BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D ÉTUDES SCIENTIFIQUES DE PARIS 18 79 N® 1 SOMMAIRE Extraits des procès-verbaux des séances. Excursion géologique à Issy et à Meudon (avec planche). Xi. de Quatrefctges : L’homme à l’âge du bronxe. P- Thierry-Mieg : La forêt de Montmorency et ses environs. PARIS Au siège de la Société, 55, rue Pierre- m g-h jar*- m La cotisation des membres actifs est fixée à 10 fr., celle des membres correspondants à 5 fr. La Société entend ne pas assumer la responsabilité des opinions émises dans les articles insérés. La Société échangera son Bulletin contre les publications que d’autres Sociétés s’occupant de sciences naturelles voudront bien lui adresser. MEMBRES DU BUREAU Pour l’exercice 1879 : Président . Vice-Président. Secrétaire . Vice-Secrétaire. Bibliothécaire.. Trésorier . MM. Georges Levassort, 4, rue du Vieux-Colombier. Édouard Claudon, 27, quai de la Tournelle. Jules Pignol, 7, rue des Deux-Boules. Paul Passy, 6, rue Labordère (Neuilly-sur-Seine). Théodore Bastaki, 16, boulevard Saint-Germain. Adrien Dollfus, 55, rue Pierre-Charron. S’adresser, pour les demandes d’admission, au Président; pour les communications, envois, demandes de renseignements, au Secrétaire. 1- 1 H -3^,. y n ^1 -deJIE] BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ÉTUDES SCIENTIFIQUES DE PARIS (Autorisée par arrêté préfectoral du 31 mai 1878) EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES Séance du 5 janvier 1870 La séance s’ouvre sous la présidence de M. de Gaulle. Le procès-verbal do la dernière séance est adopté. M. de Gaulle prend la parole : « Avant de prier M. Levassort de me remplacer à ce fauteuil, permettez- moi, Messieurs, de vous remercier des bons rapports qui, depuis la réorganisation de notre Société, n’ont cessé d’exister entre vous et votre président. Le droit d’aînesse était certainement mon seul titre à rempla¬ ces fonctions; votre bienveillance m’a du reste facilité la tâche. 11 serait aisé de trouver à Paris des Sociétés plus savantes que la nôtre, mais je suis certain que l’on n’en saurait trouver une dont les membres soient réunis par une camaraderie plus franche et par une meilleure amitié. Cet heureux privilège fait le charme de nos études et en assurera le succès. » Les membres élus dans la dernière séance prennent place au bureau ; M. Levassort, président, adresse à la Société quelques mots de remer¬ ciement et d’encouragement : Messieurs, En prenant place au bureau comme président de la Société, j’ai à vous remercier des suffrages dont vous avez bien voulu m’honorer. Il faut le dire, c’est une lourde charge qui incombe aujourd’hui à mes faibles forces. C’est une mission délicate que de succéder à M. de Gaulle comme président de cette Société. Votre ancien président laisse des sou¬ venirs nombreux. C’est' lui qui depuis un temps déjà assez éloigné, l’a toujours dirigée et l’a amenée au degré de prospérité dans lequel elle se trouve maintenant. Il faut donc commuer son œuvre et mes ressources, je vous l’assure, ne sont pas aussi nombreuses que les siennes. Heureu¬ sement, M. de Gaulle reste parmi nous et ses conseils, je l’espère, ne nous feront pas défaut; enfin, les membres du bureau m’aideront à remplir la tâche assez difficile d’un président. Malgré cela, je ne saurais encore trop faire appel à votre zèle, à toute votre exactitude aux séances. Apportez-nous des comptes rendus de travaux scientifiques, voire même quelques observations personnelles; faites-nous part du résultat de vos excursions; enfin, soufflez le feu sacré de l’histoire naturelle; que chacun de vous fasse quelques adeptes et concoure selon ses forces au bien-être de la Société. Nous aurons ainsi des séances bien remplies, un Bulletin plein de faits intéressants : ce sont les seuls moyens que nous ayons à notre disposition pour faire progresser la Société et 1 amener à un degré de prospérité que je ne saurais trop comprendre parmi les vœux que je forme pour elle au commencement de l’année qui va s’écouler. Le secrétaire donne communication d’une lettre de M. Stanislas Clément, qui annonce l’envoi de quelques exemplaires du Tableau de Mollusques terrestres et jluviatiles du Gard, par Camille Clément. M. brancois Mâchon, à Neufchâtel (Suisse), est admis comme membre correspondant. MM. de Gaulle et Ad. Dollfus demandent l’admission de M.Paul Dupont comme membre actif. M. Dollfus, trésorier, présente un projet de budget; 320 fr. seront consa¬ cres à la publication du Bulletin dont chaque fascicule sera augmenté de 8 pages. Le reste sera réparti entre les diverses sections proportion¬ nellement à l’importance de leurs collections. Ce projet est adopté après discussion. M. Levassort donne lecture d’une analyse du travail de M. Plateau, sur les Mouvements et l’innervation de l'organe central de la circulation chez les animaux articulés, par Félix Plateau : Pour étudier les mouvements de l’innervation de l’organe central de la circulation chez les animaux articulés, ou plutôt, pour compléter les études de MM. Lemoine, Dogiel et Berger, M. Plateau se sert de la méthode gra¬ phique et des poisons dits poisons du cœur. Ses expériences n’ont porté que sur deux crustacés : l’écrevisse et le crabe commun ( Carcinus mœnas). 11 étudie successivement, chez ces ani¬ maux, les mouvements du cœur à l’état normal, l’onde du cœur, l’influence de la température sur ces mouvements, enfin l’innervation du cœur. M. Plateau arrive aux conclusions suivantes ; I. - Mouvement du cœur à l'état normal. - Le tracé est fourni par un point de la surface du cœur et ne doit pas être interprété comme celui que donnerait un cœur de vertébré. La disposition de l’appareil fait, en effet, que la portion ascendante de la courbe correspond à la diastole et la portion descendante à la systole, c’est-à-dire à la contraction du cœur. « Ce tracé rappelle d’une manière frappante celui que donne la contraction dun muscle; c’est-à-dire une ascension rapide presque brusque de la courbe, teiminée par une courte phase ou plateau diastolique moins rapide, puis une descente graduelle à vitesse variable, dlabord rapide puis plus lente. » r r 1 M. Dogiel était arrivé à la même conclusion à l’aide de l’excitation élec¬ trique. II. — Onde du cœur. — Le procédé graphique constate une onde muscu¬ laire marchant d’arrière en avant et prouvant qu’il s’agit ici d’un véritable vaisseau dorsal. L’aspect du tracé montre que le cœur se dilate d’abord graduellement à sa partie postérieure, puis brusquement à sa partie antérieure. « Ce qui peut s’interpréter comme suit : Lors de l’appel du sang revenant des bran¬ chies et renfermé dans le sinus péricardique, le cœur ne se dilate pas en entier, mais dans sa moitié ou ses deux tiers postérieurs seulement; cette région, en se contractant, distend la partie antérieure de l’organe qui ne se contracte, à son tour, que lorsque la partie postérieure se dilate déjà de nouveau. » L’onde cardiaque prend donc son origine dans la portion postérieure du cœur. Ce fait physiologique vient ici corroborer la découverte anatomique de M. Emile Berger, qui place les cellules ganglionnaires du cœur de l’écre¬ visse, dans la région postérieure de cet organe. III- — Influence de la température. — Comme chez la grenouille, à mesure qu’on élève la température, on constate une accélération des mouvements du cœur en rapport avec l’augmentation de chaleur, et au delà d’une cer¬ taine limite (43° environ pour l’écrevisse), on observe un ralentissement considérable et même l’arrêt du cœur. IV. — Innervation du cœur. — Il existe chez les articulés comme chez les vertébrés : 1° des nerfs du cœur émanant du système nerveux général : chaîne ganglionnaire et portion viscérale ou pneumogastx-ique des articulés; 2° des centres nerveux intra-cardiaques qui font que, comme le cœur de la grenouille, muni de ses centres automoteurs, le cœur de l’écrevisse extrait du corps bat encore pendant un certain temps, en conservant des contrac¬ tions rhythmiques. Les expériences de M. Plateau semblent confirmer les observations de M. Lemoine, dans lesquelles, excité par l’électricité, le nerf cardiaque (venant du groupe nerveux viscéral) ne se comporte pas comme un nerf vague proprement dit, n’est pas modérateur ou suspenseur, mais au contraire accélère les mouvements du cœur, et celles de M. Dogiel dans lesquelles l’excitation de la chaîne ganglionnaire ralentit ou même abolit les pulsations. Elles infirmeraient, au contraire, les observations de W. G. Mc intosh dans lesquelles la destruction de la portion thoracique de cette chaîne (chez le crabe) amène une accélération. « L’injection de 5 milligrammes de sulfate d’atropine dans le système lacunaire de l’animal amène un ralentissement considérable des mouvements du cœur. Dans une de ces expériences, ce ralentissement fut de près de la moitié, de 120 pulsations par minute à 74. » L’action de la digitaline, à même dose, est encore obscure. Elle amène cependant un ralentissement assez notable. « Un certain nombre de substances appliquées directement sur le cœur ont donné des résultats également curieux. » L’acide acétique étendu excite, réveille ou fait persister pendant plu¬ sieurs heures les mouvements cardiaques (crabe). » L’acide citrique (solution à semble aussi exciter les contractions du cœur (écrevisse). » La glycérine pure ne modifie pas les mouvements du cœur. Ceux-ci persistent assez longtemps sous son action (écrevisse). — 4 — » Quant à la véralrine, une solution excessivement faible détermine l’arrêt du cœur soit en systole, soit en diastole; malgré cela, l’animal, mis en li¬ berté, marche, pince et conserve de l’activité pendant plus d’une heure; une solution plus faible encore augmente simplement l’amplitude des pulsa¬ tions pendant quelques secondes. » Séance du. 1Q janvier 1870 M. Paul Dupont est admis comme membre actif. M. Ad. Dollfus présente des Zostera recueillis sur la plage de Cannes, dont les rhizomes ont la singulière propriété de former des masses ovoides offrant un feutrage compact. M. Dollfus montre également une pomme présentant un phénomène tératologique intéressant : cette pomme est formée par deux fruits accolés dont l’un a été arrêté dans son développement, de manière à simuler une excroissance. M. Claudon signale à ce propos un pommier nain cultivé dans son jardin, qui portait simultanément trois pommes doubles, mais le déve¬ loppement de chaque partie du fruit était complet. M. Claudon propose une excursion géologique à Grignon ; on fait observer qu’il serait préférable de reculer cette promenade jusqu’au mois de mai pour qu’elle puisse profiter aux botanistes et aux entomologistes. Séance du 3 février 1870 M. Drajicsewics fait don à la Société d’une vingtaine d’espèces de Cypræa à divers états de développement; on remarque sur ces échantillons les modifications de la spire aux différents âges du mollusque. M. Dupont offre des coléoptères et des lépidoptères pour les collections d’amateurs et celles de la Société. Le secrétaire communique une lettre de M. Giraudias qui désirerait fonder une association d’échanges pour les coléoptéristes. M. Dollfus annonce que les collections élémentaires sont en voie d’achève¬ ment; les collections de conchyliologie sont en grande partie terminées; plusieurs ont déjà été distribuées. Séance du 30 février 1870 M. du Buysson, à Broût-Vernet (Allier), est admis au nombre des membres correspondants. Le secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Darras (d’Alais), annon¬ çant un envoi de coquilles du Midi. M. Dollfus annonce à la Société la fondation de deux nouvelles Sociétés scientifiques; la Société d’Études scientifiques du Finistère (à Morlaix), a pour but de faire connaître la Bretagne au point de vue de l’histoire naturelle, de — 5 — l’archéologie et de la philologie; elle compte déjà 102 membres actifs; — la Société botanique et horticole de Provence, dont le siège est à Marseille. M. Drajicsewics propose un supplément de cotisation de 2 fr. par trimestre, ayant pour but de subvenir aux dépenses nécessitées par les travaux particuliers des sections. — M. Dollfus fait observer que le règle¬ ment autorise les sections à s’imposer extraordinairement toutes les fois qu’elles le jugent nécessaire. — La Société repousse la proposition. M. Levassort, pour augmenter les collections de la Société, propose que dans les excursions les membres soient tenus de donner à la Société au moins un échantillon de toute espèce dont ils auraient trouvé plusieurs exemplaires. — La proposittion est adoptée. Par suite de l’absence de M. Richer, la lecture de son travail sur les Helminthes est remis à une séance suivante. Séance du. 3 mars 1870 Le secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Mâcbon, membre corres¬ pondant, de Neufchâtel (Suisse), qui se met à la disposition de la Société pour tout ce qui concerne la conchyliologie. M. Richer lit l’analyse d’un travail de M. Moniez sur les Cysticerques : «... En résumé, le travail de M. Moniez confirme les idées émises par Stein, Siebold et Meissner sur le mode de dévagination des cysticerques; il en résulte donc que le cysticerque sort de son kyste à la façon d’un doigt de gant que l’on tire au dehors après l’avoir refoulé sur lui-même, con¬ trairement au retournement complet décrit par Leukart. » M Moniez nous montre ensuite que la division artificielle en cysti¬ cerques et cysticercoïdes n’a plus sa raison d’être et forme, par la compa¬ raison de diverses espèces, une intéressante série à laquelle se rattachent les écbinocoques et le cœnure cérébral. » L’embryou hexacanthe du toenia, bourgeonne à sa partie postérieure un appareil de fixation constitué, comme chez les trématodes, par des crochets et des ventouses; de plus, en avant de cet appareil de fixation et à la manière des autres vers, il donne naissance à des anneaux plus ou moins nombreux. » Tels sont les faits nouveaux que M. Moniez a consignés dans le nu¬ méro de novembre 1873 du Bulletin scientifique du département du Nord; ces faits sont appuyés sur des expériences qui semblent ne devoir laisser aucun doute sur leur certitude. » Cette nouvelle interprétation du développement embryogéniques des cestodes, simplifie considérablement l’histoire de ces animaux, en rendant inutiles toutes les théories plus ou moins bizarres qui ont été faites à leur sujet, et en enlevant une partie de l’extraordinaire attaché à ces animaux. » Séance du. 80 mars 1870 En l’absence des secrétaires, le président donne lecture du procès-verbal de la séance du 2 mars. M. Gevaert, de Bruxelles, adresse un exemplaire de son Etude sur la fécondation des plantes. — 6 — M. Levassort communique à la Société un envoi de M. Dams, d’Alais, comprenant 60 exemplaires d 'Hélix aspersa et un nombre égal d’H. pomatia (pour les collections élémentaires), ainsi que : H. splendida, candidissima, variabilis, punclata (d’Algérie), zafarina, mies ta, lactæa, Cyclosloma sulcatum. MM. Dupont et Dollfus demandent l’admission de M. Maurice Langlois comme membre actif. M. Paul Thierry présente une variété nouvelle du Lygeus familiaris, découverte par lui à Meudon ; cette variété ne diffère du type que par la coloration : toutes les parties normalement rouges sont jaunes dans la variété. M. Levassort montre des échantillons de Dreissena polymorpha qu’il a trouvés dans les tuyaux de conduite d’eau de Paris (rue Linnée); ces mollusques tapissent les parois des tuyaux et y sont fixés par un byssus très-développé. — M. de Gaulle a fait une observation analogue dans le quartier de Grenelle. Séance du. 0 avril 1S70 M. Maurice Langlois est admis comme membre actif. M. Levassort fait connaître à la Société un article du Journal de Rouen recommandant aux instituteurs le tableau des mollusques publié par la Société. — Plusieurs lettres', émanant d’instituteurs pour la plupart, ont été adressées à la Société dans le but d’obtenir l’envoi gratuit de ce tableau. — M. Levassort en a adressé quelques exemplaires en proposant l’envoi des collections en nature. M. de Gaulle, dépose sur le bureau le premier fascicule du Species des Hyménoptères d’Europe, par M. André, de Beaune, membre de la Société. — Ce fascicule renferme des considérations générales sur l’entomologie, son étude et sur son utilité, ainsi que la première partie de l’anatomie spéciale des hyménoptères. — Ce travail est accompagné de plusieurs planches. M. Dollfus donne lecture d’une étude de M. Paul Thierry-Mieg, qui ne peut assister à la séance ; le sujet de ce travail est la chasse des lépidop¬ tères dans la forêt de Montmorency (1). M. Odier lit une analyse de l’article de M. Jousset de Bellesme intitulé Recherches expérimentales sur les fonctions du balancier chez les insectes diptères : Des recherches de M. Jousset, il resuite que le balancier est pour les diptères un appareil régulateur du vol; que sa section n’entraîne pas l’im- possibilite de voler, mais entrave notablement la régularité des mouvements et abolit le vol ascendant. M. Jousset a constaté directement ce fait, d’abord en retranchant les balanciers et ensuite en les remplaçant par un brin de fil ou de crin attaché au segment postérieur du thorax. 11 a vu dans ce cas le vol reprendre sa puissance et sa régularité normales. Séance du 4 mai 1870 MM. Dollfus et Claudon demandent l’admission de M. le docteur Thorens, MM. de Quatrefages et Claudon celle de M. Charles Brongniart comme membres actifs. (1) Voir page 27. — 7 — Sur la proposition de M. Dollfus, la Société admet, comme membre cor¬ respondant, M. Ad. Régnier, de Caudebec. La séance du 17 avril n’ayant pas eu lieu, par suite des vacances de Pâques, M. Passy, vice-secrétaire, lit le procès-verbal de la séance du 6 avril, adopté après une rectification de M. Odier. M. Claudon présente le Bulletin de la Société archéologique de Draguignan (échange), ainsi que les Éludes d’histoire naturelle de Camille Clément, auxquels la Société avait souscrit. M. Dollfus offre, de la part de M. Rousseau, membre correspondant, des fossiles de Léognan (Gironde). — M. Rousseau annonce un nouvel envoi. Le secrétaire donne lecture de plusieurs demandes de collections élémen¬ taires de conchyliologie. — Il fait remarquer qu’on a déjà demandé à la So¬ ciété 26 tableaux et 12 collections de coquilles. Quelques membres ayant demandé à quelles conditions ils pourraient obtenir les bulletins précédents, la Société décide, sur la proposition du bu¬ reau, que le prix des fascicules déjà parus est réduit à 1 fr. pour les nou¬ veaux membres. M. de Quatrefages lit un travail intitulé Y Homme à l’âge du bronze (1). Le bureau annonce qu’une excursion géologique sera faite à Meudon, de concert avec la Société parisienne d’histoire naturelle. Séance du 15 mai 1879 MM. le docteur Thorens et Ch. Brongniart sont admis comme membres actifs. M. Rousseau, de Bordeaux, annonce l’envoi d’insectes et de coquilles destinés aux collections élémentaires. M. Albert Claudon, de Colmar, envoie environ cinq mille coléoptères; les hydrocanthares et les staphylinides sont particulièrement représentés. M. de Quatrefages dépose sur le bureau des écailles de Lepidostenus pro¬ venant du conglomérat de Neauphle-le-Château, et deux scolopendres des Antilles. M. Richer présente un bel échantillon de bois fossile de Neauphle-le- Château. M. Charles Brongniart offre plusieurs brochures pour la bibliothèque. M. de Quatrefages, rapporteur, lit le compte rendu de l’excursion géolo¬ gique du dimanche 11 mai, à Issy et-Meudon. M. Brongniart donne ensuite des détails sur la Société scientifique de la Jeunesse', cette Société, qui a pour devise « Travail et amitié, » a pour but « d’instruire les jeunes gens dans le début de leurs études scientifiques, en les habituant à parler et à discuter méthodiquement ; elle s’occupe de toutes les branches de la science. » L’ordre du jour appelle ensuite la discussion d’une excursion géologique projetée pour le dimanche 25 mai. — On visitera, à Neauphle et à Grignon, la craie dolomitique, les sables éruptifs et les trois étages du calcaire grossier. (1) Voir page 12. — 8 — EXCURSION GÉOLOGIQUE A ISSY & MEUDON 11 mai 1 S 7 9 Notre Société avait rendez-vous à la porte de Versailles avec la Société parisienne d’histoire naturelle. Nous étions 19 : 11 membres de la Société d études scientifiques, 5 de la Société parisienne et 3 étrangers. A 300 mètres environ des fortifications, nous arrivons à la carrière Étienne, classique pour les géologues parisiens. On nous accorde facilement la permission d entrer dans cette grande exploitation; nous commençons par gagner le fond de la carrière qui est à la cote 19, la route étant à la cote 37 : on y exploite l’argile plastique qui s’y montre avec la plus grande netteté. La base de 1 argile plastique est bariolée de rouge, cette coloration est due à de 1 oxyde de fer anhydre (Fe 2 0 3 ). Au-dessus de l’argile on re¬ marque une couche renfermant des lignites et des pyrites de fer. Au-dessus de cette couche s’en trouve une autre qui, outre le lignite, î enferme, des échantillons de bois fossiles jaunis par l’oxyde de fer hydrate; on y rencontre également des cristaux de gypse, mais cepen¬ dant en moindre quantité qu’à Bougival. Nous continuons à monter et nous arrivons à une sorte de terrasse ménagée pour les besoins de l’exploitation, et où nous ramassons en abondance les Nummulites lœvigatus, Turbinolia sulcata; les plus heureux d’entre nous recueillent un oursin, le Lenita patellaris et des dents de squale Lamna elegans. Nous continuons toujours à monter, et nous arrivons à la base du calcaire grossier proprement dit; nous en sommes séparés par quelques centimètres de sable glauconieux. La base du calcaire grossier le cal¬ caire grossier inférieur, renferme en abondance des grains de glau- come (silicate de fer), et les moules de coquilles que l’on y rencontre en sont constamment imprégnés; on trouve dans cette couche le Cardmm hippopeum, grosse coquille bivalve, rare autrement qu’à l’état de moules, le Cardmm porulosum, la Chama calcarata Après cette couche, vient la pierre de Saint-Leu, c’est de là qu’était tombé un enorme Nautilus Lamarckii, en assez mauvais état, du reste, que les plus intrépides d’entre nous se refusent à emporter. Enfin, avec le banc à verrains ou à Cerithium giganteum finit le calcaire grossier inférieur; grâce à une échelle, nous escaladons les deux couches, vergelè ou lambourde et banc royal, qui constituent le calcaire grossier moyen ou à miliolites. mm — 9 — C’est dans le banc royal, mais à Puteaux, qu’ont été trouvés les nom¬ breux Hemirrhynchus Deshayesi, que l’on peut voir sous le péristyle des galeries de minéralogie du Muséum. Le calcaire grossier supérieur auquel nous arrivons enfin, se divise en deux parties : banc vert à la partie inférieure, et banc franc à la partie supérieure. Le banc vert est séparé du calcaire moyen par une couche marneuse de peu d’épaisseur. Après cette couche, mais toujours dans le banc vert, viennent : le liais, dont on tire d’excellentes pierres de construction, puis la couche à Cerithium lapidum, des marnes vertes, déposées par les eaux douces et renfermant une faune potamide, et enfin le cliquant, couche tout à fait analogue au liais. Enfin, le calcaire grossier supérieur se termine par le banc franc, que les ouvriers distinguent en banc franc proprement dit et en roche de Paris. Mais c’est là une distinction à peu près arbi¬ traire sur laquelle nous ne nous arrêterons pas. Le calcaire grossier supérieur est séparé des caillasses qui le sur¬ montent par le rochette ou couche à Corbula anatina; enfin, après cette couche se trouvent d’abord les caillasses coquillières impropres à la construction et renfermant comme fossiles : le Cytlierea elegans, Anomia tenuistriata, Cerithium echinoïdes. Enfin, viennent les caillasses non coquillières formées de couches successives de calcaires compacts, lit d’argile, sables calcaires ou sili¬ ceux, plaquettes de silex corné, marne fissile, etc. Ces caillasses ne sont d’ailleurs d’aucune utilité pratique, mais les minéraux qu'elles ren¬ ferment sont souvent cristallisés sous des formes d’emprunt, par exemple : le quartz s’y rencontre souvent sous les formes du gypse. Ce sont ces caillasses qui fournissent le sable calcaire appelé tripoli de Nanterre, dont on se sert pour polir le bois. Une fois sortis de la carrière Étienne, nous suivons jusqu’à Meudon la route de Sèvres. A Meudon, nous allons visiter la carrière de M. Schacher. Cette carrière présente une exploitation souterraine par galeries et piliers, et une exploitation à ciel ouvert. Dans la carrière que nous visitons, la craie présente une épaisseur de 20“’. On y observe des lits équidistants, de 2 m environ, de silex pyromaques. A la partie supérieure, la craie de Meudon change d’aspect; elle est moins dure, jaunâtre, ne laisse plus d’empreinte sur les couleurs foncées, et est sillonnée de tubulures qui se ramifient en tous sens, parfois remplie de gypse cristallisé. C’est la craie émergée qui formait déjà un continent, alors que les couches plus récentes se déposaient encore. La formation de la craie serait due, d’après Darwin et Lyell, à des madrépores analogues à ceux qui construisent encore les récifs de coraux. Quant aux rognons de silice, on explique leur présence par la juxtaposition des diverses molécules de silice dissoute dans le liquide où la craie s’est déposée. M. M. Seguin reproduisait un fait analogue en formant des boules d’argile gâchée avec de l’eau fortement salée; en brisant les boules séchées, on retrouvait au milieu un gros cristal de sel. — 10 — Nous ne trouvons que quelques Magas pumilus, Rhynchonella lim- bata, et de nombreux fragments d ' Inoceranus Cuvieri. Mais l’heure nous presse; nous sortons de la carrière Schacher; nous allons sur les talus d’un chemin voisin jeter un coup d’œil sur le calcaire pisolithique. Ce dépôt, découvert en 1834 par Élie de Beaumont, fut regardé par lui comme l’équivalent de la craie de Maëstricht; mais d Archiac, des Roys, de Boissy et Charles d’Orbigny y virent une formation tertiaire. Alcide d’Orbigny, au contraire, se rangea à l’opinion d’Élie de Beaumont. Quant à M. Hébert, il regarda le calcaire pisolithique comme antérieur à la craie de Maëstricht. Quoi qu’il en soit, à Meudon, comme dans maintes autres localités, le calcaire pisolithique accompagne la craie; il est environné de marnes blanchâtres enveloppant des fragments calcaires que M. Ch. d’Orbigny rapporte à l’époque crétacée, et que M. Hébert attribue au conglomérat de l’argile plastique. Après le calcaire pisolithique, nous allons visiter au-dessous du viaduc, qui passe sur le val Fleury et du côté de la Seine, une sorte de prairie tres-accidentée. Autrefois elle était sillonnée de carrières, mais aujour- d hui les excavations se sont à demi comblées, et la végétation est venue les recouvrir. Tandis que quelques-uns des nôtres pêchent des tritons palmés, dans une petite mare, les géologues vont admirer un banc de fausse glaise pétrie de lignite, dans les fentes de laquelle brille de la pyrite de fer. Au-dessous des fausses glaises nous retrouvons l’argile plastique avec quelques maigres cristaux de gypse, et çà et là quelques grains de vivianite ou phosphate de fer. Mais ici l’argile est à la cote 70-» environ, au lieu d etre à la cote 19, comme à la porte de Versailles. Enfin, nous nous arrêtons quelques instants au conglomérat, terrain qui appartient à la base du tertiaire; cette couche a fourni de nombreux ossements de reptiles, d’oiseaux gigantesques et de mammifères ; nous n y trouvons que quelques moules d ’Anodonta Cuvieri et de Paludina <■ dans un état déplorable et réduits en pâte. Enfin nous passons sous le viaduc, et nous remontons vers le bois de Meudon. A 80" sur la route, nous retrouvons le calcaire grossier supé¬ rieur que nous avons examiné à Issy, à la cote 45; nous y remarquons quelques Lucina saxorum. Poursuivant notre chemin, nous arrivons au parc de Châlais • là com¬ mencent les dunes de sables siliceux remontant à l’époque tertiaire et qui constituent presque partout le sous-sol du bois. Après quelques minutes de repos, nous gagnons la station de Clamart. Le rapporteur de l’excursion, L. de Quatrefages. ^1 Planche 1 . Société düMes scieifflmies. ■ EXÏ’LIC-A.TIOT'ï' DE LA. PLANCHE Coupe de la carrière Étienne, à Issy (fig. 1). 1 . 2 . 3. 4. 5. 6 . 7. 8 . 9. 10 . 11 . 12 . 13. 14. 15. Calcaire grossier supérieur ( Cerithes ). Caillasses non coquillières. Caillasses coquillières. Couches à Carbula anatina. Banc franc (a roche de Paris,* b banc franc proprement dit). Cliquart. Marne d’eau douce. Couche à Cerühium lapidum. Liais avec lignite. Marne. Vergeïés et lambourdes. ! Calcaire S rossier m0yen Banc à verrains ou à Cerilhiumgiganteum. Pierre de Saint-Leu. Banc à Nummulites lævigata. Argile plastique. Calcaire grossier inférieur (, Nummulites ). Coupe de la carrière Schacher, à Meudon (fig. 2). 1. Calcaire grossier supérieur. 2. Calcaire grossier moyen. 3. Calcaire grossier inférieur. 4. Argile plastique. 5. Conglomérat proprement dit. 6. Marnes strontianifères. 7. Conglomérat dépendant du calcaire pisolithique. 8. Calcaire pisolithique. 9. Craie émergée. 10. Craie blanche. — 12 _ L’HOMME A L’AGE DU BRONZE Le sujet de cet article est une rapide esquisse de l’histoire de l’homme à l’âge du bronze. Toutefois, avant d’aborder la question elle-même, je ferai un court historique de la question de l’homme fossile, et je m arrêterai quelques instants sur deux points qui ont été, et sont encore aujourd’hui, l’objet de vives controverses : l’existence de l’homme à 1 époque tertiaire et l’existence d’un âge du cuivre intermédiaire entre l’âge du bronze et l'âge de la pierre polie. L homme remonte à une époque beaucoup plus ancienne qu’on ne le croyait il y a vingt ans. Les naturalistes du XVI- et du XVII» siècle qui attribuaient à une race de géants les ossements de mammouth et de mastodonte, les chanoines de Saint-Vincent qui en 1789 faisaient promener, pour faire tomber la pluie, un fémur d’éléphant qu’ils croyaient être un bras de saint, les chanoines de Saint-Christophe de Valence qui gardaient comme relique de leur patron une molaire de mammouth; les Grecs, qui prenaient une rotule d’éléphant pour celle d’Ajax, ne donnent pas à l’homme sa véritable antiquité. Seheuchzer, naturaliste suisse, se rapprocha davantage de la vérité, tout en se trompant cependant, car son homo diluvii testis n’était qu’un squelette de salamandre gigantesque. Cependant, la présence des haches, les pierres de foudre du vulgaire, à côté des restes d’animaux disparus, aurait dû éclairer les naturalistes. Ce ne fut guère qu’au XVIII» siècle que l’on commença à s’en occuper. Le premier savant dont il soit fait mention dans le rapport publié en 1867 sur les Progrès de l’Anthropologie par M. de Quatrefages, est un anglais, Kemp, qui en 1715 recueillit dans Londres même une hache de pierre à côté de dents d’éléphant. Cette hache fut des¬ sinée. En 1797, J. Frère découvrit à Hoxne des silex taillés qu’il attribua à des populations ignorant l’usage des métaux; mais il n’alla pas plus loin. Ce fut M. A. Boué qui le premier reconnut l’ancienneté géologique de l’homme. Ce géologue présenta à Cuvier, en 1823, des ossements qu’il avait retirés du lœss de la vallée du Rhin, presque en face de Strasbourg. Pour lui, ces ossements étaient de vrais fossiles ; mais ni Alexandre Brongniart ni Cuvier n’admirent cette conclusion; cependant Cuvier n’a jamais regardé comme impossible la coexistence de l’homme et des espèces animales aujourd’hui disparues. « On n’a encore trouvé, — 13 — dit-il, ni homme ni singe parmi les fossiles, mais je ne veux pas conclure que l’homme n’existait pas du tout avant la dernière révolution du globe, s Presque à la même époque (1828-1831), deux géologues du midi de la France, M. de Chrislol et M. Tournai exploraient : le premier, les cavernes de Pondres et de Souvignargues, le second, la grotte de Bize près Narbonne ; ils publièrent les résultats de leurs recherches, et posèrent comme conclusion que l’homme dont ils avaient retrouvé les restes associés à ceux d’animaux disparus, avait lutté contre ces animaux et s’était nourri de leur chair. Mais les disciples de Cuvier, exagérant les enseignements du maître, refusèrent de les croire et les convainquirent d’erreur. Ce fut en 1861, que M. Lartet publia sur la grotte d’Àurignac ses magnifiques études. Cette grotte étant située au-dessus du diluvium qui l’entoure, n’a pu être remaniée par les eaux. Or, si les savants refusaient d’admettre la contemporanéité de 1 homme et des animaux disparus, c’est qu’ils regardaient les ossements humains trouvés au milieu de débris fossiles comme y ayant été apportés par les eaux durant quelque grand cataclysme. Or, à Aurignac ce fait est impossible; l’objection tombait donc. Pour beaucoup de savants, la grotte d Aurignac fut la preuve de la coexistence de l’homme avec les espèces fossiles. Les fouilles exécutées par M. Alph. Milne-Edwards en 1862 dans la grotte de Lourdes, convertirent encore bien des incrédules. Dès ce moment les faits se multiplient, et ce fut en 1863 que M. Boucher de Perthes retira d’une sablonnière d’Abbeville qui avait fourni des 1 silex taillés, une demi-mâchoire inférieure humaine. M. Boucher de Perthes, qui depuis trente ans avait adopté les idées émises par Tournai et de Christol, publia cette découverte particulièrement intéressante, car c’était, le premier débris humain rencontré ailleurs que dans une caverne. Cette mâchoire donna lieu à des discussions sans fin. M. de Quatrefages, d’abord seul à soutenir l’authenticité de cette mâchoire, vit se ranger à son avis successivement MM. Milne- Edwards, Gaudry, Desnovers, Lartet. Dès ce moment l’homme fossile, contemporain du rhinocéros, de Tours des cavernes, de l’éléphant, fut dûment accepté. Et comment le nier en présence des éléphants, des rennes, des ours..., reproduits sur pierre et sur ivoire, en dessin et en ronde bosse, que Ton devait découvrir plus tard ? L’existence de l’homme pendant la périodé quaternaire est donc incontestablement démontrée. De nouvelles découvertes assignent à l’homme une antiquité plus reculée encore. Les silex trouvés en place à Thenay par l’abbé Bougeois, prouvent son existence à l’époque miocène; les ossements de baleine découverts près de Bologne par le professeur Capellini, et qui portent des incisions faites avec des couteaux de silex, ne font remonter notre espèce qu’à l’époque pliocène. Les partisans de l’homme tertiaire ont aussi invoqué les ossements incisés A’Halitherium trouvés dans le miocène de Pouancé par l’abbé Delaunay, et les os brisés du gisement de Pickermi, en Grèce, où le baron de Dücker voulait voir des fractures faites avec intention, — 14 mais ce ne sont pas là des preuves ; les ossements d ’Halitherium ont été attaqués par les dents d’un grand squale, les os de Pickermi brisés par la compression des couches géologiques. Il y a quelques années, enfin, M. Withney découvrit dans des couches tertiaires pliocènes de la Californie un crâne humain, mais ce crâne etait-.l contemporain des couches qui l’entouraient, ou son inhumation est-elle postérieure à leur dépôt? C’est là une question qui, posée en 1872 par le Congrès d’Anthropologie et d’Archéologie préhistoriques n a pas encore été résolue, du moins à notre connaissance. Quoi qu’il en soit, l’existence de l’homme tertiaire est admise aujourd’hui par un grand nombre de savants. U y a peu d’années encore, on regardait l’âge du bronze comme ayant faTsSlnT 3déàl âgede P ierre ’ c ’ est là U»® opinion qu’il nous Après l’âge de pierre vient l’âge du cuivre; on en retrouve des traces dans les deux mondes : les Mount-Builders, constructeurs de montagnes ainsi nommes a cause des immenses tumuli qu’ils ont construits, ont eu leur âge de cuivre ; ,1s nous ont laissé quelques-uns de leurs outils, et on a retrouve sur les bords du lac Supérieur un bloc de 6,000 ldlo- grammes de cuivre natif dont les angles saillants avaient été brisés sans doute pour etre transformes en objets d’industrie. Ces antiques popu- lat ons creusaient meme des mines à la recherche du métal natif : on en a retrouvé des traces sur une longueur de 1 00 à 150 milles anglais Les anciens Mexicains, qui ne connaissaient pas le fer, avaient" eux aussi des instruments de cuivre, mais ils leur donnaient une grande durete par un procédé qui nous est inconnu. Sur l’ancien continent, on trouve aussi l’âge du cuivre ■ citons aux Indes la trouvaille de Gungeria (424 haches de cuivre pur) • en Hongrie 1%^ rdTet 7 U 4 ï? ““ ^ ^ 51 haches et coins’ a rebords, et 74 haches marteaux et pics de mineurs (ces derniers d une forme tout a fait moderne). En Scandinavie, les objets de cuivre sont rares et affectent des formes tout à fait primitives; en France on n a encore trouve qu une hache, dans le département du Gers Enfin a Dublin, on peut voir au musée 20 kelts et lames d’épée ne renfermant que des traces d’étain. P entérinant Aujourd’hui encore, certaines nations sont à l’â-e du cuivre • les nègres des bords du lac Y.ctoria se font des armes en c"^ rouge et les Esquimaux des bords de la liivière-de-Cuivre ne con¬ naissent et n emploient pas d’autre métal. Ces faits doivent faire conclure à l’existence d’un âge du cuivre intermediaire entre l’âge de pierre et l’âge du bronze. ° Si en Occident les objets en cuivre pur sont rares, cela tient à cette circonstance que le bronze une fois connu, tous les ustensiles de cuivre furent refondus pour être transformés en instruments de bronze par 1 addition de quelques parties d’étain. ,rm e . CU i Vr< 7 611 dlet) P résente bien des défauts; d’abord il est assez difficile de le couler, puis il est trop mou, trop malléable • les instru¬ ments en cuivre devaient s’user avec une très-grande 'rapidité et — 15 — exiger des réparations presque continuelles. Il est donc bien naturel que leurs possesseurs, une fois qu’ils ont su comment leur enlever tous ces inconvénients, aient fondu le cuivre pour y incorporer les 555 d’étain qui le transformaient en bronze. Comment expliquer que le bronze, un alliage, ait été employé de préférence au fer dont le traitement métallurgique est facile, au moins pour certains minerais? La raison est simple : d’abord le minerai de fer est terne, on peut le confondre facilement avec de simples cailloux ; il n’en est pas de même du minerai de cuivre qui, à l’état de sulfure ou de carbonate, présente les couleurs les plus brillantes. De plus, tandis que le premier traitement du minerai de fer ne donne que la fonte, métal aigre et cassant, la simple fusion des minerais de cuivre et d’étain en présence du charbon, donne un métal dur, fusible, d’une belle couleur et se coulant facilement dans les moules. Le bronze présente en outre, une propriété qui devait le rendre précieux à nos ancêtres: chauffé et refroidi brusquement, il acquiert assez de ductilité pour être travaillé au marteau ; si ensuite on réchauffe l’objet ainsi terminé et qu’on le laisse se refroidir lentement, il reprend toute sa dureté primitive. De nos jours encore, on emploie ce procédé pour la fabrication des cymbales et des tams-tams. Mais comment le bronze fît-il son apparition en Europe ? C’est là une question qui a divisé et divise encore les savants. Les uns pensent que l’invention du bronze est un progrès naturel, dû au déve¬ loppement de l’intelligence humaine; pour eux la fabrication du bronze eut lieu sur place. On a objecté aux partisans de cette opinion la rareté du minerai d’étain dans notre pays; à cela ils ont répondu que cette rareté provenait précisément de la grande consommation qu’on en avait faite autrefois, citant comme exemple les mines de plomb et d’argent que les Romains ont complètement épuisées. M. Daubrée a retrouvé en France, non loin de Limoges, de nom¬ breuses traces de l’exploitation de l’étain, mais ces immenses cônes renversés, de 12 ™ de diamètre à la base sur 8 “ de profondeur, ont-ils été creusés par les Romains et les Gaulois, ou bien par les peuplades de l’âge du bronze? C’est là une question difficile à résoudre. Selon les uns, l’étain arrivait en France d’Espagne ; selon les autres, de la côte de Cornouailles ou des îles Soriingues ou Scilly; l’on n’est pas encore d’accord sur ce point; au temps des Romains, l’étain venait en Italie des îles Cassitérides ; mais où devons-nous placer ces îles? Sur la côte d’Espagne, d’après M. Hans Hildebrand; sur la côte de Cor¬ nouailles, d’après M. Wilkinson. Les deux opinions peuvent être vraies, et il est très-probable que 1200 ou 1500 ans avant J. C., les Phéniciens l’allaient chercher soit dans l’une de ces deux localités, soit dans toutes les deux; mais bien avant cette époque, les Orientaux connaissaient le bronze, ils le fabriquaient sans doute au moyen d’étain tiré soit de l’Inde, soit de la Perse. Ici se présente une opinion que nous ne devons point passer sous silence. D’après M. Wibbel, le bronze aurait été obtenu directement par le traitement d’un minerai renfermant à la fois le cuivre et l’étain. — 16 — M. Lubbock, qui dans son dernier ouvrage cite cette opinion, la réfute en s appuyant sur les expériences de M. Hussey Vivian, d’après lesquelles en admettant même l’existence dans un même minerai du cuivre et de 1 étain, le traitement métallurgique nécessaire pour isoler le bronze chasserait 1 étain dans les scories : il se produirait là quelque chose d analogue à la liquation des alliages, phénomène en vertu duquel le métal qui ne s’est pas combiné pour former l’alliage se trouve séparé de la masse totale, au lieu d’y être répandu. En résumé, on ne peut guère admettre que les populations qui habitaient notre patrie à l’époque du bronze, y aient recherché, dès le commen¬ cement de cette époque, l’étain nécessaire à la fabrication de leurs instruments; cet étain dut être importé d’Orient d’abord, car c’est de là que nous vint la connaissance du métal, puis plus tard recherché dans les pays qui le produisaient : en Espagne, en Cornouailles, ou même en Ce n’est point là l’opinion du savant archéologue suédois, M. Nilsson, qui voit dans le bronze une importation phénicienne. M. Lubbock fait a cette theone les objections suivantes. Outre qu’il est bien difficile d établir que les Phéniciens fissent un négoce quelconque à une antiquité ssi reculee, s ils avaient été les propagateurs du bronze, ils auraient refr.^'T'V ° bje ? ^ Pai ’ UreS conformém ™ t à leurs goûts ; ils y auraient retrace des figures de plantes et d’animaux. Les armes des héros d’Homère temnle P^® mcienne *-> des animaux y étaient gravés; la décoration du temple de Salomon fut confiée à des Phéniciens ; là encore ils retracèrent des animaux et des plantes. Au contraire, tous les ornements de l’âge du bronze sont garnis de points, de cercles, de lignes droites; ce sont J® C ° m *f ai . SOns géométriques; on ne peut y retrouver le sen- timent de 1 art phénicien. Une autre onction no^ moins sérieuse, est la suivante. Les Phéniciens de Jr Cn US ^ e i dU fer; Homère cite des - uerriei ' s portât des armes étaient l ° S T'T' P ° Ur la construction du temple de Salomon étaient de fer; on doit donc conclure avec M. Lubbock que, si les Pbé- \e T P ZtT ie f 1 t mP ° rté Un métal d3nS n ° tre ils aui ' a * en t introduit te fer et non le bronze. Pour d’autres savants, le bronze nous serait venu d’Orient à la suite d une invasion; les peuples envahisseurs mieux armés, plus civilisés et connaissant 1 emploi du métal, auraient vaincu les peuplades de la pierre pohe et se seraient substitués à elles. Mais cette opinion n’est guère plausible, et 1 on remarque qu’en maint endroit le bronze et la pierre polie se rencontrent côte à côte. ‘ D’ailleurs, s’il en eût été ainsi, nous verrions les vainqueurs rem¬ placer les vaincus et dans les crânes de l’àge du bronze, nous verrions des caractères anthropologiques différents de ceux de la pierre polie qui vient immédiatement avant. Lorsque les brachycéphales delà pierre polie se trouvèrent en présence des dolichocéphales de la pierre saillie, il y eut lutte entre les deux races : emoin a gi otte de 1 Homme-Mort, dans la Lozère, découverte par M. le docteur Prunière, de Marvejols, et étudiée par M. Broea; les squelettes — 17 — que l’on y trouva portaient des traces évidentes de blessures, et des pointes de flèches habilement ciselées adhéraient encore à quelques ossements; un fait analogue a été signalé près de Marseille par M. Marion. Au commencement de l’âge du bronze, au contraire, nous trouvons des cités lacustres où on employait à la fois la pierre polie et le bronze, des sépultures identiques à celles de l’âge de la pierre polie ; c’est donc la même race d’hommes qui, connaissant d’abord la pierre polie, a ensuite adopté le bronze; l’idée d’une conquête, d’une invasion est donc écartée. Le commerce seul peut expliquer l’arrivée du bronze dans nos pays; il y fut importé par des populations nomades, les ancêtres de nos Tziganes actuels, d’après M. Balaillard, sur les opinions duquel nous revien¬ drons plus loin. Munis d’un matériel peu encombrant, ils entreprenaient des tournées lointaines, répandant peu à peu l’usage du bronze, ensei¬ gnant à nos ancêtres l’art de le préparer, de le couler, de le tremper, de le marteler, de le recuire. Peu à peu les enseignements de ces apôtres de la civilisation se répandirent; dans chaque centre d’habitation on établit des londeries, on procéda à la confection des moules en pierre ou en métal qui servaient à couler des épées ou des haches, on fonda même des manufactures d’armes, d’objets de parure et d’outils. Bologne, en Italie, semble avoir été l’un des plus grands centres in¬ dustriels de l’âge du bronze. Il y a trois ans environ, l’ingénieur italien Zannonni chargé d’établir un égout auprès de l’église de Saint-François, découvrit dans la tran¬ chée, à deux pieds de profondeur, une amphore en terre cuite de 1“40 de haut sur l m 20 de diamètre; cette amphore contenait 14,000 pièces de bronze, parmi lesquelles nous citerons 2,077 haches de bronze oukeltset 2,407 fibules de 25 types différents. -D’après M. Desor, archéologue suisse des plus éminents, « cette trou¬ vaille représente à la lois un magasin, un atelier de réparation et une fonderie. Inutile dès lors d’insister sur ce fait que nous nous trouvons en présence d’un foyer d’industrie métallurgique. » M. Desor explique la réunion d’une aussi grande quantité d’objets dans un seul vase, en supposant que dans un moment de péril, à la veille d une invasion ou d’une bataille, l’armurier-bijoutier-taillandier, propriétaire et tabricant de tous les objets de bronze, les aura cachés et ensevelis dans l’espoir de les retrouver ensuite. Laissons de nouveau la parole à M. Desor. Du moment qu’on fabriquait des bronzes en aussi grand nombre, on peut admettre que ce n’était pas seulement pour le débit local, mais que les produits de cette industrie devaient se répandre aussi au loin ; comme il s’agissait d’objets relativement précieux, il n’était pas besoin pour leur transport de voie de communication bien parfaite; il est probable que le commerce se faisait à dos d’homme par des colpor¬ teurs qui s’en allaient parcourir le pays avec leur pacotille, comme font encore aujourd’hui les bijoutiers et marchands horlogers sur les confins du territoire de l’Union américaine, et comme le faisaient encore en 1820 des colporteurs dans les montagnes des Cévennes (Bulletin de la Société des Sciences naturelles de Nîmes, 1877, p. 131). 2 — 18 — Nous sommes donc en présence d’une manufacture, si j ose m’ex¬ primer ainsi, qui semblait avoir pour but d’écouler au loin, par voie d’échange ou de commerce, les produits de sa fabrication. La présence de cette industrie nous semble exclure cette idée que les peuplades qui connaissaient le bronze vinrent par la force se substituer à celles qui n’étaient armées que de haches en pierre. L introduction du bionze en Occident n’a pas été le résultat d’une invasion ou d une guerre, elleaété le résultat d’un commerce d’échange de peuplade à peuplade, le bronze une fois connu ne tarda pas, sans nul doute, à être vivement apprécié de ceux qui s’en servaient. Nos ancêtres délaissèrent la hache de pierre pour le kelt et à leur tour établirent des fonderies, des établissements métallurgiques aux environs des centres d’habitation. Mais quels ont été les propagateurs de cette industrie? Nous avons vu que M. Nilsson attribue ce rôle aux Phéniciens; pour M. Bataillard, ce sont les ancêtres de nos Bohémiens, Tziganes, Zigeuner, Zingari actuels, qui l’auraient joué. Nous allons nous arrêter quelques instants encore sur cette dernière théorie. M. Bataillard commence par montrer que si loin qu on remonte, on ne trouve aucun document relatif à l'arrivée des T ziganes dans l’Europe orientale ; tous les faits qui suivent sont empruntés soit à la communication intitulée Origine des Tziganes, qui a été lue au Congrès international d’Anthropologie et d’Archéologie préhistoriques pendant la session de Buda-Pesth ; soit à son article sur les Tziganes fondeurs qui a. paru dans les Mémoires d’Anthropologie. Les Bohémiens, qui au XV e siècle se répandirent dans l’Europe occi¬ dentale, venaient tous du sud-est de la Hongrie, de la Roumanie, de la péninsule des Balkans; on a raconté qu’ils apparurent à la fois en Orient et en Occident. C'est une erreur due à ce que les historiens hongrois, voyant leurs collègues d’Occident indiquer l’année 1417 connue celle de l’apparition des Bohémiens dans l’Europe occidentale, étendirent cette date à leur pays. En réalité il n’existe pas de document mentionnant l’arrivée des Tziganes dans la partie orientale de l’Europe. Tous les documents que nous allons citer nous les montrent comme établis depuis longtemps dans le pays, sans qu’on sût comment ils y étaient arrivés. En 1387, Mirceïa I pr , voïvode de Valachie, confirme au monastère de Saint-Antoine-de-Vaditza la donation de 40 familles Atzigani (Tziganes), donation qui avait été faite à ce monastère probablement vers 1370, pu Via dislas, oncle de Mirceïa. Donc, en 1370, les Tziganes sont esclaves; ils devaient être nombreux à cette époque, car en 1388, Mirceïa donne encore 300 familles d’Ato- gani au monastère de Cozia. Si maintenant nous consultons la brochure de M. Cari Hopf (* e Qinxvanderung der Zigeuner), nous y trouvons qu’en 1378, le gouver¬ neur vénitien de la colonie grecque de Nauplie ou N a poli fia capitale de la Grèce jusqu’en 1834) confirme aux Atziganis y établis, et spéciale^® 1 à leur chef Jean, certains privilèges commerciaux accordés par ses prédé¬ cesseurs. — 19 — A la même époque, sur la côte ouest du Péloponèse existaient, au dire des voyageurs allemands Félix Fabri, Bernard de Breitenbach et Alex, de Veldenz, deux villages habités par des gens pauvres, noirs, semblables aux Maures et Zigeuners d’Allemagne ; ce sont évidemment des Tziganes. Au milieu du XIV e siècle, les Égyptiens de Bohème, comme les nomme André Thevet, étaient établis à Candie, à Chypre, Rhodes et autres îles de la Méditerranée, en Grèce, en Turquie, en Égypte, et partout, de temps immémorial. Un document plus ancien encore, est une paraphrase en mauvais vers allemands de la Genèse, écrite en 1122 par un moine autrichien. Voici un passage de ce document qui se rapporte bien certainement aux Tziganes. Quand Agar eut cet enfant, on le nomma Ismaël, c’est de lui que descendent les Ismaélites ; ceux-ci voyagent à travers le monde, nous les appelons Kaltschmidte (forgerons à froid, chaudronniers). Suit une description peu flatteuse de leur esprit de commerce, et enfin viennent ces mots : Ils n’ont ni maison ni patrie, se trouvent également bien partout et vagabondent par le pays. Plus loin, lorsque Joseph est vendu par ses frères, les Ismaélites madianites auxquels il est livré deviennent encore des Kaltschmidte. Le moine autrichien qui écrivait ces lignes, au commencement du XII e siècle, avait évidemment en vue les Tziganes chaudronniers. S’il les nomme Ismaélites au lieu de Zigeuner, c’est que les deux noms sont synonymes. Ici encore, notre auteur ne nous dit rien de l’arrivée des Tziganes, il nous fait entendre seulement qu’il les considère comme répandus depuis bien longtemps daim le monde. La présence des Tziganes dans le sud-est de l’Europe est donc bien antérieure au XV e siècle, bien antérieure à Tamerlan (1336-1405), qui, dit-on, les avait chassés de l’Inde; on ne peut pas non plus expliquer la présence des Tziganes en Europe par l’introduction de colonies indiennes due aux Arabes conquérants des VII e et IX e siècles. Les Indiens n’auraient pu enfanter une race qui se distingua par trois occupation^, le travail des métaux, la divination et la musique, et qui notamment, dans le travail des métaux, emploie habilement des procédés certainement très-anciens ; d’ailleurs, M. Milklosich vient, au nom de la linguistique, de ruiner cette thèse. Laissons ici la parole à M. Bataillard : « Nous restons donc en face’ » d’une absence complète de tout document sur la présence des Bohémiens » dans l’Europe orientale. Ce n’est là, j’en conviens, qu’une preuve » négative de leur antiquité dans cette région, mais une preuve déjà » bien forte; n’oubliez pas, en effet, qu’il s’agit d’une population étrange » et bien faite pour attirer l’attention de ceux qui ne la connaissent pas » encore; que cette population se compte par centaines de mille dans la » péninsule des Balkans, et que tous ou presque tous ont dû traverser le » Bosphore de Thrace pour entrer en Europe. Ainsi, ce passage maritime » a eu lieu sous les yeux de Byzance, sur un point très-restreint qui est, » depuis bien longtemps, un des plus civilisés du globe. Ajoutez l’agglo- » mération plus ou moins grande, mais ce semble, inévitable, qui "dans — 20 — » l’Asie-Mineure et particulièrement aux portes de Byzance, a dû » précéder le passage; représentez-vous cette cohue se disputant les » moyens de transport pour s’embarquer, ou même, ce qui est bien peu » probable, ces étrangers arrivant sagement par petites bandes succes- » sives et occupant ainsi pendant un long temps presque tous les moyens » de transport disponibles, et dites-moi s’il est admissible qu’une appa- » rition si étrange et un fait si extraordinaire aient eu lieu en des temps » pleinement historiques, sans causer aucune émotion à Byzance, et » sans qu’aucun annaliste n’en fasse mention? On se trouve donc ainsi » reporté même a priori , mais par toutes les vraisemblances, vers un » passé très-lointain... » Au contraire, lorsque au commencement du XV e siècle, les premiers Bohémiens apparaissent dans les contrées de l’Occident, les chroniques et les registres municipaux les signalent presque partout; quand on est habitué à leur présence, on n’en parle guère. Aux XV e et XIV e siècles, nous ignorerions leur présence en Roumanie, s’ils n’y avaient été esclaves et par suite l’objet de nombreuses donations; il a fallu qu’un moine autrichien du commencement du XII e siècle, eût la bizarre idée de les introduire dans la Genèse, pour qu’il nous fût attesté qu’ils parcouraient alors une grande partie de l’Europe, et cela vraisemblablement depuis bien des siècles. M. Bataillard, s’appuyant sur l’identité des Tziganes et des Atliingans, secte religieuse hérétique, démontre qu’au commencement du IX e siècle les Bohémiens vivaient déjà dans l’Empire grec, mais là encore il ne trouve aucun document relatif à leur immigration dans cet empire. Le résumé de tous ces faits est que nulle part nous ne trouvons de document relatif à l’arrivée des Tziganes dans l’est de l’Europe; il faut donc conclure qu’ils y arrivèrent lorsque l’histoire n’existait pas encore. Mais les Tziganes ont une industrie particulière, celle du cuivre. Les Tziganes métallurgistes (il y a encore les Tziganes meneurs d’ours), se divisent en deux branches : les caldarari ou chaudronniers, qui travaillent le cuivre à froid, et les zlotar qui coulent le bronze et le laiton. Or, étant donné le caractère de la nation tzigane, qui se refuse à accepter toute innovation, il est naturel de supposer que de tous temps elle a été en possession de cette industrie métallurgique; partant delà, M. Ba¬ taillard conclut que c’est aux ancêtres des Tziganes actuels que nous devons la connaissance du bronze. Au point de vue anthropologique, les Tziganes ont une noble origine; ils descendent certainement de cette race aryenne qui, sortie de l’Indou Kouch, envahit l’Inde et y établit sa domination sur les autochtones, peuplades inférieures, de race noire et jaune, dont elle chercha à s’isoler, autant que possible, par l’institution des castes. C’est à un rameau de cette race conquérante qui, 2000 ans avant J. C., écrivait les Védas, que nous devons la connaissance du bronze. Pour M. de Rienzi, nos Tziganes actuels auraient été chassés de l’Inde par Tamerlan; une partie de ces Tziganes aurait émigré vers l’Europe, l'autre se serait réfugiée dans les îles de l’Océan indien ; presque toujours sur leurs bateaux, vivant de piraterie et de rapines, ils seraient les an- — 21 — cêtres des Tzengaris-Biadjak qui infestent encore les environs de Bornéo et des Célèbes; cette thèse peut se concilier avec celle de M. Bataillard. Ce dernier, en effet, ne se refuse pas à admettre que la population bohé¬ mienne de l’Europe n’ait reçu, à la suite de l’invasion des Mongols, un renfort assez considérable des exilés de l’Inde. Il y aurait pour les archéologues français une curieuse étude à faire relativement à cette question ; M. de Talliouët possède dans la Mayenne * d’immenses propriétés dont quelques parties sont encore en friche; sur ces propriétés vivent en complète liberté plusieurs bandes de Bohé¬ miens ; il serait intéressant de les étudier ; ces Tziganes, qui vivent depuis fort longtemps sur une propriété privée, n’ont jamais été tourmentés par la police; ils doivent avoir conservé leurs anciennes coutumes, et peut-être seraient-ils plus accessibles que les Tziganes qui vivent actuelle¬ ment en Roumanie. D’ailleurs, la défiance que tout étranger inspire aux Tziganes rou¬ mains, n’arrête pas ceux qui s’intéressent à leur origine et à leur rôle dans les temps passés; l’un de ces savants, M. Constantinesco, ne désespère pas d’entrer avec eux en relations suivies, grâce à l’intermé¬ diaire de l’un de ses domestiques, intelligent Tzigane, qu’il est parvenu à s’attacher. Dans un ordre d’idées tout différent de la thèse soutenue par M. Ba¬ taillard, M. Hanry, aide naturaliste de M. de Quatrefages, nous a indiqué un curieux rapprochement à faire entre les Dalécarliens et les hommes de l’âge du bronze; par leurs caractères anthropologiques, les Dalécar¬ liens diffèrent absolument des nations qui les entourent : ils sont de grande taille, mais bruns, présentent une ossature et une musculature vigoureuses; ils ont les pommettes très-saillantes. Leurs mœurs ne ressemblent pas plus que leurs formes physiques à celles de leurs voisins ; enfin, ils ont l’habitude de se surcharger d’ornements d’un goût et d’une forme tout à fait archaïques. Leurs femmes en particulier se coiffent avec des épingles tout à fait analogues à celles que l’on retire des cités lacustres. Sans vouloir établir une théorie sur ces remarques, M. Hamy y voit matière à d’intéressants rapprochements. Nous venons de voir comment on a cherché à expliquer l’arrivée du bronze dans l’Europe occidentale, nous allons maintenant dire quelques mots des oeuvres de l’homme à l’époque du bronze. Bien qu’aujourd’hui ' on trouve dans toute l’Europe des habitations lacustres, c’est en Suisse que nous les étudierons; la Suisse est, en effet, le pays classique du bronze, car c’est là qu’on le découvrit tout d’abord. Occupons-nous d’abord de son habitation : pendant l’hiver de 1853- 1854, les eaux des lacs baissèrent beaucoup par suite de la grande sécheresse; les habitants de Meilen, sur le bord du lac de Zurich, en profitèrent pour conquérir, sur le lac, quelques portions de terrain ; ils voulurent les surélever et les enclore de murs : de là des travaux de ter¬ rassements qui amenèrent la découverte de pilotis, parmi lesquels on trouva des poteries, des instruments de pierre et d’os, etc. Le docteur Keller, de Zurich, informé de cette découverte, en comprit la significa¬ tion : il avait sous les yeux des restes d’habitations humaines, parmi 22 — lesquelles on rencontrait encore des débris d’industrie. Cette décou¬ verte fut le signal d’une véritable croisade en faveur des antiquités; les pêcheurs du littoral des lacs suisses, qui souvent déchiraient leurs filets aux pilotis du fond, furent pris pour guides et les lacs furent fouillés avec ardeur; le résultat fut la découverte, dans les lacs suisses, de 149 stations lacustres, remontant toutes aux époques préhistoriques, mais appartenant à trois périodes différentes : celle de la pierre polie, celle du bronze et celle du fer; il faut encore citer les villages bâtis sur • pilotis, trouvés dans des tourbières, qui sans doute furent autrefois des lacs. Les pilotis sur lesquels était bâti le plancher qui supportait les huttes avaient de 19 à 20 pieds de long; ils étaient enfoncés dans la vase de 1 à 9 pieds et devaient s’élever à 4 ou 6 pieds au-dessus du niveau de l’eau. Qu’on juge de l’énorme travail que devait demander la plantation d’un seul de ces pilotis pour des hommes n’ayant que des instruments aussi primitifs que ceux dont disposaient les hommes du bronze ! A VVangen, sur le lac de Constance, on a calculé qu’il y avait 40,000 pilotis de plantés dans le fond du lac. Mais ces immenses cités ne furent pas construites en un seul jour, pas même par une seule géné¬ ration; peut-être, comme chez les Pæoniens d’Hérodote, et en admettant que la polygamie fût permise, à chaque mariage l’époux devait-il enfoncer un certain nombre de pilotis. Quoi qu’il en soit, on ne s’est pas encore rendu compte de la manière dont agissaient ces populations pour construire leurs habitations. Ces pilotis étaient renforcés par des pièces de bois placées en croix. On admet en général que la plate-forme sup¬ portant les huttes était fixée perpendiculairement aux pilotis et à une certaine distance du niveau du lac; cependant, quelques archéologues ont été amenés à penser que cette plate-forme était simplement fixée à la tète des pilotis, et qu’elle constituait une sorte de radeau, s’élevant et s’abaissant avec le niveau du lac. La plate-forme est formée de cinq couches d’arbres entrelacées et réunies par de l’argile et de menues branches; mais aucune des pièces de charpente qui la composent, pas plus du reste que les pilotis qui la supportaient, ne porte la moindre trace de trous, de mortaises ou de ligatures. Ces pilotis étaient consolidés à leur base par des amas de pierres que 1 on y amenait, sans doute au moyen de pirogues ; ainsi, dans le lac de Bienne, on voit encore en hiver, lorsque les eaux sont basses, bien calmes et bien limpides, quelques-unes de ces pii’ogues ensevelies au fond des eaux ; 1 une d’elles porte même encore son chargement de pierres ; il est probable qu’elle aura sombré au moment où on allait la décharger. En Irlande, on rencontre quelque chose d’analogue aux cités lacustres; mais alors les pilotis ne forment plus que la charpente d’une véritable île artificielle formée par l’entassement d’un nombre immense de pierres et de débris de rochers; toutefois, les crannoges remontent à une époque bien moins ancienne; ils furent habités jusqu’au XVI e siècle par — 23 — de petits chefs irlandais qui en firent des forteresses d’où ils bravèrent longtemps la puissance royale. Mais revenons à nos habitations lacustres de la Suisse. M. Troyon a cherché à calculer quel pouvait être le nombre d habi¬ tants d’une cité lacustre ; il a pris comme type celle de Morges, qui a près de 3 kilomètres de long sur 50 mètres de large; il y recueillit plusieurs plaques de tapisserie, c’est-à-dire d’un enduit d’argile ayant recouvert l’intérieur des cabanes; la forme et les dimensions de ces morceaux d’enduit lui permirent d’assigner aux huttes la forme d un cylindre de 5 mètres de diamètre. Supposant la moitié de la plate-forme occupée par ces cabanes, le reste de l’espace étant réservé à la circula¬ tion, et comptant qu’une famille est formée de 4 personnes, M. Troyon arrive pour la cité de Morges au total de 1,244 habitants. En s’ap¬ puyant sur les mêmes hypothèses, on trouve pour le lac de Neufchâtel une population de 9,000 âmes. Soixante-huit villages de l’âge du bronze, découverts dans la Suisse occidentale, auraient renfermé 42,900 habi¬ tants. Il peut, au premier abord, sembler étonnant que des hommes aussi peu civilisés aient construit à grand’peine leur demeure sur les flots alors qu’il leur eût été bien plus facile de 1 établir sur la terre ferme, mais les habitations ainsi isolées au milieu des eaux leur servaient de retraite et de fortification, d’abord contre les animaux sauvages, puis plus tard contre les hommes. Et cependant leur sécurité n était pas complète, car toutes les cités furent détruites par 1 incendie, ainsi que le montrent les pieux carbonisés et les instruments de bronze que 1 on rencontre, qui tous semblent avoir reçu 1 action du feu et dont quelques- uns sont soudés entre eux. D’ailleurs, la coutume de construire des villes lacustres s’est conservée jusqu’à nos jours. M. Keller rapporte qu’au siècle dernier des pêcheurs de la Limmat Trahi tarent encore des cabanes construites sur l’eau. Nous trouvons cet usage mentionné dans Héi'odote, qui nous apprend que les Pæoniens du lac Trasias, en Thrace, habitaient des cabanes construites sur une grande plate-forme supportée par des pilotis. M. Lubbock, auquel nous empruntons tous ces renseignements, affirme, sur la foi d’un de ses amis résidant à Salonique, qu’il en est encore ainsi de nos jours. Enfin, cette habi¬ tude se retrouve encore aux Célèbes, à Mindanao, aux Carolines, et récemment Cameron l’a encore constatée dans son voyage au centre de l’Afrique. Les morceaux de tapisserie que l’on retrouve sont cylindriques, la courbure est peu prononcée, la face concave est lisse, ou dans certains cas porte des traits et des dessins d’une grande simplicité; la face convexe porte, au contraire, la trace des branchages sur lesquels elle a été appliquée. Ce sont ces remarques qui ont permis au lù Keller de restaurer un village lacustre; il s’est d’ailleurs aidé des croquis rapportés par Dumont-d’Urville. Les peuples de l’âge du bronze n’habitaient pas exclusivement des huttes construites sur les eaux. On a retrouvé leurs traces dans plusieurs vallées de la Suisse; on retrouve aussi ça et là ce que l’on a appelé des — 24 — fonderies, ce sont des tertres formés de terre calcinée, et renfermant souvent des objets de bronze à demi fondus ensemble, ou bien hors de service, ou bien encore absolument intacts. Ce sont là de véritables ateliers. Nous allons maintenant dire quelques mots des produits de l’industrie humaine à cette époque. Au point de vue industriel, M. Chantre, dont on connaît les belles études sur l’âge du bronze dans la vallée du Rhône divise l’âge du bronze en trois périodes : pendant la première, le bronze’ est encore un métal rare; on ne l’emploie que pour leç ornements piécieux et les armes de prix; on se sert encore surtout de la pierre polie. Cette période se manifeste surtout au pied des Cévennes, d’où son nom de période cébennienne. Peu à peu les bronzes ouvrés pénètrent dans notre pays par la vallée du Rhône et les cols des Alpes; la pierre est remplacée par le bronze. Nulle part cette période n’est mieux repré¬ sentée que dans la vallée du Rhône, d’où son nom de période rhoda¬ nienne. Pendant la troisième période, le fer apparaît; c’est la période mœrmgienne, du nom de la station de Mœringen au lac de Bienne qui est de cette époque; cependant cette période est plutôt caractérisée’ par 1 apparition de types nouveaux provenant de l’Italie et aussi de la vallée du Danube que par l’usage du fer. Bien que le bronze semble avoir une origine unique pour toute l’Eu¬ rope, chacune des peuplades où il arriva le travailla suivant ses goûts particuliers, de là les différences d’aspect que présentent les objets de bronze M. Bertrand, qui a constaté ce fait, admet les types septentrio¬ naux, les types hongrois et danubiens, et les types gaulois et italiens C est parmi ces derniers qu’il faut ranger les bronzes lacustres de la France et de la Suisse. L arme caractéristique de l’époque du bronze est la hache ou kelt. On connaît bien des types de cette arme; lorsque le bronze commença à se répandre, on tut naturellement conduit à représenter les haches de pierre dont on s’était servi si longtemps, la hache de bronze la plus simple et la plus ancienne est donc le coin. Bientôt on élargit le tran¬ chant, car pour le métal la lame n’a pas besoin d’avoir partout la même largeur. Pour maintenir la lame solidement fixée dans le manche, on la munit d ailerons entre lesquels passaient les deux côtés du bâton re¬ courbe a angle droit et fendu qui constituait le manche; puis les ailerons se îejoignant, la cloison médiane fut supprimée et l’on eut le kelt à douille; pour assurer encore la solidité de l’emmanchement, le kelt était muni d un petit anneau de bronze venu de fonte où passait une ficelle qui venait se nouer autour du manche. Un philologue belge a voulu voir ans le kelt une arme de jet, que l’on lançait sur l’ennemi en la faisant pivoter sur le manche pour la retirer ensuite. Pour lui le kelt serait le cateia des anciens, mais cette hypothèse n’est guère admissible. On a aussi voulu voir dans les kelts une sorte de monnaie, mais cette hypo¬ thèse est réduite à néant par la découverte de kelts portant encore des fragments de manche que l’on a faite dans plusieurs cités lacustres. Une autre arme de l’âge du bronze est l’épée. L’épée apparaît alors pour la première fois, on ne pouvait tailler en silex que des poignards — 25 — très-courts; le bronze, au contraire, se prêtait à la confection des épées; les poignées étaient faites tantôt en bois, en corne de cerf, ou en bronze; souvent, dans ce dernier cas, pour épargner la matière, on formait la poignée d’un noyau d’argile autour duquel on avait coulé du bronze, la lame de l’épée ôtait réunie à la poignée, tantôt par deux ou plusieurs rivets, tantôt au moyen d’une véritable soie qui traversait toute la poi¬ gnée. Les épées sont à deux tranchants, le tranchant est martelé après que la lame a été coulée; les lames sont courtes, elles n’ont guère que 65 centimètres de long ; les poignées ont une brièveté remarquable, elles ne dépassent pas 6 centimètres de long ; cette exiguïté atteste la peti¬ tesse de la main, c’est là un caractère anatomique que nous retrouvons chez les Indous ; encore un argument en faveur de l’origine indoue des importateurs du bronze. Un instrument bizarre, qui a peut-être servi dans les cérémonies du culte, est le cystre, c’est un cylindre de bronze portant sur trois ou quatre génératrices équidistantes un anneau dont le plan passe par l’axe du cylindre, dans cet anneau en est passé un second; cet objet, que l’on a découvert à plusieurs reprises dans le lac du Bourget, se retrouve aux Indes, où les prêtres mendiants le portent emmanché au bout d’un bâton. Citons encore les fers de lance qui sont tantôt à douille, tantôt rivés à la hampe, des couteaux qui affectent les formes les plus diverses, depuis la forme recourbée, rappelant les ustensiles orientaux, jusqu’à la lame droite de l’ùge de fer; les uns sont à soie plate ou ronde que l’on en¬ fonçait dans des manches en bois ou en corne, d’autres ont une douille où l’on fixait le manche par un rivet. Ces derniers se rencontrent surtout dans le lac du Bourget, ainsi que les couteaux coulés d’une seule pièce avec leurs manches; les faucilles sont très-nombreuses, elles sont généralement percées de trous permettant l’introduction des rivets. Dans les stations lacustres, les objets de parure sont plus répandus encore que les ustensiles ou les armes; les bracelets, les pendeloques, les colliers, mais surtout les grandes épingles abondent : les unes sont percées de trous permettant d’y enchâsser des pierres, comme celle qu’a recueillie M. Troyon, d’autres s’ouvrent par le milieu, la tête est parfois remplacée par un disque, par 2, 3 petites sphères. Quelquefois la tête est formée simplement par un faible aplatissement, mais alors, en dessous, une spirale est gravée en relief. Les peuplades lacustres façonnaient aussi les os en forme de poinçon ou en forme de poignard, de harpon et d’hameçon. Toutes ces pièces de bronze étaient fondues à l’aide de moules, le plus souvent en pierre, et parfois en métal. La poterie lacustre est tantôt grossière, à peine cuite, renfermant de gros grains de mica, tantôt au contraire d’une pâte plus sûre et présen¬ tant des ornements d’un goût parfait. Cette poterie porte parfois des incrustations d'étain qui lui donnaient un aspect fort original. On faisait aussi en terre de petites ébauches tout à fait primitives, représentant une figure humaine, et qui, sans doute, servaient de jouets. Les fusaïoles, — 26 — pesons destinés sans doute au tissage, étaient également en terre cuite; on en retrouve de grandes quantités et d’une foule de types différents. Les animaux que l’homme lacustre mangeait le plus souvent étaient le sanglier, dont les restes sont extrêmement communs au lac du Bourget, le cerf, dont les bois étaient utilisés, le chevreuil, la chèvre, le bœuf. Comme nourriture végétale, citons les glands, les noisettes, les pommes et divers autres grains. Et maintenant, à quelle époque devons-nous faire remonter l’âge du bronze? Sur ce point encore, on n’a rien pu établir de certain : on ne peut fixer les origines de l’âge du bronze qu’avec une approximation insuffisante. M. Arcelin, par exemple, s’appuyant sur la quantité de limon que la Saône dépose annuellement, trouve que le niveau renfer¬ mant des objets de bronze remonte à 2700 ou 3ü00 ans. Soit 800 ou 1700 ans avant notre ère. M. de Kerviler, se fondant sur des considérations analogues appli¬ quées aux alluvions de la Loire, fait remonter l’âge du bronze au V e siècle avant J. C. Pour ce qui est de la fin de l’âge du bronze, on peut la déterminer à l’aide des considérations suivantes : les plus anciennes sépultures de l’âge du fer, qui suivit immédiatement l’âge du bronze, sont en France celles de Bourgogne et du Châtillonnais; elles renferment des vases étrusques provenant des pillages faits en Ëtrurie par les Gaulois, l’archéologie permet de dater ces vases, ils remontent au V e siècle avant J. C. C’est donc un peu avant cette époque que l’âge de fer vint rem¬ placer celui du bronze, que les Germains venus de l’Est avec leurs armes de fer, ceux qui furent plus tard les Gaulois de César, vinrent s’établir dans notre pays, vainquirent les populations de l’âge du bronze et constituèrent cette aristocratie brave et belliqueuse que César eut tant de peine à vaincre. Léonce de Quatrefages, Membre actif. - 27 — LA FORÊT DE MONTMORENCY & SES ENVIRONS Description des meilleures localités et des Lépidoptères qui s’y rencontrent le plus fréquemment. Il n’est guère d’entomologistes parisiens qui ne connaissent la forêt de Montmorency, et cependant j’ai pensé que peut-être ce petit résumé des espèces qui s’y rencontrent le plus fréquemment pourrait être de quelque utilité. Je me suis borné à consigner ici les espèces que j’ai prises moi- même ; ce n’est donc pas un catalogue complet, il s’en faut de beaucoup. En effet, je ne cite guère que 300 ou 350 espèces, et l’on sait que la moyenne des espèces habitant une forêt est bien supérieure à ce nombre. J’indique trois régions ou promenades différentes : la première dans une partie du bois basse et parfois très-humide ; la deuxième à l’ouest, dans le voisinage de Taverny; le terrain est élevé et modérément sec; la troisième enfin est au milieu de la plaine, dans le bois de Beauchamp, dont les carrières sont bien connues. Ici, point d’humidité ; le terrain est très-sablonneux, et l’eau ne séjourne jamais à la surface de la terre. C’est une bonne localité pour prendre les espèces qui aiment la chaleur. Certaines clairières offrent l’aspect de celles de la forêt de Fontaine¬ bleau. 1° Sainte-Radegonde. — C’est une prairie abandonnée, située au milieu de la forêt. On y arrive par l’itinéraire suivant : chemin de fer de l’Ouest ou du Nord, descendre à Ermont et prendre l’omnibus de Montlignon. Demander ensuite le chemin du Château de la Chasse, lequel est à deux pias de la prairie en question. Peu de temps avant d’arriver au Château de la Chasse, on voit un restaurant ayant pour enseigne : « Au Bouquet de la Vallée. » C’est à partir de ce moment, en obliquant à gauche, qu’on entre dans la partie humide du bois et qu’on prend souvent de bonnes espèces qui ne se trouvent pas ailleurs. On peut alors demander le chemin pour aller à Sainte-Radegonde. 2° Taverny. — De môme que pour Sainte-Radegonde, de même que pour Beauchamp, on peut prendre l’Ouest ou le Nord à volonté. On prend son billet pour Taverny, station de la nouvelle ligne de Valmon- dois. Il suffit de traverser une partie du village et de monter droit devant soi ; on se trouve bientôt dans la forêt, et on ne tarde pas à apercevoir — 28 — des clairières herbues et des allées couvertes de fleurs. Le chasseur n’aura que l’embarras du choix pour la direction à prendre, car la forêt s’étend très-loin de ce côté. La faune de cette partie de la forêt diffère notablement de celle de la précédente. 3° Beauchamp. — On prend son billet (de Paris) pour Montigny- Herblay ; c’est la dernière station avant Pontoise. On se trouve là entre deux collines. Une fois sorti de la gare, on traverse le pont du chemin de fer, et l’on est sur la route de Taverny ; mais on la quitte au premier chemina gauche pour arriver près du hameau de Beauchamp. Il y a plu¬ sieurs bonnes places dans cet endroit : la meilleure est tout le long du chemin de fer. C’est un terrain inculte, où l’on trouve de très-bonnes choses. On peut aussi pénétrer plus avant dans le bois; on rencontrera presque à chaque pas des prairies, également incultes, où l’on n’aura qu’à « se baisser et prendre, » selon l’expression consacrée. Indépendamment de ces trois localités, il y en a beaucoup d’autres que le chasseur trouvera tout seul, telles que les prairies qui avoisinent la forêt sur le versant sud, entre Taverny et Saint-Prix, les environs d’Andilly, près de Montmorency, etc. A ce propos, je dirai que si je n’indique pas la ville de Montmorency comme point de départ d’une promenade, c’est que les endroits qui l’avoisinent, déjà inférieurs auparavant à ceux que j’ai cités, sont aujourd’hui totalement défigurés par les forts qu’on y a construits. Il n’y a guère que le versant sud, près d’Andilly, qui mérite une visite. Telles sont les diverses localités que je recommande à l’attention des lépidoptéristes, surtout de ceux qui, ne pouvant consacrer que le di¬ manche à leurs excursions, désirent profiter le mieux qu’ils peuvent du peu de temps dont ils disposent. Février. Dans ce mois, la chasse est presque nulle ; cependant on prend dans la forêt quelques Hïbernia. Mars. Taverny : Brephos parthenias, notha. Plusieurs Hibernia. Beauchamp : Idem. Avril. Sainte-Radeconde : Vanessa levana, Saturnin carpini. Taverny : Varies ses communes, Rhod. rhamni , Ant. cardamines, Aglia tau , Endromis versicolora, Tœnioc. instabilis, Brephos parthe¬ nias, notha. — 29 — Beauchamp : Vanesses communes, Rhod. rhamni, Pieris daplidice, variété bellidice, Thecla rubi, Brephos parthenias, notha. Mai. Sainte-Radegonde : Lycœna acis, Argynnis euphrosyne, selene, Syrichtus alveolus et sa variété lavaterce, Gonophora derasa, Thyatyra bâtis, Cymatophora ridens, Acronycta tridens, psi, aceris, auricoma, Anarta arbuti (au bord des ruisseaux), Agr. sulphuralis, Acidalia re¬ mut ala, Herminia barbalis. Taverny : Papilio podalirius, Leucop. sinapis et variété erysimi, Lycœna argiolus, Argynnis dia, euphrosyne, selene, Melitœa cinxia, Pararga mœra, megœra, Ægeria, Carteroc. paniscus, Spilot. malvœ, Syrichtus alveolus et variété lavaterce, Macrog. fuciformis, bornbyli- formis, Smerinlhus tiliœ, populi, Orgya pudibunda, fascelina, Bernas coryli, Bombyx rubi, quercifolia, Saturnia pyri, Plat, falcataria, Dicranuravinula, Ptilodontis palpina, Nolodonta ziczag, dictœa, Py- gœra bucephala, Cymat. ridens, Acron. aceris, Mamestra persicariœ, Triphœna janthina, arborea (cornes), pronuba, Noclua c.-nigrum, triangulum, Dianth. capsincola, Anarta myrtilli, Abrostola urticœ, Euclidia mi, glyphica, Venilia macularia, Bistonliirtaria, Ampliid, betularia, Tephrosia crepuscularia, extersaria, Pseudoterpna prui- nata (cytisaria), Stegania permutina, variété commutaria, Cabera pusaria, Macaria notata, Minoa murinata (euphorbiata), Camptogr. bilineata, Cidaria picata, Hyperia rostralis. Beauchamp : Thecla rubi, Lycœna adonis, Melitœa artemis, cinxia, Pararga mœra, megœra, Thanaos tages, Bernas coryli, Dicranura furcula, bifida, Acr.megacephala, ligustri, Cleophana linariœ, Agrio- phila sulphuralis, Boannia cinctaria (très-rare), Acid, ornata. Dans les champs : Papilio machaon, Piérides communes, Colias edusa, hyale, Argynnis lathonia, Cœnon. pamphilus, Acronycta ru- micis, Mamestra brassicœ, Hadena oleracea, Tephrina murinaria, Streyiia clathrata, Fidonia atomaria, Lythria purpurina. Juin. Sainte-Radegonde : Thecla pruni, W. album, Limenitis sybilla, Arg. ino, Melit. maturna, dictynna, Apatura ilia, variété clytie, Epi- nephele tithonus, hyperantlius, Zygœna trifolii, Nemeophila russula, Chelonia caja, Agrophila sulphuralis, Boarmia repandaria, rhom- boïdaria, consortaria, Asthena luleatci, candidata, sylvatica, Aci¬ dalia sylvestraria, Timandra amataria, Aspilates citraria, gïlvaria, Eupithecia absynthiata, debiliata, Scotosia cutala, Eunychia octoma- culalis, Botys verticalis, Euplocamus boleti (dans les champignons). Taverny: Leuconea cratœgi, Thecla ilicis, quercus (vole en l’air, il- in», — 30 — au-dessus des taillis), Limenitis sybilla, Epinephele tühonus, hyper- anthus, Cœnon. arcanius, Thyris fenestrina (rare), Halias clorana, quercana, Lithosia griseola, auréola, Euchel. jacobeœ, Chel. villica, caja, Arctia menthastri, mendica, Orgya antiqua, Limacodes tes- tudo, Psyché graminella, Dicr. vinula, Harpya fagi (très-rare), Mil- hauseri, Xylophasia lithoxylea, Nocterea xanthographa, Phlog. me- ticulosa, Hadena atriplicis, Aconlia luctuosa, Crastina fuscula, Oph. lunaris, Rumia cratœgata, Croc, elinguaria, Angerona prunaria, Tephrosia punctulata, Phorodesma bajularia, Ephyra punctaria, trilinearia, omicronaria, pendularia, Timandra amataria, Lomas- pilis marginata, Lobophora hexapternta, Melanippe rivala, monta- nata, galiata, fluctuata, Anaïtis plagiata, Botys verticalis. Beauchamp : Leuconea cratœgi, Lycœna ægon, medon, alsus, cyl- larus (rare), Melitæa athalia, Cœnon. arcanius, Hesperia sylvanus, Syrichtus sao, Procris statices, Lithosia mesomella, Nola togatulalis (très-rare), Euchelia jacobeœ, Nem. russula, Chelonia civica, caja, Lim. testudo, Clostera curtula, anastomosis, Hadena atriplicis, Agr. sulphuralis, Aconti.a Solaris, luctuosa, Macaria liturata, Lornaspilis marginata, Phibalopterix tersata, agérata, Botys terrealis. Dans les champs : Lycœna alexis, cyllarus, Vanessa cardui, io, urticœ, Arge galathea, Agrotis segetum, exclamationis, Cttcul. scro- phulariœ, Heliothis dipsacea, Aspilates citraria, gilvaria. Juillet. Sainte-Radegonde : Lycœna acis, Argynnis paphia, aglaja, adippe, variété cleodoxa, Vanessa prorsa, antiopa, c.-album, Apatura iris, Epinephele hrjperardhus, Zygœna lilipendulœ, Liparis monacha, dispar, salicis, auriflua, chrysorrhea, Odonestis potatoria, Apamea oculea et sa variété nictitans, Acidalia herbariata, incanaria, remu- tata, aversata et sa variété lividala, emarginata, Eupithecia absyn- tlüata, débiliata et beaucoup d’autres, Melanlhia rubiginata, ocellata, albicillata, Melanippe rivat.a, montanata, galiata, Camptogr. bili- neata, Scotosia undulata (rare), Hypena crassalis, Herminia deri- valis, barbalis. Taverny : Leuconea cratœgi, Rhodocera rhamni, Argynnis paphia, aglaja, adippe, variété cleodoxa, dia, Vanessa antiopa, c.-album, polycliloros, Macroglossa fuciformis, bombyliformis, Lithosia quadra, rosea [mmiata], Liparis monacha, dispar,, salicis, aurifl.ua, chrysor¬ rhea, Bombyx neustria, quercus, trifolii, Odonestis potatoria, Cossus ligniperda, Nonagria paludicola (dans les roseaux), Xylophasia polyodon, Hadena chenopodü, Plusia gamma, Mapturia sambucata, Acidalia herbariata, incanaria, Abraxas grossulariata, Melanippe rivata, montanata, galiata, Campt. bïlineata, Hypena crassalis, Herminia barbalis. Beauchamp : Leuconea cratœgi, Polyom, dorilis, Lycœna medon - 34 - [agestis], alexis, adonis, corydon, cyllarus, Vanessa polychloros, Satynis semele, Syrichtus alveus, Zygœna filipendulœ, Procris sta- tices, pruni, Emydia grammica, Lithosia complana, complamda (lurideola), Naclia ancilla , Arctia fuliginosa, Bombyx neustria, castrensis, quercus, Neuria saponariæ, Hadena chenopodii, Plusia gamma, Acidalia ôrnata, Campt. bilineata. Dans les champs : Lycæna cyllarus (rare), Epinephele janira, et plusieurs autres espèces communes qui avaient déjà paru au prin¬ temps. Août. Sainte-R adegonde : Argynnis euphrosyne, selene, Melitcea dic- tynna, Vanessa atalanta, io, antiopa, Epinephele tithonus, Zygœna filipendulœ, Chelonia caja, Acron. auricoma, Apamea oculea, variété nictitans, Miana strigilis, Cosmia trapezina, Miselia oxyacanthœ, Phlog. meticulosa, Aplecta nebulosa, Hadena oleracea, Cucullia umbratica, Amphipyra pyramidea, tragopogonis, Catocala elocata, nupta, sponsa (rare), Euclidia mi, glyphica, Rumia cratœgata, Aci¬ dalia aversata, variété lividata et plusieurs autres Acidalia (voir juillet), Aspilates citraria, gilvaria, Melanippe fluctuata, Campt. bilineata, Scotosia cutata, Cidaria russata, Anaïlis plagiata, Euny- clxia octomacidalis, Eudothrica flammealis. Taverny : Papilio podalirius, Leucop. sinapis et variété erysimi, Bhod. rhamni, Polyom. phlœas, Lycæna argiolus, Argynnis euphro¬ syne, selene, Melitœa cinxia, Vanessa atalanta, io, antiopa, Epine¬ phele tithonus, Pararga Ægeria, Spil. malvœ, Sarrothripa revayana, Euchelia jacobeœ, Callimorpha liera, Chelonia caja, Demas coryli, Cneth. processionea, Acronycla psi, leporina, Leucania albipuncta, pallens, Agrolis saucia, Triphœna janthina, orbona, pronuba, Xan- thia citrago, silago, Cosmia trapezina, Miselia oxyacanthœ, Phlog. meticulosa, Plusia gamma, Amphipyra pyramidea, tragopogonis, Catacala nupta,Euclidia mi, glyphica, Ennomos anyularia, Gnophos obscurata, Acidalia rubricata, Larentia pectinataria, Melanippe fluctuata, Campt. bilineata, riguata (gemmaria), Cidaria russata, Eubolia mensuraria, palumbaria, Anaïtis plagiata, Hypena probos- cidalis, Aglossa pinguinalis, Pionea margaritalis. Beauchamp : Papilio podalirius, Pieris daplidice, Polyom. phlœas, dorilis, Lycæna œgon, medon, alexis, corydon, alsus, Melitœa arte- mis, cinxia, Satyrus fauna (statilinus), briseis, semele, Pararga mœra, megœra, Hesperia comma, Zygœna filipendulœ, Litli. meso- mella, Setina irrorea, Euchelia jacobeœ, Nem. russula, Chelonia caja, Dicr. furcula, bifida, Cleopliana linariœ, Plusia gamma, Euclidia mi, glyphica, Phibalopterix tersata, aquaia, Ennychia octomaculalis. Dans les champs : Papilio machaon, Piérides communes, Colias edusa, hyale, Vanessa cardui , urticœ, Epinephele janira, Cœn. pamphilus, Macroglossa stellatarum, Acronycta rumicis, Agrotis valligera, IJadena oleracea, Cucullia umbratica, Tephrina murinaria, Strenia clathrata, Fidonia atomaria, Lythria purpuraria, Aspilates citraria, gilvaria. Septembre. Sainte-Radegonde : Thecla betulœ, Vanessa c.-album. Taverny : Thecla betulœ, Vanessa c.-album, cardui, Syrichtus cirsii (rare), Gonoptera libatrix. Beauchamp : Polyommatus phlœas, quelques Vanesses communes. Dans les champs : Colias edusa, hyale, Argynnis lathonia, Vanessa cardui, Plusia gamma. Octobre. Sainte-Radegonde : Diloba cœruleocephala, Cerastis vaccinii, silene (rare). Taverny : Diloba cœruleocephala, Ancliocelis rufma, Agriopis aprilina. Novembre. On trouve dans la forêt, et dans le bois de Beauchamp, Oporobia dilutata et quelques espèces à’Hibernia. Paul Thierry-Mieg, Membre actif. Typ. Oberthür et fils, à Rennes. - Maison à Paris, rue Salomon-de-Caus, 4. A SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES T Société d'Èludes des Sciences naturelles de Nîmes. Société d’Etudes des Sciences naturelles de Marseille. Cercle des Jeunes Botanistes de Bruxelles. Association scientifique de la Gironde, à Bordeaux. Société des Amis des Sciences naturelles de Rouen. Société d'Etudes scientifiques et archéologiques de Draguignan. Société d’Etudes scientifiques de Lyon. Société Parisienne d'Histoire naturelle. Société scientifique de la Jeunesse, à Paris. Typ. Obertliür et fils, à Rennes. — Maison li Paris, rue Salomon-de-Caus, 4 .