sur la serpentine du Limousin y et sur la stéatite de Corse .

Je ne m’arrêterai pas sur les effets de l’acide nitreux, appliqué à la serpentine du Limousin : qu’il suffise de faire observer que tout se passe avec celle-ci, comme avec celle d’Allemagne , et qu’à des différences peu importantes , concernant les quantités, les résultats sont toujours les memes.

A l’égard de la stéatite de Corse (1) , je dois entrer dans quelques détails qui me paroissent devoir intéresser les chimistes et ceux des naturalistes qui s’attachent d’une manière particulière à l’étude des minéraux. L’acide nitreux , versé sur la stéatite de Corse , soit pulvérisée , soit en masse , n’y agit que fort lentement , et le mouvement de la dissolution est très-in- sensible.

On m’avoit donné un morceau de cette

(i ) Je n’avois alors , en 1 77-5 , que Je foibles échan- till ons Je cette stéatite. J’en ai fait venir de Corse, en 1776, une quantité nécessaire aux expériences que fai été obligé Je faire pour bien conncitre la compo- sition Je cette pierre.

123 EXAMEN

pierre taillée en cassolette de pipe , dont le poids étoit de 2 gros et demi , sa couleur étoit uniformément verte 5 il avoit de la transparence.

Cette cassolette ayant resté pendant trois mois dans l’acide nitreux foible , n’a souf- fert aucune altération dans sa forme , mais la couleur verte a disparu ; elle est devenue blanche au point d’être facilement prise pour une pipe ordinaire ; enfin, cet échan- tillon qui a acquis la propriété de s’attacher à la langue, ne pèse plus qu’un gros 61 grains.

L’acide nitreux étoit saturé, et s’est con- verti , après une évaporation convenable , en cristaux de nitre à base de sel amer, salis par un peu de nitre martial et alumi- neux ; au reste , ce nitre n-’avoit pas la pro- priété de fuser sur les charbons , ainsi que ■je l’ai dit plus haut , mais il avoit celle de tomber assez vite en déliquiuin.

Effet de V acide vitriolique sur la serpen~ tins d' Allemagne.

La vitriolisation de cette pierre se fait aisément , et quelle que soit la manière de

DE LA SERPENTINE. 123

lui appliquer l’acide vitriolique , on remplit également son but (1).

J’en ai vitriolisé de toutes les maniérés , et toutes les fois que la pierre aété épuisée, j’ai toujours eu , à très-peu de différence près , les mêmes résultats.

Ayant soumis à l’action de l’acide de vitriol 4 onces de serpentine d’Allemagne , cassée en petits morceaux , j’en ai retiré , lorsque la pierre a été épuisée , 2 onces 1 gros 18 grains de matière insoluble, dont une portion en poudre grise , pesoit 3 gros, et l’autre , qui étoit sous la forme de menu gravier, mais qui avoit conservé la couleur qu’a naturellement la serpentine , pesoit une once 6 gros 18 grains.

La dissolution et les lotions filtrées et évaporées , il s’en est séparé au premier feu î/f. grains de fer , sous la forme d’une terre ocreuse , et par différentes cristal- lisations , il en a été retiré 6 onces 5 gros

(1) J’en excepterois cependant volontiers la manière adoptée par Margraff , qui est trop embarrassante à raison de la quantité surabondante d’huile de vitriol qu’il emploie , et dont il est très- difficile de priver le sel , lorsqu’on veut l’amener au point de perfection requis.

E X A M EN

12^

de sel cathartique amer , dont la couleur/ naturellement blanche , étoit altérée par une teinte verte 5 son goût étoit aussi légè- rement ferrugineux , mais en le faisant dissoudre de nouveau , et en y versant quelques gouttes d’alkali fixe , on en pré- cipite entièrement le fer , dont on se dé- barrasse au moyen du filtre , et par une nouvelle cristallisation , on obtient un sel très-pur , et bien supérieur en beauté à celui du commerce.

Les 4 onces de serpentine employées , paroissent donc avoir fourni à l’acide vi- triolique une once 5 gros 5/\ grains de base pour former les 6 onces 5 gros de sel $ je dis , paroissent avoir fourni , parce que nous savons que la serpentine perd au feu un huitième de son poids en substances , qu’on ne peut pas soupçonner de concourir à la formation du sel cathartique amer.

Or , 4 onces de serpentine crue ne repré- sentant que 3 onces et demie de la même pierre calcinée , il résulte qu’elle n’a pu donner à l’acide de vitriol qu’une once 2 gros 54 grains de base , pour former avec lui les 6 onces 5 gros de sel amer , obtenu par le procédé dont je parle, et pour lequel

DE LA SERPENTINE. 1 9.5

il a été employée de 17 à 18 gros d’iiuile de vitriol du commerce (1).

(j) J’ai insisté sur le calcul, pour prouver qu’au besoin, un artiste qui seroit à portée d’avoir la ser- pentine sans frais, pourroit, même en suivant mon procédé qui n’est pas très-dispendieux , se procurer à bon compte un sel que nous tirons de l’étranger , et dont nous faisons un grand usage j car il 11e faut pas s’y tromper , d’un bout du royaume à l’autre , on n’em- ploie pour sel cathartique amer , que celui qui nous vient d’Angleterre sous le faux nom de sel d’Epsom ; il n’est pas pur 5 n’importe, son bas prix l’a rendu d’un usage commun par toute la France, la seule ville de Paris excepté, où, par une erreur dans le mot et dans la chose , on donne au public , pour sel d’Epsom , du sel de Glauber qu’on prépare dans une des salines de la Franche-Comté.

Celui qu’on nous apporte sous le nom de Sedlitz en Bohême , est le sel cathartique amer dans toute sa pureté ; il se vend plus cher que celui qu’on dé- signe par le nom d’Epsom ; et cela doit être, puisque leur examen m’a appris que celui de Sedlitz étoit du sel cathartique amer pur , et que celui d’Angleterre étoit, au contraire, un mélange de sel marin ordi- naire, de sel marin à base terreuse , et de sel cathar-

tique amer proprement dit. Or , il est facile de séparer ce dernier par la cristallisation , ce qui me fait présumer que les sels de Sedlitz et d’Epsom pour- voient fort bien sortir de la même fabrique , ou du

/

ÎSÔ

E X A M £ N

Effet de V acide vitriolique sur la serpen- tine du Limousin»

La serpentine du Limousin se vitriolise également bien 5 si on en casse par petits morceaux une certaine quantité, et qu’on les arrose d’acide de vitriol , on ne tarde pas à les voir se couvrir d’efflorescences qui deviennent de jour en jour plus épais- ses : ils se gercent , ils se fendent , et finissent par se réduire en menu gravier.

moins , être préparés en Angleterre et en Bohême , par un procédé commun.

Quoi qu’il en soit, cette branche de commerce , qui est certainement à charge à l’état , ne pourroit- elle pas exciter quelques-uns de nos compatriotes à établir en France une fabrique d’un sel que nous tirons de l’étranger par centaines de milliers? Nous en avons déjà une de sel de Glauber , dont l’usage est bien moins étendu, et dont le plus grand débit se fait à Paris sous un nom emprunté.

Le procédé que j’ai adopté pour vitrioliser la ser- pentine d’Allemagne et celle du Limousin , est pure- ment analytique. Je ne le propose donc pas comme un moyen à suivre dans une fabrique , l’on vou- drait préparer en grand un sel qui se vend à peine 4o livres le quintal.

DE LA SERPENTINE. lïj

J'en ai vitriosé 3 onces de cette manière , et j’en ai retiré

1 once 6 gros S/\ grains de matière in- soluble ,

22 grains cle terre martiale ,

4onces 7 grosclesel cathartique amer pur. On voit par cette expérience combien est grand le rapport qui se trouve entre la serpentine du Limousin et celle d’Alle- magne : les quantités de matières solubles et insolubles sont à peu de chose près les mêmes , au point qu’on pourroit les re- garder Tune et l’autre comme tirées d’une même carrière , si on n’étoit pas sûr du contraire.

Effet de l acide vitrioliqiie sur la stéatite

de Corse .

En traitant de la manière indiquée 3 onces de stéatite de Corse qui se vitriolise également bien, j’en ai retiré

i once 7 gros n grains de matière insoluble ,

19 grains de terre martiale ,

5 onces 1 gros de sel cathartique amer ,

mélangé de beaucoup d’alun et d’une

*

petite quantité de vitriol martial ; en sorte

ï 28 EXAMEN

que la stéatite de Corse , qui , comme nous l’avons déjà vu , diffère à tant d'égards des serpentines , a pourtant de commun avec elles , de contenir à-peu* près le tiers de matière soluble dans l’acide vitriolique ; matière qui sert cependant encore à établir une nouvelle différence entre notre stéatite et les serpentines , puisque ces dernières ne contiennent point de terre d’alun , tandis que l’autre en contient beaucoup.

Résultat de R analyse des serpentines du.

Limousin et d’ Aile magne .

D’après les expériences qui viennent d’être rapportées , et d’après beaucoup d’autres qu’il importe peu de faire con- noître , on ne s’éloignera pas trop de la vérité , si on se représente les serpentines qui ont été le sujet de mon travail, comme des pierres composées de

H’ de petits cristaux talqueux,

4V de terre argileuse , di de fer ,

ït de la terre qui sert de base au sel amer ,

~ d’eau,

Et

1

de la serpentine. l2ÿ

Lt une très - petite quantité d’acicle marin.

Quant a la steatite de Corse , j’aurois bien désiré de fixer au juste les propor- tions daiun et de sel amer, retirés par la vitriolisation ; mais je n’ai pu y parvenir, la cristallisation n’ayant pas été un moyen suffisant. J ai , a la vérité , obtenu jusqu’à 4 gros d’alun pur et bien cristallisé , et à- peu-près autant de cristaux de sel amer ; mais le gros de la masse saline a constam- ment refusé de cristalliser distinctement: cependant, en examinant la chose de pies , je crois pouvoir assurer qu’au total ,

1 alun n est pas le sel dominant , et que le sel amer 1 emporte de beaucoup sur lui.

Des différentes terres qui concourent à former la serpentine,

Margraff croit que la terre insoluble qui se trouve dans la serpentine, est une terre vitrifia b le, qui ne peut en conséquence être rangée dans la classe des pierres argileuses et il établit son opinion, jo. sur ce que 1 ayant traitée au feu avec de l’alkali , elle s est vitrifiée et a formé un verre transpa-

Tome II, t

examen

n

1 OO

rent , mais coloré à raison du fer qui s’y rencontre ; 2,0. sur ce que cette même terre 11e contient pas la base de l’alun , ce qui , selon lui et plusieurs autres chi- mistes , est un des principaux caractères des argiles.

Je suis bien éloigné de vouloir contre- dire Margraff, ni aucun de ceux qui tiennent à cette dernière opinion , que plusieurs expériences m’empêchent d’a- dopter ÿ je comtois en effet des terres argileuses qui ne contiennent pas la base d’alun , mais celle du sel cathartique amer : j’en citerai bientôt un exemple.

Quant à la vitrescibilité de la terre inso- luble que nous avons séparée de nos ser- pentines , Margraff l’ayant traitée avec l’alkali fixe , je dis qu’il y a des pierres qui , par le même moyen , se changent en verre , sans que pour cela on soit dans l’habitude de les ranger dans la classe des pierres vitrescibles proprement dites.

Ayant pendant l’été de 1772 exposé 4 onces de serpentine d’Allemagne cassée en petits morceaux, à l’action spontanée de l’acide vitriolique, et la matière insoluble

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DE LA SERPENTINE. ]3x

ayant été épuisée, il en a été retiré 3 gros d’une terre fine et légère de couleur grise tirant un peu sur le jaune , et une once 6 gros d’une autre substance , qui étoit sous la forme de menu gravier , dans le- quel on distinguoit des grains blancs et cristallins ; les autres paroissoient opaques; mais vus au microscope , ce sont autant de cristaux , dont la transparence est ternie par une légère portion de la pre- mière terre.

Ces grains, dont quelques-uns sont gros comme des lentilles , n’ont pas plus de dureté que le talc ou craie de Briançon , dans la classe duquel je les rangerai , sauf 1 autorité de Margraff ; car enfin , ces petites pierres cristallines ne sont ici avec aucun des caractères du quartz , du

feldspath , encore moins du caillou ou silex.

La propriété qu’a la serpentine d’être facilement travaillée sur le tour, en est une preuve complète ; et en effet , quel instrument destiné à travailler une pierre tendre pourroit résister à des grains de quartz ou de silex disséminés dans cette même pierre ? Quelle seroit la main qui

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EXAMEN

pourroit soutenir les chocs qu’occasion- neroit , dans le travail d’une pareille ma- tière , le mouvement rapide d'une roue mise en action ou par des bras vigou- reux , ou ce qui est encore plus probable , par une chute d’eau ? Tout me porte donc à conclure , que la partie qui ré- siste aux acides dans les serpentines (1) est composée de deux substances ; je regarde la poudre fine comme de l’argile, et les grains cristallins comme du talc , sorte de pierre qui peut être vitrifiée en la fon- dant avec le sel alkali , ainsi qu’on peut le voir dans la Lithogéognosie de Pott.

A l’égard de cette autre terre qui , unie à l’acide vitriolique , forme le sel cathar- tique amer , je crois , avec Margraff , qu’elle est nouvelle pour nous, et de plus, que c’est faute de l’avoir connue que le célèbre Pott soutint toujours, que la base du sel marin n’étoit point un alkali , mais nue terre , et que d’autres chimistes très- savans ont si souvent confondu le sel de Glanber avec le sel amer , erreur dont on n’est pas encore tout-à-fait revenu.

(1) Et même clans la stéatite de Corse, dont la partie insoluble est aussi sous deux formes différentes.

de i a serpentine. ï33

Cette terre ne peut donc être mise dans aucune classe connue , et ainsi que la base de l’alun , elle doit être regardée comme une terre d’un genre particulier ; car , quoiqu’elle ne soit pas très - abondante dans le globe , comparaison faite avec la calcaire, l’argileuse et la vitrescible , elle ne laisse cependant pas que de s’y rencon- trer fréquemment ; les serpentines en contiennent , à peu de chose près , le tiers de leur poids : les stéatites , ainsi que nous l’ayons vu dans' celle de Corse, en con- tiennent une quantité remarquable ; on la trouve encore dans bien d’autres subs- tances 5 j’en ferai connoître quelques-unes dans un instant , et par la suite j’en dé- montrerai l’existence dans des pierres on est bien éloigné de la soupçonner ; enfin , et cette quantité n’est certainement pas petite , Margraff a découvert qu’elle faisoit la base de tout le sel marin déli- quescent qui se rencontre dans la mer et dans les puits salans } ce qui peut nous induire à croire que le sel marin déliques- cent , qui fait partie de l’eau-mère du sal- pêtre , a pour base cette même terre 5 on. sait que ces eaux-mères donnent, par la

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examen

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précipitation avec l’alkali, une pondre blanche qui est un mélange de terre cal- caire et de terre base du sel amer.

Voici quelques unes de ses propriétés distinctives ; elle forme, avec l’acide marin, un sel incristallisable et très-déliquescent; avec l’acide de nitre , un sel qui cristallise très- bien , quoiqu’il ait la propriété d’at- tirer l’humidité de l’air au point de se résoudre entièrement en liqueur ; avec l’acide vitriolique , elle forme un sel dont les cristaux ont assez de conformité avec ceux du sel de Glauber, pour avoir long- temps fait confondre ces deux sels par d’excellens chimistes (1).

Au reste , ce sel ne tombe pas en efflo- rescence il se ternit un peu, à la vérité ,

( i ) Ce sel est connu sous les différens noms d’Epsom , de Sedlitz , de Canal , de Glauber à base terreuse, et plus communément sous celui de sel car- thar tique amer : comme son usage a été jusqu’ici borné à la médecine , toutes ces dénominations n’ont pas un grand inconvénient ; on est , heureusement pour le public, habitué dans l’art pharmaceutique à connoître chaque médicament sous tous ces noms. Mais si on à pu, sans danger , donner différens noms à une même substance , il en a été tout autrement, lorsqu’on en a désigné plusieurs par une seule dénomination.

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DE LA SERTENTINE. l35

à sa superficie , lorsqu’on le laisse à l’air ; mais il faut, ainsi qu’à l’alun, un degré de chaleur assez fort pour lui faire perdre son eau de cristallisation, en cela très-dif- férent du sel de Glauber, qui la perd très- facilement à la température de l’atmos- phère.

Lorsque , par le moyen d’un alkali on précipite cette terre de quelqu’acide que ce soit , on l’obtient sous la forme d’une poudre blanche et légère , à laquelle on a donné , on ne sait trop pourquoi 9 le nom de magnésie {y).

(i) J’ai donne à cette meme terre le nom de base du sel cathartique amer , ou de Scdlitz. J’avoue que cette dénomination est un peu longue, mais au moins , elle sauve toute ambiguité. J’ai évité de l’appeler magnésie. Qu’est-ce, en effet, que de la magnésie? Que l’on consulte les livres vraiment chimiques : l’on verra à combien de substances ce nom a été donné. Chaque alchimiste avoit sa magnésie , et ce mot , dans leurs écrits , signifie quelque chose , ainsi que son étymologie le fait assez sentir.

Ces chercheurs de pierre philosophale , mettoient tout en œuvre pour arriver à leur but : en considérant les terres dont on avoit extrait le salpêtre , ils les en- visagèrent comme celles qui étoivnt les plus propres h attirer de l’air les principes constituans de ce sel ,

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EXAMEN*

v

Il est à observer que cette terre , lors de sa précipitation par un alkali, s’unit à celui-ci avec une facilité étonnante ; c’est au point , qu’en versant sur une dissolu- tion de sel cathartique amer pur , une quantité surabondante cl’alkali, on n’ob- tient pas de précipité ; Margraff a observé

le nom d’aimant on magnésie fut employé pour expri- mer cette propriété.

Dans la suite, on retira, au moyert de la calcina- tion ou de la précipitation , une terre blanche des eaux-mères du salpêtre , et on ne manqua pas de la regarder comme la terre qui contribuoit le plus à attirer de l’air l’acide nitreux 5 en conséquence , elle fut décorée du nom de magnésie , et l’est encore au- jourd’hui dans nos pharmacies.

Enfin , la manganèse dont on fait tant d’usage dans les verreries et les poteries , s’appelle aussi magnésie : Mapnesia sic dicta quia pondéré et colore magnetem refert j dit Merretj ou plutôt, comme dit Césalpin , quoniam in se liquoreni -vitri quoque , ut magnes ferrum , trahere creditur. Que d’erreurs dangereuses en médecine, et de conséquence pour les arts, ne peut donc pas occasionner le nom de magnésie, em- ployé pour désigner tant de substances si différentes entr’elles 5 erreurs que peut facilement introduire un nom donné très - improprement et très - nial-adroite- ment , à la terre qui sert de base au sel cathartique

amer.

DE LA SERPENTINE. l37

ce phénomène en employant pour préci- pitant l’alkali volatil , et il a remarqué que la terre , ainsi dissoute , ne tardoit pas à se séparer de la liqueur sous la forme de •petits cristaux de sable très- fui , qu’il se propose d’examiner dans la suite ( i ). J’mnore si ce chimiste a continué ses re-

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cherches sur cet objet; mais sans vouloir le prévenir sur une matière qui lui est de- venue propre , je ne peux m’empêcher de dire , qu’ayant fait des précipitations de seJ amer pur , ou ce qui est la même chose , de sel de Sedlitz , avec tous les alkalis , j’ai obtenu les cristaux dont il parle , je suis même parvenu à m’en pro- curer d’assez gros, et j’ai remarqué qu’il est indifférent d’employer l’alkali minéral , végétal ou volatil , qui ne change en au- cune manière la cristallisation ; le point essentiel est que la liqueur soit fort étendue

(i) Ceux qui désireront connoitre l’ouvrage de Margraff sur la serpentine, pourront, en attendant que la traduction, de Costel paroisse , consulter les excellentes additions de Parmentier , aux récréations chimiques de Model : ils trouveront à la page iç5 et suiv. du premier volume, un précis bien fait du travail de Margraff.

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et qu’elle soit mise dans un vase élevé et à orilice étroit. Ces cristaux sont autant de petites boules, ou groupes composés d’au- tres cristaux prismatiques à quatre pans qui, arrangés syinétriquernentsur un centre commun , s’en élèvent comme autant de rayons divergeans ; ils ont de la transpa- rence et ressemblent parfaitement aux cristaux de sel cathartique amer. La solu- bilité de cette terre dans l’eau chargée d’alkali fixe , 11e doit pas être entièrement attribuée à ce dernier sel 5 on sent de reste que le gaz qui s’échappe , lors de la préci- pitation , y a encore plus de part.

D’après les propriétés, dont je viens de faire l’énumération , ne pourroit-on pas présumer que cette terre concourt à for- mer les alkalis fixes, sur tout le natrum. Si jamais on parvient à s’en assurer , sa dénomination sera alors, à juste titre, celle que Margraff lui a déjà assignée , en l’appelant terre alkaline.

De quelques autres pierres ou terres dans

lesquelles on trouve la base du sel

amer.

Margraff a déjà commencé à nous in-

DE E A SERPENTINE. l3c)

cliquer plusieurs pierres dans la formation desquelles la nature a fait entrer la terre dont je traite ici. De pareilles recherches ne pouvant qu’augmenter nos connois- sances sur l’histoire naturelle, j’ai cru, à son exemple , en devoir faire connoître d’autres de notre pays , dans lesquelles la vitriolisation me l’a fait également dé- couvrir.

i°. Une pierre que l’on me montra à la carrière , comme une mine de fer blanche employée aux forges de Creutz'wald ; elle ne ressembloit par aucun caractère extérieur , aux mines de fer spatiques : cependant , l’ayant examinée , j’ai trouvé qu’elle contenoit un quart de son poids de gaz , semblable à celui qui se dégage de la mine d’acier du pays de Nassau , dont j’ai donné l’analyse il y a trois ans.

Une once de cette pierre vitriolisée m’a donné 5 gros de sel cathartique amer ou de Sedlitz , très-peu de vitriol martial , mais beaucoup de sélénite ; en sorte que cette pierre que l’on m’avoit engagé à voir à la carrière comme mine de fer , ne méritoit point du tout cette dénomi- nation 5 aussi , d’Ayange , maître des

examen

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forges de CreutzwalcL , m’assura-t il de- puis , qu’il ne la faisoit employer que comme fondant , et que c’étoit enfin une bonne castine (i).

Comme les castines sont usitées par-tout on coule le fer , et que par-tout elles varient , j’ai cru faire plaisir de donner ici la composition de celle-ci , qui est un mé- lange de terre calcaire , de terre base du sel amer, de terre inattaquable par aucun des acides , de nature argileuse , et d’une petite quantité de fer : le tout combiné avec une quatrième partie de gaz pareil à celui des mines de fer spatiques.

2°. Une autre pierre en géodes pleines, qui , cassées , présentent à la vue une mo- saïque ; c’est une sorte de ludus helmontii qui se trouve abondamment au-delà de la Sarre , proche l’abbaye de Tolé. Ces geodes , qui sont plus ferrugineuses que la pierre précédente , étoient autrefois em- ployées aux forges de Creutzwald comme fondant; mais l’éloignement de la carrière a fait donner la préférence à la pierre de

(1) La carrière de cette pierre est située à deux lieues de Sarre-Louis, entre l’Abbaye de Wadgass et la Baronie d’Uberhern.

DE ea serpentine. l4l

ŸVadgass , qui est beaucoup plus proche des fourneaux.

Cette pierre de Tolé , soumise à la vitrio- lisalion , a donné du sel cathartique amer, mais en moindre quantité que la précé- dente.

3°. Une argile de couleur olive , em- ployée à la fayencerie de la Grange, pro- che Thionville , a donné , par l’intermède de l’acide yitriolique , quelques cristaux de sel amer , delà sélénite et point d’alun.

4°. Une autre terre argileuse, dont le banc d’une étendue immense traverse le beau vallon est situé Thionville, traitée de même , a donné beaucoup de sélénite , des cristaux de sel amer , un peu de vitriol martial , et très-peu d’alun.

Ce bancde terre-glaise bleuâtre est plein de bélemnites ; on y voit aussi des em- preintes de petites cornes d’ammon , et on y trouve , en différens endroits , des pierres calcaires arrondies d’un pied et demi , et même quelquefois plus de diamètre, d’une pesanteur énorme, eu égard à leur volume, et dont la dureté est certainement celle du bon. marbre, si, peut-être , elle ne la sur- passe.

EXAMEN

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La superficie de ces pierres est souvent couverte de grands cames , de pétoncles , de nautiles , le tout entremêlé de béldm- nites , qui d’ailleurs sont si abondantes dans différens endroits de ce banc d’ar- gile , qu’elles concourent, en s’en déta- chant , à former en grande partie le gravier d’un petit ruisseau qui traverse ce banc dans le voisinage du fief de Betange.

Telles sont jusqu’ici les pierres ou terres dans lesquelles j’ai trouvé la terre qui sert de base au sel cathartique ; en les réunis- sant à celle qui en ont également donné à Margraff , on voit que cette terre est au moins aussi répandue dans la nature, que celle qui sert de base à l’alun ; que c’est singulièrement dans les serpentines proprement dites , qu’on la rencontre en abondance. A l’égard des schistes , qui en contiennent aussi, on peut consulter la quatrième partie de l’Analyse des Eaux minérales de Luchon. Quant à la classe des pierres vitrescibles , dans quelques- unes desquelles je l’ai également trouvée, j’en ferai mention dans un mémoire sur ce genre de pierre que je publierai inces- samment.

1

DE QUELQUES PIERRES YITRESCIBT.es. l43

QUATRIÈME PARTIE.

Examen du porphyre , de V opl Lite , du granit , et autres pierres de la classe des vitrescibles mixtes.

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L a. pierre vitrescible qu’on désigne aussi sous le nom de silex ou de pierre à fusil , se présente sous diverses formes; ses cou- leurs ne sont pas moins variées que celles des marbres calcaires; elle est tantôt plus, tantôt moins transparente ; quelquefois même elle est opaque. Ici , elle est en cristaux réguliers , , en masses in- formes; souvent on la rencontre en bancs continus, mais souvent aussi on la trouve au milieu de pierres calcaires et argileuses en blocs isolés. Que de variétés dans sa contexture ! Tantôt elle forme des bancs d’une étendue immense de grès ou pierres de sable de diverses espèces , tantôt des bancs de granits qui diffèrent les uns des autres par la couleur, par la grosseur , par la cohérence , et quelquefois même par la nature des grains qui les composent ; enfin ,

-1

144 EXAMEN

la pierre vitrescible est souvent mélangée, je dirois presque combinée avec les pierres calcaires et argileuses , en des proportions qui la rendent méconnoissable.

Cette partie de la lithologie est donc très- étendue , et les moyens employés jusqu’ici pour connoître les pierres, sont trop in- certains pour oser se promettre d’en donner des catalogues raisonnés et exacts j il nous manque trop de faits , et pour tout dire en un mot, la chimie est bien éloignée d’avoir rempli sur cet objet la tâche qui lui est naturellement imposée.

Pott , en publiant sa lithogéognosie , rendit sans doute un grand service à l’art ; ce célèbre chimiste en exposant à l’action d’un feu . violent un grand nombre de pierres , nous lit connoîcre celles qui se fondoient et celles qui ne se fondoient pas : il alla plus loin , et ce fut une véritable découverte, il nous apprit que des pierres qui, traitées séparément, n’entroient point en fusion , se fondoient pourtant avec fa- cilité, lorsque réunies, il les exposoit au feu de son fourneau.

Cette méthode , qui a été suivie par de très-habiles chimistes, a, sans contredit.

son

DE QUELQUES PIERRES VITRES Cl B LES» l/^S

son avantage , mais elle n’est pas analy- tique (1) ; et si elle nous a fait découvrir des faits intéressans , ce n’est qu’en imi- tant la nature, lorsqu’irritée et pour ainsi dire en convulsion , elle opère par la voie des volcans.

Qu’est-ce, en effet, que cette rivière de feu qui découle des bouches du Vésuve? Qu’est-ce que cette matière autrefois fondue qu’on rencontre si fréquemment et en si grande

l’Auvergne jusqu’aux bords de la Médi- terranée ? de la lave , de la ponce , des scories ; car - dessus , il faut nous en tenir à des mots. Essayons toutefois de nous instruire , en imitant la nature meme dans ce que nous prenons pour ses écarts ; exposons au feu une de ces pierres qui entrent en fusion sans intermède , par exemple , du porphyre ou de l’ophite 5 qu’obtenons - nous ? Une substance vitri- forme , une sorte de laitier qui imite, à bien des égards , la lave des volcans ; mais la fonte dans un creuset n’étant pas même un commencement d’analyse , le

(1) Quoique son célèbre auteur ait prétendu que la meilleur de tous les analystes étoit le feu.

T orne IL K

abondance depuis la capitale de

EXAMEN

146

porphyre et l’ophite n’en sont pas pour cela mieux connus ; et dans l’impossibilité de leur assigner la place qu’ils doivent occuper en lithologie, le naturaliste est toujours en droit d’exiger des chimistes de lui dire ce que c’est que le porphyre, ce que c’est que l’ophite.

Je vais essayer de répondre à cette ques- tion , et pour y parvenir , je m’appuierai sur des expériences analytiques, qui, réunies à celles que j’ai publiées sur les marbres, serviront peut-être à augmenter le jour déjà répandu sur la lithogéognosie , par Pott et par ceux des chimistes qui ont suivi sa méthode.

Expériences faites sur le porphyre an- tique rouge , entremêlé de petits cris- taux blancs (1).

On a dit avec raison que le porphyre et l’opliite étoient des pierres fusibles par elles- mêmes (2) , et assez dures pour donner des

(1) Ce porphyre venoit des ruines de l'ancien Autun.

(2) De toutes les sciences , la chimie est, sans contredit , celle qui a la nomenclature la moins exacte. Ses expressions sont presque toutes équivoques.

.On entend tous les jours confondre la vitrescibiiité

DE QUELQUES PIERRES VITRESCIBLES.

étincelles quand on les frappoit avec le briquet ; mais on s’est trompé lorsqu’on a ajouté qu’elles résistoient à l’action des acides.

A la vérité, si , comme il n’est que trop ordinaire, on se contente de jeter quelques gouttes d’eau-forte sur l’une ou l’autre de ces pierres , on n’aperçoit point d’efferves- cence mais d’après une expérience aussi légèrement faite, peut-on conclure qu’elles résistent aux acides? Non, sans doute car si on met dans un matras 4 ou 5 gros de porphyre concassé ou pulvérisé , et qu’on verse dessus à - peu - près autant d’acide nitreux de moyenne force, on obtiendra, après cinq ou six mois de digestion faite à froid , une liqueur saturée , qui aura la

avec la fusibilité 5 la différence est cependant très- grande. Les pierres vitrescibles ou vitrifîables sont infusibles par elles-mêmes , mais jointes aux sels alkalis et aux chaux de plomb , elles se fondent et forment notre beau verre, notre beau cristal. Les pierres fusibles sont celles qui n’exigent point d'in- termède pour entrer en fonte ; elles forment alors un laitier , une scorie qui n’a jamais le diaphane le transparent du verre, avec lequel on ne doit jamais confondre une pareille matière.

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examen

propriété de teindre en noir l’infusion de gale , et dont l’alkali fixe précipitera du fer , de la terre calcaire, de la terre alu- mineuse, et de cette autre terre qui sert de base au sel de Sedlitz. Enfin , le por- phyre employé aura perdu à-peu-près le huitième de son poids.

Mais si on veut se procurer d’une manière bien marquée les produits dont je viens de parler , c’est à la vitriolisation qu’il faut avoir recours ; en voici un exemple :

Que l’on pulvérise grossièrement une certaine quantité de porphyre , qu’on le mette dans une capsule de verre, et qu’on l’arrose d’acide vitriolique ( 1 ) ; on verra en moins d’un mois les petits fragmens se couvrir d’efflorescences : dès qu’on s’aper- çoit que l’acide n’y domine pas , on les en- lève par un lavage fait avec l’eau distillée , et sur-le-champ on réitère l’arrosement d’acide vitriolique ; on continue la même

(1) En versant cet acide sur du porphyre d’Autun , il s’en est élevé sur-le-champ une odeur de foie de soufre qui n’avoit cependant pas la propriété de noircir l’argent. Je ne sais si tout porphyre donneroit une pareille mofette , je n'avois pas de porphyre d’Tlalie, je n’ai pu constater la parité ou la différence,

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DE QUELQUES PIERRES'VITRESCIBLES. l4<J

manœuvre jusqu’à ce qu’on ait des preuves que le dissolvant cesse de trouver dans la pierre des substances auxquelles il peut s’unir , et on procède alors à la cristal- lisation des différens sels contenus dans la liqueur qu’on a eu soin de mettre en réserve.

Ayant traité ainsi 2 onces de porphyre, j’en ai retiré :

i°. 2 Grains environ de fer sous la

forme d’ocre.

2°. 11 Grains de sélénite gypseuse.

3°. 1 Gros 25 grains de sel de Sedlitz.

4°. 2 Gros 9 grains d’alun.

5°. 6 Grains de vitriol martial.

6°. Il est resté un peu d’eau - mère vitriolique.

Les 2 onces de porphyre employées , se sont trouvées réduites à une once 6 gros 24 grains, en sorte qu’elles a voient fourni un gros /j 8 grains de différentes substances qui , combinées avec l’acide vitriolique , ont formé les sels dont je viens de faire l’énumération, et qui, comme on le sait, prennent tous, à l’exception de la sélénite, la moitié de leur poids d’eau de cristalli- sation 5 or , si nous retranchons encore de

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EXAMEN

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chacun de ces sels , considérés dans un état de dessiccation parfaite , la moitié de leur poids pour l’acide vitriolique entré dans leur composition , nous aurons, à très-peu de chose près , la quantité de terres respec- tives qui ont concouru à les former.

Quant à la substance insoluble, c’est un mélange de pierre vitrescible et de pierre argileuse, dont les proportions ne peuvent être déterminées 5 tout ce qu’on peut dire , c’est que la pierre vitrescible ou siliceuse y domine , et que c’est à la quantité sura- bondante de cette dernière qu’on doit rap- porter la dureté du porphyre et de l’ophite, dont je vais parler dans un instant (i).

Il est également impossible de déterminer la quantité de fer contenue dans le por- phyre. Ce métal y étant sous la forme de chaux insoluble , la chimie se trouve en- core ici en défaut : car je doute qu’en

(t) Je présume que le fer concourt aussi à donner de la dureté à cette pierre , ainsi qu’à beaucoup d’au- tres , lorsqu’il entre dans leur composition en petite quantité. On sait qu’il e t employé dans les cimens } et l’expérience prouve qu’ils en deviennent plus durs , ou ce qui est la même chose , que leurs parties ac- quièrent entr’elles plus de cohésion.

DE QUELQUES PIERRES VITR ESCIBLES. l5i

traitant cette pierre avec le sel ammoniac, on puisse, au moyen de la sublimation, en extraire tout le fer qui la colore en rouge.

J’ai cru devoir traiter aussi 2 onces de ce porphyre dans un vaisseau distillatoire et pneumatique : il ne s’en est point dégagé d’air , mais il a passé dix à douze gouttes d’eau dans le récipient.

Mêmes expériences répétées sur Vophite

antique.

Ayant mis dans un matras 5 gros de cette pierre concassée, et autant d’acide nitreux foible , il ne parut aucune effervescence ; mais après un mois de digestion faite à froid, on pouvoit s’apercevoir que l’acide avoit déjà commencé à agir, et après un an révolu , il se trouva presque saturé j j’en précipitai alors de la terre calcaire , de la terre alumineuse et du fer, mais il ne me fut pas possible d’y découvrir, par ce procédé , la terre qui sert de base au sel de Sedlitz. Les 5 gros d’ophite étoient réduits à 4 gros i\ grains , et sa couleur verte avoit disparu.

Ayant aussi traité par l’acide vitriolique différens morceaux d’ophite , les produits

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ont été les mêmes ; ces échantillons , dont les uns avoient été apportés d’Italie , les autres d'Autun , étoient d’ailleurs si res- semblans par toutes leurs qualités exté- rieures , que je les crois originairement sortis de la même carrière.

Une once de ces pierres soumise à la vitriolisation , a donné :

i°. 5 Grains environ de fer , sous la

forme d’ocre.

2°. Un peu de sélénite.

3°. 1 Gros 56 grains d’alun.

4°. 65 Grains de vitriol martiah 5°. 4 ou ^ Grains de sel de Sedlitz.

Il est resté un peu d’eau-mère vitriolique. Enfin, l’once d’ophite employée avoit perdu un gros i5 grains de son poids.

Mêmes expériences faites sur une sorte de granitel le vert de la vallée d* Asp e , dans les Pyrénées.

Pallasseau qui , avec des connoissances profondes et un zèle peu commun , tra- vaille à la lithographie de la chaîne des Pyrénées , me remit , dans le courant de l’année 3 777 , un morceau d’une pierre qu’il soupçonnoit être le trapp des Sué-

DE QUELQUES PIERRES VITRESCIBLES. l53

dois : deux chimistes de réputation , à qui il avoit demandé des éclaircissemens sur cette même pierre , l’avoient l’un et l’autre traitée suivant la méthode de Pott , et à l’aide d’un feu vif, ils étoient parvenus à la faire entrer en fusion sans aucun inter- mède.

Cette pierre , qui est fort dure , fait feu avec le briquet, et lorsqu’on lui a donné le beau poli dont elle est susceptible , elle présente deux couleurs , l’une d*un vert clair , l’autre d’un vert obscur.

Ces qualités me la firent regarder d’abord comme un ophite , dont en effet elle ne diffère point essentiellement , puisqu’en ayant soumis 2. onces à la vitriolisation , qui s’opère plus vite que celle de l’ophite antique , il en a été retiré de la sélénite , de l’alun, du vitriol martial, et du sel de Sedlitz qui s’y est trouvé en plus grande abondance que dans la vitriolisation de l’ophite antique; l’alun, le vitriol martial et la sélénite étoient d’ailleurs à-peu-près dans les mêmes proportions.

Cette pierre qui doit aussi être regardée, d’après ses caractères extérieurs , comme une de celles que les Italiens appellent gra*

EXAMEN

1 54

nitelli , et dont le nôtre ne diffèreroit que par sa couleur verte , ne pourroit-elle pas remplacer dans nos édifices l’ophite ou porphyre vert tant recherché des Grecs et des Romains ? On en pourroit ouvrir une carrière immense : sa beauté , sa dureté , et , ce qui en est une suite , sa solidité , doivent la faire préférer à tous nos marbres verts qui se dégradent aisé- ment ; les frais qu’on seroit obligé de faire pour l’exportation de cette belle pierre, ne s’élèveroient pas plus haut que ceux qu’on fit autrefois pour se procurer le marbre de la vallée de Campan , qui est même beaucoup plus éloignée de Bayonne que celle d 'Aspe: c’est aux amateurs des beaux arts, c’est sur tout aux architectes chargés d’élever les grands édifices de la nation, à juger si les vœux que je fais ici sont bien ou mal fondés.

Expériences faites sur des granits de V an- cien Autun , et sur celui qui se trouve sous la ville de Sémur , en Aux ois.

Il m’avoit été envoyé d’ Autun trois échan- tillons de granits antiques, qui différoient

de quelques pierres vitrescibles. 1 55 ^mtr’eux par la couleur et la grosseur des grains.

Le premier est un amas de grains de quartz : les uns d’un blanc laiteux; c’est, dit-on, le feldspath des naturalistes ; les autres, gris d’épine; le tout entremêlé de cristaux d’un vert très -foncé ou presque noir.

Le second, d’un grain plus fin , est un mélange de quartz blanc, de feldspath et d’une matière verte qui en forme le ciment.

Le troisième ne me paroît différer du second qu’en un seul point. Dans celui-ci, les fragmens de quartz ou , si l’on veut, de feldspath, sont blancs, tandis que dans le troisième ces mêmes fragmens ont une teinte verte.

Ces trois granits cassés par petits mor- ceaux, ont été exposés à l’action de l’acide vitriolique, et après un mois révolu, il ont commencé à se couvrir d’efflorescences , et au moyen de nouvel acide que l’on four- nissoit à mesure que la saturation parve- noit à son point, la vitriolisation fut com- plète dans l’espace d’une année révolue.

En examinant chacune des efflorescences retirées de ces trois espèces de granit , le

1 56

EXAMEN

résultat a été que les 2 onces du premier échantillon , bien lavées et bien séchées , avoient perdu un gros 33 grains de diverses substances qui , unies à l’acide , avoient formé les sels suivans , savoir :

Sélénite gypseuse 17 grains.

Alun 3 gros 38 grains.

Vitriol vert 1 gros 4 grains.

Sel Sedlitz 9 grains.

Total ? 4 gros 68 grains.

Les efflorescences des deux autres échan- tillons ont également donné de la sélénite, de l’alun, du vitriol , du sel de Sedlitz, et à quelque chose près, dans les mêmes pro- portions.

Le granit de Sémur s’est également trouvé susceptible de vitriolisation, et a donné les mêmes sels, à l’exception de celui de Sedlitz que je n’y ai pas découvert.

Enfin , tous ces granits étant traités au feu dans les vaisseaux fermés , fournissent quatre à cinq gouttes d’eau par once.

Il résulte des expériences dont je viens de rendre compte, que l’ophite et le por- phyre sont des espèces de brèches , dans

DE QUELQUES PIERRES YITRESCIELES. 1 Sj

la composition desquelles la nature a fait entrer la terre vitrescible et une terre argi- leuse qui contenoit elle-mêine du fer, de la terre calcaire , de la terre alumineuse , et de la terre alkaline , base du sel de Sedlitz.

La présence de la terre vitrescible, ou, si l’on veut , de la pierre à fusil, est avouée de tous les naturalistes: en effet, les yeux seuls, en se promenant sur la surface de l’ophite et du porphyre , savent la distin- guer; mais il ne faut pas s’y tromper, les cristaux blancs dans celui-ci , et les cristaux verts dans celui-là, ne constituent pas seuls la totalité de la terre vitrescible renfermée dans ces deux pierres ; la terre argileuse en a retenu une portion avec laquelle elle s’est combinée , au point de former une substance assez dure pour donner du feu avec le briquet, et devenir susceptible d’un beau poli; propriétés qu’elle n’a pas natu- rellement, même lorsqu’elle a subi la lapi- dification.

Le porphyre et l’ophite sont donc des pierres qui ne diffèrent entr’elles que par la couleur; dans l’un, les cristaux de quartz sont blancs, et le ciment rouge ; dans l’autre, ces mêmes cristaux sont d’un vert tendre ,

i5 8

E X A M E N

et je ciment d’un vert obscur ; mais cette

*

différence,quelquegrandequ’elle paroisse, n’est pas essentielle , et le chimiste n’en est pas surpris , parce qu’il sait que ces deux couleurs peuvent être et sont en effet , selon les circonstances, produites parle fer.

Dans la partie rouge du porphyre , dans celle que j’appelle le ciment , le fer se trouve sous la forme de chaux ou de col- cothar : de , son peu de solubilité dans les acides , et le peu de vitriol martial ob- tenu par la vitriolisation de cette pierre.

Or, dans cet état, le fer ne se combine pas ; réduit en chaux extrêmement divisée, il reste interposé entre les parties de la terre argileuse, et la fait paroître rouge. Enfin , si les petits cristaux de quartz ont gardé leur blancheur naturelle , c’est encore à l’état d’insolubilité , à l’état de chaux s’est trouvé le fer lors de la lapidification, qu’il en faut rapporter la cause.

Dans l’ophite , au contraire , ce métal étoit en dissolution , ou du moins dans un état propre à la dissolution , au moment la pétrification s’opéroit : susceptible alors de combinaison , il s’est uni à la terre argileuse $ et par une suite de la

DE QUELQUES PIERRES VITRESCIELES. I 5cf

propriété qu’il a dans certaines circons- tances , il l'a colorée en vert foncé j agis- sant aussi , mais plus foiblement , sur la terre vitrescible , il ne lui a communiqué que cette teinte légère qui se fait remarquer dans les cristaux prismatiques de Pophite.

Mais si les connoissances que nous avons acquises sur les ophites et les porphyres , nous permettent de dire quelque chose de vraisemblable sur leur formation, elles ont encore un avantage non moins précieux , je veux dire celui de nous mettre en état d’assigner la véritable cause de la fusibilité de ces pierres.

Instruits par Pott des effets du feu sur des mélanges de diverses terres , et nom- mément sur celui de la terre argileuse avec la terre calcaire et le sable , nous pouvons conclure avec certitude que le porphyre et Pophite des flrecs , Pophite ou granitelle vert de la vallée d’Aspe , et en général tous les granits ne doivent leur fusibilité qu’à leur composition qui approche très- fort des mélanges artificiels de Pott , si peut-être elle n’est la même (1).

(O Pott voulant rendre raison de la fusibilité du porphyre et de l’ophite , l’attribuoit au fer qu’il avoit

îSo examen

Le troisième avantage que nous procure l’analyse des opliites et des porphyres, est celui de mettre le naturaliste à portée de fixer la place qu’ils doivent occuper dans la série des connoissances que nous cher- chons à acquérir dans l’histoire naturelle.

L’expérience prouve , en effet, que dans la fabrique des trois principales terres qui forment la couche supérieure de notre globe , la nature va toujours du simple au composé. Nous avons déjà reconnu cet ordre, cette marche, dans les marbres calcaires, et nous ne l’observons pas moins dans les pierres yitrescibles.

Les pierres de ce genre , qui doivent occuper la première place dans nos cabi- nets ou dans nos catalogues, sont le cristal de roche, le quartz, le silex blanc, c’est- à-dire, celles que nous reconnoissons pour être les plus pures. De là, on passeroit à

découvert ou soupçonné dans ces pierres } car il n’entre dans aucun détail sur cet objet; mais une once de pierre à fusil et quelques grains de fer formeroient- ils un mélange fusible ? Je ne le crois pas , ou du moins je suis porté à croire que , s’il en eût exposé un de cette nature au feu de son fourneau , il ne seroit pas parvenu à le faire entrer en fonte.

ces

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DE QUELQUES PIERRES VÏTRESCIBLES. l6l'

ces mômes pierres teintes de différentes couleurs , depuis la pierre à fusil grise ou noire la plus commune , jusqu’à l’agate que nous enchâssons dans l’or. Les jaspes et les autres pierres opaques que leur beauté rend précieuses , quand on aura découvert le degré de leur composition , trouveront peut-être ici leur place ; viendroient en- suite les pierres grainées, tels que les grès, les granits simples, les granits mélangés et composés de matières différentes; on fini- roit par les ophites et les porphyres , qui , d’après l’analyse, sont les pierres les plus composées de toute cette classe.

SUPPLÉMENT.

Le mémoire qu’on vient de lire étoit fait; et quoique je n’eusse tenté aucune expé- rience sur le jaspe vert , j’avois cependant assigné la place qu’il devoit occuper dans la série de nosconnoissances hthologiques. D’Aubenton m’excita à le traiter comme les autres pierres , et même à soumettre aux mêmes opérations le jaspe rouge , le jade et le feldspath ; il eut même la bonté de me procurer des échantillons bien carac- térisés de ces différentes pierres , sur les-: Tome II, L

1

l6‘2 examen

quelles j’ai fait des expériences dont les résultats ont complété le travail que j’avois entrepris sur les pierres vilrescibles mixtes.

Tffet de l} acide vitriol/ que sur les jaspes ve/t et rouge , sur le jade et le feld- spath, etc.

i

Un morceau de jaspe vert pesant 5 gros 12 grains , ayant été soumis à l’action de l’acide vitriolique foible, dont il fut seule- ment mouillé , resta en cet état près de trois mois , sans qu’il parût à sa surface aucune efflorescence. Les trois mois étant révolus , on commença à apercevoir quel- ques points d’une boue jaunâtre qui , augmentant peu à peu en grosseur et en nombre , couvrirent vers le sixième mois toute la surface de l’échantillon $ il se forma aussi , vers cette époque , sept petits cristaux d’alun qui avoient tous les caractères propres à ce sel 5 vers le huitième mois, on en découvrit plusieurs autres qui s’étoient formés dans la cap- sule. Les points de boue jaunâtre , dont j’ai parlé, n’avoient pris aucun accrois- sement depuis le sixième mois ; c’étoit au reste du vitriol martial avec excès d’acide.

DE QUELQUES EIERRES YITRESCIBLES. l()J

Lg jaspe vert étant une pierre très-dure et très-coinpacte , l'acide dont on le mouille ne peut agir que sur sa surface , sans ja- mais pénétrer au-delà ; aussi le morceau qui faisoit le sujet de l’expérience n’a t-il éprouvé aucune altération dans sa forme , ni essuyé aucune gerçure.

Deux morceaux de jaspe rouge, qui pesoicnt ensemble 4 gros \\ grains , ont été pareillement arrosés d’acide vitriolique, au meme instant que le jaspe vert; mais ils n’ont pas été attaqués, et rien de vitrio- lique ou d’alumineux , rien enfin de salin ne s’est manifesté , meme après plus de dix- huit mois d’expérience.

Il en a été de même d’un morceau de jade dont l’acide vitriolique n’a pu rien extraire dans le même espace de temps.

Le feldspath , au contraire , soumis à la même épreuve , a donné quelques cris- taux d’alun ; d’où l’on peut conclure que la couleur légèrement laiteuse de cette dernière pierre, doit être attribuée à cette portion de terre alumineuse , qui , disséminée dans toute la masse , lui com- munique de l’opacité ; on peut aussi , à ce que je crois, présumer que les cassures

L 2

EXAMEN"

1 64

régulières , qu’a naturellement le feld- spath , sont encore un effet de la terre alumineuse qui , par son mélange avec la pierre quartzeuse ou vitrescible, en change la contexture : accident qui a engagé les naturalistes à donner un nom distinctif à cette pierre , qui n’est , dans le vrai , qu’un quartz mélangé d’un peu de terre d'alun. Ils l’ont appelée feldspath , dénomination peu propre à exprimer sa nature , même pour ceux qui entendent la langue alle- mande '7 le nom de Spath scintillant que lui donnent quelques naturalistes , expri- mant une de ses propriétés, me paroît plus convenable.

Le jaspe rouge et le jade ont l’un et l’autre résisté à l’acide vitriolique , quoique tous deux colorés par le fer ; ce qui n’éton- nera pas , si , à l’égard du jaspe rouge, on veut bien se rappeler ce qui a été dit sur la chaux martiale , qui colore en rouge le marbre de Campan et le porphyre an- tique.

A l’égard du jade, on ne peut pas em- ployer le même moyen pour expliquer sa résistance à l’acide de vitriol 5 mais ne peut-on pas l’attribuer non-seulement à la

DE QUELQUES TUERRES VITRfiSClBLES. 1 65

très petite quantité de fer qui le colore , mais encore à la manière intime dont ce fer est combiné avec la pierre vitrescible, qui , couvrant la matière colorante en tout sens , l'empêche de se prêter à l’action des acides ?

Le jaspe yert contient de la terre d’alun,' de P argile et du fer , qui , en tenant les parties de la pierre vitrescible écartées les unes des autres , donnent à l’acide vitriolique le moyen de s’unir à tout ce qui est soluble, et de former de l’alun et du vitriol de mars ; car il est bon de noter que, si dans la vitriolisation du jaspe yert , rapportée ci-dessus , je n’ai obtenu qu’une très- petite quantité de ces deux sels, on en doit attribuer la cause à ce que l’é- chantillon ayant été employé en un seul morceau , ne présentoit à l’acide que le moins de surface possible. Si donc on vou- loit pousser la vitriolisation de cette pierre aussi loin qu’elle pourvoit aller , je conseil- lerois de la réduire en poudre fine ; alors les surfaces multipliées offriroientle moyen d’en retirer tout le fer , et toute la terre alumineuse qui peuvent y être contenus..

i66

EXAMEN

Examen de deux pierres nouvellement envoyées des montagnes du Dauphiné , par Villar.

J’ai déjà donné , dans mon deuxième mémoire, l’analyse de deux marbres mé- langés de schiste et de pierre vitrescible ; je vais encore en citer deux pour exemple, dont l’un sur-tout a un rapport immédiat avec les pierres dont il est question dans ce quatrième mémoire. C’est encore d’Au- benton qui m’a procuré les échantillons sur lesquels je fais mes expériences , et c’est à Villar, botaniste très-connu, que les naturalistes sont redevables de la décou- verte de ces deux pierres qui , par la sin- gularité de leur composition , ne peuvent manquer d’intéresser ceux qui s’occupent de lithogéognosie.

Le travail que j’ai commencé sur ces pierres n’est pas encore 'porté à sa fin , mais il est assez avancé pour pouvoir pro- noncer sur leur composition.

La première est un marbre mixte qui a une disposition singulière à se fendre en long à la manière du bois , ce qui pour- roitla faire prendre pour du bois pétrifié.

DE QUELQUES rïERRES VITRESCïRLES. l6/

6*i on ne l’observoit que légèrement : un Je ces morceaux poli dans toute sa lon- gueur , offre aux yeux un marbre rayé de blanc et de gris.

Les bandes blanches sont du marbre blanc qui contient quelques fragrnens de quartz $ les bandes grises sont composées de schiste , de pierre calcaire et de menus cristaux de quartz ; le fer ne m’a pas paru jusquhci s’y trouver $ les cristaux de quartz sont d’ailleurs en si grande abondance dans la partie schisteuse , qu’avant le poli on la prendroit, à l’œil et au tact, pour un grès.

Si on frappe les bandes grises avec le bri- quet , on en tire fréquemment des étin- celles 5 mais il n’en est pas de même des bandes blanches , à moins que le hasard ne fasse rencontrer quelque portion de quartz.

Les acides de nitre et de sel marin atta- quent cette pierre avec vivacité , et bientôt les bandes blanches sont détruites ; les grises , au contraire , quoiqu’elles aient souffert l’action de l’acide , paroissent subsister dans leur entier ; mais si on les touche , elles se brisent en se réduisant partie en poudre , partie en sablon très- fin. Si , au contraire , on opère avec pré-

L 4

\

1 68

EXAMEN

caution , et qu’on ait exposé à l’acide un morceau de cette pierre , pesant au moins une once, on s’apercevra d’un effet assez remarquable de la terre schisteuse sur le squelette de cette pierre qui , quoique privée de toute la terre calcaire dont elle étoît accompagnée, conserve cependant la forme d’aiguille j usque dans ses plus petites divisions.

La partie qui constitue les bandes grises a , comme on le voit, souffert un dérange- ment considérable dans son aggrégation : l’acide y ayant trouvé de la terre calcaire disséminée entre les grains de quartz et le schiste, en a fait la dissolution (1) , et il n’est resté d’intact que les deux der- nières substances qui, foiblement unies l’une à l’autre, conservoient encore la pro- priété de se fendre en long, que nous avons observée dans la pierre avant que son aggrégation ait été dérangée par l’acide dont l’action tumultueuse a aussi produit le déplacement de l’air et de l’eau, que nous savons être l’un et l’autre la princi- er D’après une expérience constante, on peut soup- çonner dans ce schiste . de la terre d’alun et de sel de * 7

Sedlitz qui auront également été dissoutes.

DE QUELQUES TIEERES VTTRESCïBLES. î 6<)

pale cause de toute lapidification calcaire.’

La seconde pierre, quoique tirée dans le voisinage de la première , en diffère cependant à bien des égards. Nous avons observé que la première se fendoit avec facilité en longues aiguilles $ l’autre , au contraire , a de la disposition à se diviser par lames ; la première , pour tout dire en un mot, est un marbre mixte , tandis que la seconde , à en juger d’après les échan- tillons que j’ai sous la main, est d’une composition si compliquée, que je ne crois pas qu’on puisse l’appeler marbre ; à la vérité elle contient, dans quelques-unes de ses parties , plus de la moitié de son poids de pierre calcaire ; mais aussi il en est tant d’autres les grains quartzeux, mêlés de schoerl noir , de schoerl vert et d’un, peu de mica , s’y rencontrent en si grande . abondance , qu’ils masquent le peu de terre calcaire qui y est disséminée , au point de ne permettre pas à l’œil de l’observateur, de faire soupçonner qu’elle y soit recélée.

Le mélange des différentes matières dont cette pierre est composée , n’est donc pas uniforme ; , le schoerl noir se rencontre abondamment ) ici, la loupe n’en laisse

EXAMEN

I70

Apercevoir que quelques parcelles j tantôt le sclioerl vert est le dominant, tantôt c’est le noir la même variété se rencontre dans les grains quartzeux. Quant à la terre cal- caire , elle est quelquefois répandue dans la pierre en cristaux spatliiques, quelque- fois aussi elle y est rassemblée en masse con- tinue , enfermée entre deux couches du mélange précédent. Un échantillon d’en- viron trois pouces de long, sur un pouce et demi de largeur , étoit traversé dans son milieu par une bande de marbre spathique d’environ trois lignes d'épaisseur : on voit dans cette portion vraiment calcaire et colorée en rouge très-léger, quelques petits cristaux de schoerl vert répandus çà et entre les cristaux spatliiques, qui est la forme sous laquelle la terre calcaire se ren- contre constamment dans le morceau dont je parle.

Au reste , cette pierre se prête facile- ment à l’analyse , et l’acide de nitre ou da sel marin en dissolvant la terre calcaire, le fer ( car celle-ci en contient) , et les autres substances sur lesquel! es il peut agir, sépare les grains de quartz, les schoerls , et le mica 5 ce qui , sans attendre de nouvelles

DE QUELQUES PIERRES VITRESCIBLES.' 171

expériences sur la nature des autres terres que l’acide vitriolique nous fera conrioître, suffit pour nous prouver qu’il y a dans le globe des mélanges les détritus de granit . sont confondus avec la terre calcaire et la terre argileuse.

CONCLUSION.

En analysant , par la voie des combinai- sons, les pierres vitrescibles mixtes, nous les voyons composées de terre vitrescible , proprement dite, de terre argileuse , de terre d’alun , de terre de sel de Sedlitz , d’un peu de fer et de terre calcaire. Ce mélange , diversifié par les proportions de chacune des substances que je viens de nommer , forme les porphyres , les ophites, etc.

Les granits , quoique fort durs , sont cependant plus fragiles que l’ophite et le porphyre 5 la raison en est bien simple, cette pierre qui ne contient que peu ou point d’argile se rapproche des grès par sa manière d être agglomérée \ les cristaux de quartz , de feldspath, de sclioerl , les pail- lettes <fe mica dont elle est composée , ne se trouvant pas enfermés dans un ciment lapidifié, n’ont point entr’eux cette collé-

EXAMEN

172

rence que l’on remarque entre les parties constituantes de l’ophite et du porphyre 5 aussi voyons-nous les granits subir une décomposition spontanée beaucoup plus prompte que celle des deux autres pierres (1).

En effet, dans le porphyre, dans l’ophite antique , et dans le granitelle de la vallée d’Aspe , les portions de quartz , de feld- spath sont entourées d’un ciment de terre vitrcscible et de terre argileuse , qui en se combinant l’une avec l’autre, ont pris une forte consistance , ce qui a donné à la masse ce plein et cette cohérence de parties qui feront toujours distinguer ces pierres d’avec les granits.

La matière que j’appelle le ciment de l’ophite et du porphyre , a un rapport très-

(1) Cette décomposition aura été aperçue de tous ceux qui auront parcouru des bandes de granits. Lors- qu’on entre dans la chaîne des Pyrénées , et qir’on s’approche des montagnes graniteuses , on rencontre fréquemment dans le fond des vallées des masses isolées de granit, devenu si friable, qu’on peut, en un instant, à l’aide d’un couteau ou même d’un bâton, y faire un trou de plusieurs pieds de diamètre, et dont la jrrofondeur ne sera terminée qu’à la ren- contre du noyau central qui n’a pas encore éprouvé d’altération.

DE QUELQUES PIERRES VITRES CIBLES. Ij3

sensible avec le jaspe vert, qui, s’il étoit par- semé de cristaux de quartz ou de feldspath, formeroit un porphyre vert ou un ophite.

Je l’ai déjà dit, les Pyrénées çi) ne sont en général formées que de trois pierres, schiste ou pierre argileuse , marbre ou terre calcaire , granit ou terre yitrescible.

(i) C’est toujours dans ces montagnes que je vais chercher mes preuves ; j’ai moins bien observé les Alpes françaises , la Haute-Auvergne , lellouergue, le Haut-Limousin , les Cévennes, que les Pyrénées , pour lesquelles j’ai toujours eu une prédilection qui me sera pardonnée même par ceux qui n’auront fait que les apercevoir. D'ailleurs , cette chaîne offre au naturaliste un morceau , peut-être unique dans le globe , en ce que dans une étendue de plus de quatre- vingts lieues , et une épaisseur de vingt, sur une éléva- tion de plus de quinze cents toises, on ne rencontre pas le moindre vestige de volcan , et qu’on n’y voit point de ces énormes affaissemens qui bouleversent tout, et ne laissent à l’observateur que le triste spectacle d‘un chaos il ne peut rien apprendre sur la formation du grand édifice dont il ne voit plus que les ombres. Je le répète encore, c’est dans la chaîne des Pyrénées qu’il faut aller prendre des leçons sur la formation des montagnes ; et peut-être qu’après les avoir bien étu- diées, on sera tenté d’attribuer leur inclinaison à une toute autre cause que celle qui paroît aujourd’hui généralement adoptée par les naturalistes.

E X A M E K

1 74

Les deux premières, le schiste (i) et le marbre forment alternativement des cou- ches qui m’ont paru , à l’égard du marbre, avoir quelquefois plus d’une demi-lieue d’épaisseur.

Or , quelle sera la partie de cette épais- seur où on pourra trouver les marbres que j’ai appelés mixtes, tels que les cipolins , les amandolins , le campan , etc. r Ce ne sera ordinairement pas vers le centre qui est presque toujours un marbre simple ou blanc , ou foiblement coloré ; mais on sera sur de les rencontrer vers le lieu les surfaces des deux couches sont en con- tact; c’est que se sont faits les mélanges qui, par la succession des temps, ayant pris la consistance et la dureté que nous connoissons aux marbres mixtes, ont, pour ainsi dire , fait une soudure qui unit

(i) On entend communément par le schiste, toute pierre qui a la propriété de se fendre en lames ou feuilles , par exemple , les ardoises. Je généralise davantage ce nom ; je le donne à toutes les pierres argileuses , soit qu’elles se fendent en lames , soit qu’elles se fendent en prismes, ou sous toute autre forme, pourvu qu’elles aient une régularité constante dans leurs fractures.

DE QUELQUES PIERRES VIT RESCI BLES . 1*5

en beaucoup d’endroits la couclie de schiste avec la couche de marbre.

A l’égard des granits, je ne crois pas qu’on puisse leur appliquer ce qui vient d’être dit : tout semble prouver que dans les Pyrénées cette pierre est la base sur la- quelle les couches de marbre et de schiste se sont formées.

Il n’est cependant pas rare de rencontrer des mélanges de granit et de schiste; on trouve , en effet , dans les couches de cette dernière pierre , des masses schis- teuses parsemées de grains de quartz , de mica , et peut-être aussi , de feldspath. Les ophites antiques , le granitelle de la vallée d’Aspe , sur-tout , sont des pierres dans la composition desquelles on retrouve les mêmes cristaux ; mais ces mélanges n’ont rien de surprenant , quand on consi- dère que la mer, en détruisant les rochers graniteux qu’elle couvroit , en détachoit continuellement les grains dont ils sont composés, et en formoit une sorte de sable ou menu gravier qui ne tardoit pas à se fixer dans la boue argileuse , déposée au pied et sur le talus des montagnes de granit.

O O

On trouve aussi quelquefois de la pierre

176 examen

calcaire dans les mélanges de scliiste et de pii rre vitrescible des détritus de granits ont été portés dans des boues argileuses et calcaires, ce qui, par succession de temps , a formé des marbres composés de trois substances : j’ai cité dans mon second mémoire sur les pierres , pour exemple , un cipolin de l’ancien Autun , un marbre polizone d’Italie, pareil à celui dont sont faites les colonnes qui décorent le maître- autel de l’église de Saint-Gerinain-des-Prés$ j’ai ajouté dans ce quatrième mémoire deux autres exemples , l’un d’un marbre schis- teux , dans lequel il se rencontre beau- coup de petits cristaux quartzeux , l’autre d’un marbre composé de grains de quartz, de schoerl , de terre calcaire , etc.

Ces différentes pierres , ainsi que les porphyres , les ophites antiques , le gra- nitelle de la vallée d’Aspe , sont des pierres de seconde, et peut-être même de troisième formation ; ce ne sont que des mélanges faits , en des proportions diffé- rentes , de toutes les matières déposées par la mer dans les parties de son vaste bassin, que des circonstances ayoient rendues propres à les fixer,

La

jDE QUELQUES PIERRES VITRESCIELES. ï; 7

La mer , quelle que soit son agitation , ne fait, dans son fond , que glfsser sur les dépôts terreux que même elle affermit par son poids , tandis qu’elle paroî t aux yeux de celui qui la contemple , employer toutes ses forces contre les rochers qui s’opposent à ses courants ; elle détacha donc des blocs de granit qui, roulant à travers les ondes sur le talus de la montagne dont ils fai- soient partieun instantaupa rayant, ailoienC s’enfoncer dans des dépôts qui nous pa- roissent aujourd'hui très-éloignés des pics graniteux. Or, ces blocs, dont quelques-uns sont d’une grosseur énorme , sont ceux que nous rencontrons enfermés dans' les couches schisteuses, tantôt plus, tantôt moins profondément, en raison de l’époque de leur chiite (1).

Je finis par une réflexion sur les granits proprement dits, regardés comme pierre de première formation , et comme faisant la base du globe.

On a être bien moins étonné de trouver dans les granits analysés , le fer

(i) J’ai eu occasion de voir de ces blocs enfermes dans le schiste à des profondeurs de trois à quatre centa toises.

Tome IL M

1 7 S EXAMEN

et les terres qui servent de base à l’alun

•A

et au sel de Sedlitz , que d’y rencontrer la terre calcaire qui, par sa présence , semble contredire le système adopté sur l’origne de cette même terre , ou du moins celui qu’on a établi sur la formation du granit.

J’avoue que les expériences qui m’ont fait reconnoître la terre calcaire dans ce genre de pierres , demandent à être ré- pétées sur d’autres échantillons. Ceux que j’ai examinés provenoient des ruines de l’ancien Autun. Employés par les Romains à la décoration de leurs grands édifices , ils ont été fixés aux autres pierres par un ciment fait avec la chaux $ d’ailleurs , en- fouis pendant une douzaine de siècles sous des décombres, ils ont pu s’imprégner de quelques portions de terre calcaire qui se seront introduites dans des gerçures.

A l’égard de celui de Sémur, qui a aussi donné un peu de sélénite , on doit égale- ment avoir quelques doutes sur sa pureté. Le morceau qui in’a été donné pou voit avoir resté long-temps à la superficie de la terre , et avoir reçu de l’atmosphère quelque subs- tance calcaire 5 que sait-011 ? En fait d’expé-

DE QUELQUES PIERRES VITRESCIBLES. 179

rlences , il faut toujours se tenir sur ses gardes. Combien de procédés ont réussi une , deux et trois fois , qui n’ont eu aucun succès à la quatrième > que dis-je , a la dixième, et par conséquent qu’il a fallu regarder comme nuis.

Il est , sans doute , intéressant pour l’histoire naturelle , de constater si tous les granits contiennent de la terre calcaire, ou n’en contiennent pas Je souhaite que des chimistes versés dans le manuel , veuillent concourir à vérifier l’affirmative ou la négative $ je vais , de mon côté , me procurer des échantillons, qu’on ne pourra pas suspecter , et faire tous mes efforts pour découvrir la vérité d’un pareil fait (1).

(1) Dans ce mémoire j’ai parlé du schoerl , sans rien dire de sa composition $ mais puisque l’occasion s’en présente , je crois devoir annoncer qu’ayant exposé à l’action de l’acide vitriolique , 2 onces d’un schoerl du Limousin qui est d’une couleur noire foncée , en masse pleine et parsemée de quartz blanc , la vitriolisation s’est faite très-aisément , et que par ce moyen , il a été retiré 7 gros et demi d’alun sali par un peu d’ocre , en sorte que 2 onces de ce schoerl contiennent près de 2 gros de terre alumineuse et une très-petite portion de fer.

M a

OBSERVATIONS

V

180

PROCÉDÉ

J? ar lequel j 3 ai obtenu } en 1777, de V acide nitrique , en traitant la manganèse seule élans les vaisseaux fermés ,

PREMIERE OPÉRATION.

Q

u e l’on mette 2 onces cle manganèse pulvérisée dans une petite retorte de verre lutée, et qn’on y adapte un petit récipient , bientôt 011 apercevra des gouttes d’eau qui se succéderont de loin en loin 3 on pourra compter jusqu’à 60 ou 70 , entre la première et la seconde , et même la troisième 3 si l’on augmente le feu, on ne comptera plus que 5o , » 3o , 20 , enfin 18. Déjà/instruit par mes précédens tra- vaux que la serpentine ollaire ainsi traitée m’avoit donné des preuves certaines qu’on pouvoir en tirer de l'acide marin , je rece- vois de temps en temps , sur du papier à sucre , les gouttes d’eau que me fournis- soit la manganèse 3 et sur la fin de la dis- tillation , j’observai que la couleur du papier étoit détruite par la chute d’une

1

SUR LA MANGANÈSE. 1 S l

seule goutte d’eau : telle fut ma première opération.

SECONDE OPÉRATION.

Ayant introduit dans une petite retorte- de verre 4 onces de la même manganèse > (c’étoit toujours celle du Feliombourg , dans la Lorraine allemande) ; j’adaptai au bec un tube de verre, recourbé à-peu-près à angle droit; cet appareil ainsi disposé, j’introduisis dans la courbure du tube environ une demi-once d’eau distillée , et légèrement alkalisée par quelques gouttes de déliquium d’alkali de tartre.

Tout étant disposé le feu fut allumé et poussé au degré nécessaire : le fluide aéri- forme (car c’est ainsi qu’on l’appeloit en 1 777 ) passoit ou se filtroit à travers l’eau alkalisée ; l’eau qui distilloit s’y mêloit.

Mon objet étant de saturer l’alkali que j’employois , dès que je m’aperçus que les bulles qui se formoient dans la liqueur qui remplissoit exactement la courbure du tube , ne se succédoient que de loin en loin , je laissai tomber le feu , et dès que l’appareil fut refroidi , je substituai uns - autre cornue également chargée de 4. onces.

Ü M 3

i82 OBSERVATIONS

de manganèse, à celle qui étûit adaptée ara tube , et j’ai procédé à une nouvelle distil- lation 5 j’allai même jusqu’à en faire une troisième , tant j’avois à cœur de saturer l’alkali fixe contenu dans la demi -once d’eau qui est dans le tube.

Donze onces de manganèse ayant été employées dans cette opération , il ne res- toit plus qu’à vérifier l’état se trouvoit l’alkali qui de voit, selon moi , avoir absorbé tout l’acide contenu dans les J2 onces de manganèse. L’eau du tube fut en consé- quence versée dans une petite capsule de verre ; son goût annonçoit que l’alkali étoit bien éloigné d’être saturé. N’importe , je procédai sur-le champ à son évaporation au bain-marie , et lorsque je la jugeai assez rapprochée, je l’abandonnai à elle-même, et vingt- quatre heures après j’aperçus sous la liqueur des aiguilles longues et minces , dont le poids , si je l’ai bien évalué , ne me paroissoit être au plus que de 2 ou 3 grains j j’en retirai quelques unes , qui , mises sur du charbon allumé , fusèrent vivement , et ne me laissèrent aucun doute sur leur nature.

J’ai répété cette expérience sur la man-

1

I

SUR ï. A M A N G A N È Se. l83

ganèse d’Angleterre et sur celle du Maçon- nais , et j’ai constamment obtenu les mêmes résultats.

-PROCÉDÉ

Employé dans la Suabe pour faire le sel

d’oseille .

Le sel essentiel d’oseille, tant qu’il ne fut employé parmi nous que pour enlever les taches d’encre , étoit un objet de con- sommation peu important ; mais , depuis une vingtaine d’années qu’011 a commencé à en faire des boissons acidulés , très- agréables et très-salutaires , cette consom- mation , ainsi que le prix de ce sel , ont doublé.

Cependant aucun de nos compatriotes n’a jusqu’ici tenté d’en former une fabrique qui , sans être la source d’une grande ri- chesse , produiroit du moins à celui qui l’établiroit , un profit très*lionnête.

L’Allemagne continue donc à nous four- nir tout le sel d’oseille que nous consom- mons 5 c’est une branche de commerce pour la Suabe , et principalement pour le canton que nous connaissons sous le nom

M 4

l84 P R O C à Dt B

de -Foret’ Noire. , ce sel est préparé par de simples paysans ; ce qui ne nous éton- nera pas, si nous voulons porter nos ré- liexions sur la fabrique de la plus précieuse et la plus recherchée de toutes les liqueurs , sur le vin.

Leshabitans de la Foret-Noire qui se sont adonnés à extraire ce sel , le portent à Laie, ville très-commerçante et située dans leur voisinage ; ils le vendent aux maté- rialistes qui , à leur tour , nous le font passer ; en sorte que nous l’achetons de la seconde main , ce qui augmente encore le prix.

L’importation de ce sel en France n’est pas pour l'Etat une affaire de grande con- séquence ; mais , à moins d’une nécessité absolue , peut-on laisser sortir du royaume la plus petite somme d’argent? Non sans doute , et nous croyons que l’importation du sel d’oseille , ne coûtât-elle à la France que dix mille livres par an , doit être non pas prohibée , mais rendue nulle par l’éta- blissement de quelques usines on le fabriqueroit.

De pareils établissemens seroient peu coûteux et d’un produit assuré , sur-tout

du sel d’ o s n u e; i85

si les particuliers qui les forineroient , étoient assez sages pour proportionner leur fabrique à la consommation.

Ce n’est pas aux artistes de Paris que j’adresse ma proposition ; ils en sentiront facilement la raison , en voyant les détails du procédé usité chez les habitans de la Forêt-Noire ; mais rien ne peut empêcher les pharmaciens de quelques villes de province de se livrer à ce genre de travail qui , ne les occupant que deux ou trois mois de l’année , pourroit cependant leur ouvrir une petite branche de commerce , qui les aideroit certainement à soutenir les dépenses de leur maison. C’est sur-tout à quelques-uns de ceux qui sont établis dans les environs de la capitale , ou s’en fait la plus grande consommation , qu’il convient de penser à former rétablisse- ment que je prends la liberté de leur pro- poser.

Tel est le premier et principal motif qui m’engage à faire part au public du procédé que j’annonce ; mais il en est un autre.

Les chimistes français , ceux sur-tout qui ont publié depuis peu des ouvrages sur leur art , ont plus que des soupçons

l86 PROCÉDÉ

sur le sel d’oseille que nous tirons d’Alle- magne. Sans doute que , considérant la petite quantité de sel qu’ils auront obtenue avec peine et grands frais , en travaillant sur L’oseille cultivé dans nos jardins ou sur quelques poignées d’oxitriphillum ramas- sées dans nos forêts , ils n’ont pu se per- suader que le sel essentiel d’oseille qu’on nous envoie de Suabe , fût extrait des plantes qui portent ce nom ; et avec d’au- tant plus de raison , selon eux , que le prix auquel il se vend ne répond point du tout aux frais qu’on est obligé de faire , lorsqu’on essaie d’en fabriquer dans son laboratoire.

Ces réflexions ont donc porté la plupart de nos chimistes à regarder le sel d’oseille, non pas comme urj produit de la nature , mais comme un ouvrage de Fart , enfin comme une sophistication.

Il seroit très -facile de répondre à ces objections , mais ce seroit disserter inuti- lement, puisque le procédé que je vais donner , en levant tous les doutes , nous fera connoître la vérité.

Mais nous ne pouvons nous empêcher de faire observer à notre tour , que la

J

DU S E X D* OSEILLE. 187

crème de tartre , ou , ce qui est la même chose, que le sel essentiel du raisin purifié que nous tirons du bas Languedoc à très- bas prix, ne pourroit être fabriqué dans nos laboratoires , en le prenant dans le raisin même , qu’en dépensant peut-être deux louis d’or pour en obtenir une livre.

La chimie doit sans doute éclairer les arts , mais elle ne doit jamais conclure pour les dépenses du petit au grand.

J’ai cité l’exemple de la crème de tartre, parce que ce sel essentiel du raisin a tant de rapport chimique avec le sel essentiel d’oseille , qu’on peut présumer que la fa- brique de l’un doit être celle de l’autre ; et c’est ce qui est en effet , comme nous l’allons voir.

Procédé pour extraire et purifier le sel essentiel d’oseille , communiqué par Baunach , pharmacien en chef de l’hô- pital militaire de Brest.

Ce sel se tire principalement de l’oseille, connu des botanistes sous la dénomination de JRumex acetosa foliis safttitis , (L'n.)

On la seme au mois de mars , dans de vastes champs bien disposés par des la-

lbb PROCEDE

bours, à en recevoir la graine. La plante croît avec promptitude,, et acquiert assez de vigueur pour être coupée au mois de juin ; on la fauche à cette époque , et tout de suite elle est transportée sur des voitures et déposée dans la fabrique.

Dans cette fabrique est disposé un mortier de bois , de forme carrée , fait de gros madriers bien joints et assujétis par des cercles de fer : la partie inférieure ou le fond de ce mortier , est composé de mor- ceaux de bois très-solides et très-épais -, on a pratiqué , sur un des côtés en joignant le tout , une ouverture , une sorte de petite porte qui ferme exactement j nous en indi- querons l’usage dans un moment : au reste la capacité de cette espèce de mortier est telle qu’il peut contenir environ trois cents pintes mesure de Paris.

Au-dessus de ce mortier s’élève un s;ros pilon de bois , de dix à douze pieds de long , et d’une épaisseur proportionnée à la grandeur du mortier ; il est fait et dis- posé de manière à toucher et à écraser la matière qui doit être exposée à son action.

Ce pilon est emmanché à une autre pièce de bois de vingt pieds de long sur dix à

DU SEL d’0SEILLE. ittcj

douze pouces d’équarrissage ; ce qui donne la forme d’un marteau , dont en effet il porte le nom.

Cette pièce de bois , ou , si l’on veut , ce manche de marteau est soutenu ver-s son milieu sur une colonne de bois échancrée $ c’est sur ce point d’appui que le marteau se trouve en quelque sorte en équilibre.

L’extrémité du manche de ce marteau est disposée de manière à recevoir l’impres- sion et le mouvement que doit lui donner l’arbre d’une roue mue par l’eau courante, sur le bord de laquelle est construis la fabrique.

Cet arbre est armé d’une forte cheville, qui , à chaque révolution de roue, s’appuie sur l’extrémité du manche du marteau , le fait baisser, et du meme coup élève le pilon qui ne tarde pas à tomber sur la matière contenue dans le mortier.

Cet appareil étant bien disposé , ou charge le mortier d’oseille récemment cueillie 5 on lève la vanne du moulin , et dans l’instant l’eau met la roue et le pilon en jeu.

Lorsque l’oseille est suffisamment écra- sée , on arrête la roue , et l’on fait sortir

V n o c è d è

Jÿo

par la petite porte dont nous avons parle , le suc et le mare de la plante , qu’on reçoit et dépose dans des cuves de bois ; on remplit le mortier d’oseille , et l’on fait de nouveau jouer le pilon , travail qui se continue jusqu’à ce qu’on ait réduit en une sorte de pulpe toute l’oseille récoltée.

Le suc et le mare obtenus étant mis dans des cuves , on y ajoute une certaine quan- tité d’eau fraîche , et on laisse macérer pendant quelques jours , après lesquels on soumet le tout à l’action d’un pressoir dont l’atej er est muni : ce pressoir ne diffère point de ceux qui sont en usage pour le raisin.

Le suc d’oseille , quelque abondant qu’il paroisse , ne suffit pas pour tenir en disso- lution tout le sel essentiel contenu dans cette plante : c’est pourquoi nous venons de voir que les fabricans y ajoutoient de l’eau : mais, non contents de cette première addition , ils reportent dans le mortier le mare exprimé , et le pilent de nouveau , en y mêlant à-peu-près autant d’eau que l’oseille verte en contient naturellement - ils expriment une seconde fois , et ne cessent ces opérations alternatives, que lorsqu’ils

B IX SEL B* O S E I X X E. I<jl '

s’aperçoivent que le mare ne contient plus de parties extractives.

Tout le suc obtenu par les expressions ci-dessus mentionnées étant légèrement chauffé et rassemblé dans une grande cuve , on y ajoute de l’eau dans laquelle on a délayé de la terre argileuse très-fine , très blanche et sur-tout très-pure ( on met ordinairement vingt livres de cette argile blanche , sur douze cents pintes de suc ) : on agite le tout et on le laisse en repos ; vingt quatre heures suffisent pour clarifier la liqueur : alors on la décante ; on jette sur des filtres d’étoffe de laine la matière déposée dans le fond des cuves , et on la laisse bien égoutter.

Ce dépôt, qui est un mélange de parties terreuses et résineuses , ainsi que la portion la plus tenue du parenchyme de la plante , s’il est bien lavé , ne contient plus de sel essentiel $ si on le brûle , on n’en retire pas un atome d’alkali fixe.

Le suc d’oseille étant clarifié , ainsi que nous venons de le dire , est porté dans de grandes chaudières de cuivre étamées , dans lesquelles on le fait bouillir très- légèrement , et évaporer jusqu’à ce l’on

I92 Procédé

voie paroître un commencement de pelli- cule à la surface ; à ce moment , on le verse dans des terrines de grès , qui con- tiennent environ seize pintes ; ces terrines sont posées dans un lieu frais , elles restent sans agitation pendant un mois ; on décante alors la liqueur , et l’on trouve les parois de ces terrines couvertes d’un sel irrégulièrement cristallisé , et d’une couleur grisâtre.

La liqueur décantée , soumise à une seconde et troisième évaporation , donne encore des cristaux , on va même jusqu’à une quatrième , si on la croit nécessaire ; et on a l’attention d’ajouter à chaque éva- poration un peu d’argile délayée , et de passer ce suc par le filtre de laine dont nous avons parlé.

Lorsque la liqueur refuse de donner du sel essentiel , elle se trouve dans un état d’eau-mère qui contient une assez grande quantité de sel de Silvius , et un peu de tartre vitriolé ; elle est encore acide et fait effervescence avec l’alkalifixe, ainsi qu’avec la craie.

Le sel obtenu par les différentes évapo- rations étant réuni, on procède à sa puri-

iication :

T> U SEL d' OSEILLE. I

fication : pour y parvenir , on le fait dis- soudre clans une suffisante quantité d’eau 5 on fait évaporer , on filtre et on obtient un sel très-pur , très-blanc et bien cristal- lisé , tel enfin que celui que nous tirons do la Forêt-Noire.

Ce sel peut également être extrait de l’oxitriphillum ou alléluia mais quoique cette plante croisse spontanément dans les forêts, et soit assez commune , elle ne peut cependant pas suffire à la consommation qu’on fait du sel d’oseille ; ce qui proba- blement a engagé les habitans de la Forêt- Noire à cultiver la plante très-acide appelée liumex acetosa foliis sagittalis .

Baunacli , qui a suivi avec exactitude le travail du sel d’oseille , m’assure qu’ayant fait une pesée de deux mille livres de cette dernière plante , et que l’ayant soumise à toutes les opérations dont nous avons rendu compte , il en a retiré i5 livres 10 onces de sel essentiel bien pur, io gros 7 onces cle sel de Silvius , 6 gros 68 grains de tartre vitriolé, 5oo livres d’extrait de bonne con- sistance , et que le mare bien exprimé pesoit mille livres : en sorte que l’eau de végétation des deux mille livres du r uni ex Tome II. N

I(j4 PROCEDE

acetosa foliis sagittatis peut être évaluée à quatre cent quatre-vingt-quatre livres , compris ce que l’extrait et le mare en contenoient encore.

Enfin par une réduction de deux mille livres à une livre , il résulte qu’une livre de cette plante donne

1 gros de sel essentiel pur ,

4 grains de sel de Sylvius ,

J de grain de tartre vitriolé ,

4 onces d’extrait.

Le procédé qui vient d’être décrit est plus que suffisant pour détromper les chi- mistes auxquels il resteroit des doutes sur la nature du sel d’oseiile , fabriqué dans la Forêt-Noire. Je le répète , ce sont de bons et simples villageois qui le préparent 3 toute sophistication leur est inconnue ; ils cul- tivent la plante dans un , deux ou trois arpens , plus ou moins , suivant leurs moyens : l’un en fait quinze livres , un autre trente livres , uti troisième cinquante livres; ils ne se donnent pas tant de peine, et n’ont pas des ateliers tels que celui que nous avons décrit, pour faire un faux sel d’oseille ; les manœuvres de cette espèce sont réservées à des gens qui sont bien

DU SEL d' O S E I L L £. X(j£

éloignes de fixer leur séjour dans des vil- lages ; les villes seules , et sur-tout les grandes villes , leur sont bien plus favo- rables ; c’est-Ià que les hommes cupides , dirigés par un vil intérêt, peuvent déployer leur malheureux talent dans tous les iienrcs

O

de sophistication , et tromper le public de mille manières.

Mais le collège de pharmacie , dont les vues sont principalement dirigées vers le bien général , reconnoissant pour première loi de son régime , celle que dicte l’hon- neur, se fera toujours un devoir de dévoiler et de repousser toute sophistication : c’cst ce dont nous prions nos concitoyens d’être bien persuadés.

On parle déjà d’un prétendu sel , fait en distillant de l’acide nitreux sur du tartre vitriolé , qui, dit-on , peut suppléer le véritable sel d’oseille : j’ignore ce que c’cst ; mais le collège de pharmacie , dont l’ambition sera toujours de mériter la Confiance du public , ne présumera jamais qu’aucun de ses membres puisse en tenir de semblable dans son officine.

j

N 2

LETTRE

i

Sur le Sel d’oseille.

P * * * veut Lien se charger de vous remettre la dissertation sur le sel essentiel d’oseille , que vous m’avez communiquée. J’y ai joint le procédé dont je vous ai parlé avant mon départ de Paris , et que j’ai promis de vous donner aussitôt que j’au- rois un moment de loisir.

Les bornes d’une lettre ne me permettant pas de m’étendre sur l’éloge que mérite Savary , auteur de cette dissertation , je me contenterai de vous indiquer les deux paragraphes qui ont donné lieu au procédé dont je vous fais part, et que je soumets à votre jugement.

Savary ayant traité de différentes ma- nières le sel essentiel d’oseille , soit celui qu’il avoit tiré lui-même de P oxitriphiLlum , soit celui du commerce qui se fabrique en Suabe et en Suisse, sa patrie, nous apprend que c’est à tort que nous soupçonnons ce dernier d’être sophistiqué ; il nous assure, au contraire, qu’il est yrai etpur sel d’oseille.

^LETTRE SUR ER SEL D’OSEILLE.' 1

S ... a distillé le sel d’oseille ; et ce qui resta dans la cornue étoit un pur alkali vé- gétal qui , laissé à l’air libre , tombe en deliquium (§. X, pag. 1 4)*

Il a aussi traité ce sel , comme Duliamel et Grosse avoient traité la crème de tartre en 1752 ( voyez Académie des sciences , volume de 1702 , pag. 54o ) ; c’est-à-dire, qu’il l’a exposé à l’action de l’acide vitrio- lique et de l’acide nitreux ; mais ces acides n’ont point opéré la décomposition du sel d^oseille , comme ils opèrent celle de la crème de tartre : il n’a eu ni tartre vitriolé, ni salpêtre régénéré 5 il a , au contraire , retiré son sel essentiel pur et sans altéra- tion : car il n’ose , dit-il , donner le nom de tartre vitriolé à quelques cristaux qu’il a obtenus par une seconde cristallisation , malgré le goût amer qu’ils imprimoient sur la langue 5 non plus que le nom de nitre à ceux que luif ournit également la seconde cristallisation du procédé avec l’air nitreux, quoiqu’en versant dessus un peu d’acide vitriolique concentré, il s’en soit élevé des vapeurs rouges ( §. XI , pag. 16 ).

D’après ces expériences et plusieurs autres , S . . . conclut que Palkali fixe qu’il

N o

lettre

198

a tiré du sel d’oseille , a été l’ouvrage du feu. Permettez-moi une réflexion.

S . . . dont la langue allemande est sa langue naturelle, n’a sans doute pas connu la dissertation de Margraff , imprimée en allemand depuis plusieurs années , la- quelle a pour titre : Expériences qui démontrent que l’ alkali fixe peut être séparé du tartre du vin par le moyen des acides et sans le secours du feu. Il y auroit appris que ce savant apothicaire de Berlin a traité le sel d’oseille avec l’acide nitreux , et qu’il en a retiré, par ce moyen, un vrai nitre régénéré. A la vérité , le célèbre chimiste allemand a trouvé plus de difficultés à décomposer le sel d’oseille, qu’il n’en avoit trouvé lui -même, et que n’en avoient trouvé avant lui Duhamel et Grosse , en décomposant la crème de tartre par le même acide. Il avoue, §. XIX, qu’ayant traité le sel d’oseille avec partie égale d’acide nitreux , il a eu , par une pre- mière cristallisation , du vrai sel d’oseille non décomposé 5 et que ce n’a été qu’à la seconde qûhl a obtenu des cristaux de nitre, mais en fort petite quantité. Enfin, Margraff dit que le seul moyen d’avoir

SUR LU SEL d’ OSEILLE. I99

une décomposition de ce sel un peu plus marquée , c'est d'en traiter une partie avec deux , quatre , et même six parties d’acide nitreux. /

Il y a donc très - grande apparence que les cristaux que S ... a obtenus par les dernières cristallisations , étoient du véri- table tartre vitriolé et du vrai nitre. Je ne peux m’empêcher de le répéter : si S... eût connu le travail de Margraff, il auroit été rassuré par le seul nom du chimiste de Berlin , et il auroit donné à ses derniers cristaux la dénomination qui devoit leux être assignée.

J’ai répété ces expériences ; j’ai fait digérer du sel d’oseille avec les acides de nitre et de sel marin , et j’ai appris , par mon propre travail , que ce sel essentiel ne se laisse attaquer que foiblement par ces acides. J’ai retiré de l’un et de l’autre procédé presque tout le sel d’oseille , tel que je l’avois employé : je n’ai eu que des atomes de nitre et de sel marin. Je désirois un succès pins complet : j’étois persuadé que les alkalis fixes n’étoient point l’ou- vrage du feu : les expériences de Lémery fils , années 1717, 17/9, 1720 ; Bourdelin,

N 4

I

200 X. E T T R 33

1728$ Duhamel et Grosse, 1702 et 1783,' ne doivent laisser aucun doute sur l’exis- tence de ce sel tout formé dans les végé- taux. Je tentai, en conséquence, sur le sel d’oseille un procédé différent de celui que Duhamel et Grosse avoient employé pour décomposer la crème de tartre par l’acide nitreux; ce procédé , qui m’a par- faitement réussi , est celui que je vous envoie : il est fondé sur les doubles affi- nités. Ce seroit vous en dire trop , si je Vous le proposois comme problème chi- mique.

Procédé par lequel on régénère en nitre parfait tout l’alkali fixe qui entre natu- rellement dans la composition du sel essentiel d’oseille .

J’ai pris 2 gros de sel essentiel d’oseille purifié , que j’avois tiré moi -même de l’oseille potagère , autosa rotundi - fiolia hortensis ; je l’ai fait dissoudre à une chaleur de cinquante degrés dans un vase de verre, avec 16 onces d’eau distillée: la liqueur étoit claire et limpide ; j’ai versé dessus peu - à - peu une suffisante quantité de dissolution de mercure dans

l’acide nitreux: il s’est formé un précipité de la, plus grande blancheur. La liqueur devenue claire par le repos, et décantée, a été exposée à la chaleur du bain de sable : elle s’est un peu troublée ; je l’ai filtrée ; et l'évaporation continuant à se faire, il s’est formé une petite quantité de sel résultant de l’union de l’acide végétal de l’oseille , avec une portion du mercure précipité. J’ai versé dans un autre vase la liqueur surnageante , qui , par une évaporation suffisante , ayant été rapprochée au point de cristallisation , donna , par le repos , 53 grains de nitre régulièrement cristallisé en longues aiguilles ; et par une seconde cristallisation , j’en ai encore obtenu 7 grains et demi , ce qui fait en tout envi- ron 60 grains. J’ai répété ce procédé sur du sel d’oseille que j’avois rapporté d’Alle- magne , il avoit été préparé avec l’oseille connue des botanistes, sous les noms d’oxi - triphillum , d’ acetosella , et qu’on appelle en François alléluia. J’ai eu le même succès, et je me suis assuré par - de la vérité de ma première opération.

Je ne dois plus rien dire sur les suites de ce procédé : l’objet que je m’étois pro-

202 LETTRE SUR LE SEL D’OSEILLE.'

posé , est rempli ; je me suis convaincu qu’on pouvoit décomposer le sel d’oseille par l’acide nitreux , et former avec tout le sel alkali qui s’y trouve naturellement, un vrai nitre régénéré.

Je suis, etc.

!2o3

LETTRE

Sur l’analyse du Techstein de Menil -

Montant.

ij n donnant au public , par la voie du journal de Physique, année 1779, l’examen de la pierre ollaire, vulgairement appelée serpentine, j’ai, à l’imitation de Margraff, fait connoître différentes terres ou pierres de notre pays , à la formation desquelles la nature a employé la terre qui , combinée avec l’acide vitriolique , constitue le sel Sedlitz ou d’Epsom. J’ai, depuis cette époque , travaillé sur diffé- rentes pierres ou terres des environs de Paris, à dessein d’y trouver la base du meme sel ; mais , à cet égard , mes recher- ches ont été infructueuses ; les argiles qui nous avoisinent m’ont constamment donné de l’al un mêlé de vitriol martial , sans qu’il m’ait été possible d’en tirer du sel de Scdlitz , quoique ces sortes de terres n’en soient pas toujours dépourvues , ainsi que je l’ai démontré dans le mé- moire cité.

Lettre

2o4

Les carrières de Ménil-Montant recë» loient cependant la pierre que je désirois; mais c’étoit à Quinquet et à Delarbre qu’il étoit réservé de la trouver. V ers la lin du mois d’août , le premier m’en montra un morceau , et la curiosité me lit désirer d’en posséder un échantillon. Celui qui me fut apporté, étoit long et mince; il étoit mam- meloné , terminé par deux branches dont l’intervalle étoit rempli d'une terre 'grise , fortement adhérente à la langue, et qui, vue à la loupe , ne me paroisscit pas avoir tous les caractères que cet instrument fait connoître dans les argiles ordinaires.

J’en détachai sur-le-champ trois ou quatre fragmens , chacun de la grosseur d’une lentille , sur lesquels il fut versé quelques gouttes d’eau dont ils furent bientôt imbibés , sans cependant se bour- soufler , ni perdre leur forme ; ils ont conservé la dureté qu’a naturellement la terre dont ils avoientété détachés; et, cou- verts d’eau plusieurs jours de suite , ils ont constamment opposé à la pointe d’un canif la résistance qu’oppose la terre elle- même dans son état de siccité. Cette simple expérience, jointe à l’aspect de cette terre

SUR LE PBCHSTEIIÎ. 2o5

ou pierre tendre , me lit juger que, grâces aux recherches de Delarbre et Quinquet , je tenoisenhnun fossile qui donneroit par la vitriolisation du sel de Sedlitz.

Je ne perdis pas un instant; j’avois reçu mon échantillon de pechstein de Ménil- Montant, le premier septembre, sur les dix heures du matin, et avant midi, un morceau de la terre, du poids de 260 grains, étoit déjà imbibé d’acide vitriolique foible ; et tout de suite il fut mis dans une petite capsule de verre , un fragment du pechstein lui-même détaché de l’intérieur de mon échantillon. Celui-ci pesoit 55 grains; il ne fut pas pénétré par l’acide , mais simplement mouillé.

Tout resta tranquille jusqu’au quatrième jour, que j’aperçus les rudimens de quel- ques cristaux sur les bords anguleux du morceau de terre qui , dès ce moment , parut disposée à se gercer. Le 6 du même mois , l’exfoliation étoit décidée ; le 10 , les lames se séparèrent facilement les unes des autres; le sel étoit devenu plus abon- dant, et, à la simple vue, 011 pouvait déjà caractériser les cristaux; l’acide étant saturé, le goût mq fit connoître que c’étoit

20 6

Lettre

vraiment du sel de Sedlitz. Je pris alors le parti de verser de l’eau distillée pour em- porter tout le sel qui s’étoit formé : la terre édulcorée et bien égouttée fut de nouveau arrosée d’acide vitriolique. Le i8 , il se forma d’autres cristaux, mais en bien moins grande quantité que la première fois. L’acide étoit dominant , et je crus m’apercevoir, les jours suivans , que les cristaux n’augmentoient ni en nombre , ni en volume.

Tandis que la vitriolisation de la terre qui accompagnoit mon échantillon de péchstein se faisoit , celle du pechstein lui- même s’opéroit avec un peu plus de lenteur ; mais enfin dès le dixième jour , c’est-à-dire Je 11 septembre, on pouvoit déià voir la partie supérieure couverte de sept ou huit petits cristaux qui , vers le 20 , avoient tous les caractères du sel de Sedlitz Ce fragment que je garde, est, aujourd’hui 9 octobre , entièrement cou- vert du même sel : les cristaux grossiront sans doute ; mais le temps est , depuis plus de quinze jours , si humide , et par conséquent si peu propre à mon opération, que je suis obligé de le laisser en e&pé-

SUR LE PECIISTEIN. 207

rience tout le temps nécessaire pour dé- couvrir si , dans la suite , le petit morceau de peclistein se délitera , s’exfoliera , ce qui est assez ordinaire aux fossiles sus- ceptibles de la vitriolisation.

En attendant , il est bien démontré que la terre qui accompagne le peclistein de Ménil-Montant, et ce peclistein lui- même, contiennent la terre alkaline qui , unie à l’acide vitriolique , constitue le sel de Sedlitz ou d’Epsom; ce qui rapproche un peu cette pierre des sinectiqties , des ser- pentines ollaires et des stéatites.

Le sel connu sous les noms de Sedlitz et d’Epsom est d’un grand usage parmi nous ; le malheur est que nous sommes contraints de le tirer de l'étranger. Et pourquoi , me direz* vous , n’en pas fabri- quer en France ? Je faisois des vœux , en 177 9 , pour qu’on s’en occupât, je les fais encore aujourd’hui ; s’ils étoient exaucés , nous emploierions , pour l’usage de la médecine, un sel auquel nous pourrions donner , à notre tour , le nom d’une source minérale qui le contiendroit , aussi bien que celles de Sedlitz et d’Epsom. Mais non , il nous faut des étoffes étran-

i

t E T T R E

2oS

gères , des eaux minérales , etc. etc. Nous tirons , à grands frais, des eaux de Sedlitz et de Spa ; et nous oublions que la source de Spa est à Pougues, près Nevers, et sur la rive de la riche Loire , et que celles de Secllitz sont à Crausad , sur le bord de la Dordogne.

Mais pourquoi , dira-t-on , nous forcer d’user d’un sel factice , tandis que nous pouvons nous en procurer de naturel ? Allons , puisqu’il le faut , révélons donc le secret à ceux qui l’ignorent : la vérité est que les sels d’Epsom , de Sedlitz , qu’on vend par-tout en France, sont des sels factices , qui se font en traitant avec l’acide vitriolique les eaux-mères du sel marin. Or, ayant chez nous, depuis plu- sieurs années , des manufactures d’acide vitriolique , dans chacune desquelles on fait bien au-delà do ce que les arts cultivés parmi nous en peuvent consumer, ne se- roit-il pas utile de diriger l’emploi de cet excédent vers l’objet que je propose depuis dix ans ? Déjà l’on fabrique de l’alun, en traitant une terre argileuse avec cet acidq; eh bien, la serpentine ollaire, si on l’avoit sous la main , pourroit avec avantage

être

SUR 1= E pechstein. 209

être travaillée comme les argiles. Celle du Limousin m’a donné , ainsi que celle de l’ Allemagne , livre pour livre de sel de Sedlitz , débarrassé de tout son fer. Au défaut de la serpentine ou des autres pierres de ce genre , ayons , ainsi que les Anglais* recours aux eaux-mères du sel marin. Je présume que la Basse- Normandie , on prépare un sel qu’en langage de la ferme on appelle quart de bouillon , fourniroit abondamment le sel de Sedlitz et d’Epsom.

N etes-vous pas bien étonné de ce qu’en parlant de la base du sel de Sedlitz , je parois éviter avec affectation d’employer le mot de magnésie , sous lequel on pré- tend, depuis quelques années, la désigner, et que tout îecemment quelques clnmistes d un ordre supérieur ont en quelque 9orte consacré en l’adoptant dans la nouvelle nomenclature qu’ils viennent de publier.

Je le suis bien davantage , en voyant les chimistes, qui ont fait main- basse sur l’ancienne nomenclature chimique , faire grâce au mot magnésie. Eh ! qu’a donc de commun la terre qui fait la base du sel de Sedlitz avec la pierre magnétique ? Car on ne peut pas supposer que cette même Tome IL O

210 LETTRE

pierre prenne son nom d’un canton de Macédoine , appelé Magnésie , dont , au rapport de Pline, on tiroit d’excellente pierre magnétique ou aimant.

D’un autre côté , pourquoi donc conser- ver , dans une nouvelle nomenclature , des mots équivoques ? Entrez dans une Pharmacie de Paris , vous y trouverez de la magnésie anglaise , de la magnésie ni- treuse ; la première aura été distraite par la précipitation du sel de Sediitz , l’autre par précipitation ou calcination des eaux- mères de nitre.

Il est encore une autre substance qui porte le même nom , à la vérité un peu corrompu par les verriers et potiers , qui l’appellent dans leur jargon la manganèse, mais dont le nom latin a toujours été 7nagnesict , et a constamment désigné une substance minérale , qui n’a nul rapport avec les magnésies anglaises et nitreuses dont l’emploi n’est connu qu’en médecine.

Les auteurs de la nouvelle nomencla- ture se sont bien aperçus qu’il étoit néces- saire d’éviter l’équivoque -, et, pour y par- venir , ils disent, dans leur dictionnaire français et latin , que magnesia signifiera

SUR LE ÏECHSTEIN. 211

dorénavant la magnésie , ou ce qui est la même chose , la terre base du sel de Sedlitz, et que magnésium signifiera la manganèse ; c’est-à-dire, la magnésie ou la manganèse de verriers ; en sorte que , suivant le nouveau dictionnaire , suljas magnesiae signifie le sel de Sedlitz , et sulfas magnesii , le vitriol de manganèse.

Je ne déciderai pas si les désinences masculines et neutres pour le latin , si les mots masculins et féminins pour le français suffisent pour repousser l’équivoque, mais on peut au moins en douter.

Au reste , la dispute sur ce mot ne peut durer long- temps , et elle seroit finie , ou plutôt n’auroit point eu lieu , si un chi- miste, très- versé dans l’art des expériences, m’avoit permis d’en citer une qui lui étoit propre , et par laquelle il réduisoit le

natrum en terre alkaline ; sa modestie m’ern-

\

pêcha d’en faire usage , et il fallut me contenter de terminer mon mémoire surfa serpentine , par ces quatre lignes :

« D’après les propriétés de la pierre qui sert de base au sel de Sedlitz , ne pour- 55 roit-on pas présumer que cette même >3 terre concourt à former les sels alkalis

O 2.

312 LETTRE S TT R LE EECHSTEITÎ’.'

fixes , sur- tout le natrum ? Si jamais on » parvient à s’en assurer , sa dénomina- » tion sera alors , à juste titre , celle que » Margraff lui a déjà assignée , en l’ap- >3 pelant terre alkaline. 33

Aujourd’hui que je n’ai presque plus de doute à cet égard , j’ose espérer que vous serez assez indulgent pour me pardonner l’aversion que j’ai contre le mot magnésie ; aversion qui , dans l’exacte vérité , n’est fondée que sur l’équivoque , qui , en fait de médicamens, ne sauroit être repoussée avec trop de chaleur.

t

2i3

RECHERCHES

SUR L’ÉTAI 3ST-

INTRODUCTION.

Xj’étain est depuis très-long-temps d’un usage presque universel. Il en est fait men- tion dans le troisième livre du Pentateuque. Après la défaite des Madianites , les Juifs rentrèrent dans leur camp , chargés d’un butin immense, que leur saint et inspiré conducteur ordonna de purifier , soit par le feu , soit par l’eau. Voici les paroles du texte sacré :

« Vous purifierez tout le butin , les vête- ^ mens , les vaisseaux, et tout ce qui peut 55 être à quelque usage, soit qu’il soit fait 55 de peaux, ou de poils de chèvre, ou de 55 bois.

55 Que l’or , l’argent , l’airain , le fer , le 55 plomb et l’étain , et tout ce qui peut passer par les flammes , soit purifié par 5> le feu 5 et tout ce qui ne peut souffris

O 3

314 INTRODUCTION.

^ le feu , soit sanctifié par l’eau d’ex- piation (1) ».

Il ne paroît pas que Salomon ait fait employer l’étain dans le temple qu’il édifia au Seigneur, l’an quatre cent quatre-vingt depuis la sortie d’Egypte ; mais on n’en sera pas surpris si l’on considère que, sous son règne , l’or étoit devenu si commun dans la Judée , que l’argent même n’étoit plus un métal recherché, ce Tous les vases 33 ouïe roi Salomon buvoit, (est- il dit au 39 troisième livre des rois ) étoient aussi

d’or ; et toute la vaisselle de la maison 39 du bois du Liban , étoit d’or très-pur. 3j L’argent n’étoit plus considéré , et on 33 n’en tenoit aucun compte sous le règne 39 de Salomon (2) 93.

(1) Et de omjii praedâ , sive vestimentum fuerit 3 sive vas, et aîiquid iji utensilia praeparatum , de capran/m pellibus , et pilis , et ligno , expiabitur Numcr. cap. XXXI, vers. 20.

ylurum et argentum , et acs , et ferrvm , et pluni- bum , et stannum , et omne quod potest transire per flammas , igné purgabitur : quidquid auteni igneni non potest sustinere , aqud expialionis sanc - tijîcabitur. Ibid. vers. 22 et a3.

(2) Sed et omnia vasa qnibus potabat Rex Salo- mon , erant aurca , et universa supellex domûs

INTRODUCTION. 2i5

Ce n’est ([ne dans des temps postérieurs à ce règne brillant , que nos livres saints font de nouveau mention de l’étain , soit dans un sens propre , soit dans un sens figuré. Isaïe s’adressant au peuple juif, lui dit au nom du Seigneur : « J’étendrai ma » main sur vous ; je vous purifierai de » toute votre scorie par le feu ; j’dterai » tout l’étain qui est en vous (1) ».

Le Seigneur parlant à Ezéchiel , dit : « Fils de l’homme, la maison d’Israël s’est » changée pour moi en scorie ; ils sont » tous comme de l’airain , de l’étain , du » fer et du plomb au milieu du fourneau , » et ils sont devenus comme la scorie de 55 l’argent (2).

Le même prophète s’adressant à la ville

Saltûs Libani , de ai/ro purissimo : non crat argen- tum ,* nec alievjus pretii putabatur in diebus Salo - monis. Reg. lit». III, cap. X, vers. 21.

(1) lit ccnvertam manum meani ad te , et exco quant ad purum scoriani tuam , et auferam ornne stannum tuum. Isaïæ, cap. I, vers. 2 5.

(2) Fili ho mi ni & , versa est mihi domus Israël in scoriam : omnes isti œs , et stannum , et ferrum , et plumbum in medio fornacis , scoria argenti facti sunt. Ezech. cap, .XXII 3 vers. 18.

o 4

ai 6 INTRODUCTION.

de Tyr , dont il annonce la destruction ^ s’exprime ainsi : ce Les Carthaginois trafi- >5 quoient avec vous , en vous apportant » toutes sortes de richesses , et remplis- >5 soient vos marchés d’argent , de fer , d’étain et de plomb (î) ».

Si , d’après ces passages , on ne peut pas conclure absolument que le peuple juif et ses voisins aient , à ces époques , fait usage de la vaisselle d’étain , il en résulte au moins que ce métal étoit devenu plus commun au temps d’Ezéchiel , parce qu’a- lors les Carthaginois , en sortant de la Mé- ditérannée , se rendoient dans la Grande- Bretagne , l’étain se trouvoit , et se trouve encore aujourd’hui en abondance.

Si nous consultons les auteurs de l’anti- quité profane , nous verrons que l’étain étoit également connu des Grecs au temps d’Homère. Ce prince des poètes nous apprend que les héros qui détruisirent la ville de Troie , ornoient de plaques d’étain la tête des chevaux attelés à leurs chars de

(i) Carthaginenses negotiatores tui , à multitudine cunctarum divitiarum , argento , ferro , stanno plum - boque repleverunt nundinas tuas . Ezech. cap, XXVII*

vers. 13.

INTRODUCTION. 21/

bataille , et que Vulcain fît entrer ce métal clans la composition des armes d’Acliille : la haie qui entoure la vigne si artisteinent ciselée sur l’admirable bouclier du fils de Tliétis, est d’étain ; et l’incomparable for- geron l’emploie encore pour faire l’armure qui de voit couvrir et défendre les jambes de ce héros.

Mais à en juger d’après Homère , il ne paroît pas démontré que les Grecs , du temps de l’expédition de Troie , se soient servis de l’étain sur leurs tables , ou dans leurs cuisines. Ce fidèle peintre des mœurs et de la nature nous parle des chaudrons d’airain dans lesquels capitaines et soldats faisoient cuire leurs viandes ; et il ne dit pas un mot de Pétain , qu’il n’auroit cer- tainement pas oublié , si , meme de son temps , ce métal eût été employé à de pareils usages.

Il est donc probable que l’éclat de l’étain, qui approche de celui de l’argent , le fît rechercher des Grecs , mais que sa rareté fut cause qu’ils ne l’employèrent que dans les ouvrages de pur agrément , jusqu’au temps le commerce des Carthaginois avec les Bretons l’ayant rendu plus coin-

2lb introduction.

mun , ils le firent entrer dans la composi- tion du bronze , dont ils érigèrent des statues en l’iionneur des dieux et des héros ; et peut-être qu’alors seulement, ils s’en servirent pour faire de la vaisselle.

Ce que je viens de dire des Grecs , doit s’entendre également des Romains , du moins jusqu’au temps César ayant fait la conquête des Gaules , se trouva en état de passer dans la Grande-Bretagne. Ce métal , devenu alors un objet de commerce pour tout l’empire , étoit , au rapport de Diodore de Sicile , déposé dans l’île de Wicli, les marchands étrangers alloient racheter et le faisoient transporter dans la Gaule , ils le cliargeoient sur des chevaux rjui , en trente jours, la traver- soient depuis les côtes qui regardent l’An- gleterre , jusqu’à l’embouchure du Rhône.

Cette manière de se procurer l’étain avec facilité et en abondance , en rendit à Rome et dans toute l’Italie l’usage plus commun : et en supposant que les Romains ne se soient pas servis de ce métal sur leurs tables ou dans leurs cuisines , avant leur entrée dans la partie des Gaules qui avoi- sine l’Angleterre, il est du moins prouvé

INTRODUCTION. 21 9

qu’à cette époque , ils apprirent des Gau- lois Celtes ou Belges à en faire usage.

Pline nous apprend que de son temps on étamoit les vaisseaux d’airain , pour les préserver du verdet et des mauvaises qua- lités que l’expérience avoit depuis long- temps fait découvrir dans ce métal : Stan - num illitum cieneis vasis , saporem gratio- rem facit , et compescit aeruginis virus . Et peu après il ajoute que les Gaulois avoient trouvé l’art de l’unir si parfaitement au cuivre , qu’il étoit difficile de ne pas le prendre pour de l’argent : Vlumbum album incoquitur acreis operibus , Galliarum in - vento, itciutvix discerni queat ab argento .

Sans faire de plus amples recherches , on peut , d’après ce que dit Pline , conclure avec certitude que l’étain est employé en vaisselle depuis près de deux mille ans ; époque que l’on pourroit faire remonter de quatorze cents ans plus haut , en s’ap- puyant sur le passage du livre des Nombres rapporté ci-dessus.

Les mines d’Angleterre fournissant con- tinuellement de l’étain à toute l’Europe , et celles d’Allemagne en versant aussi dans les cantons qui les avoisinent, la

22.0 INTRODUCTION.

masse employée de ce métal augmentoit de jour en jour.

D’un autre côté , les navigateurs euro- péens s’étant frayés une route aux Indes en doublant la pointe méridionale de l’Afri- que, les mines de ces riches contrées, qui, * par le moyen du commerce établi par les Phéniciens sur la Mer rouge, fournissoient autrefois tout l’étain qu’on employoit , soit dans la Perse , soit dans la Grèce , furent ouvertes pour nous ; et l’étain que nous en tirâmes, ajouté à celui que nous possédions déjà , rendit ce métal si commun , que l’on vit les buffets des habitans des villes et les dressoirs des habitans de la campagne , chargés d’aiguières , de plats , d’assiettes , de salières , de pots et de gobelets d’étain. Aussi dans le siècle dernier , les commu- nautés des maîtres potiers d’étain , si dé- chues aujourd’hui, étoient elles très- riches.

Cependant cette vaisselle , si recherchée de nos pères , touchoit au moment d’être bannie de'presque tous nos ménages ; non qu’onla soupçonnâtd’être dangereuse, mais parce que l’industrie trouva le moyen de tirer un meilleur parti de l’étain, en le vitri- fiant et en l’appliquant sur la terre cuite.

INTRODUCTION. 321

L’art de Pémailleur est très-ancien : les Egyptiens , les Perses , et sans doute les autres peuples de l’Asie , le cultivèrent et le communiquèrent aux Grecs , qui l’ap- prirent aux Romains ; et si les peuples du Nord , qui renversèrent l’empire de ces derniers, nous semblent aujourd’hui avoir fait tous leurs efforts pour détruire les arts et tout ce qu’ils avoient produit , il est cependant à présumer que l’émail continua à être préparé par quelques habitans de l’Italie , et que le procédé s’en perpétua obscurément jusques vers le seizième siècle , , prenant un essor brillant et encore plus utile , des Toscans , cherchant peut-être à imiter la porcelaine que les na- vigateurs apportoient de la Chine, trou- vèrent le moyen d’émailler la terre cuite, et de faire ce que nous appelons aujour- de la fayence.

Ce nouvel art commençoit à gagner de la célébrité dans Pltalie $ mais il étoit in- connu en France. Vers Pan 1 555, le hasard offre à un homme d’un génie peu commun une coupe de terre , tournée et émaillée ; il l’admire , sa tête s’exalte ; il prétend Jf imiter, Rien ne peut l’arrêter : il se ruine $

222 INTRODUCTION.

manquant clebois, il sacrifie le plancher de sa maison , et le brûle ; il essuie les railleries de ses voisins, les reproches de sa femme ; il est endetté en plusieurs lieux , ne peut plus subvenir aux besoins de ses enfans ; mais constant dans sa résolution , que quinze ans de peines et de traverses ne ralentissent pas , Palissy arrive à son but, et montre à ses concitoyens de la fayence faite en France. Alors la paix revient dans sa maison , les railleurs se taisent , la for- tune de cet homme étonnant se rétablit , parce que l’art qu’il venoit de créer , se perfectionnant entre ses mains , il trouva de 1 ^encouragement : et bientôt l’architec- ture , qui flottoit alors entre le bon et le mauvais goût , adoptant les briques émail- lées et diversement coloriées de Palissy , les fit entrer clans la décoration des grands édifices qui furent élevés à cette époque.

C’est donc à Palissy que nous devons rapporter , sinon l’invention, du moins la première imitation qui se soit faite chez nous de la fayence, sorte de vaisselle qui, s’étant de jour en jour perfectionnée, a été substituée à celled’étain dans presque toutes nos maisons. La beauté de cette matière.

/

I ïv T n o d tir c t i o k. 220

et sur-tout sa propreté , qui n’exige que très-peu de 6oins pour être entretenue , lui ont mérité , malgré sa fragilité , la préférence sur l’étain , quoiqu’on lût fort éloigné , ainsi qu’il a déjà été dit , de lui attribuer , de lui soupçonner même au- cune qualité nuisible à l’économie animale.

Aussi voyons-nous que les médecins du dernier siècle le prescrivoient en limaille line à de fortes doses , dans les maladies du foie et de la matrice 3 et que le célèbre Schulz reconnoît même son innocuité dans sa fameuse dissertation publiée en 1722, et connue de tous les gens de l’art , sous la dénomination de Mors in ollâ (1).

Ce savant et sage médecin , en avertissant ses compatriotes , et en même temps l’Eu- rope entière , des dangers auxquels on s’expose en employant dans les cuisines ou sur les tables, les vaisseaux d’argent de bas aloi , ou de cuivre mal étamé, le fait avec prudence, et se garde bien de jeter l’alarme dans le sein de ceux qu’il veut instruire.

1

( 1 ) Son véritable titre est : Dissertatio medica , in quâ metallicuni contagium in ciborum > potuum. st medicamentorum prœparatione ac asservationc cavcndum indicatar : seu Alors in ollâ .

2^4 INTRODUCTION,

Parle -t- il de l’étain? il commence par avouer que ce métal n’est pas malfaisant par lui- même 3 que les mineurs qui le tirent des entrailles de la terre , que les ouvriers qui le fondent et le mettent en œuvre, ne sont jamais attaqués des maladies ordi- naires à ceux qui travaillent d’autres mé- taux. Ecoutons-le lui-même à la fin de son vingt-sixième paragraphe. « Loin de jeter 33 ici quelques soupçons sur la bonté d’un » métal aussi généralement mis en usage , 3> je veux au contraire en publier liait te- » ment la salubrité , pourvu toutefois qu’il 33 soit bien pur et nullement altéré. 3> Quare tanthm abest ut quotidiano usu. tantoperè frequentatum metallum in sus - picionem nunc demum adducere velimus , ut p o dus salubritateni ejus extra dubium reponamus j modo purum illud , nec adul - teratum sit.

La dissertation de Schulz fut inconnue en France jusqu’au temps l’illustre Guil- laume Rouelle commença à la citer dans ses leçons de chimie ; et c’étoit même d’après cette dissertation qu’il ne cessoit de déclamer contre le plomb et le cuivre, dont les pernicieux effets sont si bien

reconnus.

INTRODUCTION; £25

reconnus. Mais on n’entendit jamais ce savant chimiste décrier l’étain on sait au contraire que sur cet objet il pensoit comme le médecin allemand.

En 1708 j Geolfroy lut à l’Académie un mémoire sur l’.étain , auquel il attribua un soufre brûlant et arsenical. Cependant, comme ce chimiste ne s’étaya sur aucun fait bien constaté, son mémoire fut imprimé, et ne fit aucune sensation sur les esprits, re- lativement a l’emploi de la vaisselle d’étain.

L’Academie de Berlin publia, en iy46 et 1747, deux mémoires de Margraff sur le meme sujet , dont le premier a pour but de prouver que certains étains contiennent et recèlent de l’arsenic (1). On eut alors des cloutes sur ce métal , sans pourtant cesser d’en faire usage , sur- tout en Allemagne, ou , malgré les expériences de Margraff et sa grande réputation en chimie , la vaisselle d’étain a toujours la plus grande

(O Henckel, autre chimiste très-célèbre, avait découvert la présence de l’arsenic dans l’étain avant Margraff j mais l’ouvrage il en parle n’ayant pas ete traduit en notre langue, ses expériences étoient inconnues en France, et le seroient encore, si Mar- groÜ ne les rapportoitpas dans saDissertation sur l’ètain. Tome 11. j)

22Ô INTRODUCTION.

vogue , tandis que parmi nous elle étoit rejetée de nos tables, long -temps avant qu’on nous eût donné, avec raison ou sans raison, l’alarme sur les mauvaises qualités qu’on voudroit lui attribuer aujourd’hui.

Mais si on ne se sert que rarement parmi nous de plats, d’assiettes et de soupières d’étain ; si les pots à l’eau faits de ce métal sont à peine connus chez les personnes de la plus médiocre fortune, on ne laisse pas ce- pendant que d’en employer dans la fabrique d’un grand nombre d’ustensiles auxquels il faudroit absolument renoncer , s’il étoit bien constaté que ce métal fût pernicieux.

On voit dans les offices et dans les cui- sines des riches , chez tous ceux qui pré- parent et vendent des comestibles prêts à être servis , chez les confiseurs , chez les limonadiers , etc. etc. de grands bassins d’étain , des mouilloirs de différentes gran- deurs, des sorbetières, etc. etc. Bien des particuliers ont des fontaines d’étain : toutes les parties intérieures des alambics et leurs serpentins en sont également fabri- qués, ainsi que toutes les mesures em- ployées pour la vente des liquides. Il n’est pas rare de voir dans les grandes maisons ,

INTRODUCTION. 227

dans les palais même de nos rois , de gros flacons d'étain , servant à transporter l’eau destinée à la boisson journalière : les mai- sons religieuses , les habitans de nos cam- pagnes se servent encore de plats et d’as- siettes d’étain. Enfin ce métal recouvre toute la vaisselle de cuivre à l’usage des cuisines ; et, à l’aide d’une légère couclie du premier , on se croit à l’abri des mau- vaises qualités du second.

Ce n’étoit donc pas une chose inutile que d’examiner un métal qui a toujours été regardé , sinon comme salubre , au moins comme incapable de nuire, mais sur lequel on venoit tout récemment de jeter des soupçons, sans avoir fait la moindre expérience pour les vérifier , sans même s’être donné la peine de répéter le procédé par lequel Margraff disoit avoir retiré de l’étain une quantité notable d’une substance minérale dont le nom seul est effrayant.

Un objet qui intéresse la santé des citoyens de tous états , est sans contredit de la plus grande importance : aussi le sage magistrat , qui veille à la sûreté publique , n’a pas cru devoir se ^dispenser de le prendre en considération. Afin d’é-

P 2

228 introduction.

claircir les soupçons , eussent-ils été jetés meme inconsidérément sur l’étain , M. le lieutenant-général de police a chargé le collège de Pharmacie de faire toutes les expériences nécessaires pour constater si véritablement l’étain étoit ou n’étoit pas dangereux, ou, ce qui est la même chose , s’il étoit ou n’étoit pas indifférent de l’employer dans les usages économiques.

Pour répondre à la confiance dontM. Le Noir l’honoroit , le collège de pharmacie a nommé trois de ses membres, MM. Rouelle , Cliarlard et moi , pour faire toutes les expériences et toutes les recher- ches chimiques propres à remplir les vues d’un magistrat dont toutes les pensées , dont toutes les actions sont dirigées vers le bien public.

Honorés d’être choisis par notre collège pour faire ces recherches , flattés de trouver l’occasion de pouvoir être utiles à nos concitoyens , nous n’avons pas été effrayés par l’aperçu d’une infinité d’expé- riences longues, peut-être même dange- reuses , que nous serions obligés de faire. Le travail que nous allions entreprendre , devoit être utile au public , et il étoit pour

INTRODUCTION.' 52^9

ainsi dire neuf ; double motif pour nous le rendre agréable.

IL étoit, hélas, commencé ce travail, lorsque la mort enleva un de nos coopéra- teurs. Hilaire Marin Rouelle avoit terminé différentes opérations, qui l’occupoient au moment nous fumes chargés de l’exa- men de l’étain. Devenu libre , il alloit s’y livrer ; et c’est à ce moment même nous le perdons. Ce savant chimiste a été géné- ralement regretté ; mais personne n’a plus que moi ressenti la perte qu’on venoit de faire.

Quel collègue ! quel coopérateur n’au- rois-je pas eu enM. Rouelle! Privé de ses idées , de ses conseils , ne pouvant être aidé dans mes opérations par ce chimiste d’une sagacité rare; pénétré de douleur, mes larmes ont coulé sur la tombe d’un ami ; mais mes travaux n’ont point été sus- pendus , et , joignant a ma tâche celle qu’Hilaire-Marin Rouelle s’étoit imposée, j’ai porté l’examen de l’étain aussi loin que mes forces me l’ont permis.

Je vais rendre compte de mes expé- riences. J’ose me flatter que si j’ai réussi ù les bien exposer , elles seront propres ù

P 3

2 3 o introduction.

faire connoître la nature des différens étains non ouvrés , que nous tirons de l’étranger , ainsi que de ceux qui nous sont vendus sous toutes sortes de formes par les maîtres potiers d’étain.

Ces étains une fois connus, je hasarderai de dire ce que je pense sur l’usage de ce métal mais ce sera sans aucune pré- tention.

La matière que je traite intéresse les citoyens de tous les ordres. C’est donc à ceux qui cultivent la chimie et la physique par état ou par goût , qu’il convient de prononcer sur les expériences que je mets sous leurs yeux , et sur les conséquences que j’en tire. Déterminé à ne regarder mes recherches comme finies qu’au moment le public leur aura donné son approbation, je les soumets à la critique des chimistes et des physiciens , en les priant de me faire part de leurs observations , même de me redresser si, en répétant quelques-unes de mes expériences, ils en trouvoient de peu exactes ; ou de me demander des éclaircis- semens si , faute de m’être bien exprimé , ils ne réussissoient pas à obtenir les résul- tats que j’annonce.

2,3 1

RECHERCHES

SUR L’ÉTAIN.

PREMIÈRE SECTION.

S- Ier-

Des différens Etains .

J?our donner une idée exacte de mon travail , et mettre les résultats de mes expériences à portée d’être sentis par le public et appréciés par les chimistes , je crois devoir exposer préliminairement le tableau des différens étains qui , tirés des pays étrangers , remplacent parmi nous celui que l’usage journalier détruit , et que certaines manufactures consomment sans retour.

Ainsi je diviserai tout l’étain qui se trouve dans le commerce intérieur du royaume :

i°. En étain pur , ou sans aucun mélange artificiel , tel enfin qu’il sort des fonderies ;

P 4

202 RECHERCHES

2°. En étain allié clans les fonderies même avec d'autres métaux , à des titres prescrits par l’usage ou par les lois du pays sont les mines de ce métal $

3°. En étain ouvragé par la communauté des potiers , qui sont tenus à se conformer dans tout ce qu’ils font concernant leur art, à des réglernens anciennement établis, et aujourd’hui trop peu suivis.

L’étain pur ou sans mélange artificiel pourroit nous venir d’Angleterre, si, à ce qu’on assure , l’exportation n’en étoit pas prohibée par les lois du pays. Au défaut cle celui d’Angleterre, il nous en est apporté en assez grande quantité des Indes , soit par les Elollanclais , soit par ceux de nos négocians qui arment pour ces contrées. Ce dernier se trouve dans le commerce sous les deux dénominations de Banca et de Malaca , ou simplement de JSlalac . Celui-ci nous arrive de l’Inde en petits lingots pesant une livre, et qui , à cause de leur forme , ont été appelés petits chapeaux ou écritoires .

L’étain qui se vend sous le nom de Banca , se fait distinguer du précédent , et par la forme de ses lingots qui sont oblongs.

SUR l’^TAIN. 2.33

et par leur poids qui est de quarante cinq à cinquante livres , et même au-dessus. Du reste ces lingots de Banca et de Malaca n’ont point l’éclat ordinaire à l’étain ; ils sont recouverts d’une sorte de rouille grise ou crasse d’autant plus épaisse , qu’ils ont séjourné plus long-temps dans le fond des vaisseaux dont ils faisoient vraisem- blablement le lest.

Quant à l’étain pur d’Angleterre, il ne m’a pas été facile m’en procurer : il a. fallu attendre long temps et employer bien des moyens. Rouelle s’étoit chargé de m’en faire venir , et il y a réussi.

Cet étain m’est arrivé en petits morceaux ou échantillons pesant chacun entre 4 et 5 onces. Leur aspect annonce qu’ils ont été détachés d’une grosse masse à l’aide du. ciseau et du marteau : on voit distincte- ment l’impression de l’instrument qui a opéré la section en deux coups , ce qui a fait prendre à l’échantillon une forme à- peu près triangulaire , dont les deux côtés internes ont conservé l’éclat métallique , tandis que le côté ou la superficie externe est mainmeîonnée et couverte d’une pelli- cule dorée , qui offre assez fréquemment

s34 ïi e C H E R C H E S

les différentes couleurs de la gorge de pigeon.

Tous ces échantillons sont numérotés, et paroissent avoir été détachés de très- gros lingots , à l’effet ou d’être employés à l’essai , ou de rester dans quelque bureau , connue témoins de la pureté des masses d’étain dont ils ont été tirés ; masses qui , sans doute , portent un numéro pareil à celui de l’échantillon.

Mais quels que soient les motifs qui ont déterminé les Anglais à détacher ces mor- ceaux du poids de 4 à 5 onces , il me suffit de savoir qu’en me les envoyant sous cette forme , on a eu intention de me procurer l’étain le plus pur. Or , c’étoit le seul point qui m’intéressoit (1).

Tandis que Rouelle se donnoit beaucoup de peine pour me procurer l’étain dont je viens de parler ; j’allois chez tous les mar- chands qui font le commerce de ce métal,

(1) On Toit dans les cabinets d’Histoire naturelle, de Pétain d’Angleterre, qu’on regarde comme très-

t ^

pur. On l’appelle JEtain en larmes : cette forme peut s’imiter et induire en erreur. J’ai examiné deux de ces larmes 5 l’une é toi r pure , l’autre contenoit du

cuivre.

S U Tl L 9 i T A I K. 235

dans le dessein de prendre des renseigne- rnens sur les moyens d’en avoir d’Angle- terre, sans aucune sorte d’alliage. Un seul me dit en avoir, et il m’en vendit en effet sous le nom d’ étain doux.

Celui-ci étoit sous la forme de petits chapeaux , qui pesoient chacun deux livres.

Cet étain venoit-il d’Angleterre , ou n’en venoit-il pas ? Son éclat prouvoit qu’il avoit été fondu récemment , et par conséquent à Paris : mais je sais que les marchands sont dans l’habitude de réduire les gros lingots en petits, pour se faciliter le détail de l’étain ; et je ne pouvois concevoir quel intérêt pouvoit déterminer celui qui me le vendoit > à m’induire en erreur sur le lieu d’où il l’avoit tiré (1).

Au reste , cet étain se trouvant dans le * commerce sous une dénomination qui me le rendoit intéressant à connoître , je n’ai pas hésité à en faire emplette , et Inexpé- rience m’a appris cju’il ne différoit en rien de celui qui m’avoit été envoyé d’Angle- terre en petits échantillons.

(1) Si cet étain venoit réellement d’Angleterre, la loi qui , selon Geoffroy , en défend la sortie , est sans doute abrogée.

/

20 6 R echbrciies

Tels sont les ë tains qui passent dans le commerce pour être les plus purs , ou , ce qui est la même chose , pour n’avoir reçu artificiellement aucun alliage. Je les appel- lerai dans la suite de ce mémoire , tantôt è tains purs , tantôt étains primitifs , et souvent je leur conserverai le nom du pays dont ils ont été importés.

J’ai fait bien des tentatives pour me procurer de l’étain de Saxe et de Bohême, dans l’état il est lorsqu’il sort des fon- deries : mais toutes mes peines ont été inutiles \ on m’a répondu de toutes parts qu’il étoit défendu d’en exporter , même le plus foible échantillon. Au reste, comme cet étain n’est point en usage parmi nous , et que même toute la partie de l’Allemagne qui borde le Rhin , dans le grand usage qu’elle fait de ce métal , n’en emploie pas d’autre que celui qu’elle tire d’Angleterre ou des Indes par la voie de la Hollande , j’ai cru devoir négliger l’examen des étains de Saxe et de Bohême , pour m’en tenir à celui des seuls étains connus et employés chez nous.

La seconde classe des étains que j’exami- nerai, comprend celui que nous tirons en

SUR l’ÉTAIX. 207

très-grande quantité de l’Angleterre , d’où on 110ns l’envoie en lingots d’environ trois cents livres : nous les appelons gros sau- mons. Cet étain est d’un grand usage parmi nous, et il se débite aux diffère ns ouvriers en petites baguettes triangulaires , de neuf à dix lignes de pourtour , et d’environ un pied et demi de long ; en sorte que l’étain en gros saumons et l’étain en baguettes , lorsqu’ils sortent du magasin d’un honnête marchand , ne diffèrent entre eux que par la forme que la lingotière leur a donnée. Ils 11c sont pas purs 5 ils ont reçu eu An- gleterre même l’alliage prescrit par la lui du pays (1).

A l’égard de la troisième classe , elle renferme , comme je l’ai dit, tous les étains ouvragés et vendus par les potiers d’étain sous toutes sortes de formes.

(1) Je parle d’après Geoffroy cpii , dans un mémoire imprimé dans le volume de l’Académie de l’année 1738, nous donne en abrégé l’histoire de l’étain d’après les transactions philosophiques ; mais il est assez indifférent que cetétafn en gros saumons doive son alliage à la nature ou à l’art 5 il nous suffit de savoir que celui qu’on nous apporte en gros saumons n’est pas pur *, ce que je démontrerai dani la suite.

s38 recherches

Le premier en rang est celui qu’ils ven- dent sous la marque d’étain fin ; le second sous celle d’étain commun , et le troisième sous le nom de claire étoffe , ou simple- ment de claire.

Les potiers d’étain sont tenus , à l’égard des deux premiers , de se conformer à des réglemens dont j’aurai occasion de faire sentir l’importance , lorsque je rendrai compte de mes recherches sur les ouvrages destinés aux usages économiques ; quant à celui qu’ils appellent claire étoffe , ou simplement claire , je ferai connoître, en l’examinant, jusqu’où peuvent se porter les abus.

§. I I.

Caractères extérieurs des étains de la première classe , c’est-à-dire y des étains primitifs .

Les étains de Banca , de Malaca , celui qu’on in’a vendu à Paris , sous le norn d’étain doux , ainsi que celui que j’ai reçu d’Angleterre en petits échantillons de 4 à 5 onces, ont tous le plus grand éclat, et peuvent rester long-temps à l’air sans se

ternir ; il sont les uns et les autres si doux et si malléables que , sans être fort adroit à donner les coups de marteau , on peut les réduire sur un tas en feuilles minces comme le plus lin papier, sans y faire la moindre gerçure.

O à

Si on les coule en petits lingots ronds et d’une ligne de diamètre sur six pouces de longueur , on pourra , sans les rompre , les plier subitement en sens contraire jusqu’à quatre-vingts fois, en formant à chaque fois un angle droit.

Ces étains ont d’ailleurs un cri différent de celui qu’ont les étains appelés aîgres , aussi sont - ils très -estimés des potiers d’étain, qui ne manquent jamais de nom- mer l’étain de Banca ou de JVIalaca pour donner une haute idée de leurs ouvrages.

Enfin ces quatre étains, à volume égal, sont exactement du même poids ; ce dont je me suis assuré par des expériences souvent répétées , et dont je rendrai compte lorsque j’examinerai les étains exposés en vente chez les potiers d’étain.

RECHERCHES

2.4°

§. III.

Effets du feu appliqué aux étains primitifs.

Les effets du feu appliqué à l’étain mis dans un têt ou creuset, étant connus de tous les chimistes, je crois ne devoir entrer à cet égard dans aucun détail, me conten- tant cle renvoyer les lecteurs au mémoire de Geoffroy, qui a très-bien observé les phénomènes de la calcination , qui, comme on le sait, convertit l’étain pur en une chaux blanche appelée potée d’étain.

Ce chimiste a , le premier , aperçu la propriété qu’a ce métal de s’allumer, lors- que le feu est poussé jusqu’à un certain point , et de jeter une flamme , à la vérité moins considérable , mais aussi vive et aussi brillante que celle qui sort du zinc dans les mêmes circonstances ; il a égale- ment bien remarqué que l’étain fumoit avant que de s’enflammer, s’élevoit et se condensoit sous la forme d’une poudre blanche que les chimistes sont dans l’usage d’appeler fleurs : enfin la couleur rouge que prennent quelques portions de la chaux

ou

SUE.

L’ É T A I N. 2 4t-

OU potée d’étain n’a point échappé aux remarques de cet habile chimiste.

> J'ai répété sur mes quatre étains l’expé- rience de la calcination dans les vaisseaux ouverts , et j’ai constamment observé tous les phénomènes décrits par Geoffroy ; mais n’ayant découvert dans ces ^différentes opérations rien de ce qui pouvoit me con- duire vers mon but, je me suis déterminé a traiter au feu les memes étains enfermés dans des vaisseaux, et par conséquent privés de toute communication avec l’air atmos- phérique.

5- I V.

Effets du feu sur les étains pr unit/ fs traités uans las vaisseaux fermés .

J ai introduit dans une retorte de verre lutée , H onces d’étain de Banca , au mo- ment où il venoït d’être coulé en petits lingots ronds, d’une ligne de diamètre, coupés en petits morceaux longs de quatre à cinq lignes , et tout de suite la retorte a etc placée dans un fourneau à dôme , et adaptée à un récipient proportionné Io leu a été allumé et la retorte tenue dans 1 embrasement pendant huit heures.

Tonie II. ( )

24s RECHERCHES

Tout étant refroidi et le lut enlevé , oit apercevoit dans le col une petite portion de matière blanche sublimée qui pouvoit à peine être évaluée à un quart de grain.

La retorte , que le feu avoit déformée, ayant été séparée de son col qui contenoit la matière sublimée , le culot d’étain fut mis sur la balance et se trouva à peine diminué d’un grain ; il étoit couvert à la partie supérieure d’une couche blanche et mince 5 c’étoit un peu de chaux ou potée qui adhéroit presque par-tout à la super- ficie de l’étain , et dans les endroits elle pouvoit se soulever , on trouvoit une petite chambre ou cavité dont l’intérieur présentoit à la vue une surface dorée , qui réfléchissoit la lumière avec toutes les va- riétés de la gorge de pigeon.

Ces petites grottes ou cavités sont dues au refroidissement du métal dont les parties en se figeant avec lenteur, se sont arrangées selon les lois de la cristallisation. Au reste la couleur d’or que Ton y remarquoit, est un de ces phénomènes assez communs ? mais dont les causes sont peu connues. J’ai déjà fait observer que les échantillons d’étain pur que j’ayois reçus d’Angleterre

sur l’étain. z/j'i

ëtoient dorés sur une de leurs surfaces ; on sait que le plomb , le zinc et le bismuth sont des substances métalliques également susceptibles de prendre cette couleur su- perficielle qui en a souvent imposé , même à des chimistes qu’on est bien éloigné de ranger parmi les chercheurs de pierre philosophale.

L’expérience à laquelle j’avois soumis l’étain de Banca , a été répétée sur celui de Malaca , au poids de 1 2 onces , sur celui d’Angleterre , appelé doux , au poids de 16 onces, et sur celui des échantillons, appelé pur, au poids de 12 onces 5 et c es trois étains m’ont exactement donné les mêmes résultats : mais je dois faire observer, i°. qu’il est assez indifférent de charger la retorte de plus ou moins d’étain , et que 8 onces de ce métal m’ont paru avoir donné autant de sublimé que les 16 onces em- ployées dans l’expérience faite sur l'étain doux ; 2°. que la substance volatile ne s’élevoit que dans les premiers temps de l’expérience , c’est-à-dire , au moment la couche superficiel le du métal se convertit en chaux ou potée ; 3°. enfin , que j’espé- rois inutilement obtenir une plus grande

Q *

î?44 RECHERCHES

quantité de sublimé, en tenant pendant huit -heures au moins mes étains exposés à un feu violent.

S- V.

Il x amen de la matière sublimée .

Il étoit d’autant plus essentiel de déter- miner la nature du sublimé obtenu dans les expériences précédentes, queMargraff, qui avoit fait avant moi une pareille opé- ration , soupçonne cette matière d’être de l’arsenic $ car ce chimiste avoue qu'il en avoit trop peu retiré pour qu’il lui fut possible de la soumettre à aucune expé - rie ne e.

La quantité est petite, sans doute \ mais enfin la centième partie d’un grain d’arse- nic mise sur un charbon ardent étant suffi- sante pour faire reconnoître , sans aucune équivoque , cette substance, je crus devoir faire tous mes efforts pour changer les soupçons de Margraff en certitude ; et si , par hasard , il me devenoit impossible de décider par des expériences certaines de ciuelle nature étoit le sublimé , du moins ne devois-je rien négliger pour m’assurer

SUR ï.’ ETAIN*. 245

s’il étoit ou non de l’arsenic , et par cela même , lever les doutes de Margraff.

J’avois quatre cols de retorte dans lesquels ce sublimé occupoit une place d’environ demi -pouce. C’étoit une nubécule d’une volatilité peu commune; approclioit - on un charbon ardent de la superficie externe du verre , il s’exlial oit sur-le-champ une sorte de fumée , qui , reçue sur le même charbon, disparoissoit sans donner aucune odeur caractéristique. Le sublimé qui fut employé à cette première expérience , étoit celui que j’avois tenu de l’étain de Banca.

Pour constater , par le sens de l’odorat, qu’une chaux métallique est arsenicale , il faut absolument la mettre en contact avec un charbon embrasé ; je pris en consé- quence le. parti d’introduire dans le col auquel étoit attaché le sublimé de Pétain de Malaca , un fil- de-fer dont l’extrémité fut aplatie en forme de petite spatule un peu recourbée. Cet instrument fut promené en tout sens sur la surface du col étoit fixé le sublimé , et je réussis à l’en charger d’une manière assez marquée ; ayant posé l’extrémité de ce petit grattoir sur un char- bon allumé , il s’en éleva une fumée bien.

Q 3

246 RECHERCHES

apparente, mais qui n’avoit point du tout l’odeur arsenicale , odeur , comme on le sait , si facile à reconnoître. Les sublimés retirés de l’étain d’Angleterre en échantil- lons et de l’étain doux , subirent aussi le même essai, et la fumée blanche qui s’éleva de l’un et de l’autre ne fut pas plus arse- nicale que la précédente.

C’étoit déjà quelque chose , mais je n’étoispas satisfait; j’exposai une nouvelle portion des mêmes étains à la sublimation , qui me fournit quatre nouveaux cols de retorte , chargés , comme la première fois , d’une couche légère de poudre blanche , que je ramassai avec un peu de mie de pain tendre, qui, sur-le-champ, fut avalée par un très-petit chien , sans que cet animal ait eu aucun signe de maladie ; son appétit, sa gaîté ont été les mêmes , et sa soif n’a pas paru augmentée , ce à quoi je prenois une attention particulière ; or une pareille dose d’arsenic, c’est-à-dire un grain, n’au- roit pas manqué d’éprouver ce petit animal d’une manière très-marquée, et peut-être même que la mort s’en seroit suivie.

Tell es furent les expériences auxquelles je soumis les sublimés des quatre étains

SUR l’eTAIN. 247

primitifs ; la petite quantité qu’on en ob- tient lorsqu’on les traite dans les vaisseaux fermés, ne permet pas en effet de les pousser plus loin ; et je suis d’ailleurs bien persuadé que les lecteurs chimistes me rendront la justice de croire que s’il avoit été possible d’accumuler les sublimations , je n’aurois pas manqué de les faire succéder les unes aux autres , jusqu’au point d’avoir formé une couche assez épaisse de la matière vo- latile. J1 auroit donc fallu imaginer des vaisseaux d’une toute autre construction que celle des retortes : mais un pareil tra- vail tenant aux recherches qu’on pourroit faire sur la nature particulière des métaux qui, exposés au feu , y acquièrent la pro- priété de s’élever en partie sous la forme de fleurs , me devenoit en quelque façon étranger (1) , ou du moins m’éloignoit trop

(1) L’étain , le plomb , le bismuth , le régule d’an- timoine et le zinc ( celui-ci avant son inflammation) sont des substances métalliques et semi-métalliques , lesquelles échauffées jusqu’à un certain point , s’élèvent en fumée qui , condensée, est connue en chimie sous le nom de fleurs ; cette matière n’a été que bien foi- blement examinée , et cependant elle a été le suieï de brillantes théories»

240 recherches

de 111011 but, qui é toi t de constater si la matière sublimée étoit ou n’étoit pas de l’arsenic or je crois, à cet égard , avoir satisfait à mes engagemens , par les expé- riences très -probantes dont je viens de rendre compte.

§. V I.

, « « f

Examen des quatre étains primitifs par la

voie des dissolvans.

Le point essentiel du travail que j’avois entrepris étoit de constater par des expé- riences sûres , si mes quatre étains conte- ïioient de Parsème ou n’en contenoient pas. Rien ne me paroissoit plus aisé ; car j’étois bien éloigné de soupçonner toutes les difficultés que j’ai rencontrées , en m’obstinant à vouloir suivre le procédé indiqué par Margraff ; mais la réputation méritée dont jouit ce chimiste, m’entraîna malgré moi, et rejetant sur moi- même mon manque de succès , j’ai employé huit mois à répéter sur mes quatre étains le procédé si exactement décrit par l’homme célèbre que j’avois pris pour guide.

Mais si je n’ai pas retiré de mes premières

SUR L É T A I E\

tentatives tout le fruit que je devois natu- rellement en attendre , elles n’ont cepen- dant pas été entièrement perdues , puis- qu’elles m’ont fait apercevoir la route qu’il convenoit de prendre pour arriver au point de décider la question , d’après des expé- riences sûres que je rendrai faciles à répéter, et conséquemment propresàêtre constatées par ceux des chimistes qui sont bien con- vaincus que c’est par des faits , et non par des raisonnemens , qu’on prouve quelque chose dans leur art.

Dans le compte que je vais rendre , je me suis fait la loi de sauver aux lecteurs , autant qu’il sera possible , l’ennui des détails ; mais comme il faut pourtant les mettre à portée de juger, je crois devoir exposer sous leurs yeux le procédé de Margraff, parce que la question dont il s’agit , mise ainsi dans tout son jour , ils pourront plus facilement prononcer sur mes travaux et sur leur résultat.

RECHERCHES

250

§. VII.

Procédé de Margraff pour démontrer par l’eau légale la présence de l’arsenic dans l’ étain.

Margraff , après avoir exposé les motifs qui l’ont déterminé à s’écarter du procédé indiqué par le célèbre Henckel , qui avoit aussi avant lui employé l’eau régale pour retirer l’arsenic de l’étain , donne la manière de préparer l’acide ni- treux destiné à faire son eau régale qu’il compose, en ajoutant à chaque once de son acide , une demi-dragme de sel ammo- niac, après quoi il s’exprime ainsi : « Je » yerse 4 onces de mon eau régale dans 33 un verre qui ne se trouve par-là rempli » qu’à la moitié ; j’y jette à diverses re- » prises, comme à un demi- quart d’heure >3 d’intervalle , un demi-scrupule d’étain y 33 et je recouvre aussitôt l’orifice du verre 33 avec un papier ; alors l'étain se dissout 33 avec force , et il tombe au fond une 33 poudre blanche qui présente l’arsenic » désiré ; mais , en ajoutant une nouvelle 33 quantité d’étain , il se fait une nouvelle

SUR I £ T À I N. 2.5 1

33 solution claire , sans sédiment. Si l’on. >3 sépare la poudre blanche susdite du >5 liquide qui surnage , et qu’on la fasse ^ dissoudre dans l’eau et un peu évaporer 35 cette solution , il faut moins de temps >5 pour trouver l’arsenic renfermé dans l’étain , mais on dépense plus d’eau- 33 forte.

>3 Qu’on verse cette solution d’étain dans 33 un vase de verre dont l’orifice soit ample , 33 en sorte que le liquide remplisse à-peu- 3> près le tiers du verre , qu’on le couvre 33 d’un papier gris , mais sans l’ajuster fort 33 étroitement , et qu’on mette ce verre 33 sur du sable chaud , et qu’on se serve 33 d’une chaleur douce , de manière que 33 le liquide puisse pourtant s’évaporer ; 33 si cette évaporation se fait ainsi de la 33 manière la plus douce qu'il soit possible, 33 outre les parties aqueuses , il s’élèvera 33 quelques vapeurs blanches , et quand 33 elles paroissent , il faut bien prendre 33 garde de ne pas trop augmenter le feu. En procédant ainsi pendant la durée de 33 l’évaporation , il paroîtra des cristaux ; 33 alors il faut d’abord ôter le verre du feu , 33 et le placer dans un lieu médiocrement

s5 2 RECHERCHES

33 froid , après quoi les cristaux désirés se ^ formeront en plus grande quantité. Au 33 bout de quelques jours on peut faire 33 la décantation du liquide, et mettre sé-

cher les cristaux sur un papier plié en 33 dou ble.

33 De cette manière , une demi - once 3> d’étain de Malaca vous donnera à-peu- » près une demi -dragme de ces cristaux; et 33 les autres espèces d’étain , celui de Saxe 33 sur-tout, en fournissent encore davan- 33 tage.Ces cristaux, à dire la vérité, ne sont 33 que l’arsenic tout pur ; car j’en ai dis- D3 tillé une drachme dans une petite retorte 33 de verre , en y appliquant le récipient , 33 et en augmentant le feu jusqu’à l’incan- >3 descence : alors tout s’est élevé dans le 33 col de la retorte , de manière qu’il n’y 33 en est demeuré que très peu. J’ai distillé 33 de nouveau ce sublimé mêlé avec une 33 quatrième partie de sel de tartre , en y 33 donnant un feu violent ; alors l'arsenic 33 s’est élevé sous une forme blanche trans- 33 parente , et ce sel de tartre avoit entière- 33 ment absorbé les sels acides qui lui 33 étoient encore attachés 33.

Le reste du paragraphe XXIII de la dis-

SUR l’ É T A I N. 253

sertation de Margraff est employé à des expériences qui prouvent que ce sublimé étoit de pur arsenic ; et dans le XXIVe , ce chimiste dit qu’ayant répété toutes les opérations qu’on vient de lire sur de l’étain tiré des plus purs minéraux, il n’y avoit pas découvert un atome de cette redoutable substance.

Tel est le procédé que Margraff donne comme propre à retirer l’arsenic de l’étain ; le point étoit de se familiariser avec lui, en le répétant plusieurs fois sur chacun de mes quatre étains primitifs ; mais pour y parvenir , combien n’a- 1- il pas fallu faire de tentatives ? j’ai été long-temps avant de m’apercevoir que l’on ne réussissoil à obtenir la poudre blanche dont parle ce chimiste , qu’en employant une eau régale très -affaiblie. Je sauverai donc bien des difficultés à ceux qui voudroient répéter l’expérience de Margraff, ou celles que j’indiquerai dans un moment, en les pré- venant qu’ils réussiront constamment s’ils ont la précaution d’affoiblir leur eau régale, en y ajoutant une , deux et quelquefois même trois parties d’eau distillée , c’est-à- dire , en amenant , par des essais , ce dis-

254 RECHERCHES

solvant au point d’agir sur l’étain lentement et sans s’échauffer.

Lors de mes premières expériences , l’eau régale , quoique préparée à la façon de Margraff, se trouvoit trop forte ; elle attaquoit l’étain avecvivacité et contractoit un degré de chaleur qui opéroit la disso- lution de la poudre blanche à mesure qu’elle se formoit.

J’aurai dans la suite plus d’une fois occasion de faire sentir combien il importe de n’employer que des acides foibles dans certaines opérations.

$. VII I.

Effets du procédé de Margraff sur les quatre étains.

Pour opérer comme Margraff, j’ai préparé une grande quantité d’acide ni- treux , qui , après avoir été précipité et distillé de nouveau , étoit en pesanteur à l’eau distillée, comme vingt -cinq est à dix neuf. Cet acide avoit d’ailleurs été retiré du nitre pur par l’intermède de la terre argileuse, intermède que je préfère à l’acide Yitriolique , et même au vitriol.

sur l'étain. 255

Une once de cet acide pur et 3 6 grains de sel ammoniac purifié, forment ce que j’appelle mon eau régale forte. Veux-je l’affbiblir , j’y ajoute une , deux , et même quelquefois trois parties d’eau distillée.

Muni d’une grande quantité de cette eau régale , et suivant avec la plus grande exactitude tous les détails prescrits par Margraff , j’ai procédé sur mes quatre étains primitifs , sans qu’il m’ait été pos- sible d’y découvrir le moindre vestige d’arsenic. J’avois cependant aperçu dans ces quatre opérations tous les phénomènes annoncés parce chimiste; la poudreblanche s’étoit formée , tandis que l’eau régale atta- quoit les petites lames d’étain, et la liqueur qui la recouvroit ayant été retirée et bien égouttée , la poudre séchée et examinée , cette poudre ou plutôt ce sel ( car c’en est véritablement un soluble dans l’eau et résultant de la combinaison de l’acide ré- gale avec l’étain) ne se trouva point du tout être arsenical. Je me suis aussi pro- curé les cristaux annoncés par l’auteur , et je les ai traités , ainsi qu’il l’indique , par une première sublimation , qui , réitérée , en y mêlajU du sel de tartre , m’en a donné

2.56

Il E C I I E R C H E S

une seconde peu volumineuse , à la vérité , mais pourtant suffisante pour pouvoir constater qu’elle n’étoit aucunement ar- senicale.

Tel fut mon résultat, en exécutant pour la première fois le procédé de Margraff sur mes quatre étains. Je ne me découra- geai point, et cette expérience fut répétée jusqu’à huit fois sur chaque étain , mais toujours infmctueuseme t.

On est cruellement tourmenté, lorqu’en suivant un chimiste tel que Margraff, on ne parvient pas à obtenir les résultats qu’il annonce. Je crus donc devoir répéter encore deux fois le même travail sur l’étain de Malaca , que cet homme célèbre dit lui avoir fourni une quantité notable d’arsenic, sans cependant la fixer ; mais ces deux nou- velles opérations ne m’apprirent rien , et elles furent aussi inutilement tentées que l’a voient été les premières.

Il étoit naturel de conclure que mes quatre étains ne m’avoient point donné d’arsenic, par la raison qu’ils n’en con- tenoient pas ; ruais cette conclusion me paroissant trop précipitée , je ne pouvois me résoudre à abandonner mes recherches

sur

sur l’étain. 2A7

sur un objet aussi important. Ainsi donc, sans même présumer que l’arsenic n’exis- toit pas clans ces étains , je crus devoir recourir à des expériences comparatives, en prenant pour cet effet le parti d’intro- duire dans ces mêmes étains de l’arsenic à des doses connues et graduées depuis un seizième jusqu’à un douze centième , et d’aller même encore plus loin s’il étoit nécessaire.

§. I X.

Alliage d'étain et d’arsenic.

En général les chaux métalliques ne con- tractent point d’union avec les métaux , à moins qu’elles ne rencontrent dans la fonte une matière propre à opérer leur réduction. Margraff avoit cependant cherché à unir l’étain à l’arsenic proprement dit , c’est- à-dire , à une chaux métallique ; et soit qu’il n’ait pas soupçonné, l’impossibilité de cette union , soit qu’il ait connu d’avance le résultat d’un pareil mélange , il s’est déterminé pour ce procédé. Ce chimiste a introduit demi-once d’étain de Malaca , et autant d’arsenic blanc dans une retorte Tome IL R

258 R E CHERCHES

de verre munie de son. récipient , et a exposé le tout à un très-grand feu , dans la vue d’unir ces deux substances par la fonte.

Dans cette opération l’arsenic s’est con- verti en régule et l’étain en chaux , c’est- à-dire, que ce dernier a perdu sa forme métallique , et que le premier a recouvré la sienne , en sorte que l’auteur a trouvé dans le col de la retorte deux dra^mes et demie de régule d’arsenic , et dans le fond du même vaisseau , cinq dragmes et demie de cendrée blanchâtre, dont il a été obligé de faire la réduction pour se procurer un étain artificiellement arseniqué.

Un pareil procédé ne pouvoit convenir à mes vues, qui étoient bien différentes de celles qui avoient déterminé Margraff à l’adopter ; il me falloir absolument fixer au juste la quantité d’arsenic introduite dans une quantité donnée d’étain, et pour y parvenir, il étoit essentiel d’éviter la cal- cination du métal , ce qui ne pouvoit se faire en employant la chaux d’arsenic , ainsi que je l’ai éprouvé en répétant le procédé de Margraff : procédé que j’ai çru devoir abandonner , en lui en subs-

SUR.

l’étain.

tituant un plus conforme aux principes de la saine chimie; or, pour arriver au but que je me proposois , j’ai donne la préfé- rence à celui-ci.

Premier alliage. Que l’on introduise dans une petite retorte de verre lutée , d’abord 2 gros de régule d’arsenic réduit en poudre grossière , ensuite 3 onces 6 gros d’un des rpiatre étains primitifs ; qu’on place la retorte dans un fourneau convenable , qu’on y adapte un récipient proportionné, et que le feu y soit appliqué jusqu’à la faire rougir; il s’élèvera à peine 2 grains d’ar- senic dans le col , et après le refroidis- sement , on trouvera dans le fond un culot métallique , sur lequel on n’aper- cevra qu’une très-légère portion de crasse et point du tout de chaux parfaite ; il pesera 4 onces , la portion sublimée étant trop petite pour être sensible.

Ce culot d’étain qui contient ~ de régule d’arsenic , offre un alliage cristallisé en grandes facettes à- peu près comme le bis- muth ; sa fragilité est plus grande que celle du zinc; lorsqu’on le remet en fusion , il exige plus de feu que l’étain ; il commence par se ramollir; si on le Touche alors avec

R a

2,6o recherches

une baguette de fer , on entend un crî occasionné par les cristaux qui se frottent les uns contre les autres ; le feu étant aug- menté , la fusion devient parfaite ; on voit ce métal fumer et répandre l’odeur propre à l’arsenic. Si on veut le couler dans une lingotière, on n'y parvient que très-impar- faitement ; cette fonte étant pâteuse , et conséquemment peu coulante.

L’odeur d’arsenic qui s’élève d’un pareil alliage mis en fusion , sa lentescence , la dimension de ses cristaux, son peu de duc- tilité , tout enfin m’annonçoit que la pro- portion du régule d’arsenic étoit de beau- coup trop forte.

Secojid alliage. J’ai , en conséquence , pris 2, onces de la masse ou culot ci-dessus , que j’ai fait fondre avec autant du même étain pur , ce qui m’a donné un nouveau produit , le régule d’arsenic se trouvoit dans la proportion dY* . Celui-ci étoit en- core très-fragile , les facettes étoient aussi brillantes , mais cependant moins grandes que celles du précédent.

Troisième alliage. J’ai fait fondre 2, onces du second alliage, avec partie égale du même étain pur, ce qui m’en a procuré

\

SUR L E T A I W. 2

un troisième dans la proportion d’A-, qui coininençoit à avoir moins de fragilité ; mais son peu de ductilité me détermina à diminuer encore le régule de moitié.

Quatrième alliage. J’ai en conséquence fait fondre 2 onces du troisième alliage avec 2 onces d’étain pur , ce qui nfen a procuré un quatrième , dans lequel le régule étoit dans la proportion dVIV* Ce quatrième alliage commençoit, à la vérité, à avoir de la ductilité ; mais il avoit encore tant de dureté et de roideur , que coulé en lingots de six pouces de long , sur une ligne * d’épaisseur, on ne parvenoit à les plier qu’avec effort; ils pouvoient d’ailleurs se rompre en les pliant quatre ou cinq fois de suite en sens contraire.

Cinquième alliage. La dureté du qua- trième alliage , son peu de flexibilité , son aigreur enfin l’éloignant encore beaucoup de mes étains primitifs , je crus devoir en fondre 2 onces avec partie égale de nouvel étain pur ; ce qui me donna un cinquième alliage dans la proportion dVh" de régule

d’arsenic. *

Celui-ci devenu plus doux et plus duc- tile , quoique comparaison faite avec mes

Il 3

262

RECHERCHES

quatre étains, il fût encore un étain très- aigre et hors d’état de pouvoir être employé par les ouvriers , je pris cependant le parti de m’ariêter pour quelque temps à cette proportion, et de traiter par l’eau régale les cinq alliages dont je viens de parler, bien assuré que les expériences compara- tives que j’allois faire , jeteroient le plus grand jour sur le problème que je voulois résoudre.

S- X.

Effet de Veau régale sur les alliages

Ayant allié 3 onces 6 gros d’étain de Banca à 2 gros de régule d’arsenic dans les proportions ci-dessus énoncées, j’avois 12 onces d’étain impur divisé dans l’ordre suivant 5

S a v o 1 r :

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S U 11

l’ÉTAIN. 2.63

Le premier ne pouvant s’étendre sous le marteau , a été cassé en petits firagmens, qui , mis au poids de 3 6 grains dans deini- once d’eau régale ( pareille à celle qui m’avoit servi dans les expériences précé- dentes), me présenta sur-le-champ un phé- nomène bien différent de celui que j’avois remarqué lors de mes tentatives sur l’étain pur de Banca, dont les lames attaquées par le même dissolvant, sans perdre leur éclat, se précipitoient au fond du vase, sous l’ap- parence d’une poudre blanche ; ici, au con- traire , les petits morceaux d’étain arseniqué sont à peine touchés par l’eau régale, qu’ils se ternissent, deviennent noirs, et se con- vertissent en une poudre de la même cou- leur.

Cette poudre séparée par décantation de la liqueur surnageante , n’a pas besoin d’être traitée par des cristallisations et sublimations répétées , elle n’exige même pas qu’on en absorbe, par un alkali fixe, l’acide qui lui est uni 5 pour manifester sa nature , il suffit de la laver une ou deux fois avec un peu d’eau distillée, qui, dis- solvant le sel formé par la combinaison de l’étain avec l’acide légalisé, laissera au

R 4

264 RECHERCHES

fond du vase environ 2 grains d’une poudre noire, qui , séchée et portée sur un charbon ardent, s’élèvera en une fumée blanche, dont l’odeur fera sur-le-champ connoître qu’elle est de l’arsenic pur ; enfin , par ce procédé j’ai retiré de l’étain tout le régule d’arsenic qui y avoit été introduit.

Cette expérience a été répétée sur les deuxième , troisième et quatrième alliages^ et à la quantité près de la poudre noire qu’ils fournissoient , tout s’est passé comme il vient d’être rapporté , c’est-à-dire , qu’il a été retiré de chacun d’eux la totalité du régule d’arsenic dont je les avois impré- gnés 5 enfin 36 grains de notre cinquième alliage , de celui ou le régule d’arsenic étoit dans la proportion d’-^r ayant pu s’étendre sous le marteau, furent réduits en une lame qui, mise dans une demi-once de la même eau régale , devint noire en un instant , et il s’en détacha une quantité innombrable de petits corpuscules noirs , qui , se mêlant à la poudre blanche que fournit l’étain , lui communiquèrent une couleur brune foncée j cette poudre dis- soute dans une suffisante quantité d’eau distillée , offroit une liqueur blanche et

sur l’étain. h65

limpide, sous laquelle on voyoit une pous- sière noire, qui n’étoit autre chose que le régule d’arsenic entré dans l’alliage.

s. X I.

Effets de Veau régale sur des alliages oit il entre beaucoup moins de régule d'ar- senic que dans les précédens.

Un deux cent cinquante-sixième d’ar- senic recelé dans une masse d’étain , pou- vant en être retiré et rendu palpable , j’ai cru devoir pousser encore mes recherches plus loin ; et diminuant toujours la pro- portion du dangereux minéral , je me suis procuré des alliages de toute sorte de nuances depuis x\r jusqu’à i^V8 , et répétant sur chacun d’eux l’expérience avec l’eau régale , j’ai observé ,

i°. Que depuis -r jusqu’à la cou- leur de la poudre noire se dégrade insen- siblement ; mais cependant qu’en opérant séparément sur seize demi-gros du dernier alliage, et en réunissant les produits, on parvenoit à retirer tout le régule d’arsenic que l’on y qvoit introduit ;

2°. Que depuis la proportion dyrï- jusqu’à

266 RECHERCHES

celle dY/ii , les lames d'étain exposées a l’action de l’eau régale., se brunissent de moins en moins , et qu’à mesure qu’on approche de ce dernier terme, on ne voit plus que quelques corpuscules noirs se dé- tacher de l’étain et flotter dans la liqueur à laquelle ils communiquent encore une légère couleur brune ;

3°. Qu’en allant toujours peu à peu jus- qu’à îtV* y l’arsenic se manifestait encore, et quelque petite qu’en fût la proportion , on pouyoit , tandis que le dissolvant agis- soit, distinguer , à l’aide d’une loupe, les corpuscules arsenicaux qui flottoient quel- ques instans dans le dissolvant , et dispa- roissoient bientôt , parce qu’en se mêlant à la poudre blanche que fournissoit l’étain, ils ne pouvoient , par leur petite quantité, en altérer sensiblement la couleur.

Je n’entrerai pas dans de plus grands détails sur cette expérience, quelque inté- ressante qu’elle paroisse ; quhl suffise de prévenir les lecteurs que les étains de Malaca , d’Angleterre , doux et en petits échantillons , ont été alliés avec le ré- gulé d’arsenic aux mêmes proportions, et qu’ayant été traités par l’eau régale , ils

SUR U ÉTAIN. 267

m’ont présenté absolument les mêmes phé- nomènes ; mais ne pouvant me dispenser de donner quelques éclaircissemens sur leur cause, qui seroit d’autant moins sentie, que le rapport des acides , et singulièrement de l’eau régale avec le régule d’arsenic , est assez peu connu , je renvoie ines lecteurs au dernier paragraphe de la seconde sec- tion , je donnerai des éclaircissemens sur ce sujet. Je me contenterai donc ici de faire observer qu’en traitant mes der- niers alliages , ceux l’arsenic se trouvoit depuis jusqu’à r’n > je fuisois toujours une double opération, c’est-à-dire, que j’avois sous les yeux deux capsules qui con- tenoient , la première , une lame d’étain pur , la seconde , une lame d’étain arse- niqué , et que l’eau régale é toit versée dans l’une et dans l’autre au même instant: cette manière d’opérer me mettoit à même de saisir la plus petite nuance qui se présen- toit dans la dissolution d'un étain pur , et celle d’un étain allié d^JV* d’arsenic (1).

(1) Dans la crainte qu’on ne m’objectât que dans mes expériences comparatives j’avois employé un étain allié avec le régule d’arsenic, tandis qu’il auroit peut- être fallu faire ces expériences sur un étain allié avec

268

recherches

s. XII.

Réflexions sur le procédé de Margraff,

Cette manière de découvrir un atome de régule d’arsenic caché et disséminé dans

la chaux d’arsenic , j’ai recommencé mon travail sur un alliage fait à la façon de Margraff, en tâchant néanmoins d’éviter la calcination totale de l’étain qui arrivera toujours tant qu’on s’obstinera à vouloir com- biner parties égales d’étain et d’arsenic blanc. Voici celui que j’avois adopté. Ayant introduit dans une retorte de verre l.utée quatre onces d’étain de Malaca , et demi-once d’arsenic blanc, le feu a été allumé et soutenu pendant près de deux heures.

Les produits de cette opération ont été , i°. 2 gros d’arsenic blanc sublimé,

2°. 4 grains de régule d’arsenic sublimé ,

3°. 6 gros 64 grains de chaux d’étain recouvrant le culot.

4®. 3 onces 3 gros d’étain à grandes facettes.

Total. 4 onces 3 gros 68 grains.

Cet étain ainsi arseniqué paroissoit à ses larges facettes et à son aigreur pouvoit contenir ~ à-peu- près de régule d’arsenic. Dans cette opération , une partie de la chaux d’arsenic a éprouvé la réduction , ce qui l’a rendue propre à s’unir à l’étain 5 une autre partie s’est sublimée sous la forme de chaux sans se réduire $ mais on n’en sera pas surpris , si on fait

\

sur l étain. 269

rétain , me rassuroit sur mes premières expériences , et je commençois à acquérir des preuves démonstratives de la non exis- tence de l’arsenic dans mes quatre étains primitifs.

Les faits avancés par Margraff , à l'égard de deux étains, l’un dit de Malaca , l’autre d’Angleterre , qui , à l’entendre , lui ont fourni une quantité notable d’arsenic , ne m’ernbarrassoient plus si fort car enfin l’étain qui lui a été donné pour du Malaca étoit-il du vrai et pur Malaca ? Quelle

précaution ce chimiste a-t-il prise pour

\

attention à la volatilité de cette substance , qui est telle qu’elle peut se sublimer avant même que l’étain entre en fonte. Trois ou quatre grains seulement se sont élevés sous la forme de régule d’arsenic ; si le feu eût été plus long-temps continué , on en auroit obtenu une plus grande quantité } mais mon objet n’étant que de me procurer un étain, traité avec la chaux d’arsenic , se trouvoit rempli par les 3 onces 3 gros qui se sont trouvés dans le fond de la retorte.

Cet alliage ayant été gradué par des additions suc- cessives d’étain pur au point de ne contenir plus qu’~ j de régule d’arsenic, et même beaucoup moins, ne différoit point du tout des étains que j’avois précé- demment alliés au régule d’arsenic 5 l’eau régale le dissolvoit, en laissant apercevoir la poudre noire , etc.

2JO RECHERCHES

s’eri assurer ? la forme des petits lingots dits éciitoircs, ou petits chapeaux, peut s’imiter par-tout ; j’en ai eu souvent la preuve. L’étain de Malaca que Margraff a employé , avoit peut-être été mélangé d’un étain de Saxe, tel que celui dont il m’assure avoir retiré tant d’arsenic ; mal- gré ma méfiance, j'avois plus d’une fois été trompé. Mais j’en demande pardon à Margraff’; que penser de cette expérience dans laquelle , selon lui , une demi once d’étain de Malaca lui a donné à-peu près une demi-dragme de cristaux qui ne sont, dit il , que de l’arsenic tout pur? Manière de parler sans doute; car un peu plus bas, ce chimiste ajoute que l’alkali fixe mêlé à ces cristaux , en a absorbé entièrement les acides , ce qui certainement a diminué d'autant la demi-dragme, et doit l’avoir réduite aune quantité que cet auteur au- roit bien indiquer. Piéduisons la donc cette demi-dragme à moitié ; allons plus loin encore : réduisons- la à 12 grains; ce n’est pas assez , réduisons-la à 6 grains, et tâchons d’allier la mollesse, la flexibilité qu’a naturellement l’étain de Malaca avec la roideur que 6 grains de régule d’arsenic

L * B T A I N.

S U IV

271

donneroient à demi - once d’étain. : un pareil mélange seroit aussi fragile que le zinc ; enfin un étain qui contiendroit na- turellement une aussi grande proportion d’arsenic, c’est-à-dire A-, de quelque pays qu’il vînt, ne pourroit jamais être employé sous la dénomination d’étain ; son aigreur, les grandes facettes qu’il présenteroit dans ses fractures , et même à sa surface , l’au- roicnt depuis long- temps fait mettre au rang des demi-métaux ; et qui sait com- bien de siècles se seroient écoulés avant que l’art fût parvenu à bien connoître sa composition, à lui enlever toute la subs- tance arsenicale , enfin à l’amener au point de pouvoir être compté parmi les métaux ?

Quant à l’étain d’Angleterre dont Mar- oraff dit avoir également retiré de Parsenic. comme il y en a deux espèces , et que ce chimiste ne désigne pas celle qu’il a soumise à l’expérience , j’ai cessé de me trouver en contradiction avec lui , et je démontrerai bientôt qu’il n’y a d’autre erreur en ceci , que d’avoir appliqué à l’étain d’Angleterre en général , ce qui ne devoit l’être qu’à une espèce particulière.

recherches

272

s. XIII.

Effet de V acide marin sur V étain en

général.

K 1 e n sans doute ne paroît mieux prou- ver que l’arsenic n’existe pas dans mes quatre étains primitifs, que les expériences comparatives faites avec l’eau régale sur les uns et les autres, soit devant , soit après leur alliage avec le régule d’arsenic 5 mais comme il est des cas ces expé- riences ne peuvent être que difficilement employées ; par exemple, celui il s’agi- roit d’examiner un étain allié avec les substances métalliques dont je parlerai dans la suite , il étoit nécessaire de tenter différens moyens pour tâcher de découvrir un procédé qui pût s’appliquer générale- ment à toutes sortes d’étains, non-seule- ment dans la vue d’éprouver s’ils conte- noient ou ne contenoient pas de Parsème, mais encore de constater la quantité posi- tive de ce dernier 5 ce qui me paroissoit d’autantplus essentiel, que souvent il suffit de prononcer le nom de cette substance salino-métallique pour imprimer la terreur :

or

l’étain.

SCJR l’ÉTAin. 27 3

or ce moyen , je l’ai rencontré dans l’acide marin, ainsi qu’on va le voir (1).

L’acide marin , d’une moyenne force dissout parfaitement l’étain , mais la ma- nière dont il exerce son énergie sur ce métal , est bien différente de celle que j’ai observée dans l’eau régale ; celle-ci n’a pas besoin , pour en faire la dissolution , d’être aidée de la chaleur, tandis que l’on croit communément que l’acide marin n’agit sur l’étain d'une manière bien mar- quée , qu’autant qu’il est entretenu très- chaud.

La manière de procéder à cette disso- lution est décrite dans tous les livres élé- mentaires modernes ; mais faute d’avoir

(1) L’acide du sel marin que j’ai employé dans mes opérations étoit retiré de sa base par l’intermède de l’argile, et purifié par une seconde distillation qui le dégage d’une petite portion de terre et de fer dont il se charge constamment dans la première. La rectifica- tion fait perdre à cet acide sa couleur jaune , et en dégage une assez grande quantité de gaz qui devien- droit incommode, si on n’einployoit pas un récipient pneumatique. Au reste mon acide, quoique privé de sa couleur jaune , et par conséquent très- blanc, fumoit encore et étoit d’une bonne force 5 il étoit en rapport avec l’eau distillée, comme 81 est à 72,

Tome II.

S

2 74 RECHERCHES

bien distingué les différens étains , leurs auteurs n’ont rien dit que de vague sur les phénomènes qui se présentent pendant et après l’opération. Les uns ont observé qu’il se déposoit au fond du inatras une petite quantité de matière noire qu’ils ont présumé eWequelque matière phlogis tique , d’autres ont dit que cette matière étoit ar- senicale 5 mais qu’ils eussent des doutes sur sa nature , ou qu’ils n’en eussent pas , ils n’ont pas jngé à propos d’insister sur un procédé dont probablement ils n’ont pas senti toute l’importance ; quelques- uns n’ont pas vu cette matière , ou s’ils l’ont vue , ils ont négligé d’en parler ; enfin , on a dit que la dissolution d’étain par l’acide marin exhale , tandis qu’elle s’opère , une forte odeur d’ail ou d’arse- nic , et on a généralisé cette assertion au point de jeter dans l’erreur ceux des chi- mistes qui trouvent plus de satisfaction , et sans doute plus de facilité à établir des théories sur des faits douteux , qu’à s’oc- cuper d’expériences. Puissent celles dont je vais rendre compte, jeter du jour sur un fait que les circonstances rendent très-im- portant !

sur. l’étain. 27S

s. XIV.

Effets de l’acide marin sur les quatre étains primitifs.

I l a été mis dans uri matras , à très- long col , 4 onces d’étain de Banca la- miné et coupé en très-petits filets, sur les- quels on a versé 12 onces d’acide de sel marin pur ; le matras fermé d’un bouchon fait avec un quadruple papier , a été posé sur un bain de sable , que l’on a échauffé et entretenu au degré qui excitoit entre l’acide et le métal une effervescence assez vive. Le feu a été continué pendant deux jours entiers , et tout ce temps a été né- cessaire pour opérer entièrement la dis- solution, qui étoit claire , limpide, et , ce qu’il faut bien remarquer , sans aucun dé- pôt de matière noire ; enfin la vapeur qui se répandoit pendant que cette dissolution se faisoit, et que j’augmentois quelquefois à dessein , en échauffant davantage la liqueur , avoit une odeur forte et peu agréable 5 mais elle ne ressembloit point du tout à celle de l’ail ou de l’arsenic (1).

(1) Il est assez indifférent d’interrompre le feu ; il

S 2

RECHERCHES

J’ai egalement traité par l’esprit de sel 4 onces d’étain de Malaca, d’Angleterre doux et d’Angleterre en petits échantil- lons , et aucun n’a laissé au fond du matras le moindre vestige de matière noire.

J’ai pris quatre matras dans chacun des-

»

importe peu que cette dissolution se fasse en deux, en quatre ou en six jours : ce seroit donc inutilement que, sous prétexte de l’accélérer, on voudroit aug- menter le feu. Comme j’ai recommandé de se servir d’un matras à long col , on sera assuré que l’opération est bien conduite, si, en portant de temps en temps la main au-dessus de la partie moyenne du col , on la trouve froide , quoique le mouvement d’effervescence soit assez vif pour faire paroitre des bouillonnemens dans le matras ; une chaleur plus forte que celle que j’indique ne tarderoit pas à se communiquer jusqu’à l’orifice du matras , qu’il seroit alors impossible de toucher ; et si elle ne devenoit pas absolument con- traire au succès de l’opération , elle seroit au moins superflue , puisqu’elle diminueroit la quantité pres- crite d’acide marin dont une portion s’élèveroit en pure perte hors du matras.

S. X V.

fets de V acide maria sur les quatre étains primitifs artfciellement alliés avec le régule d’arsenic.

sur l’étain. 277

quels il a été introduit 12 onces d’acide marin pur et 4 onces de petits filets de chaque étain primitif allié d’-nv de régulé d’arsenic , et le tout a été tenu au degré de chaleur qui excite le mouvement d’ef- fervescence , tout le temps nécessaire pour opérer la dissolution totale de l’étain em- ployé.

Vers le milieu de l'opération, onpouvoit déjà remarquer que les filets de l’alliage avoient perdu leur éclat , et qu’ils com- rnençoient à se couvrir d’une poussière noire. Tout mouvement d’effervescence ayant cessé , il resta dans chaque matras une poudre noire que l’acide refusoit de dissoudre.

En agitant et en versant tout-à-coup la dissolution dans une capsule de verre , cette poudre fut entraînée et gagna bien- tôt le fond du nouveau vaisseau ; ce qui offrit le moyen de la retirer de dessous la liqueur surnageante, d’étre lavée et séchée.

Cette matière pulvérulente et noire , mise sur la balance , se trouva égale en poids dans les quatre matras de chacun desquels il en fut retiré entre 17 et 18 grains. C’étoit, à très-peu de chose près,

S 3

RECHERCHES

la quantité de régule d’arsenic introduit dans chaque étain 3 et pour en reconnoître la nature , il suffisoit d’en jeter un quart de grain sur un charbon ardent.

La même expérience ayant été répétée sur les mêmes étains alliés avec jyg- de ré- gule d’arsenic, c’est à-dire, un grain par once , j’en ai egalement retiré et rendu palpable ce grain arsenical 3 enfin ayant aussi procédé sur des étains dans lesquels il n’avoit été introduit qu’un quart de grain par once , je suis parvenu à retirer cette quantité qui , quoique dVîo+ , n’a point échappé à l’expérience 3 mais il faut noter que j’opérois alors sur une livre d’alliage.

J’ose croire que le procédé que je viens d’indiquer sera regardé comme très-propre à opérer le départ du régule d’arsenic allié à l’étain 3 départ qui se fait d’autant plus sûrement , que l’acide marin ayant sous forme liquide, une très-grande affi- nité avec l’étain , paroît sous la même forme n’en avoir qu’une très-foible avec le régule d’arsenic, ainsi que je le démon- trerai à la fin de la seconde section.

Ce que je viens d’exposer dans ce para- graphe prouve incontestablement que j’ai

sur l’étain. 279

eu raison de dire que de tous les dissol vans, l’acide marin étoit celui qui fournissoit le plus sûr moyen de démontrer non-seulement si l’arsenic existoit ou non dans l’étain , mais encore d’en déterminer la proportion lorsque ce demi- métal s’y rencontroit.

En traitant mes quatre étains primitifs par l’acide marin, sans obtenir le moindre atome de poudre noire , je crois avoir acquis la preuve la plus certaine qu’ils ne contiennent absolument point d’arsenic.

Je crois ne devoir pas finir ce paragra- phe , sans faire observer qu’en tenant l’acide de sel marin et l’étain à un degré de cha- leur qui paroît faire bouillir le dissolvant , mon intention n’a pas été d’insinuer que cet acide n’a point d’action sur l’étain , lorsqu’on abandonne l’opération à la tem- pérature de l’atmosphère ; ce qui pour- roit être présumé , si on s’en tenoit à ce qu’on trouve dans les auteurs qui ont parlé de la dissolution de l’étain dans l’a- cide marin (1).

(1) J’en excepterai Cadet qui, dans un mémoire imprimé, volume de l’Académie, année 1772 , nous apprend qu’il faisoit dissoudre l’ctain dans l’acide marin sans le secours de la chaleur.

S 4

2^0 RECHERCHES

J’affirmerai au contraire que mon acide, sans être fort concentré, agit très-bien à froid sur ce métal qu’il dissout parfaite- ment, et que cette manière d’opérer auroit même été la seuie que j’aurois indiquée, comme la plus exacte pour constater si un étain contient ou ne contient pas d’arsenic: mais comment proposer une expérience qui exige au moins cinq ou six mois pour être terminée ? Qui voudroit la répéter ? Ce seroit même en vain que j’insisterois sur le peu de soin qu’elle demande de la part . du chimiste ; je ne persuaderois personne.

Je n’ai cependant pas cru pouvoir me dis- penser d’en faire mention comme d’un procédé bon à connoître , et peut-être le seul qu’il faudroit adopter malgré sa lon- gueur.

Que l’on mette dans un matras 5 onces d’un bon acide de sel marin bien pur , et qu’on y ajoute 24 grains de très-petits filets d’étain de Eanca , de Malaca , ou autre étain pur ; que l’on ferme négligemment le matras avec urî bouchon de liège , et qu’on laisse le tout à la température de l’atmosphère , en huit ou dix jours au plus la dissolution sera faite 5 et si on a été

SUR

L É T A T N. 201

attentif, on aura remarqué qu’elle ne s’o- péroit pas sans un petit rriouvementd’effer- vescence. On fournira de nouveau 24 grains de petits fils du même étain dont la disso- lution se fera également ; et en continuant ainsi , on parviendra à faire dissoudre une once de ce métal dans la quantité d’acide indiquée , sans employer d’autre degré de chaleur que celui de l’atmosphère. J’ai fait cette opération pendant les six premiers mois de l’année 1779 , sur mes quatre étains primitifs , et sur ces mêmes étains alliés à éü de régule d’arsenic, les premiers se sont dissous entièrement, et les seconds ont laissé un grain de poudre brune, qui étoit la quantité de régule uni à l’once d’étain soumise à l’expérience.

§. XVI.

Effets de V acide nitreux sur l’étain en

général.

%

Les acides , en agissant sur les corps , ont chacun une manière particulière de s’unir avec eux 5 par combien de phéno- mènes ne peut - on pas distinguer une

282 RECHERCHES

substance exposée à l’action d’un acide quelconque ? tantôt l’odeur , tantôt la cou- leur, souvent le goût dévoilent le mystère d’une opération ; un métal entre avec l’acide en dissolution parfaite , ici l’acide agit avec une vivacité étonnante , sans pa- roître pour cela contracter d’union avec la substance qu’il sembloit dévorer. Il y a telle matière sur laquelle un acide n’agit qu’autant qu’il est bouillant , et telle autre dont la dissolution ne se fait bien qu’à la température de l’atmosphère mais toutes les preuves qu’un chimiste peut tirer de pareils phénomènes et de beaucoup d’au- tres de cette espèce , ne sont rien en com- paraison de celles que lui fournit le résul- tat de ces acides combinés avec les subs- tances soumises à leur action. Quipourroit en effet méconnoitre le fer et le zinc unis à l’acide vitriolique, le mercure , le plomb et l’argent à l’acide marin ou à l’acide de nitre , l’étain au même acide ou à l’eau régale ? etc. Quelle ressource ne nous offre donc pas dans les analyses la voie des combinaisons ? aussi lui ai-je donné la préférence dans tous mes travaux ; et si quelquefois i’ai employé le feu seul, on

SUR Jj* B T A ï N. 283 a déjà pu s’apercevoir combien peu cet agent 111’a été utile.

L’action vive de l’acide nitreux sur l’é- tain est connue ; on sait même que ce puissant agent, en paroissant dévorer ce métal , ne le dissout cependant pas , qu’au contraire il le calcine et le réduit en une sorte de potée blanche. Comme ce procédé n’a pas été poussé plus loin , c’est à-peu- près tout ce qu’on trouve dans les auteurs qui en ont parlé (1). Il étoit cependant à

(1) Deux frères célèbres à qui la chimie française doit tant , ont dit l’un et l’autre d’après Kunckel , qu’il étoit possible de dissoudre l’étain dans l’acide nitreux : ils ont même donné les détails du procédé qu’il falloit suivre pour réussir 5 un chimiste d’une réputation bien méritée , Beaumé , a nié le fait , fondé sur ce qu’ayant employé tous les moyens que la chimie peut suggérer , il n’est pas parvenu à en faire la dissolution. '

Quoique cette expérience ne soit pas d’une très- grande importance, j’ai pourtant cru devoir la répé- ter, et suivant de point en point le procédé que j’ai ■vu souvent pratiquer à Rouelle , c’est-à-dire , en affai- blissant beaucoup l’acide nitreux , et en ne lui fournis- sant à chaque fois qu’un très-mince filet d’étaiir pur , dont le poids n’excédoit pas un demi-grain , je suis parvenu à en dissoudre 6 grains dans 2 gros d’acide nitreux pur, affoibli par 4 gros d’eau distillée. Le

t

284 RECHERCHES

présumer qu’on pouvoit tirer parti de cette? opération , et qu’en la suivant , autant qu’il seroit nécessaire , elle devoit me fournir le vrai moyen de reconnoître les différentes substances métalliques et sémi- métalliques que les ouvriers sont dans l’usage d’introduire dans l’étain; et c’est en effet à quoi je suis parvenu , ainsi qu’on le verra bientôt.

S. XVII.

Fffets de V acide nitreux sur les quatre étains primitifs.

J’a 1 choisi quatre matras de pinte , dans chacun desquels il a été mis 6 onces de

point essentiel est d’opérer lentement , et sur-tout d’empêcher que l’acide ne s’échauffe; j’ai quelquefois manqué l’opération , lorsque je la faisois pendant l’été; mais elle m’a toujours réussi en y procédant pendant l’hiver , et singulièrement lorsqu’il geloit. Si on vouloit fournir à l’acide une plus grande quan- tité d’étain que celle que j’indique , on verroit sur-le- champ la liqueur se troubler, et tout le métal dissous se précipiter. Au reste cette dissolution ne se cou- serve pas très- long-temps ; l’étain abandonne peu-à- peu l’acide , ce qui prouve que ces deux corps adhèrent très-foiblement l’un à l’autre.

sur l’étain. ü85

bon esprit de nitre purifié (1) , et sur-le- champ , j’ai commencé à y projeter 2.0 grains de mes quatre étains laminés et coupés en petites bandes. L’effervescence a été des plus vives, la liqueurs’estéchauffée, et en une demi-heure au plus le métal a été réduit en une poudre blanche 5 tout étant devenu calme , il a été fait une sem- blable projection à laquelle il en succéda une troisième , et ainsi de suite de deux heures en deux heures ; enfin dans l’es- pace de quinze jours, j’ai converti en une sorte de caillé blanc et épais 2 onces et demie de chacun des étains primitifs.

A cette époque, l’acide nitreux se faisoit encore un peu sentir au moment l’on jetoit l’étain ; mais la matière étoit devenue si épaisse, que le peu d’acide existant n’avoit plus la liberté de circuler et de se porter vers le métal , même en agitant fortement les matras : ce qui me détermina à mettre lin aux projections.

En introduisant , à plusieurs reprises , dans chaque matras quatre livres d’eau

(O L’esprit de nitre que j’ai employé a voit été précipité et distillé de nouveau ; il étoit pareil à celui qui m’avoit servi à faire l’eau régale.

286 RECHERCHES

distillée , on parvint à retirer la chaux d’étain qui, étantbien lavéeet bien égouttée sur des filtres , fut divisée en petites par- ties et séchée avec les précautions requises; ce qui forma autant de petites masses demi- transparentes, qui, parleur couleur, res- seinbloient à l’écaille appelée blonde.

L’étain de Banca en a donné 3 onces 6 gros i4 grains.

de Malaca 3... 6 .. 21

d’Angl. en échantil. 3 ... 6 . . 8

d’Angleterre doux. . 3 . . . 6 . . 17.

La différence entre ce s quantités se ré- duit, comme on le voit, à très-peu de chose ; et on ne peut l’attribuer qu’à la perte plus ou moins grande qu’on essuie nécessairement pendant le travail, et peut- être aussi à un peu plus ou moins de des- siccation.

Ces chaux exposées séparément dans les vaisseaux fermés à un degré de feu assez fort, ont perdu leur transparence ; leur couleur blanche s’est aussi un peu altérée ; elles sont devenues d’un gris léger ; elles ont perdu demi-once de leur poids, et cette perte n’étoit, pour ainsi dire, que de l’eau pure ; car je ne peux pas évaluer à plus de

i.

sur l’ étain. 287

4 à 5 grains Pacide nitreux qui passa sur ia fin. de la distillation.

Tandis que la dessiccation des chaux s’opéroit , je m’occupois de l’examen des eaux quiavoient été employées à les laver; elles étoient très- limpides , et leur acidité presquq nulle. Mises chacune séparément en évaporation au bain-marie , elles ont été réduites à 4 onces , sans rien perdre de leur transparence ; leur acidité étoit augmentée ; on commençoit aussi à sentir l’odeur propre à l’esprit de nitre ; poussées, toujours au bain-marie , jusqu’à ne repré- senter qu’un volume d’eau de 4 à. 5 gros, la vapeur acide étoit plus forte ; et pour la dissiper entièrement , l’évaporation fut continuée jusqu’à siccité , avec la précau- tion cependant de ne pas faire bouillir le bain ; il se trouva alors dans les capsules un sel blanc dont le poids étoit dans l’ordre suivant :

S A V O I R ï

iota in de Banca. y5 grains

de Malaca 7^ f

d’Angleterre en échantillons. . . . 70.

d’Angleterre doux y3 (1).

(1 ) Cette petite quantité de sel stanno-nitreux , le

2.88 RECHERCHES

Si l’on met un grain de ces sels sur un charbon ardent , il se boursoufle , perd toute son humidité et s’allume, en fusant, comme le nitre. Deux ou trois grains , jetés dans un têt bien échauffé , s’y allu- ment , brûlent d’une manière assez ap- prochante du phosphore , et donnent une flamme blanche et épaisse qui , étant finie , laisse apercevoir un peu de poudre grise que la continuité de la chaleur fait dispa- roître en un instant , en sorte qu’il ne reste dans le têt d’autre vestige des sels em- ployés , qu’un cercle jaunâtre représentant le champ qu’ils occupoient en se boursou- flant et en fusant. Ces sels n’ont donc pas besoin, pours’enflammer, d’être en contact avec le charbon , puisqu’il leur suffit d’être échauffés jusqu’à un certain point} car il faut noter que mon têt n’étoit pas tout-à- fàit rouge, lorsque les sels y ont été pro- jetés.

Dix grains ayant été exposés au feu dans les vaisseaux fermés, mais non lûtes , on

peu d’acide qu’il contenoit par surabondance avant sa dessiccation , les quatre à cinq grains du même acide retiré de la chaux , tout prouve que dans l’opération l’acide de nitre se décompose presqu’en entier.

entendit

entendit bientôt un petit bruit excité par le boursouflement ; il passa deux gouttes d’un phlegme acidulé , le bruit cessa , et tout-à-coup il parut une vapeur blanche et épaisse qui, sortant avec rapidité, remplit en un instant le récipient d’un nuage opa- que , qui avoit l’odeur propre à l’acide nitreux ; enfin tout se passoit ici , à la dif- férence de l’acide près , comme dans la distillation de la liqueur fumante de Liba- vius. Il se trouva dans le col de la retorte une petite portion de matière blanche qui, mise sur un charbon ardent , s’y alluma; c’étoit un peu de sel qui s’étoit élevé sans doute pendant le boursouflement. Il ne se trouva dans le fond de la cornue qu’une petite tache jaunâtre.

Ce sel étant une de ces nouveautés que souvent l’art fait naître entre les mains des chimistes, je me contente de l’annoncer comme objet digne de recherches , sur lequel je reviendrai peut - être quelque jour ; mais dans ce moment un pareil tra- vail me devient en quelque sorte étranger, ou du moins il m’éloigneroit trop de mon objet; qu’il suffise donc de faire observer que la base de ce sel stanno-nitreux n’an- Tome IL T

29° RECHERCHES

nonce rien qui puisse le faire suspecter 5 elle n’est pas arsenicale , je m’en suis bien assuré ; elle n’a d’ailleurs aucun rapport avec les autres métaux et demi-métaux connus ; je crois qu’elle a été fournie à l’acide par l’étain , comme étain considéré sans aucun alliage , soit naturel , soit artificiel. On sait que ce métal a des pro- priétés très-singulières ; on connoît soneffet sur l’or dans le précipité de Cassius et sur la partie colorante de la cochenille , dans la teiutnre écarlate; on nhgnore pas que c’est de l’étain , bien plus encore que de l’esprit de sel , que la liqueur fumante de Libavius emprunte sa dénomination et son caractère.

D’après tout ce que je viens de dire 9 relativement aux effets de l’acide nitreux sur l’étain , on pourroit croire que je n’ai pas tiré un grand parti de cet agent , si je ne prévenois pas les lecteurs que ce même acide me sera de la plus grande utilité , lorsque j’examinerai les différens alliages de l’étain du commerce ; et si , en traitant avec lui mes quatre étains primitifs, il n’en a rien été extrait de particulier, à l’excep- tion de cette petite portion de matière qui

sur. l’étain. 2yl

fait la base du sel dont je viens de parler, c’est la preuve la plus complète que ces étains sont purs , ou , ce qui est la meme chose , que toutes les parties qui consti- tuent leur masse sont vraiment de l’étain homogène ; ce qui avoit déjà été constaté par les expériences précédemment faites avec l’acide marin et l’eau régale.

S. XVIII.

Effets de V acide vitriolique et du vinaigre distillé sur les quatre étains .

L’acide vitriolique à demi- concentré et échauffé jusqu’au degré bouillant, agit sur l’étain ; pendant que cette dissolution se fait , il s’élève de l’acide sulfureux volatil , et il se sublime du soufre ; l’opé- ration finie, la liqueur qui est claire et très- limpide tandis qu’elle est chaude étant versée dans une capsule de verre , forme en se refroidissant, une masse gélatineuse demi- transparente , qui attire l’humidité de l’air à raison de l’acide surabondant qu’elle contient. Ce deliquium contient une petite quantité d’étain , ce dont je me suis assuré , en en faisant la précipitation

T 3

292 RECHERCHES

par l’alkali fixe. La masse salino* gélati- neuse , qui contenoit encore un excès d’acide , ayant été délayée dans de l’eau distillée , ne s’y est pas dissoute , meme à l’aide du feu ; elle a formé , comme aupa- ravant, une liqueur laiteuse et épaisse, qui a été très-long-temps gardée sans s’é- claircir ; en sorte que si l’on veut obtenir le dépôt de l’étain , sous la forme blanche et pulvérulente que l’acide vitrioîique lui fait prendre , il faut ajouter à la liqueur laiteuse une très-grande quantité d’eau , qui , la délayant de plus en plus, la dis- posera à se précipiter au fond du vase.

Cette dernière eau , devenue claire , soit par le repos , soit par la filtration, contient l’acide vitrioîique à nu ; du moins en la saturant d’alkali fixe , ne se trouble-t-elle pas , tandis que j’ai vu le même alkali pré- cipiter une quantité remarquable d’étain resté en dissolution dans l’acide qui sur- nageoit la matière gélatineuse.

On voit par ce que je viens de dire, que l’acide vitrioîique a la propriété de tenir l’étain en dissolution , tant qu’il est bouillant ; mais qu’en se refroidissant , il abandonne le métal qui se précipite sous

Süïl l’ÉTAIK. 593

la forme d’une chaux blanche : tout se passe donc dans cette opération faite avec l’acide vitriolique affoibli , à-peu-près comme dans celle que l’on fait avec l’acide nitreux.

Quant à l’effet du vinaigre sur nos étains purs , je me contenterai de dire que cet acide végétal distillé ou non distillé a sur eux une action , lente à la vérité , mais enfin il les corrode et finit par les convertir en une chaux blanche dont il retient même une petite quantité en dissolution. Voici un exemple de cette opération.

J’ai mis dans quatre matras une once de

chacun de nos étains coupés en petits filets

sur lesquels il a été versé une livre de

vinaigre distillé et d’une bonne qualité 5 le

tout a resté en digestion pendant tout un

été e'c une automne à la température de

l’atmosphère. Après ces six mois révolus ,

j’ai retiré les petits fils d’étain qui, lavés

et séchés , se sont trouvés avoir perdu

27 à 00 grains de leur poids. Les chaux

qui s’étoient formées , et qui avoient été

séparées avec précaution , pesoient de 12

à i4 grains , les différences entre ces

produits n’étant que de très - peu chose*

T 3

(

2^4 RECHERCHES

Enfin les vinaigres employés au poids d’une livre sur chacun des étains , ayant été mis en évaporation au bain-marie dans quatre capsules différentes , ont donné chacun 12. à io grains d’une matière saline blanche qui, exposée à l’air libre , s’est entièrement desséchée , et a perdu la sapidité acéteuse qui s’y faisoit remarquer avant la dessic- cation. C’étoit cependant encore une subs- tance saline dont le goût étoit un peuamer. On a long-temps disputé sur la possibilité de faire un sel d’étain acéteux , en traitant immédiatement ce métal avec le vinaigre distillé ; les uns soutenoient l’affirmative , les autres la négative : ce que je viens de dire prouve qu’à peu de chose près on a voit raison de part et d’autre. -Au reste, la base de ce sel acéteux ne m’ayant rien présenté qui puisse la faire regarder comme étrangère à l’étain , j’en resterai , me réservant toutefois de faire voir dans la suite , qu’on peut tirer un grand parti de l’acide du vinaigre lorsqu’on examine des étains alliés de plomb.

SUR

l' É T Al îf.

295

S. XIX.

Récapitulation et conclusion de la première

section .

Tout m’a prouvé que l’étain que j’avois reçu d’Angleterre comme pur, et sous la forme d’échantillons détachés de très- grosses masses , ne difiëroit en rien de celui que j’avois acheté à Paris sous le nom d’étain d’Angleterre doux ; je com- mencerai donc à n’en plus compter que trois sous la dénomination d’étain pur 5

s a v o 1 r :

L^étain de Eanca, de Malaca , d’Angleterre doux.

1Q. Ces trois étains sont égalemeut doux, et il faut long-temps les plier en sens con- traire , avant que de parvenir à les rompre ; or cette flexibilité, cette mollesse , ils la possèdent à un point si éminent, qu’aucun étain allié avec la plus petite quantité d’ar- senic ne peut leur être comparé.

2°. Ces étains , exposés au feu dans les

T 4

296 RECHERCHES

vaisseaux fermés , laissent échapper une très-petite quantité de poudre blanche qui se fixe dans le col de la retorte , et que Margraff a soupçonné être arsenicale ; j’ai, par des expériences sûres , détruit les soupçons de ce célèbre chimiste , et j’ai démontré que cette même poudre subli- mée n’étoit point du tout de l’arsenic.

3°. En traitant ces différens étains par l’acide nitreux , j’ai eu la preuve cer- taine qu’ils ne contiennent aucun des métaux ou demi-métaux avec lesquels la loi ordonne de les allier, ni aucun de ceux que les ouvriers se permettent d’y intro- duire.

4°. En les soumettant à l’action de l’eau régale, il est impossible d’en extraire un atome d’arsenic , tandis que dans des al- liages artificiellement faits , on peut dé- montrer la présence dV»V* de cette subs- tance minérale.

6e. Ces étains exposés à l’action de l’acide marin bien purifié s’y dissolvent entière- ment , sans qu’il reste un atome de poudre noire 5 tandis que par le même procédé , fait sur des/»alliages l’arsenic n’avoit été introduit [qu’à la proportion d ’ifü > je suis

SUR X. É T A X K. 297

parvenu à retirer et à rendre palpable cette petite quantité d’rê^.

Je crois donc pouvoir conclure que les étains de Banca , de Malaca et d’Angle- terre doux , lorsqu’ils sortent du magasin d’un honnête marchand , sont purs ou privés de tout alliage naturel ou artificiel 5 qu’ils sont parfaitement égaux entre eux , c’est-à-dire , qu’ils sont l’un à l’égard de l’autre , comme de l’or à vingt- quatre karats, ou de l’argent à douze deniers, tirés d’une mine d’Europe , seroient à de l’or ou de l’argent aux mêmes titres , tirés des mines de l’Amérique méridionale.

Cependant ces étains si purs ne peuvent être d’aucune utilité dans nos ménages ; leur mollesse , leur flexibilité y met un obstacle insurmontable ; il faut donc que l’art leur dQnne une certaine roideur , un certain degré de solidité qui les rendent propres non à prendre , mais à conserver toutes les formes que la nécessité ou les circonstances obligent le potier à donner à ce métal ; or, pour parvenir à ce but, on a eu recours aux différens alliages dont je parlerai dans la troisième section.

RECHERCHES

SECONDE SECTION.

§. Ier.

Contenant V examen de V Etain anglois , connu dans le commerce sous le nom de gros saumons et de baguettes .

X-i étain pur d’Angleterre n’entre points ou du moins n’entre que très - rarement dans les ateliers de nos potiers d’étain $ tandis qu’au contraire , ils font un très- grand usage de celui qui nous est apporté de cette contrée en lingots ou saumons du poids de trois cents livres au moins. Ces gros saumons étant fondus de nouveau , soit en Angleterre , soit en France , sont coulés dans des lingotières qui font prendre à l’étain la forme de petites baguettes trian- gulaires , et quelquefois de petites pyra- mides tronquées ou petits chapeaux ; ce qui donne au marchand une grande faci- lité pour débiter ce métal à divers ouvriers, et sur -tout aux chaudronniers, qui, ne voulant ou ne pouvant acheter des masses d’étain de trois à quatre quintaux , se con-

SUR L ETAin. 299

tentent de s’en procurer livre à livre, à mesure du besoin.

L’étain dit en gros saumons , et celui dit en baguetttes , méritoient donc la plus grande attention. Les précautions que l’on prend en Angleterre , à ce qu’on dit, pour ne permettre l’exportation de cet étain , qu’après avoir subi un alliage , me le rendoient suspect , et les recherches de Geoffroy sur les travaux des mines d’é- tain d’Angleterre, fortifîoient encore mes soupçons. « Lorsque la mine d’étain, dit ce 35 chimiste , a reçu toutes les préparations 33 qui doivent la disposer à être fondue, 3> on procède à cette dernière opération 33 dans un fourneau de l’espèce de ceux 33 que l’on nomme vulgairement fourneaux 33 à manche ; les ouvriers l’appellent mai - 33 son, le minerai entre en fonte et coule 33 par un trou pratiqué au fond de la mai - 33 son , dans une grande ange de pierre; 33 la cendre et les scories nagent dessus et 33 se durcissent en un instant.

33 On refond cet étain qui est en gâteaux , 33 pour le couler dans des moules carrés et 33 oblongs , de pierres dites de marais , et 33 c’est ce qu’on appelle saumons. . .. Ces

3oo recherches

» saumons sont plus ou moins fins, suivant 35 les endroits d’où l’on en coupe pour en 33 faire des épreuves : le dessus ou la crème 33 du saumon est très-douce, et si pliante, 33 qu’on ne peut la travailler seule ; on est 33 obligé d’y mêler du cuivre dont elle peut 33 porter jusqu’à trois livres sur cent, et 33 quelquefois jusqu’à cinq livres. Le milieu 33 du saumon est plus dur, et ne peut por- 33 ter que deux livres de cuivre, et le fond 33 est si aigre qu’il y faut joindre du plomb 33 pour le travailler. L’étain ne sort point 33 d’Angleterre dans sa pureté naturelle, 3> ou tel qu’il a coulé dans le fourneau ; il 33 y a des défenses très -rigoureuses de le 33 transporter dans les pays étrangers , 33 avant qu’il ait reçu l’alliage porté par 33 la loi (î).

Ce passage de Geoffroy laisse sans doute beaucoup à désirer $ on voudroit avoir plus de renseignemens sur ces gros saumons de la seconde fonte , qui donnent trois étains si différons l’un de l’autre j les Anglois

(i) Les réglemens auroient-ils changés , ou l’étain doux qu’on m’a vendu à Paris, en m’assurant qu’il venoit d’Angleterre, n’en venoit-il pas? et me vendoît- on l’étain des Indes sous un faux nom ?

3 oi

SUR l’ É T A I R".

n’ont -ils d’autre moyen de se procurer l’étain pur qu’en séparant la couche supé- rieure de ces gros saumons? et est-ce pour masquer , autant qu’il est possible , la défec- tuosité de la seconde et de la troisième, qu’ils ont pris le parti de l’allier au cuivre, et même au plomb, comme le dit l’auteur que je cite ? Cette dépuration spontanée opérée par le dépôt d’une substance, qui, spécifiquement plus pesante que l’étain, se précipite au fond des moules , n’exigeoit- elle pas quelques détails ? car enfin ne peut-on pas présumer qu’il faut du temps pour opérer cette espèce de départ, et que sans doute on est obligé de tenir les moules à un certain degré de chaleur qui, prolon- geant l’état fondu du métal, permet à îa substance hétérogène et pesante d’aban- donner tout-à-fait la couche supérieure , et en partie la couche moyenne, pour aller se fixer dans celle qui occupe le fond des moules ?

Geoffroy a extrait des transactions phi- losophiques , tout ce qui , dans son mé- moire , a rapport à l’histoire des mines d’étain de Cornouailles ; les auteurs qu’il a consultés , auront sans doute négligé les

#

3oa recherches

détails qui concernent cette dépuration ; ou peut-être auront -ils cru qu’il étoit de l’intérêt de leur nation de ne pas trop écrire sur une substance que, de temps immémo- rial , elle est en possession de vendre à toute l’Europe. Il faut donc me contenter de ce qu’ils ont bien voulu m’apprendre , et re- garder la séparation spontanée des divers étains qui se trouvent constamment dans les saumons de première fonte , comme un fait qui, n’ayant rien de merveilleux, annonce seulement que l’étain de Cor- nouailles, si vanté dans nos ateliers, n’est pas un métal homogène , et que dans le cas les mines de ce métal , exploitées dans les Indes Orientales , ne présente- roient pas le même phénomène dans la fonte, on devroit, par cette raison seule, en préférer l’étain à celui d’Angleterre (1).

(i) Je suis bien éloigné d’avoir des doutes sur cette précipitation de matière pesante qui se fait spontané- ment dans les fonderies de Cornouailles 5 j’ai moi- mème tenu en une fonte tranquille pendant douze heures, différens étains, et j’ai constamment remarqué que tous ceux qui étoient alliés au cuivre, au bismuth et au plomb , otfroient au moins deux qualités d’étain ; la partie supérieure ne conseryoit que peu d’alliage ,

sur l’étain. 3o3

Maïs comme mon objet principal est d’examiner l’étain dans l’état il nous est apporté et vendu aux ouvriers qui le mettent en œuvre , je dois faire en quelque sorte abstraction de tout ce qui a trait à Phistoire assez peu connue de ce métaï , et m’occuper entièrement de l’examen de Pétain avec alliage, que les Anglais nous vendent en grande quantité sous la forme de gros saumons, et que nos marchands revendent aux ouvriers sous la forme de baguettes.

S. I i.

Effets du feu sur V étain dit en gros sau~ mons et en baguettes , traité dans les vaisseaux fermés .

Ayant exposé à un grand feu quatre livres d’étain pris dans un gros saumon, et

tandis que l’inférieure en contenoit beaucoup. Les ou- vriers que j’ai consultés à ce sujet, m’ont tous assuré qu’il leur arrivoit quelquefois de rencontrer à la fin d’une fonte un peu considérable , quelques livres d’étain si aigre, qu’ils ne pouvoient l’employer; or c’est pour éviter cette séparation , qu’en coulant ils ont attention d’agiter de temps en temps et légèrement l’étain avec la cuiller de fer dont ils se servent pour le puiser et le jeter dans le moule.

I

3o4 RECHERCHES

tenu en fonte dans une retorte , pendant plus de huit heures , il s’est élevé dans le col une petite quantité de matière blanche et pulvérulente , qui pouvoit à peine être évaluée à un quart de grain ; cette matière parfaitement semblable à celle que j’avois déjà obtenue , en traitant de même mes quatre étains primitifs , n’étoit point du tout arsenicale.

Cette expérience répétée sur quatre livres d'étain pris dans un autre saumon , m’a également donné une petite sublimation blanche et pulvérulente , et nullement arsenicale ; enfin des étains de la même espèce, saumons ou baguettes, pris chez divers marchands , et traités de même , m'ont tous donné des atomes de poudre sublimée mais point du tout d’arsenic ; aussi en l’enlevant avec un peu de mie de pain tendre , ai-je pu la faire prendre impunément au petit chien qui avoit pré- cédemment avalé celle que j’avois retirée de mes quatre étains purs.

Les masses ou culots d’étain retirés des cornues , étoient tous recouverts d’une légère couche de chaux ou potée , sous laquelle on voyoit, comme dans les étains

purs ,

SUR L * Û T A I N. 3o5

purs , des petites cavités dont les parois dorées réfléchissoient la lumière comme la gorge de pigeon»

D’après ces expériences multipliées, on peut conclure que l’étain avec alliage que nous tirons d’Angleterre , donne, en l’ex- posant au feu dans les vaisseaux fermés, une très-petite quantité de fleurs métalli- ques, qui ne diffèrent point de celles que l’on retire, parle même procédé, de l’étain sans alliage.

§. III.

Effets de l’acide nitreux sur l’étain d’ An- gleterre en gros saumons et celui en baguettes .

J’ai traité ces divers étains avec l’acide de nitre purifié, et en suivant exactement tous les détails indiqués dans la première section, §. XVII, je suis parvenu à les réduire en une cliaux blanche , dont les lavages faits avec quatre livres d’eau dis- tillée , m’ont présenté un moyen sûr de reconnoître , et même de retirer tout le cuivre qui peut avoir été introduit dans un étain quelconque.

Ayant mis en évaporation au bain-marie, Tome //, Y

5o6 recherches

l’eau qui avoit servi à édulcorer les chaux que j’avois obtenues de l’étain en saumon ou en baguettes , et la liqueur étant réduite à huit onces environ , j’aperçus qu’elle prenoit une teinte bleue, dont l’intensité augmentoit à mesure que la concentration se faisoit ; enfin , rapprochée au point de cristalliser, elle donna le sel stanno-nitreux dont j’ai parlé §. XVII, et qui ne différoit de celui que j’avois retiré des étains purs, que par la couleur bleue que lui commu- ! niquoit la dissolution de cuivre au milieu | de laquelle il s’étoit formé.

J’ai examiné ces deux sels de nitre, l’un jj à base d’étain, l'autre à base de cuivre, et je n’y ai pas découvert le nitre à base de i plomb , sorte de sel d’ailleurs si aisé à reconnoître, et dont je parlerai fréquent- H ment lorsque je traiterai les étains ou- U yragésj mais je crois avoir aperçu le nitre fl à base de zinc, demi-métal qui entre sou- U vent , quoiqu’en petite dose , dans les a alliages de l’étain , comme étant très- ü. propre non-seulement à lui donner de la | roideur, mais encore à lui rendre l’éclat r argentin que le cuivre rouge lui fait perdre, ou du moins qu’il altère considérablement j li

SUR

l’étain. 007

en sorte que je suis porté à croire que les fondeurs des mines de Cornouailles , en alliant , ainsi que l’assure Geoffroy , le cuivre à leur étain, emploient le laiton, , et non pas la rosette j mais comme j’aurai bientôt occasion de m’étendre davantage sur ce sujet , je vais passer à des expé- riences d’un autre ordre et d’une plus grande importance.

§. I V.

Effets de Veau régale sur Vétaia d’ An~ gleterre y tant en gros saumons qu’en baguettes.

En traitant par l’eau régale les divers étains de Banca, de Malaca, d’Angleterre doux , et d’Angleterre en petits échantil- lons , j’ai fait observer que cet acide mixte , en agissant sur eux , n’en ternissoit pas la surface , qu’on ne voyoit aucun corpuscule noir s’en détacher , et que la poudre , ou plutôt le sel qui se précipitoit pendant l’opération , étoit parfaitement blanc ; tandis qu’au contraire , en soumettant à la même expérience ces étains alliés avec des atomes de régule arsenical , leur sur-

Y a

3oS

RECHERCHES

face se ternissoit des corpuscules noirs s’en détachoient, et communiquoient leur couleur à la pondre ou sel d’étain qui s’amasse au fond des vases se fait la dissolution , sel qui naturellement est d’un blanc de neige.

J’annonçai alors cette expérience comme propre à faire reconnoître en très -peu de temps , si un étain contenoit ou non de l’arsenic ; mais comine la couleur noire de la poudre ne seroit pas une raison suffisante pour prononcer sur sa nature, j’insistai sur la nécessité de la laver pour dissoudre tout le sel d’étain qu’elle con- tient , et de porter sur un charbon allumé la petite portion insoluble , qui seule est douée de la couleur noire. Cette dernière expérience, toute simple qu’elle est , suffit pour instruire le chimiste et le faire pro- noncer avec certitude que cette matière est ou n’est pas de l’arsenic. J’insiste de nouveau sur cette remarque , car je verrai bientôt l’étain allié avec d’autres substances sémi - métalliques , donner aussi , en le traitant avec l’eau régale , une poudre noire qu’il faut bien se garder de prendre à la simple inspection pour de l’arsenic.

Ceci posé , voyons la manière dont se comportera dans l’eau régale l’étain d’An- gleterre en gros saumons ou en baguettes, dont nous faisons en France une grande consommation, et qu’en conséquence, il est très-intéressant de bien connoître.

Ayant disposé seize petites capsules de verre, dans chacune desquelles il a voit été mis une demi-drachme d’étain en gros sau- mons de première qualité, réduit en une lame mince, et quatre drachmes d’une eau régale ammoniacale très-foible; l’action du dissolvant a été lente ( ce qui est bien essentiel si on veut réussir dans cette expé- rience) ; en quatre minutes la superficie des lames étoit absolument noire, et peu-à-peu on vit dans chaque vase une poudre de la même couleur s’amasser et occuper le fond ; en quatre ou cinq heures les lames n’exis- toient plus; à cet instant les liqueurs et les poudres noires contenues dans les seize capsules, furent réunies dans une seule, et tout resta tranquille un jour entier pour donner le temps à la poudre de gagner le fond , et à la liqueur de se clarifier.

Arrivée à ce point , cette liqueur fut decantée , autant qu’il fut possible de le

V 3

5lO RECHERCHES

faire , parce qu’il falloit éviter de perdre quelque portion de la poudre , et on lui substitua sur-le-champ environ 4 onces d’eau distillée, qui opérèrent en un ins- tant la dissolution de la plus grande partie du sel d’étain : cette dissolution , devenue claire, fut retirée à son tour, et remplacée à différentes fois par 6 onces de la même eau , en sorte qu’il en fut employé pour l’édulcoration environ 10 onces.

Le résultat de ces lotions à été que la partie saline , c’est-à-dire , celle qui s’étoit formée par la combinaison de l’acide régale avec l’étain , a été entièrement dissoute, et qu’il n’est resté que les trois quarts d’un grain d’une poudre noire vraiment arse- nicale , qui , mise sur un charbon , s’est entièrement exhalée en répandant l’odeur propre à cette substance sémi-métallique.

J’ai répété cette expérience jusqu’à quatre fois sur de l’étain pris dans le même sau- mon , et j’ai eu constamment le même résultat.

L’étain en baguettes traité suivant le même procédé , m’a également donne environ les trois quarts d’un grain de régule d’arsenic.

S TJ R

x’rtaik. 3 il

Mais pour mettre de la variété dans mon travail , et m’assurer que je n’opérois pas toujours sur le même étain , j’ai acheté chez divers marchands , et en différens temps, clu gros saumon, des baguetttes , et un autre étain qui se vend chez les potiers sous la forme de petits chapeaux et sous la dénomination d’étain de Cor- nouaiPes ; ces divers étains , au nombre de qi înze , m’ont également donné une petite quantité de régule d’arsenic , sans qu’il m’ait cependant été possible de par- venir à en retirer un grain entier par cha- que once de ce métal.

J'ai donc enfin trouvé des étains qui contiennent de l’arsenic, et ces étains que nous tirons d’Angleterre, sont précisément ceux dont nous faisons le plus grand em- ploi ; mais comme il ne suffit pas de dire que le régule d’arsenic est recélé dans tel ou tel étain, et qu’il est, au contraire, très - essentiel de constater la proportion cette redoutable substance s’y trouve combinée , je vais traiter ces mêmes étains avec l’acide marin qui peut seul , ainsi que je l’ai dit plusieurs fois , me faire atteindre ce but.

Y 4

3 12

recherches

§. V.

Effets de l’acide marin sur les étains précédens.

A y an t mis dans deux matras à très- longs cols , 4 onces de petits filets d’étain en baguettes dans l’un, et la même quan- tité de petits filets d’étain , dit gros sau- mons dans l’autre ; il a été versé sur chacun d’eux 12 onces d’acide marin très-pur, et à l’aide d’un bain de sable , le tout a été échauffé jusqu’au degré qui excitoit une effervescence , une sorte de bouillonne- ment, modéré cependant, afin de ne pas dissiper trop d’acide. Voyez ce qui a été dit à ce sujet y Ire. sect, 5. XV.

La dissolution des deux étains s’est opérée en cinq jours ( sa durée dépend de l’attention qu’on a d’entretenir plus ou moins exactement le degré de feu requis) ; la liqueur étoit limpide et sans couleur: on apercevoit dans le fond de chaque matras une petite quantité de poudre noire qui , retirée avec précaution , édulcorée et séchée , pesoit , savoir : celle de l’étain en baguettes 6 grains , celle de l’étain en

SUR

l>étxin. 3i3

gros saumons un peu moins de 4 grains. Celle-ci étoit de pur régule d’arsenic, tandis que Pautre contenoit encore près de 3 grains d’étain mélangé de cuivre , ce dont je me suis assuré , en l’exposant au feu , qui lui a fait perdre un peu plus de 3 grains d’une matière volatile qui s’élevoit en vapeurs blanches avec la forte odeur d’ail , et se condensoit en une poudre blanche sur les parois d’un verre conique qu’on lui avoit présenté. Il resta dans le têt se faisoit l’opération , 2 grains trois quarts d’une substance grise qui , jetée dans de l’alkali volatil , ne tarda pas à s’y dissoudre pres- qu’en entier , en lui communiquant une couleur bleue foncée. On voit par-là que je m’étois trop pressé de retirer du feu le matras qui contenoit l’étain en baguettes, mais ce n’est pas la seule fois que j’ai fait cette faute. En examinant, par le même procédé, 4 onces d’un autre étain en gros saumons , il resta dans le matras i5 grains et demi d’une poudre couleur d’ardoise , dont un demi -grain jeté sur un charbon ardent, donna à peine l’odeur arsenicale ; les 1 5 grains restans ayant été exposés au feu , ne perdirent pas au- delà de 2 grains

3l4 RECHERCHES

et demi de leur poids ; ce qui demeura fixe dans le têt, se trouva être du cuivre mêlé d’un peu d’étain. Je rends compte de cet accident, qu’il est difficile d’éviter en tra- vaillant sur de l’étain artificiellement allié à d’autres substances métalliques , afin de prévenir ceux des chimistes qui , comme je le désire bien sincèrement, voudroient constater la vérité de mes expériences , d’être sur leurs gardes dans l’examen qu’ils fieront de la poudre noire qu’ils auront obtenue, et sur-tout de n’employer qu’un acide marin bien purgé par une nouvelle distillation , du fer et de la terre qu’il contient presque toujours , lorsqu’il a été préparé avec l’argile.

S. V I.

Mêmes expériences répétées sur différens étains d> Angleterre.

Les expériences dont je viens de rendre compte , ont été répétées sur les divers étains en gros saumons , en baguettes et en petites pyramides tronquées, appelées petits chapeaux , que j’avois déjà soumis à l’action de l’eau régale , et tous m'ont

SUR 1 É T A I N. 3l5

donné un peu de régule d’arsenic; la seule différence que j’aie remarquée entre eux, consistoit dans les proportions de ce même régule ; quelquefois j’en ai retiré un grain par once , le plus souvent trois quarts de grain ; il y a tel gros saumon , dont \ onces ne m’ont donné que 2, grains et demi; en sorte que d’après des expériences réité- rées jusqu’à quatre fois, sur quinze échan- tillons achetés sous différentes formes et sous différentes dénominations , je puis assurer que la plus grande proportion j’aie trouvé le régule d’arsenic , a été de v'r> la plus petite de ,-fsT et la moyenne drr* Il est donc bien constaté que l’étain que nous tirons d’Angleterre, sous la dénomi- nation de gros saumons , de baguettes et de petits chapeaux , contient réellement une petite quantité de régule d’arsenic, et de plus, que le vrai moyen d’en bien con- noître la proportion , est de faire dissoudre cet étain dans de l’acide marin très -pur. Ne reste-t-il rien lorsque la dissolution est faite? l’étain est sans arsenic. Reste -t- il un peu de poudre noire ? qu’011 la sépare avec soin, qu’elle soit lavée, séchée, pesée, et qu’on en jette un quart de grain sur un

3i6

UE CHERCHES

cliarbon ardent , pour reconnoître si elle est arsenicale ou non. L’est - elle ? qu’on l’expose à un degré de feu capable d’opérer la sublimation de l’arsenic ; si elle s’exhale en entier, elle est de pur régule d’arsenic. S’il reste un peu de poudre dans le têt de verre ou de grès employé à l’opération , qu’on le pèse , s’il est possible , ou qu’on l’évalue , et on saura ce qu’une quantité donnée d’un étain quelconque, contient réellement d’arsenic sous forme réguline.

Je n’ai jusqu’ici donné aucun éclaircis- sement sur l’ætiologie de cet intéressant départ, parce que je n’ai pas cru devoir interrompre la série de mes expériences , et que d’ailleurs il m’a paru convenable de ne l’établir qu’après avoir trouvé de l’étain naturellement arseniqué: or, comme on vient de le voir, cet étain n’est pas rare. Je vais donc remplir les engagemens que j’ai pris , première section , §. XII. Mais ne voulant mettre en ceci aucune prétention, je me contenterai d’exposer quelques expé- riences qui , ayant un rapport immédiat avec celles qu’on vient de lire, serviront à faire sentir la cause du départ de l’arsenic, ou plutôt du régule d’arsenic d’avec l’étain.

SUR L’ É T A i N. 3 1 7

lorsqu’on en traite l’alliage par les acides simples ou mixtes.

S. VIL

Ætiologie du n art du régule d’arsenic d’avec l’étain , ou effets des acides sur ce même régule.

Les auteurs qui ont traité en général de toutes les parties de la chimie, ont parlé de l’arsenic et de ses rapports avec les acides $ mais à l’exception de Baumé , je n’en con- nois aucun qui ait porté ses vues sur le même arsenic ramené par la réduction à son état sérni - métallique ; c’est - à - dire , qu’on s’est beaucoup exercé sur l’examen de la chaux , et qu’on a entièrement négligé le demi-métal qui la fournissoit.

J’ai précédemment démontré de la ma- nière la plus évidente , que la chaux d’ar- senic ne pouvoit se combiner avec l’étain, tandis qu’au contraire son régule s’y unis- soit avec la plus grande facilité ; et cette première démonstration a été suivie d’un nombre infini d’expériences , qui toutes ont prouvé que dans les divers étains on découvrent de l’arsenic, cette, substance

3 1 8 RECHERCHES

y étoit toujours sous forme réguline , et jamais sous forme de cliaux.

Les rapports de l’eau régale , de l’acide marin , et même de l’acide nitreux avec la chaux arsenicale , ou, ce qui est la même cliose , avec l’arsenic proprement dit , me devenoient donc assez indifférens ; tandis que les rapports de ces mêmes acides avec le régule d'arsenic , étoient si importans , que je ne pouvois me dispenser de faire des recherches, dans la vue d’acquérir à cet égard des connoissances dont on ne pouvoit absolument se passer, si on vou- loit établir l’ætiologie du départ de quel- ques atomes de ce demi- métal recèles dans l’étain.

S. VIII.

Effets de V acide nitreux sur Ig régule

d’ arsenic.

Que l’on mette dans un matras soixante grains de régule d’arsenic concassé, et une once d’acide nitreux d’une bonne force ; qu'on laisse le tout à la température de l’atmosphère , l’acide agira peu- à-peu sur le demi-métal, et ne tardera pas à prendre une teinte verte ; il s’élèvera de temps en

SUR L’ÉTAIN. 3lO

temps des bulles qui annoncent faction lente , mais continue du dissolvant. En huit ou dix jours les soixante grains seront dissous et la couleur verte aura disparu. La durée de l’opération est plus ou moins longue, suivant la température de l’atmos- phère.

Si on fait cette dissolution en tenant le matras sur un bain de sable chaud , elle s’opère fort vite et avec une vive efferves- cence, qui ne laisse pas le temps d’aper- cevoir la couleur verte.

Ainsi donc , l’acide de nitre ayant, soit à froid, soit à chaud, la propriété de dis- soudre le régule d’arsenic , ne peut être employé pour opérer avec avantage le départ de cette substance d’avec l’étain ; car quoique ce dernier soit réduit en chaux par le même acide , il y en reste cependant une petite portion en parfaite dissolution, qui donne , ainsi que je l’ai dit , des cristaux susceptibles de s’enflammer, lorsqu’on les échauffe à un certain point. Or , par quel moyen retireroit-on de 4 à. 5 onces de chaux d’étain ainsi préparée , 2 ou 3 grains d’ar- senic que l’on pourroit tout au plus y supposer? Enfin , quand bien même l’eau

320 RECHERCHES

employée à édulcorer cette chaux d’étain / contiendroit, comme il est à présumer, ce peu d’arsenic , ori ne pourroit pas encore se promettre de le séparer du sel stcirino - nitreux , qui ne peut être exposé au feu sans s’allumer,

$. I X.

Effets de V acide de sel marin sur le régule

d* arsenic -

J’ai mis dans un inatras un gros et demi de régule d’arsenic grossièrement pulvé- risé, et 2 onces de bon acide marin purifié ; le tout est resté pendant près de six semaines exposé à la température de l’atmosphère , sans qu’il ait été possible de remarquer le moindre signe d’effervescence ou de disso- lution , aussi Je régule retiré, lavé et séché, se trouva - 1 - il n’avoir rien perdu de son

J’ai tenté la même expérience en tenant le matras sur le sable échauffé , au point de faire bouillir l’acide pendant dix - huit heures, avec la précaution de remplacer, en différentes fois , celui qui s’évaporoit , sans que j’aie pu remarquer à l’oeil que le

régule

SUR L’ETAIN. 321

régule ait été attaqué ; mais l’ayant retiré , lavé et séché avec les précautions requises, il se trouva sur la balance diminué de près de 2, grains.

O

L’acide qui a voit servi à l’opération ayant été évaporé jusqu’à siccité à la douce cha- leur d’un bain-marie, il est resté dans la capsule de verre environ 2 grains d’une matière jaunâtre et saline, qui, mise sur un charbon ardent, fut à l’instant reconnue pour être arsenicale.

Ainsi , quoique d’après cette dernière expérience faite à l’aide de la chaleur , on ne puisse pas regarder l’insolubilité du régule d’arsenic dans l'acide marin , comme absolue , il n’en est pas moins vrai que ces deux corps ( l’acide et le demi-métal) n’ont l’un vers l’autre qu’une très - foible ten- dance , et que dans un procédé ou il s’agit de départir une quantité quelconque de régule d’arsenic recelé dans l’etaiu , cette foible tendance est rendue absolument nulle , par la très - grande affinité qui existe , au contraire , entre ce même acide et l’étain.

Or, c’est cette énorme différence de rap- ports qui , dès la première section, m’a fait Tome II. X

522 RECHERCHES

avancer que de tous les dissolvans , l’acide marin étoit celui qui offroit le moyen de plus sûr , non-seuleinent pour démontrer l’existence ou la non- existence de l’arsenic dans l’étain , mais encore pour déterminer la proportion il s’y trouvoit.

t

S- X.

Effets de Veau régale sur le régule d’arsenic .

L’eaü régale a aussi sa manière d’agir sur le régule d’arsenic , et quoiqu’on puisse également employer celle qui est préparée avec les deux acides , il n’est cependant pas indifférent de les y faire entrer en toutes sortes de proportions; danstoutes mes expé- riences sur l’étain , je me suis constamment servi d’une eau regale faite avec le sel am- moniac et l’acide nitreux, et c’est celle-là même que j’ai employée dans les expé- riences qui me restoient à faire sur le régule d’arsenic.

Il est une autre chose bien importante à observer , c’est le degré de force de cet acide mixte. J'ai déjà vu que pour bien

\

\

SUR L’ÉTAIN. 323

réussir à extraire le régule d’arsenic recelé dans l’étain , il falloir employer une eau régale très affoiblie : les expériences sui- vantes en vont faire sentir les raisons.

Que l’on mette dans un petit matras 36 grains de régule d’arsenic grossièrement pulvérisé , et environ 2. gros d'eau régale ammoniacale d’une bonne force, on verra bientôt un mouvement d’effervescence s’é- tablir entre ces deux corps ^ et en moins de douze heures les 36 grains de régulé auront perdu leur couleur noire, et seront changés en une poudre blanche ou chaux arsenicale, dont une portion restera pour- tant unie au dissolvant ( 1 ). Si on faisoit chauffer le matras , le régule seroit entiè- rement dissous en moins d’un demi-quart d’heure j mais si au lieu d’une eau regale

(1) En disant que cette calcination de trente- six grains de régule par la voie humide s’opéroit en moins de douze henres , notre intention est de donner une idée de la concentration de notre eau régaie ; car si on en employait une plus forte, la calcination exige- geroit moins de temps : le degré de chaleur excité par l’effervescence étant alors plus fort, on risqueroit de ne pas obtenir de chaux, mais une dissolution totale du régule d’arsenic.

X 2

324 RECHERCHES

forte , on en emploie une affoiblie par deux et même trois parties d’eau distillée, on aura des phénomènes bien différens des précédens; ce dissolvant agira alors avec la plus grande lenteur sur le demi-métal , et ce ne sera qu’après -plus de huit jours qu’on commencera à apercevoir un peu de poudre blanche déposée autour du régule , et après deux mois révolus , on pourra à peine évaluer à 8 ou 10 grains la quantité de chaux d’arsenic qui se sera formée dans ce long espace de temps. Cependant cette même eau régale qui avoifc si peu d’action sur le régule d’arsenic , a voit encore , quoique très- affoiblie, assi z de force pour dissoudre en quelques heures l’étain pur , et le réduire en une poudre blanche et saline, et les étains arseniqués, en une poudre noire.

Cette différence remarquable entre l’ac- tion d’une eau régale forte , et d’une eau régale foible , l’une et l’autre appliquée au régule d’arsenic, me donne l’éthiologie du procédé par lequel Margraff a retiré de certains étains , l’arsenic sous la forme d’une poudre blanche , et de celui par lequel je retire constamment cette même

S TT R L E T A I N. 325»

substance sous la forme d’une poudre noire ou de régule.

Que se passe-t-il dans le procédé de Mar- graff ? Ce chimiste emploie une eau régale , qui , quoiqu’affoiblie , a pourtant encore assez de force pour agir sur le régule d’ar- senic, et le réduire, ainsi que l’étain, en une poudre blanche qu’il faut triturer avec un alkali fixe , et exposer à un degré de chaleur capable d’opérer la sublimation de la substance arsenicale qui peut y être recelée. Dans mon procédé , je me sers au contraire d’une eau régale tellement affoi* blie , que sans avoir perdu la propriété de dissoudre l’étain , elle n’a plus d’action sur le régule d’arsenic ; d’où il résulte que ce dernier se fait apercevoir dans l’instant même la dissolution d’un étain arseniqué commence ; et en effet , si l’on est attentif à l’opération , on ne tarde pas à voir des corpuscules noirs se séparer, signe presque certain de la présence de l’arsenic , et au- quel il ne manque, pour être une démons- tration , que de mettre , par les moyens que j’ai indiqués , ces mêmes corpuscules, en état d’être portés sur un charbon ardent qui, dans le moment même, fera connoitr&<

X 3

326 RECHERCHES

s’ils sont arsenicaux", ou s’ils ne le sont pas.

Ce que je viens de dire sur l’action des acides de nitre , de sel marin , et de l’eau régale sur le régule d’arsenic , étant plus que suffisant pour faire connoître la cause du départ de cette substance d’avec l’étain auquel elle se trouve quelquefois alliée , j’en resterai , pour passer à l’examen de l’étain ouvragé et exposé en vente sous toutes sortes de formes.

sur i* étain.

TROISIÈME SECTION.

$. Ier.

Examen de V étain mis en œuvre , et vendu sous toutes sortes de formes par les maîtres potiers d'étain .

J’ai déjà dit que l’étain d’Angleterre, appelé gros saumons, étoit d’un usage fré- quent chez nos ouvriers , que c’étoit meme presque toujours celui qui suppléoit au déchet inévitable dans les refontes , et à la perte occasionnée parle fréquent écu- rage qu’on est obligé de faire subir à ce métal converti en vaisselle.

D’un autre côté, je sais que l’Angleterre a constamment fourni à nos marchands tout l’étain nécessaire à notre consomma- tion , jusqu’à l’époque nos armateurs ont commencé à en importer des Indes , et même que depuis cette époque on n’a pas discontinué d’en tirer d’Angleterre , ce qu’on ne cessera pas de faire tant que l’étain des Indes se vendra dans les maga-*

X 4

3s8 recherches

sins de nos villes maritimes plus clier que celui de Cornouailles.

Ainsi nous pouvons regarder la masse d’étain ouvragé qui se trouve actuelle- ment dans le royaume , comme étant , à peu de chose près , de l’étain provenu des mines d’Angleterre $ ce qui peut faire pré- sumer que tous les ustensiles d’étain qui se trouvent dans le royaume , contiennent quelques atomes de régule d’arsenic. N’en- trant donc à cet égard dans aucun détail , je dirai simplement qu’ayant examiné divers étains mis en œuvre , j’y ai trouvé cette petite portion de régule , toutes les fois que les alliages dont je parlerai bientôt , m’ont permis de pouvoir la mettre à nu : mais je ne dois pas laisser ignorer , qu’ayant soumis aux expériences, soit avec l’acide marin , soit avec l’eau régale , des assiettes achetées à Londres , et faites d’un étain bien supérieur à tout ce qu’on pourroit acheter à Paris en ce genre , j’y a.i cons- tamment trouvé le régule d’arsenic dans la proportion d’environ trois quarts de grains par once , ou ce qui est la meme chose, ^5 tandis que le plus souvent je n’en ai découvert dans les divers étains

travaillés à Paris qu’^-, ce qui ne paroîtra pas étonnant , si on fait attention que les assiettes achetées à Londres étoient faites de gros saumons , auquel le potier d’étain anglais avoit seulement ajouté un peu de bismuth , alliage bien différent de celui que font nos ouvriers. *

J’ai trouvé du plomb , et même souvent en très - grande quantité , dans les étains ouvragés chez nous ; tandis que les assiettes de Londres ne m’en ont pas fourni un atome. Or le plomb introduit dans la pro- portion de huit , dix , douze et même quinze et vingt livres par quintal d’étain , en augmentant la masse , diminue d’autant la proportion du régule d’arsenic, que j’ai découvert dans tout l’étain qui m’est ap- porté d’Angleterre , sous la forme de gros saumons.

J’ajouterai encore que nos potiers étant forcés , lorsque l’étain d’x4.ngleterre leur manque , d’employer celui des Indes , que je sais être pur* il se fait entre leurs mains un nouveau mélange , qui, par les refontes, s’incorpore peu- à -peu dans notre étain ouvré , et concourt par-là à diminuer en- core la proportion du régule d’arsenic ,

53o recherches

dont la masse d’étain existante chez nous* a pu être légèrement imprégnée.

S- I I.

Des différentes substances que Von est dans r usage d’allier à l’étain.

Je pourrois mettre facilement les chi- mistes et les physiciens en état de prononcer sur l’innocuité ou sur les dangers de la vaisselle d’étain que fabriquent nos ou- vriers , si toute celle qu’ils vendent étoit faite d’un seul et même alliage $ mais il s’en faut de beaucoup que les choses se passent ainsi , chaque maître ayant sa ma- nière de voir les défauts de ce métal , et conséquemment sa manière de les corriger.

La loi a essayé de prononcer sur les qualités que doit avoir l’étain ouvragé , mais comme elle n’a rien dit de positif , chaque potier d’étain a cru devoir suivre sa méthode , et a constamment ajouté à l’étain qu’il alloit employer tout ce qui pouvoit le rendre propre à ses vues. Ecou- tons les XIII et XIV articles des ordon- nances concernant les maîtres potiers d’é- tain de la Yille et faubourgs de Paris.

SUR L* É T A I N. 33 1

Art. XIII. « Pourront tous lcsdits maî- » très de ladite ville et autres étant dans 33 ladite prévôté et vicomté , faire toutes 33 sortes d’ouvrages de bon fin étain son- 33 nant, aloyé de fin cuivre et d’étain de 33 glace , selon qu’il est accoutumé de 33 faire 3*.

Art. XIV. « Pourront pareillement faire >3 toutes sortes d’ouvrages de bon étain 33 commun et bien aloyé , de telle sorte 33 qu’il puisse venir à la rondeur de l’essai 33 avec la blancheur requise et accoutumée 33 de tous temps et ancienneté 3>.

Tels sont les deux seuls articles pro- noncés parles ordonnances sur l’alliage de l’étain soit fin , soit commun. A la vérité l’article XIII nomme le cuivre et l’étain de glace, c’est-à-dire le bismuth, comme les seules subtfiances qui doivent être alliées avec l’étain , pour fabriquer l’étain fin et sonnant; mais les proportions du métal et du demi- métal n’ont pas été prescrites par la loi.

A l’égard de l’étain commun , il est or- donné , par l’article XIV , aux maîtres de le faire bon et bien aloyé , en sorte qu’il puisse venir à la rondeur de l’essai , avec

33^.

RECHERCHES

la blancheur requise. Mais la matière de l’aloi n’est pas désignée. i

Les potiers d’étain sont donc positive- ment autorisés par la loi , à faire entrer dans l’étain fin le cuivre et le bismuth ; mais ils ne s’en tiennent pas là. Fondé sur ce que dans le commerce il se rencontre des étains de qualités très-différentes , les uns trop doux , les autres trop aigres, chaque maître se croit en droit de corriger ces défauts par des moyens qui lui sont particuliers ou communs avec ses con- frèies.

La différence des étains n’est pas le seul inconvénient qu’éprouvent les ouvriers ; tel étain peut avoir été amené au titre de bon étain fin , et par-là être très-propre à faire toute sorte de pièces de vaisselle de bon aloi , sans qu’il soit possible de l’em- ployer à faire certains ustensiles , par exemple , des moules de chandelles : il est donc des cas la forme que doit prendre l’étain , oblige l’ouvrier à se servir de tel ou tel alliage , et à cet égard , il faut bien s’en rapporter à ceux d’entre les maîtres qui raisonnent sur leur métier d’une ma- nière assez éclairée et d’après une expé^

sur l>étain. 353

rience constante. Au reste, peu importent les motifs qui déterminent les ouvriers à se servir de tout autre alliage que de celui qui est prescrit par les ordonnances ; le point essentiel est de savoir quelles sont les matières qu’ils emploient, et sur-tout , d’en bien connoître les proportions , si nous voulons en apprécier les effets ayec cer- » titude.

Or ces matières sont : iQ. Le cuivre rouge ou rosette ;

2,°. Le bismuth ou étain de glace ;

3°. Le zinc, ou seul , ou uni au cuivre rouge , ce qui forme le laiton ou cuivre jaune;

4°. Le plomb ;

5 Le régule d’antimoine (1). I

Si l’étain étoit constamment pur , ou si,' une foisaîtéré par quelque mélange naturel ou a r tificiel , il pouvoit ctre ramené , sans grands frais , à son premier degré de

(1) Geoffroy , dans le mémoire que j’ai cité, a très -l>i n connu ces alliages, et même il en assigne les propo ti ns, à-peu-près pourtant, parce que dépen- dantes de la qualité de l’étaiu que les ouvriers vont employer, il est impossible de le faire d’une autre manière.

334 recherches

pureté, rien n’empêcheroit de fixer par une loi la proportion des matières qui doivent lui être alliées ; mais si on en excepte l'étain des Indes , dont nos ouvriers se passent même toutes les fois qu’ils peuvent avoir du gros saumon anglais", et ils en man- quent rarement , on peut dire qu’il n’y a point d’étain pur ; ajoutons que ces gros saumons étant eux-mêmes à des degrés différents d’aigreur et de mollesse , il s’en- suit que les potiers d’étain sont continuel- lement obigés de varier les proportions de leurs alliages.

Ce n'est pas tout encore , la vieille vais- selle leur revient de temps à autre ; et comme elle est à des titres qui souvent ne conviennent pas à l’emploi qu’ils en veulent faire, ils sont , dans cette circonstance, jforcés à y faire quelque addition ou quelque soustraction.

Lorsqu’un étain est surcliargé de l’un ou l’autre des alliages ci-dessus , la chimie peut bien l’en débarrasser ; mais par des procédés qui exigeroient beaucoup trop de frais. Une livre d’étain , qui contiendroit une once de plomb , un gros de cuivre , et un demi-gros de zinc , par exemple , pour-

SUR u'tTA i N. 335

roît donc être ramenée au degré de pureté absolue ; mais pour départir ces trois der- nières substances , il faudroit dépenser au moins six francs , et pour cette somme on obtiendroit à peine 12 onces d’étain pur, qui , en cette qualité , valent au plus dix- neuf sous. Cette purification de l’étain est donc une expérience chimique purement curieuse , qui ne peut avoir lieu qu’à l’égard d’un métal précieux , tel que l’or ou l’argent.

Que fera donc un potier qui aura une masse d’étain à un titre inférieur ? Il y ajoutera de l’ét^in pur , dans les propor- tions qu’il jugera nécessaires , et par-là il diminuera d’autant l’alliage introduit en trop grande quantité dans l’étain qu’il veut mettre en .œuvre : or cette opération est précisément ce que nous entendons par le mot soustraction d'alliage.

S. iii.

Proportion du cuivre.

Pour me former une bonne idée de la quantité de cuivre que l’on est dans la né- cessité de faire entrer dans l’étain , pour

336 recherches

lui donner la solidité qu’il n’a pas dans son! état naturel , et sans laquelle on ne peut l’employer dans les usages économiques , je supposerai un ouvrier qui auroit inten- tion de mettre en œuvre un quintal d’étain pur , tel que celui qu’on nous apporte de l’Inde sous les noms de Banca etdeMalaca. Que fera-t-il ? S’il veut se conformer à l’ar- ticle XIII des ordonnances concernant son art, il ajoutera à cet étain du fin cuivre , c’est à dire, de la rosette et du bismuth ou étain de glace.

Une livre et demie de cuivre rouge ajouté à quatre-vingt-dix-huit livres et demie d’é- tain de Banca ou de Malaca , donneront déjà à cet étain une solidité très -remar- quable j on l’augmentera , s’il est nécessaire, en portant le cuivre à deux livres et même à deux livres et demie , mais rarement au-delà. Voilà donc les deux termes de l’alliage de cuivre connus : le minimum est d’une livre par quintal d’étain pur , et le maximum deux livres et demie.

S- IV.

\

SUR R5 ET Al N. ZZj

/ §. IV*

Vroportions du bismuth .

Mais comme le cuivre rouge, allié à l’étain , en altère la couleur argentine , on est obligé d’avoir recours à deux demi- métaux qui possèdent la double propriété de faire reparoître cette couleur avec tout son éclat , et d’augmenter la solidité que l’étain a déjà reçu du cuivre.

Or ces derni-métaux sont le bismutli et le zinc : le premier est prescrit par la loi , comme la seule substance qui , avec le cuivre rouge , doit entrer dans les ouvrages que les potiers d’étain nous vendent sous le nom d’étain fin et sonnant. Il pourroit entrer à la proportion d’une livre , une livre et demie au plus , sur cent livres d’un étain déjà allié d’une livre ou d’une livre et demie de cuivre rouge ; mais il faut être très- réservé sur l’emploi de ce demi- métal, dont la quantité ne peut être déterminée que par des essais qui exigent de la sagacité et sur-tout beaucoup d’habitude de la part de l’ouvrier.

Le bismuth qui est naturellement fort Tome IL Y

338

/RECHERCHES

sec , donne beaucoup de roideur à l’étain , et en le rendant très- blanc, très brillant , il contribue , ainsi que le cuivre , à faire un alliage bien sonnant ; cependant malgré ces belles qualités , les potiers d’étain n’em- ploient cette substance demi -métallique que le moins qu’ils peuvent, par la raison, disent-ils , qu’il rend l’étain trop sec et trop cassant ; à la bonne heure , mais on peut en soupçonner une autre , dont ils ne conviennent cependant pas 5 c’est que le bismuth étant plus cher que l’étain , et pouvant très- bien être remplacé par le zinc , autre demi- métal qui se vend beau- coup moins cher , ds donnent toujours la préférence à ce dernier $ mais en supposant que la cupidité les porte à donner quelque- fois l’exclusion au premier , il faut leur pardonner j car, sans le savoir, ils rendent service à leurs concitoyens : parce que le bismuth , dont on connoît déjà quelques mauvais effets , lorsqu’on l’applique exté- rieurement , a beaucoup trop de rapports chimiques avec le plomb , pour qu’on ne puisse pas le soupçonner de partager quel- ques-unes de ses mauvaises qualités.

I

SUR L ÉTAIN.

S. V.

Proportions du zinc .

On a long- temps employé le zinc sans le connoître. Les anciens peuples de l’Asie , de l’Egypte , les Grecs , les Romains fai- soient un grand usage du métal mixte , que nous appelons cuivre jaune ou laiton ; et quoiqu’on ne trouve dans les anciens auteurs que très-peu de détails sur la ma- nière dont les fondeurs grecs s’y prenoient pour faire leur auricalcum , on voit cepen- dant qu’ils y faisoient entrer la cadmie des fourneaux et la cadmie naturelle que nous nommons calamine. Or ces cadmies em- ployées dans l’antiquité pour convertir le cuivre rouge en cuivre jaune , et dont nos fondeurs se servent encore aujourd’hui pour opérer le même effet , ne sont autre chose que du zinc ; sorte de demi- métal que les modernes n’ont commencé à bien connoître que vers le milieu du dix-septième siècle, époque à laquelle les cornmerçans européens en apportèrent une grande quantité des Indes orientales. Devenu alors très-commun , les chimistes le soumirent

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34o RE 'CHERCHES

à différentes expériences, qui leur apprirent bientôt, qu’en le faisant fondre avec le cuivre rouge , on obtenoit constamment du cuivre jaune plus ou moins foncé. On avoit jusque-là méconnu la substance que les cadmies fournissoient dans l’opération pratiquée pour la fabrique du laiton : les yeux s’ouvrirent , la cadmie fossile ou calamine qu’on avoit toujours régardée comme une pierre non métallique , fut mise , avec juste raison , au rang des mines , et jugée pour être celle du zinc $ tandis que la cadmie des fourneaux , qui n’étoit pour les naturalistes qu’une suie métallique , fut reconnue pour être une vraie chaux de ce demi- métal , qui n’est pas le seul de sa classe que les anciens aient employé sans en connoître la forme métallique.

Le zinc a , selon les ouvriers , la propriété de blanchir l’étain , et de le dégraisser ; c’est leur terme : mais comme il est important pour eux de ne pas aller au-delà du point requis , ils sont très-circonspects dans l’ad- dition de ce demi-métal , et rarement vont- ils jusqu’à demi-livre par cent , même en supposant , comme nous faisons ici , qu’ils

SUR X. É T Al K. 3^1

ont à mettre en œuvre un étain aussi mou que celui qui nous est apporté des Indes.

Les potiers d’étain ont différentes ma- nières d’employer le zinc; les uns fondent ensemble sept livres d’étain et une livre de zinc , ce qui leur donne une masse dont ils prennent , selon le besoin , des portions plus ou moins grandes , pour les ajouter à une quantité donnée d’un étain qu’ils jugent en avoir besoin ; d’autres décapent une lame de cuivre rouge qu’ils étament fortement de zinc : méthode qui a du rapport avec la suivante. Enfin d’autres emploient le laiton ou cuivre jaune , que nous savons être un mélange de cuivre rouge et de zinc (1).

Mais quelle que soit la méthode adoptée pour introduire du zinc dans l’étain , je le répète , le point essentiel est de ne l’em- ployer qu’avec sagesse ; l’expérience et mieux encore les essais , pouvant seuls en déterminer la proportion.

(1) Je ne parle pas de la limaille d’épingles , dont se servent quelques potiers d’étain , parce que cette limaille n’est autre chose que du laiton.

Y 3

34 2

recherches

S. V I.

Proportions du plomb.

L e plomb est une substance métallique qui , selon les ordonnances , ne doit point être alliée à Pétain fin , et que l’usage seul autorise à faire entrer dans les ouvrages qui se vendent sous le nom d’étain com- mun et sans que la loi en fasse mention. Cependant, comme elle n’a permis la vente d’un étain commun , que pour donner au citoyen peu aisé , la facilité de se procurer à meilleur marché , la vaisselle dont il a besoin dans son petit ménage , on a cru sans doute ne pouvoir remplir cette vue qu’en ajoutant du plomb à l’étain.

Mais la loi , en permettant dans ce cas d’employer comme alliage cette substance métallique , a prescrit des bornes que le potier d’étain ne peut franchir sans se rendre coupable $ elle veut, cette sage loi , que l’étain commun soit bien aloyé , de telle sorte qu’il puisse venir à la j'on- deur de l’essai avec la blancheur requise et accoutumée de tout temps et ancienneté. Je me suis adressé à divers maîtres potiers

sur l’étain. 343

d’étain, honnêtes-gens , très-instruits dans leur art ; et j’ai appris d’eux que pour faire l’étain commun , l’ancien usage étoit d’a- jouter à un quintal d’étain fin, sept ou huit livres de plomb , mais qu’à cet égard les choses a voient bien changé , ainsi que je le démontrerai dans la suite.

S- VII.

Des proportions du régule d’antimoine .

&

J’ai mis le régule d’antimoine au nombre des substances qui s’allient à l’étain j mais je crois , d’après différens essais que j’ai faits, que les potiers d’étain n’en font point entrer dans la vaisselle , et que s’ils eu emploient quelquefois , c’est avec bien de la réserve.

Le régule d’antimoine rend l’étain aigre et cassant , et les potiers ne se servent guère de ce mélange que pour faire des cuillers très-fragiles , qui se vendent sous le nom de cuillers d’étain ou de métal.

544

recherches

s. VIII.

De V étain Jin et de l’étain commun.

Actuellement que je counois les dif- férentes matières que les maîtres potiers sont dans l’habitude d’ajouter à l’étain pour le rendre propre aux usages auxquels on le destine , je pourrois facilement me former une idée assez juste de ce qu’ils appellent étain , s’ils n’ayoient à mettre en œuvre que de l’étain de Banca et de Ma- laca. Cent livres de l’un ou de l’autre , deux livres ou deux livres et demie de cuivre , quelques onces de zinc ou de bismuth, point de plomb, tel seroit l’étain qu’on nous vendroit sous la marque d’é- tain fin.

Mais pour parvenir à ce point de perfec- tion , il faudroit que nos ouvriers n’eussent d’autre étain à mettre en œuvre que celui qui leur seroit apporté des Indes ; car tant qu’ils auront le gros saumon d’Angleterre , à meilleur compte que l’étain de Banca et de Malaca , ils lui donneront toujours la préférence. Or ces saumons nous arrivent

sur n étain. 345

déjà alliés à du cuivre , et même , selon Geoffroy , souvent à du plomb , quoique nous n’en n’ayons pas rencontré de cette dernière espèce. Les premiers peuvent donc être employés, tels que nous les recevons, à faire de la vaisselle , sauf à l’ouvrier d’augmenter la roideur de cette sorte d’étain , en y ajoutant un peu de bismuth , ou même un peu de cuivre jaune : enfin nous devons regarder les gros saumons qui n’ont point reçu de plomb , comme étant , à peu de chose près , au titre de Pétain fin , abstraction faite du cinq cent soixante- seizième de régule d’arsenic , qui est la plus grande proportion j’aie trouvé cette substance.

Quant à l’étain commun, le travail n’en seroit pas plus compliqué ; l’honnête ou- vrier jugeroit ce que l’étain fin qu’il auroit fait avec les étains de Banca ou de Malaca , ou même avec le gros saumon anglais , pourroit porter de plomb , ce qui iroit depuis six jusqu’à liuit livres au plus, et

les faisant fondre ensemble , il en obtien-

\

droit une matière propre à être convertie en toutes sortes d’ustensiles et pièces de vaisselle , qu’il pourroit vendre sous le

3/(6 recherches

titre d’étain commun , à meilleur marché que l’étain fin.

Tel , à peu de chose près , seroit l'étain fin et commun que nous voyons étalé sous toutes sortes de formes dans les boutiques , si les maîtres n avoient que de l'étain pur et même du gros saumon de bonne espèce à mettre en œuvre ; mais pour l’ordinaire c’est le vieux étain qu’ils emploient en le faisant refondre.

S- I X.

4

Du vieux étain .

Qu oique l’usage de l’étain soit devenu chez nous beaucoup moins fréquent qu’au- trefois , la quantité qui s’en trouve dans le royaume ne laisse pas que d’être encore très-forte. Les maisons religieuses de l’un et l’autre sexe , les collèges , la plupart des communautés , les hôpitaux n’emploient pas d’autre vaisselle : il est peu de ventes après décès il ne s’en trouve , sinon en vaisselle de tables , du moins en ustensiles de cuisine et d’office : combien ne faut- il pas , dans une ville telle que Paris, et dans un royaume tel que la France , de mesures

SUR -L’ETAIN. 347

pour les liquides. Or toutes ces mesures, depuis le pot jusqu’à la roquille , sont d’étain , les sorbetières pour les glaces , les chapiteaux d’alambics , les cucurbites à bain-marie , les serpentins sont également de ce métal ; enfin on voit chez les citoyens qui , dans cette capitale et dans les autres villes du royaume , acquièrent par leur travail une petite aisance, quelque peu de vaisselle d’étain, et il s’en trouve beaucoup chez les habitans de nos campagnes.

Ainsi l’étain ouvré qui se trouve dans toute l’étendue delà France, forme encore aujourd’hui une masse très-considérable de vaisselle et d’ustensiles que l’usage habituel oblige de temps en temps de reporter à la fonte , ou que des circonstances forcent de vendre à chaque renouvellement de géné- ration.

Le vieux étain est toujours acheté parles maîtres-ouvriers , et ils font grand cas de celui qu’ils reconnoissent pour être de la fin du dernier siècle ou du commencement de celui-ci, parce que ce métal, alors fort à la mode , n’étoit acheté par nos pères que sous un bon titre , et qu’à cette époque les ordonnances étoient suivies , le fin cuivre ,

348

RECHERCHES

V étain de glace et peut-être un peu de zinc étoient les seuls alliages employés ; tout ce qui portoit le titre d’étain lin ne contenoit pas un atome de plomb ; et si un maître potier d’etain étoit convaincu d’y en avoir introduit, les jurés de sa communauté le saisissoient , et les juges prononçoient une amende.

Les choses ont bien changé ; à mesure que l’étain est devenu d’un usage moins fréquent parmi nous , la communauté des maîtres potiers d’étain s’est beaucoup relâ- chée , et le public étant moins difficile , moins plaignant , la police est devenue moins sévère sur le fait de l’étain ouvragé. Depuis soixante ans la qualité de l’étain lin et commun a baissé de jour en jour , au point qu’en examinant diverses pièces de vaisselle achetées chez différens maîtres, sous le titre d’étain lin , j’y ai trouvé cinq , six , sept et huit livres de plomb par quin- tal , et quinze , vingt et vingt-cinq livres par quintal d’étain commun : cette dernière proportion est énorme , sur-tout lorsqu’on saura que je l’ai rencontrée dans les mesures de pinte , de chopine , de demi-setier , dans les grands bassins dont les marchands

i

de vin se servent fréquemment , dans les sorbetières, etc. etc. D’où l’on peut con- clure qu’au jourd’hui notre étain fin est à peine au titre de l’étain commun du siècle dernier , et que notre étain commun tient trois fois plus de plomb que celui qui, à la même époque , se vendoit sous le même nom. En un mot , l’abus est si grand , qu’il n’est pas rare de trouver de la poterie d’étain de si bas aloi, qu’on pourroit faci- lement la prendre pour de la claire étoffe, sorte d’alliage qu’il nous reste à faire con- noître.

S. X.

De la claire- étoffe.

On trouve chez les potiers d’étain un mélange fait à-peu-près à parties égales de plomb et d’étain , qu’ils nomment claire- étoffe ou simplement claire ; tous assurent que cette composition n’est j amais employée à faire des ustensiles de cuisine ou de table qu’ils en font , à la vérité , des moules de chandelles , mais qu’ils n’en vendent en détail que comme soudure. J’avouerai qu’ayant examiné un grand nombre de

35o RECHERCHES

pièces d’étain , je n’en ai rencontré aucune

d’aussi bas aloi ; mais dans quelle classe

les potiers d’étain eux-mêmes rangeroient-

ils des ustensiles de ménage , vendus

comme bon étain , dans lesquels j’ai trouvé

depuis vingt , jusqu’à vingt-cinq livres de

plomb par quintal ? Si un pareil alliage

n’est pas de leur claire - étoffe , il faut

avouer qu’il n’en est pas très- éloigné , et %

il prouve incontestablement qu’à cet égard l’abus a été porté à son comble par la cu- pidité des vendeurs , et , peut-être aussi , car il faut tout dire , par la lésine des acheteurs , qui , peu attentifs à la qualité 9 recherchent singulièrement le bon marché.

§. X I.

Des divers moyens qu’on peut employer pour reconnoître les substances alliées à L’étain et en faire le départ.

Il est peu de chimistes qui ne se soient exercés à ramener l’or et l’argent à leur degré de pureté absolue , que l’orfèvre et le monnoyeur sont obligés d’altérer toutes les fois qu’ils veulent les mettre en œuvre. Rien de plus curieux et sur- tout de plus

SUR

l’étain. 35 1

important que l’affinage des deux métaux qui , depuis un grand nombre de siècles , semblent tenir lieu de tout chez les hommes ; aussi , à quel point de perfection l’art des essais n’est-il pas arrivé ? Mais avouons- le , le haut prix de l’or et de l’argent a, bien plus que la curiosité , et même que le désir d’étendre les connoissances, excité les chimistes à sacrifier leurs veilles à ce genre de travail; aussi voyons nous qu’ayant tout fait pour les précieux métaux, ils ne se sont presque pas occupés de la purification des métaux imparfaits , dont le prix et l’importance qu’on y attache ,ne répondent point du tout à leur utilité. /

Les frais qu’on est obligé de faire pour affiner l’or et l’argent, sont compensés par la valeur de l’un et l’autre métal , avantage qui ne peut se trouver à l’égard de l’étain , dont une livre alliée au cuivre ou au plomb exigeroit , pour être ramenée à son degré de pureté absolue , une dépense qui excé- deroit sept à huit fois sa valeur.

Des circonstances telles que celles je me suis trouvé , pouvoient donc seules m’engager à chercher les moyens de séparer de ce métal les diverses substances qu’on

35 2 RECHERCHES

est dans l’usage d’y ajouter pour le rendre propre à être converti en vaisselle. Ces recherches , que j’ai été obligé de faire pour compléter mon travail , ont exigé et du temps et des peines , dont j’ai été am- plement récompensé par une foule de phénomènes très - intéressans , qui, jus- qu’ici , n’avoient point été aperçus des chimistes.

Je vais rendre compte de ceux qui peu- vent servir à faire reconnoître la nature et les proportions des alliages ; mais , dans la crainte de trop écarter les lecteurs de ce but , je passerai sous silence ceux qui ne seroient propres qu’à satisfaire la curiosité.

Geoffroy , dans le mémoire indiqué , a tâché de répandre du jour sur les essais de l’étain , en traitant ce métal par la calci- nation j mais ses efforts ont été vains , ou du moins , ils se sont réduits à faire con- noître que l’étain pur donnoit une chaux très-blanche, tandis que celles qu’il retiroit des étains fin et commun , ainsi que du gros saumon , ce prenoient des teintes qui 3> s ’éloign oi en t du blanc parfait , à pro- » portion de V alliage qui , se calcinant 33 avec le véritable étain , le salit de la

33 couleur

V

sur u’étath. 353

% , - r

4>» couleur que cet alliage prendroit s’il >3 étoit calciné seul ». C’e>t ainsi que s’ex- prime ce chimiste , ù la page 122 des rué ni. de V académie roy . des sciences , vol. 1738.

J’ai calciné de l’étain pur et de l’étain allié de toutes les manières ; mais n’ayant

» 1 \

en effet remarqué dans leurs chaux que les nuances des différentes teintes annoncées par Geoffroy, j’ai abandonné ce procédé qui me donnoit beaucoup de peines et le regardant, avec juste raison , comme très- dispendieux et très inutile , j’ai eu recours aux acides qui ont absolument rempli mes vues. C’est ce dont il me reste à rendre compte.

$. XII.

Départ du cuivre d'avec l’étain , par l’eau régale et V acide marin.

C>

- -1 . - -y

Le départ des métaux parfaits ou impar- faits est fondé sur le plus ou moins de rapport qu’ils ont avec les diffère ns acides dans certaines circonstances, c’est-à dire, suivant le degré d’ appropriation qui se trouve naturellement entre eux, ou que l’art parvient à leur donner.

110016 IL &

i

3 54 r ECHERCIIES

Si dans une dissolution de enivre par l’eau régale , par l’acide marin , et même par celui du vitriol, on introduit une lame d’étain , on précipitera en peu temps , sous sa couleur naturelle , tout le cuivre uni à ces acides»

On voit par-là, que le chimiste a des moyens sûrs pour retrouver une quan- tité quelconque de cuivre recélée dans une masse d’étain. J’en vais citer deux exemples.

Que l’on prenne ïoo grains d’une masse d’étain pur allié à une livre et demie de cuivre par quintal , qu’ils soient réduits en une lame très-mince que l’on divisera en trois portions à peu près égales.

La première étant mise dans une capsule de verre , chargée de 3 gros d’une bonne eau régale , l’on ne tardera pas à voir un mouvement d’effervescence qui , augmen- tant tout-à-coup, la fera disparoître en un instant. On ajoutera la seconde qui , ainsi que la première , se dissolvera en très-peu de temps ; à cette seconde on fera suc- céder la troisième qui, étant entièrement dissoute , laissera apercevoir une liqueur •verte , mais très-limpide , parce que l’acide

5 tr R 1* É T A I T*; 355

y domine ; si , dans cette liqueur verte, on introduit l’extrémité d’une laine d’étain, pur , on la verra bientôt se couvrir d’une pellicule cuivreuse , que l’on détachera en portant et en agitant l’extrémité de cette même lame dans un verre d’eau , ce qu’on, répétera jusqu’à ce qu’il cesse de s’y atta- cher du cuivre : on en obtiendra un grain et demi , c’est-à-dire, la quantité précise qui a été introduite dans les 100 grains d’étain.

Si, au lieu d’eau régale forte, on en em- ploie la même qui ntité , en y ajoutant 3 gros d’eau distillée, la dissolution des laines d’étain se faisant lentement et sans chaleur sensible , l’étain seul se dissolvera et le cuivre demeurant intact , paroîtra sous la forme d’une poudre presque noire, qui , édulcorée et séparée de tout le sel d'étain, offiira également le grain et demi de métal entré dans l’alliage.

On réussira également bien à faire ce départ , si au lieu d’eau régale , on emploie l’acide du sel marin , soit à froid , soit à chaud , par la raison que ce dissolvant a bien plus d’affinité avec l’éiain qu’avec le cuivre.

Z %

l56 RECHERCHES

Si donc on expose à son action 100 grains de la masse d’etain allié comme je l’ai indi- qué dans le précédent exemple , on peut être assuré que l’étain se dissoudra entière- ment , et que le cuivre restera intact sous forme de poudre grise.

Le point essentiel pour bien réussir est, i°. de ne pas employer une trop grande quantité d’acide :^ans l’opération ; zQ. de procéder à froid, quoiqu’avec de la pré- caution , on puisse arriver au même but en posant le matras sur du sable chaud ; 3°. il faut tâcher de saisir avec le plus de précision qu’on pourra , le moment l’a- cide cesse de rencontrer de l’étain, parce que si la quantité de l’acide étoit par trop surabondante , son action pourroit , quoi- que lentement , se porter sur le cuivre , et à la longue finir par en dissoudre entière- ment le grain et demi , qui est l’objet de la recherche.

S. XIII.

"Départ du bismuth et du zinc.

Ce que je viens de dire sur le départ du cuivre, peut s’appliquer au bismuth , qui

sur. i/etatist. 35 f

étant dissous dans l’eau régale forte, en peut être précipité par l’étain en une poudre noire.

Que l’on mette dans une capsule de verre 3 gros d’une eau régale de bonne force et qu’on y ajoute en trois terns 100 grains d’étain allié à rhr de bismuth , la dissolu- tion , quoique retardée par la présence de ce dernier, se fera cependant très-bien j elle sera très-limpide , et on pourra , par le moyen d’une lame d’étain pur , en préci- piter le demi-métal sous la forme d’une poudre noire ; enfin si , à de l’eau régale forte , on substitue de l’eau régale affoiblie avec la moitié de son poids d’eau distillée , l’étain entrera seul en dissolution , et le bis* inuth notant pas touché restera au fond du vase en poudre très-noire.

Ce moyen de départ est fondé sur ce que le bismuth ne se dissout pas facilement dans l’eau régale , sur-tout lorsqu’on opère comme je fais , sans le secours du feu aussi se présente -t- il dans la dissolution d’un alliage de ce demi-métal avec l’étain, un phénomène que je crois devoir faire connoître.

L’eau régale forte agit , même à froid P

Z 3

358

recherches

sur l’étain pur en un instant , et le mouve- ment est si vil , que la main en peut à peine supporter le degré de chaleur : l’eau l’égale affoiblie de partie égale d’eau dis- tihee, agit sur ce même étain pur avec lenteur j l’effervescence est sensible , mais elle se fait sans chaleur apparente , tel- lement que 5o grains d’étain qui peuvent être dissous en moins de deux minutes dans l’eau régale forte , exigeroit plu- sieurs heures pour l’être dans l’eau régale affoiblie.

Mais les choses se passeront bien diffé- remment , si au lieu d’opérer sur de l’étain, pur, on opère sur un étain allié à tLt de bismuth. L’eau régale forte , la même enfin que celle qui dissout si vite l’étain pnr, agira sur l’alliage avec une lenteur vraiment surprenante. Leslames ne tardent pas à devenir noires , mais le mouvement d’effervescence est à peine sensible j aussi emploiera t-on au moins quatre ou cinq heures pour obtenir la dissolution totale de 3o grains d’un étain allié à ^ de bis- muth. Si, pour opérer la dissolution de ces mêmes 3o grains ,on emploie au contraire de l’eau régale affoiblie, l’étain seul sera

dissous vers le quatrième jour, et le bis- muth demeurant intact pourra facilement être retiré 5 phénomène et résultat qui doi- vent déterminer le chimiste à donner la préférence à ce dernier procédé.

D’après la propriété bien reconnue, qu’a l’étain de précipiter le cuivre et le bismuth dissous dans l’eau régale ou l’acide marin,

il seroit assez naturel de regarder ces acides

<

comme les plus propres à départir ces deux substances d’avec l’étain qui se vend sous toutes sortes de forme chez nos potiers d’étain mais il se présente trop de diffi- cultés pour que j’ose conseiller d’employer ce moyen , qui ne réussiroit qu’à demi hors des laboratoires de chimie, et même entre les mains de simples amateurs qui vou- droient essayer de l’étain ouvré , dans lequel sont , pour l’ordinaire , rassemblées toutes les substances métalliques et sémi- métalliques qu’on est dans l’habitude d’allier à ce métal ; ce qui met la masse dans un état d’ appropriation peu conve- nable au départ qu’on voudroit en faire par l’acide marin ou par l’eau régale.

Cependant si on examine un étain fin , allié au titre de la loi, c’est-à-dire, au

Z 4

36o RECHERCHES

cuivre et au bismuth, et qu’on procède} ainsi que je l’indique , par l’eau régale ou l’esprit de sel, on peut être sûr que la petite portion de poudre qu’on obtiendra,1 contient le métal et le demi-métal qui font l’objet de la recherche , et qu’on parvien- dra à les séparer très-exactement, en ver- sant sur la poudre édulcorée et séchée, une quantité suffisante d’alkali volatil liquide , qui se saisira du cuivre , sans tou- cher au bismuth. Un instant d’évapora- tion suffira pour dissiper tout le sel volatil et faire paroître le cuivre sous la forme de chaux , en sorte que ces deux subs- tances pourront séparément être soumises à la balance.

A l’égard du zinc , n’y ayant pas entre lui ét l’étain une très-grande différence de rapport avec ces acides, il s’ensuit que ce demi-métal ne se prête pas au départ dont je parle ; ce qui devient assez peu impor- tant , parce que je sais que le zinc ne peut être introduit dans l’étain que dans une très-foible proportion , et de plus que l’on a déjà acquis des connoissances sur son innocuité dans l’économie animale.

SUR ï/ÉTAl 36 1

$. XIV.

Trocédé pour dépanir le plomb d'avec

l} étain.

Le plomb dont on fait un grand usage dans cette capitale, et dont en effet on ne peut se passer dans mille circonstances, ne devroit jamais entrer comme alliage dans l’étain employé à fabriquer la vaisselle ou tous autres ustensiles destinésà préparer ou à conserver nos alimens. Mais une foible analogie entre les caractères exté- rieurs de ces deux métaux , et sur- tout le bas prix du premier ont tenté la cupidité ; le désordre s’en est suivi , et le plomb a été introduit dans l’étain à des proportions qui peuvent rendre ce mélange dangereux pour l’économie animale ; ajoutons à cela que c’est un vol manifeste fait au public, à qui on vend , sous le nom de bon étain , une grande quantité de plomb , à raison de quarante et quarante- cinq sous la livre, tandis que cette même livre en vaut à peine six. On sent donc combien il étoit important de trouver un moyen propre à constater , selon les règles d’une dociinas-

3 6% RECHERCHES

tique exacte , la quantité réelle de ce vil et dangereux métal, introduite dans un étain quelconque.

L’eau régale n’est pas un dissolvant con- venable pour départir le plomb d’avec l’étain 5 car quoiqu’elle ne paroisse pas avoir une action bien marquée sur le pre- mier de ces deux métaux , même au degré de chaleur qui la fait bouillir , elle en opère cependant fort vite la dissolution , lorsqu’il est uni à trois parties d’étain : phénomène très remarquable dont je ne puis m’empêcher de donner un exemple.

J’avois exposé plusieurs fois à l’action de l’eau régale , tantôt forte , tantôt affoi- blie , cent grains d’un étain pur allié à vingt-cinq livres de plomb par quintal, et la dissolution totale s’en étoit toujours faite avec facilité, soit à froid, soit à chaud.

D’un autre côté , j’ai essayé de faire dis- soudre dans de la même eau régale forte, 3 grains seulement de plomb ; le matras étant sur du sable très-chaud , bientôt il s’excita un mouvement d’ébullition qui me parut d’abord être celui d’une efferves- cence ; mais après trois heures de feu , les petits filets de plomb ne me paroissant ni

sur. l’état N. 363

diminues, ni corrodés, je pris le parti d’inlroduit e dans le matras 9 grains d’étain pur , qui , ainsi que les 3 grains de plomb , furent dissous en un instant.

Cette expérience , que j’avois répétée avec succès, tantôt à froid , tantôt à chaud, tantôt avec l’eau régale affoibiie, sur 2 5 grains de plomb , et grains d’étain pur, présente un fait très-intéressant ; elle me fait voir un métal peu soluble dans l’eau régale, le devenir éminemment à l’aide d’un autre métal ; mais elle prouve , ainsi que je l’ai annoncé , que ce dissolvant ne peut être employé pour séparer avec pré- cision le plomb d’avec l’étain.

L’acide marin ayant la propriété de dis- soudre le plomb, même dans son aggré- gation métallique, et de former avec lui un sel qui cristallise dès que la liqueur se refroidit » pourroit servir à faire le départ dont je parle ; mais la réduction de ce sel présentant quelques diflicultés, je crois devoir donner un procédé qui me paroît mériter la préférence sur tous ceux que je viens de décrire , parce que seul il peut opérer la séparation de toutes les subs- tances métalliques et sémi-métalliques qui

364 R E CHERCHES

peuvent avoir été introduites dans l’étain. Or ce procédé est celui qui s’exécute avec l’acide nitreux.

Je dois rappeler à mes lecteurs qu’en traitant les divers étains purs , ou des Indes ou d’Angleterre , j’ai fait observer, i°. que l’acide nitreux les attaquoit avec une vivacité étonnante , et que sans les dissoudre , il les convertissoit en une chaux blanche qui , parfaitement lavée et égouttée , formoit , en se séchant , une sorte de gelée demi - transparente ; 2°. qu’en faisant évaporer l’eau des lavages, j’avois obtenu une petite quantité d’un sel que j’ai appelé stanno-nitreux , et que j’ai dit avoir la propriété de s’allumer , lors- qu'on l’échauffe jusqu’à un certain point ; 3°. qu’en traitant également avec le même acide l’étain qui nous vient d’Angleterre en gros saumons, en faisant évaporer l’eau qui avoit servi à laver les différentes chaux, j’avois obtenu un peu de sel stanno-nitreux, et que j’étois parvenu àinettreà nu tout le cuivre qui se trouvoit allié à cette sorte d’étain 5 4°* enfin j’ai fait remarquer que les gros saumons ou baguettes que j’avo-is traités par ce procédé, ne m’avoient pas

SUR

L É T A I K. 365

donné un atome de nitre à base de plomb , d’où j’ai dès-lors conclu que ce dernier métal n’y avoit pas été introduit.

Ce que je vais dire des divers étains convertis en vaisselle par nos ouvriers , va mettre le sceau à la démonstration de cette vérité.

S. X V.

il lanière de s’assurer de la quantité de plomb qui aura été introduite dans un étain .

Veut- o n s’assurer de la quantité de plomb introduit dans un étain que le simple aspect ou la pesanteur spécifique annoncent être de mauvais aloi ? il suffira d’en traiter 2 onces avec 5 onces d’un bon

acide nitreux : le point essentiel est que celui-ci soit bien pur.

La chaux d’étain qu’on obtiendra, sera lavée avec quatre livres au moins d’eau distillée , que l’on conservera avec soin. Cette eau tient en dissolution le cuivre , le zinc et le plomb qui ont pu être alliés à l’étain , le seul bismuth a échappé ; car quoiqu’il ait la propriété de se dissoudre dans l’acide nitreux , il n’y reste cependant

/

3 66 recherches

pas fortement attaché , et l’on sait que pour en opérer en très-grande partie la séparation , il suffit d’ajouter à sa disso- lution une certaine quantité d’eau. Mais comme les potiers d’étain ne peuven t abuser ni du bismuth, ni du cuivre , et encore moins du zinc, quoique celui-ci soit à plus bas prix que l’étain , c’est au plomb seul que l’on doit ici faire attention , le but étant de bien constater la quantité qui en a été introduite dans l’étain qu’on examine.

Pour y parvenir, on fera évaporer à la clialeur du bain-marie , l’eau qui a servi à laver la chaux d’étain , et on la rapprochera jusqu’au point de la cristallisation qui , faite à plusieurs reprises , donnera plus ou moins de nitre à base de plomb.

En procédant ainsi sur 2 onces de dif- férées étains , les uns m’ont donné 3 gros et demi de ce sel , les autres 4 gros 2 scrupules; quelques-uns 111’en ont fourni jusqu’à 6 gros , un seul en a donné 8 gros et demi.

Pour savoir ce que chacun de ces sels contenoit de plomb , j’ai pris le parti de les calciner, et par-là les priver de tout l’acide

SUR l’ I T A I N. 36/

nitreux qui leur ctôit uni ; cette opération qui peut réduire le plomb eu massicot et même en litharge , si on augmente le feu , fit perdre à ces divers sels la moitié de leur poids 5 en sorte que lésa onces d’étain q uim’avoient donné 8 gros et demi de nitre saturnin , contenoient 4 gros io grains de plomb ; mais laissant ces 18 grains en dé- falcation du sel stanno- nitreux qui se sera trouvé dans le nitre saturnin, et d’un autre côté compensant la perte qu'onessuie malgré soi dans le travail, par l’augmen- tation qu’éprouve le plomb , en se conver- tissant en litharge , je n’ai compté que sur 4 gros ; d’où il résulte que l’étain qui avoit fourni 8 gros et demi de sel , conte- noit vingt-cinq livres de plomb par quintal ; et que celui dont je n’avois retiré que 6 gros du même sel ne contenoit que îtt de ce vil métal. Or c es deux derniers exemples pris dans l’étain commun , me font con- noître à quel point les abus ont été portés.

Quant à ceux dont j’ai retiré du nitre saturnin en moindre quantité , ils m’a- voient été vendus pour être des étains fins , et cependant j’ai eu la preuve que celui qui étoit le moins chargé de

368

RECHERCHES

plomb, en contenoit environ dix livre» par quintal.

Ce que je viens de dire sera suffisant pour les chimistes, qui seuls ont le droit d’apprécier la méthode que je propose pour retirer tout le plomb qui peut avoir été introduit dans un étain quelconque ; quant à ceux des physiciens qui ne sont pas versés dans le manuel des opérations chimiques, je leur proposerai de recourir à la pesan- teur spécifique des deux métaux , moyen très connu des potiers d’étain établis dans les provinces : à l’égard des maîtres de Paris , ceux que j’ai interrogés m’ont paru donner la préférence à un essai qu’ils appellent à la pierre. Je vais présenter une esquisse de ces deux procédés.

§. XVI.

Des deux essais usités chez les potiers d’étain y V un appelé à la Pierre, l’autre à la balle, ou à la médaille.

L’essai à la pierre tire sa dénomination d’une sorte de pierre lirgotière , faite avec une pierre que l’on tire des environs de Tonnerre , et que les ouvriers regardent

comme

SUR l’étais. 3 69

comme la seule propre à bien faire leur essai.

Cette pierre est taillée en forme de brique d’environ quatre pouces et demi de lon- gueur, deux pouces et demi de largeur sur un pouce et demi d’épaisseur ; on a creusé sur un des larges côtés , un alvéole hémi- sphérique de quatorze lignes de diamètre , et de huit à dix lignes de profondeur, de laquelle il part une petite rigole triangu- laire de vingt à vingt-deux lignes de lon- gueur, sur une ligne de profondeur.

Un ouvrier veut -il essayer une masse d’un étain quelconque ? Ayant posé cette pierre sur un plan solide et bien nivelé , il fait fondre dans une cuiller de fer , 4 h 5 onces de son étain , et en verse à l’extré- mité de la rigole , la quantité nécessaire pour remplir l’alvéole : après quoi , les yeux constamment fixés sur l’essai , il observe exactement tout ce qui se passe à la superficie du métal, au moment il se fige, et comparant ce qu’il voit avec ce qu’il a vu mille fois , en traitant de même des étains de toutes sortes de qualités , il juge du titre de celui qu’il a sous les yeux : il en observe la couleur, il fait attention à

Tome IL A a

oyo RECHERCHES

la rondeur que prend la superficie du mé- tal , il considère la dépression qu’éprouve cette rondeur dans son point central , il se forme constamment une petite cavité plus ou moins hérissée de cristaux d’étain, si celui dont il fait l’essai se trouve aigre.

Après le refroidissement total , l’ouvrier plie à diverses reprises la queue de l’essai, c’est-à-dire la petite portion d’étain qui s’est figée dans la rigole, il en écoute le cri, et est très-attentif à une sorte de subressaut qui se communique aux doigts à chaque fois qu’il plie le métal 5 enfin , d’après ce qu’il a vu et senti, le potier d’étain pro- nonce sur la qualité de la masse qu’il avoit à examiner.

Cette manière d’essayer et de prononcer stir la qualité d’un étain , est fondée sur l’habitude que les ouvriers , qui ont de la sagacité , contractent nécessairement , en voyant par tous les sens et sous toutes sortes de points, les matières qu’ils mettent jour- nellement en œuvre. Mais quoi qu’en disent les maîtres de Paris, un pareil essai 11e peut tout au plus que leur faire présumer le titre de l’étain, et si, à cet égard, il peut être de quelque utilité dans leurs ateliers , il

SUR L* È T A I %yt

devient absolument nul pour les particu- liers qui , en achetant de l’étain fin ou commun converti en ustensiles de ménage.

r> f

seroient bien aises de savoir que les tnarqrn s qui eu indiquent le titre, y ont été apposées d’après des preuves plus certaines que celles de l’essai à la pierre .

s. X V I.

De Vessai à la balle.

Quant à la seconde manière de faire l’essai que les ouvriers de province ont adoptée , et que ceux; de Paris nous ont paru dédaigner , je ne peux me dispenser de dire que c’est la seule dont le public peut tirer quelqu’avantage.

Fondé sur la pesanteur spécifique qui distingue si bien les métaux les uns des autres , cet essai se fera d’une manière assez exacte , si ayant une fois bien cons- taté le poids d’un volume donné d’étain fin ou commun , l’un et l’autre loyalement alliés , on part des deux points connus , pour comparer à volume égal différens étains dont on voudroit faire emplette sous les mêmes titres. Or c’ebt ce que font

A a* 2,

i

37“2 RECHERCHES

les ouvriers , toutes les fois qu’ils ont re- cours à l’essai qu’ils appellent la balle ou la médaille , selon la forme que le moule a donnée à l’étain , qui est le sujet de leur épreuve (1).

Pour l’ordinaire , c’est dans un moule à balle que les potiers coulent l’étain qu’ils veulent essayer, et le poids de la balle qui en provient , est comparé avec celui qu’ils connoissent à une pareille balle faite avec un étain lin ou commun , l’un et l’autre à un bon titre.

J’ai fait de cette manière quelques essais que je crois devoir faire connoître , pour donner à mes lecteurs une idée de la diffé- rence de poids que j’ai aperçue dans quel- ques étains mis en œuvre.

(1) La forme donnée au volume d’étain qui sert de point de comparaison, est indifférente : l’essentiel est que le volume de l’étain que l’on va comparer soit absolument égal à celui de l’étalon ; cependant la forme circulaire et plate de la médaille peut fort bien être préférable à la forme sphérique de la balle. C’est aux ouvriers à juger si l'étain se coule mieux dans un moule à médaille que dans un moule à balle.

Sun. U * É T A r. N. 373 Poids des balles que m’a donné le moi de

dont je me suis servi . Etain de Banca 3 gros

3 gv;

de Malaca. ... *

3

3

doux d’Angleterre

3

3

en petits échantillons. . . .

3

3

en gros saumons d’Angleterre.

3

4f

en baguettes d’Angleterre. .

3

41

mesure de pinte

3

23

anse de la meme mesure. . .

3

23

assiette de Londres

3

4

assiette commune de Stras- bourg

3

*7

de Banca allié à ~ de plomb.

3

1 3.

Ces exemples qui , faute d’habitude de notre part, n’ont peut-être pas toute la précision , toute la justesse qu’il seroit possible de donner à cette sorte d’essai , suffisent cependant pour faire entendre que Pétain étant la plus légère des subs- tances métalliques , il est impossible de Pallier avec la plus petite quantité d’un métal ou demi - métal quelconque , sans augmenter sa pesanteur spécifique; pesan- teur qui s’éloignera d’autant plus de celle que nous lui connoissons dans son état de pureté, que la matière de l’alliage y aura été

A a 3

introduite en plus grande quantité. Nous savons que le plomb est la seule substance métallique dont les ouvriers peuvent abu- ser ; nous venons de voir combien de plomb allié à une masse d’étain pur , en augmente la pesanteur spécifique : il est donc évident que la balance peut nous faire connoître jusqu’à un certain point la quantité de ce vil métal introduite dans un étain quelconque (1).

(1) Le point essentiel dans cette sorte d’essai est d’obtenir une balle ou médaille bien pleine, ce qui n’est pas si aisé qu’on pourroit le croire. La plus petite soufflure interne ou externe occasionne des erreurs que

j’ai tâché d’éviter, en coulant de suite quatre balles

*

du même étain , et en les comparant entre elles, avec la précaution de les fondre de nouveau dès que j’y apereevois la moindre différence. Les autres métaux pouvant aussi bien que l’étain éprouver des soufflures , il est à craindre qu’on ne parvienne jamais à donner une table exacte de leur pesanteur spécifique.

SUR

L É T A I N.

RÉCAPITULATION

Ow Précis des première , deuxième et troisième Sections.

X l résulte de tout ce qui a été dit dans la première partie de nos recherches , que Pétain qui nous est apporté des différens pays se trouvent les mines de ce métal y est de deux espèces.

La première contient l’étain pur ou sans alliage , soit naturel , soit artificiel. Cet étain nous est apporté des Indes , et tous les ouvriers conviennent de ses bonnes qualités. On le connoît dans le commerce , sous les noms de Banca et de Malaca ; on pourroit appeler le dernier , etain de Slam , et c’est même sous cette dénomination qu il est désigné dans une ordonnance de la fin

O

du rèïme de Louis XIV .

O

Les expériences sans nombre que j ai faites, et dont les plus essentielles ont été mises sous les yeux des lecteurs , ont prouvé que c’étoit à juste titre que cet étain étoit célébré dans les ateliers ce métal est mis en œuvre. Quelques recherches que

A a 4

\

876 11

ECHEHCHE9

j’aie faites sur un très- grand nombre d’é- chantillons d’étain des Indes, achetés en différens temps et chez divers marchands, il m’a été impossible d’y découvrir le moin- dre atome de substance étrangère.

L’Angleterre , si riche en étain , n’est pas absolument dépourvue d’étain pur : on m’en a envoyé de Londres en échan- tillons , du poids de 4^5 onces : tous étoient numérotés et avoient été pris dans de grosses masses. On m’en a vendu à Paris , sous le nom d’étain doux , en m’as- surant qu’il venoit des mines d’Angleterre : or celui que j’ai reçu de Londres, et celui que j’ai acheté à Paris, ayant été soumis à, toutes les épreuves que j’avois fait subir à l’étain des Indes, se sont trouvés l’un et l’autre parfaitement homogènes ; et pour faire sentir la parité qui exisfcoit entre l’é- tain pur d’Angleterre et l'étain des Indes, j’ai dit qu’ils étoient l’un à l’autre, ce que de l’or à vingt -quatre karats, tiré d’une mine d’Europe , est à de l’or du même titre, tiré d’une mine de l’Asie ou de l’Amérique. Mais soit que l’Angleterre ne puisse pas tirer de ses mines une grande quantité d’étain pur , soit qu’elle ne puisse le faire

SUR L’ÉTAIS.

O77

qu’avec beaucoup de soin et de peine , ou ce qui est la même chose, à très - grand frais , il est certain que presque tout celui qui* nous vient de ce royaume , contient des substances hétérogènes , et ne peut par conséquent être rangé parmi les étains de première qualité.

La seconde espèce comprend tout étain qui a contracté , dans le sein de la terre même, quélqu’impureté dont le triage, le lavage , le rôtissage et la fonte du minerai n’ont pu le débarrasser entièrement. Tel est celui qu’on nous envoie d’Angleterre en gros lingots appelés saumons , qui pèsent de trois à quatre cents livres , et que nos marchands convertissent en petites ba- guettes pour la facilité du débit qu’ils en font à différens ouvriers.

Cet étain en gros saumons , dont nos maîtres potiers font un grand usage, parce qu’il se vend moins cher que l’étain des Indes, n’est pas pur; il est naturellement, selon les uns, et artificiellement, selon les au très, allié à une petite portion de cuivre (1).

(1)' Geoffroy , dans un mémoire de l’Académie royale des Sciences, imprimé en 1738, en faisant THistoire de l’étain d’Angleterre , dit , d’après les

^7^ Recherches

J ai examine scrupuleusement un grand nombre d’échantillons de cette sorte d’é- tain j tous m’ont donné du cuivre , mais en assez foible proportion, une demi-livre au plus par quintal , et le plus souvent moins d’une demi-livre.

Je n’ai pas trouvé de plomb dans les gros saumons que j’ai soumis à l’expé- rience , mais tous ont donné des atomes de régule d’arsenic ; les uns -V-, d’autres la moitié moins, ~/5î.

Les expériences multipliées que j’ai faites à cet égard , et dont je n’ai pu me dispenser de rendre un compte très-détaillé, sont à la portée de tous ceux qui cultivent la chimie : qu’on daigne prendre la peine de

transactions philosophiques , que les lois du pays ne permettent pas l’exportation de ce métal tel qu’il sort des fonderies , et qu’on y ajoute toujours une certaine quantité de cuivre et même quelquefois du plomb 5 d’un autre côté M. le Baron de Dietrich vient de nous apprendre par la voie du Journal de Physique , mai 1780, que les mines d’étain de Cornouaille sont toutes, ou presque toutes, mélangées de mine de cuivre , et que malgré l’attention des ouvriers à séparer cette dernière, il en échappe toujours quelque petite portion qui, fondue avec la mine d’étain, y porte cuivre qui se trouve dans l’étain d’Angleterre.

les répéter, leur véracité en deviendra plus authentique ; elles sont utiles ces expé- riences , puissant motif pour engager les chimistes à les répéter: il en est un autre, la curiosité ; l’art, en effet, n’offre rien de plus piquant que les procédés que j’ai indi- qués, non-seulement pour démontrer, mais encore pour retirer en entier un grain , un seul grain d’arsenic intimement uni à 4 onces d’étain , et formant avec lui un tout , dont les plus petites parties sont imprégnées de la substance arsenicale dans la proportion dV,~j.

Les chimistes tiennent pour axiome qu’une chaux métallique ne peut s’unir à un métal, tant qu’elle conserve son état calciforme : cependant on entend tous les jours confondre l’arsenic avec son régule, c’est- à- dire une chaux métallique avec le demi-métal dont elle est faite; mais ce n’est pas la chaux d’arsenic qu’il faut chercher dans l’étain d’Angleterre qui occupe cette deuxième classe : c’est son régule , son demi-métal , et si on opère comme il con- vient , on sera sûr de le démontrer , et même de le retirer , quelque petite qu’en soit la proportion.

«58o recherches

Margraff, en parlant des différer s était s il a trouvé cette substance , se sert tou jours de la première expression et jamais de la seconde, parce que dans son procédé il employoit une eau régale qui, quoiqu’af- foiblie par de l’eau qu’il y ajoutoit, étoit encore assez forte pour calciner la petite quantité de régule d’arsenic uni à l’étain , en sorte que cette substance sémi- métal- lique s’offroit toujours aux yeux de ce chi- miste, sous la forme de chaux.

S’il étoit permis de faire un reproche à Margraff, ce seroit sans doute celui de n’avoir pas déterminé en quelle propor- tion se trouvoit l’arsenic dans les différons étains qui lui en donnoient; mais quel est l’hommë qui peut tout apercevoir ? Quel est l’homme qui peut tout faire ? Aidé du rayon de lumière que ce savant chimiste avoit jeté sur la question , je me suis ha- bitué à traiter l’étain avec l’eau régale , en répétant cent fois le procédé qu’il indique ; et le résultat de mes expériences y de mes observations, a été que l’arsenic, lorsqu’il se rencontroit dans l’étain , y étoit toujours sous forme réguline.

Margraff m’avoit frayé la route j il étoit

S TT R L* É T A I N. 38 1

donc naturel que j’allasse plus loin que lui , et le public étoit même en droit de l’attendre de mes efforts.

Il f alloit trouver un procédé sûr , pour faire le départ de tout ce qu’une quantité donnée d’étain pouvoit contenir de matière arsenicale , c’étoit le point essentiel , et si j ^ le manquois , il m’étoit impossible de mettre les chimistes et les physiciens en état de prononcer sur la question impor- tante qui m’a été proposée.

Or je l’ai trouvé ce procédé , qui fut long-temps l’objet de mes recherches , et en en rendant compte , je suis entré dans tous les détails qui m’ont paru necessaires pour appla îir les difficultés qu’on ne man- que pas de rencontrer toutes les fois qu’on veut s’habituer à faire une expérience nou- velle ou peu connue.

L’étain d’Angleterre , appelé gros sau- mons , que nous voyons souvent chez nos marchands, refondu et coulé en baguettes ou en petites pyramides tronquées , qu'ils nomment petits chapeaux , n’occuperoit pas seul la classe de l’étain arseniqué , si j’avois pu soumettre à l’expérience l’étain de Saxe, dont Margraff assure avoir retiré

582

RECHERCHES

de l’arsenic^ mais considérant que cet étain n’étoit d’aucun usage parmi nous, et qu’il étoit même inconnu de nos ouvriers , j’ai cru devoir abandonner les recherches que jefaisois, pour tâcher de m’en procurer, et je m’en suis tenu uniquement à l’examen des différons étains , qui, tirés ou des Indes ou d’Angleterre , sont les seuls mis en œuvre par nos potiers , sous la dénomi- nation générale d’étain neuf.

Mais la grande flexibilité qu’a naturelle- ment ce métal , ne permettantpas de l’em- ployer dans son état de pureté, le potier est contraint de lui donner un certain degré de solidité , une certaine roideur qui le rende propre à conserver les diffé- rentes formes que l’art sait lui faire prendre au moyen des moules et du tour.

L’étain seroit donc un métal dont on n’auroit jamais pu faire usage en vaisselle de table ou de cuisine , si l’on n’avoit pas trouvé le moyen de lui donner de la soli- dité , en l’alliant à diverses substances métalliques ou sérni-métalliques , qui sont le cuivre , le bismuth , le zinc , le plomb, quelquefois le régule d’antimoine.

Les potiers d’étain sont autorisés par la

SUR l’ Ê T A I K. 383

loi à fabriquer et vendre tous les ouvrages de leur ressort à deux différens titres , l’un d’étain fin, l’autre d’étain commun.

A l’égard du premier , cette même loi leur ordonne d’allier l’étain avec le cuivre rouge et le bismuth ; mais n’ayant pu leur en prescrire les proportions , elle les a laissés maîtres de les chercher parle tâton- nement et de les varier à leur volonté , ce qui peut se faire sans aucun préjudice pour les particuliers, parce que le cuivre et le bismuth étant d’un prix égal et même supérieur à celui de l’étain , on ne doit pas craindre que jamais le potier d’étain commette d’abus à cet égard , et que d'un autre coté ces deux substances, em- ployées même à petites doses , donnant une grande dureté à l’étain, l’ouvrier ne les allie à ce dernier , qu’avec la plus grande circonspection. Il est donc des bornes qu’il ne peut franchir ; trop de cuivre , trop de bismuth gâteroit sa fonte , et pour la ramener au point requis, il seroit con- traint d’y ajouter de l’étain pur, ce que son intérêt lui fait éviter avec soin.

L’étain fin doit , aux termes de la loi , ctre allié à une petite quantité de cuivre

RECHERCHES

384

et de bismuth , et jamais le plomb n’y doit être introduit ; quant à l’étain commun , la loi , sans le nommer, autorise cependant le potier à faire entrer le plomb dans les ouvrages qu’il fabrique et vend sous ce titre 5 mais malheureusement elle n’en a pas prescrit la proportion : aussi à quel point l’abus n’a-t il pas été porté à cet égard ? Sept livres de plomb ajoutées à quatre-vingt-treize livres d’étain fin, for- moient dans le siècle dernier tout l’étain commun qui se vendoit à Paris et dans les provinces : les choses ont bien changé. On s’est permis d’abord d’introduire du plomb dans l'étain fin , et par la suite d’en faire entrer vingt à vingt-cinq livres par quintal dans l’étain commun ; abus dont nous avons vu gémir quelques-uns des maîtres potiers d’étain de Paris.

Il étoit donc essentiel de trouver des pro- cédés sûrs pour constater cette fraude or ceux que j’ai indiqués me paroissent avoir cet avantage.

Fondé sur la justesse et la précision de leurs résultats, j’ose croire qu’ils seront bien reçus des chimistes ; mais comme ils exigent une grande habitude dans le

manuel

SUR L É T A I K.1 385

manuel que les amateurs de l’art n’ont

pas toujours , j’ai proposé une autre

épreuve , moins exacte à la vérité , mais

d’une exécution facile pour tous ceux %

qui ont du goût pour la physique expé- rimentale.

Ce moyen, très -connu des potiers d’étain, consiste à comparer le poids spé- cifique d’un volume d’étain suspecté , avec un pareil volume d’un étain loyalement allré.

finirai ici mon précis , ce que je viens d’exposer étant plus que suffisant pour mettre ceux qui n’auroient pas voulu me suiv/re dans les détails j’ai été obligé d’entrer , à portée d’apprécier ce qui me reste à dire de l étain et de ses usages.

ADDITION.

Procédé pour départir l’arpent d’avec

l’étain .

Ij e s chimistes qui se sont appliqués à l’art des essais , savent que l’étain pré- sente dans la coupellation des obstacles insurmort ibles, et que les résultats de cette Tome //. 33 b

i

386 RECHERCHES

opération , toujours justes et exacts à l’égard du cuivre , sont toujours faux lors- qu’il s’agit d’y soumettre un mélange d’ar- gent et d’étain ; aussi a-t-on grand soin d’éloigner ce dernier de la partie du laboratoire destinée aux essais ou aux affinages.

On peut cependant rencontrer quelque- fois un alliage de cette espèce , fait à dessein ou produit par un accident, tel que seroit un incendie ; un chimiste peut donc être requis de prononcer sur la quan- tité d’argent introduit par quelque cause que ce soit , dans une masse d’étain. Je viens de me trouver dans ce cas.

Dans le courant du mois de septembre I780, on me présenta de l’étain, qu’on assuroit être allié à - d’argent fin , et l’on me chargea de vérifier le fait. Ayant pour principe qu’on ne doit en chimie em- ployer le feu que quand toutes les autres ressources manquent , on présume déjà que rejetant cet agent, j’ai eu recours aux dissolvans , c’est-à-dire , au départ par la voie humide.,

J’avois à choisir entre l’acide nitreux et i’acide marin 5 le premier auroit réduit

sur l’étain; 58/

rétain en chaux er tenu l’argent en disso- lution 5 mais faisant réflexion sur les dif- ficultés qui se présenteroient , lorsqu’il faudroit séparer la liqueur d’avec la chaux, et sur la nécessité je serois d’employer la filtration qui occasionne nécessairement de la perte ; convaincu d’ailleurs par mes précédens travaux, que l’acide nitreux retient toujours une petite portion d’étain, qui ne manqueroit pas de me jeter dans l’erreur , je pris le parti de me servir de l’acide marin pour faire le départ dont on venoit de me charger* Cet acide devoit , selon moi , dissoudre l’étain , et laisser l’argent intact ; comme ce pro- cédé m’a parfaitement réussi , je me fais lin devoir d’en rendre compte.

J’ai mis dans un petit matras 72 grains de l’alliage en question, laminés et coupés en fils très-délies sur lesquels il a été verse 2 gros et demi d’acide marin et un demi- gros d’eau distillée ; le tout a été posé sur le sable chaud , et en moins de vinr>t heures le dissolvant ne me paroisSant plus avoir d’action sur une portion de poudre qui étoit au fond du matras , je procédai avec les précautions requises , à la séparer

B b 2

388

RECHERCHES

d’avec la liqueur, à la bien édulcorer et sécher; cette poudre parut alors avec la couleur propre à l’argent, son poids étoit de 19 grains.

D’un autre côté, j’avois également chargé un inatras d’un gros de cet alliage coupé en petits fils , de 2 gros et demi du même acide et demi-gros d’eau distillée, et le tout avoit été laissé à la température de l’at- mosphère : vers le huitième jour n’aperce* yant plus de bulles , en agitant le matras , 1a. poudre qui avoit résisté à l’action du dissolvant , fut séparée , édulcorée et sé- chée ; elle avoit également la couleur brillante de l’argent , son poids étoit de 19 grains foibles. Ces poudres furent l’une et l’autre soumises à la coupellation. Racle , essayeur de la monnoie , et comme l’on sait , très -versé dans son art , se chargea de cette opération, dont le résultat fut que la poudre départie de l'étain, en employant la chaleur, ainsi que celle que j’avois obtenue en faisant la dissolution à froid, me donnèrent chacune un bouton pesant 18 grains , c’est-à-dire , la quantité juste du métal fin qu’on assuroit avoir été introduite dans l’étain.

strn l’étaïn*; 38^

Si on vouloit opérer sur une plus petite quantité de cet alliage ; il faudroit procéder avec bien de la précaution , le point essen- tiel seroit même d’étudier son acide marin , et de tacher de découvrir par des essais préliminaires , la quantité juste d’étain qu’il peut dissoudre , afin d’éviter* autantqu’il seroit possible, lasurabondance de ce dissolvant que l’on étendroit, ainsi que je l’ai fait, avec un peu d’eau distillée* si on le jugeoit trop concentré.

En répétant mon opération sur 12 grains de mon alliage , je n’ai pas toujours réussi à retirer les 3 grains de fin , par la raison que l’acide marin, lorsqu’il est avec excès, finit par agir sur l’argent 5 car il ne faut pas s’y tromper * cet acide agit sur ce métal avec lenteur, mais enfin il peut le dissou- dre , même dans son état d’aggrégation ; ce dont je me suis convaincu , en soumet- tant à son action douze feuilles d’ar- gent qui pesoient ensemble 4 grains ; l’a- cide dont la quantité étoit de 3 onces , fut exposé à une chaleur qui le faisoit légère- ment bouillir, et en trois ou quatre jours, les feuilles perdirent 3 grains et demi de leur poids.

B b 3

RECHERCHES

390

Je n’en dir à pas davantage sur ce de- part fait par l'acide marin , laissant aux chimistes qui font une étude particulière de l’art des essais , le soin de perfectionner cette opéiation , qui peut, dans certaines occasions , devenir de la plus grande

utilité.

*

SUR X E T A ï

QUATRIÈME SECTION,

Contenant la réponse à la question

proposée .

Il est résulté de mes longues , et j’ose le le dire , de mes pénibles recherches sur l’étain, deux faits bien simples, savoir qu’il existe de l’étain pur ou sans mélange d’aucune matière étrangère , et de l’étain uni à une très-petite quantité de substance arsenicale (1).

(1) Henckel et Margrafï avoient déjà constaté cette vérité 5 mais si nous en jugeons par le grand usage que l’on fait encore de la vaisselle d’étain dans l’Alle- magne, on peut dire que cette démonstration n’a pas inquiété leurs compatriotes. Les choses se sont passées chez nous bien différemment 5 tant que les expériences de ces deux célèbres chimistes n’ont été connues en France que par le très-petit nombre de personnes qui y cultivent la chimie , elles ne firent pas *plus de sensation chez nous, qu’elles en avoient faite chez les Allemands 5 mais les ouvrages de Margraff ayant été traduits et publiés sous un format qui les mettoit à la portée d’un plus grand nombre de lecteurs v produi- sirent sur quelques esprits un tout antre effet ; bientôt en entendit parler de l’étain et de l’arsenic qu’il con-

B b 4

fiyz RECHERCHES

Cette variété dans l’étain m’oblige à di- viser la question qui m’est proposée , et par conséquent à examiner :

tenoit, et tel qui n’avoit pas lu les Dissertations de Margraff, les citoit en répétant sans cesse qu*il falloit bannir un inétal vicié par une aussi redoutable substance.

Mais comme il n’est pas aussi aisé de se passer d’étain qu’on pourvoit le croire , ces mêmes per- sonnes ne voyant ce métal que dans l’étamage, pro- posèrent de lui substituer le zinc , autre substance sémi-métallique que nous tirons des Indes.

Si l’étain eut des détracteurs , il eut aussi des apo- logistes : on discuta d’abord la matière avec tranquil- lité 5 mais aussitôt que le zinc parut appliqué sur le cuivre, les tètes s’échauffèrent , et quelques partisans de l’étain quittant la décence et la modération , prirent le parti violent de donner un démenti à Margraff , et dirent tout haut qu’il n’étoit pas vrai que ce métal contînt de l’arsenic.

Celte manière singulière d’éclaircir des faits , en tranchant la difficulté sans faire la moindre expé- rience , est, il faut l’avouer, la moins pénible de toutes 5 mais elle a deux défauts bien essentiels, qui sont de ne rien prouver et de n’être pas honnête ; car quoi qu’on en dise , il faut peu respecter la vérité, pour avoir recours à un pareil procédé dans une ques- tion toute chimique.

Je suis parvenu à confirmer par un grand nombre d’expériences la vérité annoncée par Henckel et Mar-

Sun l^étain; 393

10. Si rétain , considéré dans son état de pureté absolue, possède ou non des qualités nuisibles à l’économie animale.

20. Dans le cas il sera démontré qu’en cet état ce métal n’est point dangereux , il convient de faire toutes les expériences possibles , pour tâcher de découvrir si celui dans lequel on peut démontrer la présence d’une matière arsenicale , en contient assez pour ne pouvoir être em- ployé en vaisselle de table ou de cuisine , sans mettre ceux qui en feroient usage , en danger d’altérer leur santé.

3°. Comme l’étain est naturellement fort mou , et qu’en conséquence on ne peut s’en servir pour faire delà vaisselle ou tout autre ustensile > sans y introduire quelques substances métalliques ousémi-mctalliques pour lui communiquer du la dureté , de la roideur , j’examinerai si les alliages que les potiers d’étain sont dans l’habitude de

graff; puissent mes travaux et la manière dont j’en rends compte, prouver aux chimistes allemands qu’on révère en France Ja mémoire du premier, ainsi que les talens et la véracité du second , qui , même dans lin âge très-avancé, ne cesse de nous instruire par ses précieuses découvertes#

RECHERCHES

3gi

faire, peuvent rendre dangereux l’usage de la vaisselle d’étain.

4°. Le fer blanc et le cuivre étainé étant l’un et l’autre fréquemment employés dans les cuisines , j’entrerai à leur égard dans quelques détails qui m’ont paru nécessaires pour fixer le degré de confiance qu'on peut donner à la vaisselle qu’on fait avec ces deux matières.

S TT R

ï. 9 É T X I N, 595

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PREMIÈRE QUESTION.

Z*’ étain considéré dans son état pureté > est-il un métal dangereux ?

L’e x pÉRiENCECt l’observation peuvent seules nous faire connoître les propriétés des corps les uns à l’égard des autres : ce n’est qu’einpiriquemcnt que nous connois- sons la vertu des médicamens , que nous savons discerner les bons fruits d’avec les mauvais , les plantes propres à notre nour- riture , d’avec celles qui peuvent altérer notre santé et même nous donner la mort. Toutes les spéculations , tous les raisonne- mensdela plus saine philosophie, ne peu- vent à cet égard être d’aucune utilité (1) ; nous le répétons , c’est au seul empirisme que nous sommes redevables de ces sortes de découvertes , dont plusieurs datent du berceau du monde , mais qui toutes faites successivement, se transmettent des pères

( 1 ) Sola experientia docet ea quae prosunt ,

quaequt nocent. Gai. L. 1.

KECH.ER.CHES

3 96

aux enfans, pour passer , d’âge en âge , à la postérité la plus reculée.

Les mauvaises qualités du cuivre et du plomb étoient connues dans l’antiquité , et déjà elles étoient bien appréciées , 011 faisoit grand usage de ces deux métaux ; le cuivre rouge, et, plus souvent encore , le laiton , étoient employés à faire des vases pour cuire les alimens $ on laminoit le plomb , et on en faisoit des tuyaux pour conduire les eaux ; mais en se servant de ces métaux on s’en méfioit : on savoit [que les vaisseaux de cuivre exigcoient une grande propreté, et qu’iL ne falloit pas y laisser refroidir les alimens qu’on y avoit préparés. A l’égard du plomb , on ne l’ein- ployoit pour la conduite des eaux que dans les circonstances qui ne permettoient pas de se servir de tuyaux d’argile cuite, ou d’arbres perforés.

On savoit donc dans ces temps éloignés évaluer les mauvaises qualités du cuivre et du plomb ; et comme le premier , dont l’utilité étoit bien reconnue , ne devient dangereux que dans certaines circons- tances , l’expérience avoit appris à les pré- voir, à les éviter , et les vaisseaux d’airain

furent et sont encore, moyennant quelques précautions , employés avec sécurité à la cuisson des alimens.

A l’égard du plomb , on l’a toujours re- gardé, ainsi que ses préparations , comme très-dangereux. Dioscoride met la litharge ainsi que la céruse au nombre des poisons : l’on connoît depuis long-temps les cruelles, maladies dont sont affectés les ouvriers qui travaillent ce métal, maladies beaucoup plus fréquentes aujourd’hui, qu’elles ne l’étoient dans les siècles antérieurs à l’in- vention de la peinture à l’huile.

Les ouvriers qui coulent le plomb sur le sable , et lui font prendre toutes les formes que le besoin exige , les potiers de terre qui le calcinent pour le rendre propre à faire ce verre tendre dont , sous le nom de vernis , ils couvrent leurs ouvrages 5 les ouvriers qui préparent le cuir blanc, dont les talons de la chaussure des dames sont couverts ; ceux qui broient les couleurs à l’huile , presque toutes composées de chaux de plomb, et les peintres qui les em- ploient dans les bâtimens; enfin tous ceux qui mettent journellement en œuvre , de quelque manière que ce soit, ce métal ou

39B recherches

ses différentes préparations, sont sujets à une maladie épouvantable et souvent mor- telle , que l’on désigne sous le nom de colique des peintres , des potiers, et que les ouvriers appellent tout simplement le plomb.

Les potiers d’étain , au contraire , ne sont exposés à aucun genre de maladie qu’on puisse attribuer au métal qu’ils mettent en œuvre : c’est ce que le savant

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auteur de la dissertation appelée Mors in ollâ, a très-bien remarqué. J’ai de mon côté interrogé un grand nombre de potiers d’étain et un plus grand nombre encore de leurs compagnons; tous m’ont dit ne con- noître d’autres maladies que celles qui sont communes aux autres hommes , et que jamais ils n’étoient attaqués du plomb , ni du tremblement des membres, auquel sont exposés les doreurs en or moulu , et les ouvriers qui font le plomb à giboyer.

On sait (pie les pères delà Charité reçoi- vent dansleur maison de Paris , et y traitent avec succès , les gens attaqués de la colique de plomb ; je les ai prié de me dire si , dans le grand nombre le plombiers , de cor- donniers j de broyeurs de couleurs , de

sur l'étain. 399

peintres en bâtimens qu’ils traitent chaque année , il se rencontrent quelquefois des potiers d’étain ; ils m’ont assuré que non.

Cependant si on se transporte dans les ateliers des potiers d’étain et des plom- biers, on verra que les premiers ne sont pas moins exposés que les derniers à absor- ber, soit par la voie de la déglutition et de la respi ration , soit parles pores de la peau , une égale quantité du métal qu’ils mettent respectivement en œuvre , les plombiers avec triste perspective d’une maladie cruelle , et les potiers d’étain avec la plus grande sécurité.

En général l’homme est fort peu occupé des objets dont il n’a rien à craindre, tandis qu’il porte la plus grande attention , sur ceux qu’il sait être contraires à sa con- servation. Dioscoride parle-t il du plomb ? il le met, ainsi que lalitharge et la céruse, au nombre des poisons ; mais il garde le plus profond silence sur l’étain , qui cependant étoit de son temps un métal très-commun et très-usité : tous les auteurs qui, depuis ce médecin , ont écrit sur la nature des choses, n’ont pas manqué de consigner dans leurs ouvrages , les mauvais effets du

4oO RECHERCHES

plomb ; mais tous se sont également tus sur les effets de l’étain , lors même qu’ils ont parlé de ce métal, dont i's rcgardoient l’usage, sinon comme salubre, du moins comme indifférent à la santé de leurs con- temporains, et sur lequel ils rassuroient la postérité , même par le silence qu’ils gar- doient à son égard.

Ceque nous savons de l’histoire ancienne de l’Asie , par le petit nombre de fragmens qui ont échappé aux ravages du temps , nous fait ordinairement regarder cette partie du globe , comme le berceau des arts et des sciences. Cette vaste région s’é-

O

tendant soirs toutes sortes de latitudes , a sur l’Europe des avantages immenses $ constamment peuplée d’hommes indus- trieux , les arts y furent toujours cultivés , et malgré la mollesse tant reprochée à ses habitans , les durs travaux de la métal- lurgie en occupèrent une partie. Les mines d’étain qui se trouvent dans quelques unes des contrées méridionales de l’Asie, furent donc exploitées j et le métal qu’on en tira, se répandit jusque sur les bords de la Mé- ditérannée.

Les Phéniciens qui avoient établi une

navigation,

sur l’étain. 401

navigation régulière sur la mer ronge , se rencloient aux Indes , d’où ils appor- taient de l’étain , qu’ils versoient dans l’Egypte, dans l’Asie mineure et même dans la Grèce.

Cet étain de l’Inde était alors probable- ment le seul qui fût connu des Grecs ; aussi étoit-il pour eux un métal rare qu’ils em- ployoient , ainsi que je l’ai déjà remarqué, à l’ornement des chevaux et des chars de bataille. Mais dans la suite les Cartha- ginois , plus rapprochés des colonnes d’Hcrcule les ayant doublées, se portèrent sur les côtes occidentales de l’Espagne et des Gaules , et se frayèrent un chemin jusque dans la Grande-Bretagne , d’où ils tiroientune si grande quantité d’étain que, selon l’expression du prophète Ezéchiel , ils en remplissoient les marchés de la ville de Tyr leur métropole.

A cette époque, l’étain d’Angleterre, ex- posé en vente sur la place de Tyr, ne tarda pas à se mêler à celui de l’Inde, peut-être même le repoussa-t-il , et qu’il fut dès-lors le seul que reçurent les Grecs et les autres peuples qui habitent les côtes orientales de la Méditerranée ; car outre qu’il était Tome IL C c

402 recherches

beaucoup plus facile aux Carthaginois de se rendre à l’île de Wight, qu’il ne l’étoit aux Phéniciens de se rendre dans les Indes, il est très-probable qu’un peuple riche tel que les Indiens , vendoit son étain plus cher aux Phéni ciens que les Bretons, quiétoient, ainsi que les autres peuples de l’Europe , très-pauvres , ne le vendoient aux Cartha- ginois.

Carthage n’étoit plus : cette république de négocians avoit succombé sous les coups des Romains, mais son commerce ne périt pas avec elle ; les vainqueurs s’en empa- rèrent, et 1 Italie continua à tirer par rner l’étain de la Grande-Bretagne , jusqu’au temps , Jules César ayant fait la con- quête des Gaules , on trouva qu’il étoit plus court de le transporter par terre, depuis les côtes occidentales de la Gaule , jusqu’à l’embouchure du Rhône , de nouveaux vaisseaux le prenoient et le portaient par- tout le besoin le re- quéroit.

La niasse de l’étain augmentoit chaque jour , et son usage se répandoit par tout : on en faisoit des vases de toutes espèces; on avoit trouvé, peut-être déjà depuis plu-

sur l’étain. 4o3

sieurs siècles , l’art de l’appliquer sur le cuivre ; car Pline , en parlant de l’étamage, s’exprime de manière àfaire entendre que ce n’étoit pas de son temps, une invention nouvelle.

Or, du temps de Pline les médecins Grecs qui exerçoient leur art dans toute l’éten- due de l’Empire et principalement dans la capitale, étoient, on ne peut pas en douter , de très -bons observateurs, qui connoissoient bien les mauvais effets du cuivre et du plomb 5 ceux de l’étain , si ce métal en eût eu de dangereux, leur auroient-ils échappé? on ne sauroit le présumer.

Galien , qui vivoit sous Mar-Aurèle et sous Commode , recommande , il est vrai , de ne pas conserver les trochisques de vipères dans des vaisseaux d’étain , ni même d’argent , parce que , dit ce célèbre médecin, on a coutume d’altérer le premier en y mêlant du plomb , et que le second est allié de manière à contracter promptement à sa surface une rouille contagieuse ; il veut ce médecin d’un siècle riche , que l’on emploie à cet effet des boîtes d’or ou de verre , qui de son temps étoit une matière

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4o4 RECHERCHES

précieuse, dont on faisoit sur le tour des vases qui iinitoient ceux de cristal de roche. Le luxe de son siècle permettoit sans doute à Galien de pareilles substitutions ; mais enfin , ce savant médecin , en proscrivant les vases d’étain , n’inculpe pas ce métal , ce qu’il n’auroit pas manqué de faire, si quelque observation lui avoit fait soup- çonner le moindre danger dans son usage. S'il veut qu’on ne s’en serve pas pour garder les trochisques de vipères , c’est parce que de son temps, la cupidité avoit porté les ouvriers à mélanger l’étain avec le plomb , dont les mauvaises qualités étoient bien avérées (1).

(i) La méthode de conserver les médicamens dans des vases d’étain déjà introduite du tems de Galien , est encore en vogue dans quelques villes d’Allemagne , j’ai eu occasion de voir de riches pharmacies qui dévoient leur belle décoration à un grand nombre de boîtes d’étain artistement élaboré et d’un éclat surpre- nant } mais cet étain prétendu étoit une sorte de com- position que nous n’aurions jamais osé employer à un pareil usage ; aussi Schulz qui la connoissoit, n’a-t-il pas manqué de la condamner : cependant les maîtres de ces pharmacies, hommes très-instruits dans leur art, m’assuroient , ainsi que les médecins de ces mêmes villes, que les médicamens s’y conscrvoient très-bien.

SUR l’Étain.' /\o5

Ainsiles motifs qui déterminèrent Galien à proscrire les boîtes d’étain, loin de rendre ce métal suspect , déposent au contraire en sa faveur.

L’étain 11e fut pas moins employé depuis la chute de l’empire romain , qu’il l’avoit été sous les empereurs : le voisinage de l’Angleterre le rendoit même plus commun en France que par-tout ailleurs. Cependant quelque profonde qu’on suppose l’igno- rance qui caractérise dans notre histoire, les trois ou quatre siècles qui ont succédé à celui de Charlemagne , il n’est pas à pré- sumer que nos pères aient pu un instant, être assez indifférenssur leur conservation, pour employer à la préparation et au ser- vice de leurs alimens , un métal dange- reux ; d’ailleurs ce n’etoit pas chez les serfs, c’est-à-dire, chez les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de la nation qu’on trouvoit des vases d'étain : un plat de terre , et plus souvent un plat de bois , et des cuillers de la même matière , coinposoient toute

et sans contracter aucune mauvaise qualité : à la bonne heure, mais tant que nous aurons de la belle fayence et du beau verre, il n’y a pas à craindre qu’un pareil usage s’introduise en France.

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4û6 RECHERCHES

la vaisselle de cette classe nombreuse et indigente : c’étoit dans les châteaux qu’étoient étalés les aiguières , les plats et assiettes d’étain , c’étoit-là que le vin se servoit et se buvoit dans des vases du même métal (i).

Or, dans ces temps éloignés , les posses- seurs deterre vivoientdans une aisance qui devoit leur rendre la vie précieuse , et par conséquent diriger leur attention sur tout ce qui pouvoit altérer leur santé ; d’où l’on doit conclure que la vaisselle d’étain étoit employée dans les maisons dont je parle avec la plus grande sécurité. On alla plus loin dans la suite , non content de regarder Pétain comme un métal dont on n’avoit rien à redouter , on lui attribua des vertus médicinales.

La chimie , ainsi que la plupart des arts qui rendent aujourd’hui l’Europe si bril-

(1) Cet usage n'est pas aboli par-tout, il subsiste dans beaucoup de communautés religieuses , et il est des provinces les habitans de la campagne sont enfin parvenus à se servir d’une vaisselle que leurs ancêtres avoient vue, avec admiration, reluire chez le seigneur de leur village.

sur l’étain. 4°7

îante , ne commença à y être cultivée qu’à l’époque des croisades (1).

Les opérations chimiques sont autant de transmutations de la matière , pour ceux qui ne les approfondissent pas; aussi quel parti n’espéra-t-on pas tirer d’un art aussi étonnant ? Les premiers chimistes, passant de prodiges en prodiges , crurent bientôt pouvoir parvenir à faire de l’or , et à pro- longer la vie beaucoup au-delà des bornes ordinaires : folie qui a tourné bien des

(1) On a beaucoup critiqué ces pieuses émigrations de gens d’armes et de pèlerins : et il seroit en effet très-difficile d’en faire l’apologie , si on ne les considé- roit pas comme une crise avantageuse , qui lit sortir nos ancêtres de l’ignorance profonde ils étoient plongés relativement aux sciences et aux arts , dont ils allèrent prendre le goût et les élémens chez les Grecs , et chez le3 Arabes.

Quelque recherche que l’on veuille faire , on ne parviendra pas , du moins je le présume , à prouver qu’avant l’époque des Croisades, on connaissoit dans les parties septentrionales et occidentales de l’Europe , les acides minéraux, l’esprit-de-vin, enfin la distilla- tion et tout ce qui en est la suite , le nitre et ses ter- ribles effets, etc. etc. et combien d’autres arts n’ont paru chez nous qu’au commencement du treizième siècle et à la fin du douzième.

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8 recherches

têtes , et dont on n’est pas tout à fait revenu dans notre siècle , si jriche en science et encore plus riche en or, dont la possession, fait désirer une longue vie.

L’or ne fut cependant pas le seul métal dont on chercha à tirer parti , relative- ment à la santé : le fer , le mercure , l'an- timoine furent tourmentés de toutes les manières, et on en tira en effet de bons médicamens. L’étain eut son tour , il fut; vanté comme un excellent remède dans les affections du foie et de la matrice ; on le prescrivit aussi contre les vers j et , ce qui est à remarquer , c’est que l’étain d’Angleterre étoit toujours celui qui étoit recommandé. Ces prétendues vertus se sont évanouies , ainsi que celles de l’or : mais du moins il en résulte qu’on étoit bien éloigné de regarder ce métal comme dangereux.

J’ai dit , et c’est une vérité incontes- table , que l’expérience et l’observation étoient les seuls moyens qui pouvoient nous faire connoître les propriétés des corps : or une expérience de trente siècles est assurément suffisante pour nous tran- quilliser sur l’usage de l’étain considéré dans

son état de pureté , sur-tout si nous faisons attention que pendant ce long espace de temps , on compte différentes époques il existoit de bons observateurs grecs , latins et arabes, qui , s’ils eussent aperçu , soupçonné même quelque mauvaise qua- lité dans ce métal , n’auroient pas man- qué d’en avertir leurs contemporains et d’en prévenir la postérité , en en faisant mention dans leurs écrits , et dès-lors la vaisselle d’étain annoncée, avec vérité , comme préjudiciable à la santé, auroit été bannie des tables et des cuisines , pour n’y reparoître jamais.

On m’objectera peut-être que les géné- rations qui nous ont précédés, ont pu em- ployer avec sécurité cette vaisselle , parce que dans les temps passés, on n’avoit que de l’étain des Indes qui , même encore de nos jours , ne se trouve vicié par aucune matière étrangère , et qu’à l’égard de celui d’Angleterre dont on ne commença à se servir que vers le temps les Carthagi- nois débouquèrent pour la première fois le détroit de Gades , on peut présumer que les mines de Cornouaille fournissoîent alors un étain aussi pur que celui des

4l° recherches

Indes; que moins approfondies , elles n’é- toient peut-être pas , comme aujourd’hui , accompagnées de mundick , sorte de pyrite arsenicale que tout l’art et toutes les pré- cautions des mineurs et fondeurs anglais , ne peuvent empêcher d’altérer le métal qu’on en retire actuellement ; et qu’en conséquence nos ancêtres ont pu , sans danger, se servir de vaisselle d’étain , tandis que nous ne pouvons peut-être pas le faire , sans courir les risques d’altérer notre santé.

Je ne ferai pas remarquer la foiblesse de cette objection , j’accorderai même, si l’on veut, que les mines d’Angleterre n’ont commencé à fournir de l’étain impur que vers le temps Henckel et Margraff ont découvert qu’il contenoit réellement une petite portion de matière arsenicale. Je ne discuterai donc pas les raisons qu’on prétendroit avoir de douter, de présumer, etc. parce que la réponse qu’on peut faire à cette objection est précisément celle qui convient à la seconde question proposée.

sur l’étain.

4n

SECONDE QUESTION.

Un Etain qui contient quelques atomes de matière arsenicale , peut-il être dan- gereux ?

P our répondre à cette seconde question , je rappellerai ici quelques faits bien cons- tatés dans la première partie de mes recher- ches. Le premier est que l’étain dans lequel j’ai trouvé une substance arsenicale , 11’en contient pas au-delà d’un grain par once, c’est-à-dire j-g , et que souvent il ne s’en rencontre même quAV* > mais quelquefois aussi ,-yg , en sorte qu’en prenant ces trois termes sur un pied moyen , on pourroit considérer la masse d’étain importée d’An- gleterre en France , comme contenant rh de cette substance, quantité qui est encore beaucoup diminuée par le mélange qui se fait de l’étain des Indes avec l’étain d’An- gleterre ; mais laissant de côté toute frac- tion , je calculerai au plus fort, et je sup- poserai pour le moment que toute la masse d’étain ouvré, qui est actuellement dans le

4*3 recherches

royaume , contient ?f-4 , c’est - à - dire un grain par once de substance arsenicale.

Le second fait est que cette substance, en quelque petite ou grande quantité qu’elle soit , n’est jamais unie à Pétain sous forme de cliaux, mais toujours sous forme semi- métallique , c’est-à-dire qu’une once d’étain contient, non pas un grain d’arsenic, mais un grain de son régule , ce qu’il est très- essentiel de remarquer, parce que dans ce dernier état , la substance arsenicale est précisément au degré d’ appropriation qui convient à la combinaison intime, que l’art ou la nature lui font subir en l’unissant avec l’étain.

Le troisième fait, est que le grain de régule d’arsenic se trouve disséminé dans toutes les parties de l’once d’étain , d’une manière si égale, que chacun des 5y6 grains dont l’once est composée , peut idéalement être subdivisé en 5y6 parties , qui , toutes prises séparément, contiennent du régule d’arsenic, dans la proportion d\-fs de leur petite niasse.

Il est un quatrième fait avoué de tous les chimistes ; c’est que le régule d’arsenic , quoique substance redoutable, l’est cepen-

sur l'étain. 4*3

dant beaucoup moins que l’arsenic propre- ment dit.

Ceci posé , voyons jusqu’à quel point de l’étain auquel on aura ajouté de régule d’arsenic , peut être nuisible à l’économie animale.

Il y avoit deux manières de faire cette recherche : la première étoit de commencer les expériences que je me proposois de faire sur des animaux , par leur donner de l’étain allié avec le régule d’arsenic, dans la pro- portion d’rf6 , et d'augmenter cette pro- portion selon que le besoin l’exigeroit; la seconde consistoit à employer d’abord un étain beaucoup plus chargé de substance arsenicale , dont on diminueroit la propor- tion si on y étoit contraint. Quoiqu’il me parût assez indifférent d’adopter l’une ou l’autre manière , je me décidai cependant pour la seconde. En conséquence , je fis fondre dans les vaisseaux fermés , 2 gros de régule d’arsenic , et i5 onces 6 gros d’étain des Indes , ce qui me donna une livre d’un alliage la substance arseni- cale se trouvoit dans la proportion de —■ , ou 9 grains par once , c’est-à-dire, qu’elle étoit neuf fois plus forte que celle se

4i4 recherches

trouve la même substance dans l’étain d’Angleterre, qui en est naturellement le plus chargé.

Une portion de cet alliage fut coulée en une lame de trois pouces en carré , sur une ligne environ d’épaisseur ; je dirai tout à l’heure l’usage que j’en voulois faire.

Je m’étois pourvu d’un de ces chiens vagabons qui cherchent leur nourriture dans les rues : cet animal , maigre et affamé , paroissoit avoir au plus six mois d’âge.

Le 22 mai 1778 , on fit cuire une livre de viande au roux , l’assaisonnement n’y fut pas épargné; et comme un pareil ragoût ne pouvoit se faire dans un vase d’étain , nous y suppléâmes, en mettant dans le pot de terre , dès le commencement de la cuis- son , la lame d’étain dont nous avons parlé, et deux cuillerées de fort vinaigre.

Cette lame resta toute la nuit dans cette espèce de fricassée, qui, dans la journée du a3 , fut dévorée par le chien ; ce même j our on en fit cuire une autre , dans laquelle la lame d'étain séjourna jusqu’au lende- main , celle-ci fut sa nourriture du 24.

Comme cet animal ne paroissoit pas se

sur l’étain. 4i 5

trouver mal de cet ordinaire , on ajouta à son ragoût du 2 5 , seize grains du même alliage réduit en limaille fine.

Le 26, il en prit 16 grains le matin et autant le soir.

Le 27 idem.

Le 28 idem.

Ce chien n’étoit nourri que de viande cuite avec la lame d'étain , et saupoudrée avec 82 grains de mon alliage^, dont je me proposois d’augmenter la dose , parce qu’il me paroissoit s’accoutumer au régime auquel je l’avois condamné , mais je n’en eu pas le temps ; le 29 du même mois, cet animal accoutumé à courir les rues , se souciant peu des caresses qu’il recevoit et de la bonne nourriture qu’on lui donnoit, s’échappa de la maison, et fut perdu pour moi.

Ce jeune chien n’a été que six jours au régime dont je viens de parler, mais comme il ne s’en est pas trouvé mal , et que sa gaîté a toujours été la même, je pou vois au moins conclure que l’étain allié à —• de régule d’arsenic , étoit vraiment le point d’où je pouvois partir dans les expériences que je ferois dans la suite.

s

4l6 RECHERCHES

Je me procurai une petite chienne épa- gneule, de l’âge d’environ trois ans: elle étoit habituée à ne pas sortir de la chambre, sa nourriture ordinaire étoit une pâtée de viande et de mie de pain : elle mangeoit aussi quelques petits morceaux de sucre. N’ayant pas voulu changer sa manière de vivre, je lui ai continué la même pâtée, dans laquelle on mettoit de la limaille d’étain, en augmentant la dose du régule dans l’ordre suivant.

Le i5 juin , la petite chienne a com- mencé à prendre dans sa pâtée 1 6 grains d’étain allié à de régule d’arsenic , ce qui a été continué tous les jours jusqu’au 525 du même mois, c’est-à-dire onze jours, pendant lesquels elle a pris îyé^grains d’é- tain allié à 2 grains trois quarts de régule d’arsenic.

Le 26, on lui a fait prendre 16 grains d’un nouvel alliage, dans lequel le régule se trouvoit à la proportion d’,V»

Le 27 idem.

Le 28 idern.

Le 29 idem.

Le 3 o idem.

Au total , cinq jours , pendant lesquels

elle

sur l’étain. 4 17

elle a pris 8o grains d’étain , et par consé- quent 2, grains et demi de régule.

Depuis le ier. juillet jusqu’au 11 inclu- sivement, on a suspendu le régime de la petite chienne qui a été nourrie avec sa pâtée ordinaire, quelques gimblettes et uil peu de sucre. Dans cet intervalle , elle s’est très bien portée , et n’a rien perdu de sa gaîté, scs fonctions stercorales se faisoient toujours bien, ses excrcmens étoient durs et moulés , tels enfin que les rendent les chiens en bonne santé ; on la fit promener, et la première fois elle mangea du chien- dent qui la fit vomir , son embonpoint aug- mentait et son appétit redoubloit.

Le 12 juillet, elle recommença à prendre dans sa pâtée 1 6 grains d’un autre alliage $ celui qu’elle avoit pris jusqu’au 5o juin , était fait avec l’étain des Indes, c’est-à-dire avec l’étain pur ; celui que nous lui don- nâmes ce jour - était composé d’étain d’Angleterre, qui contenoit naturellement de régule d’arsenic, et auquel il en fut encore ajouté ,V-

Du 12 juillet au 2.5 du même mois, elle prit constamment chaque jour 16 grains * de ce dernier alliage , ce qui fait en tout Tome IL D d

4*8 RECHERCHES

pour ces quatorze jours, 224 grains d’é- tain et 7 grains de régule.

Enfin , voulant pousser encore plus loin cette expérience , j’allai jusqu’à lui faire prendre le même étain allié à ~ de régule d’arsenic.

Le 26, elle en prit 1 6 grains.

Le 28 idem .

Le 3o idem.

En tout 43 grains d’étain et 3 grains de régule. Ce fut le point je m’arrêtai.

J’ai gardé la petite chienne pendant tout le mois d’août , et je puis assurer que loin de s’être mal trouvée du régime auquel elle avoit été astreinte , elle a , au contraire , pris un embonpoint très-remarquable.

Cette expérience me paroissant suffi- sante, je passerai sous silence toutes celles qui ont été faites sur d’autres animaux, chiens ou chats, auxquels j’ai donné de l’étain allié au régule en différentes pro- portions , depuis ~ jusqu’à i , sans qu’au- cun d’eux en ait éprouvé de mauvais effets. Je me contenterai donc de faire remarquer que la petite chienne a pris, dans l’espace de trente - trois jours, JaS grains d’étain allié à J 5 grains et un quart de régule, et

\

sur l’étain. 4*9

Sur-tout que dans les trois derniers jours, la proportion de cette dernière substance a voit été portée à ~~ non Compris rîr que je savois se trouver naturellement dans rétain qu'elle prenoit à cette époque. Une pareille quantité d’étain et de régule est énorme , et ne peut en aucune manière soutenir la comparaison qu’on voudroit en faire avec tout autre étain, même avec celui qui en contient 5*r, et bien moins encore avec celui qui n’en tient quY,V*. Efforçons-nous cependant de la faire cette comparaison , et assurons - nous , s’il est possible . de la quantité d’étain qui se mêle aux aliincns préparés ou servis dans des yases faits avec ce métal 5 l’expérience sui- vante peut m’être d’un grand secours dans cette recherche.

J’ai pris une de ces assiettes achetées à Londres , dans lesquelles mes expériences m’avoient fait découvrir - de grains de régule d’arsenic par once , et je m’en suis servi l’espace de deux ans , pour manger tantôt le potage , tantôt le bouilli , ou tout autre mets ; enfin il se passoit peu de jours elle ne fût mise en usage ; ce qu’il est bien essentiel de remarquer, c’est que dans

D d 5?

42 0 R E C n E R c II E s

cet espace de temps , elle n’a pas été écurée une seule fois, et qu’on avoit même l’atten- tion de la laisser sécher d’elle-même, lors- qu’on la lavoit.

Après les deux ans révolus , cette assiette a été mise sur des balances , que 4 grains faisoient trébucher fortement , sans qu’elle parût avoir rien perdu de son poids , qui se trouva, ainsi qu’auparavant, être d’une livre 3 onces 3 gros et demi.

Ne voulant cependant pas conclure de cette expérience que la vaisselle d’étain ne pourroit en aucuns cas fournir quelques atomes de sa substance aux aliinens qu’on y prépareroit ou qu’on y serviroit, je sup- poserai que dans l’espace de deux ans, des plats et assiettes d’étain mis journellement en usage dans un ménage composé de cinq personnes , pourroient au plus perdre 5 gros de leur poids , par le seul contact ou frottement des alimens, et abstraction faite du déchet occasionné par l’écurage, ou tout autre frottement relatif à la propreté.

Dans cette supposition , chaque individu de la famille, qui me sert d’exemple, ava- leroit réellement dans l’espace d’une année, 36 grains d’étain, ce qui feroït 3 grains par

4

SUR L* RT A.IN. 4 21

mois , et *- de grain par jour. Or ce dixième de grain , en calculant au plus fort , peut à peine contenir la cinq mille sept cent soixan- tième partie d’un grain de régule d’arsenic.’ Et quels mauvais effets a-t-on à craindre d’une aussi petite quantité d’un métal qui, allié à ér » à. fr» & —■ du même régule, a pu sans aucun accident, être avalé journelle- ment par une petite chienne , à la dose de 16 grains , ce qui , en trente - trois jours , en a porté le total à 5 28 grains, dont 1 5 et un quart étoientdu régule d’arsenic, quan- tité qui paroîcra énorme , si on fait attention que dans les trois derniers jours , ce petit animal a pris 48 grains d’étain et 5 grains de régule.

Jusqu’ici j’ai considéré l’étain qui m’est apporté d’Angleterre , comme naturelle- ment allié à yf6 de régule d’arsenic , mais on doit se rappeler que très - souvent ce mèmè étain n’en contient qu’~r« > et que cette petite quantité est encore diminuée, par l’introduction fréquente de l’étain des Indes , que j’évalue à un tiers dans celui de Cornouaille ; en sorte qu’on ne s’éloi- gnera pas de la vérité , si on regarde la masse de l’étain existant dans le royaume *

D d 3

V

422 RECHERCHES

comme ne contenant pas au-delà dVrr* du régule en question, c’est-à-dire qu’un homme qui n’emploieroit sur sa table que de la vaisselle d’etain , ne pourroit avaler un grain de régule , qu’autant qu’il pren- droit, avec ces alimens , 6 onces d’étain , ce qu’il pourroit à peine faire dans l’espace de quarante-huit années.

Une expérience de vingt siècles ne prouve- t- elle pas en effet que l’étain de Cornouaille tant recherché par nos pères , peut être employé en vaisselle sans aucune espèce de danger P Et ne voyons -nous pas que les chimistes eux-mêmes, tout en parlant d’un soufre arsenical , qu’ils prétendoient faire partie de ce métal , s’en servoient dans leur ménage ? Henckel et Margraff ont rendu palpable l’arsenic de l’étain , sans même en avoir fait connoître les propor- tions ; cependant leurs compatriotes n’ont pas pour cela rejeté ce métal , et la vaisselle d’étain a toujours la plus grande vogue en Allemagne , ainsi qu’en Hollande : mais que dirons - nous des Anglais qui conti- nuent à faire usage de cette même vais- selle , quoique les ouvrages de Margraff leur soient bien connus, et qu’ils n’igno-

423

SUR u’ ET AI K.

rent pas que , malgré les précautions qu’ont les ouvriers , d’éloigner des fonderies le mundick , et leur attention à épurer par le feu le minerai de toute la substance arse- nicale que lui communique cette pyrite, il en reste toujours quelque micule intime- ment unie à l’étain dont ils se servent eux- mêmes, témoin ces assiettes apportées de Londres , qui m’en ont donnée ou ? de grain par once.

Il faut l'avouer, de pareilles micules , de pareils atomes ne doivent pas nous donner d’inquiétude sur le sort de ceux qui , par nécessité ou par habitude , emploient la vaisselle , ou tous autres ustensiles faits avec l’étain d’Angleterre.

Mais ce n’est pas seulement d’après la petitesse de ces atomes de substance arse- nicale, que je prétends prouver que l’étain qui les contient, peut, sans aucun risque, être mis en usage dans nos cuisines et sur nos tables ; je veux encore démontrer que cette même substance , une fois unie à l’étain , ne jouit plus de ses propriétés individuelles , et singulièrement de celle qui la rend si redoutable dans l’économie animale.

D d 4

4-)4 RECHERCHES

Je l’ai dit, je le répéterai encore, les chaux métalliques , de quelque nature qu’elles soient , ne peuvent s’unir aux métaux. Ce seroit donc en vain qu’on voudroit unir l’arsenic à l’étain. Le pre- mier peut être considéré comme un sel , ou comme une chaux métallique ; mais sous quelque point de vue qu’on le con- sidère , l’art ni la nature ne peuvent en faire la combinaison avec les substances métalliques.

Ainsi par tout on rencontre un métal uni à l’arsenic , on peut être sûr qu’au moment leur union s’est opérée , ils étoient l’un dans son état métallique , l’autre dans son état sémi-métallique (1), sans quoi ils ri’auroient pu se pénétrer , se combiner pour constituer un corps par-

( j ) Il ne s’agit pas ici des mines le métal est sous forme de chaux , mais de celles il se trouve sous forme métallique , et ce sont les plus communes.

On lit dans le Journal de Physique , année 1773, second volume , une dissertation de Monnet sur les effets de l’arsenic dans les mines , qui confirme ce que je dis ici. Cette dissertation a été couronnée par l’Académie de Berlin.

S TT R. l’ £ T À I N*. 425

tieulier , qui , ne possédant plus les pro- priétés distinctives du métal et du demi- métal dont il est formé , en a acquis de nouvelles qui le constituent corps de son propre genre. C'est ainsique , dans le cina- , bre, Je soufre et le mercure sont tellement combinés , tellement pénétrés l’un par l’autre , qu’il est impossible de les séparer autrement que par des secrets long -temps cacliés dans le sein de la nature , mais qu’enfin les chimistes, à force de travail., sont parvenus à lui dérober.

L’antimoine est dans le même cas que le cinabre : qui pourroit reconnoître , soupçonner même les propriétés de sa partie sémi- métallique ? Elles sont absolu- ment rendues nulles , ainsi que celles du mercure , par la combinaison de ces deux substances avec le soufre. Beaucoup de chimistes ignorent que le bismuth qui paroît si homogène , recèle pourtant encore quelques atonies de soufre qu’on ne par- vient à séparer qu’en dissolvant ce demi- métal dans l’acide nitreux ; et combien d’exemples de ce genre ne pourrois-je pas citer ?

Au reste l’étain n’est pas le seul corps

4'2Ô recherches

de la nature, qui puisse sans aucun risque être employé et même avalé , malgré la petite portion de régule d'arsenic qui y reste fixée $ je connois une autre substance minérale que , dans bien des cas , la mé- decine prescrit avec succès à des doses assez fortes, et dans laquelle cependant on peut démontrer l’existence de quelques atomes d’arsenic.

Tels sont les effets de cette combinaison intime, que les physiciens, bien éloignés de nous passer le terme de pénétration s regardent encore comme un simple mé- lange , mais que les chimistes qui savent en faire la différence, ont toujours vue comme la plus variée et la plus fréquente des opérations de la nature , une de celles enfin dont elle est sans cesse occupée.

Trois raisons , dont une seule pourroit suffire, doivent donc nous rassurer sur les prétendus mauvais effets qu’on voudroit attribuer à l’étain , sous prétexte qu’il contiendroit de l’arsenic.

La première est que cette substance s’y trouve en très- petite quantité.

La seconde , que cette petite quantité , ces atomes y sont toujours sous forme

réguline, ce qui en mitige beaucoup la pro- priété délétère.

La troisième, que ces mêmes atomes de régule d’arsenic , sont intimement combinés avec l’étain , ce qui rend ab- solument nulle la qualité délétère ou vé- néneuse.

Ainsi tout nous force de conclure que des micules , telles qu’ riu et même df6 de régule d’arsenic qui se rencontrent ou peuvent se rencontrer dans l’étain , sont hors d’état d'en rendre l’usage dangereux , et que l’on peut en toute sûreté se servir , si on le juge à propos, de toutes sortes d’ustensiles d’étain , même de ceux il seroit entré de l’étain de Cornouaille , à condition , cependant , qu’ils auront été fabriqués au titre de la loi.

Les trois - quarts de la somme totale d’étain ouvré qui se trouve actuellement dans le royaume , provenant des mines de Cornouaille, j’aurai atteint mon but, si j’ai rassuré ceux de mes concitoyens qui emploient dans leur ménage de la vais- selle faite avec ce métal. Mais en prouvant que l’étain de Cornouaille ne pouvoit en aucune façon nuire à l'économie animale.

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428

recherches

malgré la petite portion , ou plutôt la micble de substance arsenicale que j’y ai constamment trouvée , il s’en faut bien que je lui donne la préférence sur l’étain des Indes ; je crois au contraire qu’il 11e peut aller de pair avec ce dernier.

L’étain n’étant pas une production de notre sol , celte seule considération devoit faire désirer que nous pussions nous en passer , ou du moins qu’il ne fût employé chez nous qu’autant qu’on y seroit néces- sité, et c’est à-peu-près l’état les choses en sont aujourd’hui.

Cependant comme l’emploi de ce métal , généralement parlant , ne laisse pas que d’ètre encore considérable , reste à savoir si nos négocians peuvent en tirer des Indes ou de la Hollande toute la quantité néces- saire à notre consommation : et dans le cas ils pourroientle faire , il faut considérer s’ils seront dans la possibilité de nous en approvisionner au meme prix que celui de Cornouaille $ car la différence du prix , ne fut-elle que de cinq et même moins de cinq pour cent en faveur de l’étain anglais, ouvrira toujours l’entrée du royaume à ce dernier , malgré toute loi prohibitive :

\

S U R L * h T A I K-. 429

croire le contraire , c’est se faire illusion , c’est 11e pas connoître les ressources de la cupidité mercantille.

Louis XI V défendit , au mois de septem- bre 1701 , l’entrée de tout étain d’Angle- terre ouvré ou non .ouvré , et permit aux Hollandois de nous apporter l’étain de Siam. A cette époque , l’étain anglais se vendoit quarante florins le quintal, et celui de Siam quarante-cinq. Que devoit occa- sionner cette différence de prix ? de nous faire acheter l’étain de Cornouaille sous le nom de Siam , en nous le faisant peut-être payer aussi cher ; car à quels signes les préposés des douanes pouv oient- ils recon- noître ces deux espèces d’étain ? à la forme des lingots , à la rouille ou crasse qui re- couvre celui des Indes r Mais tout cela peut s’imiter : aussi la loi prohibitive ne subsista-t-elle pas long temps.

Il n’est donc pas aussi facile qu’on le croiroit , d’empêcher l’étain d’Angleterre d’entrer dans nos ports ; mais en supposant qu’on y réussisse , n’est-il pas à craindre que nos manufactures de fer-blanc n’en souffrent ? On sait que de pareils établis - semons ont besoin de la protçction du gou-

43o RECHERCHES

vernement pour se soutenir : or ceux que nous avons chez nous , sont encore si éloignés de pouvoir nous fournir toutes les especes de fer-blanc nécessaires à notre consommation , que nous sommes con- traints d’en tirer d’Angleterre: or défen- dre l’importation de l’étain de Cornouaille, sous prétexte qu’il contiendroit une subs- tance arsenicale , en permettant celle du fer-blanc anglais, ne seroit-ce pas en quel- que sorte se contredire.

SUR

L’ É T A i N. 43l

TROISIÈME QUESTION.

Les métaux ou demi-métaux qu’on est dans l’ habitude d’allier à l’ étain pour lui donner de la dureté y peuvent- ils en rendre l’usage dangereux ?

C’est un fait reconnu et sur lequel j’ai insisté , que l’étain pur ne peut être em- ployé seul à la fabrique de la vaisselle. Ce métal est trop mou , trop flexible , et les pièces qu’on prétend roit en faire, man- quant d’une certaine roideur , perdroient bientôt la forme que le moule et le tour leur auroient donnée.

J’ai fait connoître , dans la troisième Section , quels étoient les métaux ou demi- métaux que les ouvriers allioient à ce métal pour lui donner de la dureté , de la solidité $ et en parlant de l’étain appelé fin y j’ai rapporté le texte de la loi, qui leur ordonne de 11’y faire entrer que du cuivre rouge et du bismuth , sans cepen- dant en prescrire les proportions -, mais j’ai observé qu’à cet égard les potiers

X

43 2, RECHERCHAS

d'étain ne pouvoient commettre aucun abus , et qu’ils étoient très- réservés sur l’emploi de ces deux substances. Enfin pour fixer l’idée qu’on doit se former de l’étain fin allié au titre de la loi , j’ai dit que quatre- vingt -dix -sept livres d’étain pur , deux livres ou deux livres et demie de cuivre rouge et une livre de bismuth (î), forment un mélange dont on peut faire de très-belle vaisselle d’étain fin et sonnant, qui approcheroit très-fort de celui dont sont fabriquées les assiettes que j’ai re- çues de Londres , si peut être il n’est le même.

Un alliage tel que celui qui vient d’être indiqué, est conforme aux ordonnances qui furent promulguées dans un temps la vaisselle d’étain étoit pour nos pères un objet de luxe, et faisoit une grosse partie de leur mobilier. Or est- il à présumer que le législateur seseroit déterminé à permettre l’introductiondu cuivre et du bismuth dans l’étain , si une expérience de plusieurs siècles n’avoit pas convaincu qu’on pouvoit

( O Ces proportions varieront d’une boutique à l’autre, mais rarement iront. elles au-delà de celles que j’indique.

le

sur l’étain/ 433

lu faire sans aucun risque ? Et en effet, que peut-on craindre de deux livres ou deux livres et demie de cuivre et d’une livre de bismuth alliées à quatre-vingt-dix-sept livres d'étain ? Nous savons que le premier ne devient dangereux qu’en se changeant en vert-de-gris , et qu’il ne peut subir cette métamorphose tant qu’il sera mêlé à l’étain dans la proportion d’J- ou même dVr» Ea vaisselle d’argent au titre de Paris en con- tient ,y , et assurément on n’en redoute pas l’usage (1)5 or si vingt-trois parties

( 1 ) Ce n’est pas que l’on n’entende dire assez sou- vent que la vaisselle d’argent est susceptible de se verdegriser : mais on ne fait pas attention , en tenant ce propos, qu’il s’introduit dans le royaume et même à Paris de l’argenterie d’Allemagne , qui communé- ment est au plus bas titre. Combien n’avons - nous pas vu d’officiers français se munir de couverts d^ar- gent à la foire de Francfort , ou chez des orfèvres établis dans d’autres villes. En vain leur représentions- nous les inconvéniens d’une pareille vaisselle; séduits par le bon marché , ils faisoient leur emplette, et ne tardoient pas à s’en repentir. Malgré la sévérité des lois , il peut se fabriquer dans le royaume de l’argen- terie à un titre inférieur à celui de Paris. Or c’est sur de pareille vaisselle qu’on pourra voir le vert- de-gris se former ; mais on n’a pas à craindre cet

Tojne IL E e

434 RECHERCHES

d’argent masquent une partie de cuivre au point de la priver entièrement de ses mau- vaises qualités, je puis croire que cinquante et même quarante parties d’étain l’en pri- veront encore plus sûrement.

J’en dirai autant du bismuth, dont les qualités relatives à l’économie animale sont assez peu constatées , mais qui pourtant possède quelques propriétés trop analogues à celles du plomb, pour ne pas me porter à le tenir au moins comine suspect. Cepen-

inconvénient , en se servant d’une vaisselle alliée au titre que j’indique ; si ce n’est qu’on pourroit quelque- fois apercevoir de petites taches noires autour des baguettes, qui sont ordinairement appliquées aux assiettes et aux plats, à l’aide d’une soudure forte , dans la composition de laquelle il entre une assez grande quantité de cuivre. Le mieux seroit donc d’avoir de la vaisselle plate unie ; mais on ne se contente pas des belles formes que l’orfévre donne à ses ouvrages , on veut encore des baguettes à belles moulures. IL est un autre cas on pourroit aussi apercevoir sur de la vaisselle neuve quelques taches , ce seroit celui le planeur ayant aperçu sur la pièce qu’il travaille, de petites gerçures, seroit contraint de les ragréer avec un peu de soudure; ce qu’il no faut cependant pas regarder comme quelque chose des fort redoutable.

345

SUR U É T A X n;

dant on sera rassuré sur le compte cle ce demi-métal, si on considère qu’il n’en peut pas entrer dans cent livres d’étain beaucoup au-delà d’une livre , et que cette petite quantité perd entièrement toutes ses propriétés , en se combinant avec le métal.

Je ne puis donc m’empêcher de conclure que la vaisselle d etain fin , allié au cuivre et au bismuth , selon le prononcé des ordonnances , ne peut , en aucune manière,, être dangereuse.

Mais avons-nous de cette vaisselle d’étain fin , allié au titre de la loi ? J’ose assurer que non , et s’il en existe encore dans quelque coin du royaume, elle date cer- tainement de l’autre siècle.

Depuis que l’étain. , repoussé par la fayence , a été banni de presque toutes les tables , les potiers d’étain ne trouvant plus un aussi grand débit de leurs ouvrages voulant balancer la perte que leur occasion- noit le défaut de vente , ont pris le parti d’introduire du plomb, même en assez grande quantité, dans l’étain fin , et d’en mettre outre mesure dans Pétain commun.

D’un autre côté, ceux qui continuèrent

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436 RECHERCHES

à se servir cle vaisselle cl’étain , formant une classe qui malheureusement est néces- sitée à faire plus d’attention au bon mar- ché qu’à la beauté de la matière , en accé- lèrent encore la dégradation ; en sorte que le titre de l’étain baissant de jour en jour, les acheteurs se trouvèrent bientôt, faute de pièces de comparaison , dans le cas de prendre pour de Pétain lin , ce qui auroit à peine passé pour de l’étain commun , il y a cent ans. Je le dis avec confiance, bien persuadé que je ne serai pas désavoué par les potiers d’étain, dont j’ai vu un grand nombre gémir sur les abus in- troduits dans leur art , et qui , tout en réclamant l’exécution des ordonnances ,

in’avouoient de bonne fois , qu’entraînés

par le torrent , ils commettoient la même faute.

Ce n’est ni du cuivre ni du bismuth , en- core bien moins du zinc et du régule d’an- timoine (1) que les potiers d’étain peuvent

(i) Le zinc dont on se sert quelquefois, étantàpeu- près reconnu pour ne posséder aucune qualité nuisible à l’économie animale , son introduction dans l’étain est d’autant plus indifférente , que nous sommes pré- venus que les ouvriers sont très-réservés dans l’emploi

SUR

I. Ê T A I K.

abuser ; la dureté , la fragilité même que ces substances donneroient à l’étain , les

de ce demi-métal , dont quelques onces de trop se* roient capables de gâter une fonte de plusieurs quin- taux.

Quant au régule d’antimoine , on est dans l’habitude de le faire entrer en très -petites proportions dans l’étain destiné à la fabrication des cuillers , sorte de petit ustensile qui , à cause de sa longueur et de son peu d’épaisseur , a besoin de plus de roideur qu’aucun autre.

On est très-embarrassé sur le choix de la matière propre à faire ce petit instrument aussi nécessaire au pauvre qu’au riche. Il n’y a d’intermédiaire entre l’argent et l’étain que le bois. En vain a ton présenté aux citoyens peu aisés des cuillers de cuivre jaune ou potin argentées 5 ils les ont rejetées avec juste raison , et s’en sont tenus à celles qu’on leur vend sous le nom de cuillers de métal , c’est-à-dire, d’étain allié avec un peu de régule d’antimoine.

Ce demi métal , il est vrai , possède une propriété qui le distingue de toutes les autres substances de sa classe : pris intérieurement à la dose de six à sept grains , il excite le vomissement , sans pouvoir être pour cela regardé comme un poison : on sait au con- traire combien il est utile en médecine 5 mais on sera bien rassuré sur cet effet , lorsqu’on fera attention qu’introduit dans l’étain à de très-petites proportions , il subit avec ce métal une combinaison qui le priva de toute son émet ici te.

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438 RECHERCHES

obligent à ne les y faire entrer qu’en de très-petites proportions ; et d’ailleurs ce ne seroit pas un moyen propre à satis- faire la cupidité , je l’ai déjà fait observer.

Le plomb, ce vil métal, qui, quoiqu "im- porté des pays étrangers , se vend à peine chez nous quatre sols la livre , étoit la seule matière dont on pouvoit faire abus ; aussi les potiers d’étain ne l’ont-ils pas ménagé. La loi leur permet d’exposer en vente toutes sortes de marchandises fabri- quées en étain commun , bien aloyé et 'venant à la rondeur de l’essai avec la blancheur requise : termes vagues , même pour ceux qui sont dans l’habitude de faire Y essai à la pierre , car c’est celui-ci dont l’ordonnance entend parler.

J’ai fait remarquer combien peu l’on doit compter sur un pareil essai , que plu- sieurs potiers d’étain 111’ont assuré n’être bien pratiqué que par un très-petit nom- bre d’entre les maîtres de Paris, et être à- peu-près inconnu ceux des provinces. Kejetant donc cette manière d’éprouver le titre de l’étain , j’ai indiqué un procédé chimique par lequel on peut retirer tout le plomb introduit dans ce métal , et j’aî

fait mention de telle pièce de vaisselle il en étoit entré jusqu’à vingt-livres par quintal. Pour terminer mes expériences, je vais en mettre une sous les yeux des lecteurs, qui prouve qu’une pareille quan- tité de plomb introduit dans l’étain pour- roit en rendre l’usage dangereux.

Ayant acheté une mesure de pinte chez un maître potier d'étain , qui me la vendit pour être de très-bon étain commun , je l’ai tenue pleine de vinaigre distillé et d’une moyenne force, pendant les mois de mai et juin 1779 ; ce temps expiré , j’ai agité la liqueur qui , tout de suite, a été versée dans un vase de verre, au fond duquel il s’est déposé une poudre blanche qui, lavée et séchée, pesoit de i4 à 1 5 grains : c’étoit de la chaux d’étain.

Le vinaigre , qui étoit limpide et sans couleur , ayant été évaporé au bain-marie , au point de représenter à-peu-près le volume d’une once d’eau , fut abandonné à l’évaporation insensible , au moyen de laquelle j’ai obtenu 11 grains et demi de sel de saturne.

Non content de cette expérience , j’ai traité par l’acide nitreux 4 onces de cette

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même mesure ; et suivant exactement le prai cédé que j’ai indiqué pour départir le plomb d’avec l’etain, j’ai eu la certitude qu’il étoit entré dans l’alliage dont la pinte avoitété faite, vingt livres de plomb -par quintal.

On voit par-là combien il seroit dange- reux de garder du vin , ou toute autre liqueur acidulé dans de pareils vaisseaux, qui malheureusement ne sont que trop communs , puisqu’ayant un jour témoigné à un maître potier d’étain mon étonnement sur la grande quantité de plomb que je îrouvois dans certaines pièces , et lui ayant cité pour exemple , des mesures qui en con- tenoient jusqu’à vingt livres par quintal ; sa réponse fut , que si j’avois fait mon emplette dans certaines boutiques , j’en aurois trouvé plus de vingt-cinq livres.

Cet abus est énorme , il est non-seule- ment dangereux , relativement à l’économie animale $ mais c’est encore , ainsique je l’ai déjà dit, un véritable vol fait aux parti- culiers , à qui on vend du plomb pour de l’étain. Il étoit de mon devoir de le faire connoître 5 mais c’est aux magistrats qui yeillent à la sûreté des citoyens , qu’il est

Sun h * £ T A I nV 44 i

réservé de détruire un pareil abus , en rappelant les potiers d’étain à l’exécution des ordonnances.

Si l’étain étoit pour nous un objet de luxe , on pourroit se déterminer à le pros- crire , avec d'autant plus de raison , que n’en possédant aucune mine , ce n’est qu’à prix d’argent que la France peut se le pro- curer. Mais comme il est bien démontré que nous ne pouvons nous passer de ce métal , il s’ensuit qu’on ne doit en aucune manière s’occuper de sa proscription.

J’ai déjà dit qu’il nous falloit de l’étain pour nos fayenceries et nos ferblanteries : j’ajouterai que ce métal entre dans la com- position du bronze , ainsi que dans celle de la soudure tendre , dont certains ou- vriers, sur-tout les plombiers et fontainiers, font une grande consommation. Quelle sera la substance métallique dont on fera les parties intérieures des alambics ? Re- tournerons-nous au cuivre , rejeté depuis long- temps , avec juste raison ? Et avec quoi couvrira-t-on ce même cuivre pour le préserver du verdet ? Avec le zinc ; mais ée demi-métal ne se trouve pas chez nous , et il auroit en outre tous les défauts de

44 2 RECHERCHES

l’étain. Avec quelle matière fabriquera-t-on les mesures pour les liquides ? avec le verre , le grès , la fayence ? non , ces ma- tières sont trop fragiles ; et d’ailleurs com- ment parvenir à leur donner , à peu de frais , la justesse prescrite par la loi, ou ce qui est la même chose , à les rendre conformes à l’étalon , si religieusement conservé chez tous les peuples policés ? Il est donc beaucoup d’ustensiles qu’on ne peut faire qu’en étain.

Mais , s’il est des cas ce métal ne peut que difficilement être suppléé par un autre ( car je ne présume pas qu’on me citera l’argent ) , il en est d’autre son utilité est si grande , qu’il devient en quelque sorte nécessaire $ par exemple , dans com- bien de circonstances n’est-on pas forcé de faire usage de la vaisselle d’étain? Voya- geons en Allemagne , en Hollande , nous n’en trouverons pas d’autre dans les au- berges et dans les maisons des particuliers. De quels plats , de quelles assiettes se ser- vira-t-on dans les armées ? voudroit-on , comme les Perses du temps de Xerxès et de Darius , traîner à sa suite une immense et conséquemment très - embarrassante

sur. l’btatn. 44'3

argenterie? Les événemens delà guerre s’y opposeront toujours ; nous en avons eu plus d’une fois l’expérience : mais en sup- posant que les généraux veuillent le faire , quelle sera la vaisselle dont les officiers se pourvoiront ? En est-il de plus commode et de moins chère que celle d’étain , ou ce qui revient au même , de fer-blanc ? Elle peut être employée aux usages de la table , sans aucun danger, je l’ai prouvé : elle coûte peu ; il ne faut pas la renouveler souvent : lorsqu’elle est de bon aloi , elle a une couleur argentine que l’on peut entretenir avec facilité , en l’écurant deux ou trois fois par mois : lorsqu’on veut s’en défaire, on n’essuie d’autre perte que celle de la façon ; le point essentiel est qu’elle soit loyalement fabriquée , et que le plomb n’en fasse jamais partie. Elle n’est plus de mode dans nos villes , et même les habitans aisés de la campagne commencent à la rejeter, ils font très-bien; moins on fabri- quera de cette vaisselle en France , moins il en sortira d’argent pour se procurer l’étain des Indes ou d’Angleterre.

O

Je suis donc bien éloigné de chercher à rendre à l’étain son ancienne célébrité , et

444 recherches'

gu insistant sur son innocuité , relativement, à l'économie animale , je n’ai d’autre but que de dissiper les alarmes , que quelques personnes ont assez inconsidérément ré- pandues chez ceux de nos concitoyens qui sont habitués ou nécessités à se servir d’ustensiies d’étain.

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L’ÉTAIN'.' 445

OBSERVATIONS

Sur le cuivre étamé et sur le fer-blanc .

L’jemploi des vaisseaux de cuivre pour Ja préparation des alimens , remonte à La plus haute antiquité. Moïse nous apprend que Tubalcain , septième homme depuis Adain , étoit un habile ouvrier en cuivre et en fer , qui étoient probablement alors les seuls métaux connus , mais certaine- ment les seuls qui pouvoient être utiles aux premiers habitans de la terre.

Les auteurs grecs et latins font souvent mention des marmites et chaudrons de cuivre , dont on se servoitpour la cuisson des alimens ; il est en effet des circonstances les vaisseaux de terre cuite , soit à cause de leur fragilité , soit parce que leur capa- cité est très-bornée , ne pouvant pas être employés , l’on est forcé de se servir des vaisseaux de cuivre \ et , sans sortir de la France , combien n’y voyons-nous pas d’ustensiles de cuisine et autres faits avec ce métal.

L’emploi du cuivre est , à la vérité ,

y"

446 recherches

beaucoup diminué chez nous, depuis que les marmites de fer se sont généralement répandues dans les provinces , les gens aisés sont les seuls qui fassent usage des marmites de terre cuite. Celles de cuivre sont absolument rejetées par le plus grand nombre de nos concitoyens ; et s’il s’en trouve encore dans la capitale, ce n’est que dans les maisons des riches, qui, fa- miliarisés avec les casseroles, ne redoutent pas les marmites de cuivre , ou dans ces cuisines publiques l’on prépare des alimens pour un grand nombre d’hommes.

Les pharmaciens se sont défaits de leurs alambics de cuivre , et n’emploient aujour- d’hui que ceux dont toutes les parties in- ternes sont faites avec l’étain.

îl n’y a pas trente ans que toute l’eau nécessaire à la consommation journalière d’une maison de Paris , étoit déposée dans des fontaines de cuivre , qui , malgré l’étamage se tapissoient bientôt intérieure- ment d’une couche de verdet. B.ouellô l’aîné , fut un des premiers à donner l’alarme sur cet objet important , et l’on s’empressa de substituer les fontaines de grès à celles de cuivre : ce fut un bien

sur l’étain. 447

réel , mais la révolution n’a pas été com- plète , et il est encore des maisons l’an- cien usage s’est maintenu.

Il s’en faut bien que j’ajoute foi à tons les événemens tragiques que l’on met sur le compte du cuivre , et que souvent l’on se plaît à exagérer j mais je ne peux m’em- pêcher de dire qu’il seroit à souhaiter qu’aucun de nous ne conservât l’eau , des- tinée à la boisson ou à la préparation des alimens , dans des vaisseaux métalliques , et singulièrement dans ceux qui sont faits avec le cuivre.

Lorsqu’une armée est prête d’entrer en campagne , l’usage est de distribuer par chambrée une marmite qui , jusque dans ces derniers temps, étoit de cuivre étamé ; depuis trois ans , on ne donne plus aux soldats que des marmites de fer battu. Ce changement étoit important 5 il est à sou- haiter qu’on le soutienne..

Mais si les vaisseaux de cuivre ne sont plus aussi fréquemment employés parmi nous , qu’ils le furent autrefois , il en reste cependant encore un assez grand nombre , qui , sous le nom de casseroles , garnissent les cuisines de ceux qui, par état ou pour

44° recherches

cause de fortune, tiennent ce qu’on appelle

vulgairement une bon?ie table (1).

Toutes les confitures sèches et liquides , les dragées de toutes espèces , enfin toutes les préparations de sucre se font dans des bassines de cuivre non étamé , et il scroit très-difficile , pour ne pas dire impossible, d’amener les confiseurs à changer leur méthode.

C’est avec le cuivre qu’on a toujours fait les grandes chaudières dans lesquelles on prépare le bouillon destiné aux malades qui sont traités dans les hôpitaux , et ce n’est que depuis six ou sept ans qu’on a commencé à introduire dans les hôpitaux militaires de Flandre, des chaudières de fer , de pareille grandeur. Il est à desirer que cette méthode particulière à la Flandre, soit généralement adoptée dans tous les hôpitaux sédentaires, mais elle seroit diffi-

(1) Le luxe et la crainte des mauvais effets du cuivre ont tenté d’introduire dans ces cuisines, l’un les casse- roles d’argent, l’autre les casseroles de fer battu; les cuisiniers les ont ropoussées , sous prétexte que l’argent s’échauffe trop et garde trop long temps sa chaleur, et que le fer battu noircit les sauces et donne aux ragoûts une saveur ferrugineuse.

cilement

cilement pratiquée dans les hôpitaux qui marchent avec ies armées.

Il est encore d’autres vaisseaux d’une énorme capacité, que l’on ne peut faire qu’avec le cuivre , telles sont les chaudières employées dans les brasseries et dans les rafineries de sucre.

Il est donc des circonstances l’on est contraint de faire usage du cuivre, malgré les mauvaises qualités qu’on lui a de tous les temps attribuées , -mais qu’on exagère un peu trop aujourd’hui.

Ce métal exige , à la vérité , une grande propreté et une attention scrupuleuse de la part de celui qui en fait usage ; le jus de citron , le vinaigre , les groseilles , etc. le corrodent et font , avec le temps , paroître à sa surface une rouille dangereuse, qu’on appelle verdet ou vert-de-gris; mais ce sont les corps gras dont il faut principale- ment se méfier : le beurre , l’huile , le lard , la graisse de volaille , etc. agissent sur ce métal avec une promptitude étonnante , et le vert-de-gris qu’ils en tirent et tiennent en dissolution , a une toute autre énergie que celui qui seroit fait par les acides végé- taux , dont je viens de faire mention.

Tome II. F f

RECHERCHES

On a observé depuis long-temps que les vaisseaux de cuivre ne communiquoient aucune mauvaise qualité à l’aliment qu’on y faisoit cuire , tant qu’ils restoient sur le feu ; et cette opération, qui est vraie à beaucoup d’égards , a toujours rendu les cuisiniers et les cuisinières très- attentifs à ne point laisser refroidir les mets dans les casseroles ou marmites qui avoient servi à leur préparation.

Cependant, malgré toute l’attention et l’exactitude qu’on pourroit supposer à la personne chargée de préparer les alimens , il est certain que les accidens fâcheux sans doute , mais rarement mortels , dont on est quelquefois témoin, seroient beaucoup plus communs , si l’industrie n’avoit pas , depuis un grand nombre de siècles , trouvé l’art d’appliquer l’étain sur le cuivre con- verti en batterie de cuisine.

Il seroit peut-être intéressant pour la physique de rechercher si les hommes qui ont vécu avant l’invention de l’étamage, ou ceux qui dans des siècles postérieurs , se sont servis de vaisseaux de cuivre non étamés , ont éprouvé de l’altération dans leur santé ; si leur vieillesse a été préma-

I

sur l’étain. 45i

turée et leur vie abrégée ; ou si accoutumés dès leur bas- âge à se nourrir de mets pré- parés dans le cuivre, ce inétal cessoit bientôt d’être pour eux une matière dangereuse : ce cjui , d’après un grand nombre d’expé- riences que l’on a souvent sous les yeux , peut au moins être présumé.

Mais comme une pareille discussion seroit absolument étrangère à l’objet qui nous occupe , j’adopterai le sentiment de Pline , et je dirai avec lui : stannuni illitiun aeneis vasis saporem gratiorem facit et compescit aeruginis virus. L’étain appliqué sur les vaisseaux de cuivre , les préserve du verdet ou du moins retarde sa formation , et empêche les alimens qu’on y prépare de contracter une saveur métallique très- désagréable , qui prévient sur le danger auquel s’exposeroit quiconque prétendroit en faire son repas.

Je regarderai donc l’étamage comme une découverte d’autant plus précieuse , qu’étant, dans mille circonstances, forcé d’employer le cuivre , on ne pourroit le faire sans inquiétude, si on vouloit se servir de vaisselle non étamée.

Il n’est point de physicien qui ne sache

F f 2

402 RECHERCHES

comment les chaudronniers procèdent à l’étamage ; ainsi , sans entrer dans aucun détail à cet égard , je ferai observer que si ces ouvriers pouvoient être une fois bien convaincus de l’importance de cette opéra- tion , que les réglemens de police leur ont confiée à l’exclusion de tous autres , ils apporteroient la plus grande attention à ce que la surface de la pièce qu’ils vontétaincr soit parfaitement disposée à recevoir , dans tous ses points, l’étain dont elle doit être recouverte ; c’est un article tres-essentiel. Il en est un autre qui ne l’est pas moins , c’est qu’ils ne devroient jamais employer pour cette opération que de l’étain des Indes , parce qu’il est pur et le seul de cette qualité qu’ils peuvent se procurer avec facilité.

Toute autre espèce d’étain doit être re- jetée; celui d’Angleterre , sous quelque forme qu'on le débite , en baguettes , en petits chapeaux , n'est pas pur ; celui qui se vend à Paris sous le nom d’étain fin , est allié au cuivre , au bismuth , et le plus souvent il est falsifié avec du plomb. Je le répète , toute la batterie de cuisine ne devroit être étamée qu’avec de l’étain des Indes ; il se

SUR,

l’étain. 453

vend pins cher que celui d’Angleterre , ce qui est assez peu important , parce que le particulier entendra raison et paiera volon- tiers cette légère augmentation de prix 5 mais en ce cas , le chaudronnier doit se garder de le tromper ou d’être trompé lui- inême , en achetant livre à livre de Pétain des Indes , dans lequel il aura été introduit un quart et quelquefois plus de vieux étain à un très- bas titre : j’ai souvent reconnu cette fraude.

La couche d’étain , qui couvre le vais- seau de cuivre le mieux étamé , est si mince qu’il n’est pas rare d’entendre dire aux chaudronniers , que l’étain appliqué au cuivre dans l’opération de l’étamage , n’en augmente pas le poids. Ce passage de Pline mal entendu 11’auroit-il pas donné lieu à ce préjugé ? Sternum illitum uenels vasis , saporern gratiorern facit et compescit aeru - ginis virus , mirumque pondus non auget .

La physique moderne a su se procurer des balances plus exactes que celles que l’on faisoit au temps de Pline , et elle a trouvé que le cuivre éprouvoit dans l’étamage une augmentation de poids proportionnée à la quantité d’étain qui s’y attachoit; mais il

F f 3

/ *.

RECHERCHES

454

faut l’avouer , cette quantité forme une couche si mince que son poids ne peut être découvert par des balances ordinaires.

J’ai fait étamer une casserole de neuf pouces de diamètre et de trois pouces trois lignes de profondeur : pesée au moment elle étoit disposée à recevoir l’étain , et repesée après l’opération sur les mêmes balances qui étoient très-exactes , elle ne se trouva augmentée en pesanteur que de vingt-un grains.

Pour m’assurer de ce fait , j’ai eu recours aune contre-expérience que je crois devoir rapporter ici. On connoît ces feuilles d’étain qui nous sont apportées d’Allemagne en petits livrets , et que l’on nous vend sous le nom d argent faux. Ces feuilles ont à- peu-près trois pouces neuf ligues de lon- gueur , sur trois pouces quatre lignes de largeur 5 elles pesent chacune deux grains. J’en ai employé onze pour recouvrir par- faitement , à l’aide d’un mordant , la cas- serole de l’expérience précédente : tout ce qui ne s’étoit point attaché au mordant ayant été ramassé avec une barbe de plume , pesoit un peu plus d’un grain et demi , en sorte que vingt grains et demi de

sur l’étain. 455 cet étain en feuilles , ayoient suffi pour couvrir exactement toute la surface inté- rieure du vaisseau ; ce qui prouve que la couche d’étain , appliquée sur celte même casserole , dans l’opération de l’étamage faite par le chaudronnier , étoit d’une épaisseur égale à celle qu’ont les feuilles de faux argent , dont je parle.

Mais , dira-t-on , pourquoi ne pas faire entrer plus d’étain dans l’étamage ? Pour- quoi ne pas rendre la couche de ce métal plus épaisse ? Ne seroit-ce pas le plus sûr moyen de se mettre à l’abri des mauvais effets du cuivre ?

Il est des ustensiles de cuisine sur lesquels on pourroit tenter d’augmenter la couche d’étain autant qu’il seroit possible ; tels sont ceux qui seroient uniquement destinés à faire bouillir l’eau dans lacpielle on cuit les légumes , et dont le degré de chaleur n’est pas capable de fondre l’étain ; mais ce seroit inutilement qu’on chercheroit le moyen d’en appliquer une plus grande quantité sur des casseroles , qui , souvent exposées à iin degré de chaleur de beau- coup supérieur à Peau bouillante , per- droient bientôt leur étain , que l’on verroit

456 v RECHERCHES

couler et s’amasser dans le fond , sous la forme de larmes , en sorte qu’il en resteroit à peine sur les endroits dont il se seroit détaché , la quantité précise que l’ouvrier auroit y appliquer.

Le peu d’épaisseur de la couche d’étain qui recouvre le cuivre , ne doit pas nous effrayer; une expérience journalière prouve à tous ceux qui ont des batteries de cuisine faites avec le cuivre étamé , qu’on peut s’en servir sans aucun risque : mais cette légère couche doit, en revanche , nous rendre attentifs à faire souvent renouveler l’éta- mage , qui ne peut résister long- temps à l’agitation des viandes, et sur -tout au mouvement que l’on donne fréquemment avec la cuiller de bois , au beurre , au lard ou à tout autre corps gras dans les- quels on fait roussir les oignons ou autre assaisonnement. Les graisses , de quelque nature qu’elles soient, n’ont aucune action sur l’étain , et si celui de l’étamage disparoît bientôt , c’est aux frottemens réitérés de cette cuiller que l'on doit en rapporter la cause.

De toutes les substances métalliques , l’étain étoit, sans contredit, la seule qui

sur l’ étain. 4 5j

pouvoit être appliquée sur les ustensiles de cuisine , avec le double avantage de nous mettre à l’abri des mauvaises qualités du cuivre , sans nous constituer en grande dépense. Il y avoit plus de deux mille ans qu’on étarnoit ; et quoiqu’on ait toujours été assez peu difficile sur le choix de l’étain qu’on employoit pour faire cette opération , personne n’avolt réclamé contre l’étainage, lorsqu’au grand étonnement des chimistes , quelques personnes répandirent dans le public que ce métal devoit être proscrit. Un physicien , très - peu versé dans la chimie , publia , par la voie du Journal de Physique , de prétendues expériences , par lesquelles il tâchoit d’insinuer que Pé- tain étoitun véritable poison ; il lecroyoit, sans doute, car c’étoit un honnête homme; et pour dédommager le public de l’étain qu’il venoit de condamner , il lui proposa des casseroles étamées avec le zinc. Le public n’est pas un aussi mauvais juge qu’on le croit communément ; sans se douter que le physicien s’étoit trompé dans ses expériences , il refusa les casseroles couvertes de zinc, et il fit très-bien.

Si l’art d’étamer le cuivre fut une décou-

458 RECHERCHES

verte heureuse , celui d’étamer le fer en fut une très-utile ; la première nous rassure contre les mauvais effets du cuivre , et la seconde met , jusqu’à un certain point, le fer-blanc à l’abri d’une rouille , qui , sans être dangereuse , est cependant très-désa- gréable.

J’ai déjà observé que les chaudières et

les marmites de fer fondu , en s’introdui-

!

sant dans nos campagnes et dans nos villes , avoient singulièrement contribué à dimi- nuer parmi nous l’usage du cuivre. J’ajou- terai ici que l’art d’étamer la tôle de fer ,

en nous fournissant une matière saine et

%

commode pour faire une quantité de menus ustensiles de cuisine , avoit tellement re- poussé ceux de cuivre , qu’à l’exception des grandes maisons de la capitale , on n’en voyoit presque point dans le reste du royaume. Les écumoires , les passoires , les cuillers - à- pot , les cafetières, les bouillotes , les marabous , etc. étoient autrefois de cuivre , aujourd’hui tous ces petits meubles sont de fer-blanc.

C’est sur-tout dans les armées que cette matière est devenue , en quelque sorte , necessaire : on en fait des soupières , des

N

sur l’étain. 45p

plats , des assiettes pour les officiers , des gamelles et des bidons pour les soldats ; cette vaisselle est légère et par conséquent commode pour les gens de guerre \ elle coûte peu , et l’on s’en procure par-tout ; l’expérience prouve qu’elle est saine ; enfin pour la maintenir dans un état de propreté , il suffit de l’écurer avec le sablon; ce qu’on peut faire sans courir le risque de mettre le fer à nu , parce que , dans l’opération de l’étamage du fer , qui se fait par im- mersion , l’étain a pénétré de part en part les feuilles de tôle destinées à faire cette vaisselle (1).

Mais s’il est un grand nombre de circons- tances où l’on peut employer le fer-blanc avec avantage , il en est aussi il est im- possible de s’en servir.

Le fer , quelque bien couvert, d’étain qu’il paroisse , ne l’est cependant pas au point d’avoir perdu les propriétés qui le caractérisent ; les acides les plus foibles

(1) Je distingue, comme on voit , le fer-blanc d’avec le fer battu étamé : dans celui-ci, les feuilles de tôle ont trop d’épaisseur pour que la pénétration de l’étain puisse être aussi complète que dans le fer - blanc proprement dit.

46o RECHERCHES SUR l’^TAlN.

agissent sur lui et le dissolvent 5 l’humidité même suffit pour faire naître la rouille sur le fer-blanc.

On ne peut donc se flatter de conserver un jour entier du vin, du vinaigre ou toute autre liqueur acidulé, dans des cantines et bidons de fer-blanc : en moins de vingt- quatre heures , le vin subiroit un commen- cement de décomposition , et contracteroit une saveur d’encre , qui , comme on sait , est- très-désagéable : le vinaigre , dans le même espace de temps , se combineroit avec le fer , et , formant avec lui une sorte de sel, son acidité, qui le rend si précieux, disparoîtroit, en sorte qu’on ne trouveroit dans le vase de fer-blanc qu’un liquide d’une saveur rebutante.

L’usage du fer-blanc a donc des bornes ; mais il est un si grand nombre de cas l’on peut l’employer avec sécurité sur les tables et dans les cuisines , que nous devons nous féliciter de son invention, et sur-tout d’en avoir vu quelques manufactures s’éta- blir en France.

Fia du second et dernier Volume.

46 1

T A B L E

De ce qui est contenu clans le second

Volume.

PREMIÈRE PARTIE,

%

Contenant les expériences Eûtes par la voie sèche , 1

SECONDE PARTIE, Contenant les expériences faites par la voie hu-

mide , 24

Rapport de la mine avec l’acide vitriolique, ibid.

Rapport de la mine avec l’acide nitreux , 28

Son rapport avec l’acide de sel marin , 3a

Procédé par lequel il est démontré que la mine contient du zinc , 34

Expériences qui prouvent que le fer est dans la mine spathique , sous sa forme métallique , 35

Conclusion , 36

Examen de différentes Pierres . PREMIÈRE PARTIE. Examen du marbre de Campan , 4 5

Tome IL G g

T A B L E.

462

Analyse du marbre vert Campan , par l’acide ni- treux , Page 5a s

Analyse du marbre rouge de Campan , par le même

acide , Sy

Analyse des mêmes marbres , par l’acide vitrio-

lique , 60

Analyse du marbre Campan rouge , par l’acide vitrio- lique , 66

Examen des pierres figurées de Florence, 71

Analyse par l’acide nitreux , y3

Analyse par l’acide vitriolique , 74

SECONDE PARTIE.

Examen de quelques marbres antiques , 75

Examen d’un marbre antique rapporté de Rome , 80 Examen d’un autre cipolin envoyé d’Autun , 86

Examen d’un troisième cipolin d’Autun , connu en Italie sous le nom d’ Amandola , 91

Examen d’un quatrième marbre d’Autun , connu sous

le nom de Vert antique ,

94

Autre procédé par l’acide vitriolique ,

99

Examen d’un cinquième marbre ,

102

Examen d’un marbre rouge d’Autun ,

j o3

Examen d’une pierre envoyée d’Autun ,

sous le nom

de marbre Noir antique ,

io5

T A B Z. S.

463

TROISIÈME PARTIE.

Examen de la serpentine d’ Allemagne , du Limousin et de la stéatite de Corse. P âge 108

Effet du feu sur la serpentine d’Allemagne , traitée dans des vaisseaux fermés , no

Memes expériences faites sur la serpentine du Li- mousin , 1 14

Memes expériences sur la stéatite de Corse, ibicl.

Effet de l’acide nitreux sur la serpentine , 117

Sur la stéatite de Corse , 12 1

Effet de l’acide vitriolique sur la serpentine d’Alle- magne , 122

- Sur celle du Limousin, 126

< Sur la stéatite de Corse , 12 7

Résultat de l’analyse des serpentines , 1 28

Des différentes terres qui concourent à former la serpentine , 129

De quelques autres terres ou pierres dans lesquelles on trouve la base du sel amer , i38

QUATRIÈME PARTIE.

Examen du porphyre , de l’ophite , du granit et autres pierres de la classe des vitrescibles mixtes, i4-3

Expériences faites sur le porphyre antique rouge , entremêlé de petits cristaux blancs.

Mêmes expériences sur l’ophite antique , i5i

G g 2

T A B L E.

464

Mêmes expériences sur une sorte de granitelle vert de la vallée d’Aspe, dans les Pyrénées , Rage i52

Expériences sur les granits de l’ancien Autun , et sur celui qui se trouve sous la ville de Semur , en Auxois , i54

Supplément , 161

Effet de l’acide vitriolique sur les jaspes vert et rouge, sur le jade et le feldspath, etc. 162

Examen de deux pierres nouvellement envoyées des montagnes du Dauphiné, par Villar , 166

Conclusion, 171

Procédé par lequel j’ai obtenu en 1771 de l’acide nitrique , en traitant la manganèse seule dans des vaisseaux fermés , 180

Seconde opération , 181

Procédé employé dans la Suabe , pour faire le sel d’oseille, i83

Procédé pour extraire et purifier le sel essentiel d’oseille , 187

Lettre sur le sel d’oseille , 196

Procédé par lequel on régénère en nitre parfait tout l’alkali fixe qui entre naturellement dans la compo- sition du sel essentiel d’oseille , 200

Lettre sur l’analyse du pechstein de Ménil - mon- tant , 2o3

R E CHERCHES SUR Z* È T A I H .

Cl3

Introduction ,

table.

465

PREMIÈRE SECTION.

$.ïer. Des différens étains , ^ age 23i

§. II. Caractères extérieurs des étains de la première classe , c’est-à-dire des étains primitifs. 238

§. III. Effets du feu appliqué aux étains primitifs, 240

§. IV. Effets du feu sur les mêmes , traités dans des vaisseaux fermés ,

§. V. Examen de la matière sublimée , 244

§. VI. Examen des quatre étains primitifs , par la voie des dissolvans , 248

§. VII. Procédé de Margraff pour démontrer par l’eau régale la présence de l’arsenic dans l’étain , 25o

§. VIII. Effets du procédé de Margraff sur les quatre étains , 254

§. IX. Alliage d’étain et d’arsenic , 257

§. X. Effets de l’eau régale sur les alliages précédens, 262

$. XI. Effets de l’eau régale sur des alliages il entre beaucoup moins de régule d’arsenic que dans les précédens , 265

§. XII. Réflexions sur le procédé de Margraff, 268

§. XIII, Effets de l’acide marin sur l’étain en gé- néral , 272

§. XIV. Effets de l’acide marin sur les quatre étains primitifs , 275

§. XV. Effets sur les mêmes , artificiellement alliés avec le régule d’arsenic , 276

4 66

T A B JL 33.

§. XVI. Effets de l’acide nitreux sur l’étain en gé- néral , P âge 281

§. XVII. Effets sur les quatre étains primitifs , 284

§. XVIII. Effets de l’acide vitriolique et du vinaigre distillé sur les quatre étains , 291

§. XIX. Récapitulation et conclusion de la première Section , 295

SECONDE SECTION.

§. Ier. Contenant l’examen de l’étain anglais , connu sous le nom de gros saumons et de ba- guettes , 298

§. II. Effets du feu sur l’étain , dit en gros saumons et en baguettes , traité dans les vaisseaux fer- més y 3o3

§. III. Effets de l’acide nitreux sur l’étain d’Angle- terre , en gros saumons et celui en baguettes , 3o5

§. IV. Effets de l’eau régale sur l’étain d’Angleterre , tant en gros saumons qu’en baguettes 7 307

§. V. Effets de l’acide marin sur les étains précé- dons , 3 1 2

§. VI. Mêmes expériences répétées sur les étains

d’Angleterre , 3i4

§. VII. AEthioIogie ou départ du régule d’arsenic

d’avec l’étain 7 ou effet des acides sur ce meme régule , 3i7

§. VIII, Effets de l’acide nitreux sur le régule d’ar- senic . 3iS

sente ,

TABLE. 467

§. IX. Effets de l’acide de sel marin sur le régule d’arsenic , Page 320

§. X. Effets de l’eau régale sur le régule d’arsenic , 322

TROISIÈME SECTION.

§. Ier. Examen de l’étain mis en œuvre et vendu sous toutes sortes de formes par les maîtres potiers d’étain , 327

§. II. des différentes substances que l’on est dans

l’usage d’allier à l’étain , 33o

§. III. Proportions du cuivre , 335

§. IV. Proportions du bismuth , 337

§. V. Proportions du zinc , 339

§. VI. Proportions du plomb , 342

§. VII. Proportions du régule d’antimoine , 343

§. VIII. de l’étain fin et de l’étain commun, 344 §. IX. Du vieux étain , 3/±6

§. X. de la claire étoffe , 349

'§. XI. Des divers moyens qu’on peut employer pour reconnoître les substances alliées à l’étain, et en faire le départ , 35o

§. XII. Départ du cuivre d’avec l’étain par l’eau ré- gale et l’acide marin , 333

§. XIII. Départ du bismuth et du zinc , 356

§. XIV. Procédé pour départir le plomb d’avec l’étain , 36 1

§. XV. Manière de s’assurer de la quantité de plomb qui aura été introduite dans un étain , 365

T A B IL E.

468

§. XVI. Des deux essais usités chez les potiers d’étain , l’un appelé à la pierre , l’antre à la balle ou à la médaille , Page 368

§. XVI Zus. De l’essai à /a balle , 371.

Poids des balles que m’a donné le moule dont je me suis servi , 373

Récapitulation ou précis des première, deuxième et troisième Sections , 375

Addition. Procédé pour départir l’argent d’avec l’étain , 385

QUATRIÈME SECTION,

Contenant la réponse à la question proposée , 3^1

PREMIÈRE QUESTION.

L’étain considéré dans son état de pureté est-il un métal dangereux ? 3^5

1

SECONDE QUESTION.

Un étain qui contient quelques atomes de matière

arsenicale, peut-il être dangereux? 411

TROISIÈME QUESTION.

Les métaux ou demi-métaux qu’on est dans l’habi- tude d’allier à l’étain pour lui donner de la dureté, peuvent-ils en rendre l’usage dangereux ? Ifîi

Observations sur le cuivre étamé et sur le fer- blanc , 445

Fin de la Table ,

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