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BULLETIN

Seieittifiqiie . et Littéraire

du Département du Nord

ET DES PAYS VOISINS

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https://archive.org/details/bulletinbiologiq1218univ

BULLETIN

SCIENTIFIQUE , HISTORIQUE

ET LITTÉRAIRE

DU DÉPARTEMENT DU NORD

et des pays voisins

(Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Ardennes, Belgique)

PUBLIÉ sous LA DIRECTIOX DE MM.

GOSSELET , Professeur à la Faculté des Sciences de Lille et DESPLANQUE, Archiviste du Département du Nord.

Tome I. 1869.

LILLE

Imprimerie de Blocquel-Gastiaux , grande place, 13

1869

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N.“ 1. Janvier 1869

BULLETIN

SCIENTIFIQUE, HISTORIQUE et LITTÉRAIRE

DU DÉPARTEiSlENT DU NORD ET DES l'AYS VOISINS

( Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Ardennes , Belgique).

L’idée de fonder ce Bulleiin nous a été principalement inspirée par l’isolement vivent les savants de province. Il y a bien, dans toutes les villes importantes, des Académies ou des Sociétés réunissant les personnes de la localité qui s’occupent de Sciences ou de Littérature ; mais les Asso¬ ciations d’un même département n’ont aucun rapport entre elles. Souvent même, bien qu’elles échangent leurs publications , elles ne connaissent pas leurs travaux réci¬ proques. On ne sait pas à Lille ce que l’on fait à Cambrai , Cambrai ce qui se passe à Dunkerque. Faute de ces encouragements qui naissent de l’approbation des hommes compétents, faute de l’émulation produite par la vue du travail d’autrui , on s’endort, on cesse d’étudier , d’acqué¬ rir et surtout de produire. Notre Bulletin, en rendant un compte sommaire des travaux de toutes les Sociétés du Département et des Sociétés voisines, fera connaître les uns aux autres les hommes du même pays qui s’occupent des travaux intellectuels; il créera entr’eux des rapports de sympathie en attendant qu’il puisse s’en établir de plus complets et de plus intimes.

2

Nous espérons aussi que noire Bulletin sortira du cercle des Sociétés savantes , qu’il pénétrera chez toutes les per¬ sonnes qui s’intéressent d’une manière ou de l’autre aux travaux de l’intelligence , qu’il fera connaître les services rendus par les Associations scientifiques, et qu’il attirera sur leurs membres une juste considération. Le public ne lit pas les Mémoires souvent très-longs et quelquefois un peu arides ; nous cbercberons , en donnant de ces écrits un résumé court et élémentaire, à en faire ressortir le mérite et l’intérêt.

Nous avons encore d’autres buts. Nous désirons propager l’amour des travaux intellectuels et pour cela entretenir nos lecteurs de la science locale qui plus que toute autre peut inspirer le goût de l’étude. Nous ferons connaître les richesses de nos Musées et leurs accroissements successifs, celles des Collections particulières qui souvent peuvent rivaliser avec les Musées par les objets précieux qu’elles renferment. Nous indiquerons les diverses couches du sol du pays , les Amgétaux qui y croissent , les animaux qui y vivent , les monuments qu’on y a élevés , les antiquités qu’on y trouve , l’histoire des civilisations qui s’y sont suc¬ cédé , les œuvres de génie qu’elles ont enfantées , etc.

N’oubliant pas que notre Département lient le premier rang sous le rapport de l’Agriculture et de l’Industrie, nous mentionnerons les progrès scientifiques effectués chez nous dans ces deux directions.

Nous signalerons toutes les découvertes qui se feront dans notre pays , et nous offrons ainsi aux auteurs de ces découvertes un moyen de publication prompt et facile.

Nous accepterons avec reconnaissance toutes les commu¬ nications que l’on voudra bien nous envoyer , mais nous tenons à prévenir que nous ne voulons pas faire concur¬ rence aux publications des Sociétés savantes ; nous ne don-

nerons que de simples notes très- courtes et jamais de Mé¬ moires in extenso.

Nous commençons notre Bulletin humblement (environ 300 pages par an ) , parce que nous avons tenu à le mettre à un prix accessible à tout le monde. Si notre idée a l’ap¬ probation de nos concitoyens , si notre Bulletin leur plaît , nous chercherons à y apporter toutes les améliorations que l’expérience et les conseils d’autrui nous suggéreront.

GOSSELET ET DESPLAXQUE.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DE l’aGRICL'LTURE ET DES ARTS DE LILLE(')

Avant 1789 , il existait à Lille une Société savante connue sous le nom de Collège des Philalêthes; la tourmente révo¬ lutionnaire la dispersa. En 1802, les débris de cette Société échappés à l’orage se réunirent et formèrent une nouvelle Association sous le nom de Société des Amateurs des Scien¬ ces ^ de l'Agriculture et des Arts. Elle changea ce litre en 1829 conti’c celui qu’elle porte encore. Le 13 décembre 1862, un décret impérial la reconnaissait comme établisse¬ ment d’utilité publique. Le nombre des membres titulaires est limité, il était primitivement de trente ; en 1852, il fut porté à cinquante.

d) En commençant le compte-rendu des Iravanx des Sociétés sa¬ vantes, nous avons pensé qu'il serait agréal)le à nés Rctei.rsde connaître les membres qni font partie de ces Associations scientifi¬ ques. Ces listes, données une fois pour tontes , ne seront pli:s renou¬ velées; mais nous aurons soin de tenir notre llnlletiu an courant d('s changements de personnel qni viendront à se prednire.

A’o/c de la ItédacUon.

4

Actuellement [15 janvier 1869] la Société comprend :

Six membres honoraires: les autorités départementales et municipales , et

MM. Moulas (i) [1831] (2) , homme de lettres.

Verly [1823], archéologue.

Deux membres de droit : le Recteur de l’académie et l’Inspecteur d’académie, en résidence à Lille.

Quarante- cinq membres titulaires et cent quarante cor¬ respondants.

Les membres titulaires sont :

MM. Choîn ^ [1842], professeur d’Histoire à la Faculté et au Lycée ; Président.

Meisciie de Loisxe^ [1864] , ingénieur des Ponts-et- Cdiaussées ; Vice-Président.

Gosselet [1865] , professeur de Géologie à la Faculté ; Secrétaire-Général.

Van Rende [1860], numismate; Secrétaire de Cor¬ respondance.

Bach Y [1844] , agronome ; Trésorier.

De Norguet [1862] , naturaliste ; Archwiste. Kuiil.mann g ^ [1824] , correspondant de l’Institut ; chimisle.

Danel^ [1828] , auteur d’une théorie musicale. Benvignat [1836] , architecte.

Testelin [1840], docteur en médecine.

Cazeneuve 0^ [1841], directeur de l’Ecole de Médecine Delerue^ [1643], juge-de-paix, homme de lettres.

(1) Les membres titulaires , dont la nomination remonte à plus de 30 ans, deviennent de droit, sur leur demande, membres hono¬ raires.

(2) Le chiffre entre parenthèse indique l'année de l’admission.

MM. CiiRESTiEN [1847], docteur en médecine.

Lavaine ^ [1848] , professeur de musique au Conser¬ vatoire.

CoRENwiA'DER ^ [1848] , agronome et chimiste.

Parise ^ [1848], docteur en médecine.

Dupuis [1848], avocat, homme de lettres.

Deligne [1849] , professeur de littérature.

Blaaquart-Evrard^^[1852], peintre et photographe.

Colas [1852] , peintre.

Violette , Henri, O ^ [1852] , chimiste , commissaire des poudres et salpêtres.

Garreau ^ [1852] , pharmacien , botaniste.

Meurein [1852], pharmacien, chimiste.

Cox [1854] , industriel.

Caxxissié [1854], linguiste.

Paeile [1856] , bibliothécaire et archiviste de la ville .

VioLLETTE , Charles [1858] , professeur de Chimie à la Faculté.

Guiraudet 7^ [1858] , professeur de Mathématiques , Doyen de la Faculté.

3Iathias ^ [1858] , ingénieur du chemin de fer du Nord.

De Goussemaker ^ [1859], correspondant de l’Ins¬ titut, Président de la Commission historique.

Comte de Melux [1859], Vice - Président de la Commission historique.

HouzÉ de l’Aulxoit, Alfred [1860], docteur en mé¬ decine.

Dareste delaChavaxne [1860], professeur de Zoologie à la Faculté.

HouzÉ de l’Aulxoit, Aimé [1861] , avocat.

Lethierry [1862], entomologiste.

Vandexberg [1863], architecte.

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Leuriüa> [1863], bibliothécairc-arcliivisle de la ville de Roubaix.

Kuiilmaxx , Jules [1863] , chimiste.

Desplaxque [1863] , archiviste du Département. Reixaut, 0:^[1864], conservateur des 3Iusées de Lille. Roussel-Defoxtaixe ^ ^1865] , industriel , maire de Tourcoing.

Telliez [1866] , juge au tribunal civil, économiste. Boire [1868], ingénieur civil.

Duthilleul [1868] , homme de letti'es. Haxriot^[1868], professeur de Pbysiiiue la Faculté.

Dans le cours de rannée 1868 , la Société a perdu :

31. Lyon [1865] , inspecteur des forêts.

Elle a vu s’éloigner :

3131. Gripon [1865] , professeur à la Faculté.

Girardin, O ^ [1858], correspondant de rinstitut< Doyen et professeur de Chimie à la Faculté. Lemaître ^ [1863] , ingénieur en chef des Ponts- et-Chaussées.

3IOSSOT, professeur de rhétorique au Lycée, qui sont devenus scs correspondants.

J. G.

mémoires de la société des sciences , DE l’agriculture

ET DES ARTS DE LILLE.

Aniicc 18G7 , IV.' volume , 3.' série. rublics en 1868.

Les publications de la Société pendant l’année 1867 ont été nombreuses. Elles prouvent que les membres de cette Association veulent donner l’exemple du travail qu’ils sti¬ mulent en dehors d’eux, par l’appui qu’ils prêtent à tous les hommes d’étude, et par les Concours qu’ils ouvrent

7

chaque année dans toutes les branches du savoir. En 1868 , la Société a publié deux volumes: l’un, consacré aux mé¬ moires de ses membres ; l’autre , aux mémoires qu’elle a couronnés ou qu’elle a jugé dignes d’être imprimés sous ses auspices.

Nous ne nous occupons aujourd’bui que du premier de ces deux volumes (4.® volume de la 3.® série).

Citons d’abord les travaux de littérature qu’il contient et commençons par les poésies.

Nous trouvons une fable : V Apparence trompeuse , et un conte: V Aigle et la Flèche, de M. Delerue. Deux pièces de vers: la Patience (imitation de Y A\\em£iiu]), la Délivrance, parM. Eschenauer, pasteur protestant à Strasbourg, mem¬ bre correspondant de la Société ; et un poème intitulé LydéîHc de M. Deletombe, homme de lettres à Orchies , également correspondant de la Société.

Lydéric, c’est l’bistoire de notre premier forestier de Flandre qui est devenu, de par Clotaire, le souverain du pays de la Lys, après avoir vaincu et tué Phinart, brigand légendaire de nos contrées'.

Les vers de M. Eschenauer ont un cachet essentiellement religieux :

Il est un ange sur la terre

Qui vers nous descendu des cieux ,

Répand un baume salutaire

Sur tous les maux des malheureux

Son regard apporte la joie ,

La paix , la vie et le bonheur.

Ail ! vers cet ange qu'il envoie Que rEternel tourne mon cœur.

Quel est cet ange?

Cet ange , c'est la Patience ,

Compagne de la Charité ,

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Sœur de la douce Confiance Et fille de la Vérité.

Elle supporte sans murmure, Sans amerlume et sans cfibrt , L’épreuve môme la plus dure Et nous sourit jusqu'à la mort.

Le but delà fable, comme ou lésait, est d’inslriiire : M. Delerue v a réussi.

En visitaul un cabinet d’antiquailles , il aperçoit parmi beaucoup d’objets :

. une superbe épée ;

Son fourreau resplendissait d'or Et sa poig’née était plus belle encor. . .

Mais, tirant cette épée du fourreau, il n’a entre les mains qu’une lame de bois. . .

« Sous les plus beaux; dehors , rbomme et môme la femme . « A nos regards apparaissent parfois.

« Mais cbcrcbez-leur un cumr, une âme,

« C'est souvent mon épée à la lame de ])ois. »

La critique littéraire est représentée par une étude de M. Bïossot , sur Pascal et La Rocbefoucauld.

L’auteur examine ces deux hommes célèbres du xvii® siècle dans leurs livres paraissant presque la môme année: les Pensées , de Pascal , et les Maximes , de La Rocbefoucauld.

Ainsi rapprochés dans le temps, ces deux livres le sont-ils par l’esprit, par l’inspiration ?

Il en est peu d’aussi différents. L’un (Larochefoucauld) , a écrit avec son esprit ; Pascal , avec son âme , dit M. Blossot en terminant.

L'Histoire des Etats de Lille, de M. le comte de Melun , est continuée dans ce volume. L’écrivain nous montre ces

9 .

Etats sous la domination française et pendant l’occupation de Lille par les Hollandais.

L’bisloire locale est l’objet d’un autre mémoire très-inté¬ ressant à M. Leuridan , et intitulé Précis de l'histoire de Lannoy. Nous en donnerons prochainement un compte- rendu spécial.

Nous voyons encore une note sur les œuvres posthumes d’Emile Cachet, savant paléographe , par 31. Albert Dupuis ; et deux notices biographiques : l’une , sur la vie et les tra¬ vaux de 31. Victor Derode, par 3Ï. Alex. Desplanque, notice dont nous nous servirons pour faire connaître 31. Victor Derode quand nous parlerons prochainement de ses quelques documents pour servir à l’Histoire de l'In¬ dustrie de Lille; l’autre , sur 31. le baron 3ieunier , décédé maire de Lille.

31. 3Ieunier était tils du général de division, baron 3Ieunicr, et de la fille de David, le célèbre peintre du temps de la République et de l’Empire.

Titulaire d’une étude de notaire à Lille, il v arriva avec la volonté de devenir, dit 31. Ferdinand 3Iatbias, auteur de

sa biographie , un citoyen utile etactifdesa ville d’adoption ; il a largement tenu parole. Depuis 1852 , il faisait partie du Conseil municipal.

Lors de l’agrandissement de Lille, 31. 3Ieunierse montra partisan de la nouvelle enceinte fortifiée , et s’occupa acti¬ vement de la question. La croix de la Légion d’honneur fut la récompense de ses travaux.

31. 31eunier était membre de la Société depuis 1861 , il s y occupait d’Economie sociale.

Cette branche de la Science est encore dignement repré¬ sentée à la Société. Au moment la question des och'ois était à l’ordre du jour , 31. Roussel-Defontaine a pensé qu’il

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était opportun de faire connaître Thistoire de l’abolition des octrois communaux en Belgique. M. Roussel-Defontaine n’a pas eu l’intention d’examiner dans son travail la question des octrois en France. Il pense qu’il faudrait pour notre pays une autre solution du problème.

L’élément scientifique domine dans la Société.

Le présent volume contient wnMémoire su?' le dosage du sucreau moyen de liqueurs é/érees, par M. Charles Viollette.

Des études sur les fonctions des racines des végétaux^ par M. Corenwinder.

Un Mémoire sur le traitement des futaies ^ de M. Lyon.

Sous ce titre ; Poutres équarries à extraire d’un tronc d'arbre; une méthode , du même auteur, qui permet de déterminer sûrement, d’après le diamètre d’un arbre, la dimension des poutres qu’on peut en extraire.

Une Question de Physiologie végétale , par M. Bachy.

Un supplément ajouté par M de Norguet , au Cata¬ logue détaillé des Coléoptères du département du Nord , présenté par lui, en 1863 , à la Société des Sciences , com¬ plète les travaux scientifiques contenus dans ce volume, travaux dont la plupart feront l’objet d’analyses qui paraî¬ tront dans ce Bulletin.

Nous disons la plupart, parce que, en effet, il n’est pas possible , pour ne citer qu’un exemple , de résumer l’énu¬ mération que fait M. de Norguet des insectes de notre Dé¬ partement.

On sait que les coléoptères forment un des douze ordres dont se compose la classe des insectes ; le scarabée des jar¬ dins , vulgairement appelé le jardinier, et le hanneton en sont le type.

C’est la partie Est du Département qui a fait l’objet de nouvelles recherches ; la forêt de Mormal, les bois de ïrélon

11

et de Raisinés , dit M. de Norguet , ont été visités à plusieurs reprises par M. Lethierry qui a eu le mérite d’y faire des découvertes intéressantes.

Ce supplément sera , nous l’espérons , suivi de plusieurs autres.

Qui peut en effetse flatter, observe M.de Norguet, d’avoir examiné tous les êtres qui vivent ou naissent sur un pays , ou sur une portion de pays, même restreinte , puisque mille circonstances peuvent les faire paraître et disparaître, les rendre plus ou moins rares, plus ou moins faciles à décou¬ vrir ?

A fortiori , en est-il ainsi des insectes chez lesquels un changement dans l’atmosphère , une moditlcation dans la végétation, une inondation, un dessèchement, un coup de vent même peut amener l’apparition ou l'extinction de plu¬ sieurs espèces. Lecocq.

DOSAGE DU SUCRE AU MOYEX DES LIQUEURS TITRÉES avec Instruction pratique, par M. Cii. Viollette {*)

Parmi les différentes méthodes proposées pour le dosage du sucre, deux principalement sont utilisées.

La première, toute physique, a été imaginée parBiot, elle repose sur la déviation qu’une liqueur sucrée fait éprou¬ ver au plan de polarisation de la lumière. Elle donne des résultats précis lorsque la dissolution sucrée n’est que fai¬ blement colorée, mais elle exige l’emploi du saccharimèlre, instrument coûteux et dont tout le monde n’est pas apte à se bien servir.

(*) Brochure in-8® , 140 pages , une planche, Lille , Quarré

1-2

La deuxième méthode, due à M. Barreswill, est une méthode volumétrique fondée sur ces deux faits purement chimiques :

l.°Que le sucre se transforme par l’ébullition avec un acide en sucre interverti , 2.° Que un équivalent de ce der¬ nier peut précipiter, à l’état d’oxide cuivreux rouge (Cu'^O), tout le cuivre de dix équivalents de sulfate cuivrique dis¬ sous dans la solution alcaline d’un tartrate neutre alcalin. Ce procédé est moins exact que le premier et il ne donne qu’une approximation de 2 à 3% ; il est du reste entouré d’assez peu de renseignements, même dans les livres spé¬ ciaux, pour que ces conditions réunies l’aient empcclié de se généraliser en passant dans une pratique journalière.

Charles Yiollelte a repris le procédé dit de Barres^vill et il est parvenu à lui donner toute la précision désirable au point même d’en obtenir des résultats identiques à ceux du saccharimétre, tout en conservant à l’opération sa simplicité pl•imiti^e; même dans le cas la coloration des dissolu¬ tions sucrées rend incei’tain le dosage du saccharimétre, la méthode do 31. Violletle conserve toute sa précision.

Il emploie une li(iueur cuivrique, dite liiiucur normale, qui diffère de celle de Fehling en ce que la précipitation de 10 cc. de cette liqueur correspond à 3 centigrammes de sucre , tandis que la même ((uantité de liqueur normale du chimiste allemand correspond ào centigrammes de glucose (5 cenligr. 263 de sucre).

Dans un premier chapitre l’auteur décrit avec un soin extrême et en insistant sur les plus petits détails, les moyens de préparer ces réactifs; dans les cinq chapitres suivants il donne sa méthode perfectionnée d’analyse pour les diffé¬ rents genres de produits qui peuvent se présenter dans la pratique ;

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1. '' Sucres raffinés, sucres candis, sucres bruis riches el sucres de fécule riches ;

2. ” Sucres bruts pauvres , mélasses et sirops ;

3. ^^ Betteraves ;

4 Jus de betteraves ;

O." Liquides sucrés quelconques.

Dans ces différents cas, la méthode générale devait cessairement subir quelques modifications selon que les produits sont peu colorés ou qu’ils le sont beaucoup , selon qu’ils contiennent ou non soit du glucose , soit du sucre in¬ terverti, et enfin selon qu’ils sont plus ou moins troubles et difficiles à filtrer.

Une des plus importantes innovations de 31. Viollelle , celle qui rendra au plus haut degré son livre précieux pour la pratique , ce sont les tableaux qu’il y a joints.

Les uns, résumant avec une grande netteté les phases de l’opération dans ses caractères fondamentaux et dans ses caractères secondaires , permettent de saisir l’instant précis la réduction est complète.

Les autres ont pour but d’éviter aux praticiens les calculs de l’analvse.

Dans une première colonne on lit le résultat de l’expé- l’ience , c’est-à-dire le nombre de centimètres cubes du sii’op qu’il a fallu employer pour i-éduire iO cc. de la litiueur cuivrique noimale, c’est ce que l’on appelle le litre du sirop. Dans une seconde colonne on trouve la quantité de sucre contenu dans le sirop , et dans une troisième , la ([uantité de glucose (lui y correspond ; le fabricant de sucre et le rafllneur se serviront de la seconde , le distillateur de la troisième.

OUTLIEB.

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BIBLIOGRAPHIE.

UN INTENDANT DU HAINAUT SOUS LOUIS XVI.

Dans sa séance publique du 27 décembre 1868, dont il sera incessamment rendu compte ici , la Société Impé¬ riale des Sciences de Lille a décerné, à titre de distinction exceptionnelle , une médaille d'or à M. Louis Legrand , avocat à Valenciennes , auteur de l’ouvrage intitulé : Sé?iac de Meil/tan et r Intendance du Hainaut et du Camhrésis sous Louis XVI. (>)

Antérieurement , ce livre avait été présenté comme thèse française de doctorat , (2) à la Faculté des Lettres de Paris il a trouvé le plus flatteur accueil. (^)

La presse de la capitale et celle de la province s’en sont toui* à tour occupées pour en dire du bien. (^) Nous même , nous nous sommes associé à ce concert d’éloges dans un article publié il y a déjà plusieurs mois, à Paris , (") et dont nous demandons la permission de placer aujourd’hui un résumé sous les veux des lecteurs du Bulletin.

Sénac de àleilhan appartient à la fois à Phistoire litté¬ raire et à l’histoire administrative. Il s’en est fallu de peu

Valenciennes, Giard; Paris, Tliorin; 18G8. In-8" , 486 p,

(2 Le litre de la llièsc latine de M. Legrand est: LeibnUii de nova melhodo disccndœ doccndœque jiirisprudtnliœ ; in-8" , 71 p.

(3) Voir, en particulier , le jugement qu'en ont porté MM. II. Wallon, de l'Académie des inscriptions; et Patin, de l'Académie fran¬ çaise.

p) Le meilleur compte-rendu analytique qui en ait été fait, est celui de M. Didiez , collègue de M. Legrand au barreau de Valencien¬ nes. Valenciennes, Prignet , in-8" , 21 p. p) Dans la Revue des questions historiques , numéro d'octobre 1868.

que le nom de cet homme, à peine connu aujourd’hui de quelques curieux , n’ait pris place, dans l’estime des con¬ temporains et le souvenir de la postérité , entre ceux de Montesquieu et de Necker. Son tour d’esprit invitait Sénac à s’inscrire dans la phalange des encyclopédistes et des physiocrales. Son mérite , sa connaissance approfondie des hommes et des affaires , le désignaient pour siéger dans les conseils de la couronne.

La Révolution , qu’il regretta toujours de n’avoir pu dé¬ tourner de son cours funeste , plongea dans l’exil l’inten¬ dant du Hainaut, et, en fermant violemment les portes de l’Académie française , elle lui ôta l’espoir d’y occuper un fauteuil. Toutes les perspectives ambitieuses de Sénac s’é¬ vanouirent ainsi à la fois. Après avoir cherché un refuge momentané à la cour de Catherine II , il se retira à Vienne , il mourut, trop tôt pour bénéficier du revirement d’opi¬ nions et d’idées qui s'opéra en 181o. L’auteur d’écrits de politique et de salon empreints de la plus rare finesse , de la plus exquise urbanité , le contemporain et le rival de Necker, n’eut point, au terme de sa carrière si brus¬ quement interrompue par les événements , ce retour de renommée qui console et illumine une vieillesse.

C’est assez insister sur la biogi'aphie de Sénac , que M. Legrand a fouillée avec autant de hardiesse que de bonheur , mais qui , selon nous , ne constitue point la partie la plus originale, ni la plus considérable de son livre.

Dans l’étude de Sénac comme homme de cour et comme homme de lettres , M. Legrand avait deux guides naturels , MM. Sainte-Beuve (') et de Lescure (^). Au contraire, quand

0 Causeries du Lundi, t. X et XI, aiiick'S sur Sénac de Meillian et sur la marquise de Créqui.

^2) Œuvres choisies de Xe/tac, avec une introduction par M. de TiOScure; Paris, 1862.

16

il en \ient à traiter des actes administratifs du commis¬ saire royal en Hainaut , notre auteur pose le pied sur une terre absolument neu\e. Pour s’y diriger, il a recours aux archives de l’Empire , du département et des villes. La correspondance de Sénac avec les ministres , les re¬ gistres aux délibérations des corps constitués, lui livrent l’administrateur tout entier.

L’intendance , ou généralité de Valenciennes, à laquelle était préposé Sénac , comprenait , outre la région gallo- liégeoise communément appelée pays d’outre-Meuse , le Cambrésis et la poilioii du Hainaut réunie à la France par Louis XIV. Le Cambrésis , dont les destinées furent longtemps distinctes de celles delà Flandre et du Hainaut, avait retenu , de son ancien mode d’existence , une cons¬ titution en pays d’Etats que Sénac respecta assez fidèlement. Dans le reste de son intendance , son autorité fut d’abord sans limites. Mais bientôt , un souflle de libéralisme com¬ mençant à se répandre sur la France , il fut question de rendre aux provinces leur autonomie administrative. Sénac se méprit sur le sens et la portée de cette grande mesure, élernel honneur du règne de Louis XVl. Il crut entrer dans la pensée du ministre dirigeant et faire sa cour au souverain en contrecarrant le projet de rétablissement des Etals de Hainaut. H n’y gagna que de se brouiller avec les populations qui , à l’approche de la tourmente révolulionnaiie , le virent s’éloigner avec joie, de même qu’il se sépara d’elles sans regret.

Rien de plus curieux que de suivre, dans l’ouvrage de M. Legrand , le spectacle des luttes intestines auxquelles donna lieu celte question du rétablissement des Etals de Hainaut. L’affaire fut vigoureusement prise en mains par le personnage principal de la province , le duc Anne- Emmanuel de Croy , qui se considérait comme le pré-

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sident-né de la future assemblée et qui , imbu des idées de l’aristocratie anglaise , voulait se faire pardonner sa haute position de naissance et de fortune par son dévoue¬ ment aux intérêts communs. Pour faire face aux tendances de ce redoutable administré , Sénac ne rougit pas de sus¬ citer et d’entretenir dans les villes , grandes et petites de son ressort , une aveugle opposition au projet. La ville de Valenciennes donna , la première , l’exemple d’un étroit esprit de particularisme. Dans le but d’échapper à la nou¬ velle organisation provinciale , elle alla jusqu’à répudier son litre de capitale du Hainaut français. Il n’y eut point de si mince bourgade , de territoire si exigu , qui , en alléguant des précédents historiques , ne se défendît de faire partie des Etats reconstitués. Les peuples, sous le i-ègne précédent , avaient tant de fois vu tourner à leur détriment de prétendus essais de réforme, qu’ils n’accueil¬ laient qu’avec une déliance presqu’invincible les amélio¬ rations loyalement tentées par Louis XVI. La fermeté du duc de Croy finit par avoir raison des préventions et des résistances locales que favorisait secrètement Sénac.

Le récit de M. Legrand nous montre à quel degré l’iiu- meur contentieuse était alors développée entre les diffé¬ rents corps administratifs et jusque chez les membres d’un même corps. On croirait que dans les Etats du Cambrésis , (jui fonctionnaient depuis des siècles , les questions de préséance et de prérogatives avaient eu le temps d’être réglées par l’usage ou tranchées par des concessions mu¬ tuelles. Nullement. Car , sans parler d’interminables dis¬ sensions entre les trois ordres , nous voyons le clergé du Cambrésis se scinder en clergé séculier et régulier, les chapitres tendant à donner l’exclusion aux abbayes et l'éciproquement. Partout ce ne sont que contlits de juri¬ diction, empiétement sur les attrilmtions d’autrui. A me-

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sure que la vie se relire de ces institu lions qu’animait autrefois un puissant souftle de liberté, les querelles de pure forme et d’étiquette se multiplient dans leur sein. D’aussi mesquins démêlés n’empêchent pas seulement l’hen- reux résultat qu’on pourrait se promettre du concours de tous les bons vouloirs; ils entretiennent , dans les diverses classes de la société, une sourde irritation qui ne Irouvera son dégagement que dans les agitations révolutionnaires.

Comme l’a fort bien dit le rapporteur de la Société des Sciences de Lille, quiconque désormais voudra se faire une idée de l’état moral et matériel de la portion hainuyère du dépar(ement du Nord sous Louis XVI , des besoins que ressentaient et des vœux qu’émettaient les habitants de celte région , des réformes qui furent tentées en vue de les satisfaire , des travaux publics entrepris dans leur in¬ térêt, devra recourir au livre de M. Legrand.

L’ouvrage en son entier s’inspire des idées de M. de Tocqueville et il forme un précieux appendice aux travaux de M. Léonce de La Vergne sur les assemblées provinciales, à ceux de MM. de Poncins_ et Chassin sur l’esprit gé¬ néral des Cahiers des Trois-Ordres.

A. Desplanqüe.

CHRONIQUE.

Géologie. Découverte de la Meule aux environs de Valenciennes. Les mineurs appellent ToiuHia une roche calcareo sableuse colorée en vert par la Glauconie ( silicate de fer ) que l’on trouve immédiatement au-dessus du ter¬ rain bouillerdans les environs de Valenciennes et de Douai. Le fossile le plus caractéristique de cette couche est le

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Pecten asper. Aux environs de Mons on trouve entre le Tourtia et le terrain houiller une épaisse couche de grès vert dont le ciment est de la silice soluble en gelée dans les acides. On la désigne sous le nom de Meule.

M. Cornet, ingénieur-directeur des charbonnages de la bouvière , vient de nous annoncer la découverte de cette couche en France. Il Fa vue lors du creusement du puits Thiers, entre Coudé et Valenciennes , et plus récemment, à l’Est de Condé dans la fosse Saint-Pierre, de la concession française de ïhivencelles.

O

\eTourtia à Pecten asper repose en le ravinant profon¬ dément sur une puissante assise de grès vert qui a 35 mè¬ tres au puits Thiers. M. Cornet avait déjà rencontré la même couche à Bernissart et à Harchies , sur le territoire belge , près de la frontière. A Harchies elle a une épaisseur de 183 mètres. De Bernissart à Bracquegnies , à l’Est de Mons , les puits et les sondages permettent de suivre la meule de manière à ce qu’il n’y ait pas de doute sur sa con¬ tinuité, mais le caractère minéralogique change. Le calcaire, abondant à Thivencelles et à Bernissart, disparaît peu à peu, et vers Bracquegnies il est remplacé par de la silice soluble.

MM. Cornet et Briart ont rencontré à ïhivencelles et à Bernissart de nombreux fossiles caractéristiques de la meule des environs de Mons : Cardkni Hillanum , Trigouia clœdalea , Area æquilateralis , Venus plana , Turritella granulata^ Rostellaria Parldnsoni , etc.

Sépulture Gallo-Romaine de Ronchin. Oji connaît la direction des voies romaines qui traversent l’arrondissement de Lille : la Commission historique en a publié la carte; mais sur ces voies, toutes de pi-emière classe, la station de Vikoviacüm ( Wervick ) est la seule qui soit indiquée. M. Van Hende a signalé récemment celle

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de Roncliin , à la suite de fouilles entreprises par lui et M. Rigaux fils, au hameau dit le Cerf, près de l’arbre du Diable.

En creusant, en 1867, les fondations des façades de la maison d’école du village , on a trouvé des fragments de poteries gallo-romaines, des perles et un vase retiré intact. Des recbercbes pratiquées au mois de seplembre dernier , à l’extérieur de la maison , ont fait découvrir des fragments de toute espèce : des cendres , des clous et un groupe de quatre vases formant une tombe gallo-romaine; l’iirne cinéraire , en poterie fine , avec des ossements et une mon¬ naie de Néron , en moyen bronze ; le vase aux offrandes ; le plat aux aliments et le vase à la boisson. Ces objets, don¬ nés au Musée de Lille, sont tous de prîtes diverses, et la foiTiie en est généralement gracieuse. Ils offrent de légères différences avec les vases de Lisieux achetés l’an dernier pour le musée archéologique, et permettront de préparer entre les produits céramiques de la Relgique seconde et ceux de la deuxième Lyonnaise, une comparaison qui paraît devoir tourner à l’avantage des premiers.

11 y a lieu d’espé]*er que des recherches ultérieures feront rtdrouver l’emplacement primitif du village. La voie ro¬ maine , dite route de l’Evêque, se reliait jadis au chemin (]ue suivait le prélat de Tournai pour se rendre à son domaine de Véazemmes; l’ancien Roxcixium était probablement en communication directe avec cet embranchement.

Découverte «le lloiinaies. On lit dans VEcho du parlement belge :

En faisant des fouilles sur l’emplacement d’un vieux cimetière à Couvin, on a trouvé trente à quarante pièces d’argent des xiii.% xiv.® et xv.® siècles. Quelques-unes d’elles sont d’un diamètre égal à celui des pièces belges actuelles

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(le un et de deux francs. Un grand nombre sont plus larges que les pièces de cinq francs de ce temps-ci. On a aussi découvert, dans le même endroit, plusieurs monnaies romaines.

llétéorolog^ie. Mois de décembre 1868. Le mois de décembre 1868 a été d’une chaleur relative exceptionnelle; sa température moyenne, déduite des minima et maxima quotidiens, a été de 8’ 21o, la température moyenne de décembre déduite de lo années étant de 3" o43 , c’est donc une différence de 672 en plus pour décembre 1868.

La moyenne du maxima a été de 11° 27 , celle du mi¬ nima de 16.

Sous l’influence d’une température aussi élevée, la tension moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique a être grande ; en effet , nous la trouvons de 6mill. 73. La tension moyenne déduite des observations de lo années n’est pour le mois de décembre que de 3 mill. 39 ; différence 1 mil. 34.

L’humidité relative moyenne qui est de 87, 2 7o été (jue de 86, 0 % pour décembre 1868. Aussi dans de sembla¬ bles conditions de température et d’humidité, l’épaisseur de la couche d’eau évaporée en moyenne pendant le mois de décembre qui est de lo mill. 79, a été cette année de 22 mill. o3 ; différence 6 mill. 74 en plus pour décembre 1868.

La hauteur moyenne delà colonne barométrique ramenée à la température de 0'’ a été de 7o2 mill. o62. La moyenne de lo années étant de 760 mill.8o3, c’est donc une diffé¬ rence de 8 mill. 291 en moins pour décembre 1868. Celle dépression barométrique est un indice de la présence d’une grande quantité de vapeur d’eau dans les régions élevées de l’atmosphère, ce qu’indiquent : l.° l’état de nébulosité du

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ciel ; 2.® la quanlilé d’eau de pluie tombée en 25 jours et donnant une couche de 89 inill. 63 d’épaisseur, la moyenne de 15 années étant de 52 mill. 695; 3.“ les tempêtes fré¬ quentes survenues pendant le mois, indice de vides énormes produits dans l’atmospliére par la condensation rapide de grandes quantités de vapeurs aqueuses.

Les 5, 6, 7, 27 et 28 on observa des tempêtes S. 0. Les

4, 5, 11, 14, 15, 16, 24, 26, 28 coups de vent S. 0. et

5. S. 0.

Le 21, il y eut de la gelée blanche en ville , à la campagne il gela à glaces.

Le nombre des rosées observées pendant le mois fut de 15 ; celui des brouillards, 30.

Le 21, on remarqua un superbe halo lunaire.

L’atmosphère fut pendant tout le mois très-chargé d’élec¬ tricité, dans quelques localités du Département, à Dourlers, arrondissement d’Avesnes , entre autres , le coup de vent du 24 fut accompagné, à une heure 15 minutes du matin, de tonnerre , d’éclairs , de pluie et de grêle. Le baromètre était descendu à 735 mill.

Voici quels ont été les vents régnants pendant le mois : S. 0. (9 jours) ; S. S. 0. (6 jours) ; S. (6 jours) ; 0. S. 0. (2 jours) ; S. S. E. (2 jours) ; S. E. (2 joui’s); E. (2 joui‘s) ; E. N. E. (1 jour) ; N. (1 jour).

Orage du 24 décembre. L’orage signalé à Dourlers, le 24 décembre 1868 , s’est fait sentir aussi àLandrecies, de douze heures et demie à deux heures , il élait accompagné de grêle , de tonnerre et de coups de vent si forts que des arbres furent déracinés.

M. Brochet, contrôleur de la navigation à Land recies , qui depuis de nombreuses années fait des observations mé¬ téorologiques suivies , nous communique quelques résultats

25 --

de scs observations sur la baisse barométrique qui a précédé l’orage :

PRESSIO>’ BAROMÉTRIQUE :

Le 2i décembre. 7 h. du matin 0 m. 743

id. 2 b. du soir 0 m. 739

23 décembre. 7 h. du malin 0 m. 731

id. 2 h. du soir 0 m. 730

24 décembre. 7 b. du matin 0 m. 727

id. 2 h. du soir 0 m. 723

Nous devons au même observateur des renseignements intéressants sur la quantité d‘eau tombée à Landrecies, pendant les derniers jours de ce mois , nous les rapprochons des observations analogues faites à Lille par M. Meurein :

LA>'ÜRECIES LILLE

Le 21

décembre. . .

16

mill.

7

mill.

C)ô)

id .

00

mill .

- 11

mill.

23

id .

9

mill .

3

mill.

24

id .

12

mill .

4

mill.

23

id .

2

mill.

7

mill.

26

id .

13

mill.

_ Q

mill.

27

id .

16

mill.

8

mill.

Histoire

des Arts

M.

J. Girardin ,

Doyen

Faculté des Sciences de Lille, nommé Recteur de l’Académie de Clermont-Ferrand, a laissé un souvenir au Musée archéo¬ logique de Lille. Il a remis à la Société des Sciences , pour être offert en son nom, au Musée de la ville , un mortier de pharmacie, en bronze, décoré de deux médaillons repré¬ sentant Louis XIII et le cardinal de Richelieu, sur un semé de fleurs de lis.

lliitatioiiis dans le personnel des l^ociétés et du corps enseignant. M. Mossol, professeur de

24

Rhétorique au Lycée de Lille et Secrétaire-Général de la Société des Sciences, Agriculture et Arts de cette ville, vient d’être ‘nommé professeur de seconde au Lycée Louis le Grand. Le Lycée de Lille perd en lui un de ses plus éminents professeurs et la Société des Sciences un Secré¬ taire expert en l’art de bien dire. M. Mossot était , au sein de cette Société , le représentant autorisé et toujours écouté des saines doctrines littéraires. Sous ce rapport, et comme Secrétaire-Général , son départ laisse un vide qui ne sera peut-être pas comblé de sitôt.

M. Mossot est remplacé au Lycée par M. Cbéron.

Nous regrettons d’autant plus le départ de M. Mossot, que sa collaboration nous était promise , nous avons la conviction qu’elle nous sera continuée malgré son éloi¬ gnement.

1%'écrologie. L’biver de 1868-69, qui a fait tant d’illustres victimes, n’a point épargné plusieurs des notabilités de la région du Nord. Il a enlevé Lun après l’autre, M. Vincent, membre de l’Académie des inscrip¬ tions , originaire d’Hesdin ; M. Hédouin , critique d’art des plus dislingués , originaire de Boulogne-sur-Mer, longtemps altacbé comme commissaire de surveillance à la gare de Valenciennes ; M.gr Blanquart de Bailleul , natif de Calais , successivement Evêque de Versailles et Archevêque de Rouen, oncle du Sous -Préfet actuel de Dunkerque. Nous consacrerons , dans un de nos plus pro- cliains numéros , quelques mots à la mémoire de chacun de ces liommes i-ecommandables. J. G.

Le Gérant : E. Castiaux

Lille , imp. Blocquel- Castiaux , grande place , 13

iS.“ 2. Février 1869.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE u’ARROr^DISSEMENT DE BOULOGNE-SUR-MER.

Mémoires , t. II , 2.* Partie, 1866-67, publié en 1868.

La Société académique de l’arrondissement de Boulogne vient de publier la première partie du second volume de ses Mémoires. Cette Société de date toute récente , puis¬ qu’elle a été fondée en 1864, s’est déjà fait connaître par des travaux importants, et le volume actuel montre que le zèle des savants boulonnais ne se ralentit pas.

Liste des Membres (*) :

MM. Martel, principal et ancien professeur d’Histoire au collège; Président.

De Rosny, Hector , président de la Société des x\rts; Vice-Président.

L’Abbé Haigneré, archiviste de la ville; Secrétaire perpétuel.

Deseille , chef de bureau à la mairie ; Secrétaire annuel.

Trudin-Roussel , ancien président du Tribunal de commerce ; Trésorier.

Gérard, avocat, bibliothécaire de la ville ; Bibliothé¬ caire-Archiviste.

Membres titulaires :

MM. Adam, Auguste (Sciences industrielles).

Aigre, imprimeur.

Rénard, L. , secrétaire de la mairie (Histoire).

C) Ainsi que nous l'annoncions dans notre N.° 1, nous donnons, en parlant, pour la première fois, de chaque Société, la liste des membres qui la composent, pourvu toutefois que leur nombre n’excède pas cinquante. Note de la Rédaction.

BoiDiN, numismate.

Bouchard-Lemaire^, directeur des mines de Pren¬ nes et d’Hardinglien.

Brunet , ancien professeur.

Carpentier , inspecteur de l’enseignement primaire. Cazin , docteur en médecine.

Debayser, architecte de la ville

Dufour, vice-président de la Société d’Agriculture.

Duhamel , docteur en médecine.

Dusautiez, professeur au collège.

Filliette, docteur en médecine.

Fournier, organiste.

Guilmant , organiste.

Hamy, ïli., pharmacien.

Hénin , avocat.

Huret-Lagache , industriel.

Lefebvre , Alph. , conducteur des Ponts-et-Chaussées. Leprince, professeur au collège.

Madaré , avocat.

Marmin, Ch. , archéologue et numismate.

OvioN , docteur en médecine.

Plâtrier , professeur de Philosophie au collège. PoiLLY , E. (de), artiste photographe.

Rosny, Eug. (de), ancien officier d’artillerie.

Rigaux , géologue et conchyliologue.

Sauvage-Trudin (sciences musicales).

Vernicourt, a. (de) , secrétaire de la Société d’Agric. JoNCQUEL (1 ahbé) , littérature.

Titulaires non résidants :

MM.. Dévot , avocat à Calais.

Lefebvre (l’ahbé F.), curé d’Halinghen, archéologue. Lemoine , à Calais.

De Rheims , bibliothécaire à Calais.

La 2.® partie du tome II commence par le compte-rendu de la séance publique du 17 mars 1867. Cette séance présidée par le Maire de la ville, M. le docteur Livois, a été remplie par un discours d’ouverture du Président, par un compte¬ rendu du Secrétaire-Général , l’abbé Haigneré , rappelant les travaux de la Société, et par deux rapports : l’un , fait au

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nom (le la Commission des Sciences , par le docleiir Cazin , conclut à accorder un prix de 300 fr. àM. Emile Sauvage, étudiant en médecine à Paris , pour son Catalogue des pois¬ sons fossiles des formations secondaires du Boulonnais ; l’au¬ tre , à l’abbé Haigneré, rapporteur de la Commission pour le concours d’histoire , propose une semblable récom¬ pense pour M. Edmond Magnier , auteur d’un Essai sur rUistoirede la ville de Boulogne jjendant la première moitié du XVIIP siècle. Le reste du volume est consacré au travail de M. Sauvage que nous allons analyser.

Catalogue des Poissons fossiles des formations secondaires du Boulonnais , par M. Emile Sauvage (*). L’auteur cite 64 espèces de poissons dont on a trouvé les restes dans les terrains secondaires du Boulonnais ; 47 ont été rencontrées dans le terrain jurassique, le reste dans la craie. Tous ces poissons appartiennent aux deux grands ordres des Ganoï- des et des Placoïdes.

Les premiers se distinguent par leurs écailles osseuses revêtues d’une couche d’émail et juxtaposées comme les pavés d’une rue , tandis que chez presque tous les poissons actuels, les écailles se recouvrent comme les ardoises d’un toit. Les Ganoïdessont les poissons les plus anciens. Très- abondants dans Page primaire , ils diminuent peu à peu et ils ne sont plus actuellement représentés que par l’Esturgeon et le Lepidostée. Dans la deuxième moitié de la période Jurassique , alors que le Bas-Boulonnais était sous les eaux d’une mer peu profonde , ils formaient encore une partie nombreuse de la population marine de nos côtes. M. Sauvage en cite 17 espèces appartenant aux trois genres, Lepidotus (5 espèces), Pyenodus (10 espèces), Gyrodus (2 espèces).

(♦) In-8.° , 4 planches.

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Les Placoïdes présentent une foule de caractères parti¬ culiers : leur peau est parsemée de plaques osseuses , isolées les unes des autres. Les Requins, les Raies , les Chimères , le Gestracion appartiennent à ce groupe. Dans le terrain jurassique du Roulonnais, M. Hamy signale 7 espèces de Chimères appartenant au genre Ischijodus et une autre espèce du même genre dans le terrain crétacé. Parmi les Requins ou Squales , une espèce de Sphenodus a été ren¬ contrée à la fois dans le terrain jurassique et dans le terrain crétacé ; ce dernier a offert en outre 1 Notidanus , 3 Otodus, O Lamna, 3 Oxyrrhina ^ 2 Corax^ 1 Sphyrna. On connaît, sous le nom de Gestracion, un requin qui vit actuellement sur les côtes de l’Australie et qui présente cette particu¬ larité qu’il est herbivore. Les mers de l’âge secondaire ont nourri un grand nombre de poissons herbivores apparte¬ nant à la famille des Cestraciontes. Le terrain jurassique a fourni les restes de 22 espèces : ^ Strophodus ^ 2 Curtodus , 1 Acrodus ^ S Hybodus ^ ^ Asteracantlius. h'miionr ne cite qü’une espèce du terrain crétacé : le Ptychodus latissimus.

Toutes ces espèces, dont 13 sont nouvelles, ont une des¬ cription spéciale et 4 planches , comprenant 71 ligures accompagnent le texte.

C’est le musée de Roulogne qui a fourni à M. Sauvage la plupart des matériaux de son travail : ils y ont été dépo¬ sés par MM. Rouchard-Clianlereaux et Dutertre-Delporte. Ces éminents géologues, dont la science et le pays regrettent toujours la perte , ont laissé d’habiles et zélés successeurs qui promettent à la Société académique un avenir prospère. Leurs recherches ont déjà produit des fruits etM. Sauvage a pu augmenter son catalogue de plusieurs espèces décou¬ vertes par MM. Rigaux , Beaugrand , Béthencourt, Hamy, Quandalle.

Que M. Sauvage me permette de terminer, non pas par

^ une critique, mais par une simple remarque que je désire lui soumettre. Croit-il que l’estime et l’amitié l’aient bien ins¬ piré quand il a dédié ses poissons à M31. Dutertre , Rigaux , , Hamy, etc.? Si un Français, un homme habitué à une langue qui dérive du latin, se laisse entraîner à créer des noms tels i que Strophodus Hamyi , Auluxacanthus Dutertrei , Cur- , todus Rigauxi , Isclujodus Beaugrandi , comment s’étonner que l’Angleterre nous envoie VAmmonites Goodhallii, le r Pccten Stiitdiburiensis ; l’Allemagne le Tin'bo Heninghaii- j sianus , ïAnunonites Mandelslohii ; la Russie le Productus , Keijserlingianus ; la Chine la Terebratida Yuemiuî7iensis. Oh ! latin de Cicéron que tu as gagné à devenir la langue officielle des géologues.

! Pour moi, je crois qu’un barbarisme , même en science, est toujours un barbarisme, et je souhaite que , lors de son prochain travail , M. Sauvage soit de mon avis.

Gosselet.

CF.nCLE ARCHÉOLOGIQUE DE MOXS.

Annales t. A’I. Buiiulhi t. II.

Le 28 septembre 18b6 , il se fondait à Mons , à côté de la Société des Sciences , des Arts et des Lettres du Hainaut qui compte de longues années d’honorable existence , un Cercle exclusivement archéologique, ayant pour but de travailler à l’Histoire politique , littéraire , artistique , scientifique et religieuse de la Ville et de la Province.

Les Membres du Cercle se donnaient pour mission de !f recueillir, soit en originaux , soit en copies , les documents

[ pouvant éclairer les Annales de la contrée; de réunir en

collection les antiquités et objets d’art provenant du pays; d’en provoquer la découverte au moyen de fouilles ; d’em¬ pêcher la détérioration des monuments encore existant à la

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surface du sol ou , tout au moins , de les sauver de l’oubli en en publiant des dessins et des descriptions exactes.

Toutes les promesses de son programme, le Cercle de Mons les a fidèlement tenues. Le 7 octobre 1866, il a pu célébrer avec un légitime orgueil le dixième anniversaire de sa fondation. Six volumes d’ Annales et un volume de Bulle¬ tins attestaient, dès-lors, la fécondité de l’institution et donnaient rang à celle-ci parmi les Sociétés archéologiques les plus considérées. Dès-lors aussi se trouvait formé, sous les auspices du Cercle, le noyau d’antiquités provinciales qui, chaque année, se grossit par suite de dons, d’achats ou de découvertes.

Depuis la fin de 1866 , le Cercle a augmenté ses publica¬ tions périodiques d’un volume d' Annales et d’un volume de Bulletins. Nous allons rendre compte simultanément de ces deux volumes qui nous tiendront au courant des travaux de la Compagnie jusqu’en 1868.

Auparavant, et ne pouvant reproduire ici la très-longue liste des Membres effectifs du Cercle archéologique de Mons ^ nous ferons connaitre la composition actuelle de son bureau, tel qu’il a été constitué le 1." juillet de l’année dernière :

MM. Dolez, bourgmestre de la ville de Mons; Président d’Honneur.

Devillers, conservateur-adjoint des archives de l’Etat à Mons, l’un des fondateurs du Cercle ; Président.

Rouvez , hibliolhécaire de la Société des Sciences , des Arts et des Lettres du Hainaut , à Mons ; Secrétaire.

De Bettigîsies, avocat^ membre de la Société des Bibliophiles belges, à Mons; Trésorier.

Toixt , commis au Gouvernement provincial à Mons, l’un des fondateurs du Cercle ; Bibliothécaire.

Le C.'^-' d’Auxv de Lauxois et de Marteau ; Questeurs.

A côté du bureau, ou Comité administratif , fonctionnent une Commission de publications et un Comité permanent des fouilles.

31

Le Cercle archéologique compte, en outre :

96 membres effectifs 17 membres honoraires o3 membres correspondants.

Le t. VII des Annales du Cercle s’ouvre nar une Notice

J.

biographique sur feu Albert Toilliez , décédé président de la Compagnie , le 4 septembre 1863. Ses belles collections dont le catalogue a été publié, deux mois après sa mort, renfermaient, nous dit son biographe, 31. Gustave Arnould, plus de 1,100 objets antiques, 1,300 échantillons de roches et de minéraux, sans parler d’un nombre considérable de fossiles caractéristiques des divers terrains du Hainaut.

En tête du t. ii des Annales, figurait, dès 1860, la no¬ menclature des objets faisant partie des collections du Cercle. Cette nomenclature a été soigneusement tenue à jour , au fur et à mesure des accroissements que recevaient les col¬ lections précitées. En ouvrant les t. iii et iv du même recueil , on peut se faire une idée des enrichissements qu’a éprouvés, d’année en année, le Musée de la Com¬ pagnie. Le t. VII des Annales donne un nouveau supplément au Catalogue des collections du Cercle, li és -curieux surtout au point de vue de la numismatique et de l’ethnographie.

Le Bulletin , que le Cercle publie parallèlement à ses Annales , n’est pas un simple compte-rendu des séances. Il contient, au contraire, côte à côte avec les procès-ver¬ baux , des travaux d’une importance capitale. Aussi , dans l’énumération méthodique à laquelle nous allons nous livrer, ne distinguerons-nous pas celui des deux recueils auquel appartiennent les nombreux mémoires que nous avons à citer.

31. Léopold Devillers, président actuel du Cercle et qui en a plus que personne enrichi les publications, donne suite, dans les présents volumes , à sa Description des Cartulaires

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et Chartriers du Hainaut , par une analyse accompagnée d’extraits du Cartulaire de V Abbaye d'Haumont, par une édition du Recueil des privilèges de Véglise collégiale de Sainte-Waudru à Morts ^ et par des Analectes ^ ou choix d'actes inédits concernant des localités du Hainaut.

M. l’abbé Petit, curé de Baudour, inaugure, de son côté, une série de Notices sur des localités de la même province.

M. Bernier, membre effectif à Angre , fournit des Notes sur quelques communes du canton de Dour.

M. Charles Vincent , architecte provincial à Mous , repre¬ nant ses Promenades archéologiques dans le Hainaut., nous conduit aujourd’hui au Château de BriffæiC près Péruwelz.

Une Notice historique sur le château de Belœil ^ par M. l’abbé Petit , une Notice historique et archéologique sur la ville de Chièvres , par M. Devillers, une autre Notice sur Véglise des Deux-Acren , par M. Guignies , forment, avec la Forteresse de Braine-le-Comte , par M. Clément Monnier, la Tour et le Carillon de Saint-Julien à Ath , par M. Fourdin, un choix de monographies des monuments du Hainaut.

Les membres du Cercle n’hésitent pasà se transporter en corps sur les points du territoire qui se recommandent plus particulièrement à leur attention. C’est ainsi qu’ils ont fait une excursion archéologique à Saint-Ghislain , dont M. de Bettignies s’est chargé de rendre compte avec une pré¬ cision de détails qu’on aimerait à rencontrer toujours dans ces sortes de relations.

Le même membre, à propos de l’érection à Mons , en 1868, d’une statue équestre de Bauduin de Constantinople , a résumé la biographie de cet empereur. M. Devillers a , de son côté et à la même occasion , donné , pour la première fois, le texte littéral des chartes du Hainaut en l’an 1200, monuments primitifs de la législation coutumière de cette province.

. 33

M. Aimé Tricot a relevé et publié le texte des Epitaphes de Blandine Rubens et de Siméon du Parc^ son éponœ , tel qu'on le voit dans l’église paroissiale d’Ecaussines-Lalaing.

M. Adolphe Jacques a communiqué au Cercle , avec des commentaires topographiques , un Ancien plan du Château de Mons. M. Charles Rousselle a retracé une Fête de la Toison~d’or à Mons (en mai 1451). M. Devillers a éclairé de ses recherches l’histoire des Foires de Mons. Cet infati¬ gable auteur a rédigé en outre : une Notice sur un recueil manuscrit de V abbaye de Lobbes , recueil déjà utilisé par M. l’Abbé Vos dans sa remarquable histoire de ce monas¬ tère; une Analyse de pièces relatives à la collation, dans le Hainaut , des curés de V Ordre de Saint-Jean de Jérusalem ou de Malte; une Description de deux vitraux peints de Véglise de Sainte-W audru à Mons, etc.

Signalons encore , au point de vue de l’histoire et de l’archéologie religieuses : une Notice sur une Croix-Reli¬ quaire du commencement du xiii® siècle appartenant à Véglise d’Hacquegnies , parM. Dartevelle; une autre Notice sur la mort, les funérailles et le tombeau de François Van der Burch , Archevêque de Cambrai, par notre compa¬ triote M. Michaux, d’Avesnes ; un article sur le Cidte de Sainte- Aye à Mons , à Bruxelles , à Anvers et à Gand, par M. Hachez; la Vierge Miraculeuse de Cambron, par M. Théophile Lejeune ; V Ancienne Abbaye de la Thure, par le même.

M. Lejeune a aussi publié des notes sur de nouvelles dé¬ couvertes d* antiquités à Esiinnes-au-V al ; M. Cornet sur des antiquités découvertes à Strépy etàPeissant; M. Cloquet sur les poteries celtiques et les silex taillés , trouvés au bois de la Garenne, commune d’Arquennes.

Sous le titre de Variétés historiques inédites , M. Augustin Lacroix a fait connaître le Sceau primitif de la ville de Mons,

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V Hôtel de la Paix à Mons, la Confrérie noble de Saint- Georges en la môme ville.

Nous trouvons encore, sous la rubrique Variétés : le texte des Statuts de Vancienne Académie de musique de Mons (1678); une description du Sceau des Minimes de Mons; une note sur le Traitement de la rage à Mons , etc.

Des vignettes et des gravures se rencontrent presque à chaque page du volume des Annales^ dont elles forment Futile et luxueux complément.

Par la simple indication des titres de Mémoires dont chacun mériterait une analyse détaillée , nous croyons avoir suffi¬ samment démontré à nos lecteurs que peu de Sociétés ap¬ portent, dans l’ordonnance de leurs travaux et de leurs publications, un plan aussi méthodique , aussi bien suivi que celui auquel se tient le Cerc/e arc/ieo^o^f(/ae de Mons ^ fidèle en cela à l’esprit, comme à la lettre de son pro¬ gramme.

A. Desplanque.

CONFERENCES ET COURS PUBLICS.

Discours sur l’université , prononcé à Vouverture des conférences de Douai, par M. Fleurg, recteur de l’académie. Le samedi soir , 30 janvier , s’est ouverte à Douai la sixième série des Conférences de FHôtel-de-Ville.

Sans viser à donner , de ces sortes de séances , une re¬ production in - extenso , incompatible avec l’exiguité de notre format , nous tenons néanmoins à en faire connaître l’objet et les principaux développements à nos lecteurs. Nous abstenir de ce soin, serait manquer à notre pro¬ gramme qui nous oblige à suivre, sous toutes leurs formes, les manifestations du mouvement intellectuel dans notre pays. Seulement , et pour des motifs dont la haute con-

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venance n’échappera à personne , nos résumés des con¬ férences et cours publics excluront , de notre part , toute appréciation critique. S’ils n’ont pas l’étendue, ils s’effor ceront de conserver l’inflexible équité des comptes-rendus sténographiés.

Nous ne croyons pouvoir mieux honorer que par celte réserve empreinte de dignité , les hommes éminents qui , dans le ressort académique , professent des Cours libres ou officiels.

Cette réserve nous est particulièrement commandée au¬ jourd’hui par le rang de l’orateur qui a inauguré les Con¬ férences de Douai. Aussi bien , louer en M. Fleury les qualités de l’historien serait faire une chose au moins superflue. Tout le monde sait qu’elles n’ont d’égale que la bienveillance avec laquelle il provoque et favorise autour de lui l’essor des productions scientifiques et littéraires.

L’objet de la Conférence de M. Fleury est de démontrer que Napoléon 1.®% en chargeant l’Etat du droit et du devoir d’enseigner , a moins innové qu’on ne le suppose généra¬ lement. Les Grecs et les Romains avaient , à la suite de Platon , reconnu la nécessité, pour tout gouvernement, de s’occuper de l’éducation des enfants. En Gaule, celle fonc¬ tion , éminemment sociale , était confiée aux Druides , sous la surveillance de l’Etat. Charlemagne n’eut garde d’abdi¬ quer son droit de contrôle sur les écoles monastiques. Contenir dans de justes limites les prérogatives de l’Uni¬ versité de Paris fut , depuis Philippe le Bel , l’im des objets constants de la sollicitude de nos Rois.

Dès le XV® siècle , ceux-ci s’efforcèrent de prendre la direction intellectuelle du pays. Louis XIV put se flatter de l’avoir conquise. En 1764 , un publiciste émettait le vœu que tous les collèges de France fussent affiliés à l’Université de Paris , afin d’imprimer aux études une

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marche uniforme. A la même époque , surgissait le projet d’une véritable Ecole normale supérieure, tant pour hommes que pour femmes. Enfin , dans l’ensemble de ses vues de réforme , Turgot faisait entrer un nouveau plan d’instruc¬ tion publique , dont il réservait la direction à TEtat. Na¬ poléon , en créant la moderne Université de France , n’a donc fait, selon M. Fleury, que reprendre et continuer une tradition plus vieille que l’ancienne monarchie.

« Notre conviction profonde, intime, a dit en terminant l’orateur , c’est que l’Etat doit enseigner. Une nation vit par la loi religieuse , par la loi politique, par la loi civile ou sociale. Est-il une tâche plus importante , plus digne, plus élevée que celle de veiller au maintien de cette triple loi ? Et quand nous parlons de maintien , croyez bien que nos regards ne se reportent point vers la vieille Égypte ; il ne s’agit pas pour nous de maintien absolu ,• immobile ; il ne s’agit pas de la torpeur orientale , du long sommeil si voisin de la mort qui , par exemple , depuis trois mille ans , tient l’Hindoustan enchaîné sous la loi de Brahma. Non , il s’agit d’un maintien intelligent , d’une conserva¬ tion intelligente. Malheur aux institutions dont les par¬ tisans ignorent que le repos absolu est le plus grand ennemi de la vie, dont il tarit toutes les sources. Il faut que l’eau marche pour conserver sa pureté. Ne la laissez pas .s’arrêter , croupir en marais infect ; ne la transformez pas non plus en torrents dévastateurs , sachez en faire un noble et puissant lleuve portant partout le progrès , la fécondité et la vie. » (*)

Cours de littérature inéerlandaise , fait à Paris clans la salle Gerson , annexe de la Sorbonne, par M.L.de Baecker. Réalisant une idée qu’il avait conçue dès le temps du

{*) Moniteur de l’Enseignement , Bulletin officiel de l’Académie de Douai , N.° du 15 février 1869.

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ministre Fortoul, notre compatriote , M. Louis de Baecker, l’auteur des Flamands de France , a , au commencement de cet hiver , fait à Paris une série de conférences sur la littérature néerlandaise. Chacun sait que sous ce terme générique , on désigne communément aujourd’hui les dia¬ lectes flamands, brabançons, hollandais, que des diffé¬ rences de prononciation et d’ortographe , tendant journel¬ lement à disparaître, ont seules jusqu’ici distingués.

La leçon d’ouverture de M. de Baecker, que nous avons sous les yeux (^) , traite des plus anciens monuments de la langue néerlandaise , depuis la formule d’abjuration ré¬ digée au Concile de Leptines en 742 , jusqu’au Chant d'Hildebi'and et au Beowulf, deux poèmes qu’avec VHé- liand , l’auteur du Cours revendique pour la littérature dont il décrit les origines. A. Desplâxque.

MUSÉES ET COLLECTIONS.

MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE DOUAI (^)

Le Musée de Douai a été établi dans l’ancien collège des jésuites. Après l’expulsion de ces religieux, la salle se trouvent maintenant les collections archéologiques fut affectée à l’IIniversité : c’est à cette occasion, vers 1767, qu’on la décora des boiseries en chêne qui s’y voient encore aujourd’hui. Les armoires vitrées qui l’entourent ont été

O Elle a paru dans la Revue de Paris du 1." décembre 18G8.

(2) Les éléments de cette courte notice ont été puises dans les archives delà ville et surtout dans l'élude du musée archéologique. Xous avons aussi mis particulièrement à profit un excellent travail de M. A. Cahier , qui a pour titre : Coup- d'œil sur quelques parties du Musée de Douai (Mémoires de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de Douai; 1852-1853 , p. 195).

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placées ou du moins restaurées et augmentées en 1836, pour l’installation des antiquités gallo-romaines provenant de Bavai. Celle salle est trop étroite eu égard au nombre et à l’importance des objets qu elle renferme ; le regard du visiteur s’étonne de contempler une pierre tumulaire du moyen-âge non loin d’un trépied gallo-romain et d’un autel égyptien. Tous les amis des arts appellent de leurs vœux le jour chacune des collections de ce musée archéologique pourra être étudiée dans une salle particulière.

Parmi les livres et les tableaux jetés pêle-mêle à l’époque de la Révolution dans les salles et les greniers de l’ancien collège des jésuites, se trouvaient des antiquités romaines et des objets d’art du moyen-âge; sous l’active et intelli¬ gente impulsion de M. de Forest de Quartdeville , nommé maire en 1804, une Commission s’occupa d’inventorier toutes les sections du musée. Le classement provisoire de la salle d’archéologie fut achevé en 1806 par les soins de MM. Deroo , Duquesne et Potiez de Froom. Depuis cette époque les amateurs éclairés qui ont fait successivement partie de la Commission ont recherché toutes les occasions d’enrichir la collection archéologique ; quand ils appre¬ naient que des découvertes d’objets gallo-romains avaient lieu à Equerchin , à îzel, à Cantin, à Lewarde, à Flines et dans les autres localités voisines de Douai, ils s’empressaient d’acquérir tout ce qui pouvait offrir quelque intérêt pour l’hisloire et pour les arts ; ils envoyèrent même des délé¬ gués à Valenciennes et â Famars, lorsque des fouilles ou des ventes y furent opérées. En 1833, une députation, conduite par M. de Guerne, maire de Douai , se rendit à Bavai pour visiter et, au besoin, acheter les collections de M. Garlier, ancien curé de cette ville. De 1775 à 1818, ce savant ecclé¬ siastique avait réuni un nombre considérable d’objets gallo- romains recueillis dans les ruines de l’ancienne capitale des

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Nerviens. Déjà depuis sa mort , ses héritiers avaient vendu des médailles et d’autres antiquités ; et il paraît que l’Angle¬ terre se disposait à dépouiller notre pays de tout ce qui res¬ tait, lorsque arriva la députation douaisienne. Elle comprit l’importance de ce trésor archéologique, et, à son retour , comme le Conseil municipal hésitait à ajouter cette dépense au budget de l’année, Monsieur le Maire eut la géuérosité d’avancer la somme nécessaire, laissant la ville libre de choisir l'époque du remboursement. Douai fut dès-lors en possession de la plus riche collection d’antiquités gallo- romaines de tout le nord de la France et de la Belgique. En 1844 , la ville acheta encore plusieurs pierres tumulaires très-remarquables, provenant de l’église de Fretin.

Des dons particuliers vinrent successivement ajouter à la somme de ces richesses. Le prince d’Aremberg, MM. Paulée, Tailliar, de Campeau et plusieurs autres donateurs se sont spécialement fait connaître par leur générosité. En 1857, M. Escalier a légué à la ville sa collection de tableaux et un grand nombre d’objets d’art et d’ameublement en or, en ivoire et en bois, qui ont enrichi la section des antiquités du moyen-âge.

Enfin, nous mentionnerons deux autres donations dùes à l’initiative de 31. Asselin , maire , qui feront, plus tard , du musée de Douai l’un des plus curieux musées archéologi¬ ques de province. Le 18 février 1864 , 31. Henry Bertboud , auteur delivres non moins intéressants qu’instructifs, s’est engagé devant le Conseil municipal, à léguer à la ville, après sa mort, sa collection ethnographique curieuse à divers points de vue, spécialement par un nombre considé¬ rable d’objets provenant de Vâge de jnerre. Deux ans plus tard, le 23 octobre 1866, 31. Boselli et 31.“^ Boselli , née Jomard , ont aussi fait don à la même ville d’une grande partie des objets recueillis par le savant égyptologue, M. Jo-

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mard ; parmi ces objets , outre les antiquités égyptiennes, on remarque beaucoup de bijoux et d’ustensiles en or, en jade et en terre cuite, provenant des ruines mexicaines de Palenqué et delà Nouvelle-Grenade.

Après avoir jeté ce rapide coup-d’œil sur le musée archéo¬ logique de Douai et sur ses origines, nous allons en faire connaître quelques objets. Notre but n’est point de dresser l’inventaire de la collection , mais d’indiquer aux amateurs les curiosités les plus dignes d’attention que présente chacune des sections.

Abbé Ch. Dehaisxes.

( Sera continué ).

BIBLIOGRAPHIE.

MÉMOIRE SUR LES RIVIÈRES ET CANAUX DE LA VILLE DE LILLE par M. Ch. Pacïle , bibliothécaire-archiviste de Lille (*)

Les archivistes municipaux d’avant la Révolution , hom¬ mes de loi et de conseil, étaient les défenseurs nés , les avo¬ cats à titre d’office , des droits , privilèges et possessions des villes. M. Paeïle a tenu à recueillir cette portion de l’héritage de ses devanciers. L’étude qu’il offre aujourd’hui au public n’a rien de spéculatif. Son but, tout pratique , est de dé¬ montrer , malgré les prétentions en sens contraire de l’ad¬ ministration des hospices , que tous les cours d’eaux , grands et petits, qui traversent la ville de Lille , appartiennent au domaine communal.

Ces cours d’eaux se rattachant soit à la Deûle, soit au Becquerel de Fives , M. Paeïle commence par décrire les ramifications de l’une et de l’aulre dans l’ancienne et la nou¬ velle enceinte de Lille. Puis il démontre que la rivière du

f) Lille, Lefebvre- Ducrocq , 1868, in-8.", 152 pages.

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Fourchon , à partir de l’endroit elle se sépare du bras canalisé de la Deùle jusqu’aux murailles de l’ancienne ville , est une propriété communale. Elle l’est depuis 1271, époque Jean, châtelain de Lille, la vendit au Magistrat, avec le reste de la Haute-Deùle, pour le prix de 1500 livres d’Artois. Les titres que l’administration des hospices allègue pour revendiquer la partie du Fourchon comprise entre le moulin de \Yazemmes et le moulin del Sauch , l’archiviste municipal les discute avec une vigueur de raisonnement le savoir du diplomatiste vient en aide à l’habileté du légiste.

M. Paeïle a, en second lieu, à prouver que le Becquerel appartient à la ville. Si, en 1269, Gérard de Marbais y donna le droit de pêche aux religieux de Fives, son fils n’en vendit pas moins ce canal au Magistrat en 1285. La même année, Guy de Dampierre en confirma la vente. Deux ordon¬ nances ultérieures, l’une de Philippe le Bon, en 1462, l’autre , de Charles-Quint , en 1516 , parlent de cette même acquisition. Achevé en 1519 , le Becquerel fut complètement remanié en 1617. Le Magistrat ne cessa jamais de posséder ce canal. C’est lui qui , le 18 juin 1738 , défend aux tanneurs d’y déposer leurs cuirs ; c’est lui qui , le 20 septembre 1766, prescrit aux riverains d’en enlever tout ce qui peut occa¬ sionner le barrage des eaux ; c’est à lui enfin que , le 22 juin 1782, l’ingénieur Poisson propose dans un mémoire l’exécu¬ tion de différents ouvrages qui rendraient plus facile le cours de cette rivière.

Des canaux et rivières de la nouvelle enceinte, M. Paeïle passe à ceux de la vieille ville. 11 en trace l’historique avec une abondance de détails dans lesquels nous regrettons de ne pouvoir le suivre, et il finit par établir, à l’aide de 79 extraits des comptes municipaux et des registres aux visites de maisons , que la ville a pendant 500 ans , sans aucune

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interruption, usé de toutes les rivières et cours d’eaux y circulant, comme de sa propriété réelle, effective, incon¬ testée et incontestable.

Un chapitre sur le canal des Stations , creusé aux frais du Magistrat de lS6o à 1567 , élargi et approfondi aux mêmes frais en 1637, termine cette forte étude, dont il ne nous appartient ici que de 7ouer l’érudition , l’heureux enchaîne¬ ment des preuves, etc., en laissant aux hautes juridictions compétentes le soin de statuer sur les points de droit et de fait que le débat engagé soulève.

A. Desplanque.

NOTICE BIOGRAPHIQUE ET SCIENTIFIQUE SUR LE PROFESSEUR SCIIOENBEIN , par M. H. Scoutettcn.

Nous avons pensé que nos lecteurs s’intéresseraient tou¬ jours aux travaux de leurs compatriotes , même lorsque ceux-ci sont , par leurs fonctions, retenus éloignés du pays. C’est à ce titre que nous leur rendons compte d’une nouvelle brochure dûe à la plume de M. le docteur Scou- tetten de Lille, professeur à Técole de médecine de Metz.

M. Scoutetten a été l’ami de Schœnhein, l’illustre chi¬ miste de Bâle, que la science a perdu en août dernier. Il raconte sa vie modeste et laborieuse ; il rappelle ses princi¬ paux titres à la reconnaissance de la postérité. C’est à Schœnhein que l’on doit la découverte de l’ozone ou oxygène électrisé, du fulmicoton, du collodion ; aussi, ses amis avaient -ils pris l’habitude de lui demander non pas: a Qu’avez-vous fait de nouveau ? » mais « Qu’avez-vous » d’étonnant à nous dire? (*) »

J. Gosselet.

{’") Dumas, comptes-rendus; Académie des Sciences, t. 67, p. 619.

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ANNUAIRE DE l’AcADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE POUR 1869. (*)

Ce volume qui vient de paraître contient, à la suite de renseignements relatifs à l’organisation du premier corps savant de la Belgique , des notices , fort complètes, sur trois des membres effectifs (F.-J. Cantraine, J.-B. Brasseur, baron Jules de Saint-Génois) , et sur un des membres correspondants (le peintre Michel Verswyvel) , décédés en 1867-1868.

Disciple du célèbre ornithologiste Temminck , F.-J. Can¬ traine s’était acquis, grâce à de nombreux voyages scien¬ tifiques, une grande réputation comme naturaliste.

La géométrie avait été le domaine propre de J. -B. Bras¬ seur. L’histoire et les lettres se sont , au contraire , par¬ tagé la vie, si bien remplie, du baron Jules de Saint-Gé¬ nois. Les avantages de naissance et de fortune ne furent, pour celui-ci , qu’une excitation à conquérir sa place dans les sphères de l’intelligence. L’élève chéri de Warnkœnig, qui, à vingt et un ans, débutait par le Mémoire sur les Avoiieries , qui, plus tard, donnait au monde savant le sobre et substantiel Inventaire des Chartes de Rupelnionde, qui fondait et alimentait en Belgique les Revues historiques les plus accréditées, M. de Saint-Génois trouvait encore du temps pour des travaux d’imagination , dans l’une et l’autre langue , au moyen desquels il prenait rang parmi les nota¬ bilités littéraires de son pays. Ses labeurs d’écrivain , joints aux devoirs de sa charge, ne l’enlevaient point au commerce de ses amis qui ont voué à sa mémoire un de ces cultes non moins honorables pour les survivants que pour le défunt. Déjà, il y a plus d’un an, M. Kervyn de Volkaersbeke , par une touchante notice insérée dans le Messager des

f) Bruxelles, Ilayez, 1869.

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Sciences historiques de Gand , nous avait initiés aux pensées les plus confidentielles , aux sentiments les plus intimes de l’homme dont il nous faisait en même temps connaître la vie extérieure et les œuvres multiples. C’est avec la même abondance de renseignements et la même précision de détails , avec un accent non moins ému et non moins sym¬ pathique , que M. de Decker vient de retracer la biographie du baron de Saint-Génois dans V Annuaire de V Académie de Belgique. A. Desplanqüe.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.

Numismatique. De la Monnaie dans le département du Nord. Il arrive souvent que des propriétaires , des ma¬ çons et des terrassiers trouvent dans les champs , ou dans des constructions anciennes, des monnaies que le hasard fait découvrir après un long séjourdans leur retraite inexplorée. La plupart du temps on ignore si ces trouvailles ont de la valeur ; on les garde sans savoir ce que l’on possède , ou bien on les porte à l’orfèvre et le creuset en fait sommaire¬ ment justice. Le désir d’être utile aux personnes qui font ces découvertes nous engage à publier quelques renseigne¬ ments sur les monnaies qui se rencontrent le plus souvent dans le département du Nord.

Les Gauloises v sont assez rares; on en trouve et quelques-unes en or. Ces monnaies, très-épaisses, sont géné¬ ralement gravées d’un seul côté et représentent , pour la plupart , un cheval plus ou moins disloqué. Celles qu’on trouve dans le pays proviennent ordinairement des Atré- bates et des Morins et prendraient une place honorable dans bien des médaillers. Les plus petites sont rares et représentent des attributs druidiques.

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Les Romaines sont rarement en bon état. La plus grande partie reproduisent l’effigie des empereurs Néron , Claude , Adrien , Antonin et Marc-Aurèle en grand et surtout en moyen bi'onze. Les autres sont des petits bronzes de Gallien, deVictorin, de Tétricus , et de Claude-le-Gothique , mé¬ dailles très - communes qui se rappoident à la série des trente tyrans. On rencontre aussi des Postume , mais celles-ci sont fréquemment saucées , c’est-à-dire en cuivre recouvert d’une feuille d’étain. Ce qu’il y a ordinairement de plus précieux dans les dépôts de ce genre , c est l’indica¬ tion du lieu ils ont été trouvés, indication qui peut être utile au point de vue historique.

Les Mérovingiennes, petites monnaies d’or, connues sous le nom de Triens , sont les plus rares de toutes. On appelle monétaires celles qui , ne portant pas l’effigie du roi , sont frappées au nom des monnayers et du lieu ces derniers résidaient momentanément avec le fonctionnaire chargé de la levée des impôts. Ces pièces , extrêmement variées , sont généralement de fabrique grossière et très-intéressantes à recueillir , parce qu’il y en a encore beaucoup d’inédites.

Les monnaies carlovingiennes ne sont pas communes. Certains dépôts ont mis au jour des deniers de Charles-le- Chauve , frappés à Arras et à Bruges. Ils sont en argent , d’un diamètre approchant celui de la pièce d’un franc , minces et pesant environ huit décigrammes, c’est-à-dire moins que la pièce de cinquante centimes. Le type en est très-simple : de chaque côté une légende circulaire gros¬ sièrement gravée ; au centre , en monogramme , le nom du roi et au revers , une croix à branches égales.

Puis viennent les petites monnaies d’argent, connues sous le nom de mailles , qui sont en vérité des deniers frappés sous les comtes de Flandre , au nom des villes. Ces petites pièces dont le poids n’atteint pas un demi-gramme , sont

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de style artésien. La fabrication en a duré environ un siècle , jusqu’à l’adoption de la grosse monnaie , par Marguerite de Constantinople, vers 1261. On en trouve un grand nombre de variétés des villes de Lille , Gand , Ypres et Bruges. Les autres villes sont Aire, Arras, Ber- gues , Béthune , Bourbourg, Cassel, Courtrai , Saint-Omer et Saint-Ve¬ nant. On frappait à Douai des doiiis- siens , dont le métal était moins pur, et à Valenciennes des deniers plus grands que les Artésiens et des mailles ou demi - deniers.

Nous donnons ici la représentation de trois types assez communs du denier artésien frappés à Lille , à Gand et à Yp res. Un prochain article sera affecté à la description des monnaies plus modernes. Va:< Rende.

HISTOIRE NATURELLE. Des arvwages de gibier des pays du Nord à Lille. La rapidité des communications obtenue par les voies ferrées et les bateaux à vapeur a amené dans l’échange des produits comestibles une véritable révolulion. Tout le monde sait avec quelle abondance se répandent aujourd’hui , jusque dans le Nord de la France , les pri¬ meurs de fruits et de légumes fournis par l’Algérie et la Provence. On peut dire que pour les gourmets il n’y a plus de morte saison.

Depuis quelque temps , le Nord s’est mis à rivaliser avec le Midi et nous envoie à son tour ses produits. Ce ne sont plus les fruits savoureux mûris par le soleil d’Afrique ou d’Espagne ; mais ils n’en ont pas moins leur mérite, non

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pas tant peut-être par l’agrément de leur goût que par la diversité qu’ils apportent dans la monotonie dont ne peu¬ vent se défendre les tables les plus somptueuses.

Il s’agit du gibier qui nous arrive de Russie et qui , de Paris se fait le déballage , se répand dans toutes les gran¬ des villes de France. Depuis longtemps déjà la Hongrie et l’Angleterre nous envoyaient leurs Faisans, l’Allemagne ses Lièvres, l’Ecosse ses Perdrix et ses Grouses; mais, à part cette dernière espèce , aucun de ces animaux n’était étran¬ ger à la France ; c’était un appoint qui nous arrivait, ce n’é¬ tait pas une nouveauté.

Aujourd’hui nos marchands peuvent s’approvisionner pen¬ dant la saison froide de deux espèces de Coqs de bruyère, de trois espèces de Lagopèdes, de Gélinottes, de Tétras huppe- cols d’Amérique, sans compter les Ours dont plusieurs sont venus en chair à Paris et ont été dépécés par des bouchers.

Les boutiques de gibier de Lille ont été cet hiver assez bien fournies de la plupart de ces animaux. Ils excitaient vivement la curiosité des passants qui paraissaient ignorer complètement leurs nom , adresse et qualités.

Il n’est pas sans intérêt d’en donner un court résumé : car on aime à se rendre compte des objets qui frappent la vue , à plus forte raison de ceux que l’on mange .

Le grand Coq de bruyère , ou grand Tétras , ou Tétras auerhan , ou Tétras urogalle ; dans la nomenclature latine : Tetrao urogallus, Linné; Urogallus major, Brisson.

C’est un oiseau de la taille d’une Dinde, d’un noir bleu⬠tre au-dessus , marqué de très-fins zig-zags cendrés ; la poi¬ trine est verte à reflets violets ; le ventre et les plumes du dessous de la queue sont marqués de blanc. Au-dessus des yeux, une membrane rouge tranche vivement sur les plumes de la tête, mais elle est beaucoup plus apparente au prin¬ temps qu’en hiver.

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Celte description est celle du mâle adulte. La femelle en diffère totalement. Elle est plus petite , a les parties supé¬ rieures rayées de roux, de noir et de blanc; la poitrine d’un roux pur et le ventre roux , barré de brun et de blan¬ châtre.

Les jeunes ressemblent beaucoup aux femelles ; mais ils ont le roux de la poitrine barré comme les autres parties du corps.

Le grand Tétras est surtout commun dans les forêts de pins de la Suède, de la Laponie, de la Russie et de la Sibérie tempérée. On le trouve dans les montagnes de la Suisse , dans les Pyrénées et dans les Vosges, depuis Bitclie Jusqu’à Giromagni. Il existait autrefois en Auvergne, mais il paraît en avoir disparu aujourd’hui.

Plusieurs tentatives de domestication ont été fai tes, notam¬ ment au jardin du Bois de Boulogne , à Paris ; mais jusqu’à présent elles n’ont donné aucun résultat pratique. On peut présumer que la sauvagerie naturelle de cet oiseau sera longtemps un obstacle à sa multiplication en captivité; ce qui est d’autant plus fâcheux que l’attrait qu’offre sa chasse excitant beaucoup les amateurs , il est très-probable que l’oiseau disparaîtra de l’Europe centrale dans un temps qui n’est peut-êire pas très-éloigné.

Sa chair contracte en hiver un goût résineux qu’elle doit aux bourgeons de sapins et aux baies de genévrier dont il se nourrit.

Le petit Coq de bruyère, ou Tétras à queue fourchue, ou Tétras lyre , ou Tétras Birkan ; en latin : Tetrao tetrix , Linné; Urogallus mino7\ Brisson.

Il a quelque ressemblance avec le précédent pour les nuances et les formes , mais il est presque moitié plus petit et ne dépasse pas la taille d’une Poule de moyenne dimen¬ sion. Ses reflets sont plus bleus ; il a sur les aîles une tache

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blanche ; mais ce qui le distingue surtout , c’est la forme de sa queue, très-fourchue, et dont les plumes latérales, plus longues que les autres , sont contournées en dehors.

La femelle est aussi différente du mâle que dans la pre¬ mière espèce; elle est barrée de roux, de roussâtre et de brun , mais dans une nuance générale beaucoup plus foncée que celle du grand Coq de bruyère.

Cette espèce habite les régions boisées et montueuses de la Suède, de la Russie, de la Suisse, de l’Ecosse. On le trouve aussi dans les plaines incultes et dans les steppes. En France, il paraît un peu plus commun que le précédent , surtout dans les Alpes et les Pyrénées.

Les envois de Russie en contiennent peu, ce qui provient, sans doute , de ce que les points on le chasse sont moins à portée des communications. Ce serait surtout la Suède qui pourrait nous en approvisionner, si les moyens de trans¬ ports y étaient plus prompts.

La Gelinotte , ou Tétras gélinotte, ou Gélinotte des bois, ou Poule des coudriers ; en latin : Tetrao honasia, Linné; Bonasia sylvestris, Gray.

Elle est de la taille d’une Perdrix rouge; les parties supé¬ rieures sont variées de roux, de gris et de noirâtre ; une tache noire , encadrée de blanc , occupe la gorge ; le dessous du corps est blanchâtre. La femelle diffère peu du mâle.

C’est un oiseau qui aime les montagnes boisées ; il est commun dans toutes celles de l’Europe septentrionale. En Russie, les meilleures sont celles du gouvernement de Vo- logda. Elles y coûtent , en moyenne , 3 fr. 20 c. la paire. En hiver elles se vendent gelées dans toute la Russie (*).

{*) Le meilleur moyen de transporter le gibier de Russie à Paris est de le faire geler et de le mettre dans des boîtes remplies de son; mais il faut avoir soin , à l’arrivée, de le faire dégeler dans Peau froide. La congélation ne nuit pas à la qualité de la viande , au con¬ traire elle l’attendrit. (Bourakoff, Btdleiin de la Société d’ Acclimatation).

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On la trouve aussi en France, sur les Vosges, le Jura, les Alpes et les Pyrénées, quelquefois, mais très-rarement, dans les Ardennes et même dans la partie du département du Nord qui y confine.

Sa chair, quoique ayant un léger goût résineux, est très- agréable.

Le Lagopède, ou Tétras ptarmigan , Perdrix de neige. Perdrix blanche; en latin: Lagopus alpimis , Nilsson; Lagopus miitiis , Bonaparte.

En hiver, tout blanc. En été, varié de roussâtre, de brun, de blanc, de cendré. Il est de la grosseur d’une perdrix.

Commun dans les montagnes du Nord et du centre de l’Europe, mais nulle part autant qu’en Suède. L’Ecosse en fournit aussi beaucoup , mais les grandes quantités qui se voient sur le marché de Londres viennent, en majeure partie , de Norwège et de Laponie. Ils y sont tellement ré¬ pandus qu’un seul marchand Norvégien en vend régulière¬ ment cinquante mille par année, et que sur une seule pa¬ roisse de la Laponie , on en a tué soixante mille. En 1840, un marchand de Londres en reçut quinze mille en consigna¬ tion.

Aujourd’hui il arrive en France de plusieurs côtés à la fois, mais l’usage ne paraît pas s’en répandre beaucoup ; sans doute parce que les marchands le maintiennent encore à un prix relativement élevé II faut dire aussi que sa chair a un goût sauvage qui la rend bien inférieure à celle de plu¬ sieurs de nos gibiers du pays.

Le Lagopède subalpix, ou Tétras des saules; en latin: Lagopus albus ^ Tetrao saliceti.

Pareil au précédent en hiver, n’en diffère que par la taille, de quelques centimètres plus forte. En été, ses nuances sont différentes; le roux domine beaucoup plus dans les maculatures de son plumage.

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Il habite comme le précédent les montagnes du Nord de l’Europe ; il ne descend pas comme lui dans le centre. Il est partout moins commun, néanmoins, le 12 avril 1866, onze barils contenant chacun quinze cents de ces oiseaux arrivèrent à la Halle de Paris. Ils étaient presque tous en état de putré^ction.

Le Lagopède rouge, ou la Grouse d’Ecosse; en latin : Tetrao scoticiis, Lagopus scoticus.

Un peu plus gros que la Gélinotte; il porte en toute saison un plumage marron foncé plus noir au-dessus qu’en dessous.

C’est un oiseau qui n’habite que l’Ecosse il n’est pas rare. De tous temps les Anglais en ont importé en France , mais jamais en très-grand nombre, car la chasse en est limitée à un temps très-court, dans un but de conservation. Comme toutes les espèces localisées il finirait par disparaî¬ tre , si les contrées qu’il habite n’étaient la propriété de quelques grands seigneurs intéressés à maintenir sa propa¬ gation.

Il a le goût résineux des autres Lagopèdes et pour la bonté tient le milieu entre la Gélinotte et le Ptarmigan.

Le Tétras huppecol, ou Tétras cupidon, ou Poule des prairies ; en latin : Tetrao cupiclo.

Il lient beaucoup , pour le plumage , de la femelle du Té¬ tras à queue fourchue, avec des nuances moins rembrunies, mais ce qui le distingue surtout c’est un double bouquet de plumes raides et pointues qui sort de chaque côté de la gorge et se dirige en arrière. La femelle ne diffère que très-peu du mâle , ses huppes latérales sont plus courtes.

Ce Tétras habite l’Amérique du Nord il est surtout commun dans les plaines de Galéna, au bord du Mississipi. Grâce à la rapidité de la traversée d’Amérique en Angle¬ terre, il peut arriver pendant l’hiver assez à temps pour ne

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pas être trop faisandé. C’est un gibier exquis qui mériterait de sérieux essais d’acclimatation.

Ces essais ont déjà été tentés en France et en Angleterre. Le jardin du Bois de Boulogne en a possédé à plusieurs re¬ prises qui ont pondu et dont les œufs, couvés par des Poules, ont donné des petits, qui n’ont pas vécu. Il en a été de même au Zoological garden. Il ne faut pas désespérer tou¬ tefois ; l’exemple du Dindon, son compatriote, annonce que toute chance de réussite n’est pas perdue.

Il est d’autant plus urgent de se presser, que l’espèce diminue en Amérique et tend à se reléguer dans les can¬ tons déserts pour éviter une poursuite outrée.

Ces sept oiseaux sont les seuls qui soient jusqu’à présent venus jusqu’à Lille, en dehors du gibier ordinaire. Ils n’y ont pas eu grand débit, ce qui tient sans doute à leur prix et à l’hésitation qu’inspirent souvent les nouveautés. Il n’est pas impossible que , les arrivages se multipliant, les prix baissent et qu’ils n’entrent dans la consommation deluxe au même litre que les Faisans devenus aujourd’hui presque indispensables. A. de Norguet.

CFIRONIQUE.

Arciftcoloi^ie. Découverte de Tombes Gallo-Romaines à Boulogne. On lit dans le Propagateur du Nord et du Pas-de-Calais , des 20 et 2o janvier 1869 :

Les travaux de construction du nouvel égoût ont amené la découverte de plusieurs sépultures de l’époque romaine , près de l’abattoir. Entre autres, un cercueil en plomb , de 1 mètre 2o centimètres de longueur sur 33 •centimètres de largeur et 24 centimètres de hauteur , composé de feuilles qui n’ont pas moins de 6 à 8 millimètres d’épaisseur. Il

renfermait des ossements ayant appartenu, suivant toute apparence, à un jeune homme de 12 à 15 ans.

Deux vases en verre, dont un d’une grande beauté et d’une dimension remarquable , ont été trouvés auprès , ainsi qu’un plat en terre rouge d’une bonne fabrique , mal¬ heureusement un peu ébréché. A quelque distance delà, on a rencontré quatre autres petits vases en verre qui n’ont pu être extraits qu’en morceaux ainsi qu’une potiche samienne, d’une pâte très-fine , ornée de fleurages en relief. Plus loin, un autre vase en terre rouge, genre Lagena , était accom¬ pagné d’un petit gobelet en verre et d’un autre en terre noire. Les vases en verre ont gardé , sur leurs parois inté¬ rieures , des sédiments rougeâtres , qui paraissent provenir de la dessiccation du vin qu’ils ont contenir. On croit que les anciens déposaient ces vases dans les sépultures, pour fournir des provisions de voyage aux défunts.

Les tombeaux qu’on a rencontrés en cet endroit sont, à n’en pas douter , de l’époque constantinienne , durant la¬ quelle on a cessé de brûler les corps. C’est, du reste, le temps l’antique cité de Bononia paraît avoir joui de sa plus grande prospérité. On nous assure que l’administration du Musée se dispose à faire des fouilles régulières en cet endroit avant que la construction du boulevard de l’Impéra¬ trice ne vienne remblayer le terrain d’une manière défini¬ tive. A. D.

Jfïétëoroîogf e. Mois de janvier 1869. Le mois de janvier 1869 a été, malgré les treize jours de gelée qui sont survenus, d’une température douce et plus élevée que la moyenne résultant de 15 années d’observation. Cette moyen¬ ne, en effet , est de 2" 947 , la moyenne de janvier 1869 a été de 666. La moyenne des minima a été de 897 , celle des maxima 435. Les températures extrêmes ont été de

7o4 lei2o, el 15 9 le 31. Les jours de gelée qui ont été îiu nombi’e de 13 se sont répartis en deux périodes : la pre¬ mière du 11 au 14, froid peu intense, minimum 2" 6, dégel le 14 à minuit; la deuxième, du 19 au 27, plus pro¬ longée avec plus grand abaissement de température, le dégel est survenu le 27 dans la soirée.

Entre ces périodes de gelée la température fut relative¬ ment élevée et on éprouvait une sensation de chaleur inac¬ coutumée pour la saison ; les maxima du thermomètre furent de 10% en moyenne , et le 31 , il s’éleva à lo*" 9.

Si l’air eut été très-humide, sous l’influence dune pa¬ reille température la tension moyenne de la vapeur eut été grande ; mais comme l’humidité relative qui , en moyenne pour janvier est de 8ô,707o, n a été que de 84,0 7o, il en est résulté que la tension moyenne n’a été que de 4 mill. 71, au lieu de 5 mill. 02 moyenne générale de janvier.

Sous l’influence de cette moindre humidité atmosphérique et de l’élévation de la température , la quantité d’eau éva¬ porée fut au-dessus de la moyenne générale qui est pour janvier de 14 mill. 98, en janvier 1869 elle fut de 16 mill. 33.

L’épaisseur de la couche d’eau de pluie tombée en jan¬ vier année moyenne est de 56 mill. 159; en janvier 1869 , elle fut de 45 mill. 28 en 15 jours. La pluie la plus forte en 24 heures fut celle du 7,8 mill. 20. Presque toute l’eau plu¬ viale fut fournie par des nuages venant du S. 0. et de l’O. S. O. Un jour seulement, le 30 , à 3 heures 15 minutes du matin , il est tombé de la grêle.

La quantité de pluie restée , pour le mois de janvier, au- dessous de la moyenne générale était la conséquence de la faible quantité de vapeur d’eau maintenue en dissolution dans les régions élevées de l’atmosphère, aussi voyons-nous la colonne atmosphérique être plus dense, ce qui est indiqué

oo -

par Je baromètre dont la hauteur moyenne à 0" a été de 763 mill. 567, la hauteur moyenne barométrique de janvier pour une période de 15 années étant de 759 mill. 398.

La colonne mercurielle a oscillé entre les extrêmes 775 mill. 73, maximum observé le 9; 742 mill. 50, minimum observé le 29.

Pendant le mois de janvier il y eut 27 jours de brouillard; 16, de rosée ; 6 , de gelée blanche ; 2 , de givre.

4 jours le ciel fut serein pendant 24 heures consécutives, 13 jours il fut demi couvert de nuages et 14 jours complète¬ ment couvert.

Le vent souffla 4 jours de PE. , 10 jours du S. E. , 8 jours du S. , 8 jours du S. 0. , un jour de PO. Son intensité fut généralement au-dessus de la moyenne. Pendant les pério¬ des de gelée la direction moyenne des vents régnants fut le S. E.

La quantité d’électricité atmosphérique fut au-dessus de la moyenne; ce qui explique, au point de vue physiologique, l’exacerbation des douleurs rhumatismales et nerveuses com¬ pliquant un grand nombre d’affections morbides, les irrita¬ tions de l’appareil respiratoire , etc. Y. Meures.

Silvîculture. Exposition de Namur. La Société agricole et forestière de la province de Namur se propose d’ouvrir en cette ville , au mois de septembre 1869 , sa troi¬ sième exposition quinquennale. Parmi les objets auxquels on offre des primes, nous citerons des collections de bois, de fruits et de graines , des herbiers forestiers , des collec¬ tions représentant les maladies et les défauts du bois , les ravages causés par les insectes , les divers usages du bois et les produits qu’on en retire, tels que cendres, salins, papier, laine végétale, etc. J. G.

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Botanlcjue. Myosotis Duinortieri. M. Thielens , docteur en sciences à Tirlemont, a signalé à la Société de Botanique do Belgique , dans sa séance du 3 mai 1868 , rexistence d’une nonvelle espèce de Myosotis et qui est inter¬ médiaire enti e M. cœspilosa et M . palustris.EWe diffère du premier par sa tige cylindrique, non anguleuse , sa corolle petite, les divisions de son calice profondes ; du second par sa souche vivace, sa forte taille et ses fleurs en grappes assez courtes. M. Thielens nomme cette nouvelle espèce Myo¬ sotis Dumortieri , en l’honneur du Président de la Société royale de Botanique de Belgique ; il l’a trouvée dans une prairie marécageuse de l’ancien lac de Beau à trois lieues de Tirlemont.

Cysiissus decumhctns. Le même savant a indiqué aussi l’existence dans le Luxembourg-Belge du Cystissus decum- bans , ( Genistü prostrata , De. ) , connu depuis longtemps en Bourgogne, dans les montagnes du Jura, etc. J. G.

Lmermédiaire des chercheurs et des curieux. Notre compatriote M. le comte Eugène de Resbecq , sous-chef du cabinet de Son Excellence M. le Ministre de l’Instruction publique , prépare en ce moment , une histoire de la noble famille de Lille , institution qui , comme celle de Saint- Gyr, était destinée sous l’ancien régime à l’éducation de jeunes filles de la noblesse.

Les personnes qui auraient des renseignements a fournir sur des membres de leurs familles ayant appartenu à cet établissement, sont priées de nous les faire parvenir pour que nous les transmettions à M. de Resbecq , à moins qu’elles ne préfèrent les lui adresser directement.

A. D.

Le Gérant : E. Cash aux

Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13

N.» 3. —-MARS 1869.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES, ARTS, AGRICULTURE ET COMMERCE DU DÉP-\RTEMENT DE LA SOMME. Mémoires, 2.* série, t. vi, Amiens, 1868, 423 p.

Celte Compagnie fondée en 1746 comme Société littéraire, fut instituée comme Académie par lettres-patentes de juin 17o0. Emportée à la Révolution , elle fut reconstituée le 29 ventôse an xi.

Elle compte trente-six membres titulaires et vingt-cinq correspondants , de plus six membres honoraires de droit ( les autorités départementales et municipales ) et quatorze membres honoraires élus , presque tous anciens titulaires.

Au commencement de l’année , les membres titulaires étaient :

MM.Bohx [1866] , professeur de Philosophie au Lycée ; Directeur.

Herbet [1863] , docteur en médecine ; Chancelier- Trésorier.

Axselix ^ [1819] , avocat ; Secrétaire-Perpétuel.

Yvert [1852] , homme de lettres ; Secrétaire-Adjoint.

Garnier ^ [1837] , conservateur de la bibliothèque communale ; Archiviste-Pernianent.

Obry [1830] , juge honoraire au tribunal-civil.

Tavernier, O ^ [1838] , directeur de l’école de mé¬ decine.

Roussel [1838] , ancien directeur des prisons.

Dauphin ^ [1842] , conseiller à la cour.

Mathieu [1842] , ancien négociant.

DE Forceville [1847] , statuaire.

Alexandre, O ^ [1848] , docteur en médecine.

Daussy [1831], avocat.

Deneux [1854], prés. de la Société philarmonique.

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Gand [1856], professeur à la Société industrielle.

Mancel ^ [1856] , ancien adjoint.

Thivier [1858] , professeur de rhétorique au Lycée.

CoüRTiLLiER ^ [1859] , docteur en médecine.

L’Abbé Corblet^['1859], historiographe du diocèse.

ViON [1859] , chef d’institution.

Fuixè^ [1860] , ancien ingénieur en chef du dép.*

Mollet ^ [1862] , président de la chambre de com- ^ merce.

Hênriot ^ [1863] , adm. du bureau de bienfaisance.

Lenoel ^ [1863] , docteur en médecine.

PoNCiiE [1864] , filateur ; Président de la Société industrielle.

Poiré [1864] , professeur de physique au Lycée.

Dauphin fils [1864], avocat; maire de la ville.

Wateau ^ [1865] , premier avocat-général.

Dubois Charles [1866], avocat.

Moullart [1866] , avocat.

Guillon ^ [1866] , ing. de la compagnie du Nord.

Davost ^ [1867] , conseiller à la cour impériale.

Ce volume comprend :

1. ® Le compte-rendu delà séance publique du 4 août 1867. M. Wateau, premier avocat général, directeur de l’Aca¬ démie , ouvre la séance par un discours dans lequel il dé¬ plore les tendances de la littérature contemporaine ; il lui reproche son peu de moralité ainsi que l’emploi d’un argot de mauvais aloi. M. Hcnriot fait un rapport sur les prix de poésie et d’éloquence , et M. Anselin , secrétaire général, rend compte des travaux de l’Académie.

2. " Les discours de réception de MM. Ch. Dubois, avocat, Guérin , conseiller à la cour , et Moullart , avocat.

3. " Des mémoires ou communications divers dont nous allons rendre compte :

Une visite à Paris et à VExposition universelle^ par M. Yvert. Boutade en vers contre les mésaventures qu’un ' provincial rencontrait dans la capitale lors de l’Exposition universelle.

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Observations sur une nouvelle traduction d’Horace de. M. Jules Janin , par M. Thivier. M. Tliivier expose que l’art du traducteur est éminemment difficile: il faudrait pour y réussir faire abnégation complète de sa personnalité et s’assimiler les sentiments de l’auteur ; encore ne parvien¬ dra-t-on pas à faire revivre celui-ci : a Tout ce que pourra » faire l’art le plus consommé sera d’arriver à de trompeu- » ses contrefaçons , à de vulgaires trompe-l’œil qui seront » à l’œuvre traduite ce qu’est à la fleur brillante de rosée et ») de sève , la gaze et le papier qui la simulent juste assez » pour produire un instant d’illusion. » Les traducteurs se trouvent entre deux systèmes qui ont tous deux des incon¬ vénients. Ou ils se bornent à calquer le texte en donnant terme pour terme, ou ils le rendent d’un peu haut et d’un peu loin ; la traduction perd alors en exactitude ce qu’elle acquiert de saveur et de facilité. Ce second système pouvait seul convenir au prince des critiques. Nous ne suivrons pas M. Thivier dans l’examen des imperfections de la traduc¬ tion de M. Janin ; nous préférons l’accompagner sur un autre terrain.

Etude sur l’origine de la Rime et sur Hrosvitha , poète dramatique du A'.® siècle, par M. Thivier. Le vers antique repose sur la quantité qui fait que chaque syllabe a sa valeur, chaque mot sa physionomie, son harmonie propre, et c’est l’ensemble de toutes ces harmonies qui concourt à l’effet général. Le vers moderne se contente d’énumérer les syllabes, il les compte sans les peser. Chez tous deux il faut assigner une limite au vers; chez le pre¬ mier c’est la durée des sons , chez le second la consonnance, la rime. Comment et à quelle époque ce changement s’est- il accompli? voilà la question que ]\L Thivier essaie de résoudre. Il attribue cette transformation à Hrosvitha, reli¬ gieuse, qui vivait en Saxe au x.® siècle : elle composa des

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drames destinés à instruire et à distraire les habitants des monastères. Elle choisit ses sujets dans l’histoire des mar¬ tyrs et s’appliqua surtout à glorifier la virginité. Elle con¬ naissait les lettres latines et prisait beaucoup Térence; elle chercha à l’imiter , mais en substituant à ses vers une prose rimée , c’est-à-dire en coupant les phrases en sections régulières et en terminant les différents membres de cette période par des rimes plates ou croisées. (^) Une mère en¬ courage sa fille au martyre dans les vers suivants :

Nunc, nunc , filia gratulandum Nunc in Cliristo est gaudendum,

Nec est quæ (me) mordeat cura Quia secura sum de tua Yictoria.

Cette idée a été féconde puisqu’elle est l’origine des chants d’église rimés , nommés proses , désignation bien singulière et inexplicable sans les observations précédentes. Ces proses présentent souvent un enthousiasme lyrique et , sous une forme rude et tronquée , un grand caractère de poésie. Tels sont le Lauda Sion , de saint Thomas-d’Aquin, le Verni sancte spiritus ^ le Stabat^ le Dies irœ et d’autres encore qui ont inspiré nos poètes et nos musiciens.

Cinq auteurs illustres pour un même sujet et quelques mots sur la poésie^ par M. Henriot. L’auteur compare la manière dont a été traitée la fable de la Mort et du Bû¬ cheron, par Esope, Corrozet, poète du xvi.® siècle, J. -B. Rousseau, Boileau et La Fontaine. Il donne la palme à notre inimitable fabuliste , jugement qui n’étonnera per¬ sonne. M. Henriot se plaint, en terminant, de notre siècle et du peu de cas qu’il fait de la poésie. Ce nouveau juge-

(1) En attribuant à la religieuse de Gandersheim cette importante innovation , M. Thivier ne semble avoir tenu aucun compte de beau¬ coup de faits acquis à la science et habilement résumés par M. Léon Gautier , dans son Histoire abrégée des Proses ( OEuvres poétiques d’Adam de S. t Victor, introduction, p. cxxv ). Voir aussi , sur les origines de la versification moderne, le 1. 1 des Epopées françaises du même auteur.

À. û.

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ment nous semble sévère , pour ne pas dire plus ; nos con¬ temporains ont, comme leurs aïeux, un cœur qui bat à toute pensée noble et noblement exprimée , ils ne refusent ni les honneurs ni même la fortune aux Ponsard et aux Victor Hugo ; mais est-ce leur faute si les muses sont avares de leurs dons ? Pas plus avares toutefois qu’au temps jadis ; sous le Grand Roi , pour un Racine , combien y avait-il de Chapelain ?

Notice sur Léonor Jourdain , par M. Garnier. Léonor Jourdain , membre de l’Académie , naquit à Amiens, le 11 janvier 1779 , et y mourut le 18 juillet 1866. Il se fit con¬ naître par ses traductions d’ouvrages anciens ou modernes : la deuxième idylle de Théocrite, une ode d’Anacréon, plu¬ sieurs odes d’Horace , VAniphitnjon de Plaute, le pro Mar¬ cello de Cicéron ,Je Roi Jean de Shakespeare , le Poème sur VEsjiérance de Campbel , la Solitude de lord Ryron , la préface mise par Cervantes en tête de son Don Quichotte.

De Vâme humaine^ par M. Mathieu. L’auteur combat le matérialisme et le scepticisme. Il définit l’âme par ses fins: se mettre en relation avec le corps, avec Dieu, avec elle-même.

Jéhovah et Agni; études bihlico-védiques, par M. Obry. On sait que les philologues sont arrivés à reconnaître les liaisons qui unissent les langues européennes à la langue des anciens peuples de l’Inde ; ils ont montré que les races européennes et hindoues descendent d’une ancienne peu¬ plade qu’ils ont nommée les Aryas et dont on est parvenu à reconstruire les mœurs, les habitudes, la civilisation. En comparant les antiquités aryennes aux antiquités sémiti¬ ques , on trouve entre ces deux grands rameaux de l’hu¬ manité des analogies qui indiquent un point de départ commun.

Les Etudes biblico-védiques tendent à démontrer que le

Jéhovah du Peiitateuque et V A gni (Dieu du feu, comp. Ignis en latin) du Rig-Véda désignaient un seul et même Dieu ayant même nature , mêmes attributs , même culte , même rôle dans le gouvernement de la Société, l’un chez les fils de Sem , l’autre chez ceux de Japhet. Nous ne pourrions suivre l’auteur dans la démonstration de cette proposition sans entrer dans des développements incompatibles avec l’étendue de notre Bulletin. Bornons-nous à citer la compa¬ raison philologique.

Le nom de Jéhovah s’écrit en hébreu YHVH ou IHUH: de la désignation de tétragramme (4 lettres) qui lui est sou¬ vent attribuée. M. Ohry voit la reproduction de ce mot hé¬ breu Ihuh, Yluih , dans le nominatif aryen Yaliuli et le vocatif védique Yahô qui figurent six fois dans le Big-Véda avec application exclusive à Agni.

Appréciations médicales sur le traité de la vieillesse de Cicéron, par M. le docteur Alexandre. Dans retraité Cicéron donne d’excellents conseils d’hygiène pour les vieillards. Il les a puisés dans son bon sens hors ligne et dans ses lectures qui embrassaient tout ordre de savoir.

Notice sur les probabilités de succès qu offi'irait le forage d'un puits artésien à Amiens , par M. Anselin. Question toute locale.

I)e la végétation spontanée des plantes naturelles fores¬ tières , par M. Béraud , conservateur des forets. Sous la voûte d’une futaie serrée les graines qui tombent à l’automne germent au printemps suivant , mais les jeunes tiges s’étio¬ lent et meurent faute de lumière. Lorsqu’on veut remplacer une ancienne futaie de chênes et de hêtres par une plus jeune, on abat tous les arbres en en réservant un petit nombre qui prennent le nom de porte-graines ; alors appa¬ raît une végétation nouvelle, ce sont des herbes,- des ron¬ ces ou des bruyères. Plus tard , lorsque les nouveaux cliê-

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nés et les nouveaux hêtres commencent à pousser ils sont accompagnés d’une foule d’autres essences ; trembles, char¬ mes , bouleaux , arbres fruitiers , etc.

D’où viennent tant d’espèces et pourquoi germent-elles alors seulement que la futaie a été coupée ?

Quelques graines munies d’une aile , telle que celle du bouleau, du frêne, de l’orme, peuvent être transportées par le vent; d’autres plus lourdes ont été apportées par les oiseaux. Ainsi les landes de Gascogne avaient été semées uniquement de pins , cependant dans une foule d’endroits on a vu apparaître des chênes et des chênes-lièges ; les oiseaux avaient été chercher des glands dans les bois des environs et les avaient laissé tomber un peu partout. Mais il est une foule de graines qui ne volent pas au vent et qui ne peuvent avoir été transportées en grande quantité parles oiseaux. Tl faut admettre que ces graines provien¬ nent de plantes qui vivaient avant la futaie ; celle-ci se développant les avait étouffées , mais leurs graines revê¬ tues d’un tégument dur et résistant s’étaient conservées sous le terreau formé par les détritus annuels comme dans un silo; elles n’ont germé que lorsque l’éclaircissement de la futaie leur eut donné l’air et la lumière qui leur manquaient.

Ce n’est pas seulement par les semences que se repro¬ duisent les forêts ; les racines de certaines plantes jouissent de la faculté de conserver quelque vitalité alors même que la tige dont elles proviennent est morte. En certaines années de glandée et de fainée, le sol des futaies de chêne et de hêtre se couvre de semences qui germent au printemps suivant; mais, comme il a été dit, la jeune tige privée d’air est étouffée, s’étiole et meurt; la racine persiste, elle donne au second printemps une nouvelle pousse qui se développe moins encore que la précédente ; le troisième printemps produit une troisième pousse encore plus faible

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et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ne s’en forme plus aucune; mais la racine continue à vivre, n’attendant que de la lumière pour produire des tiges plus vigoureuses.

C’est donc bien à tort, conclut M. Béraud, que quelques forestiers supposent que la nature a pu sans germes préexis¬ tants donner naissance à cette végétation nouvelle qui prend la place d’une futaie récemment abattue.

Programme d'un nouveau mode d'enseignement de la Géométrie élémentaire , par M. Fuix. L’auteur expose un groupe de faits géométriques généraux qui sont la source de toutes les propriétés de l’étendue, et un mode analytique d’enseignement qui devrait être substitué à l’enseignement synthétique. Remonter de la proposition du carré de l’hypo- thénus^e à la loi qui régit les relations réciproques de trois points situés d’une manière quelconque dans un plan , et de celle-ci à la loi plus générale encore à laquelle sont sou¬ mises les relations de quatre points disposés d’une manière quelconque dans l’espace, c’est la synthèse; descendre de ces lois générales aux théorèmes particuliers qui en déri¬ vent, c’est l’analyse. La première voie est celle qui est tracée dans tous les traités élémentaires de géométrie ; la seconde, c’est celle que Fauteur propose de suivre.

Il s’attache à définir les quantités géométriques de tous les ordres : ligne, surface, solide; ainsi il définit la ligne droite : un fil inextensible , d’une tenuité extrême tendu par deux forces contraires appliquées à ses extrémités.

Dans l’étude des surfaces, M. Fuix regrette qu’au lieu d’adopter le carré comme unité de superficie on n’ait pas pris la figure plane la plus simple, le triangle équilatéral.

L’auteur termine par l’exposé de deux théorèmes qui lui permettent de démontrer la théorie des parallèles sans avoir recours à la considération de l’infini. j. gosselet.

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ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.

Bulletin , 2.“'® série , t. xxvii , jV.”* 1 et 2.

L’Académie royale de Belgique correspond à l’Institut de France : c’est le premier corps savant du royaume , il se recrute parmi toutes les célébrités du pays , quelle que soit leur résidence ; c’est donc un corps hors ligne qui n’est pas à comparer à nos Sociétés départementales ou provinciales. Nous nous abstiendrions même de le faire rentrer dans notre cadre , si les travaux qui lui sont présentés ne con¬ cernaient en général notre région et n’intéressaient par cela même nos lecteurs.

L’Académie date son origine d’une Société littéraire qui se fonda à Bruxelles en 1769, sous les auspices du comte de Cobenzl , ministre de l’impératrice Marie-Thérèse. En 1773 , cette Société devint une Académie impériale et royale privilégiée. Lors de la Révolution , elle eut le sort commun à toutes les Académies de la République : elle fut dissoute. Ce n’est qu’en 1816 quelle se reconstitua sous le titre Académie royale des sciences et belles-lettres à laquelle s’adjoignit, en 1832, une classe des Beaux-Arts.

L’Académie de Belgique est divisée en trois classes : l.“ Classe des Sciences , 2.° Classe des Lettres , 3." Classe des Beaux-Arts. Toutes trois sont unies par un secrétaire perpétuel qui leur est commun, mais chacune d’elles a son directeur particulier :

MM. Nyst, directeur de la classe des Sciences pour 1869. Borgnet , » » Lettres »

De Keyser, » Beaux-Arts »

Quetelet, Secrétaire perpétuel.

Chaque classe possède 30 membres, 10 correspondants régnicoles et 50 associés.

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Classe des Sciences.

Notice sur les dépôts qui recouvrent le calcaire carbonifère à Soignies ^ par MM. Cornet et Briart, membres corres¬ pondants. Sous ce titre , MM. Cornet et Briart qui sont déjà connus des lecteurs de ce Bulletin ( page 18 ) donnent une monographie très-détaillée des carrières de Soignies. Ils y ont reconnu quatre terrains.

I. Calcaire carbonifère ( pierre bleue). Il est en bancs inclinés vers le sud de trois à huit degrés, on y distingue quatre niveaux différents. Les couches des deux niveaux inférieurs sont constituées par un calcaire pétri d’encrines, bleuâtre dans le bas , plus foncé dans le haut. Ce sont ces deux niveaux que l’on exploite principalement dans les carrières de Soignies ; ils fournissent sous le nom de petit grainte ou pierres de Soignies , des matériaux de construc¬ tion , qui d’après 31. d’Omalius d’Halloy, rapporteur du présent mémoire , ne le cèdent pour la solidité et la beauté à aucune des pierres étrangères que la mode fait employer maintenant en Belgique. Le troisième niveau est noir , presque compacte, en bancs minces peu utilisables , il est riche en fossiles ; on y rencontre principalement :

Phillipsia gemmulifera ; Spirigera Roxyssyi;

Euomphalus pexitangulatus; Productus Martini;

Spirifer mosquensis ; Cyathophyllum mitratum ;

Spirifer cuspidatus ; Michelinia favosa.

Le quatrième niveau est formé par un calcaire très-noir, un peu argileux , qui ne peut servir de pierre de taille.

La masse du calcaire carbonifère présente un grand nombre de fentes irrégulières, qui ont été remplies par les dépôts supérieurs. Les bancs ne se correspondent pas toujours , ce qui indique que ces fentes sont des failles dues à des mouvements du sol postérieurs à la consolida¬ tion du calcaire.

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II. Dépôts aachéniens. Ils sont composés d’argile teinlée en noir par une matière charbonneuse , d’argile noire sa¬ bleuse et pyriteuse avec fragments de lignites , de sable gris teint en noir par du lignite, de cailloux roulés, dont les dimensions varient entre celle d une noix et celle d’une tête d’homme, de limonite géodique (mine de fer jaune), identique avec celle que l’on exploite à Tournai. Certains fragments de lignite ont conservé la texture des conifères , ils sont accompagnés de graines et de cônes de Pin (Pinus Anclrai), Ces diverses substances remplissent sans observer aucun ordre de superposition les fentes dont nous avdns parlé. Selon les auteurs , les dépôts aachéniens se seraient formés pendant toute la période comprise entre la forma¬ tion du terrain bouiller et celle de la Meule de Mons , (Voir page 18) , c’est-à-dire qu’ils seraient contemporains du terrain jurassique et de la base du terrain crétacé (^).

III. Dépôts tertiaires. Sable verdâtre reposant sur un lit de galets, on y a trouvé quelques dents de poissons. Ce sable forme de petits amas isolés à la surface des dépôts aachéniens et pénètre quelquefois dans les poches. On doit le rapporter au système Landénien ou au système Yprésien.

IV. Dépôts quaternaires. Ils recouvrent tous les dépôts précédents avec une épaisseur de 2 mètres 50 à 8 mètres. On y distingue de bas en haut : 1.'’ Limon sableux bleu⬠tre avec blocaux ou fragments anguleux de silex phtanite et de calcaire carbonifère ; on y a rencontré des ossements, des molaires et des défenses de Mammouth [Elephas pri- migenius) , des dents de rhinocéros , de cheval et de bœuf ; 2.° Limon jaune stratifié avec quelques minces couches discontinues de sable jaune; il représente l’Ergeron du

P) Je ne partage pas cet opinion et je les rapporte uniquement au terrain crétacé, étage du Gault. J. G.

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bassin de la Haine ; 3.« Limon brunâtre propre à la fabrica¬ tion des briques.

Rapport de M. Gilbert, membre de l’Académie, sur le Mémoire sur une transformation géométrique et sur la surface des oiides, par M. Catalan. Le rapporteur fait riiistorique de la question et indique ensuite les progrès que M. Catalan lui a fait faire : étude plus complète d’une certaine transformation géométrique et applications nom¬ breuses de cette transformation , piincipalement à la surface des ondes. Le travail de M. Catalan sera inséré dans le re¬ cueil des mémoires. Le Bulletin contient en outre deux autres petites notes de M. Catalan, l’une swr les roulettes et les podaires, l’autre sur les fonctions elliptiques de première espèce.

Recherches sur les sulfocyanures des radicaux alcooli¬ ques , par M. L. Henry , correspondant de l’Académie. M. Henry obtient ces sulfocyanures par l’action du sulfo- cyanure de potassium sur les iodures et chlorures alcooli¬ ques. « L’auteur fait donc connaître, dit M. Sta^, rap- » porteur , des corps nouveaux qui complètent la série très- » importante des composés cyaniques. » j. gosselet.

Classe des Lettres.

Etudes sur Don Juan d'Autriche (^) , parM. Gachard , archiviste général du royaume de Belgique. Nous avons décrit ailleurs (-) l’aspect imposant et la magnifique ordon¬ nance des publications de M. Gachard relatives à l’histoire politique des Pays - Bas au xvi.* siècle. Dans l’article déjà ancien , nous nous efforcions de retracer l’ensemble des travaux du savant archiviste , nous disions qu’il se trouvait en ce moment même au-delà des Alpes , pour y poursuivre

(1) Bulletins de V Académie royale de Belgique , 2.® série , t. xxvi , p. 321- 350 ; 389-410 ; t. xxvii,p. 21-114.

(2) Dans la Revue des questions historiques, N.® du l.*’’ janvier 1868.

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le cours des recherches, jadis si heureusement inaugurées par lui en Espagne.

Les résultats de la mission de M. Gachard en Italie , dans l’hiver de 1867-68, ont dépassé la légitime attente du inonde érudit. L’infatigable explorateur de tant de dé¬ pôts jusqu’ici peu visités est loin d’avoir dit son dernier mot sur toutes les surprises que lui réservaient les Archives et les Bibliothèques de Turin , de Gênes, de Venise, de Flo¬ rence, de Rome et de Naples (^). Il donne simplement au¬ jourd’hui au public un avant-goût de quelques-unes de ses plus curieuses découvertes.

C’est ainsi que les papiers de la famille Farnèse lui ont livré le secret, qu’on croyait à jamais perdu , des relations de Marguerite de Parme avec Don Juan d’xVutriche. Ces deux enfants d’un illustre père , nés à vingt-cinq ans d’in¬ tervalle , furent longtemps avant de se connaître. Don Juan entrait dans sa dix-huitième année , lorsque sa sœur, personne d’un âge déjà mûr et dont la position était assise, fit le premier pas vers lui , par l’entremise d’un chargé d’affaires. Le jeune prince se montra sensible à cette dé¬ marche et voua , dès lors à 3Iargueritc , une inaltérable affection , une confiance sans bornes. Il eut , du reste , bientôt l’occasion de s’acquitter envers elle en attachant à sa suite le propre fils de la princesse , destiné lui-même à fournir une si brillante carrière militaire. Alexandre Farnèse fit ses premières armes sous le commandement de son oncle et mérita d’être félicité par lui , pour sa belle conduite lors de la bataille de Lépante.

A cette date mémorable qui marque le point culminant

(i) Comme premier aperçu des résultats généraux de ce voyage , voir un rapport verbal que M. Ga(;hard a fait à la Commission royale d'Histoire , le 6 juillet 1868 ; t. x (3.* série) des Bulletins de la Commis¬ sion, p. 94-96.

-ro¬ de la carrière de Don Juan , les deux enfants illégitimes de Gharles-Quint n’avaient encore eu de rapports que par lettres ou par messagers. Ils se virent pour la première fois à Aquila, en février 1573, etnese séparèrent qu’avec larmes.

Don Juan , nous l’avons dit, n’avait point de secrets pour Marguerite. Aussi lui recommandait-il de brûler toutes ses lettres. Combien nous devons nous féliciter qu’elle ne l’ait point fait! Et quelle reconnaissance les amis de l’histoire ne doivent-ils pas au ministre intelligent, aujourd’hui dans la retraite, qui a confié à M. Gachard le voyage d’exploration dont celui-ci nous offre les premiers fruits !

Les lettres conservées de Don Juan à Marguerite sont au nombre de deux cents. Nous pouvons , encore moins que M. Ciacbard , songer à les analyser toutes. Bornons- nous à dire qu’on y suit la trace des déceptions consécu¬ tives qui empoisonnèrent les dernières années de la vie du vainqueur de Lépante.

A tout moment, le brillant héros éprouve le besoin de se justifier auprès de son frère , le soupçonneux monarque. Il a aussi le regret de voir en partie perdu le fruit de ses victoires sur les infidèles. Ses chagrins redoublent lors¬ qu’on lui confie dans les Pays-Bas un commandement encore plus ingrat que celui qu’il avait momentanément exercé à Naples.

Son séjour en Italie lui avait, du moins , procuré le plaisir de revoir une seconde fois Marguerite. Son envoi à Bruxelles lui fut une occasion de faire du bien aux protégés que sa sœur y avait , et de s’inspirer des conseils de celte princesse à qui il rendait fréquemment compte de la situation difficile il se trouvait engagé. Marguerite , qui n’avait pas toujours eu à se louer personnellement de Philippe II, ne négligea rien pour maintenir dans la meil¬ leure ligne de conduite son frère Don Juan.

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On ne sait que trop que les qualités de Thomme d’Etat faisaient presque entièrement défaut à ce grand homme de guerre. Don Juan finit par succomber sous le fardeau d’une position au-dessus de ses forces. La nouvelle inattendue de sa mort causa à Marguerite une inexprimable douleur. Philippe II ( M. Gachard le prouve ) s’en consola plus aisément. A. Desplanque.

( La suite au procliain N.” )

CONFERENCES ET COURS PUBLICS.

Les conférences de l’Hôtel de Ville de Douai, ouvertes le 30 janvier par M. le Recteur de l’Académie, ont continué en février, avec un succès dont témoigne l’affluence , tou¬ jours croissante, des auditeurs.

I. Conférences sur la renaissance , par M. Ahel Des¬ jardins. Les 13 et 13 de ce dernier mois, M. Abel Des¬ jardins, le savant doyen de la Faculté des lettres, a traité de la Renaissance. Il a retrouvé les origines de ce mouve¬ ment littéraire et artistique dans les souvenirs de la civili¬ sation antique, encore vivaces en Italie à la fin du moyen- âge, et dans l’action de l’Eglise alors si puissante au-delà des Alpes. Il en a suivi l’essor dans le poème de Dante, dans les œuvres de Pétrarque et de l’Arioste , et nous a fait assister à son épanouissement avec le Concile de Florence en 1439 , avec la découverte de l’Imprimerie et aussi avec la prise de Constantinople par les Turcs. Au xvi.® siècle , les érudits répandent dans toute la Péninsule la langue et même les idées des Grecs et des Romains.

Dans sa seconde conférence , après avoir esquissé à grands traits l’histoire de l’art dans l’Antiquité et au moyen-âge, M. Desjardins a montré le génie de la Renaissance se révélant dès le xiii.® et le xiv.® siècle.

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Il a conduit ses auditeurs dans le cloître du Campo- Santo ; il leur a décrit les fresques de Giotto, d’Orgagna et de Simone Memmi ; dans l’église de Santa Maria Novella , il a salué Cimabuë et sa madone ; dans les cellules du couvent San-Marco, il s’est arrêté pieusement devant les célestes créations du B. Fra Angelico. Il a rendu justice à l’Ecole Ombrienne et au Pérugin, le maître de Raphaël. Autour de celui que la postérité a surnommé le divin il a groupé Léonard de Vinci , le Titien , le Corrège ; il a assigné une place spéciale au puissant Michel-Ange. Le savant éditeur de la Correspondance des Grands Ducs de Toscane , l’explorateur de leurs archives, ne pouvait oublier la part que les Médicis ont prise à ce grand mouvement artistique ; mais au-dessus de leur influence , il a fait voir l’inspiration partant du Saint-Siège, et donnant à la Renais¬ sance son développement complet au xvi.® siècle. C’est avec raison , a dit M. Desjardins , que cette importante période porte le nom de siècle de Léon X.

II. Conférences sur m."’® desbordes-valmore , par M. Corne père. Les 6 et 8 février, M. Corne père, que sa retraite de la vie politique a rendu tout entier au culte des lettres , aux souvenirs de sa cité natale , a retracé la vie et les œuvres de M."'® Desbordes-Valmore, la Muse douai- sienne. Il a décrit à son auditoire la modeste habitation naquit Marceline üesbordes ; il l’a dépeinte jeune enfant encore, folâtrant avec ses compagnes sur l'herbe du cime¬ tière voisin, rêvant au pied de la croix et des autels de Notre-Dame profanés par la Révolution , consolant le captif dans la vieille prison ou cueillant des roses avec les amies de son âge. Il l’a suivie ensuite à la Guadeloupe elle perd sa mère et se voit forcée de reprendre seule , à l’âge de treize ans, le chemin de la France. Quatre aus plus tard , elle

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quitte l’atelier pour le théâtre ; mais bientôt elle s’arrache à cette vie , comme elle le dit elle-même ,

l’orgueil insultant nous puuit et nous venge D’un éclair de célébrité.

Déjà elle avait chanté les sentiments éclos dans son cœur : épouse de M. Valmore et mère de plusieurs enfants , elle emprunta encore à la poésie sa langue harmonieuse pour redire son bonheur , pour parler à ceux qu’elle appelle les Anges de la Famille. Mais le malheur , la maladie et la mort frappèrent autour d’elle : ceux qui ont lu Pleurs et Pauvres Fleurs savent combien les yeux et le cœur de ma¬ dame Desbordes-Valmore ont versé de larmes. M. Corne a apprécié la muse douaisienne avec la délicatesse et le goût nécessaires pour comprendre sa poésie intime , essentielle¬ ment personnelle. Il a touché toutes les mères , en lisant quelques vers empruntés aux naïves Enfantines ; il a, ÏSiit tressaillir le cœur de tous les Douaisiens , en rappelant que le pays natal avait inspiré à madame Valmore ses chants les plus harmonieux , en leur répétant les vers de l’élégie sur la Vallée de la Scarpe :

Mon beau pays , mon frais berceau ,

, Air pur de ma verte contrée ,

Lieux mon enfance ignorée Coulait comme un humble ruisseau ,

S’il me reste des jours, m’en irai-je , attendrie,

Errer sur vos chemins qui jettent tant de fleurs ,

Replonger tous mes ans dans une rêverie l’âme n’entend plus que ce seul mot « Patrie ! »

Et ne répond que par des pleurs !

III. Conférences sur les gracques, par M. Louis Le¬ grand, avocat à Valenciennes. Les 22 et 24 février , M. Legrand , rhistorien de Sénac de Meilhan (^), a fait deux conférences sur les Gracques.

(h Voir notre compte-rendu de ce remarquable ouvrage dans le N." 1 du Bulletin , p. 14-18.

74 ~

On ne peut guère parler des deux illustres tribuns sans parler de leur mère Cornélie. L’orateur nous a montré celte femme admirable , d’abord toute entière à son ambition maternelle et cherchant à inspirer à ses fils l’amour de la gloire, plus tard s’efforçant de détourner Caïus d’un sort semblable à celui de son frère , et enfin après le meurtre des deux tribuns , leur survivant avec sérénité comme la fière gardienne de leur mémoire.

M. Legrand a représenté Tiberius comme un homme doux et modéré, doué de grandes vertus et de grandes qualités. Signalé à la faveur populaire par sa précoce répu¬ tation , Tiberius arrive au tribunal , il conçoit l’utile projet des lois agraires; malheureusement il se laisse emporter, fait déposer son collègue Octavius pour se débarrasser d’un veto qui paralyse son action et ne tarde pas à succomber , victime de ses généreuses intentions et de la haine de l’a¬ ristocratie.

Caïus a toutes les qualités de son frère , mais avec bien plus de véhémence et d’étendue. A la fois homme de parole, homme d’action , homme d’Etat, il est forcé de céder aux vœux du peuple qui le réclament. Devenu Irihun, il est un moment le maître de Rome par la seule autorité de sa paro¬ le ; il entreprend une réforme démocratique de la constitu¬ tion. Mais peu à peu le Sénat sait ramener à lui par d’habi¬ les concessions un peuple toujours mobile, il se délivre des Gracques et de leurs partisans par un nouveau massacre.

L’orateur, après avoir dans son premier entretien raconté en détail les incidents pathétiques de cette lutte , a , dans une seconde conférence, apprécié ou plutôt défendu l’en¬ treprise des Gracques. Il s’est plaint qu’on ait, trop long¬ temps et de nos jours encore, adopté les jugements des historiens romains , presque tous patriciens et en celte qualité diffamateurs des deux tribuns.

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Il a montré que la loi agraire n’avait été tant attaquée que parce qu’elle n’avait pas été comprise : on y a vu le par¬ tage de toutes les propriétés privées, le communisme , lors¬ qu’elle n’était que la répartition, entre les citoyens pauvres, de terres du domaine public usurpées par l’aristocratie. Cette mesure, si elle eût été appliquée, aurait restauré l’agricul¬ ture italienne, aurait prévenu la ruine de la population libre , partout remplacée au grand détriment de la chose publique par des affranchis et des esclaves.

M. Legrand a disculpé les Gracques du vif reproche que leur adresse Thistorien allemand , Mommsen , d’avoir abaissé le Sénat. L’orateur ne nie pas le fait ; mais il pré¬ tend que ce fait ne doit pas donner lieu à un reproche , que les patriciens et le Sénat exploitaient la chose romaine au profit de leur égoïsme et de leur avidité et qu’il était patrio¬ tique et sage de restituer au peuple sa liberté.

L’auteur de la conférence félicite également les Gracques d’avoir compris que le temps de la justice était venu, d’a¬ voir voulu concéder le droit de cité aux Italiens et adoucir la condition des provinces. Il dit que la République romaine a péri précisément par les maladies auxquelles les Gracques voulaient remédier : ruine de l’agriculture et de la popu¬ lation libre , domination oppressive et avidité de la no¬ blesse, mécontentement de l’Italie et des provinces.

Voilà, suivant M. Legrand , le but des Gracques , et ce but leur fait honneur. Sans doute ils ont pu , sous le coup des circonstances et dans le choix des moyens , commettre des fautes. L’orateur ne l’a pas contesté et, tout en faisant valoir bien des excuses atténuantes, en faveur de ses héros, il a reconnu que la déposition d’Octavius était regrettable, il a blâmé les distributions de blé , il n’a pas combattu les critiques de Montesquieu contre l’alliance fâcheuse des Gracques avec les chevaliers.

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Mais il est une accusation dont M. Legrand a très-vive- ment défendu les Gracqiies : c’est celle d avoir aspiré à la royauté. Les Gracques, suivant lui, ont été les serviteurs désintéressés du peuple. (^) A. Desplaivque.

BIBLIOGRAPFIIE.

manufactures de faïence et de porcelaine DE l’arrondissement DE VALENCIENNES.

Par M. le docteur Lejeal , médecin à Valenciennes (2).

Si pendant de longues années les curieux et les collec¬ tionneurs ont manqué de guides et de renseignements, il n’en est plus de même depuis que le goût des études ar¬ chéologiques a provoqué des travaux sans nombre. Au¬ jourd’hui , les monographies abondent sur les différentes branches de l’art et de l’industrie , et tout amateur peut se créer une bibliothèque spéciale d’ouvrages relatifs aux objets qui flattent son goût, nous allions dire sa manie.

Ce n’est pas que le livre dont nous avons inscrit le titre en tête de cet article , ne s’adresse qu’aux collectionneurs de faïences et de porcelaines. Il intéresse tous ceux qui se préoccupent de l’histoire industrielle et artistique de notre pays : car il abonde en renseignements précieux sur deux manufactures importantes, qui, pour la décoration de leurs produits, durent faire appel aux peintres et aux sculpteurs.

Parmi les faïences anciennes recherchées des amateurs, il en est un assez grand nombre portant une marque , hié¬ roglyphe indéchiffré, que l’on attribuait le plus souvent à l’une des nombreuses fabriques , qui , au siècle dernier ,

(1) Nous rendrons compte, dans notre prochain N.” , des conféren¬ ces de la fin de février et du mois de mars. A. U.

(2) Valenciennes , Lemaire , 1868 , in-8'’ , 142 p.

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existèrent dans l’Est de la France. Il y a quelques années, lorsque nous avons publié notre travail sur les Manufac¬ tures Lilloises de porcelaine et de faïence[^)^ nous avions re¬ vendiqué ces produits pour les fabriques du Nord , et nous étions même assez enclin à en faire honneur à l’un des anciens faïenciers de notre ville. Le livre de M. Lejeal nous a démontré que nous nous étions trompé , du moins dans l’une de nos suppositions : les faïences qui portent le sigle contesté (et qui a été inspiré bien évidemment par les deux L entre-croisées qui sont la marque de Sèvres au dix- huitième siècle) , appartiennent sans conteste à l’usine de Jean-Baptiste Fauquet, faïencier de Saint- Amand , origi¬ naire de Tournai.

Les faïences timbrées du signe en question y sont assez remarquables , pour que M. Lejeal soit fier avec raison de les avoir restituées à l’usine dont il a écrit l’histoire. Nous avouerons humblement notre erreur dans l’édition nouvelle que nous préparons , à la suite de recherches fructueuses faites dans les Archives de la ville de Lille ; et nous nous consolerons en disant que nous avions du moins raison sur un point, à savoir : que ces faïences avaient été fabriquées dans le Nord de la France.

Quant aux faïenceries de Valenciennes qui n’eurent ja¬ mais, croyons-nous, une grande importance, 31. Lejeal n’a guère ajouté de renseignements à ceux que nous avons publiés; mais il nous donne, et de la façon la plus complète, l’historique de la manufacture de porcelaine queLamoninary établit à Valenciennes avec Vannier, l’ancien employé de Leperre-Durot , porcelainier Lillois , qui le premier réalisa la substitution pratique de la houille au bois pour la cuis¬ son de la porcelaine. Les produits de la manufacture de

d) Lille, Danel 1863 , in- 8°, 90 pages.

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Valenciennes sont dignes de figurer dans les collections à côte des porcelaines dures , provenant des fabriques jus¬ tement célèbres du dernier siècle , et M. Lejeal les a décrits avec soin et avec exactitude.

Aux renseignements abondants , aux documents inédits qui suffiraient pour assurer le succès de son ouvrage , M. Lejeal a ajouté d’autres attraits : il a fait de ce livre une merveille pour les bibliophiles. C’est un grand in-8.® tiré sur magnifique papier et qui sort des presses renom¬ mées de L. Perrin , de Lyon.

M. Robaut , lithographe à Douai, a reproduit avec son talent ordinaire , les décors des faïences de Saint-Amand ; la photographie a donné la représentation du biscuit célè¬ bre : La descente de Croix , et M. Jules Jacquemart, le graveur si connu de la Gazette des Beaux-Arts , a retracé avec toutes les délicatesses de son burin , les décors des belles porcelaines de Valenciennes. Enfin , M. Albert Jac¬ quemart , l’écrivain le plus compétent en fait de cérami¬ que , a écrit l’introduction du livre. Un tel patronage nous dispense d’insister davantage sur le mérite de l’œuvre dont nous venons de rendre compte. J. Houdoy.

PHYSIQUE SOCIALE , OU ESS.U SUR LE DÉVELOPPEMENT DES

FACULTÉS DE l’HOMME.

Par Ad. Quelelet, directeur de TObservatoire royal de Bruxelles, 1. 1. (*)

C’est la deuxième édition d’un livre qui a paru pour la première fois en i83o, mais cette édition considérablement augmentée en fait un ouvrage nouveau. La physique sociale est un résumé de tout ce que la statistique peut apprendre sur l’homme. Le présent volume traite des naissances , des

(*) ln-8.® 503 pages; Bruxelles , 1869.

79 rr-

décès, des mariages et de leur fécondité , de l’accroissement de la population. Nous ne pouvons suivre l’auteur dans tous ces détails qu’il serait bien difficile de résumer. Bornons- nous à signaler l’esprit qui a présidé à l’ensemble du travail. Il semble au premier abord qu’il soit bien difficile de trou¬ ver des lois mathématiques qui régissent les actions morales de l’homme. Les phénomènes qui dépendent de la volonté doivent à première vue être livrés au caprice et ne pré¬ senter aucune règle. Il n’en est rien cependant. « Il est » un tribut que l’homme acquitte avec plus de régularité » que celui qu’il doit à la nature ou au trésor de l’Etat , » c’est celui qu’il paie au crime ! Triste condition de l’es- » pèce humaine ! Nous pouvons énumérer d’avance com- » bien d’individus souilleront leurs mains du sang de leurs » semblables, combien seront faussaires, combien seront » empoisonneurs à peu près comme on peut énumérer d’a- » vance les naissances et les décès qui doivent se succé- » der. » A Londres , deux cent quarante personnes en mo¬ yenne mettent annuellement fin à leurs jours. Le nombre annuel des suicides ne varie que de deux cent soixante-six maximum à deux cent treize minimum.

Cette régularité n’a rien d’étonnant. Les actions morales ont généralement pour cause l’état de la Société : tant que cet état restera le même , les mêmes causes agiront et pro¬ duiront les mêmes effets.

Mais si la Société se modifie , les résultats peuvent chan¬ ger. Est-ce à une cause de cette nature qu’il faut attribuer l’augmentation des mariages en France? De 1821 à 1825, il y avait un mariage pour cent vingt-neuf habitants ; de 1861 à 1864 , il y a eu un mariage pour cent vingt-trois ha¬ bitants. En Belgique , en 1866 , on n’a compté qu’un ma¬ riage sur cent trente-deux habitants ; mais lorsqu’il s’agit des naissances , on trouve des résultats en sens invers. En

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France ; il y a annuellement une naissance pour trente-neuf habitants et, en Belgique , une naissance pour trente-trois habitants. Des Etats européens , c’est en France que la fécondité a été la moins forte et en Russie qu’a eu lieu l’excès contraire. Toutes choses égales , il naît deux fois autant d’enfants en Russie qu’en France. Le rapport des naissances illégitimes aux naissances légitimes montre des faits intéressants : en France , il y a un enfant illégitime pour douze enfants légitimes. En Belgique , le rapport est de un à onze ; en Hollande, de un à vingt-deux; en Bavière, de un à trois et demi ; c’est-à-dire qu’en Bavière , presque le tiers des enfants sont illégitimes. Cette situation tient en grande partie aux conditions de fortune que les lois bavaroises exigent des époux avant leur mariage. Cepen¬ dant , d’autres états de l’Allemagne offrent aussi un nom¬ bre considérable de naissances illégitimes. j. gosselet.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.

HISTOIRE NATURELLE. Le Loup. Dans le Catalogue des Mammijères du département du Nord inséré au volume des Mémoires de la Société des Sciences de Lille de 1866 , j’ai constaté que le petit nombre d’espèces de Mammifères (quarante-sept) , qui se rencontrent dans les limites du dé¬ partement , tend encore à diminuer et que le Loup et le Sanglier entr autres ne peuvent plus compter parmi nos hôtes que par des apparitions très-rares et qui s'espacent de plus en plus.

Depuis , ayant recueilli quelques notes sur la présence de ces animaux dans nos contrées et dans celles qui nous avoisinent , j’ai pensé que les lecteurs du Bulletin pour¬ raient y trouver de l’intérêt.

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Il est hors de doute que très-anciennement, à l’époque nos campagnes étaient encore boisées et peu cultivées , les Loups s’y trouvaient en grand nombre ; la tradition populaire est d’accord en ce point avec les renseignements historiques et ce qu’on sait des moeurs de cet animal , qui aime les bois en plaine des pays froids ou tempérés.

Beaucoup de localités autour de nous ont des noms qui paraissent dérivés de celui du Loup : La Louvière , Lou- vignies , Louvil , Louvroil , Louvencourt. A Quesnoy-sur- Deùle, il y a le Hameau du Loup ; au centre même de Bruxelles , la rue Fossé-aux-Loups tire son nom , d’après M. Deby, d’une source les Loups venaient s’abreuver.

Le Loup a laissé partout , dans les idées populaires , une trace très-fortement empreinte. Il jouait un rôle dans les sorcelleries du moyen-âge il représentait la méchan¬ ceté ; il est encore l’épouvantail des petits enfants, Fembléme de la gloutonnerie , de la férocité , de la cruauté , c’est en un mot la personnification du mal. Cette tradition est trop fortement enracinée pour ne pas laisser supposer que non-seulement les Loups étaient communs dans notre pays, mais que les ravages qu’ils causaient étaient très-considé¬ rables.

Cette sorte d’aversion qu’inspirait le Loup a été pour beaucoup dans la guerre d’extermination qu’on lui a faite ; mais sa disparition de nos contrées est due surtout aux dé¬ frichements, à l’accroissement de la population, aux soins apportés à la surveillance des troupeaux , au bon aména¬ gement des bois encore existants. Ce que l’Angleterre a obtenu depuis longtemps par une chasse à outrance , nous l’avons obtenu lentement , mais sûrement , par les progrès de la civilisation.

Dans l’ouest et le centre du Département, il faut remonter

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très-haut pour retrouver trace de la présence des Loups ; une seule apparition bien authentique eut lieu dans le rigoureux hiver de 1829-30 , aux environs de Lille ; toutes les autres signalées depuis un demi siècle ne paraissent pas suffisamment certaines.

A Test , c’est dans la forêt de Mormal que l’espèce s’est perpétuée le plus longtemps : en 1812 et 1813 , trois ont été tués au Carrefour de l’Hermilage. En 1840 , le garde Devost , de Locquignol , en tua un au lieu dit : Ventes à Perches. En 1843 , le curé de Locquignol en ahattit un autre dans le triage de Fontaine.

En 1849 ou 18o0 , quatre Louveteaux ont été trouvés dans le triage de Preux et montrés dans les communes voi¬ sines. En 1851 , dans une battue faite au triage d’Hachette, un Loup fut blessé et trouvé mort quelques jours après. Cette meme année , un douanier de Locquignol trouva deux Louveteaux au canton de Neuvivier.

Enfin , en 1852 , dans une battue , le brigadier forestier Fromentin tua un dernier Loup dans la série de la Car¬ rière; depuis , aucun n’a été tué dans la forêt.

Le département des Ardennes , beaucoup plus boisé que le Nord , nourrit encore un nombre de Loups relativement assez considérable. On peut estimer à une trentaine le chiffre moyen de ceux qu’on y détruit dans un an. En 1868 , trente-trois y ont été abattus.

Les départements formés de l’ancienne Lorraine en contiennent encore beaucoup , mais M. Godron ( Zoologie de la Lorraine ) constate dans leur nombre une décrois¬ sance marquée.

Au sud , les départements du Pas-de-Calais et de la Somme ne voient plus de Loups que dans les hivers très- rigoureux et à des intervalles de plus en plus éloignés. M. Marcotte (Animaux vertébrés de V arrondissement d'Ah-

83 --

beville ) le considère comme à peu près disparu de cet arrondissement.

Quant à la Belgique , elle peut être zoologiquement par¬ lant , divisée en deux parts : la rive droite et la rive gauche de Sambre-Meuse. La partie gauche doit être assimilée sous le rapport des Loups à nos départements du Nord , du Pas-de-Calais et de la Somme. Ils étaient autrefois com¬ muns dans la Forêt de Soignes ; mais aujourd’hui leurs apparitions dans le Brabant et la Campine n’ont plus lieu que dans les hivers exceptionnels. Cependant , un journal belge a raconté que dernièrement un Loup a été tué près de Beaune (Hainaut) : il était couché dans des buissons sur le talus de la voie ferrée ; effrayé par le bruit d’un train , il s’élança et fut atteint par la locomotive , puis achevé par un ouvrier.

Sur la rive droite de Sambre-Meuse , les Loups ne sont pas rares. Ils sont sédentaires dans les Ardennes belges et dans la forêt de Herzogen-Wald , entre Verviers et la fron¬ tière Prussienne , d’où ils s’avancent quelquefois jusqu’aux environs de Liège.

A. DE Norguet.

( Sera continué ).

GÉOLOGIE. Note sur le gîte fossilifère de Folz-les-Caves. De même que la célèbre montagne Saint-Pierre de Maës- tricht, Folz-les-Caves ^ petit village situé à vingt minutes de Jauche en Brabant , possède à l’extrémité occidentale du massif crétacé un dépôt de tuffeau renfermant de nom¬ breux fossiles.

Ce dépôt se divise en trois parties :

A Partie supérieure Masse friable, ordinairement jaun⬠tre avec rognons assez durs de même matière.

B Partie moyenne Tuffeau homogène gris-jaunâtre.

C Partie inférieure Passant à l’état arenacé, et contenant

84

des bancs quartzeux , de couleur plus ou moins foncée , intermédiaire entre le grès et le silex corné.

Depuis quatre à cinq ans , nous visitons mensuellement et nous faisons minutieusement explorer le gîte de Folz-les- Caves. La liste que nous donnons ci-après indique les espèces que nous y avons rencontrées jusqu a ce jour ; nous les possédons toutes dans notre collection.

REPTILES

Mosasaurus Camperi (dents); Meyer. (*)R. Grands ossements indéterminés... T. R.

POISSONS (dents)

Corax pristodontus . Ag . A.C.

» heterodon . Ag . R.

Otodus appendiculatus.Ag . . .A.C.

Oxyrbina Manlelli . Ag . A. R.

Lamna acummiata . Ag . R.

Enchodus Faujasi . Ag . A. R.

Vertèbres indéterminées de diverses

espèces . A.C.

CRUSTACÉS

Oncopareia Faujasi... .Desm.sp . R.

Cythereis alata . Bosq . T. R.

» minuta - ...Bosq . T. R.

Scalpellum gracile . Bosq . T. R.

» pulchellum. .Bosq . A.C.

» maximum. . .Bosq . A.C.

» pygmœum.. .Bosq . R.

» sp ?

CÉPHALOPODES

Belemniiella mucronata..SchI.sp..T.C.

» nova sp? . A R.

Naulilus Dekayi . Morton.. T. R.

Baculites Faujasi . Link ....A. R.

Scaphites constrictus . d’Orb.. . .T.R.

Aptycbus rugosus . Sharpe. .A .R.

Fragments d’une ammonite de dimension cuiossale.

GASTÉROPODES

Vermetus clalhratus. . . .Bink . R.

Solarium cordalum... .Bink . T.R.

Dentalium Mosoe . .Bron . T R.

BRACHIOPODES

Tcrebratula Sowerbyi. . .Hag . R.

» pisum .

Sow .

.A. R.

Terebratulina striatella.

.d’Orb _

.T.R.

Magas Davidsoni .

.Kon .

...R.

» pumilus .

.Sow .

.A C.

Thecidium papillatum.. .

.Sebl.sp, .

.A.C.

Crania Ignabergensis...

.Retz .

.T.C.

» Hagenovi .

..R.

LAMELLIBRANCHES

Ostrea falcata . Morton . A.C.

« hippopodium .Nilss . . ..T.C.

» vesicularis _ Lmk . T.C.

» curvirostris.. .Nils . A.C.

» lateralis . Nils . A.C.

* auricularis . Goldf.sp _ A. R,

» semiplana . Sow . A. R.

» sulcata . Blum . T.C.

» carinata . Goldf.sp _ A. R.

» Bronnii . Mu 11 . R.

» sp ?

Janira quadricostata...Sow.sp.. ....C.

Pecten membranaceus.. Nilss . A . R .

» lœvis . Nilss . T.R.

» tricostatus . Mull . R.

Lima granulata . Nilss. sp . R.

Crassalella Bosquetiana.d’Oi b . A .R .

Inoceramus (fragm.). . .Sp? . R.

Avicula cœrulescens... .Nilss . A.C.

BRYOZOAIRES

Eschara sligmalopliora. . .Goldf . A.C.

» Lamarcki . Hag . A.C.

» Audouini . d’Orb . R.

» sexangularis . Goldf ...A. R.

(*) Abréviations : T.C. (très-commun) A.C (assez commun) C (commun) T.R (très-rare) A. R (assez rare) R (rare).

Eschara sp ?

Lunulites Goldtussi . Hag . A.C.

» Hagenovi . Boq . A. R.

Cellepora suLinflata _ Hag . T. R.

Inversaria niilleporacea. . .Goldf.sp,. .R.

Idmonea cancellata . Goldf.sp.T.R.

» dorsata . Hag . T. R.

Ceriopora nucilormis . Hag . A.C.

Heteropora lenera . Hag . R.

» Si» ?

VERS

Serpula gordialis . Schl . A.C.

» erecia . GoJdf. . A. R.

» sexcarinaia . . Goldf . A.C.

» lophioda . Goldf . C.

» sp ?

Dilrupa (Serpula) cyplyana.Ryck. . .A.C. ECHINODERMES

Cassidulus lepis cancri. . .Lesk. .sp..\ .R.

Cidaris Hardouini . Desor . R.

» Faujasi . Desor.. . .A.C.

Cidaris regalis . ...Goldf _ T. R.

Peritagonaster punctatus..Hag . R.

» quinquelobus. Goldf _ A.C.

Bourgeticrinus ellipticus. .Mill . A.C,

Eugeniacrinus Hagenovi.. .Goldf . C.

ANTHOZOAIRES

Gorgcnia bacillaris . . .

.A. H.

Mollkca Isis .

A C.

Microbacia coronula...

...Goldf. .

Ditaxia anomalopore. ..

...Hag...

..A C.

Aplosasirœa sp ?

SPONGIAIRES

Manon pulvinarium Goldf . T. R.

Talpina ramea . Br . T . R .

PRATOZOAIRES

Orbitolites raacropora ..Lmk . T. R.

FLibelIum sp ?

THIELENS

CHRONIQUE.

Géologie. Analyses d' Ardoises. L’un des derniers numéros de la F^eime hebdomadaire de Chimie., de IVL Mène, contient plusieurs analyses des Ardoises de Haybes , près de Fumay. Les Ardoises violettes renferment 60 7o tie silice et 30 “/o d’alumine , elles sont donc plus riches en silice que les Ardoises d’Angers. Les parties vert clair qui sont mélangées à ces ardoises violettes contiennent 65 7o de silice , c’est presque la proportion que l’on trouve dans les Ardoises vertes de Deville. Quant aux ardoises noires de Sainte-Barbe qui sont géologiquement supérieures aux Ar¬ doises de Fumay, elles ne contiennent que 57 de silice.

J. G.

Apparition d^oiseaux étrangers. A la suite de l’ouragan du 12 février dernier, plusieurs oiseaux de

^se¬ mer ont été pris vivants dans les environs de Lille , no¬ tamment à La Madeleine. Ils appartenaient tous à l’espèce appelée Mouette iriddiCl'^Xe ( Larus tridactylus de Linné). C’est une de celles qui sont confondues par les habitants des côtes , sous le nom de Mauves, Pigeons de mer ou Coulons de mer ; leurs mœurs sont complètement maritimes et s’ils s’éloignent des bords de la mer , c’est pour se montrer quel¬ quefois au printemps dans les marais qui les avoisinent.

Sans doute , ceux qui ont été trouvés à Lille faisaient partie d’une petite bande surprise par la bourrasque et emportée dans notre direction.

Déjà en décembre dernier , on avait signalé dans les environs de Paris , après des ouragans , des Petrels de Leach ( Talassidroma Leachii ) , autre espèce bien plus marine encore et plus rare sur nos côtes , puisque sa véritable patrie est l’Amérique du Nord et les Orcades.

Un autre petit fait ornithologique qui mérite d’être si¬ gnalé , c’est l’apparition à Fives , le IS décembre dernier , d’un PoLiillot fitis ( Phyllojmeuste trochilus) , petit Bec fin qui ordinairement nous arrive en mars et nous quitte en septembre, comme toutes les Fauvettes. C’est une excellente preuve de la douceur exceptionnelle de la température de l’automne et du commencement de l’hiver. a. de n.

Mctéorolog^ie. Mois de février 1869. La tempéra¬ ture moyenne du mois de février étant de 05, la moyenne de février 1869 a été de 7" 74. La moyenne des maxima a été 10“ 51 , celle des minima 4“ 97. Le minimum absolu a été de 0“ 4 les 20 et 28 , le maximum absolu de 14“ 9 le 6.

La tension moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique a été 6 mill. 58 (moy. (i) 4 mill. 88 ). L’humidité relative moyenne de 84 % ( moy. 83.93 “/o ).

(9 moy. indique la moyenne de 15 années d’observations.

87 -

L’épaisseur de la couche d’eau évaporée dans ces con¬ ditions météoriques a été de 31 mill. 12 (moy. 20 mill.82).

L’épaisseur de la couche d’eau résultant de la pluie tombée en 19 jours, a été de 57 mill. 27 (moy. 43 mill. 07).

La pluie maxima, en vingt-quatre heures, a donné 10 mill. 22 d’eau le 10. La hauteur moyenne de la colonne barométrique , ramenée à la température de 0“ , a été de 757 mill. 04 (moy. 760 mill. 379 ) oscillant entre les extrê¬ mes 772 mill. 70 le 15 et 744 mill. 70 lel.-.

Les vents régnants ont été ceux du S. , du S. O. et de rO.S.O. ; leur intensité a été au-dessus de la moyenne.

Le 12 , pendant la soirée et une partie de la nuit du 13 , tempête S. O. ; à dix heures du soir , le baromètre était des¬ cendu à 755 mill. 32.

Pendant ce mois , le ciel fut très-nébuleux , il y eut vingt-cinq jours débrouillard, seize jours de rosée, un jour lie grêle , un jour de neige , pas de gelée. v. meurein.

IVoiivc^lles de la liîtfératwre et des Arts.

L’événement du mois est le décès de M. de Lamartine. On sait par quels liens de famille l’illustre poète se rattachait à la ville d’Hondschoote et l’on se souvient que ce fut l’arron¬ dissement de Dunkerque qui , en 1832 , l’envoya siéger à la Chambre des députés. M. de Lamartine faisait, dans ce moment-là même, son voyage en Orient, l’accompa¬ gnait, à titre de médecin et d’ami, notre compatriote feu M. de La Roïère.

M. Vincent, de l’Institut, dont nous avons annoncé la mort dans notre numéro de janvier, a été, depuis lors, l’objet de deux remarquables notices : l’une , rédigée au nom de l’As¬ sociation des anciens Elèves de l’Ecole normale , par M. Ernest Havet, professeur au collège de France ; l’autre, insérée dans le Correspondant du 10 février, parM. H. Wallon , de Valenciennes , membre de l’Académie des in-

88

scriptions et belles-leltrcs. M. le comte Eugène de Resbecq, en s’aidant des révélations de ces deux hommes qui ont connu de fort près M. Vincent, a, dans un mémoire récem¬ ment communiqué à la Société des Sciences de Lille, achevé de nous peindre les traits et la physionomie morale du savant hesdinois , en même temps qu’il nous fournissait la liste complète de ses innombrables écrits.

Dans le Mémorial cV Amiens^ du 21 février, M. l’abbé Corblet , directeur de la Kevue de VArt chrétien , a , en ter^ mes fortement sentis , déploré la perte d’un artiste amié- nois, M. Aimé Duthoit, que ses travaux à la cathédrale d’Amiens, à Abbeville, à Montdidier, à Saint-Riquier, ont classé parmi les maîtres de l’architecture religieuse au xix.® siècle. « Assurément, a dit de lui M. l’abbé Corblet, il aurait pu conquérir une plus vaste réputation , s’il avait voulu se créer un atelier à Paris, seul théâtre l’artiste de nos jours ait chance de trouver à la fois la fortune et la renommée. Il préféra rester dans son pays natal , et si la gloire vint l’y trouver , ce fut sans sollicitation de sa part. »

Citons encore , en attendant de pouvoir consacrer une plus ample notice à sa mémoire, un article sur M. P. Bé¬ douin qui a paru dans Vlmpartial de Boulogne-sur-Mer , le 26 décembre dernier.

Les expositions de peinture sont plus que jamais en hon¬ neur dans nos provinces. Celle d’Arras est à peine close que Cambrai songe à avoir la sienne. A Roubaix il s'en ouvre une, le 24 Mars, les Ecoles française, flamande et hollandaise , vont être brillamment représentées.

Le 29 du même mois, aura lieu à Valenciennes une Marche histoiique, organisée par les soins delà Société dite des /wcas. A. Desplanque.

Le Gérant : E. Castiaux

Lille > imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13

N.“ 4.

Avril 1869.

TRAVAUX DES SOCIETES.

SOCIÉTÉ d’émulation DE CAMBRAI.

Mémoires, t. xxx (I partie) 1868.

L’institution de la Société d’Emulation de Cambrai re¬ monte au 24 vendémiaire an xiii (16 novembre 1804). Cette Association compte, à l’heure qu’il est, cinq membres hono¬ raires (les autorités diocésaine, académique, départemen¬ tales et municipales) , et vingt-cinq membres résidants.

Liste des membres résidants :

MM. Alc.WiLBERT [1830] , secrétaire des Hospices; Président L. Renard[1857], avocat, juge suppléant; Vice-Prés. A. Durieux [1857] , prof, de Dessin, Sec.-Général. A. Bruyelle [1843],recev. des Eosplces; Archiviste Ch. Roth ^ [1858], banquier ; Trésorier.

Berger , Abel [1851], directeur de l’Ecole de dessin. Berger , Joseph [1834] , peintre d’Histoire.

Blin [1868], conservateur-adjoint de la Bibliothèque. Boulanger, Edouard [1845], propriétaire.

Carion , Louis [1858] , homme de lettres.

Crepin, Louis ^ [1639] , conseiller général. Devred, Alexandre [1866], organiste.

Dumont, Alexandre [1853], chimiste.

Dutemple , Delphin [1843], avocat.

Evrard, Cléomède^ [1831], ingénieur.

Fegueux ^ [1868], pharmacien-majorà l’Hôp.mil. Germe, Armand [1867] , avocat.

Hardy , Henri [1828] , docteur en médecine. Hattu, Anatole [1864], avocat.

Lefebvre, Aimé [1847], bibliothécaire et archiviste de Cambrai.

Leleu , Prosper ^ [1839] conseiller général. Lestoquoy, Camille [1858] , juge de paix.

Richard, Auguste [1868] , géomètre expert. Tingry, Célestin [1867].

De Vendegies (comte) Charles [1858] , propriétaire.

CO

La première partie du t. xxx des Mémoires de la Société d’ Emulation de Cambrai renferme deux travaux considé- . râbles : les Corps de métiers et le Commerce de Cambrai du xt / UM XIX. ^ siècle par M. Wilbert et la deuxième série i]es. Chants et Chansons populaires du Cambrésis par M. Du* lieux.

Notre collaborateur, M. Mossot, s’est engagé à rendre compte de la totalité de ce dernier recueil , et l’analogie des matières nous invite à réserver l’analvse du Mémoire de

t/

M. Véilbert sur les Corporations de Cambrai pour le jour nous examinerons les Documents sur VUistoire de l’In~ dustrie de Lille publiés par feu M. Derode.

Nous espérons que ces deux comptes-rendus trouveront place dans un de nos plus prochains numéros.

Nous nous attacherons présentement aux articles de moindre importance renfermés dans le plus récent volume de la Société d’Emulation.

Les travaux exécutés , en 1867 , dans les fortifications de Cambrai ont été, pour M. Durieux, une occasion d’étudier de près et de reproduire, avec la fidélité habituelle de son dessin, les Tours de Vancien Boulevard des Amoureux ^ tours dont il n’hésite pas à rapporter la construction , ou du moins la reconstruction, aux environs de l’an 1340,

(( alors que les bourgeois fortifiaient leurs murailles avec les débris des châteaux d’Escaudeuvres et de Relengbes. »

Le même membre a donné la description et le dessin d’une serrure, en date de lo41 , qu’on voit au musée de Cambrai. Il a , en outre , de concert avec 31. Bruyelle , relevé le texte des Inscriptions tumulaires antérieures à 1793 encore existantes dans V arrondissement de Cambrai.

31. Bruyelle a, de son côté, fourni la monographie des châteaux de Tliun-l’Evêque et d’Elincourt, des fermes du Flos et de Rambourlieux. Il a aussi, suivant en cela une

91

habitude à laquelle nous comptons qu’il restera fidèle , dressé un Bulletin archéologique se trouvent résumées les découvertes faites dans la ville et l’arrondissement de Cambrai en 1867-68. Parmi ces découvertes, signalons celles d’objets gallo-romains trouvés à la citadelle et de sculptures romanes exhumées des fondations de l’église d’Honnecourt.

M. C. A. Lefebvre , l’infatigable fouilleur des archives municipales de Cambrai , a , dans un article intitulé : Procès auxiliaires de VHistoiî'e, démontré une fois de plus quel parti les historiens du moyen-âge peuvent espérer tirer du dépouillement des dossiers judiciaires, en apparence les plus insignifiants, de la fin de l’ancien Régime.

M. C. Roth a fait connaître une série de plans des do¬ maines du clergé de Cambrai et Cambrésis avant 1789, plans alors reposant au bureau de l’Enregistrement de Cambrai et aujourd’hui versés , avec autorisation régulière , aux archives départementales.

Nous ne parlerons de la première partie de la Biogra¬ phie du baron de Worden, par M. le comte de Vendegies, que pour dire avec quelle impatience nous attendons la suite de cet important travail, dont les éléments sont puisés dans les œuvres mêmes du prolixe et remuant personnage. Agent utile, quoique secondaire, deLouvois, chantre inta¬ rissable des. victoires et conquêtes de Louis XIV, le baron Michel-Ange de Worden, méritait de revivre tout entier, sinon aux yeux du grand public, du moins sous les regards de la province dont il est , à tout prendre, l’une des gloires. Sa suprême bonne fortune sera d’avoir rencontré, pour his¬ torien de sa vie et pour coordonnateur de ses innombrables œuvres, un homme de la valeur de M. de Vendegies, esprit judicieux et sagace, écrivain plein de distinction et de ré¬ serve, qui, à tout instant, corrige l’exubérance de langage

el le mauvais goût de l’auteur qu’il analyse, rendant ainsi plus agréables ces mémoires inédits dont le côté intéressant, instructif, disparaissait sous l’ennui que , dans leur forme originale , ils inspirent aux lecteurs les plus résolus.

Gomme on le voit, les travaux historiques sont surtout en honneur au sein de la Société d’Emulalion de Cambrai. Cela est de justice dans la patrie de M. Le Glay. Cependant le rapport de M. Hattu sur le dernier Concours de Poésie prouve que le sentiment des choses littéraires est aussi fort vivace dans cette Compagnie. Enfin , les Observations mé¬ téorologiques recueillies à Cambrai en 1867 , par M. le doc¬ teur Ladureau, témoignent que l’élément scientifique y est également bien représenté.

Travaux courants.

Depuis le commencement de l’année 1869, la Société d’Emulation de Cambrai a entendu la lecture des morceaux suivants :

Le 13 janvier, M. Fégueux a lu un article intitulé: les Ruines de la Quemada., souvenir épisodique de son séjour au Mexique. Il a décrit minutieusement ces ruines qui sem¬ blent appartenir à un ouvrage de défense stratégique, élevé sinon en totalité, du moins dans ses parties les plus an¬ ciennes, par les Indiens aztèques: ce qui en reporterait l’origine au xiii.® siècle. M. Fégueux a fait suivre cette description d’une curieuse étude de mœurs sur les rapports entre maîtres et ouvriers dans les Haciendas., établissements industriels ou agricoles du 3Iexique.

Le 20 janvier, M. Blin a communiqué une notice, dont il est l’auteur , sur Elincourt en Cambrésis. Il a donné la liste chronologique des seigneurs de ce village, dressée en partie d’après 400 titres inédits de l’ancien ferme. Il a relevé , à ce sujet, plusieurs inexactitudes échappées à Le Carpen¬ tier. 11 a groupé ensuite certains faits historiques intéres-

95

sant la localité et ayant trait aux droits féodaux et seigneu¬ riaux , à la banalité du moulin, aux coutumes légales et autres. Il a retracé en dernier lieu la lutte courageusement soutenue par les habitants contre des troupes autrichiennes en 1793, lutte qui fut fatale aux premiers et leur xalut, peu après, un secours de 20,000 livres que leur accorda rassemblée nationale, sur une pétition de Maximilien Tarez.

Le 3 février, M. Durieux a donné lecture d’un récit his¬ torique intitulé : la Disette à Cambrai en 1789. Rédigé sur des documents inédits , cet article prendra place , avec les travaux précédents , dans la deuxième partie du tome xxx des Mémoires actuellement sous presse.

Le 16 du même mois, M. Wilbert a communiqué à la Société une vaste étude sur la Domination espagnole à Cambrai dont nous rendrons compte a'u chapitre des lec¬ tures récemment faites en Sorbonne.

Le 3 mars , M. Blin a lu un rapport méthodique sur le livre de M. l’abbé Denys intitulé : Des éléments du progrès de V Agriculture en France.

En combattant plusieurs des opinions émises par l’auteur de ce mémoire , M. Blin s’est appuyé sur le résumé de VEnquête agricole dans notre région. Il fait remarquer que ramener les capitaux vers la terre, comme le, demande M. Denys , c’est augmenter à coup sûr le taux des fermages déjà si élevé. D autre part, si pour l’agriculture les bras manquent, ce qui revient à dire : coûtent plus cher qu’au- trefois , par compensation , les produits de la ferme ont été toujours en augmentant de valeur. Du reste , l’emploi des machines reconnues les meilleures, et acquises en société afin d’en diviser le prix, peut parer d’une manière efficace à l’inconvénient signalé.

Le rapporteur n’oublie pas, comme moyen d’augmenter les produits de certains sols, de recommander l’emploi du

94

(Iraiuage, sur rorigiiic inconteslablenient française duquel M. Blin fournit de curieux détails. Il termine celle élude en souhaitant que des expériences soient entreprises sur une grande échelle pour s’assurer des ressources que peut offrir comme fourrage, le Galega officinalis, que la plupart des instituteurs de rarrondissement de Cambrai ont cullixé en petit avec succès.

Jleconstitution de la Société des Amis des Arts.

Par arrêté du 17 décembre 18G8 , M. le Préfet du Nord a autorisé la reconstitution, sur de nouvelles bases, de la Société des Amis des Arts à Cambrai. Fondée en 1825, dans le but d’organiser en cette ville des expositions artis¬ tiques, elle n’avait eu, jusqu’à présent, qu’une existence

inlei'jnittente. Désoianais, elle sera l’une des annexes de la

»

Société (l’Emulation et aciiuerra ainsi un caractère perma- .nent qui rendra ses efforts i)!us fructueux. Comme l’an¬ cienne inslitulion , la nouvelle aura pour but d’encourager l’élude des arts, de former le goût si nécessaire à toutes les professions et de venir en aide aux artistes en les secondant dans le placement de leurs œuvres.

La Société reconstituée des xVmis des Arts prépare, avec le concours de l’autorité municipale, une exposilion pour 1870, analogue à celles qui ont déjà eu lieu à Cambrai en 1826, 1828, 1830, 1834, 1836, 1838 et 1842.

A. Desplanque.

SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DE l’aGRICULTURE ET DES ARTS DE LlI.l.E

Travaux courants.

Depuis le commencement de l’année 1869, la Société des Sciences, de l’Agriculture et des Aids de Lille, a entendu les lectures suivantes : Poésies, par M. Delerue; Un mot sur VEsprit chez les Anciens d'après une satire d’Horace , par M. Deligne ; Etude sur un poème inédit de Milon, moine de

O.J

Saint-Atnand an IX/ siècle, par M. Desplaiiqiie (*); Consi¬ dérations sur les Douanes et sur rimpôl , par M. Tellicz ; Courbure en un point multiple d'une courbe ou d'une sur¬ face, par M. Painvin , M. C. ; Robinet à air de sûreté, par M. Cox. Enfin , M. Colas a placé sous les yeux de la Société un tableau représentant la Vocation de Saint-Jacques.

Nous parlerons des travaux littéraires après leur publi¬ cation.

Le sujet des lectures de M. Telliez est pour notre Bulletin du fruit défendu; nous craindrions en fabordanlque l’au¬ teur lui-même ne soit forcé de nous appliquer les rigueurs de la loi. Le mémoire matliématique de M. Painvin n’est pas susceptible d’analyse.

Quant à la communication de M. Cox, elle présente un tel caractère d’ulilité que nous la donnerons plus loin avec détails.

Vocation de Saint-Jacques , par 3L Colas , membre- titulaire. Ce tableau est destiné à l’église Saint-Jacques de Douai pour laquelle M. Colas en a déjà fait un autre retraçant le martyre du saint apôtre. La Vocation de Saint- Jacques représente un épisode bien connu de l’Evangile.

Or, un jour qu’il marchait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, son frère, qui jetaient leurs filets dans la nier, car ils étaient pêcheurs ; et Jésus leur dit : « Suivez-moi, et je voiis ferai pêcheurs d'hommes. » En même temps ils quiltèrenPleiirs tilels et le suivirent. De s’étant un peu avancé, il vit Jacques fils de Zébédée et Jean, son frère, qui étaient aussi dans une barque ils raccommodaient leurs filets. Ils les appela à l'heure même et ils le suivirent ayant laissé dans la hanpic Zébédée, leur père, avec ceux (jui travaillaient. ^saint marc, ch. i, v. 16 à 20).

La toile deM. Colas est une reproduction fidèle de cet épi¬ sode. Le Christ appelle les deux fils de Zébédée ; Jacques s’é-

(P Voir le résumé de ce travail au chapitre des lectures récemment faites en Sorbonne.

96

lance le premier avec cette impétuosité qui lui fit donner par son divin maître l’épithète de fils du Tonnerre. Jean inter¬ roge Jésus pour savoirs! lui aussi doit partir. Quant au vieux Zébédée, assis dans sa barque, l’étonnement et l’émotion (jue lui a fait éprouver la parole divine l’empêchent de protester contre le départ de ses fils. Au second plan du tableau se trouvent Jean et Pierre déjà attachés aux pas de leur maître.

Le talent de M. Colas est assez connu pour que nous n’ayons pas à insister sur les mérites artistiques de son œuvre.

Soupape à air de sûreté, par M. Cox , membre titulaire. Parmi les accidents qui arrivent aux machines à vapeur l'un des plus fi’équents est ce que les hommes du métier .appellent le coup d’eau, ün sait que dans les machines à condensation aujourd’hui en usage, le cylindre se meut le piston , communique avec le condenseur par l’intermé¬ diaire d’une colonne dans laquelle se fait le vide. Lorsque l’on arrête l’arrivée de la vapeur, il faut fermer herméti¬ quement le robinet qui fait communiquer cette colonne avec le condenseur, sans quoi l’eau monte dans la colonne, pé¬ nètre dans le cylindre ; puis, lorsque le piston se remet en marche, l’eau étant incompressible, tout se brise: bielle, manivelle, balancier et quelquefois même le cylindre ; c’est une réparation coûteuse et un temps d’arrêt assez long qui pèse à la fois sur le chef de l’établissement et les ouvriers.

On a obvié en partie à ces inconvénients en ajoutant à la colonne un robinet dit à air que l’on ouvre lorsqu’on arrête la vapeur et que l’on ferme lorsque le piston a donné quel¬ ques coups ; de cette manière l’air atmosphérique pénétrant dans la colonne empêche l’eau de s’y élever. Mais , dans ce

4

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97

cas encore, tout dépend d’un homme. Que le chauffeur ou¬ blie de fermer le robinet d’air , l’accident se produira d’au¬ tant plus facilement que , confiant dans ce robinet , on atta¬ che moins d’importance à la fermeture hermétique de celui du condenseur.

Le but que M. Cox a cherché et réussi à atteindre, c’est de mettre l’introduction de l’air à l’abri des distractions du chauffeur. Pour cela , il place sur la colonne un petit tuyau A que peut fermer exactement une plaque de caoutchouc G. Celle-ci est soutenue par un bras de levier coudé CD natu¬ rellement appliqué contre l’ouverture par le poids D ; l’autre bras du levier CE est mis en mouvement par une tige F ; celle-ci peut être tirée par le levier J dont les mouvements dépendent du grand levier K qui commande aussi le robinet de vapeur. La figure permet de saisir le mécanisme. Lorsqu’on ferme le robinet de vapeur en soulevant la tige K , le bras de levier J glisse le long de la tige F jusqu’à ce qu’il vienne buter contre la bague H ; il est alors arrêté, ou plutôt com¬ munique son mouvement à la tige F, et celle-ci, tirant le bras de levier CE, force la lame de caoutchouc à s’écarter de l’ou¬ verture; l’air pénètre dans la colonne. Dès que l’on donne un peu de vapeur en abaissant le levier K , la tige J cesse de presser sur la bague H et sous l’influence du poids D le le¬ vier E C D reprend la position qu’il a dans la figure, et la lame de caoutchouc vient boucher l’ouverture du tube.

Ce tube A doit être fixé sur la colonne du côté opposé au mouvement de l’excentrique pour que le crachement qui se fait quelquefois parle trou ne rouille pas les ferrailles; c’est ce qui oblige à faire passer la tige^F derrière la colonne.

Cette soupape figurée pour une machine à balancier , peut aussi s’appliquer à tout autre système de machine à condensation.

J. Gosselet.

98

ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.

Le lome xxxviii des Mémoires de l’Académie royale de Belgique est un gros volume presqu’enlièrement consacré aux sciences, et principalement aux sciences mathémati¬ ques et à leurs applications ; nous nous bornons à citer le titre des premiers : Sur les nombres de Bernoulli et d’Eulej\ et sur quelques intégrales définies, par M. E. Catalan, associé de l’Académie ; Mémoire sur la théorie générale des lignes tracées sur une surface quelconque, par M. Gilbert, également associé de l’Académie. MM. Catalan et Gilbert sont deux Français établis en Belgique et professeurs, l’un à rUniversité de Liège, l’autre à celle de Louvain; leur nationalité qu’ils ont voulu conserver les empêche de rece¬ voir le titre de membres de l’Académie. Mais cette Société a tenu à leur montrer le cas qu’elle fait de leur savoir et de leurs travaux en se les associant et en les inscrivant sur une liste figurent sir John Herscbell, MM. Dumas, Chasles, Bunsen, Kircbboff, etc.

Recherches expérimentales et théoriques sur les fgures d’équilibre d’une 7nasse liquide sans pesanteur, séries 8 à il , par M. Plateau , professeur à l’Université de Gand. Dans ce mémoire 31. Plateau termine une série de publica¬ tions qui remontent à 1852.

Le point de départ des travaux de 31. Plateau est bien connu : il neutralise l’action de la pesanteur sur une masse liquide relativement considérable , tout en laissant cette masse libre d’obéir aux autres forces qui la sollicitent. Pour cela il immerge une masse d’huile d’olive dans un mélange d’eau et d’alcool de même densité qu’elle. Lorsque cette masse suspendue dans le liquide alcoolique n’est adhérente à aucun solide , elle prend , quel que soit son volume , la forme d’une sphère parfaite. Quand on imprime à la sphère

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d’huile un mouvement lent de rotation sur elle-même, on la voit s’aplatir à ses pôles et se renfler à son équateur. Pour une vitesse plus grande la masse après s’être fortement aplatie se creuse à ses pôles puis se transforme en un an¬ neau régulier, comparable à l’anneau de Saturne. Dans certains cas l’anneau se désunit et se résout en plusieurs sphères isolées qui continuent pendant quelque temps à tourner autour du centre de l’anneau originaire et souvent prennent un mouvement de rotation sur elles-mêmes dans le même sens que celui de l’anneau. L’auteur explique ainsi l’origine des satellites qui tournent autour des planètes.

M. Plateau passe de à l’étude des phénomènes capil¬ laires et des veines liquides lancées par des orifices circu¬ laires , puis à celle des lames liquides soustraites à l’action de la pesanteur telle qu’une lame d’huile tenue entre deux anneaux dans le liquide [catenoïde) . Il constate ensuite que de grosses bulles d’huiles gonflées avec du liquide alcooli¬ que et immergées dans ce liquide prennent la même forme sphérique qu’une masse d’huile pleine.

Le mémoire qui vient d’être publié est essentiellement consacré à l’étude des Bulles de^avon , sujet qui avait déjà occupé bien des savants. Newton se servit des bulles et de la mousse de savon pour ses recherches sur la coloration des lames minces. Leidenfrost publia en 1 756 , sur les bulles (le savon, un mémoire rempli d’expériences ingénieuses, mais aussi d’opinions bizarres ; il prétend que les animaux et les plantes sont formés de petites bulles de savon et de petits tubes de la même matière.

M. Plateau trouva que le liquide qui se prête le mieux à la formation de bulles dans Pair est un mélange d’une solu¬ tion de savon de Marseille ou mieux d’oléate de soude avec de la glycérine.

On sait que par suite du phénomène des interférences,

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les bulles de savon sont colorées des nuances de l'arc-en-

ciel , la couleur dépend de l’épaisseur de la lame et peut

servir à la calculer. La chaleur en diminuant l’épaisseur modilie la couleur; il suffit d’approcher le doigt d’une bulle de savon pour voir la partie voisine qui était jaune, par exemple, passer au vert.

D’après ces caractères, M. Plateau divise les liquides en trois catégories :

i .** Liquides ne pouvant se gontler en bulles , ne donnant que peu ou point de mousse ; les calottes sphériques qui constituent la mousse quand elle existe ne se colorent pas par suite de leur grande épaisseur. Exemple: eau, glycé¬ rine, acide sulfurique, ammoniaque.

2. ® Liquides ne pouvant se gonfler en bulles mais don¬ nant plus facilement de la mousse dont les calottes sphé¬ riques se colorent rapidement de toutes les teintes. Huiles grasses, essence de térébenthine , alcool, éther.

3. ° Liquides donnant une mousse abondante et durable se gonflant facilement en bulles; leurs lames prennent suc¬ cessivement toutes les teintes et peuvent rester longtemps incolores, ce qui indique qu’elles acquiérent une grande minceur (1 cent millième d^ millimètre). Exemple: solution savonneuse , solutions desaponine, d’albumine, d’acétate de proloxide de fer.

Dans les pages suivantes les particularités que présentent ces diverses solutions sont examinées en détail.

Quant aux trois dernières séries du mémoire , elles sont consacrées à démontrer que les conclusions des géomètres s’accordent avec les observations de l’auteur.

Nous surprendrons certainement nos lecteurs en leur ap¬ prenant que le savant qui étudie avec tant de soin la forme et la couleur des bulles de savon, est depuis six ans privé de l’usage de la vue; il a de pouvoir continuer ses travaux

loi

au dévouement de sou lits et de ses nombreux amis. Parmi ceux-ci citons un de nos compatriotes, M. Lamarle , pro¬ fesseur à rUniversité de Gand et membre associé de l’Aca¬ démie ; un grand nombre de considérations géométriques mentionnées dans le mémoire de 31. Plateau sont dues à ce savant.

Observations sur les phénomènes périodiques pendant les années 1865 et 1866. Ce recueil d’observations réunies par 31. Quetelet, secrétaire-perpétuel de l’Académie, directeur de l’Observatoire de Bruxelles , comprend : C les résumés des observations météorologiques faites à Bruxelles , Gand, Liège, Ostende, par 3131. Quetelet , Duprez, Leclercq, Ca¬ valier et 31ichel ; 2.® des observations sur l’époque de la feuillaison , de la tloraison , de la défoliation des végétaux , du passage, de l’arrivée , du départ, des amours des oiseaux et autres animaux , dues à plusieurs naturalistes belges.

Mémoire sur la température de Vair à Bruxelles , par 31. Ern. Quetelet, membre de l’Académie. C’est le résumé des observations météorologiques faites à l’Observatoire de Bruxelles, 1833 à 1862. Détachons-en quelques résultats.

L’amplitude diurne de la température, c’est-à-dire la diffé¬ rence entre la température la plus haute et la plus basse du jour(i), est plus grande en été qu’en hiver: 10.° au mois de juin, 4.® 1/2 au mois de décembre. L'heure de la tempéra¬ ture maximum de la journée est 1 heure 1/2 après midi en hiver , et 3 heures 8 m. en été. Le moment de la tempéra¬ ture minimum a lieu à 6 heures 1/2 du matin en hiver, et à 4 heures du matin en été. Les températures de 9 heures du matin et de 8 heures du soir indiquent à peu près la tempé¬ rature moyenne de la journée.

Des 30 années considérées, la plus chaude a été 1834

(}) Par jour en météorologie on entend une durée de 24 heures.

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(température moyenne 11° 73) , et la plus froide 1845 (tem¬ pérature moyenne 44). La température moyenne de ces 30 années est 85. La plus grande chaleur observée à Bruxelles a élé de 34° 7, le 15 juin 1858, et le plus grand froid de 18° 8, le 16 janvier 1838.

Une année froide a été suivie dix fois d’une année chaude et quatre fois seulement d’une année froide. Il y a par con¬ séquent chance pour voir arriver une année chaude après une année froide. Les années les plus chaudes 1834, 1846, 1857 , 1858 , suivent d’assez près celles les taches solaires ont été moins développées. L’effet d’un hiver froid est de refroidir l’été ({iii suit, et celui d’un hiver chaud est d’é¬ chauffer l’été suivant (^). Les quatre étés qui ont eu la tem¬ pérature moyenne la plus élevée, ont amené des automnes plus chauds que la moyenne.

Le mois de janvier est le plus froid de l’année, juillet est le plus chaud; cependant le mois de décembre est le seul pendant ces 30 années il ait toujours gelé. Une gelée qui commence avant le 26 novembre ne dure que un jour; une gelée (pii vient après le 20 avril ne dure également que un jour. Pendant ces 30 ans la première gelée s’est présentée le 19 octobre et la dernière le 25 avril. La plus longue pé¬ riode de jours de gelée successifs a été de 45 jours en 1845 , puis de 33 jours en 1838. La plus longue période do chaleurs a été de 19 jours en 1852, puis de 16 jours en 1852.

Le plus grand nombre de jours froids se sont présentés après la nouvelle lune

Enlin M. Quetelet i*emarquc que dans cette période de 30 ans , le mois de janvier s est un peu échauffé tandis que février s’est refroidi.

(1) Ce résultat est contraire à Popmion populaire, mais acceptons- le avec plaisir et attendons-nous à ce que cet été le soleil nous verse à Jlols sa bienfaisante clialeur.

103

Recherches sur les Sqiialodons , par M. Van Beneden, membre de l’Académie, professeur à l’Université de Lou¬ vain. Lors des travaux des fortifications d’Anvers on a trouvé dans les sables des restes d’un grand nombre de Cétacés, entr’ autres d’un genre aujourd’hui perdu : le Squa- lodon. Ces animaux qui s’éloignent beaucoup des autres Cétacés ont comme les Dauphins les mâchoires armées de dents coniques. La nouvelle pièce décrite et figurée par M. Van Beneden est la partie antérieure de la mâchoire inférieure. Elle provient du même gisement.

Sur un nouveau genre de Ziphioide fossile (Placoziphius) trouvé à Edeghem, près Anvers^ par le même auteur. Il s agit encore d’un Cétacé qui se rapproche des Cachalots iZiphius) parce qu’il n a de dents qu’à la mâchoire infé¬ rieure , mais la largeur de cette mâchoire , bien supérieure à celle du Cachalot, nécessite, selon M. Van Beneden , réta¬ blissement d’un genre distinct. Les débris du Placoziphius Duboisii^ nom donné par le savant professeur au Cétacé en question , ont été trouvés à Edeghem , dans une briqueterie située près d’un fort détaché, dépendant du système défensif d’Anvers , dans l’argile rupelienne de Dumont. 31. Van Be¬ neden pense que ces ossements pourraient provenir des sables noirs d’Anvers et s’être enfoncés par leur poids dans l’argile rupelienne sous-jacente.

'J. Gosselet.

La classe des lettres se trouve représentée dans ce vo¬ lume par un travail de M. Benier Chalon. Le président de la Société de Numismatique belge, en dehors des produc¬ tions et de la chronique publiées par lui dans la Bevue qu’il dirige depuis 28 ans, continue la série des travaux dont il a, le premier, tracé le plan dans ses recherches sur les monnaies des comtes de Hainaut.

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Aujoiirtriiui c’est le lourdes seigueiirs de Florennes avec la description de leurs sceaux cl de leurs monnaies. Ce travail fait suite aux recherches sur les monnaies des comtes de Naniur , du même auteur. Il ne peut avoir l’im¬ portance des précédents : la mine était moins riche ; mais on y retrouve le faire, la profondeur des connaissances et la perspicacité du maître.

Tout en reproduisant la généalogie des seigneurs qui ont possédé successivement Florennes et Yves, c’est-à-dire les familles de Rumigny , de Lorraine , de Chalillon et de Vau- demont, M. R. Chalon commente, complète ou redresse les généalogies établies par M3I. de Reiffenberg et Goë- thals. Il décrit les monnaies frappées à Florennes aux types du gros tournois, des doubles-tiers, du gros d’Alost, des ('slerlins et des demi-boldrager ou lions d’argent de Flan¬ dre , liièccs de grande l ai-cté pi’ovcnant presque toutes des deux cabinets de BI. le comte de Robiano et de la Société Archéologique de Namur.

A la suite de ces monnaies , M. R. Chalon donne les em¬ preintes de quelques sceaux les plus anciens des seigneurs de la même terre, remontant au xiii.® et au xiv.® siècle , cl termine par celui de la haute cour de justice de Florennes , en 1579. _ E. Va> Heade.

Dox Juan ü’autuiche, d'après les plus récents travaux

de M. Gachard. (‘)

L’historique des relations de Marguerite de Parme avec son jeune frère forme l’objet de la troisième étude tle M. Gachard sur Don Juan d’Autriche.

Les deux pi cmières, qui ne sont pas les moins pi(iuantes, traitent de la mère et de l’enfance du prince.

BI. Gachard dépouille la mère de Don Juaii de la noble

(h Voir le commencement de cet article p.68 du Bulletin. 11 a paru ( Il entier (iüiis la Revue des Question hisloriques , X." du l ." avril IbGO.

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origine que les historiens courtisans lui ont attribuée.» Char- les-Quint, que sa nature, si nous en croyons les ambassadeurs vénitiens , portait aux plaisirs des sens n’availpas l’habitude de s’adresser , pour les satisfaire , à des femmes de qualité. Bien différent en cela de François son rival , on ne lui connut jamais de maîtresse parmi les dames de la cour. » On pourrait donc, rien que par conjecture, affirmer presque que Barbara Blombergb était de condition médiocre.

Devenue mère de Don Juan, elle épousa Jérome Regel, « pauvre hère allemand » comme elle , et qui vraisembla¬ blement se maria avec elle « dans le but de parvenir à quelque chose. » M. Gacbard , livres de comptes en main , donne le détail des avantages, assez modestes d’ailleurs, (lue l’Empereur fit à cet officieux. Au mois de juin 1569 , Barbara perdit son mari. Il ne manqua pas d’hommes qui auraient voulu l’épouser en secondes noces , et cependant elle restait pauvre avec beaucoup de dettes. Philippe II , dès qu’il eut été informé de sa triste situation , prescrivit au duc d’Albe de fournir à cette femme des moyens con¬ venables d’existence. Mais il tenait à ce qu’elle ne restât pas dans Bruxelles. Madame de Blombergb (c’est ainsi qu’elle se qualifie désormxais) consentit à aller vivre , non pas à Mons le duc d’Albe l’engageait à se fixer , mais à Gand , en pa)s de langue flamande. Le roi n’aurait pas été fâché de la voir entrer dans un couvent. Aussi essayait-il de l’at¬ tirer en Espagne , invitation à laquelle la mère de Don Juan n'eut garde de se rendre.

C’était une étrange femme que Madame de Blombergb. Entêtée, dépensière, de mœurs au moins suspectes , elle ne laissait pas de donnei* de l’embarras à ce terrible duc d’Âlbe , cbai-gé de veiller sur sa conduite et de pourvoir à ses besoins.

Quand Don Juan d’Autriche , qui n’avait jamais cessé de

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s’intéresser à elle , eut pris en main le gouvernement des Pays-Bas , il comprit l’absolue nécessité il était de l’é¬ loigner de ces parages. Sous prétexte de l’envoyer à Aquila, auprès de Margueiâte de Parme , il la dirigea par mer sur l’Espagne , on la mit chez les religieuses de Santa Maria la Real , à sept lieues de Valladolid. Elle obtint d en sortir après la mort de Don Juan et de se retirer , pour y finir ses jours , à Colindres , dans la maison du secrétaire Escobedo.

Barbara Blombergli survécut à un fils qu’elle avait eu de Jérome Regel et pour qui Don Juan s’était montré bon frère. Elle même mourut en lo98.

Comme on le voit, la mère du héros de Lépante n’avait eu elle rien d’héroïque. Don Juan tenait de son père ses grandes qualités. A quel système d’éducation fut-il soumis durant son enfance et sa première jeunesse ? Tel est le point que M. Gacbard examine dans sa deuxième étude.

Après avoir fixé indubitablement la naissance de Don Juan en 1547 et conjecturé qu’il vit le jour à Ratisbonne, le docte écrivain émet l’opinion que l’enfant royal fut d’a¬ bord élevé en Belgique. Adrien Dubois, aide de chambre de l’Empereur , et à qui ce prince avait confié le soin de faire nourrir en secret le fruit de ses dernières amours , Adrien Dubois était belge. « C’était aux Pays-Bas qu’il avait le plus de relations et de connaissances. Qu’y aurait- il d’extraordinaire à ce qu’il y eût fait transporter l’enfant commis à sa garde , dans les jours qui suivirent sa nais¬ sance, ou peu de temps après? » Ce qui est incontestable , c’est que Don Juan se trouvait dans ces provinces en 1550.

Le 13 juin de cet année-là, François Massy , joueur de viole de Sa Majesté et Ana de Médina , sa femme , recon¬ naissent avoir reçu, d’Adrien Dubois , un enfant qu’ils s’en-

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gagent à élever comme leur fils propre , sans révéler à personne le nom de son père.

Massy était belge comme Adrien Dubois. Mais, sa femme ne se plaisant point dans les Pays-Bas dont le climat était nuisible à sa santé , il demanda et obtint de l’Empereur la permission de se retirer à Leganes , Ana de Médina possédait quelque bien. I/enfant , baptisé sous le nom de Geronimo , grandit dans ce coin de l’Espagne , n’ayant pour compagnons que de simples paysans.

Charles- Quint finit par se reprocher l’état d’abandon il laissait son fils ; il pria l’un de ses maîtres d’hôtel , Luis Mendez Quijada , de donner au jeune prince une éducation en rapport avec son origine. Quijada y consentit et trans¬ porta l’enfant à Cuacos, dans l’un de ses châteaux. Sa femme Doua Magdalena de Ulloa , qui n’était point dans le secret de la naissance du petit Geronimo , l’essentit à son arrivée un mouvement de jalousie conjugale et ne fit d’a¬ bord au nouveau venu qu’un assez froid accueil. Mais, ses premières inquiétudes dissipées , elle le traita comme son propre fils.

Il y a plaisir à constater avec M. Gachard que Don Juan, quand il eut pris rang de prince à la cour de Philippe II , se montra profondément reconnaissant envers les véné¬ rables époux aux soins desquels il devait de se trouver immédiatement à la hauteur de sa nouvelle position.

Nous ne suivrons pas plus loin dans ses attachants récits l’éminent archiviste de Belgique. Nous en avons assez dit pour prouver que ses Etudes encore inachevées sur Don Juan ne le céderont point en intérêt à celles sur Don Carlos (ju’il a, depuis longtemps, réunies en volume.

A. Desplanque.

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CONFERENCES ET COURS PUBLICS.

Coiîtcrenccs de Douai ( suite ).

LES FAMINES ET LES DISETTES, par M. Comc rils(’).

M. Anatole Corne qui se souvient de l’adage : « naissance oblige » a , dans deux conférences d’un style élégant , exposé de saines notions d’économie publique. Le 1.®" Mars, il a traité de l’iiistoire, des causes et des effets des famines. Le 8 , il a indiqué des remèdes pour prévenir le retour de semblables lléaiix.

Dans les sociétés primitives, la famine est pour ainsi dire l’état normal. N’y a-t-il pas encore, dans les îles la civilisation n’a point pénétré , des antbropopbages ? Sur les continents , le gibier est plus abondant, le cannibalisme est plus rare. Néanmoins la chasse et la poche n’y suffisent pas toujours aux besoins des habitants. C’est ainsi que nous voyons les sauvages de la Floride recourir , pour apaiser leur faim, aux araignées, aux œufs de fourmis, aux vers et meme à une terre grasse remplie d’animalcules.

Les peuples pasteurs n’échappent pas aux horreurs de la famine. Nous frémissons encore au souvenir des scènes navrantes dont notre colonie de l’Algérie a été, l’an dernier , le théâtre.

Les législateurs grecs considéraient la disette comme une conséquence tellement inévitable de l’exubérance de la population que, pour la conjurer, ils légitimaient les pra¬ tiques réputées aujourd’hui les plus criminelles.

Quoique nourri par ses immenses provinces, le peuple romain craignait sans cesse de mourir de faim.

Au moyen-âge , les famines prennent un caractère pério-

(D Cette conférence est résumée d’après deux journaux douaisiens: V Indépendant et le Courrier.

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dique. On n’en compte pas moins de vingl-six en France durant le xi.® siècle. Raoul Glaber écrivait en 1030 : « C’est désormais un usage consacré que de manger de la chair humaine. » On en vendait alors sur les marchés publics.

Pendant le xiv.® siècle et la première moitié du xv.®, les famines furent incessantes. Notre belle et opulente Flandre devait à son commerce et à ses nombreuses transactions d’être plus préservée que les autres provinces de ces cruelles épreuves. Douai n’en a pas moins subi, en 1347, une famine dont M. Anatole Corne a tracé un saisissant tableau.

A partir du milieu du xv.® siècle jusqu’au xviii.®, on ne compte guère plus qu’une année de disette sur dix. Depuis 1800 , il y a eu cinq disettes : en 1812 , 1817 , 1821 , 1847 et 1856.

Trois causes, a dit l’orateur, engendrent les disettes et les famines : la concentration en un même lieu d’une popu¬ lation trop nombreuse, l’aridité du sol , les entraves appor¬ tées à la libre circulation des grains.

Examinant ensuite les divers remèdes proposés ou essayés contre le mal dont il vient de décrire les ravages et d’indi-- quer les sources , M. Corne condamne les distributions de blé à prix réduit telles qu’elles se pratiquaient à Rome sous l’Empire et que nous les retrouvons en France sous l’ancienne monarchie. Il réprouve aussi les lois de maxi¬ mum mises en vigueur par la Révolution. Enfin, et en disciple intelligent d’Adam Smith, il flétrit, comme elle mérite de l’être , la doctrine de 3Ialthus.

Deux mille ans avant ce publiciste, Platon et Aristote avaient suggéré divers moyens d’empêcher le développe¬ ment trop rapide de la population. De nos jours, quelques états d’Allemagne possèdent encore des lois créées dans ce but. Plusieurs sectes en Russie sont instituées au même effet.

no¬ ce remède, suivant M. Corne, est pire que le mal: il encourage l’avortement et l’infanticide ; il pousse au con- cubinat et favorise même le libertinage. Mieux vaut cent fois travailler à augmenter la production des denrées alimen¬ taires en encourageant les progrès de la science agricole et en donnant à ses produits toute facilité pour s’écouler.

A. Desplanqüe.

REUNION GENERALE LES SOCIÉTÉS SAVANTES.

La Réunion générale des Sociétés savantes s’est ouverte à la Sorbonne le mardi 30 mars. Elle a été close par la dis¬ tribution des récompenses le samedi 3 avril. Nous allons rendre compte sommairement des lectures qui ont été faites dans cette Réunion par des personnes appartenant au ressort de l’Académie de Douai ou sur des sujets intéressant notre région.

SECTION d’histoire ET DE PHILOLOGIE.

Président: M. Amédée Thierry, sénateur, membre de l’Institut.

Séance du 30 mars. M. l’abbé Dehaisnes a décrit un manuscrit de la Ribliotbèque de Douai composé, de 911 à 954, par un moine anonyme de Saint-Vaast d’xVrras. Pour la période mérovingienne , ce manuscrit résume , en y ajou¬ tant certains faits inédits, l’Histoire de Grégoire de Tours , les Gesta Francorum, la chronique de Frédegaire et de ses deux continuateurs. Pour la période carlovingienne anté¬ rieure à Louis-le-Débonnaire, il suit, en les complétant parfois, les Annales de Lorsch et de Metz ainsi que celles d’Eginhard. De 830 à 844 , il reproduit les Annales , dites de Saint-Rertin et , de 844 à 899 , il présente la rédaction la plus complète et la plus. ancienne des Annales Vedastini.

iii

En comparant les textes publiés de ces deux dernières chro¬ niques avec le manuscrit de Douai, M. l’abbé Dehaisnes a relevé plusieurs centaines de variantes.

« M. le président remercie M. Dehaisnes de cette com¬ munication qu’il regarde comme très-importante au point de vue des origines de l’histoire de France, (i) »

M. WiLBERT , président de la Société d’Emulation de Cambrai, a traité de la domination espagnole en cette ville, de lo9o à 1677. Il est remonté à l’origine du pouvoir temporel des évêques, pouvoir que ceux-ci abdiquèrent entre les mains de l’Espagne, lorsqu’ils furent devenus incapables de le défendre.

La domination espagnole, dit M. Wilbert, ne fit que perpétuer les souffrances auxquelles elle avait pour mission de remédier. La ville de Cambrai possédait, avant cette époque, tous les éléments de civilisation qui ont fait sa gloire et sa richesse ; elle ne doit rien à ses conquérants , ni sa coutume, ni ses Etats, ni ses fondations d’instruction , ni ses établissements hospitaliers et charitables, ni ses usages, ni son idiome vulgaire , ni son architecture ; elle n’a conservé d’eux que le souvenir de ses misères.

M. l’abbé Corblet , membre de la Société des Antiquaires de Picardie , communique le résumé de ses recherches sur l’origine liturgique du patronage des boulangers. Il trouve cette origine personne avant lui n’avait eu l’heureuse idée de l’aller chercher : dans le texte même de la légende de Saint-Honoré. Il explique, d’après un trait de la vie de ce glorieux évêque , sa caractéristique ( trois pains sur une pelle de four) qui a donné naissance au culte dont la Corpo¬ ration des boulangers l’a longtemps environné.

Séance du 31 mars. M. Desplanque, délégué de la

{*) Journal officiel du 31 Mars 18G9.

112

Société des Sciences de Lille , lit une étude sur un poème latin inédit de Milon, religieux de Saint-Ainand-d’Elnon au IX.® siècle. « Après avoir replacé le moine-poète dans le milieu intellectuel il a vécu, enseigné, chanté, M. Des¬ planque passe rapidement en revue celles des œuvres de Milon qui sont, depuis longtemps, entre les mains du public. Abordant ensuite l’examen du long poème de la Sobriété, dont on ne connaissait jusqu’ici que la Dédicace à Charles-le-Chaiive , le futur éditeur de ce poème en pré¬ sente une complète analyse , en caractérise le genre , en signale les beautés et les défauts. Il insiste sur les emprunts que le poète carlovingien a faits à la littérature classique. Il étudie ensuite , dans Milon , le théologien et le moraliste , l’interprète des livres saints et le maitre ès-arts libéraux. Arrière-disciple d’Alcuin, Milon se continue dans Hucbald, son neveu et son disciple. Il relie ainsi le viii.® siècle au x.®. Grâce à lui , la tradition littéraire dans.l’extrême-nord de la France ne fut pas un seul instant interrompue. (^) »

Séance du avril. M. Jules Périn, jurisconsulte et paléographe , délégué de l’Académie d’Arras , traite de la condition du Détenu pour dettes au moyen-âge. Il fait con¬ naître le pouvoir dominical accordé au créancier sur la personne de son débiteur , particulièrement dans les cités llamandes de Lille, d’Ypres, etc. Il rappelle l’existence, dans celte même région , d’une pratique singulière consis¬ tant à enchaîner le prisonnier pour dettes avec un gardien gagé à ses frais , en chartre privée , c’est-à-dire dans le domicile de son créancier. On voit le chemin que nous avons fait , depuis le xiv.® siècle , pour arriver à l’abolition de la contrainte par corps , tant en France qu’en Belgique.

Séance du 2 avril. M. l’abbé Carlet , membre du

(1) JouRXAL OFFICIEL du 1.*’’ Avril.

i 15

Comité archéologique de Noyon , communique un mémoire sur saint Angilbert, l’iin des personnages les plus consi¬ dérés de la cour de Charlemagne et l’un des abbés les plus vénérés du monastère de Saint-Riquier. Si l’on s’en rapporte aux traditions de ce monastère, Angilbert , revêtu déjà du sacerdoce , aurait épousé la princesse Berthe , fille de Char¬ lemagne , et la plupart des historiens reproduisent avec complaisance ce thème étrange. M. l’abbé Carlet discute les documents sur lesquels cette opinion s’est fondée ; il prouve, par l’étude des dates , qu’Angilbert , après deux années d’un mariage légitime , quitta la vie séculière , avec le con¬ sentement de son épouse , et devint abbé de Saint-Riquier.

Tout en se trouvant d’accord avec son savant confrère M. l’abbé Corblet sur l’objet principal du débat : à savoir qu’Angilbert n’a pas séduit Berthe, M. Carlet se sépare, sur certains faits accessoires, sur certains points chronolo¬ giques, de l’opinion de l’auteur de Y Hagiographie du Diocèse d'Amiens. C’est une question dont nous aurons peut-être un jour l’occasion de reprendre l’examen.

M. Aristide Déy, membre de la Société académique de Laon , traite de la condition du peuple dans le Comté de Bourgogne au moyen-âge. En s’autorisant des ouvrages les plus estimés sur la matière , il passe successivement en revue : l.“ la condition des personnes ; 2.® celle des biens ; 3.® celle des communes. Après avoir jeté un coup-d’œil sur les temps antérieurs au moyen-âge , l’auteur s’occupe de la condition du i)euple sous les Bourguignons et les Francs ; puis il parle des seigneurs , des bourgeois ou hommes libres, des serfs ou esclaves, enfin des justices seigneuriales et do la législalion.

M. BRUl\-LÂVAJ^■^E , membre de la Commission histoiâque du département du Nord , lit une étude sur l’origine du droit coutumier. Il s’efforce d’établir, qu’en général , les

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coutumes locales des villes de France s’étaient formées de temps immémorial , non par concession des souverains , mais par le libre consentement des premiers habitants , et qu’elles se transmettaient par tradition, de siècle en siècle, comme un héritage des ancêtres. Presque toutes les chartes de communes ne font que confirmer des libertés et des fran¬ chises dont les bourgeois étaient déjà en possession. L’au¬ teur entre à ce sujet dans des détails particuliers à la ville de Lille et à quelques autres villes du nord de la France.

M. Barbey , membre de la Société historique de Cluitcau- Tliieri y, en l’absence de 31. de Venus, membre de la même société , lit un mémoire dans lequel ce dernier prétend que les princes de la maison de Coudé tirent leur nom de la teri’e de Condé-en-Brie ( Aisne ) et non pas, comme on l’a cru jusqu’ici et coinine on Fa toujours affirmé, de la terre de Coudé en Hainaut: « Cette opinion, qui ne paraît pas encore entièrement prouvée par 31. de Vertus, soulève des objections de la part de quelques membres. L’assemblée trouve néanmoins la question digne d’être examinée et regrette que le temps lui manque pour la discuter convena¬ blement, surtout en l’absence de l’auteur, qui aurait pu jeter quelques lumières sur ce point d’bistoire. (') »

SECTION d’archéologie.

Président : 31. le marquis de La Grange, sénateur, mem¬ bre de l’Institut.

Séance du acril, Par la comparaison des monu¬ ments de la bijouterie méi’ovingienne avec les nombreux chapiteaux de l’Eglise de Chivy (Aisne), 31. Fleury, secré¬ taire-général de la Société académique de Laon , a essayé de rapporter à cette époque reculée les chapiteaux en ques¬ tion, qu’un jeune artiste de talent , 31. 3Iidoux , a récemment

P) Journal officiel du 4 avril.

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dégagés de répaisse coLiche de badigeon qui les recoin rail. Suivant M. Fleury, « Fart est un à chaque époque , et du style dos bijoux on peut conclure à celui de la sculpture. »

M. l’abbé Cochet , présent à la séance , remarque que, sur le nombre des chapiteaux de Cliivy , dont M. Fleury place le dessin sous les yeux de l’assistance, il peut y en avoir de postérieurs à la période mérovingienne. Le savant ecclésiasli(iue n’est pas, du reste, éloigné d’admettre l’en¬ semble des conclusions du mémoire, conclusions qui, si elles étaient délinitivement adoptées par les archéologues, rece¬ vraient de nombreuses et utiles applications.

Séance du 2 avril. 31. 3Iattox , archiviste de l’Aisne, délégué de la vSociété académique de Laon, donne lecture d’un travail intitulé : Les Enseignes de Saint-Firmin. C’é¬ tait un commerce lucratif au moyen-âge, que les enseignes de plomb, qui ont précédé les médailles de dévotion encore populaires aujourd’hui. 31. 3Iatton a trouvé, dans ses archives (ju’il connaît si bien , de curieux détails sur ces petits monu¬ ments qui méritent de fixer l’attention des archéologues.

31. Cousi.N , président de la Société Dunkerquoise , lit un travail intitulé ; Derniers éclaircissements sur remplace¬ ment de Quentovic. Les questions de géographie comparée sont au nombre de celles qui ne trouvent pas facilement de solution définitive. Sera-t-on jamais d’accord sur le véri¬ table emplacement de Quentovic? Si une profonde convic¬ tion et une argumentation seri*ée suffisaient pour ralliei' tous les esprits, il faudrait proclame)* que Quentovic était est aujourd’hui la ville d’Etaples.

31. J. Quicherat présente quelques objections sur l’inter- prétation donnée par 31. Cousin à certaines dénominations , notamment sur le terme villa [domaine rural) qui, suivant le savant professeur, ne signifia iu7/e , dans le sens mo¬ derne de ce mot, qu’à une époque plus récente que celle à

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laquelle le président de la Société dunkerquoise le prend dans ce dernier sens. D’ailleurs , 31. Quiclierat est loin de vouloir infirmer , au fond , l’opinion de 31. Cousin.

SECTIOV DES SCIENCES.

Président: 31. Le Verrier, sénateur, membre de l’instilul.

La deuxième Commission (Physique et Chimie) a élu pour son secrétaire 31. Corenwinder, membre de la Société des Sciences de Lille. Notre savant compatriote a , dans la séance du 1." avril, fait connaître le résultat de ses expé¬ riences sur la respiration des feuilles. S. E. 31. le ministre de rinstruclion publique, étant entré dans la salle et ayant pris place au fauteuil pendant cette lecture , a daigné témoigner à 31. Corenwinder l’intérêt que lui a causé sa communication.

SÉ.WCE SOLENNELLE DU 3 AVRIL.

Dans cette séance , que présidait S. E. 31. le 31inistre de l’Instruction publique , une médaille d’argent a été décer¬ née à 31. Viollette , professeur à la Faculté des Sciences de Lille , pour ses travaux de chimie.

Ont été proclamés officiers d’Académie :

31. Lefebvre, dit Faber, bibliothécaire- archiviste de Cambrai , correspondant du Comité.

31. Descbamps de Pas, jngénieur à Saint-Omer , membre de la Société des antiquaires de la 3Iorinie.

31. Vincent, secrétaire de la Commission historique du Nord. A. Desplanque.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.

Histoire naturelle. Le Loup. Depuis la publication , dans le dernier numéro du Bulletin, de notre article sur le Loup , nous avons lu dans le Journal de Vervins, le fait suivant qui mérite de trouver place ici :

3Iardi dernier , deux honorables chasseurs deVervins, locataires de la chasse du Val-Saint-Pierre, informés que

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plusieui's loups venaient de se rembnclier à la forêt , s’y transportèrent aussitôt afin de leur donner la chasse.

A peine les traqueurs avaient-ils commencé leur battue , qu’un loup magnifique débucha tranquillement et passa en travers , à vingt pas de M. Duflot, l’un des chasseurs, qui lui envoya une chevrotine en pleine poitrine. Le projectile traversa le cœur, très-probablement, et la bête tomba comme foudroyée.

Le Sanglier. Le Sanglier fut, comme le Loup, très- commun autrefois dans les forets humides qui couvraient notre sol ; mais il était loin d’inspirer le même sentiment d’effroi. Son naturel farouche, craintif et pas du tout car¬ nassier, ne le mettait guère en contact avec l’homme. On sait qu’il ne l’attaque que forcé dans ses derniers retranche¬ ments. Tout au plus doit-il à son caractère d’être regardé comme l’emblème de la brusquerie misanthropique.

En 1817 et 1818, les Sangliers étaient encore sédentaires et communs dans la forêt de Mormal : ils en ont disparu en 1821 , chassés ou détruits par l’équipage de chasse de M. le comte Descleps. Quelques-uns reparurent encore, mais sans s’y propager ; celui qui figure empaillé dans les galeries du Muséum de Lille provient de cette forêt et porte la date de 1823.

Ils sont encore communs dans la forêt des Ardennes et en sortent fréquemment pour dévaster les champs de pom¬ mes de terre, sur les lisières du bois. Les cultivateurs leur font une guerre acharnée, et sont souvent obligés d’allumer des feux la nuit pour les tenir éloignés.

Dans les bois du Nouvion , entre Rethel et Mézières , leur, présence causait aussi des dégâts importants. L’année der¬ nière, des chasses réitérées en ont détruit vingt-six; les sur¬ vivants sont partis, mais au Nord du département des Ar¬ dennes , vers la frontière belge : on en signale encore en ce

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moment une cinquantaine qui causent aux cultivateurs des pertes notables.

La rive gauche de la Sambre-Meuse paraît en être à peu près exempte, ils ne traversent guère ces rivières que dans les hivers rigoureux ; quelques individus s’égaient alors jusque dans la Campine et les plaines de la Hesbaye.

Malgré sa lourdeur plus apparente que réelle , le San¬ glier est loin d’étre sédentaire. Lorsqu’on trouble son repos, il quitte volontiers ses retraites et va chercher ailleurs des bois plus tranquilles. M. ^larcotte cite à ce sujet un fait (jue j’ai entendu conürmcr par de vieux chasseurs du Ponthieu. Les Sangliers étaient autrefois communs dans la forêt de Crécy, arrondissement d’Abbeville; fatigués par les chasses, par le percement des routes, par le nettoiement des fossés et des chemins d’exploitation , ils émigrèrent presque tous en 1833. On raconte même qu’ils pai tirent tous ensemble dans la même nuit, ce qui n’a pas été prouvé ; mais ce qui est certain c’est qu’une borde très-nombreuse quitta une nuit la forêt et descendit dans la vallée de la Somme pour gagner la forêt d’Eu ; ils furent surpris dans la baie par la marée montante et périrent presque tous.

Depuis , leurs appariions dans les bois de la Somme et du Pas-de-Calais ont été irrégulières, et leurs captures y sont citées comme des faits de chasse dignes de passer à la postérité. A. de Norguet.

CHRONIQUE.

i?létéorolog:ie. Mois de mars 1869. La température atmosphérique moyenne du mois de mars 1868 a été de 08 bien au-dessous de la moyenne générale de mars (o®4o4;et plus basse aussi que celle des mois de mars depuis 18 ans. La moyenne des minima a été de 64 , celle

J 19

des maxima 3“ o2 ; les températures extrêmes Î2 6 , le 4 , et 1:2° O , le 31. Le nombre des jours de gelée a été de 12 ; les vents dominants N. etN.E. forts.

La tension de la vapeur d’eau qui ordinairement est de 3 mill. 3o n’a été que de 4 mill. 72 ; l’humidité relative moyenne qui est de 77.71 °/o a été de 81.0 “/g. Ce mois a donc été beaucoup plus humide que les mois correspondants des années antérieures.

La quantité de pluie tombée en 22 jours a fourni une couche d’eau d’une épaisseur de 57 mill. 70 composée de; eau de pluie 25 mill. 32 , eau de neige 26 mill. 60, e‘au de grêle 5 mill. 70. La quantité moyenne de pluie qui tombe ordinairement en mars est de 45 mill. 85, il y eut dans ce mois 12 jours de neige et plusieurs fois la terre en fut cou¬ verte.

L’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut de 44 m. 74 inférieure à celle d’une année moyenne (46 mill. 32).

Si les couches d’air en contact avec le sol furent très- humides, les couches supérieures ne le furent pas moins ce que démontrent la quantité d’eau tombée, le nombre des jours de pluie, la nébulosité du ciel et la dépression de la colonne barométrique dont la hauteur moyenne à ne fut que de 753 mill. 877 oscillant entre les extrêmes 767 m. 50 et 738 mill. 75. La hauteur moyenne du baromètre en mars est de 758 mill. 566.

On observe dans ce mois 25 jours de brouillard, 10 de rosée, 3 de gelée blanche, 6 de grêle, 3 de givres , 1 de tempête. Meureix.

Histoire naturelle. Cygnes^ Porc-Epic. M. Del- planque, conservateur du musée de Douai, nous commu¬ nique les faits suivants :

Dans le courant de janvier on a abattu dans le marais de Roost-AYarendin , près de Douai, deux Cygnes, mâle et

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femelle , de l’espèce nommée Cygnus immutabilis qui dif¬ fère du Cygne ordinaire par la couleur du bec et des pattes.

Il y a quelques mois on a pris à Dury , Pas-de-Calais, un Porc-Epic. Inutile de dire que cet animal originaire de l’Afrique et du Midi de l’Europe doit s’être échappé de quelque ménagerie ambulante. J. G.

Découverte cVune défeiise cVéléphant.— On a découvert, il y a quelques jours , dans les graviers du diluvium des envi¬ rons de Saint-Omer une défense d’Eléphant qui a 1 m.45 c. de longueur; l’extrémité antérieure manque, mais tout fait espérer qu’on pourra l’extraire de la i*oche elle est encore encaissée. Le diluvium des environs de Saint-Omer a déjà fourni plusieurs débris d’Elépbant. M. Dupuis, de cette ville, en possède dans sa riche collection , trois molaires et deux défenses qui ne le cèdent pas pour la taille à celle qu’on vient de trouver. J G.

iiiisécs et Colleciioiis. Le Musée de dessin de Lille vient de s’enrichir de quatre pièces de première valeur, pro¬ venant de la collection d’un artiste lillois, le peintre Boilly.- Ce sont : 1 le portrait de Diane de Poitiers, d’après nature, par Clouet, dit Janet , peintre de Henri II. ^2." La pre¬ mière idée du fameux tableau de la Méduse , esquisse à la plume parGéricault. 3.* Un paysage à la plume et au lavis, de Claude Lorrain, que l’on peut considérer comme la pen¬ sée première de son tableau dit le Grand-Pont. 4.“ Une composition de rinceaux d'acanthe, avec figures et animaux, faite par Jean d’Udine pour Raphaël. J. G.

Rectification. M. Fuix nous communique quelques observations au sujet (le Tanalyse de son mémoire inséré dans le dernier numéro de notre Bulletin.

La comparaison de la ligne droite à un fil inextensible d’une ténuité extrême tendu par deux forces contraires n’est pas , comme on pour¬ rait peut-être le croire d’après notre analyse, une définition scienofique mais une image dont s’est servi l'auteur pour rendre sensible l’idée de l’élément linéaire. J. G.

Le Gérant ; E. Castiaux.

Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.

N.“ 5. Mai 1869.

TRAVAUX DES SOCIETES.

SOCIÉTÉ DUNKERQUOISE POUR l’eîSCOURAGEMEM DES SCIE^■CES , DES LETTRES ET DES ARTS Mémoires, t. xiii , 1868

La Société Dunkerqiioise pour rencouragement des Sciences, des Lettres et des Arts fut fondée en 18ol. Elle a donné la preuve de son activité en publiant en 1868 , après dix-sept années seulement d’existence , le 13. volume de ses mémoires. Elle comprend 30 membres titulaires rési¬ dants et 8 non-résidants, 43 membres honoraires, 140 cor¬ respondants, 13 associés libres.

Membres titulaires résidants :

MM. Cousin , ancien magistrat ; Président.

Epin.w, prof, de Rliét. au collège ; Vice-Président. Guthlin , prof, au Collège ; Secrétaire perpétuel. Bonvârlet-Uurin , consul de Danemarck; A rc/iiu. Alard, consul des Pays-Bas; Trésorier.

Delelis , maire de la ville ; Président honoraire.

Bernaert, ancien professeur, négociant.

Carlier négociant , memb. du Conseil. -Gén. Charlîer, professeur de Physique au Collège. Conseil^, ancien capitaine du port. de Clebsattel^, membre du Conseil-Général.

DE Læter^, doyen-curé de Saint-Eloi.

Delègue , professeur de Philosophie au Collège.

De Maindreville^/^, président du Tribunal civil. Desmit , professeur de Peinture.

Develle , architecte de la ville.

Everhaert , avocat.

Gambiez, professeur de Mathématiques au Collège. Hab\r , gérant du journal V Autorité.

Hovelt , notaire.

Mollet, 0.^, ancien maire de Dunkerque. Mordacq, inspecteur primaire.

Nys, propriétaire.

12-2

Plücq^, ingénieur en chef des ports du Nord.

Ribeiue, principal du Collège.

Robimet, receveur de la poste.

ÏERQUEM^, professeur d’Hydrographie.

ZA^’DYCK , docteur en médecine.

Membres litulaii-es non-résidants :

Rebgerot, maire d’Esquelbecq.

DA>iTü-l)A>iBRicoLRT^, fabricant de sucre à Steene.

Di ria’-Rayart , fabricant de sucre à Steene.

Herwyn , à Rergues.

Lebeaü , à Woi inhoiit.

Lernolt, docteur en médecine à Wormliondl.

Cutters, architecte à Rergues.

Le treizième volume des .Mémoires de la Société Dunker- (luoise s’ouvre par un discours prononcé par son président M. Terquem lors de la séance publique du 16 décembre 1867. L’oraleur fait appel à l’initiative individuelle et donne , comme exemple , sous ce rapport , son regretté collègue Victor Derode.

C’est encore ce nom , cher aux Sociétés de Dunkerque et de Lille , qui clôt le volume. M. Güthlin , secrétaire perpé¬ tuel de la Société , y trace , en termes judicieux et forte¬ ment sentis , la biographie du regretté défunt.

Les Sciences sont représentées dans ce volume par les (Observations météorologiques faites à Dunkerque pendant l'année 1865-66, par M. Zandyck, membre titulaire ; les Arts par des notices étendues sur VHistowe de l'Art et sur- la Philosophie de l’Art, par M. l’Hote , alors membre titu¬ laire et récemment devenu correspondant par suite de son départ de Dunkerque. Ces notices font partie d’une série de mémoires dont la publication n’est pas encore terminée : nous attendrons , pour en rendre compte, que l’auteur ait résumé , dans une vue d’ensemble , ses savantes considéra¬ tions. M. l’Hote n’est pas seulement artiste et littérateur , il est aussi poète; le présent volume lui doit deux pièces: la Fille de l’Hôtesse et le Dernier jour de Pompéi,

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Le Dernier jour de Pompéi est un sujet bien souvent traite. Comme ses devanciers , l’auteur fait intervenir un fleuve de feu qui lèche en sifflant les Portiques; il fond, il brûle, aujoute-t-il. Cependant, il n’y a, à Pompéi , aucune trace de fusion ou de calcination; si le feu ou la lave était intervenu dans la destruction de la ville romaine , on n’y retrouverait pas ces colonnes de marbre, ces statues, ces mosaïques et surtout ces admirables fresques qui font du Musée pompéien l’une des plus grandes curiosités de l’uni¬ vers. Pompéi a été ensevelie sous une pluie de cendres et de pierres-ponces qui a couvert le sol de la ville d’une couche de 1 mètre 30 à 3 mètres d’épaisseur. Les habitants ont eu le temps de fuir et d’emporter en grande partie leurs trésors. On pardonnera d’autant plus facilement à M. l’Hote d’avoir substitué le courant de lave à la pluie de cendres, qu’il n a fait qu’adopter l’opinion vulgaire et qu’un poète n’est pas tenu de savoir la géologie.

Un autre poète, M. Mordacq, membre titulaire de la Société , a enrichi le même volume de quelques vers adres¬ sés à Dunkerque ; il chante la ville , il chante son histoire et montre qu’il est vraiment :

<> Amoureux de Dunkerque et Dunkerquois de cœur! »

Un Episode judiciaire du xiv.® siècle , par M. Güthlin. M. Güihlin , qui est aussi poète, renonce pour un jour au langage des vers et fait une heureuse excursion sur le domaine de l’histoire locale. Il raconte, d’après des docu¬ ments publiés par M. Diegerick, les poursuites auxquelles donna lieu la perpétration d’un assassinat et d’un arsin , commis en 1326, dans la ville de Comines, par des bour¬ geois d’Ypres. Il entremêle, de piquantes réflexions, le récit de cet incident qui eut pour résultat de mettre en mouve¬ ment les puissantes communes de Flandre et le roi de France lui-même. Quant à l’acte sauvage qui fut la source

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de ce long démêlé judiciaire , il semble avoir été occasionné par la rivalité existant, de temps immémorial, entre les drapiers d’Ypres et de Comines.

Etude sur la dernière Conversion de Pascal , par M. De¬ lègue , membre titulaire. Tout le monde connaît le récit de l’accident qui amena la conversion de Pascal.

Pivs (lu Pont-(le-Xeiiilly , ses chevaux s’emportent , rentraîiient vers la Seine , se précipitent dans les Ilots ; au même instant les traits cassent et le carrosse du grand gcomètre reste sur le l)ord du préci¬ pice. Depuis lors Pascal voyait toujours, ouvert sous scs pas, un ahiine prêt à 1 engloutir. 11 résolut , sous Peinpire de cette terreur, de SC consacrer uniciuement au salut de son âme, eu s'enfermant dans le monastère de Port-lloval.

Voilà la tradition: M. Delègue la croit fausse. Ni Jacque¬ line Pascal qui fut la confidente et la directrice de son frère, ni M."'® Perrier, son autre sœur, n’ont parlé de l’accident de Neuilly. Celte anecdote du Pont-de-Neuilly se trouve , il est vrai , dans une note d’un manuscrit attribué à Marguerite Perrier qui écrivit aussi la vie de son oncle ; mais, dans le récit de la conversion de Pascal, elle ne fait pas mention de l’accident; elle affirme même tout le contraire. Du reste, M. Delègue donne des raisons de douter que la note ainsi que le manuscrit soient de la main de Marguerile Perrier ; il attribue ce manuscrit à un copiste qui pourrait bien être lui-même l’auteur de la note. Selon M. Delègue , Pascal avait , depuis quelque temps déjà , l’intention ’de se retirer du monde. Un sermon sur la Conception de la Sainte- Vierge et les exhortations de sa sœur finirent par l’y dé¬ cider.

De l’Industrie cotonnière^ par M. J. deRidder, docteur en médecine à Harlebeke (Belgique). Ce mémoire de 96 pages, bien écrit et bien pensé , est une réponse à la question suivante proposée par la Société de Dunkerque :

« Faire succinctement l’histoire de l’Industrie cotonnière dans le

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*N'ord de la France , depuis l'origine de cette industrie jusqu’à nos jours , sous le double rapport : l.° du travail du Coton, et 5.” de l'Hygiène. »

L’espace nous manque , à notre grand regret , pour ana¬ lyser ce remarquable travail ; mais il renferme tant de faits instructifs , tant d’appréciations intéressantes que nous en recommandons vivement la lecture à ceux qui s’occupent d’économie sociale et industrielle.

Nous allons cependant résumer, en quelques mots, le côté hygiénique de la question ; la compétence toute spéciale de l’auteur en cette matière lui donne un intérêt particulier.

Certains inconvénients de l’industrie cotonnière pour la santé des ouvriers lui sont spéciaux ; elle en présente en outre qui lui sont communs avec toutes les autres grandes industries.

Le coton arrive dans la fabrique fortement comprimé dans des balles et rempli de poussière et d’impureté ; on doit , avant de le travailler , commencer par l’étirer et le nettoyer. L’afelier se fait cette opération est toujours rempli de poussière et de duvet cotonneux qui s’introdui¬ sent , par la bouche et par le nez , dans les voies respiratoi¬ res; si la salle n’est pas bien ventilée, l’action irritante de la poussière produit des bronchites chroniques qui dégénèrent en phthisies pulmonaires, lorsque la constitution lympha¬ tique des ouvrières (car ce sont généralement des femmes qui sont chargées de l’épluchage) est favorable au déve¬ loppement de cette maladie. L’opération du débourrage des cardes qui ont peigné le coton brut , produit également une grande quantité de poussière.

Divers moyens ont été proposés pour mettre les ouvriers à l’abri de cette cause d’insalubrité. Celui que préfère M. de Ridder est l’emploi d’un masque de papier huilé couvrant toute la face et fixé, derrière la tête, au moyen de

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rubans : la partie du masque correspondant aux narines et à la bouche serait percée de 5 à 6 trous faits avec des épingles ordinaires. Il recommande aussi aux ouvriers de parler le moins possible et de boire de temps en temps quel¬ ques boissons adoucissantes , telles que de l’eau d’orge ou de l'eau de guimauve. Nous craignons bien qu’aucune de ces recommandations ne soit suivie , et l’auteur ne se fait pas illusion à ce sujet : car il constate que l’ouvrier est , sous le rapport de la santé , d’une insouciance sans égale.

Une température de 37 à 40 degrés règne dans les salles se fait l’encollage à la gélatine des fils destinés à former la chaîne de la toile; les ouvriers qui y travaillent sont constamment couverts d’une transpiration abondante : ils doivent donc se couvrir convenablement à leur sortie de la fabrique.

A ces exceptions prés, les ateliers bien construits , bien ventilés, n’offrent, par eux-mêmes, aucune condition d’insa¬ lubrité ; ils sont même bien plus salubres que les chambres basses et humides des tisserands de la campagne. Aussi on a remarqué que, dans le canton de Clary(arrondissement de Cambrai ), il n’existe pas de grandes fabriques, et le tissage domestique est très-répandu , le nombre des réfor¬ més a atteint , pour les années 1836, 37 et 38, le chiffre de loO individus, tandis qu’il n’était que de 116 dans le canton de Roubaix , 99 dans celui de Tourcoing et 94 dans celui du Cateau , existent les grands ateliers (').

Parmi les diverses branches d’industrie cotonnière, il en est une (jui se fait toujours à la maison : c’est celle de la dentelleà la main. Cette fabrication qui, en retenant la jeune ouvrière dans sa famille, près de sa mère , offre des avan-

(1) Ces observations sont extraites d'un mémoire rédigé par la Chambre de Commerce de Lille en 1840 et déjà publiées par M. Tlum- venin , médecin à Lille, eu 1846.

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tages moraux incontestables , présente , sous le rapport hygiénique , de graves inconvénients par suite du travail sédentaire qu’elle exige ; de plus, l’habitude que les ouvriè¬ res ont de chanter dans une position courbée, contribue beaucoup au développement de la phthisie.

M. de Ritter reconnaît, du reste, que les principales causes des maladies qui affligent l’ouvrier , proviennent de l’insalubrité de ses demeures , de la mauvaise nourriture, de l’inconduite et surtout de sa déplorable propension à l’ivrognerie. J. Gosselet.

SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE LAOX.

Bulletin, t. xvn.

La Société académique de Laon, fondée en 1850, donne tous les ans, depuis cette époque, un volume de mémoires.

Elle comprenait, au i.*'" janvier 1869, 11 membres hono¬ raires (les autorités départementales et quelques illustra¬ tions du pays) , 19 membres titulaires et 40 correspondants.

Liste des membres titulaires :

MM. CoMBiER, président du Tribunal; Président.

De ViLESTivAUD^, dir. des Domaines; Vice-Président.

Ed. Fleury, ancien journaliste ; Secrétaire-Général.

PiLLOY , agent-voyer ; Secj'étaire des séances.

Filliette ; Trésorier.

Batox, curé de Saint-Martin.

Bruyant , agent-voyer en chef du Département.

De Beauvillé ancien maire de Laon.

De Coquet , rédacteur du Jouîmal de V Aisne.

Vicomte De Courval, membre du Conseil-Général.

Delasalle , inspecteur des Domaines.

Delegorgue, substitut à Laon.

Déy , conservateur des Hypothèques.

D’Ersu fils , à Laon.

Gomart^, à Saint-Quentin.

Grand Motté , pi’ofesseur d’Histoire au collège.

Hidé , à Laon.

Matton , archiviste de la Préfecture.

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Midoux , peintre et dessinateur à Laon.

PiETTE, à Soissons.

Saixtive, homme de lettres à Laon.

TniLLOis, bibliothécaire de la ville.

VixcHON^, maire de la ville.

Tableaux des Filigranes des papiers employés dans le ^ord de la France au xv.® siècle^ par MM. A. Midoux et Matton. Ceci est la deuxième partie de l’œuvre cou¬ ronnée au concoui's des Sociétés savantes en 1868. La pre¬ mière partie traitait des Filigranes au xiv.® siècle. La troi¬ sième partie s’occupera des Filigranes au xvi.®.

L’étude des Filigranes ( figures tracées dans la pâte du papier ) , est , comme l’a fort bien dit le regrettable M. Vallet de Viriville, un moyen de contrôle pour scruter l’âge, le pays, l’origine et enfin l’authenticité d’une multi¬ tude de monuments graphiques.

Tout récemment, M. Ed. Meaume a trouvé dans les Fili¬ granes un moven infaillible de reconnaître et de classer les premiers tirages de Callot. L'examen des Filigranes a aussi fourni des données très-précieuses pour l’histoire des incu¬ nables xylograpbiques et typographiques. Enfin, il atteste la supériorité traditionnelle des produits de la papeterie française, « puisque les noms des papiers qui, depuis le XIV. * siècle, servent encore aujourd’hui à indiquer leurs formats et leurs qualités, sont les marques ou les enseignes des premiers fabricants français, devenues cosmopolites et adoptées par tous les fabricants étrangers ; telles que Pot, Ecu y Couronne, Coquille, Aigle, Grand-Aigle, Raisin, Grand -Raisin , Jésus, Grand-Monde [^) , etc. »

Le Recueil soumis au jugement du Comité des travaux historiques (section d’archéologie), par MM. Midoux et Matton , se compose de plus de 2,500 types ou variétés de

(^) Revue des Sodèlès Savantes, i.' série, t. vu, p. 34”/.

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Filigranes, provenant tous de la région du Nord ; le xiv.* et le XV.* siècle en ont fourni environ 600; le reste, qui s’élève à près de 2,000, appartient au xvi.® siècle.

La date et la provenance de tous ces types et de toutes ces variétés, relevées avec soin sur le papier qui les porte, ont été inscrites sur le dessin qui les reproduit. « On est vraiment étonné, dit M. le marquis de La Grange, rappor¬ teur du Concours , de la patience et du travail qu’il a fallu pour arriver à ce résultat. » Antérieurement, M. Déy, se¬ crétaire-général de la Société académique de Laon , avait appelé le travail de MM. Matton et Midoux « une œuvre sans précédent et d’initiative at3solue. »

Note sur la découverte d’objets Gallo-Romains à Cha- landry, par M. Matton. Sur le territoire de Ghalandry , village du département de l’Aisne, s’élève la montagne isolée de Saint-Aubin ; on y a trouvé des monnaies et des poteries attestant qu’au ni.* siècle de notre ère c était encore un endroit habité, et peut-être fortifié. A lo mètres au- dessous d’une fontaine , on a découvert récemment les débris d’un petit autel en grès non maçonné, des cuillères à parfum argentées, des patères en bronze , des vases de terre cuite , une garniture de seau en fer, des hacbeltes et couteaux de sacrificateurs , près de 200 pièces de monnaies , du blé brûlé, des ossements de moutons offerts en sacrifice, etc. La pièce la plus précieuse de cette trouvaille est une petite statuette en bronze représentant une femme ac¬ croupie : elle porte des yeux en argent sur lesquels étaient fixées des perles ou des pierres précieuses que l’on n’a pu retrouver. L’autel était probablement consacré à Latone. Les mères gallo-romaines venaient baigner dans la fontaine leurs enfants nouveaux-nés et offrir un sacrilice à la déesse des accouchements. De nos jours encore, de nombreux pèle¬ rins accourent à l’eau merveilleuse, surtout dans la pre-

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uiière iieuvaine de mars. On plonge Tentant dans la fon¬ taine, et Ton y jette, en même temps, des petites branches : si celles-ci surnagent, l’enfant vivra; si elles vont au fond, c’est signe que le pauvre petit être est voué à la mort.

Rapport sur les fouilles du Cimetière mérovingien à la Ferme d'Aumont (Coucy-la-Ville) , par M. Marchand, ins¬ tituteur à Septvaux. Plusieurs cercueils en pierre ont été découverts dans un champ, près la ferme d’Aumont: ils contenaient des fragments d’os ou même des squelettes en¬ tiers, quelques vases , des couteaux et boucles en fer rouil- lés. Dans un de ces cercueils, on a trouvé le squelette d’un guerrier avec son épée et son poignard ; dans un autre , une jolie fibule en cuivre argenté, ornée de cinq petites verroteries. C’est le seul ornement qiTon ait rencontré; du reste beaucoup de ces sépultures paraissent avoir été violées. Le rapport de M. Marchand est accompagné d’une planche qui représente des couteaux et des boucles de cein¬ turons; nous regrettons de n’y pas voir figurer les vases dont quelques-uns portaient des dessins assez riches. Nous ne saurions trop recommander l’étude des poteries aux personnes qui se livrent aux fouilles archéologiques. Chaque époque a sa céramique qui suffit souvent pour déterminer 1 âge des objets qu’on découvre.

Le Protestantisme à Remigny de 1698 à 1699, par M. Matton. Histoire d un pauvre berger, Nicolas Frenoy, qui voulut se mêler d’en remontrer à son curé et qui , à ce propos, faillit se faire un mauvais parti avec la justice du roi.

Quelques détails sur les Fêtes célébrées à Laon en 1741 , en 1761 et 1762, en l'honneur de Monseigneur de Roche- chouart, évêque-duc de Laon, par M. l’abbé Bâton. Nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs à ces curieux procès-verbaux.

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Notice sur les Institutions de charité qui précédèrent à Laon la fondation de V Hôpital-Général (1642-1663), par M. Fillielte. Chapitre à ajouter à la navrante histoire de la Misère au temps de Saint-Vincent-de-Paul. Tous les maux qu’entraînent la guerre civile, l’invasion étrangère et une désastreuse épidémie, avaient successivement sévi depuis près d’un siècle dans le Laonnais. Laon était devenu le refuge des malheureux ruinés par ces divers fléaux, lorsqu'en 1642, il s’y forma, pour le soulagement de tant d’infortunes, une Association de N.-D. « sous le titre et invocation de reine de Paix. » Autorisée par l’évêché et comblée de faveurs spirituelles, cette Association en¬ trait quiconque voulait s’y faire inscrire , était administrée par dix-huit de ses membres. Ses ressources consistaient uniquement dans les aumônes et les charités. C’est par des moyens aussi précaires , mais qui laissaient une large place à l’initiative individuelle , qu’on pourvoyait alors au défaut ou à l’insuffisance de l’assistance publique.

Le Siège de Soissons en 1617 , par M. Gomart. M. Go- mart a entouré de tous les éclaircissements désirables l’histoire de ce siège entrepris par ordre de Marie de Médicis, et subitement interrompu par l’assassinat du ma¬ réchal d’Ancre. 11 s’est ainsi proposé de faire mieux com¬ prendre le but que poursuivaient les chefs de la troisième ligue et l’importance qu’avait pour eux la possession de Soissons.

Indépendamment des travaux de rédaction dont nous venons de présenter une trop sommaire analyse , la Société académique de Laon a inséré, dans le présent volume de ses mémoires , sous le litre de Documents inédits : 1.® les Chartes d’affranchissement de Selens, Saint -Aubin et Juvigny , publiées avec notes par M. Marville ; 2.® le rapport aux représentants Lejeune et Leroux , sur les moyens de

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délense employés contre Tennemi dans le département de l’Aisne , et sur la formation du camp , près de la ville de Réiinion-sur-Oise (Guise), le 5 octobre 1793 , communica¬ tion dûe à mon infatigable et excellent collègue M. Matton.

A. Desplanque.

CONFÉRENCES ET COURS PUBLICS

ConférOTices de Douai; d) Février-l^Iars {suite et fm).

I. Conférence sur l’enfant, par M. Joly, professeur au Lycée. M. Joly a parlé du développement de l'instinct et de Vintelligence dans Venfaîit avec l’esprit d’analyse qu’on est en droit d’attendre d’un professeur de philosophie. Etu¬ diant le mouvement naturel qui porte l’enfant à chercher la nourilture au sein de sa mère , il a montré combien grande est la distance qui , dès cette première phase de son existence, sépare l’homme de l’animal. Dès lors se mani¬ festent en lui des symptômes d’une sensibilité tout inté¬ rieure l’on peut déjà étudier les indices du caractère. Le sourire révèle d’abord un esprit d’imitation intelligente. Bientôt apparaît le langage , le langage que l’enfant se fait en partie à lui-méme par des sons et par des signes et que comprennent tous ses semblables. L’instinct ne se montre si imparfait chez l’enfant que parce que cette faculté ne doit pas être , pour lui comme pour l’animal, l’unique règle de la vie.

II. Conférence sur l’astronomie, par M. Rousselin, professeur de Mathématiques au Lycée. Avec la baguette enchanteresse d’un Fontenelle, M. Rousselin a transporté son élégant auditoire dans les régions sidérales.

Après avoir déterminé la distance de la terre au soleil , il a expliqué la nature des étoiles et des nébuleuses. Il a aussi parlé des planètes et en particulier de Vénus , dont le pro-

(b Résumées d’après V Indépendant et le Courrier de Douai.

loo

Chain passage sur le disque du soleil préoccupe déjà les astronomes. Cette observation extrêmement importante, qui ne peut avoir lieu que deux fois par siècle, à huit ans de distance, a été faite en 1T61 et 1769. On prépare déjà les expéditions qui doivent aller la renouveler sur les diffé¬ rents points du globe, en 1874 et en 1882.

III. Conférence sur l’utilité de l’eau, parle docteur Maugin. Le docteur Maugin a traité de l’utilité de l’eau pour les êtres organisés et pour l’homme en particulier. Nous devons à beau les 2/3 de notre poids. Certains ani¬ maux et certains végétaux en renferment une bien plus grande quantité.

« L’eau est la boisson par excellence; les 8/10 de l’es- » pèce humaine s’en contentent. Dans les conditions régu- » lières d’organisation, de régime, d’habitation, d’activité » physique et morale, il n’est point de breuvage qui con- » vienne mieux à l’homme ; elle ne stimule et ne ralentit » aucune fonction, elle facilite l’accomplissement de toutes ; » sous son influence, les révolutions d’àge s’opèrent en » leur temps opportun sans secousse ni maladie. Les bu- » veurs d’eau (qui ne sont pas plus méchants que d’autres - quoiqu’en dise le proverbe) , ont meilleur appétit , ils > conservent mieux le goût , l’odorat , la vue et surtout la » mémoire; ils vivent plus longtemps, et, ce qui est pré- * férable, ils souffrent moins d’infii-mités dans leur vieil- 0 lesse. »

La bonne eau potable doit être limpide et claire , sa saveur franche, son odeur nulle ; elle doit être fraîche et non glacée en été, tiède et non chaude en hiver; de 10 à 18.° toute l’année; pour être d’une digestion facile, elle doit être aérée. L’aii* qu’elle renferme est plus riche en oxygène et en acide carbonique que l’air atmosphérique. Elle con¬ tient en outre en dissolution quelques ’sels, du chlorure

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de sodium , des carbonates et des sulfates de chaux et de magnésie. Le savant docteur a montré à ses auditeurs com¬ ment, à l’aide de l’hydrotimèlre , on peut reconnaître la quantité de calcaire tenue dans l’eau. Avec cet instrument 011 constate la quantité de savon que l’eau peut dissoudre ; plus cette quantité est faible, plus l'eau est chargée de calcaire, plus alors elle est lourde , impropre à la cuisson, au blanchissage et h une foule d’autres usages domestiques et industriels.

IV. CONFÉIIE.NCE SUR ARISTOPHANE, pU)' M. MoiJ , profeS-

seur de Rhétorique au Lycée. Reportant ses auditeurs à 2200 ans en arrière, M. 3Iov les a fait assister h une fête des Dionysiaques , célébrée dans Athènes au théâtre de Racchus. Trente mille spectateurs environ occupent l’hémi¬ cycle de pierre devant lequel, sur la thymèle, fument encore les entrailles du bouc sacrifié au dieu; des libations de vin nouveau ont été faites en son honneur , et la foule en délire s’apprête à écouter et applaudir une audacieuse satire en action que va faire jouer Aristophane.

« Sous la verve railleuse et folle d’Aristophane se cache un fond sérieux et même une sorte de tristesse. Sous le mas¬ que du bouffon, se trouve le visage du philosophe moraliste qui va livrer au ridicule le pédantisme des savants , l’igno¬ rance et l’avidité des devins et des sacrificateurs, les préten¬ tions des poètes, la cupidité des magistrats et les turpitudes des délateurs. Les dieux mêmes ne seront pas épargnés. »

La poésie du grand comique n’en est pas moins , quand il le veut , quand il le faut , gracieuse et chaste. * Saint Chrvsostôme avait continuellement les œuvres d’Aristo-

V

phane sous son chevet , et Platon , qui lui a donné une si belle phrce dans le Banquet , fit à sa mort un distique dont voici la traduction : Les Grâces, cherchant un sanctuaire indestructible, trouvèrent l’âme d'Aristophane. »

155

En terminant sa leçon , M. Moy a signalé la Parabase comme un des traits caractéristiques de la comédie ancienne. « C’était une sorte d’intermède rempli par le chœur et qui permettait au poète , en s’adressant directement au public, de monter comme à une tribune pour faire des propositions sérieuses ou badines dans l’intérêt général. »

La liberté athénienne vaincue à Ægos Potamos , entraîna dans sa ruine la comédie ancienne.

V. Conférence SUR JEANiNE-LA-FOLLE , parM. Hillebrand , professeur de Littérature étrangère ci la Faculté des Lettres.

Le point d’histoire traité , dans cette conférence , par le

savant professeur, a eu dans ces derniers temps un reten¬ tissement tel que nous croyons devoir le réserver pour un examen spécial nous rapprocherons les conclusions de M. Hillebrand de celles que vient de formuler M. Ga- chard (') J. G. et A. D.

Cours d'Histoire naturelle de la Faculté des Sciences de Lille,

par M. C. Dareste.

CLASSIFICATION ET THÉORIE DE LA PRÉEXISTENCE DES GERMES.

Le professeur traite , cette année , les différentes ques¬ tions qui se rattachent à la Classification des animaux et des plantes , réunissant ainsi dans une idée commune l’étude de la physiologie animale et celle de la physiologie végétale : deux sciences qui tendent toujours de plus en plus à se fon¬ dre et à n’en plus former qu’une: la physiologie générale.

La classification est un procédé logique, général , dont l’homme s’est toujours servi instinctivement chaque fois

qu’il s’est trouvé en présence d’un certain nombre d’objets ;

«

mais , bien qu’étant d’un usage très-général , c’est princi¬ palement en Histoire naturelle que la classification est em¬ ployée, parce que , de toutes les branches de nos connais-

h) N.'* 3 du Bulletin de PAcadémie royale de Belgique pour 1869.

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sances , c’est celle dont l’étude embrasse les objets les plus variés et les plus nombreux.

C’est instinctivement, et bien longtemps avant l’appari¬ tion de toute espèce de notion scientifique , que l’homme a réuni, en un même groupe, et désigné, sous une appellation commune, tous les individus qui avaient entre eux une res¬ semblance évidente ; le groupe résultant de cette première classification c’est Vespèce. Ce que l’intelligence buraaine a fait pour les espèces, elle l’a fait encore pour des ordres plus élevés. Dans tous les pays , dans toutes les langues , nous trouvons des mots pour désigner certaines catégories d’êtres qui offrent tous quelques caractères communs ; c’est ce que nous voyons pour les papillons , les scarabées , les oiseaux , les quadrupèdes. Cette distribution des êtres par catégories de plus en plus élevées est ce qu’on appelle classifwalion .

Quand on cherche à s’expliquer la manière dont on a pro¬ cédé pour établir ces catégories, on voit qu’on a opéré de deux manières différentes qui toutes deux sont instinctives. Dans certains cas , comme pour les papillons , les scarabées, ' les oiseaux, on n’a fait que prendre des groupes qui exis¬ taient pour ainsi dire tout formés dans la nature: ainsi, pour les oiseaux, par exemple, le fait qui a frappé tout d’abord, c’est l’existence des plumes et des ailes, et, comme ce fait se trouve nécessairement lié avec tous les autres détails de l’organisation, on a eu un groupe très-homogène. Pour les quadrupèdes, au contraire, on a été frappé d’un fait, l’existence de quatre membres, qui existaient chez tous ces 'animaux , mais ce fait n’était pas nécessairement lié avec d’autres détails de l’organisation, de sorte que l’on a eu, ainsi réunis dans un même groupe, des êtres aussi diffé- )ents que le chien , le cheval, le lézard, la grenouille. De cette distinction des classifications , en classifications

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naturelles et en classifications artificielles , qui toutes deux nous présentent des avantages et des inconvénients. Avec la classification artificielle , nous arrivons très-facilement à trouver le nom d’une espèce , parce que nous n’avons à tenir compte que d’un ou deux caractères , mais aussi nous n’apprenons rien de plus que le nom de l’espèce. La classi¬ fication naturelle nous présente plus de difficultés au point de vue de la détermination , parce qu’ici nous devons tenir compte de tout l’ensemble de l’organisation, mais cet in¬ convénient est amplement compensé par l’avantage immense que nous offre la classification naturelle, puisqu’il nous suffit de savoir à quelle famille appartient tel être pour connaître immédiatement l’ensemble de sou organisation et ses pro¬ priétés. Aussi la classification naturelle est-elle venue rem¬ placer partout les classifications artificielles que les natura¬ listes n’ont jamais établies que comme moyens provisoires ; et Cuvier, en 1816, quand il publia son « Règne animal , » disait que la classification naturelle était l’idéal, le but que les naturalistes devaient chercher à atteindr^e. A cette époque, en effet, il restait encore un grand nombre de lacunes ; au¬ jourd’hui on peut dire que cet idéal est à peu près complè¬ tement atteint. Mais si l’œuvre est achevée dans son en¬ semble , elle ne l’est pas dans ses détails ; et , si nous avons un tableau aussi exact que possible des affinités des êtres, derrière ce tableau se soulève une question nouvelle qui pourrait bien changer toutes les conditions de la classifica¬ tion. En effet, la classification actuelle est fondée sur la notion de l’espèce qui a été considérée pendant longtemps comme résolue , notion instinctive qui consiste à considérer Vespèce comme un ensemble d'individus qui se ressemblent dans l'ensemble de leur organisation , ne présentent que de très-légères différences , et qui doivent leur origine à d'au¬ tres individus semblables à eux. Or, cette notion admet que

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l’espèce ne peut pas varier, qu’elle est fixe ; elle est la défi¬ nition même de la fixité absolue des espèces. Aujourd’hui on a été conduit, par les découvertes paléontologiques, à se demander si c’était bien l’expression de la vérité , si , les conditions extérieures changeant, l’espèce ne pourrait pas varier, si les espèces actuelles ne proviendraient pas d’es¬ pèces appartenant aux âges géologiques précédents. Il est bien évident que , si cette manière de voir était exacte, il faudiait changer toutes les conditions de la classification , et le mot affinité n’aurait plus seulement un sens métapho¬ rique, puisqu’il exprimerait une parenté réelle entre des espèces différentes. La question de la fixité, ou de la varia¬ bilité de l'espèce , est donc aujourd’hui le problème capital , ou, pour mieux dire, le seul problème de l’Histoire natu¬ relle. Malheureusement, celte question est encore toute récente, elle ne date que de quelques années, et on ne peut encore que la poser, en laissant à l’avenir le soin de la résoudre.

Avant de passer à l’examen de la notion instinctive de l’espèce , et de dire ce que l’on doit entendre dans l’état actuel de la science par ce mot espèce, le professeur croit devoir tout d’abord réfuter une vieille doctrine qui enve¬ loppait d’une sorte d’impossibilité l’idée de la variabilité : c’est la doctrine de la préexistence des germes, doctrine qui a régné presque jusque dans ces dernières années , puisque Cuvier l’admettait encore complètement.

Gomment cette idée delà préexistence s’est-elle introduite dans la science ? en quoi consiste-t-elle ? quelles sont les considérations qui ne permettent plus de l’admettre aujour¬ d’hui?

Une des questions les plus difficiles à expliquer, c’est sans contredit la question de l’origine des êtres. Vers le commencement du xvii.f siècle, les physiologistes considé-

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rèrent cette question comme insoluble : ils la tirent sortir du domaine scientifique, et admirent que c’était le résultat d’un miracle, un fait surnaturel, et que tous les germes avaient été créés au début. 11 est curieux de voir com¬ ment cette doctrine est entrée dans la science comme fait d’observation. Harvey venait de poser son célèbre apho¬ risme : omne vicum ex ovo; le microscope venait de naître, et démontrait déjà que l’on peut retrouver, dans les ani¬ maux , des germes bien avant qu’ils soient visibles à l’œil nu ; on vit également que , dans bien des circonstan¬ ces , on eut retrouvé , dans le règne végétal , la jeune plante en miniature avant que l’œil nu puisse la distinguer; on fut donc conduit à admettre que tous les êtres vivants provenaient de germes, et que ces germes n’étaient autres que ces êtres eux-mêmes en raccourci. Cette idée fut géné¬ ralisée outre mesure, et on admit que ces germes, contenant toutes les parties du jeune être , contenaient aussi un certain nombre d’œufs , de telle sorte qu’en remontant les géné¬ rations, on arriva à penser que le premier individu de chaque espèce contenait toutes les générations. Telle est la doctrine de la préexistence des germes qui entrava si long¬ temps les progrès de la science.

Les faits qui sont en contradiction avec cette doctrine sont de trois natures; ce sont les trois phénomènes si re¬ marquables de la régénération des parties coupées , des anomalies , et de l’hybridité. L’Hydre, si célèbre depuis les travaux de Trembley , peut être coupée en un très-grand nombre de tronçons , et chacun de ces tronçons se complète et produit une hydre nouvelle. Les Astéries, les Crusta¬ cés , les Insectes, les Colimaçons, les Annélides, les Sala¬ mandres nous présentent aussi des phénomènes de régéné¬ ration très-remarquables. Les Vertébrés à sang chaud, el l’homme lui-même nous présentent également des faits ana-

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logues. On sait aussi qu’une même partie peut se régéné¬ rer plusieurs fois de suite ; ainsi on a amputé jusqu’à 7 ou 8 fois le même membre à une salamandre, et chaque fois le membre s’est reconstitué complètement.

Eh bien , comment expliquer ces faits dans la doctrine de la préexistence des germes , puisque, d’après cette doctrine, il ne peut pas y avoir formation de parties nouvelles ? Il faudrait donc admettre que il y a une partie coupée , se trouvait justement un germe de cette même partie, germe qui se développerait immédiatement après l’amputation, et, si cette amputation se répète 7 ou 8 fois, il aurait préexister autant de germes semblables. Ces phénomènes de régénération sont donc en contradiction avec la doc¬ trine de la préexistence , ou au moins ils la compliquent singulièrement.

Les Monstruosités ne sont pas moins difficiles à expliquer. Il n’y avait qu’un moyen de les faire concorder avec la doc¬ trine de la préexistence : c’était d’admettre quïl y avait eu des germes primitivement monstrueux. On ne comprend guère comment le Créateur aurait fait des êtres monstrueux ; d’ailleurs, on sait très-bien aujourd’hui que les monstres doubles tiennent à la soudure de deux embrvons , et les tra- vaux de Geoffroy Saint-Hilaire et de M. Dareste ont fait con¬ naître l’origine d’un grand nombre de monstres simples; 31. Dareste est même arrivé à faire, à coup sûr, quelques-uns de ces êtres monstrueux.

Un troisième fait qui vient donner le dernier coup à la doctrine de la préexistence , c’est l’hybridité. Deux espèces voisines se réunissent, et donnent naissance à un mulet qui est mixte entre ses deux parents. Comment expliquer ce fait ? Comment croire qu’il y ait eu des germes de mulets? Ici la préexistence est complètement en défaut.

Du reste, l’observation directe montre que la doctrine de

141 .

la préexistence des germes n’est pas l’expression de la vérité. En effet, si cette doctrine était vraie , le germe con¬ tenant déjà tons les organes de l’âge adulte, on verrait ces organes grandir peu à peu ; or, les études embryogéniques montrent que les choses se passent d’une façon toute diffé¬ rente, puisque ce n’est que successivement que l’on voit apparaître les différents organes et les différents tissus.

P. Hallez.

BIBLIOGRAPEIIE.

PRÉCIS DE l’histoire DE LAXNOY , par M. Tlî. Leuridan , arcliiviste-bibliothécaire de la ville de Roubaix (*'

L’histoire des princes de la maison de Lannoy est mieux connue et plus intéressante que celle de la ville qui leur a servi de berceau et dont 31. Leuridan nous retrace aujour¬ d’hui les humbles annales. Il y a néanmoins plaisir à voir se développer, sous l’égide de ses seigneurs, et grandir avec eux, une localité qui, grâce aux franchises qu’ils lui oc¬ troyèrent, acquit de bonne heure un certain développement commercial et industriel. De cette localité, 31. Leuridan nous décrit la topographie, les mœurs, les institutions et les vicissitudes , avec la précision de détails et la sobriété de style à laquelle nous a habitués son Histoire de Roubaix.

Sans s’attacher à suivre dans leurs fécondes ramifications toutes les branches de l’arbre généalogique des de Lannoy, 31. Leuridan nous donne l’historique de ceux des membres de cette illustre famille, qui ont possédé effectivement Lannoy. Il remonte à leur origine quasi-légendaire, nous montre Jean II de Lannoy périssant à Azincourt, Jean III, aidant à la soumission des Gantois , prenant part au repas du faisan et prêtant , en cette circonstance mémorable , le

(h Lille , Danel , 18G8 , in-8^ de 187 pages.

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serment de suivre Philippe le Bon à la croisade , s’immis¬ çant ensuite dans les intrigues des Croy, encourant pour ce fait l’inimitié de Charles le Téméraire , cherchant un refuge auprès de Louis XI , el obtenant de l’astucieux monarque la confirmation des privilèges et franchises de sa bonne ville de Lannoy qu’il a eu le soin préalable d’environner de solides murailles. Ces murailles ne furent point toutefois à l’épreuve d’un siège que vint diriger, au nom du duc de Bourgogne, Pierre, seigneur de Roubaix. De ce siège, date une sourde inimitié , qui persista longtemps entre les habi¬ tants des deux villes voisines.

Réconcilié de gré ou de force avec Charles le Téméraire, Jean III devint par la suite l’un des agents diplomatiques de Maximilien d’Autriche. Il conclutune trêve avec Louis XI, accorda un acte de neutralité aux habitants de Tournai, négocia le traité d’Arras, revêtit Philippe le Beau et son père du collier de la Toison d’Or et présida le chapitre de cet ordre en 1491.

Philippe de Lannoy fut, après son beau-père Jean III , le plus ardent bienfaiteur de la ville dont il lirait son nom. Il en agrandit le territoire , y institua la corporation des hautelisseurs et tripiers, et y fit bâtir une église à laquelle il laissa des marques de sa libéralité, ainsi qu’à la chapelle castrale.

Par suite de son décès , la seigneurie de Lannoy échut à un membre de la famille d’Egmont, d’où elle passa suc¬ cessivement dans les maisons d’Orange -Nassau, de De Mérode et de Gand-à-Vilain.

L’histoire de la seigneurie ne fait point négliger à M. Leu- ridan l’histoire de la ville. En Iol3, Henri VIII d’Angle¬ terre et l’empereur Maximilien ‘eurent une entrevue à Lannoy. Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, y séjourna en 1540. comme ailleurs, les commotions

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religieuses du xvi® siècle produisirent de 1 ébranlement. Il y eut aux portes de Lannoy , le 30 novembre 1566 , un en¬ gagement assez vif entre le seigneur de Noircarmes , com¬ mandant un détachement de l’armée royale , et plus de 3,000 gueux qu’avaient soulevés les prédications du ferron¬ nier Cornille.

Vers le même temps , florissait à Leyde un savant impri¬ meur, François Raulenghien, plus connu sous le nom de Rapheleng, auquel la ville de Lannoy se glorifie d’avoir donné naissance et dont M. Leuridan nous place le portrait sous les yeux.

Longtemps disputé entre la France et l’Espagne, Lannoy lit partie des conquêtes définitives de Louis XIV. Les puis¬ sances alliées ne reprirent que momentanément possession de cette place en 1708 , en 1744 et en 1792.

L’étude des institutions tient une grande place dans le livre de M. Leuridan et marche de pair avec les annales. Droits seigneuriaux; échevinage, municipalité, scel et armoiries de la ville : impôts , revenus et charges ; table des pauvres , bureau de bienfaisance ; industrie locale ; compagnies du serment, archers, arbalétriers et canon¬ niers ; établissements religieux et hospitaliers, l’historien de Lannoy passe tout en revue et remonte avec une féconde érudition à l’origine de tout. Son ouvrage est mieux qu’un simple Précis, comme il l’intitule modestement, et il peut servir de modèle à quiconque veut écrire la monographie d’une commune rurale ou urbaine. A. Desplanqüe.

XOTICE HISTORIQUE SUR DUNKERQUE.

Par M. E. Lebleu , ancien commandant du Génie. (9

Après les remarquables travaux de Faulconnier et de feu Victor Derode , il restait quelque chose à faire pour

(9 In-8.° de viii- 118 pages avec plans; Lille, Lefort, 1869. En vente chez Gastiau.v , libraire. Prix : 3 fr.

_ 144 ^

riiistoire de Dunkerque. Extraire de ces volumineux ou¬ vrages ce qu’ils conlienneni de faits saillants , grouper dans un ordre méthodique les événements les plus dignes de mémoire dont la patrie de Jacobsen et de Jean-Bart a été le théâtre , répandre sur ce récit les grâces d’un style simple , le reflet d’un vif sentiment patriotique , composer ainsi une Histoire de Dunkerque les érudits resaisissent le fil de leurs souvenirs , les hommes du monde trouvent à s’instruire et qui soit , en même temps , le livre des écoles , le livre du peuple , c’était , convenons-en , une lâche propre à attirer un esprit distingué , amoureux du progrès moral et intellectuel des populations qui l’en¬ tourent.

Si , en outre , railleur de celle entreprise se trouve être , par la spécialité de ses études antérieures , par la direction d’une carrière honorablement remplie , mieux préparé que personne à esquisser l’histoire d’une place forte , d’une ville maritime , on se félicitera doublement qu’il se soit chargé d’écrire le manuel en question. Manuel est vraiment le mot , car nous ne douions pas que, d’ici à quelques mois, le livre dont nous saluons aujourd’hui l’apparition n’ait sa place dans toutes les bibliothèques scolaires , communales et paroissiales du pays de Flandre. Les quatorze plans qui l’accompagnent et qui représentent la ville et le port de Dunkerque , depuis les temps les plus reculés jusqu’après l’achèvement des grands travaux actueh lement en cours d’exécution, ajoutent encore , s’il se peut, à la lucidité de l’exposition , à l’intérêt du sujet.

Voici, j’ose le dire , le premier ouvrage d’histoire locale vraiment accommodé au goût de toutes les classes, mis à la portée de tous les âges. L’érudition n’y est certes pas sacrifiée et les matières techniques y sont traitées avec* un degré de compétence éminemment enviable. Malgré

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cela , le livre se lit d’un seul trait , les citations n’y inter¬ viennent que pour donner plus de piquant au récit et rhomme spécial ne se révèle à de certaines pages , qu’afin de satisfaire , sans Tépuiser , la curiosité du lecteur.

A. I).

ESSAI SUR L ATELIER MO^ETAIRE DE VALEACIEAAËS ET SUR LF, MONOGRAMME DE LA MONNAIE DES COMTES DE HAINAUT.

l’ar L. Cellier (•).

Depuis la publication des Recherches sur les Monnaies des comtes de Hainaut, par M. R. Cbalon , et des supplé¬ ments parus à la suite , il reste peu à glaner dans le cbaïun de la numismatique de cette province.

Il appartenait à un enfant de Valenciennes de venir ajouter sa gerbe à la moisson du maître. Partant de ce point que l’atelier de Valenciennes émettait des monnaies valenciennoises ainsi que le disent les titres et les espèces monnayées, M. Cellier n’a pu admettre que le monogramme inscrit sur les monnaies sorties de l’atelier de Valenciennes fût un H , c’est-à-dire l’initiale du nom de la province. Les étalons de mesures anciennes conservés au musée de la ville, témoignent d’ailleurs contre cette interprétation. Les chroniqueurs ont fourni leur conlingent de preuves et M. Cellier démontre aujourd’hui que le prétendu mono¬ gramme , accepté par les uns , rejeté par les autres , est en définitive une étaple ou échelle , et que c’est réellement une marque distinctive de la ville.

A la suite de cette démonstration qui tranche la question en litige , M. Cellier cite quelques actes sur l’administration des monnayeurs et fhôtel de la Monnaie. On y trouve , à diverses reprises, l’expression de monnaie valenciennoise ,

(b In-S.” de 32 pag'cs avec planclie ; Valenciennes , Prignet , 1869. Extrait des publications de la Société des Sciences de Valenciennes).

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une des cinq mères monnaies (’) et des éclaircissements sur les vicissitudes de Tliôtel au XV.*"® siècle. La brochure se termine par des pièces justificatives, notamment la charte des monnayeurs , rectifiée d’après un manuscrit de la fin du XIII.'"® siècle , et une série de noms de monnayeurs , empruntée aux notes publiées par le baron de la Fons de .Mélicocq. E.VanHexde.

ESSAI SLH LA M'.MISMATIQUE DE l’aBBAYE DE SAIMT-VAAST.

Par L. Dancoisne (2)

Pour compléter leur histoire de l’abbaye de Saint-Vaast, 31M. de Cardevacque et Terninck ont prié M. Dancoisne d’y ajouter l’album descriptif des monnaies et méreaux de relte antique abbaye.

M. Dancoisne a gracieusement déféré au vœu de ses amis, et tiré de ses riches cartons des documents précieux que d’heureuses trouvailles longuement amassées lui ont permis de rassembler.

La publication commence par les monnaies, A ce sujet il s’élevait une question délicate. De savantes dissertations sur les deniers au nom de Robert , n’ont pu mettre d’accord les érudits qui , en France et en Belgique , sont partagés en deux camps. Chacun de ces systèmes paraissait cepen¬ dant en contradiction avec le genre de fabrication des es¬ pèces. Poey d’Avant appela de ses vœux une solution qui renversât le système assez péniblement établi de l’histoire des rares denieis au nom de Robert.

M. Dancoisne propose une attribution qui peut tout conci¬ lier: il voit, dans le Robert deSt-Vaast, un monétaire comme les Simon , les Gérolf , etc. La supposition est ingénieuse et plausible; il suffit d’une trouvailleheureuse pour la justifier.

i') Les cinq mères monnaies étaient , d'après Jelian Coquiau . relies de France , d'Angleterre , de Venise , de Valenciennes et de Metz -en -Lorraine.

(■2) In-Y.'* de pages avec planches ; Arras , Alp. Brissy , 1HG9.

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Quant aux méreaux , ils forment deux planches d’une importance capitale en leur genre. Favori de la piste , vétéran des numismates de la contrée , M. Dancoisne a pu en réunir environ 350 variétés , trouvées et dans la seule ville d’Arras. Son choix sobre et perspicace s’est arrêté sur 24 méreaux d’un grand intérêt et qui font désirer de nouvelles publications du savant numismate.— Il reste à citer, pour mémoire, des médailles de pèlerinage et un jeton (le Jean Sarrasin, abbé de Saiiit-Vaast. E.Van Heisde.

UECHEUCHES HISTORIQUES SUR LA PUISAYE , SAINT-FARGEAU , TOUCY EN AUXERROIS , ET LEURS SEIGNEURS DE LA MAISON DE BAR AUX XIII. % XIV.® et XV.® SIÈCLES.

Par le docteur de Smytlèrc , vde. Cassel). (*)

Entre son pays d’adoption et sa province natale qui lui est demeurée si chère , M. de Smvttère découvre des liens non moins réels qu’imprévus.

L’une des dames de Cassel , pour qui le vénéré docteur s’est le plus passionné et dont il nous promet une histoire bien vivement attendue , Yolende de Bar , possédait , entre autres tiefs , le pays boisé et montagneux de la Puisaye , ( ancien diocèse d’Auxerre ). Comment ce domaine lui était échu, par quelles mains il avait passé avant d’arri¬ ver dans les siennes , dans lesquelles tomba-t-il au sortir? C’est ce que M. de Smyttère nous explique longuemenl. Puis, en se servant des archives départementales du Nord, (lesquelles, soit dit en passant, intéressent beaucoup d’autres départements que le Nord}, il énumère les diverses mesures qu’A'olende prit en faveur de ses sujets de FAuxerrois.

Cette brochure destinée , comme on le voit , à un douldc public , sera, nous en avons la certitude , également goûtée de l’un et de l’autre. A. I).

P) de 80 pages , avec planches de sceaux et d ann()iri(‘s ;

Auxerre , Perriquet , 1869.

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CHRONIQUE.

^Iétéorolog:ie. Mois d'avril 1869. Le mois d’avril 1869 , a été plus chaud qu’on ne l’observe habituellement; la température moyenne ordinaire de ce mois est 9*^ 19, celte année elle a été de 11® 8. La moyenne desminima a été de 03 , celle des maxima 16'’ o8 ; les extrêmes ont été 1 le 2 , (le matin il y avait une gelée blanche ; le O gelée à la campagne) , et 25“ 6 le 14.

Sous l’intluencede celte température élevée , la quantité d’eau évaporée s’est accrue , elle a été de 94 mill. 95 , tandis que l’épaisseur moyenne de la couche d’eau évaporée en avril , n’est que de 90 mill. 69.

La tension moyenne de la vapeur atmosphérique qui est ordinairement en avril de 6 mill. 35 , a été de 7 mill. 73; et riiumidité relative moyenne qui en année ordinaire est de 69 74 , a été pour le mois d’avril de cette année de

73 “/o. Cette plus grande humidité de l’air a empêché que l’évaporation ne correspondit à la température atmosphé¬ rique , elle a été la conséquence des brouillards qu’on a observés au nombre de 29 et de la pluie assez fréquente 17 jours sur 30.

La quantité d’eau de pluie a été de 66 mill. 33, la moyenne ordinaire est de 37 mill. 70.

La hauteur moyenne du baromètre à 0“ qui est de 760 m. 333 en avril, année moyenne a été en 1869 de 760 mill. 468 ; les extrêmes ont été 743 mill. 26 le 17 et 770 mill. 55 le 13.

Les 5 , 10 , 23 , on observa des halos solaires ; les 19, 22, halos lunaires , tous cinq suivis de pluie dans les 24 heures.

Le 15 , de 8 heures à 11 heures 30 du soir , magnifique aurore boréale.

Les 27, 29 et 30 brouillards secs pendant la nuit; la lune, rouge aurore à son lever, était plus tard de couleur jaune.

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L’éleclromètre de Peltier, indiquait une grande tension électrique. Le 30 à minuit le thermomètre sec du psychro- mètre marquait 9" o et le thermomètre mouillé 3” 8 , ce qui indique une tension de vapeur de 4 mill. 47 et une humidité relative de 31 7°-

Les vents régnants pendant ce mois souftlèrent avec assez de force du N. E. et du S. O.

La nébulosité du ciel fut moyenne , il y eut 22 jours de

»

rosées souvent abondantes. Deux fois on observa de la grêle mélangée à la pluie. V. Meurein.

.^"^iiinisiiiatique. Découverte d'un Méreau de Robert de Croy , évêque de Cambrai, au xvi.^ siècle. De grandes améliorations furent faites l’année dernière aux moulins de Selles par les soins de M. Cornaille-Leroy , propriétai¬ re actuel de cette ancienne usine épiscopale. Les travaux auxquels elles ont donné lieu et qu’il m’a été permis de suivre ont mis à jour des médailles et autres objets anti¬ ques : ce qui tendrait à justifier de l’origine romaine que Le Carpentier attribue au château de Selles, près duquel s’élèvent lesdits moulins.

Les ouvriers ont, en outre, découvert, au même endroit, plusieurs monnaies de Cambrai , entr 'autres une obole , que M. Robert attribue à la première moitié du xiv.^ siècle (^) , et divers méreaux des chapitres de Notre-Dame et de Saint-Géry de Cambrai , du xvi.% dont quelques-uns ont pu prendre rang dans les nombreuses variétés de mes séries capitulaires. Ces petites pièces, retrouvées dans la terre mouillée par les eaux de l’Escaut, étaient brillantes comme de l’or; leur présence en ces lieux s’explique par le commerce incessant qui se faisait aux moulins de Selles.

Ce que les fouilles ont amené de plus important, c’est

(h Ce spécimen est une varii de la pièce publiée par M. C. Roberl dans sa Numismaiique de Cambrai , p. 99.

loO

un magnifique mércau ou jeton en étain, aux armes, au chiffre et à la devise de Robert de Croy , évéqiie de Cambrai de lol9 à looGi'O.

V /

Je ne ferai pas la description de cette jolie pièce que l’intendant général , M. Robert, se propose de publier dans le supplément qu’il prépare de sa Numismatique de Cam¬ brai. Je dirai seulement qu’on peut la considérer comme un méreau ayant servi à la solde des ouvriers occupés par le prélat à ériger, vers le milieu du xvi.*’ siècle, sur le cbû- leau de Selles, la tour qui portait le nom de Croy. Tout m’engage, du reste, à m’affermir dans cette opinion, non seulement à cause de la proximité du lieu ce type fut découvert, mais encore on considération de l’usage ordi¬ naire du méreau de ce genre.

La bibliothèque publique de Cambrai possède un fort beau volume sous le N." 1:2 du catalogue des manuscrils. Sa riche reliure est garnie de cuivres sur lesquels j’ai reconnu, avec la plus vive satisfaction , les mêmes armoiries et les mômes chiffres que ceux que l’on distingue sur le jeton épiscopal ex- .bumé dans l’îlot des Moulins de Selles. Victor Delattre.

Areliéoloj^te. Découverte de Tombeaux anciens à Etouvelles (canton de Laon). Des travaux exécutés ré¬ cemment dans l’église d’Etouvelles ont amené la découverte de plusieurs cercueils de pierre, remontant vraisemblable¬ ment au xiii." ou XIV.® siècle , ainsi que le font suppose!* les parties circulaires ménagées à l’intérieur pour recevoir la tête des morts.

Dans l’un de ces cercueils, on a trouvé, avec des ossements humains , un vase rond en terre , muni de deux appendices tréflés et recouvert d’un vernis verdâtre , puis , les débris d’une coupe en verre d’une grande délicatesse et une lige en fer terminée par une tête d’animal.

(q Cette pièce mesure .33 millimètres de diamètre.

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Ces intéressants objets ont été soigneuscjneni conservés par M. le Maire d’Etouvelles qui vient de les adi esser à la Société académique de Laon. Ils sont actuellement déposés au musée de cette ville. Pilloy.

Habitation romaine à Bouvines. On vient de constater l’existence, à Bouvines, d’une Villa ou Métairie de l’épo¬ que romaine.

Des quantités de luiles à rebord et de tuiles faîtières; de nombreux débris de poteries variées, depuis les plus com¬ munes en terre brûlée jusqu’aux plus fines en terre sa- inienne avec personnages; une hache, des clous, une meule à broyer; enfin plus de 900 monnaies en cuivre saucé et en billon d’Elagabale à Posthume; voilà jusqu’au¬ jourd’hui le résultat des fouilles.

Bouvines, on le sait, se trouvait sur l’une des voies du septemvium de Bavai , la même qui passait à Bonchin des recherches récentes ont fait découvrir plusieurs sépul¬ tures gallo-romaines. Ces deux découvertes aideront proba¬ blement à retrouver, dans un avenir prochain , l’emplace¬ ment exact de l’ancienne chaussée. Rigaux fils.

IVouvelIcs de îa ÏjUtératuec et des Ai*ts. Cour¬

rier belge. La Société de l’Histoire de Belgique vient de publier un ouvrage inconnu des écrivains qui se sont occu¬ pés jusqû’ici de la guerre de trente ans, c’est rHistoire générale des guerres de Savoie^ de Bohême^ du Palatinat et des Pays-Bas , par le seigneur du Cornet , gentilhomme belgeois. Ce livre présente un intérêt réel : peinture de mœurs et de caractères, récits d’actions héroïques, parti¬ cularités piquantes ou saisissantes sur les hommes et les événements, tout se suit, tout s’enchaîne dans cette nar¬ ration qui amuse en instruisant : car ces récits recueillis par un contemporain de la bouche de témoins oculaires , compagnons des Buquoy et des Tilly et acteurs eux-mêmes

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(Je ces événements , sont d’une parfaite exactitude, com¬ plètement constatée d’ailleurs par les nombreux documents authentiques dont 31. Robauly de Soumoy, commentateur de cette histoire, l'a enrichie. En outre, il y donne une dissertation , pleine d’érudition , sur l’organisation des ar¬ mées belges au xvii.® siècle : il a reconstitué, d’après les do¬ cuments conservés aux archives du royaume , tous les corps belges , cavalerie et infanterie, figurant dans cette lutte ter¬ rible qui durant trente ans mit toute l’Europe en feu.

Vllistolre du comté de Looz , par le Père 3Iantélius , n’a¬ vait pas été ti-aduite jusqu’ici , et la seule édition qui en existe est remplie de fautes qui en rendent la lecture très- fatigante, i)aifuis inintelligible. C’était une tâche ingrate de corriger ces fautes, de rétablir les textes et de mettre en français un pareil livre. Cette tache n’a pas effrayé un jeune et modeste savant de l’üniversité de Liège, 31. Amia¬ ble, qui recueille en ce moment d’unanimes félicitations pour l’avoir entreprise et menée à bonne fin.

31. de l^otter continue avec un succès mérité son grand ouvrage intitulé : Geschiedenis der gemeente van Vlaenderen ou Histoire des communes de Flandre. Deux nouveaux volumes sont mis en vente. Ils comprennent chacun Ehis- toire de cinq à six communes.

Signalons enfin , dans Vllistolre de Saint-J osse-ten-Noode et de Schærbck que vient de faire paraître 31. Eugène Van Remmcl un remarquable chapitre sur le poète . llamand Houwaërt qui « fiorissait » à Saint-Josse vers le milieu du XVI.® siècle. pour extrait: A. DESPLA^QUE.

Le Gérant : E. Castiaux.

Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.

N.° 6. Juin 1869.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ IMPÉRI4LE DES SCIENCES, DE L’aGRICULTURE ET DES ARTS DE LILLE Mémoires 3.* série, VI.® volume 1869.

La Société des Sciences de Lille vient de faire paraître un nouveau volume de ses mémoires.

Il contient le compte-rendu de la séance publique du 27 décembre 1868 et 23 mémoires ou communications di¬ verses. Citons d’abord deux notices nécrologiques : l’une, sur M. Vincent , par M. Fontaine de Resbecq ; l’autre , sur M. Lyon. Il n’est pas d’habitudes plus honorables pour une Société que celle de rappeler les travaux des membres dont elle déplore la perte , mais la place dont nous pouvons dis¬ poser dans ce Bulletin est si réduite que nous ne revien¬ drons pas sur ces deuils de la science déjà un peu anciens. Passons donc aux travaux scientifiques :

Etudes d' Ornithologie européenne : Des races locales^ par M. de Norguet (^). M. de Norguet continue avec talent les traditions interrompues en 1856 par la mort de Degland , l’illustre auteur de l’Ornithologie européenne. Mais, dans les présentes études, il ne s’agit pas de signaler des espèces nouvelles ou de donner des descriptions plus exactes d’oi¬ seaux déjà connus. A propos des oiseaux d’Europe, M. de Norguet examine une des questions les plus élevées et les plus controversées de la science, celle des races locales. Lorsque les naturalistes aperçoivent de petites différences

P) Loc. cit. p. 161 à 292.

lü'l

entre deux animaux de pays voisins, ils sont enclins à sup¬ poser que ces êtres appartiennent à une même espèce et doivent leurs différences simplement à l’habitat. Ils les con¬ sidèrent comme des races locales. Ainsi , il existe dans le Midi de la France et en Italie un moineau qui a le sommet de la tête et la nuque marron , tandis que notre moineau commun a ces parties colorées en cendré pur ; scs joues sont blanches, celles de notre moineau sont blanc-grisâtre ; la tache noire de sa poitrine est plus étendue. Beaucoup d’or¬ nithologistes font de ce moineau une race; d’autres l’érigent au rang d’espèce. M. deNorguet adopte cette deuxième opi¬ nion. Il n’admet pas d’intermédiaires entre Fespèce collec¬ tive considérée comme actuellement stable et la variation individuelle. Il repousse également les conclusions que certains naturalistes ont voulu tirer des animaux domesti¬ ques pour établir l’existence des races sauvages. Si l’homme parvient à créer des races, c’est en modifiant les habitudes des animaux et des végétaux , en choisissant avec soin les individus chargés de propager la race, en les empêchant de se mêler avec les autres êtres de même espèce, sans quoi les particularités qu’ils présentent et qui les font rechercher auraient bientôt disparu. A l’état sauvage, de semblables conditions ne peuvent pas se présenter ; il ne peut donc pas s’établir de races.

Mais, si l’espèce est actuellement fixe, les individus qui la composent ne sont pas rigoureusement semblables. Il existe de nombreuses variations individuelles dont les causes sont inconnues. Ainsi , le bec et les tarses un peu plus courts, ou un peu plus longs, le plumage plus ou moins fortement teinté, la taille générale augmentée ou diminuée, toutes nàodifications que l’individu peut bien léguer à ses enfants , mais qui disparaissent plus tard noyées dans un flot de sang étranger. 31. deNorguet ne pense pas que la nourriture

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ni les milieux climatériques puissent être causes de ces variations individuelles.

Les races locales des auteurs lui semblent donc devoir se partager en deux groupes : les unes, nettement caractéri¬ sées , sont des espèces différentes ; les autres , connues seu¬ lement par quelques aniiuaux isolés , sont des variétés indi¬ viduelles. Sur 27 races examinées par l’auteur, 10 sont des variations individuelles, 10 sont des espèces vraies et 7 demandent un surcroît d’investigations.

Catalogue des Hémiptères du département du Nord ^ par M. Lethierry (i). Il est des classes d’animaux qui seraient en droit de se plaindre de l’abandon les laissent les naturalistes : telles sont les Hémiptères. Les insectes de cet ordre vulgairement désignés sous le nom de Punaises , ne possèdent ni les brillantes couleurs des papillons , ni l’éclat métallique des scarabées, mais ils n’en sont pas moins inté¬ ressants ; la plupart exhalent une odeur assez forte : quel¬ ques-uns sentent l’éther, d’autres la pomme, d’autres le cassis. C’est à cet ordre qu’appartiennent la Cochenille, qui fournit de si belles couleurs à l’industrie , et les Pucerons , ces fléaux de l’agriculture et ces types de la fécondité. On a calculé que , si tous les jeunes d’une famille de puceron, se développaient également bien , un seul de ces insectes, au printemps , pouvait produire pendant l’été 4 millions de milliards de petits-enfantsjusqu a la septième génération.

M. Lethierry, qui travaille depuis 6 ans à faire le cata¬ logue des Hémiptères du Département, s’est souvent trouvé dans l’embarras par suite du petit nombre de travaux des¬ criptifs qui ont été faits sur ces animaux. Il constate la pau¬ vreté de notre département ; plusieurs espèces très-com¬ munes aux environs de Paris nous manquent; notre climat

(1) Loc. cit. p. 305 à 374.

lüG

froid en été , humide en tous temps, qui rend impossible la culture de la vigne, doit aussi influer sur la Faune et sur¬ tout sur la Faune entomologique. L’existence de certains insectes est intimement liée à celle de végétaux particuliers; ceux-ci font défaut, l’insecte doit aussi manquer.

M. Lethierry signale dans son catalogue 373 espèces d’Hémiptères propres au Département, mais le nombre doit en être plus grand , car. il y en a beaucoup qu’il n’a pu dé¬ nommer.

Quelques erreurs ou préjugés en Physiologie végétale^ par M. Bacby (i). M. Bacby combat, à l’aide de l’expé¬ rience , plusieurs préjugés qui régnent chez les arboricul¬ teurs et les borticulteurs. Il établit que chaque brandie d’un arbre n’est pas en relation directe et exclusive avec une division particulière de la racine. Ayant coupé une grosse racine , il ne vit aucune branche en souffrir individuelle¬ ment. On ne peut dire en physiologie végétale que les raci¬ nes absorbent seulement par leurs spongioles et leur chevelu; car , en replantant un arbre , on a l’habitude d’en couper toutes les radicelles ; l’absorption se fait néanmoins par une sorte de capillarité, et de nouvelles spongioles ne tardent pas à se montrer.

Selon M. Bachy, il n’y a aucun inconvénient à tailler la vigne en pleine sève ; elle ne pleure jamais bien longtemps, et la quantité de liquide qu’elle répand ainsi n’équivaut pas à celle qu’aurait exigée l’élongation des branches. Il n’y a non plus aucun inconvénient à arroser les plantes au mo¬ ment elles reçoivent les rayons directs du soleil. Les prétendues taches de brûlure que l’on attribue souvent à un arrosement inconsidéré sont dues simplement à des in¬ sectes. C’est par suite d’expériences, guidées par une exacte

d) Loc. cit. p. 387 à 396 et Mémoires de la Société des Sciences de Lille , 4.* série , IV , p. 245 à 262.

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observation des phénomènes naturels , que M. Bachy est arrivé à ces résultats.

De V empoisonnement par les graines de Ricin ^ par le docteur Houzé de l’Aulnoit. L’Huile de Ricin s’extrait de la graine de Ricin , plante de la famille des Euphorbes. Comme beaucoup de végétaux de cette famille, le Ricin con¬ tient un principe oléo-résineux doué de propriétés véné¬ neuses assez actives. La graine renferme une assez grande quantité de ce principe oléo-résineux. Mais l’huile qu’on en retire par expression est simplement purgative , la ma¬ tière vénéneuse restant presque toute entière dans le marc. On ne peut donc en médecine remplacer l’huile par les grai¬ nes du Ricin. Par suite d’un accident arrivé à Lille l’année passée, M. Houzé de l’Aulnoit a eu occasion d’étudier expé¬ rimentalement l’action vénéneuse des graines de Ricin. Il a constaté après Orfila qu’une dose de 3 gr. 30 de semences de Ricin dépouillées de leurs enveloppes suffit pour empoi¬ sonner un chien en 30 heures. Le poison agit sur l’intestin en y déterminant une vive inflammation et aussi sur le système nerveux , car 12 heures après l’ingestion , le chien était dans l’impossibilité de se soutenir sur ses pattes.

Etudes paléontologiques sur le Département du Nord , parM. Gosselet. L’auteur consacre cette notice à discuter les noms donnés aux fossiles du Département dans le Cata¬ logue du Musée de Douai, par MM. Potiez et Michaud.

Observations sur les couches de la craie traversées par le Puits Saint-Réné à Guesnain, près Douai, par le même.

Cette courte notice contient l’indication des couches tra¬ versées par le forage et des fossiles qu’on a rencontrés dans chacune d’elles.

Observations géologiques faites en Italie, parle même.

L’auteur y traite du Vésuve , des Champs phlégréens, de l'Etna et des volcans des environs de Rome. Il s’attache

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à montrer que d’une même bouche volcanique peuvent sortir des laves de nature différente.

Note sur Vextraction et l’industrie du soufre dans les solfatares de la Sicile, par M. Kuhlmann fils. Le soufre de Sicile n’a aucun rapport ni avec l’Etna, ni avec aucun autre volcan ancien; il est au milieu du terrain tertiaire en couches alternant avec des marnes gypseuses. Quelques couches de soufre ont jusqu’à 8 mètres d’épaisseur. On voit souvent les cristaux de soufre associés à de beaux cristaux de Célestine (sulfate de strontiane) et de Gypse (sulfate de chaux). Les mines de soufre appartiennent aux proprié¬ taires du sol, qui les exploitent eux-mémes ou les donnent en gabelle à des sociétés. L’exploitation se fait par galeries à une profondeur de 30 à 80 mètres ; on abat le minerai au pic et on le remonte dans des paniers à dos d’hommes par de mauvais escaliers en pierre ci*eusés dans la roche.

La purification du soufre ne se fait pas à l’aide de four¬ neaux de galères comme nous l’enseignent beaucoup de traités élémentaires de chimie. Le soufre sert lui-même de combustible. Sur un plan incliné en maçonnerie, on dispose sous forme de cône nommé calcarone 2o0 à 600 mètres cubes de minerai; un mur de 1 mètre oO cent, de hauteur entoure le cône et le maintient. On allume le minerai ; une partie du soufre brûle , l’autre fond et s’écoule par un con¬ duit dans une petite maisonnette on le reçoit dans des moules en bois.

Souvent le minerai de soufre présente des géodes con¬ tenant du soufre pulvérulent assez pur qui est presque entièrement perdu. M. Kuhlmann pense qu’il y aurait avantage à le faire venir en France pour l’employer à la fal)rication de l’acide sulfurique. L’auteur ne croit pas que l’extraction du soufre à l’aide du sulfure de carbone puisse facilement s’établir en Sicile.

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Etude sur les Calcaires du Pas-de-Calais , Y)RY Pa- gnoul ; Mémoire sur les Houilles du Noi'd de la France , par 31. 3Iène. Ces deux mémoires couronnés et imprimés par la Société des Sciences de Lille sont des travaux du même ordre consacrés l’un à l’analyse des calcaires, l’autre à celle des houilles. Ils contiennent une foule de documents qui seraient très-utiles au géologue et à l’industriel si l’ori¬ gine des échantillons analysés était mieux précisée. Dans une même localité , dans une même carrière , on exploite généralement plusieurs bancs dont la composition peut être différente, l’un pourra renfermer du phosphate de chaux que l’autre n’en contiendra pas un atôme. C’est à plus forte raison vrai des couches de houille ; leur compo¬ sition chimique et par suite leurs propriétés calorifiques varient avec la profondeur, le voisinage des failles et d’autres causes encore inconnues. Ce n’est du moins qu’à des mo¬ difications de ce genre que l’on peut attribuer les différences observées dans des analyses d’une même veine par diffé¬ rents chimistes. Ainsi la veine Espérance d’Auchy-les-Bois a donné à 31. 3Iène 31 °/o de matières volatiles et Go'^/o de coke, tandis que 31. Coince, ingénieur des mines à Arras, en a obtenu 21 7., matières volatiles et 76 7o tl6 coke.

Expériences sur la conservation des œufs^ par 31. H. Violette. 31. Violette, à la suite de nombreuses expérien¬ ces sur la conservation des œufs, a reconnu qu’on obtenait d’excellents résultats en recouvrant les œufs frais d’une petite couche d’huile de lin. Il suffit pour cela de les frotter avec le doigt enduit d’huile. La matière grasse bouche les pores de la coquille et empêche la pénétration de l’air, et par suite l’altération de la matière organique.

Description d'un thermopluj lacté , appareil conservateur de la chaleur, par 31. Lebreton , m. c. Qui n’a déjà ren¬ contré quelque soldat portant, empilées les unes sur les

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autres, les gamelles sont les dîners de ses camarades de service. Si le corps-de-garde est loin de la caserne, la soupe doit arriver bien froide. M. Lebreton , qui est intendant mi¬ litaire dans la Garde, propose d’entourer ces piles de ga¬ melles d’un manchon de fer blanc un peu large de sorte qu’entre les gamelles et le manchon se trouve une couche d air non conductrice de la chaleur ; c’est l’idée qui dans les pays froids fait construire de doubles fenêtres. Cet appareil a été mis en usage dans la Garde. De la soupe sortie de la caserne à 62.® arrivait au corps-de-garde après une heure de voyage à 34.°; avec l’appareil elle avait conservé une température de 54.® : celle à laquelle elle est servie sur nos tables. C’est surtout en hiver, quand il gèle, que le ther- mophylacte peut être utile. De la soupe sortant à 65.® de la caserne est parvenue à destination à 22.® sans appareil et à 49.® avec l’appareil. J. Gosselet.

ACADÉMIE IMPÉRIALE DES SCIENCES, LETTRES ÈT ARTS, d’aRRAS.

Mémoires, 11.' série, tome II, année 1868.

Cette Académie fut fondée en 1737 comme Société litté¬ raire; elle prit le titre d’Académie en 1773, et disparut, comme toutes les autres compagnies de ce genre , à la Ré¬ volution. En 1817 , elle fut reconstituée sous la dénomina¬ tion de Société d’encouragement pour les Sciences, les Lettres et les Arts. Puis reconnue, en 1829, sous le titre officiel et ancien d’Académie ; en vertu d’un décret du 13 août 1866, elle a été autorisée à prendre le titre d’Académie impériale.

L’Académie d’Arras comprenait au 1.®" mars 1869: 30 membres résidants , 22 membres honoraires et 65 membres correspondants.

Les membres titulaires étaient MM.

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Jæcesne^ [1853] , adjoint au maire; Président.

L’abbé Proyart [1851], vicaire général; Chancelier.

Caron [1848], bibliothécaire de la ville; Vice-Chancelier. L’abbé Van Drival^ [1860] , chanoine ; Secrétaire-Général. Raffeneau de Lile [1864] ; Secrétaire-adjoint.

Godin [1844] , archiviste du Département ; Archiviste.

Paris [1866] , avocat; Bibliothécaire.

Bregeaut [1830] , pharmacien , prof, à l’école de médecine. Colin, Maurice, O. ^[1831], ancien maire.

Wartelle de Retz^ [1832], membre du Conseil-Général. Colin, Henri [1849] , juge suppléant au tribunal.

Ledieu^ [1841], directeur de l’Ecole de médecine.

Plichon , O. ^ [1848] , maire d’Arras.

Lestoquoy [1851] , professeur à l’Ecole de médecine.

De Mallortie [1852] , principal du collège.

De Linast^ [1853] , propriétaire.

L’abbé Robitaille [1855] , chanoine.

Laroche [1856] , maire de Daisans.

Watelet, L. [1857], ancien magistrat.

De Séde [1859] , journaliste.

Sens^^ [1860], député.

Legentil^^ [1863] , juge au tribunal.

Pagnoul [1864] , professeur de Physique au collège. Boulangé^ [1866] , ingénieur en chef des Ponts-et-Chaus. Grandgeillaume , 0.^ [1868].

Lenglet [1868], bâtonnier de l’Ordre des Avocats.

Coince [1868] , ingénieur des mines.

Cardin^ [1868] , président du tribunal.

Caminade ^ [1868] ; directeur des contributions-indirectes. L’abbé Planque [1868] , chanoine.

Le volume que nous avons sous les yeux renferme le compte-rendu de la séance générale du 22 août 1867, les discours prononcés sur les tombes de MM. Broy , Thellier et Parenty , membres de la Société, et trois notices biogra¬ phiques.

»

Notice sur M. Billiet avocat., par M. Legentil. L’au¬ teur rappelle les services que M. Billiet rendit à la ville d’Arras et à l’Académie.

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Biographie de Dominique Doncre, peintre, par le même auteur. D. Doncre, naquit en Flandre en 1743, fut reçu bourgeois d’Arras en 177^, et décéda en 1820. C'était « une belle nature d’artiste qui n’a pas eu tout son développe¬ ment (’). »

Le propi’e du caractère de Doncre était l’honnêteté , la droiture et la modestie, il était « très-liabile, et son habi¬ leté était de plus au service d’une souplesse peu commune (jui lui permit d’aborder presqu’indifféremment tous les genres, tels que la décoration et la miniature, et de se signaler dans la plupart de ces genres par des œuvres su¬ périeures que ne désavoueraient pas les plus adroits spécia¬ listes. »

Mais si grande et si naturelle (iii’elle ail été, celte habi¬ leté fût devenue bien plus étonnante sans cette double cir¬ constance : qu’obligé perpétuellement de gagner le pain du jour, Doncre dut utiliser son talent plutôt que le cultiver, et (|ue pai* suite de sa pauvreté, il n’avait à sa disposition que six à sept couleurs des plus primitives , qu’il achetait chez le droguiste.

Notice sur M. Crespel-Delisle , par .M. Parenty. Sous le premier empire , les denrées coloniales faisaient défaut , Napoléon promit une somme très-considérable à celui qui le premier établirait une fabrique de sucre indigène. Or, il arriva que M. Crespel-Delisle fit avec la bellerave le sucre demandé, et voici comment : « Dans le couj*ant de 1809, un employé des bureaux de la préfecture , passionné pour les expériences chimiques , parvint à extraire , du jus de la betterave, ({uelques onces d’un sucre brut, de couleur jaune, d’un goût de réglisse très-prononcé. M. Crespel reçoit à Béthune cette nouvelle de Parsy , l’un de ses pa-

(9 Tournel, cité par M. Legentil.

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renls et son ami crenfance. De son côté , il se met à faire des expériences qui ne le laissent pas sans espoir. Dans le mois d’octobre 1810 , il les reprend de concert avec Parsy qui restait toujours à Lille. Pour la fin de novembre , ils tentent en commun un essai plus grand ; pour cela ils ont recours à un raffineur de Lille qui leur permet de disposer de ses étuves. » Le succès couronna leur entreprise.

« Deux chaudières, une presse et des râpes furent mon¬ tées dans la maison de Parsy, rue de l’Arc, et les deux associés travaillèrent ainsi jusqu’au mois de mars 1811. »

Le procédé employé par MM. Grespel et Parsy , si nouveau pour eux, était déjà connu en Allemagne, puisqu’en 1787, Achard de Berlin , associé du baron Koppi , poursuivant des expériences faites 40 ans auparavant par Margraaf, avait reçu du roi de Prusse le domaine de Kunern en Silesie, pour y exploiter en grand l’industrie sucrière.

En 1747, Margraaf avait constaté l’existence du sucre dans le tissu cellulaire de la betterave et l’en avait retiré en traitant la racine desséchée par l’alcool. Achard employa un procédé tout différent. Il fit cuire la betterave et l’exposa ainsi à la pression. Il tit ensuite bouillir le jus obtenu jusqu’à ce qu’il acquit la consistance du sirop, puis le versa dans des vases plats qu’il mettait dans une étuve de 30 à 31 degrés. Il renfermait le tout dans un sac de forte toile dans lequel on le pressait , et la cassonnade restait seule. Achard continua ses expériences jusqu’en 1808, grâce à une sub¬ vention de ^00,000 francs que lui faisait le gouvernement prussien.

M. Crespel-Delisle avait-it eu connaissance des travaux d’Achard? Non, l'èpond 31. Parenty, car l’ouvrage d’A- chard, traduit de rAliemand, ne parut que vers la tin de 1801 ; aussi quel ne dut pas être l’étonnement de 31. Grespel « quand il apprit que lui, simple praticien , avait deviné

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ce que le chimiste allemand avait découvert avec le flam¬ beau de la science. . . » Mais cet ouvrage n’en servit pas moins M. Crespel , qui put activer ses travaux et livrer au commerce, en 1812, une quantité assez considérable de sucre.

Cependant ni M. Crespel ni M. Parsy ne furent récom¬ pensés; pourquoi? M. Parenty croit que leurs travaux n’ont pas été connus de l’Empereur , et ce qui le prouve , dit-il, c’est qu’en 1812, M. Charles Derosne, envoyé par Cbaptal à Lille pour y fonder une fabrique impériale de sucre , n’apprit que sur les lieux mômes que déjà la fabrique de M. Crespel marchait depuis deux ans.

M. Benjamin üelessert, raffineur à Passy , se livrait aussi aux études les plus assidues pour obtenir en grand le sucre de betterave bien cristallisé. Après quatre ans de tâtonne¬ ments il y réussit, et le 2 janvier 1812, il annonça son succès au ministre Cbaptal. L’Empereur alla aussitôt visiter rétablissement de M. Delessert et le décora de sa propre croix.

Tout en constatant le succès de M. B. Delessert , il nous est impossible , ajoute l’auteur , de ne pas faire ici la ré¬ flexion suivante : Comment se fait-il que M. Crespel-Delisle n’ait pas sinon obtenu à son exclusion au moins partagé avec lui la récompense qui lui fut décernée? En effet nous avons remarqué qu’à la lin de 1810, M. Crespel et son parent Parsy avaient obtenu du sucre et que dès ce moment ils avaient fondé une fabrique. Pendant la première campagne ils avaient obtenu 4 à oOO kil. de sucre brut, et en 1812 ils livraient à la consommation 10,000 kil. Ils avaient donc précédé M. Delessert.

Nous ne suivrons pas avec l’auteur M. Crespel-Delisle dans toute sa vie industrielle , c’est à dire pendant SO ans qu’il employa en efforts continuels pour améliorer et con-

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duire à bonne fm une industrie qu’il avait prise à sa source. Disons seulement de lui qu’au commencement il eut à sup¬ porter le dédain avec lequel on accepta le résultat de ses expériences et qu’au déclin de sa vie il fut obligé de liquider, écrasé surtout par les droits dus au Trésor.

En 1815 , il avait transporté le siège de son industrie de Lille à Arras. Il y reçut d’augustes visiteurs. Le duc d’An- goulême , Charles X, puis le duc d’Orléans se firent un devoir d’aller visiter son établissement. Après sa liquida¬ tion le Corps législatif lui vota une pension viagère de 6,000 fr. à titre de récompense nationale. Il se retira à Neuilly il mourut du choléra, le 21 novembre 1865. Lecocq.

COURS PUBLICS.

Cours d'Histoire naturelle de la Faculté des Sciences de Lille ,

par M. G. Dareste.

DIFFÉRENCES D’ORGANISATION DANS UNE MÊME ESPÈCE.

Après avoir rejeté la doctrine de la préexistence des germes qui entrava si longtemps la marche de la science, le pro¬ fesseur passe à l’examen de la notion instinctive de l’espèce, et commence par le premier terme de cette notion : l’espèce est-elle réellement une collection d’individus semblables ? Si l’on cherche à se rendre compte de la valeur scienti¬ fique de ce premier terme, on se trouve en présence de faits indiquant de grandes variations dans la forme et dans l’or¬ ganisation des individus d’une espèce. Le premier de ces faits qui nous frappe d’abord , c’est le phénomène si curieux et si général des métamorphoses. Tout le monde connaît la série de formes par lesquelles passent les grenouilles et les papillons avant d’arriver à l’état parfait ; je ne m’y arrê¬ terai pas, préférant donner un peu plus de détails sur les autres classes que l’on connaît moins. Chez les Crustacés ,

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nous voyons le Pliyllosome qui n’est qu’une larve de Lan¬ gouste , décrit comme un animal tout à fait différent et rangé longtemps dans la méthode bien loin de l’adulte. Il en a été de même dos Zoos que l’on sait maintenant être des larves de Crabes et de Homards. Les Cirrhopodes qui vivent fixés au sol, ont des larves qui ressemblent à nos petits crustacés d’eau douce et nagent librement dans la mer. Les Lernées adultes se liennent en parasites sur les branchies des poissons, et ne ressemblent en rien à leurs jeunes qui sont agiles comme les Gyclopes de nos ruisseaux avec lesquels on pourrait les confondre. Chez les Annélides, comme la Térébelle qui vit solitaire dans le tube qu’elle s’est construit, la larve est vagabonde et ressemble à un infusoire. L’Actéon adulte n’a plus de coquille et il rampe sur les rochers; jeune, il était protégé d’une cuirasse et courait la mer. L’Huître qui vient d’éclore est un infusoire. Dans la classe des Vers intestinaux, le phénomène des mé¬ tamorphoses dépasse tout ce que l’imagination aurait pu prévoir : le ver solitaire , par exemple, vit d’abord dans les muscles du porc, sous forme de vésicule contractile (cysticerque) , et pour se transformer en ver proprement dit, il a besoin de passer dans l’intestin d’un autre animal. Dans la classe des Polypes, nous trouvons le Corail dont la larve n’est qu’un petit ver blanc nageant librement dans le sein de la mer. Enfin , les Vertébrés eux-mêmes n’échap¬ pent pas à la loi des métamorphoses : l’Ammocète ou Lam- prillon n’est que la jeune Lamproie et le Zeus faber ou pois¬ son Saint-Pierre était rangé dans des genres différents sui¬ vant son âge. Chez les oiseaux, les mammifères et l’homme, les métamorphoses semblent manquer au premier abord , cependant l’éruption des dents chez l’homme vers la 7.® an¬ née, les différences considérables qui existent entre le crâne du Gorille jeune et celui de l’adulte sont encore des

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phénomènes du même ordre ; mais ici comme chez tous les autres animaux les formes successives ne sont pas appa¬ rentes, les métamorphoses se passent dans la vie embryon¬ naire. Si Ton suit, en effet, les phénomènes embryogéni- ques , on assiste constamment à la disparition et à l’appari¬ tion de formes et d’organes nouveaux et successifs. Les mé¬ tamorphoses constituent donc une loi tout à fait générale qui nous montre que l’animal, quelqu’il soit, n’est pas iden¬ tique à lui-même à toutes les phases de son existence.

Non seulement l’individu considéré isolément est variable dans sa forme, mais les individus dune même espèce con¬ sidérés les uns par rapport aux autres nous offrent encore des types très-différents qui tiennent à la sexualité. Dans les espèces hermaphrodites, les fonctions étant les mêmes chez tous les individus , ils subissent tous les mêmes mé¬ tamorphoses de la même manière ; mais c’est le très- petit nombre, et dans la plupart des cas , les sexes sont séparés. Les différences sexuelles, abstraction faite évidem¬ ment de celles qui tiennent à l’organe même de la repro¬ duction , sont extrêmement variées, mais ne peuvent pas se rattacher à une loi commune. Le professeur est donc obligé de se borner ici à donner des exemples.

L’homme est généralement plus grand que la femme , ses muscles sont plus accentués , plus anguleux et son’ la¬ rynx présente des modifications particulières en rapport avec la voix. Dans la classe des mammifères, les différences sexuelles tiennent à la taille , à la coloration du système pi¬ leux et à l’existence d’appendices divers qui n’existent que dans l’un des deux sexes , comme la crinière du lion , les défenses du sanglier et les bois du cerf. Les oiseaux m⬠les sont plus grands que leurs femelles, excepté dans les rapaces le fait est inverse, leur coloration est plus bril¬ lante , surtout à l’époque des amours , et ils présentent

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souvent une exubérance de plumage que l’on ne rencontre pas dans l’autre sexe; qu’il me suffise de citer la collerette du faisan doré, les élégantes touffes soyeuses des paradi¬ siers, le paon et l’argus pavonin.

Les différences sexuelles ne portent pas seulement sur les caractères extérieurs , elles affectent aussi l’organisation interne : ainsi la trachée - artère de certaines espèces de Canards et d’Oies présente chez le mâle au point elle se bifurque en deux branches un tambour qui renforce sin¬ gulièrement la voix. Dans la classe des insectes, les femelles sont souvent plus grandes que les mâles; c’est une règle assez générale , mais qui n’est pas absolue ; la coloration , la forme des antennes varient aussi ; les mâles du Cerf- volant et du Scarabée hercule présentent un développement considérable des mandibules ou des cornes sur le corselet ; enfin on rencontre des espèces les mâles sont ailés , tandis que les femelles ne le sont pas. Chez les Crustacés , les Lernées présentent des différences bien remarquables; tandis que les mâles conservent toute leur vie leur forme de crustacé , les femelles se déforment et ressemblent aux vers intestinaux avec lesquels on les avait d’abord con¬ fondues. Dans la classe des Céphalopodes dont le Poulpe ou Pieuvre est un exemple connu de tous , les différences sont également bien marquées ; je ne citerai qu’un seul exemple, celui du célèbre Argonaute. L’animal contenu dans cette superbe coquille est la femelle, le mâle est nu et beaucoup plus petit. Dans tout le règne animal, il y a donc deux types différents en rapport avec les sexes, mais ces deux types ont au fond la même organisation, seulement l’un ou l’autre reste stationnaire dans le cours de ses métamorphoses; ainsi les femelles des mammifères et des oiseaux rappellent à bien des égards les caractères des jeunes mâles, et dans les insectes , elles sont plus ou moins semblables aux lar-

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ves ; ce qui prouve bien que ces différences sexuelles tien¬ nent à des arrêts de développement, c’est que les vieilles femelles qui ont passé l’âge de la reproduction peuvent suivre le cours de leurs métamorphoses et revêtir les carac¬ tères des mâles adultes : on a vu en effet de vieilles che¬ vrettes se couvrir de bois , et de vieilles faisanes prendre la coloration et le plumage des faisans. Des faits inverses peu¬ vent se présenter ; ainsi les Lernées mâles conservent toute leur vie leurs caractères de crustacé que les femelles perdent assez rapidement.

Ces types différents dépendant du sexe ne sont pas les seuls que l’on ait observés; M. Wallace, par exemple, a constaté , sur plusieurs espèces de Papillons venant de Java, que le sexe femelle présente plusieurs types , tandis que les mâles n’offrent pas de différences entr’eux. Il est probable, dit le professeur, que les découvertes futures généraliseront beaucoup ces faits. Dans nos insectes indi¬ gènes on remarque des phénomènes analogues. Les Guêpes et les Abeilles nous présentent trois formes différentes : le mâle , la femelle et l’ouvrier. Ce dernier , chez les Abeil¬ les , se distingue aisément des deux autres par des modifi¬ cations anatomiques et physiologiques très-remarquables ; ainsi le premier article du tarse de sa 3.® paire de pattes présente en dedans une brosse et en dehors une corbeille ; quand il a butiné sur toutes les fleurs , il brosse les poils qui couvrent son corps pour réunir le pollen en petites pelo¬ tes qu’il introduit dans sa corbeille. Un autre caractère im¬ portant de l’abeille ouvrière, c’est la production de la cire qu’elle seule a la propriété de sécréter ; de plus , Fr. Huber a remarqué que , parmi les ouvrières , les unes étaient plus spécialement destinées à la production de la cire , tandis que les autres étaient chargées de l’éducation des larves et de toutes les autres fonctions de la communauté , il les a

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donc distinguées en Abeilles civières et en nourrices. Parmi les Fourmis , quelques espèces présententTîn seul type d’in¬ dividus neutres, tandis que d’autres en ont deux : les ou¬ vriers et les soldats. C’est un phénomène des plus curieux que de voir ces soldats, exclusivement employés à la défense de la communauté , partant par groupes compactes , pour la conquête d’autres fourmilières dont ils réduisent les ouvriers en captivité. C’est ainsi que la Fourmi roussàtre et la Four¬ mi sanguine passent leur vie dans Foisiveté, en se faisant servir par les ouvriers d’autres espèces de Fourmis. Les Termites, de l’ordre des Névroptères, présentent aussi quatre sortes d’individus: les mâles, les femelles, les ou¬ vriers et les soldats. Tous ces individus neutres ne sont que des individus sexués chez lesquels les organes de la repro¬ duction ne se sont pas développés et qui ont éprouvé des modifications correspondantes au rôle qu’ils ont à remplir dans la communauté. P. Hallez.

BIBLIOGRAPHIE

Mémoires lus à la Sorbonne dans les séances extraordinaires du Comité impérial des travaux historiques et des Sociétés savantes , tenues les 14, 15 , 16 et 17 avril 1868.

Au moment nous rendions compte des lectures faites en Sorbonne à la dernière Réunion générale des Sociétés savantes , nous arrivait le texte imprimé des mémoires lus dans les séances de l’année précédente. Extrayons-en tout ce qui intéresse notre ressort.

HISTOIRE, PHILOLOGIE ET SCIEXCES MORALES

Le Centime et le Nord de la Gaule au siècle d’Auguste et sous les Antonins^ par M. Tailliar, président honoraire à la cour de Douai. Depuis longtemps, M. Tailliar nous

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avait initiés à l’histoire des institutions du Nord de la Gaule sous la domination romaine. Aujourd’hui , il élend ses recherches à la région centrale de notre patrie. Il traite , à la fois, des deux anciennes provinces de Sens et de Reims. Sa nouvelle publication participe ainsi de l’histoire générale et de l’histoire locale. Attentif à ne point séparer l’étude des institutions de l’examen des lieux elles ont fleuri, M. Tailliar commença par distinguer le bassin de la Seine et le bassin du littoral Nord-Ouest. Il trace les sub¬ divisions naturelles de l’un et de l’autre. Puis il parle des peuples qui habitaient ces deux bassins. A ce sujet il éta¬ blit une distinction, dont l’idée lui appartient en propre, entre les peuples j^rimitifs ou principaux , et les peuples secondaires ^ de formation plus récente. Les premiers sem¬ blent avoir eu pour traits , ou institutions caractéristiques : 1 .“ un nom patronymique , qu’ils ont apporté avec eux dans la Gaule ; 2.® des hrenns ou commandants en chefs ; 3.° des sanctuaires ou centres religieux. Ces caractères essentiels manquent aux cités de formation secondaire , peuplades détachées , à une époque relativement récente , de nations plus anciennement constituées. Ces peuplades secondaires , au lieu d’un nom patronymique , portent une désignation empruntée à la configuration des lieux ou à la topographie. Par exemple , M. Tailliar remarque que les VéronianduenSy issus des Suessiones , sont les hommes de la Grande Mon¬ tagne (Ver Mand) ; les Ambiens^ sortis des Bellovaques, sont les hommes du pourtour ou de la zone sinueuse ; les Morins , détachés des Atrébates , sont les hommes de la mer ou des lagunes. <r Ni les uns , ni les autres ne sont in¬ diqués comme ayant obéi à des hrenns ou possédé des sanc¬ tuaires. »

De l’étude des nations, M. Tailliar passe à celle des pagi , dénomination qui s’applique tantôt à des subdivisions ad-

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ministratives de la a7e, tantôt à des régions naturelles. Dans ce dernier cas, le nom du pagus rappelle générale¬ ment ou la physionomie des lieux, ou le genre de produc¬ tions qu’on en tire.

L’auteur retrace ensuite les circonstances dans lesquelles s’est effectuée la conquête de la Gaule , les causes de la perte de son indépendance , les résistances plusieurs fois renouvelées des vaincus et les moyens employés par les vainqueurs pour asseoir et consolider leur domination.

Comme exemples de la diffusion de Télément romain dans les Gaules , il décrit successivement : une colonie militaire (Bavai) : une ville alliée (Reims) ; une ville sujette (Sens) ; une ville de commerce (Paris) ; une ville militaire sur le littoral (Lillebonne) ; un port de mer (Boulogne) ; un établissement militaire à l’intérieur (Chamlieu).

Essai sur le Magistrat de Douai, par M. l’abbé Dehais- nes, archiviste de la même ville. Chacune des lectures de M. l’abbé Dehaisnes est une bonne fortune pour les auditeurs de la Sorbonne , et nous sommes certains de ne pas encourir de démenti si nous disons qu’il en est peu dont le retour soit salué , chaque année , par un accueil plus sympathique. Précédemment, et dans un mémoire fort goûté, notre collaborateur avait entretenu l’assistance des Relations commerciales de Douai avec l’Angleterre au moyen-âge. En 1867 , lorsqu’on s’apprêtait à célébrer le deux-centième anniversaire de la Réunion , par Louis XIV, à la France , des territoires compris dans la circonscription actuelle du département du Nord , il a lu , sur la Domina¬ tion française à Douai et dans la Flandre wallonne, une étude qui lui a valu les félicitations de S. Exc. M. Duruy , présent à la séance. En 1868, c’est un Essai sur le Magis¬ trat de Douai que M. Dehaisnes a présenté aux délégués des Sociétés savantes. Ce mot essai contient un commencement

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de promesse que voudra tenir, nous en sommes certains, l’ac¬ tif et intelligent archiviste de Douai, si bien posé pour écrire une histoire des institutions municipales de cette ville. En attendant, il nous fait connaître la composition du Magis¬ trat, ses attributions collectives et les diverses fonctions de ses membres. Il énumère les atteintes que l’autorité royale a successivement portées à l’autonomie administrative de cette commune, l’une des plus puissantes de Flandre. « Les institutions de Douai , dit-il en terminant , avaient fait vivre une longue suite de générations de cette vie civile et politique qui élève les âmes et trempe vigoureusement les caractères. Aujourd’hui encore , celui qui étudie sérieuse¬ ment l’antique organisation de nos cités y rencontre , non seulement la vérité qui instruit et l’intérêt qui charme , mais aussi des leçons de liberté et d’indépendance. » L'Ambassadeur du Grand-Duc de Toscane et les Proscrits florentins, épisode inédit du règne de Hemd III , par M. Abel Desjardins , doyen de la Faculté des Lettres de Douai. C’est par des tableaux d’un autre genre que M. Desjar¬ dins évoque en nous les mâles sentiments qui sont le plus noble apanage de l’humanité. Quel spectacle révoltant que celui du grand-duc François I.", s’appliquant à poursuivre, jusque sur la terre hospitalière de France, ceux de ses sujets qui ont voulu se soustraire par l’exil à l’asservisse¬ ment de leur patrie. Ils sont cinq contre lesquels il dirige insidieusement le poignard. « Suivre pas à pas chacune des victimes signalées , trouver des meurtriers experts et aguerris , les encourager , les diriger , leur fournir l’occa¬ sion de frapper ; le coup fait , leur procurer les moyens de fuir et leur payer le prix du sang : voilà la grande occupa¬ tion de l’ambassadeur du grand-duc et l’unique souci de son secrétaire! » Le savant hisiovieu des Relations de la France et de la Toscane nous a ainsi fait pénétrer dans un

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des recoins les plus obscurs du triste règne de Henri III.

Etude sur la dernière conversion de Pascal , par M. Delègue. C’est le même morceau dont il a été déjà rendu compte ici à propos du t. xiii des Mémoires de la Société Dunkerquoise. A. Desplanque.

ARCHÉOLOGIE.

Recherches archéologiciues sur le château^ la maison d'é¬ chevinage et l'église de Domart , par M. Dusevel. Domart est un bourg de l’arrondissement de Doullens qui possédait au moyen-âge un donjon construit, en 1174, par Bernard, seigneur de Saint-Valéry. Des sièges et des combats, puis comme fin la ruine et l’oubli , telle est l’histoire du château de Domart et celle de tous ses pareils. Près du château s’éle¬ vait l’église qui sert encore de paroisse à la commune ; elle a subi tant de changements , tant d’incendies et de répara¬ tions qu’on ne peut guère y retrouver de restes certains de ses constructions primitives. Il n’en est pas de même de la maison d’échevinage : elle nous montre un exemple de ce qu’était au xii.® siècle une maison de ville. Outre la des¬ cription et l’histoire de ces monuments, M. Dusevel fait con¬ naître quelques usages du temps. Ainsi , par suite d’une fondation , le prieur de Domart était tenu de faire prêcher dans l’église , « le jour de Pâques fleuries , un sermon pour lequel il payait ordinairement 8 sols et à dîner , ou 10 sols sans le dîner. » J. G.

NOTIONS ÉLÉMENTAIRES SUR l’iNDUSTRIE DANS LE DÉPARTEMENT

DES ARDENNES

par Ed. Xivoit , ingénieur des mines (q

Ce petit volume de 343 pages sera lu avec intérêt par tout

(i)Charleville, Eugène-Jolly; 1869.— In-12de 343 p. avec planches Prix 2 fr. 50.

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le monde. Avec beaucoup de clarté et d’une manière à la fois savante et élémentaire , M. Nivoit explique les indus¬ tries vulgaires, celles dont nous sommes chaque jour té¬ moins et qui satisfont aux besoins matériels les plus pres¬ sants de la Société.

Un premier chapitre est consacré à l’industrie minérale. L’auteur y indique la position géologique et l’exploitation de l’ardoise, de la pierre à bâtir, des marbres, de la chaux, de la marne, de l’argile à briques ou à poteries , du phos¬ phate de chaux, du minerai de fer. Un second chapitre traite de l’industrie agricole , c’est-à-dire des procédés de culture ; de la fabrication de la farine , du pain , du sucre , de la chicorée, du vin, du cidre, de la bière, de l’eau-de- vie, du rouissage du lin et du chanvre, des ateliers d’é¬ quarrissage. Un troisième chapitre est consacré à l’indus¬ trie forestière, si importante dans le département des Ar¬ dennes. Un quatrième à l’industrie métallurgique du cuivre et du fer, les seuls métaux travaillés dans ce département. Le cinquième chapitre est consacré à l’industrie des tissus et essentiellement au travail de la laine à Sedan et à Re- thel. Enfin, sous le titre d’industries diverses , le sixième chapitre contient quelques détails sur l’imprimerie , la fabrication du papier, des crayons, du gaz d’éclairage, du cuir, de la colle-forte (colle de Givet) , du verre, de la poudre, des brosses.

On voit combien de notions utiles on peut trouver dans le livre de M. Nivoit; bien qu’écrit spécialement pour le département des Ardennes, il convient à toute notre région. Nous nous bornons pour le moment à en donner en quelque sorte la table des matières, nous proposant d’y faire de larges emprunts lorsque nous pourrons consacrer quelques ^ articles aux produits naturels de notre pays et aux indus¬ tries locales. . J. G.

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LES CORPS DE MÉTIERS ET LE COMMERCE DE CAMBRAI DU XII.* AU XIX.* SIÈCLE

par M. Alcibiade Wilbert (i)

QUELQUES DOCUMENTS POUR SERVIR A l’HISTOIRE DE l’industrie A LILLE par M. Victor Derode v^)

Le travail de M. Aie. Wilbert, président de la Société d’Emulation de Cambrai, est, ainsi qu’il le dit lui-même, l’extrait d’un ouvrage inédit qui peut être considéré comme un commentaire des diverses histoires du Nord de la France et particulièrement de Cambrai.

Le titre de ce travail laisse entrevoir toutes les questions qui y sont traitées, et que l’étendue de ce bulletin ne nous permet même pas d’eftleurer. A défaut, nous nous spéciali¬ serons et nous nous contenterons de prendre chez l’auteur tout ce qui est relatif aux corps de métiers.

Nous agirons de même avec le mémoire de M. Victor De¬ rode.

Quelle est l’origine de ces Associations d’hommes d’une même profession , connues au moyen-âge sous le nom de Corporations et de qui sont nées les maîtrises et jurandes?

Nous ne le savons pas, mais il est probable qu’elle remonte au berceau des Sociétés.

« Dans tous les temps , dit Dalloz (^), les hommes condam¬ nés par l’état social à une existence précaire ont senti le besoin de s’unir pour se protéger mutuellement et se prêter secours dans les épreuves de la vie. »

P) Mémoires de la Société d'Emulation de Cambrai, t. xxx, 1 partie, p. 311 à 374.

(2) Mémoires de la Société des Sciences , de l’Agriculture et des Arts de Lille, 3.^ série, t. iv, p. 381 à 465.

P) Association Introduction.

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« Chez les Grecs et les Romains , ajoute le même au¬ teur (^) , nous trouvons le travail et l’industrie organisés et réglementés dans des corps collèges o\i communautés, comme nous les retrouverons plus tard dans le moyen-âge. ®

Et plus loin : « Nous nous sommes un peu étendus sur l’origine et l’organisation des corps d’arts et métiers chez les Romains, parce que d’eux sont nés évidemment les Corporations qui, au moyen-âge, couvrirent toute l’Eu¬ rope. Il ne faut pas croire en effet que le régime des mai- trises et jurandes soit sorti à un moment donné des règle¬ ments et des ordonnances de Louis IX et de ses successeurs. Les Corporations existaient dans la Gaule longtemps avant cette époque ; liées au régime municipal dont elles faisaient partie , elles passèrent et se conservèrent avec lui dans la plupart des villes. »

Nous voyons donc que Louis IX n’organisa pas les pro¬ fessions ; il constata seulement les règlements qu’elles s’é¬ taient donnés comme le fit plus tard Charles VII pour toutes les coutumes du royaume (2) , afin de mettre un terme aux difficultés qui naissaient des lois établies par l’usage mais non écrites et par suite diversement interprétées (3).

Les quelques renseignements qui précèdent nous ont paru nécessaires pour établir la filiation , jusqu’au moyen- âge , des Corporations d’arts et métiers ; ils nous font voir d’ailleurs que notre civilisation actuelle a pour points de

(1) Industrie Introduction.

(2) A propos de ces coutumes, voici ce que nous apprend Mouston ; « Le dessein en fut formé sous Charles VII , qui ordonna que toutes les coutumes seraient écrites et accordées parles praticiens de chaque pays, puis examinées par le Grand Conseil et le Parlement. » Cette rédaction fut lente et difficile ; elle ne fut achevée que plus de 100 ans après la mort de Charles VII.

(3) M. Aie. \\’ilhert, loc. cit. p. 318.

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dépari les premières Sociétés humaines qui se sont formées.

Les Corporations jouissaient à l’origine d’une certaine indépendance , mais les chartes qui avaient été d’ahord pour les industriels des garanties de liberté , changèrent de nature et devinrent pour eux des liens véritables, liens déguisés sous toutes sortes déformés. Les droits des Corpo¬ rations, leurs privilèges disparurent graduellement et furent remplacés par des clauses contraires. L’accessoire prit la place du principal et les titres ne relatèrent plus que les conditions d’admission des candidats, l’obligation du chef- d’œuvre, les formalités de fêles religieuses, les festins de corps, etc. (*)

Il avait été de l’intérêt privé des maîtres de demander des chartes pour écarter la concurrence étrangère. Les rois ont cru qu’il était de leur intérêt de l’intérêt général , veux-je dire , d’avoir sous la main les Corporations.

(( Chaque communauté n’avait eu en vue, dit M.Depping(2), que l’avantage personnel des maîtres de métiers ; de les longs apprentissages qui, pour quelques métiers, étaient de 8 à 10 ans. »

A Cambrai et à Lille , la durée de l’apprentissage était beaucoup moins longue.

A Cambrai, les serruriers, maréchaux, orfèvres, caudril- liers (chaudronniers) , éperonniers , arquebusiers , taillan¬ diers et couteliers ne pouvaient passer maîtres qu’après un an d’apprentissage (3).

A Lille, le candidat devait fournir, au siège du stil devant lequel il se présentait, une attestation d’apprentissage de 2, 3 , 4 années.

On appelait stil ou métier, une profession industrielle

(q Derode, loc. cit. page 389.

(2) Cité par M. Aie. Wilbert, loc. cit. p. 319.

(3) Règlement du 25 octobre 1599, cité par M. Aie. Wilbert, p. 320.

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quelconque. Les artisans du même stil se réunissaient pour élire un chef ou syndic. Aidé de quelques Conseillers dési¬ gnés par l’élection , le syndic formait le siège du stil , sorte de tribunal qui fixait la part de chaque maître dans les im¬ pôts exigés de l’industrie , examinait les candidats au titre de franchise ou de maîtrise. Pour avoir force de loi les sen¬ tences du siège devaient être sanctionnées par le Magis¬ trat (^).

Outre l’apprentissage dont nous venons de parler, les règlements de chaque corps de métiers exigeaient de l’ap¬ prenti un travail du métier qu’il voulait exercer : ce qui s’appelait le chef-d'œuvre.

C’était à Cambrai : pour les tonneliers et cuveliers , une baignoire ou un saloir ; pour les chapeliers , deux chapeaux de telle étoffe , forme et façon qu’il était ordonné par les mayeurs (^) .

A Lille , les chapeliers devaient confectionner quatre chapeaux : un en carton , un en laine de cigone [sic), un en laine d’Espagne et un en laine d’Avelaine p).

L’apprentissage terminé, le chef-d’œuvre accepté, le travailleur pouvait passer maître , s’il avait le moyen de payer aux maîtres du corps et aux valets une certaine ré¬ tribution, et en outre, une entrée , un diplôme , une coti¬ sation annuelle.

Ceci se passait à Lille. A Cambrai, dit M. Aie. Wilbert (4], l’apprenti admis en qualité de maître devait payer pour sa réception une somme déterminée qui appartenait , pour la plus forte partie, à celui qui sous le nom de roi devait avoir constamment en vue les intérêts de ses confrères et se trou-

(1) M. Dorode, loc. cit. p. 392.

(2) M. Aie. Wilbert, p. 321.

(3) M. Derodo , p. 400.

[^) Page 320.

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«

\ ait particulièrement chargé de les défendre, et, pour le surplus, diiix jurés et aux maîtres chargés , ceux-ci, de l’ob¬ servation du règlement ou de la police du métier , ceux-là , des jugements à porter sur toutes les difficultés qui se pré- sentaientou des appréciations à en faire et des avis à donner sur le mérite des apprentis qui aspiraient à passer maître ou, comme on le disait : lever leur métier.

Les maîtres en étaient arrivés à considérer leurs métiers comme un bien héréditaire. Aussi, difticultés sur difficultés pour les aspirants; au contraire, peu ou point d’obstacles pour les enfants des maîtres. Les droits des maîtres (^), c’est-à-dire ceux qu’on avait à payer pour passer maître , étaient généralement moindres pour les fils de maître que pour les autres apprentis. Les fils de maîtres qui travail¬ laient sous la direction de ces derniers étaient seuls dispen¬ sés de justifier de leur apprentissage.

On sait que la division des professions existait officielle¬ ment et qu’il s’y attacha la réglementation des modes ou

0

procédés de fabrication. Chacun devait faire son métier et rien que son métier , et les empiétements d’une profession dans l’autre étaient sévèrement punis. Aussi , quels procès ! C’était le bon temps de la chicane , mais par contre une triste époque pour l’industrie.

Voyons , à titre d’exemple , ce qui se passait à Lille dans trois corporations : les teinturiers en gourdaine, les teintu¬ riers grand teint et les teinturiers petit teint. Ces Corpora¬ tions étaient en hostilités continuelles. A chaque invention nouvelle c’était de nouvelles difficultés. Mais quand vint le teint Saxe, ce fut bien pis encore : il fallait des substances appartenant à trois Corporations diverses. Lorsqu’en 1766 arrivale rouge d’Aiidi inople inventé par Dachon, ce fut une

(J) Aie. V’iibert , loc. cit. page 323.

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telle complication de procès et de procédés que tous les tein¬ turiers finirent par mourir à la peine. Un seul avait résisté et exerçait en 1780.

O

C’est l’histoire des Corporations à cette époque ; elles étaient mortes ou se mourraient. Aussi la Révolution qui vint abolir les privilèges des maîtres en meme temps qu’elle fit table rase de toutes nos vieilles institutions, n’a pas de¬ vancé de beaucoup, croyons-nous, le moment le com¬ merce en général aurait demandé lui-même la liberté du travail et de l’industrie, liberté proclamée la première fois par Turgot , dans le préambule de l’édit de 1776.

C’est la loi du 2 mars 1791 qui supprima tous les offices et lettres de maîtrises. Cette suppression fut-elle un bien ? Oui. Car en affranchissant l’industrie, elle affranchit aussi les travailleurs et ce n’est pas peu de chose.

Cependant il faut reconnaître avecM. Villermé (* *) que le régime des Corporations eut une grande part à l’affaiblis¬ sement du pouvoir féodal, à l’affranchissement des com¬ munes, et que, par conséquent , la critique à laquelle a pu donner lieu l’organisation des corps et métiers, s’applique non aux statuts du moyen-àge, mais à ceux qui leur ont succédé et dont on a eu à constater le caractère en 1789.

Lecocq.

LE CHATEAU DES DIADLES OU LES SOUTERRAINS DU CAILLOU-QUI-BIQUE Essai romantique par Victorien Tassin

Toutes les objections que l'on peut faire contre la légiti¬ mité du roman historique ont été produites depuis long¬ temps et nous sommes loin de méconnailre la valeur de la plupart d’entr’elles. Nous n’en devons pas moins compter

(1) Cité par M. Aie. Wilbert, loc. ciU page 342.

(*) Valenciennes , Giard, 1868; in-8."de272 p.

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avec un genre de littérature (pour ne citer que des hommes de notre pays) se sont distingués tour à tour MM. Edouard Le Glay et Henri Bruneel , Eugène Bouly de Lesdain et Samuel-Henri Berlhoud , Victor Derode et Jules de Saint-Génois. C’est dans ce groupe d’écrits les riches couleurs de l’imaginalion s’associent aux sévères réalités de l’histoire , que l’essai romantique de M. Victorien ïassin demande à trouver place.

Hâtons-nous de dire que, de l’aveu même de l’auteur, la fantaisie domine dans son œuvre, l’audacieuse fantaisie d’Outre-Rhin. Lecteurs de Consuelo, qui vous souvenez des merveilles souterraines du château de Rudolsladt , atten¬ dez-vous à les voir ici dépassées. Les sombres visions des Paroles d’un Croyant vont aussi défiler sous vos yeux! M. T assin s’est proposé pour but d’interpréter historique¬ ment les traditions populaires qui se rapportent aux caver¬ nes imaginaires du Gaillou-qui-Bique. Là, des fantômes rôdent le jour et la nuit, détenant de nobles vierges, de respectables matrones et de preux chevaliers , touchantes victimes qui ne reparaissent, par intervalle, à la lumière, que pour donner des preuves trop visibles d’altération mentale. C’est que les plus formidables scènes de la Sainte- Vehme se reproduisent dans ces forteresses enfouies sous le roc. C’est que des jeux bizarres de la natui c contribuent à accroître, pour le spectateur involontaire de pareils tableaux, l’épouvante qui s’y attache d’elle-méme.

Si , par le style et le procédé littéraire, M. Tassin se rap- pi*oche de l’école du LaMennais des derniers jours, il en diffère par l’inspiration politique et religieuse. Ajoutons que dans son livre, manque trop souvent la clarté, il circule , à de certains^ endroits , un air pur et ras¬ sérénant , il règne un atmosphère pacifié qui repose le lecteur de ses émotions trop fortes et qui trahit chez Tau-

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leur un sincère admirateur de tout ce qui est beau, grand et généreux.

Malbeureusement , et en ne prenant que M. Tassin pour guide , on court risque de sortir du Château des Diables sans savoir au juste ce qu’est, sous le rapport scientifique, cet endroit si remarquable. La note explicative que le romancier aurait placer à la lin ou au commencement de son livre, M. Gosselet s’est chargé de l’écrire. On la trou¬ vera insérée ci-dessous. A. Despla^que.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES

Géologie. Caillou-qui-Bique. Le rocher qui porte ce nom est situé sur le territoire belge , dans le bois d’Angre, propriété de M. de Louvencourt, à 10 kilomètres environ de Valenciennes et du Quesnoy. C’est un poudingue formé de galets de quarz et de quarzite réunis par une pâte rouge et très-dure de nature argilo-siliceuse. Il appartient au terrain dévonien il constitue la partie supérieure d’un ensemble de grès et de schistes rouges qui a été désigné depuis longtemps par M. D’Omalius d’Halloy sous le nom d’étage du poudingue de Burnot.

Ce poudingue se retrouve dans beaucoup d’autres lieux de la Belgique, formant presque partout des rochers pit¬ toresques dont l’aspect étrange a vivement frappé l’imagi¬ nation des habitants. Cet aggrégat de cailloux roulés, dont quelques-uns atteignent la grosseur d’une tête d’homme, ne paraissait pouvoir être que l’ouvrage d’une puissance ténébreuse ; plusieurs ont conservé leurs noms légendaires. Tel est le Mur-du-Diable que coupe le chemin de fer entre Pepinster et Spa. Le Caillou-qui-bique a été rapporté au même architecte ; on prétend, dans le pays, que le diahle y avait établi son château et y avait enfoui ses richesses

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dans d’immenses cavernes , on ajoute aussi que le rocher croît tous les ans de quelques pieds, etc.

S’il est inutile de s’occuper scientifiquement de ces lé¬ gendes, il importe néanmoins de prévenir nos lecteurs que les cavernes qui y sont signalées sont puremenl imaginaires. Les cavernes n’existent en général que dans les terrains calcaires et rien n’en décèle la présence au Gaillou-qui- bique.

En face du Gaillou-qui-bique , sur le liane gauche de la vallée, on voit d’autres rochers de poudingue qui formaient primitivement avec lui une masse continue, mais des dislo¬ cations géologiques en brisant le terrain y déterminèrent la fente que suit maintenant l’Honeau (Eau-de-Hon) , dit aussi par corruption l’Hogneau, petite rivière qui va se jeter dans l’Escaut à Gondé. Gomme tous les cours' d’eau qui coulent dans des vallées de fracture , l’Honeaii a un lit très- inégal ; il s’y trouve des barrages naturels et des cavités profondes au-dessus desquelles l’eau passe en tournoyant. Au pied du Gaillou-qui-bique , existe un de ces petits gouf¬ fres qui fut le théâtre d’un terrible accident. J. G.

Numismatique. De la Monnaie dans le département du Nord (suite). Les petits deniers de style artésien furent remplacés , sous Marguerite de Gonstantinople (xiii.® siècle), par des doubles tiers de gros, plus en rapport avec la mon¬ naie royale. Ils représentent un double aigle aux ailes éployées , ou la comtesse à cheval ; au revers est une croix cantonnée de quatre lettres. Diamètre : environ celui de la pièce d’un franc (^).

Le xiv.® siècle vit circuler en Flandre , concurremment avec les gros tournois français et leurs divisions, des dou-

(1) A finégalité ordinaire des flans, s'ajoutent souvent les mutila¬ tions des rongeurs et des recopeurs que la rigueur des lois ne parvenait point à empêcher.

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blés tiers de gros au double aigle , des cavaliers et des esterlins dont le type fut emprunté à la monnaie anglaise. Ceux-ci montrent une tête de face aux cheveux bouclés, et au revers , une croix cantonnée à chaque angle de trois besans ou gros points. Diamètre de la pièce de oO centimes.

Le lion de Flandre occupe tout le champ de la monnaie sous Louis-de-Crécy qui a laissé beaucoup de monnaies noires , c’est-à-dire de bas aloi.

Louis-de-Mâle fit frapper de magnifiques monnaies d’or ; elles sont dignes du rapide développement de la richesse publique au xiv.® siècle.

Le flan de ces monnaies est très-large et parmi les six variétés de types quelles présentent, on peut signaler, comme assez répandus , les vieux écus le comte est figuré assis sur un trône gothique, ainsi que le mouton et le franc à cheval , dont le nom indique suffisamment l’empreinte principale.

Les monnaies d’argent , encore plus communes que les pièces d’or, sont le lion heaumé, c’est-à-dire coiffé d’un casque empanaché (diamètre excédant celui de la pièce de dix centimes), et les gros au lion , plus petits et représen¬ tant un lion debout. Au revers , rinscriplion qui entoure la croix est dans un cercle de trèfles placés eux-mêmes dans de petits cercles. E. V.\x Hexde.

M USEE S.

MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE DOUAI (suitO)

I. Antiquités égyptiennes. Lorsque la ville de Douai sera en jouissance de la collection Jomard, elle possédera un véritable musée égyptien. Dès maintenant les archéolo¬ gues peuvent y étudier quelques objets qui donnent une idée de l’art et de la vie privée sur les bords du Nil aux

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époques les plus florissantes des Pharaons. Nous signale¬ rons une Table de libations trouvée à Thèbes et rapportée en France par M. de Chabrol, dont l’inscription offre le cartouche du roi Psammétichus (:26.® dynastie de Manéthon). Ce monument, qui appartient à une période dont il reste peu de vestiges , n’a pas d’analogue au musée du Louvre. La collection des Antiquités égyptiennes de Douai contient encore une tête sculptée en bois provenant aussi de Thèbes (n.°392) ; un Bas-relief en marbre représentant un Cavalier (n.®361) ; un Stèle en pierre calcaire d’un beau style offrant une Femme accroupie (n.“ 277) , et une Main en granit noir qui tient la Croix ansée, symbole de l’Eternité chez les Egyptiens (n.® 27o). Nous appelons encore l’attention des visiteurs sur les Débris conservés dans les armoires n.®* 1 et 2 ; ils y trouveront, avec les Cheveux et la Poussière des momies, des Toiles très-fines, des Tissus de diverses cou¬ leurs et des fragments d’Etoffes peintes. Ces restes prove¬ nant de tombeaux creusés sous la dynastie Thébaine (du XII.® au xvii.® siècle), prouvent que les Egyptiens étaient très-avancés dans Part de tisser , de teindre et de colorier les étoffes.

II. Antiquités celtiques. En attendant que la ville de Douai entre en possession de la riche collection ethnogra¬ phique de M. H. Berthoud, surtout remarquable , ainsi que nous l’avons dit, par une multitude d’objets de Vâge de pierre^ le musée archéologique contient un assez grand nombre de débris de cette époque primitive..

Sous le n.® 703 figure une Hache en pierre (amphibole et talc) longue de vingt-quatre centimètres et large de dix, trouvée avant 1804 à Izel-lez-Equerchin , près Douai ; elle est surtout remarquable , parce qu’elle montre , sur l’une de ses faces, la représentation grossière d’une ligure hu¬ maine. Une sculpture analogue se voit sur le n.® 704, autre

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Hache en amphibole et mica, achetée à un marchand de curiosités qui n’a pu en indiquer la provenance (i). Au nom¬ bre des autres Haches en pierre (n."® 692 à 702) , nous si¬ gnalerons le n.° 699 dont la partie supérieure présente deux entailles qui devaient servir à l’emmanchement, et les n.°® 701 et 702 ajustés dans des gaines en corne de cerf percées, à leur partie centrale, d’un trou évidemment destiné à re¬ cevoir un manche. L’un de ces objets a été trouvé à Lens en 1841.

Nous signalerons encore trois pointes de flèche ou de javelot en silex agathisé et vingt-trois grains de différentes matières , verroteries qui ont servir à un collier ; ces derniers objets proviennent de la collection de M. Carlier , curé de Bavai. Les statuettes en plâtre od en terre blanche grossièrement sculptées, désignées sous les n.*^* compris entre 705 et 709 , représentent , non pas comme le dit Mont- faucon, des Pleureuses, mais plus probablement la Vénus celtique (2). L’on se demande si trois de ces statuettes ne soat pas des imitations dues à une main moderne. L’étude des armes et des objets appartenant à l’âge de pierre n’est pas sans importance et sans intérêt : elle nous fait com¬ prendre ce qu’étaient nos pères il y a quelques milliers d’années ; elle nous les montre dans l’état sauvage se trouvent encore les habitants de certaines îles de l’Océanie.

L abbé Ch. Dehaisnes.

P) Il est question de ces deux liaclics dans de Bast, Antiquités celti¬ ques (t. I , p. 225); dans le Bulletin monumental de France, note du docteur anglais Bi{o.mett( t. n , 12.® de la collection, p. 502) et dans le Mémoire déjà cité de M. A. Cahier (Mémoires de la Société d'Agricullure de Douai , 1852-53 , t. ii , p. 230 ).

(2) Montfaucon , V Antiquité exfliquèe , t. v, ii.® partie, p. 190.

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MUSÉE ETHNOGRAPHIQUE DE LILLE { Mlisée MoUlet).

En 1831 , M. Jomard , membre de l’Institut, afin de dé¬ montrer la convenance de la création d’un Musée ethno¬ graphique en France , s’exprimait ainsi :

« Les peuples récemment découverts et encore reculés » dans l’échelle de la civilisation, marchent maintenant » avec une rapidité énorme , à l’aide de la culture que vien-' » lient leur apporter les nations commerçantes de l’Europe ; » mais à mesure qu’ils s’en éclairent, qu’ils adoptent les » mœurs ou les besoins des nations européennes, leurs »• usages propres s’effacent, leur manière d’être se modifie » ou change tout à fait pour faire place à d’autres. De nou- » velles idées sociales et industrielles leur font abandonner D celles de leurs aïeux. Peut-être un jour, quand on vou- » dra tracer le tableau historique des progrès des peuplades » sauvages, on sera réduit à de vagues renseignements, à » d’obscures traditions. Il importerait donc àriiistoire de » l’espèce humaine et à celle de la civilisation qu’on eût » constaté le point ces peuples étaient parvenus avant » de recevoir le bienfait des lumières et d’un état social » perfectionné. »

Ainsi , selon la pensée de M. Jomard , le degré de civili¬ sation d’un peuple ne saurait être bien apprécié que par l’examen des objets dont il fait usage. En demandant la création d’un Musée ethnographique , Musée fondé depuis un certain temps à Paris et installé au Louvre , il voulait que ces objets fussent exposés aux yeux du public et pour son instruction, tels qu’ils sont rapportés des pays lointains; de ces pays surtout la lumière européenne n’a pas encore entièrement pénétré.

Mais pour former fructueusement ces collections, il est indispensable qu’un choix judicieux en soit fait; il faut

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qu’elles caractériseul bien les peuples. Or, on comprend alors que dans ce choix doivent principalement figurer, par exemple , les symboles du culte et des superstitions ; les instruments qui servent à exprimer et à transmettre le sen¬ timent musical , mode d’expression inné chez tous les hom¬ mes ; les armes de guerre et de chasse ; les outils employés dans lesurts; les ustensiles variés de l’économie domesti- que et de la culture des terres ; les tissus de tout genre ; les ornements du corps, voire même des modèles de navires et de pirogues.

C’est dans cet ordre d’idées et dans cet esprit que le fon¬ dateur du Musée ethnographique de Idlle, M. Alphonse Moillet , a formé les diverses collections qui le composent. En parcourant ses galeries, en suivant ses divisions géo¬ graphiques depuis la région de la terre qui, la première , s’est trouvée la plus élevée dans l’échelle de la civilisation , c’est-à-dire l’Asie, jusqu’à l’Océanie, cette autre partie de notre globe encore au bas de celte échelle, on remarquera, au premier aspect, que M. Moillet s’était pénétré de la néces¬ sité d’un pareil choix.

Nous ne faisons, aujourd’hui, qu’attirer l’attention de nos lecteurs sur ce qu’offre d’important ce genre de Musée, nous réservant de décrire , par la suite , les objets du Musée de Lille qui , au point de vue de la filiation des peuples , offrent le plus grand intérêt. C. Bachy.

CHRONIQUE.

Géologie. Tranchées du Chemin de fer aux environs d’Anor et d’Origny. Le chemin de fer d’Aulnoye à Hirson a donné lieu , aux environs de Fourmies , à plusieurs tran¬ chées intéressantes. Ainsi la gare de Fourmies est entaillée dans des schistes grossiers passant à la grauwacke j’ai

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trouvé les fossiles suivants: Phacops, Spirifer cultrijugatus, Sp. carinatus^ Rhynchonella Daleidensis ?, Orthisstriatula, Leptœna Phillipsii, Chonetes sarcinulata ^ Chonetes plebeia Pleurodyctium prohlem aticiim ^ Tentaculites.

Ces couches ainsi que les calcaires des Tries deVillers sont enfermées dans un repli formé par les grès et les schistes rouges, dont la bande septentrionale passant au^^Nord du Fourneau est connue depuis longtemps. La bande méridio¬ nale vient d’être rendue visible par une tranchée à l’entrée de la Haye de Fourmies; on y a établi des carrières. La voie ferrée longe ensuite l’étang des Moines et elle pénètre dans une tranchée qui s’étend jusqu’à x\nor. A l’entrée on voit aflleurer quelques bancs de grés gris très-siliceux re¬ présentant les grès noirs de Vireux (système ahrien de Dumont) ; tout le reste de la tranchée est dans l’argile; la voie repose sur un sable argileux vert appartenant à la craie giauconieuse ; au-dessus il y a trois mètres d’argile verte ou grisâtre très-plastique, qui correspond aux Dièves des mineurs; on l'enlève au pic. Sa surface est ondulée, irrégu¬ lière , recouverte d’une petite couche de 0 m. 25 à 1 mètre d’argile verdâtre ou rougeâtre remplie de silex de la craie et présentant de place en place des nids de sable et des petites veines de argile ligniteuse. Les 3 mètres supérieurs de la tranchée sont formés par du limon argilo-sableux jaune , panaché de blanc, se délayant dans l’eau. Sous l’in¬ fluence de la pluie , cette couche argilo-sableuse délayable glisse sur la glaise sous jacente et coule dans la tranchée. On est obligé de la maintenir par des mâçonneries.

Les mêmes terrains ont été entaillés par la section du chemin de fer d’Hirson à Vervins. Entre Origny et le Chau¬ dron , la voie ferrée suit à mi-côte la vallée du Thon , de nombreuses tranchées ont été faites à travers l’argile grise surmontée du limon argilo-sableux jaune. La traversée

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d’un petit ravin a nécessité des remblais considérables. Sous la pression de ces terres rapportées , la faible couche de limon qui sur le penchant de la colline recouvre l’argile grise s’est mise à descendre, entraînant prairies, arbres, haies , habitations , se tordant et se roulant comme une coulée de lave. Le remblai fait également en limon delaya- ble a suivi le sol et a coulé dans la vallée , recouvrant toutes les propriétés voisines. J. G.

liétéorolog-ie. Mois de mai 1869. Le mois de mai de cette année a été remarquable par son excessive humidité ; la quantité d’eau recueillie en 22 jours a formé une couche d’une épaisseur de 160 mill. 08 qui depuis 17 ans n’a été surpassée que par celle dumois d’octobre 1854(166milL88). La moyenne de pluie pour le mois de mai est de 60 mill. 77, par conséquent celte quantité a été plus que doublée pen¬ dant le mois qui vient de s’écouler ; aussi le débit des cours d’eau à très-considérablement augmenté et dans beaucoup d’endroits les terres arables sont submergées.

L’évaporation qui pour le mois de mai est , en moyenne, de 116 mill. 18, n’a été cette année que de 90 mill. 78 , différence en moins 25 mill. 40. Les causes qui ont atténué ce météore sont l’état de nébulosité du ciel, souvent couvert, et l’abaissement de la température atmosphérique dont la moyenne n’a été que de 12.® 2. La moyenne des minima a été de 7.® 90, celle des maxima 16.® 51. Le minimum absolu a été de 3.® 3 observé le 2 , et le maximum de 20.® 9 , le 25. La température moyenne ordinaire du mois de mai est de 12.” 45.

La grande quantité d’eau de pluie a été la conséquence d’un état hygrométrique voisin de la saturation , dans les régions élevées de l’atmosphère ; cette cause a aussi aug¬ menté la dépression de la colonne barométrique, dont la hauteur moyenne à 0.® n’a été que de 755 mill. 87 oscillant

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entre les extrêmes 742 mill. le 7 et 765 mill. 10 le 13. La hauteur moyenne, pour le mois de mai, est ordinairement de 758 mill. 98.

L’air a été très-humide pendant le mois de mai ; la tension moyenne, qui généralement est de 7 mill. 94, a été de 8 mill. 47 , et l’humidité relative de 74 *'/„ au lieu de 68 4 7o-

Par suite de cette excessive humidité les brouillards ont été nombreux (29) , ainsi que les rosées (19).

L’état électrique de l’atmosphère a été très-prononcé. 8 orages sont survenus les 6 , 7 , 8 , 17 , 18 , 19 , 22 , 27.

Le 13 à 10 heures du soir on observa une aurore boréale qui n’offrit aucune des particularités de la dernière.

Les vents régnants ont été ceux du S., du N., du S. O. et du N. E. soufllant généralement avec force. V. Meurein,

Pliy^iiciiie applôciiiée. Avertisseur d’incendie. Le Chimiste, journal do Cdiimie appliquée aux arts, à l’indus¬ trie et à l’agriculture, publié à Bruxelles par M. Bergé, contient, dans son N.o 3, 4.® année, la description d’un avertisseur d’incendie inventé par M. Loppens, horloger à Gosselies. La pièce principale de l’appareil est un thermo¬ mètre bimétallique composé de deux lames juxtaposées, l’une d’acier , l’autre de zinc. Le zinc étant beaucoup plus dilatable que l’acier, sous l’influence d’une augmentation de température, la lame double se courbe du côté de l’a¬ cier , elle vient alors toucher un bouton métallique et met ainsi en communication une pile électrique avec la détente d’une sonnerie à poids. Le thermomètre métallique est très-sensible, la réverbération d’un foyer suffit pour déter¬ miner sa courbure. Une vis permet de rendre cette sensi¬ bilité plus ou moins grande en rapprochant ou éloignant le bouton métallique de l’extrémité de la lame thermométrique. La pile dont se sert M. Loppens est une pile au sulfate de mercure qui n’exige aucun soin pendant une année entière.

J. G.

Le Gérant : E. Gastiaux.

>

Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.

rs'.° 7. Juillet 1869.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DE L’.\GRICULTURE ET DES ARTS DE LILLE

Travaux courants.

Recherches sur le chlorure de chaux et sur le blanchi¬ ment des tissus, par M. J. Kolb, m. corr. Les princi¬ paux perfectionnements qui ont été apportés dans l’art du blanchisseur sont essentiellement de l’ordre pratique, tandis que l’explication des phénomènes chimiques laissait beau¬ coup à désirer. M. Kolb vient de combler cette lacune en présentant à la Société des sciences la deuxième partie de ses recherches sur le blanchiment des tissus; la première partie insérée dans le YI.® volume des mémoires de cette Société a été précédée, comme introduction , d’un travail sur le chlorure de chaux. Nous allons rendre compte du tout.

Plusieurs chimistes, avec M. 3Iartens, ont considéré les chlorures décolorants comme des composés analogues à de l’hydrate de chlore. M. Millon rapproche ces chlorures des bioxydes, dont ils ne différeraient que par la substitution d’un équivalent de chlore à un équivalent d’oxygène. Quel¬ ques chimistes considèrent le chlorure de chaux comme renfermant de l’eau oxygénée. Il en est d’autres qui admet¬ tent qu’il est le résultat d’une combinaison d’ozône et de chlorure de calcium. Enfin, l’opinion la plus accréditée est celle qui a été formulée par Balard et Gay-Lussac : les chlo¬ rures alcalins sont un mélange d’un équivalent d’hypochlo- rite et d’un équivalent de chlorure alcalin.

M. Kolb démontre que l’eau fait partie constituante du chlo-

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rure de chaux auquel il attribue la formule 2 (CaO.HO.Cl) + CaO.HO. Partant de cette base, l’auteur en déduit la composition du chlorure liquide. Le chlorure de chaux sec, traité par Peau , se dédouble nettement en hydrate de chaux qui se précipite, et en chlorure de chaux liquide qui doit être considéré comme renfermant un équivalent de chlorure de calcium et un équivalent d’hypochlorite de chaux.

Ce mémoire se termine par l’action des divers acides sur le chlorure de chaux , d’où il résulte que l’acide sulfuri¬ que concentré, l’acide chlorhydrique, ainsi que les acides oxydables (ac. sulfureux, ac. hypoazotique, etc.) donnent du chlore; tandis que les acides faibles, l’acide sulfurique étendu, l’acide carbonique, etc., dégagent de l’acide hypo¬ chloreux. Le chlorure de chaux employé comme désinfec¬ tant dégage donc de l’acide hypochloreux et non pas du chlore. Beaucoup de sels oxydables s’oxydent aux dépens du chlorure de chaux et le transforment en chlorure de calcium.

Abordons maintenant les observations de M. Kolb sur l’opération du blanchimentproprementdit, dont l’ensemble du travail comporte quatre phases distinctes : 1.® Décreu¬ sage , c’est un simple débouillissage à la soude ; 2.® Chlorage ou blanchiment proprement dit; 3.® Passage à l’eau acidu¬ lée ; 4.® Rinçage à l’eau pure.

Le traitement du fil de lin par les alcalis est destiné à enlever une substance de nature inconnue que Berthollet appelait la matière colorante jaune, que Kirwan prit pour une résine et Rouget de Liste pour une gomme résine. M. Kolb prouve que cette matière est simplement de l’acide pectique qui prend naissance pendant le rouissage par suite d’une fermentation particulière qui transforme la pectose en pectine et en acide pectique. Cette dernière substance reste attachée aux libres du lin, d’où on l’enlève en faisant

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bouillir le fil dans un bain alcalin. Ce lessivage affaiblit plus ou moins le lin en lui enlevant 22 0/0 de son poids. L’affaiblissement est indépendant de la proportion d’alcali, de même qu’il n’est pas proportionnel à la perte de poids du fil. Selon l’auteur, le carbonate de soude agirait aussi favorablement que la soude caustique ; mais l’emploi de la chaux , même à froid , cause au fil une perle de résistance considérable. Ces résultats sont exposés dans divers tableaux auxquels nous renvoyons le lecteur.

Dans son deuxième mémoire, l’auteur étudie l’action du chlore et des chlorures décolorants sur le fil de lin. Il prouve que le lin brut renferme deux matières colorantes distinctes, l’une abondante, de nature pectique, soluble dans le traitement alcalin; l’autre, en petite proportion, de couleur grisâtre, insoluble dans la plupart des réactifs, qu’on ne peut donc enlever à la fibre , mais qu’on masque en la décolorant par les agents oxydants. Le chlorure de chaux agit donc comme l’eau oxygénée, les permanganates, les bichromates , etc. Mais la question de savoir si les agents chlorurants fonctionnent en enlevant de l’hydrogène ou bien en fixant de l’oxygène , n’a jamais été élucidée. L’auteur résout la question en observant l’action des gaz chlore et acide hypochloreux. Le fil sec mis en présence de chlore sec ne donne lieu à aucun phénomène de décoloration , même au soleil , ce n’est donc pas en enlevant de l’hydro¬ gène que le chlore blanchit. L’acide hypochloreux sec au contraire blanchit instantanément ; il est décomposé par le fil en chlore qui se dégage et en oxygène qui est fixé. L’ozône agit de même. Il est donc établi que c’est par la fixation de l’oxygène sur la matière colorante du lin que celle-ci est blanchie.

La suite de ce travail met en évidence les faits suivants : l’eau de chlore employée à très-faible dose blanchit le fil,

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sans lui oler de son poids ni de sa force, par simple modi- flcalion de la matière colorante; mais employée à plus forte dose, l’eau de chlore attaque la fibre avec production d’acide carbonique et d’acide cblorbydrique. Le chlorure de soude neutre agit comme le chlorure de chaux. Un excès d’alcali ne donne lieu à aucune modification. Les bains de chlore en présence d’acide carbonique dégagent de l’acide hypochlo¬ reux qui agit à la fois par son oxygène et par son chlore. Dans ces conditions, il y a à la fois blanchiment et désa¬ grégation. Employé dans les mêmes circonstances, l’acide chlorhydrique est funeste.

L’auteur condamne l’usage que font les blanchisseurs de l’aréomètre pour préparer un bain de chlore , car selon lui , de i00.° à 200.® chloromélriques , l’aréométre n’indique qu’une différence de 0,8 souvent inappréciable sur certains instruments.

Le fil est ensuite passé dans de l’eau acidulée qui a pour but de dissoudre les sels calcaires fixés sur la fibre. Ce bain devra être très-faible , car il n’est pas sans action sur la solidité de la fibre.

Enfin, les fils conservent souvent encore une légère odeur de chlore que M. Rolh propose de neutraliser par un pas¬ sage en bain faiblement ammoniacal qui détermine la for¬ mation d’azote et de sel ammoniac inoffensif.

L’auteur termine son mémoire par les considérations suivantes : « Je vois dans le chlorure de chaux une source multiple dont on peut à volonté tirer du chlore, de l’acide hypochloreux ou de l’ozône : chacun de ces corps agit diffé¬ remment dans le blanchiment. » J. Ortlieb.

Vibrations d'une masse d'air renfermée dans une enve¬ loppe biconique^ par M. Gripon. Les tuyaux employés dans les jeux d’orgues sont cylindriques et ce sont les tuyaux de cette nature qui ont servi dès l’abord aux expé-

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riences des physiciens. M. Gripoii dans un travail précédent avait recherché les lois qui président aux vibrations sonores dans les tuyaux coniques. Le présent mémoire est consacré à des tuyaux formés de deux cônes apposés base à base. Dans ces tuvaux, le nombre des vibrations c’est-à-dire l’acuité ou la gravité du son dépend de la longueur du tuyau, de l’angle du cône, du rayon de l’embouchure et de celui de la base du cône.

Nouvelles observations sur Vexistence du Gault dans le département du Nord, par M. Gosselet. Il y a quelques années un sondage a été fait chez M. Pesier, près de la Place-Verte à Valenciennes. A 38 mètres de profondeur on a rencontré, sous le tourtia, une argile grise à reflets rou¬ geâtres que l’on a cru appartenir à l’étage du grès rouge (terrain dévonien). Comme une bande de grès rouge borne au sud le terrain houiller de Valenciennes, on a supposé que la limite de ce bassin passait au nord delà Place-Verte. M. Gosselet croit cette conclusion hasardée. L’argile ren¬ contrée chez M. Pesier lui paraît appartenir au terrain cré¬ tacé, étage du Gault , et il se pourrait que dessous on ren¬ contrât le terrain houiller. M. Gosselet rapporte aussi au Gault quelques fossiles déposés au Musée de Douai par M. Clerc, ingénieur des mines, et provenant d’Anzin ; d’autres fossiles qui existent dans les collections de la Faculté des Sciences de Paris et qui viennent de Cantin , près Douai , ainsi que l’argile pyriteuse rencontrée par un forage à 168 mètres de profondeur à Férin , à 4 kilomètres de Cantin. J. G.

ACADÉMIE D ARCHÉOLOGIE DE BELGIQUE Annales , t. xxiv (2.* série , l. iv)

L’Académie d’Archéologie, fondée à Anvers , le 4 octobre 1842 , occupe un rang distingué parmi les Sociétés savantes

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de la Belgique. Par la publication de ses mémoires , qui for¬ ment aujourd’hui 24 volumes , elle a donné en ce pays une sérieuse impulsion aux études historiques et archéologiques. Elle refondit ses statuts en 1864 et limita le nombre de ses membres titulaires à 40 et celui des membres correspon¬ dants à 50. Elle comprend, en outre, un nombre illimité de membres correspondants étrangers et de membres hono¬ raires. L’Académie nomme annuellement un Conseil com¬ posé de dix-huit membres titulaires. Les élections, qui ont eu lieu au mois de mars , ont conféré à M. A. Wagener la présidence pour l’année courante. M. Legrand remplit depuis 1863 les fonctions de secrétaire perpétuel.

Ces préliminaires posés, disons quelques mots des tra¬ vaux de cette Société pendant l’année 1868.

Le Péage de l’Escaut , tel est le titre du mémoire qui ligure en tête du présent volume des Annales. Ce travail est à M. Grandgaignage , professeur à l’Athénée d’An¬ vers. Après avoir parlé des tonlieux en général, l’auteur examine ce qu’a été le péage de l’Escaut jusqu’au traité de AVestphalie qui détruisit complètement le commerce de la ville d’Anvers. La paix d’Utrecht (1713) suivie du Traité de la Barrière (1715) ayant cédé la Belgique à l’Autriche, celle-ci dut subir les conditions humiliantes que Philippe II, roi d’Espagne, avait acceptées à Munster. A la fin du dix- huitième siècle, l’Empereur Joseph II fit quelques tentatives pour rouvrir l’Escaut; mais elles restèrent infructueuses. Ce ne fut que le 27 lloréal an iii (17 mars 1795) que la liberté de la navigation de l’Escaut fut solennellement con- liimée par le Traité conclu à la Haye. M. Grandgaignage étudie avec soin les négociations qui eurent lieu entre la Belgique et la Hollande de 1831 à 1839 et nous fait assister enfin à l’affranchissement complet de l’Escaut proclamé par le Traité du 12 mai 1863.

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M. Proost, déjà connu par d'excellents travaux sur le Droit d'asile^ étend aujourd'hui ses recherches à la Légis¬ lation des Jugements de Dieu. Docteur-ès-sciences politi¬ ques et administratives, attaché aux archives du royaume à Bruxelles, il est, comme on le voit , dans les meilleures conditions pour aborder un pareil sujet. Dans son mémoire, l’habile disposition des matières n’en fait que mieux ressortir l’heureuse abondance , il traite successivement de l’origine et des caractères du duel judiciaire , de la légis¬ lation qui y présidait, des circonstances qui en amenèrent l’abolition. Puis il s’occupe des ordalies (épreuves du feu ardent, de l’eau bouillante et de l’eau froide). Un dernier chapitre est consacré aux épreuves de la croix et du corsned, à celles du cercueil et du bâton.

Dans le cours de cette forte et consciencieuse étude, M. Proost emprunte particulièrement ses exemples à l’his¬ toire de la Belgique et des Pays-Bas. Mais il les corrobore souvent de faits tirés des annales des nations voisines.

Le mémoire de M. Proost est suivi , dans le volume que nous analysons , d’un commentaire sur un poème intitulé : Li roman des Etes , par Raoul de Houdene. M. Scheler , en le publiant , a rendu un service réel à ceux qui s’occupent de la linguistique romane.

Le docteur Zertermann a traité ensuite, avec une grande érudition , du Supplice de la Croix chez les Anciens. Il en fixe l’origine, en détermine l’antiquité relativement aux autres genres de supplices ; puis il indique les catégories de personnes et les cas auxquels la croix était appliquée ; enfin il expose les différents modes de crucification usités chez les anciens.

L’Histoire de la Flandre occupe une place importante dans le xxiv.® volume des Annales. M. Emile Varenberg a présenté d’une manière fort judicieuse la question des liens

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de race entre les premiers peuples de l’Angleterre et de la Flandre. Dans une autre notice intitulée : Episodes des Relations extérieures de la Flandre au Motjen-Age , le même auteur révèle plusieurs particularités du plus haut intérêt sur le règne si agité de Gui de Dampierre ; enfin une com¬ munication , qui a pour titre Warminia , domaine de V Ab¬ baye de Saint-Bavon-les-Gand , par M. de Vlaminck, fait justice d’une erreur historique, d’après laquelle Wai'minia correspondrait au nom de Wetteren , gros bourg de Flandre.

Les historiens de l’art flamand pourront consulter avec fruit les deux notices de 31. Galesloot : une Vente à Londres de Tableaux de David Deniers; un Procès pour une Vente de Tableaux attribués à Van Dyck (1660-62).

Outre les travaux, que nous venons de résumer, ce volume des annales renferme encore plusieurs notices et communications qu’il importe de signaler : Campagnes de Charles-Quint et de Philippe II (15o4-15o7) , relations con¬ temporaines traduites d’après le texte original flamand et accompagnées de notes historiques et littéraires par 31. L. Torfs ; sur une Feuille d'ivoire sculptée trouvée à Tongres, par 31. Thys ; Puits romains découverts à Vechten (Pays- Bas), par le comte 31. Nahuys; la Fontaine de Quentin Massys , par 31. H. Schuermans ; Traces d'éléments germa¬ niques de la population du Nouveau-Monde^ par 31. G. Valider Elst. Cette dernière notice soulève tout un ordre d’études dont on s’est moins occupé en Belgique que dans les pays voisins. _ A. Desplaxque.

COURS PUBLICS.

Cours (l'Histoire naturelle de la Faculté des Sciences de Lille,

par M. C. Dareste.

DIFFÉRENCES d’ORGANISATIOIS DANS UNE MÊME ESPÈCE.

Outre les différents types qui tiennent aux métamorphoses

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et à la sexualité , 'rcspèce offre encore cl autres formes dues à un autre ordre de phénomènes.

On connaissait depuis longtemps , dans la Méditerranée, des animaux bizarres que l’on trouvait tantôt isolés et tan¬ tôt en longues files transparentes de plusieurs centaines et quelquefois de plusieurs milliers de mètres : ce sont les Salpes ou Biphores, de la classe des Tuniciers. Or, dans le courant du siècle dernier, un homme de lettres, Gha- misso , annonça que les Salpes enchaînées produisaient des Salpes solitaires et que celles-ci, à leur tour, donnaient naissance à des Salpes enchaînées, de telle sorte qu’il y avait une alternance bien marquée dans les générations. Mais Chamisso était romancier, et ses observations furent considérées comme un nouveau rêve de son imagination. Dans ces dernières années seulement l’on reconnut la véra¬ cité de son récit, et l’on vit que, de plus, les individus en chaines étaient hermaphrodites et que les individus soli¬ taires, privés de sexes, se reproduisaient par bourgeons. On a donné à ce phénomène le nom de génération alternante.

Entre tous les exemples qu’a cités le professeur, voici l’un des plus remarquables, o Vous connaissez sans doute ce petit animal d’un millimètre au plus de longueur et que l’on trouve souvent sous nos lentilles d’eau, il a la forme d’un sac terminé à sa partie béante par des bras ; c’est V Hydre ou Polype d’eau douce , plus étonnant encore que l’Hydre de la fable. Vous avez déjà vu aussi, au moins en dessin , ces animaux fragiles et vagabonds , en forme de cloches demi-transparentes, qui flottent gracieusement dans la mer, et qui, lorsqu’ils viennent à échouer sur la plage, disparaissent comme par enchantement en se résol¬ vant en eau : ce senties Méduses. Aucune espèce d’analogie ne semble d’abord exister*entre ces êtres. Eh bien , quand on suit le développement de la Méduse, on voit qu’elle se

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présente au début comme une petite larve vermiforme qui, au bout d’un certain temps, se transforme en un Polype tout-à-fait comparable à l’Hydre. » Ce Polype produit par bourgeonnement d’autres êtres semblables à lui qui s’em¬ pilent les uns sur les autres comme une pile d’assiettes ; leur organisation se complique, ils se séparent, et consti¬ tuent alors autant de Méduses se reproduisant suivant les lois ordinaires; ainsi donc, deux générations qui alternent: des Polypes non sexués et des Méduses sexuées. » Le Poly¬ pier fit la Méduse ; la Méduse fait le Polypier, » a dit Mi¬ chelet.

On a cru pendant longtemps qu’il n’y avait dans ce fait des générations alternantes qu’une exception. Quand on y réfléchit un peu, on reconnaît bientôt qu’ici , comme par¬ tout ailleurs , la nature n’agit que d’après des lois généi’a- les. En effet, chez les animaux supérieurs, et chez l’homme lui-méme, la génération alternante semble au premier abord faire défaut, on voit qu’il se produit sur l’œuf un corps particulier [blastoderme) , non sexué et qui a sa vie propre; cet être transitoire donne naissance par bour¬ geonnement à l’embryon ou être définitif, sexué, destiné à se reproduire par les procédés ordinaires.

Après avoir parlé de toutes les formes régulières ou nor¬ males que l’on rencontre dans une seule et même espèce , le professeur aborde l’étude des anomalies ou monstruosi¬ tés. Ces formes irrégulières ne sont pas indéfinies , il n’y en a qu’un certain nombre possible pour chaque embran¬ chement, et toutes se constituent d’après des lois générales. Le cadre limité qui m’est accordé ici ne me permet mal¬ heureusement pas d’entrer dans des détails à ce sujet, parce que je serais obligé d’aborder des considérations embryogé- niques qui m’entraîneraient beaucoup trop loin. La seule conséquence à tirer de ces anomalies pour la question qui

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nous occupe, c’esl que, s’il existe des formes normales de l’espèce, ces organisations ne sont pas tellement nécessaires qu’elles ne puissent donner naissance à des formes irrégu¬ lières.

Jusqu’à présent nous n’avons considéré que le règne animal , nous allons voir maintenant que les végétaux nous offrent des faits analogues , et par conséquent , que la ques¬ tion de l’espèce est la même pour les deux règnes. Toute¬ fois il y a, entre les animaux et les plantes, une différence qu’il importe de signaler tout d’abord : les plantes ne présen¬ tent pas de métamorphoses, c’est-à-dire de ces formes suc¬ cessives caractérisées par des modifications profondes dans l’organisation ; le mot métamorphoses , en botanique , s’ap¬ plique à un fait de toute autre nature , celui découvert par l’illustre Gœthe, et qui consiste en ce que les différentes parties de la fleur ne sont que des feuilles modifiées. Cette différence étant établie entre l’organisation des végétaux et celle des animaux , nous voyons que tous les autres faits que nous avons passés en revue chez ces derniers ont leurs analogues chez les plantes. D’abord la génération alter¬ nante est ici bien évidente ; la plante qui résulte de la ger¬ mination de la graine produit des bourgeons qui, le plus ordinairement, restent attachés à la tige , et constituent des associations d’individus comme les Polypiers, cependant, dans certaines plantes comme le Lys bulbifère , ces bour¬ geons peuvent se détacher spontanément et continuer à vivre , comme nous avons vu toiit-à-riieure le Polype se détacher et former la Méduse.

Les fleurs présentent quelquefois d’assez grandes diffé¬ rences de forme et de structure qui se rapportent aux fonc¬ tions de la reproduction ; ainsi il existe dans les régions intertropicales un végétal bien remarquable qui a à la fois des Heurs mâles, des fleurs femelles et d’autres hermaphro-

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dites. Pendant longtemps ces fleurs n’ont été connues en Europe que par des échantillons isolés, et comme elles ne se ressemblent nullement, on les avait rangées dans des gen¬ res différents (Catasetum , Myanthus ci Moîiacanthus); ce n’est que lorsqu’on a eu des branches sur lesquelles les trois types se trouvaient réunis qu’on a pu constater qu’il n’y avait que trois formes différentes d’une seule et même espèce. Ce fait, tout-à-fait imprévu , est certainement un des plus curieux que puisse nous présenter le polymorphisme.

Enfin les plantes ont aussi leurs anomalies. Qui n’a vu , par exemple , une fleur , à la place d’un pétale , s’étalait une feuille ordinaire ?

Nous n’avons plus, pour terminer l’étude du premier terme de la notion de l’espèce , qu’à jeter un coup-d’œil sur les végétaux à noces cachées , comme les appelait Linné , ou végétaux sans fleurs, comme les Fougères , les Mousses, les Champignons.

D’abord, la génération alternante se retrouve encore ici et d’une façon manifeste. Chez les Fougères, par exemple, il existe à la partie inférieure des feuilles des petits bour¬ geons très-apparents que l’on peut comparer aux bulbiles ou bourgeons caducs du Lys. A un certain moment , ils se détachent de la plante mère, et donnent naissance à une petite lame foliacée qui ne ressemble en rien à la Fougère. C’est sur cette petite lame, qui n’a pas plus de un ou deux millimètres de long, que se développent les organes de la reproduction. Ceux-ci engendrent des graines [spores) qui , par la germination, reproduisent la Fougère primitive. Il y a une génération alternante bien remarquable.

Les cas de Polymorphisme sont également nombreux dans cette seconde moitié du règne végétal , particulière¬ ment chez les Champignons , ils sont en même temps des plus frappants.

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Ainsi donc, pour résumer ce qui précède, nous voyons que tous les individus d’une même espèce ne sont pas iden¬ tiques à eux-mêmes à tous les moments de leur existence, et que, comparés entre eux quand ils sont arrivés à l’âge adulte, ils présentent des types très-différents en rapport avec les fonctions physiologiques qu’ils doivent remplir. Nous voyons encore que l’espèce présente une alternance d’individus sexués et d’individus agames dérivant les uns des autres, et qu’enfin, à côté de toutes ces formes qu’on peut appeler régulières, il en existe d’autres qui s’écartent plus ou moins de ces dernières et que l’on désigne sous le nom d’anomalies. Il résulte de tout ceci que l’espèce nous offre une diversité et une complexité qu’on est loin de pré¬ voir quand on n’étudie pas la question scientifiquement, et qu’il n’est plus possible , dans l’état actuel de la science, de la définir par une collection d'individus semblables.

P. Hallez.

MUSÉES ET COLLECTIONS

Muséum d’histoire naturelle de douai. Hybride de Canard et de Sarcelle. Parmi les objets les plus inté¬ ressants de la partie ornithologique du Muséum d’Histoirc naturelle de Douai , on peut citer un Canard qui a été long¬ temps un sujet de doutes et d’erreurs , mais dont le nom est aujourd’hui authentiquement reconnu.

Il s’agit d’un hybride provenant d’un Canard sauvage [Anas boschas) et d’une Sarcelle d’hiver ou Sarcelline (Querquedula crecca) , qui a été tué dans l’hiver de 1841 aux environs de Douai et apporté en chair sur le marché de cette ville.

Quoiqu’on ne puisse affirmer d’une manière absolue que ce soit le produit d’un croisement opéré à l’état sauvage, il

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y a toute probabilité qu’il en est ainsi. Aujourd’hui que les jardins zoologiques et les collections d’amateurs, les oiseaux vivent pêle-mêle en demi-liberté, se sont multi¬ pliés, les sujets échappés de ces établissements se font tuer au dehors ; mais il y a trente ans les faits de ce genre étaient très-rares ; et d’ailleurs, quand on obtient dans les jardins d’acclimatation des hybrides entr’espèces différen¬ tes, ol)jets toujours recherchés et précieux, on y veille d’assez près pour empêcher leur fuite.

Ce fait presque certain d un métissage à l’état de nature est déjà très-intéressant par lui-même, car, s’il est vrai que riiyhridilé n’est pas rare dans la famille des Anatidès , il est certain aussi que la plupart des exemples qu’on en cite ont eu lieu à l’état domestique, dans un milieu l’instinct de reproduction dévie facilement.

M. de Selys a étudié cette hyhridité des Anatidès dans deux Mémoires publiés en '184o et en 1856, dans les Bulle¬ tins de V Académie de Bruxelles. Il en mentionne 43 exem¬ ples; or , sur ce nombre, deux seulement peuvent être regardés comme provenant de parents vivant en liberté complète. Plusieurs autres ornithologistes ont fait des ob¬ servations du même genre, entr autres , MM. Bouillaud, Van Wickewort, Rufz de Lavison ; en les réunissant à celles de M. de Selys, je ne trouve que six de ces hybrides sauva¬ ges. Ce sont les produits :

du Canard sauvage (A. boschas) et du Canard pilet {Dafila acuta) ;

du Canard sauvage (A. boschas) et du Canard siffleur {Mareca penelope);

du Canard souchet {Rhyncaspis clypeala) et de la Sarcelle d’été {Querque- dula circia);

du Canard milouin {Fuligula ferina) et du Canard nyroca {Fuligula nyroca);

de l’Oie cravant [Bernicla brenta ) et de l’Oie bernaclie {Bernicla leucopsis) ; du Canard garot [Clanguta glaucion) et du Harle piette {Mergus albellus) ;

Ce sont les seuls faits de métissage qui paraissent.

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d’une manière suffisamment certaine, s’èlre passés hors de l’élal domestique, c’est donc une bonne foidune que d’avoir à en signaler un nouveau.

Mais le Canard du Muséum de Douai est intéressant à un autre titre : ce fut un sujet analogue qui a été l’origine d’une confusion de nom et d’espèce qui a pendant longtemps divisé les plus savants naturalistes.

Le célèbre ornithologiste anglais Gould, dans son ouvrage The hirds of Europa (1837) , le décrivit et le figura sous le nom de Bimaculated teal, Sarcelle bimaculée, croyant re¬ trouver dans cet oiseau le Canard bimàculé ou gloussant, Anas glocitans, de Pallas.

Degland propagea cette erreur dans son Catalogue des oiseaux observés en Europe (1843), et dans son Ornithologie européenne (1849). Temminck et le prince Bonaparte en¬ trevirent la confusion , mais elle ne fut péremptoirement réfutée que par M. Vian , dans la Revue de Zoologie (1866).

M. Gerbe , dans la seconde édition de l’Ornithologie de Degland , rétablit la synonymie de VAnas glocitans de Pallas et le décrit très-exactement, mais il se contente de poser la vérité à la place de l’erreur, sans expliquer com¬ ment son devancier y était tombé , et sans parler du Canard

de Douai. C’était cependant cet exemplaire qui avait servi

*

à Degland pour sa description. Il l’avait trouvé à peu près identique âii Bimaculated teal des Anglais, et n’avait pas hésité à croire, comme eux, qu’il avait sous les yeux le glocitans de Sibérie.

Il est inutile de refaire après lui sa description ; il nous suffira de signaler les points principaux se retrouvent les caractères de la double parenté.

La taille est intermédiaire entre celle du Canard sauvage et celle de la Sarcelline. La tête rappelle le Canard par la teinte verte des joues et du bas du cou, elle rappelle la Sar-

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celline par la bande brune du sommet de la lêle et les traits blancs des joues. La poitrine a le fond d’une teinte qui participe de la couleur marron du Canard et de la nuance vineuse de la Sarcelline , les mouchetures de celle-ci y sont marquées. Le dos et les flancs sont du premier , le manteau est de cette dernière. Le miroir a la bande marron de la crecca , la bande noire bordée de blanc du boschas. Les parties caudales, le bec et les pieds sont intermédiaires pour la forme, la couleur et les dimensions.

Quant au Canard gloussant de Pallas appelé aujourd’hui , par privilège de priorité de baptême , Anas formosa , Georgi , il en diffère totalement, et pour l’avoir confondu avec notre hybride , il fallait ne l’avoir comparé que sur des descriptions diagnostiques insuflisanles , comme celle de Gmélin, par exemple, qui donne de VA. glocitans la phrase caractéristique suivante: Capite albo nigroque fasciato; area utrinque falcala viridi sericea., nuchaque violacea.^ Pallas. Tête rayée de blanc et de noir, de chaque côté une tache d’un vert soyeux , nuque violette.

Je défie de retrouver dans cette diagnose la moindre trace du vrai Canard gloussant ou formose , il est même probable qu’il faut retrancher le glocitans de Gmélin de sa synonymie , et peut-être y voir encore un métis qui d’après le prince Bonaparte pourrait bien être celui du Canard sauvage et du Siffleur.

Ces incertitudes des auteurs s’expliquent par la rareté de 1’^. formosa., oiseau de la Sibérie orientale très-peu ré¬ pandu dans les collections, il y a vingt ans, et qui même aujourd’hui y est regardé comme un joyau.

En 1836, cinq individus furent tués sur la Saône, mais ils n’avaient pas été reconnus sans contestation , parce qu’ils ne portaient pas leurs livrées d’adulte ; on cite une autre capture près de Saint-Pétersbourg, deux autres en Nor-

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mandie, c’est à cela que se bornent les apparitions de cet oiseau en Europe (*).

Ce sera, sans doute, avec un certain regret que le Muséum de Douai l’effacera de son catalogue , mais il se consolera en pensant qu’il possède dans son hybride de boschas et de crecca un sujet plus difficile encore à se procurer, puisqu’il est le résultat d’une aberration de la nature , toujours rare

et toujours digne de l’attention des collectionneurs.

A. de Norguet.

MUSÉES d’archéologie ET DE CÉRAMIQUE DE LILLE

La ville de Lille vient d’ouvrir au public, le 6 juin dernier, ses Musées d’archéologie et de céramique. 11 eut été difficile de leur trouver un emplacement plus favorable que la salle du Conclave, encore toute remplie des souvenirs d’âges qui ne sont plus , et d’ailleurs si remarquable par ses belles peintures d’Arnould de Vuez. Des vitrines d’une disposition convenable, *et qui n’attendent plus qu’un vernis, laissent apercevoir à gauche la céramique antique, à droite la céramique moderne. Ce sont ici les poteries étrusques pro¬ venant du dédoublement du Musée Campana, les vases gallo-romains exhumés à Lisieux du cimetière dit du grand- jardin, parmi lesquels figurent plusieurs magnifiques ver¬ res ; puis dans les vitrines du bas, des armes , des fibules , des agrafes, des stylets, etc. En continuant nous trouvons des produits plus récents ; les porcelaines, faïences, grès, des fabriques françaises et étrangères; notre atelier lillois y est représenté par les curieuses assiettes au jeu de cartes.

d) Dans mon Catalogue des Oiseaux du Nord de la France , j’avais , sur la foi du docteur Degland, indiqué VAnas glocilans comme tué dans le département du Nord; il doit être retranché de cette liste; mais , par suite d’une erreur typographique , une autre espèce a été omise, le canard Chipeau (C/iaw/e/osmws s/repera) ; le chiffre de 328 reste donc le môme.

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Des tapisseries de haute-lice et divers morceaux de sculpture sont exposés dans les annexes.

Pour des Musées en formation l’on ne pouvait espérer mieux; il y a même plus d'un objet qui pourrait, à son avantage , soutenir la comparaison avec tel autre des gale¬ ries les plus riches.

Nous devons en remercier les Commissions de ces deux Musées dont le zèle persévérant a su mener à bonne fin cette entreprise; remercîments aussi à MM. Girardin, Houdoy, de la Phalecque, Gentil-Descamps, Sauvaige, Bachy, Van der Straeten , Biocreux, Bernard, Marcotte, Gaudelet , etc. ; dont les dons ont contribué à enrichir les différentes vitrines. Espérons que leurs louables exemples trouveront des imitateurs.

Un visiteur des nouveaux Musées.

BIBLIOGRAPHIE.

LES CHANTS DU SOIR Poésies par Charles Manso(*)

Le recueil publié tout récemment par M. Ch. Manso se compose d’une cinquantaine de petites pièces , de rhythmes très-variés, d’une facture aisée et élégante, et dont la lec¬ ture est vraiment agréable. L’auteur les a divisées en trois groupes : travers Champs, la description domine; les Sentiers du Cœur , pour la note sentimentale , gaie ou triste; et les Chants du Soir, percent les sentiments philosophiques, voire même politiques du poète; je ne serais pas surpris que M. Ch. Manso eût rimé avec le plus de soin et préférât cette dernière partie, puisque c’est elle qui donne son nom à tout le volume. Elle contient en effet plusieurs pièces touchantes : La Veillée de la Veuve, VOr-

d) Lille , imprimerie Daiiel ; 156 p., 2 fr.

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l)helin et l'Ange de la Nuit (couronnée par la Société im¬ périale (l’Agriculture , Sciences et Arts de Valenciennes , en 1868), et des strophes humoristiques : Muse, faisons-nous

Epiciers, d’une allure dégagée et dun entrain presque .

irrésistible. Mais pour nous, nous aimons mieux les petits poèmes descriptifs, le Paysage dédié à M. G. B. ;

. Tu peux, quand l’aurore t’éveille

A ta fenêtre t’accouder ,

Et, rêveur, au loin regarder Trembler l’or des épis dans la plaine vermeille. . .

Tu découvres , à l’horizon ,

Lille qui se réveille et dont chaque toit fume. . .

Peut-être ce paysage , respire le goût de la campagne, n'est-il pas assez flamand , assez lillois : les environs de notre grande cité industrielle ont aussi leur caractère pro¬ pre et leur poésie, si peu pittoresques ciu’ils soient. Nous aimons plus encore la pièce intitulée : Aube et Crépuscule , dédiée à M. Desrousseaux :

La grand’mère et l’enfant, en se donnant la main,

Suivent à petits pas un verdoyant chemin ;

L’enfant gazouille et rit, l’aïeule pense et rêve;

L’un commence ici-bas l'œuvre que l’autre achè^œ.

Emu, j’ai bien souvent suivi d’un œil pensif Cette aïeule courbée et cet enfant naïf. . .

. . . Je regarde passer ces deux points de la vie.

L’un me rend soucieux , l’autre me fait envie ;

Pour entendre leurs voix , je chemine près d’eux ;

Ils marchent à pas lents et chancellent tous deux ,

L’un au pied du berceau , l'autre au seuil de la tombe , L’enfant, aube qui nait, l’aïeule, jour qui tombe.

C’est bien délicatement dit! Et l'on voit que M. Cli. Manso, lorsqu’il décrit, ne s’attarde pas à représenter lon¬ guement les objets du monde physique ; mais s’applique plutôt à trouver, par un contraste touchant, par une anti¬ thèse attendrissante , le chemin de notre cœur.

_ 212 _

Nous lui reprocherons d’avoir cédé , et là, aux tenta¬ tions du réalisme , le Pendu dans la Forêt, Don Pedro. Sa muse ne nous paraît pas faite pour peindre ou raconter des horreurs. Lui-méme ne dit-il pas d’elle :

Ma muse ne liait pas les fêtes Ni les refrains du cabaret ,

Mais elle aime mieux des fauvettes Le chant , au fond de la forêt 1

Qu’au milieu <r des brocs et des pipes, elle mêle sa voix aux chansons > passe encore ; cela est d’une bonne fla¬ mande; mais qu’elle ne hante point les bouges des vieilles sibylles ; qu’elle ne contemple pas les cadavres déchiquetés par les corbeaux !

M. Ch. Manso termine son volume par une sorte de remerciement au lecteur. Remerciement? Est-ce bien le mot?

Et nous, en niais que nous sommes ,

Nous rêvassons le nez en Eair ,

Et nous rimons. . . c'est du délire Car notre seul espoir, ma foi ,

Est de rencontrer pour nous lire Un autre niais. . . comme toi.

M. Manso nous semblerait injuste pour lui-rnôme et peu gracieux pour nous si nous ne savions que les poètes ont des façons de parler à eux particulières , et s’il n’était admis de tout temps que faire des vers ou les lire est une folie à

laquelle ne croient ni le lecteur , ni surtout l’auteur.

_ X.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.

LISTE DES MAMMIFÈRES TERRESTRES DU DÉPARTEMENT DU NORD.

Il y a trois ansM. de Norguet a publié dans les mémoires de la Société impériale des Sciences , de l’Agriculture et des Arts de Lille un catalogue raisonné des Mammifères du

215

Département. C’est de cette publication que nous extrayons la liste suivante. Pour la comparaison avec les pays voisins nous avons recours à la Faune de M. de Lelys-Lon- champselaux Animaux vertèbres de V arrondissement d'Ah- heville deM. Marcotte. Il est regrettable que l’on ne possède pas de liste des animaux vivants dans les départements du Pas-de-Calais, des Ardennes et de l’Aisne. Pour remplacer ce catalogue en ce qui concerne l’Ardenne nous consa¬ crons une colonne au Grand-Ducbé de Luxembourg d’après la liste dressée par M. Alphonse de la Fontaine.

ORDIΠDES CHEIROPTEUES

Gr.-D.

Nord

Somme

Belgique

de

i‘'amille

des VESPERTILLIOXS {Chauve Soui;ts)

Luxem.

Vesperlilio. . niurinus .

1 c.C)

1 t.c.

1 c...

1 C...

»

mystacinus. .

2 p.c.

2r...

2 c...

2?...

Daubantonii..

5 r.. .

5 r.. .

5 r...

»

pipistrellus. .

4 t.c.

4 t.c.

4 t.c.

5t.c.

»

emarginatus.

ô r .,

5 r...

5 p.c.

4 t.r.

9

Malererii. . . .

6 t.r.

G r.. .

6r...

5 r...

9

serolinus. . . .

7 r...

7r ..

7 p.c.

6 r.. .

9

noctula .

8c...

8 c...

8 c...

7 c.. .

9

•lasvcnemus .

9 P, ,

9

Reclistenii. , .

9 r...

10?...

8?...

Plecolus.... barbaslellu>.

10 r.. .

H t.r.

9r...

aurilus .

Oreillard .

9c...

11 c...

12 ....

10 t.c.

llbinolopbus unihaslalus.

Gr. fer à cheval

10c...

12 p.c.

15 p.c.

11 t.c.

>

bippo crépis.

Pelilfer à cheval

s

15 r.. .

14 r...

12r...

ORDRE DES CARNASSIERS

Sous-ordre des Carnivores

Famille des CHATS

Felis . .

Chat sauvage....

11 r...

14 r...

15 r...

13 r...

Famille des CHIEXS

Canis. .

Loup .

12 r.. .

15 r...

16 c.. .

14 c,..

Vulpes.

llcnard .

15 p.c.

16 c ..

17 c.. .

15 c.. .

(■) Le

chiffre placé dans ces

colonnes indique la

présence d

e l’animal et l’ordre que nous

lui attribuons dans ces listes locales; c. commun , p.c. peu commun , t.c. très-commun , r. rare, t.r, très-rare.

214

Famille des BELETTES

Kord

Somme

Belgii|ue Luxemh

Fulorius.

... vulgaris.

Uelette .

14 c...

17 c.. .

18 c...

16 c...

>

fœlidus. .

. . ri/lois (Fussiaus)

15 c.. .

18 c.. .

19 c...

17 t.c.

1

herininea

Hermine .

Kl p.c.

19 c.. .

20 p.c.

18 ....

Mussela..

Fouine .

17 c...

‘20 c...

21 t.c.

19 t.c.

»

martes . .

}Jarte .

« .

21 r...

22 p.c.

‘20c...

Famille des

LOUTRES

Lutra.. . .

. . Loutre .

18 p.c.

22 p.c.

23 c. . .

21 p.c.

Famille des BLAIREAUX

Meles.. . .

. . lUaireau .

19 r...

25 p.c.

24 p.c.

‘22 ....

Sous-orJre des liiseciivoies Famille des HÉRISSONS

Erinaceus..

. europœus..

Hérisson .

20 c. . .

24 c...

25 c.. .

25 p.c.

Famille des TAUPES

Talpa .

. europœa...

Taupe .

21 t.c.

25 t.c.

26 t.c.

‘24 t.c.

F

amille des MUSARAIGNES

Sorex .

. araneus....

Musaraigne .

22 t.c.

‘26 t . c .

‘27 t.c.

25 t.c.

»

leticodon. . .

25 r. . .

27 r...

28t.r.

‘26 t.r.

»

tetragomirus

24 c...

28 0.. .

29 c...

‘27 t.c.

-

fodiens .

Musaraigne (T fan

25 p.c.

29 p.c.

50 p.c.

28 p.c.

ciliatiis .

Mus. porte-rame

26 p.c.

50 p.c.

51 p.c.

29 p.c.

>

pjgmœus.. .

52 t.r.

50?...

ORDRE DES RO.NGEL’RS Famille des n.4TS

.Mus .

Surmulot .

‘27 t.c.

51 t.c.

55 t.c.

51 t.c

»

rattus .

Hat noir .

28 c...

52 c.. .

54 c.. .

52 r..

»

musculus. . .

Souris .

29 t.c.

55 t . c .

OO t a c

55 t.c

9

sylvaticus..

Mulot .

50 t.c.

54 t.c.

56 t.c.

54 ...

9

minutus.. . .

Rat nain .

51 c . .

55 c.. .

57 c.. .

55 p.c

»

tectorum.. .

56 t.r.

Arvicola .

. .. arvalis .

Rat des champs.

52 c.. .

57 c...

Ca

56 t.c

t

agrestis ....

58 p.c.

59 p.c.

57?..

»

subterraneus

55 c.. .

59 p.c.

40 c...

58 c..

terrestris .. .

59 . ..

»

rubidus ....

54 c.. .

40 c.. .

41 c.. .

40 r..

9

ampliibius. .

Rat (T eau .

oo c .

41 c.. .

42 c...

41 c..

Circetus .

fnimp.ntnriiw

Jliimxti-r .

43 r.. .

Famille des LOIRS

Mvoxus . .

Lerot .

56 c. . .

4-2 c...

44 c. .

42 ...

avellanarius

Muscardin .

57 r...

45 p.c.

45 p.c.

45 ...

ffli^ _

l.niv. .

44 r..

Famille des ECUREUILS

Sciurus...

.. vulgaris _

Ecureuil .

58 c. .

44 p.c.

46 p.c.

45 ...

Famille des LAPINS

Lepas . . . .

Lievre .

59 c. . .

45 t.c.

47 t.c.

46 ..

»

cuniculus.. .

Lapin .

40 t.c.

46 t.c.

48 t.c.

47 ...

ORDRE DES ONGULÉS

Sous -ordre des Arctjodactjles

Famille des COC1IOX0

Nord

Somme

r.elgique

Luxemb

Sus .

. Sanglier . .

47 r...

49 p.c.

48 ....

Cervus.. .

Famille des capreoJus..

CERFS

. Chuvreuil. ...

.. 4‘it.r.

48 r. .

60 p.c.

49 c...

>

elaphus . . .

Cerf .

.. 43t. r.

49 r. . .

51 r...

50 r.. .

J. G.

CHRONIQUE.

Nos lecteurs apprendront certainement avec plaisir que M. Desplanque, mon collaborateur, vient d’être nommé membre de la Société des Monumenta Germaniœ medii ævi. Cette association scientifique , l’ime des plus considé¬ rables de l’Allemagne du nord , a à sa tête l’illustre Perlz , archiviste général du royaume de Prusse. Elle se com¬ pose de trente sociétaires , dont quatre appartiennent ac¬ tuellement à la France. J. G.

llétéorologie. Mois de Juin 1869. Juin a été froid et sec; le vent dominant a été celui du N soufflant avec force. La température moyenne de ce mois , déduite d’une série de 18 années d’observations, étant de 15.° 95, la moyenne de juin 1869 n’a été que de 13.° 46, différence en moins 2.° 9. La moyenne des températures minima a été de 9.° 09 , celle des maxima 17.° 83 ; les extrêmes ont été de 5.° 5 tel." et 30.° 3 le 7.

La tension de la vapeur d’eau atmosphérique qui en moyenne générale est de 10 mill. 26 n’a été pour juin 1869 que de 8 mill. 27 et l’humidité relative qui est ordinaire¬ ment de 69, 85 7o n’a été que de 66 7o-

Cette sécheresse de l’air aurait déterminer une grande évaporation de l’eau , mais la chaleur étant une des princi¬ pales causes de cet effet météorique, l’épaisseur de la couche d’eau évaporée qui en moyenne est de 128 mill. 52 a été réduite , pour ce mois, à 111 mill. 17.

216

L’épaisseur de la coucbe d’eau pluviale recueillie en moyenne pendant le mois de juin est de 63 mill. 06, cette année elle n’a été que de 3o mill. 71.

Une aussi faible humidité de l’air occupant les régions des nuages devait naturellement augmenter sa densité et exercer sur la colonne barométrique une plus grande pres¬ sion; c’est en effet ce qui fut observé, car la hauteur moyenne du baromètre à 0.'’ et à 22 m. o au-dessus du niveau de la mer étant de 759 mill. 75 , elle a été en juin 1869 de 762 mill. 33 oscillant entre les extrêmes 748 mill. le 14 et 770 mill. 22 le 7.

La faible quantité d’eau pluviale et la sécheresse des couches d’air en contact avec le sol n’ont pas été préjudi¬ ciables à la végétation parce qu’il y a eu de fréquentes rosées (24) suivies de brouillards nombreux (30) qui se prolon¬ geaient souvent une partie de la journée.

Il y eut 8 jours le ciel fut complètement couvert de nua¬ ges pendant 24 heures, une nébulosité moyenne fut obser¬ vée 21 j.,un seul jour la sérénité fut complète. V.Meurein.

Qcologie. Tranchée du chemin de fer de Tournai à Blaton. Pour l’établissement de cette nouvelle voie on a ouvert aux portes de Tournai une tranchée dans les marnes crayeuses analogues à celles qui sont exploitées à Cysoing. On V trouve en abondance et avec une taille relativement assez grande, la Terebratulina gracilis fossile caractéristi¬ que de ce niveau. C’est une rectification à faire à la carte géologique de la Belgique. Elle présente en ce point une ligne jaune indicatrice de la craie blanche o\i système séno- nfen.Orles marnes à Terebratulina gracilis appartiennent à ce que l’illustre auteur de la carte a appelé système nervien.

Le Gérant : E. Cash aux.

Lille , imp, Blocquel-Castiaux , grande place , 13.

N.° 8. Août 1869.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ DES A>'T1QU.41RES DE PICARDIE Mémoires, 3.® série, t. ii

La Société des Antiquaires de Picardie compte 33 ans d’existence. Elle fut fondée en 1836 comme Société Archéo¬ logique du département de la Somme. En 1839 elle fut autorisée et prit le nom qu’elle porte actuellement.

Elle a déjà publié 29 volumes de mémoires, 22 dans le format in-8.° et 7 dans le format in-4.° , ceux-ci sont réser¬ vés à des ouvrages spéciaux de grande étendue. Elle fait paraître en outre , par fascicules , un Bulletin qui forme un volume tous les trois ans. 9 volumes en ont paru.

Au 1." janvier 1869 la Société comprenait 24 membres titulaires résidants :

MM.Bazot [1837], notaire ; Président et Trésorier.

Hesse [1865], memb. du Conseil gén.; Vice-Président.

Garxier ^ [1838], conservateur de la bibliothèque communale ; Secrétaire j)erpétuel.

Rembault , ancien négociant , Secrétaire annuel.

Dufour ^ [1837] , membre du Conseil général.

L’abbé Duval [1843] , vicaire général.

L’abbé Jourdain [1843] , chanoine.

De Forceville [1845] , statuaire amateur.

Antoine ^ [1849] , architecte.

Hecquet de Roqüemont ^ [1849] , conseiller à la cour.

Le Tellier [1852], professeur à l’école de dessin.

De Poucques d’Herbinghem ^ [1853] , cons. à la cour.

VioN [1853], chef d’institution.

L’abbé Corblet ^ [1854] , historiographe du diocèse.

Dutilueux [1855], chef de division à la préfecture.

Dusevel[1855], inspecteur des monuments historiques.

Darsy [1856] , directeur des prisons.

- 218

Crauk [1857] , professeur de dessin au Lycée.

Sâlmoin [1857], agriculteur.

Herbault [1860] , architecte.

Duvette [1863] , banquier.

Pou Y [1865] , commissaire priseur.

Leleu [1865] , professeur d’Histoire au lycée.

L’abbé Henocque [1865] , doyen du Chapitre.

La Société des Antiquaires de Picardie remplit avec zèle la mission qu’elle s’esl donnée : faire connaître tous les faits qui peuvent intéresser l’histoire de la province. Les travaux qu’elle publie dans son xxii.® volume s’étendent des temps anti-historiques jusqu’aux temps modernes. Nous commencerons par les plus anciens en suivant l’ordre chro¬ nologique.

Notice sur une découverte d'objets celtiques faite à Caix , canton de Rosière (Somme), en 1865, par M. Garnier. Ces objets sont en bronze : il y a une épingle, des soies d’épées, une pioche , des haches. Celles-ci appartiennent au type des haches à ailerons. Elles étaient fixées dans une direction parallèle au manche et non point perpendiculai¬ rement comme les haches modernes ; de plus le manche était fourchu , disposé de manière à recevoir la hache entre les deux branches de la fourche. Des oreilles recour¬ bées de chaque côté formaient une sorte de double douille incomplète autour de chaque branche. Un petit anneau fixé sur la hache permettait de la pendre à la ceinture. Cette forme de hache est très-commune , on la trouve abondamment dans les cités lacustres de la Suisse.

Cimetière mérovingien deNoroy^ rapport de M. Bazot (^). Les découvertes de cimetières mérovingiens se multiplient dans nos contrées. La Société des Sciences de Lille dans sa dernière séance publique a couronné les fouilles faites à Ferrière-la-Grande dans un cimetière de cette époque par

(1) Pages 1 à 15.

219

M. Dombrel et elle se propose d’en publier les résultats. En 1864, M. Limelette décrivait le cimetière de Spontin, près Namur. La même année le soc de la charrue faisait connaître, près du chemin de Noroy, à Maimheville, remplacement d’un ancien cimetière que la Société des An¬ tiquaires de Picardie explora à ses frais.

Bien que le nombre de tombes ne soit pas indiqué par le rapporteur, il a être considérable eu égard à la quantité d’objets trouvés. Parmi eux on remarque trois boucles de ceinturon assez ouvragées dont l’une montre un griffon ailé buvant dans un verre à pied. Des anneaux, des colliers,

I

des bagues ornées de verroteries , des armes et autres objets bien connus à l’usage des nations germaines.

Des planches bien faites et coloriées représentent plu¬ sieurs de ces objets si intéressants pour l’histoire de l’art et pour celle de l’humanité; il est à regretter qu’on n’en ait pas fait figurer un plus grand nombre.

Le rapport semble indiquer que la Société a éprouvé quelque découragement en ne trouvant aucune indication qui permit de fixer d’une manière précise l’époque de ce cimetière. On y a bien rencontré quelques monnaies : une à l’effigie de Posthume, l’un des 30 tyrans; une autre gau¬ loise, et de petites pièces que l’on croit provenir des Francs. En l’absence de tous documents, la supposition la plus probable fait remonter les sépultures au iv.® siècle de notre ère. Elles proviennent probablement des Germains que Constance Chlore emmena captifs en Gaule après une expé¬ dition au-delà du Rhin contre les tribus qui avaient soutenu la révolte de Carausius.

Cette circonstance expliquerait l’état peu fortuné des morts, attesté par le petit nombre de cercueils de pierre et l’absence d’ornements de luxe. Les morts de Noroy étaient payens; les croix plus ou moins bien figurées sur deux bagues

2i() -

sont des dessins d’ornementation en usage depuis long¬ temps chez les Celtes. Au pied du squelette on a presque toujours trouvé un vase destiné à contenir l’eau lustrale. Beaucoup de ces vases portent des impressions singulières propres k l’époque , dans lesquelles on a cherché pendant quelque temps des caractères d’une langue inconnue.

La Féodalité en Picardie^ fragment d* un cariulaire de Philippe-Auguste, par M. Tailliar, membre correspondant. Le savant président honoraire de la cour de Douai publie le texte et la traduction d’une portion de cartulaire com¬ mencé par ordre de Philippe-Auguste et énumérant tous les fiefs qui à cette époque relevaient du roi. Ce fragment ne contient que ce qui concerne les anciens comtés du Ver- mandois et de Valois.

L’auteur fait précéder cette traduction d’une introduction historique sur le comté de Vermandois et d’un exposé de droit féodal. '

Le comté de Vermandois fut constitué à l’état de fief en 818 par Louis-le-Débonnaire en faveur de son petit-neveu Pépin, fils de l’infortuné Bernard, roi d’Italie et arrière petit-fils de Charlemagne. Le petit-fils de Pépin , Héri¬ bert II , prit une part active aux luttes des ducs de France confre la royauté , luttes qui devaient finir par substituer la dynastie capétienne à la dynastie carlovingienne.

En 1077 , lorsque déjà depuis 90 ans Hugues Capet avait ceint la couronne, le dernier descendant masculin d’Héri¬ bert II et du grand empereur d’Occident était déshérité par le Conseil des barons comme étant de petit entendement et sans gouvernement.

Le comté de Vermandois passa à sa sœur Adèle, épouse de Hugues de France, frère de Philippe I.". Le petit-fils de Hugues étant mort jeune et sans enfant , le Vermandois échut à sa sœur aînée , femme de Philippe d’Alsace , comte

221

de Flandre , puis à sa sœur cadette , Eléonore , qui le céda au roi de France , Philippe-Auguste.

Ce prince fit du Vermandois un bailliage royal compre¬ nant les seigneuries ou châtellenies de Saint-Quentin , Péronne , Crépy en Valois , Ghauny , Ribemont, La Ferté- Milon, Nesle et Montdidier.

La seconde partie de l’important mémoire de M. Taillar est consacrée , avons-nous dit , à un exposé du système féodal fait avec la clarté et la précision qu’on était en droit d’attendre d’un auteur aussi compétent.

La féodalité s’organisa d’elle-môme pour résister au désor¬ dre social et aux invasions des Normands. Elle prit pour base la terre. « Les domaines, selon leur importance et leur destination, sont classés dans des catégories différentes et forment une hiérarchie qui règle en même temps la condi¬ tion de leur possesseur. »

La propriété foncière à tous ses dégrés constitue le fief. On reçoit en fief la parcelle de terre, le bois, la vigne , la maison , le four , le moulin , le cours d’eau , letang, etc. Bien d’autres choses encore sont assimilées à la propriété foncière ; ainsi on tient en fief certaines fonctions telles que celles de châtelain , ou commandant militaire d’une forte¬ resse; d'avoué, défenseur temporel d’un établissement reli¬ gieux ; de mayeur , etc. On considère comme fief la poesté ou pouvoir exercé dans une localité; la justice avec ses produits ; le péage ou droit de passage sur un chemin , un pont, un bac; le vinage ou droit perçu sur les vendanges ; le forage, droit de vente et de consommation sur les liqui¬ des ; des droits sur le mariage et la mort de certaines per-

*

sonnes et toutes les autres contributions ou redevances qu’elles soient en argent ou en nature. Les seigneuries dé¬ pendent les unes des autres. L’hommage que chaque vassal

222

doit à son suzerain constitue pour celui-ci un fief qu’il reconnaît tenir du roi ou du comte.

Les vassaux sont astreints à divers services parmi les¬ quels figurent au premier rang : Vost et la chevauchée , c’est- à-dire l’obligation de servir soi-même , soit à pied soit à cheval , ou de fournir un nombre déterminé d’hommes de guerre. Ils sont encore tenus à siéger à la cour et au plaid , à garder le château du seigneur et quelquefois à y venir rési¬ der pendant un temps déterminé {lige estage).

Comme exemple de ces rapports multiples du vassal à son suzerain, nous citerons d’après le cartulaire un des fiefs du bailliage de Vermandois, châtellenie de Saint-Quentin.

« Renaud Prévôt , homme lige, tient sa maison de Saint- Quentin et c sols dans la vicomté et dans la boucherie XXVI livres et l’estalage des souliers et les gâteaux de la quintaine et un four et x sols aux jardins et deux autres sols, trois pains de chaque boulanger , le mariage de la femme de Girard de Guise, les forages de deux maisons , les menus rendages dans les poestés cl les citations et l’avoine ; et de chaque voiture du marché le pain est vendu iii pains ; des chapons avec deniers , les échevinages des poestés et environ x muiées de terre à Seroucoiirt et les gâteaux à Vaux , ii sestiers de vin , ii chapons et les hom¬ mages de ceux qui suivent (suit une liste de 21 noms).

Il doit l’ost et la chevauchée et doit garder les prisons et les otages des duels. »

Deux xxrrières de la cathédrale d'Amiens , par MM. Du\ al et Jourdain.— Les vili aux de couleur de nos anciennes ca¬ thédrales sont des sources inépuisables de renseignements sur Part, les costumes, les mœurs et les idées du moyen-âge. 11 en est bien peu nous ne trouvions quelque idée ingé¬ nieuse qui souvent nous fait sourire par sa naïveté. Aussi l’une des verrières décrites représente les deux histoires de

‘225

saint Jean-Baptiste et de saint Georges, se terminant toutes deux par un groupe d’anges qui encensent les corps des deux saints martyrs. Mais l’histoire de saint Jean-Baptiste ne finit pas avec sa mort. La tête du Saint est portée à Salomé qui la présente à sa mère. On voit Hérodiade assise à la table du festin à côté d’Hérode recevant avec satisfaction ce sanglant hommage. Si l’artiste avait représenté les anges encensant la tête du Précurseur, on aurait pu croire que cet honneur s’adressait à Hérode et à sa compagne ; il a préféré inter¬ vertir l’ordre historique et terminer par la scène de la dé¬ collation. C’est au-dessus d’elle que les anges balancent leurs encensoirs.

L’autre verrière représente la vie de la Sainte-Vierge et l’histoire de saint Edmond et de saint Edouard , rois d’An¬ gleterre. Les auteurs penchent pour attribuer le don de cette verrière à un prince de la maison de Coucy dont le blason se trouve dans la rosace qui surmonte les gémeaux de la fenêtre. Le sujet en aurait été inspiré par cette circonstance qu’un Coucy, Engerrand III , accompagna en Angleterre Louis de France , depuis Louis VIII , élu par les barons qui avaient déposé Jean-sans-Terre.

Les tombeaux de la cathédrale d'Amiens Monument de Pierre parM. Garnier (i). Le savant auteur com¬

mence dans cet article la description , au point de vue de l’art, des monuments funéraires de la cathédrale d’Amiens. Il en profite pour faire connaître les personnages à qui ces tombeaux ont été élevés.

Il débute par le monument de Pierre Burry adossé contre le pilier à gauche en entrant sous l’horloge. « Ce n’est pas un chef-d’œuvre, dit-il, mais il a un mérite d'agencement et d’exécution que l’on ne saurait méconnaître. •> Nous ne

P) Pages 75 à 117.

224

suivrons pas Fauteur dans sa description , préférant nous rattacher à Fhomme en Fhonneur de qui le monument fut érigé et qui tient à notre pays par plusieurs côtés.

Pierre Burry naquit à Bruges en 1430. Son père originaire deNoyon avait fuit sa patrie désolée parla guerre. Il fut élevé à Arras par son oncle maternel, chanoine de la cathé¬ drale de cette ville. Il fit ses études à Saint-Omer, puis alla à Füniversité de Paris il obtint le titre de maître ès-arts.

Ses études achevées, il revint s’établir à Douai comme pro¬ fesseur. Puis il voyagea en Italie il resta 7 ans, vivant du produit des copies qu’il faisait et des leçons qu’il donnait à de jeunes enfants. En 1482 , il fut pourvu d’un canonicat à Amiens par l’évêque de celle ville , son ancien élève. Toute sa vie il cultiva les belles-lettres ; il laissa des épitres , des discours et des poésies latines. On n’a que ses dernières : quoique insignifiantes par leur sujet et souvent prétentieu¬ ses , elles sont écrites facilement et avec une certaine verve ; on y voit toujours « une érudition abondante , un jugement sûr, une piété solide. »

L'Abbaye du Gard , par M. Fabbé Delgove (*). Le 21 mars 1098 , vingt religieux du monastère de Molesme (Côte-d’Or) s’établissaient à Cîteaux.En Tllo, saint Bernard sortant de Cîteaux avec quelques compagnons allait fonder la colonie de Clairvaux. C’est de ces deux abbayes illustres que descendait celle du Gard, qui prit naissance en 1138 sur les bords de la Somme, à 2 kilomètres de Picquigny et à 3 lieues et demie d’Amiens.

La vie monastique est une face trop importante de la Société du moyen-âge pour que le passé d’une de ces gran¬ des abbayes n’intéresse vivement les hommes qui s’occu¬ pent de Fbistoire du pays. 31. Delgove nous fait connaître

Page 117 à 317.

225

en détail les vicissitudes de l’abbaye de Gard. Nous la voyons s’enrichir des dons qui lui affluent de toutes parts dès son dé¬ but, puis être ruinée au xvi® siècle par les ravages de la guer¬ re; nous assistons au meurtre du dernier abbé titulaire, Jean Boulet (lol6), à l’installation des abbés commendataires qui vivaient à la cour (Mazarin fut l’un d’eux) , touchant les re¬ venus et laissant les moines dans la pauvreté. Enfin vient la Révolution , la vente de l’abbaye et sa démolition partielle.

Plan de la ville de Roye ^ par M. Ch. Gomart, membre titulaire non-résidant. Ce plan a été trouvé dans la topo¬ graphie de la France. Il ne montrait que le périmètre des murailles, M. Gomart y a ajouté l’emplacement de quelques monuments anciens.

Inventaire des sceaux offerts à la Société des Antiquaires de Picardie par M . Célestin Ratel ^ dressé par M. A. Dutil- leux. Ne peut s’analyser.

Origines Royennes de VInstitut des Filles de la Croix d'après des documents inédits^ par M. l’abbé Corblet (*). « Il existe en Fance un grand nombre de couvents du nom de Filles de la Croix qui se consacrent avec succès à l’ensei¬ gnement de la jeunesse. Beaucoup d’entre eux doivent leur origine la communauté qui fut fondée à Roye en 162o. » L’auteur trace un tableau très-intéressant des circonstances qui ont amené la fondation de cette communauté, des per¬ sécutions qu’elle eut à subir presque dès sa naissance , des luttes intestines qui la déchirèrent et qui amenèrent la rupture de la maison de Roye avec celle de Paris. Il réha¬ bilite la mémoire de Pierre Guérin , curé de Saint-Georges- lès-Roye, fondateur de l’Institut, persécuté par Richelieu comme chef des illuminés, et qui cependant loin d’être hérétique fut « l’un des prêtres les plus éminents du xvii.® siècle par sa doctrine et sa piété. » J. G.

P) Page 317 à 373.

SOCIÉTÉ DUNKERQUOISE

Travaux courants.

Dans sa séance du 6 juin dernier, la Société Dunker- quoise a entendu lecture d’un travail de M. Louis Cousin, son président, intitulé : Excursions et fouilles archéologi¬ ques faites en 1868 dans V arrondissement de Boulogne-sur- Mer.

M. Cousin , l’un des membres distingués de la Société française d’archéologie, qui lui a conféré le titre d’inspec¬ teur divisionnaire , fait chaque année de nouvelles trou¬ vailles dans l’arrondissement de Boulogne, si digne du reste d’arrêter l’attention d’un savant investigateur du passé. Non moins heureux en 1868 que les années précédentes, il a découvert de nombreux objets qui concernent l’âge de pierre, les époques gauloise et romaine, ainsi que le moyen- âge. Dans l’impossibilité nous sommes d’indiquer tous les résultats obtenus , nous nous bornerons à citer les sui¬ vants :

Découverte d’une grotte et de plusieurs chambres dans l’une des grandes carrières de Ferques.

Découverte de nombreuses fosses sur le mont de Coupe , commune d’Audembert, fosses qui, selon toute apparence, ont servi au campement d’un détachement gaulois.

Découverte d’objets de l’époque romaine et deux mottes à Mark, canton de Calais. A ce sujet, M. Cousin cherche la solution d’un problème historique, c’est-à-dire l’emplace¬ ment de la station romaine sur laquelle on lit dans la notice de l’empire : « Equités Dalmatæ, Marcis in littore saxonico, » et il produit en faveur de Marck de sérieux arguments.

Enfin aux Attaques, sur l’emplacement de l’ancien mo¬ nastère delà Capelle , ruiné par les Anglais en 1346, ont

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été trouvés des carreaux émaillés dont l’un figure une com¬ tesse , trois chapiteaux de colonne du xiii.® siècle et des pierres tombales représentant des abbés avec leur crosse.

Nous aurons occasion de revenir bientôt sur cette dernière découverte. _ A. D.

ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE

Classe des Sciences

Nous sommes en retard avec l’académie de Belgique. Parmi les communications faites à la classe des sciences signalons d’abord avec 31. Quetelet la prochaine session du congrès international de statistique; il s’ouvrira à La Haye au commencement de septembre. 31. le major Navez a présenté un nouveau système de chronométrie électro-ba¬ listique , permettant de mesurer à l’aide de l’électricité la vitesse des projectiles. 31. Henry dans ses recherches sur Visomérie dans la série salicique a cherché à compléter cette série de composés chimiques. Une pensée analogue l’a guidé dans des Recherches sur les dérivés éthérés des acides et des alcools polyatomiques. Plusieurs membres ont communiqué leurs observations météorologiques sur les orages de 1868 et de 1869. 31. Quetelet a rendu compte des aurores boréales des lo avril et 13 mai, ainsi que de l’apparition d’un bolide à Bruxelles, le 31 mai. 31. Dupont a présenté à la classe deux bâtons de commandants découverts dans la grotte de Goget (province de Namur). Dans l’espérance de pouvoir prochainement donner une idée d’ensemble sur les résultats qu’ont fourni à ce savant l’exploration des cavernes de la Belgique, nous préférons aujourd’hui résumer les décou¬ vertes de science locale signalées à l’Académie de Belgique dans les quatre derniers mois.

Les Baleinoptères du nord de V Atlantique par 31. Van Beneden. Les Baleinoptères ou Rorquals diffèrent des

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véritables baleines par leurs fanons plus courts , par la présence de plis sous la gorge et sous le ventre; elles ont peu de lard et beaucoup de souplesse. Aussi évitait-on de la poursuivre , avant que la Baleine franche aujourd’hui ré¬ fugiée dans les glaces du Pôle ne fut devenue si rare et si difficile à atteindre.

On comprend combien il est difficile d’étudier et de com¬ parer ces gigantesques habitants des mers. On ne peut guère juger de leurs caractères anatomiques que par les rares individus qui de temps à autre échouent sur nos côtes. Dans ces dernières années, feu Eschricht, professeur à Copenhague, mettant à profit des relations que sa nation entretient avec l’Islande et le Groenland fit faire de grands progrès à la zoologie des cétacés.

M. Van Beneden fut amené à s’occuper de ce groupe d’animaux par l’étude des nombreux ossements qu’ils ont laissés dans les sables d’Anvers.

En attendant THistoire naturelle des cétacés vivants et fossiles qu’il prépare de concert avec M. Gervais, profes¬ seur d’anatomie comparée au Muséum de Paris, il commu¬ nique à l’académie de Belgique les résultats de ses recherches sur les baleinoptères.

11 en admet quatre espèces vivant dans l’océan atlantique boréal , deux de grande taille et deux de petite taille.

1. ® Balœnoptera rosir ata (8 à 10 mètres de longueur) ;

2. * Balœnoptera borealis (10 à 12 m.) ;

3. ® Balœnoptera musculus (22 à 26 m.) ;

4. ® Balœnoptera Sibbaldii (22 à 26 m.).

Une carte jointe au travail montre les points on a rencontré ces diverses espèces.

Une seule B. musculus a été trouvée dans la Méditerranée. C’est aussi la seule qui ait échoué dans le détroit du Pas-de- Calais. La B. rostrata a été prise sur les rivages de la Man-

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cheet de^la Mer du Nord. Quant aux deux autres espèces elles n’ont pas encore été poussées sur nos côtes.

Le tableau suivant indique les époques ont été captu¬ rées sur nos plages les deux premières :

1812 Emb. Somme B. musculus musée de Boulogne.

1817 Ostende id.

1829 Emb. Somme " id.

1838 Ostende B. rostrata musée de Gand.

1842 Pas-de-Calais B. musculus

1857 Boulogne id.

1865 Emb. l'Escaut B. rostrata

1869 Emb. l’Escaut B, musculus {^) musée de Bruxelles.

A la liste précédente il faut ajouter une Balœnoptera rostrata qui a échoué à Montreuil-sur-Mer en 184. . Son squelette est conservé au musée de Lille et figure au catalogue sous le N.® 316 et sous le nom de Joubarte. Au lieu d’avoir 24 mètres de long, comme le porte le catalogue, il n’a que 7 mètres.

Un Palœdaphus nouveau du terrain dévonien^ par M. Van Beneden. MM. Van Beneden et de Koninck ont créé le nom de Palœdaphus pour un poisson trouvé dans le cal¬ caire carbonifère. Il appartient à la famille des Cestraciontes voisine de celle des Squales ou Requins. Ses mâchoires au lieu d’être armées de rangées de dents pointues comme dans le requin, portent 8 collines osseuses , longitudinales , sur lesquelles se trouvent de petites tubérosités mousses faisant office de dents. Le nomem Palœdaphus possède 10 collines et les tubérosités dentaires sont plus régulières. Il vient d’Hingeon, d’une carrière ouverte dans les bancs inférieurs

(ï) Le jeudi soir 13 mai de celte année, on aperçut à l’entrée de l’Escaut , non loin de Flessingue , un énorme cétacé que l’on prit d’abord pour un corps inanimé flottant, mais qui fut bientôt r -connu pour un animal vivant, au bruit qu’il faisait à la surface. Après avoir essuyé quelques coups de feu il alla échouer, pendant la nuit, sur le banc de Caloo. 11 a été vendu aux enchères pour la somme de 500 fr. M. Van Beneden a fait l’acquisition du squelette.

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du calcaire de la bande de Rhisnes (terrain dévonien supé¬ rieur). Ce gisement lui vaut le nom de P. devoniensis ^ le premier avait été nommé P. insignis.

Notice sur les débris de Cheloniens provenant des terrains tertiaires des environs de Bruxelles^ par M. Preudhomme de Borre. Les Tortues du terrain éocènede Bruxelles con¬ nues jusqu’à présent , sont: \°VEmys Caniperi, espèce ayant vécu dans des eaux marécageuses et dont il y a actuellement en Belgique 8 exemplaires; \e Trionyx Bruxellienis , tortue fluviatile dont l’exemplaire typique est aussi au musée de Bruxelles. M. de Borre y ajoute une seconde espèce fluviatile et une Cfielonia ou Tortue marine, de grande taille.

Dans une autre séance le même erptologiste a soumis à l’Académie la Description d'une nouvelle espèce de Caiman

et d’une jeune Tortue provenant tous deux du Honduras.

_

Ce sont aussi des animaux étrangers à l’Europe que M. le baron de Selys Longcliamps fait connaître dans ses Secondes additions au Synopsis des Caloptérygines , famille d’insectes de l’ordre des névroptères.

Boches usées avec cannelures de la vallée de la Grande-Geete , par M. 3Ialaise. M. Malaise commence par rappeler qu’il y a un an M. Van Horen signalait aux environs de Tirlemont des grès tertiaires dont les surfaces étaient polies et striées , lui-même vient de constater au sud delà Ramée des blocs de quarzite du Brabant à surface usée et striée. M. Van Horen croit que ces usures et ces cannelures étaient le résultat d’anciens glaciers. M. d’Oma- lius d’Halloy combattit cette manière de voir que ne partage pas non plusM. Malaise. Il se demande si la roche cannelée n’est pas un reste d’une barre diluvienne datant d’une époque ou la Geete avait plus de puissance et de hauteur. « Les cailloux passant sur cette barre n’ont-ils pu, dit-il,

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produire les cannelures? et le poli des roches quarzeuses n’est-il pas au frottement et à l’action corrosine des eaux ? » Ces conclusions présentées avec la plus grande réserve sont très-méritoires à une époque la mode est de retrouver partout des traces d’anciens glaciers. J. G.

Classe des Lettres.

Le 12 mai dernier la classe des lettres a tenu sa séance publique. Trois lectures ont été faites à cette occasion par MM. Borgnet, le directeur annuel, le baron Kervyn de Lettenhove et Gachard. Nous allons rendre compte des deux premières , M. Desplanque se réservant de reprendre plus tard la suite des études de M. Gachard sur Don Juan d'Autriche. Après la proclamation des résultats des con¬ cours , on a rendu compte des élections par lesquelles la classe répare annuellement les vides que la mort fait dans ses rangs. M. Henri Conscience le célèbre romancier fla¬ mand, a été élu titulaire. Au nombre des associés nous sommes heureux de voir figurer M. Egger , le savant hellé¬ niste de la Sorbonne.

Une page de V histoire d'Angleterre : Les dernières années d'Edouard III , par M. le baron Kervyn de Lettenhove. L’auteur donne de curieux détails sur la fin de ce roi, jadis tout-puissant , perdant peu à peu le fruit des victoires de Crécy et de Poitiers. Il nous le montre dans ses derniers moments en tête à tête avec sa maîtresse Alice Perrers , fille d’un tisserand , qui lui promettait une seconde jeunesse et l’entretenait encore de chasses au faucon. Mais la scène va changer : le roi a une défaillance qui fait pressentir à Alice la fin prochaine de son amant, elle se précipite alors sur le moribond et lui enlève sa bague.

On racontait à Londres qu’un moine fort instruit dans la magie avait remis cette bague à Alice Perrers en lui annon-

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çant que celui qui la porterait ne pourrait jamais se dérober à son amour. Ainsi s’explique la convoitise de cette courti¬ sane, connue sous le nom de dame au Soleil d’or , qui avait vu s’agenouiller devant elle les plus grands seigneurs de la cour d’Angleterre,

Sur le Garactère du mouvement communal en Belgique, par M. Borgnet, président de la Classe des lettres. « La formation des Communes et leur administration privée remontent au berceau des Sociétés. A peine quelques famil¬ les se sont-elles réunies qu’elles ont senti le besoin d’une administration intérieure et d’une police locale. Ce senties conséquences forcées de la nature des choses. Sous des noms différents on les retrouve partout et dans tous les siècles. Les tribus des peuples antiques de la Judée, les douze villes primitives de l’Attique n’étaient autre chose que des communes, en appliquant ce nom à la dernière des divisions d’un peuple sous le rapport de son administration. » (i)

Sans reprendre la chose d’aussi loin , M. Ad. Borgnet fait entrevoir néanmoins ce que pouvait être la Commune à l’aurore des temps historiques.

Commençons par rappeler avec l’auteur qu’à l’époque remonte l’établissement des villes modernes destinées à de¬ venir des Communes, le principe aristocratique régnait dans toute sa force avec la féodalité qui en était la plus haute expression. « Ce principe, dit-il, a prévalu pour l’en¬ semble, il doit prévaloir pour les détails » et il en déduit ([ue la Commune alors est un véritable fief.

Pour sujet d’étude et comme preuves à l’appui de ses allégations , M. Borgnet prend les grandes villes des trois principales provinces de la Belgique : le Brabant , la Flan¬ dre et le.pays de Liège.

(q Dalloz Communes.

Partout, nous apprend l’auteur, la population se divise en grands et en petits^ ou suivant quelques vieux historiens en praticiens et plébéiens , rappelant ainsi ceux qui , à Rome , possédaient les droits politiques ou étaient de con¬ dition servile.

D’où venaient ces grands ? Des descendants d’anciens conquérants ou d’anciens hommes libres parvenus à main¬ tenir leur position à travers les épreuves de la conquête , répond M. Borgnet.

En effet la race conquérante ne fut pas toujours spolia¬ trice et en certains points, il y eut, entre les vainqueurs et les vaincus, des accommodements qui permirent à ceux-ci de conserver les terres qu’ils détenaient de temps immé¬ morial.

C’est probablement ce qui eut lieu pour nos contrées. Quoiqu'il en soit , nous savons que sous la domination fran¬ que et même jusqu’après Charlemagne les municipalités étaient indépendantes et qu’elles étaient administrées par des échevins.

Dès le X.* siècle, dit M. Aug. Thierry Q) , ceux aux¬ quels les actes publics ou privés donnent le titre de scabini sont de vrais échevins dans le sens moderne de ce mot; ils ne tiennent plus rien de la réforme judiciaire à laquelle leur nom se rattache ; ils administrent en même temps qu’ils jugent et leur droit de justice , en concurrence avec la justice seigneuriale, reste comme une dernière garantie de la vieille liberté civile, comme une tradition qui de siècle en siècle remonte jusqu’au sixième. »

Pour nous rendre compte de la situation faite alors aux Communes, demandons-nous ce qu’elles devinrent sous les faibles successeurs de Charlemagne.

Les fiefs étant constitués, les comtes, investis de la ma-

(') Considérations sur V Histoire de France, ch. v, p. 296.

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gistrature suprême , déléguèrent la juridiction , soit aux magistrats des municipalités existantes soit à d’autres sei¬ gneurs placés au-dessous d’eux, et de cette manière nous nous expliquons la direction communale aux mains des grands , d’échevins , nommés à vie « et descendants peut- être, de ceux qui avaient été jadis les propriétaires du sol la cité est établie. »

Ce point démontré (^) il nous reste à voir les améliorations qu éprouva successivement la condition des petits.

D’abord c’est le mouvement communal des xi.® et xii.® siècles.

« Après le récit émouvant d’Augustin Thierry sur la lutte soutenue par les Communes du Nord de la France, dit l’au¬ teur, on n’a plus voulu voir que l’insurrection comme la cause de l’établissement des communes. Pour notre part , ajoute-t-il , quoique bien des circonstances restassent à éclairer, on en connaissait assez cependant pour savoir que cette théorie était en opposition directe avec nos tradi¬ tions nationales et que cet établissement avait été tout pacifique , la lutte n’ayant éclaté que plus tard pour assurer le maintien des progrès obtenus. » Les Communes se conso¬ lidèrent , et avec les garanties qui lui ont été assurées par sa nouvelle position, la classe inférieure put se livrer au commerce et à l’industrie. Dans beaucoup d’endroits l’orga¬ nisation des corps-et-métiers date de cette époque.

L’institution des jurés, qui vint ensuite, fut un nouvel avantage pour les petits. Quoique pris dans le patriciat, du moins au commencement, ils étaient chargés de faire contrepoids à l’aristocratie , et bientôt sous le nom de con¬ seillers, qu’ils échangèrent contre leur premier titre , ils tendirent à former le Conseil municipal.

(q La formation des Communes est complexe; nous ne pouvons pas ici entrer dans des détails que M. Borgnet lui-même ne donne pas.

Nous avons vu les grands seuls possesseurs de l’autorité. Peu à peu leurs rapports avec les petits se modifièrent ; une nouvelle catégorie d’hommes va s’établir et servir d’in¬ termédiaires entre les deux classes extrêmes : les « médio¬ cres » formés des grands amoindris comme aussi des petits enrichis par le travail.

Le premier pas était fait.

Avec les xiii.^ et xiv.® siècles , l’auteur nous montre les Communes dans leurs transformations successives et nous

I

fait voir le pouvoir communal passant presque exclusive¬ ment aux mains des petits. Du régime aristocratique la Commune était arrivée au régime démocratique.

Avant de finir il nous reste à jalonner cette longue série de siècles que nous venons de parcourir.

A l’origine, origine relative bien entendu, nous voyons les municipes romains conservant comme un dépôt la pra¬ tique de l’administration civile pour la transmettre aux Communes du moyen-âge , lesquelles à leur tour donnent à nos rois le modèle qu’ils doivent suivre pour le gouverne¬ ment de leurs Etats.

« Pendant le xv.® siècle , dit en terminant M. Borgnet , » siècle de la centralisation dans tous les Etats de l’Europe » occidentale, chez nous aussi , la démocratie subit les lois » du pouvoir dont elle avait été l’alliée jadis. Heureuse- » ment telle était la force de notre organisation communale » que la Commune , tout en perd ant cette partie de son auto- » nomie qui en faisait un état indépendant et devenait » comme tel un obstacle insurmontable à la formation de la » nationalité , sut au moins conserver le droit de se gouver- » ner elle-même. Les citoyens continuèrenl à gérer leurs in- » térêts , et malgré les calamités que nous valurent les dy- » nasties étrangères, malgré les atteintes qu’elles portèrent » à nos libertés , la vie politique se maintint... » Lecocq.

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BIBLIOGRAPHIE.

TOPOGRAPHIE SOUTERRAINE DU BASSIN ROUILLER DE VALENCIENNES

par M. Emile Dormoy , ingénieur au Corps impérial des Mines (*)

Cet ouvrage, imprimé à l'imprimerie impériale et publié par le Ministre des travaux publics , est destiné à combler une des nombreuses lacunes de la science dans notre patrie. Le charbon n’est pas disposé d’une manière irrégulière au sein de la terre ; il forme des couches ou veines intercalées à diverses hauteurs dans un ensemble de grès et de schistes que l’on nomme terrain houiller. Le mineur a grand inté¬ rêt à connaître la position exacte de ces veines , leur direc¬ tion , leur inclinaison , leur profondeur, etc. La topogra¬ phie souterraine réunit tous les faits de ce genre connus par les exploitations et les sondages.

M. Dormoy a commencé son livre par faire l’histoire des exploitations du charbon du département du Nord , depuis la découverte de la houille à Fresnes, le 3 février 1820, par Desandrouin , jusqu’en 1862. Dans cet exposé histori¬ que l’auteur a pris pour guide l’excellente Histoire de la recherche de la Houille de M. Ed. Grar.

La seconde partie est consacrée à l’exposé des méthodes d’exploitation et la troisième à la description géologique du bassin houiller.

Le terrain houiller et les terrains anciens qui l’accom¬ pagnent sont surmontés de couches plus récentes (terrains crétacé et tertiaire) nommées par les mineurs terrains morts. Si on les suppose enlevée, le sol de notre pays serait aussi plat qu’il l’est maintenant. Cependant, à la surface de ces terrains anciens, on constate deux dépressions corres-

(^) 1 vol iü-4.®, 296 p. et atlas.

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poiidaïuà deux anciennes vallées. L’une, prenant naissance à Valenciennes, se dirige vers l’est en passant au sud de Condé ; elle atteint près de la frontière une profondeur de 100 mètres par rapport au niveau ordinaire du terrain houiller. L’autre vallée se trouve à l’ouest de Douai : les fosses de Dorignies atteignent la surface du terrain houiller à des profondeurs de 215 et de 234 mètres , tandis qu’à l’Es- carpelle cette'môme surface est à 157 mètres seulement. Par contre un petit monticule a 'été reconnu entre Denain et Aniclie. En négligeant ces irrégularités, on constate que dans le département du Nord la surface du terrain houiller présente une pente générale vers l’ouest : elle passe de la profondeur moyenne de 35 mètres à celle de 155 mètres.

Les couches qui composent le terrain houiller ont été redressées et plissées postérieurement à leur dépôt. Les deux bords du lac ou de la lagune elles s’étalent formées ont été rapprochés de manière à prendre la forme d’un V, mais d’un V fortement incliné de gauche à droite , le côté sud ayant été renversé sur le côté nord. Le fond du bassin qui est devenu les branches du V est formé par le calcaire carbonifère (pierre bleue de Tournai , Marbaix, Blaton, etc.) Le milieu est rempli par le terrain houiller dont les couches sont parallèles à celles du calcaire. La direction générale des veines, en ne tenant pas compte des petits accidents, est de l’est à l’ouest; elles plongent toutes vers le sud par suite du renversement signalé. Mais tandis que les veines du Nord inclinent régulièrement sous un angle assez faible, les veines du sud ont subi de nombreux plissements en zig¬ zag ; elles sont formées de parties très-inclinées [dressants) séparées par d’autres parties presque horizontales (pla- teurs). Le renversement des veines du sud est suffisamment prouvé par la structure du toit et du mur. On nomme toit la couche schisteuse supérieure à la houille , et mur celle

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qui lui est inférieure. On a remarqué que si la veine de houille occupe sa position normale, le mur est formé de schistes fragmentaires se divisant irrégulièrement , remplis de débris de racines ; c’est l’ancien sol végétal sur lequel s’est développé la forêt tourbeuse qui a donné naissance à la houille ; le toit au contraire est constitué par du schiste fin , régulièrement feuilleté, couvert d’impressions de tiges et de feuilles. Lorsqu’il y a renversement de la couche, c’est le toit qui est irrégulier et rempli de racines et c’est le mur qui offre les empreintes de feuilles.

Après avoir d’abord (^) nié d’une manière absolue le ren¬ versement des couches sud, M. Dormoy le reconnaît main¬ tenant dans un petit nombre de points. Cette concession ne nous semble pas suffisante, et au lieu de regarder ce fait comme f exception , nous le considérons plutôt comme la règle.

M. Dormoy s’est laissé guider par les caractères chimiques pour caractériser les couches de houille , et pour relier entre elles les veines de deux exploitations différentes. Mais il est maintenant bien constaté que la qualité de la houille d’une même couche peut varier. Maigre dans un point, la même veine peut dans un autre se charger d*une plus grande quantité de matière volatile. M. Geinitz l’a constaté en Saxe et nous avons déjà signalé un fait du meme genre dans ce Bulletin.

Dernièrement encore M. Daubresse , directeur des Mines de Carvin , nous fait part d’une observation conforme. La veine St. -Emile de la fosse N.° 1 , qui se trouve coupée par une faille , est beaucoup plus riche en carbures volatils dans le voisinage de l’accident que dans les parties plus éloignées.

1^) Bulletin de la Société géologique de France, 2.' série, xix, p. 348.

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Dans les veines du nord de notre bassin , le combustible est maigre ; il devient d’autant plus gras que Ton marche vers le sud. Fidèle à son principe , M. Dormoy ne pouvait voir dans les houilles grasses du sud le prolongement géo¬ logique des houilles maigres du nord ; il a donc été conduit à admettre que toutes les couches exploitées aux environs de Valenciennes ne sont que la moitié nord du bassin houil- 1er primitif , et il a chercher ce qu’est devenue la moitié sud. Il suppose que toute cette «partie a été soulevée au- dessus de son niveau , puis « un torrent, un déluge d’une !> puissance irrésistible s’est précipité du nord vers le sud, » a ratissé toute la surface supérieure des terrains , et a

emporté dans la direction du sud la montagne nouvelle- » ment formée. »

Cette hypothèse fait honneur à l’imagination de son au¬ teur, mais elle est en contradiction avec les faits les mieux démontrés en géologie. N’est-ce pas aussi purement imagi¬ naire cette masse de roche éruptive que M. Dormoy figure dans ses coupes et fait intervenir pour expliquer le soulè¬ vement de la moitié sud du terrain houiller?

On doit également régretter que dans les coupes transver¬ sales du bassin houiller l’auteur n’ait pas distingué les faits constatés de ceux qu’il a déduits plus ou moins hypothéti¬ quement de ses observations. Ainsi dans ces coüpes, M. Dor¬ moy représente à des profondeurs qui varient de 900 à 6,000 mètres et plus , des dispositions de couches très-favo¬ rables à sa théorie , mais les a-t-il vues ? les a-t-il constatées? ou les a-t-il simplement supposées telles ? Il est permis de se poser cette question quand on compare la coupe d’Aniche dans l’ouvrage de M. Dormoy et dans la Notice sur les mines de houille d’Aniche ^ publiée il y a deux ans^par M. Vuille- min, ingénieur-gérant de cette compagnie. Ces coupes ne se ressemblent en aucune manière, et cependant M. Dormoy

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a clù avoir connaissance des documents qui ont servi à M. Vuillemin. Ajoutons que la coupe présentée par M. Vuille- inin s’accorde beaucoup mieux que celle de M. Dormoy avec les lois géologiques et avec ce que Ton observe dans d’autres parties du bassin. Peut-être à l’époque déjà reculée M. Dormoy habitait Valenciennes, les travaux étaient-ils moins avancés et les observations moins complètes.

Sous ce rapport , comme sous beaucoup d’autres , on regrette que l’administration des travaux publics ait différé de sept ans la publication de ces documents vivement atten¬ dus des industriels et des savants. Espérons qu’il n’en sera pas de même des travaux analogues faits sur le bassin du Pas-de-Calais, par M. Coince, ingénieur des mines à Arras. Les plans que nous avons vus à l’Exposition universelle sont conçus dans un esprit d’observation si consciencieux que nous regarderions comme un malheur pour la science tout retard apporté à leur publication. J. G.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.

Ravages des Chenilles sur les arbres fruitiers et les haies, Tout le monde a remarqué l’état déplorable se trou¬ vent en ce moment (2o juin) la plupart des pommiers et des poiriers garnissant les vergers des environs de Lille. Ils sont entièrement dépouillés de leurs feuilles et présentent l’aspect qu’ils auraient en plein hiver. Rien d’étrange comme le coup-d’œil de ces vergers vus à quelque distance. Tout y paraît mort. La verdure luxuriante des ormes ou des peupliers qui les entourent fait le plus singulier con¬ traste avec cet état de dessèchement qu’on ne peut mieux comparer qu’à un effet d’incendie, lorsque le feu a consumé les bâtiments (f une ferme et atteint tous les arbres voisins.

Il va sans dire que la récolte est perdue , surtout pour les

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pommiers , car il n’est pas resté plus de fruits que de feuil¬ les. Les poiriers ont été un peu plus épargnés; j’ai même vu des vergers les pommiers étaient entièrement dé¬ pouillés, tandis que les poiriers étaient intacts. Cela tient à ce que deux espèces de chenilles se sont attaquées au pom¬ mier, quand le poirier n’a eu affaire qu’à un seul ennemi.

A l’extrémilé d’un grand nombre de branches, on aper¬ çoit des espèces de paquets formés de fragments de feuilles sèches liées par des lils de soie , en«tissu serré, qui rappel¬ lent certaines toiles d’araignées. En ouvrant ces paquets on les trouve remplis de peaux de chenilles desséchées, d’ex¬ créments en forme de petits grains, et souvent on y trouve un cocon jaune , poudreux qui renferme une chrysalide de papillon.

Quelquefois les pommiers présentent un aspect un peu différent : les feuilles ne sont pas tombées toutes , mais elles sont recoquillées , sèches et jaunes , tout l’arbre a une teinte rousse qui fait dire aux campagnards qu’il a passé un venti^ux. Les bourses de soie sont plus petites, arron¬ dies, blanchâtres, elles contiennent (fin juin) des petites chenilles grisâtres ou des chrysalides rangées les unes contre les autres dans des petits cocons blancs.

Une autre observation qui a du être faite par tout le monde, c’est l’état de presque toutes les haies d’épines, à qui il ne reste pas plus de feuilles qu’aux pommiers des vergers. On les voit, sur des étendues très-considérables, enveloppées de réseaux de toile grisâtre au milieu des¬ quels frétillent par paquets ces mêmes petites chenilles grises des pommiers. Si toutes les haies ne sont pas dé¬ pouillées, il n’en est au moins aucune qui ne soit attaquée sur quelques points.

Quand il se trouve , parmi les pieds d’épines, quelques prunelliers, comme il arrive assez fréquemment dans nos

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environs , ces derniers partagent le sort de leurs voisines auxquelles du reste ils sont liés par des liens botaniques très-étroits.

Ces dévastations si frappantes pour l’œil le moins atten¬ tif sont loin d’être nouvelles , celles des haies notamment se reproduisent plus ou moins fortement à des époques assez rapprochées ; la chenille qui les produit est toujours commune ; mais il se passe parfois bien des années avant qu’elles se montrent aussi multipliées que dans ce moment, et qu’elles détruisent complètement jusqu’cà la moindre apparence de verdure sur un aussi grand nombre de haies.

Celles des arbres fruitiers sont aussi très-connues; mais j’ai entendu dire à de vieux campagnards que jamais , de mémoire d’homme , leurs vergers n’avaient été aussi dé¬ vastés ; pour ma part je n’avais pas observé encore , dans ce pays-ci , pareille destruction. Je ne puis la comparer qu’cà celles que j’ai vu opérer par les Hannetons dans certains bois de la Picardie et par les Bombyx processionnaires dans des bois de chênes des environs de Paris. *■

Quelques détails sur les insectes qui ont fait ces ravages pourront peut-être intéresser les lecteurs du Bulletin.

I. Le premier et le plus grand ravageur de nos arbres fruitiers est la chenille ùn Bombyx neustria, ou Clisiocampa neustria , ou Lasiocampa neustria., vulgairement : Bombyx normand ou livrée (i). Elle provient d’un papillon nocturne

(1) Clisiocamph , de deux mots grecs : tente et chenille , à cause des mœurs de la chenille qui passe son jeune âge sous une toile qu elle file.

Lasiocampa, chenille velue.

Neustrfa , normand , parce que le naturaliste anglais Charletoii , qui le nomma le premier en 1677 , avait reçu les chenilles de Nor¬ mandie. Linné eut le tort de consacrer cette dénomination qui ne signifie rien , et c'est sous son nom qu’elle est toujours inscrite.

Livrée , à cause des couleurs de la chenille qui rappellent certaines livrées bariolées en usage autrefois.

243

brun ferrugineux, avec les ailes supérieures barrées d’une bande plus foncée, encadrée de traits blanchâtres.

Il vole en juillet. La femelle dispose ses œufs d’une façfln fort singulière qui a été cent fois décrite mais jamais plus fidèlement que par Reaumur que je ne puis mieux faire que de citer ;

« De tous les nids d’œufs de papillons, celui qui est un des plus jolis pour l’arrangement des œufs , est un nid connu des jardiniers, parce qu’ils le trouvent assez souvent en taillant leurs arbres ; ils l’appellent le bracelet ou la bague, et ils l’ont très-bien nommé. Ces nids entourent un jet de poirier, de pommier, de pêcher, de prunier, comme les bagues ordinaires entourent les doigts, ou comme les bracelets entourent les bras. Ils ressemblent tout à fait aux bracelets de grains d’émail ; chaque œuf tient ici lieu d’un de ces grains. Il entre depuis 200 jusqu’à 3o0 œufs dans le même bracelet. On ne voit que leur partie supérieure dont le contour est rond et blanc; le milieu est plus brun, la sommité est toujours marquée par un point noir.

» Ces grains ou œufs qui se touchent seulement par quelques endroits de leur contour, et qui sont pressés les uns contre les autres , laissent nécessairement entre eux des espaces qui sont remplis par une espèce de gomme brune, dure et cassante. La lar2:eur du bracelet est formée de 14 à lo rangs et jusqu’à 17 rangs d’ceufs. Ils ne sont pas placés précisément sur la circonférence d’un cercle , ils sont disposés en tours de spirale qui quelquefois s’éloignent peu de la ligure circulaire (’). »

Ces œufs fortement collés autour de leur branche passent l’hiver sans avoir à redouter d’autre danger que les coups de bec des Mésanges. Ils éclosent en avril et la nichée de

P) Mémoires pour servir à l'Histoire des Insectes , t. ii.

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petites chenilles se met aussitôt à filer la tente qui va la protéger. Elles l’attachent aux bourgeons , aux feuilles naissantes ou aux branches , quelquefois elles en tapissent le tronc de l’arbre ou l’enfourchure des grosses branches , en laissant en dessous l’espace nécessaire pour s’y blottir.

La forme de cet abri n’est pas toujours constante , puis¬ qu’elle dépend des objets qui le soutiennent , mais en géné¬ ral , il ressemble à une poche oblongue ou en poire , entou¬ rant un rameau qui en fait l’axe et prenant ses points d’ap¬ pui du pourtour, sur les ramules ou les feuilles de la branche centrale.

Les chenilles passent sous cette tente la première moitié de leur vie ; elles ne la quittent que pour se répandre aux alentours à la recherche de leur nourriture ; elles y revien¬ nent après la pâture et y opèrent leurs mues ; il est même probable , que la principale raison de ces toiles est le besoin d’abriter les moments critiques des changements de peau.

Elles grandissent rapidement et bientôt l’abri ne peut plus les contenir ; la famille ne s’en sépare pas immédiate¬ ment pour cela. Toute la colonie revient encore à son ber¬ ceau , mais elle se groupe au-dessus au lieu d’y rentrer, et tout le monde a pu voir, par les beaux jours de la lin de mai, ces masses de chenilles serrées les unes contre les autres à l’extérieur de leur tente et formant un véritable paquet.

Quelquefois on les voit dans cette position se livrer à de singuliers mouvements. Ce sont des balancements brusques de la moitié antérieure de leur corps , se portant alternati¬ vement à droite et à gauche , comme s’il était mu par un ressort. Est-ce un indice décoléré ou d’inquiétude, une espèce de mise en défense? Est-ce une agitation qui corres¬ pond à une époque de mue prochaine et qui y aiderait ? Il est difficile de le deviner, mais ce qui est certain , c’est que

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ces mouvements cessent après la quatrième mue , lorsque le moment de la dispersion est arrivé.

Cette dispersion a lieu lorsque les chenilles sont à la moitié de leur taille à peu près; dès lors la vie de famille cesse et chacune va manger isolément. Dans les années or¬ dinaires , elles attaquent indifféremment les Ormes , les Chênes , les Saules , ainsi que tous les arbres et arbusles appartenant à la grande famille des Rosacées ; mais cette année , il semble que dans nos environs ce sont ces derniers qui ont eu toutes les préférences : les Aubépines, Prunelliers, Pommiers , Poiriers, Pruniers , Cerisiers ont été les plus endommagés. Les Saules, quelquefois très-châtiés, ont été épargnés , ainsi que les Ormes des haies. Ainsi il y a eu double phénomène ; d’abord multiplication générale tout à fait insolite et préférence marquée pour un genre de nour¬ riture. C’est exactement la même chose qui fut observée il y a 4 ans à propos de VAgrotis segetum (vers gris) que l’on vit pulluler tout à coup et choisir en même temps la betterave préférablement à toutes les autres plantes sur lesquelles il pâture ordinairement.

Lorsque la chenille de la Livrée est arrivée à sa crois¬ sance , elle est longue de 5 à 6 centimètres , cylindrique , molle, garnie de poils en bouquets et rayée, dans le sens de la longueur, de lignes blanches , noires, oranges , jaunes et bleuâtres; la tête est bleue , marquée de deux points noirs. L’intensité des couleurs varie beaucoup, on en voit toutes sont très - tranchées , tandis que sur d’autres les nuances sont affaiblies et comme passées.

Cette différence se retrouve sur le papillon dont les tons roux sont plus ou moins foncés.

Le moment de la métamorphose étant arrivé, chaque che¬ nille cherche un endroit favorable pour y filer son cocon ; elles l’enveloppent ordinairement dans des feuilles, quel-

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ques-unes vont utiliser leur ancienne toile ; elles aiment les angles des murs, les fentes des écorces, enfin tous les endroits elles trouvent à la fois un support et un abri. Ce cocon rappelle un peu celui du vers à soie , il a comme lui une enveloppe de soie d’un tissu lâche, puis une coque plus résistante, oblongue, saupoudrée d’une poussière jaune provenant d’un liquide sécrété par la chenille et qui en se séchant se pulvérise.

La chrysalide qui est brune, presque noire , est aussi saupoudrée de cette poussière jaunâtre ; ses anneaux sont garnis de quelques poils courts , et elle est terminée en ar¬ rière par une pointe cornée.

Le papillon devrait être très-commun d’après le nombre des chenilles ; mais il se cache si bien qu’il est difficile à découvrir et qu’il est peu connu. D’ailleurs il a couru, avant de naître , des dangers de différentes sortes qui ont fort diminué la génération. On peut, je crois, calculer qu’un dixième seulement des chenilles qui naissent arrivent en papillons. Leurs principaux ennemis sont les oiseaux , les hyménoptères et les diptères parasites {^) qui en détruisent heureusement un très-grand nombre , et comme ils se pro¬ pagent ordinairement dans la même proportion que la che¬ nille qui leur sert de proie , la destruction marche parallè¬ lement à la multiplication, et les apparitions extraordinaires comme celles de cette année rentrent l’année suivante dans l’ordre habituel.

Cette destruction opérée par les oiseaux et les insectes n’est pas une raison pour que nous ne cherchions pas de notre côté des moyens d’arrêter encore la propagation. Car

(b D'après M. Robineau -Desvoidy , les trois espèces de diptères suivantes vivent à l’état de larve dans les chrysalides de Bombyx neustria: Carcelia homhy\ans\ Tachina larvarum, Zenillia aurea. 11 faut y joindre un très-grand nombre d’autres espèces de la tribu des Diptères entomobies.

247

en supposant même que chaque nid de jeunes chenilles qui en contient deux cents ne fasse arriver à bien que vingt papillons, soit dix couples ; chacun de ces dix couples pou¬ vant pondre deux cents œufs au minimun, la progression, même réduite chaque année au dizième, deviendrait rapi¬ dement formidable, A. de Norgüet.

^ Sera continué )

Chauve-Souris barhastelle, Dans le Tableau des mam¬ mifères terrestres du département du Nord que nous avons donné dans le dernier numéro du Bulletin , nous n’avons pas mentionné la Chauve-Souris barbastelle [Plecotus har- hastellus) dont nous ne connaissions aucune capture cer¬ taine , dans nos limites ; nous apprenons que M. Delplan- que , directeur du Musée de Douai , vient de prendre toute une colonie de cette espèce sous le toit de son Musée.

La Barbastelle se distingue du Plecotus auritus, l’Oreil¬ lard commun , par des oreilles moindres , larges , échan- crées, à oreillons courts et courbés en S. Elle est rare partout. En Belgique, M. de Sélys ne cite qu’une seule capture faite à Louvain, par M. Van Beneden. En Lorraine M . Godron ne l’a jamais trouvée que dans un souterrain du fort Bellecroix, à Metz. D’après M. Marcotte, on la ren¬ contre quelquefois en Picardie mélangée avec la Pipistrelle, mais jamais avec d’autres espèces. Le Musée de Lille ne la possède pas. J. G.

CHRONIQUE.

Météorologie. Mois de Juillet 1869. La tempéra¬ ture moyenne de juillet déduite de 17 années est de 17“ 721, cette année elle fut de IS*^ 70 ; la moyenne des maxima a été de 24“ 24, celle des minima 13° 17. Les températures extrêmes ont été de 32® 2 le 22 et 9“ 7 le 1 .®^

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Sous l’influence d’une pareille chaleur l’épaisseur de la couche d’eau évaporée a été de lo8 mill. 45 , la moyenne générale est de 140 mill. 98.

La hauteur moyenne de la colonne barométrique, ramenée à la température de 0% a été de 763 mill. 037 oscillant entre les extrêmes 759 mill 88 le 26 et 773 mill. 15 le 11. La moyenne générale pour juillet est de 760 mill. 322

L’épaisseur de la couche d’eau pluviale recueillie en 8 Jours n’a été que de 11 mill. 83. La quantité de pluie tombée en moyenne pendant ce mois est de 60 mill. 716.

La tension moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique fut de 10 mill. 86 inférieure à la moyenne générale qui est de 11 mill. 08. L’humidité relative 65, 0 "/o inférieure aussi à la moyenne générale de juillet 69 , 72 7o.

Quoique l’air en contact avec le sol ait été sec, il y a eu néanmoins des brouillards au nombre de 28 et des rosées au nombre de 21.

Six jours le ciel fut serein pendant 24 heures , vingt jours il fut à demi couvert et cinq jours seulement complètement couvert.

Les vents régnants furent ceux du N. et du N. E .

Chose remarquable il n’y eut aucun orage pendant le mois de juillet ; le 24 et le 28 on observa des éclairs sans tonnerre. V. Meürein.

Areliéolo)^ie« En pratiquant des terrassements dans le parc du château d’Hamel, arrondissement de Douai, récemment acquis par M. de Sylva, on vient de découvrir des murailles paraissant appartenir à d’anciennes fortifica¬ tions ou remparts remontant à des époques très-reculées.

Le Gérant ; E. Gastiaux.

Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.

N.° 9. Septembre 1869.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ DES AINTIQÜ.\IRES DE LA MORINIE Mémoires , t. xiii

Fondée en 1831 , cette Société, qui a son siège à Saint- Omer, vient de faire paraître le t. xiii de ses Mémoires. Elle publie, en outre, un Bulletin qui compte dix-sept années d’existence.

Voici, à l’heure présente, la composition de la Société

des antiquaires de la Morinie :

MM. Quexson O ancien député. Président.

Albert Legrand ; Vice-Président.

Henri de La Pl.\ne, ancien déi^nté ; Secrétaire-Généi^al. Delmotte, avocat; Trésorier.

Auguste Deschamps de Pas.

Louis Deschamps de Pas Charles de Givenchy.

Charles Pagart.

Lauwereyns de Rosendaele.

Le docteur Wintrebert.

Edmond Liot de Nortbécoürt.

Alexandre Machart.

Louis Martel , député au Corps législatif.

Ed. Le Sergeant de Monnecove, anc. pair de France. Félix Le Sergeant de Monnecove, ancien maire. Alphonse de Cardev\cqüe.

Libersalle, architecte.

Charles Revillion , commissaire-priseur.

L’abbé Toursel , chanoine , dir. au collège St. -Berlin. L’abbé Robert, aumônier des Frères.

Edmond Lefebvre du Prey, maire de Saint-Omer. Boistel, juge au Tribunal civil.

Les t. XI et xii des Mémoires des Antiquaires de la Morinie contenaient une Histoire de V Abbaye de Clairmarais par

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M. de La Plane, ouvrage capital dont nous rendrons compte dans notre Bibliographie.

Le t. XIII desdils Mémoires est un monument que la Société a voulu élever au souvenir d’un de ses membres les plus actifs et les plus éclairés, M. J. A. Courtois.

Ce volume s’ouvre par une Notice sur la vie et les ouvra¬ ges du regretté défunt, notice due à son intime ami et in¬ telligent collègue , M. J. Delmotte.

Vient ensuite l’édition posthume , si vivement attendue , du Dictionnaire géographique de V arrondissement de Saint- Omer, œuvre à laquelle M. Courtois a apporté ses derniers, ses meilleurs soins, et il a versé tous les trésors de son érudition.

Aux personnes peu familiarisées avec ce genre de travaux, il n’est pas aisé de donner une idée de ce qu’ils coûtent de labeurs et de ce qu’ils rendent de services. Laissons à cet égard parler M. Delmotte.

« Notre studieux collègue , dit-il, n’a rien négligé pour que son Dictionnaire topographique fut aussi exact et com¬ plet que possible. En effet, il n’est pas un village, un hameau, un écart, un château, un lief important, une chapelle, pas une rivière, un bois, une colline, un ancien chemin qu’il ne passe en revue, en signalant tes noms qui leur ont été donnés dans les temps les plus reculés jusqu’à nos jours; noms llamands, latins, romains, patois, et que sais-je? Il consulte les vieilles chroniques, les cartulaires des abbayes, les pouilles des églises, les archives des communes, les terriers conservés dans les dépôts publics ou chez les arpenteurs, les manuscrits, titres, actes de notaire, inventaires, livres de fiefs, aveux et dé¬ nombrements, sentences de justice, registres de catholicité, traditions et légendes locales; et, après avoir puisé à pleines mains à tant de sources précieuses longtemps négli¬ gées mais ouvertes à l’iiistoire par ses investigations, il établit une classilication générale par commune ou ancien village , puis il élague rigoureusement toutes les choses étrangères ou inutiles à son sujet, pour ne conserver que

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les faits et renseignements strictement nécessaires. C’est ainsi que M. Courtois est parvenu à faire un Dictionnaire concis, instructif et complet de toute la topographie d’un vaste arrondissement qui s’étend des sources de l’Aa jusqu’à son embouchure dans la Manche et des vastes étangs de Clairmarais jusqu’aux montagnes du Boulonnais.

Rédigé sur le plan et d’après les instructions du ministre de l’Instruction publique , le manuscrit de cet important travail a obtenu une mention très-honorable et une médaille d’or, dans la séance solennelle des délégués des Sociétés savantes , tenue à la Sorbonne, le 11 avril 1863.

Comme appendice au Dictionnaire géographique de Var- rondissement de Saint-Omer^ la Société de la Morinie a eu l’heureuse idée de réunir les Mémoires de M. Courtois ayant trait spécialement à la topographie ou à l’ethnographie du pays.

On trouve ainsi l’occasion de relire d’un seul trait la dis¬ sertation sur VAncien idiome audomarois et celle sur la Communauté d'origine et de langage entre les habitants de l’ancienne MoiHnie Ila7ningante etioallonne. Ces deux thèses tendent à prouver qu’il est faux que l’Aa ait constamment servi de limite entre les pays de langue flamande et ceux de langue wallonne. Elles s’efforcent d’établir que , jusque bien avant dans le moyen-âge, le théotisque a régné sur les deux rives de ce fleuve , et que , dans des temps assez voisins du nôtre, le flamand était encore compris et parlé sur la rive gauche de l’Aa, à preuve qu’on y passait des actes publics conçus en cet idiôme.

L’histoire des institutions tient de trop près à celle des localités , des races et des mœurs , pour que M. Courtois l’en séparât. Il l’abordait en érudit et en jurisconsulte. C’est ainsi qu’il enrichit d’un utile aperçu le livre des Usages et Coutumes du comté de Guisnes . publié par M. Tailliar en 1856. On lui doit aussi un traité sur le Droit d'Arsin et la

“252

Loi du talion dont la réimpression couronne le t. xiii des Mémoires de la Société de la Morinie.

Pour plus amples détails sur la vie et les travaux de M. Courtois , nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer à la Notice de M. Delmotte aussi abondante en renseigne¬ ments précis que riche d’émotions et de souvenirs du cœur.

on fait connaissance, non seulement avec le savant, mais avec riiomme. M. Courtois joignait l’ame d’un poète au patient esprit d’un investigateur. Il avait puisé le goût des vers sur les genoux de sa mère , poète elle-même , et ce goût ne le quitta point dans le cours de sa laborieuse car¬ rière. Avec quel plaisir il se substituait à son compatriote Simon Ogier, versificateur latin du xvi.^ siècle, pour s’écrier en le traduisant :

Que j'aime à voir, Aa , tes ondes cristallines,

Avec leurs cygnes blancs,

Avec le chœur joyeux de tes blondes ondines ,

Et tes bords verdoyants !

Ad Aam

Laelor , Aa , tuos cum Video fluclus Cycnis abundare

El te juxla, Nymplias nescientes Inclus Choros agilare.

La vallée de l’Aa , qui avait vu naître M. Courtois le vit aussi s’éteindre au bout d’une existence tout le temps qu’il dérobait à ses devoirs professionnels était donné à la la famille, à la religion , au culte silencieux des muses, à l’étude , à Tamitié. A. Desplanque.

SOCIÉTÉ IMPÉRIALE d’ÉMULATION D’ABBEVILLE Mémoires, 2.® série, xii ® volume; 1867-68.

Cette Société a été fondée en 1797 , et reconnue par or¬ donnance royale du 8 décembre 1814. Depuis 1833 elle a publié douze volumes de mémoires. Au 1.‘'‘' Janvier 1869, elle comptait 16 membres résidants :

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3DI.E. Prarond ; Président.

Eloi de Vicq, bolanisLe; Vice-Président.

Deligmères, avocat; Secrétaire.

Lefebvre , Jules ; Archiciste.

DE Caieü , juge suppléant; Trésorier.

Boullon de 3Iartel.

DE Brutelette.

L'abbé Derg^y, vicaire de Saint-Gilles.

Hecquet, docteur en médecine.

Hecquet-D’Orval^, Auce-président du Comice agricole.

Labitte , de la Commission administrative du 3Iusée.

Louandre homme de lettres.

3IANESSIER 0.^, sous-préfet.

Marcotte , conservateur du 3Iusée.

DE ViLLEPoix, pharmacien.

DE ViLLERS.

Des idées innées, de la mémoire et de Vinstinct, par 31. Boucher de Perthes ('). L’éminent auteur dont la science et la Société d’Emulation d’Abbeville en particulier regret¬ tent la perte récente , donne dans ce travail une nouvelle preuve de cet esprit universel aussi bien porté à l’observa¬ tion scientifique qu’aux hautes pensées de la philosophie et aux sublimes accords de la poésie.

L’auteur de la Marquise de Montalle[^), de la Création (»), des Antiquités celtiques et antédiluviennes (^) et de bien d’autres ouvrages ; celui qui eut la gloire d’attacher son nom à l’une des plus importantes découA ertes de la science moderne termine sa longue existence si bien remplie par un discours qui est en quelque sorte un cri d’espérance. On y trouve de nouvelles preuves de cette imagination aA'entu- reuse qui inspira tous ses écrits et qui pendant si longtemps rendit suspectes aux hommes de science les preuves de

(h Page l à 74.

(2) Comédie imprimée à Paris, en 1820.

t* *) Cinq volumes imprimés à Abbeville, en 1841

[*) Trois volumes imprimés , de 1847 à 1864.

2oî ~

l’existence de l’homme à l’époque diluvienne. Partant de ce principe que l’âme est immortelle, il suppose qu’à peine sortie d’un corps destiné à se détruire, elle se forme une nouvelle enveloppe matérielle qu elle façonne elle-même à son gré , et que , dans ce nouveau corps , elle conserve l’ex¬ périence pratique et les acquisitions intellectuelles de ses vies antérieures ; les idées innées, les pressentiments, l’ins¬ tinct, etc. ne sont autre chose qu’une mémoire d’outre¬ tombe. C’est ce qui explique le perfectionnement graduel de l’humanité, c’est ce qui doit nous faire espérer, selon M. Boucher de Perlhes, de parcourir une série d’états de plus en plus parfaits : L’homme n’est que la larve d’un ange ou son embryon. »

Quelques documents relatifs à la Numismatique du Pon- thieu, par A. Demarsy. Courte notice l’auteur signale des lettres du roi Edouard d’Angleterre.

Recherches Hydi'ologiques sur V arrondissement d'Abbe¬ ville^ suivies de trois cartes Hydrologiques ^ par M. le doc¬ teur Hecquet. L’auteur a fait par l’hydrotimètre l’analyse des eaux de rivières, de sources et de puits de l’arrondis¬ sement d’x\bbeville. Il a de plus dosé le chlore et l’acide sulfurique.

Le carbonate de chaux domine dans toutes ces eaux , ce qui n’a rien d'étonnant puisque le sol de la Picardie est crayeux. Les eaux de rivières sont moins calcaires que celles des sources et celles-ci en général moins calcaires que les eaux de puits. De toutes les rivières , la Somme est la plus pure ; elle ne renferme que 0 gr. 1648 par litre de car¬ bonate de chaux. Les puits qui en renferment le plus sont ceux de Moyenneville , 0 gr. olOo. Deux puits de Saint- Valéry ont donné une quantité de carbonate de chaux si élevée qu’il faut y voir une cause exceptionnelle et inexpli¬ quée.

255

De la destruction des insectes nuisibles aux récoltes ; dommages causés en 1866 par les vers blancs et les vers gris, par M. Hecquet d’Orval. L’auteur énumère les dommages causés à chaque espèce de plante ; puis il cherche les remèdes. Ainsi queM. de Norguet, il ne croit pas à l’in¬ fluence des froids de l’hiver pour la destruction des insec¬ tes. Les taupes, les oiseaux, le hannetonage, le ramassage derrière la charrue sont des remèdes utiles mais insuffi¬ sants. L’auteur préfère la jachère accompagnée de fréquents labours qui écrasent les vers et les ramènent au jour en les exposant aux intempéries de l’air et à la convoitise des oiseaux.

Chronique française de V Abbaye de Dompmartin de 1672 à 1789, par M. de Caïeu. L’abbaye de Saint-Josse-au- Bois, ou de Dompmartin, devait son origine, suivant la tra¬ dition, à Saint-Josse, fils de Judicaël , roi d’Angleterre, qui, vers le milieu du vu.® siècle, vint en ermite sur les bords de la mer et établit une petite église au milieu des bois. Vers 1150 un solitaire, Milon, réunit ses compagnons et alla fonder avec eux l’abbaye de Dompmartin il éta¬ blit la règle de Prémontré. En 1772, un religieux de cette abbaye , le frère Guilleman , eut l’idée de tenir note de tous les faits dont il était témoin , faits bien peu intéressants que ceux qui se passent en temps ordinaires dans l’intérieur d’une abbaye. Mais, comme le dit naïvement le frère Guille¬ man, « s’il n’y a que peu de chose qui puisse servir, il est vrai qu’il n’y en a aucune qui puisse choquer personne , au moins il n’y a jamais eu de mauvais dessein. » Après la mort du frère Guilleman , l’abbé nouvellement élu , Bruno Bécourt trouva le manuscrit dans sa cellule. Il y prit intérêt et résolut de le continuer. Après son élection comme général de l’ordre des Prémontrés, il recommanda ces annales à

son successeur.

256

Les récits quotidiens de ces trois religieux nous font con¬ naître mieux que toutes les dissertations ce qu’était la vie intime dans une abbaye riche et savante. « C’est tout un monde, dit M. de Caïeu , avec ses ambitions, ses vanités , ses querelles , ses jalousies ; seulement ce monde est dominé parla règle qui vient imposer ses lois à tous. »

La Ligue à Abbeville ^ parM. E. Prarond. La première partie de ce travail a paru dans le volume précédent. La troisième et dernière paraîtra dans le suivant. Notre colla¬ borateur, M. Desplanque, se charge d’en faire un compte¬ rendu séparé. J. Gosselet.

SOCIÉTÉ DES sciences DE LILLE Travaux courants

Expériences sur les métiers à tisser. M. Guiraudet a communiqué à la Société des Sciences les i*ésultats d’expé¬ riences qu’il a eu dernièrement l’occasion de faire , sur les métiers à tissage mécanique employés dans la fabrication courante de Roubaix , de concert avec deux ingénieurs mé¬ caniciens, MM. Boivin et Poillon. Ces expériences avaient pour but de déterminer les quantités de travail mécanique consommées par ces métiers et les différences entre les quantités de travail consommées par différents genres de métiers. Nous ne pouvons rapporter ici les résultats numé¬ riques obtenus ; mais le fait le plus important qui en res¬ sort, c'est la fausseté des idées qui ont généralement cours à ce sujet parmi les industriels et la nécessité de nouveaux essais plus multipliés et plus généraux. On admettait habi¬ tuellement que la quantité de force prise par un métier devait nécessairement augmenter avec la complication de l’étoffe obtenue ; que, par exemple, un métier simple faisant une popeline devait consommer moins de travail qu’un métier à armure ou un métier à armure piano faisant une

2r.7

étoffe façonnée, comme une grisaille; on admettait que l’addition d’un système Jacquard, permettant à un métier simple d'exécuter des étoffes à dessins, devait nécessaire¬ ment l’allourdir beaucoup ; et sans que celte opinion repo¬ sât sur aucune donnée certaine on ne peut s'empêcher de lui reconnaître une sorte de vraisemblance , de sorte qu’elle est devenue dans un grand nombre de cas la base de con¬ ventions pécuniaires. Or,- il paraît résulter d’une manière certaine des essais au dynamomètre rapportés par M. Gui- raudet que rien de tout cela n’est exact ; la quantité de tra¬ vail prise par un métier dépend de son mode de construction plus ou moins perfectionné , beaucoup plus que de la na¬ ture ou de la largeur de l’étoffe qu’il produit. Ainsi des métiers à armure ou des métiers pianos faisant grisaille ont été trouvés consommant deux fois moins de travail que des métiers simples de même largeur faisant popeline ; et des métiers de iT3 centimètres de largeur se sont trouvés con¬ sommer seulement 2/3 du travail consommé par des métiers de 107 centimètres faisant la même étoffe. L’addition d’un système Jacquard semble augmenter très-peu , de 2 à 3 kilogrammes seulement par seconde , la quantité de force prise par un métier. Nous le répétons les résultats obtenus ne peuvent pas être regardés, définitifs , mais ils offrent un haut intérêt en démontrant une fois de plus à nos indus¬ triels que la pratique ne suffit pas, qu’elle a besoin d’être éclairée par des expériences , par des essais raisonnés. Au temps de libre concurrence nous vivons , il n’est plus de gaspillage permis , parce qu’il n’est plus d’économies qui ne soient une nécessité. Il n’est presque pas d’usine en France les frais généraux ne fussent susceptibles de réductions importantes par une meilleure application de la force , par une utilisation plus complète du combustible dépensé. Ce sont des détails , il est vrai , mais des détails essentiels;

^58

c’est aux industriels à s’en préoccuper, à se communiquer les résultats de leur expérience journalière, à marcher d’un commun accord et sans rivalités mesquines dans la voie du progrès. Les faits que nous avons signalés plus haut ne sont qu’un exemple entre mille de la nécessité d’étudier de plus près les instruments de leurs travaux, qui devien¬ dront entre leurs mains habiles les instruments de leur vic¬ toire.

Etude su7^ le journal de Nai'honne^ premier commissaii^e de police de Versailles sous Louis XIV et Lous X\\ publié par M. Le Roi, par M. Chon. L’auteur a détaché de cette nouvelle publication les faits qui lui paraissent les plus propres à faire connaître les mœurs du temps. Il compare le journal de Narbonne aux mémoires de Saint-Simon et profite de l’occasion pour faire ressortir ce qu’il y a de vanité, de petitesse, d’orgueil et de haine dans la plume du célèbre duc et pair. Il rappelle le récit si plein de verve du lit de justice de 1718 Saint-Simon « nage dans sa ven¬ geance 0 en présence des humiliations des magistrats, ce vil petit gris, qui lui ont refusé le salut. Il nous est impossible de raconter ni même de résumer toutes les anecdoctes et les réflexions curieuses que M. Chon a extraites du journal de Narbonne.

Laissons de côté ce qui concerne le roi , la cour et la ville pour rappeler quelques circonstances qui intéressaient plus vivement le peuple et que Narbonne par ses fonctions était plus à même que personne de connaître.

Le journal de Narbonne consacre plusieurs chapitres aux famines qui ravagèrent la France au commencement du xviii.® siècle. En 1725, après une magnifique apparence de récolte, des pluies interminables survinrent, les blés pour¬ rirent dans les champs. La livre de pain valut plus de 2 francs de notre monnaie actuelle. Des bruits d’accaparement cir-

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culèrent , on accusait surtout madame de Prie, maîtresse du premier ministre, le duc de Bourbon. Narbonne « obligea tous les boulangers de Versailles à garnir de pain le marché tous les jours jusqu’à 7 heures du soir et à se conformer pour le prix du pain à celui de la farine amenée au Poids- le-Pioi dont il se faisait donner les prix les jours de marché, a

Versailles malgré ses merveilles était loin d’être un séjour agréable. Le terrain était marécageux, les caves des habi¬ tants remplies d’eaux. Des étangs situés près de la ville ser¬ vaient de réservoirs aux matières fécales des habitations. Il y avait bien une dizaine de fontaines, mais la moitié ne donnait pas d’eau et « celles qui allaient n’en donnaient que comme une saignée, » parce que les officiers des bâti¬ ments du roi et plusieurs seigneurs avaient établi des con¬ duits pour faire venir l’eau dans leurs hôtels. « La modéra¬ tion m’empêche seule de dire bien des choses, ajoute Nar¬ bonne, en cette occasion l’on oublie si complètement les premiers principes de l’amour du prochain. » En matière d’hygiène les difficultés de la police ne datent donc pas de nos jours ; depuis longtemps elle a à lutter contre l’égoïsme des puissants et l’indifférence des masses.

Nouvelles recherches sur le développement de Vemhryon à des températures relativement basses et sur la production artificielle des monstruosités ^ par M. G. Dareste. Depuis plusieurs années déjà M. Dareste s’occupe de déterminer l’influence de la température sur le développement de jeu¬ nes poulets. Il a installé dans les laboratoires de la Faculté des Sciences de Lille des couveuses artificielles qui lui ont déjà permis de reproduire à volonté et en variant les con¬ ditions de l’incubation, telle ou telle monstruosité. Il a reconnu que la température la plus basse à laquelle l’em¬ bryon du poulet puisse se développer est celle de 40°, qu’à cette température le développement se fait avec une très-

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grande lenteur , s’arrête de bonne heure en condamnant l’embryon à une mort inévitable et amène toujours des ano¬ malies dans l’organisation. Tantôt c’est la tête qui se déve¬ loppe seule , tantôt il y a deux cœurs , tantôt les membres . inférieurs se soudent entre eux, etc. Cette variation des ré¬ sultats obtenus dans des conditions qui sont les mêmes pour tous montre que les germes ne sont identiques ni physiolo¬ giquement ni anatomiquement et que, pour les êtres vivants, l’expérimentateur doit toujours tenir compte des prédispo¬ sitions individuelles.

Sur un nouveau pyromètre, par M. Lamy, m. c. On sait combien est irrégulier le pyromètre à argile de Veg- wood, et combien est peu sensible pour de hautes tempéra¬ tures le pyromètre à air. Celui que présente M. Lamy échappe à ces deux inconvénients. On pourrait le nommer manomètre à acide carbonique. De même que l’eau émet des vapeurs dont la quantité augmente avec la température, le carbonate de chaux à partir d’un certain degré se dé¬ compose et dégage de l’acide carbonique en quantité d’au¬ tant plus grande qu’il est soumis à une chaleur plus intense ; de même qu’un abaissement de température détermine la condensation de la vapeur d’eau, un phénomène du même genre produit l’absorption du gaz acide carbonique par la chaux.

L’appareil fondé sur ces principes se compose d’un tube de porcelaine fermé à une de ses extrémités et rempli de marbre. On le chauffe au rouge vif de manière que l’acide carbonique en se dégageant chasse complètement l’air. Puis on adapte un manomètre à l’extrémité ouverte. Lors¬ que le tube est revenu à la température ordinaire l’acide carbonique contenu dans l’appareil est complètement absorbé et le manomètre accuse le vide.

Un pyromètre de cette nature donne la température à

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partir de 800“ par une simple lecture sur le manomètre ; il peut être placé dans toute espèce de fours, et l’obser¬ vation se fait aussi bien près du foyer dans lequel le . pyromètre est plongé que dans le cabinet du directeur dési¬ reux de connaître à chaque instant l’allure de ses four¬ neaux. J. Gosselet.

SOCIÉTÉ d’émulation DE CAMBRAI Travaux courants

« Sous ce titre : Matériaux pour l’histoire des Arts, M. Le¬ febvre a recueilli dans les comptes de la ville et les manus¬ crits de la Bibliothèque communale, principalement dans les registres aux actes capitulaires , un grand nombre de mentions intéressantes , du xiii.® au xix.® siècle , ayant pour objet soit des salaires ou des rémunérations accordées à des artistes pour des oeuvres le plus souvent désignées, ou l’indi¬ cation de dons d’autres œuvres plus ou moins complètement décrites , et délaissées à des établissements ou à des parti¬ culiers par différentes personnes. Toutes ces indications ont -trait à l’orfèvrerie, aux divers genres de peinture, à la sculpture, à la tapisserie, à la musique, etc., etc. M. Le¬ febvre a été amené , par suite , à signaler aussi l’existence d’une chambre de rhétorique à Cambrai au xv.® siècle, à citer des noms d’artistes peintres et musiciens ignorés jus¬ qu’alors. Il a terminé en mentionnant la découverte, sur la garde manuscrite d’un livre, de ce fait : que Gharles-le- Téméraire pour qui la musique instrumentale n’était point un art étranger, s’est également livré à celui de la compo¬ sition musicale et a fait exécuter en sa présence, dans l’église de Notre-Dame de Cambrai, le 23 octobre 1460 , un motet dont il est l’auteur. »

Depuis la fin du mois de mars dernier , la Société d’Emu- lation de Cambrai a entendu lecture de divers autres tra-

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vaux dont nous nous disposions à faire un compte-rendu > anticipé , lorsque nous est arrivée la deuxième partie du t. XXX de ses Mémoires qui les contient tous et que nous ne tarderons pas à analyser. Signalons, dès maintenant, dans . ce nouveau volume , outre les morceaux en cours d’impres¬ sion que nous indiquions dans notre numéro d’avril : la deuxième et dernière partie du recueil des Inscriptions tumulaires de V ancien Camhrésis , par M. Durieux ; la suite de la Biographie du baron de Worden, par M. de Vende- gies , et de la Constitution géologique du Camhrésis , par notre collaborateur, M. Gosselet.

M. Bruyelle a, de son côté, continué le précieux bulletin archéologique qu’il dresse pour chaque volume des Mémoi¬ res. Ce bulletin, sont consignées toutes les découvertes et restaurations de monuments quelconques , faites ou entreprises dans l'arrondissement pendant l’année, em¬ prunte cette fois aux travaux de l’Hôtel-de-Ville un intérêt particulier.

Le 18 août dernier, la Société a tenu sa séance publique annuelle. M. Wilbert, dans son discours présidentiel, après avoir indiqué à grands traits les avantages résultant pour les ouvriers delà pratique des vertus de famille, a dit en quelques mots ce qu’était , il y a un demi-siècle , à Cam¬ brai, l’institution des rosières. Il a examiné ensuite le moyen qu’il y aurait, selon lui , de faire revivre le bien moral de cette institution en la débarrassant de tout ce qui a contribué à la faire tomber en désuétude.

Après ces paroles , vivement applaudies par l’auditoire, M. Durieux, chargé du rapport sur le concours de moralité, s’est attaché, dans un court préambule , à démontrer la né¬ cessité de la pratique de la charité entre tous les ouvriers. Il a ensuite énoncé d’une manière succincte les titres des candidats jugés dignes de récompenses.

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»

ACADÉMIE IMPÉRIALE D’ARRAS

Travaux courants

Le 18 août dernier, rAcadémie d’Arras a tenu aussi sa séance publique annuelle. M. le chanoine Planque , réci¬ piendaire , y a prononcé un discours sur l’orgue : il a décrit l’origine , la facture , le caractère et la puissance de ce roi des instruments. M. Lecesne , président, lui a répondu.

On a ensuite entendu le rapport de M. le chanoine Van Drivai, sur le concours des Beaux-Arts, et celui de M. de Mallortie, sur le concours de Poésie.

Le prix de Poésie, médaille d’or de 200 fr., a été décerné à M. Henri Galleau, lauréat de plusieurs académies ; le prix d’architecture , médaille d’or de 300 fr. , à M. Albert Carré, architecte , à Arras ; le prix de sculpture , médaille d’or de 200 fr. , à M. Louis Hubert-Noël, de Ruminghem.

La séance s’est ouverte par le rapport de M. Van Drivai , secrétaire-général , sur les travaux de l’Académie dans le cours de l’année qui vient de s’écouler.

Ces travaux ont été aussi nombreux qu’intéressants. Pour ne citer que ceux d’intérêt local , on y remarque une Mono¬ graphie de la ville de Saint-Pol, par M. le chanoine Robi- taille ; une Histoire de la Sainte- Manne d'Arras^ parM. l’abbé Proyart, vicaire-général ; une Etude sur le Cardinal de Granvelle, par M. Lecesne. M. Paris a aussi plusieurs fois entretenu ses collègues de faits relatifs à la jeunesse de Robespierre. Enfin, M. Van Drivai a pris acte, dans son rapport, de l’intention est l’Académie de publier m- extenso le célèbre cartulaire de Saint-Vaast par Guiman , résolution à laquelle le signataire du présent article ne peut qu’applaudir.

A. Desplanoüe.

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BIBLIOGRAPHIE.

l’abbaye de clairmabais d’après ses archives

par Henri de La Plane, ancien député, secrétaire général de

la Société de la ]\Iorinie(^)

L’abbaye de Clairmarais n’a ni l’ancienneté, ni l’illustra¬ tion de Sitliiu, sa voisine. Mais, par son origine, qui re¬ monte à saint Bernard , par l’importance de ses possessions graduellement conquises sur les eaux, par le luxe et l’éten¬ due de ses constructions, elle tient une assez grande place dans l’histoire religieuse , sociale et artistique de la contrée qui l’a vu naître, se développer et périr. Aussi l’infatiga¬ ble secrétaire général de la Société des Antiquaires de la Morinie n’a-t-il pas hésité à publier, parallèlement à sa mo¬ nographie des abbés de Saint-Bertin , que l’Institut hono¬ rait naguère de ses suffrages, une histoire complète de Clair- marais.

L’ouvrage , enrichi de dessins et de portraits qui ajoutent un intérêt de plus à sa valeur intrinsèque, se divise en deux parties. Dans la première, l’auteur après avoir retracé som¬ mairement la fondation de l’abbaye , nous la dépeint telle qu’elle était aux diverses époques de son existence et spécia¬ lement à la veille de la Révolution. Avec une puissance d’intuition fécondée par l’étude des textes et l’examen ap¬ profondi des lieux , il reconstitue en son entier ce vaste édifice, dont bientôt il ne restera plus pierre sur pierre. Il nous fait faire le tour de l’église , des cloîtres , du cimetière, des jardins , des étangs , du vivier , de la ferme et de ses dé¬ pendances , prodiguant à chaque pas les descriptions et les

(^) Saint-Omer, Fleury-Lemaire, 1864-1868; 2 vol. in-8.° deLvi-414p. et de viii-890 p.

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souvenirs, déchiffrant toutes les pierres tumulaires qu’il rencontre, inventoriant jusqu’aux pièces du mobilier, lors¬ qu’elles offrent quelque chose de caractéristique ou de curieux. Le patient historien nous initie ensuite aux mœurs, aux occupations des moines , qui firent longtemps fleurir, à l’extrémité du pays des Morins , la règle de Glairvaux. Il couronne son premier volume par un appendice sur les abbayes cisterciennes de l’ancien diocèse de Saint-Omer, dépendantes de Clairmarais : Blandecque, Wœstine, Ra- vensberg et Beaupré. La seconde partie (t. ii) de VHistoire de Clairmarais donne , avec leurs armoiries , la biographie détaillée des cinquante abbés qui se sont succédé , dans la direction de cet établissement, de 1140 à 1792, depuis Gunfride, que le mcnologe cistercien place au rang des saints de l’ordre , jusqu’à Orner de Schodt que la Révolution expulsa de son siège.

Les érudits qui se souviennent des soins consciencieux que M. de La Plane a apportés à la rédaction des Abbés de Saint-Berlin , retrouveront, dans son nouvel ouvrage, les mêmes qualités de savoir et de style , accrues par plus d’am¬ pleur dans le procédé d’exposition. A. D.

ARMURES DES HOMMES DU NORD.

LES CASQUES DE FALAISE ET d’AMFREVILLE SOUS LES MONTS,

par Charles de Linas (i)

L’histoire du travail à l’Exposition universelle dont s’est beaucoup occupé le savant archéologue, connu de nos lec¬ teurs, a soulevé bien des questions intéressantes pour notre histoire nationale. Les unes sont en voie de solution, les autres attendent, pour être élucidées, que des décou-

(B Arras, Rousseau-Leroy , 1 vol iii-S.", 104 p., 1 carie, 7 planches 6 dessins , 15 bois ; tiré à 100 exemplaires.

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vertes nouvelles viennent en aide à la sagacité des explo¬ rateurs.

Deux casques en bronze, de forme conique, avec cimier aigu, trouvés à Falaise, réputés gaulois d’après le catalogue de l’Exposition, parurent à M. de Linas avoir une origine normande. Il se rendit à Falaise il apprit que , en 1832 , neuf casques identiques de forme, de métal et de fabrica¬ tion, ont été trouvés dans le môme champ, emboités trois par trois, l’un dans l’autre, déposés verticalement et cimier en l’air.

Cette disposition ne peut être dùe au hasard et le désor¬ dre du champ de bataille est certainement étranger à des combinaisons numériques calculées avec soin. M. de Linas suppute les peuples de l’antiquité qui se sont établis en Gaule , et démontre que les casques de Falaise ne peuvent leur être applicables pas plus qu’aux Gaulois eux-mêmes , comme le prouvent les diverses formes de casques d’origine gauloise trouvés dans la Somme , dans la Meurthe , dans l’Eure et le Pas-de-Calais.

L’examen des casques portés autrefois dans l’Orient , en Egypte, en Assyrie, en Macédoine et en Perse, amène l’archéologue à suivre les casques coniques jusqu’au xiii.® siècle il les trouve encore en Russie. La tapisserie de Bayeux donne le dessin de plusieurs variétés de casques coniques portés au xi.® siècle par les Normands et les Anglo- Saxons. L’artiste qui, au xiv.® siècle, a sculpté un Goliath sur le portail de la cathédrale de Reims, voulant donnera son personnage l’aspect terrible d’un guerrier barbare , l’a représenté avec un casque en pain de sucre. M. de Linas conclut que c’est aux Normands , forcés de perfectionner leur système d’armures dans leurs guerres d’invasion, qu’est l’emploi des casques trouvés à Falaise.

M. de Linas commente les combinaisons numériques cal-

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culées dans la disposition des casques, se retrouvent le nombre 3 et son multiple 9. Il y voit pour motif l’accom¬ plissement d’un acte religieux et appuie sa dissertation sur le rapport de ces nombres avec l’essence du symbolisme oriental primitif. Ce serait à une offrande adressée àHeim- dal , fils de neuf mères et père de trois filles , divinité chère aux guerriers Scandinaves , qu’il faudrait rapporter l’en¬ fouissement des casques.

Le travail se termine par une étude approfondie de quel¬ ques autres casques du musée du Louvre, L’histoire, la technique et l’ethnographie fournissent tour à tour à l’auteur des notions utiles au classement de ces intéressantes ar¬ mures. E. Vax Hexde.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES

Géologie. Craie des environs de Saint-Omer. H y a aux environs de Saint-Omer de nombreuses carrières de craie, les unes sont situées au Nord de la ville dans les communes de Saint-Martin-au-Laërt et de Moulle ; les autres dans la vallée de l’Aa supérieure à Blandecque , Vizernes Setques et Lumbres. Ces carrières sont reconnaissables par les fossiles qu’on y rencontre.

M. Danglure(^) a donné la liste des fossiles qu’on trouve dans une des carrières de Blandecque , il cite :

Echinocorys {Ananchyles) gibbua, Micraster cor anguinum , Echinoconus [GaUriles) conicus , Cidaris sce'plifcra ,

Inoceramus (grande espèce plate) Terebralula carnea?

Terebralula semiglobosa,

Belemnües (Actinocomax) verus.

Ces mêmes carrières m’ont fourni :

Micraster cor tesludinarium .

(h Bulletin de la Société Géologique de France , t. xxi.

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Généralement ce Micraster cor testudinarium ne se ren¬ contre pas avec le Micraster cor angiiinitm , il caractérise une zône un peu inférieure ; comme la craie est exploitée sur une épaisseur de 20 mètres il se pourrait que le Micras¬ ter cor anguinum fut spécial à la partie supérieure et le Micraster cor testudinarium à la partie inférieure.

ASetques,à7 kilomètres de Saint-Omer, on exploite comme pierre de taille la craie avec grains verts de glan- conie correspondant au niveau de Lezennes et d’Hordain dans le département du Nord. Les fossiles qu’on y rencontre sont :

Peclen Dujardini , Inoceramus Lamarkii , Lima Hoperi, Spondylus spinosus ,

Terebratula semigJobosa, Echinocorys gibbus ,

Micraster breviporus {Leskei) , Micraster cor testudinarium.

A 2 kilomètres en amont de Setques, à la Liauvelte (commune de Lumbres) , on voit effleurer dans les fossés de la route des marnes avec Terebratulina gracilis et à un niveau un peu plus élevé on exploite pour marner les terres de la craie marneuse qui contient :

Micraster breviporus (Leskei) , Spondylus spinosus.

Ainsi aux environs de Saint-Omer on reconnaît dans la craie les zones que l’on trouve dans la craie du département du Nord :

1. ° Zône à Micraster cor anguinum ,

2. ® Zône à Micraster cor testudinarium ,

3. ® Zône à Micraster breoiporus {Leskei) ,

4. ® Zône à Terebratulina gracilis. J. G.

Ravages des Chenilles sur les ai'bres fruitiers et les haies.

( Suite )

Ce ne sont pas les recettes qui manquent pour arriver à préserver les arbres des ravages de la Livrée ; comme dans

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beaucoup de cas analogues , ce qui fait défaut ce n’est pas l’indication des moyens, c’est la réussite de leur application. On a proposé de promener sous les toiles qui contiennent les jeunes chenilles des torches de paille enflammées. On brûle les chenilles, mais on brûle aussi les bourgeons; et quel moyen d’aller dans la vaste couronne d’un pommier en plein vent, avec une poignée de paille allumée, chercher chaque nid , qu’il serait tout aussi simple d’arracher à la main ?

Un horticulteur a donné dernièrement un perfectionne¬ ment à cette méthode , il se sert d’une lampe à esprit de vin fixée à une perche, au moyen de laquelle il va brûler chacune des toiles. Ce moyen est beaucoup meilleur et mérite d’être expérimenté.

On a aussi conseillé de verser sur les nids divers liquides corrosifs ; c’est encore compliquer une question très-simple. Dès l’instant que l’on a la patience d’atteindre chaque nid pour l’arroser, autant le saisir entre les doigts et le froisser.

Je crois que l’échenillage à la main est le seul remède réel ; s’il ne peut pas se pratiquer aisément dans les arbres élevés, il peut du moins se faire sur ceux des jardins frui¬ tiers , qui sont en quenouilles , sur les espaliers , sur les haies et les buissons. Mais il importe surtout de ne pas confondre cet échenillage avec celui qui est prescrit chaque année par arrêté préfectoral. Celui-ci ne regarde qu’une seule espèce, le Bombyx chrysorrhea ou. cul doré, dont les bourses ou tentes se font à l’automne et abritent les petites chenilles pendant l’hiver. Il est ordonné pour le mois de mars , époque les chenilles du neustria ne sont pas encore écloses.

Il faut donc bien se garder de croire que quand on a tant bien que mal satisfait à l’injonction administrative , on est préservé de tout danger. Une seule espèce, je le répète,

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est écartée , et ce n’est pas celle qui dans ce pays-ci fait les _ dégâts les plus dangereux. Pour que les arrêtés d’échenil¬ lage soient en rapport avec leur 'objet et conformes aux observations entomologiques , il faudrait qu’ils prescrivent l’enlèvement des bourses à des époques concordantes avec les apparitions de chacune des espèces nuisibles. Ce serait les faire entrer dans des détails qui les rendraient encore plus inutiles qu’ils ne le sont réellement.

Si ce n’était m’éloigner de l’objet de cette courte note, je pourrais aisément démontrer que ces ordonnances ont un effet à peu près nul , d’abord parce qu’elles sont mal ou pas du tout exécutées, et ensuite parce qu’elles n’atteignent pas les chenilles qui éclosent après l’hiver.

On n’en lit pas moins tous les ans dans les journaux des tirades convaincues sur l’imprudence des cultivateurs qui laissent ravager leurs arbres ou leurs récoltes , faute d’ob¬ tempérer aux bienveillantes injonctions de l’Administration; oes journaux ignorent que les arrêtés n’atteignent pas la centième partie des chenilles.

L’échenillage que je conseille, contre les ravages du Bombyx neustria^ doit être pratiqué au mois de mai, quand les chenilles sont réunies dans leur toile ; on peut couper la branche sur laquelle est attachée cette toile , mais il est plus court et plus facile de la froisser entre les doigts de manière à bien écraser toutes les chenilles. Les jardiniers et les pépiniéristes qui , cette année, ont pris cette précau¬ tion à temps ont été délivrés du fléau. Sans doute bien des journées d’ouvriers ont du être employées , mais certaine¬ ment ces frais ont été largement compensés.

Quelques fermiers ont essayé de faire monter dans les .

arbres des vergers pour y faire la même opération , ils ont

»

y renoncer par suite de la difficulté d’atteindre l’extré¬ mité des branches ; ils y seraient parvenus avec des serpes

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emmanchées, de la patience et des frais ; mais les produits des vergers sont ici trop peu appréciés pour que Ton fasse beaucoup d’efforts dans le but de les protéger.

IL J’ai fait observer plus haut que les pommiers avaient été atteints par deux espèces différentes de chenilles. La seconde est celle de VHyponomeuta padellay petit papillon de la famille des Tinéides , qui fut longtemps compris dans le grand genre Tinea de Linné.

Ce nom générique d'Hyponomeuta est un véritable contre¬ sens ; il vient d’un mot grec qui veut dire mineur ou creu- seur y or il n’y a rien de moins creuseur que ces chenilles qui vivent en plein air sous une toile. Latreille, en créant le genre, y avait fait entrer d’autres espèces de Tinéides qui vivent dans l’intérieur des tiges d’arbres , mais l’ayant lui- même restreint depuis, il semble qu’il n’eut pas laisser le nom précisément aux espèces à qui il convenait le moins.

Padella vient de padus^ nom spécifique du Cerasus padus^ cerisier à grappes, arbre sur lequel les chenilles ont été observées comme sur plusieurs autres rosacées.

Vers la mi-mai, ces chenilles éclosent d’œufs déposés l’été précédent par le papillon , dans les fissures des écorces ou simplement sur le bois des branches. Dès leur éclosion , elles se groupent en petites familles , et se mettent à filer une toile qu’elles attachent comme l’espèce précédente aux feuilles et aux rameaux, mais d’une façon un peu différente. Comme cette toile doit les abriter pendant toute leur vie , et qu’elles ne la quitteront jamais, elles enveloppent sous leur fils les feuilles qui doivent leur servir de nourriture ; elles peuvent ainsi manger sans sortir de chez elles, et si elles s’éloignent un peu pour pâturer aux environs, elles restent attachées au toit commun par un fil qu’elles sécrètent en avançant.

272

Au lieu d’enlarner la feuille du pommier par le bord , comme les chenilles de plus grande taille , celle de notre Hyponomeute la ronge par la surface supérieure, de manière à enlever l’épiderme et le parenchyme et à ne plus laisser que la couche épidermique inférieure, qui se dessèche et jaunit. Lorsqu’un pommier a été envahi tout entier, il prend l’aspect, non plus d’un arbre dépouillé par l’hiver, comme quand il est attaqué par la Livrée, mais d’un arbre dont les feuilles ont été grillées; les campagnards frappés de cette apparence roussâti'e, et l’attribuant au vent, disent qu’il est passé un vent roux qui a brûlé leurs arbres.

Cette idée de vent n’est pas admise par tous les fermiers, il est trop aisé de reconnaître la vraie cause du mal et de prendre la chenille sur le fait; mais personne ne s’en dé¬ barrasse entièrement , et ceux même qui savent très-bien que ce n’est pas un mauvais vent qui a jauni leurs pom¬ miers prétendent que les chenilles n’apparaissent jamais que par le vent d’est et qu’elles sont amenées par lui. Il va sans dire que c’est un préjugé injustifiable. Les chenilles éclosent sur l’arbre indépendamment de toute direction du vent. Tout au plus pourrait-on admettre qu’un vent plus sec, comme l’est ordinairement ici le vent d’est, hâte l’é¬ closion, mais celte année même, il n’a pu en être ainsi puisque le mois de mai a été remarquable par son humidité, ce qui n’a pas empêché l’Hyponomeule de se développer outre mesure.

Du lo au 30 juin, les chenilles sont arrivées à leur taille, elles ont un centimèti*e et demi de longueur, une teinte d’un gris verdâtre avec une raie plus foncée sur le dos; deux lignes de points noirs régnent de chaque côté de la raie centrale, et sur les stigmates on voit une autre ligne très-fine.

Chacune se file un cocon sous la tente commune et s’y

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transforme en une chrysalide brune aux extrémités et sur le fourreau des ailes, et jaune au centre. Le papillon en sort en juillet , il est large de deux centimètres , les ailes étendues ; les supérieures sont blanches avec le centre et le bord extérieur grisâtres ; chacune est pointillée de vingt à vingt-cinq petits points noirs disposés ainsi : une ligne sur le bord supérieur en contient cinq ou six , une autre sur le bord inférieur est composée du même nombre , une ligne centrale moins régulière en a trois ou quatre , le reste est groupé à l’exlrémité, ceux-ci sont plus petits. Les ailes de dessous sont plombées et largement frangées. L’envers est aussi d’un gris plombé.

Lorsque les évolutions de l’insecte se sont faites sans trop d’encombre et que toutes les circonstances ont été favora¬ bles, ces papillons sont si nombreux qu’ils forment des es¬ pèces de petits nuages blancs quand on secoue les arbres ou ils sont éclos ; mais il est rare de les voir pulluler ainsi , car les chenilles et les chrysalides ont des ennemis terribles qui leur font une guerre d’extermination. M. Goureau qui, en 1845 , observa cette espèce en immense quantité aux en¬ virons de Cherbourg , estime que les insectes parasites en détruisent les quatre-vingt-dix-neuf centièmes.

Comme pour le Bombyx neustria on a proposé d’ar¬ rêter les ravages des Hyponomeutes au moyen de feux de paille. M. Boisduval qui , en 1833 , avait mis ce moyen en avant, l’a condamné lui-même depuis, en di¬ sant qu’on peut très-bien brûler les petites branches en même temps que les nids et nuire à la végétation de l’an¬ née suivante.

La llainme d’une lampe aurait moins d’inconvénient parce qu elle pourrait être maniée avec plus de précautions , mais ce serait une œuvre de patience assez pénible que de la pré¬ senter sous tous les nids ; dans tous les cas il faudrait opérer

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au moment ces nids commencent à se former et ne pas attendre que les dégâts soient déjà très-visibles.

M. Boisduval propose encore d’enlever les nids avec un balai de feuilles de houx, moyen fort peu pratique, puisque les toiles adhèrent aux hranches et aux feuilles et sont en¬ chevêtrées de manière à ne s’en détacher que difficilement.

Je crois que le remède par excellence est l’échenillage à la main; dans les jardins fruitiers les pommiers sont à basse lige, il est tout naturellement indiqué; dans les grands pommiers des vergers, il peut encore se pratiquer assez aisément, puisqu’il ne s’agit que d’atteindre chaque toile avec la main et de la froisser vivement.

III. En même temps que nos pommiers perdaient toutes leurs feuilles, les haies d’aubépine disparaissaient sous un véritable réseau de toiles , et presque partout étaient dé¬ pouillées entièrement de verdure. Au premier abord il était difficile à l’observateur de se persuader que cette chenille qui tapissait ainsi les aubépines était la même que celle des pommiers. Il y a en effet des différences notables dans leur manière de se comporter.

Sur les épines, au lieu de ronger une des surfaces de la feuille, elles la mangent par les bords, comme les chenilles de taille supérieure , de sorte qu’il ne reste plus que les ra¬ meaux , quand , sur les pommiers , une partie desséchée des feuilles tiennent encore aux branches. Leurs toiles sont aussi moins blanches, plus étendues ; elles forment sur cer¬ taines haies une véritable enveloppe , tandis que sur les pommiers elles occupent en général l’extrémité des hi’an- ches. Ces différences de mœurs sembleraient indiquer qu’il y a deux espèces distinctes, et cependant le papillon pro¬ duit par ces chenilles est identiquement le même. Je viens de mettre en expérience une grande quantité de ces chenil-

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les prises sur les pommiers et sur les aubépines. Toutes les éclosions m’ont fourni le même Hyponomeute , le pacîella , que ses teintes plombées et les dispositions de ses points font aisément reconnaître. Il ne pourrait être confondu qu’avec rorella (Heydenreich) , mais les points de ce dernier forment des lignes interrompues et d’ailleurs il n’est pas du pays.

Au reste la synonymie des espèces du genre Hyponomeuta est une des plus embrouillées de la famille des Tinéides, et peu d’auteurs sont d’accord dans leurs nomenclatures. Ainsi pour nous borner à quelques-uns de ceux qui se sont occu¬ pés des rapports de ce genre avec l’horticulture, M. Bois- duval rapporte la chenille dévastatrice des pommiers à //. cognatella (Treitschke) , il ne croit pas qu’il existe de différences entre cette cognatella et malinella (Zeller) , or, d’après M. Fologne , qui a beaucoup étudié les 3Iicrolépi- doptères de Belgique, cognatella est synonyme d’evony- mella qui vit sur le fusain.

M. Goureau [Insectes nuisibles aux arbres fruitiers) pense que notre espèce des pommiers est malinella ; il déclare n’avoir pu saisir aucune différence entre cette malinella et la padella des haies d’épines , ce serait donc pour lui la même espèce ; or la malinella est d’Allemagne , elle vit sur les chênes et les saules d’après Kossler ; M. Fologne ne l’a jamais rencontrée aux environs de Bruxelles.

Pour M. Macquart [Arbres et arbrisseaux d'Europe et leurs insectes) Ees[ cognatella qui ravage les haies et padella qui s’attaque aux pommiers.

Malgré toutes ces incertitudes , et jusqu’à ce qu’on ait prouvé que deux chenilles pareilles produisant des papil¬ lons pareils doivent être séparées spécifiquement, sur une diversité de mœurs, je crois qu’il faut voir l’unique padella dans nosHyponomeutes des haies d’épines et des pommiers.

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Quoiqu’il en soit, l’invasion des haies est tout aussi for¬ midable que celle des pommiers, je les ai vues pendant des lieues entières, le long des chemins de fer, entièrement dépouillées; les deux tiers, au moins, de celles de notre arrondissement sont privées de feuilles. Quelquefois le nombre des chenilles est si considérable que toute la verdure est mangée bien avant qu’elles ne soient prêtes à se méta¬ morphoser. Dans ce cas il y a un jeûne forcé qui les fait périr en grand nombre. Il est h remarquer que l’instinct de conservation ne les pousse pas à aller chercher plus loin d’autres pâtures. Elles languissent immobiles dans leur toile et sont alors choisies de préférence par les insectes parasites.

Ces insectes destinés à modérer leur propagation sont très-nombreux en espèces et tout aussi communs que la proie dont ils vivent. M. Goureau a observé une larve de Tacbinaire, que j’ai vue aussi dans une grande partie des nids de nos environs, et qui en fait un horrible massacre. Elle éclôt dans le nid et quoique apode , elle circule au milieu des chenilles, les déchire et les suce avidement , c’est VEunjgaster pomoriorum.

Un grand nombre d’Ichneumons leur font aussi la guerre ; on les voit voltiger, quand le temps est beau, autour des toiles et piquer les chenilles à travers les mailles. Citons Vimpla scanica , Ichneumon brunnicornis , Campoplex sordidus , Anomalon tenaicorne, Mesochorus splendidus , etc. , etc.

Un Cbalcidite, VEucijrtus fuscicollis foisonne autour d’elles ; il est si petit qu’il sort quelquefois d’une seule chrysalide au nombre de plus de cent. J’ai aussi observé un Hémiptère, VAtractotomus mali qui pénètre dans les toiles, bien certainement avec des intentions hostiles.

Si l’on joint à tous ces ennemis, les oiseaux, les pluies

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d’orage et ce que l’homme en détruit, on peut s’étonner à bon droit que les générations ne disparaissent pas tout entières.

Les moyens de destruction sont les mêmes pour les haies que pour les pommiers, le premier et le meilleur est tou¬ jours lechenillage à la main , pratiqué au moment appa¬ raissent les toiles. Toutefois, s’il fallait le pratiquer sur une grande étendue , il serait très-onéreux et demanderait un trop grand nombre d’ouvriers à la fois. L’administration du chemin de fer du Nord y supplée depuis quelques années par une aspersion de chaux vive sur les haies de clôture de la voie. Cette méthode n’est pas à dédaigner, mais elle est loin de supprimer le mal. Les chenilles atteintes directe¬ ment par la chaux périssent , mais un très-grand nombre échappent à son action ; pour que le résultat soit décisif, il faudrait employer des doses très-fortes', et alors les haies se badigeonnent en blanc et présentent un aspect qui n’est pas beaucoup plus agréable que celui qu’elles ont quand elles sont dépouillées.

Il est du reste à remarquer que la disparition des feuilles en juin ne nuit pas à la végétation; la seconde montée de la sève se fait dans de bonnes conditions et le mal est pres¬ que réparé en juillet parles nouvelles pousses. Quant à la destruction qui se fait dans le but d’empêcher la reproduc¬ tion pour l’année suivante, elle est parfaitement louable et très-digne d’encouragement, mais elle ne peut avoir d’utilité réelle que si elle est faite simultanément sur tous les points, car il suffira souvent de quelques haies dans un village tout entier , pour fournir beaucoup de papillons reproducteurs qui éparpilleront leurs pontes et prépareront de futurs dégâts sur les haies mêmes qui auront été le mieux éche- nillées.

A. DE Norgüet.

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CHRONIQUE.

Erection cVun Calvaire sur le champ de bataille d'Azin- court. Un calvaire monumental a été érigé , le 26 juillet 1869, sur le champ de bataille d’Azincourt, dans l’enclos de la Gacogne, ossuaire de la noblesse de France.

On sait qu'après la journée fatale du 22 octobre 1415, l’abbé de Ruisseauville et le bailli d’Aire firent creuser trois fosses profondes, l’on déposa 5,800 cadavres, sans compter ceux qui avaient reçu ailleurs une sépulture plus digne, ceux qui étaient allés mourir dans les villages ou dans les bois d’alentour , et qui furent mis en terre en divers lieux.

Le cimetière de la Gacogne , bénit par un évêque in partibus ^ délégué de févéque de Thérouanne, fut entouré d’une haie d’épines et d’un large fossé. Jusqu’en 1734, dit M. de Belleval, cet enclos avait été Fobjet des respects et même de l’effroi des paysans; il était planté d’arbres qui mouraient sur pied sans qu’on y portât la cognée ; ni hom¬ mes, ni bestiaux n’y pénétraient. En 1734, Madame de Tramecourt, née de Béthune , y érigea une chapelle. Mais cette chapelle fut démolie en 1793 ; les pierres que l’on en retira furent, par une dérision impie, employées au plus vil usage ; en même temps , le cimetière était livré à la culture.

Un nouvel affront, une profanation plus hideuse encore étaient réservés à cet asile des morts. En 1816, un officier anglais , qui commandait un détachement cantonné dans les villages de Tramecourt et d’Azincourt, acquit du nou¬ veau propriétaire, moyennant une somme de 500 fr. , le droit d’y faire pratiquer des fouilles par ses soldats. On vit donc la pioche et la pelle remuer les débris de nos morts généreux ; quantité d’ossements furent extraits de la fosse

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explorée et furent portés dans le cimetière d’Azincourtavec les honneurs militaires ; on y trouva en outre beaucoup de débris d’armes, de pointes de flèches, quelques pièces d’or et d’argent aux effigies des rois Jean , Charles V et Char¬ les VI et trois magnifiques oliphants en ivoire sculpté, couverts de légendes latines et garnis en cuivre. Ces objets furent transportés à Londres , ils formèrent une petite section du musée Britannique, que l’orgueil de nos voisins a nommée le Musée cVAzincourt.

Une seule fosse fut ainsi profanée. Avant que l’on n’eût ouvert la seconde , les plaintes de la population , appuyées par le sous-préfet de Saint-Pol , avaient été entendues du duc de ^Yell^ngton , alors à Cambrai , qui fit arrêter ces fouilles sacrilèges. Depuis lors , le terrain a été respecté. Pour rendre impossible à l’avenir le retour de faits sembla¬ bles, M. le marquis de Tramecourt a racheté la Gacogne et a fait entourer le cimetière d’une haie.

Ces mesures ont été complétées par l’érection récente du calvaire.

Il appartenait à M. le marquis et à 31. la marquise de Tramecourt de rendre ce pieux hommage à la mémoire de leurs ancêtres dont trois ont péri dans la fatale journée, comme aussi de marquer du double sceau de la religion et du patriotisme ce lieu si tristement mémorable.

Fromextix.

isétéorolo^ie. Mois c/ août 1869. La température atmosphérique du mois d’août a été froide et'les fortes cha¬ leurs des 24 , 2o , 26 , 27 , 28 , 29 , 30 , pendant lesquelles le thermomètre est monté à 30° 1, n’ont pu élever la moyenne au-dessus de 16 22, la movenne déduite de lo années étant de 17° 38. La température miniina a été de 7'* 9 le 31. La moyenne des minimaUD 64, celle des maxima 20° 81.

Les vents dominants ont soufflé de la région N.

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Le ciel fut peu nébuleux et la quantité de pluie tombée en 18 jours ne donna qu’une couche d’eau d’une épaisseur de 49 mill. 44. Année moyenne il tombe pendant le mois d’août 63 mill. 06 de pluie.

Les orages sont ordinairement fréquents pendant ce mois, cette année on n’en observa qu’un seul, le 10 , à 6 h. o et T h. 30 du soir.

La colonne barométrique , dont la hauteur moyenne en août est de 759 mill. 426 , resta très-élevée. La moyenne à 0®fut de 763 mill. 614 oscillant entre les extrêmes 734 mill. 20 le 9 et 771 mill. 00 le 16.

Le nombre des jours de brouillard fut de 29 et celui des jours de rosée fut de 20.

La tension moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique qui est de 11 mill. 16 , n’a été cette année que de 9 mill. 71 ; et l’humidité relative dont la moyenne générale est de 71, 55 °/o , n’a été que de 68 "/u-

Malgré cette sécheresse de l’air entretenue par les vents violents du N. etN.E. , la quantité d’eau évaporée n’a été que de 107 mill. 45 ; en moyenne elle est de 123 mill. 95 , cette diminution est la conséquence directe de l’abaissement de la température. V. Meüreix.

Le Gérant : E. G asti aux.

Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.

N.“ iO. Octobre 1869.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ IMPÉRIALE d’aGRICüLTURE , SCIENCES ET ARTS DE l’arrondissement de VALENCIENNES

Cette Association savante présente le type de ce qu’on pourrait appeler une Société fédérative ; elle comprend plu¬ sieurs sections reliées par une section centrale : ce sont les Comices agricoles de Valenciennes , Condé etSaint-Amand ; les Sections des sciences et manufactures , d’histoire et de littérature, de beaux-arts et de moralité ; la Commission vétérinaire et la Commission des distillateurs. Chacune de ces petites Sociétés a ses séances particulières, son bureau spécial; mais elles n’ont toutes qu’un même budget et qu’un même organe : la Revue mensuelle.

Bureau :

MM. Edouard Grar ; Président.

Defontaine , I Valere Bultot ; i Adolphe Martin , Secrétaire-Général.

Tardieu ; Secrétaire-Adjoint.

Cellier ; Archiviste.

Lecat , Julien ; Bibliothécaire^ Trésorier par intérim,

Section centrale :

MM. Péchin, sous-préfet de l’arrondissement. Bracq , maii'e de Valenciennes.

Huart , médecin-vétérinaire.

Abel Stiévenart , fabricant de sucre. Ernest Bouton , receveur des hospices. Cromback , principal du collège.

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Albert Gourtin.

Gustave Hamoir, agriculteur à Saultain.

Alphée Castiaux, fabricant de sucre à Vieux-Condé.

Mariage , maire de Thiant.

Médard , commissaire de surveillance du chemin de fer d’Anzin.

Renard , maire de Fresnes.

Martin , vétérinaire à Anzin.

Léon Dumont, homme de lettres.

Deleporte-Bayart , à Roubaix.

De Clercq , ingénieur en chef des mines.

Qüillacq, maire d’Anzin.

Hunet , maire d’Estreux.

Dassonville-Guyot , cultivateur à Préseau.

Revue ( 1868-69 ):

La Société étant essentiellement agricole et industrielle , les notices qui dominent dans la Revue sont consacrées à ces deux branches des sciences appliquées. La plupart ayant un caractère pratique que nous n’avons pas encore intro¬ duit dans notre Bulletin , nous n’en parlerons pas , bien que plusieurs soulèvent des questions de science pure du plus haut intérêt. Nous mentionnerons une courte notice queM. Ernest Lelièvre vient de publier swxV échenillage \ il y donne quelques indications sur les chenilles les plus répandues et les plus nuisibles : le Bombyx chrysorrhea, le Bombyx anriflua , le Boîribyx neusiria et le Bombyx dispar.

En 1867 et 1868, M. Deleporte-Bayart a publié une notice très-intéressante, et malheureusement beaucoup trop courte, sur laBace bovine dans leHainaut belge et français.

Les bœufs de la province du Hainaut peuvent se rapporter, dit M. Deleporte-Bayart, aux races hollandaise, flamande et hennuyère ou mon toise , qui sont toutes trois des sous- races de la grande race hollandaise. Leurs caractères géné-

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raux sont de petites cornes qui se projettent en avant en forme de croissant, le cou allongé, la peau fine et souple; les vaches hollandaises et hennuyères sont ordinairement de couleur pie ou même noire , tandis que les vaches fla¬ mandes sont d’un rouge plus ou moins foncé avec ou sans taches blanches. En réunissant les races flamande et hol¬ landaise, M. Deleporte-Bayart est en contradiction avec le savant M. Lefour, auteur d’une monographie de la race flamande qui est un modèle du genre. Remarquons en outre que l’auteur n’a pas fait rentrer dans son étude le bétail de l’arrondissement d’Avesnes, sans quoi il eût mention¬ ner la race ou au moins la sous-race maroillaise qui pré¬ sente, en les exagérant, les caractères de finesse de la race flamande.

M. Deleporte-Bayart reconnaît dans chaque race plusieurs variétés qui dépendent des destinations auxquelles on affecte le bétail et des différents points de la province qu’elles habitent. Ces deux causes se relient entre elles : car le sol influe non-seulement d’une manière directe par les végé¬ taux qu’il fournit à l’alimentation , mais aussi d une ma¬ nière indirecte par la culture qu’il impose et par la nature des services que le cultivateur exigera de son troupeau.

Valenciennes est essentiellement la ville des arts : il n’est peut-être pas de cité de même importance qui puisse s’enor¬ gueillir d’avoir produit et de produire encore autant d’ar¬ tistes illustres en tous genres. Elle en est fîère ajuste titre , et se plaît souvent à rappeler la gloire de ses enfants. En 1868 , la Société a mis au concours une cantate à AVat- teau. C’est M. Delière, rédacteur en chef du Glaneur de Saint-Quentin, qui a obtenu la palme. Citons une strophe fauteur rappelle avec beaucoup de linesse les pianiipa- les qualités du peintre des élégances :

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. . .Un siècle disprru renaît dans ton image ,

Siècle fardé ! siècle moqueur 1 Tes coquettes beautés au sentiment volage Comme leur teint fardaient leur cœur.

Mais toi , plus grand que tes modèles ,

Tu poursuivais un but lointain,

Et le temps dans son vol respecte les dentelles De tes bergères de satin.

Watteau fit un voyage en Angleterre et n’eut pas à se louer de la réception de nos voisins d’Outre-manclie. M. Cel¬ lier, auteur d’une Notice sur Watteau et ses contemporains, publiée dans les tonies précédents de la Revue , lut, en 1868, une relation de voyage d’un Anglais en France, montrant qu’en 1789 les tableaux de Watteau étaient encore peu estimés en Angleterre ; au contraire maintenant on les trouve dans presque toutes les grandes galeries de l’aristo¬ cratie anglaise. M. Cellier donne la description des œuvres du peintre Valenciennois que l’on peut voir dans ces riches collections. Il les extrait du livre intitulé: Trésors d’art de la Grande-Bretagne , par M. Waagen, directeur du musée de Berlin.

Sous ce titre : les Débuts de Cicéron , M. Louis Legrand a publié quelques pages qui montrent ce qu’il faut d’études et de persévérance pour former un grand orateur.

Citons enfin, dans la section de moralité, l’historique des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul à Valenciennes , par M. Ed. Grar; unè notice sur la Caisse d’économie ouverte par la Société de Saint-Vincent-de-Paul, par M. Fiévet; une autre sur les Fourneaux économiques et soupes des salles d'asile et Valenciennes , par M. le doyen Defontaine.

Le tome xxviii de la Revue (janvier 1869) s’ouvre par le Catalogue du Médailler de la Société, par M. L. Cellier. Ce catalogue est précédé d’une introduction dont il a déjà été rendu compte dans notre Bulletin (p. 145).

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Outre la pùblicité qu’elle accorde aux travaux originaux , la Revue a encore pour but de tenir tous les membres de la Société au courant des nouvelles qui peuvent les intéresser. Dans la section de l’agriculture et dans celle des sciences et manufactures, un membre lit, à chaque séance, sous le nom de chronique , un aperçu des découvertes susceptibles d’être appliquées dans le pays.

Les sections de littérature et des beaux-arts ont aussi leur chronique moins fréquente et non moins intéressante. Ainsi, en 1868, M. Devaule a entretenu ses collègues des ouvrages publiés à Valenciennes ou par des Valenciennois. Il leur a parlé de ['Education des femmes , par M. L. Du¬ mont ; des Contes d'un Buveur de bière, de M. Deulin ; du livre de MM. Edmond Douay et Ferdinand Teinturier, in¬ titulé les Mères et les Enfants ; d’un mémoire critique de M.ÏI. Wallon; de la notice historique sur les archives de Valenciennes, par M. Caffiaux. En 1869, M. Theillier a analysé l’ouvrage de M. Louis Legrand sur Sénac de Meil- han, et celui de M. Lejeal sur les Manufactures de faïence de r arrondissement de Valenciennes. Nos lecteurs connais¬ sent déjà ces deux derniers livres. J. Gosselet.

Mémoires Historiques sur l'arrondissement de Valenciennes

t. Il, in-8.° de 278 p.

La Société d’Agriculture, Sciences et Aids de Valencien¬ nes publie, en dehors de sa Revue, une série de Mémoii^es ayant trait à l’histoire de l’arrondissement. Le premier volume de cette série a paru en 1865. Il est trop ancien pour que nous puissions en rendre compte. Le second, ayant vu le jour en 1868, rentre mieux dans notre cadre. Nous allons donc analyser chacun des articles qu’il ren¬ ferme.

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Famille des seigneurs de Trith, pairs de Valenciennes^ du XII.® au XIV.® siècle, par M. E. Grar, président de la Société. Issus, à ce que Ton croit, des comtes de Hai- naut, les sires de Trith avaient rang parmi les six pairs du château de Valenciennes et ils étaient les plus puissants seigneurs du pays. M. Grar dresse leur généalogie durant la période du plein moyen-âge et il nous trace la biographie des principaux d’entre eux. C’est d’abord Renier I.®" de Trith, le réformateur de l’abbaye de Saint-Jean à Valen¬ ciennes; puis Renier II, son fils, qui fut le compagnon fidèle de Rauduin de Constantinople en Allemagne, en France et plus lard en Orient il s’adjugea, après con¬ quête, le duché de Pbilippopolis. M. Grar dépouille, bien à regret, ce vaillant chevalier de la réputation de poète que M. Dinaiix lui avait faite.

Il parle ensuite de Jean de Trith , frère de Renier II , lequel Jean, au retour de la quatrième croisade, se fit franciscain et vint mourir dans le couvent des religieux de cet ordre récemment établi à Valenciennes. Puis l’auteur se demande quel était le Jacques dePuvinage mentionné, dans la légende de la Sainte vraie Croix de Douchy , comme appartenant à la famille de Trith. Contrairement à l’opinion de M. Cellier, M. Grar n’est pas éloigné de voir en ce per¬ sonnage un beau-frère de Renier II. Il fait de Gilles de Trith qui, en 1218, figure avec son frère Adam, comme seigneur de Trith, et de Maing, un neveu et non pas un frèi'e du duc de Pbilippopolis.

M. Grar a, dans la suite des temps , relevé la mention de deux autres de Trith qu’il n’ose avec certitude rattacher à la famille seigneuriale de ce nom. Hue de Trith , en 1298 , est porté sur la liste des douze bourgeois notables que le comte Jean d’Avesnes exclut de la paix qu’il fait avec la commune de Valenciennes. Jacques de Trith , en 1324,

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fonde en cette dernière ville, rue ïournisienne , de concert avec sa femme Colle, un hôpital destiné à loger les pèlerins de Saint-Jacques-en-Galice et autres. En 1345, il donne à ladite maison tous les immeubles qu’il avait acquis à Thiant.

Biographies V alenciennoises , par le même. Dans ce nouvel article dont le titre indique suffisamment le carac¬ tère et la tendance, le savant historien de la recherche et de la découverte de la houille dans le Nord de la France commence par nous entretenir de divers personnages du nom de Jean de Valenciennes. Le premier, homme d’action et de conseil , fut chargé par saint Louis , en 1251 , d’aller au Caire retirer des mains du Soudan d’Egypte des prison¬ niers chrétiens qu’on y détenait contre la foi des traités. Il s’acquitta avec un succès d’abord partiel, puis complet, de cette délicate et périlleuse mission. Plus tard , sous les murs d’Arsur, il dégagea Joinville et ses compagnons qui s’é¬ taient témérairement aventurés contre l’ennemi. C’est peut- être le même Jean de Valenciennes , chevalier , que nous voyons figurer , en 1304 , sur la liste des prisonniers , du parti de Gui deDampierre, à qui Philippe-le-Bel rendla liberté. Un autre Jean de Valenciennes était, en 1322, chantre de l’église collégiale d’Aire, et il avait fait le voyage de Jérusalem. Un troisième ou quatrième individu du même nom, et également digne de quelque mémoire , fut peintre et tailleur d’images du duc de Bourgogne au xiv.® siècle.

M. Grar esquisse ensuite la biographie de Jean Martin , dominicain, natif de Valenciennes et mort dans le couvent de cette même ville le 1 mai 1495. Jean Martin est auteur de la Légende de Monseigneur saint Dominique et d’un autre ouvrage, celui-ci rarissime, commençant par ces mots : s'ensuit un mystère de rinstitution des frères pre- cheurs , composition dramatique qui tient une certaine place dans les origines du Théâtre français.

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La Notice consacrée par M. Grar au trouvère Jean Baillehaut est encore un chapitre d’histoire littéraire va- lenciennoise. Jean Baillehaut vécut marié à Valenciennes de 1252 à 1274. Il y concourut au Puy Notre-Dame , vingt ans environ après l’institution de cette confrérie poétique et religieuse. On ne connait de lui que cinq pièces, toutes imprimées, appartenant à la catégorie des servantois et sottes chansons. M. Dinaux s’est prononcé sévèrement sur le mérite de ces pièces. M. Van Hasselt, quoique n’étant pas compatriote du trouvère, l’ajugé avec plus d’indulgence.

Les ouvrages de Philippe Petit qu’énumère ensuite M. Grar, d’après la Bibliothèque des Frères prêcheurs, n’auraient guère sauvé de l’oubli le nom de leur auteur si , parmi eux , ne se trouvait l’iiistoire , qu’il a publiée en son temps, de Bouchain , sa ville natale, et qu’a rééditée , dans ces dernières années , M. Dechristé , imprimeur à Douai. Douai , qui posséda souvent dans ses murs le P. Petit , lui est redevable, pour une grande part, de l’érection du collège de Saint-Thomas-d’Aquin dont il fut le troisième régent.

Jean Carpentier ou Le Carpentier , célèbre historien du Cambrésis , a conquis une réputation plus durable que son contemporain le P. Petit. Il la doit pour le moins autant aux vicissitudes de sa vie agitée qu’à la valeur intrinsèque de ses œuvres. M. Grar, qui le revendique pour l’arrondisse¬ ment de Valenciennes comme à Abscon, essaie, à la suite de M. le docteur Le Glay , de le laver de quelques-uns des reproches qu’on lui a faits. Nous avouons éprouver person¬ nellement peu de sympathie pour ce fabricateur de titres et de généalogies, qui a sciemment empoisonné les sources de Phistoire d’une de nos plus intéressantes provinces.

Après avoir dit un mot de Philippe de Lamine, premier abbé mitré de Saint-Jean-de-Valenciennes (1629-1635) ,

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M. Grar passe au poète Désiré Tricot (1812-1850). Il em¬ prunte à M. Didiez , qui l’a connu de très-près , un portrait de cet homme de lettres à qui ce fut moins le talent qui manqua que la tenue dans la vie et la consistance dans le caractère. Nul, du reste, n’a mieux que Tricot célébré les anciens auteurs Valenciennois :

Froissart , leur maîire à tous , qui sus chanter ta dame Kn lyracieux rondeîs ,

Et colorer d'un s! y le et nVif et plein d’âme Tes récits immortels !

Chartes communales de Valenciennes^ publiées par M. L. Cellier. Sans nous arrêter à examiner si la capitale du Hainaut français doit à l’empereur Valentinien ses plus notables privilèges, « entre autres le droit d’asile et celui en vertu duquel tout serf devenait libre par le seul fait d’un séjour d’une année en cette ville, » nous sommes disposé à reconnaître, avec M. Cellier, que la loi dite de la Paix, en date de TH4, ne crée pas, mais se borne à constater l’existence d’une commune à Valenciennes. Pour étayer sa thèse , M. Cellier produit un acte bien antérieur à 1114 , et que l’on croyait depuis longtemps perdu : je veux parler de la charte de la Confrérie de la Halle-Basse ou Halle-aux- Draps, charte qui remonte à l’an 1067.

Ce n’est pas une loi communale, mais le code social d’une corporation de marchands réunis pour défendre leurs intérêts et désireux de mettre un terme à toute dissension intestine. Or, on l’a fait justement remarquer , le caractère des communes à l’origine était aussi celui d’associations de défense mutuelle. Ici l’on retrouve en outre, dans quelques passages, l’indice non équivoque d’une coalition contre la Hanse, qui sans doute exerçait sur les marchés une pres¬ sion à laquelle nos ancêtres voulaient se soustraire.

M. Cellier analyse , dans toutes ses parties, ce long et curieux document. Il le rapproche ensuite de la charte de 1114.

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On remarque, beaucoup d’analogie entre ces règle¬ ments , édictés à soixante années de distance, soit qu’on les considère au point de vue de la conception générale , soit que l’on s’attache à certaines dispositions spéciales. L’un et l’autre ont pour but la protection du commerce et de l’in- duslrie, la défense de la propriété; mais le second généralise, en l’étendant à toute la ville, ce que l’autre avait restreint à une société de négociants. On y verra aussi la mention du droit d’abattis de maison et du duel judiciaire; mais ce qui frappera surtout c’est l’abnégation du comte et de ses che¬ valiers qui consentent à subir la règle commune et se trou¬ vent devant la loi au même niveau que le plus humble des bourgeois. Les dernières pages de la charte donnent l’ex- plicalion de la conduite du comte , qui payait par l’octroi de ces franchises une dette de reconnaissance aux Valencien- nois ses libérateurs.

On ne possédait, jusqu’ici , que le texte latin de la charte de 1114. M. Cellier en donne une traduction en langue vul¬ gaire composée, en 1275, parmi chanoine de Saint-Jejan. Quant à la charte de 1067 , on ne la connait que par une autre traduction à peu près de même date que la précé- denle. Ce sont de précieux spécimens de l’idiôme Valen- ciennois avant Froissart.

Commencements de la régence cF Aubert de Bavière^ par M. H. Caffiaux, docteur ès-lettres, archiviste de Valencien¬ nes. Les extraits de comptes que M. Caffiaux produit à la suite de cet excellent mémoire sont d’un intérêt philolo¬ gique au moins égal à celui qu’offrent les chartes romanes publiées par M. Cellier. Ils éclaircissent , en outre , plusieurs points obscurs des annales du llainaut.

Et d’abord ils précisent la date de la folie de Guillaume- le-Furieux (octobre 1357). Ensuite ils nous mettent au cou¬ rant des démarches faites pour organiser une régence. Les conférences préparatoires , qui eurent lieu à cet effet , se tinrent à Mons avec la seule participation de la bourgeoisie.

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Le clergé et la noblesse y restèrent étrangers. La ville de Valenciennes se rallia à la candidature du duc Aubert plutôt par complaisance pour la comtesse de Hainaut que par sym¬ pathique entraînement pour la personne de ce prince. Mais elle s’y rallia franchement, sans arrière pensée. Bien loin de tremper dans les menées du duc Louis , elle les dénonça, à diverses reprises , aux chefs du gouvernement hainuyer. Du reste, ?d. Caffiaux constate qu’entre Aubert et la com¬ tesse s’établit d’abord un partage d’attributions qui ne relé¬ guait ni l’un ni l’autre au second plan. Guillaume lui-même n’était pas exclu absolument de la conduite des affaires : à plus forte raison , ne le tenait-on enfermé alors ni à La Haye ni au Quesnoy.

Les bourgeois de Valenciennes s’enquéraient avec d’au¬ tant plus de sollicitude de la santé de leur comte et ils avaient d’autant plus l’œil sur lui que , comme on pouvait s’y attendre, des tiraillements ne tardèrent pas à se produire entre la comtesse et le duc. La comtesse se crut même un moment obligée de passer en Angleterre (juillet 1361). Cette détermination, de nature à alarmer le pays, provoqua un échange de vues entre les deux principales villes du comté, Mous et Valenciennes. Celles-ci finirent par se rendre à un parlement que les villes de Hollande avaient pris l’initiative de convoquer. Entre temps, la comtesse rentre à Valen¬ ciennes et, par l’entremise du Tiers-Etat du Hainaut à qui appartient le grand rôle en toute cette affaire , elle négocie avec le duc Aubert la paix de Bréda qui la réintégré dans les prérogatives inhérentes à son rang. Le 10 février 1362 , le duc réconcilié avec elle est reçu à Valenciennes. Il v revient, quelques mois après, pour s’y faire armer cheva¬ lier. Bientôt la mort de la comtesse le laisse dépositaire incontesté du pouvoir, seul maître de la situation. Ici s’arrête la première période de la régence du duc. M.

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Caffiaux a retracé ailleurs un curieux épisode de la se¬ conde (’).

Par une heureuse inspiration , l’auteur du Mémoire que nous venons d’analyser l’a dédié à M. le baron Kervyn de Lettenhove, biographe et éditeur de Froissart, comme à l’homme qui a le plus fait « pour étendre la renommée du grand chroniqueur Valenciennois. »

Lettre de Henri IV aux Valenciennois^ par M. le docteur A. Lejeal. Trois Autographes historiques, parM.L. Cellier. Nous groupons ces pièces à titre de documents, plus ou moins inédits, concernant le pays. La première, écrite au lendemain de l’attentat de Chatel dans lequel on n’hésitait point à voir la main de l’Espagne , est un manifeste du Roi Très-Chrétien impliquant déclaration de guerre aux sujets du Roi Catholique. Les trois autres pièces , offertes à la Société i)ar l’éminent chimiste Dubrunfaut, sont relatives au siège de Valenciennes en 1793 , et à la reprise de cette ville par l’armée française en 1794.

Les Vignobles de Valenciennes , par M. E. Bouton. Il n’y a pas longtemps qu’un agronome distingué prenait à tâche de démontrer théoriquement que la vigne, si on la cultivait sur une grande échelle dans nos régions du Nord , serait susceptible d’y donner en vins des rendements avan¬ tageux. M. Boulon prouve qu’il en a été ainsi par le passé. Pour n’en citer qu’un seul exemple, le clos Saint-Ladre, près Valenciennes , produisait, en 1403, d’après acte au¬ thentique, 19 muids (43 hectolitres) de la boisson chère à Bacchus.

Quelle en était la saveur ? C’est ce que je laisse à de plus compétents le soin d’établir. M. Derode qui a fouimi, pour

(q Le Meurtre du seigneur d'Enghien, fragment de l'étude sur Nicole de Dury , maître clerc de la ville de Valenciennes (Mém. hist. , 1. 1).

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les environs de Lille la même démonstration queM. Bouton vient de procurer pour ceux de Valenciennes , dit que les derniers vignobles de notre pays ne furent arrachés que sous Louis XIV pour céder la place à des genres de culture mieux appropriés à notre sol et à notre climat. Ajoutons que , du jour nous avons été réintégrés dans la grande famille française, les vins de France nous devenant plus accessibles, nous avons eu moins de raisons pour nous en fabriquer à nous-mêmes de médiocres.

Documents pour servir à Vhistoire du collège de Valen¬ ciennes depuis sa fondation jusqu à la Révolution de 1789, par M. J. Bébin, chef d’institution. Longtemps attaché comme professeur au collège communal de Valenciennes , M. Bébin a tenu à se rendre compte de ce que fut cet éta¬ blissement dans les siècles passés. Le collège de Valencien¬ nes doit, à proprement parler, son origine aux jésuites. Mais , avant l’arrivée des RR. PP. en cette ville , il y exis¬ tait des institutions scolaires analogues. Un docteur, Thomas Warnet, natif de Cambrai , avait fondé en l’hôtel de Beau- fort , rue Montoise, à Valenciennes , un collège successive¬ ment appelé de Standonck, des Bons-Enfants et de Maître Thomas. Cette création n’avait point tardé à faire place à une autre dont l’abbé de Saint-Jean , comme écolâtre de la ville , s’était d’abord attiré le monopole qu’il dut ensuite partager avec l’abbé de Vicogne et le magistrat de Valen¬ ciennes. Ce fut l’abbé d’Hasnon , Jacques de Froye, qui appela les jésuites dans la future capitale du Hainaut fran¬ çais. Ils y vinrent sous la conduite du P. Eleuthère Dupont, dont le R. P. Possoz nous retraçait, il y a quelques années, la vie et les travaux. Leur arrivée à Valenciennes date du 10 avril 1382. Partout, à cette époque, on éprouvait le besoin de réformer les mœurs, de raviver les croyances , et l’on sentait que, pour mener à bien une entreprise aussi

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considérable, il fallait s’emparer de la jeunesse. Les jésuites de Valenciennes ne faillirent point à leur mission. Leur œuvre donna de beaux résultats dont on trouve le détail dans le récil de M. Bébin. Le même auteur énumère ample¬ ment les mesures qui furent prises pour remplacer à Valen¬ ciennes renseignement de ces religieux après la suppression de leur ordre en 1764.

Essai sur Vintrocluction du ChîHstianisme dans le Hai~ naut ^ par M. G. Lejeal. Ce Mémoire, si nous suivions rigoureusement l’ordre chronologique des matières , aurait trouver place en tête de nos comptes-rendus. Mais nous avons préféré le réserver pour la fin , tant à cause de son importance que de la gravité des questions qu’il soulève. Identifiant l’implantation du christianisme dans nos contrées avec la diffusion des institutions monastiques, M. Lejeal vise à prouver que les populations du Hainaut ont reçu la foi des missionnaires d’Irlande, sectateurs de Pélage et habitués à la vie conventuelle « mixte , » c’est-à-dire qu’en leur île , un même monastère contenait des personnes des deux sexes et assujetties à la même règle , « forme emprun¬ tée selon toutes les probabilités au druidisme. »

Ces missionnaires auraient transporté , dans la région de l’Austrasie qui prit plus tard le nom de pays wallon , leur opinion fondamentale sur la grâce et leur manière de vivre dans des « couvents doubles. » De le prétendu acharne¬ ment que la cour de Rome , dès l’époque carlovingienne, mit à extirper leurs institutions du Nord de la France.

Comme on le voit, beaucoup des idées de M. G. Lejeal ne sont pas neuves ou , du moins , elles ne le sont que pour autant qu’elles s’appliquent au pays hainuyer ou wallon. Les vraies causes de la dissidence entre l’église romaine ont été examinées à fond et réduites à leurs proporlions réelles par un homme d’une incontestable impartialité, feu M. Va-

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rin. Depuis 18o8 , date de la publication de son savant et équitable mémoire, nous croyions la question épuisée ou , pour mieux dire , nous l’estimions résolue en faveur de la cause catholique. Nous ne reprendrons pas en entier l’exa¬ men de ce grave problème d’histoire générale à propos de la thèse de M. Lejeal et nous n’examinerons de celle-ci que les points par elle touche à notre histoire locale.

Commençons par établir que si les missionnaires Scoto- Irlandais ont beaucoup fait pour la propagation du chris¬ tianisme dans nos contrées , spécialement dans le Hainaut, ils n’y ont pas non plus trouvé tout à faire. Ils y avaient été précédés par des ouvriers de la première heure, dont l’œuvre pouvait avoir besoin d’être étendue et consolidée , mais n’avait jamais été complètement détruite. Il n’est donc pas vrai , d’une manière absolue , de dire ou d’insinuer, comme le fait M. Lejeal , que nos populations wallonnes aient puisé exclusivement la foi aux sources du christianisme celtique.

Cette réserve posée , nous sommes prêt à reconnaître quelle grande action les missionnaires des îles ont exercée sur le développement des idées religieuses et de la vie mo¬ nastique dans nos contrées. Avant nous , M. l’abbé Lamort, dans un Mémoire que M. Lejeal ne paraît point avoir connu et qui lui eût évité bien des recherches, s’est appliqué à démontrer ce fait.

Nous ne chicanerons pas 31. Lejeal sur le caractère d'émi¬ gration en masse qu’il attribue au déplacement de quelques moines, émigration à laquelle il assigne pour cause « des querelles religieuses » aftligeant leur pays. La dernière partie de cette proposition est purement conjecturale. La première est démentie par le nombre, relativement res¬ treint, des missionnaires Scoto- Irlandais descendus chez nous. Ceux-ci trouvèrent leur point d’appui , non pas dans un cortège de moines et de religieuses que rien ne prouve

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qu’ils aient jamais amené avec eux, mais dans de puissantes familles de nos contrées, familles depuis longtemps chré¬ tiennes , telles que celles qui , au commencement du vu.® siècle, llorissaient à Cousolre et dans le castrum de Douai.

Nous savons bien que M. Lejeal n’est pas éloigné de relé¬ guer au rang des « mythes » les Waudru et les Aldegonde , les Adalbaud et les Rictrude. Ces personnages ont pour¬ tant, à notre sens, une consistance historique dont jamais on ne les dépouillera. Ils ont été de moitié dans l’œuvre évangélisalrice des missionnaires venus d’outre-mer. Ils tenaient à notre sol par leur origine et par leurs possessions. Encore une fois donc, la christianisation détinilivede notre pays ne s’opéra point sous la seule inOuence celtique , ni par une sorte d’invasion de moines irlandais de l’un et de l’autre sexe.

Quant à la prédominance des idées pélagiennes dans les monastères dont se couvrit alors le Hainaut , M. Lejeal se borne à raffirmer comme un fait très-probable , probable pour lui qui l’admet de l’autre côté du détroit , improbable pour nous qui ne l’admettons que sous les réserves formulées par M. Varin.

Restent les monastères doubles , dont on n’a jamais songé à nier l’existence dans le pays wallon et qui semblent bien avoir été chez nous une importation bretonne. Que ce rapprochement de religieux des deux sexes soit devenu de bonne heure une grave source d’abus, nous ne le conteste¬ rons pas. Mais que l’esprit même de la règle des monastèi’cs d’Irlande ait été contraire au principe du célibat, nous ne le croirons qu’après un plus ample informé.

Les abus dont nous convenons suffisent à expliquer les tentatives de réforme essayées par les Papes, les Conciles et les Empereurs à l’égard des monastères du pays wallon, sans qu’il soit besoin de recourir, avec M. Lejeal , à l’iiy-

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polhèse d’un antagonisme doctrinal encore accru par une opposition systématique des règles conventuelles.

Nous ne pousserons pas plus loin cette discussion que nous tenons à renfermer autant que possible dans le domaine des faits, sans nous engager sur celui des doctrines, interdit naturellement à une publication telle que la nôtre.

L’amitié, déjà ancienne , qui nous unit à M. Lejeal, nous est un gage qu’il accueillera nos observations avec le même esprit de cordiale confraternité qui nous porte à les lui faire. D’un autre côté , les développements inusités que nous don¬ nons à l’analyse de ce précieux recueil de Mémoires prouve assez à la Société de Valenciennes l’estime particulière que nous faisons de ses doctes travaux. A. Desplaxque.

ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE Bulletin 2/ série, t. xxviii, n.°‘ 7 et 8

Classe des Sciences

Les 7.e et 8.® bulletins mensuels de l’Académie de Belgi¬ que comprennent, outre les comptes-rendus des séances de juillet et d’août, plusieurs notices scientifiques : deux mémoi¬ res de malbématiques , l’un de M. Gilbert, membre associé, sur quelques propriétés dessurfaces apsidales et conjuguées; l’autre, de M. Folie, sur quelques théorèmes nouveaux de géométrie supérieure ;

Une communication de M. Melsens sur les résultats de ses expériences de Balistique;

L’indication d’un appareil enregistreur de la déclinaison et de l’inclinaison magnétiques par M. Glœsener;

Deux notes de M. Henry sur les dérivés salicyliques (3/ paitie) et sur les nitriles partie).

M. Ern. Quetelet présente à la classe des cartes photogra¬ phiques de la lune obtenues par 31. Neyt, amateur zélé d’as-

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tronomie, qui a installé à Gand un observatoire il s’oc¬ cupe particulièrement de photographie céleste.

M. Ed. Van Beneden , fils du savant professeur de Lou¬ vain , poursuit ses études sur l’embryogénie des Crustacés par des observations sur le développement de VAsellus agnaticus ^ espèce de cloporte très-abondant dans nos eaux douces , et des Mysis de l’ordre des Stomapodes. L’étude de ces petits animaux paraît être en faveur en Belgique, car un rapport de MM. Van Beneden, de Selys-Longchamps et La-

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cordaire propose à l’Académie d’insérer dans ses mémoires un long travail sur les Crustacés d’eau douce de Belgique, par M. Plateau, autre fils d’académicien qui promet de soutenir avec gloire le fardeau d’un nom illustre. Nous attendrons la publication de ce mémoire pour en entretenir nos lecteurs.

M. Preudhomme de Borre à qui a été confié l’inventaire de la collection erpétologique du musée royal de Bruxelles , publie , au fur et à mesure qu’il les rencontre , les espèces nouvelles ou incomplètement connues. C’est à ce titre qu’il décrit un nouveau Crocodile (Alligator Lacordairei) et une Tortue fluviatile (De)'7natemys Matvii) envoyés tous deux en 1866 par M. Levy , vice-consul de Belgique à Belize (Honduras).

Sous le titre de secondes additions du Synopsis des Gomphines, M. de Selys-Longchamps décrit 32 nouvelles espèces toutes originaires des pays étrangers. Le nombre des Gomphines aujourd’hui connues est de 170. Linné n’en connaissait que deux qu’il rangeait dans le genre Libellule.

M. Quetelet, secrétaire perpétuel de l’Académie, présente le XIX. e volume des Annales de Vobservaloire de Bruxelles , et le tome second de la Physique sociale , ouvrage que nos lecteurs connaissent déjà par l’analyse que nous avons faite

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du premier volume ('). M. Quelelet communique ensuite à l'Académie un travail de M. le professeur Hannover de Copenhague sur les rapports de la menstruation en Dane¬ mark et V époque, en général, de la première menstruation chez les différents peuples. De ce mémoire il résulte que parmi les circonstances qui semblent influer sur la précocité ou le retard de la menstruation , la plus importante est la différence des races. On savait depuis longtemps que les Hindoues et les Négresses sont réglées de bonne heure ; les Tahïtiennes le sont, dit-on, à l’age de 10 à H ans. On pourrait croire d’après cela à l’influence du climat, mais les Groënlandaises sont également très-précoces. Gooke raconte que chez les Samoyèdes la plupart des filles deviendraient mères à 11 et 12 ans. 3Iais, selon M. Hannover ce serait une exagération , et l’époque de la menstruation au Groen¬ land serait en moyenne de 13 à 14 ans, 3 ans plus tôt qu’en Danemark.

Venons aux communications qui intéressent particulière¬ ment le pays.

M. de Selys-Longchamps rapporte avoir vu de la neige le 19 juin dernier aux environs de Saint-Hubert et de Spa. Cette neige était tombée à la suite d’un orage pendant lequel la foudre frappa le clocher de Stavelot.

M. Renier Malherbe, ingénieur attaché au service spécial de la carte générale des mines de Belgique, récapitule les diverses sources salées que l’on a déjà rencontrées dans le terrain houiller et en signale de nouvelles dans le bassin de Liège. Il a aussi recherché du chlorure de sodium dans les roches du terrain houiller ; quelques-unes n’en renferment pas de traces, d’autres, surtout celles qui étaient en contact avec les sources, en contiennent en quantité considérable

t^) Bulletin, p. 78.

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(jusqu’à 10%)* M. Malherbe en conclut que le terrain houiller s’est formé dans des eaux marines ou au moins dans un mélange d’eaux douces et d’eaux salées. M. D’Omalius D’Halloy , chargé comme rapporteur d’examiner cette no¬ tice , n’admet pas la conclusion comme nécessaire ; je suis bien de son avis.

A diverses reprises on a signalé des sources salées dans le bassin houiller de Valenciennes; on a même voulu y voir la preuve que les eaux de la mer actuelle pénétraient souter- rainement jusqu’au centre du département du Nord ; c’est une opinion qui n’est pas à réfuter. Mais des géologues de grand mérite ont cru que ces sources indiquaientle voisinage des couches salifères du trias si développées en Lorraine. Si à la rigueur on pouvait admettre l’existence de ces couches en quelque endroit encore ignoré sous les plaines crayeuses du Cambrésis et du Hainaut, il n’en peut être de même pour les environs de Liège, elles manquent certainement.

11 ne reste donc que deux hypothèses : supposer qu’il y a dans le terrain carbonifère un banc de sel gemme comme cela existe en Amérique , ou admettre que le chlorure de sodium arrive par les émanations internes de nature vol¬ canique. Cette dernière hypothèse est celle qui me paraît la plus probable. J. Gosselet.

BIBLIOGRAPHIE

ETUDES DE THÉODICÉE

par J. -B. Tissandicr, professeur de Pliilosopliie à la Faculté des Lettres de Douai (i).

L’auteur du livre dont nous voudrions en quelques mots mettre en lumière la valeur et le mérite nous dit, dans sa préface, en empruntant la devise de l’un des maîtres de

th Paris, Ladrange , 18G9; 1 vol. in-8.°.

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notre langue à l’époque de sa formation , que « Ceci est un livre de bonne foi. » Nous pouvons ajouter immédiatement que cet ouvrage de convictions profondes et sincères est en même temps le fruit d’une pensée élevée et l’œuvre d’un esprit qui ne redoute pas les problèmes les plus sérieux dont la solution s’impose nécessairement à l’intelligence humaine. C’est le privilège et l’honneur des hommes de talent appelés à répandre dans le public les saines idées et les vérités qui sont le patrimoine commun de toutes les générations et de tous les temps, de ne pas hésiter à se porter l’attaque, je ne veux pas dire le péril, est la plus menaçante et les coups les plus répétés ; c’est leur hon¬ neur de veiller à la défense des intérêts les plus chers et les plus précieux que nous devons sauvegarder avec le plus de soin. La parole publique est sous ce rapport une arme puis¬ sante qui prête d’inestimables ressources à celui qui a reçu la noble mission de combattre pacifiquement pour ces idées éternelles sur lesquelles repose toute Société et que toute philosophie digne de ce nom et méritant de vivre dans le souvenir des hommes , doit retrouver à la tin comme au commencement de ses enseignements.

Nous en avons une preuve nouvelle dans les Etudes de Théodicée que M. Tissandier, professeur à la Faculté des Lettres de Douai , a eu l’heureuse pensée de réunir en vo¬ lume après les avoir professées dans une série de leçons remarquables , qu’un auditoire sérieux et choisi n’a cessé de suivre pendant toute une année avec le plus vif intérêt et, je crois avoir quelque droit de le dire, avec un profit réel dont il ne serait pas trop difficile de retrouver les traces. M. Tissandier a voulu résolument aborder cette maîtresse question de l’idée de Dieu qui est, il faut bien le reconnaî¬ tre , l’une des idées que les systèmes contemporains ont le plus défigurées , ici encore je ne dirai pas le plus compro-

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mises, car ceux-là meme avec lesquels nous avons le plus de motifs d’être fort peu d’accord , ne peuvent s’empêcher de se faire un Dieu qu’ils façonnent et qu’ils créent en quel¬ que sorte au gré des caprices de leur imagination. Comme l’a dit heureusement M. Franck , « l’homme est diversement religieux, il l’est incorrigiblement. » M. Tissandier a eu raison de compter sur celle ohslinalion pour croire que sa tenlative, malgré les objeclions des uns et l’indifférence des autres, pouvait avoir en ce moment quelque opportunité, et qu’il lui reslait assez de chances de se faire écouler en dépit des résislances et des difficullés que rencontrent iné¬ vitablement auprès d’un certain nombre de gens tous les systèmes et toutes les doctrines sur Dieu.

Parvenir à la métaphysique par la psychologie, telle est la méthode suivie par l’auteur de ces Etudes- Cette méthode contemporaine, pour ainsi dire, du spiritualisme, ne durera pas moins que la vérité qu’elle nous aide à entrevoir et à affirmer, car seule elle donne un inébranlable fondement à nos connaissances, et sans elle l’édifice le plus brillant en apparence et le mieux ordonné n’est qu’un édifice ruineux reposant sur du sable, M. Tissandier le démontre avec une précision et une clarté qu’il serait bien difficile de surpasser: c’est dans la certitude du sens intime qu’il faut placer le principe et la source de la connaissance, c’est seulement que la notion de cause trouve son invincible évidence et son principe, que se révéle à nous « la présence d’un certain nombre d’idées qui dominent toute la vie intellectuelle et la favorisent en la gouvernant. »

Il faut lire, dans l’ouvrage du savant professeur, ces cha¬ pitres successifs à travers les démonstrations desquels il nous amène enfin jusqu’à l’idée de rinfini et jusqu’à Dieu. Nous voudrions pouvoir retracer ici , dans une analyse qui serait le meilleur et le plus certain des éloges, la marche

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suivie par l’auteur dans cette voie il s’avance constam¬ ment avec une prudence et une fermeté qui sont souvent, en philosophie comme ailleurs , les gages presque assurés du succès ; l’espace nous fait défaut pour faire connaître comme nous le voudrions ces leçons la sagacité la plus exercée s’allie si bien à la recherche patiente et désintéressée du vrai.

Forcé de nous borner , nous aimons mieux signaler d’une façon toute particulière à nos lecteurs les considérations si judicieuses et si applicables en ces temps de critique à ou¬ trance par lesquelles , une fois en possession de l’idée de Dieu , M. Tissandier la complète en quelque sorte en nous parlant des attributs de Dieu , de sa providence et de ses rapports avec l’homme.

On connaît cette répugnance de l’école critique à affirmer de Dieu quelque chose et les objections qu’elle oppose à la détermination de ce que l’on appelle avec raison ses attri¬ buts. Un attribut, dit-on, ne peut se concilier avec l’idée de l’infini ; un attribut est nécessairement une limitation, et par conséquent vous amoindrissez par cette limitation l’être auquel vous l’attribuez. La philosophie du sens commun a-t-elle donc eu tort de penser jusqu’ici que tout attribut, loin d’être une limitation , un amoindrissement de l’être, en

est au contraire une extension? Ecoutons sur ce point M. Tissandier :

Je remarque qu’en m’élevant dans l’échelle des êtres , chaque division est marquée par une faculté nouvelle, elle laisse ce qu’il y a d’imparfait dans la division inférieure, en garde ce qu’il y a de bon et de positif et y ajoute une faculté nouvelle , faut-il le dire ? une perfection nouvelle... D’après certains philosophes , il faut raisonner tout au re¬ bours ; plus on est indéterminé, plus on est parfait. Le polype est plus indéterminé que le ver de terre, que le poisson , que l’oiseau; il est donc plus parfait que ces divers embranchements.

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Pour nous, nous nous rangeons ii l’avis des naturalistes et nous dirons : chaque propriété , organe ou fonclion, est un degré d’être déplus; être d’une classe supérieure, c’est avoir une ou deux facultés de plus que l’individu de la classe inférieure, c’est être deux fois plus, ou avoir deux fois plus d’être. Or, chaque propriélénouvelle est une détermination nouvelle ; donc, l’être peut s’accroître à mesure que se mul¬ tiplient les délerminalions ; donc les déterminations, ainsi conçues , ne sont pas des limitalions vérilahles, mais bien plutôt des extensions ; donc être el être déterminé n’impli¬ quent pas contradiclion , puisque c’est être davantage que d’êlre ainsi. D’ailleurs, quand il s’agit d’une nalure linie, par exemple, la limite ou la négation n’est point dans ce qu’elle a d’activité, d’énei’gie, de puissance; cette vitalité, cette énergie , c’est , au contraire, le positif de son être; s’arrête la puissance , est la limite. Ce qui fait la néga¬ tion, ou la limite, c’est donc ce qui manque, ce qui fait dé¬ faut, ce que l’être n’a pas, et non ce qu’il a, ce qu’il possède réellement. Or, augmentez indéfiniment la puissance, l’é¬ nergie de l’être en multipliant ses facultés, ses attrihuts , en donnant à ces attributs une souveraine perfection, vous reculez indéfiniment la limite, jusqu’à la suppression de toute limite , jusqu’à la négation de toute négation , jusqu’à l’être absolu, à qui l’absolue détermination convient abso¬ lument. A mesure que la détermination nous fonde , pour ainsi dire, plus solidement dans l’être , elle nous sépare et nous distingue plus profondément de ce qui n’est pas nous, et, par conséquent, elle fait de nous un individu et une per¬ sonne. On a dit qu’un Dieu infini ne peut être personnel : c’est la question même que nous venons de discuter , il n’y a que les termes de changés.

Nous voudrions pouvoir encore mettre sous les yeux du lecteur quelques-unes des pages M. Tissandier, répon¬ dant aux positivistes qui bannissent les causes finales de l’univers , leur démontre sans peine qu’ils devraient pous¬ ser leur exclusion jusqu’au bout et en proscrire l’idée de l’entendement humain , ou bien encore celles , étudiant la Providence dans le monde moral, il donne de la souf¬ france et de la peine une explication émue dont compren-

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dront lav(^rilé tous ceux qui ont souffert avec résignation et dignité en s’améliorant et en se fortifiant sous les coups de l’épreuve et qui ont retiré de leurs souffrances, comme il le dit si bien , « la science de la vie et le secret de la per¬ fection. » Nous nous serions fait encore un plaisir d’indi¬ quer d’une façon spéciale le dernier chapitre de l’ouvrage M. Tissandier est naturellement amené , après avoir parlé de Dieu et de l’homme , à parler de la religion dans laquelle s’expriment les rapports que l’homme soutient avec Dieu. encore sa conclusion serait la nôtre, car nous sommes bien disposé à penser avec lui que lorsque M. Va- cherot , dont il analyse le récent ouvrage sur la Religion , voudrait la voir se retirer de toutes les intelligences qu’elle domine encore , il poursuit une chimère et une utopie dont les résultats seraient véritablement désastreux, si sa réali¬ sation n’était heureusement impossible. La réforme rêvée par M. Vacherot, malgré la pureté de ses intentions, n’au¬ rait-elle pas pour effet d’anéantir même la religion natu¬ relle , s’il est vrai que celle-ci ne peut exister sans tendre nécessairement à s’exprimer sous une forme précise et à se réaliser dans une religion positive? Ainsi que l’a dit M. Cou¬ sin le culte public n’est pas plus une institution arbitraire que la société, le gouvernement, le langage et les arts. Toutes ces choses ont leur racine dans la nature humaine. » Nous espérons que les quelques citations qui précèdent, que nous aurions voulu pouvoir étendre davantage, suffi¬ ront pour donner aux amis de la philosophie le désir de lire l’ouvrage de M. Tissandier, et nous ne terminerons pas du moins sans féliciter bien vivement l’auteur de contribuer aussi vaillamment à ramener sur son vériiable terrain la question capitale de la métaphysique en l’éclairant par une méthode dont il faut louer sans réserve la précision et la clarté. P. Montée , docteur ès-lettres,

2*

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LE PÈLERINAGE DE CHILDE-HAROLD

traduit en vers français par M. Ph. Alard, trésorier de la Société Dunkerquoise (*)

M. Alard est un vieillard octogénaire chez qui les glaces de l’âge n’éteignent point l’ardeur poétique. Initié, depuis longtemps, à tous les secrets de la langue anglaise, il a tenté ce qu’avant lui aucun traducteur n’avait osé faire. Il s’est appliqué à transporter dans notre langue , strophe pour strophe, et, en quelque sorte, vers pour vers , l’une des œuvres les plus originales de la littérature de nos voisins. La strophe « à la Spencer , « si belle parce qu’elle se ter¬ mine par un grand vers formant presque toujours tableau, mais si difficile à manier à cause de l’agencement irrégulier des rimes , M. Alard la reproduit fidèlement en français :

Mais Childe-Harold que devient-iï ? J’oublie

Que sur la vague il erre humble et pensif.

A son départ nul regret ne s'allie ;

Nulle beauté ne feint l'accent plaintif.

Aucune main ne vient serrer la sienne ;

Froid étranger , il change ainsi de scène ;

Bien dur le cœur qu'un cœur ne rend captif ;

Harold n’est plus ce qu’il était naguère :

Il quitte heureux le sol du crime et de la guerre.

La même exacte symétrie existe entre les couplets de fantaisie que Byron a semés çà et dans son poème et la version en vers qu’en a donnée M. Alard.

La nouvelle traduction soutient avantageusement la com¬ paraison avec toutes celles qu’on a jusqu’ici essayées. Qu’on en juge d’après un simple rapprochement. Voici comment , dans l’édition Charpentier qui a tant contribué à populari-

^1) Dunkerque , Lorcnzo , 1869 , in-8.° de 357 p., avec le texte anglais en regard de la traduction.

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ser chez nous les poèmes de Byron , M. Benjamin Laroche traduisait la première stance des Adieux :

Adieu donc , mon pays natal !

Ton rivage à ma vue expire. . .

Le flot mugit , le vent soupire ;

J'entends la mouette au cri fatal.

Ce soleil aux clartés fécondes ,

Nous suivons sa trace de feu ;

Son char disparait sous les ondes.

0 mon pays natal , adieu ! (*)

Et voici comment M. Alard rend le même passage :

Adieu ! je pars , rive natale ,

Tu te perds dans Tazur de l’eau ,

Le vent mugit , le brisant râle ,

J'entends les cris du sombre oiseau .

Soleil qui là-bas fuis dans l’onde ,

Nous allons cesser de te voir :

Adieu , bonsoir , flambeau du monde ;

Terre natale Adieu , bonsoir !

Ici incontestablement le traducteur Dunkerquois se tient plus près que le traducteur Parisien de la pensée et de l’ex¬ pression de son auteur.

Comme toutes les traductions essentiellement littérales , celle-ci présente quelquefois un peu de sécheresse et d’obs¬ curité. Mais il faut tenir sérieusement compte à M. Alard du mérite de la difficulté vaincue : « sa traduction, » comme l’a dit un excellent juge {^) , « n’est pas seulement une

Adieu , adieu ! my native shore Fader o’er the waters blue;

The night-winds sigh , the breakers roar,

And shrieks the wild sea-mew.

Yon sun that sets upon the sea We follow in his flight ;

Farewell aAvhile to him and thee,

My native land Good Night 1

(2) M. Edouard" L’hôte dans le Messager du Nord , N.® du 10 juillet 1869.

Ô08

œuvre consciencieuse, une œuvre de persévérance et de volonté; c’est un véritable tour de force littéraire , » tour de force qui ne se sera point effectué en pure perte : « car , ainsi que me l’écrit une autre personne très-entendue en ces matières, le plaisir de comparer strophe à strophe le texte et la version, comme une belle personne avec son portrait , et de critiquer même parfois le reflet par rapport au type , ce plaisir est très-particulier dans l’œuvre en question. » Félicitons donc M. Alard d’avoir, au milieu des préoc¬ cupations d’une longue vie d’affaires, entretenu ce com¬ merce assidu avec l’un des représentants les plus éminents de la poésie anglaise. Ce commerce n’aura pas été profitable à lui seul : car sa traduction fera, plus qu’aucune autre, pénétrer le lecteur français dans l’intimité d’uii génie que nous sommes trop habitués à n’admirer qu’à distance.

A. Despla>qüe.

THÉORIE ÉLÉMENTAIRE DES VERBES GRECS

par M. Th. Louise (ht

Un savant ouvrage historique a déjà permis à beaucoup de lecteurs du Bulletin scientifique du Nord de connaître M. Louise. Ils ont apprécié l’érudition patiente et le talent d’exposition de l’historien de la Sorcellerie dans Varrondis- sement de Valenciennes. Ce n’est plus aux savants et aux amis de l’iiistoire du Hainaut que s’adresse aujourd’hui M. Louise, c’est aux membres du corps enseignant, ses collègues, et aux jeunes gens confiés à ses soins. Il s’est proposé d’aplanir les difficultés que présente l’étude des verbes grecs pour les élèves des ctasses de cinquième et de sixième. Après avoir fait connaître au jeune helléniste les différences des voix, des modes et des temps, l’auteur lui trace, avec beaucoup de méthode, le tableau des différentes

(b Chateau-Thierry , Despaubourg, 1869, iü-8° de 43 p.

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conjugaisons. Il résume ensuite les règles particulières des verbes contractes , et expose avec beaucoup de clarté les diverses flexions de ceux dont la terminaison est précédée d’une muette. La théorie des futurs et aoristes seconds trouve place à la suite de ces verbes, ainsi que celle des parfaits seconds. Vient ensuite un exposé aussi net que possible de la conjugaison des verbes qui ont une liquide avant la voyelle finale. L’ouvrage est terminé par une notice claire et complète sur les verbes en p .

Ce petit livre, écrit pour l’utilité de l’enfance, atteindra son but ; rauteur , qui a vécu avec elle et la connaît bien , a su lui présenter ces règles importantes sous les formes les plus propres à captiver son attention et à se fixer dans sa mémoire. Tous les moyens de hâter les progrès de l’élève y sont mis en œuvre : attention à rattacher les règles nou¬ velles à des principes déjà connus, rapprochements avec la langue maternelle , formules adroitement trouvées pour abréger une énumération. On lira, ce nous semble , avec plaisir, beaucoup de passages de son opuscule , notamment la définition de la voix moyenne et l’explication du mot aoriste. M. Louise a suivi, autant que le sujet le permettait, te conseil donné par Montaigne dans un fragment souvent cité: allécher Vappétit et l'affection de l’enfant. A. Descamps.

ESSAI DE BIOGRAPHIE LILLOISE COINTEMPORAIINE (1800-1869)

par M. Hippolyte Yerly (0

Ceci est le « livre d’or » de la cité Lilloise. On y trouve sur toutes les personnes nées à Lille et dans l’arrondisse¬ ment ou y ayant résidé, et qui s’y sont distinguées dans quelqu’une des branches de l’ordre intellectuel , des notions que l’auteur s’est efforcé de rendre aussi complètes et aussi

(*) Lille , Leleu, 1869, in-8.° de iv-250 pages. Prix : 7 francs.

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exactes que possible. N’osant point se flatter d'être parvenu, du premier coup, au degré de précision désirable en pareil genre, M. Verly intitule modestement « essai » un ouvrage auquel , selon nous , il ne reste que bien peu de choses à ajouter pour le rendre définitif. L’auteur nous fait aussi espérer qu’il se déterminera peut-être un jour à reculer ses recherches au-delà des limites de temps dans lesquelles il a tenu, cette fois , à se renfermer. Pour notre compte, nous désirerions vivement voiries notabilités de l’ancienne ville et châtellenie de Lille prendre rang, dans le recueil de M. Verly, à côté de nos illustrations contemporaines.

Ce terme d'illustrations , par lequel nous désignons les hommes marquants d’une ville les choses de l’esprit pas¬ sent pour être peu en honneur, ne nous semble point exagéré lorsqu’il s’applique aux Gosselin, aux Lestibou- dois , aux Le Glay , aux Ruhlmann , aux Delezenne , aux De Coussemaker, sans parler d’autres sommités de la science et des lettres, telles que MM. de Saulcy et l’abbé Gratry qui ne nous appartiennent que par le fait accidentel de leur naissance.

Nous citons au premier rang ces noms-là, parce que ce sont ceux que l’Institut a consacrés en les admettant sur la liste de ses membres.

Immédiatement à la suite nous sommes en droit d’inscrire les Degland, les Macquart, les Desmazières, les Dubrunfaut, les Ducornet, les Derode, les De La Fons-Mélicocq, les Godefroy de Ménilglaise , les Bruneel , les Brun-Lavainne et tant d’autres que M. Verly enregistre avec un légitime orgueil.

Les hommes politiques tiennent relativement peu de place en son livre et l’on peut s’étonner qu’aucun des préfets du Nord n’y ait son article. Il s’en faut que tous aient été chez nous des hommes de passage et il en est, sur le nombre.

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qui ont véritablement conquis le droit de cité dans notre ville. Si Ton n’y prend garde , on n’éprouvera pas moins de difficultés dans un siècle pour reconstituer la biographie de nos modernes administrateurs que nous n’en avons nous- même rencontrées, il y a peu d’années , pour réunir quel¬ ques données bien vagues sur la vie et les actes des inten¬ dants de l’ancien régime en Flandre et en Hainaut.

Sur les journalistes et imprimeurs lillois, M. Verly est beaucoup plus complet. Il ne laisse presque rien à désirer en ce qui concerne la biographie de nos artistes, archi¬ tectes , peintres et musiciens, ni celle de nos collection¬ neurs d’objets d’art et d’antiquité.

Toute la pléïade poétique de Lille figure dans le réper¬ toire que nous analysons, depuis le groupe si original des chansonniers patois jusqu’à ces privilégiés du Parnasse qui , comme MM. Nadaud , Valéry Vernier et Louis Dépret , ont étendu leur renommée bien au-delà du territoire auquel ils doivent leur naissance.

Quant aux historiens et aux archéologues, ils n’ont qu’à se louer de la part que M. Verly leur a faite dans son dic¬ tionnaire. Nous nous y retrouvons bien tous , à quelque âge et à quelque degré de notoriété que nous soyons parvenus.

M. Verly a un souvenir pour ceux de nos concitoyens à qui un trépas prématuré n’a point laissé le temps de donner la mesure de leur talent (de ce nombre fut Louis Lefort, le meilleur ami de notre jeunesse); pour ceux qui, trop défiants de leurs forces, gardent, enfouis dans leur porte¬ feuille, des manuscrits qu’eux seuls jugent indignes de la publicité ; pour ceux enfin qui se sont créé hors de Lille un nom très-honorable et dont leur ville natale ne se sou¬ vient pas assez. Rangeons, dans cette dernière catégorie, M. Jules Gailhabaud, l’un des hommes qui , au prix d’in¬ comparables sacrifices , ont le plus fait pour le progrès de

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rhistoirede l'architeclure au moyen-âge. Citons aussi parmi les morts dont la valeur littéraire n’a jamais été suffisam¬ ment appréciée sur place, M. Louis Binaut, l’un des écri¬ vains les plus distingués du Correspondant et de la Revue des Deux- Mon des.

Les femmes auteurs ne sont pas oubliées dans le livre de M. YerJy. Si l’article sur 31.“® la comtesse de La Grandville est un peu maigre , celui sur 31. “® Bourdon est de nature à satisfaire les esprits les plus exigeants. L’auteur y révèle un sens critique très-délicat, en même temps qu’il y donne la preuve de celte impartialité qui n’est pas l’un des moindres mérites de son livre :

Le style de 31. “® Bourdon , dit-il, est facile et correct.

S’il ne se distingue pas par la vigueur du coloris, par la hardiesse et l’énergie des images et de la forme , il est aisé de voir que sa régulière tranquillité n’est nullement le fait de l’impuissance, mais l’effet du caractère et surtout de la volonté de l’écrivain. Point d’exagération, point de mauvais goût , point de trivialité ; toujours modérés sans monotonie, les sentiments de joie ou de douleur ne s’y exaltent jamais

jusqu’au paroxysme . De on peut conclure que l’on

trouvera dans les œuvres de 31. “® Bourdon un calme souvent attendri, une gaité un peu mélancolique , des pages adora¬ bles de délicatesse , des détails pleins de charme et de frai- ! cheur : on n’y saurait i-enconlrer les émotions orageuses de la passion.

La Vie réelle, pour ne parler que de celui de ses livres qui est regardé comme son chef-d’œuvre, est le jouimal d’une femme prise dans les conditions ordinaires de l’exis¬ tence bourgeoise, depuis sa sortie de pension jusqu’à sa I

vieillesse. Les péripéties qu’elle traverse ne sont autres que 1

celles qui nous sont réservées à tous : le mariage , les tracas de famille, la maladie et la mort d’enfants aimés, les poi- j

gnantes inquiétudes que donnent les survivants , des re- |

grets , des angoisses , la dispari lion successive des êtres que |

nous avons le plus chéris, les déchirements profonds, en (in la vieillesse solitaire. 3Iais tout cela, indiqué ou décrit à fond , est exprimé de main de maître ; il est des endroits qui ; mettent des larmes aux yeux du lecteur. Il faut avoir souf-

fert pour écrire ainsi , il faut avoir souffert aussi pour bien lire ce livre et pour le bien juger.

Puisque nous en sommes au chapitre de la littérature intime, nous ne cloutons pas que 31. Veiiy ne regrette d’avoir connu le Journal d'Herminie de la Basse-MoûtwHe trop tard pour pouvoir inscrire le nom de cette autre Eugénie de Guérin à côté de celui de son père, Lévêque de la Basse-3Ioûturie.

Nous ne pousserons pas plus loin cette excursion fantai¬ siste à travers les très-curieux, les très-piquants articles, que 31. Verly a disposés dans son livre par ordre rigoureu¬ sement alphabétique. Nous sommes heureux de n’avoir que des encouragements et de minimes conseils à adresser à l’auteur , en vue de sa seconde édition qui ne peut tarder beaucoup à paraître , la première , par un succès bien rare en province , étant déjà presque entièrement épuisée.

3131. Six-Horemans , imprimeur, et Leleu , libraire-édi¬ teur, ont donné leurs meilleurs soins à cette publication.

A. DESPLA^’QUE.

CATALOGUE DES OBJETS d’ART COMPOSAAT LE MUSÉE

DE CAMBRAT

rédigé par M. Berger, père, et Ad. Bruyelle (*)

Cette utile nomenclature est précédée ; 1 .o d’une Notice sur l’origine et les accroissements du 3Iusée ; 2."" de la liste des personnes qui l’ont enrichi de leurs dons.

Le catalogue de peinture et de sculpture, dressé par 31. Berger , nous signale l’existence , dans le musée de Cambrai , de diverses toiles attribuées à Breugbel , au Guerchin , au Guide, à Van der 31eulen , à Carie Van Loo et à Otto Venius. Comme on doit s y attendre, lecole Cambrésienne est particulièi’ement bien représentée dans

,*) Cambrai , Deligne et Ciivellier , 1869 , in-8° de xxx - 150 p.

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cette galerie. Elle commence avec le vieux Melchior Fallon (xvi.® siècle) , se continue par la longue dynastie des Saint- Aubert , et aboutit aux contemporains tels que Berger fils , Deladeuille, Adolphe Deligne , Desoria, Dowa, etc.

Dans la section de sculpture , à côté de marbres ou de plâtres de Théophile Bra et de David d’Angers, se trouvent aussi des œuvres de Charles Cordier et de Gustave Dailliet, tous deux originaires de Cambrai. Plus : un saint Sébastien de Barthélemy Marsy et un bas-relief de son fils Gaspard, représentant la Prise de Cambrai par Louis XIV.

Le catalogue d’archéologie , dressé par M. Bruyelle avec le même soin que M. Berger a apporté à la confection de celui des beaux-arts , désigne à notre attention particulière, outre des objets de céramique provenant des collections Campana et donnés au musée de Cambrai par le Ministre d’Etat en avril 1863 : i.® le bassin d’aiguière en bronze, jadis trouvé aux Pierres- Jumelles ; 2.“ les chaînons en fer , en forme de crémaillère , provenant de la station romaine d'Hermoniacum ; S.'’ les vases en terre noire exhumés des territoires d’Esnes, de Lesdain et de Marcoing; 4.o un sigillaire concernant des familles la plupart étrangères au pays ; o.® une collection de coins de monnaies des évêques de Cambrai ; 6.° une série de monnaies gauloises, romaines, espagnoles , etc.

Mentionnons encore , parmi les objets les plus curieux : la statue de Jean rfe Bove demandant merci à justice (en bois, XVI.® siècle) ; une tête d'évêque [en pierre blanche, même époque) ; une tête de châtelaine (aussi en pierre , XV.® siècle) ; un fragment d’inscription gallo-romaine ; l’épi¬ taphe sur plomb de l’évêque Nicolas de Fontaine ; le pal¬ lium de l’archevêque Maximilien de Berghes , etc.

La publication du catalogue de MM. Berger et Bruyelle a heureusement coïncidé avec l’installation délinitive du

musée de Cambrai clans le beau local de Saint- Julien , si habilement approprié à sa destination nouvelle. Mais tout le monde sait qu’aux portes même de ce local, s’est formée, grâce au goût éclairé , au zèle infatigable d’un simple par¬ ticulier, une collection exclusivement camhrèsienne ^ qui surpasse de beaucoup en richesse la collection de la ville. Espérons qu’au prix de généreux et intelligents sacrifices , l’édilité canibrésienne se mettra tôt ou tard en possession de ce cabinet incomparable. Alors et alors seulement la ville de Cambrai pourra se flatter d’avoir un Musée histori¬ que en rapport avec l’importance du rôle qu’elle a joué dans le passé. A. Desplainque.

CHRONIQUE.

Zoolog'ie. Pélican blanc. Le R*’ septembre , un Péli¬ can blanc ( Pelecanus onocrotalus ) a été tué par M. Durot , d’Houplin , dans le marais de Wingles. C’était un sujet de toute beauté; il avait la huppe longue, la poche gutturale très-étendue, et tout le plumage revêtu de cette belle teinte rosée qui caractérise les adultes et disparaît malheureuse¬ ment après le montage.

On pourrait être tenté , au premier abord , à en juger par la netteté des plumes et l’état des pieds , de voir dans cet oiseau un sujet sauvage , et ce serait alors un nouveau nom à ajouter à la liste des oiseaux qui apparaissent fortuite¬ ment dans le Nord de la France. Mais en examinant les ailes, on s’aperçoit que plusieurs des grandes pennes de droite ont été coupées : ce qui est un indice presque certain de captivité.

H est très-probable que ce Pélican est un fugitif de quel¬ que jardin zoologique , l’amputation de l’aile aura été faite incomplètement. Je penche à croire qu’il provient

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d’Angleterre car il a séjourner sur les côtes maritimes. Son estomac ne contenait que des crevettes et quelques petits poissons de mer. L’état encore frais de ces aliments prouvait que l’oiseau avait mangé depuis peu de temps et qu'il avait faire le trajet des côtes jusqu’à ^Yingles sans se reposer.

Le Pélican blanc n’habite pas l’Europe occidentale ; ses principales stations européennes sont les bords de la Mer Noire , de l’Archipel et le Danube ; mais en 1849 , plusieurs ont été tués en France ; le docteur Degland , en citant ces captures dans VOrnühologie européenne , les attribue à l’effroi qu’avaient ressentir les Pélicans de Hongrie au bruit de la guerre civile qui alors désolait ce pays. Cette explication pourra paraître assez naïve.

A. DE Norguet.

Marte. La liste des Mammifères insérée dans le 7.® numéro ô\i Bulletin scientifique indique la Marte comme n’existant point dans le département du Nord. Pourtant ce quadrupède se trouve dans la forêt de Mormal ; il y était encore assez commun il y a quinze ans. On l’y chassait avec avantage pendant le temps des neiges, et la fourrure d’une Marte se vendait au prix moyen de o francs. La chasse de la Marte était l’amusement des personnes aisées et le petit commerce des ouvriers , des bûcherons , des sabotiers peu occupés. Les habitants de la forêt disent un Marte.

L. Box IF ACE , Curé de Marpent.

xMétéorolo§;îe. Mois de septembre 1869. La tempé¬ rature atmosphérique moyenne du mois de septembre est de lo.° 271 , celle du mois de septembre 1869 a été de 16.° oo, par conséquent supérieure de l.° 28 à la moyenne générale. Les températures extrêmes ont été de 27.° 0, observées les 9 et 29, et de 7.° 3 le 4. La movenne des mi- nima a été de 12.° o3, celle des maxima 20.° 57.

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Sous l’influence de celte température élevée , de la ten¬ sion moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique 9 mill. 92 (10 mill. 17 année moyenne), de l’humidité relative 72,0 °/„(77,44 °/o année moyenne), de la nébulosité du ciel au-dessous de la moyenne, l’épaisseur de la couche d’eau évaporée pendant le mois a été de 103 mill. 65 ; l’évapora¬ tion moyenne pour le mois de septembre étant de 80 mill. 48 , la différence est donc de 23 mill. 08.

L’épaisseur de la couche d’eau de pluie recueillie pendant le mois qui nous occupe a été de 41 mill. 48 ; en moyenne elle est de 70 mill. 59 ; différence 29 mill. 11 en moins pour septembre 1869. Le nombre des jours de pluie a été de 20.

Une quantité de pluie aussi réduite, indice de la présence d’une faible quantité de vapeur d’eau dans les régions éle¬ vées de l’atmosphère, devrait coïncider avec une asse2 grande pression barométrique; il n’en fut rien cependant, car la hauteur moyenne de la colonne mercurielle ramenée à la température de 0.” , ne fut que de 757 mill. 362 , oscil¬ lant entre les extrêmes 737 mill. 77 le 12 et 770 mill. 02 le l.^L La hauteur moyenne du baromètre observée en septembre, pendant une période de 15 ans, est de 760 mill. 143.

La véritable cause de cette dépression fut la diminution d’épaisseur de la couche atmosphérique indiquée par l’ex¬ cessive rapidité des courants allant du S. O. au N.E. , rapi¬ dité qui les 12 et 13 fut celle d’un ouragan, et le 19 celle d’une tempête.

Pendant la tourmente atmosphérique des 12 et 13 l’air fut très-chargé d’électricité et il se produisit un phénomène de nature à induire les météorologistes en erreur. Dans beaucoup d’observatoires les thermomètres à minima, même abrités, s’abaissèrent bien au-dessous de la température mi¬ nima vraie ; ainsi le 12 le minimum vrai fut de 12." 0 , des

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thermomètres à minima indiquèrent 4.“ 0 ; le 13 le mini¬ mum vrai fut de 13.” 5 et un thermomètre à minima indi¬ qua i.° 0. Ces thermomètres avaient cependant une position horizontale et ne pouvaient être agités parle vent, puisqu’ils sont fixés sur un treillis métallique placé dans l’axe de trois cylindres de zinc concentriques espacés l’un de l’autre de 3 centimètres, par conséquent les index n’ont pu être déplacés autrement que par la contraction de l’alcool sous l’influence de l’abaissement de température.

Comment donc la température a-t-elle pu s’abaisser à ce point ? par la projection horizontale de quelques gouttes d’eau ou de quelques grêlons sur le réservoir des thermo¬ mètres et par le froid causé par l’évaporation activée par l’intensité du courant d’air. Il importe donc de se mettre en garde, pendant les tempêtes, contre les causes qui peu¬ vent produire de pareils effets, si on veut éviter des erreurs regrettables.

L’état électrique de l’atmosphère en septembre 1869 amena les orages des 3, 10, 19, accompagnés de pluies peu abondantes, sans production de grêle.

Les 9,13, 18, 27 on observa des halos solaires toujours suivis de pluie dans les 24 heures.

Il y eut 26 jours de brouillard et 16 de rosée.

- Les vents dominants furent ceux du S.O. de l’O.S.O. et du S. S.O. soufilant avec force. V. Meurein.

Source à Meurchin. En creusant une fosse à Meurchin (Pas-de-Calais) on a rencontré , à une profondeur de 140 mètres , une source d’eau sulfureuse qui a jailli à 9 mètres en contre bas du sol, soit 4 mètres au-dessus du niveau d’eau des puits. J. G.

Découverte archéologique à Marœuil. Une décou¬ verte archéologique très -importante a eu lieu dans le

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village de Marœuil. Dans les premiers jours de juillet, un habitant de cette localité rencontra, en creusant les fonda¬ tions d’une maison , un grand nombre de squelettes et d’ob» jets anciens. Le maire de la commune, M. Topart, prévint immédiatement le préfet du Pas-de-Calais. Ce magistrat envoya aussitôt sur les lieux une brigade d’ouvriers capables et intelligents. Les fouilles, commencées le 12 juillet, ont duré jusqu’au 16 août. Elles ont eu le succès le plus complet. Il a été extrait 237 squelettes , 91 vases en terre , 5 vases en verre , 23 lances , 9 javelots, 8 haches , un bouclier, 10 sabres et couteaux , 4 plaques de ceinturon , 12 boucles de différentes formes, 6 boucles d’oreilles, 8 bagues et anneaux, 2 colliers en verre émaillé , une boule de cristal , une paire de ciseaux, deux pinces épilatoires, quatre longues épingles à cheveux, deux grands vases en cuivre doré, etc.

Dans la séance tenue le 14 août par la Commission des antiquités départementales du Pas-de-Calais , M. Paul Le- cesne a fait un rapport sommaire sur les objets trouvés.

Ils sont presque tous d’une conservation parfaite; les vases en verre paraissent fabriqués d’hier ; deux présentent pour leur forme, la légèreté et la couleur, une très-grande analogie avec nos verres à vin du Pihin. Les poteries sont en grès ou en terre rouge , noire ou brune , d’une grande variété de formes et agrémentées d’ornements en creux d’une finesse extrême. Les bijoux et les plaques de ceintu¬ ron sont en argent, d’un travail et d’une ornementation très-délicats.

Les boucles d’oreilles se composent d’un anneau en argent tordu, terminé par un cube garni de losanges de grenats ; les colliers sont formés de boules en verre émaillé de couleurs très- différentes et très- brillantes ; le procédé de fabrication de ces verroteries parait perdu.

Les armes, très-nombreuses, constituent la partie la plus

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curieuse de la collection ; elles ont servi à déterminer ap¬ proximativement la date du cimetière. Aucun doute n’est -possible à cet égard, elles sont franques; on y retrouve la francisque à toutes ses formes, la framée et le scramsax. On peut même signaler en passant une francisque d’une forme inconnue jusqu’ici et des scramsax à peu près de la longueur de nos sabres d’infanterie.

. Le terrain est situé le cimetière se trouve à peu de dis¬ tance d’un ancien camp romain appelé , dans le pays, camp de César, mais qui était encore occupé au iv.® siècle; les corps étaient placés sans cercueil , à une profondeur variant de 0 m. 60 c. à 1 ni. 60 c. ; on en a trouvés jusqu’à trois su¬ perposés; presque tous avaient un pot entre les jambes. Les squelettes appartiennent à une race de haute taille ; on en a mesurés ayant jusqu’à 1 m. 92 c.

Les fouilles n’ont, jusqu’à présent, embrassé que 17 ares de terrain; aussi, en présence des résultats obtenus, le conseil général du Pas-de-Calais a-t-il décidé , sur la demande du préfet, que les explorations seraient poussées avec activité et a-t-il voté un crédit à cet effet. Nous ne pouvons que féliciter le préfet et le conseil général d’avoir fait preuve d’un zèle si éclairé pour l’histoire et la science archéologique. A. D.

Mort de M, Sainte-Beuve. La ville de Boulogne vient de perdre une des célébrités auxquelles elle a donné nais¬ sance. M. le Sénateur Sainte-Beuve , de l’Académie fran¬ çaise , a succombé le 13 octobre , à la maladie qui le mi¬ nait depuis longtemps. Il était âgé de 65 ans. A. D.

Le Gérant E. Castiaux.

Lille , imp. Blocquel-Gastiaux , grande place , 13.

N.° 11. Novembre 1869.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

PRIX DE MILLE FRAîNCS DÉCERNÉ DANS LE RESSORT ACADÉMIQUE DE DOUAI.

Le lundi 15 novembre, dans la séance solennelle de la rentrée des Facultés présidée par M. le Recteur , a été décerné le prix de 1,000 francs attribué par S. Exc. le Ministre de l’Instruction publique au meilleur ouvrage d’histoire politique ou littéraire publié , depuis trois ans , dans le ressort académique de Douai.

Notre collaborateur M. l’abbé Dehaisnes, avait été chargé par les délégués du Ministre et ceux des Sociétés savantes formant ensemble le jury d’examen (^) , de rédiger un rap-

(0 Ont assisté aux séances du jury , en la qualité ci-dessous énon cée , les personnes dont les noms suivent :

MM. Deliaisnes , professeur au collège Saint-Jean, archiviste municipal de Douai ;

Duchet , proviseur du lycée de Douai ;

Jarry , inspecteur d’Académie en résidence à Lille ;

Cellier, délégué de la Société des Sciences de Valenciennes. Chon , délégué de la Société des Sciences de Lille.

Cousin , délégué de la Société Dunkerquoise.

Desplanque , délégué de la Commission historique du Nord. Ferrus , délégué de la Société académique de Saint- Quentin. Garnier, délégué de l’Académie d’Amiens.

Hattu , délégué de la Société d’Emulation de Cambrai.

Leleu , délégué de la Société des Antiquaires de Picardie.

Paeile , délégué du Comité flamand de France.

Preux , délégué de la Société des Sciences de Douai.

Tournier, délégué de la Société Archéologique d’Avesnes.

Van Drivai, délégué de l’Académie d’Arras.

Le jury avait composé son bureau comme suit :

Président: M. Garnier.

Secrélaire-rapporieur : M. Fahhé Dehaisnes.

délégués du Ministre.

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port se trouveraient exposées les conclusions du jury.

Voici le texle de ce document tel qu’il a été lu en séance publique. A. D.

MM.

Un décret du 30 mars 1869 a institué, dans chaque ressort académique de l’Empire, un prix annuel de mille francs , qui sera décerné à l’ouvrage jugé le meilleur sur quelque point d’histoire politique ou littéraire, d’archéo¬ logie ou de science , intéressant les départements compris dans le ressort. Il faudrait être complètement étranger au mouvement qui s’est opéré depuis plus d’un siècle dans les travaux intellectuels, pour refuser de reconnaître que ce décret est sorti d’une inspiration opportune et féconde. La question de la décentralisation littéraire est à l’ordre du jour parmi nous : nous venons de voir, à Lyon et à Nancy, les savants de la province se coaliser contre le monopole scientiüque de la capitale ; et il y a deux mois à peine, dans le congrès de Chartres, l’éminent archéologue M. de Gau¬ mont, faisait adopter un projet de séparation radicale entre Paris et les départements au point de vue de la publication des travaux académiques. C’est un devoir de le proclamer : le Gouvernement était entré dans cette voie par le décret du 30 mars 1869. En ouvrant dans chaque ressort académi¬ que un concours annuel pour les personnes résidant dans le ressort, il a donné un puissant encouragement aux tra¬ vailleurs de la province, à ces savants, trop souvent mé¬ connus , qui , dans l’obscurité d’une petite ville , réunissent laborieusement les observations et les études d’intérêt local, sans lesquelles les esprits généralisateurs ne pourront ja¬ mais tracer d’une main sûre les grandes lignes de l’histoire, de l’archéologie et des sciences. Le décret du 30 mars 1869 a mis au jour une pensée utile et généreuse à l’heure elle

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devait se produire; et tous nous rendrons justice au chef de TEtat qui Ta porté , au ministre qui Ta proposé.

Parmi les ressorts académiques de la France, tous admis, excepté celui de Paris, à prendre part au concours de 1869, ouvert sur une question d’histoire politique ou littéraire, aucun peut-être ne pouvait répondre à cet appel plus facile¬ ment que celui de Douai. Cent vingt-cinq établissements d’instruction secondaire, renfermant plus de 16,000 élèves, y répandent autour d’eux le goût des choses de l’esprit ; dix-neuf Sociétés savantes y développent l’élude de l’his¬ toire , de l’archéologie et des sciences ; à chaque pas le voyageur y rencontre des ruines et des édifices , souvenirs d un glorieux passé , de grandes cités et des institutions florissantes, orgueil du présent, espoir de l’avenir; l’his¬ toire de nos provinces est pleine de luttes noblement sup¬ portées pour la patrie et les libertés ; et parmi nos grands hommes nous pouvons citer des chroniqueurs et des érudits illustres, Froissart, Monstrelet, Philippe de Comines et Ducange.

Dans ce ressort académique , la pensée qui a inspiré le décret du 30 mars devait donc être comprise. Aussi quinze ouvrages, intéressants à des points de vue divers, ont été envoyés au concours ; ils ont été soumis à l’examen d’un jury formé de 19 membres , délégués par le Ministre et les Sociétés savantes, sous la présidence d’un recteur, dont le nom est connu par d’importants travaux historiques.

Si l’ordre du jour de cette séance ne m’avertissait que la brièveté est essentielle au rapport que le jury m’a chargé de vous présenter, si je ne me disais qu’à défaut d’autres qualités je dois rechercher le mérite de cette brièveté , j’analyserais en détail les ouvrages envoyés au concours qui n’ont pu être couronnés; et vous acquerriez la conviction qu’il y a dans les cinq départements du ressort académique

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de Douai, des savants qui préparent avec soin les matériaux d’une histoire générale de France. Mais les minutes qui me sont concédées me permettent à peine d’énoncer les titres de ces ouvrages.

Parmi les monographies qui s’attachent à décrire une localité, un canton, un département, nous mentionnerons y Histoire de Villers-Cotterets , les Recherches sur Givet , les Essais historiques et biographiques sur les Ardennes , et enlin une Etude sur la ville et le canton de Ribémont, travail étendu qui a exigé beaucoup de temps et de recher¬ ches. Nous devons placer en dehors de cette première série de mémoires , V Essai sur VHistoHe ecctésiastique , civile et politique de Cambrai; l’auteur de ce volumineux et impor¬ tant manuscrit s’est inspiré d’une idée heureuse: éclairer le passé d’une cité par l’étude des institutions. C’est aussi aux institutions que nous rattacherons le tableau finement esquissé d'une Guerre échevinale de 177 ans à Saint-Omer j et un manuscrit sur le Droit communal et le Droit coutumier au moyen-âge ^ sujet d’une vaste étendue que l’auteur, d’ailleurs écrivain de talent, n’a envisagé que sous un seul aspect , le Droit coutumier à Lille. Gomme l’histoire muni¬ cipale , l’histoire de l’église offre matière à des études in- téressahtes. Plusieurs savants font compris : et nous avons à leurs patientes recherches deux curieux travaux sur des monastères dont il reste à peine aujourd’hui quelques ruines, V Abbaye d’Origny Sainte-Benoîte, près de Saint- Quentin , et celle de Clairmarais , près de Saint-Omer. Un autre écrivain a retracé, d’une main ferme et habile, la uie, les œuvres et V influence d' Hincmar , ce grand arche¬ vêque de Reims , dont la figure apparaît calme , grave et sévère , au milieu des luttes et des hontes du ix.® siècle.

Malgré le mérite incontestable de ces mémoires , le jury n’a pas hésité à leur préférer, à regarder comme plus dignes

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de la haute distinction qu’il s’agit de décerner , les deux autres ouvrages envoyés au concours : Sénac de Meilhan et r Intendance du Hainaut et du Cambrésis sous Louis XVI ^ la Jeunesse de Robespierre et la Convocation des Etats- Généraux en Artois. Je dois vous présenter une étude plus complète sur ces deux œuvres historiques et sur les sujets qui y sont traités.

Vers la fin du siècle dernier vivaient, l’un à Arras, l’autre à Valenciennes , deux personnages bien différents par la naissance, la situation sociale, le caractère et surtout par leur destinée future , Robespierre et Sénac de Meilhan. Celui-ci , fils du premier médecin de Louis XV, est nommé jeune encore à une intendance qui lui rapporte 40,000 livres avec des appoints considérables comme profits ; administra¬ teur brillant et habile , il est entouré d’honneurs et de re¬ nommée , et l’opinion publique le désigne comme le futur successeur de Necker; celui-là, fils d’un avocat sans fortune, orphelin de bonne heure , est élevé gratuitement dans un collège, grâce à la générosité du clergé ; plus tard reçu licen¬ cié en droit, il court en vain au devant des affaires retentis¬ santes et des mauvaises causes , il entasse en vain mémoire sur mémoire, pamphlet sur pamphlet , il ne parvient même pas à une célébrité un peu sérieuse dans l’enceinte de sa ville natale. Tous deux ils aspirent à se faire un nom dans la répu¬ blique des lettres ; mais tandis que les froides dissertations, les éloges prolixes et les couplets anacréontiques de Robes¬ pierre n’éveillent d’autres échos que ceux de quelques sociétés académiques de province, les écrits de Sénac de Meilhan, remplis d’observations originales, incisives et judi¬ cieuses , sont recherchés dans les salons de la capitale , posent sa candidature à l’Académie française et le font con¬ sidérer comme l’émule de La Bruyère , de La Rochefou¬ cauld et de Vauvenargues. En relation avec Voltaire ,

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Mirabeau et Talleyrand , avec Mesdames de Clermont- Tonnerre , de Tessé , de Staël et de Créqui , spirituel , brillant, de mœurs faciles et légères , l’intendant de Valen¬ ciennes est le type des gentilshommes de la fin du xviii.® siècle. Sans autre horizon que son cabinet d’études, la salle d’audience et l’Académie d’Arras , d’une taille médiocre , d’un extérieur commun et disgracieux , souriant à peine quelquefois et encore d’un sourire railleur , sobre et sévère même au milieu des banquets de la Société des morose et bilieux, l’avocat du Conseil d’Artois est aigri contre ses confrères du barreau , contre sa destinée , contre l’ordre social tout entier. Sénac de Meilhan ne vit qu’avec défiance les tendances de l’esprit nouveau qui agitait la France en 1789 ; il émigra, vécut quelque temps à la cour de Russie, et se réfugia à Vienne il mourut obscurément en 1803. Quand éclatèrent les bruits précurseurs de l’orage, Robespierre se sentit dans son élément : par ses intrigues et ses pamphlets, en se déclarant le redresseur de tous les torts et en flattant les passions les plus mauvaises , il se fit élire député aux Etats-Généraux. Quelques années plus tard , s’attachait à son nom une sinistre célébrité.

Ces deux personnages ont trouvé leur historien: M. Le¬ grand , avocat au barreau de Valenciennes a écrit la bio¬ graphie de Sénac de Meilhan, M. Paris, avocat au barreau d’Arras, celle de Robespierre durant sa jeunesse; l’un et l’autre ils ont placé cette biographie, comme une sorte d’introduction , en tête d’un important travail sur la con¬ vocation des Etats-Généraux. Dans l’étude sur Sénac de Meilhan, M. Legrand a fait preuve d’une finesse d’analyse et d’appréciation , d’une habileté à saisir les nuances, d’une délicatesse de style qui rappellent les pages les plus char¬ mantes de Sénac ; il s’est rencontré sur le même terrain que M. Sainte-Reuve , qui avait esquissé la physionomie de

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l’intendant de Valenciennes dans ses Causeries, et il faut reconnaître que le jeune écrivain s’est montré l’égal du maître consommé dans l’art de tracer un portrait. Si nous trouvons un critique fin et distingué dans l’auteur de Sénac de Meilhan , dans l’auteur de la Jeunesse de üohespierre nous voyons un juge grave et sévère. Après avoir re¬ cueilli, compulsé et annoté toutes les pièces du dossier relatif à Robespierre , il le fait comparaître devant lui ; il interroge sa vie et ses écrits, écoute tous les témoins ; et, d’une plume impartiale , sans pitié comme sans haine, il rédige un arrêt que l’histoire enregistrera. Dans les deux biographies, il y a une vaste et sérieuse érudition; et si l’une l’emporte par la méthode, la clarté et l’ampleur, l’autre est supérieure par une forme plus littéraire , par la finesse et l’élégance , par des réflexions plus incisives et plus originales.

La partie politique et administrative de ces ouvrages prête plus directement à la comparaison. Après un premier examen l’on serait porté à donner la préférence à l’auteur de la Convocation des Etats-Généraux en Artois. En effet , M. Paris a traité cette question d’après un plan plus métho¬ dique , en remontant à l’origine des institutions , en grou¬ pant avec une remarquable sagacité tout ce qui se rapporte à chaque branche d’administration et en donnant l’explica¬ tion des usages et des termes peu connus. M. Legrand ne s’est point assez attaché à offrir partout le lucidus ordo dont parle le poète, il n’a point jeté la lumière sur des questions et des mots qui avaient besoin d’être éclairés ; le lecteur marche parfois à tâtons dans son livre. Que l’on compare dans les deux éludes le chapitre consacré aux finances , et l’on n’hésitera pas à reconnaître qu’il y a plus de méthode et de clarté dans la Convocation des Etats-Généraux en Artois. Mais il serait injuste de ne point faire remarquer

=)28

que le défaut signalé dans Sénac de Meilhan tient en partie à la nature du sujet. L’Artois offrait avant 1789 une ad¬ ministration presque homogène ; tandis que l’intendance de Valenciennes , formée successivement de la cité , du Hainaut , du Cambrésis , des districts du Tournaisis et du pays de Liège et des cantons des Ardennes, était soumise à des coutumes différentes et présentait le mécanisme le plus compliqué. Rappelons encore que M. Paris n’a ajouté à son étude qu’un travail sur l’organisation judiciaire en Artois et que M. Legrand a fait précéder les chapitres consacrés aux assemblées de 1787 et de 1789 , de recherches savantes sur l’une des questions les plus difficiles de Thistoire adminis¬ trative, une intendance au xviii.,® siècle. Ces considérations ont porté le jury à décider que l’infériorité relative de la se¬ conde partie du livre de M. Legrand au point de vue de la méthode, n’est pas aussi considérable qu’on pourrait le croi¬ re au premier abord ; et, mettant dans la balance la supério¬ rité incontestable de la biographie de Sénac de Meilhan, il a cru devoir placer sur le même rang ces deux ouvrages, dans lesquels il a trouvé des mérites égaux quoique différents.

En conséquence, le jury déclare que le prix de mille

francs institué par le décret du 30 mars 1869 , est partagé ,

pour le ressort académique de Douai, entre M. L. Legrand,

docteur en droit et docteur ès-lettres, et M. A. J. Paris ,

docteur en droit et licencié ès-lettres. Abbé Ch. Dehaisise.

»

En enregistrant ce résultat , nous sommes fiers de rap¬ peler que nous avons été des premiers à prédire au livre de M. L. Legrand un brillant et légitime succès (voir Bulletin , p. 14-18 ). Quant au nouvel ouvrage de M. Paris, nous nous empresserons d’en rendre compte aussitôt qu’il aura paru . Le public est en droit de beaucoup se promettre du docte et consciencieux historien de Joseph Lebon. A. D.

5-29

SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE SAINT-QUENTIN

La Société comprenait , au 1 janvier 1869 , 21 membres titulaires, des membres honoraires, des associés et des correspondants , les uns appartenant au département , les autres étrangers.

Les membres titulaires étaient :

MM. Blin [18o5] , docteur en médecine ; Président.

Blain [1866] , avocat; Secrétaire.

Damoisy [1863] , notaire ; Trésorier.

H. Souplet [1844], licencié ès-sciences; Secrétaire- Général et Archiviste.

Bourbier [1825], docteur en médecine.

Daudville [1825], ancien négociant.

Demoulin [1842] , professeur au Lycée.

Lecocq [1848] , pharmacien.

Garcin [1849] , vétérinaire.

Bénard [1855] , architecte.

Gronnier [1855], huissier.

Gardon [1860] , notaire.

Desprez [1860] , docteur en médecine.

Ferrus [1860], percepteur des contributions directes.

PIONNIER [1860] , pasteur de l’Eglise réformée.

Mariolle-Pinguet [1863], constructeur-mécanicien.

Quennesson [1863] , manufacturier.

Farque [1864] , licencié en droit.

Quérette [1866] , négociant.

Rouxelle [1867] , professeur de Physique au Lycée.

Dusauter [1868] , chimiste à Saint-Quentin.

Travaux de la Société, ix.* volume, 3.* série.

Ge volume débute par le compte-rendu de la séance pu¬ blique du 5 juillet 1868. Les rapports sur les prix sont pré¬ cédés d’un discours le président, M. Bénard, rend compte des travaux de la Société. Il expose au public que la Société, tout en continuant à cultiver la Poésie et l’Histoire, tourne volontiers ses efforts vers les Sciences économiques et sociales. Ainsi elle a récompensé plusieurs Mémoires répon-

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dant aux concours qu’elle avait ouverts sur V Enseignement professionnel des Femmes dans les villes manufacturières et sur les causes du Chômage volontaire du Lundi et les moyens d'y remédier. Des extraits des Mémoires couronnés se trouvent dans le volume dont nous rendons compte , mais leur spécialité nous en interdit l’analyse. Il en est de même d’un article sur les Chèques, par M. Blain , membre de la Société.

Nous serons également brefs sur les pièces de poésies contenues dans ce volume ; les unes ont reçu des palmes au concours , les autres sont dues à des membres de l’Acadé¬ mie. Ainsi M. Prévost, vérificateur de l’enregistrement à Saint-Quentin et membre associé de la Société, exprime d’une manière poétique les sentiments que lui inspire une promenade dans le Cimetière de...

M. Daudville, a publié quelques poésies légères. On lui doit aussi une dissertation philosophique sur VEtre-Cause. Signalons encore, au contingent littéraire , une traduction en prose de la célèbre tragédie de Macbeth, par M. Ferrus.

Note sur le Couvent et l'Eglise de Saint-Michel en Thié- rache, par le docteur Rousseau d’Hirson , membre corres¬ pondant. Une pauvre chapelle en chaume, érigée dans le VII.® siècle , par saint Ursmer ou par saint Algis , fut l’origine du couvent et du village de Saint-Michel en Thié- rache. En 745 deux moines écossais (^), Gadrœ et Maccalin , vinrent s’établir à Saint-Michel sous la protection de Héré- sinde , femme d’Eilbert , duc de Thiérache et comte de Ver- mandois. Ils élevèrent une église magnifique dont le clocher existe encore. L’église comme l’abbaye furent souvent brûlées et pillées. Après un dernier incendie à l’impru¬ dence des moines (1715) , elles furent rebâties par Galonné

(1) Voir Bulletin, p. 295.

551

de Beaupré. C’est l’œuvre de cet architecte que décrit avec beaucoup de soin M. Rousseau. L’auteur a puisé ses ren¬ seignements sur l’abbaye de Saint-Michel dans un manuscrit qui est en la possession de M. Tayon, curé d’Hirson ; il est intitulé : Histoii^e de l’Abbaye et du Bourg Saint-Michel- Rochefort en Thiérache ^ par Dom Nicolas Lelong, natif dudit lieu, prieur de l’abbaye d’Hirson, l’an 1768. La Société académique de Saint-Quentin n’a pu, vu l’étendue de ce manuscrit, l’insérer in extenso ; mais elle en a extrait quelques pages concernant Jean-Baptiste de Mornat, un des bienfaiteurs de Saint-Michel , dont il fut nommé abbé en 1598.

Coup-d'œil sur Prèmont pendant l'occupation romaine. 31. Asselin est parvenu à découvrir sur le territoire de Pré- mont , canton de Bohain , les vestiges d’un camp romain et d'une chaussée de la même époque.

Aperçu sur le Culte de Krichna, par 31. Textor de Ravisi, membre associé, percepteur des contributions directes à Bohain. 31. de Ravisi, ancien gouverneur deKarikal, doit à son long séjour dans l’Inde une connaissance profonde de la langue et des habitudes du pays. Il en a rapporté une foule d’objets des plus importants pour l’étude des anti¬ quités orientales. Il possède de nombreuses peintures et statuettes des divinités hindoues , ainsi que plusieurs bas- reliefsen boisprovenantdu char de la Pagode de Negapatam; l’un d’eux représente une femme venant de cueillir un fruit sur un arbre qui paraît être le célèbre arbre de l’Eden. Une des pièces les plus précieuses de ce musée est une statue en marbre, deoOcentim. de hauteur, que son heureux pos¬ sesseur a déjà décrite et figurée (^). Elle représente proba-

(b Mémoires de la Société académique de Saint-Quentin , 3.' série, t. vi , p. 336 et suiv.

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blement la Vierge Maya , mère du Bouddha actuel (Gôtama- Bouddha).

C’est à l’aide de ces matériaux importants que M. de Ravisi entreprend de discuter une des questions les plus controversées de l’histoire religieuse de l’humanité.

Selon certains Indianistes, le Christianisme a ses origines dans le Brahmanisme, dans le culte de Krichna. M. de Ravisi pense au contraire que c’est le Brahmanisme qui a emprunté au Christianisme le culte de Jésus-Christ.

Cette incarnation de Vichnou, dit-il à propos de Krichna, est la plus célèbre et la plus populaire. Ce n’est pas seule¬ ment une manifestation , c’est Vichnou lui-même : Krichna estl’Homme-Dieu de la tradition chrétienne. Extraordinaire fait par le Brahmanisme au Christianisme! alors que sapé jusque dans ses bases par le triomphe des doctrines bouddhistes, il s’était vu obligé de présenter à l’adoration des peuples un nouveau Dieu répondant à ses aspirations , un Dieu sauveur.

M. de Ravisi a étudié la figure de Krichna non seulement dans les livres hindous , mais surtout dans ses conversa¬ tions avec les adorateurs lettrés de cette divinité. Il reproche à ses adversaires d’accepter certains textes , mais d'en écar¬ ter d’autres qui leur sont contraires. Entin il promet de nous montrer prochainement :

Comment le personnage historique de Krichna, chef de partisans, puis conducteur de hordes guerrières , a été transformé successivement en héros et en moraliste , en demi-dieu et en dieu , et , enfin au xvi.® siècle de notre ère, en Dieu suprême. »

Nous ne pouvons quitter le présent article sans signaler à nos lecteurs quelques considérations sur les antiques reli¬ gions de l’Inde.

Selon l’auteur, les Védas nous apprendraient que la Tri¬ nité hindoue actuelle se serait formée par la réunion de

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trois divinités appartenant à des races différentes : Brahma, dieu des prêtres Aryas, Vichnou, dieu des Tchattryas , et Siva , dieu des Kouchites. « Bien des siècles avant cette Tri¬ nité, on adorait dans ITnde la triade védique d’Agni , Vâya et Surga , et bien des siècles avant cette triade , il y a eu la période d’Agni (i). »

M. de Ravisi cherche du reste à rattacher ensemble toutes les Religions orientales ; non seulement il admet avec pres¬ que tous les autres orientalistes que le Bouddhisme n’est en quelque sorte qu’une secte protestante du Brahmanisme et que celui-ci est issu du Vedisme ; mais encore il pense que le Vedisme et le Zoroastrisme ont eu un berceau commun (*),

De Vuiilisation des Vapeurs perdues dans les Fabriques de sucre et les raffineries^ par M. Dusauter. L’auteur propose de se servir de la vapeur à 70.° qui sort des chau¬ dières à triple effet ou chaudières d’évaporation dans le vide pour échauffer le jus avant la défécation. Ce système a pour effet, d’abord une économie de chauffage, puis une économie de force, puisqu’elle rend inutile l’emploi d’eau de conden¬ sation dans le triple effet.

De VHippophagie , par M. Garcin. L’auteur recom¬ mande l’usage de la viande de cheval dans l’intérêt de l’ali¬ mentation de la classe laborieuse. C’est une thèse bien souvent soutenue, mais qui n’est pas près de triompher. Comment, dans notre pays égalitaire, faire accepter au peuple une nourriture que les classes aisées repoussent avec répugnance?

Le volume se ferme par une notice nécrologique sur Ch. Lemaire, ancien maire de Saint-Quentin, ancien pré¬ fet de la 3Ieuse, et par des tableaux météorologiques pour les années 1867 et 68 par M. Soupplet. J. Gosselet.

(h Pour Agni, voir Bulletin, p. 61.

(h Mémoires de la Société académique de Saint-Quentin , loc. cit. et t. Yii, p. 384.

334

COMMISSION HISTORIQUE DU NORD.

Travaux courants.

Dans un rapport, en date du iO décembre 1868, M. Vin¬ cent , secrétaire-archiviste de la Commission historique du Nord , rappelait au milieu de quelles difficultés cette institu¬ tion est née , a grandi et prospéré.

Créée le 14 novembre 1839, dans le double but de veiller à la conservation des monuments historiques du départe¬ ment et de se livrer à toutes les recherches qui peuvent intéresser les diverses branches de l’archéologie nationale, élle ne s’est soutenue, pendant une période de 20 années, qu’au moyen d’insuffisantes et irrégulières allocations du Conseil-Général.

Depuis 1 860, le subside a été élevé à un chiffre plus fort et il est devenu annuel. La Commission a pu ainsi entreprendre des œuvres de longue haleine, au premier rang desquelles il faut placer la Statistique archéologique du Département volume in-8.® de plus de 1200 pages, avec une carte d’en¬ semble et des cartes d’arrondissements (‘).

Le t. X du Bulletin de la Commission contient, dans sa deuxième partie publiée en 1868 : 1." une Notice sur Anne Dubois , fondatrice des Brigittines de Lille, par M. de Nor- guet, membre résidant; 2.® le texte des Mémoires des In¬ tendants de la Flandre wallonne sous Louis XIV. Il sera rendu compte, h \di Bibliographie , de ces deux publica¬ tions.

On remarque encore , dans la deuxième partie du t. x , outre les intéressants procès-verbaux des séances ; IMe

(9 Voir une appréciation de cet important travail dans le discours de M. le marquis de La Grange , prononcé à la réunion générale des Sociétés savantes , le 27 avril 18G9.

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texte , avec fac-similé photographié (^) , de la célèbre lettre du Dauphin (Charles VII) à Philippe-le-Bon , lettre que M. Brun-Lavainne a jadis sauvée de l’oubli, de la destruction peut-être, et qu’il lui appartenait de mettre en lumière; 2.° une Note sur les anciennes coutumes de Lille ^ par le même auteur. Cette note se rattache à l’important Mémoire de M. Brun-Lavainne sur le droit coutumier , Mémoire que nous avons déjà annoncé (p. 113 de notre Bulletin) et dont nous reparlerons lors de sa publication intégrale.

La Commission historique du Nord qui s’honore d’avoir toujours eu à sa tête des hommes d’un haut mérite , tels que MM. de Contencin, A. LeGlay, Pierre Legrand, possède actuellement pour président M. Edmond de Coussemaker.

Depuis 1863 qu’il a accepté cette fonction , M. de Cousse¬ maker a, de concert avec l’autorité préfectorale, organisé des sous-comités d’arrondissement et il s’est efforcé d’im¬ primer un caractère collectif aux recherches de tous les membres. Il a ainsi inscrit à l’ordre du jour des travaux de la Commission , comme devant faire suite à la Statistique archéologique du Nord : l.° une Statistique féodale de ce Département; 2.” un Recueil des inscriptions funéraires et monumentales antérieures à 1789 qu’on rencontre dans le même ressort; 3.° l’inventaire des objets précieux qu’on y conserve dans les églises , musées , collections publiques et particulières.

Dans la première partie, non encore distribuée, du t. xi du Bulletin de la Commission , M. Leuridan , bibliothécaire- archiviste de Roubaix, vient de fournir un spécimen de ce

(1) Ce fac-similé a été exécuté à la demande de M. Blanquart-Evrard, par un de nos jeunes concitoyens M. Dujardin , fils , à l’aide du procédé de photo -gravure sur cuivre aciéré de M. Garnier, quia obtenu la médaille d'or à l’Exposition universelle et dont ils sont concessionnaires.

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que seïdilsi Statistique féodale du Département. Spécialement chargé de l’arrondissement de Lille , il nous offre aujour¬ d’hui la Statistique féodale du Mélantois, l’un des cinq quar¬ tiers de l’ancienne châtellenie. Les localités du Mélantois étaient, comme on le sait: Annappes, Anstaing, Ascq , Avelin , Emmerin , Esquermes , Fâches , Fives , Fiers , Fretin , Haubourdin, Hellemmes, Houplin , Lesquin , Le- zennes , Lille , Loos , La Madeleine , Moiis-en-Barœul , Moulins-Lille, Noyelles , Péronne, Ronchin , Sainghin , Seclin , Templemars, Tressin, Vendeville, Wattignies, Wazemmes.

M. Leuridan énumère les fiefs situés dans chacune de ces localités depuis les plus notables seigneuries jusqu’à ceux consistant en une verge de pré et donnant lieu à une simple redevance en chapons. De tous ces fiefs, M. Leuridan dé¬ termine remplacement et l’importance. Il fait , autant que possible , connaître leurs possesseurs successifs. Bref, il ne laisse dans l’obscurité aucun des recoins du ressort topogra¬ phique qu’il embrasse. Quand la statistique féodale du Dé¬ partement sera tout entière exécutée sur le plan auquel s’est tenu M. Leuridan , les familles ayant possédé des fiefs dans le Nord ne seront plus, comme il arrive souvent au¬ jourd’hui, embarrassées pour savoir les retrouver.

Mais ce n’est que le côté le moins intéressant de l’ou¬ vrage entrepris par M. Leuridan sous les auspices et d’a¬ près les vues de la Commission. Avec lui , nous pénétrons dans le dédale , jusqu’ici inexploré , des anciennes institu¬ tions locales. Jugeons, par quelques extraits bien choisis , de ce qu’elles offraient de variété :

« Avant 1560, Annappes n’avait pas de seigneurs particu¬ liers et faisait partie du domaine non-inféodé des comtes de Flandre. Ceux-ci, pour l’exercice de leur autorité et de leurs droits, y avaient établi un échevinage ayant dans sa

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juridiction Annappes , Fiers et Ascq , et à sa tête un offi¬ cier , mayeur ou maire , qui tenait, à titre héréditaire , sa charge et le domaine particulier auquel elle se rattachait. Au maire d’Annappes appartenaient, à raison de sa charge, le profit des werps et transports des héritages en ladite mairie , à savoir quatre deniers d’issue et quatre deniers d'entrée , les amendes de deux sous encourues par les hôtes manquant aux plaids généraux qu’il avait le droit de tenir trois fois l’an , et toutes amendes jusqu’à trois sous. Il de¬ vait semoncer à loi ou faire semoncer en son nom les éche- vins d’Annappes. »

« La seigneurie du clocher d’Esquermes avait longtemps appartenu au roi de France qui, en mars 1320, la céda à l’évêque de Tournai, en échange de la souveraineté de cette ville. Le Roi conserva ses autres domaines dans le village et établit, pour l’exercice de ses pouvoirs, une prévôté et un échevinage dont les sept offices furent inféodés. »

Fâches avait son Royaume des Estimaux dont M. Le Glay a écrit l’histoire et dont , après lui , M. Leuridan fait connaître les paisibles souverains. La seigneurie de Fives, avant 1694 , relevait des religieux de Saint-Nicaise de Reims qui y avaient fondé un prieuré en 1104. Depuis, elle a appartenu aux chanoines de la Sainte-Chapelle à Paris. Les seigneuries d’Hauhourdin et d’Emmerin étaient terres d’Empire , tenues du comté du Hainaut à cause de la cour de Mons en toute justice haute , moyenne et basse. D’Haubourdin relevaient, entre autres fiefs, les Frémaux à Hauhourdin et la seigneurie de Fenain dans la châtellenie de Bouchain. A Houplin , le chapitre de Saint- Amé de Douai avait un maire héréditaire qui tenait de lui , en fief, 12 rasières de terre. La seigneurie de Loos paraît avoir appartenu au chapitre de Seclin. Mais les possesseurs des fiefs d’Effrennes et du Moulin à Loos , qui y avaient un

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gros château décoré du nom de château de Loos, se considé¬ raient comme les seigneurs du clocher. Seclin , capitale du Mélantois , eut cela de commun avec Annappes qu’il fit longtemps partie du domaine non inféodé des comtes de Flandre. Ceux-ci y avaient pareillement créé un échevinage dont la juridiction s’étendait sur les hameaux de Martinsart et de Wattiessart. En cet échevinage, comme en ceux de même nature établis à Halluin , Annappes , Frelinghien et Prémesque, le châtelain de Lille percevait le tiers de toutes les amendes prononcées par les échevins. Le châtelain avait aussi à l’encontre du souverain le tiers des plantations et rejets qui étaient ès-llégards et voies de Seclin.

Il y avait dans le Mélantois, ainsi que dans les quatre au¬ tres quartiers , une quantité de fiefs vicomtiers mouvant de la salle de Lille. Le fief de Gamans , situé au point de rencontre des territoires de Lesquin, Fretin et Péronne , était l’une des cinq pairies tenues du châtelain de Lille. Le pair de Gamans était exempt de toulieu à Lille et, si quelque combat judiciaire avait lieu en cette ville , ledit pair devait être l’un des gardes du champ clos. Lille n’avait pas d’autre seigneur que le souverain. Cependant, dans ses débuts, elle eut à la tête de ses échevins un maire héréditaire, dont l’office , converti en fief, se transmit , un siècle durant, dans la même famille, par voie de succession. Soit que cette maison se fût éteinte, soit que l’office fût ra¬ cheté et amorti sous l’empire des aspirations communales, la mairie féodale de Lille prit fin en 1185. Mais la ville renfermait dans son enceinte un certain nombre de pairies, de fiefs et d’arrière-fiefs , dont les noms désignent encore plusieurs rues et places et qu’il convient d’énumérer.

Tels sont, pour ne mentionner que les principaux , la Bonne-Broque , le Brœucq, les Coquelets, lesEtaques, Babodenghes , Régneaux et Vert-Bois.

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Les listes de possesseurs de fiefs ruraux que M. Leuridan est parvenu à dresser ne remontent guère , pour le Mélan- tois, au-delà du xiv.® siècle. Le plus ancien des seigneurs qu’il cite est Ursion de Fretin (1197-1233). Viennent en¬ suite , par ordre chronologique : Thierry et Guillaume de Loos (1202) ; Alard et Hugues de Loos (1218) ; Gérard d’Avelin (1235); Watier du Pont , seigneur de la Madeleine (1241) ; Hellin de Fretin (1280) ; Pierre, seigneur de Sain- ghin-en-Mélantois (1281); Jean, sire d’Avelin (1295); Huon Raimbaut, seigneur des Vieux-Bus k Fiers (1298). A partir de l’an 1300 les noms se pressent avec une plus grande abondance.

Les nombreux emprunts que nous venons de faire au premier des cinq fascicules que se propose de publier suc¬ cessivement M. Leuridan nous semblent , mieux qu’aucune explication , de nature à donner une idée de la monumen¬ tale entreprise dont la Commission historique pose en ce moment les bases sous l’inspiration de son zélé président. Espérons qu’il se rencontrera des hommes prêts à faire , pour chaque arrondissement, ce que le laborieux archiviste de Roubaix est en voie de réaliser pour l’ancienne châtel¬ lenie de Lille.

Immédiatement à la suite de la Statistique féodale du Mélantois , vient dans la première partie du t. xi du Bulletin de la Commission^ une Notice sur les Francs des cinq offices des feux à Valenciennes^ par M. Caffiaux, archiviste de cette ville. Cette notice n’étant encore connue du public que par un tirage à part assez restreint, nous en donnons, avec le consentement de l’auteur , quelques extraits dans notre chapitre et Sciences locales. On n’analyse pas

des œuvres aussi substantielles et l’on ne peut mieux faire que d’en reproduire les parties les plus saillantes. Bornons- nous à ajouter que les éléments, absolument inédits de

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cette notice, ont été pour la plupart empruntés aux anciens comptes municipaux de Valenciennes que M. Caffiaux a restaurés de sa main avec un soin religieux et qu’il explore avec autant de patience que de sagacité.

C’est à la même source que le savant archiviste a puisé antérieurement les faits curieux formant la matière de ses Mémoires sur Nicole de Diu'y , maitre-clerc de Valenciennes et sur les Commencements de la 7'égence d'Aubert de Bavière. Les extraits de comptes qui accompagnent son nouveau travail ne le cèdent point aux précédents sous le rapport de l’intérêt philologique. A. Desplainque.

BIBLIOGRAPHIE

MÉMOIRES DES INTENDANTS DE LA FLANDRE ET DU HAINAUT

FRANÇAIS, SOUS LOUIS XIV

publiés pour la première fois par M. Alexandre Desplanque,

archiviste du Nord (i)

Dans le cours de l’année 1868, la Commission historique du Nord a voté l’impression des Mémoires des Intendants de la Flandre et du Hainaut français sous Louis XIV.

«i

M. Desplanque se chargea des soins de cette publication ; elle venait à l’appui de ses précédentes études sur la Réunion, par Louis XIV, à la France des provinces de l’extrême nord. Nous demandons à nos lecteurs la permission de leur donner une analyse sommaire des Mémoires sur l’intendance de la Flandre xvallonne, les seuls queM. Desplanque ait jusqu’ici mis en lumière.

La première de ces pièces joint au mérite d’être complè¬ tement inédite celui d’avoir un caractère confidentiel; ce sont les instructions que Le Pelletier de Souzy donna à

(1) Lille, L. Dauel, 18G8; vol. in -8.“ de 179 p.

541

M. de Breteuil en lui remettant l’intendance de Lille, au mois de novembre 1683.

Il suffit de les parcourir pour se convaincre que Le Pel¬ letier était un administrateur probe , actif et intelligent. Tl n’oublie rien « de ce qu’il croit qui se peut faire pour le bien du service du roi et pour l’avantage des villes et du plat pays. » Il expose l’état présent des affaires de chaque ville , de chaque châtellenie ; il signale les abus à corriger et indique les moyens à prendre ; il fait preuve de beaucoup de capacité et d’honnêteté, si bien que l’on doit reconnaître en lui l’un des plus dignes agents de Colbert.

Ce Mémoire nous permet non seulement d’apprécier les qualités de son auteur, mais aussi de nous rendre compte du rôle joué par les intendants à cette époque. L’institution des commissaires royaux a été souvent louée et souvent blâmée. Ils eurent à leur création une mission utile à rem¬ plir : rattacher au pouvoir central les parties les plus éloi¬ gnées du royaume , fortifier l’unité nationale , réformer bien des abus qui s’étaient introduits dans la gestion des intérêts des provinces et l’administration des villes. Tel fut le rôle des intendants à l’origine ; ils ont rendu (le Mémoire de Le Pelletier l’atteste) de véritables services au pays. Plus tard , il est vrai , ils ont abusé d’une autorité mal définie et non limitée, ils ont exagéré leur action centralisatrice et par préparé les voies à un véritable despotisme adminis¬ tratif; ils eurent alors à encourir des blâmes sévères et mérités.

Nous ne pourrions énumérer toutes les réformes que Le Pelletier signale comme utiles et nécessaires ; nous en cite¬ rons quelques-unes.

Dans l’ordre judiciaire , il a observé l’incapacité trop fréquente et l’avidité des juges, leur lenteur à expédier les affaires , leur indulgence à l’égard des criminels ; les sièges

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ne devraient être confiés qu’à des sujets intelligents , désin¬ téressés et énergiques. Il exhorte M. D’Humières , gouver¬ neur de la province, à ne conférer qu’à des gens gradués les offices judiciaires dont il dispose dans la gouvernance de Lille.

Les institutions municipales réclament en plusieurs villes d’importantes réformes. Le Pelletier critique l’organisation du Collège des Six -Hommes à Douai et celle de la Cour Saint-Denis à Valenciennes qui engendrent de nombreuses malversations. Il regrette que les statuts et privilèges de la ville de Lille interdisent l’accès du magistrat aux célibataires et aux avocats : quantité d’honnêtes gens sont exclus de la Magistrature parce qu’ils ne sont point mariés, et il serait bon qu’il y ait des avocats au sein du Magistrat pour guider les autres membres dans leurs jugements.

Les revenus et les charges de chaque État et de chaque ville sont connus de Le Pelletier qui en dresse le bilan pour l’instruction de son successeur. Toutefois il avoue qu’il n’a pu vérifier les différents comptes aussi attentivement qu’il l’eût voulu. Huit ans plus tard cette lacune qu’il avait signa¬ lée était comblée : on suppléait à l’insuffisance , trop bien constatée , de l’intendant par la création du Bureau des Finances de Lille.

L’Université de Douai autrefois florissante et quelque peu tombée attire l’attention de Le Pelletier. Il attache une grande importance à ce qu’elle soit maintenue : ce qui se peut^ dit-il, en lui procurant des avantages et en tenant la main à ce que les chaires de’professeur royal soient toujours remplies de bons sujets. Pour atteindre ce but il prie le Roi d’accorder à l’Université une pension sur quelqu’une des plus grosses abbayes du pays ; lui-même a fait ordonner par arrêt du Conseil du Roi que toutes les chaires royales qui viendront à vaquer seront conférées par concours, ensuite de

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publications et d’appositions d’affiches ; il faut, ajoute-t-il, tenir la main à ce que cela soit observé ponctuellement.

Le Pelletier s’efforce d’alléger les charges militaires qui accablent le pays. Il engage les villes, à qui incombent les logements des troupes, à construire promptement des casernes pour les soldats et des pavillons pour les officiers; elles réaliseraient ainsi d’importantes économies. Il a veillé lui-même à ce que la part contributive des populations aux fortifications des villes , aux prestations en temps de paix et en temps de guerre, fût réglée sur un pied plus équitable.

Voilà quelques-unes des réformes qu’il a accomplies ou qu’il signale à son successeur. Nous pensons en avoir dit assez pour que l’on comprenne l’intérêt qui s’attache à la lecture de ce Mémoire.

La seconde pièce publiée par M. Desplanque est un Mé¬ moire du même genre rédigé postérieurement par Dugué de Bagnols, intendant de la Flandre vallonné (>). On peut, en comparant ces deux documents , établir un rapprochement entre la Flandre en 1683 et en 1698 ; il est curieux de se rendre compte des changements opérés durant ces quelques années et d’apprécier les progrès déjà réalisés.

L’étude des documents administratifs que nous a légués l’ancien régime présente un haut intérêt. Elle jette un jour nouveau non seulement sur notre histoire locale , mais sur notre histoire nationale : on voit par combien l’histoire administrative d’un pays est intimement liée à son histoire politique. Nous formons donc des vœux pour que M. Des¬ planque publie sans trop de délai, ainsi qu’il en a manifesté l’intention , les Mémoires des intendants de la Flandre flamingante et du Hainaut français. Ch. Grimbert.

(^) Présenté à la cour sous le nom de cet intendant , le Mémoire en question est notoirement l’œuvre de Jean Godefroy, seigneur d’Aii- mont, alors directeur des archives de la Chambre des Comptes et Procureur du Roi au Bureau des Finances de Lille. Ch. G.

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ANNE DUBOIS, FONDATRICE DES BRIGITTINES DE LILLE

(1574-1618)

par M. A. de Norguet , membre de la Commission historique du

département du Nord (i)

Sœur Anne Dubois , fille d’un greffier extraordinaire de la Chambre des Comptes de Lille , naquit le 22 décembre 1574. Elle manifesta de très-précoces dispositions pour la vie religieuse et, après une enfance marquée par des grâces exceptionnelles, elle entra chez les BrîgittinesdeTermonde. A peine eut-elle prononcé ses vœux qu’elle se sentit tour¬ mentée du désir d’instituer une Maison de son ordre dans la ville dont elle était originaire. Soutenue par les conseils du P. Gabriel, jésuite de Lille , et par le crédit de Nicolas de Montmorency , gouverneur de la Flandre wallonne , elle parvint, non sans beaucoup de difficultés , à réaliser son pieux dessein. Ce lui fut une occasion d’introduire, dans la régie de sa Congrégation , des perfectionnements dont le plan lui avait été providentiellement révélé. Mise en rap¬ ports fréquents avec les esprits d’en haut , Anne Dubois composa, sous leur inspiration , un ouvrage mystique inti¬ tulé : Livre de Grâce et de Miséricorde ou le Manifeste du Ciel, ouvrage que l’autorité diocésaine jugea digne d’être traduit en latin et présenté, sous cette forme, au pape Urbain viii. Le nom d’Anne Dubois n’est pas seulement attaché à cet écrit ; il se trouve aussi mêlé à l’une des plus étranges histoires de possession diabolique dont les annales des Pays-Bas aient conservé le souvenir. Un moment vint il fallut exorciser les Brigittines de Lille et procéder d’office contre les plus coupables d’entr’elles, à la grande désolation de leur vénérable supérieure qui n’avait rien

(^) Lille, L. Danel, 1868, vol. iii-8.° de 105 p.

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négligé pour maintenir et ramener ses pauvres filles dans les sentiers de l’honneur, de la foi et de la piété. Cette téné¬ breuse affaire qui a un lien assez étroit avec celle du Père Gaufridi , brûlé vers le même temps par arrêt du Parlement d’Aix , est exposée , dans le livre de M. de Norguet , en des termes dont tout le monde appréciera la parfaite conve¬ nance. En passant , l’auteur fait justice d’un véritable petit roman que feu M. Arthur Dinaux a jadis accrédité. Comme, dans les documents du temps, on perd la trace d’une des Brigittines inculpées de sorcellerie, nommée Simonne Dourlet , le regretté directeur des Archives du Nord de la France et du Midi de la Belgique n’avait trouvé rien de mieux, pour en finir avec elle, que de la faire mourir publiquement , sur un bûcher de la grand’place de Tournai, dans des circonstances on ne peut plus émouvantes. M. de Norguet relègue , avec toute apparence de raison , cette anecdote au rang des fables.

Arrière-petit-neveu d’Anne Dubois et disposant, pour écri¬ re sa vie , de documents religieusement conservés dans sa famille , M. de Norguet remet en pleine lumière et présente sous un jour absolument nouveau la figure de cette femme forte à qui les épreuves d’aucun genre ne furent épargnées et qui , dans les conditions les plus difficiles , apparut à ses contemporains comme un type de sainteté. A. Desplaxque.

HISTOIRE DE LA CÉRAMIQUE LILLOISE (l) par M. J, Houdoy.

M. Houdoy avait fait imprimer, il y a six ans, pour quel¬ ques amateurs et quelques amis, des recherches sur les ma¬ th Paris, Auguste Aubry, 1869 ; in-4.° de xi , 167 p. Voir les comptes-rendus qu'ont faits de cet ouvrage M. Hippolyte Verly , dansl’Æ’c/io du A'ord du 19 octobre, et M. Ch. Paeile dans le Propagateur des l.^et 4 novembre 1869.

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nufactures de porcelaine et de faïence qui ont existé autre¬ fois à Lille. Afin de répondre à des demandes auxquelles il était devenu impossible de satisfaire, l’ouvrage n’ayant pas été mis en vente, l’auteur s’est décidé à publier plus com¬ plètement le résultat de ses recherches. Un grand nombre de détails nouveaux donnent le plus vif intérêt à cette seconde édition. Citons en première ligne une véritable découverte signalée dans la notice qui sert d’introduction au volume. Il est vrai que les faits dont il s’agit ne se sont point passés à Lille; ils concernent les villes d’Ypres et Hesdin ; mais ils sont si intéressants, ils donnent une idée si favorable des travaux exécutés dans l’Artois et la Flandre par les artistes auxquels est consacré le livre de M. Houdoy, que le lecteur lui sait bien bon gré de les lui avoir fait con¬ naître. Quand l’historien des faïenciers lillois nous montre dans un siècle reculé et dans une ville de second ordre, l’art industriel flamand méritant lattention pour ses œuvres, ne semble-t-il pas nous dire d’espérer beaucoup de lui pour le temps il s’exercera dans la capitale d’une province fran¬ çaise et dans un siècle brilleront les merveilles de tous

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les arts ?

M. Houdoy fait plus que d’attirer l’attention sur Ypres et sur Hesdin : il excite l’étonnement des amateurs de l’art céramique , en leur apprenant que dès la fin du xiv.® siècle, ces deux villes possédaient une fabrication que l’on croyait réservée dans ce temps à l’Espagne et à l’Italie, celle de la faïence peinte et émaillée. Des artistes flamands et artésiens connaissaient alors l’application de l’émail d’étain sur la poterie; seulement ce n’était pas à la vaisselle qu’ils desti¬ naient leur émail blanc, mais bien à des carreaux de pave¬ ment pour les hôtels du duc de Bourgogne et de sa famille. Il existe au château d’Ecouen un pavement du même genre, œuvre d’artistes Rouennais du xvi.* siècle.

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Une série de témoignages , habilement recueillis dans le fonds si riche des archives de la Chambre des Comptes de Lille , prouve que le duc de Bourgogne , Philippe-le-Hardi, avait pris sous sa protection deux fabricants-artistes, Du Moutier et Jean le Voleur , dont les œuvres excitaient dans l’esprit de ce prince un goût et un enthousiasme des plus vifs. Ces œuvres sont qualifiées de carreaux pains et jolis, carreaux de peinture à pleine couleur et à imaiges , autant de noms qu’il est impossible d’appliquer aux carreaux à vernis de plomb connus dans nos contrées dès le xiii.® siècle et ne devant plus attirer l’attention et les encouragements des princes. Le soin de décorer ce pavement appartient d’ailleurs à un sculpteur, non pas à un peintre. Son prix, relevé dans les comptes des années postérieures à 1391 , ne peut être comparé à celui des carreaux de Jean le Voleur. Ceux-ci sont achetés d’avance et à forfait par le duc qui se réserve d’en disposer seul ; et l’estimation en est faite de la même manière que pour les vitraux peints. Enfin s’il restait quelque doute sur l’importance et la nouveauté de l’entre¬ prise et sur la part que les artistes peuvent y réclamer , il suffira d’ajouter que le premier peintre du duché de Bour¬ gogne au XIV.® siècle , Melchior Broderlin était chargé de la diriger. Les sujets de Philippe-le-Hardi auraient-ils eu le bonheur ou l’habileté de découvrir eux-mêmes la composi¬ tion de l’émail d’étain, secret que les Espagnols avaient dé¬ couvert une première fois depuis longtemps ? M. Houdoy l’espère et indique les circonstances qui ont pu les mettre sur la voie.

Après cette brillante introduction , les manufactures li- loises passent successivement sous les yeux du lecteur. Les potiers de terre sont signalés par de curieux extraits des comptes du xv.' siècle et par quelques-unes de leurs œu¬ vres encore faciles à reconnaître. Au sujet des faïenciers ,

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l’auteur a ouvert une véritable enquête, dans laquelle ont été produits tous les genres de documents que peuvent fournir les archives. Résolutions des magistrats municipaux, comptes de la ville, ordonnances de paiement, recettes et exemptions d’impôts , actes de baptême et de sépulture , inventaires et ventes notariées , livres d’affaires et comptes de syndics ont fourni de précieux détails , et par leur en¬ semble, composé sur chaque fabricant une notice qui nous les rend familiers.

Voici Jacques Février, malheureux d’abord , mais triom¬ phant de la mauvaise fortune à force de persévérance. Il devient propriétaire de ses ateliers à l’enseigne du Bel Air dans la rue Princesse ; et ses faïences figureront les premières parmi toutes celles de Lille au musée de Sèvres.

Puis François Boussemart, le riche faïencier, possédant verrerie dans la rue Saint-Sébastien et maison de plaisance sur la route d’Ypres , près l’avenue de Marquette. A côté de son jardin subsiste encore le moulin aux émaux, que nous avons bien souvent aperçu du chemin de Messine ou de la route de Lambersart ; Boussemart court en carosse au devant du malheur; mais quand les embarras financiers seront venus, il luttera avec énergie, et produira des faïences, supérieures à celles qu’il avait faites jusqu’alors , les plus belles sans doute qui aient été fabriquées dans notre ville.

Voici Jean-Baptiste Wamps, frère d’un lauréat de l’Aca¬ démie de peinture, dont l’atelier, passé aux mains d’une autre famille, est celui qui prolongera le plus avant sa fabri¬ cation dans le xix.'= siècle.

Avant lui Barthélemy Dorez, créant à Lille, dès 1711 , une manufacture de porcelaine tendre alors que Rouen et Saint-Cloud étaient les seules villes de France qui en pos¬ sédassent de semblables. Ses fils fabriqueront la porcelaine jusqu’en 1720, et leur maison du quai de la Haute-Deùle

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restera à usage de faïencerie jusqu’au commencement de ce siècle.

Voici enfin Leperre-Durot dont la manufacture de por¬ celaine dure réalise le perfectionnement de la cuisson par la houille, produit pendant 15 ans des œuvres que les plus habiles connaisseurs appellent remarquables à tous égards, et sert d’asile pendant la Révolution à des artistes distin¬ gués et malheureux.

Après avoir fait connaître les fabricants , M. Houdoy décrit aussi leurs œuvres. Grâce aux recherches nombreuses auxquelles il s’est livré, les faïenciers Février , Dorez et Boussemart sont dès à présent connus par un nombre d’ou¬ vrages qui varie de ti*ois à sept. Un chapitre spécial est consacré aux faïences qui ont été peintes à Lille sans qu’on puisse indiquer avec certitude l’atelier d’où elles sont sorties.

Quatre belles planches reproduisent les peintures des pièces remarquables ; la fidélité du dessin et celle de la couleur ont été portées jusqu’au scrupule, en sorte que les amateurs auront entre les mains d’excellents termes de comparaison pour de nouvelles recherches.

M. Danel a donné autant de soins à l’exécution typogra¬ phique que l’auteur en avait donné à la composition de fouvrage. Ce livre est imprimé en beaux caractères elzé- viriens, sur un papier dont la qualité et la marque sont semblables à celui dont se servaient au xvii.® siècle les imprimeurs lillois. A. Descamps.

HYDROLOGIE DU DÉPARTEMENT DES ARDENNES par M. Cailletet, pharmacien à Charlevillc (h

L’hydrologie est une science toute nouvelle due au progrès de la chimie analytique , mais elle a acquis de suite une

(1) Mézières ; in-8.°, 103 pages.

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importance proportionnée au rôle que joue Teau dans notre société moderne. A une époque la vapeur est devenue le moteur général de l’industrie, l’art de la teinture a pris un si grand développement, les notions d’hygiène en se répandant ont fait connaître l’importance d’une bonne irrigation , les villes s’occupent à capter les sources et à les amener dans leurs murs , tout le monde a intérêt à con¬ naître la nature des eaux qu’on emploie ou qu’on peut employer. De nombreuses analyses ont déjà été faites, mais beaucoup sont restées inédites et celles qui ont été publiées sont disséminées dans une foule de recueils et de mémoires il est difficile d’aller les chercher. C’est pour remédier à cet inconvénient que M. Robinet, membre de l’Académie de médecine , essaye de réunir tous ces documents dans son Dictionnaire hydrologique de Finance. Il serait à désirer que l’on fit pour chaque département une statistique hydro¬ logique résumant les analyses déjà faites, les complétant par de nouvelles et discutant les variations produites par l’influence des saisons, des terrains, des industries ; c’est un travail de ce genre que M. Cailletet a entrepris pour le département des Ardennes.

Une première partie est consacrée par l’auteur à indiquer les méthodes qu’il a suivies. On y trouve une description complète des différentes opérations de l’analyse hydrotimé- trique et une savante dissertation sur l’influence qu’exercent les uns sur les autres les sels dissouts et les changements qui en résultent pour le titre hydrolimétrique réel. L’auteur croit aussi pouvoir déterminer l’état auquel se trouvent les différents sels dans la solution.

Il nous semble que tant qu’il n’y aura pas de règle cer¬ taine et acceptée de tous pour le partage des acides entre les bases, il serait préférable de donner les résultats bruts de l’analyse. Au lieu de calculer les quantités de carbonate de

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chaux, de carbonate de magnésie , de chlorure de magné¬ sium, de chlorure de sodium, de chlorure de calcium, de sulfate de chaux, de sulfate de magnésie, de sulfate de soude ; il suffirait d’indiquer les quantités de chaux, de ma¬ gnésie, de soude, puis les quantités d’acide carbonique , . d’acide sulfurique et de chlore. Ce sont les seules données réelles de l’analyse ; le reste est théorique , et ce n’est qu’en convertissant de cette manière les analyses des divers au¬ teurs qu’on arrive à pouvoir les comparer.

La seconde partie du mémoire contient une série de ta¬ bleaux représentant les résultats obtenus par M. Cailletet, on y trouve l’analyse des eaux de la Meuse , de l’Aisne et de leurs affluents, de l’étang de Rimogne, du canal des Ar¬ dennes, des sources minérales ferrugineuses de Laifour et de Revin , et de plusieurs puits ou fontaines pris dans chacun des chefs-lieux de canton. C’est un travail considé¬ rable qui a du exiger beaucoup de temps , je ne dirai pas de peine , car la peine que l’on prend au service de la science est amplement compensée par le plaisir qu’on éprouve à découvrir une vérité.

Le mémoire est terminé par un tableau résumant les ré¬ sultats obtenus pour les eaux de chaque terrain. A ce propos nous ferons observer à l’auteur que l’indication de l’âge géologique du terrain ne suffit pas, il faut tenir compte de sa nature minéralogique.

Ainsi le terrain crétacé présentant des couches de craie, d’argile et de sable, les eaux qui les traversent ne peuvent pas avoir la même composition dans les divers niveaux. On voit leur degré hydrotimétrique varier de 14." à 34.° pour les fontaines , et de 11.° à 61.'' pour les puits.

C’est une lacune facile à combler, aussi souhaitons-nous vivement que M. Cailletet trouve des imitateurs parmi ses confrères des départements voisins. J. Gosselet.

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SUR LA FABRICATION DE LA SOUDE AU FOUR TOURNANT

par M. Lamy (i)

Par ses alliances de famille et l’illustration qu’il s’est acquise comme professeur à la Faculté des sciences de Lille, M. Lamy appartient à notre pays. Nous signalerons donc un nouveau travail qu’il vient de publier dans les mémoires de la Société d’Encouragement pour l’Industrie nationale. Il s agit de la description d un four à soude tournant, déjà employé en Angleterre, et présentant une économie de 30 7o sur le charbon dépensé. Mais ce four a l’inconvénient de coûter assez cher de frais d’installation (35,000 fr.) et de produire une quantité de soude supérieure à celle qu écou¬ lent la plupart des fabriques de France. J. G.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES

LES FRANCS DES CINQ OFFICES DES FEUX A VALENCIENNES

(xiv.® et XV.' siècles)

Dans nos villes du moyen-âge, aux maisons de bois, aux toitures de joncs ou de chaume, l’incendie était un des fléaux les plus légitimement redoutés. Serrées les unes contre les autres, séparées à peine par des rues étroites, irrégulières et de parcours difficile, les maisons s’affaissaient successivement dans la flamme avec une rapidité effrayante et le feu pouvait , en quelques heures , promener d’un bout de ville à l’autre, la ruine des bâtiments et l’anéantisse¬ ment des fortunes : l’incendie prenait alors les proportions d’un malheur public à l’occasion duquel les villes s’en¬ voyaient mutuellement des compliments de condoléance.

Valenciennes était, au xiv.® siècle, une ville de commerce,

(^) Communication faite à la Société d'Encouragement pour l’Indus¬ trie nationale.

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d’industrie , pleine par conséquent de métiers , de matières brutes ou travaillées. On comprend donc que, de très-bonne heure , nos aïeux aient cherché à se prémunir contre la dévorante contagion de la flamme; d’autant plus qu’à leurs appréhensions bien naturelles, s’ajoutait la conscience de l’insuffisance de leurs moyens d’action contre le fléau.

Dès le XIV. e siècle et peut-être dès le xiii.* , il existait à Valenciennes ce que nous appelons aujourd’hui des compa¬ gnies de pompiers ; elles avaient alors le nom assez bizarre de Francs des cinq offices des feux.

D’où leur venait cette dénomination et que veut-elle dire?

Le mot franc qu’on retrouve dans les locutions Francs archers, Francs maçons, Francs charpentiers à la même époque , indique qu’ils formaient un corps organisé , jouis- - sant de certains privilèges ; quant aux mots des cinq offices des feux, ils proviennent de ce que ces hommes étaient répartis en cinq corps , ayant chacun un rôle en face de l’incendie , et exercés à se servir de divers ustensiles ou engins de cinq espèces différentes. Il résulte en effet d’un document que j’ai trouvé à Mons , aux Archives de l’Etat, dans le MS de Goquiau, que la première de ces compagnies était pourvue de cuves et de seaux de bois , la seconde de lies ou plutôt de houes, au fer large et recourbé , la troisième d’échelles, la quatrième d’équipars, tandis qu’à la cinquième et dernière appartenait la manœuvre des seaux de cuir.

Ces seaux de cuir , on le devine , étaient exposés à de nombreuses avaries; aussi les comptes de la ville entrent- ils à ce sujet dans de nombreux détails, qui sont assurément fort indignes de la majesté de l’histoire , mais qu’on par¬ donnera , je l’espère , à un humble chroniqueur. Ainsi , on remettait aux vieux seaux des fonds neufs , ou des bandes de cuir pour les maintenir dans une forme circulaire; on les munissait aussi d’anses de cuir pour les passer de main

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en main. Ces réparations valaient de 2à6 sous pour chaque pièce , c’est-à-dire un fort bon prix si on tient compte de l’époque ; le cuir se payait à part.

Pour entretenir et redresser ces seaux quand ils étaient déformés, pour leur conserver leur souplesse et leur cou¬ leur primitives, on les enduisait de graisse, de suif et surtout d’huile de hareng qu’on achetait au tanneur 3 à 4 sous le pot. L’opération qui se répétait encore l’été, au moment de la sécheresse , coûtait à la ville de 3 à 5 deniers par seau ; le gardien avait de plus , outre quelques douceu7^s et quel¬ ques bénéfices , un traitement annuel de 50 sous , qu’on lui octroyait , en précisant bien que c’était pour qu’il fût plus soigneux de rassembler ces seaux au lieu de l’incendie, de les en rapporter , et de les mettre ensuite en place.

J’ai parlé de privilèges : ceux des Francs des cinq offices les assimilaient aux arbalétriers. Comme ce corps d’élite , ils avaient obtenu , en 1378 , le droit de porter le couteau , sorte de poignard ou de courte épée pendue à la ceinture ; ils devaient même en être armés chaque fois qu’ils remplis¬ saient un service quelconque , ils assistaient aux abattis de maison , et sitôt que le Prévôt-le-Comte et celui de la ville avaient donné le premier coup , ils tiraient à bas avec leurs crocs le toit de la demeure du coupable (D’Oultreman , page 345). Quant aux revenants-bons , ils semblent avoir été peu prodigués aux Fî'ancs des cinq offices. Pourtant on en trouve quelque trace.

Ces antiques pompiers se recrutaient comme ceux de nos jours parmi les habitants. Ils n’étaient point payés à l’année, mais seulement pour les services réels qu’ils pouvaient rendre. Chaque incendie leur valait d’ordinaire une gratifi¬ cation de 25 à 30 sous qu’ils se partageaient.

On comprend que la ville de Valenciennes, en organisant les Francs des offices les ait particulièrement chargés du

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guet : des postes étaient établis en différents endroits et on en augmentait le nombre selon que les circonstances le réclamaient , par exemple , les jours d’assemblées de ser¬ ment ou d’autres corps constitués, jours consacrés sans doute à la dive bouteille. On veillait particulièrement, à la halle des draps et à la halle du blé , centre de deux branches de commerce qui donnaient l’aisance et le bien-être à Valenciennes. Cinq hommes s’y trouvaient d’ordinaire ensemble , on veillait même à Saint-Pierre (^) quand la cité allait abattre quelques maisons de sa banlieue. Dans ces circonstances exceptionnelles toutes ses forces militaires se mettaient en campagne, on emmenait bien les homicides, les malfaiteurs, les gens suspects qui pullulaient dans une ville , dont les franchises accordaient si libéralement asile et protection ; mais il pouvait rester dans ses murs, certains mauvais drôles désireux de donner satisfaction à quelque haine particulière, ou bien encore de voler, en profitant de la confusion inséparable d’un incendie : de un poste à Saint-Pierre. Chaque nuit de guet on fournissait aux Francs des cinq offices, du bois , de la chandelle, qu’un brouetteur chargé de ce service leur amenait régulièrement. Au pre¬ mier signal , des torches , des lanternes , des falots étaient allumés, remis aux mains payées à cet effet, et alors comme aujourd’hui, à cette sinistre lueur, on se rendait à travers les sinuosités des rues étroites , sur le théâtre de l’incendie. Ces nuits de garde qui originairement n’étaient pas payées rapportèrent aux Francs des cinq offices, vers la fin du XIV.® siècle , 6 deniers tournois , c’est-à-dire 2 liards. Les choses restèrent sur le même pied jusqu’en 1421 ; à cette époque, ils se plaignirent de la modicité de leur salaire pour un service qui se faisait en hiver comme en été et qui.

(') Chapelle qui tenait à l'hôtel-de-ville.

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d’irrégulier clans le principe, avait fini par devenir continu : ils obtinrent 12 deniers au lieu de 6 , c’est-à-dire un sou.

En 1435, les Francs des cinq offices touchent six sous chaque garde de nuit.

En 1484, ils reçoivent encore la même somme : rien n’an- nonce qu’on songe à leur suppression ; mais en 1522 un teri ible désastre qu’ils ne purent conjurer les perdit com¬ plètement dans l’estime publique. On se contenta, en renon¬ çant à leurs services , de décider qu’on enverrait dans les villes voisines, pour savoir ce c[u’e]les faisaient en cas de feu. Les échelles et les seaux furent mis aux carrefours : l’on s’en tint aux guetteurs du Beffroi et au concours des habitants pour remplacer les Francs des offices.

H. Caffiaux, docteur ès-lettres.

PASSAGES ANNUELS DES OIES SAUVAGES. Chaque année, à l’automne, nous lisons invariablement dans les journaux une phrase du genre de celle-ci : « La nuit dernière une grande quantité d’oiseaux ont passé sur notre ville venant du Nord , c’est l’indice certain d’un hiver précoce et rigou¬ reux qui se fait déjà sentir dans les régions septentrionales. » Cette phrase se répète et se commente et les naïfs se tien¬ nent pour assurés qu’ils vont avoir à souffrir les tourments de la Sibérie. Je voudrais les rassurer une fois pour toutes en leur prouvant que les oiseaux de passage n’annoncent qu’une chose que tout le monde connaît , c’est que la saison de leurs voyages annuels est arrivée.

Quoique le nombre des espèces qui passent au-dessus de nos têtes, dans le département du Nord, à cette époque, soit considérable , les observations du public se rapportent pres¬ que toujours aux Oies sauvages, dont les bandes sont les plus nombreuses et qui ont l’habitude de pousser en volant des cris qui s’entendent de très-loin dans le silence de la

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nuit. Ce sera donc à celte espèce seule que je m’arrêterai aujourd’hui.

Elles ne peuvent annoncer un hiver rigoureux par deux raisons bien simples : d’abord les Oies passent tous les ans, sans exception, que l’hiver doive être doux ou très-froid. Elles quittent les contrées septen trionales non pas sans doute chassées par le froid , mais très-probablement parce que la nourriture végétale qu’il leur faut ne s’y rencontre plus. Annoncer des gelées exceptionnelles par suite du passage des Oies , c’est comme si l’on disait : les Hirondelles sont parties , donc nous aurons l’hiver prochain une température très-basse. Les Oies passent en plus ou moins grand nombre sur un point donné, parce qu’elles n’ont pas dans leurs mi¬ grations d’itinéraire tracé une fois pour toutes, mais le nom¬ bre des individus qui opèrent leur migration annuelle est toujours sensiblement le même.

La seconde raison c’est qu’aucun oiseau n’est doué du privilège de prédire un avenir quelque peu éloigné. Très- souvent les animaux constatent par des cris , des mouve¬ ments , des déplacements , un état actuel de l’atmosphère ; si cet état correspond à une phase hygrométrique ou élec¬ trique qui prépare un orage ou de la pluie , on dira que l’animal annonce le mauvais temps; rien n’est plus vrai. C’est ainsi que les Hirondelles rasent la terre à l’approche de la pluie parce que les menus insectes dont elles se nour¬ rissent s’abaissent en ce moment vers la terre ; c’est ainsi que les Canards s’agitent, s’épluchent, plongent à l’appro¬ che d’un orage, parce que la dose plus forte de l’électricité atmosphérique les agite et les surexcite ; vingt exemples pareils pourraient être cités; mais ces prédictions en quel¬ que sorte barométriques ne peuvent dépasser le mouvement météorologique qui les fait se produire , c’est-à-dire deux ou trois jours au maximum. Jamais en septembre, en août

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même, car les Oies commencent quelquefois à passer à cette époque, un oiseau quelconque ne pourra prévoir que les froids de décembre, janvier ou février seront vifs ou mo¬ dérés.

Ils ne peuvent non plus annoncer un hiverprecoce parce qu’il est prouvé par des observations nombreuses que les époques de passages plus ou moins avancées ou reculées ne correspondent pas avec l’apparition du froid.

Nous trouvons dans les Mémoires de V Académie royale des Sciences, des Lettres et des Arts de la Belgique (édition in-4.°) une série d’observations sur les phénomènes périodiques , provoquées par M. Quetelet, et enregistrées sans interrup¬ tion depuis 1842. Nous en avons extrait les suivantes , rela¬ tives aux Oies sauvages. Elles ont été faites simultanément sur cinq ou six points de la Belgique , d’Ostende à Namur , transversalement, et par conséquent sur toute la ligne de passage qui du Nord au Sud ou de l’Est à l’Ouest amène vers notre département les oiseaux qui fuient, comme les Oies , les contrées arctiques de l’Europe continento-occi- dentale.

Hivers {’) de 1843-44 3, 8, 13, 14 janvier.

D de 1844-45 toutdécernbre ; 7, 8, 9,10,15janv.

» de 1845-46 25 sept. ; 21 octobre ; 16 janvier.

» de 1846-47 3,16,19 novembre ; 13, 15, 16,

19, 24, 27 décembre ; 14, 22, 25, 28 janvier.

® de 1847-48 25, 26 décembre; 6, 7, 8, 9janv.

» de 1848-49 18,27 oct. ; 23,24,29,31 déc.;

6, 26 janvier.

» de 1849-50 31 octobre; 5, 8 décembre ; 5, 7,

12 , 20 , 21 , 25 janvier.

» de 1850-51 5 octobre ; 6 décembre.

» de 1851-52 25 novembre ; 15 , 24 décembre.

» de 1852-53 13 novembre ; 8 , 12 janvier.

{9 J'entends par hivers, l'époque des passages comprenant août, septembre, octobre, novembre, décembre, janvier.

559

Hivers de 18o3-o4 24, 26, 29 décem.; 1, 4, 17 janv.

» de 18o4-5o 26 , 30 , 31 janvier.

» de 185o-o6 28 octobre; 17, 20, 22 novembre.

» de 1856-57 23 oct. ; 26 , 27 nov. ; 18 janv.

de 1857-58 18 , 19 novembre.

» de 1858-59 25 septembre ; 14, 16, 19, 23, 25,

26 octobre.

> de 1859-60 20, 26 septembre; 18 octobre;

8 , 9 , 11 , 17 novembre.

» de 1860-61 24 août ; 17 , 21 , 30 , 31 octobre ;

26 novem.; 3, 19, 23, 26 décem.; 3 , 4 , 8 , 25 janvier.

j> de 1861-62 25 septembre; 16, 18, 20 octobre;

24 nov.; 10 déc.; 12, 22, 23 janv. de 1862-63 3, 11, 13 nov.; 28 janv. (remoniant). » de 1863-64 8 , 30 sept. ; 2, 22 oct. ; 1, 27, 28

novem. ; 2 , 5 février (desceiidani). de 1864-65 30 août; 4, 6,31 déc.; 2, 3, 4 janv.

» de 1865-66 5 oct.; 8nov.;3, 9, 10 déc.; 21 jan.

» de 1866-67 25 septembre; 15, 21 novembre.

Il résulte de ces observations que les Oies sauvages opè¬ rent leur passage descendant, ou Nord-Sud , depuis la fin d’août jusqu a la fin de janvier; mais il ne faudrait pas croire que tous ces passages sont de même nature. Les mi¬ grations normales, emportant du Nord au Sud la plus grande masse de ces oiseaux , sont celles d’automne : août, septembre, octobre, novembre. Mais toutes les Oies qui ont vaqué à la reproduction dans les marais arctiques ne pas¬ sent pas d’abord par dessus notre latitude ; un certain nom¬ bre reste dans les marais intermédiaires; sont-ce celles qui viennen t de plus loin, ou les plus fatiguées? Il est difficile de le deviner. Ces Oies séjournent dans les contrées tem¬ pérées si l’hiver est doux ; s’il devient rude , si la gelée ou la neige leur rend difficile la recherche de leur nourriture, elles gagnent des pays plus chauds , ce sont celles-là qui , en décembre et janvier , passent par nos contrées ; elles sont rarement en grandes bandes , c’est plutôt un déplacement

360

qu’un passage, et il est d’autant plus nombreux que le froid est plus rigoureux.

C’est alors que nos marchés sont approvisionnés de ce gibier qui se tue d’autant plus aisément , qu’il s’arrête plus souvent et qu’il est plus préoccupé de se nourrir que de se préserver des chasseurs. Leur excessive méfiance naturelle les abandonne à mesure que la faim les gagne , comme il arrive à tous les animaux sauvages.

'Ces passages d’hiver ne peuvent annoncer la précocité du froid puisqu’ils l’accompagnent toujours. Restent ceux d’au¬ tomne : pour que l’on puisse en tirer un pronostic il fau¬ drait trouver une relation entre la précocité de ces passages et celle de la saison rigoureuse , or en comparant les tables météorologiques insérées dans les mêmes mémoires de l’Académie de Belgique , avec ces époques de migrations automnales, on ne trouve aucun rapport de concordance.

Tel passage effectué en septembre c’est-à-dire à une époque peu avancée, a été suivi d’un automne très-doux et d’un hiver normal; d’autres fois, aucun passage hâtif n’a été observé et cependant novembre a eu des gelées pré¬ coces.

J’ai entendu faire le raisonnement suivant : les oiseaux de passage fuient l’abaissement de température des pays septentrionaux , or ils sont amenés par le vent du Nord qui correspond à un déplacement de cet air froid descendant vers nous , il doit donc exister un rapport actuel et très- prochain entre l’arrivée des passages même hâtifs et celle du froid.

Cet argument, démenti d’ailleurs par l’expérience, ne serait bon que s’il était bien prouvé que les Oies et autres espèces émigrantes fuient réellement un froid présent ou très-prochain existant dans les marais arctiques ils ont passé l’été ; c’est bien plus, je le répète , l’absence de nour-

361

riture , joint à un certain mouvement instructif que nous ne pouvons pas apprécier, qui les fait se mettre en route. Mais il est encore moins juste de croire qu’ils ont besoin du vent du Nord pour effectuer leur voyage.

En général les oiseaux de haut vol ne cherchent pas dans ces circonstances à avoir le vent arrière. Ils préfèrent avant tout un temps calme, mais à son défaut ils choisissent un vent légèrement oblique , le vent du Nord-Est ou même de l’Est semble leur être le plus favorable. Ils ne craignent même pas le vent du Sud , dans ce cas ils louvoient comme le vaisseau à voile qui navigue vent debout, et ceci explique que les observations signalent, dans les passages descen¬ dant, tantôt une direction Nord-Ouest, tantôt une direction Nord-Est.

Cette prétendue preuve tirée du vent du Nord n’est donc pas valable , l’Oie sauvage passant ordinairement par un temps calme , et souvent aussi par des vents soufflant d’au¬ tres points que le Nord.

Soyons bien persuadés que les émigrations automnales ne prédisent rien, qu’elles annoncent seulement que des oiseaux, en plus ou moins grand nombre, ont éprouvé plus ou moins tôt, dans les régions arctiques , soit la pénurie de nourriture , soit la sensation instinctive du besoin d’émi¬ gration , circonstances qui se manifestent d’août en novem¬ bre indépendamment de toute prévision du froid hivernal.

A. DE Norguet.

CHRONIQUE.

^cîeiic€?s Bsatiirelles. Crustacé et tortue fossiles de Lezennes. M. Decocq, qui explore avec beaucoup de persé¬ vérance la craie de Lezennes et en possède une belle collec¬ tion , vient d’y trouver les pattes d un Crustacé voisin des Homards, appartenant probablement au genre fossile Hoplo-

362

paria. M. Hallez , préparateur d’Histoire naturelle à la Faculté des Sciences de Lille , s’est chargé de Fétudier et de le décrire. La même craie a fourni à MM. Chelloneix et Ortlieb la carapace d’une tortue marine du genre Chelone qu’ils doivent décrire dans les Mémoires de la Société des Sciences de Lille. J. G.

Cristaux de Gypse dans V argile d' Y près. En faisant un puits dans la maison d’un garde-barrière au point le chemin de fer de Lille à Valenciennes coupe le chemin du Chemineau à Hucquinville (Templeuve) , on a rencontré à 2 mètres de profondeur , au milieu de l’argile grise (argile d’Ypres des géologues ) , une couche de 25 cent, d’épaisseur formée de cristaux de gypse, ou sulfate de chaux, enchevê¬ trés les uns dans les autres. Il y en a qui ont jusqu’à 6 cen¬ timètres de long. Ils appartiennent à la variété trapézienne maclée. J. G.

Arel&ëolo^ie. Découverte d\in ancien Cimetière ci Lille. On a trouvé en creusant les fondations d’une usine à Lille près de la porte de Béthune , les traces d’un ancien cimetière dont l’origine se perd dans la nuit des temps et dont l’époque n’est pas encore déterminée. Les ossements humains qu’on y rencontre ne sont pas ensevelis dans un cercueil ; ils sont accompagnés de colliers en émail et en ambre et d’armes anciennes. J. G.

Pierres tombales de Willerval. M. le comte Achmet d’Héricourt vient de se créer de nouveaux droits à la recon¬ naissance des archéologues par le rapport qu’il a récemment adressé à M. le préfet du Pas-de-Calais sur le projet de restauration des pierres tombales de ^Yillerval (canton de Vimy). Ces pierres sont au nombre de cinq. Celle dessinée dans les Mémoires de l’Académie d’Arras en 1844 et faus¬ sement attribuée à Gérard de Sains, personnage resté popu¬ laire dans le pays, est la pierre tumulaire d’un chevalier

36o

du XIII. e siècle, en demi-ronde bosse, sans inscription. Longtemps reléguée à la porte de l’église , et depuis lors admise dans le chœur , elle finirait , suivant les conclusions de l’honorable rapporteur , par trouver place dans une cha¬ pelle , viendraient aussi se ranger : 1." la véritable pierre de Gérard de Sains , que M. d’Héricourt a été le pre¬ mier à signaler à l’attention de ses collègues de la Commis¬ sion des antiquités départementales ; S.'’ celle de Jean de Sains. Ladite chapelle, qui prendrait le nom de la famille de Sains , serait rétablie par les habitants « comme un sou¬ venir de la gloire de ces vaillants chevaliers et de leur géné¬ reuse libéralité. »

En face de *la pierre d’une certaine dame Mehaut, se dresserait celle de Jean Mullet, en son vivant lieutenant du comté de Willerval , et de Barbe Rumault , sa femme. M. d’Héricourt joint au dessin que M. Robaut a levé de cette dernière pierre, jusqu’ici peu connue, une description dont nous reproduirons quelques traits. <• Les têtes des deux époux reposent sur des coussins dont les pointes sont ter¬ minées par une houppe. Mullet est un beau vieillard, sa ! chevelure est abondante , il porte toute sa barbe , sa mous- I tache est légèrement frisée. . . Il est vêtu d’un large man¬ teau , avec des crevés à la hauteur des genoux. Ses mains sont jointes sur sa poitrine; des manchettes couvrent ses i bras. Pour compléter riiabillement , citons des hauts-de- I chausses , des bas renfermant des jambes fortes qui, écar¬ tées , montrent leurs nerveuses saillies , des souliers ronds, un peu courts, qui surmontent des talons élevés. Barbe I a également les mains jointes sur la poitrine ; malgré les treize enfants qui lui doivent la vie , elle paraît encore jeune; les cheveux légèrement ondulés, les sourcils bien prononcés, les traits réguliers, les yeux élevés au ciel ; sa i bouche fine et, pour ainsi dire , souriante , nous montre

364

une de ces placides bourgeoises dont la Flandre a con¬ servé quelques types. C’est la matrone romaine , moins l’énergie du caractère. » A. D.

MétéoroSoj^ie. Mois d’octobre 1869. La tempéra¬ ture atmosphérique de la première moitié du mois d’octobre fut assez élevée ; jusqu’au 15 , la moyenne des minima fut de 10.” 63 , celle des maxima 17.° 63. Le 17 , le froid se fait sentir sans transition , le vent souffle avec force de la région N. ; le 27, le thermomètre descend à 0.” 4 et à 0.° 3, le 28, en ville. Sur les places publiques, les boulevards et à la campagne l’eau se couvrit d’une couche de glace épaisse de 3 à 4 millimètres. Du 16 au 31, la moyenne des minima fut de 3.” 90, celle des maxima 9." 47. La température moyenne du mois fut de 10.” 29 ; la moyenne de ce mois déduite de 15 années étant de 11.'’ 44. Le maximum absolu fut de 21. M, le 8.

Sous l’influence de cette température la tension moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique, qui en octobre est géné¬ ralement de 8 mill. 49, tombe à 7 mill. 35. L’air fut cepen¬ dant moins humide qu’ordinairement, car il ne renferma que les 80/100 de la vapeur qui l’eût saturé à la température moyenne que nous venons d’indiquer. L’humidité relative moyenne en octobre est de 83, 38 °/o.

Le nombre des jours de brouillard fut de 28 , celui des jours de rosée de 17. L’épaisseur de la couche d’eau météo¬ rique fournie par 23 jours de pluie fut de 77 mill. 90 , com¬ posée de 66 mill. 90 d’eau de pluie, 10 mill. 50 d’eau de neige et 0 mill. 50 d’eau de grêle. Le nombre des jours de pluie fut de 23. La chute de la neige eut lieu les 27 et 28 , elle fondit au fur et à mesure sur le pavé des rues, mais il n’en fut pas ainsi sur les toits des maisons et à la campagne le 29 elle existait encore. La quantité moyenne d’eau qui tombe ordinairement en octobre est de 67 mill. 756.

065

L’état hygrométrique des régions élevées de l’atmosphère ne fut pas prononcé, car la hauteur moyenne de la colonne barométrique qui en octobre est de 757 mill. 913 , fut cette année de 761 mill. 318 oscillant entre les extrêmes 744 mill. 80 le 19 et 771 mill. 95 le 22. Les 18 et 19 le vent fut tempétueux.

Quoique l’abaissement de la température ait eu pour effet de diminuer l’évaporation , l’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut encore de 40 mill. 29 inférieure de 1 mill. 7 seulement à la moyenne générale (41 mill. 99). Ce résultat est en partie à la faible humidité de l’air en contact avec le sol et à l’intensité des courants atmosphériques, venant particulièrement du S. et de l’O.

Les 10 et 11 , par un vent S. E., le ciel fut serein pendant 24 heures ; 12 jours il fut couvert et 17 demi-couvert.

Le 17 à minuit , il y avait un magnifique halo lunaire , et le 19 à 3 heures du soir un halo solaire, suivis de pluie.

V. Meüreix.

Tremblement de terre. Le tremblement de terre du 2 octobre que l’on a ressenti dans les provinces Rhénanes et dans une partie de l’Allemagne s’est manifesté jusqu’à Liège par l’oscillation des meubles dans les chambres.

Bolide. Le l.^*" octobre de celle année un bolide fut aperçu à Bruxelles , à Malines et à Kain , près de Tournai, il se dirigeait de l’ouest vers l’est. Ce bolide a été observé à Kain par M. Desrumeaux ; il l’a vu se briser en trois ou quatre fragments après avoir parcouru un peu plus de la moitié du ciel. Son volume apparent était peu considérable, beaucoup plus grand que Jupiter cependant. Il brillait d’une vive lumière blanche et laissait sur tout son parcours une superbe traînée. Les fragments qui se sont détachés par suite de l’explosion étaient d’un rouge vif. Le bruit ne s’est fait entendre que 30 ou 40 secondes après l’apparition des éclats.

366

Le même bolide a été vu à Lille par M. Flament , ingé¬ nieur des ponts et chaussées. Nous extrayons les passages suivants d’une lettre qu’il a écrite à M. Leverrier et qui a été imprimée dans \e Bulletin de V Association scientifique de France : Hier , 1.®*' octobre , vers 8 heures l!2 min. du soir, j’ai vu un bolide traverser le ciel au-dessus de ma tête. Le bolide se dirigeait du N. N. 0. auS.S.E. et sa trajectoire faisait avec le méridien un angle que j’évalue approximati¬ vement à 30". Environ 2 min. et demie après l’avoir vu , j’entendis une forte détonation vers le S.S.E. Ce bolide m’a paru avoir un diamètre apparent d’environ moitié de celui de la Lune. Il n’était pas parfaitement rond, mais il avait la forme d’une poire dont la partie la plus grosse se trouvait en avant. Il laissait derrière lui une traînée de feu et d’é- tincèlles.Ge bolide a été aperçu à Don et àHondschotte.

On a annoncé l’apparition d’un bolide à la même heure à Bernay (Eure), mais comme il se dirigeait du N.O. au S.E., il est peu probable que ce soit le même météore. J. G.

Vente Hochart. Catalogue des estampes et portraits. Les amateurs se souviennent de la belle vente de livres anciens et modernes , provenant du cabinet de feu M. Hochart , qui a eu lieu à Lille au mois de mars dernier. La vente des estampes et portraits de la même collection s’effectuera le lundi 6 décembre , sous la direction de M. L. Bégbin , Libraire Lille, à qui l’on doit un catalogue , fort bien fait , de ces deux séries de curiosités.

M. Hochart avait formé sa collection d’estampes et de portraits avec plus de patience et plus d’amour encore que celle de ses livres. Le nombre de pièces inscrites dans le présent catalogue(elles s’élèvent à plus de 12,000 ^ leur va¬ leur intrinsèque et leur mérite de conservation, témoignent des soins et des connaissances spéciales de leur possesseur.

La plupart des estampes et portraits de feu M. Hochart

56/

appartiennent aux trois derniers siècles : on y compte plus de 300 portraits d’Houbraken , 135 d’Edelinck , 200 de Nanteuil , 40 de Van Shuppen , 30 de Masson , 27 de Mo¬ rin , etc. Les Ecoles française , anglaise , allemande , ainsi que celle des Pays-Bas , sont particulièrement bien repré¬ sentées dans cette collection , l’on voit aussi figurer nos meilleurs artistes lillois , Delvaux , Longueil , Helman ,

Masquelier , les frères Vaillant. A. D.

Rentrée des Facultés. La séance de rentrée des Facul¬ tés a eu lieu le 15 octobre , à Douai , sous la présidence de M. Fleury , recteur de l’Académie.

M. le Recteur a rappelé , dans un discours d’ouverture , toutes les mesures prises depuis quelques années en faveur de l’enseignement supérieur. 11 a ensuite accordé la parole à M. l’abbé Dehaisnes, chargé , au nom du Jury , de faire un rapport sur le concours d’Histoire.

La séance a été terminée par les rapports annuels des Doyens des Facultés. Ils ont rappelé les cours qui ont eu lieu l’année passée et annoncé ceux qui se feront pendant la nouvelle année scolaire. Ils ont exposé les résultats des examens et en ont profité pour adresser à la jeunesse de sages conseils , dits éloquemment , écoutés avec plaisir , souvent même applaudis , mais bien rarement suivis. Ils ont aussi indiqué les travaux publiés par les membres de la Faculté dans le courant de l’année classique. La plupart de ces travaux ont déjà été l’objet d’une notice particulière dans ce Bulletin, mais il n’en a pas été de même des cours.

Les cours de la Faculté de Droit et de la Faculté des Sciences ont un programme fixe , nous pouvons donc nous borner à annoncer ceux qui doivent avoir lieu pendant l’année scolaire 1869-70. Pour la Faculté des Lettres , le programme étant plus élastique , il nous semble utile de donner dans notre prochain numéro cette partie du rap¬ port de son savant Doyen (^). J. G.

Faculté des Sciences de Lille. (Cours publics du premier semestre 1869-1870 ouverts le lundi 22 novembre 1869) Mathématiques pures et appliquées : les mardis et samedis, à 9 h. du matin ; M. Guiraudet , prof., traitera du calcul

0) Ce Rapport paraîtra dans le Numéro prochain.

568

différentiel. Astronoinie descriptive : les mevcrecV\s> , à 8 h. du soir ; M. Guiraudel , prof. , exposera les faits principaux de rastronomie. Physique : les lundis et vendredis, à 8 li. du soir ; M. Hanriot , prof. , traitera de la chaleur et de ses applications. Chimie : les mardis et jeudis , à 8 h. du soir; M. Charles Viollette, prof., traitera de la Chimie organique et de ses applications. Histoire naturelle (Zoologie) : les mardis et jeudis , à 6 h. et demie du soir ; M. Dareste de La (diavanne, prof. , traitera des diverses questions qui se rattachent à Tanatomie et aux appareils constitutifs des corps chez les animaux. Histoire naturelle (Céologie et Minéra¬ logie) : les mardis, à 4 h. et samedis, à 8 h. du soir ; M. Cosselet, prof. , traitera : 1." les mardis, des aluminates et des silicates (Minéralogie) ; 2.° les samedis , des rapports de la géologie avec l’agriculture et l’industrie locale. 11 exami¬ nera l’action sur le sol, de l’air, de la pluie, des cours d’eaux, de la mer, etc. Puis il passera à l’étude des diverses subs¬ tances minérales qui se trouvent dans le Département ou qui servent à son industrie, argiles, marbres, pierres à bâtir, grès et sables, houille , tourbe , phosphate de chaux, minerais. Il étudiera aussi les niveaux aquifères, les sources, les puits ordinaires et artésiens. Quelques leçons faites sur le terrain , seront consacrées à l’analyse minéralogique du sol et à la construction de cartes agronomiques.

Cours complémentaires. Littérature française : les mercredis à 6 h. et demie du soir; M. Colincamp, professeur à la Faculté des Lettres de Douai , s’occupera de la poésie dans ses divers genres. Histoire : les samedis à 6 h. et demie du soir; M. Chou, professeur d’Histoire au Lycée impérial de Lille , étudiera riiistoire de la France et de FEurope pendant la deuxième moitié du xviii.® siècle , et principale¬ ment les préliminaires de la Révolution. Dessin appliqué aux Arts industriels : les dirnanclies à 8 h. et demie du matin; M. Em. Vandemherg , architecte, traitera de l’art de bâtir, appliqué aux divers genres d édifices publics. Législation Commerciale : les samedis , à 8 h. du soir ; M. Houzé de l’Aulnoit (Aimé), avocat, traitera : 1." des brevets d’invention, 2." des marques de fabrique, 3.° des dessins de fabrique , 4.° de la concurrence déloyale.

Le Gérant * E. Castiaux.

Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.

N.° 12. Décembre 1869.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

FACULTÉ DES LETTRES DE DOUAI.

Compte-rendu des Travaux de la Faculté (année 1868-69), lu par le Doyen, M. Abel Desjardins, à la séance de rentrée.

Monsieur le Recteur, 3Iessieurs ,

En 1574, la ville de Leyde avait soutenu un siège mémo¬ rable , et son héroïque défense avait arraché à l’Europe un cri d’admiration. Lorsque le siège fut levé, la généreuse cité, invitée à fixer elle-même le prix de son sang versé , de ses longues privations et de ses cruelles souffrances, sollicita et obtint des Etats, comme récompense suprême, la création d’une Université.

La nouvelle école , richement dotée , devint un foyer de lumières ; ses professeurs comprirent l’étendue de la dette qu’ils avaient contractée et ils l’acquittèrent : ces maîtres célèbres s’appellent Juste-Lipse, Vossius, Heinsius, Hems- terhuys, 3Ieursius, Gronovius, Boërhave et Scaliger : l’élite des érudits et des savants des xvi.® et xvii.® siècles.

Notre vieille et chère cité flamande est digne d’apprécier la conduite des bourgeois de Leyde, et leur requête ne la surprendra pas. Je m’assure que, mise en demeure de ré¬ clamer une glorieuse récompense , elle agirait comme ils ont agi. J’en ai pour garants et les manifestations de joie populaire qui ont accueilli la création successive de vos deux facultés , et la considération dont vous entourez les membres de votre haut enseignement. Quelles obligations ces bienveillantes dispositions et ces égards ne nous impo¬ sent-ils pas ? Aussi est-ce avec un légitime sentiment de

370

défiance , que , chaque année , au retour de celte solennité , je me demande si nous n’avons pas trompé votre attente, et si nous avons bien rempli notre tâche. C’est une question à laquelle il n’appartient qu’à vous de répondre , après avoir entendu le compte-rendu fidèle de nos actes et de nos travaux .

i.*'® Partie. Enseignement.

1."' Section. Cours publics.

§ i. Philosophie. Le cours de l’an dernier a eu pour objet la Théodicée.

Le professeur a d’abord envisagé la question par le côté historique. Il a exposé les ïhéodicées les plus célèbres de l’antiquité, celles de Platon, d’Aristote, de l’école stoï¬ cienne ; et reprenant tous les problèmes qu’il a énoncés, il a essayé de les résoudre , comme il les entendait.

En avançant dans l’examen des diverses questions , il a mis à profit toutes les lumières de la science spiritualiste des contemporains, soit pour établir sa thèse, soit pour combattre une science inspirée par des principes tout diffé¬ rents. Ce qui l’a surtout préoccupé, c’est la méthode. Il a montré, pour prendre un exemple, que les savants qui nient la causalité dans le monde physique et par suite dans l’univers , ne peuvent répondre aux arguments tirés de la psychologie. C’est donc à une question psychologique que se ramènent toutes les questions générales sur Dieu, sur Pâme et sur la nature. Ce qu’on dit de la cause , on peut le dire de la finalité qui est un principe de la raison inexpli¬ cable , s’il ne s’applique à la vie humaine , au monde phy¬ sique et à Dieu. L’ordre de nos idées quand la logique y préside représente l’ordre des choses. Tout ce qui n’est pas pure abstraction dans l’esprit doit être en réalité au dehors. C’est ainsi que l’on va de la notion d’infini à l’Etre infini , absolu, souverainement parfait, indépendant, personnel.

371

Le cours de celte année sera consacré à l’étude de la Psychologie en Angleterre, aux xviii.'' et xix/ siècles.

On lit dans Stuart Mill : « Notre île a décidément re¬ conquis le sceptre de la psychologie. »

Le premier psychologue du xviii.e siècle pour M. Mill, c’est Locke ; et l’analyse d’Alexandre Bain représente à ses yeux le point le plus élevé soit arrivée de notre temps l’étude de l’esprit humain. C’est donc Locke et Bain qu’il convient de prendre pour termes de comparaison.

Si l’on peut expliquer le succès de Locke par son dévoue¬ ment à la cause libérale à laquelle un philosophe doit tou¬ jours rester attaché, on peut aussi attribuer l’admiration qu’il a inspirée à l’exposition facile et élégante d’une doctrine un peu superficielle, qui devait séduire , et qui séduisit en effet les gens du monde.

M. Tissandier montrera combien le psychologue contem¬ porain est supérieur à Locke par la finesse et la profondeur de ses analyses et surtout combien il a mieux compris les rapports du physique et du moral. Il voit mieux les difficul¬ tés , ce qui annonce un esprit plus philosophique ; mais il a conservé quelque chose des timidités de l’Ecole écossaise , ce qui pourrait nuire à sa doctrine.

§ 2. Histoire. Le professeur a fait, l’an passé, l’his- toire des règnes de Henri III et de Henri IV. Il a retracé le triste tableau des fautes, des vices et des folies du dernier des Valois ; l’agitation stérile et coupable du duc d’Alençon ; les menées criminelles des Guises ; les dangereuses tenta¬ tives de la Ligue ; l’impuissance avérée de Catherine de Médicis, condamnée à vieillir dans le mépris et à mourir dans l’abandon.

Il a été amené par la suite des événements à introduire sur la scène deux souverains étrangers, Elisabeth et Phi¬ lippe II. Il s’est attaché à bien faire connaître ces deux per-

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sonnages, abordant et discutant les problèmes qu’ont soule¬ vés les principaux épisodes de leur vie publique.

Revenant à l’bistoire nationale, il a dit les obstacles for¬ midables qu’a rencontrés Henri IV , et qu’il a affrontés et surmontés avec tant d’énergie, de constance et de belle humeur. Il a montré enfin combien , sous la tutelle d’un bon prince, il faut peu d’années à la France pour panser ses blessures , réparer ses pertes , et reprendre son rang à la tête des nations.

Cette année sera consacrée à Fétude de la civilisation athénienne. En nous faisant citovens d’Athènes, nous essayerons, au point de vue religieux, d’apprécier le paga¬ nisme dans son expression la moins imparfaite ;

Au point de vue politique , d’étudier et de juger la démo¬ cratie dans son développement le plus complet ;

Au point de vue littéraire, de contempler l’art et la poésie arrivés au plus haut degré de perfection qu’il leur ait été donné d’atteindre.

§ 3. Littérature ancienne. Le professeur se proposait l’année dernière d’étudier les trois grands tragiques grecs , Eschyle, Sophocle, Euripide.

Forcé de se réduire il s’est occupé presque exclusivement des deux premiers , en s’attachant principalement à faire ressortir toute la valeur d’Eschyle, comme penseur et comme poète dramatique.

Cette année , il étudiera la poésie épique chez les Grecs et chez les Romains : « Quelque rabattu que semble le sol d’Homère, écrivait naguère son dernier traducteur, quelque nombreuses qu’aient été les explorations , on y découvre toujours des trésors à recueillir. » C’est le privilège des grands génies. Avant d’explorer à son tour cette mine iné¬ puisable, M. Courdaveaux mettra son public au courant des travaux les plus récents de la critique , et s’arrêtera longue-

375

ment sur les problèmes historiques que soulèvent encore, après tant de siècles , l’Iliade et TOdyssée.

§ 4. Littérature française. Le professeur a fait , Tan passé, l’histoire de la satire en France depuis ses origines.

Il a interrogé la littérature populaire de nos aïeux ; les aventures de maître Isengrin dans le roman de Renart , l’amusante et multiple comédie qui se déroule dans nos anciens Fabliaux , sont les sources auxquelles il a demandé les plus abondants et les plus piquants détails. Est-il besoin d’ajouter qu’il a eu soin de faire ressortir la vive originalité de cette langue expressive et pittoresque, de ces vieux récits gaulois dont l’allure et la forme sont déjà toutes françaises. M. Colincamp se propose de tracer le tableau de la Comédie française au xvii.® siècle. Nommer la comédie, c’est nommer Molière; Molière, ce sujet toujours inépuisé: car dans ce vaste génie se rencontrent en foule et admirablement expri¬ mées des vérités à l’usage de tous les âges de la vie , et de toutes les sociétés civilisées. Le grand contemplateur n’oc¬ cupe pas seulement le premier rang parmi les poètes et les moralistes , il est aussi le plus français de nos écrivains , car il a toujours le style de sa pensée. Placer Molière dans son milieu, l’envisager sous tous ses aspects , apprécier tous ses mérites, tel sera le principal objet des cours de cette année.

§ 5. Littérature étrangère. Le professeur a fait, l’année dernière , l’histoire de la poésie narrative en Angleterre.

Après un examen rapide des poètes antérieurs au xiv.*^ siècle , époque à laquelle la langue anglaise s’est formée , il a étudié les nombreux poètes narrateurs qu’a produits l’An¬ gleterre , depuis Chaucer jusqu’à lord Byron , en insistant particulièrement sur Spenser , Milton , Butler , Pope et Walter Scott.

Il se propose , cette année, de faire l’histoire de la Société littéraire en Allemagne, depuis le milieu du xviii.® siècle.

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C’est une étude qu’il croit nouvelle et digne d’intérêt. Il voudrait montrer l’action réciproque de la société sur la littérature et de la littérature sur la société : il racontera la vie des poètes et des penseurs ; il essaiera de peindre les divers centres, villes libres, petites cours, Universités s’est produit le mouvement littéraire ; il décrira la trans¬ formation des mœurs allemandes sous l’influence des idées mises en circulation par les auteurs du xviii.® siècle. De cette façon s’expliquera naturellement le contraste singulier qui existe entre l’Allemagne d’auliviois cl rAllemagne d’aujourd’hui , contraste qui a frappé tant d’historiens , et dont on n’a pas encore tenté, croyons-nous, de rechercher les causes.

Ainsi l’un de nous , M. Killehrand , vous introduira au sein de la Société littéraire allemande.

Un autre , notre philosophe , vous conduisant en Angle¬ terre vous fera connaître les travaux les plus importants et les plus récents des psychologues de ce pays.

Avec nos deux littérateurs vous serez admis, en France, dans rintimilé de Molière ; en Grèce, dans la société d’Ho¬ mère. Notre historien vous invitera à passer l’année dans l’Athènes antique.

Nous avons l’espoir que vous serez fidèles à tous ces rendez- vous. Et vous étudiants ? Je vous dirai l’année prochaine combien il s’est trouvé de jeunes Athéniens à Athènes.

2.® Section. TRAVAIX PARTICULIERS DES PROFESSEURS

Un cours digne du public éclairé qui nous entoure ne s’impi'ovise pas: il doit être précédé de patientes recherches et de longues méditations ; h ce premier travail s’ajoute le labeur des examens, l’inspection des classes des Lycées, la correction des compositions du concours , les conférences destinées aux candidats à la licence et aux diverses agré¬ gations , nos rapports avec nos correspondants. Tant d’oc-

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cupations semblent devoir absorber tout notre temps et ré¬ clamer tous nos soins.

Cependant , en nous imposant la loi de mentionner dans notre compte-rendu annuel nos travaux particuliers , le règlement ne nous invite-t-il pas à ne pas négliger les œuvres d’érudition et de critique qui peuvent nous donner droit de cité dans le monde savant ?

Nous avons essayé de répondre à cette invitation tacite :

Dans une série d’articles accueillis par la Presse^ M. Co- lincamp a fait une étude approfondie des plus célèbres écrivains de l’Académie française.

M. Courdaveaux a publié dans la Revue moderne une étude sur le poète latin Stace.

M. Hillebrand a fait paraître dans des revues savantes et dans des recueils périodiques de nombreux articles de cri¬ tique et de philologie.

M. Tissandier a réuni en un volume quelques leçons de Théodicée qu’il a faites ou qu’il devait faire à la Faculté.

Deux mémoires du professeur d’histoire (^) ont été insérés, l’un dans le viii.® volume (2.® partiejdes Mémoires de l’Aca¬ démie des inscriptions et belles-lettres , l’autre dans le dernier volume des Mémoires lus à la Sorbonne.

Nous adoptons volontiers pour devise le dernier mot d’ordre de l’empereur romain : Travaillons , Laboremus.

Le travail est notre loi , et celte loi nous parait douce. Nous aimons notre profession, parce que nous l’avons choisie ; et notre position , parce que nous l’avons conquise ; parce que nous n’en connaissons pas qui offrent plus de garantie d’indépendance et de dignité ; parce qu’elle nous permet d’habiter des régions sereines les intérêts mes¬ quins n’ont nul crédit , et les petites passions nul accès ; , selon le vœu du sage , nous vieillissons en apprenant tou-

(1) M. Desjardins, doyen de la Faculté et auteur du rapport.

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jours , et notre fortune littéraire s’accroît à mesure qu’elle se dépense ; nous ne connaissons entre nous , d’autre supériorité que celle du savoir, du talent et du carac¬ tère : aussi , Messieurs , ne nous sentons-nous pas le cou¬ rage de déserter notre culte et d’abandonner notre foyer , qui est le vôtre.

SOCIÉTÉ d’agriculture, SCIEA'CES et arts de douai

Le lo germinal an vu (4 avril 1799) fut in<itituée à Douai la Société d’agriculture du départeucent du Nord. Le ventôse an IX (16 mars 1801) elle se fondit avec la Sodété libre des amateurs des sciences et des arts et prit , dès-lors , le titre qu’elle a conservé jusqu’aujourd’hui.

La Société compte , parmi ses membres honoraires de droit, les autorités civiles , ecclésiastiques, militaires, judi¬ ciaires et académiques. Elle possède aussi des membres honoraires élus dont nous donnons plus bas la liste.

Voici quelle était sa composition au 1.®" janvier 1869.

Bureau :

M3I. Maurice conseiller général ; président.

Fleury recteur de l’Académie ; 1." vice-président.

Preux avocat général; ^.^vice-président.

MaugiXi docteur en médecine ; secrétaire-général.

Corxe fils , 1 secrétaire-adjoint.

Moxtée, 2.® secrétaire-adjoint.

De Guerxe (comte) économe.

Paix , trésorier.

Brassart, Félix ; archiviste.

Membres honoraires élus :

MM. Daix, propriétaire.

Preux père ^ , l.^’’ président honoraire de la Cour impériale de Douai.

Quexsox présid. honor. du tribunal à Saint-Omer.

Bagxéris père , docteur en médecine.

Daxel O ^ , président honoraire à la Cour impériale.

Plazaxet colonel du génie en retraite.

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Tailliar président honoraire à la Cour impériale. Lagarde conseiller honoraire à la Cour impériale. Lequien # , docteur en médecine.

Dubois, Auguste ancien sous-intendant militaire. Bigaint ^ , ancien magistrat.

CoR?<E père, ancien député.

Foucques de Vagnoinville , propriétaire.

Bourlet (l’ahhé).

Cahier président de chambre à la Cour impériale. Vasse, chimiste, adjoint au maire de Douai.

Nutly , juge-de-paix.

Bagnéris fils docteur en médecine.

De Mai^goval, propriétaire.

CouRTix conseiller honoraire à la Cour impériale. Talon , avocat , professeur à la Faculté de droit.

Petit ^ , président honoraire à la Cour impériale. Thurin, propriétaire.

Membres résidants :

MM. Minart , conseiller honoraire à la Cour impériale. Fiévet , conseiller à la Cour impériale.

Delplanque , médecin-vétérinaire.

Dupont , Alfred , aAmcat.

Mercklein professeur à Pécole d’artillerie. Meurant , architecte.

De Guerne, Frédéric, propriétaire.

Asselin maire de Douai.

Leroy , Emile , ancien maire.

Delannoy, docteur en médecine.

Butruille, industriel.

Offret , professeur de physique au Lycée impérial. Dehaisnes (l’ahbé) , archmste de la ville.

Tarlier , propriétaire, maire de Lamhres-lez-Douai. Luge , propriétaire , maire de Courchelettes.

Maurice fils, avocat, juge suppléant au tribunal de première instance.

Bicour , profes. de mathématiques au Lycée impérial. Moy , professeur de rhétorique au Lycée.

Duchet , proviseur du Lycée.

Evrard , ingénieur civil.

Gentil, juge au tribunal.

Francoville, substitut du procureur-impérial.

Frey, pharmacien de première classe.

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Mémoires de la Société 2.® série , t ix.

SCIENCES. (^)

Observations météorologiques ^ par M. Offret. Ce mé¬ moire résume les observations des années 1866 et 1867 ; Fauteur le termine par quelques considérations générales intéressantes. Il modifie la moyenne barométrique de Paris telle qu’elle est donnée dans les ouvrages de physique et de météorologie et, se basant sur une période de 50 années d’observations , il la fixe à 761 mill. 9 ( 762 mill. 20 si on tient compte de la gravité) ; celle de Douai est 761 mill. 05 (761 mill. 57 avec la gravité). La quantité moyenne de pluie tombée à Douai est d’après le résultat de 3 années d’observations ( 1865 , 1866 , 1867) de 687 mill. 2. Celle de Lille d’après une période de 17 années serait 676 mill. La moyenne de Paris , déduite de 21 années d’obser¬ vations est 584 mill. Notons que la quantité de pluie n’est pas en rapport avec le nombre de jours pluvieux ; il tombe plus de pluie dans le midi de la France que dans le nord bien qu’il y pleuve plus souvent. Il y a en moyenne à Douai 163 jours de pluie par an. A Lille il y en a 206.

V Institution smithsonienne de W ashington, par M. Offret. L’Institution smitlisonienneaété fondée par le testament d’un M. Smitbson.

« Je lègue aux Etats-Unis d’Amérique une somme de 515,169 dollars (2,653,121 fr.) pour fonder à Washington, sous le nom d’institution smithsonienne, un établissement destiné à augmenter et à répandre les connaissances scien¬ tifiques. Le genre humain tout entier doit bénéficier de ce legs. Le Gouvernement des Etats-Unis n’est qu’un déposi¬ taire chargé d’accomplir le mieux possible les désirs du testateur. »

M. Offret résume les publications et les travaux que l’on doit à cette institution. J. Gosselet.

(1) Il sera rendu compte , dans le prochain Bulletin , des articles HISTOIRE ET LETTRES que renferme le présent volume de Mémoires.

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Etudes tératologiques sur la Polydactylie^ par M. Del- planque. ~ La Polydactylie est la multiplication du nombre normal des doigts. Dans ce travail l’auteur ne s’est pas con¬ tenté d’étudier un très-grand nombre de faits nouveaux, il les a comparés à ceux qui existaient déjcà dans les recueils scientifiques et il a cherché à examiner les diverses théories que l’on a imaginées pour rendre compte de cette augmen¬ tation de nombre de certaines parties.

11 est impossible, de rattacher la polydactylie à une règle générale , car l’augmentation du nombre des doigts peut tenir à des causes différentes. En effet, dans certains cas elle n’est qu’apparente et résulte seulement du développement complet d’organes qui dans l’état normal restent rudimen¬ taires. C’est ce qui arrive par exemple pour les chevaux à trois doigts. On conçoit que dans ces conditions, la poly¬ dactylie n’est autre chose qu’un retour au type général de la classe. Cette explication n’est pas absolument nouvelle, mais M. Delplanque a contribué particulièrement à en démontrer l’exactitude.

Ces faits n’embrassent toutefois qu’une très-petite partie de la polydactylie. Dans beaucoup de cas, l’existence de doigts surnuméraires réalise un type nouveau et qui ne rap¬ pelle en rien le type général de la classe.

M. Delplanque n’a pas plus que ses devanciers expliqué la formation et Texistence de doigts surnuméraires de cette dernière catégorie. Il y a une question tératologique qui semble n’avoir pas une très-grande importance par elle- même, puisque l’augmentation du nombre normal des doigts est, au point de vue physiologique , un fait presque insignifiant. Mais on l’a rattachée aux problèmes les plus élevés de l’histoire naturelle et de la philosophie. En effet certains partisans du transformisme et de l’origine com¬ mune de tous les êtres ont vu dans cette multiplication acci-

.580

dentelle des doigts chez les mammifères , un retour au type des poissons , les rayons des nageoires sont au nombre de plus de cinq à chaque membre. Quoiqu’on puisse penser de cette théorie on peut dire que la polydactylie est restée jusqu’à présent en dehors de toute explication rationnelle. Le mémoire de M. Delplanque qui contient un grand nombre de faits bien observés et bien décrits pourra fournir dans l’avenir d’importantes données pour la solution du pro¬ blème. Dareste de la Chavanne.

Notice sur remploi régulier de la contre-vapeur pour modérer la vitesse des trains, par M. Aug. Ricour. L’au¬ teur s’est proposé de faire connaître dans cette notice une invention de la plus haute importance pour le chemin de fer et qui est due, pour une forte part, à son frère M. Théo¬ phile Ricour, ingénieur des ponts-et-chaussées et ingénieur en chef de la traction au chemin de fer du Nord de l’Es¬ pagne.

Depuis longtemps on emploie la contre-vapeur pour produire rapidement l’arrêt d’un train ; mais cet emploi était sujet à de très-graves inconvénients pratiques , et le mécanicien y avait recours seulement en cas de danger évident , et à la dernière extrémité. C’est ce qu’il est facile de comprendre. Renverser la vapeur consiste à changer la rotation entre le mouvement du tiroir et celui du piston , de manière que le piston continuant toujours à se mouvoir de même , conduit par la roue motrice en raison de la force vive du train, la vapeur arrive de la chaudière à chaque instant du côté aurait lieu l’échappement dans la marche ordinaire : sa pression s’oppose au mouvement du piston et produit un travail négatif qui diminue d’autant la force vive et par suite la vitesse du train. Mais quand la vapeur tra¬ vaille ainsi par devant le piston , elle est comprimée par lui

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et cette compression l’échauffe jusqu’au point de brûleries garnitures et de faire gripper les tiroirs et les articulations. De plus l’espace situé derrière le piston est en communica¬ tion avec l’extérieur, c’est à dire avec la cheminée dans une locomotive , et l’air chaud est aspiré dans le cylindre , puis , au coup de piston suivant, refoulé dans la chaudière , la pression s’élève de telle manière que les soupapes de sûreté deviennent insuffisantes et qu’il y a danger d’explo¬ sion.

On voit que la répugnance des mécaniciens à employer la contre-vapeur comme frein était parfaitement motivée. Différents ingénieurs avaient essayé de diminuer cet incon¬ vénient, entre autres M. le Chatélier qui avait indiqué une partie des vues théoriques auxquelles est due la véritable solution, mais sans arriver à une pratique satisfaisante. L’honneur de la réalisation complète de cette solution est due à 31. Th. Ricour.

Si au lieu d’aspirer de l’air et des gaz chauds dans les cylindres , on les remplace par de la vapeur prise sur la chaudière, le refoulement de cette vapeur dans la chaudière ne produira plus l’élévation de pression causée par les gaz non liquéfiables. On fera donc arriver par un tube spécial de la vapeur dans la tuyère ordinaire d’échappement. De plus, afin d’éviter réchauffement des cylindres, on fait arriver de l’eau prise dans la chaudière dans ce même tube qui amène la vapeur ; cette eau se trouve alors aspirée en même temps que la vapeur, pendant la marche en avant du piston; puis, au coup de piston suivant, lorsque la com¬ pression a lieu du côté elle a pénétré, la chaleur pro¬ duite est employée à la vaporiser au lieu d’être absorbée par les cylindres et de les échauffer d’une manière fâcheuse. C’est celte partie très-importante de l’invention qui appar¬ tient à 31. Th. Ricour.

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Par cette disposition la machine locomotive, qui dans la marche ordinaire utilise la chaleur pour donner au train qu’elle remorque la force vive qui correspond à la vitesse de marche et pour vaincre les autres résistances, devient une sorte de machine inverse, transformant en chaleur la force vive quand on veut arrêter le train, ou bien le travail de la pesanteur quand on veut modérer la vitesse dans une descente.

Ainsi dans une descente on règle la vitesse du train , on l’arrête même et pendant ce temps loin de brûler du com¬ bustible, la machine entretient sa température et sa pression par son travail intérieur et écoule même constamment un excès de vapeur dans la cheminée.

Il nous est impossible de donner sur cette magnifique application de la théorie mécanique de la chaleur les détails qu’elle mériterait; et il nous suffit d’en indiquer l’idée principale.

La disposition pratique imaginée par M. Th. Ricour pour réaliser son invention est aussi simple qu’efficace ; elle consiste en un tube de prise de vapeur dans lequel débouche le petit tube qui sert ordinairement à purger le niveau d’eau ; les deux tubes sont munis de robinets placés sous la main du mécanicien, qui n’a qu a les ouvrir dès qu’il veut renverser la marche de la vapeur. Une expérience de deux années permet maintenant de considérer cetappareil comme toul-à-fait complet.

Pour les lignes sur lesquelles se trouvent de nombreuses pentes d’un long parcours , cette invention est d’une impor¬ tance extrême; pour la seule ligne du Nord de l’Espagne elle donne lieu à une économie de près de 200,000 francs par an.

Nous devons ajouter que le désinléressement de l’inven¬ teur a contribué puissamment à faire adopter son système

583

par les compagnies françaises. M. Th. Ricoiir n’a pas voulu prendre de brevet en France, satisfait d’avoir résolu un problème aussi utile dans la pratique que curieux au point de vue de la théorie de la chaleur. Guiraudet.

SOCIÉTÉS SAVANTES DE DOUAI , CAMBRAI ET DUNKERQUE-

Séances publiques.

La séance publique de la Société des Sciences de Douai a eu lieu le 7 novembre 1869. Elle a été ouverte par un dis¬ cours du président , M. Maurice père , sur la Suppression des octrois.

Après la lecture du compte-rendu des travaux de la Société, fait par le secrétaire-général, la parole a été donnée à M. Evrard pour lire un rapport sur le concours des sciences exactes et naturelles. Une médaille de 400 fr. a été accordée à M. Aimé Parsy, inspecteur principal et chef du service des eaux de la ville de Lille , auteur d’un mémoire sur une ali¬ mentation d’eau potable pour la ville de Douai.

M. Vasse, au nom de la Commission d’agriculture, lit un rapport sur un autre sujet de concours, qui était la rédaction d’un Manuel élémentaire d' agriculture et d'horticulture à Vusage des écoles rurales de V arrondissement. Deux mémoi¬ res avaient été présentés ; un troisième, envoyé malheureu¬ sement après le délai fatal du 15 juillet, n’a pu être admis à concourir. Le mémoire n." 2, qui renferme une exhibition nombreuse mais un peu confuse de faits et de vues agrico¬ les , a paru à la Société sortir du programme tracé par elle.

Le mémoire n.'’ i, rédigé dans les termes et dans l’esprit de ce programme , recommandable en outre par son style simple , clair et concis , a été jugé digne de la médaille de 200 fr. Il a pour auteur M. Delsart , ancien élève de l’école normale de Douai , professeur de la classe primaire au Lycée impérial de cette ville.

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M. le secrétaire-général proclame ensuite les noms des lauréats du Concours agricole de Radies.

M. le président remet àM. Manier, horticulteur à Cuincy, lun des lauréats de la Société, la médaille d’or, que, sur un rapport de la Compagnie, M. le ministre de l’agriculture lui a décernée pour les services par lui rendus, en vulgarisant, dans ses conférences publiques et gratuites, les progrès qu’il avait fait faire à l’arboriculture. J . G.

Nous avons rendu compte (Bulletin^ p. 262) de la séance publique de la Société cVEmulation de Cambrai qui a eu lieu le 18 août 1868. Cette Compagnie a tenu, le 21 novem¬ bre dernier , sa séance publique de 1869.

M. Wilbert, président, a ouvert la séance par un dis¬ cours dans lequel il a passé en revue les travaux accomplis au sein de la Société depuis deux ans. Il a terminé par quelques mots de regrets pour chacun des membres que la Compagnie a perdus dans cette même période.

M. Blin , au nom de la Commission d’histoire, a ’ensuite apprécié la Notice historique sur la ville de Solesmes en Hainaut, présentée au concours par M. Victor Ruffin, de Solesmes, commis de première classe à la grande chancellerie de la Légion d’honneur. Cette œuvre a été jugée digne d’une médaille d’argent.

M. Hattu , rapporteur de la Commission de poésie, s’est étendu sur les mérites des 29 pièces envoyées au concours, parmi lesquelles la Commission a distingué Pégase et le Cheval de course, satire par M. Julien Baillière, bibliothé¬ caire à la Sorbonne ; la Veuve , par M.""" Mélanie Bourotle, de Guéret. La première de ces pièces a obtenu une médaille de vermeil , la seconde une médaille d’argent.

M. Durieux, secrétaire-général, a présenté ensuite le rapport sur le concours de moralité. Il a énuméré les titres

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des trois candidats proposés pour les récompenses que la Société décerne annuellement aux ouvriers industriels.

La Société Bunkerquoise a tenu , le 6 décembre dernier , sa séance publique annuelle.

M. Cousin, président, a prononcé un discours dans lequel il a rendu un hommage mérité à deux membres que la Société a eu le regret de voir s’éloigner de Dunkerque: MM. L’Hote et Delègue. Il a esquissé , en termes que nous demandons la permission de reproduire , la biographie de M. Bédouin , l’une des notabilités littéraires de la région du Nord.

à Boulogne en 1789 , M. Bédouin se fit inscrire au barreau de cette ville, dès qu’il eut été reçu avocat : il y brilla bientôt par son talent et de spirituelles plaidoiries; devenu bâtonnier de l’ordre , il était réélu chaque année ; les de¬ voirs de la noble profession qu’il remplissait si bien , ne l’empêchaient pas de se livrer au culte des lettres et des arts. Ecrivain correct, poète et artiste plein de goût , il a publié des œuvres de genres bien différents ; elles concer¬ nent l’histoire, l’archéologie, la poésie, le drame ou la musique. Sa maison de Boulogne dont il avait fait , pour ainsi dire, un musée, s’ouvrait à toutes les notabilités scientifiques , littéraires ou artistiques. Le nombre de ses relations avec les savants était considérable. M. Bédouin aimait Dunkerque , de 1840 à 1850 , il venait de temps en temps : il y comptait pour amis tous ceux qui avaient été à même de le voir et d’apprécier le charme de son esprit. Aussi, avait-il accepté avec reconnaissance le titre de mem¬ bre correspondant qui lui donnait un lien de plus avec notre belle cité.

M. Güthlin , secrétaire perpétuel , a ensuite retracé les travaux de la Société pendant l’année qui vient de s’écouler.

M. Mordacq a lu le rapport sur le concours de poésie. La Société a eu , cette année, la bonne fortune de pouvoir décerner une médaille en vermeil à un Dunkerquois , M. Bilaire Comignan, auteur de deux odes intitulées : Dun-

oSG

kerque^ son passée son présent et son avenir. Une autre médaille de vermeil a été attribuée à M. Henri Galleau , de Paris, lauréat de plusieurs Académies de province.

Le concours de peinture , ouvert , celte année , par la Société Dunkerquoise, a eu un véritable succès. Des artistes distingués de France, de Hollande et de Belgique, s’y étaient donné rendez-vous. Voici les principales récompenses qui ont été décernées aux exposants :

1. " Une médaille d’or, premier prix, à M. Everliardus Rester, d’Harlem.

2. " Une médaille de vermeil , deuxième prix , à M. Fran¬ çois Musin , de Bruxelles.

^ *

3. “ Une médaille d’argent , première mention très-hono¬ rable , à 31. Auguste Corkole, de Gand.

4. ° Une médaille d’argent, deuxième mention très-hono¬ rable , à 31. Benjamin Damman , de Dunkerque, à Paris.

O.'" Une médaille d’argent, première mention honorable, k 31. Victor Verloet , de 3Ialines.

6." Une médaille d’argent, deuxième mention honorable, à 31. Auguste De Wilde , de Saint-Nicolas (pays de Waes).

A. D.

ACADÉMIE DE BELGIQUE

Travaux courants

Le bulletin des travaux de cette classe est presque entiè¬ rement consacré aux phénomènes météorologiques. Ainsi 31. Quetelet présente les Observations d'orages du juin au l.®" octobre faites à Ostende, Bruxelles, 3Ialines, Anvers, Louvain, Gerpinnes. Il constate que leur marche esta peu près uniforme et qu’ils sévissent en général sur une étendue assez grande de pays. « Dans les temps antérieurs, ajoute- t-il , plusieurs des principaux orages qui ont été remarqués tels que ceux du 14 au lo avril 1718 et du 19 février 1860 qui ont frappé chacun de 20 à 30 clochers, se formaient dans le nord de la France et au nord de la Loire et se diri-

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geaient vers notre pays pour aller mourir sur les frontières de l’Allemagne et de la France. »

Le savant secrétaire a aussi présenté les Observations (Vétoiles filantes du mois d'août 1869 faites à Bruxelles et à Louvain ; ces dernières sont dues à M. Terby. Il a remarqué que souvent les étoiles marchent par groupe de deux ou trois ayant des directions parallèles et se suivant à de très- courts intervalles. Dans les nuits du 10 et du il août il a observé 73 étoiles filantes qui pour une grande partie semblaient émaner des constellations de Persée et de Cas¬ siopée. _ _ J. G.

COM311SSIOX DES A?<TIQT:ITÉS DÉPARTEMEINTALES du PAS-DE-CALAIS

Travaux courants.

Dans notre N.° iO [Bulletin,]). 118 ) , nous avons inséré un compte-rendu sommaire de l’importante découverte ré¬ cemment faite à Marœuil-les-Arras. Nous pouvons aujour¬ d’hui en entretenir plus longuement nos lecteurs d’après le rapport lu en novembre , à la Commission des antiquités départementales du Pas-de-Calais, par M. Paul Lecesne.

Dans les premiers jours de juillet dernier , un sieur Loubry ayant rencontré , en faisant des fouilles pour la fondation de sa maison, un grand nombre de squelettes et d’objets anciens, M. Topart, maire de 3Iarœuil, prit, conformément à la circulaire préfectorale du 4 décembre 1867 , qui a pro¬ duit de si heureux résultats, toutes les mesures nécessaires pour la conservation de ces antiquités. Il avertit donc M. le préfet qui, le samedi 10 juillet, délégua M. Paul Lecesne au nom de la Commission des Antiquités départementales, pour aller étudier sur l’emplacement même ces curieux restes. Arrivé dans Paprès-midi à 3Iarœuil , M. Lecesne se rendit, accompagné de M. Topart dont la complaisance égale le zèle , dans le champ avaient eu lieu les décou¬ vertes. Le propriétaire et les ouvriers qui avaient fait la trouvaille y étaient en ce moment réunis.

Le terrain renfermant tous ces objets est situé à l’angle de deux chemins , dans une petite vallée peu distante du

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camp dit de CésaràEtrun. D’après les dires des habitants, on aurait, à des époques assez éloignées déjà , extrait dans cet endroit des squelettes accompagnés d’objets anciens , mais ces découvertes n’avaient pas été régulièrement cons¬ tatées.

Sur les interrogations adressées au sieur Loubry et à ses ouvj'iers , voici les renseignements qui furent recueillis : en enlevant les lei res nécessaires pour creuser uiïe cave , on était tombé sur vingt-deux squelettes plus ou moins bien conservés. Tous avaient été enterrés sans cercueil , et une quinzaine avaient un pot placé auprès d’eux. Pas d’orien¬ tation, mais deux lignes transversales, ou plutôt deux sillons qui se coupaient précisément à l’endroit des fouilles. La plupart des corps étaient placés sur le ventre ; on en avait trouvé jusqu’à trois superposés. La profondeur des inhuma¬ tions variait de 1 m. 40 à 60, et l’on avait remarqué que les ossements indiquaient des individus de haute taille.

Cette visite faite, àl. Lecesne se transporta chez le sieur Loubry, qui lui montra les objets extraits; ils se compo¬ saient de douze pots en terre ou en grès dont les formes étaient extrêmement variées , une casserole en cuivre , un fer de lance , deux fers de javelots, une hache en fer, trois boucles d’oreilles dont une paire composée d’un cube en argent tordu, d’une boule en cristal grosse comme le pouce et portant encore un morceau de l’anneau qui servait à la suspendre, une sorte d’anneau en argent, deux boucles d’argent très-détériorées , une série de boules de verre émaillé de différentes formes et couleurs , et accompagnées d’une amulette ; enfin beaucoup d’autres objets, mais pour ainsi dire à l’état de débris.

M. Lecesne avait acquis , lors de sa visite , la conviction que le lieu de la découverte et le champ environnant devaient contenir un vaste cimetière. Il proposa au propriétaire de laisser fouiller son champ moyennant une indemnité , et en abandonnant d’avance toutes les chances de trouvaille. Le soir même il faisaitpart de ses espérances à M. le préfet, et ce magistrat , séance tenante, écrivait au maire de Ma- rœuil pour le remercier de son concours et le prévenir que dès le lundi 12 juillet les travaux commenceraient.

En effet, ce jour, M. Debuire, piqueur du service vicinal, suivi d’une brigade d’ouvriers capables et intelligents , se mettait à l’œuvre. Les fouilles ont amené la découverte des magnifiques objets qui sont sous les yeux de la Commission.

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M, Lecesne rend hommage au soin avec lequel M. Debuire s’est acquitté de sa tâche , et dépose sur le bureau les docu¬ ments suivants :

1. " Un plan indiquant toutes les tranchées pratiquées ;

2. ° Un travail explicatif;

'3.° Un tableau énumérant jour par jour les trouvailles et la surface explorée.

Il donne ensuite lecture des pièces envoyées par le service vicinal. En voici le résumé :

Du 12 juillet au 12 août, cinq tranchées ont été ouvertes ; on y a découvert :

213 squelettes, 76 pots de terre ou de grès , 3 vases en verre, 7 haches, 22 lances , 7 javelots, 1 bouclier, o scram- sax, 4 boucles de ceinturon, 11 boucles de diverses gran¬ deurs, 4 boucles de ceinturon, 11 boucles de diverses gran¬ deurs , 4 boucles d’oreilles , 1 paire de ciseaux en fer forgé, 1 bague chevalière, 1 pince épilatoire,4 épingles à cheveux, très-belles, 1 vase en cuivre doré, 2 anneaux en cuivre , 1 pièce de cuivre plaqué, une quantité de verroterie.

M. Lecesne appelle tout particulièrement l’attention de la Commission sur l’exactitude minutieuse avec laquelle la position des cadavres et des objets a été relevée , et sur la clarté du rapport rédigé par les agents-voyers.

Il fait connaître ensuite que 31. le préfet s’est aussi préoc¬ cupé des résultats que pouvait avoir pour la science anthro¬ pologique, les découvertes de 3Iarœuil , et que 31. le docteur ïrannoy , professeur de l’école de médecine d’Arras , a été spécialement délégué pour examiner les ossements extraits.

Le savant rapport du docteur ïrannoy embrasse toute la question anatomique, qui est discutée avec une précision parfaite. Les conclusions tendent à établir que si l’on a trouvé quelques squelettes qui ont appartenir à des hom¬ mes de 1 m. 93,1 m. 83, 1 m. 73, la moyenne des ossements n’indique pas cependant une race d’une taille de beaucoup plus élevée que celle actuellement existante.

31. Lecesne cherche ensuite à déterminer la date approxi¬ mative du cimetière de 3Iarœuil. Plusieurs considérations peuvent servir à éclairer les points en discussion.

D’abord, les ossements sont en général de trop haute taille pour appartenir à des soldats romains, ils doivent donc provenir de Barbares du Nord.

En second lieu, absence de monnaies, contrairement à ce qui aurait eu lieu dans un cimetière romain.

390

Troisièmement, la proximité du camp d’Etrun. En effet, ce camp, soit qu’il remonte ou non à César, présente les caractères des castra des derniers temps de l’Empire, tout le prouve, la hauteur du parapet, la situation au confluent de deux rivières. L’analogie est frappante avec les camps décrits dans les lois du Code Théodosien. En effet , en se reportant à ce recueil de législation, l’on voit que sur toutes les frontières de l’Empire étaient des Barbares qu’on nom¬ mait Lètes , Lœti. Il y en avait de toutes les nations : Francs, Goths, Saxons, Arabes, Ethiopiens; on leur concédait des terres, et en échange ils contractaient l’obligation de dé¬ fendre le pays. La plupart le firenl nvec dévouement et furent écrasés lors des invasions. D’après cette idée le cime¬ tière de Marœuil ne serait que celui des Lètes préposés à la garde du camp d’Etrun. De quelle race étaient ces Lètes? Ici aucun doute n’est possible. En rapprochant les armes trouvées de toutes celles que l’on connaît jusqu’à présent, on acquiert la conviction que ce sont des armes franques. Ce qui confirme encore cette opinion, c’est la découverte encore toute récente d’un umbo de bouclier identique à ceux qui sont reconnus partout pour avoir appartenu à des guerriers franks. Du reste, M. Lecesne s’appuie sur le témoi¬ gnage du général Bellecourt, dont le nom fait autorité pour tout ce qui concerne l’histoire des armes. Ce savant archéo¬ logue n a pas hésité à déclarer que l’on se trouvait en présence d’armes franques.

Après achèvement de la lecture du rapport de M. Lecesne, M. Terninck émet l’avis que le cimetière de Marœuil est mérovingien. Voici les raisons qu’il donne à l’appui de son opinion :

Ce cimetière est placé dans l’enceinte du camp romain qui a être habité parles légions pendant les trois premiers siècles de l’occupation, au moins, et avant la construction du caslrum nobiliacum .

On rencontre à plusieurs endroits de cette enceinte , et noiamment sous le presbytère d’Etrun , des ossements hu¬ mains et des armes, et si l’on pouvait étudier suffisamment le sol on trouverait en dehors de l’enceinte et vers le nord ou l’ouest, probablement dans un terrain en pente, les sépultures romaines. J’ai quelques vases du ii.*" siècle qui en proviennent.

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Le cimetière que l’on exploite en ce moment est postérieur aux Romains ; il est prouvé pour moi que les Francs, après avoir conquis le pays, se sont établis dans le camp romain pour protéger ou surveiller la cité atrébate, sise alors en dehors de l’enceinte actuelle et du côté de Wagnonlieu. Il est certain qu’ils se logèrent dans le castrum nobiliacum^ car Saint-Vaast le trouva en ruine et désert à ce point qu’il y établit son ermitage. Il est donc évident qu’ils durent choisir le camp d’Etrun, dont les hauts retranchements et les fossés leur procuraient tout ce que cherchaient les Francs : la protection, le grand air, la liberté d’action, et surtout l’eau qui était si agréable à tous les Germains.

Pendant le séjour des Romains à Etrun , le camp a contenir aussi des auxiliaires germains: car j’ai trouvé à Ma- rœuil , dans la propriété d(3 31. Fouant de la Tombelle une tombe germaine par incinération, comme toutes celles des Germains avant le v.' siècle.

Le lieu dit du terrain, qui contient le cimetière mérovin¬ gien porte le nom de 3Iarc-Empereur , il doit contenir par¬ tout des sépultures. Un chemin creux qui y conduit, en venant de Duisans, s’appelle cavée Bornobiis. A côté est le canton dit de Neuville , puis la fontaine de Sainte-Bertille.

Duisans, dans le voisinage, est riche aussi en antiquités : j’y ai vi.sité,dit 31. Terninck , plusieurs lombes du ii.*" siècle, et deux mérovingiennes , mais pauvres.

La Gommission, après avoir entendu tout ce qui se rappor¬ te à l’affaire de Marœuil , décide que des remerciements se- rontadressés à 31. le préfet pour les résultats obtenus en cette circonstance, comme en tant d’autres, par son initiative.

Il est aussi décidé que le savant rapport de 31. Lecesne , les observations de 31. Debuire et les dessins à l’appui, seront publiés dans la Statistique monumentale.

Les objets provenant des fouilles de 3Iarœuil seront en¬ voyés à titre de dépôt au 3Iusée d’Arras, afin que les archéo¬ logues puissent les étudier à loisir.

Dans la même séance, 31. Normand a donné lecture d’une notice archéologique sur l’église de Dommartin, ou Saint- Josse-au-Bois. Après avoir rappelé les origines de celte abbaye , origines qui ont déjà été résumées ici meme (voir

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Bulletin, p. 253), il a présenté une monographie de 1 eglise abbatiale encore aujourd’hui debout.

M. Lecesne, père , a lu une partie de son travail sur la ville d’Arras, travail destiné à enivev dans \ii Statistique générale du département du Pas-de-Calais actuellement en cours de préparation. A. D.

CONFÉRENCES ET COURS PUBLICS.

Cours de Géologie professé à la Faculté des sciences de Lille ,

par M. Gosselet.

La Géologie comprend la connaissance du sol et l’histoire de sa formation. Le cours de cette année sera consacré à la première de ces deux études , considérée au point de vue agricole, mais il est nécessaire de commencer par exposer les principes de la géologie générale.

Le sol s est formé lentement et successivement : on en trouve une preuve dans l’examen des couches que le mineur traverse pour extraire la houille aux environs de Valencien¬ nes. Sous l’argile du limon il rencontre la marne ou craie blanche, puis une autre marne remplie de silex appelés cornus, les dièves et enfin le tourtia. Sous le tourtia, est le terrain houiller formé de grès, de schistes et de houille en bancs inclinés vers le sud , tandis que les couches qui le surmontent sont horizontales. Il est évident que le terrain houiller s’est aussi déposé en couches horizontales et qu’il a été redressé avant la formation des couches supérieures. On remarque de plus que le tourtia est rempli de petits galets de bouille, de grès et de silex qui proviennent du terrain houiller, et qui avant d’étre empâtés dans le tourtia avaient été roulés dans des ruisseaux. Il y avait donc, avant la formation du tourtia, des rochers, des montagnes , des ruisseaux et des fieuves qui apportaient dans la mer les sables et les galets. C’est au fond de la mer que se déposait

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le tourtia , car il est rempli de coquilles marines ; il y en a également dans les cornus et dans la marne, mais les espèces ne sont pas les mêmes dans chacune de ces couches. Si on songe que la faune de la mer de la Manche , c’est-à-dire l’ensemble des animaux qui y vivent, ne s’est pas modifiée sensiblement depuis les temps historiques , on en conclut que la mer a couvert pendant très-longtemps les environs de Valenciennes. Les géologues sont donc en droit de dis¬ tinguer plusieurs époques dans la formation de la terre.

Les caractères qui servent à distinguer les couches les unes des autres sont au nombre de trois : l.° les caractères pétrographiques tirés de la nature minéralogique de la couche : sable, argile, calcaire ; 2.“ les caractères paléontolo- giques indiqués par les coquilles fossiles qui y sont contenues, 3.® les caractères stratigraphiques empruntés à sa position et à ses relations avec les couches inférieures et supérieures. Ainsi la marne à cornus des puits de Valenciennes est carac¬ térisée pétrographiquement par des bancs de craie marneu¬ se et de nombreux silex pyromaques de forme irrégulière ; paléontologiquementpar un oursin, le micraster hreciporus; stratigraphiquement par sa position entre la craie sans silex et les dièves.

Il est une opinion erronée assez généralement répandue et qu’il importe de détruire dès le début de ce cours: c’est que les géologues sont obligés , pour connaître les couches profondes du globe , de creuser , de sonder , de descendre dans les puits; il n’en est rien. Les diverses couches du sol ne se recouvrent pas d’une manière complète comme le font les écailles d’un oignon ; elles se sont déposées dans les bassins de mers analogues à l’océan actuel et dont les limites se restreignaient de jour en jour. Il suffit donc de se diriger du centre de ces anciens bassins vers leurs rivages pour trouver des terrains de plus en plus anciens.

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Ainsi nous avons vu que les puits d’Anzin rencontraient successivement la marne blanche sans silex , la marne à cornus , les dièves, le tourtia et le terrain carbonifère. Si au lieu d’explorer les entrailles du sol on se borne à se promener sur les routes en se dirigeant de Valenciennes vers Avesnes , par Le Quesnoy et Landrecies, on voit les mêmes couches se succéder. A une lieue à Test de Valen¬ ciennes on cesse devoir la marne blanche dont l’altitude est à Anzin d’environ 40 mètres au-dessus du niveau de la mer, aux environs du Quesnoy des carrières sont ouvertes dans la marne à cornus à l’altitude de 80 mètres ; l’église de Maroilles ( 145 m. ) est construite sur les dièves ; près de Marbaix on voit apparaître le tourtia (160 m.), et entre Marbaix et Avesnes le terrain carbonifère, dont la surface s’élève de plus en plus à mesure qu’on avance vers l’Ar- denne. Ainsi en se dirigeant vers les montagnes , c’est-à- dire vers les rivages les plus anciens, on voit a//îewrer suc¬ cessivement les couches dans l’ordre on les rencontrerait en creusant au centre du bassin.

Cependant les investigations des géologues ont une limite. Ils n’ont pu jusqu’ici rencontrer de terrain plus ancien que le granité : c’est lui qui forme le noyau des montagnes, c’est à lui qu’on aboutirait toujours en creusant en un point quelconque du globe. Qu’y a-t-il sous le granité ? Si on l’ignore, on peut du moins faire quelques hypothèses.

l.° Le sol est fréquemment agité de tremblements de terre ; des contrées s’élèvent lentement, d’autres s’abaissent. Le nord de la Scandinavie et la Laponie s’exhaussent au- dessus du niveau d(‘ la mer de 1 m. à 1 m. 50 par siècle , tandis que le sud de la Suède s’enfonce peu à peu sous les flots de la Baltique. On en conclut que la terre n’est pas une masse complètement solide , qu’il y a au centre un noyau liquide ou pâteux sur lequel peut jouer l’enveloppe solide ;

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2. ° Ce fluide interne paraît être à l’état de fusion, car lorsqu’il se produit des fentes à l’écorce terrestre, il en sort une matière fondue qui est la lave de nos volcans. De plus, si on creuse un trou dans le sol on remarque qu’à une cer¬ taine distance la chaleur augmente et croît ensuite propor¬ tionnellement à la profondeur : environ de 1." par 30 mè¬ tres. Si cette loi se poursuit régulièrement à des profondeurs que l’homme n’a pas encore atteintes, la température sera de plus de 100.” à 3 kilomèt., et à 60 kilomètres de 2,000.", c’est-à-dire supérieure à ce que produisent les fourneaux de l’industrie et plus que suffisante pour fondre le granité et toutes les autres roches ;

3. “ Cette fluidité de la masse intérieure de la terre peut être considérée comme la conséquence de l’état primitif de notre planète qui fut d’abord à l’état de fusion complète comme l’est actuellement le soleil. C’est du moins ce qui porte à supposer la forme de la terre, ^^otre globe est, on le sait, un sphéroïde de révolution, applati aux pôles e( renflé à l’équateur. Les mathématiciens ont démontré que c’est exactement la forme que prendrait une masse pâteuse avant la densité de la terre, et animée du même mouvement

«y '

de rotation sur son axe.

En admettant toutes ces hypothèses on peut conclure que la terre a été primitivement une masse de matière fondue ; qu’elle s’est refroidie peu à peu en rayonnant dans l’espace et qu’il s’est formé une croûte solide, comme la glace se pro¬ duit en hiver sur nos nappes d’eau. Quel est ce sol primitif? est-ce le granité? On ne peut l’affirmer, mais nous l’admet¬ trons pour la facilité de l’étude. Sur le sol primitif s’est dé¬ posé le sol de remblai formé de la vase des mers, des apports des fleuves, des déjections volcaniques. En même temps de nouvelles quantités de matières fondues se consolidaient sous la croûte primitive dont elles augmentaient l’épaisseur.

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C’est l’ensemble du sol de remblai , du sol primitif et du sol sous-primitif qui constitue l’écorce solide de la terre. On estime son épaisseur environ à 20 kilom., c’est-à-dire au 1/300 du rayon terrestre. Sur une sphère de 1 mètre de rayon elle serait représentée par une enveloppe de 3 milli¬ mètres d’épaisseur. La masse interne fluide se nomme la pxjrosphère.

Société littéraire de TUniversité de Louvain ( Belgiq^ue ) .

L’ancienne Université de Louvain, que l’on appelait l’Athènes de la Belgique, fut fondée en 1425 par Jean IV, duc de Brabant. Elle fut supprimée le 4 brumaire an vi (23 octobre 1797) , en vertu d’un arrêté de l’Administration centrale du département de la Dyle. Rétablie en 1817 , sous le Gouvernement Néerlandais, elle cessa d’exister par suite des événements politiques de septembre 1830. Les évêques belges ayant érigé à Malines, le 4 novembre 1834, une Université catholique, elle fut transférée à Louvain le l.^*' décembre 1835. On ne tarda pas à y annexer une Académie sous le titre de Société littéraire de l’Université de Louvain. L’autorité rectorale en approuva les statuts le 8 décembre 1839. La Société comprend des membres actifs, des mem¬ bres assistants et des membres honoraires. Elle est dirigée par une Commission composée de 7 membres dont 3 pro¬ fesseurs et 4 étudiants. Cette Commission choisit dans son sein un président, un vice-président et un secrétaire. Les conférences que la Société a données pendant l’année aca¬ démique 1868 présentent un intérêt réel et méritent que nous en mettions l’analvse sous les yeux de nos lecteurs,

31. Poullet, professeur d’Histoire, a ouvert la série des conférences par un travail sur l’invasion du gueldrois Van Rossum dans les provinces belgiquos. Cet homme qui ré¬ pétait avec affectation cette maxime qui était tout son pro-

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gramme « l’incendie est le magnificat de la guerre, » vint mettre le siège devant Louvain en 1542. La ville allait être contrainte à se rendre à merci quand FUniversité procura de précieux auxiliaires aux rares défenseurs de la cité. Sous la direction de Damien de Goès, gentilhomme portugais , le corps des écoliers fondit sur l’ennemi et l’obligea à se retirer. M. Poullet a su mettre en lumière avec beaucoup de bonheur la part que les étudiants ont prise à la défense de la cité académique.

M. de Jaer traita ensuite un épisode de l’histoire de France et s’efforça de démontrer la légitimité de la sainte Ligue qui se forma contre Henri de Béarn. D’après l’auteur, si l’on peut blâmer certaines mesures prises par elle , cette critique fondée en quelques points n’ôle rien à la pureté des intentions qui animèrent les défenseurs de la religion catholique.

M. Wilmaer aborda dans une des séances suivantes un

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autre ordre d’idées. Il présenta à la Société une étude ap¬ profondie sur le Phédon, qui retrace comme on sait la mort de Socrate et redit ses suprêmes enseignements. Il s’attacha à trouver dans la partie philosophique de cet ouvrage la démonstration de l’immortalité de l’âme. La liberté , la simplicité de l’âme, la notion de la science, l’énonciation des maux qui résultent de l’union de l’âme et du corps, l’application de la loi des contraires , l’idée de connaissances antérieures à cette vie, l’harmonie qui existe dans l’être humain, l’attrihution à l’âme du principe de la vie, voilà les arguments de Socrate. L’antiquité n’avait pas encore atteint un degré aussi élevé dans la démonstration de l’im¬ mortalité de l’âme, vérité consolante que la Grèce avait méconnue depuis que la sophistique égarait les intelligences et que l’influence étrangère corrompait les mœurs.

La philosophie fit encore les frais de la conférence sui-

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vante. M. Liagre cherche à démontrer le désaccord de la saine philosophie et de la doctrine qui répudie l’ordre sur¬ naturel comme une chimère. Sans doute Tordre surnaturel dont il proclame l’existence est au-dessus des exigences de la nature , mais loin d’être en contradiction avec elle , il l’élève au-dessus d’elle-même. L’auteur attaque ensuite l’opinion qui tend à l’annihilation de notre nature dans l’union du divin avec l’humain.

M. Matthias , secrétaire de la Société , fit ensuite une dis¬ sertation sur les poursuites du crime de lèse-majesté sous le gouvernement du duc d’Albe. Il examine quels étaient les tribunaux compétents pour juger de ce crime en la cause du prince d’Orange-Nassau , chevalier de la Toison d’or, et il n’en trouve que deux : un tribunal de droit commun , le Conseil de Brabant, et un tribunal de droit spécial, le Chapitre de Tordre. Mais il est certain que si, conformément à la citation du roi , Guillaume fût rentré dans le pays , il n’eût comparu devant aucune de ces cours, mais bien devant le Conseil des troubles que Philippe II venait de créer. L’auteur se demande si ce monarque avait le droit d’établir, au-dessus des tribunaux de justice réglés, une cour extraordinaire avec une juridiction aussi étendue, et il con¬ clut dans le sens de la légalité de cette mesure. A Tappui de son opinion, que nous livrons sous toutes réserves, il in¬ voque l’application qui s’est faite de cette doctrine en France sous Henri III , en Angleterre sous Henri VIII et Élisabeth.

Une étude sur le Concordat entre Grégoire XVI et Nicolas, empereur de Russie, a fourni à M. Austray le sujet d’une conférence des plus intéressantes. Il a trouvé des accents con¬ vaincus pour dépeindre le sort de la Pologne , qui après avoir sauvé l’Europe de l’invasion ottomane semble rester, à la face du xviii.® siècle, le témoignage indélébile de l’ingra¬ titude humaine. J. Proost ,

docteur ès-sciences politiques et administratives.

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MUSÉES ET OOLLECTIOiSS

Don de M. Berthoud à la ville de Douai. En traitant , dans notre N." 2 [Bulletin , p. 39) des origines du Musée de Douai, M. l’abbé Dehaisnes rappelait à nos lecteurs que le 18 février 1864 , M. Samuel-Henri Berthoud avait légué sa précieuse collection ethnographique à la ville de Douai qui en prendrait possession aussitôt après la mort du donateur.

Par une généreuse résolution dont on ne peut trop le louer, M. Berthoud a voulu faire entrer dès maintenant la ville en jouissance d’une partie de ses richesses. Il va venir procéder lui-même à leur installation dans le Musée douai- sien.

Voici en quels termes YIndèpendant de Douai, dans son numéro du 23 novembre , signale l’importance de la collec¬ tion Berthoud.

L’une des sections les plus intéressantes du Musée de Lille, celle qui attire surtout la foule, c' est \e Musée Moillet. Comme le voyageur lillois , trop tôt ravi à sa cité natale , M. Berthoud a réuni un nombre considérable d'objets rela¬ tifs aux mœurs, aux usages des populations les plus sauvages, des contrées les moins explorées. Mais non content d’étu¬ dier, comme M. Moillet , l’enfance de la civilisation dans les temps modernes, M. Berthoud l’a suivie en même temps dans les époques les plus reculées. Ses collections présen¬ tent une importance historique qui n’échappera à personne.

Depuis quelques années , la science a beaucoup étudié cette période antédiluvienne l’homme naissant ne con¬ naissait pas encore le fer et qui est connue sous le nom d’âge de pierre : elle a recherché les traces de cette première civi¬ lisation dans les cavernes à ossements, dans les couches du sol antérieures au déluge. M. Berthoud s’est occupé de ces explorations; il a réuni un nombre très- considérable de haches, de flèches, de couteaux, d’ustensiles de ménage et d’objets de toilette en silex avec des ossements d’animaux. Après avoir visité le Musée antédiluvien de Saint-Germain- en-Laye, formé depuis près de deux ans par l’Etat, les

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savants anglais , français et allemands qui s’occupent de ces questions difficiles ne manquent pas d’aller étudier la col¬ lection Berthoud formée depuis un certain nombre d’années déjà et disposée avec une méthode et un soin qui facilitent les recherches. 31. Berthoud a ajouté à sa collection les moulages authentiques des objets les plus importants pos¬ sédés par les savants en renom et les 31usées. Lorsque nous posséderons cette collection qui ne cesse de s’enrichir, ceux qui s’occupent de ces époques mystérieuses , viendront étu¬ dier dans notre Musée.

Par delà l’Océan , dans le 3Iexique et le Guatemala a fleuri , plusieurs siècles avant l’ère chrétienne , une civili¬ sation dont les monuments se retrouvent encore au milieu des solitudes , sous des arbres plusieurs fois séculaires. 31. Jomard , l’un des auteurs du grand ouvrage qui a pour titre [q. Description de VEgijpte, avait consacré les dernières années de sa vie à faire une collection d’objets appartenant à ces antiquités mexicaines, au sujet desquels l’on a publié depuis environ quinze ans d’importants travaux. Sa collec¬ tion a été léguée au 3Iusée de Douai, avec la condition de lusufruit pour 31. Berthoud. La civilisation mexicaine qui présente, chose étrange, une ressemblance frappante avec la civilisation étrusque et parfois avec la civilisation égyp¬ tienne , y est représentée d’une manière presque complète. Au point de vue de la céramique , l’on y trouve plusieurs centaines de vases d’une pâte rouge ou noire parfois très- fine et très-bistrée avec des arabesques, ou des personnages en couleur avec des animaux s’ébattant sur les anses des aiguières. Les bijoux en or qui sont en nombre important, offrent, comme chez les étrusques, un métal granulé à l’aide d’un procédé qui n’a pas été retrouvé et des person¬ nages figurés à j’aide de fils d’or très-fins enroulés les uns dans les autres. A ces objets en or , il faut ajouter des bou¬ cles d’oreille en métal , des colliers en ivoire, en cristal de roche et en agate , des miroirs en obsidienne translucide , des figurines , des divinités et des amulettes en bronze, en jade, en pierres de diverses couleurs , des ustensiles de ménage, etc. N’oublions pas les Katouns, cartouches pré¬ sentant des inscriptions dont la clef n’est pas encore retrou¬ vée ; mais un Cbampollion futur saura lire un jour , il faut l’espérer , l’histoire de ces antiques civilisations. La collection Berthoud possède un nombre assez considérable de ces inscriptions, détachées des ruines du Palenquè. Plu-

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sieurs de ces inscriptions sont encore près de leurs bas- reliefs, qui rappellent les monuments assyriens de Kor- sabad.

En regard de ces civilisations antiques , de ces premiers travaux de l’homme , la collection Berthoud présente l’eth¬ nographie moderne. En relation avec les principaux voya¬ geurs et géographes , toujours à l’affût des objets curieux mis en vente à Paris et en pays étranger , M. Berthoud a réuni une collection très-importante l’on peut étudier la vie des peuples sauvages habitant sous toutes les lati¬ tudes. On y retrouve leur existence tout entière, en contem¬ plant leurs ustensiles de ménage , leurs vêtements , armes en pierre ou en os, les objets de toilette , et surtout leurs amulettes , leurs flèches et leurs divinités qui forment une série très-nombreuse et très-importante. L’intérêt de cette collection est d’autant plus vif que l’on peut la comparer à la collection de l’âge de pierre ; et acquérir ainsi la preuve que l’homme encore barbare , qui vivait il y a six mille ans dans nos contrées , vivait comme le caraïbe de l’Amérique ou l’insulaire des îlots perdus au milieu des mers de l’O¬ céanie.

Ce rapide coup d’œil suffira pour donner au point de vue des éludes, une idée de l’importance de la collection de M. Berthoud, que ses concitoyens vont recevoir avec une si vive et si profonde gratitude, et qui va devenir pour notre Musée un nouveau titre considérable à l’attention et à l’in¬ térêt des amateurs et des savants. A . D .

BIBLIOGRAPHIE

CHAISTS ET CHANSONS POPULAIRES DU CAMBRÉSIS par MM. Diirieux et Bruyelle.

Dans let. xxvni.® des Mémoires de la Société d’Emulation de Cambrai (!."" partie , p. 183 ; 1864) MM. A. Durieux et A. Bruyelle ont publié les chants et chansons populaires du Cambrésis ; ils ont fait précéder cette col lection très-curieuse d’une introduction écrite avec beaucoup de soin et qui en fait ressortir l’intérêt :

a Ces chants, nous les avons entendu répéter, disent-ils, nous les avons répétés nous-mêmes dans notre enfance.

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Tous de tradition orale, sans nom d’auteur connu, c’est dire que nous ne les avons trouvés transcrits nulle part. Fils plutôt du XVI.® siècle que du moyen-âge , par l’esprit , ils n’ont gardé de national que le sentiment poétique parfois , et le mot rappelant notre langage primitif. Ils procèdent avant tout aussi de la chanson , dans le sens qu’on a donné à ce mot depuis la Renaissance.

« Qui peut entendre ces refrains dont on berça sa jeunesse, sans se rappeler avec une tendre émotion, la mère adorée , la nourrice indulgente, sur les genoux de qui il a appris à prier, à parler, à vivre! Doux chants qui rapprochez le vieillard de l’enfant, peut-on se souvenir sans un sentiment tout à la fois de joie et de regret, de ces rondes que l’on chantait en dansant avec ses jeunes amis, sous l’œil mater¬ nel, pendant les beaux soirs d’été ! Pour qu’il en soit autre¬ ment, il faudrait n’avoir au cœur aucune sensibilité et, dans le cours d’une vie plus ou moins facile, n’avoir jamais souf¬ fert ; est-ce possible ? ^

Tout cela est fort bien dit; les chansons populaires ne sont pas , à proprement parler , un monument de litté¬ rature, mais un écho naïf des sentiments du peuple et des premiers bonheurs de la vie.

Les auteurs du recueil dont il s’agit l’ont ainsi divisé : 1 Chants de fête , la Saint-Jean et la Saint-Pierre ; 2.° les Rondes-Jeux et les Rondes -à-Danses ; 3.'’ les Chansons di¬ verses, satiriques, historiques ou autres, les complaintes. A la suite du texte des chants populaires se trouvent les airs notés qui permettent de reconnaître les différents styles de musique auxquels ils appartiennent.

Le t. XXX. •'des Mémoires de la Société fi.'* partie, p. 177; 1868) renferme un supplément qui est consacré principale¬ ment aux chants populaires du Cambrésis qui se retrouvent dans d’autres localités, dans d’autres pays, avec certaines variantes. Ce supplément présente un intérêt particulier : il compare les refrains du Cambrésis aux chansons du Canada recueillies par M. Gagnon et imprimées à Québec en 1863. On a dit qu’on n’emportait pas la patrie à la semelle de ses

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souliers ; mais on emporte les chansons du pays et on les implante aux lieux de l’exil ou de l’émigration. La preuve en est dans ces nombreux couplets importés de la mère patrie et qui ont traversé les mers dans le cœur ou sur les lèvres des émigrants. Peut-être M. Durieux ignore-t-il que dans le journal de l’intrépide lieutenant Bellot,mort victime de son dévouement à la recherche de John Franklin, se trouve , avec peu de changements notables , la chanson Gambrésienne de Dodinette, Podinou et qu’elle était .sans cesse fredonnée par le commandant canadien du Prince- Albert^ Kennedy ? Elle commence par ces mots : Quand fêtais chez mon père... mais elle continue presque exacte¬ ment comme la chanson de Dodinette qui commence ainsi : Mon père m'envoie à V herbe... tandis que dans la version du Mal Marié , les premiers mots de la chanson ont seuls de l’analogie avec la version canadienne que Bellot avait apprise du commandant Kennedy.

Peut-être aussi ne sait-il pas que la chanson de Madoulet existe à peu près identique en patois de Lille et commençant ainsi :

J’ai vu à Lill’ dernièr’raint A Saint’-Cath’rine un sergint,

Quand j’y pinse je m’ crinclie...

Ici le Suisse de la cathédrale de Cambrai est changé de paroisse ; mais il a les mêmes traits, le même costume , la même majesté comique. est l’original, à Lille ou à Cambrai? Voilà ce que nous ne saurions décider en si grave affaire. Nous soumettons le cas à MM. Durieux et Bruyelle. La sagacité dont ils ont donné des marques dans leur char¬ mante étude, nous fait espérer qu’ils peuvent résoudre cette difficulté historique. F. Ghon.

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COURS DE TISSAGE par M. E. Gand

Depuis plusieurs années déjà ont lieu à Amiens des cours techniques, fondés et patronnés parla Société industrielle; et ces cours, très-appréciés, ont eu la bonne fortune d’être professés par des hommes aussi dévoués que capables.

M. Ed. Gand vient de commencer la publication de son cours de tissage ; évitant l’aridité ordinaire des ouvrages de ce genre, il introduit immédiatement ses lecteurs dans les « opérations mêmes de la composition des tissus, en leur fai¬ sant pour ainsi dire exécuter séance tenante les croisements servant de base à la fabrication générale. C’est l’application de la méthode Jacoltot ou Robertson à l’enseignement tech¬ nique, familiarisant l’élève, par une pratique amusante et raisonnée, avec les principes abstraits et les règles généra¬ les, qu’il est ensuite tout surpris de formuler lui-même. Nous pensons que le livre de M. Gand est appelé à rendre les plus grands services à la population manufacturière du Nord. Güiraudet.

ORNEMENT DE BRONZE conservé au musée de Saint - Orner par M. de Lmas(i)

M. Louis Descbamps de Pas a fait, au sujet d’un ornement de bronze qui a figuré à l’Exposition universelle, une notice insérée dans les comptes-rendus de l’Académie des inscrip¬ tions et belles-lettres. L’ornement est une protome de sanglier terminée par un crochet recourbé et fixée sur une base quadrangulaire ; M. Deschamps le regarde comme un cimier de casque gaulois.

31. de Linas confirme cette attribution en s’appuyant sur un passage de Diodore de Sicile; sa conclusion est que cet

Il I I 1 1 I ^

(b Arras, Rousseau -Leroy ; 4 p., 1 pl.

405

ornement et un autre du même genre trouvé en 1866 , à Essey-lès-Nancy , ont orné jadis la coiffure militaire d’un Brenn. E. Van Rende.

CHRONIQUE.

Xunii»»iiiatiqiie. Découverte d'un trésor gaulois. M. de Saulcy.a signalé , dans ces derniers temps , à la Revue archéologique la découverte d’un trésor gaulois composé de 139 statères. Chacun d’eux est orné d’une étoile à quatre rayons. Ils sont tous semblables, ou du moins ne présentent que de légères différences provenant de leur mode de fabri¬ cation, c’est-à-dire de la confection fort peu régulière des' moules à l'aide desquels ces pièces ont été coulées.

Elles sont d’un or assez pur et pèsent uniformément , pri¬ ses une à une , 7 grammes 3o centigr. ; de même , le poids de dix pièces pesées ensemble est exactement de 73 grain. oO centigr. ; il n’y a donc pas moyen de ne pas reconnaître dans la taille de ces monnaies , une répartition rigoureuse du métal précieux employé.

Le trésor a été découvert à quelques lieues de Reims , dans un bois défriché, sur le terroir de Sainte-Preuve (Aisne). Les statères étaient à même dans le sol, à peu de profondeur. C’est le soc de la charrue qui les a mis au jour. Il est possible qu’ils aient été renfermés dans une enveloppe de cuir ou d’étoffe que le temps aura détruite.

Ces monnaies ont été très-rares jusqu’ici et par conséquent fort peu répandues dans les collections. La plupart des exemplaires connus provenaient d’une vigne sise à Monville, près Melun, l’on en trouve pour ainsi dire, chaque année. Tous les autres avaient été recueillis dans le pays des Car- nutes (Chartres).

L’opinion de M. de Saulcy attribue ces étranges monnaies aux Senons plus probablement qu’aux Carnutes. Ce savant

406

numismate pense aussi qu’elles ont eu cours parmi les Rèmes ; mais il n’admet pas que ces derniers aient été les auteurs de ce monnayage singulier. A. D.

La Monnaie Valenciennoise. Le n." o de notre Bul¬ letin ( page 145 ) contient l’analyse d’un essai sur l’atelier monétaire de Valenciennes et sur le monogramme de la monnaie des comtes de Hainaut, par M. Cellier. Dans ce travail , l’auteur réclamait comme type spécial à la ville de Valenciennes, le signe regardé par M. R. Chalon comme l’iniliale de Hannonia.

Les limites d’un entre -filet ne permettent pas de revenir sur cette notice qui a été, dans la Revue de la Numismatique belge{^.^ série, 1. 1, p. 371), l’objet d’une critique reproduite avec réponse dans la Revue de Valenciennes, t.xxiii, n.°9.

A l’opinion de Lelewel et de M. Robert, M. Cellier avait ajouté des documents tirés des archives et du musée de sa ville natale. Sans réfuter complètement les raisons de son adversaire , M. Chalon vise à mettre les rieurs de son côté. Dans sa réponse, M. Cellier, serrant de près l’argumenta¬ tion , relève une à une les allégations que fautorité d’une plume habile et savante ne suffit pas à maintenir contre des documents authentiques. Mais peut-on croire que fauteur des Recherches consente à n’avoir pas le dernier mot ?

E. Vax Rende.

]?Iétéopol«ê’ie. Mois de novembre 1869. La tempé¬ rature atmosphérique moyenne de novembre déduite d’une longue série d’observations est de 5." 697 , cette année elle fut de 6.° 93 par conséquent de l.° 233 supérieure à cette moyenne générale. La moyenne des minima a été de 4.° 18, celle des maxima 9." 68 ; les températures extrêmes 0.'’ 4 le 11 et 13.° 4 les 2 et 4.

Sous l’influence de cette température la tension moyenne de la vapeur d’eau, qui est ordinairement en novembre de

407

5 mill. 96, fut de 6 raill. 29 et rtuimidité relative de 83, 00 o/'^ au lieu de 85, 66 "/o.

L’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut aussi accrue dans ces conditions météoriques, elle atteignit 25 mill. 39 au lieu de 20 mill. 28 qui est la moyenne de novembre.

Si, d’après ce que nous venons de voir, les couches atmos¬ phériques en contact avec le sol furent moins chargées d’humidité que dans les conditions normales, il n’en fut pas de même de celles occupant les hautes régions. Pendant 18 jours en effet le ciel fut complètement couvert, et demi couvert pendant 12 jours.

Cette grande quantité de vapeur précipitée à l’état globu¬ laire , en se condensant , fournit en 28 jours, une couche de pluie d’une épaisseur de 101 mill. 37. L épaisseur de la couche de pluie recueillie en novembre, année moyenne, est de 50 mill. 404.

Ces 101 mill. 37 d’eau météorique comprenaient 3 mill. 65 d’eau de neige, 1 mill. 70 d’eau de grêle et 96 mill. 02 d’eau de pluie.

Sous l’influence de cet état hygrométrique des couches supérieures de l’atmosphère la hauteur moyenne de la colonne barométrique à 0.° fut de 758 mill. 844 oscillant entre les extrêmes 744 mill. 20 le 23 et 774 mill. 78 le 18. En novembre année moyenne la hauteur du baromètre est de 759 mill. 275.

Les vents régnants pendant la première moitié du mois furent ceux du N. O. , et pendant la seconde moitié ceux du S. O.

Les nuages des différentes couches suivirent à peu près la même direction.

Les 13 et 14 on observa un coup de vent prolongé S. O.

Il y eut pendant ce mois 28 jours de brouillard , 11 de rosée, 7 de grêle, 5 de neige. V. Meurein.

^ 408

Histoire iiioiïu mentale, de la Cham¬ bre échevinale d'Ypres. Cette Chambre (Schepencamev), redevenue le principal ornement intérieur du splendide Hôtel de ville d’Ypres , a servi , depuis le commencement du XIV.® siècle , de lieu de réunion pour l’Echevinage Yprois. C’est aussi que s’assemblaient les Etats de Flan¬ dre quand on les convoquait à Ypres , que la « commune d’Ypres » recevait les souverains du pays lors de leur pre¬ mière entrée dans cette ville.

A dater de l’occupation française (17 juin 1714), l’ancienne organisation municipale ayant cessé d’exister, la salle du Magistrat fut successivement affectée à divers usages. Bien¬ tôt les ornements et décorations qui rappelaient « l’ancien régime » disparurent et d’épaisses couches de badigeon recouvrirent la plupart des vieilles peintures murales.

Vers la lin de 1861 , le Conseil communal décida de faire rétablir dans son style primitif cette salle furent prises tant de sages et glorieuses résolutions. Les travaux, entrepris dès 1863 , furent poussés avec une grande activité en 1868 et en 1869, et la salle restaurée a pu être inaugurée solen¬ nellement le 8 août dernier.

La grande croisée qui occupe le côté-ouest de la Cliam- bre échevinale , ainsi que le dispositif architectural de la partie est, ont seuls été conservés. Encore la verrière de cette grande croisée a-t-elle être refaite. La cheminée monumentale , les poutres ornées et les lambris sculptés de la salle , sont entièrement neufs.

La grande verrière se compose de 3o blasons sur lesquels sont reproduites les armoiries des gbildes armées , des cor ¬ porations industrielles ou ouvrières et des métiers, dont les délégués formaient quatre des six collèges constituant la réunion dite Groot Gemeente. Cette verrière, magnifique don de M. Alphonse Van den Peereboom , ministi*e d’Etat,

409

ancien bourgmestre d’Ypres , rappelle donc le souvenir de la grande assemblée populaire qui , durant des siècles , délibéra dans cette salle même , à Fombre du beffroi encore aujourd’hui debout.

L’ancienne peinture murale qui recouvre toute la paroi- esL de la salle représente, dans sa partie supérieure, des deux côtés de Voculus restauré , les évangélistes saint Jean et saint Marc et, sur la frise , les six princes et les six prin¬ cesses qui furent les seigneurs du comté de Flandre de 1322 à 1476.

Les peintures historiques modernes rappellent trois épi¬ sodes glorieux de l’histoire d’Ypres. Des inscriptions , tirées des archives municipales, indiquent le sujet de ces différents tableaux. Celle placée au-dessus de la « Joyeuse entrée de Philippe-le-Hardi » se compose du texte même du serment prêté par ce prince à la commune d’Ypres , le 24 avril 1384. A. D.

iiiclusiB'ieE. Cours de tissage à S.t- Quentin. Un cours de tissage vient d’être établi à S.t-Quen- tin sous le patronnage de la Société industrielle. C’est M. Gand, l’éminent professeur d’Amiens qui a bien voulu faire toutes les semaines le voyage d’Amiens pour organiser cet enseignement et donner les premières leçons. Un second professeur, M. Grimonprez, supplée M. Gand et doit le rem¬ placer lorsqu’il sera initié à la pratique de cet enseignement. Cent élèves se sont fait inscrire au cours ; beaucoup Font suivi avec persévérance. La démonstration du tissu se fait d’abord au tableau puis sur un métier spécial. Les élèves ontaussi à leur disposition des métiers étroits dont la chaîne ne se compose que d’un petit nombre de très-gros fils , dont la navette se manoeuvre à la main et sur lesquels ils exécu¬ tent les dessins qui leur ont été enseignés. J. G.

Zoologie. Loup, M. Etienne Scrépel , de Roubaix ,

410

a abattu d’un coup de fusil , au commencement de décem¬ bre, à S.t-Hubert, dans la forêt des Ardennes , une superbe ‘Louve , qui mesure 1 m. 40 du museau à l’extrémité de la queue. M. Scrépel l’a offerte au Musée de Roubaix afin d’enrichir cet établissement d’un type de carnassiers qui n’exisie plus dans nos environs. J. G.

iitéeroSogic. Le samedi 11 décembre est décédé à Passy, près Paris , à la suite d’une hémorragie , M. Stanislas Dubois, avocat , ancien bfitonnierde l’ordre de Valencien¬ nes. M. Dubois avait été l’un des fondateurs du journal VEcho de la Frontière , à la rédaction duquel il participa longtemps avec MM. Arthur Dinaux et Aimé Leroy. Il a aussi collaboré aux Archives historiques et littéraires du Nord de la France et du Midi de la Belgique. Voici le titre des principaux articles insérés par lui dans ce dernier re¬ cueil : Recherches sur Bavai (2.® série, t. ii , p. 245) ; Essai sur VHistoire municipale de Valenciennes , (même série, t. III , p. 43). M. Dubois était âgé de 72 ans. A.D.

M. Navez , membre de l’Académie de Belgique (section de ■peinture ), est mort le 11 octobre dernier. Il avait vu le jour à Charleroi , en 1787. Il était l’élève de David et Lun des plus fidèles gardiens des traditions classiques. Cette mort n’est pas le seul deuil que la section de peinture ait à déplorer cette année: le baron Leys est mort à Anvers, sa patrie, le 26 août. Contrairement à Navez , Leys s’était rangé sous la bannière de l’école romantique et a largement contribué à la gloire de la nouvelle école flamande. J. G.

A iio.%» Le et e 198*!^

Notre Bulletin touche au terme de la première année de son existence. Nous, espérons que les sympathies de nos abonnés et de nos correspondants, qui ne nous ont point

41 1

fait défaut jusqu’ici , continueront de nous soutenir dans l’œuvre , éminemment désintéressée , que nous avons entreprise.

Renonçant, dès le début , à donner à notre publication le caractère d’une Revue , nous avons tenu à en faire un organe , principalement bibliographique , destiné à servir de lien entre les diverses sociétés savantes du ressort aca¬ démique et à tenir nos lecteurs de France au courant des faits de l’ordre scientifique et littéraire qui se produisent en Belgique.

L’exiguilé de notre format , conséquence obligée de la modicité du prix d’abonnement , ne nous a pas permis de tenir toutes nos promesses dès la première année. Ainsi, et à notre grand regret , nous n’avons pu encore entreprendre l’examen , en ce qui nous concerne , des Revues et écrits périodiques qui se publient dans notre ressort ou à nos portes. C’est une lacune que nous allons nous efforcer de combler. Beaucoup de questions d’intérêt local qui, dans ces derniers temps , ont passionné les archéologues ou les érudits , ont à peine été indiquées par nous. Nous en abor¬ derons incessamment l’étude d’après les meilleurs travaux sur la matière.

Le temps ( et nous comptons avoir pour nous cet indis¬ pensable élément de succès) le temps assurera l’avenir de notre œuvre , en nous permettant de réaliser notre pro¬ gramme dans toute son étendue.

L’accueil empressé que la plupart des sociétés ont fait à notre modeste Bulletin nous a prouvé qu’elles ne se mé¬ prenaient pas sur la pensée qui nous dirige. Tirer les tra¬ vailleurs de l’isolement quelques-uns se complaisent et d’autres gémissent d’étre ; faire qu’en se connaissant mieux ils s’apprécient davantage et que leurs forces , mises en commun , soient ainsi décuplées , tel a été notre but. Si

412

nous n’apprenons rien aux savants d’une ville ou d’un arron¬ dissement sur ce qui se passe chez eux , nous nous flattons, du moins , d’en instruire fidèlement leurs voisins.

Sans doute, en adoptant fréquemment les formes arides, mais impartiales , du compte-rendu analytique et du procès- verbal , le Bulletin se prive de ce genre d’attrait que l’on nomme le piquant et qui a fait la fortune de bien des créations différentes de la nôtre. Sans doute aussi , il se condamne à n’être, la plupart du temps, que le reflet d’œuvres étrangères et il court le risque de manquer de vie propre. Mais cela même est inhérent aux condi lions de notre entreprise et résulte du soin que nous prenons de nous effacer. Réservant pour les sociétés savantes , auxquelles nous avons riionneur d’appartenir, nos productions essentiellement personnelles, nous laissons , dans le Bulletin , la plus grande place pos¬ sible à l’analyse et à l’appréciation des œuvres d’autrui.

Nous continuerons d’accueillir avec empressement toutes les communications dont on voudra bien nous favoriser, pourvu qu’elles portent sur des faits actuels , des travaux de date récente ou en cours d’exécution, des objets non encore décrits ou qui ne l’ont été qu’imparfaitement, collections, monuments, couvres d art, etc. ; pourvu enfin qu’elles se renferment dans des proportions compatibles avec notre format.

Une Table des matières contenues dans le l.^*’ volume du Bulletin sera disliâbuée à nos abonnés dans le courant de janvier , en même temps que le Titre et la Couverture imprimée du volume.

J . G. et A. D.

Le Gérant : E. Castiaux.

TYP. DE BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

1/^ Année 1869

TABLE GÉNÉRALE

Talïle des Sociétés.

Abbeville. Société d’Emiilation d’ 252.

Académie de Douai. Prix de mille francs décerné dans le ressort de T— 321.

Amiens. Académie d’ 57 ;

Société des Antiquaires de Picardie 217.

Arras. Académie d’ 160, 263.

Belgique. Académie royale de 43, 65, 98, 227, 297;

Académie archéologique de 197 ;

Société d’histoire de la 151.

Boulogne-sur-Mer., Société académique de 25.

Cambrai. Société d’Émulation de 89, 261 , 384;

Société des Amis des Arts de 94.

Douai. Société d’Agriculture , etc., de 376, 383.

Conférences de rHôtel-de-Yille de 71, 108, 132;

Faculté des Lettres de 369.

Dunkerque. Société de 121 , 226 , 385.

Facultés. Séance de rentrée des 367.

Laon. Société académique de 127.

Lille. Société des Sciences , etc., de 3, 94, 153, 193, 256, 367;

Faculté des Sciences de 367.

Mons. Cercle archéologique de 29.

Nord. Commission historique du département du 334. Saint-Omer. Société des Antiquaires de la Morinie à 249. Saint-Quentin, Société académique de 329,

Sorbonne. Réunion des Sociétés savantes à la 110.

Valenciennes. Société d’Agriculture , etc., de 281.

Tal>le «les l\"oms d'Auteiirs

dont les ouvrages ont été analysés ou cités :

Alard. 306 Alexandre. 62 Amiable. 152 Anselin. 62 Arnould .31 Asselin. 331 Austray. 398

Bachy. 10. 156. 188 Baecker ^de). 36 Barbey. 114 Bâton tFabbé). 130 Bazot. 218 Béhin. 293 Bénard. 329

Béraud. 62 Berger. 313 Bernier. 32 Bettignies (de). 32 Blain. 330 Blin. 92.93 Boniface. 316

Borgnet. 232 Bouclier de Perthes 253 Bouton. 292 Briart. 19.66 Brochet. 22 Brun-Lavainne 113.335 Bruvelle. 90.262.313 401

Cafüaux. 290.339.356 Caïeux (de). 255 Cailletet. 349 Carlet (l’ahhé). 112 Catalan. 68.98 Cellier. 145. 284.289.292 Chon. 258.403 Cloquet. 33 Cochet (l’abbé). 115 Colas. 95 Colincamp. 373 Corblet(rahbé).88.111 113.225

Coremvinder. 10.116 Corne (père). 72 Corne (fils). 108 Cornet. 19.33.66 Courdaveaux. 372.375 Courtois. 250 Cousin. 115.226.385 Coussemaker (de). 335 Cox. 96 Dancoisne. 146 Dareste. 135.165.200.

259.380 Dartevelle. 33 Daudville. 330 Dehaisnes (l'abbé) . 40 110.172.187.321 Defontaine (l’abbé). 284 Delattre. 150 Delègue. 124.174 Deleporte-Bayart. 282 Delerue. 7.94 Deletombe. 7 Delgove (l’abbé). 224 Deligne. 94 Delière. 283 Delmotte. 250 Delplanque. 379 Delsart. 383 Demarsy. 254 Derode. 9.176 Descamps. 309 Descbamps de Pas . 1 1 6 404

Desjardins (Abel). 71.

173.369.375 Desplanque. 9.95.111

215.340 Deulin. 285 Devaule. 285 Devillers. 31.32.33. Dey. 113 Dormoy. 236 Douay. 285 Dumont. 285 Dupuis. 9 Dupont. 227 Durieux. 90.93.262.

401

Dusevel. 174 Dutilleux. 225 Dusauter. 333 Duval. 222 Escbenauer. 7 Fégueux. 92 Ferrus. 3 Fiévet. 284 Filliette. 131 Flament. 366 Fleury (recteur). 34 Fleury. 114 Folie. 297 Fourdin. 32 Fromentin. 279 Fuix. 64.120 Gacbard. 68.104 Galesloot. 200 Gand. 404 Garcin. 333 Garnier. 61.218.223 Gilbert. 68.98 297 Glœsener. 297 Gomart. 131.225 Gosselet. 157.184.197

262.268.392 Grandgaignage. 198 Grar, 284.286 Griml3ert. 343 Gripon. 196 Guignies. 32 Guiraudet 256 . 383 . 404 Güthlin. 122.123 Hachez. 33 Hallez. 141.170.205 Ilannover (le prof.) 299 Hecquet. 254 Hecquet d’Orval. 255 Henriot. 60

Henry. 68.227.297 Héricourt ( le comte

Achmet d’) . 362 Hillebrand. 135.374.

375

Houdoy. 78.345 Houzé de l’Aulnoil (d.')

157

Jacques. 33 Jaer(de). 397 Joly. 132 Jourdain. 222 Kervyn de Lettenhove

(le baron). 231 Kolb. 193 Kulhmann fils. 158 Lacroix. 33 Ladureau. 92 Lamy. 260.352 La Plane (de). 250. 264 Lebleu. 143 Lebreton. 159 Lecesne. 263.387 Lecocq. 165.181.235 Lefebvre. 91.116.261 Legentil. 161.162 Legrand. 14.73.284.

326

Lejeal. 76.292.294 Lejeune. 33 Lelièvre. 282 Letbierry. 155 Leuridan. 9.141.336 L’Hote. 122 Liagre. 398 Linas (de) 265.404 Livois. 26 Loppent. 192 Louise. 308 Lyon. 10 Magnier. 27 Malaise. 230 Manier. 384 Manso. 210 Marchand. 130 Mathieu. 61 Melsens. 297 Matthias. 398 Matton. 115.128.129.

130

Maugin. 133 Maurice. 383 Melun (le comte de). 8 I Mène. 85.159

- O

Meunier (le baron) . 9 Meurein. 21 .55.87. 149 192.216.248.280.318 365.407 Michaux. 33 Midoux. 114.128 Monnier. 32 Montée. 305 Mordacq. 123 Mossot. 8.23 Moy. 134 iVahuys. 200 Kavez. 227 Neyt. 297 Nivoit. 174 Korguet (de) 10.52.83 86.118.153.209.247 277.316.344.361 Obry. 61 Offret. 378 Ortlieb. 196 Paeile. 40 Pagnoul. 159 Painvin. 95 Parenty. 162 Paris. 326 Parsy. 383 Perin. 112 Petit (Pabbé). 32 Pilloy. 151 Planque (l’abbé) . 263 Plateau. 98 Plateau fils. 298 Porter (de). 152 Poullet. 396 Prarond. 256

Preudhomme de Borre 230.298 Prévost. 330 Proost. 199.398 Proyart. 263 Quetelet. 78.101.227. 298.386

Quetelet (Ernest) . 101 Quicherat. 115 RaYisi(de). 331 Renier-Chalon. 103 Renier-Malherbe. 299 Resbecq (le comte Eu¬ gène de). 56.88.153 Ricourt. 380 Ridder (de). 124 Rigaux. 20.151 Robitaille. 263 Roussette. 33 Roussel-Defontaine. 9 Rousselin. 132 Roth. 91 Rousseau. 330 Ruffin. 384 Saulcy (de). 405 Sauvage (Emile). 27 Schuermans. 200 Scheler. 199 Scoutteten. 42 Selys-Longchamps (le baron de). 230.298 299

Smyttere (de). 147 Soupplet. 333 Taillar. 170.220 Tassin. 181

Teniez. 95 Terquem. 122 Theiller. 285 Thielens. 56.85 Thivipr 5Q Tissandier 300.371.375 Thys. 200 Torfs. 200 Tricot. 33

Van Benéden. 103.227 229

Van Beneden fils. 146 147.287.298 YanHende. 19.46.185 405.406

YanderElst. 200 Van Drivai. 263 Varenberg. 199 Vendegies(le comte de) 91.262 Yerly. 309 Vertus (de). 114 Vincent. 116 Vincent (Ch.). 32.334 Violette (Henri). 159 Viollette (Charles). 10 11.116

Vlaminck. 200 Wallon. 285 Watteau. 58 Wilbert 90.93.111.176 262.384 Wilmaer. 397 Yvert. 58 Zandyck. 122 Zertermann. 199

Table des» Titres» des» Articles»

insérés , analysés ou cités.

Abbaye de la Thure , 33 ; de Dompmartin , 255 ; de Clair- marais , 264 ; de Saint-Michel, 330 ; Gartulaire de V d'Haumont, 32 ; Manuscrit de r de Lobbes, 33; Manuscrit de r de Saint Waast, 110; Numismatique de 1’ de Saint- Waast, 146 ; du Gare, 224

Abbeville (S). Hydrologie de Par.

d’ 254 ; la Ligue à 256 Agriculture. Progrès de P en France, 93; Manuel élémentaire d’ 383

Amiens (S). Puit artésien à 62;

Cathédrale d’ 222.223 Anor (N). Tranchée du chemin de fer à 189

4

Antiquités. Découverte d’ à Estiiines-au-Yal, 33; Fouilles archéologiques dans le Boulon¬ nais, 226

Ardennes. Hydrologie du dépar¬ tement des 349 Ardoises, Analyses d’ 85 Aristophane. 134 Armures dcs liommes du Nord , 265

Art. Histoire et Philosophie de V 122.261 Astronomie , 132 Ath (B). Tour et Carillon de Saint- Julien à 32

Auhert de Bavière. Régence d’

290

Azincourl (N), 278 Baleinoptères du Nord dc l’At¬ lantique , 227 Barbastelle , 247 Belœil (B), Château dc 32 Brasseur , 43

Blanchiment. Recherches sur le

193

Blanquart de Bailleul (M.gr) , 24

Bovines. Raccs du Ilaiuaut , 282

Boulangers. Lithurgie du patron- nage des lit

Boulogne-sur-Mer (P) Histoire de 27 ; Fouilles archéologi¬ ques près de 226 Bouvines , 151 Braine-lc-Comle (B), Forteresse de 32

Briffœil (B). Château dc 32 Billet^ 161 Burry (Pierre) , 223 Caillou- qui- Bique (B), 181.183 Caix (S) , 218

Calcaires du Pas-de-Calais , 159 Camhrai(^). Les Corps de métiers de 90.176 ; Domaines du Clergé dc 91 ; Disette à 93 ; la Domination espagnole à 1 11 ; Musée dc 313. Cambresis. Etats du 17 ; Chants et Chansons du 90; Inscrip¬ tions tuniulaires du 90 ; Géo¬ logie du 262; Chants et Chan¬ sons populaires du 401 Cantraine , 43

Gartulaires , Chartres et Char- triers du Haiiiaut, 32 : de FAhbaye d'Haumont , 32; de l’Eglise deS.te-Vaudru, 32 ; de Philippe-Auguste, 220; de Valenciennes , 287; Statuts de l’Académie dc Musique à Mous, 34

Celtiques. Antiquités— du Musée de Douai, 186 ; Découverte d’objets à Caix, 218 Céramique. Histoire de la lil¬ loise , 345 ; Manufactures de Fayences de Valenciennes, 76 Chalandrxj (A), 129 Chants et Chansons populaires du Cambrésis, 90. 40 J Charles-Quint. Campagnes de, 90 Charles VU. Lettre du Dauphin

à Philippe-lc-Bon , 335 Chateau de Briffœil , 32 ; de

Belœil, 32; deMons, 33; des Diables , 181 ; de Domart ,174 Chièvres (B). Histoire de 32 Chimie , 68 Chivy (A) ,114

Christianisme. Introduction du _ dans le Hainaut, 294 Cicéron. Traité dc la vieillesse , 62; les Débiils de 284 Clairmarais (P) , 264 Classification en Histoire natu¬ relle ,135

Collation dcs Curés de l’Ordre dc Saint-Jean-de-Jérusalem , 33 Concordat ruSSe , 398 Condé. Origine du titre des prin¬ ces de 11 4

Confrérie noble dc Saint-Gcorgcs à Mons, 34

Cotonnière. Industrie 124 Coucy la Ville (A) , 130 Crespel-Delisle , 162 Crustacés d’eau doucc de Belgi¬ que, 298

Desbordes-Valmore , 72

Derode (Victor) , 9 Détenus pour dettes. Conditions des au moyen-âge , 112 Deux-Acren (B). Eglise des - 30 Disette à Cambrai, 93 ; Famine et

108

Domart ( S .) , 174 Doncre (Dominique), 162

Douai (X). Musée archéologique de 35.185; Essai sur le Ma¬ gistrat de 172 ; Musée Ber- tlioud , 399

Dour (Bh Notes sur le canton de

32

Droit coutumier. Origine du 113

Dubois (Anne) , fondatrice des Brigittines de Lille , 344 Dubois (Stanislas) , 410 Dugué deBagnols. Mémoires de

intendant de la Flandre wal¬ lonne, 343

Dunkerque. Notice historique sur 144 Duthoit (Aimé) , 88 Eau. Utilité deU 133 Economie politique et sociale. Considérations sur les Douanes et sur rimpôt, 95; Enseigne¬ ment professionnel des femmes, 330; Causes du chômage du lundi, 330; Les Chèques, 330; Suppression des Octrois, 10 Edouard îîï , 231 Egl ises des Deux-Acren , 32 ; Saint -Julien à Ath, 32; Sainte- Waudru , 33 ; Chivy, 114; Amiens, 222.223 ; Saint- Michel , 330

Egyptiennes, Antiquités du Musée de Douai , 185 Elincourt (N), 92 Empoisonnement par les Grai¬ nes de Piicin , 157 Enfant (E) , 132 Epitaphes ( voir inscriptions tu- mulaires )

Escaut. Péage de r 198 Espèce. De r 165.200 Est innes-au-Val , 33 Etats de Lille , 8 ; du Hainaut, 16; du Cambrésis 17; Convo¬ cation des Généraux en Ar¬ tois , 327

EtouveUes (A) , 150 Exposition de svlviculture de Namur, 55; Visite à E— univer¬ selle, 58

Fayence (voir Céramique) Féodalité. La cn Picardie , 220 ; Statistique féodale du Mc- lantois, 336

Fêtes de la Toison-d'Or à Mons , 33 ; à Laon en 1741 , etc. , 130

Feux. Francs des cinq offices des à Valenciennes, 339. 352

Filigranes des papiers, 128 Filles de la Croix. Origine de l'Institut des 225 Flandre. Relations de la au moyen-âge, 200 Florentins. Les Proscrits— sous Henri III , 173 Foires de Mons , 33 Folz-les-Cavcs (B). Gite fossilifère de 83

Gallo-Romaines. Sépultures 19,52; Antiquités 91.129; Habitation à Bouvines, 151 ; Puits à Vechten , 200 Gaule. La au siècle d’Auguste et sous les Antonins , 170 Gaulois. Découverte d'un Trésor 405

Geete (Grande) (B). Roches canne¬ lées de la 230

Géologie du Cambrésis , 262 ; du Caillou-qui-Bique 183 ; des environs de Soignies, 66; = Grotte de Coget, près Namur , 227; Diluvium de Saint-Omer, 120 ; Cristaux de Gypte dans Eargile d'Ypres , 362 ; Coupe d'unpuit à Guesnain,157; Craie de Saint-Omer, 267; le Gault à Valenciennes, 197; Bassinhouil- 1er de Valenciennes ,236; Sour¬ ces sulfureuses de Meurchin, 318 ; Observations géologiques faites en Italie , 157 ; Roches cannelées de la Grande-Geete, 230 ; Tranchée du chemin de fer de Tournai, 216; id. d'Anor, 189 ; id. d'Origny, 189 ; Etudes paléontologiques sur le dépar¬ tement du Nord, 157; Crustacés et Tortue fossiles de Lezennes, 361 ; Cheloniens fossiles des environs de Bruxelles , 230 ; Palædaphus devoniensis , 229 ; Gîte fossilifère de Folz - les - Caves , 83 ; Meule , 18 ; Sources salines du terrain houiller, 299 Cours de 392

6

Germaniques. Traces d’éléments

dans le Nouveau - Monde , 200

Gibier. Arrivages de du Nord, 46

Gracques (les) , 73 Grec. Théorie élémentaire des verbes grecs , 308 Gucsnain (N). Coupe d’un puit à

157

Hainaut. Etats du 16; Cartu- laire du 32 Hamel (N) , 248

Haumont (N). Cartulaire de l’ab¬ baye d’ 32 Hédouin , 24 , 88 , 385 Henri IV. Lettre de aux Ya- lenciennois, 292 Histoire. Cours d’ 371 Hippophagie , 333 Houille. Analyse des du Nord de la France, 159 ; Bassin houil- 1er de Valenciennes , 236 Horace. Traduction d’ 59 Hrovistha , 59

Hydrologie de l’arrondissement d’Abbeville , 254 ; du dépar¬ tement des Ardennes , 349 ; Ali¬ mentation d’eau potable de la ville de Douai , 383 Incendie. Avertisseur d’ 192 Indianisme. Jeliovali et Agni , 61 ; Culte de Kriclma ,331 Industrie. Notions sur 1’ dans le département des Ardennes , 174; Histoire de F— à Lille, 176

Inscriptions tumulaires de Blan¬ dine Rubens , 33 ; de l’ar¬ rondissement de Cambrai , 90 . 262

Intendants, Intendance du Hai¬ naut , 14 ; Mémoires des de la Flandre et du Hainaut , 340

Insectes. Catalogue des Coléop¬ tères du département du Nord, 10; id. des Hémiptères, 155; Synopsis des Caloptérygines, 230 ; id. des Gomphines , 298 ; Ravages des Chenilles, 240.268 282 ; Insectes nuisibles , 255 Ivoire. Feuille d’ trouvée à Tongres , 200

Jeanne la Folle, 135 Juan d’Autriche (Don) , 68.231 Jourdain (Léonor) , littérateur , 61

Judiciaire. Episode du XIV.*

siècle, 123; Jugements de Dieu, 199

Xiamartine, 87

Lannoy (N). Histoire de 9.141 Laon{k). Fêtes à en 1741, etc., 130; Institution de Charité à 131

lia Rochefoucault, 8 Lemaire de Saint-Quentin , 333 le Pelletier de Souzy intendant de la Flandre , ses Mémoires , 341

Lèse-majesté SOUS le DuC d’Al- be , 398 Leys , 410 Lezennes (N) , 361 Ligue. La à Abbeville, 397 en France , 397

Lille (N). Histoire des Etats de 8 ; Rivières et canaux de 40; Histoire de l’industrie à 176; Biographie lilloise contempo¬ raine , 309 ; Anciennes coutu¬ mes de 335

Littérature. Cours de néer¬ landaise, 36; ancienne, 372, française , 373 , étrangère , 373 Liquide. Figures d’une masse sans pesanteur, 98 Looz (B). Histoire du comté de 152

Loup , 80 , 116, 409 Louvain (B). Siège de 397 Mammifères. Liste des du département du Nord, 212 Mammouth , 120 Marœuil {?), 387 Mathématiques , 64, 68, 98, 120 Martre ,316

Mécanique. Expériences sur les métiers à tisser , 256

Menstruation. Epoque de la 299

Mérovingien. Cimetières 130.

218.318 ; Chapiteaux 1 14 Météorologie, 21. 53. 86. 118. 148.191.215.247.279.316.364. 406; Orages, 22.386 ; Observa¬ tions 92.101.122.333.378 ;

7

Aurores boréales, 227 ; Bolide; 227.365; Neige en été, 299, Tremblement de terre , 365 ; Etoiles filantes, 387 Métiers. Corps de à Cambrai, 176 ^

Meunier (Baron) , 9 Meurchin (P) , 318 Milon moine de Saint-Amand , 112

Monnaies (voir Numismatique) Mon$ (B). Château de 33 ; Fête delà Toison-d’Or à 33; Foires de 33 ; Sceau primitif de 33; Hôtel de la Paix à 34 ; Confrérie noble de S.t-Georges à 34 ; Ancien cimetière à

362 ^

Monstruosités. Producîtion des

259 ; Polydactylie , 379 Musées de Cambrai , 313 ; ar¬ chéologique de Douai, 37.185 ; —d'flistoire naturelle de Douai, 205 ; de Dessin de Lille, 120 ;

d’Archéologie et de Cérami¬ que de Lille , 209 Ethnogra¬ phique de Lille, 188— Berthoud à Douai , 399

Navez , 410

Narbonne. Journal de Com¬ missaire de police de Versailles, 258

Néerlandaise. Cours de littéra¬ ture 36 Noble famille , 56

^oroy (S) , 218

Numismatique des comtes de Hainaiit, 143 ; de FAbbaye de Saint- Waast, 146; du Pon- thieu , 254 ; des seigneurs deFlorennes, 104; Découverte de Monnaies, 20.149.405; De la Monnaie dans le département du Nord. 44.^84; Atelier moné¬ taire de Valenciennes. 145,406 ; ]\Iédailler du Musée de Valen¬ ciennes, 284 ; Enseignes de S.t- Firmin ,115

Œufs. Conservation des 159 Oiseaux. Coqs de Bruyère, 47 ; Gelinotte, 49; Lagopèdes, 50 ; Tétras , 51 ; Mouette, 86; Petrel, 86 ; Pouillot , 86 ; Cygne ,119; Canard hybride , 205 ; Pélican

blanc , 315 ; Oiseaux étran¬ gers, 85; Ornithologie euro¬ péenne , 153 ; Oies sauvages , 356

Origny (A). Tranchées du chemin de fer à 190 Ornement de Bronze , 404 Pascal , 8.124.174 Peinture : Vocation de Saint- Jacques, 95 Peissant (B), 33

Périodiques. Phénomènes en 1865 et 1866, 101 Peuple. Condition du au moyen-âge, 113

Philippe II. Campagnes de 200

Philosophie. L’Ame, 61; les Idées innées, 253, Etudes de Théodi¬ cée, 300 ; Cours de 370 ; Le Phédon , 397 ; L’ordre surna¬ turel , 398

Physique ; Vibrations de l'air dans une enveloppe biconique, 196; Chronomètre electro-ha- listique, 227 ; Pyromètre, 260 Physique sociale, 78.299 Poésies, Poèmes ; la Patience , 7;Lydéric, 7; l’Apparence trom¬ peuse, 7; Hrovistha, 59; la Mort et le Bûcheron , 60 ; la Sobriété poème du ix.® siècle, 112; le Dernier jour de Pompéï , 123; Li roman des Eles , 199 ; les Chants du soir , 210 ; le Pèleri¬ nage deChild-Harold, 306; Pro¬ menade dans le Cimetière de. . . 330; Macbeth, 330 Poissons fossiles du Boulonnais, 27

Porc Epie , 120

Préexistence des germes. Théo¬ rie de la 135

Premont (A) pendant l’occupation romaine , 135

Procès auxiliaires de l’Histoire , 91

Protestantisme à Remigny, 130 Puit romain, 200 Puysaye. Recherches historiques sur la 147

Quemada. Ruines de 92 {juentovic. Emplacement de

8

Reliquaire de l'abbaye de Hac- quignies

Remigny (A) , 130 Renaissance (La), 71 Rime. Origine de la 59 Robespière. La jeunesse de 325

Ronchin (A) , 19 Roye (S) , 225

Rubens. L'épitapbe de Blandine, 33

Saint- Angilbert , 113

Saint-Michel (A) , 330 Saint-Omer{V). Diotionnaire géo- graphique de l'arrondissement de 250 ; Diluvium de -- - 120 ; Craie de 267 Sainte- Aye. Culte de 33 Sainte-Beuve , 320 Saint-Génois (le Bai'on de) , 43 Sanglier ,117

Sceaux primitif de Mous , 33 ; des Minimes à Mous, 34; des seigneurs de Florennes , 104 ; du Musée d'Amiens, 225 Schœnbein , 42 Sénac de Meilhan, 14.325 Sépultures et Cimetières gallo- romaines , 19.52 ; mérovin¬ giennes, 130.218.318. 387;— an¬ ciennes , 150.362; Pierres tom¬ bales de AVillerval , 362 Silex taillés , 33

Silviculture .Exposition de de iS’amur, 55; Végétation spon¬ tanée des plantes forestières , 62

Smithsonnienne . Institution de Wasington , 378 Soissons (A). Siège de 131 Soignies (B), 66 ASo/esmes (N). Histoire de 381 Soude. Fabrication de la 352 Soufre. Extraction du en Si¬ cile , 158 ; Source sulfureuse . de Meurcliin ,318 Squalodons , 103 Strepy (B), 33

Sucre. Dosage du 11 Sulfocyanures , 68 Templeuve (A) , 362 Théodicée. Etudes de 300 Thermophylacte , 159 Thivencelles (B) , 19 Tissage. Coui's de 404.409 Toilliez , 31

Toscane (Grand Duc de) 173 Tournay (B). Tranchée du che¬ min de fer, 216

Trith (iN) .Seigneurs de— aux xii.® et XIII.' siècles , 286 Université. Discours suri' 34 Valenciennes. Manufactures de fayences de 76 ; Ateliers mo¬ nétaires de— 145.406; le Gault à

197 ; Chartre communale de

289; Siège de 292 ; Vigno - blés de 292 ; Flistoire du Col¬ lège de 293 ; Francs des cinq offices des feux à 352 ; Bio¬ graphie valenciennoise , 287

Van der Buch archevêque de Cambrai, 33

Vapeur (Machines à vapeur), hobinet à air de sûreté , 96 ; Utilisation des perdues dans les fabriques de sucre , 333 ; Emploi de la contre-vapeur , 380

Végétaux Alyosotis Dumortieri, 56; Cytissus décumbans, 56; Physiologie végétale , 156 Vente de gravures, 366 Vierge miraculeuse de Cambron, 33

Vincent de ITiistitut ,24.87 JV arminia (B) , 200 Watteau. Le peintre 284 JVelteren, 200 TFillerval (P) , 362 Worden. Biographie du baron do

91.262

Ypres (B). Restauration de la Chambre échevinale d’ 408 Ziphioide foSSile , 103

Les noms de localilcs sont accompagnés d’initiales dés' gnant les divisions géogra¬ phiques cl’es sont situées : (A) Aisne , (Ar) Ardennes , (S) Nord , (P) Pas-de-Calais , S) Somme , (Bj Belgique.

LILLE, DIP. BLOCQUEL-CASTLVUX , GRANDE PLACE, 13.

BULLETIN

Scientifique , Historique et Littéraii*e

du Département du Nord

ET DES PAYS VOISINS

BULLETIN

SCIENTIFIQUE , HISTORIQUE

ET LITTÉRAIRE

DU DÉPARTEMENT DU NORD

et des pays Toisius

( Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Ardennes, Belgique )

PUBLIÉ sous LA DIRECTION DE MM.

GOSSELET , Professeur à la Faculté des Sciences de Lille et DESPLANQUE , Archiviste du Département du Nord.

Tome IL 1870.

LILLE

Imprimerie de Blocquel-Castiaux , grande place , 13

1870

<

îv

-

•V

2/ Année. N.° 1. Janvier 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ d’agriculture, scieisces et arts de douai Mémoires , 2.® série , tome IX.

HISTOIRE ET LETTRES.

Notices nécrologiques : M. H. Honoré^ M. Vahbé Capelle, La Société d’agriculture , sciences et arts de Douai est dans l’habitude de consacrer une Notice à ceux de ses mem¬ bres résidants qu’elle a la douleur de perdre. M. Dupont s’est, au nom de la compagnie, acquitté de cette dette envers la mémoire de feu M. Honoré , ancien bâtonnier de l’ordre des avocats , décédé le o août 1866.

La Société a tenu à ce qu’un de ses correspondants, mort le 7 octobre 1867, fût pareillement admis aux honneurs d’une Notice. M. l’abbé Capelle avait des droits particuliers à cette distinction, comme enfant de Douai et comme ayant répandu un certain lustre sur sa cité natale. Sans avoir été un orateur de premier ordre, M. l’abbé Capelle a recueilli, dans sa longue vie de missionnaire, des succès de parole dont se souviendront longtemps les populations rurales et urbaines qui en ont été témoins. On sait qu’avec sa puis¬ sante initiative, son entrain irrésistible, il fut l’organisa¬ teur des jubilés séculaires de Cambrai, de Lille et de Douai, trois grandes fêtes qui marqueront dans les annales ecclé¬ siastiques du pays. A la suite du jubilé de Douai, M. Maurice, alors maire de la ville, lui adressa de publiques félicitations pour l’heureux résultat d’une entreprise qui réclamait, comme il le dit, <r l’union d’une foi ardente et d’un goût épuré. » Il lui remit, en même temps , au nom de ses con¬ citoyens et en commémoration de cette fête, une chapelle en vermeil , ornée de riches métaux.

2

La Notice nécrologique de M. Capelle ne pouvait être inieux confiée qu’à la plume exercée de M. l’abbé Debaisnes. Celui-ci suit pas à pas son regretté confrère : il l’accom¬ pagne du collège au séminaire, du séminaire à ses diffé¬ rents postes jusqu’à celui de Saint-Géry à Valenciennes devait s’éteindre , au bout d’une vie de fatigues, cet homme doué de qualités si brillantes et d’une si rare activité.

M. Debaisnes énumère, en môme temps, les productions littéraires de son auteur, productions qui, si l’on en excepte la Vie de Sainte Hiltrude et la Biographie des Prêtres du diocèse de Cambrai morts depuis 1800, furent presque toutes des œuvres de circonstance, puisqu’elles se rattachent aux trois grands jubilés dont elles rappellent le motif et dont elles perpétueront le souvenir.

L'Académie bocagère du Lulmuse, notice humoristique par M. le docteur Maugin. Le Valmuse des bords de la Sensée et les Rosati d’Arras étaient deux institutions sœurs. Nous traiterons de l’une et de l’autre dans un article spé¬ cial, lorsque aura paru le chapitre consacré par M. Paris à la joyeuse Société artésienne dont Robespierre était le peu joyeux sociétaire, (b Provisoirement nous nous bornerons à signaler le travail de M. Maugin, en en louant le tour heureux et les données nouvelles qui forment un utile complément aux recherches de feu Arthur Dinaux sur la même matière.

Boutade à V occasion de la Loi Grammont^ par M. Courtin.

De l’immortelle loi que l'on doit à Grammont Admirez , s’il vous plait , le sens grave , profond...

Tris d’un tendre intérêt pour la gent animale,

Par une faveur sans égale,

11 fait punir d’amende et d’emprisonnement Le plus futile emportement Contre le moindre chien , ou bien toute autre hôte.

(b Voir Bulletin , t. i , p. 326.

O -

Parfait , dit l’auteur de la boutade en question (ce n’est, bien entendu , qu’une boutade) , mais ce meme animal que le législateur prétend protéger contre le caprice d’un con¬ ducteur , il le livre sans pitié au boucher s’il juge sa chair propre à l’alimentation de l’homme :

Mais Tassommer, ou l'égorger ,

Le dépecer, et même le manger Est très-permis _

M. Cour tin , on le voit , n’est pas éloigné de s’écrier avec le poète Roucher :

Arrête , liomme vorace ; arrête ; ta furie Des tigres , des lions, passe la barbarie !

Ne nous étonnons pas, après cela, s’il s’emporte contre les chasseurs que l’on voit :

. Dès que l'ordre du Tréfet

Le permet ,

Sur les êtres vivants que notre terre porte Fondre avec cruauté.

A combien plus forte raison le défenseur quand même des animaux réprouve-t-il les courses de chevaux, les com¬ bats de coqs, de pinsons et de taureaux, l’usage l’on est de choisir pour cible vivante , les jours de fête ,

Une innocente bête Qu'on lie et qu'on suspend !

L’usage , non moins barbare , l’on est en Gascogne de livrer aux sangsues de vieilles rosses encore vivantes.

Bref l’auteur conclut que , dès qu’il s’agit de l’intérêt ou même des plaisirs du roi de la création , l’esprit de la loi Grammont est bien vite laissé de côté par ceux mêmes qui l’ont faite.

Le monument du Vercingétorix ^ poème par M. Abel Desjardins. Ici nous sommes encore sur le terrain de la poésie. Mais nous confinons aux sévères réalités de l’Iiis-

toire. M. Abel Desjardins a divisé son poème en trois chants : Alise, Rome, VApothéose.

Alise, c’est le récit du soulèvement général et de la défaite suprême :

Ainsi , dans un élan sublime ,

La Gaule se lève unanime !

0 combien ils sont beaux à voir Ces guerriers , ces héros , accourus par cent mille (juittant , le cœur joyeux , leur foyer et leur ville Pour accomplir un saint devoir !

Dans Rome , nous retrouvons le captif languissant sans espoir :

Ce n'est plus le brillant vainqueur de Gergovie ,

A l'œil d’aigle , au front radieux ;

C'est un pâle malade , au déclin de la vie :

Cinq ans de douleurs l'ont fait vieux !

Par un de ces anachronismes volontaires que l’on par¬ donne avec un plaisir particulier aux maîtres de la science historique , Saint Pierre apparaît au captif dans sa prison. Il lui prédit le prochain triomphe du christianisme sur les débris de Rome païenne et lui fait entrevoir les hautes des¬ tinées de la Gaule comme fille aînée de l’Eglise.

Au jour de VApothéose, la Gaule est devenue France. Elle invite Vercingétorix à prendre rang entre les héros et les rois dont elle est le plus fière :

Or , parmi les guerriers que le Gaulois admire , ün groupe a fixé son regard.

Il cède au charme qui l’attire Vers Jeanne Darc et vers Bayard ,

Il siégera plus d'un trait les "rapproche :

Même vertu , même valeur,

Entre le chevalier sans peur et sans reproche ,

Et la vierge de Vaucoulenr.

Mœurs des Hébreux et des Arabes j^asteurs d'après la Bible , par M. H. Corne. M. Corne , comme il nous l’ap¬ prend lui-même , s’est appliqué à relever , avec une reli¬ gieuse curiosité , ce que la Bible contient de renseignements sur les Sociétés primitives.

« Abraham, dit-il en commençant, est le patriarche qui forme le trait d’union entre l’histoire profane et l’histoire sacrée des premiers âges ; Abraham , le nom d’homme sans contredit le plus vénéré dans le monde. Trois religions Tinvoquent et l’honorent comme leur fondateur; pour les Juifs , il est le père du peuple choisi de Dieu ; pour les Chrétiens, c’est le trône sacré d’où le Christ lui-méme est sorti. Les Musulmans enfin révèrent en lui l’auteur de la famille arabe, Tancêtre de Mahomet. »

La Constitution sociale du peuple Hébreu à cette époque a pour hases le monothéisme le plus pur et la puissance patriarchale avec un reflet d’autorité divine qui lui est propre , puissance illimitée à l’égard des enfants , des esclaves, et qui relègue la femme au degré d’infériorité elle se trouve le principe de la monogamie n’est point de rigueur. Les patriarches , véritables chefs de tribus , étaient riches et puissants à l’égal des petits rois de la con¬ trée qu’ils habitaient. Ils possédaient de l’or, de l’argent , des tentes, des troupeaux. A la tête de nombreux ils entreprenaient des expéditions guerrières et conquéraient des territoires : ce qui ne les empêchait pas de conserver une extrême simplicité de goût et de mœurs. Qu’on ne se méprenne point toutefois sur le caractère réel de cette sim¬ plicité et qu’on ne la confonde point avec l’innocence chimé¬ rique qu’ont rêvée les poètes profanes lorsqu’ils ont voulu nous dépeindre les merveilles de l’âge d’or.

« A côté de ces vertus , à côté de cette simplicité de cœur et de cette foi religieuse si profonde et si vive chez les patriarches , nous trouvons trop fidèlement reproduites en eux toutes les passions de l’humanité : la jalousie , la haine, l’amour de la vengeance, la cupidité , l’astuce, la dissolu¬ tion des mœurs, etc. Quand ils ne savent pas réprimer ces passions , les crimes qu’elles enfantent sont empreints d’une brutalité , sauvage comme l’existence même de ces hommes primitifs. »

Le tableau de la vie des patriarches, si naïvement retracé

6

par la Bible , aide beaucoup à mettre en lumière certains usages communs aux peuples d’une antiquilc très-reculée. Par exemple : l’érection de monuments commémoratifs , autels, pierres du témoignage, etc.; la plantation d’un bois en souvenir d’un pacte solennel ; le creusement de puits, dont l’un, dans la Genèse, est formellement appelé le puits du jurement ; lacbat de terrains pour sépultures, l’embaumement des corps , les cérémonies des funérailles , les assemblées du peuple à la porte de la ville, etc.

Passant de la Genèse au livré de Job , M. Corne recueille, dans ce dernier ouvrage , de piquantes observations sur la sociabilité des peuples primitifs , sur leur façon d’exercer l’hospitalité, sur leurs instincts d’humanité et de justice , sur la manière dont ils envisageaient la misère et l’iniquité, sur le sens qu’ils allacbaient à la malédiction , sur leurs danses et instruments de musique , sur leurs objets de luxe , leurs armes et instruments divers , sur leurs tombeaux et leurs signes de deuil.

JS oie sur quelques inscriptions latines du musée de Douais par M. Ernest Desjai’dins, membre correspondant. Dans un séjour qu’il a fait à Douai , l’attirent des liens d’é¬ troite parenté, M. E. Desjardins a pris la peine de déchiffrer les inscriptions du Musée gallo-romain de cette ville. Les lectures de l’habile épigraphiste pouvant être considérées comme définitives, nous ne désespérons pas de les repro¬ duire un jour ici avec tout ou partie des savants commen¬ taires dont leur auteur les a accompagnées.

Essai sur les Musées de Douai: leurs origines^ leurs progrès, leurs hienfaiteurs , par M. Auguste Cahier. Les portions de ce travail relatives à Varchéologie et à Vethno- graphie ont été résumées ici -meme par notre collaboraleui* M. l’abbé Dehaisnes(Bu//ef«u, 1. 1, p. 3740, 183-187). Quant à larticle de M. Cahier traitant des tableaux, dessins et gra-

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vures , comme il figure en tête du Catalogue , récemment imprimé, des ouvrages de peinture^ sculpture, etc., exposés dans les galeries du Musée de Douai, nous l’analyserons procliainemenl, en rendant compte de ce volume.

Les origines des xctx savctorüm et les protecteurs des Bol- landistes dans le Nord de la France , par M. l’abbé Dehais- nes. M. l’abbé Dehaisnes commence par établir, d’après les témoignages de 3DI. Pertz, de Reiffenberg , Chodzko et Renan , l’importance de ce recueil gigantesque. Puis, au moyen d’emprunts faits à la biographie du P. Van Roswey, plus connu dans le monde de l’érudition sous le nom de Rosweyde , il démontre que les Acta Sanctorum ont été commencés à Douai et dans deux abbaves voisines : 31ar- chiennes et Ancliin. Le P. Van Roswey , on ne le sait pas assez, a précédé Rolland dans la grande entreprise à laquelle celui-ci devait attacher son nom. A ce compte. Douai peut, de préférence à Anvers, revendiquer l’honneur d’avoir été le berceau des Acta Sanctorum. Rolland a trouvé chez un prélat de nos contrées, dom Antoine de Winghe , abbé de Liessies, l’aide pécuniaire, les encouragements et les conseils qui, dans cette maison , n’avaient jamais fait défaut au P. Van Roswey. Dom de Wingbe , mort en 1637, n’eut la consolation de voir que les premières feuilles d’une collection dont nous , gens du xix.® siècle , ne verrons cer¬ tainement par les dernières. L’abbaye de Liessies fournit aussi à Rolland quelques-uns de ses coopérateurs : Chrétien Le Roy , Thomas Luytens , etc. 31. l’abbé Dehaisnes énu¬ mère ensuite et fait connaître les autres collaborateurs que les Rollandistes ont eus successivement dans notre pays : dom Renoit Lempereur , religieux de 3Iaroilles ; dom Rève- not , religieux de Saint-André du Gâteau , décédé , dans no¬ tre siècle, doyen-curé de 3Iaiibeuge; le P. Urbain de Sticker, jésuite, à Dunkerque le 11 septembre 1707. L’infati-

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gable archiviste de Douai a ainsi écrit un bien curieux chapitre de Thistoire littéraire de la région du Nord.

Mémoire sur les Etablissements religieux du clergé sécu¬ lier et du clergé régulier qui ont existé à Douai avant la Révolution, par M. l’abbé Dancoisne. La Société d’agri¬ culture, sciences et arts de Douai , dans sa séance publique du 12 novembre 1865, a honoré d’une médaille d’or cet important mémoire dont elle publie aujourd’hui la pre¬ mière partie. L’ouvrage est précédé d’une substantielle in¬ troduction l’auteur passe en revue tous les établissements religieux d’hommes qui existaient à Douai avant 1789 et il esquisse à grands traits l’histoire ecclésiastique de cette ville. Ce tableau d’ensemble figure d’autant plus heu¬ reusement en tête du livre que M. l’abbé Dancoisne , déses¬ pérant de pouvoir faire marcher de front l’histoire des diffé¬ rentes maisons, va se borner à nous présenter isolément , dans le corps de son ouvrage , la monographie de chacune d’elles.

Il commence naturellement par les deux établissements les plus anciens de Douai , à savoir les collégiales de Saint- Amé et de Saint-Pierre. L’origine du chapitre de Saint- Amé se confond avec celle même de la ville. M. Dancoisne la retrace; puis il nous initie à la composition de ce grand corps capitulaire.; il nous décrit ses droits, ses privilèges , scs relations avec les deux pouvoirs. Il cite les hommes remarquables que la collégiale de Saint-Amé a produits, les faits les plus saillants qui se sont accomplis dans son sein. Il nous dépeint les locaux qu’elle a occupés et son église plusieurs fois rcconstruite.

Même méthode pour le chapitre de Saint-Pierre avec qui on sait que le chapitre de Saint-Amé ne vécut pas toujours en parfaite intimité.

L’ordre des temps amène ensuite M. Dancoisne à parler

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des Templiers qui eurent deux maisons à Douai et qui , après avoir soutenu divers procès contre lechevinage, furent compris dans la proscription générale que Philippe-le-Bel organisa contre eux. Les frères de Saint-Jean de Jérusalem leur succédèrent dans leur maison Notre-Dame, comme dans la direction de l’hôpital Saint-Samson qui ne fit que dépérir sous eux.

L’installation à Douai des Trinitaires , ou pères de la Rédemption, eut lieu en 1200 et compléta, dans celte ville, le cercle des institutions qui avaient leurs regards tournés vers l’Orient. comme ailleurs , elle rendit de véritables services que 31. l’abbé Dancoisne enregistre avec orgueil pour l’Eglise.

Dans les portions subséquentes , et non encore publiées , de son livre, l’auteur nous entretiendra des deux grands ordres du xiii.® siècle , Dominicains et Franciscains. Puis, franchissant un grand espace de temps , il nous fera assister à la création de l’Université , à l’établissement dans Douai des jésuites et des religieux anglais.

Dès maintenant , et par ce que nous connaissons de l’ou¬ vrage , nous pouvons assurer qu’on y trouvera une série de faits bien choisis, habilement groupés et judicieusement entremêlés de fines remarques , le tout conçu dans un style d une irréprochable pureté et d’une simplicité de bon aloi. Nous retrouvons bien ici, avec toutes ses qualités, l’écrivain dont notre ville est légilimement fière et à qui la Société des sciences de Lille , elle aussi , décernait récemment l’une de ses plus hautes récompenses.

Quelques lettres inédites de Collot d'Herhois, par 31. A. Preux. En procédant au dépouillement, qu’il a entrepris avec 31. Brassart, des archives de l’ancien Parlement de Flandre , 31. Preux a mis la main sur un paquet de lettres écrites , d’avril 1772 à juillet 1774 , par un homme destiné

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à acquérir une sinistre renommée. En avril 1772 , Collot d’Herbois encore fort jeune (il était vers 17ol) se trouve momentanément à Paris ; il attend un ordre de début pour la Comédie-Française. Mais jusque-là il s’appartient et il offre à son correspondant Armand Desroziers , alors direc¬ teur du théâtre d’Amiens, de s’engager pour deux mois dans sa troupe.

Au mois de juillet suivant , d’Herbois est retourné à Bor¬ deaux ; c’est la troisième année qu’il y passe et il se déclare bien décidé à n’y point rester une quatrième. Le 28 août ses espérances du côté du Théâtre-Français sont ajournées, sinon totalement détruites. « Il a été malade; il a fait des dettes; il lui faut des avances pour se libérer: or, des avances on n’en obtient que des directeurs de province ou de l’Etranger. Adéfaut de Marseille ou de Brest, il se déci¬ derait pour Saint-Pétersbourg ; mais s’il est encore en vie , il retournera sûrement à Paris en 1774. »

Dans une de ces cinq lettres (celle du 28 août 1772) Collot parle d’une pièce, intitulée Lucie, qu’il a composée; il remercie son ami de s’y intéresser , elle vient d’être repré¬ sentée, non sans succès ; ce qui est vrai : car Fréron, dans son année littéraire, la mentionne très- honorablement. Pour épuiser ce qui se rattache à la carrière théâtrale de Collot d’Herbois, au moins dans nos contrées, M. Preux rappelle que, le 20 septembre 1779 , Collot fit représenter simultanément , à Douai et à Lille , une pièce de circons¬ tance ayant pour titre : les Français à la Grenade ou Vlm- promptu de la Guerre et de V Amour. Cette improvisation se recommande par un ardent royalisme. Jugeons-èn par quel¬ ques extraits :

Tout Français au nom de Louis Devient terrible aux ennemis ;

Mais pour les cœurs c’est une fête D'entendre celui d'Anloinelle! . . .

n

Vivent not’ Reine et notre Roi ,

Viv’ les Princes du sang de France , etc.

Chantons Bourbon , fêtons les Lys , etc.

Au moyen d’inductions tirées des papiers de Desroziers , M. Preux remet Collot d’Herbois à son vrai rang comme artiste dramatique. Il n’est pas certain que les excès révo¬ lutionnaires du proconsul de Lyon aient été la vengeance des sifflets jadis prodigués à l’acteur en cette ville : « Si le futur membre du Comité de Salut public ne fut pas un comé¬ dien hors ligne , du moins il était supérieur au portrait qu’une horreur légitime en a tracé. »•

Laissons à M. Preux le soin de résumer l’impression que l’on retire de la lecture des lettres inédites qu’il a retrouvées et qu’il vient de mettre en lumière.

Il règne dans l’ensemble de la correspondance un ton honnête et sérieux. Les bonnes mœurs n’y sont jamais offensées; pas un de ces détails de coulisses, pas un récit de ces petits scandales de théâtre , comme on s’attendrait à en trouver dans les confidences de deux acteurs. Une gravité précoce , et qui ne se déride jamais qu’à demi, l’amour de l’étude , la régularité de la conduite , telles sont encore les qualités que ces lettres semblent attester chez celui que plus tard cependant le Xoël de la Gironde appelait par déri¬ sion le sobre Collot. Mais quelles ombres à ce tableau favorable î La vanité et l’amour-propre, un dégoût profond de saprofession, l’amertume du cœurméléeà une sensiblerie maladive, la haine des classes aisées, qu’il exhale contre ces riches bourgeois de Bordeaux qui ne consentent pas à le traiter comme un égal : combien nous découvrons de symptômes naissants de ces mauvais sentiments qui, déve¬ loppés par des influences que nous ignorons , feront de l’ac¬ teur ambitieux , de l’écrivain médiocre , d’abord un révo¬ lutionnaire ardent, puis un tyran avide de sang, jusqu’au jour la peinture de ses cruautés viendra remplacer sur le théâtre les drames vertueux de son propre répertoire.

A. Desplaxque.

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SOCIÉTÉ DES SCIENCES , DE l’AGRICULÏURE ET DES ARTS DE LILLE

Personnel.

Les modifications apportées dans la composition du bureau et de la Société pour 1869 sont les suivantes :

Pj'ésident : M. Menche de Loisne;

Vice-Président : M. Blanquart-Evrard.

Membre titulaire élu en 1869 :

M. Raillard, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées.

Séance solennelle du 26 décembre.

M. Chon , président de la Société , a ouvert la séance par un discours très-applaudi il a montré que la Société devait sa longue et paisible existence à ce qu’elle avait su écarter de son sein toutes les questions irritantes: « ces cho¬ ses qu’il n’est pas nécessaire de nommer, dit l’orateur, qui apportent la discorde en suscitant de stériles débats, qui irritent les âmes sans les convertir , qui ruinent enfin les édifices les plus solidement cimentés. »

Après le compte-rendu , par le secrétaire-général , des travaux de la Société, on a procédé à la lecture des rap¬ ports sur la distribution des récompenses.

Prix Wicar (1,000 francs) : \ S Architecture; M. Arnold, ancien élève des Ecoles académiques de Lille. Projet d’un palais des beaux-arts et de l’industrie à Lille.

2.° Géologie; MM. Chelloneix et Ortlieb. Etude sur les collines tertiaires du département du Nord comparées à celles de la Belgique.

Médaille d’Or : l.« M. J. Leblan : Avertisseur d’incendie; 2.° M. Dutert, architecte à Paris : Palais des beaux-arts et de l’industrie à Lille ; S.'’ M. Steinküler : Services rendus à l’art musical à Lille.

Médaille d’Argent ; 1.® M. l’abbé Desilve, curé de Ba- suel : Elude historique sur le village de Noyelles-sur-Selle ;

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2.°M. Delhaye, ancien notaire à Bavai : Elude histori¬ que sur la ville de Bavai : 3.° M. le docteur de Smyttère : Etude sur la vie de Robert de Flandre , seigneur de Cassel ;

4.° M. Nicole : Examen architectural des édifices bâtis en brique ; M. Albert Darcq : Statue de Jeanne de Cons¬ tantinople; 6.® M. Tribout : Maquette de médaille; 7.® M. Clerc, chef d’escadron d’artillerie à Saint-Omer: Discours du Flanime de Jupiter au Sénat romain (Poésie).

La séance a été terminée par le compte-rendu des exa¬ mens des Elèves des Ecoles de chauffeurs et par la distri¬ bution des prix aux vieux serviteurs.

Cette année la Société avait à donner pour la première fois la prime Parnot, fondée récemment par M.™® Kind- Parnot en faveur du chauffeur le plus méritant.

N’ayant pu encore déterminer et faire connaître les con¬ ditions propres à l’obtention de cette prime , elle y a associé le corps entier des chauffeurs en la personne de leur doyen , M. Augustin Desmettre.

La séance a été terminée par la remise , au jeune Auguste Prouvost , à Bourghelles , d’une récompense qui lui a été décernée par M. le conseiller d’État, administrateur du département , pour un acte de courage. J. G.

Travaux courants.

Analyse de la Châtaigne du Brésil., fruit du Bertholletia excelsa , par M. Corenwinder. L’auteur commence par indiquer les raisons qui ont déterminé ces recherches : « L’intérêt qui s’attache aux productions tropicales aux- » quelles, à mon avis, l’industrie européenne doit deman- » der de plus en plus des éléments de travail, m’a fait ® entreprendre une série de recherches sur les graines ï oléagineuses de ces contrées un soleil ardent imprime » à la végétation une vigueur incomparable. »

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Déjà M. Corenwiiuler a fait connaître les résultats de ses analyses de la graine d’Arachide (’) , aujourd’hui c’est le tour de la Châtaigne du Brésil.

C’est au célèbre Humholdt que l’on doit l’origine du pré¬ sent travail . M. Coren’svinder étant allé à Berlin rendre visite à cet illustre naturaliste , celui-ci lui conseilla d’entrepren¬ dre l’étude chimique des productions tropicales et lui cita entr’aulres le fruit du Bertholletia excelsa.

Ce végétal, découvert par Humholdt lui-même, habite les forêts de rOrénoque. C’est un grand arbre de 33 mètres de hauteur appartenant à la famille des Myrtacés. Son fruit est une noix sphérique de la grosseur d’une tête d’enfant ; il est divisé en 4 loges qui renferment chacune de 6 à 8 graines triangulaires. Elles sont formées d’un péricarpe ligneux qui contient une amande huileuse. Des navires apportent souvent ces fruits en Europe, surtout à Bordeaux. On les vend dans les rues et dans les foires sous le nom de Châtaignes du Brésil, noix de Para. Frais ils ont une saveur très-agréable, mais ils rancissent fort vite; c’est peut-être la raison qui s’est opposée jusqu’à présent à leur emploi. M. Corenwinder pense cependant qu’ils pourraient être utilisés sinon pour l’alimentation au moins pour l’industrie et l’agriculture, et cela avec d’autant plus d’avantage qu’ils sont très-riches en matière huileuse.

Voici leur analyse comparée à celle de la graine d’ara-

chide :

Chalaigne du Brésil

Arachide

Eau .

. . 8

6

76

Huile .

. . 65 GO

51

75

Substances azotées .

21

80

Matières organiques non azotées

7 39

17

66

Acide phosphorique ....

1 35

0

64

Chaux, alcalis, silice , etc. .

2 35

1

39

100

100

(1) Archives de V Agriculture du jSord de la France , t. xviii , p.

G04.

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Expériences sur un point de Chimie organique : Conser¬ vation des Œufs, par M. Bachy. L’auteur de ce travail a expérimenté les divers modes de conservation des œufs. L’eau de chaux employée par une foule de personnes donne aux œufs un goût spécial qui ne permet plus de les manger sous forme d’œufs à la coque. Le vernissage doit être aban¬ donné également à cause du goût et de l’odeur qu’il com¬ munique. L’huile de lin n’empêche pas toujours l’altération. M. Bachy propose d’immerger pendant 12 heures les œufs dans l’eau de chaux, puis de les exposer à l’air et de répéter deux ou trois fois cette manipulation , de manière à ce qu’il se forme dans les pores de la coquille un ciment qui intercepte tout passage soit aux gaz de l’intérieur de Bœuf, soit à l’air ambiant.

Notice sur la Craie de Lezennes, par M. Gosselet. L’auteur cite les fossiles rencontrés dans cette craie :

REPTILES

Cbelocia

POISSONS

Famille des Bequins

Corax .

..T. R.

Notidamus .

...T.R.

Lamna .

. H.

Olodus .

...T.ll.

Phvchodus .

CRUSTACÉS

Uoploparia ?

MOLLUSQUES

Beleninües verus. . .

...T.R.

Inoceramus cuvicri .

...Ï.Ab

Inoceraaïus (plat).. . .

...T. Ab

MOLLUSQUES ^SUÜe) Inoceramu3(voism de invoIatus)....A.C.

Ostrea semi plana? . R.

Ostrea . T. Ab

Lima . T. R.

Spondylus . A.C.

Pecien (2 espèces) . R.

Terebraïula semi globosa . A.C.

Rhynchonclla . R.

EGIILNODERMES

Micraster cor lestudinarium . ^VJj

Micraster gibbus . R.

Echinocorys gibbus . R.

Echinoconus conicus . T. R.

Cidaris sepiifera . T. R.

M. Gosselet donne ensuite des indications sur les bancs de tun, ou phosphate de chaux que l’on trouve à plusieurs niveaux dans la craie des environs de Lille.

La Tortue de la craie de Lezennes a été étudiée d’une manière spéciale par M3I. Chelloneix et Ortlieb ; elle se

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rapproche de la Chelonia Benstedi du terrain crétacé (middle chalk) d’Angleterre.

Le Crustacé [Hoploparia ?) a été l’objet d’un travail par¬ ticulier de M. Hallez. Les pattes de ce crustacé ont seules été trouvées , elles indiquent des rapports intimes avec les Homards et surtout avec le genre fossile Hoploparia.

Avertisseur d"' incendie ^ par M. J. Leblan. Les appa¬ reils de ce genre étaient jusqu’à présent des thermomètres réglés pour sonner aune température fixe, d’une marche lente en hiver et trop rapide en été. M. Leblan a construit un thermomètre différentiel : ce qui détermine la détente d’une sonnerie électrique. C’est la différence entre les deux branches de l’appareil dont l’une est très-sensible et l’autre au contraire s’impressionne beaucoup plus difficilement. Une vis permet de régler l’appareil de manière à ce qu’il sonne pour une élévation déterminée de température en un temps donné. M. Leblan a construit deux sortes d’appareils : les uns sont des thermomètres à mercure, les autres des thermomètres métalliques formés de deux barres de zinc (on a donné la préférence à ce métal à cause de sa grande dilatabilité) l’une mince , l’autre plus épaisse.

ff Ces thermomètres métalliques, d’un petit volume, d’un coût peu élevé, facilement transportables, dont la pose n’exige que l’attache à deux clous dans le haut du local et l’installation d’une faible pile, ne donnent lieu qu’à une minime dépense , et sont fondés sur la propriété permanente de la dilatation d’un métal qui ne s’altère pas à l’air. Ils ont paru à la Société des Sciences la meilleure solution connue du problème (^) »

31. Leblan a expérimenté son appareil devant la Société, malgré les conditions défavorables se trouvait la salle des séances par suite de l’ouverture fréquente des portes, le

P) Rapport de M. Mendie de Loisne. M. Leblan a reçu une médaille d'or à la distribution des prix de la Société (voir p. 12 "de ce volume).

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timbre a sonné au bout de 3 minutes 1/2 sous l’action de l’incendie expérimental produit parla combustion de 700 grammes d’alcool.

Purification du Gaz d'éclairage par les résidus des P\j~ rites, par M. Guermonprez, directeur du gaz de Wazemmes. Voici en quels termes 31. 3Ienche de Loisne a rendu compte du procédé présenté à la Société par l’auteur :

« On sait depuis longtemps que le peroxyde de fer a la propriété d’absorber l’hydrogène sulfuré. On sait aussi qu’on peut régénérer plusieurs fois par le contact avec l’air l’oxyde de fer qui a servi à l’épuration. Cette propriété a été déjà appliquée, il y a vingt-cinq ans, à Paris et un assez grand nombre de brevets relatifs à des variations de détail ont été pris en Angleterre.

»» 31. Guermonprez a eu l’idée de substituer au peroxyde de fer des pyrites, résidus de la fabrique d’acide sulfurique de Loos. Ces résidus, d’après les essais faits au laboratoire de la Faculté, absorbent 130 fois leur volume d’hydrogène sulfuré ; et la Commission a constaté au papier de plomb que le gaz préparé à 3Yazemmes est bien épuré.

0 L’action des pyrites de fer s’explique facilement , leurs résidus étant principalement composés de peroxide de fer.

» Il y a un procédé applicable avec économie , dans le voisinage des fabriques d’acide sulfurique, et pour des usines à gaz dont la fabrication a une importance moyenne.»

Note sur la conservation des objets d'art en pierre cal¬ caire exposés à l'humidité, par 31. Kuhlmann. L’auteur entre dans quelques développements concernant la préser¬ vation des statues et des sculptures monumentales contre

les altérations que leur fait éprouver le développement , à leur surface , de certains cryptogames et en particulier du Lepra antiquitatis. Dans ce but il a déjà proposé de dis¬ soudre de l’acide arsénieux dans les silicates qui servent au

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durcissement des pierres. Son attention a été rappelée sur celte question par une publication d’Eug. Robert dans le dernier numéro des Mondes.

31. Robert ayant remarqué que les infiltrations cuivreu-

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ses, qui imprègnent le piédestal en pierre calcaire d’un grand nombre des statues en bronze de nos places publiques, semblent préserver ces matières de l’altération produite par les végétaux parasites dont il vient d’être question , propose d’incruster des lames ou lingots de cuivre dans la partie supérieure des objets d’art de cette nature qu’il, s’agirait de conserver.

M. Kulilmann a analysé la réaction cbimique qui se pro¬ duit dans ces infiltrations cuivrées et il est parvenu à dé¬ poser sur la pierre calcaire une véritable teinture verte. Il pense qu’au procédé proposé par M. Robert qui donne au marbre , il faut bien le reconnaître , une teinte inégale et désagréable à l’œil , il convient de substituer des aspersions à froid d’acide arsénique, ou de soumettre, lorsque cela est possible , les objets sculptés à l’ébullition dans une dissolu¬ tion de sulfate de zinc privé de fer ou mieux encore d’acide arsénieux ou d’arséniate de potasse. Il y a des résultats bien autrement efficaces à espérer que ceux que peut pro¬ mettre le procédé de M. le docteur E. Robert

J. Gosselet.

COURS PUBLICS.

Cours de Géologie professé à la Faculté des sciences de Lille ,

par M. Gosselet.

L’histoire de la terre peut être comparée à celle d’une nation.

L’histoire d’un peuple présente toujours quatre grandes périodes : l’une contemporaine qui se passe sous nos yeux ; une autre historique que nous connaissons par les écrits de témoins oculaires ; une troisième antérieure à la précédente et pour laquelle les documents sont rares et incomplets , c’est la période légendaire; une quatrième enfin, la plus

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ancienne de toutes , qui n’est connue que par les inventions des poètes ou les présomptions des historiens , ce sont les temps fabuleux.

L’histoire de la terre nous présente de même une période contemporaine dont l’homme et les êtres qui vivent main¬ tenant avec lui ont été les témoins ; une période plus ancienne que l’on peut appeler paléonionique et que l’on connaît par des documents positifs tirés de la géologie ; une période originaire entièrement hypothétique , ce sont les iemi^s cosmiques ; enfin une période intermédiaire aux deux précédentes au sujet de laquelle règne encore beaucoup d’incertitude ; elle paraît antérieure à la création des êtres vivants, aussi lui a-t-on donné le nom d’azoïque.

L’histoire de la terre se divise donc en Temps cosmiques^ Tempts a.zoïques , Temps paléontoniques Temp)s contempo¬ rains.

Temps cosmiques. On a fait plusieurs hypothèses pour expliquer l’origine de la terre. Celle qui est la plus géné¬ ralement adoptée suppose que notre globe passa par l’état de nébuleuse et de soleil avant de devenir une planète entourée d’une enveloppe solide non lumineuse.

On admetaussi généralement que cette première envelop¬ pe que nous avons déjà nommée sol primitif est le granité , roche grenue grisâtre composée de trois minéraux: leFelds- path , le Quarz et le Mica ; on en fait des dalles pour les trottoirs et les belles variétés sont employées dans la déco¬ ration des édifices. Malgré sa dureté le granité s’altère à l’air. Le feldspath , qui est un silicate de potasse et d’alu¬ mine, commence par éprouver un phénomène de fendille¬ ment qui désagrège toute la roche et la transforme en arène, puis il subit une décomposition chimique. Le silicate de potasse se sépare du silicate d’alumine et se dis- soud dans l’eau de pluie qui l’entraîne au loin ; quant au

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silicate d’alumine il reste à l’état terreux et constitue le kaolin ou terre à porcelaine.

Temps azoiques. Après la formation du sol primitif l’eau qui le recouvrait était encore à une température très- élevée, les premiers sédiments qui se formèrent par voie de sédimentation et dans des conditions analogues à celles s’était produit le granité , durent acquérir une compo¬ sition et une structure analogue. C’est le gneiss ou granité stratifié et le micachiste qui diffèrent du gneiss par l’ab¬ sence de feldspath.

Puis à mesure que notre globe se refroidissait la nature des dépôts se rapprochait de celle des sédiments actuels ; mais depuis leur formation ces anciens terrains ont subi des métamorphoses qui en ont complètement changé la structure et la composition, et qui laissent, par conséquent, planer encore beaucoup d’obscurité sur leur origine. De nombreuses dislocations ont plissé ces couches , les ont con¬ tournées dans tous les sens et leur ont communiqué la struc¬ ture schisteuse; par les fentes sortaient de la matière interne encore liquide et des vapeurs qui modifiaient la composition des roches stratifiées et déterminaient la forma¬ tion de nouveaux minéraux.

Les argiles prenaient une structure feuilletée comme l’ar¬ doise et se chargeaient de paillettes de mica brillantes comme de l’or ; les calcaires se transformaient en marbres saccharoides et se remplissaient de cristaux de grenat, d’ido- crase et d’autres. C’est de cette époque que datent presque toutes les pierres précieuses : le diamant, le rubis, l’éme¬ raude , le topaze, etc.

Le terrain azoïque uni au granité primitif forme le sol d’une région considérable qui occupe le centre de la France et qui en forme en quelque sorte le noyau.

Le Plateau central est la portion de notre patrie qui sortit

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la première du sein des eaux et autour de laquelle les autres vinrent peu à peu se grouper. Ses limites passent près de A vallon, Confolens , Castres , Privas et Lyon. Son élévation est d’environ 2o0 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il est surmonté de plusieurs chaînes montagneuses qui s’élè¬ vent comme des îles sur cette mer de granité et de gneiss, et qui sont formées de roches éruptives de date plus récente, tels, par exemple, les volcans éteints de l’Auvergne. Ces sommités sont dépourvues de terre végétale et souvent in¬ cultes. Le plateau recouvert d’arène convient à la culture du Châtaignier ; mais dans de trop nombreux endroits , l’écoulement des eaux ne peut s’opérer, il y a des marécages. Les vallées offrent un peu de terre végétale : on y cultive le Seigle et le Sarrazin ; il y a même d’excellentes prairies.

MUSÉES ET COLLECTIONS

Une lettre , signée des initiales d’un de nos amateurs lillois les plus distingués , et insérée dans le Mémorial de Lille, du 24 décembre 1869 , donne des renseignements circonstanciés sur la vente Hochart que nous annoncions dans notre numéro de novembre. Nous en reproduisons ici les principaux passages. A. D.

Les suites de vignettes se sont vendues très-cher. Je citerai entr’autres plusieurs suites destinées à une édition de Don Quichotte , et plusieurs très-belles suites pour Lafontaine.

Parmi les grandes estampes , remarquons , en passant , quelques ravissantes pièces de De Launay, de R. Slrange, et une très-curieuse gravure en manière noire, de ^y aller and Vaillant , un Lillois dont je vous entretiendrai quelque jour, si vous le permettez. Cette gravure reste à Lille, je vous en puis donner l’assurance.

Les estampes encadrées étaient en grand nombre.

Beauvarlet , Visscher et TUi//e ont eu les honneurs la

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séance. J’hésite à vous donner des prix , ma lettre ressem¬ blerait trop à un bordereau de commissaire-priseur. Qu’il me suffise de vous dire que l’bisloire d’Eslber d’après F. de Troy (7 pièces en largeur) a été adjugée à 82 fr., que les deux pendants de Wille, les Musiciens ambulants et les Offres réciproques, ont atteint le chiffre de 100 fr. les deux, et que le portrait de Gellius de Biima , par C. Visscher , s’est vendu 56 fr.

Les eaux fortes et les photographies étaient en trop petit nombre , pour nous y arrêter.

Arrivons de suite à la seconde partie , la plus intéres¬ sante assurément.

Les portraits étaient rangés par écoles. Dans l’école alle¬ mande, Schmidt (né à Berlin , en 1712) est le maître dont les œuvres ont atteint les plus hauts prix. Un magnifique portrait de Saint-Albin, archevêque de Cambrai , a été acheté 16 fr. , par un jeune amateur , auquel nous souhai¬ tons la bienvenue ; un portrait du peintre Mignard, chef- d’œuvre du maître allemand , 23 fr. ; une très-rare épreuve du portrait de Nicolas Esterhazi, 16 fr. 50.

Des eaux-fortes , pleines de vigueur, du même artiste ont atteint des prix très-élevés: un portrait de la princesse d’Orange , d’après Rembrandt, 16 fr. 50 , et un portrait de Rembrandt, 8 fr. 50.

Quoique manquant d’attraits, les portraits en manière noire de fécole anglaisé , se sont bien vendus. Smith (né à Londres, en 1654) est l’artiste dont les œuvres ont été les plus appréciées.

Je ne m’appesantirai pas sur l’école italienne , j’ai hâte d’arriver à l’école des Pays-Bas et aux maîtres françaîs.

Ecole des Pays-Bas : Sîgnalons d’abord dix pièces de Blosiceert , et cinq portraits du même , de beaux portraits de Galle et de Goltzius , pour arriver bien vite à un des maîtres que préférait M. Hochart : Houbraken (Jacob , à Dordrecht, en 1698.) Plus de trois cents portraits dont le détail m’entraînerait trop loin , ont été mis en vente et ont atteint de fort beaux prix. Puis sont venus: Peter de Jode , le jeune , Pontiiis , Sadeler , Pierre Van Schuppen , Pierre Tanjé , les frères Vailkmt , Lucas V orsterman , et les trois Wierix. Un portrait d’André d’Autriche par Jean TUimx a été vendu 17 fr. ; un magnitique portrait d’Henri III, par Jerome Wierix, 45 fr. ; les portraits d’Albert,

archiduc d’Autriche et d’Isabelle-Claire-Eugénie d’Autriche, par Antoine Wierix , 41 fr. , les deux.

Ecole Française : Je vous demanderai la permission de passer rapidement sur les portraits gravés par Audran , Cars , Cheîxau , Desrochers , Brevet, Duflos , Th. de Leu., Marcenay de Ghuy , l’artiste amateur , (une de mes prédi¬ lections pourtant ) Masson , Cl. Mellan, Montcornet , pour vous parler de trois graveurs dont le burin est consacré aux illustrations du grand siècle : Morin, Edelinck et Nanteuil.

Les portraits de Morin ont été très-recherchés , et les belles épreuves vendues entre lo et 20 francs.

Il y avait 135 portraits d'Edelinck : n.°" 1271 , Louis , duc de Bourgogne , très-belle épreuve du 2.'’ état , grandes marges, 15 fr. 1276, Philippe de Champagne , belle épreuve du l.‘'‘’élat, 16 fr. 1280, Charles Albert, marquis de Croissy, 21 fr. 1284 , D’Hozier. 1321, 20 fr ; Frédéric Léonard, premier imprimeur du roi, 2^ état, très-belle épreuve , 25 francs.

Les portraits gravés par Nanteuil , au nombre de 200 , en très-bel état , ont été chaudement disputés. La moyenne était de 20 à 30 francs. En voyant passer ces gravures admirables, on ne pouvait s’empêcher de songer que le burin de ce maître est à la hauteur des célébrités dont il retrace les traits et que le siècle de Louis XIV fut bien l’âge d’or de la taille-douce.

En terminant, nous avons à vous parler deFicquet, Savart , Saint Aubin et ^yille, ces délicieux graveurs dont le burin , moins sévère que celui des maîtres précédents , gagne en finesse et en grâce ce qu’il perd en vigueur. Parmi les portraits de Ficquet, je remarque un Montaigne (19 fr. 50), un Charles Eisen (15 fr.). Les portraits de Colbert et de Louis XVI , par Savart , ont été poussés trop loin, l’un 19 francs et l’autre 59. Jamais les portraits de Saint Aubin n’ont été vendus si cher: trois francs en moyenne. Le n.o 1961 , quatre pièces : Louis XII , Henri IV , Louis XV , portraits en un médaillon. Louis XVI , Marie-Antoinette et le "Dauphin , portraits réunis en un mé¬ daillon. Marie de Médicis , d’après Pourhus , et Madame , fille de Louis XV , adjugé 56 francs. Le n.'' 1968 , ti ois portraits in-folio : La baronne de Rebecque à sa dernière heure ; la baronne de ***(Loiiise-Emélie); la marquise de *** (Adrienne-Sophie) , pièce de toute rareté , 153 francs.

24

Un dernier mot à propos des graveurs nés à Lille.

Les frères Vaillant étaient représentés par la rarissime gravure citée plus haut et par de très-beaux portraits en manière noire, acquis par la bibliothèque communale.

Les petits portraits gravés par Deèrawic (né à Lille enlToO) au nombre de 24 , d’une finesse remarquable , ont atteint le prix très-élevé de 51 francs. Cinq portraits de Masquelier (né à Cysoing) , ont été adjugés 22 francs, prix inconnu jusqu’à ce jour.

Le marchand de lunettes, ù'Helman , 15 fr. 50. Deux petits paysages d’après Lantara , très-finement gravés par Liénard , 15 fr. Deux jolies suites pour la Henriade , par Longueil et quelques portraits du même, terminent la série lilloise.

Voici, trop brièvement. Monsieur le Rédacteur, le résultat d’une vente qui laissera d’aussi durables souvenirs que les ventes de l’abbé Favier et Libert de Beaumont.

Le total des adjudications s’élève à 17,500 fr. dépassant de moitié les prévisions des experts. Ce chiffre n’a rien de surprenant : les principaux marchands de Paris et de la Belgique s’étaient donné rendez-vous, et les amateurs lillois leur ont disputé avec acharnement les plus belles pièces de la vente. C. V. S.

BIBLIOGRAPHIE

CONCORDAT CAMBRÉSIEN DE 1446.

texte et en- tète calligraphique Je ce curieux document publies avec une introduction, par L. Dancoisne, Maire d'Hénin-Liétard (i)

L’opuscule que nous annonçons , n’ayant été tiré qu a 20 exemplaires, deviendra, aux mains des bibliophiles, un joyau rarissime. M. Lefebvre-Ducrocq l'a édité avec un soin et un luxe qui rappellent les plus beaux produits des Fume et des Perrin. M. Dancoisne n'y a, de son côté, épargné ni la peine, ni la dépense. Il a fait précéder le texte du Concordat Cambrésien d’une Introduction il rappelle en

(0 Lille, Lefehvre-Ducrocq, 18G9 ; in-4.” de xvi-24 pages sur fort papier de L'ollande , avec texte encadré et vignette.

25

quelles circonstances cet acte fut passé et il s’attache surtout à décrire le magnifique en-tête qui le décore. Donner une idée de ce chef-d’œuvre calligraphique aux» personnes qui ne l’ont point vu aux Archives départemen¬ tales du Nord , ou qui n’ont point sous les yeux la repro¬ duction lithographique qu’en a fait exécuter M. Dancoisne pour la joindre à sa brochure , est chose au-dessus de nos forces. Bornons-nous à dire que le mot initial NOUS autour duquel le génie artistique du xv.® siècle a prodigué ses plus riches ornements , rinceaux, branches feuillagées , cordons d’enroulement , se revêt d’emblèmes concourant tous à exprimer l’idée de paix : idée fort bien à sa place ici , puisque le Concordat de 1446 avait pour objet de couper court à quelques-uns des interminables démêlés entre l’Evêque , la Ville et le Chapitre.

Frappé de la beauté d’exécution de cet en-tête , 31. Dan¬ coisne n’hésite pas à l’attribuer aux plus grands maîtres :

Au XV.® siècle, l’art de la miniature se trouvait à son apogée , notamment dans la Flandre il était noblement encouragé parles ducs de Bourgogne et , à leur exemple , par les grands de la cour. Dans la première moitié de ce siècle , florissaient à Bruges les frères Hubert et Jean Van Eyck qui y fondèrent l’école flamande. On sait que ces pein¬ tres célèbres ne dédaignèrent pas d’illustrer de miniatures splendides les manuscrits destinés à leur protecteurs et à de puissants personnages. L’évêque de Cambrai, Jean de Bourgogne , qui aimait et cultivait les arts et les belles- lettres, connut les frères Van Eyck non-seulement à la cour de Philippe le Bon , mais encore à Bruges il exerça la charge de prévôt avant de recevoir la mitre. Il est donc permis de supposer que l’un ou l’autre de ces éminents artistes a pu contribuer à l’illustration du Concordat Cam- brésien. Ce qui est indubitable, c’est que ce travail est l’œuvre d’un miniaturiste des plus habiles.

31. Dancoisne a fait suivre le texte, depuis longtemps connu, du Concordat du 9 juin, de celui, absolument inédit,

26

d’un concordat antérieur (26 mars) inséré dans une pro¬ testation du 22 avril. Ce document, récemment retrouvé dans les Archives municipales de Cambrai par M. Lefebvre, archiviste de la ville , a été communiqué par lui au savant antiquaire d’Hénin-Liétard. A. Desplanque.

LES RACES HUMAINES OU ÉLÉMENTS d’eTHNOGRAPHIE par M. d'Oraalius d’Halloy (h

Le premier mémoire scientifique de M. d’Omalius d’Hal¬ loy date de 1808 , c’est assez dire que son auteur appartient à cette génération de savants qui ont vu naître et se déve¬ lopper les sciences naturelles. Son esprit éminemment phi¬ losophique s’est trouvé particulièrement attiré vers les questions qui offrent à l’homme les problèmes les plus vastes : l’origine du monde et celle de l’humanité. L’annee dernière il nous donnait sa 8.® édition du Précis élémentaire de Géologie. Cette année il offre au public sa 6.® édition des Eléments cV Ethnographie. M. d’Omalius a toujours pris l’observation comme guide sans se laisser entraîner dans les théories abstraites qui ne comptent dans la science que par les erreurs qu’elles y apportent. Néanmoins il ne s’est jamais astreint à adopter les idées et les opinions toutes faites, fussent-elles même appuyées d’un grand nom. Il règne dans tous ses écrits une originalité qui en fait le charme et qui marque sa place parmi les maîtres de la science.

M. d’Omalius définit l’ethnographie, la description des peuples. Il divise le genre humain d’abord d’après les caractères naturels tels que les formes et la couleur, en¬ suite d’après les caractères sociaux : langage , filiation his¬ torique, mœurs et religion. Il distingue 5 races : la race

(î) 5.' édition; Bruxelles, Mucqiiardt, rue Royale, 2; in-8.°

2/

blanche, la race jaune, la race brune, la race rouge et la race noire.

Ne pouvant entrer dans tous les détails des subdivisions, nous nous contenterons d’indiquer à nos lecteurs quelques- uns des points les plus marquants de ce livre.

Contrairement à l’opinion généralement admise, l’auteur sépare les Hindous de la race blanche et les range dans la race brune avec les Ethiopiens, les Indo-Chinois, les Malais et les Polynésiens. Il admet que des peuples de la race blanche originaires du plateau Persan , les Aryas, ont envahi à une époque reculée la Péninsule indienne, et ont imposé leur religion et leur langue à des populations d’une race différente , presque noire , avec lesquelles ils se sont mêlés. Ainsi s’expliquent les observations de M. de Ravisi sur les rapports du Védisme, ou antique religion de l’Inde, avec le Zoroastrisme persan (^).

M. d’Omalius n’admet pas non plus , conformément à l’opinion régnante, que les peuples européens descendent des mêmes Aryas. Il pense au contraire que ce sont des Européens qui ont envahi la Perse, s’y sont civilisés, mais par contre ont imposé leur langue à la population anté¬ rieure.

Le type de la race blanche c’est la Famille teutonne (Allemands, Hollandais, Flamands, Suédois, Danois, Nor¬ végiens , Anglais) au teint clair, aux yeux bleus, aux cheveux blonds , à la taille élevée , aux membres bien pro¬ portionnés ; féconde , énergique, entreprenante, plus apte que toutes les autres à fonder des conquêtes stables.

Les Celtes qui appartenaient à cette Famille trouvèrent, lorsqu’ils envahirent la Gaule , une population également de race blanche , mais à cheveux noirs, et c’est de la fusion

(D Bulletin , 1. 1, p. 333.

28

des conquérants et des peuples conquis que sortirent les Gaulois et ensuite la nation française. Au nord de la Loire domine le sang celtique , tandis que la chevelure noire est prépondérante au sud. Les Bas-Bretons et les Basques se¬ raient des représentants plus purs de cette famille à cheveux noirs qui se liait de la manière la plus intime aux Berbères et aux autres populations africaines.

M. d’Omalius d’Halloy a fait suivre son ethnographie d’appendices qui ne constituent pas la partie la moins inté¬ ressante de son livre. C’est d’abord une classification des connaissances humaines, puis un article sur l’espèce l’auteur se montre partisan de la transformation des êtres sous l’influence de changements causés dans les milieux par les révolutions géologiques ; et enfin , comme conclu¬ sion , quelques considérations sur l’accord entre les sciences naturelles et les récits bibliques. Sur ces questions délicates, M. d’Omalius donne de nouvelles preuves de son esprit sincèrement religieux et libéral. Il montre que les incerti¬ tudes sont trop grandes dans les théories scientifiques et dans les interprétations bibliques pour que l’on puisse les opposer les unes aux autres. Qu’il nous soit permis d’ajouter que M. d’Omalius a joint l’exemple aux préceptes et que tout en conservant de profondes convictions religieuses (^), on l’a vu en toutes circonstances marcher à l’avant-garde de la science. J. Gosselet.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES

Lamartine ^ député du Nord. Parmi tous les grands morts de l’année 1869 , il n’en est pas dont le nom soit appelé à vivre plus longtemps que celui de Lamartine. Un homme qui s’honore de l’avoir connu de près , M. Ch. de

(9 II est un des chefs du parti catholique au Sénat belge.

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La Roïère , ancien maire de Bergues , nous a fourni , sur les relations de l’illustre défunt avec l’arrondissement de Dunkerque , des renseignements sobres et précis que nous sommes heureux de pouvoir consigner dans notre Bulletin.

M. De Lamartine , avant d’effectuer le voyage en Orient qu’il avait projeté après la Révolution de 1830 , est venu passer quelque temps à Hondschoote, chez Madame de Coppens-d’Hondschoote , sa sœur ; sa réputation , qui l’y avait devancé , lui attira un grand nombre de visiteurs ; des relations s’établirent entre lui et beaucoup de sommités de l’arrondissement; l’étendue de son génie, l’élévation de son caractère et cet esprit bienveillant pour tous qu’il a conservé jusqu’à la fin de sa vie, lui donnèrent non seule¬ ment des admirateurs , mais des amis enthousiastes ; la can¬ didature du 2.“® arrondissement électoral de Dunkerque lui fut offerte , et , après quelque hésitation , il l’accepta fran¬ chement.

Il fit sa profession de foi le 15 juin 1831. Il y mit toute son âme à découvert ; il aurait pu la reproduire plus tard après la Révolution de 1848 , et parvenu alors au pouvoir, il n’aurait eu rien à en retrancher. Peu d’hommes politiques pourraient en dire autant.

Celte profession de foi , comme toutes les professions, fut attaquée ; il donna , le 24 juin , aux objections qui y avaient été faites, une réponse calme et digne.

On lui suscita pour concurrent M. Paul Lemaire , prési¬ dent de la 4.™® section des Watteringues , membre du Con¬ seil-Général du Nord et grand propriétaire à Dunkerque ; c’était le seul homme qu’on pouvait lui opposer avec succès. M.I œmaire avait longtemps refusé de se porter sur les rangs et n’avait fini par y consentir qu’avec l’intention de se démettre aussitôt que les circonsteii-ces paraîtraient favora¬ bles à une candidature autre que celle de M. de Lamartine.

La lutte fut vive, ardente. La Némésis., journal de Mar¬ seille, fit paraître une satire, aussi injuste qu’amère, contre la double candidature de M. de Lamartine dans le Nord et dans le Var. Une réponse à cette satire, improvisée par M. de Lamartine, à Bergues, le jour même de l’élection, fut imprimée depuis ; nous ne citerons de cette réponse qu’une strophe :

50

Honte à qui peut chanter pendant que les sicaires En secouant leur torche aiguisent leurs poignards,

Jettent les dieux proscrits aux rires populaires Ou traînent aux égouts les bustes des Césars !...

C’est l'heure de combattre avec l'arme qui reste!. . .•

C'est l’heure de monter au Rostre ensanglanté Et de défendre au moins de la voix et du geste Rome , les Dieux , la Liberté !...

Le résultat de la lutte, quoique matériellement désavan¬ tageux pour le poète homme d’Etat, lui fut neanmoins honorable; sur 380 votants , M. de Lamartine obtint 181 suffrages et M. Paul Lemaire 198.

Le 7 juillet 1831, M. de Lamartine , dans une lettre rendue publique, exprima aux électeurs sa reconnaissance pour les témoignages de cou fiance qu’ils lui avaient donnés. Cette lettre ne fit qu’augmenter les regrets éprouvés par ses amis de voir la Chambre privée d’un homme de cœur et de génie. Il reprit ensuite les préparatifs de son voyage en Orient et s’embarqua à Marseille le 10 juillet 1832 , pour ne rentrer en France que vers la fin de 1833.

A peine s’était-il installé à Beyrout que M. Paul Lemaire donna sa démission de député. Une nouvelle élection eut lieu ; la lutte ne fut pas moins chaude que la fois précé¬ dente : sur 349 votants M. de Lamartine obtint 190 suf¬ frages. Les voix se répartirent comme suit sur ses trois con¬ currents : M. Debaillon, 80 ; M. Colombier , 60 ; M. Gui- nard, 13. M. de Lamartine reçut la nouvelle de sa nomination pendant son séjour à Constantinople.

Aux trois renouvellements successifs de la Chambre M. de Lamartine fut réélu chez nous à l’unanimité ; en 1838 , au grand regret du 2."’® arrondissement électoral de Dunkerque, il opta en faveur de son pays natal , Mâcon , il était élu pour la deuxième fois.

Son premier discours à la Chambre , comme député de Bergues , fut prononcé le 4 janvier 1834, sur le projet d’a¬ dresse ; le second , le 8 janvier , pour développer un amen¬ dement au projet d’adresse ; le troisième , du 3 février 1834, sur la Vendée ; le quatrième , du 13 février 1834, sur les Frères des Ecoles chrétiennes ; le cinquième , du 13 mars 1834, sur les Associations; le sixième, du 1." avril 1834, sur la dette américaine; le septième, du 24 avril 1834 , sur les évêchés; le huitième, du 2 mai 1834, sur Alger ; le neuvième, du 8 mai 1834 , sur rinstructioii publique; le dixième, du 13 mai 1834, sur les crédits additionnels ; le

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onzième, du 14 mai 1834, contre la peine de mort; les douzième et treizième, des 30 décembre 1834 et 4 janvier 183o, sur l’amnistie; le quatorzième, du 23 août 1835, sur la loi de la presse ; les quinzième et seizième , des 5 février et 22 mars 1836, sur la conversion des rentes; le dix- septième , du 14 avril 1838 , sur la liberté du commerce ; le dix-huitième, du 18 avril 1836, prononcé à l’Hôtel-de-Ville à Paris, sur l’abolition de la peine de mort ; le dix-neuvième, prononcé à la Chambre le 25 mai 1836 , sur les colonies ; le vingtième, du 8 mars 1837 , sur la juridiction militaire ; le vingt-unième, du 24 mars 1837, sur l’enseignement; le vingt-deuxième, à rHôtel-de-Yille à Paris, le 17 avril 1837, sur labolition de la peine de mort; le vingt-troisième, à la Chambre des députés, le 26 avril 1837 , sur Alger, et le vingt-quatrième, du 5 mai 1836, sur les fonds secrets.

La Chambre ne tarda pas à être dissoute, et ce fut après l’élection suivante que M. de Lamartine opta pour 3Iâcon. Ses rapports dès lors ne furent plus continués qu’avec quel¬ ques-uns de ses amis de Flandre qui , tout en regrettant sa détermination , ont voulu conserver jusqu’à la fin des relations qu’il avait su rendre constamment agréables.

En nous transmettant ces précieux détails , M. Charles de La Roïère n’a omis qu’une chose qui est de rappeler quels liens étroits d’estime et d’amitié unissaient feu Jean de La Roïère, son frère , à l’éminent député de la 2.^" circonscrip¬ tion. Nous tenons à réparer , sans en prévenir notre hono¬ rable correspondant, une omission qu’il ne faut attribuer qu’au sentiment de modestie commun aux deux frères.

M. Jean de La Roïère accompagna en Orient M. de La¬ martine qui , en tête de son Voyage, trace de lui le portrait le plus flatteur et à la fois le plus sincère :

L’autre de nos compagnons est un médecin d’Honds- cboote, M. de la Roïère. Je l’ai connu chez ma sœur à l’époque je méditais ce départ. La pureté de son âme , la grâce originale et naïve de son esprit, l’élévation de ses sentiments politiques et religieux, me frappèrent. Je désirai l’emmener avec moi bien plus comme ressource morale, que comme providence de santé ; je m’en suis félicité depuis ; je mets bien plus de prix à son caractère et à son esprit

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qu’à ses talents, quoiqu’il en ait de très-constatés. Nous causons ensemole de politique bien plus que de médecine. Ses vues et ses idées sur le présent et l’avenir de la France sont larges et nullement bornées par des affections ou des répugnances de personnes. Il sait que la Providence ne fait point acception de parti dans son œuvre, et il voit , comme moi , dans la politique humaine, des idées et non pas des noms propres. Sa pensée va au but sans s’inquiéter par qui ou par il faut passer; et son esprit n’a aucun préjugé , aucune prévention , pas même ceux de sa foi religieuse, qui est sincère et fervente.

à Hondsclioote , le 1.®’’ février 1793 , M. Jean-Vaast de La Roïère, après avoir terminé ses études médicales, servit sous les armes la première et la seconde Restauration. En 1816, il s’engagea dans la médecine militaire et, en 1822, il rentra dans ses foyers pour n’en plus sortir. Les suffrages de ses compatriotes l’envoyèrent siéger au Conseil d’arrondissement de 1833 à 1848 et au Conseil Général de 1848 à 18oo. Lui aussi a écrit son Voyage en Orient dont le ton austère contraste avec les riches couleurs imaginatives prodiguées par son illustre compagnon de route. On doit au meme auteur un Exposé de la Philosophie physiologique de l'Homme (1843) ; un Traité analytique de T Etre en général et de VHomme en particulier (1863) , et des Etudes sur la Décentralisation publiées en partie par le Propagateur de Lille. M. Victor Derode , dans le discours qu’il a prononcé, comme président de la Société Dunkerquoise, le 20 novem¬ bre 186o , a parfaitement apprécié le caractère et le talent de M. Jean de La Roïère. A. Desplax’que.

UN MÉDECIN HAINUYER AU XV® SIÈCLE.

La revue : la Flandre , que publient à Rruges quatre collaborateurs actifs et intelligents, contient, dans son dernier numéro , une Généalogie de la famille Despars par M. W. H. James Weale. Nous y remarquons l’article

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consacré à Jacques Despars, l’une des célébrités médicales du commencement du XV® siècle. Nous croyons être agréable à nos lecteurs en plaçant sous leurs yeux quelques extraits de cet article , choisis parmi ceux qui intéressent le plus directement nos contrées. A. D.

Jacques Despars , à Tournai vers 1380 , maître ès-arts, un des plus anciens médecins originaires du Hainaut , com¬ mença ses études en médecine à l’université de Montpellier et alla les terminer à Paris , il se mit sur les bancs en 1408. Il fut reçu en 1409.... En 1414 , PUniversité de Paris donna une marque de confiance à Despars en le nommant membre de l’ambassade qu’elle députa au Concile de Cons¬ tance... La même année, il devint chanoine de Péglise collégiale de Saint-Donatien à Bruges... Vers cette époque, il obtint une chapellenie perpétuelle dans l’église de Cuvil- 1ers , diocèse de Cambrai. Il fut aussi chanoine et trésorier du chapitre de Notre-Dame de Tournai. Il habitait en cette ville la maison de la rue des Choraux qui porte le numéro 15. En octobre 1423, les magistrats de Tournai envoyèrent Despars à Lille pour les excuser de ne pas s’être représentés à la réunion des quatre membres de Flandre tenue à Gand. Le premier février 1426, Despars échangea sa chapellenie à Cuvillers contre la prébende canoniale de Jean de Moncheaux à l’église métropolilaine de Cambrai. Le 6 février , il prêta le serment usuel , et fut admis au baiser de paix. Le 18 février, par un acte passé pardevant notaire à Cambrai , il nomma pour son vicaire-trésorier à Tournai, Guillaume Bernard.

Despars fut aussi chanoine de l’église métropolitaine de Notre-Dame de Paris. Il devint médecin et conseiller d’Etat de Charles VII , roi de France , et archiâtre de Philippe l’Asseuré , duc de Bourgogne. De 1426 à 1436, il paraît avoir habité la ville de Cambrai. A la fin d’avril 1427 , il se rendit de à Zevemberghe , pour visiter le duc qui était malade et, en 1436 , à Gand , pour visiter le comte de Charolais. En mars 1436, il résigna sa prébende canoniale à Cambrai. A dater de ce temps il paraît avoir établi sa résidence habituelle à Paris.

Nous devons ajouter ici que Jacques Despars fit partie de l’ambassade qui accompagna Catherine, fille de Charles VII, roi de France , lorsqu’elle se rendit à Cambrai en juin

34

1438 , pour épouser le comte de Charolais. En 1440 , il alla à Gravelines avec le duc de Bourgogne , rarchevêque de Rheims, etc. à la rencontre de Charles , duc d’Orléans , qui revenait en France après avoir été longtemps retenu pri¬ sonnier en Angleterre.

Despars fut le premier qui écrivit sur la scarlatine, pour le traitement de laquelle il adopte la saignée et les vomitifs et diminue les cordiaux. Il voulut persuader aux magistrats de fermer , en temps de peste , les bains chauds et les étuves ; il craignait la chaleur , la raréfaction de l’air , l’ouverture des pores de la peau et les assemblées du peuple par rapport à la contagion. Les étuvisles , animés par la cupidité , voulurent attenter à sa vie , mais Despars eût le bonheur d’échapper. Il trépassa à Paris, le 3 janvier 1438, dans sa maison canoniale et fut enseveli en la chapelle de Saint Jacques derrière le chœur de Notre-Dame.

Jacques Despars a beaucoup écrit. Son principal ouvrage est un Commentaire en latin sur les canons d’Avicenne. Ce fut à Cambrai qu’il le commença en 1432, mais déjà alors il avait corrigé la traduction latine , faite par Gérard de Crémone au xiF siècle d’après le texte arabe ; ensuite il avait fait copier cette traduction revue et rectifiée , sur par¬ chemin en grosses lettres [de littera grossa in pergameno) .

Ses commentaires , très-longs mais assez insignifiants , sont un tissu d’extraits pris des ouvrages de Galien, de Rhasès et de Hali-Abbas. A la fin du commentaire sur le troisième canon , Despars assure qu’il n’a rien extrait des traductions latines, mais des textes originaux grecs ou arabes.

Le manuscrit autographe des commentaires de Despars sur la troisième fen (section ou division) du premier canon est conservé (sauf les derniers feuillets) à la bibliothèque de Lille (n" 343 du Catalogne.) Le manuscrit autographe des commentaires sur la treizième fen du troisième canon se trouve dans la meme bibliothèque (n° 344.)

L’ouvrage fut imprimé à Lyon en 1498 ; il forme 4 vol. in-f.“ W. H. James Weale.

CHRONIQUE.

Géologie. Sondage à Radinghem. M . Galloo, notaire et maire de Radinghem , canton d’Haubourdin , nous corn-

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munîque le résultat suivant d’un forage effectué chez M. Lefebvre-Wattelle, clans le bourg même de Radinghem :

1

2

3

4

5

6

7

8 9

10

11

12

Profondeurs des couches

1.60

18

26

26.60

28.40

29

42

Epaisseurs

Terre végétale .

Argile à brique Limon .

O O

1 1.60

Sable vert noirâtre avec modules

de pyrite .

16.40

Grès argileux vert (Tuffeau). . . .

0.20

Sable vert aquifère .

0.30 1

Grès argileux vert (Tuffeau) ....

0.20

Sable gris très-dur .

7.45 <

' 11...

Grès argileux vert .

0.45

Sable gris .

1.80

Grès .

0.60

Argile plastique (Glaise) .

^ 13...

Marne .

Ce sondage est intéressant à plus d’un litre ; d’abord il

nous montre à la base de l’assise landénienne une épaisseur considérable de glaise , fait qui n’a rien de surprenaiU , car cette argile existe à Lomme et à Marquette, mais qu’il est uti¬ le de constater à Radinghem. A Santés la même couche est

représentée par dessables argileux remplis de silex. On voit aussi que contrairement aux indications de la carte géolo¬ gique du département l’argile d’Ypres n’existe pas sous le bourg de Radinghem. Sous le limon, on trouve immédiate¬ ment du sable vert qui représente les sables d’Ostricourt ou même appartient peut-être au tuffeau.

On peut classer ces couches de la manière suivante :

Terrain diluvien (l et 2).

i Assise sables d'Ostricourt (3)

Assise landénienne inférieure Terrain crétacé (12).

J Zone tuffeau (4-10) I Zone argile (11)

Bfistoire littéraire Un souvenir des Cours de la Faculté des lettres de Douai. En rendant compte des Nou¬ velles Etudes morales sur le temps présent par M. Caro, M. Paul Raymond , critique littéraire du Popagateur du Nord et du Pas-de-Calais, nous reporte aux premiers temps de la

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faculté des lettres de Douai. Nous reproduisons ici , à titre de renseignement pour l’histoire littéraire de nos contrées, la vive et fine esquisse qu’il en trace.

Il y a quatorze ou quinze ans, à Douai, notre nouvelle Faculté des lettres s’enorgueillissait de jeunes talents pleins de promesses , assez complets déjà dans le présent pour offrir , aux auditeurs charmés , des fleurs d’éloquence et de poésie. Nul de ceux qui y prirent part n’a oublié ces jours une foule d’avocats , d’officiers distingués , de femmes élégantes, mêlés à la jeunesse studieuse, se pressaient autour de la chaire de MM. Caro et Martlia. Parfois, à cet auditoire habituel , se joignait quelque nom bien connu : c’était Armand de Pontmartin, c’était Guillaume Guizot , presque adolescent ; d’autres encore , attirés par des relations amicales , ou la seule curiosité littéraire qui s’at¬ tachait à ces leçons d’une Faculté de province.

Le local était alors bien mesquin, bien mal distribué , bien défavorable aux lois de l’acoustique ; mais qu’importe? Il y avait comme un courant de sympathie entre l’orateur et ce public intelligent. Et , s’il était quelque peu troublé, le professeur s’enhardissait à ces témoignages ; ou , s’il se sentait déjà sûr de lui-même , il élevait parfois son élo¬ quence jusqu’à l’enthousiasme.

M. Martba s’est , depuis lors, fait connaitre par ses belles études sur Moralistes de V Empire romain et sur le poème de Lucrèce. M. Caro a donné la mesure de son talent par une séried’ouvrages philosophiques qui sont aux mains de tout le monde et dont le plus récent forme le digne couron¬ nement. ' A. D.

nécrologie. M. de Pongerville , M. Anselin. M. de Pongerville , membre de l’Académie française , est mort subitement dans la nuit du 22 au 23 janvier 1870.

à Abbeville en 1792, il termina ses études de bonne heure et s’exerça à de nombreux travaux littéraires.

A vingt ans, il se passionna pour la lecture de Lucrèce et consacra dix années à sa traduction en vers , qu’il publia en 1823 , et qui fit aussitôt sa réputation.

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Quelques années après, Charles Panckouke lui confia la traduction en prose du même auteur pour sa Bibliothèque latine française^ et , par ce double travail, M. de Ponger- ville montra, comme poète et comme prosateur, autant d’exactitude que d’élégance.

Après avoir échoué trois fois, faute d’une voix, aux élections de l’Académie, il y entra en avril 1820 , en rem¬ placement de Lally-Tollendal.

En 1846, il fut nommé conservateur à la bibliothèque Sainte-Geneviève et passa , en 1851 , à la bibliothèque im¬ périale. 11 obtint la rosette d’officier de la Légion d’honneur en avril 1845.

M. de Pongerville laisse , outre sa traduction du poème de Lucrèce en vers [1822] et en prose [1829] , les Amours mythologiques, version poétique des Métamorphoses d'O- vide [1827] ; le Paradis perdu, de Milton, en prose [1838]; VEnèide, de Virgile , en prose [1846] ; puis une série d’épî- tres et de fragments , entre autres : Epitre aux Belges [1832] , au Boi de Bavière [1834] , de Y Indépendance de PHomme de lettres [1838], Epitre au Menuisier-Poète de Fontainebleau [1839], à Une Femme poète [1840], Sur la Folie, fragment d’un poème inédit [1846], A Ingres [1849], Sur rabolilion de la peine de mort [1849] ; les Poètes , dia¬ logue [1856].

M. de Pongerville a publié en outre , dans diverses Bé¬ vues, des articles de critique littéraire justement remarqués.

La mort de M. de Pongerville porte à trois le nombre des fauteuils vacants à l’Académie française ; on sait en effet que MM. de Lamartine et Sainte-Beuve sont encore sans successeurs sous la coupole de l’Institut.

L’année 1869 a vu s’éteindre , au commencement d’octobre, M. Anselin , secrétaire-perpétuel de l’Académie d’Amiens. Le discours que M. Bobn , président de cette

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savante compagnie , a prononcé sur la tombe de ce zélé confrère , nous est parvenu trop tard pour que nous ayons pu en rendre compte à sa date. Nous tenons à réparer cette omission au débùt de l’année nous entrons. « Ce qui formait le trait dominant de celte nature si diverse par ses aptitudes, a dit M. Bohn en parlant de M. Anselin , c’était une énergie invincible au travail. Je ne sais pas s’il se re¬ posait autrement que lord Brougham , qui ne se délassait qu’en changeant d’occupation; mais, pour part, et quoique je n’aie connu M. Anselin que dans son extrême vieillesse , je ne l’ai jamais trouvé se reposant d’une autre manière ... Il me disait un jour : « En dépit de tout , il y a en moi une puissance de vitalité que je ne comprends pas. » Je crois qu’il ne se rendait pas justice, et que c’était lui qui, par cette indomptable volonté d’agir , faisait celte vitalité. Les lettres , les arts , les sciences , rien ne lui était étranger. On le trouvait prêt sur toute chose , et je suis sûr qu’il a souvent étonné les hommes spéciaux par la netteté de ses informations et la précision de ses jugements dans des ma¬ tières qui ne lui étaient point , à lui , spéciales. »

llétéorologie. Mois de Décembre 1869 :

DÉCEMBRE

1869

Température moyenne .

. 3.« 16

»

B des maxima .

. 4.*^ 71

» des minima .

. 1 61

»

extrême maxima, le 18.

. 13." 80

»

» minima, le 27 ... .

.—6.*^ 20

Baromètre hauteur moyenne à 0.°. . .

. 755T143

» hauteur extrême inaxima, le 7 . . 767 -‘"‘TS » j> B minima, le 14. . 747"‘"‘30 Tension moy. de la vapeur almosphér. 4'““78

Humidité relative moyenne . 87 7„

Epaisseur de la couche de pluie . 59“"T6

» de couche d’eau évaporée. . . . 15"‘'"49

DÉCEMBRE année moy. 3.“ 84

760r 883

8"'" 39 87.207 82"" 69 18”" 79

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Les 59 mill. 16 d’eau météorique sont composés de 47 mill. 65 d’eau de pluie, 11 mill. 51 d’eau de neige , ayant avant la fonte une épaisseur de 10 cent. 5 et 4 mill. 00 d’eau de grêle.

- Pendant ce mois on observa deux périodes de gelée : la première du 2 au 9 exclusivement, la seconde du 25 au 31, jour commença le dégel dans la matinée.

La terre était couverte d’une couche de neige d’une épais¬ seur de 10 centimètres.

Entre ces deux périodes il y eut 16 jours dont la tempé¬ rature moyenne fut relativement assez élevée.

. L’état électrique de l’atmosphère a été très-prononcé et s’est surtout manifesté parles tempêtes des 15, 16, 17, 19, 30. Le 15 de 10 h. 35 du matin à 11 h. orage O. -S. -O ac¬ compagné de pluie et de grêle. Le 19 à 11 h. 5 du soir éclairs sans tonnerre à l’horizon S.-O. Dans la nuit du 11 au 12 nombreuses étoiles filantes. Dans la soirée du 17 magnifique halo lunaire.

Il y eut 30 jours de brouillard , 19 de rosée, 8 de gelée blanche, 14 de gelée , 22 de pluie, 9 de neige, 3 de grêle , 1 d’orage.

14 jours le ciel fut couvert de nuages et pendant 17 jours à demi-couvert.

Les vents régnants soufflèrent avec force du S.-O. et du S.-E. Meurein.

Découvertes de Monnaies. On a dé¬ couvert, dans le courant de l’année 1869, à Moulins-Lille, un Ecu d’or au Soleil de François 1.^’’ ; à La Madeleine lez- Lille , une Chaise d’or de Jean de Bavière pour la Hollande. Cette pièce copie des Chaises d’or frappées par les comtes de Flandre, devait circuler facilement dans leurs états; toutefois comme toutes les imitations elle est d’un or moins pur : ces deux pièces sont entrées dans ma collection.

. 40

Une autre trouvaille , que Ton est venu m’apporter der¬ nièrement , a été faite non plus en terre mais dans le fond d’une armoire , chez l’une des anciennes familles de notre ville. Elle se composait de cent soixante Méreaux ohituaires, tous au même tijpe^ à savoir : au droit saint Etienne age¬ nouillé, au revers le chiffre 3 ou 4 avec la date 1636. Ces pièces décrites dans Van Hende, numéros 592 et 593, n’ont malheureusement aucune rareté. Toutefois , trouvées en aussi grand nombre dans notre ville , elles ont cela d’inté¬ ressant qu’elles viennent confirmer la revendication faite par notre numismate lillois , pour la paroisse Saint-Etienne à Lille , de ces pièces aulrefois attribuées à la ville de Metz.

H. Rigaux fils.

Les journaux annoncent qu’une trouvaille fort inté¬ ressante a été faite ces jours derniers par un cultivateur de Rumes, près Tournai. C’est une slatère du père d’Alexandre-

le-Grand ; Philippe II, roi de Macédoine. Celle monnaie a

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donc plus de 2,000 ans ; elle est en or, et pèse 8 grammes, 25 centigrammes. D’un côté , elle porte la tête d’Apollon couronnée de lauriers , et au revers un personnage dans un bige ou char traîné par deux chevaux , au-dessous un diosa, sorte de vase ; on lit en exergue le mot Pilippo , en carac¬ tères grecs. On sait qu’avant l’invasion Romaine les mon¬ naies grecques avaient cours dans les Gaules, elles furent imitées. A. D.

Le Gérant : E. Castiaux.

TYP. DE BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2/ Année. N.° 2. Février 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

COMMISSION HISTORIQUE DU NORD

Travaux courants

Dans un de nos derniers Bulletins (t.i,p. 33o) , nous indi¬ quions , comme figurant au nombre des travaux collectifs inscrits au programme de la Commission historique du Nord, un Inventaire des objets d’art et d’archéologie contenus dans les églises et chapelles du département. Les difficultés que soulevait cet important travail ont été examinées dans un rapport lu à la Commission par M. l’abbé Carnel dans la séance du 13 janvier 1870. La Commission a adopté les conclusions de ce rapport que nous sommes autorisés à

placer , dès-maintenant , sous les yeux de nos lecteurs.

A. D.

Messieurs ,

L’utilité du travail dont je vais vous entretenir a été re¬ connue depuis longtemps par la Commission historique ; et, si elle en a retardé jusqu’à présent la mise à exécution, c’est qu’il fallait au préalable examiner et mûrement dis¬ cuter les principales questions que soulevait une publica¬ tion de cette nature.

Il était nécessaire avant tout de préparer pour des colla¬ borateurs nombreux et disséminés un programme bien défini , qui pût d’avance garantir l’uniformité du travail d’ensemble tout en facilitant celui de chacun.

Ce programme qui a été élaboré, lu et arrêté au sein d’un Sous-Comité désigné à cet effet par la Commission historique , nous avons aujourd’hui l’honneur , Messieurs, de le soumettre à votre approbation.

I. D’après le titre de la publication projetée, il s’agit de

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mentionner les objets qui constituent le mobilier d’une église ou d’une chapelle et qui ont un caractère archéolo¬ gique.

Dans le cas présent, cette dénomination s’applique à tous les objets anciens auxquels l’art a donné des formes plasti¬ ques , c’est-à-dire il entre du dessin.

IL Conformément à cette règle il faudrait exclure :

1. ° Ce qui n'est pas ancien., prenant ce caractère dans son acception la plus restreinte, celle qui s’adapte à l’épo¬ que contemporaine.

Il ne faudrait donc relever que les objets antérieurs à la Révolution ou qui ont été faits par des artistes qui étaient déjà connus à cette époque.

Nous avons pensé en effet que c’est une limite natu¬ relle dans l’histoire de l’art appliqué au culte chrétien. Chacun sait qu’il y eut alors un long point d’arrêt , pendant lequel il n’était pas question de décorer nos églises fermées ou détruites; et que plus tard, quand le culte fut rétabli chez nous , le goût et l’inspiration artistiques avaient depuis longtemps disparu. D’ailleurs, à partir de notre époque contemporaine , l’industrie avec ses procédés mécaniques a pris une grande extension ; l’art a été envahi , souvent rem¬ placé , de sorte que beaucoup de nos produits modernes participent de cette hyhîHdité qu’il serait parfois difficile de distinguer de l’art véritable.

2. ° Ce c^ui n'est pas remarquable , soit au point de vue de l’art considéré en lui-meme; soit au point de vue de l’art appliqué à l’histoire; soit enfin au point de vue de l’histoire de l’art.

Ainsi il faudrait être plussévère pour une copie de tableau que pour un original ; pour un objet moderne que pour un objet ancien. Il se peut aussi qu’une peinture ou une sculp¬ ture esthétiquement mauvaise se rapporte à un point d’his-

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toire locale ; dans ce cas on devrait bien se garder de la négliger.

3.® Les inscriptions tombales ou autres , cette matière devant faire l’objet d’une publication spéciale. Il va sans dire toutefois que cette exclusion ne s’adresse qu’aux seules inscriptions et non aux objets qui les supportent ni aux sujets qui les accompagnent.

III. Afin de procéder avec ordre , il faudrait :

l.° Signaler d’abord les objets faisant partie du gros mo¬ bilier : chaires de vérité, fonts baptismaux, confessionnaux, stalles et boiseries , bancs de communion , autels et reta¬ bles , etc.

En second lieu , les tableaux , statues , bas-reliefs et autres ornements sculptés , vitraux peints ou incolores , etc. , ayant soin de suivre l’ordre selon lequel ces objets sont placés.

3.° Enfin , les objets servant plus immédiatement au culte et qui ne sont pas ordinairement fixés en leur place , tels que: croix, chandeliers, calices, ciboires, ostensoirs, châsses ou reliquaires , plats et instruments de paix , encen¬ soirs , vêtements sacerdotaux. . . et autres objets contenus dans les trésors ou dans les sacristies.

IV. Tout en donnant à cet inventaire une forme con¬ cise, il vaut mieux énumérer trop que trop peu. En archéo¬ logie comme en histoire, bien des éclaircissements sont dus à des faits ou à des détails qui avaient pu paraître insigni¬ fiants au premier abord. Toutefois il faut que ces faits soient positifs, que les indications soient exactes, donnant, aussi bien que possible , la description des objets, la ma¬ tière dont ils sont faits , leur provenance , etc. De cette manière rien ne sera sec ni superflu : car, bien que ces détails , dans un grand nombre de cas , puissent ne pré¬ senter aucun intérêt par eux-mêmes ; réunis , coordonnés ,

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ils seront peut-être pour l’historien ou l’archéologue de la plus grande importance ou tout au moins du plus grand intérêt. _

ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE

Classe des Sciences rersonnel

Les directeurs des trois classes désignés pour l’année 1870 sont :

Sciences : M. De'v\'alque, profess. à l’IIniversité de Liège;

Lettres : M. Defacqz, de Bruxelles ;

Beaux-Arts : 31. Fraikin , sculpteur à Bruxelles.

Séance publique du 16 décembre 1869 Cette séance, honorée de la présence du roi et du ministre de l’intérieur, s’est ouverte par un discours de 31. Nyst, directeur de la classe , qui a exposé les résultats palèonto- logiques obtenus^ sous lerapport des animaux inférieurs^ à la suite des travaux considérables exécutés aux fortifica¬ tions d'Anvers. Les sables des environs d’Anvers sont rem¬ plis de coquilles dont quelques-unes vivent encore dans la mer de la 3Ianche, mais dont d’autres ont disparu, ou ont émigré dans d’autres régions. Chaque pelletée de terre sou¬ levée pour l’établissement des fortifications a mis à décou¬ vert des débris fossiles que l’on a recueillis dans les collec¬ tions de l’Etat et qui ont donné lieu à de nombreuses études. Personne ne pouvait s’en faire l’historien avec plus d’autorité que 31. Nyst, lui , qui dès 183o , commençait la description des fossiles d’Anvers, et qui depuis lors a continué à faire connaître les richesses de cette localité. Lors de la construction des forts détachés, des fouilles faites dans une briqueterie , à Edeghem , lui ont permis d’en¬ richir d’un grand nombre d’espèces nouvelles la liste des fossiles belges. Cette faune d’Edeghem présentait en outre

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la particularité remarquable d’être intermédiaire entre celle des sables d’Anvers proprement dits et celle des terrains tertiaires de la Touraine et des environs de Bordeaux. M. Nyst a terminé son discours en remerciant le gouvernement des encouragements sérieux qu’il accorde aux recherches géologiques et paléontologiques.

M. Van Beneden a fait ensuite une de ces charmantes lectures dont il a le secret sur les mœurs des animaux infé¬ rieurs. Il a parlé de ce qu’il appelle les commensaux , c’est- à-dire les êtres qui s’allient les uns aux autres dans un but d’intérêt ou « par des motifs, dit-il, à eux connus. » Un petit Crabe, le Pinnothère, de la grosseur d’une jeune araignée, vit dans les Moules comestibles, et on l’a accusé bien à tort de causer les empoisonnements que produisent parfois ces mollusques. Pourquoi se loge-t-il ainsi dans la coquille de la Moule ? Pour y trouver un gîte commode , un repaire d’où il s’élance sur sa proie ; il revient ensuite la dévorer dans sa retraite, et la Moule profite des reliefs de son festin.

D’autres crustacés se fixent sur la peau des Baleines et voyagent en compagnie de ces géants des mers.

« Ainsi parmi les commensaux nous en voyons qui conser- servent toujours leur indépendance, et ceux-ci, peu importe leur associé, rompent au premier signe de mécontentement pour aller chercher fortune ailleurs ; on les reconnaît à leur attirail de pêche et de voyage dont ils ne se dépouillent jamais. Ce sont des commensaux libres. Ils se mettent en croupe tantôt sur le dos d’un voisin tantôt à l’entrée de la bouche, au passage des vivres, ou bien, par un goût que l’on pourrait trouver peu délicat, à la sortie des déchets ; tantôt enfin ils se mettent à l’abri sous le manteau de leur hôte dont ils reçoivent aide et protection. A côté d’eux nous en voyons qui ne sont libres que pendant le jeune âge : dés que l’époque de la puberté approclie, ils font choix d’un hôte, se dépouillent de tout leur attirail de voyage, y com¬ pris leurs appareils oculaires, changent de costume et de-

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viennent complètement dépendants de celui qui les porte. »

Cette citation suffit pour montrer quel a été l’intérét de la lecture deM. Van Beneden et combien nous regrettons de ne pouvoir en offrir un plus long extrait à nos lecteurs.

Elle a été suivie de la proclamation des résultats des con¬ cours et des élections.

CONCOURS

Le prix quinquennal de o,000 francs devait échoir cette année aux sciences mathématiques: il a été attribué à BI. Plateau , membre de l’Académie , pour ses Fiecherches sur les figures d'équilibre d'une masse liquide sans pesanteur. Nous avons déjà donné l’analyse de ces remarquables mé¬ moires (^). On jugera combien l’Académie de Belgique tient en haute estime les Becberches de BI. Plateau puisque ce savant avait comme concurrents Staas , le chimiste , et Gloesener , le physicien.

L'Académie a décerné une Blédaille d’or à BI. Blalaise , professeur à l’Institut agricole de Gembloux , pour un Mémoire sur le terrain silurien du Brabant. Ce terrain forme , au Sud de Bruxelles et au Nord du bassin bouiller, une bande assez large qui s’étend depuis les environs de Liège jusqu’à ceux de Charleroy ; mais il n’est visible que dans quelques points. BI. D’Omalius d’Halloy a parfaitement décrit sa situation dans une phrase que BI. Blalaise a prise pour épigraphe.

« Les terrains porphyriques et ardoisiers du Brabant ne paraissent au jour que dans le fond des vallées, ou sur quel¬ ques points isolés qui sont comme les sommités d un ancien monde enseveli sous des dépôts plus nouveaux. »

On comprend tout ce qu’une semblable disposition doit offrir de difficultés au géologue. Aussi BI. Blalaise n’a-t-il

Bulletin , t.I , p. 98.

Al

pu mettre à l’abri de toute critique les divisions qu’il y a établies ; néanmoins son mémoire fait faire de grands pro¬ grès à la stratigraphie de ce terrain , et y révèle l’existence d’une faune de o2 espèces qui sont décrites et figurées dans le mémoire.

31. 3Ialaise distingue 4 assises :

1. ° les Quarzites blanchâtres et verdâtres de Blaimont ;

2. ° les Quarzites et Phyllades aimantifères de Tubize ;

3. ° les Phyllades bigarrées d’Oisquerque ;

4. ° les Phyllades fossilifères de Gembloux.

Cette dernière assise , la seule qui renferme des fossiles , est rapportée par l’auteur ainsi que les trois précédentes , au terrain silurien moyen.

31. 3Ialaise a ajouté à la question que l’Académie avait posée la description de l’étroite bande de terrain silurien que l’on trouve dans l’Entre Sambre-et-3Ieuse , et celle du petit lambeau silurien de Dour , près 3Ions.

ÉLECTIONS

31. Dupont, directeur du 3Iusée d’histoire naturelle de Bruxelles , a été élu membre de l’Académie ( section des sciences naturelles ) , en remplacement de 31. Van der 3Ia- len. Le monde savant applaudira à la nomination de ce na¬ turaliste, qui, bien jeune encore, s’est acquis une réputation universelle par ses recherches sur les grottes de l’âge de pierre. Il y a quelques mois, les savants de tous les pays , réunis à Copenhague en un Congrès universel pour s'oc¬ cuper des âges primitifs de l’humanité, rendaient hommage au talent de 31. Dupont en l’élisant un des vice-présidents de la réunion. Rappelons aussi que 31. Dupont a publié, il y a quelques années, une notice géologique sur le calcaire carbonifère du département du Nord.

Une autre élection a été faite dans la section des sciences mathématiques et physiques. Le colonel Brialmont , bien

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connu par ses travaux de balistique, remplace feu le général Nérenburger.

Travaux courants

Les 11.® et 12.® Bulletins de TAcadémie pour 1869 con¬ tiennent des observations sur les orages faites en 1869 , à Bouillon , par M. Brauch, professeur au collège communal ; à Gembloux, par M. Malaise ; à Liège , par M. Dewalque et par M. Leclercq, directeur honoraire de l’Ecole indus¬ trielle. Ce dernier observateur constate qu’en 1869 les orages ont été moins nombreux, moins durables, plus loca¬ lisés qu’en 1868. Il admet que les orages sont des phéno¬ mènes de même ordre que les ouragans et les tempêtes, qu’ils se produisent sous des conditions analogues de pres¬ sions barométriques et de successions de vents. Ils ne sont que des transformations en chaleur et en électricité des mouvements de l’atmosphère.

M. Adolphe Quetelet a donné quelques détails sur une aurore boréale observée à Bruxelles et à Louvain le 6 octobre 1869 et sur les étoiles filantes du mois de novembre 1869.

M. de Montigny a présenté une note sur les phénomènes de coloration des bords du disque solaire près de l'horizon. Par suite de la dispersion atmosphérique les bords supé¬ rieurs sont colorés en bleu et en violet, et les bords inférieurs en orange et rouge ; dans l’arc bleu on voit parfois des teintes rosées jusqu’à présent inexplicables.

De la cire de la paille, par M. Radziszewski, répétiteur de chimie à PUniversité de Louvain. Cette substance cireuse , obtenue dans une fabrique de papier de paille , paraît assez analogue à la cire que l’on a extraite de l’herbe des prairies et à celle qui existe dans la canne à sucre , mais elle fond à 42. tandis que la cire de la canne fond à 82.®.

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La Chimie théorique est représentée par la continuation des Recherches sur les dérivés éthérés des acides et alcools polyatomiques , par M. Henry ; la Physique par une note de M. Pérard sur une modification de la machine électrique de N aime.

En Zoologie nous remarquons un article de M. Ed. Van Beneden sur la Gregarina Gigantea. Les Gregarines sont des êtres composés d’une cellule unique qui vivent en para¬ sites , soit dans l’intestin , soit dans la cavité préviscérale, soit dans les organes reproducteurs des animaux inférieurs des différentes classes. L’espèce nouvelle découverte par M. Ed. Van Beneden provient de l’intestin grêle du Homard. Grâce à sa taille relativement considérable , 16 mill. de long sur 0 mill. 15 de large , il a pu y constater des faits intéressants sur le développement de ces animaux et pour la théorie cellulaire.

Contagion de la Panachure^ par M. Ed. Morren. La Panachure c’est-à-dire la décoloration partielle du feuillage des végétaux est un état maladif que l’on cherche souvent à produire dans les jardins dans un but d’ornementation. La mauvaise qualité des graines, l’humidité du sol , l’in¬ suffisance de lumière la produisent. Les variétés panachées peuvent aussi se multiplier par bouture et par greffe.

M. Morren a remarqué dans ce dernier cas que non seule¬ ment la branche greffée conserve la panachure mais que le sujet greffé l’acquiert également. Il a même constaté que dans le cas le greffon venait à périr au bout de quelques jours, le sujet pouvait néanmoins être frappé de la pana- ebure. Il suffit même que l’on insinue un pétiole de feuille panachée dans l’écorce d’un jeune sujet pour lui communi¬ quer la maladie. M. Morren pense qu’il y a un cas d’in¬ fection semblable aux infections morbides du règne animal, lien conclut que la chlorophylle, ou matière colorante verte

^so¬ dés plantes, joue chez les végétaux un rôle comparable à celui que remplissent chez les animaux les globules rouges du sang.

M. de Koninck a décrit et figuré quelques Echinodermes fossiles des terrains primaires , savoir : deux Encrines d’Angleterre et un Oursin , Palœchinus sphœricus que l’on trouve dans le calcaire carbonifère en Angleterre et à Tournai. Il a profité de l’occasion pour rectifier le nom d’un autre Oursin provenant du même calcaire de Tournai : le Cidaris Munsterianus devient le Lepidocentrus Munste- rianus. J. G.

COURS PUBLICS.

Cours de Géologie professé à la Faculté des sciences de Lille,

par M. Gosselet. (b

Temps paléontoîniques. On les divise en trois âges que l’on distingue par des numéros d’ordre : Age primaire. Age secondaire , Age tertiaire.

Age primaire Ère des Trilobites. Les terrains primaires sont au nombre de trois : silurien , dévonien , car^bonifèi'e.

Par suite des émanations volcaniques venues de l’intérieur de la terre , et des nombreuses dislocations qui les ont affec¬ tées , les roches des terrains primaires ont subi des modifi¬ cations profondes. Les calcaires se sont transformés en marbre , les argiles et les grès argileux sont devenus des schistes et des gramvaches , c’est-à-dire qu’ils ont pris une structure feuilletée dont l’ardoise nous offre le type le plus parfait. Souvent ils se sont imprégnés de silice au point de constituer une roche compacte d’une extrême dùreté, le quarzite. D’autrefois ils se sont chargés de cristaux d’ai¬ mant , de pyrite , etc. , ou de paillettes de mica. Les grès argileux et scbistoïdes si abondants dans les environs d’A-

d) Bulletin t.I , p. 392 , t. II, p. 18.

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vesnes et dans le Condroz belge portent , lorsqu’ils sont remplis de petites écailles de mica, le nom de Psammites.

Ajoutons pour compléter la liste des principales roches sédimentairesdes terrains primaires : la houille elle minerai de fer soit à l’état de carbonate, sidérose^ comme les nodules disséminés au milieu des schistes houillers, soit à l’état d’oxide rouge , oligiste , comme le minerai de Glageon et d’Isne-les-Dames.

De nombreuses éruptions ont eu lieu pendant l’âge pri¬ maire ; les principales roches qu’elles ont produites sont des granités , des syénites , variétés de granité dont est formé l’obélisque de Louqsor , et des porphyres ; ceux -ci contien¬ nent, dans une pâte feldspathique homogène et non cristal¬ lisée, des cristaux de feldspath , de quarz et d’autres subs¬ tances ; c’est leur pâte homogène et compacte qui les distingue essentiellement des granités dont tous les élé¬ ments sont cristallisés. Il y a plusieurs espèces de feldspath variables par leur composition chimique ; à chacune d’elles correspond une ou plusieurs espèces de porphyres. Les terrains primaires sont en outre fréquemment traversés de filons de quarz gras d’un blanc laiteux.

Les fossiles qui caractérisent le mieux les terrains pri¬ maires sont les Trilohites , les Spirifer et les Productus.

Les Trilobites sont des crustacés ayant certaine analogie avecnos cloportes, mais vivant dans l’eau ils se mouvaient à l’aide de pattes membraneuses. La division de leur corps en trois lobes longitudinaux leur a valu leur nom. Ils pullu¬ laient dans les mers de l’époque silurienne , et depuis lors leur nombre a constamment diminué ; la famille s’est éteinte avant la fin de l’âge primaire.

Les Spirifer et les Productus sont des mollusques de la classe des Brachiopodes , enfermés dans une coquille à deux valves comme l’huître, et munis de longs bras enroulés

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en spirale qu’ils pouvaient en quelques circonstances dé¬ rouler et passer entre les valves de leur coquille. Cette classe, représentée de nos jours par un très-petit nombre d’espèces, était au contraire très-abondante dans les mers de l’àge primaire.

Le terrain dévonien renferme une très-grande quantité de Spirifer tandis que le terrain carbonifère est beaucoup plus riche en Productus.

Les seuls vertébrés de l’âge primaire étaient des poissons et des reptiles. Les premiers appartiennent aux ordres des Sélaciens ( Requins et Raies ) ou des Ganoïdes ; les se¬ conds se rapprochent des Grenouilles et des Salamandres, mais ils avaient certains détails d’organisation plus déve¬ loppés rappelant ceux du Crocodile.

Les végétaux des terrains primaires appartiennent tous soit aux Cryptogames , soit aux Dicotyledonés Gymnosper¬ mes. Ceux-ci sont représentés de nos jours par la famille des Conifères ou arbres verts et résineux eCpar celle des Cycadées ; à l’âge primaire outre ces deux familles, il y en avait une autre, celle Sigillaires ^ dont les troncs, plus gros que ceux de nos pins et de nos sapins, se rencontrent en abondance dans la houille. Ils y sont accompagnés de Calamites, grandes prèles de 10 mètres de haut, et de Lepi- dodendron, dont la taille est la même et qui représentent nos humbles mais élégants Lycopodes.

Les diverses couches des terrains primaires ne sont plus dans la position elles se sont formées ; elles ont été re¬ dressées, plissées, contournées, traversées par des fentes (failles) et par des veines (filons) de quarz, de carbonate de chaux cristallisé ou d’autres substances.

Elles constituent plusieurs massifs élevés, isolés les uns des autres par des terrains plus récents : l’Ardenne, la Bre¬ tagne, les Vosges, etc. ; elles forment également une lisière

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sur le pourtour du Plateau central. Dans notre région, on Yoit les terrains primaires dans rarrondissement d’Avesnes, près de Marquise (Pas-de-Calais) , dans le Nord du départe¬ ment des Ardennes et dans toute la partie de la Belgique située au sud-est de laSambre-Meuse. C’est aussi aux terrains primaires que l’on doit rapporter notre riche bassin liouiller.

MUSÉES ET COLLECTIONS

MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE DOUAI (suito)

Antiquités gallo-romaines. Sans arrêter nos lecteurs devant l’armoire n.°I3 , dont les vitrines offrent quelques vases étrusques provenant pour la plupart du musée Cam- pana, nous attirerons leur attention sur les antiquités gallo- romaines. Le musée de Douai offre une importante collec¬ tion d’objets provenant de Bavai pour la plupart et recueillis, comme nous l’avons déjà dit , par M. Carlier, curé de cette ville ; les archéologues et les amateurs peuvent y faire de sérieuses études sur l’art chez les Gallo-Romains, aux points de vue des monuments publics , du culte et de la vie privée.

Monuments publics. Le monument historique le plus curieux peut-être du musée de Douai est une pierre dont l’inscription constate le passage de Tibère à Bavai (n." 728). Cette pierre , en granit grisâtre , est large de 1 m. 45 et haute de 70 cent. ; l’inscription rappelle qu’un monument a été consacré pour l’arrivée de Tibère (*),

(h Voici l’insciiption suivie de la traduction récemment donnée par un savant membre de l’Institut ^ M. Ernest Desjardins ; Tiberio Cœsari , Âugusii fxlio , Dm nepoti , advenlu ejus sacrum. Gnœus Licinius Gaiifilius, Voltinia tribu, Nœvus. A Tibère César, fils d’Auguste, petit-fils du divin César. Monument consacré à célébrer son arrivée par Cn. Licinius Névus, fils de C. Licinius, inscrit dans la tribu Voltinia. •— M. Desjar- dius prouve que cette inscription date de l'an 10 , 11 ou 12 de notre ère.

su¬ cette pierre fui trouvée en 1706 à Bavai : elle constate que cette ville avait déjà quelque importance dix ou douze ans après Jésus-Christ. L’inscription rappelle sans doute la marche triomphale de Tibère à travers les Gaules , dont il est parlé dans Velleius Paterculus (i).

Auprès de celte pierre, qui est placée dans le fond de la salle d’archéologie , sont superposés dix chapiteaux en pierre , dont les dimensions prouvent l’existence à Bavai d’un monument supporté par de hautes colonnes ; l’archi¬ tecture appartient à l’ordre corinthien dégénéré. Les deux plus importants de ces chapiteaux offrent, au milieu de feuil¬ les d’acanthe , l’un le buste de Jupiter portant un sceptre (n.® 721), et l’autre le buste de Junon tenant aussi le sceptre (724) : ces chapiteaux n’ont pas moins de 67 centimètres de hauteur.

Les visiteurs remarqueront aussi avec intérêt plusieurs petits pilastres en granit bleu, de forme ovoïde, alignés et adhérents entre eux sur une base unique : ce sont des bor¬ nes, qui étaient établies dans les cirques pour marquer les distances ou le terme des courses. On sait que l’on voit encore aujourd’hui à Bavai, dans les anciennes fortifica¬ tions, les ruines d’un cirque long de 277 mètres et large de 92 mètres 33 centimètres (2).

Dans le vestibule du Musée se trouve une borne milliaire, datant de 1766 comme l’indique un chronogramme ; mais sur lequel est indiquée la direction du septemvium qui abou¬ tissait à Bavai.

Ces monuments ont une importance historique pour le Nord de la France : ils prouvent que les Romains avaient

(M De Bast. Deuxième supplément au Recueil d'antiquités romaines. Gand , 1815. Velleius Paterculus , Ed. Panckouke , p. 290. Voir une Note de M. Ernest Desjardins : Mémoires de la Société d' Agriculture de Douai , 1866-G7, p. G47.

(2; Lebeau. Bavai; p. 149.

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établi' à Bavai, dès le siècle d’Auguste , une grande cité , sans doute afin de dominer sur ces Nerviens qui avaient résisté à César avec tant d’habileté et d’énergie.

Culte. Sacrifices et autels; honneurs rendus aux morts. Fouillé avec un soin minutieux par l’abbé Carlier et par quelques autres archéologues , le sol antique de Bavai a offert un nombre considérable d’objets qui se trouvaient dans les temples et dans les tombeaux de cette capitale des Nerviens. La pièce la plus importante est un trépied en bronze, découvert avec plusieurs autres objets en 1790. En voici la description faite avec le plus grand soin par M. A. Cahier : « Trois montants ou supports , terminés chacun à » son extrémité supérieure par un buste de bacchante dont » la tête est ornée de pampres et de grappes de raisin , > reçoivent une cuvette dont le diamètre est de 25 centimè-

a

i> très et la profondeur , à son milieu, de 74 à 76 millimè- » très. Celte cuvette s’appuie sur trois crochets sortant » derrière chaque buste de bacchante. Les supports ont » 81 centimètres de hauteur ; leur extrémité inférieure se » terminait en patte de panthère. Trois paires de plates- » bandes en bronze s’étendent d’un support à l’autre et se » croisent en forme d’X. . . A l’un des supports, à celui que » nous pouvons appeler le montant principal, vers une » hauteur de 54 centimètres à partir du pied , la ligne cesse » d’être perpendiculaire ; elle se courbe avec élégance , et » cette courbure se rattache à la partie supérieure du .sup- » port par une tête de panthère d’un très-beau style... Au P milieu de cette courbure , on voit briller un vase ciselé » sur une mince lame d’argent ajustée sur le bronze. La » courbure se termine par un ornement en forme de feuille,

» dont la pointe va quelque peu se relevant. En présence » des attributs, dont est décoré ce trépied , il est hors de » doute qu’il était consacré à Bacchus et servait aux sacri-

oG

» fices que réclamait le culte de cette divinité. (^) » Une baguette autour de laquelle s’enroule un ruban de cuivre qui rappelle le Thyrse, et une pomme de pin naturelle, trou¬ vées avec le trépied, rappellent aussi le culte deBacchus.

Sur la grande pierre dont l’inscription a été tracée pour l’arrivée de Tibère se trouvent deux petits autels votifs, l’un consacré à Apollon par Timenlius , comme l’indique Vinscription , et l’autre ayant servi de support à une statue dont il ne reste que les plis des vêtements sur la base. Dans les armoires, l’on trouve un grand nombre d’objets qui servaient aux sacrifices : la Dolabra ou couteau avec lequel étaient démembrées les victimes (n.° 374) ; leDiscus, bassin plat en bronze dans lequel on mettait quelquefois les entrail¬ les des victimes , quelquefois du sang et de la farine , quel¬ quefois de la chair rôtie (n.°" 382, 38o et 386); le simpulum, instrument dont on se servait pour faire les libations du vin (n.o 373) ; les Paterœ ou Patellœ , tasses ou coupes dans lesquelles on recevait le sang des victimes ou le vin offert aux dieux (n.®" 383, 384 , 401 , 402, 403, 412, etc.) ; les Ligulœ ou Lingiilœ, sortes de spatules que l’on croit avoir servi à fouiller dans les entrailles des victimes (n.®® 388 et 389) ; des Cuillers les unes en argent , les autres en bronze, à l’aide desquelles l’on jetait l’encens dans le feu de l’autel (n."® 390 à 397) ; l’extrémité supérieure d’un lituus ou bâton augurai (n.° 377) ; une coupe destinée à brûler les entrailles des victimes qui était posée sur un trépied et plusieurs autres fragments de trépied (n.“" 37o , 376 , 378 , 379 , 380 et 381) : la nomenclature de ces objets suffit pour faire comprendre l’intérêt que présente, au point de vue des objets ayant servi aux sacrifices , le musée de Douai (-}.

(1) A. Cahier. Coup d'œil sur quelques par lies du musée di Douai) p. ‘ÎOl. Nous avons déjà cité cet excellent travail qui nous a été très-utile pour ces courtes notices.

P) V. Moxtfauco.n. VAnliquiU expliquée; passim.

Au sujet du culte des morts, nous trouvons un nombre très-considérable d’objets. Nous appellerons d’abord l’atten¬ tion de nos lecteurs sur quelques pierres tumulaires avec inscriptions dont les unes sont consacrées par Marcus Pom- péius Victor , gouverneur des Nerviens , à ses parents et à son épouse Ogratia, et dont une autre, rappelant le souvenir de Julia Felicuîa , a été trouvée sur une urne en plomb remplie de cendres et d’ossements calcinés (n.'* 2o8). Les urnes funéraires abondent; du n." 290 au n.” 340, nous en rencontrons de toutes les dimensions et de toutes les formes, en terre noirâtre , en terre grise, en terre rouge, en terre jaunâtre ; l’on trouve aussi des urnes lacrymatoires non moins variées dans leur forme , leur couleur et leur dimen¬ sion ; plusieurs sont peintes ou vernissées ; le n.® 349 re¬ présente un lapin accroupi et rongeant une racine qui forme le foyer de la mèche. Au nombre des curiosités, nous cite¬ rons les fioles ou urnes lacrymatoires en verre , dans les¬ quelles les anciens allumaient des flammes parfumées , le n.® 346 , petite fiole en verre blanc très-fin, sur les flancs de laquelle serpentent des ornements en verre bleu et en verre blanc, et le n.° 347 autre fiole en verre de couleur amaranthe, qui est aussi une pièce remarquable. Sur quel¬ ques-unes des coupes en terre cuite , se trouvent la marque et le nom du fabricant (n.®" 348, 364, 365 et 366). Plus de quatre-vingts pièces différentes , provenant pour la plupart de Bavai, peuvent servir à l’étude du culte des morts de l’an¬ tiquité , et en même temps à celle de la céramique et de la fabrication des objets en verre chez les Gallo-Romains.

L’abbé Ch. Dehaisnes.

BIBLIOGRAPHIE '

A>'>»UAIRE DE l’académie DE BELGIQUE POUR 1870.

Nous remarquons dans ce volume une Notice sur l’un des

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membres correspondants J. E. Buschman , et sur deux membres effectifs de l’Académie , Baguet et Moke , décédés dans ces dernières années.

Poète, romancier et critique d’art, Buschman a obtenu de brillants succès en ces différents genres. Il ne fut pas étranger à quelques-uns des perfectionnements de la pho¬ tographie et il a introduit en Belgique le procédé de gra¬ vure connu sous le nom de stylographie. Il fonda à Anvers une imprimerie , dans le but avoué de faire revivre en cette ville la gloire des Plantin. Son étude sur Rubens , splendidement illustrée, son ode : N otre-Rame-cr Anvers et sa poésie intitulée : VArt flamand seront les meilleurs titres de Buschman auprès de la postérité.

Elève de Bekker qui lui-même était disciple du célèbre Creuzer, F. Baguet puisa, comme on le voit, aux meilleu¬ res sources, la science des deux antiquités grecque et ro¬ maine. Il fut le premier docteur reçu dans l’IIniversité de Louvain depuis sa réouverture en 1817. Plus tard, il con¬ courut activement à la reconstitution , sur ses bases actuel¬ les , de ce corps enseignant. Feu Mgr. de Ram trouva en lui un de ses plus utiles auxiliaires. Malheureusement les soins administratifs, auxquels se voua Baguet avec la plus complète abnégation , l’enlevèrent aux travaux d’érudition classique. Les vrais savants n’ont pourtant pas perdu le souvenir du Mémoire sur Chrysippe et de l’édition du Dis- cours de Dion Chrysostôme qui ont fondé la réputation et perpétueront, dans le monde des lettres, la mémoire de M. Baguet.

C’est M. Roulez, de l’Université de Gand, qui s’est plu à rendre cet hommage aux travaux de son collègue de Lou¬ vain. M. Baguet ne pouvait être apprécié par un juge à la fois plus équitable et plus compétent. La Notice sur M. Moke est d’un écrivain belge , bien connu du public fran-

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çais , M. Emile de Laveleye , Tun des rédacteurs habituels de la Revue des Deux-Mondes.

au Havre en 1803 , M. H. -G. Moke , qui eut une Alle¬ mande pour mère , réunissait en sa personne , par un heu¬ reux privilège, les dons, si contrastants, de la race fran¬ çaise et de la race germanique. Il avait de celle-ci le génie patient et profond , le tour d’imagination rêveur et mélan¬ colique : il retenait, de celle-là, l’esprit net et lucide, l’amour de la clarté, de la méthode et du style. M. de La¬ veleye lui rend ce témoignage qu’il fut l’un des belges qui ont écrit le plus purement en français, quoique sa vie se soit écoulée dans les provinces flamandes. Par suite du renouvellement perpétuel auquel sont assujetties les études d’ethnographie transcendante , il est permis de prévoir que le dernier ouvrage de M. Moke, celui qui a mis le sceau à sa réputation scientifique , la Belgique ancienne et ses origi¬ nes gauloises , sera rapidement dépassé , comme l’est déjà son Histoire des Francs. La postérité , de moins en moins soucieuse du roman historique , négligera les Gueux des Bois ^ les Gueux des Mers., Philippe-de-Flandre, Hermann., etc. Mais elle ne dédaignera aucun des mémoires que M. Moke a consacrés àl’histoire positive des belges, aux splen¬ deurs de leur art, à la description de leurs usages et de leurs mœurs. Nous, Français , nous n’oublierons pas com¬ bien son Histovx de la Littérature française a contribué à répandre, dans les écoles belges, la connaissance et l’amour de nos grands écrivains. A. D.

GALERIE DÉPARTEMENTALE DU NORD 2.® série , n." i

M. A. Desplanque vient de publier une Etude sur les travaux d'histoire et d' Archéologie de M. E. de Coussemaker.

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C’est la première notice d’une série nouvelle de sa Galerie départementale. Après le portrait des érudits décédés récemment : MM. Le Glay , Dinaux , Derode et de la Fons- Mélicocq , il compte donner ceux des érudits vivants , et nous le louons d’avoir commencé par celui de M. de Gous- semaker , qui indépendamment du juste renom que lui ont valu , dans le pays , des travaux importants sur l’ethno¬ graphie , la philologie , la législation et les heaux-arts de notre Flandre , s’est acquis une réputation européenne comme historien de la musique religieuse et profane au moyen- âge.

Il est difficile d’analyser la notice de M. Desplanque. Le nombre des travaux qu’elle décrit et sur lesquels elle porte un jugement raisonné est si considérable et leur importance est si grande que , malgré l’étendue de cette notice, on doit reconnaître qu’elle ne contient rien de trop, ni rien qui puisse être utilement abrégé. Tout ce que nous pouvons faire c’est, en suivant la marche de son biographe, d’indiquer aux lecteurs du Bulletin les principaux écrits de M. de Coussemaker, et de renvoyer pour les détails à la notice , ou mieux encore , aux ouvrages même de l’auteur. Ils verront quel fut son goût précoce pour la musique , quelles aptitudes il manifesta pour la composition et comment il fut amené à quitter la pratique proprement dite de l’art , pour se livrer entièrement à l’étude de son histoire. Ils comprendront aussi que , dirigé par le goût et pénétré de bonne heure de toutes les règles de rharmonie, il ait été plus loin dans l’intelligence des écrits des vieux musiciens qu’un érudit ordinaire privé des connaissances techniques qu’il avait eu soin d’acquérir.

Le Mémoire sur Hucbald , moine de Saint-Amand au IX« siècle , et sur ses traités de musique ; la Notice sur les collections musicales du Nord , remplie de consciencieuses

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recherches précédèrent, en 1841 et 1843, YHistoire de rHarmonie au moyen-âge dont l’apparilion fut un événe¬ ment dans la science.

Ce livre, qui parut en 1852, est une œuvre de longue étendue et toute de rédaction. Elle se compose de trois traités : le premier sur l’harmonie , le second sur la musique mesurée et rhythmée, le troisième sur la notation. Elle valut à son auteur d’abord une médaille de l’Institut, ensuite son admission au titre de membre correspondant de cette illustre compagnie. Tous les travaux d’archéologie musicale auxquels M. de Coussemaker a , depuis 1852 , attaché son nom devenu célèbre et tous ceux qu’il poursuit ou prépare en ce moment , s’y trouvent renfermés comme dans leur germe. « Qu’est-ce en effet, dit M. Desplanque , » que VArt harmonique aux XIl^ et XIII^ siècles , ouvrage » déjà paru et auquel doit bientôt succéder VArt harmo- » nique au XIV^ siècle , qu’est-ce sinon la reprise , sur une » plus vaste échelle et d’après des documents nouveaux, de » la première partie deVHistoirede Vharmonie? L’idée- » mère des Drames liturgiques se découvre dans la pre- » mière et la troisième partie de ce même ouvrage , et la » deuxième partie (documents) de VHistoùx de Vharmonie j> n’inaugurait-elle pas en quelque sorte ledition monu- » mentale des Scriptores de musica medii œci ? »

Les Chants populaires des Flamands de Finance et l’édition des Œuvres complètes d'Adam de la Haie , dont l’intérêt littéraire et philologique balance l’importance musicographique , doivent se joindre aux ouvrages que nous venons de citer , si l’on veut se former une juste idée des recherches et des labeurs que s’est imposés M. de Cous¬ semaker pour conquérir le vaste et magnifique domaine dont il est aujourd’hui, de Taveu de toute l’Europe savante, le maître incontesté .

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Dans le quatrième paragraphe de son Etude , M. Des¬ planque passe en revue les œuvres d’histoire et d’archéo¬ logie locales de M. de Coussemaker , son active partici¬ pation aux travaux de la Commission historique du Nord , dont il est Président ; de la Société des Sciences de Lille qu’il a présidé en 1861 ; de la Société dunkerquoise , dont il fut un des premiers adhérents , et dont il a eu à deux reprises la présidence ; et du Comité flamand de France , qu’il fonda et qu’il préside depuis sa création en 1853. Les limites qui nous sont imposées nous empêchent de donner les titres des innombrables dissertations qu’il a insérées dans les mèmones de ces différentes sociétés.

« Comme on le voit , on peut , sans flatterie et par une justice anticipée , appliquer à M. de Coussemaker l’éloge » que lui-même a fait de M. Le Glay , défunt. Lui aussi « mourra avec la conscience d’avoir bien rempli sa vie. » Chez lui aussi la postérité admirera « cette infatigable y) activité qui embrassait à la fois les plus hautes généralités » et les détails les plus circonstanciés. »

Nous souscrivons de tout cœur à cette conclusion de M. Desplanque et nous attendons avec impatience les autres portraits de la série nouvelle de sa Galerie départementale.

Ch. Paeile.

LA PHOTOGRAPHIE

SES ORIGINES , SES PROGRÈS , SES TRANSFORMATIONS

par M. Blanquart -Evrard

Ce magnifique volume comptera certes parmi les publica¬ tions les plus importantes qui aient été imprimées à Lille en 1869. Mais nous n’avons pas ici à faire l’éloge de la typogra¬ phie, nous n’insis terons même pas sur les nombreuses plan-

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elles photographiques insérées dans le volume et qui sont destinées à montrer les divers états de l’art. Nous préférons entretenir nos lecteurs du côté scientifique de la question.

Nul mieux que M. Blanquart ne pouvait faire l’histoire de

f

la photographie. Dès l’apparition de cet art merveilleux, il en a compris toute la valeur; il y a successivement apporté plusieurs perfectionnements et a toujours publié ses découvertes avec un désintéressement complet : conduite bien naturelle chez un savant et chez un artiste, mais bien digne d’éloge assurément si on songe que la photographie a donné lieu à une foule de brevets d’invention qui furent et qui sont encore autant d’obstacles à ses progrès.

L’histoire des premières découvertes photographiques est trop connue pour que nous les rappelions ici , contentons- nous de dire que, si la photographie sur papier fut inventée par Talbot, ce fut M. Blanquart-Evrard qui en divulguâtes procédés après les avoir notablement perfectionnés.

Jusqu’en 1851 la photographie se bornait presque à faire des portraits. C’est alors que M. Blanquart-Evrard proposa un procédé par lequel chaque cliché pouvait facilement fournir en un jour 2 à 300 épreuves dont le prix de revient était de 5 à 15 centimes , c’est-à-dire que les photographies étaient produites à un prix assez modéré pour que la li¬ brairie put y avoir recours pour illustrer ses publications, A l’incrédulité qui accueillit cette proposition, M. Blanquart répondit par l’eT^écution. Il établit à Loos , près de Lille , une imprimerie photographique se publièrent le Voyage en Orient de M. Maxime du Camp, ei Jérusalem de M. Aug. Salzmann.

Son exemple fut suivi par plusieurs savants et amateurs qui reproduisirent par ce moyen les gravures de Marc Antoine, d’Albert Durer , de Rembrandt , etc.

Il y avait cependant un progrès plus complet à réaliser.

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Il fallait convertir l’épreuve négative , impressionnée direc¬ tement par le soleil , en une planche à graver dont on pour¬ rait tirer des épreuves positives avec l’encre d’imprimerie.

Dès 1824, Nicéphore Niepte, un des inventeurs de la photographie , avait découvert un procédé de gravure. Il recouvrait une plaque métallique de bitume de judée et l’exposait à la chambre noire. Les parties du bitume im¬ pressionnées par la lumière devenaient insolubles; on en¬ levait le reste par un dissolvant , on gravait à l’eau forte les parties du métal mis à nu et l’on passait au rouleau : l’encre prenait partout le bitume devenu insoluble sous l’in¬ fluence de la lumière avait préservé la plaque de l’action de l’acide.

Ce procédé héliographique longtemps négligé par suite des brillants résultats de la photographie sur plaque et sur papier, fut repris, depuis 1852, par plusieurs artistes.

En 1855, M. Poitevin en proposa un autre : il recouvrait une pierre lithographique d’une solution d’albumine mé¬ langée de bichromate de potasse , puis l’exposait à la lumière. Sous le contact d’une épreuve négative il ne se produisait aucune image, mais si on passait dessus la pierre le rouleau d’imprimerie enduit d’une encre savonneuse, cette encre ne se fixait que sur les parties qui avaient été impressionnées par la lumière , et l’image obtenue pouvait servir comme celle d’une pierre lithographique ordinaire.

M. Poitevin fit une autre découverte non moins impor¬ tante : « Lorsqu’une couche de gélatine mélangée de bichro- » mate alcalin a été impressionnée par la lumière sous le î contact d’une épreuve photographique , et qu’on la dé- » pose dans l’eau froide, les parties solarisées restent im- » perméables tandis que celles qui ont été soustraites à B l’impression lumineuse se gonflent plus ou moins selon P qu’elles ont été plus ou moins préservées. » La plaque de

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gélatine présentant des épaisseurs différentes peut , selon qu’on s’est servi d’une épreuve négative ou positive , don¬ ner des moulages , dont on obtient par la galvanoplastie des planches en creux ou en relief. ( à suivre). J. G.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES

Histoire naturelle. Cerfs , Daims , Chevreuils. Les lecteurs du Bulletin n’ont peut-être pas oublié les notes insérées aux mois de mars et d’avril derniers , sur la pré¬ sence dans nos régions du Nord de la France , des Loups et des Sangliers. Nous continuons ces observations sur notre gros gibier par quelques remarques au sujet des grands ruminants : Cerfs, Daims, Chevreuils.

Cerfs. Les Cerfs étaient très-communs autrefois dans le département du Nord, dans les Ardennes , et dans toutes les forêts de l’Artois et de la Picardie. Ils y furent, pendant plus de 12 siècles , le Fauve par excellence des chasses sei¬ gneuriales. C’était même le vaste pays boisé s’étendant de l’Escaut supérieur au Rhin qui était regardé comme la vé¬ ritable patrie de cet animal , ou tout au moins de ce qu’on croyait être sa plus remarquable variété. Le Cerf des Arden¬ nes avait conquis une grande célébrité parmi les veneurs du moyen-âge; la fameuse légende de saint Hubert y était sans doute pour quelque chose.

On le supposait d’une espèce particulière , plus grande , plus cendrée sur le dos , plus foncée sous le ventre et ayant les poils du cou plus allongés. Brisson le distinguait sous le nom de Cervus germanicus ; c’était probablement le Tra- gelaphus et VHippelaphus de Gessner , d’Aldrovande et de quelques autres naturalistes prélinnéens, le Rangier de beaucoup d’auteurs cynégétiques. Ces dénominations , d’ailleurs difüciles à vérifier , doivent disparaître , car il

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est bien constaté que le Cerf des Ardennes ne différait pas spécifiquement du Cerf ordinaire (Cervus elaphus, Linné) dont le type est encore commun dans le centre de la France.

La disparition du Cerf dans nos régions semble s’être opérée par voie de refoulement de l’Ouest à l’Est. Déjà avant la Révolution de 1792 il n’existait plus dans la foret de Crécy il avait été célèbre par la vigueur de ses jar- ' rets. Ce fut cette Révolution qui l’éloigna du département du Nord. La liberté illimitée de la chasse, dît V Almanach statistique de Fan xi, le tumulte des armes à l’époque de l’invasion , le braconnage des armées autrichiennes , ont fait disparaître Daims, Cerfs et Chevreuils, on n’en retrouve plus que dans la forêt Mormal, en petite quantité. »

Les Cerfs abandonnèrent bientôt cette dernière localité , et les captures qu’on y a faites depuis sont devenues de plus en plus rares. Il y a quelques années il en fut tué un à Avesnes-lez-Aubert , mais peut-être était-il échappé d’un parc ou égaré de la foret de Compiègne.

En Belgique il n’en restait plus en 1842 que quelques-uns dans les bois de Saint-Hubert ; mais depuis l’acquisition du domaine deMirwart par le Baron d’Hooghworst, ils s’y sont beaucoup multipliés et ne sont pas rares aujourd’hui dans les bois de Tellin , Solder , Wellin , Herbeumont. Dans le Grand-Duché de Luxembourg , d’après M. de la Fontaine , il s’en est tué quelques individus isolés en 1856 , 1859 , 1864. Un couple a été vu dans les bois d’Hiffingen en 1866, d’où il a disparu.

Daims. Le Daim devait être aussi commun que le Cerf dans l’Europe tempérée, mais sa chasse offrant moins d’attraits , il en est beaucoup moins question dans les traités spéciaux. Plus faible, plus facile à forcer, et, d’un autre côté , offrant une chair beaucoup plus succulente, il devait diminuer avant son congénère et disparaître bien plus vite ;

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aussi est-il devenu rare dans toute la France, et d’après M. Toussenel, il ne s’en rencontre pas oOO sur tout le territoire de l’Empire, à l’état sauvage. En Angleterre il est resté beaucoup plus commun.

En Belgique ils sont encore assez communs dans les bois de 31. de Cunchy près Rochefort , et dans ceux de 3Iirwart. En 1856 , le Prince Henri des Pavs-Bas lâcha un Daim et trois Daines dans son domaine de Berg (Grand-Duché) mais ils n’ont pu s’y acclimater grâce aux nombreux chiens cou¬ rants de ces localités.

On en connaît, dit-on , quelques-uns dans les bois de la marquise de Castellane, à Sains(arrondissement d’Avesnes); mais y sont-ils réellement indigènes et ne proviendraient- ils pas d’individus lâchés ?

Le Daim vit et se propage très-aisément dans un état de demi-captivité, c’esi-à-dire dans les grands enclos il trouve une nourriture convenable ; c’est un animal semi- domestique, doux et timide, très-facile à apprivoiser, préfé¬ rant les bois couverts , entrecoupés de clairières , aux gran¬ des forêts ; aussi est-il étonnant que , par le temps d’accli¬ matation qui court , on ne fasse pas d’efforts plus sérieux pour le multiplier en le domestiquant ; sa venaison exquise et l’utilité de sa peau, comme objet de chamoiserie, mérite¬ raient des essais en grand.

Chevreuils. Le Cerf et le Daim étaient un gibier aris¬ tocratique qui devaient subir le sort du régime dont ils faisaient partie. La chasse en se démocratisant ne pouvait plus s’en servir , leur temps était fini. Il n’en est pas tout à fait de même du Chevreuil ; placé sur la limite de la grande et de la petite chasse, pouvant être chassé sans équipages, sans chevaux et au fusil , il a été conservé dans quelques- uns de nos grands bois et même assez ménagé pour y rester

commun.

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Les bois de Raismes et de Trélon en contiennent passa¬ blement. Dans la forêt de Grécy (Somme) sa chasse offre encore quelque attrait, mais il est surtout nombreux dans les bois de Regnières-Ecluse qui y confinent.

Quant à la forêt de Mormal , d’après de récents rapports on n’en connaît plus que deux dans toute son étendue , sans doute ils n’y resteront pas longtemps.

Ils sont encore assez communs dans l’Ardenne belge , dans l’Herzogenwald et le Condroz , mais M. de Selys dans sa Faune belge (1842) se plaignait déjà du braconnage qui les décimait. Depuis cette époque leur nombre n a pu que diminuer.

En somme , le Chevreuil ne se conserve chez nous que grâce à une garderie sévère et à une chasse modérée ; le jour ces deux conditions cesseraient d’exister , il dis¬ paraîtra comme le Cerf et le Daim , faute de pouvoir répa¬ rer ses pertes. A. de Norguet.

Le prétendu Homme fossile de Villers-Plouich. Le 4 mai 1868 on annonça à la Société géologique de France qu’on venait de découvrir à Villers-Plouich , près de Cambrai , dans un terrain meuble, un sacrum humain associé à des ossements d’Eléphant. Cette dernière phrase fut reproduite soulignée dans une Heoue (^) qui s’occupe spécialement des premiers âges de l’humanité. La nouvelle avait réellement une importance capitale , car bien que la co existence de l’homme et des espèces perdues ne puisse plus faire l’objet d’un doute pour ceux qui cherchent la vérité sans esprit de système, néanmoins la présence d’un os humain trouvé dans le diluvium n’est pas un fait ordinaire et suscite pres¬ que toujours de vives discussions. La mâchoire de moulin Quignon en est la preuve.

(q Matériaux pour THisloire de rHomme, 2.* série , v.' vol. p. 146.

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A la première vue du sacrum de Villers-Plouich , son origine humaine m’a paru très-douteuse, mais peu confiant dans mes propres lumières, je l’ai remis à MM. Delplanque, directeur du Musée de Douai , et Dareste de la Chavanne, professeur à la Faculté de Lille , tous deux ont été d’avis qu’il n’avait rien d’humain et devait appartenir à un grand carnassier (i).

Cet ossement provient d’une carrière ouverte dans la partie supérieure d’une petite vallée torrentielle qui se rend dans l’Escaut.

Le trou a 4 mètres de profondeur ; il présente dans le haut du limon sableux jaune-clair contenant de petits no¬ dules de craie roulés qui sont disposés par lignes. Ces nodules gros d’abord comme des noyaux de cerise augmen¬ tent avec la profondeur ; au bout de 2 mètres ils se mélan¬ gent de fragments de silex cassés qui s’accroissent en nombre

(D Au moment de mettre sous presse nous recevons la lettre sui¬ vante de M. Lartet , professeur de paléontologie au Muséum dliistoire naturelle , à qui nous avions envoyé l’ossement en question :

« J'ai reçu votre lettre et, peu après , la boîte renfermant le Sacrum fossile. 11 a d’abord été examiné par M. Gaudry , M. Fischer et moi. Nous avons été unanimes pour exclure tout rapprochement avec un sacrum humain. Malgré la température sibérienne qui régne dans notre galerie d'anatomie , M. Fischer a bien voulu en aller faire la comparaison directe, quoique assez difficile , avec les sacrums de nos squelettes montés , et je me suis résigné à l’accompagner dans un second examen comparatif qu'il a fait de cette pièce, lien est résulté, à notre avis , que votre sacrum fossile du Diluvium , se rapprocherait de celui du lion actuel plus que de tout autre type auquel nous ayons le comparer. Peut-être serait-il bien un sacrum de Fétis spalœa (lion des Casernes) , car les dimensions sont plus fortes que dans nos plus grands lions. Malheureusement nos collections ne sont pas assez riches pour que nous ayons pu faire la vérification directe des rap¬ prochements que nous proposons.

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et en grosseur, à mesure que l’on descend ; dans le fond les silex sont si abondants qu’ils valent la peine d’être exploités pour l’empierrement des chemins. Ce terrain doit être rap¬ porté au Diluvium des géologues.

C’est au fond du trou que l’on a trouvé le sacrum accom¬ pagné d’autres ossements : une molaire de Mammouth ( Elephas primigenius ) , et un humérus de Rhinocéros {Rhinocéros tichorliinus) m’ont été remis par M. Farez, vétérinaire en chef de la compagnie d’Anzin.

M. l’Abbé Rogie , curé à Villers-Plouich , m’a montré quelques débris d’Eléphant , une dent molaire supé¬ rieure de Rhinocéros , des dents de Cheval et de Bœuf et un os canon de ce dernier animal , provenant du même endroit.

M. Petit-Courtin , ancien maire de Cambrai, possède aussi quelques ossements qui lui ont été donnés par M. Pusch , de Villers-Plouich. J’y ai remarqué des fragments de squelette de l’Eléphant et du Rhinocéros , et trois dents molaires inférieures de ce dernier animal.

Enfin, M. Rigaux, jeune amateur de Lille, déjà connu par le zèle avec lequel il poursuit ses recherches archéolo¬ giques , m’a donné une a-stragale de Bœuf , venant éga¬ lement du diluvium de Villers-Plouich.

A Vendhuile , village près du Catelet , sur la limite des départements de l’Aisne et du Nord, on exploite, dans la vallée de l’Escaut, un diluvium semblable à celui de Villers- Plouich. M. Albert Cornailles , maire de Vendhuile, y a recueilli des dents d’Eléphant et des os assez nombreux provenant du squelette d’un Rhinocéros , vertèbres , côtes, radius ; malheureusement les ouvriers avaient tout brisé. Ces débris osseux sont au Musée de Lille. J. G.

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CHRONIQUE.

Alécéorologèe. Mois de Janvier 1870 :

JANVIER

1870

Température moyen ne . 3.° 16

» j> (les maxima . 3.'^ 42

» » des minima . 0." 90

i extrême maxima, les 4, 8 10." 60

» » minima, . 5.° 40

Baromètre hauteur moyenne à 0.°. . . . 760"‘'“980 » hauteur extrême maxima, le 18. 775"‘”49 J D K minima, le 8... 747^14 Tension moy. de la vapeur atmosphér. 4"‘"’63

Humidité relative moyenne . 82.0 %

Epaisseur de la couche de pluie . 4o"‘“47

D de couche d’eau évaporée. . . . 18”‘“0o

JANVIER année moy. 2.° 94

7o9r 398

S""" 02 86.7 7„ 56™” 13 14r 98

Au point de vue de la température atmosphérique le mois de janvier 1870 a été partagé en deux périodes; les 16 premiers jours se sont passés sans gelée et la moyenne de leur température a été de 3." 9 ; les 13 derniers ont été froids et la moyenne de leur température n’a été que de 0." 23. 12 jours le thermomètre à minima descendit au- dessous de 0.®. Il y eut 9 gelées blanches.

Quoiqu’il en soit de cette répartition inégale de la tempé¬ rature , la moyenne générale mensuelle a été supérieure à celle du mois correspondant année moyenne.

Après la température le caractère dominant du mois a été la sécheresse , non seulement des couches atmosphériques inférieures , mais encore de celles des hautes régions. La hauteur moyenne de la colonne barométrique fut supé¬ rieure à celle d’une année moyenne, par suite la quantité de pluie fut moindre, ainsi que la nébulosité du ciel.

Les 43 mill. 47 d’eau météorique se décomposent ainsi : 41 mill. 23 d’eau de pluie , 2 mill. 30 d’eau de grêle , 1 mill. 74 d’eau de neige.

72

Dans ces conditions de clialeur relative et de sécheresse l’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut plus grande que celle d’une année moyenne.

Pendant la première moitié du mois le vent souffla du S.-O. etduN.-E. pendant la seconde.

On observa 29 jours de brouillard, 11 de rosée, 9 de gelée blanche, 23 de pluie, 10 de neige, 2 de grêle et 12 de gelée.

13 jours le ciel fut complètement couvert de nuages pen¬ dant 24 heures ; 13 jours demi-couvert ; 3 jours serein pendant 24 heures. V. Meürein.

Géologie. Mammouth. On vient de découvrir dans le gravier du diluvium de Blandecques , près de Saint- Omer , les restes d'un Mammouth presque entier. Peut-être est-ce l’individu dont on avait déjà trouvé une défense l’année passée (^). Il paraît que les ouvriers ont voulu , selon leur habitude, rançonner les amateurs ; des pourpar¬ lers se sont engagés, et, comme ils ont duré quelque temps, ces ossements qui provenaient d’un endroit humide se sont entièrement détruits. J. G.

Personnel du Corps enseignant. M. Paiiivin, professeur de mathématiques spéciales au lycée de Douai , quitte notre pays pour aller à Lyon. Tout en applaudissant à cet avancement mérité , nous regrettons pour notre pays le départ de M. Painvin. Ses importants travaux de mathé¬ matiques lui ont valu une renommée qui s’étend à l’Etranger et dont une partie rejaillissait sur l’établissement auquel il était attaché. Il est remplacé au Lycée de Douai par M. Gourcelles. J. G.

(h Bulletin , t. i, p. 120

Le Gérant : E. Gâstiaux.

TYP. DE BLOCQÜEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2/ Année. N.° 3. Mars 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ DES SCIE>^CES DE LILLE

Travaux courants.

Note sur une nouvelle espèce de Thermomètre par 3/. Lamy , membre correspondant. Nos lecteurs se rappel¬ lent le Pyromètre à marbre proposé par M. Lamy (^), son Thermomètre repose sur le même principe. Comme l’appa¬ reil est destiné à mesurer des températures ordinaires , la substance dont la dissociation doit produire les indications thermométriques est choisie parmi celles qui se décompo¬ sent très-facilement , c’est le chlorure de calcium et d’am¬ moniaque : Ca Cl , 4 Az H Quand ce corps passe d une température de à celle de 46° , la tension du gaz ammo¬ niaque varie depuis 141 jusqu’à 1561 millimètres, il peut donc déterminer dans un Manomètre l’ascension d’une colonne de mercure de 1 m. 410. Ainsi le nouveau thermo¬ mètre fournit des indications très-apparentes ; il a de plus le grand avantage de pouvoir transmettre ses indications à une grande distance du point est placé le réservoir. Donc le météorologiste et le physicien pourront suivre de leur cabinet les variations de température de l’air extérieur soit même celles d’une couche plus ou moins profonde du sol, de l’océan ou de l’atmosphère.

De Vaction des coups de feu tirés à bout portant et à distance^ par 31. Houzé de l’Aulnoit, docteur en médecine. Selon l’auteur, les premiers ont moins de force de péné¬ tration. Ainsi une femme avant reçu dans la tête un coup de revolver à bout portant, la balle a été retrouvée dans l’inté-

C) BuUelin , t.I, p. 260.

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rieur du crâne, tandis qu’elle l’eut certainement percé de part en part si elle avait été tirée à quelque distance. La peau offrait une perforation arrondie beaucoup plus petite que la balle et entourée d’un petit cercle brunâtre formé par une eschare. Le trou de sortie au-dessous de la peau était le double du trou d’entrée. La perforation du crâne dépassait le diamètre de la balle et le trou de la dure-mère, plus large encore que celui des parois osseuses, avait une forme étoilée par déchirement.

Dans un autre cas datant du 12 janvier 1870, une balle de revolver tirée à bout portant , après avoir sillonné le bras et traversé onze couches de vêtements, alla s’amortir contre la chemise en contusionnant les parois abdominales. Elle les eut certainement traversées si le coup avait été tiré à une distance de plusieurs mètres.

Si un coup de feu est tiré à bout portant sur une étoffe de drap pliée en deux il détermine sur la première paroi un orifice circulaire du diamètre d’une grosse tête d’épingle, tandis que sur la seconde paroi le trou est plus grand. Lorsque le coup est tiré à une distance de deux pas , l’étoffe est percée d’un trou ovalaire de 10 mill. de long sur 5 de large. De plus , à bout portant , on remarque toujours , outre une très-petite perforation pour le passage de la balle, une auréole noircie par la brûlure et par les grains de poudre , ce qui n’existe pas dans un coup tiré à distance.

Ces faits n’intéressent pas seulement le médecin légiste , ils doivent aussi préoccuper les savants , car ils semblent contredire un axiome généralement reçu en balistique , que le projectile a son maximum de vitesse au sortir du canon. Quant à ce qui est de la largeur croissante des ouvertures successivement produites par une même balle, on l’attribue au mouvement de rotation du projectile dont l’amplitude va en croissant à partir de sa sortie.

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Considérations sur les circonvolutions du cerveau. M. Dareste de la Chavanne rappelle que , dans un mémoire publié il y a de longues années, il a posé le principe suivant :

<r Quand on compare les espèces animales d’un même groupe naturel , on voit que les circonvolutions du cerveau man¬ quent complètement ou du moins sont très-simples dans les espèces de petite taille, tandis qu’elles augmentent en nom¬ bre et en complication à mesure que la taille augmente. » Des travaux récents sur l’anatomie des Edentés sont venus confirmer cette loi.

Voici l’explication que le savantphysiologiste de la Faculté de Lille donne de ce fait : Le cerveau est composé de deux substances : la substance blanche qui en forme le noyau et la substance grise qui enveloppe la précédente. On peut admettre que dans un meme groupe le rapport de ces deux substances doit être constant. Si le cerveau grandit avec la taille de l’animal , la surface de la substance grise doit s’accroître dans le même rapport que la substance blanche; mais les volumes des corps croissant proportionnellement aux cubes de leurs dimensions analogues tandis que les surfaces ne croissent que proportionnellement aux carrés de ces mêmes dimensions , pour que la substance grise reste dans le même rapport de quantité avec la substance blanche, il faut que la surface du cerveau se plisse à mesure que son volume augmente. J. G.

SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE BOULOGNE-SUR-MER Bulletin 1868 ; Mémoires t. iii, l.’’® partie

Nous n’avons à nous occuper ni des procès-verbaux des séances de l’année 1868, ni des rapports sur les concours de 1867 , concours qui n’ont eu d’autre résultat que de dé¬ cerner une médaille d’or de 100 francs à M. Achille Millien , lauréat de tous les concours de poésie de France.

^ 76

Le Bulletin contient, en outre, plusieurs documents historiques , mis en lumière par M. l’abhé Haigneré , ar¬ chiviste municipal de Boulogne , secrétaire perpétuel de la société. Ce sont d’abord Quelques lettres inédites de Henri IV adressées par ce prince à l’un de ses fidèles com¬ pagnons le seigneur de Palcheux. Ce sont ensuite Trois chartes , également inédites , des Comtes de Boulogne : la première d’Eustache III (1121) ; la seconde de Renaud de Dammartin et d’Ide, sa femme (1219); la troisième de Philippe Hurepel et de la comtesse Mahaut (1230). De ces trois pièces, la première est sans contredit la plus intéres¬ sante ; elle offrait des difficultés d’interprétation que M. Haigneré a habilement résolues.

Le fascicule des Mémoires est consacré à un travail pa- léontologique de3IM. Rigaux et Sauvage.

Desciûption de quelques espèces nouvelles de T étage Ba- thonien du Bas-Boulonnais , par 3IM. Rigaux et Sauvage. En 1867, M. Rigaux a publié une étude géologique du Bas-Boulonnais qui a fait connaître d’une manière très- exacte les diverses couches du terrain jurassique de ce pays. Nos lecteurs connaissent déjà M. Sauvage par son travail sur les poissons fossiles du Boulonnais (^). Le mémoire actuel à la collaboration de ces deux géologues est con¬ sacré à la description de o3 espèces nouvelles de mollus¬ ques fossiles que les recherches persévérantes des auteurs sont parvenues à découvrir dans une assise du terrain jurassique, la Grande Oolite (étage Bathonien), avec 180 autres espèces déjà connues. Ce travail descriptif non sus¬ ceptible d’analyse est précédé d’une étude stratigraphique sur les couches qui leur ont fourni ces fossiles. Ils y distin¬ guent de bas en haut 4 zônes caractérisées par les espèces

P) Bulletin , t. [ f J). 11.

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suivantes : l.° Clypeus Plotii, 2.^ Rhynchonella Hopkinsii^ 3.^ Rh. elegantula, ^°Rh. Badensis. J. G.

SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES LETTRES DU HAINAUT.

Mémoires, 3.' série , t. iii (i)

Celte Société fut fondée en 1833 , elle compte maintenant 65 membres effectifs et un très-grand nombre de correspon¬ dants. Les membres du bureau sont :

MM. De Puydt , Président.

Devillez , direc. de l’Ecole des mines ; Vice-Président.

Glesse , littérateur ; Vice-Président.

Le Hardy de Beaulieu, professeur honoraire à l’Ecole des Mines; Secrétawe-Général.

Houzeau de Lehaie , bourgmestre à Hyon ; Secrétaire.

Rouvez , Bibliothécaire.

Devillers, conservateur adjoint des Archives de l’Etat; Archiviste.

Manceaux , libraire éditeur ; Trésorier.

Le 3.® volume des Mémoires s’ouvre avec le discours prononcé par le vice-président, M. Antoine Clesse, lors de la séance solennelle du 13 avril 1868. L’orateur traite de la Chanson. « La chanson est vieille comme le monde , » dit-il en commençant; et il la suit dans ses diverses trans¬ formations depuis Tyrtée et Anacréon jusqu a Désaugiers et Béranger. En terminant cette revue, il insiste un peu sur la chanson populaire qui « cherche, dit-il, à réaliser tout ce qui physiquement et moralement peut améliorer le sort de l’ouvrier , » et qu’il ne faut pas confondre avec la chanson en vogue souvent dépourvue d’esprit et de moralité. M. Antoine Clesse a fait aussi imprimer dans ce volume une pièce de vers intitulée le Pauvre artiste.

M. Laroche, littérateur à Mons, est l’auteur d’une autre poésie , une épître à la Science ; quelques fahles sont dues à M. Marcel Grenier, commissaire d’arrondissement, et

V) Mous; 1869. 442 p.

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M. Dumont a trouvé des accents pleins à la fois de poésie et de patriotisme pour déplorer la mort de l’héritier du trône de Belgique.

Depuis plusieurs années déjà, quelques membres de la Société avaient entrepris de dresser la liste des livres et brochures imprimés à Mons. M. Devillers, président du Cercle archéologique, a ajouté, un nouveau supplément à la Bibliographie montoise.

Des bases d'un système grammatical fondé sur l’idéologie et le génie de la langue française , ou p)réambule d'un cours analytique^ pratique et théorique de grammaire appli¬ quée , par M. Valentin Vau der Elst , ingénieur civil à Cuesmes. Après avoir fait l’historique des sciences gram¬ maticales l’auteur arrive à exposer une classification des parties du discours. Il déduit de considérations psychologi¬ ques qu’il n’y a que des idées substantives et des idées mo¬ dificatives , et par conséquent, qu’il n’y a que deux sortes essentielles de mots : les substantifs et les modificatifs ou adjectifs. C’est parmi ces derniers qu’il place les verbes sous le nom d’adjectifs affirmatifs. Vient ensuite une troi¬ sième catégorie de mots pour les invariables qui ne sont que des substantifs ou des adjectifs altérés dans leur forme.

Cet exposé d’un nouveau système grammatical n’est qu’une introduction à une Grammaire dont M. Van der Elst a détaché quelques pages. Ainsi, il montre par une savante discussion que il , U , lie mouillés doivent se pro¬ noncer /i, comme le gli italien et le II espagnol, et non pas comme un ï ainsi que le veullent certains grammairiens de Paris. L’auteur cherche aussi à établir , mais avec moins de succès suivant nous, que 1 auxiliarité n’existe pas dans les conjugaisons françaises et que les temps dits composés sont des fragments de propositions formés d’un verbe ordi¬ naire et d’un adjectif passif.

^ 79 ^

Nous devons nous borner à mentionner le Mémoire de M. Lehardy de Beaulieu : du Progrès économique et des obstacles quil rencontre et nous passons aux travaux scien¬ tifiques. Le même auteur donne des détails sur Quelques amas de coquillages trouvés dans diverses contrées du globe et pouvant comme le Kjokkenmoddings du Danemarck re¬ monter à une antiquité antéhistorique.

M. Thielens , déjà connu de nos lecteurs (^) , cite comme ayant été tués en Belgique , deux oiseaux très-rares VIbis falcinelle et VElanion ou Faucon mélanoptère. Le premier habite l’Europe , mais il n’a encore été vu que trois fois en Belgique; le second, très-commun en Afrique, est pris pour la seconde fois en Belgique.

Si on en juge par le présent volume , la Botanique serait en faveur au sein de la Société du Hainaut. Nous devons l’en féliciter, et espérer que l’exemple de nos voisins excitera chez nous quelque vocation au profit de cette belle science. Car , s’il existe dans notre département des successeurs aux Lestiboudois , aux Desmazières , aux Vandamme, etc., ils poussent l’excès de modestie jusqu’à ne pas faire part à leurs concitoyens des résultats de leurs découvertes.

De la place des Gijmnospermes dans la série naturelle des végétaux ^ par M. Jean Ghalon. Les conifères qui comprennent les arbres verts et résineux de nos climats avaient été placés par Jussieu parmi les Dicotylédones. M. Ad. Brongniart , tout en les laissant dans l’embrancbe- ment des Dicotylédones, en fit avec quelques autres familles un sous-embranchement spécial sous le nom de Gymnos¬ permes parce que leurs ovules sont dépourvus des enve¬ loppes qui les entourent chez les autres plantes phanéro¬ games. M. Chalon énumère tous les caractères anatomi-

(t) Bulletin, t. I , p. 56 et 83.

to¬ ques et organograpliiques qui séparent les Gymnospermes des Dicotylédones, et propose d’en faire une division spéciale intermédiaire entre les Phanérogames et les Cryptogames. Il ne cite aucun fait nouveau , la thèse qu’il soutient n’est pas neuve, mais il expose très-clairement toutes les raisons qui lui sont favorables.

Les géologues qui aiment à voir les êtres se perfectionner dans la série des temps géologiques accueilleront avec plaisir cette opinion , car les Gymnospermes auxquels on rapporte maintenant les Sigillaria , datent des premiers âges du monde ; on les voit apparaître presque en môme temps que les Cryptogames et bien avant les Monocotylédones et les vrais Dicotylédones.

Monographie des Peupliers^ par M. Alfred Wesmael. M. Wesmael a reçu la mission de rédiger l’article Populns pour le Prodrome. Il a eu en sa possession tous les maté¬ riaux amassés depuis un demi-siècle par les botanistes du monde entier qui tiennent à honneur de coopérer à l’œuvre collective commencée par Auguste-Pyrame Decandolle , et continuée avec tant de piété filiale par M. Alphonse Decan¬ dolle. Le plan du Proc/rome écartant tous les détails, M. Wesmael n’a pu y insérer ses nombreuses observations ; mais il a eu la bonne inspiration de ne pas en priver la science , et de les réunir sous forme d’une monographie qui complète son premier article. Une première partie est con¬ sacrée à l’étude comparative des organes dans les diverses espèces, une seconde comprend la description des espèces. L’auteur admet 19 espèces de Peupliers dont 4 sont origi¬ naires de nos pays.

Nous reviendrons ultérieurement sur cet important Mé¬ moire, nous préférons pour le moment parler d’un autre travail du même auteur intitulé : Notice sur la plantation des jardins publics. M. Wesmael voudrait voir ces parcs et ces

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squares , que les villes élèvent maintenant partout et à si grands frais , servir en même temps à l’enseignement de la botanique. On s’imagine qu’un jardin botanique doit tou¬ jours offrir un grand nombre de plates-bandes étroites , séparées par des chemins plus étroits encore , plantées d’herbes sans fleurs , et souvent même simplement d’éti¬ quettes. Cependant rien n’est plus facile que de disposer un jardin botanique comme un jardin d’agrément, rien de plus facile aussi que de faire servir un jardin d’agrément à l’utilité de la science. Ce serait déjà un progrès considé¬ rable que d’avoir pour chaque espèce de plante une étiquette fussent marqués le nom et la patrie. M. Wesmael croit qu’on peut faire plus encore : il voudrait que lesplantes d’un même massif fussent choisies de manière à représenter soit une famille naturelle , soit la üore d’une région. Après avoir traversé les forêts américaines de Magnolia et de Tu¬ lipiers entrelacés de Lianes, on irait quelques pas plus loin se promener dans les bois sans ombre de l’Australie ou dans un parterre auquel le Japon aurait fourni l’Hortensia, le Camélia , le Bégonia et tant d’autres ; l’œil n’y perdrait rien et la science y gagnerait beaucoup.

Comme exemple, M. Wesmaeldonne le plan d’un jardin botanique de 4 hectares , planté d’une manière scientifique tout en lui conservant l’aspect pittoresque que l’on aime à trouver dans les parcs publics. Puissent nos édiles et ceux qui ont la charge de nos jardins s’inspirer des idées de M. Wesmael; ce serait le meilleur moyen de relever un peu les études botaniques dont nous déplorions tout à l’heure le déclin. A notre époque, la science doit se faire amusante , comme aussi le plaisir doit être instructif. J. G.

SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE DE SA.I1NT-QUENTIN ET DE L’AISNE Ballelin, N.° 2; Janvier 1870

La Société industrielle de Saint-Quentin a été fondée en

82

1869, elle se divise en quatre comités : 1.® Physique et Mécanique, 2.° Chimie et industrie agricoles, 3.o Commerce et industrie de fils et tissus, 4.° Economie politique et sociale. Elle ouvre des concours et établit des cours dans ces diverses spécialités, fait des rapports sur les nouvelles inventions et organise des expériences agricoles.

Le second Bulletin publié par la Société contient les programmes des cours et des concours ; ils sont rédigés dans un sens essentiellement pratique qui témoigne de l’esprit judicieux qui préside aux décisions de la Société.

Nous n’insisterons pas sur les travaux contenus dans ce Bulletin : un rapport sur le Régulateur à gaz Giroud et l’exposé d’expériences faites sur la valeur agricole de dif¬ férents engrais pour la culture de la betterave. Le pre¬ mier a un caractère spécial que nous ne pouvons ni ne voulons introduire dans notre recueil ; le second pourrait donner lieu à quelques réflexions scientifiques , mais nous attendrons pour les présenter la discussion des expériences que la Société industrielle nous promet dans son prochain Bulletin. J. G.

BIBLIOGRAPHIE.

LA PHOTOGRAPHIE

SES ORIGINES, SES PROGRÈS , SES TRANSFORMATIONS par M. Blanquart-Evrard. Suile (i).

Depuis quelques années, un procédé nouveau, découvert par M. Poitevin , la Photographie au charbon , tend à se substituer à l’emploi du sel d’argent parce qu’il fournit des épreuves d’une inaltérabilité absolue. Il repose sur ce fait

(9 Bulletin, t.ii, p. G2.

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que les sels de chrome mélangés à de la gélatine la rendent insoluble sous l’action de la lumière.

On étend sur une feuille de papier une dissolution de gélatine mélangée de charbon porphyrisé , et après l’avoir desséchée on l’immerge dans un bain de bichromate d’am¬ moniaque. On obtient ainsi un papier sensible sur lequel on tire les épreuves positives , puis on enlève les parties non impressionnées par la lumière en les lavant à l’eau chaude.

Le charbon jouant le rôle d’un corps inerte et colorant, on peut le remplacer par du graphite , de la sanguine ou toute autre matière colorante également inerte. C’est par ce moyen que M. Braun de Dornach a entrepris de publier, avec leur coloration primitive, les dessins de maîtres con¬ servés dans les principales galeries de l’Europe.

C’est encore la gélatine bichromatée qui a donné nais¬ sance à l’Imprimerie photoglyptique exploitée par la maison Goupil de Paris. On étend sur une plaque de verre une dis¬ solution de gélatine mélangée de bichromate de potasse ; quand elle est sèche , on l’expose sous un cliché négatif pour recevoir une épreuve positive, puis on la plonge dans un bain d’eau chaude qui mord la feuille de gélatine en dissolvant plus ou moins profondément, selon la durée de l’immersion , toutes les parties non impressionnées. Non seulement la gélatine altérée par la lumière persiste et dessine un relief, mais encore elle acquiert une dureté extrême. On la détache de la plaque de verre , on la place sur une planche de métal d’imprimerie et on com¬ prime avec un bloc d’acier à ^ ou 300,000 kilogrammes. Le relief de la gélatine s’impressionne dans le métal d’imprimerie et donne une planche en creux avec laquelle on imprime par un moyen assez analogue à celui de l’im¬ pression en taille douce.

Ce qu’il y a de plus remarquable peut-être , c’est que la

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feuille de gélatine formant relief n’est pas écrasée par l’énorme pression qu’elle a subie , et qu’elle est capable defournir 10 à 12 planches métalliques aussi bonnes que la première.

' Mais il y a quelque chose qui dépasse encore toutes ces merveilles. Cette image photographique si altérable , si fugace , on la fixe par le feu , on la transforme en émail , •on l’imprime dans le verre. Prodigieux exemples de la puissance du génie humain qui semble prendre à tâche d’effacer du Dictionnaire de toutes les langues civilisées le mot impossible.

Nous ne pouvons suivre l’auteur dans les détails il entre sur les manipulations assez complexes de cet art nouveau ; nous n’indiquerons pas non plus les expériences récentes qui permettent d’espérer qu’on va arriver à résou¬ dre un problème en apparence aussi insoluble , celui de fixer les couleurs à l’aide de la photographie.

Nos lecteurs en connaissent assez pour pouvoir main¬ tenant apprécier le service que M. Blanquart-Evrard a rendu en exposant , avec la clarté , la science et l’autorité qui lui appartiennent , les progrès que la photographie a accomplis et les grandes choses que nous devons encore en attendre. _ J. G.

RECHERCHES SUR l’eMPLOI AGRICOLE DES RÉSIDUS DE QUELQUES USINES

par M. Kivoit, ingénieur des mines , et Edouard Letrange

ingénieur civil, (q

Il est une foule de débris industriels qui peuvent être utilisés en agriculture, tels sont les résidus de la fabrication de la colle , du sucre , de la bière , du cuir , du gaz , etc, MM. Nivoit et Letrange ont entrepris, au laboratoire dépar-

^ (q In-8° de 71 pag. Extrait des annales des Mines, XVI. 1860.

85

temenlal de chimie de Mézières, l’analyse de ces divers engrais que Ton trouve assez facilement à se procurer dans nos régions; ils rendent compte également de quelques expériences destinées à faire connaître leur valeur agricole.

Au point de vue de la science pure , nous signalons leurs analyses des cendres minérales pyriteuses que l’on trouve à plusieurs niveaux géologiques dans le département des Ardennes. Les auteurs trouvent qu’elles pourraient être em¬ ployées avec avantage à la fixation des principes fertilisants contenus dans un grand nombre d’engrais tels que eaux de lavage des sucreries, eaux de rouissage, eaux de dégrais¬ sage des laines, etc. Déjà à Reims on épure les eaux d’égouts à l’aide de cendres pyriteuses et on obtient d’une part un liquide parfaitement clair que l’on peut verser dans les rivières , d’autre part des boues qui constituent un excellent engrais , parce que les cendres ont fixé et con¬ densé l’ammoniaque qui était en dissolution dans le liquide. Nous livrons ces réflexions aux filateurs de laine de Sains et de Solre-le-Cbâteau qui ont à leur porte des dépôts assez importants de cendres pyriteuses. J. G.

EXPOSÉ DE LA LÉGISLATION COUTUMIÈRE DE l’ARTOIS. parE. Lecesne, avocat, membre de l’académie d’Arras, tq.

L’élude de l’ancien droit, dépourvue de l’intérêt pratique que présente une législation encore en vigueur , se recom¬ mande néanmoins par divers motifs à l’attention de l’his¬ torien et du philosophe. C’est surtout dans les lois d’un peuple que l’on découvre la physionomie véritable qui lui appartient, et les caractères distinctifs de chacune des époques entre lesquelles se partage son existence. Les lois sont, à vrai dire , l’expression des mœurs. Si l’on examine

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les monuments juridiques du passé, non-seulement avec une légitime curiosité , mais pour les comparer aux ins¬ titutions qui les ont remplacés , que de lumières ces re¬ cherches impartiales ne répandent-elles pas sur la marche de riiumanilé , en progrès sur un point , en décadence sur un autre, détruisant très-souvent, hélas! au lieu d’améliorer.

Sous tous .ces rapports, le droit coutumier de l’Artois méritait une attention particulière. Il est peu de provinces qui aient passé sous des dominations plus variées et qui , cependant, aient conservé un cachet d’originalité aussi marqué, singulier mélange d’organisation féodale et d’esprit de liberté.

M. Lecesne a compris quel attrait présentait un pareil sujet ; sans se laisser rebuter par la difficulté que des esprits moins familiarisés avec le droit auraient jugées insurmon¬ tables, il a entrepris de sauver de l’oubli la législation de nos pères. De patientes méditations lui ont permis de s’assi¬ miler les volumineux in-folio des commentateurs de la cou¬ tume, les ordonnances des rois de France et d’Espagne spéciales à l’Artois , les règlements et arrêts du Conseil pro¬ vincial. Une fois engagé dans une carrière aussi vaste , il était à craindre que M. Lecesne se laissât entrainer à des recherches de pure érudition qui auraient détruit l’harmo¬ nie d’un simple résumé. Il a su se borner , et ne s’est pro¬ posé de faire connaître la législation de l’Artois que par¬ venue à son dernier état, c’est-à-dire pendant la période de deux siècles qui sépare la rédaction de la Coutume et la Révolution française.

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Nous n’entreprendrons pas de suivre M. Lecesne dans les différentes parties de son travail ; ce serait substituer la sécheresse de l’analyse à un exposé qui séduit l’attention du lecteur, tant la méthode et la clarté y abondent. Constatons seulement que non content d’envisager les questions si

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variées et si peu connues qui se rattachent à l’état des per¬ sonnes , à la nature et à la transmission des biens , à l’orga¬ nisation judiciaire et à la procédure, l’auteur a jeté un rapide coup d’œil sur notre législation criminelle, au double point de vue de l’instruction et des pénalités. Il s’est ainsi montré, comme il le désirait, « aussi complet que possible, tout en ne prenant que le sommaire de chaque sujet. »

Est-ce à dire que « l’exposé de la législation coutumière de l’Artois » soit tellement irréprochable qu’aucune amélio¬ ration ne puisse y être introduite ? On n’arrive point , du premier jet , à la perfection. Nous manquerions aux devoirs d’une critique amicale en ne signalant pas à M. Lecesne certains traits d’esprit qui contrastent ça et avec la gra¬ vité de son style et parfois même avec l’impartialité de ses appréciations ; en ne lui disant pas qu’à notre avis les cha¬ pitres si intéressants il se livre à l’examen des droits seigneuriaux se rattacheraient mieux au livre des biens qu’à celui des personnes; que dans ce dernier livre , il conviendrait de consacrer un chapitre aux ecclésiastiques, tant réguliers que séculiers , et de ne point omettre les statuts qui régissaient cet ordre privilégié ; qu’enfm à côté des dispositions de la Coutume générale de l’Artois , il y aurait lieu de placer plus fréquemment les exceptions tirées des coutumes locales.

Ces légères critiques , en les supposant fondées , n’en¬ lèvent rien au mérite du livre de M. Lecesne : il a sa place marquée dans toutes les bibliothèques le Droit et l’His¬ toire sont représentées. J. A. Paris,

Licencié ès-lettres , docteur en droit.

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HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES

LE VALMUSE ET LES ROSATI

Les bons habitants du Nord pourront-ils jamais croire que, dans leurs contrées peu favorisées du soleil, ils ont eu jadis des bosquets hantés par les Muses et même que ces filles du ciel de la Grèce ont donné un nom aux impercep¬ tibles vallées traversées par les canaux de la Scarpe et de l’Escaut? La chaude mythologie qui a son berceau sur les bords du Pénée ou sur les sommets du Parnasse semble , au premier abord, assez dépaysée par ici, et cependant il est certain qu’elle a eu de fervents adeptes parmi nos popula¬ tions si prosaïques en apparence ; les preuves authentiques de ce fait ont été fournies dans plusieurs publications qui doivent intéresser nos lecteurs.

M. le docteur Maugin [Mémoires de la Société impériale d'agriculture^ des sciences et arts de Douai année 1866- 1867 ) nous parle de V Académie hocagère du Valmuse de manière à nous faire supposer qu’il y a eu en effet , vers 1789, de frais vallons, des rivières ombreuses, des prai¬ ries émaillées que fréquentaient des favoris , voire des favorites d’Apollon , domiciliés dans le futur département du Nord. Arthur Dinaux nous avait bien déjà dit quelque chose du Val des Muses (Valmuse) dans ses Archives histo¬ riques , mais il était réservé au docteur Maugin de nous faire connaître plus intimement cette aimable et hocagère Académie. Il en place le siège à mi-chemin de Douai et de Cambrai, dans la commune de Brunémont, au pied d’un petit coteau que surmonte le clocher du village et parmi les détours de la Sensée, charmant ruisseau qui court en ser¬ pentant comme une couleuvre sous les saules , les aulnes et les peupliers. Voilà donc le Parnasse et voilà le Pénée! Il

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n’y manque plus que des dieux et des poètes. Ils y sont venus , paraît-il ; on a raffiné des vers aux lieux peut- être, si nous en croyons l’auteur, on raffine autre chose aujourd’hui...! La poésie indigène y fleurissait tant bien que mal , mais c’était. . . avant la Révolution !

M. de Wavrechin réunissait dans son château, sous la présidence de l’abbé Roman , une Compagnie de Valmu- siens et de Valmusiennes qui, le jour de leur réception , abandonnaient leur nom de famille pour prendre celui d’un arbre ou d’une plante , le Chêne , la Sensitive , VA- cacia ^ le Chèvrefeuille , etc. On reconnaît l’influence de la Rotanique de J. -J. Rousseau. Chacun apportait, soit aux séances ordinaires sous les bosquets, soit dans la grotte des divinités protectrices, une pièce de vers qu’on signait du pseudonyme convenu. Sans doute c’était un jour de douce émotion lorsque la belle demoiselle de Wavrechin, le Cerisier , devenue ensuite M.™® de l’Estang, s'avançait les joues colorées par une marche rapide et luttant de fraî¬ cheur avec les cerises purpurines qui ornaient sa chevelure noire , et lorsqu’elle était proclamée membre du Valmuse , en vertu de sa grâce, je le soupçonne, plus encore qiie pour son talent poétique. Ne recherchons pas trop si l’Académie de Brunémont a beaucoup gagné à findiscrétion qui s’est permis d’ouvrir son portefeuille et de révéler ses œuvres ; mais admirons cet insouci , ou cette ignorance du lendemain, qui s’attache à d’innocentes distractions juste à la veille des plus épouvantables catastrophes. Il s’agit bien de madrigaux et de chansons! Est-ce qu’ils n’entendent pas le tocsin qui sonne ?

M. Maugin, non content de nous donner la liste de la plupart des sociétaires du Valmuse avec les noms des végé¬ taux sous lesquels ils étaient désignés , y joint de courtes notices biographiques, qui nous disent leur destinée après

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la dispersion de la joyeuse Académie. Nous y avons retrouvé avec plaisir l’excellent docteur André-Etienne-Louis Ta- ranget^ dont la mémoire est chère à TUniversité et qui, si nos souvenirs nous servent bien , fut le premier Recteur de l’Académie de Douai.

Ici, au Valmuse, il n’y a guère que d’obscurs amoureux des neufs Sœurs qui, pendant la tourmente révolutionnaire, ont été assez heureux pour passer inaperçus ; à Arras il n’en est pas de même. Anacréon s’est fait Jacobin ; le chantre du rire et de la joie à pris place au Comité de Salut public. Si une critique minutieuse peut reprocher à M. J.-A. Paris , dans son remarquable ouvrage intitulé la Jeunesse de Robespierre et la Convocation des Etats - Générauœ (^) , d’avoir donné à son vi.^ livre les proportions d’un hors- d’œuvre, il faut avouer néanmoins que ce chapitre offre des pages curieuses qui sont le complément de l’article d’Arthur Dinaux [Archives du Nord ., 1850). Les Rosati d’Arras sont les contemporains du Valmuse; l’Association artésienne n’a peut-être pas plus d’importance , mais quelle fortune pour elle d’avoir eu le terrible Maximilien dans ses rangs ! Cela suffit pour la tirer du vulgaire.

Un membre des Rosati a raconté la naissance de sa Com¬ pagnie ;

<r En 1778, quelques jeunes fous... projetèrent une » partie bachique. Ils étaient encore pleins de la lecture de » Chapelle et de Chaulieu; ils perdaient leur temps, pour » parler le langage de ceux qui croient bien employer le » leur auprès d’une table verte, dans l’attente pénible » d’un hasard heureux,. . . ils faisaient des vers. Il y eut » donc des couplets entre les rasades et des couplets en

(1) Ouvrage qui a obtenu le prix académique, partagé avec VEütoire de Sénac de Mtilhan, par M. Legrand, de Valenciennes.

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» l’honneur de Bacchus. Le sextuor bachique s’exécutait à » quelque distance de la ville sous un berceau, à côté » d’une source qui baignait des Rosiers fleuris. L’on en » dépouilla quelques-uns ; . . . l’ernblême. . . de tout ce qui 0 brille au monde nous inspira des impromptus; ils furent » gais. . . Nous n’abandonncimes le théâtre de nos plaisirs » qu’après nous être juré d’y revenir chaque année, chanter, » le verre à la main , des hymnes à Flore. Cette espèce de » vœu fut religieusement accompli. . . et la Société des Rosati » fut fondée. »

C’est ainsi que, en 1786 , M. Le Gay , avocat et membre de l’Académie d’Arras , faisait connaître à M. Pierre Cot la Société dans laquelle il l’introduisait.

Si nous avions à choisir entre les poètes des Rosati et ceux du Valmuse, nous décernerions certainement la palme aux premiers ; ceux-ci ont parfois le souffle et l’inspiration, les autres sont ordinairement bien fades ! Et puis les Valmu- siens n’ont pas un seul nom qui puisse lutter avec Robes¬ pierre et Carnot. Voyez-vous d’ici Robespierre, le verre en main, couronné de fleurs , célébrant la Rose au milieu de joyeux convives, et récitant ces vers d’un Chaulieu très- affaibli :

La rose était pâle jadis Et moins chère à Zéphire , Alors des parterres fleuris iS’obtenait point l'empire. Mais un jour Bacchus ,

Au sein de Vénus ,

Prend la fille de Flore ; Dans dos flots de vin La plongeant soudain De pourpre il la colore.

Sur le visage de Cypris Quelques gouttes coulèrent,

Et lors, parmi les tendres lys Deux roses se placèrent ; Grâce à ses couleurs,

La rose , des fleurs Désormais fut la reine.

Cypris, dans les cieux. Aussitôt des Dieux Devint la souveraine.

Remarquons en passant que Robespierre avait la répu¬ tation (Tun buveur . (Reau , ce qui n’avait pas empêché

l’abbé Herbet , en lui remettant le diplôme de Rosati , de dire :

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Vu qu’il existe un avocat Brillant de plus d’une manière ,

Que l’on nomme de Robespierre ;

Vu que d’un esprit délicat . Il a donné preuve très-claire ,

Que très-souvent il sait lâcher Mot sémillant , point satirique ,

Quelquefois décemment caustique,

Tel qu’on ne saurait s’en fâcher ;

Vu (la chose est facile à croire)

Qu’il sait chanter et rire et boire , etc.

Un autre abbé, le chanoine Dumarquez , dans la descrip¬ tion versifiée d’une fête annuelle desRosati, lui a consacré une stance qui ne manque pas d’originalité, eu égard au personnage qui en est l’objet :

Ah 1 redoublez d’attention 1 J’entends la voix de Robespierre :

Ce jeune émule d’Amphion AUendnrait une Panthère I

Amphion vient ici bien à propos ! Du reste , quoique Maximilien tournât le vers assez galamment , il était loin de posséder , à en Juger par ceux que M. J. -A. Paris a cités, cette franche gaîté , cette verve spirituelle qui convenaient à l’épicurienne académie , et , involontairement , en lisant ces petites rimes pas toujours riches, mais parfumées et en- rubanées , on pense à 93 ; on pense à M. Foacier de Ruzé , honorable conseiller d’Artois, reçu le 22 juin 1787 parmi les Rosati , chanté par la voix détonnante de Robespierre , puis , cinq ans après, figurant le premier sur la’ liste des suspects et mourant dans les prisons d’Arras ; on pense aussi à sa fille Marie-Thérèse , la jeune déesse à laquelle Robespierre prodiguait ses compliments affectés , finissant avec sa sœur Edith , dans le même cachot , une vie dont le début avait été si riant.

Carnot officier du Génie à Arras, depuis 1783 n’est pas un poète à dédaigner ; il y a de f entrain et de la grâce dans ses chansons. Chez lui le rire ne semble pas forcé comme chez son bilieux confrère ; s’il boit le vin des Rosali,

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c'est qu’il l’aime véritablement et non pas seulement pour la forme. Nous recommandons en parliculier ses Couplets à la fête des Roses de 1787 :

« Buvons outre mesure, » etc.

Merci donc à M. J. A. Paris de son intéressante disrression

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qu’il serait trop sévère de condamner dans son livre : felix culpa î nous n’avions pas nous occuper de la partie la plus sérieuse ; car la Jeunesse de Robespierre a été appréciée à sa juste valeur par un tribunal compétent et ce n’est pas nous qui nous inscririons contre son arrêt ; il ne nous appartenait que de montrer à nos lecteurs, avec l’aide du docteur Maugin et de M. Paris, deux curieuses manifes¬ tations de l’esprit poétique qui animait nos pères, et que la Révolution a si brusquement étouffé. F. Chox.

HISTOIRE XATURELLE. Oiseüux amenés par les froids. La période de froid assez rude que nous avons traversée en février dernier a amené, dans tous nos marais et sur nos côtes maritimes , une quantité innombrable d’oiseaux, échassiers et palmipèdes, qui ont été poursuivis avec acharnement par une nuée non moins épaisse de chasseurs.

Pendant tout ce temps, le marché de Lille et nos mar¬ chands de gibiers en ont été abondamment pourvus ; voici quelques notes résultant de l’examen des espèces que nous y avons rencontrées.

Faisons d abord observer que, contrairement à ce qui arrive souvent en pareilles circonstances, aucun oiseau réellement rare ne nous est apparu , et nous n’avons pas entendu dire que, dans nos environs, aucun amateur ait fait des captures à citer.

Le public peu ornithologiste qui s’en rapporte aux articles de journaux sera peut-être d’un avis contraire, mais nous l’engageons à se tenir sur ses gardes au sujet des faits divers

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zoologiques des feuilles non scientifiques. Le terme canard doit provenir de quelque bourde ornilhologique inventée par Tune d’elles.

Le Journal du Havre vient de se signaler en ce genre par l’annonce de la capture d’un oiseau très-rare , gros comme un oie, ayant 1 mètre 80 d’envergure, le premier de cette espèce qui ait jamais paru sur les côtes de France ! C’était un Fou de Bassan(Su/rt bassana], si peu rare sur nos rivages qu’il s’y montre chaque année , quelquefois en grand nombre, et vient se faire tuer, à la suite d’ouragans, jusqu’aux environs de Lille. Bâillon en recueillit un jour , dans la baie de Somme, plus de deux cents, après un violent coup de vent. Les côtiers picards riraient bien s’ils lisaient que leur Margot est un oiseau qui n’a jamais été vu sur les côtes de France.

Il y a eu aussi dernièrement l'histoire de cet Aigle tué dans les fortifications de Lille , et qui s’est trouvé être une Buse. Mais revenons à nos observations.

Parmi les échassiers, j’ai remarqué beaucoup de Hérons (Ardea cinerea), adultes et semi adultes en nombre égal. Plusieurs avaient la robe de printemps presque parfaite. Cette apparition de Hérons n’est pas un passage propre¬ ment dit, c’est plutôt un déplacement. Beaucoup de ces oiseaux séjournent l’biver dans les marais de nos régions tempérées. Ils y vivent solitaires , méfiants et peu remuants; mais vienne une gelée qui les empêche de pécher leur pro¬ vende habituelle , ils se mettent en petites bandes et volent çà et à la recherche des eaux non glacées.

La disette de poissons les affame quelquefois au point de leur ôter la force de fuir. Plusieurs de ceux qui sont venus à ]jille avaient été assommés à coups de bâton.

Les Courlis cendrés ( Numenius arcualus ) n’étaient pas rares, la plupart provenaient des côtes. D’après les traités

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d’ornilliologie , ces oiseaux seraient des passagers réguliers passant du Nord au Sud en novembre, et repassant du Sud au Nord en mars. Celte assertion est trop absolue, une portion reste dans les pays tempérés ; c’est du reste une remarque qui doit être faite pour la plupart des oiseaux migrateurs , échassiers et palmipèdes.

Le bec du Courlis cendré varie beaucoup en longueur. M.y anv ickevort {Remarques sur la Faune ornithologique de la Hollande) cite comme extraordinaire le bec d’un individu mesurant io centimètres 1/2, or je viens d’en mesurer un de 18 centimètres; le plumage était en tout sem¬ blable à ceux des autres sujets.

J’ai trouvé quelques Barges rousses (Liniosa rufa), tous mâles en robe parfaite d’hiver. Ceci infirme une obser¬ vation de M. de Meezemacker , mentionnée dans mon Cata¬ logue des oiseaux du Nord de la France^ que jamais cette espèce ne se voyait pendant les grands froids ;

Quelques Chevaliers bruns {Totanus fiiscus). Noir bouil- lard des chasseurs picards. Il est à remarquer que cette espèce a les pieds d’un beau rouge en hiver et qu’ils passent au brun au printemps ; c’est le contraire de ce qui s’observe généralement , l’éclat des couleurs augmentant à mesure qu approche l’époque de la pariade ;

Bon nombre de Bécasseaux maubéches {Tringa canutus) en robe complète d’hiver. Toujours même observation : il n’est pas juste de considérer cet oiseau comme rigoureu¬ sement migrateur;

Des Bécasseaux cincles (Pelidna cinclus) , bien distincts de la prétendue race torquatus par leurs becs longs et courbés. Quelque soit l’opinion que l’on adopte dans la controverse soulevée au sujet de ces Pelidna , il reste bien certain que les captures d’hiver ne nous montrent jamais la forme à becs courts et droits qui passe au printemps.

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Beaucoup d’Huitriers ou Pies de mer { Hœmatopus

ostralegus ) ont été envoyés à nos marchands , des côtes

maritimes. C’est un oiseau sédentaire qui trouve sa nourri¬ ture à portée en toutes saisons, on ne peut expliquer le massacre plus grand qui s’en fait par les grands froids, qu’en supposant que l’abaissement de température le rend moins défiant, ou qu’alors les chasseurs sont plus nombreux.

Je ne dirai rien , bien entendu, d’une foule d’autres espè¬ ces d’échassiers qui se voient plus ou moins abondamment tous les hivers et qui alimentent régulièrement les marchés, tels que Bécassines, Raies d’eau, Poules d’eau, Foulques, etc.

Parmi les palmipèdes, citons des Cormorans ( Phalocro- corax carbo ) , quelques Cygnes sauvages [Cygniis férus) aperçus au-dessus de plusieurs marais, sans direction déter¬ minée, volant à la recherche des eaux libres.

Lors des premières gelées , à la fin de décembre, deux Cygnes ont été apportés au marché de Lille. A en juger par la nuance grise des pieds, ils appartiendraient à l’espèce mimutahilis , caractérisée par la couleur des jeunes qui naissent blancs et par la teinte pâle des pieds. Je n’ai pu m’assurer de leur provenance exacte, mais le sable marin que contenaient leurs jabots prouve qu’ils avaient séjourné au bord de la mer.

Le genre Oie a fourni deux exemplaires de VAnser bra- chy7'hynchus^ Oie à bec court, mêlés à des Oies sauvages et à des Oies cendrées. Cette espèce de l’Oie à bec court, long¬ temps admise sans contestation, vient d’être l’objet d’une note de M. \d.n\N\cke\ooY[(A7xhives néerlandaises, tome IV). Cet ornithologiste en fait une simple variété de taille de VAnser segetum; l’examen de plusieurs centaines de ces Oies lui aurait démontré que l’on trouve tous les pas-

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sages intermediaires entre les plus grands individus à longs becs et les plus petits à becs courts et épais. Ce raison¬ nement est spécieux; mais il estime autre différence dont M. Van Wickevoort ne parle pas et qui sautait aux yeux dans l’examen que je viens de faire, c’est la couleur des pieds. Ils sont d’un rouge rose dans le hrachyrynchiis , d’un rouge orangé bien caractérisé dans le segetum ; la question ne me parait donc pas résolue.

Nous avons encore trouvé des Gravants {Bernicla hrenta); toujours les froids rigoureux en amènent ; des Bernaches (Bernicla leucopsis) , bien plus rares que les premiers. Je ne sais pourquoi VOrnithologie européenne de Degland donne le leucopsis comme plus commun que le hrenta dans nos départements du Nord. J’ai toujours observé le con¬ traire; pour dix hrenta il vient à peine un leucopsis.

Les Canards que j’ai trouvés en plus grand nombre sont, comme toujours, les Siffleurs (Mareca penelope). C’est invariablement le plus commun des douze ou quinze espèces qui alimentent les marchés. Il descend en octobre, et si l’hiver n’a ni gelée ni neige, on ne le voit plus qu’à la remonte , en Mars ; mais si le froid se déclare un peu fortement, ou si la neige tient, aussitôt il apparaît en masse. J’ai observé cette année une proportion égale de mâles et de femelles ; les très-adultes sont toujours rares. Degland indique chez le mâle adulte des mouchetures tirant sur le pourpre à la poitrine ; ce sont plutôt des restes de la grivelure du jeune , je n’en ai jamais vu aux individus tout à fait vieux ayant les autres indices d’un âge avancé.

Viennent ensuite , en nombre à peu près égal , le Canard garot (Clangula glaucion) presque tous jeunes mâles ou femelles; le Canard sauvage (Anas hoschas) , le Canard morillon (Fuligula cristata), plus de jeunes que d’adultes ; le Canard pilet {Dafila acuta) ; le Canard milouin {Fuligula

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ferina)^ offrant tous les passages de plumage du jeune au vieux des deux sexes , mais jamais avec la netteté de nuance dans le roux de la tête et le noir du cou que Ton voit en mai aux individus des jardins zoologiques.

'L'Ornithologie européenne dit de cette espèce : elle dispa¬ rait avec les gelées ; le contraire eut été bien plus vrai.

La Sarcelle d’hiver [Querquedula crecca) a fourni un fort contingent ; la Sarcelle d’été [Querquedula circia) s’est montrée, comme habituellement, moins nombreuse.

Le Souchet et le Chipeau ( Spatula clypeata et Chau- lelasmus strepera) étaient presque rares , bien que dans les passages normaux d’automne et de printemps nous les voyons souvent communs.

En revanche le Milouinan ( Fuligula marila ) abondait , bien qu’il soit quelquefois plusieurs années sans paraître à Lille , ce qui s’explique par ses mœu?s presque exclusi¬ vement maritimes.

J’ai trouvé un seul Canard de Miquelon ( Harelda gla- cialis) et deux Tadornes (Tadorna Bellonï).

On a tué beaucoup de Harles bièvres (Mergus mer- ganser) ; plusieurs mâles avaient la livrée parfaite ; les femelles étaient plus communes. Même remarque pour le Harle huppé [Mergus serrator). La comparaison que je viens de faire de beaucoup de femelles de ces deux espèces m’a prouvé que la différence tirée du miroir blanc des ailes est à rejeter , la barre noire ou grise se montre chez l’un et chez l’autre avec plus ou moins de netteté.

Le Harle piette ( Mergus albellus ) était aussi commun , il y avait moins d’adultes que de jeunes.

Enfin citons en terminant deux Grèbes esc]avons(Poc?^cep5 auritus), en livrée d’hiver , trouvés par M. Deschodt au marché St-Nicolas , c’est une capture intéressante qui ne se renouvelle que de loin en loin , d’ailleurs sauf le Castagneux

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toutes les espèces de Grèbes deviennent déplus en plus rares dans nos environs , les passages ont sans doute pris une autre direction. A. de Norguet.

CHRONIQUE.

Cliansoii de ]fIadoulet. A propos des considé¬ rations présentées par notre collaborateur M. Chon sur les Chants et les Chansons du Gambrésis, recueillis par M. Durieux (^) , cet auteur nous communique les réflexions suivantes :

« Je ne connais pas le journal de l’infortuné lieutenant Bellot et le fait que vous me signalez corrobore l’opinion émise dans rintroduction de ma deuxième série , touchant l’origine commune je devrais dire unique de chants différents semblables par le fond et dont l’identité de forme n’est point parfaite.

Si Madoulet en valait la peine, bien que l’on m’en eût indiqué l’auteur , ou l’un des auteurs , à Cambrai même, je n’hésiterais pas , sur votre observation , à reconnaître à Lille des titres à la paternité de cette sottise, le mot sergent ayant trop rarement chez nous le sens que lui donne la chanson. Mais, en y réfléchissant, peut-être Douai viendrait- il à son tour réclamer une part aussi de cette paternité à cause de ce vers ;

« In jiirrot ch'riionime dTier ! »

comparaison évidemment empruntée à une enseigne in¬ connue dans la cité de Martin et 3Iartine, et que l’on retrouve dans l’une des rues de la ville de Gayant.

Pourvu, ce que j’ignore, que Lille n’ait point eu aussi , ou n’ait point encore son « homme de fer? » En tous cas l’idiome de mon Madoulet est bien du Cambrésien pur. »

(b Bulletin , t. I , p. 401 .

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Nos lecteurs nous sauront peut-être gré de leur donner la Chanson de Madoulet dans l’idiome Gambrésien :

J’ai vu à Kimbré demie r’mint,

A Saint- Sépurque un gros sergint,

Quand j’y pins’ je m’ grinche G);

J’barbotos tout bas dins min cœur,

N’est-jou point un gros signeur,

Ou bin un gros princlie ?

A tous ches gins j’ai demindé :

Gh’ti-là là-bas, qui porte épée, l’paraît ben riche ? l’s m’ont répondu si clrôl’mint :

« C’hest Madoulet qu’il encaclie ches quiens » Hore d’no églisse. »

Il a un biau habit tout bleu ,

Qu’i n’y a pas grimment d’monsieu’s Pou’ n’avoir un pareile :

Il est tout couvert d'rubins d’sus , l’n’y en a tout d’qu’à sin c. . .

In dirot c’biut’nint-colonele (2).

II a des maron’s a sin c. . .

All’s sont tout’s couleure d’ fu , l’n’a bin à rire ; l’peut aller a ch’bos tout seu ,

I n’arot pas peure d’cbes leups :

ries f’rot tous infuire.

Quind i’marcbe in procession , l’fait ringer tous ches garcbons ,

Aveuque s’n’all’barte ;

Et si qu’i’ savincb’tent d’trop près ,

Vite i met s’main eu’d’ssus s’n’épée :

Ils s’enfuit’nt au pu rate (3) 1

Quind cli’l’homm’là qu’il est d'gardc à ch'chœur

II est r’wétié eiid’sin pasteur Et d’ses deux vicaires ;

Alors y fait l’doubel minton,

I s’tient rait’ tout comme un bâton :

In jurrot clEPhomme d’fierôl (?)

Quind y vos marche l’pas frinçais N’dirot-on point qu’il a été Longtimps au service ?

Vos s’rot’s pourtint bin attrapé ,

Car y n’a mi jamais été Soldat de milice.

(1) Frissonne; (2) Lieutenant-Colonel ; (3) Vite ; (^) Regardé.

s

9

D

t

FEVRIER année moy. 3.° 0o8

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llécéorolog^ie. Mois de Février 1870 :

FÉVRIER 1870

Température moyenne . 0.° 443

2) des minima . 2.° 38

2) des maxima . 3.° 27

extrême minima, le 12. 13." 00 » maxima, le 28. 14.° 70 Baromètre hauteur moyenne à 0.°. . . . 7o7™“489 » hauteur extrême minima , le 24. 748”'“73 î D D maxima , le 12. . 766““70

Tension de la vapeur atmosphêr . 3”'”83

Humidité relative moyenne . 79.0 7„

Epaisseur de la couche de pluie . 18““12

2) de couche d’eau évaporée. . . . 28““76

La température atmosphérique fut assez douce pendant les sept premiers jours de février ; le vent soufflait avec force du S.-S.-E. ; le 8 après une neige continue mais peu abondante , nous la voyons tomber, à minuit , à 3.° 3, vent d’E. fort. Dès le 9 le vent passe au N.-E. et souffle avec une grande énergie , il conserve la même direction et la même force jusqu’au 20. Pendant ces onze jours la gelée fut très-intense.

760?’” 379

4?“ 388 83. 9X

43?“ 07 20?“ 82

Le 20 le vent passe au N.-N.-O et successivement incline vers le S. , il reste jusqu’à la fin du mois.

Il gèle encore un peu la nuit, mais pendant le jour la température ne cesse de s’accroître , et le 28 , atteint le maximum 14." 7 ; différence 27.° 7 entre cette dernière et le minimum du 12 , 13.° 0.

Pendant la période de gelée et de vent N.-E. le baro¬ mètre resta généralement au dessus de 760.“*" 00 ; aussi y eut-il absence de neige ; on n’observa une dépression de la colonne barométrique que pendant le premier et le dernier septénaire , alors que les courants supérieurs venaient du S.-O. , néanmoins les oscillations furent brusques comme on le remarque ordinairement en février.

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Malgré l’abaissement de la température, l’évaporation fut singulièrement activée par la sécheresse et la force du vent N.-E. ; aussi la voyons-nous atteindre un chiffre bien supérieur à celui du mois correspondant , année moyenne , avec une température plus élevée.

Dans ces conditions météoriques la tension de la vapeur d’eau atmosphérique fut au-dessus de la moyenne ainsi que l’humidité relative. Les brouillards , quoique au nombre de vingt-cinq , furent très-légers et les rosées rares et très-faibles ; il n’y eut que cinq gelées blanches.

La quantité de neige tombée en quatre jours a four¬ ni après la fonte une couche d’eau d’une épaisseur de 8.""“ 3. Pendant toute la gelée , la terre resta découverte, le 21 seulement de dix heures du soir à minuit , elle reçut une couche de neige d’une épaisseur de deux centimètres qui se fondit le lendemain 23, jour le dégel se prononça.

Il ne tomba de la grêle qu’une seule fois , le 8 , dans la matinée. V. Meurein.

Température observée à Landrecies pendant le mois de février 1870. Sur les 28 jours composant le mois de février, la température observée le matin entre 6 et 7 heures n’est restée supérieure au point de congélation que pendant 8 jours ; la température 0.° a été observée 4 jours ; et pendant 16 jours elle s’est maintenue au-dessous de 0.°

Le froid a paru d’autant plus vif que la température , assez douce pendant les o premiers jours du mois , s’est abaissé subitement de 3.° o à 12. o ( les 9 et 10) ; le lendemain 11, on n’a eu que 10.° o ; mais le 12, la tem¬ pérature atteignait 14.° C’est le maximum observé. Les jours suivants le froid a diminué pour se relever de nouveau le 17 et atteindre 10.° o. Enfin après quelques variations, le thermomètre s’est élevé au-dessus de 0.°, et a atteint en 3 jours , du 26 au 28 , une température chaude , +

103

Si on compare ce mois à celui des années antérieures on lui trouve de très-grands rapports avec février 18oo. Et d’abord , je ferai remarquer qu’en 1870 , il y a eu en janvier une période de 15 jours ( du 17 au 31 ) pendant laquelle le thermomètre a varié de 0.° à 9.» 5.

En janvier 1855, le thermomètre a varié de O.^à 7.° 5 pendant 16 jours et en février de 0." à 14.% pendant 17 jours. Ce minima 14.° s’est présenté deux fois en février 1855, les 17 et 19.

Il y a comme on le voit , une très-grande analogie entre la température du mois de février des années 1870 et 1855.

FÉVRIER

FÉVRIER

FÉVRIER

1870

1855

moyenne de 24 ans 1847-70

Température moyenne

1

O

©

QO

1

0

3.0 10

ï maxima

O

20

O

7.

14.0 50

D minima

-14.0

-14.°

-14.0

Moyenne

annuelle

10.û23 33.0 50 —20. 0

Quoique rigoureux les hivers de 1855 et de 1870 ne sont pas ceux la température la plus basse a été observée.

De 1847 à 1869 la température s’est abaissée 3 fois à 20 degrés et 6 fois au dessous de 12.° , la moyenne des minima sur les 22 années étant 11.° 1 .

Le 26 décembre 1853 20. Le 19 id. 1859— 20. Le 9 janvier 1861 20. Le 22 id. 1867 17. Le 19 id. 1855— 15.

Le 7 janvier 1868 14.® Le 28 id, 1848 - 13.° 5 Le 27 décembre 1864 13.® Le 7 janvier 1858 12.o

Le plus grand écart entre les températures d’hiver et d’été est de 53 degrés centigrades ; on l’a observé en 1859 :

Le 18 juillet le thermomètre marquait +33.°, et le 19 décembre -20." : différence 53. o

L’écart le plus faible a été constaté en 1851 ; il est de 32.° L’écart moyen des températures d’hiver et d’été sur les 23 années est de 41." 5.

104

Je termine cette note en disant que les quantités de pluies annuelles varient de 0."" 399 à 1."™ 141 ; et que la moyenne des 23 années est 0.™ 778 , l’altitude du lieu d’observation

étant à 139.“ 66 au-dessus du niveau de la mer.

L. Brochet.

La dernière phrase de la note de M. Brochet mérite quel- qu’attention. La moyenne d’eau pluviale de Landrecies , 778 mil. , est bien supérieure à celle de Lille , 676 mil. , et même à celle de Douai. Dans le compte-rendu des obser¬ vations météorologiques de M. Offret (^) , on a vu que la quantité moyenne de pluie tombée à Douai d’après le résultat de 3 années (1865-67) est de 687 mil. Mais ces 3 années furent relativement très-pluvieuses , leur moyenne à Lille est de 753 mil. ; si on applique la même pro¬ portion pour calculer la moyenne générale de Douai , on trouve 614 mil. , presque la même quantité qu’à Londres. Le climat de Douai serait donc moins pluvieux que celui de Lille , c’est ce que démontrent du reste les quantités de pluies annuelles.

La même explication ne peut pas servir pour Landrecies. Les observations de M. Brochet, datent de 23 ans , et les quantités de pluies annuelles sont de beaucoup supérieures à celles de Lille et de Douai. Si on compare les quantités de pluies annuelles , on trouve que c’est l’hiver qui est parti¬ culièrement plus humide à Landrecies qu’à Lille , car le rapport des moyennes annuelles est de 1 , 15 à 1 , tandis que le rapport des pluies hibernales est pour 1867-68 de 1,4 à 1 et pour 1868-69 de 1 , 7 à 1. C’est-à-dire que pendant l’hiver dernier il est tombé presque le double plus d’eau à Landrecies qu’à Lille. Quelle en est la cause ? Serait-ce le voisinage de la foret de Mormale ? C’est une question qui nous semble devoir intéresser les météorologistes. J. G.

(9 Bulletin , t. i. , p. 378.

Le Gérant : E. Castiaux.

TYP. DE BLOCQUEL -CASTIAUX ; GRANDE PLACE; 13

2.' Année. N.” 4.— Avril 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ HISTORIQUE, ARCHÉOLOGIQUE ET LITTÉRAIRE DE LA VILLE d’yPRES ET DE l’aNCIENNE WEST - FLANDRE, Annales, t. iv, l."* et 2.* livraisons.

Fondée, il y a neuf ans à peine, celte Société a déjà pleine¬ ment justifié sa raison d’être que M. Diegerick avait si bien expliquée lors de la Séance solennelle elle fut définiti¬ vement constituée (^). <r De toute la Flandre, disait le savant archiviste d’Ypres, la partie connue sous le nom de West-Fland re est celle qui a été le moins explorée ; et cepen¬ dant elle est loin d etre la moins importante sous le rapport de ses institutions et de ses souvenirs historiques. Ses ar¬ chives peuvent compter parmi les plus importantes du pays entier ; sa position géographique en a fait de tout temps un boulevard avancé contre la France, et ses luttes héroïques contre celte puissance , au moyen -âge , ont plus d’une fois sauvé le reste du pays d’une ruine complète ; prise et re¬ prise tour-à-tour , elle a constamment subi toutes les vicis¬ situdes de la guerre et de la conquête ; et , nous ne crai¬ gnons pas deFavancer, nulle partie de la Flandre n’est plus riche en épisodes dramatiques, en souvenirs de gloire et de deuil. Oui, toute cette partie de la Flandre est un terrain vierge pour l’historien ; le champ des découvertes est vaste , immense , et nulle part les documents ne sont plus nombreux. »

Les talents et les volontés n’ont pas fait défaut à cet appel au travail. Aujourd’hui le personnel administratif de la Société est composé comme suit :

d) Le 4 avril 1861.

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Président: M. Vandenpeereboom , Alphonse, ministre d’Etat , membre de la Chambre des Représentants;

Vice-Président : M. Bœdt, Pierre, conseiller communal , chevalier de l’Ordre de Léopold;

Secrétaire-général: M. Diegérick, Isidore, archiviste de la ville, chevalier des Ordres de Léopold et de la Couronne de Chêne des Pays-Bas ;

Membres du Conseil d' Administration :

M. Beke, Joseph, Avocat ;

M. Beke, Pierre, membre de la Chambre des Repré¬ sentants, bourgmestre d’Ypres, chevalier de l’Ordre de Léopold ;

M. Coppieters , Henri , chevalier de l’Ordre de Léopold ;

M. Van Heule, Louis , échevin de la ville d’Ypres.

Le volume que nous avons sous les yeux contient les travaux suivants :

Le Noordsche Balk du Musée communal d'Ypres, par M. Edmond Vanderstraeten , avec une planche. C’est la description d’un instrument de musique généralement in¬ connu de nos jours; l’auteur le croit originaire des Pays- Bas septentrionaux. C’est une sorte de guitare de forme rectangulaire , longue de 1 m. SO et large de 0 m. 15. Il possède huit cordes dont quatre donnent à vide , à titre de pédales basses ; les autres sont tendues au-dessus d un clavier de vingl-et-une touches et paraissent destinées à exécuter la mélodie. L’instrument se pinçait exclusivement à l’aide du pouce ou d’un plectrum. Il y a un siècle , il se trouvait encore entre les mains des ménétriers flamands , et ses vibrations d’un caractère âpre et strident s’accommodaient fort bien d’une fêle tapageuse ou d’une kermesse.

M.® Jehan Yperman , le père de la chirurgie flamande (1297-1329) , parM. I. Diegerick. C’est la reproduction complétée d’un article qui avait déjà paru en 1859 dans les

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Annales de la Société de Bruges. M. le docteur Snellaert s’était aussi occupé de la biographie de ce célèbre médecin, à Ypres ou tout au moins fils d’un poorter de cette ville. Il écrivit un Traité de chirurgie, que M. le docteur Carolus a réédité il y a quelques années , et dans lequel il nous apprend lui-même qu’il pratiquait la chirurgie à Ypres et dans les environs, et qu’il étudia son art , sous Lanfranc, de Milan , qui professait en 129o avec éclat à Paris. La notice de M. Diegerick est suivie d’une ode en vers fla¬ mands sur ce même personnage, écrite par M. Lafaut, pro¬ fesseur au collège communal d’Ypres.

Entrée du Prince de Ligne à Ypres (1749), par M. Ed. Vandenbogaerde. A l’issue de nombreuses contestations politiques, plus ou moins désastreuses pour le pays, les Pays-Bas échurent, par le traité d’Aix-la-Chapelle, à Marie- Thérèse d’Autriche et peu après que le duc Charles de Lor¬ raine eût fait sa rentrée à Bruxelles, le Prince de Ligne, monseigneur Claude Lamoral, vint à Ypres prendre pos¬ session de la ^Yest-Flandre, au nom de l’Impératrice [le 1." octobre 1749). L’allégresse était générale. L’auteur décrit, dans ses plus minutieux détails, le cérémonial de la fête et la prestation du serment qu’il fait suivre de quelques réflexions fort justes sur la portée de cet acte si différent alors de ce qu’il était au moyen-âge du temps des com¬ munes et de ce qu’il est devenu depuis.

L'atelier monétaire d’Ypres, par M. Ch. Piot (avec deux planches). La ville d’Ypres eut-elle son ateliermc- nétaire dès l’an 1127, époque elle obtint un marché? l’auteur penche pour l’affirmative , du moins il croit pouvoir faire remonter la numismatique de cette cité au delà du règne de Philippe d’Alsace, comte de Flandre. Il examine et discute ensuite une monnaie qu’il attribue à ce prince ; puis il envisage successivement celles de Marguerite d’Al-

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sace et de son époux Baudouin VIII (1191-1194); de Bau¬ douin IX (1194-1206) ; de Jeanne et Fernand de Portugal (1206-1244) ; de Marguerite de Constantinople (1244-1280) ; de Gui de Dainpierre (1280-1305) ; de Jean de Namur (1302-1303) et de Philippe de Thiette (1303-1304) ; ces deux derniers étaient les fils de Gui et administrèrent le pays pendant la captivité de leur père.

Le théâtre villageois en Flandre, par M. Edm. Vanders- Iraeten (avec une planche).— Ce travail est le plus considé¬ rable du volume qui nous occupe , et encore n’y est-il pas renfermé tout entier. L’auteur, croyons-nous, a raison de lui donner toute l’étendue qu’il promet ; son champ est vaste , et en pareille matière l’intérêt consiste surtout dans les détails et les faits locaux. M. Vanderstraeten embrasse dans son étude la portion territoriale qui forme la Flandre actuelle. Semblable travail concernant la partie flamande de la France avait été produit il y a une dizaine d’années par M. l’abbé Carnel (^). Nous posséderons donc une monographie assez complète de l’Art dramatique popu¬ laire étudié sur les lieux mêmes où, dès le moyen-âge jusqu’à nos jours, il n’a cessé d’être, plus que partout ailleurs , une tradition visible des instincts d’une nation, et un véhicule puissant de l’idée patriotique.

. En Flandre ce furent les Sociétés de Rhétorique qui , dès le XV.® siècle, s’emparèrent de l’élément théâtral alors qu’il sortit des églises longtemps auparavant il avait pris naissance. Il tomba en bonnes mains, et se sauva ainsi de la boue des rues et des places publiques dans laquelle, en France et à Paris même , il continua de se vautrer long¬ temps encore. Les Sociétés ou Chambres de Rhétorique, en se constituant fortement elles-mêmes, constituèrent le

C) Annales du Comité flamand de France, t. v.

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théâtre et en firent non-seulement un moyen d’amusement, mais d’émulation et de progès national.

Déjà au XVI. « siècle, presque tous les bourgs et les villages du pays avaient, comme les villes, leurs Sociétés de Rhétorique et leur théâtre. Il y avait des concours se déployait parfois une pompe grandiose. Mais des revers alternèrent avec ces succès. Le gouvernement espagnol usa souvent de rigueur contre ces manifestations de l’esprit national ; ce fut une époque fatale. Enfin, lorsque en 1714, à la suite de la Convention de Rastadt, le pays fut placé sous la domination de l’Autriche , les sociétés-mères se redressèrent, et le mouvement théâtral se communiqua jusque dans les plus petites localités pendant toute la durée du XVIII.^^ siècle.

C’est particulièrement cette époque qu’envisage M. Van- derstraeten ; et la partie la plus originale de son travail est celle il trace les portraits de ces artistes dramatiques de village , à commencer par Vimpresario qu’on appelait facteur ou factor de la chambre jusqu’au fou de la ghilde , sorte de triboulet qui égayait l’assemblée de ses farces. Le facteur était un vrai personnage, mais des plus pittoresques : il était à la fois , selon la circonstance , auteur, comédien , directeur, régisseur, répétiteur, metteur en scène, cos¬ tumier, machiniste, magasinier, souffleur et chef d’or¬ chestre, car il y avait un semblant d’orchestre à la plupart des représentations. C’était en somme la cheville ouvrière de toute l’association et le terme de factotum, substitué à celui de facteur, lui eût convenu à bien plus juste titre.

Quant aux acteurs ordinaires, s’imagine-t-on des cam¬ pagnards en veste et en sabots , quittant la bêche et la charrue pour aller étaler sur la scène leur figure brunie parle soleil et leurs mains gercées parle travail? Et ce n’était pas seulement pour la farce et la comédie que ces

KO

braves gens montaientsur les planches. Chose incroyable! ils affectionnaient surtout la tragédie ; et , quand lancien répertoire national faisait défaut, ils interprétaient en vers flamands les œuvres classiques de la scène française , ou plutôt ils mélangeaient le tout de sorte que telle comédie de Molière, par exemple, servait à relever l’édifiant sujet de la Passion du Christ ou de sa Naissance à Bethléem et les personnages de Zaïre et de Chimène étaient remplacés sur le même théâtre par la Foi, l’Espérance et la Charité.

Quant à la mise en scène de ces œuvres dramatiques, elle était des plus uniformes et des plus primitives. Souvent une salle d’auberge ou de cabaret constituait la salle de spec¬ tacle : aussi quelques colonnades et deux ou trois fonds de toile peinte ou même de papier peint faisaient tous les frais de décoration pour n’importe quelle pièce. Quant aux cos¬ tumes, on n’en connaissait que trois espèces : le costume romain ou turc pour la tragédie et l’habit moderne pour les pièces comiques. Les comparses surtout offraient les plus singuliers anachronismes. On se servait de ce que l’on avait , voilà la grande raison de ces pauvretés théâtrales ; les cœurs de ces braves gens étaient plus riches que leur bourse ; s’amuser par le moyen de l’art était leur but. Avouons que ce n’est pas un mince honneur pour la contrée flamande d’avoir si longtemps conservé le senti¬ ment populaire à l’abri des jouissances grossières et ma¬ térielles.

L’auteur termine par un chapitre contenant une série de courtes biographies destinées aux auteurs , acteurs et direc¬ teurs dramatiques de la circonscription territoriale qui l’occupe. André Forestier.

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SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE PICARDIE.

Bulletin des Sciences, année 1869 , N.“ 3.

Ce fascicule contient les procès-verbaux des séances , pendant le troisième trimestre de Tannée. Il s’ouvre par la déclaration suivante :

M. le Président annonce que la question du Musée Napo¬ léon est terminée et que le Conseil municipal, dans sa séance du 3 juillet 1869, a de nouveau maintenu et confirmé sa délibération du 3 octobre 1868 , par laquelle la ville accepte le Musée Napoléon, comme devant être toujours le Musée communal d’Amiens.

Nous félicitons vivement la Société des Antiquaires de Picardie et le Conseil municipal d’Amiens de cette solution. La Société , débarrassée de ces soucis , peut s’occuper main¬ tenant de ses travaux et la ville d’Amiens possède un musée qui sera un vrai musée provincial , le point de réunion de toutes les richesses archéologiques et artistiques de la Pi¬ cardie. Ce sera à la fois plus utile et plus honorable pour le pays, que de voir ce bel édifice devenir la succursale ou , selon l’expression piquante d’un des membres de la Société, le grenier du Louvre.

Cette histoire d’un palais d’une valeur de près de 2 millions de fr. , que personne ne veut accepter , offre cependant un enseignement. C’est que , si les péristyles , les escaliers , les colonnades font la gloire des architectes , ils sont la frayeur des budjets chargés de les entretenir, en attendant qu’ils deviennent le désespoir des directeurs de musée. Ce qu’il faut à ceux-ci c’est de la place , encore de la place , toujours de la place. Sous ce rapport le directeur du Musée com¬ munal d’Amiens n’a pas à s’inquiéter ; mais , à un certain moment, ses successeurs se trouveront à l’étroit, et ce moment viendra plus tôt qu’on ne le pense, le zèle de la Société des Antiquaires nous en est un sûr garant.

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Elle vient défaire faire à ses frais, des fouilles dans le Cimetière mérovingien de Framerville.M. l’abbé Poirié, qui les a dirigées, y a trouvé de nombreux vases en terre noire, des épées , des fers de lance , des agrafes de ceinturon , des boucliers, des bijoux, etc. ; il se propose d’explorer un autre cimetière à Fay , près Framerville. A ce sujet on fit remarquer dans le sein de la Société que presque toujours les sépultures mérovingiennes ont été violées à une époque très-ancienne , probablement dans le siècle eurent lieu les inhumations. Ces spoliations constituaient sans doute une espèce d’industrie, puisqu’il y avait des peines sévères contre les violateurs de sépulture.

Etudes historiques sur Amiens^ par M. Dubois. L’au¬ teur commence par rectifier quelques faits de l’histoire particulière de la ville d’Amiens, puis il donne des détails sur des usages locaux curieux et peu connus. Citons-en un : *

Dans le xv.« siècle , les hommes et les femmes qui se remariaient devaient payer aux princes et compagnons de la Confrérie de Saint-Firmin , une gracieuse somme d’argent, laquelle somme était employée à faire les dépenses nécessaires au port de la châsse de saint Firmin, le jour . de l’Ascension, et pour boire et manger ensemble et faire danser les demoiselles après diner, ledit jour, pour l’hon¬ neur du benoist corps du saint martyr, comme de longtemps est accoutumé. »

Jacques Beauciiant , sergent d’armes , bibliophile à Saint-Quentin , par M. Ch. Demaze , conseiller à la Cour impériale de Paris. Jacques Beauchant, mort en 1396, fut un des savants que protégea Charles V dit le Sage.

M. Léopold Delisle ( de l’Institut ) révéla récemment son nom d’après deux traductions qu’il avait trouvées dans les manuscrits de l’Académie impériale et dont Jacques Beau- chant était Fauteur. L’une de ces traductions est un livre de Sénèque et l’autre est intitulée les Voies de Dieu.

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A l’aide des prologues composés par l’auteur et des mi¬ niatures qui accompagnent le manuscrit, M. Demaze cherche à faire connaître Beauchant : « Beauchant était » humhle de cœur , dit-il ; son langage est plein de recon- » naissance pour le roi son bienfaiteur, et les pourtraictures * nous le montrent toujours agenouillé devant son redouté K seigneur. »

La Maison^ par Ch. Lucas, architecte. Dans une publication récente, un célèbre économiste écrivait que la Maison était une des bases de l’ordre social. Malgré les habitudes de cosmopolitisme et de vie errante qui tendent de plus en plus à prévaloir dans nos mœurs, combien de personnes encore ne peuvent songer sans émotion à la maison paternelle , cette patrie de la famille. C’est bien l’idée que M. Lucas se fait de la maison , et il pense avec raison nous intéresser en nous montrant ce qu’étaient les habitations de nos ancêtres.

Après quelques mots consacrés aux premiers abris de notre race : les cavernes , la tente , la cabane de bran¬ chages, etc. ; il parle de la maison romaine , si exiguë, que nous nous figurons à peine comment le père de famille pouvait y loger les siens.

Les maisons Gallo-Romaines consistaient en un simple rez-de-chaussée surmonté quelquefois d’un tout petit étage, le tout sans fenêtres sur la rue. Les appariements étaient groupés autour de deux cours intérieures destinées , l’une aux étrangers, l’autre à la vie d’intérieur. LesFrancs-Méro- vingiens exhaussèrent l’étage et fortifièrent la maison, pour résister aux brigandages si communs à cette époque.

Au moyen âge, les maisons bourgeoises prirent leur jour sur la rue. La porte d’entrée, s’ouvrant également sur la rue, donnait accès à la Grande salle l’on festoyait. Les chambres à coucher étaient à l’étage. A mesure que la

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population augmente, le nombre des étages s’accroît ; on les construit en bois et on les fait avancer au-dessus de la rue.

Ce mode de construction , uni aux décorations artis¬ tiques , sculptures, fayences , verres dérouleur, etc., donne aux maisons de cette époque un cachet tout par¬ ticulier. J. G.

AC.\DÉM1E ROYALE DE BELGIQUE. CLASSE DES SCIENCES (^)

Travaux courants

Les communications présentées à l’Académie pendant les mois de janvier et février 18T0 comprennent quelques renseignements sur V Aurore boréale observée à Bruxelles et à Louvain , le 3 janvier 1870 ; des considérations mathé¬ matiques et physiques , sur la Scintillation des étoiles , par M. Montigny; une nouvelle note sur le développement de Vœuf et de Vembryon des Sacculines ^ petits crustacés para¬ sites qui vivent fixés sur la queue des Crabes, par M. Ed. Van Beneden ; la description d\ine nouvelle espèce de lézard du genre Varan qui existe au Musée de Bruxelles, par M. -P^eudomme de Borre ; la description d’une dent d’un nouveau genre de poisson fossile trouvé dans la craie de Meudon [Ankistrodus splendens)^ par M. de Koninck.

31. le baron de Ryckolt a trouvé à Woncq, village du Limbourg, sur le Geer, un dépôt d’argile identique sous tous les rapports avec celui de Boom , près Anvers. Les fossiles sont encroûtés de pyrite et présentent extérieure¬ ment le même aspect que ceux de Boom.

iVofe sur VOrgane reproducteur du Psilotum triquetrum , par 31. Kickx , professeur de botanique à Füniversité de Gand. Le Psilotum triquetrum est une plante d’un port étrange, très-répandue dans toute la zone intertropicale de

(q Bulletin, 2.* série, t. xxix , p. 1 et suiv.

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l’hémisphère austral et cultivée depuis quelque temps par M. Kickx, dans les serres du jardin botanique de rUniversilé de Gand. Heureuse Université de Gand, qui n’est peut-être pas la première de Belgique, mais qui pos¬ sède néanmoins un jardin botanique et des serres, peuvent travailler professeurs et élèves. Combien de Fa¬ cultés de notre beau pays de France sont dans ce cas ? Et l’on s’étonne que l’Enseignement supérieur soit plus florissant à l’étranger que chez nous !

Le Psilotum appartient à la petite famille des Lycopo- diacées composée de 4 genres dont un seul , celui des Sélaginelles , était complètement connu sous le rapport de son mode de reproduction. M. Kickx a entrepris de combler une lacune de la science , en étudiant celte importante fonc¬ tion chez les Psilotum triquetrum.

Chez les Sélaginelles, on constate deux ordres d’organes reproducteurs: les microspores, qui paraissent jouer le rôle d’élément mâle , et les macrospores ou graines , qui germent en donnant immédiatement naissance à une petite Selaginelle.

Chez les Fougères , dont la famille des Lycopodiacées est si voisine , il n’existe qu’une seule espèce de spores: elles sont neutres et au lieu de produire une jeune Fougère, elles donnent naissance à une forme végétale embryonnaire que l’on a appelée protothale et sur laquelle poussent les organes reproducteurs mâles et femelles. Il y a donc chez les Fou¬ gères un mode de reproduction alternante , analogue à celui des Ténias dans le règne animal.

Les Psilotum n’ont aussi qu’une seule espèce de spore. M. Kickx, malgré ses expériences réitérées, n’est pas par¬ venu à les faire germer et par conséquent à résoudre direc¬ tement la question de leur analogie avec les spores de Fou¬ gères , mais il a constaté qu’elles se formaient de la même

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manière et il en conclut avec beaucoup de vraisemblance qu’elles doivent jouer le même rôle.

Les Psilotum seraient donc intermédiaires entre les Sela- ginelles auxquelles ils ressemblent pour la forme et les Fougères dont ils ont le mode de reproduction.

M. Tabbé Coemans, membre de l’Académie, dans le savant rapport qu’il fait sur le travail de M. Kickx, trouve ce rapprochement d’autant plus heureux que les Psilotum ont un rhizome qui se distingue de celui des autres Lyco- podiacées pour se rapprocher du rhizome des Fougères dont les tiges dichotomes et presque sans feuilles ressemblent à celles des Psilotum.

M. l’abbé Coemans termine son remarquable rapport en signalant de nombreux traits d’analogie entre les Fougères et les Lycopodiacées fossiles des terrains les plus anciens ^ et qui ne se retrouvent plus chez les représentants actuels de ces familles.

« Il y a comme un souvenir d’une origine commune, » qui impliquerait une dichotomation de filiation à une » époque antérieure , et, par conséquent, la formation de » groupes intermédiaires. » J. G.

COURS PUBLICS.

Cours de Géologie professé à la Faculté des sciences de Lille ,

par M. Gosselet.

Age secondaire Ère des Reptiles. Les terrains secon¬ daires sont au nombre de trois : triasique , jurassique et crétacé.

Ils sont composés de calcaires, de grès et d’argile, qui dans nos contrées ont été peu modifiés postérieurement à leur dépôt. Dans le terrain triasique sont situés les sels gemmes de la Lorraine. Les calcaires jurassiques sont souvent oolitiques, c’est-à-dire qu’ils sont formés depetits grains

iir

arrondis de la grosseur des œufs de poissons. De nos jours, il se forme encore des calcaires oolitiques , sur les rivages de la Floride par exemple, des eaux marines, chaudes et riches en calcaire , viennent battre contre des récifs de polypiers. Le terrain crétacé doit son nom à ce que une grande partie de ses calcaires est à l’état de craie , c’est-à- dire tendres, terreux , tachant les doigts. Mais il n’est pas composé uniquement de craie, il renferme, comme le terrain triasique et le terrain jurassique, des sables et des argiles. La limonite ou sesqui-oxide de fer hydraté forme souvent des bancs dans les terrains secondaires ; c’est le gisement des minerais de fer du Nord de la France et de presque tous ceux de la Belgique.

Les éruptions ont été relativement peu nombreuses' pen¬ dant l’âge secondaire. Les serpentines, roches vertes compo¬ sées de silicate de magnésie, datent en partie de cette époque.

Les fossiles les plus caractéristiques des terrains secon¬ daires sont les Ammonites et les Bélemnites, Les premières sont des mollusques céphalopodes voisins des Nautiles ac¬ tuels. Elles avaient une coquille cloisonnée , enroulée sur elle-même dans un même plan , et la suture des cloisons avec l’enveloppe extérieure de la coquille se faisait par une ligne très-sinueuse, simulant des découpures aussi élégantes que celles des feuilles du Persil. Il y a des Ammonites de toutes tailles depuis celle d’une lentille jusqu’à celle d’une grande roue de charrette. Au Musée de Lille on voit une Ammonite qui vient des falaises du Blanc-Nez et qui a 65 cent, de diamètre. Les Bélemnites sont aussi des céphalopodes ; mais leur coquille était intérieure et cartilagineuse. Elle ressemblait à l’os de la Seiche ou plutôt à la plume du Calmar. Il n’en reste que l’extrémité qui seule était calcaire; sa forme cylindrique terminée en pointe est celle d’un cigare. Les Belemnites comme les Seiches possédaient une

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poche à encre. On a retrouvé une de ces poches dans une couche de calcaire ; on a pu délayer de nouveau l’encre , et s’en servir pour dessiner l’animal restauré de la Belemnite.

Les poissons de l’âge secondaire appartiennent en partie aux mêmes ordres que ceux de l’âge primaire, mais on voit apparaître beaucoup de formes qui rappellent nos poissons actuels. Les reptiles se présentent au contraire avec une organisation bien plus variée et bien supérieure à leur organisation actuelle. Parmi ces formes aujourd’hui perdues on peut citer les Ptérodactyles reptiles volants qui rap¬ pelaient nos Chauves-Souris par leur structure et par leurs mœurs ; les Iguanodons , herbivores amphibies comme l’Hippopotame, d’une taille voisine de celle de l’Eléphant , etdont les jambes étaient assez longues pour que leur corps ne traînât pas sur le sol ; les Mégalosaures qui avaient la même forme et presque la même taille que les précédents , mais dont le régime était uniquement carnivore ; les Ichtyo¬ saures , reptiles-poissons , comparables à nos crétacés ; les Lahyrintodons , batraciens dont quelques - uns acquéraient une taille gigantesque.

Les plus anciens mammifères connus remontent aussi à l’âge primaire. C’était de petits animaux insectivores de la grandeur de l’Ecureuil et appartenant à la sous-classe des Marsupiaux que l’on voit reléguée maintenant en Australie.

Pendant les périodes triasique , jurassique et le commen¬ cement de la période crétacée , la Flore fut la continuation apauvrie de la Flore primaire, les Lepidodendron avaient disparu , les Calamites avaient fait place à de véritables Prèles qui d’abord de grande taille ne tardèrent pas à dé¬ croître, les dicotylédonées gymnospermes régnaient sans rivaux dans les forêts de cette époque. Si les Sigillaires avaient disparu, les Conifères et les Cycadés s’étaient con¬ sidérablement multipliés.

119

Dans la seconde partie de l’époque crétacée d’autres dico- tylédonées appartenant au groupe des Apétales viennent se substituer aux Gymnospermes. Ce sont surtout des Protéacés qui de nos jours habitent l’Australie , et que l’on cherche à acclimater dans nosjardins [Gremllea, Banksia, Hakea).

Au commencement de l’âge secondaire , presque toute la France était exondée, tandis que la mer couvrait l’Allemagne et venait battre les rivages des Vosges. Peu à peu elle s’avança vers l’ouest. Pendant la période triasique, elle recouvrit le Luxembourg et pénétra peut-être jusque près de Spa. Pendant la période jurassique, elle avança progres¬ sivement le long du bord méridional de l’Ardenne, recou¬ vrant les lieux sont situés maintenant Sedan , Mezières, Hirson. De ce dernier endroit le rivage s’étendait jusqu’à Boulogne-sur-Mer en passant au nord d’Arras. La période crétacée vit la mer dépasser ces limites et gagner vers le nord recouvrant la Picardie, le Cambrésis, le Hainaut et la Flandre. Elle formait aux environs de Mons un golfe qui pénétrait assez avant dans l’intérieur du continent, con¬ tournait au nord les terrains anciens du Brabant, et revenait baigner la Hesbaye et le pays de Liège , pour s’étendre ensuite en Allemagne et dans le nord de l’Europe.

BIBLIOGRAPHIE

HISTOIRE DES ÉTATS DE LILLE par M. de Melun (*)

Les institutions modernes ne peuvent être bien comprises, croyons-nous, que lorsqu’on les suit , depuis leur origine , à travers les transformations qu’elles ont subies avant d’ar¬ river au point nous les voyons aujourd’hui.

Extrait des Mémoires de la Société des Sciences, eic. , de Lille, ' 1860- 1869.

120

Ces considérations nous sont suggérées par le travail de M. de Melun , qui nous montre , dans les Etats de Lille , le premier modèle des Conseils généraux actuels^ mais avec des attributions plus larges quant au maniement des finances.

Dans un autre ordre d’idées , l’étude qu’en a faite M. de Melun est une page de notre histoire nationale. En mettant au jour le mécanisme des assemblées de Flandre, il nous fait connaître, par cela même, ce qui se passait dans les diverses parties de la France, connues jadis sous le nom de Pays d'Etats , pays qui conservaient , pour la répartition et la levée des impôts, pour les travaux publics de la province, pour les établissements d’instruction et de charité, une administration libre, sous la direction d’une assemblée d’évêques, de seigneurs propriétaires, de représentants des villes, (i)

A Lille , par exception , les Etats n’étaient composés que du Magistrat ou corps municipal de la ville, et des députés de Douai et Orchies.

En publiant le résultat de ses études, M. de Melun a eu encore une autre pensée : « Plusieurs fois , dit-il (2) , en lisant les chartes qui ont fondé dans les Flandres les libertés communales , en nous rendant compte de ses ins¬ titutions politiques et civiles , nous avons été frappé des franchises dont jouissaient nos pères à une époque reculée, et nous nous sommes demandé si la liberté, si généralement réclamée de nos jours, n’existait pas sous sa forme la plus pratique et avec ses éléments les plus essentiels dans un temps que l’on se représente trop souvent comme livré à la confusion et à l’arbitraire. C’est la réponse à cette question

(h M. F. Laferriôre. Cours de droit public et administratif; introd.

p. XXXIV.

(2) Mémoires, 1860, p. 237.

(21

que nous nous proposons de rechercher dans l’étude d’une province qui, malgré son peu d’élendue, offre un curieux spécimen de l’administration de toute la Flandre. >

Maintenant que nous connaissons le triple but qu’a voulu atteindre M. de 3Ielun , nous allons donner un aperçu de cette période de cinq siècles traversée par les Etats de Lille, sans rien perdre de leur liberté d’action, sauf peut-être sous la monarchie absolue.

On sait en effet que Louis XIV voulait détruire partout le le système administratif des Etats provinciaux , pour établir définitivement l’autorité de ses intendants , et que s’il ne mit pas à exécution, dans nos pays , ses projets de centrali¬ sation , c’est uniquement dans son intérêt personnel, <r c’est qu’il se vit obligé , dans l’intérêt même de sa force contre l’étranger , de maintenir les Etats dans les provinces fron¬ tières. ï (^)

Qu’étaient-ce que les Etats de Lille ?

Au commencement du XIV. * siècle, les villes de Lille, Douai et Orchies et les terres qui en dépendaient étaient dé¬ membrées du comté de Flandre pour devenir la toute pro¬ priété du roi de France ; ces villes et terres , désignées sous le nom de Châtellenie de Lille, formaient seules les Etats.

A l’origine , ceux-ci étaient composés du Magistrat de Lille et des députés des deux autres villes. Plus tard les grands seigneurs féodaux , qui prétendaient qu’on ne pouvait imposer leurs vassaux sans leur permission, « éprouvèrent le besoin de se concerter avec les magistrats des villes , pour se défendre contre le fisc , ennemi commun des con¬ tribuables. » De leur incorporation dans les Etats qui res¬ tèrent tels jusqu’au moment la Révolution de 1789 vint faire table rase des anciennes institutions.

(9 M. F. Laferrière; ibidem. Introduction.

1-22

Dans Ions nos pays le droit de se gouverner soi-même existait de temps immémorial. Partout nous voyons des com¬ munautés d’habitants ( derniers vestiges , peut-être , des anciennes confédérations germaniques appelées Ghildes) , nommant leurs magistrats et jouissant par conséquent de franchises et privilèges dont le maintien était confié aux magistrats élus.

Mais la brigue , la cabale , la corruption ne se mêlaient- elles pas aux élections d’alors?

Il s’agissait, comme on le sait, de fonctions qui mettaient aux mains des administrateurs , aux mains des riches, faciles les uns à l’égard des autres, comme dit Beaumanoir, toute la fortune des municipalités.

Quoi qu’il en soit, il est curieux de voir les précautions pri.«ies à Lille pour le renouvellement de la loi , c’est-à-dire pour la nomination de nouveaux magistrats.

Comme le Magistrat de Lille tenaille premier rang aux Etats, nous allons le faire connaître en extrayant, du livre de M. de Melun, quelques renseignements qui nous permet¬ tront de juger si , en dehors même des élections , des ga¬ ranties d’indépendance et de lumière n’assuraient pas une bonne administration.

« Cette nomination avait lieu chaque année par l’inter¬ médiaire des commissaires du prince.

» Le gouverneur et le premier président de la Cour des Comptes furent longtemps les deux premiers commissaires nommés. Ce dernier fut remplacé par Vîntendanl sous la domination française.

i Avant de faire connaître leur choix , ils juraient qu’ils n’éliraient que des gens capables et sans reproche qui , par eux-mêmes et par leurs parents et amis , n’avaient fait aucun présent ou promesse. Apres ce serment , les rewart ,

- . 125

mayeurs et échevins juraient à leur tour de dire sincè¬ rement leur avis sur les personnes nommées dont la liste leur était remise. Ils examinaient alors si celte liste ne pré¬ sentait rien de contraire aux règles et aux coutumes en vigueur et faisaient k ce sujet leurs observations qui devaient être écoulées.

» Dès que Ton était d’accord , le premier commissaire proclamait les nouveaux magistrats , qui prêtaient aussi le serment de n’avoir pas usé de prières , dons ou promesses par eux-mêmes ou par autrui , pour se faire élire , et s’en¬ gageaient à être échevins , droituriers et loyaux, à garder les droits de Dieu , de l’Eglise et des orphelins , les fran¬ chises et privilèges de la ville et à ne juger , ni par amour , ni par haine , ni pour gain , ni pour perte... »

Au commencement du XIV.® siècle, les membres des Etats se réunissaient à Lille, en présence du gouverneur, et votaient les Impôts toujours très-considérables, puisque sans parler de la guerre, les Etats avaient encore à pourvoir aux demandes de subsides pour cause de joyeux avènements , de mariages , de rançons , etc.

Les princes qui se sont succédé dans le gouvernement de la Flandre étaient toujours besoigneux d’argent et aug¬ mentaient volontiers , moyennant finances , les franchises des communes.

Les assemblées délibérantes se ressentaient de cet état de choses ; « les souverains qui les flattent et les caressent, a dit Vanderhaer , historien des châtelains de Lille , sont ceux qui ont le plus besoin de subsides « et il ajoute : « Les Etals de Lille s’assemblèrent à part, et à la faveur desdites assemblées sont introduites diverses façons de pro¬ céder inconnues au temps passé, étant d’ordinaire que celui qui paie a souvent liberté de dire et faire choses extraor-

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dinaires , et que les princes souffi'ent les caquets des gèlines pour en retirer les œufs. »

Celte observation critique a été applicable dans tous les temps , et l’auteur, qui croit que les libertés ne sauraient se payer trop cher , nous fait voir Gharles-Quint lui-méme, demandant à Lille un emprunt en échange de l’extention des anciennes coutumes. »

Pendant cette première partie de leur existence, c’est-à- dire depuis 1302 jusqu’à la domination espagnole, les Etats, depuis que le roi de France avait la souveraineté absolue sur les trois villes de Lille , Douai et Orcliies , n’avaient de compte à régler qu’avec le Prince; mais sous les ducs de Bourgogne , et plus tard sous les rois d’Espagne , ils participèrent aux impôts généraux de la Flandre dont ils payaient le l/8.e. Cependant les Etats de Lille s’assem¬ blèrent toujours à part et le Prince avait un revenu parti¬ culier. Par suite de cette disposition , les habitants de la province étaient plus grevés que les autres sujets , mais cette charge avait bien ses compensations. Vanderbaer remarque que « grâce à sacrifice, il est libre au paysan et même au plus pauvre mendiant , de se loger bon lui semble , d’ap¬ prendre métier et sciences , d’acheter biens et héritages allodiaux sans autre droit que doit l’acheteur noble , de disposer librement de ses biens et de tout autre par contrats et testaments, selon que fait le gentilhomme , comme aussi il lui est permis de se mêler à la guerre sans congé du seigneur du village. » ( à suivre ) Lecocq.

?<OTICE SUR NOYELLES-SUR-SELLE ET SES BARONS

par M. 1 abbé Desilve, curé de Basuel. (B

A cinq kilomètres de Bouchain , dans une vallée profonde

(1) Brocb, in-8.” de 39 p. avec plan (extrait du t. vu, 3.' série).

125

entourée d’un cercle de collines qui s’ouvre au sud et au nord pour donner passage au cours de la Selle, est situé le joli village de Noyelles , dont il est ici question. On trouve des mentions fort anciennes de ce village le monastère de Saint-Pierre de Gand et celui de Saint-Amand possé¬ daient des biens dès le temps de Charlemagne et de Gharles-le-Chauve.

Dans sa courte, mais très-bonne notice, accompagnée d’un plan qui en augmente encore la valeur , l’auteur énu- mère d’abord les différentes formes du nom de Noyelles , Niella, Nigella, etc., dont l’étymologie Noda, Noa, en roman Noue, proposée par M. Mannier et signifiant prairie basse et humide, ne lui sourit point. Il donne ensuite quelques détails topographiques et statistiques , dit un mot des archives, fort pauvres du reste, dont il a disposé et, son cadre ainsi préparé , il aborde l’histoire du village et celle des familles de Gondel, de Montigny et de Carondelet qui ont successivement possédé la seigneurie de Noyelles- sur-Selle. L’illustre maison de Carondelet, originaire de Bourgogne, eut pour berceau, dans la Flandre et le Hainaut, le château de Potelles, près du Quesnoy , qui est peut-être le plus beau monument de l’architecture féodale dans nos contrées , dont il est fait ici une description fort intéressante et d’une tournure littéraire qui est loin de la déparer.

Enfin, quelques actes transcrits ou renseignés dans un ap¬ pendice terminent cette excellente monographie qui se re¬ commande autant par les sérieuses recherches qu’elle a coû¬ tées, que par la netteté du style, et dont la Société impériale des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille, a voté l’im¬ pression dans ses mémoires après l’avoir couronnée d’une médaille d’argent. L’histoire de Noyelles-sur-Selle, petite commune qui n’eut jamais plus de 700 habitants, estun sujet

126

de trop mince importance pour que cette compagnie ait pu lui accorder une plus haute récompense ; mais ce n’est , croyons-nous, que partie remise. M. l'abbé Desilve, homme dégoût et d’érudilion , vient de donner la preuve qu’il pourrait traiter et traiter en maître un sujet beaucoup plus considérable. ïh. Leuridan,

bibliolhécaire-arcliiviste de Roubaix.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES

Histoire naturelle. Les Hirondelles. Lorsque paraîtra le présent numéro du Bulletin, les Hirondelles auront fait leur apparition à Lille et ce petit événement, commenté comme chaque année, aura été accueilli avec un gai sou¬ rire par toutes les personnes qui voient fuir l’hiver avec plaisir. C’est que l’arrivée des Hirondelles et celle du prin¬ temps ont une telle connexité que de tout temps on a regardé le gentil oiseau comme le messager fidèle de la belle saison.

Cette concordance, pour être fréquente, n’en est pas moins quelquefois en défaut , et il arrive des années les premières Hirondelles du commencement d’avril sont sur¬ prises dans leNord par des retours de frimas qu’elles étaient certes loin d’avoir prévus. Le vieux proverbe latin : una hirundo non facit ver, n’a jamais cessé d’être vrai.

En parcourant dernièrement les Tableaux des phéno¬ mènes périodiques publiés par l’Académie royale de Bel¬ gique , j’ai trouvé une série complète d’observations sur l’arrivée des Hirondelles en Belgique, depuis 1841. Elles ont été faites à Ostende , Gand , Bruxelles, Liège, et, moins régulièrement, sur quelques autres points intermédiaires. La distance entre notre latitude à Lille et celle de cette ligne d’observations est trop peu importante pour qu’on

127

doive en tenir compte, quand il s’agit d’oiseaux aussi fins voiliers que les Hirondelles ; on peut donc admettre que les dates d’apparition sont sensiblement les mêmes.

Mais avant de parler de l’arrivée , disons un mot du voyage. D’où viennent les Hirondelles ? Cette question a donné lieu pendant bien longtemps à des fables et à des incertitudes qui n’ont été réfutées et résolues qu’au siècle dernier. Aristote annonça qu’elles gagnaient en automne les pays chauds , s’ils étaient proches , mais que s’ils étaient éloignés, elles restaient et se cachaient; ce fut le thème sur lequel, pendant plus de vingt siècles, brodèrent les dis¬ ciples du grand maître.

Pline rapporte qu’on trouve en hiver les Hirondelles en¬ gourdies , nues et sans plumes dans le creux des rochers. Albei’t-le-Grand parle de chênes creux du nord de l’Alle¬ magne, pleins d’Hirondelles ; elles s’y pelotonnaient si bien qu’elles y conservaient par leur contact la température nécessaire pour ne pas mourir de froid.

L’évêque Olaus Magnus raconte que souvent , dans les contrées septentrionales, les pêcheurs retiraient du fond de l’eau en hiver des groupes d’Hirondelles entrelacées, qui s’y étaient laissé tomber au commencement de l’automne, pour en ressortir en avril , et regagner leurs anciens nids ; d’autres auteurs affirment en avoir vu retirer ainsi des puits et des citernes.

Ces croyances , qui généralisaient quelques faits isolés et mal interprétés , furent accueillies , jusqu’à un certain point , par Buffon lui-même qui n’osa pas les révo¬ quer tout à fait en doute ; mais aujourd'hui il est reconnu par I tout le monde, que nos Hirondelles vont passer l’hiver dans , les contrées inlertropicales de l’Afrique. C’est du reste la ; seule chose que nous sachions pertinemment sur leurs faits et gestes pendant les six mois de leur éloignement. Leur

128

genre de vie est-il le même , se montrent-elles là-bas aussi familières avec l’homme qu’elles le sont en Europe, à quelle époque y a lieu leur mue ? Tout cela n’est pas éclairci et ne pourra l’être que lorsque ces contrées seront suflisamment explorées.

Il est probable que celles qui séjournent dans la partie la plus septentrionale de leur zône d’hivernement sont aussi celles qui à leur retour s’avance le plus haut en Europe, et qu’au contraire , les plus méridionales , qui auraient à traverser un bien plus grand espace, restent dans les pays circa-méditerranéens ; mais ceci non plus n’est pas prouvé.

Il ne paraît pas clair non plus que chaque couple revienne au nid de l’année précédente ; c’est une croyance popu¬ laire, appuyée sur des récits qui manquent d’authenticité. Le fait pourrait avoir lieu quelquefois sans qu’il soit pour cela habituel ; c’est , je crois , une exception plutôt qu’une règle.

Voici la moyenne des dates de l’arrivée des Hiron¬ delles en Belgique, prises sur quatre ou cinq points différents. Elles ne s’appliquent qu'à l’Hirondelle de che¬ minée [Hirundo rusiica ) , qui arrive toujours la première :

1841

15

avril

1854

8

avril

1842

9

avril

1855

9

avril

1843

11

avril

1856

12

avril

1844

7

avril

1857

13

avril

1845

1

avril

1858

9

avril

1846

30

mars

1859

11

avril

1847

6

avril

1860

8

avril

1848

3

avril

1861

4

avril

1849

8

avril

1862

6

avril

1850

5

avril

1863

3

avril

1851

6

avril

1864

4

avril

1852

2

avril

1865

7

avril

1853

10

avril

1866

13

avril

Moyenne générale : 7 avril.

Dates extrêmes : 30 mars (1846).

13 avril (1857).

Je dois faire observer que presqu’invariablement les

1-29 -

observations faites à Bruxelles donnent une date d’arrivée plus précoce que les autres, ce qui provient sans doute de ce que les notes y sont prises plus exactement , par des personnes placées ad hoc , sous les yeux de l’organisateur, M. Quetelet. Elles nous donnent très-probablement la date d’apparition des premières Hirondelles, arrivant isolé¬ ment, et comme avant-garde, tandis que les autres ne relatent que l’arrivée plus apparente du corps d’armée. La moyenne de ces observations de Bruxelles porte le 2 avril, d’où nous pouvons conclure que dans nos contrées, la moyenne d’arrivée des premières Hirondelles est le 2 avril, la moyenne d’arrivée des bandes plus nombreuses , destinées à se fixer pour l’été , le 7 avril.

Les mêmes Tableaux des phénomènes périodiques enre¬ gistrent les époques d’apparition de nos deux autres espèces d’Hirondelles : l’Hirondelle de fenêtres , {Chelidon urbica) et THirondelle de rivage, [Cotijle riparia) ; il en résulte que la première arrive, en moyenne, douze jours plus lard que l’Hirondelle de cheminée, le 19 avril, et l'autre cinq jours après , le 24 avril.

Quant au Martinet noir [Cypselus apus) on peut fixer sa date moyenne d’arrivée au 1.®^ mai. .

Je crois intéressant de terminer cette note, en trans¬ crivant un journal d’observations que je trouve dans le même ouvrage, sur la nidification d’un couple d’Hiron¬ delles de cheminée qui, en 1854, à Ostende, avait élu domicile dans le corridor d’une maison :

10 mai. Deux Hirundo rxislica s’engagent dans le long corridor d'une maison habitée ; elles visitent les ap¬ partements et se reposent sur les meubles élevés.

18. Elles reviennent , passent la nuit cramponnées sur une îïrosse tête de clou, à 8 centimètres environ du plafond.

19. Première apparition d’un peu d'argile contre le clou.

150

20, 21, 22. Apport de matériaux, limons de prove¬ nances diverses, argile, brins d’herbe. Elles laissent tomber sous le nid une panicule de Bromus sterilis. C’est surtout le malin que se fait la besogne.

23. Les Hirondelles ne font rien. Il faut que les maté¬ riaux sèchent.

24. Le gros clou est presqu’entièrement engagé dans largile ; la base du nid , plus épaisse , forme une portion de cercle ; quelques brins de graminées pendent hors de la terre ; l’oiseau se place à l’intérieur pour appliquer le limon.

26. Le bord supérieur est achevé d’un côté; les deux oiseaux passent la nuit dans le nid.

27. Le nid est achevé extérieurement. Une troisième Hirondelle s’y introduit, elle est chassée à coups de bec.

28. Le nid se garnit à l’intérieur de brins d’herbe.

29. Nouvel apport de brins d’herbe, Bromus sterilis, Poa pratensis ; les deux oiseaux passent la nuit posés au bord du nid.

juin. La femelle pond. Elle reste longtemps au nid , le mâle gazouille près de , sur une porte.

2,3,4. Second, troisième et quatrième œuf; ce nombre n’est pas dépassé ; le mâle chante dès 3 heures et demie du matin.

5 et Jours suivants. Couvaison.

23. Un œuf clair est jeté hors du nid.

26. On entend les cris de trois jeunes qui reçoivent la becquée.

6 juillet. Les plumes ont poussé, le duvet gris perce encore.

8. Des abeilles apportées par les parents gisent à terre sous le nid , à demi mortes.

13. Un des jeunes s’envole ; il reçoit la becquée sur une corde.

14. Les trois oiseaux volent. Toute la famille couche

dehors. Les jours suivants ils font ensemble ou séparément quelques visites au nid. A. de Norguet.

Archéologie préhistorique. Dolmen. Dans un des faubourgs de Namur , nommé Jambes , sur la rive droite de la Meuse , entre le fleuve et les rochers qui le bordent , s’élevait, il y a 50 ans, une table de pierre calcaire, rec-

131

tangulaire, de 6 mètres carrés, portée à 2 mètres du sol par deux supports de même nature : on la nommait la Pierre du Diable.

Selon une tradition répandue dans le pa^s, la pierre du diable serait l’autel d’une idole du nom de Nam , renversée par saint Materne, premier prédicateur du Christianisme dans le pays de Naniur. Mais il est évident que cette pierre est un Dolmen.

Quel est l’âge des Dolmens? à quel peuple doit-on les rapporter? d’où venait ce peuple? et que devint-il? Ce sont autant de questions que la science n’est pas encore parvenue à résoudre. Le seul point certain , c’est que les Dolmens ne sont pas dûs aux Celtes de César et qu’ils ne jouaient aucun rôle dans la religion des Druides.

Avant 1753 la pierre du diable était complètement isolée. A cette époque un Italien construisit dans le voisinage une petite maison , enferma la pierre du diable dans sa cour et fouilla le sol tout autour pour l’aplanir ; il trouva les débris d’une enceinte formée de pierres levées semblables au support de la table ; il y retrouva aussi des briques romaines et des monnaies de cuivre des siècles de l’ère chrétienne.

La pierre du diable fut détruite en 1820 ; on doit le regretter et espérer qu’il n’en serait plus de même de nos jours : il n’est pas un gouvernement qui n’employât tous les moyens que la loi lui confère pour conserver un monu¬ ment aussi intéressant pour l’histoire nationale.

Nous avons extrait ces détails d’un long mémoire sur les Dolmens, publié récemment par M. Schuermans , con¬ seiller à la cour de Liège. L’existence de semblables monu¬ ments dans nos contrées est si rare que le fait nous a paru intéressant à signaler. J. G.

152

CHRONIQUE.

il^umisitiaticiue. Médaille égyptienne. Dans le compte-rendu analytique de la séance tenue le 4 août par la Société d’émulation de Cambrai, on lit la description de trois médailles antiques trouvées en terre, à deux mètres de profondeur , dans le faubourg du Cateau.

La première médaille porte sur la pile, dit le compte¬ rendu, un Aigle tourné à gauche, entouré de ces mots tracés par un grènetis : AAESA.N basiaeos. . . Au revers , est une Tête d’homme ceinte d’une bandelette et tournée à droite.

Sans avoir vu la pièce, nous croyons que, sur cette donnée , il est impossible de l’attribuer à aucun Alexandre de Macédoine ou de l’Empire romain. Puisque les carac¬ tères sont formés par un grènetis, la médaille doit être égyptienne. Au lieu d’AAESAN, il faudrait lire : htoAEMAIoY, et tout s’expliqaerait parfaitement ; ce serait Piolémée Lagus ou Ptolémée Evergète. La légende est peut-être fruste ; l’omicron toujours petit, est sans doute peu lisible, et la place occupée par les lettres ae.a aura trompé le lecteur.

Rien à dire de la pièce grecque à légende incomplète ni de la médaille d’Aurélien, sinon que celle-ci étant posté¬ rieure à la première de cinq siècles au moins, l’enfouisse¬ ment doit être relativement peu ancien , et qu’on ne peut tirer de leur réunion aucun indice historique. On ne trouve guère de médailles grecques gisant avec des médailles romaines d’époque différente , mais. . . le vrai peut quel¬ quefois n’être pas vraisemblable. E. Van Rende.

IVaniisiBfiiatlque. Découverte de monnaies, Je vous parlais, tome ii, p. 40, de 160 méreaux trouvés à Lille dans le fond d’une armoire ; voici une autre trouvaille du

153

même genre faite dans des conditions identiques, et que je dois à la gracieuseté d’une personne de ladite ville. La tota¬

lité de ces méreaux se décompose ainsi :

1. ® Saint Etienne debout; bractéate décrite dans

Van Rende (Numismatique lilloise)^ n.'’ 594 G. 939

2. ® La tête du Sauveur entourée d’une auréole ;

bractéate ; inédite. G. 170

3. ® La lettre R accostée de deux couronnes et en

contremarque une R couronnée ; Revers : la let¬ tre S ; inédite. PL 18

4. “ Tête de mort sur deux humérus entourée de

trois petites fleurs de lis ; Rev. les initiales d’un nom de famille ; inédite. PI. 1

5. ® Mitre accostée de trois étoiles , le tout frappé en

creux ; Rev. mêmes initiales ; inédite. PL 2

6. ® Le buste de saint Etienne accosté des lettres S. E.

et de deux étoiles, en dessous une fleur de lis ;

Rev. mêmes initiales ; inédite. PL 1

7. ® Grande étoile accostée des lettres S. E. et en¬

tourée de rosaces; R. mêmes initiales; inédite. PL 1

8. ® Sainte Gatherine debout ; uniface. Van Rende,

n.» 602. PI. - 1

9. ® Saint Nimbé tourné à gauche ; Rev. ces mots eu

trois lignes : A Sainte Catherine ; inédite. PL 1

Total. . 1134

Cette découverte m’a fourni un certain nombre de pièces très-curieuses pour notre série lilloise ; qui sait si les armoires de notre ville ne nous réservent pas encore d’autres surprises agréables ? H. Rigaux fils,

Biograpliic. Simon Stevin s est-il fait protestant? Philosophe, mathématicien, ingénieur civil et militaire, Simon Stevin est l’une des illustrations de la Belgique au

in4

XVI.* siècle. Son œuvre scientifique a été décrite , dans toutes ses parties, par les hommes les plus compétents. Mais on n’est point fixé sur quelques-uns des points les plus essentiels de sa biographie , tels que le lieu et la date de sa naissance et de sa mort , la profession qu’exerçait sa famille , etc. Enfin et surtout on se demande s’il abjura , ou non, le catholicisme, lorsqu’il eut quitté la Belgique pour se soustraire à l’intolérable despotisme du duc d’Albe. Ce qui porte à croire qu’il a adopté le protestantisme, c’est l’accueil empressé qu’il reçut de Maurice de Nassau et les honneurs dont ce prince le combla.

Il y a quelque dix ans, les journaux belges ont fait grand bruit d’un extrait des comptes de la paroisse de AVestkerke près Ghistelles. De ce passage, alors produit pour la pre¬ mière fois , il résultait, assurait-on, qu’en 1619, c’est-à- dire une année avant sa mort , Simon Stevin aurait fait , en ladite église, une fondation de 84 messes. Cette découverte semblait mettre hors de doute l’orthodoxie du savant belge. Dans une brochure toute récente , M. Van den Bussche, archiviste de la Flandre occidentale , prouve que la fon¬ dation dont il est parlé dans le compte de 1619 remonte à 1434, qu’elle n’a pas eu pour auteur un Simon Stevin ou Stevens , mais qu’elle a été faite en vue d’expier le meurtre d’un obscur personnage de ce nom.

La question de l’abjuration du savant belge reste donc entière et ne recevra de solution que si l’on parvient à dé¬ couvrir des textes plus explicites que ceux jusqu’ici allégués.

A. D.

liang^iac française. Dans le Mémorial d'Amiens du 4 mars 1870, M. Michel Vion , chef d’institution , appelle l’attention sur un mouvement de réforme qui se produit, surtout chez les peuples voisins, pour modifier l’ortho¬ graphe de notre langue. Il en donne comme exemple

155

l’article suivant extrait d’un journal belge le Progrès :

Un évènement dans la langue française. On sait avec quelle prudence agit l’Académie française, dans la réforme qu’elle introduit tous les demi-siècles dans le remaniement de son dictionnaire ; elle n’admet que les idées qui ont été acceptées par l’opinion éclairée de la population depuis vingt et trente ans. Cela n’empêche pas qu’elle doit sous peu étonner beaucoup de monde. Nous croyons savoir que son nouveau dictionnaire , qui doit apparaître sous peu, contiendra les réformes ci-dessous :

Substitution 1." de c ch dur: caos , éco, arcange, clore, politecnique ; 2.“ de f k pli dans filosofe , fosfore, fotogratie ; 3.° de j à g doux : gnjiire, rejimber, jesier ; 4.” de c, s à H dans ambicieux, démocracie, facécie ; 5." de s kx dans : chous, caillons, verrous, etc. ; 6.“ de i simple à y dans slile, juri, tilburi ; 7.® de ance à ence k la fin des mots : providance, existance ; 8." de ant à ent pour les ad¬ jectifs et les substantifs verbaux : présidant, courant.

Suppression 1.® de /i muet : orizon, onneur , omme , abit ; 2.° de h après r et f : rume , rinocéros , rubarbe , absinte , catolique ; 3.” des consonnes doubles qu’une bonne prononciation ne doit pas faire entendre : patroner, charue, j’apèle ; 4.® des traits d’union : c’estàdire , bassecour.

M. Vion est plus radical encore; il voudrait voir adopter un alphabet international et une méthode rationnelle d’écri¬ ture fondée sur la phonographie. J. G.

AfétéorologSe : MARS

1870

Température moyenne . 4.® 167

» » des minima . 1.'’ 638

ï » des maxima . 6." 697

JJ extrême minima, le 14. 2." 30

» » maxima, le 2.. 17." 60

Baromètre hauteur moyenne à 0.". . . . 760"’"'330 » hauteur extrême minima, le 12. 75l""’‘20 » j> » maxima , le 20. . 772"’"'32

Tension de la vapeur atmosphér . 4"‘'“9o

Humidité relative moyenne °/o . 80.0

Epaisseur de la couche de pluie . 55'.""‘81

» de la couche d’eau évaporée. . 39“"! 7

MARS

aimée moy. 5." 4o4

758r 566

5““ 35 77.71 45r 857 46r 32

136 .

Le mois de mars, premier mois du printemps météoro¬ logique , fut froid et humide : le ciel fut très-nébuleux et la tension électrique considérable.

Plusieurs halos solaires et lunaires furent observés et toujours leur apparition fut suivie de pluie ou de neige dans les 24 heures.

Le 3 vers 3 heures du soir , le vent qui , pendant toute la journée avait soufflé du S. -O. , saute au N.-E. ; à 9 heures, il tombe un peu de pluie. De iO h. 43 à 11 h. éclairs sans tonnerre, 11 h. petite pluie, 11 h. 30, éclairs, tonnerre, forte pluie fournie par les nuages et la deuxième coucbe venant lentement du S. ; vent N. -E. fort, l’orage dure peu; à minuit le ciel est couvert par de grands cumulus de la couche inférieure, la pluie tombe encore.

Il y eut 10 jours de neige et l’eau provenant de la fonte forma une couche d’une épaisseur de 26'”'“ 80 , la coucbe de pluie fut de 28”“ 71 , celle de l’eau de grêle 0”” 30.

Le 23 pendant toute la matinée et une partie de l’après- midi , il tomba de temps en temps de la neige avec plus ou moins d’abondance, mais de 4 h. 30 à minuit, elle fut continue , vent N. Une partie de cette neige se fondit au fur et à mesure de sa chute , caria température atmosphérique était au-dessus de ; mais peu-à-peu l’air se refroidit, la fonte cesse de se produire et à minuit les toits et les places publiques sont couverts d’une couche de 3 centimètres. Le 28 la fonte de la neige , sur les toits d’ardoises surtout et dans les goutières , n’était pas encore achevée.

Le nombre des jours de pluie fut de 23 ce qui contribua à maintenir les couches d’air en contact avec le sol dans un état d’humidité défavorable à l’évaporation. Cette humi¬ dité causa encore des brouillards permanents et des rosées assez fréquentes et abondantes.

Les vents dominants fui ent ceux de N.-E. et N. -O. froids et forts qui régnèrent pendant 29 jours. V. Meürein.

Le Gérant : Ë. Castiaux.

TYP. DE BLOCQCEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2.® Année. N.° 5. Mai 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ DUNKERQÜOISE Mémoires t. xiv ; 1869.

L’année 1869 a privé la Société dunkerquoise de plusieurs de ses membres les plus actifs. MM. L’Hote, vice-président, Gütblin , secrétaire perpétuel, et Delègue ont quitté le pays.

M. L’Hote s’occupait des questions artistiques et littéraires en les envisageant de haut. Ses nombreuses publications, par leur généralité même , intéressent si peu notre région que nous nous bornerons à mentionner le titre de celles qu’il a insérées dans le présent volume :

Philosophie de Part (suite) : Les maîtres naïfs ; Cimahue et Giotto; Raphaël Sanzio. Erreurs et préjugés historiques', La mer a-t-elle baigné les murs d' Aigues-Mortes? Les femmes de Vantiquité : Cléopâtre. Son voyage dans les Ardennes françaises nous faisait espérer par le titre une étude locale, mais ce n’est guère qu’une variation sur quelque guide de voyage.

M. Delègue a pris Pascal pour son héros et on ne pouvait certes-mieux choisir. Dans une première note qui a déjà été insérée dans les Nouvelles annales de mathématiques ^ il montre que le Binôme de Newton a été inventé par Pascal et , dans un second mémoire, il revendique, pour le même savant, l’honneur d’avoir pris une part considérable au développement des méthodes infinitésimales. Tous les mathématiciens sont maintenant d’accord sur ce point et rendent un hommage complet au prodigieux génie de l’in¬ venteur de la vinaigrette et du baquet.

M. Gütblin a publié une étude très-intéressante sur

(38

Schiller considère comme poète lyrique. Il commence par caractériser la poésie lyrique qui est l’image intime des poètes. C’est donc par ses poésies lyriques que nous pouvons le mieux apprécier le caractère et les sentiments de Schiller. Nous y trouvons partout « le même respect du talent et le même culte de l’art , la même sincérité , la même estime de la force de volonté, le même soin de la dignité humaine basée sur le libre choix du bien , sous le rayon de clarté du vrai et sous le rayon de chaleur du beau. »

, Après avoir résumé les circonstances de la vie de Schiller, M. Güthlin passe en revue ses principales œuvres lyriques et il termine par une traduction en vers du poème de la Cloche. Cilons-en une strophe qui montrera que le poète n’a pas à se plaindre de son traducteur :

L’homme doit combattre,

Assaillir, abattre,

Dompter p r ses coups,

Le Destin jaloux.

Il laboure , il plante ,

Court et se tourmente Du malin au soir.

Il pense et calcule,

Hasarde et spécule,

Augmente et cumule Toujouis son avoir.

Aussi la fortune afflue et s'amasse ;

Aux vastes greniers , bien sur bien s’entasse ;

La maison s’accroit , envahit l'espace ;

El dans la maison.

L’épouse fidèle Travaille avec zèle ;

Et par la raison,

Guide la aniille ,

Instruit la fille ,

Gronde le garçon ;

Et, sans re âche ;

Poursuit sa tache ,

Et, par mille efforts ,

Grossit les trésors ;

De riches atours emplit ses cassettes ,

Recouvre de fil le bruyant fuseau ;

Et , dans son armoire aux cases proprettes ,

Joint la blanche laine au lin le plus beau ;

Unit l’abondance

139

Et les doux attraits ;

Et sa diligence

Ne faiblit jamais !

M. Güthlin n’était pas le seul poète de la Société dunker- quoise. M. Mordacq continue à célébrer les gloires du pays. Cette année, il s’adresse à la Tour de Dunkerque :

Ce roi des clochers d alentour !

M. Everhaert est poète aussi et de plus improvisateur. Parmi ses impromptus ^ citons le suivant remarquable par la difficulté des rimes qui ont été imposées à l’auteur. Il fut néanmoins composé en sept minutes et demie et au milieu d’un bal :

Que de la liberté , l’odieux renégat De ses lèvres jamais n’effleure le nougat ,

Que tout lui semble amer, même les confitures-,

Que ses pieds torturés d'horribles engelures Le livrent sans réserve au féroce bedoum ;

Quïl plonge vainement sous l'eau , comme un marsouin.

Que saisi néanmoius captif d'une mégère,

11 traine un char pesant dans une horrible ornière.

MM. Everhaert et Herbewyn ont apprécié, au point de vue musical , une opérette composée par un de leurs com¬ patriotes, M. Neerman fils, et représentée sur le théâtre de Dunkerque , le 14 janvier 1869.

M. Alard , autre poète , traducteur en vers du pèlerinage de Childe-Harold , a donné cette fois la traduction d’un travail économique de M. ^Yykettam-Martin : Essai sur la théorie du prix.

Le volume dont nous rendons compte contient encore quelques travaux de feu Victor Derode. C’est d’abord une conférence faite , le 22 février 1866 , sur la lillérature dra¬ matique contemporaine dont il déplore les tendances im¬ morales. Comme modèle il propose Scribe et Molière. Il compare ces deux auteurs et termine par ces mots : « Scribe est un homme d’esprit, Molière un écrivain de génie. »

Sous le titre de Bribes historiques nous trouvons aussi

140

des renseignements du même auteur sur quelques Fonc¬ tionnaires et agents publics à Dunkerque.

Derniers éclaircissements sur remplacement de Quentovic^ par M. Cousin. L’appréciation de ce travail par notre colla¬ borateur M. Desplanque prendra place dans un de nos plus prochains numéros.

Excursions et fouilles archéologiques faites en 1868 dans V arrondissement de Boulogne-sur-Mer , par M. Cousin. Il y a plusieurs années déjà que l’auteur a entrepris des fouilles sur les anciennes sépultures des environs de Calais et de Boulogne. Plusieurs de celles qu’il a exécutées dans le courant de l’année 1868 ont été couronnées de succès , ce qui devait être , car elles étaient conduites avec tout le soin désirable et l’emplacement en était choisi avec la plus grande sagacité.

Signalons d’abord la découverte de plusieurs haches en silex, probablement polies l’auteur ne le dit pas à Hervelinghem , Leulinghem et Sangatte.

Sur le Mont-de-Coupe à Audembert, à Bazinghem, à Escalles, des mottes ou tumulus d’une hauteur moyenne de 1 mètre et de 10 à 15 mètres de diamètre , lui ont fourni des squelettes couchés sur un lit de gravier ou recouverts de cailloux. Le plus remarquable, celui du Mont-de-Coupe, contenait un squelette de guerrier ayant à ses pieds une hache en silex et près de lui deux poinçons en os, un squelette de femme, ainsi que ceux de trois enfants et d’un petit chien. C’est évidemment une sépulture de famille re¬ montant à l’époque de la pierre polie ou au commencement de l’âge de bronze ; car , dans la motte de Bazinghem , les ossements étaient accompagnés de morceaux de poteries et de parcelles de cuivre rouge.

D’autres tumulus , de plus grandes dimensions , situés à Rety , à Saint-Tnglevertet à Marck paraissent être plus ré-

141

cents: ils ont fourni des restes d’armures. Le dernier, entre autres , selon M. Cousin est à une station de soldats bar¬ bares au service des Romains. (*)

Le long du chemin de grande communication de Wissant à Guines, on a trouvé deux petits tombeaux romains con¬ tenant des pots en terre remplis de cendres : ce qui les fait remonter à l’époque on pratiquait encore l’incinération.

L’auteur a visité , en outre , plusieurs cimetières méro¬ vingiens qui avaient déjà été exploités avant lui , fouillé le cimetière de Saint-Martin de Sclive à Sangatte , re¬ connu remplacement de l’ancienne église de ce nom dé¬ truite depuis plusieurs siècles , etc.

Le même village de Sangatte lui a donné occasion de faire une observation très-importante.

« La plage, bien que couverte par la mer à chaque marée, contient cependant quantités de murs de fondations, restes d’anciennes maisons d’où on a retiré des médailles gau¬ loises et romaines. Comment comprendre que ces maisons aient été construites et habitées dans un pareil endroit ? Doit-on appliquer ici la théorie de l’exhaussement ou de l’abaissement des côtes ? »

M. Cousin a parfaitement raison : Les preuves de l’abais. sement des côtes de notre littoral depuis l’époque romaine ne sont plus à donner. Le temple de Nehalennia situé à l’extrémité de nie de Walcheren fut recouvert et enseveli par les dunes à une époque indéterminée ; puis comme ces monticules de sable reculent constamment vers l’intérieur du continent, il fut découvert en 1647, mais celte fois entre la dune et le rivage. En 1 695 , il était à 900 mètres en pleine mer. Ainsi , pendant cette période , la mer gagnait environ 14 mètres non point comme dans bien d’autres cas par érosion de la côte, mais par simple submersion. Autre exemple : En 1520, par des marées très-basses, on découvrit

{}) Bulletin 1. 1. , p. 226.

142

vis-à-vis Katwyk , à l’embouchure du Vieux -Rhin , à un kilomètre en mer, des murailles de 8 pieds de hauteur, reste de Brittenboug(arx Britannica) fondée parles Piomains à l’embouchure du Rhin. En 1752, ces restes de murailles avaient été détruits par les vagues et les pilotis sur lesquels elles étaient fondées cessaient d’être visibles.

On pouvait par des considérations géologiques prouver que l’affaissement de toute la côte s’étendait à l’ouest jus¬ qu’au cap Blanc-Nez. Nous devons à M. Cousin de le dé¬ montrer à l’aide des- monuments historiques. C’est d’autant plus heureux que M.Belpaire supposait , par suite d’un rai¬ sonnement vicieux, que la mer ne gagnait sur le continent qu’à l’est de Nieuport, tandis qu’elle se retirait à l’ouest de cette ville, c’est-à-dire sur le littoral français.

Il y a encore bien des questions à résoudre au sujet de ce phénomène : Les terrains jurassiques et crétacés du Boulonnais, participent-ils au mouvement d’affaissement, ou ne forment-ils pas une sorte de charnière immobile? Des observations faites par M. Cousin à Wissant permettraient peut-être de résoudre la question , mais je ne les connais pas assez pour me former sur ce point une opinion.

L’affaissement se continue-t-il encore de nos jours ? question capitale pour nos voisins les Hollandais. C’est cer¬ tainement à cet abaissement séculaire et insensible du continent , qu’est dûe la situation de leur sol au-dessous du niveau de la mer. Si le mouvement se continue , fatalement, nécessairement, les digues seront vaincues et la Hollande presque toute entière passera sous les flots.

Le volume des mémoires de la Société dunkerquoise se termine par les observations météorologiques du docteur Zandyck pour 1867. Nous y constatons pour Dunkerque une quantité de pluie inférieure de près de moitié à celle qui est tombée à Lille dans la même période. J.Gosselet.

143

Travaux courants

Dans sa séance du 3 février dernier, la Société dunker- quoise a entendu le rapport de la Commission chargée d’examiner le manuscrit que M. Derode avait terminé peu de temps avant sa mort, pour une seconde édition de son histoire de Dunkerque: il y a eu unanimité, parmi les membres , pour déclarer qu’il est fort désirable que ce manuscrit de 1 ancien président de la Société Dunkerquoise soit imprimé ; car il contient beaucoup de détails intéres¬ sants qui manquent à la première édition laquelle est d’ailleurs épuisée,

M. Bonvarlet a lu ensuite un travail de M. Carlier, de Paris. Ce travail concerne l’honorable famille Thugghe de Dunkerque, famille alliée à celle de Jean-Bart.

Une seconde lecture a été faite par M. Epinay, vice- président de la Société ; elle a pour sujet ; La féodalité , dont l’origine , la cause et les principaux résultats sont successivement expliqués par l’auteur.

Enfin , M. le président a lu la première partie d’un mé¬ moire intitulé : L'abbaye de Steneland , étude sur le nom actuel du lieu elle était située et sur l’emplacement d’autres communes dans lesquelles elle avait des biens.

Une controverse s’étant élevée dans le monde érudit sur la situation de ces localités , M. Cousin a cherché à se former une opinion délinitive à cet égard ; il développe des considérations qui concourent à placer à Steenkerque près de Fumes ( Belgique ) , c’est-à-dire à quelques lieues de Dunkerque , l’abbaye de Saint-Sauveur de Steneland, que des savants mettaient en France dans l’arrondissement de Béthune et d’autres dans le voisinage d’Anvers.

Vu l’heure avancée, la lecture de la seconde partie du mémoire qui concerne la situation de trente-deux autres

144

localités est renvoyée à une prochaine séance mensuelle.

_ A. D.

SOCIÉTÉ d’émulation DE CAMBRAI Mémoires , t. xxx. (2.* partie) 1869.

Plusieurs des travaux renfermés dans ce volume sont déjà connus de nos lecteurs par l’analyse anticipée que nous en avons donnée {Bulletin, t. i , pages 92 , 111 , 262, 384.) Ainsi nous ne reviendrons ni sur les Souvenirs du Mexique, de M. Fégueux , ni sur l’étude de M. ^Yilbert ayant pour titre : Cambrai sous la domination espagnole , ni sur le rapport de M. Blin, relatif à V Etat actuel de V Agricul¬ ture en France , ni sur YExamen critique d'une page de Le Carpentier (Notice sur Elincourt) , par le même auteur , ni enfin sur les discours prononcés par le Président et le Secrétaire perpétuel de la Société d’Emulation à la séance publique du 18 août 1868.

Nous rendrons compte séparément de la Biographie du baron de Vuorden, par M. de Vendegies, œuvre considé¬ rable , dont nous avons été Pun des premiers à saluer l’ap¬ parition (Bulletin, t. i, p. 91.)

Enfin , notre incompétence en pareille matière, jointe à un sentiment d’extrême modestie de la part de notre colla¬ borateur M. Gosselet , nous oblige à ne rappeler que pour mémoire la deuxième partie de son étude sur la Constitution géologique de l’ancien Camhrèsis. La première partie traitait du canton de Solesmes : celle-ci a pour objet le canton du Gâteau.

Au moment l’attention des esprits est dirigée vers le Pôle-Nord , M. Ladureau , médecin en chef de l’hôpital militaire de Cambrai , a eu l’beureuse idée de retracer, sous une forme bumoristique , un voyage aux abords du Pôle- Sud qu’il a fait, il y a plus de 30 années, <r presque sans.

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autre but que d’émousser , au souffle des tempêtes , l’avi¬ dité dévorante de voir et de connaîlre qui fermente souvent dans un cœur de vingt ans. » Et plus loin il ajoute : « Si nous avions été sur VAstrolabe avec l’inforluné Dumont d’Urville , nous nous fussions approchés davantage du Pôle-Sud ; mais d’autres intérêts poussaient nos compa¬ gnons sur les rivages du Pacifique ; et quand un ouragan nous eut jetés brisés sur les côtes du Chili, des nouveautés plus attrayantes ne nous permirent pas de regretter le cap Horn. » L’esquisse de M. Ladureau se recommande par des observations neuves et des récits pleins d’intérêt.

La notice de M. Durieux sur le village de Quéant nous ramène dans l’ancien Gambrésis. Aidé de sa plume élé¬ gante et de son habile crayon , l’auteur nous dépeint les fonds baptismaux de cette paroisse (ils sont de la fin du xvi.« siècle) , ainsi qu’une belle pierre tumulaire , encastrée près du baptistère et qui porte la date de 1358. 11 fait suivre cette notice d’une seconde sur un autre village de fancien Gam¬ brésis (celui de Vaux, Pas-de-Galais) , l’on remarque la pierre tombale de Jean de Longueval, seigneur de Vaux, gouverneur d’Arras sous Charles-Quint, et de Jeanne de Rosimboz, sa femme.

Les travaux exécutés en 1868 au Moulin de Selles, pour permettre aux barques du commerce remontant l’Escaut d’aborder au pied même du moulin , ont fait retrouver dans le lit du fleuve une ancienne arme à feu que M. Cor¬ naille-Leroy , propriétaire de l’usine, a offerte à la Société d’Emulalion par l’intermediaire de son Président. A la suite d’un scrupuleux examen , M. Durieux s’est convaincu que cette arme est une pièce de rempart , qu’elle a appartenir à la défense du château de Selles au pied duquel elle a été recueillie et les meurtrières que l’on remarque dans les murailles en permettaient f emploi.

146 ~

Sous le litre : La disette à Cambrai en 1789 , M. Durieux a raconté les scènes de désordre qui eurent lieu dans sa ville natale, les 6 et 7 mai de cette année-là. Le lendemain même de la convocation des Etats-Généraux du Royaume , la populace de Cambrai se porta chez trois marchands de grains, réputés accapareurs ; elle commit dans leur domicile d’odieuses violences, ne respecta pas même la clôture des Dames hospitalières de Saint-Lazare et se rua sur l’abbaye de Prémy. Le Parlement de Flandre évoqua à lui sans délai cette affaire et il prononça de graves peines contre les hommes et les femmes qui s’y trouvaient impliqués. L’exé¬ cution de la sentence ne coupa point court aux difficultés auxquelles le Magistrat de Cambrai se trouvait en proie , difficultés encore accrues par la nécessité il était de référer de chacun de ses actes à l’Intendant et au Gouver¬ neur de la province de Rainant. L’initiative municipale se trouvait paralysée, en d’aussi critiques conjonctures, par les lenteurs et l’impéritie de l’autorité supérieure.

Nous n’en n’avons point fini avec l’énumération des travaux du docte secrétaire de la Société d’Emulation de Cambrai et il nous reste , avant de prendre congé de lui , à dire un mot du recueil des Inscriptions tumulaires anté¬ rieures à 1793 encore existantes dans V arrondissement.

Plusieurs de ces inscriptions avaient déjà été publiées par MM. Le Glay, Wilbert , Bruyelle, Delattre, etc.; il n’en est pas moins intéressant de les trouver toutes réunies dans le répertoire formé par M. Durieux en collaboration avec M Bruyelle. Elles sont accompagnées d’un très-grand nombre d’épitaphes inédites. Ces deux messieurs ont, les premiers , relevé celles qui se trouvent dans le caveau funé¬ raire, au-dessous de la sacristie de l’église Saint-Géry. Ils en ont aussi copié, à l’abbaye de Vaucelles, qui n’avaient point encore obtenu les honneurs de l’impression.

147

Dans les églises rurales de l’ancien Cambrésis, la moisson de MM Durieux et Bruyelle n’a pas été moins abondante. Sans parler d’une multitude de dalles tumulaires de curés, de censiers, de baillis ou de mayeurs , les deux auteurs du Recueil signalent à Abancourl la sépulture de Jean-Baptiste- Joseph de Francqueville, seigneur d’Abancourt, pair du Cambrésis, procureur syndic de la province, et de Marie- Catherine de Francqueville, son épouse; à Briàtre, la sépulture de Marie-Angélique Bernard de Rasoir, baronne douairière de Noyelles-sur-Selle , vicomtesse du pays de Langle , veuve de Jean-Louis de Carondelet, seigneur dudit Briâtre et d’Hayne-Saint-Pierre ; à Escaudœuvres , sur le seuil de la porte de l’église, l’inscription tumulaire d’Ambroise et de Dominique-François de Villavicencio , seigneurs du lieu ; à Vertain, au milieu du chœur, la sépulture de Philippe de Rubempré, gouverneur de la Flandre wallonne.

MM. Durieux et Bruyelle ne se bornent pas à transcrire les inscriptions qu’ils rencontrent : ils recueillent, en outre, avec soin , les renseignements qui se rattachent à chacune d’elles. Voici, par exemple, ce que la tradition locale leur a appris touchant la famille de Louis Voisin, de Bévillers, décédé en cette paroisse, le o juillet 1769, à l’âge de 97 ans , après avoir donné le jour à dix-sept enfants dont deux furent prêtres.

Les dix-sept enfants des époux Voisin, bien qu’élevés tous dans les mêmes principes d’une saine morale, n’eurent pas tous une vie également calme.

Jean , l’un d’eux , esprit aventureux, épris de l’attrait de l’inconnu, quitta la maison paternelle pour courir le monde. Après diverses vicissitudes et une fortune constam¬ ment contraire , il entra comme palfrenier au service d'un général des armées de Louis XV.

Voisin était intelligent : de palfrenier il devint cui¬ sinier habile et , par ses progrès dans la science des Vatel ,

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s’attira la bienveillance delà femme de son maître. Celui-ci ayant été tué dans une bataille, sa veuve , d’abord incon¬ solable , fit une trêve cependant à ses regrets pour retenir son serviteur qui , las d’appeler à son aide toutes les res¬ sources de l’art culinaire pour essayer de distraire sa maî¬ tresse et n’y pouvant réussir , parlait de la quitter.

Comment s’y prit-elle pour retenir le jeune homme? c’est ce que la tradition ne dit pas ; mais elle ajoute que peu de temps après , la veuve du général lit succéder à tous les droits de son premier mari son maître-queux , en lui don¬ nant son cœur, sa fortune et sa main.

Au sein du bonheur que lui procurait cette union ines¬ pérée, Jean se rappela bientôt sa famille. Il songea non sans quelques remords à son vieux père, à sa bonne mère à qui son départ avait coûté tant de larmes. L’un de ses frères , Joseph, s’était fait prêtre, il desservait la paroisse natale ; Jean le choisit comme intermédiaire pour renouer avec les siens des liens rompus depuis quinze ans.

Un certain jour le prêtre réunit dans un repas modeste , au presbytère, ses vieux parents et leurs enfants. Au moment ils allaient s’asseoir à la table commune , un riche équipage amena deux convives, un jeune seigneur et sa femme. Ils prirent place au milieu des bons paysans, les intriguant par des questions qui provoquaient chez tous le souvenir d’un enfant prodigue, fils ou frère , qu’on n’espé¬ rait plus revoir. A la tin, le jeune seigneur n’y tenant plus se jeta en pleurant dans les bras de la mère puis du père Voisin , placés à ses côtés. Il se fit alors reconnaître pour ce Jean qu’ils n’avaient pas cessé d’aimer, qu’ils aimaient plus encore peut-être à cause du tourment qu’il leur avait causé et qui lui accordèrent facilement le pardon qu’il sollicitait. Il présenta ensuite sa femme à sa nouvelle famille que désormais l’un et l’autre ne cessèrent plus de voir.

L*e Bulletin archéologique de Varrondissementde Cambrai pour les années 1868 et 1869 , dressé par les soins de M. Bruyelle, porte à la connaissance du public un certain nombre de faits dont nous citerons les plus intéressants.

En démolissant l’église de la Neuville-Saint-Remi , on a retrouvé, noyés dans le mortier des murailles, plusieurs cbapitaux romans, du genre de ceux qu’on appelle cliapi-

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laux Godronnés. A Beauvois , en creiisanl les fondalions de la nouvelle église, les ouvriers ont recueilli plusieurs coupes en grés, en forme de patères, et d’origine Gallo-Ro¬ maine. A Bélhencourt, on a découvert, sous les flancs delà colline s’élevait l’ancienne église, deux voies sou¬ terraines prenant naissance aux abords du clocher pour aboutir, sous les rues adjacentes , à deux puits voisins.

A. Desplaïnque.

RÉÜMOX GÉNÉRALE DES SOCIÉTÉS SAVANTES.

Le 20 avril 1870 , s est ouverte en Sorbonne la neuvième réunion annuelle des Sociétés savantes des départements. Les communications faites par des personnes domiciliées dans le ressort académique de Douai ont été , cette année, moins nombreuses que de coutume.

SECTION d’histoire ET DE PHILOLOGIE,

Président : M. Amédée Thierry, sénateur, membre de l’Institut.

Séance du 20 avril. M. Barbey, bibliothécaire-archi¬ viste de la Société archéologique et historique de Château- Thierry , a lu une Notice historique sur la maison natale de Jean de la Fontaine , à Château-Thierry.

Cette ville a la double et rare fortune de n’avoir aucun doute sur la maison qui a vu naître notre inimitable fabu¬ liste, et de pouvoir encore la montrer à ses admirateurs, telle à peu près qu’elle existait à l’époque il a vu le jour.

Elle se trouve au pied du vieux château qui couronne la ville de Château-Thierry, dans une rue tortueuse à laquelle a été donné le nom du poète , et qui conserve son ancienne apparence.

M. Barbey fait connaître toutes les particularités relatives à cette maison , que s’empressa de vendre le poète , qui se vantait démanger son fonds avec son revenu. Acquise tout

150

récemment, grâce au concours du Gouvernement, des ad¬ ministrations locales et des particuliers , la maison de La Fontaine recevra un musée local et une bibliothèque , qui témoigneront de l’admiration que ses compatriotes ont toujours montrée pour l’un des génies les plus originaux qui aient illustré la France,

SECTION d’archéologie.

Président: M. le marquis de La Grange, sénateur, de l’Institut.

Séance du avril. M. l’abbé Poquet , membre de la Société académique de Laon, lit une Notice archéologique sur la Ferté-Milon. La description des monuments de la patrie de Racine, que l’on doit à M. l’abbé Poquet, témoigne d’un excellent esprit de critique. Le savant ecclésiastique y propose une nouvelle explication d’un bas-relief qui décore l’entrée de la Ferté ou du château féodal de cette curieuse cité. C’est, suivant lui , le couronnement de la Vierge, et l’examen du dessin, mis sous les yeux de l’assemblée, lui a fait partager cette opinion. Le savant abbé a décrit et ex¬ pliqué avec autant de bonheur la verrière de l’église Notre- Dame de la Ferté-Milon , qu’on a souvent comparée à celle de Notre-Dame de Paris,

M. Textor de Ravisi , membre de la Société académique de Saint-Quentin , ancien commandant de Karikal, dans l’Inde fiançaise, donne lecture d’un travail sur l'Architec¬ ture dans Vlndoustan. Cette lecture est interrompue par l’arrivée de Son Exc. M. le ministre des beaux-arts chargé par intérim du portefeuille de l’instruction publique , qui prend place au fauteuil du président.

Avec une entraînante conviction , M. Textor de Ravisi a fait riiistoire abrégée , presque le panégyrique de l’archi¬ tecture de rindoustan.

Ce travail sera publié avec un atlas dans lequel seront

I5( --

reproduites de nombreuses photographies recueillies dans rinde. On pourra enfin connaître plus exactement que jamais ces temples gigantesques dont les plus remarquables édifices de l’Occident ne sont que de lointaines copies.

Après avoir entendu les conclusions de M. Textor de Ravisi, le ministre adresse aux délégués des sociétés sa¬ vantes une cordiale et chaleureuse allocution. Il les félicite des progrès qu’ils font faire à la science , et les remercie de leur zèle à poursuivre des études sérieuses et désintéressées, qui sont une partie importante de la gloire nationale.

Séance du 22 avril. M. Textor de Ravisi lit une Notice sur les dolmen dans Vînde. Les premiers monuments de l’Inde, dit l’ancien commandant de Karikal, furent des pierres brutes , comme les monuments dits druidiques. Encore maintenant, on élève de véritables dolmen dans l’Inde , avec des procédés qui expliqueraient comment nos ancêtres construisaient ceux qui nous étonnent aujourd’hui.

SECTION DES SCIENCES

Président : M. Leverrier, sénateur, membre de l’Institut. Séance du 21 avril. - M. H. Joos , lieutenant au 75.® de ligne, en résidence à Lille, présente une méthode d’expé¬ rimentation pour déterminer les lois générales de la résis¬ tance de l’air dans les cas de grandes vitesses.

SÉANCE SOLENNELLE DU 23 AVRIL Dans cette séance que présidait Son Exc. M. le ministre de l’Instruction publique, ont été proclamés :

Chevalier de la Légion d’Honneur : M. François Morand , membre non résidant du Comité des Travaux histori- ({ues , à Boulogne-sur-Mer ;

Ofliciers de l’Instruction publique : M. Ch. de Linas, mem¬ bre non résidant du même comité, à Arras, et M. Matton, archiviste du département de l’Aisne, correspondant du Ministère pour les travaux historiques , à Laon.

152

Officier d’Académie : M. Tabbé Pécheur, correspondant pour les travaux historiques , à Soissoiis ; lauréat de l’Académie des inscriptions et belles-lettres,

A. D.

COURS PUBLICS.

.t

Cours de Géologie professé à la Faculté des sciences de Lille,

par M. Gosseletl Suite ).

Age tertiaire Ère des Ongulés. Les terrains tertiaires sont aussi au nombre de trois : Eocène, Miocène^ Pliocène.

Ils sont formés de calcaire grossier comme la pierre à bâtir de Paris , de sable , d’argile , de gypse ou pierre à plâtre , de meulière ou silex propre à faire des meules de moulin , etc. Les volcans de l’Auvergne , de l’Eifel et des environs de Rome datent aussi de ces époques.

Les terrains tertiaires ne renferment plus ni Ammonites , ni Bélemnites . Les mollusques gastéropodes y présentent une supériorité d’organisation inconnue dans les âges précé¬ dents, et on y rencontre de grands foraminifères, les Num- mulites , qui , par leur abondance , ont mérité au terrain éocène le nom de terrain nummulitique.

Les Numraulites sont des corps discoides, lenticulaires, ressemblant assez, pour quelques grandes espèces, à des pièces de monnaies, ce qui leur a valu leur nom. Dans l’in¬ térieur on voit une chambre cloisonnée divisée en spirale. Quelque complexe que soit cette coquille, l’animal qui y logeait était d’une simplicité extrême.

Ce qui caractérise surtout les terrains tertiaires c’est le développement de la faune mammalogique et particu¬ lièrement de l’ordre des Ongulés. Tandis que de nos jours ces animaux ne sont plus représentés que par quelques espèces sans liaisons entr’elles , on constate pendant l’âge

im-^'

tertiaire l’existence d’espèces nombreuses formant entrë- nos types actuels des passages presque insensibles. Pendant la période éocène c’est la famille des Tapirs ou Pachyder¬ mes à 3 doigts qui domine; elle diminue ensuite et se trouve remplacée par la famille des Cochons ou Pachyder¬ mes à pied fourchu. Vers la fin de la période miocène , celle-ci est à son tour en décroissance et la famille des Ruminants devient prépondérante comme elle l’est encore de nos jours.

A la même époque on voit apparaître un ordre qui lui aussi est isolé dans la création actuelle, celui des Probosci- diens. Les Mastodontes et les Dinothérium se montrent pendant la période miocène tandis que les Eléphants datent seulement de la période pliocène.

La Flore tertiaire présente une série de modifications qui font passer de la flore crétacée caractérisée par les apétales fusqu’à la Flore actuelle. A l’époque miocène notre climat était encore suh-tropical comme le constate les Palmiers , les Camphriers , les Chênes verts que l’on trouve mélangés aux Erables , aux Platanes , aux Peupliers , dans les forêts de cette époque.

Au commencement de l’âge tertiaire notre région , à l’exception de l’x\rdenne, faisait partie du grand golfe anglo-parisien qui avait son embouchure vers le nord. Une crête saillante , dirigée suivant l’ancien rivage ju¬ rassique d’Hirson à Boulogne, séparait le fond du golfe de son entrée , aussi la composition minéralogique des roches et en partie la nature des fossiles sont différentes dans les Flandres et en Angleterre de ce qu’elles sont dans les environs de Paris et dans le sud du département de l’Aisne.

Vers la fin de la période éocène , le littoral tlamand fut momentanément abandonné par les eaux de la

154 ^

mer ; elles n’y revinrent que plus tard au commencement de la période miocène pour s’en éloigner de nouveau dès le milieu de cette période et y revenir encore déposer les sables pliocènes de Diest et d’Anvers qui terminent la série des dépôts géologiques.

Les sables d’Anvers renferment de nombreuses coquilles fossiles dont la moitié environ se retrouve dans les mers actuelles. Parmi celles-ci un grand nombre vit dans la mer de la Manche et la mer du Nord, d’autres sont propres aux mers chaudes et quelques-unes ne vivent plus que dans les mers arctiques; sur les côtes du Finmark, du Groenland , du Spitzberg. Pendant la période pliocène le nombre de ces espèces boréales augmente de plus en plus. On en a conclu que le froid gagnait notre hémisphère et qu’à une période le climat était sub-tropical allait en succéder une il deviendrait semblable à celui des contrées polaires.

Temps contemporains. On les divise en deux périodes : la période diluvienne et la période actuelle.

La période diluvienne correspond à cette durée de froid intense qui sévissait sinon sur toute la terre au moins sur notre atmosphère. Elle fut marquée par des ravinements considérables qui ont façonné la surface du sol en plaines, vallées et collines, parle développement de glaciers sur toutes les montagnes , par un débit des cours d’eau bien plus considérable que celui des fleuves actuels.

Dans nos contrées, la période diluvienne a eu pour effet de remplir les vallées d’un dépôt de cailloux roulés ou galets désigné sous le nom de diluvium et de déposer sur les pla¬ teaux une couche épaisse de limon.

Dans le diluvium comme dans le limon on trouve des restes de mammifères que l’on peut diviser en trois catégo¬ ries, les uns existent encore dans le pays : Blaireau, Loup, Renard, Sanglier, Cheval, Cerf, etc. , tandis que d’autres

155

sont anéantis : l’Eléphant mammouth , le Rhinocéros à narines cloisonnées, l’Ours des cavernes, le Lion des ca¬ vernes, la Hyène des cavernes, ou émigrés dans les contrées froides: le Renne , le Bœuf musqué , l’Antilope saïga, etc.

Les preuves abondent que l’homme a vécu avec des ani¬ maux perdus ou émigrés. Non-seulement on rencontre pêle- mêle avec leurs débris , des silex taillés, des os travaillés, des traces de foyers , tous indices certains de l’existence de l’homme, mais nos ancêtres de l’âge de pierre ont eu soin de nous laisser des témoignages écrits dont l’authenticité ne peut être révoquée en doute par les plus incrédules. Ils ont gravé ou sculpté les animaux qu’ils chassaient avec une pré¬ cision anatomique des plus remarquables; et , pour que l’af¬ firmation eut plus de valeur encore, ils l’ont inscrite sur les débris osseux de ces animaux. Ainsi M. Lartet a trouvé dans la Charente, un poignard en bois de Renne sur le manche duquel était sculpté un Renne , et un dessin de Mammouth gravé sur une plaque d’ivoire venant du Mammouth lui- même.

L’homme n’est-il même pas plus ancien? Des découvertes récentes dues à M. l’abbé Bourgeois , professeur à Pont- Leroy portent à croire qu’il existait déjà vers le milieu do l’époque miocène. _

BIBLIOGRAPHIE

LA HALLE ÉCHEMXALE DE LA VILLE DE LILLE (123o-1663)

par M. Cil. Houdoy (ij.

Cambrai, Douai, Valenciennes ont conservé leurs anciens hôtels de ville. On n’en peut dire autant de Lille les derniers vestiges de la Halle échevinale viennent de dispa- raitre et ce qui subsiste du palais de Rihoiir suffit à

(q l vol. in 8." de 1 14 pages, avec planches. Paris , Aubry ; Lille , Danel , 1870.

1S6

peine à indiquer remplacement, à rappeler le carac¬ tère de cette somptueuse demeure des ducs de Bourgogne, devenue plus lard le siège de la municipalité lilloise.

Jusqu’en 1664 , époque le Gouvernement espagnol, à bout de ressources pécuniaires, fit à la ville de Lille abandon du palais de Rihour , le Magistrat tint ses séances dans la Halle échevinale, dont l’origine première remonte au-delà de 1235. Notre concitoyen M. Houdoy a tenu à nous retracer les transformations successives de ce dernier édifice, si oublié avant même qu’il ne fût totalement détruit , et néanmoins si mémorable.

L’histoire des monuments d’une ville pourrail , nous dit-il , être l’histoire de ses institutions. Au moyen-âge surtout , la Maison-Commune c’est la cité tout entière. Quand, au xiv." siècle, les hasards de la guerre nous sépai’è- rent violemment du comté de Flandre pour nous réunir directement à la couronne de France, c’est dans notre vieille Halle échevinale que Philippe le Bel et ses successeurs, soit par eux-mêmes, soit par leurs délégués , jurèrent le maintien des privilèges de la ville, avant de recevoir le ser¬ ment du Magistral et du peuple. Sous la domination fran¬ çaise , comme plus tard sous celle des maisons de Bour¬ gogne et d’Autriche , c’est que le Magistrat lutta pendant des siècles , et souvent avec succès , pour la défense de ces privilèges, de ces franchises qui , au moyen-âge, étaient la forme, la substance même de la liberté, et qui firent si longtemps la fortune et la renommée des grandes communes flamandes. C’est dans cet antique éditice , forteresse du droit municipal, que se conservait le trésor des chartes, reconnaissances officielles des droits de la cité ; et chez nous, par une coïncidence singulière, la fortune de nos libertés municipales semble liée au sort du monument , dont tant de souvenirs nous ont engagé à écrire l’histoire.

M. Houdoy ne néglige aucun détail se rapportant à son sujet et il emprunte la plupart de ses indications à la belle série des Comptes de la ville de Lille dont , à la suite de sa Notice, il imprime d’abondants extraits.

En 1344, il voit apparaître, pour la première fois, la

^ 157

mention d’une dépense d’ornementation : on dore , cette

t

année-là , la lance et la fleur de lys qui surmontaient la Halle. Vers 1370, Pierre Demileville, horloger lillois, place au beffroi une horloge avec sonnerie. En 1397 , on reconstruit entièrement le bâtiment qui renfermait la grande salle des échevins , et l’on décore cette salle de peintures si remarquables que le Magistrat de Douai envoie des délégués à l’effQt de les examiner ; autres travaux de restauration en 1424. La Halle, à cette époque , n’est point seulement le théâtre des fêtes échevinales : les ducs de Bourgogne l’utilisent aussi pour leurs banquets et pour leurs danses auxquelles ils invitent les dames et demoi¬ selles de la ville.

En 1442 , pour compléter k Maison-Commune , le Magis¬ trat résolut la construction d un nouveau beffroi ou plutôt de deux beffrois Vun sur Vautre, comme dit le procès-verbal d’adjudication. En 1508 , 1509, on s’occupe des sculptures extérieures , des statues de saints et de princes , qui sont le principal ornement de la façade. En 1565, achat d’un carillon. En 1594, reconstruction complète de l’édifice, sous la direction de l’architecte Jean Fayet. La Halle éche- vinale prit alors un aspect tout nouveau. Ceux-là peuvent s’en faire une idée , à la vérité bien incomplète , qui , avant le percement tout récent de la rue de la Gare, ont remarqué la devanture des cafés faisant face au Théâtre. Pour mieux se rendre compte de la distribution et de la physionomie de l’édifice en 1594, ils n’ont qu’à jeter les yeux sur le plan et la magnifique gravure qui accompagnent le livre de M. Houdoy , livre à la valeur intrinsèque duquel s’ajoute le mérite d’une exécution typographique élégante et soignée. A. Despl.\inqüe. ,

158

LE BAIION DE VUORDEN.

Sa vie , ses écrits par M. le comte Ch. de Vendegies. *)

Nous possédons enfin dans son entier ce livre attendu avec une si vive impatience par les érudits de notre pro¬ vince. La meilleure manière de le louer est, suivant nous, de l’analyser avec soin. Dans le résumé que nous allons en faire, nous insisterons particulièrement sur les circonstances de la vie de Vuorden , sur les événements de son époque , qui ont eu pour théâtre l’extréme-Nord de la France, c’est-à- dire les vastes portions de la Flandre et du Hainaut que Louis NIV a réunies, dans ce temps-là même, à son royaume.

I.

Michel-Ange de Vuorden descendait d’une famille qui, après avoir occupé les plus hauts emplois dans le comté de Hollande, au xiii.® siècle, en fut violemment expulsée. Il naquit à Chièvres au mois de février 1629. Les jésuites de Courtrai , ses premiers maîtres , firent de lui un latiniste distingué et il contracta, de bonne heure, l’habitude de rimer facilement de médiocres vers français. Ces divers talents ne laissèrent pas d’aider, dès lors et par la suite , aux succès de sa carrière. En 1648, il passa de l’Université de Louvain à celle de Douai. En 1650, nous le trouvons à Lille , mêlé v au plus beau monde qui se pût voir dans une ville de province. » La comtesse de Rœux, épouse du Gou¬ verneur, y tenait une sorte de cour se distinguait, parmi beaucoup de cavaliers , Henri de Melun , marquis de Riche- bourg. Celui-ci emmena avec lui à Bruxelles, en 1651, M. de Vuorden qui se logea chez la duchesse d’Havré, amie

(1) Biographie et fragiiicnls inédils extraits des manuscrits du baron de Viiordcn , diplomate attaché à l’ambassade d'Espagne auprès de Louis XIV, plus tard grand-bailli des Etats de Lille, etc. Paris, Aubry; Cambrai, Simon, 1 vol. iu-8°de2b4 pages. 1870.

159

de sa mère, et qui ne larda pas à recevoir les confidences du marquis de Renty, fils aîné de celle princesse. M. de Renty brûlait d’une vive flamme pour la veuve du comie d’Hoogstraële, mais sa mère se montrait hostile à ce projet de mariage. Il résolut de se soustraire à la dépendance de la duchesse en se rendant à la cour de Madrid. Il s’occupa donc de réunir les fonds nécessaires pour les frais du voyage: accompagné du baron de Hérissem et de M. de Vuorden, il vint en Arlois recouvrer quelques arrérages;

Si grand prince qu’on fût, on ne se transportait pas alors, des terres d'Espagne sur celles de France, sans courir des . risques. Entre Eperlecques et Bourbourg, nos voyageurs furent sérieusement inquiétés pour une question de passe¬ port : on emmena même M. de Vuorden prisonnier à Gra¬ velines. Heureusement fi ncident n’eut pas de suites et bientôt les trois jeunes gens purent se diriger, de Saint-Omer, sur Paris qu’ils trouvèrent en proie à toutes les agitations de la Fronde. La protection de M.""® de Longueville, liée depuis longtemps avec la duchesse d’Havré, leur permit de traverser sûrement le pays des Landes et d’arriver à Bayonne sans accident. A Madrid , M. de Renty reçut du roi d’Espagne, qui avait beaucoup connu son père, l’accueil flatteur sur lequel il comptait. Les plaisirs de la cour lui eurent bientôt fait oublier M.“* d’Hoogstraëte et il s’éprit de passion pour M.“® de Carvajal , l’une des filles d’honneur de la reine. Ce ne fut pas trop de l’influence de M. de Vuorden pour le dé¬ tourner de cette union encore plus disproportionnée que la

[ première. Le jeune marquis finit par s’éloigner de Madrid , muni d’un brevet de colonel , et avec ordre d’aller lever un

I

régiment en Allemagne.

i Les trois compagnons quittèrent l’Espagne dans les pre¬ miers jours de Mars 1653. A Saint-Sébastien, ils furent fêtés par le célèbre amiral dunkerquois Mathieu Maës aui

~ 160

se disposait à venir en aide aux frondeurs assiégés dans Bordeaux. Eux-méraes, à travers bien des périls, gagnèrent cette dernière ville on les reçut comme des envoyés d’Espagne chargés de promettre de prompts et efficaces secours. La complaisance avec laquelle ils se prêtèrent à ce rôle d’emprunt, dans le but de ranimer le courage d’une population aux abois , faillit leur coûter cher : car , sans l’intervention d’un officier français que la famille d’Havré 'avait eu autrefois l’occasion d’obliger, ils fussent restés aux mains des chefs royalistes , à la merci des vengeances de Mazarin.

Ils vinrent ensuite à Paris d’où, sur l’avis charitable d’un banquier d’origine valenciennoise , ils gagnèrent Cambrai en toute hâte. Bien leur en prit : le cardinal qui , en souvenir de l’équipée de Bordeaux , leur réservait un logement dans la Bastille, venait de donner ordre de les arrêter.

Ici finit la première période des aventures de jeunesse de M. de Vuorden. En mai 16o3 , il entre , avec M. de Renty , au service militaire de l’Espagne, sous le commandement du comte de Fuensaldagne. Il est témoin des vives discus- sions qui s’engagent entre cet homme de guerre et le prince de Condé , discussions qui , en même temps qu’elles para¬ lysent l’action des armées du Roi catholique, favorisent les mouvements de Turenne. La versatilité du duc Charles de Lorraine ajoute encore aux embarras du parti espagnol. M. de Vuorden nous fournit un récit détaillé de l’arrestation

de ce prince. Il parle ensuite de l’investissement d’Arras *

par les troupes de Philippe IV (3 juillet 1634), et de l’habile diversion qu’opéra Turenne en marchant, avec 1300 hommes, sur Monchy-le-Preux. Puis il dépeint la levée du siège , ainsi que la retraite des assiégeants sur Cambrai et Douai,

161

Le régiment dontM. deHérissem était le chef, et M. de Vuorden servait en qualité de capitaine, reçut ordre de prendre ses quartiers d’hiver à Bavai. Cette ville, ruinée par les guerres , ne contenait plus que 25 maisons habi¬ tables et elle était, en outre, incommodée par le voisinage d’une forte garnison française établie au Quesnoy. Chargé d’aller exposer au comte de Fuensaldagne la triste situation des soldats de ce régiment qui , logés dans des caves et manquant trop souvent de nourriture, périssaient au nombre de 25 par jour, Vuorden s’exprima avec une rude franchise qui blessa d’abord la susceptibilité du gé¬ néral espagnol , mais qui finit par le subjuguer. Dès lors , notre jeune capitaine n’eut pas de plus chaud protecteur que M. de Fuensaldagne.

Quand , en 1656 , ce dernier fut nommé gouverneur général du Milanais, il attacha à sa maison M. de Vuorden, pour qui ce fut une occasion de se rendre en Italie par l’Allemagne. Vuorden nous a laissé, de ce voyage qu’il fit avec son nouveau maître, une peinture attrayante, animée. Il nous initie également aux difficultés sans nombre contre lesquelles Fuensaldagne eut à lutter dès qu’il fut à son poste. Cet homme d’un esprit supérieur ne se faisait pas illusion sur l’épuisement de l’Espagne et , quoique souvent victorieux sur les champs de bataille, il était un ardent promoteur des idées de paix avec la France. Aussi ne fut-on pas surpris de le voir envoyer comme ambassadeur extraor¬ dinaire auprès de la cour de Paris , en mars 1660 , à l’occa¬ sion du mariage de Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse. Vuorden le suivit dans, sa solennelle mission. Quelle bonne fortune pour notre intarissable chroniqueur ! Les rensei¬ gnements qu’il donne sur la première entrevue des royaux époux, sur la cérémonie nuptiale, sur les manifestations d’allégresse qui se produisirent en cette circonstance ,

(6-2

complètent, sur plus d’un point, les Mémoires du temps.

II.

Les divertissements de la cour ne faisaient pas perdre de vue à Fuensaldagne les négociations dont il était chargé , relatives , pour la plupart, à l’exécution du traité des Pyré¬ nées. Mais il se reposait volontiers sur Vuorden du soin de les poursuivre en détail. Vuorden y gagnait de s’insinuer dans la faveur des ministres de France. MM. de Lionne et Le Tellier l’écoutaient avec plaisir. Louvois lui tendait déjà une oreille bienveillante. L’affaire des abbés d’Artois fut l’une des premières qui s’arrangea , grâce à l’initiative de Vuorden. Les entreprises d’ofticiers inférieurs venaient trop souvent altérer les bons rapports entre les deux cou¬ ronnes. Un jour , c’est la garnison française de Saint-Ve¬ nant qui se permet d’effectuer des abattis d’arbres dans la forêt de Nieppe appartenant à l’Espagne. Le Gouverneur- général des Pays-Bas , marquis de Caracène , fait saisir les délinquants et les constitue prisonniers à Aire : sur quoi , l’autre partie use de représailles et ainsi se continue une petite guerre , au mépris de la paix générale récemment conclue. Une autre fois, par ordre du marquis de Caracène, le Gouverneur d’Armentières se jette sur le pays de l'Alleu, l’une des terres contestées entre la France et l’Espagne : il s’y empare de onze habitants comme otages du paiement d’une contribution qu’on lui refuse. A celte nouvelle, grande colère de Louvois : à rien ne tient qu’on ne précipite sur Armentières la soldatesque française qui désire vive¬ ment s’y livrer au pillage.

M. de Vuorden apaise encore ce conflit. Mais bientôt éclate une autre affaire pour laquelle ce n’est point trop , c’est à peine assez de l’intervention directe et active de son maître. Une question de préséance entre les ambassadeurs de France et d’Espagne à Londres menace de rallumer la

163

guerre entre les deux pays. Louis XIV , sans pitié pour sa jeune femme alors en état de grossesse avancée et dont les affections sont attirées en sens contraire, exige une prompte satisfaction de ce qu’il considère comme une insulte faite à son représentant. Sur cet orage diplomatique comme sur les derniers jours et la mort de Mazarin , le Journal de Vuor-'»'. den abonde en révélations curieuses et en informations puisées aux meilleures sources.

Malgré le crédit dont il jouit auprès des deux reines, M. de Fuensaldagne se voit contraint de s’éloigner de la France. Mais il y laisse, revêtu d’un caractère plus ou moins officiel, son fidèle agent Vuorden, qui se trouve à Paris juste à point pour assister à la naissance du grand dauphin.

Fuensaldagne , durant ce temps , a gagné Cambrai toute la noblesse des Pays-Bas accourt pour lui faire hon¬ neur. C’est en vain qu’il a écrit à Fernando Solis , gouverneur de la place, pour le prier de « supprimer toute pompe à son arrivée : /> il ne peut empêcher que « le peuple et la garnison n’emportent presque son carosse , en bénissant tout haut sa venue. » Cette éclatante manifes¬ tation , ajoute Vuorden , ne surprendra personne , lorsqu’on «

saura que « le comte de Fuensaldagne avoit été six ans gou¬ verneur de Cambrai, qu’il avoit su défendre contre le comte d’Harcourt en 1647, et ses bienfaits et son mérite lui avoient valu, de la part des habitants, le 'nom de père de leur ville. »

L’ex-ambassadeur d’Espagne en France arrivait à Cam¬ brai avec les pleins pouvoirs de Gouverneur-général des Pays-Bas, pouvoirs qu’il avait en grande partie exercés du temps de l’archiduc Léopold-Guillaume. Cette fois, il allait unir le titre aux fonctions. Mais il ne jouit pas longtemps de ces honneurs tardifs et mérités : la mort le surprit à Cam-

164

brai , le 21 novembre 1661 , au bout de quelques jours qu’il y avait passés en faisant le bien autour de lui.

Cet événement , auquel la cour de France affecta de se monirer très-sensible, dérangea tous les projets d’avenir de Vuorden. N’attendant que rien ou peu de chose du marquis de Caracène qui , par le fait du décès de Fuensaldagne, restait à la tête du gouvernement des Pays-Bas , fatigué de son séjour à la cour de France il n’avait acquis, nous dit- il , « que de la réputation et des dettes , » il résolut de s’en tenir à sa charge de grand-bailli des Etats du Tournaisis, charge dont son dernier maître l’avait obligeamment pourvu durant leur séjour en Italie. En fait, c’était rentrer dans la vie privée et, de là, à contracter mariage il n’y avait qu’un pas. Il fut d’abord question pour Vuorden d’une fille de chancelier de Gueldre, «qui lui plaisoit assez. » Mais M.™® de Vuorden mère n’aimant pas les femmes de pays étranger, son fils très-respectueux et soumis, quoique alors âgé de 33 ans , se tourna vers une de ses cousines, domi¬ ciliée à Saint-Omer, M.®**® Jacqueline-Thérèse Desmaizières de Sarteau , et il l’épousa, avec dispense de Rome, le dimanche-gras de l’année 1664.

Le 17 mai suivant, les deux époux achetèrent la sei¬ gneurie de Campagne et Blaringhem. Ils furent en prendre possession le 22 du même mois. Puis, après quelques visites de famille , ils se transportèrent dans une maison de cam¬ pagne que Vuorden avait à Ruines, en Tournaisis. Le 6 juin , ils reçurent à Tournai les congratulations de leurs amis. Le 26, ils partirent pour Chièvres vivaient retirées la mère et la sœur de Vuorden qui firent à sa « chère petite femme , » comme il l’appelle toujours dans ses Mémoires , l’accueil auquel elle avait droit. De Chièvres , les voyageurs revinrent à Tournai par Bruxelles le comte d’Egmont

tint à les faire assister au somptueux baptême de son fils.

(Sera continué.) A. Desplanque.

LES FOSSES DE NOS FORÊTS par l’abbé Cochet.

Un des derniers numéros de la Revue de Picardie (^) con¬ tient un article qu’il nous semble utile de signaler aux ar¬ chéologues. Depuis quelquesannées l’abbé Cochet a entrepris des fouilles dans des fosses profondes qu’il a observées dans la forêt d’Eu. Elles ont plus de 5 mètres de profondeur et 2 à 3 mètres de large ; elles ont être à pic et le sol est par¬ faitement nivelé tout autour. Selon le savant archéologue normand, ces fosses sont des trappes destinées à la chasse et à la destruction des bêtes fauves et il semble les faire remonter à l’homme primitif. Cependant les seuls débris qu’on y ait rencontrés sont du charbon , des pierres, des poteries gallo-romaines, rien en un mot qui puisse faire croire à une haute antiquité. On a trouvé de ces fosses dans les forêts du Berry et de la Lorraine. Rien ne prouve qu’il ne s’en rencontre pas dans celles de notre région , mais l’attention n’a peut-être pas été suffisamment appelée sur ce sujet. J. G.

CHRONIQUE

IVécrolog^ie. Le dernier numéro des Annales de la Société entomologique de France renferme une notice né¬ crologique sur un naturaliste qui par sa naissance se rat¬ tache à notre région.

M. Auguste-Simon Paris était à Mézières en septembre 1794; il était le frère d’un archéologue bien connu, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, M. Paulin Paris.

Sa modestie et la spécialité de ses goûts et de ses études, l’ont empêché d’acquérir une notoriété étendue, mais il (*)

(*) Tome XV , p. 333-336.

166

était très apprécié parmi les adeptes de la Lépidoptérologie, science qu’il cultiva avec passion; il y joignit plus tard l’étude des Coléoptères, et se fit dans ces deux branches des collections très-remarquables. Il publia dans les An¬ nales de la Société quelques notes entomologiques, mais se rendit surtout utile à ses collègues par une table générale des publications de la Société , éminent recueil, véritable œuvre de bénédictin , fait avec un soin infini.

D’un esprit vif et pénétrant, dit en terminant fauteur de la notice , M. Paris était en même temps d’une aménité et d’une égalité de caractère constantes ; il n’avait que des amis qui longtemps déploreront sa perte. A. de N.

llétéorologîe : AVRIL

1870

Température moyenne . 10.® 03

ï » des minima . S.*" 06

» » des maxima . 15.® 01

» extrême minima, le !.. . 0.” 00

> » maxima, le 21 . 26.® 50

Baromètre hauteur moyenne à 0.® - 764”'"681

» hauteur extrême minima , le 9 . . 751 “"'44 D ï maxima, le4... 773"'"‘50

Tension de la vapeur atmosphér . 6'?''"13

Humidité relative moyenne % . 67.0

Epaisseur de la couche de pluie . 8"'"'16

» de la couche d’eau évaporée. . 112r‘71

AVRIL année moy. 9.® 19

760r 333

6«.n. 3g

69.74 37r 70 90r 69

D’après ce qui précède nous voyons que la température

atmosphérique de ce mois fut de 0.« 84 plus élevée que celle

du mois correspondant d’une année moyenne , mais elle fat

inférieure à celle d’avril -1869 qui avait été de 11.° 79.

L’épaisseur de la couche d’eau évaporée atteignit 112.® 71,

tandis que fannée dernière elle n’avait été que de 94.° 95,

%

la fréquente sérénité du ciel, les vents violents du N. -E. qui soufflèrent pendant 7 jours, la sécheresse de l’air, la ra¬ reté de la pluie, contribuèrent à laproduction de ce résultat.

167

Année moyenne il tombe en avril 37"'‘”'70 de pluie, Tannée dernière il en était tombé , cette année la quantité

ne fut que de 8'”'"1G en 8 jours. Les 27, 28 et 29 la pluie fut accompagnée de grêle et de neige.

Cette faible quantité de pluie laissa les couches d’air en contact avec le sol dans un grand état de sécheresse. Année moyenne Thumidité de Tair en avril est de G9. 74 O/q, en avril 18G9 , elle avait été de 7o. 2 O/q, cette année elle ne fut que de G7 O/q.

La ten^sion de la vapeur d’eau atmosphérique qui est or¬ dinairement de G"™"'3o , n’a été cette année que de G"'"’13 elle avait été de 8'”"'0G en avril 18G9.

Une pareille sécheresse compromit beaucoup de récoltes et empêcha la production des rosées dont le nombre, malgré la sérénité des nuits, ne fut que de 13.

Les hautes régions de l’atmosphère furent aussi très- sèches ; ce qu’indiquèrent l’absence des nuages et l’augmen¬ tation de la pression sur la colonne barométrique qui eut une hauteur moyenne de 7G4““G81 à la température de 0." et à 22.™ 3 au dessus du niveau de la mer. V. Meurein.

Xniiiisiiiatique, Découverte de monnaies. Un vient d’exposer au Musée de Lille 22 pièces de monnaies d’ar¬ gent trouvées, au commencement d’Avril, dans les fouilles nécessitées par la construction de l’aqueduc de la rue de la Gare, sur l’emplacement de l’ancien estaminet du Comte d'Estaing. Ces monnaies, du xiii.^ et du xiv.® siècle, ont être enfouies pendant l’occupation française , c’est-à- dire sous le règne de Philippe le Bel , dont le monnayage a fourni la moitié du dépôt en six espèces variées.

Ces pièces sont par ordre d’ancienneté : un denier tour¬ nois de Philippe-Auguste , un autre de saint Louis avec caractères archaïques et un denier semi-muet de Vendôme. Les monnaies du xiv.® siècle sont : 2 deniers tournois , 1

168 ^

obole tournois, 1 denier bourgeois fort, 2 deniers bour¬ geois nouveau , 3 oboles bourgeois nouveau et 2 exem¬ plaires du double royal, de Philippe-le-Bel , avec 5 ester- lings de Louvain et d’Anvers frappés pour Jean II de Brabant. Il y a enfin deux monnaies qui donnent un certain relief la trouvaille ; Un Wallerand de Ligny, gros au cavalier frappé à Serain, et un autre, frappé à Vieuville, pour Jean de Namur, le fils ainô de Gui de Dampierre. Les réserves introduites dans le cahier des charges garantis¬ saient à la ville la possession des objets anciens prouvés dans le cours des travaux.

Médaille égyptienne. M. A. Durieux , secrétaire de la Société d’Emulation de Cambrai, a bien voulu , en réponse à la note insérée dans le dernier numéro du Bulletin , nous envoyer un dessin de la médaille portant au revers une légende grecque dont la lecture nous avait paru incorrecte. Cette communication nous permet de classer affirmative¬ ment la médaille trouvée au Cateau. Elle porte à l’avers la tête diadêmée d’Alexandre Bala i.", roi de Syrie (151 à 146 ans avant J.-C.) , et au revers cette légende : aaesan- APO'F BA2IAE02, autour d’un aigle à gauche. M. C. Rollin à qui nous avons à notre tour communiqué le dessin a re¬ connu que la pièce a été frappée à Tyr. E. Van Hende.

Arehéolo^ie. Sépultures anciennes. Le 17 mars der¬ nier on a découvert à Thim l’Evêque, en creusant les fon¬ dations d’une maison , un cercueil en pierre contenant un squelette assez bien conservé. Huit autres cadavres dépour¬ vus de cercueils reposaient à côté du premier. On a dispersé les ossements et on a brisé le cercueil pour employer la pierre aux fondations. J. G.

Le Gérant : E. Castiaux.

TYP. DE BLOCQIJEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2/ Année. N.° 6. Juin 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ d’émulation DE ROUBAIX Travaux courants.

« La formation à Roubaix d’une société qui a pour but d’y développer les progrès des Sciences , des Lettres et des Arts, d’y seconder le mouvement intellectuel , est presque un événement, tant les choses de Tesprit y paraissent peu compatibles avec celles de l’industrie locale. » C’est en ces termes que M. Leuridan , alors président de la Société nais¬ sante , ouvrait la séance publique du 17 décembre 1869. Sans se dissimuler les difficultés de l’entreprise, il en assi¬ gnait le but et en déterminait le caractère. « Ce but est étendu: les Lettres, l’Histoire, les Sciences, les Arts, l’Industrie même , que malgré ses exigences ou plutôt à cause d’elles , nous sommes loin de répudier , l’Hygiène , l’Économie sociale , tout enfin peut devenir notre lot. Pour nous , pas d’autre exclusion que ce qui serait la négation de l’honnête , de l’utile et du beau. »

De nombreuses adhésions n’ont pas tardé à répondre à l’appel des fondateurs. Aujourd’hui la Société comprend, outre une série de membres honoraires, de membres associés libres et de membres correspondants , 21 membres titu¬ laires dont nous allons donner la liste, après avoir fait connaître la composition du bureau pour 1870.

Bureau :

MM. Bonnier, juge de paix du canton ; Président.

Leuridan, archiviste- bibliothécaire de la ville;

Vice-Président.

Legrand , industriel ; Secrétaire.

Deleporte, membre du Comice agricole de Lille ;

Bibliothécaire-Archiviste.

170

Faidherbe ( Alexandre ) , instituteur communal ; Trésorier.

Membres titulaires :

MM. Motte-Motte (Pierre), Président du Tribunal de Commerce de Roubaix.

Toulemo>de-Nollet, membre du Conseil municipal et de la Chambre consultative des Arts et Manu¬ factures.

Dubar-Ferrier , industriel, membre du Conseil municipal.

Brüx-Lavaixxe , secrétaire de la Mairie, membre de la Commission historique du Nord.

Liagre (Edouard), docteur en médecine.

Vassart (l’abbé) , professeur de Sciences à l’Insti¬ tution de Notre-Dame-des-Victoires.

Grimoxprez (Eugène), industriel, membre de la Chambre syndicale.

Faidherbe (Aristide) , instituteur adjoint.

Scrépel-Chrétiex , industriel.

3I0TTE-B0SSUT, ^ industriel. Président de la Chambre syndicale.

1/

Erxoult-Delattre, industriel, membre de la Chambre syndicale.

Baucarxe-Leroux ; ^ Maire de Croix , Président du Comice agricole de Lille.

Eeckmax (Louis) , négociant , membre du Conseil municipal et de la Chambre consultative.

Bossut (Jean-Baptiste) , négociant.

Bossut (Henri), négociant, Juge au Tribunal de Commerce , membre de la Chambre syndicale.

Delattre ( Carlos ) , industriel , ancien élève de l’École polytechnique.

Laumoxier (Emmanuel) , employé de commerce.

Verxier-Blaxquart , directeur delà Caisse commer¬ ciale, Juge au Tribunal de Commerce.

Ferrier, industriel, membre de la Chambre syndicale.

Bulteau-Lexglet , industriel , Juge au Tribunal de Commerce, membre de la Chambre syndicale.

Les travaux courants de la Société d’Emulation de Roubaix ont été résumés par 31. L. Legrand, secrétaire, dans la même séance solennelle du 17 décembre.

171

Nous avons eu, a-t-il dit, dès cette année, des travaux de genres bien différents. La Poésie, l’Histoire, les Sciences, les Arts , la moralisation des classes ouvrières sont venus tour à tour intéresser nos séances. M. Alex. Faidherbe, dans une ode intitulée : A mon premier né, nous a dépeint tous les dangers que l’enfant rencontrera ; mais il a dit aussi les secours que Dieu lui a ménagés. A son entrée dans la vie , il trouve une mère

Qui , sous mille baisers , étouffe tous nos pleurs ,

Ecarte de nos mains les épines des fleurs,

La pierre du sentier de nos pieds encor frêles ;

il trouve l’Eglise, mère aussi, qui reçoit l’enfant au berceau, et le suit par tous les degrés de la vie jusqu’au seuil du tombeau. encore , par des promesses divines et de sublimes espérances, elle adoucit ses derniers instants. M. Pierre Motte nous a lu une Oo?e sur la mort du jeune chrétien qui peint bien le rôle consolateur de l’Eglise au lit de mort de ses enfants.

J’ai maintenant à vous entretenir , Messieurs , d’une œuvre poétique de plus longue haleine, l’histoire, sans rien perdre de sa vérité, s’est voilée sous une ingénieuse allé¬ gorie. Je veux parler des Quatre âges del'Escautde M. Brun- Lavainne. L’Escaut, fleuve bien ignoré jadis , et dont les bords n’étaient habités que par les sauvages Nerviens, l’Escaut vit se développer sur ses rives un des peuples les plus riches et les plus industrieux du monde entier. Le poëme de M. Brun-Lavainne contient, tracée à grands traits, l’histoire de cette Flandre dont nous pouvons être fiers d’être les fils. 11 se termine par le tableau de sa prospérité actuelle , due tout entière à l’Industrie. Quelques aperçus sur les faits les plus saillants de Thistoire générale com¬ plètent cette œuvre aussi bien pensée que bien écrite et qui fera honneur à nos mémoires.

Me voici amené tout naturellement sur le domaine de l’Histoire , mine toujours explorée et toujours inépuisable et qui fournit un large tribut aux travaux des sociétés litté¬ raires. VHistoire religieuse de la Flandî'e Wallojine ^ de M. Leuridan, contient le récit des travaux évangéliques des premiers apôtres de nos contrées. La barbarie de nos sauvages ancêtres, que le contact de la civilisation romaine n’avait pu adoucir, fut domptée et vaincue par la religion chrétienne. Le sang des martyrs féconda la bonne semence jetée par St. Fiat, St. Chrysole, St. Eleuthère, St. Vaast

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et d’autres saints non moins illustres. Les abbayes , qui s’élevèrent de toutes parts, continuèrent l’œuvre de ces premiers pasteurs et ont droit aussi à une grande part de notre reconnaissance. Je ne puis les citer : car la nomen¬ clature de ces écoles de science et de vertu sortirait des bornes imposées à ce travail. M. Leuridan s’est arrêté cette année au moment commence le grand mouvement des Croisades qui porte les peuples de l’Occident à la conquête et à la défense du tombeau du Christ. Dans ces nobles combats , la Flandre ne resta pas en arrière ; elle sut verser son sang et prodiguer ses trésors.

Dans la même séance, M. Bonnier a émis le projet de création d’une Galerie rouhaisienne à l’instar de celle organisée par la Société des sciences de Valenciennes.

Charles-Quint , à la requête de la princesse douairière d’Espinoy , fixant l’heure matinale des plaids à la Halle , pour que les justiciables fussent dans un état de sobriété dont les séances après diner n’offraient pas toujours le spec¬ tacle ; Philippe II octroyant « le scel armorié aux causes ï pour le bien et entretenement de la république dans la » ville et terre de Roubaix, grande, spacieuse et fort » peuplée » ; le comte de Flandre accordant aux habitants de Roubaix le privilège de « licitement drapper et faire » draps de toutes laines ; » ■— Jean, duc de Bourgogne, con¬ cédant la charte échevinale de Roubaix ; de nos jours , la bénédiction inaugurale des eaux distribuées à Roubaix ; la présentation des autorités à L.L. M.M. l’Empereur Napo¬ léon III et à l’Impératrice Eugénie , à l’Hôtel-de-Ville ; l’audience aux Tuileries par S. M. l’Empereur des délégués des Chambres consultatives de Roubaix et Tourcoing; tout récemment , l’inauguration du Tribunal de Com¬ merce et maints autres faits de la vie religieuse , civile , politique , commerciale et industrielle de Roubaix repré¬ sentés sur la toile, seraient utilement offerts à la curiosité publique et apprendraient aux hommes des générations nouvelles comment dans une commune se fonde la pros¬ périté particulière et générale et se conquièrent les titres d’honneur de la cité.

Les portraits des hommes célèbres ou utiles, des prêtres, des religieux, des baillis, des échevins, des maires, des magistrats et de tous les personnages qui trouvent une place

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distinguée dans l’iiistoire de Roubaix entreraient aussi naturellement dans la galerie.

Enfin un médailler et tous les objets qui se rattachent à riiistoire de la ville et de la fabrique de Roubaix forme¬ raient l’utile complément de la nouvelle institution.

M. l’abbé Vassart a ensuite exposé les progrès des doctrines et des méthodes chimiques; il a commencé par rendre un juste hommage aux découvertes des alchimistes, tout en dé¬ plorant qu’ils aient perdu tant de temps et d’intelligence à poursuivre de puériles rêveries. Puis il est arrivé à Lavoi¬ sier, le créateur et le législateur de la chimie moderne ; il a retracé ses longues luttes contre les plus grands chimistes de l’époque, Cavendish, Rerthollet, Scheele, Priestleye, qui soutenaient la théorie du phlogistique ; il a dit quelle fut sa part dans la création de la nomenclature chimique dont l’idée première revient à Guyton de Morveau. Puis il a montré la théorie atomistique venant se substituer sous nos yeux à la théorie dualistique de Lavoisier.

Les méthodes aussi se multiplient et se perfectionnent. La Balance, entre les mains de Lavoisier, créa l’analyse chi¬ mique; puis vint l’Eudiomètre et enfin le Spectroscope , cet instrument merveilleux qui nous a relevé la composition du soleil aussi bien que si un chimiste l’avait tenu dans son creuset.

Le résultat de ces théories et de ces méthodes, c’est la chimie industrielle avec toutes les merveilles que l’industrie étale autour de nous. M. l’abbé Vassart rappelle que chaque progrès dans l’ordre des sciences est aussi un pas fait vers une connaissance plus parfaite de l’Auteur de l’univers.

M. Faidherbe a terminé la séance par d’excellents conseils relatifs au patronage des écoles primaires :

Ah! s’est-il écrié, si vos instituteurs étaient moins ab¬ sorbés par l’enseignement, par la préparation des leçons et des devoirs, quel bien ne feraient-ils pas en consacrant.

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chaque semaine , quelques heures à visiter les parents de leurs élèves ! En voici une preuve palpable : 20 enfants , dont j’ai vu les parents ou auxquels J’ai écrit, n’avaient su, pendant le mois d’Octobre , que 95 leçons ; ils en ont su 136 dans la première moitié de Novembre. Il n’y en a que trois qui soient restés stationnaires. Je me suis également trouvé bien de procéder, en présence des parents, à un examen détaillé sur telle ou telle partie de l’enseignement. Ils sui¬ vaient, avec un intérêt qui m’a supris bien des fois, les réponses de leurs enfants. Quelques-uns y perdaient de dangereuses illusions, et tous s’éloignaient résolus à me seconder.

Doutez-vous , Messieurs , que cet examen ne fût encore plus profitable, s’il avait lieu en présence de quelques per¬ sonnes haut placées dans l’industrie , et dont les enfants croiraient pouvoir attendre au besoin un utile appui ?

Nous ne finirons pas cet article , sans souhaiter la bien¬ venue à la Société d’Emulation de Roubaix qui nous parait comprendre parfaitement son rôle et qui nous semble ap¬ pelée à occuper un rang très-honorable parmi les autres compagnies savantes du ressort académique.

J. G. et A. D.

SOCIÉTÉ d’émulation DE CAMBRAI.

Travaux courants.

M. Bruyelle, qui rédige annuellement depuis 1852 le précieux Bulletin archéologique de V arrondissement de Cambrai dont nous avons souvent parlé , a eu l’heureuse idée de l’étendre rétrospectivement jusqu’à 1800. Dans la séance du 10 novembre dernier, il a communiqué à ses collègues ce nouveau travail qui ne peut manquer d’être accueilli du public avec une légitime faveur.

Le 29 novembre , M. Fégueux a lu à la Société un mé¬ moire sur : La position sociale de la femme au Mexique. Dans ce récit semé d’anecdotes piquantes , l’auteur trace des habitudes d’une population au milieu de laquelle il a

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longtemps vécu, une peinture rarement à l’avantage du sens moral de ceux dont il s’occupe.

« Travaillant le moins possible et dévorée d’un désir insatiable de paraître , indienne , mexicaine ou de sang mêlé , mariée ou libre , la femmeau Mexique se livre trop facilement en général à des plaisirs défendus, que rechercbe et provoque une population masculine possédée des mêmes goûts , à quelque rang qu’appartiennent ceux qui la com¬ posent, et quel que soit leur état social.

Le 2 février, M. Fégueux a donné lecture d’un autre mémoire il traite des eaux de Baréges. « En s’appuyant sur des expériences journalières par lui faites durant trois mois de l’été de 1869, il a prouvé que ces eaux n'ont pas une température et une sulfuration constantes ; que les changements qui s’opèrent en elles ne tiennent pas à des causes extérieures : pression de l’atmosphère , quantité d’eau tombée , phénomènes météorologiques dus à l’élec¬ tricité , température ambiante. »

« Il a fait aussi deux analyses quantitatives, et pour Tune d’elles , celle de la piscine militaire , il a pu établir les preuves que l’aménagement actuel a des résultats favorables en ce sens qu’il a diminué , depuis 1862 , la quantité de composés oxigénés du soufre se formant au détriment du sulfure de sodium, principe actif des eaux de Baréges. » Dans la même séance , M. Durieux a lu un chapitre d’his¬ toire locale intitulé : Les Dinars de Monsieur VEvêque du Nord à Cambrai en 1791.

« En rapportant un fait anecdotique inédit , relatif à l’évêque Primat , l’auteur a eu pour but de mettre en relief le prix des denrées alimentaires en 1791 , époque ce prix était déjà relativement élevé, bien qu’il ait doublé au¬ jourd’hui. M. Durieux a en conséquence reproduit l’état officiel des frais payés par la municipalité pour le vivre

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du prélat constitutionnel et de sa suite , du 20 au 25 avril de cette même année. Il a accompagné ce document, trouvé par lui aux archives de la ville en 1866, de détails peu connus sur la vie de celui qui devint, en 1802, archevêque de Toulouse sa patience et sa charité triomphèrent de tous les obstacles. »

Le 16 février, M. Durieux a entretenu l’assistance d’un autre épisode des annales cambrésiennes à l’époque révo¬ lutionnaire.

« En juin 1791 , une religieuse de Sainte-Agnès étant morte, le bruit courut qu’elle avait été inhumée dans le ca¬ veau de sa communauté, au mépris des lois et arrêtés municipaux , et que son cercueil , transporte néanmoins au cimetière commun de la porte Notre-Dame , ne contenait que des pierres et de la terre. Ces troubles prirent fin après la satisfaction donnée forcément aux mutins par la muni¬ cipalité , qui fit exhumer le cadavre le soir même de l’enter¬ rement. »

Le 9 Mars, M. Durieux a communiqué à la Société une étude historique et artistique , accompagnée de dessins à l’aquarelle, ayant pour sujet « le faubourg Saint-Druon, sa chapelle, un reliquaire en argent du XVII.® siècle, qu’on y voit encore, et une décoration ou enseigne d’archers, éga¬ lement encore en la possession et à l’usage de la compagnie de l’arc de cette partie de la banlieue. »

Le 23 Mars, M. Ch. Aimé Lefebvre a lu un travail sur la Bourgeoisie cambrésicnne au XVI. ^ siècle.

« Les diverses façons de servir le progrès, entre autres en concourantà compléter riiistoire locale par la description de détails destinés , dans certaines parties , à corroborer l’ensemble des faits, fournissent à M. Lefebvre la matière d’un préambule développé qu’il fait suivre de la peinture minutieuse de l’intérieur d’une maison à Cambrai de 1521

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à 1526. Les documents qu’il met en œuvre, tirés des ar¬ chives communales, sont puisés dans ce que nous nomme¬ rions aujourd’hui un inventaire après décès. L’auteur passe en revue, en les décrivant le plus possible, les meubles, les armes, les bijoux, les vêtements , jusqu’aux ustensiles de ménage, (caudrelats ou cauderlats) et donne la distribution du logis habité par un riche bourgeois de notre ville, M.® Hustin (Hutin) , procureur et accidentellement ambassa¬ deur pour la cité. Cette monographie est accompagnée de curieuses indications sur les mœurs , les coutumes , les usages religieux , civils , mortuaires et autres , les façons d’être envers les domestiques (mesquines ou méquaines) etc. » On retrouve , dans toute cette nomenclature , des expressions encore employées aujourd’hui dans le patois Cambrésien. A. D.

SOCIÉTÉ IMPÉRIALE DES SCIENCES, DE L’aGRICULTüRE ET DES ARTS DE LILLE

Travaux courants.

Observations sur le tam-tam des Chinois par M. Bachy. Depuis Darcet on répétait dans tous les cours de chimie, que le métal avec lequel est fait le ou tam-tam des chinois présente des propriétés exceptionnelles sous le rapport de la trempe. Tandis que lacier trempé se brise au moindre choc, l’alliage de cuivre et d’étain qui sert à faire les tam-tam deviendrait beaucoup plus malléable après avoir été trempé. En janvier dernier, MM. Riche et Champion annoncèrent que cette opinion était erronée et que le bronze des tam-tam se martèle et même se lamine à chaud. M. Champion qui avait pu suivre les phases de la fabrication des tam-tam à Sang-haï, avait constaté que le travail ne consiste que dans un martelage à chaud suivi plus tard de la trempe. Ces

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auteurs sont parvenus par ce procédé à fabriquer des cym¬ bales en tout semblables aux tam-tam. Cette observation a appelé l’attention de M. Bachy sur le passage d’un livre publié en 1820 et intitulé : De la Chine ou desciHption géné¬ rale de cet empire. C’est une lettre écrite par un mission¬ naire, le P. Amiot, en 1784 et sont exposés, dans les plus grands détails, les procédés de fabrication du lô. On y voit que le martelage se fait alors que la pièce est chaude et même portée au rouge. D’après ce document l’alliage des tam-tam est de 10 livres de cuivre , 3 d’étain et 1 de bismuth.

M. Testelin a offert, pour le musée de la ville de Lille, le bassin d'une femme rachitique qui a subi deux fois avec succès l’opération césarienne. C’est un fait assez rare pour être signalé ; car le savant docteur estime que les chances de mort par suite de cette opération sont à peu-près de 98 O/q. Nous ne pouvons suivre l’auteur dans la dissertation médi¬ cale dont il a accompagné cette présentation.

M. Cb. Viollette a reconnu la présence du Sélénium dans du cuivre provenant de l’usine de Biache-Saint-Waast par Arras. Le minerai qui a servi à la fabrication est celui du Chili.

M. Dareste (*) est parvenu à produire à volonté l’in¬ version des viscères dans de jeunes poulets qu’il développe avec sa couveuse artificielle. On désigne sous le nom d’m- version du viscère une monstruosité assez rare qui consiste en ce que le cœur est à droite , le foie à gauche et tous les autres viscères disposés symétriquement du côté opposé ils le sont à l’état normal. Pour obtenir cette anomalie , M. Dareste maintient sa couveuse à une température uni¬ forme de 41 à 42.® Malheureusement les embryons de pou-

(1) Bulletin , t. i , p. 259.

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lets , en même temps qu’ils sont affectés de l’inversion des viscères, contractent une altération du sang, une sorte d’hy- dropisie qui les empêche d’arriver jusqu’à l’éclosion.

J. G.

BIBLIOGRAPHIE.

MÉMOIRE SUR LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE LOUIS XI ET SUR SES RAPPORTS AVEC l’iTALIE, par M. Abel Desjardms(q.

11 n’est pas un historien quelque peu jaloux de la vérité, qui n’éprouve un vif sentiment de satisfaction lorsqu’un antique préjugé vient à disparaître devant la pleine lumière de l’évidence : c’est le plaisir que nous avons ressenti à lire le Mémoire sur la Politique extérieure de Louis XI et sur ses Rapports avec ritalie, présenté à l’Institut par le savant professeur et doyen de la Faculté des Lettres de Douai , M. Abel Desjardins. S’il y a une opinion stéréotypée dans les livres, enracinée dans les esprits, que nous ayons émise plus ou moins à l’occasion, c’est celle qui attribue à Louis XI un désintéressement complet des affaires de l’Italie au XV.® siècle, une sorte de parti-pris de ne pas s’en occuper, un système d’abstention bien arrêté ; on s’appuie au besoin du mot brutal vulgairement prêté au roi de France à l’en¬ contre de la ville de Gênes qui aurait voulu se donner à lui et qu’il aurait refusée. Il faut résolument rayer cela de nos papiers et de notre enseignement ; la lecture du Mé¬ moire de M. Abel Desjardins nous en fait une obligation de conscience: car il est désormais établi que Louis XI, loin de rester étranger aux affaires italiennes, y a recberché une part d’influence proportionnée à l’importance même de la monarchie française en Europe à cette époque. (*)

(*) Paris, imprimerie impériale, 1868.

180

L’auteur a exploité habilement les Documents extraits des Archives de la Toscane et qui sont réunis dans le premier volume de l’ouvrage ayant pour titre : Négociations diplo¬ matiques de la France avec la Toscane. Cet ouvrage est compris dans la Collection des Documents inédits publiés par le Ministère de Tlnstruction publique. Des pièces très- curieuses consultées et citées par M. Abel Desjardins il ressort que Louis XI , avant même son avènement , puis au commencement de son règne , a pris un intérêt sérieux aux affaires de l’Italie. On oppose volontiers l’étourderie de Charles VIII se lançant dans l’aventure de la conquête de Naples, à la sagesse de Louis XI qui n’aurait jamais songé à soutenir les droits de la maison d’Anjou; la vérité est qu’il y songea de bonne heure et ses lettres en font foi. Il n’a pas toujours , comme on le croit , dédaigné la possession de Gênes: car, au contraire, il y a dans ses communications avec la Seigneurie florentine des traces positives de ses pré¬ tentions sur cette grande cité commerçante et maritime. Il soutient vigoureusement les Sforce à Milan ; il intervient entre Florence et le Pape ; il veut la réconciliation des puis¬ sances de la Péninsule pour combattre le Turc. Qui se serait douté que Louis XI ait projeté une Croisade? On lit cepen¬ dant en toutes lettres , dans sa correspondance diploma¬ tique , qu’il considérait la coalition de toute la chrétienté contre le Turc comme un objet de premier ordre. Sans doute la réflexion et les circonstances l’ont conduit à modifier ses idées ; mais il n’est plus possible , après le Mémoire de M. Abel Desjardins, de maintenir cette vieille assertion dont nous parlions plus haut, qui consiste à présenter Louis XI comme indifférent à la politique ita¬ lienne. Parmi les documents cités il en est qui jettent uu jour nouveau sur le caractère de ce prince, sur ses goûts, sur ses sentiments fraternels. Si l’Etude dont nous donnons

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ici la substance se rattachait plus directement à nos régions du Nord, nous nous ferions un devoir d’entrer dans quel¬ ques développements ; retenus parles nécessités du cadre de notre Bulletin , nous sommes forcés de nous borner à recommander le travail de M. Abel Desjardins aux ama¬ teurs de la science historique; ils y trouveront, avec le style élégant , discret , limpide auquel nous a accoutumés réminent doyen de la Faculté des Lettres , une critique toujours fine, des aperçus toujours ingénieux, une érudition toujours exacte , et ce ton de sincérité scientifique qui part naturellement d’un esprit bien doué sous ce rapport.

F. Chon .

RAPPORT SUR LA SITUATION DE l’iNDUSTRIE MINÉRALE DANS LE DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS, par M. Coince , ingénieur des mines.

Ce rapport, tiré des procès-verbaux du Conseil général du Pas-de-Calais, est essentiellement administratif et indus¬ triel. Nous pouvons cependant en extraire plusieurs rensei¬ gnements scientifiques importants. Sous le rapport de la statistique , nous trouvons que le département du Pas-de- Calais renferme 20 concessions houillères , 33 fosses en ac¬ tivité et 3 en creusement. En 1868, il a produit 19,488,367 hectolitres de houille : ce qui fait une augmentation de 1,316,303 hectolitres sur 1867. En 1867 , les houillères ont occupé 11,376 ouvriers gagnant , en moyenne, 3 fr. 06 par jour.

Au point de vue scientifique , signalons que la fosse n.° 3 de Bruay a atteint le terrain houiller à une profondeur de 124 m. 30 c. , la fosse n.“ 3 de Maries, à la profondeur de 133 m. On a repris des travaux de recherches commencés jadis sur le territoire de Courcelles-lez-Lens à la limite des départements du Nord et du Pas-de-Calais. On a traversé ,

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sous les terrains morts , à 138 mètres de profondeur, 21 mètres de schistes calcarifères , sans atteindre la houille.

Le minerai de fer du Boulonnais a occupé, en 1867, pour son extraction et son lavage, 7 à 800 ouvriers. La production a été de 131,293 tonnes avec une diminution de 16,033 tonnes sur 1866.

La présence du minerai de fer dans le Boulonnais y a développé l’industrie métallurgique. Les deux hauts-four¬ neaux d’Outreau ont produit, en 1868, 314,726 quintaux de fonte d’affinage, et les trois hauts-fourneaux de Marquise 172,703 quintaux.

L’usine métallurgique de Biache-Saint-Vaast a produit, en 1868, 4,219 quintaux de cuivre laminé , 1,933 quintaux de cuivres en tubes sans soudure , 24,321 quintaux de bronze monétaire, 1,710 de plomb pauvre, 239 kilogr. d’argent et 9 kilogr. d’or.

Le cuivre provient de minerais naturels du Chili et de cuivres noirs ou cuivres impurs ayant subi un premier traitement métallurgique. Parmi les nombreux produits sortant de cette usine , on peut citer des flans de bronze prêts à être frappés et destinés à la refonte générale des monnaies de billons espagnols et des ailettes en zinc pour les projectiles des canons rayés. J. Gosselet.

BAVAI ET LA COXTRÉE QUI l’EISVIROXNE , HISTOIRE POPULAIRE ,

par L. Delliaye. (0

Cette Histoire de Bavai est une œuvre volumineuse l’intérêt , il faut le dire, ne se soutient pas également dans toutes lesparties. Sous le prétexte , louable après tout , d’in¬ struire ses concitoyens sur les vicissitudes de la contrée qui environne Bavai , l’auteur donne un résumé complet, mais

(9 Douai , Dechristé , in -8." de 500 p.

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peu utile ici , des annales du Hainaut durant les diverses dominations que cette province a traversées. Je passe rapi¬ dement sur les nombreuses pages de ce résumé, fort bien élaboré d'ailleui's et dont je n’accuse que l’inopportunité, pour signaler dans l'bistoire locale seize ou dix-buit para¬ graphes groupés sous ces titres: Bavai ancien. Bavai moyen- âge et moderne, Bavai contemporain , chapitres intéressants, pleins de patientes recherches , de documents et de détails curieux , exhumés et réunis avec un zèle filial que rien n’a rebuté et qu’on ne saurait trop louer.

On trouve dans cette partie , outre des notions déve¬ loppées sur la topographie , sur les coutumes , les mœurs et les usages , sur la biographie , une foule de renseignements neufs et puisés aux sources authentiques , une loi de la Franche-rue de Bavai , des comptes de la Prévôté , des aperçus sur les institutions civiles et religieuses et enfin des notices sur les communes du canton de Bavai.

Tout cela est modestement donné par l’auteur à titre d’essai ; mais cet essai a le mérite de réunir d’excellentes qualités que la Société impériale des sciences de Lille a distinguées en décernant à l’auteur une médaille d’argent en décembre dernier , heureuse de récompenser ainsi les efforts d’un homme de goût qui honore ses loisirs en les consa¬ crant au culte des choses de l’esprit. Th. Leurid.vn.

LE BARON DE VUORDEN,

Sa vie , ses écrits , par M. le comte Ch. de Veudegies. J)

m.

Vuorden semblait presque entièrement ^erdu pour la vie publique, lorsque les événements se cliargèrent de le

(1) Voir 6u/ie/jn, t. Il , p. 158-164.

184

remettre en évidence. Le 27 avril 1667, parvint dans les Pays-Bas la nouvelle certaine d’une rupture entre la France et l’Espagne. « La cour (de Bruxelles) fut fort troublée , quoique le gouverneur (Castel-Rodrigo) témoignât grande confiance et fit bonne mine à mauvais jeu... Tout le mois de mai se passa en apprêts très-lents , les fonds manquant tant pour payer les vieilles troupes que pour en lever de nouvelles... On résolut quantité de choses , entr’autres de faire sauter Charleroy , La Bassée et Armentières : ce qui s’exécuta du 20 au 25 mai. Sur la fin du mois, le roi de France parut sur la frontière, se dirigeant vers Avesnes avec 40,000 hommes ; il fit prendre possession de Charleroy le 5 juin et s’y rendit le 8. Pendant sa marche, le maréchal d’Aumont fut chargé d’attaquer Bergues-Saint-Winoc qu’il prit en deux jours et Fumes peu après. Le 19 , le ma¬ réchal se rapprocha d’Ypres le comte de Solre et moi étions pour renouveler la loi ; nous crûmes être pris , mais il ( le maréchal ) passa à Armentières qu’il fortifia. » Vuorden n’échappa à cette alerte que pour en éprouver bientôt une autre plus vive. Le 20 mai , Louis XIV investit Tournai ; le 24 , il réduisit la ville à capitulation ; il y entra le lendemain , et y revint le 26 juillet avec la reine Marie- Thérèse, au nom de qui se faisait cette guerre. « Le soir même, dit le bon Vuorden, j’eus l’honneur de voir la Reine dans sa chambre ; elle me reconnut et me promit sa protection. Le lendemain, je haranguai le Roi et la Reine au nom des Etats. » Jusque-là tout allait bien pour la for¬ tune de notre ami comme pour le succès des armes de Louis XIV qui, en août, couronnait ses conquêtes par la prise de l’importante place de Lille. Mais voilà qu’en septembre , arrive à Tournai,. en qualité de lieutenant-général , le comte de Duras , dont l’un des premiers soins fut de mettre la main sur M. de Vuorden. Il l’envoya quérir par le major

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de Saint-Aubin et , en présence de deux autres officiers , il lui dit qu'il avait un « compliment fâcheux » à lui faire de la part du Roi , « qui étoit que je sortisse de la ville je devenois suspect pour des raisons qu’il ne savoit pas. »

A quoi donc servait à M. de Vuorden de s'être , ainsi qu’il le déclare, tenu, autant que possible , depuis la nou¬ velle guerre, à l’écart des seigneurs influents du pays, bornant ses soins à cultiver sa campagne de Rumes, à acheter des livres, à attirer d’obscurs amis dans sa maison de ville dont « sa jolie petite femme » faisait si bien les 'honneurs , à quoi lui servait-il même de s’être mis en frais d’éloquence auprès du monarque conquérant et de sa pacifique compagne , puisqu’on fin de compte, en dépit de si sages précautions et de démarches si habilement calculées, il se voyait classé par S. M. T. G. au premier rang des sus¬ pects? Les instructions du Roi à M. de Duras étaient for¬ melles en ce qui concernait Vuorden : « quoique la Reine ^ y lisait-on , vous ait recommandé ce gentilhomme ^ si est-ce que vous ne laisserez de luy commander qu’il sorte inces¬ samment de Tournay. »

Dans le premier moment , l’inculpé crut qu’on l’avait noirci auprès du Roi par d’atroces calomnies: il insista pour qu’on lui fit régulièrement son procès. Les officiers devant qui il comparaissait n’avaient point de pouvoirs pour instruire sa cause : ils consentirent néanmoins , sur ses vives instances , à visiter ses papiers ils ne trouvè¬ rent rien de compromettant et qu’ils détinrent provisoire¬ ment. Après s’être concerté avec >1. de Duras sur le lieu de sa retraite , Vuorden s’en alla passer quelques temps à Rumes. Avant son départ il écrivit force lettres à tout ce qu’il avait connu dans le monde de la cour, à M. Le Tellier, à M. le marquis de Louvois, à M. Courtin, à M. de Turenne, à la senora Molina, à M. le marquis de Dangeau , etc. »

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L’intrépide solliciteur était loin de se douter que les prin¬ cipaux de ces gens-là travaillaient, dans ce moment même, en sa faveur. Turenne, plus tard, enfitTaveu. Ils voulaient, par un coup d’éclat , détacher irrévocablement de l’Espagne un agent qui avait rendu à cette puissance des services dont elle l’avait mal récompensé. Une telle explication était trop du goût de Vuorden pour qu’il ne l’accueillît avec autant d’empressement que de satisfaction.

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’à partir de ce jour nous voyons les grâces et les faveurs pleuvoir sur lui. Non-seule¬ ment Louvois lui écrit pour l’autoriser à rentrer dans Tournai ; mais une des deux places de chevalier d’honneur qu’on vient de créer au parlement de cette ville lui est attribuée; bientôt et par la volonté du Roi, il entrera, comme Grand-Bailli , aux Etats de Lille. Remarquons qu’aucun de ces emplois ne l’enlève à sa province, que tous, au contraire , concourent à l’v retenir : c’est évidemment sur ce théâtre-là que Louis XIV et son ministre, qui se con¬ naissent en hommes et qui ont besoin de gens sûrs dans les pays de conquête , tiennent à utiliser son zèle et ses aptitudes.

Les Etats du Tournaisis , sachant qu’ils ne peuvent dé¬ puter en cour de sujet plus agréable , l’y envoient avec leur conseiller pensionnaire , « pour y faire quantité de remon¬ trances. * Les députés de la ville , MM. du Quesnoy et de La Hamaïde , se joignent à ceux du plat pays. Le Roi les reçoit à Saint-Germain le 18 août 1668. Il leur promet de prendre en sérieuse considération leurs doléances et de leur « faire goûter la différence de la domination de France à celle d’Espagne , » intention qui entrait effectivement dans le programme politique de Louis XIV et à laquelle il n’a pas dépendu de lui qu’il ne restât toujours fidèle.

M. de Louvois, qui avait servi d’introducteur en cour

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aux députés de Tournai et de Tournaisis , leur annonça qu’il serait, le 30, dans leur ville il leur rendrait leurs cahiers favorablement apostillés.

Il ne restait plus aux députés qu’cù aller saluer, selon l’usage , les autres ministres et les princes. Peu avares de leurs pas , ils vont donc porter leurs hommages au grand Dauphin , au duc d’Anjou et à la petite Madame : ils visi¬ tent ensuite le duc d’Orléans , Le Tellier , Colbert , Lionne et le maréchal de Turenne.

C’est dans ce même voyage que Vuorden obtient l’une des quatre charges de Grand-Bailli des Etats de Lille , celle à la nomination du prince d’Epinoy et dont Louis XIV dispose comme s’il lui eût appartenu de la conférer. La senora 3Iolina , camériste de la Reine , fournit à Vuorden l’occasion de remercier directement le Roi de cette nouvelle faveur ; elle fait plus : elle l’introduit, contre toutes les règles de l’étiquette , dans l’appartement de Marie-Thérèse qui rele¬ vait alors de couches. La reine le reçoit étant encore au lit ; elle le présente au dauphin qui déclare reconnaître l’ora¬ teur par qui il a été autrefois harangué à Tournai. Convenez, d’après ce récit qui gonfle d’un naïf et touchant orgueil celui qui en est à la fois l’auteur et le héros , que Marie- Thérèse faisait dignement les affaires de sa seconde patrie et qu’elle s’entendait à enchaîner par le cœur au service de la France ceux que la fortune des armes et l’intérét poli¬ tique détachaient de l’Espagne.

IV.

Le nouveau Grand-Bailli des Etats de Lille ne tarda pas à prendre une position importants au sein de cette assemblée. « Le corps des baillis avoit mérité un blâme sévère pour la manière dont la justice avoit été administrée pendant la

188

domination d’Espagne, principalement dans le paiement des rentes le puissant et le recommandé , sans parler des corrupteurs, avoienl été payés exactement , tandis que l’indigent, la veuve et l’orphelin se trouvoient n’avoir rien reçu depuis six , dix et jusqu’à quatorze ans. J’en lis des plaintes secrètes , mais fortes , à l’intendant de la pro¬ vince, M. Le Pelletier, homme sage et ferme , qui obtint un arrêt pour mettre tous tes rentiers sur un pied d’éga¬ lité. Il y eut beaucoup de bénédictions pour le Roi de la part des misérables qui reçurent ainsi de gros arrérages et purent se tirer des embarras ces injustices les avoient plongés. L’arrêt fut exécuté à la rigueur. »

Afin d’obtenir le redressement de divers autres griefs, le maréchal d’Humières, gouverneur de la province, et M. Le Pelletier jugèrent opportun d’envoyer Vuorden une seconde fois en députation à la cour. Ils l’insinuèrent à Messieurs des Etats de Lille : « mais ceux qui craignoient que je n’ac¬ quisse plus d’autorité firent ce qu’ils purent pour s’opposer à ce dessein. » Le projet n’en aboutit pas moins , et Vuorden ne doute pas que le séjour qu’il fit, en conséquence, à Paris, du 6 Février au 24 avril 1669, n’ait été « très-utile. »

Nous serons assez de son avis si nous tenons compte des résultats de sa mission : « J’obtins, nous dit-il, l’expédition des cahiers généraux et particuliers des Etats de la pro¬ vince et de la châtellenie de Lille ; l’homologation et la capitulation de la ville et des quatre baillis, celle de la ville et Etats de Tournai ; la réunion à la châtellenie de Lille des cinq villages : Avelin, Provin , Bauvin, Ennevelin et Mons- en-Pévèle qui en avoient été détachés lors du Traité des Pyrénées. Ceci , ajoute-t-il , fut fait par M. de Louvois à ma seule considération , pour me donner lieu de faire bien et plaisir dans le corps je suis entré avec ce seul but. » Vuorden profita de sa présentation au Roi pour faire

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ressortir les inconvénients du bureau des traites, « source d’entraves pour le négoce , de vexations pour le bourgeois et d’incommodité pour les gens de la campagne. » Le Roi répondit que le bureau des traites de Lille serait aboli dès que les Espagnols supprimeraient les leurs, ne voulant pas que « ses nouveaux sujets eussent rien à envier à ceux d’Espagne. »

Le maréchal d’Humières était, à cette époque , très-bien avec M. de Turenne avec qui il se brouilla en 1672. Vuorden, à la faveur de laccbrd alors régnant entre les deux hommes de guerre , s’introduisit plus avant que jamais dans la con¬ fiance du plus illustre d’entre eux. Laissons au député des Etats de Lille et de Tournai le soin de nous dire comment Turenne l’accueillait quotidiennement: * Il quittoit tout le monde dès que j’arrivois, faisoit mettre sa petite table entre nous deux et me demandoit des détails très-complets sur les choses les plus importantes, même sur le bureau des traites et les nouvelles charges subies par les marchandises. MM. Gautier et Boussemaer , députés du Magistrat de Lille , me tenoient au courant de tout et je pus ainsi rendre de très- bons offices à tout notre pays. »

De retour dans la région du Nord, Vuorden fut choisi par Louvois pour régler, de concert avec un commissaire d’Es- qiagne , des difficultés au sujet de la redoute de Warneton. Le 22 mai 167o, Louis XIV, étant de passage à Lille, lui adresse de publiques félicitations pour la manière dont il s’acquitte en tout de son service. MM. de Duras et Vauban l’assurent, au sortir de celte réception, qu’«il n’y avoit pas de gentilhomme en France que le Roi eût traité plus favorablement. »

Au mois d’octobre suivant, les vicissitudes de la guerre ramènent l’ennemi au plein cœur de la châtellenie de Lille. L’armée d’occupation forme , des quartiers de Weppe et

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Ferrain , d’une part , Pévèle-Mélantois et Carembault , d’autre part, deux départements auxquels elle prépose des intendants, les sieurs d’Ophem et Delvaux , qui réclament du pays une énorme contribution de guerre. Les Grands Bail- lis , après avoir inutilement essayé d’adoucir d’aussi rudes exigences, « laissèrent chaque communauté traiter pour son propre compte, jugeant que les paysans trouveroient plus facilement 500,000 florins pour les Espagnols qui lesdeman- doient la torche à la main , que pour eux-mêmes en usant d’une sévérité qui les rendroit odieux dans le pays. »

(Sera continué) A. Desplanque.

HISTOIRE DES ÉTATS DE LILLE ( Suite ) par M. de Melun (')

Nous sommes arrivé à l’époque de Charles-Quint, époque justement célèbre comme on le sait et de laquelle date peut- être le premier mouvement qui devait aboutir à 1789. Les Etats suivaient toujours les traditions du passé.

Mais avec l’austère Philippe II, l’ennemi acharné des doc¬ trines religieuses qui se développèrent sous son règne, quel¬ ques éléments inconnus jusque-là étaient venus s’ajouter, pour le vote des subsides extraordinaires, aux députés que nous connaissons. C’est ainsi que, pour des levées d’argent qui furent exigées plus d’une fois par le Lieutenant du roi d’Es¬ pagne , on assemblait à la Halle , outre les membres ordi¬ naires, « les prélats, les gens d’églises, les représentants des nobles de la province et même plusieurs manants de la ville. »

Il conviendrait de s’arrêter un instant sur le règne mou¬ vementé de Philippe II , pour voir fonctionner les Etats

(1) Voir Bullelin, t. II, p. 119-124.

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dont le rôle était devenu beaucoup plus actif, par suite des agitations du pays , contre-coup du soulèvement de toute la partie occidentale des Pays-Bas , par suite surtout des impôts nouvellement établis qu’il fallait percevoir sur des populations mécontentes des charges qu’elles supportaient déjà. Malheureusement le temps nous fait défaut et nous ne pouvons plus que traverser rapidement l’espace qui sépare la domination espagnole de la disparition des Etats de Lille, en nous arrêtant toutefois sur quelques points saillants du gouvernement de Louis XIV et de ses successeurs.

Et d’abord rappelons que les Etats étaient composés du magistrat de Lille, des quatre seigneurs hauts justiciers, qui avaient maintenant la préséance, et des députés des magistrats de Douai et d’Orcbies.

Les membres des Etats se réunissaient chaque année, et le jour de louverture des séances, l’Intendant adressait une harangue à l’assemblée.

« Ces discours, dit M. de Melun (*), par leur solennité et aussi par l’exposé qu’ils présentaient de tous les actes inté¬ rieurs et extérieurs du gouvernement, ressemblaient assez à ce que nous appelons de nos jours un discours du trône, et se terminaient toujours par une demande de subsides. Les éloges et les promesses étaient prodigués suivant les besoins à ceux qui devaient se montrer généreux envers la cou¬ ronne.

a II était rare que les impôts réclamés par le gouverne¬ ment fussent entièrement accordés. Les Etats faisaient subir une diminution à des demandes qui probablement étaient calculées en conséquence. C’était comme une convention tacite entre les deux partis, attestant d’une part l’exercice d’un droit et de l’autre le respect de la foi jurée. Les

0) 1868, p. 376.

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exigences de la guerre obligèrent quelquefois de déroger à ces vieilles coutumes; mais pour faire oublier des néces¬ sités qu’il avait bien fallu subir, le représentant du roi a soin de louer outre mesure la générosité plus ou moins volon¬ taire des Etats. Il déclare dans certaines circonstances que la province de Lille servira de modèle à tous ses voisins et ajoute que le roi et les ministres sont très-satisfaits de son zèle et de son application aux affaires , surtout à celles qui regardent le service de Sa Majesté.

. Au moment de la conquête de la Flandre , Louis XIV allait atteindre l’apogée de la puissance ; il pouvait se montrer conciliant.

Le grand roi avait consenti à jurer l’observance des droits, stils, usages et anciens privilèges de la ville et de la pro¬ vince, et le parlement avait ratifié le maintien des fran¬ chises assurées par la capitulation qui , entre autres clau¬ ses, garantissait la liberté individuelle.

En 1678 la province, érigée en gouvernement particulier avec Lille pour capitale , n’avait encore qu’à se féliciter de son annexion à la France , mais les succès ne devaient pas larder à disparaître... Les nécessités de la guerre allaient rendre le vieux roi beaucoup moins scrupuleux que jadis , et les exigences de la cour allaient donner naissance aux conflits qui plus tard enlèveront aux Etats les franchises et libertés dont ils jouissaient.

Les Etats étaient chargés de faire exécuter les canaux et autres voies de communication ; la construction et l’en¬ tretien des routes figuraient aussi dans leurs budgets, ainsi que l’entretien des fortifications pour la construction des¬ quelles la ville et les Etats avaient payer un subside de 60,000 florins pendant quatre années. Ils supportaient encore les charges propres aux pays frontières les troupes se rassemblaient avant d’entrer en campagne.

1Ü3

Ce n’est pas tout. « A l’impôt annuel que l’on appelait les aides, se joignaient trop souvent les aides extraordi¬ naires dont le chiffre était plus vivement contesté... Il y avait en outre le don gratuit qui d’abord n’avait été accordé que dans des circonstances spéciales telles que l’avènement du souverain , la naissance d’un prince , etc. etc. Plus tard il devint presqu’annuel et fit partie des revenus sur lesquels l’Etat pouvait compter. » (^)

Et il fallait faire face à tous les besoins. Comment? Par des impôts ? Mais le poids en était accablant et la mul¬ tiplicité des taxes de toutes sortes ne pouvaient que fatiguer les conliibuables sans grand profit pour le Trésor qui , par suite d’une perception compliquée, n’en retirait qu’une faible quotité.

A latin du siècle, les impôts, et les quelques gros bénéfices qu’avait procurés l’altération des monnaies , ne suffisant plus, la Cour escomptait la vanité des hommes en décrétant la vénalité des charges, voir même des charges municipales.

Que dire des Etats sous Louis XV

Ils n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes. Les orgies de la Régence avaient pâli devant la dégradation dece roi flasque et corrompu, et l’exemple se réfléchissait dans toute l’administration.

Les Etats de Lille n’avaient plus d’influence: « on discutait à peine la quantité des aides jadis si vivement contestés , et l’on votait sans opposition les sommes demandées par la couronne. Les aides extraordinaires deviennent ordinaires, on ajoute encore à tous les impôts le sol par livre. »

Sous Louis XVI , le clergé et la noblesse de la province, qui depuis longtemps protestaient contre leur éloignement des affaires publiques, étaient enfin parvenus à faire partie des Etats ; seulement leur participation au règlement des

(1) 1868, p. 379.

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intérêts légaux du pays fut de courte durée puisque bientôt ces derniers allaient être absorbés dans les Etats généraux, suivis presqu’immédiatement de cette autre assemblée qui devait rendre sa gloire impérissable en nous donnant 1 ere de la liberté.

Ainsi ont fini les Etats de Lille, dont nous aurions voulu rendre l’entière physionomie dans toutes les phases- qu’ils ont traversées.

Comme tout ce qui tenait à la vieille société , les pays d’Etats, frappés de mort par les réformes de Turgot, se dis¬ solvaient et la Révolution n’est venue que hâter le moment , d’eux-mêmes, ils auraient réclamé un nouvel état de choses. L’égalité proclamée en 1789 n’était-elle pas déjà dans tous les esprits ? Lecocq.

SÉPULTURES ANCIENNES DE FERRIÈRE-LA-GRANDE

par M. Dombret. (b

Cette brochure, ornée de 22 planches coloriées, fait con¬ naître de la manière la plus succincte le résultat des fouilles opérées à Ferrière-la-Grande par l’auteur, ancien ouvrier armurier, qui s’instruisant lui-même, par ses observations, par ses lectures, par ses réflexions, en est arrivé à acquérir de nombreuses connaissances en archéologie et en géologie.

En publiant ces recherches , M. Van Rende , chargé de diriger l’impression , a tenu à leur laisser le style naïf qui en démontre l’authenticité et fait ressortir toute la sagacité de l’auteur; il les a fait simplement précéder d’une petite introduction dont nous extrayons les lignes suivantes.

Un habitant du village eut l’idée de suivre des travaux d’excavations entrepris en 1865 et 1866 auprès d’un em¬ placement des squelettes avaient déjà été trouvés en 1835 , dans une circonstance analogue.

Ces fouilles opérées pour établir des constructions ou pour

(b Lille, Dancl, br. in-8.°, avec planches coloriées.

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extraire des pierres sur un terrain communal récemment vendu , mirent à jour de nouvelles sépultures, et, dans l’espace de deux ans , M. Dombret explora environ soixante- quinze tombes parmi lesquelles il eût le bonheur d’en trou¬ ver une dizaine complètes et garnies d’armes et de bijoux.

Cet heureux chercheur conserva dans des casiers séparés le produit de chaque tombe et en fit un album remarquable par la précision des notes et l’exactitude des dessins. Il était bien inspiré car sa découverte est la plus considérable en ce genre qui eut été faite dans nos contrées.

La Société des Sciences, appréciant ce bon exemple donné par ce modeste villageois et l’importance de sa découverte, lui a décerné une médaille d’or dans sa séance du 27 dé¬ cembre 1868, et a résolu d’insérer le travail du lauréat dans ses Mémoires.

Nous n’essayerons pas de préciser l’époque de l’enfouis¬ sement des armes et des bijoux remis au jour par M. Dom¬ bret. L’existence de Ferrière-la-Grande et de Ferrière-la- Petite au temps des Romains est probable et sera peut- être bientôt prouvée. L’emplacement de son minerai de fer sur la limite de la contrée couverte de terrain calcaire qui s’étend de Maubeuge à la mer, a aider puissamment à l’activité de l’industrie des hauts fourneaux désignés par César sous le nom de ferrières.

Mais les sépultures exhumées paraissent postérieures à l’époque gauloise et à l’occupation romaine ; elles doivent être franques, et il n’est pas impossible qu’elles provien¬ nent de la fin de la période Mérovingienne. J. G.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES

Histoire naturelle. Isopodes. Cloportes. Le Bulletin de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux- arts de Belgique, 39.® année , n." 2, contient la liste des crustacés isopodes terrestres de la Belgique, par M. Félix Plateau. En l’absence d’un travail du même genre , fait pour le département du Nord , il n’est pas sans intérêt de donner un aperçu de cette courte notice à laquelle proba¬ blement il y aurait peu de choses à ajouter pour l’appliquer à nos contrées .

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Les Isopodes sont un ordre de la classe des crustacés que l’on ne peut mieux caractériser qu’en disant qu’un de ses types est le cloporte.

Pour les personnes qui ne sont pas naturalistes, ce rap¬ prochement dans une même classe des grands crustacés comestibles, tels que le homard, et du cloporte, peut paraître singulier, mais il n’en est pas moins très-naturel

i

pour quiconque étudie les caractères et les dispositions particulières des organes , et quand on suit la gradation qui mène de l’un à l’autre par les genres crevette, thalitre et cymodocée.

Les Isopodes sont très-nombreux; M. Milne Edwards, (Crustacés des suites à Buffon) n’en compte pas moins de 49 genres et plus de deux cents espèces, vivant dans l’eau ou sur terre.

En 1861 , M. Van Beneden s’était occupé des Isopodes marins des côtes de Belgique (Mémoires de V Académie de Belgique , 1861 ). Il en comptait sept espèces.

Aujourd’hui ce sont les espèces terrestres que passe en revue M. Plateau ; il en enregistre dix, appartenant toutes à la famille des cloportides. Sept sont communs et bien connus :

Armadillidium vulgare^ le cloporte armadille;

Oniscus murarius , le cloporte ordinaire ;

Porcellio scaber ^ le cloporte ordinaire, variété C. de Geoffroy (Insectes des environs de Paris) ;

Porcellio dilatatus, regardé par plusieurs naturalistes comme simple variété du précédent ;

Porcellio pictus ;

Lygidium Personnii ;

Philoscia muscorum , le cloporte des mousses.

Les trois autres espèces sont :

Armadillidium triviale ^\Yhs-y ohin du espèce

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d’une valeur secondaire , selon l’expression même de M. Plateau , destinée , sans doute ^ à disparaître parmi les variétés de l’Armadille commun ;

Armadillidium pictum , un seul exemplaire des bords de la Meuse ;

Porcellio lœvis , le cloporte ordinaire, variété B. de Geoffroy , un seul exemplaire des environs de Gand.

Ces deux derniers ne sont pas très >rares en France et se retrouveraient sans doute ici plus abondamment.

Nous félicitons M. Plateau des scrupules qui Font em¬ pêché d’admettre les espèces hasardées des Allemands , créées sur de simples différences de couleur.il eut pu, par ce moyen , enrichir le genre Porcellion , tout au moins des espèces adoptées par M. Lereboullet dans sa notice sur les Cloportides des environs de Strasbourg, trivittatus ^ mon- ticola^ intermedius , frontatis , etc. , mais ce n’est pas faire progresser la science que de grossir une Faune locale aux dépens d’une rigoureuse critique. A. de Norguet.

CHRONIQUE

Areliéoloj^ie. Cimetière franc à Lille. MM. Van Rende et Rigaux fils ont découvert à Lille ( section d’Es- quermes), en décembre 1869 et en mars 1870 , un cimetière franc mérovingien.

Quelques fragments de poterie donnés au musée par M. Du Rieux fils, dont on ne peut trop louer la perspicacité, ont mis sur la voie de cette trouvaille.

Quinze sépultures ont été fouillées par M. Rigaux. Elles ont fourni plusieurs vases en terre , les uns rappelant le faire Gallo-Romain, les autres lourds et grossiers ; quelques vases en verre dont l’un , en forme de cornet sans pied , est orné de filets de pâte de verre blanc ; un grand nombre de

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perles multicolores pour colliers, parmi lesquelles plusieurs petites comme la tête d’une épingle ; une monnaie romaine de Julia Mœsa ou Mamœa ; des armes en fer, une hacbe, un umbo de bouclier, une épée renfermée dans un fourreau de bois garni à son extrémité d’une mince plaque d’argent; des couteaux ; un seau en bois avec cercles en cuivre ; plusieurs boucles de ceinturon ; deux jolies fibules en argent ornées chacune de cinq verroteries rouges ; enfin un charmant petit cure-oreille et un cure-dent en argent , d’un travail très- délicat. Malheureusement la mauvaise qualité du terrain a détérioré un certain nombre d’objets ; ils n’ont pu être retirés qu’en morceaux. Cette découverte est néanmoins très-précieuse au point de vue historique: ces inhuma¬ tions paraissant remonter au vu.® siècle , c’est-à-dire à cette époque si ignorée de notre histoire locale , et même regardée trop généralement comme fabuleuse. Le terrain sur lequel se trouvaient ces sépultures est situé sur le bou¬ levard du maréchal Vaillant, en face de la raffinerie deM. Du Rieux. Les fouilles sont aujourd’hui suspendues, mais il est probable que de nouvelles explorations compléteront cette découverte aussi intéressante qu’inattendue. J. G.

lléféorologple :

MAI

1870

Température moyenne . 12.® 33

* j> des maxima . . . 17.® 32

» D des minima . 7.® 34

» extrême minima, le 4. . . 1." 70

» » maxima, le 21. 27.® 70

Baromètre hauteur moyenne à 0.® _ 762““716

» hauteur extrême minima , le 1 . . 751“™26 » » maxima, le 26.. 771“”90

Tension de la vapeur atmosphér . 88

Humidité relative moyenne ®/o . 69.0

Epaisseur de la couche de pluie . 29'.’*“’37

de la couche d’eau évaporée. . 135™‘“75

MAI

année moy. 12.® 45

758““ 984

7“" 94 68.39 60““77 116^18

199

Le caractère dominant du mois de mai 1870 a été la sécheresse ; la tension de la vapeur d’eau et l’humidité relative des couches d’air en contact avec le sol sont en effet bien moindres que dans une année moyenne ; la même sécheresse existe également dans les régions élevées de l’at¬ mosphère, ce que démontrent: l.° la grande pression exercée sur la colonne barométrique ; 2.® la faible nébulosité du ciel ; 3.® la rareté et le peu d’abondance de la pluie.

Sous l’influence de cette sécheresse l’évaporation a été très-active et a de beaucoup dépassé la moyenne. Ce n’est pas la température atmosphérique qui l’a surtout favorisée, car elle a été à peu près égale à la moyenne générale , mais l’action directe des rayons solaires traversant un ciel peu nébuleux et celle des vents secs et forts des régions E. et N. qui ont été prédominants.

Cette sécheresse a été préjudiciable à toutes les récoltes et comme elle a été assez générale en France , nous en subi¬ rons les désastreuses conséquences.

Le 22 la nuit avait été sereine, le vent était au S.-E., une faible rosée mouillait les plantes. Le matin le ciel se couvrit peu à peu de petits cumulus qui constituèrent bientôt des stratus appartenant à la couche moyenne , au-dessous quelques grands cumulus de la couche inférieure se déta¬ chaient d’une manière sensible , à 9 h. 22 un coup de ton¬ nerre se fît entendre, le ventS.-S.-O. était faible et la marche des nuages des différentes couches venant de S.-S.-O. était lente ; à 9 h. 40, larges gouttes de pluie, suivies d’une pluie assez forte mais de peu de durée , vent E.-N.-E. ; 9 h. 33 , vent S.-E. pluie, tonnerre, éclairs rougeâtres; 10 h., forte pluie , tonnerre ; 10 h. 13 , fin de l’orage ; 10 h. 30 , fin de la pluie (8“™0) ; à midi il tomba encore une petite pluie. Après-midi, le ciel s’éclaircit; 10 h. éclairs sans tonnerre.

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Le 18" à 11 heures du soir par un ciel serein on observa aussi à riiorizon S., des éclairs sans tonnerre, le vent soufflait du N.-N.-O.

Pendant le mois , malgré la sécheresse il y eut 22 jours de rosée , 29 de brouillard , 6 de gelée blanche ; le 3 il tomba de la neige et de la grêle. V. Meurei>\

Nouvelles de laljîftératm’e et «Ses Arts. Ceux de nos lecteurs , qui n’en sont pas encore informés , ap¬ prendront avec plaisir que l’Académie des Sciences mo¬ rales et politiques a décerné, dans sa séance du 28 mai,

à M. Louis Legrand , avocat à Valenciennes , le prix fondé par le D." Beunaiche de la Corbière, et dont le sujet était: Du mariage considéré au point de vue moral et religieux , légal et social. A. D.

Arclftcologic i»réliîstoi*î«j«e. Instruments en silex taillé. En Belgique , dans les départements du Pas-de- Calais, de la Somme et de l’Aisne , on trouve des silex tail¬ lés de l’âge du Mammouth ; seul le département du Nord semble faire exception. Dernièrement 31. Ortlieh a ren¬ contré au sommet du 31ont des Chats , au milieu d’un dépôt de cailloux roulés rapporté au diluvium des pla¬ teaux , un silex qui parait taillé de main d’homme : il appartient à la forme que l’on a désignée sous le nom de grattoirs. J’ai trouvé également , au sommet de la butte de Fontaine-au-Pire , près de Cambrai , à la base du limon , un silex que des savants habitués à ces études considèrent comme taillé. Ce ne sont pas encore des preuves authen¬ tiques , mais ce sont des présomptions qui portent à penser que prochainement on arrivera à reconnaître, dans le dépar¬ tement du Nord, des traces de l’humanité antédiluvienne.

J. G.

Le Gérant : E. Castiaux.

TYP. DE BLOCQÜEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2.‘ Année. N.° 7. Juillet 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

ACADÉMIE DE BELGIQUE.

Séance solennelle de la classe des Lettres.

La classe des Lettres de l’Académie royale de Belgique a tenu, le 11 mai dernier, sa séance publique annuelle. M. E. Defacqz , directeur, a prononcé un remarquable discours sur la Féodalité.

Dans le sens propre et restreint (a-t-il dit) , la Féodalité se compose de deux éléments principaux souvent unis, quelquefois séparés , mais toujours distincts dans leur es¬ sence et dans leur action : ces éléments sont le fief et la justice. 11 en est un troisième qui est loin de l’importance des premiers, c’est la censive. Cette trinité se personnifie, savoir : le fief dans le seigneur féodal et le vassal, la censive dans le seigneur censier et le censitaire , la justice dans le seigneur justicier et les sujets. C’est cette dernière surtout, c’est la justice seigneuriale qui a rendu la féodalité si odieuse. C’est elle qui ajoutait aux violences de la tyrannie l’indignité de transformer la sainte mission de juger les hommes en un droit de famille, en une propriété privée dont on hérite, qui se vend, qui se troque comme un article de commerce.

M. Henri Conscience, le romancier national de la Bel¬ gique , a fait ensuite une lecture en flamand il a habile¬ ment groupé ce qu’on possède de données historiques sur les Kerles de Flandre , cette classe d’agriculteurs et de marins, d’origine anglo-saxonne, qui puisait, dans l’énergie du travail et dans la libre association , la force nécessaire pour lutter avantageusement contre la caste féodale à qui elle était souverainement odieuse.

La séance a été terminée par une lecture en vers de M. Matthieu.

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Au nombre des questions inscrites pour le concours de cette année, figurait un Essai sur la vie et le règne de Sep- time-Sévère. Des trois mémoires présentés sur ce sujet, aucun n’ayant été, malgré de sérieux mérites, jugé digne du prix, la question est maintenue au programme.

Une autre question a reçu une solution définitive. Il s’agissait de rechercher les causes qui amenèrent , pendant le XII.® et le xm.® siècle, l’établissement de colonies belges en Hongrie et en Transylvanie. Le concurrent devait, en outre , exposer l’organisation de ces colonies et l’influence qu’elles ont exercée sur les institutions politiques et civiles, ainsi que sur les mœurs et les usages des pays elles furent fondées.

L’auteur du Mémoire couronné divise son travail en six chapitres , ayant pour titres : De la colonie belge fondée dans le diocèse d’Erlau; de la colonie belge fondée dans la Zips ; les Flamands dans le district de Batar ; des colonies belges fondées en Transylvanie ; des droits et des privilèges accordés aux Belges en Hongrie et en Tran¬ sylvanie ; de la langue parlée dans les colonies belges en Hongrie et en Transylvanie.

En 1447 , des pèlerins de Liège qui s’étaient rendus à Aix-la-Chapelle pour assister à l’exposition des célèbres reliques conservées dans cette ville , furent très-surpris d’y rencontrer une troupe de pèlerins de Hongrie qui , malgré leur nationalité étrangère, parlaient très-correcte¬ ment le wallon liégeois. Interrogés sur ce fait en apparence inexplicable, les Hongrois répondirent que, suivant une tradition conservée dans leurs familles, leurs ancêtres kaient originaires du pays de Liège , qu’ils avaient quitté ce pays à cause du manque de vivres et qu’ils s’étaient fixés en Hongrie.

Cette tradition était, à tous égards, conforme à la vérité historique. Sous le règne de l’évêque Wazon , plusieurs centaines de Liégeois, fuyant la famine qui sévissait sur les bords de la Meuse, avaient traversé l’Allemagne et,

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d’étape en étape, étaient arrivés en Hongrie où, en 1046, le roi André I/" leur avait assigné , à perpétuité , un terri¬ toire fertile situé dans le diocèse d’Erlau. Leur nombre s’accrut avec une telle rapidité qu’ils occupèrent , quelques années plus tard , plusieurs villages connus sous le nom de loca gallica , vici Wallonorum.

Après avoir discuté ces faits et toutes les circonstances qui s’y rattachent, l’auteur du mémoire croit pouvoir affirmer que les Liégeois de la vallée d’Erlau vécurent, dès leur arrivée , sous une administration propre tant au spirituel qu’au temporel. H prouve au moins, très-clairement, qu’ils conservèrent , pendant cinq siècles, à travers toutes les vicissitudes , le souvenir et la langue de leur patrie origi¬ naire. Des documents authentiques et irrécusables attestent que ces Wallons hongrois formaient, au xv.® siècle, une province ecclésiastique séparée. Au siècle suivant, le célèbre Nicolas Olah , secrétaire de la reine Marie de Hon¬ grie, mentionne encore les colonies èhuronnes du diocèse d’Erlau , « l’on parle un langage français ; » mais, cin¬ quante ans après, réduits à la misère et décimés par le cimeterre des Turcs , les colons cessent de vivre en commu¬ nautés séparées et se confondent avec la population indi¬ gène. Aujourd’hui le souvenir même des vaillants défri¬ cheurs liégeois s’est perdu dans la vallée qui fut le théâtre de leur activité industrieuse.

Les historiens hongrois sont unanimes à attribuer à la reine régente Hélène et à l’évêque d’Erlau, Lucas Banffi , l’établissement de nombreux colons étrangers dans le Comitat de Zips. Les plus anciens documents donnent à ces colons le nom de flamands (flandrenses) . Plus tard , on leur applique le titre, presque identique, de saxons [saxones).

Les flamands du Comitat de Zips ne conservèrent pas, aussi longtemps que les vallons de la ville d’Erlau, leur langue nationale , leurs mœurs primitives et leurs usages particuliers. Ils prospérèrent et se multiplièrent au point qu’une tradition locale leur attribue une large part dans la fondation des vingt-quatre villes qui , en 1204 , formèrent la confédération que les chroniqueurs hongrois désignent sous le nom de Fraternitas plebanarum xxiv regalium; mais , dès le xiii.® siècle , à la suite d’une violente invasion

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(les Mongols , ils furent rapidement envahis et absorbés par un courant sans cesse croissant de colons accourus de diverses parties de l’empire germanique. La libre prévôté ecclésiastique de la Zips est peut-être la seule trace qu’ils aient laissée de leur passage.

Au chapitre III, l’auteur du mémoire nous entretient d’une Colonie flamande établie dans le Gomitat d’Ugocsa. Il est pr(3bable que cette colonie fut anéantie dans la grande invasion tartare de 1241. Par leur importance, de même que par l’influence heureuse qu’elles exercèrent sur les des¬ tinées du pays qui leur fut assigné , les colonies flamandes de la Transylvanie , auxquelles l’auteur consacre le 4.® cha¬ pitre de son mémoire , méritent une attention particulière. Attirés par la reine régente Hélène, l’évêque Banffi et le han Belus , oncle maternel du roi Geiza II, les colons fondèrent leurs premiers établissements entre 1141 et 1161.

D’après ce que nous venons d’en dire, on n’hésitera pas à reconnaître , avec le rapporteur de l’Académie , M. Tho- nissen, que « ce mémoire est une œuvre sérieuse, une mono¬ graphie savante et aussi complète que la matière le comporte dans l’état actuel de nos connaissances historiques. » L’au¬ teur, M. Emile de Borchgrave, secrétaire de légation de première classe et déjà lauréat de l’Académie, a reçu, dans la séance du 11 mai, la médaille d’or de 1,200 francs attri¬ buée à son travail.

Dans la même séance a été proclamé l’arrêté qui décerne le prix quinquennal de littérature flamande (période de 1866-1869), à M. Henri Conscience, pour son ouvrage intitulé : Bavo en Lieveken. A. D.

Classe des sciences

Les derniers Bulletins de l’Académie renferment un mémoire mathématique de M. Catalan , sur V équation X _ 1 = 0 ; une note sur la Bryonicine , nouvelle subs-

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tance azotée extraite de Bryonia dioïca, par MM. Louis de Koninck et Macquart ; une note de M. Van der Mens- brugghe continuant les expériences de M. Plateau sur la différence de viscosité entre la couche superficielle des liquides et la couche interne ; la suite des recherches sur VEmbryogénie des crustacés^ par M. Van Beneden fils; quelques observations nouvelles sur le commensalisme dans le règne animal et la liste des animaux parasites que l’on a rencontrés dans le corps des cétacés ou à leur surface , par M. le professeur Van Beneden.

Les Aurores boréales ont eu l’honneur de deux commu¬ nications. M. Quetelet a donné la liste de celles qui ont eu lieu pendant les mois de janvier et de février , et M. Ch. Montigny observe que la scintillation des étoiles s’est beaucoup accrue pendant la belle aurore du 5 avril 1870. Quelle peut en être la cause ? La nature des aurores boréales n’est pas elle-même bien connue. On sait que ce sont des phénomènes électriques en relation avec le magnétisme ter¬ restre, et qui sont souvent les précurseurs de mouvements dans les régions supérieures de l’atmosphère. Car on a remarqué que les aurores boréales les plus brillantes sont les avant-coureurs de coups de vents et de mauvais temps. Selon Humboldt, le magnétisme terrestre condense les va¬ peurs qui se trouvent en suspension dans l’atmosphère; il en résulte la formation de petits cristaux de glace analogues à ceux qui composent les nuages nommés Cirrhi. Ces petits cristaux sont nécessaires, d’après M. Davy, à la production des aurores boréales. Leur présence dans les régions supé¬ rieures de l’air au commencement d’avril , a encore été manifestée par un halo solaire observé à Louvain par M. ïerby peu de jours après l’apparition de l’aurore. Car ce phénomène s’explique aussi par la présence d’aiguilles ou de lames cristallines flottant dans l’atmosphère.

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Sur la pierre météorique tombée à Saint-Benis-Westrem près de Gand, le 7 juin 1855, par M. Stanislas Meunier. L’auteur a reconnu que ladite pierre ressemble complètement à un groupe météorique qu’il a désigné sous le nom de Lucéite et qui présente avec une couleur grise, une structure grenue, âpre au toucher, émi¬ nemment cristalline.

D’autres aéroiites ont une structure brechiforme : ils pré¬ sentent des fragments de Lucéite empalés dans une roche de couleur sombre. Il en est encore d’autres qui, dans la même pâte foncée que les précédentes, renferment des fragments de roche grisâtre, oolitique, toute différente de laprécédente. Enfin la matière oolitique forme à elle seule des météorites que M. Meunier appelle Montrejite. Il en conclut que la Lu¬ céite, la Montrejite et les roches brechiformes qui les con¬ tiennent l’une et l’autre étaient en relation stratigraphique dans un astre qui a été démoli à une époque indéterminée.

La cause de la destruction de l’astre est le résultat du développement normal des corps sidéraux. Par suite du refroidissement de la matière cosmique, ils passent succes¬ sivement par les états de nébuleuse, de soleil, de planète et de lune pour arriver enfin à l’état de météorite.

En se contractant par l’effet du refroidissement, les astres tendent d’eux-mêmes à se fendre et à se briser. Tant qu’ils contiennent encore un noyau de matière fondue , celle-ci pénètre dans les fentes et les resoude ; mais lorsque le liquide interne s’est complètement solidifié, les fentes s’élargissent continuellement et finissent par diviser l’astre en fragments de grosseur et de forme variable.

Dans la Lune, ces phénomènes de rupture commencent à se manifester par les rainures ou crevasses gigantesques dont sa surface est sillonnée. Un satellite plus petit que la Lune serait arrivé plus vite à cette période de son existence

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et serait aujourd’hui brisé ; ce sont ses débris qui nous arrivent sous forme de météorite.

Note sur la nature du Soleil, par M. Bernaerts. Modi¬ fiant un peu les théories de M. Roye et du P. Secchi , l’auteur suppose que le Soleil est formé par un c noyau gazeux recouvert d’une couche liquide incandescente , de faible épaisseur, enveloppée à son tour de nuages incan¬ descents et lumineux. »

Découverte d’un gisement de phosphate de chaux au- dessous de la ville de Louvain, par M. G. Lambert. On creuse, place du Peuple à Louvain, un puits artésien qui est arrivé pour le moment à la profondeur de 120 m. Les couches traversées sont les suivantes ;

Système hruxellien : sable gris verdâtre très-glauconifère , à grains de quarz assez gros , avec plaques de grès cal¬ caire et degrés lustré, 31 m. 80.

Système yprésien : argile sableuse , verdâtre renfermant des lits minces d’argile plastique, 78 m. 70 (jusqu’à 110 m. 50). Système landénien : sable à grains assez gros, 9 m. 50 (jusqu’à 120 m.)

De 100 à 105 m. on trouva en grand nombre des pyrites et de 108 à 110 m. des nodules noirâtres de la grosseur d’un œuf, qui sont du phosphate de chaux renfermant 28 à 29 0/0 d’acide phosphorique. M. Lambert espère qu’on trouvera, dans le système yprésien d’autres localités, des nodules de même nature qui pourraient être utilisés comme en Angleterre pour amender les terres.

Gm' des environs de Tirlemont , par M. J. Moreau. On se rappelle (^) que l’on avait cru voir, dans les surfaces usées et striées de ces grès des preuves de l’existence d’anciens glaciers. Ces conclusions, déjà combattues par M. d’Omalius d’Halloy, puis par M. Malaise, le sont encore parM. Moreau

(D Bulletin I. p. 230.

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Les faces luisantes et polies correspondent à des fissures très-étroites par lesquelles eurent lieu des éjections sili¬ ceuses qui les recouvrirent d’un vernis siliceux souvent coloré par du fer. Le grès lui-même est dû, selon l’auteur, à des éjections siliceuses qui ont aggloméré et solidifié le sable. Il a observé aussi dans le grès de nombreuses ramifi¬ cations ligneuses silicifiées qui paraissent des racines, d’où il conclut que des arbres avaient poussé leurs racines dans le sable avant qu’il fût en grès.

Les Puits naturels du terrain houilleï\ par M. Cornet et Briart. Cette communication a tant d'importance que nous nous réservons d’en entretenir plus tard nos lecteurs.

Le Byrsax {Bolitophagus) gibbifei\ par M. Preudhomme de Borre. En 1836, M. Wesmael, le vénérable doyen de l’entomologie belge, décrivit, d’après deux individus ré¬ coltés à Java, cetinsecte tellement rare qu’on n’en a plus revu depuis, et faisant partie de la collection de M. le vicomte Du Bus de Gisignies. Lorsque cette collection fut achetée par le Musée de Bruxelles en 1847, l’insecte fut perdu dans les nombreux tiroirs de l’établissement. Grâce au zèle du jeune Directeur, qui est depuis quelques années à la tête du Musée, ces tiroirs furent enfin ouverts et on y trouva, au milieu d’insectes non classés , un des individus qui avaient servi de type à M. Wesmael, mais hélas , il n’était plus que la moitié de lui-même: il lui manquait son abdomen et ses pattes postérieures ; néanmoins M. Preudhomme de Borre a pu établir sa distinction de toutes les espèces voisines.

Du travail fonctionnel chez Vhomme^ par M. Poelmann , professeur à l’Université de Gand. L’auteur, répondant à une interpellation de M. d’Omalius, expose les principes qui le guident dans son cours de physiologie : il base cet ensei¬ gnement sur l’observation et l’expérience ; il admet pour expliquer le travail fonctionnel chez l’homme vivant , l’in-

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dispensable nécessité du concours de deux ordres de forces, les unes physiques, chimiques, mécaniques, inhérentes à la matière*et une force d’un ordre distinct qui n’agit que sur les organismes , pour diriger et régulariser le travail fonc¬ tionnel. C’est la force vitale mieux appelée intelligence fonctionnelle. J. G.

SOCIÉTÉ DES SCIENCES DE LILLE

Travaux courants

Recherches chimiques sui\ la betterave à sucre , par M. Gorenwinder. L’auteur présente les analyses de betteraves qui ont été cultivées en France et en Italie.

Les betteraves originaires de ce dernier pays étaient pauvres en sucre et riches en sels. Le rapport constaté entre ces substances était tel qu’on peut affirmer que leur jus, soumis aux opérations ordinaires de l’industrie sucrière, ne donnerait pas de sucre par cristallisation.

Les espèces françaises, au contraire, contenaient une proportion de sucre plus élevée et beaucoup moins de sels.

Dans les premières, les densités desjus étaient influencées notablement par la prédominance des matières salines ; dans les secondes , le rapport existant entre les matières et le sucre était celui qu’on observe dans les conditions ordi¬ naires.

Ces faits prouvent une fois de plus qu’on ne saurait juger de la qualité d’un jus de betteraves, au point de vue du sucre , en se bornant à en prendre la densité.

Des analyses des substances minérales contenues dans ces diverses betteraves, l’auteur tire plusieurs conséquences importantes. Nous en résumons les principales :

1.® Les sels minéraux et organiques varient beaucoup dans les betteraves suivant le milieu dans lequel elles ont végété.

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Ainsi les quantités de chlorures alcalins peuvent osciller entre les nombres 1 et 10. Ils prédominent surtout dans les betteraves cultivées dans des terrains humides, marécageux ou que Ton arrose avec des engrais liquides.

2.” Contrairement à une doctrine fort répandue , on ne peut admettre que la potasse ait la moindre influence sur la sécrétion du sucre dans les betteraves. M. Gorenwinder a déjà affirmé ce fait par des expériences antérieures. Dans le présent Mémoire , il met en regard dans un tableau les proportions de sucre et de potasse qu’il a trouvées dans les betteraves analysées et l’on ne remarque pas le moindre rap¬ port entre ces éléments. x4u contraire les chiffres constatés présentent cette particularité remarquable que ce sont pré¬ cisément les betteraves les plus pauvres. en sucre qui con¬ tenaient le plus de potasse. Tl ne faudrait pas conclure toutefois de cette coïncidence que cette règle soit absolue.

S." La soude pénètre dans le tissu de la betterave , par¬ ticulièrement sous forme de chlorure de sodium, mais il ne serait pas exact d’affirmer que cette base alcaline ne peut pas être absorbée par cette racine dans un autre état de combinaison.

4.° Si l’on cultive des betteraves dans un même terrain divisé en plusieurs parcelles dont l’une ne reçoit pas de fu¬ mure et dont les autres soiit fertilisées soit avec des tour¬ teaux, soit avec des engrais chimiques (nitrate de potasse, nitrate de soude, plâtre, phosphate de chaux), on remarque que les betteraves obtenues renferment dans les trois cas absolument les mêmes proportions d’alcalis (soude et potasse).

Cette dernière expérience a eu lieu dans l’arrondissement de Lille. Les résultats qu’elle a donnés , quant aux alcalis , ne seraient probablement pas les mêmes dans des localités dont le sol ne contiendrait pas autant darrîère-/M?m/m que

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le nôtre. Ils prouvent que lorsqu’un champ renferme des alcalis en quantités suffisantes pour les besoins des bette¬ raves , ceux qui leur sont fournis par des engrais nouveaux ne sont pas utilisés, ou que plutôt ils concourent avec les alcalis préexistants à la nutrition de ces racines jusqu’à une limite maxima qui dépend des conditions physiques et chi¬ miques du sol, de son état d’humidité et d’autres circons¬ tances qui échappent a l’observation.

Dans son Mémoire , l’auteur fait connaître aussi les ren¬ dements en poids de betteraves obtenus dans la dernière expérience. Pour la même dépense les tourteaux d’ara¬ chides ont donné une récolte plus abondante que les engrais chimiques, J. G.

SOCIÉTÉ d’enseignement MUTUELS DES TRAVAILLEURS

DE ROUBAIX.

La ville de Roubaix, dont le nom est synonyme de travail et industrie, ne peut cependant pas être accusée de se laisser absorber complètement par les intérêts matériels. Notre dernier bulletin signalait la fondation d’une Société acadé¬ mique qui devait servir de point de ralliement à tous les hommes d’étude ; aujourd’hui nous avons à entretenir nos lecteurs d’une autre association scientilique : la Société d’en- seignement mutuel des travailleurs. Son but est différent: elle établit des conférences et des cours publics destinés à répandre dans la classe ouvrière les notions des sciences les plus indispensables : la géographie , l’arithmétique, la mé¬ canique pratique, la géométrie , l’histoire naturelle, l’hy¬ giène. Deux fois par semaine, des conférences sur des sujets variés élargiront la .sphère de l’enseignement ; et une biblio¬ thèque, formée en grande partie de dons, doit fournir un utile supplément aux leçons des professeurs et des confé¬ renciers.

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Le 28 avril dernier, la Société a tenu une séance publique le président, M. Junker, a exposé son but et les moyens dont elle dispose. M. A. Philippe a remercié au nom des travailleurs les fondateurs et les organisateurs de la société ; il a fait ressortir toute la reconnaissance qu’on leur devait en entretenant le public de VUtilité de Vinstruction.

Il l’envisage sous un double point de vue : il rappelle que si elle apprend à l’homme à perfectionner ses instruments de travail, à gagner largement et honorablement sa vie , elle lui enseigne aussi ses droits et ses devoirs, et infiltre dans tout son être les sentiments de fraternité et de tolé¬ rance.

M. Du Breuil, professeur de mécanique, et M. Huguenin, professeur de géographie, ont exposé en quelques mots la nature de leur enseignement. La séance a été close par une conférence sur la géologie, improvisée, sur la demande du président , par M. J. Ortlieb, chimiste à Lille. L’orateur commence par montrer comment tout le monde fait de la géologie sans s’en douter:

En effet nos cultivateurs ont tous distingué que le sol de leurs champs n’est pas toujours le même d’un canton à l’autre et qu’il varie quelquefois dans un même canton; de là, les désignations de terre grasse, terre sableuse, terre caillouteuse données à ces différents sols. Les maçons, les briquetiers et les terrassiers ont des notions plus éten¬ dues. Creusant la terre plus profondément, ils sont à même d’observer ce que l’on peut appeler le sous-sol. Les foreurs de puits sont encore plus avancés ; ils sont souvent obligés, pour trouver l’eau, de traverser une quantité de couches très-diverses par leur nature. Mais parmi toutes ces corporations , ce sont encore les mineurs qui sont des¬ cendu le plus avant dans l’intérieur du sol. Dans certaines exploitations de Mons par exemple, la houille est retirée d’une profondeur variant de 400 à 500 mètres.

M. Ortlieb s’est ensuite élevé à des considérations géné¬ rales sur l’origine du sol et il a terminé en rappelant

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comment la géologie se relie intimement à d’autres sciences: la géographie, la zoologie, la botanique, l’astronomie, l’archéologie et l’histoire.

Nous ne pouvons que souhaiter le succès aux hommes généreux qui consacrent leur temps et leur savoir à faire goûter les jouissances intellecluelles aux classes de la société qui en sont le plus déshéritées. C’est le meilleur moyen de leur inspirer les sentiments de dignité et de respect de soi-même qui font si souvent défaut dans nos populations industrielles du Nord. J. G.

COMMISSION HISTORIQUE DU DÉPARTEMENT DU NORD SOUS-COMITÉ DE DOUAI

Travaux courants

Vitry et Lambres à propos du roi Sigebert, par M. Tailliar. M. Tailliar met sous les yeux du Comité un plan du village de Vitry sur la Scarpe , montrant l’emplacement de l’ancien château , entouré de fossés remplis d’eau , avec pont-levis , sur la rive gauche de la rivière ; l’église est également sur la rive gauche. Il y a un pont sur la Scarpe.

A Vitry, V ictoriacum ^ dit M. Tailliar, était un ancien château-fort, près de la Scarpe, construit probablement vers la fin du iv.® siècle en même temps que d’autres ch⬠teaux du Nord de la France.

En 57o , Sigebert , roi d’Australie , était en guerre avec son frère Chilpéric, roi de Neustrie : celui-ci se réfugia à Tournai , et Sigebert convoqua à Vitry les troupes franques , (notamment les Francs de Térouane et de Cambrai.)

Il paraît avoir choisi Vitry pour plusieurs raisons :

1.® Parce que c’était un point central pouvaient se rendre les troupes franques cantonnées à des distances plus ou moins rapprochées ;

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2. ° Parce qu’au printemps la Scarpe grossie et rendue navigable permettait de t)*ansporter (sur l’Escaut) jusqu’à Tournai les approvisionnements et les ustensiles de guerre;

3. ® Parce que cetendroit n’était peut-être pas éloigné d’une voie romaine aboutissant à Tournai.

Sigebert , au milieu des tribus franques réunies à Vitry , est élevé sur le pavoi et salué roi aux acclamations des assistants. Après la solennité , il est frappé de plusieurs coups de Scrama-sax (couteaux pointus) par deux émis¬ saires de Frédégonde venus de Tournai et il meurt.

Son corps est transporté à Lambres et de à St-Médard de Soissons.

M. Tailliar présente aussi un plan du village de Lambres dressé pour l’intelligence du récit de Grégoire de Tours.

Des érudits du commencement de ce siècle ont cherché à Lambres la sépulture du roi Sigebert; ils ont signalé le lieu dit les Tourbes, déjà cité en 1219 ; mais s’ils avaient lu plus attentivement notre vieil historien, ils auraient vu que Sigebert avait été seulement enseveli (sepultus) et non in¬ humé (inhumatus) à Lambres; ils auraient vu aussi , quel¬ ques lignes plus bas, que le corps fut transporté peu après à Soissons, dans la basilique de Saint-Médard, dernière demeure de la rovale victime.

t/

Avant la Révolution , il existait à Lambres une grande cense ou court (curtis) de l’abbaye de St-André du Cateau- Gambrésis et les restes d’un château féodal.

La cense, appelée communément F Abbaye de Lambres, est située à gauche de la Scarpe, en face de la rue des¬ cendant de l’ancien Pont de Lambres , près de l’église et du cimetière. Ce domaine fut donné à Saint-André du Gateau par un évêque de Cambrai (avant la séparation des diocèses de Cambrai et d’Arras). C’est probablement que descendit en 1076 l’évêque Gérard II, quand il séjourna

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quelque teuips à Lambres. (Chronique de Saint-André du Cateau; commencement du siècle) Ce /?sc avait été détaché de la couronne en 916 par le roi Charles-le- Simple, au profit de Févêque.

Quant au château féodal, élevé vers le xi.® siècle parle sire d’Oisy, qui s’était fait seigneur d’une partie de Lambres, il était placé de l’autre côté de la Scarpe. Avant la canali¬ sation et l’établissement d’un chemin de hallage , il était baigné par la rivière , qui fournissait de l’eau à ses fossés circulaires. Aujourd'hui on y remarque encore les vestiges de fossés et de la motte castrale.

Les membres du Sous-Comité recherchent quelle pou¬ vait être la voie romaine la plus rapprochée de Vitry : c’était , semble-t-il , celle d’Arras à Tournai , qui passait à Hénin-Liétard , elle a été retrouvée par M. Dancoisne (voir page 179 de son ouvrage) ; elle y est encore appelée chemin de Tournai ; elle sert de limite aux terroirs d’Hénin et de Noyelle-Godaut sur une longueur d’environ 600 mètres : d’après sa construction ce n’était qu’une voie secondaire.

Selon une opinion émise par Guilmot au commen¬ cement de ce siècle, à la voie directe d’Arras à Tournai venait se raccorder une autre voie romaine partie de Cam¬ brai , passant par Sauchy-l’Estrée , Sauchy-Cauchie , fran¬ chissant les marais d’Ecourt et de Palœil au moyen du Long-Pont décrit par Caylus , passant par Hamel ou Estrées, et se dirigeant de sur Vitry, était le pont sur la Scarpe ; le point de jonction aurait été vers Beaucourt. Dans cette hypothèse , ce serait la voie romaine de Cambrai à Tournai.

Ces conjectures paraissent aux membres du Sous-Comité avoir encore grand besoin de confirmation.

Notice sur le Couvent des Augustines de Marchiennes et

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note sur la ville de Mar chiennes en 1770 , d’après des ren¬ seignements puisés dans les travaux de Dom Queinsert, conservés dans la collection Moreau à la Bibliothèque im¬ périale, par M. Brassart. Ce couvent, très-peu connu, fut fondé en 1649 par trois religieuses de l’abbaye de Beaulieu de Douai , pour l’instruction des jeunes filles et notamment des filles pauvres ; il était situé sur le Marché ou Place de Marchiennes. En 1770 , il y avait environ vingt religieuses, observant la clôture. Dom Queinsert, dans une note sur la ville de Marchiennes, donne quelques détails sur la situation financière et administrative de cette localité , dont le sei¬ gneur était l’abbé et dont le revenu montait à 16 ou 17,000 livres, somme que les magistrats municipaux employaient très-mal, si nous en croyons notre religieux. Les indigents y étaient nombreux ; pour leur soulagement , Dom Quein¬ sert propose d’établir , avec les ressources qu’il indique , un Hôtel-Dieu dans le couvent des Augustines, projet qui n’eut point de suites. Le Sous-Comité note en passant l’étymo¬ logie bizarre de Marais des chiens donné à Marchiennes. M. Tailliar reconnait dans le nom de cette localité la racine Marca, Marche, frontière ; en effet, Marchiennes formait l’extrême limite du diocèse d’Arras , correspondant à l’an¬ cienne contrée des Atrébates.

BIBLIOGRAPHIE

LE BARON DE VUORDEN,

Sa vie , ses écrits , par M. le comte Cli. de Yendegies. d)

V.

Sur ces entrefaites , Vuorden eut la douleur de perdre sa femme (26 mars 1676). Les funérailles qu’il lui fit, et dont

(h \oïr Bulletin, t.II,p. 158-164.

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il nous a conservé le récit circonstancié, témoignèrent assez de l’affection qui l’unissait à la défunte. Mais sa nature gaie et mobile , n’était point de celles sur lesquelles le cha¬ grin exerce un empire durable. En partie pour tromper sa tristesse présente , en partie pour satisfaire un sentiment nouveau, il épousa, le 5 juin suivant, dans l’église de Saint- Etienne, à Lille, Marie-Catherine deCroix, sœur de son meil¬ leur ami, le comte de Wasquehal. Le maréchal d’Humières et rintendant Le Pelletier voulurent être de la noce, à laquelle assistèrent également le sieur Godefroy, direc¬ teur des archives delà Chambre des Comptes , savant et homme du monde, les dames de Van der Haër, de la Riandrie , de Carnoy , parentes ou amies de la mariée.

C’est dans ce cercle de hauts protecteurs, ou de connais¬ sances intimes, que Vuorden achèvera ses jours: ce qui ne l’empêchera pas de sortir de temps à autre de sa demi- obscurité. Louvois, qui lui a fait l’honneur de tenir sur les fonts baptismaux le premier fils de son second mariage, emploie le Grand-Bailli des Etats de Lille et de Tournai comme commissaire aux conférences de Deynze (septembre 1676) ; plus tard, il le désignera pour assister à celles de Courtrai, tenues en exécution du Traité de Nimègue. Entre temps, le tout-puissant ministre l’invite à réunir en corps de volume les Inscriptions latines qu’il a composées pour célébrer chacune des victoires et évènements mémorables du grand règne. Ne soyons point surpris si, après cela, le brevet de baron est décerné à Vuorden.

Pour accompagner le texte de ses Inscriptions et leur servir de liaison , Vuorden a rédigé une sorte de Journal histo¬ rique dont il brûle de présenter un exemplaire au Roi : «Sire, » dit-il en le lui offrant lors du voyage à Versailles qu’il fit en 1685 , <r je n’aurais pas cru remplir le devoir d’un bon sujet de votre majesté, si travaillant, comme j’ai fait, de

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toute ma force pour son service , je n eusse travaillé aussi pour sa gloire. » k un tel compliment le Roi ne pouvait manquer de répondre qu’il connaissait Vuordenponr un des plus savants dans Vhistoire et qui Vécrivoit le plus à son gré. Vuorden , nous le savons déjà , prenait volontiers au pied de la lettre les félicitations de ce genre.

De Versailles, il fut à Chantilly le grand Condé, chargé d’ans et de lauriers , lui ménagea la réception la plus sym¬ pathique : « il me fit approcher de lui pour m’embrasser et me pressa avec ses mains affaiblies par la goutte , disant qu’il avoit bien de la joie de me voir... Je lui présentai M. de Wasquehal et mon frère, il reconnut très-bien l’un et l’autre. Je lui remis aussi le 2.® volume du Journal histo¬ rique. Il me dit qu’il avoit lu avec plaisir le 1.®’’ et en avoit même fait un peu la censure : ce qui ne l’empêcha pas, par bonté , de me donner des éloges dont je fus confus. Après avoir pendant une heure parlé de la Flandre, on lui apporta son lait , des fraises et du biscuit , sa seule nourriture , qu’il prit avec grand appétit. Je lui remis une copie des mémoires, en espagnol , du comte de Fuensaldagne, de 1646 à 1656 , et ceux des quatre dernières années jusqu’au traité des Pyrénées. Son Altesse reçut ce présent avec joie , et nous ayant dit d’aller souper , il ordonna qu’on nous donnât à chacun un appartement. Lorsque nous rentrâmes du souper. Son Altesse avoit déjà lu trois de ces mémoires ; il dit que cela étoit beau, mais trop abrégé, et qu’il ne trouvoit qu’une erreur, c’est que l’auteur indiquoit le duc de Navailles comme ayant été chargé parle cardinal Mazarin de conduire les trois princes au Havre de Grâce , tandis que cette com¬ mission avoit été donnée au comte d’Harcourt. Il continua ainsi jusqu’à minuit à donner les détails qu’il auroit voulu trouver dans ces mémoires. Enfin , sur ma demande , MM. Sanguin et le baron de Rivière lui firent observer que cette

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tension d’esprit pourroit le fatiguer et il nous dit qu’il nous recevroit de nouveau le lendemain, quand nous aurions vu Chantilly. »

Dans ce même voyage , Louvois retint Vuorden à diner : autant en fit le Contrôleur-général Le Pelletier , frère de Pex-intendant de la province de Lille, La faveur du baron était à son comble , lorsque la mort subite de Louvois (16 juillet 1691) vint lui porter un coup dont elle ne se releva point. Depuis lors , Vuorden , à défaut d’un protecteur qui s’appliquât à le faire valoir en cour , vit ses services moins appréciés. Tout changeait autour de lui, les principes aussi bien que les hommes : « M.' de Louvois , écrit-il dans un accès de découragement, « avoit de l’affection pour notre pays , qu’il vouloit , disoit-il , entretenir et engraisser à la manière d\ine bonne vache qu'il faut traire et non pas écorcher. Aujourd’hui , en 1696, on a des maximes bien différentes et auxquelles ni mon âge , ni la situation des affaires ne me donnent pas lieu de remédier. Dieu veuille que les traitants n’abimentpas et mon pays et le royaume ! »

Survivant à la génération de grands hommes dans la con¬ fiance desquels il avait eu l’honneur d’être admis , le baron de Vuorden n’échappait point aux influences de la vieil¬ lesse. « Dans les derniers jours de juillet 1699, il se sentit souffrant et sa femme voulut veiller près de lui ; après trois nuits ainsi passées , elle alla se coucher pour satisfaire son mari, dont l’état paraissait n’offrir aucun danger immédiat : quelques heures plus lard cependant, il se sentit atteint d’apoplexie et demanda lui-méme les remèdes qu’il croyait propres à son état ; mais voyant l’inutilité des efforts tentés pour conjurer le mal , il fit appeler sa femme et lui dit : « Madame , il faut nous séparer ; faisons-le dans un esprit » de résignation à la volonté de Dieu ; je vous laisse la » famille, elle ne peut-être en de meilleures mains. » Sa

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femme ne répondit que par des larmes. Afin de calmer sa peine, il prit le prétexte de ses devoirs de conscience pour la faire retirer. Son curé étant venu, il le pressa de lui dire ce qu’il pensait de son état et comme ce dernier hésitait :

« Monsieur , lui dit-il , j’ai toujours dit que je bénirai Dieu » dans la vie et dans la mort , j’espère beaucoup dans sa » miséricorde. » Après avoir vu son confesseur , il fit venir ses deux fils, leur donna longuement ses instructions , leur recommanda de conserver un grand respect pour leur mère, de vivre unis, de fuir les écueils du monde et surtout les jeux de hasard , source de tant de ruines. Il leur donna sa bénédiction et la donna aussi à ses trois filles absentes. Il reçut les derniers sacrements avec une grande piété et s’en¬ tretint ensuite avec sa femme, l’esprit libre et gai comme si le danger fut disparu. Après quelques jours passés ainsi , il s'éteignit doucement le 3 août 1699, dans sa 71.® année , ayant vécu en honnête homme et en chrétien plein de foi. Souvent il rappelait à ses enfants la protection que Dieu lui avait accordée et qu’il attribuait au sacrifice que ses parents avaient fait de leurs biens en Hollande plutôt que de renoncer à leur croyance. « Mes enfants reposez-vous en Dieu, et notre maison, établie sur cette pierre solide, ne périra point. » Ainsi finit Michel-Ange de Vuorden qui ne cessa de prendre le devoir pour guide dans un temps et un milieu témoins de tant de défaillances. Dans son âge mûr il sut, nous dit sa fille, se préserver d’une ambition avide comme il avait su éviter le désordre dans sa jeunesse. Usant de son influence en faveur du bien général, obligeant, dé¬ sintéressé , affable à l’égard de ses inférieurs, respectueux sans bassesse envers les grands, il se concilia l’affection et l’estime de tous. »

Arrêtons-nous sur cette citation qui , en même temps qu’elle achève de nous faire connaître l’estimable baron de

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Vuorden , nous initie aux qualités d’esprit et de style de son nouvel historien. A. Desplanque.

HOMMAGE A LA MÉMOIRE DE M. DELEZENNE

Examen analytique de ses précieuses expériences

d'acoustique musicale

par M. Cb, Méereiis. P)

Les sciences exactes appliquées à la théorie musicale demeuraient depuis la plus haute antiquité rebelles aux investigations des savants, c’est parmi toutes les connais¬ sances humaines celle qui se dérobait constamment à des données précises et sérieuses tout en nous montrant une foule de rapprochements illusoires. Egarée ainsi pendant des siècles dans les régions spéculatives de vaines théories, cette science a été ramenée dans la voie expérimentale par le physicien Delezenne.

M. Méerens commente les expériences du savant Lillois et en fait ressortir toute l’utilité au point de vue de l’art musical ; ainsi il explique le sentiment de la tonalité, les attractions des sons, la qualité consonnante ou disson¬ nante d’un même intervalle, les accents mélancoliques du mode mineur, tous phénomènes autrefois énigmatiques et qui devaient souvent embarrasser le professeur n’ayant que la volonté ou le plaisir de l’oreille à invoquer pour en donner la raison d’être.

« Quelle science attrayante » , dit M. Méerens, « quelles conquêtes de l’esprit d’investigation et d’observation que d’apprécier, par des raisonnements fondés sur les chiffres , ce que l’instinct a découvert et ce que le génie a fécondé î Il y a bien de quoi remuer les espri ts les plus indifférents,

(^) Extrait des Mémoires de la Société des sciences de Lille , 3.* série, tome vu.

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el l’on ne doit pas s’étonner de cette multitude d’essais in¬ fructueux qui en ont été l’objet. »

Aujourd’hui que la théorie musicale est basée sur des chiffres immuables et sur des faits certains, il serait à désirer que cette science fasse dorénavant partie de l’édu¬ cation des artistes : ce développement donné à l’instruction musicale amènerait, nous en sommes sûrs, des résultats heureux pour le perfectionnement de l’art et de la science.

DE l’origine du LANGAGE d’aPRÈS LA GENÈSE par M. Louis de Backer(*)

L’homme est-il apparu sur la terre dans toute la force de la virilité et en possession de toute son intelligence?

C’est la question que l’auteur résoud d’une manière affirmative dans le livre que nous allons analyser suc¬ cinctement.

Comme ce titre l’indique, M. Louis de Backer s’appuie sur le récit de Moïse :

« Dieu ayant formé de la terre tous les animaux terres- » très et les oiseaux du ciel, il les amena devant Adam » afin qu’il vit comment il les appellerait et le nom » qu’Adam donna à chacun des animaux était celui qui lui » convenait. » (Gen. ch. ii , v. 19).

L’homme a donc fait usage de ses facultés intellectuelles dès son apparition sur la scène du monde. « 11 a parlé sans avoir passé par le mutisme et le bégaiement de l’en¬ fance, sa parole est spontanée; elle n’est pas le résultat d’une délibération, ni d’une convention, ni de l’inven¬ tion. »

Autrement dit l’homme du commencement a reçu ensem¬ ble l’être et la parole ; il a créé spontanément sa langue

C) Paris, Ernest Thorin , éditeur -libraire, 7, rue de Médicis; 1869.

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sans effort et sans réflexion, et, grâce à un coup d’œil devinatoire, il a trouvé sans tâtonnement le rapport exact, le son et l’idée,

Telle est la tradition conservée par la Genèse sur l’ori¬ gine du langage, tradition qui, selon M. Louis de Backer, n’est pas en désaccord avec la philosophie moderne.

L'auteur examine ensuite quel a été le procédé employé pour créer le vocabulaire et cherche à démontrer que les sons primordiaux n’ont pu être produits par l’imitation des bruits de la nature, c’est-à-dire par o/iomafopees , ainsi que le croient MM. Ch. Nodier et Renan ; qu’ils ne proviennent pas non plus ^^interjections comme le pensent quelques' philosophes parmi lesquels il faut placer Condillac.

Mais si les éléments constitutifs du langage ne sont ni des onomatopées ni des interjections , que sont-ils ?

et Ce sont, répond l'auteur avec 31. 3Iax Muller, des types phonétiques produits par une puissance inhérente à l’esprit humain; c’est-à-dire des sons élémentaires expri¬ mant des idées générales, et semblables, par cela même, aux racines de toutes nos langues connues » ; et l’auteur en trouve la preuve dans l’analyse des noms imposés, suivant la Genèse, aux êtres primitifs avec lesquels l’homme a été mis en contact , noms qu’il cite et qu’il prend dans l’hébreu et le sanscrit les racines ont été le mieux conservées.

Ce n’est pas tout , 31. Louis de Backer a découvert dans l’idéographisme une nouvelle preuve du caractère synthéti¬ que du langage primitif.

Qu’est-ce que l’idéographisrae? Des images représentant l’idée en masse , l’écriture à l’état rudimentaire , en un mot « le système hiéroglyphique dont l’Egypte nous a conservé les plus beaux spécimens, d

En résumé, pour l’auteur, l’homme est apparu complet ; il a fait usage de la parole et de son intelligence en donnant

. 224

un nom à tout ce qui l’entourait, et , quand il sentit le be- soin de conserver ou de transmettre le souvenir d’un objet qui l’avait frappé, il inventa l’écriture.

Or , si les linguistes sont unanimes sur ce dernier point , il n’en est pas de même du langage qui fait encore l'objet de grandes discussions. Certains, en effet, admettent, et nous sommes de leur avis, que le langage comme l’écriture aurait été formé graduellement, et que, par analogie, l’homme en aurait trouvé le modèle dans la nature.

Quoiqu’il en soit , le langage primitif a donner nais¬ sance à un idiôme et cet idiôme issu de sons ou types pho¬ nétiques, on ne le connaît pas et on ne le connaîtra jamais.

« La langue, a dit M. de Humboldt (’), est quelque chose d’essentiellement et de constamment passager, car elle n’est que le travail de l’esprit , travail sans cesse renouvelé pour approprier le signe ou le son articulé à l’expression de la pensée; » et M. Max Muller « les changements histo¬ riques du langage peuvent être plus ou moins rapides, mais ils existent à toutes les époques, dans tous les pays.... On a trouvé que chez les tribus sauvages et illetrées , deux ou trois générations suffisent pour changer tout l’aspect de leurs dialectes. Les langues des nations civilisées au con¬ traire deviennent de plus en plus stationnaires et semblent quelquefois perdre pour ainsi dire la faculté de se modifier. Néanmoins des changements d’accents et de sons, l’intro¬ duction de nouveaux mots et la disparition graduelle de mots anciens, voilà ce que nous pouvons encore voir sous nos yeux. »

Dire maintenant par quelles innombrables transforma¬ tions sont passées les langues en germe pour arriver « à cette perfection que nous admirons dans l’idiôme de la

(1) Uber die verschiedenheit des menscblichen sprachbaues.

(2) Science du langage, Revue des Cours litt. , 1."* année p. 568.

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Bible, des Védas, du Koran. » C’est impossible et cela nous explique pourquoi les linguistes ont enfin renoncé à les retrouver. Nous avons dit les langues en germe parce que toutes celles qui sont ou ont été parlées sur la surface de la terre « se divisent en famille absolument irréductibles l’une à l’autre (^) » et qu’elles témoignent d’ailleurs des in¬ fluences diverses et opposées qui ont présidé à leur élabo¬ ration.

Nous n’avons pas besoin d’ajouter que cette irréductibilité de certaines familles de langues n’implique pas nécessaire¬ ment la pluralité des espèces du genre humain et qu’elle laisse entière Topinion de chacun sur la dispersion des peuples.

Revenons au livre de M. L. de Backer. Nous y avons vu que le langage primitif se composait de sons élémentaires exprimant des idées générales , d’où cette conclusion géné¬ ralement admise (car après avoir avoué leur ignorance les linguistes ont fait des hypothèses) , que la langue première a été une juxtaposition de ces mêmes sons, c’est-à-dire « le monosyllabisme diversifié par l’accent et soutenu par le geste. »

Il s’agissait de se faire comprendre d’une manière quel¬ conque.

« Au surplus, dit l’auteur, le système de faire succéder ou de juxtaposer les mots sans aucune marque de rapport n’est pas perdu , et nos langues indo-européennes possèdent encore des constructions le sens se détermine d’après la place que les termes occupent : c’est ce que dans toutes les langues on nomme mots composés. Du reste dirons nous à notre tour le monosyllabisme est encore la structure du Chinois et de la plupart des dialectes de l’Inde orientale ;

d) M. Renan , de l’origine du Langage ; 3.« édition , pages 302 et 305 ' cité par l’auteur, page 32 .

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mais comme dans ce système de langues il fallait qu’une indication quelconque marquât les différents sens d’un mot, on s’est servi de l’accent ; et cet accent joue un tel rôle, que si l’on donne , par exemple , k ba, bà, , ba (dans le chinois) les intonations convenables , cette phrase signifie Trois dames ont donné un soufflet au favori du Prince (i).

Après avoir développé longuement la méthode suivie pour la formation de nos langues parlées , M. Louis de Backer termine en les ramenant toutes aux trois procédés suivants :

« 1 Visolement , c’est-à-dire le procédé par lequel toute la pensée, objet et forme, est exprimée par des racines indépendantes ou isolées, qui sont employées comme mots et conservent une signification propre. »

A cette classe appartiennent les langues monosyllabiques.

2." Vagglutination ^ c’est-à-dire la formation de mots par la juxtaposition de plusieurs racines dont l’une perd son indépendance. »

Cette classe comprend le groupe touranieii.

< 3.° La flexion , c’est-à-dire la désignation de la forme par un changement phonétique interne de la racine , ou la formation du mot par la réunion de deux ou plusieurs racines. »

A cette classe appartiennent les langues sémitiques et indo-européennes. _ _ Lecocq.

HISTOIRE DE l’ANCIENNE CONFRÉRIE D’AMATEURS DE FLEURS

Etablie aux Récollets- Anglais à Douai sous le vocable de Sainte Dorothée parle chevalier Amédée de Ternas (2).

« Au XVII.® siècle, Douai possédait, comme presque toutes

(1) M. Max Muller, Revue des Cours litt. , 3." année , p. 602.

(2) Douai , Decliristé, 1870, br. in-8.° de 54 p. avec planches d’ar¬ moiries.— Se trouve en vente chez M. Quarré, libraire, Grand’Place à Lille ; prix ; 3 francs.

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les villes de Flandre, un grand nombre de confréries dont les membres avaient pour but d’bonorer Dieu tout en se ré¬ créant. C’est vers la fin de ce siècle, en 1663 , que nous voyons se former la Confrérie de Sainte Dorothée dont il va être question. Cette confrérie, érigée en l’église Saint Jac¬ ques, puis transportée aux Récollets-Anglais en 1716 , se divisa vers celte époque en deux sections. L’une d’elles se fixa d’abord à Saint-Pierre, fut transférée , en 1720, aux Récollets-Wallons, et cessa d’exister en 1737. L’autre, dont nous allons nous occuper, se maintint jusqu’en 1797 et vécut en bonne intelligence avec la seconde, car nous voyons que chaque année ces deux sections , qui formaient deux Confréries distinctes , s’envoient à tour de rôles les vins qui doivent servir au banquet, fin ordinaire de ces réunions. »

Les statuts de la Confrérie de Sainte Dorothée de Douai furent approuvés par le siège épiscopal d’Arras le 13 janvier 1664. Le 2 décembre suivant, le pape Alexandre vu, voulant témoigner l’intérêt qu’il attachait à la nouvelle asso¬ ciation, accorda des indulgences à tous ceux qui en faisaient partie.

Le nombre des confrères était fixé à 12. Chaque année , le 6 février, ils s’assemblaient pour élire un préfet ou prince. Le jour de la fête de sainte Dorothée , ils assis¬ taient à la messe et aux offices avec un bouquet de fleurs naturelles à leurs boutonnières.

M. de Ternas publie un Mémoire de ce qui s est fait pour la Solennité séculaire de la patronne de la Confrérie , le 6 Février 1767. Il donne ensuite la liste des princes de cette association et celle des principaux membres, avec notices biographiques et planches d’armoiries-

En 1807 et 1808, les jardiniers de Douai, secondés par les amateurs de fleurs et encouragés par l’administration muni-

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cipale , élevaient encore des buffets à sainte Dorothée dans l’église actuelle de Saint-Jacques. Jusqu’en 1823 , ils célé¬ braient la fête de leur patronne avec une grande magni¬ ficence.

M. de Ternas termine sa curieuse Notice en exprimant le vœu de voir la confrérie de sainte Dorothée se relever par les soins des dames patronessesdela Société d’Horticulture, fondée à Douai le 10 septembre 18o2. A. D.

CHRONIQUE

Archéologie. Milliaire romain à Etrœungt. Dans une lettre écrite à la Commission historique, M. Lebeau, d’Avesnes, annonce la découverte d’un milliaire ou borne itinéraire le long de la chaussée romaine de Bavai à Reims, au hameau de la Pérée à Etrœungt. La colonne et le socle hauts ensemble de 1 m. 12, sont en pierre blanche du Laonnais ; malheureusement la partie supérieure de la colonne qui portait l’inscription a été brisée et n’a pu être retrouvée. M. Lebeau suppose que c’est la douzième borne à partir de Bavai ; la quatrième avait été trouvée à Pont-sur- Sambre en 1777 par Dom Bévy.

Cette nouvelle découverte vient confirmer l’opinion qui plaçait à Etrœungt , la station romaine désignée sous le nom de Duronum. Seulement la Commission de la carte des Gaules plaçait Duronum au hameau de Warpont à 1 kil. au nord de borne milliaire, tandis que M. Lebeau se fondant sur ce que les débris romains tels que monnaies, tuiles , poteries, sont en général trouvés au hameau de La Pérée, préfère voir en ce lieu la station romaine.

Sépulture Gallo-Romaine et Hache en silex polie, à Lille. M. Rigaux fils a fait à Esquermes , le 23 mai dernier, une seconde découverte non moins intéressante que celle dont nous avons parlé dans notre dernier numéro. Elle

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est due aux bienveillantes indications fournies par MM. Ben- vignat et Durieux, raffmeurs. Cette découverte consiste en divers objets remontant à l’époque gallo-romaine, et qui composaient une sépulture à incinération. Huit vases ont été retirés de terre. On remarque dans ce groupe lurne ci¬ néraire, la cruche à la boisson, un bol avec sa soucoupe, les vases aux libations et aux offrandes. Deux avaient une couverte rouge très-brillante , et sur l’un se voit l’estampille du potier, un troisième de forme gracieuse, est orné de des¬ sins en creux, les autres sont en poterie commune. Cette sé¬ pulture renfermait déplus deux fibules de forme variée, une épingle brisée, une sorte de cure-oreille, le tout en cuivre.

Un fragment de tuile romaine ramassé par M. Rigaux dans le fond d’une des sépultures franques d’Esquermes lui avait déjà fait prévoir la rencontre dans un rayon rap¬ proché, d’antiquités gallo-romaines.

La précédente trouvaille faisait remonter l’origine d’Es¬ quermes aux environs du vu.® siècle, celle-ci la reporte à une époque certainement antérieure au règne de Cons-

r

tantin-le-Grand.

C’est donc un renseignement très-important pour la sta¬ tistique archéologique de notre arrondissement de Lille.

Il nous reste à signaler un autre objet provenant de la même excavation ; c’est une hache en silex qui a été polie. La présence de cette hache dans un endroit non remué depuis l’époque gallo-romaine peut faire espérer que l’on retrouvera un jour à Esquermes des antiquités qui permet¬ tront de reculer encore son origine. Tous les objets précités sont déposés au Musée de Lille.

Bourgade gallo-romaine à Elewyt^ près Bruxelles. M. Van Dessel , géomètre à Elewyt , a entrepris des fouilles sur remplacement d’une bourgade gallo-romaine qui a existé en cette commune. Il a trouvé des substructions

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porlanl des traces d’incendie qui attestent une œuvre de destruction probablement accomplie à main armée. On y a recueilli des poteries, des morceaux de verre, des anneaux, des fibules, des monnaies qui s’étendent depuis Fère con¬ sulaire, jusqu’aux derniers empereurs et un anneau en fer portant une petite pierre bleue sur laquelle est gravé un centaure attaqué par un lion. D’après M. Wauters, Elewyt aurait été habitée par les colons et les serfs d’une villa romaine qu’il place à Perck. [Communication de M. Gales- loot à V Académie de Belgic/ue).

Bague romaine. M. Cools, bourgmestre à Becquevoort, vient de rencontrer prés de son habitation , une magnifique bague en or ciselé; le chaton porte une pierre fine sur laquelle est gravé un guerrier qui étend la main droite sur un brasier ardent. Il est facile d’y reconnaître Mucius Sœvola. Cet anneau comme celui d’Elewyt, servait de cachet pour sceller. On les fit d’abord en fer, puis en or; mais l’usage de ce dernier métal fut restreint à Rome aux séna¬ teurs et aux principaux magistrats, [id.) J. G.

Arcliéolog^ie prclis&itoric|ue. Sépulture de Vâge de la pierre polie à Bumigny . Près de Rumigny, dépar¬ tement des Ardennes, au confins du département de l’Aisne, se voit un mamelon, la côte de l’Hopitât, qui parait avoir été fréquentée par une tribu de l’époque de la pierre polie. On y a trouvé un tombeau en pierre brute qui contenait une quinzaine de squelettes rangés sur deux rangs. Près d’un des crânes se trouvait d’épais cheveux roux de 20 centi¬ mètres de longueur. On a recueilli aussi dans cette sépulture 7 haches en silex poli , dont une était encore enfoncée dans sa gaine en corne de cerf et un bouton en os poli ayant beaucoup d’analogie avec certains boutons actuels. Autour de ce gisement , on a trouvé à la surface du sol , des haches en silex taillées et non encore polies. (Ex. d’une note de M.''®

231

Piette el de Ferry dans les Matériaux pour Vhistoire primi¬ tive et naturelle de l'Homme. 2.® sé. VI, n.‘’4, 1870). J. G.

Météorologie :

JUIN

1870

Température moyen ne . lo.® o8

> J des maxima . 10.'’ o9

t i des mininia . 20.® b6

» extrême miniina, le 9. . . 6." 70

> » maxima, le 14. 30.® 40 Baromètre hauteur moyenne à 0.®. . . . 763“'“386

» hauteur extrême minima , le 9 . . 7o9“"'22 > j> > maxima , le 6. . 773““62

Tension de la vapeur atmosphêr . 9“"’ 19

Humidité relative moyenne % . 64.0

Epaisseur de la couche de pluie . 15“"86

» de la couche d’eau évaporée. . 134T77

JUIN

année moy 15.® 94

759^“ 749

10”'"26

69.85

63^064

128T"52

D’après ce qui précède , nous voyons que la température atmosphérique du mois de juin ne fut inférieure à celle du même mois déduite de 15 années, que de 0®, 36; l’épaisseur de la couche d’eau évaporée ne fut pas non plus très- différente.

Mais ce qui donne à juin 1870 son caractère dominant, c’est sa grande sécheresse. Tandis que, année moyenne, il tombe pendant ce mois 63 millimètres de pluie, il n’en est tombé cette année que 15”“. 86 en 11 jours. Si de cette quantité déjà si faible, on retranche les 8””. 0 du 1.", il ne reste que 7””. 86 pour tout le mois. Aussi les prairies sont-elles partout desséchées, les récoltes très-compromises, et les bestiaux sans nourriture.

La tension de la vapeur d’eau fut inférieure de 1““ 07. à celle d’une année moyenne et l’humidité de l’air ne fut que de 64 7„ au lieu de 69. 87 ®/o.

La même sécheresse exista dans les régions élevées de l’atmosphère, car la hauteur de la colonne barométrique fut de 3“”. 637 supérieure à celle du mois correspondant année moyenne.

252

Malgré la sérénité des nuits les rosées ne furent qu’au nombre de 13.

Les vents dominants soufflèrent du S.»0. et du N.-O.

Le 17 , à 4 h. 45 minutes du matin, il éclata un orage amené par les nuages de la couche moyenne venant du S, avec une marche très-lente, le vent soufflant de S.-S.-O; la pluie fut très-peu abondante et de courte durée (1"™"'. 50); à 5 h. 43 tout était dissipé et le ciel reprenait son calme et sa sérénité ordinaires. V. Meurein.

:N'écrolo^ie. Le 27 Juin dernier s’est éteint, dans sa cellule, à Lille, le R. P. Possoz de la Compagnie de Jésus. à Douai en avril 1803 , il fut ordonné prêtre en 1826 et entra dans l’Institut de Saint Ignace en septembre 1833 , après avoir professé successivement la rhétorique et la phi¬ losophie au séminaire de Cambrai. Il a fait paraître un grand nombre d’ouvrages principalement consacrés à l’his- toire religieuse de nos contrées : Les Sanctuaires de la Mère de Dieu dans les diocèses de Cambrai et d'Arras; La vie du P. Edmond Campian , celle du P. Henri Walpole^ celle du P. Robert Southivell , tous trois martyrisés en Angleterre après avoir étudié dans les couvents anglais fondés à Douai ; la vie de Van der Burch , le pieux évêque de Cambrai qui créa tant d’œuvres de charité ; la vie de Jean Vendeville, professeur de Droit à l’Université de Douai et plus tard évêque de Tournai ; la vie du P. Ignace Chômé ^ jésuite, à Douai et mort dans la mission du Paraguay. A. D.

IVouvelles de la Littérature et dest Arts». Par une distinction bien justifiée , M. Louis Cousin , président de la Société dunkerquoise , vient d’être fait chevalier de Saint Grégoire le Grand. A. D.

Le Gérant : E. Castiaux.

TYP. DE BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2/ Année. N.“ 8. Août 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE DE TOURNAI.

Bulletins, t. xiii, 1868-1869.

La Société historique et littéraire de Tournai , fondée en 1846, se compose de 15 membres effectifs ; elle est admi¬ nistrée par un comité permanent dont les membres sont aujourd’hui :

MM. Dubus (François) , président émérite du Tribunal civil de Tournai, ancien membre du Congrès, commandeur de l’Ordre de Léopold ; Président,

Voisin (Charles-Joseph) , vicaire-général , doyen du Chapitre , prélat domestique de Sa Sainteté , che¬ valier de l’Ordre de Léopold ; Vice-Président et Trésorier.

De Nedonchel (le comte Georges), chevalier de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand ; Bibliothécaire- Archiviste.

Wacquez (Jules) , avocat ; Secrétaire.

Dans cette petite phalange d’archéologues , d’historiens et de littérateurs, les talents et les bonnes volontés suppléent au nombre ; aussi compte-t-elle autant de vo¬ lumes ( de bulletins et de mémoires ) que d’années d’existence ; volumes en majeure partie consacrés à l’his¬ toire locale étudiée et traitée dans toutes ses branches et à tous les points de vue. Le tome xiii des Bulletins que j’ai sous les yeux renferme des communications nombreuses et diverses , peu étendues (car sans cela leur place serait dans les mémoires) , mais toutes pleines d’intérêt et dont je vais essayer de donner une idée succincte.

Voici d’abord des notes intitulées: de l’Orgue, des Cloches et du Carillon. En communiquant à la Société des

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documents trouvés dans les archives de la cathédrale, et relatifs à ces trois objets , M. le vicaire-général Voisin y joint quelques réflexions. Le sort de ces instruments a été bien différent et leur rôle est bien changé : tandis que l’orgue a pris une importance qui le rend méconnaissable et un volume qui a forcé de l’éloigner du sanctuaire, l’usage de la sonnerie est devenu fort modeste, les cloches sont en petit nombre et* les carillons sont le partage de quelques villes privilégiées. Anciennement on faisait grand bruit à l’extérieur du temple ; on croyait que le son de l’airain ne pouvait avoir ni trop de force, ni trop de charmes, pour attirer au lieu saint , les voix devaient chanter les louanges du Créateur, avec les seuls accompagnements qui pouvaient les rendre plus harmonieuses et plus agréables , tandis que maintenant le bruit se fait dans l’église et , bien souvent, il empêche qu’on ne comprenne les paroles de la liturgie. Est-ce mieux ? « Non seulement nous ne le pen¬ sons pas, ditM. Voisin, mais nous le déplorons. »

Vient ensuite, par le même auteur, la description de deux verrières à sujets légendaires sont représentées des scènes de la vie de saint Médard , dans l’un des bas-côtés du chœur de la cathédrale. L’un de ces vitraux est un don de M.“® Olislagers de Meerssenhoven, née comtesse du Parc. Une notice sur ces deux familles Olislagers et du Parc précède la description du vitrail. L’autre est un don de M. le baron Jules de Rasse et de M. le baron Alphonse de Rasse , son frère , bourgmestre de Tournai. Une notice bio¬ graphique sur Cbarles-Henri-Joseph de Rasse , père des donateurs , est insérée dans le 3.® volume des Bulletins de la Société.

Dans une autre communication, M. Voisin détermine, avec plus de précision qu’on n’avait pu le faire jusqu’à présent,

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la date de la naissance du chanoine Cousin d’après un pas¬ sage l’historien de Tournai (p. 271 du 4.® livre) rappelle une particularité de sa jeunesse. Jean Cousin serait vers 1556 et aurait eu à sa mort, arrivée en 1636 , quatre-vingts ans.

Le savant vicaire-général s'était déjà occupé , dans le volume précédent, d’une question d’archéologie chrétienne jusqu’à présent négligée. Selon lui la couronne crénelée qu’on a donnée au Christ sur la croix aux x.® et xi.® siècles, aurait une signification mystique particulière. Cette cou¬ ronne, que les Romains décernaient à ceux qui avaient sauté les premiers sur les murs crénelés d’une ville, rap¬ pellerait, sur la tête du sauveur, la victoire qui a ouvert le ciel à l’homme. Jésus-Christ, vainqueur de la mort par sa résurrection, est entré le premier avec la chair de son humanité dans la Jérusalem céleste nous pouvons main¬ tenant entrer après lui. M. Voisin corrobore ici son opinion par cette considération, appuyée d’un exemple, qu’à l’époque l’on donnait cette couronne au Christ, on représentait communément la Jérusalem céleste comme une ville en¬ tourée de murailles crénelées. Il y a évidemment corré¬ lation entre la couronne crénelée du Christ et les créneaux de la cité céleste.

Sous le titre : Archéologie chrétienne, M. l’abbé Huguet fait le récit d’une excursion dans l’est de la France, et par¬ ticulièrement en Savoie et en Suisse il allait chercher autre chose que des sites , des lacs et des montagnes, et il a recueilli des notes intéressantes sur les édifices religieux.

Dans un utile travail tout à la fois bibliographique et historique , M. le Président Du Bus produit une liste rai¬ sonnée des Ouvrages de Gilbert de Choiseul , évêque de Tournai. Les écrits du prélat sont nombreux ; cette liste ,

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qu’on ne croit pas encore complète, en signale cinquante- neuf. M. Du Bus donne de chacun d’eux une analyse suffi¬ sante pour en faire apprécier le contenu et l’esprit ; il fait aussi connaître les divers écrits qui ont été opposés au prélat dans les luttes qu’il a eu à soutenir ; l’auteur de cette liste expose et ne juge pas.

Méreaux de Tournai (avec planches). Deux articles , l’un de M. Renier Ghalon, déjà publié dans la Revue de la numismatique belge , l’autre , complétant le premier , par M. le comte de Nédonchel, traitent de ces petits monuments métalliques si intéressants. Les méreaux de Tournai, assez nombreux, mais la plupart restés inédits, ne sont pas, comme dans beaucoup de villes, des plombs plus ou moins grossièrement coulés : ce sont en général de jolies pièces en cuivre imitant le style et les types des monnaies véritables. Ce fait s’explique par la présence à Tournai, jusqu’à la conquête de cette ville par Louis XIV , d’un atelier consi¬ dérable de monnayage. On avait ainsi sous la main des graveurs et des ouvriers habiles et l’on s’en servait.

Note sur l'église de Saint-Nicolas à Tournai^ par M. Voisin. L’auteur précise l’époque et les circonstances de la construction de cette, curieuse église ; discute plusieurs questions qui se rattachent à l’origine de la paroisse et aux limites des deux diocèses de Cambrai et de Tournai , séparés par un bras de l’Escaut ; puis il parcourt les diffé¬ rentes parties de ledifice pour en déterminer l’état pri¬ mitif, signaler les changements qu’il a subis et émettre son opinion sur ce qu’il serait convenable d’y faire pour le restaurer. Cinq dessins dûs à M. l’arcliitecte Bruyenne et des pièces justificatives embrassant les xiii.® et xiv.® siècles accompagnent cette importante étude.

Obligé de me borner, je ne puis plus que mentionner les

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notes sur Jean et Simon Bu Portail, anciens chanoines de la cathédrale de Tournai , par M. Voisin, et un rapport de M. Vos , curé d’Ère , sur une notice intitulée : Quelques détails sur Véglise paroissiale de Chièvres , par M. le d/ Père. L’auteur a relevé un grand nombre d’inscriptions tu- mulaires qui décorent l’intérieur de cette église, parmi lesquelles celle de Martin de Vuorden , père du célèbre baron Michel-Ange de Vuorden qui naquit à Chièvres en 1629 et mourut à Lille en 1699. A ce rapport sont jointes des recherches intéressantes sur ce même baron de Vuor¬ den, par M. le Président Du Bus.

Je veux pourtant signaler encore deux jolies pièces de vers de M. Wacquez : le cheval et son maître, fable, et Laissons voler les papillons.

Que de fois pauvres enfants d'Eve,

On nous voit courir ici-bas Après une ombre , après un rêve !

En vain , nous lui tendons les bras ;

11 fuit ! nous ne l’atteignons pas _

Pauvres fous , nous courons encore ;

Epuisés, enfin, nous tombons,

Et le beau rêve s’évapore .

Laissons voler les papillons.

T.*'® Leuridan,

Archiviste -bibliothécaire de Roubaix.

BIBLIOGRAPHIE

LA MAGISTRATURE TOURNAISIENNE (1789-1870) , par H. Vandenbroeck. P)

Déjà, au moyen du dépouillement des chirographes et des documents transcrits dans les anciens cartulaires, on avait pu établir , d’une manière à peu près complète , la liste des magistrats de Tournai de 1198 à 1313. De 1313 à 1792 , les noms des magistrats de cette ville sont inscrits dans les

P) Tournai, Malo et Levasseur , 1870, 1 vol. in-8.®

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18 registres dits de la Loi^ précieuse collection que possè¬ dent les Archives communales. En 1851, après plusieurs années de recherches que la mauvaise tenue des registres et le désordre qui règne dans les papiers de l’époque républi¬ caine rendaient difficiles et ardues , M. Vandenbroeck avait pu soumettre au Conseil la chronologie des magistrats communaux depuis 1792 et c’est ce travail complété jus¬ qu’à nos jours que le laborieux archiviste livre à la pu¬ blicité.

Il ne s’agh point ici d’un simple assemblage de noms. Après un aperçu rapide sur l’organisation communale pendant les grandes périodes qui ont précédé l’ère républi¬ caine, l’auteur explique sobrement, mais suffisamment, les changements successifs auxquels les événements politiques ont soumis cette organisation à partir de la Révolution bra¬ bançonne ; changements fréquents , amenés par les restau¬ rations autrichiennes alternant avec les invasions fran¬ çaises , par la réunion de la Belgique à la France , par la domination hollandaise et enfin par l’indépendance natio¬ nale. Quelques-uns de ces noms rappellent certaines natures d’élite qui ont fait preuve de talents administratifs des plus remarquables ; les notes biographiques ou historiques qui les accompagnent ont bien aussi leur valeur.

Du reste, en dehors de l’intérêt qui s’attache historique¬ ment à ces listes, il y a parfois le côté pratiquement utile : dans ce cas se trouve la liste alphabétique des magistrats de Tournai depuis la réforme opérée par Gharles-Quint, en 1521 , dans la composition du corps communal. Ce précieux document préparé par M. Vandenbroeck et publié comme appendice à son beau travail, sera consulté souvent et avec fruit par ceux de ses concitoyens qui appartiennent aux familles de l’ancienne magistrature et qui , à ce litre , peuvent prétendre à la fondation faite, en 1858, par le

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chevalier Adolphe de Ferrare, en faveur des descendants des magistrats de Tournai avant 1790.

De quelque côté qu’on examine ce livre , on ne peut que le louer , et je le fais avec d’autant plus de sincérité que je sais par état combien ces sortes de travaux sont arides et ingrats. Th." Leuridan.

LES BIBLIOGRAPHES PICARDS

par M. Pour , membre de la Société des Antiquaires de Picardie. (*)

M. Pouy fait figurer en tête de sa liste un chanoine d’Amiens, Richard de Fournival , qui dressa, au xiii.® siècle, sous le titre de Biblionomia, un catalogue de sa propre bibliothèque, aujourd’hui conservé à la Sorbonne. Il inscrit ensuite le nom du célèbre Vincent de Beauvais dont la Bibliotheca mundi est une encyclopédie des sciences et des lettres à la même époque.

La Bibliothèque d’un magistrat picard^ décrite par Roger , offre un spécimen de la manière confuse et peu méthodique dont on rédigeait un inventaire de livres au commencementdu xvii.® siècle. Passant aux bibliographes vraiment® dignes de ce nom », M. Pouy rappelle que Gabriel Naudé mourut à Abbeville , le 29 juillet 1 653 , et qu’il y fut inhumé. Adrien Baillet , à qui ses Jugements des savants donnent rang parmi les bibliographes , appartient plus directement à la Picardie, puisqu’il vit le jour à la Neuville- en-Hez , près Beauvais. C’est à Guise que naquit en 1678 le libraire érudit, Prosper Marchand, qui fonda et rédigea en Hollande le Journal littéraire, l’un des meilleurs pério¬ diques du temps. Amiens vit naitre, en 1758, un autre libraire, Louis Gaudefroy, auteur de nombreux catalogues.

P) Paris, Baur et Détaille , 1869, br. in-S.® de 16 pages.

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qui devint, en 1810, inspecteur de l’imprimerie et delà librairie à Paris. Son emploi ayant été supprimé en 1815, il collabora jusqu’en 1823 à la Revue bibliographique des Pays-Bas , publiée à Bruxelles , par Dernat.

L’espace nous manque pour citer tous les autres collec¬ tionneurs, descripteurs ou amateurs de livres , qu’énumère M. Pouy comme se rattachant à la Picardie, soit par leur origine, soit par leur résidence, soit par la spécialité de leurs études. A. D.

COLLECTION COMPLÈTE DES INSCRIPTIONS NUMIDIQUES(/^6iqi/es) par le général Faidherbe , ancien Gouverneur du Sénégal.

Les inscriptions dont il est question sont au nombre de 162, figurées sur les 5 premières planches. Ce sont des épi¬ taphes funéraires gravées sur pierre et trouvées, pour la plupart, pêle-mêle avec des inscriptions latines. Il y en a même un certain nombre qui renferment à la fois une partie latine et une partie numidique, aussi l’auteur les rapporte à l’époque romaine et à la langue parlée par les anciens Numides, langue que saint Augustin désigne sous le nom de punique. Cette écriture qui s’est conservée en se modifiant chez les Touaregs, n’a probablement jamais servi qu’à l’épigraphie , comme cela a également lieu de nos jours chez les mêmes peuples. En tête de la 1."® planche est une inscription punico-lybique probablement plus an¬ cienne que les autres et due aux Lybiens qui avaient subi l’influence carthaginoise , car elle contient des lettres phé¬ niciennes. La VI.® planche est consacrée à 34 inscriptions rupestres originaires du Sahara et à 6 inscriptions touaregs.

A l’aide des inscriptions bilingues latino -numides et en s’aidant de comparaisons avec le Touareg, M. Faidherbe essaie de reconstituer l’alphabet numide et de déchiffrer

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quelques inscriptions. Il conclut qu'en somme « Tépigra- phie numidique n’offre pas un bien grand intérêt; elle peut exciter la curiosité de ceux qui ont le goût de ce genre d'études, mais elle n’est pas destinée à nous apprendre grand chose » Mais si ces inscriptions sont par elles-mêmes peu importantes, elles ont fourni à l’auteur l’occasion de publier des considérations très-remarquables sur l’ethno¬ graphie.

Le général Faidherbe a mis à profit son long séjour en Afrique et ses rapports avec les tribus qui peuplent ces contrées , pour soulever un coin du voile épais qui couvre leur origine.

Il y a deux ans, dans le Bulletin de V Académie d'Hippone, le savant général rendait compte de ses recherches sur les dolmens de Roknia, localité située dans la province de Gonstantine, près des sôurces d’eau chaude d’Hammon Mascoutin , les Romains avaient établi une station thermale. Peut-être ces sources chaudes avaient attiré aussi les anciennes populations de l’Afrique. Car dans les escarpements de l’Oued Roknia, M. Faidherhe a trouvé 3 à 400 grottes dont le? trois quarts ont, selon lui, servi d’habitations. Sur le plateau se dressent plus de 3,000 sé¬ pultures formées de pierres brutes. Les plus grandes ne contiennent que 1 ou 2 squelettes; les plus petites en con¬ tiennent jusqu’à 7 ; c’étaient en quelque sorte les fosses communes de l’époque. Dans ces tombeaux on trouve des poteries grossières , des ornements en bronze et quelques uns en argent doré.

L’année passée, le même savant signalait à Mazela, dans la même province , environ 2,000 tombeaux semblables à ceux de Roknia. Ces dolmens ne sont jamais recouverts de tumulus , mais ils sont parfois entourés d’une enceinte de pierre levée ou Cromlech.

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- Selon toutes probabilités , ces tombeaux sont l’œuvre d’une race blonde venue d’Europe et dont il reste encore de nombreux descendants parmi les populations indigènes de l’Algérie et du Maroc. Au milieu d’une grande majorité aux cheveux et aux yeux noirs , on y reconnait encore un certain nombre d’individus aux cheveux blonds et aux yeux bleus. L'opinion la plus vulgaire fait de ces hommes blonds les descendants des Vandales qui envahirent le nord de l’Afrique au v.® siècle de l’ère chrétienne ; mais un auteur du IV.® siècle avant notre ère , Scylax , dit , en parlant des Lybiens, qu’ils sont tous beaux et blonds Bien plus, M. Ma¬ riette a déchiffré le document suivant qui remonte à la xix.® dynastie égyptienne, environ 1,400 ans avant J. -G. « Des » déserts situés à l’occident du Delta un flot de nomades D aux yeux bleus et cheveux blonds descend des îles de la » Méditerranée sur le continent africain , menace les pro- * vinces du nord de l’Egypte et n’est contenu qu’avec de » grands efforts par les armées égyptiennes. »

Quoique vaincus, ces nomades blonds aux yeux bleus que les Egyptiens désignaient sous le nom générique de Ta- mehou, finirent par s’introduire dans l’armée égyptienne comme auxiliaires et devinrent bientôt les véritables maîtres de la Basse Egypte. M. Faidherbe pense que Psammeticus, qui rétablit l’empire égyptien en chassant les rois éthiopiens et devint le chef delaxxvi.® dynastie (665 ans avant J. -G.), appartient à cette race Taraehou.

Les rapports de celle-ci avec les Egyptiens paraissent remonter plus haut encore, car la reine Taia, mère d’Araen- holep IV , de la xviii.® dynastie , est représentée avec les cheveux blonds , les yeux bleus et les chairs roses ; elle avait été épousée pour sa beauté par le roi Ainenhotep III. . Ainsi à l'époque les Phéniciens établissaient leurs premiers comptoirs sur la côte africaine, une race blonde

^ 245

couverte de peaux de bêles, enterrant ses morts dans des dolmens, envahissait le nord de l’Afrique et pénétrait jusqu’en Egypte. D’où venait-elle? Le général Faidherbe la fait arriver d’Europe par les trois péninsules Hibérique , Italique et Hellénique. En remarquant qu'on ne trouve pas de dolmens en Italie et qu’ils sont très-fréquents en Es¬ pagne , il me semble plus probable que la race blonde tra¬ versa le détroit de Gibraltar qui, à cette époque n’était peut-être qu un étroit fossé.

Ces blonds envahisseurs trouvèrent l’Afrique déjà ha¬ bitée par une race brune probablement identique à celle que les nouvelles découvertes pale-éthnographiques nous font voir comme les populations primitives de l'Europe. Les deux races se mêlèrent l’une à l'autre, mais la race blonde conserva longtemps la suprématie comme le montre le témoignage de Scylax. Il est probable selon le savant général que la royale famille de Masinissa était blonde. C’est de cette alliance des deux races que sont sortis les Kabyles de l’Algérie, les Chaouïas de l’Aurès, les Touaregs du Sahara oriental, les Zenayas du Sahara occidental, etc. Tous parlaient la même langue dhisée en plusieurs dia¬ lectes. Cette langue est-elle celle des Lybiens indigènes ou celle des blonds du Nord ? M. Faidherbe admet la première hypothèse et il déclare en même temps que, dans l’ignorance l’on est encore de la langue berbère, on ne peut indiquer ses véritables affinités.

C’est en cette langue plus ou moins modifiée par un in¬ tervalle de 10 siècles et par l’influence des idiomes, des blonds Tamehous, des Phéniciens et ensuite des Romains, que seraienfécrites les inscriptions numidiques qui font le sujet du livre. J. G.

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LE CRUCIFIX BLASPHÉMATOIRE DU PALATIW

Considérations nouvelles sur cette image

par le d/ F. X. Kraus , traduit de rallemand par M. Charles de Linas , avec notes et appendice du traducteur. (* *)

En novembre 1856, le déblaiement de deux murs d’un appartement situé dans la vigne Nusiner, à l’angle occi¬ dental du mont Palatin, mil à jour des figures et inscrip¬ tions tracées à la pointe. L’un de ces graffiti représentait un corps humain habillé , dont la partie supérieure finit en tête de cheval ou d’âne : le monstre est appliqué sur une croix en forme de T ; ses mains sont visiblement attachées à de grandes traverses ; ses pieds reposent l’un près de Tautre sur une traverse inférieure qui lient lieu de suppe- daneum. A gauche du spectateur , on voit un homme éga¬ lement habillé, dans l’attitude d’un adorateur. Entre les deux figures et au-dessous, se trouve une inscription grecque divisée en quatre lignes et ayant pour sens : Alexamenos adore [son) Dieu.

Le P. Raphaël Garucci (^) qui a, le premier, décrit ce singulier crucifix, l’a regardé comme une marque de la haine et des préjugés païens envers la religion chrétienne et son fondateur. Suivant lui, le graffito romain correspond à une autre représentation insultante du Christ dont Tertullien parle dans le ch. xvi de son Apologétique : « Deus Christia- norum ovoxotT>3o-. (®) » Des témoignages rassemblés par Garucci et, depuis lors, par Becker, (4) il résulte que, jusqu’au 111. ®siècle inclusivement, les païens infligèrent, aux

(b Arras , V.* Rousseau-Leroy, ls70 , br. in-8.° de 35 pages ( Extrait de la Revue de l'Art chrélîm , xiv.' année , n.®3 ).

(2) Civilla cailoHca , 1856 , Il crocifisso graffilo , Rome , 1857.

(*) Sur la valeur de ce terme, voir Apulée, Métamorph. liv, x et JüvÉNAL , Salir, vi.

Das Spollcrucifw des rom. Kaisers païaste, Breslau , 1866.

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juifs comme aux chrétiens, le blâme ridicule d’adorer un Dieu à tête d’âne.

C’est cette interprétation que repousse un érudit autri¬ chien, M. Haupt, (') et que défend M. le docteur Kraus.

M. Haupt ne veut voir aucune allusion au christianisme dans le crucifix onocéphale. Il pose en thèse que les païens ont connu un dieu-âne, la Selh ou Smy des Egyptiens, identifié parles Grecs avec leur Typhon et adoré sous cette forme. L’image du Palatin serait donc un monument sérieux du culte de Typhon.

M. Kraus, lui, persiste à y voir une caricature du Dieu des chrétiens , et il appuie son opinion d’excellentes raisons que notre compatriote M. de Linas , non content de les faire passer dans notre langue , développe et fortifie. Etant admis (et les savantes recherches de M. Lenormant ont mis depuis longtemps ce point hors de doute) que la portion du Palatin fut découvert le crucifix servait, sous les Empe¬ reurs, de Pædagogium pour les jeunes esclaves nés dans la maison , vernæ , et destinés à devenir pages , pueri pœda- gogiani , on ne sera pas éloigné de reconnaître , avec M. de Linas, dans Alexamenos, « un malheureux surveillant, un pion, passez-moi le mot, soupçonné ou convaincu de chris¬ tianisme, et tourné publiquemement en ridicule, lui et son Dieu, par l’impitoyable rancune d’un jeune vaurien. »

Une autre hypothèse se présente, que justifie la grossiè¬ reté du dessin objet de cette étude. Le geste du baise-main , signe caractéristique de l’adoration et qui fait qu’on a long¬ temps pris Alexamenos pour un sectateur du Christ , ne ressemble-t-il pas étonnamment à un autre geste beaucoup moins respectueux « et que l’on nomme vulgairement pïecf de nezl » Dès lors la caricature changerait de sens, sans cesser * (*)

(î) Rapports et communications de la Société archéologique de Vienne, t. Xlir.

(*) OsUrr. Yierleljahresschrift fur Kath. Théologie , vin .Tahrg. , 2 heft.

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d’être injurieuse pour les chrétiens , et en le devenant même davantage.

Quanta la date du crucifix blasphématoire, M. de Linas, serrant les conclusions du P. Garucci , n’hésite pas à la placer sous le règne de Septime-Sévère (192-211). A. D.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.

RÉORGANISATION DE L’HÔPITAL DE SAINT-OMER ,

DIT DE SAINT LOUIS OU DU CHEVAL d’OR OU BRULÉ.

Le peu d’espace dont nous disposons dans notre Bulletin nous a fait jusqu’ici hésiter, malgré les vives instances de quelques-uns de nos abonnés , à y introduire des documents inédits. Encore maintenant nous sommes résolus à n’ad¬ mettre, en ce genre, que des pièces courtes et d’un intérêt réel. Celle que nous communique M. E. Fourdin, archiviste de la ville d’Ath , et que nous sommes heureux de placer aujourd’hui sous les yeux de nos lecteurs, nous paraît réunir cette double qualité.

M. H. de La Plane , secrétaire perpétuel de la Société des Antiquaires de la Morinie , a publié dans le t. i du Bulletin de cette société (p. 222-234), un règlement pour les hôpitaux réunis de N. D. de Vescoterie et de Saint-Louis, dit du Cheval d'or, en date du 18 Mars 1427 (v. st.) La pièce produite par M. Fourdin est antérieure à cette réunion. A.D.

« A tous cenlx qui ces lettres verront , Mayeurs et Eschevins de la ville Saint-Omer , salut. Sçavoir faisons que nous tous assamblez , tant de l’une année , comme de l’aultre, avecq nostre Conseil, par grande et meure délibé¬ ration, considérées les ruines qiiy esloient en la maison et hospital de SaintLouys, que on distdu Cheval d’or ou briislé, par quoy il estoiten adventure de estre du tout à déselation, car il n’y avoit revenues quy le peuissent soustenir , et sy estoit et est chargé de rentes, et peu d’aulmosnes s’y fai- soient par deffaulte de ceulx quy demqré y avoient.

247 --

Nous désirans à ce pouveoir, a certifyez de la bonne vie et honneste conversation de plusieurs jeusnes femmes , quy par pure dévotion se y ont vollut et vœullent applic- quer, vivans de labeur et gardans les povres malades, autant que soustenir en peuent, par le faict et moyens des¬ quelles ledit hospital a esté et est réparé et en bon estât, nous avons déclaré et déclarons, par ces présentes, ladicte maison et touttes les renies et revenues à icelle appertenantes ou escheues, et quy en temps advenir y apper- liendronl et escherront, estre perpétuel hospital et maison aux povres avecq les dictes revenues, pour la sustentation et gouvernement d’iceulx et des sœurs quy à présent y sont et seront en temps advenir, de nostre auctorité, pour ledit hospital garder et ausdis povres minislrer des choses que lesdictes sœurs aronl le gouvernement et proffit , pour em¬ ployer esdis usages, tant que à ce voldront, en bonne vie et honneste conversation, vacquer et entendre, sans à elle estre baillié , par nous, noz sucesseurs ou aultre, empesche- ment aucun, ledit hospital tousjours demorant soubz nostre justice et gouvernement. En lesmoing de ce , nous avons mis le seel aux causes de la dicte ville à ces présentes faicles et données le xvij.® jour de septembre. Tan mil et seize. »

Copie du XVII.® siècle, insérée au registre des Privilèges de la ville d'Ath , n.° 1 , fol. 83 Em. Fourdin.

l'emplacemext de qüextovic.

Un vif intérêt s'attache au souvenir de Quentovic , ville autrefois florissante, maintenant enfouie sous les bords ensablés de la Canche.

Quoiqu’il remonte indubitablement à l’époque gallo-ro¬ maine , Quentovic n’est pas mentionné avant le vu.® siècle. Bède dit que saint Théodore, le futur archevêque de Can- torbéry , s’y embarqua , en 668 , pour se rendre en Angle¬ terre. Eddius Stephanus, auteur d’une Vie de saint Wilfrid, évêque d’York, affirme que le zélé personnage dont il écrit l’histoire eût été arrêté par ses ennemis à Quentovic en 679, si, comme on s’y attendait , il fût passé par ce port en

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allant à Rome. Le biographe de saint Boniface fait sé¬ journer son héros à Quenlovic en 718. Ce port , au\iii.® siècle , attirait tant de marchands étrangers qu’on se faisait une règle de ne point le comprendre dans les exemptions générales de tonlieu qu’on accordait alors par privilège à certaines églises. Louis le Débonnaire , dans le fameux acte de partage de ses Etats , nomme Quentovic parmi les pagi circonvoisins: ce qui était attribuer à cette ville l’importance d’une province. Un officier royal y présidait à la levée des droits d’importation et d’exportation. Quentovic possédait, en outre, un atelier monétaire que Charles le Chauve qua¬ lifie d'anlique en 864 et dont les produits ont justement fixé l’attention des numismates. Telle était la \ille que les Nor¬ mands livrèrent aux flammes après l’avoir plusieurs fois pillée , et dont on est réduil à rechercher aujourd’hui l’em¬ placement : Canipos ubi fuit !

Pour la solution du problème topographique qui va nous occuper, on n’a eu recours pendant longtemps qu’à des textes mal assemblés , et souvent mal compris , ou à des inductions purement étymologiques. La question a fait un grand pas lorsqu’on 1841-1842 des fouilles furent entre¬ prises sur le territoire d’Etaples aux frais de la Société des Antiquaires de la Morinie , par les soins du Comité de Bou¬ logne. L’archéologie vint ainsi en aide à l’érudition , se¬ condée qu’elle fut elle-même par une heureuse circonstance. M. le comte de Rocquigny, propriétaire de la garenne d’Etaples , venait de rendre à la culture une portion de ce vaste terrain jusque couverte de dunes. Les labours successifs nécessités par cette opération mirent les anti¬ quaires sur la trace d’importantes trouvailles. Ils en vinrent à découvrir dans les lieux dits le Puits à liards ou le Ruis¬ seau d'argent, non loin de la ferme de la Folie, outre des poteries, médailles, fibules et statuettes, les fondations de

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103 maisons, un puits et un cimetière qu’ils n’hésitèrent pas à rapporter à l’ère gallo-romaine. (’) L’opinion que ce centre d’habitations, auxquelles on accédait jadis par un chemin encore aisément reconnaissable, faisait partie de remplacement de Quentovic, ne pouvait manquer de se produire.au sein de la Commission des fouilles. Elle fut, dès lors, émise par l’un des commissaires, M. Louis Cousin. La Commission, sans s’y rallier absolument, ne s’y montra pas hostile. Elle laissa seulement, à celui de ses membres qui l’avait énoncée, le soin de l’étayer de nouvelles preuves, (^j

Que Quentovic fût sur l’un des bords de la Canche et qu’il ne faille chercher cette ville, comme l’ont fait certains auteurs, ni à Caen en Normandie, ni à Quen-le-vieil sur’ l’Authie , c’est ce que démontre suffisamment le nom même du lieu : viens ad Quantiam. Mais sur laquelle des deux rives s’élevait la ville en question ? Ceux qui tiennent pour la rive gauche établissent Quentovic soit au hameau du Tré¬ pied (commune de Cucq) ; soit à la Caloterie , entre la ferme d’ülbise et le hameau de Valencendre; soit enfin à Saint-Josse, en un lieu plus on moins voisin de l’abbaye.

En 1850, l’un des collègues de M. Cousin à la Société des Antiquaires de la Morinie, M. l’abbé Robert, se prononça hautement pour cette dernière opinion, (s) Il posa en fait que la ville de Quentovic était distincte du port situé à l’em¬ bouchure de la Canche et qu’elle existait s’éleva, depuis, l’abbaye de Saint-Josse. Basant cette distinction sur un extrait de la vie de saint Boniface, il essayait de la confir-

(1) V oir le Rapport de M. Marguet , ingénieur, sur les fouilles faites, en 1841 , à Etaples. ( Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie, t. vi , p. 191-215.1

(2) Rapport de M. L. Cousin à la Société des Antiquaires de la Morinie, sur les fouilles archéologiques que son, Comité de Boulogne a fait executer en 1842 . Saint-Omer , Chauvin . in-8.° de 32 p.

(3) Mémoire sur Quentovic, par M. l’abbé Robert, curé de Merck Saint-Liévin {Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie, t. viiï , p. 511-534 ).

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mer par un passage des lettres d’Alcuin il est dit : Mar- tinus in toico apud S. Judocum infirmus remansit. Ne s’en tenant pas à cet ordre d’arguments, M. Robert s’inscrivait contre les conclusions du principal explorateur des garennes d’Etaples: l’uniforme simplicité des maisons exhumées par M. Cousin et ses collègues ne rappelait, en rien suivant M. Robert , la splendeur que devaient avoir les construc¬ tions publiques et particulières dans un centre commercial aussi considérable que Quentovic. Quant aux bijoux et autres objets précieux trouvés dans le cimetière, leur pré¬ sence en cet endroit s’expliquait par le voisinage d’Etaples , ville à laquelle M. Robert ne conteste pas toute importance en ces temps reculés puisque, s’il se refuse à y voir Quen¬ tovic, il consent à en faire le port sur la Canche dont il est parlé dans la Vie de saint Boniface.

L’argumentation de M. l’abbé Robert ne prit pas au dé¬ pourvu M. Cousin qui , en 18o4, y répliqua par de solides raisons. (*) Entamant d’abord la guerre de textes, il démontra que le point saint Boniface et ses compagnons débarquèrent, suivant le récit de leur historien Willibaud, ne se distingue pas de Quentovic, « ou ne s’en distingue que par un bien faible intervalle , » tel à peu près que celui qui sépare habituellement une ville de l’embouchure de son propre port. Pour ce qui est du wicus Alcuin nous apprend qu’un certain Martin fut malade , rien ne prouve son identité avec Quentovic. D’ailleurs, dans le latin du moyen-âge , apud signifie plus souvent auprès que chez. L’identité de Ty^cusavec Quentovic étant donc admise, il ne faudrait pas en conclure que Quentovic fût situé à Saint- Josse : tout au plus pourrait-on dire qu’il était dans le voi¬ sinage de Saint-Josse.

(}) Emplacement de Quentovic, par M. Louis Cousi.n {Mémoires de la Société des Antiquaires de lûMorinie, t. ix, p. 255-340).

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La co-existence de la célèbre abbaye de ce nom avec la ville de Quentovic, pendant le viii.® siècle entier et la ma¬ jeure partie du ix.®, s’oppose, du reste, à ce qu’on confonde leur emplacement. Nulle part enfin on ne voit que l’abbaye ait été fondée sur le territoire de Quentovic. Le livre des Miracles de saint Wandrille distingue positivement la ville de l’abbaye. En revanche , aucun auteur ne sépare la ville de son port ou emporium. Poser celui-ci à Etaples comme fait M. l’abbé Robert, c’est être bien près d’asseoir aussi la ville sur la rive droite de la Canche.

Qu’Etaples ait succédé au nom et à l’importance de Quen¬ tovic, cela est si certain que telle propriété de l’abbaye de Saint-Bertin mentionnée dans les actes du ix.® siècle comme située w Quintovico se retrouve, en 1026, comme située in villâ Stapulas. Etaples fait son entrée dans l’histoire le jour Quentovic en disparait. Il est, d’ailleurs, à remar¬ quer que le mot Stapula est le strict équivalent du mot emporium.

La conclusion, peut-être prématurée, que M. Cousin tirait du résultat des fouilles de 1841 , a été, depuis lors, inopinément corroborée. En 1847, des travaux occasionnés par le percement du chemin de fer d’Amiens à Boulogne mirent à jour les substructions de l’ancien château d’Etaples, dans lesquelles on remarqua deux systèmes de fondations superposées. La fondation supérieure était du moyen-âge tandis que la fondation inférieure remontait à l’époque gallo-romaine (i) A deux mètres au-dessous du sol actuel du château existait un cimetière aussi gallo-romain.

P) Histoire et description du château d' Etaples, par M. G. Soüquet , membre de la Commission des Antiquités départementales du Pas-de- Calais et de la Société des Antiquaires de la Morinie. Amiens, Duval et Herment, 1855, in-8.” de 32 p. Ces faits et beaucoup d'autres venant à i’appui du système de M. Cousin ont été reproduits ulté¬ rieurement par M. Souqnct dans son Histoire chronologique de Quentovic et d'Elaples. Amiens, Lenoël - Hérouart , 1863, in-S.® de 188 p. avec plan.

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M. Cousin l’appelle le cimetière du sud par opposition à celui des dunes, situé au nord. Entre ces deux points ex¬ trêmes , (le château d’Etaples et le hameau de la Folie) , s’étendait donc Quentovic qui , comme beaucoup de villes maritimes , avait son développement surtout en longueur.

Ainsi présentée , la preuve fournie par M. Cousin parut assez concluante pour que l’Académie des Inscriptions s’y ralliât. (^) M. Robert n’en persista pas moins dans la défense de son opinion. En 1862, il publia une nouvelle brochure (2) dans laquelle il s’appliqua à démontrer que Quentovic faisait partie du Ponthieu : ce qui était attaquer par la base le système de son adversaire puisque le Pon¬ thieu avait anciennement la Canche pour limite septentrio¬ nale. Malheureusement le texte dont M. Robert faisait son point d’appui principal était, de son propre aveu , dénué d’exactitude. M. Robert avait entre les mains copie d’une charte de Charles le Chauve, dont l’original existait dans le Loiret, copie dans laquelle on rapporte que Louis le Débon¬ naire donna à l’abbaye de Ferrières le prieurédeSaint-Josse : cellam S.Judoci sitam in pago Pontiu, super fluvium Quan- tiam , in loco qui dicitur Quantovico. L’argument eût été péremptoire si la lecture sur lequel il reposait se fût trouvée bonne. Mais l’original ne concorde point avec la copie allé¬ guée par M. Robert et que lui-même suspectait non sans raison. Au lieu de Quantovico , on lit sur la charte : Scha- derias ou Schalerias.

p) M. Louis Cousin a mis beaucoup d’attention à constater quel était remplacement de l’ancienne ville de Quentovic dont les traces se perdent dès une époque reculée. U démontre d'une manière satisfai¬ sante que la ville d'Elaples , l’on connaissait depuis longtemps des ruines romaines, a remplacé Quentovic qui eut une certaine impor¬ tance sous la seconde race de nos rois. (Rapport lu à l’Académie des Inscriptions , au nom de la Commission des antiquités nationales , par M. Berger de Xivrev, dans la séance publique annuelle du 18 août 1854).

(2) Nouveau mémoire sur Quentovic par M. l’abbé Robert. Amiens , Lenoël-Hérouart, extrait de la Revue La Picardie.

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M. l’abbé Laurent, alors curé de Saint-Josse, qui avait fourni à M. l’abbé Robert plusieurs indications au profit de sa thèse, la reprit pour son propre compte en 1864. (*) Partant de ce principe queQuentovic était situé au hameau de Val-en-cendre, dont le nom lui semble une révélation his¬ torique , il demande ce qui s’oppose à ce qu’une ville ait existé en cet endroit pendant qu’il y avait un entrepôt à Etaples. Etaples, suivant lui, correspond non à Quentovic, mais à l’antique Gravinum. Si une voie romaine abou¬ tissait à Etaples comme l’a prouvé M. Cousin , une autre (la 2.® branche du Septemvium) se dirigeait par Attin sur Valencendre.

M. Laurent, on le voit, ne s’obstine pas à placer Quen¬ tovic au lieu même existait, en 1786 , l’abbaye de Saint- Josse. Déjà , avant lui , M. Robert s’était montré accommo¬ dant sous ce rapport et il avait reconnu qu’il fallait plutôt chercher l’emplacement de la ville détruite au bas de Villers- Saint-Josse et de La Caloterie. M. Laurent, dans son pre¬ mier écrit bientôt suivi d’un second , {^) ne manque pas d’insister sur la rareté des objets gallo-francs trouvés à Etaples. Les objets purement romains y abondent, tandis qu’on devrait y rencontrer surtout ceux de la période mé¬ rovingienne et carlovingienne , si l’on était vaiment sur le sol de Quentovic. Cette objection est la seule, que sui¬ vant nous, M. Cousin ne s’attache pas suffisamment à ré¬ soudre dans ses Nouveaux et ses Derniers éclaircissements sur remplacement de Quentovic. (3)

(1) Un mot sur l'emplacement de Quentovic par M. l’abbé Laurent. Amiens, Lenoël-Uérouart , 1864 , extrait de la Revue La Picardie.

{^) Examen des nouveaux éclaircissements de M. L. Cousin sur Remplacement de Quentovic par M. l’abbé Laurent. Amiens, Lenoël Hérouart, 1865, extrait de la Revue La Picardie.

(3) Nouveaux éclaircissements sur Remplacement de Quentovic ^ par M. L. Cousin ( Mémoires de la Société dunkerquoise , t. ix ). Derniers éclair¬ cissements , etc. {Mémoires de la même Société , t. xiv).

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L’archéologie » s’il faut en croire les contradicteurs de M. Cousin , n’a pas dit , en tout ceci , son dernier mot. Peut-être les fouilles que l’on se propose d’opérer sur la rive gauche de la Candie , (i) donneront-elles un démenti aux partisans d’Etaples. Personnellement , nous ne le pensons pas : car, si l’autorité des textes en est une , M. Cousin l’a incontestablement pour lui. Avec lui et tant d’autres sa¬ vants qui ont déjà adhéré à son système (2), nous conclurons donc , jusqu’à ce que les antiquaires nous fournissent la démonstration rigoureuse du contraire ;

1. " Que la ville de Quentovic n’était point distincte de ce qu’on appelait le port de la Canche ;

2. ® Que Tune et l’autre se trouvaient sur la rive droite de ce fleuve ;

3. ® Que, ces prémisses admises, et dans l’état actuel de nos connaissances , Etaples est l’emplacement qui corres- ^ pond le mieux à celui de Quentovic. A. Desplanque.

NIDIFICATION DE l’HIRONDELLE DE FENÊTRES

Dans sa séance du 7 mars dernier, l’Académie des Sciences a reçu communication d’une note de M. Pouchet, de Rouen, sur la nidification de l’Hirondelle de fenêtres (Hirundo urbica). A peine cette note eut-elle paru dans les

(•) Un homme dont le savoir égale l’obligeance et la modestie , M. Ch. HENiNEGUiER, de Montreuil, estime que ces fouilles, au projet desquelles on ne peut, en tout état de cause, manquer d'applaudir, devraient être exécutées d'abord au-dessus du hameau du Molmel , commune de Saint-.losse. « pouvait être la ville proprement dite. L'emporium devait nécessairement se trouver plus bas, vers la Canche, et avoir une très-grande etendue. Voir, pour plus amples détails , le Bulletin de la Société de la Morinie, t. iv , p. 308, Juillet-Décembre 1869.

(2) Au nombre des plus précieuses adhésions qu’ait recueillies M. Cousin, tant en province qu'à Paris, nous nous permettrons de citer celle de M. Pabbé Haïgxeré, le savant archiviste de Boulogne. Voirie Rapport swr les Nouveaux éclaircissements qu’il a lu, en 1865, à l’Académie de cette ville et qui a été reproduit dans le journal : Vaulorité de Dunkerque, n.° du 6 juillet.

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Comptes-rendus hebdomadaires , que les idées qu’elle con¬ tenait ont été discutées ; plusieurs personnes les ont ap¬ puyées , d’autres ont révoqué en doute les observations sur lesquelles elles étaient basées, et la discussion ne paraît pas près de finir.

Je vais essayer d’apporter dans le débat ma part de recherches et chercher sans prévention est la vérité.

M. Pouchet commence par établir qu’il est faux que chaque espèce d’oiseaux ait pour son nid une forme inva¬ riable, une architecture qui ne change jamais; il en donne pour preuve les nids de l’Hirondelle de fenêtres qui n’au¬ raient plus aujourd’hui la même forme qu’autrefois. Le nouveau mode de construction cependant ne serait pas encore toul-à-fait adopté, il y aurait des retardataires qui ne marchent pas avec leur siècle , mais très-probable¬ ment ils ne tarderont pas à se mettre à l’unisson.

D’après les observations du naturaliste normand , ces nids autrefois globuleux, demi-sphériques , ayant une en¬ trée petite et arrondie , ont pris la forme d’un demi-ovoïde couché; l’entrée en est linéaire, en fente, et permet aux jeunes de venir mettre le nez à la fenêtre et respirer le grand air. Il y a donc progrès, les petits ont plus d’espace, plus d’air, et en même temps, ils sont mieux protégés contre la pluie; bref, selon l’expression de 31. Dumas rendant compte du travail de 31. Pouchet, les Hirondelles auraient eu connaissance de la loi sur les logements insa¬ lubres et s’y seraient conformées.

On comprend toute l’importance philosophique d’un pareil fait, s’il était avéré, et les hautes déductions que l’on pourrait en tirer sur l’intelligence des animaux, le dé¬ veloppement de leur raison, leur transformation morale. La doctrine Darwinienne de la mutabilité aurait un nouvel argument , car comment nier le progrès dans

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l’ordre physique s’il était prouvé dans’ l’ordre intellectuel?

Malheureusement ces beaux raisonnements me paraissent devoir tomber d’eux-mêmes, car l’observation de M. Pou- chet n’a pour moi aucune valeur.

Et d’abord , avant toute véritication’du fait, n’est-il pas évident que ce changement de construction n’a aucune raison d’être? L’air et l’espace ne sont pas des besoins pour les jeunes oiseaux, au contraire nous voyons beaucoup d’espèces pondre dans des trous profonds et étroits , ou fabriquer leur nid de telle sorte que la communication avec l’extérieur soit la plus petite possible. Sans sortir de la famille des Hirondelles , l’Hirondelle de rivage ne fait-elle pas son nid au fond de boyaux profonds et sinueux qui ont souvent de 40 à oO centimètres de longueur et le Martinet qui niche dans nos toits , ne prépare-t-il pas le berceau de ses jeunes sous des poutres quelquefois très- éloignées de l’ouverture par l'oiseau pénètre?

Ce n’est pas l’air que recherchent les oiseaux pour leurs petits, c’est avant tout la chaleur et la sécurité.

Je suis loin de nier qu’ils obéissent dans la fabrication de leur nid à une espèce de raisonnement individuel. Ils savent changer, par exemple, de matériaux selon les circonstances; comme l’observe M. Pouchet, avant que la Cigogne ne trouvât des cheminées , elle bâtissait son nid ailleurs et autrement ; avant que le Loriot ne trouvât des bouts de ficelle et des étoupes , il liait son nid aux branches avec d’autres liens. Le Pinson tapisse l’extérieur de son nid avec les mêmes mousses ou lichens qui garnissent l’arbre aux alentours, pour le dissimuler ainsi aux regards ; le Moi¬ neau ne donne pas au sien la même forme quand il le place sur un arbre que quand il le pose dans un trou de mur.

Il n’y aurait donc rien que de très-naturel à supposer que l’Hirondelle diversifie la construction de son habitation

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selon les circonstances et les localités ; mais ce qui doit paraître invraisemblable c’est que l’espèce ait conçu un beau jour le dessein de faire un changement de parti-pris, pour apporter une soi-disant amélioration qui supposerait que jusqu’aujourd’hui son instinct l’a trompée.

Aussitôt que la note de M. Pouchet fut publiée, je me promis de vérifier par moi-même son assertion en temps opportun , mais dès lors ma mémoire me montrait les nids observés depuis mon enfance semblables à ceux décrits dans la note comme affectant la forme nouvelle. Pour corroborer mes souvenirs je voulus chercher dans les vieux auteurs ce qu’ils en disaient. J’ouvris Pline et je trouvai qu’il avait décrit les nids de l’Hirondelle de fenêtres avec une précision qui ne laisse aucun doute.

En parlant de VHirundo agresiis ou sylvestris qui est notre urbica il dit : totos supinos faucibus porrectis in angustum, utero capaci ; ils sont couchés (étendus dans leur sens horizontal), ayant leur ouverture allongée et étroite, leur circonférence spacieuse. N’est-ce pas à peu-près la phrase de M. Pouchet ? Nous voila donc avertis que sa pré¬ tendue amélioration date d’au moins 1800 ans.

Dès que la saison des nids d’Hirondelles fut arrivée je me mis à les observer à Lille et aux environs et voici ce que je vis : à Lille l’Hirondelle de fenêtres choisit de préférence les maisons, encore assez nombreuses dans les anciens quartiers, dont la façade est ornée de sculptures et qui ont sous leur corniche des ornements en console. Elle aime à fixer son nid dans les angles que forment les enroulements, l’édifice peut avoir ainsi un point d’appui pour sa base. On com¬ prend dès lors que la forme de ces nids varie beaucoup puisqu’elle dépend de la manière dont ils sont fixés sur leur appui ; même quand ils sont isolés, ils offrent dans leur circonférence toutes les figures depuis la demi-coupe

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jusqu’au demi-sphéroïde allongé dans l’axe horizontal ; leur entrée est presque toujours en fente oblongue , mais quelquefois elle s’arrondit et tend à affecter la forme ronde appelée par M. Pouchet l’ancien système.

Faut-il y voir l’œuvre d’un couple retardataire, qui n’a pas encore compris tout les bienfaits du progrès? ce serait tout simplement ridicule ; ces entrées plus ou moins arron¬ dies sont généralement placées dans les coins, aux angles que fait l’extrémité du nid avec le mur ; on comprend qu’en plaçant en cet endroit l’entrée de son nid l’oiseau ne peut la prolonger en fente et qu’il doit nécessairement l’arrondir pour qu’elle soit suffisante.

Dans la campagne j’ai aussi examiné beaucoup de nids, l’entrée ronde se montre plus fréquente ; il est très-probable que les jeunes étant plus exposés aux influences de la tem¬ pérature extérieure , les parents cherchent à les leur faire éviter en restreignant le plus possible l’ouverture des nids.

En somme, mon examen m’a persuadé qu’il n’y a rien de tout à fait absolu dans l’architecture de l’Hirondelle de fenêtres et que comme la plupart des autres espèces d’oi¬ seaux , elle la varie légèrement d’après certaines circons¬ tances que nous ne pouvons pas toujours apprécier ; mais ce qu’elle fait aujourd’hui elle l’a toujours fait dans les mêmes limites.

Plusieurs de ceux qui ont critiqué les observations de M. Pouchet pensent qu’il s’est trompé pour avoir confondu les nids de l’Hirondelle de fenêtres et ceux de l’Hirondelle de cheminée. Il est très-possible en effet que les nids à ouver¬ ture ronde déposés depuis 40 ans au Musée de Rouen appartiennent à cette seconde espèce ; cependant H est bon de faire observer que l’Hirondelle de cheminée varie ses constructions bien plus encore que l’autre espèce , et que chez elle les ouvertures rondes font généralement exception.

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Très -souvent elle donne à son nid une forme en bénitier laissant entre le bord supérieur et le plancher ou la poutre qui le domine , un intervalle circulaire régnant sur tout le pourtour; dans les cheminées, il est tout à fait découvert ; plus le nid est préservé de l’air extérieur moins il est fermé; j’en ai vu d’ailleurs qu’il eut été bien difficile de distinguer de ceux de l’Hirondelle de fenêtres, si les habitants n’avaient pu être observés.

Il y a donc dans les deux espèces d’Hirondelles, la même diversité dans la forme, et si M. Pouchet avait porté son attention sur THirondelle de cheminée, il eût certes trouvé tout autant de motifs d’émettre son système de perfection- nement.

La prétendue découverte de M. Pouchet ne change donc rien à la notion généralement admise de l’action instinctive chez les animaux ; elle ne détruitpas la doctrine de Flourens: qu’il n’y a point d’instinct général , que par conséquent si l’individu peut progresser par l’éducation , l’espèce ne fait point de progrès, et que la génération d’aujourdhui n’est pas supérieure à celle qui l’a précédée, pas plus que la géné¬ ration qui doit suivre ne surpassera celle d’aujourd’hui.

A. DE Norguet.

NOTICE SUR LA DÉCOUVERTE DES INSTRUMENTS EN SILEX DANS l’arrondissement DE VALENCIENNES.

Il y a longtemps que des instruments en silex ont été recueillis dans l’arrondissement de Valenciennes.

La collection Bénézech aujourd’hui au Musée de Valen¬ ciennes renfermait plusieurs échantillons de haches en silex poli ; mais sans indication des localités ces vestiges des anciens travaux de l’humanité avaient été trouvés.

M. Leflan, employé au bureau des Hospices de Valen¬ ciennes, possède aussi depuis nombre d’années quelques

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échantillons de haches polies trouvées dans la forêt de Raisinés, en creusant des fossés.

J’ai recueilli il y a une douzaine d’années , au faubourg de Paris, un bel échantillon de hache en silex poli; jus¬ que les découvertes se bornaient à quelques instruments épars et dont l’origine n’était pas bien constatée.

Il y a deux ans le physicien prestidigitateur, Antoine Lassubez vint donner à Valenciennes quelques représen¬ tations.

Lassubez s’était livré depuis plusieurs années à la recher¬ che des instruments en pierre taillée ; dans un de ses voya¬ ges , il fit dans la forêt de Nemours une découverte assez importante d’instruments de toutes espèces ; cette décou¬ verte enflamma son zèle et lui donna la fièvre des re¬ cherches.

A peine arrivé à Valenciennes, il s’enquit des endroits qui avaient pu être fréquentés par les Romains; on lui désigna le mont Jovis, situé près de Famars, Lassubez découvrit une assez grande quantité de fragments parmi lesquels je dois citer tout particulièrement un échantillon de grattoir entièrement semblable à celui qui est figuré dans les promenades préhistoriques de Mortillet, page 104, fig. 52.

Lassubez me fit part de sa découverte et quelques jours après je me rendis au mont Jovis je ramassais quelques échantillons insignifiants.

Je fus plus heureux à une seconde excursion , je trou¬ vai à 200 mètres à l’est du sommet du mont , au milieu d’un tas de cailloux ramassés sur le terrain , un fragment de marteau hache en très-mauvais état il est vrai, mais suffisamment conservé encore pour reconnaître la trace du trou d’emmanchure , la situation du taillant , etc.

Dans diverses explorations , nous avons trouvé en outre

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de nombreux fragments dits couteaux , des racloirs et deux silex arrondis , connus sous le nom de marteaux.

M. Cellier, rédacteur du Courrier du Nord ^ s’est livré également à des explorations très-fructueuses et-a conservé un grand nombre de fragments de silex taillés, trouvés à Famars.

Enfin il y a peu de temps , M. Duriez a trouvé un tran¬ chant détérioré de hache en silex à peu de distance de la route de Famars.

Les silex trouvés au mont Jovis paraissent susceptibles d’être divisés en deux catégories : on y trouve du silex noir couvert d’une patine blanche très-épaisse et du silex gris , dépourvu de patine, complètement étranger à notre contrée. Ce dernier entre surtout dans la confection des instruments polis, le premier au contraire constitue communément les grattoirs , couteaux et autres éclats plus ou moins im¬ portants.

Ce qui m’a frappé dans ces recherches, c’est que ces ins¬ truments sont surtout répandus sur les sommets les plus

élevés de la vallée de l’Escaut. Farez ,

professeur d’histoire naturelle au Collège de Valenciennes.

CHRONIQUE

ivéerologîe. M. Charles Gaudelet, peintre-verrier, à Lille , est décédé le 3 août dernier. M. Gaudelet était un artiste habile. La Société impériale des Sciences et des Arts de Lille lui a décerné, dans sa séance publique de 1860, une médaille d’or. L’église de Saint-Maurice à Lille doit aux pinceaux de M. Gaudelet ses meilleurs vitraux. Il a tra¬ vaillé à ceux de la cathédrale de Cologne et il a exécuté à Paris les six verrières de l’église Saint-Louis. M. Gaudelet était membre de la Commission du Musée d’archéologie.

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Collectionneur éclairé , il laisse un cabinet curieux et fort apprécié des connaisseurs. A. D.

L’Entomologie vient de perdre un de ses plus grands maîtres. M. Théodore Lacordaire, professeur de zoologie et recteur à l’Université de Liège, est mort le 18 juillet, à l’âge de 69 ans.

Il était à Recey-sur-Ource (Côte d’or) et était frère de l’illustre prédicateur.

Son goût prononcé pour l’histoire naturelle lui fit entre¬ prendre de 1825 à 1832, quatre voyages successifs dans l’Amérique du Sud ; il en rapporta d’innombrables insec¬ tes , en grande partie nouveaux.

En 1835, il devint professeur à l’Université de Liège, qu’il n’a plus quittée. Ses travaux enlomologiques sont très- nombreux ; il publia une foule de Mémoires dans les Revues spéciales, une Monographie des Erotyliens^ une Mono¬ graphie des Coléoptères subpentaméres de la famille des Phytophages et un Généra des Coléoptères dont neuf vo¬ lumes ont paru. Ce dernier ouvrage, malheureusement inachevé , absorba tous ses loisirs pendant plus de quinze années ; c’est certainement le travail général le plus com¬ plet et le mieux fait sur l’ordre immense des coléoptères. Il fait partie des Suites à Buffon de l’éditeur Roret. Cette même collection a publié de lui en 1834, une Introduction à r Entomologie^ en deux volumes.

Lacordaire a succombé aux fatigues incessantes que lui imposait son opiniâtreté au travail , et plus encore peut-être au chagrin que lui causa la perte d’une fille chérie qui avait succombé le 2 juillet dernier, à l’âge de 24 ans. La science entomologique pleure en lui un maître , tous les entomologistes, un ami, et tous ceux qui l’on connu, un homme de cœur. A. de Norguet.

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Météorologie : JUILLET

1870

Température moyen ne . 18.® 98

» » des maxima . 23.“ 96

B des minima . 14.® 01

1 extrême minima, le !.. . 9.” 30

» » maxima, le 2o. 31.® 40

Baromètre hauteur moyenne à 0.® _ 760““00

» hauteur extrême minima , le 11 . 734^60 IBB maxima , le 20. 769f"60

Tension de la vapeur atmosphér . 1 1”“28

Humidité relative moyenne % . 66.0

Epaisseur de la couche de pluie . 100^39

B de la couche d’eau évaporée. . 14oT"40

JUILLET année moy. 17.® 72

760?" 32

11?“08

69.72

60?"71

140?"98

Le mois de juillet met un terme aux longs jours de séche¬ resse observés pendant les mois de mai et de juin. La tem¬ pérature de l’air est au-dessus de la moyenne , mais des pluies assez fréquentes (1o) viennent rafraichir la terre, les rosées et les brouillards sont nombreux, néanmoins l’humi¬ dité des couches atmosphériques voisines du sol est encore inférieure à la moyenne. La pression barométrique indique une humidité moyenne des couches élevées , la nébulosité du ciel est tout à fait en harmonie avec les indications barométriques.

Le H , commence une série d’orages (8) qui se succèdent à de cours intervalles jusqu’à la fin du mois.

Parmi ces orages qui n’offrirent rien de particulier, je ne puis m’empêcher de signaler celui du 27 , remarquable par l’énorme quantité de pluie recueillie à Lille et dans beau¬ coup de localités voisines de la ville.

Pendant la nuit le ciel avait été serein et il y avait eu une rosée abondante ; le matin le ciel se couvrit de nuages , cet état dura toute la matinée ; un vent faible soufflait du N.-N.-O. ; à 1 heure 30 m. il tomba de larges gouttes de pluie ; 2 h. 35 , premier coup de tonnerre accompagné de

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pluie, les nuages orageux appartenant à la 2.® couche venaient très-lentement du N.-E. ; vers 3 h. IS, le vent passe au S. -O, puis au S. , une couche vaporeuse suit la même direction , l’orage continue , les nuages électriques viennent du S.-S.-O , la 2.® couche, électrique aussi, venant toujours du N.-E. ; pluie torrentielle mêlée d’un peu de grêle. 4 h. 15, fin de l’orage et de la pluie. 5 h., nouvel orage , vent N.-O faible , nuages , 2.® couche E.-N.-E. marche très-lente. 6 h. 15 , fin de cet orage. 6 h. 30 petite pluie. 7 h. 45, ciel couvert de nuages jaunes aurores, E.- N.-E., 2.® couche. La pluie cesse à 8 h. 10. A 10 h. le ciel est couvert de grands cumulo-stratus, des éclairs sans ton¬ nerre se succèdent avec rapidité à l’hozizon E. Minuit, brouillard , vent assez fort N. Pendant cet orage il est tombé en 1 heure 30 m. 54“™ 45 de pluie.

Depuis 20 ans , la plus grande quantité de pluie recueillie en 24 heures n’avait été que de 40““. 71, le 18 octobre 1854 , bien moindre on le voit que celle du 27 juillet 1870.

La température atmosphérique moyenne du mois a été supérieure à celle du mois correspondant d’une année moyenne, aussi l’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut- elle plus grande que la moyenne.

Les vents dominants soufflèrent du S. -O. et du N. Le nombre des brouillards fut de 29 ; celui des rosées de 24 ; celui des jours de pluie de 15 et grâce à la quantité excessive recueillie le 27 , l’épaisseur totale de la couche d’eau plu¬ viale dépassa de beaucoup la moyenne.

A la période de sécheresse a succédé une période d’humi¬ dité qui pourrait être , pour nos récoltes du Nord , aussi pré¬ judiciable que le fut le manque d’eau pour les prairies et les jardins. V. Meurein.

Le Gérant : E. Gastiaux.

TYP. DE BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2.' Année. N.° 9. Septembre 1870.

' ' TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

ACADÉMIE DE LA SOMME.

Mémoires, t. vu (2.* série).

Ce volume commence par le Compte-rendu de la Séance publique du 8 novembre 1868.

M. le docteur Lenoël , directeur de l’Académie, après avoir rappelé comment les découvertes purement scien¬ tifiques amènent des résultats pratiques qu’on ne pouvait d’abord soupçonner, parle de l’influence que doivent exercer les Académies sur les études scientifiques. Aux rapports ordinaires sur les travaux de l’Académie et sur les concours , est venue s’ajouter la lecture de deux pièces de poésie. Sous le titre de Mes Voyages, feu M. Berville, an¬ cien membre de l’Académie, a exprimé en vers harmonieux son affection pour Amiens , sa ville natale. Les Deux direc¬ teurs de M. Yvert sont une critique spirituelle des mœurs théâtrales. Le directeur d’un petit théâtre de Paris ren¬ contre son confrère de Carpentras et ils se font mutuel¬ lement confidence de leurs ennuis.

Le volume renferme en outre quelques vers du docteur Courtillier.

C’est encore faire de la poésie que de s’occuper d’Hélène , non pas de la Belle Hélène, dont M. Y>ert déplore la substi¬ tution aux chefs-d’œuvre de Corneille, mais de l’Hélène qui inspira Homère. M. H. Dauphin voit en Hélène, le type du beau dans l'art grec. Tandis que beaucoup d’auteurs repré¬ sentent la fille de Léda comme une femme sans pudeur, pas-

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sant des bras d’illustres et nombreux amants dans ceux de son mari, les quittant pour s’enfuir avec Paris, se faisant pardonner sa faute par Ménélas en lui livrant Deiophobe qui avait succédé à Paris dans sa couche , trouvant enfin une mort ignominieuse et bien méritée , Homère au contraire , nous la peint comme digne de sa beauté ; enlevée de force par Paris, elle trouve dans son repentir le pardon d’un moment de faiblesse et retourne à Sparte remplir, auprès de Ménélas, les devoirs de la plus tendre épouse. A cette étude, M. Dauphin a joint une traduction de l’éloge d’Hélène par Isocrate.

M. Durieux, président de la Société philharmonique a consacré quelques pages à la biographie de deux artistes qui se sont fait entendre à Amiens : le violoniste Sivori et la célèbre cantatrice M.*"® Sontag ^ devenue depuis com¬ tesse de Rossi.

L’Académie d’Amiens s’occupe volontiers de philosophie: elle aborde les problèmes les plus ardus et les plus difficiles, tels que l’origine des êtres , la nature de la vie , la cause de la mort naturelle , etc. Nous ne la suivrons pas sur ce terrain brûlant, le penseur, quoiqu’il fasse, se laisse tou¬ jours guider par des idées préconçues et on passe insen¬ siblement, de la discussion académique aux polémiques les plus ardentes et les plus passionnées.

Les questions générales ont été traitées par M. Guillon , ingénieur du chemin de fer du Nord , dans son discours de réception, parM. Lenoël dans la réponse à ce discours et par M. Martial-Roussel. La discussion s’est ensuite spécialisée sur les causes de la mort naturelle , entre MM. Lenoël , Martial-Roussel et Daussy.

Sur la cause de la chaleur, M. Mathieu combat la théorie qui attribue la chaleur à un mouvement particulier des atômes ; il préfère l’ancienne théorie du calorique.

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Jéhovah et Agni ; Etude biblico-védique , par M. Obry. L’auteur recherche quelle est la véritahle prononciation du tétragramme hébraïque IHUH, (*) ce nom mystérieux de Dieu, entouré de tant de respect qu’il fut interdit aux juifs de le prononcer. Nous ne pouvons le suivre dans ses savantes et fort longues considérations : sa conclusion est qu’il y a quatre prononciations : Yahuh , Yahô , Yahvah , Yahvô , les deux premières sacerdotales et sacrées , les deux autres populaires et profanes.

Enfin M. Garnier a détaché de son Histoire de V Académie d’Amiens un chapitre, et ce n’est pas le moins important , concernant les finances de la Compagnie. Il montre l’Aca¬ démie jouissant , antérieurement à la Révolution , d’une situation prospère qu’elle devait à la générosité des grands seigneurs , ses protecteurs ; elle recevait , en outre , une somme de 2000 livres sur l’octroi de la province. Après avoir été supprimée avec toutes les autres académies ou sociétés littéraires, le 8 août 1793, elle se reconstitua comme Société d’agriculture, le 16 ventôse, an vu. Mais ses res¬ sources furent alors limitées à une subvention du Conseil Général , qui de 1000 fr. fut réduite en 1847 à la somme de 500 fr. M. Garnier termine en se demandant c< si les aca¬ démies d’autrefois n’étaient pas dans une meilleure position que celles d’aujourd’hui ; si elles n’avaient pas sur des budgets généralement fort restreints, une plus large part. »

L’Académie d’Amiens a acquis , en 1869 , trois nouveaux membres :

MM. De Beaussire , Conservateurs de Forêts ;

Leleu , Professeur d'histoire au Lycée ;

Kolb , Directeur de l'Usine de Produits chimiques.

J. Gosselet.

(*) Bulletin i , p . 62 .

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. . V SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE LAON.

" Bulletin, t. xviii.

La Société académique de Laon , dont nous avons déjà fait connaître l’origine et la composition (Bulletin^ t. i, p. 127) compte actuellement vingt années d’existence. Son Secrétaire-général, M. Ed. Fleury, résume, avec un légitime orgueil, les travaux de cette compagnie. Depuis 1850, date de sa fondation, elle a. publié 19 volumes, dont 18 de Bulletins ^ et un' de Mémoires contemporains de la Ligue. Ce dernier volume , qui ne le cède pas en intérêt aux mémoires du baron de Vuorden, dont j’ai récemment achevé l’analyse, sera prochainement ici l’objet d’un compte-rendu analogue.

Pour aujourd’hui , je ne m’occuperai que du tome xviii des Bulletins.

Deux des travaux renfermés dans le présent volume sont déjà connus de nos lecteurs par la succincte analyse que nous en avons faite.

En rendant compte de la réunion générale des Sociétés savantes de ndars-avril 1869 (Bulletin, t. i, p. 114) , nous avx)ns signalé l’opinion de M. Ed. Fleury relativement à la date des chapiteaux de l’église de Chivy (Aisne).

Partant de ce principe « que l’art , à toute époque histo¬ rique donnée, est un et conduit dans les mêmes voies, dans les mêmes habitudes de l’œil et de la main , tous ceux qu’il inspire, qu’ils manient ou le crayon du dessinateur, ou le pinceau du peintre, ou l’ébauchoir du sculpteur, ou le burin du ciseleur , » M. Fleury interroge les œuvres des bi¬ joutiers et des potiers exhumées des fouilles qui ont été fai¬ tes, depuis quelques années , dans un grand nombre de sé¬ pultures dites mérovingiennes; il en compare le mode et les détails d’ornementation avec les sculptures des chapiteaux

269

de Chivy, y trouve d’assez nombreuses analogies et conclut que ces chapiteaux remontent aux temps mérovingiens.

Comme toute idée neuve et hardie, celle émise par M. Fleury ne pouvait manquer de soulever la contradiction. M. Déy admet volontiers « l’intimité de tous les arts entre eux , leur union fraternelle et , en quelque sorte , solidaire, à une époque quelconque ; » mais il nié « qu’aussitôt qu’un genre d’ornementation, une création de forme, une com¬ binaison de lignes ont été imaginés, même par un ciseleur ou un potier, ces détails passent immédiatement d’un art à un autre. »

Les arts d’imitation ( ajoute-t-il ) peuvent certainement saisir ces formes nouvelles du jour au lendemain et les reproduire ; mais l’architecture, qui est un art créateur, ne s’associe point ainsi à tous les caprices du jour : elle va len¬ tement parce que ces œuvres sont chères et durables, et son but, avant tout, étant de satisfaire à des besoins, elle n’adopte que ce qui convient à la gravité de son caractère. Conservatrice de sa nature, elle garde longtemps enfin les formes qu’elle a une fois admises. Pendant des siècles, le plein-cintre a protesté contre l’ogive , et , quand il a cédé , l’arcature ogivale , par une sorte de transaction , a reçu de lui la plus grande partie de ses moyens décoratifs.

Si donc on se demande, d’une part, combien de temps peut mettre un architecte à s’approprier certains ornements du potier et du ciseleur et , d’autre part , combien de temps il peut les retenir avant de les abandonner , on ne saurait considérer comme étant nécessairement contemporains les similaires des uns et des autres.

La similitude, dans ce cas, prouve seulement que l’imi¬ tation n’est pas antérieure au type: car elle peut toujours indéfiniment descendre.

En fait , M. Déy conteste que l’ornementation des chapi¬ teaux de Chivy date de l’époque mérovingienne : il affirme même que cette époque n’a pas eu d’art architectural qui lui fût propre.

On voit , par ces simples indications , quelle est la portée

270

du problème archéologique qui se discute au sein de la Société académique de Laon.

Dans la même session des sociétés savantes M. Fleury faisait part aux archéologues de ses vues sur les chapiteaux de Chivy , M. Matton , archiviste de l’Aisne , lisait sa notice sur les enseignes et les lavages de Saint-Firmin de la F ère. Vers la fin du xv.« siècle, les pèlerins affluaient dans la maladrerie de La Fère : ils y achetaient des enseignes (mé¬ dailles) à l’image du saint, et des fioles contenant de l’eau dans laquelle ses ossements avaient été plongés. Les en¬ seignes métalliques étaient affectées à deux usages : les grandes se portaient au bonnet, les petites au cou. L’auteur indique le prix auquel se vendaient les unes et les autres , ainsi que leur mode de fabrication. Elles étaient générale¬ ment de plomb ou d’étain ; mais il y en avait dans la compo¬ sition desquelles entrait de l’argent. Une image de saint Firmin^ coudée à façon de houlette, valait un sou en 1510. En 1503, un marchand de La Fère, Percheval Bourgeois , livre en deux fois « trois quarterons de bouteilles à mettre les lavemens du saint. » Pierre Duflos , son compatriote et concurrent , donne , moyennant trois sous , « une douzaine de fyoles de voire affectées à pareille destination. i> 63 bou¬ teilles coûtent, en 1515, 7 sous, 6 deniers. La maladrerie en achetait encore 132 , deux ans après. La réforme et les guerres de religion portèrent un grand préjudice au culte de saint Firmin de la Fère.

Nous retrouvons, dans le t. xviii des Bulletins de l’Aca¬ démie de Laon, à côté de la curieuse notice que nous venons d’analyser , des notes du même auteur sur le lot , les présents , les obligations verbales , la chasse et les chiens dans le Nord de la France. M. Matton excelle à recueillir les traits de mœurs , les faits piquants , les habitudes de la vie de nos pères. Voici comment la Revue des Sociétés sa-

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vantes (4.® série, t. vi , p. 79) rendait compte de ce dernier mémoire lu en Sorbonne à la session d’avril 1867.

Puisé sans commentaires dans différents dépôts d’archives du Nord de la France, ce travail fait connaître des us et cou¬ tumes échappés aux savantes recherches d’Alexis Monteil et de Legrand d’Aussy. Il traite de la mesure de capacité que l’on appelait le lot et de son usage habituel dans toutes les conventions, usage dont nous retrouvons aujourd’hui la trace dans le pot-de-vin. De cette habitude du lot, qui amenait la franchise entre les contractants, M. Matton passe à l’usage de la conclusion de traités à main ouverte, l’on se présentait et se serrait la main fortement en signe de parfait accord. C’était ainsi que se contractaient les obliga¬ tions verbales, le gant restait parfois à l’une des parties en signe d’investiture. Cette main tendue réparait au xv.® siècle en filigranes sur les papiers qui servaient à recevoir les actes.

Un autre usage très-curieux , relaté par M. Matton, c’est celui de la destruction périodique d’une multitude de chiens errants qui, trouvant leur pâture dans les villes, y rendaient de grands services pour l’assainissement des voies publiques, dont la propreté était trop négligée par nos pères. Mais la multiplication illimitée de ces animaux et les dégâts qu’ils causaient aux environs forçaient à les détruire et avaient donné naissance au métier de tueur de chiens. Les tueurs allaient de ville en ville, traitant partout avec les prévôts et gouverneurs , moyennant 24 deniers la douzaine de vic¬ times, avec condition de les enfouir.

Le travail de M. Matton est accompagné de citations très- intéressantes , extraites des comptes de diverses munici¬ palités. On y voit les présents de perdreaux, de bécasses, de fromages, de pommes, de vin, etc., que les villes offraient aux magistrats et gouverneurs dont elles pouvaient espérer une intervention efficace dans leurs affaires.

M. Matton a encore enrichi le t. xviii des Bulletins de l’Académie de Laon d’un notice sur la prévôté de Ribémont, dont les archives remontent à la première moitié du xvii.® siècle. En ces temps calamiteux, l’autorité du prévôt n était pas très-grande. Des étrangers réfugiés dans son ressort osaient dire hautement que la justice n’y régnait pas et

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« que les officiers de Ribémont avaient les ailes coupées. » Le prévôt n’en rendait pas moins de fréquentes ordon¬ nances de police, défendant, tantôt de cueillir des herbes dans les blés verts ou d’y mener paître les bestiaux , tantôt de faire cbampier plus d’un bête ovine par arpent de terre , tantôt enfin de se déguiser en habit de religion , de contre¬ faire l’ermite, etc. Des usages assez bizarres étaient tolérés : la jeunesse de chaque village se réunissait dans un cabaret, le jour de saint Nicolas , sous la présidence du maire, pour élire un prince. Le prince acquérait le droit de faire la révé¬ rence au seigneur et d’ouvrir la danse; on l’ornait de rubans de couleur pour cette cérémonie. D’autres fois, on se procurait de la poudre et de mauvais pistolets, avec lesquels on célébrait tapageusement les baptêmes , sauf à exiger la bienvenue des parrains et marraines. La prévôté de Ribémont donnait dans les mêmes erreurs économiques que la plupart des justices royales du temps : elle inter¬ disait au moissonneur l’usage de la faux et ne lui accordait que celui de la faucille : elle l’empêchait de disposer libre¬ ment de ses chaumes, ne lui laissant que la stricte provision nécessaire pour la couverture de ses bâtiments, les besoins de sa famille et de ses bestiaux. De fréquents conflits de juridiction ayant éclaté entre la prévôté et le bailliage de Ribémont, la réunion des deux sièges fut prononcée en 1742.

M. l’abbé Poquet rend compte, dans le t. xviii des Bulletins , de l’excursion que la Société académique de Laon a faite aux ruines de Saint-Lambert et de Saint-Ni- colas-aux-Bois , le 9 juin 1867.

Le même auteur donne ensuite une monographie com¬ plète de V Abbaye de Longpont en Soissonnais.

Fille de Citeaux , l’abbaye de Longpont doit son origine à l’action combinée de saint Bernard et de Joscelin, évêque de Soissons , ainsi qu’aux bienfaits de Gérard de Chérisy et de

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Raoul IV, comte de Vermandois. Raoul V, successeur de ce dernier, le grand ministre Suger, Louis VII et Philippe- Auguste, Thibaud de Champagne et Raoul de Soissons contribuèrent à enrichir ce monastère dont les possessions furent successivement confirmées par les papes Innocent II, Eugène III, Alexandre III , Célestin III et Grégoire IX. Saint Louis , à peine âgé de quinze ans , visita l’abbaye de Longpont et lui fit plus tard de nouveaux dons.

Fondée dans un lieu humide et malsain, suivant les pres¬ criptions de la règle cistercienne, l’abbaye de Longpont exerça autour d’elle une influence salutaire : elle présida à la transformation morale et matérielle du vallon sauvage elle se trouvait encaissée. Les guerres des xiv.® et xv.® siècles lui furent funestes , moins toutefois que les agita¬ tions religieuses du xvi.® et les scandaleux abus de la Com- mende. La Révolution française lui porta le dernier coup.

La basilique de Longpont, bâtie au xii.® siècle sur le plan des grandes cathédrales avec quelques modifications dues aux exigences monastiques , comptait parmi les plus beaux édifices du Royaume. M. l’abbé Poquet la décrit en archéologue consommé : il nous introduit ensuite dans les cloîtres et autres bâtiments ; puis il nous mène dans l’église actuelle , il nous fait admirer les châsses contenant une partie des reliques de saint Denis l’Aréopagite que Bau- duin IX, comte de Flandre , devenu empereur de Constan¬ tinople , envoya à Nivelon de Ghérisy , évêque de Laon. Non loin de cette châsse, on remarque la cassette reliquaire du bienheureux Jean de Montmirail , l’une des gloires de l’ancienne abbaye. On conservait aussi à Longpont les deux couteaux dont le comte de Soissons se servit pour dépecer les viandes le jour saint Louis dina dans le monastère ; l’un de ces couteaux a été heureusement re¬ trouvé dans ces derniers temps.

^ 274

Une partie des bâtiments de l’abbaye est aujourd’hui transformée en une demeure artistique et princière dont M. l’abbé Poquet nous fait également les honneurs. Il ter¬ mine son mémoire , qui a les dimensions d’un livre , par un catalogue des abbés de Longpont ; par une nomenclature des saints personnages qu’elle a produits (Pierre-le-chantre, Grégoire de Plaisance, Jean de Montmirail) ; par un cha¬ pitre sur les sépultures et inscriptions funéraires de l’église, du chapitre et des cloîtres, enfin par une énumération des possessions de l’abbaye de Longpont, fermes, vignes, bois, pâturages, dont il détermine la provenance et l’empla¬ cement.

Cet important travail est suivi , dans le volume que nous analysons, de deux communications dues à M. Arthur Demarsy, secrétaire de la Société de l’Ecole des chartes : la l.*"® contenant des extraits (en ce qui concerne le Laon- nais ) du Cartulaire du Comté de Réthel si soigneusement décrit par M. Léopold Delisle , de l’Institut ; la 2.® inti¬ tulée : Breve chronicon abbatiœ Buciliensis , chronique abrégée de l’abbaye de Bucilly, rédigée, vers la fin du xvii.® siècle, par Casimir Oudin,

Le Cartulaire de Bucilly est aujourd’hui déposé à la bibliothèque impériale (fonds latin, n.® 10121), et l’a¬ nalyse qu’en a donnée M. Cocheris suffit pour le faire connaître aux personnes qui s’intéressent à l’histoire du pays. Quant à la chronique qui termine ce manuscrit, elle n’avait pas encore été imprimée. M. Demarsy a cru utile de la publier. Faite avec soin d’après les actes du cartulaire, elle en forme en quelque sorte une table chronologique. Pour le xvii.® siècle, le rédacteur, parlant de visu, entre dans de grands détails sur Fhistoire de l’abbaye pendant cette période.

M. Charles Gomart dans le même volume des Bulletins,

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publié une Notice sur Vahbaye de Saint-Martin de Laon. Réformée au commencement du xii.® siècle, par l’évêque Barthélémy de Vir , et soumise par lui à la règle de Pré- monlré , cette église eut une longue suite d’abbés dont M. Gomart esquisse la biographie, en s’aidant des travaux antérieurs de Dom Grenier et des documents conservés aux archives de l’Aisne. Il accompagne sa publication d’une Vue à vol d'oiseau du monument dont il écrit l’histoire.

Déjà , dans le t. xvi des Bulletins , M. Gomart avait reproduit , d’après la gravure de Janssonius , un plan de la ville de Laon auxvii.® siècle, plan l’artiste a laissé glisser quelques erreurs topographiques que M. de Beauvillé , membre titulaire , rectifie dans le présent volume.

La note de M. Filliette sur la Translation du cime¬ tière de r hôpital de Laon en 1783 est aussi d’un intérêt tout local.

Il nous reste à signaler , dans le volume que nous ana¬ lysons :

1. ® VEtude de M. Combler sur une Erreur judiciaire^ affaire Lèlye et Puré , accusés d’assassinat à Laon en 1778.

2. ® Une notice sur le conventionnel Armand-Joseph Tellier, par M. Am. Piette ;

3. ® Un autre morceau d’histoire, presque contemporaine,

ayant pour litre : La noblesse du département de V Aisne pendant la Révolution , fragment d’un livre en cours de préparation, par M. Ed. Fleury. Nous espérons pouvoir rendre compte bientôt de ce livre qui , si nous en jugeons d’après l’extrait que nous avons sous les yeux , se recom¬ mandera par un heureux ensemble de qualités : modération dans les idées , sagesse dans les appréciations , élégante simplicité dans le style. A. Desplaxque.

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BIBLIOGRAPHIE.

ÉTUDE SUR l'aTRÉBATIE AVANT LE VI.« SIÈCLE par M. Terninck. (^)

En 1869 , M. Terninck a ajouté quelques pages à cette importante publication dont la première partie a été livrée au public, il y a plusieurs années. Nos lecteurs nous sau¬ ront gré de reprendre à leur début ces études si intéres¬ santes pour la région septentrionale de la France.

Avant la conquête romaine, l’iiistoire écrite de nos contrées ne se compose guère que de quelques phrases éparses ça et dans les auteurs anciens; on ne peut espérer la compléter que par l’étude raisonnée des découvertes ar¬ chéologiques. M. Terninck s’est donc attaché à la recherche des constructions anciennes, des armes, des bijoux, et grâce à son zèle, grâce surtout à ce qu’il nous permettra d’appeler son flair merveilleux d’archéologue, il a pu réunir une foule de notions intéressantes sur les mœurs des habitants pri¬ mitifs de la Gaule.

Il rapporte les Dolmen et les Tumulus aux diverses races

V

celtiques qui sont venues successivement d’outre Rhin envahir et occuper nos provinces. La pluralité de ces émi¬ grations explique les différences que l’on observe dans ces sépultures , soit sous le rapport de la structure, soit sous le rapport de l’état de civilisation qu’elles annoncent.

Les deux dolmen qui restent dans l’Atrébatie sont ceux du Hamel à la limite du département du Nord et la Table des fées de Fresnicourt dans le canton de Houdain. Ce dernier a été décrit par M. Tailliar, d’après les indica¬ tions de M. Lequien , ancien Sous-Préfet de Béthune. Il se composait de 6 pierres, dont 5 dressées servent de sup-

(1) Celte étude se compose d’articles successivement publiés dans la Revue : La Picardie.

277

port et la sixième forme une table. Auprès de ce dolmen s’en trouvaient primitivement 3 autres , ainsi qu’un double tumulus haut de 10 m. 60 , formé de blocs de grés, rejoints sans ciment ni mortier. Dans le parc de Liévin , près de Lens, il y avait un tumulus en silex que l’on détruisit, il y a quelques années , et sous lequel on trouva les restes d’un squelette avec des objets en cuivre. Un autre tumulus, situé à Vimy, nivelé en 1835, a été étudié avec soin par M. Ter- ninck. Il avait une largeur de 110 mètres et une hauteur de 13. Sur son sommet, les seigneurs de Vimy avaient construit leur château et on y trouva le caveau qui renfermait leurs dépouilles. Au-dessous, on rencontra trois couches de sque¬ lettes , séparées par 2 mètres de terre. Au centre ils étaient très-nombreux , disposés en cercle , tandis qu’à la circon¬ férence ils étaient épars irrégulièrement. Les cadavres avaient été entourés de pierres qui leur formaient à chacun une sorte de tombe. A une exception près , c’étaient des hommes dans la force de l’âge et l’un d’eux avait la poitrine traversée d’un fer de javelot. Dans cette sépulture avaient été évidemment ensevelies les nombreuses victimes d’un combat.

Le sol qui portait le tumulus de Vimy est creusé de galeries souterraines qui servaient de refuge aux popula¬ tions pendant la guerre. Ces souterrains si nombreux dans l’Artois et dans le Cambrésis remontent, selon l’auteur, jus¬ qu’aux Gaulois et furent utilisés par eux lors de la conquête romaine. A Betricourt il y a rencontré des haches en silex.

Les instruments rapportés par M. Terninck à l’époque gauloise , quoique plusieurs d’entr’eux soient certainement plus anciens , sont très-joliment figurés sur des planches photographiques qui accompagnent le texte.

On y voit des couteaux et des haches en silex taillé de l’époque diluvienne trouvés à Vaudricourt, près de Béthune.

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La pierre polie y est représentée par deux haches en pierre noire trouvées à Beuvry et à Labourse , près de Béthune ; une autre petite hache en silex poli vient de la même localité. Des instruments de même nature ont encore été rencontrés en beaucoup d’autres points , particulière¬ ment à Izel-les-Esquerchin , canton de Vimy , auraient été trouvées, selon M. Terninck, les deux haches gravées du Musée de Douai. (^) On a un grand nombre d’autres objets de la même époque , des pointes de flèches, des marteaux , des pierres de fronde, des instruments en os, une pointe en corne de cerf taillée sur le côté en dent de scie (Beuvry), des gaines également en corne de cerf pour emmancher les haches, etc.

Des haches de bronze ont été trouvées à Billy, Labourse, Hénin , Vaudricourt : cette dernière localité a fourni égale¬ ment des bouts de lance , une épée et des ornements.

L’auteur rappelle , à ce propos , l’intéressante trouvaille d’objets de l’âge de bronze , à Lysel , près de Saint-Omer, trouvaille si bien décrite par M. Louis Deschamps dans les Mémoires de la Société des Antiquailles de la Morinie. {^)

On y découvrit des coins creux dont l’emmanchure était parallèle à l’axe de l’instrument et que M. Terninck consi¬ dérerait volontiers comme des bouts de pieux ou de lances, des bracelets tournés en spirale, des anneaux , des bagues , des armilles , une pince à épiler, une agraffe et un couteau. Tous ces instruments sont en bronze ou en cuivre ; quelques- uns sont dorés.

Un bracelet en or massif a été trouvé en 1851 dans te bois de Picquendal , près Fauquembergues (Pas-de-Calais) et M. Terninck a découvert lui-même près de Béthune, une sorte de boucle d’oreilles ornée de verres colorés qui doit être d’un âge plus récent.

(1) Bulletin , t. i , p. 186.

(2) T. VIII, p. 403.

279

C’est probablerneiil à l’époque de bronze que l’on doit rapporter les poteries grossières trouvées dans la mer de Flines : aucune d’elles n’a été façonnée au tour.

L’examen des statuettes et des monnaies, rencontrées dans l’Atrébatie , entraîne Tauleur à étudier le culte des Gaulois. La principale statuette est un cheval en bronze trouvé à Avion, canton de Vimy ; quant aux monnaies, M, Ter- ninck s’en rapporte à la description donnée par M. Dan- coisne dans le Bulletin de la Commission des Antiquités départementales du Pas-de-Calais.

<r On sait qu’avec le produit de ses abondantes mines d’or , Philippe II de Macédoine avait fait fabriquer une im¬ mense quantité de statères , monnaies aussi remarquables par rexcellence du titre que par la pureté et la beauté du dessin. Les conquêtes de son fils Alexandre-le-Grand , et les relations qui s’ensuivirent, firent pénétrer et circuler ces monnaies dans les Gaules.

« De les nombreuses imitations gauloises quelquefois assez fidèles, mais presque toujours grossières et informes, de ces belles statères grecques.

« Il y a toute apparence que les Atrébates, dont la cité commençait à devenir industrieuse et commerçante, frap¬ pèrent, comme beaucoup d’autres peuplades voisines, des monnaies imitées des Philippe de Macédoine.

« J’attribue à l’Atrébatie certaines imitations d’une fabrique particulière, que je n’ai jamais découvertes que dans les arrondissements d’Arras et de Béthune, elles se rencontrent assez fréquemment. Ces monnaies d’or, d’un module assez petit, représentent d’un côté, le bige macé¬ donien défiguré allant à gauche (circonstance digne de remarque) ; sous le cheval , une espèce de lyre , ce symbole des Bardes qu’on retrouve surtout sur les imitations de la trouvaille de l’île de Jersey. Le revers, au lieu d’une tête laurée ou à longue chevelure , n offre que des lignes placées en divers sens , et figurant ainsi , par leurs disposi¬ tions bizarres, tantôt la lettre A (initiale des atrébates) , tantôt une plante, sans doute une branche du gui sacré.

« La fabrication de ces monnaies dut être du reste , d’assez courte durée. Bientôt apparaissait dans nos contrées

280

comine type national des monnaies belges, le cheval libre galopant au milieu des divers emblèmes druidiques , et les monnaies unifaces d’or à ce type se répandaient en abon¬ dance dans' toutes nos contrées elles eurent un cours très-suivi jusque dans les premiers siècles de la domination romaine. La quantité considérable de ces pièces trouvée en Artois, permettrait peut-être de supposer qu’on en a aussi frappé dans l’Atrébatie.

« Ce qui paraît plus probable , c’est que les Atrébates émirent une nouvelle monnaie d’or offrant d’un côté le même type, et de l’autre une tête grossière couronnée de feuilles. On leur attribue encore plusieurs autres monnaies du même métal, ayant de grandes analogies avec la pré¬ cédente, dont elle diffère surtout par l’adjonction d’une rouelle placée sous le cheval ou au-dessus. Cette dernière attribution est corroborée par la découverte faite, en 1846, à Aubigny, près d’Arras, d’un millier de ces pièces.

« Jusqu’ici nous ne trouvons pas de monnaies en argent, en cuivre, ou électrum ; mais je viens d’enrichir ma série atrébate d’une pièce unique d’une haute importance. Il s’agit d’une monnaie en verre uniface , au type du cheval libre surmonté d’une rouelle, trouvée dernièrement à Fres- nicourt près de Béthune, ( à suivre ) J. Gosselet.

HAGIOGRAPHIE DU DIOCÈSE d’AMIEiNS par M. Pabbé J. Corblet, historiograplie du diocèse, directeur de la Rtmt de Varl chrétien. (*)

Les deux volumes dont nous venons entretenir nos lecteurs forment la première moitié de l’important ouvrage auquel M. l’abbé Corblet travaille depuis plusieurs années ,

sans s'en laisser distraire par les soins absorbants de la

«

direction d’une Revue et par diverses autres entreprises.

Son Hagiographie du diocèse d'Amiens est une œuvre de haute érudition. Supérieure sous ce rapport aux essais du même genre qui ont été tentés dans d’autres diocèses , elle ne le cède à aucun d’eux , ni quant au charme, ni quant à

(^) Amiens, Prévost-Allo , 1869-1870, 2 forts vol. in-8.®

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la variété du style. M. l’abbé Corblet emploie, tour à tour et avec un bonheur égal, les tons propres à la dissertation scientifique, au récit imagé, à l’enseignement moral et religieux.

Dans son Introduction , il pose les règles de ci*i tique saine et large qui doivent présider à la rédaction de son livre. Ces règles, il fait mieux que les énoncer: il les applique, dans le corps de l’ouvrage , avec une sagacité rarement en défaut.

Au point de vue de la disposition des matières, beaucoup d’historiens regretteront comme moi que M. l’abbé Corblet, au lieu de nous faire parcourir le cercle du Calendrier liturgique , n’ait point suivi l’ordre chronologique qui , en permettant de grouper par dates les vies des saints , en fait mieux saisir renchaînement.

M. l’abbé Corblet, qui ne se dissimule pas l’inconvénient du système auquel il s’est tenu , nous en dédommage par l’annonce d’une Histoire du diocèse d'Amiens qu’il lui appartient d’écrire , et les faits tirés des vieux légen¬ daires sont naturellement consignés suivant l’ordre dans lequel ils se sont produits.

Voici, du reste, comment le savant historiographe du diocèse d’Amiens procède pour chaque saint figurant dans son recueil. D’abord il donne la biographie du personnage d’après les contemporains ou, à leur défaut, d’après les auteurs les plus anciens qui en ont parlé. Puis il consacre à la mémoire du saint une série de notices intitulées : Reliques, culte et liturgie, iconographie, bibliographie. De cette manière, aucun détail n’est laissé dans l'ombre et le lec¬ teur sait toujours chercher les faits précis dont il a besoin.

M. l’abbé Corblet se fait une joie bien louable de com¬ prendre, dans son Hagiographie , ceux qu’il appelle spiri-

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tuellement les « oubliés de la liturgie , » c’est-à-dire les saints locaux qui , exclus, il y a deux siècles, du bréviaire diocésain, par le sombre esprit janséniste, n’ont pas obtenu gain de cause devant la cour romaine , lors de la révision récente du propre : il s’attache à eux avec ce sentiment de sympathie, touchant et légitime, qu’inspirent les mé¬ connus et les déshérités.

Nous allons maintenant , pour achever de donner à notre public une idée du contenu du livre de M. l’abbé Gorblet, énumérer, suivant l’ordre que nous eûssions voulu voir adopter par lui , les principaux saints dont il s’occupe dans ses deux premiers volumes.

L’église d’Amiens doit, comme on le sait , sa création à saint Firmin dont les uns placent le martyre sous Dioclétien, d’autres sous Valérien, d’autres dans un temps beaucoup plus reculé : sous Trajan ou ses premiers successeurs. Cette question, qui se rattache à celle des origines chrétiennes de la Gaule entière, a soulevé, dans ces derniers temps , d’ardentes polémiques auxquelles nous avons vu mêlés des noms d’une grande autorité.

Pour ne parler ici que des historiens amiénois qui sont entrés en lice, nous rappellerons que naguère M. Dufour, président de la Société des Antiquaires de la Picardie, rompait une lance avec M. Ch. Salmon, vice-président de la même compagnie, au sujet de la date de l’apostolat de saint Firmin en particulier , et de l’évangélisation de la Gaule en général.

M. Salmon, qui tient pour l’apostolicité des plus an¬ ciennes églises de France, croit fermement que saint Fir¬ min a prêche et qu’il est mort dans la première moitié du 11.6 siècle. M. l’abbé Gorblet a eu le mérite d’entrer, sans parti-pris, dans l’étude de cette question qui, autour de lui, passionnait si vivement les esprits : il s’est environné de

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tous les auteurs qui , depuis Launoy jusqu’à l’abbé Paillon, et depuis l’abbé Paillon jusqu’aux intrépides controver- sistes actuels , ont pris part à une polémique dont les éléments ne peuvent être disjoints, tant ils offrent de connexité. Après avoir consacré huit mois à l’examen approfondi d’ouvrages qui, réunis, forment une biblio¬ thèque, M. Corblet est arrivé à se faire une opinion abso¬ lument identique à celle de son collègue M. Salmon.

Ce n’est pas incidemment que nous pouvons et voulons traiter une question aussi ardue , aussi vaste que celle dont il s’agit ici. A notre sens , elle aurait, depuis longtemps , cessé de diviser les meilleurs esprits si elle était susceptible d’une solution rigoureuse et vraiment scientifique. Bor¬ nons-nous à dire que la Dissertation de 31. l’abbé Corblet sur les origines de la foi chrétienne dans les Gaules se recommande par la lucidité de l’exposition , par l’habile enchaînement des preuves et par un ton d’exquise urbanité qui a trop souvent fait défaut aux partisans de la même doc¬ trine. Si la thèse savamment plaidée, depuis le décès de l’abbé Paillon, par 3131. Arbellot, Darras, Bougaud, Sal¬ mon , Richard , etc. , combattue , depuis lors et avec non moins d’éclat, par 3131. Du 3Iéril et Jules Lair, Huilliard- Bréholles et d’Ozouville, Dufour et Tailliar, si cette thèse , disons-nous, prévalait un jour en histoire, 31. l’abbé Corblet pourrait se flatter d’avoir puissamment contribué à en assurer le triomphe.

A côté du nom de saint Pirmin , martyr, se range , dans son livre, celui de saint Pirmin le confesseur, sur la vie duquel on manque de renseignements précis. On en peut dire autant de saint Ache et de saint Acheul dont les actes ne nous ont pas été conservés.

Dans son étude sur saint Pirmin , martyr , 31. l’abbé Corblet avait été devancé, comme il se plaît à le reconnaître,

284

par M. Salmon : il a pris le même auteur pour guide dans ses recherches sur saint Fuscien et saint Victoric qui com¬ plètent la liste des premiers apôtres de TAmiénois.

Gomme ces derniers martyrs , saint Gratien , sainte Ele- \are et sainte Sponsare furent mis à mort par les ordres du proconsul Rictiovare, de sinistre mémoire.

Dans le milieu du iv.® siècle, lorsque la foi chrétienne est devenue celle de l’Empereur et de l’Empire , nous voyons installé sur le siège d’Amiens, saint Euloge, à qui M. l’abbé Corblet consacre également une notice.

Au V.® siècle, saint Germain d’Ecosse trouve la mort en se dirigeant vers l’Amiénois de nombreuses conversions restent à opérer par suite du retour des populations à un état voisin de la barbarie.

La fin du vi.® siècle vit mourir deux autres missionnaires venus des îles, saint Gaïdoc et saint Fricor, qui, en débar¬ quant sur les côtes de Picardie , conquirent à Dieu le grand homme appelé à devenir saint Riquier.

Vers le même temps s’éteignit saint Evrols, abbé de

Saint-Fuscien-au-Rois. Saint Rerebond , successeur de saint

%

Salve sur le siège d’Amiens , saint Blimont , deuxième abbé de Saint-Valéry-sur-Somme, saint Gondéde, ermite de la Fontaine-Saint-Valéry, sainte Godeberte, l’une des reli¬ gieuses du monastère de Noyon fondé par saint Eloi , remplissent le vu.® siècle qu’on a si justement nommé l’âge d’or de la vie monastique.

A ce groupe de saints de la Picardie , M. l’abbé Gorblet rattache deux autres figures qui appartiennent plus parti¬ culièrement à l’Artois. Ge sont celles de sainte Framechilde et de sainte Austreberthe, sa fille, qui ont embaumé de leur vertus le canton de Marconne.

Entre toutes ces légendes dont l’uniformité de ton diminue parfois l’intérêt, se détache celle de saint Fursy, d’un tour

285

éminemment celtique , le merveilleux coule à pleins bords, l’on esta chaque instant transporté dans les ré¬ gions du monde invisible. M. l’abbé Corblet emprunte les traits les plus curieux de cette vie à la naïve traduction qu’en a donnée, en 1468 , Jean Miélot, chanoine de Saint- Pierre de Lille , aumônier de Philippe-le-Bon.

Avec sainte Aurée , supérieure de religieuses à Amiens , nous entrons dans le viii.® siècle ; nous en sortons avec le B. Alcuin , que M. Corblet revendique pour la Picardie comme ayant été abbé de Saint-Josse-sur-Mer.

Les noms qui se présentent ensuite dans l’hagiographie du diocèse d’Amiens sont des plus illustres: comme ils appartiennent à l’histoire profane presqu’autant qu’à l’his¬ toire ecclésiastique, nous nous bornerons à les citer. Ce sont : saint Angilbert, gendre de Charlemagne et plus tard abbé de Centule ; saint Adélard , cousin germain du même prince et que ses fonctions d’abbé de Corbie n’enlevaient point à la direction des affaires politiques du temps ; son frère saint Bernaire et son neveu saint Adélard le Jeune ; saint Anschaire enfin qui , de Corbie , lieu de rencontre de ces grands esprits et de ces généreux cœurs , s’élança sur la Basse-Saxe et le Danemarck pour y porter la foi du Christ.

La sainteté et le savoir semblent ensuite s*e retirer, pour un moment , du monde. Ce n’est qu’après l’expiration du x.® siècle que nous rencontrons , dans l’école capitulaire de Saint-Quentin de Vermand, saint Gilbert, futur évêque de Meaux, et, à la tête de l’abbaye de Centule , le véné¬ rable Enguerrand, « savant en grammaire, en musique, en dialectique, » charitable à l’égard des pauvres, ferme envers les puissants de la terre. Saint Gervin lui succède : comme lui , il défend les intérêts spirituels et temporels de son couvent au milieu des agitations de la Société féodale.

Au déclin du xi.® siècle, l’abbaye de Saint-Martin de

286

Pontoise possédait pour chef saint Gautier, qui lui donnait l’exemple de toutes les vertus religieuses. Alors aussi se formait à Gorbie saint Gérard , le fondateur de la Grande- Sauve.

Dans les premières années du xii.® siècle , le comté et le diocèse d’Amiens étaient, chacun, aux mains d’un saint; le bienheureux Charles-le-Bon et saint Geoffroi, évêque.

Saint Bernard d’Abbeville, rivalisant avec saint Gérard de Gorbie, faisait rayonner en Aquitaine l’éclat et la puissance de la foi picarde. Le bienheureux Adam , deuxième abbé de Saint-Josse-au-Bois,et le bienheureux Godefroi de Péronne, cinquième prieurde Glairvaux, appartiennent à celte meme génération de grands saints du xii.® siècle.

Il ne nous reste plus, pour être complet, qu’à men¬ tionner saint Félix de Valois qui a bien mérité de l’huma¬ nité par la part 'qu’il prit à la fondation de l’ordre des Trinitaires , destiné au rachat des captifs (xiii.® siècle) ; sainte Golette, réformatrice des trois ordres franciscains (xiv.® siècle) ; saint François de Roye , l’un des martyrs de Gorcum (xvi.® siècle). A. Desplanque.

souv’nirs d’ux homme d’douai par L. Dechrîsté. (3.^ vol.) (b

L’auteur a fait, en prose, pour Douai, ce que M. Des¬ rousseaux a rimé en couplets pour Lille, et une facile chanson de l’auteur des Pasquilles lilloises sert d’intro¬ duction aux nouveaux Souvenirs d’un homme d’Douai. Histoire locale, études de mœurs, fêtes et coutumes, per¬ sonnages remarquables ou originaux , tous ont trouvé place dans cette sorte de chronique au jour le jour qui lient du tableau en même temps que du livre , par le pittoresque des descriptions. Eune fiète des Wios-Saint- Albin (l’une des

(1) Douai, Dechristé, 1870, in-12 de 216 p.

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paroisses de Douai ). Les salles d’asile Les vieux airs populaires de la cité (connus aussi dans presque toutes les villes du Nord) La fête de Gayant L’exposition des Amis des Arts Le beffroi communal , sa restauration , ses cloches du xv.® siècle Les cris des petits métiers de ta rue L’historique de la musique municipale, depuis son organisation par Pierre Lecomte, en 1806, tels sont les chapitres principaux de ce livre il est aussi question des Incas de Valenciennes , etc. Ajoutez-y , pour complément , des anecdotes dans l’esprit de la publication.

Ces récits sont en patois douaisien, lequel a de nom¬ breuses affinités avec le langage populaire de Lille et de Valenciennes surtout, et celui de Cambrai dont il ne diffère le plus souvent, sauf quelques expressions sui generis , que par la façon de prononcer ou d’élider deux ou trois lettres. Tout cela est écrit avec une facilité apparente et une cer¬ taine causticité. Le coup de patte s’y fait sentir à propos et le patriotisme local y abonde : les gins d' Douai ne s’en plaindront pas. Je recommande le parallèle entre les salles d’asile elles écoles d’enfants d’autrefois, et des conseils sur l’hygiène et la sobriété , d’autant plus justes que l’idiome dans lequel ils sont formulés, excluant tout pédantisme, les fait arriver sûrement à leur adresse. Je regrette de man¬ quer d’espace pour les transcrire.

Il y a un point capital , eu égard à l’effet qu’il produit sur le lecteur, c’est cette saveur toute gauloise , ce gros sel qui est peut-être ici du piment tant il pique. Mais l’auteur, lui non plus, n’écrit pas pour l’Académie et, somme toute , je crois qu’il est facile en considérant l’ensemble de passer condamnation sur ce qu’il y a d’un peu cru dans quelques tons de la peinture. A. Durieux.

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NOTICE SUR LES TERRAINS TERTIAIRES DE LA BELGIQUE

par M. le D/ De Koe\e\, professeur à FUniversité de Marbourg, traduit de l'anglais par M. A. Thielens.

Cette notice, insérée dans le Geological magazine 7F, est essentiellement consacrée à la critique de deux mémoires publiés par des savants anglais, sur les sables des environs d’Anvers. M."® Nyst et Dumont avaient établi dans les sables d’Anvers deux grandes divisions subdivisées cbacune en deux parties.

( sable jaune ( sable gris ^ sable vert I sable noir

Système scaldisien

Système diestien

M. de Kœnen frappé de l’analogie des fossiles que l’on rencontre dans les sables noirs avec ceux que l’on trouve dans les couches supérieures du terrain miocène du bassin de Vienne, proposa de ranger le système diestien dans le terrain miocène en ne laissant dans le pliocène que le sys¬ tème scaldisien.

M. Lankester (^) , en se basant sur la ressemblance qui existe entre la faune du système diestien et celle du système scaldisien, pense qu’on ne peut pas les séparer ; il les place tous deux dans le terrain pliocène ; mais il se voit alors forcé de scinder en deux les couches devienne pour en faire rentrer la partie supérieure dans le terrain pliocène.

M. de Kœnen ne peut admettre celte classification ; il fait observer que chaque période tertiaire a une grande quantité, environ 40 O/o , d’espèces communes avec la période qui la précède et avec cefie qui la suit, c’est-à-dire que si ces

(1) On tlic tertiaries in tlic neiglibourhood of Antwerp. ^Geological magazine, 1865).

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périodes sont des dépôts de même nature il n’y a pas entre elles de lignes de division nettement tranchées.

M. Godwin Austen , dans un travail publié en 1867 {^) admet que les systèmes diestien et scaldisien sont contempo¬ rains : il explique la différence de coquilles qu’ils renfer¬ ment parce que le premier se serait déposé à une profondeur de 30 à 40 brasses, tandis que le second se serait formé à de très-petites profondeurs et renfermerait un grand nombre de coquilles roulées qui n’auraient pas vécu aux endroits on les trouve actuellement.

M. de Kœnen combat cette manière de voir en se basant sur l’épaisseur des couches scaldisiennes, qui est de 5 mètres pour le sable jaune et de 10 mètres pour le sable gris, ainsi que sur la parfaite conservation des fossiles qu’on y trouve.

J’adopte pleinement les considérations présentées par M. de Kœnen en ce qui concerne la distinction d’âge entre les systèmes diestiens et scaldisiens ; comme lui je pense qu’il y a des passages insensibles entre les couches tertiaires successives et que l'on ne peut nulle part tracer de lignes de séparation bien nettes. En tenant compte de ce fait, il me semble qu’on peut émettre une opinion intermédiaire entre celles de M.'’® Lankester et de Kœnen. On confond gé¬ néralement dans les sables noirs les couches d’un vert foncé que l’on trouve sous la ville d’Anvers et celles qu’a mis à découvert la construction d’un fort à Edeghem. Elles présentent cependant des différences sensibles dans leur faune : tandis que les premières paraissent pliocènes , les secondes ont un caractère franchement miocène, qu’elles partagent avec la couche fossilifère du Bolderberg. J’es¬ père du reste que le temps est prochain l’on cessera d’établir une division de premier ordre entre les couches dites actuellement pliocènes et miocènes.

On the Kainozoic formations of Bel^ium .

290

En attendant, remercions M. Thielens d’avoir traduit en notre langue un mémoire aussi intéressant que celui de son ami le professeur Von Kœnen. J. G.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.

LA PEINE DE MORT A LILLE DE 1565 A 1574. (')

Le bourreau de Lille, Robert Cambier, recevait un traite¬ ment fixe de 96 livres parisis ; l’évêque de Mende, intendant du roi de Navarre, augmenta ses gages de 24 livres ou 12 florins, le 14 mai 1563. Le bourreau avait en outre le loge¬ ment elles bénéfices du métier. Il reçoit 9 livres, 17 sols, 6 deniers « pour ses sallaires et déboursements faictz pour l’exécution par le feu, de Pol Chevalier , condempné par les eschevins de Lille et lieutenant de la Gouvernance, le XII.® jour de décembre 1564, par main commune d’estre bruslé vif et consumé en cendres. » (^)

Le supplice par le feu n’était guère offert en spectacle qu’une fois par an ; il était réservé surtout aux hérétiques : les honoraires du bourreau augmentent alors d’une façon sensible. Il reçoit en 1574 , 12 livres , 14 sols , pour l’exé¬ cution d’Annette Delerue, veuve de Jehan Dubosquet, bon¬ netier, « laquelle pour avoir dit, proféré et soustenu plu¬ sieurs propos hérétiques et erronneulx contre la saincteFoy catholique et sainct Sacrement de l’autel et en iceulx per¬ sisté, a esté condempnée d’estre vifve bruslée et consommée en cendres et ses biens confisquez à Sa Majesté , par senten¬ ce des eschevins du xvii.® jour de juin 1569 ; payé pour trois quartrons de bourrées, 6 livres ; pour deux cent de

(1) Les extraits qu’on va lire et qui nous ont été communiqués, en des temps meilleurs , par notre excellent collègue M. Matton , sont empruntés à des séries de comptes existant aux archives de f Aisne.

A. D.

(2) Voir V Eglise sous la croix 'pendant la domination espagnole , par le pas¬ teur Frossard, p. 63 et suivantes.

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fasseaux , 4 livres, 8 sols ; pour estrain , 12 sols ; pour son sallaire de l’avoir lyé à l’estacque (poteau) et achevé ladite exécution, 20 sols , et pour ses cordes , 14 sols. >

M.® Robert recevait en 1565, « pour avoir mis sur la tor¬ ture Nicolas Bouvel , 5 sols ; pour luy avoir mis des œufs chauldz soulz les aisselles des bras, 5 sols ; pour l’avoir pendu par les poings , 5 sols ; pour l’avoir fustigé de verges en prison , 5 sols ; pour l’avoir fustigé par les carrefours, 5 sols ; pour l’avoir mené depuis la porte jusques au lieu deu, 5 sols ; pour avoir hurté sa teste contre l’un des pilliers du gibet, 5 sols ; pour lui avoir mis la hart au col, 5 sols ; pour l’avoir marqué de la marque de la ville , 5 sols ; pour toutes les cordes et licol, 28 sols, et qu’il a payé au chartier l’ayant mené au lieu deu , 40 sols. »

Denis Tournemine , qui avait employé tous ses artifices avec d’autres individus de sa sorte, armés comme lui, pour s’emparer des cappes et manteaux des gens circulant dans les rues, et qui , en outre , s’était rendu coupable d’ho¬ micide, doit mourir à la potence. Le bourreau reçoit « pour avoir pendu le coupable , 5 sols ; pour l’avoir dépendu , autant ; pour l’avoir mené au lieu deu hors la ville, 5 sols ; pour l’avoir illecq rependu, 5 sols; pour ses cordes, 14 sols ; pour estrain, 5 sols. »

Le supplice de la pendaison n’était pas rare. Le bourreau de Lille pend 7 personnes, en 1565: cette même année il n’en décapite que deux. Guillaume Desbailles, qui avait tiré contre l’armée du Roi campée devant la ville , périt par le glaive. Le bourreau reçoit « pour l’avoir lyé sur le bourd , 5 sols ; pour exécution , 5 sols ; pour avoir mis le corps en une bière, 5 sols ; pour faire racoustrer son espée, 5 sols, et pour ses cordes , 14 sols. »

Le bourreau exécute aussi Nicolas Prévost ; il reçoit « pour lui trancher la tête devant la halle , 5 sols ; lui

292

couper le poing , autant ; clouer ce poing au pilori , S sols; faire rappointer son épée, 4 sols, et pour ses cordes, 14 sols. » Il reçoit pour avoir tranché la tête de Marc Coffin , sergent de la prévôté de Lille , o sols.; « pour faire racoustrer son baston, 4 sols; pour avoir mené son corps au lieu deu , o sols ; pour couvrir le corps de paille sur le charriot, 4 sols ; pour l’avoir mis sur une roue , 5 sols ; pour avoir mis la tête au beffroi de Lille sur un fust de lance, 5 sols ; pour ses cordes , 14, et 40 sols pour celui qui a conduit le corps sur un cbarriot. » A. Matton ,

Archiviste de l’Aisne.

FAILLES ET PUITS NATURELS DANS LE TERRAIN HOUILLER

La houille exploitée en Belgique et dans le Nord de k France est disposée en veines plus ou moins épaisses intercalées dans un vaste ensemble de schistes et de grès. Toutes ces couches schiste , grès et houille sont parallèles les unes aux autres , mais leur ensemble présente souvent des plissements, des contournements et d’autres irrégularités dont les plus importantes , au point de vue géologique comme au point de vue de l'exploitation , sont les failles.

Les failles sont des fentes qui coupent les couches sur une longueur plus ou moins considérable et qui sont -presque toujours accompagnées d un rejet; c’est-à-dire que les couches se retrouvent de l’autre côté de la fente à un niveau plus élevé ou plus bas. Tantôt les deux parois de la faille sont contiguës, tantôt elles sont écartées et leur in¬ tervalle est rempli par des débris de roches houillères mélangés parfois à des roches de terrain crétacé qui dans nos pays recouvre immédiatement le terrain houiller.

Les failles, très-fréquentes dans le terrain houiller comme dans tous les terrains primaires, sont dûs à la dislocation du sol , à des fendillements de l’écorce terrestre tels qu’jl s’en

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produit encore de nos jours dans les tremblements de terre. Elles sont une cause incessante de difficultés pour l’exploi¬ tation des districts houillers qui en sont affectés; car non-seulement elles obligent à faire des recherches pour retrouver la veine de houille qui a été rejetée , mais lors¬ qu’elles sont larges, elles permettent l’infiltration des eaux contenues dans le terrain crétacé : il faut exécuter alors des travaux considérables pour contenir la source et l’empêcher de noyer la mine.

Les puits naturels dont l’existence vient d’être révélée par MM. Cornet et Briart (^) , pourraient au premier abord se confondre avec les failles dont ils ont en partie les inconvénients. Ce sont de vastes cavités cylindriques dont la profondeur est inconnue et qui traversent plus ou moins obliquement le terrain boiiiller sans modifier en aucune manière l’allure des couches. Elles sont remplies de débris^ de roches du terrain houiller et du terrain crétacé confusé¬ ment mélangés et laissant entr’eux de nombreux vides remplis d’eau qui affluent dans la mine dès qu’une galerie vient à rencontrer un puits naturel. Le danger est d’autant plus grave , que l’on n’est pas prévenu de l’approche de ces , accidents , tandis que le voisinage des failles est générale¬ ment annoncée par le plissement des couches et l’altération ; des roches, celle de la houille en particulier.

« Vers la fin de l’année 1864, disent les auteurs, la Société charbonnière de Bascoup avait poussé ses travaux d’exploitation dans la veine de l’Olive jusqu’à 1200 m.

: environ de l’Est des puits d’extraction Sainte-Catherine, i La couche se trouvait en allure très-régulière et rien n’in- [ diquait le voisinage d’un dérangement quelconque , quand ,

I tout-à-coup , les eaux firent irruption au front de la galerie ! principale avec une telle violence, que les ouvriers eurent i à peine le temps de se sauver croyant avoir atteint d’anciens 1 ^ravaux d’exploitation abandonnés et inondés. »

(1) Bulletin de l'Académie -de Belgique , t. XXIX, p. 477.

294

MM. Cornet et Briart sont parvenus à constater la nature de ces cavités et aies distinguer des failles en les contour- nant par des galeries. Ils ont reconnu l’existence de huit puits dans les environs de Mons. Celui de Bascoup coupe presque perpendiculairement les couches houillères, sa section est une ellipse irrégulière , dont le grand axe a de 36 à 52 mètres et le petit axe, 19. Un autre puits naturel, reconnu dans le charbonnage de Sars Lonchamps , a 90 m. de large dans un sens et 63 dans l’autre. Au Grand Hornu , on a découvert deux de ces puits distants de 75 mètres et larges de 130 et de 50 m. Ils ont été reconnus par deux galeries, l’un a 399 m., l’autre à 130 m. de profondeur.

Quelle est l’étendue de ces puits en profondeur et jusqu’à quelle hauteur remontent-ils dans le terrain crétacé? c’est ce qu’on ne connait pas encore ; leur mode de formation est également inexpliqué. J. G.

CHRONIQUE

Météorologie : AOUT

1870

Température moyenne . 16.* 33

> K des maxima . 19.° 90

» » desminima . 12.® 76

> extrême minima, 30 et 31 8." 40

» » maxima, le 5.. 25.® 10

Baromètre hauteur moyenne à 0.® _ 758”'“564

» hauteur extrême minima , le 28. 752””62 J » B maxima , le 31. 769““00

Tension de la vapeur atmosphér . 1 0“'“83

Humidité relative moyenne % . 73.0

Epaisseur de la couche de pluie . 90““79

» de la couclie d’eau évaporée. . 96““08

AOUT

année moy. 17.® 782

759““ 426

11“"16 71. 55 63r069 123T"95

Comme nous le voyons ci-dessus le mois d’août fut moins chaud qu’en année moyenne. Cet abaissement de tempé-

295

rature est à plusieurs causes : d’abord la direction per¬ sistante des courants atmosphériques qui , pendant 20 jours sont venus du N. et du N.-O. ; la rapidité de leur marche, l’état de nébulosité du ciel qui s’opposa à l’action directe des rayons solaires, enfin la fréquence de la pluie, 25 jours.

L’abaissement de la température se fit surtout remarquer pendant le jour, aussi la moyenne des maxima ne fut-elle que de 19.° 9, inférieure à la moyenne générale ; celle des minima au contraire lui fut supérieure de 12.° 76.

La nébulosité du ciel fut un écran qui arrêta la chaleur solaire , mais qui , en compensation , s’opposa au rayonne¬ ment nocturne.

Cette grande nébulosité indice de la saturation des cou¬ ches élevées de l’atmosphère détermina un grand abaisse¬ ment de la colonne barométrique et des pluies très-fréquentes qui entretinrent dans les couches d’air en contact avec le sol une humidité défavorable à l’évaporation , laquelle fut bien moindre celte année que l’année dernière , quoique la température , cause la plus active de ce phénomène météo¬ rique, ait été en août 1870 supérieure à celle du mois cor¬ respondant de 1869.

Cette grande humidité atmosphérique donna lieu aux orages des 5, 9, 19 et 26, qui vinrent de la région N. Celui du 26 , fut accompagné d’une grêle abondante , mais le volume des grêlons ne fut pas assez fort pour qu’ils causas¬ sent des dégâts aux végétaux. V. Meurein,

Archéoloi^ie préhistorique. Haches en silex poli, Une très-belle hache polie en silex gris vient d’être dé¬ couverte à Vendhuile, près du Catelet, sur le bord du canal. Elle a été donnée au Musée de Lille par M. Albert Cornailles. J. G.

Archéologie. Sépulture gauloise. On lit dans le Courrier de V Aisne :

Les fouilles faites depuis un mois dans l’antique cimetière

296

de Chassemy ont été très-fructueuses : les bracelets, les tor¬ ques en bronze, les pendants d’oreilles en os , les fibules en bronze ou en fer, les javelots , les poignards, les lances , les coutelas en fer, les vases aux formes les plus variées, aux ornements les plus divers , font de la maison du sieur Taté, propriétaire du cbamp d’où l’on tire toutes ces richesses ar¬ chéologiques, un musée des plus intéressants. Dernièrement il a trouvé des meules en grès de la forme la plus primitive : ce sont tout simplement des pierres que l’on frottait l’une contre l’autre pour écraser le grain.

La découverte la plus belle qu’aient amenée les fouilles est celle d’un char enterré au-dessus du guerrier auquel il a appartenu. Le bois a disparu; mais les cercles en fer des roues , ceux des moyeux , les mors des deux chevaux , les ferrements des palonniers , les nombreuses plaques en bronze dont les harnais et la voiture étaient ornés, sont restés intacts dans le sable.

Les roues, hautes de 1 mètre 4 cent. , n’avaient pas plus de 2 centimètres de largeur. Les mors , très-puissants , sont de ceux que les modernes, qui s’en croient sans doute les in¬ venteurs , appellent « mors brisés ou mors anglais. » Les an¬ neaux en bronze sont au nombre de dix-huit. Les plaques de même métal, larges et richement ornementées, sont au nombre de vingt. Le char, à en juger par l’écartement des roues , devait avoir à peu près 1 mètre 20 cent, de largeur.

C’était évidemment un char de guerre ou de luxe ; les roues étaient trop étroites pour supporter le poids de pesants fardeaux dans des chemins assurément peu praticables. Il devait être très-léger.

Au pied du guerrier étaient de beaux vases , à dessins composés de lignes brisées, des javelots, une lance. A son côté droit était une courte épée à deux tranchants. Sur son corps on avait jeté quelques éclats de silex.

D'eux grosses pici’ies blanches, non taillées, étaient appuyées l’une contre l’autre à sa gauche. A 8 mètres de celte sépulture gisait un cheval de petite taille, à grosse tête,, dont le squelette présente un sujet d’étude des plus intéres¬ sants. Le second cheval n’a pas encore été retrouvé. J. G.

' ' " Le Gérant : E. Castiaux.

■nP. DE RLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2.® Année. N.“ 10. Octobre 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

ACADÉMIE DE BELGIQUE, CLASSE DES SCIENCES

Travaux courants

La discussion au sujet de l’existence d’une force vitale spéciale , discussion que nous avons déjà mentionnée a continué pendant les séances suivantes. La nature de la question , son importance et la crainte de ne pas saisir exactement l’opinion des savants académiciens , nous enga¬ gent à renvoyer nos lecteurs aux bulletins de l’Académie.

M. Quetelet présente le plan d’un nouvel ouvrage qu’il va publier sous le nom (T Anthropométrie. Il traitera des rela¬ tions de forme et de grandeur des diverses parties du corps humain , de la taille moyenne de l’bomme, de son poids et de sa force aux différents âges.

M. Melsens a fait , à l’aide de manomètres métalliques , quelques expériences pour déterminer la force élastique des gaz liquéfiables. Les résultats obtenus concordent avec ceux que fournissent les formules adoptées par M. Régnault ; dans d’autres expériences, il a maintenu pendant plus d’une heure à un froid de 80.° du virus viccin d’origine jéne- rienne et ce virus conserva toute son efficacité.

M. Van Beneden décrit, sous le rapport zoologique et anatomique , le Macrostomum viride , ver tubellarié qu’il a trouvé dans un fossé des environs de Louvain.

M. Van Bambeke a remarqué, à la surface du vitellus des œufs fécondés des Amphibiens (grenouilles, tritons, axolots

(0 Bulletin de l’Académie royale de Belgique, t. xxix, n.® G t. XXX , n.° 7 et 8.

(‘■‘) Page 208.

298

et autres) , des trous qui sont les ouvertures de conduits microscopiques pénétrant à une certaine profondeur dans l’œuf et se terminant par une dilatation en cul de sac. Selon l’auteur, ces trous et ces conduits sont l’œuvre des sperma¬ tozoïdes. Déjà un savant anglais, New port, avait vu les spermatozoïdes pénétrer par des mouvements actifs à travers les diverses couches enveloppant l’œuf des Batra¬ ciens jusqu’à la membrane vitelline, puis traverser cette membrane et disparaître. Il ne semble cependant pas à M. Van Bambeke que la pénétration des spermatozoïdes soit une condition indispensable de la fécondation , car il a constaté le développement d’œufs de grenouille complè¬ tement privés de ces trous vitellins.

M. Mourlon , aide-naturaliste du Musée de Bruxelles, donne quelques détails sur la géologie du Maroc d’après un collection de roches et de fossiles recueillis dans ce pays par 31. l’ingénieur Desguin et déposée au 3Iusée de Bruxelles.

M. de Koninck change le nom qu’il avait donné à un poisson de la craie de àleudon (^) : il s’appellera Ancistro- gnathus ^ au lieu de Ankistrodus ^ nom déjà employé.

Puits naturels dans la craie du Brabant , par 31. Van Horen, docteur en sciences naturelles àSaint-Trond. Ces puits ou orgues géologiques sont des cavités coniques creusées dans la craie et s’ouvrant à la surface de cette roche en un entonnoir de 60 centimètres de diamètre au maximum. Ils descendent en s’atténuant avec une grande régularité et, lorsque leur extrémité inférieure est accessible , l’on peut constater qu’ils se terminent en pointe émoussée.

Une mince couche d’argile brune recouvre partout la sur¬ face de la craie et tapisse les parois des puits jusqu’au fond.

L’argile est recouverte de sables brunâtres entremêlés de

P) Bulletin, t. ii, p. 114.

!299

petites bandes d’argile et descendant dans les poches de la craie. Plus haut , le sable devient jaunâtre et à sa partie su¬ périeure il est rempli de débris de tuffeau qui doivent être rapportés au tuffeau de Lincent. Ces sables, dont l’épaisseur est de 1 mètre , sont surmontés par un diluvium de gros silex brisés et par une couche peu puissante de Limon brun.

L’auteur n’exprime pas son opinion au sujet de la forma¬ tion de ces cavités , mais on trouve , dans les rapports de M.*"® d’Omalius d’Halloy et Dewalque sur le travail de M. Van Horen, des considérations intéressantes sur la manière dont elles se sont remplies.

Selon M. d’Omalius , quelques-unes de ces cavités pour¬ raient bien être des poches creusées et remplies de haut en bas par des causes extérieures tandis que les autres sont certainement des puits naturels que le savant académicien suppose formés par des émanations sorties de l’intérieur de la terre. 11 en voit une preuve dans la couche d’argile brune qui se prolonge le long des parois comme les salbandes des filons ; des éjaculations sableuses auraient suivi les éja¬ culations argileuses et se seraient fait jour au milieu de l’argile.

Pour M. Dewalque, toutes ces cavités , quelles que soient leurs formes et leurs dimensions , se sont comblées de haut en bas. Voici comment il explique la formation de la couche d’argile :

Cetle argile ne se borne pas à revêtir l’intérieur des cavités creusées dans la craie, en passant sui* toutes ses inégalités; elle recouvre même toute la surface supérieure de cette roche. Sa formation résulte de l’intiltration des eaux superficielles , qui arrivent à la craie chargées de particules limoneuses en suspension , lesquelles s’arrêtent à la surface de la craie, roche infiniment moins perméable que les sables qui la recouvrent, et y forment lentement la couche argi¬ leuse dont il s’agit, tandis que la craie est dissoute par l’acide carbonique.

300

Si je comprends bien l’idée de M. DeAvalque, il admet que la couche d’argile est postérieure non-seulement aux cavités qu’elle tapisse, mais encore aux sables a travers lesquels elle a filtré.

L’âge des sables était à déterminer. M. Van Horen s’est abstenu de le faire ; il se borne à combattre l’opinion de Dumont qui les rangeait dans l’étage inférieur du système landenien. J’avoue que Dumont me paraît être dans le vrai : l’abondance des fragments de tuffeau à la partie supérieure des sables me semble indiquer une couche démantelée et remaniée sur place. Comme ce tuffeau appartient indubita¬ blement au système landenien inférieur, les sables qui leur sont associés à la partie inférieure ne peuvent être consi¬ dérés comme plus récents.

Observations sur la meule de Bracquegnies (^) , par M.^ Horion , docteur à Liège , et Gosselet , professeur à la Faculté des Sciences de Lille.

Depuis les recherches de Cornet et Briart sur la meule de Bracquegnies, on est d’accord pour admettre que cet étage représente le grés vert de Blackdow n; mais on n’est plus unanime sur la place à assigner à l’un ou à l’autre dépôt dans nos classifications.

On admet généralement que le grés vert de Blackdovn se rapporte au green sancl ou étage cénomanien ; néanmoins M. Sharpe a suggéré l’idée qu’il représenterait la forme lit¬ torale des dépôts de la mer du gault, et S. Ch. Lyel semble pencher vers celte opinion. D’un autre côté, M."" Horion et Gosselet avaient rapporté la meule au Gault et la notice qu’ils présentent en commun à l’Académie a pour but d’établir que la meule deBracquegnies, comme le grés vert deBlackdowu , doit rentrer dans l’étage du Gault. J’ajoute qu’ils placent au même niveau, comme M."® Meugy et de Lapparenl, auxquels j’ajouterai Dumont, la gaize de Vouziers; en quoi je me range volontiers de leur avis. [Extrait du Rapport de M. Detvalque à V Académie.)

(1) Bulletin , t. i , p. 18.

301

SOCIÉTÉ d’émulation DE CAMBRAI Mémoires, t. xxxi (1." partie) , 1870.

Nous retrouvons dans ce volume , qui vient de paraître , plusieurs des articles que nous annoncions il y a quelques mois [Bulletin^ t. ii, p. 174). Tels sont les Mémoires de M. Fégueux sur les eaux de Barèges ; la Notice de M. Durieux sur les dîners de l’évêque-constitulionnel Primat ; son chapitre d’histoire locale intitulé : Une alerte à Cambrai en 1791 ; enfin sa monographie du faubourg et de la chapelle Saint-Druon.

Nous remarquons dans le même volume : les discours et rapports lus à la séance publique du 21 novembre 1869 (voir Bulletin , 1. 1, p. 384) ; l'Essai historique sur la ville de Solesmes en Hainaut , couronné dans ladite séance ; la 3.® partie (canton de Clary) de l’étude de M. Gosselet sur la Constitution géologique de l’ancien Camhrésis , et divers autres travaux sur lesquels nous nous proposons de nous étendre.

Au premier rang citons Vïlistoire de Cambrai à l’époque féodale , par M. Wilbert , président de la Société. Ce mor¬ ceau fait partie d’un ouvrage considérable dont M. Wilbert a déjà publié deux chapitres : Histoire de Cambrai sous la domination espagnole; les coi'ps de métiers et le commerce de Cambrai du xi.® au xix.® siècle (voir Bulletin , t. i, p. 111, 176.)

Dans le nouveau chapitre qu’il détache de son volumi¬ neux manuscrit, Thistorien des institutions de Cambrai esquisse brièvement les invasions normandes et hongroises : il retrace ensuite les luttes continuelles soutenues par les évêques contre les châtelains; il montre le Camhrésis se hérissant de forteresses aux xi.® et xii.® siècles ; il décrit les résidences épiscopales de Thun-l’Evêque , du Câteau et de

s

302

la Malmaison ; il traite ensuite de l’introduction , dans le Cambrésis, de la trêve de Dieu et des institutions de paix ; il expose la part que des chevaliers cambrésiens prirent à l’expédition de Guillaume-le-Conquérant en Angleterre et aux croisades ; il s’occupe ensuite des tournois et autres plaisirs nobiliaires, parmi lesquels il ne manque pas défaire figurer la gaie science qui compta tant d’adeptes dans la caste féodale du Cambrésis. Quelques mots sur les cours d’amours et sur le service des fiefs terminent cet exposé des institutions de Cambrai et du Cambrésis au moyen-âge.

Plusieurs fois déjà nous avons rendu justice aux qualités qui distinguent le Bulletin archéologique de l'arrondisse- ment de Cambrai annuellement rédigé, depuis 1860, par M. Ad. Bruyelle. Naguère nous étions heureux d’annoncer que l’auteursongeait à étendre rétrospectivement son travail jusqu’à l’an 1800. M. Bruyelle a mieux fait que de tenir sa promesse, il l’a dépassée : car, dans une introduction très- soignée, il énumère, suivant l’ordre des temps, tous les faits archéologiques qui se sont produits dans le Cambrésis, antérieurement aux premières années du xix.® siècle. Nous assistons donc avec lui à la fondation des églises Notre- Dame et de Saint-Pierre à Cambrai , à l’érection de l’abbaye de Saint-Céry-bors-des-murs , à celle de l’abbaye d’Hon- necourt et de l’église paroissiale de Saint-Martin , à l’agran¬ dissement de l’enceinte de Cambrai par l’évêque Dodilon , à l’achèvement du palais épiscopal par l’évêque Herluin , à la fondation de Saint-André du Câteau et de l’abbaye de Saint-Sépulcre, au rétablissement des églises de Sainte- Croix et de Saint-Vaast, à cet épanouissement de forteresses féodales dont M. Wilbert nous entretenait tout à l’heure : châteaux de Vincy-Crèvecœur , deRumilly, deBusigny, d’Oisy et de Bousies, d’Estrun , de Marcoing, de Palluel et d’Inchy, de Noyelles-sur-l’Escaut et de Clermont.

303

Pendant que s’élèvent sur leur plan définitif l’église abba¬ tiale de Vaucelles et la cathédrale de Cambrai , les maisons hospitalières se multiplient, l’hotel-de-ville prend nais¬ sance , le système de fortifications se transforme. Un jour , Charles-Quint le complétera par l’érection de lacitadelle,et Louis XIV lui imprimera sa physionomie actuelle. Puis l’ouragan révolutionnaire s’abattra sur les monuments reli¬ gieux du passé.

La notice de M. Durieux sur les pierres tumulaires de Vancienne église Saint-Nicolas à Cambrai forme un pre¬ mier appendice à son recueil des Inscriptions funéraires et monumentales dont nous rendions compte ici-même [Bul¬ letin ^ t. Il, p. 146-148).

Dès l’année dernière (voir Bulletin^ t. i, p. 261) nous signalions les précieux matériaux pour Vhistoire des arts que M. Ch. A. Lefebvre, archiviste et bibliothécaire de Cambrai, a recueillis dans les manuscrits ou dans les comptes de la ville. Une de ses découvertes a surtout fixé l’attention des érudits. Il s’agissait d’une note recueillie sur un feuillet de garde d’où il résulte que Charles-le-Témé- raire, qu’on croyait jusqu’ici livré à de tout autres goûts, ambitionnait, au moins dans sa jeunesse, la gloire de com¬ positeur musical. Cette note, que l’on était justement im¬ patient de connaître et qui est, à n’en point douter, d’une main contemporaine de l’évènement, M. Lefebvre nous la livre aujourd’hui en entier. La voici telle qu’il nous la donne :

Charles , comte de Charolois , fils de Philippe , duc de Bourgoigne, etc. fist ung mottet et tout le chant, lequel fust chanté en se présence après messe dicte en le vénérable église de Cambrai par le maistre et les enfans en l’an 1460, le 23.® jour d’octobre , qui est le jour de saint Séverin.

Il n’est pas facile d’analyser le reste du travail communi¬ qué par M. Lefebvre à la Société d’Emulation de Cambrai

304

et inséré dans le t. xxxi des Mémoires. Ses matériaux , comme il les appelle , sont si variés , si abondants , si touffus , qu’on est mal à l’aise pour les embrasser d’un seul coup d’œil.

Bornons-nous à en extraire quelques indications en les disposant par ordre chronologique : elles donneront une idée du reste :

136o-1370. Lot de vin présenté, le dimanche repu (dimanche gras) aux ménétriers qui tenaient les écoles ; peinture des lo enseignes des capiteaux et des montées de la maison de paix ; frais de plaquage de la halle aux sou¬ liers, l’on met les seaux contre l’incendie ; confection d’un poinçon pour marquer les arcs de la ville ; méné¬ triers mandés de Saint-Quentin pour l’entrée du roi Charles V à Cambrai ; deux douzaines de hanaps d’ar¬ gent offerts à l’évêque Robert de Genève à sa nouvelle venue en sa cité épiscopale ; annonce par cri public , dans Cambrai , des fêtes du « noble forestier » de Lille.

i371-1380. Ornementation de la fierte (reliquaire) de Notre-Dame de Cambrai.

1390-1400. Subventions accordées par la ville à M. de Saint-Pol pour l’aider dans ses joutes et pour l’éducation de trois de ses ménestrels. 1401 : Installation de la librairie (bibliothèque) du chapitre. 1445 : gratification à Guil¬ laume Dufay, célèbre compositeur. 1448 : présent fait à la fille d’Enguerrand de Monstrelet, prévôt de la ville , le soir de ses noces; vins d’honneurprésentés à Jean de Condé, dit petit Jean , et à ses compagnons cambrésiens qui ont gagné un très-beau prix d’argent au Puy Notre-Dame à Valenciennes.

1450. Décision du chapitre de la cathédrale sur la place à donner à l’image de la sainte Vierge , léguée par Fursy Dubruille , archidiacre de Valenciennes.

En août 1478, on sauve à Valenciennes, par crainte de la guerre, les objets composant le trésor du chapitre, entre autres le prétendu original de l’acte de cession du comté de Gambrésis. Le 6 août 1482, entrée de l’évêque Henri de Berghes à Cambrai : description de la coupe dans laquelle il a bu en cette circonstance et qu’il a remise, selon l’usage, au bailli du chapitre.

oOj

loi 0-1 511. Fonte des Martins de Cambrai; - négocia¬ tions entre le chapitre cathédral et rilliistre Jean Belle- gambe , pour travaux d art à exécuter.

1552-1 553. Confection de la statue de Jean de Bove (voir Bulletin , 1. 1 , p. 314).

1582-1595. Fêtes données à Balagny; honneurs à lui rendus ainsi qu’au duc d’Alençon ; entrée de Henri tV à Cambrai, etc.

Forcés de nous borner, nous ne suivrons pas M. Lefebvre dans les temps plus modernes : ses extraits se continuent, sur le même plan , jusqu’à la Révolution.

Il nous reste à examiner l’œuvre à laquelle la Société d’Emulation a décerné une médaille d’argent dans sa der¬ nière séance annuelle. VEssai historique sur la ville et l'ahhaije de Solesmes en Hainaut par M. V. Rufün , ori¬ ginaire de cette localité , se divise en trois parties : la 1 traitant de l’origine de Solesmes; la 2.® de Solesmes, pro¬ priété des bénédictins de Saint-Denis (705-1605) ; la 3.® de Solesmes, seigneurie du Cambrésis (1605-1789).

La partie est incontestablement la plus faible de tout l’ouvrage. L’auteur s’y montre fort au dessous des progrès de la critique en ce qui touche aux questions d’origines. Il se relève dans la 2.® partie, la plus intéressante des trois. Comme il est à portée des riches archives de l’abbaye de Saint-Denis en France , il y a abondamment puisé : il a aussi fouillé celles de sa ville natale. Mais il a trop négligé le dépôt du Nord dont il ne parle une fois que pour com¬ mettre une erreur de fait. Il n’est point vrai que nous conservions l’original de l’acte par lequel Childebert III donne à l’abbaye de Saint-Denis la villa de Solesmes. Le texte que nous en possédons et qu’a publié M. Le Glay est rapporté sur un rouleau de parchemin de la fin du xiii.® ou du commencement du xiv.® siècle.

A cela près, l’histoire du prieuré de Solesmes est traitée

306

par M. Ruffin avec ampleur et fermeté. On sent , à la lire , un auteur versé dans la langue et l’étude du droit, qualité Irès-précieuse pour retracer les conllits séculaires du couvent et des sires de Bousies , ses avoués , les relations juridiques des moines avec les habitants , etc.

L’épuisement du trésor de Saint-Denis à la suite des guerres de religion obligea cette célèbre abbaye à aliéner son prieuré de Solesmes. Elle le vendit, en 1603, à Tar- cbevêque de Cambrai, moyennant 33000 livres. « Ce chan¬ gement de maître, » dit M. Ruffin, « fut, pour les habitants de Solesmes, une véritable révolution : ils rentraient dans le droit commun, et l’histoire de leur ville, dès cette époque , est intimement liée à celle du Cambrésis. » A. Desplanque.

BIBLIOGRAPHIE.

LES FOURBUS

par M. Kervyn de Yolkaersbeke (^)

Une étude sur la famille des Fourbus intéresse l’Europe artistique tout entière : originaire de la Hollande , cette famille s’est établie en Belgique , puis en France ; elle a fait école dans les autres contrées : le château de Hampton- Court , comme le palais Pitti , possède des toiles signées par les Fourbus ; l’on en trouve dans le musée de Berlin et la pinacothèque de Munich comme dans la galerie royale de Madrid. Le nord de la France en possède plusieurs , entre autres le Martyre de Saint-Georges, exécuté pour une con¬ frérie de Dunkerque. Les musées de Valenciennes et de Douai offrent plusieurs portraits attribués avec vraisem¬ blance à divers membres de la famille Fourbus. Le tra¬ vail de M. Kervyn de Yolkaersbeke doit être accueilli avec

(q ln-8.“ de 63 pages, avec planches. (Extrait du Messager des Sciences historiques de Belgique).

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faveur par tous ceux qui s’occupent de l’histoire de lart et en particulier par ceux qui 1 etudient dans notre contrée. Les érudits attacheront de l’importance à cette notice, quand ils sauront que, sans avoir par lui-même consulté les sources originales , l’auteur a réuni les documents dis¬ persés dans un grand nombre de savants ouvrages , dans les écrits de l’anglais James Weale, le plus remarquable de tous les investigateurs qui s’occupent de lart primitif en Belgique, dans les travaux de M. de La Borde, souvent trop dédaignés par nos voisins les belges , et dans les livres sérieux publiés par M. Em. de Busschere et M. P. Génard. Peut-être l’auteur a-t-il attaché trop d’importance kVHistoire de la peinture flamande^ par M. Alfred Micbiels , ouvrage dans lequel des idées fausses sur l’influence du climat et des systèmes préconçus gâtent une science incontestable sur tout ce qui touche aux procédés employés par les artistes. Nos lecteurs pourront juger cette notice par l’ana¬ lyse que nous allons leur présenter.

L’origine hollandaise de la famille des Pourbus fournit à M. Kervyn de Volkaersbeke l’occasion de signaler, dès le commencement de son travail , les différences qui existent entre l’école hollandaise et l’école flamande. Après avoir indiqué, d’après M. Micbiels, les influences qui proviennent du climat, il veut bien emprunter, au livre que nous avons autrefois publié sur ÏArt chrétien en Flandre, des consi¬ dérations qui établissent que le sentiment religieux, la vraie piété et le culte catholique ont exercé sur les artistes des influences plus sérieuses que le sol et la température.

Abandonnant les considérations générales, l’auteur arrive au sujet même de son étude. Le premier peintre de la famille dont il écrit l’histoire est Pierre ou Jean Pourbus le vieux, qui naquit à Gouda en Hollande , peut-être vers 1465 : l’on peut mettre en doute l’authenticité des œuvres

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qu’on lui attribue. Son ï\\s,PierrePourbus le jeune, proba¬ blement à Gouda entre 1500 et 1513 , étudia la peinture à Bruges, dans l’atelier du célèbre peintre Lancelot Blondeel, et surtout devant les œuvres des Van Eyck et de Memling, auprès desquelles il passait des heures entières durant les jours elles étaient exposées à la vénération des fidèles. Retenu dans Bruges par son mariage avec la fille de Lan¬ celot Blondeel, il devint bourgeois de la ville et membre de la confrérie de Saint-Luc dont il fut doyen à plusieurs reprises; il exécuta, par ordre du Magistrat, la célèbre carte sur laquelle était représenté le territoire du Franc, avec ses villages, ses hameaux, ses églises , ses chapelles, ses rivières, avec les ruisseaux qui l’arrosent et les dunes qui le protègent contre les flots de la mer. Pour apprécier l’importance de ce travail, dont Bruges possède encore une reproduction due au pinceau de Pierre Glaeyssens, il suffit de savoir que le Magistrat le lui paya 2617 florins, 65 cts. soit , en monnaie de nos jours , 22,092 fr. 96 centimes. L’on se tromperait si l’on croyait que l’auteur de cette carte géographique enluminée n’était point capable de s’occuper de la grande peinture. Pierre Pourbus le jeune excellait dans les tableaux d’histoire et le portrait. L’auteur le prouve en conduisant ses lecteurs dans deux églises de Bruges , celle de Saint-Sauveur se trouve un admirable triptyque représentant la Cène, et celle de Notre-Dame il donne des éloges mérités à plusieurs œuvres du maître.

C’est dans cette ville de Bruges, la capitale artistique de la Flandre, qu’avait vu le jour, en 1540, François Pourbus le Dieux , fils de Pierre Pourbus le jeune. Après avoir été élève de son père et avoir travaillé dans l’atelier de Fran¬ çois de Vriend ou Franz Floris, le jeune artiste se préparait à partir pour l’Italie, quand son mariage avec la nièce de son maître le retint à Anvers ; il y mourut à l’âge de 35 ans.

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d’une fièvre qu’il contracta pour avoir exercé avec trop d’ardeur les fonctions de porte-drapeau dans la milice citoyenne. Les principales villes de la Belgique, Bruxelles, Bruges , Courtrai et Gand possèdent des compositions de ce maître; dans la dernière de ces villes, l’on vante avec rai¬ son le Jésus enseignant au temple , dont M. Kervyn donne une description détaillée et une gravure dùe au gracieux burin de M. Charles Onghena. Courtrai possède aussi un chef-d’œuvre de François Fourbus le vieux, la Descente du Saint-Esprit, conservé dans l’église Saint-Martin.

Le dernier artiste de cette famille est François Fourbus le jeune, fils du précédent, à Anvers en lo70. Plus illustre encore que ses ancêtres, il reçut de nombreuses commandes de toute la Flandre et travailla surtout pour les archiducs Albert et Isabelle. Cependant, il alla plus tard se fixer à Paris , d’où sa renommée se répandit bientôt dans toutes les cours de l’Europe. Peintre de Henri IV et de Marie de Médicis, il reproduisit leurs traits à diverses reprises, avec une vérité qui les a gravés dans la mémoire des peuples. Il était surtout représenté au Louvre et à l’Hôtel de Ville par un grand nombre de portraits dont plusieurs existent encore et par des compositions allégoriques dont il avait orné les plafonds de la galerie royale du Louvre et plusieurs salles de l’Hôtel de Ville. Il était considéré comme le pre¬ mier portraitiste de l’époque ; presque toutes les illustra¬ tions du commencement du xvii.® siècle ont posé devant lui ; plusieurs auteurs s’accordent à dire que les têtes de ses portraits sont aussi belles que celles de Van Dyck. Au nombre de ses tableaux religieux les plus remarquables , l’on cite la Cène et Saint-François recevant les stigmates, œuvres aujourd’hui conservées dans le musée du Louvre. François Fourbus le jeune alla en Italie la protection de Vincent de Gonzague le mit en honneur ; sa prodigieuse

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facilité lui permit d’y laisser des chefs-d’œuvre dans plusieurs villes. Après être revenu en France, il se prépai’ait à fran¬ chir de nouveau les Alpes pour se rendre à la cour de Mantoue, quand il mourut à Paris en 1622, à l’âge de 52 ans. Avec François Fourbus le jeune s’éteignit une illustre lignée artistique.

L’auteur donne ensuite le catalogue d’œuvres de tous les membres de la famille des Fourbus. Il dit en terminant qu’il s’estimera heureux et récompensé de ses peines si les pages qu’il a écrites sont lues avec intérêt par ceux qui ne restent pas froids devant les splendides produits de l’an¬ cienne école flamande. Son désir £i été exaucé, nous n’en doutons pas : l’on ne peut lire sans fruit et sans plaisir la notice dans laquelle M. Kervyn de Volkaersbeke a réuni et groupé tant de faits et de documents sur l’une des familles les plus connues de l’iiistoire de l’art.

G. Dehaisnes.

SUR des espèces rsOUVELLES DU DÉVOXIEX DE BELGIQUE

par M. Lehon (i)

M. Lebon , à la suite de recherches persévérantes dans le terrain dévonien de Belgique, est parvenu à réunir 185 espèces fossiles dont 9 sont nouvelles.

La note que nous citons a pour objet de décrire et de ligurer ces espèces , remarquables par leur forme, comme par leur parfaite conservation : la plupart viennent du cal¬ caire à strigocépbale de Nîmes , les autres des couches qui lui sont supérieures. J. G.

(b Bulletin de la société géologique de France, 2.* série , t.xxvii , p. 492, juillet 1870 ; 61 p. 2 pl.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.

TROIS CHEVALIERS d’hESDIN AU XI.® SIÈCLE.

L’étude du haut moyen-âge , réputée si aride et qui l’est effectivement beaucoup, réserve- néanmoins d’agréables surprises à ceux qui s’y adonnent. Quel plaisir n’y a-t-il point, par exemple, à saisir, au milieu de la séche¬ resse et de la monotonie des documents de l’époque , quel¬ ques traits, plus ou moins effacés, qui permettent de reconstituer un caractère ; une physionomie ? Quel charme de pouvoir, à la lueur d’un rapide éclair perçant les ténèbres d’un passé si lointain , découvrir le contre-coup des évènements généraux sur telle ou telle existence individuelle ?

Sans doute l’histoire anecdotique des rois et des grands feu- dataires d’alors est faite et bien faite, et il ne reste que rien ou peu de chose à y ajouter. Mais peut-on en dire autant de celle des arrière-vassaux , qui touche pourtant de si près à l’histoire de nos villages et de nos villes, et qui est si propre à y répandre un peu d’animation? Les aventures mêmes de certains particuliers qui ne furent, par droit de naissance , ni comtes, ni seigneurs dominants, mais qui s’honorèrent dans la carrière des armes à une époque cette carrière menait à tout, ces aventures mêmes ( si sommaire, si écourté qu’en soit nécessairement le récit) ont chance de nous intéresser à cause de leur ancienneté, du caractère fortement héroïque de l’âge elles se sont produites, à cause enfin des attaches sociales qui reliaient leurs auteurs à des lieux connus et aimés de nous. (^)

(1) Pour cette éhauclie , comme pour toutes celles qu'il nous arri¬ vera de publier d'après les documents contenus ou rappelés dans notre Cartulaire du Nord actuellement en cours d’impression, nous réclamons l’indulgence des vrais connaisseurs. Chacun des essais de

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C’est à ce litre que nous allons, pour autant que la bi'iéveté des documents le comporte, esquisser la biogra¬ phie de trois chevaliers d’Hesdin dont nous ne croyons pas qu’aucun historien se soit occupe avant nous. Auparavant disons un mot de l’endroit le premier naquit certai¬ nement et les deux autres eurent longtemps leur résidence.

I.

Sans s’arrêter à la question de savoir si Hesdin est le Vicus Helena de Sidoine-Apollinaire , on ne peut nier que celle ville n’eût au xi.® siècle une réelle importance. En l’an 1000 , Rameric , abbé de Saint-Saulve de Montreuil, choisit pour avoué de son église Alulf ou Alolf , tige des comtes d’Hesdin (^). Cet Alulf donnele jour à Gautier I.®*" qui commence la restauration de l’abbaye d’Auchy en laissant à son lils et successeur Enguerrand le soin de l’achever (-). Sous Enguerrand , le castrum d’Hesdin renferme , outre un certain nombre de brasseries , deux édifices religieux, la collégiale de Saint-Martin et l’église paroissiale de Saint- Fuscien : ce qui accuse un noyau de population assez con¬ sidérable P). Aux portes mêmes de la ville, s’élève une troi¬ sième église , celle de Saint-Georges. Robert-le-Frison, comte de Flandre, au moment il s’apprête à porter secours au roi Canut contre les Normands d’Angleterre, confirme

ce genre que nous nous proposons d'insérer ici sera susceptible de retouches plus ou moins considérables et nous saurons gré aux per¬ sonnes qui voudront bien nous signaler les améliorations qu'il y aurait lieu d’y introduire. A. D.

(1) Gall. christ, nov. t. x. , instrum. col. 283 ; béte.nxourt , Carlul. de S^-Silvin d’Auchy, n.° iv.

(2) Voir la charte de restauration de l'abhaye de S.-Silvin d’Auchy dans BÉTENCOüRT , n.” v; dans ciiESQurÈRE , t. vi , p. 465; dans iiENNEBERT, t. I, p. 333; dans danvlx , Heur et malheur du Vieil Hesdin, pr. p. 7; dans fromextin , Hesdin , p. 40.

(3) Voir Pacte de donation du prieuré de S. -Georges à Pahbaye d’Anchin , dans bétexcourt, n.” vi his ; dans daxvix , pr. p. 8.

à cette dernière église, en 1086, la libre possession de ce qu’elle a reçu, ou de ce qu’elle pourra recevoir en don , du comte Enguerrand et de ses vassaux (i).

La ville d’Hesdin ne contenait pas seulement dans son sein des clercs et des artisans : elle était aussi une pépinière de vaillants guerriers.

Un personnage nommé Foulques , originaire du castrum Hisdinii , fit le voyage de Jérusalem avec l’une des bandes de pèlerins armés qui, dès le milieu du xi.® siècle, mon¬ trèrent aux futurs croisés le chemin de l’Orient. Foulques, s’il ne l’avait pas au départ, rapporta de cette expédition périlleuse le baudrier de chevalier qu’à son retour il dé¬ posa devant le principal autel de 1 abbaye de Saint-Josse- sur-Mer il voulut finir ses jours (2). Il avait un fils unique du nom de Bauduin, encore en bas âge : il l’amena avec lui à Saint-Jûsse, l’offrit à Dieu suivant les formes prescrites et le confia aux moines pour qu’ils l’instruisissent (3). Puis il se dépouilla de tous ses biens au profit de l’abbaye. Ces biens se composaient d’une portion d’aleux à Rumilly et d’un aleu entier à Montreuil , sur lequel les sergents du comte de Ponthieu prélevaient violemment des coutumes indues. Foulques, accompagné de Warin , abbé de son cou¬ vent, alla trouver à Montreuil le comte Gui au nom

(1) BÉTE>xouRT , 11." VI ) Bulkl de la Corn. R. d'hisl. de Belgique, série, l. iii , p. 285. cf. le Messager des sc. hist. de Gand , année 1842, p. 248.

(2) Miles quidam Hisdinii castri indigena , Fulco nomine , Deo sanctoque Judoco sua alodia, adepla mililia , tradere studuit. Carlul. de S.-Josse-sur-mer , f." 2 r." On dit ici que Foulques vient d'acquérir la chevalerie : un peu plus loin , dans la même pièce , on parle de son voyage à Jérusalem comme d'un fait encore récent. N’est-il pas naturel , dès lors , de supposer que notre héros gagna en Terre Sainte ses insignes de chevalier? Nous donnons, du reste , cette conjecture pour ce qu’elle vaut, sans y insister davantage.

^5) Hahehat siquidem vir prcdictiis filium parvulum , qui et unicus ei erat , nomine Balduinus , quem ad monasterium secum deducens, accepte a nohis monacho hahitu , Deo per nostras manus imbuendum divinis ministeriis obtulit. Carlul. de S.-Josse , loc. cit.

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de qui ces exactions s’opéraient et, pour le déterminer à y renoncer, il lui fit cadeau d’un mulet de grand prix qu’il avait ramené de la Terre-Sainte, (i)

Le pélérinage de Foulques d’Hesdin à Jérusalem venait d’avoir lieu en 1067 : il suivit donc de peu d’années l’en¬ treprise analogue que tenta , en 10o4, le saint évêque de Cambrai et d’Arras, Lietbert, et il est de beaucoup antérieur à l’expédition de Robert-le-Frison en Orient, qui s’accomplit en 108o.

Foulques d’Hesdin a frayé la route du tombeau du Christ à beaucoup de ses compatriotes parmi lesquels nous nous bornerons à citer aujourd’hui: Lizon , neveu de Rainier; Lizon , fils d’Udon ; Hugues, fils de Tiecelin ; Walon de Nœux; Gui d’Ailly. (2),

Mais ceux-ci ne paraissent pas s’être mis en marche avant 1096 , date de la première croisade.

II.

La vie de Foulques d’Hesdin nous offre un type de ces existences pures et désintéressées comme il y en eut au XI.® siècle : on n’en peut dire autant de celle d’un autre

(0 Detiinc , pro sua flUique susceptione , partem alodiorum in villa Runabiliaca et aliiid alodiura , in Castro Monsterolo , in quo quidam Rügerus, Audefridi filius, manebat, sancto contulit Judoco, testamen- tum, ut moris est, exinde faciens. Gum autem istorum alodiorum con- suetudincs ministri Widouis cornitis exigèrent , et frequenler homines qui in illis manebant perturbarentur, ego ( Warinus, abbas), nimiiim graviter ferens , comitem Widonem, assumpto mecum Fulcone , adii et ut bas consuetudines, pro anima sua et aniecessorum suorum salule, sancto conferret Judoco obnixe postulavi. Quam postulationem cornes suscipiens lîeri annuit atque de caritate sancti , una argenti marca et mulo valde bono accepta, quem Fuleo ab Jerosolimis deduxerat , confirmavit et ne amplius preslite consuetudines acciperentur prohibuit. Acta sunt bec in Castro Monsterolo anno dominice incarnationis millesimo lx." VII, etc. Ibid.

(2) Lizo, Raineri defuncti nepos, tendens Jérusalem. .. Lizo, fllius Udonis , dum Jherusalem pergeret... Hugo, filius Ticelini , dum Jherusalem pergeret... Walo de Xuuz, dum iter carperet Jérusalem, . . Widone sepedicto ( de Asli ) Jherusalem migrante. . . Codex Iradilionum S.-Georgii Uisdiniensis , f."* 17 v.“, 24 v.” , 18 r.° , 20 v.® , 25 r.°

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personnage dont nous allons maintenant parler, et qui s’il ne le céda point en vaillance k son fervent et généreux concitoyen , ne se fit pas comme lui le chevalier d’une ar¬ dente conviction religieuse. Loin de se vouer avec Foulques, à une vie d’obscurité et de renoncement, Arnould d’Hesdin,

(i) c’est le nom que prend notre guerrier dans les actes , spéculera sur son épée pour s’enrichir. Quelque position de naissance et de fortune patrimoniale (^) qu’on lui suppose , il s’élèvera , par ses faits d’armes , assez au-dessus de sa con¬ dition première pour mériter de figurer parmi les grands aventuriers de son temps.

Une charte inédite nous apprend qu’il suivit Guillaume- le-Conquérant de Normandie en Angleterre [^). Fit-il partie de la première expédition qui eut pour couronnement la bataille d’Hastings ? ou ne s’attacha-t-il à celui qu’il appelle son roi qu’à la faveur d’une des réapparitions du vainqueur des Anglais dans son duché de Normandie ? c’est ce qu’on ne peut rigoureusement déterminer, quoique la seconde supposition semble la plus vraisemblable (^). Ce qu’il y a de certain , c’est que , de 1080 à 1086 , Arnould d’Hesdin jouissait d’un grand établissement territorial en Angleterre. he Bomesday Book, rédigé durant ces années-là, nous le

(q Dans le Domesday-Book , il revient souvent , ce nom s’écrit : Arnulphus ou Ernulfus de Ilasdang , Ha'iding , Ilersdinc , Hesdinc , Besding.

(2) Sa fortune patrimoniale peut se mesurer à l’importance des immeubles qu’il aliéna lors de son entrée en campagne(voir ci-dessous p.sn^ : elle était modeste , comme sans doute aussi sa naissance, sur laquelle nous sommes absolument dépourvu de renseignements.

(3) Domnus Arnulfus de Hesdin , dum cum rege revertentc de Normandia pergeret Angliam... Codex tradilionum, f.° 14 v.°. be roi dont on parle ici est, à n’en point douter , Guillaume-le Conquérant à qui nous verrons qu’Arnould d’Hesdin dut son établissement ter¬ ritorial en Angleterre.

(■*) L’expression reverlente de Normandia vient à l’appui de cette présomption : on n’eût apparemment pas employé ce terme , s’il se fût agi du premier départ du Conquérant pour la Grande Bretagne. Dans tous les cas, l’établissement d’Arnould d’ilesdin au delà du détroit est nécessairement antérieur à la rédaction du Domesday-Book.

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montre à la tête d’immenses possessions situées dans le Hantescire, dans le Berchscire, dans le Wiltescire, dans le Dorset et le Somerset, dans le Middlesex et le comté d’Ox- ford , dans le Huntedscire , dans les comtés de Glocester et de Bedford (^).

Arnould d’Hesdin , aux termes du dénombrement pré¬ cité, possédait une grande quantité de fermiers ou régis¬ seurs, de serfs et de têtes de bétail. Certains bourgeois lui devaient des rentes (^'j. 11 avait des prairies d’une lieue de long et de large , des forêts suffisantes pour nourrir cha¬ cune des milliers de porcs, un vaste parc où, à l’exemple du roi, il entretenait des bêtes sauvages pour le plaisir de la chasse (3). Tous ces biens, l’heureux soldat de fortune les avait reçus en don de Guillaume : si l’on juge de l’importance des services qu’il rendit au Conquérant par l’étendue de la récompense qu’il en obtint, ces services, convenons-en, furent de l’ordre le plus élevé. Arnould semble s’être surtout enrichi de la dépouille du saxon Edric dont les domaines lui furent, pour une bonne part, attribués. Edith, femme du vaincu, conserva quelques débris du patrimoine de son mari, sauf à les tenir en fief de son spoliateur (^).

(B Domesday-Book , t. i, p. 46 6, 62 b, 69 b, 80 98 a , 129 b, 160 a ,

169 û, 205 b, 212 a.

(2) In Glowecscire , vu biirgenses reddunt ii solidos. Domesday-Book , t, I p. 169 a.

(3) ( Apud Chivele ) silva r leugæ longa et ii quaitariorum lata. Ibid. 69 h. ( Âpud Maperetone ) , pastura leugæ longa et i:ii quar- tariorum lata Ibid. 80 6. (Apud Nortone ) pasturæ una leiiga longa et lata. Ibid. 160 a. ( Apud Rislepe) parcus est ferarum silvaticarum.. .

silva raille (juingenta porcorura . In Cliingesberie , silva raille

porcorura. Ibid. i29 6 , 130 a.

(•î) In Esseburne hundied , Erniilfns de Hesding tenet de rege Curabe. Hedricus teniiit etc, /6«d. 46 6, In Ecesatingetone , sunt n bidae , terra imius carruçæ. Edricus tennit : uxor ejus tenet rao lo de Arnnlfo... Eadita , uxor Edrici, tenet de Arnulfo Calestone : vir ejus tenuit. Ibid. 69 6. et alibi, in eodem volumine , 'passim.

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Bien moins riche au départ qu’il ne le devint après son arrivée en Angleterre, Arnould, lorsqu’il séjournait en Nor¬ mandie avec le roi, abandonna aux religieux de Saint- Georges-lez-Hesdin ce qu’il possédait en propre dans leurs parages, c’est à savoir : un moulin , deux brasseries, deux pièces de terre en culture et un courtil (jardin). (^). Puis, avant de mettre à la voile pour le pays l’attendaient de séduisantes destinées , il revint dire un dernier adieu à ses bons amis les moines : il leur confirma l’abandon qu’il leur avait fait à distance, en y joignant certaines choses qu’il tenait en fief d’Enguerrand , comte d’Hesdin , en présence de qui se passait la scène des adieux et qui, comme seigneur suzerain, s’empressa de ratifier cet accord (^).

Quoique les actes ne le disent point, il est plus que pro¬ bable que la cession consentie, en ces deux rencontres, par Arnould d’Hesdin n’eut pas lieu à titre gratuit. Ce person¬ nage , dont nous savons que le désintéressement n’était point la vertu dominante, ne se trouvait d’ailleurs certaine¬ ment pas à même, lors de son embarquement, de faire aux moines d’aussi grandes largesses en pure aumône. Si donc il leur livre son avoir aux environs d’Hesdin, c’est pour, avec la somme qu’il en retirera , jeter les fondements de sa future fortune : le prix de ses biens l’aidera à couvrir les frais de son équipement et de son transport au delà du détroit.

Plus tard , parvenu au faîte de la grandeur et des pros-

(1) Partem liiijus beneficü , scilicet molendinum , duas cambas , cuUuras duas apud Punpri et ciirtile i , que omnia suo dominio libéré possidebal , dum per Normandiam cum rege domino suo demorarelur , antea donaverat. Codex tradilionum , f.° 14 v."

(2) Dum cum rege renrtenle de JSormandia pergeret Anglîam , (otum suum casimeutum , quod a domno Engelranno in feodum apud Uesdin possidebat , saiicto Georgio monacbisque ibidem Deo ser- vientibus coram testibus contulit.. , Tandem valedicens fralribus , cuncta simili ilia et alia,ut predixi, largilus est: affuit enim domnus Engelrannus , cujus assensu et consilio hoc totum factum est. Ibid.

51.S

pérités, Arnoald d’Hesdin réunit en sa maison de Nortone, le jour de l’Ascension , les chevaliers de sa suite et là, en présence de sa femme , de ses fils et de ses filles, qui re¬ vêtent cet acte de leur consentement, il réitéré solennelle¬ ment l’abandon qu’il a jadis fait à deux reprises , au prieuré de Saint-Georges , de ses immeubles situés dans le comté d’Hesdin (i). Arnould ne devait pas moins aux reli- gieuxqui l’avaient aidé de leur argent au débutdesa carrière.

Comblé par le roi , le chevalier d’Hesdin fit preuve de gé¬ nérosité envers ses compagnons de fortune. Qu’on en juge par le nombre de bénéfices qu’il conféra à son chapelain Théodard dont l’origine hesdinoise nous semble incontes¬ table : il lui donna les églises de Nortone dans le comté d’Oxford , de Westone dans le Somerset , et d’Estone dans le Wiltescire. Théodard reçut, en outre, de son maitre , deux chapelles dans la cité de Bath avec une dime et une courtil à Newbury.

Tranquille sur son sort pour le reste de ses jours, le chapelain du sire Arnould voulut s’assurer qu’après sa mort ses bénéfices ecclésiastiques resteraient entre des mains amies : aussi les transféra-t-il à ses chers compatriotes , les religieux de Saint-Georges, en s’en réservant la jouissance viagère. Ce transfert, qui eut lieu d’abord à Cumbes en pré¬ sence d’Osmond , évêque de Salisbury, fut renouvelé par son auteur dans la même séance solennelle qu’Arnould tint à Nortone , le jour de l’Ascension (2).

(b Postea quoque donio sua apud Nortonam in Anglia . in die Ascen- s’onis domini , cuminnUi de familia sna milites convenissent, coram filiis etfjlia,cum uxoresna, hoc ipsum quod jam fecerat doniim , cnnclis assensum prehenlibus, iteravit. Codex iradilionum , 14 y.°

(2) At vero Tiieodardus , capellanus ejus , doniim quod apud Cumbam, présenté episcopo de Sarebiiia Odmundo et clericis ejus, dederat, scilicet æcclesias de Nortona et Westona et Estona , et duas capellas in civilate Batba , et terras ad ipsas pertinentes , cum ædi- ficiis suis, et decimam omnera , et unum curtile apud iNhveberiam, ibi¬ dem confirmavit coram testibus , eo tenore ut ipse , quamdiu in babitu

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Dans celte séance , espèce de cour plénière le déten¬ teur de tant de domaines ravis aux saxons s’environne de tout l’appareil de sa puissance , on voit figurer , à côté de son sénéchal Arnould, Bauduin de Quatre-Vaux et de Oïlard Fauquembergues, originaires de la même province qu’Ar- nould d’Hesdin (i).

Le propre frère d’Arnould , Ilbold , obtint de Guillaume- le-Conquérant une concession territoriale dans le comté d’Oxford et peut-être dans l’Essex (2).

Orderic Vital raconte la triste fin d’un Arnould d’Hesdin qu’il appelle « chevalier belliqueux et téméraire. » Si c’est du nôtre qu’il veut parler et non d’un de ses fils , il faut conclure que le compagnon de Guillaume-le-Conquérant parvint à une vieillesse avancée qui , sans éteindre son ardeur guerrière, diminua la prudence et la sagesse dont il avait autrefois donné des preuves. L’Arnould mentionné par Orderic prit étourdiment parti, en 1137, contre Etienne de Blois, troisième successeur de Guillaume I/L II soutint contre lui un siège, au bout duquel il dut se rendre prison¬ nier. Etienne , dans un accès de fureur , le condamna à mort et le fit périr avec quatre-vingt-seize de ses com¬ plices. Arnould , au dernier moment , avait , pour sauver

clcricali viveret, hoc ipso bono uteretur , et æcclesiæ sancti Georgii pro respectu quoi annis dimidiam unciam auri largiretur, et post Simm discessuîn monachi ipsius æcclesiæ omnium siioriim domina- rentur. Ibid. Des biens à Nortone (Oxenefscire), Estone (Wiltescire) , et Westone (Sumersete) , sont formellement attribués à Arnould d’Hesdin par le Domesday-Booh.

(1) Ad utrumquevero boc doniim, videlicet domni Arnulfi et Tbeo- dardi, iixor domni Arniilfi, et fllius ejns Willelnms et fîlia Ava nomine, assensnm prebuerunt. Atîuerunt bnic rei testes idonei : Arnulfus dapifer , . . . Robertus Malconent , . . . Oilardus de Falchemberga , . . Ralduinus de Qiiattiior- Vallibns , etc. Codex tradilionum , f.° 14 v.°

(2) Ilboldus , frater Arnulfi de Hesding , tenet de rege iv hidos in Bereford. Domesday-Book . t. i, p. IGO a. On ne peut affirmer avec cer¬ titude que Vllbodo à qui de grands biens ont été conférés dans l’Essex, i^lhid. t. Il , p. 9j ), fût le frère d’Arnould d’Hesdin.

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ses jours offert au Roi une riche rançon qui ne fut pas acceptée (^).

III.

Arnould d’Hesdin eut un neveu, Robert Fretel, élevé comme lui sur les bords de la Ternoise , et qui , lui aussi , servit les princes anglo-normands.

Nous ne connaissons de sa vie que la manière dont elle se termina. Une charte non datée , mais antérieure à 1101 , (a) nous le représente comme gisant blessé dans Vahbaye du Tréporl. (s) Cette blessure, Robert Fretel l’avait reçue, semble-t-il, en combattant pour ou contre Robert Courte- beuse, à qui son père d’abord, son frère ensuite, disputèrent le duché de Normandie. Les présomptions sont qu’au moment il tomba sur le champ de bataille, le neveu d’Arnould d’Hesdin tenait parti pour le roi contre le duc, et que ce roi était Guillaume-le-Roux qui , en 1087 , avait succédé à Guillaume- le-Conquérant sur le trône d’Angleterre. La

GUIZOT, Mém. sur VHisl. de France, t. xxviii , p. 514. N'ayaiit sous la main, au moment nous écrivons ces lignes, aucune col¬ lection de chroniques anglo-normandes , nous devons ajourner toute discussion sérieuse sur l'identité de l'Arnould d’Orderic vital avec le notre. Cette identité semblera peu probable si l’on songe que le héros dont nous avons retracé la brillante carrière avait au moins vingt ans en 1080, année s’ouvrit l'enquête pour la confection du Domesday-Book. 11 aurait donc été presque octogénaire lorsqu’il entra en révolte contre Etienne de Blois. Il est vrai que l’on fait des sottises à tout âge et que l’âge même sert d'extuse à celles que Ton commet quand on devient vieux. Il est vrai aussi que , parmi lés enfants de l’heureux aventurier qui figurent comme témoins de l’acte solennel passé à Nortone , on n’en voit pas du nom d' Arnould : celui qu’on cite s’appelle Guillaume, évidemment en souvenir du prince à qui le seigneur de Nortone et autres lieux devait sa haute fortune. Mais le même acte parle de plusieurs fils qu’avait le compagnon du Conquérant : coram filiis el filiâ. fourquoi l’un d’eux , le cadet si l’on veut , n’aurait-il pas pris le nom de son père'? Et ne serait-ce pas lui qui , mécontent de sa situation secondaire , aurait commis la faute de se brouiller avec son souverain ?

(2) On y voit figurer , au rang des témoins , Norbert , abbé de S.-Silvin d’Âuchy , mort cette année-là.

(3) Robertus Fretellus , nepos supramemorati Arnulfi , dum apiid

cenobium Autresport dolore vulneris aggravatus jaceret _ Codex

Iradionum, f.” 15 v.".

32( --

mise hors-combat de Robert Fretel se placerait donc entre cette dernière date et l’année 1096 se consomma la ré¬ conciliation entre les deux frères.

De son lit de douleur, Robert Fretel eut un souvenir pour les religieux de Saint-Georges , comme son oncle et le chapelain de son oncle en avaient eu un, du sein de leur opulence : il donna à ces moines une terre qu’il possédait à Hesdin (i) et , ayant ensuite repris des forces inespérées, il revint en cette ville ; à peine y fut-il arrivé qu’un mal vio¬ lent, cette fois incurable, se saisit de lui. Sentant sa fin imminente étayant, comme beaucoup de ses contemporains, nombre de crimes à se reprocher, il redoubla, pour les expier, de générosité envers les moines : il leur confirma , avec accroissements, le don qu’il leur avait fait étant alité auTréport(2;. Puis il voulut être transporté au milieu d’eux pour y recevoir l’habit monastique. Mais sa femme , et ce qu’il avait de parents autour de lui , mirent peu d’em¬ pressement à obtempérer à son désir. Lorsque les reli¬ gieux de Saint-Georges le reçurent dans leur église vêtu du costume de leur ordre , Robert Fretel n’était plus qu’un cadavre. Sa sœur Milesende, qui ignorait sa maladie, arriva le jour même et ne fut pas médiocrement surprise de le trouver mort : elle manda sur le champ Hugues , son mari , qui se présenta le lendemain matin pour ensevelir le corps. Dès le soir du décès , Milesende avait , comme héritière du

(D Qiiandam terrain apud Hesdin scilicet pomérium, pratum, terre jectiim de Wastenois, et quicquid in terris S.-Georgio ante datis terre jectipossidebat, æcclesiæ sancti Gcorgii coram teslibus donabat. Ihid.

(2) Infirmilate deniqiie üla meîioratus , majori et intolerabili , pro dolor ! egritiidine, ut pote morte vicina, apud Hesdin pregravatus est. Qui etiain suorum mole peccatorum compunctus , ad medlcum occul- tornm recucurrit omnium. Monacbos quippe sancti Georgii man- davit , ac confltendo lacrimis sordes facinoris , se monaclium fieri ab eis miserabiliter postiilans , quod etiam apud Autresport conccs- serat rccognovit, adiciens quoque incrementa , videlicct terrejeclum omne quod apud Hesdin circumquaquc habuerat. Ihid.

^ 522

défunt, ratifié les dons par lui faits à Saint-Georges: son mari , lorsqu’il fut survenu , donna son assentiment à cette mesure. Les deux époux , après avoir énuméré les biens attribués par Robert Fretel au couvent, y renoncèrent de vive voix sur l’autel (i).

La Milesende , donnée ici comme sœur et héritière du défunt, est présentée ailleurs comme sa fille. Mais nous croyons que c’est par erreur (2). Milesende , épouse d’Hu¬ gues, donna le jour à un fils, appelé Robert Fretel en souvenir de son oncle, dont il perpétua le nom et la vaillance (3).

IV.

Foulques d’Hesdin , Arnould d’Hesdin et son neveu Robert Fretel , m’ont paru résiimer assez fidèlement , dans leur vie et dans leur mort, les principaux traits de la société

(b Qui ad extrema usque producliis , in recipiendo liabitum S. Benedicti, propter inprobitatem feminæ suæ parentumque suorum moram patiens , tandem recepit , et ita ad æccîesiam S. Georgii de- portatus est mortuus. Denique soror ejiis , Milesendis , quæ ei in iiereditatem jure paterne successit , mortis ejus omniumque supra- dictorum ignara , ipso die supervenit et bénéficia quæ frater dona- verat, a matre sua et fratribus et cæteris fidelibus agnoscens , libenter annuit, moxque manu sua omnium quæ supra memoravi donum, pro redemplione aniraæ fratris sui, super altare S. Georgii fecit. Domiiius itaque Hugo, maritus ejus , hoc audiens, primo mane ad sepeliendum corpus occurrit. Ut autem cognovit donum quod fecerat uxor ejus vespere pro anima , asseusum prebuit , et enumeratis singillatim cunctis corara testibus sicut super eniimeravi , xidelicet prato , po- merio , tcrrejectoque omni , nbicumque infra parrochiam Hesdi- nensem in agris , vel silvis , Fretellus tenebat , ipse uxorque ejus iterum viva voce cuncta simul super altare donaverunt. Ibid.

(2) Milesendis , fdia Roberti Fretelis , pro anima Hiigonis , mariti sui, S. Georgio contulit etc. Codex tradilionum , f.° 18 r.°. Cet Hugues, tour-à-tour présenté comme beau-frère et comme gendre du premier Robert Fretel, s’appelle en un autre endroit Hugues Fretel et il va à la croisade : Hugo Fretel , dum Jherusalem tenderel , monachos S. Georgii ad se venire fecit. Ibid, f.” 26 v.“.

(3) Postea veroipsa Mlesenàls et filius ejus Roberlus , in die solemp- pilatis S. Georgii, ii curtilia apud Bonires, cumappendiciis suis, conces- serunt. Codex, f.° 18 r.° Le second Robert Fretel est nommé, au f.'’ 26 v.“, comme Faîné des fils d'Hugues Fretel : fdiis suis Roberio , Hugone , Rorgone assensum prœbentibus. Nous aurons peut-être l’occasion de re¬ venir sur les faits principaux de la vie de Robert ii Fretel.

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féodale auxi.® siècle: c’est pourquoi j’ai essayé de sauver leur mémoire de l’oubli. A leurs trois noms, j’en eusse pu ajouter un quatrième , celui de Gautier Tirel , si connu par la part plus ou moins directe qu’il prit au funeste accident de chasse dont fut victime, en l’an 1100, le roi Guillaume- le-Roux. Gautier Tirel, à qui les chroniqueurs anglo-nor¬ mands attribuent de grandes possessions dans le pays de Poix et dans le Pontbieu , en avait aussi quelques-unes aux environs d’Hesdin : il est mentionné , dans le Cartulaire de Saint-Georges (auquel nous avons emprunté beaucoup des éléments de notre notice) , comme l’un des bienfaiteurs de cette maison : il lui donne , en effet , outre un hôte et 10 muids de sel à Verton , des franchises et privilèges à Berle et à Aubin Saint-Vaast (i). La possession de cet hôte fut confirmée au prieuré de Saint Georges, par Eustacbe III , comte de Boulogne (^). Plus tard , Gautier Tirel ratifia une donation faite par un de ses vassaux audit prieuré (5). Gautier Tirel est aussi nommé dans un jugement par lequel ' Enguerrand, évêque d’Amiens (1107-1127), le déboute de ses prétentions sur l’autel de Verton qu’il adjuge à l’abbaye de Saint-Josse-sur-mer (^).

Ces détails nous ont paru mériter d’être relevés ; mais ils sont de trop minime importance pour nous autoriser à introduire Gautier Tirel dans le cadre de la présente étude. Son nom, du reste, n’a garde de sortir de la mémoire des hommes , attaché qu’il est au souvenir du tragique épisode de la forêt de Winchester. A. Desplanque.

LES PEUPLIERS

Le temps est opportun pour parler du Peuplier , car cet arbre a souvent été pris comme emblème des insti- (*)

(*) Codex Iraditionum, î° Il Y.° (2) Ibid. f.° 2t v.° (3) Ibid, f o 22 r.° (4) Cartul. de S. Josse-sur-mer , f.° 12 r.°.

524

tutions républicaines. Il le doit probablement à son nom , et ce nom lui vient, selon les uns, de ce que l’on plantait de peupliers les places de l’ancienne Rome , selon d’autres, parce que la mobilité de ses feuilles représente le mouvement incessant de la foule. Quoiqu’il en soit, nous n’avons à nous en occuper que sous le rapport botanique.

Le genre Peuplier (populus) faisait partie de l’ordre des Amentacées d’Antoine-Laurent de Jussieu. Lors du démem¬ brement de ce groupe par les botanistes modernes , il a été réuni avec le Saule en une petite famille, celle desSalicinées, caractérisée essentiellement par la structure de l’ovaire. Cet organe n’a qu’une seule loge et renferme un grand nombre d’ovules fixées sur deux placentas pariétaux. Le fruit est une capsule s’ouvrant en deux valves ; les graines sont nombreuses et recouvertes de duvet. Les fleurs n’ont ni calice, ni corolle ; elles sont simplement entourées à la base d’une petite cupule; elles sont dioïques c’est-à-dire que les fleurs mâles et les fleurs femelles sont sur des pieds différents.

Le bois de peuplier est le type du bois blanc, tendre et léger ; sa pesanteur est d’environ 0,50 lorsqu’il est sec, celle du hêtre dans les mômes conditions, étant de 0,80 ; pour le même volume, il donne en brûlant à peu près la moitié moins de chaleur. On en fait des planches pour la toiture, des caisses, des malles et quelques autres boiseries com¬ munes. Le duvet qui entoure les graines a une apparence cotonneuse qui a donné l’idée de l’employer comme matière textile , mais il se file mal et les tissus qu’on en fait n’ont pas de résistance. Il ne sert guère qu’aux petits oiseaux qui en tapissent leurs nids pour garantir du froid leur tendre progéniture. Les graines sont facilement entraînées par le vent, et germent rapidement; mais l’arbre se multiplie mieux encore par ses racines qui s’étendent au loin en

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émettant de nombreux bourgeons. Ces nœuds souterrains conservent si longtemps leur vitalité, qu’on les voit parfois surgir plusieurs années après que le tronc a été abattu.

Les peupliers aiment les lieux humides et les sols argi¬ leux. On en trouve dans tout l’hémisphère septentrional de l’ancien continent. M.Wesrnael de Mons, dans la savante monographie qui sert de guide à cette notice (i) , énumère 19 espèces dont 4 sont originaires de notre pays , ou y sont acclimatées depuis longtemps. Ce sont : le peuplier blanc, le tremble, le grisard et le peuplier noir.

Le peuplier blanc {populus alha] a la face inférieure des feuilles et les jeunes rameaux couverts d’un duvet coton¬ neux blanc. Il est très-abondant dans les plaines humides de la Flandre, aux environs d’Ypres, ce qui lui a valu le surnom d’Ypréau. Rosier raconte que dans ce pays lors¬ qu’une fille vient au monde, son père plante un certain nombre de peupliers qui auront pris leur croissance et four¬ niront la dot lorsque la fille sera en âge de se marier. Les feuilles de la variété type (P. alla ^ var. genuina) sont divisées en trois lobes triangulaires , aigus et dentés, mais dont les deux latéraux sont peu marqués. Celles d’une seconde variété (P. alba^ var. nivea) ont les dents plus aigues et les lobes plus profondément divisés, tandis que dans une troisième variété (P. alha, var. denudata) les lobes sont à peine indiqués , les feuilles sont rhomboïdales et limitées simplement par un bord sinué. Ces trois varié¬ tés sont presque les seules cultivées chez nous ; selon M.Wesrnael, la variété nivea serait la plus fréquente, bien qu’elle soit en même temps celle qui a le moins de valeur.

Le tremble (P. tremula) a le pétiole grêle , long et comprimé latéralement : ce qui fait que les feuilles ne peu-

(1) Bulletin , t. ii, p. 80,

32G

vent se tenir en équilibre et s’agitent au moindre vent. Elles sont ovales ou arrondies, simplement sinuées sur le bord; leur face inférieure cotonneuse dans lejeune âge perd ensuite son duvet. On cultive parfois dans les jardins une variété à rameaux pendants comme ceux des saules pleureurs. Le tremble supporte parfaitement l’humidité, il vient même dans les tourbières.

Le grisard ou grisaille (P. canescens) ne mériterait pas d’être compté parmi les véritables espèces , car ce n’est qu’un hybride du tremble et du peuplier blanc. Par tous ses caractères, il est intermédiaire entre ces deux espèces se rapprochant plus, tantôt de l’une , tantôt de l’autre.

Le peuplier noir (P. nigra ) diffère beaucoup des précé¬ dents. Ses bourgeons et ses jeunes pousses sont enduits d’un suc visqueux et résineux, d’une odeur assez agréable. Les pharmaciens se servent de ces bourgeons résineux pour faire un onguent employé en médecine vétérinaire. Ses feuilles sont lisses, dépourvues de duvet, de forme trian¬ gulaire, terminées en pointes aigues et dentelées sur le pourtour. Le peuplier d’Italie ou peuplier pyramidal n’est qu’une variété du peuplier noir (P. nigra var. pyrami- clalis). Il s’en distingue facilement par sa taille plus élevée, ses rameaux grêles , effilés , dressés contre la tige. Cette variété qui a été apportée d’Italie en France pendant le XVIII.® siècle , paraît originaire de l’Asie. Chose curieuse , il n’y a en Europe que des individus mâles, M. Wesmael cite cependant , avec doute , l’existence de pieds fe¬ melles dans l’allée de Durlaclier , près Carlsrbue. Le peu¬ plier d’Italie est dans notre région humide du Nord un des plus beaux arbres que l’on puisse employer pour faire des avenues. A l’élégance de son port, il joint l’avanlage de pousser rapidement et de donner peu d’ombre.

Les seules espèces étrangères fréquemment cultivées

-- 327 ~

dans notre pays sont : le peuplier du Canada et le peuplier de la Caroline qui tous deux ont, comme le peuplier noir, les feuilles glabres et les bourgeons couverts d’un enduit résineux.

Le peuplier du Canada (P. canadensis) est le plus grand de l’espèce ; il peut atteindre jusqu’à 40 mètres de hauteur. Ses feuilles ont sensiblement la même forme que celles du peuplier noir, cependant elles sont écliancrées en cœur ou tronquées à la base, tandis que les autres s’atténuent ou s’arrondissent vers l’insertion du pétiole. Une particularité de l’espèce en question, c’est qu’il y a entre les deux sexes des différences si considérables que les botanistes en ont fait des espèces distinctes. Ils ont nommé les mâles peu¬ plier du Canada ( P. canadensis ) et les femelles , peuplier de Virginie ( P. monilifera ). Celles-ci ont les feuilles écliancrées en cœur à la base et fortement acuminées à la pointe ; les premiers les ont plus grandes, tronquées à la base et terminées par une pointe mousse. Chez tous deux , on rencontre des rameaux anguleux associés à des rameaux arrondis ; toutefois ce fait est plus fréquent chez les femelles que chez les mâles. Une variété de cette espèce a la forme pyramidale du peuplier d’Italie.

Le peuplier de la Caroline (P. angulata) possède des rameaux toujours anguleux et des feuilles plus grandes et plus arrondies que le précédent , on le rencontre moins fréquemment. _ _ _ J. G.

CHRONIQUE

Méfcorologîe. Le mois de Septembre 1870 fut froid et sec. Les températures maxima diurnes furent presque constantes et très -peu au-dessus ou au-dessous de la moyenne 18.° 6 , il y eut plus de différence entre les mini- ma , qui allèrent de o.® 30 à 13.® 3.

La température moyenne du mois fut de 1.® 28 inférieure

o2S

à la moyenRe générale , et de 2.° 86 inférieure à celle du mois de Septembre 1869.

Cet abaissement de température atténua l’épaisseur de la couche d’eau évaporée qui ne fut que de SS.™*" 12 , tandis qu’elle avait été de 103. 56 , en Septembre 1869, toutefois elle fut encore plus grande que la moyenne générale 80. mm 4g ^ 1^ conséquence de la sécheresse de l’air qui

ne contint à l’état de dissolution que les 0,75 delà quantité d’eau qui l’eût saturé à sa température moyenne.

Pendant les quinze premiers jours le vent souffla du S.-O., la hauteur movenne du baromètre fut de 758."™ 848 et la pluie fut assez fréquente ; mais pendant les quinze derniers, les courants atmosphériques vinrent du N.-E. ; le ciel fut presque serein , la moyenne barométrique fut de 770. '"'"958, et la pluie fît complètement défaut.

Malgré la sécheresse de l’air durant cette seconde période, il y eut des rosées toutes les nuits et souvent des brouillards assez épais.

La quantité de pluie recueillie en 12 jours, fut inférieure de 31."™ 42 à la moyenne générale de Septembre.

Le 24 de 10 à 11 heures du soir on observa une magni¬ fique aurore boréale dont les franges colorées en rouge vif et perpendiculaires à l’horizon se déplaçaient lentement vers rO.

SEPTEMBRE

1870

Température moyenne . 13.® 99

» D des maxima . 18." 60

» » desminima . 9.® 38

» extrême minima, le 17. . 5.” 30

* » maxima, le 28. 21.® 70

Baromètre hauteur moyenne à 0.®. . . . 763““045 » hauteur extrême minima , le 7. . 750-‘"'86 » ^ » maxima, le 16. 774“‘"33

Tension de la ^apeui’atmosphér . 8“”49

Humidité relative moyenne "/o . 75.00

Epaisseur de la couche de pluie . 39"‘"'17

ï de la couche d’eau évaporée. . 88T”12

SEPTEMBRE année moy. 15.® 271

760r 143

lOT-17 77. 44 70r597 80r48

Le Gérant : E. Castiaux.

V. Meureix.

TYP. DE BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2.' Année. N.° 11. Novembre 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ DES SCIENCES , DES ARTS ET DES LETTRES DU HAINAUT.

Mémoires, 3.* série, t. iv.

Fondée en 1833, la Société des Sciences du Hainaut soutient sa vieille réputation. Naguères elle couronnait et publiait dans ses Mémoires les Recherches sur le Hainaut ancien de M. Duvivier , ouvrage qui fait le plus grand hon¬ neur à l’érudition belge. Aujourd’hui elle nous offre, après lui avoir décerné une médaille d’or, le Mémoire historique de M. Théophile Lejeune sur Vancienne ville de Soignies. Le cadre de cette monographie est complet et i! peut être présenté comme un modèle.

Quoiqu’il y ait eu à Soignies quelques habitations gallo- romaines, l’importance de cette localité ne date que du vu.® siècle , époque le comte Madelgaire y fonda un cou¬ vent. Ce monastère ayant été ruiné par les Normands fut , au X.® siècle , transformé en un chapitre qui prit le nom de Saint-Vincent, nom adopté par Madelgaire après son entrée en religion. Constitué sous la triple protection du Souverain Pontife, de l’empereur d’Allemagne et du duc de Lotha¬ ringie, le chapitre de Saint-Vincent commença à se qua¬ lifier de royal. Par la suite, les évêques de Cambrai, les comtes de Hainaut , les ducs de Bourgogne et les souverains de la maison d’Autriche , le comblèrent de privilèges et de faveurs. M. Lejeune énumère tous les dons faits à cet éta¬ blissement et il entre dans de grands détails sur la compo¬ sition du corps capitulaire.

Des paragraphes spéciaux traitent des revenus du cha¬ pitre, des fondations pieuses, de l’église à la fois parois-

550

siale et canonicale , du trésor de la collégiale dont le principal ornement était la châsse de Saint-Vincent.

L'auteur s’occupe ensuite de la paroisse de Soignies et des communautés religieuses qui s’établirent à côté du chapitre : sœurs grises, capucins, pères de l’Oratoire. Il en vient ainsi à parler des fondations charitables. Un chapitre sur l’avouerie de Soignies le fait passer, par une transition toute naturelle, de l’histoire religieuse à l’histoire civile. Celle-ci embrasse: l’organisation judiciaire, le pouvoir communal, les compagnies et confréries laïques, les corps de métiers.

Quelques renseignements topographiques et statistiques servent d’introduction à un chapitre d’annales dans lequel M. Lejeune retrace les vicissitudes de la ville dont il s’est jusqu’ici appliqué à décrire les institutions. Ce chapitre est suivi d’études sur les hommes marquants de Soignies, sur les établissements d’instruction publique aux différentes époques, sur les fêtes civiles et religieuses qu’on y a célébrées ou qu’on y célèbre encore.

L’ouvrage se termine par des jnèces justificatives qui en doublent l’importance et l’étendue.

A la suite du Mémoire que nous venons d’analyser , nous remarquons , dans le nouveau volume de la Société du Hainaut, une Notice sur le corps du génie en Belgique pendant le xviii.® siècle, par le général Guillaume, au¬ jourd’hui ministre de la Guerre en Belgique.

Lorsque l’empereur Charles VI réorganisa les troupes nationales dans les Pays-Bas Autrichiens , il reconnut la nécessité de créer un corps spécial du Génie qui pût remettre en bon état de défense les fortifications endom¬ magées par les dernières guerres. Le maréchal Daun proposa de créer trois brigades de sept officiers chacune. Celle or¬ ganisation , devant occasionner une dépense annuelle de

531

14,532 florins, ne fut adoptée qu’en partie : on se borna à créer deux brigades du génie, qu’on plaça sous le comman¬ dement immédiat d’un lieutenant-colonel et sous l'autorité supérieure d’un directeur en chef du rang de général.

M. Guillaume donne la composition de ce corps de génie tel qu’il fut créé en 1732, et il nous fait connaître les modifi¬ cations qu’il a subies jusqu’en 1770 , époque de son dernier remaniement ou , pour mieux dire , de son absorption par le génie autrichien. Il nous retrace aussi la carrière mili¬ taire des officiers belges qui se sont distingués dans cette arme. A. Desplanque.

CERCLE ARCHÉOLOGIQUE DE MONS.

Annales, t. viii.

L’année dernière (voir Bulletin , t. i , p. 29) , nous fai¬ sions connaître l’origine du Cercle archéologique de Mons et la direction de ses travaux. Depuis lors, un nouveau volume d'annales est venu s’ajouter aux précédents.

Ce volume s’ouvre par une Notice historique sur le vil- lage de Boussoit-sur-Haine. L’auteur , M. Théophile Le¬ jeune, après avoir discuté l’étymologie du nom de cette commune, indique sa situation topographique, son étendue territoriale et le chiffre de sa population. Il se livre ensuite à l’examen d’une question fort controversée : savoir si le castrum de Bussut ou Buxidis^ dans lequel les fils de Rainier III se retranchèrent après la défaite de leurs com¬ pétiteurs Garnier et Renaud , est Roussoit ou Roussu-sur- Haine.

Le chapitre de M. Lejeune sur la seigneurie de Roussoit est plein de faits intéressants pour l’histoire du château et des seigneurs. Au xvii.® siècle , cette seigneurie échut à une famille qui a laissé bien des souvenirs dans le Nord de la France. Marie Du Chastel de la Hovardrie, « religieuse pénitente à Armentières, » seconde fille de Robert Du

o32

Chastel et de Jeanne de La Croix, dame de Boussoit, érigea, en 1637 , dans leglise dudit Boussoit , un monument funé¬ raire dont l’inscription nous a été conservée. Des Du Ghas- tel , la seigneurie de Boussoit passa dans les maisons de Rodoanet de Nédonchel.

M. Lejeune traite ensuite des institutions ecclésiastiques et charitables du village dont il s’occupe , et il donne en appendice un armorial de Boussoit-sur-Haine. Il le fait suivre de pièces justificatives principalement empruntées au cartulaire de Saint-Denis-en-Broqueroie.

La Notice sur le village et la procession de Wasmes , par M. l’abbé Petit, est très-digne de figurer à côté du mémoire précité. M. Petit rappelle que l’autel de Wasmes fut donné en 1095 à l’abbaye de Saint-Ghislain par Gaucher , évêque de Cambrai , et confirmé à ladite abbaye , avec ses dépen¬ dances Wasmüel et Résignies, par le pape Gélase II , le 12 avril 1118.11 raconte ensuite l’éclatante victoire remportée, vers 1133 , par le chevaleresque Gilles de Chin , seigneur de Berlaimont, sur un affreux dragon qui désolait la con¬ trée : l’auteur énumère les dons faits par le vainqueur , en accomplissement de son vœu, à la vierge de Wasmes qu’il était venu implorer avant de livrer bataille au monstre. De date l’institution de la procession annuelle de Wasmes dont le tour est de quatre lieues. Lorsque le dragon fut attaqué dans son repaire par Gilles de Chin , il tenait en sa gueule , dit la légende, une jeune fille qu’il allait dé¬ vorer. C’est en souvenir de cette enfant miraculeusement délivrée que, chaque année, le curé de Wasmes choisit, pour figurer avec grand honneur à la Procession , une Pucelette^ petite fille âgée de quatre à cinq ans. Suivant le costume traditionnel, la pucelette est vêtue d’une robe de soie bleu de ciel et d’un manteau tout pareil. On lui met devant la poitrine un grand cœur blanc sur lequel brillent

pm ^

- DÜO -

des bijoux d’or el des diamants ; on ceint sa tête d’une cou¬ ronne surmontée de trois plumes d’autruche recourbées : sa suivante , qui porte la queue de son manteau , est mise en blanc.

Le lundi de la Pentecôte , le curé va chercher en cortège la Pucelette chez ses parents et il l’amène aux vêpres : après les vêpres il la conduit au presbytère. Le lendemain , jour de la grande procession , l’enfant assiste à la messe qui se célèbre dès trois heures du matin ; puis , elle suit le par¬ cours de la procession , de l’église de Wasmes au Calvaire , du Calvaire à l’église de Warquinies, de à celles d’Hornu etdeWasmûel. La Pucelette dot la marche, entre deux haies de jeunes filles en blanc et sous l’escorte des autorités com¬ munales. Durant le trajet, elle donne la main au curé de Wasmes et à un autre prêtre.

La chapelle primitive de Notre-Dame de Wasmes était bâtie sur le versant d’une colline. Depuis elle a fait place à une église ogivale dont il reste quelques souvenirs , deux pinacles , une cuve baptismale; etc. M. l’abbé Petit décrit fort soigneusement l’église actuelle. Il dit aussi un mot des fiefs de Fontenoy et de Fontenich qui existaient jadis à Wasmes.

Sous le titre d'analectes^ M. Devillers, archiviste de l’Etat à Mons et président du Cercle, continue de publier une série de documents relatifs à des localités du Hainaut. Citons comme intéressant la portion aujourd’hui française de cette ancienne province :

1,® Une charte de Jeanne de Constantinople , réglant le droit de vinage à Berlaimont et Pont-sur-Sambre. (Le Quesnoy , 6 octobre 121 o).

2.0 Des lettres par lesquelles Odon , évêque de Cambrai, contirme l’abbaye d’Haumont dans la possession de ses biens (1110).

534

3.0 D’autres lettres par lesquelles Gautier IV , abbé , et les religieux de Saint-Amand donnent , en arrentement héréditaire , à Arnould d’Audenarde leur bois de Saint- Sauveur (Décembre 1219).

4.0 Procuration du chapitre de Denain pour servir dans une instance contre le seigneur de Bury (23 février 1723).

L'Esquisse historique sur le collège d'Ath , qui vient à la suite des travaux ci-dessus énumérés, est un discours pro¬ noncé à la distribution des prix, le 15 août 1867 , par M. E. Fourdin, professeur en cet établissement , bibliothécaire- archiviste de la ville. On célébrait , ce jour-là , le 451.6 an¬ niversaire de la fondation du collège d’Ath , créé dix ans avant l’Université de Louvain , sous le nom d'école latine , protégé par Philippe-le-Bon , successivement doté et enri¬ chi par quelques-uns des anciens élèves de cette maison , tels que Frédéric d’Ives , le célèbre abbé de Maroilles, Robert d’Hoslart, abbé de Gambron, Jean-Joseph Mas- selot , religieux de Vaucelles , etc. Nicolas de Rebbe , ori¬ ginaire d’Ath, chanoine de Saint-Pierre de Lille, obtint du pape Clément VIII , pour le collège de sa ville , des indul¬ gences et immunités qui y attirèrent longtemps la foule des fidèles. Dans les premières années du xvii.® siècle , ce col¬ lège avait fourni, aux divers diocèses de Belgique , plus de 3000 théologiens, tous pourvus de riches prébendes. M. Fourdin énumère les hommes marquants qui en sont sortis. Il montre , par un curieux exemple , combien les bourgeois d’Ath honoraient ceux de leurs concitoyens qui se distinguaient dans les arts , dans les lettres et dans les les sciences. L’un d’eux avait-il obtenu, soit à Louvain, soit à Douai , le titre de primus in artibus , les autorités athoises lui ménageaient une brillante réception officielle: elles allaient à sa rencontre, corps de métiers en tête, au son du carillon , au bruit des salves d’artillerie ; elles le me-

335

naient à cheval ou en carosse, et couronné de lauriers , à un Te Deiim solennel. La journée se terminait par un banquet à rHôtel-de-Ville et par la remise au lauréat d’une pièce d’argenterie, commémorative de son glorieux succès.

La Notice sur le village de Sars-la-Bruyère par M. Bernier est rédigée sur un plan très-analogue à celui de la monographie du village de Boussoit par M. Lejeune : éty¬ mologie , situation, sceau de la commune, église, pro¬ priétés de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Sars , ins¬ criptions recueillies dans l’église, chronologie des seigneurs : on y voit succéder à la famille de Sars celles de Harchies et de Bournonville. Ce fut dans le bois de Sars que commença la célèbre bataille de Malplaquet , livrée le 11 septembre 1709.

Le volume que nous venons d’analyser se termine par les Souvenirs d'une excursion archéologique à Elouges ; par le résumé de découvertes faites à Lessines , à Rouveroy , à Spiennes , à Estines-au-Val ; par divers articles de variétés montoises. Ne pouvant les citer tous, reproduisons celui qui a pour titre : Le chien en pierre à Naast et pour auteur M. A. Tricot.

Vers le milieu du xviii.® siècle, la race canine s’était con¬ sidérablement accrue dans certaines localités du pays , au détriment du gibier. Dans des vues tout à la fois fiscales et prohibitives , les Etats du Hainaut imposèrent les déten¬ teurs de ces quadrupèdes d’une taxe de dix patars par chaque tête, au profit du souverain : ce qui n’en fit guère diminuer le nombre.

Se souciant plus de la conservation de sa chasse que de jouir d’une légitime popularité parmi ses vassaux, un sire de Naast s’avisa, à cette époque, d’un expédient pour diminuer la destruction de son gibier. Il prescrivit que tout chien parcourant sa seigneurie, dépourvu d’un biu, serait impi¬ toyablement exterminé. Ce biu consistait en un morceau de bois, peu gros et long d une cinquantaine de centimètres, assujetti par un bout au collier , au moyen d’une courte

356

lanière, de telle sorte que l’animal astreint à trainer cet engin entre les pattes avait la marche entravée et un air hébété très-piteux.

Cette prescription, intempestive et ridicule, mécontenta extrêmement une partie de la population contre le malen¬ contreux seigneur.

A la suite d’une brusque altercation soulevée par un fer¬ mier de l’endroit avec le messire en question , relativement à ses innovations féodales, ce fermier lui annonça qu’il aurait bientôt un chien qui ne paierait point ta taxe et, sans être tenu à l’attache, ne porterait jamais l’humiliant biu. Des paris furent engagés à cette occasion, et avant que l’année fût révolue, il avait fait placer au-dessus de la porte d’entrée de sa basse-cour, située près de l’église, un chien en pierre calcaire, de taille moyenne, aux formes bien prises , et qui semble avoir lair de narguer les passants très-sournoîsement. Cette sculpture a encore aujourd’hui le privilège d’attirer l’attention des étrangers.

A. Desplanque.

BIBLIOGRAPHIE.

OBSERV.ATIONS SUR LE JURASSIQUE SUPERIEUR DU BOULONNAIS

par M. Ed. Pellat (D

Il y a déjà plusieurs années que M. Ed. Pellat consacre ses loisirs à l’étude du terrain jurassique du Bas-Boulonnais. Ce terrain qui forme le long de la côte depuis le cap Gris-Nez, jusqu’au delà du cap d’Alprech , une série de falaises très- intéressantes , s’étend , en outre , vers l’Est formant un îlot au milieu des collines crayeuses de la Picardie. Les premiers mémoires (^) de M. Pellat furent consacrés aux couches qui affleurent dans les falaises et qui appartiennent aux étages Portlandien et Kimméridien ; il en fit une des¬ cription détaillée pour la joindre à la monographie paléon-

(h Bulletin de la société' géologique de France , 2.* série, t.xxvi, p. 684-687 (1870).

(2) Bulletin, t.xxiii, p 193 (1865) et t.xxiv, p. 181 (1867).

537

tologique des fossiles du même terrain, par M. de Loriol 0). Depuis (2) il s’est occupé des assises inférieures , qui ne sont plus visibles dans la falaise , mais qui peuvent être étu¬ diées dans l’intérieur du pays.

Il touchait à une des questions qui divisent actuelle¬ ment les géologues , celle des limites qui séparent 1 etage Kimméridiende l’étage Corallien, et celui-ci de l’étage oxfor- dien. Ses études le conduisirent à conserver l’étage Corallien que plusieurs savants voulaient supprimer. Il lui donne pour base des calcaires remplis de polypiers et de baguettes d’oursin {Cidaris florigemma)^ visibles au mont des Bou- cards et dans quelques petits ravins, tels que ceux du petit Hourecq , près de Carly. Cette couche à polypiers et à Cidaris florigemma ne diffère que peu d’autres calcaires compactes qui lui sont superposés au mont des Boucards. Dans la dernière note dont le titre est en tête de cet article, M. Pellat admet qu’elle n’est qu’un dépôt accidentel rempla¬ çant plus ou moins complètement les calcaires compacts.

« Pendant que sur quelques points des amas de polypiers, s’élevant sans doute sous forme de pitons comme les récifs des mers actuelles , formaient l’assise , il se déposait ailleurs des sédiments fins, plus ou moins crayeux, renfermant une autre faune , et qui sont devenus les calcaires compacts. »

_ J. G.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.

ARNOULD d’hESDIN.

Dans sa curieuse, étude sur Trois chevaliers d'Hesdin au siècle , M. Desplanque, archiviste du Nord , fait appel au bon vouloir de ceux qui pourraient fournir quelques

(1) Mémoires de ia société de Physique et d’histoire naturelle de Génève , t.xix.

(2) Bulletin de la Société géologique de Frauce, 2.* série, t. xxv, p. I96a867).

338

renseignements sur ces trois personnages, dont l’histoire n avait pas même retenu les noms. L’intérêt avec lequel nous avons lu le travail de M. Desplanque nous a porté à faire quelques recherches sur le même sujet ; nous nous sommes dit que l’on devait trouver quelques mentions con¬ cernant Arnould d’Hesdin dans les riches collections de chroniqueurs anglo-saxons et d’ouvrages consacrés aux antiquités de l’Angleterre , que possède la Bibliothèque publique de Douai. Voici le résultat de nos recherches.

I.

Rien dans les chroniques anglo-normandes ni dans les Scriptores rerum Britannicarum ; la savante édition d’Or- deric Vital publiée par la Société de rHistoire de France n’ajoute au nom d’Arnould d’Hesdin qu’une conjecture sans importance et dénuée de preuves ; nous avons été plus heureux en compulsant le Monasticon Angîicanum de William Dugdale , ouvrage si important pour l’étude du moyen-âge en Angleterre. Le Codex traditionum S. Georgii Hisdiniensis et le Domesday-book avaient permis àM. Des¬ planque de montrer Arnould d’Hesdin faisant partager à son chapelain et à ses compatriotes , les religieux de Saint- Georges d’Hesdin, les richesses qu’il devait sans doute à son épée et à la bienveillance de Guillaume-le-Conquérant ; plusieurs passages du Monasticon Angîicanum prouvent qu’il a usé de la même générosité envers des abbayes de l’Angleterre et de la Normandie.

En 1081 , le jour de la Purification , se trouvant à Salis- bury , Arnould d’Hesdin octroya à l’abbaye de Saint-Pierre de Glocester , le domaine de Lynkeholt. (^) Déjà auparavant il avait donné au même monastère l’église de Heythrop ,

(0 M. Wauters, daiis la Table chronologique des Charles et diplômes im¬ primés concernant T histoire de Belgique, 1. 1 , p, 682 , cite cette donaition , d'après Hart, Eisloria et Carlularium S. Pétri Glouceslriœ , et la place SOUS le règne de Guillaume-le-Gonquérant (1066- 1087).

o39

celle (le Lynkeholt et un moulin avec les terres du prêtre, et l’église de Kynemerforde aussi avec les terres du prêtre. Le prieuré de Tolft avait reçu de lui l’église de Newbury avec tous les revenus qui pouvaient provenir du moulin , du tonlieu et de tout ce qui était matière à dîme. Aux religieux de Shaftesbury, dans le Dorset, il avait donné le monastère de Kievelia avec la terre et la dîme qui en dépendaient. Ses libéralités allèrent même demander des prières de l’autre côté de la Manche , en Normandie : la célèbre abbaye du Bec reçut de lui le Rullepe , et d’Ameline , sa femme , le manoir de Cumbe. (^)

L’Arnould d’Hesdin qui fait les donations mentionnées dans le Monasticon Anglicanum est bien le même que celui dont il est parlé dans le Bomesday-book et le Codex tradi- tionum S. Georgii Hisdmiensis. Il y a contemporanéité: le Monasticon Anglicanum n’offre qu’une seule date (1081) et les mentions du Domesday-book sont comprises entre 1080 et 1086. L’Arnould d’Hesdin du Domesday-book et celui du Monasticon possèdent tous deux des biens à Kievèle et à Rullepe ou Rislepe : l’un de ces ouvrages l’appelle seigneur de Newbury et dit qu’il y possède des édifices, l’autre dit que la dîme de cette ville lui appartient ; d’après le Codex tra- ditionum,\di donation au chapelain se fait à Cumbe, en présence de toute la famille d’Arnould, et, d’après le Monas- ticon , Ameline , sa femme , donne à l’abbaye du Bec le manoir de Cumbe. Ces indications suffisent pour établir qu’il y a identité entre les deux Arnould d’Hesdin et que le chevalier dont le Monasticon Anglicanum mentionne les pieuses libéralités était originaire d’Hesdin en Artois.

A ces détails le Monasticon ajoute sur ce personnage quelques particularités qui peuvent avoir leur intérêt. Sa

(b Monasticon Anglicanum, per Rogerum DodsAvortli et GuUelmum Dugdale. London, 1682, t. i, p. 116 , 117, 599 et 983; t. ii, p. 954.

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femme portait le nom Amelina , et, comme elle fait une donation à l’abbaye du Bec, on peut croire qu’elle était originaire de la Normandie. Lui-même , il était comte du Perche (i) et seigneur de Newbury.

IL

Nous avions espéré que les indications fournies par le savant ouvrage de Dugdale nous serviraient de point de départ pour arriver à retrouver l’origine d’Arnould d’Hesdin et le nom de la famille à laquelle il s’est allié , et à cons¬ tater s’il y a identité entre le personnage dont nous venons de parler et l’Arnould d’Hesdin, oncle ou grand-oncle de Guillaume , vicomte de Shrewsbury, qui fut mis à mort , en 1138 , par le roi Etienne de Blois , contre lequel il s’était révolté. Nos recherches n’ont pu aboutirqu’à des hypothèses, à des déductions , manquant de base en plusieurs points ; nous les faisons cependant connaître, convaincu qu’elles pourront être utiles à ceux qui seraient assez heureux pour retrouver et consulter en Angleterre le texte des chartes mentionnées dans le Monasiicon.

Arnould d’Hesdin était comte du Perche. Pour posséder ce titre , le chevalier artésien devait nécessairement s’être uni par un mariage à la famille des comtes d’Alençon et du Perche : la donation faite par sa femme Ameline et par lui- même à l’abbaye du Bec portent d’ailleurs à croire , comme nous l’avons déjà dit, qu’il s’était allié à une famille de Nor¬ mandie. Un voisinage amené par la conquête pouvait avoir déterminé l’alliance dont nous parlons : Roger de Montgom- mery , chef de la famille d’Alençon et du Perche , avait reçu de Guillaume-le-Gonquérant, en 1067, les comtés d’Arun- dell et de Shrewsbury, qui sont très-rapprochés de ceux l’Arnould d’Hesdin du Domesday-hook et du Monasiicon

(1) Nous croyons que c’est bien la signification des mots cornes del Perch qui se trouvent dans le Monasiicon.

_ 341 ^

possédait ses domaines. En supposant que ce dernier épousa une fille , une nièce ou une petite fille de Roger de Mont- gommery , nous avons l’explication des mots Arnould d'Hesdin- , comte du Perche.

La même hypothèse nous ferait comprendre le récit d’Or- deric Vital et établirait l'identité entre le personnage qu’il mentionne et celui dont nous venons de parler. Ce chroni¬ queur nous apprend qu’en 1135, Guillaume, vicomte de Shrewsbury , qui avait épousé la nièce de Robert de Glocester , se révolta, pour favoriser ce dernier, contre le roi Etienne de Rlois, et qu’Arnould d’Hesdin, l’oncle du jeune Guillaume, chevalier belliqueux et téméraire , soutint un siège opi¬ niâtre dans le château de Shrewsbury et fut ensuite égorgé par le roi avec un grand nombre de ses complices. Robert de Glocester , fils illégitime de Henri I.®’' , roi d’Angleterre , ne pouvant avoir de nièce que du côté de sa femme Habille et celle-ci n’ayant pas eu de frère et n’ayant eu qu’une sœur mariée , Amicia ou Améria , qui épousa successivement Garin- le -Chauve et Renaud de Bailleul , vicomtes de Shrewsbury , il faut conclure que Guillaume , vicomte de Shrewsbury , avait épousé la fille d’Amicia. Habille et Amicia étaient elles-mêmes les petites-filles de Roger de Hontgommery , chef de la famille d’Alençon et du Perche. Par conséquent, en supposant qu’Arnould d’Hesdin a épousé une fille ou petite-fille de Roger de Hontgommery,ron s’expli¬ querait très-bien comment il était fonde ou le grand-oncle (avunculus) de Guillaume. Cette supposition ferait com¬ prendre les mots cornes del Perch et les mots Guilelmi avun¬ culus; elle ferait comprendre pourquoi Arnould d’Hesdin s’unit à Robert de Glocester contre Etienne de Blois et occupa le château de Shrewsbury; pourquoi PArnould d’Hesdin du Monasticon fit une donation au monastère de Shaftesbury se trouvait une fille de Robert de Glocester et de Habille ;

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pourquoi le même Arnould et sa femme onl fait des donations à une abbaye de Normandie.

Mais ce mariage d’Arnould d’Hesdin avec une fille , une petite-fille , une nièce de Roger de Montgommery , qui arrangerait si bien toutes choses, a-t-il eu lieu ? Nous ne pouvons l’établir. Roger de Montgommery eut une fille du nom d’Emma ; mais elle entra dans un monastère en Norman¬ die. Quant au nom des petites-filles et des nièces de ce chef de la famille d’Alençon et du Perche , nous ne les trouvons pas dans les auteurs qui ont traité longuement les questions gé¬ néalogiques en Angleterre et en Normandie.

Au sujet de l’identité de l’Arnould d’Hesdin du Domesday-book et de celui d’Orderic Vital , M. Desplanque s’est fait une objection tirée de l’âge de ce dernier per¬ sonnage qui aurait été presque octogénaire au moment de sa révolte contre Etienne de Rlois. Il a d’ailleurs lui-même répondu à son objection en disant que l’on fait des sottises à tout âge ; nous ajouterons que nous voyons, dans Orderic Vital, Robert de Bellesme, comte d’Alençon, l’un des fils de Roger de Montgommery, faire la guerre, vers la même époque et peut-être en 1140, contre Etienne de Blois; et ce¬ pendant Robert de Bellesme devait être aussi avancé en âge qu’ Arnould d’Hesdin.

A cette première conjecture, nous en ajouterons une seconde qui , nous tenons à le dire , nous paraît réunir moins de probabilités. Il pourrait y avoir identité entre Arnould d’Hesdin et Raoul de Bournonville, baron d’Itfort. Les mots Arnulfus , Arnaldus , Arnoldus ont été plus d’une fois confondus avec Radulfus : les tables des Historiens des Gaules et de France en font foi. Raoul de Bournonville appartenait à une famille de l’Artois ; son père Gérard, mort en 1084, avait eu pour mère Adélaïde d’Hesdin , fille de Gérard , seigneur d’Hesdin : cette origine et cette alliance

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pourraient expliquer le nom de Hesdingo, qui aurait été por¬ par Raoul avant qu’il n’eût été créé baron d’Itfort. Raoul de Rournonville passa en Angleterre à une époque que nous ne connaissons pas exactement ; mais il pouvait y être en 1080, puisque son père mourut déjà assez âgé en 1084. L’on sait que plus tard il reçutde Geoffroi Plantagenet la baron¬ nie d’Itfort et qu’il épousa Cécile, tille de Robert, comte de Glocester, dont parle Orderic Vital ; il était, par conséquent, beau-frère ou oncle de Guillaume , vicomte de Shrewsbury, selon que l’on entend par neptem, nièce ou petite-fille ; pour qu’il y eût identité entre Raoul et les deux Arnould il faudrait lui supposer un premier mariage avec une femme du nom d’Ameline. Un autre trait rapproche Raoul de l’Arnould d’Orderic Vital : c’est qu’il périt aussi en combattant contre Etienne de Blois; sans doute l’on place sa mort en 1140 et celle d’Arnould en 1138 ; mais cette différence de deux ans, que l’on trouve entre un chroniqueur et des auteurs de gé¬ néalogie , ne pourrait être une raison de refuser d’admettre une identité, si d’ailleurs elle avait été suffisamment établie.

Dans les lignes que nous venons d’écrire , il y a une pre¬ mière partie offrant des mentions historiques certaines, qui ont pu jeter quelque jour sur l’histoire du chevalier Arnould d’Hesdin et contribuer à compléter l’intéressant travail de l’un des directeurs du Bulletin ; il y a aussi une seconde partie complètement hypothétique , qui pourrait être ren¬ versée par une phrase , un mot , d’une des chartes qui doi¬ vent être conservées en Angleterre. Nous ne l’ignorons pas , et nous regretterions que la partie historique eût à souffrir de sa juxtaposition à des conjectures. Cette crainte ne nous a cependant pas empêché d’exposer les suppositions qu’a¬ vaient éveillées en nous de longues recherches. L’histoire n’a pas encore prononcé sur Arnould d’Hesdin :

Hislorici cerlant et adtiuc sub judice lis est.

G. Dehaisnes.

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LE BAILLIAGE d’aIRE AU XIV.® SIÈCLE. (’)

( Extraits des comptes de cette juridiction ).

Entre les diverses séries de documents reposant aux Ar- ' chives de la Chambre des Comptes de Lille , il n’en est pas qui aient été jusqu’ici moins consultées que les comptes des juridictions secondaires, telles que bailliages , prévôtés, châtellenies. Si ces énumérations de recettes eide dépenses offrent moins d’intérêt que celles des comptes de la Recette Générale des anciennes provinces du ressort de la Chambre, elles fournissent néanmoins un contingent notable de ren- ,seignements curieux pour l’histoire des mœurs , des lettres, des arts et des institutions : elles peuvent aussi aider à mettre en lumière certains faits de guerre et de diplomatie.

Nous avons entrepris de résumer celles de ces séries de comptes qui se rapportent aux temps les plus reculés , c’est- à-dire au XIV.® siècle. On ne peut creuser trop profondé¬ ment, ni dans trop de sens différents , l’histoire du temps et du pays de Froissart.

Nous plaçons aujourd’hui sous les yeux de nos lecteurs un spécimen de ce travail. S’ils l’accueillent avec plaisir, nous pourrons leur en présenter d’autres, empruntés alternative¬ ment aux différentes provinces du ressort : Artois, Flandre, Hainaut , etc.

Notre méthode d’analyse consiste , comme on le verra, à éviter de fastidieuses redites, sans omettre aucun fait essentiel ou carastéristique.

Les comptes sur lesquels porte notre étude sont rendus, tantôt au nom du chef de la juridiction (prévôt, bailli , ou châtelain) , tantôt et pour lui , par le receveur du ressort. Nous indiquons, toutes les fois que nous le pouvons, le nom de l’un et de l’autre officier. A. Desplaxque.

(1) La série des comptes du Lailliage d'Aire , de 1347 à 1400, se compose de quatre registres in*f. "'côtés A. 115 , 499, 503, 116 dans l’ancien classement de la Chambre des Comptes.

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Hugues de Dourier , bailli.

Compte de V Ascension à la Toussaint 1347.

Recettes : l.° Parties du domaine affermées : Chaussée de Wittes, forages d’Aire et de Mentque ; pêcheries de Mentque et de la Lys ; herbes et eaux du manoir de Com- mines ; moulin de La Laquette à Renty , dit le xMolinel ; moulins le Comte, dits du Grand Vivier; terre de Roque- toire ; rentes du bois de Wasselau ; herbes entre le pont Alard et la porte du Molinel à Aire, entre ledit pont Alard et la porte Saint-Omer ; eaux des fossés d’Aire ; travers et châtellenie d’Aire ; tourage du château d’Aire et herbage des changles (fossés) ; manoir des Crakelins en la rue Saint- Martin à Aire ; tonlieu et travers de Mentque ; connins (lapins) de la garenne du bois de Wasselau; prés du sei¬ gneur « que on dist les prés le Conte; » mairie de Bléty ; draperie de Belette « qui du tamps passé a esté achensé, si est ad présent le plus grant jmrtie de le ville ivasté et ont esté les gens escachiet pour les guerres , si on a pau drappé en le ville , et de chou que drappé y fu, en est rechupt en ce terme, 9 s. 4. d. pour le Roy; item, au duc 17 s. » 2.0 forfaitures et échéances de bâtards. 3.® blés et avoines. 4.® exploits du bailliage.

Dépenses ; 1.® enterrement d’un bâtard dont les biens ont été dévolus au domaine: frais des obsèques, pain donné aux pauvres , coût de la fosse , de Verche (cercueil) et du linceul.

2. * Gages et aumônes ; gros des 6 prébendes du chapitre d’Aire ; tiers des gages du bailli ; gages du forestier de bois ; robes des quatre sergents héréditaires ; gages du concierge de la salle , du chapelain qui chante à la salle , du ivaite (guetteur) et du portier du château , du pendeur; rente à l’abbé et au couvent de Ham pour l’anniversaire du comte d’Artois ; don que madame d’Artois (Mahaut) fit aux pauvres du bailliage d’Aire d’une rente annuelle de 70 livres tournois « pour accater et donner 18 cottes de drap de couleur à 18 povres gentils femmes de ledicte baillie , et , de le demeure (du reste) de l’argent, doit-on accater de buriel (drap de bure) et saulers (souliers) à départir as communs povres de ledicte baillie. »

3. ® Dépenses diverses: Foin et bûches fournis à M. de Séchelles , gouverneur d’Artois ; voitures commandées pour

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mener 100 rasières de blé d’Aire à Eperlecques et à la Mon- toire ; les voituriers n’osant se risquer dans cette expédi¬ tion , on leur donne une escorte de gens d’armes.

4. ® Mises du bailliage : plaintes adressées à MM. les gou¬ verneurs à Arras sur les dégâts causés par les gens d’armes de la garnison d’Aire. Les châtelains de Béthune, Gosnay, Chocques et La Buissiére, sont invités à se rendre vers le roi (Philippe de Valois) à Hesdin, le 8 août 1347, pour avoir argent. » (b Lettres du bailli et du sire de Fosseux, au sujet du trépas de madame d’Artois (Jeanne II, épouse d’Eudes IV, duc de Bourgogne). L’official de Térouane revendique, comme étant de sa juridiction , un clerc laïc qui , au mépris des trêves , s’était rendu coupable d’homicide sur la per¬ sonne d’un flamand. Le bailli d’Aire représente au gou¬ verneur d’Artois et au bailli de Saint-Omer les dégâts et excès commis par les sergents de ce dernier à Belettes et dans le bailliage d’Aire.

5. ° Réparation et entretien des bâtiments domaniaux. Les chevaux du moulin Molant (l’un des moulins du Grand Vivier) furent retenus en leur gîte le jour le comte de Northampton vint devant Aire (en août 1347).

Compte de la Toussaint 1347 à la Chandeleur 1348.

Dépenses: Gages de Raoul de Cremery, châtelain d’Aire. Enquête sur les délits commis à Belettes par les sergents du bailliage de Saint-Omer. Injures faites au bailli d’Aire de passage à Rely.

Jacques de Lompré , bailli.

Compte de la Chandeleur à V Ascension 1348.

Dépenses : Emprisonnement d’une femme soupçonnée de

(b En ce temps enhorta tant U rois d’Engleterre les flamens ,. . . que il issirent hors de Flandres bien cent mille , et s’en vinrent mettre le siège devant le bonne ville d’Aire. Froissart , édition Kervyn, t. v , p. 183. Quand li flamench furent retrait , li rois de France se dé¬ parti d'Amiens et vint à üèdxn , et s’aresta pour atendre ses lioos, et avoit peuple sans nombre. Ibid. p. 185.

(2) Tandis que li roy de France séjournoit au Pont-Saint-Maissence... et que le roy d'Engleterre estoit encore devant Calais, tîst le conle Derby qu’on dist deLencastre, et ses gens, une chevauchie et course à plenté de gens d'armes et d'archiers , et de par le roy d’Engleterre , pardevers Saint-Omer et Aire , ardant , gastant et pillant le pays tout environ, dont il y eult maints hommes prins , mors et nayrés. Chroni¬ queur anonyme de Valenciennes cité dans le Froissart-Kervyn , t. v, p. 505. Le comte de Northampton avait un commandement dans le corps expédilionnaiic du comte Derby.

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sorcellerie. Vente de bois « wastés par les gens de l’host (armée) qui furent à Ayre en Testé 1347. » La femme du Gouverneur d’Artois s’enquiert si le bailli d’Aire a fait pu¬ blier la trêve conclue entre la France et l’Angleterre.

Engüerrand, Seigneur de Louvencourt, bailli.

Compte de V Ascension à la Toussaint 1348.

Dépenses: Mandement du Gouverneur d’Artois au bailli de Saint-Omer « contenant que cascuns fust près et appa- reilliés en armes et en chevaux selonc son estât. »

Compte de la Toussaint 1348 à la Chandeleur 1349.

Recettes: Jean et Robin Cadart condamnés chacun à 60 s. d’amende à la franche vérité de belettes, r pour bataille de puings, » composent avec le bailliage « pour che qu’il avoient esté ars de le wère et qu’il ne tenaient riens du signeur (comte d’Artois) , mais demouroient dessoux Tabbé de Saint-Jehan ou Mont. » Composition entre le bailliage et Pierre Du Croc , drapier de Delettes , qui a contrevenu à l’article du réglement de la draperie de cette localité , ainsi conçu : « Quiconques fait ungdrap, s’il ne le porte parde- vant eswardeurs esleus par le bailliu et par les drapiers, il est à 9 s. d’amende pour cascun drap, dont li sires en a 3 et li candelle du mestier 3, etli eswardeur 3. » Rente con¬ fisquée sur Gilles de Morbecque qui, pendant les dernières guerres , « fu pardelà en Flandres , avœc les ennemis du Roy. ï

Compte de V Ascension à la Chandeleur 1349.

Recettes : Amende perçue sur Havot le Saunier pour che qu’il jua as dés , oultre le deffense et les bans de le ville d’Ayre. » Le nommé Blancpain , accusé d’avoir donné une huffe (souftlet) à un valet de Molinghem, et ne pouvant être convaincu de ce fait, compose moyennant 30 s. Produit de la vente, par autorité de justice, des armes saisies chez Andrieu Simon , soupçonné de larcin et fugitif.

Dépenses: Le seigneur de Cresecques revendique, comme son homme « couchant et levant en sa haute justice , » Colin Waslinel , emprisonné au château d’Aire « pour murdre et ruberie ; » le Gouverneur d’Artois , consulté à ce sujet, ordonne qu’on procède à l’exécution , nonobstant la requête dudit seigneur ; frais de la pendaison du coupable. Margot Haveronne, auteur de « plusieurs mallefachons

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et larchins, » est condamnée « à estre enfouie toute vive : » 17 hommes assistent à son jugement qui fut prononcé « hors jour de court ; et pour ce « eurent leurs despens selonc le coustume de ledicte court, par cascun homme 4 s. »

Compte de V Ascension à la Toussaint 1349.

Dépenses : Procès , au sujet de la justice de Roquetoire , entre le hailliage d’Aire et labbé de Saint-Bertin ; le procu¬ reur du bailliage , qui est venu défendre la cause aux plaids de Montreuil , sollicite un délai 4 pour che qu’il disoit que madame (d’Artois) venroit tost u pays et qu’elle en orde- neroit. »

Compte de la Toussaint 1349 à la Chandeleur 1350.

Recettes : Andrieu Agache compose avec le bailliage pour avoir « drappé en le ville d’Ayre , sans che qu’il fust bourgois. » - - HavotLeleu , coupable d’avoir maltraité un valet, compose , moyennant 25 sous , « pour che qu’il estoit povre et qu’il estoit as saudées ( à solde) u castel d’Aire. »

Guillaume de Wailli , receveur.

Compte de la Chandeleur à l'Ascension 1351.

Recette : Jacques de Bailleulet, écuyer, ayant été constitué prisonnier jusqu’à paiement d’une amende de 60 livres 4 pour che qu’il avoit laidement batu et navré Jean Le Brun d’Inghem , » est mis en liberté, messire de Bourbon , lieutenant du Roi , lui ayant fait remise de cette amende.

Dépenses: Le Gouverneur d’Artois, alors à Aire, mande au châtelain d’Hesdin de se tenir sur ses gardes (contre l’ennemi). Construction de nouvelles bretèques.

Guillaume de Wailli, rec. Jean du Ploich , bailli.

Compte de la Chandeleur à la Toussaint 1355.

Dépenses : Le clerc du bailliage d’Aire se rend à Tournai, afin de conférer des affaires de son bailliage avec les gou¬ verneurs d’Artois qui devaient se trouver pardevers le Roi en ladite ville.

Compte de la Toussaint 1355 à la Chandeleur 1356.

Recettes : Amendes encourues par Wautier Foulkier , « pour avoir karyet warissons (grains sur pied) d’aoust, après soleil ; y> par Robert Dolique , pour injures dites à Jacques de Galonné , juré de la halle d’Aire ; par Maroie Le Brune , pour un horion qu’elle donna.

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Dépenses : Messager dirigé sur Arras et Cambrai vers les gouverneurs d’Artois, par le bailli d’Aire, « en le sepmaine que li roys Englés (Edouard lïl) fu devant Aire, (b » Dé¬ penses faites par le procureur du bailliage lorsqu’il « ïnena 8 ouvriers d’Aire à le Bœverière , il y a 5 lieues , et pluisseurs gens à keval armez , pour avoir poissance à faire abatre l’estoc d’un arbre séant en le dicte baillie, liquel li prieux de le Bœverière avoit fait esbrankier pour le juris- diction du signeur, et ledit arbre voloit atribuer à luy et, adfin qu’il ne se peust vanter de saisine, fist ledit procureur abatre ledit estoc. Item, ledit estoc mis et abatu, lidis prieux le fist hoster et mener à se maison. » Débats qui s’en sont suivi.

Compte de la Chandeleur à V Ascension 1356.

Dépenses : Paiement des arrérages dûs aux chanoines d’Aire et aux officiers du château dont le traitement n’a pas été payé à la Toussaint 13o5, « pour ce que li Roys avoit pris respit de ses debtes. » Le procureur du bailliage d’Aire va à Hesdin , par devers les gouverneurs d’Artois, « pour pluiseurs besoinges secrètes touckans l’iretaige de le conté d’Artois. » Saisie du temporel du prieuré de La Beuvrière. Le prieur est ajourné au Parlement.

Compte de V Ascension à la Toussaint 13o6.

Dépenses : Le bailli d’Aire fait annuler des lettres de rémission qu’avait obtenues du prévôt des maréchaux Pierre Wallon , « saudoyer du chastel d’Aire, liquelx avoit navré d’un coutel une femme en ledicte ville. »

Guillaume de Wailli , rec. Jean de Hallenghes , bailli.

Compte de la Toussaint 1356 à la Chandeleur 1357.

Recettes : Un valet appelé Cornillot compose avec le bailli d’Aire « pour ce que se femme entra en le maison d’un bourgois de ledicte ville et prist, en ycelli maison , coses à li appartenans , si comme elle disoit pour li faire payer de ce que li bourgois li devoit. »

Compte de l'Ascension à la Toussaint 1358.

Recettes : Composition entre le bailliage d’Aire et

(^) Sur rexpédilion d'Edouard III en Artois en 1354, cff. Jean Le Bel, édition Polain , t. ii , p. 177-188; Froissart-Kervyn , t. v, p. 314-323 , et te Chroniqueur anonyme de Valenciennes, même volume , p. 518.

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Mathieu Daiche , qui a battu un enfant « menre d’ans ; » entre le même bailliage et Jean Sainte , de Delettes , dont la femme était soupçonnée « de avoir fait battre Denis le Barbier, p

Dépenses : Procès entre le bailliage d’Aire et le chapitre de Térouane, qui a fait planter « une soif (haie) sur le flégart et sur le quemin du seigneur. »

Compte de l'Ascension à la Toussaint 1361.

Dépenses : Gages de Guillaume de Le Bevrene , dit Tri- boul, écuyer , nommé châtelain d’Aire le 22 juillet 1361.

Compte de la Chandeleur à l'Ascension 1362.

Dépenses : Gaucher de Chatillon , seigneur de La Ferté , et Mathurin Boger, lieutenant de madame d’Artois (Mar¬ guerite de France) , viennent à Saint-Omer « pour prendre le conté d’Artois en le main de ma dicte dame. » Dépenses des deux clercs qui ont « renouvelé les escrips des rentes de le baillie d’Ayre pour ce que li viez papiers estoit tous deskirés , et les gens si mort et entracangiet et les héritages en tant de manières départis que on ne povoit plus recevoir lesdictes rentes sur le viez papier. j>

Compte de V Ascension à la Toussaint 1362.

Dépenses : Gages de Basse de Lincourt, écuyer , institué châtelain d’Aire le 2 juillet 1362. Paiement d’une rente sur le bois de Wasselau, jadis donnée au couvent de Long- champ par madame Blanche de France amortie par Phi¬ lippe de Bouvre , et Marguerite de France , comte et com¬ tesse d’Artois. ( Sera continué ).

ORNITHOLOGIE DU NORD DE LA FRANCE.

L’Ornithologie est, de toutes les parties de l’histoire na¬ turelle, la plus populaire et la plus cultivée ; mais, malgré le grand nombre de personnes qui s’intéressent aux oiseaux ou qui les collectionnent plus ou moins scientifiquement , combien de monde encore ne se rend pas compte des richesses locales en ce genre, et ne se doute pas des res¬ sources que chaque région offre à l’étude.

Ainsi on ignore généralement chez nous que sur 520 à 530 espèces d’oiseaux européens, 330 peuvent figurer sur

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le catalogue ornithologique du Nord de la France. N’esl-ce pas une proportion considérable et bien faite pour encou¬ rager les amateurs?

On ne saurait trop répéter que la base de toute collection d’histoire naturelle publique ou privée devrait être la réunion des faunes locales. Les plus riches collections, celles qui ont le plus fait avancer la science, n’ont eu d’autre point de départ que la recherche de quelques objets qui tombaient les premiers sous la main d’un jeune amateur ; pour les oiseaux ce furent les premiers sujets tués à la chasse, et em¬ paillés comme trophées d’adresse.

Prié par MM. les directeurs du Bulletin de donner à leurs lecteurs un aperçu de l’ornithologie de nos contrées , je ne puis mieux faire que de résumer ici le catalogue inséré en 1865 dans les Mémoires de la Société des sciences de Lille , avec quelques légères modifications amenées par cinq nouvelles années d’études. Dans ces sortes de recher¬ ches, chaque jour apporte son contingent, et ce n’est pas la moindre utilité de ces relevés locaux que de former un cadre dans lequel viennent s’insérer jour par jour, à leur place, les découvertes et les observations.

Indépendamment de toute classification scientifique , on peut diviser les oiseaux d’une région en quatre caté¬ gories : Ceux qui y habitent toute l’année ; ceux qui y séjournent au moins une saison ; ceux qui y passent plus ou moins régulièrement et enfin ceux qui ne s’y capturent qu’accidentellement ; c’est-à-dire les sédentaires , les sé¬ journants , les passagers et les fortuits.

Dans cet ordre d’idées , nous comptons , dans le départe¬ ment du Nord et sur ses confins , les frontières belges d’une part , le Pas-de-Calais et la Somme , jusqu’à l’embouchure de cette rivière , d’autre part, 49 espèces sédentaires , 54 séjournants, 125 passagers et 102 fortuits.

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Bien entendu , il n’y a rien de tout-à-fait absolu dans celle division. Il arrive quelquefois qu’une espèce regardée comme passagère niche exceptionnellement dans le pays ; telle autre qui y a longtemps séjourné , à l’époque des nids, cesse de s’y reproduire. De même il arrive qu’une espèce peut être à la fois sédentaire et émigrante , car certains oiseaux, après s’être reproduits dans une contrée, forment à l’au¬ tomne des volées nombreuses qui émigrent , tandis qu’une autre portion reste pendant l’hiver. La Chouette Effraie, le Pinson, l’Etourneau, le Ramier sont dans ce cas ; maismalgré ces exceptions , la division précédente n’en est pas moins aussi exacte que peuvent l’être ces sortes de classifications basées sur les mœurs.

Les espèces sédentaires dans le Nord sont généralement bien connues. Nous n’ajouterons que peu de choses à la liste que voici :

Buse [Buteo cinereus , Bp.) Bondrée (Pernis apivorus, Guv.) Cresserelle ( Tinnunculus alaudarius , Br.) Epervier {Accipiter nisus, Pallas.) Busard harpaye (Circus œruginosus^ Bp.) Chevêche [Athene noctua, Bp.) Hulotte ou Chat-huant (Sî/rmum aluco^ Lin.) Effraie [Strix flammea , Lin.) Pic vert [Picus viridis^ Lin.) Martin pêcheur (Alcedo hispida , Lin.) Troglodyte (Tro- glodijtes europœus, Cuv.) Grimpereau (Certhia fami- Maris , Temm. , bi'achydactijla , Brehm.) Mésange char¬ bonnière {Parus major ^ Lin.) Mésange bleue {Cyanistes cœruleus, Kaup.) Mésange huppée [Lophophanes cris- tatus, Kaup.) Mésange nonette {Pœcila palustris , Kaup.) Mésange à longue queue {Mecistura caudata, Leach.) Alouette des champs [Alauda arvensis , Lin.) Alouette cochevis [Gelerida cristata , Boié.) Grive draine (Turdus viscivorus , Lin.) Merle noir (Turdus merula , Lin.) Accenteur mouchet [Accentor modularis , Cuv.)

353

Rouge-gorge [Erijthacus rubecula , Giiv.) Pie-grièche grise (Lanius excubitor ^ Lin.) Geai [Garrulus glanda- rius , Br.) Pie {Pica caudata , Ray.) Grand corbeau [Corvus corax, Lin.) Choucas [Lycos monedula , Boié.) Freux [Corvus frugilegus ^ Lin.) Corneille [Corvus corone, Lin.) Etourneau (Sturnus vulgaris^ Lin.) Bruuni imne [Emberiza citrinella , Lin.) Proyer [Cyn- chramus miliaria ,, Bp.) Gros bec [Coccothraustes vulga- ris, Br.) Pinson [Fringilla cœlebs^ Lin.) Moineau [Pas¬ ser domesticus , Br.) Friquet [Passer montanus ^ Br.) \ erdiier {Chlorospiza flavigaster. Lin). Chardonneret [Carduelis elegans^ Br.) Bouvreuil [Pyrrhula vulgaris , Br.) Linotte ordinaire [Linota cannabina , Bp.) Ru- mier [Columba palumbus ^ Lin.) Faisan [Phasianus col- chicus f Lin.) Perdrix grise [Perdix cinerea^ Br.) Raie d’eau [Rallus aquaticus^ Lin.) Poule d’eau [Gai- linula chloropus^ Lath.) Foulque [Fulica atra, Lin.) Héron [Ardea cinerea, Lin.) Grèbe castagneux [Podiceps minor , Lath.)

On pourrait peut-être ajouter quelques espèces dont les nids se trouvent de temps en temps, isolément, et qui de¬ viendraient ainsi sédentaires au moins cette année-là : Le Faucon pèlerin qui, d’après Degland, aurait niché quelque¬ fois dans les falaises du Pas-de-Calais ; le Canard sauvage qui niche çà et dans nos grands marais ; les Hirondelles de mer Caugek , Pierre Garin , minule et épouvantail , et la Mouette rieuse , dont les œufs se rencontrent parfois sur les grèves et dans les dunes.

Il y a dans cette liste quelques espèces dont les habitudes sédentaires ne sont pas régulières. Ainsi la Bondrée, qui se reproduit dans plusieurs de nos grands bois, ne reste guère dans le Nord en hiver; elle y est surtout commune en automne. Cependant plusieurs captures faites en décembre

554

et janvier, dans les environs de Lille, m’engagent à la maintenir.

Il en est de même de la Hulotte.

La Mésange huppée est toujours rare ; je ne l’ai guère observée dans le département du Nord , mais d’après Mar¬ cotte [Animaux vertébrés de V arrondissement d'Abbeville) elle est sédentaire dans la forêt de Crécy , et d’après Degland, dans la forêt de Mormal, ce qui aurait peut-être besoin de confirmation.

Le Bruant proyer est une de ces espèces qui émigrent, mais qui laissent derrière elles quelques individus. Chaque hiver, on en trouve dans les paquets d’Alouettes qui arri¬ vent à Lille de Calais et de Dunkerque au moment des neiges. Il parait au reste nicher moins volontiers dans nos plaines qu’autrefois.

Le Bouvreuil, quoiqu’il niche encore chaque année dans quelques-uns de nos bois , entr’autres à Hollebeke (Bel¬ gique) , devient de plus en plus rare en automne et en hiver. Les oiseleurs ne le prennent plus qu’accidentelle- ment , mais , même à l’époque il était plus commun, ses apparitions d’hiver étaient plutôt de petits passages suc¬ cessifs que des séjours prolongés.

La seconde catégorie de notre ornithologie locale com- prend les séjournants , 54 espèces. La plupart sont des oiseaux qui arrivent dans le Nord pour y nicher et y élever leurs jeunes, et qui vont ensuite passer la mauvaise saison dans des climats plus méridionaux ; quelques-uns font le contraire : ils viennent du Nord en automne et passent l’hiver ici , tels sont la Corneille mantelée et le Pinson d’Ardennes.

Voici ces cinquante-quatre espèces.

Hobereau (Dendrofalco subbuteo , Bp.) Emérillon

355

[Æsalon lithofalco , Kaup.) Busard Saint^Martin {Stri- giceps cyaneus , Bp.) Busard moutagu {Strigiceps cine- rascens , Bp.) Moyen-duc [Otus vulgaris , Flém.) Engoulevent [Caprimulgus europœus , Lin.) Martinet noir (Cypselus apus, III.) Coucou (Cuculus canorus , Lin.) Pic épeiche {Picus major , Lin.) Pipit des prés (Anthus pratensis , Lin.) Pipit des arbres (Anthiis ar- boreus, Lin.) Bergeronnette printanière {Budytes flava^ Bp.) Bergeronnette grise (Motacilla alba^ Lin.) Grive vulgaire (Turdus musiciis , Lin.) Rousserolle tur- doïde (Calamoherpe turdoïdes , Bp.) Effarvatte [Cala- moherpe arundinacea^ Boié.) Verderolle [Calamoherpe palustris , Boié.) Phragmite des joncs {Calamodyta phragmitis ^ Bp.) Phragmite aquatique [Calamodyta aquatica. Bp.) Hypolais contrefaisant [Hypolais sali- caria^ Bp.) Pouillot fitis (Phyllopneuste trochilus, Beg.)

Pouillot veloce (Phyllopneuste rufa , Lin.) Pouillot siffleur [Phyllop. sibüatrix ^ Bp.) Fauvette babillarde [Sylvia curruca^ Lath.) Fauvette grisette (Sylvia cine- rea , Br.) Fauvette des jardins [Curruca hortensis) Penin.) Fauvette à tête noire [Curruca atricapilla , Br.)

Rossignol [Philomela luscinia^ Br.) Rouge queue des murailles (Ruticilla phænicura , Bp.) Rouge queue tythys (Ruticilla erythaca^ Bp.) Tarier (Pratincola ru- betra, Kaup.) Gobe-mouche gris [Butalis grisola, Boié.)

Hirondelle de cheminée (Hirundo rustica , Lin.) Hirondelle de rivage [Cotyle riparia , Boié.) Hirondelle de fenêtres [Chelidon urbica, Boié.) Pie grièche rousse [Enneoctonus rufus^ Boié.) Pie grièche écorcheur [Enn. collurio, Boié.) Corneille mantelée [Corvus cornix , Lin.) Loriot [Oriolus galbula , Lin.) Bruant des ro¬ seaux (Schœnicola arundinacea. Bp.) Bruant ortolan [Emb. hortulana ^ Lin.) 'Bruant zizi [Emb. cirlus, Lin.)

oo6

Pinson d’Ardennes (F7’m^t7/a montifiingilla^ Lin.) Tarin [Chrysomitris spinus, Boié.) Tourterelle des bois (Turtur auritus , Ray.) Caille [Coturnix communis, Bonn.) Marouelte vulgaire {Porzana maruetta, Gr.) Marouetle de Bâillon (Maruetta pygmœa. Bp.) Raie de genêt {Ortygometra crex, Gray.) QEdicnème criard (Œdicnemus crepitans ^ Temon.) Vanneau huppé {Va- nellus mstatus , Lin.) Pluvier à collier interrompu (Charadrius cantiamts , Lath.) Pluvier à collier [Chara- drius hiaticula , Lin.) Blongios {Ardeola minuta Bp.)

Le Hobereau ne niche que rarement ici ; j’en ai observé une nichée de trois jeunes , il y a quelques années , à Ques- noy. Je n’en connais pas de capture faite l’hiver ; néanmoins M. Marcotte l’indique comme sédentaire dans l’arrondisse¬ ment d’Abbeville.

Le Busard Saint-Martin est aussi assez rare au moment de la reproduction ; il a niché quelquefois aux environs de Lille , plus souvent dans les marais qui longent les côtes maritimes du Pas-de-Calais ; ce n’est cependant pas une espèce exclusivement marécageuse : dans le centre de la France il niche quelquefois dans des bruyères très-sèches.

Le Moyen-duc, que je range parmi les séjournants, pour¬ rait à la rigueur être placé parmi les sédentaires et aussi parmi les passagers ; mais ses captures d’hiver sont si rares que je les regarde comme exceptionnelles , au moins dans notre département. En revanche son passage d’automne , en bandes quelquefois nombreuses , est assez régulier.

Le Pic épeiche qui niche fréquemment ici, nous quitte-t-il régulièrement l’hiver ? Je le crois , cependant il est signalé comme sédentaire à Abbeville.

L’Hypolais polyglotte ou lusciniole {Hypolais polyglotta , Bp.), longtemps si mal connu, et qui est encore aujourd'hui une pierre d’achoppement pour bien des naturalistes , doit

oo7

être rayé de la liste des séjournants je l’avais mis en 1865. Ses apparitions sont accidentelles. Je crois en posséder les œufs , trouvés à Quesnoy , mais n’ayant pas vu l’oiseau qui les avait pondus , je ne puis les rapporter à cette espèce que d’après la description des auteurs. Cette nidification serait d’ailleurs un fait isolé.

Le Bruant zizi pourrait être regardé comme sédentaire , au même titre que le Proyer , car il se prend quelquefois en hiver, mais je crois ces captures moins fréquentes. Cet oi¬ seau affectionne certains cantons il revient nicher exclu¬ sivement à d’autres qui paraissent être dans les mêmes con¬ ditions. Je n’en ai jamais vu autour de Lille au printemps , tandis qu’ils sont communs aux environs de Saint-Omer.

Le Raie ou la Marouette poussin se reproduit si peu régu¬ lièrement dans le Nord, qu’il faut, je crois, la retrancher de la liste des séjournants je l’avais mise, pour la placer parmi les passagers. Plusieurs autres espèces d’échassiers s’éloigneront ainsi progressivement à mesure que le dessè¬ chement des marais s’étendra de plus en plus.

Il faudra sans doute aussi rejeter bientôt parmi les passa¬ gers rCEdicnème criard; il a disparu de la localité qu’il affectionnait le plus dans nos environs, cette fameuse plaine de Lens, longtemps si célèbre par l’abondance de son gibier, aujourd’hui envahie par les houillères et les oiseaux sont moins nombreux que les mineurs.

( La suite au prochain numéro.) A. DE Norgüet.

CHRONIQUE

Arelicologic préhistorique. Atelier de l’âge de la pierre polie. M. Laloy, d’Haubourdin , vient de trouver près de la citadelle d’Arras , entre les routes de Doullens et d’Arras, de nombreux débris de silex taillés.

358

Quelques-uns ont la forme de lance , caractéristique de l’époque de la pierre polie ; et, d’ailleurs , un fragment a été parfaitement poli.

IVlétéorologie. OCTOBRE

1870

Température moyenne . 10.° 36

ï » des maxima . 14.® 12

» » desminima . 6.° 60

* extrême maxima , le 2. . 20.” 70

» » minima , le 12 . 3.° 00

Baromètre hauteur moyenne à 0.° _ 7S5“™090

» hauteur extrême maxima, le 1 . . 773“"‘60 » r> ï minima, le 23. 737“”13

Tension de la vapeur atmosphér . 7“"’47

Humidité relative moyenne ®/o . 81.00

Epaisseur de la couche de pluie . 166"‘'"35

ï de la couche d’eau évaporée. . 43T"’91

OCTOBRE année moy.

11.0 44

757r 913

8””‘49 83. 38 67^75 4ir99

Le manque de pluie qui se faisait sentir depuis le 18 sep¬ tembre ne cessa que le 8 octobre, mais dès ce moment la chùte d’eau météorique fut presque continue jusqu’à la fin du mois.

L’épaisseur de la couche d’eau recueillie en 21 jours fut de 166.“® 33. Jamais, depuis vingt ans, il n’était tombé autant de pluie en un mois.

La quantité de vapeur d’eau dissoute dans lair était énorme , car la hauteur moyenne du baromètre fut de l.““ 823 inférieure à la moyenne générale d’octobre et de 4.““ 321 à la moyenne annuelle.

Cependant, à la suiface du sol, malgré les nombreux brouillards (27) et les rosées fréquentes (22), l’air fut moins humide qu’il ne l’est ordinairement pendant ce mois : aussi l’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut-elle un peu plus grande qu’en octobre année moyenne.

Cela lient à l’intermittence de la pluie et de la sécheresse du vent qui produisit les tempêtes des 12 , 13 , 16 et 23.

559

L’énorme quantité de vapeur d’eau répandue dans l’air y amena une masse d’électricité qui se manifesta par les grandes condensations des 20 , 26 et 31 , les tempêtes pré¬ citées, les éclairs sans tonnerre des 23, 26, 27, 28, la grêle du 28 , les aurores boréales des 24 et 23 , et au point de vue physiologique par l’exacerbation de toutes les dou¬ leurs nerveuses. V. Meurein.

Qéoloj^ie. Terrain silurien du Boulonnais. « Un son¬ dage exécuté àCaffiers vers 1834 a rencontré, au lieu du ter¬ rain houiller, des schistes phylladiformes contenantdes em¬ preintes que l’on a rapportées avec doute à des graptolites (^). Ces schistes ont été classés , par M. Marchison , dans le terrain silurien et M. Gosselet les a considérés comme le prolongement de la bande silurienne de Gembloux, tout en disant que les échantillons recueillis au moment du sondage n’étaient pas assez bien conservés pour que l’on put les déterminer même génériquement. Plusieurs géologues ont au contraire rattaché ces schistes au terrain dévonien supé¬ rieur. M. Triger qui a exploré, en 1867, les terrains paléo¬ zoïques du Boulonnais et qu’une mort si imprévue a enlevé avant qu’il ait eu le temps de publier ses observations , a retrouvé, dans les déblais dupuits de Caffiers, des graptolites et j’ai moi-même recueilli, au même endroit, des exemplaires très-nets dans lesquels M. de Verneuil a reconnu le grap- tolytes colonus û\i terrain silurien moyen de Bohême. C’est donc bien à ce terrain qu’appartiennent les schistes de Caf¬ fiers. y> ( Communication de M. Ed. Pellat à la Société géo¬ logique de France , dans la séance du '^0 juin 1870 ).

J. G.

(b Les graptolites sont des fossiles de nature fort problématique; on les rapproche des sertulaires ou nicduses coralliformes. Ils sont caractéristiques du terrain silurien moyeu.

360

IWoovelles «Ses Seiences et des Lettres.

L’Académie d’Arras n’ayant pu tenir de séance publique cette année à cause des événements , et ses divers concours étant terminés depuis longtemps , elle a procédé le 21 octo¬ bre à l’ouverture des plis cachetés , et les lauréats ont été proclamés ainsi qu’il suit :

Histoire. M. Louis Gavrois , auditeur au Conseil d’Etat, médaille d’or de 100 francs pour son travail sur Jean de la Vacquerie, sujet proposé par l’Académie.

Mémoire hors concours. M. Ad. de Cardevacque , médaille d’argent à titre de mention et encouragement , pour son Histoire des évêques d’Arras.

Poésie. M. Delphis de la Cour, à Loches, médaille d’argent, constatant une mention , pour sa pièce de poésie ntitulée : Souvenirs de Couzières.

Peinture. M. Dubois , artiste peintre à Arras, prix inté¬ gral de oOO francs , fondation d’un membre de l’Académie.

Faculté «les IScieoceis de Lille. [Cours publics du 2Jremier semestre 1869-70 ouverts le l.®*" Décembre 1870).

Mécanique rationelle mardi et samedi à neuf heures : M. Guiraudet , professeur , exposera les principes de la dynamique ; il traitera principalement du mouvement d’un point et de la statique. Astronomie descriptive , les mer¬ credis à huit heures du soir : M. Guiraudet , professeur , continuera à exposer les faits principaux de l’astronomie.

Physique , les lundis et vendredis à huit heures du

soir : M. Hanriot , professeur , traitera de l’acoustique et de l’optique. Chimie , les mardis et jeudis à huit heures du soir: M. Ch. Viollelte , professeur, traitera de la chimie minérale. Zoologie , les mardis et jeudis à six heures et demie du soir: 31. Dareste de la Chavanne, professeur , traitera de la reproduction et du développement des ani¬ maux. Minéralogie , les mercredis à cinq heures : M. Gosselet , professeur , traitera des métaux et des minerais métalliques. Géologie , les samedis à huit heures du soir: 31. Gosselet, professeur, traitera de la constitution géolo¬ gique du département du Nord et des pays voisins. Litté¬ rature française , les mercredis à six heures et demie : Histoire, les samedis , à six heures et demie. Dessin ap¬ pliqué aux Arts industriels , le dimanche à huit heures et demie du matin. Gérant : E. Gastiaux.

TYP. DE BLOCQIIEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2/ Année. N.° 12. Décembre 1870.

TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.

SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE LA MORINIE.

Travaux courants.

Nous avons rendu compte (Bulletin , 1. 1 , p. 249) du xiii.® volume des Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie dans lequel le Dictionnaire topographique de Var- rondissement de Saint-Omer ^ rédigé par feu M. Courtois, occupe une grande place. Ce volume était imprimé et livré au public lorsqu’un heureux hasard fit découvrir, dans les papiers du défunt, Vîntroduction qu’il se proposait de placer en tête de son travail. Cette introduction, que la Société de la Morinie vient de publier et de distribuer à ses corres¬ pondants pour être insérée en son lieu dans le t. xiii des Mémoires , se compose de trois parties : la l."® traçant le plan du Dictionnaire topographicjue ; la 2.™® fournissant l’indication bibliographique des sources ; la 3.*"® contenant une Notice géographique sur V arrondissement de Saint- Omer.

Nous extrayons de celle-ci les principaux passages:

L’arrondissement de Saint-Omer correspond à peu près au centre et au nord du Pagus Taruennensis ou Thérouen- nais , dont Thérouanne , la cité des Morins, était le chef- lieu. L abbaye de Saint-Bertin est encore désignée, dans une charte du roi Lolbaire de 962, comme étant située in pago Taruenensi. Ce pagus faisait partie de la Regio Taruennica qui, avec la Flandre et la cité de Boulogne , composait la Marche ou marquisat, Marka, prématurément désignée par les historiens postérieurs sous le nom de comté de Flandre. C’est seulement après la mort d’Arnould le Vieux (964) et pendant la minorité de son petit-fils Arnould le Jeune , que la Marche a été démembrée et qu’on voit se former , à ses

362

dépens, les comtés de Boulogne, de Saint-Pol et de Guînes, ainsi que le temporel de l’évêché de Thérouanne. Par suite, la partie de la Marche qui était restée à Arnould le Jeune commença à être désignée de son côté sous le nom de marquisat ou comté de Flandre, Par suite encore, les deux villes de Saint-Omer et d’Aire qui étaient membres de ce comté devinrent les chefs-lieux de deux châtellenies, c’est- à-dire de deux grands fiefs dominants dont relevaient les domaines particuliers compris dans leurs circonscriptions : Castellania Sancti Audomari memhrum fuit Flandriæ.

Ici se présente une question qui paraît avoir échappé à tous les historiens. C’est celle de savoir pourquoi et com¬ ment la ville de Thérouanne , le chef-lieu de la Morinie , dont le Boulonnais , le Ternois , le Thérouannais et le Mempiscon (les arrondissements de Dunkerque et d’Ha- zebrouck et la partie de la lisière de la Belgique sont les villes d’Ypres , de Nieuport et de Fumes) n’étaient que les cantons , n’est pas restée du moins le chef-lieu du Thé¬ rouannais , comme Boulogne et Saint-Pol sont restés ceux du Boulonnais et du Ternois.

La cause de cette anomalie , de celte exception la voici :

Thérouanne était la ville épiscopale de la Morinie.

Or, d’après le principe de l’hérédité des fiefs ou bénéfices , proclamé par la révolution féodale , sanctionné par l’avé- nement au trône de Hugues Capet et passé , au xi.® siècle , à l’état de fait accompli , la ville épiscopale de Thérouanne fut considérée comme un fief de l'évêché , comme une sei¬ gneurie particulière relevant du comte de Flandre. Il en fut de même de toutes les possessions qui appartenaient à l’église et au chapitre.

Les comtes de Flandre , tout en respectant cet état de choses établi par l’usage, ne laissaient pas que d’exercer leur droit de suzeraineté sur la ville de Thérouanne , en intervenant notamment dans les élections d’évêque , qui se faisaient parle haut clergé du diocèse, joints à eux les ha¬ bitants de Thérouanne eux-mêmes. Afin de se soustraire à cette sujétion, l’évêque Milon II s’était adressé au roi de France , Louis VI , et il en avait facilement obtenu , en 1156, des lettres d’amortissement qui consacraient la liberté de l’église de Thérouanne et mettaient toutes ses possessions sous la protection royale. De le titre de Régale de Thé¬ rouanne qui prit , dès lors, la circonscription territoriale qui formait le temporel de l’église cathédrale des Morins

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et de l’évêché. De aussi le droit de souveraineté directe qu’exercèrent toujours les rois de France sur Thérouanne et sur le territoire qui en dépendait.

Ces faits nous expliquent à suffisance pourquoi la ville de Thérouanne , malgré son titre de cité , s’est trouvée tout à coup déchue même de celui de chef-lieu de l’ancien Thé- rouannais.

Puisque nous en sommes aux études topographiques sur l’ancienne Morinie , disons un mot du Mémoire sur le Pagus Bononensis et le Pagus Teruanensis que M. A. Longnon publiait naguère dans le 2.® fascicule de la Bibliothèque de VEcole des hautes Edudes, pour faire suite à ses précédentes recherches sur divers pagi de la Gaule. Ce travail nous a été signalé par une remarquable analyse qu’en a donnée M. Giry , ancien élève de l’Ecole des Chartes , dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de la Morinie (Juillet- Décembre 1869). M. Giry est mieux à même que personne de nous initier à la pensée de l’auteur qu’il résume. Ses longs séjours à Saint-Omer, ses travaux d’exploration dans les archives de cette ville, l’ont familiarisé avec la topo¬ graphie du pays : ils lui fournissent le moyen de contrôler, de rectifier au besoin les assertions de M. Longnon.

M. Longnon commence par dégager l’une de l’autre les deux cités de Boulogne et de Thérouanne.

Neuf documents antérieurs à l’an mil l’aident à recons¬ tituer le Pagus Bononensis et lui permettent d’attribuer à ce territoire les localités suivantes :

1. ° 776, Loningaheim, Leulinghen, canton de Marquise.

2. ® 807 , Gisna ^ Guines ; Totingetun super fluvium Wasconingawalay Todincthun, hameau d’Audinghem, sur le ruisseau qu’on appelle t ru de Guiptun ; * Ecloum , Eclemy, hameau de Sanghen.

3. ® , Curmontium super fluvium Edivinia , Cor-

mont sur la Dordonne.

4. ® 853, Mighem^ Inghem, hameau de Terdinghem ; Cafitmere , Caffiers.

364

5. ° 863 , Diortcaldingaiiin , Wadenthun , hameau de SainMnglevert.

6. ° 867, Quertliaco ^ Clerques; Broma, Brèmes; Min- thiaco super fluvio Elna ^ Menlque sur l’Hem, affluent de l’Aa ; Uphem super ^uvium Helicbruna, lieu indéterminé sur le ruisseau du A\Mmereux ; Wileria , Wierre-Effroy.

7. ° 868, Walhodeghem \ probablement Outreau ; Wacho- nisvillare, Le Wast ; Turbodinghem, Turbingen, ferme de la commune d’Outreau ; HeiHngen , lieu inconnu.

8. ® 917 , Atliniacum , Autingues ; ISigella, ISielles-lez- Ardres.

9. ® 962 , Wachimmllare , encore Le Wast.

Nous laissons à notre savant confrère , M. Haigneré , le soin de se prononcer en dernier ressort sur la valeur de ces attributions. (^)

M. Longnon , après avoir épuisé toutes les questions relatives à la géographie du pagus Bononensis, s’applique à * déterminer les localités comprises dans le Teruanensis pagus. Il se trouve d’abord en face de la célèbre donation d’Adroald en 648. M. Giry fait remarquer qu’on ne s’est pas assez préoccupé jusqu’ici de faire rentrer les villages primitivement donnés à Saint-Bertin dans les limites ter-

(1) Toutefois exprimons, dès maintenant, une surprise et un regret. M. Longnon, qui cite avec des égards mérités le travail de l’archiviste de Boulogne sur l'existence d’un siège épiscopal en cette ville avant le vu.* siècle, parait ignorer que le m('me érudit a composé un Dicïionmire topographique de VarrondUsemenl de Boulogne, qui a obtenu le second prix en 1861 au Concours de la Sorbonne : il ne semble pas connaître davantage le travail analogue auc;ucl M. Courtois s'est livré pour l arrondissement de Saint-Omer et qui a valu à son auteur une mention honorable au Concours de 1863; ce dernier ouvrage est, depuis l'année dernière, entre les mains du public. Nous ne dou¬ tons pas que si M . Longnon se lût m.'.s en rapport , en temps utile, avec ces deux topographes dont le nom a acquis une légitime autorité , il n’eût modifié la rigueur du jugement qu'ii porte sur les attributions de lieux O proposées par les érudits de la contrée, » attributions qu’il déclare très-inlérieures à celles adoptées parM. Le Prévost dans sa Table du Carlulaire de Saint-Bertin. Si M. Longnon veut faire ici allusion aux travaux de feu M. Harbaville et des rares survivants de son école , nous sommes prêt à lui donner raison ; mais nous pensons qu'il aurait tort d'envelopper dans la même condamnation les deux répertoires, de date encore récente , que nous venons de lui signaler.

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ritoriales que leur assigne la charte du donateur. Auchy , Fontaine-lez-Hermans , Landrethun sont, suivant lui, trop éloignés de la villa de Sithiu pour avoir jamais pu faire partie de ses dépendances. M. Longnon traduit Wiciacum par Wisques , Tatinga villa par Tatinghem, Alciacum par Zudausques. M. Giry accepte ces attributions et, après en avoir discuté quelques autres, il conclut comme suit :

Quand on est absolument sûr de quatre des localités de la charte : Saint-Omer , Wittes , Zudausques , Tatinghem , et qu’on a parcouru à pied leur territoire , on peut parfai¬ tement par la pensée reconstituer ce domaine d’Adroald donné à Saint-Bertin ; on en mesurerait presque la con¬ tenance. C’est une vallée qui s’étend le long du plateau des Bruyères qui domine Saint-Omer et dont le fond extrême était un peu plus bas que Longuenesse , l’endroit s’éta¬ blirent plus tard les Chartreux dits du Val Sainte-Alde- gonde. C’est dans ce territoire qu’il faut chercher tous les lieux désignés dans la donation.

M. Giry n’est même pas éloigné de voir dans Zudausques l’endroit a été donnée la charte d’Adroald : Actum Ascio villa dominicâ.

Vingt textes contenant des mentions de localités posté¬ rieures à la fondation de Saint-Bertin , et se renfermant dans un espace de trois siècles , (de 704 à 1002) , per¬ mettent à M. Longnon et, après lui, à M. Giry, de reconstituer intégralement le Pagus Teruanensis comme ils ont fait pour le Bononensis,

Ne pouvant discuter un à un chacun de ces textes, nous allons indiquer celles des attributions proposées par M. Lon¬ gnon qui s’écartent des interprétations admises par M. Le Prévost , dans la Table du Cartulaire de Saint-Bertin,

A. O 723. Strato : au lieu d’Estrée, canton d’Etaples , M. Longnon propose Austra, hameau d’Esquerdes. Leo- dringas mansiones: Lederzeele suivant M. Le Prévost; Ledringhem d’après M. Longnon, d’accord en cela avec M. Mannier.

566

A.° 800. Ascio super fluvio Widolaci : M. Longnon lient pour Aix-en-Issart plutôt que pour Aix-en-Ergny ; Aix-en- Issart est situé sur le ruisseau nommé actuellement Bras-de- Brône. Sanctum: M. Le Prévost ne savait s’il fallait in¬ terpréter ce nom ancien par Sains-lez-Fressin ou par Sains- lez-Pernes. M. Longnon se prononce pour Sains-lez-Fressin.

A.® 811. Bagingatun: M. Le Prévost hésitait entre Bainclhun ou Bayenghem-lez-Eperlecques. M. Longnon se prononce pour Baincthun.

M. Longnon définit trois autres localités anciennes dont M. Le Prévost renonçait à retrouver le nom moderne.

A.® 868. Humbaldingahem que M. Mannier traduit par Eblinghem (Nord) est, suivant M. Longnon, Boisdinghem (Pas-de-Calais).

A.® 877. Turringahem semble bien être, comme le dit M. Longnon, la même chose que Turnehem^ aujourd’hui Tournehem.

Vers 93o , Falcoberg , Fauquembergues.

M. Longnon s’abstient de définir les localités suivantes, qui , avant lui , à l’exception de la dernière, avaient arrêté également M. Le Prévost :

A.® 800. Hildwalcurt et Lonastum super fluvio Abbun- funtana : On a souvent inierprèié Lonastum par Loon, auquel cas le fluvius Abbunfuntana serait le Mardick.

A.® 867. Heingasele sur l’Tser. Mekeriæ, locus in pago Teruanense , infra Mempiscum. Pourquoi ne serait-ce pas Merckeghem , comme le veulent beaucoup d’auteurs ?

A.® 877. In pago Ternensi, in Menolvingahem... et in Vertuno. Vertuno , venant à la suite d’une assez longue énumération de localités, peut, à la rigueur, être considéré comme n’appartenant pas au pagus Ternensis : car il arrive souvent, dans ces sortes de dénombrements, que les pre¬ miers noms cités se trouvent seuls compris dans la circons¬ cription à laquelle on les rapporte. Le rédacteur de l’acte passe alors, par inadvertence et sans en prévenir son lec¬ teur , d’un pagus dans un autre. Si l’on admet que le cas s’est produit ici , on ne sera plus empêché d’assimiler Ver- tunum à Verlon , localité de l’ancien Ponthieu.

En dehors des documents renfermés dans le Cartulaire de Saint-Bertin , publié par Guérard , M. Longnon cite six

367

extraits de chartes sont mentionnées des localités appar¬ tenant au pagus Teruanensis.

A.® 831. Botritium, Bouret-sur-Canche.

A.® 877. Auciacum super finvium Wellula. M. Longnon adopte, faute de mieux, l’opinion de Malbrancq qui traduit par Auchy-au-Bois sur le ruisseau de La Laquette.

A. O 974. Botritium et Bollenicurtis : Bouret-sur-Canche et Rollencourt.

A. O 980. Rumingehem et Keremberg ; Ruminghem et

embergues , hameau de Nordausques.

A. O 982. Businghim , Boëseghem : l’église de ce village a encore aujourd’hui pour patron saint Léger, comme au temps de la rédaction de la charte qui nous occupe.

A. 0 1002. Terdenghem^ Terdeghem.

Les légendaires lui fournissent deux autres mentions :

1. ® Amaniacum [ex Miraculis S. Wandregisili.) Mencas, canton de Fruges , suivant M. Longnon.

2. ® Herlerum [ex Vita S. Walherti.) Les Bollandistes l’ont traduit par Herly , canton de Hucqueliers. M. Longnon croit que ce village , ayant été donné par S. Walbert à l’ab¬ baye de Luxeuil , a pris le nom de son donateur et est devenu Wambercourt.

Depuis que l’article qu’on vient de lire est rédigé , nous avons reçu de M. l’abbé Haigneré , archiviste de Boulogne, une série d’observations que nous croyons devoir reproduire ici , en leur conservant la forme épistolaire adoptée par l’auteur. Les numéros de paragraphes de la lettre M. Hai¬ gneré correspondent aux divisions du Mémoire de M. Lon¬ gnon sur le pagus Bononensis.

Les études de M. Longnon sont sérieuses; mais elles devaient être et elles sont nécessairement défectueuses et incomplètes. Je vais passer en revue celles de ses attributions qu’il est impossible d’admettre.

Pagus Boînonensis. 2.® Totingetun. Malgré la présence d’un Todincthun à Audinghem, je pense que l’alliance qui

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est faite de ce nom avec Gisna, par la conjonction sive, ne permet pas de les confondre. Totingetun doit être une loca¬ lité perdue , autrefois située dans le voisinage de Guines , sur l’un des cours d’eau qui sortent des marais ou des iva- tines (ivasconing) des environs. IVasconingaivala ne peut être le ruisseau de Guiptun (Gibbingatun des chartes d’An- dres). Ecloum aussi est perdu. Est-ce Eclémy-sur-Sanghen ? est-ce VEclogne, vulgairement les Clognes , sur Wirwignes ? je ne saurais le dire.

4.0 Quant à Cafitmere^ c’est Camiers , Casmera , Garnir, Caput Maris, des chartes de Saint-Josse et de Samer. Il y a une mœre , un étang , dont le nom se retrouve dans la formation de celui du village. Mighem est resté dans Le Minghem , terroir situé entre Camiers et Etaples, qui se re¬ marque sur les cartes dressées par M. Marguet, ingénieur de Boulogne, dans son rapport sur les fouilles de Quentovic.

5.0 Diorivaldirgatun est pris pour Verlincthun , par tous nos historiens boulonnais , à la suite de Malbrancq. Il a pourtant existé un hameau de Dirlinghetun, sur Hames- Boucres, et il en est parlé dans la chronique d’Andres. Wa- dentun n’a rien de commun avec ce lieu.

6.0 Quertliaco velBroma sive Menthiaco super fluvio Elna, c’est Carly et Menty sur la Liane, Menty, hameau de Ver¬ lincthun. Broma est perdu , à moins qiLon ne le retrouve dans quelqu’un des Bronne qui terminent le nom de localités environnantes , telles que Liemhronne, hameau de Tingry. Ai-je besoin de vous donner la preuve qu’E/na est la Liane? Beportez-vous à la Vie de saint Orner , vous trouverez (Ghesqüiére, Act. SS. Belg. t. ni, p. 626*627), que c’est le nom du petit fleuve qui à Boulogne se rend à la mer : Parvum [lumen quod accolœ nominatur ipsis in parlibus Elna... prædictus rivulus Elna intrat in mare. ElnafLi- vius est encore cité dans le diplôme de 1199 pour l’abbaye de Samer que Migne a publié dans le t. ccxvii de sa Patro- logie latine, p. 41. Uphem est la ferme d'Upen , fief ainsi désigné en 1553 dans un état des fiefs du Boulonnais iHupen), sur la commune de Wierre-Effroy. On l’appelle aujourd’hui le Paon, par corruption ; mais les paysans continuent de dire le Pen, quoique dans leur idiôme ils prononcent le nom de l’oiseau d 'Argus avec le même son qu’on lui donne en français. Dans leur idée , il n’y a donc entre ces deux mots aucune synonymie. H elichbruna est un des noms de la Slack, et Wileria n’est autre que Wierre-Effroy. Des titres de 1569

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que j’ai consultés dans les minutes de M.® Bary , notaire à Boulogne , mentionnent à Rety , à peu de distance de la ferme du Peu et près de la Rebertingue , un lieu de Helle- bronne vers lequel coulait un rieu qui partait du bois de Gontay.

7.0 Jfalbodeghem d’après les Bollandistes , JValbodin- gehem , d’après Mabillon {Act. SS. 0. S. B.) est le nom du hameau central de l’aggrégation de lieux-dits qui porte au¬ jourd’hui la dénomination générale d’Outreau , ( ultra aquam) , canton de Samer , près Boulogne. Ce nom existait encore dans les terriers du siècle dernier sous la forme Wa- binghen. Turbodinghem , aujourd’hui Turbinghen , ferme du hameau de la Salle , à Outreau , était tout auprès. L’église d’Outreau a perdre son vocable primitif de Saint-Quentin , pour prendre celui de Saint-Wandrille qui est venu éclipser son premier patron. La villa Heringem ne m’est pas connue : ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas ce que M. Longnon a cru lire sur la carte de l’Etat-major , dans la commune de Saint-Etienne, il n’y a pas Eringhen, mais Fnn^ùe/i , lieu appelé Froingehem en 1208 , dans la bulle d’innocent III pour Notre-Dame de Boulogne.

8.° L’/lf?miumdeCharles-le-Simple doit être Attin, elNi- gella n’est pas indiqué comme étant sûrement en Boulonnais, il y a cependant Nelles, près de Neufchâtel. Pourquoi ne serait-ce pas Noyelles (Tigny-Noyelles) , pas bien loin d’Attin ?

Pagus Terüanensis. Je ne m’étendrai pas autant sur ce second pagus , la matière m’étant moins familière. Tou¬ tefois, et puisque le regrettable M. Courtois n’est plus pour protester contre quelques-unes des assertions hasardées du jeune érudit parisien , je noterai les points suivants : Pourquoi Auslra plutôt qu’Etrehem? Il vaut mieux inter¬ préter Rumliacum par Remilly-Wirquin que par Rombly. Je repousse l’assimilation d' Humbaldingahem diYecBoisdm- ghem. Amaniacum ne peut être Mencas. H eiderum on mieux Herleium est bien Herly.

Vous me consultez aussi, mon cher ami, sur l’analyse qu’a donnée M. Giry du Mémoire de M. Longnon, analyse se rencontrent, à côté de vues très-souvent ingénieuses, certaines affirmations dont vous me permettrez de contester l’exactitude.

M. Giry insiste avec raison sur la persistance des anciennes

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divisions civiles , et il voudrait retrouver les limites du Pagus Bononensis en dehors de la circonscription civile de l’ancien Boulonnais. Je crois que rien n’autorise , au con¬ traire , à sortir de cette circonscription , si ce n’est pour Guînes, qui a en être détaché par Sifrid-le-Danois ; mais il n’y a pas lieu d’aller jusqu’à Ardres, et je penche à regarder la terre de Merck comme n’y ayant été jointe que plus tard. Aucune localité , citée comme étant du Pagus Bononensis, ne se trouve en effet, si ce n’est Totingatum sive Gisna , hors de l’ancien Gouvernement du Boulonnais, tel qu’il subsistait encore en 1789.

M. Giry commet une erreur qu’il faut lui signaler, lors¬ qu’il place à Remilly-Wirquin , un prieuré de l’ordre de Cluny , au xiii.® siècle. Ce prieuré, en effet, était à Ru- milly-le-Gomte, dans le canton d’Hucqiieliers, et il était déjà soumis à l’ordre de Cluny , lorsque, vers l’an 1125, le comte de Boulogne , Eustache III , s’y retira pour y mourir quel¬ ques années plus tard sous l’habit religieux.

Quant à Remilly-Wirquin, le patron de la paroisse était saint Orner, et le chapitre de la collégiale de ce nom y avait des dîmes dont il jouissait encore au xviii.® siècle, et dont il est fait mention déjà dans unecbarte de 1139. (V. Cour¬ tois.) Cela suffit pour présumer que , lors d’un partage entre l’abbaye et le cliapitre. Remil ly ait pu être attribué à ce dernier. D’ailleurs la forme ancienne du mot est iden¬ tique : Rumeliaco.

J e trouve très-ingénieuse l’idée de rechercher dans la vallée de Sithiu la trace des localités mentionnées dans la charte d’Adroald ; mais cependant j’en suis détourné par cette con¬ sidération que les anciens fiefs avaient des dépendances souvent fort éloignées de leur chef-lieu. Par exemple , la baronnie de Bellebrune, une des douze de l’ancien comté de Boulogne , avait des arrière-fiefs situés à de grandes dis¬ tances , puisqu’on en retrouve à trois lieues de là, dans la vallée de Billioville , prés Boulogne, et que la seigneurie de Zoteux, à 6 kilomètres d’Hucqueliers , en était une dépen¬ dance.

L’ancienne châtellenie de Fiennes comptait. un grand nombre d’arrière-fiefs , disséminés sur tous les villages qui s’étendent depuis celte localité jusqu’à Wimille , près Bou¬ logne. Le fief de la Maréchalerie du Boulonnais étendait sa juridiction sur diverses terres , depuis Conteville jusqu’à Neufchâtelo

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S’il en était ainsi des possessions des petits hobereaux de notre ancien comté ; si le fameux Goibert englobait dans ses propriétés des villages qu’il faut aller chercher depuis les bords delà Canche jusque sur le territoire belge, pour¬ quoi les appartenances 'de la seigneurie de Sitbiu ne se seraient-elles pas étendues jusqu’à Frencq , dont on s’est accordé jusqu’ici à faire le Franciliaco de la charte d’Adroalcl ? Pourquoi n’y comprendrait-on pas Rumilly-Ie- Comte , si on le veut , comme il semble assez qu’on doive le faire, d’après ce qui en est dit dans le cartulaire de Simon, touchant les démêlés desBertiniens avec les Cluni- siens ? Allons plus loin : }!asto n’est-il pas pour Wasto , ce Wachimvillare que nous retrouvons entre les mains des Bertiniens au x.® siecle, lorsque l’abbé Ragenold y va purger son elephantiasis ? Pourquoi Laudardiaca même ne deviendrait-il pas le Laudacj^e d’Hesdin-l’Abbê, Hisdennel^!) passé plus tard aux mains des abbés de Samer ?

Je vous livre ces réflexions pour ce qu’elles valent; mais, puisque l’occasion s’en présente , je ne crois pas inutile de les jeter au vent de la discussion.

Agréez, etc. D. Hâigxeré.

Nous accueillons avec bien du plaisir les remarques de M. Haigneré , ne désirant rien tant que de voir notre Bulle¬ tin , quand nous serons sortis des graves préoccupations ac¬ tuelles, devenir un lieu de rencontre les hommes d’étude échangeraient leurs vues sur les divers points d’érudition intéressant l’histoire de la contrée. A. Desplanqüe.

BIBLIOGRAPHIE.

JEAN BART,

So7i influence , son époque , par le docteur A. Lebleu, de Dunkerque. P)

On est toujours sûr d’être bien accueilli du public , lors¬ qu’on a à lui parler de Jean Bart. Peu de noms sont envi-

(1) Br. in-8.° de 130 p. Dunkerque, Kien, 1870. Cette étude est destiné à figurer dans le t. xv des Mémoires de la Société dun- herquoise.

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ronnés d’une popularité aussi étendue , aussi légitime, et peu d’époques ont été , au même degré que la sienne , mar¬ quées du sceau de la vraie grandeur. Les épreuves du temps présent nous aident à mieux comprendre combien fut large, prévoyante et élevée , la politique extérieure de Louis XIV ; elles donnent ainsi un surprenant caractère d’actualité à l’étude de M. A. Lebleu sur Jean Bart.

M. A. Lebleu est frère de l’ancien commandant du Génie dont nous signalions ici même , l’année dernière (voir Bul¬ letin, t. I, p. 143), \di Notice historique sur Dunkerque. M. A. Lebleu a traité , avec tous les Séveloppements néces¬ saires , le plus important chapitre du sujet si heureusement esquissé dans son ensemble par M. son frère. L’auteur de la nouvelle étude sur Jean Bart ne se borne pas à résumer tous les faits positifs qu’on a recueillis sur la carrière deTillustre marin. Ils applique à le replacer dans son milieu historique ; sans se laisser aucunement dominer par la doctrine du fata¬ lisme des races , il étudie physiologiquement et moralement les origines de son héros. Le père et le grand-père de Jean Bart furent tous deux corsaires et tous deux moururent de blessures qu’ils avaient reçues en combattant contre les Anglais. Sa grand’mère était Agnès Lacobsen , fille du glo¬ rieux capitaine du Saint-Vincent , qui , enveloppé par huit navires hollandais , fit sauter son vaisseau plutôt que de se rendre.

N’est-il pas vrai qu’ici le caractère des ancêtres explique celui du descendant ? Quand on sait de qui Jean Bart était fils et petit-fils, on n’en est plus à se demander il avait puisé ses trésors d’énergique audace , de mâle fermeté.

L’année 16o0, date de la naissance de Jean Bart, est , comme l’observe M. Lebleu, un moment solennel dans l’histoire. Elle vit naître Guillaume d’Orange à la marine duquel le héros dunkerquois devait porter de si terribles

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coups : elle vit Louis XIV s'acheminer vers sa majorité ; elle ménagea enfin la transition entre la première et la seconde moitié du siècle, si différentes l’une de l’autre. Dans la pre¬ mière, Richelieu et Mazarin posent laborieusement les fon¬ dements de notre grandeur nationale. Dans la seconde , Louis XIV , recueillant le fruit de leurs efforts , impose à l’Europe, comme un double fait accompli, la prépondérance de la couronne de France, l’abaissement de la maison d’Autriche.

Pour le précis de la vie et des exploits de Jean Bart, M. Lebleu s’en rapporte volontiers à la Notice de M. Van- derest. Il ne fait qu’un reproche à son estimable devancier : c’est d’avoir admis, dans son livre, à côté de faits de guerre avérés , indiscutables , des anecdotes dénuées de preuves, souvent grotesques , et qui tendent à faire disparaître le grand homme dont la vie est acquise à l’histoire, sous le héros de je ne sais quelle épopée burlesque. Ces anecdotes, mises en circulation par les Mémoires de Forhin perce à l’égard de Jean Bart une mesquine jalousie , reprises et amplifiées 150 ans plus tard, par le fantaisiste Richer, accréditées auprès de nos contemporains par Eugène Sue , paraissent à M. Lebleu éminemment suspectes. Elles ca¬ drent mal avec ce qu’on sait , par ailleurs , du caractère modeste et réservé de Jean Bart, de ses vertus domestiques et de ses sentiments religieux. L’historien dunkerquois Faulconnier et le poète flamand De Swaën , qui tous deux l’ont connu de près , nous le dépeignent tout autre qu’on ne l’entrevoit à travers les brumes de la Légende française. (*)

{}) Nous disons la Légende française ; car , dans la Flandre espa¬ gnole , il s’en est formée une autre d’un tour plus sombre et dont le fond semble emprunté au mythe germanique du Vaisseau-Fantôme. Ecoutons à cet égard M . L . de Baecker , {Mémoires de la Société dunker- quoise, années 1854-1855, p. 380.) « A Wenduyne (Belgique) le long des côtes, entre les dîmes et le Graef-Jansdyck, il se trouve quelques huttes habitées par des pêcheuses de grenades. Ces bonnes femmes

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Non , Jean Bart ne fut pas le grossier capitan qu’on se figure. Sans doute, ce rude marin , ce flamand flegmatique, put se trouver dépaysé parmi les courtisans de l’OEil de bœuf; mais il ne commit, dans rantichambre du Roi, aucune des inconvenances qu’on lui prête. Louis XIV, qui se connaissait en hommes et qui haïssait d’instinct les « magots de Téniers, » n’eût pas eu pour notre compatriote les délicates attentions qu’il lui témoigna: il l’eût payé en monnaie plus grossière , s’il eût jugé que ses manières fissent sérieusement tort à son caractère.

M. Lebleu s’inscrit contre la double qualité de t simple pêcheur » et de c génie de second ordre » que la plupart des biographes appliquent à Jean Bart. Nous savons déjà quelle était sa naissance : elle le plaçait hors de la classe du peuple , dans les rangs de la bonne bourgeoisie dunker- quoise. Les deux unions qu’il contracta successivement le maintinrent dans cette catégorie sociale. Sa seconde femme appartenait à la famille Tugghe sur laquelle un autre his¬ torien duiikerquois , M. Cartier, prépare une utile notice.

Engagé , comme simple mousse , dès l’âge de douze ans, dans la marine hollandaise, Jean Bart avait trouvé le temps de s’y faire distinguer par le célèbre amiral Ruyter, mais non d’acquérir une instruction régulière.

Il ne manquait pourtant pas de connaissances mathéma¬ tiques. Il parlait le flamand , l’anglais , peut-être aussi le norwégien , et c’était précisément sa familiarité avec ces diverses langues qui nuisait à son français. Aux archives de

racontent aux étrangers qui visitent ces parages , qu’il leur est arrivé plus d’une fois de voir, la nuit , errer sur les flots un navire de feu. Elles disent que ce vaisseau est celui que montait Jean Bart, l’illustre marin, lorsqu’il battait ses ennemis , et que cette apparition est son ombre qui parcourt le théâtre de ses anciens exploits. Elles préten¬ dent que ce fantôme est parfaitement reconnaissable : car l’ombre de sa forte stature est dessinée par les flammes da navire qui serpentent et ondoient autour d’elle; Cette tradition ne prouve -t-elle pas l’épou¬ vante qu’a laissée le nom de Jean Bart dans ce pays ? »

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la Marine , on ne conserve guère de lui que des signatures, pas plus mal tracées, du reste, que celles de ses glorieux contemporains, Duquesne, Saint-Pol et autres, qui, comme lui , dictaient toutes leurs lettres ou notes de service.

Nous savons maintenant à quoi nous en tenir sur la vile extraction et l’ignorance crasse dont les historiens d'une certaine école font autant de titres de gloire pour Jean Bart. Nous allons voir que l’homme privé n’avait rien de vulgaire. Le désintéressement et la modestie formaient les deux bases essentielles de son caractère. Celui qui donna de si grands développements à la guerre de course , et qui aurait pu légitimement s’attribuer une part importante de tant et de si riches captures, mourut pauvre, ou, du moins, sans avoir sensiblement accru sa fortune patrimoniale. Chose non moins remarquable ! Le héros qui jamais ne trembla devant l’ennemi et qui , suivant la remarque de M. Lebleu , exerçait sur ses compagnons d’exploits ce solide ascendant que donne seule l’habitude de se commander à soi-même, ce foudre de guerre, rendu à ses amis, à sa famille , devenait d’une timidité, d’une douceur presque enfantines , à moins que ses devoirs de citoyen ou de père ne l’obligeassent à se montrer rigide. Quand on le félicitait des succès de sa carrière , il les attribuait à sa bonne for¬ tune, ou mieux encore à la protection divine. Il offrait à la Sainte Vierge les pavillons qu’il enlevait à l’ennemi : » Ver¬ tueux, dit De Swaën, causant familièrement avec tous, secourable aux indigents, il ne laissa jamais sortir quel¬ qu’un sans une satisfaction , sinon entière , au moins par¬ tielle.

Quand il était de loisir sur la terre ferme, il allait sou¬ vent passer des semaines entières avec sa femme et ses enfants chez son parent, le curé de Drincham, homme de mérite , avec qui il était intimement lié : « Je ne veux

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point vous être à charge , disail-il en arrivant, c’est moi qui ferai ici toute la dépense. > (M

Les sentiments religieux de Jean Bart ne peuvent faire doute pour quiconque examine la question sans parti-pris. Le célèbre marin n’eût pas été de son temps , de sa pro¬ vince et de sa ville, s’il n’eût professé pour le catholicisme un attachement sincère et pratique. Le curé de sa paroisse et quatre de ses notables concitoyens, consultés sur sa foi et sur ses mœurs , lorsqu’il s’agit de conférer à Jean Bart des lettres de noblesse , attestent que sa foi se traduit par des actes de piété , par la fréquentation des Sacrements. Ses mœurs, ajoutent-ils , sont en rapport avec la pureté de ses croyances.

Laissons l’homme privé et revenons à l’homme public , ou , pour mieux dire, à l’homme de mer. M. Lebleu trouve qu’on ne rend pas assez justice_ à Jean Bart lorsqu’on le considère comme un hardi et heureux aventurier , dans la tête duquel ne seraient jamais entrés aucun plan général, aucune conception grandiose. Après avoir justifié, au point de vue du droit des gens , la guerre de course telle que l’avait réglementée Louis XIV, après avoir surtout démontré que Jean Bart demeura constamment étranger aux basses cupidités et aux ruses perfides d’un forban, M. Lebleu prouve que le grand marin dunkerquois fit faire des progrès considérables, quoique peu remarqués, à cette branche im-

(q Un zélé chercheur, au savoir et l’obligeance duquel je ne recours jamais on vain , M. David , du Comité flamand de France, me communique sur ce curé de Drincham , une note ainsi conçue: « N. (Xicolas ou Xorberl) Bart fut vicaire de Brouckerke du 1 octobre 1675 au 13 octobre 1676. Le Cameracum chrislianum le dit curé de Drin¬ cham de 1677 à 1704. Il desservit accessoirement la cure d'Eringhem du 4 février au 5 mars 1690. Il remplit les fonctions de promoteur du district de chrétienté de '\Vatten, du 25 janvier 1680 au 4 juillet 1694. Il exerçait, depuis seize ans, celles de supérieur du séminaire de Cupere* à Bergues, lorsque la mort le surprit en cette ville, le 25 août 1720. »

37r

portante de l’art maritime. Jean Bart, suivant M. Lebleu, inventa la division de course :

Cette division de course consistait en escadres de 6 à 8 frégates légères , fines voilières , d’une marche supérieure, à manœuvres faciles , armées d’un équipage nombreux et aguerri. Jean Bart pressentait fort bien les coups inces¬ sants et irréparables qu’il porterait au commerce ennemi, lui qui, d’une part, pendant son séjour chez les Hollandais, avait pénétré les secrets de leur commerce, et qui, de l’autre, depuis son retour à Dunkerque , avait étudié à fond , avec son tact de vieux pilote et sa grande mémoire locale , les faits nautiques ou astronomiques , les courants , les marées , les bancs , les rochers , les hauts ou bas-fonds de tous ces parages, et ce labyrinthe de passes que nous avons signalé en face de Dunkerque. C’est ainsi qu’il échappera insaisissable par la vitesse de sa marche ; harcelant sans cesse l’ennemi, tenant en échec des flottes de trente à qua¬ rante vaisseaux de guerre rendues impuissantes, et à travers lesquelles il s’esquivera audacieusement ; les intimidant même quelquefois le boute-feu à la main par une adresse plus grande encore, pour courir les mers , qu’il s’agisse de détruire les ennemis, ou d’assurer l’approvisionnement de la France.

Ce fut en 1691 que Jean Bart parvint à faire goûter au ministre Pontchartrain son système d’excursions maritimes. Dès lors , ses entreprises acquirent un degré d’importance et d’efficacité qu’elles n’avaient pas eu jusque-là. Par le rapprochement imprévu des faits et des dates , M. Lebleu prouve que la conclusion du traité de Ryswick, si avanta¬ geux pour la France, est due en grande partie à ce que Jean Bart tenait la mer du Nord. En ruinant dans ces pa¬ rages le commerce anglais et hollandais , il suscita indirec¬ tement les émeutes de Londres et d’Amsterdam. Quand le peuple de ces deux villes se sentit affamé , il voulut la paix à tout prix et il l’imposa à ses gouvernants.

N’est-ce pas un résultat vraiment digne d’admiration ? Si le chef de corsaires dunkerquois ne mit pas en ligne de

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bataille d’immenses flottes comme en faisaient manœuvrer, pour le compte du Roi, Tourville, Duquesne et d’Estrées , ne dépensa-t-il point, dans sa sphère d’action relativement obscure , nécessairement ingrate , un génie aussi inventif , aussi fécond que le leur ? Voilà pourquoi M. Lebleu ne se console point de voir son glorieux compatriote relégué au second rang parmi les grands hommes du xvii.® siècle. La fable et la comédie sont en elles-mêmes, dit-il, des genres inférieurs à la tragédie : La Fontaine et Molière ne sont-ils pas admis pourtant à marcher de pair avec Corneille et Racine?

Jean Rart, qui avait emprunté aux hollandais le secret de leur grandeur maritime et qui voulait y initier la France, fit école autour de lui, moins par ses enseignements que par ses exemples. Saint-Pol, de Tourouvre, Saus, Forbin aussi, furent ses élèves, comme lui-même l’avait été de Ruyter. Quant il mourut en 1702 dans sa ville natale , emporté par une pleurésie qu’il avait contractée au service du Roi, il eut la consolation de pressentir que son idée capitale lui survi¬ vrait. La guerre de course fut continuée après lui , avec des succès qui nous dédommagèrent en partie de la ruine de notre grande marine. Ces succès eurent une notable influence sur la conclusion du Traité d’Utrecht (^) qui sauva la France et lui donna ses limites actuelles (moins la Lorraine et les

(1) A propos des négociations qui précédèrent la conclusion du Traité d’Utrecht , M. Lebleu a écrit un chapitre trop intéressant pour que nous nous résignions à le qualifier de digression. L’auteur s’est surtout aidé, pour éclaircir ce point d’histoire* diplomatique, du livre de M. Marius Topin, intitulé L'Europe el les Bourbons sous Louis XIV. Dans ce livre, M. Topin , digne neveu de M. Mignet, a mis en pleine lumière le caractère du cardinal de Polignac, diplomate dont la dignité ferme et soutenue mérite d’être appréciée. Aux hollandais qui, lors des conférences de Gertruydenberg se montraient intraitables, il disait : « Vous parlez comme des gens qui n’êtes pas habitués à vaincre ! » et , plus tard , rompant toute négociation avec eux k cause de leur mauvais vouloir, il déclarait se placer, «lui et son roi , sous la protection du Dieu qui sait humilier , quand il lui plait , ceux qu’une prospérité inouïe aveugle ! »

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annexes récentes.) Les anglais ne mirent à cette paix qu’une condition sine quâ non : ce fut le démantèlement de Dun¬ kerque, ayant pour corollaire l’ensablement de son port. Pouvaient-ils convenir plus ouvertement du préjudice que Jean Bart et ses hardis compatriotes leur avaient occasionné, de la terreur que le souvenir de l’un et l’audacieuse ini¬ tiative des autres leur causaient encore ? Ce fut l’honneur de Dunkerque de servir , par son abaissement momentané, de rançon à la France ! A. Desplanque.

DIVISION DE LA CRAIE BLANCHE DU HAINAUT EN QUATRE ASSISSES

par MM. Cornet et Briart d)

Malgré la grande épaisseur de la craie blanche du Hai- naut (326 m. à Nimy) , on n’avait pu jusqu’à présent y établir de divisions. MM. Cornet et Briart, dont nos lecteurs connaissent déjà toute la sagacité , sont arrivés à résoudre ce problème géologique.

Ils ont divisé la craie blanche en quatre assisses qui sont de bas en haut :

1.® Craie de Saint-Waast qui contient dans le bas de nombreux rognons de silex , mais qui en est complètement dépourvue dans le haut. Elle renferme peu de fossiles sauf des polypiers dans sa partie supérieure. Son épaisseur est de 51 mètres au maximum.

2.0 La Craie d'Obourg qui contient par place de volumi¬ neux silex noirs. Elle est séparée de l’assisse inférieure par un conglomérat de fragments de craie roulés, de débris d’Inocérames et de poissons. Elle est divisée en deux parties inégales par un conglomérat de même nature ; son épais¬ seur maximum est de 150 mètres. Belemnites quadratus ,

(D Mémoires couronnés de l’Académie des sciences de Belgique, t. XXXV, 26 p. in-4.°, 2 pl.

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Belemnites mucronatus^ Echinocory s gibbus sont ses îossües les plus abondants.

3. ® Craie de Nouvelles qui est d’un blanc si parfait, qu’elle fait paraître grises les autres craies. C’est la plus pure de toutes : on l’emploie pour la fabrication du blanc d’Espagne et pour la production de l’acide carbonique dans les sucre¬ ries. Elle renferme de gros silex noirs très-volumineux ; son épaisseur est d’environ 20 mètres ; on y trouve : Belemnites mucronatus , Echinocorys ovatus , Magas pumilus.

4. ® Craie de Spiennes. Elle se distingue des autres assisses parce qu’elle est légèrement grisâtre, non traçante, rude au toucher , disposée en bancs épais et réguliers. Elle exige pour la cuisson une grande quantité de combustible, aussi ne s’en sert-on pas à la fabrication de la chaux. On a tenté de remployer comme pierre de construction. Elle renferme d’abondants silex bruns qui sont utilisés par la couverte des faïences et que l’on exploitait déjà à l’époque de l’âge de pierre polie pour la confection des haches.

Dans un travail précédent , MM. Cornet et Briart ont fait connaître des puits de cet âge qui ont servi à l’extraction des silex. Dans les champs voisins on rencontre une grande quantité d’éclats de silex et de haches plus ou moins im¬ parfaites : il y avait un vaste atelier de fabrication .

La craie de Spiennes a une épaisseur d’environ 150 m. ; elle commence par un conglomérat de fragments de craie , de nodules de phosphate de chaux , de silex , de débris de fossiles, etc. qui repose sur la surface profondément durcie, jaunie et perforée de la craie de Nouvelles. Ses principaux fossiles sont : Belemnites mucronatus , Baculites Faujasii, Fissurirostra Palissii , Echinocorys ovatus.

Au-dessus de la craie de Spiennes, vient la craie bru¬ nâtre de Ciply que MM. Cornet et Briart, à l’exemple de tous les géologues , rapportent à l’étage de la craie supé-

581

rieure. Elle renferme presque tous les fossiles de la craie de Spiennes , sauf Echinocorys ovatus ; elle en contient en outre beaucoup d’autres propres à la craie supérieure.

_ J. G.

HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.

ORNITHOLOGIE DU NORD DE LA FRANCE {suite).

Nos oiseaux passagers , c’est-à-dire ceux qui , dans leurs migrations périodiques , passent à peu près régulièrement dans nos contrées , sont au nombre de 125. Je n’en dé¬ taillerai pas la liste qui donnerait à ce simple aperçu une dimension exagérée ; mais , dans cette catégorie comme dans les deux premières , il y a des espèces qui forment quelquefois exception , en se propageant accidentellement dans le pays , et d’autres qui , passagères pour une grande partie , se montrent en plein hiver , quand le froid devient très-vif et que la neige couvre la terre, Je m’arrê¬ terai à quelques-unes de ces espèces.

La Huppe {Upupa epops^ Lin.) a niché plusieurs fois à ma connaissance dans le département du Nord ; j’en ai eu des œufs de Verlinghem , près Lille ; elle s’est aussi pro¬ pagée dans la Somme. Elle paraît séjournante en Belgique dans la vallée de la Meuse ; je ne l’ai vue nulle part aussi abondante au printemps , que dans les jardins d’Aranjuez , en Espagne.

Le Torcol [Yunx torquilla , Lin. ) est dans le même cas. Ses passages d'automne ^ont assez réguliers et quelquefois nombreux , mais ses nichées ici sont tout à fait excep¬ tionnelles.

La Grive litorne {Turdus pilaris. Lin.) aurait niché aux environs de Bergues d’après Degland qui tenait sans doute cette observation de M. de Meezemaker. C’est un oiseau

582

migrateur en ce sens qu’il arrive au commencement de l’hiver, en volées quelquefois immenses , dans les parties marécageuses de nos plaines. Ces bandes disparaissent si l’hiver est doux, mais si la neige tient , elles reparaissent, et alors ces oiseaux naturellement méfiants se laissent prendre au filet en grande quantité ; tous les marchés en sont pourvus.

Le Merle à plastron {Turdus torquatus , Lin.) nicherait quelquefois dans l’Ardenne belge d’après M. de Selys ; dans le département du Nord il est purement passager.

Le Roitelet huppé {Regulus cristatus ^ Ray.) a fait son nid , il y a deux ans , dans un if , à Niellesdez-Ardres (Pas- de-Calais).

Le Traquet rubicole (Pratincola rubicola , Kaup.) se voit assez souvent en automne sous sa livrée de jeune ; il niche en petite quantité aux environs d’Abbeville ; je l’ai vu en juin dans les bruyères de Racquinghem (Pas-de-Calais).

D’après Degland (Catalogue des Oiseaux observés en Eu¬ rope, 1840), le Traquet motteux (Saxicola œnanihe , Redit.) niche dans les terrains arides et élevés de l’arrondissement de Lille. Ce fait qui n’est pas reproduit dans YOrnithologie européenne me paraît peu probable. Il faudrait tout d’abord trouver dans l’arrondissement de Lille des terrains arides et élevés.

Le Gohe-monche noir (Muscicapa atricapilla , Lin.) se reproduirait aussi , d’après Degland, dans le Boulonnais ; je n’en ai jamais eu la preuve. Il est probable que le fait a été isolé s’il a eu lieu.

Le Pigeon colombin (Columha cenas, Lin.) qui séjourne dans tous les grands bois des environs de Paris ne peut compter ici que comme passager ; ses nids y sont très-rares. J’en ai connu deux années de suite dans un parc.de Wam- brechies.

385

La Bécasse {Scolopax rusiicula^ Lin.), oiseau passager par excellence , laisse de temps en temps quelques couples dans les bois du Nord de la France. J’en ai vu des œufs de la forêt de Clairmarais , des bois de Warneton (Belgique) ; on cite aussi des nids trouvés dans les forêts de Pbalempin et de Crécy.

La Bécassine {Gallinago scolopacinus , Bp.) pond aussi de temps en temps dans nos marais, mais les exemples en deviennent de plus en plus rares.

Le Bécasseau cinclQ (P elidna cinclus^ Cuv.), le Com¬ battant {M achetés pugnax, Cuv.), la Guignette (Actitis hypoleucos , Boié) , sont dans le même cas.

J’ai déjà cité le Canard sauvage , et quelques Lariens comme se reproduisant quelquefois dans les marais et les dunes ; j’y ajouterai le Canard morillon (Fuligula cristata , Step.) qui a nicbé une fois, à ma connaissance, dans le marais de Clairmarais (Pas-de-Calais).

Parmi les espèces qui, tout en exécutant leurs passages normaux d’automne et de printemps , se montrent encore pendant les grands froids d’hiver , citons : Le Héron cen¬ dré , les Courlis , le Chevalier brun , le Pluvier doré, le Pluvier à collier et le Pluvier de Kent, laMaubèche, le Bécasseau cincle, les Barges , l’Avocette , la Foulque , le Cygne sauvage , le Cygne de Bewyck , la plupart des Ansé- riens et des Anatiniens.

Nous en avons déjà fait la remarque dans une note sur le passage des Oies sauvages [Bulletin , 1869 , page 356) , ces apparitions d’hiver proviennent d’oiseaux qui se sont éche¬ lonnés sur la route qui conduit des marais arctiques aux plages de la Méditerranée , ou de ceux qui ont niché dans les contrées tempérées des bords de la Baltique et de la Hol¬ lande. Tant que le froid n’est pas assez rigoureux pour les gêner dans la recherche de leur nourriture , ils séjournent

384

sans trop se déplacer ; mais si la gelée devient forte et que le vent leur soit favorable , ils gagnent par groupes les côtes maritimes plus méridionales ou cherchent les eaux libres. Plus le froid dure , plus nous voyons arriver d'espèces sep¬ tentrionales ; c'est alors que nos grèves et nos rivières se peuplent de gibier de toute sorte et que se font les captures précieuses; bon nombre d'espèces accidentelles ne sont jamais prises que dans ces circonstances.

Quant aux passages habituels d'octobre et d'avril, il y a dans la manière dont ils s’effectuent une diversité égale au nombre des espèces.

Les unes passent pour ainsi dire inaperçues , isolément, à des intervalles irréguliers, les autres en bandes nom¬ breuses, avec des cris retentissants, quelquefois en suivant un ordre déterminé comme les Grues et certains Canards.

Il en est qui voyagent par étapes , ne s'arrêtant que rare¬ ment quand la faim les presse ; d'autres qui semblent ne pas avoir de but fixe et qui errent çà et de station en station. Certains oiseaux cherchent le calme des belles nuits, d’autres choisissent le vent oblique, c'est-à-dire de l'est à l’ouest; il n'est pas de chasseur quelque peu [exercé qui ne prédise à peu près sûrement le passage des Bécassines d'après la di¬ rection du vent. Sur les côtes maritimes, tout le monde sait, en observant le vent, quelle chance il y a de rencontrer les passages d'Echassiers et de Palmipèdes qui sont attendus chaque printemps.

Très-souvent un marais se trouve peuplé tout-à-coup , sans que l’on y ait vu s’abattre un seul oiseau ; c'est que le passage a eu lieu pendant la nuit , et ce n’est pas une des moindres singularités de ces voyages instinctifs que devoir des oiseaux essentiellement diurnes pendant tout le reste de l’année, prendre sur leur sommeil le temps de leurs mi¬ grations.

585

Il existe au phare de Calais une collection formée de tous les oiseaux qui sont venus la nuit se heurter contre le gril¬ lage qui protège la lanterne. La plus grande partie sont des passagers qui dans leurs voyages de nuit ont été attirés vers la lumière. On y trouve presque toutes les espèces voya¬ geuses qui affectionnent dans leurs passages les côtes de la mer, et aussi beaucoup d’oiseaux sylvains comme les Fau¬ vettes et les Grives.

D’ailleurs il suffit de prêter l’oreille pendant certaines nuits d’automne , pour entendre les cris d’une foule d’oi¬ seaux qui passent, quelquefois en bandes innombrables , et qui donneraient un curieux spectacle si l’on pouvait les aper¬ cevoir. Les volées de Macreuses qui rasent la mer pendant des jours entiers, devant les ports de Calais et de Dunkerque, peuvent en donner une idée.

La quatrième section est celle des oiseaux qui n’appa¬ raissent qu’accidentellement , ou les fortuits. Il sont au nombre de 102 espèces.

Ici l’intérêt n’est plus le même; il n’y a plus d’étude locale proprement dite , puisqu’il s’agit de faits exception¬ nels , amenés par des causes très-diverses et très-souvent ne se renouvelant pas ; mais ces captures d’oiseaux rares ont un autre mérite , celui de la curiosité et de l’extraordinaire. Elles font époque dans la carrière d’un collectionneur , et rien ne lui paraît plus agréable que de montrer une pièce réputée lout-à-fait étrangère à la localité , et qu’il a eu la bonne fortune de rencontrer une seule fois.

Il n’est pas possible de donner une explication générale de ces apparitions fortuites : pour les oiseaux de l’extrême Nord, elles s’expliquent par un abaissement considérable de température avec lequel elles correspondent presque toujours ; pour les espèces orientales et méridionales, la cause en est souvent dans des coups de vent , qui dépaysent

586

les oiseaux et les entraînent hors de leur sphère habituelle. Les Rapaces peuvent être emportés par la poursuite de leur proie ; les passagers sont quelquefois entraînés au milieu d’une émigration d’espèce congénère. Il peut arriver qu’un oiseau se désoriente en suivant le cours d’un fleuve , ou les grèves de la mer; mais dans beaucoup de cas, il est im¬ possible de trouver une explication et puéril de s y arrêter.

Voici la liste de nos espèces fortuites, avec les localités elles ont été prises et la date autant que possible; je l’ai extraite des observations de Degland, Bâillon, Marcotte, de Selys , Delhomel , de Vilmaretz , de Meezemaker , Deschodt et de mes propres recherches.

Vautour fauve Gray. )Armentières 1818, Abbeville.

Neophronpercnoptère {Neophron percnopterus ^ Sav.) Maroilles (Nord).

Aigle royal [Aquila chysaetos^ Lin.) Dunkerque 1830, Abbeville, Winendael (Belgique) 1823.

Aigle criard {Aquila nævia Bris.) Lille octobre 1814, Tem- pleuve 1834 , Bergues, Montreuil.

Circaète Jean Le Blanc {Circaetos g allions , Gm.) Gœulzin (Nord) 31 octobre 1853.

Milan royal [Milvus regalis ^ Briss.) Lille 1837, Gouy-en- Artois janvier 1852.

Milan noir {Mulvus niger , Br.) Bergues.

Elanion blac {Elanus melanopterus ^ Leacb.) Gassel 1830, Aerschot juin 1869.

Faucon gerfaut {Falco gyrfalco , Schl.) Abbeville.

Autour {Astur palumbarius , Becht.) Lille , Saint-Omer dé¬ cembre 1870.

Busard pâle {Strigiceps Suminsoni^ Bp.) Raimbeaucourt (Nord) 1835 , Abbeville.

Chouette caparacocb (Sîi?’wm ulula ^ Bp.) Tournai 1830. Chouette harfang (N^c^^æ nævia , Bp.) Abbeville 1802.

Scops petit duc {Scops zorca , Sav.) Belgique , Ardennes.

Grand duc {Bubo atheniensis, Daud.) Pecquencourt (Nord), Dunkerque.

Pic mar {Ficus médius ^ Lin.) Boulogne (Observation douteuse.) Pic épeicbette {Ficus minor , Lin.) Phalempin , Saint-Omer , Abbeville.

Guêpier (Merops apiaster Montreuil, Pont-Remi (Somme). RoWier (Cor acias g arrula , Lin.) Lille, Douai, Flandres belges. Tichodrome échelette (Tichodroma muraria^ 111.) Somme, Rocroy.

587

Sittelle {Sitta europœa , Lin.) Forêt de Mormal , Avesnes.

Remiz penduline {Ægithalus pendulinus , Boié.) Amiens 1830.

Alouette calandrelle iAlauda brachydactyla , Leisler.) Etaples.

Alouette hausse-col [Otocoris alpestris. Bp.) Dunkerque, Calais.

Pipit Richard [Corydalla Pdchardi^ Vigors.) Lille , Dunkerque, Calais, Bergues.

Pipit rousselin [Agrodroma cdmpestre, Sw.) Dunes de Tem- Douchure de la Somme , environs de Lille, Ardennes.

Bergeronnette flaveole [Budytes Rayi, Bp.) Lille, Saint-Omer, Abbeville.

Bergeronnette à tête grise [Budytes cinereocephala , Bp.) Lille.

Bergeronnette mélanocêphale [Budytes melanocephala , Savi.) Lille mai 1839.

Lavandière d’Yarrell [Motacüla Yarrellii^ Gould.) Lille, Abbeville.

Cincle plongeur [Cinclus aquaticus^ Becht.) Esquerraes-lez- Lille, 1860.

Merle à gorge noire [Turdus atrigularis^ Tem. ) Abbeville [Observation douteuse).

Locustelle tachetée [Locustella Rayi^ Gould.) Lille 1829, Abbeville.

Hypolais polyglotte [Hypolais polyglotta , Bp.) Lille.

Cèttie bouscarle [Cettia sericea, Bp.) St-Gilles, près Abbeville.

Pouillot Bonelli [Phyllopneuste Bonellii ^ Bp.) Abbeville.

Pitchou de Provence [Melizophilus provincialis ^ Leach.) Mon¬ treuil, Abbeville.

Fauvette Orphée [Curruca orphea^ Boié.) Env. de Boulogne.

Accenteur alpin [Accentor alpinus , Bechst.) Bergues , Saint- Omer.

Gorge bleue [Cyanecula suecica , Boié.) Fortifications de Lille, Douai avril 1836, Abbeville.

Pétrocincle de roche [Petrocincla saxatilis , Vigors.) Calais , Tournai , 1841.

Gobe-mouche à collier [Muscicapa albicollis^ Tem.) Lille mai 1832.

Jaseur [Ampelis garrulus^ Lin.) Lille janvier 1829 , 1834, décembre 1862.

Casse noix [Nucifraga caryocatactes , Cuv.) Lambersart (Nord) 5 octobre 1850, Douai, Dunkerque, Abbeville, Lille, sep¬ tembre 1844 , septembre 1850.

Crave à bec rouge [Fregilus graculus, Cuv.) Lille 1825, Ab¬ beville.

Martin roselin [Pastor roseus^ Tem.) Bergues, Douai, Abbeville, Tournai automne 1837.

Bruant montain [Plectrophanes lapponicus , Selby.) Lille 1826, Calais, Dunkerque, pendant les grands froids.

Bruant fou [Emberiza cia. Lin.) Montreuil.

Bruant à sourcils jaunes [Emè. chrysophrys , Pallas.) Glacis du fort Saint-Sauveur à Lille, 1828. Oiseau de la Daourie et de

588

la Sibérie orientale. L’exemplaire pris à Lille est le seul nui ait jamais été capturé en Europe. Peu de collections possé¬ daient cette espèce jusqu’à ces dernières années il a été envoyé de la Chine septentrionale par un missionnaire na¬ turaliste, le Père David.

Soulcie iPetronia rupestris Lille octobre 1839 , Abbeville.

Venturon [Citrinella alpina, Bp.) Lille octobre 1848.

Cini {Serimis flavescens , Gould.) Abbeville.

Bec croisé perroquet {Loxia pityopsittaciis^ Bechst.) Bersée, près Lille , en mai.

Erythrine cramoisi {Carpodacus erythrinus^ Kaup.) Lille 17 septembre 1849 , Abbeville , Tournai.

Niverolle [Montifringilla nivalis^ Brehm.) Amiens.

Siserin blanchâtre (Acanthis canesçens ^ Brehm.) Lille, Ab¬ beville.

Ganga cata (Pterocles alchata^ Step.) La Bassée (Nord), Dûnes de la Somme.

Syrrhapte hétéroclite [Syrrhaptes heteroclüus , Vieill.) Douai, Calais, Dunkerque, Boulogne, Dûnes de la Somme, 1863.

Gelinotte [Bonasia sylvestris\ Br.) Ardennes 1830, Avesnes.

Perdrix rouge [Peràix rubra^Bv.) Saint-Pol (Pas-de-Calais) , Tournai.

Outarde barbue [Otis torda. Lin.) Berck fPas-de-Calais) , Tem- plemars (Nord) 1842, Bouvines 1830, Phalempin, Sainghin, Cambrai, Béthune.

Outarde cannepetière {Otistetrax^ Lin.) Berck (Pas-de-Calais), Dûnes de la Somme.

Court-vite isabelle [Cursoritis gallicîis ^ Bp.) Dunkerque, Saint- Omer, Abbeville.

Glaréoie à collier {Glareola pratincola^ Lin.) Bergues, garennes de Saint-Quentin (Somme.)

Phalarope hvperboré (Lobipes hyperboreus , Cuv.) Dunkerque novembre ‘1852.

Echasse {Himantopus candidits , Bonn.) Baie de Somme , Tournai.

Bécasseau platyrhynque (Limicolapygmœa^ Koch.) Dunkerque, embouchure delà Somme.

Bécasseau rousset {Actiturus rufescens^ Bp.) Dunkerque, Ab¬ beville.

Chevalier semipalmé (Catoptrophorus semipalmatus^ Bp.) men¬ tionné par Degland comme pris à Abbeville, cependant M. Marcotte n’en parle pas.

Chevalier stagnatile [Totanus stagnatilis ^ Bechst.) Dunkerque, Saint-Omer , Le Crotoy.

Barge terek {Xenus cinereus^ Kaup.) Cayeux, à l’embouchure de la Somme, en mai.

Courlis à bec grêle (Numenius temiirostris , Vieillot.) Calais , Dunkerque, Noyelles-sur-mer, Montreuil , Lille mai 1849.

Ibis falcinelie [Plegadis falcinellus^ Kaup.) Verton , marais

389

d’Airon, Bergues, Lille décembre 1840, Montreuil octobre 1852 , Tournai , ïirlemont 6 octobre 1869.

Egrette garzeîte {Egretta garzetta , Bp.) Abbeville.

Egrette melanorhynque (Eg. melanorhiincha. Vagi.) Marais d’Airon (Pas-de-Calais.)

Crabier de Mahon {Bupkus ralloïdes^ Bp.) Calais, Verton, Tournai.

Flanimant rose [Phœnicopterus roseus^ Pallas.) Dunkerque, Abbeville.

Cygne tuberculé [Cijgmis olor ^ Lin.) Dunkerque.

Canard siflleur huppé [Branla riifina, Boié.) Lille, Bergues, embouchure de la Somme hiver 1835.

Canard de Barrow [Clangiila islandica, Bp.) Lille 1829, 1834, Bergues.

Canard histrion [Harelda histrionica, Keys.) Gravelines.

Canard à tête grise [Somateria spectabüis , Leach.) Boulogne , baie de Somme.

Canard disparate [Stelleria dispar , Bp.) Audinghem (Pas-de- Calais), 25 février 1855.

Canard marchand [Oïdemia perspicillata , Flém.) Calais hiver 1855, Boulogne , baie de Somme.

Canard couronné [Erismatura mersa^ Bp.) Camiers (Pas-de- Calais) , janvier 1867.

Cormoran largup [Phalacrocorax gracuhis , Dum.) Côtes de Flandres et de Picardie , Lille novembre 1818.

Hirondelle de mer tschegrava [Hydroprogne caspia^ Kaup.) Douai 19 février 1827 , Tournai.

Hirondelle de mer moustac [Hydrochelidon hybrida , Br.) Le Crotoy , avril 1868.

Hirondelle de mer leucoptère [Hydrochelidon leucoptera^ Br.) Côtes du Nord et de la Somme.

Goéland sénateur [Pagophila ebiirnea^ Boié.) Baie de Somme.

Goéland leucoptère [Leiicus leucopterus , Bp.) Dunkerque 1829.

Mouette de Sabine [Xema S abinii ^ Le^ch.) Dunkerque 1847, baie de Somme.

Mouette pygmée [Xemaminutum, Boié.) Dunkerque, Abbeville, Amiens, Tournai.

Petrel fulmar [Fulmariis glacialis, Leach.) Côtes de Flandres et du Pas-de-Calais.

Talassidrome de Leach [Procellaria Leachii ^Tèm.) Dunkerque 1843 , baie de Somme.

Talassidrome de Wilson [Procellaria oceanica, Sch.) Merlimont (Pas-de-Calais) , janvier 1862.

PutTm major [Puffinus major ^ Faber.) Baie de Somme.

Puffin cendré [Puftïnus cinereus, Stéph.) Baie de Somme.

Putlin manks [Pufjinus anglorum^ Bay.) Côtes de la Manche.

Puilin obscur (Puffinus obscurus, Stéph.) Baie de Somme.

Guillemot bridé [Uriarhingvia, Brunn.) Dunkerque, Boulogne, baie de Somme.

590

Grèbe cornu (Podiceps cornutus, Lin.) Lille mai ^841, décembre 1852, février 1870, Deûlémont 1853, Tournai.

A. DE Norgüet.

CHRONIQUE

Géolog^ie. Coupe dans la craie à Carxnn. Dans notred épartement si peu accidenté , les couches profondes de la craie qui n’affleurent que dans un très-petit nombre de localités étaient à peine connues sous le rapport géologique. Cependant peu de pays sont aussi favorisés pour de pareilles études ; car dans une foule de points les fosses à charbon sont obligées de traverser toute l’épaisseur du terrain cré¬ tacé. C’est que jusqu’à présent on avait négligé de ramasser les fossiles ramenés par les avaleresses, ou on n’en avait pris que les plus gros.

Il y a deux ans j’ai pu recueillir les fossiles trouvés dans le puits de Guesnain, près de Douai, et je les ai fait connaître en indiquant tes couches dont ils provenaient.

A la même époque on commençait un puits près de la gare de Carvin. L’ingénieur , M. Daubresse , a eu l’obligeance de me conserver un échantillon de toutes les couches, mètre par mètre : Il a ramassé avec soin tous les petits fossiles qu’il m’a également envoyés. Aussi la fosse de Carvin, en confirmant les faits que l’on avait observés à Guesnain et en y ajoutant des indications précieuses, nous fait faire un ■grand pas dans la connaissance géologique de notre contrée. Il serait à désirer que quelques-uns des ingénieurs qui diri¬ gent les nombreuses fosses du Pas-de-Calais voulûssent bien s’inspirer à l’occasion du zèle scientifique de M. Daubresse et profiter de leurs recherches industrielles pour faire avancer la science.

[Voir le tableau , page suivante).

J. Gosselet.

Terrains traversés par la Fosse 3, à Carvin

PROFON¬

DEUR

m.

1.95

5.30

7.70

43.80

58.73

62 23

82.70

103

125.70

136.10

138.40

DESIGNATION DE LA COUCHE

Terre végétale. . . .

Limon (terre à briques) . Limon mélangé de craie.

Sable vert et argile . .

Craie tendre Irés-divisée.

Craie blanche

Craie blanche avec silex

Craie dure , siliceuse et alumi¬ neuse avec grains de glau¬ conie et rognons de p^hosphate de chaux. (Meule ou Tun.)

Craie marneuse j la quantité d’ar¬ gile augmente dans le bas.

(Faux bleus) .

(Bons bleus) .

(Bleus ordinaires) .

Marne dure plus ou moins argi¬ leuse , verte lorsqu’elle est humide. (Dièves vertes). .

Argile verte ou jaunâtre deve¬ nant bleue en se desséchant, se délitant à la pluie, certains bancs sont plastiques, d’autres plus durs.

(Diéves vertes) .

(Dièves jaunes) .

(Diéves (trés-jaunes) ....

Marne blanche dure ....

(Dièves blanches).

Argile bleue (Dièves bleues) . .

Marne blanche dure ....

(Dièves blanches.)

Conglomérat glauconifère avec galets (Tourtia) . . , . ^

Terrain houiller.

EPAIS¬

SEUR

m.

0.30

1.05

0.60

1.35

4.40

36.10

14.93

3.50

5.45

11.58

5.44

20.50

9 40 8.80 2.50

4.60

3.40

4.40

2.30

FOSSILES

Inoceramus n.» 9(à 37 m.) Bois charbonnisés (37 m. 70)

Corax 57 m.) Pleurolomaria (55 m.)

Lima (55 ra.)

Inoceramus Lamarkii (46 m) Inoceramus n.» 1 (46 m.) Inoceramus n.® 5 (46 m.) Inoceramus n.» 6 {52 m.) Micraster cortestudinarium.

Pleurolomaria.

Turbo.

Inoceramus Cuvieri. Inocéramus n.® 10.

Lima.

Terebratula semiglobosa. Rhyncbonella Cuvieri. Micraster breviporus. Micraster cortestudinarium. Echinoconus vulgaris. Echinocorys vulgaris. Cidaris.

Terebratula semiglobosa(64). Terebratulina gracilis (80 m) Spondylus spinosus{80 m.) Bois charbonnisé (64 m.)

Inoceramus annulatus 7 (84).

Nautilus elegans (115 m.) Spondylus spinosus (120 m.) Inoceramus labiatus (119, 121, 125 m.)

Terebratulina striata (120 ?) Rhynchonella plicatilis (120). Rhyncbonella Cuvieri (120).

Ammontes Mantelli ? (125 m) Rhynchonella plicatilis (125.)

Ammonites Rothomagcnsis (156 m.)

Ammonites sussexiensis {134 m. 50.)

Nautilus elegans ? (156 m.) Ammonites varians (137 m.)

ACCIDENTS

minéralogiques

Niveau d’eau des puis à 5 m. 3o.

Cette masse de craie est traversée de petits bancs plus durs bien stratifiés situées à 17 m. 80, 25 m. 90, 28m. 93, 33 m. 33, 36 m. 65, 37 m. 70. A 17 ra. : 28,000hect. d’eau par jour; à 36 m. : 24,000 hect.

Marcassite (38 m. 80) Marcassite(48 m.80) A 49 m : 20,000 hect. d’eau. De 53 m. à 57 m. on rencontre une faille inclinée vers le S. de 53 0 1j2. Dans cette faille la venue d’eau est de 50,(X)0h. par jour. Dans le bas à partir de 58 m. 50 la craie contient des nodules de phos¬ phate de chaux rou¬ lés, usés, corrodés et verdis, provenant de la couche sous- jacente.

A 59 m. : 30,000 h. d’eau. A 62 m. 10,000 h. d’eau.

Marcassite.

Marcassite.

Marcassite.

592

Météorologie. NOVEMBRE

1870

Température moyenne . 5.° 77

» » des maxima . 8.° 21

» - 0) desminima . 3." 34

» extrême maxima , le 25. 13.® 70 » minima , le 30 - l.° 50

Baromètre hauteur moyenne à 0.°. . . . 756“"'052 » hauteur extrême maxima, le 2. . 773"'"‘45 » )) » minima, le 15. 740™“92

Tension de la vapeur atmosphér . 5“'“78

Humidité relative moyenne % . 84.60

Epaisseur de la couche de pluie . 40"‘"‘46

» de la couche d’eau évaporée. . 17"’‘’‘58

NOVEMBRE année moy.

5.° 69

759r‘ 275

5””’96 85. 66 50““40 20r28

Le mois de novembre 1870 n’offrit rien de particulier ; sous tous les rapports il se rapprocha beaucoup des condi¬ tions météoriques du même mois année moyenne.

Pendant les 5 premiers et les 5 derniers jours le vent souf¬ fla du N.-E. et du S. -O. pendant la période intermédiaire.

Il n’y eut qu’un seul jour de neige , le 10 ; et quoiqu’il en soit tombé une quantité équivalente à une couche d’eau d’une épaisseur de 8.“"’ 20 , elle ne tarde pas à se fondre parce que la température de l’air restait au-dessus de 0.

Les 40.’"'” 46 d’eau météorique se décomposent ainsi : Eau de pluie 31.’"’" 06 , de neige 8.’"'" 20 , de grêle l,""" 20

Quoique la température , l’état hygrométrique de l’air et la pression barométrique aient été favorables à l’évapo¬ ration , ce phénomène météorique fut cependant moins pro¬ noncé qu’en année moyenne : la cause de cette infériorité doit être attribuée à la fréquence et à l’abondance des rosées et à la nébulosité du ciel qui indiqua la présence d’une grande quantité de vapeurs précipitées dans les hautes ré¬ gions atmosphériques , indice d une saturation accusée par la dépression de la colonne barométrique.

La tension éiectrique fut assez prononcée ; elle se mani¬ festa par rinlensité des courants atmosphériques et par les éclairs sans tonneiTe du 23 au matin avant le jour. Les rhumatisants et les névralgiques ressentirent sa fâcheuse influence. V. Meurein.

'Le Gérant : E. Castiaux.

TYP. DE BLOCQIJEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13

2." ANNÉE 1870

TABLE GÉNÉRALE

Table des Sociétés

Amiens. Société des Antiquaires de Picardie à 111.

Académie d’ 265.

Arras. Académie d’ 360.

Belgique. Académie royale de 44, 57, 114, 201; 297. Boulogne-sur-Mer. Société académique de 75.

Cambrai. SOciété d’Emulatiou de 144, 174, 301.

Douai. Société d’Agriculture , etc. de 1.

Dunkerque. Société de 137.

Laon . Société académique de 268.

Iiille. Société des Sciences de 12, 73, 177, 209.

Faculté des Sciences de 360.

Mons. Cercle archéologique de 331 ;

Société des Sciences, etc. du Hainaut 77 , 329.

Nord. Commission historique du département du 41 , 213. Roubaix. Société d’Emulatiou de 169 ;

Association d’enseignement mutuel des travailleurs de 211 . Saint-Omer. Société des Antiquaires de la Morinie 361. Saint-Quentin. Société industrielle de 81.

Sorbonne. Réunion des Sociétés savantes à la 149.

Tournai. Société historique et littéraire de 233.

Ypres. Société historique de la ville d’ 105.

Table des Xoms d’Aiitenrs

dont les ouvrages ont été analysés ou cités :

Alard. 139 Bachy. 15.117 Backer (de) . 222 Barbey. 149 Beauvillé. 275 Bernaerts. 207 Bernier. 335 Berville. 265 Blanquart-Evrard. 62.

82

Blin. 144 Bonnier. 172 Bonvarlet. 143 Borgrave (de). 204 Brassart. 216 Brialmont. 47 Briart. 208.293.379 Brochet. 104 Brun-Lavainne. 171 Bruyelle. 148.174.302

Cahier. 6

Carnel (l’ahbé) . 41 Catalan. 204 Chalon (Jean). 79 Chalon ^Renier) . 236 Chellonneix. 15 Chon. 12.93.181

plpççp 77

Cochet (l’abbé). 165 Cœmans (Tabbé). 116

2

Coince. 181 iGosselet. 15.18.50.116

Combier. 275 144.152.300.301.390

Conscience. 201.204 Guermonprez. 17 Cools. 230 Guillaume (le gén.) 330

Corblet (l’abbé). 280 Guillon. 266 Corenwinder. 13.209. Gùthlin. 137 Corne. 4 Haigneré (l’abbé). 76.

Cornet. 208.293.379 367

Courtin. 2 Hallez. 16

Courtois. 361 Herberwyn. 139

Cousin. 140.143.232. Horion. 300 249 Houdoy. 155

Dancoisne (l’abbé). 8 Houzé de l’Aulnoit. 73 Dancoisne (L.) 24 Huguet (l’abbé). 235. Dareste delà Chavanne Kerwyn de Yolkærs-

beke. 306 iKickx. 114.298 Kœnen (de). 288 Konninck (de) 50.114. Konninck (Louis de). 205

iKraus. 244 Kulhmann. 17 Ladureau. 144 Laloy. 357 Lambert. 207 Lamy. 73 Laroche. 77 Lebeau. 228

75.178

Dauphin. 265 Daussy. 266 Dechristé. 286 Defacqz. 201 Dehaisne (l’abbé). 2. 7 57.310.343 Delègue. 137 Delhaye. 182 Demarsy. 274.

Demaze. 112 Derode. 139 Desilve (l’abbé) . 124.

Desjardins. 3.6.179 _

Desplanques. 164.190. Leblan. 16 221.254.323.344. iLebleu. 371 Devillers. 78.333 Dewalque. 299 Dey. 269 Diegerick. 106 Dombret. 194 Durieux 145.175.266.

301.302 Dupont. 1

Dupont (Edouard). 47|Lenoel.265.266 Epinay. 143 Letrange. 84

Everhaert. 139 Leuridan. 126.171.183

Faidherbe (le général) 237.239 240 L’Hote. 137

Faidherbe (Alex.) 171. Linas (de) 151.244 173 Longnon. 363

Farez. 261 Lucas. 113

Fégueux. 144.174 Macquart. 205

Fleury. 268.275 I Malaise. 46

Lecesne. 85 Lecocq. 124.194.226 Lefebvre. 176.303 Legrand. 200 Le Hardy de Beaulieu. 79

Lehon. 310 Lejeune. 329.331

Forestier. 110 Fourdin. 246.334 Garnier. 267 Giry. 363 Gomart. 274

Mathieu. 266 Matton. 151.270.292 Maugin. 2.88 Meerens. 221 Melsens. 297

ilelun (de) 119 deunier. 206 Meurein. 39.72.102.136 167.200.232.264.295 327.359.392 Montigny (de). 48.114 205 Morand. 151 (lordacq. 139 Moreau. 207 Morren. 49 Motte. 171 Mourlon. 298 Nédonchel (de). 236 Nivoit. 84

Norguet (de). 68.99. 126.197.259.262.357 390 Nyst. 44. .

Obry. 267

Omalius d’Halloy. 26. 299

Ortlieb. 15.200.212 Paeile. 62.

Painvin. 72 Paris. 87.92 Pécheur (l’abbé). 152 Père. 237 Pellat. 336.359 Petit (l’abbé). 332 Philippe. 212 Piette, Ed. 230 Piette , Aim. 275 Piot. 107 Plateau. 46 Poiré (l’abbé). 42 Poquet (l’abbé). 150. 272

Pouy. 239

Preudhomme de Borre 114.208 Preux. 9

Quetelet. 48.205.297 Radziszewski. 48 Ravisi(de). 150 Rigaux. 76.

Rigaux (Henri). 133. 197 228

Roussel (Martial). 166 Ruffîn. 305 Ryckolk (de) 114 Sauvage. 76 Schuermans. 131 Taillar. 213

Ternas (de). 226 Terninck. 276 Testelin. 178 Thielens. 79.288 Tricot. 335 Van Bambeke. 297 Van Beneden. 45.205. 297

Van Beneden fils. 48. 114.205

Vandenbogaerde. 107

. 5

Vandenbroeck. 237 VanderElst. 78 Van der Mensbrugghe. 205

Vanderstræten. 106.108 Van Dessel. 229 Van Rende. 132.197. 168

VanHoren. 298 Vassart (l'abbé). 173

Vendegies (de) 158.183 216

Viollette. 178 Vion. 134

Voisin (l'abbé) 234.230 Vos (l’abbé). 237 Wacquez. 237 Wesmael. 80.325 Wilbert. 144.301 Yvert. 265 Zandyck. 142

Table desi Titres» des» Articles»

insérés , analysés ou cités.

Abbaye de Steneland , 143 ; de Longpont , 272 ; de Bucilly , 274 ; de Saint-Martin de Laon, 275; de Solesmes , 305 ; d’Raumont , 333 ; de Saint-Amand , 334 Académie d’Amiens. Histoire de r 267

Acta sanctorum. Origine des 7

Aire (P). Le baillage d’ au XIV.* siècle, 344 Amiens (S) . Musée d’ 1 1 1 ; Etudes historiques sur 112 ; Hagiographie du diocèse d’ 280 ^

Anselin. 37 Anthropométrie. 297 Arachide. Aiialysj de la graine d’ 13^

Archéologie. Fouilles archéolo¬ giques dans le Boulonnais, 140 ; chrétienne , 235 Ath (B). Collège d’ 334 Attrébatie. L’ avant le VI.® siècle, 276 Baguet. 5 S Bart(Jean). 371 Bavai (N) Histoire de 182 Beauchant (Jacques). 112 Bcauvois ^N). 149 Belges. Colonies des en Tran¬ sylvanie, 202 Herïaimont (A) . 333

Be'thencourt{^). 149 Betteraves. Recherches chimi¬ ques sur la 209 Bibliographes picards. 239 Bibliographie. Supplément à la

montoise , 78 Blandecques (P). 72 Bollandistes. Protecteur des

dans le Nord de la France, 7 Bonononsis. PagUS 363.367 Botanique. Organes reproduc¬ teurs du Psilotum triquetrum , 114; Place des Gymnospermes dans la série naturelle, 79 Boulonnais. Fossiles de l'étage bathonien du 176 ; Fouilles archéologiques dans le 140; Terrain jurassique supérieur du 337 ; Terrain silurien du

359

Boussoit-sur -Haine (B). Notice historique sur 331 Bronze. Objets de— 279 Buccilly (A). Chronique de l'ab¬ baye de 274 Buschmann. 58 Cambrai (N). Etudes sur le fau¬ bourg de Saint-Druon , 176 ; La bourgeoisie de 176 ; Fusil de rempart trouvé à 145; La disette à 146 ; Une alerte à 301 ; Histoire de à l’époque féodale, 301; Pierres tumu- laires de l’église Saint-Nicolas à

4

303 ; Matériaux pour l’His- toire des Arts à 303 Cambrésis. Inscriptious tumu- laires du 146.301 ; Bulle¬ tin archéologique du 148. 174.302

Capelle (l’abbé). 1 Cartulaire, Chartres des COIUtes de Boulogne , 76 ; du comté de Béthel , 274 ; de l'abbaye d’Haumont, 333

Cateau (N). Géologie du canton du 144

Cerf, 65

Cerveau. Circonvolution du 75

Chaleur. Cause de la 266 Chanson. Dissertation sur la 77

Charles-le-Téméraire , compo¬ siteur musical , 303 Châtaigne du Brésil. Analyse de la 13

Chateau-Thierry (A). Maison de La. Fontaine à 149 Chevaliers. Trois d'Hesdin au XI.' si(' de , 314.337

Chevreuil. 67

Chien. en pierre de Naast , 335 ; Chasse aux 271 Chièvres (B). 237 Chimiques. Méthodes 173 ChivY (A). 268 Ghoiseul. Gilbert de 235 Christ. Couronne du 235 Clary (N). Géologie du canton de 301 Cloches. 233

Collot d’Herhois . Lettres de 9 Commensaux. Les 45 Concordat oamhrésien de 1446 24

Confrérie de Sainte Dorothée , 226

Crucifîx blasphématoire du Pa¬ latin. 244

Coups de feu, De Faction des— 73 Cousin. Jean 235 Coussemaker (de) , 59 Daim. 66

Denain (N). Chapitre de 334. Despars. Jacques 33 Diners. Les de Févêque de Cambrai, 175

Dolmens et Tumulus. 130.140.

151.276

Douai (N). Musées .53 ; Etablis¬ sements religieux , 8 ; Con¬ frérie de Sainte Dorothée, 226 ; Souv’nirs d’un homme d’Douai, 286

Eaux de Barrèges , 175 Eglises. Saint-Nicolas de Tournai, 236 ; de Chièvres, 237 ; de Chivy. 268

Egyptienne. Médaille, 132.168 Elewyt (B) . 229 Elouges (B) . 335 Erreur judiciaire. 275 Estampes. Collection d’ Ho- chard. 21

Etats de Lille. Histoire des 119.190

Etnographie. Eléments d’ 26 Etrœungt {N) . 228 Faculté. Souvenirs, de la des lettres de Douai. 35 Femme. La au Mexique. 174 Féodalité. La 201 Fère (La) (A) Enseignes de saint Firmin à 270

Ferrières- la-Grande . (N). 194 Ferté -Millon (La) (A). 150 Fosses. Les de nos forêts, 165 Gallo-romain. Milliaire 228 J Sépultures, 141 .228 ; Bourgade 229; Bague 230; Anti¬ quités du musée de Douai ; 53

Gaudelet (GhaiTêS). 261 Gaulois. Cimetière 295 Gar, Purification du 17 Génie. Gorps du en Belgique, 330

Géologie . Conférences sur la 212; Cours de 18.50.116. 152 ; —du Cambrésis, 144.301 ; Terrain silurien de Belgique, 46; Id. du Boulonnais, 359; Nouvelles espèces fossiles du terrain dévonien de Belgique , 310; Echinodermes des terrains primaires , 50 ; Puits naturels et failles du terrain hoiiiller, 208.292; Fossiles de Fétage ' bathonien du Boulonnais , 76 ; Terrain jurassique supérieur du Boulonnais, 336 ; La Meule

5

de Bracquegnies , 300 ; Craie de Lezennes, 15; Division de la craie blanche du Hainaut en 4 assises , 379 ; Coupe dans la craie à Carvin , 390 ; Puits natu¬ rels dans la craie du Brabant , 298 ; Sondage à Radinghem, 34; Grés de Tirlemont , 207 ; Phos¬ phate de chaux à Louvain, 207; Argile de Woncq, 114 ; Terrain pliocène de Belgique, 288 ; Fos¬ siles des sables d’Anvers , 44 ; Diluvium, 68.72 Grammatical. Système 78 ; Réforme 135

Hagiographie du diOCèse d’A- miens , 280

Hébreux. Mœurs des 14 Hélène. Type du beau , 265 Henri IV. Lettres de 76 Hesdins (P). Trois chevaliers d’

311.337

Hirondelles. Les 126.254 Homme fossile. 68 H onoré , I

Hôpital de Saint-Omer , 246 Incendie. Avertisseur d’ 16 Indianisme. Dolmens dans rinde, 151; Architecture in¬ dienne, 150 ; Jéhovah et Agni, 267

Industrie minérale du Pas-de- Calais, 181

Inscriptions latines du Musée de Douai, 6; numidiques, 240

Insectes. Byrsax gibbifer, 208 Instruction. Utilité de 1’ —212 Instrument de musique du Musée d’Ypres , 106 Inventaire des objets d’art et d’archéologie contenus dans les églises et chapelles du département du Nord , 41 Jambes (Bl. Dolmeus de 130 Jardins publics. Plantation des

80

BLerles. Les 201 liacordaire. Théodore 2G2 Z.a Fontaine. Maison de 149

Ziamartine. 28 La Roïère. 31 Lambres (N). 213 langage. Origine du 222

Laon (A). Abbaye de Saint- Martin, 275; Hôpital, 275; Plan de la ville , 275 Législation coutumière de l’Ar¬ tois, 85

Lezennes (N). 15 Liessies (N) . 7

Lille (N). Découvertes de mon¬ naies à 39.132 ; Etats de 119.190; Cimetière mérovin¬ gien, 197; la Halle échevinale, 155 ; Sépulture gallo-romaine, 228 ; Hache en silex poli , 228 Longpont (A), abbaye de 273 Lot. Le dans le nord de la France ,271

Xiouis XI. Politique extérieure de 179 Louvain (B) 207

Magistrature tournaisienne, 257 Maison. La 113 Mammouth. 72

Marrhiennes (N) . 215 Médecin hainuyer au xv.® siècle, 32

Mérovingien. Cimetière 112.

194.197 ; Chapiteaux 268 Météorologie 38 71.101.135. 166 198.142.231.263.294.327.358. 392 ; Orages , 48 ; Etoiles fi¬ lantes , 48 ; Aurores boréales , 48.114.205; Météorites, 206 Miliaire romain, 228 Moke , 9

Monstruosités , 178 Mouvements de la plage de la mer du Nord , 141 Mort. Causes de la naturelle , 266 ; La peine de à Lille, 290 Musicale. Théorie 221 Musées de Douai, 6 . 53 ; d \ près, 106 ; d’Amiens ,111 Naast (B). 335

Neuville-Saînt-Remy (N). Notice sur 148

Noblesse . La du département de l’Aisne pendant la Révolu¬ tion , 275

Noyelles-sur-Selle (N) Notice sur 124

Numismatique. Découvertes de monnaies, 39.40.167.132.133; Atelier monétaire d’Ypres, 107 ; Méreaux de Tournai , 236 ; n-

6

seignes de Saint-Firmin , de La Fère , 270 ; Monnaies attré- bates, 279 ; Médaille égyp¬ tienne. 132.168

Objets d’art. Conservation des en pierre calcaire , 17 Œufs, Conservation des 15 Oiseaux. Ibis falcinelle, 79; Faucon mélanoptère, 79; amenés par le froid , 93 ; Les Hirondelles. 126 ; Ornithologie du Nord de la France,- 350.381 Orgue, de r 233 Paille. La cire de 48 Panaohure. Contagion de la 49

Paris. 165

Pascal. 137

Peupliers. 80.323

Pierre. Instruments en 140.

200.228.259.278.295.357 Phonographie. 134 Photographie. 62.82 Poésies. Loi Grammont, 2 ; Mo¬ nument de Vercingétorix, 3; Madoulet , 99 ; La cloche , 138 ; La Tour de Dunkerque , 139; Impromptus , 139 ; A mon pre¬ mier né, 171 ; Les quatre âges de l’Escaut, 171 ; Les papillons, 237 ; Mes voyages , 265 ; Les deux directeurs , 265 Pôle sud. Voyage au 145 Pongerville (de). 36 P ont -sur -S ambre (N). 333 Portail (Jean et Simon du) , 237 Possoz (le Père) , 232 Pourbus (les) , 306 Quéant (P) , 145

Quentflvic. Emplacement de 140.247

Radinghem (N). Sondage à 34 ReligUux. Etablissement à Douai , 8 ; Histoire de la Flandre wallonne ,171 Résidus. Emploi agricole des d’usine , .84

Re'fhel (Ar). Cartulaire du comté de 274

Ribemont{k). La prévosté de 271 ^

Romain. Voir Gallo-Romain

Roubaix (N). Galerie roubai- sienne , 172

Rosati . Les 88 Roulez. 58

Roïère (Jean de la) , 31 Rumigny (A) . 230 Sandgatte (P). 141 Saint-Omer (P). Notice géogra¬ phique sur Farrond. de 361 Sars-la-Bruyère (B). 335 Schiller. Etudes sur 138 Sélénium. Présence du dans le cuivre , 178

Sépultures et Cimetières méro¬ vingiens, 112 . 141 . 194 . 197 ; Gallo-romains , 141 .228 ; Gau¬ lois , 295; anciens, 168.277; de l’âge de pierre , 230 Sivori. 266

Soleil. Coloration du disque du 48 ; Nature du 207 Solesmes (N) . Histoire de ~ 305 ; Soignies (B). Histoire de 329 Soutag (E). 266 Steneland. Abbaye de 143 Stévin (Simon) , 133 Tarn tam des Chinois , 177 Tellier (Armand-Joscph) , 275 Teruanensis (Pagus). 363 Théâtre villageois en Flandre. 1 08 Thermomètre. 73 Thun-VEvèque (N)’ Sépulture an¬ cienne, 168

Tirlemont (B) . Grés de 207 Tournai (B). Eglise de Saint-Ni¬ colas de 236 ; Magistrature tournaisienne , 237 Valmuse (Le) 88 Vaux ( P) , 145 Vendhuile (A) , 70.295 Villers-Plouich (N), 68 Vitellus. Trous du 297 Vitraux. Description de 234 Vitry (P) , 213

Vuorden (Le baron de) ,158.183 216

Wasmes (B) , 332 Woncq (B) , 114 Ypermann (Jehan) , 106 Ypres (B). Musée, 106; Entrée du prince de Ligne à 107; Ate¬ lier monétaire cl’ 107 Zoologie. Les commensaux , 45 ; Gregarina gigantea, 49; Les isopodes ou cloportes , 195

r

Les noms de localités sont accompagnés d’initiales désignant les divisions géographiques elles sont situées; (A) Aisne, (Ar) Ar¬ dennes , (N) Nord , (P) Pas-de-Calais, (S) Somme , (B) Belgique.

LILLE , IMP. BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE , 13.

BULLETIN

SCIENTIFIQUE , HISTORIQUE

ET LITTÉRAIRE

DU DÉPARTEMENT DU NORD

et des pays voisins

( Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Ardennes, Belgique ) PUBLIÉ sous LA DIRECTION DE MM.

GOSSLLET , Professeur à la Faculté des Sciences de Lille et DESPLANQUE , Archiviste du Département du Nord.

Tome IL 1870.

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LILLE

imprimerie de Blocquel-Castiaüx , grande place , 13

1870

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