BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SÇAFANS DE LA GRANDE-BRETAGNE: Pour les Mois D'OCTOB. NOVEMB. et DECEMB. M DCC XXXIX/ TOME Q^UATORZIEME, P R E M i E R E P A R T i E. A L â U A TE^ Chez PIERRE DE HONDT. mmmmmmnmm BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SAVANS DE LA GRANDE BRETAGNE. Pour les Mois d'Octobre, Novem- bre ET Décembre. MDCCXXXIX. ARTICLE PREMIER. An Hiflorical and Political Difcourfe of the Laws and Government of Eng- land , &c. Cefl: - à - dire : Discours Hijiorique &? Politique fur les Lo'ix ^ le Gouvernement d' Angleterre ^ Êf c. par Mr. Jean S e l d e n. Se- cond Extrait. ( On peut voir le pre- Tovie XIV. Part. I. A imier % Bibliothèque Britannique, mier dans la première Partie du Tome précèdent, p^^.178, i^ fitiv.) DAns le Chapitre quarante -quatrième l'Auteur traite de l'Entrée des Nor- mans en Angleterre. Il y parle des raifons furlefquelles Guillaume fondoit Ton droit. Ilétoit Coufm-germain d'Edouard le Con- fefleur , & par confequent alTez proche hé- ritier de la Couronne , quoiqu'il ne fût pas le plus proche : mais il étoit bâtard , & les Loix Saxonnes excluoient les Bâtards. Guillaume allégua donc en fa faveur les Loix de la Normandie, qui ne mettoient point de différence à cet égard entre les Bâ- tards &les Enfans légitimes. AufTi Ton Fils Henri T. dit-il exprellément dans une Char- tre, que Guillaume fucceda à Edouard par droit héréditaire ; Qui Edwardo Régi fucceffit inre^num jure bcsreaitario. Guillaume prétendit outre cela , qu'E- douard l'avoitinftitué Ton héritier ; ce qui avoit été confirmé par la Noblefle, & par- ticulièrement par Harald lui-même , qui , pour rendre lachofe plusaflurée, lui avoic promis fa Sœur enm.ariage. Guillaume,ainfî muni d'un double droit , d'un droit héré- ditaire & d'un Droit d'Eledlion, voulut encore fe fortifier de l'autorité du Pape. Il je fit Juge de i^es Prétentions , & le Pape , charmé de cette déférence, ne m.anquapas de décider en faveur de Guillaume , ce qui lui OCTOB. NOVEME. ET DlCWB. 1720. 3 lui gcgna tout le Clergé d'Angleterre; au lieu que Harald, ayant acquis la Couronne fine au6loritate Eccïefice , fans l'autorité de rEgiife, eut pour ennemis le Pape & tous les Prélats du Royaume. Dans le Chapitre quarante - cinquième ^ Mr. Selden fait voir que les Rois de la Race Normande n'ont point prétendu pofleder la Couronne d'Angleterre à titre de con- quête, mais que leur droit étoit fondé fur riîledion du Peuple. Outre qu'on ne con- çoit pas pourquoi ces Princes auroient ai- légué d'autres raifons de leur droit , s'ils avoicnt conquis la Couronne par la force des armes , il paroît évidemment par la manière dont Guillaume I.& fesTuccelTeurs ont éré couronnez , qu'ils font montez fur le Trône par voye d'Kleétion. A leur Cou- ronnement ils promettoient folemnelle- ment de ciéftndre l'E^Ufe ^ les Eccléfiafiiques , de gouverner tout le Peuple avec juflice , âefaU re des Loix équitables, & de maintenir celles qui étojeiit déjà établies , 6* d'empêcher toute violen- ce àf tout jugement injiifte. Le peuple s'en- gageoit de fon coté, d'être fidèle à fon Sei- gneur ^ Roi GiLillaume , de défendre en totiî lieu (es dignitez âf P^s biens , ^ de le foutenir contre tous fes ennemis, ^ contre tous étran- gers. C'eft en fubftance le même ferment de fidélité & la même promefle réciproque qui étoit en ufage du tems des Saxons, comme notre Aut'eur le fait voir. Jl allè- gue plufieurs autres raifons, par lefquelles A 2 il 4 Bibliothèque Britannique, il paroîc , qu'il eft impoflible que Guillaume aie prétendu polleder l'Angleterre par droit de conquête. Une de ces raifons , c'eft la Loi d'JJociation que ce Prince établit , &: par laquelle tous les hommes libres juroienc de fe tenir unis comme des Frères , de facri- fier leurs biens âf leur vie pour défendre le Royaume de tout leur pouvoir contre tous les enîiemis de lEtat , de maintenir la Paix ^ la dignité de la Couronne ^ de foutenir le Droit f^ la Jujiice fans fraude £5' fans délai. Il paroît par -là , dit Mr, Seldeu , que les Anglois n'étoient obligez envers les Rois Normans qu'à une obéifTance quifûc compatible avec cette AfTociation , & avec le foin qu'ils dévoient prendre fur toute chofe du bien public. Une pareil- le obéïflance n'eft fans doute rien moins que paflive , & ne fçauroit fuppofer un pouvoir arbitraire, fondé fur le Droit de conquête. Aufli efl-il certain que Guillaume II, qui fucceda au prétendu Conquérant, eutbe- îbin de la faveur de la Nation , (i-non ab- folument pour monter fur le Trône , au moins pour s'y maintenir. Le Clergé ne voulut point le reconnoître,que premiè- Tement il ne les eût alTurez de fa protec- tion, & il leur fit toutes les promcHes &z toutes les protellations qu'ils purent dé(!- Ter: & comme au bout d'un an il eutbe- foin de la faveur des Communes pour Ce foutenir cootre fon Frère, il leur fit au- tant OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. y tant de promefles d: de proteflations qu'il en avoi: faites au Clergé: mais il oublia bientôt les unes 6: les autres ; de forte qu'il y a lieu de s'étonner, dit Mr. Sel- den , qu'un Prince qui n'avoit d'autre droit à la Couronne que le choix 6: la bien- veillance du Peuple , ait pu régner comme il fi: , 6: mourir pourtant fur le Trô- ne. Car la faveur du Peuple eft comme un Météore à qui iî faut fournir conti- nuellement une nouvelle nourriture, au- trement il s'éteint bientôt. Il ell certain que le Prince Robert avoit le droit hé- réditaire de Ton côté, qu'il étoit plusbra- vc que Guillaume, éc qu'il avoit plus d'ex- penence dans la guerre; ce qui 'lui avoit gagné l'amitié des Normans. Le Clergé s'étoit auill déclaré pour iui, après avoir connu combien peu on pouvoir compter fur ks promeiTes de Guillaume. En un raot,Ro- bert é:o:t à tous égards û fupérieur a Ton Frère , que n celui-ci fe maintint fur le Trône , on ne peut , foivant Mr. Selden, l'at- tribuer qu'à une Providence toute parti- culière. Mais l'Editeur remarque là-deflus dans une Note marginale . que ce fut l'af- fection que Guillaume témoigna aux An- gîois , qui lui conferva la Couronne , & que ce n'a été que fa conduite envers le Cîergé,quiaeng3géle.s Moines a le dépein- dre des couleurs les plus noires, fur quoi on nous renvoyé à fa Vie ô; à fes Loix, publiées par \Vilkins. A 3 Guil- 6 Bir.LIOTHEQUE BniTANNIQUP., Guillaume II. eue pour luccedear fon frè- re cadec Henri I , Prince d"unarand méri- te, &: donc la prudence moderoic le cou- rage. vSon droit à la Couronne n'étoicpas mieux fondé que celui de Tes deuxprede- cefleurs : il l'étoic même moins, puifqu'il K'avoic pas 5 comme eux, un Teftaraenc à alléguer en fa faveur. t)'8illeurs Roherc, fon Frère ainé,vi\'oir encore , (Se lefervice qu'il avoit rendu à rEgiife dans la Guer- re fninceîpouvoitlui concilier la bienveil- lance du Clersé. Cependant les Anglois j jgeren: que fienri leur convenoit mieux, ji'ecoit actuellement dans le Pais, à Ro- bert étoit .à Jerufaîem. Henri étoit né en Angleterre , & avoit é.é élevé félon les Mœurs & les Coutumes des Ang:ois;jl paroiiloit plus franc & plus fage que fon Frère , & plus enclin à la Paix : de forte que les Anglois 6: les Normans, las d'une guerre qui avoit duré trente ans , furent aifem.ent décerm.inez à choifir un Prince qui leur promettoit un Gouvernement tranquille. Ils firent donc une Convention avec lui : ils promirent de lui obéir avec fi- délité , «S: il leur promit de fon coté . de les gouverner avec juftice. Cette Convention établie par les Loix Saxonnes, avoit été fouvent confirmée par les deux Guillau- mes , qaoiau'ils Teuffent violée plus d'u- ne fois. V C'eftainfi , ajoute notre Auteur , „ que les trois Rois Normans parvinrent ,^ au Tiône; le premier par les armes. „ fous OCTOB. NOV'EMR. ET DeCEMB. I739. 7 ff fous l'apparence d'un droit réel; Je fe- ,, cond par une efpece de droit, & en ap- f, parcnce par les armes; 6c le troifième ,:, par la faveur de la Nation ; mais tous ,, crois par voye de Capitulation , d'EIec- ,, tion & de 'Convention; & ils ont tous ,y trois tdché de fe conferver la faveur ,, du Peuple, tantôt plus, tantôt moins , ,, félon la diverllcé des occurrences ". l'E- diteur remarque là-defTas dans une Note, que ces trois Princes jurèrent tous à leur Couronnement ;,de gouverner félon les Loix anciennes , & particulièrement félon les bonnes Loix d'Edouard le Confeileur ; mais , pourfuic - il , les Hidoriens obfer- vent , que c'éioit en ce îenis - là la coûtmiie des ,Pr:;ices de faujjer leur ferment. Dans le quarante -Jî^ième Chapitre (Scies fois fuivans, on fait voir que les Princes Normans ont gouverné l'Angleterre félon les principes & les maximes des Saxons leurs prédeceffeurs. Guillaume I employa le peu de loifir qu'il eut, à régler les Loix du Pais; ce qu'il fit, non pas de fa propre autorité , ni par l'avis de la feule Noblefle de Normandie, ou d'un pecit nombre de Favoris^comme quelques Aureurs l'ont pré- tendu , mais par l'avis du Grand Confeil des Seinrneurs , (S: des Sages de la Nation Ansî'oife; comme on le prouve ici par des témoignage*; inconteftables. On fait voir aufTi , que Guillaume II &: Henri I ont con- fulcé avec ie Parlement, ou Grand Con- A 4 feil s Bibliothèque Britannique, feil de la Nation. Il paroît même que les Grands-Officiers de la Couronne, fans en excepter lesEvêques& les Archevêques, étoient choifis par le Parlement. Le Parlement, quoique convoqué quel- quefois par TArchevêque, ne l'étoic pour- tant que fous l'autorité du Roi, aiiào- ritate Regid: il étoit compofé d'un grand nombre d'Eccléfiafliques & de Laïques, de Riches , & de gens d'une condition médiocre, viagnœ multitudinesClericorinn^ Laicorum , tam clivitum quàm îiiediocriiim. On y traitoit tantôt d'Affaires Eccléfiafti- ques , & tantôt d'Affaires Civiles. Les Laï- ques avoient droit d'y voter,au(ri-bicnque les Eccléfiaftiques , & tout s'y décidoic à la pluralité des fuffrages ; mais le confente^ ment du Roi étoit ce qui donnoit force de Loi à ces décifions : de forte que ces Confeils ne différoient gueres des Parle- mens d'aujourd'hui,!! ce n'eft dans la forme. Quoique le Clergé employât tous fes foins pour augmenter fon autorité, il ne put cependant jamais la rendre tout-à-fait indépendante des Tribunaux Civils. On pouvoitappeller delà Cour EccIéfiaHique à la Cour Civile; & l'Excommunication même , qui femble apartenir en propre à l'Eglife , ne pouvoit être lancée qu'avec certaines conditions déterminées par les Loix; & les Tenanciers, Officiers & Domef- tiques duRoi,ne pouvoient pas être excom- m,uniez fans fa permiffion. La OCTOIÎ. NOVEMB. ET DecEMTÎ. 173p. 9 La Liberté de l'Anglois , dit Mr. Selden , confifle en ces trois points: i. Aêcrefeul propriétaire de fes biens ; 2. A donner fa voix pour les Loix qu'on établit,- 3. A avoir quelque influence fur le pouvoir qui exécu- te les Loix. L'Editeur ajoute à cela un qua- trième point; fçavoir qu'aucune perfonne ne peut exercer aucune autorité, ni au- cune charge, fi ce n'eft par le choix li- bre de ceux fur lefquels il doit l'exercer,- Or on fait voir ici ,que les. Anglois onc pofTedé tous ces avantages fous les Prin- ces Normans. Lorfque Guiliaume vint en Angleterre, une partie de la Nation foudnt le parti de Harald ; d'autres fe tinrent neutres, attendant l'événement; d'autres enfin fe joignirent aux Normans. Les premiers n'ont point été traitez com- me un peuple conquis , mais feulement: comme des rebelles , qui ayant pris les armes contre leur Souverain', étoient par cela mémefujets à la Loi qui condnmnoic les traîtres à les rebelles à la perte de leurs biens :mais ceux qui fe tinrent neu- tres , ou qui prirent le parti de Guillaume , ne fouffrirent aucune perte dans leurs biens ni dans leur libertéibien loin de-là, car Guil- laume fit une Loi, qui afiTuroit à tous les Hommes libres de l'Angleterre la pofiefiion de leurs terres: cette même Loi ordon- noit,que les biens-fonds defcendroienc des Pères aux Enfans par droit de ilic- ceffion à jamais. A s Les îc Btrliotheque Britannique, Les Ho.nmei libres avoieric aufîî lo droic de donner leurs fatFrages pour l'é- tabiinTeiTient: des Loix : puifque , comme on l'a vu ci-deTas, c'étoit le.Confeil de la Nanon qui faifoit les Loix. Enfin dans Texécution des Loix,c'étoient les Hommes libres qui jugeoient du fait y comme il paroîc évidemment parles Loix d-2 Guillaume I,(Sc par celles de Henri L C'é'oienc aufTl les Hommes libres qui choi- liiToienc le Shérif; de ils avoient le droic d'impofer une punition aux juges qui fe laiiToient corrompre. . Dans le Chapitre cinquantième & les trois fuivans,on compare les Loix Saxonnes avec celles qui étoienc en force fous les Rois Kormans, & l'onfait voir les changemens qui y font arrivez. Nous n'en rapporte- rons qu'un feul exemple, afin d'abréger. Quicor.que aura commis un homicide ou un meurtre .fera mis à Vamende, C'écoic une an- cienne Loi des Saxons, qui fut en force jufqu'au temis d'Alfred : mais ce Prince , qui abhorroit le meurtre, ordonna qu'il feroic déformais puni demiOrt. Les Danois adou- cirent cette Loi , & les Normans ne voulurent point fouffrir qu'aucun crime fût puni de mort. Ils n'établirent point d'autre punition que la mutilation , l'amen- de à. la confifcation ; (Se de peur que par des punitions fi légères ils ne parûfTenc encourager le crime , ils répandirent par- iiii le peuple cette idée , qu'une vie mal- heu- OcTon. NovEMn. ET DscEMn. 1739 ri hcureufe eil un plus grand fapplice que la rnorc même. Le Chapitre cinquante - quatrième zrzite de la JMiiice du tems des Normans. Le droic de lever des Troupes ne peut aparcenir qu'à l'Autorité légiflativei ou à l'Autorité executive, L'Autorité iégiflative réfidoit fans contredit dans le Grand Confeil de la Na- tion , qui fjul avoit le pouvoir de faire des Loix pour le gouvernement de l'Etat en temsde paix. Son autorité étoit la mê- me par rapport à la Guerre , au moins lorf- qu'il s'agillùit d'une Guerre dans laquelle tout le Royaume étoit intéreiTé. Car il faut faire de la différence entre une Guer- re qu'un Prince entreprend pour fe ven- ger d'une injure faite à lui perfoneîle- ment , & une Guerre entreprife par tout un Royaume, ou par le Corps repréfenta- tif du Royaume, Une pareille Guerre ed pour l'ordinaire défenfive; elle eil ra- rement Oîtenfive, à moins qu'il ne s'a- gide de recouvrer quelque droit;, ou quel- que pofrelTion. Or lorfque les Princes font la Guerre pour leur intérêt particu- lier, ils ne peuvent point obliger leurs f> jets de le-sfervir perfonellement, ni lever des Taxes fur leurs biens. Telle étoir, Ç\i\- vant notre Auteur Ja Guerre que HaraLl entreprit contre Guillaume; le Corps de ja Nation n'y fut point intérelTé: de -là vient que la plupart des Anglois n'en fouf- frirenc point. Dans un pareil cas, lorf- qu'.;n 12 Bibliothèque Britannique, qu'un Prince a de l'argent, il peut lever une Armée à fes propres fraix ; mais alors ce n'eit point l'Armée de l'Etat. Lorfqu'il s'agiflbit d'une Guerre entre- prife pour défendre les intérécs de l'Etat oi de la Couronne, comme ont été tou- tes les Guerres depuis l'entrée des Normans, Mr. Seldenfoutientjque le Droit de lever de l'argent apartenoit unique- m:nt au Grand Confeil de la Nation; car il y avoit une Loi exprelTe, par laquelle il etoit établi qu'oji n'impoferoit ^ni ne leve^ rrnt aucune Taxe , que celles qui étoient en u- fage du tems (f Edouard le Confejfeiir. Pour ce qui regarde la levée de Soldats & la proVition d'Armes , la chofe étoit rég'ée\):[v Redevance, ou par une Loi par- ticulière. A l'égard de la Redevance,il étoit établi par contrat , que cenx qui tenoient des Terres noblement , ou en Fief de Hau- bert *,feroient prêts avec leurs armes d'af- îifter le Roi pour la défenfe du Royaume: de forte qu'ils n'étoientpas obligez de l'af- fifter dans aucun autre cas. D'autres é- toient obligez par une Loi particulière à fervir en cas de befoin ; car tous les ha- bitans du Royaume tenoient leurs terres fous cette obligation générale , de fervir FEtat lorfqu'il "^feroit en danger: c'eft- là la iidélité & l'obéïflance que tous les fujcts doivent à l'Erat; s'ils y manquent, ils * They that hcld by Knighî-Service. OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. I739. I3 ils font traîtres à la Patrie , & tous leurs biens font confifquez , félon une ancienne Loi Saxonne , renouvellée par Henri I. On ne fçauroit douter non plus, ajoute notre Auteur, que la conduite de la Guer- re n'ait apartenu de droit au Grand Con- feil, autant au moins que la chofe étoic poffible: aufTi trouve-t-on que ce Confeil fit des Loix fous Henri I pour régler la difcipline militaire, & ordonna en parti- culier, que quiconque abandonneroit fon Drapeau durant la Bataille, feroit puni de mort , & que tous fes biens feroient con- fifquez. Dans le Chapitre cinquante -cinquième , on entreprend de prouver, qu'z7 e(t impojjthle que Us Normans fe fuient établis en Angleter- re par voye de conquête. Pour établir cette thèfe , on confidere la conduite de Guil- laume par rapport à trois fortes de per- fonnes , fçavoir les Normans , le Clergé & les Communes d'Angleterre. On ne fçauroit douter qu'il n'ait favori- fé les Normans autant qu'il a pu ; ils é- toient fa principale force, fans euxiln'au- roit rien pu faire. Il n'eft pas moins cer- tain , que long-teras avant l'arrivée de Guillaume en Angleterre, & malgré la mer qui fepare ce païs delà Normandie, il y avoit eu déjà un grand commerce entre les deux Peuples ; qu'il s'étoit fait des ma- riages & des alliances entr'eux , de forte que les Normans faifoient actuellement ua 14 Bibliothèque Britannique, un parti confiderable en Angleterre, & il étoit de rince rêc de Guillaume , de leur té- moigner autant de faveur qu'il en témoi- gnoit à ccbX qui l'avoient luivi dans Ton expédition ; & comme les uns (Se les au- tres étoicnt du même païs, & pour ainfi dire du mên^e fang, il étoit impolllblede les empêcher de s^unir entr'eux, & de form.er une efpece d'alTociaticn. Cepen- dant Guillaum.e ne pouvoit pas pofTeder l'Anglererre à titre de conquête , à miOins qu'il ne prévînt cette aflbciation , & qu'il n'empêchât ceux qui lui avoient aidé à conquérir le pais, Je s'unir avec ceux qui étoient conquis. Déplus, la manière dont il recompenfa Ton Armée fait voir , que quand même on fuppoferoit qu'il a con- quis le Royaume, au moins il efl impof- fjble qu'il l'ait pofledé en Conquérant. Il donna à Tes Solc'.ats des Seigneuries &des Terres , pour les pofTeder en frnncs-FieJs , félon tous les anciens droits & privilè- ges du Païs ; ce qui étoit incompatible a- vecce pouvoir arbitraire qu'on veut que le Conquérant ait exercé. Enfin Guil- laume n'étoit rien moins que defpotique, même en Normandie ; Tes fujets , defcendus des peuples du Nord, vivoient à-peu-prcs fous les mêmiCS Loix que les Saxons : peut- on concevoir,qu'après lui avoir aidé à con- quérir un Royaume dans lequel un grand nombre d'entr'eux s'établirent , ou é- toienc déjà atluellem.ent établis , ils ayent vou- OCTOB. NOVEMB. ET De CE MB. ^1739. T5 voulu lui donner un pouvoir qu'il n'a- voit pas eu dans fon propre païs? La conduite que Guillaume fut obligé de tenir à l'égard du Clergé, fait voir en- core qu'il n'a point régné en Conquérant. Le Clergé poilédoit près de la moitié des Terres, & par confequent une très-gran- de partie des forces de tout 1e Royaume, fans parler du pouvoir qu'il avoit fur la confcience du peuple : il étoit de plus fourenu par le Pape , que Guillaume lui- môme avoit choifi pour juge. Ce Prince étoit donc dans la nécefTité d'avoir beau- coup de ménagement pour le Clergé. Enfin la conduite qu'il a tenue en- vers les Communes d'Angleterre, montre qu'il n'a point conquis le païs, à parler proprement. Parles Communes , VAmeut entend ici tous les Laïques qui polTe- doient des Terres. Les uns, en fe rangeant de bonne-heure au parti de Guillaume, é- viterent par cela môme de fentir le poids de fes armes vii^orieufes ; les autres , en fe tenant neutres & en attendant l'événe- ment , ne purent point être regardez comme des ennemis : au contraire le Prince crut avec rai fon, qu'en les traitant avecdou- ceur,il pourroit aifement les engager à fe dé- clarer pour lui : auiïi les comprit-il dans la Loi par laquelle il accordoit au Peuple la jouiiTance & la poifefiion paifib^es de leurs Terres & de leurs biens. D'autres enfin , en fe défendant CQurageufemecc, obtinrenc dwi i5 Bibliothèque Britannique, des conditions avantageufes ,• car la France* qui craignoit que Guillaume ne devînt trop puiffant, avoit déjà perfuadé au Peuple de la NormandiCjdenelui plus envoyer denou- veaux recours , & ce Peuple n'avoit pas eu de peine à fe lalfler perfuader, parce qu'il appréhendoit que le Duc , devenu trop puilTanc,ne voulût les gouverner d^une manière defpotique. Il étoit donc de l'in- térêt de Guillaume de régler au plutôt fes affaires en Angleterre, & de gagner par des conditions avancageufes , ceux qui avoient témoigné tant de courage en lui réfiflant. Si •donc on convient que Guillaume n'a point pu gouvern-er à titre de conquête,ni fe Cler- gé d'Angleterre, ni ceux qui fe font joints à lui , ou qui font demeurez neutres,ni ceux qui lui ayant réfîilé jTont pour ainfi dire obligé à capituler avec eux ; il s'enfui- vra "que la plus grande partie du Royau- me ne fouffrit aucun changement, fi ce n'eft dans la Perfonne même du Prince. Cependant blendes Auteurs prétendent prouver par des faits , que Guillaume a ré- gné en Conquérant & d'une manière def- potique. Mr. Selden examine leurs raifons clans le Chapitre cinquanie-fixième. Le Con- quérant, dit-on, changea les Loix , (^ en fit de nouTielles à fa fantaifie \ iliiitroduifitun nouveau Droit Coûtumer ; il moîefta fesfujets par des extor fions & des violences. A'îr. Selden remarque d -abord en général, que les Au- teurs qui ont fait ces reproches à Guil- laume , OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. 173g. î? lanme,ronc des Moines, qui étant renfer- mez dans leurs cellules , n'ont eu que peu de connoifTance des affaires publiqu s, & n'ont prefque rien fçû que par ouï-dire. Ils prennent fouvenc les chofes de travers ; ils les exagèrent, en les déguifant & les repréfentant fous un faux jour , fuivant que leur intérêt les guide. Car fi on veut examiner avec foin le Règne de Guillau- me I on trouvera qu'il lailTa indifférem- ment aux Normans & aux Anglois la pro- priété & la pofTeffion de leurs biens. Et quoi- qu'il y aie quelque chofe de vrai dans ce qu'on dit qu'il a pillé des Couvens , per- fécuté la Noblefle Angloife , depofédes Evêques étoienc aulli différentes que leurs profenions. L'Auteur remarque très-bien, qu'une Re- formation parfaite n'elt pas une chofe qui puiffe s'exécuter tout d'un coup , & que le Règne tumultueux d'iidouard VI. ne permettoit pas d'amener la Difcipli- ne Eccléflaftique à fa perfcdion. Mais aufll, ajoute-t-il , que l'on juge s'ileflrai- fonnable de prendre Ja Dilcipline , telle qu'elle étoit fous le Règne de ce Prin- ce, pour le modèle d'une Difcipline par- faite. De-là l'Auteur paiïe au Règne d'Elifa- beth. Outre les caufes qui avoient em- pêché les progrès de la Reformation fous Edouard VI , il y en avoit plufieurs au- tres fous cette Princefle. La Reine Ma- rie avoit laifle le Royaume fort affoibli ; toutes les Charges confidcrabies de l'E- tat étoient entre les mains des Papiftes: les grands Juges, les Avocats, les Juges- de-paix étoient pour la plupart Catholi- ques, les Evêques étoient tous attachez au Pape, de qui on ne pouvoic nrten- dre que des excommunications fulminan- tes , & des fentences par lefquelîe-- le peuple étoit déchargé du ferment de fidé- lité qu'il avoit fait à la Reine. De pJus , les 28 BibliothequeBritannique, les Confeillers d'Elifabeth lui perfuade- yent,que tout changement dans la Difci- pline cauferoit une Révolte générale. On nomma pourtant quelques Théologiens modérez , auxquels on joignit le Cheva- lier Thomas Smith , pour examiner & purger la Liturgie, C'étoient en effet des Théologiens modérez , nous dit-on ici ; ils n'étoient ni froids ni bouillans \ 6)L Grin- dal,le plus fage d'entre eux, qui fut en- fuite Archevêque de Cantorbery, fut dif- gracié , & fufpendu même du Gouverne- ment de fon diocèfe , parce qu'il favori- foit trop les Minières Presbytériens. Dès la féconde année d'Elifabeth, les Confti- tutions d'Edouard VI 5 dont ceux-là mê- me qui les avoient dreffées , n'étoient pas fatisfaits , furent confirmées par le Parlement comme les meilleures , pour n'être plus changées à l'avenir. Depuis ce ternes - là ce ne fut plus qu'emprilbn- nemens , que vexations , que difgraces pour tous ceux qui n'approuvoient pas les Décrets de la Convocation ; dès qu'ils paroifToient y trouver la moindre chofe à reprendre , on leur donnoit le nom flétrilTant de Puritains. Pour ce qui eft de la Reine , on lui fit entendre que la fuppref- fion de l'Epi fcopat diminueroit fa préro- gative Royale. Mais d'où vient que les Prélacs voulurent lui donner cette pen- fée? Ne le leur demandez pas , dit Mil- Êon , demandez-le à leur ventre. Ils avoient trou- OcTOB. Novemb. et Decems. 1739. 29 trouvé un bon domicile, ils étoient alTis fous le doux ombrage d'une treille, & un très - bel Héritage leur étoit écbû. Ce fuc- là peut-être le principal obftacle qui em- pêcha une plus grande Refo^mation de l'Eglife fous le Règne de cette Prin- cefle. Ceci conduit infenGblement notre Au- teur à parler du tems oîi il vivoit lui-mê- me. Il recherche qui font ceux qui arrê- toient les progrès de la Reformation , & il les diflingue en trois claifes : fçavoirles Partifans de l'Antiquité , les Libertins 6c les Politiques. Pour réfuter les premiers, qui foutien- nent que l'Epifcopat eft fondé fur la pra- tique de l'Eglife primitive , Milton entre- prend de prouver trois chofes : premiè- rement, que fi on veut réduire les Evê- ques à la condition ou ils étoient dans les tems les plus purs, il faut diminuer beaucoup leur autorité, leur pouvoir 5c leurs revenus; ce dont ils ne s'accom- moderoient gueres mieux, que d'être en-» tierement fupprimez. En fécond liou , que même ces tems qu'on appelle les plus purs, ont été corrompus, & que les Livres écrits alors ont été altérez: en- fin que les meilleurs Auteurs de ces tems- là ne prétendent point qu'on s'en rap- porte à eux, mais qu'ils renvoyent tou- jours leurs Lecteurs à l'Ecriture faince. Pre- 30 Bibliothèque Britannique, Premièremenc donc , fi on veut s*ea rapporter à rAntiquité, il faut que les Evêques fuient choifis par toute PEglife, fuivant ce que S. Ignace , le plus ancien des Pères, écrit à ceux de Philadelphie; que c\Jî à eux y entant qu'ils font l'Eglifede Dieu y qu apartient le droit de cboifir un Evéque. Et 11 eil à remarquer, qu'il les exhorte de choifir un Evêque pour la vil- le d'Antioche: d'où il fembîe qu'on puif- fe conclure , qu'on ne connoifibic pas en- core alors ce qu'on a appelle dans la fuite un Diûcèfe. AuQi Cambden , grand partifan de l'Epifcopat & de l'Antiquité, ne laiffe- t-il pas de remarquer dans fa defcription de i'Ecofrq, que les Ei-êques nétoient point at- tachez ancitnnemenî à un certain dijirict ou diocè,e, jufques à ce que le Pape Denis en eut fait le parta^j^e environ lan 2(58. & que les Eriqms d'EcoJJe txerçvient leurs fondions in- différemment par-tout ié ils fe trouvaient, fans aucune dijiinclion , jujquau Règne de Mal- colm îllf environ Van 1070» Si les Kvêques n'écoient pas attachez à un certain diocèfe, moins encore pofle- doient-ils de gros revenus dans ces an- ciens rems , au moins en Angleterre ; puif- que Iq.?: Evéques de ce pais, appeliez au Concile de Rimini en l'année 359 , étoienc fi pauvres, qu'ils n'avoient pas de quoi foutenir la dépenfe du voyage , & que l'Empereur fut obligé de les défrayer. Après OcTon. NovEMB. Et Decemb. 1739. 31 Apres cette digreiTjon, l'Auteur revienc à l'Eledlion des Evêques , & cite plu- lieurs pafiages pour prouver qu'elle a- partenoit anciennement au peuple. La preuve la plus forte eil celle qui eft ti- rée de l'autorité du premier Concile de Nicée. Les Pères de ce Concile, dans une Epître Synodale aux Eglifes d^Afri- que,les exhortent de choifirdes Evêques Orthodoxes , pourvu que d'ailleurs ils foient dignes de TEpifcopat , 6c que le peuple ]çs approuve. D'où il femble qu'on peut conclure , que . fuivant le fentiment de cer, Pères, l'approbation , ou même le choix libre du peuple, étoient abfolurrcnc néceflaires pour faire unEveque, quelque mérite qu'il eût d'ailleurs. Les Anglicans foutiennent , que les Evê- ques font fupérieurs aux Prêtres. 11 n'en étoit pas de même dans riiglife prim/iti- ve, fi nous en croyons notre Auteur, ou fi nous nous en rapportons aux té- moignages qu'il cite. S. Ignace avoue, que les Prêtres font fes Collègues dans ' le Gouvernement de l'Eglife; & S. Cyprien , parlant des Prêtres , les appelle fouvent fesCompagnonsdansla Prêrrife , ruvTpfcpi- Tspoi, & comme s'il ne fc fût regardé lui- même que fur le pied d'un fîmple Prêtre , il donne aux autres le titre de Frères , quoiqu'il fût Evêque. On dira peut-être que ce n'étoit-là qu'un effet de fa mo- deflie ; 32 Bibliothèque Britannique, deftie; foit : mais que dira-t-on des Prê- tres à. des Diarres , qui en lui écrivant croyent l'honr)rer aflez en ne l'appel- lant que Frère , & cher Cyprien ? Cela ne prouve- c- il pas une eipece d'égalité entr'eux. Pour ce qui regarde l'Autorité , elle ne réfidoit pas dans la perfonne de l'E- véque feul , mais dans tout le Collège des Prêtres ou anciens ^ comme il paroît par le témoignage de S. ignace qu'on vient de rapporter , & par plufieurs pafTages de S/Cyprien ,que Milton indique ici. On trouve encore quelques traces de ce Gouverncmenc Presbytérien dans le cen- tre même de l'Apoltalie , je veux dire à Rome , ou le Pape exerce Ton autorité Eccléfiailique en Confiftoire , afTifté cefes Cardinaux , qui n'étoient anciennement que les Curez des Paroiffes de Rome. Nîais quand même l'Antiquité témoigne- roit en faveur de l'Epifcopat moderne , on n'en pourroit point conclure qu'il eil d'Inllitution divine , ou même Apoft'oli- que; premièrem^ent, parce que ces pre- miers fiécles de l'Eglife ont été corrom^- pus ; fecondement , parce que les plus honnêtes gens de ces tems-là ont eu leurs taches ; en troifième lieu . parce que les m.eilleurs écrus des anciens Pères ont été falfifiez. C'efl ce qu'il faut prouver , dit notre Auteur , par le témoigna- ge OcTOB. NoVEMB. ET Decemb. 1739. 33 ge des Pères mêmes. St. Ignace a- voue * , que de Ton tems il s'étoit déjà élevé de toute part un grand nombre d'Herefies ; & Hegefippe , plus ancien que- lui , déclare , qu'aufTi long-tems que les Apôtres ont vécu , les corrupteurs de la vérité fe font tenus cachez , mais qu'après la mort des Apôtres ils ont eu l'audace de combattre ouvertement la vérité par leurs menfonges f- Ceux même quipaf- fent pour Orthodoxes , ont commencé de bonne - heure à déchirer TEglife par leurs frivoles difputes fur le tems de la célébration de la Pâque. La corruption ne fie que croître dans la fuite; l'orgueil, l'ambition, l'avarice s'emparèrent de tout le Clergé, comme on le prouve ici par le témoignage d'Eufebe. Tels furent donc, continue notre Auteur, cesfiécles les plus purs de l'Eglife, qui s'écoulè- rent depuis J. C. jufqu'au règne de Con- flantin. La corruption ne fe borna pa« à leur conduite, elle pafia jufques dans leurs écrits. Qui eft-ce qui ignore les erreurs monflrueufes , les applications fauflcs & ridicules des paflages de TE- criiure , les puerilitez qu'on rencontre en foule * Voyez Eufebe, Hifl. Ecclef. Liv. III. Cbnp. 35. t Eufebe, îà-même, Cbap, 32. - Tome XIV. Part. I. C 54 Bibliothèque BritâItniqtj^, foule dans les Ouvrages de Juitin Mar- tyr , de S. Clément, d*Origene, de Ter- tullien , & des autres Ecrivainsdes pre- îiiiers fiécles. Ne fçait - on pas aufii , combien d'Ouvra- ges on a forgez fous le nom des anciens Pè- res ? Et ceux-là même qui paiTent pour au- tenciques , combien n'ont -ils pas été falfi- fiez? Combien de pafTages n'en a-t-on pas effacé; combien d'autres n'y a-t-on pas fouré? Mais, dira- 1- on , l'Eglife n'étoit pas encore bien établie alors: n'étant pas fou- . tenue par leMagidrat, ellenepouvoitpas prévenir ni arrêter la licence des faux Frères. C'eft fous Conftantin le Grand , que l'autorité temporelle, unie avec l'au- torité fpirituelle, a donné à l'Eglife fa véritable forme. Les Prélats , répond notre Auteur , exaltent Conftantin juf- ques aux nues, parce qu'il a augmenté leur pouvoir & leurs richefies: s'il eût réprimé l'orgueil , l'avarice & le luxe du Clergé, nous verrions fes défauts & fes vices dépeints des plus noires cou- leurs dans chaque page de fon Hidoire ; nous y trouverions tout ce que Zozime a dit de lui ... . Mais puifqu'on veut abfolument qu'il foit notre guide pour la Reformation de l'Eglife , voyons juf- qu'OLi s'étendoit fa connoiflance par rap- port à la Religion. On OCTOB. NOVIÈMC. ET DeCEMB. I73O. 55 On fçaic qu'il a favorifé les Arriens , con- damnez dans un Concile auquel il avoir préfidé lui-mêmei , & qu'il a perfécuté Achanafe, le fidèle & invincible défenfeur de la Foi Orthodoxe : il faut qu'il n'aie gueres connu la Religion, puifqu'il a dif- féré de fe faire bâcifer prefque jufqu'à fa mort ; au lieu que Philippe déclare , que dès qu'un homme croit que Jefus eft le Fils de Dieu, rien n'empêche qu'il ne foit bâtifé *. La dévotion exceffive , ou plutôt la fuperftition de Conftantin, paroît par le foin qu'il prit de découvrir la Croix fur laquelle Jefus-Chrift a fouf- fert: il en mit quelques doux à fon caf- que, &fur la bride de fon cheval, s'ima- ginant accomplir par-là l'Oracle de Za- charie qui dit, que ce qui fera fur la brid4 des chevaux fera faint an Seigneur f. Il fe figuroit qu'il y avoit une fi grande vertu dans le bois de la Croix , qu'il feroic une efpece de Palladium y pour conferver toute ville ou on en garderoit un mor- ceau ; c'eft pourquoi il en fit mettre un dans une Colomne de Porphyfe qu'il fie élever à Conftantinople. On ne conçoit pas com.ment ce Prince ou fes Dodleurs ont pu fe tromper fi lourdement fur l'ef- ficace que St. Paul attribue à la Croix de * Aft. VITT. ^6. 37. t Zichar. XIV. 20. C 2 ^6 Bibliothèque Britannique, de Notre Seigneur , par où il n'entend vifiblement que fes foufFraoces & fa more, & non pas le vil bois fur lequel il fouf- frit. S'iraagifiera-t-on encore après cela que Con{l:an:in(Sc fes Dodteurs puiiTent mieux nous guider dans la Reformation de l'E- glife , que Jefus-Chrift & fes Apôtres ? Kn quoi confiftoit la Reformation que ce premier Empereur Chrétien établit ? Il ordonna des jours de Jeûne & de Fête; il bâtit de magnifiques Eglifes,* il accor- da de grands privilèges au Clergé,- il don- na des richeffes aux Evêques, & les éle- va aux charges & aux emplois ; il ouvric la porte à un déluge de Cérémonies, foie afin d'attirer par-là les Payens à la Reli- gion Chrétienne , foit afin de réhaufier l'éclat d*une Religion qui paroifToit trop lîmple aux enfans de ce fiécle. Depuis ce tems-là les Prélats ont paru plutôt comme des Princes , environnez de tou- te la pompe & de toute la vanité de ce inonde , que comme les minières & les ferviteurs de l'humble Jefus , dont le règne n'effc point de ce monde. Afin qu'on ne croye pas que Milton eft le feul qui ait une aflez mauvaife opi- nion de Conflantin & de i'cs Evêques , il cite l'autorité de Sulpice Sévère, & la confirme par le tém.oignage de trois cé- lèbres Poètes Italiens, du Dante, de Pé- trarque 6c de l'Ariolte; ^ il conclut cet Ar- OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. 173p. 3^ Article en diTanc, que lorfque les Eve- ques demandent qu^on reforme l'Eglife fuivant ce qu'elle écoit du tems de Con- (lantin, c'eft comme s'il difoie'nt, rendez- nous riches . rendez-nous puiffans , mettez- nous au dejjiis de toutes les Loix ; car tel« éroienc les Evêques fous Conftancin , fi nous en croyons notre Auteur. Il montre après cela, que les Anciens eux-mêmes n'ont pas prétendu qu'on s'en * rapportât à leur autorité, mais qu'ils ont renvoyé tout le monde à l'Ecriture fain- te. Il f*ait voiraudlen peu de mots, qu'il eft infiniment plus aifé de confuker & de comprendre les Ecrirs des Apôtres , que ce nombre prodigieux de gros volu- mes qui coritiennc'nt les Ouvrages des Pcres. Il vient enfuite aux Libertins , qui pré- tendent que la Difcipline Presbytérienne feroit infupportable ; car, difent-ils , au lieu d'un îeul Evêque que nous avons maintenant dans chaque diocèfe , nous aurions un Pape dans chaque Paroifle. U n'eft pas néceflaire de réfuter ces gens- là, dit notre Auteur, ilTumcde les faire connoîcre. Ce font des gens qui hai'flenc toute efpece de Difcipline ; ils veulent vivre en liberté , & fuivre fans contrain- te tous les raouvemens de leurs paflions. La Difcipline Epifcopale dûëmenc admi- niilrée, ne les accommoderoit pas mieux que la Difcipline Presbytérienne. C 3 La 33 Bibliothèque Britannique, La troifième Clafle de gens qui s'oppo- fent aux progrès de la Reformation , font les Politiques. Milton employé toutfon fécond Livre à les réfuter. Les Politiques fouiiennent première- ment, que le Gouvernement Eccléfiadi- que doit être conforme ou femblable au Gouvernement Civil ; en fécond lieu , que le Gouvernement Epifcopal eft le feul avec lequel le Gouvernement Monarchi- que puille fubfifler. Voilà les deux Thè- fes que Milton entreprend de réfuter. Il faut avouer, que parmi quelques raifons qui paroiilent plauGbles, il y a beaucoup de déclamations , & un peu trop d'em- portemient. L'Auteur attribue fouvent à tous lesEvêques^entant que tels, les défauts & les vices de quelques Prélats particu- liers; de forte qu'il femble que fon uni- que but ait été de rendre l'Ordre même' odieux. Nous rapporterons fes raifons , lailTant à quartier tout ce qui fent l'em- portement & la paiïion. Le Gouvernement Eccléfiaflique , dit- on en premier lieu , doit être conforme ou femblable au Gouvernement CiviL „ Mais , répond notre Auteur , fi la Dif- ,, ciplinedel'Eglife fe trouve établie dans „ l'Evangile , "& fi elle ne regarde que ,, l'ame, pourquoi faut-il qu'elîefoitcon- ,, forme au Gouvernement Civil, qui n'a 5, pour objet que la conduite vifible , & „ les actions extérieures de l'homme? Veut- 7i on OCTOB. NOVEMB. ET HeCEMB. I739. 3^). ,5 on ramener la Politique de Jéroboam» „ qui voulut accommoder la Religion à ,5 Tes intérêts particuliers? Ne fut-ce pas 9, en confequence de cette maxime qu'il „ dreîTa des limulacres à Dan& à Béthel? f, (^ue les Prélats, qui veulect paUer „ pour de grands Politiques, confiderenc „ le confeil qu'Eleuthére Evêquede Ro- „ me donna à Lucius , le premier Roi „ Chrétien qu'ait eu l'Angleterre. Lorf- „ que ce Prince Feut prié de lui marquer y, quelles Loix il devoit établir par rap- f, port à la Religion, cet Evêqu€ nefon-r „ gea point à cette belle maxime , que „ le Gouvernement Eccléfiaflique doic ,, être conforme au Gouvernement Ci- „ vil; il le renvoya au Vieux & au Nou- „ veau Teftament , pour y puifer les fy règles qu'il devoit fuivre dans le Gou- 9, vernement de l'Etat aulTà-bien que de „ i'Eglife. Il lui repréfenta , que tenant „ la place de Dieu, il faîoit qu'il gouver- „ nât félon les Loix de Dieu même ; „ que nous ne fommes point tenus de re- „ cevoir les Edits des Empereurs , mais „ que nous ne fçauTions fans crime rejec- ,9 ter les Loix de Dieu. Si donc , pourfuit notre Auteur , l'E- vangile nous enfeipine quelle Difcipline il faut établir dans TEglife , ce que les Evê- qiies ne fçauroient nier 5 on conçoit aifé- mcnt, que leur maxime ne peut être que nouvelle , & qu'elle n'a été inventée que C 4 dans 40 BibliothequeBritanniqu'e, dans la vûë de foutenir les Prélats dans cet état d'élévation auquel ils font mon- tez. Mais leur feroit-il bien poffible de citer un feul exemple , qui faite voir que Ja Difcipline Eccléfiaftique doit être for- mée fur le modèle du Gouvernement Ci- vil. La République des Juifs a paffé par tous les changemcns qu'un Etat puilfe fubir: cependant le même Gouvernement Eccléûaftiquea fubûftédans tous ceschan- gemens, fans que le Gouvernement civil, quel qu'il ait été , en ait jamais foufferc aucun inconvénient. De plus , puifque l'Evangile défend aux Minières de la Religion de fe mê- ler des affaires civiles , il eft impolTi- ble que leurs fondlions purement fpi- rituellesfe rencontrent en oppofitionavec les fonctions temporelles du Magiftrar. Leur emploi confifte à enfeigner la Foi Chrétienne aux hommes , à les exciter à la Vertu , à encourager les gens de bien , à admoneter en particulier ceux qui font les moins coupables, & en public les pé- cheurs fcandaleux 6c obftinez; à feparer de la Comm.union du troupeau de Chrift, ceux qui font incorrigibles , & dont le mauvais exemple feroit contagieux ; à recevoir de nouveau avec joye les pécheurs repentans. Tout cela doit être pratiqué; mais tout ce qui eft au-delà n'eft plus du reffort du Pouvoir Eccléfiaftique. Mais quel rapport y a-t-il encre cette Difcipli- ne OCTOB. NoVEMn. ET DeCEMB. I739. 41 ne de TEglife & le Gouvernemenc tem- porel de l'Etat, foit qu'il foit Populaire , Ariftocratique , ou Monarchique ? Une pareille Dilcipline peut-elle empiéter le moins du monde fur l'autorité du Magi- ftrat civil? Au contraire, lorfque lesMi- niftres s'acquittent dignement de leurs de- voirs, ils ne peuvent que rendre le peu- ple plus confciencieux, plus tranquille, plus fournis à Tes Supérieurs. On prétend , en fécond lieu ^ que le Gou- vernement Epifcopal eft le leul avec le- quel le Gouvernement Monarchique puif- fe fubfifter. Cette Thèfe , dit notre Au- teur , efl: déjà fuffifamment réfutée par ce qu'on vient de dire. Cependant pour ôter toute échapatoirc à les adverfaires , il entreprend de prouver, que l'autorité des Evêques, telle qu'ils fe î'arrogent en Angleterre, efl: non feulement peu con- venable à l'Etat Monarchique, mais qu'el- le tend même à fa déftruction. LesOfur- pations des Evêques de Rome fervent ici de preuves à notre Auteur. Et comme il femble qu'on n'en peut rien conclure contre les Evêques d'Angleterre , il re- marque, qu'il y a long-tems que Chancer, ancien Poëte Anglois , a averti fes com- patriotes de fe tenir en garde contre les Evêques: & pour faire voir que ce n'eii pas fans raifon qu'il leur a donné cet avis, on fait fouvenir le Leéleur des révolces & des féditions caufées par les Evêques , C 5 ^ 4iBibliothequeBritannique\ ù. par leur fuppôts les Moines 6c les Abbez. Oaroaiient que ce fut par leur rébellion contre le Roi Jean , que la Normandie fut perdue , que ce Prince fut détrôné , & que le Royaume fut rendu tributaire du Pape. Point d'Evêques ^ point de Roi , difent les Parcifans de l'Epifco- pat. Mais, luivanc Mikon , ce n'eft-là qu'un artitice que l'ambition a fuggéré aux Prélats pour engager les Princes dans leurs intérêts. Quel efl: le plus ferme appui du Trô- ne V Ced la Jullice, qui feule peut con- cilier, au Prince l'amour du peuple , aug- menter le nombre de fes fujëts , leur élever le courage , à. enrichir le pais. M ais Il nous en croyons Milton , les Evêques ont confiderablemenc affoibli le Royaume à tous ces égards. Combien n'y a-t-il pas eu de fidèles fujets & de bons Chré- tiens qui ont été obligez de quitter leur patrie, pour fe mettre à couvert de la fureur des Evêques ? Milton , toujours Poëce , s'abandonne ici à fon enthouûaf- me , é. perfonnifiant l^Angleterre , il s'é- crie : ,, Oh î fi nous pouvions apperce- „ voir l'attitude ou eft notre chère Mère ,, l'Anglecerre , qu'elle nous paroîtroic „ trifte, vêtue d'un habit de deuil, la tête „ couverte de cendre, & les yeux baignez „ de larmes à la vûëdetantde millions de „ fes chers enfans qu'on a cruellement ex- 5, pofez, ou qu'on a privez des chofes les 9, plus GCTOB. NOVEMB. ET D£CEMB. 173p. 43 9, plus néceflaires à la vie , parce que „ leur confcience ne leur permettoit pas „ de fe conformer à des cérémonies „ que les Evêques eux-mêmes croyenc in- „ différentes ! Un autre reproche qu'on fait aux Pré- lats, c'cft d'avoir afioibli le Royaume^ en le privant de fes plus fidèles alliez , en refroidilTant tous les Princes & les États Proteftans , qui ne fçauroientignorerque les Evêques & ceux qu'ils'peuvent infec- ter de leurs opinions, ne regardent les Re- formez de delà la mer , que comme autant de Puritains rebelles & rchifmatiques,qui n'ont ni vrais Fadeurs, ni véritables Sii- cramens parmi eux. Il faut avouer que ce reproche pouvoit convenir aflez à quelques Prélats du tems que Milton écrivoit ceci , & peut-être à quelques-uns de leurs fuccefleurs,- mais il faut avouer auiH, à l'honneur des Evêques' d'Angleter- re , que ia plupart d'entre eux ont été depuis beaucoup plus fages & plus modé- rez, témoins les Tillotfon , les Burnec , les Compton, & piufieurs autres qu'on pourroit nommer , fans parler de ceux qui illuftrent aujourd'hui l'Eglife An- glicane par leur modération &: par leur efprit de tokrance, autant que parieur fçavoir. Milton prétend encore , que les Evoques font comme autant de fangfues , qui dé- vorent les Richeiles du Royaume par leurs ce- 44 BibliothequeBritannique, cérémonies , & par leurs Cours Eccîé- fiaftiques. Mais cela nous paroît outré. On veut bien convenir qu'il y a des abus dans les procédures' des Cours Eccléfîafti- ques, comme il y en a dans prefque tous les Tribunaux; mais prétendre que les cérémonies de l'Eglife appauvrilTent le Royaume, c'ell certainement une exagé- ration. Milton va plus loin encore : il prétend que PEpifcopat lappe les fondemens mê- me de l'Etat Monarchique. Pour prou- ver cette Thèfe, il remarque que la Mo- narchie eft compofée de deux parties, la Liberté du peuple , à, la Suprématie du Roi. Il foutient que les Prélats , en dé- pic de la grande Charte , ont débité en chaire des Doctrines faufTes , qui tendoient à miner la Liberté du peuple, foulant au pied les Actes les plus Tacrez du Parlement. Il entend par-là, qu'ils ont foutenuquele Roi a le droit de lever de l'argent fans Je confentement du Parlement; Doctrine qui tendoità porter le peuple à la rébel- lion , & par confequent à miner la Mo- narchie :car un Etat Monarchique le chan- ge aiféinent en un Etat Républicain, dès que le peuple fe révolte. Mais pourquoi accufer les Evêques feuls, ou l'Epifcopac entier, de favorifcr le Défpotifme ? N'y a-t-il pas eu de fimplcs Prêtres qui onc prêché la même Doctrine? Sachéverel, ce flambeau de fédition, étoit-il Evêque? OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. I739. 45 Ilétoit Epifcopal, dira- 1 -on , j*en con- viens. Mais peut-on s'imaginer qu'il ne fe trouveroit fous un Gouvernement Pref- byterien aucun Miniftre, qui pour faire fa cour, & obtenir une meilleure Eglife, voulût prêcher en faveur duDefpotifme? Les Miniftres Presbytériens ne fe mêlent- ils donc jamais d'affaires d'Etat ? Les Hollandois pourroient nous en dire des nouvelles : & lî leurs Miniftres fe tien- nent en repos, peut-être faut-il l'attri- buer à la crainte d'être fufpendus , ou privez de leur falaire , autant qu'à leur modération , & à une prudence Chrétienne. Notre Auteur entreprend enfuite de montrer, combien les Evêques ont empié- té fur la Suprématie & l'autorité du Roi. „ Ils ont toujours , dit-il , les yeux atta- 9> chez fur les objets de ce monde ; leur „ cœur afpire continuellement à des em- „ plois féculiers ; au lieu d'étudier avec „ foin l'Ecriture fainte, ils veulent être ,9 verfez dans la connoiflance des Canons 5, &des Décretales, afin de pouvoir s'ar^ „ roger le jugement & la décifion de plu- „ fleurs caufes civiles, qu'ils prétendent M apartenir par quelque côté au Tribu- „ nal Eccléfiaftique. N'amalTent - ils pas fy des tréfors ? Ne cherchent -ils pas à ?, fe rendre puifTans & confiderables par „ lapofTeffîon de Terres , de Seigneuries , „ de Domaines? Ne veulent-ils pas fe ff mê- 7l.<5 BiBLlOTHEQUEBRITANNTQtfÉ, 9i mêler des Affaires d'Etat? Ne travail- „ lent-ils pas à dominer dans le Parle- „ ment & dans le Confeil du Roi ? Ne ■,5 fe faififlent-ils pas des plus grands Em- „ plois du Royaume ? N'ont-ils pas eu yy depuis peu l'audace d'impofer filenceà „ la Loi civile , & de méprifer , de bra- „ ver même la Majeflé facrée &rerpeâ:a- „ bie du Parlement, la plus grande Cour „ du Royaume & la fource des Loix ? „ Ne travaillent-ils pas ouvertement à yy fouftraire les Eccléfiaftiques à Tautori- „ té du Magiflrat civil? N'ont-ils pas été „ fi préfomptueux que de menacer des „ Officiers qui repréientoient la perfonne „ même du Roi , ôc cela parce que ces „ Officiers ufoientde leur autorité contre ,, des Prêtres qui étoient yvres? ..... ,, Bien plus, quelques-uns de leurs Dif- „ ciples les plus zèlez n'ont -ils pas di(- „ puté ouvertement contre la Suprématie „ du- Roi? Et ne paroît-il pas clairement „ par le Livre & les Canons qu'un des „ principaux d'entre eux a publié de- „ puis peu , qu'il prétend à une au- „ torité Paîriarcbale , indépendante de „ la Couronne, & qui ne lui foit point „ fubordonnée? Ce palTage auroit befoin d'un bon Com- mentaire , qui expofât les faits qui s'y rapportent , qui en prouvât la vérité , qui fit voir s'ils regardent tout le Corps des Evêques , ou feulement quelques par- tie ,OCTOB. N0V£MB. ET DeCEMB. I739. 47 ticuliers» Peut-être que tout cela étoic clair, & encore frais dans la mémoire de tout le monde lorfque Milton écri- voit; mais à préfent on n'en fçauroitrien conclure , à moins qu'on ne fçache à qui il en vouloit. Il infinue encore, que les Evêques ont été la caufe de la guerre qui s'éleva en- tre l'Angleterre & l'EcofTe , par laquelle ils travaillèrent, félon lui, à aftoiblir ces deux Royaumes , que leur intérêt réci- proque devroit toujours tenir unis. Enfuite il tâche de prouver que le Gou- vernement Presbytérien eft très-conforme à l'Etat Monarchique d'Angleterre. „ Tl 5, n'y a point, dit-il, de Gouvernement „ Civil mieux établi ni mieux réglé que „ celui de h République d'Angleterre, oli, „ fous un Monarque libre, <5c quiri'eftpoir^î iyfujet à être contrôlé *, les hommes les ■,> plus nob'es, les plus dignes & les plus „ fages de l'Etat , décident fouveraine- „ ment & en dernier reflbrt des affaires „ de la plus grande importance. Or s'il „ faut qu'il y ait de la conformité entre „ la Difciplîne de l'Eglife 6c le Gouver- „ nement de l'Etat, peut-il y avoir rien „ de mieux réglé & de plus uniforme, que M de voir fous un Prince Souverain, qui ,> tienc "^ Tl y a dans TAnglois witutorei. 4R Bibliothèque Britannique, „ tient la place de Jefus-Chrift , & qui „ gouverne félon les Loix de Dieu , „ que de voir, dis-je , fous un tel Prince „ les Minifcres les plus pieux, les plus „ fages , à. les plus fçavans, gouverner & „ inftruire , chacun félon les fondtions ,y qui lui font aHlgnées, le peuple , qui „ par un choix libre & une éledion volon- „ taire les a confacrez dans leurs char- „ ges, pour former une fainte Ariftocra^ „ tie^ OLi ils font tous égaux entre eux? ,, Ec pourquoi ne confieroit-on pas à la „ pieté. & à la confcience des Anglois , „ entant que membres de l'Eglife , le „ choix de leurs Pafteurs , pour des fonc- „ tions qui n'ont rien qui fe rapporte à „ la Monarchie, auffi-bien que l'on con- „ fie à leur fagefTe mondaine, entant qu'ils „ font membres de l'Etat, le choix des „ Députez au Parlement, pour régler les ,, affaires temporelles ou ils ont un grand „ intérêt? Et puifque cette Election €11 „ établie depuis long-tems dans l'Etat, & „ qu'il s'en trouve bien , peut-on penfer „ qu'une pareille éledtiondans TEglife lui „ fût préjudiciable? L'Auteur répond après cela à quelques objeftions qu'on peut lui faire. Il ne faut pas, dit- on, pafier fubitement d'une ex- trémité à l'autre. Cette règle ell cap- rieufe, dit Milton: on peut l'admettre , lorfqu'il ne s'agit que de chofes indiffé- ren- OCTOB. NOVEMR. ET DtCEMB. 1739-49 rentes : mais fi des deux extrêmitez l'u- ne eft maavaife & l'aurre eft bonne ; l'u- ne eft le Vice , l'autre la Vertu ; Tune la Fauireté, l'autre la Vérité; plus nous ap- procherons de la Vertu & de la Vérité, plus nous ferons vertueux à, fages. Ec pour ce qui eft de la promptitude avec laquelle nous embraflbns la Vérité, elle ne fçauroit être à craindre. Qui efl-ce qui s'oppofcroit au changement qu'on propofe? Les Papiftes ? Ils n'oferoient» Les Proteflans qui penfent autrement que nous ? Il faudroit qu'ils fûiïent fols, puif- qu'on ne veut fupprimcr que les chofes qui de leur propre aveu font indifféren- tes. 11 y a long-tems que le peuple fou- halte ce changement , foit par rapport à ce changement même , foit à caule que les Prélats lui font devenus odieux". Depuis la première année du Reî^ne d'Sli- fabcth on a propcfé ce changement , on l'a fouhaité, on Ta demandé avec inftan- ce ; les Parlemens même ont paru quelquefois vouloir l'établir. Mais quond même il feroit prompt , qu'importe , pour- vu qu'il foit pour le mieux? Ne devons- nous pas fuir le mal , & nous délivrer d*u- ne difcipline erronée & mauvaife, avec la même promptitude que nous fecouerions le feu de notre fein ? Les Reformations que les bons Rois de Juda établirent, fu- rent promptes & fubites. Les Eglifes Protestantes des Païs étrangers pafferent Tvms XIV, Part. I, D tout 50 Bibliothèque Britannique, tout d'un coup du Papifme dans ce que nous appelions par dériflon le Ptmtanif- me^ & cependant nous ne voyons pas qu'il leur en foit arrivé aucun inconvé- nient. Onobje£le , en fécond lieu , que l'abus ne les rend pas incapables de jouir de „ leurs biens, & d'hériter, outre qu'elle „ ne fouffrc pas qu'ils foient inhumez en „ terre fainte. Mais , fuivant l'ufage E- ,> vangélique & reformé de cette cenfure „ Eccléliaflique, on ne doit point appré- „ hender qu'elle foie ainfî proftituée , „ qu'elle foit employée pour priver les „ hommes de leurs biens temporels, quî „ apartiennent de droit même aux plus t9 méchans L'Eglife ne cherche ,, point à détruire le corps , ou à le dé- „ pouiller, elle ne cherche qu'à fauver „ l'ame en humiliant l'homme , non par „des emprifounemens, ou pardesamen- „ des , moins encore par des liens , par „ chaînes, ou par des couds, mais par „ des avertilTemens paternels , & par des ,> cenfures Chrétiennes, pour lui infpirer „ une fainte douleur, dont la fin efl: une M joye inénarrable, & une ferme réfolu- 9, tion de ne plus pécher. Si celanefuf- j, fit pas , alors , comme une tendre Mère , „ elle prend fon enfant entre fes bras , j, & le tient fur le bord de l'abîme , „ en lui faifant entendre des paroles ef- „ frayantes , afin de lui faire connoître oli M efl le danger. Cell ainfi que l'Eglife, ,5 fans prendre aucun argent, fçait'faire „ ufage librement , & même avec ten- ,, drefle, des falutaires frayeurs de l'ex- ,, communication : elle prie, elle infifte, yj (Se par les douces promelîes du falut , D 3 „ elle 54 Bibliothèque Britannique, j^ elle invite, elle engage ; ou par toutes s> les menaces & les foudres de la Loi & ,> de l'Evangile méprifez, elle tonne , elle 39 effraye: voilà toutes fes armes, toute j, fon artillerie ... Si celui qui ell frap- M pé d'anathème avec juftice & fuivanc a les régies Apoftoliques , peut confer- 5, ver fon ame en paix , & ne pas fentir j> au dedans de lui fodeur du fouffre de 99 l'enfer, TEglife ne l'empêche point de 99 compter à fon aife tous fes trcfors, il » n'y trouvera pas un feul denier à dire; 99 il peut manger de ce qu'il y a de plus 99 délicat, boire des meilleurs vins , jouir 99 dt toutes les délices de la vie , pof- }9 feder fes biens , conferver fa liberté : n pas un feul cheveu de fa tête ne fera ,> dérangé , malgré l'excommunication ,, lancée contre fui. A plus forte rai fou 99 un Roi pourra- 1- il jouir de tous fes » droits & de toute fa prérogative, fans o aucune diminution, & être aufli abfo- „ lii , que s'il n'étoic point excommu- 99 nié. L'Auteur confirme ceci par l'exemple des Eglifes Proteflantes de delà la mer. Ces Eglifes prétendent-elles à une vSupré- matie indépendante de celle du Souve- rain ? Leur autorité fe trouve-t-el!e en oppofition avec celle du Magiftrat civil? Pourquoi donc craindroit - on quelque choie de femblableen Angleterre? Mikon conclut ce Traué par une ar- den- OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. I739. 53 dente & aflez longue prière à Dieu, oU il lui demande qu'il lui plaife de hâter & de perfedlionner la Reformation d'Angle- terre , & il la finit par une vive impré- cation contre les Prélats. Nous nousfommes étendus fur ce Trai- té, afin de faire connoître la manière de penfer & de raifonner du fameux Milton far les Matières de Théologie. Nous fe- rons plus courts fur les autres Traitez qui roulent fur la Religion , afin de pouvoir nous arrêter un peu fur les Ouvrages de Policique. Le fecondTraité eH intitulé : Of Prelati- eal Epijcopacy ; de l'Epifcopat des Prélats ; On y examine fi on peut le faire remon- ter jufques au tems des Apôtres, en ver- tu des témoignages qu'on cite à cet ef- fet dans quelques Ouvrages imprimez de- puis peu, dont il y en a un qui eft pu- blié fous le nom de Jaques Archevêque d'Armach. Cet Archevêque ell le célèbre Uflier ( en Latin Ufferius. ) Il avoit pu- blié à Oxford en 1^541. un Traité touchant l'Origine des Evêques & des Métropoli- tains. Milton lui répondit la même année dans l'Ouvrage dont on vient de donner le titre. Le Traité fuivant eft intitulé : Tbe Reafon of Cburch-Governmenî ur^ed againjl Prelaty. c. à d. Le Gouvernement Presbytérien , fouteîiu contre les Défenfeurs de l'Epifcopat ; en deux D 4 Livres. 56 Bibliothèque Britannique, Livres. Cet Ouvrage ell contre lesEvé- ques Andieres & Uflerius : il fut auflî imprimé pour la première fois en 1641. La même année quelques Théologiens publièrent un Ouvrage, intitulé : Réponfi à un Livre qui a pour Ttre : Humble Re- montrance , dans laquelle on examine l Ori- gine de la. Liturgie Ânglizane , ^ de VEpif- copat ; 6* l'on propofe quelques Quejtions touchant lune & Vautre : on y prouve auffi par l'Ecriture , régalité des Evéques âf des Prêtres ; on y fait loir ce qui a donné naif- fance â leur inégalité chez les Anciens ; on y découvre la différence qu*il y a entre les E- véques anciens 6f les modernes \ on y défend V Antiquité des anciens Laïques dans VEgli- Je ; enfin on y réfute PEglife Epifcopale. Par Smectymnus. Voici l'explication de ce nom fuppofé. Il y eut cinq Tnéolo- giens qui travaillèrent à 1 Ouvrage en queftion ; favoir Stephen ( en François Etienne ) Marfhal , Edmond Calamy , Tho- mas Young , Matthieu Newcomen , & William ( Gm7/ûuf«f ) Spurilovv, Les Let- tres initiales des Noms de bâtême , & des Noms propres de ces cinq Théolo- giens , compofent précifement le Nom de SmeByriénus y en prenant feulement le W du Nom de William Spurflow , pour un U fimple. C'eil à cet Ouvrage que l'Ar- chevêque UlTerius répondit dans le Livre donc OCTOB. NOVEMB. ET Df:CEMD. I739. 57 dont nous avons donné le Titre ci-def- fus. L'Evêque Hall ayant auflî répliqué à ce Livre, Milton lui 'répondit dans une pièce, intitulée: Aniniad'uerjî'jns upon îbs Remonftranîs Defenfe againjt Smectymnus, Remarques fur la Défenfe des Auteurs de la Remontrance contre SmeBymnus , à Lon- dres en 1641. On publia bientôc après une Brochure , intitulée: Défenfe modejie contre un Libelle àiWamatoire éf injurieux. Ce qui engagea Nlilton à faire imprimer une yipolcgie de S'neclymnus , ou, comme il y a dans quelques Exemplaires . y^n ylpology againft a Pamphlet , calkd a modejv Cniifutation of tbe Animadverjîons upon îbe Remonjlrants Defenfe againft Smeàymnus. Défenfe de Milton contre une Brochure, intitulée: Modefle Réfutation des Remar- ques fur la Défenfe des Remonîrans con- tre Smeélymnus. V^oilà tous les Traitez de ce Volume qui roulent fur l'Epifcopat. Nous n'en donnerons point d'Extraits , tant parce^ que c'eO: un fujet mille fois rebattu . que parce qu'on a déjà vu ce que Milton penfoit fur cet Article dans ce que nous avons dit de fon premier Traité. La première pièce que Ton rencon- tre , après celles dont nous venons de par- ler, ell un petit Traité fur l'Education. L'Auteur cenfure d'abord la manière or- dinaire dont on élevé les Enfans & la D 5 Jeu- jSBibliothequeBritannique, jeunefle dans les Ecoles publiques & dans les Univerficez. On leur fait perdre, dit- il , fix ou fept ans à apprendre avec pei- ne è. avec dégoût quelque peu de Grec & de Latin, qu'ils pourroient apprendre facilement & avec plaifir dans un an ; on les recule encore par les longues vacan- ces qu'on leur donne , foit dans les Ecoles , foit dans les Univerfitez. On force i'ef- prit des Enfans encore vuide de connoif- fances & de réflexions, à compofer des Thèmes, des Vers & des Harangues , qui ne peuvent être que le fruit d'une longue, ledure , de beaucoup d'obferva- tions, & d'un efprit rempli de maximes, puifées , foit dans fes propres réflexions , foit dans les Ecrits des Anciens & des Modernes. De plus, en forçant ainfi les Enfans à compofer en Latin, avant qu'ils ayent acquis une jufle connoiflance de cet- te Langue , on les accoutume à écrire un Latm barbare , infupportable par les Anglicifmes dont il eft rempli. Dans les Univerûtez , au lieu de com- mencer par les Arts les plusTimplesà: les plus aifez, on remplitd'abordl'efprit des jeunes-gens des abttradtions* de la Lo- gique & de la Métaphyfique ; de forte qu'ils font à peine délivrez de l'ennui d'une Grammaire fëche & épineufe, qu'ils fe voyent expofez à un nouvel ennui par les' termes barbares à. fcholafliques dont OCTOB. NOVEMB, ET DecEMB. I739. 59 dont il faut qu'ils fe rempliflent refprir. Cefl ce (^iii leur fait haïr & méprilèr les fciences; & de -là ils en viennent bien- toc à les négliger , <5ç à les abandon- ner. Milton voudroic donc, que pour don- ner aux Enfans une éducation utile, on bâtit dans chaque Ville confiderable une' maifon fpacieufe , qui pût loger cent- cinquante perfonnes , dont une vingtai- ne feroient des Précepteurs , des Maîtres , des Domeftiques , fous la direction d.'un Chef. Cette maifon ferviroit en même tems d'Ecole & d'Univerfîté : & voici la Mé- thode que notre Auteur voudroit qu'en y fuivît par rapport aux Etudes , aux Exercices , & à la Nouriture aes Eco- liers. Premièrement, par rapport à leurs Etu- des , il voudroit que Ton commençai par leur apprendre les Règles les plus importantes d'une bonne Grammaire ; & qu'en même tems on leur apprît à bien prononcer le Latin , à-peu-près comme les Italiens ; car les Anglois, dit-il , le prononcent d'une manière qui fait pitié. Enfuite', pour leur infpirer de bonne-heu- re l'amour de la Vertu & du Travail , il faudroit leur lire quelque petit Traité fur l'Education , écrit d'une manière agréa- ble, (5c d'un flile aifé. Il y en a^plu- lieurs en Grec , mais en Latin il ne nous relie 6o BibliothequeBritannique, refte des Auteurs Claiïiques fur ce fujec , que les deux ou trois premiers Livres de Quintilien , avec un petit nombre d'au- tres Pièces choifies. Milton ajoute, qu'en même rems qu'on leur expliqueroit ces Auteurs , il faudroit ne laifTer pafler au- cune occafion de leur infpirer l'amour de l'Etude, l'admiration pour la Vertu , & un ardent défir de devenir de grands hom- mes, de dignes Citoyens, chéris de Dieu, & célèbres dans tous les liécles. Cepen- dant il faudroit employer quelques heures du jour à leur apprendre les Règles de l'Arithmétique , 6c enfuite des Elemens de la Géométrie , mais feulement en fe jouant, comme c'étoit la coutume des An- ciens. Après foupcr on leur enfeignera ]e^ principes & les fondemens de la Re- ligion , & l'Hiftoire de la Bible. Les x^uteurs qu'il faut leur expliquer après cela , font ceux qui traitent de l'Agriculture, comme Caton , Varron , &: Columella: car c'efl un fujet aifé; & fi le langage eft difficile , c'eft une dif- ficulté qui n'eft pas au deflus de leur âge. Avant que d'avoir lu la moitié de ces Au- teurs, ils feront en état d'entendre aflez bien les Ouvrages écrits en profe. Il fe- ra tems alors de leur faire lire quelque Auteur moderne fur TUfage des Globes & des Cartes Géographiques, 6c quelque fyftême abrégé de Phyfique. On pourra aulîi OcTOB. NovEMB. ET Decemb. 1739 6l aufTi leur apprendre laGrammaireGrecque, en fuivant la même Méthode qu'on aura fuivie pour le Ladn, & ils feront bien- tôt capables d'entendre Théophrafte & la Phyfique d'Ariflote ; de même que Vi- truve, les Queftions naturelles de Sene- que, Pomponius Mêla , Celfe, Pline, ou ^^olin. Ayant ainfi appris les principes de l'Arithmétique, de la Géométrie, de l'Adronomie & de la Géographie , ils pourront paOer à l'Eiude de la Trigono- métrie, des Fortiiicacions,de l'Architec- ture, du Génie, 6l de la Navigation. î3ans la Phyfique i's pourront aller par degré de l'Hifloire des Métaux, des Plan- tes, des Animaux, jufques à l'Anatomie. On pourra aufTi leur lire quelque bon abré- gé de Médecine; ce qui leur fera d'un grand fecours, non feulement pour être leurs propres Médecins , mii^ quelaue- fois aulTi pour fauver une Armée entière; car, dit Mikon, il arrive fouvent que les Soldats les plus forts & les plus robufres périlTent par l'ignorance d'un Général , qui ne connoît pas le régime de vie qui leur convient. Notre ^Auteur voudro c aulTi que les Jeunes-gens , après avoir fait des progrès dans la Fhyfique & dans les Mathématiques , confultafîént dans l'oc- cafion, les Challeurs, les Pêcheurs, les Bergers , les Jardiniers , les Apoticai- res, auiîî-bicn que les Architectes, les In- CîBirLIOTHEQUE BRITANNIQUE, Ingénieurs, les Mariniers, les Anatomif^ tes, afin de profiter des expériences & des obfervations de tous ces gens -là, qui le feroient fans doute un plaifir dé les leur communiquer. Après avoir ac- quis toutes ces cbnnoiflances, ils enten- dront facilement , & liront avec plaifir , les Poètes qui paflent pour les plus dif- ficiles, comme Orphée, Hefiode , Theo- cvite , &c. parmi les Grecs ; & Lucrèce i Manilius , & les Géorgiques de Virgile parmi les Latins. De-là Milton les conduit à l'Etude de la Morale, commençant par celle qui trai- te ÔQS Devoirs d'homme à homme , & qui enfeigne à diftinguer le bien & le mal moral. Il veut qu'on leur fafife lire les Oeuvres morales de Platon, de Xeno- phon , de Ciceron , de Plutarque , de Dio- gene Laërce;mais qu'ils finiflTent toujours la journée par la Lefture de quelque partie du Vieux ou du Nouveau Tefta- ment. Quand ils auront ainfi acquis une par- faire connoiflance des Devoirs particuliers de l'Homme , ils pourront pafler à l'Etude de y Economique ; & alors ils. employe- ront aufii quelques heures perdues à l'E- tude de la Langue Italienne , ce qu'ils au- toienc même pu faire plutôt. Il faudra aufii leur faire lire , mais avec précau- tion , quelques Comédies choifies des Grecs , OCTOB. NOVEMB. ET DéCEMB. 173$. 63 Grecs , des Latins & des Italiens ^ & quelques Tragédies qui traitent des afFai- Tes domeftiques. Enfuite on leur fera étu- dier la Politique , les principes & les fondemens de la Société civile, les Loix & les Règles de la Jufcice : ils les trou- veront premièrement dans les Livres de Moïfe, & enfuite , au moins auflî loin que la Sagefle humaine peut atteindre ^ dans les précieux relies des anciens Lé- gillateurs Licurgue , Solon , Zaleucus , Charondas: ils ajouteront à cela la Leclu- re des Edits Romains, des Loixdes dou- ze Tables, des Inilitucesde Juftinien: de- là ils viendront aux Loix Saxonnes, & au Droit commun d'Angleterre. Ils employe- ront le Dim.anche au foir à l'Etude de' \z Théologie, ù. de l'Hifloire Eccléfiaflique ancienne & moderne. Avant ce tems-là ils auront pu employer une heure par jour à apprendre l'Hébreu : il ne feroit pas même impoiîible qu'iis y enflent joint leChaldaïque ù. le Syriaque, afin de pouvoir lire l'Ecriture famte dans l'Original. Ayant palIé par toutes les Etudes que nous venons de marquer, les Jeunes gens pourront lire les meilleurs Hifloriens , les Poètes Epiques & Tragiques , avec les plu§ célèbres Harangues des Anciens ; il feroit même néceffaire qu'ils les apprif- fenc par cœur, ù, qu'ils les récitalTent , afia 64 Bibliothèque Britannique, afin d'acquérir l'art de bien prononcer -un Difcours; ce qui lesremp iroitde l'ef- pric & de la vigueur d'un Ciceron ou d'un Demofthène, d'un Euripide ou d'un Sophocle. Enfin il faut leur enfeigner ces Arts qui mettent l'Homme en état d'écrire & de parler avec clarté &. précifion , & avec élégance , & de donner à chaque fujet le ilile qui lui convient: c'eft-à-dire qu'il faut leur enfeigner ce qu'il y a d'utile dans la Logique & dans la Rhétorique; à quoi il faut joindre l'Art Poétique. Outre les Anciens qui ont écrit fur ces fujets, Milton recommande ici la ledlure de quelques Italiens, comme le Caftelve- tro , le Tafle, le Mazzoni, &c. Ce n'efi: qu'après avoir conduit les Jeu- nes-gens jufqucs-là, que Milton permet qu'on les falle compofer quelque choie de leur chef, parce que ce n'eft qu'alors qu'ils auront bien conçu & bien digéré ce qu'il y a de plus excellent dans les Anciens; & qu'ils auront acquis unejuftc connoiflance des chofcs. Voilà comment notre Auteur voudroit qu'on élevât la JeunefTe, depuis l'âge de douze ans juf- qu'à celui de vingt -un , auquel on eft cenfé majeur fuivant les Loix d'Angleter- re : c'eft-là f fuivant Milton , à-peu-près la Méthode qu'on fuivoitdans les anciennes <5c fameufes écoles de Pythagore^dePla- toa. OCTOR. NOVEMB. ET DeCEMB. I73P. 6^ ton , d'Ifocrate , d*Ariaote , d'où fonc fortis tant de célèbres Philofophes, Ora^ teurs, Hiftoriens, Foëres , & Princes de la Grèce , d'Italie & d'Alie. Pour ce qui eft des Exercices , TAuteur voudroit qu'une heure 6: demi avant dîner les jeunes gensfuiïent occupez à faire des Armes & à luter, ce qui les rendroit forts & agiles ; 6i qu'enfuice , pendant qu'ils fe repoferoient de cette fatigue , ils donnadent un peu de tems à la Muû- que,foit vocale, foit inltrumentale : Quant à la Nourriture , on veut avec railbn qu'elle foit légère & faine, & prife avec modération; on voudroit aufli que les jeunes gens mangeaOent tous enfem- ble, fous les yeux du Gouverneur , foit pour ne pas perdre de tems dans des allées & venues , foit de peur qu'ils ne contradtaflent de mauvaifes habitu- des lorfqu'iis fe verroient en liberté. Pour lesDivertifTemens, ilfaudroit que tous les jours , deux heures avant fouper , & dans le tems des vacances , les jeunes gens s'exerçâflent à monter à cheval , & iorfqu'ils en auroient le tems, qu'ils vifi- talTent les Ports de mer, les Forts, les Châteaux, queftionnantfur tout ceux qui feroient capables de les inftruire. A l'égard des Voyages ,Milton neveuc pas que les jeunes gens s'y engagent avanc l'âge de vingt- &- quatre ans , quand ils feront bien affermis dans les principes de Ti^ms XIV. Part. L E la 56 Bibliothèque Britannique, h Vertu. & de la Religion : alors ilsfcronc en écac de faire des Obfervacions utiles, & ils ne feront poinc en danger de fe laifler corrompre par les vices des peu- ples qu'ils viiiteront: alors ils feront hon- neur à leur pais , & peur-être feront-ils naître aux Etrangers l'envie de venir fe perfedtionner en Angleterre. Le Traité qui fuit celui de l'Education, efl intitulé Areopagitica , ou Difcours en' faveur de la Liberté d'imprimer fans Appro- bation ; A Speech for îbe Liherty of iinli" cens'd Printing ; addrefTé au Parlement d'An- gleterre". Voici à quelle occafion Milton écrivit ce Difcours. Le Parlement avoit défendu d'imprimer aucun Livre , aucune Brochure^ ou aucun Ecrit, qusl qu'il fût , que premièrement il n'eût été examiné âf approuvé par celui ou ceux quiferoient choifispour cet effet. Une' pareille défenfe ne pou-- voit que déplaire extrêmement à un auBî grand Amateur de la Liberté qu'étoic Milton. C'eft ce qui Pengagea à addreffer un Difcours au Parlement, dans lequel il lepréfente avec beaucoup de force & de vivacité les inconvéniens de cette défen- fe. Il y fait voir, premièrement, qu'il n'y a jamais eu que des Tyrans qui ayent entrepris de mettre des bornes à la Li- berté'd'imprimer ou de publier tels Li- vres ou tels Ouvrages qu'on jugeoit à pro- pos. En fécond lieu, que la défenfe en queiUon ne ferviroit de rien pour préve- nir OcTOR. NoYEMn. FT Dfcfmb. 17.39, 67 n'ir l'impreflion des Ouvrages féditieux , fcanJaleux ou diîfamaroiiGs. Enfin , qu'u- ne pareille défenfe n'ell: propre qu'à dé- courager les gens de Lettres & les Sç^ vans , à retenir la Vérité captive , & à" replonger les Hommes dans la Superftition & dans l'Ignorance. Toland * dit , que TefFet que ce Dif- cours produifit fut tel , que l'année fui- vante , c'efl-à-dire en 1645. Mabol f ,, Cenléur des Livres , repré(én^a lui-mê- me au Parlement les raifons qui dévoient VQï)%^ger à abolir cet Office, 6c qu'on lui accorda fa requête. Mais Toland fe trompe par rapport au tems que cet Offi- ce fut aboli : Car Whitelocke nous ap-^ prend 4 , que Mabbot futCenfeur des Li- vres jufqu'au 22. de Mai 164g. & que ce ne fut qu'alors, que fur Ta requête , & pour les raifons qu'il allégua contre la Cen- * The Life of Milton, p. m. 69. cîf 7o- t Toland le nomme mal ; il ne s^appelloic vi^is Mabol, mais Gilbert Mabbot, comme Mr; Birch nous l'apprend dans la Vie de Milton , qu'il a mife au devant de l'Edition dont naùs rendons compte. Il y cenfure Toland d'avoir écrit Mabol, mais il n'a pas pris garde que cet- te faute eft corrige'e en partie dans VErrata , où on voit , Mabol, lifez M a b o t 5 il faloit dire pourtant, lifez Mabbot. I Memorials , pag. 403. a^ud Birch, Life of Milton , pag, XXV. /E 2 CHBibLIOTHEQUEBrITAN NIQUE, Cenfure des Livres, il fut déchargé de fon Emploi. On ne fera peut-être pas fâché de fçavoir quelles raifons ce Cenfeur allégua. Il dit donc , „ I. Qu'on avoit publié „ plufieurs milliers de Brochures malignes „ & diffamatoires, auxquelles on avoic „ mis fon nom, comme s'il en eût per- 99 mis fimpreflion , quoiqu'il ne les eût „ pas feulement vues ; 6c cela dans le „ deflein ( à ce qu'il croyoit ) de le ruiner 9, de réputacion près du bon Parti. „ IL. Que fon emploi lui paroiffoit in- 9f jufte & contraire aux Loix , au moins 99 par rapport au bue pour lequel il avoit 99 été d'abord établi, & qui étoit, d'em- » pêcher qu'on n'imprimât rien qui pût 99 découvrir la Corruption qui s'étoit glif- 99 fée dans l'Eglife & dans l'Etat du rems „ du Papifme , de l'Epifcopat & de la 99 Tyrannie , & de tenir le peuple dans „ l'ignorance , afin qu'on pût exécuter ,5 plus facilement les defleins qu'on avoic „ en faveur du Papifme & de la Tyran- ,>nie, pour détruire à la fois le Corps 99 & l'Ame de tous les gens libres qui vi- 99 voient en Angleterre. „ m. Que la Cenfure des Livres eft le 99 plus grand Monopole qu'il y ait ja- ,, mais eu dans l'Etat, en ce que le Ju- „ gement , la Raifon , PEfprit &c, de 9> tous les Hommes , font fournis à un feul ; « car fi un Livre, un. Traité, ou un E- >9 cric , OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. 69 y> crit, quel qu'il foic^n'eft pas à lafanrai- f, fie du Cenfeur , ou fc trouve au deiïus „ de Ton fçavoir , il n'en permettra point „ rimprcOion. „ l V. Qu'il lui femble qu'il eft jufte fy d'impruTier quelque Livre ou Traité ,, que ce foit , fans permiffion , pourvu „ que l'Auteur & l'Imprimeur y mettent fi leur nom, de forte qu'ils foicnt réfpon- ,5 fables de ce qui eft contenu dans ce „ Livre, &c. 6l que s'il y a quelque cho- >9 fe de condamnable, ils puiflent être 99 punis félon les Loix qui font déjà çta- „ biles , ou qui le feront dans la fui- f, te *. Après ce Difcours fur la Liberté d'im- primer, on trouve quatre Pièces fur le Di- vorce. La premj'ère eft intitulée; La Doc- trine 6* la Difcipliîie du Divorce rétablie pour le bien des deux Sexes , tirée de Vefcla- vage du Droit Canon , d* d'autres erreurs , C^ expliquée Juivant le véritable fens de l'E- criture , par la Comparai/on de la Loi avec l'Evangile. On y fait voir aujffi , de quelle dangereufe confequence il eft , d'abolir , ou de condamner comme un péché , ce que la Loi de Dieu permet , & que Jefus-Chrifl rCa point aboli. Cet Ouvrage fut publié pour la première fois en 1644. in 4. fans nom d'Au- * Birch, là-même^ E3 ^ô Bibliothèque Britannique, d'Auteur. „ Je ne voulois pas, die Mil- M ton , que mon Nom fut auprès des ,, Lefteurs un préjugé , fou en ma faveur, „ foit^ contre moi. Je ne fçais s'il y a „ quelque chofe dans mon Scile qui me 5, foit particulier ; mais j'appris que la „ plupart des gens jugeoienr par le Stile , i, que l'Ouvrage étoit de ma façon , & j, que quelques Kccléflaftiques commen- „ çoJent à crier &: à invectiver contre 5, un Livre qu'ils n'avoienc point lu, com- 9, me on me l'alTura pofitivement : alors „ je crus qu'il étoit rems de leur faire „ voir le Nom d"un Homme qui avoic 5, droit de méprifer leur indifcrete cen- „ fure ; & je réfolus de fortifier encore „ ma Thèfe avec plus de foin que jen'a- ,, vois fait dans la première Edition. Milton publia en effet la même année une féconde Edition de ce Traité , revûë , corrigée & fort augmentée, & la dédia au Parlement & à l'Aflemblée du Clergé. Ce Traité eftdivifé en deux Livres , donc le premier contient quatorze Chapitres , 6c le fécond vingt -&- deux. Nous al- lons en donner le précis en peu de mots. Dans le L Chap. l'Auteur pofe d'abord fa Thèfe de cette manière: ÙAi-erfion-yla Contrariété, ou V Incompatibilité des Èfprits , gui naît d'une caufe naturelle £> invariable , y qui empêche , ^ ^fuivant toutes les appa- ren- ÔCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. I739. 71 rences , empêchera toujours qu'on ne jouiffedes avantages de la Socicté conjugale , le/quels font la paix y la conjolation &^ la joye que l'on fe doit procurer réciproquement , ejî une raifon plus forte de Separaûon &" de Divorce , que 7i'eft Vimpuijfance naturelle , principalement lorfquHl n'y a point d'enfans , èf que les deux partis conjentent à la feparation. Pour prou- ver cette Thèfe, on cite le premier Verfet du XXfV. Chap. du Deuteronome. Quand quelqu'un aura pris une Femme , £f fe fera ma- rié avec elle , s'il arrive qu'elle ne trouve pas grâce devant fes yeux , à caufe quHl aura trouvé en elle quelque chofe de malhonnête , il lui donnera par écrit la Lettre de DivoT' ce .... ^ la renvoyera hors de fa maifon. Sur quoi on nous donne le Commentaire de Fagius , qui dit , „ que Dieu a permis „ le Divorce pour aider à la foiblefle hu- ,, maine ; que fi Jefus-Chrill le défend à „ Tes Difciples , cette défenfe ne régarde „ pas ceux qui n'étant point encore regé- '5, nerez, ne font pas arrivez à la Perfec- „ tion ; & que s'il déclare que celui qui „ époufe une Femme répudiée , commet „ adultère , cela ne regarde que celui qui „ a procuré ce Divorce , dans le deflein de ,j fe marier enfuite avec cette Femme. Milton ajoute à cela, que le mot Hébreu, qu'on traduit par quelque chofe de malhon-- néte, en fuivant la Verfion Angloife quel- E 4 qu'im" ^ft Bibliothèque Britannique^ qu'impureté * , fignifie proprement la ni^ dite de quilque cboje , ou une nuaité réel.e ; ce qui , de l'aveu de tous les Içavans jrï- terprêtes, le rapporte à l'Elprit aulii-bien qu au Corps. Or peut-il y avoir une plus grenat 7iudiîé ou indifp'Jiîion de l'îirpnc, que celle qui ôce pour toujours la paix à la joye de l'état du Mariaue ? ,, De „ forte ', pourfuit l'Auctur , que la rai- „ fon du Divorce exprimée dans notre „ Thèfe , s'accorde parfaitement avec 5, celle qui eft marquée dans cette Loi de „ Moife. C'ell une Loi de charité, i^ ,, par cbnfequent une Loi morale , qui ,, doit donc être encore à prérenc dans „ toute fa force, autant ou plus que j-a-" ,, mais. Car , fi fous l'ancienne écono- „ m.ie Dieu a eu tant de bonté & tant ,, d'indulgence pour fon Peuple , qu'il „ n'a pas voulu permettre qu'aucune de „ fes" Loix , qui ont toutes été données „ pour le bonheur des Hommes , les obli- ,, geât jufqu'à rendre leur vie malheureu- ,, fe 6i infupportabie; à plus forte raifon „ ne le fou4rira-t-il pa^ fous l'Alliance „ de Grâce , en abolilTant une permif- „ fion qu'il avoit cccor^Bée. comme un ,5 remède 6: un foulagemenr. Dans le JL Chapitre MiJton entreprend de prouver, que la Loi du Divorce eft fou- * Some uRcleaiiiwfs. OCTOB. NOVFMB. ET DêCEMB. T73P. 7-^ fondée fur le but même du Mariage : il a été inftitué , pour la coniolation de l'Homme autant & plus que pour la pro- pagr.'Jon de refpece. Cette dernière fin n'efl: pas même marquée dans l'infUtution du Mariage, au lieu que la première i'elt bien clairement. Il ri' efl pas bon que l' hom- vie foit Jeul i je lui ferai une aide Jemblable d lui. Il elt clair par ces paroles, que la principale & la plus noble fin du Mariage, c'eflde procurer à l'Homme les douceurs & les agrérnens de la Société. C^efl le fentimenc de Fagius, de Calvin , de Pa- reus, de Rivet, &c. Orc'eft une Maxi- me de Droit, & une Maxime incontefta- ble , qu'aucun Contrat liohlige contre le principal but pour lequel il a été fait ^ ^ que Je font propojé lef parties contrôlantes. D'où il fuit, que puifque le principal but du Mariage c'eft la douceur de la Société , le Mariage eft nul, dès qu'il eft impolf:- ble de parvenir à ce but. C'efl le lai- fonnement de notre Auteur. Le III. Chap. contient une vive cen- fure de l'ignorance & de l'iniquité des Auteurs du Droit Canon , qui ont très> bien pourvu aux prétentions du Corps dans le Mariage , mais qui n'ont appor- té aucun remède aux injuftices & aux maux que l'Elprit fouffre. L'impuiflaïKe eft, félon eux , un fujet légitime de Divor- ce; mais la mauvaile humeur, l'incompa- tibilité, les défauts incurables du tempe- E 5 ra^ 74BibltothequeBritannique, rament, qui rendent la vie amère , & qui renvcrfent ainfi le principal but du Mariage , ne fçauroient autorifer la répa- ration. La Liturgie dit, qu'il ne faut point fe marier pour fatisfaire les défirs de la chair, comme les betes brutes, qui n'ont point d'intelligence; mais le Droit Ga- lion fuppofe que c'eft-là Tunique but du Mariage ; car li une des parties eft inca- pable de remplir ce but , le Mariage eft cenfé nul ; dans tout autre cas il eft in- dilToluble. On dira qu'il faut bien étudier d'avan- ce le caraftère de la perfonne qu'on veut époufer ; mais, dit Miltan , l'Homme le plus prudent peut être trompé malgré tous fes foins ; on en a mille exem- ples : Combien n'a-t- on point 'oû de Belles aux doux yeux ^ Avant le Mariage , Anges fi gracieux, Tout -à- coup fe changeant en Bourgeoifes fauvages , Vrais Démons, apporter V Enfer dans leur s ménages *? Voilà le fens de ce que dit ici notre Au- teur. Il ajoute, que les Hommes les plus modeftes & les plus fages font plus aifé- ment ^ DefpréauxjSat. X. Vers 365. OCTOB. NoVEMB. ET DeCCMB. I739. 75 mène trompez lur le caradère des Fem- mes , que les débauchez , qu' les ayant tong-cems fréquentées, ont appris à les connoîcre; & faut-il qu'une errvur dans laquelle un Homme tombe mnocemraent, le rende malheureux pour toute la vie? Il y a dans ce Chapitre quelques expref- fions un peu libres , que nous n'avons pas jugé à propos de rapporter. 11 expofe dans le iV. Chapitre une fé- conde raifon en faveur du Divorce ; c'efl que il on ne le permet point, le Mariage n'eil plus un remède contre le mal qu'il devoit prévenir, fclon le but de fon Inlti- tution. St. Paul dit, qu'*/ vaut mieux fe marier que brûler; le Mariage doit donc être un remède contre le mal dont parle l'Apôtre. Mais quel eit ce mal?Ce*n'efl certainement pas le feu de concupifcence, dit Milton: Ô^^'e^i-ce donc? C'eft ceDc- fir que Dieu imprima dans le cœur d'A- dam dans le Paradis terreftre , avant qu'il connût le péché d'incontinence : c'eft ce Déflr à l'égard duquel Dieu vit qu'il n'étoic pas bon que l'Homme fût feul , fans pouvoir le fatisfaire; le Défîr de quit- ter une vie folitaire, fans fecours & fans confolaticn , & de s'aflbcier une autre perfonne douée d'une ame propre à lui faire goûter les douceurs d'une agréable Société. Or fi cette Société étoit nécef- faire pour le bonheur de l'horarae avant fa 76*BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, fa chute , loiTqu'il étoit plus parfaitqu'il n'eft maincenant; à plus force raifon eil- il néceOaire à préfent , vu les chagrins &. les traverfes de cette vie, que l'Hom- me ait une Compagne, capable de le con- foler dans fes maux , îk de lui rendre la vie douce & agréable. C'efl-là le prin- cipal but du Mariage. „ Si l'Homme a le 5, malheur de manquer ce but, en ren- „ contrant une Compagne chagrine & de „ mauvaife humeur , il fe trouve plus ,, feul qu'il n'éroit auparavant, & le dé- „ fir qui le brûle eft plus difficile à repri- „ mer que le defir de la chair. Ceiui- „ ci peut fe vaincre par la tempérance & „ le travail ; mais ce défîr naturel & pur , de ,, s'unir avec un efprit fociable ( Défir „ qui ed proprement ce qu'on appelle 9 j Amour ^ ce défir, di^-je, eji phis fort que „ la Mort ^ comme s'exprime TEpoufe de „ Jefus-Chrjfl * ; Beaucoup d'eau ne fçauroit f, V éteindre , & les fleuves même ne le pour- ri roienî pas noyer. C'eft-là le feu raifon- „ nable auquel le Mariage devoit appor- „ ter du remède. Un feu que le jeûne „ ne fçauroit modérer, & que la pénitence „ ne peut éteindre. Qui eft-ce qui a la „ force de combattre contre un feu in- „ telleduel , irréfiflible dans le Paradis ■„ me- * Cantique des Cantiques , VIII. 6. 7. 'OcTon. NovEMD. ET Decemb. 1739. 77 99 même, & devenu plus violent par le „ malheur qu'on a de renconrer une „ Compagne infociable ? Si le contence- ,> mène de ia chair eil le feul bue du Ma- f9 riage; s'il n'y a pas outre cela un déûr ,5 plus raifonnable que ie lV!ariaG;e doive ,5 fatisfaire, 6c fans quoi il foie nul; on ne „ fçauroitdîre quele Mariai^e^oichonora- »> ble, puifqu'on voit plufieurs animaux M qui fe choififfent une femelle , avec la- ,, quelle ils demeurent toute leur vie , „ fans commettre le moindre acte d'adul- „ tère; de forte qu'à cet égard ils font ,9 véritablement mariez. Il faut donccon- „ dure de-'à, que la dignité &, le bonheur du „ Mariage confident pîu'ôt dans la jouVf- „ fance des plaifirs intelledlaels que l'a- „ me cherche avec ardeur dans une vie „ fociable , que non pas dans les plaifirs „ du corps. Une troifième raifon en faveur du Di- vorce , laquelle on expofe en peu d- mors dans le V. Chapitre , c'eft qu'il e(l fort à craindre qu'un Mariage mal afTorti ne fafTe tomber l'Homme ou la Femme dans le crime, en les engageant à cher- cher ailleurs , un bonheur qu'ils ont ef- péré vainement de trouver dans le Ma- riage. Dans les deux Chapitres fuivansMilton allègue deux autres raifons en faveur du Divorce. La première, que Di.:u a plus d'égard pour l'amour & la paix qui doi- vent 78 Bibliothèque Britannique, vent régner dans les familles , que pour un accompliflcment forcé des devoirs du Mariage , qui efl plus iLellemenc rompu par la continuation d'un commerce péni- ble & chagrinant , que par un Divorce nécefTaire : La féconde , que rien ne trouble plus un Chrétien danv la pratique defes devoirs, qu'un Mariage qui par l'é- vénement fe trouve incurablement mal- heureux ; & qu'un p?reil Mariag:e produit dans le fond le mêmeeffe!:, que le Maria- ge contracté avec une Idolâtre, 11 faut qu'un Homme renvoyé une Femme Idolâ- tre^ de peur qu'elle ne le détou-ne du Cuite du .vrai Dieu. Mais une Femme, chagrine &. d'une humeur infupportable ne trouble- 1- elle pa'. la dévotion de fon Mari? N'eft-ii pas à craindre qu'elle ne le jette danj- les plaintes, dans les murmures contre la Providence , dans le défefpoir, & enfin dans l'Athéïfme ? Ceci conduit notre Au-eur à examiner ùans le Chapitre V'III. s'il faut fefe parer d'une Femme Idolâtre ou Hérétique. Il fe déclare pour l'affirmative, au cas qu'il n'y ait point d'efpéra. ce de la convertir: il avoue pourtant qu'il n'efl: pas d'une né- ceffité abfolue dei^e feparer en pareil cas, & que c'eft au Fidèle à examiner ce que la prudence Chrétienne exige de lui 11 nous donne ici une efpece de Commen- taire fur les 17. premiers Verfets du VII. Chap. de la I. Epître aux Corinthiens. il OCTOB. NOVEMB. ET DeCFMIî- I739. ^g 11 foutienc dans le ÏX. Chapitre, que l'adultère n'eft pas la plus grande viola- tion du Manage. Soutenir qu'il l'efc, c'crt fuppofer que raccomplifiement du dc.fir de la chair eft le principal but du Ma- riage; ce qui n'eft rien moins que vrai dans le ryltéme de notre Auteur. Il al- lègue encpre quelques autres raifons en faveur du Divorce dans les cinq derniers Chapitres de ce Livre. Nous ne nous y. arrêterons pas , parce qu'elles font toutes fondées Tur ce grand principe que nous avons déjà allégué plus d'une fois; c'eft que le principal but du Mariage étant de rendre la vie de l'Homme & de la Fem- me heureufe , dès que ce but eft manqué, le Mariage doit être cenfé nul. Dans le I. Chap. du fécond Livre, Mil- ton compare enfemble l'inflitution du Sabath & celle du Mariage; & il montre que Jefus-Chrift n'a pas pu abolir la Loi du Divorce , mais qu'il en a feulement voulu reélifier les abus. Les paroles de Jefus-Chriil, dit -on, fontexprefres,ii ne permet le Divorce qu'en cas d'Adultère. „ Mais, répond Milton , la Loi du Sabath „ n'eft pas moins expreffe , Tu ne feras 9, aucune œume en ce jour-là. Cependant „ Jefus-Chrift alTure qu'il eft permis de „ faire des œuvres de Chariré en ce jour- „ là. Nous attacherons-noas plus fcru- „ puleufement à la rigueur de la Lettre 7> CD 80 BibLIOTHEQUEBriTAN NIQUE, „ en expliquant l'Evangile, qui eft une „ économie de douceur & de grâce, que „ Jefus-Chritl: lui-même n'a fait en expli- ,, quant la Loi, qui étoit une économie „ de févérité ? Y avoit-il quelque chofc „ qui 5 félon les apparences, fût moins fait „ pour l'Homme , & plus pour Dieu , „ eue le Sabath ? Cependant , lorlqu'il „ s'agit de procurer le bien de l'Homme , ,, nous entendons la voix de l'infinie Bon- „ té, qui nous dit, que le Sahatb a éié „ fait pour V Homme , 6' non pas V Homme „ pour le Sabatb. Y a-t-il rien qui ait été M établi plus pour l'Homme , (Se moins pour i> Dieu, que le Mariage? Et le furchar- „ gerons-nous d'une fervitude crue;le & „ déraifonnable , également contraire au „ bonheur de l'Homme 6c à la gloire de „ Dieu? Ceci engage notre Auteur à expliquer les palTages du Nouveau Tef- tament qui femblent condamner abfo- lument le Divorce , excepté dans les cas d'Adultère. Il pofe d'abord une maxime que tous les judicieux Interprêtes admettent : „ C'ell: que tous les p:Hflages de l'Ecritu- „ re, qui étant pris dans un fcns littéral, „ font naître des difficultez & des dou- „ tes, doivent être expliquez par l'exa- ,, men de l'occalion dans laquelle chaque „ choie a été dite , & en les comparant a avec d'autres pafiages. Quand je- » fus- OCTOB. NOVEMS. ET DecEMB. I73Ç>. ^r n fus-Chrift a parlé du Divorce, c'étoit, „ ou dans le deflein de reditier ]gs> abus i>que les Pharifiens avoienc introduits à 39 cet égard , ou de faire une réponfe 9y forte & vive à une queflion eaptieufe. „ Dans de pareils cas il ne faut pas s'ar- „ réter fcrupuleufemenc à la lettre. Il M y a pluOeurs exemples par lefquels il „ paroît clairement , que Jefus-Chrill: n'a )> pas voulu qu'on prît fes paroles dans 99 un fens rigoureux. Comme un habile 99 Médecin , il a entrepris de remédier à 99 un excès par Pcxces oppofé , afin de 99 nous faire connoitre quel eil le mi- M lieu qui eft permis: lorfque la morale 99 étoit trop rélâchée , il a voulu y re- 5> medier en paroilTant févère: dans ♦un M endroit il cenfure un regard peu chafle, » comme fl c'étoit un adultère adtuelle- îi ment commis ; ailleurs il cenfure un >9 adultère réel moins févèrement qu'il 99 n'avoit fait un regard peu chafte , faifanc 99 connoître par- là , qu'il ne condamnoit ,, pas avec tant de rigueur une foibleiTe ,9 fecrette, quune malice ouverte & de- „ clarée. De forte qu'on peut croire avec „ raifon , qu'il n'a pas prononcé cette fen- „ tence févère contre le Divorce, dans le ,9 deflein d'ôter tout remède à un hon- „ nê.te Homme qui fe fent confumer dans ,, un trifte Mariage, où il ne trouve au- ,, cune confolation ; mais feulement pour )9 reprimer les abus de ces Rabins prc Tome XIV. Part. L F ,, fcmp- 82 Bibliothèque BritanniquEj 9y fomptueux; ce qu'il ne pouvoic pas fat- „ re plus efficacement , que par une dé- „ fenfe diredemenc oppoféc aux excès „ ou ils étoienc tombez , & qui , en les „ menant à l'extrémité oppofée, les fît „ arrêter au jufle milieu permis par la „ Loi : de même que pour redrefler une ,) chofe qui eft courbe, on la tourne du „ fens oppofé. Que c'ait été-là le deflein „ du Seigneur , c'eft ce qui paroîtra clai- „ rement, fi on veut faire attention à ,9 fes propres paroles, à la proteftation ,, qu'il fait dans le même fermon,peude 99 verfets avant que de traiter du Divor- -,9 ce. Il y déclare , qu'il n'efl point venu ?, pour abolir un feul iota ou un feul point „ de la Loi, & il prononce une fentence „ contre ceux qui le feront, on qui enfei- „ gneront à le faire. ,, Et ce qu'il y a de remarquable , c'eft „ que dans S. Luc , Jefus-Chrift ayant à 5, parler du Divorce, commence par cet- 9, te précaution : // eji plus aifé que le Ciel ,9 ^ la Terre pajent, que non pas quil tom 99 be un feul point de la Loi * ; comme vou -, lant nous faire comprendre par- là „ que s'il interdit le Divorce, cela doi „ s'entendre d'une manière qui n'abrog» „ pas la Loi du Deuteronome .... D'o „ il fuit, qu'aucun des Préceptes de l'ar 99 cienne Loi touchant le Divorce , n'a et „ aboJ * Luc. XVL i-j. OCTOB. NpVEMB. ET DecEMB. I739. S^ 9, aboli par la Dodtrine de Jefus - Chrift ; ,> . . . autrement il faudra Ibutenir, noa „ feulement que le Précepte du XXIV. ?, Chap. du Deuteronome , verfet i. eit a- 99 boli & entièrement abrogé , contre la 99 proteftation exprelTe que Jefus -Chrift 99 fait . . . mais, ce qui eft plus étrange 99 encore, il faudra foutenir que cette 5, Loi eft injuile & impure , puifqu'clle a 99 autorilé & commandé l'Adultère. On „ ne fçauroit non plus excufer Moïfe „ d'avoir fait des Loix peu fages & peu -, équitables, d'un côté punifTant de mort „ un feul afte fecret d'Adultère, & per- „ mettant de l'autre côté, par une Loi ex- „ prelle , de pafTer toute fa vie dans un 99 A(Jultère public. Ceci conduit notre Auteur à examiner dans lesfix Chapitres fuivans , ce qu'il faut entendre par les exprelTions de Jefus- Chrift, qui dit aux Pharifiens , que Moïfe leur a permis de répudier leurs Femmes à caufe de la dureté de leur cœur. Il s'at- tache à faire voir fort au long, que la Loi ne fçauroit permettre , moins encore autorifer ou commander, un péché ; que c'eft faire Dieu auteur du péché, que de foutenir quMl a permis le Divorce, s'il eft vrai que ce foit commettre Adul- tère que d'époufer une autre Femme, au- près avoir répudié celle qu'on avoit , ou que d'époufer une Femme répudiée; que Dieu ne fçauroit difpofer contre la Loi F 2 mora" 84 Bibliothèque Biitanniquï; irioralé : & à cécte occafîori Milton exr* plique ce que c'eft qu'une Difpenfe. Il y a des Difpenfes impropremenc ai n fi nom- mées. Ce font des Loix particulières , qui difpenfent les Hommes dans certains cas d'obferver les Loix générales. C'eft ain- li que dans le IX. Chap» des Nombres , ceux qui font fouillez pour un mort , ou qui font en voyage , ont la permif- lîon de célébrer la Pâque le quatorzième jour du fécond mois^ au lieu de la célé- brer le quatorzième du premier , félon la Loi. Mais une Difpenfe proprement dite,efl: la permifîîon de ne point fuivre la Loi dans certains cas particuliers , qui arrivent rarement , & qui , à caufe de cela , ne font point fpecifiez dans la Loi, mais abandonnez à la décifîon de la Charité, même fous l'efclavage des CérémiOnies Judaïques , & à plus forte raifon , fous la Liberté Evangélique. C'eft ainfi que Da- vid entra dans la Mai/on de Dieu , & man- gea les pains de Proposition , ce qui ne lui e- toit pas permis * félon la Loi cérémoniel- le. C'eft d'une pareille Difpenfe que Jean de Verdun parla ëodement dans le Con- cile de Trente. „ C'eft une Erreur po- „ pulaire, dit-ilf, que de croire quedif- ?:» pen- * Matth. XII. 4. t Fra-Paolo , Hift. du Concile de Trente , OcTOB. NovEMB. ET Decemb. 1739. sjr 99 penfer foit faire une grâce , puifque k „ Dirpenfe eft un a6le de juftice diftri- „ butive autant que pas un autre ; & que j> celui-là pèche , qui ne la donne pas à „ ceux à qui elle eft dûë. Quand une 99 Difpenfe efl demandée , ou nous fom- 9» mes dans un cas qui eût été excepté ,» s'il eût été prévu, & pour lors il faut n difpenfer, même malgré foi; ou bien 99 le cas efl: tel , que quand il auroit été 9> prévu , il auroit encore été compris, & „ pour lors la Difpenfe n'a point lieu *^ Voilà, fuivant Milton, ce qu'on peut di- re de plus judicieux fur les Difpenfes pro- prement dites. „ Mais , ajoute-t-il, „ que Dieu , qui eu l'Auteur de tout Don 99 parfait , ait donné une régie pour pé- ,9 cher, qu'il ait établi une Difpenfe pour 99 être en force aufli long-tems que la „ Loi même, & par laquelle les Hom- „ mes ayent eu le privilège de vivre dans 99 l'Adulcère à caufe de la dureté de leur ,9 cœur, dureté obftinée, qui n'a pas mê- 99 me été furmontée par ce remède im- „ pur; ce feroit le préfent le plus mortel 99 & le plus empoifonné que l'Ennemi du S9 genre humain auroit pu faire aux mife- 99 rables pécheurs ; ce feroit une Difpen- >i fe Lîvr. VIL pgrr, m, 656. de la Traiuaion d'A- laelot, F 3 85"BrBLio THE QUE Britannique, „ fe femblable à celle que le Serpent don- ;,, na à nos premiers Parens. Dieuadon- „ né des Cailles dans fa colère , il adon- 5, né des Rois dans fa colère ; aucune de 5, ces chofes n'étoit mauvaife de fa natu- i, re. Mais que celui donc les yeux ne ,> fçauroient contempler l'impureté , aie „ donné, dans un Livre qui contient fa 99 fainte Alliance & fes Loix les pluséqui- ,> tables, une Difpenfe & un Statut pour 99 commettre impunément adultère, je ne 99 fçaurois jamais me le perfuader, quoique 99 ce foit l'opinion commune ; jamais in- M dulgence plus infâme n'a été forgée dans 99 la boutique de l'Antechrifl:. Après quelques autres remarques , dedi- nées à faire voir que les Juifs n'avoient pas plus de droit à prétendre d'être difpenfez de fuivre la Loi , que les Chré- tiens, & qu'au contraire l'Evangile étanc une économie de douceur, il e(l bien plus naturel qu'il accorde des Difpenfes que non pas l'économie Mofaique, qui étoit une économie de févérité ; Milton vient enfin à expliquer ce qu'il faut entendre par la dureté de cœur dont Jefus-Chrift parle. ,, Moïfe , dit-il, établit * une Loi „ pleine de prudence & d'équité , fondée, 99 fur la nature même de l'Homme , qui 99 ne # Deut. XXIV. I. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. 1739» Sf }, ne fçauroit être ni vaincue, ni réprimée; „ Loi conforme à celle des Hommes les „ plus fages 5 & des Nations les plus po- „ lies. Cette Loi eft , que lorfqu'un „ Homme a époufé une Femme , avec la- „ quelle il fe trouve par l'événement qu'il ,5 ne fçauroit vivre, à caufe de quelques „ raauvaifes qualitez qui la rendent défa- „ gréable, & peu propre pour une union M aufli intime que celle du Mariage, qu'il „ lui donne les Lettres de Divorce .... „ L'Efprit de Dieu même nous montre „ la néceHhté de cette Loi , lorfqu'il dit „ par la bouche de Salomon ^, qu'une „ Femme digne d'être haïe, eft une cbofe que 9, la terre ne peut porter. Ne fuie -il pas „ de-là,que la Loi doit remédier chari- „ tabîement à ce que la nature trop foi- ,5 ble ne fçauroit fupporcer?Que des Hom- „ mes libertins & d'un cœur dur ayent abu- „ fé de cette Loi pour couvrir de mau- „ vais deifeins , c'eit ce qui ne doit pas „ paroirre étrange. Ce font ces gens-là, ,, lîon pas pour qui la Loi fut faite , à „ Dieu ne plaife ! mais qui , par la dureté „ de leur cœur , abufent de la Loi pour o exécuter leurs m.auvais deiïeins ; Dieu ,, aima mieux permettre ce mal acciden- î> tel, lorfqu'il étoit impofliblede le pré- sf venir , que de priver les gens de bien „ d'un =* Prov. XXX. 2T. 23. F4 ggBîTîtiOTHEQUE Britannique, ^, d'un privilège jufte & raifonnable, qui 99 leur fervoit de remède contre un mal „ autrement incurable. Or Jefus-Chritt, 55 ayant à répondre aux Pharifiens qui „ le tentoient , fit dans cette occafion ,, ce qu'il avoit prefque toujours coûtu- „ me de faire: il ne ie propofa pns d'in- „ ftruire leur fupcrbe ignorance, en leur j, apprenant quel étoit le véritable but de ,, cette Loi qu'ils avoicnt mal citée, en î, omettant la véritable raifon pour 5, laquelle elle avoic été établie , & f, dont ils abufoient en renvoyant leurs ,, Femmes fous- le moindre prétexte ; mais >, il leur- repréfcnte leur propre défaut , „ cette dureté de cœur y h laquelle Moïfe 5, fut obligé de conniver. 5, Ceci paroîcra plus clairement encore , ^ C on confidere , que dans le Ch. V. de S. „ Matth. jefus-Chrift ne cite pas la Loi „ même de MoVfe , mais la Tradition des ,, Phariilens , fauiTement appuyée furcetre „ Loi. Et dans le XIX. de S. Matthieu 5, & le X. de S. Marc , les Pharifiens ci- ,) rent la Loi, mais ils funprimenc la rai- ,, fon pleine de fagefle & d'humanité pour ?, laquelle la Loi avoit été établie, je- ,, fus-Chril> ne les en cenfure pas , parce ,, que leur orgueil les rendoit indignes ^, d'être inflruits ; il fc contente de ,j leur faire une réponfe qui leur conve- ,3 noit : Cefl à caufe de la dureté de 'cotre OCTpB, NOVEMB. ET DeCEMB. I73O. 89 „ cœur que Moï/e vous a permis à vous , „ c'eft-à-dire à des gens comme vous , ,> de répudier vos Femmes. C'ejtpour vous qu'il 75 a écrit ce Commandement, En lifant ces „ paroles , il faut appuyer fur ces mots pour M vous , parce qu'ils marquent une cen- „ Cire , qui ne peut regarder que ceux „ qui abuibient de la Loi pour exécucer „ leurs mauvais delTeins. Je ne Içais fi ce raifonnement de Milton perfuadera nos Lecteurs : outre qu'il parole un peu embaraflc , il eft certain que Je- l'us-Chrift tint à-peu-près le même langa- ge à fes Difciplcs, qui l'interrogèrent en particulier fur ce fujet, comme on peut le voir dans les deux Chapitres que notre Auteur cite. Et dans le V. de S. Matthieu, Jefus- Chrifl: ne s'addrefFe pas aux Pha- rifiens feuls , mais en général à tous ceux qui veulent devenir fes Difciples , (Se il leur interdit le Divorce à tous , excepté dans le cas d'Adultère. Quoi qu'il en foit , Milton, pour fortifier fou fentiment, re- marque , que dans le X. de S. Marc , Jefus- Chrifh reconnoît que le précepte touchant le Divorce eft une Loi ; & puifque c'eft une Loi de Dieu, il faut néceflairemenc qu'elle ait pour fin la Charité , qui procède d'un cœur pur , d'une bonne confcience , 6f d'U' ne foi fincere *. Or la Loi nefçauroit au- lorifer le péché, mais elle eft deftinéeà le * iTim. ^. 5. po Bibliothèque Britannique^! le prévenir. La Loi en elle-même efi bonne, pourvu qu'on en ufe légitiviement *. s, 11 eildonc inconteftabîe, pourfuicMil- „ ton, qu'il y a dans cette Loi (du Di- „ vorce ) un certain bien que Moïfe „ permit volontiers, mais dont les Hy- „ pocrites ont pu abufer contre l'inten- „ tion de la Loi ; il fut obligé, malgré „ qu'il en eût , de Ibuftrir cet abus , qu'il ,) avou bien prévu en général, mais qu'il „ n'avoit pas pu prévenir dans les cas par- „ ticaiers. Jefus-Chrifl ne fait pas men- „ tion ici de l'intention de Moife , nidu „ but de la Loi y car les gens de bien f, avoient allez d'autres moyens pour le „ conaoître , & il n'étoit pas à propos „ de lexpliquer à ces Pharifiens orgueil- „ leux , jafques à ce qu'ils fufTent capa- ,, blés de faire un meilleur ufage de leurs „ lumières : c'eft pourquoi le Seigneur fe „ contente de leur faire remarquer , ce que „ Moïfe fut obligé de fouffrir par rapport ,^ à eu X , & à leurs femblables. Afin d'abréger,nous paflbns les neuf Cha- pitres fuivanSjûLi Milton réfute les Com- mentateurs qui ne font pas defon fentimenc fur la Loi du Divorce, & où il traite en peu de mots quelques autres matières qui ont du rapport à celle-là, & nous venons aa, Chapitre XV'HI. oii il examine, fi on a bien pris le fens des paroles de Jefus- Chrift , *■ Là - même , verf. 8. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. 9t Chrift, lorfqu'on a cru qu'il ne permet le Divorce que dans le feul cas d'Adultère. Il remarque , après Grotius, que le mot de Fornication ne fignifîe pas toujours dans l'Ecriture, le crime d'impureté, mais qu'il fe prend quelquefois pour une opiniâcre-» té irréfiftible de la Femme, qui la porte manifeftement à mépriier Ton Mari. Ce qu'on prouve î3ar le 2. Verfet du XIX. Chapitre du Livre des Juges, où il eftdit, que la Concubine du Lévite paillarda chez lui -^ ce qui , félon Jofephe , les Septante, & la Paraphrafe Chaldaïque,{îgniiie feulement qu'elle fe révolta contre lui. Kimchi & deux autres Rabins , qui ont commenté ce palfage , font du même fentiment ; & Ben-Gerfom remarque , que fi le crime de cette Femme eût été la Fornication , fon Mari , qui étoit un Lévite , auroit eu honte d'aller la chercher pour la reprendre. A quoi Milton ajoute , que fi elle eût été coupable d'impureté , elle fe feroit retirée par-tout ailleurs,plutôt que chez fon Père ; car rien n'étoit plus infâme pour une Fem- me parmi les Hébreux, que de fe profti- tuer , rien ne défhonoroit davantage fa famille : d'où il faut conclure , fuivant notre Auteur , que la Fornication dont il s'agit ici, fignifie feulement une défobévf- fance , ou une révolte obftinéc contre fon Mari. Il dit enfuite, que Jcfus-ChrifljCn parlant du Divorce, s'eil: fervi exprès du mot de Fornication , parce que ce mot ligni^ fii BîBLIOTHEQUEBRrTANNîQtrfi, fignifieen général toutes lesTransgreiïions qui annullenc le contrat du Mariage, ou- tre TAduItère afluei: il n'étoit pas même néceflaire, ajoute- 1 - il, de permettre le Divorce pour crime d'Adultère , puif- que la Loi le punifibit de mort. Dans les quatre derniers Chapitres de ce Traité, Milton continue à établir fon fyfléme , & il répond à ceux qui préten- dent que la permiflion du Divorce introdui- roit mille défordres dans la Société; il leur répond , dis -je, en leur faifant remar- quer, qu'on n'a point apperçû de pareils défordres parmi- les Juifs , puifque les Prophètes, ne les en ont point cenfurez ; car pour le reproche que Malachie leur fait * , il ne regarde pas le Divorce , mais l'injure qu'ils faifoient à leurs Femmes légitimes, en prenant des Con- cubines. Le Traité fuivant efl intitulé Tetra- CHORDON, ou Explication des quatre principaux paffages de l'Ecriture lainte qui traitent du Alariage, ou de ce qui le rend nul ; fçavoir , Gen. L 27. 28. com- paré avec Gen. If. 18. 22. 24. Deuter. .aXIV. j. 2. Matth. V. 31. 32: comparé avec Matth. XIX. 3-11. 1 Cor. VIL 10--16. Dans ce Traité la DoElrine âf Difcipli- ne du Divorce efl: confirmée par TEcri tu- rc, * Mal. II. 13. 14, OCTOB. NOVEME. ET DeCEMB. I739. 93 Te , par le témoignage des anciens Pè- res, par les Loix civiles de PEglife pri- mitive, par l'autorité des plus célèbres Théologiens Reformez , & enfin par un Adte de Parlement qu'on avoic delfein de faire palier dans la dernière année du ré- gne d'Edouard VI. Nous ne Tuivrons pas notre Auteur dans fa Critique, non plus que dans les auto- ritez qu'il rapporte des Anciens & des Modernes ; ce feroit nous engager dans une longueur excelîive , & dans des re- pétitions inévitables: mais nous ne fçau- Tions pafTer fous filence ce qui regarde i'Ade de Parlement dont Milton fait men- tion. Edouard VI. ayant entieremenc fupprimé le Droit Canon qui avoit été ea ufage en Angleterre du tems du Pa- pifme, le Parlement établie trente-deux CommilTaires pour drelTer de nouveaux Canons. Ces CommllFaires furent choi- fis parmi les plus habiles^ Théologiens & les plus grands Jurisconfultes du Royau- me. L'Archevêque Cranmer, Pierre Mar- tyr, Gaultier Haddon , (Se le Chevalier ]ean Checke, Précepteur du Roi &un des plus fçavans hommes d'Angleterre, furent les principaux qui travaillèrent à ces nouveaux Canons. Ils en firent un , par lequel ils permirent le Divorce, non feu- lement pour caufe d'Adultère U' de Dé/er- tion malicieufe , mais aujji ^oiir toute iîàn'- Ç)4 Bibliothèque Britanniqi/ê, îié capitale , pour toute confpiration d'une des parties contre la vie de r autre, de même que pour tout traitement mauvais ^ crueL Bien plus , on peuc conclure crès-claire- inent du douzième Chapicrequi traite du Divorce , qu'on doit raccorder dans des cas de difputes ou de querelles bien moins confia derables que celles qu'on vient d'indi- quer, lorjuuellés font continuelles. Voilà ce que les plus fages Têtes du Royaume au- roient voulu faire pafTer en Loi par l'au- torité du Parlement & de l'AlTemblée du Clergé, fi la mort prématurée du Jeune Edouard n'eût pas rompu leurs mefures, & fait évanouir leur defTein. Milton triom- phe ici, 6: femble infulter en quelque forte à fes Adverfaires , en leur faifanc fentir tout le poids de l'autorité de ces grands noms qu'on vient d'indiquer. Et comme fi tout cela ne fuffifoit pas encore j il nous donne dans la Pièce fuivante , û jugement de Martin Bucer fur le Divorce , addrelTé à Edouard VI. & extrait du fécond Livre de Regno Cbrifii , écrit par ce Refor- mateur , traduit du Latin, i. Cette Pièce fert à confirmer & à jufiifier le fentiment de Milton par l'autorité d'un aufil grand homme qu'étoit Bucer. Et pour faire en- core mieux fentir combien cette autorité doit avoir de poids, Milton rapporte les témoignages que plufieurs grands Hom- mes ont rendus au fçavoir 6c"au mérite de Mar- OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. 173p. 95 Martin Bucer. Ec comme Fagius a été du même fentiment que lui , on nous don- ne aufTi les témoignages que plufieurs Sça- vans lui ont rendus. Ceci eft fuivi d'un Difcours au Parle- ment, qui contient un court éloge de Bu- cer, & de ceux qui , comme lui, fe font déclarez pour le Divorce, & Ton expo- fe des raifons qui devroient engager le Parlement à en rétablir l'ufage.. Après cela on trouve la Traduction du Jugement de Bucer, à quoi Milton a ajou- té une Apoftille, où il remarque , qu'Eraf- me a traité le même fujet, & qu'il ne s'é- loigne pas du fentiment de Bucer, comme on le peut voir dans fon Commentaire fur la première Epîrre aux Corinthiens. Ce qu'il y a de fmgulier, c'eft que com- me Bucer écrivit fon Traité en Angle- . terre, & en faveur de l'Angleterre , Eraf- me commença aufîi le fien dans le même Païs, & par compafîion pour les habi- tans, car il s'apperçut qu'ils avoient grand befoin de quelque Reformation dans cet Article de la Difcipline, où la Coutume prévaut ordinairement plus que la Vérité, nous dit Milton. Le dernier Traité fur le Divorce eftfort court, car il ne contient que douze pages. C'eft une Réplique à la Réponfe qu'un Anonyme avoit publiée contre le Livre du Divorce, Milton traite fon Adverfaire aflez Ç6 BlBLIOTHEQUEBRITANNIQnEj aflez cavalièrement ; La Sentence mê- me qui eft à la tête de cette Réponfe, faitaflez connoître ce qu'on doit s'atten- dre d'y trouver; ce font les paroles de Salomon au XXVI. Chapitre des Pro- verbes , verfct 5. Répons au fol félon fa folie^ de peur qu'il ne s'ejiime être fage. Nous rendrons compte du reite de ce Rçcueii dans un dé nos journaux fai- vans, ARTICLE III. Seleflus Diplomatura & Numifmatum Scotise Thefaurus , ,in duas Partes diilributus : Prior Syllogen complec- titur veterum Diplomatiun five Charta- rum Regum & Procerum Scotiae , unà cum eorum Sigillis , à Duncano IL ad Jacobum L id eft , ab anno 1094. ad annum 141 2. Adjunfta funt reliquorum Scotise & Magnae Britannise Regum Sigilla , à praedido Jacobol.adnuperam duorum Regno- rum in unum , anno 1707. coalitio- nem. Item Chara6teres & Abrevia- turse in antiquis Codicibus MSS. in- {Irumentifque ufitatae. Poflerior con- tinec Numifmata, tam aurea quàm OÔTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. 97 argentea fingulorum Scotiae Regum , ab Alexandre I. ad fupradidam Re- gnorum coalkionem perpétua ferie de- du(fla. Subncxis quae reperiri pote- rant eorundem Regum Symbolis He- roïcis. Omnia fummo artiiicio ad Prototyporum fimilitudinem tabulis aeneis exprefla , adjcctis fingulorum Diplomatum , recentiore Scripturoe forma , aeri itidem incifis exemplis. Ex mandato Parliamenti Scotici col- legit , digeflic , & tantum non pern- cienda curavit cgrcgius , ac patria- rum Antiquitatum callentilTimus Vir Jacobus Andersonus, Scriba Regius. Quce Operi confummando deerant fupplevic , & Prcefatione , Tabularum explicarione, aliifque Ap- pendicibus , rem Scotise diplomati- cam , nummariam , & genealogicam haud parùm illuftrantibus , auxic & locupletavit Thomas Ruddi- M A N N u s , A. M. fuppeditante fump- tus clarifiimo Viro Thoma Pa- TERsoNo, Armigero. C'eft-à-dire: Tréfor choifi des Diplômes fcf des Mé- dailles ou Monnoyes d'EcoJJe , divifé en Tome XIV, Fart. 1. G deux 9S Bibliothèque B RIT A NNîQtTE, deux Parties , dont la première contient un Recueil des anciens Diplômes ou an- demies Chartres des Rois £ff des Sei- gneurs d'EcoJJe , avec leurs Sceaux , de- puis le Roi Duncan IL jufques à Ja- ques 1. ceftà'dire , depuis Fan 10P4. ju/quà Tan 1412. On y a ajouté les Sceaux des autres Rois d'EcoJfe &f de la Grande-Bretagne , depuis Je même Jaqiies 7, jufques à l Union des deux Royaumes en 1707. Avec les Cnracisres Êf les AbbréviatiQns qui font employées dans les anciens Manufcrits ^ Inftrumens pu- Mes, La Seconde Partie contient une fuite non interrompue des Médailles ou Monnoyes d'Or Êf d'Argent de tous les Rois à'Ecojfe , depuis Alexandre I. juf- ques à T Union des deux Royaumes. A quoi Ton a joint toutes les Médailles Sym- holiques des mêmes Princes qu'on a pu recouvrer. Le tout parfaitement bien gradué d'après les Originaux. On y a ajouté aujfi d'aiUres Planches , qui re- prèfentent chaque Diplôme en Cara^ères modernes. Recueilli ty arrangé (par or- dre du Parlement d'EcoJfe) par Mr. Jaques A n d e r s û n ^ Gref- fier OCTOB. NOVEI^IB. ET DeCEMB. Î739. pp fier Royal * , Homme parfaitement bien injtruit de tout ce qui regarde les * Le Titre Latin, Scriha iJé-^mj , qu'on donne à Mr. Anderfon, ell afTez équivoque: maisc'eft apparemment la feule expreflîon qu'on ait pu trouver , pour rendre le fens du Titre Anglois , qui eft , JVriter îo tbe Signet , ou to ber Majeftfs Signet. Pour comprendre ce Titre, il faut fça- voir qu'il y a deux Bureaux qui dépendent des principaux Secrétaires d'EtaC. L'un s'ap- pelle tbe Paper - Office , le Bureau des Papiersî j c'efl celui où l'on conferve tous les Papiers qui regardent les Affaires d'Etat , comme les Lettres du Confeil , les Inflruftions données aux AmbafTadeurs , &c. L'autre, qu'on appel- le tbe Signet , le Cacbet , parce qu'on y garde le Cachet du Roi. C'efl dans ce Bureau qu'on prépare les Papiers qu'il faut que le Roi figne. Quand il en a figné quelqu'un, on en tire une Copie , que l'on porte à un des principaux Secrétaires d'Etat , qui y met fon cachet; & c'efl ce qui autorife le Garde du Sceau privé à y appofer le Sceau. Miége , Prefent State of Gr, Britaîn , Cbap. 34. p. m, 257. Edit. 1738. En EcofTe il faut que tous î«s Ordres &c. qui fortent du Bureau appelle tbe Signet , foient foufcrits par un des Clercs ou Ecrivains de ce Bureau , c'efl pourquoi on les appelle JVriter s to tbe Signet. ( Miége , Prejent State of Scotland , f^g. iSo.) Mr, Anderfon étoit un de ces Clercs, ou Ecri- vains. G 2 100 Bibliothèque Britannique, les Anûquitez de fa Pairie y £f qin a pris /ow ae porter cet Ouvrage prefque à la perfr^iov Ce qui y manquoîî encore a été ajoute par Mr. Thomas Ruddi- MaN, Maître es Arts ; qui y a joint aujji une Préface , V Explication des Flanches, £? quelques autres Appen- dices , qui fervent à expliquer ce qui regarde les Diplômes Êf les Médailles d'EcùJfe , Êf les Généalogies des Famil- les de ce Païilà. Publié aux fraix de Villuflre Mr. Thomas Paterson, Echyer'. A Edimbourg . chez Tho. <5c Gault Ruddiman. Et fe vend à Londres chez le même Mr. Tho. Parerfon, dans Conduit-Streeî proche de Hanover- Square; chez André Mil- lar, à l'Enfeigne de Buchanan vis-à- vis l'Eglife de S. Clément; & à E- dirabnurg chez Gavin Hamilton , Libraire. 1739. Grand in folio, qui contient 180. Planches. UN Titre û ]on2;& Cbien circonflan- cié dirpenfe prefque un Journaliile d'entrer dans aucun détail. Cependant nous croyons qu'il ne fera pas inutile de faixe un peu mieux conuoîcre TOuvrnge donc OCTOB. NOVÊMB. ETDeCEMB. I739. TOT dont il s'agic. 11 ell: dédié au Roi * par Mr [^atrick Anderfon, fils de l'Auteur. Après la Dédicace , on trouve la Réfolu- tion du Parlement d'Écofle pour encoura- ger Mr. jaques Anderfon &i le mettre ea état de continuer cet Ouvrasse. Cette Ké- foliuion fut prife le 12. de Février 1707. <5c nous apprend, uue Ie9 de Novembre pré- cèdent le Parlement avoit nommé le Com- te de Gîafcow, le Lord Baimerinoch. le Chevalier Jean Laudcr de Fountainhall , un des Sénateurs du Collège de Juflice, tSclc Chevalier David Dalrymple , Av ocat , tous Membres de Parlement , pour examiner quel pjog'è^ Mr. Anderfon avoit fait dans l'Ouvrage dont le Parlement l'avoit char- gé dans la Séance pi écedente. Ces Mef* fieurs rapportèrent à la Chambre, que Mr. Anderfon avoit avancé Ton Ouvrage , au- tant que le tems & la difficulté de cette entreprife l'avoient pu permettre, & qu'il méritoit de nouveaux fecours pour Sup- porter les fraix à quoi ce travail l'enga- geoit, afin qu'il pût continuer cette tâ- che d'une manière uniforme, & avec tou- te l'exadlitudc qu'on avoit droit d'atten- dre dans un Ouvrage commencé par le commandement d'une AlTemblée aufïï re(^ pedable que le Parlement. Ces Meflieurs ajoutèrent, qu'ils avoient vu déjà vingt-&- quatre de ces Chartres gravées , avec les Sceaux ♦ Ge.orge II. G3 I02BIDLI0THEQUE BRITANNIQUE, Sceaux de plufieurs Rois, & que les ayant comparées avec les Originaux, ilsavoient trouvé qu'elles les repréfentoient avec tou- te l'exaclicude qu'on pouvoic défirer : Qu'ils avoient vu auflî plufieurs Tables toutes prêtes à être gravées, dans lef- quelles l'Auteur expliquojt les différens Caractères qui ont été en ufage dans dif- férens fiécles 5 & les Abbreviations qu'on rencontre fi fouvent dans les anciennes Chartres , & dans les vieux Manufcrits ; à quoi l'Auteur avoit deflein d'ajouter di- verfes Notes, & des Obfervations utiles. Que Mr. Ander'fon leur avoit donné un compte des fraix qu'il avoit déjà faits par rapport à ce qui étoit adluellemenc gravé,. ou prêt à l'être , & qu'ils trou= voient ce compte très-moderé &: très-rai- fonnable. Que depuis qu'on l'avoit char- gé de cet Ouvrage, il avoit été obligé de faire plufieurs autres dépenfes en Livres rares & curieux en Latin, en Saxon, en Prançois & en Anglois : . . . . Qu'il lui en coûteroic encore beaucoup pour faire graver les anciennes Chartres , & pour îes faire imprimer en Caradtères moder- nes , avec les Notes & fes Obfervarions : Qu'ils trouvoient que Mr. Anderfon a- yoic non feulement employé pour cet Ôuvrar^e les trois-cens Livres Sterling qui lui avoienc été accordées dans la dernière Séance du Parlement, mais qu'il y avoic encore dépenfé cinq-cens quatre-vingt dix Li- OcTOB. NovERfn. etDecsmîî. 1739. 103 Livres Sterling de fon argent. Qu'ils étoient d'avis que le Parlement devoit le rembourier de cette fomme ,& lui accor- der outre cela 1050. Livres Sterling, pour le mettre en état de continuer cet Ou- vrage. Et comme le tems & les foins qu'il y donnoit, ne pouvoienc que le détour- ner beaucoup de Tes occupations parti- culières , & lui caufer par confequent une perte conûderable, leur opinion étoit, que le Commiflaire de Sa Majedé &: le Parle- ment dévoient trouver moyen de le dé- dommager de cette perte. Ce Rapport des Commiflaires étant ap- prouvé par le Parlement , cette augure AC- lemblée réfolutle 5. Mars 1707 *, que Sa Majefté feroit très - humblement fuppliée, de faire payer à Mr. Anderfon les fommes marquées ci-delTus , & de lui donner ou- tre cela quelqu'emploi^, pour le dédomma- ger de ce qu'il pouvoit perdre en s'ap- pliquant à cet Ouvrage. Tout ceci a été extrait autentiquement des Regidres du Parlement d'Ecofle. On trouve après cela une Table qui marque d'où ont été tirées les Chartres , les Monnoyes &les Médailles Symboliques qui font contenues dans ce Tréfor^oupar quel- * A commencer Tannée le 2^. Mars, autre- ment il faudxoit mettre 170S. G4 104B1BL10THEQUE Britannique, quelles perfonnes elles ont été communi- quées. On nous apprend à la fin de cetce Table , que Mr. Ciulcicr Macfarlan , Ecuyer , jeune -homme de beaucoup de mérite , (Se très-fçav^ant en fait d'Antiquité , a été fort utile à notre Auteur, en lui expli- quant un grand nombre d'anciens noms de lieux ou de familles. Ceci eft iuivi de la Préface de Mr. Tho- mas Ruddiman, qui nous apprend, que Mr. Andcrfon n'a pas pu mettre la dernière main à cet Ouvrage, ayant éré prévenu par la mort. On nous dit enfuite ce qui l'engagea à l'entreprendre. Vers le com- mencement de ce fiéclcjun certain Anglois, nommé Guillaume Atwood , publia un Li- vre, où il entreprit de prouver, que les Rois d'Ecoiïe avoient toujours été Vaf- iaux des Rois d'Angleterre, ce qu'il pré- tendit foutenir par le témoignage de Mr. Andcrfon lui-môme. Celui-ci le réfuta fo- lidement dans un Ouvrage exprès , & prou- va avec la dernière évidence,que le Royau- me d'Ecoiïe a toujours été parfaitement indépendant de tout Prince étranger. Cet Ouvrage fut très - bien reçu de tous les Ecoiïbis, &. en particulier du Parlement, qui ordonna qu'on en remercieroit l'Au- teur , & qui l'en recompenfa glorieufe- ment. En travaillant à la réfutation d'Atwood, il fut obligé de confulter les Archives des deux OCTOB. NOVEMR. ET DeCÈMB. I739. ÎÔ5 deux Royaumes : il y trouva non feule- ment de quoi confirmer l'Indépendance de celui d'Ecofle , mais aufii un grand nombre de Chartres & d'autres Monu- niLms qui fervent à éclaircir l'Hifloire de ce Royaume. Il réfolut de publier un Ouvrage plus confiderable , propre à ré- lever la gloire de fa Patrie. Mais com- prenant que cela l'engageroit à de très- ^ros fraix , il propola ton deffein à i^es Amis, & enfuite au Parlement, qui,per- fuadé de l'utilité de ce deflein , encoura- gea l'Auteur à l'exécuter , & lui accor- da pour cet effet une honnête Pen- fîon. IMr. Ruddiman nous donne enfuite le Plan de l'Ouvrage de Mr. Anderfon. La première Partie contient un certain nom- bre de Diplômes choifis & de Chartres des Rois d'EcolTe, & des Grands du Ro- yaume , pendant l'efpace de plus de trois- cens ans, comme on l'a vu dans le Titre de cet Ouvrage , dont le deflein eftde fa- ciliter aux Curieux la Icdture de ces an- ciens Monumens. Si TAuteur n'en a pas donné de plus modernes , c'eft que ceux-ci font prefque tous écrits du mê- me caradlère , au lieu que le des Evêques, d autres fujets. Aprçs cette Préface on trouve une Ta- ble Chronologique des Rois d'Ecofle , de- puis Malcolm IIJ. qui commença à ré- siner le ij. d'Avril 1057. jufques à Geor- ge IL Ceci eft fuivi d'une Table de toutes ks Planches qui font contenues dans ce Volume, avec une courte Explication du fujet de chaque Charcre, & une Defcrip- tion abrégée desMonnoyes&des Médail- les dont cet Ouvrage contient les figures. On voit aulTi au bas des pages de cette Table diverfes Notes, oii "l'on explique certaines chofes qui fe rencontrent dans les Chartres &: dans les Médailles, &c. & où l'on apprend aux Lecteurs en quel endroit ces Médailles fe trouvent. bnfiri il y a encore ici une Table fort am- p^c,qui contient les Noms & les Surnoms de routes les perfonnes, (S: qui fait con- r.oître les principales Familles dortt il efl LI 2 par- 11(5 Bibliothèque* Britannique, parlé dans ces Diplômes. Cette Table pêuc être d'un grand lecours à ceux qui veu'.ent apprendre à connoître les Famil- les les plus diftmguées d'EcoHe. On ne s'attend pas fans doute que nous donnions ici un Extrait des Chartres , & des Mon noyés & Médailles que cet Ou- vrage renferme. Ce que nous venons de dire fuffit pour en faire connottre le prix. Nous ajouterons feulement, que le Graveur s'eft très -bien acquitté de fon devoir ; toutes les Planches , étant parfaitement bien gravées, au jugement des Experts. . N'oublions pas de dire, que Mr. An- derfon, Auteur de cet Ouvrage , efl le même qui a publié un Recueil concernant VHiJîoire de Marie Reine d'EoJfe, en 4. Vo- lumes in 4. & dont nous avons rendu compte dans cette Bibliothèque , Torw IV, Part. 1. pag. 19. âf Part. II. pag. 338. ^ Tom, V,-Part. I. pag. 42. ARTICLE IV. TheBishop of London's Pafto- ral Letter to the People of his Dio- cefe ; Efpecially thofe of the two great Cities of London and Welimin- • jjkîri By way of Caution , Againft Lu- OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. ny Lukewarmnefs on one hând , and Enduiûarm on the other. Cefl-à- dirc : Lettre Pajlorale de Mr. l'E v e- Q,UE DE LoNOKES, aux Fidèles de fon Diocèfe, fur-tout à ceux des deux grandes Filles de Londres ^ de Wefl- miîifter : Four les prémunir contre la Tiédeur , d'un côté , is> de Vautre , con- tre t Enthoufiajnie. Troifièrae Edi- tion, chez S. Buckky. 1739. 8. pp. 55' AVANT que de rendre compte de cette nouvelle Lettre Pajlorale de Monfieur l'Evêque de Londres , il eft à propos d'inftruire nos Lecteurs de ce qui y a donné lieu. Quelque bruit que la chofe ait fait en Angleterre & quoique les Gazettes Françoifes en ayent fouvenc parlé, nous aurions continué à garder là- deflus un profond filence , fi des Eccléûaf^ tiques Aogi'cans du premier mérite, (Se en particulier notre illuftre Prélat, n'avoienc jugé à propos de s'en expliquer dans des Ecrits publics. Depuis trois ou quatre ans il s efl élevé dans ce Pais une nou- velle espèce deMyftiques, à qui on don- ne le nom de Métbodijies , c'eft-à-dire de gens qui prétendent avoir trouvé une Méthode ou une voye particulière pour ar- river au falut ; laquelle en deux mots , H 3 con- Il8^BlBLI0THE QUE BRITANNIQUE, conûfle à mener une vie fort auftère , à faire profeffion d'un parfait détachemenc des biens du monde , &à pouiTerle Cal- vinifme fur les matières de la Prédeftina- tion & de la Grâce jufqu'à TEnthoufiaime. Cette efpece de Sedle ( car nous ne fça- vom prefque quel nom lui donner) a pris naiffance dans l'Uni verfité & Oxford; quelques Etudians s'écant entêtez de ces idées, ont formé des Societez , & tenu rc- guliereraenc des Aflemblées reli^ieufes , dont on ne s'eft apperçu que lorsqu'elles ont été bien établies. Enfuitc ,fortisde rUniverfité, ils ont pour la plupart pris les Ordres, & fe font mis à prêcher de tous cotez leur doctrine, à laquelle ils ont attiré un grand nombre de perfon- nes , fur -tout du petit peuple. Entre ces Prédicateurs , celui qui s'eil le' plus diftingué à tous égards , & que par cet- te raifon Mr. rÉveque de Londres a particulièrement en vue dans fa Lmre Pajlorale, c'eft Mr. Wbitefiel.l ,-^0Tït Ton ne fera pas fâché que nous donnions ici en peu de mocs l'Hifloire , tirée de 'fes propres Ecrits, ou de ceux de fes parti- fans , & d» quelques autres Mémoires autentiques. Mr. George Wbiîefield efl un Jeune-hom- me d'environ 26. ans 5 fils d'un 'Cabare- tier de Gloucejîer. Son Père l'envoya de bonne-heure à l'Ecole Latine de cette ville , où il fe fie dans peu remarquer par fan OcTon. NovEMD. ET Decemb. 1739. 119 fon férieux & fon averfion pour tous les divertiflemens de la Jeunefle. Au lieu de s'amufer à jouer avec Tes Camarades, il -les engageoic à venir chez lui , & là il leur repétoit de mémoire ce qu'il avok appris à l'Ecole ou au Sermon ; il leur li-r foit l'Ecriture Ste. & Te mêloic même de la leur expliquer , faifant paroî'tre dès îors une forte inclination à prêcher, ou du moins à parler en public mot, ia2BiBLioTHEQnE Britannique, „ mot , je pratiquois tous les devoirs de „ la Religion naturelle & révélée , de „ manière que tous ceux qui me connoif- „ foienc me prenoient pour un Saint. Ar- „ rivé à Oxford , je me mis à étudier „ conformément aux ufages de cette U- „ niverfité , je m'appliquai aux Mathé- ,, matiques&aux Belles-Lettres; & com- ,y me Dieu m'avoit donné un génie fer- ,, tile, beaucoup d'efprit & de penétra- „ tion, on conçut bientôt dans le Colle- „ ge de grandes efpérances que je ferois „ un jour un homme fçavant. Je donnai ,, auiîi quelque tems à la ledlure des Ser- „ mons de nos Tiiéologiens les plus dif- „tinguez, entre autres de Sbarp , de ,5 Souîh 6: de Calamy. J'ai lu depuis quel- ,y ques-uns des Sermons de TUlotfon; Mr. f, Wejley [autre Minillre MéiboàiJU~] en a ,^ lu plus que moi: mais je regarde à pré^ „ fent ces Sermons comme un Syiliême „ de ûmple Morale nacurelle, & je crois „ que cet Archevêque ne connoiflbitnon ,, plus le véritable Chrirtianifme que Ma- „ homet. Je ne le connoiflbis pas moi- ,, même jufqu'à ce que le Livre qui a „ pour titre, La Pie de Dieu dans l'Amede „ V Homme ^ & qui vaut Ton péfant d'or , ,, me tomba heureufement encre les ,y mains *. En le lilant je me convain- >i quis * Voici le titre entier de ce Livre , The Life OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. Î739. I 23 » quis de la néceffité de la régénération, 99 & je changeai aufii-côt de manière de „ vivre. Au lieu que les fciences hu- 9> maines,quin'onc rien que d'inlipide, m'a- ,9 voient julqu'alçrs principalement occu- 99 pé, je m'appliquai tout entier à l'étude „ de l'Ecriture Ste. & fi je lus d'autres ,9 Livres , ce ne fut qu'à mes heures per-» ,9 dues , & fort rupcrficiellement. Quand „ on vit dans le Collège un fi grand chan^ „ gement en moi, on commença à me „ regarder comme une perfonne dont le n cerveau étoic dérangé , & de qui il n'y ,9 avoit Life of- God in tbs Sml of Man ; nr the Nature mid Excelleiicy of the Cbrijîian Religion. JVitb the Metbods of aîtaining the bippinefs ^^vbicb it propofes. Alfo an Accou^iZ of tue beginnin^s. and ûd'uances of a Spirinn} Life. C'efc -^à- dire : >j La Vie de Dieu dans rAme de y, rHomme; ou la Nature & l'Exceîlence del^ 2, Religion Chrétienne: Avec les Mctbodes ou, }p les Moyens d'obtenir le bonheur qu'elle pro- }) pofe. On y a joint un Traité des comment y) cemens & des progrès de la Vie ipiritueïle \ y, & une Préface , par Gilbert B u r n e t' en »i fon vivant Evêque de Sàljsbury '', Quoique le titre de ce Livre , dont Mr. Burnet n'ell, i proprement parler, que l'Editeur, femble an- noncer du MyHique, cependant il ne renfer- me rien que de très - orthopoxe , & il feroit à fouhaiter que Mr. IVbitefieîd ne fut pas allé plus loin. 124 BlBLIOTHF QUEBrITANNIQUE, „ avoic rien de bon à attendre. Pen« f, danc deux ans [ c'eft-à-dire fans doute „ depuis cette dernière époque] je fus „ expofé à des tentations fans nombre, & „ aux attaques continuelles du Démon „ qui me fuîiffietdt ; mafs cela même m'a M mis en étai d exercer avec plus de di~ ff gnué & de fuccès les fon(fcions du St. ,; K'Jinilière. Car ayant moi -même éprou- tf vé toutes chofes , & fouffert toute forte „ de tenrarions , je puis d'autant mieux „ accommoder mes enfeignemens aux „ circoDitaDces particulières (Se à l'étap „ fpirituel des autres :• fans compter que „ je fuisbien plus propre que les autres „ Minillres à compofer des Sermons , ,> parce que je n'ai jamais rien prêché ,, que je n'aye actuellement fenti & con- „ nu. par expérience. Et au lieu qu'ils „ font obligez de méditer long-tems à „ Tavance fur un fujet , & de donner la 9, torture à leur efprit des femaines en- „ tieres pour faire un Difcours paflable , f, Dieu m'a mis en état de compofer f, aufîi vite que je puis écrire. „ Mr. J'Vhitefield -à foutenu auflî [dans „ la même converfation] que le St. Ef- „ prit agit premièrement fur l'entender „ ment, & enfuite force la volonté , & „ qu'il n'ell: pas plus pofTîble de décrire ^ „ un Irregenéré le fentiment intérieur „ qu'on en a , qu'il n'eft polTible de décri- „ re à un Aveugle les couleurs. Après OCTOB. NOVKMB. EtDeCEMB. 1739. I25 Après quatre ans de féjour à l'Univerfi^ té, Mr. JVbitefield prie le degré de Bache- lier es Arcs ; mai^ au lieu ci'y refter en- core trois ans, félon la coutume, pour obtenir celui de Maître es Ans, 6c le mettre en ccat de recevoir les Ordres, il vint à Londres pour s'offrir daller en qualité de MifTionaire à la Géorgie. Quelqu'honneur que ce voyage dût na- turellement lui faire dans le monde , il n'a jamais voulu avouer les raifons qui l'y avoient déterminé , craio;nant , dit- il, qu'on ne s'en moquâr; par où il con- firme aiTez ce qu'on a ouï dire à quelques- uns de fes Sedlateurs même , que pen- dant long-tems il avoit eu là-deiïus des vifions & desfonges,6c entendu diftinc- tement dans la nuit une voix qui lui or- donnoit d'aller exercer fon Miniftère en Géorgie. Quoi qu'il en foie de ce rapport , il eft certain que Mr. îVhiîefield lui-mê- me s'eft toujours exprimé fur ce fujet, comme s'il avoit eu une Miflion extraor- dinaire & immédiate du Ciel. Pour fe mettre en état de remplir cette Miffion, il s'addrefla à Mr. l'Evêque de Londres , qui lui donna la vocation de Minillrede la Colonie de Savannab, & tour enfembie les Ordres de Diacre, avecpermiiFioi de prêcher dans toute l'étendue de la Géor- gie. Aufli-tôc qu'il fe vit muni de ces di- vers titres , il fe mit à prêcher dan? la plupart des Eglifes de Londres, fur-tout ce Î26 Bibliothèque Britannique, Gè qu'on appelle des Sermons de Charitéx'Giï' à-dire deftinez à favorifer des Colîedtes qui fe font pour des Fondations pieufes. Le peuple courut en foule à les Ser- mons , foit que ce fût par amour pour la nouveauté , ou par prévention en fa- veur d'un Jeune-homme qui fe dévouoit volontairement à un Miniilère fi péril- leux & fi pénible , ou peut-être aufTi par le foin que prirent fes Partifans de le prôner par-tout comme un homme ex- traordinaire , & d'inllruire le Public à l'avance du lieu & du tems ou il devoit prêcher. Il n'y avoit pourtant encore yien de fort particulier du côté de la dodrine dans fes Sermons qu'on a im- primez depuis ; la plupart rouloient fur d^s fujets de Morale , traitez fort fuper- ficiellement ; à. (i quelquefois il parloit en Ctilviniile rigide des matières de la Grâce, perfonne ne pouvoit ni l'admirer pour cela feul, ni y trouver à redire ; parce que dans l'Eglife Anglicane cha- que iV'Iiniftre a la liberté de prendre là- delfus le parti qu'il lui plaît. Comme il faut être Prêtre pour pou- voir exercer dans cette Eglife toutes les fonftiôns du Miniilère facré , il femble qu-e Mr. JVbitefield n'auroit pas du partir pour la Géorgie, fans avoir reçu cet Or- dre : cependant il en jugea autrement , & par d^s raifons que le Public eft enco- re à deviner, il fe mit en chemin , n'étant que OCTOB. NOVEMB. ET DëCÈMB. T739. T27 que fimple Diacre, le 28. de Décembre 1737. après avoir fréquemment prêché pendant quelques mois à Londres & aux environs. La Relation qu'il a fait impri- mer, en forme de Journal, de Ton Voya- ge & de fa conduite depuis ce tems-la , eft 11 extraordinaire, qu'on diroit en la lifant que c'eft un fécond Se. Paul , qui revêtu du don d'Infpiracion , (!c môme de Prophétie , parcourt les terres & les mers pour annoncer l'Evangile , & faic les converfions les plus nombreufes & les plus furprenantes. Qu'on en juge par les traits fuivans , indépendamment de ceux que nous aurons occafion deréicvcr en donnant le précis de la Lettre Paftc^ raie. „ Le feul motif qui m'a porté à quitter ,j mon pais natal pour aller à la Géorgie , „ c'eft une ferme conviction que telle „ étoit la volonté de Dieu *. „ Il plut à Dieu de me donner une preu- „ \^ [ou un ligne] qu'il étoit avec moi 99 dans le Vaifleau f. ,^ Je prêchai à Deal fur Aétes XKVWU „ 26. La plupart de ceux qui m'écou- 99 toient, eurent une vivecomponftionde ?» cœur, & quelques-uns même furent li »f touchez 5 qu'ils déclarèrent qu'ils fouhai- „ toien: * Journ. I. pag. 3. t Ibid pag. 4 isSBlBLIÔTHEQTJE B It I T A N N I Q Ù fe , i, toient de me fuivre par-tout ob j'irois. „ O grâce parfaitement libre de Jefus- „ Cbriji! Je ne me fouviens pas d'avoir „ jamais prêché, quejen'aye vu des elFsts „ de ma prédication N'efl-ce „ pas-là une Preuve que ce n'ell pas moi „ qui parle, mais que Dieu efl véritâble- „ ment avec moi *? ,, Long-tems avant que d'arriver à Gl- „ braltar , j*avois demandé à Dieu qu*il „ lui plût d'ouvrir dans cette ville une „ porte efficace à mon Miniftère , & de me 9) faire connoître où je devois loger ; & ,i voici qu'aujourd'hui il m'a exaucé. . .»♦ „ Quand je vous ai envoyez fans maletîe ^ ^yfœnsfouliers y avez- vous manqué de quelque- f, cbofe ? Et ils répondirent , de rien , Sei- „ gneur f ! ,, L'énigme de Samfon a été accompli à 9, Gibraltar ; de celui qui dévoroit ejl proce- „ dée la viande, ^ du Fort eft prncedée la 9, douceur. Y a-t-il de gens qu'il foitplus ,5 difficile de toucher que les Soldats? Ec „ cependant je n'ai vu rulle partlepou- „ voir de Dieu fe manifefter d'une ma- 9, nière plus fenfible que parmi ceux de „ cette Garnifon. PluCeurs , qui étoient „ entièrement aveugles , ont recouvré la „ vûë [par mon Miniftère.] Plufîeurs » qui * Ibid. pag/ 17. 18. t Ibid. pag. 34. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I73P. l^g M qui étoient tombez fe font repentis , (Se „ font retournez au Seigneur , plufieurs „ qui avoient honte de Jefus-Chrifh, Font „ confeffé publiquement, & plufieurs qui 9, étoient faints ont été remplis d'une joye „ ineffable & glorieufe. C'ejl ici l'œuvre „ de r Eternel , £5* une cboje merveilleufe devant iy nos yeux *. ,9 Dleuaappofé fon fceau à mon Minif- „ tcre dans l'Amérique ,& une manière que „ je ne pouvois, &que je n'aurois jamais ,f ofé efpérer f- ,, Les promeffes particulières & réïte- „ rées que Dieu m'avoic faites que je „ retournerois en paix, remplilfoientmoa ,, cœur , derniers jours , que tes enfans retourneront 99 dans leurs quartiers. Jerem. XXXI. 15, 9i j6, 17. Il y a bien d'autres promefles s, que j'ai ferrées dans mon cœur. Dieu „ veuille que je fois afTez heureux pour „ n'en jamais douter ; car certainement M les chofes dont il a parlé par foa „ Efprit à mon ame , feront accom- 99 plies *. „ J'avois été toute la nuit en prières ; 99 cependant Dieu me remplit tellement 99 de fon Efprit , que je parlai avec autant 99 de force que j'aye jamais fait. Mon 99 corps étoit foible, mais j'éprouvois au « dedans de moi une vertu furnaturel- * Ibid. pag. 35. OCTOB. NOVEMB. ET DEcEMB. I739. I31 , le 5 qui fait que je puis dire , que /or/^we je Juis foible , c'ejt alors que je JiiU Wfon * „ Je trouve que j'acquiers beaucoup 99 plus de lumières & de connoiflance en ,, prêchant fans préparation, qu'en compo- „ iant à l'avance mes Sermons; ainli je „ crains d'éteindre VEfpriî , fi je ne conti- „ nue pas à parler fur le champ , félon 99 qu'il me donne de parler f. ,, Ce jour a été un véritable Sabbatb. ,9 Dieu ne m'a~t-il pas aujourd'hui avoué „ pour fienen préfence de près dedouze- „ mille âmes ? N'a-t-il pas fortifié mon 9, corps d'une manière furprenante ? N'a- „ t-il pas rempli & fatisfait mon ame ? „ Aujourd'hui je connois que j'ai reçu le ,rSt. Efprit Car je le fens tout „ auiïî bien qu* Elifée le fentit quand Elis „ laifla tomber fur lui fa manteline. Bien „ plus, d'autres le voyent; &. fi mes Ad- „ verfaires même vouloient dire ce qu'ils M en penfent , ils avoueroient que Dieu M eft efFedlivement avec moi. Pour^ ,9 quoi dmc font-ils la guerre à Dieu l ? „ Si c'étoit la volonté de Dieu , je „ refterois avec plaifir ici [à Londres] 99 mais il faut que j'aille dans tous les „ lieux * Joiirn. III. pag 3. t Ibid. pag, 17. i Ibid. pag. iS. I 2 132 Bibliothèque Britannique, „ lieux & toutes les villes oii j'ai déjà „ été ; car c'ell pour cela que je fuis 9, envoyé. Seigneur , envoyé ton Ange de- f, vant moi pour préparer mon chemin *. „ Dieu me mit en état de parler avec „ une force irréfjftible , de forte qu'ils „ [les Contredifans] demeurèrent muets „ & confondus. Les uns déclarèrent „ qu'ils ne s'oppoferoient jamais plus à „ mçi. Les autres dirent qu'ils me fui- „ vroient par-tout où j'irois ,, Ce foir le falut efi entré dans ce lieu f. ,, On nous demande par quelle auto- „ rite nous prêchons ," & quels mira- „ clés nous faifons pour prouver que nous „ avons le pouvoir de faire ces chofes? ,, Mais hélas ! quel autre figne veulent- „ ils que nous leur donnions , que ce qu'ils „ voyent de leurs yeux? Dieu n'a-t-il pas 5, appofé fon fceau à notre Miniftère d'une 5, manière extraordinaire? Plufieurs qui ,, étoient des Aveugles fpirituels n'ont-ils „ pas recouvré la vûë P Plufieurs qui „ étoient boiteux n'ont-ils pas été forti- „ fiez pour courir dans le chemin des „ Commandemens de Dieu? Les Sourds „ n*ont-ils pas ouï? Les Lépreux n'ont- „ ils pas été nettoyez? Les Morts n'ont- „ ils pas été refifufcitez, & l'Evangile n'a- » t-il * Ibid. pag. 2o. t Ibid. pag. 24. OCTOB» NOVEMB. ET DeCEMB. I739. I33 „ t-il pas été prêché aux Pauvres ? Oa „ ne Içauroit nier que ces grands mira- f, clesn'ayenc été faits , non pas en notre 9y nom ou par notre pouvoir , mais au „ nom & par le pouvoir de Jelus de Na- ,9 zareth. Et cependant ces gens-là de- „ mandent un figne. Mais en vérité il ne ,9 fera point donné d'autre figne à cette ge- n nération méchante ^ adultère *. ii Aflurément fi les hommes ne veulent M pas fe rendre aux preuves évidentes 99 que Dieu a données qu'il nous a en- 99 voyez , ils ne croiroient pas quand mê- 99 me quelqu'un des morts rejjufciîer.oiî f. „ J'étois rempli de joye, & je défiroîs t9 de déloger pour être avec le Seigneur ; mais 99 je dois être auparavant bdtifé d'un hdtème, 99 Mon heure n^eft pas encore venue. Il y a „ plufieurs promelTes qui doivent être „ accomplies en moi , plufieurs âmes à „ appeller, plufieurs maux à fouffrir , a- „ vant que je quitte la terre 99 Bientôt il me fera donné non feulement de 99 croire en Jefus-Cbrijl y mais aufft de fouffrir 99 pour lui \ Le Vaifleau fur lequel Mr. Whitefield alloit à la Géorgie , s'étant arrêté quelque tcms à Gibraltar , lui fournit occafion de voir * Journ. IV. pag. 10. t Ibid. pag. 19. 4- Ibid. pag. 15. Journ. III. pag. 24, 25? 45. I3 134 BibliothequeBritanniquie, voir cette ville, & d'y faire éclater fon zèle, foie dans lé particulier, foie dans le public. Il y fut très-bien reçu de la Gar- •nifon Angloife , dont il relevé avec foin la bonne difcipline& même la pieté, quoi- qu'il fe vante d'y avoir fait des conver- gions extraordinaires. Mais ce qui lui fie le plus de plaifir , ce fut d'y trouver des Soldats dévots^ c'eft-à-dire des Métbodijles ^ avec lefquels fon ame étoit étroitement liée. Il s'informa de leur état, & il apprit que leur Société fubfiftoit depuis environ dou- ze ans; qu'au commencement ils s'afiem- bloient dans 'les cavernes" des rochers (Se furies montagnes, mais que s'étant in- fenfiblement accrus & enhardis, ils avoienc demandé la permifllon de bâtir un petit édifice pour leurs Aflemblées, 6: que le Gouverneur , qui les protégeoit , leur avoic accordé le libre ufage de l'Eglife Angloife , oh ils alloient régulièrement trois fois par jour faire leurs dévotions. Il dit qu'on les appelloit par dérifion les nouveaux Il- luminez. ,, Ce font en effet, s'écrie-t-il , ,, de glorieufes lumières ! Car après avoir „ converfé quelque tems familièrement „ avec eux, j'eus honte de voir le peu • „ de progrès que j'avois fait jufques-là „ dans la difcipline de jefus-Chrifl: ''. Il nous apprend auiH , que depuis peu il s'eft formé à Gibraltar une Société de Méthodijles EcofTois, à qui l'on a donné par mépris le nom de Lanlernes Sourdes , OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. I35' & qu'il fit ce qu'il put pour réunir ces deux Sociétés , mais inutilement; Tune étant encore à certains ég'drds Anglicane y & l'autre Presbytérienne. Le 7. de Mars 1 738. Mr. Wbitefield fe rem- barqua pour la Géorgie, où il arriva après environ deux mois de navigation. Il re- mercie Dieu , de ce que dans ce voyage il vint à bout de ramafler tous les mauvais Livres [ c'e(t-à-dire dans fon idée, tout ce qui n'étoit pas Livre de pieté] qu'il y avoit à bord, & de les jetterdanslamer, donnant à ceux à qui ils apartenoient , de bons Livres à la place. Il a appris , dit-il , par une confiante expérience, que ceux qui connoiïTent par goût &par fen- timent la vie fpirituelle , ne fçauroient ob- tenir fur eux-mêmes de Hre des Ouvrages qui roulent fur des chofes de peu de confequence [par où il entend fans doute les Arts & les Sciences humaines] & jet- tent au feu tous leurs Livres inutiles, à l'exemple de ceux que St. Paul convertit, & dont il eft parlé dans le Chap. XIX. ÛQS Aàes *. Arrivé à Savannah,Mv. Whîtefieîd ternit à prêcher & à exercer les autres fonctions de fon Miniftère. Mais le Magiftrat ayant jugé à propos qu'il s'établît à Frederica , qui efl: une Plantation aiTez confiderablc après de cent milles de Savannab,m Sud de * Journ. I. pag. 47. 14 i3<5 BibliothequeBritannique de la Géorgie , il s'y rendit au bout de trois mois. On lui donna aufli-tôt une maifon ; on eut foin de lui fournir tout ce qui étoit néceflaire pour fa fubfiftan- ce , & on fe difpofa à bâtir un lieu con- venable pour le fervice divin. Cepen- dant il n'y refta que huit jours, & par un mouvement que tout autre que lui traiteroit de pur caprice , mais qu'il re- garde comme une infpiration du Ciel, il rerourna à Savannab, oii il fe lafTa aufli bientôt de demeurer. Car foit inconftan- ce naturelle & inclination à courir de lieu en lieu, foit que, comme on Ta publié, il reçût des Chefs de cette Colonie un or- dre de fe retirer, parce que les trop fré- quens exercices de pieté qu'il faifoit, dé- tournoîent les habitans de leur travail, & les accoûtum.oient à la fainéantife; il prie ]a réfolution de s'emibarquer fur le pre- mier Vaillcau qui partiroit pour l'Angle- terre ; réfolution qu'il voudroit faire en- vifager comme la fuite d'une révélation qu'il avoit eue à ce fujet *. Quinze jours après fon retour à Sa'uannah , il en jDartit brufquement pour Cbarles-Toicn , oli il trouva un Vaifleau prêt à mettre à la voile, à bord duquel il fe rendit le 9. de Septembre; c'eft-à-dire qu'il ne demeu- ra pas quatre mois entiers à la Géorgie^ quoiqu'il eût reçu pour y prêcher l'E- van- * Journ. II. pag. 9. & II. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. T739. I37 vangile ,non feulement une Miflion hu- maine , mais même, félon lui, une Miflion divine & immédiate. Il fe peut néan- moins que, fentant par expérience l'im- prudence qu'il avoit eue de partir d'An- fleterre fans avoir reçu les Ordres de rêtre , il voulut la reparer au plutôt. Mais c'efl: ce gu'il n'a garde d'avouer , fuppofant conrtamment qu'en cela , com- me en toute autre chofe,il a été conduit par l'Efpritde Dieu. Apres un affcz long & périlleux voya- ge , Mr. Wbitefield arriva en Irlande , où , à l'entendre, il fut reçu des Grands &des Petits comme un Apôtre , & eut tout le faccès d'un Apôtre , quoiqu'il ne fît qu'y pafler. Mais, au travers des exprefl^ons dont il fe fert , on ne peut s'empêcher d'appercevoir une vanité fecrete qui le dévore. ,, Je prêchai , dit-il * , à la requê- ,, te de l'Evêque de Linuric , dans la Ca- „ thédrale de cette ville à une très- nom- „ breufe Afremblée,qui fut univerfeîlement „ touchée jufqu'au fond de l'ame , & qui „ s'attendoit que jeprêcherois encore l'a- „ près-midi ; mais il ne parut pas que la ,, Providence voulût m'oumir cette porte " [c'ell-à-dire , en termes plus fimples , qu'on ne le pria pas de rem.onter en Chaire, comme il paroît clairement par ce + Ibid. pas- 32. 33. I 5 138 Bibliothèque Britannique, ce qu'il ajoute] „ Mais pourquoi unMi- „ niftre étranger n*offriroit-iI pas toû- „ jours Tes fervices ? Il me femble que >, c'eft une faufle modeftie de ne pas le „ faire ; car un Sermon prêché par un „ Etranger, peut faire plus de fruit que „ plufieurs Sermons des Miniftres ordi- 9> naires auxquels le peuple efl accoûtu- j, mé Le lendemain étant forti „ pour expédier quelques affaires , j'eus „ la confolation de voir, que la bonne „ fémence que j'avois fémée, avoit reçu „ une bénédidlion particulière du Ciel : ,, car tous les habitans paroiffoient al- ,9 larmez de la nouvelle de' mon dépare, « & me regardoient , comme ie pafTois dans „ les rues , avec des yeux qui témoignoient „ combien ils s'eflimeroient heureux de „ pouvoir jouir plus long-tems de mon .„ Minidère Qui fçait quel em- „ brafement ce petit feu peut caufer? „ Pour moi, je fuis bien alTuré que Dieu „ ne m'a pas envoyé en Irlande pour „ néant *^ De retour à Londres ,Mr. IVhitefieîdrc mit à prêcher de côté & d'autre, & à ex- pliquer l'Ecriture Ste» dans des Aflem- blées pm]cn\\Qres de Méthodijles , comme il avoit fait avant fon départ. Seulement il garda moins de mefures, & s'érigeant en Réformateur , il foutint, que l'Eglife An- glicane étoit déchue de fon ancienne pu- reté en matière de Doctrine ; que fes Mi- OCTOB. N0V£MB. ET DfiCEMB. 173p. 139 Miniftres n'enfeignoient plus les dogmes de la Juftification par la foi fans les œu- vres, de lanéceflité de la Régénération & du don du St. Efprit ou de la Grâce immédiate, lefquels font clairement con- tenus dans les XXXIX. Articles de fa ConfeiBon ; ou que li quelques-uns en parloient encore dans leurs Sermons & dans leurs Ecrits , c'étoit d'une manière û différente de celle que les termes pré- fentent naturellement à l'efprit, qu'ils les j-enverfoient plutôt qu'ils ne les établif- foient. Après s'être exprimé fur ces ma- tières comme les Calviniftes les plus ri- gides , il outre leur Syftéme jufques à avancer , que r Homme n'ejt qu'un îrijls corn- pofé du Diable &* de la Bete , que le St. Efprit agit en nous fans nous -^ qu'il nous faifit lorfque nous y penfons le moins ; que fes imprejjions font auffi fenjîbîes , ^ beaucoup plus certaines , que celles*des objets extérieurs fur les organes .de notre corps , 6fc. *. Il dit , en parlant de lui-même & de quelques autres Métbodijîes, qu'ils furent remplis du St, Efprit en tel tems & en tel lieu; qu'il y eut une grande effufion de V Efprit entre les Frères \ que quelques-uns en furent fi inondez, qu'ils ne pouvoient prefquepas lefup- por- * Journ. III. paj/iitty & dans la plupart de fes Serinons nouvellement imprimez. ï4oBibliothequeBritannique, porter: & il fe ferc fouvent à ce fujet des phrafes confacrées parmi les Quakers & les autres Myftiques *. AuiTi declare-t- il dans un endroit , que leurs idées fur ce que c'eft que marcher ^ être conduit par lEfprit , font juftes & faines f- Une Dodlrine fi fanatique efl incompa- tible avec une faine Morale. Cependant il faut rendre cette juftice à Mr. White- feldy qu'en cela il n'a point fuivi fes prin- cipes. Car, à la réferve de quelques ex- prenions un peu trop fortes fur le Dé- mérite des bonnes œuvres , & de quel- ques déclamations ridicules contre lesMi- niftres qui s'attachent fur-tout à prêcher la Morale, & qu'il honore du beau titre de Moraliftes Payens , il a conftamment in- fifté fur la pratique de la Vertu , comme fur une chofe abfolument néceffaire. On peut même dire, qu'à cet égard il efl allé beaucoup plus loiif qu'on ne le fait ordinai- rement , & que l'Evangile même ne l'exi- ge; foutenant que les jeûnes & autres mortifications corporelles font non feule- ment utiles pour la pieté, mais même né- cefiTaires d'une nécefiîté indifpenfable , ne reconnoiflTant point d'adlions indifférentes par rapport au lalut, condamnant égale- ment toute forte de recréations , traitant d'£- * Voyez fur-tout Journ. III. t Ibid. pag. 59' dcTOB. NovE^^D. et Decemb. 1739. 141 d'Ecole du Diable le Jeu, la Comédie, la Danfe , la Chafle , les Courfes de Che- vaux & autres divertifTemens femblables , & défendant comme criminelle la lectu- re de tout autre Livre que de la Bible, ou des Livres de dévotion *. Si à une manière de prêcher fl peu rai- fonnable l'on joint les invedlives conti- nuelles qui ont échapé à Mr. Î^Vhiîe- field , foit dans fes Sermons , foit dans fes journaux , contre le Clergé Anglican , qu'il accufe de relâchement & dans la dodri- ne & dans les mœurs , & à qui il applique , fans aucun ménagement, tous les repro- ches que Jefus-Chrift fait dans l'Evangile aux Scribes & aux Phariiiens ; Ton" ne fera pas furpris que quelques Miniftres lui ayent refufé leur Chaire. On devroic plutôt l'être de ce qu'ils ne la lui ont pas tous refufé, & rien ne prouve mieux leur modération que la liberté qu'il a eu jufques à la fin,& malgré de nouvelles ir- régularitez , de prêcher dans plufieurs E- glifes ParoilTiales , tant à Londres qu'ail- leurs. Cependant il fe plaint de ce re- fus comme d'une efpece de perfécu- tion t> ce qui ne fçauroit être qu'en fup- po- * Entre autres dans fon Sermon fur la Folie ^ le Danger qu'il y a à n'être pas njjez jujle , en réponfe au Dr. Trapp qui avoit prêché fjr le même fujet. t Journ. HT. pag. i, 2. I42BIBLIOTHEQUE BRITANNIQirè, pofant , comme il fe fait fans doute , qu'il étoit abfolument néceflaire qu'il prêchât , en vertu de la Commilîîon immédiate qu'il enavoitreçudu Ciel. Mais les Minif- tres qui n'avoient aucune preuve de cette prétendue Miflion , étoient en droit de fup- pofer le contraire, & par confequent de refufer leur Chaire à Mr. JVhitefield. Ils le pouvoient d'autant mieux, que la po^ pulace qui le fuivoit , caufoit du défordre dans les Eglifes oh il prêchoit , & qu'a- près tout il n'avoit reçu de Mr. l'Evêque de Londres , qui l'avoit ordonné Diacre, aucune permilfion formelle de prêcher dans Ton Diocèfe , comme cela fe doit félon les Canons & l'ufage de l'Eglife An- glicane. Les Licences qu'il en avoit ob- tenu, fe bornoient à la Géorgie y ç\\x\ bien qu'elle relevé pour le Spirituel des Evê- ques de Londres, ne fait cependant pas partie du Diocèfe de Londres , comme Mr. IVhiîefield le fuppofe, pour juftiiierfa conduite. Entre autres particularitez qu'il nous apprend de lui-même durant fon féjour à Londres , en voici une qu'il ne faut pas pafler fous filence , & que nous tranfcrirons de mot à mot. ,, Le 5. de Janvier j'ai tenu „ une Conférence à Iflington fur des af- ,, faires de très-grande importance avec „ fept véritables Miniftres de Jefus-Chrift, ,, Métbodijtes méprifez , que Dieu a raf- ,, fcmblez d'Orienté d'Occident, du Mi- „ di OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. I43 ,> di & du Septentrion. Après avoir prié , „ nous avons décidé par le fort, les points „ dont nous étions en doute , <5c nous „ forames convenus de tout le refte avec ,, beaucoup d'amitié, de douceur & de 99 dévotion. Nous avons demeuré en- I, femble jeûnant & priant jufqu a trois ,> heures du matin , que nous nous femmes ,, feparez avec une pleine perfuafion „ que Dieu alloit opérer de grandes cho- „ fes parmi nous , &c *. Apparemment le St. Efprit préfidoit dans ce petit Col- loque de M\n\i\vcs Méthodiftes ,6: dirigea le fort qu'ils jettercnt , comme il le ût autrefois pour l'éleélion de Matthias. On nefçauroit même en douter, fî Ton admec leurs prétentions extraordinaires; &dans ce cas il n'y a rien à dire, c'étoit le parti le plus fage, & une jufte imitation de la conduite des Apôtres. Peu de femaines après fon arrivée à Londres , Mr. IVbiîefield fe rendit à Oxford , où il reçut les Ordres de Prêtre par les mains de Mr. l'Evêque de Gloucejier, Alors , comme s'il eût eu une vocation pareille à celle des Apôtres , il fe mit à parcourir toutes les Provinces du Royau- me , prêchant en îems ^ hors de îems a'vec un zèle infatigable , tantôt dans les Egli- fes, & tantôt dans les rues, dans les pla- ces * Ibid. pa^. 5, ^. 144 Bibliothèque Britannique, ces publiques & dans les champs , félon que cela lui paroiflbic plus convenable à fon but, (Se non pas comme ilvoudroicle faire croire, félon qu'on lui accordoit,ou qu'on lui refufoit la Chaire dans les Egli- fes. Car à Brijîol ,p^Y exemple, il prê- cha , de fon propre aveu , dans les champs , avant qu'on lui eût interdit les Eglifes ; & dans un Village à 5. milles de - là , il refufa l'Eglife qu'on lui ofFroit , parce qu'el- le ne pouvoit pas contenir le tiers de fes Auditeurs , & il prêcha dans un champ touc auprès *. Il dit, qu'à Po«î3)poo/ plufieurs milliers de perfonnes s'étant afTemblez pour l'entendre , il leur prêcha d'abord dans l'Eglife, à la follicitation du Curé; mais voyant qu'il y en avoit un grand nombre qui ne pouvoient pas y entrer , il leur prêcha enfuite en pleine campa- gne. „ J'éprouvois, ajoute-t-il, un grand ,9 élargijjement de cœur; la préfence divine ,,, étoit vifiblement au milieu de nous, & „ certes , j'ai toujours remarqué que je „ prêche avec beaucoup plus de force, „ & d'une manière beaucoup plus effica- „ ce en plein air, que dans les Eglifes: „ ce qui m'eft une preuve que Dieu a „ pour agréable cette manière de prê- „ cher !• Maintenant je connois déplus »} en * Ibid. pag. 31. 63. • t Ibid. pag. 6y. OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. I45 9, en plus , dit-il ailleurs * , que Dieu „ m'appelle à prêcher dans les champs ; 99 car il n'y a ni maifon ni rue capables „ de contenir la raoicié du peuple qui 9, vient pour entendre la parole. Ayant ^, reçu la défenfe de prêcher davantage „ dans la prifon [ de Ntwgate à Briflol ] „ cher auprès d'un Moulin tout proche 9i de la Ville , à trois - ou quatre - mille A- ,, mes, fur ces paroles ; Que pen/n-vous du f9 Cbrijt t ? Loué foit Dieu , toutes cho- 99 Tes tournent à l'avancement de PEvan- 99 gile. Je prêche à préfent à dix fois i, plus de monde que je ne ferois fi je' 99 prêchois dans les Eglifes. Aflurémenc „ il faut que le Diable & fes EmilTaires „ foient bien aveugles , pour avoir pris 99 contre moi des mefures qui les cou- 99 vrent de confufion , &c \.. Il eft certain, en effet, que le nombre de fes Auditeurs augmentoit tous les jours confiderablement , jufques-là que fur la fin il s'eft fait dans les champs des Aiïcm- blées de 30. & de 40. mille Ames pour l'entendre. C'efi:-là du moins ce qui s'cft die * Ibid. pacî. 90. t Matth. XXII. 42. i JOUTJI. III. 53. Tome XIF. Part, I. ^ K 145 Bibliothèque Britannique, dit communément. Mais non content de prêcher & d'attirer après lui des foules de peuple, Mr. JVbitefield entreprit de fon chef de faire des Colledtes pour le fou- lagement des pauvres perfécutez du Saîîz- bourg qui fe font établis à la Géorgie , & pour bâtir une Maifon d'Orphelins à Savannah. Ces Collectes ont eu tout le fuccès qu'il pouvoit efpérer , ayant , à ce qu'on dit , ramaffé près de deux- mille Livres Sterling , dont il s*efl en- tièrement réfervé la difpofition , quoi- qu'il fût beaucoup plus naturel de la laif- fer aux Commiflaires établis par ordre du Roi pour adminiftrer les affaires de cette Colonie. Quand on s'érige en Chef de parti, & qu'on veut avoir pour foi la multitude , Ton s'accommode de tout ; la plus vile populace fait honneur , & la moindre conformité de fentimens fuffit pour s'unir de cœur & d'intérêt avec les perfonnes les plus décriées, ou auxquel- les on auroit eu fans c»la le moins d'in- clination de fe joindre. Si l'on en excep- te un petit nombre de perfonnes , Mr. Whitefield n'étoit fuivi que de la lie du peuple , & dans fes courfes on l'a vu re- chercher le commerce de toute forte de Sectaires , pour peu que leurs idées ap- prochaflent des fiennes , & former avec quelques-uns d'eux les iiaifons les plus é- troites. Les Quakers , les Anabâtiftes , les In- OcTon. NovEMB. ET Decemb. 1739. 147 Indépendans , \qs Moraviens * & autres, ont eu parc à Ton affeftion ; & deux ou trois Prédicateurs ambulans comme lui, & avant lui, font devenus Tes Amis les plus intimes, & pour ainfî dire Tes Col- lègues dans la Reformation qu'il a entre- prife. L'un eft Mr. Erskine, Minière Pres- bytérien d'EcolTe, qui, pour caufed'héré- lie <5c de rébellion contre un Synode de fa Province, fut fufpendu du miniftère il y a quelques années, & fe mit auffi-tôt à prê- cher dans le5 champs. L'autre eft un jeune Etudiant d'Oxford, nommé Harris , qu'il appelle une lampe ardente âf refplen- dijjanîe f, & qui n'ayant pu obtenir les Ordres , parce qu'il n'avoit pas l'âge com- pétent, s'eft érigé enDoCtQm Métbodifte ^ & court les campagnes pour faire des Profelytes. >, Il a, dit-il, établi près de M trente Societez dans le Païs de Galles , ,, & la /phère de fin aSiivité s'étend tous les 99 jours : C'eji un homme plein de foi ^ du 9, St, Efprk j.. Un troifième eft un Mr. 99 Rogers , Miniftre de Bedford , dont il ne M nous apprend autre chofe , fi non qu'il M a été , comme lui , chaiïé des Synagogues j> [c'eft-à-dire qu'on lui a refufé ou in- fi ter- * Efpece nouvelle de Piétiiles. t Ibid. pag. 48, 49. Jefus-Chriil applique cette expreflîon à Jean-Bâtifte. Jean V. 35- l Cela eft dit de St. Etienne , A£i, VL 5- K2 148BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, „ terdit la Chaire des Eglifes] parce qu'il „ infiftoit fur la do6lrine de la Juftifica- ,, tion par la foi, 6l de la Regenéracion, „ & qu'il s'étoit depuis peu mis à prê- „ cher dans les champs. 11 a été, ajouce- „ t-il, quelque tems en prifon [mais il „ ne dit pas que ce foie pour le même „ fujet] à préfent le peuple accourt de „ toutes parts pour fentendre , & Dieu „ bénit de plus en plus fon Minif- ,, tère ". Un des grands foins de Mr. Wbitefield a été d'établir par-tout des Societ^z reli- gienfes qui s'alTemblent régulièrement pour prier Dieu, pour chanter les Pfeau- mes, pour lire & pour expliquer fuivant fes principes l'Ecriture Ste. , comme aulîi ■pour fe rendre compte les uns aux au- tres de Fénat de leur cœur & de leurs pro- grès dans la Vie fpirituelle. Les unes de ces Societez font toutes compofées d'hom- mes , & les autres de femmes , excepté les Chefs de parti, qui, en qualité de Doc- teurs ou de Diredteurs , ont droit d'y en^ *rer. Au fujet de ces dernières un Ano- lïyrae a publié un Modèle de Confeflion pour les Femmes Métbodifies , qu'il dit avoir copié fur l'Original, écrit de la pro- pre main de Mr. Whitefidd *. Quoique cette * Dans une Brochure intitulée , The Life and pamcular Proceedings of tbe Révérend Mr. Geor- ge IVbitefieldy &c. p^g. 17. <& fuiv. OCTOTÎ. NOVEMB. ET DeCSMR. I739. 1 ^ç cette Pièce n'ait été défavouée ni par Mr. Wbiîejield lui-même, ni par aucun de fes Sedlateurs , nous n'oferions en garan- tir la fidélité ; mais elle eft fi fingulit- re,que nous croyons faire plaifir â nos Lecteurs de la donner ici en entier. „ Le bue de nos Afifemblées eft d'obéVr ,> au commandement de Dieu ; Confejfez „ vos fautes les uns aux autres , 6* priez les », uns pour les autres , afin que vous foyez i9 guéris. Pour cet effet nous avons réfo- M lu de nous affembler deux fois la fe- a maine . . . . , de commencer par le M chanc des Pfeaumes (Se par la prière „ . . . , de prier quelqu'une des Femmes „ préfentes de fe confefler la première, & fy puis de faire à fa voifine autant de „ quefi:ions ^ aufiî détaillées qu'il fera o poffible fur fon état , fes péchez & fes „ tentations. „ Voici quelques - unes de celles qu'on 9> aura foin de propofer à toute Femme „ qui fouhaitera d'être admife dans la So- yt cieté» „ L'Efprit de Dieu rend -il témoigna- >, ge à votre efprit que vous êtes enfant 9> de Dieu? ,, Avez -vous en vous-même joye par M le St. Efprit ? ,, Avez-vous un fentiment intérieur du fy pardon de vos péchez ? ,, Aucun vice fecret ou connu n'a- 1- il fi domination fur vous? K 3 „ Avez- ijo Bibliothèque Britannique, „iVvez-vous la paix avec Dieu par „ Jefus-Chrifl? ,, Si vous ne l'avez pas , vous régar- ,> dez-vous comme une Pécherefle per- 9, due ? „ Sçavez-vous que vous méritez d'être „ damnée ? „ Etes-vous perfuadée que vous ne pou- „ vez être fauvée , ni par vos propres œu- „ vres 5 ni par votre propre judice , (3c „ efpérez- vous d'obtenir le pardon de „ vos péchez & votre judification que par ,3 une foi vive en Jefus-Chrid:? ,9 Voulez-vous qu'on vous repréfente „ vos fautes ? „ Voulez-vous qu'on vous les dife tou- ,, tes fans déguiremenr,& qu'on ne vous » épargne point ? „ Voulez -vous que nous \ous difions „ tout ce que nous penfons, & tout ce „ que nous entendons dire de vous ? „ Voulez -vous qu'en faifant cela nous „ vous ferrions de près, nous vous cou- ,, pions jufqu'au vif , nous portions la „ fonde jufqu'au fond de votre cœur ? „ Etes-vous réfoluë de nous ouvrir „ vous-même votre cœur,& dans cette „ rencontre & dans toutes les occallons „ femblables , enforte que vous nous „ difîez fans réferve (Se fans déguife- „ ment tout ce que vous avez dans ,> l'ame ? f> Avez- vous quelque inclination? ,i Pre- 99 OcTOB. NovEMB. ET Decemb. 1739. rji ,9 Prenez -vous plus de plaifir en quel- que homme que ce foie qu'en Dieu? „ Qui aimez -vous à préfent plus quo „ touce autre perfonne au monde? „ Celui que vous aimez , n'eft-il pas vo- „ tre Idole; Ton idée, fur-tout dans les „ Prières publiques , ne trouble- t-elle pas' ff votre dévotion ? „ Quelqu'un vous fait- il la cour? „ Soupçonnez - vous quelqu'un d'en a- ff voir le deflein ? ,9 Y a-t-il quelque homme qui témoigne „ avoir plus d'égards pour vous que „ pour les autres Femmes? M Cela ne vous fait -il pas bien plai- ,> fir ? „ Comment agréez-vous cet homme ? M Quel mouvement fentez-vous en fy vous-même quand il vient vous voir , „ quand il eft avec vous , & quand il „ s'en va P „ On peut faire les dix dernières quef- „ tions aufTi fouvent qu'on le jugera à pro- „ pos ; & les quatre fuivantes fe feront ,^ tous les matins. ,, Quel péché connu avez -vous com- „ mis depuis notre dernière Aflem- „ blée ? ,5 Qu'avez- vous dit , penfé ou fait, fur „ quoi vous foyez en doute ficen'eltpas ,> un péché ? i> Quelles tentations avez-vous éprou- K 4 „ vées. Ï52B1CLIOTHEQUE Britannique, „ vées ,& comment en avez -vous été „ délivrée ? ,, Quelles confolations avez -vous ref- „ fentieSjOU quelles communications avez- 9, vous eues avec Dieu depuis notre der- „ niere Affemblée ? Le même Auteur rapporte * d'après Mr. Tucker ^ Miniftre Anglican dont nous avons parlé ci- delî-js, un fait que celui-ci ait tenir de la propre bouche de quelques témoins oculaires, & môme Amis de Mr, tVbitefield , lequel prouve bien fenCble- ment le fanatifme de ces gens-là. C'eft que dans'une de leurs Societez à Brljiol , Mr. IVeJley, vautre Chef du parti Métbodifle , ayant demandé à Dieu qu'il lui plût de donner que'que ligne fenfible de fa pré- fence , aufii-tôt quelques perfonnes furent faifies de mouvemens convulfifs,&fe mi- rent à faire des cris & des contorfions fi horribles, que les fpedlateurs en furent tout effrayez : Et comme on voulut leur donner quelque fecours &: les emporter chez eux , Mr. Wefley s'écria : Laijjez-lts , il fCeji non plus en leur pouvoir de calmer ces agitations , qiCil rieft au pouvoir du Soleil de cejjer d'éclairer. Et là-defTus TAflemblée fe mit à prier & à chanter un Hymne, pour implorer la defcente du St. Efprit fur ces gens-là ; après quoi elle rendit grâces de ce ^ Ibid. pag. 44. 45. OCTOP. NOVEMB. ET DECEMB. I739. 1^^ ce qu'il étoic effectivement venu , & chan- ta un autre Hymne. Cela fait , on plaça ces nouveaux Illuminez dans un endroit élevé ,d'0Li ilspuflent être vus de tous les Afllftans. Ce récit , qui n'a été contredit par aucun de ceux qui pouvoient avoir quelque intérêt à le nier, paroît d'autanc plus vrai, que Mr. ÎVbiîefield lui-même rapporte quelque chofe de fort femblable dans Ion Journal *. Nous avons déjà eu occafion de rele- ver la vanité de cet Auteur, dans ce qu'il rapporte du fuccès de fa Prédication en Irlande ; mais dans la fuite de fon Jour- nal , où il rend compte de fes prouëiTesfen Angleterre, cette vanité va fi loin, qu'elle dégénère en folie. Deux ou trois paf- fages, prefque pris au hazard, fuffiront pour en convaincre les Ledleurs. „ Une petite filie d'environ treize ans, „ vint , &, me dit-qu'elle étoit percée d'ou- ,, tre en outre par i'épée de la parole „ que je venois de prêcher Tu 99 as accompli la louange par la bouche des „ Enfans 6f de ceux qui tetîent f. ,, l'eus le plaifir d'apprendre que mon „ Difcours avoit produit de merveilleux „ effets fur plufieurs perfonnes , & entre ,9 autres fur deux petits Enfans , qui s'en 99 furent à la maifon plourant,-, Wprit de Dieu , je n'en doute point , >, à la Pevfiimnie éc à la Virginie ^ & de- M là à la Géorgie , ne fçacbard point ce qui f3 doit TrCam^uer , fi-non que le St. Efprit vi'a- 9> vertit dt ville en ville ^ que des travaux , M des offliclions &: des épreuves de coûte 9f efpece m'' attendent. Après tout ce que nous venons dédire au fujjt des Métbodijies , ô: en particulier de Mr. Whitefitli , on ne doit pas être farpris que Mr. l'Evêque de Londres , tou- jours plein de zèle pour les intérêts de la Vérité &. de la Vertu , fe Toit cru obli- gé de publier la Lettre Pafiorale que nous avons annoncée à la tête de cet Article. E'Ie efl: divifée, comme il paroît par le titre même, en deux Parties; dont Tune a pour objet la Tiédeur en matière de Re- lis:ion, & l'autre rEnthouHafme, deux ex- trêmitez éealerRent dangereuses. Nous ne parlerons point de la première , non qu'elle ne foie aulTi bien traitée que la nature d'une Lettre Paftorale, faite prin- cipalement pour le peuple , pouvoit le permettre, mais parce qu'elle n'a pas un rapport immédiat à Tobjet principal de cet Article, & que d'ailleurs e'.len'eftpas autant du reflbrc de ce Journal que la fé- conde. L'Enthousiasme n'eft autre cho- fe, fuivant notre illuftre Prélat, qu'une force perfuaCon qu'en eu conduit d'une ma- OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I7{^. \J^j manière extraordinaire par des impulfions & des impreffions immédiates du Se. Ef- prit; perfuafion erronée qui vient prin- cipalement de ce qu'on ne diftingue pas comme il faut les opérations ordinaires de cet Efprit, d'avec Tes opérations ex- traordinaires. Celles-ci mirent les Apô- tres & les premiers Prédicateurs de l'E^ vangile en état de faire des miracles , (Se de parler diverfcs lana;ues, pour prouver la divinité de leur Miffion ; mais cela fait, elles ont celle , elles ont même dû eefler. Les autres , que nous appelions ordinaires^ parce qu'elles font communes à tous les Fidèles & à tous les tems, agif» fent d'une manière toute diiFérente, & pour des fins beaucoup plus particuliè- res. Quelque réelles , quelque certaines qu'elles foient, on ne peut les difcerner que par leurs fruits & par leurs effets qui paroiflent dans la bonne vie des Chrétiens. Celapofé, Mr. l'Evêque de Londres fait voir que, comme TEvangila établie clairement la dodrine de la Grâce ordi- naire du St. Efprit, & de la Régénération du Fidèle qui en eft la produdlion, aufîî TEglife Anglicane enfeigne-t-elle formée!- lement cette do6lrine, comme il paroîc fur-tout par fa Liturgie, qui d'un bout à l'autre la fuppofe ou l'exprime en termes clairs & précis. De force que c'eft en im- 158 BibltothequeBritannique, irr.pofer grofllerement au peuple , que d'ac- culer cette Eglife de prévarication ou de négligence à cet égard , & de vouloir chercher ailleurs un iervice qui foit plus fpirituel & plus conforme à ce que l'E- criture enfeigne fur ce fujet. „ Nous fommes , ajoute-t-il *, perfuadez 9, en général,que nous vivons fous l'influer- „ ce du St. Efprit, qui nous excite à faire „ le bien , & nous met en état de le faire ; 9, mais de fçavoirfiteileou telle penfée, „ fi telle ou telle action eft l'eiTet du feul ,, mouvement ou de Timpulfionimmédia- „ te du St. Efprit, fans que nous y con- 99 courions en façon que ce foit, ou dans „ quelle rnefure & jufques à quel degré „ le St. Elorit & nos Facultez naturelles „ contribuent réciproquement à la pro- „ du6lion de telle ou telle penfée , de „ telle ou telle adlion ; c'eft ce que nous „ n'oferions décider , d'un côté , parce que j, notre Sauveur nous a dit, que nous ne „ connoifTons non plus les opérations de „ cet Efprit, que nous ne connoifTons d'où „ vient le vent ni où il 'ua ; & de l'autre , „ parce que nous voyons clairement que 99 prétendre à une femblable connoiiïan- „ ccjc'eft ouvrir la porte à l'Enthoufiaf- „ me & à des Illufions fans fin, à moins „ qu'elle ne foit accompagnée de preu- 7> ves * Pag; 26. OcTon. NovEMD. ET Decemb. 173p. JS9 „ ves évidentes d'une Infpiration di- 99 vine. Il ne fe peut rien de plus modéré que la manière dont ce Prélat s'exprime fur ce fujet , & ce n'eft qu'en pais de liberté qu'on peut trouver des exemples d'une pareille modération. ,, A Dieu ne plai- „ fe , dit -il *, que dans un fiécle aufîî „ corrompu que celui-ci, tout ce quia 99 l'apparence de pieté & de zèle ne foit 9, pas interprêté de la manière la plus fa- 99 vorable qu'il eft poiïîble. Mais en mê- „ me tcms il eflfans doute fort à propos 99 d'exiger de ceux qui fe vantent d'in- „ fpiration , quelques preuves raifonnables ,9 de ce qu'ils avancent *^ Et pour faire voir que c'eft-là le cas des Méthodiftes ^ il a extrait du Journal de Mr. Wbiîefield les paflages les plus finguliers, qu'il a ran- gez fous huit Chefs, & qui fuppofentma- nifeftement une Infpiration ou une Million divine, & mettent endroit de demander qu'on en donne des preuves incontef- tables. L Ceux où cet Auteur dit qu'il a eu des communications extraordinaires avecDieu, & des fignes de fa préfence particulière ; nous «n avons déjà rapporté quelques- uns, mais en voici deux ou trois autres. 9} J'avois deflein de demeurer à bord pour „ écrire *^ Pag. 27. l6oBlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, „ écrire des Lettres ; mais Dieu m'ayant j, fait connoîcre que ce n'étoit pas fa vo- i, lonté , je retournai à terre *. „ Le Royaume de Dieu eft au dedans „ de moi f- „ Si mes Adverfaires vouîoienc feule- „ ment: dire la vérité, ils ne pourroient „ s'empêcher d'avouer que Dieu eit ef- 99 feclivement avec moi j. ,, C'eft une chofe digne de remarque, „ que nous n'avons eu une lî confiante „ préfence de Dieu au milieu de nous, „ que depuis qu'on m'a menacé de m'ex- ,, communier ç>. „ Dieu me fitconnoître, à moi &àmes ,» Amis, que fa volonté étoit que je re- „ cournafle en Angleterre **. IL Ceux ou il s'attribue une Mifîîon divine & immédiate. „ Le Tout-PuilTant, l'Eternel, celui „ QUI EST, m'a envoyé, & me prote- „ géra très -certainement ft- „ Je me difpofe à partir pour Frederica^ jj OLi je dois auflTi aller prêcher l'Evangi- *» le ; car c'eft pour cela que je fuis en- 99 voyé. * Journ. I. pag. 33. t Journ. m. pag. 4. 4. ïbid. pag. 18. § Ibid. pag-. 35. • **• Journ. IL pag. il. tt jfourn. I. pag. 33, OCTÎOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. X6l „ voyé. Je quitterois avec regrec ceux „ de Savannab , fi je ne fçavois que Dieu „ m'appelle ailleurs *. III. Ceux OLi il fait profelîîon de pen- fer & d'agir fous la diredtion immédiate du St. Elpric, ou par une Infpiration di- vine. „ Je parlai avec une démonftration d'ef- „ prit & de puiflance f* ,, Je fus rempli du St. lEfprit , qui ,, fortifia extrêmement mon corps , & ,9 rendit mes pieds femblables à ceux des El- 99 ches \. „ Je fentis que rEfprit deDieuopéroic ,> puifTamment en moi §. „ Béni foit Dieu ! Je me trouve tout ti renouvelle en Efpric, &je fens qu'une „ nouvelle force m'a été .donnée d'en-hauc. „ Ç'eji ainji quil fera fait à rboîtime que f) Dieu prend plaifîr à honorer **. „ Mon cœur étoic rempli de Dieu, & 9, je parlai comme ayant autorité ff. IV. Ceux OLi il parle de fa Prédica- tion & des effets de fa Prédication, com- m« * Journ. II. pag. 7. t Journ. III. pag. 13. I Ibid. $ Ibid. pag. 24. **• Ibid. p5g. 41. tt Ibid. pag. 108. Tome XIV, Part, t L 162B1BL10 THE QUE Britannique, me étant l'ouvrage tout pur d'un Pou- Tpir divin. „ J'étois extrêmement enroué , mais „ Dieu me mit en état de prêcher avec n une grande force *. „ Le St. Efprit de Dieu paroilToit fe ,9 mouvoir Car le vifage de quelques-uns „ de ceux qui m'écoutoient f. „ Un Pouvoir extraordinaire me fut „ donné d'en-haut à la Société de la rue „ St. Nicolas ].. „ Mes Auditeurs furent fi touchez , & « fondoient fi fort en larmes de tous cô- „ tez, que le plus grand Libertin n'au- „ roit pu s'empêcher d'avouer quec'étoit- „ là le doigt de Dieu §. V. Ceux où il fe vante d'effets fu- bits & furprenans , opérez par le Sr. Efprit en confequence de fa Prédica- tion. „ Le St. Efprit.agiflbit puiflamment fur „ mes Auditeurs **. 99 Une femme a été dans un combat „ fpirituel , & a gémi pendant cinq jours ; „ mais Jeudi dernier au foir, Jefus-Chrift 99 a remporté la victoire , & depuis ce „ mo- * Journ. I. pag. 12. t Ibid. pag. 21. i Journ. m. pag. 55. § Ibid. pag. iiQ. »* Ibid. pag. 6, r OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. I739. I<^ M raoraenc elle a été remplie de paix & M de joye. 11 fauc remarquer que depuis n trois ans Tes Parens l'ont crue folle, & „ l'ont en confequence fait faigner, vea- 9> tourer, tre perfonnes oni été régénérées dans ,> refpace de quinze jours f. VI. Ceux OLi il prétend à rEfprit da Prophétie. Nous en avons déjà cité plufieurs, & il n*efl pas nécefîaire d'eo citer davantage. VII. Ceux où il parle de lui dans les propre? termes que Jefu'î-Chrift & Tes A- pôtres ont employez en parlant d'eux-mê- mes , & où il s'attribue f^mellement leur caraclè''e. „ // arriva que quand Jtfus fut retourné , „ le peuple le reçut avec joye. Ces paroles „ [de l'Evangile] firent fur moi une im= „ prcfîion toute particulière , lorfqu'é- „ tant à Savannab je confultai Dieu par ,y prières, pK)ur fçavoir fi c'étoit fa vo* ,, ionté que je retournafle en Angle- „ terre 4. ,, Nous difgns ce que mus fçavQîv > &c §. * Ibid. pag. 43. t Ibid. \ Journ. II. pag. 18. § Journ. III. pag. 15, L 2 î54 BibliothequeBritanniqué, „ Le îems viendra qu'ils vous chajjennt „ des Syncigogues *. „ Si un autre fût venu en fon pro- i, pre 7iom , ils Vauroient reçu **. VIIL Enfin, ceux où il parle de fa Doc- trine comme d'un nouvel Evangile, in- connu à la plus grande partie des Minif- tres & du Peuple , dans un Païs Chré- tien. ,, Je crois que le Païs de Galles efl „ trè5-bien difpofé pour recevoir TEvan- „ gile de Chrift f- ,, Je reçus nouvelle du progrès furpre- „ nant de l'Evangile dans la Province „ d'Tork i par le Miniftère de mon cher „ Frère Ingbam [autre Miniftr'e Anglicaa „ Méchodilte] +. ,, Je fus fort confolé à la réception ,5 d'un grand paquet de Lettres , qui ma „ rendoîent compte du fuccès de l'Evan- ,y gile en différens lieux §. Le but de Mr. l'Evêque de Londres , en rapportant ces divers pafTages & pîu- fieurs autres qu'il auroic été trop long de traduire, & en les rangeant ainfî fous différens chefs, a été de mettrefesDio- cé- * Ibid. pag. 2C). ^*- Ibid. pag. 2g. t Ibid. pag. 51. 4. Ibid. pag. ^2. $ Ibid. pag. 75. OCTOB. NOVEMB. ET DëCEMB. I739. 165 céfains en état de juger par eux-mêmes, û <^es gens qui tiennent un pareil langage , & qui s'arrogent un femblable caradlère , ne doivent pas donner des preuves qu'ils pnt reçu de Dieu une MiiTion extraordi- naire ; 6l au cas qu'ils n'en donnent au- cune , fi l'on peut leur donner d'au- tre oona que celui d'E 1^ t h o u s i as- TES. Et qu'on ne dife pas, pour les jullifîer ou les excufer , que ce font des gens de bien , & qu'ils ont de bonnes intentions. Rien n'eft plus ordinaire que de voir des perfonnes de ce caraélère fe tromper eux -mêmes & tromper les autres , fur- tout en matière de Religion. Bien loin même qu'une bonne intention puiiTe fer- vir à laver quelqu'un du reproche d'En- thoufiafme , qu'au contraire elle en fait nécelTair^m^nt partie; la grande différence qu'il y a entre un Enthouûalte & un Im- pofteur, coûfiftant en ce que le premier le trompe lui-même, & ell à plaindre tant qu'il fuit fes propres idées, & qu'il fe tient modeftement dans les bornes qu'exigent le bon ordre & la paix de la Société ; au lieu que le fécond cherche à tromper les autres , & mérite par confequent à tous égards d'être déteité. Il y a pourtant , félon notre Prélat , une chofe dans la conduite des Métbo- dijîes qu'il çft difficile d'accorder avec L 3 cet- 1^(5 Bibliothèque Britannique, cette fincerité & cette droirure dln^en- tion qu'on leur fuppore ^ c'efl: le foin qa'ils prennent de judifier leur procédé extraordinaire par des refiéxions inju- rieufes fur la conduite des Miniibes des Faioifles, qu'ils accufcnt de négligence ù. de prévarication, en n'enfeignant pas à leurs Troupeaux ia véritable doctrine du Chriftianifine , ou môme en leur enfei- gnant une d^dlrine toute contraire M II eil très-notoire , dit Mr. M^ite^ if field *, que le Pa'ïs efl en deuil , à cau- ,> le de riniqa:té moralifante des Vrétres \. „ La manière donc nous avons prêché âc 99 dont nous avons vécu , a en^i;agé plu- „ fleurs Chrétiens finceres à abandonner „ lîotre Communion, j'ai eu occafion de ,5 m'entretenir avec les plus honnêtes- j, gens de toutes les Seftes , & la oiil- „ part mont folemnellcment proteflé, 9i qu*ils n'avoient quitté TEghfe Anglica- 9» ne que parce qu'ils n'y trouvoient pas ,> la nourriture qui peutfauver leurame; » ^is * Ibicl. pag. 75. t C'efl mot pour mot l'exprefTion Angloife , qui n'auroit pu fe rendre que par une longue périphrafe. L'Auteur veut dire , que les MiniP très Anglicans prêchent trop la Morile , & ne p'échent pas allez la Docftriiie ; & c'eft ce qu'il appelle une iitiquiië moralifante. OCTOB. NOVEMB. ET DECÊMB. I739. I67 „ ils ont demeuré parmi nous jufqu'à ce f, que la famine de la parole les en aie „ chaOez. je fçais que cette déclaration va f, m'cxpofcr à'ia haine, non pas de cous M mes Frères, mais de tous ceux de mes „ Frères qui font negligens , attachez au „ monde , amateurs des plailirs. Mais „ quand je me tairois, les pierres même „ parleroienc contre eux : Il faut donc „ que je parle, & je veux parler âc n'é- „ pargner perfonne. Dieu aura foin du », refle. Quel quefoit le fort des Pafteurs „ qui s'engraiflent aux dépens de leurs f. Troupeaux, j'ai rendu témoignage à la „ Vérité, j'ai fauve mon ame. Parlant ailleurs du Clergé qui s'oppo- fe aux progrès du Métbodifme , il s'ex- prime ainfi : ,, Quelle peut être en cela „ leur véritable raifon, foit envie , foit I, Maître , en ag'JJant de cette manière tu nous ff fais des reproches , ou quelqu'au- 9i tre chofe , c'eft: ce qui fera manifef- n té un jour à la face des hommes (Se 9, des Anges *. Et dans un autre endroit. 99 Je vois M que le peuple feroit par-tout difpofé à M entendre, fi les Miniflresétoienteux-mê- „ mes difpofez à enfeigner la Vérité telle $, qu'elle elt en Jefus f. C'eft- * Ibid. pag. 74. t Ibid. pag. 109. L4 1Ô8 B I B L î 0 T H E Q U Tî* B R T TA N N T qu E, C'e(t-là , dit Mr. TEvêque de Londres , une accufacion bien grave , & plus elle efl grave, plus elle auroic dû avoir été avan- cée avec précaution , & foutenuë de preu- ves inconteftables ; au lieu qu'elle n'eft fondée que fur la fimplc parole de celui qui l'avance d'un ton déciiif ; de forte que fa traiter de jugement téméraire , c'cft aiTurément lui donner un nom beaucoup trop doux. J'elpère , ajoute-t-il * , que le peuple de ce Diocèfe n'a aucun fujet de fe plaindre que fes Minifti-es ne lui en- feignent pas avec foin les dogmes du Chriftianifme: Et là-deiTus il rapporte un Article de l'Inflrudlion Paftprale qu'il ad- drefla à Ton Clergé d'abord après avoir éré transféré au Siège de Londres. Cet Article, qui ert trop long pour que nous l'inférions ici , regarde la manière de prê- cher, & fe réduit à ce que' les Minillres doivent dans leurs Sermons enfeigner le Dogme auflibien que la Morale, joindre î'un à l'autre , & faire enforte que ces (^eux parties de la Religion marchent , autant qu'il eflpofTible, d'un pas égal , fans tomber dans le «iéfaut de ceux qui prêchent prefque conflamment , ou fur le Dogme, ou fur la Morale: Et lors même qu'ils traitent un fujet de Morale, ils doi- vent avoir grand foin de rélever ce que y. la ^ Pag. 41. OCTOB. NOVEMTI. ETDECEMB. 1739. T(5$) la Morale de l'Evangile a de particulier, & qui la didingue glorieufement de cel- le des plus grands Philofophes du Paga- nifme. ,, Mais je compte aulTi , continue ce j. Prélat, que quand vos Miniftres vous „ prêchent le dogme de la Régénération n par le St. Efprit, comme enfeigné dans „ Je Nouveau Teltament , ils ne vous di- M fent pas qu'il faut que cette Regenéra- ,, fion s'opère dans un inftant, àrefalTc „ fcntir intérieurement au moment qu*el!e „ s'opère [ce qui eft la doctrine des Mé- ,, tbodilies'} (bit parce que Jefus-Chrill: & „ Tes Apôtres ne nous ont rien révélé de „ femblable, fe contentant d'expofer le ,, Dogme en termes généraux; foit parce ,, que l'expérience nous apprend que le ,, renouvellement du cœur & de la vie ,, fe fait par degrez, & fe manifefle de M plus en plus par la haine qu'on a pour fy le péché & par les progrès cu'on fait n dans les vertus que l'Ecriture Sce. de- fy clare être des fruits de l'Kfprit .... „ Je compte que quand ils vous par- ,, lent de la Jujlification par la Foi , qui cil „ enfeignée de la manière la p!us forte „ par notre Eglife * , ils l'expliquent de „ fa- * Voyez l'Article XI. de la Conî'eflîon ce l' Eglife Anglicane. 170BlBLiaTIi.E^UE BRITAm^IQUE, „ façon à ne vous laifler aucun lieu de p, douter que les bonnes œuvres ibient Pi une condition nécefiaire de notre Jufti- ,j fication devant Dieu. „ Je compte que lorfqu'ils vous expli- „ quent quelque Texte du quelque por- f, tion de 1 Ecriture , ils le font fuivant f, la mûthode uQtée, qui e(l de comparer ,> paflage avec pafTage , de faire là-defîus ,> des raifonnemens juftes & fuivis , & „ lorfque cela cft nccciraire, d'avoir re- „ cours à l'explication des Commenta- 5, tcurs les plus eftimez pour leur fçavoir „ & pour leur jugement. Mais fi, renon- „ çant à ces fccours, ils prétendent tirer ,, feurs ronnoiHances d'une Infpiration „ immédiate, ils fe trompent eux-mô- i, mes, & ils vous trompent auflî. Il y a „ une très-grande préemption, pour ne 5, rien dire de plus , à s'ériger en Inter- „ prête public de l'Ecriture Ste. fans un „ fonds fuffifant de connoillances acquifes , „ & de capacité pour un emploi de cette » nature *'. Mr. l'Evéque de Londres auroit bien pu citer ici en exemple Mr. JVbittfield , qui non feulement paroîtpofle- der un fçavoir fiès -fuperficiel , mais qui méprife même hautement toutes les fcien- ces humaines ; jufques-là qu'il foutient dans un endroit *, que deux Savetiers * Journ. III. pag. 55- OCTOR. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. I71 Méibûdjjîes de Brift"l entcûdent mieux le Chiilbdnifme que tous les Minières de cecLC vilic enfemble. Voici un trait de la profonde Critique, qui ne déplaira pas fans doute a nos Lcdeurs. Voulant prouver dans un Sermon fur cette inacière *, que le St Efprit eji un privilej^e coviinim à tous les F~(iè'es [car ce fonc Tes propres termes ] il fait ce raifon- nemenr. „ Notre Seigneur étant fur le „ point de monter à l'on Fere & à notre „ rcre, à Ton Dieu ce à nocrc Dieu , il don- „ na cer ordre à fesDifciples : Allez if en- yy feignez toutes les Nations , les iâtijani au „ mm du Père , du Fils àf du St, Efprit, „ Far toutes les Nations , Ton convient „ qu'il faut entendre tous ceux qui fe- ,5 roient profeflion de croire en jefus , f, jufques à la fin même du monde : Et „ c*eft en vertu de cet ordre que nous 9, les bâtifons dans ce ûécle 6c dans tous „ les fiécles de l'Eglife. Si cela efl vrai, „ la propofuion que nous avons à prou- f, ver fera inconteftable : Car quoique f, nous traduifions , les hâtifant au nom du ti Père , &c. cependant comme le nom de „ Dieu , dans la prière Dominicale de » dans pluikurs autres endroics, lignifie 9^ fa * Intitillé, l'Habitation Hn St. Efprit dans nos coeurs, } de * P.rg; 50. OCTOB. NOVEMB. ET DecEMB. I739. 173 M de cet Efpric les actions les plus ordi- ,y naires & les évenemens les plas corn- „ muns ; lorfque la dodrine de la Jultifî- 9> cation par la feule Foi étoit prelFée au „ point d'exclure la néceflité des bonnes „ œuvres , & devint même , prife dans „ ce fens , la marque caradlériflique de „ toute une Sedle [ les Antinomiens \ ,y lors enfin , que toutes les régies de „ l'ordre &dela difcipline furent foulées ,y aux pieds, & le Miniflère établi dans 9, FEglife , aufTi-bien que les Offices pu- ,y blics de l'Eglife méprifez comme „ des établiflemens charnels ou peu fpi- „ rituels. D'ailleurs cette grande fpiritualité , ces excès de dévotion & de zèle dont fe vantent les Métbodijles ^ ne font propres qu'à détourner le commun peuple de fes occupations ordinaires , qu'à troubler les Efprits foibles , qu'à enorgueillir ceux qui croyent avoir atteint cette perfection chimérique , & qu'à décourager ceux qui s'en voyent encore bien éloignez. Sur ce dernier Article, notre illuftre Prélat cite un palTage du Journal de Mr. M^bi- ufield , qui aflurément eft des plus extraor- dinaires , & qui ne juftifie que trop fa ré- flexion. ,, ]e rapporte ceci , „ dit-il *, en par- lant * JoBm. III. pag. Si. Ôcc, 174BlBLrOTHEQUE BRITANNIQUE, lant de la prétendue converfion fubite d'un Mr. Se^v:ird , Laïque fort riche, qui s'cil: dévoué avec tous Tes biens au parti Métbudijîe , ou comme il plaîc à Mr. Wbitef.eli de s'exprimer , à Dieu , au prgudice de fes propres Enfans : ,, Je „ rapporte ceci , pour faire voir jufques oii „ un Chrétien peut aller en fait de pie- „ té, & cependant ne connoître point „ Jefus-Chrifl. Voici un homme qui s'ac- „ quitroit avec foin de tous les devoirs „ extérieurs de la Religion , qui étoic », fans reproche du côté de la conduite , M doux, affable dans le commercedumor- „ de, qui faifoitde grandes aun^.ônes, qui t, rempliflbit toutes les obligations d'une «, vie privée; & qui cependant étoit encore, „ il y aenvironiixfcmaines , auûi deilitué „ de' toute connoiffance falutaire & txpé- „ rivienîaîe de jerus-Chrift, que ceux fur „ qui fon nom n'a jamais été invoqué, & „ qui font encore gifans dans les ténè- „ bres & dans Tombre de la mort ,, ]e necomprens pas, s'écrie là-defTtts „ ^îr. TEvéque de Londres , comment il „ eft pofllble qu'un Chrétien de profef^ „ fion , qui a conftamment mis en ufage „ tous les moyens extérieurs de falut, & ,, qui s'efl acquitté avec foin de tous les ,, devoirs de fa vocation , n'ait aucune ,, connoifTance de JefuS'Chrift. Jenecom- „ prens pas non plus ce que c'ell que » cet' OCTOB. NOVEMB. ET DeCE^ÎB. T73P. 1^5 „ cette conmiffance falutain ^expérimentale n de Jefus-Chrift, dont Mr. Seward étoic „ dertitué , & à faute de quoi il méritoit „ d'être mis a.u rang des Payens (Se des „ Infidèles. II auroit été d'ailleurs à „ fouhaiter, qu'on nous eût inftruit des „ circonflances de ^Illumination Juhite , par 5, laquelle on ruppoie que cette connoif- ,5 Tance lui fut communiquée : cela nous ), auroit mis en érat de juger à quelle 99 caufe ou à quelle influence on doit at- „ tribuer un effet fi furprenant. Dieu 99 peut fans doute , quand il Ini plaît , agir 99 fur nos Efprits d'une manière e^'traor- 99 dinaire ; mais tafit que nous n'avons 9, aucune preuve que le« mouvemens in- ,9 térieurs qu'on lui attribue viennent f) immédiatement de lui, & que cela n*eit 9JI fondé que fur rimagination ou la per- 9> fuafion des perfonnes qui fe vantent „ d'un femblable privilège , les autres 9, qui ne voyent pas le cœur ni les opé- 9> rations de cet Efprit , font très - excufa- „ blés, s'ils ne confiderent cette préten- 99 duô ïnfpiration que comme uji purEn- „ thoufiafme , jufques à ce qu'ils ayenc ,9 de bonnes raifons pour fe perfuader du 99 contraire. On a voulu expliquer & jufiifier tout à la fois la prétendue converfion de Mr. Seward par celle de Corneille dont il eft par- 17(5 Bibliothèque Britannique, parlé dans le Livre des j^àes * ; mais la différence ell extrême. L'Ecriture nous afliire formellemenc, que Corrreille parvint à la connojflluice de Jefus-Chrift d'une manière miracuieufe. Celui donc Dieu fe fervic pour cela fut St. Pierre, Apôtre de Jefus-Chrift, dont la miiïion & Pinfpiration divines font incontefta- bles. Enfin l'opération extraordinaire du St. Efpritfur l'ame de Corneille, fut con- firmée par une preuv^e extérieure & fenfible, fçavoir le don des Langues. Mais ici il n'y a rien de femblable , rien qu'on puiîTe ou qu'on ofe mettre en pa- rallèle. Mr. Whitefield a répondu à cette Let- tre Pajtorale dans une Brochure de 27. pages , qui a paru peu de tems après fon départ. Nous en donnerions volontiers le précis 5 fi cet Article n'étoit déjà excef- fivement long. D'ailleurs , après tout ce que nous avons dit de fes fentimens & de fa conduite , no« Lecteurs s'imagi- neront aifément ce que peut contenir cette Eéponfe; & la vérité eft, qu'elle ne renferme rien de nouveau ni de fort in- téreflant. * Aft. X. 44. XI. 15. ARTf. OCTOB. NOVEMB, ET DeCEMB. I739. I77 ARTICLE V. An Account of the Expédition of thc Britiili Fleet to Sicily , in the years 1718. 1719. & 1720. under the Command of Sir George Eyng Bart. (afterwards Vifcount Torrington) Admirai and Commander in Chief of his Majefly's Fleet, andhisMajefly's Commiiïar}' and Plenipotentiaries to the feveral Princes and States of Italy. Collefted from the Admi- ral's Manufcripts and other origi- nal Papers. Jiihet arma parari Tuîarî lîaliam , detrudere Jlnibus hofiem. Virg. C'efl: - à - dire : Relation de ï Expédition de la Flote y^ngJoife fur les Cotes de Si- cile .dans les aminées 1718, 1719.&1720. commandée par George By.ng, B A i; G N E T , £? enfiiite Vicomte DE Torrington, Amiral â? Corn- mandant en chef de la Flote de Sa Majesté' B r i t a n n i dU e , £5^ /o^ Tome Xm Fart, L M M- 178 Bibliothèque Britannique, Miri:jtre PUnipoîentiaire auprès des Princes &? Etats d'Italie, Tirée des Mémoires manufcriîs de cet Amiral^ &f de quelques autres Mémoires originaux., Troifième Edition, A Londres, chez les Toni^on^dans le Strand, 1739. 8» pp. 9^. L'EXPEDITION qui fait le fujet de ces Mémoires , a été fi diverfement re- préfentée, que la plupart des Auteurs qui ont eu occafion d'en parler , s'en font expli- quez en des termes fi peu honorables pour le Gouvernement d'Angleterre, & paroil^ fent en général avoir été fi mal inftruits , que nous croyons faire plaifir au Public de lui rendre coîTpte de cette Relation , qui a tous les caradères d'autenticité qu'on peut défirer. Klle efi: dédiée à Mylord Torrin^îon,^\s de l'Amiral 5}'72^ , qui en a fourni les matériaux, & qui a été lui-même témoin du Combat naval dont il s'agit. Ce- lui qui la publie en appelle au témoigna- .ge de ce Seigneur, & déclare que Ton uni- que but a été, en rendant jufiice à lamé- moire de Ton illuftre Père, de convaincre toute la terre, combien eft mal fondée la perfuafion où la plupart des gens ont été & font encore , que la Flote Angloife furpric & battit celle d'Efpagne, malgré des déclarations auxquelles l'Etpagne fe con- fioit de boune-foi. Qu'il nous foit per- uns OcTdB. NOVEMR. ET DECE^tB. I739. 17g mis de rapporter à cette occafion un paflage du Continuateur de Œiftoire d'An- gleterre de Mr. de Rapin *. „ Il n'étoit pas impoffible, dit-il , de „ répondre à la plupart des chofes qu'a- „ varçoit ce Cardinal [le Cardinal Al- ,, beroni y dans les plaintes quMl fit retentir „ par-couc contre l'Angleterre après Tex- „ pédition de l'Amiral Byng] mais j'ai M cherché envain , je n'ai point trouvé „ de réponfe à ce fait inconteftable qu'il f, alleguoic. Monfieur de Stanbope ^ en- „ voyé à Madrid fignifîer les conditions „ qu'il avoit plû à George I. & au Ré- „ gent de France d'impofer à Philippe „ V. , n'y étoit arrivé que le douzième „ d'Août ; l'Adlion de Syracufe s'étoit „ paflee l'onzième du même mois, elle ff n'avoit donc point été relative au re- „ fus que fit ce Prince de fe foûmettre M aux conditions qu'on lui propofoit. „ Qu'on dife donc fous quel titre l'A- o mirai Byng avoit attaqué la Flote d'Ef- „ pagne. Le refus du Marquis de Leede ,y de confentir à la fufpenfion d'armes ,> qu'on lui propofoit , n'en pouvoit être ,> un ; puifque perfonne n'ignore qu'un 99 Général n'efl point le maître d'accep- )> ter ces fortes de propofitions , & qu'il jj ne pourroit y confentir fans crime. La ,y guerre n'étoit point déclarée ; des Gé- „né- * Tome XIII. pag. 231. M 2 i8o Bibliothèque Britannique, „ néraux peuvent s'y battre tandis qu'on ,, travaille à faire la paix. Le Traité de „ Londres n'autorilbit la violence qu'en „ cas qu'on refufât de fe foûmettre ; „ l'Amiral 53172g ne pouvoit donc agir en „ confequence de ce Traité , qu'après „ avoir été inftruit du refus du Roi à'EC- „ pagne : il ne l'étoit point, puifque le 9> Porteur du Traité n'étoit arrivé à Ma- „ drid que le lendemain de la bataille ,> de Syracufe. Encore une fois, qu'on «> dife donc à quel titre ce combat fe „ donna : auiTi verrons-nous bientôt qu'il 9, eut prefque autant de Cenfeurs dans la „ Grandé-Bretagne,que d'Approbateurs ^', Cet Hiftorien ne fe feroit pas exprimé de cette manière , s'il eût été mieux informé ; du moins la Relation de l'Amiral Byng re- fute-t-ellc pleinement tout ce qu'il dit , & fait-elle voir qu'il n'a fuivi à cet égard que de faux bruits , ou de faux Mémoi- res. On en jugera par le précis que nous allons donner de cette Rela- tion. En 171 7. l'Efpagne, fous prétexte d'en- voyer du fecours aux Vénitiens qui é- toient alors en guerre avec les Turcs , fît un armement confiderable , à la faveur duquel elle s'empara de la Sardaigne, qui ppartenoit à l'Empereur. Une ii grande hoflilité commife en pleine paix,& mal- gré les promelTes les plus folemnelles de ne point molefter l'Empereur en Italie, tant OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. Ifîl tant qu'il feroit aux prifes avec les Infi- dèles , furpric tout le monde , & fie ouvrir les yeux aux Cours d'Angleterre 6c de France fur les vues ambitieufes de celle d'Efpagne. Les deux premières qui é- toient garans de la neutralité de l'Italie, ou de la difpofition qui s'étoic faite par les Traitez précedens des Etats d'Italie qui étoient en difpute entre l'Empereur & ' le Roi d'Efpagne , cherchèrent aulli-tôt les moyens de prévenir les fuites fâcheufes que pouvoit avoir cette affaire. Le Roi George , qui avoit contraété depuis quelque tems avec l'Empereur une Allian- ce défenfive , y étoit encore plus parti- culièrement intérefle: Et c'eft ce quipro- duifit le fameux Traité de la Quadruple Alliance, dont le but étoit de régler dé- finitivement les prétentions de la Maifon d'Autriche & de Philippe V. en Italie, d'obliger par la force à fe foûmettre à ce règlement celle de ces deux Puiflances qui refuferoitde le faire, & d'établir par ce moyen la tranquillité de l'Europe fur un fondement plusfolide que ne l'avoienc fait les Traitez d'Utrechc le 26. de Mai 1718. & la quacrième „ année de notre Régne ,, D'autant que la Couronne de la 99 Grande-Bretagne, en verru du Traité 9> fait à Utrecht le 24. de Mars 1713. 99 N. S. avec l'Empereur & le feu Roi „ Très-Chrétien, ell obligée de veiller à „ l'exade obfervation de l'armiflice & „ de la neutralité en Italie , comme oa „ l'établit alors , & qu'elle efl garant de „ l'exécution de tout ce qui fut ftipulé „ & réglé à cet égard dans ledit Traité: „ Et d'autant que par le Traité conclu 19 entre nous & notre bon frère l'Empe- 99 reur d'Allemagne à J'I^eftminfier le 25. „ de Mai 1716. nous nous fommes enga- „ gez à raiïifter , à le défendre & à le „ maintenir dans la poireflion de tous les „ Royaumes , de toutes les Provinces & »9 de tous les Droits dont il jouïfToit a- „ lors en Europe: Et d'autant que le Roi „ Catholique a, par un adte d'hoftilité „ manifefte , envahi les Territoires a- „ partenans audit Empereur , & par la 99 force des armes lui a enlevé l'Ifle & n le Royaume de Sardaigne , & qu1l 99 continue à faire de grands préparatifs „ de guerre pour exécuter les defTeins „ qu'il a fur les autres Etats de Sa Ma- 99 jefté Impériale en Italie , contre la 99 teneur des fufdits Traitez: Et d'autant 93 que depuis cette malheureufe rupture , ^I 4 ,, nous î34BlBLTOTHEQUE BRITANNIQUE, „ nous n'avons ceiré , en qualité d'Ami „ des deux Parties, d'employer nos bons 5, offices pour les réconcilier & pourmet- 5, tre fin à cette guerre, qui, fi elle con- „ tinuoit 5 ne pourroic manquer de trou- 99 bler la tranquillité publique du refte 99 de l'Europe : Et d'autant que nous a- 99 vons foUicité de la manière la plus „ preflante notre bon frère le Roi d'Ef- „ pagne, de confentir aune fufpenfion „ d'armes , pendant laquelle on pourroic „ travailler plus aifément & avec plus ,., de fuccès au rétabliflement de la paix, „ & que fadite Majefté Catholique ne « nous a .pas paru éloignée d'entrer dans „ ces vues , & de rendre par-là plus ef- „ ôcaces nos bons offices pour un heu^ „ reux accommodement. A ces câures,&. „ pour mieux remplir les divers engage- ,9 mens dans lefquels nous fommes en- „ trez par les fuiciits Traitez, comme auf^ 9, fi pour donner plus de poids & plus de „ fiaccès aux mefiires qu'on pourroic „ prendre pour amener à fii fin une en- 99 tiere réconciliation , & établir une par- „ faite amitié entre lefdites Puiflances „ qui font à préfent en guerre , & pour „ prévenir par ce moyen les fuites fata- „ les que pourroient avoir ces hoftilitez; f9 nous avons jugé à propos, pour toutes „ ces raifons & pour le bien de l'Europe ^; en général, d'envoyer fous votre corn- ,; mail- OcTon. NovEMB. ET Decemb. 1739. 185 „ mandement dans la Méditerranée une „ puiflante Flote. „ Ainfi, dès que vous aurez reçu les yy préfenteslnftrudtions 5V0US partirez in- „ cefTamment avec ladite Flote pour M la Méditerranée; & lorfque vous ferez „ arrivé au détroit de Gibraltar , vous 99 donnerez aulTi-tôc avis à Sa Majeilé 9^ Catholique par notre Miniftre refi- „ dant à fa Cour , de votre venue dans „ ces Mers , mettent de nouveaux obflacles. Pour M cet effet vous entretiendrez correfpon- M dance avec lefdits Viceroi & Gouver- » neur, pendant que vous ferez dans la 99 Méditerranée, & vous leur ferez fça- 99 voir que vous êtes chargé de prendre, „ de concert avec eux, les mefures les 9, plus propres à empêcher qu'on ne con.-» M s '* ^i^ i86 Bibliothèque BRiTANNiQur, „ tinue à violer la neutralité de l'Italie „ que nous fommes obligez de maintenir. „ Et comme vous pourrez avoir de bon- 9> nés informations à Purt-Mahon des pré- „ paratifs 6c des démarche^ des Impé- „ riaux & des Efpagnols, vous conduirez „ notre Flote dans les endroits que vous „ jugerez les plus convenables pour pré- f> venir de nouvelles hoitilitez, 6c mettre 99 nos ordres en exécution. ,, Et d'aurant qu'une fufpenfion d'armes „ & une ceflation de tous adtes d'hoftili- „ té de part & d'autre en Italie, eft abfo- „ lumenc nécefTaire pour établir & pour „ conclure. des négociations de paix con- „ venables , vous aurez foin d'y exhorter „ & d'y folliciter fortement les deux „ Parties. Mais au cas que les Efpagnols „ perfiftent à vouloir attaquer avec leurs „ Vaiffeaux de guerre & leurs Troupes „ le Royaume de Naples , ou quelqu'au- ,, tre des Ecats de 1 Empereur en Italie, ,", ou de débarquer en quelque endroit „ que ce puilTe être de l'Italie , ce qui „ ne peut avoir pour but que d'envahir 5, les Pais & Domaines dudit Empereur , „ contre lequel ils ont déclaré la guerre „ en s'emparant de la Sardaigne; ou s'ils „ entveprenoient de fe rendre maîtres de „ la Sicile, ce qui ne pourroit être qu'à „ delTein d'envahir enfuite le Royaume „ de Naples , vous vous y oppoferez avec o toutes vos forces. Que fi^ lorfque vous »> ar- OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. I87 „ arriverez dans la Méditerranée, \ts Ef- „ pagnols avoienc déjà débarqué des „ Troupes en Italie pour s'emparer des „ Etats de l'Empereur , vous tâcherez de „ les porter par la voye de la douceur à ,5 fe défifter d'une pareille entreprife , & „ vous leur offrirez votre fecours pour „ leur aider à retirer leurs Troupes & à „ mettre fin à tous adles d'hoftilité. Mais „ au cas que vos efforts amiables ne pro- „ duifent aucun fruit, vous défendrez les „ Pais apartenans audit Empereur con- f, tre toute nouvelle attaque, foit en al- „ lant de compagnie avec leurs VaifTeaux ,, de guerre ou de tranfport, foit encroi- „ fant fur les côtes où ils voudroient a- „ border , ou môme , s'il eft nécefî'aire , en „ s'oppofant à eux à forte ouverte. ,, Et d'autant que nous avons jugé à „ propos d'envoyer quatre bataillons de „ nos Troupes à bord de la Flote donc „ nous vous avons dorîné le commande- I, ment, vous aurez foin , lorfque vous fe- >9 rez arrivé à Porl-Mahon, d'y débarquer „ lefdits bataillons , pour rélever les „ Garnifons de notre Ifle de MinoTque , leÇ- „ quelles vous prendrez avec vous , pour ty les employer de la manière & fuivanc 19 les Inftruâions que vous recevrez de „ notre part. ,, Et comme nous avons trouvé bon de „ rappeller notre cher ^ féal CoarUs „ Corn- iS8 Bibliothèque Britannique, „ Corn*u;a//,Ecuyer, que nous avions nom- 9, mé notre Plénipotentiaire pour con- „ dure un Traité de paix avec les Mau- „ res , & que nous vous avons muni des M pouvoirs néceflaires pour continuer cet- ,9 te Négociation , vous pourrez par-là 9f même dirpofer des Vaifleaux que com- „ mande à préfent ledit Vice -Amiral 99 Cornwally & employer toute i'Efcadre, 99 ou partie d'icelle, de la manière que vous „ lejugerez plus à propos pour vous ac- „ quitter des diverfes Commiflions que „ vous êtes chargé d'exécuter dans la ,> Méditerranée *S G. R. Ces înftruclions prouvent clairement que George I. ne cherchoit que la paix, que ce ne fut, pour ainfi dire que malgré lui, qu'il mit en mer une Flote , & qu'il avoit des raifons très -légitimes de le faire; que FEfpagne fut non feule- menc avertie du but de cet armement , mais même foUicitée d'en prévenir les fâcheufes fuites , en faifant céder, ou du moins en fufpendant fes hoftilitez contre ]*Empereur ; que l'Amiral Byng dévoie tenter toutes les voyes de la douceur a- vant que d'en venir à la force ouverte , & par confequent qu'il ne dut y avoir aucune furprife de fa part , & que s'il battit la Flote Efpagnole , ce ne fut pas fans OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. l^çf fans y être fuffifammenc autorifé. Mais c'eft ce qui paroîtra encore mieux par la manière donc cec Amiral exécuta fes ordres. Dès qu'il fut arrivé au Cap de St, Vincent, il dépécha un Gentilhomme de fa fuite au Colonel Scanhope [à préfenc Mylord Harrington , Secrétaire d'Etat. ] Envoyé d'Angleterre à Madrid, avec une lettre de fa main ,dans laquelle il prioic ce Miniftre, d'informer le Roi d'Efpagne de la deftination de fa Flote , & des or- dres donc il étoic chargé. L'Envoyé mon- tra cette lettre au Cardinal Alberooi, qui l'ayant lue, lui dit avec chaleur, que „ fon Maître s'expoferoit à tout , & même „ à être chafle de l'Efpagne , plutôt que de „ rappellerfes Troupes, ou de confentir „ à une fufpenfion d'armes ; ajoutant que „ les Efpagnols n'étoient pas gens à fe 99 laifler effrayer, (Se qu'il étoïc fi convain- „ eu que leur Flore feroic fon devoir , „ que fi l'Amiral jugeoit à propos deTar- „ taquer, il ne s'inquiéteroic en aucune „ manière du fuccès *^ Mr. Stanhope le pria pour toute réponfe,de jetter les yeux fur la Lifte des Vaifleaux de l'Efca- dre Angloife , qu'il tenoic à la main , & d'en comparer la force avec celle de la Flote Efpagnoie : le Cardinal la prit, év la jetta avec emportement par terre. vSur quoi l'Envoyé d'Angleterre lui repréfent^ fans 190 BiSliothequeBrttannîque, fans s'émouvoir ,& avec toute la mode- ration polnble, tout ce que le Roi Ton Maître avoic fait pour le bien de la paix, & pour Tavantage môme de S. M. Catho- lique; que le? ordres qu'il avoit donnez à l'Amiral Eyng étoient une nouvelle preu- ve de la fmccvité de les intentions à cet égard, & qu'il efpéroit que ce Prince, en refufant de rappeller fes Troupes ou de confentir à une fulpenlion d'armes , ne le mettroit pas hors d'état de lui donner des marques de la parfaite amitié qu'il avoit toujours fouhaité d'entretenir avec lui. Ces repréfentations ne produifirent pas grand effet, & tout ce que Mr. Stan- hope put obtenir du Cardinal, fut qu'il communiqueroit la lettre de l'Amiral au Roi , & qu'il lui feroit fçavoir dans deux jours la réfolution que ce Prince pren- droit là-deflus. Mais il s'en pafla neuf avant qu'il la reçût , Aiberoni efpérant fans doute que rAmJraî Byng l'attendroit tranquillement dans quelqu'un des Ports d'Efpagne; ce qui donneroit le tems aux Troupes Efpagnoles de faire unedefcen- te en Sicile , & de s'y établir. Voici la Réponfe de ce Miniflre , écrite au bas de la Lettre de l'Amiral , qu'il renvoya com- me par une efpece de mépris à Mr. Stanhope: „ Sa Majefté Catholique m'a „ fait l'honneur de me dire, que le Che- ,, valier Byng peut exécuter les ordres 9) qu'il OCTOH. NOVETMB. ET DeCKMB. I739. IQl „ qu*ila reçus du Roi Ton Maîcre. Al'Ef- „ curial le 15. de Juiliec 1718. „ Le Cardinal Alberoni. Cependant TAmiral Byn^ continuant fa route avec un vent peu favorable, ne pue gagner que le 8- de Juillet le Cap Spartely oii les Vailleaux le Superbe & le Ruperî^ qu'il avoit envoyez à la découverte , le rejoignirent & lui apprirent les prépara- tifs extraordinaires que les Efpagnols a- voient faits à Barcelonne , ajoutant que leur Flote en étoit partie le 18. de Juin, faifant voile vers le Levant. Comme il paflbit devant Gibraltar, le Vice -Amiral Cornwall vint le joindre avec le Vaifleau VArgyle de 50. pièces de canon , & la Ga- lère le Charles. De- là il fe rendit à Port- Mahon , oli il arriva le 23. de Juillet , & oli il apprit que la Flote Efpagnole avoic été vûë le 30. de Juin à quarante lieues de Naples , tirant au Sud-Eft ; fur quoi il dépécha des Exprès au Gouverneur de Milan & au Vice-Roi de Naples, pour les informer de fon arrivée dans la Médi- terranée , & après avoir changé félon fes ordres , les Garnifons de Minorque, il en partit le 25. de Juillet, & arriva le pre- mier d'Août dans la Baye de Naples. On ne fçauroit exprimer la joye des Napolitains à la vûë de cette Flote, qui feule pouvoit alTiarer leur repos. Les Efpagnols vçnoient de faire defcente en Î92B1BL10THEQUE Britannique, Sicile, & par la rapidité de leurs pro- grès il étoic à craindre qu'ils ne fùfTent: bientôt maîtres de toute l'Ifle, & qu'ils ne tournairent enfuire leurs armes con- tre le Royaume de Naples, qui étoit mal pourvu des chofes néceflaires pour une vjgoureufe défenre, tre , OcTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. 193 „ tre qu'il avançoit par des voyes égale- „ ment jufles & prudentes ; ai une cer- „ taine conformité de mœurs produifît „ fur le champ entre lui & l'Amiral Byng „ une confiance & une amitié qui les mie „ en état de travailler pour la caufe coni- „ mune avec une harmonie (Se une dili- 1, gence peu ordinaires. Dans la première Conférence que TA- miv^i] Byng eut avec ce Vice-Roi, il appric que 3COCO. Efpagnols , commandez par le Marquis de Lede, avoient débarqué le 2. de Juillet en Sicile, qu'ils avoient pris la ville & la citadelle de Palerme,& s'é- toient rendus maîtres de la plus grande partie de cette Ifle , qu'ils affiégeoienc aéluellement la citadelle de MefTine , a- près avoir pris la ville par compofition, & qu'outre qu'on ne pouvoit pas beau* coup compter fur la Garnilbn Piém-on- toife , il étoit certain que cette Place ne tiendroit pas long-rems , fi on n'y envoyoic promptement du fecours. Là-deflfus ilfuc réfolu dy faire pafier fur des Tartanes Je Général 'PVeîzel avec 2000. hommes d'In- fanterie Allemande ; & comme l'Amiral avoit ordre de s'oppofer aux entreprifes des Efpagnols fur la Sicile, il confentità prendre ces Troupes fous fa protection, & à les convoyer avec toute fa Flote» Ils partirent de Naples le 6. d'Août, & ar- rivèrent le 9. à la vue du Fare de Mef- fine. Mais avant que d'aller plus loin , Tome XIV. Part. L N le 194 Bibliothèque Britannique, le Chevalier Byng confiderant que s'il exécutoit fes ordres à la rigueur, la guer- re avec l'Efpagne étoit inévitable, il vou- lut encore une fois tenter la voye de la douceur. Pour cet effet il dépêcha fon premier Capitaine, avec une Lettre au Marquis de Lsde, dans laquelle il lui pro- pofoit de confentir à une furpenfion d'ar- mes pour deux mois, pendant lefquels les PuilTances intéreiïees à la paix de l'Italie, pourroient travailler à la rétablir; ajou- tant , que s'il n'étoit pas aiïez heureux pour obtenir fa demande, ilferoit obligé, malgré lui , d'exécuter fes 'ordres qui por- toient, qu'en cas de refus il devoit em- ployer toutes fes forces pour empêcher qu'on ne continuât à attaquer les Etats que le Roi fon Maître s'étoit engagé de défendre. Le Marquis répondit, que n'ayant aucun pouvoir de traiter, il ne pouvoit confentir à une fafpenlion d'ar- mes, quelque chofe qui pût en arriver, & qu'ainfi il fuivroit les ordres qu'il avoic reçus , de fe faiiîr de la Sicile pour le Roi d*Kfpagne. Sur ces entrefaites TAmiral eut avis que la Flote Efpagnole avoit levé l'ancre ie jouY avant fon arrivée, & étoit partie du Port de Mefline ; ce qui lui fit conje.ftu- rer qu'elle s'étoit retirée à Malthe. Ainû ayant reçu la réponfe du Marquis de Lede , il fit voile vers Mefline pour porter du fêcours à la Garnifon de la Citadelle , fé- lon OCTOB. NOVEMB. ET DECEMB. I739. ip^ Ion Ton premier projet. Mais lorfqu'il fut venu à la pointe du Fare , il apper- çut deux Courvettes Erpagnoles dans le Port, & apprenant en même tems par une Felouque qui venoit de la côte de Calabre , qu'on voyoit de deflus les hau- teurs de cette côte la Flote entière à l'ancre , il changea de deflein. Il ren- voya les Troupes Allemandes qu'il avoic amenées avec lui à Reggio , avec deux VaiQeaux de guerre pour les convoyer , a fe mit à faire force de voiles avec tou- te Ton Efcadre après ces deux Courvettes Efpagnolcs , penfant qu'elles le condui- roient à leur Flote; ce qui arriva efFeâi- vement : car avant midi il la découvrit à l'ancre , en ordre de bataille. Elle é- toit compofce de vingt-fept VaifTeaux de ligne, grands & petits, deux Galiotes à bombes, deux Brûlots, fept Galères & plufieurs Bâtimens charo;ez de provilîons d de munitions, & commandée par l'A- miral Don Antonio de Cajîaneta^ qui avoic fous lui les Contre-Amiraux Cbacon, Ma- ri , Guevara & Cammock. A la vûë de l'Êfcadre Angloife ils prirent le large , mais toujours en ordre de bataille. L'A- rairal Byn^^ les fui vit tout le relie du jour & la nuit luivante, fans pouvoir les at- teindre. Mais le lendemain ii. d'Août , de bon matin , il ne s'eii trouva gueres plus éloirÂné que de la portée du Canon : fur quoi le Contre- Amirnl de Mari^Q feparadu N 2 refte îp5 BibliothequeBritannique, refte de ia Flore Ei'pagnole avec ûx Vaif- feaux deguerve, toutes les Galères , les Brûlots, les Vaifleaux à bombes &c. dans le defleui ce relâuher fur la cô:e de Si- cile. AuiTi tôt l'Amiral Byr.g détacha Mr. Wallon , Capitaine du Cantorbery , avec cinq autres Vaifleaux, qui l'ayant atteint , tira un coup de canon pour l'obliger à ame- ner , ce qu'il repéta jufqu'à trois fois , les Efpagnols ne paroifiant pas s'en met- tre en peine; mais à la troificme fois, -celui de leurs VailTeaux qui étoit le plus avancé tira fur lui tous fes canons de chafTede prouë. Cependant l'Amiral pour- fuivant le- gros de la Flote Efpagnole, deux de fes VaifTeaux s'en trou\erenc bientôt à la portée du canon, & efiliye- rent tout le feu de l'arriére des moins avancez: mais au lieu d'y répondre, ils attendirent, félon les ordres qu'ils en a- voient reçus, que les Efpagnols renouvel- lafTenc leur feu , ce qu'ils ne manquèrent pas de faire, & là-defTus le combat s'en- gagea. Nous n'en décrirons pas ici les particularitez, cela feroit trop long. Il fuffit de dire qu'il dura jufquesà la nuit, & que les Anglois prirent douze Vaifleaux des plus confiderables de la Flote Efpa- gnole, en brialerent trois, & en coulèrent à fond deux, fans compter quatre autres que le Capitaine Wallon prit fur la côte , avec une Galiote à bombes, & un Vaif- &au char°;é d'armes, our radouber fes Vaifleaux ou ceux qu'il avoit pris , il fit partir en di- ligence Ton fils aîné , le même à qui ces Mémoires font dédiez, pour porter la nouvelle de cette VidoireauRoi George, qui l'ayant apprife d'ailleurs, lui en avoit déjà écrit de fa propre main en ces ter- mes: fi Monfieur le Chevalier Byng, ,, Quoique je n'aye pas encore reçu de ,, vos nouvelles en droiture, j'ai appris ,, la Vidloire que la Flote a remportée „ fous vos ordres; & je n'ai pas voulu „ vous différer le contentement que mon N 3 „ ap. r^SBlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, ,, approbation de votre conduite vous „ pourroit donner. Je vous en remercie , „ & je fouhaite que vous en témoigniez 99 ma fatisfadion à tous les braves gens „ qui fe font diftinguez dans cette occa- „ flon. Le Secrétaire d'Etat Craggs aor- ,; dre de vous informer plus au long de „ mes intentions ; mais j'ai voulu vous „ aflurer moi-même que je fuis, Mon- »j fieur le Chevalier By^g , „ Votre bon Ami „ GEORGE ROI. Mr» Byng le fils fut parfaitement bien reçu de ce Prince, qui lui fit un magnifi- que préfent , & le chargea de pleins Pou- voirs pour lionPere, afin qu'il put traiter avec les Princes & Etats d'itaîie , fui- vant que l'occafion s'en préfenteroit. Il fît aulfi aux Officiers & aux Matelots de la Flote un don gratuit de toutes les prifes qu'ils avoient faites fur les Efpa- gnols. Pour achever de ruiner leur Mari- ne, une Efcadre Angloife, fourenuë d'un Détachement de l'armée du Duc de Ber- wick , leur brûla peu de tems après dans les ports de Bifcaye un Vaifleau de guer- re de 70. pièces de Cnnon, deux de 60. tout nouvellement conftruits, & une pro- digieufe quantité de bois de charpente , de poix 5 de goudron <5c d'autres macériauv pour OCTOE. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. Ipp pour en bâtir davantage. Le projet en fut formé par le Colonel Stanhope , qui voulut fervir en qualité de V^olontaire dans cette Expédition, & qui par fa pré- fence contribua beaucoup à la faire réiiffir. L'Efpagne s'étoit juftement attiré cet- te cataftrophe, comme on l'a vu; mais on peut dire qu'elle la méritoit encore par les vexations qu'elle s'étoit mife de- puis iong-tems fur le pied de faire aux Anglois dans leur Commerce. Elle exi- geoit des faétories qu'ils avoient dansfes ports de mer des droits arbitraires, & elle les chargeoit d'impôts dont les Traitez les cxemptoient expreflement. S'ils refu- Ibjentdeles payer , leurs maifons étoient audi-tôt environnées defoldats, leurs ma- snzins & leurs coffres forcez , & leurs effets vendus à l'encan. 'Les Officiers du Roi les traitoient avec tant d'injuftice Ce d'infoience, que l'on eût dit qu'ils fça- voient que c'étoit faire leur cour au Miniftre que d'en ufer ainfi. Il ne fe paffoit prefque pas de polte que l'En- voyé d'Angleterre à Madrid ne reçût des plaintes à ce fujet. Envain préfentoit- il Mémoire fur Mémoire pour qu'on re- dreffàc ces griefs , on n'y avoit aucun ég;ard. S'agiflbit- il de tranfporter des Troupes, on fermoit auffi-tôtles Ports à tous les Vaiifeaux Anglois. ; on obligeoic N 4 les 20P Bibliothèque- Britannique, les Capitaines à fervir , & pour cec eiFec à mettre à terre leurs cargaifons , quoi-^ qu'elles fûlTent de nature à s'endommager, & même dcftinées pour d'autres lieux. Ceux qui refa'bient de le faire, écoient mis en prifon 6c fort maltraitez. Cela al- loit fi loin , que les Vaifleaux Efpagnols armez en courfe amenoient de force dans les Ports d'Efpagne tous les VaifTeaux Marchands Anglois qu'ils pouvoient ren- contrer en pleine mer , en quelque lieu quMls allalTent. Et fi l'on ne s'en fervoit pas pour le tranfport des Troupes , on prenoit leurs.Matelots, & on les employoit fur les VaifTeaux de guerre. Le Contre- Amiral Cammock n'en avoit pas moins de foixante fur Ion bord, ù. un Capitaine Anglois fai fan t effort de retenir fon mon- de, eut les oreilles coupées. Ainfi cen'eft pas d'aujourd'hui que l'Angleterre a fujec de fe plaindre de l'Efpagne , & ce ne fuc pas fans raifon qu'elle chercha à l'humi- lier en détruifant fa Marine. La nouvel- le de la viétoire de Pajfaro ne fut pas plutôt fçuë à Mefîine, que quarante-&- cinq Vaideaux Anglois que les Efpagnols avoient forcé à leur fervir de VaifTeaux de tranfport, profitant de l'occafion, s'é- chaperent de ce Port, & fe rendirent à Reggio , la plupart chargez de munitions de guerre & de bouche ; & l'Amiral Byng les prit fgus fa proteftion. Après OCTOR. NoVEMB. tT DeCEMB. I739. 201 Après la défaice de la Flote tfpagno- le, il ne fuc pas difficile de faire palier des Troupes Allemandes dans la Cita- delle de I^Iefllne ; mais cela n'empêcha pas qu'elle ne fe rendît par capitulation le 20. de Septembre , à la grande fur- prife des Impériaux, qui s'étoicnt fiattez qu'elle tiendroit beaucoup plus loEg-tems. La prife de cette Place déconcerta fore leurs mefures , d'autant plus qu'il n'y a^ voie point d'autre Port commode dans toute l'ifle pour y faire hyverner la Flote Angloife , de forte que " l'Amiral Byng fuc obligé de fe retirer dans la Baye de Naples, où il arriva le 2. de No'vembre , & où le Marquis de Luzan lui remit une Lettre tiès-obligeante de la propre main de l'Empereur , avec fon Portrait enrichi de gros brillans. La lî- tuation des affaires de Sicile donna lieu au Traité qui fe conclut le 29. du mois fuivant à Vienne , par lequel on dévoie former , aufîi-tôt qu'il feroic poŒble,une Armée pour une Expédition en Sardai- gne ; l'Empereur devoit fournir à fes fraix 6500. hommes d'Infanterie & 6co. de Cavalerie; & le Duc de Savoye de- voit évacuer entièrement la Sicile, & joindre 5000. hommes des Troupes qu'il y avoit, à celles de S. M. Impériale: mais en attendant qu'elles fulTent tranfportées , elles dévoient agir de concert avec les Allemans contre l'Ennemi commun. Ce N 5 Trai^ 202 Bibliothèque Britannique, Traité fut envoyé à Naples , afin que le Vice- Roi , l'Amiral Byng, & le Miniftre dti Doc de Savoye concercaflent entre eux les mefures propres à le mettre en exécution. Celui-ci fe défiant des Impé- riaux, y fit naître bien des difficultez, mais par les foins de l'Amiral, qui difiipa entièrement fes foupçons , on convint en- j5n de tout, quoique'^PExpédition projet- tée n'eut pas lieu pour les raifons qu'on verra bientôt. Il ne reftoit plus au Duc de Savoye que trois Places en Sicile , favoir Syra- ciije , Trapani & Mslazzo. Cette der- nière n'étant pas fort éloignée du Fare, les Efpagnols l'alTiégerent après s'être rendus maîtres de la citadelle de Meffi- ne. Les Impériaux ayant trouvé îe moyen d'y faire palier toutes les Troupes qu'ils avoient à Reggio , & quelque Cavalerie de Naples, fous les Généraux Caraffa & Veterani, il fut réfolu dans unConfeil de guerre, le 14. d'Odlobre, de faire une fortie fjr les Ennemis ; ce qui fut exécu- té le lendemain à la pointe du jour avec beaucoup de fuccès ; mais les Allemans s'étant mis à piller, éc les Efpagnols s'é- tant ralliez , foutenus des nouvelles trou- pes que le Duc de Led e ^menoît de Mef- fine , les premiers furent obligez déplier à leur tour , & de fe retirer fous le canon de la Ville. II y eut dans cette Aétion environ i2co. hommes de chaque côté, tuez OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. 203 tuez ou bleflez , & le Général Veterani y fut faic prifonnier. Caraffa fut rappelle à Naples , & le Baron Zumjungen envoyé pour commander à fa place, il fuc bien- tôt fuivi des Généraux IVachtendonck nir aux mains, & il avoit la réputa- 99 tion de facrifier trop légèrement Tes 99 Troupes , & n'étoit propre qu'à leur 99 abattre le courage, par la crainte con- 99 tinuelle où ils étoient qu'il ne les me- 99 nat à la boucherie. Après tout , il 99 faut avouer qu'il avoit de grands ta- „ lens & beaucoup d'expérience dans la 99 guerre ; & il auroit été un excellent 99 Général, aufii-bien qu'un Cavalier par- afait, s'il eût eu un tempérament m.oins f9 bouillant, ou plus de pouvoir fur lui- 99 même. I\îais malgré ce défaut , il étoit 99 certainement un Officier dillingué , & „ il n'en faut pas d'autre preuve "que ce „ qu'il étoit le favori du Prince Eu,q:e- 99 ne , &c. Ce éo8 Btt^liotheque Britannique, Ce Générai ayant à la fin reçu dix mil- le hommes d'Infanterie (Si trois mille cinq cens de Cavalerie , tous des Xroupes choifies &: la fleur de cel'es qui avoient depuis peu fervi avec tant d'honneur en Hongrie, il les fit embarquer pour la Si- cile. L'Amiral Byn^ les convoya avec huit Vailleaux de guerre , & elles arrivè- rent fort heurcufement devant MelazzolQ ti-j. de Mai. A leur approche le Mar- quis de Lede décampa avec précipitation, & fe retira à Fr:inca -Filla, laifTant dans fon camr) quelques canons, des munitions & de^ inPcrùmens de guerre. Le Comte de Merci, croyant en avoir bon marché, le fuivit, & avec des peines infinies l'at- taqua dans le Polie avantageux ou il s*é- toit retranché; mais il eut bientôt fujet de fe repentir de fa témérité. Car il eut dans cette AQion 8.;6. hommes tucz,& 2449. bleffez, parmi lefquels étoit le fils de rAm.iral, qui fervoit en qualité de Vo- lontaire, fans pouvoir déloger les Efpa- gnols , qui n'eurenx qu'environ 150c. hom- mes tant tuez que blefTez. Le Général de Merci lui-même, après avoir eu trois Chevaux tuez ou hieiTez fous lui, reçut un coup de balle dans les reins , dont il eut bien de la peine d'être guéri. Le mauvais fuccès de cette bataille , dont on trouve ici une defcription fort détaillée , fit que l'Amiral écrivit aufli-tôt [au Vice-Roi c-e OCTOB. NOVEMB. ET DecEMB. I739. 209 de Naplesjque Ton fenciment étoic qu'il falloic renoncer pour le coup à l'Expé- dition de Sardaigne, & employer en Si- cile toutes les forces dcftinées pour cet- te Expédition , oc ce fut auiïî l'avis que l'on fuivit. Nous ne rapporterons point ce qui fe palTa enfuite entre les Impériaux 6l les Efpagnols, & la conduite que tint l'Ami- ral Byng jufqu'à l'évacuation de la Sicile par les derniers. Le détail en feroic trop long, il vaut mieux renvoyer nos Leàeurs au Livre même , qui à ce que nous apprenons paroîtra bien-tôt en Fran- çois. Nous traduirons feulement ici les réflexions par lefquelles l'Auteur le finit, & qui nous ont paru mériter ce foin. „ C'eit ainfi que finit la guerre de Si- ,3 cile, dans laquelle la Flore de la Gran- „ de-Bretagne fit une figure fi confidera- ,> ble, que Ton peut dire que le fort de 5, cette Ifle dépendit entièrement de fes 5, opérations Le feu Roi , qui „ avoit nommé l'Amiral Byng pour cet- „ te Expédition , & qui le connoifîbit bien » ,, avoit coutume de dire à fes Miniilres. „ lorfqa'ils lui demandoient fes ordres 99 pour cet Amiral, qu'il ne vouloit point 5, lui en envoyer, parce qu'il n'en avoic ,, pasbefoin. 'Et la vérité efi: , que toutes f, les mefures qu'il prit furent toijjours C\ jjjuftes, qu'elles s'accordèrent parfaite- „ m.enc avec les idées & les defiTeins dq Tme XIK Part. L O „ la 2îoBlBLI0THEQUE BRITANNIQUE, „ la Cour. La Caufe de l'Empereur é- „ tant devenue la Caufe de Ton Maître, „ il avança les intérêcs de ce Prince avec „ un zèle & une fidélité qui pouvoit fer- ,, vir de modèle à fes propres fujets. j>'ll vécut en aulTi bonne intelligence a- ,, vec les Vicerois & les Généraux Im- 9, périaux que des Compatriotes unis 99 d'intérêt 6c fervant un même Prince 9, peuvent le faire; étant certain que ce „ n'efl qu'au défaut de cette harmonie 5, qu'il faut attribuer le mauvais fuccès „ de plufieurs Expéditions importantes. i, Il étoit incapable de faire fon devoir à 99 demi , & lorlqu'on lui confioit le foin „ de quelque affaire, il y confacroit tout o fon tems à: toute fon application , , intérefiant de l'Hilloire Romaine, curant le- ;,, quel la République, après plulieurs revolu- ., tiens & plufieurs efforts pour maintenir fa .U- :j -bcrté , fut enfin opprimée fans reflburce. On OcTon. NoveMb; et Decems. 1739. 213 9, y donne une Relation de la guerre Civile qui fi s'éleva entre Marius & S^jlla , & des progrès jy de rAriilocratie ou du pouvoir du Sénat , fi qui s'établit à la faveur de cette guerre. On }i y décrit les tumultes qui arrivèrent enfuite f, dans la Ville pour renverfer cet Etabli fle- fi ment , la Confpiration de Caîilina & le Con- ,) fulat de Ciceron qui affermit l'autorité du f. Sénat ; les intrigues de la Faftion du peuple j, pour ôter à Ciceron l'adminiftration des Af- f, faires, les violences de Clodius , le premier f, Triumvirat , ou la Ligue entre Pompéi , Craf- y, Jus & Céfar pour abaifler le Sénat & s'em- f, parer de toute l'autorité, l'exil de Ciceron y, qui en fut une fuite , fon rétabliiTement , la f, manière dont il fe conduiOt envers le Trium- yt virât, & dont il gou\'ernala Ciiide , la parc „ qu'il prit dans la guerre entre Pommée & Ce- ,) far , fa conduite fous le Régne de Ctfar , la „ Confpiration qui fe forma contre ce Difta- >, teur & fa mort; comment Ciceron foutintles „ Confpirateurs , & par fes confeils chaîla An- ,y toine d'Itilie ; la mort des Confuls Hirtius ,y & Panfa dans les batailles qui fe donnèrent y, près de Modem , le fucces defquelles ayant yy rendu OUave trop puilTant pour fe laiiTer me- yy ner plus long-tems par Ciceron^ il s'unit avec yy Antoine & Lepîdus ^ Si. formi un fécond Trium- yy virât , qui fit périr en même tems Ciceron Se y, la République. y> On expofe & on développe avec foin les y, caiifes de tous ces évenemens , en s'appuyanr y, fur les Autoritez les plus incontellables , par- ;., ticulierement fur les Lettres & autres Ou- yy vrages de Ciceron ; l'on dépeint aulTi le C:i- O 3 ^^ 'i«^- Î214B1BL10THEQUE Britannique, f, raftère de ceux qui y ont eu leplus départ, ff comme Marins , S'alla , Pompée , CraJJus , Ce - fi far , Pi/on , Gabinus , Clodius , Marcellus , 5wi- ^> picius , Cat une Recapitulation particulière de la Vie & y, du Caraftère de Ciceron , une Defcripticn de ^^ fes Maifons de Campagne , de fes Terres & ^f de fa manière de vivre, un Jugement fur tous ^, fes Ouvrages, un expofé de fa Philofophie ^ & de fes fentimens , une idée générale de fa y, Politique , tout ce qu'on peut recueillir de yy plus certain touchant fon Fils , ôc enfin le /> caraftère particulier d'y^tticus. yf On a aufli inféré dans le Corps de l'Ou- yf vrage des Explications particulières de toutes y, les Charges , Loix , Coutumes, Cérémonies , >, Titres, &c. qui peuvent fervir à illuitrer ce yy qui regarde la Conftitution de la République y, & les Mœurs du Peuple Romain ; de forte y, qu'il fera utile à tous ceux qui lifent les Au- ^f teurs Claffiques , & plus particulièrement atix ^, perfonnes qui fouhaitent d'entendre les Ecrits ^^ de Ciceron. V Cet Ouvrage fera imprimé auflî bien qu'il ^) eil pofîîble , & avec des Ornemens convena- ^j blés , en deux Volumes in 4. qui contiendront ^, environ cent quarante feuilles. Le prix de j, laSoufcrîption ell d'une Guinée & demi pour y, le petit papier, & de deux Guinées pour le y, grand papier. On payera une Guinée en fouf- yj erivant , & le reile en recevant l'Ouvrage fp complet, dont on n'imprimera pas plus /; d'exem- OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. 215 ^p d'exemplaires qu'il n'y aura de Soufcriptions. j. On Ibufcrit à Londres chez les Innys & yy Manby auprès de Se. Paul , & chez Gyles dans yy HûUhoiLrn , à Cambridge chez Tburlborn , & p, à ICork chez Hildyard. De Londres. Il paroît ici depuis quelque tems un Ouvra- ge de Médecine fous ce ticie , A Treatife of Diffolvents of the Stone ^ and on Guring tbeSr.ons and Goût hy Aiment y ^c. C'ell- à-dire : ^, Trai-, py té des DifTolvans propres contre la Pierre, pj & fur la manière de guérir la Pierre & la jy Goatte par le moyen des alimens : Où l'on jy fait voir par laraifon & par l'expérience , qu'il y, eH très-pofïïble de diflbudre la Pierre , foie jy dans les reins , foit dans la Veiïîe y &depré- j) venir le retour de la Goutte , par une nourri* ^ ture convenable, & en fuivant une diettepar- yy ticuliere. Le tout entre -mêlé d'Obferva- py tions , qui ont pour but d'apprendre aux per • ^y fonnes de conflitutions ou ce complexions pf différentes, comment elles doivent fe condui- pf re dans le choix & dans l'ufage des alimens ^f pour fe conferver la fanté. On y a joint des j> Régies particulières fur le m.ême fujet pour yy ceux qui font attaquez de rhume , de fièvre , ^^ de toux, d'ailhme, de colique , de douleurs py d'eflomac, de maladies nerveufes, d'Jiydro- ^y pifie, de tumeurs ou de fcorbut. Publié à py l'ufage des Familles. Pàv Théophile Lobb, Doc- K teur en Médecine , & Membre de la Société :,, Rovale ". Chez Jaques ifr^c^/a/iri?, dans Pa- ter-Njfiçr-Row. Gros in 8. O 4 Un 2I(5BlBLÏOTHEQUE BRITANNIQUE, Un Anonyme a publié depuis peu , -4 Treattfe of Human Nature: Being anAtiempt to introdu- ce the Expérimental Metbod of Reajouing into Mo- ral JuhjeUs. C'efl-à-dirc : )y Traité de la Natu- )) re humaine, dans lequel on elTaye d'introdui- fff re dans les fujets de Morale, la Méthode expé- y, rimentale de raifonner ". Chez J. Noon d^ns Cbeapftde ; deux grands Volumes in 8. C'efl un Syilème de Logique, ou plutôt de Métaphyfi- que , auflî original qu'il fe puifTe, où l'Auteur prétend redrefler les plus habiles Philofophes , & en particulier le fameux Mr. Lncke , & où il a- vance les Paradoxes les plus inouïs , jufquesr à foutenir que .les Opérations de l'Efprit ne font pas libres. Un autre Anonyme vient de nous donner tout récemment Memoirs of tbe Duke of Rip- perda^ ^c. C'efl-à-dire : ^, Mémoires du Duc yf de Ripperday premièrement Ambafladeur des y, Etats Généraux auprès de Sa Majefté Catholi- „ que , enfuite fait Duc & Grand d'Efpagne , y, & puis Bâcha & premier Miniflre de Muley yi Abdalla y Empereur de Fez & de Maroc : Con- j, tenant une Hiiloire abrégée des évenemens jf lesplusremarquables,arrivez depuis l'an 171 3. yf jufqu'en 1736. comme aufli bien des particu- >> laritez curieufes touchant les Cardinaux del y, Giudice Se Alheroni ^ la Princefle des Urfins^ y, le Prince de Cellamare , le Marquis de Beret- yf ti-Landi , Mr. de Santa-Cruz , & autres per- y, fonnes diilinguées de la Cour d'Efpagne. On y, y a, joint un Expofé clair & fidèle des difpu- y) tes qui fe font élevées entre les Cours de >, Londres & de Madrid , des Mém/^ircs autcn- ,v tiques, & autres Pièces digne* de la curiofité y) du OCTOB. NoVEMn. ET DfiCEMB. T739. ^tf „ du Public. Chez J. Stagg à îVeftminfier , & D, 9i Broivn proche de Temple-bar ". C'efl un Vo- lume in 8. qui paroît allez bien écrit, mais dont nous ne voudrions pas garantir en tout la fidélité» Les Ifard & Cbandler ont imprimé & débi- tent, Tbe neiv Book of Conjlhutions of the ancient nnd honourahle F^-aternity of Free and ^ccepted Mafom^c. C'efl -à- dire : ,> Le Nouveau Livre ^ des Conilitutions de l'ancienne & honorable ^) Société des F n a n c s - M a ç o n s : Contenant ^ leur Hilloire, leurs Charges , leurs Régle- y, mens , &c. Compilé par ordre de la Grande }f Lo^e , recueilli de leurs anciens Monumens, j, Traditions autentiques & Livres particu- yy liers, & publié à l'ufage de toutes leî Lo-- » S'^^ ) P^^ J(iV^^^ Ânderfon . Dodeur en Théo- y, logie. Dans l'année vulgaire de la Maçon- y, nerie 5738. ". Un Volume in 4. Il y a dans ce Livre bien des chofes curieufes. Indépcn' demment de ce qui regarde la Société gcs Francs-Maçons y on y trouve une Hifloire fui- vie de l'Architedure ancienne & moderne. On a réimprimé en trois Volumes infol. Us Oeuvres de Mr. Locke , & pour rendre cette Edition plus complète, on y a joint le Recueil de Pièces détachées de cet Auteur, publié il y a quelques années par Mr. Des Maizeaiix , le- quel n'avoit point encore paru dans ce Format. Il paroit tous les jours quelque nouvelle Bro- chure pour ou contre Mr. Whitefield , &les Mé- thodifles en général ; mais après ce que nous a- vons dit de cette affaire, nous nous croyons difpenfez d'en parler davantage „ perfuadez que Je Pablic delà la mer n'y prend pas afîez d'in- térêt. O 5 Mr. 2x8 Bibliothèque Britannique, Mr. le Doiftr. Tanner y frcre du défan: Evé- que de St. ^Japh , publiera au premier jour un Ouvrage in folio , fous le ticre de Notitia Mona- j'iica Jfiglii-e. Mr. Cajlsy va nous donner une nouvelle E- dition du Catalogue de la Bibliothèque Cotto- v.ienne , la première étant toute vendue. Il y aura à la tête de ce Catalogue une longue Pré- fdce fur divers fujets d'Hiftoire & de Littéra- ture. Voici une Brochure qui nous a paru bien é- crite,& dont nous rendrons compte à la premiè- re occafion. An Ejjay on the Ufeftilnejs of O- riental Learning. „ Efiai fur l'Utilité de laLit- ^f térature Orientale ". Chez Rivington & autres. Cette petite Pièce eft dédiée au Rec- teur & aux Membres aggregcz du Collège de Lincoln à Oxford, où il paroit que T Auteur a étudié autrefois. Le but en eft, de réveiller le goût pour les Langues Orientales, & de tirer par ce moyen de la poullîere des Bi- bliothèques publiques, un grand nombre de ..Manufcrits conliderables , écrits dans ces Lan- gues , qui y font renfermez. Ou vient d'imprimer en un Volume in 8. les Lettres publiées en différens tems dans le Jour- nal Anglois , qui a pour titre : Tke Hijlory of tbe IVorks of the Learned , {jc. contre Mr.Z)? Crou- faz , au fujet de fa Critique de VEJJcàJur l'Homme Vie Mr. Fope. Ces Lc^ttres font au nombre de fr:, & celui qui en eft l'Auteur eft Mr. Warr lurton Ae même qui à publié The DiviJie Léga- tion of Mofes , &c. dont nous avons parlé am- plement dans cette Bibliothèque. Le dernier Ouvrage de Mr. le Doà, Water- land OCTOR. NOVEMW. ET DêCEMB. I739. 2T9 land lur l'Euchariftie , que nous annonçâmes dans les Nouvelles Littéraires au Volume 'précèdent ^ vient d'être vivement attaqué dans un Ouvrage qui a pour titre, The Eucbarijlicai Sacrifice: Or the Q^iejîion concerning the Eucbarijl in a Sacrifi- cial View imparîiaUy difcujfed , ^c. C'eft-à-dire : ^f Le Sacritice Euchariftique : ou la Quellion , y, fçavoir fi l'Euchariflie peut être conliderée yy fous l'idée d'un Sacrifice , difcutée 4'une ma- j} nière impartiale. Traité dans lequel on éta- ^) blit en peu de mots l'hypothèfe de feu Mr. ^y Jobnfon fur cette maticte , & Ton examine aa y> long les Objeftions que Mr. le Dr. IVaterland 3i a faites contre cette hypothèfe dans fon Non- p> vel Examen de la DoSirine de l'EucbariJlie , ^c, j, & dans fon Sacrifice Chrétien , ^f . On y a jy joint un Jppendix^ contenant i. une partie de yy la Liturgie Clémentine , que l'on croit com- ^y munément être la plus ancienne de toutes yy celles qui nous reftent. 2. Une partie de la y;, Réponfe de notre trcs-fçavant& très-judicieux yy Evêque Bull , contre Mr. BoJJuet Evéqup de yf Meaux. Par Cbriftophle Beeke , Bachelier es yy Arts , & Vicaire de Kinsleington dans De- yy vonshire. Chez T. ^fileyptès dç St. Paul, in S. C'efl ici une fuite de la difpute qu'a produit dans ce Païs le Livre de Mr. l'E^éque de Wincbejlery intitulé Expofition claire ^ fimple du Sacrement de la Ste, Cèn& , & qui n'eil pas encore prête de linir. Le mên>e Libraire a auflî nouvellement im- primée une Brochure fort curieufe, fi du moins l'Ouvrage répond au titre, Tmprovemenîs in AV vigationandPbilofophy, ^c. C'elt-à-dire : ,, Nou- ,,' velles Découvertes dans la Navigation & dans- 220 B iBLiOTHEquE Britannique, „ la Philofophie , contenant une Méthode aifée „ de trouver la Longitude en Mer, à dix ou ,, quinze minutes prés tout au plus ; comme auf- ,, fi une Méthode plus aifée de trouver la La- ,, titude, que celles dont on s'ell fervi jul- „ qu'ici , & cela par le moyen du même Inftru- „ ment à la faveur duquel on peut trouver la „ Longitude, & avec la même précifion, fans „ qu'il foit nécelTaire que le Soleil luife , Se ,, & qu'on ait égard à fa déclinaifon, ou à quel' „ que calcul que ce foit; Mais fi le Ciel efl ,, ferein, les Mariniers peuvent voir, par le ,, moyen du même Inftrument , le véritable nom- „ bre des dégrez & des minutes de Longitude & ,, de Latitude du lieu où ils font. On y a joint „ un Elfai pour perfeclionner certaines chofcs ,, dans les explications modernes du Syilcm.e & ,, des principaux Phénomènes du monde vifi- „ ble. Par Guillaume Comine , Maître es Arts, „ & Vicaire de WbiJJendine dans la Comté de „ Eutland ". m 8. On vient d'imprimer par foufcription ÂTrea* zife cf Ancient Fairuing , ^c. C'eft- à - dire : yi Traité de la Peinture ancienne : Contenant ., des Remarques fur l'Origine, les Progrès & là Décadence de cet Art chez les Grecs & les Romains, fur 11 haute idée que les grands Hommes de l'Antiquité s'en faifoient , fur la liaifon qu'il a avec la Poëfie & la Philofo- phie ,& fur l'ufage qu'on en peut faire dans l'Education de la JeunefTe. On y a joint des Obfervations fur le génie , le caractère & les ,3 talens âe Raphaël, de Michel- Ange , de Ni^ colas PoiiJJin & de quelques autres fameux Peintres nfodemes j 6c fur le bon ufage qu'ils î) ont OCTOB. NOVEMB. ET DeCEMB. I739. 221 y, ont fait des relies précieux de l'Antiquité , 3, fcit en Peinture, foit en Sculpture. Le tout 3f enrichi de cinquante Tailles -douces, qui re- 3P préfentent des Morceaux de Peinture ancienne 3i trouvez en difFérens tems parmi les ruines de ,y l'ancienne Rome , & qui ont été parfaitement 3? bien gravées d'après les DefTeins originaux de jy Camille Paderni, Peintre Romain. Par George p, Turnhull, Docteur en Droit". Chez A.Mil- lar dans le Strand. Un Gentilhomme Anglois, qui ne fe défigne que par les Lettres initiales de Ton nom S. B. a' publié tout récemment The great Duties of LU fe , ^c. }i Les grands Devoirs de la Vie par j) rapport à l'Etre Suprême, aux Loix de la. }> Morale ^ à la Loi de Jefus-Chri/t, contre ^j> les Déïftes, les Efprits forts & autres Incrc- }y dules modernes. Traité ou l'on répond ;\ }y toutes les Objeftions qu'ils font contre l'O- ,i rigine du Mal , la Providence , les Peines & 7j IcsRecompenfesà venir, l'Immortalité de l'A- y, me & la divinité du ChriHianilme ". Chez les ïmiys 8c Manby y &plufieurs autres. Ua Volume in 8. On nous dit dans un Avertiflement , que cet Ouvrage , avant que d'être imprimé , a été exa- miné & approuvé par les meilleurs Juges, com- me'un excellent Préfcrvatif contre l'Licrédulité & l'Irréligion ; & l'on nous donne en particu- lier le Jugement qu'en a porté un des plus ha- biles Théologiens de l'Europe, dans ces deux mots qu*îl écrivoit à l'Auteur en lui renvoyant fon Manufcrit: j, Monfieur , j'approuve extrê- ^, mement votre Ouvrage, & je fouliaite de le >j voir imprimé -, feulement la 5. Section au- i) roitbefoin d'être reCQUchée [ce qui, nous dit- ^ on , 222 Bibliothèque Britannique, >^ on, a été fait ] faites cela , ^ eris mibi magnus P, Apollo. E. H. On propofe d'imprimer par voye de fouf- cription , Francisci Go.odwini pri- mo Landai'enfiS dein Herefordenfis Epifcopi , de Prœjulihiis Ar.gliœ Commentarius ,- omnium E- pifcûporwn , 7:ec non ^ Cardinalium ejufdem Géii' tis. Abomina, Tempora , Seriem, atque Â^iones maxime jneinorabiles , ab ultimd Antiquitate corn- plexus. Oue;n ad fidem Monumentorum de Ar- chivis Regiis , Lamethanis , ^c. ^c. ^c. re^ cognovit , plurimis in locis ad veritatem redu' xit , ^perpétua demiimferie adprœjens ufque fœcu- lum conîinua'vit G u l. R i c h a r d s o n S. T. P. Coll. Emmd'i. Cant. Mngifter , ^ Ecclefa Lin- coln. Canoniciis. Cet Ouvrage fera imprimé fur de très -beau papier, & contiendra 200. feuilles. Le prix pour les Soufcripteurs fera de deux Guinées , une Guinée en foufcrivant , & l'autre en recevant un Exemplaire complet en feuilles. Oji mettra cet Ouvrage fous la prefTe vers Noël 1739. &il fera enrichi de près de 60. Tailles-douces. On reçoit les Soufcriptions chez l'Editeur à Cnmlridse-, Se à Londres chez les Knapton y Gyles, Bro<À}n & autres; & à Oxford chez Cle- mmîs & Fletcber, P. DE HoNDxa imprimé le Gouvernement Admirable , ou la République des Abeilles, avec les moyens d'en tirer une grande uti- lité, 12. avec fig. à la ffaye 1740. FIN. BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE, O U HISTOIRE DES OUVRAGES DES SÇAVANS DE LA GRANDE-BRETAGNE: Pour les Mois DE JANVIER, FEVRIERet MARS M DCC XL. TOME QUATORZIEME, SECONDE PARTIE. J LA HATE, Chez PIERRE DE H O N D T. M. DCC. XL. X TABLE DES ARTICLES. Art. I. IkJÇEmoires Phiîofophiques de la J.VX Société Royale de Londres. Tome XXXIX. Second Extrait. pag. 223. de la S. R. touchant la Defcription des Lignes Courbes. Communiquée à Ja So- ciété Royale, le 21. de Décembre 1732. En 1733. Mr. George Braikenndgc publia un EiTai , dans lequel il donne une nou- . veiie Méthode de décrire géométrique- ment les Lignes Courbes. Nous avons donne un Extrait de ion Ouvrage dans la première Partie du troifième Tqme de cette Bibliothèque , (Se nous avons remar- qué , page 180. , qu'on lui difputoit la gloire de i'invendon: ç'eit ce que M. Mac-Laurin fait dans le Mémoire dont on vient de donner le Titre, & Mr. Braiken^ ridge a répondu dans un Journal An- glois. Mais nous ne croyons pas qu'il foit à propos que nous entrions dans cet- te difpute, qui dans le fond n'intérefle pas beaucoup le Public. /jyt. VI. Lettre de Mr. Etienne Grey, Membre de la S. R. à Mr. Mortimer, Se- crétaire de la Société R. contenant quel- ques Expériences fur VEkâricité, Nous avons rendu compte de cet Arti- cle en parlant des autres Expériences de M. Grey dans la i. Partie du XI II. To- me de cette Bibliothèque, page 333. d* fuivantes. Art. VII. Compte des Naiflances, des Enterremens , & du nombre des Habitans dans la Ville de Stoke-DamereU , dans la Comté de Devon, communiqué par Mr. ii A R R o w , Minilire. P4 En ^30 Bibliothèque Britannique, En l'année 1733. le nombre des habi- tans à Stoke-Damerell étoit de 3361. per- fonnes; il y naquit 122. enfans, & il n'y mourut que 62. perfonnes. L'année fut aiTez mal-faine, & parmi les morts il y eut trois jMatelots quin'étoientpas comp- tez parmi les habitans. D'où Mr. Barroiv conclut ^ que l'air eft auffi bon à Stoke- Damerell , qu'en quelqu'autre endroit d'Angleterre que ce foit. Art. VIII. Récit d'un cas extraordi- îiaire du Trou Ovale , trouvé ouvert dans un adulte. Communiqué par Mr. Claude Amyand , Chirurgien du Roi, & Membre de la Société Royale. Cet Article étant fort court, nous le traduirons tout entier. 5, Mr. =5^*^ étant mort à Tage de vingt- si deux ans, d'une maladie qui avoit fort i, embaraffé fes Médecins, on l'ouvrit, a- 5, fin de découvrir un Abcès qu'on cro- ^, ypit qu'il avoit dans TAbdomen. Mais 5, comme on n'y obferva rien d'extraor- „ dinaire , ^i ce n'eil un grand reîâche- „ ment des Vifceres , on chercha la cau- M fe de fa mort dans le Thorax. Gn trou- 55 va que les Poumons étoient fortement „ adhérens à la Fleure des deux cotez, :,, & il y avoit une grande quantité d'eau 5^ dans les deux cavitez du Thorax, par- s, ticulierement du côté gauche, où le 39 Lobe poftérieur étoit enflammé , & ?; tendoit à fuppuration. Il y avoit dans - '^ - ?;le Janvier, Février et Mars. 1740. 231- „ le Péricarde plus d'eau qu'il n'y en a „ ordinairement, &z le cœur étoic beau- ,, coup plus gros qu'on ne Tauroit cru, ,, vu la grande maigreur dans laquelle ,, le malade étoit tombé. Le Trou O- „ vale etoit ouvert , de forte qu'on y pou- ,, voit mettre le doigt, après en avoir ô- j, té une fubftance fpongieule,qui croif- T, foit tout autour. La Valvule étoitpref- 5, que imperceptible, étant devenue caU ,, leufe & toute retirée. Le Duâiis Artc- î, riofus etoit fermé, comme de coutume. ., Le défunt avoit joui d'une très-bonne ,, fanté, excepté peu de tems avant fa „ mort , qu'il fut attaqué de la maladie ,, qui l'emporta. Il n'avoit paru par au- „ euh fymptome qu'il eût le Trou Ovale ,, ouvert; ce qui eft en effet contre la ,, nature dans les adultes. N^. 44c., pour les mois de Janvier, Fé- vrier & Mars 1736. Art. L Catalogue des cinquante Plan^ tes du Jardin de Chelfea, préfenté à la Société Royale par le corps des Apothi- caires pour l'année 1735., fuivant Téta- bliîTement de M. le Chevalier Sloane , Codeur en Médecine, Préfident du Col- lège des Médecins * , & de la Société Royale; par Mr. Ifaac Rand, Apothicai- re , Membre de la Société Royale , Di~ rec- * Voyez U i Partie du XIIL Tome de cette Piblioth. lag, 325. à la Note. 232 Bibliothèque Britannique, redeur du Jardin de Cheifea;, 6c Lecteur de Botanique. Jn. I i. Le tems apparent des îmmer- fions & Emerfions des Satellites de Jupi- ter , lefqueilcs arriveront en l'année 1737. , calculé pour le Méridien de l'Obrervatoire Royai à Greenv/hich , par Mr. Jaques HoDGSGN , Membre de la Société Royale , ëz Maître du Collège Royai de Mathé- matiques à l'Hôpital de Chriil à Lon- dres. . An. lîl. Le tems apparent des Immer- gions & Emerfions des Satellites de Ju- piter^ Icfquelles feront vifibles à Londres en l'année 1737. Far le même Mr. H o d g- SON. Art. ÎY. Propofition touchant la Com- binaifon des Lentilles tranfparentes avec des Flans à réflexion. Par lâw Jean Had- L E Y , Vice-Prefident de la Société Roya- le. Communiquée à la Société le 9. Jan- vier 1734. Art. V. Relation d'une Subilance ofieu- fe, trouvée dans la Matrice d'une Fem- me , & montrée à la Société Royale , le 17. Mai 1733. Par Mr. Edouard H o d y , Docteur en Médecine , & Membre de la S. R. Cette Subftance offeufe étoit fi forte- ment unie avec la Matrice, qu'elle ne fembloit faire qu'un feul corps avec el- le: cependant l'olTification n'avoit pas pénétré plus de l'épailléur d'un demi ecu dans Janvier, Février et TtIars. 1740. 233 dans la fubftance de la Matrice. Cette femme rx'avoit eu qu'un enfant, dont el- le etoit accouchée environ vingt-fept ans avant fa mort , qui fut caufee par un Afthme. Elle avoit eu pendant pluiieurs années beaucoup de diaiculté àunner & à aller à ia felle , & elle fentoit une gran- de péfanteur fur les parties de la géné- ration. Art. VI. Lettre de Mr. jfaques L.0G Aif ,k Mr. Pier-e CoIIinfon, Membre de la So- ciété R.oyale , contenant le récit de quelques Expériences ÇnrVImpregnjtiGn des Semences des Plantes. A Philadelphie le 5. Novembre 1735. Il paroit par ces Expériences, que lorf- que par quelque moyen que ce foit, on em.pêchela Kïr;>2^ des Plantes de fe répan- dre fur les fleurs, elles ne produifent point de fruit ou de graines. Pvemarquons pour- tant, que Mr. Logan n'a fait les expérien^ ces qu'il rapporte , que fur le Mays ou Bie d'Inde : de forte qu'il ne veut pas qu'on fe preife trop à tirer des confequences. An. VII. Obfervations fur les Eciipfes des Satellites de Jupiter , faites à South- wick,près d'Oundie,dans iaComté deNort- hampton ; par Mr. George L y n n. Com- muniquées par Lettre à M. Jaques J'urin, Docreuren Médecine, Membre de la So- ciété Royale , vSc du Collège des Méde- cins à Londres. An, V'III. Lettre de Mr. Thomas Jo- nes , . 234 Bibliothèque Britannique, NES, au même Mr. Jurin, touchant une Marée extraordinairement haute dans la Tamife. Le 8. Mars 1725-6. la Marée monta à la hauteur de vingt pieds cinq pouces & demi; ce qui eft quatre pouces plus haut qu'elle n'avoit fait depuis quarante ans. Mais le 16. Février 1735-6. , la Marée mon- ta au même endroit fix pouces & trois quarts plus haut qu'elle n'avoit fait le 8. de Mars 1725-6. Elle commença à def- cendre une demi- heure plus tôt qu'elle n'auroit dû , fans quoi elle auroit inondé toute la campagne voifme ; car elle mon^ ta de près de deux pieds durant la der- nière demi-heure. Art. IX. Affeclus Cutancus finguîaris , ah Abrahamo Vatero , Anatomes & Botanices in Academiâ Wittem.bergenfi Pro/effore pu- hlico , R. S, S, RegaJi Socieîati communia eatus. Il s'agit dans cet Article, d'un cas fem- blable à celui que nous avons rapporté dans l'Extrait des Mémoires de la Socié- té Royale pour les mois de Juillet & Août 1732 *. Art. X. Expériences fur les Vibrations des Pendules. Par feu Mr. G. Derkam ^ Pocleur en Théologie , Membre de la 5o^ * Voyez Biblioth. 3ritann. Tom, IX. i Part, S. 66. 67 p5z. 66. 67. Janvier, Février et Mars. 1740. 535 Société Royale , & Chanoine de Wind- sor. Ces expériences ayant été faites , il y a plufieurs années , elles n'ont rien de nou- veau ni de fort curieux à préfent. An. XL Conftrudion &Ufage des Car- tes Géographiques fphériques , c'eU-à- dire tracées fur des portions de furfaces fphériques. Par Mr. Jean Colson , Maî- tre es Arts , & Membre de la S. R. Mr. Col/on remarque , que quoique les Cartes Géographiques tracées fur des Pians, & qui repréfentent une petite por- tion de la terre , puiifent être affez exac- tes ; cependant elles ceiïent de l'être , dès qu'il faut repréfenter une grande portion du Globe, comme, par exemple , une des quatre parties de la Terre : alors il faut néceflairement que certains endroits foient repréfentez proportionellement plus pro- ches, d'autres plus éloignez les uns des autres qu'ils ne font en effet. Il efl vrai que tout cela fe fait félon les régies de la projedion de la Sphère, & que lorf- que l'on connoîtces régies, on n'eft point trompé par la repréfentation. Mais ou- tre qu'il faut beaucoup d'art & d'habileté pour bien tracer des Cartes Géographi- ques , ceux qui s'en fervent auront bien de la peine à ne pas fe faire de fauifes idées, à moins qu'ils n'ayent déjà acquis quelque expérience dans l'ufage de ces Cartes. Ceft 23<5 Bibliothèque Britannique, C'efl: pourquoi Mr. . Calfon a inventé des Cartes fpheriques, tracées fur diifé- rentes portions de Cercles : ' otitre qu'el- les reprefentent plus exactement la litua- tion des differens endroits de la Terre, elles ont encore cet avantage fur le Glo- be même , qu'on peut les tracer fur des portions de Cercles beaucoup plus grands i]Ue les plus grands Globes. Mr. (Joijon décrit enfuite la mianière de faire ces Cartes fphériques^ mais la defcnption qu'il en donne eil trop lon- gue pour la tranfcrire ici. N'\ 441. Four les mois d'Avril, Mai &: Juin 1736. Art. î. Copie d'un ancien Chirographe , ou ancienne -Ceiïïon d'une partie d'un Sé- pulcre, gravée fur un marbre, qui a été apporté depuis peu de Rome, 61 qui a- pa,rtient maintenant à Mr. le Chevalier Sloone-^ avec quelques Obfervations fur ce Chirographe, par Mr. R.oger Gale > Vice-Prefident éc Treforier de la Société Royale. Jrî. II. Dernière Lettre de Mr. Eîicn-- ne Grey , Membre de la S. R. à Mr. Gran- vilte IVhekr , M. de la S. R. touchant les Révolutions que de petits Corps fuf- pendus font, par le moyen de l'Eleclri- cité , autour de plus grands Corps , de rOueft à l'Eil, fiiivant le cours des Pla- aietes autotir du Soleil. Nous avons parlé de ce Phénomène dans Janvier, FevrieI^ et Mars. 1740. 237 dans ia 2. Partie du XIII. Tome de cette Bibliothèque, page 334. Ô* fuiv. Art, l\{. Extrait d'une Lettre de Mr. JcJ. Nie, D E l'i s L E , Membre de la S, R. à Mr. Jean Machin, SecretaJre de la S. R. <^ ProfefTeur d'Aflronomieau Collège de Gresham ; datée de Petersbourg le ^^ Fe^ vrier 173'.; coritenant quelques Remar* ques fur la Conilru(^"tion du Therm.omè^ trc fait avec du vif-Argent; & quelques Obfervations fur les Eciipfes des Satelli- tes de Jupiter arrivées en 1731. & 1732. Traduit du François en Anglois par Mr. Pbil. Henri Zollman, Membre de la S. R. An. I V, Expérimenta de Perforation e Thoracis , cjufqiic in Refpiratione efecU- ■biis , faâa per Guiiielmum Haustonum, M. D. &' quonchm R, S. S. cum Lugàuni Batdvoriini ccmmoraretur , Ann: 1728. 6* 1729. Regjfi Societaîi comiriunicata pcr Phi- lippum Miilerum, R, S. 5. Art, V. Okfirvationes mnnuîice fingularès Anni 1733., îam Aftrmomicœ, quam Phyji^ ■cœ ^ MeteorotogiciV ; ah Joh. Frid. We i'd- I. ER o, Pwf, Math. Pr. R. S. S. Fitemberg^ Art. VI. Extrait d'une Lettre de Mr. Jaques LoGAN,àMr.le Chevalier Sloane, touchant la figure irréguliere & angu- laire de la Lumière qui accompagne la foudre ; Mr. Logan obferve , que ks tmées étant un 238 Bibliothèque Britannique, un amas de différentes Vapeurs , dont h denfité n'eft pas égale par-tout, il faut né- ceffairement que les Rayons de lumière quipaifent à travers ces nuées, foient dif- féremment rompus: & c'eft ce qui fait que la Lumière qui accompagne la Fou- dre paroît irréguliere & angulaire. Car , ajoute-t-il , il eft abfurde de s'imaginer que la Lumière , dardée avec tant de force , puiffe être détournée de la ligne droite par quelque autre caufe que ce foit. Art.YU. Obfervations fur FAurore Bo- réale, faites en Angleterre, par Mr. An- dré Celsius, Membre de la S. R. & Se- crétaire de la S. R. d'Upfal en Suéde. Art. VIII. Lettre de Mr. le Dofteur Robert James, à Mr. le Chevalier Sloane, contenant le récit de quelques Expérien- ces faites avec du Mercure fur des Chiens enragez. Datée de Lichfield ie 3. Juin 1735. ^ . . Il paroit par ces Expériences, que le Mercure a guéri des Chiens enragez en leur caufant une grande falivation , & qu'é- tant donné à ceux quienavoientété mor- dus, il a prévenu les funefles effets de cette morfure. Mr. Logan fait voir auffi , que VHydrophobie efl une maladie très-an- cienne , qui a même été connue d'Ho- mère. Art. I X. Continuation de l'Extrait de THillcire Naturelle de la Caroline de Mr. Marc Catesby, Par Mr. Mortiimr, No. Janvier, Février et Mars. 1740. 239 . No. .^2. Pour les moiscle Juillet, Août 6c Septembre. Art, I. Defcription du Microfcope Catcp- trique, par Mr. Robert Baker, Dodeur en Médecine, iSc Membre de la Société Royale. Nous avons donné dans cette Biblio- thèque * la Defcription de ce Microfcope , fur le Mémoire.: que Mr. le Dr. Baker , qui en cil l'Inventeur, eut la bonté de nous communiquer. Nous ajouterons ici, que ce Microfcope eft maintenant exécu- té , & qu'il répond très-bien à ce qu'on avoit lieu d'en attendre. On le trouve à Londres chez Mr. Scarfet le Jeune , vis- à-vis TEglife de Ste. Anne en Soho. An. II. Defcription d'une Mefure qui fert d'Etalon, &: qui efl confervée dans le Capitole à Rome. Par Mr. Martin FoLRES , Vice - Préfident de la Société Royale* Art. III. Obfervationes nonnuUce , notatu mn indigrtœ , Ayiv.o 1734. ah Johanne Frid. W I E D L E R , R, S. S. cTr. Vitcmbergce facile. Art. IV. Obfervations fur la Latitude , fur la Variation de la Boujfolc , & fur le Tenu, faites en 1735. par Mr. le Capi- taine Chriflophle Middleton , dans un Voyage de Londres à la Eaye de Hud- fon. Art. * Tom. VU. 2. Part. pag. 42 S. ^ fuiv. Tomi XIV. Part. IL Q 240 Bibliothèque Britannique, Art. V. Expériences qui fervent à fai- re voir que certaines Vapeurs qu'on trou« ve dans les Mines , peuvent être caufées fimplement par ies Chandelles qu'on brû- le fous terre , fans qu'il y ait aucune va- peur nuifible , même lorfque le fond de la Mine a communication avec l'Air ex- térieur, à moins que l'air extérieur n'y foit châtré avec force à travers l'ouver- ture qui forme la communication. Par Mr. J. T. Desaguliers, Miniflre , Docteur en Droit , & Membre de la S. R. 1. Ayez un Récipient de verre Cylin- drique, ouvert des deux cotez, dont le bout d'en-bas foit plongé dans l'eau, & le bout d'en-haut foit couvert d'une pla- que où il y ait un trou de près d'un pouce de diamètre; mettez dans ce Ré- cipient une Chandelle allumée de fix à la livre ; elle s'éteindra dans moins d'une minute. 2. Elle ne s'éteindra gueres plutôt , û le Récipient eft entièrement couvert. 3. Si le trou de la plaque eft ouvert, & qu'il y ait au fond du Récipient un Tuyau qui ait communication avec l'air extérieur, la chandelle ne brûlera pas beaucoup plus long-tems que dans la première Expérience: elle s'éteindra mê- me plutôt, fi on fouffle avec la bouche par ce Tuyau. 4. Soufflez dans ce Tuyau avec desfouf- flets , Janvier , FEvniER et Mars. 1740. 241 flets, &: la chandelle brûlera auiïi long- tems que vous voudrez. Voilà toutes les Expériences que Mr. Defagi'/icrs rapporte dans cet Article ; on ne voit pas bien, comment elles prouvent que certaines Vapeuî"S des Mines peu- vent n'être caufees que par les chandel- les qu'on y brûle. Peut-être qu'on nous expliquera cela une autre fois. Art. VI. Expérience Chymique faire par Mr. 'Jean Maud, pour expliquer le Phé- nomène de VAir inflammable , montré à la Société Royale par Mr. le Chevalier Ja- ques Lovsther , & décrit dans les Mémoi- res de la Société au 429. Cahier. Nous avons rapporté ce Phénomène dans la féconde Partie du X, Tome de cette Bibliothèque, pag. 375. ^ fuiv. Mr. Mauâ a fait un EfTai pour produire un femblable phénomène par un mélange ar- tificiel. On fçait que les Métaux jettent une grande quantité de Vapeurs durant l'ef- fervefcence qu'ils foufFrent lorfqu'on les fait diiïbudre dans leurs diiïblvans ref- peelifs. Le fer en particulier jette beau- coup de vapeurs pendant qu'il fe diffout dans l'huile de vitriol. Mr. Maud a re- cueilli ces vapeurs ou ces fumées dans des VelHes, & elles -ont produit le mê- me effet que l'Air inflammable de Mr. Loivîher. Voici comment ISiv.Maud s'y prit pour Q 2 r«- 242 Bibliothèque Britannique, recueillir ces Vapeurs. Il prit 31] .d'hui- le de vitriol, qu'il mêla avec-5v^nj d'eau commune ; il mit le tout dans une bou- teille de verre, dont le fond etoit plat; cette bouteille avoit environ dix pouces de circonférence , & trois de profondeur, avec un long col. Ayant jette dans ce mélange 3ij de limaille de Fer , il y eut dans l'mftant une grande chaleur , & une . violente effervefcence; les vapeurs ou fumées montèrent copieufement. Au col de la bouteille on avoit luté une VelTie vuide d'air, au col de laquelle on avoit attache un morceau d'une pipe à tabac. Les fumées ou vapeurs eurent bientôt rempli la VelTie ; on en mit une autre, qui fe remplit de même: on peut ainfi repiplir plulieurs 'Veflies , aulTi long- tems que Teffervefcence dure. Mr. Maud croit que cette Expérience peut fervir à expliquer les Tremblemens de terre. Art. VU. Lettre de Mr. Henri Forth, à feu M. Guillaume Derbo.m , Doéleur en Théologie, Chanoine de Windfor, & Mem- bre de la S. R. touchant la Tempête qui arriva le 8. Janvier 173I. Art. VIII. Relation fur les Os des Animaux qui font devenus rouges par les alimens feuls ; écrite par Mr. Jean Bel- CHiER , Chirurgien , & Membre de la S. R. Art. I X. Obfervation fur une Liqueur blan- Janvier , Février et Mars. 1740. 243 blanche, femblable adulait, qui parut au lieu du Scrum qui fe fepare du fang a- près qu'il a été tire quelque tems. Par Mr. Alexandre Stuart, Docteur en Mé- decine, ci -devant Médecin ordinaire de la Reine, Membre de la Société Roya- le & du Collège des Médecins à Lon- dres. An. X. Lettre de feu Mr. le Dodeur Madden, Médecin à Dublin, à Mr. le Chevalier Sloanc, contenant le récit de ce qu'on obferva à l'Ouverture du Cada- vre d'une Perfonne qui avoit pris inté- rieurement plufieurs onces de Mercure crud ; on y parle aufÏÏ d'un Noyau de prune qu'on trouva dans les membranes du Rêctum. An. XI. Obfervatîo Eclipfeos Telluris Rc^ mc£ habita in JEdibus Emi tient ijjl mi Cardina- Us De-Via, 5. Non. i. e. d. 3. Maji\N.S, Aprilis 22. V. S. 1734. per Didacum de Revillas. Abbat. Hieronym. R. S. S. & Andream Celsium, R. S. S. Aflron. Pro' fejf. Upfal. R. S. Suec. Secr. Nous donnerons la fuite de cet Extrait dans un autre Journal. Q3 AR- 244 Bibliothèque Britannique, ARTICLE IL An Hiftorical Account of the Life and Reitp of D A V I D King of Ifrael : in- " terfperfed with various Conjcclurcs, DîgreiTions , and Difqaifinions ; m which ( among other things ) Mr. Bayle'i Criricifîns upon the Con- ducl and Characler ot that Prince are fuUy conQdered. By the Author of Re-^elatior/ examiyied 'voitb Candour. C'eft- à-dire : Récit Htfloriqiie de la Fie &f du, Régne de David Roi d'Ifraël^ en- tremêlé de diver/es Conjfùîures , D^gref- • Jîons &f Recherches : oh F on examine , entre autres chofes f la Critique que Mr. Bayle a faite de la Conduite £5^ du Ca- ra^tère de ce Prince. Par T Auteur de TExamen dcTintéreiTé de la Révéla- tion. A Londres chez Inn^/s & Man- ' by , proche de S. Paul, 1740., in 8. fag. 361. Eux qui ont îû les Extraits que nous avons donnez * de VExaimn déjtn" térejje G * Tom. il. de cette Biblioth. i. Part. png. 171. Janvier, Février ET Mars. 1740. 245 îércjfé- de la Révélation, conviendront que Mr. Delaimy, qui en eil FAuteur, y fait paroitre beaucoup d'cfprit;, de jugement Ck de pieté. Lors même qu'on n'approu- ve pas fes Explications , on eft obligé de convenir qu'elles font au moins ingenieu- fes , & qu'elles tendent à jufliiier la Ré- vélation. On portera fans doute le mê- me jugem.ent du nouvel Ouvrage qu'il nous donne ici. On y verra un Auteur plein de zèle pour la Religion & pour l'Ecriture fainte , qui employé tout fon efprit &c tout fon fçavoir à les défendre contre les attaques des prétendus Efprits- forts. Mr. Delauny paroît fur-tout rem- pli d'admiration pour David , /'Hom??/^ fi- lon le Cœur de Dieu ; il efl charmé du Caradere de ce Prince :, & défend fa caufe avec beaucoup de vivacité & d'ar- deur. On a vu par le titre de cet Ouvra- ge, qu'il contient diverfis DigreJJtons : en eifet, l'Auteur examine par occafion plufieurs fujets qui n'apartiennent pas proprement à THifloire de David, m.ais qui ont quelque rapport à cette Hif- toire. Le Titre promet un Récit Hijlorique de la jyi. &' fuiv. 6P Tom.lll. I. Part, pg, 196. ^ fuiv. Q4 24<^ Bibliothèque Britannique, la Vie & du Régne de David -^ cependant ce Volume finit à la mort de Saul,& Ton voit à la dernière page , Fin du premier Livre-, ce qui annonce encore un Volu- me au moins , quoiqu'on n'ait pas mis dans le Titre que c'eil ici le pre- mier. L'Hifloire de David efl trop connue pour en donner ici un Abrégé ; nous ne rapporterons dans cet Extrait que les Remarques & les Réflexions qui font par- ticulières à Mr. Delauny. Il comnience cette Hiftoire au tems où Saiil fut rejette de Dieu à caufe de fa DefobétJJance opiniâtre dans Taffaire des Ha- malecites *. Notre Auteur examine à cette occafion , comment on peut accor- der Tordre d'exterminer ce peuple à la façon de l'interdit, avec la Jufcice de Dieu , & avec la déclaration ; qu'il fait dans Ezecuiel f > que le fils ne portera point V iniquité du Père, (^c. On remarque là- deiïus, que l'expérience fait voir tous les jours , que les enfans ne font que trop difpofez à imiter les crimes de leurs pè- res , & que même ils deviennent fouvent plus mechans & plus corrompus. Dieu , qui le prévoit aifément, peut régler là- deflus les fentences qu'il prononce con- tre * I Sam. XV. t Ch. XVllI. 20. Janvier, Février et Mars. 1740. 247 tre tout un peuple. On voit en effet , que les Hamalécites ont conferve une haine implacable contre les Ifraëlites de génération en génération. Mais, répli- quera-t- on, pourquoi des enfans , qui n'ont point encore imité les crimes de leurs pères, font-ils condamnez à mort? „ Je répons à cela par une autre quef- 5, tion, dit Mr. Delauny : Pourquoi y 5, a-t-il tous les jours des enfans innocens 5, qui meurent? C'étoit faire une grâce ,, aux enfans des Hamalécites, que de „ les enlever de ce monde avant qu'ils ;,, fûifent infedez par la corruption de 5, leurs pères ... Ce qu'on appelle coni- 5^ munément une méchante race, eft quel- „ que chofe de très-réel : il y a des cri- ,5 mes attachez à certaines familles ou à y, certains peuples. C'efl fans doute un ,, bien pour le genre humain qu'une pa- ,, reille race foit exterminée. Il faut ar- :,, rêter , à quelque prix que ce foit , le pro- 5, grès de l'infeârion , lorfqu'elle ell de.- ,, venue incorrigible ; & fi on ne peut ,, l'arrêter que par des moyens extré- 5, mes, cela fuffit pour juflifier la Prc- „ vidence de Dieu. Mais les hom.mes 5, font obligez de fuivre d'autres maxi- ?, mes. Pour prouver que le commandement d'exterminer les Hamalécites n'avoit pour but que de punir les crimes palfez , & de ÇL5 les 248 Bibliothèque Britannique, les prévenir dans la fuite , on remarque , que Sadl eut ordre de détruire généra- lement tout ce qui apartenoit à ce peu- ple, afin que la memoii*e de cette race exécrable fût entièrement effacée. Cet ordre étoit très-propre à répandre dans le monde la terreur des jugemens de Dieu, & par confequent à reprimer les crimes des hommes. Au lieu que fi Dieu, en commandant d'exterminer les Hama- i.écites,eût permis d'épargner leurs biens, on auroit pu croire que l'avarice étoit le véritable motif de cette extermina- tion , & que l'ordre de Dieu n'en étoit que le pretcx:e. Dieu ayant rejette Saiil, commianda à Samu-ël d'aller oindre David pour être Roi fur Ifraél. Nous efpérions de trou- ver quelque chofe ici fur le prétendu Menfonge qu'on attribue à Samuel dans cette occafion , & qui a fait naître en Hollande une vive difpute entre deux célèbres Théologiens François. Mais Mr. Delauny fe contente de rapporter le fait fimplemient comme il eft dans la Bi- ble, fans l'accompagner d'aucune Réfle- xion. Il remarque enfuite, i.Que ce fut con- tre (en gré que Samuel oignit un autre Roi du Vivant de Saiil. 2. Que h ce Pro- phète, obhgé^d'élire un Roi, eût fuivi fa propre inclination, il fe feroit déterminé pour Janvier, Février et Mars. 1740. 249 pour Eliab, le fils aine de Jeiïe. 3. Que fi JelTé lui-même eut été confulté, il auroit choiil tout autre de fes Fils, plu- tôt que David: d'où l'on conclut, que réiecdon dj David étoit un acle immé- diat de la Providence divine, auquel ni la politique, ni la lagefTe humaine, n'eu- rent aucune part. Voilà l'Abrégé du pre- mier Chapitre. Le fecona contient une Digrelîion fur Samuel, fur les Prophètes, 61 fur leurs Ecoles. Dans le troifîème on reprend rHiUoi- re de David ; on rapporte ce qui fuivit fon Sacre , 6c l'on explique à quelle occafion il fut appelle' à la Cour de Saiil. Le quatrième Chapitre eil intitulé , L^ Combat JlngUiier * de David ave: Goliath, Dans le Chapitre fuivant l'Auteur trai- te de l'x^mitié que David contracla avec Jonathan : il y réfout la difficulté qui nait de ce que Saiil ne reconnut point Da- vid, après que celui-ci eût tué Goliath: enfin il y compare le Combat de David 6z de ce Géant, avec le Combat de Dioxip- pus contre Horratas. f Comme Mr. Bayle § a propofé la dif- ficulté * L'Auteur dit U Duel t Vifyez Quinte-Curcç , Liv. IX. Chap, VIL $ JrticU David Ron. ( C j. 250 Bibliothèque Britannique , ficulté dont il s'agit ici, nous la rappor- terons dans les termes de cet Auteur , ëc nous y joindrons la folution de Mr. Delauny. ,, C'efl une chofe un peu é- ,, trange, dit Mr. Bayle, que Salil n'ait 5, point connu David ce jour-là, vu que 5, ce Jeune-homme avoitjoué des inftru- ., mens plulleurs fois en fa préfence , ,, pour calmer les noires vapeurs qui le M tourmentoient. Si une narration com- ,, me celle-ci fe trouvoit dans Thucydi- ,, de ou dans Tite-Live, tous les Criti- ,, ques concluroient unanimement, que ,, les Copifies auroient franipofé les pa- 5, ges, oublié quelque chofe en un lieu, ,j répété quelque chofe dans un autre, ,, ou inféré des morceaux poftiches dans 5, rOuvrage de l'Auteur. Mais il faut ,, bien fe garder de pareils foupçons ,, lorfqu'il s'agit de la Bible. Il y a eu j, néanmoins des perfonnes alTez hardies ,, pour prétendre, que tous les Chapitres ,, ou tous les Verfets du I. Livre de Sa- ,, muél n'ont point la place qu'ils ont eue ,, dans leur origine. Mr. l'Abbé de Choi- ,, fi levé mieux, ce me femble, la diiîi- ,, culte. On amena David à Said, dit-il *; ,, cT abord il ne le reconnut pas , quoiqu'il Peut ,, vu plujïeurs fois dans le tenu qu'il Vavoit ,,faii. * Hift. de la Vie de David , ;û^. 8. 9. £- dhion d'AmJîerdamy 1692, Janvier, Février et Mars. 1740. 251 ,,/rt/Y venir pour jouer de la harpe: mais ,, comme il y avoit plufieurs années , comme ,, David étoit alors fort jeune , qu'il étoit ve- ,5 nu à la ^Coiir en qualité de Muficien , êf j', qu'on le voyoit alors habillé en Berger \ il ,, ne faut pas s'étonner qu'un Roi accablé. ,, d'affaires y. ^ dont Vefprit étoit malade , eût ,, oublié les traits de vifage dhm Jeune-hom- ,, me qui n' avoit rien de confiderablc. Je ,, voudrois feulement, 'ajoute Mr. Bayle, „ que cet Abbé n eût point dit, i. Qu'il 5, y avoit plufieurs années que Saiil n'avoit ,, vu David. 2. Que David étoit fort jeune ,, quand il vint à la Cour de Saul en qua- „ lité de Muficien. Il n'y a nulle appa- ,, rence qu'il fut de beaucoup moins jeu- „ ne quand il tua Goliath, que lorfqu il ,, vint la première fois à la Cour de ,, Saiil ;car autems de ce premier voya- ,, ge il étoit homme fort 6f vaillant , ^ ,, guerrier , (j' qui fç avoit bien parler *; il ,, n'avoit que trente ans , lorfqu'après la ,, mort de Saiil il fut élu Roi; & il faut ,, néceflairement qu'il fe foit pafTé bien ,, des années depuis la mort de Goliath ,, jufques à celle de Saiil. Voyons la Réponfe de Mr. Delauny. Il remarque d'abord, que quoique David fût fort jeune lorfqu'il fut préfenté à Saiil la première fois , cependant la rai- fon ♦ I. Livre de Samuin , Cha^, XVI. FerJ. iS. 252 Bibliothèque Britannique, fon pour laquelle on le faifoit venir àla- Cour , exigeoit qu'on exaltât fa force & fon courage autant qu'il étoit polTi- blC;, afin d'engager Salil à le prendre à fon fervice; car ce Prince aimoit les •gens forts ëz vaillans *. De plus comme Saiîl ; poifedé d'un Efprit malin , commet- toit fans doute fouvent de grandes ex- travagances , il n'étoit pas à propos qu'un Jeune -homme imprudent & fans expé- rience en fût le témoin. David étant donc un homme prudent , il n'y avoit pas lieu de craindre qu'il révélât les folies que Saûl commettroit; & ayant un grand cœur, on pouvoit efpérer qu'il fuppor- teroit patiemm.ent les infirmitez d'un Prince courageux comme étoit Saiil. Mais lorfqu'il s'agit de ré lever la gloi- re que David avoit acquife en terralfant le Géant Goliath, n'étoit-il pas naturel de le repréfenter comme un jeune 'garçon, ainfi qu'il l'étoit en effet en comparaifon de fon ennemi. Je dis en comparaifon de fon ennemi \ car, fuivant Mr. Delauny , il fe paiïa un an ou deux , depuis que David fut à la Cour en qualité de Muficien , & fon combat avec Gohath; & voilà pourquoi Siiil ne le reconnut point. Quand il vint à la Cour pour la première fois, il ell polFible qu'il étoit de la taille ordinaire des hommes , à * I Sam. XIV. 52. Janvier , Février et Mars. 1740.^ 25; à laquelle ils arrivent communément à l'âge de dix-huit ans; mais quand il com- battit Goliath, il étoit auifi grand que Saiil , puifqu'il put endoffer les armes de ce Prince ; & l'on fçait que depuis les épaules en haut Saiil étoit plus grand qu\v.i^ cun du peuple * : ceci joint au haie qui lui avoit bruni le vifage , & à l'habit de Berger qu'il portoit,fuiîifoixpour le ren- dre' méconnoiffable à un homme aufli troublé dans fon efprit qu'étoit Saiil. Nous fera-t-il permis de faire remar- quer une petite difficulté, à laquelle ni Mr. Bayle , ni Mr. Delauny , ne paroiiTent pas avoir fait attention. C'eft que Da- vid ayant été prélente à Saiil avant qu'il fat trouver fon ennemi, ayant même eu une aifez longue converfation avec ce Prince , qui le fit armer de fes propres armes, il en efl pourtant méconnu an moment qu'il fort pour aller à la rencon- tre du Philiftin f. Il faut que le malin Efprit § eût étrangement troublé la mé- moire de Saûl, puifqu'il a pu oublier David en 11 peu de tems. Le * I Sam. XI. 2. t I Sam. XVII. 32-39. 5^. § Mr. Delauny a beaucoup de penchant à croire que Saiil étoic véritablement poffedé : au liea qu'il y a des Commentateurs qui préten- dent, que le mal de ce Prince n'étolt qu'une mé- lancholie produite par quelque caufe naturelle. 254 RiSLIOTHEQUE BRITANNIQUE, Le fixième Chapitre traite de Torl-^ gine & des eifets de la Haine de Saiil contre David; & de la promefîe que lui fit Saiil de lui donner fa fille Merab en mariage, qu'il maria pourtant à un autre. Dans le Chapitre feptième on exami- ne au long la condition fous laquelle Saiil voulut bien promettre fa fille Mical à David. Le Chapitre fuivant contient un ex- pofe des Perfecutions que Saiil fit fouf- frir à David peu de tems après qu'il eut époufé Mical, & de la manière fignalee dont il échapa aux pourfuites de ce Prin- ce, par le fecours de Mical même. Mr. Delauny croit, que c'efi: cette délivrance que David célèbre dans le Pfeaume XVlîI.jufqu'au Verfet 29. inclufivement. Ce qui engage notre Auteur à donner une efpece de Paraphrafe de cette par- tie de ce Cantique. Il compare la Def- cription que David y fait de la Tempête qui le délivra de la main, de ceux qui le pourfuivoient, avec la defcription que ■Virgile fait d'une Tempête dans le pre- mier Livre de fes Géorgiques. C'eit - là le fui et du Chapitre neuvième. Dans le dixième on traite de la Fuite de David en Ram.a, oii étoit Samuel , 6z oia Saiil le pcurfuivit;de fon Retour vers Jonathan; -de l'Alliance fokmnelle qu'ils con- Janvier, Février et Mars. 1740. 255 contraderenc entre eiix^ & de la vive douleur qu ils reffentirent en fe feparant, loiTque David fut obligé de s'enfuir de nouveau.. On voit que ce fut dans cette occauon que David compofa le Pfeau- me XVII. Le Menfonge qu'il dit au Sacrificateur Ahimelec, &'la manière dont il fe^tira d'affaire en contrefaifant le fou à la Cour d'Akis Roi de Garh, font les fujets qu'on examine dans le Chapitre onzième. Il y a , dit Mr. Dcîauny , des Com- mentateurs qui cenfurent David avec une rigueur extrême, à caufe du menfonge qu'il dit à Ahimelec; mienfonge dont 1er. confequences furent funeftes à ce Sacri- ficateur, à toute fa famille, & mèm.e à tous les habitans de la Ville * de Nob. D'autres ne font pas fi difpofez à con- damner David. Ses intentions étoient pures & droites : il cacha fon état à A- himelec , afin qu'on ne pût jamais avoir le moindre foupçon que ce Sacrificateur eut confpire avec lui contre Saiil. Notre Auteur femble fe déclarer ici pour l'opinion de ceux qui croyent que toi^s les menfonges ne font pas criminels ; & qui foutiennent,que lorfqtie la Venté peut nuire à nous-mêmics ou à d'autres, nous ne fom.mes pas obligez de la dire à ceux qui n'ont aucun droit de nous la deman- voit point d'autre moyen d'échaper , -5, que de changer de conduite ôz de con- ',, îrefc.ire le fou . . . , "^ . . . îl fçavoit que 5, les fous font des objets de pitié plutôt ,^ que décolère; ôc il joua 11 bien fon 5, rôle, qu'il trompa en effet les Philif- ,r tins. "Le Roi n'étoit pas d'humeur à ,, prendre pîaiiir à voir des fous , il ne ,, pouvoit pas même les fouifrir ; c'eft ,, pourquoi il ordonna qu'on fit fortir 9, David de fa Cour. Ce fut, dit -on, ,, dans cette cccafion que David compo- ,, fa le Pfeaume LVI qui peut nous „ faire connoître le véritable motif de fa 5, conduite. „ Il paroît manifeicement par ce Pfeau- ,, me , que les Courtifans de Gath a^ 5, voient réfolu la perte de David, & 5, qu'ils cabaloient tous les jours contre ,, lui. Ils eurent bientôt connu qu'il é- 9, toit un grand Génie , caradère fi-non „ toujours haï, au moins toujours formi- „ dable dans un ennemi : ils formèrent ,, donc * I Sam. XXI. 13. Janvier, Février et Mars. 1740. 259 „ donc le deifein de le perdre , 61 pour „ y réuflirils donnèrent un mauvais :our ,, à toutes fes paroles ^ ap- * I S-m. XXIT. 2. f Article D;\id, RmJ I), au 2 a-lif-ça. 5 In I S:uu. X::il. 2. Janvier, Février et Mars. 1740. 261 ,, apprend, que tous ceux qui étoienc ac- „ câblez de dettes, ou opprimez par des „ taxes, ou par la tyrannie des Grands, „ fe mectoient au fervice de quelque per- „ fonne de difLÏnclionjpour en être prc- „ tegez; ce Protecteur les entretenoit, 5, & ils fe devouoient entièrement à fon 5, fervice, s'engageant à vivre , tat qu'on appelle de nature, où l'on ne „ reconnoilToit que la feule loi du plus 5, fort. Que dirions -nous aujourd'hui ,, d'un Prince du fang de France, qui é- „ tant difgracié à la Cour fe fauveroit oii 5, ilpoiirroiL avec les amis qui voiidroienc 5, bien être les com.pagnons de fa fortu- „ ne ; quel jugement, dis-je, en feroit- „ on, s'il s'avifoit d'établir des Contri- „ butions dans tous les pais oii il fe can- 5, tonneroit, , tre exterminez. Les gens de Nabal é- „ tant donc ainfi expofez , Texpreflion 5, qu'ils employent^Z/j nous ont été une mu- ), raille nuit ^ jour yXït doit-elle pas figni- 5, fier, que David & fes gens les ont dé- ,9 fendus & protégez contre les vols & i, les brigandages de leurs ennemis, & „ contre les bétesfauvages; ce qu'ils n'ont „ pu faire fans beaucoup de foins , & mê- 5, me fans expofer fouvent leur vie. A- 5, près cela David n'avoit-il aucun droit 5, à quelque partie de ce qu'il avoit ainfi ,, défendu & protégé? Ne pouvoit-il exi- 5, çer aucune reco'mpenfe quelle qu'elle 5, tût? J'ofe dire que fi Mr. Bayle vivoir 5, encore, il n'oferoit pas foutenir la ne- ,, gative , de peur de trahir fon igno- „ rance. ,, Qu'il me foit permis de faire encore 5, une queftion. Que fil oit-il que David ,, fit fur le refus de Nabal? S'il laiiToit 5, l'injure impunie, il nepouvoitque tom- ,, ber dans le dernier mépris; & y\\ les -, circondances où il fe trouvoit , être ,, méprifé, c'étoit être rumé tout d'un î, coup. ,, Le fimple refus éroit d?ja une très- 5, grande injullice. David pouvoit légiti- 5, mement exiger qu'on le fecourût; car ,, tout homme, au moins tout honnête ,, hom^m.e qui fe trouve dans un befoin ,, preifant , a droit d'exiger du fecours ; „ & s"il ne peut l'obtenir par la douceur. Tome XIV. Part. II. S „ il 272 Bibliothèque Britannique ^ ,, il a droit d'employer la force : c'eft ca ,, que la Loi de la nature, au le Droit ,5 des gens, décide clairement; de forte ,,, que Mr. Bayle le trompe grofîierement, X, lorfqu'il prétend que David agit dans ,, cette occafion contre le Droit des gens. ^ Il y a plus : Nabal ne fe contenta pas ,, de refufer la demande de David; au „ refus il ajout,e le reproche, reproche „ le plus injurieux & le plus infultant: 5, ce qui ne pouvoit que remplir David 3, d'indignation , & exciter dansfon cœur 5,1e plus vif reHentiment. Les termes de -, fugitif & d'efclave marquent un mépris „ des plus outrageans,ce qui joint à Tin- 5, gratitude envers un Bienfaiteur & un 2, Protecteur, étoit un affront infuppor- ,, table. . „ Ajoutez à tout cela, que Nabal étoit ,,, un de ces Ziphiens qui avoient trahi ,, David quelque tems auparavant, & qui s, auroient voulu le' livrer à Saiil 5, En un mot , la réfolution que David 5, forma contre Np.bal,fut la réfolution 5, d'un fimple m.ortel , pour ne pas dire ^, d'un homme de guerre cifenfé & ir- .., rite au dénier point, & pouffé par la 5j néceiTité de pourvoir à fa propre fuh- ,, fifrence: fcn changement, & l'aclion ,, de grâces qu'il rend à Dieu fur ce qu'il 5, Ta "empêché de répandre du fang, fu- ,., rent les feutimens d'un Héros & d'un ,, Saint. Df-n: Janvier, Février et Mars. 1740. ly^ Dans le dix - neuvième Chapitre Mr. IJelauny rapporte comment David * fut trouver Saiil dans fon Camp durant la nuit, 6z s'abilmt pour la féconde ibis d-e lui faire le moindre mal , quoiqu'il en eût la plus favorable occailon du monde. Et dans le Chapitre fuivant on repond aux obiedions de Mr. Bayle f y q^i femble avoir voulu fourenir que cette avanrure eft la même que celle de la Caverne , rapportée au XXIV. Chapitre du l. Livre de Samuel. Mr. Delauny fait voir aa long, par la différence des circôndances^ que ces deux avantures ne fçauroient é- tre la même. Et û l'Ecriture ne les ac- compagne d'aucune Réflexion fur l'ingra- titude de Saiil , & fon obflination à per- fécuter David, malgré les preuves évi- dentes qu'il âvoit que ce- Héros n'en vouïoit point à fa vie , c'efl , dit notre Auteur , parce que les Hifloriens facrez ne s'âmufent point à faire des Réflexions que tout Lecteur peut faire lui-mcme, & qui viennent naturellement dans Pef- prit. La conduite de David à Tfiklag dans le Païs d'Akis Roi de Gath, & la réfu- tation de la cenfure que Mr. Bayle en a faite , font la matière diï Chapitre XXI. Gom- * I Sam. XXVI. t An. David ^ Rem. (K) $. 11. S 2 274 Bibliothèque Britannique, Comme c'eft ici un fujet très-difficile, & que notre Auteur femble avoir em- ployé tout l'etFort de fon efprit pour excufer, ou même pour juflifier David , nous traduirons la plus grande partie àc ce Chapitre , afin que nos Ledeurs puif- fent juger , û cette Apologie de David efb bien ou mal fondée. ,, David, las d'errer toujours, las de „ lutter perpétuellement contre refprit „ implacable de Salil, las de continuer „ un combat trop inégal entre une gé- „ nérofité dangereufe & une haine In- „ vincible, las de vivre toujours des dé- ,, pouilles de fes ennemis , ou des bien- „ faits de fes amis ,& craignant, fuivant „ toutes les apparences depuis l'affaire f, de Nabal , d'avoir trop de refîentiment „ de la négligence dont fes amis pou- y, voient fe rendre coupables envers lui ; „ David , dis -je, fe détermina enfin à y, quitter fon pais , & a f e jetter encore 5, une fois fous la protedion des enne- ,, mis de fa patrie. ,, C'eft, je penfe, ce qui a toujours „ été la dernière reiïburce des grands „ Hommes perfécutez dans leur patrie : ,, c'eft ce qui chafia Themiilocle en Per- 5, fe, & Alcibiade à Sparte. Et quoique 5, je ne vouluffe pas entreprendre l'apo- 5, logie de cette conduite dans un fujet „ criminel , je crois pourtant pouvoir la ,, dé« JiïNviER, Février et Mars. 1740. 275 , „ défendre dans un fujet innocent, tel -, qu'étoit David; principalement, puif- „ qu'il avoit employé toute forte de ,, voyes pour fe reconcilier avec Saiil , 5, & pour fe juiliiler auprès de lui : & „ puifqu'après avoir cherché tous les „ moyens poiTibles de fubfifler,il ne pou- „ voit plus trouver de fureté que dans „ cette dernière relTourc^. Autrement ,., il faudroit foutenir, que tout honnête „ Homme efl obligé d'abandonner tran- 55 quillement fa vie au caprice d'un Ty- „ ran implacable ; principe que je ne crois „ pas qu'aucun homme de bon-fens & „ de pieté veuille foutenir. ,, Cependant cette réfolution de Da- „ vid efl généralement condamnée par „ les Commentateurs^ & cela parce qu'a- 5, vant que de la prendre , il négligea de „ confulter Dieu par fes Sacrificateurs ou .. :,, par fes Prophètes. Dieu lui avoit com- .^„ mandé avant ce tems-là de s'en aller 5, au pais de Juda *; & il efl certain „ qu'il n'auroit pas dû en fortir pour fe 5, retirer dans un pais Payen, fans un 5, nouveau commandement, ou du moins „ fans la permiiïion de Dieu. C'efl pour- „ quoi la plupart des Auteurs attribuent . j, cette réfolution à un défaut de pieté , ^ 1 Sam. XXII. 5. - S s 27<5 Bibliothèque Britannique, , à un manque de confiance en la pro- , tedion de'^ce Pieu , qui dans fes pins , grands daH.^-ïrs Tavoit délivré fi fon- , vent ôz d\;ne manière û fignolée ; 6c , j'avo^je que je ne f-^aurois m'enipêcher , d'être de leur fenrinient: car il faut , convenir que cefu*-!àk réroludond't-n , fimpie homme , gouverné dans cecre 5 occafion par des motifs purement hu- , mains. // dit * en fon crur, certes je pî- 5 rirai un jeiir par les mfiins de Sauf. Ne f vauf-il p^.s mieux que je me fauve au pa'-s , des Ph/liftins ^ afin que Sauf n^ef^êre pii-.s , de me trouver , en me cherchant encore en , quelqu'une des contrées d^Ifrael? Car je me 3 Jauverai ainji de fes mains. ,, Voilà une peinture naïve de ce qui , fe paffe dans le cœur d'un homme qui , fe voit dans une grande perplexité, en- , vironné de difficultez terraffantes, qui , cherche de tout côté com.ment il \)0\\x- , ra échaper, & qui prend enfin le par- , ti qui lui paroi L le pins convenable. ,, La vérité efl, que David ferrouvoit , réduit à une fâcheufe alternative: il , falloir, ou qu'il demeurât dans fon pais , ., exDofe à des craintes perpétuelles , & ;, tO''ijours en danger de mort ; ou qu'il '., fe réfugiât parmi des Idolâtres, qui ne jy vou- * i.Sam. XXVII. I. Janvier, Février et Mars. 1740. 277 „ voiîdroient pas lui permettre le libre „ exercice de fa Religion, & defquels il ,, ne pourroit pas fouifrir lui-même le ,, culte abominable. ,5 Outre cela, il ne pouvoir efpérer „ de protedion que de la part des en- ,, nemis de la patrie. Devoir fa fureté ,» p.ux ennemis de fa patrie ! Etre peut- „ être forcé de fe joindre à eux conrre ,, fa prcprtr patrie! S'allier avec des Pa- ,, yens contre Ifrael! Qu'y avoit-il de M plus aitLgeant pour un cœur pieux , ., & zélé pour fa patrie? C'étoit-là cer- ,, tainemert un embarras qui exigeoit un ,, fecours du Ciel. „ Jofephe nous dit , que David con- ,, fuûa fes am.is dans cette occafion; (k T, la chofe croit fort naturelle: ce ne fut ,, fans doute qu'après avoir connu leur ,, confentv^ment, qu'/7 fe leva, lui Ô* les ijjîx-ceiû hommes qui éioient avecîuiy^ paf- .. fa vers Akis ,fils de Maboc , Roi de Gath *. ,, Jofephe dit,quMI confultafes amis dans M cette occafioti : mais il n'y a aucun Au- ,, teur qui nous apprenne qu'il ait con- ,, fuite Dieu: & je crains bien que ce ,, ne foit-là fouvent le cas des hommes ,-, les plus pieux. (Que les efprits frivr- 1, les me palfent cette réflexion. ) Ils cor- ,, fultent leurs amis , & leur propre n cœur , & ne font point entrer Dieu ,, dans » I Sam. XXVII. 2. S4 278 Bibliothèque Britannique, 5, dans ce confeil , & négligent d'implo- „ rer fon fecours & fon infpiration. „ Pour ce qui eft de David , il femble „ que le danger qu'il avoit déjà couru „ dans le même lieu par une négligence ,, fi funefte, auroit dû le rendre fage: „ mais il y a apparence qu'il fe conten- „ ta dans cette féconde occallon , de fti- 5, puler qu'on lui accorderoit la protec- „ tion & les fecours dont il auroit be- „ foin pour fubfifher ; ce qu'il avoit negli- „ gé de faire la première fois. Il fut très-bien reçu d'Akis , qui lui donna la ville de Tfiklag, pour y demeu- rer avec fes gens. ,, Comme c'étoit une „ ville frontière m.al fortifiée, & expo- ,, fée par confequent aux incurfions 6c ,, au pillage des ennemis, il n'y a pas „ d'apparence qu'elle pût produire fufli- „ famment de quoi entretenir David &; ,, fa troupe j & comme il ne vouloit pas ,, être à charge au Roi, ce qui n'eût pas „ été d'un bon Politique, il ne lui relboit ;, point d'autre moyen de fublifter que „ le pillage. Son amour pour fa patrie „ le détermina bientôt à s'entretenir aux „ dépens des ennemis des Juifs, 6c lui „ fit confiderer les ennemis de fa patrie „ comme les fiens propres. ,, Il y avoit encore quelques relies des „ Amorrhéens.&des autres anciens habi- ,5 tans du Pais, que Dieu avoit com- ,, mandé d'exterminer à caufe de leur „ cor- Janvier, Février et Mars. 1740. 279 „ corruption invétérée & incorrigible. 5, En détruifant ces gens -là, David pou- „ voit trouver de quoi lubrifier lui- m é- „ me, & rendre tout à la fois fervice à „ fa patrie , fans faire aucun tort à fon „ Bienfaiteur. ,, Ce furent ces conliderations qui le „ déterminèrent; de forte que pendant 5, tout le tems qu'il demeura à Tfiklag , 5, il s'occupa continuellement à ravager ,9 le pais de ces miferables, & prit il bien „ fes mefures , que de quelque côté qu'il „ dirigeât fes courfes, il faifoit tout pé- ,, rir; & comme Tite-Livele dit de Mar- „ tins , ne nuncios quidem cladis reliquit , il „ ne laiffoit perfonne en vie , qui pût fe yy plaindre de fes ravages. ,, Mr. Bayle * blâme cette conduite. Il „ foutient que David, fimple particulier, „ n'étoit pas en droit d'en agir ainfi , fans „ un ordre exprès de la part d'Akis, ou „ de la part de Dieu. 11 n'avoit point •,, d'ordre de la part d'Akis, pûifqu'il a- ,, gilToit directement contre les intentions „ de ce Prince. Il n'avoit point d'ordre 5, de la part d'aucun Prophète , & n'agii- „ foit pas par infpiration, car l'Ecriture 5, n'en dit riçn. ,, Je prie les Lefteurs de remarquer, ,9 que tous les Raifonnemens de Mr. Bav- * An. David Rem. (D). S5 aSo Bibliothèque Britanniqite , „ le contre David, ibnc établis fur une er- j, reur fondamentale ; cett que David, „ durant fon exil, n'agifibit que comma „ un fimple particulier. îl oublie quli „ éroi: élu & facré Roi, oc que le même „ E.^prit de D:eu qui avoit autrefois ir- „ fpiré à Saiil toutes les vertus Roy c? 'es , ,5 avoit pa lié de Saiil à David, & rcpofcii: ,, fur lui. Et il feroit bien étrange que ./David, Roi élu, fût coupable en railaDt ,, préciiement ce qui, faute d'avoir éré „ fait par Saul, Roi aduel ,fut caufe de ,) fa dépofi'-ion. ■ „ Mais l'Ecriture garde le filerce fur ,♦ ce fujet ; donc E)avid étoit coupa- :, ble. ,, On peut aifément rétorquer cet ar- ,y gument. L'Ecriture ne dit point que „ David fut coupable dans cette ôi^Ca- „ fion; donc il étoi: innocent. Je pour- „ rois ajouter, que TEcriture le jullife ,9 de tout crime comjnis volontairement ), & de propos délibéré, fi ce n'eft dar.s „ l'affaire d'Urie. ,, David n'avoit aucune commiflion du ,, Souverain, dit Mr. Bayîe. Mais il ou- „ blie que David , après chaque expedi- ,, tion , alloit trouver Akis, lui rendoit ,, compte de ce qu'il avoitfait ,&luip^é- ,, fentoit le butin. Ceci ne fuppofe-t-il „ pas clairement une permilTlon & un ,, pouvoir de faire des incurfions? David ,, portoit le butin à Gath; mais il ne n per- J A NTTFR, Février et Mars. 1740. 2S1 ,, peimettoit pas qu'on y conduif.t hom- ,, me eu femme, parée uu'onauroitbien- ,, tôt connu que* ce n^etoienc pas des 5, Juifs. // n€ liiijjhit en vie ni Ixjmme ni y^fen-'iie, pour les amener àGath, de peur, ,, difiU-il ,' tnêils ne ro.ppcrtent quelque chofc ,, z-onire novi). On a étrangement corrcm- ,, J3U ce p^ifTage, en y inierant; (dans la ,, Vefiio^ Angloiie*) le mot de nouvcl- „ ks , qui en pervertit entièrement le ,, fens. Car quand m.éme il les auroit ,, épargnez, il ne leur é:oi^ pas aifé de ,, porter à Gath des nouvelles de ce que ,, Cav^id faifoit dans leur pais, puifqu'il ,, y avoit toute la Tribu de Juda entre ,, le païs des Phiiiilins, ôc celui que Da- ,, vid ravaijeoit. ,, Il faifoit conftamment conduire à ,, Akis les troupeaux de Brebis , de j, Bœufs , de Chameaux , qu'il avoit ,, pris, &z les laiffoit fans doute à la dif- ,, pofition de ce Prince. Suppofant donc ,, que les peuples qu'il détruifoit n'é- ,, toient point alliez avec Akis, il étoit ,, utile plutôt que nuifible à fon Bien- ,, faiteur. Et il n'y a aucune raifon de ,, croire qu*Akis fut allié avec ces peu- 5, pies; on peut même prouver le con- ,, traire. „ Mais * £■/:> porte : David ne fauvoît ni homme ni femme qui pût porter des nouvelles à Gath, 282 Bibliothèque Britannique, ,, Mais enfin, dit-on pour aggraver le „ crime de David, il trompoit fon Bien- „ faiteur , en lui faifant accroire que ,, ceux qu'il détruifoit étoient des Ifraë- „ lires. „ Je l'avoue ; mais qu'on examine fans 5, paflîon & fans partialité les raifons de „ fa conduite. „ Il faloit qu'Akis fût certain que Da- ,, vid lui étoit inviolablement attaché; ,y & rien ne pouvoit l'en aflurer plus for- „ tement, que la haine de fes propres „ compatriotes que David s'attireroit. „ Mais David, qui connoilToit fa propre ,, intégrité , qui fçavoit qu'il feroit toû- 5, jours fidèle à fon Bienfaiteur , étoit 5, perfuadé de l'inutilité de cette preuve , 5, qui d'ailleurs ne pouvoit en rien avan- -, cer les affaires du Roi: ii crut donc „ pouvoir faire ufage d'une tromperie ,, innocente, pour infpirer à Akis toute -, la confiance qu'il Enéritoit de la part ,5 de ce Prince. ,, Je ne veux pas entreprendre de dé- ,; fendre abfolument cette conduite. Il ,, y avoit certainement de la tromperie ; ;; m.ais pofé qu'elle n'ait fait tort à per- „ fonne, comme je me le perfuadé, j'a- 5, voue queje ne ccmprens pas ce qu'on ., y peut trouver de criminel. ,, Il faut pourtant convenir, que toute ,, habitude de tromper détourne naturel- ,, lement fefprit de la vérité, & lui don- n ne Janvier, Février et Mars. 1740. 283^ ■„ ne une pente pour le menfonge. C'eft „ pourquoi il faut éviter avec fom toute „ efpece de tromperie , même celle qui 5, eft la plus innocente. Voilà l'Apologie que Mr. Delauny fait de la Conduite de David chez le Pvoi A- kis; fi l'on prend la peine de comparer cette Apologie avec la Remarque (D) de l'Article de David dans le Diclionai- re Hiftorique & Critique de Mr. Bayle, ou feulement avec le XXVII. Chapitre du I. Livre de Samuel , on fera en état de juger, fi notre Auteur a bien ou mal juflifié fon Héros. Les Chapitres vingt -deux ôc vingt- troifième traitent de la PythonilTe de Hendor. L'Auteur s'y déclare pour le fentiment de ceux qui foutiennent que Samuel apparut véritablement a Saul, & il réfute les fentimens contraires à ce- lui-là. Dans le Chapitre vingt- quatrième on traite du refus que firent les Principaux des Philiftins de permettre que David fervît dans l'Armée d'Akis contre les If- raëlites -, & de l'expédition contre les Hamalecites dans laquelle il s'engagea trois jours après. La Bataille de Gilboah "" fait le fujet du Chapitre vingt-cinquième. Le ♦ i Sam. XXXI. 3^4 BlBLIOTHÊO^E BrITAK^IQUE/ ^ Le fuivant contient un court Eiïki fué. le Caractère de Jonathan. Dans le vingt-feptième on prouve que la Bataille de Gilboah fut donnée le len- demain du jour auquel Saûl confulta la PythonifTe, & on répond aux objeclions que Ton peut faire contre cette opinion. Enfin dans le vingt-huirième & dernier Chapitre on parle de la nouvelle que David reçut de la mort de Saiil & de Jo- nathan; on fait une Paraphrafe des La- raenrations de David à cette occafion *, & on donne cette complainte en Hé* breu, félon la mefare que Ton croit con^ venir aux Vers qui la compofent. ARTICLE III. Arminîus a Tragedy, as it was to ha- " ve been aéled at the Théâtre- Royaî in Drury - Lane. C'efî: - à - dire : A r- M r N I u s , Tragédie , telle qu'elle -devoit être rnpréfenîée Jur le Théâtre Royal dans Drury - Lane. A Londres chez A. Millar, vis-à-vis TEglife de S. Clé- ment dans k Strand: 1740. 8. I L ne nous apartient pas -d'exàmi-Ffer pourquoi on a défendu de repréfentei* cette * 2 Sarr. IL 19. ^ Jaiix Janvier ,FEVRTEtt kt Mah». 1740. 2S5 cette Tragédie fur le Théâtre ornais puif- que Mr. Uaillaume Paterfon, qui en efl TAuteur, & qui l"a dédiée à Son Altère Royale le Duc de Cumberknd, a juge à propos de la publier , nous croyons qu'il nous eft permis d'en rendre compte da. % cette BibboLheque. Le lujet eft tiré de Tacite, qui noi^s apprend *, qu'Armimus & Segefte , Chepen- "^ âpo BiBLioTH^uE Britannique, ^, pendant il étoit vidlorieux ; & )i; ), orgueilleux Romain , tu ne l'es i) encore Mais quand méie 5, ton Rival feroit obligé de fuir diî ,, ces affreux climats ; y mourir avecJ ,5 feroit un bonheur pour moi. Et le „ penfe pas que, quoi qu'il arrive, la do- 5, lée Artefie ferve jamais d'ornementiu 5, char du Vainqueur. Qui ofe mov^r i, ne fera jamais efclave. Varus s'excufe fur ce qu'il n^a repé- fente à la PrinceiTe que ce qui doit ê*e une fuite infaillible d'une Guerre ent=- prife contre les Romains vidlorieux f r- tout : Il ajoute , qu'il peut auflî arri^r un événement dont il n'a point encce parlé . . . ,, Je vous entens, Seigne", ), dit Artefie en l'interrompant. Ne fd- „ dez aucune efpérance fur la mort d'i'- ,5 minius. Le meilleur des Germains n> „ rite un amour aufÏÏ fidèle que celui e ,, Por/ff pour le meilleur des Romai:; 5, & fçachez qu'il y a des Porties aille -s „ qu'a Rome ".Ce grand fentiment re - plit Varus d'admiration , & augme^e fon amour pour Artefie. Il la quie dans l'efpérance que , devenue plus tn- quille , elle refléchira fur ce qu'exje d'elle l'intérêt de fon Père & fon prop s bonheur. Artefie feule lamente fon fort d'ét? née dans h Grandeur; au Heu que û <- Janvier, Février et Mars. 1740. 291 le étoic née dans quelque humble chau- mière ;, m Rome , ni aucun intérêt parti- culier ne fe ieroient oppofez à fon amour. Sigifmond fon Frère la vient trouver , & furpris de la voir ïi trifle, il dit qu'il vient lui apprendre une nouvelle qui la réjouira; c'eit l'arrivée d'Arminius avec fa fœur Hermenie, dont Sigifmond eft amoureux > & aimé. Artefie répond, que cette nouvelle ne fçauroit lui faire plai- fir; ce qui furprend beaucoup fon frère. Enfin , après un moment de lilence , Ar- tefie , par des difcours entrecoupez , lui fait comprendre la caufe de fa trifteffe. Sigifmond vole vers Arminius pour lui communiquer cette ,funefle nouvelle. Sa fœur veut l'arrêter, mais envain, 6c elle finit ce premier Ade en continuant à déplorer fon infortune. Segefle ouvre encore le fécond Ade. Il veut faire périr Arminius, mais fous ombre de juflice , afin de fauver fa répu- tation. Il invente pour cet effet un ar- tifice qu'on n'explique point ici, mais dont on voit bientôt l'efiTec. C'eft de tendre un piège à Arminius , pour l'en- gager à fuir "avec Artefie , & de les taire arrêter tous deux au moment de leur fuite , afin d'avoir lieu de faire con- damner Arminius comme coupable d'a- voir enlevé fa fille. Ce jeune Héros , à qui Segefte, fous T 3 pre- £p2 Bibliothèque Britannique , - prétexte d'amitié,- a fait dorxiier un fauf- conduit, vient le trouver dans fa Tente. Comme la fcène qui fe pafle entre eux eft une des plus belles de toute la Pièce, nous en traduirons ici la plus grande par- tie. ,, Arminius. Nous nous rencontrons 5, donc encore, Segeite, après quelques ,, mois d'abfence, qui ont paru des fié- 99 des entiers à mon amour impatient: „ mais , ainfi qu'il eft du devoir d'un 55 Prince ,j'ai fait céder cet amour à Tin- 55 térét de, ma Patrie. 5, Se GESTE. Si vous aviez confulté 55 fon intérêt , vous auriez fuivi mon 55 confeil , & fait la paix : mais je ne 55 veux point cenfurer votre conduite , -5 ni me mêler de vos affaires. Cepen- ,, dant , pour vous parler avec franchi- 5, fe, le peu d'égard que vous m'avez ,5 témoigné, votre filence & vos délais ,, m'ont fait penfer que je ne reverrois „ plus le grand Arminius. „Arm. Quoi donc! Segeil.e pou- ,5 voit -il s'imaginer que j'étois aiTez lâ- 55 che pour oublier ma promefTe ? La j, parole des Princes doit être la chofe 5, du monde la plus facrée. Lorfqu'ils j5 font fidèles à la tenir , ils acquièrent ,5 une gloire immortelle ; mais lorfqu'ils 55 la violent, ils fe couvrent d'ignominie. j, Je puis très -bien juflifîer ce que j'ai ,5 fait. Janvier , Février et Mars. 1740. 29J „ fait. Mais vous, Segefle ; Dieux im- „ mortels ! Eft-ce-là cet homme qui fai- „ foit trembler les Romains? Qui com- 5, battoit 11 glorieufement pour la liber- „ te , pour cette caufe pour laquelle feu- „ le un. cœur brave & généreux défire „ de vivre ? Helas ! qu'il eft changé ! ,, Comment a-t-il pu decheoir ainfi du ,, plus haut degré de gloire pour fe ,, Ibumettre à cette Puiirance même à ,, qui fon nom feul infpiroit la ter- i, reur? „ Se G. Jeune Prince, ce que j'ai fait ,, je l'ai fait par prudence , & pour le ,, bienj de mes fujets. Moins ardent que „ toi, & pefant 'bien toutes les circon- ,, fiances, j'ai combattu pour la Gloire > ji pendant que Rome divifée confumoit ,, les forces dans la fureur des guerres ,, civiles. Maintenant les tems ont chan- ,, gé: Rome, devenue plus puiiTante par ,, les douces influences d'une Faix falu- „ taire, exerce fon empire avec plusd'au- „ torité. J'ai donc cru devoir fuivre la „ Politique de tous les Princes , qui font ,, de nouvelles Alliances, &fe déclarent ,, pour la Paix ou pour la Guerre, fui- ,, vaut qu'ils y trouvent leur avantage; ,, & ils ne croyent point que cette con- ,, duite prudente puifTe ternir leur gloi- „ re. Mais Arminius, emporté par l'ar- ,, deur de la jeunefTe , & aveuglé par T 4 „ l'am- ÏÇ4 Bibliothèque Britannique, l'ambition, ne comprend pas cette vé- rité ; ii condamne une pratique qu'il fuivra lui-même dans un âge pius mûr. ,, Arm, M'en préferve le Ciel ! Votre exemple me garantira de ceti:e infa- mie. Qu'eH devenue maintenant vo- tre Autorite luprème, votre Gloire, vo- tre Cour brillante , 6c la Liberté de vos fujets ? Autrefois votre volonté régloit les deftinées mêmes 3 vous c- tiez craint , aime , adoré , obeï ; la Gloire étoit alfife avec le grand Se- gcite fur le Trône de la Liberté. Main- tenant tous vos honneurs font éva- nouis commue la baie chaiïee au gré du vent. Et celui qui, comme le Se- l^ildu Nord, brilloit par fon propre éclat , n'a pius à préfent , vil C> toyen de P.ome, que des rayons em- pruntez , & ne réfléchit plus qu'une foible lueur. ,> Seg. Injufle reproche ! Ces rayons emiprunrez refléchilfent fur moi plus d'éclat, plus de gloire, qu'Arminius n'en acquierra jamais avec toute fa grandeur & toute fa puiffance. Perjf- fe toute gloire intéreifee ' Faire du bien, c'eft être vertueux & indeper- dant; c'eft la véritable Gloire. Il vaut infiniment mieux voir fieurir les pei- pies dans une douce & heureufe Paix , „ qu<* j> Janvier, Février et Mars. 1740.2^5 „ que de faire couler des fleuves de fang, 5, pour fuivre les vues d'une folle am* „ birion ôc d'une gloire impie. Quels 5, malheurs la Guerre n'entraîne- 1- elle 5, pas après elle ! Lorfque le cruel Dieu .5 des Armes vient exercer fa fureur , li ?, deftrudion & la ruine l'environnent j, de tout* part : à ïoû Char de fer ell ,, attachée la Servitude, & far fes pas 5, marchent la Famine dévorante, & la ,, Pelle qui cotifume tout. Que la Na- ,, ture fertile ait répandu fes plus gran- 5, des richeiïcs dans un Pais ; ce Dieu ,, vient, il pafle, &: ce ïi'eft plus par-tout „ que defolation & qu'affreux defert. ,, Voilà les fruits de la Guerre. Au lieu ,, que l'aimable Paix répand d'une main ,, libérale Tallégreffe en tout lieu; par ,, elle les Montagnes^ couvertes de Trou- 5, peaux, chantent de joye,& les riantes >, Vallées retentifrent des mêmes fons: „ l'Abondance entre avec elle dans les ,, villes florilTantes & remplies d'Habi* ,, tans. Qui donc , ô divine Paix , ne ,, preféreroit tes douceurs aux défor-*- ,, dres affreux & aux criminels Trophées ,, de la Guerre ! ,, AiiM. Ciel! qui ne les preféreroit? ,, Mais quelle paix peut- on avoir avec -,, Rome ? Avec ces fiers Tyrans , qui 5, mettent les Rois aux fers, & mènent ., en triomphe les Nobles de la Terre? T 5 »î Avc^: %ç6 Bibliothèque Britannique, j, Avec ces impies , qui , fortant avec im- ,5 pétuofité d'une caverne de brigands, „ ufurpent un injufle pouvoir fur tous ,f les Peuples? Qui^ fuivant toujours les „ cruelles maximes de la Guerre , répan- ,, dent la terreur par tout le monde, 9, Rome fiére , perfide , intéreflee & f, cruelle, a-t-elle jamais fait une Guerre „ jufte ; a- 1- elle jamais fait une Paix é- ,, quirable avec des Nations libres? Non.: „ Qui fait la ~paix avec elle fe rend ef- ,, clave, fe donne des chaînes; c'efl le ,, fort qu'il doit attendre. £c quoi qu'ait j, fait le fage, le prudent Segefte , qu'il fça- „ che qaauiii long-tems que cebraspour- „ ra tenir l'épée de la Liberté, jamais Ar- „ mmius ne s'humiliera devant Rome , „ ni ne s'abaiffera jufqu'à foùmettre fes ., fujets au joug de l'efclavage par une -, paix honteufe & flétrilTante. ,, Seg. Les Amis de Rome ne fentent 5, point ce joug: ceux miéme qu'elle foû- >, met, obtiennent une liberté plus noble; ,, elle les tire de l'ignorance & de la ., barbarie ; c'eft elle qui corrige leurs ,, mœurs, qui les forme à la vertu, qui „ leur apprend à connoitre tous les a- 5, grémens de la vie, & toutes les qua- 5, iitez eftimables par lefquelles un hom- jf, me pcutfe diftinguer,foit dans les em- ,, plois publics, foit dans la vie privée: V Genéreufe comme la main libérale des ,. Dieux, Janvier, Février et Mars. 1740. 297 ., Dieux, elle répand Tes faveurs fur tous ,, fes fujets. ,, Arm. Dieux immortels! peut-on dé- ,5 fendre ainfi les fiers Oppreifeurs d'un ,, monde ruiné! Quelles font les faveurs ,, de Rome, fi-non l'indigne recom.penfe ,, de ceux qui ont lâchement trahi leur ,, patrie? Quels font fes Tréfors, fi-non ,, les Dépouilles des Nations? Qu'eft-ce ,, que toute fa fageiïe, fi-nonrufe & four- ,, berie? Quels font fes agrémens de la ,, vie tant vantez, fi-non le poifon du ,, Luxe ?Et que font fes Vertus, que des „ crimes^^ éclatajis ? Dieux! donnez moi- ,, les Germains francs, fmceres, & qui 5, n'ont point été conquis; riches dans le ,, travail ,opulens dans la. Liberté ; grof- 55 fiers , mais d'un cœur généreux & hof- ,, pitalier; que la politeife n'a point cor- i, rompus, & qui ignorent tout artifice ,, &: toute fraude. Voilà les hommes., ,, voilà les amis que je préfère à tous ces 5, fiers Seigneurs de Rome , enrichis par 5^ les dépouilles & par la ruine de leurs 5, voifms. Après ce difcours Arminius vient en- fin au fujet qui Tintérelfe le plus: il fom- me Segefte de fa promefle, & lui de- mande fa fille. On lui répond qu'elle eft promife à un autre, & que le lendem^ain cUe époufe V^rus. A cette réporfe Armi- nius , rem.pli d'indignation, s'écrie ; „ Ah ! ,> Roi ipS Biblîothï:que Britannique, i,, Roi perfide ! Elle epoufe Varus ! Ciel ! „ Rien ne lera-t-il donc à couvert de la „ Tyrannie des Romains? Nos attache- ,, mens les plus chers, nos Droits les 5, plus facrez , feront-ils donc à la merci rf, de leur violence ? Non : cette Forêt * ., fera inondée de fang , avant qu'Armi- ,) nius foufFre un pareil aiFront. Mon é- 5, pée, m.on bras poufTé par la vengesn- ,, ce & par l'amour, t'apprendront, Ty- „ ran, à rendre juflice, &; feront con- „ noitrc à ces Romams ce que c'eft que „ l'équité. -^. ,, Préfomptueux, réplique Segefle, tu J5 ofes me braver! Te t'ai dit ma dernic- i, re réfolrHon. L'événement t'appren- ,, dra à modérer ton orgueil. Je connois- y, Arminics; je fçais ce qu'il peut, &;je „ brave fa vengeance. Arminius feul exprime fon reiïenti- rnent ; & au moment qu'il fort pour al- ler fe mettre à là tête de fes Troupes, il rencontre Artefie , que Segefle a fait trou- ver exprès fur fon chemin. Elle eft ac- compagnée d'Egbert , que Segefle avoit Choifi pour faire tomber Arminius dans le piège qu'il lui tendoit. Mais cet Offi- cier * La Scène repréfente le Camp des Armées unies de V^arus & de Segefle , ppoche de la Fo- Ht de Teutberg dans la Germanie, Janvier, Février et Mars. 1740.299 cier Germain a le cœur trop grand pour le prêter à une trahifon. Arminius , qui délire ardemment de pouvoir condaireAr- tefie dans quelque lieu loin de tout dan- ger, s'addrefle à Egbert, qui pourroit Iç fervir dans cette entreprife. Egbert, qui dételle tout bas la trahifon dans laquel- le Segefte vouloit fe fervir de fon minif- tère, dit d'abord pour toute réponfe: Arminius , fois fur tes gardes, ,, Que je fois „ fur mes gardes ! & pourquoi ? i-lrtefie 5, n'eft-elle pas à moi par tous les liens „ de l'amour & de l'honneur ? S'il y „ a quelque danger dans cette eritrepri- „ le, fois jufle, Egbert, fois généreux, „ & fauve nous. „ Egbert. Fui donc, Arminius', & ,, prévien ton entière ruine. Segefte m'a „ placé ici ; il a envoyé la PrinceflTe „ pour te tendre un piège ; il vouloit „ que par mon confeil & avec mon fe- „ cours tu entreprifTes de fuir avec Ar- ,9 tefie , afin de te faire arrêter au mo^ „ ment de ta fuite, & de te livrer àl'in- ,, folente Rome avec quelque apparence „ de juftice. Arminius, furpris au dernier point, s'é- crie: ,, Ah! Roi traître & perhde! Jenç „ te donnerai aucun prétexte de com- 5, mettre une injuftice û cruelle. Egbert, „ je te rends grâces ; je partirai feu], }j Qui fç repofe fur l'artifice peut tom- >. bec $oô Bibliothèque Britannique, „ ber par Fartifice ; je ne m'appuyerai 5, que i'ur ma vertu : je me confierai aux ., Dieux, jufles Vengeurs de la foi vio-* 5, lée, d: de la perfidie des Princes. Ce- 9, pendant permets que je remette ma „ chcre Artefie à tes foins vigilans ; la --, tempête va bientôt commencer , & „ lorfque tu en entendras le bruit fu- „ rieux, oh, fauve de tout danger cet- „ te viç qui m'elt plus chère que la 5, mienne. Là-defTus Arminius part pour aller rencontrer .fon Armée. Artefie, troublée de mille frayeurs, n'appréhendant que trahifons de toute part , s'imagine voir déjà fon cher Arminius attaqué par une troupe de foldats , fe défendant vaine- ment, & fuccombant fous leurs efforts. Elle court après lui, réfolue de fubir le même fort. Êgbert veut la retenir, en lui repréfentant que par fa témérité elle fe perdra avec fon Amant; mais elle lui é- chape , & par cette imprudence elle fait tomber Arminius dans le piège que Segefle lui avoit tendu. En effet Arminius eft pris , &: conduit devant Segelte & devant Varus: ,, Qu'a „ fait Armiinius, s'écrie-t-il , pour être „ ainfi infulté? N'eft-il pas ici fous la „ protedion de Segefle, & à couvert de ,, tout outrage par le droit des gens 6c „ par la foi des Princes? „ Seg. Janvier, Février et Mars. 1740.301 ,, Seg. Non , vil Traître , non. Eft-ce- i, là ta bravoure. „Eft-ce-là ton honneur „ tant vante ? Comme un miferable , d'en- ,, lever par la fraude la faveur qu'on ,, t'a refuiee? P^ais bientôt tu recevras „ la jufte punition de tes crimes. ,, Arm. Ha! tu parles de crimes! Eh, „ ne font -ce pas tes propres crimes? *, N'es -tu pas faux, perfide, fans foi, „ fans honneur , & traître envers les „ Dieux mêmes! Continue, Tyran. Or- „ donne à ce Romain * de me frapper. 9i Je connois les deffeins de ton ,cœur „ perfide. Gui, dis que j'ai voulu te „ dérober ta fille ; que je fuis Rival de ,, Varus; l'ennemi implacable de Rome, „ & réfolu de me venger. Romain , je ,, veux parler. Ne penfe pas que ton „ regard févère puifTe m'obliger à m'hu- ., milier baflèment. Oh ! fi j'avois pu te 5, rencontrer à la tête de mon Armée, 5, alors ce bras, & non de vaines paro- 5, les, t'auroit appris à connoître ce que „ peut l'efprit de liberté, & la véritable „ vertu. ,, V^arus. Quelle préfomption ! Que ,, peut exécuter ton bras contre Quln- „ tilius & contre les forces de Rome ? „ Jette la vûë fur tout ce Globe fpa- p, cieux. Voi s'il y a quelque PuifTan- >j ce> * Montrant Varus. 5Ô2 Bibliothèque Britannique, „ ce, plus grande même que la tienne > „ qui n'ait pas fui devant les Aigles con- „ quérantes'. Avant même qu'elles euf- j, fent des ailes, elles ont fait fuir Pyr- ,5 rhus. Et depuis que d'un vol hardi „ elles fe font élevées julques au Ciel, ,5 iNicomcde, Michridate , Hannibal,An- ,. tiochus, tous les Rois de l'Orient, A- „ rioviite même , la gloire de ton pais , 5, tous ont été fubjugez par Rome victo- „ rieufe. Cependant, fi tu as allez de }, vanité pour penfer que ton foiblebras, 5, & ton Armée plus faible encore, puif- ii fent maintenant foutenir TerTort de fes ,, Légions, des le lever de l'Aurore je te ,5 rencontrerai à la tête de tes Troupes ; 5, & celle que tu voulois enlever là- ,, chement fera le prix de la victoire. ,, Segeste. Non, Seigneur, que vo- „ tre cœur généreux ne s'abaifié pas ,, jufques à faire des conditions avec un ,, Traître, qui même dans le Camp Ro- ,, main ofe mfuker amfi les Alliez deRo- ,, m.e (S: la rnajefté de Céfar. Non ; qu'il ,, fouffre la julle peine de fes crimes : ,, qu'il foit mis à mort à l'inflant , ou 5, qu'il foit envoyé à Rome. ,, Varus. Segeile, Varus connoit fon 9, devoir; il fçait ce qu'exige de lui fon j, pouvoir & fa dignité. Il ar;ira avec ïj honneur 6: avec juftice. Cependant, y, Seigneur, nous l'abandonnons à vos f, foins. Se- Janvier, Février et Mars. 1740. 303 ' Segefle, après avoir ordonné à Eg- bert de mettre Arminius aux fers , finie cet Ade en s'applaudiifant du fuccès de fon artifice ; & pourvu qu'on fe rende maître d'un ennemi , qu'importe , dit- il, que ce foit par fraude ou par vio- lence. La première Scène du troilième Ade repréfente la Tente de Quintilius Varus, où il s'entretient avec Segefte, qui lui remontre, qu'aufli long-tems qu'Arminius vivra, ce fera envain que les I^égions Romaines tenteront la conquête du Nord. Je fçais , répond Varus,ce que la Politi- que infpire: Comme il efl l'ennemi de Céfar , je devrois le condamner. Mais il efl aulTi mon Rival; comme tel, l'hon- neur m'ordonne de le laiiïer vivre; de peur que la Renommée envieufe ne pu- bliât par-tout, que c'eilla jaloufie , plutôt que la Juftice , qui l'a fait périr. Ne vous lailTez pasféduire par des noms fpécieux, réplique Segefle, & qu'un honneur gé- néreux, mais mal placé, ne vous faffepas perdre une occafion favorable. Si Quin- tilius étoit en fa puiffance , comme il efl en la vôtre , je le connois , il ne tarde- roit pas un feul moment à condamner celui qu'il regarderoit comme l'ennemî de fa patrie. Laiifons l'avenir à la pro- vidence des Dieux, dit là -delTusVarus, il me fuffit de fuivre conflammcnt les maximes de Thonneur. Tome XIV. Pm, IL V A 504 Bibliothèque Britannique , À la féconde Scène de cet Ade I^ Théâtre repréfente des Rochers, des Ar- bres ,&c. & dans Féloignement on voit, des Tentes , &c. C'eft dans ce lieu fo- litaire qu'Egbert & Sigifmond s'entre- tiennent. Celui-ci exhorte l'Ofiicier Ger- main à rendre la liberté à Arminius : il lui rappelle ce que ce Prince a fait de glo- rieux pour la caufe de la Liberté ; fes grandes aftions ne méritoient pas qu'il fût traité comme un vil efclave, qu'il fût chargé de chaînes, qu'il fût désho- noré. Jefçais, ajoute Sigifmond , qu'en parlant ainii j'accufe Segeile, j'accufe un Père: mais, juftes Dieux! la nature ou le devoir obHge-t-il un fils ou un fujet à favorifer l'injuflice? Egbert promet de mettre Arminius en liberté, ou de périr dans Fentreprife. Il avoit déjà, dit-ii, pris de lui-même cet- te réfolution , touché par le mérite in- comparable de ce Prince , & indigné de l'injuflice criante qu'on lui faifoit. Il part donc plein de confiance , parce que la caufe pour laquelle il va s'expofer, étant celle de la Liberté & de la Ver- tu, le Ciel ne manquera pas de l'af- fifter. Sigifmond feul fait de trifles reflexions fur l'inftabilité des chofes de ce monde -, fur la vanité de nos efperances , & la ra- pidité avec laquelle nos plus doux plai- firs s'envolent. Pendant qu'il s'entretient ainfi Janvier, Février et Mars. 1740. 305 ainfi avec lui-même, il entend une voix entrecoupée, & de tendres foupirs. C'eft Hermenie, qui , accompagnée de fa fui- vante ou confidente Bernicie, va , durant le fdence de la nuit , fe rendre au Camp des Romains, pour tacher de délivrer fon Frère. On fera peut-être furpris qu'une Princeïïe ofe s'espofer ainfi dans les bois durant la nuit; mais elle fe fie , dit-elle, à la générofité des braves Germains , qui , foit pour adoucir leurs chagrins , foit pour s'exciter réciproquement à des adions héroïques, ont coutume de mener avec eux dans les armées les perfonnes qu'ils cherifientle plus: d'ailleurs, le danger où eli fon Frère, exige qu'elle hazarde tout pour Fen tirer. ,, O Sigifmond, s'écrie- 5, t-elle, qu'eil devenu maintenant ton ,, amour tant vanté ? Où eft ta tendrelfe ,, pour Hermenie ?Egbert, fans être pouf- 5, fé par ces puilTans motifs, qui agiflent 5, le plus fortement fur les cœurs, Eg- „bert, fans que je l'en aye prelïe, a 5, ofé ce que tu n'as pas daigné entre- ,, prendra ''. Hermenie fe croyoit feule avec Bernicie ; mais Sigifmond qui l'a entendue , lui dit : Ne me condamne point, Hermenie, fans m'entendre. Hermenie, furprife de rencontrer Sigifmond, lui fait de vifs reproches fur l'injuftice de fon Père, & fur ce que lui-m.ême il n'a pa> taché de procurer la liberté d'Arminius. V 2 Ce 3o6 Bibliothèque Britannique, Ce Prince, qui arrive avec Egbert^ jufH- fie pleinement Sigifmond dans Pefprit d'Hermenie: elle lui demande pardon d'avoir ofé foupçonner fa fidélité & la fmcerité de fon amour. Sigifmond fc re- tire avec elle pour aller trouver Se- gefte dans fa Tente , & le foliiciter de mettre Arminius en liberté , afin de lui cacher fa fuite pour quelque tems par cet innocent artifice, jufques à ce qu' Ar- minius foit en fureté. Arminius, refté feul avec Egbert, lui demande à quelle caufe il doit fa géné- reufe amitié & fon afllilance ? ,, A vos „ propres vertus , répond Egbert, à l'in- „ juflice qu'on vous faifoit, à l'amour „ que j'ai pour ma patrie , qui eft fur le „ penchant de fa ruine : C^eil vous , Sei- „ gneur; (Les Dieux propices vous pro- „ tegent ! ) c'eil votre bras victorieux qui iy doit la fauver. C'eft en vous qu'elle „ efpère; c'ell fur vous qu'elle jette les 5, yeux ; c'eft vous qui devez la rache- „ ter de l'efclavage qui la menace, & qui 5, devez faire éprouver à ces fiers Ty- :, rans de la terre, ce que peut l'amour „ de la Liberté , & une Vertu outra- ,, Arm. Je te rends grâces, généreux ., Egbert. Veuillent les Dieux favora- ;, blés me placer encore une fois à la îj^tète de mes ATméesl Avec quelle ar- f} deur Janvier, Février et Mars. 1740. 307 ., deur pourfuivrai-je ma vengeance con- ,, tre ces fiers ennemis , & humilierai-je „ cette Rome orgueilleufe ? Oui, avant 5, que le foleil levant ait avec fes rayons „ doré ces criminelles tours, je frappe- „ rai un coup qui fera trembler Céfar „ fur fon Trône , & dans Tangoilfe de „ fon ame il s'écriera mille fois : Rends- ,,moif rends-moi, Varus, rends-moi mes Lé- „ gions. Oui , c'eft dans ce deifein que „ les Dieux m'ont mis en liberté; c'eft 5, pour apprendre aux Nations du Nord „ qui n'ont point encore été conquifes, ,, à vaincre les Tyrans. Je les vois s'é- „ lever, & furieux, comme les orages 5, dans leur païs natal , ils tombent a- „ vec impétuofité fur l'Empire Romain, 5, & le détruifent. Mon efprit prophéti- „ que voit ce vafte, ce puiiïant Empire^ „ devenu femblable aux débris d'une nom- 5, breufe flote fur les ondes immenfes de ., la mer. Allons, brave Egbert, met- ,, tons-nous à la tète de l'Armée , & com- ,, mençons à nous venger glorieufe- 55 ment. Au moment qu'ils veulent partir, ils font obligez de fe retirer à l'écart, -par- ce qu'ils voyent venir quelqu'un de loin. C'eft Artefie , qui ayant été inftruite par Sigifmond du lieu où étoit Arminius, vient l'y trouver : ils font tranfportez de joye de fe rencontrer encore ; mais cet- V 3 te 3o8 Bibliothèque Britannique, te joye efl cruellement troublée par la crainte des nouveaux malheurs qui peu- vent leur arriver. Arminius tache de rafîurer Artefie. ,, Ne crains point, lui 5, dit -il; les Dieux font toujours julles, 5j & protedteurs des innocens. Mais quand a je périrois en pourfuivant une juHe ,9 vengeance , ne penfe pas que les Dieux -,, manquent d'équité, ni qu'Arminius te ,, foît enlevé pour jamais. En mourant „ ainfi pour la Liberté , pour ma Patrie & „ pour toi, je rendrai mon nom immor- j5 tel; & mon efprit, toujours plein de „ tendrefTe pour toi , &; témoin de ta ^, vertu, te gardera, te protégera durant /, ta vie; & quand le moment fera ve- 9, nu, ce moment tant fouhaité, auquel „ ton ame doit fe réunir à la mienne, ,, je. viendrai au devant de toi , pour t'é- î5 lever doucement dans -ces heureufes „ régions , où la Vertu , la Joye & l'Amour „ fleuriront à jamais. Artefie défire ardemment que ce mo- ment vienne bientôt. Mais avant qu'il ar- rive, que de maux, que d'angoiffes ne doit-elle pas fouffrir ! Elle voit une guer- re allumée, dans laquelle elle a à crain- dre pour un Père, pour un Frère, pour un Amant. Ils peuvent y périr tous, & la laiiTer défolée, fans confolation , pleu- rer éternellement ces pertes irréparables. C'eft ce qui lui perce le cœur, & lui fait Janvier , Février et Mars. 1740. 309 fait fouhaiter qu'Arminius fe retire, fans s'expofer aux dangers d'une bataille dont le fuccès eft incertain ; c'eft pour Ten prier qu'elle s'eft rendue feule durant la nuit dans ce defert écarté. „ Vous voulez donc , dit Arminius, ;, que je VOUS lailTe ici en proye aux Ro- 55 mains ; que je laiHe fans vengeance- tou- 55 tes les injuftices qu'on a faites à vous „ *Si à moi ? Ah ! que je retourne à mon 5, efclavage,que je m'expofe à une more 5, honteufe , plutôt que de commettre „ cette lâcheté, & de trahir moi-même ,, ma vengeance & mon amour. ,, Artesie. C'eft m' aimer que de te 5, fauver pour l'amour d'Artefie ; c'eft ^, m.'aimer que d'épargner mon Père a- „ bufé ; & quoiqu'il t'ait fait injuftice , il „ eft d'un cœur noble de pardonner. Sigifmond, entrant précipitamment, s'é- crie: Arminius, prenez la fuite, vous êtes découvert ! Je demeurerai ici pour arrê- ter ceux qui vous pourfuivent. „ Arm. ,5 Et moi pour les recevoir. S i G i s m. „ Dieux ! que voulez-vous dire. Seigneur? ,, Arm. Ici j'attens ma deftinée : & laif- „ f e la cruelle Artelie à la merci de „ Rome. „ Art. Ah! que ma fituation eft de- î, plorable ! Perfonne n'a égard à monaf- ,, flidion. Un Père ne vent point m'é- ^, coûter lorfque je plaide en faveur de l'A- V 4 ,:, mant; 310 Bibliothèque Britannique , 5, mant ; ni TAmant lorfque la voix de la 5, Nature plaide en faveur d'un Père. ,y Oui, Arminius, tu es cruel auiri;mais „ maintenant qu'un danger imminent te „ m-enace,je fens que tu m'es infiniment ,i cher : fui donc , & te mets en fureté ; „ & lorfque tu reviendras pour te ven- ,^ ger, lorfque ta colère fera enflammée 9y par les outrages qu'on t'a fait, lorfque 3, ton bras redoutable répandra par-tout 5, la defolation, fouviens-toi de moi, de „ mon amour, & épargne Segefle. Arminius le lui promet, & part avec Egbert. Sigifmond apprend à Artelle com- ment l'évaiion d' Arminius a été décou- verte. Il dit que fes prières & celles d'Her- menie n'ont fait qu'irriter davantage Se- gefle, qui eft parti fur le champ pour aller trouver Varus, commandant en mi- me tems à Cerdic, un des Officiers de fes Gardes, d'aller prendre Arminius dans la prifon , pour le livrer immédiatement aux Romains. Cerdic, accompagné d'une iiombreufe troupe de foldats, n'ayant pas Trouvé Arminius dans le lieu ou on ie gardoit, le fuit à la pifle, & étant arri- vé à l'endroit d'où Arminiusvient de par- tir, Sigifmond l'empêche de continuer fa pourfuite. ,, Pourquoi m'arrétez'vous, Seigneur? ., dit Cerdic; je fais mon devoir, je fers fj, Segefle. Va-t-en donc, réplique S'igi^- n mond , Janvier , Février ET Mars. 1740. 311 5, mond, & dis-lui que je le fers encore ,, mieux. Cerd. Elt-ce le fervir, que „ de s'oppofer à l'exécution de fa volon- „ té , que de m'arrêter ainfi lorfque je „ pourluis (es Ennemis, les Ennemis de „ Céfar, & de Rome?* Sigism. PérifTent ,, Céfar & tous les Romains, s'ils font 5, ennemis de la Vertu. Cerdic fe retire, & Sigifmond le fuit, de peur qu'il ne fe remette encore à la pourfuite d'Arminius. Artefie , voyant l'orage groflir de toutes parts , fon Frère même venant de fe jetter dans un dan- ger imminent, implore le fecours & la protedion des Dieux qui règlent les deftinées , & les prie de conferver fon Frère , fon Père & fon Amant. Dans le commencement du quatrième A6èe Varus , après avoir tenu Confeil avec les Tribuns de F Armée, s'entre tient feul avec TuUus, un de fes Officiers & fon Confident. Il paroît que le Général Romain avoit reçu des ordres de l'Em- pereur , qui lui commandoit de fe faifir d'Arminius à quelque prix que ce fût : le Confeil avoit été d'avis que Varus obéît, & TuUus eft du même fentiment. Arminius , dit-il , n'eft-il pas l'ennemi de Céfar? ,, Je l'avoue, repond Varus, & ,, peut-être que fa mort me feroit entrer ,, bien avant dans la faveur d'Augufte. ti Cependant je n'ofe toucher à Armi- V 5 „ nius ; s 12 Bibliothèque Britannique, i, nius ; fa vie efl chère à celle que mon „ ame adore. Si je le faiibis périr , ou „ fi je l'envoyois prifonnier à Rome , 5J, toutes mes efpérances s'évanouiroient 5, à l'inftânt, & la Princefle en pleurs 5>. me reprocheroit à jamais fa perte. ,, T u L L u s. Quoi ! Quintilius Varus 5, foufFrira-t-il qu'un vain fonge, indigne 5> de l'attention d'un homme fage, entre „ en comparaifon avec fon devoir ? ,y Confiderez, Seigneur, que c'eft lavo- „ lonté de Céfar. ,, Var. Mais d'obéir à cette volonté 35 par la violence ou par la f^'audccom- j, me portent mes Inftructions, c'eft ce ;, que je ne ferai jamais. Ce n'eil pas ainfi , ,:, ô Rome, que tes enfans font montez „ au faîte de la Gloire. Toujours intré- i, pides, c'eft dans une guerre ouverte & 55 déclarée qu'ils ont brillé. Jam.ais ils 55 n'ont cherché à vaincre par des voyes ., dé.shonnêtes. Ce font-là de triftes pré- ., fages que ta Grandeur eft fur fon dé- ,5 clin. Ce qui s'eft élevé par la Vertu, ., doi: fe foutenir par la Vertu. Un j5 Empire qui dégénère, n'eft pas loin de ,5 la ruine. ,, TuL. LaifTez donc à Segefte cet o- ;, dieux Emploi 3 il s'en acquittera avec ,5 plaifir. ., Var. Peut-jtre le feroit-il. Le pou- ,5 voir & la gloire d'Arminius ont fait ,y de Janvier, Février et Mars. 1740. 313 5, de profondes imprefTions fur fon cœur „. jaloux. Je m'en apperçois aifement, „ malgré tous fes deguifemens & fon a- 5, mitié aifedée pour les Romains. Mais ,, ne feroic-ce pas me rendre double- 5, ment coupable , que de permettre 5, dans un autre, ce qui en moi feroic ,, infâme ? ,, TuLL. Quel efl donc votre deffein^ ■5, Seigneur ? „ Var. De lui rendre la liberté fur „ le champ. Que la Vertu, que le fort „ des armes déciçle ; <& quel que foit Fé- „ venement, ou je vivrai avec gloire, „ ou je mourrai avec honneur , comme „ il fied à un Romain. Segelle entre, & dit à Varus, qu'il fe croit obhgé de remiettre incelfamment Arminius entre fes mains, afin qu'il foit plus en fureté. Il appréhende, dit- il, l'aifeâiion que les Germains qu'il com- mande ont pour Arminius ; il craint que, gagnez par lui, ils ne le mettent en liber- té, fe joignent à l'ennemi, & ne fruftrent ainfi toutes les efpérances de Varus. Vaine imagination! dit Varus, de pcnfer que les Romains puiiTent être vaincus par de pareilles Troupes. Les Romains font braves, je l'avoue, réplique Segcf- te , mais on doit toujours craindre des gens que la liberté & le defefpoir ani- ment. C'eit peu4-être la jalouHe^qui vous infpi- 314 Bibliothèque Britannique, infpire cette crainte , dit Varus. „ Vous 9, me faites tort, Romain , reprend Segef- 99 te, 6c û ce n'étoit la grande amJtié „ que j'ai pour Rome, pour Céfar, & „ pour vous, ce fier ennemi feroit libre „ dès ce moment. Mais le voici qui „ vient, je le confie à vos foins ^ que Va- „ rus décide de fon fort. Segefte, qui s'attend que Cerdic qu'il voit venir, amené Arminius, fe met dans une grande colère lorfqu'il apprend que ce Prince a pris la fuite avec Egbert. Mais fa fureur eft extrême , lorfqu'on lui dit que c'efl fon propre fils qui a em- pêché Cerdic de pourfuivre Arminius. Cependant Sigifmond entre. ,, Ofes-tu, „ Traître perfide , lui dit Segefte, t'ex- „ pofer ainfi à ma vengeance ? S i g i s- „ M o N D. Si par quelque mjauvaife ac- 99 tion j'avois mérité cet odieux titre, 99 mon cœur auroit connu la crainte, & „ dans le fentiment de mon crime j'au- ,} rois fui la vengeance d'un Père. Mais, 99 Seigneur , fi la Vertu , fi la Valeur, û 99 cette fiamme céleftc qui porte le cœur „ d'un Héros à des actions glorieufes ; „ fi tout ce qui eft grand a été outragé ,, en Arminius, & en fa perfonne tout „ homme zélé pour la Liberté, alors a- „ voir rendu fervice à fon mérite écla- „ tant , l'avoir fauve, c'eft avoir fauve »> Segefte lui - même. Si pour avoir fait >} une Janvier, Février et Mars. 1740. 315 „ une pareille adion on mérite le nom 5, de Traître, votre fils eft un Traître & „ s'en fait gloire. ,, Seg. O criminelle audace ! Tu as ,^ fauve Segefte ? Ne l'as -tu pas ruiné ? ,:, N'as-tu pas fait évanouir toutes fes ef- „ pérances de Grandeur & de Gloire ? „ Ne l'as-tu pas déshonoré en confpirant ,, ainfi avec les ennemis de Céfar ? Efl ce- „ là perfide, eft ce -là fauver Segefte? „ Si GIS. Pardonnez -moi. Seigneur. „ J'ai agi par des vues plus nobles. Si „ Arminius eût péri injuftement, votre „ réputation auroit été couverte d'un ,, opprobre éternel. Et qu'y a-t-il de „ plus affreux, qu'y a-t-il qu'on doive ,♦, plus abhorrer, que d'être infâme pour „ jamais? Voilà le malheur dont j'ai pré- „ fcrvé Segefte, dont j'ai préfervé un „ Père. Et pour ce qui eft de Céfar, fon 99 intérêt ne me touche point. ,5 Var. Quoi} Tmtérêt de Céfar ne „ te toujche point ? ,, SiGis. Non, fier Romain, non. pai „ garanti Arminius du piège qu'on lui „ tendoit lâchement. Fabricius, cet illuf- „ tre Romain , auroit approuvé mon ac- ,9 tion. Je refpeâ:e Rome, je la venére „ dans ces tems où elle cultivoit la ver- j> tu, & où fa gloire étoit encore pure ,, & fans tache. Mais dégénérée comme ,j elle eft maintenant, déchue de fon an- „ cien- 315 Bibliothèque Britannique, M cienne vertu , approuvant la fraude & 5, la trahifori;, je la méprife; mon ame M la dételle, & jamais toute fa puifTan- ,v ce ne me fera commettre une lâcheté , ,, fut-ce pour m'élever fur le Trône ,, de Céfar ". Segelle , indigné au dernier point, veut tuer fon tijs; il implore l'aififtance de Brutus , le premier des Romains , tandis que, comme lui, il fe dépouille de tout fentiment paternel , & oublie le fils pour frapper le Traître. Mais au moment qu'il va le poignarder, Hermenie qui en- tre lui retient le bras ; elle prefente fon fein au poignard dont il alloit frapper Sigifmond. C'eft moi feule , dit-elle , qui fuis la caufe de fon crime; c'eft fon a- mour pour moi qui l'a feduit ; c'eft donc far moi feule que tu dois faire tomber ta fureur. Segeile en furie levé le bras pour la frapper ; mais Varus le retient. L'ofFen- fe, dit-il, ell commife contre la Majef- té de Rome , & c'éll Rome feule qui doit en juger. Rome approuvera, ditSegefte: Varus réplique; mais mainîenant elle veut être obéïe. Artefie arrive, accompagnée des Prêtres & des autres Miniilres de la Religion, qui apportent un Autel , des Torches, <& tout ce qui eft néceîTaire pour célé- brer la fokmnite -de l'Hymenee. Varus dit. Janvier, Février et Mars. 174c. 317 dit , que fi Artelie confent à le rendre heureux , il va dans le moment s'unir à elle pour jamais. Segelle , voyant venir fa fille , fe perfua- de qu'elle s'efl déterminée enfin à lui obéir. Mais cette PrincelFe, qui avoue qu'il faut obéir aux Dieux & à la vo- lonté d'un Père, repréfente à Segeile^ que û par obéitfance elle s'eft rendue près de lui dans toute la Pompe nuptia- le, elle doit pourtant obéir premièrement aux Dieux; que le Ciel ne fçauroit jamais approuver qu'on viole fa foi , & qu'on rompe fes vœux: ,, Et quand même le „ Ciel l'approuveroit, dit-elle , ce qu'il efl „ impie de penfer feulement , l'amour ,, profondement gravé dans un cœur, „ peut -il s'en effacer félon que l'intérêt „ ou que l'ambition l'exigent ? Vous pou- ,5 vez difpofer de ce corps , le con- ,f damner au dernier fupplice , ou , ce ;,, qui eft plus affreux encore , à l'ef- „ clavage. Mais aucune Puifiance fur la „ terre ne peut nous commander d'aimer i, ou de n'aimer pas. Segefte en couroux ne veut point fe rendre aux raifons de fa fille ; il ordon- ne qu'on commence la cérémonie facrée. ), Arrêtez encore un moment , s'écrie Ar- 5j tefie. Faut -il donc que je cefle de 99 m'addreffer à un Père , pour implorer 55 l'afliftance d'un étranger , & même 93 d'un Romain ? Non , vous êtes toû- „ jours 3i8 Bibliothèque Britannique, 5, jours mon Père; & quoique vous ne 5, témoigniez aucun egardpour l'afflidlion „ de votre fille, je ne veux en appeller ,, de votre fentence qu'au Ciel feul ". Là-deflus elle s'addreiïe au Dieu de l'Hy- menée , à toutes les Puiflances Celefles, & aux Juges des morts. ,, Traitez-moi avec ,5 indulgence, dit -elle, & fije commets „ une faute , confiderez que c'efl la ver- ,, tu feule qui me la fait commettre. Et „ toi, ô Renommée , lorfqne tu transmet- ,, tras mon nom aux âges les plus recu- 5, lez, lorfque tu raconteras l'Hiiloire de „ mes malheurs, rends-moi juftice, & ,, dis, qu'Artefie n'a pu fauver fa foi ôc ,, fon honneur que par ce feul moyen ". En difant cela elle veut fe plonger un poignard dans le fein: ,, Ha! quelle fu- „ reur, s'écrie Segefle en la retenant; 5, cependant à caufe de ta defobéiiïance ,, ce bras pourroit Frappez donc , „ réplique Arcefie , & me donnez la mort. ,, Je pourrois fubir mille morts, avant ,y que de violer ma foi, cette foi que j, vous avez vous-même engagée à Ar- ,, minius. Pendant qu'elle prononce ces paroles , Arminius entre, garde par des foldats. „Oh! s'écrie -t- il, que cette voix char- ,, mante eft une agréable harmonie î Cet- ,, te fidélité incomparable , cette fer- ,, meté d'ame peut adoucir l'efclavage ., même. M Art. Janvier > Février et Mars. 1740. 31^ ,, A R T. Qu'entens-je ? Arminius pris i „ Helas ! ,, A RM. Ah ! charc' Artefie,- tout eft 55 perdu Comme nous tachions de j, pafTerleCamp de Tennemi, nous nous ,, Ibrnmes vus tout d'un coup environnez 5, d'une troupe de Romains. Le généreux -5 Egbert a péri en véritable Germain. r? Tandis que moi, maudite foit cette épee ,.; qui m'a trahi, je vis efclave de Varus. ,, Oui Jâche Romain, jouis de ton triom- ,j phe, de ctt indigne & vil triemphe. ., Eil-ce donc par la perfidie que vous ,: foûmettez vos ennemis? Eft-ce par u- ;-, ne contrainte honteufe que vous gagnez ,, Arrefie? Sont ce -là, ôRome, tesver- ,.. tus & tes manières polies ? i, Va r. Orgueilleux Germain^ ne pro- ', fane pas ainfi par d'injufles reproches ., le nom redoutable de Rome. M A RM. Eh! n' eil-ce pas par un man- ^, que de foi que je fuis détenu ici? ,,-V AR. Eft-ce moi qui t'ai détenu? ., A RM. Qui connive au crime eil te- ^^ nu pour criminel. 5, Var. Ecoute -moi. Prince. Tandis ..; que tu étois prifonnier au pouvoir de V Segefte, j'ai dédaigné de profiter des M avantages qu'on me propofoit. Main- ., tenant que tu es en mon pouvoir, je te ,., ferai connoitre par quelles voyes Ro- .. me eft arrivée à TEmpire du monde. Tquis XJV, Part, IL X „ Sol- 5^0 Bibliothèque Britannique , ', „ Soldats, deliez-le. Artninius, tu es li* « bre. „ A RM. Libre ! Quelle furprife! Et ,, ofes-tu , Romain , faire une adion li 5, hardie ? - ,, Var. Un Roluain, Seigneur, ofe tout „ ce qui n'efl pas lâcheté. „ A RM. Ne penfes pourtant pas que 5, ta générofité m'oblige à m'humilier baf- 5, femcnt. Comme particulier j'admire 5, ton mérite. Mais comme Prince , corn- ,', me Chef des Gerîïialrîs, fçâche, VaruS;, „ que je fuis ton ennemi implacable. „ Var. Je te connois pour tel, ôc ,, c'eft comme tel que je te relâche. Bien 3, plus, quoique dans ce moment je pûfle :,, recevoir Taimable Artcfie des mains 3,- facrées de fon Père , cependant je dé- 5, tefte, aufll-bien que toi, toute con- 3, trainte. San^ fon confentement, ja- •5, mais des vœux froids ëc forcez n'enga- j, geront fa foi à Varus. Vârus ordonne après cela à TuUus, de faire conduire Arminius furement au-de- là du Camp. Segelle,furpris au fuprêmç degré de là conduite du Général Romain, lui dit qu'il pourra bien fe repentir de fa témérité. Non, répond ce Général; jamais on ne fe repent d'avoir fait ce qui eft jufle & droit. Segefte^qui ne connoïc ■ni la vertu, ni la nobleffe d'ame, traite t-'e difcours de parole» vai>aes ôc frivolea; Janvier, Février et Mars. 1746. ^^X & dai}s une efpece d'enthoufiafme;, com- me s'il eût appréhende le reflentiment de l'Empereur, il le conjure de ne lui point imputer les funeftes confequences qui pourront fuivre de ce qu'on a laifTe écha- per une occafion favorable de fe défaire de l'ennemi des Romains, Un Officier de l'armée entre là-deflus^ & crie aux armes] Les ennemis, dit- il i outrez de ce qu'on a faifi leur Prince^ viennent avec impétuolité pour vengef Cet affront. Arrètons-le donc encore, dit Sêgeftc. ,, Non, repond Varus. Le danger qui „ approche ne fait que me confirmer dans ,, ma réfolution. J'en rends grâces aux ., Dieux; c'eit ce que mon cœur déliroiti „ Et vous , belle PrincelTe, ajoute -t -il ,, en s'addrelTant à Artefie, quel que foit ,, le fuccès de la bataille, foyez perfua- 5, dée que votre honneur & votre vertu ,, feront toujours en fureté avec moi. Si ,, ma générofité ne peut me gagner vo-^ r, tre cœur., jamais je n'employerai la „ violence pour vous obtenir. 'Qûe_ la ;, crainte ne vous jette donc pas dans le A, défefpoir; confervez-vous pour i'heù- ,, reux Vainqueur. Allons, Segefte, âl- ,, Ions rencontrer l'ennemi; je fens dans ., mon cœur un preffentiment qui me dit ^ -, que cette Campagne attirera l'attentioft „ de tout le genre humam: ces Champs fë-j V, ront fameux t^ar le5 Guerriers qui f X 2 n pi- 322 Bibliothèque Britannique , „ périront, & feront connus à jamais ,, par le nom de Varus. Dans la première Scène du cinquième .&. dernier Ade, Hermenie, Sigifmond 4& Artefie, paroiiTent, environnez de gar- des fous le commandement de Cerdic. Sigifmond déplore fon fort, d'être forcé d'attendre une mort honteufe , tandis que d'autres meurent glorieufement en combattant pour la Liberté de leur Pa- trie. Hermenie accufe la juftice des Dieux: Eft-ce-là, dit-elle, le fort de l'innocence & de la vertu? Mais bientôt elle fe re- prend: ,, Où s'égarent mes penfees, que j, la crainte rend impies , d'accufer ainfi ,, les Dieux toujours équitables ? Peut- 99 être qu'en ce moment Arminius, armé 3, de leur juftice, & protégé par eux, fe „ venge glorieufement de l'ennemj. Ja- „ mais on ne fervit les Dieux envain. Je 5, vois la fraude & la trahifon fuir de- 99 vant lui: Il vit, il eft victorieux; il 99 vient environné de gloire., 6c chargé }, des dépouilles de Rome. Cette efpérance d'Hermenie ne dure pas long-tems. Sa fuivante Bernicie , qui eft allé s'informer du fuccès de la Ba- taille , revient apporter des nouvelles incertaines , mais capables d'augmenter le trouble & l'inquiétude; il lui femble a- voir entendu ce trifte fon, que Varus étoit vidorieux. Cette nouvelle, toute peu Janvier, Février et Mars. 1740. 323 peu fûre qu'elle eft? jette Artefie , Si- gifmond & Hermenie dans le défefpoir. La feule confolation qui leur refte , c'eft qu'il efl encore en leur pouvoir d'éviter l'efclavage , & en fe donnant la mort, de s'envoler dans ces heureux climats , où la Vertu, protégée par les Dieux, fleurit à jamais. Segefte entre; fon regard feul annon- ce la mort, ,, Traîtres, Parricides, dit- „ il , votre crime eft couronné d'un fuc- 55 ces plus infâme & plus affreux encore. „ Arminius, terrible comme le Dieu de „ la Guerre, répand la terreur & la dé- ,, folation par-tout ; à peine Varus peut- ,, il foutenir le choc. Mais vous, Perfi- „ des, le deflin vous referve à éprouver ,, la juflice de Rome offenfée ". Il veut les conduire à Rome; envain Hermenie le follicite-t-elle de leur donner plutôt la mort fur le champ. Il alloit exécuter fon deiïein , lorfque Varus bleffé & foute- nu par Tullus entre : après avoir déploré ie m.alheur de Romie , ce Général dit , que n'ayant aucun moyen d'échaper au Vain- queur, il vient mourir aux pieds d'Arte- fie. Il lui fouhaite toute forte de bon- heurs. ,, Puifllez-vous vivre , lui dit -il, ,, pour rendre heureux cet Amant favo- ,, ri que les Dieux vous deflinent ! Plût „ au Ciel que c'eût été-là le fort de l'in- 5, fortuné Varus. Mais tous les fouhaits o font déformais fuperflus. Privé de X 3 ,> vous. 324 Bibliothèque Britannique , ^', vous, déchu de fa gloire, vaincu par 55 un Rival, Varus eft malheureux, mais 55 toujours Romain ". Là-deffus il fe poi- gnarde. Artefie le plaint : fon fort méri- te qu'elle répande des larmes. Pour- quoi a-t-il par fon défefpoir prévenu la clémence du "Vainqueur ? >^ Sa clémen- ^5 ce ? dit Segefle ; non , il a prévenu fon aj orgueil brutal, fon infoience & fâ i, cruauté. Varus , tu es en fureté , à :,, couvert de toute infulte. Tandis que 55 moi, la feule penfee me remplit d'in- i, dignation, faut-il que je me foûmette 55 au fier Vainqueur? Non, tu m'enfei- 55 gnes , Varus , ce que je dois faire : ani- 35 mé par ton exemple, je veux agir en 55 Romain. Je te fuis , Varus. Mais pour 55 m.e venger, je veux premièrement of- 35 frir en facrifice à t:on Ombre illuflre ,5 le fang de ces Traîtres; 'le mien cou- 3, lera avec lui'; & l'orgueilleux Vain- 55 queur ne jouira que d'un tnfle triom- :,5 phe. Gardes, frappez, & que je tom- :>, be avec gloire — - Ha ! Qu'ell ceci ? ji Pourquoi demeurez-vous immobiles ? j5 Suis-je votre Roi, (Sj vousTefiifez dç ^5 rn'obeir ? Ce Cbnt-là de tes coups , Fortu^ 05 ne perfide & ennemie ! Si les Lauriers 5, av^oient orné mon front, ces mêmes ef- 9, claves, qui méprifent maintenant mes j,5 ordres, aurozent rampé baflcmeiit de- 5, vaut n:oi. ' Ne penfez pourtant pas e- ,, chaper : ce bras fe vengera lui-même. / :" "' ' " ' ' tj'Mais> Janvier , Février et Mars. 1740.325 5, Mais, Dieux! Le Vainqueur vient. Se- ,^ geite , il ne te refle donc plus d'autre „ parti à prendre " ? Il veut fe tuer, rnais Sigifmond le défarme. Segefte au défefpoir, prononce mille malédidions contre fon tils, 6c voyant entrer Arminius : ,» Viens , Prince fier 6c ,> cruel, lui dit -il, c'eft à toi maintenant ,j qu'apartient le droit de commander. . . . „ Je fuis prêt à foutfrir tous les maux „ que tu me prépares Frappe-moi 99 dans ce moment ; délivre-toi d'un en- 99 nemi , qui t'ayant offenfé doit te haïr 99 toujours. „ Arminius. Oui, tu m'as offen- 99 fe, mais je Cçais pardonner; je te don- „ ne la vie. Mais ce n'ell pas à moi que „ tu en as l'obligation, c'eft à l'amour ,9 que j'ai pour ta fille, à l'amitié que j'ai 55 pour ton généreux fils. II2 font main- ,, tenant tes Protedèurs , bien plus quç >9 cette Rome tant vantée. C'ell envain 99 que tu as compté fur Varus , & fur fes 9> Légions vaincues; c'eftplus vainement 9, encore que tu as fondé tes efpér^nces ,, fur la fraude 6c fur l'artifice. La gloi- 9, re ne s'acquiert point par la fraude. 55 La Vertu feule procure une réputation 99 durable ; elle feule conduit à la Gloi- „ re , à la Paix, à un bonheur canilant. ,, TuUus, tu es libre. Prens foin des ,i honneurs funèbres de Quintilius. C'eil >, un devoir qu'un cœur noble ne refu- X 4 ■ „fa 326 Bibliothèque Britannique, „ fa jamais à un homme illuflre: le Con- „ quérant même doit des larmes aux Ma-- ,^ nés d'un généreux ennemi. Segefle admire la grandeur d'ame d'Arminius; il rend juflice à fon mérite. S'il eût été plus homme , plus vindicatif, Segefle auroit triomphe dans fa ven- geance. Segefle fort; Arminius ordonne àCer- dic de prendre foin de lui. Artefie , quoi- que ravie du fuccès de fon Amant, fe fent vivement touchée de l'état où elle voit fon Père ; elle veut voler à fon fe- cours, pouradoucir fon angoilTe, & tran- quilhfer le trouble de fon efprit. Armi- nius dit que fes foins, avec ceux d'Arte- fie & de Sigifmond , rétabliront la paix dans l'ame de ce Vieillard, & qu'avec le tems ils le ramèneront a la Vertu. Il finit la Pièce de cette manière. „ Viens „ donc, Artefie; bannis maintenant tov.s t, tes chagrins; jouis du bonheur que „ les Dieux bienfaifans t'envoyent. Que „ mon état hier étoit trifte & défefperé ! „ Je voyois ma patrie fur le penchant de ,> fa ruine; en te perdant je prévoyois M la perte de tout ce qui eft cher à des 9) cœurs généreux & libres. Mais l'heu- „ reux événement prouve enfin, que qui „ fauve fa patrie, affure fon propre f, bonheur. Cette Pièce fe fait certainement lire avec plaifir: les Vers en font aifez & cou- Janvier, Février et Mars. 1740.327 coulans.. Les figîires, quoique peut-être quelquefois^ trop hardies pour les étran- gers , ne le paroilFent pas tant aux An- gloiS;,quiy font accoutumez. Les ca- ractères y font affez bien foutenus, & tous vertueux, excepté celui de Segefte. On trouvera peut-être qu'il y a un peu d'affedation dans celui-ci, qui lorfqu'il veut tuer fon fils Sigifmond, prétend imi- ter Brutus l'ancien. Mais il faut fe fou- venir que Segefle veut paroitre Rom.ain en tout, afin qu'on ne croye pas que fa jaloufie contre Arminius foit la feule rai- fon qui l'ait engagé à fe déclarer pour Rome, comme Quintilius le lui reproche indireclement. Il y a dans le caracTière de Quintilius Varus quelque chofe qui choque. Ce neft pas fon amour pour i^rtefic. Il ne feroit pas le premier Romain qui auroit aimé une Princefie barbare. C'eft la réfolu- tion où il eft de l'époufer, ce qui efl en^ tierem.ent éloigné "des mœurs des Ro- mains. Enfin nous croyons avoir trouvé que la Pièce languit un peu durant les deux premières Scènes du dernier Ade. Quel- que beaux, quelque religieux même que foient les Difcours qu'y tiennent les Adeufs , le Spectateur, ou le Lcdeur, impatient de fçavoir le fuccès de la Ba- taille qui fe donne , ne fçauroit y faire beaucoup d'attention. X 5 AR- 328 Bibliothèque Britannique, ARTICLE IV. A Difcourfe on Ancient and Modem ' Learning , by the late Rigt Honou- rable Jofeph Addifon, Efq. Now firs't publifhed from an original Ma- nufcripc of Mr. Addifon's prepared and correded by him felf. C'eft-à- dire : Difcours fur la Littérature An- cienne Ê? Moderne y par feu Mr. Addifon^ Publié d'après le Manufcrit original de f Auteur^ corrigé par lui-même,' Lon- dres. Chez T. Osborne. 1739. S'il faut en croire k Libraire qui a publié ce Difcours & qui parte fans intérêt. Mr. Addifon Pavoit dcftiné à Vimprefpon. Ainfi il ne fait que fuivre fon intention en le don- nant au Public. Comme ce Difcours nefl pas long £5* que les Ouvrages du célèbre Addifon y eftimez de tout le monde, ontprcfquc tous été traduits en Fran- çois, nous croyons faire plaifir aux Leâeurs d en donner ici la Traduâiœi. On trouve dans ce fiécle beaucoup d'Admirateurs de l'ancienne Littéra- ture, qui jugent d'un Auteur CJalÏÏque avec beaucoup de goût , 6c en fçavenr d'jcouvrir les beaux endroits , autaîjt qu'il cil pofllbic à une il grande diflance de tenas. Janvier, Février et Mars. 1740. 329 cems. Ceux qui aiment cette forte d'é- tude, feront peut-être bien-aife d'exa- miner avec moi, Û les Contemporains i^ les Compatriotes de nos vieux Auteurs trouvoient dans leurs Ouvrages plus de plaifir que nous n'y pouvons trouver ; ëc en même tems, fi lés Modernes n'ont pas Cet avantage qui leur efl particulier, ç'eft qu'ils y apperçoivent plufieurs beau- tez qui échapoient aux Anciens' ^ & qui doivent leur agrément à l'Antiquité? Le premier & le grand avantage que les Anciens avoient fur nous, c'efl qu'ils fçavoient, fi l'on peut dire ainfi, l'Hifloi- re fecrete d'une Conipojlticn; par exem- ple , ils fçavoient à quelle dccafion tel Au- teur avoit écrit tel Poème, far qui cer- tain trait portoit, quelle perfonne étoit déguifée fous tel caractère &c. Par le rnoyen de ces découvertes ils pouvoient envifager leur Auteur fous dif- ferens points de vue, & un même paflage pouvoit les charmer à plufieurs égards ; au lieu que nous autres Modernes, nous ne nous fatisfaifons que de ce qui nous paroît renfermer de 1 efprit 6z du bon- fens, & qui, par rapport à nous, eil dé- pouillé de ces circonftances accidentel- les qui fervoient d'abord à le faire valoir. Nous ne le regardons que dans un féal point de vue, & nous n'y voyons que ces agrémens eiléntiels oc durables que le tems ne fçauroit altérer. ' . 3* 330 Bibliothèque Britannique, Je ne doute point qu'Homère, qui dans la diverlité de fes caractères a pafTé de bien loin tous les autres Poètes, n'ait eu en vue plufieurs perfonnes qui vivoient de fon tems , du moins dans la plupart de fes caradères. La defcription qu'il fait de Therfite eft û particulière, & mar- que un homme fi méchant, que je crbi- rois volontiers qu'il vouloir défigner par- là un de fes ennemis particuliers, ou un Ennemi de la patrie ; tandis que fon Nef- tor nous donne l'idée d'un Vieillard véné- rable & bon patriote. Le perfonnage de Paris repréfentoit peut-être un jeune Da- m.o.ifeau, & celui d'UiyiTe un rufé Poli- tique. Par le caractère de Patrocle , il vouloit peut-être faire l'éloge d'un Ami célèbre, & par celui d'Agamemnon, fai- re le portrait de quelque Prince lier & majeflueux. Ajax, Hedor & Achille, font tous dépeints comme vaillans , mais avec des couleurs û différentes, qu'ils caraâiérifoient peut-être les différen- tes efpeces d'Héroïfme qu'Homère avoit obfervé dans quelques-uns de fes Con- temporains. L'Hilloire de fa Vie nous apprend du mioins, que par fon Poëme il cherchoit à fe faire des Protecteurs ; & il eft très-probable qu'il crut cette mé- thode très -convenable pour s'infmuer dans les bonnes grâces de quelques par- ticuliers; de même que dans tout fon Poëme fon deffein avoit été de faire en gé- néral Janvier, Février ït Mars. 1740.331 néral une efpece de Compliment à fa pa- trie. Et pour nous aflTurer que ceci n'efl pas une limple conjedure, la Relation qu'on nous a laiiTée de^ la Vie d'Homère , marque qu'il avoit inféré dans fon Poè- me , les noms mêmes de quelques-uns de fes Contemporains. Tychius & Mentor y font célébrez entr'autres d'une ma- nière très-particulière. Le premier étoit un honnête Savetier, qui avoit rendu de bons fervices au Poète. Homère, par re- connoiffance , l'élevé au rang d'Ouvrier célèbre, qui faifoit les Boucliers d'Achil- le. L'autre étoit un grand homme de rille d'Ithaque, qui, à caufe de fa fageiïe & de la protection dont il honoroit Ho- mère, tient un rang fi honorable dans rOdyffée, où il accompagne Telemaque dans fes voyages. Sa prudence lui acquit une fi grande réputation , que Minerve prit fa forme lorsqu'elle voulut fe ren- dre vifible. Themius étoit le nom du Maître d'Ecole d'Homère ; mais on voit clairement que fous ce nom le Poëte a voulu dépeindre fon propre caraclère, lorfqu'il le repréfente Favori d'Apol- lon, privé de la vue, & accoutumé à chanter les nobles exploits des Grecs. On peut fuppofer que Virgile a auiîl dans fon Poème, certaines vues parti- culières , que nous ne faifiilons pas , parce que nous fommes trop éloignez de fon 532 Bibliothèque Britannique; fon fiécle : mais pour ce qui regarde Jes caractères de ceux qui vivoient de fon tems, je n'en ai pas tant à dire que j'ai fait en pariant d'Homère. En effet, il ell très-fterile dans cette partie de fon Poè- me, & il a bien peu varié les caradères de fes principaux perfonnages. Son Enée cfl un compofe oe valeur & de pieté. Achate a foin de fe nommer fon ami ; mais on ne voit pas qu'il faififfe les oc- cafions de montrer qu'il l'ell véritable- ment. Mneilhée, Gyas, Sergefle & Cloan- the, font tous marquez au même coin. — Fortemque Gyam, fortemqué Cloanthum, D'ailleurs Virgile étoit un Auteur fi délicat, que vraifemblablement il n'au- roit pas cru faire affez d'honneur à Au- gufte, s'il avoit, pour ainfi dire, jette fes cloges à la tête de fes prmçipaux perfon- nages , & s'il avoit fait fa cour à d'autres qu'à Augufte. S'il avoit eu ce delfein. Agrippa méritoit à jufle titré la féconde place ; & s'il avoit introduit fitr la fcene un Reprefentatif d'Agrippa, Enée auroit peu brillé ; ce qui n'auroit pas été fort honorable pour Augufle repféfenté par Enée. Par confequent fi Virgile dans fes caradères a crayonné quelques grands hommes outre Augufte, on les trouvera feulement dans les Adétlrs fubalternes àt fci>n Poème , comme par exemple parmi Janvier, Février et Mars. 1740.335 ceux qui fe difputent l'honneur d'une pe- tite vidoire au Livre cinquième , & peut- être dans quelques autres endroits. Je ferai feulement mention d'Iopas, Mufi- cien & Philofophe, qui fe trouvoit au feftin de Didon. Je m'imagine que Vir- gile par-là a voulu faire honneur à quel- que Maitre célèbre, car il me femble que l'épithète crinitus , que Virgile lui don- ne", eft û étrangère au fujet , qu'il faut qu'il ait voulu repréfenter quelque per- fonne particulière, qui peut-être (pour fuivre une conjecture un peu vague,) ctoit un Muficien Grec, refidant aïors à Rome : parce qu'outre que les Grecs é- tbient les meilleurs Muficiens & les meil- leurs Philofophes du monde , la termi- naifon de fon nom apartient à leur lan- gue , & que l'épithète crinims eft la même (x^pv^xo/xucuvrcç) qu'Homère donne en général à fes compatriotes. Pour faire voir combien nous avons perdu à cet égard, que l'on compare le piaifir que nous autres, qui vivons dans ce Siècle, avons trouvé dans la ledure du Poème de Dryden, intitulé Abfalon & Achitophel, avec celui qu'un Ledeur Anglois y trouvera dans cent ans d'ici, lorlque les figures des perfonnages que le Poète avoit en vue ne fe préfenteronr plus vivement à l'imagination. Rien n'eft plus délicieux que d'examiner deux ca- radères oppofez l'un à l'autre dans tout le 234 Bibliothèque BRiTANKTQtfE> le cours du Poëme, de comparer trait avec trait , de découvrir une reflemblan- ce délicate dans chaque coup de pinceau, éz de ren^iarquer les endroits dans lef- quels la copie manque ou atteint rOriginal. Le Lecleur, efl charmé de faire pour ainll dire une nouvelle con- noiiTance, quis'accroitpasdegrez dans fon imagination; car tandis que l'efprit s'oc- cupe à appliquer chaque trait particulier, êc à ajufcer les différentes parties de la defcription, il n'eft pas peu fatisfait de fes découvertes, & refient à-peu-près le même plaifir qu'un Auteur goûte en comxpofant. Ce que nous avons dit d'Homère & de Virgile, peut s'appliquer aux anciens Saty- dques & aux Auteurs de Dialogues, 6z particulièrement de Com.edies. , Au- rions-nous compris quelque chofe aux Kuees d'Ariflophane , fi lui-mêm.e n'eût appris quel perfonnage il vouloit tour- ner en ridicule dans cette pièce ? Et il y a lieu de croire que nous la goûterions davantage, û nous fçavions le cleircin de chaque caradère, & ie fens fecrct de cha- que période. L'Hiftoire même clt fou- vent defedtueufe à cet égard , iorfque l'Au- teur n'entre pas dans le détail des cir- conflances qui fervent à Téclaircir; car la Tradition, qui étoit d'abord un Com- mentaire de l'Hifloire , eft à préfent en- tièrement perdue, 6c il ne rcftc pour rin- Janvîer, Février et Mars. 1740, 335 Findrudion de la pofterité que ce qui eft écrit. Je pourrois m'étendre fur ce'fujet, fi je ne craignois d'ennuyer le Leâ:eur. Je me contenterai donc d'alléguer Théo- prirafte, qui, félon toutes les apparences, dans les Caraélères qu'il nous donne des paiïlons & des vices , a voulu dépeindre plufieurs de fes contemporains. Ce qui m'engage à le croire , c'eft qu'on remar- que dans la plupart de fes Caractères quelque chofe qui paroît étranger à fon fujet, & une folie d'un autre genre, mê- lée avec celle qui faifoit le principal fu- jet de fon Difcours. Il femble qu'il aie la vûë tellement fixée fur la perfonne dont il décrit le foible , que d'autres cir- conilances de fa conduite , différentes de celles qu'il fe propofoit de repréfenter, s'inûnuent d'elles-mêmes dans fon efprit^ & fe glifTent infenftblement dans le Cs- raftère principal. Il lui étoit difficile d'extraire pour ainfi dire une feule folie de toute la malTe, fans y lailFer quelque mélange : de forte que le vice particulier qu'il veut décrire, ne paroit pas tout-à- fait peint avec précifion=: &fon Difcours, femblable à un verre placé pour rece- voir l'image d'un feul objet , nous en don- ne bien une vive reflémblance, mais nous fait voir en mèmQ tems une peinture confufe des endroits qui environnent cet obier. Tome XIV. Pan. Il, Y Ccmi- 336 Bibliothèque Britannique / Comme les Anciens avoienc l'avantage fur nous, de connoitre les Perfonnes que leurs Auteurs avoient en vue, ils avoient outre cela celui de voir fouvent les Pein- tures & les Images qui font fi fréquem- ment décrites dans plufieurs de leurs Poè- tes. Lorfque Phidias eût fait la Statue de Jupiter, ôz que les Spectateurs pa- rurent furpris à la vûë d'une figure û majefiiueufe & qui imprimoit du refped^ illcs furprit encore davantage, en leur diiant que c'étoit une copie, & pour juftifier ce qu'il venoit de dire , il leur montra Toriginal dans cette magnifique defcription de Jupiter qu'on trouve à la fin du premier Livre de l'Iliade. La com- paraifon de la Srat'je avec la defcrip- tion d'Homère, decouvroit vraifembla- blement des grâces fecretes dans toutes les deux , & y faifoit remarquer de nou- velles beautez. 11 en eft de même dans le premier Livre de l'Enéide, où l'on re- préfente la Fureur prifonniere & enchaî- née dans le Temple de Janus. Furor impius intùs Scsva fedens fuper arma , ^ centum vin^ âiis abenis Pojî tergum nodis , frémit borridus ore cruento. Quelque plaifir que nous donne une def- Janvier, Février et Mars.. 1740. ^^7 defcription !i merveilleufe , n'en doutons pas, elle en donnoit bien davantage à ceux qui pouvoient comparer le Poëte avec le Statuaire, &voir qui avoit expri- mé plus d'iiorreur & de rage dans fa fi- gure. Mais nous autres Modernes, nous fommes li peu au fait de cette forte de plaifirj que nous prenons quelquefois la defcription d'un Tableau pour une Al- légorie, & que nous ignorons âbfôlu- ment qui le Poëte avoit en vue. Juve- nal remarque, qu'un Flatteur n'héfitera pas de comparer des épaules foibles avec celles d'Hercule, lorfqu'il fouleva An- thée de terre. Cette com.paraifon pa- roitra peut-être forcée & peu naturel- le , faute de Commentaires qui expliquent ce paifage. Mais qu'il dev^oit être plein de feu & d'efpfit, fi nousfuppofons qu'il faifoit allufion à quelque Statue remar- quable de ces deux Champions , qui étoit élevée dans une place publique! On voie encore à Rome une Statue fort antique, qu'entortillent deux Serpens de mar^ bre,& reffemblant fi fort à la poilure & à la fituation de LaoCoon , que nous pou- vons être fûrs que Virgile Fa emprunté du Statuaire, ou que le Statuaire l'a co- pié d'après Virgile; & fi le Poëte étoit le Copifle, c'étoit une grande douceur pour un Romain, de voir une Statue fi ctlebre, furpalTée dans la defcription da Poëte. Y 2 Je 338 Bibliothèque Britannique ;, Je pourrois m'étendre beaucoup fur plu- fieurs coutumes dont on a perdu le fou- venir, & auxquelles les Auteurs anciens faifoient fouvent allufion, particulière- ment fur plufieurs exprefiions de leurs Poètes contemporains ;, qu'ils avoient en viië probablement , quoique nous ne foyons point au fait de cette efpece de Parodie. C'efl ainli qu'Qvide commen- ce le fécond Livre de fes. Elégies par ces deux Vers : Hac quoque fcribebam Pelignis hiatus aquojts , I L L E EGO mquiîïœ Nofo Poëta me^. Je ne veux pas agiter ici la queftion, fi les quatre Vers qu'on a mis au com- mencement de l'Enéïde^ lUe ego &c. font véritablement de Virgile ^ miais je fuppo- fe un moment qu'ils le font , & dans ce cas j'ofe dire qu'Ovide y faifoit allufion , & je crois que tous les Lecteurs convien- dront, que l'agrément qui fe trouve dans ces Vers efl beaucoup augmenté par cetr te allufion , à caufe du contrafle qu'il y a entre la Relation d'une Avanture amou- reufe qui commence par un lîîe ego, êc la Préface d'un Poème Epique. On pour- roit faire des conjectures infinies fur ce • fujet, & quoique fouvent elles puiifent être mal fondées, cependant elles amu- fent agréablement le Ledeur, ôc répan- dent Janvier , Fevuier et Mars. 1740. 53^ dent quelquefois du jour fur les endroits les plus obfcurs & les plus difficiles. Mais de tous les Ouvrages des An- ciens, ceux qui font pleins de ce que nous appelions * Humeur, auroient le plus de befoin d'un bon Commentaire, fur -tout lorfque cette humeur confifte dans une efpece de jargon, & dans des tirades de phrafes particulières. Il eft vrai que dans piufieurs endroits, à l'aide d'un bon Com- mentateur, & par la connoiiTance des Coutumes & de la Langue d'un Pais , nous pouvons remarquer que certains paffa- gcs (ïnn Antenv i'ont pi ai/ans , & qu'il tire fa Métaphore de quelque coutume ridi- cule: mais il faut avouer qu'un Ledleur moderne, quin'eft pas familiarifé avec les exprelTions & les idées de cet Auteur , ne fent pas toujours fes bons mots. Ses plai- fanteries lui paroiflTent fouvent foibles ou fades , parce qu'il n'efl pas au fait de ce qui a donné lieu à fes expreflîons. C'eft ainli que nos Commentateurs mo- dernes , voulant pafTer pour Purifies , af- feclent fottement d'imiter le Latin de Terence & de Plaute, & confondent le ilile férieux avec le ftile badin & comi- que. * Le terme d'Humour en Anglois ne fçauroie bien fe rendre en François. Les Anglois enten- dent par ce terme quelque chofe où il encre de renjoùment , du fel 6c de l'original. V :> §40 Bibliothèque Britannique, que. Vous verrez «quelquefois un grave Pédant plaifanter, dans le tems qu'il veuc être férieux, & débiter des vétilles, lors même qu'il afpire au flile fublime. Les Anciens qui étoient contemporains de leurs Poètes, goùtoient outre cela un plaifir dont nous femmes privez. Ils vi- voient dans les pais dont il efl fait û fouvent mention dans leurs Ouvrages. Leur demeure avoit donné fujet aux fcénes qui font repréfentées dans l'Enéi- de. Ils découvroient leur patrie dans Homère, & voyoient tous les jours la montagne ou le champ, où les avantures que le Poète décrit s'étoient paiïees. Plu- fieurs d'entre eux fe promenoient fou- vent fur le mont Helicon , ou fur les bords du ParnafTe & connoiflbient, pour amfi dire les retraites des Mufes. De forte qu'ils habitoient pour ainii dire une Ré^ gion enchantée, où tous les objets qui s'ofFroient à leurs regards paroiifoient Romancfques , & fourniiToient mille idées agréables à leur imagination. C'étoit un grand plaifir pour un Romain qui con- îioiiToit les Caps & les Promontoires de l'Italie , de trouver dans l'Enéide les ori- .gines de leur différens noms , tirées de Mifene, de Palinure & de Gayette. De cette manière il pouvoit fuivre k Poète & fon Héros dans toutes fes courfes. ConnoifTant;, par exemple, le lac Amfain- it dans lequel la Furie fe précipita, il ■- vous Janvier, Février et Mars. 174Q. 341 vous auroit pu montrer du doigt l'auire par où Enee defcendit dans les e.ifers; 6c cette connoilTance des lieux, frappant l'imagination, devoit les réjouir, & ré- pandre un air de vériré fur tout le Poè- me. Leur pais fembloit leur confirmer l'avanture racontée par le Poëte, & les àidoit à fe faire illufion. Qu'on confidere ce paiïage du Livre huitii m^ de VEnéï- de, où Enéefait connoiiTa cj avec Evan- dre, qui lui montre le plan de ce terrein qui dans la fuite des tenis f^rvit de fon- dement à Rome, la maicrelfe du monde. L'Hifloire de Cacus, que le Poète rap- porte là au long, étoit vraifemblablement fondée fur quelque Tradidon ancienne ëc confufe touchant cette place ; & û ce- la eft , elle devoit donner une double fatisfaftion à un Romain, qui pouvoit remarquer qu'elle avoit été bâtie d'a- près une defcription Poétique. La car- te de l'endroit qui devint dans la fuite des tems le fiége de Rom^e, devoit plaire extrêmement à tous ceux qui vivoient dans cette Ville, & qui pouvoient remar- quer tous les changemxens qui s'étoient faits dans l'enceinte d'un auilî petit terrein. Je tranfcrirai ici deux paffages qui m'ont toujours paru d'urne beauté ini- mitable, & je laiilérai aux Ledeurs à juger , s'ils ne dévoient pas faire im.prellîon ïur un Romain qu; ayoit tous les jours y 4 devant 342 Bibliothèque Britannique, devant fes yeux l'afpeâ: du Capitole & de la Place publique. Hinc ad Tarpeïam fedem 6f CapitoUa ducit Aurea nunc , olim filveflrihus horrida dums, jfam mm Religio pavidos terrehat agrefles Dira tociy jam tum Jtlvam faxumque tremt- bant. Hoc nemus, hune, inquit, froîidofo venics collem QuixDeuSf incertum ejl , habitat jDeus, Ar- cades ipfum Credunf fe vidijje Jovem : cùm fcepè ni- grantem JEgida concuteret dextrd, nimhojque cieret. Et enfuite Ad teâa fubibant Pauperis Evandri, pajjlmque armenta vide- bant Romanoque foro , 6* îautis mugire carinis. Il y a une autre circonftance qui ren- doit Virgile & Homère plus agréables à leurs Compatriotes qu'ils ne le paroif- fent aux Modernes, c'eil qu'ils choiiif- foient leurs Héros parmi leur Nation. & Ear-là ils chatouilloient la vanité d'ua ,eâ:eur Grec ou Romain, quiprenoient, pour ainfi dire le parti de ces Héros. Leurs heureux fuccès redoubloient leur piaifir; les endroits touchans les ejnouvoient extré- Janvier, Février et Mars. 1740, 343 extrêmement, en un mot, ils prenoient un tout autre intérêt à tout le Poëme qu'ils n'auroient fait fi la fcéne avoit été dans un autre pais , & fi le Héros avoit - été un étranger. Je ne doute pas que les habitans d'Ithaque n'ayent préfère l'O- dyfTée à l'Iliade, & que les Mirmidons n'ayent été fiers de leur Achille. Ceux' de Pylos fçavoient vraifemblablement par cœur les fages difcours de leur Neftor : àc nous pouvons croire que les compa- triotes d'Agamemnon ne tiroient pas u- ne petite gloire de fa fupériorité fur tous les autres Rois qui avoient conjure la perte de Troye. Un Anglois ne lira pas avec le même ravilTement ces fameux Poèmes. Je remarque en paiTant, que no- tre Milton a été plus heureux dans le choix de fes deux principaux Perfonnages , que tout autre Poète quel qu'il foit. 11 a obli- gé par -là tout le genre humain, & nous remarquons en eux non feulement nos Ancêtres, mais même nos Repréfenran?. Nous avons réellement part à toutes leurs Avantures , & un intérêt perfonel à leurs bons ou à leurs mauvais fuccès. Notre bonheur ou notre malheur éternel dépend de leur conduite. Par confequent tout Lecteur doit lire avec attention , & une efpece d'émotion , un Poëm.e fi intc- reffant. Les Orateurs anciens dévoient enco- re piau'e infiniment à leurs Compatriotes. Y 5 Cha- 544 Bibliothèque Britannique, Chaque ville regorgeoitde Rhétoriciens, & toutes leurs Aflemblées étoient remplies d'Orateurs; de forte qu'ils étoient tous parfaitement bien verfez dans les régies de ia Rhétorique , & fçavoient peut-être plufieurs fecrets de cet art qui leur faifoient voir dansDemoflhène & dans Ciceron des beautez qui ne font pas encore décou- vertes par les Modernes : & c'eil à cette fcience que j'eflime , qu'il faut attribuer ce grand pouvoir qu'avoit autrefois l'Art Oratoire fur les efprits du peuple; car dans toutes les fciences^, ceux qui les en- tendent le mieux, font plus touchez aufli de leur perfection. Or ceux qui gouver- noient l'Etat dans la Grèce auflî-bien qu'à Rome, cntendoient à fond l'art de l'Elo- quence. Ils fçavoient goûter avec tranf- port une expreiïïon noble : ils étoient ra- vis d'une période bien tournée , & char- mez d'un raifonnement poulTé avec fa force. Ils fçavoient quelle imprelîion un tel pafTage pouvoit faire fur les efprits , & en Tadnîirant il acqueroit infcnfiblement le mouvement tel que l'Orateur le pou- voit fouhaiter. Les palïïons s'excitaient en eux fans qu'ils s'en apperçûfient, lorf- qu'ils confideroient combien certaines pa- roles étoient capables de les exciter. C'eil ainn que ia force de l'Eloquence de Ciceron étoit admirée par Céfar, qui peut-être l'entendoit le mieux; & Ci- ceron lui-même etoit û fort charmé de De- jAN^VIERjFEyRIER ET MaRS. I74O. 345 Demoflheîie ^ que lorfqu'pn lui demanda quelle de fes Harangues il ellimoit le plus , il répondit , c^ej} la plus longue. Mais dans le fiecle où nous fommes, le genre humain en général ell fi peu tou- ché des charmes de l'Eloquence , que Ci- ceron lui-même, qui autrefois fçavoit ame- ner à fon but les maîtres du monde , s'il venoit à revivre, & qu'il eiit à parier devant une AlTemblee moderne , ne pourroit pas, avec toute la pompe 6: le feu de fon éloquence, gagner à fon parti un feul membre, j'avoue que de tout tems le Vulgaire a été également touché par les traits d'une faulfe Rhétorique^ mais ce n'efl pas de ce Vulgaire ignorant que j'entreprens la défenfe. La dernière circonflance qui faiCoit que les Anciens prenoienr plus de plaifir à lire leurs Auteurs que nous n'en fçau- rions prendre, c'eft cette connoilTance qu'ils avoient du Ion & de l'harmonie de leur Langue , & dont les Modernes n'ont qu'une très -imparfaite idée. Nous trouvons que, même en fait de Mufique, différentes Nations ont diiferens goûts, diées, iigurent mal dans un Ouvrage, après qu'elles font adoptées dans le Dii^ cours familier, & paroiffent communes à l'oreille accoutumée àles-entendre. L'U^ fage 348 Bibliothèque Britannique:, fage les avilit , & elles contradent une efpece de balieiTe en pafTant û fréquem- ment par les bouches du Vulgaire. C'elt pour cette railon que nous trouvons fou^ vent quelque chofe de bas dans le ftile de nos meilleurs Auteurs Anglois, tandis que nous n'en appercevons pas dans les Anciens , parce que leurs Langues font mortes, & ne font plus d'ufage dans nos Converfations familières. Ils ont perdu leur groiïïereté & leur fimplicité primitive , & fe préfentent à nous dans l'éclat & dans la fplendeur d'étrangers. Nous n'avons pas lié une familiarité af- fez intime avec eux : nous n'avons trou- vé leurs exprefîions que dans des Livres, & cela encore dans des occafions férieu- fes; c'efl la raifon pourquoi nous ne trou- vons rien de léger & de bas dans les idées qu'ils nous donnent , ainfi que ceux qui s'en fervoient dans leur langue maternel- le pouvoient facilement s'en apperce- voir alors. Si nous confiderons les Poè- tes Latins dans ce point de \^ûé, nous avons lieu de préfumer, qu'Ovide dans fes Métamorphofes, & Lucain dans plu- fieurs endroits de fon Poëme, ont gran- de obligation à leur antiquité , & paroî- troient bien médiocres fans elle. Tirez leurs Vers de leur cadence , & vous re- marquerez qu'ils tombent dans une Pro- fe balTe. Claudien & Stace au contraire, voulant s'écarter de la route commune, emba- Janvier, Février et Mars; 174^-349 embarairent leurs Vers d'épithètes inu- tiles , ôc par des expreiÏÏons forcées & peu naturelles enflent tellement leur fli- le, qu'il dégénère en Phébus, & qu'on a bien de la peine à démêler le fens au tra- vers de l'embaras de leurs grands mots. Virgile , & horace dans lés Odes , ont te- nu le milieu entre ces deux extrêmitez, & ont trouvé l'art de rendre leurs ex- prelHons fublimes & naturelles tout en- femble. Aufll la remarque que nous a- vons faire ne les regarde pas ; car qu'on réduife leurs Vers en Profe, on trouvera toujours tant de beautez dans les Métaphores, dans les Figures & dans les Epithètes, qu'elles font trop majef- tueuies pour la Profe , & qu'elles nous donnent l'idée de ces Ruines d'Edifices fuperbes, où vous voyez des Colomnes, des Obelifques, & des Statues défigurez & cndéfordre, mais qui vous repréfententla magnificence en confufion. Comme nous ne fommes pas choquez des Idiotifmes bas d'une Langue morte , de même nous ne fentons pas les mots familiers dont elle fait ufage , & c'eft ce qu'on peut remarquer dans les Noms des Perfonnes & des Lieux. Nous trouvons dans nos Auteurs Anglois, combien le Nom propre de quelqu'un de nos Com- patriotes fait torr fouvent au ftile, & jette de la baiTefTe fur le Difcours. Car nos oreilles y font fi fort accoutumées, que 2'50 BiBLioinEQUE Britannique, que le fimple fon de ce nom reveille en PxOus l'idée de quelque chofe de bas & de commun, & nous paroît incompati- ble avec la pompe du ftile. C'eft pour cette raifon que les Auteurs de Poèmes <& de Romans, prennent fouvent la li- berté d'niventer de nouveaux noms pro- pres , ou du moins choififient ceux qui ne font pas connus dans leur Païs, & trouvent ainii moyen de foutenir la gran- deur & la m.ajefté de leur ftile. Or les NomxS propres des Anciens font le même eî^tt fur nous que ceux des Romans, parce que -nous ne les rencontrons que dans des Livres. Caton, Pompée & Marcellus fonnent auili bien à Toreille qii'Agamemnon, Heftor & Achille; & c'eft pourquoi, quoiqu'ils ayentpû Tonner mai à- un Romain qui entendoit une Ha- rangué, de Ciceron, ils ne font point le même effet fur un Anglois. Ce que je viens de dire peut nous rendre raifon 5 ^urquoi Virgile, en faifant mention des Ancêtres de ^rois nobles Familles Ro- maines, change les noms de Sergius , Memmius ai Cluentius, trop bas peut- être peur fon Poème, en ceux de Ser- gefte, Mneftbée & Cloanthe , quoique 5es trois premiers foientauflî fonores pour rous que les autres. Quoique les Poètes ufaiTent de cette liberté par rapport aux noms propres, & qu'à cet égard ils euilen: de l'avantage fur Janvier, Février et Mars. 1740. 351 f^ar les Auteurs en Profe, ils étoient tous deux fous la même obligation par rap- port aux noms des lieux, qu'ils ne pou- voient pas changer. Car il n'y a point de Géographie particulière pour les Poè- tes ; les noms des Rivières font les mê- mes & en Profe & en Vers ; & les Villes & les Provinces des Romans ne diffèrent pas de celles de THilloire. Le nom d'un méchant périt Village devoit donc fon- ner mal à l'oreille de tous ceux qui le connoiiîbient, & cependant combien de noms de lieux de cette efpece ne fe trouvent pas dans Homère & dans Vir- gile ? Ces noms dévoient choquer les Grecs & les Romains , & leur paroître auifi ridicules que Iqs Brochets de Putney yôc les Cuirajjiers de * Cheîfca du Duc de Buc- kingham l'ont paru aux Anglois. Mais ces noms n'ont rien de choquant pour les Mo- dernes, qui en entendent rarement parler^ & qui en ignorent l'état & la lltuation. Lon- dres fonnera peut - être auflî bien à l'o- reille d'un Etranger que TroyeouRome> & t Illington peut -être mieux que Lon- dres, pour ceux qui n'en ont pas des idées diftindes. J'ai parlé feulement des noms propres d'hommes & de lieux , mais je pourrois aifément faire la même remar- qua * Villages près de Londres. t Petit Village près de Londres. .. Tome XIV, Pm. IL Z g5^ Bibliothèque Britannique, que touchant les noms des Plantes, des Animaux, &c. C'eftainfique Serviusnous dit> en parlant de ce paiîage de Virgile, où il compare le Vol de Mercure avec celui d'un Oileau de Rivière > qu'il a omis àde-Qe-inlemot M^^-gus, qui fignifie Plon- gecHi , pour ne pas ravaler Ton ftile ; ôc cependant ce mot qui eût choqué la dé- îicattfle d'un Romain , n'a rien d'offenfant pour nos oreilles. Il ell vrai que Scaligcr cherche à tourner en ridicule le vieux Scoliafte avec fa remarque, puifque le mot Mergvj, comme il robferv^e, fe trouve dans fes Georgiques. Mais le Critique auroit dû obierver lui-même, que Vir- gile dans fes Georgiques recherchoit plus Fexaditude que le Sublime, & qu'ainfi il pouvoit bien y admettre un mot bas , qui eût déparé fon Enéide; fur-tout û l'on remarque, que dans la comparaifon il s'agit du Dieu Mercure. - Comm.e l'Antiquité cache ainfi ce qui eft bas & commun dans un Auteur, de même elle jette une efpece de voile fur une expreflion peu naturelle , & qui s'é- carte trop du difcours ordinaire. Un Grécifme un peu violent, qui auroit fait de la peine à un Romain, nous paroît à nous plus naturel, & nous ne le dillin- giions pas du ftile ordmaire de l'Auteur qui remployé. Un vieux ou un nouveau mot, qui d'abord choquoit le Lefteur, s'incorpore infeniiblemtnt dans la langue, & jANVteft, Pevrîêr tr Mai^s. l'^^o. 353 6c en fait partie : & pour ce qui regarda les exprelfiôns hardies qui fe trouvent dans un Auteur célèbre , nous Ibmmes li éloignez de les critiquer, que ce font ces endroits mcme qu'on admire le plus, & que, plus ils font durs vk peu naturels, plus on y trouve de la beauté & de Téiégan- ce. Ceft ainfi que le temsa meuri pour ainii dire les Ouvrages deTAntiquiré, eu adouciiTant la force & la crudité de fes couleurs, & répandu une ombre fur une lumière trop forte & trop éblouiffac^e, pour que Tœil Tait pu envifager avec plaifir. ARTICLE V. TheStrength and Weaknefs of human Reafon , &c. Ceft- à- dire : De Ici Ft^rce ^ de la FiÀbïeJfe de la Rai f on bu^ inaine : Ou l'imprtante Queftkn Jur là Safijance de la Raifon pour conduire les hommes à la connoiffance de la Religion ^ au bonheur d'une autre Fie, difcutée^ iSc, [Second ILxtrait. Wovqz le pre- ïnier dans la I. Parc, du Tom, Xlif. Art. m. ] DAîts les detix (fernrcreiJ Con^encés ou Dialo^es de cet Ouvrâgd éont il îioi» refte à rendre compte, on Z 2 exa- :354 Bibliothèque Britannique y examine en détail toutes les objedions que Ton peut faire contre le fentimenc de rinfiiffifance pratique de la Raifon en ma- -tière cie Religion, que l'on a établi dans -les deux premières. Le Déifie commen- ce par remarquer, que fi cefentiment cû .vrai, les Payens, plongez dansTIdolàtrie & dans les défordres les plus honteux , font excufables, puifqu'ils n'ont point de guide fuffifant pour les conduire à la vé- rité & à la vertu. Mais le Théologien Chrétien, revenant à fa grande diflinclion , répond, que û même leur Raifon eft infuf- fifante dans la pratique, elle ne Tell pas abfolument dans la fpéculation, c'eil-à- dire en elle-même & de fa nature. C'efl l'abus qu'ils en font qui la rend telle, & cet abus, d'où procèdent leurs erreurs d; leurs vices, étant un effet de leur propre choix, ne fçauroit jamais être excufé, La faculté de raifonner qu'ils ont encore , les fentimens de la confcience dont on apperçoit encore des traces chez les Peu- ples les plus fauvages, fuiîifent, fi-non pour les conduire furement à la félicité , du moins pour les amener aux premier'> principes de la Religion , & les engager à Tenoncer aux défordres honteux danslef- quels ils font plongez, & par confequent pour les rendre entièrement inexcufa- bles. Il en efl ici comme d'un Difciple à qui fon Maître donneroit pour tâche de démontrer toutes les proportions Janvier, Février et Mars. 174^.355 d'EucIide, quoiqu'il ne l'eût jamais lu. Ce Difciple n'auroit aucune capacité prochain ne, ou aucune fuffifance pratique pour ce- la, mais il auroit une capacité éloignée, ou uïiQ fuffifance fpéculative; c'eft-à-dire des facultez par le moyen defquelles il pour- roit entendre les premières propofitions d'Euclide, s'il vouloit s'y rendre attentif, & en s'appliquant à l'étude des autres, parvenir par degrez à leur intelligence. Que fi , au lieu de Faire cet ufage de fes facultez, il ne vouloit pas même jetter les yeux fur les plus fimples de ces pro- pofitions pour tâcher de les comprendre, êc arriver par leur moyen à la démon- ftration des plus compofées , ne feroit- 11 pas abfolumentinexcufable, & le Maî- tre ne pourroit-il pas juftement lui im- puter à faute l'impuiffance où il conti- nueroit d'être à cet égard? L'application çil aifée à faire. ^ , Voici une féconde objedion du Déïf- te. Si la Ràifon eft infulHfante pour con- duire les hommes au bonheur , & qu'il faille néceiïairement pour cela une Ré- vélation, d'où vient que Dieu ne la don^ ne pas cette Révélation à tous les Peu- ples de la terre indifféremment ? N'y a- t-il pas de la partialité à accorder un avantage fi ineftimable à la moindre par- tie du genre humain, quoiqu^il ne l'eût mérité par aucun endroit, & à le refafer absolument à tout le refis? On répond à Z 3 cela, ^$6 Bibliothèque Britannique, cela, que Dieu eft parfairement libre clans la diitribucion de les bienfaits ^ que quçi- qiiç inégale qu'elle ibit, on ne fçauroit l'ac- çuier de parnalitéi que cette inégalité fe remarque dans le Monde naturel auf- fi-bien que dans le Monde moral , <^<^ en- fin que robjedion propoféÊ eft auffi for- te dans le lyfLème duDéïfteque dans ce- lui du Chrétien. Tons les hommes ne font pas nez avec les mêmes facultez, & daas des circonflances où il leur foit é- gaiement facile de connoître leur devoir & de le pratiquer. Un Laponois, ou un Hottentot, a- t-iî à cet égard les mêm^es avantages "qu'un Anglois ou un HoUan- dois ? Et à quelle autre caufe, qu'au feul bon plaifir de Dieu, peut- on attribuer la grande différence qu'il y a entre ces deux fortes d'h:»mm.es ? Ne fuffit-il pas que Dieu ait accordé à tous des faculrez lUitirantes^ s^iis vouîoient en faire ufage, pour arri- ver à la découverte des grands principes de là Religion, & confequemment à la félicité? Et ne pourroit-il fans injuilicc favorifer certains peuples , ou certaines pe^fonnes, d'un furcroit de lumières ôc de fecours par une Révélation immé- diate ? Mais , dit -on encore , fi la Raifon çfl fufHfante pour conduire les hommes ^ars les affaires de cette vie, pourquoi "fie le fereit-eîle pas en matière de Reli- gion? ;^iîe doit même l'être davantage, n l'on Janvier , Février et Mars. 1740. 357 l'on coniidere que les grands principes de la Religion ont une plus grande évi- dence & une plus grande certitude que n'en ont les objets des fens, &:que d'ail- leurs ils font infiniment plus in:|portans. Cette difficulté ell aiiee à réfoudre ; car d'un côté, les objets de la Religion ne le préfentent pas i'eux-memes à l'efprit comme lesoDJets des lens, Ôc ne font pas fur lui une impreiÏÏon auiTi fenfible; & de l'autre, c'efl un fait d'expérience, que les hommes peuvent fçavoir fe conduira dans les aîfiiires de la vie, Ôi cependant erre dans une cralTe ignorance en rtiatiè- re de Religion. Si la Raifon étoit égale- ment fuffifante dans l'un & dans l'autre cas, d'où vient qu'il fe trouve des peu- pies entiers plongez depuis plufieurs fié- cles dans les ténèbres les piiis épailTes ôf dans les défordres les plus honteux, & qui ne diffèrent prefque des bètes que •par la figure & par la parole? Cette dernière réflexion donne lieu h une nouvelle difficulté. La preuve que vous tirez, dit -on, de la ftupidité, de l'ignorance & de la corruption des Sau- vages de l'Afrique ou de l'Amérique en faveur de l'infuîîifance de la Raifon en matière de Religion, conclut avec une égale force contre la fuffi Tance de la Ré- vélation , puifqu'on voit régner-à-peu près les mêmes défauts parmi' ceux qui eu font éclairez. La réponfe que le Theo- Z 4 logien 358 Bibliothèque Britannique, logien Chrétien fait à cette difficulté, eft la même pour le fond que celle qu'il a- voit déjà donnée auparavant, & qu'on peut voir dans notre premier Extrait *, ainfi nous ne la repéterons pas. Nous ne parlerons pas non plus de l'objedion fui- vante , qui nous a paru trop foible pour être alléguée par un Déifie de bonne-foi, La fixième mérite plus d'attention 5 elle eft tirée de ces paroles de St. Paul; Les Gentils qui n'ont pas la Loi ( c'eft - à - dire la Loi écrite révélée) font nafuyellement les chojeslqui font de la Loi ; ils font Loi à eux- mêmes. Ils montrent Vœuvre de la Loi écrite dans leur cœur-^ leur confcience rendant té- moignage, 6* leurs penfées entf elles S'accu- fant ou s'excufant f. Ces paroles ne prou- vent-elles pas évidemment pour les Chrétiens qui admettent l'Infpiration di- vine de St. Paul, que la connoiflance des grands devoirs de la Religion étoit na- turelle aux Payens ; enforte que lorfqu'ils violoient c^s devoirs, ils péchoient contre leurs lumières, leur propre confcience les accufoit & les rendoit inexcufables ; & lors au contraire qu'ils les obfervoient (ce qui fuppofe qu'ils les obfervoient au moins quelquefois) leur confcience les approuvoit ? Pour réfoudre cqtte difficul- té, * Tom. XIÎI. I. Part. pag. 86. t Rom. II. 14, 15. Janvier , Février et Mars. 1740. 359 îé,le Théologien remarque i. Que l'Apô- tre ne parle pas ici des Gentils en gené-^ rai & fans aucune exception ; mais com- me il paroit par tout ce qui précède , en particulier des Sages ou des Philofo- phes du Paganifme , de ceux qui, par la contemplation des œuvres de la nature, étoient parvenus à la connoilTance du vrai Dieu, & loin même de fuppofer que cette connoilTance fuffit pour les fauver, il déclare formellement qu'elle n'avoit fervi qu'à les rendre inexcufa- bles , parce qu'elle ne les avoit pas em- pêché de tomber dans l'Idolâtrie & dans les défordres les plus honteux. 2. Quand St. Paul dit que Vœuvre de la Loi eft écrite dans le cœur ùqs Gentils, il n'entend pas que la connoilTance de Dieu & de nos devoirs fe trouve aftuellement chez tous les Payens fans referve. Cela feroit con- traire à l'expérience & à ce qu'il alTure lui-même ailleurs, entre autres dans le Chapitre qui précède immédiatement. Tout ce qu'il a voulu ou pu dire , en fuppofant qu'il parle des Gentils en gé- néral , c'eft qu'ils font revêtus de facul- tez, à l'aide defquelles ils pourroient, s'i's vouloient en faire un bon ufage , acquérir la connoilTance de leurs devoirs , & que, malgré l'abus qu'ils en font , ils ne font pas tellement deftituez des idées du Julie & de l'Injufte , que ces idées ne fe réveillent de tems en tems chez eux; enforte que Z 5 l^^^'f 56o Bibliothèque Britannique, leur confcience les approuve ou Jes con- damne, fuivant qu'ils les fuivent ou qu'ils les violeiiL. Mais il ne s'enfuit pas de-là, que chaque Individu parmi les Payens jjit actuGiiement toute la Loi de Dieu écrite dans fon cœur , ou que tous les hommes ayenn une connoiùance actuelle de tous leurs dev^oirs: auiH eil-ii à re- marquer que St. Paul neditpas, que per- fonne fera fauve fans la Loi , mais que ceux qui auront péché fans la Loi, périront fa^is la Loi. A Fautorité de cet Apôtre , qu'on allègue ici comme un llm-ple argument ad bomi- nein, le Deifte joint ceiie de Ciccron, qui afîure en plus d'un endroit *, que la droi- te Raifon eil une Loi éternelle ;, im.rnua- bîe, qui fe trouve chez tous les hommes, & qui eil fuififante pour leur faire con- noître & pratiquer tous leurs devoirs. Mais le Théologien, pour faire voir qu'on ne peur rien conclure de l'autorité de ce Phiiofophe , remarque i. Que tout ce qu'il avance fur ce fujct, fe réduit à ce qu'on a déjà établi auparavant, & n'empor- te rien davantage; Içavoir quelaRailon a une Juffijance éloignée pour conduire les hommes à la connoiiTance & àla pratique de leurs devoirs. Il y a dans notre Ame, dit- *■ V oy tz. é^ Repnhlicâ y Lib. ^.De Legib. Lfb» 2, De Ùff. Lib. 3. Tvfc. Ouœft. Lib. 3. Janvier, Février et Mars. 1740. 361 diL-il * , des principes ou des femences de ver- tu j qui , ft nous voulions les cultiver &" les laijfer croître, nous cond'.tiroient par ta Na- mre à h Félicité, Il eft i\ éloigné de fou- tenir que la Raifon elt fuHiiante dans la pratique , même chez les Peuples les plus civihfez^ qu'il aiTure formeUemenu, que la Nature m nous a donné que de très- petites étincelles de lumière, crue nous éteignons bientôt par nos manvaifes bahitudes àf pcir nis opinions dépravées, enforte qu'on n^apperçcit nulle part lu vraye Lumière naturelle f . Ec un peu après : Nous n\wons pas plutôt ap- p^rçu la lumière, qtie nous retombons dans- les jeniimcns tes plus déraifonncihlcs ^J dans toute forte de vices , de manière qu'ail femble que nous ayofis fuccé Terreur av-ec le lait. Que 11 cela étoit vrai par rapport aux Romains mêmes, combien plus ne devoit-il pas l'être par rapport aux Nations barbares & j'auvages ? * En fécond lieu, qu'on examâne le ca~ radère particulier de Ciceron , & Ton verra que , malgré toutes fes lumières & toute îa Philofophie, il eil lui-même un exemple fenilble de rinfuffifance de îa Railbn en matière de Religion, Il avoit une am.bition Hemefurée, un amour ex- cellif pour la vaine gloire, que Dieu de- telle * Tiljc. Oucèfî. Lib. :?. t Ibid, i'isii:. ^62 Bibliothèque Britannique, tefte particulièrement , & que les lumières naturelles condamnent avec la dernière évidence. Dans tous fes Ecrits & dans toute fa conduite on voit un homme ef- clave de ce vice , un des plus orgueilleux Mortels qui ayent jamais exiilé. On allègue ici en preuve la Lettre qu'il .écri- vit à Luccehis , qui travailloit à l'Hiftoire de fon tems, & dans laquelle il facrifie lâchement la Vérité même à l'Ambition , fa grande Idole. Je vous prie, lui dit-il, & yinfifle de nouveau là-dejjus, que vous mettiez en œuvre tout votre efprit ,pour décrire avec les plus belles couleurs Vannée de mon Confulat. Prodiguez fur ce fujet tous les ornemens de P Eloquence ; négligez les Loix de PHiJJoire, & ne vous mettez pas tant en peins de ce que la Vérité exige , que de ce qui peut- rendre ce période de ma vie brillant & glo^ rieux. L'Auteur paraphrafe ici plutôt qu'il ne traduit ; car l'Original porte : Itaque te plané etiam atque etiam rogo , ut (j ornes ea vehementiùs etiam quàm fortajfè fen- tis, &" in ea leges Hifloriœ negligas , amorique Jioflro plufculùm etiam quàm concc- dit Veritas largiare. Cependant le fens eft à-peu-près le même, & prouve de relie la vanité infupportable de Ciceron. Ce qu'il y a de remarquable, c'ell que, quoi- qu'il ne puifTe s'empêcher de la condam.- ner, il ne laifle pas de s'y livrer fans aucune retenue. Je n'ignore pas y dit -il, qu'il faut avoir une grande impudence pour vous Janvier, Février et Mars. 1740. 363 vous prejfer Jl fort de peindre des plus bel- les couleurs ks aâions de ma vie, mais celui qui a une fois franchi les bornes de la modeflie , ne peut manquer de devenir Je plus effronté de tous les Mortels. Il finit fa Lettre en con^ jurant fon Ami d'exécuter au plutôt ce beau projet. Afin, ajoute-t-il, que le monde puijfe me connaître par vos Ecrits , 6* que je jouïffe pendant ma vie de la gloire qui ifCefl dii'é *. Quel orgueil ! Et ne voilà-^ t-il pas un homme bien propre à nous convaincre que la Raifon, abandonnée à elle-même, fuffit pour nous conduire à là connoiiîance & à la pratique de tous nos devoirs ? On fait, voir cnfuite, que Ciceron avoit de très-fauiïes idées fur la Religion, & particulièrement fur Texiflence & les attributs de Dieu, qu'il né vouloit pas qu'on fit connoître à tout le monde, fup- pofé qu'on le connût; qu'il étoit coupa- ble de ridolâtrie la plus honteufe & de5 fuperflitions les plus groflieres ; & que , non content de s'y abandonner comme le vulgaire ignorant, il les juftilioit & de bouche & par écrit, foutenant que cha- cun devoit fuivre à cet égard la Reli- gion de fon Pais; quoique dans le fond il fût perfuadé que rien n'eft plus dérai- fonnable , & qu'il s'en moquât même avec fes * Li\t. ad Amîç. Lib. 5, 5^4 BîBtioTHîîOiTÈ Britannique, fes Amis : toutes chofes qui ne font pas grand honneur à cet Oracle des Deïiles, tii à la caufe qu'ils dcfendent. On rap* êorte ici à cette occaiion an pâlTage du ^r. Midkton ,dxr,s fa Dirpute avec le Dr. Waîerhmd. dont dcus avons rendu com^ pte dans ce journal. C'eit dans l'en- droit où ce Docteur propofe un nouveau plan de Réponfe au Livre intitulé. Lé Cbnjliûmfn'C cuilH ancien que le Monde. ,, L'Hiiloire de tous lesfiécles nous ap- ,, prend, dit -il, que quelque force que „ la Raiibn ait pu avoir chez de certai- ,, nos pcrfannes en particulier, cepen- „ dant elle n'a janiais^eu affcz d'autotité „ & d'indu ence pour fe faire recevoir 5, par -tout comme une régie infaillible j, & univerfeîle en miarière de Religion ,, ou de Devoirs civils. C'eft ce dont 5, tous les grands Philofophes du Paga- 2, nifme conviennent, & c'efl à l'expé- 5, rience même que les hommes ont fait „ de fon infuffifance pour diriger leur 5, conduite, que la plupart de ces Philo- „ fophes attribuent l'invention 6c Féta- ,, bliiTement de là Religion (c'efl-à-di- ,, re de quelque prétendue Révélation „ célefte , & de quelques Cérémonies re- „ ligieufes, ou de quelque Culte public) „ afin, comme Ciceron le remarque, que 5, l'autorité de cette Religion réprimât „ ceux que la Raifon n'avoit pu retenir fj danS' Janvier, Février et Mars. 1740. 365 „ dans l'ordre. Plut arque nous apprend 5, d'après Euripide, qu'ii y a eu un rems „ où les hommes, femblabks aux bètes^ ,, ne pouvoient être domptez que par la jî force & la violence. Il fsUut alors m- „ venter des Loix pour réprimer l'In- „juftice, mais ces Loix étant devenues ,, infuffifantes à ce but, on inventa enfin ,, la Religion, dont les iMyilères, comme ,5 C/aT072 r obier ve, humaniferent peu - à- „ peu les hommes, ëc les rendirent fo- ,5 ciubles. ,, Un confentem.ent fi univerfelne peut 99 abfblument venir que d'une perfiiafion 5, & d'une expérience univerfelle de ,, rinfLiffifance de la Raifon, & paroît i, être la voix même de la Nature, qui „ ne la reconnolt point com.me un gui- i, de fufiifant en matière de Religion. 5, Ainfi le fyftême de notre Auteur ,, (Mr. Tindaî) efl: vifiblement, de l'aveu „ de toute l'Antiquité & de fon propre 5, aveu, dérailbnnable & ridicule, puif- „ qu'il établit pour une régie parfaite 5, de conduite, 'ce qui n'a jamais été, & „ n^a même naturellement jamais pu être 5, reçu comme tel, dans quelque liécle ou ?, dans quelque pais que ce foit. M Suppofé donc que cet Auteur vînt à ,, bout de bannir du monde le Chriftia- ,, nifme, quelle en feroit la confequen- 5, ce? Quel autre fruit reviendroit- il de j> fes travaux que confuliou & que déf- ,9 or- 266 Bibliothèque Britannique^ 5, ordre? Jufqu'à ce qu'on pût établir à >, fa place quelque autre Religion tradi- „ tionnelle , jufqu'à ce qu'on convînt de }, rappeller les Dieux de l'Antiquité, Ju- ijpiter, Minerve, Venus, &c. ou d'adorer „ avec les Idolâtres modernes le Soleil > ;, la Lune & les Etoiles, ou enfin de ,, prendre pour TAuteur de notre Foi, ,, jVIatcjnet ou Ccnfucius, au lieu de Je- ,,fiiS-Chnp. Le dernier Dialogue eft employé tout entier à réfoudre la difficulté qui femble raitre de la juftice & de la bonté de Dieu, contre le fentimient qu'on a défen- du jufqu'ici. Après que le Déïile Ta propofee dans toute fa force , le Théo- logien Chrétien remarque d'abord, que l'Jnfuffifance pratique delà Raifon en ma- tière de Religion ell une vérité de fait -v que toutes les idées que nous avons des perfeélions de Dieu ne fçauroient jamais détruire. Nous ne fçaurions nous tromper au premier égard, mais nous pouvons facilement nous tromper au fécond : & au lieu d'argumenter de cette manière : ,, Il eft incompatible avec la juflice & la 9, bonté de l'Être fupreme que la Raifon ,, ne foit pas fuffifante chez tous les hom- ,, mes pour les conduire à la connoilTan- j, ce de leurs devoirs & à la félicité ; j, donc tout ce que l'on dit à cet égard >, des Sauvages de l'Afrique & de l'Ame- >j> rique, par exemple, ne fçauroit être ,y vrai ". Janvier, Fevi?te1r et Mars. 1740. 567 ., vrai '% il feroit bien plus fur & plus confequent d'argumenter ainfi : ?, L'ex- ,i périence prouve que la Raifon n'eft ?5 pas fufRfante chez les Sauvages de l'A- 5, frique & de l'Amérique en particulier , r, pour les conduire à la Religion; cepen- fi dant Dieu eft bon & jufle. Donc l'é- 5, tat de ces malheureux Peuples n'eft 9, pas incompatible avec la juflice & „ la bonté de Dieu ". S'il eft difficile de concilier ces deux chofes qui font également vrayes, cette difficulté ne regarde pas moins le Deïfte que le Chrétien. Le Deïfte ne fait -il pas pro^ feflîon de croire que Dieu eft bon, fage & jufte? Et peut -il nier que la Raifon chez les Sauvages de l'Afrique ëz de l'Amérique ne foit infuffifante dans ta Pratique ? Il a donc fort mauvaife grâce d'alléguer contre le Chrétien u- ne objedlion qu'il eft tout auiïï obligé de réfoudre que lui, félon fes propres prin- cipes. Cependant le Théologien, pour lui fai- re voir l'avantage que la Révélation a à cet égard-là même fur la Raifon , s'atta- che à lever cette difficulté par neuf con- fiderations tirées de la dodlrine de l'Ecri^ rure S^e^ lefquellcs, formant enfemble rUypothèfe la plus raifonnable qu'on puif- fe imaginer, doivent être admifes fans peine par les plus zèîez Déïftes. Tome XIK Part. H. A a La 3(5S Bibliothèque Britannique, " La première de ces confiderations, qu'on ne donne d'abord que fur le pied de fim- ples fuppofitions^pour ne pas effaroucher le Délite, c'eft que Dieu en créant nos premiers Pères, fe iit connoîtreàeux, les revêtit de facultez propres à découvrir la vérité , à choifir le bien & à pratiquer la vertu, & les encouragea à en faire un bon ufage par l'efpérance d'un bon- heur plus parfait. Mais par la liberté qu'il leur donna, ils pouvoient abufer de ces facultez, & decheoir de l'état d'inno- cence où il les avoit placez. En fécond lieu il les avertit immé- diatement lui-même, ou par le moyen de leur Raifon , que s'ils fe rendoienc coupables d'un pareil abus, & qu'ils fc rebellalTent contre leur Créateur , non feulement ils perdroient les glorieux avantages dont ils jouïiïbient, mais en- core ils feroient expofez à toutes les pci- - nés que la fageffe & la juflice de Dieu jugeroient à propos de leur infliger, Ôz en particulier aux troubles de la con- fcience, aux maladies & à la mort, fui- tes naturelles d'une vie déréglée. En troifième lieu il leur fît aulTi connoître ^e manière ou d'autre, qu'ils dévoient met- tre au monde des Enfans qui leur feroient parfaitement femblables, enforte que s'ils perfevéroient dans l'état d'innocence & de bonheur dont ils jouïlToient , leurs En- fans Janvier, Février et Mars. 1740. 369 fans ne manqueroient pas d'être innocens & heureux ; mais qu'au contraire , s'ils abufoient de leurs faculrez naturelles, & qu'ils dechuflent de cet état, leurs En- fans nairroient certainement dans la foi* bleffejdans la corruption & dans la mife- re: ce qui devoit les porter avec enco- re plus de force à la pratique de leur de- voir, s'agilTant non feulement de leur propre bonheur , mais de plus de celui de toute leur pofterité. En quatrième lieu , il paroît aiTez claire- ment par une confiante expérience, que le genre humain a dégénéré de fon état primi- tif, qu'il eft fujet non feulement à la dou- leur, à la mifere & à la mort, mais en- core à diverfes inclinations vicieufes qui fe manifeflent dès la plus tendre enfan- ce, à de faux jugemens, aux préjugez & à Terreur. Les plus gens de bien même n'enfont jamais totalement exempts; & Ton voit tous les jours qu'il y a des vi- ces héréditaires , comme des maladies hé- réditaires. En cinquième lieu, Dieu, touché de comx- pafllon pour les hommes ainfi déchus de leur premier état , leur a confervé juf- ques à un certain point la plupart des avantages dont ils jouïiToient, les chofes néceifaires à la vie , & les douceurs mê- mes delà vie, les forces du corps, les facultez de l'efprit, par le moyen def- Aa 2 quel- 2JO Bibliothèque Britannique, quelles ils peuvent encore parvenir à le connoître & à pratiquer leur devoir, quoiqu'imparfaitement. En fixième lieu. Dieu leur a de plus révélé d'une manière particulière fa vo- lonté & les deiïeins de fa mifericorde envers eux ; ayant fait connoître à leurs premiers Pères, tant pour eux que pour leur pofterité, ce qu'ils dévoient faire pour lui plaire en qualité de Créatures raifonnables , & pour l'appaifer en qua- lité de Pécheurs qui s'étoient attirez fon indignation. Mais, malgré tous ces foins, ils ont négligé d'obferver ces régies de conduite, & de les tranfmettre à leurs defcendans; & fi Dieu n'a pas jugé à propos de faire une nouvelle révélation de fa volonté en faveur de ceux-ci, peut- on l'accufer d'injuilice? Etoit-il donc obligé de manifeiler fes defîeins dans chaque âge du monde & à chaque génération? Ne fufnfoit-il pas que les premiers homm^es en fûiTent inilruits, afin que leurs defcendans le fùflënt à leur tour? La raifon, l'inilind: même de la Nature , ne dide - 1 -il pas aux Pères de veiller au bien de leurs Enfans, & de pour- voir à leur bonheur? En feptième lieu. Dieu a fait cepen- dant ce qu'il n'etoit point obligé de fairt à cet égard. Irrité de la négligence & de la dépravation des premiers hommes , il les a tous faii. périr, à la referve de quel- ques Janvier, Février et Mars. 1740.371 ques familles à qui il s'eft révélé de nou- veau, non feulement par cet exemple de févérité infiniment propre à les dé- tourner du vice, mais encore par des -déclarations form.elles de fa volonté , par des promeiTes pofitives de grâce 6c de pardon , moyennant une fmcere repen- tance & un attachement confiant à la vertu. Néanmoins, peu de fiéclcs après, la plus grande partie du genre humain s'eft de nouveau corrompue & rebellée con- tre fon Créateur. Que peut-on dire pour cxcufer des malheureux, que ni la vue de la vengeance divine, ni la manifefta- tlon de la mifericorde divine, n'eil pas capable de retenir dans leur devoir, & de porter à transmettre à leur poilerité cette Religion furnaturelle dans toute fa pureté ? Et û Dieu les laifTe périr dans leur corruption volontaire , peut-on Fac- cufer d'injuHice? C'eil ce qu'on illuflre ici pas deux comparaifons. Tune tirée de la conduite d'un Roi à l'égard de fes fu- jets rebelles, laquelle ne nous paroitpas aflez jufte, Tautre qui vient plus au fait, tirée de l'état d'une famille attaquée de quelque maladie héréditaire, & à qui Dieu revéleroit un fecret infaillible pour fa guérifon; mais qui, au lieu de le mettre à profit, de le conferver précieufement, ëz de le faire pafler à la poflerité la plus reculée, le negligeroit au point d'en perdre m.Cme le fouvenir, o: retomberoit Aa 3 dans 3/2 Bibliothèque Britannique, dans la même faute , après qu'il lui auroit été communiqué de nouveau avec les circonflances les plus propres à le leur faire chérir & conferver jufqu'à la lin des fiécles. La comparaifon fera enco- re plusjufle,fi l'on fuppofe que quelques- uns des principaux ingrédiens de ce re- mède fouverain pourroient être décou- verts & mis en œuvre avec fuccès par les foins de ceux qui compofent cette famille, s'ils vouloient feulement faire ufage de leurs talens naturels, ôi s'appli- quer à la recherche des moyens propres à les guérir , & que cependant ils ne s'en mîiïent point en peine, àpriifent au con- traire plaifir à perpétuer leurs maux. Ces gens-là ne feroient-ils pas' entière- ment inexcufables? Et la fagelTe, la bon- té & la juflice de Dieu, ne feroient-elles pas à couvert de tout reproche ? C'eft- là précifement le cas des Sauvages de l'Afrique & de l'Amérique, qui, comme tous les autres peuples de la terre , def- cendent d'Adam & de Noé, à qui Dieu révéla fa volonté & les moyens que l'hom- me pécheur devoit mettre en œuvre pour parvenir au falut ; ce qu'ils eurent foin de comm.uniquer à leurs defcendans, & que leurs defccndans conferverent, pratiquèrent auifi durant quelques fiécles: mais enfin la plupart d'entre eux, & fur- tout les chefs des familles de ces Nations fiiU- Janvier, Février et Mars. 1740. 373 fauvages , tombèrent à cet égard dans une criminelle négligence , & peu-à-peu dans un total oubli de leur devoir. Chaque génération devint plus corrompue que la précédente, jufqu'à ce qu'elles arrivè- rent à cet état d'ignorance, de ftuf^dité & de brutalité où nous les voyons aujour- d'hui. Et c'efl par-là qu'il eil aifé de ré- pondre à cette objeAion tant prônée des Déïlles, que Dieu pendant quatre- mille ans a abandonné les hommes , à l'exception du feul peuple Juif, & leur a refuie les lumières & les lecours abfo- lument néceifaires pour le connoître & pour parvenir au falut ; car cela ell auf- 11 faux que PHiiloire de la Genefe eft vé- ritable, & n'a pas même la moindre ap- parence de fondement. En huitième lieu , aucun homme , quels que foient les avantages de fa condition préfente, ne fera condamné dans l'au- tre monde que pour la négligence ou la violation des devoirs que fa Raifon étoit, je ne dis pas natiireîlemerit , mais actuelle- ment capable de découvrir. Si les Sau- vages & les Payens en général ne doi- vent être punis au dernier jour que pour avoir péché contre leurs propres lumières, étouire les mouvemens de leur confcience, refifté à des fentimens de vertu qui s'excitoi-ent en eux , ou tout au plus, pour avoir volontairement ne- Aa 4 gligé 574 Bibliothèque Britannique , -gligé les occafions & les moyens de •s'inftruire & de devenir meilleurs, que la Providence leur revoit fournis , cela ne fufiit-il pas pour juflifier la conduite de -Dieu à leur égard ? Toute bouche fera fer- mée devant lui, nous dit FEcriture; c'eft- à-dire que tous ceux qui feront con- damnez, reconnoîtront la juflice de leur condamnation ; ce qui ne peut avoir lieu ■que dans la fuppofition qux.n vient de faire, fuppofition qui s'accorde d'ailleurs parfaitement avec toutes les idées de la -droite Raifon. Le Sauvage le plus abruti pourroit , -S'il vouloit s'en donner la peine , acquérir de plus grandes lumières fur la Religion ■qu'il n'en a, & faire plus de bien qu'il n'en fait. Et il n'y a nul doute que s'il ■s'en trouvoit qui fiflent un bon ufage de leurs facultez naturelles & des moyens de s'inftruire qui font en leur pouvoir , Dieu ne leur communiquât de façon ou d'autre, un nouveau degré de coiinoifîan- ce & de nouveaux fecours, fuivant cet- te maxime du Sauveur du monde, qu^a ce- lui qui a il fera dmné davantage. Enfin il faut ajouter à tout ce qu'on vient de dire , qu'il y aura différens de- grez de peines , que Dieu redemandera moins de ceux qui auront moins reçu , ^ par confequent que le châtiment des -Sauvages de l'Afrique & de l'Amérique fera jANriFRsFEVRIEÎÎ ET MaRS. I74O. 273 fera infiniment léger, en comparaifofi de celui des mauvais Chrétiens, & exacte- ment proportionné au degré de lumières dont ils jouiffent ; deforce qu'ils n'auront aucun fujet de fe plaindre. Mais ici il fe preiente encore une diffi- culté que le Deiile objecte au Théolo- gien en ces termes : Dieu a-t-il donc aban- dorme la plus grande partie du genre humain au point qu'elle doive être éternellement mife- rable? On répond, qu'à en juger par l'E- criture, il femble que celaibit ainfi; car elle dit , qii'il y en a peu de fauvez , que la porte eft étroite cjf le chemin étroit qui conduit à ta vie, 6* qu''il y en a peu qui le trouvent ; au lieu qu'il en ell tout autrement de celui qui mené à la perdition : mais l'on ajoute que cela ne fait aucun tort à la Juftice de Dieu; puifque , comm.e on l'a fuppofé auparavant, perfonne ne fera condamné que pour les fautes volontai* res qu'il aura commifes, 6c qu'à propor* tion de ion crime : Et quand même tous les hommes le feroient de cette manière. Dieu n'en feroit pas moins jufte. Quoique cette Réponfe levé pleine- ment la difficulté, félon l'Auteur, celui qui fait ici la fonction de Modérateur, pro- pofe là- defius par furabondance de droit , quelques réflexions qui lui paroilTent affez bien fondées, mais que le Théolo- gien n'ofe admettre que fur le pied de fim- S7<5 Bibliothèque Britannique > fimples conjeftures. La première , c'efl que ces malheureux Peuples qui n'ont jamais été éclairez de la Révélation, & qui croupilTent dans une ignorance & u- ne corruption afFreufes , palTeront par un nouvel état d'épreuve avant le dernier jugement. On allègue en faveur de cet- te hypothèfe le pafTage de St. Pierre qui -a il fore exercé les Commentateurs "" : ^e- fuS'Chrifl étant allé par PE/prit, a prêché tiux Efpriîs qui font en prifon , le/quels ont été autrefois déjobéïjfans y lorfque là paîicncs de Dieii attendait aux jours de Noé , tf:. Prenant ce paflage à la lettre, on croit qu'il en fera des Payens comme des im- pies Habitans du premier monde; qu'a- près avoir fouffert pendant un certain efpace de tems dans leur ame la peine de leur ignorance & de leur corruption, l'Evangile leur fera préché,d: ils fe conver- tiront àDieu pour la plupart, & pour cet effet ils reffufciteront à la fin des mille ans de profperité de l'Eglife. Un fça- vant Théologien Anglois f a foutenu ce fentiment dans un Livre qu'il publia^ il y a environ trente ans, fous ce titre, The Salvation of Man by Jefus-Chrifl , ou ,, Le „ Salut de l'Homme par Jefus-Chrifl ". On * I. ?isr. III. 19. 20. t Mr. Staynot. Janviïr , Février et Mars. 1740. 377 On y renvoyé les Ledeurs qui fouhaite- ront d'en fçavoir davantage. On fait valoir enfuite l'opinion des Millénaires , & l'on fuppofe, que pendant ces derniers mille ans la propagation du genre humain fera & plus régulière, ôc plus nombreufe; & comme il n'y aura ni guerre ni calamitez publiques, le nom- bre des Fidèles fera incomparablement plus grand qu'il ne l'aura été dans aucun autre'Période , & pourra même égaler celui des fix-mille ans qui auront précé- dé; enforte qu'il fe trouvera qu'à tout prendre, il y aura beaucoup plus d'hom- mes fauvez que de damnez. Mais enfin , quand le contraire Teroit vrai, ne pourroit-on pas l'envifager com- me un exemple que Dieu voudroit don- ner aux autres Mondes de fa févérité contre le péché. On admet ici la plura- lité des Mondes, même à l'infini; & l'on fuppofe que les Etres qui les habi- tent , peuvent être inftruits du fort des hommes fur cette terre. Dieu a jugé à propos de nous révéler la rébellion & le fupplice des mauvais Anges , pour nous détourner du crime, & nous porter à la vertu*; & pourquoi n'employeroit- il pas la même méthode à Fégard des autres Créatures raifonnables , en leur fai- * Voyez. 3.Pifr.IL4. Jud. <^. i Tim. III. 6. 578 BrBLroTHEQTjE Britaî^niq^te, " •faifant connoître la un miferabie de lâ plus grande partie des Mortels qui fe Ibnt volontairement livrez à l'ignorance, à Terreur & au vice ? N'eft-ce pas une fage maxime de Gouvernement , de faire de tems en tems des exemples de févé- rité, pour intimider les peuples & les re- tenir dans le devoir par la crainte? Et qu'eft la plus grande partie du genre hu- main condamnée à des fupplices éter- nels, en comparaifon de tous les autres Etres raifonnables dont on fuppofe l'u- nivers rempli? Moins qu'un Voleur de grand chemin qu'on pend, comparé à toute une grande Ville. Et s'il eft vrai, comme on le penfe, que prefque tous ces autres Etres foient fidèles à Dieu, Ton ne fçauroit gueres douter que la vue du malheur des hommes ne leur infpire toujours plus d'horreur pour le vice, ôz ne les afFermifie toujours davantage dans la pratique de la vertu. Ces Réflexions nous paroilFent ingenieufes , mais font-el- les également folides? C'eft ce que nous laiffons à décider à nos Ledeurs. ÂRTI- Janviki, Février et Mars. 1740. ^79 ARTICLE V L The Hiftory of the Purirans, or Pro- teftanc Non- Conformifts &c. Çeft- à - dire : Hijîoire des Puritains , ou des Proteftans Non-Cunfnrmiftes ^ depuis le commencement de la Guerre Civile de Van. 1642. jufqu'à la mort du Roi Charles L en 1648. Par Daniel Neal, Maître et Arts. A Londres , chez Richard Hett à rEnfeigne de la Bible £ff de la Couronne , dans le Poultrey. A. 1736. in 8. Vol. 3; pag. 628. MR. Neal diftingue 3. Périodes de la Guerre Civile: le premier, de- puis le commencement de cette guerre jufqu'à l'Affemblée des Théologiens à Weftminfter , ou à la Ligue folemnelle avec l'Ecofle ; le fécond, depuis cette Li- gue jufqu'à ce que l'Armée dépouilla le Parlement de fon autorité, & s'empara de tout le pouvoir; le troifième, depuis cette ufurpation de l'Armée jufqu'à la mort du Roi. Dans le premier de ces Pé- riodes on ne chercha pas à abolir l'Epif- copat, mais feulement à borner l'auto- rité & le pouvoir des Evêques; dans le fécond on fe propofoit d'établir le Gou- vernement Presbytérien, comme étant de Tom. XIV. Part. IL B b Droit 3So Bibliothèque Britannique, Droit Dmn, fans accorder aucune tolé- rance aux autres Non -Conformités; & dans le troilième on voulut établir une tolérance univerfelle pour tous les Près- "byteriens, Erafliens, Antinomiens, Indé- pendans, Anabàtifles, &c. Quoique parmi les Evèques il y eut des gens fçavans, leur trop grand zèle pour les prérogatives du Roi, leur atta- chement aux Cérémonies pratiquées dans le culte de l'Eglife Anglicane, & les in- juflices commifes par les Cours Ecclé- fiaftiques, les avoient rendus odieux: on chercha donc d'abord à renfermer leur pouvoir dans de juftes bornes, enfuitc à les exclure des affaires publiques, & à leur ôter le droit d'avoir féance dans îe Parlement, enfin à abolir entièrement î'Epifcopat. Parmi les proportions que le Parlement" fit au Roi par fes Députez qui s'étoient rendus à Oxford, & que le Comte de Northumberland lut en la préfence du Roi, la quatrième étoit conçue en ces termes : Qi^l plaife au Roi de donner fan eonfcntement aux Bills fuivans'f i. Pour a- bolir les Innovations fuperilitieufes. 2. Pour abolir la Hiérarchie Eccléfiaftique. 3. Contre les Minillres fcandaleux. 4. Contre la pluralité des Bénéfices. 5. Pour établir une AlTemblée de Théologiens, Par le premier de ces Bills il étoit or- donné, d'ôter avant le 18, d'Avril 1643. les Janvier, Février et Mars. 1740. 3Sf ies autels de toutes les Eglifes & Cha- pelles, &: déplacer une table de commu- nion dans la nef de l'Eglife ; comme auf- fi d^oter des Eglifes ëz de Cimetières tous les Cierges, Luftres, Baiîins, Cru- cifix, Croix, Images, Peintures de Saints &Inicriptions fuperftitieufeSj&deles ef- facer } bien entendu que cet acte ne s'é- tendroit pas far les tombeaux ou les mo- numens des morts: il etoit défendu outré cela, de s'mcliner vers l'autel ou au nom de Jefus, déjouer, de danfer, ou de fe divertir les Dimanches. Par le fecond,toutes les dignitez & char- ges d'Archevêque, d'Evèque, de Com- milfaire d'Archevêque ou d'Evêque , de Doyen, de Sous-Doyen, de Chapitre, d'Ar- chidiacre, de Chancelier, de Chantre, de Tréforier,de Sous-Sacriflain , de Sacrif- tain, de Chanoine , &c. dévoient être abo- lies avant le 5. de Novembre 1Ô43. leurs revenus faifis au profit du Roi, & appli- quez à payer des penfions annuelles aux- dits Archevêques , &c. à établir des Mi- niftres pour prêcher dans chaque Eglifé Cathédrale ou Collégiale, & à reparer les autres EgUfes, les Chapelles, les E- coles , les Hôpitaux , les Ponts & les grands Chemins ; bien entendu encore que c'ec Acte ne regarderoit pas les Collèges', Chapelles & Fondations des deux Uni- verfitez. Parle troifième il étoit ordonné, que le Bb 2 Chan- 382 Bibliothèque Britannique, Chancelier du Royaume donneroit des Commiifions fous le grand Sceau à des per- fonnes de mérite ëc de crédit dans cha- que Comté de l'Angleterre & du pais de Galles, pour s'informer des mœurs du Clergé : fi quelqu'un quiavoit cure d'ame, & qui n'ctoit pas âgé de 60. ans, avoit tellement négligé fes fonctions, qu'il n'eût pas prêché fix fois dans l'année , & qu'il ne pût alléguer pour excufe, ni maladie , ni emprilbnnement; ou s'il étoit accufé de s'être rendu coupable depuis trois ans de juremens, de blafphéme, de parjure, de fornication, d'adultère ou d'yvrogne- rie , l'Accufateur devoit être obligé de le pourfuivre , fous peine de 10. Livres Ster- ling d'amende; & on devoit envoyer à i'Accufe une copie des articles d'accufa- tion contre lui, vingt jours avant que de lui faire fon procès, afin qu'il eût le tems de préparer fa défenfe ; û après cela douze hommes de probité, qu'on apelle en Angleterre le Juré, le irouvoient con- vaincu & coupable, il devoit être privé de fes Bénéfices & depofé. Le quatrième Bill étoit contre la plu- ralité des Bénéfices, ôc la Non-Refiden- ce. Tous les Eccléliaftiques qui avoient plufieurs Bénéfices avec cure d'ame, dé- voient les refigner tous, à la referve d\ïn feul ^ avant le premier d'Avril 1643. 6c tous ceux qui étoient convaincus dans ' aucu- ne des Cours de Jufcice d'avoir été ab- ft-iis Janvier, Février et Mars. 1740. 383 fens de leur Paroifle, ayant cure d'ame, plus de dix Dimanches ou 80. jours dans l'année , à la referve de cas de maladie ou d'emprifonnement, ou qu'ils fulFent Pro- f ^fleurs dans une des Univerfitez^ou Mem- bres de la Convocation, dévoient être privez de leurs Bénéfices. Le cinquième Bill ordonnoit de con- voquer une AfTemblee de Théologiens fcavans & religieux, afin que le Parle- ment pût les confulter fur les moyens de compoier une Liturgie, & d'établir la Difcipline de l'Eglife, comme aufïï de juf- tiiier la Doctrine de l'Eglife Anglicane des fauffes imputations & interpréta- tions. Après que le Roi eût rejette les pro- pofitions du Parlement, & que les Con- férences d'Oxford furent rompues , la guerre recommença. Le Parlement, pour fe mettre en état de la faire avec fuccès, mit des taxes fur tous les vivres; comme un vingtième fur les viandes de bouche- rie, un fol fur chaque douzaine de Pi- geons , un demi fol fur chaque Lapin : il ordonna auifi qu'on fe pafleroit une fois par femaine, fçavoir tous les Mardis, d'un repas dans chaque famille , & que la dé- penfe que ce repas auroit coûté , feroit payée pour les fraix de la guerre. Ceux qui eurent le plus à fouiFrir dans cette guerre, ce furent les Eccléfiaili- ques des deux Partis -, les Royaliites re- Bb 3 ' gai- 3S4 Bibliothèque Britannique , gardoient les Miniltres Puritains comme des Incendiaires & les trompettes de la fedition. Tous ceux qui refulbient de tire les Proclamations du Roi contre le Parlement, etoienr traitez de Rebelles., menez dans les prifons publiques , 6c ex- pofez aux châtimens les plus rigoureux. Quand quelque détachement de TArmée Royale entrcit dans une Ville ou dans ui) Bourg qui tenoit pour le Parlement, on s'informoit où étoit la maifon du Minif- tre; on la pilloit, & on le trainoit en prifon. Trente de ces Miniftres fe réfu- gièrent à Coventry, & un plus grancj nomibre fè retirèrent avec leurs familles à Londres, dellituez de tout , 6c fouifra it Ik dernière mifere. Le Clei^ge Epifco- pal n'étoit pas mieux traité par l'Armée du Parlement, & quelque partialité que Mr. Neal faiïe paroitre, il ne peut difcon- venir, que dans les années 1(442. & 1643. environ cent & dix Minillres de PEglife Anglicane furent privez de leurs Bené- iices, qu'on en m.it plufieurs autres en prilbn, & qu'un grand nombre fe fau- yerent par la fuite. Les cinq Bills auxquels on demanda que le Roi confentît. Oc dont nous avons don- né la fubftance, font voir ce que le Par- lement penfoit par rapport aux affaires tccléfiailiques, & les changemens qu'il fouhaitoit qu'on fit dans la Doctrine, dans ie Culte & dans la Difciplir.e de l'Eglife " An^ Janvier, Février et Mars. 1740. 3% Anglicane; n'ayant pu obtenir le con- fentement du Roi , ils réfolurent de pro- céder fans lui. Pour abolir les Innova- tions fuperfliticufes , conformément au premier Bill , le Chevalier Robert Har- low, par ordre des deux Chambres, fit ôter au comm.encement du mois de Mai 1643. les Croix qui écoient dans Cheap- fide 6z à Charing-Crofs^ comme aulii la Croix de S. Paul, qui étoit une Chaire de bois, couverte de plomb en forme de Croix, & placée au milieu du Cime- tière de S. Paul, où les premiers Refor- m.ateurs avoient coutume de prêcher au peuple. Le 14. de Décembre de la même année des CommilTaires nommez par le Parlement ôterent les Images de la Ca- thédrale de Cantorberi, effacèrent les Peintures des Vitres, & briferent les or- gues ; on fit la même chofe le 30. de Dé- cembre dans la Chapelle de Henri VII. à Weftminfter; la Cathédrale de S. Paul, & enfuite toutes les autres Eglifes Ca^ thedrales du Royaume, fubirçnt le mê- me fort. Pour mettre en exécution le fécond Bill, on faiiit tous les Revenus des Ar- chevêques, Evêques & de tout le haut Clergé, comme aulïï de tous ceux qui avoient ailifté, ou aiïîiloient actuelle- ment le Roi contre le Parlement; & on ne leur accorda qu'un cinquième de ces rçvenus pour leur fubfiflance. Bb 4 U 3^6 BifiLIOTHEQUE BRITANNIQUE, Le troifième Bill & le quatrième furent exécutez avec la plus grande rigueur. On établit des Committez par toute l'An- gleterre , pour faire le procès aux Minif- tres qui étoient accufez d'erreur dans la Doclrine, de vie fcandaleufe, de Kon- Refidence, ou de ne pas être affectionnez au Parlement, & on en dépofa un très- grand nombre. Enfin on convoqua une AfTemblée de Théologiens,pour faire les changemens né- ceiïaires dans la Dodrine , dans le Culte , & dans la Difcipline de l'Eglife Anglicane. Cette AfTemblée étoit compofé de 121. Théologiens, avec 30. AfTefTeurs Laïques, fçavoir dix Seigneurs & trente Membres de la Chambre desCommunes^parmi lesThéo- logiens il y en eut qui, quoique nommez par le Parlement, n'afïïflerent jamais à l'Aflemblée, comme le célèbre Ufferius Archevêque d'Armagh, le Dr. Prideaux Evéque de Worcefter, le Dr. Brownrid- ge Evêque d'Exeter, le Dr. Morley qui fut enfuite Evêque de Winchefler, le Dr. Saunderfon qui enfuite fut Evêque de Lincoln, le Dr. Ward Maître du Collè- ge de Sidney à Cambridge, & le Dr. Henri Hammond. Il y en eut d'autres qui d'abord aflillerent à rAiremblée,mais qui fe retirèrent enfuite \ comme le Dr. \teMeld Evéque de Briflol , le Dr. Bar- ris Prebendier de Winchefler, & les deux Miniflresde l'Eglife Walonne, Jean de Janvier , Février et Mars. 1740. 387 de la March, & Samuel de la Place. Il y en eut enfin qui y aiïiderent jufqu'à la fin; les plus confidcrables de ceux-ci étoientjle fameux Lightfoot Maître du Collège de S^e. Catherine à Cambridge, * le Dr. Goodwin fait enfuite Préfident du Collège de la Madelaine à Oxford, le Dr. Wilkinfon enfuite Profeffeur en Théologie à Oxford , MefTrs. Arrowsmith, Calamy , Conant, Harris, Reynolds , &c. Le Parlement nomma pour Préfident (en Anglois Prohcutor) le Dr. Guillaume Twifie Mmiftre à Newbury ; pour Aiïef- feurs, le Dr. Corneille Burges, & Mr. Jean White ; & pour Secrétaires, MelTrs. Hen- ri Roborough, & Adoniram Byfield. Le Roi, par une Proclamation datée da 22. Juin 1643. défendit à ces Théologiens nommez par le Parlement, de s'affem- bler, & déclara nuls tous les ades qu'ils feroient , menaçant , en cas de défobéïiTan- ce, de les pourfuivre avec la dernière ri- gueur. Malgré cette Proclamation, 6ç. d'entre eux s'affemblerent dans la Cha- pelle de Henri VII. & pour imiter les Pro- teftans étrangers, ils s'y rendirent en man- teau & en collet. Le Samedi premier de Juillet 1643. le Dr. Twifle prêcha un Ser- mon auquel les deux Chambres du Parle- ment affifterent; après quoi on convint des Réglemens fuivans: i. Que chaque Séance commenceroit & finiroitparune Prière. 2. Qu'après la Prière on liroir Bb 5 les .jg8 Bibliothèque Britannique, - les noms des Membres de rAfîemblée^ ..& qu'on marqueroit les abfens. 3. Que cha- que Membre, avant que de prendre fean- ce, preteroinle ferment fuivant; Je A. B, déclare ferieufeir.cnt & fokmnellement en la fréjen:e de Dieu, que dcms cette Ajfemblt'e, dont je fuis Membre j je n'avancerai rien en fait de Doârine, que c^ que je crois en ma confcien- ce être le plus conforme à la parole de Dieu ; ni en fait de Dijciptine , que ce que je jugerai 'pouvoir contribuer le plus à la gloire de Dieu , au. bien - à la paix de VEglife, Et il fut ordonné que ce ferment feroit lu tous les Lundis matin dans TAlTemblée. 4. Ou on s'aiTem^bieroir le matin à dix heures, & que les apr-v s-midi feroient refervez pour les Commutez. 5. Qu'on nommeroi: cha- que femaine trois Membres de rAiïemr blée pour être Chapelains, Tun de la Chambre des Seigneurs , l'autre de celle des Communes, & le troifième; duCom- mi*:té des di-ux R.oyaumes. Après qu'on fut convenu de ces Ré^ glemiens, le Parlement envoya ordre à FATemblée de revoir les 39. Articles de l'Eglife Anglicane, & d'examiner quels changemens ou corredions il y avoit à y faire. L'AlTemblée là-deiTus nomma un Commette pour faire cette revifion, dont il dcvoit enfuite faire le rapport à TAf- femblée. On em^ployadix femaines à exa- piiner les 15. premiers articles, & à y faire les changemens qu'on crut néceiïai- res: Janvier, Fëvrieu et Mars. 1740. 389 vzs: on mit à la marge de chaque Ar- ticle des citations des paiTages de FEcri- ture faintC;, pour prouver le§ véritez qui y font contenues. Dans le 2. Article, après ces paroles: Unfeul Chrifl, vrai Dieu & vrai Homme; on ajouta: Qui a véritable- ment Ibuffert pour nous dans fon ame, de la part de Dieu, les tourmens les plus terribles. Le troifième Article de la Defcente de Chriil aux enfers, fut changé ainfi: Com- me Çhriit eft mort pour nous, ëz a été cnfeveli, il eft auffi à croire qu'il a de- meuré dans l'état des morts, fous la puif- fance & fous la domination de la mort, depuis le tems de fa mort & de fa fé-r pulture jufqu'à fa P^élurreâ:ion ; ce qui a été exprimé autrefois par ces paroles: Il eft defcendu aux enfers. Dans l'Article fixième de la Suffifance cies Saintes Ecritures à falut , on ajouta une Enumeration des Livres Canoniques du Nouveau Teftament, & on retrancha tout ce qui regarde les Livres Apocry- phes, L'Article huitième des trois Symboles fut entièrement retranché. Voici l'Article neuvièm.e du Péché ori- ginel: Le Péché originel ne confifte pa^ dans l'imitation d'Adam., félon que les PeJagiens en paient vainement; ma:.? outre l'imputation de fon premier péché, ç'eft la faute & la corruption de la na- ture 390 Bibliothèque Britannique, turc de chaque homme qui cil defcendu d'Adam, par où l'homme efl entièrement privé de la Juftice originelle, èc eft de fa nature enclin uniquem.ent au mai ; ce qui fait que l'appétit de la chair, appelle en Grec «JîpdvvîpLii ^«pvc,-, que quelques-uns traduifentla Sagelfe , quelques-uns la Sen- fuahté , quelques - uns l'Affeaion , quel- ques-uns le Déiir de la chair, n'ell ponit fujet à la Loi de Dieu , ëc à caufe de ce- la il mérite la colère de jDieu & la dam- nation en tout homme venant au mon- de; & cette infetlion de la nature de- meure même en ceux qui font regénérez, tellement que la chair convoite toujours contre l'Efprit; & quoiqu'il n'y ait point de condamnation pour ceux qui font re- générez, & qui croyent, toutefois l'A- pôtre confeffe que la convoitife & l'ap- pétit déréglé efl véritablement & propre- ment péché. Dans l'Article dixième du Franc Arbitre on infera entre ces paroles. Laquelle nous prévient &c. & ces autres. Et qui opère avec nous, celles-ci: Et opère fi effica- cement en nous , qu'elle détermine notre volonté au bien. L'Article onzième de la Juflifîcation de rHom.me fut changé ainli : Nous fomimes juftifiez, c'eft-à-dire reputez juftes de- vant Dieu , & nous avons la remiilion des péchez , non point à caufe de, ni par nos propres œuvres ou mérites, mais par fa pure Janvier, Février et Mars. 1740. 391 pure grâce , uniquement pour l'amour de Notre Seigneur & Sauveur Jefus-Chrifl, fon obéïflance entière & fa fatisfadion nous étant imputées , & Chrill avec fa juftice étant embraffe par la foi feule- ment qui fe repofe fur lui. La Doctrine qui pôle que nous fommes jufdfiez par la foi feulement, eft très -faine , & très- pleine de confolation. Cependant Dieu ne pardonne point à ceux qui font im.- pénitens, Ck qui perfiftenc dans leurs pé- chez. Dans l'Article treizième des Oeuvres qui précèdent la Juiliiication, on fubUitua à ces paroles , Les œuvres faites avant la grâce de Chrift, & rinfpiration de fon Ëfprit, celles-ci: Les œuvres faites avant notre Juftiiication par Chrill & notre in- fpiration par fon Efprit; & au lieu de dire qu'elles ont îa nature du péché, on dit. Elles font pèche. Ces Articles furent fignez Dar Charles Herle Préfident, & les deux Secrétaires. La féconde chofe qui attira Tattention de l'AlTemblée fut la Ligue folemnelle, îippellée le Co venant. On avoit choifi en Ecoffe des Magiltrats, nommez les Con- fervateurs de la paix du Royaume : Ceux- ci convoquèrent les Etats pour le 22. de Juin, & rAfferablée générale des Eglifes pour le 2. d'Août. Le Parlement d'Angle- t'«"rre envoya en EcolTc fept Députez, iça-- VûjrJe Coijite de Rutland, les Chevaliers Ar- ^p2 Bibliothèque Britannique^ Armyn & V^ane, Meffieurs Hatcher & Dariey, & deux Théologiens, ?vlembres de l'Ali emblée de Weflmintter, fçavoir Meflrs. Marshal & Nye , pour demander aux Etats du feoours contre l'Armée du Roi, & à rAiFemblée générale de Députez, quelques Théologiens pour travailler con- jointement avec ceux de Weitminfcer à une union parfaite des deux Royaumes par rapport à la Religion & à la Difci- pline Kccleriafcique. Ces Députez étant arrivez à Edimbourg le 9. d'Août , furent introduits dans l'AfTem-blée; & on convint que les deux Nations entreroient dans une Ligue folemnelle;le Committe nommé pour dreller les Articles de cette Ligue eu Covenant, les préfenta à l'AlTemblée le 17. d'Août, où ils furent lus & approu- vez unanimement.Les Etats ayant approu- vé le Covenant le même jour , il fut en- voyé le lendemain en Angleterre par le Lord Mai:land, accompagné de Mr. Hen- derfon Modérateur de l'AlTemblée géné- rale, & ce Giliefpy Minillre, qui avoient été choifis pour traiter en qualité de Comimii flaires avec les Théologiens de Weftminfler de l'union des deux Eglifes. Ces Commiiiïaires, après être arrivez à Londres, prefenterent le Covenant aux deux Chambres du Parlement, qui ren- voyèrent à l'AlTemblée de Weilininfter, ôû il y eut à cette occalion quelques dé- bats, Lq Dr.Featly déclara, qu'il ne pou- voir Janvier, Février et Mars. 1740. 393 voit abjurer fans reftridion l'Kpifcopac, parce qu'il avoir prêté ferment à lon E- veque de lui obéir en touies les chofes julles & légitimes ; le Dr. Burges fit des objections contre plufieurs Articles du Covenant, mais après avoir été fufpen- du, il y foufcrivit. Le Prelldent Mr. Ga- taker, & quelques autres, fe déclarèrent pour l'Epilcopat primitif, entendant par- là que chaque Églife feroit gouvernée par un Prefident perpétuel, avec l'avis des autres Miniftres. Cependant, après qu'on eût fait quelques petits change- menSjleCovenant fut approuvé le 21. de Septembre par les deux Chambres du Parlement & par l'AfTemblée > 6c le 25. du même mois , étant le jour nommé pour le foufcrire , les deux Chambres , l'Aflem-- blée & les CommilTaires d'Ecoiïe fe ren- dirent dans l'Eglife de Ste. Marguerite à Weftminfcer. Mr. Vv'hite, Miniftre de Dorcheiler, ouvrit l'AfTemblée par une Prière. Mr. Henderfon déclara, que les Etats d'EcolTe avoient réfoiu d'afnfter le Parlement d'Angleterre conformément aux Articles de ce Covenant. Mr. Nye monta en chaire & le lut à haute voix Article par Article ; tous les alTiftans fe tenant debout, la tète nue & la main droite levée au Ciel, pour adorer le nom de Dieu & pour jurer l'exécution de ce Covenant. Le Dr. Gouge fit enfuite une prière, après quoi tousles Membres de ISr 394 Bibliothèque Britannique, la Chambre des Communes foufcrivirent une copie du Covenant, & les Mem^bres de l'Aflemblée une autre. Le Dimanche enfuite on lue le Covenant dans toutes lesEglifesde Londres, & on ordonna que tout le monde le ligneroir. Le 15. d'Odo- bre la Chambre des Seigneurs , après avoir entendu un Sermon du Dr. Temple, & une Exhortation de Mr. Coleman , fouf- crivit le Covenant. On ordonna non feu- lement de le lire dans toutes les Paroif- fes de l'Angleterre , de le faire figner par tous ceux qui avoient au-delTus de 18. ans, mais même Mr. Strickland, qui étoit Agent pour le Parlement à la Haye, eut ordre de le faire figner par tous les An- glois qui fe trouvoient en Hollande, & d'envoyer aux deux Cham.bres une lifte de ceux qui refuferoient de le faire. Ce qu'il y eut de remarquable , fut que TE-? lecleur Palatin, Neveu du Roi, figna le Covenant à la Haye , & s'étant enfuite rendu en Angleterre, il prit féance dans l'AlTemblée des Théologiens à Weftmin- fer. L'Alfemblée écrivit par ordre du Par- lement des Lettres circulaires aux Egli- îes Proteflantes des fept Provinces-Unies , des Cantons Suides , de Genève , des Pais de Heife , d'Anhalt & de Hanau , comme auffi à TEglife'Proteftante de Pa- ris: ces Lettres étoientuneefpece de Ma- nifefte pour le Parlement contre le Roi. Elles Janvier , Février et Mars. 1740. 595 Elles étoient datées du 30. de Novembre 1643. & fignées par le Prcfident, les 2. AfTelfeurs, les 2. Secrétaires & les 6, Commiffaires des Eglifes d'Ecolfe. Les Réponles à ces Lettres, par lefquelies on approuvoitleCovenant, furent lues dans rAffemblée, celle de TEglife de Paris au commencement du mois de Mars de l'an- née 1644. celles des Eglifes de Suiife <& de Genève, le 12. de Juin; & celles des ClaîTes d'Amfterdam & de la Gueldre , le 29. de Juin. Le Parlement procéda enfuite à l'abo- lition entière de la Hiérarchie Eccléfiaf- tique. Les Théologiens de TAfiemblée de Wefcminfler qui etôient pour l'Epifcopat, s'étoient retirez avant que le Covenant y fût lu & approuvé. Tous les Minières qui refufoient de le ligner , ou qui etoient foupçonnez de favorifer le Roi, furent chafTez de leurs Eglifes, & d'autres mis en leurs places; on fupprima les Cours Eccléfiailiques , auiÏÏ-bien que les Vifites des Evéques & des Archidiacres, & on ordonna que déformais chaque' Paroilfe choifiroit fon Miniftre , qui feroit enfui- te examiné & approuvé par rAffemblée de Weftminfler , & confirmé par le Par- lement. Le Comte de Manchefler,par ordre des deux Chambres ; fe rendit au mois de Fé- vrier 1644. à Cambridge pour vifiter TU- niverfité, & pour faire figner le Cove- Tomî XIV. Part, IL C c nant 396 Bibliothèque Britannique ? nant à tous les membres des Collèges. Tous ceux du Collège de la Trinité & de celui de S^^. Catiierine le fignerent : Tous ceux du Collège de la Reine , & foixante - cinq membres des autres Collè- ges refuferent de ligner ;, & furent chaf- fez. Parmi ces derniers il y avoit dix Maîtres de Collège , dont les principaux ëtoient le Dr. Jean Colins Maître du Col- lège de S. Pierre, qui fe retira en Fran- ce, & qui après la Reftauration fut fait Evêque de Durham; le Dr. Benjamin La- ney , qui fuivit le Roi Charles II. dans fon exil , à fut fait après la Reftauration Evê- que de Peterborough, enfuite de Lincoln , & enfin d'Eli; le Dr. Samuel Collins, Maître du Collège du Roi & ProfeiTeur en Théologie, homme fçavant, qui mourut l'an 1651. le Dr. Richard Stern, qui avoit été Chapelain de TArchevèque Laud, & qui après la Reftauration fut fait Evêque de Carlifle, & en 1664. Archevêque de York; le Dr. Guillaume Beale, Maître du Collège de S. Jean, qui fe retira à Ma- drid, où il mourut Tan 1651. & le Dr. Samuel Ward , Maître du Collège de Sid- ney; il avoit été un des Théologiens que le Roi Jaques I. avoit envoyez en Hollande pour alfifter au Synode de Dor- drecht.L'AlTemblée de Weftminfter nom- ma à leur place, pour Maître du Colle- fe de S. Pierre le Dr. Lazare Seaman, omme très-verfé dans les Langues Orien- tales , Janvier , Février et Mars. 1740. 397 taies, bon Cafuiile & fameux Predica- reur ; pour Maître du Collège de Ste. Claire , le célèbre Dr. Cudworth , Auteur du Livre intitule SyflJwe Intcllcâiiel ; pour Maître du Collège dePembrok,Mr. Ricliard Vines , qui etoit fameux Prédi- cateur; pour Maître du Collège de Je- fus, le Ur. F. Young,un des Auteurs du Livre intitulé Smeflymmis ; pour Maître du Collège de S. Jean, le Dr. Jean Arrowfmith, connu par fon Livre qui a pour titre Taûica Sacra , pour Maître du Collège de S. Jean, le Dr. Antoine Tuckney, qui enfuite fat fait ProfefTeur en Théologie. Nous avons de lui plufieurs Traitez, un Volume de Sermons & fes Prceleâioncs Théologien _\, en- fin pour Maître du Collège de S-^. Ca- therine, le Dr. Spuritow, & enfuite le cé- lèbre Dr. Lightfoot. Comme le Parlement avoit réfolu d'a- bolir la Liturgie Anglicane , rAfiem.blée de Weftminfter travailla par fon ordre -à drelTcrune efpece de nouvelle Liturgie, qu'elle appclla le Diredoire. Après l'avoir achevée on l'envoya en Ecofle pour y être approuve par l'AfTemblée générale des Eglifes ; après quoi il fat établi par un or- dre du Parlem.entdu 3. de Janvier 164^". qui révoque & annulle les Ades paffez fous Edouard VI. cz fous la Reine Elifa- beth pour établir Tancienne Liturgie , 6l défend de s'en fervir dans aucune E- Cc 2 glife, 5p8 Bibliothèque Britannique, glife;, Chapelle ôcc. du Royaume d'An- gleterre & de la Principauté de Galles. Ce Diredoire étoit appelle ainfi, parce qu'il ne contenoit pas des formulaires de prières , mais feulement quelques direc- tions générales pour le fervice divin. Il recommande de commencer toujours ce fervice par une Prière , dans laquelle le Miniftre, & le Peuple avec lui, adore la Majefté de Dieu, reconnoit notre néant & notre incapacité de faire le moindre bien; demandant à Dieu le pardon de nos péchez , TafTiIlance de fon Efprit , & d'a- voir notre. culte pour agréable. Le fécond Chapitre enjoint de lire par ordre, diflindement, à haute voix & en Langue vulgaire , tous les Livres Canoni- ques du Vieux & du Nouveau Teftament dans les AfTemblées publiques. Il lailfe à la difcrétion du Miniftre de déterminer le nombre des Chapitres qu'on doit lire à chaque fois , ôc il défend la ledure des Livres Apocryphes. Le troifième Chapitre contient des di- redions fi amples fur la prière que le Minjftre doit faire avant le Sermon, que plufieurs s'en fervoient comme d'un for- mulaire. Le quatrième Chapitre donne plufieurs régies fur la Prédication ; & le cinquième fur la Prière après le Sermon. Far rapport à l'adminiftration des Sa- cremens, lefixième Chapitre défend aux Lai- Janvier , Février et Mars. 1740.399 Laïques debâtifer, & aux Miniflres dele faire dans des maifons particulières. Il leur recommande , avant que de bâtifer, d'inflruire le peuple touchant Tinflitu- tion, la nature, l'ufage & le but de ce Sacrement. Il ordonne que Tenfant foit préfenté au bâréme par fon ?ere , ou fon plus proche Parent, 6z que Tufage de la croix , comme auffi celui d'avoir des Par- rains & des Marraines foit aboli. Quant à la Communion, le feptième Chapitre ordonne , qu'on ôte les autels des Eglifes,& qu'on place dans un lieu com- mode une table, autour de laquelle les Communians puilTent s'afleoir ; qu'on cé- lèbre fouvent la Ste; Cène, & qu'on en donne avis au peuple le Dimanche qui précède celui de la Communion; qu'a- près le Sermon le Miniftre addrelTe une courte exhortation au peuple, pour lui expliquer la nature 6c le but de ce Sa- crement, les avantages qui nous en re- viennent, & les difpofitions nécefTaires pour bien communier; qu'^l avertilTe en- fuite ceux qui font ignorans , ou qui mè- nent une vie fcandaleuie.de ne pas s'ap- procher de cette Sainte Table; qu'il hfe après cela dans les Evangeiiftes ou dans S. Paul, les paroles de Tinilitution ; qu'il confacre le Pain & le Vin par une priè- re, & qu'il les diliribue; qu'en donnant le Pain il dife : Selon la falnte J.njtiw.tion , V Ordre &' V Exemple de notre Sauveur Jefus- Cc 3 ÇhriJ}. 400 Bibliothèque B'ritannique, Cbrifi ,je prens ce Pain,& ayant rendu grâces je le romps 6f je vous le donne. Prenez , mangez. Ceci efl le Corps de Chrifl , qui a été rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de lui. Qu'il prenne pareillement la Coupe, & qu'il dife: Selon PlnjUtution, P Ordre -J r Exemple de notre Seigneur Jejus-Cîmji , je prens cette Coupe 6f je vous la donne: Celte Coupe ejî le Nouveau Teflament dans IcSr.ngde Chrifl qui a été répandupour la rcmiJJJcn des pé- chez de plufieurs: Buvez- en tous. Qu'enHn toutfe termine par une adionde grâces. Le Chap. 8. delaSandification du Jour du Seigneur", recommande de l'employer à des œuvres de pieté, & de s'abllenir non feulement de toute œuvre fervile, maisauflide toute forte de divertlifcmenr. La défenfe de fe marier pendant le Ca- rême , & l'ufa^e de l'Anneau dans la Cé- rémonie du Mariage, furent abolis par le Chapitre 9. Touchant la Vinte des malades le Chap. 10. donne des direclions générales, &fup- prime ce qui efl dit dans la Liturgie de l'Eglife Anglicane, que le Minillre les ex- hortera à faire une confeillon particu- lière de leurs péchez, & leur donnera Fabfolution en ces termes. En fon au- torité fde Jefus-Chrift) je t'abfous. Le Chapitre ii. touchant la Sépulture des morts, ordonne de les enterrer fans aucune cérémonie , & fans reciter des paf- fages de l'Ecriture ;, lire des Leçons ou des Prie- Janvier , Février et Mars. 1740.401 Prières, & chanter des Pfeaumes ou des Hymnes, foit en allant au cimetière, foit auprès de la foiïe. Les Chapitres 12. 13. & 14. regardent ies jours de Jeûnes, ceux d'adions de grâ- ce , & le Chant des Pfeaumes. Le dernier Chapitre , qui traite des tems & des lieux du Service Divin , défend la confecration des Eglifes & Tob- fervation des jours de Fête. La Hiérarchie étant abolie, il étoit néceflaire de faire un nouveau plan de Gouvernement Presbyterien.L'Aiïemblée de Weflminftery travailla , ëz étant d'ac- cord , après plufieurs débats , fur un fécond. Directoire, elle l'envoya en Ecofie, où il fut examiné & approuvé par l'Alfem- blée générale des Eglifes Tan 1645. Ce Di- rectoire contient 15. Chapitres. Le pre- mier traite de l'Eglife Univerfelle & des Eglifes particulières. Le 2. des Miniltres de l'Eglife , tant extraordinaires, qui é- toient les Apôtres, les Evangeliftes & les Prophètes, qu'ordinaires, comme Pafteurs> Docteurs, Anciens & Diacres. Le 3. des Pafteurs & de leurs Fonctions. Le 4. des Dodeurs & de leur Charge, Le 5. des anciens Laïques. Le 6. des Diacres, a qui il n'apartient point de prêcher la parole, ni d'admmiflrer les Sacremens, mais d'avoir foin des pauvres. Le 7. des Congrégations particulières, ou des Pa- roilles & de leur étendue. Le 8. des Mi- Cc 4 aillres 402 Bibliothèque Britannique , niftres de ces Congrcgadons particuliè- res. Le 9. de ce qui doit fe pratiquer dans ces Congrégations. Le 10. de laDif- cipline de l'Eglife, & des différentes for- tes d'Aifeniblées établies pour l'exercer. Le II. du Pouvoir général de ces Affem- blées. Le 12. des AfTemblées Confifto- riales de chaque Eglife. Le 13. des Claf- fes. Le 14. des Synodes. Le 15. fur l'Or- dination des Miniilres, traite de la né- ceffité de l'Ordination ; en qui refide le pouvoir d'ordonner; ce qui regarde la Doétrine dans fOrdination des Mmiftres , & la manière de les ordonner. L'AiTemblée de Wellminfler dans la Seflion 535. délibéra fur les Pfeaumes qu'on chantoit dans les Eglifes,& ayant trouvé que dans la vieille Verfion faite par Sternholm & Hopkins il y avoit des cxpreflîonsobfcures & hors d'ufage, elle examina la nouvelle Verfion deMr. Rous, & y ayant fait pluHeurs changemens, elle les envoya le 14. Nov. 1645. à la Chambre baifé avec cette recomman- dation. ,, Comme l'Honorable Chambre 5, des Communes, par un ordre daté du ;, 20. Nov. 1643. a recommandé à rAlTcm- ,, blée des Théologiens d'examiner les ,, Pfeaumes publiez par Mr. Rous, l'Af- ,, femblée les alûs& relus avec foin, & elle ,, les approuve tels qu'ils font changez & ,2 corrigez , & elle croit qu'ils peuvent être ,i utiles &prontables à l'Eglife, fi onper- ,> met Janvier, Février et Mars. 1740. 403 ,, met de les ciKinrcr piinliqiicmenr ". Sur cette reconimaïukitian les deux Cluun- bresdu P:irlenient autoriferent Tufage de ces Pleaunies dans les jiglifes. LcDodeur Twille erunr mort, le Par- lement nomma pour Ton fucceniur Mr, Charles Merle, qui prit j^oliHHon de fa place de PreJldent de PAllemblée des Théologiens le 22. de Juillet 1646. On fi- nit fous fa Prefidence trois autres ou- vrages, fçavoir la Ccmfellion de Foi, le grand Cs: le petit Catechifme. Comme ces ouvrages font alîc/ connus , nous n'en parlerons point, tV nous nous con- tenterons de remarquer que le Parlement approuva tous les articles de la Confellioii de Foi qui regardent la Doctrine, niinil:er, devant le Committé établi pourl Reformation de l'Univerfité. Ils s'y rendirent, & leur caufe fut plaidéc par deux Avocats cé- lèbres, Mr. Haie & Mr. Chute, qu'ils a- voient choifi eux-mêmes; mais le Com- mitté décida contre eux, & vota que leurs réponfes dérogeoient à l'autorité du Par- lement. Les Théologiens d'Oxford appelèrent de cette fentence au public , par une Lettre addrelTée au fameux Selden , Mem- bre de Parlement pour cette Univerfité; & en même tems on répandit dans tou- tes les Villes de l'Angleterre, & fur-tout dans celle de Londres, un grand nom- bre d'Ecrits Satyriques fous ces titres, le Mercure Académique ; le Pegafe d'Ox- ford; le Pegafe appris à danfer, fur l'air Lacryma-, les Chouettes d'Athènes, ou Entrée du Comte de Pembroke à Ox- ford ; la Tragi-Comédie d'Oxford, & plufieurs autres. Le Parlement étant informé de l'ob- ftination des membres de rUmverfité, nom- 4oS Bibliothèque Britannique, nomma le Comité de Pembroke Chance- lier de rUniverfité d'Oxford , & lui com^- iTianda de s'y rendre en perfonne pour remédier aux défordres. Il y arriva le II. d'Avril, & ayant cité tous les Maî- tres des Collèges, il chafla ceux qui re- •fuferent de reconnoître Tautorité du Parlement, parmi lefquels étoient le Dr, Sheldon , qui après la Reftauration fut fait Evêque de Londres, & enfuite Ar- 'Chevéque de Cantorberi. Il fut choifî Chancelier de l'Univerfite d'Oxford , & y bâtit le fameux Théâtre ; le Dr. San- derfon , ProfelTeur en Théologie ; le fça- vant Jean Gréaves , Pro^efTeur en Aflro- iiomie, qui par ordre de rArchevéque Laud avoit voyagé par tout l'Orient, pour chercher & pour acheter des Ma- nufcrits anciens ; & le fameux Dr. Ha- mond. Orateur de TUniverlité, qui mou- rut le 25. d'Avril 1660. Les principaux de ceux qui furent nommez par le Parlement pour lucceder à ceux qu'on avoit chaffé, étoient le Dr. Edouard Reynolds, qui après la Reilaura- tion fut fait Evéque de Norv/ich; le Dr. Jean Wilkins, qui avoit été Chapelain de Charles Comte Palatin en Allemagne; à fon retour en Angleterre il fut choifi Miniftre de l'Eglife de St. Laurent à Lon- dres, puis Maître du Collège de Wad- Jiam à Oxford ; en 1656. il époufa la fœur du Proteèleur Cromwell, & fur fait Janvier, Février et Mars. 1740. 409 fait Maitre du Collège de la Trinité à Cambridge. Après la Reftauration il fut fait Evèque de Chefler; il mourut de la pierre daiis la maifon du Dr. Tillotfon l'an 1672. la Société Royale , dont il étoit Membre, le regardoit comme un de fes principaux ornemens & Bien- faiteurs. Le Dr. Seth Ward , ProfelTeur en Aflronomie ; il avoit été chaiïe de Cambridge par le Comte de Mancheller ; pour avoir refufé de ligner le Cove- nant ; mais il fe foûmit enfuite : après la Rellauration il fut Evèque d'Exeter, & enfuite de Salisbury , & mourut Tan 1668. Le fameux Dr. Wallis , Profeiîeur en Géo- métrie , fi connu par fes Ouvrages. Louis du Moulin , fils du fameux Pierre du Moulin; il avoit été Dodeur en Médeci- ne dans rUniverfité de Leyden ; le Par- lement le fit Profefieur en Hifi:oire à Oxford ; après la Rellauration il fut chaf- fe par les CommiiTaires du Roi, & mou- rut à Londres Tan 16S0. Parmi ceux des membres de l'Univerfité qui fe fou- rnirent à Tautorité dli Parlement, & fu- rent continuez datïs leurs Charges , Ijs plus fameux étoient le Dr. Pocock , Pro- fefieur en Langues Hébraïque & Arabe ; & le Dr. Clayton, ProfeiTeur en Anato- mic. Le Parlement, par un Acte palTé l'on- zième de Février 1647. défendit de rc- préfenter aucune Comédie ou Tragédie , 410 Bibliothèque Britannique, & ordonna de faire fouetter publique- ment par les mains du bourreau tous les Comédiens , & de faire payer à chacun des Spectateurs une amende de cinq chelins. Les Difputes entre les Pres- bytériens, les Indépendans & les Ana- bâtifles, l'Hiftoire de la féconde Guerre Civile, la Dllfolution de l'AfTemblée de Wcftminiler, le iraité de l'iile de Wight, & les circonilances de la mort du Koï Charles I. font des morceaux curieux j, qui pourront fournir un autre Extrait, ARTICLE VII. The Généalogies of our Lord and Sa- viour Jésus Christ, as recor- ded by St. Matthew and St. Luke, critically examined , explained, de- fended, and reconciled to each other, and to the Scriptures of the Old Teftament. By Edward Yard- LEY, B. D. Preacher of the Cha- pel al Highgate , in Middlefex , and late Fcllow of St. John's Collège in Cambridge. C'efl-à-dire : Les Généa- logies d£ notre Seigneur ^ Sauveur Je- sus-Christ, félon quelles font rap- portées par St. Matthieu ^ par St. Luc ^ examinées fuivant les Régies de la Critu que, JANVIER, Février et Mars. 1740. 411 que , expliquées , défendues , Êf conci- liées entre elles , Èf avec r Ancien Tc/fa- ment. Par Mr. Edouard Yard- LE Y, Bachelier en Théologie^ Prédica- teur de la Chapelle de Highgaîe dans le Comté de Middlejex , Êf ci-devant Mem- bre du Collège de St. Jean à Cambridge. A Londres, chez J. Mecheil , aux -Armes du Roi , dans Fleecltre^c , 1739 > 3 pagg. zS5y ^ans la Préfa- ce, qui en contient 15. LA plupart des Auteurs ont coutume de rélever l'importance des fujets qu'ils ont entrepris de traiter, afin qu'on ne s'imagine pas qu'ils ont perdu leur tems en s'amufant à écrire fur des ma- tières triviales ou peu intéreiïantes. Il étoit d'autant plus néceflaire que Mr. Yardley fe conformât à cette coutume, que le fujet de fon Ouvrage femble être un de ceux que St, Paul interdit aux Théologiens , lorfqu'il leur défend de s"^ adonner aux Fables & aiix Généalo- gies, qui font fans fin , Ûf qui produifent plutôt des difpiites , que f Edification de Dieu *. Notre Auteur s'attache donc à faire voir dans fa Préface, qu'il ell impofÏÏble de prouver que Jefus ell le Meflie, à moins qu'on * I. Tim. 1. 4. Voyez au£l Tit. III. 9. Tome Xm Part, IL Dd 412 Bibliothèque Britannique, qu'on ne montre évidemment qu'il eft defcendu de David. Ceft dans cette vûë que deux Evangeliftes nous ont don- né la Généalogie du Seigneur. Mais comme il y a une très-grande différence dans leurs récits , on n'en peut rien conclure , que premièrement on ne les ait conciliez, & qu'on n'ait fait voir, que s'ils paroilfent fe contredi- re mutuellement, ou contredire l'An- cien Teftament , la contradidion n'efl qu'apparente , & peut fe lever facile- ment. .Ceft donc -là la Tâche que Mr. Yardley fe propofe. Il a profité du travail de ceux qui ont écrit avant lui furie même fujet, & il les cite exacle- ment, dit-il, afin qu'on ne l'accufe pas de Plagiat. Il prétend néanmoins, que ceux qui l'ont précédé n'ont pas fait tout ce qu'ils auroient pu, & il a été fâ- ché de voir que jufques à préfent ce fu- jet a été traité, fi-non fuperficiellement , au moins imparfaitement. Sur une pareille déclaration de l'Au- teur, on doit naturellement s'attendre à trouver quelque chofe de nouveau dans fon Ouvrage. Cependant, après l'avoir lu avec foin , nous avons trouvé qu'il ne contient prefque rien d'elTentiel qu'on n'ait déjà vu dans TOuvrage Latin de Mr. Spanheim, intitulé y Dubia Evan- gdica, quoique Mr. Yardley ne le cire que Janvier, Février et Mars. 1740. 413 que très-rarement. On lui doit pour- tant fçavoir gré de fon travail. Comme les Incrédules publient continuellement en langue Vulgaire, des Ouvrages dans lefquels ils ramènent des difficultez con- tre la Religion qui ont été mille fois réfoluve , il eil neceflaire de faire con- noitre au peuple des Solutions que les Incrédules fuppriment ^vec beaucoup de foin. Ce Traité eft divifë en trois Parties. Dans la première on examine la Généa- logie que St. Matthieu rapporte, & on tâche de la concilier en tout avec les divers palTages de l'Ancien Teftament qu'elle paroît contredire. Dans la féconde Partie on examine de même la Généalogie que St. Luc nous donne ; on montre qu'elle n'eft point oppofée à ce qu'on trouve dans l'Ancien Teftament, & on fait voir par quel moyen on doit concilier St. Luc avec St. Matthieu. Enfin dans la troifième Partie on com- pare les deux Généalogies enfemble; on y traite quelques queftions qui ont du rapport à ce fujet, comme par exem- ple. Comment il eft poflible qu'il y ait un plus grand nombre de Générations durant le même efpace de tems dans une branche de la même famille que dans l'autre , puisqu'on trouve beau- Dd 2 coup 414 Bibliothèque Britanniquet, coup plus de perfonnes depuis Nathan, qu'on n'en trouve depuis Salomon fon frère jufques à Jefus-Chrift ? Enfin cet Ouvrage finit par l'examen & la réfuta- tion de l'Hypothèfe que Jules Africain àvoit inventée pour concilier les deux Evangeliftes. On ne s'attend pas fans doute que nous donnions ici 1 abrégé de cet Ou- vrage. Nous nous contenterons de rap- porter comment l'Auteur concilie St. Luc avec St. Matthieu , parce que c'eft ce qu'il y a de plus efientiel. Il foutient que St. Matthieu nous don- ne la Généalogie de Jofeph, & St. Luc celle de Marie. Il prétend que dans le 23. Verfet du III. Chap. de St. Luc, il faut placer la Parenthèfe autrem.ent qu'on ne la met d'ordinaire. On lit dans la plupart des Verllons , Jefus commençoit d'avoir environ trente ans , fils ( comme on Veftimeit) de Jofeph , de He/i , ^c. Mr. Yardley veut qu'on enferme le mot de yofepi) dans la parenthèfe , ëz qu'on life , Je/us .... fils ( comme on Pefiimoit de Jofeph ) de Heli, &c. De forte que l'E- "i^angelifte a voulu dire, que quoiqu'on crut communément que Jefus étoit le fils de Jofeph , il étoit réellement le fils, c'ell-à-dire le petit-fils de Heli, pè- re de Marie. Mr. Yardley cite plufieurs Auteurs qui concilient ainfi les deux - - ■ Evan- Janvier, Février et Mars. 174Q. :^is Evangelifles, Mr. Spanheim , qui ap- prouve auiïi cette Solution , nomme. * quelques autres Ecrivains célèbres qui Font embraifée. Cette explication eH pourtant fujette à quelques difficultez. La principale eit, que d St. Luc rapporte la Généalogie de Marie, defcendue de David par Nathan, & St. Matthieu celle de Jofeph ,' dei- cendu de David par Salomon, on ne comprend pas comment les deux mêmes perfonnes , l'un père & l'autre fils, fça- voir Salathiel & Zorobabel, peuvent fe rencontrer dans ces deux différentes Généalogies. Il femble que lorfque Su Luc eil venu à Salathiel, il devoit re- monter à Salomon par Jechonias, père de Salathiel félon St. Matthieu ; au lieu" qu'il lui donne pour père Neri, defcen- du de Nathan. Mr. Spanheim levé cet- te difficulté t en foutenant que le Sa-^ lathiel & k Zorobabel dont parle St. Luc, ne font pas les m.èmes que ceux dont St. Matthieu fait mention. Il pa- roit en eifet qu'ils doivent avoir vécu dans des tems dilFérens ; puifque , fuivant St. Matthieu , il n'y a que dix Généra- tions entre Jefus-Chrift & Zorobabel, ^ au *■ Spmheim , Dub. Evang. Part. 1. Dub» XX. XXL. XXII. §. 30. p. m, 124. 125. j Ibid, $.23' piig' 115. Dd3 4i6 Bibliothèque Britannique, au lieu qu'il y en a dix-neuf félon St. Luc. Cependant Mr. Yardley n'eft point de Topinion de Mr. Spanheim fur ce point particulier. Il prétend qu'il s'agit des mêmes perfonnes dans les deux Evan- geliftes ; & comme St. Matthieu dit que Jechonias engendra Salathiel , qui , fui- vant St. Luc, étoit fils de Neri, il fou- tient , que Salathiel époufa la Fille de Neri , & devint par confequent fon gen- dre, ou que Neri n'ayant point d'en- fans, adopta Salathiel. Nous laiflbns au Ledeur à juger de la folidité de cette opinion; nous remarquerons feulement, que û elle efl fondée , il eft bien fur- prenant que St. Luc n'en ait rien dit , & qu'il ait continué le fil de la Généa- logie par Neri jufques à Nathan; com- me fi Salathiel eût été le propre fils de Neri , & non pas fon gendre , ou fon fils adoptif. Mr. Spanheim remarque, que quand cela feroit , ce n'auroit pas été une raifon fufîifante pour faire remon- ter la Généalogie de J. C. à Nathan par Neri. Nous ne remarquerons plus qu'une diffi- culté qui revient fréquemment dans l'Ou- vrage de notre Auteur, & qu'il n'a point jugé à propos de lever. C'eil que lorf- que St. Matthieu dit qu'un tel engendra un tel , cela fignifie ordinairement que le premier étoit le père du fécond; mais fou- Janvier, Février et Mars. 1740.417 fouvent auflî cela fignifie qu'il étoit fon ayeul, fon bifayeul, ou même fon tris- ayeuL Et dans St. Luc le mot de fils fignifie petit-fils, & gendre. Jefus étoit fils, c'eil-à-dire petit -fils d'Heli; Sala- thiel étoit fils, c'ell-à-dire gendre, ou fils adoptif de Neri. ' De pareilles diffi- cultez méritoient fans doute qu'on ta- chât de les lever ; cependant Mr. Yard- ley ne paroît pas y avoir fait la moin- dre attention. Malgré la petite Critique que nous avons faite de cet Ouvrage , nous fem- mes perfuadez qu'il ne lailTera pas d'ê- tre utile à ceux qui n'entendent pas les Langues fçavantes, & qui font pourtant bien-aife de fçavoir comment on peut répondre aux Objedions des Incrédu- les. Les Sçavans même ne feront pas fâchez de relire dans un petit Volume, ce qu'ils ont vu dans plufieurs gros Ouvrages, & qu'ils ont peat-ètre ou- blié. PROJET DE SOUSCRIPTION, QN nous a prié d'infirer dans notre Jour- nal ce Projet , pour imprimer par Soufcrip- tion un Ouvrage intitulé : A ColleBion of tbs State Paper s ofJoHN Thurloe Efqr. Sécréta- '■y ' fi^fl ^0 ^be Council of State , and after^firds to tbe two Fr»te3ors Oliver and Richard Cromwell. C'ell-à-dire: ^> Recueil des D d ^ ,, m- 4ï8 BlBLIOTlTEQUE BillTANNIQUE , " sy Mémoires d'Etat de Mjt. Jean Thurloe y S- » cuyer, Secrétaire du Confeil d'Etat premiè- >^ renient , & enfuite des Protefteurs Olrjier ,i & Pdchard Cromwell <^ : Contenant des Mé- moires autentiques fur les Affaires d'Angleter- re, depuis l'an 1638, jufques à la Reftauration du Roi Charles II. ffavoir. I. Lettres écrites par le Confeil d'Etat, par les deux Protedeurs , & par Mr. Thurloe. IL Lifi.ru£lions données aux Ambaflfadeurs , Envoyez, Généraux, Amiraux Sec. Anglois. m. Lettres des AmbaiTadeurs, Envoyez, Re- fidens , & Confuls Anglois en Portugal , en Ef- pagne, en France, en Flandre, en Hollande, aux Villes ^nféatiques , en Allemagne , en Da- nemarc, en Suéde, en Pologne, en Rufîie , en SuiiTe, en Italie, en Turquie, &c. . IV. Lettres des Commiflaires du Grand Sceau , de la Tréforerie , de l'Amirauté , & de la Ma- rine ; des Juges , du Procureur général , .du Solliciteur général , des Commandans des Gar- nirons , & d'autres Oiîiciers civils & militaires en Angleterre. V. Lettres du Général'Monk , du Lord Brog- hill enfuite Comte dH3rrery, & d'autres Offi- ciers civils & militaires en ÉcolTe & en Irlande. VI. Lettres des Majors Généraux établis par O- livierCromwell dans toutes les- Comtx'Z d'Angle- terre , écrites durant 1'., neitiS de leur adminiftration. VIL Lettres de Flétjv^.vood & de Henri Crom- vç'ell, Gouverneurs d'Irlande, avec les Lettres du Confeil de ce Royaume. Vlîl. Lettres des Gouverneirrs & autres Of- iiciers de la nouvelle Angleterre , de la Jamaïque , des Barbades , & des autres Colonies Angloifes tn Ameriaue, '•'' • IX. Let- jANVIJEJl, FEVRIiSR ET ^IARS..I740. 419 IX. Lettres des Amiraux Blake , Montagii (qui tut enfaite Comte de Sandwich) Penn, Venables, Se autres Officiers de Marine. X. Lettres interceptées , écrites par diverfes perfonnes de difFérens p^tis, tant en Angleter- re que dans les Païs étrangers j avec des Let- tres contenant des avis fecret^ de tous les Païs de l'Europe : comme plufieurs de ces Lettres font écrites en Chiffre , on en mettra l'Expli- cation entre les Lignes. XI. Copies de diverfes Lettres des Ambaf* fadeurs & Envoyez . des Païs étrangers , & de plufieurs Lettres qui leur font addrelfées. XIL Perquiûtions & Recherches touchant des Confpirations. XIIT. Requêtes , Ordres du Confeil , fiâtes & Réfolutions du Parlement. XIV. Traitez , Mémoires , Remontrances , c'eft pourquoi l'Entrepre- neur de crt Ouvrage fc propofe de rabattre un fol Janvier, Février et Mars. 1740. 421 fol & demi par feuille fur le fécond payement pour le papier ordinaire , & deux fols & un Fardin ou Liard par feuille fur le fécond paye- ment pour le plus beau papier, pour chaque feuille qu'il y aura au-deflbus de neuf-cens , Ôc d'augmenter le prix dans la même proportion pour chaque feuille qu'il y aura au-delllis de neuf-cens. V. On n'imprimera qu'autant d'Exemplaires qu'il y aura de Soufcriptions , & pas davantage, C'efl pourquoi on prie ceux qui auront dellein de foufcrire , d'envoyer le premier payement avant la Nôtre-Dame de Mars prochaine , & de donner leurs noms , afin qu'on puifTe les inférer dans la Lifte des Sbufcripteurs : car on mettra l'Ouvrage fous la prefle des le 25. de Mars prochain , afin qu'il puifTe être achevé le 25. de Mars 1741, ou plutôt, s'il eft poffible. VI. On ne délivrera aucun Exemplaire à au- cun des Soufcripteurs , à moins qu'il ne pro- duife un Reçu flgné de l'Entrepreneur 5 & à moins qu'il ne le demande dans l'efpaced'un an, après que l'Ouvrage aura été publié. On trouve le Projet de Soufcripnon, avec un Echantillon de l'Ouvrage, chez l'Entrepreneur Fletcher Gyles , Libraire dans Holborn , chez qui on reçoit les Soufcriptions > comme auflî chez les Libraires fuivans , Stagg dans le Pa- lais de Weftminfter; Dudjley dans Pall-Mall; Woodward dans Fleetftreet; Daviî dr.ns Pater- nofter-rowî JVbitridgek laBourfc} Leake à Bath 5 Cléments à Oxford ; Tburlbourne à Cambridge -, Hild-jard à York ; Br'jfon à Newcaftle ; Creigbton à Ipfwich j Score à Exeter ; ff^ard à Nottingham ; Coddard à Norwich j J'a^w^ £>avidfon ^ Cotn- tarfrif-f ta 422 Bibliothèque Britannique, pagfiie à Edimbourg^ & Owen Se Faulkner l DubHn. Le Sieur Fletcher Gyles,qui entreprend TE- dition de ce Recueil, prie ceux qui ont entre les mains quelques Mémoires Originaux touchant les Affaires d'Angleterre, d'Ecofle, ou d'Irlan- de depuis l'an 1638. jufques à la Reftauration , de vouloir bien les lui communiquer 3 & il pro- met de les inférer fidèlement dans ce Recueil , & d'en témoigner fa reconnoiflfance à ceux qui les lui auront fournis. Ce Projet ell daté du 4, Décembre I739- Voici la Pièce que l'Editeur nous donne com- me un Echantillon de tout l'Ouvrage; c'ell une Lettre addreilée au Secrétaire Thurloe , dans la- quelle on offre de découvrir toutes les Confpi- rations contre la Perfonne du Protefteur. On croit que le Chevalier Richard IVillis * efll'Au.- tcur de cette Lettre. ^; M 0 N s I E u R , 3) Comme vous avez toujours veille d'une fa- i) çon 11 particulière à la confervation de ce peu- :, pie, & que par vos foins & par votre pru- ^, dence vous avcs fi fouvent fiit avorter les „ deiTeins d.es ennemis de notr: tranquillité, & ,i les machinations réitérées Je ceux qui cher- ^, choient notre perte , on ne fçauroit s'imaginer j, que dans un tems comme celui-ci, vous vou- f» liez négliger la moindre Aes précautions qu'exi- j> ge de vous la grandeur du Dépôt qui vous eil }i confié. ., C€- * Vôyel l'Hiftoirc de Mylprd Clarendon , Tom. III Livr^ XVI. p'^^' 5iii & fuiv. de CEdifian À;^g!:ifc in Fi/is, Janvier, Février et Mars. 1740. 42s „ Cependant, puifque les plus habiles Méde- ^) cins n'ont pas honte d'avouer, qu'il y a cer- 3, taines maladies («& ce font les plus dange- ^^ reufes) qui furprennent la nature d'une ma- 9f nière fi fecrette , & qui minent fi impercep= ^ tiblement nos frêles Tabernacles de Terre . „ qu'il ell difficile de découvrir ces maladies pat" y, aucun fymptome , &par confequentprefque im- >, polîible de les prévenir ou de les guérir par p des remèdes convenables > de même les plus „ habiles Politiques , & les MiniUres d'Etat les ji plus expérimentez (qui font par rapport au „ Corps politique , ce que les Médecins font par „ rapport au Corps naturel) n'ont pas cru qu'il 3y y eût le moindre déshonneur à reconnoître , -}) que dans tous les pais & dans tous les fiécles ^, il y a des gens alTez malignement ingénieux y, pour entreprendre la ruine de leur patrie , & „ quelquefois même alTez malheureufement for- }y tunez pour y réiifBr j de forte que ceux qui y, ont véritablement à cœur la confervation de yy l'Etat, ne fçavent fouvent comment s'y pren- y, ait pour le fauver. Tel ell préfentement la }i condition de cette pauvre République; je fuis ,i perfuadé, Monfieur, que vous ne le fentez 3) que trop vivement: puifque vous voyez que yy chaque jour paroît prêt à enfanter de nouveaux 3, & de dangereux delTeins , qui , quoique formez 3i & entretenus dans des vues différentes, & 3, peut- être oppofées, aboutillfent pourtant tous yy in boc tertio , je veux dire , à troubler & à ren- ^?, verfer le gouvernement préfent; & s'ils n'ont „ pas encore été auflî heureufement mis au jour jy qu'ils ont été malicieufement conçus, il faut yy l'attribuer ( après la bonne providence de Dieu) 3, ^ votre grande pnidÇDc? , qui Jes a fait avor- „ ter. 424 Bibliothèque Britannique, i) ter. Quiconque réfléchie fur le mauvais état où }i les Aiî'aires font à préfent; quiconque conll- >y dere Tair furieux & plein d'envie des faftions y> irritées donc on a fait échouer les defleins j y> quiconque fait attention aux mouvemens in- f> quiets de ces Efprits ambitieux qui veulent ^> s'élever aux premières Charges > quiconque }> jette les yeux fur les Pafquinades , les Satyres yy & les Libelles qu'on répand journellement 39 dans les rues comme autant de fen:ences de 3> Sédition; quiconque tàte le Pouls violent & 3t déréglé du peuple, dont les battemens forts j> & redoublez marquent un mécontentement », public & déclaré; quiconque, dis-je , fait » attention à. tout cela, doit néceflairement en ,y conclure, qu'il y a long-tems que nous fom- „ mes attaquez d'une violente Conjomption^ vSc _,, que nous fommes à prélent dans un état de ,, Crife, prêts ou à expirer, ou à nous rétablir j, bientôt. Je ne fçaurois nier, je veux même ;,, avouer ingénument, que j'ai été un de ceux y, qui n'ont pas peu contribué à augmenter la ^ malignité «Scrinflammation de cette Fièvre. Ce ,, n'eft pas que j'aye jamais pris aucun plaifir à y, voir fouffrir ma patrie (car en étant un mem- y, bre, je ne puis que participer à fes maux) y, mais entraîné (je pourrois dire, féduit) par jt cet Aphorifme, poJ:tà caujâ febris ^ meliùs eft ,,febrire^ quàm 11011 febrire -, la caufe de la Fié- „ vre fubfiflant dans le Corps , il vaut mieux j, avoir la fièvre que de ne l'avoir pas, & prévenu j, de cette idée , qu'il reftoit encore quelque indi- y, geftion dans le Corps, je crus que le plus j, court moyen de guérir le mal,étoit de l'aug- 3, menter. Ceci paroitra fans doute un grand ;i, paradoxe & une étrange cjàiiiere de guérir : Janvier, Février et Mars. 1740. 425 )) mais, comme des Charlatans que Tignorance if rend hardis , nous ne nous faifions aucun jy fcrupule d'efTayer nos remèdes fur une Répu- ji blique malade, & croyant être alFez habiles pour- „ vu que nous pùfîions la mettre en mouvement, jy nous jugions que le meilleur remède écoit ce- 3} lui qui opcreroit avec le plus de violence; & nous „ nous applaudiflîons le plus de notre art, lorfque 33 nous étionsles plus ingénieux à inventer du mr^l. yy Mais je puis protefler devant Dieu , que ^ ce n'a été ni le préjugé , ni l'envie, ni Tarn- 33 bition, ni la vaine gloire, ni la néceiîité (ai- yy guillons ordinaires des efprits turbulens & in- 33 quiets) ni une infatuation enthouûafte (pré- 3^ texte fpécieux fous lequel dans ce fiécle a- 33 veugle on couvre l'iniquité ) mais un amour 33 pur, honnête, fincere & vif pour la liberté, 33 le bien - être & le bonheur de ma chère Pa- 33 trie (mêlé peut-être d'un peu trop de cha- 33 leur, défaut- naturel de mon tempérament) qui 3i m'a d'abord engagé dans desentreprifes de cette 3y nature. Auffi n'eus -je pas plutôt apperçu , que 3y mes entrepriles & celles des autres mécontens yy alloient, félon toutes les apparences, plonger U 3i Nation dans des troubles auxquels les plus fages 3y ne pourroient mettre fin } que nous donnerions 3y de grands avantages à l'ennemi commun j que 3i la bonne caufe, qui avoit coûté tant de fang , 3y feroit encore expofée à l'incertitude des Com- 3-> bats & des Viftoires ; que l'intérêt du Parti 3i où fe trouvent les gens de bien & les amis de 3) la Religion , pourroic être {pzr accidens ) trahi , 3y OU du moins expofé à un danger imminent; ;.» que ceux-là feuls y trouveroicnt leur convù- y, ce, qui , fous de belles apparences & des pré- ^^ textes pUufibles, Cichenc des vues balTes & ,, ir.- ^56 BlBLIÔtHEQtJÈ Bftï'TANNIQUfîi yy intéreflees ; que ceux qui inveftivent le plus $} amèrement contre le gouvernement préfent , ), font des gens de qui on peut dire avec véri- i, té ,ce que Tibère difoit d'Agrippine fa belle- >, mère: Jdeè lœdi quia non régnant-, ils ne font )} fâchez que parce qu'ils n'ont pas le pouvoir >, en main j que les Griefs dont on fe plaint yy généralement , viennent principalement de î, nous-mêmes, qui, par notre oppofition trop ), obilinée contre le Magillrat , rcmpéchions de ■„ faire tous les bons Réglemens qu'il auroit ,, delTein d'établir, & , commd des chiens en- „ ragez , en voulant refifter aux Puiilances Su- j, périeures, nous nous étranglions nous-mêmes „ avec la corde qui n'étoit dcllinée qu'à nous „ retenir , & non pat à noui blelfer ; Je n'eus „ pas plutôt, dis-je, confideré toutes ces cho- „ fes , je ne les eus pas plutôt examinées tran- „ quillement dans ïefilence des pallions, que je „ conclus que je m'étois étrangement abufé j & „ trouvant que toutes les idées que je m'étois „ faites des chofes «Se des perfonnes, n'étoient „ que de faufles repréfentations d'un efprit pré- „ venu , je ne doutai plus qu'il ne fût indifpen- ,, fablement de mon devoir, de travailler des •„ lors avec d'autant plus de foin à prévenir les „ maux qui menacent cette Nation, que j'avois „ plus contribué à les procurer. C'ell dans cet- „ te vûë , Monfieur, que je m'addrefle à vous „ aujourd'hui ; j'ai mieux aimé le faire par Let- „ tre qu'en perfonne , ne me fouciant pas de „ paroître devant vous, avant que nous nous „ foyons bien expliquez enfemble. y> Quand vous voudrez m'ordonner de vous „ aller voir, je vous donnerai des lumières, à :j la clarté defquelles vous découvrirez pleine- „ ment Janvier , Février et Mars. 1740. 427 yj ment les pratiques fecretes de vos ennemis, )j Je vous apprendrai quelles Confpirations on yj trame contre Son AlceiTe ^ , quand , comment, ,y & par qui elles doivent être exécutées. Je fj vous découvrii.ii quels font les deffeins for- y, mez p.ar l'ancien parti des Cavaliers f en par- yj ticulier; quels font ceux des Républicains en yy particulier) quels fon-t ceux de divers mécon- yy tens dans l'Armée , qui ne font rien moins que 3) de la lie du peuple ; je vous ferai connoître y, quelles font les vues de tous ces partis réunis y, enfemble, & qui font ceux qui dirigent tou- >, te cette Confédération. Je puis prouver la yy plupart de ces chofes par des Lettres & des yy Ecrits que j'ai entre les mains, & j'ofe <3ire, yy qu'il n'efl pas au pouvoir d'aucun homme mor- yy tel , excepté moi & une autre pcrfonne uni- yf que, de vous rendre un pareil fervice. ,y Maintenant, Monfieur, que je vous ai de- yy claré en quoi je puis & veux vous fervir, yy permettez-moi de vous faire ici quelques pro- ^, pofitions qui me regardent moi-même; ce yy font des conditions préliminair-es , & il faut yy que je fois afluré que vous les exécuterez , yy avant que j'aille plus loin. yy Premièrement donc, Monfieur, je fouhaite yi que vous me permettiez folemnellem.ent , que yy lorfqueVous me connoîtrez vous ne me décou- yy vriez pas le mioins de monde, ni direftement, yy ni indiredement à qui que ce foit , excepté yy feulement à Son AltefTe ( que je prierai auffi yy très -humblement d'entrer dans le m.ême enga- Ty gement ) & comme mon delTeia eil de vous décou* * T.e ProtE^eut Cromwel. 1 Les Royalifiei, Tom. XIV. Fart. II. Ee 42.8 Bibliothèque Britannique, 3> découvrir les chofes plutôt que les perfonnes , ^> les Confpirations plutôt que les Confpirateurs, 9) vous ne devez pas attendre ni exiger de moi, fj que je me préfente comme témoin , vivâ voc€y py contre qui que ce foit ; ce que je ne pourrois yt faire fans me ruiner entièrement de réputation, ^ & les plus grands avantages de ce monde ne :i fçauroient m'engager à cela. yy 2. Que Son Alteffe me donne fa pa- *y rôle Royale pour la fureté d'une feule per- yy fonne, que j'eftime infiniment comme un ami y> fidèle , à qui je ne voudrois pas caufer les ^ moindres affaires, fut-ce pour fauver ma pro- py pre vie. y\ 3' Comme je fçais que les fervices que yy j'offre de rendre ne peuvent pas être recom- yy penfez publiquement , ni par aucune charge , iy ni aucun emploi (car la moindre marque yy publique de faveur que je recevrois de Son yy Alteffe , me mettroit hors d'état de continuer y, à le fervir) je fouhaite qu'on m'affure une yj gratification en argent , qui foit proportionnée y, à l'avantage que la République recevra de yy mes fervices : en particulier, je fouhaite qu'on y, me donne 500. Livres Sterling la priemière y, fois que j'aurai l'honneur de vous rendre mes y, devoirs, & 500. Livres de plus, lorfque je >, mettrai entre vos mains quelqu'un des Con- >, fpirateurs contre la perfonne de Son Altefle. ^y 4. Qu'en m'envoyant votre réponfe y, à cette Lettre vous m'avanciez 50. Livres y. Sterling , qu'on fera tenir à l'addreffe que je y> marque ci-deffous. ■ yy J'avoue que cette dernière demande paroît yy d'abord, prima fade, lî propre à faire naître des yy foupçons, quc je ne l'aurois point faite, fi je ,y ne Janvier, Février et Mars. 1740. 429 f} ne trouvois pas quelques dirficulcez dans mon fi chemin , qu'il fciuc furmonter avant que je puif- „ fe me rendre chez vousi & je ne puis abfolu- ^ ment pas les vaincre fans le fecours d'une pa- ^ reille lomme au moins. Je foûmets ceci , & ,, tout mon projet à vos propres Réflexions ; ,y VOUS en jugerez , & de ma prrfonae auiH, le- f} Ion votre hge{[ç. ,y Si vous jugez à propos de profiter des ou- }j vertures que je vous donne, ayez la bonté de }> me donner une Réponfe pofitive le plutôt que A. vous pourrez ( car les délais feroient dange- u reux) que h Réponfe foit laiflee chez Mr, }i Drayner , Apotliicaire , proche de Cbaringe ji Crojje y dans la même miifon où le Dodeur 3i Clargye a demeuré depuis peu. Je fouhaite }-, qu'on ne fçache pas que le Meflager que vous j, enverrez, ait quelque emploi fous Son Alteffe : y, il fera même plus fùx qu'il vienne de nuit , 7i ou déguifé. yt Qu'il ne s'amufe point à faire des queflions Ji inutiles fur mon ibjet, r^ qui ne pourroit que 3i faire naître des foupçons, <& rdmia cautsla^ M trop de précaution dans une affaire de cette na- )) ture pourroit nuire , & lie fçauroit faire aucun n bien. y) Il fuffira de dire à Mr. Drayner» qu'un cer- .V tain Mr. Foller, car il ne me connok point, yy à donné ordre qu'on laiflfit 50. Livres pour ,y lui entre les mains de Mr. Drayner, & que, y, comme il doit venir bientôt à Londres pour yy fe faire traiter d'une maladie, il ira demander ,i hji-'méme cet argent ou l'envoyera chercher }i par un Domellique j & fur fa demande Mr. ^ Drayner Kndra les Lettres & l'argent, qu'il Ee a yi jar- 430 Bibliothèque Britannique, „ gardera entre fes mains, jufques à ce qu'on les }y vienne chercher. ), Je n'ai plus rien à ajouter , Monfieur , fi 3, ce n'efb que je vous prie de juger charitable- 3i ment de moi, jufques à ce que vous me con- }i noifîiez mieux ; en attendant ayez la bonté de S) me croire }) Votre fidèle Serviteur , quoiqu'inconnu , /> Jean Foster. PROJET DE SOUSCRIPTION Vour une Nouvelle Edition des Ouvrages de DeMOSTHENE & d'EsCHINES. MR. Jean Tayler, Maître es Arts, Membre du Collège de S. Jean à Cambrige, & Garde des Regiflres de TUniverfité, vient de publier en François & en Anglois le Projet d'u- ne Edition Nouvelle & Correûe des Harangues & des Epîtres de Demollhene & d'Efchines, avec tout ce qui nous refte de ces deux anciens Orateurs; le tout coUationné foigneufement a- vec les Editions précédentes, & avec les meil- leurs Manufcrits. On fe conformera aux Editions de Jérôme Wolfius dans l'Ordre & dans la Dipofition des Harangues; l'Ouvrage fera imprimé in 410 fur de beau Papier, <& contiendra quatre Volufnes. Im- médiatement fous le Texte on mettra la Ver- fion Latine de V/olfius. A la fin de chaque piécp on imprimera les ScUo- Janvier, Février et Mars. 1740. 431 Scholies Grecs qui s'y rapportent ; on donnera non feulement ceux d'Ulpien, mais auffi ceux de Zofimus Alcalonita fur Demoilhene , qui font en MIT. dans la Bibliothèque du- Vatican & dans celle du Roi de France ; & ceux d'Apollo- nius fur Efchines , qui font entre les mains de l'Editeur. Ces Scholies feront fuivis de Notes extraites des meilleurs Commentateurs & Tradufteurs d« ces deux anciens Ecrivains. Elles ferViront, ou à défendre la véritable Leçon du Texte , ou à expliquer quelque point particulier du Gouver- nement. d'Athènes. A la tète de tout l'Ouvrage on donnera la. Vie de Demoflhene& celle d'Efchines, recueil- lies avec foin des plus célèbres Auteurs de l'Antiquité. A la fin du dernier Volume on imprimera un Indice ample & complet des mots & des phra- fes Attiques • qui fe trouvent dans les Ouvrages ,de Demolthenê & d'Elchines. Conditions. I. Pour chaque Exemplaire en feuilles , im- primé fur de beau Papier demi-Genes , les Souf- cripteurs payeront trois Guinées , deux en fouf- crivant, & le relie en recevant un Exemplaire complet, ^ ' II. Le prix de chaque Exemplaî"t%^^ imprimé fur le plus fin Papier Royal de G^'nes » fê- ta de cinq Guinées, dont on payera trois en fcHjfcrivant , & le relie en recevant un Exem- plaire. III. On accordera aux Libraires, & à tous ceux qui foufcrivent pour plufieurs ExeçipUires, Ee s les 432 Ëtbltotheque Britannique, les avantages qu'on a coutume d' accorder en pa- reil C.1S. - ■ . On imprimera lés Noms des Soufcripteufs à \i tête de l'Ouvrage. On reçoit les Sotifcriptions , & on donne des ^eçus chez Mr. Iiinys & Manby , Vaillant , Gyles, Bathuril, Nourfe Libraires à Londres; Thuribourn à Cambrige; Clétfitfnts à Oxford; Hildvard à York ; Cavelier & L. Guerîn à Pa- ris s & chez l'Editeur, au Collège de S. Jean â Cambrige. ARTICLE VIII. NOUVELLES LITTERAIRES d' O X F O R D. ON a achevé d'imprimer , Ef- „ fai tendant à prouver l'Immatérialité 6c la Li- „ berté de l'Ame : Pour fervir de Réponfe à ,) deux Brochures, dont l'une efl intitulée, Re- }) cherches Pbilnjophiques fur la Cauje Fhifique de 9y l'^Stion humaine , ^c. & attribuée à Mr. Sa- ft muel Strutt : <& l'autre a pour titre , Recherches j) Philofûphiques fur la Liberté de l'Homme , & ell ^, attribuée à Antoine Collins Ecuyer '". Chez J. Shuckburgb dans Fleetjîreet , in 8. Edward Cave vient d'imprimer & débite Tra- vels into tbe ijiland Parts of Africay l^c. C'eft- à-dire, v Voyages en divers lieux du Continent ,i de l'Afrique ; Ou Defcription du Païs , des a Mœurs, des Coutumes , du Langage, du Com- 3) merce, de la Religion & du Gouvernement de^ ,y différcns Peuples qui habitent le long de la y, Rivière Gamhia , l'efpace de plus de fix - cens ^ milles ; comme aufTi de leurs Forces , de leurs ), Difpoftions à l'égard des Etrangers, ôc des Qua- yf litez perfonnellcs de quelques Princes Ncgres; o avec l'Hiltoire particulière de Jo/? BmSalomony }, qui étoit en Angleterre en 1753. Le tout ti- V ré du Journal de François Moore qui a été y> pendant plufieurs années Fafteur de la Corn- yy pagnie Angloife d'Afrique , & qui y a joint le yy Voyage que le Capitaine Stihhs iit en 1723. yy fur la Rivière Cnmhia, & une Carte exa£te de yy cette Rivière, deïïinée fur les lieux, avec la y* mefure de fa différente profondei.x l'efpace jy de cinq -cens milles. Ouvrage enrichi de j, Tailles -douces, entremêlé de pâfPages tirez ^> des Géographes anciens & modernes touchant jy le Niger ou Gam-'ia, la tête une Préface fervant d'Introduftion Cri- yy tique au journal de Mr. Moore '\ Un Vol. m 8. Des Perfonnes , dit -on, dans un Journal An- glois , qui connoifient parfaitement les lieux dé- crits daçs ce Journal . foit pour y avoir été , ou pour y avoir entretenu une correfpondance de plufieurs années, rendent témoignage à Texafti- tude & à la fidélité de l'Auteur. Mr. Alexandre Jepbjon , Maître es Arts , Traité Dogmatique y, &. Moral de l'Obfervation religieufe du Jour ^ du Dimanche : En deux Parties, où l'on difcu- >, te les Matières fuivantes. i. Les Fondemens jf Se les Raifons de l'Obfervation du Sabbat ou ^ du Jour du Dimariche. 2. Les Railbns du ,:, Changement de ce Jour qui efl aujourd'hui le y^ premier de la Semaine , au lieu que c'étoit ori- jp ginairement le feptième. 3- Les Avantages j9 qui reviennent tant au Public qu'aux Particu- » liersjde l'Obfervation dévote & religieufe de jj ce Jour. 4. La manière particulière dont ce ,v Jonx Sacié doit être obfervé par tous le« }* Chré- I Janvier, Février et Mars. 1740. 435 „ Chrétiens '\ Chez Charles Jephfon dans JVt/î' Smitbfield. in 8. Mr. le Do6lr. Watts, Miniftre Pfesbyterîen , dont nous avons eu occafion de parler plus d'u- ne fois dans ce Journal , vient de publier l'Ouvrage fuivant, The World to corne: Or Difcourjes on the yoys and jorrows ofdeparted fouis , ^c. Cefl-à-di- le, î, Le Monde à avenir: Ou Dilcours fur les „ Joyes & les Tourmens des Ames après la „ mort, & fur la Gloire ou la Terreur qui doit „ accompagner la Réfiirreftion de nos Corps. '„ On a mis au devant un Effai tendant à prou- „ ver un Etat mitoyen entre la Mort Se la Réfur- 5, reftion ". Chez Hett & J. Brackjîone dans le Poultry, Un Vol. grand m 8. U y a dans cet Ouvrage bien de belles chofcs, &de choies 'curieufes qu'on ne s'attendroitpas d'y trouver. - ^. Millar a nouvellement imprimé A Treatife on ancient Painting, ^c. „ Traité de la Pein- „ ture ancienne , contenant des Obfervations fur ,) rOrigine , les Progrès & la Décadence de cet „ Art parmi les Grecs & les Romains; fur la „ haute eftime qu'en ont eu les grands hommes „ de l'Antiquité ; fur fa connexion avec la Poe- 5, fie & la Philofophie , & fur l'ufage qu'on en „ peut faire dans l'éducation de la Jeunefle. A j, quoi l'on a joint quelques Remarques fur le ,, génie particulier , le caraftère & les talens de „ Raphaël , de Michel - Ange , de Nicolas PouJJirit ,, & de quelques autres fameux Peintres moder- •„ nés, & fur le parti qu'ils ont fagement tire' „ des précieux reftes de l'Antiquité, tant en „ Peinture qu'en Sculpture. Le tout enrichi „ de cinquante Tailles -douces qui repréfentent. „ des Pièces de Peinture découvertes en diffé- „ rens tems dans les ruines de l'ancienne Rome, Ee5 ■ „& 43<5 BlBLIOTMÉQUE BRITANNIQUE, „ & qui ont été exaftement gravées fur les ,» DelTeins de Camillo Paderni Romain , parfaite- „ ment bien exécutez fur les Originaux. Par ,, George Turnbull Dofteur en Droit. Un Vol. in folio. Le même Auteur vient de publier, An Ahf^ tractt of a late Pbilofophical Perforviance entitled 2 Treatife of human Nature } being an Attempt to introduce the Expérimental Method of Rea- foning into Moral Subjefts : IVherein the Cbief Argument and Def.gn of tbat Book , nvbich hœs met witb Juch Oppofition , and been reprefented in fo terrible a Ligbt -, is furîber iUuJîrated and expiai' ned. C'eit-à-dire, ,y Extrait d'un Ouvrage Phi- ^y lofophique qui a paru depuis peu fous ce ti- », tre, Traité de la Nature Humaine, ou Effai }y tendant à introduire dans les Sujets de Morale ,i la Méthode de raijonner qui efl fondée fur l*ex- *, périmée ou fur dts faits : Dans lequel Extrait ;> on éclaircit & on explique plus au long le ^, principal fujet & le principal deffein de cet .V Ouvrage qu'on a û vivement attaqué , & dont _v on a donné les idées les plus terribles ". petit in 8. chez C. Corbett , a. là tête d' /Iddifon. Mr. TburnhuU eft auflS l'Auteur du Traité dont il s'agit ici , 6c que nous avons annoncé dans les Nouvelles Littéraires de la Partie précédente de ce Journal. Mr. Edward Mikvard, Dofteuren r»tédecine,a fait imprimer A Circular Invitatcry Letter to ail Oriùrs of Ltarned Men , but more efpecially to tbe Profeffors of Phyfi£k and Surgery in Great BritQÎn , ^c. C'ell-à-dire , ^> Lettre Circulaire ^, aux Sçavans de tout ordre, mais fur -tout ^, aux ProfefTeurs en Médecine & en CJiirurgie ;, de la Grande-Bretagne, touchaDt le Projet f, qu'on Janvier , Fevrikr et Mars. 1740. 437 yf qit'on a formé de donner une Hiftoire de la }i Vie , de la Mort , des Ecrits , cki Caraûere yi particulier & des Opinions des plus célèbres }, Auteurs Anglois qui ont traité de la Médeci- }j ne & de la Chirurgie ; Ouvrage qui contien- j) dra les Pi^ogrès & les Découvertes qu'on a f) fait de tems en tems dans la théorie & dans )> la pratique de la Médecine, de l'Anatomie, 3) de la Chirurgie , de la Botanique , de la Phar- 3) macie , de la Chymie , &c. depuis les Siècles ij les plus reculez jufques à nos jours ". chez les Inn-^s & Mamby^ in S. L'Auteur pour exé- cuter un 11 vaile projet que perfonne avant lui n'a entrepris, prie inllamment tous les Sçavans, tant de ce Païs que des Païs étrangers, de lui fournir les Mémoires & autres fecours dont il a befoin ; & il indique en détail les Chefs fur lefquels il fouhaite qu'on lui en fournifie. Nous ne fçaurions les rapporter fans tranfcrire la plus grande partie de fa Lettre. 11 fuffira de dire en deux mots , que ces Chefs roulent fur l'Origi- ne & l'Antiquité de la Médecine dans la Gran- de-Bretagne , fur les plus célèbres Auteurs an- ciens qui en ont écrit & qui l'ont exercée , fur les Manufcrits qui nous reftent dans ce genre de Littérature , fur les diverfes révolutions de la Médecine, &c. fur les Ouvrages de Méde- cine, &c. fur les Difputes qui fe font élevées en matière de Médecine, &c. & fur les décou- vertes & les progrès qu'on a faits dans cettt- Science , &c. Mr. Cbubb y qui a été vivement attaqué par di- vers Auteurs au fujet de fon Véritable Evani^Ue de Jejus-Cbrijl y Sec. vient de fe dérén !re dms une nouvelle Pièce qui a pour titre An Enqui- r-j into thi Ground md Fywidation of Heligio^t, 438 Bibliothèque Britannique, ^c. C'eft - à - dire : „ Recherches fur le Fonde- j> ment de la Religion : Où Ton prouve qu'el- j, le ell fondée fur la Nature , c'efl-à-dire qu'il ^f y a. naturellement une bonne & une mauvai- fffe, une véritable & une fauiïe Religion j & ^ que la Nature ou la Raifon fournit des Prin- ff) cipes clairs , certains & faciles à appercevoir , >j par le moyen defquels l'homme peut dillin- -y, guer ces deux forces de Religions , & juger y, pour lui-même, & fur lefquels un honnête 9f homme, un homme intègre peut établir en ^> toute fureté fa croyance parmi la diverfité ôc n la contrariété même d'opinions qui régnent ^y dans le monde fur ce fujet. A quoi l'on a ,, joint I. Un-e Apoflille occafionnée par la pu- ^, blication du Difcours- de Mr. le Docteur ,j Stebbing^ addrelTé au Clergé de la Province de ^, Wilt dans fa dernière Vifite. 2. Une courte >p EHlTertation fur Mattb. XIX. 2i. Si tu veux n être parfait, va ^ vens tout ce que tu as ^ le y> donne êux Paumes , ^ tu auras un tréfor au }) Ciel-, puis 'vie7i ^ me fui -, pour répondre aux ji, réflexions injufçes que ce Docteur a faites y, centre l'Auteur , en expliquant ce palîage dans j, le Difcours dont il s'agit '^. Chez Thomas CoXy à-l'Enfeigne de l'Agneau, vis-à-vis la Bourfe. in 8. Voici quelques autres Livres tout nou- veaux. B E R A s H I T H i Or The fir/i Book of Mojes caiied Genesis TrorJJated from tbe Original y ^c. C'ell-à-dire. ,, Le premier Livre de Moï- ,j fe appelle la Genèse, traduit fur l'Original , j7 avec une Epjtre dédicatoire à Mylcrd Ar- »j chevéque de Cantorbery , Primat de tou- ^> te l'Angleterre , & Métropolitain, Par ^; Jtan Loûkup Ecuyer *'. Chez J. Robsrts aux Janvier, Février et Mars. 1740. 439 aux Armes d'Oxford , dans JVarwicb-lane , in 8. ^n EJ[(i/j on tbe Bootis commonly callâd Apo- crypHa, and tbe Publick Reading of îbem in tbe Cburcb , ^c, C'eft-à-dire , ,, ElTai fur les ^^ Livres communément appeliez Apocry- ^;. PHES, & fur la Lefture publique qu'on en jf fait dans les Egliles : Où l'on fait voir le ^f maavais effet de cette Leûure, & l'on prou- ^ ve que ce font de purs Romans qui renfer- ), ment un grand nombre de faulTetez, d'abfur- ^, ditez & de contradictions. Par un Amateur y, de la Vérité ". Chez jT. Noon au Cerf blanc dans Cheapfide. in 8. A New Hijlory sf tbe Bible from tbe beginning of tbe World tn tbe Efîablisbment of Cbrijlianifj , Éfc. C'efl-i-dire , ,, Nouvelle Hiftoire de la jL} Bible , depuis le commencement du Monde yy jufqu'à rétabliffement du Chrîftianifme } Avec yy des Solutions de la plupart des quellions con- yy troverfées , des Diifertations fur les paffages yy les plus remarquables, & une Connexion con- ^y tinuelle de l'Hifloire Profane avec la Sacrée : ^^ on y a joint des Notes pour expliquer les ,y Textes difficiles, pour corriger les mauvaifes yy Verfions , & pour lever les contradîftions ap- yy pasentes. Par T. Stackhoufe j hiûiiç es Arts , y. Vicaire de Beenbam dans Bershire , & Auteur yy du Syjlême complet de Théologie, ^c <^. àexix Volumes in folio parfaitement bien imprimez , chez 5. Avjïen , proche du Cimetière de St, Paul. Expérimental Pbîlofopby affertei and defended ^ l^c. C'eft-à-dire, « La Phyllque Expérimentale yy défendue contre les efforts qu'ont fait depuis .V peu 440 Bibliothèque Britannique, j, peu certaines gens pour la renverfer '^ Chez Bettenbam & Cooper. in S. Rke Negotiations of Sir Thomas R o e in bis Emhajjy to tbe Ottoman Perte , from the year 1621. to 1628. inclufîve , ^c. C'eft-à-dire, ,y Les Né- ^^ gociations de Mr. le Chevalier Thomas 7f RoE pendant fon AmbalFade à la Porte, de- fi puis l'an 1621. jufqu'à l'an 162S. inclul^ve- .;^m€nt; lefquelles contiennent grand nombre ^) de faits curieux & importans , qui ont rapport n non feulement aux affaires de l'Empire Otto- jf man , mais encore à celles des Etats de TEu- 93 rope durant ce Période y fa Correfpondancê 9j avec les perfonnes les plus illuftres, foit en fy dignité ou en mérite , cgmme avec la Reine jj de Behème , Bethlem Gabor Prince de Tranjil- f, vanie , & autres : Le tout entremêlé de plu- 9f fleurs Particuiaritez utiles & inftruftives tou- /> chant le Commerce & divers fujets de Litté- ^f rature ; comme anciens Manufcrits , Médail- ^y les, Infcriptions & autres Antiquitez '<■. Un Vol. in folie , imprimé aux dépens de la Socie' té pour rencouragemem des Lettres , & fe trouve ■chez Straban , RiiAngton , Vaillant , Brindky , Baker & Osborne , Libraires de cette Société. On délivre actuellement aux Soufcripteurs le premier Volume des Tranfa£tions du Regfie d'E' iifabetb, par Mr. le Doreur Forbes y dont nous donnâmes en fon tems le Projet au long dans ce Journal. Le fécond Volume efl fous prelTe & paroitra au plutôt. Se trouve chez G. Haïu- kins , à la tête de Milton, proche Temple-bas. On vient de réimprimer par voye de Soufcrip- tion, en deux Volumes in folio ^ Tbe Tbeological Works of tbe late karmd Dr. Pcconky ^ç. C'en- Janvier, Février et Mars. 1740. 441 C'eft-à-dire , « Les Oeuvres Théologiques du jy feu fçavant Dofteur Pocock , en fon vivant „ Profeffeur d'Hébreu & d'Arabe dans l'Uni- „ verfité d'Oxford , & Chanoine de l'Eglife ds jf Cbrijî : Contenant fa Porta Mofis , fa Lifte des naiifances , enter- remens &c. 229. Bseke ( Mr. Chrijiophle ) ; fon Traité contre Mr* le Dr. Waterland. 219. Belcbier ( Mr. Jean ) ; fa Relation fur les os des Animaux devenus rouges. 242-, Byng ( L'Amiral George ) ; Inftru£liorts qu'on lui donna en l'envoyant dans la Méditerranée. 182. Billet que le Roi George L lui écrivit fur la victoire de Syracule. 197. C. CACHETS ; leur ufage a fuccede à celui deâ An- neaux. 113. Cammocky Contre - Amiral à^E/pagii^-, fon hif- toire. 205. Cavitole ; belle defcripticwi que Virgile en fait. 34»> Tomi JCIV. Part. IL Ff Cafiey TABLE Cajliy ( Mr. ) j fa nouvelle Edition du Catalogue^ de la Bibliothèque Coîtonienne. . 218. Catesby (Mr.)i Extrait de fon Hifloire naturelle de la Caroline. 227. 2S3. Celfîus (Mr. André); fes obfervations fur l'Au- rpre Éoréale. 238. Autres fur une Eclipfe. 243. Cenfure des Livres abolie en Angleterre. 67. Rai- fons pourquoi. 68. Chartres ^ Diplômes; époque de leur établifie- ment en Ecojfe. 108. D'où vient qu'on n'en trouve point des deux premiers fiécles après leur établillement. ibid. Preuves qu'il y en a eu. m. Leur utilité pour l'Hilloire. 113. Art de diftinguer les véritables des faux