r t THE UNIVERSITY OF ILLINOIS LIBRARY 5105 6>U v.16 eiouMp < ! . . Digitized by the Internet Archive in 2018 with funding from University of Illinois Urbana-Champaign \ https://archive.org/details/bulletinbiologiq1618univ BULLETIN SCIENTIFIQUE DU DÉPARTEMENT DU NORD ET DES PAYS VOISINS. «■ V . ■*. BULLETIN SCIENTIFIQUE DU DÉPARTEMENT DU NORD ET DES PAYS VOISINS ( Pas-de-Calais , Somme , Aisne , Ardennes , Belgique ) PARAISSAIT TOUS LES MOIS PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION DE M. ALFRED GIARD Professeur à la Faculté des Sciences de Lille. Secrétaire de la Rédaction : M. Georges DUTILLEUL, Préparateur à ia Faculté des Sciences de Lille. 2Œe Série. — 7m0-8me Année. — 1884-1885. TOME XVI DE LA COLLECTION La lre série comprend les 9 volumes du Bulletin scientifique, historique et littéraire du département du Nord , publiés sous la direction de MM. Gosselet, Desplanque et Dehaisne. paris, Octave D O I N , Éditeur , 8 , Place de l’Odéon. ■ ■ V* . . :m-' . * . / - . - - - - • . - _ 1884-1885. JANVIER. 5“77, 6~ 3 TC ACADÉMIE DE BELGIQUE. LA CHRONOLOGIE GÉOLOGIQUE. Discours prononcé à la Séance publique de la classe des Sciences , par M. E. DUPONT. Au cours de la seconde moitié du siècle dernier, les travaux d’érudition historique prenaient un rapide essor. Les Bénédictins de la congrégation de Saint Maur, par un labeur resté légendaire, compulsaient et coordonnaient un vaste ensemble de documents sur l’histoire de France. Les recherches critiques ont leurs nécessités. Il leur faut un point de départ solidement établi, des bases sur lesquelles elles puissent s’appuyer avec sécurité. Les savants hommes ne tardèrent pas à se convaincre que leurs travaux réclamaient une connaissance exacte de la chronologie et qu’ils devaient, pour l’obtenir, faire appel non seulement aux données des historiens , mais aux renseignements qu’on peut puiser dans le monde physique. C’était une nouvelle branche de la science ; ils l’appe¬ lèrent V Art de vérifier les dates historiques. La célèbre table chronologique de notre compatriote Dom Maur d’Antine , comprenant la concordance des diverses ères des peuples depuis l’ère chrétienne et l’exposé des faits à l’appui , ne tarda pas à paraître. L’œuvre ne fit qu’augmenter la renommée de la laborieuse congrégation. Quoiqu’elle fût appréciée comme l’un des monuments d’érudition du XVIIIe siècle, son sujet n’était cependant pas épuisé. Repris à nouveau après la révolu¬ tion française , complété par des recherches sur la période historique qui précéda notre ère, il vint s’étaler dans un énorme répertoire de 46 volumes in-8°. \ — 2 — Dans l’intervalle, un horizon d’une tout autre étendue s’ouvrait pour l’histoire. Elle s’était d’abord circonscrite aux temps dont le souvenir s’est conservé par des docu¬ ments écrits , aux événements de l’humanité que les tra¬ ditions nous ont fait connaître. Mais au delà s’étendait un passé où tout était inconnu, sur lequel les mentions écrites ne pouvaient rien. On voulut audacieusement aborder l’histoire même de la terre, l’histoire de sa formation, celle des êtres qui l’ont habitée, des événements qui s’y sont accomplis, l’histoire de ce passé insondable dont les actes des peuples ne forment qu’un court épisode, comme les récits qui nous ont été transmis ne comprennent eux-mêmes qu’un faible fragment du passé de l’homme. Buffon le disait déjà dans un magnifique langage : « L’histoire civile, bornée d’un côté par les ténèbres d’un temps assez voisin du nôtre, ne s’étend de l'autre qu’aux petites portions de terre qu’ont occupées successivement les peuples soigneux de leur mémoire. Au lieu que l’his¬ toire naturelle embrasse également tous les espaces, tous les temps et n’a d’autres limites que celle de l’uni¬ vers. » De quels matériaux pouvait-on disposer pour tenter la reconstitution de ce passé de la terre ? Des roches variées se présentaient , les unes meubles, les autres cohérentes et souvent remplies de cristaux, tantôt horizontales et en plaines, tantôt bouleversées et sous la forme de mon¬ tagnes ; des dépouilles d’êtres organisés se présentaient innombrables, ici des coquilles, là des ossements ou des amas de plantes. C’étaient en réalifé des monuments épigraphiques dont il fallait, comme dans ceux de la haute antiquité, décou¬ vrir le langage et interpréter la signification. Mais le premier pas à famé était de déterminer l’ordre dans lequel ils ont apparu. Car toute science historique repose essentiellement sur la connaissance des temps. Sans chro¬ nologie , il n’y a pas d’histoire possible. Dom Maur et ses successeurs l’avaient bien apprécié lorsqu’ils élaborèrent leurs tables pour l’histoire écrite. Jusqu’à ce qu’elle eût trouvé les moyens de classer dans une suite continue les événements terrestres, la géologie ne pouvait prendre place dans les sciences positives. L’établissement d’une chronologie comprend deux notions : On doit d’abord rechercher l’enchaînement des circon¬ stances, la succession des faits qui se présentent à nous. Nous pouvons ainsi saisir, dans sa donnée fondamentale, la marche du temps . Cette marche fut-elle lente ou rapide ? Quelle est la longueur de chacune de ses étapes ? Peut-on en préciser la durée par des éléments bien saisissables, apportés à une commune mesure ? Ces questions sont fort distinctes des premières. Leur solution est un grand perfectionne¬ ment de la donnée historique, mais elle n’en constitue nullement la base. Dans la conception des temps, la notion des durées est cependant tellement inhérente à celle de la succession que l’esprit parvient difficilement à les séparer. Il n’est donc pas étonnant qu’aux débuts de la nouvelle science, la double recherche ait été poursuivie. On s’efforçait de reconnaître une suite d’époques dans l’histoire de la terre, en même temps que d’apprécier leur longueur, notamment par la voix expérimentale, dont l’application était aussi insuffisante que prématurée. Ce fut le jour où Ton sut ne plus confondre ces données que les travaux devinrent réellement féconds. Alors apparut ce principe qui créa , en quelque sorte, tout d’une pièce les fondements de la science du passé : le principe des superpositions. C’était, semblait-il, un nouvel œuf de Colomb. Les couches de sédiments, de beaucoup les plus nombreuses, indiquent, par leur ordre de superposition, la succession de leur dépôt et, par le fait même, leur ancienneté relative. Il importe peu que quelques autres roches n’aient pas cette origine sédimen- taire. Entourées de couches, on fixera leurs relations de superposition avec celles-ci ; quant à l'âge propre de leurs i éléments constitutifs, il sera déterminé par l'application des règles qui président aujourd’hui à la formation de roches similaires. Que toutes les couches d’une localité soient classées d’après ces conditions, on connaîtra quelles sont les plus anciennes et quelles sont les plus nouvelles. Chacune prendra rang dans une véritable échelle des temps. Que l’on tente ensuite de concilier des observations du même genre sur des régions de quelque étendue ; que l’on figure, à cet effet, sur une carte géographique, par des couleurs distinctes, les groupes de conches concordantes, nue vraie table chronologique aura été dressée. Telle est bien, en dernière analyse, la signification d’une carte géologique. La carte du premier empire fran¬ çais, levée par d’Omalius d’Halloy, fut l’une des premières et des plus illustres applications de ces principes à de grandes surfaces. Elle était, par des procédés graphiques, la table chronologique des phénomènes de l’Europe occi¬ dentale classés en six époques successives. Cependant on dut bientôt reconnaître que la donnée des superpositions, généralement fort efficace pour une contrée restreinte, était insuffisante lorsqu’il s’agissait de faire concorder les recherches à de plus grandes distances. La nature des dépôts d’un même âge varie souvent ; on ne peut suivre avec continuité ces dépôts d’une con¬ trée à une autre ; parfois même, les couches, mettant en défaut la loi des superpositions, ont été redressées jusqu’au delà de la verticale et placées les unes sur les autres dans l’ordre inverse de leur formation. L’intervention de nouveaux moyens s’imposait. C’é¬ taient les fossiles, ces dépouilles d’êtres organisés dont la présence dans les roches sédimentaires avait déjà été longuement commentée, qui allaient les fournir. On avait remarqué que les fossiles varient d’un terrain à un autre, que plus en descend dans des terrains plus — 5 — anciens, plus les formes s’écartent des formes de la nature actuelle. Les couches que les superpositions déterminaient comme étant d’un même âge contenaient-elles les mêmes restes organisés? Lorsque l’affirmative fut démontrée, la nouvelle science se trouva munie d’un puissant moyen de seconder ses efforts . En renversant le principe, on déduisait, en effet, que les terrains renfermant les mêmes fossiles sont de même âge. Le raccordement des couches de localités distantes était dès lors assuré : la géologie, a sont tour, possédait son « Art de vérifier les dates. » En regard des tables chronologiques dressées au moyens des superpositions, on put donc établir des tables chronologiques pour l’évolution de la vie à travers les âges de la terre, et on réussit à opérer leurs concor¬ dances mutuelles. Lorsqu’on chercha à concilier les ères chronologiques des peuples, fit-on autre chose pour l’histoire de l’huma¬ nité? Le fond de la méthode est manifestement le même. Dans les deux cas, elle consiste dans un patient dépouil¬ lement d’archives ; la nature seule de ces archives diffère. Ces recherches eurent des moments de grand éclat. Les événements les plus saillants de l’histoire du globe sont incontestablement la formation des montagnes. Dès l’abord, on se demandait à quels phénomènes ces énormes amas de roches, s’élevant jusqu’aux nues, doivent d’avoir pris naissance, et à quelles époques ils se sont produits. Quand de Saussure, à l’aspect des bancs inclinés du célèbre poudingue de Valorsine, comprit que ces couches avaient été déplacées de leur position primitive, l’origine des montagnes par des soulèvements fut mise hors de doute; le phénomène se reliait au grand principe de la physique du globe sur l’instabilité de la surface ter¬ restre. — 6 — Mais l’autre question se présentait immédiatement : comment envisager ces prodigieux mouvements des terrains sous le rapport chronologique ? On crut d’abord que la formation des montagnes avait eu lieu à une seule époque. Il est incontestable, disait-on, qu’elles ne se produisent plus aujourd’hui et qu’elles ont précédé le dépôt des couches horizontales qui gisent à leur pied. J’ai raconté ailleurs par quelle suite de recherches un illustre savant entrevit que le phénomène avait été successif, que tel terrain, resté en couches horizontales en Lorraine, se trouvait en couches redressées et consti¬ tuait les montagnes du Jura. « Les soulèvements sont donc indépendants de l’âge des couches, concluait-il; ils ont pu se produire à toutes les époques. » Le fait, bientôt confirmé de plusieurs côtés, demeura acquis. Une importante découverte ne pouvait être loin. Elle eut lieu en effet quelques années après. Un groupe de couches est redressé en montagne, disait Elie de Beaumont dans un célèbre syllogisme. Contre leurs tranches inclinées reposent des couches horizontales. Le soulèvement des premières s’est donc effectué entre l’époque de leur dépôt et l’époque de for¬ mation des couches restées plates. h' âge des montagnes pouvait être déterminé ! On comprend la sensation que fit une telle conquête. Le labeur accompli pour la recherche de la chronologie terrestre est immense. Il absorba presque complètement et il absorbe encore les efforts de la géologie. Il est cependant loin de prendre fin. Mais, toutes partielles et inachevées que soient les études, que de progrès n’ont- elles pas su réaliser? Les résultats consignés sur les cartes géologiques de l’Europe, d’André Dumont et de Murchisson, celles de presque toute l’Amérique du Nord et d’autres grandes étendues, celles qui coordonnent les travaux sur toutes les parties explorées du globe, et, par-dessus tout, ces cartes spé- — 7 — ciales de tant de pays, recommencées à grands frais aus¬ sitôt qu’achevées pour pénétrer toujours plus avant dans le détail des choses, sont des monuments certainement dignes du grand siècle que nous traversons. Aussi que de moyens ont été mis en œuvre ! Les écoles répandirent partout les principes ; aux travadx privés, auxquels revient une si belle part, se joignit l’action des gouvernements qui créèrent des services géologiques dans toutes les parties du globe où la civilisation s’est fait jour ; les sociétés pour la diffusion et l’avancement de la géologie se combinèrent aux réunions intertionales afin d’unifier les principes et les résultats, les publications se succédèrent en nombre immense, et pour résumer leur contenu sur les dates géologiques, que seraient les 46 volumes de l’Art de vérifier les dates historiques, dont l’étendue excitait l’admiration, il y a quelque cin¬ quante ans ? Ces magnifiques prémisses ne pouvaient cependant satisfaire le besoin qu’éprouve la science de pousser plus avant dans le champ de l’inconnu. La succession des temps est établie, mais leur longueur demeure indéterminée. Il n’y aura pas de relâche qu’on ne parvienne à l’apprécier. Une tentative est restée in¬ fructueuse, une autre lui succédera, et celle-ci ne fùt- elle pas suivie de plus de succès, on ne songera pas à se décourager. C’est le cas pour le problème de la durée des époques géologiques. Je vais rappeler les principales voies par lesquelles sa solution a été cherchée. Elles nous reporteront à plu¬ sieurs des plus hautes questions qui aient été abordées dans le domaine positif*. La notion des grandes durées eut beaucoup de peine à s’introduire. Un laps de temps de quelques milliers d’an¬ nées pour une époque géologique paraissait excessif. Déjà, au commencement du siècle, s’élevaient cependant des protestations contre ces tendances. « Le temps ne coûte rien à la nature ! » s’écriait un géologue dans la — 8 — chaleur d’une discussion On en était parcimonieux néanmoins, et on le fut longtemps. A côté de l’influence des cosmogonies de l’antiquité , apparaissaient la théorie des révolutions du globe avec ses cataclysmes universels qui rompaient la chaîne des événements, et la théorie des créations successives qui ne voulaient chercher la loi du développement géologique de la vie que dans une suite alternative de destructions et de rénovations des êtres. La conséquence directe de ces spéculations était le rac¬ courcissement des temps géologiques. Mais, dès que des appréciations plus saines se firent jour, que la doctrine des causes actuelles se fut implantée, que les grandes vues de Lamarck et de Darwin sur l’enchaînement des êtres par voie de descendance directe furent admises , qu’en un mot la belle et philosophique donnée de l’évolu¬ tion devint la loi essentielle de la science du passé, la géologie était amenée à attribuer à l’ancienneté terrestre des durées énormes, presque incom mesurables. Gomment est-on parvenu jusqu’à présent à obtenir la notion effective de la longueur des temps? La mesure du temps est de grande importance dans la pratique de chaque jour, mais, par le fait même, elle ne s’applique qu’à de très faibles durées. Des parties de la durée de la révolution diurne, la se¬ conde, la minute, l’heure en sont les unités courantes. Pour apprécier ces longueurs, on eut recours à de nom¬ breux moyens. Le point de départ fut le changement de position qu’un lieu de la terre éprouve par rapport au soleil, par suite de la rotation du globe. On se servit à cet effet du gnomon qui se transforma en cadran solaire, pour en arriver à une série d’admirables instruments permet¬ tant de connaître l’heure en tout temps, depuis l’horloge à eau, dont on fit grand usage dans l’antiquité, jusqu’aux chronomètres dont se servent les marins et les astro¬ nomes. Mais il en est déjà tout autrement lorsqu’il s’agit de mesurer la longueur des temps dans la vie des peuples. — 9 — Aucun appareil automatique n’a été découvert pour dé¬ terminer leur durée. Le chronomètre, en histoire, est la main même des annalistes ; elle a patiemment enregistré, une à une, toutes les révolutions de la terre, non plus sur elle-même, mais autour du soleil. L’unité de mesure a dû augmenter la valeur. Elle est devenue l’année. Dans l'un comme dans l'autre cas, la suite des unités employées donne donc à la fois l’ordre de succession des faits et le temps exacte qui les sépare. Cependant l’enregistrement des années n’a eu lieu que dans des états de civilisation déjà fort avancés. Que de discussions se sont élevées sur les documents de la haute antiquité pour s’assurer qu’il n’y a pas eu d’interpola¬ tions, que la supputation des années a été exacte. Dans ces occurences, on a cependant encore des bases sérieu¬ ses d’évaluation. Par une habile critique, à la confronta¬ tion des faits énumérés par les historiens ou renseignés par les monuments épigraphiques des civilisations orien¬ tales, on a joint le calcul de l’époque des éclipses dont le souvenir a été conservé. On a pu ainsi rectifier beaucoup d’erreurs sur l’ancienne chronologie, faire coïncider des dates et remonter pour plusieurs peuples à un passé de quelques milliers d’années. Mais, dès que le document écrit fait défaut, tout devient ténèbres sur les durées. Nous atteignons les temps dits préhistoriques s’il s’agit de l'histoire de l'homme, les temps géologiques s’il s’agit de l’histoire de la terre. L’observation et l’induction sont les seuls moyens dont on dispose pour les reconstituer. L'appréciation des longueurs dans l’espace est fort simple. L’unité de mesure est quelque chose de tangible. Qu'elle soit le pied ou le mètre, il suffit de l'ajouter à elle- même un certain nombre de fois pour connaître exacte¬ ment une distance donnée dans des lieux accessibles. On se sert à cet effet de la chaîne d'arpentage. Cette opération élémentaire est en tout comparable à celle des annalistes. C'est une simple addition de valeurs connues. - 40 - Mais les géomètres ont adjoint au mesurage direct de l’espace un procédé puissant. Par la mesure des angles , on peut déterminer la distance des points les plus inac¬ cessibles et les plus grandes longueurs avec une précision que le chaînage le plus soigneux ne saurait dépasser. On est ainsi parvenu à apprécier des éloignements tels qu’il fallut, pour les exprimer pratiquement , employer la vitesse de la lumière comme unité. Ce sont des moyens d’un pouvoir comparable, dans la mesure du temps, à ces procédés trigonométriques dans la mesure de l’espace, que la géologie devait chercher à posséder. Pour y atteindre, elle fit de nombreuses et re¬ marquables tentatives. On devait naturellement songer d’abord aux phénomè¬ nes physiques dont l’action souvent répétée fait sentir ses effets par son accumulation même. L’épaisseur des deltas, les alluvions amoncelées sur les berges des rivières, les cônes de déjection des torrents les amas de tourbes semblaient surtout se prêter à des supputations sérieuses. Par la détermination de la quan¬ tité de matières accumulées pendant un temps connu, on pensait arriver à évaluer la durée de formation de la masse entière. Les recherches que la Société royale de Londres fit exécuter dans ce but dans le delta du Nil ne sont pas moins connues que celles dont le delta du Mississipi fut l’objet; on arrivait à 30,000 ans pour l’un, à plus de 100,000 ans pour l’autre. La célèbre évaluation de Lyell sur les dépôts houillers de la Nouvelle-Ecosse portait à 350.000 ans pour le Gange et à plus de deux millions d’années pour le Mississipi le temps que ces fleuves met¬ traient à former un égal amoncellement. On n’en resta pas à l’examen de ces problèmes spé¬ ciaux. Ainsi que le rappelait récemment un savant astro¬ nome, d'autres géologues n’ont pas hésité à aborder, en prenant pour point de départ les phénomènes actuels en général, l’estimation de la durée de formation pour l’en- — 11 semble des terrains pris en bloc. Cette estimation s’élève à 100 millions d’années dont les trois quarts sont réservés aux terrains primaires. Mais de tels calculs reposent sur des postulatums dont on ne peut se rendre maître. Les phénomènes se produi¬ sent-ils avec régularité, sans accélération ni ralentisse¬ ment pendant toute leur durée ? Dans qu’elle mesure précise les conditions du passé sont-elles restées compa¬ rables à l’action actuelle ? La réponse n’est pas douteuse. Trop de facteurs interviennent pour qu’on puisse obtenir des résultats satisfaisants. Des écarts étonnants d’appré¬ ciation, quand on vint à contrôler ces calculs, enlevèrent du reste tout crédit à ce mode de recherches. (.4 suivre). L’ORIENTATION AUDITIVE. Par M. Pierre BONNIER. Au point de vue physiologique, le mot orientation ne saurait avoir d’autre sens que celui d’analyse de tout ce qui constitue pour nous la notion d’espace. S’orienter est, à proprement parler, chercher à déter¬ miner la position qu’on occupe dans son milieu, mais nous n’avons ici à considérer que la partie purement analytique, déductive de cette recherche, c’est-à-dire la détermination de la situation qu’occupent les objets en¬ vironnants par rapport à nous. On ne peut refuser à l’oreille la faculté d’analyser l’espace : il serait superflu de vouloir la rendre mani¬ feste. Néanmoins, en ce qui concerne la notion de direc¬ tion des sons entendus, cet organe est moins bien par¬ tagé que l'œil ne l’est pour des perceptions analogues. Le champ de l’oreille est, sans doute, bien plus consi¬ dérable que celui de l’œil, mais, dans un même espace analysé par les deux sens, l’œil jouit d’une puissance d’analyse, de proportionnalisation, de classement dans les impressions dont l'oreille n’approche guère ; en re- - 12 vanche, l’oreille, bien que logée plus profondément que l’œil dans le crâne, permettra de trouver plus ou moins exactement l’origine d’un son, de quelque côté qu’il nous vienne. La distribution du travail analysateur de l'espace est, pour l’œil, d'une grande simplicité ; on ne peut imaginer, physiquement, un appareil plus simple pour analyser l’étendue qu’une concavité impressionnable offrant des éléments de surface perpendiculaires à tous les rayons qui pénètrent dans l’œil. Voit-on, a priori, quelque chose de semblable dans la disposition de l’oreille ? Il n’y a même pas à le chercher, puisque la transmission du mouvement n’est pas la même dans la vibration sonore et la vibration lumineuse ; en outre, on remarquera que, puisque tous nos sens sont des appareils analyseurs du mouvement extérieur qu'ils mettront par la suite en circulation dans notre orga¬ nisme, en provoquant ou non ce contrôle organique des sensations qui est la conscience, il est aisé de concevoir que la nécessité d’une adaptation à des mouvements dif¬ férents ait exigé des fonctionnements différents, et, par suite, des organes dont la structure mécanique soitpresque complètement distincte. Et à ce propos, il est intéressant de remarquer encore la facilité avec laquelle on imagine le fonctionnement qui analyse la vibration lumineuse, qu’on ne connaît pas, tandis qu’on ne se rend pas compte du perfectionnement de l’oreille analysant la vibration sonore, qu’on peut cependant forcer à venir s’inscrire elle même sur un appareil enregistreur et dont la nature est expérimentalement reconnue. Quoi qu’il en soit, il me semble qu’une route est à suivre, et une seule, dans toute recherche sur le méca¬ nisme de nos appréciations sensorielles. Tout fonction¬ nement, réduit à sa forme la plus simple, est une trans¬ mission de mouvement. L’action chimique et l’action physique, en physiologie comme en toute science, sont des actions uniquement mécaniques. On ne peut plus voir, en effet, aujourd’hui, dans tout phénomène chi- — 13 — mique, autre chose qu’un fait de physique moléculaire, atomique. Toute action, toute activité si délicate qu’elle soit, a pour manifestation sle mouvement, et peut, doit être considérée comme une recherche d’équilibre. De même en physiologie, qui dit organisme dit appareil de mise en circulation du mouvement, circulation dans une économie particulière, recherche constante de l’équilibre entre toutes les forces qui composent cette collectivité, entre cette économie elle-même et les autres forces qui lui sont extérieures. De même que, dans une machine, telle pièce est cons¬ tante, agencée de façon à manœuvrer dans tel sens et non dans un autre, de même nous devrons arriver à trouver que tel organe, si délicat soit-il, ne peut remplir que tel ordre de fonctions et non tel autre, étant donnée sa structure et l’espèce de mouvement qu’il a à trans¬ mettre. Mais ces déductions mécaniques que l’histologie ne peut encore nous donner, la pathologie nous les permet¬ tra peut-être en nous forçant à circonscrire nos hypo¬ thèses vers telle fonction, vers tel organe. Dans le cas de l’audition, et en particulier de l’orienta¬ tion auditive, l’expérimentation physiologique est (1) (1) Quelques expérimentations, que j’ai pu entreprendre au laboratoire de physique de l’Ecole de Médecine, aidé des conseils de mon excellent maître, M. Gariel et de M. Weiss, à qui j’offre en»ore ici tous mes remer- cîments, n’ont pu me donner de preuve expérimentale de la théorie que j’avance. La construction d’un appareil théorique constituant un étrier, une fenêtre ovale, un utricule et un canal demi-circulaire m’a bien permis de constater la présence d’un courant selon la présentation de l’étrier et dépen¬ dant en effet du sens de cette présentation, mais on n’a pas le droit de déduire d’une expérience purement physique une confirmation d’une hypo¬ thèse d’ordre avant tout physiologique. — D’un autre côté, en adaptant un résonnateur à un long tube de caoutchouc terminé par un petit tube de verre, j’ai pu obtenir à mon gré l’action d’une vibration déterminée sur telle partie de la membrane du tympan; mais comme je dirigeais moi-même la provenance du son, je n’ai jamais pu isoler l’impression réellement perçue de celle que je m’attendais à percevoir, sauf dans le cas où le son étant devenu très faible, j’avais l’illusion d’une cloche entendue de très loin et successivement de divers points de l’horizon. — 14 — presque complètement impraticable, en revanche, les documents authentiques cliniques ne font pas défaut. La pathologie de l’impression normale, lumineuse, so¬ nore, etc., va de l’éblouissement à la cécité complète, et l’orientation, en particulier, devient la désorientation, à l’état de vertige, passif ou actif, comme dans certaines maladies. De tous les sens que nous nous connaissons jusqu’ici, il n’en est pas un qui n’ait ses éblouissements, ses cécités, ses vertiges, cela se conçoit puisqu’ils sont tous des différenciations du tact, à commencer par le sens génésique. Et, dans cet exemple comme dans tous les cas, de la physiologie stricte à la pathologie recon¬ nue, la distinction n’est pas toujours aisée, c’est affaire de degrés ; l’organe s’équilibre plus ou moins avec l’im¬ pression dont il est le siège momentané, sa force de réaction l’équilibre plus ou moins aussi avec l’action qu’il ioit transmettre ; de là ses défaites, quelquefois sa neu¬ tralisation, ses affolements et ces vertiges qui, dans tel cas de spasme, rentrent dans la physiologie, dans tel autre cas, comme dans la maladie de Ménière, sont du domaine de la pathologie. Nous pourrons donc assez correctement passer de l’une à l’autre, et, dans les faits de clinique, chercher d’abord le siège du sens de l’espace. Rappelons d’abord brièvement la disposition de toute la partie de l’appareil auditif qui nous intéresse ici. De l'extérieur à l’intérieur, une première cavité pro¬ fonde commençant au pavillon et terminée par la mem¬ brane du tympan, forme l’oreille externe. Puis une membrane concave formant un cône très aplati dont le sommet supporte l’extrémité fixe d’un osse¬ let de forme particulière nommé marteau. Cet osselet s’emboîte par sa partie épaisse dans un autre osselet, nommé enclume , de telle manière que l’ensemble forme un Y renversé dont une branche multiplie (Helmholtz) par 1, 5 les mouvements de l’autre, quand le système oscille autour d’un axe qui passerait au sommet de l’angle. La longue branche de l’enclume s’articule à son tour par le petit os lenticulaire , à la tête d’un dernier osselet dont le nom indique la forme, c’est V étrier. Un muscle tend la membrane du tympan, des ligaments suspendent le marteau et l’enclume ; un muscle maintient enfin la tête du petit os étrier. L’étrier est appliqué par sa base sur la membrane de la fenêtre ovale qui ferme la seconde partie de l'oreille, dite oreille moyenne. Puis derrière cette membrane, plongeant dansun liquide, nous rencontrons une petite poche remplie elle-même de liquide et dans laquelle viennent aboutir trois canaux membraneux, dits canaux demi-circulaires. Ces trois ca¬ naux, perpendiculaires entre eux, ont, à l’issue de leurs embouchures dans l'utricule, une ampoule où affleurent les terminaisons nerveuses, des nerfs dits ampullaires, tandis qu’un quatrième embranchement forme le nerf utriculaire. 1er SCHÉMA. CE. Conduit auditif externe MT. Membrane du tympan. M. Marteau. E. Enclume. OL. Os lenticulaire. ET. Étrier. FO. Fenêtre ovale et sa membrane. U. Utricule et son nerf. A. Une ampoule et son nerf. CS. Un des trois canaux demi-cir¬ culaires. Ajoutons maintenant un second schéma pour expliquer — 16 — sans plus de détails la disposition des terminaisons am- pullaires. 2e SCHÉMA. Schéma d'une ampoule. J’emprunte maintenant à M. Paul Meyer (1) un court résumé historique de cette recherche. « Parmi les nombreuses explications données aux troubles moteurs produits par la destruction des canaux, celles de Goltz, Cyon, Mach, etc., d’un côté, de Budge, de Bornhardt, d’un autre côté, se fondent sur des phéno¬ mènes physiques ou mécaniques qui se produisent dans l’oreille interne. « L’endolymphe, mise en mouvement, soit par les changements de position de la tête en général, soit par la contraction du muscle de l’étrier (Budge) ou des autres muscles de la tête (Bornhart) agirait sur les parois des tubes qui la contiennent, mettrait enjeu les cils, et par là, les nerfs de l’appareils ampullaire, lesquelles, au lieu de produire des sensations d’acoustique, seraient simple¬ ment sensibles et excitables par pression ou tension, comme les nerfs tactiles de la peau. « Ainsi donc, d’après cette théorie qui, malgré une objec¬ tion sérieuse de Rosenthal, a trouvé beaucoup d’adhé¬ rents, l’appareil ampullaire ne serait qu’un organe central de l’équilibre. Sa valeur acoustique, mise en doute par la (1) Études histologiques sur le labyrinthe membraneux des oiseaux. plupart des auteurs, est expressément niée par quelques uns, tels que Moore et Berthold. « D'autres auteurs, renonçant à trouver une explica¬ tion directe, regardent les troubles de l’équilibre pro¬ duits par les lésions de l’appareil ampullaire comme résul¬ tant d’un simple vertige auditif retentissant sur tout l’organisme (Vulpian), ou comme la conséquence forcée de crampes réflexes provenant de l’excitation trauma¬ tique des nerfs des ampoules, idée soutenue sous diverses formes par Flourens, Brown-Séquard, Lowenberg, et à peu près réfutée par Scbiff et Curschmann. Et plus loin. « Il est vrai, comme nous l’avons déjà remarqué, que les ampoules présentent des organes terminaux assez distincts de ceux que nous avons trouvés dans les autres parties du labyrinthe. Ces longs cils flagelliformes des cristœ semblent en effet plus aptes à ressentir les simples oscillations de l’endolymphe que ne le sont les faisceaux auditifs, plus raides, plus courts et d’une autre appa¬ rence, que nous avons trouvés dans le saccule et l’utricule. « D’ailleurs nous avons fait remarquer comment l’utri- cule communiquant avec les canaux demi-circulaires pourrait servir à recueillir les sons venant des diffé¬ rentes directions. » M. Meyer cite encore l’opinion de Scarpa, de Hasse, etc., d’après lesquels la pars superior de l’oreille serait affectée à la perception de sons transmis par les os du crâne. Ogston admet que les dimensions des canaux sont en rapport avec l’utilité de percevoir les sons dans telle ou telle direction. Hasse semble, d’autre part, penser que chaque canal reçoit les sons transmis selon son plan, à travers le crâne, et que les vibrations transmises au liquide sont recueillies dans les ampoules. Je rappelle ces diverses opinions pour fortifier mon 2 — 18 — hypothèse de toutes les analogies qu’elle peut y rencon¬ trer. D’autres, avec Hensen, attribuent plutôt l’orientation auditive à la perception bi-auriculaire (1). Une autre opinion encore est celle de Manili, d’après laquelle les canaux seraient des déduits absorbant des vibrations qui ont déjà dépassé les ampoules, et joueraient le rôle d’étouffoirs après la perception. Pour M. Meyer, l’utricule peut être considéré comme le « collecteur de toutes les vibrations arrivant par toute voie autre que l’appareil tympanique. Un récent article de M. Yiguier dans la Revue Philo¬ sophique et une savante discussion soulevée plus récem ment encore à la Société d’Autbropologie parM. Mathias Duval montrent combien d’intérêts divers sont attachés à cette question. Pour la pathologie, j’emprunterai à une thèse récente de M. Robin (2), un certain nombre de documents cliniques qui jettent une lumière toute particulière sur les faits que nous cherchons à nous expliquer. Rappelons d’abord pour mémoire les expériences de Flourens sur les vertiges produits par des lésions des canaux, se manifestant par des mouvements dans la direc¬ tion du canal coupé. Gy on a montré que ces mouvements s’exécutent dans un plan parallèle à celui du canal irrité, mouvements de manège pour les canaux horizontaux, culbutes pour les verticaux : la lésion de deux canaux amenant des mouvements dans un plan dont la direction résultait de ceux des canaux. C’est de ces expériences que s’autorisa Cyon pour admettre que les trois canaux correspondaient aux coordonnées de l’espace. (1) Bien des gens privés de l’ouïe d’un côté, reconnaissent cependant parfaitement la provenance d’un son, qu’ils retrouvent dans le champ de l’autre oreille. (2) Des affections cérébrales consécutives aux lésions non traumatiques du rocher et de l’appareil auditif. Agrég. Paris. 1883. -19 — Sans citer d’autres expérimentateurs, constatons qu’il est aujourd’hui généralement admis que le système des canaux joue le rôle principal dans ce que Gy on a appelé le sens de V Espace. — « Le sens de l’équilibre, résume M. Robin, réside dans l’encéphale et probablement dans le cerveau ; bien que sa localisation nous reste inconnue, il existe et reste influencé par les lésions du vestibule. Si ce dernier est anormalement excité, soit directement, soit par l’inter¬ médiaire de la caisse, soit enfin par suite d’une irritation du centre vaso-moteur bulbaire, le vertige auditif surgit. — « L’appareil des canaux demi-circulaires est aussi nécessaire que l’appareil cérébelleux à la conservation de l’équilibration dans l’espace : celui-ci lésé, celle-là disparaît. Cette fonction, quoi qu'on pense d'ailleurs du sens de l'équilibre, domine jusqu’à présent toute la physio¬ logie pathologique du labyrinthe et du vestibule acous¬ tique. » — D’après Goltz (p. 52-53) c’est par le degré de l’exci¬ tation des terminaisons du nerf de l’Espace que le cerveau jugerait de la position correspondante de la tête et la modifierait en raison des nécessités physiques de l’équilibre; donc, toutes les fois que ces excitations seront modifiées, l’acte cérébral qui préside à l’équilibre sera troublé, d’où vertige. — (Et en note) — « Pour Goltz, l’endolymphe des arcades tend d’autant plus les différentes sections de la paroi qu’elles sont plus basses. La position de la tête change donc la répartition de la pression du liquide, et à chaque position de la tête, cor¬ respond une certaine forme d’excitation du nerf. » Il n'est personne qui, au commencement du sommeil, n'ait plus ou moins éprouvé une sensation d’effondrement lent ou brusque. Ce fait, observé fréquemment chez des malades, est constant chez bien des individus sains qui tressautent chaque soir au moment où le sommeil les gagne complètement. Souvent même, et je l’ai reconnu maintes fois, la réaction musculaire instinctive contre cet écroulement, suffit pour réveiller tout à fait. Il semble - 20 — tantôt qu’on est entraîné dans un mouvement de transla¬ tion rapide, tantôt qu’on trébuche de tout le corps. Mais les canaux ne sont pas seuls à entrer dans la pro¬ duction des vertiges. Quand, pour une raison ou pour une autre, la fenêtre ronde ne peut céder à la pression du liquide, et qu’fl s’exerce, provenant du tympan ou de l’oreille moyenne, une action sur la fenêtre ovale, le vertige se produit le plus souvent. Inversement, M. Bonnafout a montré que le même résultat se produit quand la pression diminue dans la caisse. — « Toute augmentation (Robin, thèse) de pression intra-auriculaire se transmettant aux expansions termi¬ nales du nerf de l’ouïe, est une source d’excitation. En effet, chez un malade dont la disparition du tympan per¬ mettait de voir l’étrier seul des osselets qui persistât, une simple pression exercée par un stylet sur cet os amenait des bourdonnements et une tendance au vertige. » Nous avons donc jusqu’ici à enregistrer l’action des canaux, la tension actuelle de l’endolymphe, et l’action de l’étrier. « Burnett, remarque encore M. Robin, cite des vertiges atténués produits par des spasmes des muscles des osse¬ lets, déterminant une pression anormale de la branche de l’étrier, soit par une contraction du tenseur du tympan suffisant pour vaincre l’équilibre normal entre celui-ci et le muscle de l’étrier, soit par une parésie de ce dernier muscle permettant au tenseur du tympan d’entrer en action sans la contraction autagoniste du muscle de l’étrier. » Citons enfin, pour terminer, des cas de vertige secon¬ daire à une pression exercée sur le tympan par un polype, à un catarrhe de la trompe, à une excitation superficielle de la muqueuse de la caisse ; et un singulier cas de vertige avec syncope , perte de connaissance, nausées et vomissements produits par la pression d’une colonne d’eau sur la membrane du tympan; des troubles - 21 - dans l’équilibre consécutifs à une injection de chloral dans l’oreille (Vulpian) de suif dans la caisse (id.), de chloroforme (Brown-Séquard). Notons en outre que ces vertiges ont toutes les varia¬ tions, depuis les manèges vertigineux exécutés par les animaux à la suite de lésions , jusqu’aux sensations de translation, de culbute en avant et en arrière, d’éléva¬ tion ou d’abaissement du corps tout entier, de rotation autour d’un axe vertical, signalées par M. Charcot chez un malade qui n’exécutait d’ailleurs aucun mouvement. Ces vertiges sont de plus accompagnés de phénomènes auditifs qui correspondraient, pour l’oreille, à ce que les phosphènes et les éblouissements sont pour l'œil. Si l’on cherche à s’expliquer ces particularités du sens de l’ouie par l’examen de l’organe où elles se produisent, et si l’on veut bien admettre qu’un organe, comme tout appareil mécanique, étant disposé d'une certaine façon, ne peut fonctionner que dans un certain sens, on se verra, je pense, logiquement amené aux déductions sui¬ vantes sur le mécanisme de l’orientation sous sa forme normale la plus simple. Schématiquement, et sans cependant s’écarter sensi¬ blement de la réalité , on peut considérer le groupe des trois canaux et de l’utricule comme un système de trois tubes ayant une portion commune. Chacun de ces canaux a une longueur considérable relativement à sa section, et l'on est autorisé à admettre que les déplacements du liquide qui les remplit ont surtout lieu dans le sens de la longueur; ce que vient d’ailleurs confirmer la disposition transversale de la crête acoustique formant une sorte de barrage précisément impressionnable atout déplacement, à tout courant imprimé à ce liquide. Cette hypothèse se fortifie en outre de la remarque que fait plus haut M. Meyer sur la structure des cils fiagelliformes des cristœ. Nous admettrons donc pour chaque crête acous¬ tique ampullaire, d’après sa structure et sa situation transversalle, une appréciation de courant dans un sens — 22 — ou dans l’autre, appréciation double du sens et de l’in¬ tensité du déplacement dont le liquide est animé. Normalement il ne peut y avoir déplacement du liquide dans un des canaux sans qu’il y ait aussi déplacement dans les deux autres et dans l’utricule : la mobilité même du liquide est très grande, par conséquent la recherche de son équilibre statique sera très précise, et de plus la section de l’utricule étant considérable par rapport à celle de chaque canal, tout déplacement du liquide dans l’utricule, partie commune aux trois canaux, sera, si petit qu’il soit, immédiatement perçu dans chacun des canaux. Voilà , semble-t-il , le fonctionnement qu’on peut tout d’abord attribuer aux nerfs ampullaires, indépendamment de toute idée préconçue du sens de l’équilibre et de l’o¬ rientation auditive. De plus, les canaux demi-circulaires se trouvant assez exactement emboîtés dans les conduits osseux, il faut bien admettre que, en dehors des lésions traumatiques du rocher le liquide ne peut se déplacer simultanément dans les trois canaux que 1° par un changement de posi¬ tion de la tête, modifiant la direction de la pesanteur du liquide et sa pression sur les divers parois ; 2° par une action exercée sur la paroi libre commune aux trois canaux, c’est-à-dire l’utricule, plongé et isolé dans le liquide du labyrinthe. Rappelons ici pour en faire la réciproque, la phrase de M. Meyer, dans laquelle il admet que l’utricule commu¬ niquant avec les canaux demi circulaires, pourrait servir à recueillir les sons venant de différentes directions. Nous pouvons inversement admettre que toute modifica¬ tion de l’état statique du liquide dans l’utricule produit trois courants « analytiques » dans les canaux. Rien ne s’oppose à ce qu’on imagine Tutricule propageant ses excitations dans les canaux ; et, s’il peut, synthétiser en une impression résultante les impressions composantes des trois canaux, n’est-il pas aussi logique de supposer que l’utricule, recevant une impression synthétique de — 23 — la direction (nous verrons plus loin de quelle manière), la transmette à la triple analyse des trois canaux demi- circulaires, et que sa dépression synthétique détermine trois courants « analytiques » si l’on peut ainsi s’ex¬ primer. C’est de cette façon que j e me représente les coordonnées physiologiques de la notion d’Espace, au moins pour l’audition. En géométrie, un point dans l’espace est dé¬ terminé par ses coordonnées ; tout mouvement de ce point sera constamment déduit des valeurs successives de ses coordonnées. Il en est de même dans l’appareil analyseur de l’espace. Le liquide des canaux et de l’utri- cule cherchant à rétablir son équilibre quand il est rompu, tout mouvement d’une partie du liquide lie les autres parties d’un déplacement correspondant ; un élé¬ ment du liquide de l’utricule ne peut subir un déplace¬ ment sans que d’autres éléments dans les canaux ne se déplacent proportionnellement : autrement dit, les parti¬ cules hquides des canaux sont liées à celles de l’utricule et tout déplacement de celui-ci s’analyse dans les canaux, apprécié par une triple perception de courants dans les trois crêtes acoustiques des ampoules. La structure au¬ jourd’hui bien connue de ces organes me dispensera d’entrer dans les détails de cette perception. L’intensité du courant s’apprécie par la pression exercée par le liquide en mouvement contre celui des versants (de la crête) qui lui fait face ; et la direction de ce courant se reconnaît au versant impressionné. On obtient ainsi l’ap¬ préciation simultanée de courants négatifs ou positifs, d’intensités variables, dont la somme et la composition sont constantes pour une même impression, Pour saisir complètement cette théorie, il faut consi¬ dérer maintenant la disposition de la pars supérior de l’oreille. On ne peut donner pour cause aux valeurs rela¬ tives des courants produits, valeurs d’intensité et de sens, que le sens et l’intensité synthétiques de la pression exercée sur la paroi de l’utricule. Si telle portion de l’utricule est comprimée, telle autre portion se dilatera - 24 — ou cherchera à se dilater (dans l’état normal), delà un courant dans l’utricule même, courant perçu parles ter¬ minaisons nerveuses utriculaires ; et de plus, dans les orifices des canaux qui seront voisins de la partie com¬ primée de l’utricule, le liquide sera refoulé , tandis qu’aux autres extrémités il sera aspiré par la dilatation de la paroi opposée de son utriculaire. Donc un courant dans l’utricule, trois courants corrélatifs dans les canaux donneront au nerf de l’espace ( Cyon ) la notion composée de la situation du point de l’espace qui a produit l’exci¬ tation analysée Dans les cas (pathologiques, voyez ci- dessus) où, par suite d’une pression du liquide labyrin¬ thique, celui de l’utricule ne peut se dilater pour équi¬ librer la dépression utriculaire, il y a pression anormale sur les terminaisons nerveuses et perturbation du sens statique. (Eblouissements et vertiges auditifs). Cherchons maintenant quelle action extérieure peut déterminer les modifications dans la forme de l’utricule. Immédiatement il faudra s’adresser à la seule partie mo¬ bile de l’oreille interne, la fenêtre ovale, dont la mem¬ brane suit tout les mouvements de la base de l’étrier. Nous avons vu, par les cas pathologiques cités plus haut, que toute la chaîne des osselets, et la membrane du tympan sont loin d’être indifférentes à la production des vertiges. Nous admettrons donc qu’elles jouent un rôle physiologi * que dans l’analyse de l’espace, puisque leur altération pathologique produit un vertige. L’étrier en effet transmet à la fenêtre ovale et par elle au liquide du labyrinthe la vibration, ou plutôt une vi¬ bration complexe représentant timbre, vibration qui sera analysée ensuite en ses éléments plus ou moins harmo¬ niques par la pars infèrior de l’oreille ; et en outre des mouvements d’oscillations translatoires propres à la vi¬ bration elle-même, à la hauteur, à l'intensité, au timbre sonore, l’étrier ne se présente pas toujours normalement au plan de la membrane ovale. On peut concevoir que sa base, qui correspond, à travers la fenêtre ovale, à la — 25 — paroi de l’utricule situé à une petite distance, puisse se présenter de différentes manières. Le muscle de l’étrier en effet, par son insertion même, ne sert pas seulement à maintenir l’étrier contre la membrane ovale, il joue aussi le rôle d’un axe suspendant la tête de cet osselet et permettant à celui-ci des mouvements de bascule dans tous les sens. Par exemple, la base de l’étrier sera dirigée vers le haut (suivant un angle toujours très aigu avec la direc¬ tion ordinaire), quand la branche longue de l’enclume abaissera l’os lenticulaire et l’on sait que cette branche de l’enclume multiplie par 1,5 le mouvement de l’extrémité du manche du marteau, qui à son tour est invariablement lié au sommet de la membrane tympanique. 3e schéma. Schémas où le mécanisme des oscillations est exagéré pour indiquer les déplacements de l’étrier correspondants à une pression vibratoire venant 1° de haut; 2° de bas. La présentation de la base de l’étrier dépend donc direc¬ tement des oscillations du sommet du cône tympanique. 26 — Toute la chaîne des osselets est suspendue sur deux axe : lu les ligaments u marteau, 2° le muscle de l’étrier. L’engrenage particulier de l’enclume et du marteau permet à ce dernier d’ertrainer la tête de l’enclume dans toutes les directions où il est lui-même entraîné par le sommet du tympan, et de communiquera la longue bran¬ che de l’enclume les déplacements de l’axe du cône tym- panique. La base de l’étrier reproduit ces déplacements en sens inverse en basculant sur son muscle et l’on voit qu’une partie de l’utricule sera déprimée, correspondant à un déplacement de l’axe tympanique. La membrane du tympan se prête d’ailleurs très bien à cette manœuvre. Les fibres radiales , par leur disposi¬ tion même, sont telles que pour toute pression exercée sur le tympan , certaines fibres sont plus tendues que d’autres , celles qui sont parallèles à la direction de cette pression ; d’autres sont plus refoulées, ce sont celles qui se trouvent dans un plan perpendiculaire à la direction de la pression. De plus , la portion médiane de ces fibres est renflée , tandis que la partie proche du sommet semble chercher à opérer la jonction des génératrices le plus loin possible de la base du cône , ce qui augmente l’amplitude des oscillations du sommet et par conséquent du marteau et de l’étrier. Notons, en outre, que la corde du tympan accroît cette sensibilité de la membrane en attirant en arrière le som¬ met du cône , et peut-être en faisant prendre à ce cône une forme plus favorable à la perception de telle direc¬ tion soit reconnue d’abord , soit devinée. Il est très admissible que l’action de la corde du tympan ne puisse être la même quand nous écoutons une personne qui parle soit devant, soit derrière nous, ou quand nous tournons la tête vers cette personne. Dans ce dernier cas, le son venant directement dans le conduit auditif, tout l’effort de la corde est consacré à la délicatesse de la percep¬ tion , et à l’accommodation de distance. Dans les premiers cas, elle avait à faire prendre à la — 27 - membrane la forme la plus favorable à la perception d’un son de direction connue , à l’accommodation de distance de précision et d’intensité. Les documents de pathologie que nous avons exposés plus haut font, par eux-mêmes, la discussion de cette hypothèse, et je ne pense pas qu’ils lui soient défavora¬ bles. Enfin, la profondeur du conduit auditif externe, cor¬ rélative dans la série , à une mobilité de plus en plus grande de la tête sur les épaules , ne s’oppose en aucune façon à l’hypothèse que j’expose. En résumé, l’orientation auditive consiste, selon nous, dans l’enchaînement mécanique suivant, selon la direction dans laquelle le son nous arrive : 1° L’axe de la membrane du tympan oscille dans le sens de la pression qu’elle reçoit ; indépendamment du va et vient de cette membrane à chaque vibration ; 2° Le sommet de cette membrane entraîne le marteau et l’enclume suspendus sur les ligaments du marteau ; 3° L’étrier oscille en sens inverse autour de l’insertion de son muscle qui lui sert d’axe ; 4° La présentation de la base de l’étrier dans la fenêtre ovale détermine une dépression sur la paroi correspon¬ dante de l’utricule ; 5° Cette dépression , compensée immédiatement par une dilatation à l’autre extrémité du système utriculaire, détermine une rupture de l’équilibre statique du liquide , c’est-à-dire trois légers courants dans les canaux demi- circulaires : 6° La triple composition de ces courants , dans leur sens et leurs intensités , jointe à l’impression purement synthétique du nerf utriculaire , constitue la perception de la direction que nous attribuons au son ; 7° Cet enchaînement se produisant pour tous les points de l'espace, nous en concluons par renversement notre situation dans l’espace, c’est-à-dire que nous prenons — 28 — conscience de notre équilibre et de nos ruptures d’équi¬ libres. On concevra donc que tout accident dans ce fonction¬ nement produira la désorientation , puis le vertige. Cette appareil pour l’analyse de l’espace diffère donc en bien des points de celui que constitue l’œil : 1° Là où le globe de l’œil se meut, nous tournons la tête ; sinon nous pouvons uniquement, par la corde du tympan , diriger inconsciemment presque toujours , l’ou¬ verture du cône tympanique dans la direction où nous cherchons la meilleure perception. Tendre l’oreille si¬ gnifie donc tourner la tête sur le cou de façon à viser le son cherché selon l’axe du cône tympanique, tendre cette membrane de façon à la rendre plus impressionnable aux vibrations aériennes, enfin l’orienter pour mieux présenter son angle d’ouverture à la direction de ces vibrations. C’est ce qui constitue Y accommodation d'o¬ rientation ; 2° L'accommodation à la distance se fait parla tension mesurée des muscles de la chaîne des osselets ; 3° L'accommodation à l’intensité , également par l’at¬ tention, la précision de l’action de ces muscles pour percevoir les vibrations infinies , comme pour résister aux trop grandes. Ajoutons , à titre de curiosité esthético physiologique seulement, une admirable exploitation du sens de l’es¬ pace par l’art Wagnérien. Presque constamment , dans le cours d’une représentation , à Bayreuth , il se produit chez l’auditeur une sorte de syncope du sens de l’espace. L’obscurité profonde où se trouve le spectateur, l’invisi¬ bilité complète de l’orchestre dont l’action musicale possède une si grande précision tant par l’exactitude de l’expression que par la puissance des combinaisons so¬ nores, semblent destinées, par le prodigieux tact physio¬ logique de ce tout puissant artiste, à « désorienter», dans — 29 — le sens scientifique de ce mot , le spectateur et l’auditeur. Il est une impression que j’ai pu fréquemment contrôler par celles d’autres personnes qui l’avaient éprouvée comme moi, il est une impression exactement domina¬ trice de tout l’organisme subjectif, impression dont on ne se rend pas compte sur le moment, impression incons¬ ciente et formelle, c’est qu’au Wagner-Theater , on n’a pas conscience de soi-même. Le public n’existe pas cons¬ ciemment à Bayreuth ; tout ce qui en moi est susceptible de répondre à l’appel de ce drame vivant, se mêle intime¬ ment à ce drame, vit de sa vie. Le reste est complète¬ ment annihilé. On reprend possession de soi-même quand les rideaux se referment. Ce résidu musical du détermi¬ nisme dramatique qu’est l’orchestre wagnérien , cette force physiologique qui associe si profondément notre organisme sensitif au devenir de l’action vivante , nous ignorons d’où elle sort, nos sens sont en désarroi , car cette musique semble ne plus avoir d’existence objective, elle nous semble aussi bien être le propre mouvement de notre pensée qu’un enchaînement orchestral : aucun point d’appui qui nous permette de le décider. Wagner, avec l’art de l’avenir, n’a d’ailleurs pas fait autre chose qu’une application expérimentale de la phy¬ siologie intuitive qui faisait son génie, et d’où l’on pourrait tirer dès à présent les lois fondamentales de l’expérimen¬ tation esthétique. De tels artistes sont les pionniers de la science et remplissent bien le véritable but de l’art, qui est de contrôler les facultés humaines pour édifier de plus en plus soliment l’évolution expérimentale , c’est-à- dire la vie consciente. Pierre Bonnier. SÉANCE ANNUELLE DE RENTREE DES FACULTES. Rapport de M. VIOLLETTE, doyen de la Faculté des Sciences de Lille. Le mercredi 19 novembre 1884, a eu lieu, à onze heures du matin, dans la grande Salle des Fêtes de rHôtel-de-Yille de Douai , la rentrée solennelle des Facultés et Ecoles de Médecine de Douai, sous la prési¬ dence de M. Nolen, recteur, assisté de MM. les Inspec¬ teurs d’Académie, de MM. les Doyens des Facultés et de M. le Directeur de l’Ecole de Médecine. Un grand nombre de professeurs et de fonctionnaires ainsi que plusieurs personnages politiques assistaient à cette solennité universitaire. Nous extrayons du discours de M. Violette, doyen de la Faculté des Sciences de Lille, les passages relatifs aux travaux personnels du professeur. Section des sciences mathématiques. M. Boussinesq, professeur, a présenté à l’Académie des Sciences, et publié dans les Comptes-rendus de cette Académie, quatre articles sur Y équilibre-limite ou Y état èbouleux des masses sablonneuses. Les trois premiers sont relatifs principalement à la poussée qu’exerce, dans cet état, un terre-plein horizon¬ tal, contre une paroi verticale ou inclinée mobile autour de sa base. Les équations aux dérivées partielles de l’équilibre, pour le cas d’une telle masse homogène ou ayant partout le même coefficient de frottement inté¬ rieur, ont été, jusqu’ici, rebelles à nos méthodes d’inté¬ gration. Mais l’auteur prouve directement, dans son premier article Sur la poussée d'une masse de sable , à surface supérieure horizontale, contre une paroi ver¬ ticale ou inclinée , que, sauf à l'intérieur d’un certain coin de sable contigu à la paroi, l’état mécanique est — 31 — nécessairement le même en tous les points équidistants de la surface supérieure ; ce qui ramène la question à un cas simple, bien connu, et équivaut a effectuer l’inté¬ gration pour tous ces points. Quant aux autres, voisins de la paroi ou composant ce coin de terre qui exerce justement la poussée demandée, il tourne la difficulté, dans son deuxième article (Sur la poussée d'une masse de sable, à surface supérieure horizontale, contre une paroi verticale dans le voisinage de laquelle son angle de frottement intérieur est supposé croitre légèrement d’après une certaine loi), en montrant qu’il existe une catégorie de massifs, modérément hétérogènes près de la paroi, pour lesquels l’intégration est facile, vu que les équations aux dérivées partielles s’y réduisent à une de la forme de celle des cordes vibrantes, ou de d’Alembert, dont l’intégrale a ses fonctions arbitraires déterminées par les conditions de glissement du massif contre la paroi ou de liberté de la surface supérieure. Cette méthode s’étend même au cas de deux parois parallèles, assez rapprochées pour que, sur le bas de l’une d’elles, la poussée du massif sablonneux interposé soit diminuée par l’influence supportante de l’autre. Enfin, revenant à l’hypothèse, seule pratique, de l’homogénéité, dans le troisième article ( Calcul approché de la poussée et de la surface de rupture , dans un terre-plein horizontal homogène contenu par un mur vertical), il observe qu’un massif d’un coefficient de frottement donné est toujours compris, au point de vue de sa résistance à l’éboulement, entre deux séries de massifs hétérogènes delà catégorie précédente, dont les uns résistent plus que lui, ou don¬ nent des poussées moindres que la sienne, tandis que les autres résistent moins ou donnent des poussées plus fortes. Par suite, la plus forte des poussées moindres et la moindre des poussées plus fortes lui fournissent, pour celle qu’on demande, deux évaluations, approchées res¬ pectivement par défaut et par excès, entre lesquelles il lui suffit de prendre la moyenne arithmétique pour avoir une valeur pratiquement très exacte. Et il détermine — 32 — aussi les inclinaisons de la surface de rupture, notable¬ ment concave vers le haut à sa partie inférieure, sur laquelle ont lieu les glissements les plus considérables de la masse qui s’éboule. Le quatrième article (Sur le principe du prisme de plus grande poussée , posé par Coulomb dans la théorie de V équilibre-limite des terres) a pour but de montrer le parfait accord de la nouvelle théorie de l’équilibre- limite des masses inconsistantes, inaugurée en 1856 par Rankine, avec ce principe fondamental de l’ancienne théorie, créée par Coulomb en 1773, que la surface de rupture d’un massif commençant à s’ébouler a précisé¬ ment la forme et la direction corrélatives à la plus forte poussée possible exercée contre le mur qui se renverse. Seulement, pour pouvoir, de la belle loi de maximum dont il avait eu l’intuition, tirer un moyen d’évaluer la poussée, Coulomb fut obligé de supposer plane la sur¬ face de rupture, bien qu’il eût pressenti ou déjà observé qu’elle était sensiblement concave ; et cette hypo¬ thèse vicie gravement, à certains égards, l’ancienne théorie. Notre collègue fait voir cependant que, par suite de la faible variation des fonctions dans le voisinage de leurs maxima ou minima, il n’en résulte pas de grandes erreurs sur la poussée, mais qu’il faut néanmoins se défier de ces erreurs, car elles sont toujours par défaut, ou dans le sens contraire à la sécurité, et tendraient à faire donner aux murs de revêtement des épaisseurs insuffisantes. Dans trois notes, insérées aux Annales des Ponts et Chaussées en novembre 1883 et juin 1884 (Sur la pous¬ sée horizontale d’une masse de sable, à propos des expériences de M. G . Darwin ; Addition relative aux expériences de M. Gobin ; Complément à de précé¬ dentes notes sur la poussée des terres ), M. Boussinesq a étendu les résultats des articles dont il vient d’être rendu compte aux cas de massifs ayant leur surface supé¬ rieure en pente, ou soutenus par des parois non verti¬ cales ; et il les a appliqués, tant pour ces cas que pour — 33 — celui, plus simple, d’une surface horizontale avec paroi verticale, aux mesurages de poussée les plus soignés que l'on possède, savoir, aux expériences déjà anciennes du lieutenant-colonel Audé et à celles, plus récentes, faites, les unes, en Angleterre, par sir G. H. Darwin, profes¬ seur à Trinity — Collège de Cambridge, les autres, en France, par M. Gobin, ingénieur en chef à Lyon. Les formules théoriques les représentent avec toute la préci¬ sion que comportent les observations mêmes, bien que les coefficients entrant dans ces formules, savoir le poids spécifique et l’angle de frottement intérieur ou de talus naturel (mesurés, au besoin, pour un degré donné de tassement s’il s’agit non de sable pur, mais d’une terre sablonneuse) se déterminent par des expériences indé¬ pendantes de celles de poussée. L’éminent doyen de la section mécanique de l’Acadé¬ mie des sciences, M. de Saint-Venant, a signalé l’impor¬ tance de ces recherches dans une note des Comptes- rendus (7 avril 1884y, où il dit qu’ « elles rendent à l’art des constructions, en permettant d’y réaliser des écono¬ mies sans danger, un service réel », et qu’ « elles sont destinées à fournir aux ingénieurs des moyens de calcul qui répondront pour bien longtemps à ce qui était forte¬ ment désiré dans la matière. » M. l’ingénieur en chef Flamant, professeur à l’École des Ponts et Chaussées, a commencé, en effet, la construction de tables déduites des formules de notre collègue ; et ses calculs ont déjà mis en évidence un fait intéressant, consistant en ce que, dans le cas très usuel d'un massif à surface supérieure soit horizontale, soit montante, soutenu par un mur ver¬ tical, si l’on prend la composante de la poussée suivant une droite dirigée (en descendant) vers l’intérieur du massif et inclinée par rapport à la verticale d’un angle moitié de celui de la surface supérieure avec l’horizon, la composante ainsi obtenue est sensiblement la même pour toutes les valeurs pratiques de cet angle et de celui du frottement intérieur ; car elle égale environ les 15 centièmes de la poussée d’un fluide de même densité que 3 — 34 — le massif sablonneux et s’élevant à la même hauteur que lui contre le mur. Cette simple remarque suffit aux ingé¬ nieurs pour construire sans tables ni calculs, avec une approximation presque toujours suffisante, la poussée qu’ils ont besoin de connaître. M, Boussinecq a publié encore dans le Journal de ma¬ thématiques pures et appliquées, un article Sur la pres¬ sion moyenne en chaque point de l'espace qu'occupe un liquide agité. Il y démontre que, dans une masse d’eau houleuse ou clapoteuse remplissant un bassin, la pression moyenne exercée à un certain niveau est dimi¬ nuée, par le fait du mouvement, d’une quantité égale (en hauteur du liquide) au produit de l’inverse de la gra¬ vité g par la valeur moyenne du carré de la composante verticale de la vitesse des molécules qui y passent. Il en résulte, comme l’avait observé expérimentalement M. de Caligny, Correspondant de l’Académie des sciences, que l’on peut, au moyen de conduits convenablement ména¬ gés, faire écouler vers une mer agitée des eaux stagnantes d’un niveau un peu inférieur au sien. Cette article est suivi d’une note ou l’auteur complète des recherches an¬ térieures sur la résistance qu’éprouve l’écoulement soit dans les coudes étroits des tuyaux de conduite, soit dans les tournants relativement plus larges des cours d’eau naturels, et il montre comment un approfondissement persistant de lm30, obtenu, il y a quelques années, sur une passe difficile de la Garonne, par une réduction de la largeur au 4/5 de sa valaeur primitive, aurait pu, à cinq centimètres près, se déduire de principes exposés dans son Essai sur sa théorie des eaux courantes. Enfin : 1<> Dans une note des Comptes-rendus (Sur le problème de la résistance d'un anneau à la flexion), M. Boussinesq a expliqué par le principe de Fermât tou¬ chant la quasi-invariabilité d’une fonction dans le voisi¬ nage de ses maxima et de ses minima, comment il se fait que la charge capable de faire fléchir très notablement une barre verticale, ou la pression capable de faire flé¬ chir très notablement une barre verticale, ou la pression — 3o — capable, en s’exerçant sur la face extérieure d’un man¬ chon cylindrique, de le déformer très sensiblement, ne soient presque pas plus grandes que la charge ou la pres¬ sion correspondant à des flexions imperceptiqles ; 2° Dans une autre note des Comptes-Rendus [Remarque relative à la vitesse de propagation de V intumescence produite dans V Océan Indien par ! éruption de Krakatoa), il a observé qu’une lame immense, due à l’écroulement, dans la mer, du volcan de Khrakatoa, lors de la dernière et célèbre éruption, s’est bien propagée à travers l’Océan Indien conformément aux lois théoriques des longues ondes, car sa vitesse constatée devant Port-Elisabeth d’Afrique, par 2528 mètres environ de profondeur d’eau et 34° de latitude australe, a été de 157m, 22 ; par seconde alors que la formule théorique ( ) donne 157m,37 ; 3° Il a fourni à M. de Saint-Venant, pour évaluer les restes de séries doubles , peu convergentes, exprimant les vitesses de l’eau dans un vase prismatique à fond rec¬ tangulaire ou hexagonal régulier percé en son centre d’un orifice, des formules simples, absolument indispen¬ sables; qui s’obtiennent en concevant tout un plan divisé en compartiments de même forme que le fond du vase, et les divers termes des séries doubles inscrits dans ces compartiments, autour d’un compartiment central affecté au premier terme, puis en convertissant en une inté¬ grale d’un calcul facile, par une répartition graduelle de leurs valeurs sur toute l’étendue des compartiments respectifs, la somme de ces termes inscrits hors d’un cercle (ou d’une autre figure régulière) d’assez grand rayon, concentrique ou compartiment central, tandis que les termes compris dans le cercle (ou dans cette autre figure) sont évalués et ajoutés directement. Je renverrai à une prochaine séance de rentrée le compte-rendu d’un ouvrage considérable, dont l’impres¬ sion est très avancée, qui a pour titre : « Application des potentiels à V étude de V équilibre et du mouvement des solides élastiques, avec des notes étendues sur di¬ vers points de Physique mathématique et & Analyse ». — 36 — M. Boussinesq le publie dans les Mémoires delà Société des sciences de Lille. Section des sciences physiques. Physique. — M. Terquem a publié dans la Revue des Cours scientifiques , une étude historique sur les origi¬ nes de la physique et les développements successifs de la méthode expérimentale depuis les premiers philosophes grecs jusqu’à Galilée ; il a communiqué à la Société des Sciences de Lille des extraits de Vitruve, relatifs à l’état des sciences à l’époque d’Auguste. M. Damien, maître de conférence, a publié : 1° Exercices pratiques pour la licence , première conférence. (Bulletin scientifique du Nord, décembre 1883) 2° Recherches électriques d'après G. Quincke. (Jour¬ nal de Physique, t. III, février 1884.). 3° Sur la précision des appareils de polarisation ro¬ tatoire. (Bulletin scientifique du Nord, octobre 1884.) 4° Une série d’analyses critiques de mémoires de physi¬ que publiés à l’étranger (Journal de physique théorique et appliquée.) 5° Il a, en outre, communiqué à la Société des sciences de Lille, les principaux résultats de ses recherches sur sur les variations de la forxe èlectromotrice des piles et la construction d’éléments constants, le travail complet paraîtra incessamment. Chimie. — M, Wilm, professeur de chimie générale, poursuivant ses études sur les eaux minérales de la France, a fait, dans le courant de l’année, les analyses des principales sources sulfureuses de Cauterets, de Ba- règes et de St-Sauveur (Hautes -Pyrénées) ainsi que celles des eaux bicarbonatées Sodiques du Boulou (Pyrénées- Orientales). Ces travaux ont été soumis au comité consultatif d’hy¬ giène de France (commission des eaux minérales) et sont publiés dans le Recueil des travaux du Comité. — 37 — M. Violette, professeur de chimie industrielle et agri¬ cole, a publié dans les Recueils périodiques spëciauw à l'industrie sucrière , une note établissant que les variétés de betteraves roses et blanches sont de même valeur pour la fabrication du sucre . Section des Sciences naturelles. ZOOLOGIE. M. P. Hallez, professeur suppléant, a présenté à l'A¬ cadémie des sciences, un article « Sur la spermatoge¬ nèse et sur le s phénomènes de la fécondation chez V Ascaris megalocephala . » Cet article a paru dans les Comptes rendus Il a publié sur le même sujet une note préliminaire dans le Bulletin scientifique du Nord. Il a publié en outre dans les « Mémoires de la Société des sciences de Lille » deux mémoires avec planches. Le premier sur Y Histologie des organes mâles des Néma¬ todes » ; le second sur la « signification morphologique de la trompe des Nèmertiens et des Rhabdocœles , du pharynx des Rhabdocœles et de Rhodope Veranii, et de l'anus des Nèmertiens. » Enfin M. P. Hallez a fait à la Société régionale d’horti¬ culture du Nord de la Frnace, une conférence sur « les Fourmis et les Pucerons », dans laquelle il a rendu compte de nouvelles expériences qu’il a instituées dans le but d’étudier les mœurs de ces animaux, expériences qui complètent celles de sir John Lubbock. Cette con¬ férence est publiée dans le Journal de la Société régio¬ nale d'horticulture du Nord de la Fiance. M. G. Dutilleul, préparateur du cours, a publié dans le Bulletin scientifique du Nord, les analyses ou traduc¬ tions des mémoires suivants : 1. Les pelottes stomacales du lapin (d’apres M. Ch. Morot). 2. Les Iguanodons de Bernissart (d’après M. L. Dollo). — 38 — 3. Développement de Borlasia vivipara (Salensky). 4. Embryogénie de Dendrocœlum lacteuw, (Jijina). 5 . Une annélide commensale d’un corail (W alter-Few- Kes). Il a en outre continué ses recherches sur l'anatomie des Hirudinées et a étudié en particulier le genre Pon- tobdelle. GÉOLOGIE ET MINERALOGIE- M. Gosselet a publié : 1. Note sur le faille de Remagne et le métamorphisme qu’elle a produit. 2. Note sur le schiste de St-Hubert dans le Luxem¬ bourg et principalement dans le bassin de Neufchâteau. 3. Note sur quelques affleurements des poudingues devonien et triasique et sur l’existence des dépôts silu riens dans l’Ardenne. 4. Remarque sur la faune de l’assise de Vireux à Grupont. 5. Note sur deux roches cristallines du terrain dévo¬ nien dn Luxembourg. 9 6. Etude sur les tranchées du chemin de fer de l’Est entre St-Michel et Maubert-Fontaine. M. Charles Barrois, docteur ès-sciences, maître de conférences, a poursuivi ses recherches pour la carte géologique de France, du ministère des travaux publics. 11 a terminé cette année la feuille de Granville au 1/80000 ; et a parcouru les départements de Maine-et- Loire, Loire-Inférieure, pour la carte d’ensemble, à petite échelle, de la France. Il a publié cette année : 1. Sur le glancophane de l’Ile de Croix (Société miné¬ ralogique de France, t. VI, p. 289). 2. Sur les schistes métamorphiques de l’Ile de Croix (Société géologique du Nord, t. XI, p. 18). — 39 — 3. Sur le Chloritoïde du Morbihan (Société minéralo¬ gique de France, t. VII, p. 37). 4. Sur les Dictyospongidœ des psammites du Condros (Société géologique du Nord. t. XI, p. 80). 5. Sur les grès métamorphiques du Guéméné (Société géologique du Nord, t. XI, p. 103). 6. Sur les ardoises à Nereites de Bourg d’Oueil (Haute- Garonne), (Société géologique du Nord, t. XI. p. 219). 7. Sur l’étage aptien de la Haute-Garonne (ibid. , p. 227). 8. Observations sur la constitution géologique de la Bretagne (2 notes, ibid., p. 87-278). 9. Une série d’analyses critiques de travaux de géolo¬ gie faits à l’étranger : James Hall, J. W. Judd, K. Zittel, J, Lehmann, A. Schenk, Th. Fuchs, G. Schwager, de la Harpe, E. Pratz, de Loriol. von Lasaulx (Revue scienti¬ fique ou société géologique du Nord). M. Achille Six. préparateur, a publié pendant l’année scolaire 1883-1884 : 1. Les Dinosauriens du crétacé supérieur de la Bel¬ gique (analyse d’un travail de M. L. Dollo). 2. Les Dinosauriens de Bernissart (suite de l'analyse des travaux de M. L. Dollo). 3. Les poussières des glaces. 4. L’évolution des céphalopodes, d’après le professeur Alpheus Hyatt. 5 Une excursion à Pernes (en collaboration avec M. Ortlieb). 6. Les Fougères du terrain houiller du Nord. 7. Un oiseau landénien en Belgique. 8. Les crocodiles de Bernisart. 9. Les Appendices des Trilobites. 10. Un nouveau Dinosaurien , analyse d’un mémoire du professeur ü. G. Marsh. 11. L’Amphibien et les Chéloniens de Bernissart. — 40 — 12. Les Dino sauriens carnivores de la famille des The- ropoda, d’après le professeur O. G. Marsh. 13. Le Challenger et les abîmes de la mer. 14. Les hydrocarbures naturels de la série du pétrole. BOTANIQUE. M. Bertrand, professeur, a publié : 1° Une note sur le Phylloglossum Drummondi, cette singulière Lycopodiacée de la Nouvelle-Hollande qui est dans la nature actuelle le plus proche parent des Lepidodendron houillers du type Hartcourtii et du type Rhodumnense. 2° Une étude sur le genre Vesquia , Taxinèe fossile des Terrains aachèniens. On trouvait il y a quelques années, dans les poches aachéniennes du calcaire de Tournai des graines fossiles ou carpolithes réduites à leur coque ligneuse et caractérisées par la présence au voisinage de leur chalaze de deux traces vasculaires. Les paelo botanistes n’avaient pu déterminer la nature de ces carpolithes et à plus forte raison n’avaient pu indiquer la plante à laquelle ils appartenaient. M. Bertrand appli¬ quant à l’étude de ces carpolithes les résultats de ses Recherches sur les Téguments séminaux des Gymnos¬ permes a démontré qu’ils appartenaient à une Taxinée, et que l’on avait affaire à une plante intermédiaire entre le genre : californien Torreya et les Taxus ou Ifs de nos pays. L’orientation inverse des deux faisceaux de ces coques est en effet inverse de ce qu’elle est chez toutes les autres Phanérogames à ovules orthotropes et carac¬ térise les Taxinées. De plus la position de ces deux fais¬ ceaux dans la coque même assigne à ces fossiles leur place entre les Torreya et les Taxus. Cette Taxinée que M. Bertrand a appelé Vesquia vient combler le hiatus qui séparait les deux tribus de cette famille. 3° Une étude synthétique ayant pour titre : « Loi des surfaces libres. » Dans ce travail M. Bertrand définit - 41 - les zones génératrices secondaires dépendantes des sur¬ faces libres de la plante, que ces surfaces soient natu¬ relles ou accidentelles. Il distingue deux classes de zones génératrices les Cambium et les Cambolormes et donne les deux lois qui fixent les positions des produits de ces zones. M. Bertrand a montré par de nombreux exemples la généralité de la loi des surfaces libres qui s’applique à la décortication, à la chute des feuilles, aux cals, à la formation des tissus subéreux, des noyaux osseux, des tissus cicatriciels naturels ou accidentels, des galles, des faisceaux secondaires à l’isolement des kystes et des parties mortifiées, à la formation des ca- neaux sécréteurs. M. Bertrand a montré que la Loi de « position des productions secondaires des faisceaux ordinaires » n’eut qu’un cas particulier de la loi des sur¬ faces libres. Cette loi s’applique non seulement aux vé¬ gétaux mais aussi aux animaux et préside au fonction¬ nement du périoste lors de la régénération des os, à la rénovation incessante de l’épiderme à la rénovation de l’epithelium intestinal à la génèse des tissus cicatriciels, etc., etc. C'est une synthèse de même ordre que la Théorie du Faisceau. M. Lignier, préparateur, a publié : 1° Une note sur le Parcours des Faisceaux des Caly- canthées. Dans cette note parue aux comptes-rendus de l’Académie des sciences, M. Lignier rectifie les obser¬ vations de M. Woronin, les complète sur plusieurs points importants et explique l’anomalie de la tige de ces plantes. 2° Une note sur l’anatomie générale des Calycanthées. Dans cette note publiée dans les Bulletins de la Société Botanique de France, M. Lignier résume ses longues recherches sur la structure des Calycanthées et les con¬ séquences qu’on peut en déduire pour établir les affinités de cette singulière famille. — 42 — Récompenses et distinctions. Une élection de membre titulaire ayant eu lieu, en décembre dernier, à l’Académie des sciences , dans la section de mécanique, notre collègue, M. Boussinesq, y a été présenté et a obtenu onze suffrages. La Société des sciences de Lille a décerné à M. Ber¬ trand, professeur de botanique, le prix Kuhlmann pour l’ensemble de ses travaux, et spécialement pour la créa¬ tion du laboratoire de botanique de la Faculté, ainsi que pour sa théorie du faisceau et son mémoire sur les Tmésiptéridées. Enfin M. Charles Barrois, dont les travaux jouissent d’une si haute notoriété en France et à l’étranger, a été élu membre correspondant de la Société géologique de Londres. NOUVELLES ZOOLOGIQUES L’étude de la constitution anatomique de la glande nidamenteuse de l’oviducte des Sélaciens, a permis à M. Perravex d’expliquer le processus de formation de la coque cornée qui protège la ponte de ces animaux. Déjà en 1860 Bruch avait reconnu dans la glande nidamenteuse une région moyenne striée , à laquelle il assignait un rôle prépondérant dans la formation de la coque. M. Perravex reconnaît dans cette portion de la glande une série de lames à épithélium serré et cilié entre les¬ quelles s’ouvrent des cæcums glandulaires produisant la substance de la coque. — Que se passe-t-il pour l’œuf traversant l’oviducte et comment se produit cette coque en forme de violon terminée à ses extrémités par de longs filaments ? L’auteur nous l’explique de la façon la plus ingénieuse : « L’œuf tombant des ovaires, entr’ouvre » la partie supérieure de la glande où il prend sa couche - 43 — » albumineuse. Mais, dès que l’œuf arrive dans la région » moyenne, l’écartement des parois permet aux lames de » se relever, et la matière, glissant entre elles, donne » des feuillets cornés , qui, s’emboîtant les uns dans les » autres, se soudent (grâce à leur plasticité) sur la région » inférieure pour former le front antérieur de l’œuf. » Tant qu’il descendra, cette opération se continue, mais, » dès qu’il a pu franchir le col de la glande et pénétrer » dans l’utérus , le phénomène inverse va se produire , » et sous l’influence de son élasticité, la glande, reve- » nant sur elle-même, applique l’une sur l’autre ses » deux surfaces planes, et par cela même, abat les » lames sur les ouvertures des tubes glandulaires. La » sécrétion de la coque ne va donc plus se faire que dans » les régions externes dans deux lumières cylindriques » qui mouleront la matière suivant deux longs fils. »Une circonstance heureuse a permis à l'auteur de constater de visu l’exactitude des données ci-dessus. Dans son travail classique sur l'embryogénie de Che- lifer, Metsghnikoff signalait une larve présentant : 1° Extérieurement une lèvre musculaire, deux paires de membres et un abdomen rudimentaire ; 2° Intérieurement une masse de vitellus nutritif. M. le Dr Jules Barrois, directeur de la station zoolo¬ gique de Villefranche , vient de reprendre l'étude de cette larve. Il lui reconnaît une structure plus com¬ pliquée. — Cette larve présente, en effet, cinq paires de saillies exodermiques (rudiments de pattes), une couche do grosses cellules exodermiques à la surface du vitellus, un volumineux appareil de succion formé de deux lames chitineuses accolées et mues par une puissante masse musculaire. Une ouverture placée entre les pattes de la deuxième paire et munie de deux glandes spéciales constitue une bouche larvaire permettant au jeune animal parasite sous la face ventrale de la mère de se — 44 ~ nourrir aux dépens de cette dernière. Cet appareil de succion disparait dans la suite du développement. Le système nerveux naît, non pas d’une bandelette unique mais de deux bandelettes séparées par l’appareil de succion qu’elles poussent plus tard vers l’extérieur en se soudant bout à bout. — Avant sa chute (qui a lieu en même temps que celle de l’enveloppe larvaire) l’appa¬ reil de succion n’est plus rattaché à l’embryon que par un cordon grêle inséré sous la bouche définitive. Les derniers numéros des Comptes Rendus de l’Aca¬ démie des Sciences renferment deux notes de M. le Prof. de Lacaze Düthiers sur l’organisation et le développe¬ ment de Gadinia Garnotii (Pay.) Ce Gastéropode mé¬ diterranéen, vit dans les anfractuosités d’une forma¬ tion calcaire analogue aux « trottoirs » de Vermets observés en Sicile par de Quatrefages. — Ces bandes calcaires en saillie sur les rochers sont ici formées par une algue incrustante, et sont placées au niveau des moyennes hauteurs de la Méditerranée. Par suite même de son habitat le Gadinia vit tantôt dans l’eau, tantôt dans l’air. — Il n a pas de branchies . Un sac pulmonaire à parois minces et peu vascularisées logeant l’organe de Bojanus, constitue chez lui une sorte de poumon aqua¬ tique. L’observateur n’y a en effet jamais rencontré d’air. Ce poumon ne doit jouer dans la respiration qu’un rôle secondaire et celle-ci doit s'effectuer surtout par le bord du manteau lequel est très riche en vaisseaux. La tête et le bulbe lingual, sont sujets à de grands déplacements. Le bulbe lingual et les muscles qui le meuvent traversent le collier œsophagien. Ce collier, très large pour cette raison, présente trois paires de ganglions distincts (céphaliques, pédieux, stomatogastriques), unis entre eux par des connectifs et des commissures formant deux colliers. — Il en existe un troisième, mais celui-ci ne comprend qu’un nombre impair de ganglions (trois). C’est une réduction du centre asymétrique desPulmonés. — 4o — Les organes des sens sont : deux yeux noirs sous les lobes en éventail de la tête lesquels doivent être tatiles, deux otocystes placés sur les ganglions pédieux avec très longs nerfs acoustiques issus du cerveau et enfin un organe olfactif (?) au voisinage de l’orifice du poumon. Gadinia est hermaphrodite vrai. Les canaux mâle et femelle s’ouvrent séparément le premier au-dessus, le second au-dessous de l’œil droit. — La ponte est entourée d’une substance visqueuse. — L’étude du développement de l'œuf: montre segmentation totale, gastrula invagi • nata , stade trochosphère , stade veliger. — A ce stade apparaît au pôle aboral une coquille d’abord turbinèe et operculée qui plus tard par suite de la sécrétion par le manteau d’un immense péristome acquiérera sa forme patelloide définitive. — La partie turbinèe comblée par la sécrétion calcaire disparait chez l’adulte. Le même auteur signale un moyen pratique de recon¬ naître sans avoir besoin pour cela de les disséquer les diverses espèces de Cynthia . Ce moyen lui est fourni par les pièces dures qui garnissent la tunique réfléchie, pièces qui varient suivant les espèces. Il suffit, d’après l’auteur, d’enlever un fragment du bord d’un siphon, et de l’exa¬ miner à un grossissement convenable pour reconnaître immédiatement quelle espèce on a sous les yeux. M. le Dr Théodore Barrois qui a publié dans le Bulletin Scientifique du Nord une série de notes préliminaires sur l’anatomie du pied des Lamellibranches , vient d’ex¬ poser dans une note à l’Académie des Sciences les prin¬ cipales conclusions de son travail d’ensemble sur les glandes byssogènes et les pores aquifères. Il résulte de ses recherches que l’organe byssogène type { Cardium edule) comprend : 1° Un sillon sur la carène à la face inférieure du pied. 2° Des glandes du sillon. - 46 — * 'Un canal partant de l’extrémité postérieure du sillon. 4° Une cavité du byssus creusée dans le pied et en relation avec le canal ci-dessus. — Les parois de cette cavité portent les lamelles entre lesquelles naissent les racines du byssus. 5° Des glandes byssogènes déversant leur produit dans la cavité du byssus. Les cellules de ces dernières ont la forme de larmes bataviques, le col de celles-ci représentant le canal ex¬ créteur. Cet appareil peut se compliquer ou se dégrader. Dans le premier cas nous voyons les glandes devenir plus denses, le pied s’effiler en muscle linguiforme, les lamelles devenir plus nombreuses et les filaments du byssus former des touffes ( Mytilus ) ou une seule masse compacte (Area) ou même s’incruster en ossicule (Ano- Mia.) Lors de la dégradation au contraire on voit tout d’abord ce byssus disparaître. Le sillon se réduit, il est dé¬ pourvu de glandes ( Donax ) ou bien il persiste ainsi que la cavité du byssus, mais il n’y a plus de glandes ( Monta - cuta) — On peut encore n’avoir plus au lieu et place du canal qu’un court cæcum aveugle ( Psammobia telli- nella ) — Enfin et comme dernier terme delà dégradation, disparition de l’appareil ( Pholas , Solen , etc.) L’auteur signale en outre chez Pecten, Anomia, Lucina des glandes qu’il considère comme muqueuses. Utilisant toutes les ressources de la technique moderne l’auteur a obtenu un nombre considérable de coupes d’une admirable netteté et d’une extrême minceur (0m001 à 0m003). Aucune d’elles ne lui a montré les pori aquiferi de Griesbach. Il en nie l’existence et admet que ces prétendus pores aquifères ne sont autre chose que des embouchures de glandes bysso¬ gènes en régression. — 47 — Le développement des Spongilles vient de faire de la part du Dr A. Gôtte l’objet d’une note dans le Zoologis- cher Anzeiger. — Les principaux résultats de ses recher¬ ches sont les suivants : L’embryon à deux feuillets est une Sterrogastrula dans laquelle se forme en arrière une cavité endoder¬ mique. L’exoderme disparaît entièrement lors de la fixation de la larve ; la future éponge dérive en totalité de l’en¬ doderme. Cet endoderme se divise en un feuillet externe formant l’épiderme et remplaçant l’exoderme, et en une masse compacte interne, qui donnera tous le reste (ca¬ naux, corbeilles, etc.) Il n’y a donc pas à distinguer ici endoderme et méso¬ derme. Enfin les spongilles comme toutes les éponges dérivent d’ancêtres à deux feuillets, mais actuellement tous leurs organes se forment aux dépens d’un feuillet unique. Signalons en terminant l’apparition du tome X des « Challenger Reports. » Ce volume de 360 pages avec 80 planches renferme : les Nudïbranches par le Dr R . Bergh ; les Myzostomides par L. von Graff ; les Cirrhi- pèdes par Hœk ; les crânes humains recueillis durant le voyage par le Pr. W. Türner et enfin les Bryozoaires Chilostomes. ( 286 espèces dont 180 nouvelles ) , par G. Busk. G. Dutilleul. — 48 — BIBLIOGRAPHIE. LES ANOMALIES MUSCULAIRES CHEZ L’HOMME LEUR EXPLICATION ET LEUR IMPORTANCE SCIENTIFIQUES (1). Par le professeur TESTUT. Le propre des études scientifiques est non-seulement de bien observer les faits , de les grouper ët de les mettre en série naturelle , mais aussi de retirer de leur rapprochement une idée d’ensemble , une causalité, qui nous fasse prévoir leur existence et leur retour dans des circonstances données. C’est cette dernière part de travail intellectuel que nous appelons généralisation. Suivant leur importance, le nombre et la masse de faits qu’elles embrassent, les idées générales prennent le nom de principes, de lois, déréglés, de faits normaux. C’est là la part spéculative de la science, les seuls résultats dura¬ bles, en définitive , de l’expérience humaine, ce qui nous permet de savoir ce qui se passera dans telle ou telle circonstance , d’exploiter à notre profit les phénomènes de la nature, de les favoriser s’ils nous sont avantageux, de les enrayer ou de les éviter tout à fait, dans le cas contraire. La généralisation , simple ou complexe , est une des premières nécessités de notre esprit, qui ne peut res¬ sentir à la fois un trop grand nombre d’impressions et qui a besoin d’en former un faisceau, de les lier ensemble, pour les conserver. A cette exigence commune à tout ordre de faits, est venue s’en ajouter une autre pour les (1) Voy. Journ. d’hist. nat, de Bordeaux et du S. O., 1884, pages 34, 50, 66 et 82. - 49 — sciences qui avaient pour nous un intérêt immédiat : la nécessité utilitaire. L’anatomie humaine, par exemple, a dû se constituer rapidement et hâter ses généralisations devant les exigences de la pratique. Il fallait, dès le début, au médecin, des données précises ou réputées telles sur les organes de ses malades ; au chirurgien , la connais¬ sance vraie ou non de ce que son instrument allait ren¬ contrer ; aux professeurs des Facultés de médecine, le moyen d’instituer un enseignement didactique, provisoire ou définitif. Dans les sciences objectives soumises à des nécessités pareilles , on a dû forcément négliger un certain nombre d’observations , celles qui , étant plus rares, ne pouvaient pas être immédiatement mises en série. Les faits de cet ordre ont constitué les exceptions à la règle, les anomalies. Ils se rencontrent cependant si communément dans le travail scientifique, qu’on a admis comme axiome qu’il n’y a pas de règle sans excep¬ tion, et que la scolastique du moyen âge, avec sa dialec¬ tique paradoxale, a établi que l’exception confirme la règle, jolie perle de raisonnement qui , pour friser le sophisme , n’en conserve pas moins de valeur. Pour en revenir à l'anatomie humaine, les exceptions et les anomolies étaient subies avec résignation par les pra¬ ticiens, qui les déclaraient un mal inévitable , et tolérées par les professeurs, qui, sans les traiter en sophistes, les considéraient comme des quantités négligeables. On s’était rarement demandé pourquoi il y avait des anomalies de structure, satisfait qu’on était de les énumérer et d’établir leur degré de fréquence. Peu de personnes avaient tenté de leur trouver une explication raisonnable et de les rattacher à une cause de production. Seuls, Meckel en Allemagne , et les Geoffroy Saint-Hilaire en France avaient cherché à démontrer que les grosses anomalies et même aussi certaines monstruosités étaient dues à des arrêts de développement et de formation. Mais on les avait si peu écoutés au commencement de ce siècle , le talon de Cuvier s’est fait si longtemps sentir sur eux , 4 - 50 - qu’aucun anatomiste depuis un demi-siècle n’avait eu le courage de reprendre leur œuvre. Eh bien ! c’est cepen¬ dant la tâche qui n’a pas effrayé M. le docteur Testut. Il a voulu faire rentrer définitivement les anomalies dans une loi d’ensemble, rétablir l’ordre dans ce chaos, non pas pour toute l’anatomie humaine, ce qui eût été beau¬ coup trop vaste , mais pour le système musculaire en particulier. Ce champ restreint ne lui en a pas moins demandé cinq années de travail assidu, et le livre qu’il vient de publier à ce sujet (1) n’a pas moins de 850 pages, grand in-8°. Professeur-agrégé à la Faculté de médecine de Bordeaux pour la section des sciences anatomiques et naturelles, chef des travaux anatomiques , et comme tel chargé pendant cinq ans du service des dissections à l’amphithéâtre, M. le docteur Testut a été en situation d’utiliser bien des matériaux et il l’a fait avec une acti¬ vité et une perspicacité peu communes. En outre, il a mis à contribution les magnifiques ressources du Muséum de Paris , ainsi que tous les spécimens que le hasard lui a fait tomber sous la main. A ses propres recherches , il n’a pas manqué d’ajouter toutes les observations isolées ou réunies déjà par certains anatomistes. De sorte qu’on peut considérer comme son œuvre aussi autorisée que possible. Dans l’ancienne façon d’envisager les choses , lorsque tout en nous et autour de nous était considéré comme des créations directes et individuelles d’une Toute-Puis¬ sance dont il était même téméraire de vouloir pénétrer les desseins, les anomalies quelconques ne pouvaient (1 ) Les Anomalies musculaires chez l’homme , expliquées par l’ana¬ tomie comparée; leur importance en anthropologie , par le docteur L. Testut, professeur-agrégé et chef des travaux anatomiques de la Faculté de médecine de Bordeaux, lauréat de la Faculté de médecine et de l’Aca¬ démie de médecine de Paris; précédé d’une préface par M. le professeur Mathias Duval. — Bordeaux, imprimerie G. Gounouilhou/ — Paris, G. Masson, éditeur, 1884. — 51 être regardées qu’avec respect. Les plus hardis seuls pouvaient en faire à leurs risques et périls des jeux de la nature. Depuis que la grande doctrine de l’évolution dérivée des phénomènes a été appliquée avec tant de succès aux phénomènes de l’univers, depuis que le mo¬ nisme enseigné par Heckel et les disciples de Darwin s’est imposé à l’esprit humaiu et n'a plus laissé ni aléa ni inconnaissable autour de nous , dans une certaine im¬ mensité de temps et d’espace, bien des parties non défrichées de la science et déclarées jadis impénétrables ont été mises en culture. Armés de principes nouveaux, les naturalistes sont partis en conquête , et les résultats qu’ils ont obtenus dans toutes les directions prouvent l’excellence de leurs méthode nouvelle , pour l'exploita¬ tion des vastes horizons de la science universelle. Deux principes contraires et antagonistes dominent toute la filiation des espèces et des individus : l'hérédité des caractères et la variabilité, autrement dit la tendance des descendants à répéter leurs parents et la tendance qu'ils ont à s’écarter d’eux anatomiquement parlant. Les conditions du milieu extérieur, parmi lesquelles se place au premier rang la concurrence vitale, peuvent favoriser l'une ou l’autre de ces tendances, maintenir une sorte de statu quo momentané , qui est le résultat d'un équilibre de forces et non une inertie organique, comme l'ont admis les partisans de l’invariabilité des espèces ; ou accentuer de génération en génération l'éloignement de la souche primitive , ce qui entraîne l’apparition de nou¬ velles espèces , ainsi que cela se produit à certaines époques de l’histoire du globe. La tendance à varier ou la variabilité peut s’établir en deux sens différents : ou bien faire reprendre aux indi¬ vidus des caractères qui ont déjà appartenu à des ascen¬ dants plus ou moins éloignés , mais qui avaient disparu de la lignée ; ou bien s’exercer dans des voies nouvelles quelconques. Les variations régressives étant toutes nui¬ sibles ou inutiles à l'homme , la concurrence vitale les fait disparaître à mesure de leur production , et les em- - 52 pêche ainsi de se fixer une seconde fois par une hérédité qui reprendrait de nouveau la même voie. C’est ainsi que l’équilibre établi en faveur des caractères actuels, qui sont les plus profitables aux individus, continue à persis¬ ter, malgré tant de poussées dissolvantes. Les variations nouvelles, elles, peuvent être favorables, indifférentes ou nuisibles à ceux qui les présentent. Dans le premier cas, la concurrence vitale les met en relief, et l’héridité les fixera d’autant plus sûrement qu'ils se répéteront plus souvent. Dans le dernier cas, ils ont la plus grande chance de disparaître et d’entraîner avec eux la perte du sujet mal partagé. Pourquoi, s’est dit M. le docteur Testut , ne considè- rerait-on pas ces inexplicables anomalies anatomiques en général et musculaires en particulier, comme des résultats du principe de variabilité organique commun à tous les êtres et auquel l’homme animal avant tout, ne sau¬ rait échapper ? Et cela d’autant plus que notre corps est rempli de petits organes normaux tout à fait inutiles, que les naturalistes retrouvent fonctionnant à souhait dans la sérié animale et qu’ils considèrent aujourd’hui comme des rudiments, comme des faits d’atavismes, véritable héri¬ tage gênant que nous avons reçu de nos plus lointains ancêtres. Pourquoi les anomalies musculaires ne seraient- elles pas aussi, en tout ou en partie, des variations en retour, des faits ataviques? Il fallait vérifier, et M. Testut s’est mis aussitôt à l’œuvre. On peut dire que tout son grand et beau livre est la démonstration éclatante de la vérité de son point de départ. Toutes les anomalies musculaires observées un certain nombre de fois chez l’homme sont la reproduction d’une disposition normale chez certains mammifères , et surtout chez les singes ; dans cette catégorie, il n’est pas de faisceaux accessoires, de masses surnuméraires, de tendons déviés, d’attaches changées, d’apophyses qui ne reproduisent une particularité constante de l’organisation anatomique des vertèbres supérieurs. Bien mieux, il — 53 — n’est pas une seule disposition normale de l’appareil musculaire des singes, notre parenté la plus immédiate, qui n’ait été retrouvée à l’état d’anomalie chez nos sem¬ blables. Que conclure de cela? C’est que, comme le dit M. le docteur Testut, si les hommes en général diffèrent des singes sur bien des points de leur système musculaire, il en est quelques-uns qui, sur certains points, leur res¬ semblent entièrement ; c’est que, si nous avions à la fois le pouvoir de construire un corps humain et le loisir d’emprunter à un nombre de sujets indéterminés les divers matériaux de son système musculaire, à l’un son cléido-trachélien , par exemple , à l’autre son dorso- épitrocbléen, à un troisième son scalène intermédiaire, à un quatrième telle autre disposition simienne, etc., nous arriverions ainsi à constituer un système musculaire simien avec des organes empruntés exclusivement à l’homme. Si semblable chose pouvait être répétée pour les autres systèmes anatomiques, nous ferions un singe avec un ensemble de variations ataviques humaines. Toutes ces variations d’ordre régressif sont facilement vérifiables, parce que nous avons sous la main des témoins et des termes de comparaison pour les divers états par lesquels nous sommes passés, avant d’être ce que nous sommes aujourd'hui. Mais, ne trouve-t-on pas isolées çà et là des variations nouvelles qui pourraient devenir pro¬ gressives, être un élément de perfectionnement anato¬ mique? Assurément, on en trouve, mais en moins grand nombre que les autres. La tendance à une adaptation nouvelle, les efforts de notre organisme cherchant à cha¬ que génération à s’élever à une modalité anatomique autre que celles qui ont déjà existé ou qui existent ne sont pas douteux. Mais cette tendance est jugulée par les exi¬ gences du milieu ambiant, et ce n’est que dans le cas où la variation réaliserait un état plus parfait, qu’elle aurait chance d’être entretenue par l’hérédité. M. Testut en signale plusieurs de ce genre, qui pourront peut-être un jour passer à la dignité d’état normal. Mais on conçoit combien cette seconde catégorie d’anomalies est moins — 84 — connaissable que la première. Dans l’état actuel de la science, nous ne savons pas encore dans quelle direction va notre organisation ; nous le saurons sans doute un jour, si tant est que nous puissions être en mouvement progressif notable, non pas au point de vue du fonction¬ nement de nos organes qui se perfectionnent constam¬ ment si nous les exerçons, mais au point de vue anato¬ mique. J’admettrai plus volontiers que nous sommes arri¬ vés à ce dernier titre, à un état d’équilibre complet entre nos forces organiques et nos conditions de milieu. Quand celles-ci changeront sensiblement, ce qui leur arrivera certainement un jour, et que l’équilibre sera rompu, notre variabilité organique pourra se donner libre carrière et provoquer des modifications plus ou moins profondes qu’il ne nous est pas encore donné de prévoir. Si nos variations anatomiques sont pour la plupart la reproduction de l’état normal des animaux en général et des singes en particulier, elles sont par le fait même des traces indubitables de notre origine et de notre filiation. C’est là une conséquence qui n’a pas échappé à l’esprit, trop scientifique pour être incorrect, de M. le docteur Testut. Reproduisons une fois de plus ses conclusions finales, que nos lecteurs méditeront: «Les anomalies musculaires rencontrées par un anatomistequi se confine dans les cadres restreints des descriptions classiques , dit-il, dans sa dernière et plus générale conclusion, pas¬ sent inapperçues ou sont invariablement sacrifiées comme peu digne d'occuper notre esprit, ou même de surchar¬ ger notre mémoire. Etudiées au contraire par un anato¬ miste tout aussi familiarisé avec l’anatomie comparée qu’avec l’anatomie humaine, elles nous apparaissent comme portant en elles les plus hauts enseignements et prennent, comme l’a déjà écrit S. Pozzi, «une place ca¬ pitale dans l’anatomie philosophique. » La nature n’a pas séparé l’homme des autres vertébrés ; nous devons l’imi¬ ter, nous anatomistes, et ne jamais séparer l’étude de l’homme de celle des vertébrés. Ce n’est que par cette — 55 — association constante de l’anatomie humaine et de l’ana- tomie comparée que nous pourrons acquérir non seule¬ ment sur notre corps en général, mais sur chacun de nos appareils, sur chacun de nos organes, une notion exacte et complète, notion que l’anatomie humaine seule ne nous fournira jamais. « Ainsi entendus, les différents chapitres de l’anatomie humaine ne seront plus de simples énumérations, souvent aussi fastidieuses que stériles, et les salles de dissection de simples dépositoires de cadavres, où nos élèves se bornent le plus souvent à isoler par un travail malpropre des muscles, des artères, des nerfs, sans autre préoccu¬ pation que celle de bien voir, suivant ce principe que l’on ne retient bien que ce que l’on a bien vu. » L’anatomie devient une science essentiellement éle¬ vée par sa nature et ses enseignements ; chaque salle de dissection devient un temple, au frontispice duquel de¬ vrait être gravé le « yvwxi own/cov » de la philosophie anti¬ que. Et, en effet, bien mieux que bhistoire, dont le champ est singulièrement restreint ; bien mieux que les raison¬ nements d’une méthaphysique dont le règne est heureu¬ sement près de s’éteindre, au grand profit des sciences naturelles ; bien mieux que les traditions ou les mythes des poètes, l’anatomie nous fait connaître l’homme, en nous indiquant ce qu’il fut, ce qu’il est, ce qu’il sera un jour peut-être, car je suis de ceux qui croient à une évo¬ lution permanente des espèces dans la nature, de l’espèce humaine comme des autres. » Et qu’on n’adresse pas aux anatomistes cette accu¬ sation imméritée de vouloir abaisser l’homme, de le dégrader : l’anatomie, sans doute, ramène l’homme dans la classe des mammifères, mais elle le place dans l’ordre le plus élevé de cette classe, l’ordre des Primates ; et si elle ne peut le distraire de cet ordre des Primates pour l’élever à un rang supérieur, elle le place tout au moins au plus haut degré de l’échelle. L’anatomie fait donc de l’homme le plus parfait de tous les Primates ; par elle , l’homme est le premier des premiers parmi tous les êtres — 56 — vivants. Comme l’a dit fort judicieusement Broca, « cela peut bien suffire à son ambition et à sa gloire. » En résumé, M. le docteur Testut, dont les travaux honorent dès aujourd’hui la faculté de médecine de Bor¬ deaux, a su élargir un cadre ingrat et expliquer de la façon la plus naturelle et la plus plausible tout un ordre de faits de détail qui avaient jusqu’ici exercé en vain la sagacité des anatomistes. 11 leur a donné, au point de vue de l’anatomie comparée et de l’anthropologie, une impor¬ tance capitale, en les faisant servir à la démonstration chez l’homme de cette grande loi de variabilité atavique et progressive, qui régit le règne animal tout entier. Aussi ne sommes-nous point étonnés que la Société d’Antropologie de Paris, qui avait à décerner l’an dernier pour la première fois le prix Broca (1,500 fr.), l’ait pro¬ clamé lauréat à l’unanimité. C’est une récompense aussi flatteuse que méritée qui lui est venue, sans préjudice de celles qu’il a obtenues depuis et qui l'attendent encore. Dr J.-A. Guillaüd. ( Journal d' Histoire naturelle de Bordeaux). LILLB. — IMP. L. DANBL. 1884-1885. N° 2. FÉVRIER. LA MORT ET L’INDIVIDUALITÉ (1) Par C.-S. MINOT. La conception ordinaire que Ton se fait de la mort con¬ sidérée comme phénomène biologique est restée très confuse et peu scientifique. Je veux essayer dans cet article d’analyser ce problème, et, en plaçant en pleine lumière les facteurs qui entrent en jeu, de diminuer l’obscurité dont ce sujet est encore enveloppé. Et ceci me semble d'autant plus désirable que les dernières publications de Weismann et de Goette touchant ce sujet si général ont augmenté plutôt que diminué la confusion qui y règne. Ainsi ces auteurs n’établissent aucune des distinctions nécessaires entre les différents genres de mort, les divers ordres d’individualité, et les différentes formes de reproduction. Et ce que j'avance ici, je crois le prouver par ce qui suit : Voyons d’abord ce qui concerne l’individualité. L’indi¬ vidualité, comme elle est généralement comprise (c’est- à-dire comme une chose restant toujours équivalente à elle même,) n’existe pas dans la nature, sauf subjective¬ ment comme une notion purement fantaisiste de l’esprit humain. On applique ce terme d '«individu» à des êtres qui n’ont entre eux pas le moindre point comparable. Un individu protozoaire, un individu polype, un individu in¬ secte ne sont pas homologues et leurs corps ne peuvent se comparer. Cette forme vicieuse de notre langage nous impose forcément l’idée que ces individualités ont une commune valeur, alors qu'au contraire ce seul et même mot désigne ici trois états très différents. Je ne puis com¬ prendre la raison de l’immense importance attachée à cette idée mystique de l’individualité qui, dans la réalité, ne correspond simplement qu’à la capacité physiologique (1) Tiré du journal « Science , « vol. IV, n° 90, 24 oct. 1884. New-York. 5 - 58 - d’avoir une existence particulière ; dans l’usage courant elle désigne je ne sais quelle vague propriété fondamen¬ tale de la vie, qu’en fin de compte l’esprit ne peut même pas saisir. Nous avons maintenant renoncé à considérer les ailes de l'abeille, de l’oiseau, de la chauve-souris comme identiques ou homologues entre-elles à cause de leur nom ou de leur fonction. Mais les différents genres d'individus animaux ou végétaux ont beau différer plus les uns des autres que les différents types d'ailes, l’indi¬ vidualité est toujours regardée comme quelque chose d'uniforme et d'identique : ce qui est faux. A vrai dire, ce sujet est réellement très simple et montre par lui- même quelle est sa véritable nature ; l’obscurité qui l’en¬ toure provient probablement de ce que le problème n’a pas encore été clairement exposé. Actuellement l’état de l’opinion sur ce sujet rappelle celui des anciennes idées sur la beauté, alors qu’on la considérait comme une qua¬ lité inhérente à l'objet et non pas comme une certaine impression de l’esprit, un état psychologique. Malgré l'usage que l’on fait du terme individu , il est évident qu'il a une grande importance, quoiqu’on ait pris l'habi¬ tude de comparer indistinctement toutes les individualités du règne animal. Cette erreur a été répétée par Weiss- mann et Goette, car, tous les deux, ils supposent que la mort d’un simple protozoaire est équivalente à la mort d'un animal supérieur. Goette cependant s’est partielle¬ ment affranchi de cette idée que je considère comme erronée. La mort d’un être unicelluiaire est absolument différente de celle d’un individu multicellulaire. C’est à Huxley (1) que l'on doit la première définition scientifique de l'individualité. Le mémoire qu'il publia sur ce sujet doit être particulièrement étudié par les biolo¬ gistes sérieux. La vie se présente comme un ensemble de cycles de cellules : Chaque cycle est constitué par tou- (1) T. -H. Huxley (1852). üpou animal individuality, Royal inst., proc., i. 184-189; Edinb. new. phil. journ. liii. 172-17*7 ; Ann. mag. nat. hist. 1852. — 59 — tes les cellules dérivant d'un œuf fécondé ; la totalité de ce cycle est homologue à tout autre cycle complet quand bien même il constituerait un soi-disant individu d’une seule cellule, ou plusieurs individualités (polypes) ou seu¬ lement une seule (vertébrés). Toutes les cellules sont homologues ; tous les cycles sont homologues ; mais toutes les individualités ne sont pas toujours homolo¬ gues, car une individualité peut être un cycle complet ou seulement une fraction de cycle. Cette question, je l’ai discutée plus complètement pages 191 et 192 de l’article cité au bas de la page (1). 11 est évident que la mort d’une simple cellule n’est pas nécessairement identique à la terminaison d’un cycle. Quand un homme, qui n’est qu'un cycle de cellules, a perdu la faculté de continuer ce cycle, il meurt. Il est d’ailleurs inhérent à sa constitution même de perdre cette faculté ; et quand il la perd par des causes internes, l’homme est réputé mourir de vieillesse. Quand le cycle se termine normalement par des causes inhérentes à sa nature même, je voudrais réserver pour ce cas le terme de « mort naturelle. » Nous avons maintenant deux questions à nous poser : 1° Tous les organismes sont-ils des cycles de cellules ? 2° S’il en est ainsi, tous ces cycles ont-ils une limite na¬ turelle ? Cette deuxième question revient à se demander dans le langage usuel si la mort est toujours T accompa¬ gnement naturel et inévitable de la vie ; — Question qui peut paraître singulière, mais qui n’en est pas moins sensée et légitime. Weissmann s’est prononcé pour la négative. 1° Je soutiens cette hypothèse que tous les organismes se développent en cycles et seulement en cycles. Cette première hypothèse renferme cette autre que toutes les espèces vivantes commencent leur existence par un œuf fécondé ou par son équivalent. Nous arrivons donc di- (1) G. -S. Minot (18T9), Growth as a junction of cells, Proc.- Boston soc nat. hist. xx 190-201. - 60 rectement à la question de savoir jusqu’où s’étend la reproduction sexuelle en descendant l’échelle des êtres. Je crois qu’elle s’étend très probablement jusqu’aux der¬ nières formes animées, alors même qu’elle se manifeste¬ rait tout autrement dans ces formes inférieures que ce qu’on observe ordinairement dans la reproduction bi¬ sexuée. Cette vue est en opposition avec tout ce qui est généralement admis : l’évolution de la sexualité pour les botanistes suit celle du règne végétal, et pour les zoolo¬ gistes, quoique ce soit moins défini, elle se calque sur l’évolution du règne animal. Nous serions donc forcés de supposer que la sexualité, qui est expressément un phé¬ nomène fondamental et caractéristique de la vie, se présente comme ayant une double origine ! Ceci est de toute improbabilité. Ce serait la coïncidence la plus extra¬ ordinaire qu’eut encore enregistré la science humaine 11 est plus raisonnable de supposer que, bien que nous ne l’ayons pas encore reconnu, la fonction sexuelle existe chez les Protistes qui ne sont ni animaux ni végétaux, qu’ils produisent un corps analogue à l’œuf fécondé et que c’est de cette origine commune que sont sorties les deux sexualités végétale et animale, avant leur évolution ultérieure. La propriété essentielle de l’œuf, résultat de la sexualité est le pouvoir de répéter par segmentation la reproduction de générations successives de cellules qui avec le corps initial (ovum) constituent le cycle. L’évidence de ce caractère positif vient justifier l’idée de considérer la vie comme un cycle, et cela, même chez les Protozoaires et les Protophytes, chez lesquels ce phéno¬ mène est connu sous le nom de rajeunissement (Verjun- gung). 2° Je soutiens qu’il est probable que tous les cycles de cellules sont limités d’eux-mêmes. Constatons d’abord la nature de cette délimitation. Nos connaissances sur la manière dont se terminent les cycles (c’est-à-dire sur les causes de la mort naturelle,) sont très restreintes et dérivent uniquement de ce que nous connaissons à ce sujet chez les animaux supérieurs. Quant à nos investi- — 61 tigations particulières, elle nous ont amené aux opinions et aux problèmes dont il s’agit ici. Mes expériences démontrent, quand on les analyse soigneusement que le pouvoir de croissance, du moins chez les animaux supérieurs, diminue graduellement depuis la naissance et presque sans interruption. C'est la vérification mathématique et irréfutable des vues que j’avançais dans mon article sur « La croissance comme fonction de la cellule » publié en 1879 et qui peut se résumer, pour ce dont il s’agit ici, en disant que la cel¬ lule, en continuant son cycle, perd graduellement son pouvoir de division et que l'intervalle entre deux divi¬ sions successives croit de plus en plus. Ceci amène la terminaison du cycle ; les déperditions vont s’accumulant et les cellules ne pouvant plus se diviser plus longtemps, s’éteignent d’elles-mêmes. La totalité de cette série de changements est ce qui constitue la Sénescence on vul¬ gairement la vieillesse. La sénescence est un processus continuel qui comprend toutes les périodes des cycles de cellules, et nous devons conclure que c’est la perte du pouvoir de division dans les cellules libres qui fait que les dernières produites ne peuvent continuer leur évolu¬ tion et que la mort s’en suit. Naturellement, quand il s'agit d’animaux supérieurs, la mort de l’être entier suivra secondairement l’épuisement d'une partie essen¬ tielle, c’est ce qui se passe chez les Insectes après l’expulsion des œufs. Chez les animaux supérieurs, le cycle est donc limité par la sénescence, et la sénescence est cette sorte de déclin qui commence en même temps que le cycle lui-même. Ce qu’il faut décider ensuite, c’est si le même phénomène se rencontre chez les orga¬ nismes unicellulaires : on a trouvé que chez le Paramœ • cium , par exemple, après la conjugaison, les divisions sont d’abord rapides , puis , pour les suivantes l’inter¬ valle qui les sépare devient de plus en plus grand : il me semble donc prouvé (pourvu toutefois que les conditions extérieures demeurent les mêmes) qu'il y a là une véri¬ table senescence qui est suivie d’une mort naturelle ou 62 — fin d’un cycle. Jusqu’à ce que ce point soit suffisamment établi, nous ne pouvons savoir s’il y a parmi les êtres unicellullulaires, une forme de mort homologue de la mort naturelle par sénescence chez les animaux supé¬ rieurs ou les plantes. Il est regrettable que ni Weismann ni Goette ne sem¬ blent pas avoir eu connaissance de l’article auquel je viens de renvoyer : ils auraient alors reconnu que ce problème de la mort est de savoir d'abord, si la dégéné¬ rescence ( Veraltung, involution) est un phénomène uni¬ versel de la vie. Le premier article de Weismann fut un discours prononcé devant le German N aturforscher- versammlung en septembre 1881, et ensuite republié Iéna (1). Il y avance cette idée que pour les organis¬ mes cellulaires il n’y a pas de mort, sauf par accident et que la propagation étant par simple division, on peut supposer que ce processus de division peut indéfiniment se prolonger. 11 n’a même pas considéré si les cellules formaient des cycles, et si ces cycles pouvaient se repro¬ duire : aussi a-t-il manqué le véritable problème. Il est encore enchaîné par cette idée mystique de l’individua¬ lité et il raisonne comme si cette éventualité légitimait des comparaisons directes entre des choses essentielle¬ ment différentes. Toute son argumentation repose sur cette idée qu’un individu protozoaire est comparable à un individu chien et ainsi de suite. Cet argument évidem¬ ment absurde vient prouver que la base de tout son sys¬ tème est purement illusoire. Bütschli (2) dans son court article cité par Weismann, semble jusqu’à un certain point dégagé de cette confusion sur l’individualité : il propose l’hypothèse d’un lebensj ermenl qu'il suppose être renouvelé continuellement dans les Protozoaires (1) Weismann, Ueber die Dauer des Lebens (Iéna, 1882, 8°), 94 p. Voyez aussi les commenfaires de Weismann sur Bütschli, Zool. Anzeiger, v. 3T7-380, et la réponse deGoetle. — Ueber Leben und. Tod(Iéna, 1884,8°). (2) O. Bütschli (1882). Gedanken ueber Leben und. Tod., Zool Anzeiger, v. 64-67 . — 63 — chez lesquels il reconnaît par conséquent une immor¬ talité potentielle. Il fait aussi la faute de méconnaître que la véritable question est de reconnaître, non si les Protozoaires meurent, mais s’ils forment des cycles soumis à la sénescence. Cette erreur est partagée par Cholodowsky(l) qui admet que la mort naturelle est res¬ treinte aux animaux multicellulaires, et méconnaît que quelque chose d’homologue puisse être possible chez les Protozoaires. Goette (2) me semble très en avance sur ces prédéces¬ seurs quand il essaie de montrer que la mort est commune à tous les organismes. Et surtout sa conclusion que la mort et la reproduction sont intimement connexes doit être notée comme très importante ; mais ses idées parais¬ sent souvent vagues et obscures et il y a un grand nombre de ses vues que je ne puis approuver. J’avais justement déclaré que la mort et la reproduction étaient intimement liées. Si ma théorie est juste, il est évident que chaque cycle avant son complet épuisement doit produire le commencement d’un nouveau développement d’où il résulte une intime connexion entre la maturité , ou l'approche de la mort , et la reproduction sexuelle. Eu étudiant quelques faits qui s’y rapportent, je suis arrivé à l’hypothèse suivante : A l’origine , chaque cellule d’un cycle est un individu distinct l’épuisement des dernières cellules du cycle est cause qu’elles devien¬ nent des corps reproducteurs qui se conjuguent et alors recommence un nouveau cycle. Lorsque des animaux multicellulaires évoluèrent, le même phénomène se pro¬ duisit ; mais un certain nombre de cellules se différen¬ cièrent d’une façon spéciale et devinrent alors incapables de présenter un stade sexuel ; aussi quand la fin du cycle approcha, quelques cellules seulement devinrent sexuel- (1) N. Cholodowsky (1882), Tod und Unsterblichkeit in der Thierwelt, Zool. Anzeiger , v. 264, 265. (2) A Goette (1883), Ueber den Ursprung dps Todes (Hamburg et Leipzig, 1883, 8°), p. 81. — 64 — les et l’animal (ou la plante) fut mûre. Les organismes supérieurs ne deviennent activement sexuels lorqu’ils ont atteints, après un long espace de temps, toute leur croissance que parce qu’ils conservent encore la relation primitive. La Sénescence est la cause déterminante de la reproduction sexuelle. Je compte discuter complètement ce sujet dans un mémoire que je vais livrer à l’impression. Si l’on admet cette hypothèse, il devient évident que la reproduction sexuelle dépend de l’épuisement des cellules Bien des faits connus viennent confirmer cette vue. Chez les hommes, par exemple, la période de repro¬ duction commencera plus tôt si la nourriture est mauvaise. Parmi beaucoup de plantes inférieures, la reproduction est amenée par une nourriture insuffisante. Je crois que la nutrition et la reproduction sont opposées l’une à l’autre, mais pas dans le même sens que l’entendent Carpenter (1) et Spencer (2). Pour moi, la nutrition in¬ suffisante détermine l’effort de la reproduction ; pour eux, la reproduction est opposée à la nutrition comme constituant une contribution qui est précisément sous¬ traite en quantité égale au parent. Incontestablement, lorsque par suite de l’adjonction d’une deuxième fonction à la fonction génératrice, l’organisme parent est obligé de fournir une réserve nutritive au jeune, la reproduction doit emprunter à l’accroissement; mais ces cas là sont rares. Toute l’argumentation de Carpenter et de Spencer repose sur cette idée que le pouvoir d’assimilation est précisément égal ou presque égal, aux besoins du parent; or il est parfaitement connu que c’est le contraire qui est la vérité et que dans beaucoup d’organismes il y a un large surplus d’assimilation possible qui sert chaque fois que les fonctions l’exigent. Aussi, dans beaucoup de cas, il est possible d’exiger de nouvelles reproductions qui (1) William B. Carpenter, Principies of physiologie général and com parative (3e éd. 1851), p. 592. (2) H. Spencer, The principies of biology — 65 — peuvent être ou entièrement ou presque entièrement fournies par l’organisme parent sans qu’il puisse nuire à son accroissement. Toute cette argumentation a priori de Spencer me semble superficielle : il a été conduit a exagérer l’importance d’un antagonisme qui existe dans la nature, mais qui n’est pas général. D’ailleurs Spencer met la charrue avant les bœufs : l'animal ne cesse pas de croître parce qu'il commence à se reproduire, mais il se reproduit parce qu’il cesse de croître, ou pour parler plus exactement, ces deux phénomènes n’ont qu’une seule cause : la sénescence. On voit, en parcourant ce qui précède, que mes vues personnelles sont en opposition avec toutes les opinions qu’on s’est faites jusqu’ici sur la nature de la mort. Dans un mémoire que je suis maintenant en train d’écrire, j’espère rassembler un grand nombre de faits et d’obser¬ vations qui prouveront la théorie que j’esquisse dans cet essai, [Traduit par Jules Bonnier). ACADÉMIE DE BELGIQUE. LA CHRONOLOGIE GÉOLOGIQUE. [Suite et fin) (1). Discours prononcé à la Séance publique de la classe des Sciences , par M. E. DUPONT Une autre méthode, analogue à la précédente par son principe, paraissait offrir à première vue, plus de chances de succès, en portant les supputations sur un champ plus général et plus étendu, où les causes accidentelles d’erreurs pussent se contre-balancer. On s’adressa à la nature organique. (1) Bulletin scientifique , N° I 1884-85, -page 1. - — 66 — Les faunes fossiles diffèrent d’autant plus entre elles que les terrains qui les renferment sont plus distants dans la série des couches. Dans la théorie de l’évolution, les êtres procédant les uns des autres par voie de filiation, il semblait que, par le choix d’un groupe faunique bien défini, par l’appréciation de ses changements dans un amas de sédiments, on pouvait obtenir une unité d’éva¬ luation qu’on appliquerait aux époques antérieures ou postérieures . 11 ne resterait plus dès lors qu’à chercher à calculer la durée même de cette unité pour être en possession d’une donnée sérieuse de la longueur des temps. Cette recherche eût rappelé celle des équivalents en matière chimique. Mais ici encore trop de facteurs entrent enjeu. L’évo¬ lution continue est une donnée générale qui semble bien peu applicable à des régions déterminées. Outre les iné¬ galités dans le développement des êtres sur lesquelles insistait naguère encore l’auteur des Enchaînements du Règne animal , les modifications des courants marins, les déplacements des terres et des eaux, les changements de climat et tant d’autres causes amènent inévitablement des migrations, permettent à des espèces de s’étendre sur de nouveaux espaces ou produisent leur extinction. L’évolution est profondément troublée par ces causes se¬ condaires. D'innombrables problèmes d’adaptation se joignent à la donnée générale ; il serait impossible de mettre en équation de telles indications. Aussi quelle valeur peuvent avoir les calculs qui portent à 100 millions d’années la durée des transformations or¬ ganiques depuis l’apparition de la vie sur le globe ; tout point de départ fait défaut et elles semblent être bien voisines de jeux d’esprit. Deux exemples font apprécier sans peine l'extrême complication de ces sujets d’études. L’époque géologique qui précéda immédiatemnet l'époque actuelle se caractérise au point de vue paléon- - 67 — tologique dans nos régions par le plus étrange assem¬ blage d’animaux qui se puisse concevoir. Aux dépouilles des espèces dont l’existence est encore constatée au commencement des temps historiques dans l’Europe centrale, s’associent les ossements d’espèces per¬ dues, mais congénères ? des grandes formes tropicales, l’éléphant et le rhinocéros, ceux d’espèces également tropicales, mais encore vivantes aujourd'hui, le lion, l’hyène du Cap, l’hippopotame d’Afrique, ceux de nom¬ breux types des steppes orientaux et des pics des Alpes. L’Amérique du Nord comme les régions polaires avaient aussi fourni leurs contingents dans lesquels figurent le bœuf musqué et le renne. On dirait que les êtres saillants des divers climats s’étaient donné rendez-vous sous nos latitudes. C’est un état de choses sans analogue dans la nature de notre temps. Les règles de la climatologie peuvent en rendre compte. Sur les continents où des barrières physiques ne limitent pas l’ère géographique des animaux et des plantes, les conditions du climat, en dehors de l’action exterminatrice de l'homme, déterminent l’extension des habitats. Il n’est pas d’instruments météorologiques plus sensibles que les êtres organisés. Quelques degrés de tem¬ pérature en plus ou en moins en été ou en hiver, des gelée précoces ou tardives, des dégels rapides ou lents, les conditions d’un climat plus ou moins maritime ou continental sont autant de causes qui excluent absolu¬ ment certains êtres d’une contrée. Les animaux comme les végétaux sont les climatomètres les plus parfaits qui existent. Par l'application de ces principes, nous obtenons une solution rationnelle du problème que soulève l’associa¬ tion, dans l’Europe occidentale, de ces êtres à tempéra¬ ments opposés, le lion se repaissant de rennes, l’hippo¬ potame vivant à côté du bœuf musqué. Les uns ne peuvent plus exister chez nous à cause de nos étés chauds, les autres à cause des frimas de nos hivers. L’apparition d’extrêmes climatériques a donc pu suffire à les séparer, — 68 — de même que leur réunion peut résulter dun climat uni¬ forme produit par des influences maritimes à l’exclusion d’influences continentales. Voilà donc deux époques, deux phases de l’histoire géologique de nos régions se faisant directement suite. Leur faune est bien connue et les espècees facilement comparables. La plupart des formes quaternaires, comme nous venons de le voir, ont même persisté jusqu’à nous. Se sont-elles modifiées d’une maniàre sensible pendant ces temps ? Par l’examen de leurs ossements, peut-on distinguer quelque caractère qui différencierait nette¬ ment les espèces de la première et de la seconde époque ? On doit reconnaître qu’il n’en est pas ainsi. Le lion, le renne et le cerf de l’époque quaternaire, dans les restes qui nous en sont conservés, ressemblent autant à ceux d’aujourd’hui, que l’ibis, embaumée il y a quelques mil¬ liers d’années, ressemble à l’ibis qui agrémente les bords du Nü. Aucune espèce de l’Europe de nos jours n’a du reste, que je sache, pris naissance après l’époque quaternaire, et les espèces perdues de nette même époque sont étroi¬ tement alliées à leurs congénères vivants. Ces âges contrastent donc particulièrement par la va¬ riété de leurs faunes. Mais dès que nous abordons l’époque qui les a précédés, nous ne rencontrons plus parmi ces mammifères que des spécificités différentes ; les genres seuls ressemblent aux nôtres et plus nous descendons l’échelle des temps, plus nous voyons ces modifications devenir profondes. Il est évident qu’on ne peut judicieusement se livrer à des calculs sur de tels éléments pour aboutir à des éva¬ luations numériques de durées. L’autre exemple, tiré du développement des faunes marines de la fin de l’époque tertiaire sur les côtes de la mer du Nord, n’est pas moins concluant. La faune miocène des plages de cette mer est surtout caractérisée par la prédominance des genres de la Mé¬ diterranée- et- de la mer Rouge, Les genres arctiques y — 69 — sont très peu représentés. Presque la moitié des espèces vivent encore aujourd’hui. Le caractère méridional de cette faune a été expliqué par la communication de la Méditerranée avec la mer du Nord au moyen du bassin de Vienne. La séparation des deux mers a été attribuée de son côté au dernier soulè¬ vement des Alpes survenu vers ces temps. Dans le pliocène inférieur de la mer du Nord, les genres méridionaux sont moins nombreux, tandis que les genres arctiques commencent à occuper une grande place; beaucoup plus de la moitié des espèces sont encore vivantes. D'importants mouvements du sol se sont produits durant cette époque. La feune du pliocène supérieur se distingue à son tour par la disparition de toute forme méridionale, par l'abon¬ dance des formes arctiques plus grande même qu’aujour- d’bui dans la même mer et aussi par la présence de nom¬ breuses formes polaires. Les espèces ont presque toutes persisté jusqu'à nous. Les dépôts suivants, formant passage au quaternaire, ne renferment à peu près plus que des espèces polaires, tandis que dans les couches récentes ces types de l'extrême nord sont presque entièrement exclus. Ainsi les côtés saillants de cette évolution marine con¬ sistent autant dans la longévité d’un grand nombre de types, longévité fort supérieure à celle des mammifères, que dans les mutations de formes méditerranéennes , nord-tempérées et polaires. Nous voyons ces mutations en relation avec des soulèvements et des oscillations du sol, avec l'époque glaciaire et nous prévoyons que bien d’autres causes encore ont agi. Ne signalait-on pas récem¬ ment au nord de l'Ecosse la juxtaposition des faunes arc¬ tiques et polaires n’ayant pour barrières qu'une simple ride sous-marine balayée d'un côté par le Gulf-Stream et de l’autre par le courant boréal? Quel rôle a pu jouer également le percement de Pas-de-Calais? Il s’en faut du reste que les refoulements d’espèces se soient limités aux seules mers d’Europe. On cite quelques-unes de ces — 70 — formes tertiaires comme n’ayant plus de similaires qu’au Japon et sur les côtes américaines. Nous laissons ces sujets compliqués qui auraient aussi bien pu être puisés dans toute autre époque géologique et nous constatons qu’envisagés au point de vue des causes actuelles et de l’évolution darwinienne, ils sont de nature à nous donner l’impression, la conviction même d’une durée prodigieuse des périodes géologiques. Mais ils ne nous fournissent aucun moyen d’évaluer cette durée. Ils ne semblent pas même nous mettre sur la voie. Des esprits de plus de portée philosophique tentèrent dans l’entretemps de faire appel à l’astronomie. C’était transporter la question dans le champ même des procédé de la chronologie des peuples, puisque la donnée précise du temps n’a été puisée que dans la connaissance du cycle régulier de phénomènes astronomiques. Envoyant le rôle considérable des mouvements diurnes et annuels dans les phénomènes terrestres, on en vint à se demander si d’autres mouvements périodiques n’avaient pu avoir sur la nature une action importante. On était d’autant plus porté vers cette recherche que notre satel¬ lite a lui-même une influence saillante sur les phénomènes de la mer. Nous avons déjà remarqué que le mouvement annuel de la terre n’a pas laissé d’empreinle propre dans le passé humain ; pas plus que le phénomène des éclipses, il n’influe sur la marche de l’histoire. C’est uniquement par une annotation consciencieuse de chacun des retours du globe au même point de son orbite, que le souvenir des années écoulées depuis quelques dizaines de siècles nous est resté. Si nous observons dans l’histoire des phases uniformes pour tous les peuples, si nous y constatons même des récurrences d’événements qu’on aurait pu invoquer comme des indices de périodicités, ces faits sont sans connexion avec les mouvements astronomiqnes ; ils tiennent à des lois inhérentes à l’évolution de l’humanité et non à l’influence des astres. 71 En a-t-il été autrement dans la marche des époques géologiques? Peut-on constater que des phénomènes s’y sont reproduits avec régularité et peut-on en reporter légitimement l’origine à des actions astronomiques? L’époque glaciaire qui développa, aux alentours du pôle et au voisinage des montagnes , des phénomènes surprenants de transport, parut n'être attribuable qu a des causes extra-terrestres. Un grand froid, répandu sur l’hémisphère septentrional, pouvait seul, pensait-on. avoir amené ce développement des glaces. On crut aussi remar¬ quer les indices d’actions glaciaires analogues à plusieurs autres époques On a également observé des alternances répétées de dépôts marins et de dépôts continentaux, surtout dans les terrains tertiaires, alternances qui pouvaient corres¬ pondre à des périodicités définies. Tels étaient les phénomènes terrestres à invoquer dans la question. Il était manifeste que les périodicités de ce genre devaient être de longs termes et que les actions astrono¬ miques à mettre en relation avec elles étaient à rechercher parmi celles dont le cycle est très étendu. On se rappellera les études d’un savant français sur le mouvement qui produit la précession équinoxiale par périodes d’environ 21,000 ans et les applications qu’un de nos compatriotes en fit à la géologie. L’idée était grande et le progrès marqué sur les tenta¬ tives antérieures. Si ces vues répondaient à des réalités, la chronologie géologique allait se trouver pourvue d’un ensemble de moyens qui ne lui aurait rien laissé à envier à la chronologie historique. Non seulement la longueur de ses époques se traduirait numériquement, mais on pour¬ rait prévoir les retours de phénomènes déterminés et dresser un calendrier géologique perpétuel analogue au calendrier perpétuel de la vie civile. Plusieurs savants saisirent ce que cet horizon avait de logique et de nou¬ velles études furent entreprises. La difficulté principale pour établir la concordance se — 72 — trouvait, semblait-il, dans la circonstance que les phéno¬ mènes géologiques et, par conséquent, l’action astrono¬ mique qui aurait pu les avoir provoqués, ne pouvaient pas avoir été d’intensité uniforme â chacune de leurs réap¬ paritions. Ainsi le développement des glaciers à l’époque quaternaire fut un phénomène unique par son ampleur. On élargit la méthode. Au déplacement lent de l’axe de la terre on adjoignit les variations qu’éprouvent les élé¬ ments de l’orbite terrestre, les changements dans l’obli¬ quité de l’écliptique et le déplacement du périhélie. Ces mouvements sont de périodicités inégales, mais plus lon¬ gues que pour le phénomène des équinoxes. Lorsque leur maximum venait à coïncider, il devait en résulter une action sensible sur les saisons du globe. Mais la recherche devait se faire contradictoirement. Il s’agissait de s’assurer si les phénomènes géologiques, qui paraissaient s’ôtre reproduits plusieurs fois, se combinaient réellement à des causes cosmiques. On dut reconnaître qu’il n’en est pas ainsi. L’accroissement des glaciers, nous disent les physiciens, n’est pas amené par une augmentation du froid, mais par une plus grande quantité d’eau que l’atmosphère déverse sur les montagnes élevées. En ontre, l’existence d’époques glaciairee successives n’a pas été confirmée. D’un autre côté , les récurrences géologiques , cons¬ tatées dans la succession de certains dépôts , semble n’être produites que par des causes dépendant de la physique du globe. Elles n’ont pas cet aspect d’unifor¬ mité et d’universalité qui en serait le caractère domi¬ nant , si elles étaient inhérentes à des causes astrono¬ miques. Elles rentrent plutôt dans le cadre de ces évé¬ nements de l’humanité qui se reproduisent parfois , sans s’adapter pour cela à des actions extra-terrestres. Ce résultat négatif ne peut nous étonner. Que peu¬ vent faire quelques jours de plus ou de moins dans la longueur de l'été ou de l’hiver, lorsque nous voyons les traces fugitives que laissent sur le globe les saisons elles- mêmes dont la durée est de plusieurs mois ? — 73 — L’action des causes périodiques , tenant aux mouve¬ ments propres du globe , ne paraît donc pas avoir été assez puissante pour laisser une empreinte appréciable dans l’histoire de la terre. Ainsi la mesure des âges géologiques nous échappe de ce côté comme des autres. Nous appliquons sans difficulté la notion abstraite du temps, nous avons même la perception de durées énor¬ mes. Toute décevante qu’est cette conclusion , nous de¬ vons reconnaître que nous ne savons aller au-delà ; nous ne pouvons trouver le moyen d’atteindre à la donnée effective de leur longueur. En réalité, ce qui apparaît clairement dans le passé du globe , c’est une évolution générale de la nature. Une époque tient du caractère de celle qui la précède et de celle qui la suit. Nous observons un enchaînement de phénomènes se succédant avec des modifications lentes et graduelles par l’action des causes multiples en jeu ; l’ensemble des conditions se transforme continuellement et finit par présenter un état de choses profondément différent. Lorsqu’on suit cette marche continue des actes géologiques, on arrive même à discerner l’action combi¬ née de l’évolution de phénomènes astronomiques et d’a¬ gents dont le siège réside sur le globe même , sans en¬ core y trouver néanmoins les moyens d’augmenter d’une manière bien satisfaisante nos connaissances chronolo¬ giques. Ce cours des événements est surtout d’une grande évidence dans les manifestations de la nature organique. C’est encore l’une des plus anciennes constatations de la géologie , que la température fut d’abord très élevée sous les hautes latitudes et remarquablement uniforme sur tout le globe , puis qu’elle diminua progressivement jusqu’à nos jours. Aux mains d’Oswald Heer , la suite des végétations dans les régions boréales a fourni des notions aussi pré¬ cises que significatives sur ce sujet. A l’intérieur du cercle polaire , dans des contrées qui 6 — 74 donnent l’expression la plus complète des climats déso¬ lés, se développait à l'époque houillère sensiblement la même flore que dans l'Europe méridionale. Les types , souvent les espèces de cet étrange végétation , jusqu’à ses fougères arborescentes , se retrouvent sous ces lati¬ tudes extrêmes et dans nos régions tempérées , on pense même les avoir rencontrés au Brésil, en Afrique et aux Indes, de sorte que les latitudes semblent avoir eu peu d’influence à cette époque ancienne. Ces similitudes persistaient encore à l’époque juras¬ sique durant laquelle se présentent seulement les pre¬ miers indices de végétaux qui annoncent un refroidisse¬ ment polaire. On suit les progrès successifs de ce refroidissement à travers l’époque crétacée et l’époque tertiaire, et ils nous conduisent à nos temps où toute végétation arborescente a disparu des régions boréales. A moins d’abandonner toutes les lois d’analogie , à moins de méconnaître absolument les principes de la méthode comparative et par conséquent les principes des sciences positives en matière historique , nous devons admettre que les végétaux dont l’organisation rappelle essentiellement celle der la végétation des tropiques , ré¬ clamait un régime semblable à celui qui leur est néces¬ saire aujourd’hui. Ils sont non seulement incompatibles avec les climats polaires, mais ils n’auraient pu suppor¬ ter les longues nuits du pôle pendant lesquelles ils au¬ raient dû suspendre leur activité organique. L’ancienne théorie de la chaleur interne , agissant comme un vaste calorifère pour tenir la surface du globe en serre chaude , tombait définitivement devant des constatations précises. La liaison de ces phénomènes avec l’action du soleil devenait , en effet, évidente. Il était ré¬ servé à Blandet d’en formuler la relation rationnelle, en faisant appel au progrès de la condensation de la nébu¬ leuse solaire au cours des temps géologiques. Etant données les dimensions actuelles du soleil , la cause des saisons terrestres réside dans l’inclinaison de — 75 — l’axe du globe et l’importance de leurs changements va¬ rie avec la latitude. La radiation solaire se produit de plus en plus obliquement de l’équateur vers les pôles qu’elle n’atteint pas pendant l’hiver. Mais on peut s'imaginer un soleil de plus grand dia¬ mètre, tel que les effets de la latitude et de l’obliquité de l’axe soient fortement réduits. Les climats tendraient alors à s’uniformiser, les saisons à disparaître et le voi¬ sinage du pôle deviendrait accessible aux productions organiques des tropiques. Cette vue, sur laquelle M. de Saporta fut le premier à appeler l’attention , a déjà conquis de nombreux adhé¬ rents. Elle est bien digne du reste de prendre rang dans la philosophie naturelle. L’évolution de la température terrestre depuis l'appa¬ rition de la vie est rattachée par elle à l'évolution de l’astre central dans la réduction progressive de son vo¬ lume, et cette condensation se relie elle-même à l’évo¬ lution de la nébuleuse solaire. C’est l’une des phases de l’histoire du monde implicitement contenue dans les conceptions de Kant, d’Herschel et de Laplace. La nouvelle fonction se soumettrait-elle plus aisément à l’analyse que les phénomènes terrestres pour l’évalua¬ tion de la durée du phénomène ? L’essai a déjà été tenté. Partant de la considération que la température du soleil provient de la condensation de la nébuleuse primitive, on est arrivé à produire l’idée que, la quantité annuelle de chaleur émise par la radia¬ tion solaire étant prise pour unité, le soleil, au cours de sa condensation , depuis qu’il ne fait plus corps avec les planètes, a envoyé dans les espaces 15 à 20 millions de fois cette unité. On entrevoit de suite la conclusion. Le temps écoulé depuis cette phase delà condensation, et par conséquent depuis l’époque où la terre s’est trou¬ vée dans des conditions voisines de son régime actuel sous le rapport de la chaleur et de la lumière , aurait été de 15 à 20 millions d’années , si l’on consent à admettre que la condensation solaire a été d’intensité constante. Le même postulat se présente encore : une marche uniforme des phénomènes à travers les temps ! Mais une telle notion est absolument contraire à la grande donnée de la nature. Les stratigraphes et les paléontologistes échouent dans leurs tentatives d’évalua¬ tion numérique du*passé, parce qu’ils doivent aussi faire intervenir dans leurs inductions cet à priori manifeste¬ ment faux. Aucun des grands phénomènes d’évolution ne nous apparaît avec le caractère de simplicité qui dérive¬ rait nécessairement d’une vitesse uniforme. Si une cons¬ tante de cette importance existait, la nature ne nous présenterait plus de tous côtés un enchevêtrement de complications qui oblige la science à apporter tant de réserve dans ses généralisations. Que nous envisagions la marche des temps sous les point de vue les plus divers, l’évolution progressive nous apparaît comme sa loi régulatrice. Et quelle est la raison rie ce mouvement incessant ? Le doute n’est plus permis, toute la science converge vers une même conclusion : les lois de nature sont aussi générales qu’immuables ; leurs effets seuls varient d’in¬ tensité, et de ces variations procède l’évolution. Parleurs réactions mutuelles, les agents en cause, tenant l’ensem¬ ble en équilibre toujours instable, changent graduelle¬ ment la face des choses : le majestueux développement de l’univers en est le résultat. Au milieu de cette suite continue de modifications , la science ne trouve donc qu’un point fixe et permanent. Ce sont ces relations nécessaires des phénomènes avec leurs causes, ces lois de la nature qui ne changent ni dans l’espace, ni dans le temps, restant essentiellement semblables à elles-mêmes toujours et partout. Ces principes sont ceux qui ont permis la restauration de l’histoire de la terre. Ils ramènent les recherches à une sorte de calcul proportionnel et y introduisent les procédés d’une induction rigoureuse. Dans leur applica- — 77 — tion, se résument les grands progrès accomplis dans la science du passé. Tous les phénomènes dont notre globe a été le théâtre relèvent des causes actuelles. Cette donnée est celle de la géologie moderne. Elle lui met aux mains le puissant levier de la méthode comparative qui seule -lui rend accessibles les complications du passé terrestre et lui permet d’y retrouver l’unité. Lorsque Cuvier découvrait par l’anatomie comparée la loi de la subordination des organes, la reconstitution des êtres perdus fut assurée, et bientôt le corrollaire de l’unité de plan de la nature organique en fut déduit. De son côté, lorsque l'ethnographie comparée put pro¬ clamer que l’homme, placé dans les mêmes conditions de vie, agit toujours de la même manière quelles que soient sa race, l’époque et le lieu, le passé lointain de l’huma¬ nité put aussi être reconstitué, et l’histoire universelle était mise en possession de son principe fondamental. Ainsi la découverte de la permanence des lois de la nature a été la véritable source des connaissances posi¬ tives sur l’histoire de la terre. Les règles de l’analogie devenaient dès lors un guide sûr pour nous faire pénétrer dans les temps les plus reculés et comprendre leurs évé¬ nements. Sur la connaissance du rôle physiologique de la CHLOROPHYLLE dans le règne animal. par L.-V. GRAFF, d’Aschaffenbourg. Malgré la vive sensation produite par les recherches de Brandt sur l'importance de la chlorophylle dans le règne animal (1), plus on approfondit l'étude de ce sujet , (1) K. Brandt, Uber die morpbologische und physiologische Bedeu tung des Chlorophylls bei Thieren. — 1er article dans Arch. f. Physio¬ logie de Du Bois-Reymond, année 1882; — 21' article dans les Mittheil. der Zool. Station zu Neapel 4. Bd.; plus récemment son rapport * Uber Chlorophyll im Thierreich, « dans v Kos’mos »v 1. Bd (nouv. série), 1884. — 78 et plus il devient évident que les propositions générales énoncées par Brandt comme résultats de ses, travaux, sont prématurées. Ni cette première proposition « que chez les animaux , la chlorophylle formée de toutes pièces manque tout à fait » ni cette seconde « que la chlorophylle que l’on trouve chez eux , est due à la présence d’algues unicellulaires » ne peuvent être accep¬ tées avec une si grande généralité. De plus , la troisième proposition (pour moi la plus importante et d'après laquelle les animaux pourvus de chlorophylle — phytozoa — se nourriraient en maintes occasions des végétaux qu’ils renferment) ne représente plus désormais qu’une simple vue de l’esprit. Les expé¬ riences sur lesquelles Brandt établit les bases de cette hypothèse ne peuvent d'ailleurs résister à la critique. En aucun cas , leurs résultats ne sont concluants ; au con¬ traire , elles peuvent s'interpréter bien plus librement , quand on ne les emploie pas à soutenir la théorie de " Brandt. Cet ordre d’idées me fournit l’occasion d’exécuter une expérience sur XHydra viridis ; dans ma « Monographie der Turbellarien 1882 » d’après des vues théoriques , je m’étais déjà catégoriquement prononcé contre cette pré¬ tendue symbiose entre les animaux. Brandt a aussi expérimenté sur Hydra viridis. Il tient les animaux vivants dans de IV au filtrée durant quatre à cinq semaines. Alors « les tentacules se ré¬ tractent jusqu’à former des moignons très courts, et finalement ils ne peuvent plus servir à la préhen¬ sion. » « La disparition graduelle des tentacules par suite de leur inutilité montre que , non-seulement les Hydres vertes ne peuvent plus prendre de nourriture, mais qu’elles perdent encore complètement le pouvoir de saisir d’autres animaux et de les introduire dans leur cavité stomacale. Les observations poursuivies montrent ultérieurement que les Hydres vertes prennent encore des animaux quand elles renferment une très grande quantité d’algues. Elles doivent d’abord s’habituer — 79 — à un mode de nourriture qui diffère si profondément de celui qu’elles employaient précédemment, avant d’en faire un usage exclusif. Il faut un grand nombre de semaines pour effectuer cette adaptation. Hydra viridis paraît attendre plus longtemps que les autres animaux verts avant d’abandonner complètement le soin de son alimentation aux algues qui vivent en elle. Dans la suite, lorsqu'une occasion favorable se présente, elle peut absorber un petit animal et priver encore ainsi les algues du souci de sa nourriture. Agit elle seulement par goût , ou bien subit-elle un besoin impérieux du régime animal, c’est ce qui reste provisoirement indécis (llr Article , p. 144)? Ce fait que Y Hydra viridis absorbe une proie animale dans toute occasion favorable est attribué plus tard (2e Article , p. 256) aussi bien à sa voracité héréditaire qu’à l'insuffisance de l’alimentation que cet animal reçoit de ses hôtes végétaux ; par suite « V absorption d'une nourriture animale constitue pour elle une alternance particulièrement bienfaisante ! » Mes essais d’élevage (et ils ne paraîtront pas inutiles , même si, avec Ray-Lankester, on considère les corpus¬ cules chlorophylliens de l’hydre comme fabriqués par l’animal lui-même) m’ont fourni des résultats qui prouvent que ces essais hasardés d'explication ne sont pas fondés : je vais les exposer ci-après : Ces recherches ont été poursuivies sans interruption du mois de janvier au mois d’avril de l’année courante. Huit vases remplis de 90 à 100 centimètres d’eau reçu¬ rent chacun trois exemplaires d' Hydra viridis que j’eus soin de choisir autant que possible de la même taille. Quatre de ces récipients (A, B, C, D) reçurent de l’eau de mon aquarium qui fourmillait d'infusoires , de crus¬ tacés..., etc., tandis que les autres (E, F, G, H) furent remplis d’eau filtrée. A, B et E, F furent placés en pleine lumière à la fenêtre de mon cabinet de travail et protégés seulement par un écran blanc et transparent. C, I) et G, H étaient au contraire dans l’obscurité coin- — 80 — plète (ils étaient recouverts de cristallisoirs plus grands tapissés intérieurement de papier noirci). En A, G, E, G, l’eau était renouvelée tous les jours; en B, D, F, H, elle ne l’était point du tout, toutes les deux semaines, on y remplaçait seulement la quantité d’eau évaporée. De cette façon, on pourra décider quelle est l’influence de la nourriture, (apportée par l’eau de l’aquarium), de la lumière et du renouvellement de l’eau. De plus, en supposant que les corps chlorophylliens de YHydra ne puissent être absorbés, et c’était bien ma conviction ; on verrait s’ils peuvent aider les animaux à rester en vie, s’ils peuvent les nourrir et combien de temps dure leur influence. Le tableau suivant donne une idée claire du résultat de cet élevage. DANS LE VASE . A w B (C) w (D) E w F (G) w (H) Moururent le 31e jour. . . . . i 35e — _ tons 3 2 41e — _ . 1 . . 42e — .... . l . . 50e .... . 1 .. . 1 . . 53e . 1 . 63e — .... . 1 82e . 1 85e . 1 . 1 1 100e — . 1 .. 1 105e — . . . l 106e — . 1 109e — . . 1 . . . r Remarques. — Les parenthèses ( ) indiquent la privation de lumière ; l’indice w} le renouvellement d’eau journalier. En A, l’un des individus a poussé un bourgeon durant le temps d’ob¬ servation, de sorte qu’à la fin de l’expérience, il se trouvait encore 3 individus dans ce récipient. — 81 — Dès le 109e jour, l’expérience a été considérée comme terminée pour cette raison qu'il n’était nullement important de savoir combien de temps vivraient encore les animaux en A et B. Je suis loin d’exagérer la portée de cette expérience, dont plusieurs données pourraient dans le cas présent être attribuées à des différences individuelles entre les animaux soumis à l’observation. Pourtant il s’en déduit clairement cette conséquence : que les algues ou corps pseudo-chlorophylliens de V « Hydra » n'ont aucun rôle dans l'alimentation de cet animal. Qu’ils fussent dans l’obscurité ou exposés à la lumière, le 35e jour, les individus placés dans l’eau filtrée étaient aussi affamés dans un cas que dans l’autre. En E et G, à cause des changements d’eau journaliers, il ne pouvait pas se déve¬ lopper d’organismes animaux qui eussent fourni aux hydres une nourriture bien limitée. Au contraire, c’est ce qui était parfaitement possible en F et H ; et la plus longue résistance des animaux renfermés dans ces vases comparés à E et G, doit très probablement être attribuée à cet état de choses. De plus, dans le vase éclairé F, il pouvait se développer bien plus d’animalcules que dans H (c’est d’ailleurs ce qui avait lieu). La comparaison entre G, D et H montre ensuite que dans les vases placés à l’obscurité et où n’arrivait aucune nourriture nouvelle (D et H), les animaux sont morts entre le 42° et le 82e jour, tandis que dans ceux que l’on pourvoyait journel¬ lement de nourriture nouvelle (G), la mort n’est survenue qu’entre le 105e et le 109e jour La mort des hydres arri¬ vée plus rapidement en D qu’en H peut s’expliquer par ce fait que, dans le premier vase, l’eau se corrompit (par suite de la mort des animaux introduits au début) beau¬ coup plus tôt que dans le vase rempli tout d’abord d’une eau filtrée et pure. Quoique, d’après ce qui vient d'être dit, l’obscurité ne paraisse jouer que très indirectement un rôle préjudi¬ ciable, il n’est pas douteux qu’avec le temps, elle n'agisse fortement sur des animaux habitués à vivre dans — 82 — la lumière. Je crois que c’est à cela qu’il faut attribuer la priorité de la mort dans le vase C. — La mort plus rapide des animaux du vase G en comparaison de ceux de A soumis pourtant aux mêmes influences, n’a point pour moi d’autres causes. En admettant que les animaux observés par moi fus¬ sent affaiblis par le manque de nourriture animale, on peut facilement expliquer la succession des décès ; cela devient absolument impossible dans l’hypothèse que les corpuscules pseudochlorophylliens puissent nourrir leurs hôtes. Quelques autres données de Brandt sur l’aspect de l’ Hydra viridis maintenue dans l’eau filtrée doivent être rectifiées d’après mon journal d’observations. Dans ces sortes de recherches, pour chaque récipient, il est absolument nécessaire de noter journellement l’état de contraction du corps et des tentacules, la couleur, les changements de position — et notamment si l’animal est fixé à la paroi du vase ou s’il flotte à la surface de l’eau. O11 doit limiter à ce qui suit cette proposition de Brandt d’après laquelle, dans l’eau filtrée, les tentacules disparaîtraient par suite d’inutilité : Dans l’eau filtrée comme dans l’eau non filtrée, tous les individus arrivés près de leur fin deviennent de plus en plus petits ; leurs tentacules se raccourcissent et lorsqu’il n’en reste plus aucune trace reconnaissable, il arrive un moment où les hydres se décomposent en une petite masse granuleuse verte. Le dernier individu qui succomba dans le vase H (au 82e jour) fut particulièrement intéressant à ce sujet : Déjà le 53e jour je notais « tout retiré, épaissi en massue à la partie antérieure, 2mm de long, avec petites verrues tentaculaires ». Le 56e jour, il n’y avait plus que 4 ver¬ rues tentaculaires reconnaissables (le corps ayant d’ail¬ leurs le même aspect que précédemment); le 65e jour, 2 verrues seulement et le 70e jour plus de traces des tentacules reconnaissables, même à la loupe. Le 74e — 83 — jour, l’animal se rassembla en une petite boule et le 82e, il se décomposa sans avoir changé de nouveau. Mais avant cela, dès le début de l’expérience, on peut observer, même dans les individus les plus valides, des périodes de 1 à 8 jours d’étendue, durant lesquelles les tentacules restent rétractés et réduits à des sortes de boutons. Je m’attendais d’abord à la mort prochaine de tels animaux ; mais, un jour les tentacules réapparurent complètement étendus. Je n’ai point remarqué de relation évidente entre cet état et les conditions extérieures de vie (température de l’eau, force de l’éclairement . ) Pour plusieurs récipients (G, F, H), on trouve dans mon journal les notes suivantes qui se succèdent bien une douzaine de fois, et même plus (comme pour G). — « Tous les individus (ils étaient 2) avec leurs tentacules complètement étendus » puis « Tous les individus (2) avec leurs tentacules rétractés en boutons ». Une expérience accessoire que j’effectuai à côté pour ne point interrompre la principale, me montra aussi que c’était sur une observation incomplète que s’appuyait cette proposition d’après laquelle les hydres, portérieu- rement à la « disparition » de leurs tentacules, « perdent tout à fait le pouvoir de retenir d’autres animaux et de les introduire dans leur cavité générale. » Une hydre placée comme en F avait déjà, le 20e jour, pris par contraction une forme sphérique avec tentacules verruqueux. Lorsque cet état eut duré 6 jours et que les tentacules se furent rappetissés de plus en plus, j’intro¬ duisis dans le vase un certain nombre de petits Cyclops et j’observai YHydra. Avant une demi-heure de temps, celle-ci s’étendit, ses tentacules sortirent au dehors et bientôt elle saisit un Cyclops quelle introduisit dans son estomac de la façon que Ton connaît. Cette Hydra mourut le 62e jour. Tout d’abord je considérai les individus flottant à la surface de l’eau comme menacés d’une mort prochaine ; je fus cependant bientôt persuadé qu’il en était de cela comme de la contraction des tentacules. Des animaux 84 — demeurés plusieurs jours librement suspendus à la surface de l’eau s’attachaient tout à coup solidement à la paroi du vase sans qu’il y eut pour cela aucune raison apparente. Le résultat le plus inattendu est que mes hydres sont restées vertes jusqu’à la tin de l’expérience. Et même dans les corpuscules pseudochlorophylliens des individus morts en G après être restés 109 jours dans l’obscurité, je n’ai pu reconnaître aucun changement, ni dans la forme, ni dans la couleur. Ceci est en opposition directe avec les anciennes observations effectuées parM. Schultze et pour moi-même sur Vortex viridis. Gomme conclusion à ces observations, qu’il me soit permis d’ajouter quelques mots sur les corpuscules pseudo-chlorophyiliens des Turbellariés. J’ai déjà pu élucider définitivement les deux points capitaux que j’avais laissés indécis dans les conclusions de ma Mono¬ graphie (p. 77): en élevant des œufs provenant d’individus colorés de Yortex viridis, j’obtins des embryons incolores et totalement privés de corps chlorophylliens (1). Je puis ajouter encore quelques notes relatives au même sujet : En examinant à nouveau mes préparations et des coupes de Vortex viridis colorées au carmin boraté, j’ai d’abord (1) Ces faits sont exposés dans le compte-rendu du 56e congrès des naturalistes et médecins allemands réunis à Fribourg en 1883 (p. 109). Pour éviter toute ambiguité, je ferai encore les remarques suivantes : A la fin du mois de mai 1882, M. le Dr J.-'W. Spengel de Brême m’envoya quelques douzaines de Vortex viridis colorés en vert. Ces animaux mou¬ rurent bientôt en me laissant de nombreux œufs que j’ai nettoyés soigneu¬ sement et placés dans un vase renfermant de l’eau filtrée. Je couvris le tout d’un disque de verre sans m’en préoccuper davantage. Bien des semaines après (au mois d’août, je crois), la plupart des embryons étaient éclos et au moins en partie, arrivés à maturité sexuelle ] — mais tous, sans exception, présentaient un aspect rosé et transparent et manquaient de toute trace de corps chlorophylliens. En outre, il s’était développé dans cette eau une faune très riche dont je citerai un Rotifère iPhilodina erylhroph- talma Ehrg.) qui était particulièrement abondant et formait en grande partie le contenu stomacal des Vortex. — 85 — nettement reconnu un noyau arrondi dans les corpuscules pseudo-chlorophylliens de cette espèce. Plus tard , au mois de mars, je fus assez heureux pour capturer quelques exemplaires de l’espèce rare Mesostoma viridatum , et je pus recueillir des renseignements suffisants sur la chlorophylle d« cet animal. De mes cinq exemplaires, trois étaient abondamment pourvus de chlorophylle, deux en possédaient très peu ; l’un de ceux-ci semblait d’un vert clair, tandis que l’autre, à la loupe et à l’œil nu, paraissait être blanc. Au microscope , on voyait pourtant que l’exemplaire blanc n’était pas totalement dépourvu de corpuscules chlorophylliens ; il en possédait qui se trouvaient isolés et mesuraient 0,003mm d’épaisseur ; et en outre des sphères de 0,01 à 0,013mm de diamètre, revêtues d’une fine mem¬ brane et remplies de corpuscules chlorophylliens de même grandeur que ceux qui se trouvent isolés. Dans les indi¬ vidus colorés en vert , la différence de taille entre les corpuscules chlorophylliens était plus accentuée ; ils mesuraient de 0,0012 à 0,0075 ; les plus petits étaient d’un vert mat et ne laissaient pas voir de noyau : mais dès qu’ils atteignaient 0,0025mm, on pouvait leur reconnaître facilement un noyau, ainsi qu’une zone incolore se déta¬ chant nettement de la partie fortement colorée en jaune- vert, comme Brandt l’a d’ailleurs figuré (1er art. fig. 12 et 13) pour une espèce de Turbellarié indéterminée (Mesostoma viridatum ?) On pouvait aussi reconnaître de forts noyaux dans les corpuscules chlorophylliens, de 0.0025 à 0,0075mm de dia¬ mètre, et cela d'autant mieux que ces corpuscules étaient plus gros. La disposition des corps chlorophylliens, dont les plus gros forment des amas fermés et les plus petits sont dispersés entre ces masses, était fort nettement accusée chez ces Mesostoma. La plupart de ces corpus¬ cules chlorophylliens étaient sphériques, mais on en trou¬ vait aussi d'allongés présentant une forme ovalaire , et cela aussi bien parmi les gros que parmi ceux qui étaient isolés. / — 86 — Je dois encore m’élever contre la façon dont Brandt (2e article p. 265) emploie deux observations rapportées dans ma Monographie. Dans ses citations , il écrit « que les Algues hébergées peuvent nourrir leurs hôtes ani¬ maux » et à la suite. « En outre L. W. Graff a constaté que. dans l'obscurité, des Voriex viridis colorés en vert devenaient incolores au bout de 7 jours et périssaient en général au bout de 18 jours; tandis que des Convoluta exposées à la lumière pouvaient résister à la faim pen¬ dant 4 ou 5 semaines. » C’est bien moi qui ai observé le Vortex , mais c’est Geddes qui a étudié les Convoluta. Je considère ces faits isolés et prodigieux comme prêtant peu à une telle interprétation. A leur sujet Brandt a utilisé en partie un passage de ma monographie (page 77) que je reproduis ici intégralement. On lit : « J’ai long¬ temps conservé vivants des Vortex viridis privés de lumière et de nourriture. Le 7e jour, ces animaux étaient déjà presque décolorés, c’est ce qui a d’ailleurs été observé déjà par Schultze. Des 20 individus maintenus dans l'obscurité, nul ne subsistait encore le 18e jour. Ce n’est point que mes Vortex aient succombé à la famine , puisqu’en pleine lumière des Convoluta purent résister durant 4 ou 5 semaines et se soutenir aux dépens de leur propre force. » Ces faits et tous ceux que je signale aux pages 77 et 182 de mon travail sont en opposition avec cette hypothèse de l’importance physiologique de la Symbiose entre les Algues et les Animaux , hypothèse due à Geddes et à Brandt, et que je considère encore aujourd’hui comme fort peu justifiée. Traduit du « Zoologischer Anzeiger » de Carus par Eugène CANU. — 87 NOUVELLES ZOOLOGIQUES. M. J. Künstler , maître de conférences à la Faculté de Bordeaux, signale dans l’intestin du Rat noir un être nouveau le Bacterioidomonas ondulans. Le genre Bacterioidomonas est une sorte de Bactérie nucléée et dont l’évolution ne présente pas de stade immobile. L’espèce ondulans est un bâtonnet de 34 ^ de longueur, dont la substance présente des mouvements ondulatoires lents. Son corps renferme trois épaississements nucléaires un plus gros central et deux plus petits placés à chaque extrémité. Un flagellum long et très fin est placé à l’une des extrémités. L’être se meut en glissant à la façon d’une Grégarine. Lors de la reproduction le corps devient plus réfrin¬ gent , l’iode y décèle à ce moment la présence de l’amidon dissout. Le contenu se fragmente en spores allongées , brillantes. Celles-ci deviennent libres à l’état de spirillum et se transforment peu h peu en adultes. L'ambiguité des caractères de cet être ne permet pas de dire s'il est animal ou végétal. Il rentre dans le groupe des Protistes d’HÆCKEL. Le « Recueil zoologique Suisse » d’HERM. Fol (T II, N° 1), renferme un intéressant mémoire de M. J. Niemiec, sur la morphologie des ventouses dans le règne animal. Nous ne pouvons suivre l’auteur dans ses minutieuses descriptions histologiques , un travail aussi détaillé et aussi spécial ne se prête pas à l’analyse. Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire in-extenso les considérations générales qui terminent le mémoire. L’importance des données anatomiques et physiologiques qu’elle renferme justifiera, nous en sommes convaincus , la longueur de la citation. — 88 — « Les ventouses apparaissent sous les formes les plus diverses dans le règne animal. De la simple structure des ventouses des larves de grenouille , on peut par¬ courir tous les degrés de développement jusqu’aux puissants et merveilleux organes de fixation des Cépha¬ lopodes ; mais cette échelle ne correspond point aux embranchements ou groupes du système naturel, comme on serait tenté de le croire au premier abord. Il est évident que les appareils de fixation dans les différents embranchements du règne animal ne sont pas des organes homologues , mais simplement analogues , c’est-à-dire qu’ils ont des origines diverses. C’est pour¬ quoi nous ne pouvons tirer, de la structure comparée des ventouses , des conclusions relatives à la parenté des animaux qui les portent , qu’à la condition de limiter cette comparaison aux organes de fixation d’un même embranchement. Il va sans dire que , partant de ce point de vue , on ne peut pas comparer les ambulacres des Echinodermes avec les ventouses des Céphalopodes. Ce rapprochement ne serait permis qu’à un point de vue purement physiologique. Une autre question non moins importante se poserait alors , à savoir : Les organes destinés à la même fonction , mais d’origines indépen¬ dantes , ont-ils des parties histologiques analogues . et cette analogie résulte-t-elle des lois mécaniques ? Il y a donc deux points à éclaircir, à savoir : L’homo¬ logie des ventouses dans chaque embranchement en particulier, et l'analogie de ces organes dans tout le règne animal. Abordons premièrement l’homologie des ventouses chez les Echinodermes. Nous avons déjà dit qu'on ne peut pas trouver, dans la structure des ambulacres , des caractères distinctifs pour les différents ordres de cet embranchement. Ceci nous montre déjà que toutes les for¬ mes se sont produites par suite de l’adaptation successive d’un type fondamental à différentes fonctions. Le rôle physiologique des ambulacres des Astérides et des Echinides, réguliers diffère complètement de — 89 — celui des ambulacres des Spatangues , qui ont perdu la faculté de succion. Et cependant toutes ces formes portent , à n’en pas douter, le caractère d’une origine commune. Comme point de départ, on doit prendre l’ambulacre des Astérides. Nous en concevons l’origine sous forme d’une papille dermique qui, dans le cours du développe¬ ment, se serait allongée et aurait entraîné avec elle les éléments hypodermiques. En même temps, le canal aqui¬ fère viendrait -s’ouvrir dans son intérieur. Cette papille allongée, changée en tube, se constitue enfin à son extrémité en disque qui est la ventouse pro¬ prement dite. Les rapports qui existent entre les élé¬ ments du disque acétabulaii e et ceux du tube ou pédon¬ cule permettraient de comprendre le développement de la ventouse, alors même que Teuscher ne l’aurait pas indiqué en se basant sur l’étude d’un ambulacre en voie de formation. Le disque acétabulaire dans la plupart des Astérides est complètement dépourvu de produits calcaires. Chez certains genres, cependant, on trouve des spiculés cal¬ caires, déposés sur le disque et qui ont évidemment pour but de donner de la résistance à cet appareil mou Cette première ébauche d’un squelette interne atteint un grand développement chez tous les Échinides. Mais tandis que chez les Réguliers, l’ambulacre, dans les par¬ ties charnues, répète encore la structure de celui des Astérides, le même organe chez les Irréguliers s’éloigne déjà beaucoup du type primitif, bien que la modification ne s’opère pas d’une manière brusque. C’est ainsi que la partie terminale de l’ambulacre des Spatangues tantôt conserve sa forme de disque et tantôt prend l’aspect d’une houpe Dans ce cas, l’ambu lacre contient, d’après Loven, des glandes dont la viscosité sert à capturer de petites proies vivantes. Nous pouvons suivre pas à pas cette transformation successive qui se présente dans le groupe des Echino- 7 - 90 — dermes ; mais, en revanche, nous rencontrons des diffi¬ cultés insurmontables dans la recherche de l’homologie des ventouses chez les Helminthes. La diversité anato¬ mique que présentent les espèces appartenant à cet ordre se manifeste aussi dans la structure intime de leurs organes de fixation . En ce qui concerne la famille des Ténias, l’homologie des ventouses est facile à établir. Mais déjà dans la fa¬ mille la plus voisine des Ténias, celle des Botriocépha- lides, nous rencontrons des ventouses qui présentent une structure complètement différente. J'ai déjà montré que certains auteurs ont essayé de ramener ces deux appa¬ reils à un type commun. D’après mes recherches, cet essai ne se hase pas sur la réalité des faits. Au contraire, la grande différence qui existe entre les ventouses de ces deux familles d’Helminthes, nous porte à admettre pour ces organes me origine distincte. Par contre, la structure de la ventouse d 'Hirudo a plus de traits com¬ muns avec celle de la venteuse abdominale des Tristo- mides. Cependant, nous ne sommes pas de l’avis de quelques naturalistes qui, en voulant établir la parenté de ces deux familles si différentes, ont cru pouvoir se baser sur la ressemblance de leurs organes de fixation. Les organes de succion dans tout le règne animal, bien que d’origines diverses, ont pourtant beaucoup de traits communs. Ce fait s’explique, comme nous le verrons plus loin, parce qu'ils résultent de l’adaptation des tissus à une fonction, soumise partout aux mêmes conditions mé¬ caniques. Il est donc fort difficile de dire a priori si la ressemblance des ventouses des deux familles en ques¬ tion doit être considérée comme une homologie. En l'ab¬ sence de preuves suffisantes, il nous semble plus pru¬ dent de la considérer simplement comme une analogie. Les Myzostomides occupent une position à part, quant à la morphologie de leurs ventouses, comme du reste par tout l’ensemble de leur organisation. Dans le groupe des Mollusques, nous avons rencontré trois groupes distincts d’appareils de succion, à savoir — 91 — ceux des Ptéropodes, des Hétéropodes et des Céphalo¬ podes. Mes recherches ne me permettent pas de dire si ces organes ont un rapport quelconque d’origine. Je dirai seulement qu’il y a une grande analogie de structure entre les ventouses des Ptéropodes et celles des Hétéro¬ podes, tandis que la ventouse des Céphalopodes diffère notablement des deux premiers types. Ainsi la comparai¬ son des organes de fixation de Céphalopodes avec ceux des Ptéropodes ne nous permet de rien avancer qui puisse parler en faveur de la parenté qu’on a voulu reconnaître entre ces deux ordres. L’origine commune des differentes formes de ventouses et de crochets , chez les Céphalopodes , est évident. J'ai pu établir que la ventouse charnue, dépourvue d’anneau corné, doit être considérée comme le point de départ d’une série de formes de passage, dont le dernier terme est représenté parles crochets de quelques Oïgopsides. Les crochets sont donc des formes dérivées des ven¬ touses. Les données paléontologiques semblent être en oppo¬ sition avec cette théorie. Elles nous montrent, en effet, que les bras des anciens Céphalopodes étaient déjà munis de crochets, tandis que chez les Céphalopodes de l’époque actuelle, les ventouses sont beaucoup plus répandues que les crochets. On pourrait donc demander pourquoi je ne prends pas le crochet , avec sa structure plus simple , pour la forme primitive? Au point de vue purement morphologique, cette manière de voir pourrait se soutenir ; seulement elle ne fournirait aucune donnée sur les causes qui ont amené cette transformation. Comment expliquer, par exemple, l’apparition d’une ouverture à la base des crochets d ’ Onychoteuthis , alors que cette ouverture n’existe pas chez Enoploleutliis ? A quoi servirait la membrane cornée qui accompagne la rainure médiane du crochet et qui est complètement cachée dans les téguments? Comment cette membrane donnerait-elle naissance à celle qui recouvre l’infundi- 92 — bulum des ventouses et qui joue ici un rôle d’une si grande importance? A quelles causes mécaniques faudrait- il attribuer la métamorphose régressive du crochet puis¬ sant, qui est pourtant un excellent organe de préhension ? Gomment pourrait-on expliquer la transformation de la partie basale du crochet en une cupule élargie ? Bref, toutes ces questions que nous venons d’indiquer reste¬ raient sans solution. Il n’en est pas de même, si nous prenons pour point de départ la ventouse charnue. C’est, à l’origine, une simple papille dermique ; dans le cours du développement , elle entraîne la musculature du hras , la prend à son service et devient un organe compliqué de succion. Il est évident que la ventouse est d’autant plus perfectionnée qu’elle est moins sujette à glisser sur les corps lisses et qu’elle résiste mieux à la pression du milieu ambiant. Ce résultat est obtenu par les cellules épithéliales du bord, qui se garnissent de plaques cornées, munies de petites dents. L’épithelium de la chambre acétabulaire s’écrête, en outre, une masse cornée en forme de cap¬ sule résistante , dans laquelle se meut le piston charnu. Cette capsule porte, le long de son bord supérieur, des dents égales par la longueur et l'arrangement qui sont destinées à augmenter l’adhérence de l’appareil. Les dents marginales n’ont pas la même importance physiologique pour l’animal. Le Céphalopode, traînant la proie qu’il a saisie, tirera involontairement un plu s grand parti des dents du cercle corné, dont la direction est en sens inverse de la tête de l’animal. Aussi voyons-nous ces dents , se développer de plus en plus , en raison de l’importance plus grande de leur fonction, tandis que les autres deviennent rudimentaires et ne tardent pas à dis¬ paraître. Nous comprenons donc facilement que, sous l’influence des mêmes causes mécaniques, une dent, celle du milieu ait du dépasser toutes les autres , en un mot , que la ventouse ait dû se transformer en un crochet puissant revêtu ce téguments. L’infundibulum s’est alors réduit à un organe représentatif en forme de membrane — 93 — cornée , dont la structure trahit l’origine à première vue. La transformation de la musculature est intimement liée à celle de la partie squelettaire. J’ai déjà indiqué plus haut de quelle manière les muscles dilatateurs et compresseurs de la ventouse se mettent au service du crochet. Quant aux objections tirées de la paléontologie . nous pouvons les négliger , puisque rien ne nous empêche d’admettre que la transformation se soit opérée chez des types anciens , et que les deux formes d’appareils qui existent à l’époque actuelle aient été transmises par hérédité depuis cette époque reculée. Comme il est dé¬ montré que certains genres de Céphalopodes fossiles avaient les bras munis de ventouses , il ne reste aucun fait à mettre en opposition directe avec la théorie que nous admettons. Les organes de fixation , dans l’embranchement des poissons, apparaissent sous deux formes, que l’on trouve : 1° Dans le disque dorsal des Echénéides , et 2° dans le disque ventral des Discoboles. Ces deux formes diffèrent quant à leur origine , leur morphologie et leur méca¬ nisme. Enfin, les ventouses des larves des Anoures sont des organes homologues entre eux et ont une structure uni¬ forme et simple. Jetons à présent un coup d'œil sur le rôle physiolo¬ gique et la morphologie des ventouses, dans tout le règne animal, et voyons quel est le plan fondamental qui répond aux mêmes exigences mécaniques. Quoique leur fonction essentielle soit partout la même, ces organes ont acquis plus ou moins d’importance sui¬ vant le genre de vie des animaux ; chez les uns ce sont des appareils destinés à une fixation presque perma¬ nente, chez d’autres ils jouent leur principal rôle dans la locomotion, chez d’autres groupes enfin, ils sont devenus appareils de préhension. Etant destinés à fixer le corps de l’animal à un corps i étranger par la pression du milieu ambiant, les ventouses ont dû se former de deux sortes d’éléments. Ceux de la première catégorie devaient être aptes à entourer un certain espace d’un corps étranger et à le soustraire à l’influence du milieu ambiant, les autres devaient pouvoir rendre la pression intérieure plus faible que celle du dehors , et produire , par conséquent , l’adhérence de l’appareil, au corps sur lequel il est appliqué. La forme typique de ces organes est la ventouse du têtard. Les cellules des bourrelets marginaux servent à limi¬ ter par application une petite portion de la surface, d’une feuille de plante aquatique , par exemple , tandis que les cellules prismatiques , en se contractant , agissent contre la pression de l’eau et celle de l’atmosphère , de sorte que l’équilibre est rompu et que la fixation a lieu. La généralité de ce fait montre , que cette disposition des éléments musculaires est d'une grande importance pour la fonction de ces appareils et qu’elle doit être con¬ sidérée comme une condition indispensable de la solution du problème mécanique. Toutes les autres ventouses sont construites d’après ce type primordial, et nous trouvons ce fait intéressant , que les éléments principaux, c’est-à-dire les éléments qui ont pour but de rompre l'équilibre de pression , ont par¬ tout la même disposition générale. Ce sont les muscles dilateurs qui sont, à peu d’exceptions près, disposés dans tout le règne animal , perpendiculairement à la face acé- tabulaire. A ces éléments principaux sont venus s’ajouter, dans le cours du développement, des éléments secondaires qui , naturellement , ont acquis une importance plus ou moins grande dans les différents genres. Les éléments antagonistes des éléments de fixation proprement dits, doivent être considérés comme un premier pas dans cette direction. Les fosses marginales de Bothriocephalus se sont arrêtées à ce degré de développement. Les fibres perpendiculaires et leurs antagonistes , les fibres paral¬ lèles aux parois de la fossette du scolex de ce Cestode, — 95 — donnent déjà une plus grande précision de fonction à l’appareil. A partir de cette forme , on trouve dans tout le règne animal des ventouses contenant les deux systèmes. Les dilatateurs conservent leur disposition primitive, tandis que leurs antagonistes ne se sont pas développés d’une manière uniforme ; ce sont précisément ceux qui pré¬ sentent la plus grande variété de conformation. Malgré cette diversité de structure, on peut cependant retrouver une certaine analogie soit dans la disposition annulaire des muscles, soit dans leur disposition méridienne ou même réticulée. Il est évident que, dans les formes com¬ pliquées , chacun des deux systèmes antagonistes se complique de parties accessoires. La ventouse fixée sert de point d'appui aux forces musculaires du corps : c’est pourquoi dans la plupart des cas, nous pouvons suivre la musculature du corps jusque dans la paroi de la ventouse , où elle conserve son indé¬ pendance , ou se transforme en un système de muscles acétabulaires. Nous insistons d’autant plus sur ce fait, que ces rapports compliqués n’ont pas encore été signalés d’une manière précise. L’appareil de fixation présente aussi à l’extérieur les apparences les plus diverses. Tantôt, il est logé dans les téguments du corps , tantôt , supporté par un pédoncule , il s’élève au-dessus de ceux-ci et prend la forme d’é- cuelle , de sachet charnu , de cloche , de capsule ronde , etc. , etc. Gomme la fonction ne peut s’effectuer qu’à la condition que le bord soit hermétiquement appliqué et les parois capables de résister à la pression , nous trouvons souvent des parties accessoires en charge de ces fonctions. Chez Tristoma et chez Lepadogaster, le bord porte des pro¬ longements souples en forme de lame marginale ; chez les Gestodes , les Octopodes , il est entouré de plis tégu- mentaires ; dans d’autres cas encore , il est extensible, faculté qui facilite une application hermétique. Pour empêcher le glissement de l’appareil fixé sur des — 96 — surfaces lisses , le bord d’application est muni de produc¬ tions ( Pneumodermon , Pterotrachœa, Lepadogaster ) qui peuvent atteindre un développement très considérable ( Céphalopodes) , et même entraîner une complète trans¬ formation de. la ventouse (Onychoteuthis , Enoploteuthis) Dans la plupart des cas , la résistance de l’appareil suffit déjà pour lutter contre la pression extérieure ; cepen¬ dant , dans les ventouses qui se distinguent par une musculature excessivement développée , les parois in¬ ternes sont doublées d'une capsule cornée (Décapodes) ou bien elles ont un squelette interne. Sous ce rapport, on peut classer les ventouses en quatre groupes : 1° Ventouses sans squelette (Cestodes, Tristomides , Discophores , Ptéropodes , Hétéropodes , Amphibies) ; 2° Ventouses avec un squelette calcaire interne (Eclii- nodermes) ; 3° Ventouses avec un squelette corné externe (Cépha¬ lopodes) ; 4° Ventouses avec un squelette osseux (Poissons). La participation du squelette à la fonction de l’appareil n’est cependant pas partout la môme. Tandis que la cupule cornée des Céphalopodes ne sert qu’à résister à la pression extérieure , la charpente squelettaire dés Echinodermes est intimement liée à la musculature et directement mise enjeu par elle. Dans le mode d'action, on trouve une certaine analogie entre le squelette interne des ventouses , des Echinodernes et celui des Lepado¬ gaster, où les deux plaques osseuses subissent le même mouvement de bascule que les plaques de la rosette calcaire des ambulacres , en vertu de la contraction des muscles insérés sur elles près de la ligne médiane. Conformément au haut degré de développement du système musculaire , le système nerveux est bien repré¬ senté dans ces organes. Dans la plupart des cas , nous avons pu bien le suivre , ainsi que le système sanguin. Vu le grand nombre des genres d’animaux qui portent des ventouses , notre tache ne pouvait s’étendre que sur — 97 — les organes de fixation les plus typiques. La connaissance approfondie d’organes qui joue un rôle si remarquable dans le règne animal présente assurément un véritable intérêt scientifique. Mais il y a plus : nous avons pu. chez les Echinodermes et les Céphalopodes , montrer qu’au point de vue de l’anatomie comparée, on peut arriver à des résultats importants et de nature à influencer notre jugement, pour ou contre, la parenté des différents groupes. » A la suite des belles recherches de M. de Lacaze- Duthiers sur le système nerveux des Gastéropodes, il fut admis que « quelle que soit la position de V oiocyste, celui-ci est toujours innerve par les ganglions cèrébroides . » Cette proposition devenue classique est aujourd'hui con¬ testée par M. S. Jourdain. A la suite de ses recherches sur les Limaciens (embryons et adultes), cet auteur affirme, en effet, que chez eux l’otocyste n'est pas innervé par le cerveau, mais que le nerf auditif s’enfonce- dans le ganglion soléaire. Le même fait s’observe avec une facilité plus grande chez Zoniles lucidus. Une étude minutieuse de l’otocyste de Zonites a mon¬ tré à M. Jourdain que les otolithes ne S07it pas libres dans la cavité otocystique, mais que chacun d’eux est porté sur un filament hyalin inséré sur le renflement formé parle nerf auditif à son entrée dans l’organe. Pour l’auteur, l'otocyste est moins un appareil de per ceplion des ondes sonores qu’un organe fournissant à l’animal les notions des ébranlements du sol ou de l'eau. M. C. Vigüier vient d’avoir l’occasion d’examiner à Alger un petit cœlentéré très rare, le Tetraptey'a voli- tans. L’animal a la forme d’un octaèdre à angles arron¬ dis. L’un des sommets aigus de l’octaèdre est occupé par la bouche ; celle-ci est carrée au repos. Le corps est 98 — uniformément cilié et très contractile. Quatre nageoires bilobées occupent les quatre angles dièdres de l’octaèdre ; chaque lobe peut se replier sur lui-même à la façon d’une aile d’oiseau. Chaque lobe porte un organe assez com¬ plexe considéré jusqu’ici comme otocyste — son rôle est encore problématique, — mais l’auteur y a observé un corps réfringent pouvant briller spontanément d’une vive lueur bleue. La position zoologique du letraptera est très discutée. La note de M. Yiguier ne la précise pas, mais montre que le principal caractère invoqué pour le rapprocher des méduses, c’est-à-dire la présence des corps marginaux à otolithes, n’a qu’une valeur bien minime. Le 6e fascicule du Traité (T Anatomie comparée pra¬ tique de C. Vogt et Yung, vient de paraître chez Rein- wald. Il renferme les Rotifères et les Oligochætes. Les types étudiés sont : Brachionus pala pour les Rotifères et Lumbricus agricota pour les Oligochætes. Les revues périodiques anglaises et allemandes, ne nous étant pas encore parvenues , nous nous voyons forcés d’en reporter l’analyse au prochain numéro. G. Dutilleul. CHRONIQUE ET NOUVELLES. SOCIÉTÉ DES SCIENCES DE LILLE. Dans sa séance solennelle du 21 décembre 1881, la Société des Sciences de Lille a décerné à M. L. Dollo, ingénieur, aide-naturaliste au Musée de Bruxelles, un des prix Kuhlmann de la valeur de mille francs pour — 99 — ses belles recherches sur les Iguanodons de Bernissart. Un autre grand prix Kuhlmann a été accordé à M. Tran- nin, docteur ès-sciences, pour son rèfractométre diffé¬ rentiel. Nous sommes d’autant plus heureux d’enregistrer ces succès que MM. Dollo et Trannin sont d’anciens élèves de notre Faculté des Sciences. La même Société a décerné à M. le Dr Lober le prix Pingrenon pour ses belles recherches sur X Intoxica¬ tion saturnine. M. le Dr Bêcour, de Lille, a également obtenu une médaille d’argent pour un travail d’hygiène. MISSION SCIENTIFIQUE EN ESPAGNE. L’Académie des Sciences vient d’envoyer en Espagne une mission scientifique qui y étudiera les tremblements de terre. M. Ch. Barrois, maître de conférences à la Faculté des Sciences de Lille, a été désigné pour faire partie de cette mission dont le chef est M. le Pr Fouqué. FACULTE DE MEDECINE DE LILLE. M. le Dr Testut, professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Bordeaux, vient d’être nommé professeur d’Anatomie à la Faculté de Médecine de Lille. Notre nouveau professeur d’Anatomie s’est déjà si¬ gnalé par de nombreux travaux. Il est l’auteur d’un ouvrage très remarqué sur les anomalies musculaires chez l’homme, pour lequel la Société d'anthropologie de Paris lui a décerné, l’an dernier, le prix Broca de 1,500 fr. M. Testut sera, nous en sommes convaincus, le digne successeur du regretté professeur Puel. ACADEMIE DES SCIENCES. Parmi les récompenses accordées par l’Académie dans sa séance publique du 23 février, nous relevons les noms de trois de nos concitoyens. Ce sont : M. le prof. F. Toürneüx (prix Godard), pour ses beaux travaux d’histologie. M. le prof. Testut (prix Montyon), pour ses recherches sur les anomalies musculaires. M. le prof. Henri Leloir (prix Montyon), pour ses travaux d’anatomie pathologique. Nous renvoyons au prochain numéro la publication de la liste complète des lauréats , parmi lesquels nous sommes heureux de relever les noms de personnalités scientifiques telles que le prof. F. Marion, de Marseille, et le prof Kowalewsky. d’Odessa. LILLE. — IMP. L. DANEL. 1884-1885. MARS. N° 3. LES GLANDES COXALES DE MYGALE Par Paul PELSENEER, docteur en sciences. (Travail fait au laboratoire de zoologie de University College, Londres). On remarque chez Scorpio. à- l’origine de l’intestin moyen, en arrière des prétendues « glandes salivaires », deux organes symétriques, reposant sur le diaphragme entosternal, qui ont été considérés par Newport (1) et Dufour (2) comme des dépendances du tube digestif. En 1882, le professeur E. Ray Lankester montra que ces organes sont isolés, dépourvus de conduit excréteur, et complètement indépendants de l’appareil digestif (3). A cause de leur situation il les nomma « glandes coxales » et les assimila aux « brick red glands » décrits par Packard chez Limulus (4). Puis il fit connaître la struc¬ ture de ces organes et en reconnut aussi l’existence dans des sections transversales du céphalothorax d’un grand Mygale sud -Américain, et dans des sections de Mygale ( Cteniza ) coementaria, Latr. (5) Mais on ignorait la forme et la situation des glandes coxales chez les Arachnides autres que Scorpio et Limulus. C’est pourquoi, ayant reçu vivant un grand Mygale de l’Amérique méridionale, le professeur Ray Lankester me le confia, pour que j’y recherche, au point (1) On the nervous and circulatory Systems in Myriapoda and macrou- rous Arachnida ; Phil. Trans., 1843. (2) Histoire anatomique et physiologique des Scorpions. Mém. acad. des Sc. (savants étrangers), XIV, 1856. (3) The Coxal glands of Scorpio ; Proceedings of the Royal Society, 1882. (4) The Anatomy . . . . of Limulus Polyphemus ; Anniv. mem. of the Boston Soc. of Nat. hist., 1880. (5) On the skeleto-trophic tissues, and the Goxal glands of Limulus. Scorpio and Mygale; quart. Journ. of Micr. Sc. 1884. 8 de vue anatomique, ces organes dont il avait déjà dé¬ montré histologiquement la présence. Afin deprocéder à coup sur, je commençais par étudier soigneusement une série de coupes transversales prati¬ quées dans le céphalotorax de Mygale coementaria. Je dessinais celles qui passaient par la glande coxale chaque fois que celle-ci présentait un changement quelconque dans sa forme, sa grandeur ou sa situation. Une de ces sections, dans laquelle la glande se montre avec son plus grand développement, est représentée fig. 1 (1). A l’aide de ces dessins, j’ai pu construire deux dia¬ grammes , présentant , l’un , la projection verticale (profil) de la glande, et l’autre, sa projection horizontale (plan). Ce dernier est représenté fig. 2. Ayant ces deux diagrammes comme guide, j’ai recher¬ ché les glandes coxales et j'ai pu les dégager entière¬ ment. Lorsque j’eus terminé cette étude je m’aperçus qu’on devait reconnaître la glande coxale dans un organe figuré par Blanchard (2) en dessous des coecums latéraux de l’estomac annulaire , et que cet auteur nomme « glande stomacale ». Le texte correspondant n’existe malheureusement pas. Les deux glandes, entièrement séparées l’une de l’au¬ tre, se trouvent situées de chaque côté de l’entosternite (1) L’étude de ces sections me montra que la glande coxale avait déjà été vue. mais non reconnue, dans de pareilles coupes. C’est ainsi qu’on peut la retrouver dans une bonne section de Mygale Javanensis , donnée par Liénard : « Recherches sur la structure de l’appareil digestif des Mygales et des Néphiles •, fig. 2 A, (Bull. Acad. Belg. 1878). La glande s'y trouve sous le cæcum latéral de l’estomac, entre son coude et l'entosternite . — Il en est de même pour des Arachnides du groupe des Phalangides : Rossler (Beitrage zur Anatomie der Phalangiden ; Zeitschr. fur Wissensch. Zool. XXXVI, pl. XLI, fig. 7 et 8) figure dans des sec¬ tions de Phalangium et de Opilio , un organe (z. o.) dans lequel on retrouve aussi la glande coxale. Mais cet auteur, comme le précédent, n’a pas reconnu la nature de ce corps. — Liénard recherchsut cependant la . glande stomacale ■> de Blanchard. (2) L’organisation du règne animal; Arachnides, pl. XIV, fig. 2, c — 403 — 'enthodère de Dugès), entre le plancher inférieur et les prolongements supérieurs de ce dernier, avec lequel elles se trouvent dans des rapports très intimes de posi¬ tion, de forme et de grandeur (1). Entourées de ce tissu conjonctif à grosses cellules brunes, qui se trouve répandu dans tout le corps du Mygale (2), elles s’étendent jusqu’aux bords du plancher inférieur de l’entosternite, et présentent quatre lobes correspondant aux saillies de ce plancher, et en même temps aux coxa des quatre derniers appendices cépha¬ lothoraciques (pattes ambulatoires) (3). Les lobes antérieur et postérieur de la glande sont les plus grands; leur direction est à peu près parallèle à l’axe du corps. Les deuxième et troisième lobes sont plus courts, plus ramassés, et dirigés transversalement ; ils dépassent légèrement les bords de l’entosternite et des¬ cendent un peu dans les coxa des quatrième et cinquième appendices. Outre ces quatre prolongements coxaux, la glande possède encore deux saillies internes, vers sa partie moyenne. Ces saillies correspondent à deux légères ex¬ cavations que présente l’entosternite, entre son plancher inférieur et ses prolongements supérieurs. Ceux-ci passent au-dessus de la glande coxale, entre les lobes coxaux, de manière à ne laisser voir entre eux, que les extrémités de ces derniers. On peut remarquer que la glande coxale de Limulus (1) Les relations entre l’entosternite et les glandes coxales sont les mêmes chez Scorpio et Limulus, ainsi qu’on peut s’en assurer par l’examen des travaux publiés sur ce sujet. (2) Ce tissu est analogue à celui qui a été observé chez Scorpio par le professeur Ray Lankester (quart. Journ. of. Micr. Sc. 1884, pl. XI, fig. 9 et 10) ; mais les cellules y sont plus grandes, moins nombreuses et plus dispersées. (B) Chez Mygale cœmentaria et par suite chez tous les aranéides tétra- pneumones, la glande coxale présente une disposition très analogue, ainsi que le montre le diagramme fig . 2 . — 104 — présente également des prolongements externes et in¬ ternes: mais les quatre grands lobes coxaux correspon¬ dent aux appendices 2, 3, 4 et 5, et non 3, 4, 5 et 6, comme chez Mygale (1). L'estomac annulaire qui repose sur l’entosternite en¬ voie ses diverticules latéraux entre les prolongements supérieurs de ce dernier. Les quatre diverticules posté¬ rieurs passent au-dessus des lobes coxaux, puis se cou¬ dent, et passent entre les faisceaux musculaires des coxa correspondants, et vont jusque sous le ganglion céphalothoracique, La couleur de la glande est uniforme, jaune brunâtre claire, assez semblable à celle de l’estomac et de ses di¬ verticules latéraux. Son aspect indique assez bien sa structure, car on distingue assez facilement les tubes en¬ roulés dont est composé la glande. Nulle part je n’ai vu de conduit excréteur, soit débouchant au dehors, soit se rendant à un organe interne quelconque. La glande coxale de Mygale, comme celle des Scorpio et Limulus adultes, est donc une glande fermée. Les figures de Blanchard (2) montrent que la glande coxale (que cet auteur nomme glande stomacale) existent également chez Phryne et Telyphonus , avec la même structure tubuleuse. Puisque cet organe se trouve en outre chez les Aranéides, les Phalangides, les Scorpio- nides et les Limulus, on peut en conclure que la glande coxale est un organe général à tous les Arachnides. Chez l’adulte elle forme un système fermé. Mais chez les Limulus très jeunes, Ray Lankester et Gulland vien¬ nent de trouver qu’une extrémité du tube qui constitue la glande, s’ouvre au dehors à la base du cinquième ap¬ pendice, tandis que l’autre extrémité s’ouvre dans un petit espace coelomique (1). On se trouve donc en pré- (1) Voir Ray Lankester, loc. cit . , quart. Journ. of. Micr. Sc. 1884, fig. 2, dans le texte. (2) L’organisation du règne animal, Arachnides. (1) Leur travail paraîtra prochainement. I/"" Bull. Sc. du Nord. pL [. i J)' P. PELSEXEEK ad nat. del. — 105 — sence d’un organe d’excrétion, rein céphalothoracique primitif des Arachnides, qui s’atrophie chez l'adulte où il est remplacé par les tubes de Malpighi abdominaux. Londres. Novembre 1884. Postcriptum. — Pendant l'impression de cette notice, j’ai eu connaissance du travail de Bertkau « Ueber den Verdaungsapparat der Spinnen » (archv. f. mic. anat. 1884). — Chez de jeunes Atypus (Tetrapneumon), cet auteur a observé que la glande coxale s’ouvre également au dehors et précisément à la base de la 3e patte, c’est-à- dire du 5e appendice, tout comme chez Limulus (Voir Bertkau, loc. cit. pl. XXI, f. 19. EXPLICATION DES FIGURES. Fig. I. — Diagramme d’une section transversale de Mygale cœmen- taria , Latr. (X 9)> passant par les coxa de la troisième paire de pattes ambulatoires (ligne AB, fig. 4), et montrant les relations de la glande coxale droite (a) avec l’entosternite (E) et le tube digestif ; d, cæcum latéral de l'estomac annulaire (e) ; S, organe de succion ; ni, nerfs de la quatrième paire de pattes ambulatoires ; n nerf abdominal. FlG. 2. — Diagramme de la partie gauche du ceptalo thorax de Mygale Cœmentaria, Latr., vu de dessus, pour montrer la projection horizontale de la glande coxale (X 6 1/2); a , la glande coxale; 1, chéliferes; 2, cbelae; 2-6, les quatre derniers appendices ; A, abdomen. FlG. B. — La glande coxale gauche et l’entosternite de Mygale sp. (de l’Amérique méridionale), in situ , vu de dessus (X 2 1/2). Les prolon¬ gements supérieurs de l’entosternite ont été coupés suivant les lignes ii, pour montrer, à gauche, la glande, dans son entier, et à droite le plancher inférieur de l’entosternite qui, du côté gauche, est caché par la glande ; b , les lobes coxaux de la glande ; e , ses projections internes ; les autres lettres comme dans la figure 1 . Fig. 4. — Le même spécimen que dans la figure .3. A gauche, les pro¬ longements supérieurs ( p ) de l’entosternite ne laissent voir que les lobes coxaux (a) de la glande ; à droite, les mêmes prolongements et les cæcums latéraux (d) de l’estomac annulaire cachent presqu'entièrement la glande, à l’exception de quelques petites parties (a). S, organe de succion ; A B, ligne montrant la direction de la coupe fig. 1 . — 4 06 — SUR LA COMPOSITION DE LA GRAISSE DU SUINT (1) Par M. A. BUISINE , Préparateur à la Faculté des Sciences de Lille. Outre les cholestérines et l’alcool cérylique, la graisse du suint renferme encore sous forme de combinaisons des alcools gras volatils, notamment l’alcool octylique. Pour isoler ces derniers produits qui n’existent qu’en très petite quantité dans cette graisse, nous opérons de la façon suivante : La graisse du suint brute est desséchée puis mélangée -avec de la potasse caustique pulvérisée (1 partie d’alcali pour 2 parties de graisse). Le mélange se fait dans un mortier en versant la graisse fondue sur l’alcali pulvérisé et la masse est rendue homogène par trituration. Le mélange est alors chauffé pendant plusieurs heures à la température de 250° environ. Pour cela on l'intro¬ duit dans une cornue et , pour obtenir un chaufiage régulier, nous portons l'appareil à la température voulue au moyen d'un bain de sable ou d’un bain métallique. En surchauffant la masse on obtient, en effet, des produits empyreumatiques qui viennent souiller les produits vola¬ tils, ce qui rend la purification difficile. Soumise à l’action de la chaleur, la masse fond, puis, vers 180°, elle commence à dégager de la vapeur d’eau, mélangée à des gouttelettes huileuses qui se condensent dans le col de la cornue et qu’on recueille. L’opération est rendue difficile par une mousse abon¬ dante qui tend à passer dans le col de la cornue. On la rend plus pratique en remplaçant la potasse par la chaux potassée ( 2 parties de chaux potassée pour 1 partie de (1) Voir Bulletin scientifique du Nord , N° 5-6 , page 97, et N° 9-10, page 178 (année 1883). graisse). Le mélange de la graisse avec la chaux potassée pulvérisée se fait de la même façon ; mais, dans ce cas, on obtient une masse solide, dure, qui se ramollit à peine à la température de l’expérience, et on évite ainsi les mousses dont on est difficilement maître dans de petits appareils. L’action de l’alcali sur la graisse dans ces conditions est facile à concevoir. Les corps neutres dédoublables, les éthers gras, sont d’abord saponifiés, les acides gras fixés à l’état de savons et les .alcools mis en liberté. Parmi ceux-ci, ceux qui sont volatils à la température de l’expérience se dégagent et sont recueillis. Les autres, fixes à cette température, sont soumis à l’action de l’alcali en excès et se transforment en donnant les acides gras correspondants d’après une réaction étudiée par MM. Dumas et S tas sur l’alcool du blanc de baleine, l’éthal. Ainsi, dans notre opération, l’alcool cérylique se transforme en acide cérotique, suivant l'équation : C27H550H -h KHO = C27H530.0K -+-.H4 Alcool cérylique. Cérotate de potasse. et pendant toute la durée de la réaction, on observe un dégagement régulier d’hydrogène pur. On recueille donc dans cette opération une petite quan¬ tité d’une huile fluide, odorante, d’un jaune pâle, qui surnage l’eau du condenseur. Nous avons dû opérer sur une quantité notable de ma¬ tière première (plusieurs kilogrammes), pour obtenir du produit en quantité suffisante pour déterminer sa nature. Jamais le rendement n’a dépassé 1 °/0 du poids de la graisse employée. L’huile brute décantée est séchée sur de la potasse en plaques, puis soumise à une rectification. Rien ne passe à la distillation avant 180°. De 180° à 190° il distille un liquide bicolore, insoluble dans l’eau et d’une odeur aromatique spéciale qui rappelle tout à fait celle de Lalcool octylique. De plus, le point d’ébullition de notre — 108 — produit concorde avec celui de l’alcool octylique qui bout à 180°-183°, et dont il possède d'ailleurs tous les autres caractères. Il ne nous a pas été possible de faire une étude appro¬ fondie de l’alcool octylique ainsi retiré de la graisse du suint, car nous n’avons obtenu, et très laborieusement, qu’une petite quantité de matière ; mais nous nous pro¬ posons de reprendre ce travail, afin d’établir par l’étude de quelques dérivés, la constitution et la nature de l’al¬ cool octylique que nous avons obtenu. On sait en effet que l’on commit déjà plusieurs alcools octyliques isomères répondant à la formule brute C8fD80, et il serait intéressant de savoir auquel de ceux-ci correspond celui que nous avons retiré de la graisse du suint. Dans la rectification de l’huile brute, il passe vers 200° un liquide plus épais que l’alcool octylique, mais que nous n’avons pu déterminer, faute de matière ; l'alcool octylique est en efîet le produit qui domine dans l’huile brute. L’alcool octylique n’existant pas à l’état de liberté dans la graisse du suint, dans quelle combinaison y est-il retenu ? Y existe-t-il sous forme d’un acide particulier, analogue à l’acide ricinoléïque, lequel, comme on le sait, se dédouble sous l’influence de la potasse fondante en alcool octylique et acide sébacique avec dégagement d’hydrogène ; ou bien y existe-t-il simplement à l’état d’éther gras ? La méthode que nous avons suivie pour l’obtenir, pré¬ sente une grande analogie avec le procédé employé pour préparer l'alcool octylique au moyen de l’huile de ricin, mais ceci n’est pas une preuve en faveur de la première hypothèse, car on peut isoler l’alcool octylique de la graisse du suint par d’autres moyens. Ainsi, en traitant cette graisse par un lait de chaux en vase clos et sous une pression de 7 à 8 atmosphères, on détruit également la combinaison qui le renferme et l’alcool octylique mis en liberté se reconnaît facilement X — 409 — Todeur que prend le produit de la réaction ; seulement, cette manière d'opérer est dans la pratique beaucoup moins commode pour isoler ces produits volatils, que l’on obtient directement par le premier procédé que nous venons de donner. Or, dans ce cas. il ne peut y avoir dédoublement d'un acide analogue à l'acide ricinoléïque, on ne peut produire ici qu’une simple saponification et l’on observe d'ailleurs aucun dégagement d'hydrogène. C’est là une des raisons qui nous font dire que l’alcool octylique existe dans la graisse du suint à l’état d’éther gras, sous forme d’oléate ou de stéarate d’octyle et plus probablement même combiné à des acides gras inférieurs se rapprochant des acides butyrique ou valérianique, ou à ces acides eux-mêmes, qui entrent en petite quantité dans les principes constitutifs de cette graisse. (. A suivre). NOTES PALÉONTOLOGIQUES (1) Par M. L. DOLLO Aide-naturaliste au Muséum de Bruxelles. Un Scorpion silurien. 1). — M. le professeur G. Lindstrôm, l'éminent paléontologiste de Stockholm, a eu l’obligeance de m’envoyer, pour être déposée dans les collections du Musée royal d'histoire naturelle de Bru¬ xelles , une excellente photographie d’un Scorpion qu’il vient de recueillir dans la formation silurienne supérieure de l'ile de Gotland Suède). On comprendra tout l’in¬ térêt qui s'attache à cette découverte, lorsqu’on saura que nous avons affaire ici au plus ancien animal terrestre (1) Extraits de la Revue des Questions scientifiques , Janvier 1885. actuellement connu (1). En effet, les libellules du Canada, qui étaient considérées comme telles jusqu’à présent, ne remontent pas plus haut que le dévonien Lu spécimen est en assez bon état. On y observe encore la cuticule chitineuse brune, très mince, comprimée et ridée par la pression des couches superposées. Le cépha¬ lothorax, l’abdomen, avec sept lames dorsales, et enfin la queue, formée de six anneaux dont le dernier se ré¬ trécit en pointe pour constituer le dard venimeux, sont bien exprimés. Les ornements de la surface du corps sont identiques à ceux des Scorpions actuels, et consis¬ tent en tubercules et carènes longitudinales. Un des stigmates est visible à droite et démontre clairement que la bête jouissait d’une respiration aérienne. Toute son organisation , d'ailleurs, prouve qu'elle a vécu sur la terre ferme. Un trait des plus curieux dans la structure du Scorpion de M Lindstrôm nous est fourni par la nature des pattes thoraciques. En effet, elles sont grosses et pointues comme celles des embryons de plusieurs Trachéates et des Campodea. Ces sortes de pattes ont déjà disparu chez les Scorpions de la formation carbonifère, où les appen¬ dices en question concordent entièrement avec ceux des Scorpions actuels. M. Lindstrôm se propose de publier, en collaboration avec M. le professeur Tamerlan Thorell, un mémoire détaillé sur l'antique Trachéate , dont nous avons fait connaître sommairement l’organisation. Ces naturalistes l’ont nommé : Palœophonus nuncius. (1) G. Lindstrôm. Sur un Scorpion du terrain silurien de Suède. Comptes rendus de l’Académie des sciences de Paris '1er décembre 1884), 9. 984. (2) M. Bronguiart vient cependant de décrire un insecte silurien moyen ( Note ajoutée pendant l’ impression) . lia Nebalia et ses parents paléozoïques 1). I. Nebalia. — Un intérêt considérable s’attache à ce petit crustacé, tant à cause de sa nature synthétique que de ses relations évidentes de parenté avec un certain nombre de fossiles curieux qu’on place d’ordinaire parmi les Phyllopodes. Les différentes espèces de Nebalia habitent la mer a des profondeurs modérées. M. Packard en a recueilli (N. bipes), sur la côte du Labrador, entre huit et seize mètres. Otho Fabricius nous dit qu’elle porte ses œufs tout l’hiver sous le thorax. Ils ne commencent à se déve¬ lopper qu’au mois d’avril et les petits naissent en mai. Ceux-ci sont très vivants, ajoute-t-il, et restent attachés à la mère, qui paraît alors être à moitié morte. Les adultes nagent obliquement, se servant de leurs pattes postérieures pour progresser à travers l’eau. Ils ne sont pas fort actifs. Montagu nous informe que, lorsqu’ils se meuvent, les antennes supérieures sont constamment en mouvement, aussi bien que les pattes abdominales, mais que les antennes inférieures sont usuellement au repos et ramenées sous le corps. D'après Leach, on les ren¬ contre sur les côtes sud-occidentales d’Angleterre, sous les pierres, gisant dans la boue parmi les creux des ro¬ chers. Enfin, M. Mac Andrew en a dragué à une profon¬ deur considérable aux îles Shetland. Le corps de la Nebalia bipes est plutôt grêle et quel¬ que peu comprimé, la région intérieure étant protégée par une carapace au- delà du bord inférieur de laquelle les pieds phyllopodiformes ne font pas saillie. La carapace s’étend sur la tête, le thorax et les quatre premiers segments abdominaux. Elle est comme bivalve (1 A. S. Packard, Jr. The Crustacean Nebalia and its fossil allies, representing the order Phyllocarida American Naturalisa 1882, p. 861. A. S. Packard, Jr. The Paleozoïc Allies of Nebalia. American Natu¬ ralist, 1882, p. 945. H. Woodward and T. R. Jones. Notes on Phyllopodiform Crustaceans. Geological Magazine, sept. 1884, p. 393. et ses deux moitiés sont ramenées l’une vers l’autre par un muscle adducteur peu puissant. Il n’y a pas là de muscle adducteur 'volumineux hautement spécialisé, ni d’impressions musculaires arrondies, ainsi qu’on en voit chez les Limnadiadæ ; encore moins y observe-t on la charnière si caractéristique des Phyllopodes. La nature du rostre est très particulière. Il est long, étroit et se termine par une pointe obtuse à une distance assez grande de la tête. Il est attaché, quoique mobile, dans l’échancrure de la carapace, au lieu d’en être une continuation directe comme pour les Décapodes. Les yeux sont pédonculés. Les membres pliyllopodiformes diffèrent essentielle¬ ment, dans leur structure intime, de ceux des crustacés phyllopodes, et c’est pour avoir méconnu leur véritable signification que les anciens observateurs ont été amenés à placer la Nebalia parmi lesdits Phyllopodes. Les pattes abdominales forment six paires. Elles sont simples et sans branchies. Le segment terminal manque de telson, mais par contre, est pourvu de deux cercopodes. M. Claus a proposé de ranger la Nebalia parmi les Malacostracés, mais M. Packard est d’avis qu’il convient de créer, pour elle et pour les formes éteintes s’y ratta¬ chant, un nouvel ordre, caractérisé comme suit : Ordre : Phyllocarida, A. S. Packard, Jr. Corps comprimé ; consistant de vingt et un segments : cinq céphaliques, huit thoraciques et huit abdominaux. Carapace également comprimée, sans charnière, légère- ment attachée au corps par un faible muscle adducteur ; munie d’un rostre mobile inséré dans une échancrure antérieure ; ladite carapace recouvrant les premiers an¬ neaux de l'abdomen. Une seule paire d’yeux pédonculés, pas d'yeux simples. Deux paires de grandes et fortes an¬ tennes, constituées par une multitude d’anneaux ; la pre¬ mière paire, birameuse ; la seconde, avec un très long fiagellum chez le mâle. Mandibules faibles, avec palpes remarquablement longues et triarticulées. Deux paires de mâchoires ; la première, avec un exopodite fort long, grêle et multiarticulé ; la seconde, bien développée, bira- meuse ; pas de maxillipèdes ; huit paires de pattes thora¬ ciques, birameuses, larges, minces, respiratoires et non adaptées à la marche ; les exopodites divisés en branchie et flabellum ; quatre paires de grandes pattes abdomi¬ nales natatoires et deux paires de petites ; pas d’appen¬ dices sur le septième segment, le terminal portant deux longs cercopodes. Pas de telson dans les formes actuelles ; bien marqué, au contraire (ainsi que nous le verrons tout à l’heure), chez les Ceratiocaridœ . Jeunes se., dévelop¬ pant dans une cavité incubatrice ; développement direct ; pas de métamorphose , le jeune différant à peine de l’adulte. Lés Phyllocarides se distinguent des Phyllopodes et des Malacostracés, avec lesquels on les avait réunis jus¬ qu’à présent, de la manière suivante : Des Malacostracés : 1 . Par la carapace peu adhérente et la présence d’un muscle adduc¬ teur réunissant ses moitiés. 2. Par le rostre mobile légère¬ ment attaché à la carapace. 8 . Par la longueur : a — du palpe mandihulaire, b — de l’appendice de la première paire de mâchoires, c — et le caractère hirameux des mâchoires elles-mêmes. 4 . Par l’absence de maxillipèdes. 5 . Par les huit paires de pattes thoraciques phyllopodiformes non adaptées à la marche, l’animal na¬ geant sur le dos. 6 . Par l’absence de Zoëa dans le développement . Des Phyllopodes : 1 . Par l’absence de charnière à la caparace et la présence d'un rostre. 2. Par l’existence de deux paires d’antennes longues, fortes et mul- tiarticulées, la paire postérieure du mâle étant plus longue que la pre¬ mière paire 3. Par une séparation tranchée du thorax et de l’abdomen, tant dans les segments que dans les ap¬ pendices . Phyllocarides éteints. — Les types les plus importants peuvent être groupés dans le tableau suivant, qui com¬ prend également la Nebalia. Ordre : PHYLLOG ARIDES. Ceratiocaridœ. Nebaliadæ. Ep. actuelle. Carbonifère. Dithyrocaris, Argus . Nebalia. Dévonien. Silurien supérieur. Silurien inférieur . Lingula flags. Dictyocaris . Ceratiocaris . Peltocaris . Hymenocaris . Les points les plus curieux de l’organisation des Phyl- locarides éteints résident dans le telson, l’ornementation de la carapace et surtout la taille. Le telson manque à la Nebalia , qui n’a, comme nous l’avons vu, que deux cercopodes. Au contraire, il est bien développé chez les genres Ceratiocaris , Dühyro- caris et Argus. La présence de ces organes fournit à la fois un moyen de séparer les Phyllocarides en deux fa¬ milles et la possibilité de rapprocher ces Crustacés des Décapodes. Dans les genres Hymenocaris et Peltocaris, il se résout en deux épines, minuscules pour le dernier. Tandis que la carapace de la Nebalia est complètement lisse, certaines formes de Phyllocarides éteints, telles que Dictyocaris, nous exhibent une surface nettement réticulée. Enfin, la taitle était autrefois incomparablement supé¬ rieure à celle que nous montre la Nebalia. Le Dithyro¬ caris . Neptuni, Hall, avait au moins deux pieds de long. VEchino caris Wrightiana, que MM. Woodward et R. Jones ont décrit récemment, le surpassait encore nota¬ blement. En résumé, il faut considérer les Phyllocarides comme un type de crustacé ayant subi un développement préma¬ turé. Il fiorissait à une époque où aucun Malacostracé — 115 — n’existait et s’éteignit presque totalement à la période du carbonifère. Jugeant du groupe entier par la seule Nëbalia , nous devons reconnaître qu’il était hautement synthétique, combinant à la fois des caractères copépodes, phyllopodes et décapodes avec d’autres qui lui sont pro¬ pres. Gomme pour beaucoup de formes de cette nature, ses représentants éteints étaient d’un volume colossal, comparé à celui des survivants actuels. lies Ichthyosaures (1). — I. Historique. Les restes des Reptiles marins actuellement éteints et connus au¬ jourd’hui sous le nom d’Ichthyosaures ont attiré l’atten¬ tion des collectionneurs et des descripteurs depuis près de deux siècles. Le Querelœ piscium de Scheuchzer (1708) contient (pi. III) des figures de vertèbres biconcaves provenant d’un Ichthyosaure du Lias d’Altdorf et présentées comme appartenant à un poisson, Knorr nous montre également dans sa Naturgeschichte der Versieinerunguen des vertèbres du même reptile sous le nom d ' [chthyospon- dylen. Un peu plus tard (1814) , sir Everard Home les décrit sous le nom de « Ossements fossiles d’un animal plus voi¬ sin des Poissons que d’aucune forme vivante. » Ce furent Gonybeare, De la Beche et Kônig(1821) qui déterminèrent les premiers correctement la position des Ichthyosaures dans la classification. Nous sommes, en (J) R. Owen. A Monograph of the fossil Reptilia of the Liassic for¬ mations. Ichthyosaurus. Paleontographical Society of London , vol. XXV. O. G. Marsh. A new Or der of Extinct Reptiles (Sauranodonta/ from the Jurassic Formation of the Rocky Mountains. American Journal of Science (Silliman), 3d sériés, vol. XVII. — The limbs of Sauranodon with Notice of a new species. Ibid., 3d sériés, vol. XIX. — 116 — outre , redevable à Konig du terme Ichthyosaurus. Quelqnes temps après (1824), G. Cuvier confirma leur interprétation et l’étude de ces intéressants sauriens en¬ tra dans une voie rationnelle. L’étendue de cette brève notice ne nous permet point d’examiner en détail les nombreux travaux qui parurent ultérieurement. C’est pouquoi nous nous contenterons de résumer les publi¬ cations, dont le titre se trouve mentionné plus haut. II. Description. L’Ichthyosaure , par la hriéveté , — on peut même dire par l’absence , — du cou, par l’égale largeur de la tête et des épaules , par la continuité du tronc et de la queue, par la présence des nageoires enfin, possède comme les Cétacés une ressemblance extérieure avec les Poissons. Cette ressemblance est, d’ailleurs , purement adaptitave ; car, de même que les Cétacés sont des mammifères, le Ichthyosaures sont des Reptiles et n’ont aucune relation directe avec les Poissons. La forme générale du crâne de l’Ichthyosaure con¬ corde avec celle qu’on observe chez les dauphins. Toute¬ fois, la cavité cérébrale est beaucoup plus faible. De plus, les prémaxillaires sont énormes, tandis que les susmaxil- laires sont peu développés , disposition qui rappelle les Oiseaux. Les orbites sont remarquables par leur grande dimensions et l'anneau sclérotique qu’elles renferment. Les narines externes sont placés très loin de l’extrémité du museau, dans le voisinage immédiat des yeux. Le Quadratum est fixé. Le crâne de l’Ichtyosaure contient encore un os spécial, auquel M. Huxley donne le nom de supra temporal. Suivant nous, c’est le squamosal , tandis que le squamosal de réminent naturaliste anglais serait l’épiotique des Labyrinthodontes, qui est aussi conservé chez les Caméléons , où M. W. K. Parker l’appel pa¬ riétal. Les dents sont limitées au prémaxillaire, au susmaxil- laire et l’élément dentaire de la mâchoire inférieure. La mandibule fait souvenir de celle du Gavial. L’élé¬ ment splénial entre dans sa symphyse. Elle manque d’a- H7 — pophyse coronoide , mais est pourvue d’une projection postarticulaire bien développée. Les vertèbres différent à certains égards de celles de tous les autres vertébrés. Non seulement , sont des disques aplatis beaucoup plus larges et plus hauts qu’ils ne sont longs, mais il n’y a pas d'apophyses transverses à proprement parler , attendu que celles-ci sont simple¬ ment représentées par des tubercules. Les neurapo- physes sont de petits ponts osseux en synchondrose avec le centre et presque toujours privés de zygapophyse. Les côtes sont bifurquées , offrant un capitulum et un tuberculum. Cependant, dans la région caudale, leur tête devient simple. Le sternum était vraisemblablement à l’état de plaque impaire cartilagineuse. Il v a un sternum abdominal ossifié. La ceinture scapulaire se compose de deux omoplates, deux coracoïdes , deux clavicules et une interclavicule en T. Le membre antérieur est plus puissant que le posté¬ rieur. Ainsi que nous l’avons déjà dit, il a la forme d’une nageoire. Contrairement à ce qu’on voit chez tous les autres vertébrés amniotes, il est heptadactyle. La ceinture pelvienne comprend , comme presque toujours, deux iliums, deux ischiums et deux pubis. Le membre postérieur est semblable à l’antérieur , quoique plus petit. Les Ichthyosaures concordent donc avec les Mosasaures et les Plésiosaures par la présence de deux paires de nageoires, en quoi ils s’éloignent des Cétacés. Les téguments n’étaient recouverts, ni de plaques der¬ miques osseuses , ni d’écailles épidermiques. Ils présen¬ taient l’aspect d’une surface chagrinée. La nageoire caudale , au lieu d’être horizontale comme chez les Cétacés , était verticale de même que chez les Poissons. Les Ichthyosaures étaient ovovivipares , c’est-à-dire qu’ils mettaient leurs petits vivants au monde, tandis que 9 — 148 — la plupart des Reptiles pondent des œufs. En outre, ils étaient unipares, ne donnant naissance chaque fois qu’à un seul être de leur espèce. III. Coup d'œil d'ensemble sur les diverses formes d' Ichthyosauriens Les divers Ichthyosaures peuvent être groupés dans le tableau suivant : Ordre: ICHTHYOSAURI A . Dentés • Ichthyosaurus. Brévirostres : Crâne et nageoires courts ; 4 carpiens. 1 . I. breviceps, Owen . 2. /. communis, Conybeare. 3. /. intermedius , Conybeare. 4. I. latifrons, Kônig. 5. I.latimanus, Owen. 6. I. brachyspondylus, Owen. Longirostres : Crâne et nageoires longs ; 3 carpiens. 1. /. platyodon, Conybeare. 2. I. lonchiodon, Owen . 3. I. longifrons, Owen. 4. I. acutirostris, Owen. 5. I. tenuirostris, Conybeare. 6. I. longirostris, Owen. Édentés ; un bec : Sauranodon. 1. S. natans, Marsh. 2. S. discus, Marsh. ’ Ichthyosaurus breviceps fut découvert dans le cal¬ caire basique appelé « Broad Ledge » à Lyme Regis. On a aussi rencontré ses restes dans la zone à Arietites Bucklandi (Lias inférieur) à Brownish (Somersetshire). h' Ichthyosaurus communis se trouve principalement dans le Lias de Lyme Regis et de Charmouth (Dorset- shire). Partout, d’ailleurs , l’ammonite Arietetes Bu¬ cklandi l’accompagne. On le trouve parfois associé à 1’/. intermedius et à 1 ’/. tenuirostris. Les restes les plus complets de Y Ichthyosaurus pla¬ tyodon indiquent un animal de vingt pieds de long; d’autres permettent d’affirmer l’existenoe d’individus d’au moins trente pieds. On rencontre surtout YI. pla¬ tyodon à Lyme Regis. h' Ichthyosaurus longifrons appartient au Lias supé- rieur de Cotteswold Hills , où il est mélangé à Y Ammo¬ nites bifrons. L’ Ichthyosaurus acutirostris est remarquable par son museau qui rappelle vaguement le bec de la cigogne. Il provient du Lias de Whitby (Yorkshire). Le rostre de Y Ichthyosaurus lenuirostris , lui, fait sou¬ venir du bec de la bécasse ( Scolopax ) , mais il s’agit ici d’un bec armé de dents. L’J. tenuirostris mesurait envi¬ ron treize pieds ; on l’a recueilli à Lyme Regis , à Strat- ford on Avon , à Bristol , à Street et à Barrow on Soar. L’ Ichthyosaurus longirostris est, de toutes les espèces du genre Ichthyosaurus , celle qui par la faiblesse rela¬ tive de ses dents , se rapproche le plus du Sauranodon. La longueur et la gracilité de ces mâchoires suffisent pour conclure qu’il se nourrissait plutôt de Céphalopodes nus que de Poissons. D’autre part, le volume énorme des orbites montre que ce Reptile devait être noctrune. Ses ossements ont été ramassés à Barrow on Soar , dans la zone à Ægoceras angulatum et aussi dans celle à Arie- tites Bucklandi. L’ Ichthyosaurus latimanus est originaire de Saltford, près Bath, et des « Penarth beds » Glamorganshire , les¬ quels, comme chacun. sait, appartiennent au Rhétien. Enfin, Y Ichthyosaurus brachyspondylus nous vient de Russie et particulièrement du Jurassique moyen du gouvernement de Moscou. L'absence d’Ichthyosaures dans la faune éteinte du nouveau monde a été longtemps un des faits paléontolo - giques les plus remarquables ; car, jusqu’en 1879, pas le moindre ossement des animaux susnommés n’avait été rencontré de l’autre côté de l’Atlantique. A cette époque, le professeur Marsh en obtint un spécimen presque com¬ plet, provenant du Jurassique de la région des monta¬ gnes rocheuses, mais dépourvu de dents. Les vertèbres, les côtes et les autres portions du squelette pouvaient à peine être distinguées des parties correspoudantes d’un individu du genre Ichthyosaurus , et en beaucoup de points le crâne s’accordait aussi avec celui de ce dernier. — 120 — Les prémaxillaires étaient proéminents ; les susmaxil- laires réduits ; l’orbite vaste était défendue par un an¬ neau sclérotique. Et cependant il n’y avait pas de dents; mieux que cela, une goutière dentaire faisait même dé¬ faut. L'illustre paléontologiste américain proposa alors d’appeler le nouveau saurien Sauranodon. Les proportions du Sauranodon sont très analogues à celles de Y Ichthyosaurus. Le crâne a, ou peu s’en faut, deux pieds de long et le rostre est particulièrement sail¬ lant. L’espace interorbitaire n’est que dé quatorze cen¬ timètres. L anneau sclérotique est conique , comme chez les Oiseaux , et non aplati ainsi que chez les Ichthyo- saures. Son grand diamètre est de dix centimètres; son petit de six. Le Sauranodon est encore bien digne d’at¬ tention par la structure de ses nageoires. En effet, tandis que Y Ichthyosaurus n’a que deux os dans l’avant-bras ou dans la jambe, le Sauranodon en a trois comme certains Plésiosaures, et comme la Chy'ysochlore parmi les Mam¬ mifères. Le Sauranodon entier mesurait huit ou neuf pieds. L. Dollo. VARIETES BIOGRAPHIE DE GEORGES ENGELMANN. La mort du Dr Engelmann , survenue le 4 février der¬ nier, a privé la section botanique de l’Académie américaine d’un de ses rares membres correspondants, et la science de l'un de ses adeptes les plus fervents et les plus dis¬ tingués. Engelmann est né à Francfort-sur-Mein , le 2 février 1809 ; il venait donc d’accomplir sa 75e année. Son père était l’un des plus jeunes fils d’une famille qui desservait — 121 depuis plusieurs générations la paroisse de Bacharach sur le Rhin; il se destinait à la même profession et prit ses grades à l’Université de Halle, mais pour se consacrer bientôt à l’enseignement. Il épousa la fille de Georges Oswald May, peintre qui eut son heure de célébrité , et le jeune couple établit à Francfort, non sans succès, une de ces écoles pour demoiselles si répandues aux Etats- Unis, mais inconnues en Allemagne avant celte époque. Georges Engelmann fut l'aîné des treize enfants qui naquirent de ce mariage et dont neuf atteignirent l'âge viril. Grâce à une bourse fondée par la « Congrégation réformée de Francfort, » il put suivre en 1827 les cours de l’Université d’Heidelberg, où il eut comme compagnons d'études Karl Schimper et Alexandre Braun. Engelmann entretint avec ce dernier le commerce le plus intime et une correspondance amicale, interrompue seulement par la mort de Braun en 1877. Quant à Schimper, qui avait manifesté de remarquables dispositions pour la philo¬ sophie naturelle , après avoir jeté les bases de la phyllo- taxie et fourni les matériaux nécessaires aux recherches ultérieures de Braun et d'autres savants , il abandonna, par une étrange défaillance de caractère , la carrière scientifique qui s’ouvrait à lui pleine de promesses et où ses deux amis, Agassiz et Braun et plus tard Engelmann s’étaient jetés à corps perdu. A la suite de troubles nés d’une démonstration politique provoquée par les étudiants d'Heidelberg , Engelmann vint à Berlin en 1828 et fréquenta deux ans les cours universitaires de cette ville. Puis il se rendit à Würz¬ bourg , où il prit son grade de Docteur en Médecine en juillet 1831. Sa thèse inaugurale, De Antholysi Prodomus qui fut publiée à Francfort en 1832, atteste dès cette époque sa prédilection pour la botanique et la tournure scientifique de son esprit. C’est une dissertation morpho¬ logique , basée exclusivement sur l’étude des monstruo¬ sités , et illustrée de cinq planches dont les dessins sont exécutés par l'auteur même. C’est, en quelque sorte , un ouvrage parallèle au traité des métamorphoses des plantes — 122 — publié quelque quarante ans plus tôt par un compatriote — le plus célèbre , sans aucun doute — ; et il vit le jour à temps pour être honoré de l’approbation de Goethe. Madame de Willems, correspondant de l’illustre écrivain, lui en fit parvenir une copie un mois seulement avant sa mort. Goethe, dans sa réponse , s’informe obligeamment de l’auteur, qui a parfaitement saisi , dit-il , ses idées sur la morphologie végétale, et a fait preuve de tant de talent dans leur exposé qu’il est prêt à remettre entre les mains du jeune rbotaniste toute sa collection de notes manus¬ crites et de dessins inédits (1). Engelmann passa le printemps et l’été de l’année 1832 à Paris, tout occupé de travaux médicaux et scientifiques, en compagnie de Braun et Agassiz ; tous trois, écrivait-il plus tard , menant « une heureuse existence dans leur union scientifique , en dépit du choléra. » Dans l’inter¬ valle, les oncles du Dr Engelmann avaient décidé d’ac¬ quérir quelque terrain dans la vallée de Mississipi et l’avaient engagé à devenir leur agent. Déjà l’un des mem¬ bres de la famille était installé dans l’Illinois, non loin de St-Louis. Le Dr Engelmann quitta Brême en septembre , fit voile pour Baltimore , rejoignit ses parents dans le courant de l’hiver et entreprit à cheval, dans le sud de l’Illinois , le Missouri et l’Arkansas , des excursions soli¬ taires et pas mal aventureuses, d’où il ne retira d’autre fruit que ses récoltes botaniques, ce qui le décida à s’établir en qualité de médecin à St-Louis , vers la fin de l’automne 1835. St-Louis était à cette époque une station- frontière commerciale plutôt qu'une ville, comptant à peine huit à dix mille habitants. Le Dr Engelmann vécut assez longtemps pour la voir se transformer en une métropole de plus de 500,000 âmes. 11 commença absolument dénué de ressources , (1) Le manuscrit original de VAntholysis , en allemand, avec dessins originaux au net (don du fils de l’auteur), est conservé à la bibliothèque de l’Herbier de l’Université de Harvard. après avoir épuisé le peu d’argent qu’il avait emporté d’Europe avec lui. En quatre ans il jeta les bases d’une brillante clientèle, gagna de quoi faire un voyage en Allemagne , et put enfin tenir un engagement contracté depuis nombre d’années déjà, en ramenant à son modeste foyer celle qu’il avait choisie comme compagne de son existence, Dora Hartsmann , sa cousine , qu’il épousa à Kreuznacb, le 11 juin 1840. C’est pendant sa traversée de retour vers New-York que l’auteur de cette notice eut le plaisir de faire la connaissance personnelle d’En- gelmann et ce fut le point de départ d’une amitié et d’une collaboration scientifique qui durèrent plus d’un demi- siècle. La réputation d’habileté du jeune docteur ne tarda pas à s’étendre à St-Louis , parmi les représentants des di¬ verses nationalités qui composent cette population cos¬ mopolite , et en 1856 il put , sans inconvénients , aban¬ donner sa clientèle pendant une couple d’années , pour consacrer d’abord l’été à des recherches botaniques aux environs de Cambridge, puis retourner, avec son épouse et son jeune fils, au pays natal et y employer à des tra¬ vaux utiles et intéressants cette longue période de vacances. En 1868, Engelmann parcourut l’Europe pen¬ dant un an entier, laissant son fils à Berlin pour y pour¬ suivre ses études médicales. Enfin , ayant perdu , en janvier 1879 , sa fidèle compagne de 40 ans d’existence , et sérieusement menacé dans sa santé jusqu’alors robuste, il se décida, pendant l’été de 1883, à faire voile pour l’Allemagne. Le voyage lui fut propice, et il se trouva capable du reprendre ses recherches botaniques, que malheureusement des symptômes d’une alarmante gravité vinrent bientôt interrompre. Le voyage de retour eut sur sa santé une influence plus salutaire encore ; et lorsqu’il rejoignit ses amis , aux premiers jours de l'automne, sur le continent américain , on pouvait espérer le voir pour¬ suivre pendant longtemps encore, avec aisance et facilité, les travaux scientiiiques auxquels il se remettait avec ardeur. Mais cet heureux état de choses ne dura guère ; — 124 — infirmités et souffrances s’accentuèrent de jour en jour, jusqu’à ce qu’un mal subit vint mettre un terme à cette existence aussi honorable que bien remplie. Pendant les dernières années de sa vie , le Dr Engel- mann s’adonna à l’exploration de vastes régions de son pays adoptif, telles que les montagnes de la Caroline du Nord et du Tenessee , le district du Lac Supérieur, les Montagnes Rocheuses et les plaines voisines du Colorado, ainsi que les territoires adjacents ; c’est ainsi qu’il étudia sur place , et avec l’exactitude et la minutie qui caracté¬ risent ses travaux scientifiques, les Cactus, les Conifères, et autres groupes végétaux dont il s’occupait spécialement depuis nombre d’années. Il entreprit en 1880 une longue exploration à travers les forêts des Etats-Pacifiques , où il vit pour la première fois, à l'état de nature, les plantes qu’il avait étudiées et décrites trente ans plus tôt. Les compagnons du Dr Engelmann n’oublieront jamais son courage, son adresse, son zèle, son enthousiasme, la bonté de son caractère , sa gentillesse à l’égard de tous ceux qui se trouvaient en rapport avec lui. — Ses collabo¬ rateurs — aussi bien que les ouvrages scientifiques dûs à sa plume — attestent sa remarquable perspicacité, l'infa¬ tigable persévérance qui présidait à ses recherches , son esprit de critique judicieuse, enfin , son caractère loyal et conscientieux , qui lui faisait un devoir de repasser constamment ses conclusions d’autrefois au creuset des idées plus récentes ou des nouvelles découvertes. Pour apprécier sainement l’œuvre botanique du Dr En¬ gelmann — auquel nous allons naturellement consacrer la suite de cette notice — il ne faut pas perdre de vue que son existence fut celle d’un médecin , distingué et fort en vogue, qui, chargé d’années et souffrant, ne pou¬ vait — l’ eût-il même voulu — refuser le secours de son art à qui le réclamait ; il ne lui restait donc que les heures consacrées par la plupart des hommes au repos ou au plaisirs, pour poursuivre ses travaux scientifiques, parmi lesquels la botanique prenait une part considérable mais non exclusive. Engelmann s’occupait aussi sérieu- sement de météorologie. En s’installant à St-Louis , il commença une série d’observation barométriques et thermométriques , qu'il poursuivit régulièrement et sys¬ tématiquement jusqu'au bout , relevant les indications lui-même quand il n’était pas absent, et cela jusqu’à l’avant dernier jour de sa vie, pour les instruments de l’intérieur. On l’a même vu, pendant la dernière semaine de son existence, se frayer un chemin à travers la neige de son jardin pour arriver jusqu’à ses thermomètres à maxima et minima. Sa dernière publication (imprimée après sa mort par l’Académie des science de St-Louis) est l’exposé méthodique et complet de ses observations thermométriques pendant quarante-sept ans. Il s’excuse de ne pas avoir attendu l’accomplissement du demi-siècle pour en faire connaître les résultats, parce que trois ans d’observations en plus n’y auraient pas introduit grande différence. La liste des travaux et des notes botaniques du Dr En- gelmann, composée par le professeur Sargent, son colla¬ borateur et ami a été publiée dans le journal botanique de Coulter (n° de mai 1884) : elle mentionne une cen¬ taine, et le dénombrement est loin d’être complet. La première publication d’Engelmann, sa thèse inaugurale dont nous avons déjà parlé (De Antholysi Proclromus) traite de la tératologie dans ses rapports avec la morpho¬ logie. C’est une publication remarquable pour l’époque et pour un simple étudiant en médecine do:.é d’aptitudes botanique. Le journal Nature (avril 1884) vient d’en faire paraîtr e une intéressante analyse, signée du Dr Masters, le premier tératologiste de l’époque, où l'auteur compare l’œuvre d’Engelmanu à la Tératologie végétale plus dé¬ taillée de Moquin-Tandon, parue dix ans plus tard, et où il déclare « que si l’on se place à un point de vue purement philosophique et si l’on considère que l’une de ces pro¬ ductions n’est que l'essai d’un étudiant, tandis que l’autre est due à la plume d’un botaniste de profession, force est d’avouer que le traité d’Engelmann, tel qu'il est, nous permet de scruter plus intimement les vues de la nature — 126 — et les causes pour lesquelles elle s’écarte de ses formes ordinaires , que l’œuvre du botaniste français. » Une fois dans la vallée du Mississipi, au milieu d’espèces dont la plupart réclamaient un examen critique sérieux , le Dr Engelmann s’abandonne sans réserve à son goût pour la botanique et à son esprit d'observation. Rien n’échappe à son attention ; il dessine avec facilité et a soin de conserver et de classer méthodiquement ses notes et ses croquis, pour son propre usage et celui de ses correspondants. Mais ce qui laissera surtout, dans la flore de l’Amérique septentrionale, une trace ineffaçable de son passage , c’est la sage habitude dont il ne se départit jamais, d’étudier ses sujets dans leurs rapports systématiques, de se consacrer spécialement à un genre particulier, à un groupe de plantes (d’ordinaire le plus difficile) et de ne l’abandonner qu'après l’avoir tiré aussi au clair que possible ; c’est à ce point de vue que son œuvre a exercé sur la botanique une influence marquée. Ainsi que sa première monographie du genre Cuscute (publiée en 1842 dans ce journal), mentionne quinze espèces et cela sans dépasser à l’ouest la vallée du Mis¬ sissipi, alors qu’avant Engelmann les publications bota¬ niques n’en renseignaient qu’une seule forme indigène , et encore non spéciale aux Etats-Unis. En 1859 , après une revue du genre dans les matériaux disséminés parmi les principaux herbiers de l’Europe et de l’Amérique, il fait paraître, dans le premier volume de l’Académie des sciences de St-Louis, un classement systématique des Cuscutes, où il caractérise soixante-dix-sept espèces , sans compter d'autres formes renseignées comme va¬ riétés. Pour nous borner ici aux monographies dues à sa plume, nous devons citer ses recherches sur la famille des Cactées ; son œuvre, à ce sujet, est immense et d’une importance capitale et le Dr Engelmann est une des au¬ torités les plus écoutés en cette matière. C’est lui qui le premier basa l’arrangement de ces plantes sur des carac¬ tères floraux et carpologiques. Il commença ce travail de — <27 — A géant par son « Esquisse sur les découvertes botaniques de l’expédition du Dr A. Wislizenus , du Missouri au Nord du Mexique , » compte-rendu de ce voyage publié par le gouvernement des États-Unis' . Vint ensuite, dans le présent journal '1852), un article sur le Cactus géant du Gila (Cereus giganteus ) et espèces affines ; puis le Sy¬ nopsis des Cactées des États-Unis, publié dans les Annales de l’Académie des Arts et des Sciences d'Amérique (1855' ; enfin deux mémoires illustrés sur deux espèces méridionales et occidentales , publiés l’un dans le qua¬ trième volume des comptes-rendus de l'expédition du «Pacific Railroad , » l'autre dans le rapport d’Emory sur l’Exploration des frontières mexicaines. Engelraann avait préparé , en outre, de nombreux matériaux pour une révision complète des Cactacées du Nord de l’Amérique, dont ce groupe a grandement besoin. Sans doute ses collections rendront d’immenses services au futur mono¬ graphe de cette famille, et faciliteront noblement sa tâche ; mais la science n'en a pas moins perdu en lui un de ceux qui pouvaient le plus efficacement contribuer à l’élucidation de ce groupe difficile. Le Dr Engelmann s’est aussi exercé sur deux autres groupes végétaux spéciaux au continent américain, d’une détermination exceptionnellement difficile en spécimens d’herbier, les Yucca et les Agave. Ses efforts ont été couronnés d’un plein succès. On peut affirmer qu'il ne reste rien à ajouter aux monographies qu’il intitule mo¬ destement : « Notes sur le genre Yucca », publiées dans le troisième volume des Annales de l’Académie St- Louis, 1873, et « Notes sur le genre Agave », illustrées de figures photographiques et parues dans la même publi¬ cation en 1875. D’autres genres dont Engelmann s’occupa ensuite suc¬ cessivement furent moins difficiles au point de vue des matériaux et plus en rapport avec sa manière de procéder exacte et consciencieuse tels sont les Juncus , dont la monographie parut dans le second volume des Annales de V Académie St-Louis , accompagné d’ExsiccATA pour - 128 — servir de pièces à l’appui ; les Euphorlna , dans le qua¬ trième volume du Rapport du « Pacific Railroad » et dans la partie botanique du « Mexican Roundary » ; les £ agittario. et genres voisins ; Callitriclie, les Isoëtes , dont la révision définitive est probablement en voie de publication, et les Loranthacées de l’Amérique septen¬ trionale — auxquelles il faudrait ajouter, pour être com¬ plet, des Sparganium, certains groupes de Geniiana, et quelques autres genres. Engelmann travailla obli¬ geamment plusieurs de ces groupes pour le Manuel du Dl Gray ; il collabora activement à bon nombre de mé¬ moires de l’ami qui consacre ces quelques lignes à son souvenir. N’oublions pas les diverses notes du Dr Engelmann sur les Chênes américains et les Conifères, publiées notam¬ ment dans les Annales de C Académie St-Louis — ou¬ vrages d’un haut intérêt et d’une importance capitale, fruit d’études consciencieuses et prolongées. Nou^ pou¬ vons en dire autant de ses travaux sur les Vignes de l’Amérique septentrionale , dont il finit par reconnaître et caractériser une douzaine d’espèces — sujet approprié à son esprit de recherche et d’investigation et qui acquiert actuellement une haute importance aux yeux des viti¬ culteurs, tant d’Amérique que d’Europe. Tout ce que nous savons, ou peut s’en faut, au point de vue scienti¬ fique, sur nos espèces et nos formes de Vignes, c’est aux recherches d’Engelmann que nous le devons. Sa première publication à ce sujet , « les Vignes du Missouri », parut en opuscule séparé en 1860 ; son dernier ouvrage , con¬ tenant une révision des espèces Américaines, avec figures des graines, fut publié, il y a quelques mois seulement, dans la troisième édition du Catalogue de Bushberg. Quelque imparfait et incomplet que puisse être ce court exposé de l’œuvre botanique d’Engelmann, il suffit à montrer tout ce que peut faire, pour la science, un médecin en vogue pendant ses horae subsecivae , ses vacances d’occasion, il en est peu, parmi ceux dont la botanique est le seul objectif, qui aient accompli une — 129 — tâche aussi étendue. Il est à peine utile d’ajouter, et pourtant nous ne pouvons résister au désir de le dire ici, que le Dr Engeltnann fut hautement apprécié par les botanistes des deux mondes, que son nom figure sur les listes de la plupart des Sociétés qui ont pour but l’étude de la nature, qu’il fut « partout une autorité reconnue et consultée dans les branches de sa science favorite dont il s’occupait le plus spécialement, » et que son affabilité, son inépuisable complaisance le faisaient aimer et vénérer de tous ceux qui le connaissaient. Il y a plus de cinquante ans, ses vieux amis et colla¬ borateurs américains — et, parmi eux, l’auteur de cette notice — dédièrent à Engelmann un genre végétal mono¬ typique, un indigène de ces plaines que le jeune émigrant, à son arrivée, foulait aux pieds, solitaire et découragé. Depuis cette époque, le nom d’Engelmann, grâce à ses recherches persévérantes et à ses remarquables travaux, est associé pour toujours à « l’Herbe au Buffle » de nos plaines, aux gigantesques Conifères des Montagnes ro¬ cheuses , aux Cactus monstrueux et à nombre d’espèces affines, ainsi qu’à maintes autres plantes dont les annales botaniques gardent seules le souvenir. Et, comme le dit un de ses biographes « les plaines occidentales, parées des rayons jaunes de P Elgelmannia et les versants élevés des Montagnes rocheuses, avec leur noble revê¬ tement de forêts où brille au premier rang le splendide Conifère, le plus beau de tous, qui porte le nom d’En¬ gelmann, rappelleront à nos concitoyens, aussi longtemps que vivra chez eux le goût de l’aimable science, la mémoire d’une existence pure , honnête et laborieuse. » (Belgique horticole). Dr H. F. — 130 — NOUVELLES ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS. SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE DU 23 FEVRIER 1885. Prix décernés. Géométrie : Prix Fr an cœur, M. Barbier, Mécanique : Prix extraordinaire de 6,000 fr. , M. Manen (2,000 £r.) » » » » M. Hanusse{ 1 ,000 f.) » » » » M. Baills (3,000 f.) Prix Montyon, M. Riggenbach. Prix Poncelet, M. J. Hoüel. Prix Plumey, M. du Rocher du Quengo. Astronomie : Prix Lalande, M. Radau. Prix Valz, M. Ginzel. Physique : Grand prix des sciences mathématiques. Encourage¬ ment de 1,000 fr.., M. G. Cabanellas. Statistique : Prix Montyon, M. A. Durand-Claye . Mention honorable, M. A. Chervin. Chimie : Prix Jecker, M. Chancel. Géologie : Prix Vaillant, M. Cotteau (2,500 fr.) » » M. Rivière (1,500 fr.) Botanique : Prix Desmazières, M . Otto Lindberg. » » Encouragement de 600 fr., M. Sicard. Prix Thore, MM. L. Morthelay et Vendryès Anatomie et Zoologie : Grand prix des sciences physiques , M. Marion. Egcouragement de 1,500 fr., M. P. Fischer. Médecine et Chirurgie : Prix Montyon, M. Testut (Lille) » » M. Cadet de Gassicourt. » » M. Henri Leloir (Lille). Prix Godard, M. F. Tourneux (Lille). Prix Serres , ME. Cadiat et Kowalewsky. Prix Lallemand, M. Brown-Sequard. » » Mention : M . le Bx Nicaise. Physiologie : Prix Montyon, MM. Joly et et Laffont. » » Mention : M. le DT L. Frédericq (Liège) . Géographie physique : Prix Gay, M. BerihavJ Encouragement de 500 fr., M. J. Girard. — 132 — OUVRAGES REÇUS O E. Cartaïlhac. — Matériaux pour l'histoire naturelle et primitive de l’homme. — Revue mensuelle illustrée fondée par G. de Mortillet. — Volumes 14. 15. 16 et 17 de la 2e série. — Toulouse (1879-1883 . Charles Brongniarl. — Aperçu sur les insectes fossiles en général et observations sur quelques insectes des terrains houillers de Commentry. Ici. — Sur un insecte fossile de Commentry et sur les insectes du terrain houiller. — (Extrait du Bulletin de la Société Géol. de France. — 1883. Ici. — Sur la découverte d’insecte dans des grès silu¬ riens de Jurques Calvados). (C. R. Ac. Sc., 1884.) Ici. — Sur un gigantesque heurothiptère des terrains houillers de Commentry. (C. R. Ac. Sc., 1884.) Ici. — Sur un nouvel insecte fossile de l’ordre des orthoptères provenant des terrains houillers de Commen¬ try. (C. R. Ac. Sc., 1882.; Tijdschrift der Nederlandsche dierkundigt vereeni- ging — de Van Bemmelen — E verts — Hoffmann — HubrechtHœk — Deel vi. Aflevering2-4. Leiden. 1882-85. — Proceedings ofthe Academy of natural sciences of Philadelphia. P. III. Nov.-Déc. 1884. — Reçue Mycologique de C. Roumeguère, n° 26. Avril 1885. — Toulouse. LILLB. — IMP L. DANBL 1884-1885. N° 4. AVRIL. SUR LA COMPOSITION DE LA GRAISSE DU SUINT ( Par M. A. BUISINE , Préparateur à la Faculté des Sciences de Lille. La graisse du suint brute ne laisse pas séparer facile - ment les nombreux principes immédiats qui la composent. Les moyens mécaniques qui déjà provoquent dans les corps gras ordinaires une séparation plus ou moins complète de leurs différents principes ne donnent avec cette graisse aucun résultat. Ainsi, les suifs, soumis à la pression dans des conditions convenables, abandonnent en partie le principe liquide qu’ils renferment; les huiles, soumises à un refroidissement lent, laissent déposer une partie solide qu’on sépare facilement. Ces moyens très simples permettent donc dans certains cas une séparation grossière des divers principes des graisses, par exemple celle de l’oléine et de la stéarine des suifs et des huiles. Rien de semblable n’est possible avec la graisse du suint qui, étant donnée sa nature visqueuse et filante, résiste complètement à de pareils moyens. Les dissolvants en agissant sur les corps gras amènent parfois des séparations très nettes. La cire d’abeilles, par exemple, traitée par l’alcool bouillant, abandonne à la solution un de ses éléments, l’acide cérotique, et laisse insoluble un autre principe le palmitate de myricile. Ce traitement par les dissolvants appliqué à la graisse du suint ne donne encore que des résultats très incomplets. Les uns dissolvent la graisse complètement et en toutes proportions, ce sont : le sulfure de carbone, l’éther, la benzine et ses homologues, etc ; d'autres ne la dissolvent qu’en partie, tel est l’alcool. (1) Voir Bulletin scientifique du Nord , N° 5-G , page 97, N° 9-10, ge H8 (année 1883), et N° 3 (année 1884-1885). — 4 34 — La graisse du suint traitée par l’alcool chaud cède au dissolvant, selon Schulze 1 , 10 à 15 pour cent de son poids ; mais cette portion soluble dans l’alcool est encore d’une nature très complexe, de même que la portion insoluble. On ne parvient pas en un mot par ces moyens à séparer un principe défini de la graisse du suint et on n’aboutit à aucun résultat au point de vue de l’analyse de cette graisse. Nous reviendrons plus tard sur la composition de ces deux fractions obtenues dans le traitement par l’alcool delà graisse du suint. C’est cependant un procédé de ce genre qui a permis à Chevreul d’en séparer deux principes, l’un, liquide à la température ordinaire qu’il appelle élaérine, l’autre solide qu’il désigne sous le nom de stéarérine. Mais il n’est nullement démontré que ce soit des principes définis ; leur étude n’a pas été faite et leur composition n’a jamais été déterminée. Les séparations de cette nature deviennent déjà plus faciles si on opère sur la graisse distillée, bien que, au point de vue de l'analyse chimique du produit, ce ne soit encore, comme nous allons le démontrer, que des sépara¬ tions extrêmement imparfaites. Cependant nous croyons devoir entrer dans quelques détails à ce sujet car, tout imparfaits qu'ils soient, ces résultats n’en ont pas moins donné naissance à un procédé de traitement industriel de cette graisse. La graisse du suint distille dans la vapeur d’eau sur¬ chauffée en laissant, il est vrai, un résidu goudronneux assez considérable. Le produit de la distillation abandonné à lui-même pendant un certain temps et surtout à basse température laisse déposer un produit solide blanc, assez abondant , une stéarine spéciale que l’on sépare facilement par égouttage puis pression de la portion huileuse qui l’imprègne. (1) Berichle der deutschen chemischen gesellschaft, t.V, 1872, p. 1075. — 135 — L’huile ainsi obtenue est fort acide ; cette acidité est due en grande partie à un commencement de saponifica¬ tion produit par l’action de la vapeur d’eau surchauffée pendant la distillation. Elle n’est soluble qu’en partie dans l’alcool fort et complètement insoluble dans l’alcool étendu. C’est un produit tout différent des corps gras liquides ordinaires, l’oléine proprement dite et l’acide oléique. Il n’a aucune des propriétés de ces corps et sa composition est beaucoup plus complexe La partie solide est également un mélange de nombreux principes, acides gras libres et produits neutres éthers ou alcools. Sans plus nous étendre pour le moment sur la composition de ces produits, nous ne citerons que quelques nombres relatifs à leur teneur en acides gras libres. Ainsi, comme exemple, en partant d’une suintine (c’est ainsi qu’on désigne souvent la graisse du suint dans l’in¬ dustrie) d’une acidité de 22,35 °/0, calculée en acide oléique, on obtient après distillation : Une huile dont l’acidité correspond à 60,26 % d’acide oléique. Un produit solide dont l’acidité correspond à 68,13 °/0 d’acide oléique. La partie solide soumise à une série de pressions à froid puis à chaud se débarrasse complètement de la partie huileuse en même temps que la quantité d’acides gras libres va en augmentant dans le produit solide et peut arriver jusqu’à correspondre dans ce dernier à une acidité de 90 °/0 environ, calculée en acide oléique. Quoiqu’il en soit, à côté d’acides gras libres, ces pro¬ duits renferment toujours une quantité plus ou moins grande de corps neutres et surtout d’éthers qui sont caractérisés par cette propriété d’être très difficilement saponifiables. L’huile principalement renferme une forte proportion de ces composés. D’ailleurs il est à remarquer que dans ce mode de traitement les principes neutres s’accumulent dans l’huile. On vient de voir en effet que les produits solides sont plus acides que la partie liquide. — 436 — De plus, l’huile soumise au refroidissement laisse déposer une nouvelle portion de produit solide et si l’on compare l’acidité des produits ainsi obtenus on arrive au résultat suivant : L’huile titrant primitivement 60,26 °/0 d’acidité calculée en acide oléique, refroidie à 4° et séparée de la portion solide qui se dépose dans ces conditions ne titre plus que 55 °/0 d’acidité. En résumé, ce procédé de traitement ne conduit à aucune séparation des divers principes immédiats de la graisse du suint et ne fournit encore que des produits d’une composition très complexe ne rappelant en rien les produits analogues retirés des corps gras ordinaires. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que ces huiles du suint, qu’on livre à l’industrie, ne puissent remplacer dans toutes leurs applications l’acide oléique et les huiles ; elles ne peuvent être employées notamment pour la fabri¬ cation des savons, car elles ne donnent par les procédés actuellement en usage dans les savonneries que de très mauvais résultats, ce qui fait dire que ce sont des huiles insaponifiables. La graisse du suint cependant est susceptible de fournir des principes utilisables, notamment des acides gras purs en tout semblables à ceux des corps gras ordinaires. Elle renferme en effet ces acides gras avec d’autres plus élevés dans la série ; ils y sont combinés en partie, il est vrai, à certains principes particuliers à cette graisse qu’il faut séparer convenablement pour que les acides gras apparaissent avec toutes leurs propriétés spéciales. Pour cela, il faut d’abord dédoubler les combinaisons qui entrent dans la composition de cette graisse et ici encore les moyens qui réussissent avec les corps gras ordinaires sont insuffisants. Il faut avoir recours à des procédés spéciaux sur lesquels nous reviendrons en détail. Alors la séparation des différents principes devient très simple et très nette. La graisse du suint renferme, par exemple, une forte proportion d’acide oléique que l’on peut obtenir ainsi à — 137 — l’état de pureté et qui, comme nous allons le démontrer, est tout-à-fait identique à celui des suifs et des huiles et susceptible de le remplacer dans toutes ses appli¬ cations. Ulhricht et Reich (1) avaient déjà signalé la présence de l’acide oléique dans la graisse du suint. Cependant, étant données les propriétés particulières des huiles du suint fournies jusqu’à présent à l’industrie, nous avons cru devoir étudier l'acide oléique retiré de cette graisse par un traitement convenable , et vérifier s’il possédait réellement tous les caractères et la composition de l’acide oléique ordinaire. Ce sont les résultats de ce travail que nous donnons ci-après. Nous avons opéré sur les acides gras obtenus dans le traitement de la graisse du suint par le procédé que nous avons décrit dans une précédente note (2). Ces acides gras sont complètement débarrassés des produits neutres qui les accompagnent en épuisant leurs savons de chaux par les dissolvants. Les acides bruts obtenus par décom¬ position de ces savons sont traités par le sulfure de car¬ bone froid qui laisse insoluble la plus grande partie des acides gras cireux ; la solution renferme surtout l’acide oléique et l’acide stéarique. Ceux-ci sont alors séparés par une pression à froid et la portion liquide, l’acide oléique, purifiée au moj^en d’un traitement par les dissol¬ vants appropriés. L'acide oléique ainsi obtenu, est distillé dans la vapeur d’eau surchauffée. Il est soluble en toutes proportions dans l’alcool fort et dans l’alcool étendu (80° centésimaux) même à froid . Son titre , déterminé par les procédés ordinaires , au moyen d’une lessive de soude titrée , correspond à 99,8 °/o d’acide oléique. L'acide oléiquecommercial des stéarineries titre de 95 à 99 %. (1) Annalen der Landwerthschaft in den preussichen Staaten, 186“, p. 122. (2) Bulletin scientifique du département du Nord, 1883, p. 98. — 138 — Cet acide traité par une solation aqueuse d'ammo¬ niaque en excès se saponifie directement en donnant une masse épaisse et filante de savon ammoniacal. Celui-ci, étendu d'eau, est traité par une solution de chlorure de baryum qui donne naissance au savon de baryte inso¬ luble lequel est lavé à l'eau, puis à l’alcool froid et séché. Soumis à l’analyse il donne 21,81 de BaO °/0 tandis que lathéorie exige pour l’oléate de baryte 21,89 de BaO °/0. Traité par une lessive de potasse à la façon ordinaire, cet acide se saponifie très facilement et fournit un savon mou , transparent, ayant toutes les qualités d’un beau savon de potasse. La solution aqueuse de ce savon de potasse, traitée par une solution d’acétate de plomb, fournit le savon de plomb. Après lavage à l’eau et dessication, ce précipité est traité par l’étber ou la benzine , dissolvants dans lesquels il est très soluble. La solution éthérée est éva¬ porée et le résidu analysé contient 27,13 de plomb °/0, la théorie exigeant pour l’oléate de plomb 26,91 de plomb °/„. Tous ces caractères sont ceux de l’acide oléique ordi¬ naire. En résumé ceci nous montre que l'acide oléique du suint possède toutes les propriétés de l’acide oléique des suifs et des huiles, qu’il se prête parfaitement à la fabri¬ cation des savons et en général à tous les usages ordi¬ naires de cet acide. Il ne possède même plus d’odeur spéciale qui puisse trahir son origine. Une réaction très simple permet cependant de le distin¬ guer de l’acide oléique ordinaire livré parles stéarineries. Il prend généralement une coloration rouge-sang très intense par l’action de l’acide sulfurique concentré. La coloration obtenue dans ces conditions est due à ce que cet acide renferme presque toujours en dissolution de la cholestérine, en quantité extrêmement faible, insuffi¬ sante pour gêner, mais facilement décelable par la réac¬ tion que nous venons d’indiquer. Si donc jusqu’à présent on n’est pas parvenu à employer avantageusement les huiles de la graisse du suint à la fabrication des savons, cela tient à l’imperfec- tion des procédés mis en pratique pour les obtenir, ces procédés fournissant un produit qui renferme encore une forte proportion de principes neutres, difficilement sapo- nifiables , qui altèrent complètement les qualités de l’acide oléique auquel ils sont mélangés. (A suivre). Sur le développement du SPHŒRULARIA ROMBI Par le Dr RUDOLF LEUCKART, de Leipzig. Depuis les recherches de Lubbock (1861), on sait que les Sphœrularia parasites dans la cavité du corps des Bombus femelles portent à l’une de leurs extrémités un tout petit ver, qui diffère du cylindre d’organisation si spéciale, en ce qu’il présente d’une façon indiscutable les caractères d’un nématode. La liaison intime des deux corps paraissait justifier cette hypothèse que le ver ainsi porté (sur l’organisation duquel on ne connaissait d’ail¬ leurs rien de plus, et qui n’avait pas montré de spiculés ni d’éléments spermatiques) représentait le mâle du Sphœrularia : le rapprochement des deux êtres et la grande différence de taille et structure n’était qu’un autre exemple de ce que l’on remarque chez Syngamus trachealis ou les Lernéens porteurs de mâles nains. Quelques années plus tard (en 1864) A. Schneider s’est élevé contre cette interprétation invoquant à bon droit cette particularité : que le petit ver n’est pas attaché mécaniquement au Sphœrularia (comme on le suppose¬ rait d’après Lubbock), mais qu’il s’est soudé à lui durant la croissance ; et de plus qu’il s’est fixé à l’endroit même qu’occupa en dernier lieu l’orifice génital. Mais la paroi du Sphœrularia présente dans sa struc¬ ture cellulaire bien plus de ressemblance avec la paroi de l’utérus des nématodes qu’avec la paroi du corps de - 140 — ces animaux : il faudrait donc admettre que le Sphceru laria ne représente que l’utérus des nématodes qu’il supporte, utérus qui se serait retourné à l’extérieur en¬ globant l’ovaire et un diverticule de l’intestin. Dans la suite, en s’accroissant, cet organe arriverait à dépasser de beaucoup la taille du ver auquel il appartient. Schneider n’a point donné les preuves justifiant cette opinion, pas même dans sa dernière publication (1883) sur le Sphœrularia, par laquelle il a enrichi nos con¬ naissances d’intéressantes découvertes d’une grande importance : c’est ainsi qu’il nous apprend que les jeunes Sphœrularia présentent la forme nématode ; qu’on les trouve au nombre de plusieurs milliers dans la cavité générale des Bourdons infestés ; qu’au bout de quelques mois de liberté , ils se développent jusqu’à maturité en de petits vers qui ne diffèrent des embryons que par les organes internes et externes de la génération. Les petites femelles présentent un seul tube génital qui aboutit à un orifice situé en avant de l’anus, à l’endroit qui corres¬ pond exactement à l’insertion du Sac-Sphœrularia sur le petit ver qui lui est attaché. La formation des organes génitaux ne présente rien qui s’oppose à l’opinion déve¬ loppée plus haut, au contraire, elle vient appuyer cette manière de voir, comme Schneider a voulu le montrer dans une figure schématique. Je suis heureux de pouvoir appuyer par l’observation les rapports d’organisation que Schneider a devinés avec tant de sagacité et de placer tout à fait hors de doute l’opinion qui n’était jusqu’ici qu’une conception de son esprit. En fait, le Sphœrularia nest pas autre chose que l'appareil génital femelle d'un nématode ; une for¬ mation qui perd plus tard le petit ver qu’elle supportait d’abord et une sorte d’organe de transplantation qui trouve dans un corps étranger des moyens d’existence. Je donnerai ailleurs un compte-rendu détaillé de mes observations; ici, je me bornerai à en exposer briève¬ ment les résultats principaux. Tout d’abord, je ferai observer que je n’ai pu terminer l’étude des points prin- cipaux de cette question que grâce à l’aide amicale de M. Fritz Rühl de Zürich-Hoffingen, qui, dans le cou¬ rant du mois de février, m’a envoyé un grand nombre de femelles de Bourdon vivantes qu’il tira une à une de leurs retraites d’hiver. Je n’ai point de meilleur moyen de ma¬ nifester ma reconnaissance envers M. Rühl que de le recommander vivement à mes confrères pour la fourni¬ ture des matériaux entomologiques vivants et conservés. 1. — A l’état de liberté, les embryons de Sphœrularia ne prennent jamais de nourriture ; ils font face aux besoins de leur existence et de leur développement à l’aide des matériaux nutritifs accumulés dans leurs cellules endodermiques. Le développement des organes sexuels a lieu en automne (septembre, octobre, novembre), mais il ne s’effectue pas avec la même rapidité chez tous les embryons. Des embryons que j'ai placés dans la terre en mai et en juin, sont encore aujourd’hui, à la fin de février, des vers isolés et n’ont subi qu’un changement à peine sensible. A l’état parfait, ces animaux présentent la forme des Rhabditis du genre Tylenchus ; on ne les trouve pas alors dans la peau larvaire qu’ils ont dépouillée, comme le dit Schneider: ils sont libres. C’est aussi durant leur période de liberté qu’ils doivent accomplir l’acte de la copulation. L’appareil génital des mâles n'a été décrit qu’imparfai- tement par Schneider et alors que ses produits se trou¬ vaient épuisés : il se compose en pleine maturité d’une grande vésicule séminale remplie de nombreuses cellules spermatiques excessivement petites. L’appareil génital femelle comprend deux parties plus vastes, le vagin et l’utérus , et un ovaire mince et assez allongé qui tout d’abord ne paraît composé que de toutes petites cellules. La taille des embryons développés ainsi que des animaux capables de reproduire est d’environ 1 mm.; encore les mâles sont-ils toujours un peu plus petits que les femelles. — 142 — II. — Dans les femelles de Bourdon, je n’ai trouvé que des vers femelles , mais presque tous les bourdons exa¬ minés en possédaient parfois même en nombre consi¬ dérable (jusqu’à 16). Ces vers étaient seulement un peu plus grands (au plus 1,3 mm) que les femelles vivant en liberté; ils avaient copulé, car leur utérus était gonflé de spermatozoïdes. Dans la plupart, le vagin était com¬ plètement retourné à l’extérieur et s’attachait comme un sac à l’orifice femelle. La taille du ver était restée la même ou bien s’était élevée jusqu’à 3 millimètres. Le sac ne présentait pas de mouvements particuliers, il bougeait avec le ver qui le portait, ce dernier n’ayant d’ailleurs que des oscillations peu fréquentes. Les Sphœrularia sont , les uns, libres entre les cir¬ convolutions intestinales qu’enveloppent les tubes de Mal- pighi ; les autres se trouvent entre les faisceaux muscu¬ laires de la paroi externe du tube digestif (mais seulement dans la région antérieure du ventricule chylifique) : ils sont placés de telle sorte que les sacs fassent hernie dans la cavité du corps. Je n’ai pas trouvé de vers dans la lumière ni dans la partie postérieure de l’intestin. III. — 4 Au début de leur évagination, les organes génitaux présentent encore leur disposition habituelle ; toutefois l’utérus est gonflé par le sperme qu’il renferme et occupe le tiers de la cavité du corps. L’ovaire alors à peine différencié (bien qu’il occupe à son plein déve¬ loppement une étendue considérable) s’avance près de l’extrémité du pharynx et de là va en serpentant vers la partie postérieure : le vagin est dépourvu de sperme. Chez les deux plus jeunes vers femelles que j’aie trouvés dans les bourdons, le vagin n’était qu’à demi sorti; il semblait former un cône de 0,11 millimètres de long sur 0,04 millimètres de diamètre : sa paroi externe montrait des cellules très nettes de 0,01 millimètre, à l’intérieur, la partie du vagin qui n’était pas encore retournée vers l’extérieur se dirigeait en serpentant vers l’extrémité postérieure de l’utérus. A côté de cette partie interne on — U3 — voyait déjà une seconde rangée assez mince de cellules qui lui était accolée et qui ne montrait aucune connexion bien nette avec l’intestin. IV. — Le vagin complètement sorti mesure d’abord 0,7 millimètres ; ses cellules , surtout celles de la base, n’ont guère grandi, elles sont encore bien petites relati¬ vement aux grandes cellules de 0,3 millimètres que l’on voit chez les Sphœrularia parfaits de 1, 5 centimètres). L’utérus rempli de sperme est alors situé dans la hernie ; il s’ouvre à l’extrémité de celle-ci par un orifice étroit et étend ses faibles sinuosités jusqu’au voisinage de l’ou¬ verture génitale ; là il est suivi de l’ovaire toujours fila¬ menteux. Dans les vers présentant une hernie de 3 mill. de long sur 0,18 millimètres de diamètre, l’ovaire forme une longue ligne ondulée qui s’étend sur toute la longueur du corps. Je ne puis préciser l’époque exacte à laquelle l’ovaire descend tout entier dans la hernie. V. — La maturation de l’œuf s’effectue lorsque le Sphœrularia présente une taille considérable : ainsi, j’ai trouvé dans l'une de mes femelles de bourdons un grand nombre de vers très jeunes avec un exemplaire de 1 cm. déjà séparé du ver qui le supportait. Bien que la structure du vagin et de l’utérus de ce Sphœrularia ressemblât dans ses moindres détails à ce que l’on voit chez un individu parfait, les produits sexuels n’étaient nullement arrivés à maturité. Les cellules spermatiques étaient amassées dans la moitié postérieure de l’utérus, mais elles y étaient isolées et sans connaître les stades précédents, il eut été fort difficile de les distinguer. La bande cellu¬ laire corps graisseux de Lubboch, diverticule intestinal de Schneider est isolée auprès du tube génital. La femelle de bourdon qui me fournit cet exemplaire a cer¬ tainement été infestée deux fois. VI. — D'après les observations qui précèdent , il est vraisemblable que l’immigration des parasites chez les bourdons s’effectue au début du sommeil hivernal. De — 144 — plus, je n’ai trouvé de sphœrularia (adultes) que dans les bourdons femelles. Traduit du « Zoologischer Anzeiger » de Carus par Eugène CANU. NOTES PALÉONTOLOGIQUES Par M. Ch. BRONGNIART. 1. — Sur un gigautesque ueurorthoptcre des terrains liouillers fie Conunentry. « Dans la séance du 11 décembre 1882, j’avais l’hon¬ neur d’appeler l’attention de l’Académie sur la décou¬ verte d’un insecte fossile, trouvé dans les schistes houil- lers de Commentry, qui ne mesurait pas moins de 0m,2-\ de la partie antérieure de la tête à l’extrémité de l’abdo¬ men. Parmi les insectes vivants, aucun ne l’égale par sa taille, il fut proclamé le géant du groupe et désigné sous le nom de Tilanophasma Fayoli , pour rappeler ainsi ses dimensions prodigieuses et ses affinités zoologiques avec les Phasmes. » En Paléontologie, une découverte en amène une autre. Je «possédais depuis quelque temps l’empreinte à peu près complète d’un insecte remarquable, dont le corps et les ailes étaient conservés. La nervation de ces dernières permettait de faire rentrer cet insecte dans le genre Bictyoneura (1), créé par Goldenberg pour des empreintes d’ailes isolées. » Il était donc, dès lors, possible de compléter les des¬ criptions du genre Bictyoneura , puisque, sur l’échantillon en question, non seulement les ailes, mais le corps étaient conservés : corps trapu, lourd, à pattes assez courtes, à (1) Je lui donnai le nom de Dictyoneura Goldenbergi. — 145 1 abdomen long et terminé, comme celui des Phasmiens actuels, par des appendices spéciaux dépendant des or¬ ganes génitaux. » Le Dictyoneura Goldenbergi, par la forme de son corps, se rapprochait beaucoup du Titanophasma Fayoli , mais ce dernier semblait dépourvu d’ailes, la partie supé¬ rieure du thorax n’étant pas conservée. » Une découverte nouvelle tendit à montrer qu’il n’en était pas ainsi. On trouva à Commentry une empreinte d’aile, dont les proportions concordent avec celles du corps du Titanophasma ; cette aile rappelait, par sa ner¬ vation, celle du Dictyoneura Goldenbergi , et , comme ces deux insectes étaient déjà assez semblables par la forme du corps, il fut permis de supposer que cette grande aile avait appartenu au Titanophasma. » A Commentry , les découvertes no cessent pas ; le nombre des insectes fossiles trouvés dans ce gisement atteint maintenant plus d'un millier (1). Parmi les échan¬ tillons que M. Fayol m’a adressés, il en est un qui mérite une mention toute spéciale, d’abord parce qu’il se rap¬ porte à ce curieux groupe des Dictyoneura , ensuite parce que ses dimensions dépassent tout ce qu’on peut imaginer. C’est une aile qui a 0m, 30 à 0m, 33 de long. » L’insecte avait quatre ailes assez semblables, comme l’indique une [empreinte où l’on voit leurs insertions sur le thorax. Ces empreintes sont incomplètes , mais leur état de conservation est suffisant pour permettre, non seulement de restaurer les ailes, mais de se représenter le corps de l’insecte. En effet, cette aile est très voisine de celle du Dictyoneura Goldenbergi. L'insecte auquel a appartenu cette aile extraordinaire rentrera dans le genre Dictyoneura (Goldenberg), et je le désignerai sous le nom de Dictyoneura Monyi, le dédiant à M. Mony, Di¬ recteur général de la Société anonyme de Commentry- (1) J'ai déjà fait connaître les causes de ces nombreuses découvertes ( Comptes rendus , séance du 11 décembre 1882). — U6 — Fourchambault, qui a encouragé mes recherches et que la mort vient d’enlever à ses nombreux amis. » Une description détaillée de ces curieux insectes pa¬ raîtra prochainement. » En résumé : » 1° Les Phasmiens étaient représentés à l’époque houillère, par des types analogues (i), mais différant tou- fois de leurs congénères actuels par les organes du vol ; j’ai proposé l’an dernier de les désigner sous le nom de Protophasmiens . » 2° Ces ancêtres étaient plus grands que leurs descen¬ dants ; en cela, ils sont parfaitement en rapport avec les végétaux de l’époque carbonifère. »3°Ces découvertes permettent de caractériser tout un groupe largement représenté pendant la période houil¬ lère, groupe que l’on ne connaissait jusqu’alors que par des débris d'ailes et que Goldenberg avait désigné sous le nom de Palceodictyoptères , sans en préciser les carac¬ tères. » En terminant, qu’il me soit permis de faire remarquer combien les dimensions de ces insectes gigantesques sont surprenantes. On a peine à se représenter des in¬ sectes qui devaient avoir au minimum cinquante centi¬ mètres de long et soixante-dix centimètres d’envergure.» II. — Sur la decouverte d’une empreinte d’insecte daus les grès siluriens de Jurques (Calvados). « M. A. Milne-Edwards appelait récemment l’attention de l’Académie sur la découverte d’un scorpion [Palœo- phoneus nuncius Lindstrom) dans les couches du terrain silurien supérieur de l’Ile de Gotland (Suède) La pré- (1) Protophasma Dumasii, Pr. Woodwardi, Tüanophasma Fayoli, Diciyoneura Goldenbergi, Dict. Monyi , etc. — 447 sence de ce scorpion dans des assises aussi anciennes est un fait très important, puisqu’elle prouve l’existence, à cette époque, d’animaux terrestres à respiration aérienne. » Les insectes avaient été rencontrés dans les terrains carbonifères ; les couches de Gommentry en ont fourni environ treize cents ; M. Scudder en a décrit six trouvés dans les terrains dévoniens du Nouveau-Brunswick; mais aucun représentant de cette classe n’avait encore été signalé dans des formations plus anciennes. » M. Douvillé, professeur à l’Ecole des Mines, m’a com¬ muniqué un morceau de grès silurien moyen de Jurques (Calvados) (collection de Verneuil) sur lequel on distingue l’empreinte d’une aile d’insecte. L’état de conservation n’est pas parfait, mais on peut cependant distinguer la plupart des nervures. » Cette aile qui mesure 0m, 035 de long, a appartenu à un Blattide ; le champ huméral est large ; on y voit la veine humérale supérieure, la veine humérale inférieure qui se bifurque à son extrémité ; la veine vitrée ou mé¬ diane également divisée en deux rameaux ; les veines dis- coïdales supérieure et inférieure et leurs divisions très obliques qui se rejoignent à leur extrémité, ainsi que cela se voit encore chez certaines Blattes de notre époque ; on peut suivre la veine anale qui est assez droite, et s’étend presque jusqu’au bout de l’aile , puis les veines axillaires qui lui sont parallèles. » Ce qui est fort remarquable et ce qui distingue cette empreinte de toutes les ailes de Blattes vivantes et fos¬ siles, c’est la longueur de la nervure anale et le peu de largeur du champ axillaire. » Parmi les Blattes de l’époque houillère, la Progono- blattina Fritschii (Heer) et la Gerablattina fascigera (Scudder) ont une nervation rappelant un peu celle de notre aile silurienne. » Nous proposons de nommer cet ancêtre des Blattes Palœoblattina Douvillei, la dédiant à M. Douvillé, pro- y fesseur à l’Ecole des Mines de Paris. — 148 — » Les géologues considèrent comme identiques les grès de May et de Jurques, dans le Calvados, qui appartiennent au silurien moyen ; tandis que les schistes de l’île de Gotland appartiennent au silurien supérieur. L’aile de Blattide dont nous venons de parler serait donc encore plus ancienne que le scorpion décrit par le professeur Lindstrom. » t f Sur l’Etat actuel des Etudes anatomiques en France (1) Par W. KRAUSE, Professeur à l’Université de Gœttingue. L’année dernière, nous avons exposé et discuté dans notre « Journal international » les diverses méthodes d'étude adoptées par les anatomistes de l’Allemagne. Quelques mois plus tard, M. le professeur Macalister a bien voulu faire un travail de même ordre pour la Grande Bretagne (Voyez ce journal 1884, tome I, p. 299). — Nous nous proposons, dans le présent article, de nous occuper de la France et de développer quelques consi¬ dérations générales sur l’état actuel des sciences anatomo- physiologiques dans ce pays. Nous verrons tout à l’heure que bon nombre de grandes idées scientifiques, nées pourtant en France, n’ont pas trouvé dans leur pays l’accueil sympathique qu’elles mé¬ ritaient ; qu’elles ont été bien accueillies au contraire par quelque autre nation, qu’elles s’y sont développées en se modifiant plus ou moins et que ce n’est que plus tard qu’elles sont retournées en France, où les attendait cette fois un succès définitif. Gomme exemple, emprunté au domaine des sciences naturelles, chacun a nommé la théorie de l’Évolution à laquelle Darwin a attaché son (1) Extrait du Journal international mensuel d’ Anatomie et d’ Histologie. 1 49 — nom et qui compte pour adeptes l’immortel Lamarck et l’illustre Geoffroy St. Hilaire, deux précurseurs de Darwin, aux travaux duquel l’on n’a pas toujours suffi¬ samment rendu justice. Je dois exposer tout d’abord que si j’ai cru devoir em¬ ployer ci-dessus le terme de sciences anatomo-physio¬ logiques , de préférence à celui de biologie , c’est à cause du sens que l’on attache, dans la plupart des cas, à cette dernière expression. La Biologie, tout le monde le sait, a aujourd’hui ses journaux, ses Archives, ses Sociétés, ses « Centralblâtter. » Beale et Darwin, en Angleterre, ont compris, sous le nom de biologie, toute une série de sciences diverses ; et cette expression, déjà très répandue en France, se naturalise et se propage de jour en jour dans les divers états de l'Allemagne. Et pourtant la biologie n’est autre chose qu’une ombre de l’antique force vitale déguisée sous une terminologie moderne. Autrefois cette force vitale se présentait sous un carac¬ tère centralisateur c’est-à-dire monarchique ; elle a revêtu pour ainsi dire le caractère républicain. C’est le fantôme ancien qui se pare maintenant du langage du microscope ; c’est la foi ou plutôt la croyance supersti¬ tieuse à des forces spécifiques du protoplasma. A l’origine , on a désigné , par le terme de protoplasma une substance contractile. Les globules rouges du sang n’ont pas de protoplasma. Il sont essentiellement cons¬ titués par deux substances : un stroma non coloré auquel ils doivent leur forme, une substance colorée , l’hémo¬ globine, qui se loge dans les mailles du stroma. D’autres auteurs ont distingué les deux parties constituantes en Zooid (hémo- globine et noyau) et Oïkoid (stroma). Mais les objectifs à immersion sont venus nous ap¬ prendre que le protoplasma cellulaire, comme on l’appelle, possède une structure bien plus complexe et que cette structure est susceptible de varier, en passant d’un élé¬ ment morphologique à un autre. M. Du Bois-Reymond a pu dire à ce sujet et avec beaucoup de raison qu’un \ \ t — 150 — vapeur transatlantique avec tout son outillage est encore plus simple dans sa constitution qu’une cellule. Il est, en conséquence, complètement impossible d’admettre que les cellules jouissent en tant que cellules d’une fonction spécifique, comme l’enseigne la doctrine cellulaire appli¬ quée à la pathologie. Personne ne saurait s’élever au¬ jourd’hui contre l’assertion classique qui considère le corps de l’animal comme constitué, à l'égal de la plante, par des cellules ou par des éléments dérivés eux-mêmes des cellules. Toutes les fois, que survient une multipli¬ cation des éléments morphologiques, les éléments nou¬ veaux dérivent forcément des cellules ou, pour employer un langage plus précis, des noyaux des cellules qui se multiplient par Karyokinèse (mouvements qui se mani¬ festent dans l’intérieur du noyau et qui précèdent la division de la cellule elle-même). Mais il est tout à fait indifférent pour la physiologie ou pour la fonction des organes ou appareils que la fibre nerveuse, par exemple, soit constituée par une succession de cellules, comme le professe M. Ranvier, ou dérive par voie d’allongement d’une seule cellule ganglionnaire ; que la fibre muscu¬ laire striée soit une simple cellule contractile trans¬ formée, comme l’est du reste la fibre musculaire lisse, ou bien un composé de cellules multiples. C’est comme un fil télégraphique qui joue également bien son rôle de conducteur de l’électricité, qu’il dérive par voie d’exten¬ sion d’un seul bloc du métal ou qu’il soit constitué par une série de fils martelés ensemble. Le nombre de cellules importe peu ; ce qui est important, c’est leur qualité. Nous pouvons distinguer dans le corps humain, dans celui de l’animal comme dans la plante, relativement à chaque organe ou portion d’organe, les propriétés physiques* et leurs manifestations ou actes physiques. Les premières appartiennent à l’anatomie, les secondes sont du domaine de la physiologie. Les actes physiques dépendent de mouvements ou sont des mouvements et il est indifférent qu’ils agissent sur des atomes, des molécules ou des — 151 masses plus considérable. Éventuellement ils dérivent de processus chimiques ou physico -chimiques. Mais l’anatomie ne restreint pas ses champs d’étude aux formes extérieures du corps ou de ses parties cons¬ tituantes. C’est une science morphologique, c’est vrai ; mais elle va au-dela de la morphelogie, ou description des formes. Armé du microscope et des divers modes d’analyse qui constitue l’outillage de l’histologiste, l’ana¬ tomiste pénètre dans la structure intime des organes, qu’il décompose ainsi en ses parties constituantes, cha¬ cune d’elle étant plus ou moins volumineuse , plus ou moins noble , plus ou moins utile dans le fonctionnement du tout. Pour chaque organe ou même pour ses éléments constituants il étudie sa densité, son élasticité, ses divers modes de réaction à la chaleur, à l’électricité, à la lumière, etc. Cette étude basée sur les propriétés physiques de nos organes agrandit singulièrement, comme on le voit, le champ de l’anatomie ; et si sur bien des points nos traités classiques s’en tiennent à la description des formes extérieures, c’est que sur bien des points encore le corps humain a ses secrets, c’est qu’il y a dans nos connaissances beaucoup de lacunes qui ne disparaîtront que par des recherches nouvelles. Après avoir ainsi étendu le sens qu’il convient d’atta¬ cher désormais au mot anatomie, il n’est pas inutile de rappeler que cette science a fait dans les derniers temps des progrès immenses ; c’est avant tout, pour me borner à quelques exemples, les données récemment acquises sur la mécanique des articulations, les découvertes im¬ portantes sur la rectangularité (l’arrangement rectangu¬ laire) des colonnes osseuses dans la substance spongieuse, les études intéressantes sur l’élasticité des tissus, sur la résistance des os, et biens d’autres faits analogues qui ne sont pas d’ordre physiologique, mais d’ordre anato¬ mique, puisqu’ils reposent exclusivement sur des pro¬ priétés physiques. Nous allons maintenant passer en revue les différents modes d’étude auxquels peut avoir recours l’anatomiste poursuivant l’étude de l’homme, et, nous restreignant cette fois à la France, essayer d’établir la faveur que ces diverses méthodes y ont rencontrée dans ces dernières années. Pour éviter la diffusion et la longueur, nous nous contenterons de choisir pour chacune de nos mé¬ thodes un représentant unigue et d’analyser succincte¬ ment ses travaux. Pour nous, comme nous l’avons déjà dit ailleurs (voyez ce «journal » T. I, p. 81 et 299) l’ana¬ tomie humaine comporte quatre méthodes d’étude : 1. Méthodes de l’anatomie descriptive pure et simple; 2. Méthode de l’anatomie physiologique ; 3. Méthode de l’anatomie génétique, devenant bien souvent la méthode histologique ou microscopique ; 4. Méthode de l’anatomie topographique ou anatomie des régions. Nous choisirons comme les représentants actuels les plus autorisés de ces quatre méthodes MM. Ranvier, Sappey, Testut et Tillaux. 1. Méthode de V Anatomie pure et simple M. Sappey représente essentiellement ce qu’en Allemagne nous appelons l’anatomiste pur. Son plus important ouvrage est son grand Traité d’ Anatomie descriptive. La luci¬ dité des descriptions, rehaussée encore par la clarté de la langue française, et aussi la netteté des figures en font une œuvre de premier ordre. Désirant écrire un traité complet, M. Sappey a cru devoir s’occuper du développement des organes et des systèmes anatomiques ; le développement des os notamment et y est traité de main de maître. Quant à la structure des organes, elle n’est étudiée par M. Sappey qu’à l’aide de grossissements faibles ; on peut affirmer, sans craindre d’amoindrir le mérite de l’œuvre, que l’histologie proprement dite n’y existe pas. L’activité scientifique de ce grand anatomiste semble s’être concentrée dans l’histoire du système lym¬ phatique. Tout le monde connaît le grand ouvrage qu’il a publié sur ce sujet, avec ses descriptions magistrales et ses planches vraiment artistiques. Il n’est pas difficile de comprendre la nécessité qui — 153 - s’impose aujourd’hui à l’anatomiste de distinguer dans la science qu’il cultive plusieurs branches différentes. Il y a quelques siècles, l’anatomie humaine était pour les médecins et pour les chirurgiens la seule science théo¬ rique. Successivement et au fur et à mesure que les études se sont multipliées, une foule des sciences filiales se sont séparées de la science-mère. Ce sont : l’anatomie pathologique, l’anatomie microscopique ou l’histologie , l’anatomie comparée l’anatomie du développement ou rem- bryologie etla physiologie. Nous avons déjà dit plus haut que cette dernière est tout à fait différente des autres sciences qui sont essentiellement morphologiques. La plu¬ part des esprits ne peuvent étudier à la fois des propriétés physiques et des actes physico-chimiques, ils se contentent d’étudier les unes ou les autres. Mais, par suite de la division du travail , ces sciences filiales ont acquis peu à peu une indépendance plus ou moins complète, créant ainsi pour l’anatomie autant de branches distinctes. La division du travail est la grande loi du progrès ! Du reste, notre science-mère est loin d’être encore épuisée. Les nouvelles méthodes surgissent chaque jour, enfan¬ tant chacune de nouveaux progrès. Combien de structures anatomiques, hier tout à fait obscures, qui sont aujour¬ d’hui parfaitement connues. Le trajet des fibres ner¬ veuses dans le cerveau, par exemple, question autrefois si embrouillée, ne s’est-il pas éclairé dans ces dernières années d’une vive lumière ? De nos jours encore nous avons vu une nouvelle enfant naître de la mère inépuisable : c’est l’anthropologie. L’anthropologie existait bien de fait après les voyages scientifiques autour du monde entrepris par nos hardis explorateurs, et notamment après celui de Dumont d’Ur- ville, dont les remarquables observations furent impri¬ mées dans un si beau livre aux frais du gouvernement français. Mais ce n’est que dans ces dernières années et entre les mains des anatomistes que l’anthropologie s’est élevée à la hauteur d’une véritable science. On peut dire que l’anatomie comparée n'est autre chose que la zoo- — 454 logie scientifique: eh bien, l’anthropologie peut être définie la zoologie des races humaines. J'ai le regret de constater qu’il n’existe aucun traité d’anatomie moderne où se trouve exposée cette question de l’anatomie des races humaines ; à l’exception du t. III de mon« Anato¬ mie des Menschen, 1880 » et de la traduction hongroise de cet ouvrage où M. Mihâlkovics a consacré un long article à l’anatomie des nombreuses races qui peuplent le royaume hongrois. Il conviendrait de faire désor¬ mais, dans l’enseignement de l’anatomie, une plus large part à l’anthropologie ; et ce n’est pas seulement sur l’homme actuel qu’il faudrait porter ses investigations, mais aussi sur les races préhistoriques et les races éteintes, que se sont efforcés de faire revivre en France les remarquables travaux de MM. de Quatrefages, Lartet, Broca, Hamy, etc. Pour ce qui est de l’intervention de la physiologie dans les sciences anatomiques, il suffit de rappeler la mécanique des articulations, les fonctions des osselets de l’ouïe, la rectangularité de la substance spongieuse des os dont nous avons déjà parlé, etc. 2. Méthode physiologique. — La méthode physiolo¬ gique dans l’étude de l’anatomie, telle que nous l’avons définie est également applicable à l’anatomie générale et à l’histologie. M. Ranvier, dont les travaux sont des modèles du genre, affecte pour cette méthode une pré¬ dilection bien marquée. La plupart des histologistes français sont des morphologistes purs ; M. Ranvier et ses élèves sont en même temps morphologistes et physiolo¬ gistes. Cet éminent professeur a eu le talent d’étudier à la fois, nous venons de le dire, et les formes extérieures des éléments visibles avec ou sans microscope, et les actes des molécules invisibles, qui s’agitent dans ces éléments. A propos de chacun des tissus ou éléments grossis par le microscope, son esprit essentiellement positif, bien que fécondé par une imagination brillante , s’élève toujours de la description pure et simple à l’étude de leurs propriétés et de leurs fonctions. — 155 — M. Ranvier est, sans conteste, le meilleur représentant de l’histologie française. Son nom est admirablement connu dans tout le monde savant et ses travaux sont si nombreux qu’il nous est absolument impossible de les analyser ici; qu’il nous suffise de rappeler, d'une façon sommaire ses recherches sur les étranglements annu¬ laires des nerfs, connus sous le nom d’étranglements de Ranvier, son drainage par des cellules de Ranvier, ses remarquables travaux sur la cornée, sur les terminai¬ sons motrices dans les muscles striés, sur les muscles lisses des glandes sudoripares, sur l’éléidine de l’épi¬ derme de l’homme etc. etc. Au double point de vue histologique et physiologique, les ouvrages de M. Ranvier sont comme marqués au sceau de l'exactitude la plus complète. Dans ses leçons sur l'histologie du système nerveux, il a toujours le soin de signaler les divers procédés qui conviennent le mieux pour l’examen de tel ou tel élément ; il décrit un à un et avec tous les détails nécessaires les divers modes de pré¬ paration auxquels doivent avoir recours les travailleurs. Ce sont là des méthodes d’enseignement fort exactes, car elles font connaître aux élèves, en même temps que les résultats acquis, la manière de les obtenir soi-même et par cela même de les confirmer. Naturellement il s’arrête à celles qui , dans chaque cas spécial , lui paraissent les meilleures et il les recommande aux autres ; mais il les connaît toutes et les fait toutes connaître. Il ne me paraît pas vraisemblable que l’histologie puisse désormais faire quelque conquête qui égale en importance celle de la cellule. On a établi, en effet, mathématique¬ ment les limites que ne pourront franchir les meilleurs microscopes de l’avenir. A cause de l’interférence de la lumière, cette limite paraît devoir s’arrêter à un gros¬ sissement de 800 diamètres. Sans doute, on augmentera les grossissements des objectifs, comme on les a aug¬ mentés jusqu’ici ; mais si les microscopes peuvent, au delà de 800 diamètres, avoir quelques commodités, ils n’auront jamais un avantage réel pour l’observateur vraiment — 156 — scientifique. C’est malheureux, mais c’est bien certain. L’histologiste toutefois a à sa disposition des méthodes nouvelles qu’il aura à perfectionner encore et qui lui assureront dans l’avenir de nouvelles séries de décou¬ vertes : les systèmes à immersion, l’emploi des micro¬ tomes permettant de débiter un tissu en une série com¬ plète de coupes fort minces, tous ces réactifs nouveaux qui permettent de colorer les coupes et que M. Ranvier emploie avec autant d’habileté que d’élégance, seront encore des instruments puissants pour pénétrer les mys¬ tères des tissus. Nous devons ajouter que M. Ranvier, tout en étant physiologiste, suit en physiologie cette ten¬ dance qu’on a appelée morphologique. Mais il est avant tout physiologiste. M. Ranvier ne me paraît pas avoir formé jusqu’ici une nombreuse école d’histologistes. Les jeunes auteurs français dirigent le plus souvent leurs recherches suivant une méthode que l’on pourrait appeler la méthode topo¬ graphique en histologie. Nous les voyons, en effet, s’oc¬ cuper avec une sorte de prédilection des rapports respec¬ tifs des éléments histologiques dans un tissu ou dans un organe plus ou moins complexe, de l’étude par exemple des fibres musculaires striées et lisses autour de la prostate, dans le voisinage du canal de l’urèthre chez la femme, ou autres sujets analogues. 3. Méthode topographique. — M. Tillaux est le repré¬ sentant le plus autorisé de l’anatomie des régions ou anatomie chirurgicale. C’est, comme on le sait, une science dont l’importance pratique est immense. Elle se trouve représentée dans le comité de rédaction de notre journal par M. Curnow de Londres. M. Tillaux a fait de l’anatomie topographique une étude toute spéciale. Le grand Traité qu’il a publié sur ce sujet est supérieur à tous les traités de même genre publiés en France ou dans les autres pays. Son rapide succès témoigne du reste de sa valeur. Comme les Traités deCruveilhieret de Sappey, il se recommande au lecteur par la clarté de l’exposition. — 157 — Ecrit plus particulièrement pour les chirurgiens et dans un but essentiellement pratique, il s’adresse avant tout à des lecteurs familiarisés avec les principales notions de l’anatomie descriptive. Aussi les gravures présentent- elles pour la plupart un caractère nettement schématique. Ces gravures n’en sont que plus instructives et elles ajoutent beaucoup au mérite de l’ouvrage par leur nombre, leur exactitude, ainsi que par la finesse de leur exécution et le soin tout particulier avec lequel elles ont été colorées. 4. Méthode génétique . — Elle n’a pas de meilleur représentant que M. Testut. La méthode génétique repose sur l’association de l’anatomie comparée et de l’embryo¬ logie pour élucider les faits nettement constatés, mais inintelligibles au premier abord, de l’anthropotomie. On a dit souvent que l’anatomiste devait avant tout se préoc¬ cuper de bien décrire les organes et n’avait nullement besoin de se demander le pourquoi de leur manière d’être. Une telle restriction est compatible peut-être avec les intérêts de la chirurgie qui exige surtout des notions précises sur la situation respective de nos organes ; elle serait, à coup sûr, indigne d’un travailleur qui est habitué à voir dans l’anatomie une véritable science. Pour lui, il doit chercher non pas seulement à décrire un organe, mais encore à V élucider c’est-à-dire à savoir pourquoi il est ainsi est non pas autrement ; pourquoi l’artère aorte, par exemple, est située à gauche de la veine cave inférieure et non pas du côté opposé. Il y a ainsi, en Anatomie, une foule de dispositions qui ne peuvent être expliquées que par l’anatomie comparée ( phylogénèse ) ou par l’embryologie ( ontogénèse .) L’embryologie est bien souvent, il est vrai, le meilleur des instruments que puisse avoir en main l’anatomiste pour scruter les profondeurs de la nature des orga¬ nismes. Mais il n’est pas rare, en Anatomie génétique, de se heurter parfois à des faits qui résistent aux explications fournies par le développement individuel. L’anatomie 11* — 158 — comparée, qui, elle aussi, est l’histoire du développement non plus de l’individu mais des espèces, intervient alors pour projeter bien souvent sur la question la plus vive lumière. M. Testut connaît parfaitement le chemin qu’il convient de suivre dans les divers cas. Assurément, il y a beaucoup de dispositions anatomiques, les homologies des organes génitaux de l’homme et de la femme par exemple, qui depuis bien longtemps ont été élucidées par l’embryologie. Mais combien de faits encore, empruntés soit à l’anatomie normale, soit à la tératologie, qui sont inexpliqués et sur lesquels nos connaissances embryolo¬ giques sont absolument muettes ! M. Testut s’est plus spécialement occupé, dans ces dernières années, du système musculaire; il convient de résumer ses recherches sur ce sujet dans un volumi¬ neux mémoire auquel il a donné pour titre « Les Ano¬ malies musculaires chez l’homme expliquées par Vanalomie comparée , leur impoy'tance en Anthropo¬ logie , » et qui se trouve analysé dans ce fascicule même (p. 173) par M. le professeur Solger. Dans cet important ouvrage qui renferme tout ce que nous connaissons jusqu’ici sur les anomalies du système musculaire , M. Testut a non seulement décrit avec beaucoup de méthode les différentes variations des mnscles de l'homme, mais il a élucidé ces anomalies en plaçant à côté de cha¬ cune d’elles les dispositions correspondantes de l’anato¬ mie comparée. En démontrant, en effet , par des laits de dissection que bon nombre de dispositions anatomiques qui existent normalement chez les animaux supérieurs ou tout au moins chez les vertébrés , se reproduisent de temps à autre chez l’homme à l’état d’anomalie, M. Testut a du même coup étab'i l’interprétation qu’il convient de donner de ces anomalies et il en a tiré les conséquences les plus importantes au point de vue des théories évo- lutionistes. Une pareille association de l’anatomie humaine et de l’anatomie comparée est assurément susceptible de jeter un jour nouveau sur les variations du système muscu- 159 laire chez l’homme , variations qui ont été jusqu'ici si souvent négligées au point de vue tout au moins de l’ana¬ tomie génétique. Si les anomalies musculaires possèdent une importance considérable pour l’anatomiste ou les élèves qui viennent à l’Institut anatomique demander aux travaux de dissection des notions vraiment scientifiques sur le système musculaire de l’homme, Us anomalies des vaisseaux excitent plus particulièrement l’attention du chirurgien. Et pourtant elles présentent , a priori , tout autant d’intérêt que les anomalies des muscles. Nous espérons bien que M. Testut appliquera prochainement • sa méthode d’étude aux variations si nombreuses du système vasculaire, complétant ainsi l’œuvre de son savant compatriote Dubrueil. FRAGMENTS BIOLOGIQUES Par le Dr A. BILLET. I. — Sur la formation et la germination des spores chez le Cladothrix dichotoma. — « Le 15 février 1885, j’ai observé la formation et la germination des spores chez le Cladothrix dichotoma , Bactériacée trouvée dans de l’eau où Ton avait mis à macérer des os humains. » Les spores se forment à l'intérieur de filaments af¬ fectant la fausse ramification et qui ne diffèrent pas, au premier aspect, des filaments dits végétatifs. » La constitution de ces filaments comprend : » 1° Un tube dont la paroi devient de plus en plus nette et plus épaisse, à mesure que le filament vieillit ; » 2° Des éléments divers à enveloppe propre et conte¬ nus dans le tube précédent. — 160 — » Le diamètre du filament va en augmentant de la base ou extrémité fixée, où il n’est que de 0a,5 , à l’ex¬ trémité supérieure libre, où il peut atteindre jusqu’à 4a et même davantage. » A la base, on ne trouve jamais que des éléments en forme de bâtonnets longs et courts. A mesure que l’on • observe le filament en remontant vers l’extrémité supé¬ rieure, on voit que les éléments constitutifs augmentent de diamètre en même temps que le filament lui -même, et qu’ils changent de forme. C’est ainsi qu’il est facile de noter tous les passages entre le bâtonnet à forme plus ou moins rectangulaire, dont l’épaisseur au minimum est 0a,5 et la cellule sporifère elliptique, où elle peut attein¬ dre de 2a, 5 à 3a, 5. » La transformation des bâtonnets en cellules spori- fères et la formation des spores à l'intérieur de ces cel¬ lules se produisent de la manière suivante : » l°Le protoplasma du bâtonnet, jusqu’alors homogène dans toute l’étendue de la cellule, se contracte en un cor¬ puscule arrondi, de réfringence plus grande, en tout com¬ parable à un noyau cellulaire ; » 2° Ce noyau cellulaire s’allonge, se rétrécit vers son milieu, et affecte la forme en biscuit des novaux en voie de division, tandis qu’une cloison transversale divise la cellule primitive en deux nouvelles cellules plus courtes , également rectangulaires, ayant chacune un noyau ; » 3° La cellule rectangulaire arrondit peu à peu ses angles . et devient une cellule sporifère elliptique dont le noyau n’est autre que la spore. Celle-ci a un diamètre de la à lu.,5. » Pour germer, les spores, ordinairement réunies en amas zooglèiques , poussent un bourgeon de diamètre in¬ férieur à leur propre diamètre, qui s’allonge peu à peu et devient un nouveau filament. Dans ces masses zoogléi- ques, on peut voir des spores germant à différents stades — 461 de leur évolution : les unes présentent un bourgeon à peine saillant ; d’autres donnent déjà un filament à deux ou trois bâtonnets ; d’autres enfin, un filament avec b⬠tonnets et cellules sporifères. » Le réactif qui m’a réussi le mieux pour décéler les détails des filaments et des cellules sporifères est l’acide sulfurique en solution étendue (1 partie d'acide pour 3 d’eau distillée). Ce réactif, bien mieux que l’acide acéti¬ que, dans ce cas particulier du moins, a l’avantage de faire paraître les noyaux, en éclaircissant le reste du pro¬ toplasma. Comme colorants, le bleu de méthylène en so¬ lution aqueuse étendue et l’hématoxyline m’ont rendu les meilleurs services. Les préparations sont montées au baume de Canada et dans la glycérine saturée de tein¬ ture d’iode iodurée. Pour les préparations à l’hématoxy- line, on les conserve dans la glycérine saturée d’hémato- xyline ; les préparations montées d’après ce dernier mode s’imprègnent de plus en plus de la matière colo¬ rante. » IL — Sur le Bacterium ureæ. — « Le 23 mars 1885, j’ai observé la coexistence des formes micrococcus , cli- plococcus, streptococcus, bacterium , diplobacterium , streptobacterium , leptotlirix et vibrio chez la Bactéria- cée que l’on considère comme déterminant la fermenta¬ tion ammoniacale de l’urine. Ces différentes formes peu¬ vent se trouver associées dans un même filament, ce qui prouve bien qu’elles appartiennent à une espèce unique. Cette espèce, dont on n’avait jusqu’ici observé que la forme micrococcus (Micrococcus ureæ Colin), doit s’ap¬ peler dorénavant Bacterium ureæ. Le Bacillus ureæ de M Miquel est probablement la fofme bacillus de cette espèce. — 162 » La forme micrococcus et en chaînette de micrococci ou streptococcus (torula des anciens auteurs) existe sur¬ tout dans l’urine ammoniacale. Je l’ai trouvée en grande quantité dans l’urine d’un individu atteint de cystite et prostatite chroniques , fortement ammoniacale et chargée de ces schizomycètes, au sortir même de la vessie. » La forme en leptothrix, bacterium, streptobacte- rium et vibrio est surtout fréquente dans l’urine encore acide et laissée au contact de l’air. » A mesure que l’acidité diminue, les éléments d’un même filament se segmentent davantage et se désagrè¬ gent en éléments de plus en plus petits jusqu’au terme ultime de cette segmentation, qui est le micrococcus . » Ces différentes transformations, qui s’opèrent sur un seul et même filament, sont une preuve de plus en faveur de la théorie moderne des rapports génétiques entre les diverses formes que peut affecter la même Bactériacée, et en opposition à l’ancienne théorie, qui faisait de toutes ces formes différentes autant d’espèces et même de genres différents. » Les préparations les plus instructives pour la dé¬ monstration de ce fait, chez le B. ureœ , ont été obtenues au moyen du violet de méthyle B., en solution aqueuse très étendue, et montées , soit dans le baume de Canada, soit dans la glycérine saturée de teinture d’iode iodurée. » Des détails plus circonstanciés sur ces deux obser¬ vations feront l’objet d’un travail ultérieur plus étendu. » — 163 — NOUVELLES ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES & DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. CLASSE DES SCIENCES. PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1886. Section des sciences physiques et mathé matiques. Première question. — Compléter V 'état cle nos con¬ naissances sur les partages qui se font entre les acides et les bases, lorsqu’on mélange des solutions de sels qui, par leur réaction mutuelle, ne donnent pas naissance à des corps insolubles. Deuxième question. — Exposer et discuter, en s'ai¬ dant d’expériences nouvelles, les travaux relatifs à la théorie cinétique des gaz. Troisième question. — Perfectionner la théorie de V intégration approximative , sous le double rapport de la rigueur des méthodes et de la facilité des applica¬ tions. — 164 — Section des sciences naturelles. Première question. — Faire la description des ter¬ rains tertiaires belges appartenant à la série èocène, jusqu’au système laekenien de Dumont, inclusivement. Deuxième question. — Faire Vêtude de quelques- unes des principales fonctions d’un animal invertébré. Troisième question. — On demande de nouvelles observations sur les rapports du tube pollinique avec l’oosphère, chez un ou quelques phanérogames. La valeur des médailles décernées comme prix sera de six cents francs pour chacune de ces questions. Les mémoires devront être écrits lisiblement et pour¬ ront être rédigés en français, en flamand ou en latin. Ils devront être adressés, francs de port, à M. Liagre, secré¬ taire perpétuel, au Palais des Académies, avant le 1er août 1886. L’Académie exige la plus grande exactitude dans les citations ; les auteurs auront soin, par conséquent, d’in¬ diquer les éditions et les pages des ouvrages cités. On n’admettra que des planches manuscrites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage; ils y inscriront seulement une devise, qu’ils reproduiront dans un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse. Faute par eux de satisfaire à cette formalité, le prix ne pourra leur être accordé. Les mémoires remis après le terme prescrit ou ceux - dont les auteurs se feront connaître de quelque manière que ce soit seront exclus du concours. L’Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils sont et restent déposés dans ses archives. Toutefois, les — 165 — auteurs peuvent en prendre des copies à leurs frais en s’adressant, à cet effet, au secrétaire perpétuel. — La Classe adopte, dès à présent, la question sui¬ vante pour son concours de 1887 : On demande des recherches nouvelles sur V écoule¬ ment linéaire des liquides chimiquement définis, par des tubes capillaires, en vue de déterminer si Von peut appliquer aux liquides V hypothèse des molécules , telle que l’étude des gaz nous Va fait connaître . On se placera au point de vue des trois hypothèses principales admises aujourd’hui pour rendre compte de la constitution intime des gaz. CONCOURS EXTRAORDINAIRE POUR 1887. Le Gouvernement a proposé et les Chambres ont adopté une loi qui a pour objet la conservation du poisson et le repeuplement des rivières. L’obstacle capital qui empêche actuellement d’atteindre ce but, c’est la corruption des eaux dans les petites rh ières non navigables ni flottables, qui sont contaminées par des matières solides ou liquides déversées par diffé¬ rentes industries et incompatibles avec la reproduction et l’existence des poissons. L’Académie fait appel à la science pour faciliter l’ac¬ complissement des vues des pouvoirs publics. Acceptant la proposition d’un de ses membres, qui met généreusement à sa disposition une somme de trois mille — 166 francs, elle demande une étude approfondie des questions suivantes, à la fois chimiques et biologiques : 1° Quelles sont les matières spèciales aux principales industries qui, en se mélangeant avec les eaux des petites i ivières, les rendent incompatibles avec V exis¬ tence des poissons et impropres à l’alimentation publique aussi bien qu’au bétail ; 2° La recherche et l’indication des moyens pratiques de purifier les eaux à la sortie des fabriques pour les rendre compatibles avec la vie du poisson sans com¬ promettre V industrie, en combinant les ressources que peuvent offrir la construction de bassins de décantation , le filtrage, enfin l’emploi des agents chimiques ; 3° Des expériences séparées sur les matières qui, dans chaque industrie spèciale , causent la mort des poissons, et sur le degré de insistance que chaque espèce de poisson comestible peut offrir à la destruction ; 4° Une liste des rivières de Belgique qui, actuellement, sont dépeuplées par cet état de choses , avec V indication des industries spèciales à chacune de ces rivières, et la liste des poissons comestibles qui y vivaient avant l'éta¬ blissement de ces usines. Si le mémoire est jugé satisfaisant pour la solution des deux premiers paragraphes (1° et 2°), une somme de deux mille francs pourra lui être décernée , quand même aucune réponse ne serait faite aux §§ 3° et 4° de la question . Les mémoires devront être écrits lisiblement et être adressés, francs de port, à M. Liagre, secrétaire perpé¬ tuel, au Palais des Académies, avant le 1er octobre 1887. L’Académie exige la plus grande exactitude dans les citations ; les auteurs auront soin, par conséquent, d’in¬ diquer les éditions et les pages des ouvrages cités. On n’admettra que des planches manuscrites. — 167 — Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage; ils y inscriront seulement une devise, qu’ils reproduiront dans un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse; faute par eux de satisfaire à cette formalité, le prix ne pourra leur être accordé. Les mémoires remis après le terme prescrit ou ceux dont les auteurs se feront connaître de quelque manière que ce soit seront exclus du concours. L’Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils sont et restent déposés dans ses archives. Toutefois, les auteurs peuvent en faire prendre des copies à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au secrétaire perpétuel. Association pour l’avancement des Sciences. — Le Congrès annuel de l’Association pour l’avancement des sciences aura lieu cette année à Grenoble , sous la présidence du Professeur Verneuil. Nous publierons prochainement la liste des communications qu’y feront les savants de notre région. L’Association française, si vivante et si prospère, a accordé cette année les subven¬ tions suivantes : 500 fr. à MM. Testut et Dufourcet , pour continuer leurs fouilles dans les tumulus Landais. 500 fr. au laboratoire d’anthropologie de Toulouse , dirigé par M. Cartailhac. 150 fr. au Dr Pomerol, pour ses fouilles préhistoriques en Auvergne. 200 fr. à M. Delort, pour continuer ses fouilles préhistoriques dans le Cantal. 800 fr. à la jeune Société d’ Anthropologie de Bordeaux, pour l’aider dans ses publications. — 468 — 100 fr. àM. Souche de Pamproux Deux-Sèvres), pour ses fouilles préhistoriques. 300 fr. au Dr Quélet , pour ses études sur la flore my cologique de France. 500 fr. au laboratoire de Cette. 500 fr. à notre prospère Station maritime de Wime- reux. En 1886 . le Congrès se tiendra à Nancy. Bourses de Mcence Ès-Sciences. — Un concours pour l’obtention des bourses de licence ès- sciences mathé¬ matiques , physiques et naturelles , s’ouvrira à la Faculté des Sciences de Lille, le 1er juillet. Pour concourir, il faut être bachelier ès- sciences ou bachelier ès- sciences restreint, et se faire inscrire un mois à l’avance au Secrétariat de l’Académie de Douai. Le 58e Congrès des Naturalistes et Médecins allemands se tiendra cette année à Strasbourg du 17 au 22 septembre. — La section de Zoologie sera présidée par le Dr Justus Carrière. G. D. LILLE. - !Ml*. L. DA .N KL. 1884-1885. N° 5. MAL SUR UN NOUVEAU POLARIMÈTRE par B.-C. DAMIEN. Maître de conférences à la Faculté des Sciences. Les divers instruments qui servent à mesurer la pola¬ risation rotatoire des liquides ont subi, dans ces dernières années, de sérieux perfectionnements au point de vue optique ; mais on s’est beaucoup moins occupé de la partie mécanique. C’est toujours la disposition imaginée par Soleil en 1845, disposition bien défectueuse, quand on veut se servir de tubes un peu longs. Il est alors presque impossible d’obtenir un centrage parfait des pièces optiques ; il est en outre bien difficile d’employer des tubes entourés d’un manchon permettant un courant d’eau qui donne une température constante, précaution si indispensable dans des recherches exactes. Enfin, il est aussi nécessaire de pouvoir rapidement remplacer le tube à liquide par un tube à eau pour déterminer le point zéro et éviter ainsi, par une manœuvre rapide, le changement de clarté de la source lumineuse. Ce changement rapide ne peut évidemment pas se faire avec les appareils ordi¬ naires. Un bon appareil doit remplir les deux conditions sui¬ vantes : 1° avoir une sensibilité variable ; 2'J pouvoir être employé avec une lumière homogène quelconque et même avec de la lumière blanche pour de faibles disper¬ sions. L’appareil de M. Laurent ne remplit que la pre¬ mière condition, celui de M. Cornu ne satisfait qu’à la seconde. Le polarimètre de M Landolt, au contraire, n’a aucun des inconvénients des deux précédents. Disposition mécanique. — Deux forts plateaux en fonte reliés par 4 tiges de laiton sont placés à 55 centi¬ mètres de distance et servent de support l’un au polari- seur, l'autre à l’analyseur et à son cercle gradué ; entre ces plateaux on peut placer les tubes à liquide. La partie de l’appareil destinée à supporter ces tubes est organisée de la manière suivante : deux épais plateaux de laiton sont reliés par cinq tiges de laiton nickelé, trois de ces tiges sont situées dans un plan et les deux autres un peu plus bas, de manière à former un triangle avec les pre¬ mières. Un levier met en mouvement le double socle destiné à recevoir les tubes qui sont aussi déplacés hori¬ zontalement et peuvent être amenés d’une manière inva¬ riable suivant l’axe visuel de l’instrument. Quant aux tubes à liquide dont la longueur peut aller jusqu’à 45 centimètres, ils sont placés à la manière ordinaire et entourés d’un manchon en tôle dans lequel on peut faire circuler d’une manière continue soit de la vapeur, soit de l’eau dont la température est donnée par un thermo¬ mètre fixé dans une tubulure du manchon. Partie optique . — L’organe essentiel du polariseur est un prisme de Glan qui ressemble beaucoup aux foucaults à faces normales que construisent depuis longtemps MM. Duboscq et Hoffmann et qui présente sur les prismes de Nicol et de Foucault l’avantage d'une moindre longueur. Gomme dans le foucault la reflexion totale se fait sur une lame d’air, mais ici la face d'entrée est nor¬ male à la direction des rayons incidents et l’axe du spath est parallèle à l’axe des deux prismes dont la réunion constitue le polariseur. Dans ces conditions, pour trans¬ mettre un faisceau de section carrée dont le côté est 1, la longueur du prisme de Glan est 1,141, tandis que celle du foucault est 1,228, et celle du nicol, 3,281. Ici d’ail¬ leurs il convient encore d’opérer avec des rayons paral¬ lèles; l’angle maximum du faisceau polarisé transmis, étant de 7°, 56' seulement à peu près le même que dans le foucault. Imaginons un premier prisme de Glan placé dans un châssis qui peut permettre un petit mouvement de rota¬ tion, à la suite de ce prisme plaçons en un second solide¬ ment fixé dont la section n’est que la moitié de celle du premier et qui recouvre celui-ci à moitié : nous aurons le polariseur du professeur Lippich. En avant se trouve un diaphragme qui, dans certains cas, peut être muni d’une plaque de bichromate de potasse ; la lumière passe ensuite dans une lentille convexe dont la distance focale est de 50 millimètres et tombe sur le polariseur. Une des moitiés du faisceau incident traverse les deux prismes et l’autre le premier prisme seulement. L’angle des deux sections principales correspondantes peut être aussi petit que l’on veut, puisque le premier prisme est mobile ; cet angle peut atteindre 5°, la sensibilité est donc très variable. L’analyseur est aussi un prisme de Glan fixé dans un cercle divisé de 25 centimètres de diamètre. Ce cercle est garanti des vapeurs acides et des autres substances qui pourraient l’attaquer par une garniture métallique qui l’entoure complètement. Deux fenêtres diamétrale¬ ment opposées sont fermées par des lames de mica et laissent voir la graduation qu’on observe avec deux loupes. Conformément à l’usage introduit par Biot, d’ex¬ primer les angles en degrés et fractions décimales de degrés, la graduation est faite de telle sorte que les divi¬ sions ne représentent pas des minutes mais des cen¬ tièmes de degré ; cela ne présente pas d’inconvénients vu les grandes dimensions du cercle. Cette division est d’ailleurs en rapport avec l’exactitude possible des obser¬ vations. Le cercle a deux mouvements, l’un très rapide, l’autre lent au moyen d’un excentrique très habilement conçu et bien supérieur à la vis micrométrique. Enfin derrière l’analyseur se trouve une petite lunette munie d'un objectif achromatique de 75 à 80 millimètres de distance focale et qui donne un grossissement de 2,5 environ. Cette lunette doit viser la ligne de séparation verticale des deux moitiés du champ et qui n’est autre chose que l’arrête verticale soigneusement polie du prisme fixe du polariseur, arête tournée vers le tube à liquide. Emploi de l’instrument. — La première opération à faire est de déterminer la plus grande sensibilité que com- — 172 — porte l’observation à effectuer, en faisant varier l'angle des sections principales du polariseur. Sauf le cas de liquides plus ou moins foncés, on peut admettre qu’avec une bonne lampe à pétrole ou à gaz, cet angle est de 1 à 2 degrés ; dans le cas de la lumière du sodium, un angle de 2 à 3° donne de bons résultats. Cet angle une fois déterminé par tâtonnements, on fixe invariablement le prisme mobile du polariseur. On place alors dans les deux rainures du chariot le tube contenant le liquide à examiner et un tube de même longueur avec de l'eau. Mettons d’abord ce dernier dans le rayon visuel et établissons l’égalité de teintes par le double mouvement du cercle gradué : deux lectures diamétralement opposées fixent alors la position obtenue. Avec le tube contenant le liquide on fait deux nou¬ velles lectures. Les mêmes opérations étant faites dans le deuxième demi-cercle en tournant de 180°, on voir qu'il faut 8 lectures pour une seule mesure. Le tableau suivant résume d’ailleurs les précautions à prendre. TUBE A EAU TUBE A LIQUIDE ROTATIONS. N°. Vernier à droite. | 184 — NOUVELLES GÉOLOGIQUES On sait qu’il existe depuis longtemps au Japon une Société savante qui s’occupe tout spécialement de l’étude des tremblements de terre : « The seismological Society of Japan, » mais peu de personnes se doutent qu’il y existe aussi un Institut géologique parfaitement orga¬ nisé. chargé officiellement de l’étude du sol du pays, tout comme le Geological Survey d'Angleterre, du pays de Galles, d’Ecosse, d’Irlande, le Geological Survey of the United States of America, le Geologische Landesans- talt de Berlin, le Service de la carte détaillée de la France, le défunt Service de la Belgique, le Comité géologique russe, le Geologische Reichanstalt de Vienne, la Comision del mapa Geologico de Espanâ, le Comitato geologico d’Italia, la Seccao de los trabajos geologicos de Portugal, la Commission de la carte géologique de la Finlande, de la Hongrie, de la Suisse, le geological Survey of India, of Canada, la Commission de la carte géologique de la Saxe, de la Prusse et des Etats de Thu- ringe, du Duché de Hesse, de la Bavière, de la Suède, de la Norwège, de l’ Alsace-Lorraine, etc., etc. L’Institut Japonais comprend : 1° Une section topo¬ graphique chargée de lever la carte de l’Archipel au , qui ne sera publiée qu’au ; 2° une section géologique qui teinte cette carte. Dans un temps peu éloigné ces deux services auront terminé la carte d’en¬ semble au 40QI— ; 3° une section agronomique dont les travaux seront résumés sur une carte à plus grande échelle, ce qui exigera par conséquent un temps plus considérable ; 4° un laboratoire de chimie pratique. L’Institut géologique japonais publiera des mémoires scientifiques en langue anglaise e peut-être même aussi en allemand. — 185 — M. Hauchecorne préconise l’emploi de l’acide fluo- rhydrique concentré pour la préparation des fossiles pyri- tisés que l’on rencontre dans les roches schisteuses, telles, par exemple , que les schistes de Bundenbach. Ce procédé serait également applicable aux fossiles cal¬ caires des roches siliceuses : en ce cas, ils s’entoure¬ raient d’une enveloppe de spathfluor qui empêcherait toute action ultérieure. Cette méthode lui a donné , paraît-il, de merveilleux résultats ; elle pourrait s'appli¬ quer à une grande partie de nos fossiles dévoniens. Achille SIX. VARIÉTÉS ÉLOGE UE CLAUDE BERNARD Prononcé à l’Académie de médecine, le 19 mai 1885, Par M. J. BÉGLARD, secrétaire perpétuel. Dès l’origine de la science, le problème de la vie s’est offert à l’ardente curiosité de l’homme ; c’est à peine si nous commençons à en pénétrer le mystère. Parmi les changements que nous avons vus de nos jours, il n’en est guère de plus profond ni de plus complet que celui qui a renouvelé les bases de la physiologie. Hier encore, à peine admise au nombre des sciences, elle attire aujour¬ d’hui tous les regards ; on la retrouve partout : dans les programmes de l’enseignement public, dans les livres, dans les revues, dans les feuilles quoditiennes ; ceux-là mêmes qui l’ignorent en parlent volontiers. Et ce travail de rénovation et de transformation n’est pas limité à notre propre pays ; il s’étend au monde savant tout entier. Si quelqu’un a surtout imprimé ce mouvement, on peut l’af¬ firmer hautement, non sans une légitime fierté, c’est 13 — 486 — \ l'homme dont j’ai à vous entretenir aujourd’hui. On l’a dit avec raison, la science n’a pas de frontières, elle n’est d’aucun pays ; mais, si complètement guéris que nous soyons de notre présomption, ce mal dont nous avons souffert, nous ne saurions oublier qne, si les dé¬ couvertes de nos grands hommes appartiennent au monde entier, leur héritage de gloire fait partie de ce patrimoine sacré qu’on appelle la patrie. 11 en est qu’attirent les retentissants théâtres où l’in¬ constante popularité accorde et retire ses faveurs ; où l’on voit tour à tour des élévations soudaines, des chutes pro¬ fondes et des retours inattendus. Combattre pour la jus¬ tice, assurer le triomphe de la raison, tel est le but de leurs constants efforts ; trop souvent il leur échappe au moment où ils croient l’atteindre, et c’est au milieu d’une perpétuelle mobilité et d.’une perpétuelle incertitude qu’ils goûtent les jouissances troublées de l’ambition. D’autres élèvent leur cœur plus haut ; épris des divines beautés de la nature, ils brûlent de l’irrésistible désir de soulever les voiles qui la couvrent. Obscurs ou glorieux, marqués au front de la céleste flamme ou perdus dans la nuit profonde, il n’importe ; serviteurs désintéressés de la cause à laquelle ils ont donné leur vie, dominés par une seule pensée, ils ne calculent ni ce que coûte l’amour de la vérité, ni à quel prix elle se donne, et dans l’oubli de soi-même que la science inspire à ses adorateurs, iis trouvent les plus pures jouissances. Possédés de cette fièvre, dont ils ne doivent pas guérir, ils ne suspendent un instant leur marche que pour s’élancer en avant avec une ardeur nouvelle : « Toujours plus loin, toujours plus haut », telle est leur devise. Claude Bernard naquit dans une petite ville du Beau¬ jolais, à Saint-Julien près Villefranche, le 12 juillet 1813. A mi-hauteur des coteaux plantés de vigne qui s’étendent au loin sur la rive droite delà Saône, s’élève une modeste maison couronnée d’un bouquet de bois. Du côté de l’Orient, éblouissants sous les feux du Midi, découpés en noires silhouettes à l’heure matinale où le soleil se — 187 lève, se dressent, à l’horizon, les sommets glacés de la chaîne des Alpes. C’est là, près de son père qu’il perdit de bonne heure, sous l’œil vigilant d’une mère attentive et tendre, que s’écoula son enfance. Plus tard, c’est encore là, sur ce coin de terre qui l'avait nourri, dans ces lieux tout remplis d’ineffaçables souvenirs, qu’il reve¬ nait fidèlement chaaue année, au retour désiré des ven- danges. Lorsque le moment fut venu, le jeune Claude Bernard passa des mains du curé de Saint-Julien au collège de Villefranche, puis au collège de Lyon. Ses études termi¬ nées, on décida qu'il serait pharmacien. Il fut en effet placé dans une officine du faubourg de Yaise, à Lyon ; mais sa pensée était ailleurs. Quelques mois s’étaient à peine écoulés qu'il partait pour Paris avec une tragédie en cinq actes et les illusions de ses vingt ans. Une lettre d’introduction conduisait notre jeune homme chez un des professeurs les plus spirituels et les plus goûtés du temps. M. Saint-Marc Girardin : ce fut une heureuse fortune. Après un court entretien dans lequel le scepticisme bienveillant du lettré ne rencontra qu’une faible résis¬ tance, le jeune Lyonnais sortit de cette épreuve avec une déception sans doute, mais peut-être avec le pressenti¬ ment secret que sa résignation ne devait rien enlever à ses espérances d’avenir. Dès le lendemain, il s’inscrivait à la Faculté de médecine. Ses études médicales touchaient à leur terme et il se montrait fort irrésolu, lorsque M. Magendie, dont il était l’interne, lui offrit assez brusquement la place de prépa¬ rateur au Collège de France : son sort était fixé. Le maître qui devait exercer sur Claude Bernard une influence décisive ne’ressemblait guère à son élève. Après une jeunesse traversée par de nombreux écarts, cédant aux conseils d’une amie bien inspirée, Mmc la marquise de la Place, il avait tourné du côté de la physiologie ses rares qualités. Un grand nombre de recherches entre¬ prises sur presque toutes les parties de la physiologie expérimentale, à cette époque presque une nouveauté, — 4 88 lui avaient rapidement conquis une grande notoriété. On pouvait puiser à son école le dédain de l’hypothèse et la passion des réalités, mais, presque toujours dominé par une idée, les yeux fermés sur tout le reste, il subissait, plutôt qu'il ne les dirigeait, les conditions de l’expérience. « Je suis un chiffonnier, à dit M. Magendie en parlant de lui-même, avec un crochet à la main et une hotte sur le dos ; je parcours le domaine de la science et je ramasse tout ce que je trouve. » Cet empirisme expérimental, dirigé par le hasard, plus facile à formuler qu’à observer, et que M. Magendie a plus d’une fois déserté, ne risquait pas d’être contagieux ; il eut pour résultat de tempérer et de modérer la nature méditative et un peu rêveuse du disciple. Claude Bernard demeurait alors dans un petit entresol de la cour du Commerce. Souvent nous rencontrions ce grand jeune homme à l’air pensif. Quand j’évoque ce lointain passé , je me rappelle encore le sujet de nos entretiens. Il préparait alors sa thèse de doctorat sur le suc gastrique et il se montrait surtout préoccupé de ses recherches sur le nerf spinal. M. Blondlot, de Nancy, venait de montrer qu’à l’aide des fistules stomacales, opé¬ ration d'une exécution facile, on pouvait, pendant de longs mois, recueillir à volonté sur l’animal, en grande abondance el dans un état de pureté parfaite, ce liquide digestif qu’à l’aide des ingénieux procédés de l’abbé Spallanzani, on ne pouvait jusqu’alors se procurer qu’en petite quantité et plus ou moins impur. Récolter ce liquide, l'analyser, le faire réagir sur les aliments en dehors du corps de l’animal, introduire dans l’estomac par l’ouverture artificielle des substances alimentaires de nature variée, les retirer à des moments déterminés afin d’étudier leurs transformations successives! voilà ce qu’on peut voir tous les jours dans nos laboratoires; mais, il y a quarante ans , à part les quelques renseignements fournis par le Canadien du docteur Beaumont, tout cela était encore une nouveauté. Parla multiplicité de ses origines, par sa fusion intime — -189 — avec le nerf pneumogastrique au moment où il sort du crâne, et dans le trou même qui lui livre passage, le nerf spinal est resté longtemps comme un défi porté aux expérimentateurs. Couper ce nerf dans l'intérieur du crâne, sur ranimai vivant, afin d’examiner les consé¬ quences de cette section, beaucoup l'avaient tenté sans succès. Tout d’abord Claude Bernad n’est pas plus heu¬ reux que ses devanciers : tous les animaux succombent. Je me souviens encore du récit de ses nombreuses ten¬ tatives et de l'admiration que m’inspirait sa patience à toute épreuve. Enfin . il parvient à découvrir une espèce animale dans laquelle il peut détruire, en les arrachant toutes les origines des nerfs spinaux sans ouvrir la cavité crânienne. Après l’opération, rien n'est changé en apparence, l’animal continue à vivre, il respire libre¬ ment, mais il a perdu la voix. Donc la voix et la respi¬ ration n’ont pas le même nerf : le spinal est le nerf vocal, et la branche du pneumogastrique avec laquelle il est confondu est un nerf respiratoire. Une fois entré dans la voie des découvertes, Claude Bernard ne s’arrêter plus. Ouvrant un jour un lapin en pleine digestion, il remarque que les chylifères lactes¬ cents se détachent de l'intestin grêle à une plus grande distance de l'estomac que chez le chien. Or, chez ce dernier le canal excréteur du pancréas s’ouvre près de l’estomac, tandis qu'il débouche plus bas dans 1’intostin du lapin. C’est là que Bernard eût un trait de lumière. Il s’attache à ce nouveau problème avec sa ténacité ha¬ bituelle. L’action émulsive du suc pancréatique et le rôle qu’il joue dans l’absorption des matières grasses de l’ali¬ mentation sont démontrés. C’est encore à cette période du début que remontent ses premières recherches sur l’action glycogénique du foie. De toutes les découvertes de Claude Bernard, aucune n’a fait autant de bruit. Depuis l’époque de Galien, où l’on considérait le foie comme l'organe trans¬ formateur dans le sein duquel le liquide nourricier apporté par les veines de l’intestin devient le sang lui- — 190 — même, c’est la première fois qu’on soulevait un coin du voile sous lequel se dérobe encore une partie du mys¬ tère. Claude Bernard annonce qu’il s’engendre dans le foie, et d’une manière continue , un sucre analogue à celui qui résulte de la transformation de l’amidon, et qu’entraîné par la circulation, ce sucre, incessamment versé dans la masse du sang, se décompose et disparaît. Et non seulement il l’annonce, mais il le prouve ; et pour répondre aux oppositions passionnées qui surgissent de toutes parts, il le démontre avec un luxe de preuves, où ses rares qualités éclatent dans tout le jour, et où l’onne sait ce qu’on doit le plus admirer, ou de l’esprit de mé¬ thode, ou de l’esprit d'invention de l'expérimentateur. Heureusement ramené sur ce sujet pendant plus de vingt ans par la contradiction, il revient sur les che¬ mins qu’il a déjà parcourus ; ses idées s’étendent, se rectifient, se complètent, et la glycogénie hépatique, désormais incontestée, revêt enfin sa formule définitive. Durant la vie, le foie ne renferme qu’une très faible quantité de sucre, parce qu’aussitôt formé, la circulation l’entraîne. Après la mort ou sur le foie extrait du corps de l’animal vivant, l’action glycogénique dure encore quelque temps; n’étant plus enlevé parla circulation, le sucre s’accumule. Si on le recherche avant que des mé¬ tamorphoses plus avancées ne l'aient fait disparaître, c’est alors qu’on en trouve le plus. En réponse à ceux qui ne voulaient voir dans la formation du sucre dans le foie qu’une réaction post mortem , qu’un phénomène d’ordre cadavérique, Claude Bernard répond victorieu¬ sement en montrant qu’un lobe du foie dans lequel on suspend la circulation pendant la vie, renferme bientôt dans son tissu une quantité relativement considérable de sucre. C’est aux dépens d'une substance particulière, ma¬ tière glycogène ou amidon animal, que se forme le sucre qu’entraîne incessamment l’irrigation sanguine ; les principes albuminoïdes du sang aussi bien que les sucres delà digestion peuvent lui donner naissance. Les matières — 191 sucrées résultant de la digestion des amylacées, le foie les arrête en quelque sorte au passage, et les emmaga¬ sine pour en régler la distribution. L’amidon végétal, cette substance si abondante dans l’alimentation, que la digestion transforme en sucre et que l'absorption conduit au foie, ne saurait y séjourner sous cette forme soluble sans se détruire ; elle devient amidon animal, reprenant ainsi, pour un temps variable, sa stabilité première. On croyait que l'animal ne pouvait que défaire l'amidon pour en faire du sucre : Claude Bernard montre qu'il peut, à l'instar de la plante, réaliser la combinaison in¬ verse, et faire de l’amidon avec du sucre. Ai-je besoin de rappeler ici cette expérience célèbre de la piqûre du bulbe, suivie d’une suractivité de la fonc¬ tion glycogénique, de l’accumulation du sucre dans le sang, et de l'apparition d’un diabète temporaire? Claude Bernard vient de saisir, en quelque sorte au passage, l’action qu’exerce sur le foie le système nerveux; il prouvera plus tard que l’excitation physiologique ini¬ tiale, née des impressions inconscientes de la sensibilité vicérale, portée vers les masses nerveuses centrales, ou directement engendrée par elles, descend par la voie du grand sympathique. Prise dans les parties centrales ou dans les cavités naturelles, la température de l'horame et des animaux supérieurs est sensiblement constante. Quand on recher¬ che dans des organes divers, on peut constater cepen¬ dant qu’elle oscille dans d’étroites limites, autour d'un point moyen d'équilibre. Difficiles à saisir, ces faibles différences qui se montrent tantôt dans un sens, et tantôt dans un autre, ont pu paraître indifférentes ; elles renfer¬ ment cependant la solution du problème de la production de la chaleur dans les animaux. A l'aide d'un appareil instrumental perfectionné, ther¬ momètres à échelle arbitraire, aiguilles et sondes thermo¬ électriques qu’on peut introduire dans l epaisseur des tissus, dans les cavités du cœur, et jusque dans les — 192 — canaux où le sang circule, Claude Bernard a débrouillé ce chaos. La production de chaleur est une propriété qui appar¬ tient à des degrés divers à tous les éléments et à tous les tissus de l’animal ; elle est le résultat du travail de la nutrition: c’est dans l’intimité des organes qu’elle s’en¬ gendre. Il n’y a point de siège unique de la chaleur, bien qu’il y ait des systèmes organiques qui jouent le rôle de foyers prépondérants. Le sang veineux ramène vers le cœur la chaleur sans cesse engendrée, mais il n’en rapporte qu’une partie, d'autant plus grande que les vaisseaux dans lesquels il circule sont moins exposés aux causes de refroidissement. On conçoit ainsi comment les parties, ou superficielles ou éloignées, présentent une température moins élevée que les parties ou pro¬ fondes ou centrales. Quant au sang artériel, il distribue d’un seul coup et sans grandes déperditions la chaleur qu’il a reçue. Le sang est donc à la fois l’excitateur et le régulateur de la chaleur, et celle-ci tend vers une unifor¬ mité qui n’est jamais et ne peut jamais être réalisée, non seulement à cause de la variabilité du milieu extérieur, mais à cause des modifications locales de circulation. On savait que, dans un muscle qui se contracte, la température s’élève, et l’on soupçonnait aussi qu’un tra¬ vail chimique corrélatif s’accomplit dans la substance musculaire. Claude Bernard aborde cet intéressant pro¬ blème avec sa supériorité habituelle. Ce n’est plus sur des muscles séparés de l’animal, dans les tissus desquels des réactions complexes s’accomplissent, c’est sur l’animal vivant qu’il le prouve. Tout muscle qui se contracte s’échauffe, et la coloration noire du sang veineux qui en sort n’est que la conséquence d’une consommation d’oxy¬ gène que l’analyse révèle. Le sang qui sort, d’un muscle au repos est moins noir, mais il l’est encore. Le muscle au repos, en effet, n’est pas dans l’inertie, mais dans un état de tension particulière qu’on appelle la tonicité et qui implique un travail musculaire atténué, mais con¬ tinu. Dans un muscle paralysé, au contraire, les oxyda- — 193 — tions intérieures sont réduites au minimum, le sang qui en sort ressemble presque au sang artériel, sa tempéra¬ ture n’a pas sensiblement varié, et il n’a perdu qu’une quantité insignifiante d’oxygène. Le système nerveux n’est pas, comme on l’a cru long¬ temps, le grand producteur de la chaleur. Sans doute, il est le siège d’actes nutritifs, et par conséquent, il est est, comme les autres un générateur de chaleur ; mais il en est qui en produisent bien davantage. Le rôle spécial qu’il exerce est tout autre. Par les vaisseaux dont il tient l’élément contractile sous sa dépendance, il règle l’irri¬ gation sanguine ; il peut augmenter, diminuer, égaliser la température des parties. Les phénomènes calorifiques, en effet; sont de deux ordres : création de chaleur, répar¬ tition de la chaleur créée. La création de chaleur est du fait de la nutrition, la répartition est du ressort de la circulation. Sensiblement uniforme dans son cours , quand on l’envisage dans son ensemble et pendant une certaine période de temps, le sang qui traverse les tissus subit çà et là des variations de vitesse dans son cours et des variations de quantité dans sa masse. C’est le système nerveux qui les commande, dispensant ainsi, à certains moments, pour certains buts détermines, un aliment plus ou moins abondant aux métamorphoses de la nutri¬ tion, avec leurs conséquences trophiques et thermiques. L'action du système nerveux sur le mouvement nutritif des parties s’exerce donc par l’intermédiaire des tuni¬ ques musculaires des vaisseaux , mises en jeu par les nerfs. Nous touchons ici , Messieurs , à l’une des expé¬ riences de Claude Bernard , à la fois les plus curieuses et les plus fécondes par ses conséquences. Au commen¬ cement du siècle passé , Pourfour du Petit , membre de l’Académie des sciences , communiquait à la savante Compagnie un travail qui porte ce titre singulier, où se révèlent les idées du temps : « Mémoire dans lequel il ehl démontré que les nerfs intercostaux ( on désignait ainsi le grand sympathique) fournissent des rameaux 13* — 194 — qui portent des esprits dans les yeux. » L’expérimenta¬ teur avait pratiqué la section du grand sympathique au cou , et observé le resserrement de la pupille qui la suit. Mais ce que Pourfour du Petit n’avait pas vu , ce que Claude Bernard lui-même n’avait pas observé tout d’abord , ne devait pas échapper à son regard pénétrant. En répétant cette expérience , dans le courant du mois de novembre 1851 , il constate qu’en outre de la constriclion pupillaire , on peut voir, du côté de la face correspondant à la section , la température s’élever et les vaisseaux se dilater; phénomènes particulièrement saisissants sur les oreilles minces et transparentes des lapins à robe blanche. Il galvanise le bout supérieur du cordon sympathique coupé : les vaisseaux dilatés se con¬ tractent ; d’active qu’elle était , la circulation devient faible ; la conjonctive , les narines , les oreilles , qui étaient rouges , pâlissent . et , comme conséquence de l’expulsion du sang, les parties primitivement échauffées se refroidissent. Voilà d’un seul coup tout un jour inat¬ tendu projeté sur un mécanisme des circulations locales. Les conditions mécaniques générales de la ciaculation , jusque-là le principal objectif des physiologistes , se trouvent reléguées au second plan. En dehors du mou¬ vement circulaire continu engendré et entretenu par le moteur central , il y a donc au sein des organes et des tissus d’innombrables circuits de dérivation dans lesquels la distribution du sang peut être incessamment modifiée sous l’influence d’excitations perçues ou non perçues , provoquées ou fortuites. Les vaisseaux dans lesquels le sang circule sont donc le siège de mouvements inces¬ sants et inaperçus de contraction et de dilatation , suc¬ cédant à des influences intérieures ou extérieures , cir¬ conscrites ou étendues , agissant à la manière d’écluses chargées de régler la consommation sanguine. De là le nom de vaso-moteurs sous lequel on désigne les nerfs nui animent l’élément contractile des vaisseaux. Mais ce n’est pas tout, et Claude Bernard ne devait pas tarder à découvrir dans les nerfs une propriété nou¬ velle et tout à fait imprévue. A côté des nerfs vaso-moteurs , dont l’excitai ion en¬ traîne , ainsi qu’on devait naturellement l'attendre , la contraction des tuniques musculaires et par conséquent une diminution de calibre , il est d’autres nerfs dont l’ex¬ citation détermine, dans les vaisseaux qu'ils innervent , non pas une contriction , mais une dilatation. La tunique musculaire des vaisseaux se comporte alors comme si les nerfs qui s'y rendent étaient coupés, ou comme si la tunique musculaire était pour un moment paralysée. De là deux sortes d'agents nerveux vasculaires : les vaso-constricteurs agissant à la manière ordinaire des nerfs moteurs, et les vaso-délatateurs agissant en sens contraire. Cette singulière propriété, Bernard l avait d’abord ren¬ contrée dans les fils nerveux dépendant du système céré- bro spinal, et l’on put croire un instant à une sorte d’opposi¬ tion entre les nerfs de la vie animale et les nerfs de la vie organique. Mais il semble résulter des innombrables recherches dont les expériences de Claude Bernard ont été le point de départ, que les vaso-dilatateurs, aussi bien que les vaso-constricteurs , appartiennent , les uns comme les autres , directement ou indirectement , au système nerveux ganglionnaire , lequel tiendrait ainsi sous sa dépendance l’ensemble des actes de la vie de nutrition. Le mode d’actiou des nerfs auxquels on donne le nom de vaso-dilatateurs reste entouré d’une obscurité profonde. Y a-t-il, ainsi que le pensait Claude Bernard et que beaucoup d’autres le pensent après lui, y a-t-il réel¬ lement deux ordres de filets nerveux, les uns conduc¬ teurs des incitations constrictives , les autres messagers des actions modératrices ou paralysantes? N’y a-t-il , au contraire , qu’une seule espèce de nerfs conducteurs des incitations motrices , pouvant tantôt éveiller le mouve¬ ment, et tantôt le suspendre ou l’arrêter suivant le mode d’après lequel les centres incitateurs les sollicitent à l’action? Ceux-ci auraient-ils le pouvoir, nous ne dirons — 496 — pas d'anéantir, ce qui serait contraire à ce que nous savons sur la conservation de l’énergie , mais de dissi¬ muler l’action qui semble devoir succéder fatalement à l’impression , c’est-à-dire la créer sans la rendre libre , l’emmagasiner et la conserver à l’état latent pour la dis¬ penser à un moment donné , sous l’influence dune exci¬ tation nouvelle , venue du dehors ou du dedans? C’est ce que nous apprendra l’avenir. Pour le moment, ces actions nerveuses de suspension , d’arrêt ou d’inhibi¬ tion , pour employer une expression empruntée par M. Brown-Séquard à notre vieux langage juridique , ces actions nerveuses , qu’on observe non-seulement par l’excitation directe des conducteurs nerveux centrifuges, mais aussi par l’irritation de toute partie sensible , et par voie de retour, dans la sphère des actes réflexes , sont et resteront longtemps encore le grand problème de la physiologie. Il régnait toujours un certain doute en physiologie sur cette question : la propriété caractéristique que possède le muscle de se contracter lui appartient-elle en propre, est-elle inhérente au muscle lui-même ou n’est-elle qu’une propriété d’emprunt et dépend-elle des éléments nerveux qui le pénètrent ? Sans doute , le muscle doit communiquer librement avec le système nerveux central pour qu’ils puisse se contracter sous l’influence de la volonté : mais la volonté n’est qu’un des modes d’excita¬ tion du muscle , et celui-ci répond encore aux excitants directs alors que les conducteurs des incitations motrices volontaires sont rompus. Sur quels éléments anatomiques agissent alors les excitants ? Sur la fibre musculaire elle- même ou sur les fibres nerveuses qui la pénètrent? ( A suivre). BIBLIOGRAPHIE. Histoires. Disputes et Discours. — Des illusions et Impostures clés diables . des magiciens infâmes , sor¬ cières et empoisonneurs , des ensorcelés et démo¬ niaques , et de la guérison d'iceux ; item de la punition que méritent les magiciens, les empoison¬ neurs et les sorcières , le tout compris en six livres. Tel est le titre de l’œuvre de Jean Wier, qui vient d'être réédité parM. Bourneville, dans la Bibliothèque Diabolique. (1) Cet ouvrage était devenu rare, et beaucoup ne le con¬ naissaient que par la conférence qu’a faite à son sujet le r egretté Axenfeld, à la Faculté de Paris. On retrouvera cette biographie saisissante de Wier en tête de l’ouvrage. Grâce au progrès considérable fait dans l’étude de la pathologie nerveuse depuis une vingtaine d’années, il est bien intéressant de rapprocher les recherches modernes de ces observations anciennes, surtout quand celles-ci sont faites par un homme de la valeur de Wier, médecin instruit, appelant la science (la science d'alors, bien entendu) à l’appui de ses idées généreuses et vraiment humaines, sur la conduite à tenir vis-à-vis des ensor¬ celés et des démoniaques. Ce n’est pas que Wier soit dégagé de l’éducation théo¬ logique qu’il a reçue. Il cherche seulement à la corriger dans la voie du bon sens, à en faire disparaître tout ce (1) Deux volumes in-8, à la Librairie du Progrès Médical , 14, rue des Carmes, Paris. Prix : Papier vélin, 15 fr. Il a été tiré pour les amateurs un certain nombre d’exemplaires sur papier de luxe : Papier parcheminé > 20 fr. ; Japon 25 fr., les deux volumes. I — 198 — qui choque ie plus la connaissance qu’il a de l’homme et l’affection qu’il porte à ses semblables. Car Wier croit au diable, mais il ne veut pas qu’on suppose qu’il a une puissance indéfinie. Ce n’est pas tant en faisant des miracles qu’il trouble le monde, c’est en pervertissant l’imagination. Et il recherche ses exemples dans l’histoire de tous les temps : « Après que Furius Camillus eut pris la ville de Yeies, un des soudarts demanda (ce dit le conte) à l’image de Juno, surnommée Moneta, si elle voulait venir à Rome. La déesse répondit qu’elle en était contente. Il n’y eut qu’vu qui ouit ceste voix, néanmoins , tous se persuadoyent de l’avoir entendue... Nous voyons en ces paroles de Yalère avec quels artifices et pour quelles raisons ce singe... de Diew trompe ainsi le monde par le moyen des images. » Il y a déjà, dans cette façon de comprendre les actes du malin, un progrès immense sur l’opinion commune d’alors, à tel point qu’en certaines parties de son récit, on est autorisé à se demander si le mot de diable n’est plus pour lui qu’une expression prise dans le milieu où il vivait, détournée de son sens habituel, espèce de vague personnification du mal ou de l’erreur. Il se méfie des miracles et se moque de ceux qui les exploitent. A propos d’un Conte plaisant de deux cru¬ cifix qui se recommandaient l'un à l’autre, « on dressa à sainct Pantaléon de Cologne, une chapelle dans vn bois, où tous les ans, le mardi après Pasques, on void courir par déuotion vn grand nombre de malades de corps et d’esprit. Or, dautant que de nostre temps on ne voit plus de tels miracles et qu'il n’est pas permis aux médecins déjuger de tels mystères, aux théologiens en soit le débat. » — Parmi le grand nombre d’histoires merveil¬ leuses qu’il rencontre dans les auteurs, il en est beaucoup qu'il cite avec une espèce d’indifférence, sans se donner la peine de les expliquer. Mais il ne craint pas d’indiquer le rôle de la médecine en face du surnaturel : « I’ay empescbé quelquesfois avec une grande asseu- — 199 rance et résistance les violents soulèvements de la ieune fille que i'av dite, ce que ie fis par la grâce de Diev, au chasteau de Caldembroc en Gueldre ; il me faltait toute¬ fois tenir sus mes gardes, à ce qu’elle ne me mordist en ce renversement horrible qu’elle endurait pendant lequel elle taschait de me prendre les mains. Car pourquoy Diev ne m’aurait-il autant fait de grâces pour subvenir à telles afflictions comme il a permis au diable de pour- suyure ses practiques en mal faisant ? » Les descriptions scientifiues de maladies, les détails scientifiques sur certains cas de de chirurgie ou de méde¬ cine sont fort intéressants par leur exactitude et portent la marque d'un esprit vraiment observateur. Prenons ce tableau de la grande névrose si bien connue depuis les travaux de la Salpétrière et que nous ne résis¬ tons pas au plaisir de citer : « Il (le diable) peut par ce moyen retirer cruellement et contre tout ordre de nature, les nerfs et les muscles et souventesfois esmouvoir vne telle passion au corps qu’il demeure tellement droit et piqué, que le corps et le reste du corps est immobile et ne se fléchit ni deçà ni delà, mais est esgalement tendu de tous costez. Il les fait encores quelquefois tellement retirer en deuant, que la teste, le col et le reste du corps se racourcit, cependant que les veines goselières, qui sont entour du col, demeu¬ rent tendues à merveilles : et quelquesfois il les renuerse si estrangement en derrière, que la teste est cruellement retirée presque du tout sur les espaules, et le dos, et les cuisses encore retirées en haut. Il fait aussi parais tre es membres du corps diuersement et inégalement des espèces et estranges sortes de convulsions, et horribles retiremens de nerfs ; il débilité à quelques vns tout le corps tellement qu'ils ressemblent aux iointures rompues et mises hors du lieu par la gehemme, ou autres tour¬ nons, il fait paraistre les muscles tremblans et tressail- lans : il rend la bouche et les yeux tout haues et renuersés; et estraint si fort l’entredeux trauersant des hommes, — 200 — qu’à peine peuvent-ils retirer leur vent : et cependant il n’empesche pas le poux des artères ; toutefois, ilrenqerse l’estomach de plusieurs hoquets. » Tout inspirés qu'ils soient parle malin esprit, voilà des symptômes pris sur le vif et bien réels Wier ne s’y méprend pas, mais il se reprend dans quelques lignes des plus caractéristiques où il met les médecins en garde contre une trop grande confiance en eux-mêmes ; car de même que le diable se moque des prêtres, il avient aussi quelquefois qu’ « il trompe aussi les plus excellents méde¬ cins, lesquels voyans les misérables accidents de ces maladies , ains plustôt de ces épouvantails, essayent en vain y remédier par médicamens et rapportent le tout aux causes naturelles. » Phrase bien curieuse dans la bouche d’un médecin, dont l’esprit, s’est, à d’autres points de vue, placé si haut au-dessus des préjugés qui l’entouraient, et qui éprouve de temps en temps le besoin d’affirmer solennellement sa croyance au diable : « Pourquov ie confesse librement et le certifie en conscience , que tous ceux qui sont tourmentés si cruel¬ lement et si diversement par espèce de retirement de nerfs, de maladies prodigieuses, de vomissements et vui- danges contre le cours de nature, qui contrefont des divers bruits qui parlent, qui remarquent follement, quel¬ ques certains personnages, qui nomment et accusent les hommes comme font les inventeurs des cruels spectacles; je certifie, dis-ie, que toutes telles gens sont poussés par le démon malin et menteur, lequel n'est aucunement aidé d’ailleurs, si ce n’est qu’on s’aperçoiue qu’on ait fait prendre du poison ou qu’on ait applique quelque matière venimeuse contre le corps. » Nous verrons plus loin dans quel but il insiste sur ce dernier point. Mais on devine déjà là que la question de responsabilité des ensorcelés et des magiciens le préoc¬ cupe beaucoup. Si le diable est le vrai coupable, pourquoi poursuivrait-on ses victimes? - 204 — S’il croit aux démons dont il fait une longue énumé¬ ration, à laquelle il « lui fâche de s’amuser », il tient cependant à réduire leur rôle dans ce monde; il veut bien les reconnaître comme les justiciers, comme les bourreaux de Dieu ; mais il déclare que le diable ne peut pas toutes choses : « 11 ne saurait faire vne mouche. Il ne saurait avoir compagnie charnelle avec vne femme, ni engendrer: car il n’a pas les instruments et la matière donnés, dès le commencement, tant seulement aux ani¬ maux qui ont chair, sang, esprit et os, que les diables n’ont point. » Et il tient beaucoup à cette distinction, car il en concluera plus tard que le commerce impur si long¬ temps invoqué contre les sorcières n’est que le résultat d’une hallucination, ou, pour parler son langage, d’une tromperie de leur fantasie par le malin esprit. En conséquence, les sorcières n’ont pas non plus la puissance qu'on leur attribue : à troubler l'air et donner des maladies, et il montre comme ont failli lourdement les écrivains alarmans qui ont, « sans y penser, fourni d’espées et de flambeaux allumés les bourreaux cruels, sans jugement, discrétion, ou aucune marque de compas¬ sion et pitié. » « L’homme qui ne voudra être du tout lourdaut, iugera aisément ces choses s’entretenir mal, et être absurdes et indignes qu'on y adioute foy. Aussi, conoistra-’il aisé¬ ment que l’acord n’est qu’vne imposture faite par l'appa¬ reil ce de quelque fantosme ou imagination ou d'vn corps phantastique pris par l’esprit qui esblouit : ou par quelque tromperie meslée es nerfs de la veuë, de telle figure en aparence que Satan le veut, et void estre idoine aux humeurs et esprits esmeus en cette partie : on fait et asseure par un sifflement, un bruit sourd, ou murmure dedans les organes dei’ouye, lequel respond et s’accorde aux figures de l’imagination trompé et est poussé et esmeu par le malin esprit. » Quoique un peu lourde et embarrassée, cette tentative pour ramener à une physiologie bien imparfaite des — 202 — phénomènes réputés surnaturels, n’en est pas moins intéressante. Pour lui, les sorcières sont-elles tellement mises hors de leurs sens par le diable, qu’elles croient et confessent avoir fait des choses que jamais elles n’ont pu faire. Il s’étend longuement sur la fausseté de toutes les histoires de Succubes et d’incubes, sur l’impossibilité de toute union entre les esprits et les vierges, et raconte à ce propos nombreuses histoires tirées de tous les temps, histoires qu’il fait précéder, un peu malignement peut- être, d’une vieille légende sur la virginité perpétuelle de la Yierge Marie. S’il croit beaucoup en Dieu et au Diable, il éprouve du moins- le besoin de protester contre toutes les pratiques de la vie religieuse qui ont pour but apparent ou caché de chasser les démons ou de les attirer. — Baptêmes des cloches qui sont prétextes à faire bonne chère et à rece¬ voir de riches présents, signes de croix, eau bénite et sel béni, huiles saintes, rien n’échappe à sa mordante critique, car « il veut bien que le lecteur chrestien sache qu’il n’y a rien moins que vray bausme en toutes ces cérémonies » Le Livre Y, où il traite de la guérison des ensorcelés et des démoniaques, est plein de faits, d’anecdotes, mon¬ trant en pleine vie toutes ces mœurs et habitudes du moyen âge, dont nous retrouvons un si grand nombre en notre xixe siècle : Charlatanisme médical et religieux, magiques et superstitieuses guérisons par l’usage des charmes et paroles inconnues, par liaisons, colliers, cha- ractères, éfigies, anneaux et signets, tout cela passe au crible de sa critique. Il admet pour la guérison de la sorcellerie, l’efficace de la prière et du jeusne, mais il recommande aussi de recourir au médecin. « Ainsi donc, après que l’on a purgé le corps, le ministre de l’Eglise pourra plus facilement chasser le malin esprit. » Il laisse dire, sans observations, à Hincmar, arche- — 203 vêque de Reims, à propos de l'empêchement fait par le diable touchant la compagnie charnelle que « il faut exhorter ceux auxquels ces choses sont auenues, qu'ils ayent à se confesser d'un cœur contrit et d’un esprit humilié à Dieu et au prestre. » Le jugement rapporté par Ulric Molitor sur le même sujet lui semble digne d’être pratiqué: « Que premièrement les médecins visiteraient celui que les lois appellent maléficié .. puis que pendant trois ans d'épreuve, le mari donnerait l’aumosne plus que de coutume et jusnerait afin qu'il plût à Dieu de retirer ce mal. » Il ne proteste même pas contre ce jeune intem¬ pestif, mais il voudrait ensevelir en enfer la recepte qui consiste à lier sur la cuisse du mari un parchemin vierge portant des caractères sur lesquels on a barboté sept fois un psaume de David. L’exorciste doit chasser le diable au nom de Jésus- Christ, à l’exemple des apôtres et de la primitive Eglise, seule pure et nette de toutes superstitions ; mais il ne paraît pas en connaître beaucoup de cette sorte, car « l’exorciseur ne sait pas lire, quelquefois, et encore moins entendre ce qu'il lit, aussi ce sera bien fait de le mettre au nombre des sorciers. » C'est dans le livre II consacré à la punition des magi¬ ciens, sorcières et empoisonneurs, que nous trouvons les discussions les plus intéressantes peut-être de son livre. Faut-il brû'er comme on le fait les malheureux démonia¬ ques, faut-il être doux aux coupables ; il montre là, avec le sens le plus droit, la justice la plus humaine. 11 y a des coupables, il ne le nie pas, et il faut les punir ; il 11e craint même pas de classer parmi eux et les magiciens qui sont religieux et les médecins magiciens spéculant sur la bonne foi du peuple, ils doivent être mis au rang « des faiseurs de fausse monnaie. » Il accepte pour les empoisonneurs les plus grands supplices, encore qu'il se demande si pour punir, l’homme a vraiment le droit de donner la mort ; mais autant il condamne la mauvaise foi, l'escroquerie, autant il est doux aux pauvres hallucinés, ces victimes — 204 — du diable. On retrouve ici dans les conclusions de son grand travail, la raison d’être du plan qu’il a suivi. Le diable existe, il y a des sorcières à l’esprit troublé par son influence néfaste, toute limitée qu’elle soit ; mais elles n'ont pas, elles ne peuvent pas avoir de pacte avec lui. L'imagination pervertie par le délire est la seule cause de tous les aveux qu’elles font de ces pactes et de ces crimes imaginaires ; on ne doit pas s’arrêter, en ce qui les con¬ cerne à la confession ; on ne doit pas faire mourir celles qui sont séduites par erreur non plus que les hérétiques avec lesquels d’ailleurs elles 11e doivent pas être con¬ fondues. On doit pardonner aux sorcières parce qu’elles sont femmes, on doit en avoir pitié parce qu’elles sont vieilles. C’est cette bonté qu’il faut admirer dans les Histoires, disputes et discours de Jean Wier, bonté qui faisait dire à ses adversaires que si on écoutait ses avis, on ne brû¬ lerait bientôt plus personne. ( Union Médicale et Scientifique du Nord-Est). C.ILLB. IM». L . DANS L 1884-1885. N° 6. JUIN. SUR LE DÉVELOPPEMENT DES NÉMATODES Par M. P. HALLEZ, Professeur suppléant à la Faculté des Sciences. (lre NOTE). Bien que mes observations aient porté sur plusieurs genres , je ne puis dans ce court résumé faire connaître les différences, d’ailleurs peu importantes, que j’ai observées suivant les espèces. Les lignes qui suivent se rapportent à Y Ascaris megalocephala. La culture des œufs de ce Nématode est très facile. Les œufs fécondés retirés de l’utérus se développent très régulièrement en les conservant à sec dans un verre de montre ; suivant la température , Je développement des embryons est terminé au bout de quinze à vingt-cinq jours. On peut donc observer tous les stades en prélevant trois ou quatre fois par jour quelques œufs pour les porter sous le microscope. Mais cette méthode , bonne pour le contrôle , est défectueuse quand on se propose de suivre pas à pas le développement , de manière à établir en quelque sorte la généalogie de chaque cellule de segmentation , et ne la quitter que quand les feuillets sont définitivement constitués. C’était une partie de la tâche que je m’étais imposée , tâche rendue plus difficile par ce fait , que les cellules initiales de chaque feuillet ne peuvent se distinguer histologiquement les unes des autres. Isoler un œuf sous le microscope et le suivre pendant tout le cours de son évolution était chose nécessaire. Malheureusement l'observation ne peut se faire que sous l’eau , et , dans ces conditions , la marche du développament est considérablement ralentie. Des œufs que j’ai cultivés sous l’eau n’ont pas mis moins de douze et même quinze mois , suivant la hauteur de la couche liquide , pour se développer complètement. J’ai donc été obligé de chercher une méthode qui me permit 14 — 206 — d’arriver à un résultat pratique . et j’ai été ainsi conduit à instituer des expériences dans le but de déterminer l’influence du milieu sur le développement des œufs à’ Ascaris. Ces expériences ont donné les résultats suivants : 1° Les œufs , cultivés dans une atmosphère humide d’air ou d’oxygène , se développent relativement très rapidement ; 2° Dans l’eau , le développement est d’autant plus lent que la couche liquide est plus épaisse ; ce qui tient, sans aucun doute , à ce que les couches sont d’autant moins aérées qu’elles sont plus profondes ; 3° La lenteur du développement atteint son maximum dans l’eau privée d’air par l’ébullition ; 4° Dans l'acide carbonique , le développement est comparable à celui qui se fait dans l’eau bouillie ; 5° Dans l’hydrogène et l’azote , mêmes résultats ; 6° Dans l’eau oxygénée , le développement est plus rapide que dans l’eau ; 7° Dans la glycérine, le développement se fait égale¬ ment mieux que dans l’eau ordinaire , ce qui tient vraisemblablement à ce que les œufs restent en suspen¬ sion ou même à la surface de ce liquide ; 8° Une élévation de température active le développe¬ ment d’une manière très notable. C’est entre 20° et 25° que j’ai obtenu les meilleurs résultats. Une température de 45° tue les œufs ; 9° Quel que soit son stade , tout œuf en voie de développement cesse d’évoluer quand on le prive d’oxy¬ gène d’une ou d’une manière autre ; mais il reprend son développement régulier quand on lui rend de l’oxygène, et cela même après un temps d’arrêt qui , dans certaines expériences, a atteint trois mois. Il est facile de conclure de ce qui précède que les œufs d' Ascaris doivent se développer normalement au contact de l’air, mais qu’ils ne perdent nullement la — 207 — propriété d’évoluer par un séjour, même très prolongé , dans un milieu privé partiellement ou totalement d’oxy¬ gène. Dans ce cas , le développement se ralentit ou s’arrête , mais reprend aussitôt que l’asphyxie totale cesse. Il est intéressant de constater que , tandis que les membranes périvitellines sont très perméables aux gaz , elles le sont très peu aux liquides. J’ai mis les données précédentes à profit pour l’étude embryogénique de ce ces animaux, L’œuf en observation était placé dans une chambre humide munie de deux tubulures permettant d’y faire circuler un gaz ; enfin , la chambre humide était posée dans une platine chauffante assez semblable au modèle de M Ranvier. Dans ces conditions , il m’a été relativement facile de résoudre la question que je m’étais posée , puisque dans l’espace de huit à dix jours je pouvais assister à toutes les phases du développement embryogénique, et avec l’avantage d’arrê¬ ter à mon gré le développement la nuit et à mes heures de repas , en abaissant la température de la platine chauffante et en faisant circuler dans la chambre humide de l’acide carbonique au lieu d’air ou d’oxygène. Le premier sillon de segmentation est voisin du deuxième globule polaire. Le stade 2 comprend une cellule exodermique initiale portant le globule polaire et que je désigne par le chiffre 1, et une cellule méso¬ endodermique que je désigne par g. Chacune de ces cellules se segmente , mais suivant deux plans perpendi¬ culaires l’un sur l’autre : 1 engendre 2 et e engendre g'. Au moment où ce stade se forme, il se présente l’apparence d’un T ; deux cellules exoderiniques occupent la branche transverse et les deux cellules méso-endodermiques, la branche verticale (g' étant au bas de cette branche). Bientôt i et 2 (cette dernière est la cellule exodermique qui ne porte pas le globule polaire) se rapprochent et le stade 4 présente alors la forme ordinaire et bien connue. Le stade 6 est très constant : 1 engendre 3, et 2 engendre 4. Il est donc formé de quatre cellules exoder- miques et de deux cellules méso-endodermiques — 208 — Les cellules e et e' se segmentent ensuite successive¬ ment et engendrent : la première m et la seconde m' . C’est le stade 8 dans lequel les trois feuillets sont cons¬ titués. Les plans de segmentation qui ont engendré s , e', m et m' sont à peu près parallèles , de sorte que ces quatre cellules sont placées bout à bout, mais suivant une ligne un peu courbe en forme de S , et dans l’ordre suivant : m , e , s' m ' . Les cellules mésodermiques m et mf se déplacent de plus en plus , ou , si l’on préfère , la ligne en S s’accentue de plus en plus , si bien que finale¬ ment m passe d’un coté et m ' de l'autre. A ce moment il y a à un pôle quatre cellules exodermiques, et à l’autre deux cellules endodermiques situées suivant le futur grand axe du corps du nématode (e étant du côté cépha¬ lique et z du côté caudal) , et deux cellules mésodermi¬ ques : m à la droite et m' à la gauche du futur Néma¬ tode. Le stade 12 comprend quatre nouvelles cellules exodermiques ; la cellule 1 , portant le globule polaii e , reste toujours au centre de la la lame exodermique. Le stade 16 résulte de la segmentation de chacune des deux cellules endodermiques et des deux cellules mésodermiques. La face endodermique ou ventrale est alors constituée par une rangée médiane de quatre cellules endodermiques et par deux rangées latérales ayant chacune deux cellules mésodermiques. Au stade 24 , il y a huit nouvelles cellules exoder¬ miques ; toutes sont disposées sur trois rangs : un médian de quatre cellules et deux latéraux de chacun six cellules, dont la dernière droite et la dernière gauche sont en saillie et constituent les deux cellules caudales de Gœtte. La blatosphère possède une petite cavité de segmen¬ tation ; elle est à peu près cylindrique , la partie céphali¬ que étant toutefois un peu plus large. C’est au stade 24 que commence l’invagination par un glissement des deux cellules endodermiques centrales et des deux cellules mésodermiques droites et gauches. — 209 — RECHERCHES MALACOLOGIQUES A V embouchure de la Somme, à Saint-Valéry , au Crotoy, à Cayeux, au bourg d’Ault, à Mers et au Trèport, Par le baron A. DE LOÉ et D. RAEYMAEKERS. La baie de Somme s’ouvre comme une vaste échan¬ crure entre les falaises de Normandie et les dunes du Roulonnais et forme un immense estuaire que recouvrent à chaque marée plusieurs millions de mètres cubes d’eau. La partie océanique du fleuve est soumise , en effet , aux marées qui , deux fois par vingt-quatre heures , changent la direction du courant et font refluer l’eau vers l’amont. Les sables de la mer eussent rendu impossible , depuis longtemps déjà , la navigation de ce fleuve , si le canal d’Abbeville n’eût rétabli ses communi¬ cations avec les autres cités du département. Ce beau canal , protégé contre la mer par de fortes écluses , s’étend sur une longueur de près de trois lieues , et peut permettre à presque tous les bâtiments qui entrent dans le port de Saint-Valéry de s’avancer jusqu’à Abbeville. A peine a-t-on quitté la gare de Noyelles , que le chemin de fer, décrivant une forte courbe à gauche , s’engage sur un pont viaduc ou estacade en bois , long de 1,367 mètres , nouveau Moerdijk , jeté au travers de la baie de Somme. On jouit d’une vue superbe ; en face de soi , à droite , le Crotoy repose sur ses vieilles murailles ; sur le coteau qui borde la rive opposée , Saint-Valéry étale ses coquettes maisons; à l’horizon, s’étend la pleine mer. Le littoral sommois , formé par une série de plages , tantôt sableuses , tantôt graveleuses , s’étendant sur une grande surface , est limitée par des dunes et des falaises. — 240 — Les dunes présentent leurs caractères bien connus à un haut degré ; les falaises sont constituées par une muraille de craie s’étendant d’un kilomètre environ au nord du Bourg d’Ault jusqu’au Havre. Aux pieds de ces côtes escarpées ou de ces formations dunales , s’accumulent parfois, en grands tas , des quantités énormes de galets roulés par les eaux et enlevés à l’origine aux roches crétacées , jurassiques , carbonifères et dévoniennes du Boulonnais et de la Somme. La matière constituante de ces galets n’est autre que l’élément siliceux de la craie du turonien , le grès de l’aptien , du portlandien , etc. Tout le littoral est parsemé de ces débris de roches anciennes , dont quelques-uns atteignent des proportions considérables. Aussi l’esprit de l’observateur en est-il parfois frappé et demeure-t-il étonné devant ces quartiers de roches enlevés par les vagues déchaînées et usés par le frottement (1). De temps en temps , la mer rejette des coquilles fossiles , vestiges indéniables de l’évolution sédimentaire ancienne, empruntées aux formations calcaires turo- niennes ( Micraster breviporus) , aux assises kimme- ridgiennes inférieures [Pholadomya hortularia) , et aux couches dévoniennes ( Spirifer Verneuilli). A la base des falaises , on rencontre de grandes mares d’eau saumâtre retenues dans des bassins creusés dans un sol graveleux. C’est dans ces sortes de parcs naturels que vivent des myriades de Bythinia ulvœ. Au Crotoy, il en faisait « littéralement noir » sur un immense espace. Mentionnons encore l’établissement , en 1874 , à Saint- Valéry, de parcs à huîtres et de bouchots à moules. (1) Chaque année, Saint-Valéry expédie aux fabriques de porcelaine du continent des centaines de bateaux chargés de ces cailloux. Par leur accumulation, ils constituent presque à eux seuls cette pointe de l’embou¬ chure de la Somme, sur laquelle Le Hourdel, hameau de Cayeux,, est bâti. Ils servent aussi aux constructions locales de peu d’importance, tels que maisons d’ouvriers, clôtures de jardin, macadamisage de routes, etc. Nous doutons fort que cette industrie soit à l’heure présente bien prospère. La culture de ces mollusques se fait d’après le système généralement répandu , au moyen de pieux et de fascines alignés sur de longues files et sur lesquels ces animaux s’attachent et se reproduisent. A marée basse , on peut voir des quantités de tubes de Terebelles [Terebella conchylega) , des légions de crabes se dirigeant gauchement vers les bâches ou flaques d’eau laissées par la mer, occupées déjà par des Aster acan- thion rubens , L. , et d’autres animaux. Çà et là , attachés à des épaves , gisent quelques longs Lepas anatifera , L. , en compagnie de colonies de Serpules et de Balanes (Balanus tintinnabulum , L. et B. perforatus , Brug.). Le tamisage du sable nous fit observer parfois des fragments d'oursins. Enfin , tout meurtri par le choc contre les fialets , agonise le Rhizostoma Cuvieri , Per. De petites barques sortent à chaque marée et se livrent à la pêche des Sauterelles , espèce de crevettes particu¬ lière au pays. La principale occupation des femmes est sans contredit la recherche sur le sable de V Arénicole des pêcheurs (Arenicola piscatorum , Lk.). On sait que les Arénicoliens habitent la zone moyenne que la marée laisse chaque jour à sec. Cette amorce de pêche , très estimée des pêcheurs de Dieppe et de Boulogne , est même l’objet d’un commerce , de très peu d’importance , du reste. S’il faut en croire Boucher de Perthes , l’auteur de la découverte de l’homme préhistorique dans les sédiments quaternaires d’Abbeville, il ne serait pas rare de rencon¬ trer des phoques dans la baie , surtout vers les bancs et les passes : « Les jeunes phoques de la baie de Somme, dit-il , sont si peu sauvages que j’en ai vu . attirés par la curiosité, se rapprocher assez près du canot où j’étais pour qu’on pût les toucher avec la rame et s’entêter à nous suivre malgré les efforts des parents qu’on voyait s’agiter à quelque distance. » La nature grossière ou sableuse de la plage . la pente du rivage et l’absence d’abris font que l’existence des — 212 — mollusques est peu assurée. Aussi rencontre-t-on des quantités de valves dépareillées , roulées , d’espèces côtières. Les lithophages , comme les pholades , par exemple , s’y rencontrent en grande quantité , mais présentent presque toujours des valves séparées Aussi la faune marine du département de la Somme a dû pâtir de cet état physique du littoral. Dans le voisinage de l’embouchure de la Somme , elle nous a donné une faible quantité de représentants , pour la plupart défraîchis. Toutes les espèces recueillies , à l’exception du Trophon muricatum , appartiennent à la faune marine belge. Quant à la faune saumâtre de la baie de Somme , nous n’avons pas eu l’occasion de l’étudier sérieusement. Néan¬ moins, nous avons cru donner la liste des coquilles observées pendant quelques excursions faites au mois de juillet 1884. I. — CÉPHALOPODES. Octopus vulgaris , L. Quelquefois après les fortes tempêtes , on en trouve couchés sur la grève. Les pêcheurs les prennent assez fréquemment dans leurs filets. Des fortes marées ont même poussé des individus assez loin dans la Baie. Le sol du littoral est assez favo¬ rable au genre de vie de ce céphalopode. On les capture quelquefois au moyen d’une corde à laquelle on attache, en guise d’appât, un ver, ou un paquets d’intestins de poisson. On cherche à enlacer alors les tentacules du mollusque et à lui paralyser les mouvements , pour le saisir ensuite, au moyen d’un petit filet. Nous ne savons si on le mange dans ces parages. Loligo vulgaris, , Lk. Des pêcheurs affirment en avoir rencontré , la nuit , dans la haute mer, des troupes entières à la chasse des petits poissons dont ils font leur nourriture. Assez souvent on rencontre sur la plage des osselets plus ou moins complets de ces animaux. Sepiola Rondeleti , Leach. Ce petit céphalopode se rencontre assez fréquemment dans les filets des pêcheurs — 243 — de crevettes. Leur taille qui n’est pas considérable atteint environ 8 centimètres. Sepiola atlantica , Leach Plus répandu que l’espèce précédente. Sépia offlcinalis , L. Ramené parfois vivant dans les chaluts. Loc. : Trêport. II. — Gastéropodes. Cgpræa (Trivia) europœa , Montg. Abondant sur la plage mais jamais vivant. Quelques exemplaires se rencontrent pourris et présentant cette couleur gris verdâtre caractéristique. N asm (Trilonella) incrassata , Müll. Assez répandu. Nassa (Rinia) reticulata , L. Désigné sous le nom de Burgau-perceur par les Normands , il est bien connu des parqueurs d’huîtres et de moules de la Somme par les dégâts qu’il occasionne. Il perfore, en effet, la coquille de fostracé et de la mytilacé et tue l’animal. Buccinum (Tritonium) undatum , L. Très abondant sur la plage. Il est quelquefois recueilli eu quantité suffisante pour pouvoir être livré à la consommation des populations riveraines. Certains échantillons présentent une forme plus ou moins dégagée , une bouche moins allongée et pourraient à la rigueur être admis comme variétés. Purpura lapillus , L. Fréquent. Quelques spécimens présentent des colorations diverses du test. Fusus (Trophon) muricatus , Montg. Rare , comme on sait. Il se rencontre à l’état fossile dans les sables à Neptuneaantiqua, L. et Isocardia cor , L., de Belgique. 11 n’a pas encore été observé sur les côtes belges. Fusus (raeptunea) antiquus, L. Assez répandu à l’état vivant après les hautes marées. On rencontre abondam¬ ment sur la grève des exemplaires de coquilles privées de leur habitant. Un fait à remarquer c’est que la variété droite ne se rencontre pas sur les côtes d’Espagne et du Portugal. L’atlas accompagnant l’ouvrage de M. Hidalgo — 2U — sur La faune m.arine d'Espagne , du Portugal et des îles Baléares ne donne en effet le dessin (pl. 52) que de la variété sénestre et encore serait-elle rare ? Dernière¬ ment un de nos collègues , M. Auguste Nohre , eut la gracieuseté de nous envoyer deux exemplaires de cette variété remarquable. 11 la signale comme très rare en Portugal et l’aurait rencontrée à Foz et à Esposende. Disons aussi que le Neptunea antigua , L. var. sinistrorsa du scaldisien supérieur de Belgique , a la coquille moins épaisse et la bouche moins large que son congénère vivant des côtes espagnoles et portugaises. Ce dernier se rapproche davantage du type anglais du crag de Suffolk. Fusus islandicus, Chemn. Deux spécimens assez irais. Pleur otoma (Raphitoma) rufa , Mont. Assez commun sur la plage. Pleurotoma (Raphitoma) nehula, Mont. Idem. Chenopus (Aporrhais) pes pelicani, L. Idem. Murex (Ocenebra) erinaceus , L. Idem. Natica (Naticina) catena. (N. monilifera) , Da Costa. Des plus répandus , quelques exemplaires sont même vivants. Natica (Naticina) Alderi, Forbes. (N. nitida, Jeffrey s). Idem. Littorina littoralis , L. En abondance sur la grève. Littorina littorea, L. Idem. Littorina rudis , Maton. Moins répandu. Littorina neritoides , L. Rare. Lacuna devaricata , Lk. Lacuna puteolus. Rissoa laclea , Mich. Hgdrotia ulvæ , Pennant. Au Grotoy sur les endi- guements de la baie (en grandes masses). A l’examen d’échantillons recueillis par poignées, nous avons observé l’espèce suivante : Hydrobia ventrosa, Mont. Abondamment représentée. Turritella communis, Risso. Bcalaria Turtonis , Turt. — 215 — Scalaria clathratula , Montg. Scalaria communie. Utriculus truncatus , Montg. Utriculus obtusus , Montg. Philine aperta , L. Boris bilamellata , L. Abondant. Alexia myosotis , drap. Trochus z y zyphinus , L. Rare sur la plage; les pê¬ cheurs le recueillent fréquemment dans leurs filets à haute mer. Trochus millegranus , Phil. Troclms magus , L. Trochus (Gibbula), cineraria, L. FissureUa reticulata. Da Costa. Assez abondant. Patella (Nacella) pellucida, L. Rare. Patella vulgata , L. Très commun. Patella atlüetica , L. Rare. Chiton cinereus (Chiton asellus). On le rencontre encore assez fréquemment dans les bancs de moules. III. — Scaphopodes. Dentalium tarentinum , L. Rarement entier. Dentalium entalis . L. Rarement entier. Le sable re¬ cèle une quantité de fragments de tubes de ces deux espèces. IV. PÉLÉCYPODES. « Anomia epliippium, L. Valves isolées : les valves plates sont assez abondantes. Ostrea edulis , L. Cultivée le long de la baie de Somme dans des parcs. Nous avons recueilli sur le sable de la baie, la valve courbe d’un exemplaire d ' Ostrea angulala, Lk originaire du Portugal. Il vit en grande abondance sur les côtes de la Charente-Inférieure depuis qu’un navire du Portugal chargé de cette espèce de mollusque a fait — 216 — naufrage dans les eaux de la Charente. Nous tenons ce renseignement de M. l’avocat Gustave Regelsperger, naturaliste, à Paris. Pecten tigerinus, Müll. Peu représenté. Pecten varius , L. Commun. Pecten maximus, L. Plusieurs valves isolées sur la plage. Cette espèce est mangée par les populations rive¬ raines sous le nom de coquilles Saint-Jacques. Il se ren¬ contre dans la Manche d’une manière assez abondante, à une profondeur de 30 à 90 mètres environ. Les halles de Paris reçoivent journellement des arrivages de ce Pecten, venant de Berck-sur-Mer. Pecten opercularis, L. Assez abondant. Mytüus edulis , L. Cultivé. Mytilus g ail oprovincial is, Lk. Modiola modiolus, L. Modiola barbata, L. Pectunculus glycimeris , L. Area lactea, L. Peu rare. Cardium ( Levicardium) norvegicum , Speugler. Nom¬ breuses valves. Parfois quelques exemplaires vivants. Cardium echinalum, L. Parfois quelques exemplaires vivants. Cardium edule, L. Sous le nom de Clovis, il est mangé par la population riveraine de même que l’espèce précé¬ dente. Nous avons recueilli, dans la baie, un exemplaire de C. edule , L., très allongé et présentant sur le bord posté¬ rieur une série de petits tubercules comme ceux qui ornent un grand nombre de valves du Cardium edule , L. (C. edulinum . Nyst.), du scaldisien supérieur et infé¬ rieur d’Anvers. Lucina borealis, L. commun. Lucina leucoma, Turt. Montacutaferruginosa, Montg. Nous en avons trouvé des valves isolées et fixées sur les tubes de Terebelles. Cyprina islandica, L. Rare , un seul exemplaire pro¬ venant de Cayeux. — 217 — Artémis exoleta, L. Assez abondant. Venus verrucosa , L. Idem. Venus casina , L. Rare. Cytherea chione , L. Idem. Tapes pullaster, Montg. Fréquent. Tapes decussatus , L. Idem. Teliina solidula , Pult. Des plus abondants et en com¬ pagnie des Tellines dont les espèces suivent : Teliina tenuis , Da Costa. Teliina fabula, Gronord. Psammobia ferroensis . Chemm. Une valve trouvée au Bourg d’Ault. Donax vittatus , Da Costa. Très nombreux individus frais. Donax Iruncatus, L. Moins bien représenté. Dona,x politus , Poli . rare, recueilli au Tréport. Mactra stultorum, L. Recueilli vivant à Mers. Mactra helvacea , L. Idem. Mactra solida, L. Recueilli vivant au Bourg d’Ault. Mactra subtruncata, Da Costa. Lutraria elliptica, Lk. Assez fréquemment, mais toujours à l'état roulé et isolé. Lutraria oblonga, Chemn. Rare. Scrobicularia piperita , Gmelin. Très commun. Syndosmya alba, Wood. Idem. Semele prismatica , L. Assez rare. Solen ensis , L. Abondant. Solen ensis, L. var. minor. Assez rare. Nous possé¬ dons un splendide échantillon provenant de Cayeux. Solen vagina, Pennant. Commun à l’état roulé. Mya arenaria, L. Très nombreuses valves. Myatruncata, L. Idem. Saxicava arctica, L. Rare, une pierre présente des trous creusés par ces animaux. Pholas dactylus , L. Rarement vivant. On peut en recueillir parfois dans cet état au pied des falaises. Pholas candida , L. Très abondant à l’état roulé et disjoint. — 248 — Pholas crispata , L. Idem. Teredo navalis , L. Nous avons recueilli plusieurs morceaux de bois rongés par ce taret, mais ne présentant plus ranimai. Gastrochoena modiolina, Lk. Quelques pierres pré¬ sentant les traces de ces animaux. Sur les endiguements de la baie, nous avons trouvé quelques coquilles vides de Paludina contecta , Müller, des Limnœa hmosa, L., Limnœa auricularia, Drap., Bythynia tentaculata, L., une Anodonte ayant des points de ressemblance avec VA. complanata, Ziegler, ou bien VA, ancdica non adulte. Aux bords des petits bois avoisinant Saint- Valéry, sur les tas de pierres le long des routes, et au pied des haies, on trouve communément des Hélix aspersa, Müll., d’as¬ sez petite taille, des Hélix nemoralis, L., Hélix Hor- tensis, Müll., Hyalina cellaria, Müll., Hyalina niti- dula, Müll., et Bulimus obscur us, Müll. TECHNIQUE MICROSCOPIQUE Mouleau procédé de recherché «les Trichines dans les viandes. Par M. Charles RE N SON. Des lames , de deux ou trois millimètres d’épaisseur, sont enlevées en plusieurs endroits différents de la pièce de viande à examiner. Ces lames sont prises de préférence à la surface de la chair musculaire. Sur chacune d’elle , on pratique une série de coupes minces , et celles-ci sont déposées ensemble dans la solution suivante : Vert de méthyle Eau distillée . . . 1 gramme. 30 grammes. Au bout de dix minutes environ de macération , les coupes sont retirées et mises à décolorer dans une grande éprouvette remplie d’eau distillée. On les laisse se décolorer ainsi pendant une demi- heure , en agitant et en changeant d’eau deux ou trois fois. Finalement , l’eau étant devenue bien limpide , on l’agite avec une baguette de verre et, interposant l’éprou¬ vette entre l’œil et la lumière , on distingue fort bien , déjà à l’œil nu, les coupes contenant des Trichines. Celles-ci se présentent sous la forme de petits points allongés, de couleur bleu foncé. Levert de méthyle se fixe , en effet , sur les kystes des Trichines avec beau¬ coup plus de ténacité que sur le reste du tissu. Il suffit alors d’examiner les coupes à un grossissement de cinquante diamètres , pour distinguer ie ver qui se trouve enfermé dans le kyste. Si , en suivant cette méthode , on n’a pas trouvé de Trichines, on peut assurer formellement que la viande n'en contient pas. (Extrait du Bulletin de la Société Belge de Microscopie.) SUR LA DISTINCTION SPÉCIFIQUE des Sepiola Atlantic a et Ronde leti, Par Paul PELSENEER, Docteur ès-sciences. Sepiola atlantica et S. Rondeleti ont été considérés par Gwyn Jefiryes (I) comme les deux sexes d’une seule espèce, et plusieurs zoologistes ont adopté cette identifi¬ cation. (1) British Conchyliology, t. V, p. 237. — 220 — Ayant étudié l’été dernier un assez grand nombre de S. Atlantica, j’ai aussi pensé d’abord que je n’avais affaire qu’à une forme sexuelle, car les premiers individus que j’avais examinés étaient tous femelles. Mais la cause de ce fait réside dans la polygamie qui est générale aux cé¬ phalopodes. On sait, en effet, que chez les poulpes la pro¬ portion des individus mâles est de 25 p. c. ; chez les cal¬ mars, elle n’est même que de 15 p. c. ; enfin, parmi tous les nautiles recueillis depuis cinquante ans on n’a observé que quatre mâles. Il en est de même chez les sépioles , où la proportion des individus mâles est à peu près la même que chez les calmars, ainsi que j'ai pu le voir ultérieurement. Parmi les sépioles que j’ai examinées et qui possé¬ daient, toutes, les caractères de S. atlantica (ventouses terminales de la première paire de bras, disposées sur plus de deux rangs), j’ai trouvé, parmi un grand nombre d’individus femelles , plusieurs spécimens mâles, facile¬ ment reconnaissables extérieurement par l’hectocotyli- sationde leur premier bras gauche, et intérieurement par la forme des organes et des produits génitaux. La présence des deux sexes chez S. atlantica prouve suffisamment que cette forme est spécifiquement dis¬ tincte de S. Rondeleti (1). (1) Ces observations ont été faites en partie au laboratoire de zoologie maritime à Wimereux. — 221 VARIÉTÉS ÉLOGE DE CLAUDE BERNARD Prononcé à l’Académie de médecine , le 19 mai 1885 , Par M. J. BÉGLARD, secrétaire perpétuel. [Suite et fin) (1). C’est à l’aide de ce poison subtil dont les indigènes de l’Amérique méridionale empoisonnent leurs flèches, le curare, que Claude Bernard a résolu le problème. Placé sous l’influence de ce poison bizarre, l’animal reste étendu sans mouvement ; il semble mort, mais il ne l’est pas ; il ne succombera que plus tard. On excite le tégu¬ ment sensible ; aucun mouvement ne se produit; cepen¬ dant l’animal a senti, et non seulement il a senti, mais il a voulu le mouvement, afin de se soustraire à la cause vulnérante. Si l’animal ne l’a pas exécuté, c’est que les conducteurs nerveux des incitations motrices sont frap¬ pés par le poison dans leurs terminaisons musculaires. Tout cela, Claude Bernard le prouve. On peut voir, en effet, la sensibilité partout conservée , et la volonté , ailleurs impuissante, réagir et se manifester par le mou¬ vement dans les seules parties convenablement protégées par des ligatures vasculaires contre l'irrigation toxique. Ajoutons enfin que les muscles qui n’obéissent plus à l’animal ont cependant conservé leurs propriétés con¬ tractiles; ils répondent à tous les excitants directs. La contractilité appartient à la fibre musculaire. A côté et au-dessus de cette solution partielle, il est lo (1) Voir Bulletin scientifique du Nord , N” 5 1884-85. — 222 — aisé d’entrevoir toute une méthode nouvelle de re¬ cherches que Claude Bernard n’aura garde de laisser échapper. Dans ce muscle qui se contracte sous les in¬ fluences les plus diverses, dans ce nerf qui peut le solli¬ citer à l’action, de même qu’il peut aussi transmettre en sens inverse les les impressions de la sensibilité, autant de modes distincts de la vie à la fois unis et séparés, insaisissables pour le grossier scalpel, et que Claude Ber¬ nard isole à l’aide d’un réactif physiologique à la fois dé¬ licat et sûr, qui, sans rien dilacérer et sans rien détruire, pénètre là où la main ni l’œil ne peuvent aller et atteint sûrement les éléments mêmes de l’organisme. Nous venons de voir ce qu’on obtient avec le curare. Mais de quelle manière , sur quels éléments, agiront d’autres substances, poisons ou médicaments ? Et ce n’est pas tout ; on peut dire de cet agent comme de beaucoup d’autres, qu'il ne suffit pas de l’introduire dans l’orga¬ nisme pour voir éclater ses effets. Dans son bel ouvrage sur l’action des agents toxiques et médicamenteux , Claude Bernard prouve que ces agents n’exercent leur action qu’à la double condition d’arriver sur les éléments mêmes sur lesquels ils agissent d’une manière élective, en un temps donné et en quantité suffisante, posant ainsi l’un des préceptes les plus importants de la thérapeutique générale. A peu près à cette époque, Claude Bernard retrouvait et fixait l’ensemble des conditions nécessaires à la réali sation d’un fait d’expérience qui avait eu un grand reten¬ tissement quelques années auparavant dans le labora¬ toire de M. Magendie ; il s’agissait d’une forme particu¬ lière de la sensibilité, mise en éveil par la stimulation des racines motrices des nerfs rachidiens, et assez im¬ proprement désignée sous le nom de sensibilité récur¬ rente ; phénomène fugace, incertain, difficile à faire naître, provoqué en quelque sorte à rebours par la voie des incitations motrices, sur lequel on discute encore, et qui n’est sans doute qu’une contraction musculaire régulièrement déterminée par l'excitation des conduc- — 223 — teurs nerveux, centrifuges, contraction non voulue, inat¬ tendue, excessive, une sorte de crampe expérimentale douloureusement ressentie par l’animal. Que de sujets encore sur lesquels Bernard a marqué l’empreinte de son génie inventif : soit qu’il observe l’action des milieux échauffés et refroidis sur les ani¬ maux vivants, les limites et la durée de leur résistance, la manière dont ils succombent , soit qu’il étudie la cou¬ leur, la quantité, la température et la composition du sang qui traverse les glandes à l’état de repos ou à l’état d’activité, l’action des nerfs sur les actes secrétoires, le mode d’action des poisons musculaires, des poisons ner¬ veux, des poisons du sang ; mais il faut nous borner. Une grande partie de ces travaux, Claude Bernard a dû les accomplir dans le laboratoire du préparateur, non sans difficultés, trop souvent aux prises avec le découra¬ gement, sans instruments et presque sans aides. En 1854, enfin, quelques mois après son entrée à l’Acadé¬ mie des Sciences, une chaire de physiologie était créée pour lui à la Sorbonne, et presque en même temps il succédait à M. Magendie au Collège de France. Quelques mois plus tard, il venait prendre place au milieu de nous. Peu après, il échangeait son enseignement de la Fa¬ culté des Sciences pour la chaire de physiologie générale du Muséum, et l’Académie française, qui aime à se parer de tout ce qui est grand, l’appelait dans son sein. Fidèle au programme qu’il a plusieurs fois tracé lui- même dans ses leçons, toujours il a considéré la science, non dans ce qu’elle a d’acquis, mais dans les lacunes qu’elle présente. Dégagé de toute idée préconçue, jamais il n’était surpris par l’imprévu. « En physiologie, disait- il, il y a, de nos jours, autant de probabilités pour trou¬ ver des faits qui renversent la théorie, qu'il y en a pour en trouver qui la fortifient ». Aussi, le cours de Claude Bernard n’avait rien de l’enseignement dogmatique ; c’était une école de progrès , dans laquelle il racontait, avec une entière sincérité, aussi bien les déceptions que les heureuses surprises de l'expérimentateur. — 224 — Mais ce qui était plus instructif peut-être, c’étaient les causeries du laboratoire , ou mieux encre la familiarité des entretiens ; c'est là surtout qu’on pouvait le con¬ naître et le juger. Qu’il nous soit permis de nous repor¬ ter en arrière et de faire revivre un instant de bien chers souvenirs. « La maladie et la mort ne sont qu’une dislocation ou une perturbation de ce mécanisme qui règle l’arrivée des éléments vitaux au contact des éléments organiques. En un mot , les phénomènes vitaux ne sont que les résultats du contact des éléments organiques du corps avec le milieu intérieur physiologique : voilà le pivot de la médecine expérimentale. » Il est une autre idée sur laquelle il a beaucoup insisté et qui se rattache à une conception nouvelle de la physiolo¬ gie générale. Déjà, dans l’étude de la glycogénie, il avait combattu cette idée d’une séparation tranchée entre les végétaux et les animaux , conception juste à certains égards, mais incomplète. Oui, les végétaux emmagasinent les matériaux combustibles sous forme de produits que les animaux consomment, et qu'ils brûlent à l’aide de l’oxygène de l’air; oui, dans la plante immobile et fixée au sol , les actes de réduction dominent , tandis que l’oxydation est liée dans l’animal à la production de la chaleur et du mouvement dans tous ses modes ; oui , le végétal transforme les forces vives en forces de tension , et l’animal les forces de tension en forces vives ; en sorte que le végétal est un réservoir de force que l’animal dépense. C’est là ce qui se voit , mais il y a aussi ce qui ne se voit pas. Dans les actes de la nutrition proprement dite , dans les transformations qui président à la constitution même des éléments et des tissus, dans cette vie profonde et cachée, les métamorphoses ascendantes et descendantes se - rencontrent tour à tour, tantôt accompagnées de chaleur produite ou dissimulée , tantôt de mouvements moléculaires qui se laissent difficilement saisir ; l’homme et la piaule ont une vie commune. Buffon l'avait dit déjà 22o — dans son beau langage: l’animal n’est qu'un végétal doué de sensibilité et de mouvement. Cette question de l’unité fondamentale de la vie le préoccupait sans cesse , et la solution de ce problème , si souvent agité et toujours irrésolu, se dégageait peu à peu dans son esprit. Il rêvait une sorte de philosophie géné¬ rale des êtres organisés , basée sur les propriétés de leurs unités élémentaires , ou , pour parler le langage de l’école, de leurs éléments histologiques. Il allait loin dans ses aspirations : « Je pense , disait-il , que nous pourrons produire scientifiquement de nouvelles espèces organisées , de même que nous créons de nouvelles espèces minérales, c’est-à-dire que nous ferons apparaître des formes qui existent virtuellement dans les lois orga¬ niques , mais que la nature n’a pas encore réalisées. » « J’ai dans l’esprit des choses que je veux absolument finir, » écrivait-il dans l’année qui a précédé sa mort ; et c’est au moment où , longtemps agitées dans sa pensée , ces idées nouvelles allaient se coordonner dans une œuvre d’ensemble , qu’il a disparu. Alors même que Claude Bernard se complaît dans les autres régions de la physiologie , le médecin ne perd pas de vue les applical ions utiles. Tandis qu'il exposait, dans ses leçons du Muséum , les propriétés des tissus vivants , il publiait sa Pathologie expérimentale. Peu d’années auparavant avait paru l’une de ses œuvres les plus complètes et les plus réfléchies , Y Introduction à ! étude de la médecine expérimentale. Constamment forcée d'agir, la médecine a tenté d’innom¬ brables essais dans le domaine de l’empirisme ; elle en a tiré de précieux enseignements et tout un ensemble coordonné de vérités lentement et péniblement acquises. Mais si l’empirisme , c’est à-dire l’expérience fortuite , a été, à l’origine, la première période de toutes les sciences, elle ne saurait être un état permanent dans aucune d'elles. Par la marche naturelle de son évoluion, la médecine est entrée dans la voie des tentatives voulues et réfléchies , et l’expérimentation, c’est-à-dire l’observation provoquée, — 226 — est devenue pour elle , comme pour les autres sciences , une source inépuisable de connaissances. Nous n’en voulons d’autre preuve que la réforme qui s’accomplit en ce moment sur tous les points de l’Europe savante dans nos méthodes et dans notre enseignement. 11 faut le dire et le proclamer bien haut, c’est le livre dont nous parlons, publié il y a aujourd’hui vingt ans , qui a imprimé ce mouvement. Partant de ce principe , qu’on ne connaît bien les conditions d’un phénomène biologique qu’en devenant capable de le produire , Claude Bernard a transporté en pathologie le problème des maladies artifi¬ ciellement provoquées. On a longtemps considéré l’être vivant comme quelque chose d’essentiellement variable ; on a cru, on l’a même écrit , qu’il était affranchi de toute loi , qu’il n’obéissait à aucune règle. « La loi de la vie , disait un membre de cette Académie , dont la voix a souvent retenti dans cette enceinte , c’est précisément qu’elle n’a pas de loi (1). » Mais , si on pouvait dire que demain le phéno¬ mène d’aujourd’hui ne sera plus le même , s’il était possible de croire qu’une propriété constatée dans un être vivant ne se montrera plus demain, la physiologie serait- elle une science digne de ce nom ? C’est ainsi que Claude Bernard s’est trouvé conduit à formuler les règles de ce qu’il appelle le déterminisme des actes physiologiques , et comment il a fait de cette méthode de recherches le lien de toutes ses conceptions scientifiques. a On entend des médecins , dit Claude Bernard , qui raisonnent comme si les exceptions étaient nécessaires ; ils semblent croire qu’il existe une puissance qui peut arbitrairement empêcher que les choses se passent toujours de la même manière, de sorte que les exceptions seraient les conséquences de cette puissance mystérieuse. L’exception est un terme antiscientifique ; ce qu’on appelle ainsi n’est qu’un phénomène dont une ou plusieurs condi- (I) M. Gerdy, tions sont inconnues. Si ces conditions étaient connues et déterminées , il n’y aurait point d’exception , pas plus en médecine que dans toute autre science. » Cet axiome que les mêmes causes , dans les mêmes circonstances, produisent toujours les mêmes effets, il s’applique à démontrer qu'il est d’une égale évidence dans l’ordre des sciences physiques et dans l’ordre des sciences biologiques. Tout phénomène vital , de même que tout phénomène physique , est invariablement déter¬ miné par les conditions qui lui permettent ou l’empêchent d’apparaître. Le véritable objet de la science consiste donc à acquérir la connaissance de ces conditions , à la fois déterminantes et invariables , à l’aide desquelles un phénomène se réalise nécessairement , et sans lesquelles il ne se produirait pas , et ces conditions étant celles de la certitude scientifique , la philosophie de la méthode expérimentale peut se résumer d’un mot : le détermi¬ nisme. Un jour, Claude Bernard discutait avec M. Magendie sur le suc pancréatique. « La matière organique de ce liquide est de l’albumine, car il se coagule par la chaleur, disait Magendie. » « Ce liquide se coagule par la chaleur, disait Bernard , mais la matière organique qu’il contient n’est pas de l’albumine ; elle a d’autres caractères et mérite un nom particulier. » M. Magendie ne tarda pas à se rendre. « Je conviens que j’ai tort, dit-il; si j’avais dit simplement : le suc pancréatique est un liquide coagu¬ lable par la chaleur, je serais inattaquable. » Claude Bernard aimait à rappeler ce souvenir. Le déterminisme a fait beaucoup de bruit , il en fait encore. L’expression pourtant n’est pas nouvelle ; non qu’elle appartienne à Leibnitz , comme on l’a dit , mais on la rencontre souvent dans les successeurs de Kant , avec une signification toutefois qui n’est pas la même , ainsi que l’a si justement fait observer M. Delcambre. Claude Bernard , avec la netteté de l’esprit français , écarte les causes éloignées plus ou moins saisissables , et tout cet enchaînement de causes intermédiaires, au milieu - 228 — desquelles il est si facile de se perdre , pour s’attacher à la cause déterminante seule, à la cause vraiment prochaine, de telle sorte que le phénomène qui est cause et le phénomène causé se trouvent dans une dépendance immédiate et nécessaire l’un de l’autre. Cette doctrine, sur laquelle il s’est complaisamment étendu dans ses livres et dans son enseignement, Claude Bernard s’est toujours efforcé de lui conserver le caractère d’une méthode circonscrite dans la sphère des réalités tangibles. A diverses reprises, il s’est défendu d’avoir voulu donner plus d’étendue à sa pensée, et d’avoir cherché, en transportant sa méthode dans le domaine de la conscience, à lui imprimer les allures d’une doctrine philosophique complète. Claude Bernard sentait bien que, poussé dans ses conséquences logiques, le déterminisme des philosophes se heurte inévitablement au problème de la liberté pour verser dans le fatalisme. Il en est, il est vrai, qui voudraient faire delà psycho¬ logie un simple chapitre de la physiologie ; mais leur démonstration n’est pas faite. En substituant la méthode expérimentale à la méditation solitaire et personnelle, a-t-on changé le fond des choses ? Evidemment non. L’un des représentants les plus éminents de l’école philoso¬ phique anglaise de nos jours, M. Herbert Spencer, qui a tenté, chacun le sait, de faire rentrer la physiologie dans la psychologie , reconnaît lui-même qu’il y a deux psycho- logies : l’objective, c’est-à-dire la physiologie nerveuse, et la subjective, ou la psychologie des philosophes ; et il ajoute, je me sers de ses propres expressions : «Cette dernière est radicalement distincte du sujet de la biologie.» Nul, en effet, n’a encore découvert le lien qui rattache la sensibilité à la volonté, et le jour où l’on pénétrerait le mystère de cette transformation serait, sans contredit, l’un des plus grands dans l’histoire de l’esprit humain. Au point de départ de toutes les sciences, on rencontre certaines propositions qui, pour n’avoir jamais été démon¬ trées, n’en sont pas moins le fondement nécessaire. Les vérités de l’ordre mathématique supposent un petit - 229 - nombre d’affirmations premières ou d’axiomes irréduc¬ tibles , et , dans le monde physique lui-même , l’ad¬ mirable ensemble des lois naturelles repose tout entier sur les vibrations invisibles d’une insaisissable matière. De même, dans la fière et aventureuse poursuite de l’esprit humain à la recherche des vérités premières, ce qu’on appelle, dans le langage de l’école, les postulat’ d’Aristote, sont et resteront le fond même de la métaphy¬ sique. Il est de faciles esprits qui font le tour des choses, et qui croient ainsi les connaître, mais, il faut bien en convenir, un mouvement n’est rien de plus que quelque chose qui se meut, et ce quelque chose nous ne pouvons l'atteindre. Si Claude Bernard se meut en confiance dans ce domaine du relatif, dont la raison humaine a tracé elle- même les limites, il ne s’aventure guère hors de ses frontières. Non qu'il soit indifférent pour tout ce que n'atteint pas l’expérimentation, mais parce qu'il l'a dit lui-même : « les questions de cet ordre n’ont pas de place en physiologie. » C’est parce qu’il 11e s'engage pas volontiers sur le ter¬ rain de la spéculation pure qu’on l’a quelquefois classé parmi les disciples, chaque fois moins nombreux, de cette philosophie indifférente, qui ignore volontairement tout ce qui n’est susceptible ni de constatation ni de mesure. Mais, à moins de nier résolument tout ce qu’on ne peut ni voir, ni toucher, ce qu’ont toujours évité de faire les adeptes les plus qualifiés du positivisme, il faut bien admettre un domaine réservé, inaccessible aux mé¬ thodes expérimentales des sciences objectives. Le savant est semblable au navigateur : à mesure qu’il avance à la recherche de l’inconnu, l’impénétrable horizon se reforme sans cesse devant lui. Sans doute, on peut déclarer inac¬ cessible toute autre réalité que la réalité sensible, mais c'est en vain qu’on prétend imposer pour limites à l'en¬ semble des choses les servitudes de notre sensibilité. Si personne n’a vu le pur esprit, personne non plus n’a vu la pure matière. « 11 importe, a dit Claude Bernard, de — 230 — séparer la physiologie des grands problèmes qui tour¬ mentent l’esprit humain ; leur étude relève de méthodes absolument différentes ; » et sur un fragment manuscrit écrit de sa main, nous lisons encore : « La science ne saurait rien supprimer ; le sentiment n’abdiquera jamais il sera toujours le premier moteur des acteurs humains. » A notre tour, nous dirons : L’intervention du surna¬ turel dans l’ordre si admirablement réglé des réalités tangibles n’est qu’une conception primitive et provisoire qui disparaît peu à peu à mesure que l’humanité s’instruit et s’éclaire. Quant à l’idéal, qu’il ne faut pas confondre avec le surnaturel, il n’a de place nulle part dans la naure, et cependant il gouverne le monde: il est l’infini- ment grand et l’infiniment petit aussi insondables l’un que l’autre ; il est l’infini de la durée, que nous ne pou¬ vons concevoir qu’en l’ajustant à la mesure de notre vie et à la longueur de nos jours ; il est le sentiment de la mesure, de la proportion et de l’harmonie, c’est lui qui inspire les chefs-d’œuvre de l’art ; il est l’amour, cet immortel magicien, qui égare aussi bien la raison du phi¬ losophe que l’imagination du poète ; il est ce que la nature humaine comprend, sent, admire et aime par¬ dessus tout, il est le dévouement et le sacrifice ; c’est par l’idéal que notre espèce s’élève au-dessus des êtres qui l’entourent, hiérarchie farouche et sans pitié, où la lutte pour la vie ne désarme jamais ; aristocratie sauvage qui ne reconnaît d’autre loi que la force. La meilleure part de son existence, Claude Bernard l’a passée dans son laboratoire, dans l’intimité de ses élèves et de ses amis. Sa vie intérieure est restée cachée à tous les yeux ; mais on a pu deviner qu’elle avait été tra¬ versée par des épreuves morales, et qu’à ses souffrances physiques sont venus s’ajouter plus d’une fois des préoc¬ cupations douloureuses. Claude Bernard portait sur son visage ce reflet parti¬ culier que donne le travail constant de la pensée. La ma¬ ladie grave qu’il avait traversée avait encore accentué la sévérité de ses traits. Dans les habitudes ordinaires de - 231 la vie. il se montrait le plus facile et le plus bienveillant des hommes. Les jouissances vulgaires ne l’ont jamais tenté: il n’a pas connu cette maladie du siècle qui fait tant de victimes. Celui qui remplissait le monde de son nom menait l’existence la plus modeste et presque la plus étroite ; son ambition était plus haute : il avait la passion de la gloire. Vers la fin de l’été de l’année 1877, il avait commencé à Saint-Julien une première série de recherches sur les fermentations; à son retour, il les avait continuées quelque temps au collège de France; il se proposait de les pour¬ suivre encore : sa santé ne le lui permit pas. Ce travail, qui devait rester inachevé, était le sujet constant de ses méditations ; il en parlait souvent : « J’ai fait de belles choses ces vacances, disait -il à l’un de ses élèves, vous verrez. » A l’autre, il disait : « Je puis faire maintenant des synthèses partielles. » Comme il sentait ses forces décliner : « C’est dommage, disait-il encore, c’eût été bien finir. » Ce furent presque ses dernières paroles. Dès les premiers jours du mois de février 1878, son état s’aggrava subitement, et le 10 du même mois, vers le matin, il rendait le dernier soupir. Ainsi disparut, à l’âge de 64 ans, le physiologiste dont le nom restera inscrit parmi les plus grands noms dont la France s’honore. Sa mort fut un deuil public. Certes il vécut assez pour sa gloire et pour la nôtre. Mais que n’était-il permis d’espérer encore ? Dans la pensée du vrai savant, que de choses auxquelles il rêve toujours et dont il ne parle jamais ? Ce puissant esprit a marqué notre science d’une empreinte que rien n’effacera. Il a exercé et il exercera sur la médecine, sur ses méthodes, sur ses progrès et jusque sur son langage, une influence qui ne fera que grandir. « Nous vivons dans un temps où il est bon de vivre quand on s’intéresse aux choses de la médecine, » disait dernièrement à l’ouverture du cours de pathologie générale un de nos plus éminents collègues de la Faculté. — 232 — Quel éloquent hommage. Messieurs, pour la mémoire de Claude Bernard ! Depuis le premier jour jusqu'au dernier, il a été dominé par une seule et unique passion. Toujours en quête de voies nouvelles, sans cesse poussé en avant par cette flamme intérieure qui inspire et qui éclaire, à peine avait- il touché un but qu’il voulait en atteindre un autre. Volon¬ tiers il eût répété ces vaillantes paroles de Lessing : « Si on me donnait à choisir entre la possession et la recher¬ che de la vérité, je choisirais la recherche. » Sans doute, les chemins qui conduisent à la vérité sont longs et difficiles ; mais, confiante dans la sûreté de ses méthodes, la science a le pressentissement que l'avenir lui appartient ; elle est patiente, car elle a le temps pour elle. Un siècle à peine nous sépare de l’époque mémo¬ rable où s’est ouverte la voie féconde qu’elle parcourt aujourd’hui, et les découvertes ne cessent de succéder aux découvertes ; tout progrès accompli enfante un pro¬ grès nouveau, et chaque jour voit éclore d’éclatantes merveilles. Domptées et disciplinées par le génie de l'homme, les forces aveugles de la nature ont été mises au service de la raison ; les germes de mort qui nous entourent et nous pénètrent sont devenus des germes de vie ; éclairée par la science, défendue et protégée par elle, la vie de l'homme devient plus longue, plus douce, plus heureuse ; la loi se fait plus juste et plus humaine ; la science est l'àme même du corps social. NOUVELLES ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES. La quatorzième session de l’Association s’ouvrira, comme nous l’avions annoncé , le 12 août à Grenoble. — 233 — Les principales questions qui seronltraitées en séances de section sont les suivantes : 1er GROUPE. — SCIENCES MATHEMATIQUES. MM. Collignon (Ed.), inspecteur de l’Ecole des Ponts et Chaussées. — Communications diverses. Pewulf , Colonel du génie , à Bordeaux. — Sur te lieu géométrique des centres de courbures des trajectoires des points d'une courbe. — Sur une application de la géométrie au calcul des probabilités et à la repré¬ sentation de certaines fonctions discontinues. Genaille , ingénieur aux chemins de fer de l'Etat , à Tours. — Transformation instantanée des degrés, minutes , secondes et centièmes de secondes en grades. Même transformation pour le temps. — Transfor¬ mation instantanée des degrés de longitude dans le cas de changement de méridien. — Compteur de jours. — Dominos additionneurs. Laussedat (le Colonel) , directeur du Conservatoire des Arts-et-Métiers. — Présentation du circuli-diviseur Mora, construit par M. Molteni. — Détails complé¬ mentaires sur le tèlèmètr o graphe et ses applications au génie civil et à l'art de l'oculiste. Lemoine (Em.) , ingénieur civil à Paris. — Diverses questions de probabilité. — Théorèmes de géométrie obtenus par voie de projection conique. Longciiamps (G. de), professeur de mathématiques spé¬ ciales au Lycée Charlemagne. — Sur la construction des tangentes aux courbes. — Intégration d'équation aux suites récurrentes d'un ordre plus élevé que celles qui ont été considérées par Lagrange. — Un théorème de géométrie récurrente. Lucas (Ed.) , professeur de mathématiques au Lycée de Saint -Louis. — Les appareils à calculer exacts et instantanés. Réglettes multiplicatrices, multisectrices, — 234 — financières , népériennes. Calendrier à roulettes . — Le tétraèdre arithmétique et son application à la solution d’ un problème d'échec. — Les manuscrits originaux et inédits de Fermât. — Application de la théorie des carrés magiques à la décomposition des nombres en sommes de quatre carrés et à la théorie des formes quar ternaires. Marsilly (le Général de), à Auxerre. — Sur la possibilité d'expliquer les actions moléculaires par l'attraction en raison inverse du carré de la distance. Moessard, capitaine du génie, professeur de topographie à Saint-Cyr. — I je cylindro graphe, appareil photogra¬ phique panoramique; application directe de la photographie au lever des plans et à la construction des cartes topographiques. Neuberg (M.-J.) , professeur à l’Université de Liège. — Communications diverses. Oltramare, doyen de la faculté des sciences de l’Univer¬ sité de Genève. — Sur la généralisation des intégrales définis. — Note sur la détermination de L expression f [x a- y V - ï] h- cp (x-y - V i). — Note sur la déter¬ mination 2 cp (x), par une intégrale définie — Quelques recherches sur l'intégration des équations aux différentielles partielles. Petiton , ingénieur civil des mines , à Paris. — De V influence des orientations sur la conservation des toitures. Pifre (Abel) , ingénieur à Paris. — Sur un nouveau système de moteurs domestique et industriel. — Sur un nouveau système de canot à vapeur pouvant être conduit par une seule personne. Richard frères , fabricants d’instruments de précision , à Paris. — Suspension à ressorts formant suspension Cardan pour placer les enregistreurs ou autres instruments délicats à bord des navires. Schlegen (le Dr), à Waren. — Sur le système de coordonnées réciproques à celui des coordonnées polaires. — 235 — Schoute (P. -H.) , professeur à Groningue. — Sur les cubiques unicursales. — Etude géométrique de la Cyclide. — Les carrés magiques. Simonin , ingénieur à Paris . — Les grandes lignes mari¬ times. Zenger, professeur à l’Université de Prague. — Solution logarithmique des équations numériques. — Mesure des angles de position et de la distance des étoiles doubles au spectomètre de Zenger aux lentilles sphêrocylindriques . 2e GROUPE. — SCIENCES PHYSIQUES ET CHIMIQUES. MM. 9 Baille (J. -B.)., répétiteur à l’Ecole Polytechnique. — Méthode nouvelle pour la détermination des mouve¬ ments magnétiques. — Sur la propagation d'un ébranlement dans un cylindre de petit calibre. Boudet de Paris (Dr). — Des applications des condensa¬ teurs à V électro-physiologie et à V électro-thérapie. Clermont (de) et Chautard , à Paris. — De Viodacètone. Dagrève (Dr) , à Tournon (Ardèche). — Une nouvelle bobine d'induction. Franchimont , professeur à l’Université de Leidé. — Action de l'acide azotique sur les amides substituées à quelques acides de la série oxalique. Friedel et Crafts , à Paris. — Méthode de séparation des hydrocarbures. Hurion, professeur à la Faculté des sciences de Grenoble. — Mesure des résistances électriques. Meunier (J.) — Sur l'existence et la séparation de deux hexachlorures de benzine et sur la saponification de ces corps. Pillet (1.). — Sur un ludion barométrique. Raoult, professeur à Grenoble. — Principes de Cryosco- pie chimique. Bichard frères, à Paris. — Thermomètre de laboratoire — 236 — enregistreur permettant (T obtenir le diagramme de la température existant soit dans une étuve de Wiesnegg , soit dans un ballon de verre , soit dans tout autre milieu clos ou de petit volume. Chrono- graplie enregistreur. Roussel, chimiste à Clermont-Ferrand. — Le caoutchouc — Fabrication du kermès vétérinaire à froid. Zenger, de Prague. — Piles et accumulateur au brome règenèrdble. 3e GROUPE. — SCIENCES NATURELLES. MM. Azam, professeur à la Faculté de Médecine de Bordeaux. — Le caractère au point de vue pathologique. Berchon , chef du service sanitaire de la Gironde , à Pauillac. — Découverte de V âge du bronze en Médoc (Gironde). Bertin (Drj, à Dijon. — Reproduction deV artère carotide après la ligature {2 observations MM. Duplouy et Bertin). Blanchard (R.) , professeur agrégé à la Faculté de médecine à Paris. — L atavisme. Bosteaux (Ch.), maire de Cernay-les-Reims. — Le Cimetière gaulois de la Pompette. Curieux spécimen de céramique gauloise. Carlet (G,) ; professeur à la Faculté des sciences de Grenoble. — Recherches expérimentales sur la fixation , la morsure , la succion et la déglutition de la sangsue. — Recherches expérimentales sur le venin des hyménoptères, ses organes sécréteurs, et le mécanisme de son expulsion. Carre (Dr Marius), à Avignon. — De la paraplégie dans la pneumonie. Chantre (Ernest) , sous-directeur du Muséum , à Lyon. — Aperçu général sur les découvertes préhistoriques du Dauphiné, avec cartes et albums palèoethnologi- — 237 — ques inédits de cette région. — Un nouveau gisement Chèllêen dans ta Drôme. — Les dernières découvertes opérées en 1885 dans les palafittes du lac de Paladru. Chatin, directeur de l’Ecole supérieure de pharmacie. — Le calcaire de Beauce. — Les migrations alpines aux environs de Paris. Chaumier (Dr Ed.) , au Grand-Pressigny. — Nouvelles éludes sur la nature épidémique de la pneumonie franche et son traitement par le froid. Chudzinski, premier préparateur au laboratoire d’anthro¬ pologie de l’Ecole des hautes études , à Paris. — Sur les muscles de la face. Collineau Dr), à Paris. — Les inférieurs dans V huma¬ nité. Cotteau, ancien président de la Société géologique de France. — L'ensemble des êchinides jurassiques de la France. Dagrève (Dr), à Tournon. — Sur les excitations de la peau dans certaines chloroses. Diday, ex-chirurgien en chef de l'Antiquaille, à Lyon. — Résurrection de la blennorrhagie. Ferret Dr), de Paris. — De la nature diathésique des ulcères simples des jambes. — Méninge tuberculeuse consecutive à un simple débridement du canal nasal. Gillet de Grandmont (Dr), à Paris. — Valeur numé¬ rique du champ périphérique. Grasset, professeur à la Faculté de médecine de Mont¬ pellier. — Etude de thermomètre clinique de la vitesse d'ascension de la colonne thermométrique comme moyen d’ apprécier le pouvoir émissif du corps humain à V état physiologique et pathologique. Guignard (Ludovic), vice-président de la Société d’his¬ toire naturelle de Loir-et-Cher. — Découverte d'une station préhistorique, avec atelier de silex à Chouzi ( Loir-et-Cher ). — Origine supposée du pouvoir de suggestion donné à certains individus. Henrot (D1 Henri), professeur à l'Ecole de médecine de Rei s. — Du traitement des kystes hydatiques du 16 — 238 - foie par V électrolyte capillaire. — Bu traitement dd certaines formes de néphrites par le bromure de po¬ tassium. y Hervé Dr), professeur suppléant à l'Ecole d'anthropolo¬ gie. — Les anomalies costo-vertébrales chez les an¬ thropoïdes. Hoyelacque (A.), professeur à l'Ecole d’anthropologie, à Paris. — Les premiers brachycéphales de V Europe occidentale. Lantier (Dr), à Corbigny Nièvre). — Affreuse blessure de la main par les éclats du tonnerre d’un fusil de chasse. Hémorrhagie abondante; déchirures d’apo¬ névroses , de vaisseaux de T arcade palmaire , des muscles thènar ; mise à nu des tendons fléchisseurs. Guérison sans fièvre avec conservation du membre et de ses fonctions. Leton (Dr), directeur de l’École de médecine de Reims. — Les injections .intra musculaires de mercure métallique contre la syphilis. Millot (G.), ancien officier de marine, chargé d’un cours complémentaire de météorologie à la Faculté des sciences de Nancy. — La classification des nuages de Poëz. y Mortillet (G. de), professeur à l’Ecole d'anthropologie , à Saint-Germain. — Le département de l’Isère aux temps préhistoriques . Magitot (D1), à Paris. — Recherches anthropologiques aux pays de Combperet et d’ Ang ères (Puy-de-Dôme) . Manouvrier (D1 L. , professeur suppléant à l'École d'an¬ thropologie. — Étude expérimentale sur diverses moyennes de séries anthropologiques. — Contribu¬ tions anatomiques à V ethnologie de la France. Millet D1') , à Aix-les-Bains. — Les manifestations muqueuses du rhumatisme diathèsique à Aix-les- Bains. y Moret, professeur à l’Ecole de médecine de Reims. — Du goitre kystique. Nicaise, professeur agrégé, chirurgien des hôpitaux, à — 239 — Paris. — Du danger des purgatifs dans l’occlusion intestinale et des avantages de V évacuation de l’esto¬ mac. — Du traitement chirurgical de l’arthrite fon¬ gueuse. Onimus (Dr). à Paris. — De l’influence de la direction des courants en électrothèrapie. Oudaille (F.), répétiteur de physique à l'Ecole nationale d’agriculture de Montpellier. — Sur les lois de l’éva¬ poration. — Sur un pluviomètre enregistreur et sur V organisation de la station météorologique à l’École nationale d’ agriculture de Montpellier. Poughet (G.), professeur au Muséum. — Sur les cacha¬ lots. Quélet (D‘‘). à Hérimoncourt. — Quelques espèces cri¬ tiques o u no u velles de la flore mgcologique de France. Renaut (Dr J.), professeur à la Faculté de médecine de Lyon. — Nouvelles recherches sur le mécanisme de la kératinisation. Sabatier (A.), professeur à la Faculté des sciences de Montpellier. — Sur la genèse et la nature des pro¬ duits sexuels dans la série animale. Spillmann, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Nancy. — Traitement du chancre phagèdénique et des syphilides ulcéreuses. Szabo Dr Joseph), conseiller royal, recteur de l’ Univer¬ sité, secrétaire de l’Académie hongroise à Budapest. — Sur les roches éruptives de la Hongrie. Tachard (Dr), médecin major au 14e d'infanterie à Brive. — Sur le traitement du phimosis par la ligature élastique, et sur les suites éloignées de ce mode d’exé¬ rèse. Testut, professeur h la Faculté de médecine de Lille. — Les polissoirs néolitiques du département de la Dor¬ dogne. Testut et Dufourcet. — Les Tumulus du 1er âge du fer dans la région sous-pyrénéenne. 9 Trolard, professeur à l’Ecole de médecine d’Alger. — - 240 - Les lacs sanguins de la dure-mère et la veine verté¬ brale. Y illot (A.), à Grenoble. — L antiquité géologique de l’homme dans les Alpes du Dauphiné. Voisin (D1 Auguste), médecin de la Salpétrière. — L’hyp¬ notisme considéré comme moyen thérapeutique chez les nerveux et les aliénés. Yung (E.), professeur à FUnirersité de Genève. — Re¬ cherches expérimentales sur la cause de la sexualité chez les animaux. — Influence d’un mouvement de vague sur le développement des larves de grenouilles. Zaborowski, homme de lettres, à Tliiais. — Elude sur les crânes finnois. — L’origine du fer en Assyrie. — Sur le fer en Chine. — Les chiens de V Amérique. Zenger, de Prague. — Sur Vorigine et la loi périodique des perturbations atmosphériques et sur le parallè¬ lisme de ces perturbations. 4e GROUPE. — SCIENCES ECONOMIQUES. MM. Auriol, professeur d'agriculture à Oran. — L’Agricul¬ ture en Algérie. Berton (Paul , professeur à Paris. — Les échanges entre musées scolaires et cantonaux. Bignon (F.). — Sur l’enseignement des sciences natu¬ relles dans les écoles de filles. Bloch [E.j. — Etude du modelage et de la sculpture. Bosteaux (Ch.). — Découverte d’une statuette gallo- romaine enbronze, avec inscription sur son piédestal en bronze, fouilles de Berru, 1885. Boudin (A.), principal du collège de Honfleur. — Des dernières réformes de V enseignement secondaire et des Baccalauréats. Clermont (de), sous-directeur au laboratoire de chimie de la Faculté des sciences à Paris. — De la copèration à Audincourt. — 241 — Deshayes D'). à Rouen. — Carte de l’ hydrographie médicale. — Les thermes de France, bains de mer, eaux minérales, aêrothèrapie. Doumenjou (H.), avocat à Foix. — De V influence des bois sur V atmosphère. Durand-Claye. ingénieur en chef des Ponts et Chaussées à Paris. — Situation financière et administrative des principaux canaux dé irrigation en France. Leur réforme économique. — Les projets d’assainisse¬ ment d’un certain nombre de villes de France et de V etranger (Nice, Le Havre, Chantilly, Odessa, Bu¬ dapest). Ferraud (A.). — De l'enseignement des sciences phy¬ siques et naturelles à l’école primaire murale. Groult (Ed.). fondateur des-musées cantonaux, à Lisieux. — De V enseignement de l* économie politique dans les musées cantonaux. — De l’influence matérielle et morale des' musées cantonaux. Guignard (Ludovic), à Chouzy. — De V influence des mœurs et coutumes gauloises sur le portail de l’église de Mesland (Loir-et-Cher). — Quelques pierres curieuses observées dans le pays blèsois. Hansen Blangsted, à Paris. — Sur l’origine des mots Baltique et Belts. Henrot (Dr H.)., à Reims, —r L’ assistance publique à domicile et les Sociétés de secours mutuels. — De l’ enseignement dams ses rapports avec V hygiène. — Ladureau, directeur du laboratoire central agricole et commercial, à Paris. — Nouvelles recherches sur le ferment ammoniacal. — Les progrès de la culture de la betterave en France sous l’empire de la nou¬ velle législation des sucres. Lanet Mad. Julie), institutrice à Neyrien Isère). — Un devoir de géographie. Le Bon (Le I)1 G.), à Paris. — Exploration scientifique du Népal. — Présentation de nouveaux instruments de lever des plans destinés aux voyageurs. N api as (Dr), secrétaire général de la Société d’hygiène — 242 — publique et de médecine professionnelle. — Note sur un système cle désinfection automatique des cabinets d'aisance dans les hôpitaux, les écoles, etc. Pétiton, ingénieur civil des mines à Paris. — De la nécessité absolue d'une langue universelle. Paquier , professeur d’histoire et de géographie. — L’Asie centrale et le conflit Anglo-Russe. — La Médi¬ terranée asiatique et nos colonies de l’Indo Chine. — Extension de notre puissance coloniale de 1870 à 1885. Parmentier (le général), membre du Comité des fortifi¬ cations, à Paris. — Vocabulaire Scandinave des termes de géographie et des mots qui entrent le plus fré¬ quemment dans des noms de lieux. Perrier (le colonel), membre de l'Institut. — Caries de France au 1/200,000 et au 1/50,000. — Détermina¬ tion des différences de longitude des trois sommets du triangle, lDaris, Milan, Nice. — Les longitudes de la France. Renaud (G.), directeur de la Re rue géographique inter¬ nationale à Paris. — Les irrigations dans le midi de la France en général et dans le Roussillon en parti¬ culier. — Le port de Port- Vendues. — Les Anglais et les Russes en Asie. — Droit à l’héritage et de ses effets au point de vue agricole et commercial. — De la statistique en France. — Des méthodes et de la pédagogie dans V enseignement public. Tisserand, professeur d'histoire à Cran. — Sur quelques villes de V Algérie. — De la propriété en Algérie. Trolard, professeur à l'Ecole de médecine à Alger. — Les reboisements de l’Algérie. — - La réforme de V enseignement en France. — Les bureaux munici¬ paux d’hygiène. — - Les quarantaines en Algérie. — Les mouvements de troupes pendant les épidémies et aux approches des épidémies. — 243 — AGRÉGATION DES LYCÉES. Sujets des compositions écrites données au concours d'agrégation des lycées (ordre des Sciences naturelles) de 1885. Zoologie. — La fonction urinaire et ses organes . dans la série animale. 9 Botanique. — Etudes des divers modes de formation et de germination des œufs chez les Thallophytes. Géologie et Paléontologie. — Echinodermes. — Orga¬ nisation et classification ; distribution des principaux genres d'Echinodermes dans la série des terrains. (Insister particulièrement sur ce dernier point). Composition sur une question de méthode et d’histoire des Sciences naturelles. — Production et transformation des réserves chez les végétaux. — Distinction entre les réserves et les produits de sécrétion. Les candidats avaient sept heures pour traiter chacune de ces questions. L'examen écrit dure quatre jours. INAUGURATION DE LA STATUE DE DARWIN- Le mardi 9 juin 1885 , a eu lieu au British Muséum (section d'histoire naturelle) , Cromwell road , l'inaugu¬ ration de la staïue de Darwin. C'est S. À. R. le prince de Galles qui a tenu à honneur de la découvrir : elle est en marbre blanc , due au ciseau de M. Boehm. Le prof. — 244 — Huxley , président de la Société royale de Londres a fait un discours au nom du. Comité du monument de Darwin et a remis la statue aux administrateurs. Le Prince de Galles a répondu en leur nom. L’archevêque de Canter- bury et beaucoup d’autres fonctionnaires étaient pré¬ sents ; une foule d’hommes de sciences , d’amis et d’amiral eurs du grand naturaliste remplissait le grand Hall. BACCALAURÉAT ÈS-SCIENCES NATURELLES. Le Conseil académique de Paris a émis l’avis que le baccalauréat ès-sciences restreint (exigé pour les aspi¬ rants au doctorat en médecine), soit supprimé et remplacé par un baccalauréat ès-sciences physiques et naturelles, qui n’aurait aucune partie littéraire, mais auquel on ne pourrait prétendre qu’après l’obtention du baccalauréat ès-lettres ou du baccalauréat ès-sciences. LILLE. — IMP. L. DANEL 1884-1885. N° 7-8. JUILLET-AOUT. Orientation de l'embryon et formation du cocon chez la PERIPLANETA ORIENTALIS Par M. P. HALLEZ, Professeur suppléant à la Faculté des Sciences. Une question d'embryologie générale qui a une impor¬ tance incontestable , c'est celle de Y orientation de V em¬ bryon. J’entends , par ces mots , la détermination exacte des relations qui existent entre Taxe organique de l’œuf, l'axe principal de l’embryon et celui de l’organisme maternel. Tous les embryologistes , peut-être , se sont inquiétés de cette question. J’ai entrepris , pour la résoudre , des recherches spéciales , d’abord sur les Insectes. J’ai l’honneur de présenter aujourd’hui à l’Académie le ré¬ sultat de mes observations sur la Periplanela orien- talis. Je me suis efforcé de suivre l’œuf pendant toute la durée de sa formation et de son évolution. Je ne puis, dans cette Note, faire connaître les phénomènes de matu¬ ration de l'œuf, ni les particularités du développement de l’embryon de cet Orthoptère : mon but est simplement d’établir les relations indiquées plus haut. Les sacs ovigères, qui, comme on sait, sont au nombre de huit de chaque côté , sont remplis d’œufs présentant la disposition en chapelet bien connue. Aussi loin qu'on remonte vers l'extrémité effilée des sacs ovigères , tou¬ jours on voit les jeunes œufs disposés en une seule série. Les plus petits sont formés d’un protoplasme transparent qui, traité par le picrocarmin , se colore en jaune avec des traînées rouge pâle , d’un grand noyau qui se colore en rouge et d’un nucléole de chromatine qui , pendant le cours de la maturation de l’œuf, présente des phéno¬ mènes particuliers que je ne puis décrire ici. Si l’on appelle axe organique de l'œuf celui qui passe par l’axe du tube ovigère , lequel est parallèle à celui de la mère . 17 — 246 — on voit qu’à ce moment l’axe organique est plus petit que Taxe transversal. Au fur et à mesure que l’œuf descend dans le tube ovigère , son axe organique devient plus grand , si bien que, dans l’œuf mûr, il est trois ou quatre fois plus grand que l’axe transversal. Ainsi, dans toute la longueur du tube ovigère, l’œuf a son axe organique parallèle à l’axe de la Blatte mère. Il est évident, d’autre part, que le pôle de l’œuf, dirigée vers la partie amincie du tube ovigère, correspond à l’extrémité céphalique de ce dernier axe. La maturation des œufs marche d’une manière isochrone dans les seize tubes à la fois , si bien que , à un moment donné , la Blatte présente, dans chacun de ses tubes , un œuf mûr : c’est celui qui est le plus voisin du calice ou oviducte. A ce moment, la ponte et la formation du cocon sont immi¬ nentes. Les glandes sérifiques, comme les appelle Léon Dufour, constituent alors un paquet volumineux , ventralement situé et formé de tubes très longs , pelotonnés, bifides ou multifides. Ces tubes sont remplis d’une substance opaque, facilement coagulable, dans laquelle se trouvent dissé¬ minés des cristaux en nombre infini. Ce sont des prismes à base rhombe, présentant une petite facette de troncature rectangulaire à la place des arêtes aiguës. Ils mesurent en moyenne 15y. , sont insolubles dans l’eau et l’acide azotique faible ; ils sont , au contraire , détruits sans dégagement gazeux par l’acide sulfurique concentré ; la potasse caustique les dissout plus rapidement encore. Ces cristaux sont destinés à la fabrication du cocon , qui est formé par un assemblage de ces cristaux cimentés par la substance coagulable, au sein de laquelle ils ont pris naissance. Ce cocon, que L. Dufour compare à une petite valise fermée, est ovoïde et présente une crête dentelée , qui est la ligne de déhiscence. L’extrémité postérieure (celle qui sort la première au moment de l’accouchement) est généralement un peu plus grosse, l'autre est facile¬ ment reconnaissable , grâce à la présence d’une sorte — 247 — de petite hile. La ligne de déhiscence est supérieure , correspondant par conséquent à la face dorsale du Ka- kerlac. Les œufs, au nombre de seize, sont disposés sur deux rangs verticalement dans ce cocon ; enfin, toujours, sur plus de cent cocons que j'ai étudiés , j’ai trouvé la tête de tous les embryons correspondant à la ligne de déhiscence. J’ai eu l’occasion d’observer directement la fabrication du cocon et la mise en place des œufs à l'intérieur. Les deux oviductes viennent déboucher un peu en avant de la plaque sous-génitale, au niveau supérieur de l'armure génitale. Cet appareil , assez semblable à celui de la Blatta americana qui a été décrit et figuré par M. de Lacaze Duthiers, dans son admirable travail sur l'armure génitale des Insectes, est essentiellement formé de deux épisternites et d’un sternite à deux branches biramées. L’ensemble constitue une sorte d'entonnoir ou de spéculum à quatre branches mobiles, disposé obliquement d'avant en arrière et de haut en bas. L'œuf venant de l’oviducte tombe dans cette entonnoir, qui le saisit et l’aligne à côté des œufs précédemment pondus ; en même temps, par le mécanisme combiné des parois de la poche génitale et des pièces de l'armure, la matière coagulable et ses cristaux sont uniformément répandus et prennent la forme du cocon. La ligne de déhiscence est produite par un pince¬ ment exercé pas la partie supérieure du sternite et peut- être aussi par la rainure du tergite de l'anneau anal. Le cocon est d'ailleurs maintenu en dessous par la plaque sous-génitale. Je me suis assuré que l’œuf tombe dans l’armure géni¬ tale , ayant le pôle caudal en bas ; il ne pourrait d’ailleurs en être autrement. Or ce pôle caudal est celui qui est opposé à la ligne de déhiscence dans le cocon. On voit donc : 1° Que l’axe organique de l’œuf, qui est aussi son axe de figure, est le même que l'axe principal de l’embryon ; 2° Que l’axe organique de l’œuf présente la même — 248 — orientation que la mère , puisque son pôle antérieur est celui qui correspond à la tête de r embryon, tandis que son pôle opposé deviendra l’extrémité caudale de celui-ci. Loin de moi la pensée de vouloir tirer des conclusions générales de cette observation, mais je ne puis m’em¬ pêcher de faire une réflexion. L’œuf, pendant une période de son histoire, fait partie de l’organisme maternel à titre de simple élément histologique. Or, les expériences de sections et de régénérations , faites sur les Planaires et autres animaux, montrent que chaque tronçon, si petit qu’il soit, conserve la même orientation, c’est-à-dire les deux polarités céphalique et caudale , qu’il avait dans l’animal entier. C’est quelque chose de comparable à l’expérience de l’aimant brisé. Ne peut-on en conclure que chaque élément histologique possède, lui aussi, ces deux polarités de l’animal, polarités qui persisteraient dans la cellule-œuf, après qu’elle a cessé de faire partie des tissus maternels ? UNE USTILAGINÉE DESTRUCTIVE DE LA VIOLETTE CULTIVÉE De tout temps on a cultivé en grand aux environs de Toulouse une forme à fleurs doubles du Viola odorata L. Cette culture, qui a pris une très grande extension, est devenue chez nous une branche de commerce d’ex¬ portation dont l’importance rivalise , avec un débit ana¬ logue , à celui qui a contribué à la légitime réputation horticole de la ville de Nice. Nul fléau n’avait jusqu’à ces dernières années attaqué les planches de violettes des cultivateurs toulousains, cependant un jardinier du quar¬ tier de Lalande observa en octobre 1882 « une maladie charbonneuse » sur les feuilles de ses violettes et sur le pédoncules de la fleur. La feuille se recoquevillait, l’in- — 249 — florescence était arrêtée (1). Ce parasite était YUrocystis vtolœ (Sow ) (Fisch. de Waldh. Monog. Ust. , p. 72. Sacc. Mich. 1, p. 438. Wint. Pilze 1, p. 122, , qui depuis fort longtemps développe dans quelques contrées son mycé¬ lium noir, en forme d’intumescences, dans les feuillee, les nervures et les pédoncules des Viala hirto, V.odorata et V. tricolor. (M. A. L. Breton l’a signalé récemment dans un jardin à Auzonvilie-sur-Ry (Seine-Inférieure) où depuis deux ans il empêche les violettes cultivées de fleurir) , Comment l’Ustilaginée avait-elle pu être introduite dans une plate-bande de jardin, où la culture est soignée, robuste et très florifère ; où l'on couvre les pieds l’hiver, c’est-à- dire qui sont l’objet de tous les soins minutieux de l’éle- (1) M. Ed. Prillieux a été le premier à observer dans son jardin à Paris, en juin 1880, l’envahissement du pédoncule et la déformation du fruit du Viola odorata (Voir quelques observations sur la formation et la germi¬ nation des spores des Urocystis. Annales des sc. nat. 6e série T. 10 T. 1, f. 1 à 82). Voici les intéressants détails qu’il fait connaître sur le déve¬ loppement du parasite : » Les tissus envahis prennent un développement extraordinaire et maladif ; le limbe des feuilles se montre par places , contourné, bosselé, renflé en cloque ou bien parfois fort réduit, et c’est le pétiole qui est extrêmement tuméfié et à l’intérieur duquel on peut voir, sur une coupe, de nombreux foyers de formation de poussière noire de carie. Les pédoncules floraux sont aussi fortement atteints que les pétioles des feuilles , et ils se changent assez souvent en de gros corps fort allongés en même temps que renflés et contaminés de la façon la plus bizarre. L’hypertrophie peut atteindre jusqu’au fruit, j’ai vu le calice et le pistil même criblés de taches de carie et fort extraordinairement déve¬ loppés. Dans les axes comme dans les pédoncules, les amas de spores ne se montrent pas seulement dans les parties voisines de l’extérieur ; certai¬ nement le plus grand nombre est dans le parenchyme cortical , mais il s’en produit aussi même dans les parties les plus profondes , à l’intérieur du cylindre ligneux , jusque dans la moelle. « Nous renvoyons nos lecteurs au savant travail de M. Ed. Prillieux et aux curieux dessins analytiques qui l’accompagnent , pour la connaissance de l’évolution des spores mures atravers les déchirures du tissu hypertrophié et de leur germination dont 'habile expérimentateur a observé un cas particulier différent de ce qui se passe cnez V (Jrocystis occulta , la seule espèce dont on ait suivi la germi¬ nation aussi loin. — 2o0 — veur ? L'air seul avait été l’agent du transport des spores, cependant le parasite n’existait pas ailleurs dans la contrée, mes recherches précédentes avaient été vaines pour le rencontrer dans les stations préférées des vio¬ lettes sauvages ou des jardins. Consulté, dans les pre¬ miers jours du mois de mars suivant, par le jardinier qui n'avait encore essayé aucun moyen curatif parce que le dégât de l’hiver ne lui avait pas semblé devoir s’é¬ tendre, mais qui à ce moment était très inquiet en pré¬ sence de ses tables de culture envahies par la maladie , je conseillai l'arrachage immédiat avec des précautions qui furent efficaces. Le procédé avait été conseillé jadis pour d’autres cultures et pour d’autres parasites, cela fort à propos et mon avis n’avait d’autre mérite que de sembler nouveau pour le jardinier. La plate-bande envahie fut défoncée profondément, les pieds attaqués réunis en tas avec beaucoup de précau¬ tions, enfouis dans un fossé éloigné (qui ne devait pas être fouillé) et que l'on recouvrit d’une couche de chaux vive. Une culture potagère occupa la plate-bande devenue libre ; les violettes prises dans une culture saine durent être cultivées sur un autre point du jardin et l’année suivante on les réinstalla à leur place primitive. L’au¬ tomne dernier, cet hiver et en ce moment encore, les violettes du jardin envahi prospèrent et ne présentent aucune trace de YUrocystis. J’ajoute qu’avant la trans¬ plantation de la plate-bande jadis défoncée , on avait pré¬ paré le sol avec un engrais chargé de matières alcaliues. [Revue My cologique). G. Roumeguère. NOUVELLES ZOOLOGIQUES I. llonopora vlvipara. — En 1882, nous avons publié à cette même place (1) la traduction d’un travail (1) Voir Bulletin scientifique du Nord, 1882 . n° 11-12. — 251 — du professeur Salensky sur le développement de Borlasia vivipara. Depuis ce temps, l’auteur a repris la question, er il vient de consigner les données acquises au cours de ces nouvelles recherches dans les Archives de Biologie du professeur Van Beneden. Ce travail, plus étendu que le précédent, en diffère essentiellement ; il est donc de notre devoir d’en exposer rapidement les principaux résultats. Et d’abord c’est Monopora vivipara et non Borlasia que le savant d’Odessa a étudié. Ce genre nouveau est caractérisé, comme son nom l'indique, par la présence d’une seule ouverture représentant à la fois la bouche et l’orifice d’issue de la trompe. Monopora est un animal petit, de couleur rosée, il vit dans la baie de Sébastopol. La tête porte quatre veux et deux fentes céphaliques. L'épiderme, très développé, renferme des glandes monocellulaires. La musculature est faible, le cœlome très réduit . Il y a à la face dorsale de la région antérieure une grosse glande céphalique ; chez les jeunes cette glande- est double, elle comprend une portion ventrale et une dorsale limitant Y atrium py'ostomial dans lequel débou¬ chent la trompe et l’œsophage. La portion ventrale delà glande s’atrophie chez l’adulte. L ' atrium prostomial s’ouvre par un pore situé ventra- lement vers l’extrémité de la tête. Le tube digestif , d’abord normalement développé , s'atrophie avec l’âge, sa cavité est à peu près réduite à une fente étroite par suite de la prolifération des cellules qui en tapissent la paroi. Les embryons se développent dans les organes géni¬ taux. La multiplication qui commence en mai dure jus¬ qu’en septembre. Il y a un dimorphisme sexuel assez net : les mâles sont (comme c’est la règle) plus petits que les femelles. Ovaires et testicules prennent naissance dans le tissu conjonctif qui entoure les cordons nerveux laléraux. Les cellules de l’ovisac d’abord toutes semblables entre elles se différencient bientôt en cellules ovulaires et — 252 — cellules épithéliales. Puis le cordon ovulaire, d’abord plein, se transforme en un sac creux dans la cavité duquel tombent les œufs. Passant ensuite à l’étude de l’embryologie, l’auteur constate d’abord deux globules polaires. La segmenta¬ tion bien qu’inégale , mène à une archiblastula formée de cellules toutes semblables. C’est à ce stade qu’appa¬ raissent les premières cellules mésodermiques. La blas- tula s’invagine en gastrula. La symétrie de cette gastrulaest bilatérale. Le blastopore se ferme. La bouche et l’anus sont des formations nouvelles, qui n’ont avec lui aucun rapport. Nous ne suivrons pas l’auteur dans la description de la genèse des différents systèmes d’organes. Mais nous ne pouvons nous dispenser de signaler les rapprochements établis par l’auteur entre le système nerveux des Nemér- tes et celui des Annélides. Il les résume dans le tableau suivant : NEMERTIENS. Ganglions céphaliques . Commissure ventrale du collier. . . . Commissure dorsale du collier Nerfs latéraux . Absente . . ANNELIDES. Ganglions céphaliques. Commissure dorsale (entre les gan¬ glions céphaliques). Absente. Commissures cérébrales circum- œsophagiennes. Chaîne ganglionnaire ventrale. Plus loin, Salensky établit qu’il y a homologie complète entre la trompe des Nemertes et celle des Rhabdocœles proboscifères et admet que la trompe de ces derniers n’est qu’un stade jeune du développement de celle des Némertiens. 2. Structure des Élytres des Polynoe. — M. Et. Jourdan a eu au cours d’un travail sur Annélides — 253 — de Marseille, l’occasion d'étudier la structure histolo¬ gique des élytres du type Polynoe.( 1) Il en a étudié deux espèces : la P. torquata et la P. Grubiana. La première est phosphorescente. Une section transversale de ces organes montre d’une façon générale : une cuticule limitant les deux faces, une couche épidermique cellulaire et réunissant les deux lamelles, une couche fibreuse. Passant à l'examen détaillé, on voit d’abord sur la cuticule de petits disques relevés en cônes. Ce dispositif simple chez P. torquata se complique chez P. Grubiana. Il y a lieu de distinguer sur l’élytre de cette dernière des verrues (sans importance physiologique) et des papilles (sensitives). La verrue est une petite boule hérissée de piquants. Les papilles sont surtout nombreuses prés du bord libre de l’élytre. Chaque papille a la forme d’une bouteille dont le goulot serait planté dans la cuticule et dont le fond en saillie à l’extérieur porterait une sphé- rule. Cette papille consiste d'abord en un calice chiti- neux surmonté d’un couvercle. L’axe de l’organe , creux et traversé par une fibrille, vient se terminer dans un amas de substance granuleuse qui remplit le calice. Par l’extrémité opposée, la fibre est en rapport avec une masse ganglionnaire. L’épiderme est pigmenté, ses cellules sont polygonales. Panceri admet que la phosphorescence des Polynoes appartient aux éléments nerveux. Jourdan conteste cette manière de voir et n’en veut d’autre preuve que l’égale abondance des éléments nerveux chez les types phospho¬ rescents et chez les types qui ne le sont pas. De plus, c’est en une région bien déterminée, autour de l’élytro- phore que le phénomène se produit. Or, chez P. torquata, c’est pi écisément dans cette région que sont localisées de nombreuses cellules à mucus. Il est donc naturel de (1) Zool. Anzeigcr ., n° 189, p. 188. — 254 — conclure que chez P. tor quata comme chez Chœtop- terus, la phosphorescence a son siège dans les cellules à mucus. Les fibrilles qui relient les deux faces de l’élytre se comportent vis-à-vis des réactifs comme l’hypoderme fibrillaire ou tissu connectif stellaire étudié par Claparède de chez les Annélides. Leur nature réelle est difficile à déterminer. Elles ne sort ni conjonctives ni musculaires. Leur résistance à Faction de la potasse porte à les consi¬ dérer comme des formations épidermiques interépithé¬ liales. L'auteur les rapproche des formations cuticulaires de soutien dont parle Waldeyer dans son mémoire intitulé : Archiblast und Parablast. 3. — Embryologie des l%émertiens. — Le prof. Hubrecht vient de reprendre par la méthode des sections successives l'étude du développement de Lineus obs- curus 1). — Les principaux résultats obtenus par le savant d’Utrecht sont les suivants : Après la formation de la gastrula invaginata , il se détache de l'endoderme et de l'ectoderme un certain nombre de cellules qui formeront le mésoderme. Les cellules ectodermiques, d’abord cubiques, deviennent co- lumnaires par suite de leur multiplication en quatre points et forment les rudiments des quatre disques ven¬ traux et céphaliques épiblaste secondaire). Il en apparaît un cinquième dorsal et les cinq se fondent pour former la peau du jeune némerte. On voit ensuite se former aux dépens de l’épiblaste primaire : 1° En avant et sur la ligne médiane entre les disques céphaliques , les rudiments de l’épithélium interne de la (1) Zool. Anzciger , n° 201 , p. 470. — 255 — trompe. — Cette formation s’isole bientôt de la couche qui lui a donné naissance et les cellules mésodermiques qui viennent l’entourer fournissent la musculature de la trompe ; 2° A droite et à gauche, par invagination, les organes latéraux (portions respiratoires du cerveau) mis en rela¬ tion avec l’extérieur par les fentes céphaliques. Le cerveau et les cordons nerveux latéraux naissent du mésoderme. La trompe s’étend en arrière entre l’in¬ testin et la paroi du corps dans la cavité blastocœlique. La gaine est mésodermique. La gaine de la trompe est un prolongement directe de la cavité blastocœlique (archicœl). Les sinus et les vaisseaux sanguins ont la même origine que la gaine de la trompe. Ils ont aussi la même valeur morphologique. Ce sont les muscles longitudinaux externes qui appa¬ raissent les premiers. — Les muscles circulaires et les muscles longitudinaux internes apparaissent ensuite et simultanément. L ’archenteron se divise de bonne heure en une cavité postérieure , le mèsenteron, et une antérieure dont la partie inférieure forme l’œsophage, tandis que la partie supérieure donne de chaque côté les reins. Le blastopore devient la bouche. Les rudiments des organes génitaux placés sous les cordons nerveux sont en relation avec la peau d’où ils semblent dériver. La cavité du corps n’existe pas. — Sa place est occupée par des tissus d’origine mésodermique. 4. — JLa vision chez les Insectes. — M. F. PLATEAU vient de donner, à l’Académie royale de Bel¬ gique, dans une communication préliminaire, les résul¬ tats de ses recherches expérimentales sur la vision des — 256 — insectes. — Les conclusions de ses expériences si ingé¬ nieuses. si simples et si probantes sont les suivantes : « 1° Les insectes diurnes ont besoin d'une lumière assez vive et ne parviennent plus à se diriger dans une demi obscurité ; » 2° Chez les insectes diurnes munis d’yeux composés, les yeux simples offrent si peu d’utilité qu’on est en droit de lesconsidérer comme des organes rudimentaires; « 3° Les insectes pourvus d’yeux composés ne se rendent aucun compte des différences de formes existant entre deux orifices éclairés et se laissent tromper soit par les excès d'intensité lumineux, soit par les excès apparents de surface. En résumé, ils ne distinguent pas la forme des objets ou la distinguent fort mal. » 5. — Sur la communication du système vascu¬ laire du Pleuroliranciie avec l’extérieur. — Dans le volume VI de la 4e série des Annales des Sciences naturelles, Lacaze Duthiers décrivit chez Pleurobran- chus un canal reliant la veine branchiale à l’extérieur. Cette particularité anatomique est contestée parBouRNE. Celui-ci vient, à l’instigation de R LANKESTÈR,de reprendre la question (1) et la conclusion de son travail est que le rapport établi par Lacaze entre la veine branchiale et l’extérieur n'existe pas. L’orifice existe bien, mais il est en relation avec un sac parfaitement clos. Ce sac est tapissé d’un épithélium vibratile dont les cellules pré¬ sentent des volumes différents dans les diverses régions du sac. Il renferme de grosses cellules glandulaires. L’habileté de l’observateur et le soin qu’il apporte à ses recherches nous est un sûr garant de l’exactitude de sa conclusion. Dans l’état actuel de la science, il ne reste (1) Quarterly Journal of Microscopical Science. July 1885. — 257 — plus, à notre connaissance, que les genres Pyrula et Dentale , chez lesquels une communication du système circulatoire avec F extérieur soit encore affirmée. 11 est fort probable que de nouvelles recherches démontreront que cette affirmation est erronée. 6. — Histologie des libres musculaires striées. — B. Melland publie dans le Quarterly Journal de Lankester un travail sur l'histologie des fibres muscu¬ laires striées. Nous croyons utile d'en résumer les conclusions. L'emploi du chlorure d’or permet de recon¬ naître dans les fibres musculaires triées du Dytiscus , de l'abeille, de la grenouille, du homard, de l'écrevisse et du rat, un réseau intracellulaire. On peut, mais plus difficilement, observer ce réseau, soit sur des prépara¬ tions fraîches, soit sur des échantillons traités par l’acide osmique et l’acide acétique. On y voit, en outre, des réseaux transverses, coupant les fibres transversalement, unis au sarcolemme, et les divisant en petits fragments. On peut enfin y observer à la base de chaque comparti¬ ment et réunissant les points d’intersection des fibres du réseau transverse, une série de petites sphérules. Ce réseau est formé d’une matière isotrope un peu plus réfringente que le reste de la substance du muscle qui est anisotrope. La présence de ce réseau explique la striation transverse et les autres aspects complexes pré¬ sentés par les fibres musculaires. G. Dutilleul. — 258 — JOHN GWYN JEFFREYS ESQUISSE BIOGRAPHIQUE Par Paul PELSENEER. Le 20 Janvier 1885, Gwyn Jeffrey s lisait à la Société Zoologique de Londres, son neuvième mémoire sur les Mollusques des expéditions du Lightning et du Porcu- pine. Je l’avais vu, ce soir là, si plein de santé, si jeune encore malgré ses 76 ans, que lorsqu’on m’annonça sa mort, quatre jours plus tard, je ne pus d’abord y croire. Le 23 Janvier au soir, il avait encore assisté à une lecture, que son gendre, le Professeur H. N Moseley, faisait à la « Royal Institution » , sur la faune des riva- ges ; et le lendemain, pendant la matinée, il était frappé par une attaque d’apoplexie, qui l’enlevait quelques heures après. John Gwyn Jeffreys est né le 18 Janvier 1809, à Swan- sea, d’une des plus anciennes familles du pays de Galles. Étant l’aîné de sa famille, il fut destiné à la profession de sollicitor, qui avait été celle de son père, son grand- père et son bisaïeul. Il en exerça les fonctions à Swansea jusqu’en 1856, époque à laquelle il vint s’établir à Lon¬ dres, où il avait été appelé à la barre, à Lincol’ns Inn. Il pratiqua devant la « Court of Chancery » et les « Par- liamentary Commitees » jusqu’en 1866. Il quitta alors les affaires juridiques, pour se consacrer entièrement aux travaux scientifiques et se retira dans le Hertfordshire, à Ware Priory ; ce ne fut qu’en 1881 qu’il revint s’ins¬ taller définitivement à Londres (South Kensington). Dès son enfance, son goût pour l’histoire naturelle s’était manifesté par un ardent zèle de collectionneur. De fort bonne heure il s’était attaché spécialement à l’étude des Mollusques indigènes du Royaume-Uni, dans laquelle il fut encouragé par Dillwyn. A l’àge de 17 ans — 259 — il faisait déjà des dragages devant Swansea, et à 19 ans il présenta à la Société Linnéenne de Londres, son pre¬ mier mémoire : Synopsis des pulmonés de la Grande- Bretagne. L'année suivante il fut reçu membre de cette célèbre association scientifique, et depuis lors il continua sans relâche ses études sur la faune malacologique de la Grande-Bretagne et des mers voisines, études qu’il éten¬ dit plus tard à la faune de l'Atlantique septentrional et à celle des mers profondes. Ses recherches firent de lui l'homme le plus compétent dans cette matière et le rendirent un des plus célèbres malacologistes de ce siècle ; il leur dût d'être reçu, à 31 ans, membre de la Société Royale de Londres (F R S) et d’obtenir le grade honorifique de LL. D. de l’Université de Saint- André. Jeffreys n’était pas un de ces conchyliologistes qui se bornent à regarder et à décrire les stries des coquilles. L’étude des Mollusques, la connaissance de leurs formes et de leurs mœurs, étaient pour lui autant d’objets de constantes préoccupations, et il fit faire de grands pro¬ grès à cette branche de la Zoologie. Mais son plus grand titre à la reconnaissance des natu¬ ralistes est la puissante impulsion qu'il donna à l'art du dragage, dont il fut pour ainsi dire le créateur en Angle¬ terre, grâce à sa courageuse initiative et à son énergique persévérance. Ses premiers essais eurent lieu sur des bateaux à rames ; mais il ne tarda pas à entreprendre de vérita¬ bles expéditions de dragage, à l'aide de bateaux à voile, il y a fie cela plus de cinquante ans. A bord de son ^acht « Osprey» il explora la plus grande partie des cotes du Royaume-Uni. Après quarante années d’études constantes sur la faune des Iles Britanniques , il entreprit son grand ouvrage intitulé « British Gonchology » , dont la publication dura sept ans (1862 à 1869), pendant lesquels il fit six campa¬ gnes de dragage aux Iles Shetland, une aux Iles Anglo- Normandes de Jersey et de Guernesey, et une autre dans — 260 — la Manche. British Conchology est resté le livre clas¬ sique, indispensable pour l’étude des Mollusques de l’Eu¬ rope occidentale. Jusqu’à cette époque on n’avait fait de dragages que dans des eaux peu profondes, sans jamais dépasser deux cents brasses , mais en 1868, la croisière d’essai du Light- ning vint démontrer la possibilité de famé des dragages dans les grandes profondeurs. L'exploration des grands fonds sous-marins fut alors entreprise, sous le patronage du Gouvernement anglais , et Jeffrey s fut désigné pour prendre part aux différentes expéditions qui furent orga¬ nisées dans la suite. C’est ainsi qu’en 1869, il accompagna le Porcupine , dans la première expédition que ce navire fit, au large des côtes occidentales de l’Irlande. Ce fut alors que, pour la première fois, la drague alla se promener sur des fonds de 1500 brasses environ. L’année suivante, après une campagne de dragage à Yalentia (Irlande), il accompagna encore le même navire; qui allait explorer les eaux profondes du Sud de l’Europe, sur les côtes d’Espagne et de Portugal. Ce fut cette année qu'il découvrit le premier Pentacrinus des mers tempérées, qu’il baptisa P. Wy ville Thomsoni. Un accident seul l’empêcha de partir à bord du Chal¬ lenger. En 1876, sur le Valorous , il alla explorer les mers de l’Amérique du Nord: Atlantique, Détroit de Davis, Baie de Baffin. En 1878 et 1879, il fit des séries de dragages sur les côtes de Norwège, dans Oster Fiord, Haranger Fiord et Christiania Fiord. Chacun de ces voyages fut suivi d'importants travaux, dont le plus considérable est celui sur « The Mollusca of the Lightning and the Porcupine expediiions » , tra¬ vail malheureusement inachevé, dont il n'a paru que neuf parties (1). Il est à remarquer qu’au point de vue (1) Proceedings of the Zoological Society of London, 1878-1885. — 261 — conchyliologique, les expéditions du Lightning et du Porcupine ont donné des matériaux plus considérables que celle du Challenger. Cette longue énumération montre combien est grande la part que Gwyn Jefireys a prise à l’exploration des grandes profondeurs, et combien grande devait être son autorité en cette matière. Aussi, en 1880, à l’invitation du Gouvernement français, prit-il part à la campagne du Travailleur, dans le golfe de Gascogne; ce fut sa dernière expédition maritime. Pendant les loisirs que lui laissaient ses lointaines na¬ vigations, il vint plusieurs fois sur le continent, pour étudier les différentes collections qui pouvaient lui être utiles dans ses travaux , c’est ainsi qu’il vint, il y a quatre ans, visiter les collections malacologiques du Musée de Bruxelles. Il fit également des recherches personnelles en diffé¬ rents points du continent européen : en Suisse, en France; aux Pays-Bas, et sur les côtes du Piémont. L’ouvrage qu’il publia sur la faune de cette dernière région eut même les honneurs de la traduction en langue italienne. Les collections qu’il avaient réunies, pendant près de soixante ans de recherches sur la faune malacologique de la Grande-Bretagne et de l’Atlantique septentrional, forment un ensemble unique au monde, et d’une valeur inappréciable. Outre les types des nombreuses espèces créées par lui, elles renferment encore les types de Tur- ton, de Aider, etc. Ces magnifiques collections ont été acquises en 1883 par le Gouvernement Américain, pour le Musée National de Washington, dont elles constitue¬ ront certainement une des parties les plus remarquables. Outre ses importants travaux sur la faune du Royau¬ me-Uni et sur celle de l'Océan Atlantique Septentrional, on doit encore à Gwyn Jefireys des études sur des Mol¬ lusques de la Méditerranée, de la Mer Noire, de Sainte- Hélène, sur différents genres dont il fit connaître de nombreuses espèces, enfin d'intéressantes comparaisons entre les Mollusques d’Europe et ceux de la côte orientale 18 — 262 - de l’Amérique du Nord. Il publia aussi, à diverses repri¬ ses, sur les Mollusques post-tertiaires ; l’un des premiers, il avait reconnu les relations qui existent entre la faune malacologique actuelle des Mers d’Europe, et celle du Pliocène supérieur, lorsqu’il retrouva vivantes, dans ses dragages aux Iles Shetland et Hébrides, des espèces plio¬ cènes que l’on croyait éteintes. On voit combien était grande la place que Gwyn Jef- freys occupait dans le monde des malacologistes, et quel vide y a causé sa mort. Mais à côté du naturaliste, on regrettera encore l'homme aimable et obligeant, toujours prêt à donner des conseils et des encouragements, à ceux auxquels il pouvait être utile. On peut dire que tous ceux qui l'ont connu l’ont aimé, et ceux qui l’ont aimé ne l’ou¬ blieront certainement pas . VARIÉTÉS L’INSTITUT BOTANIQUE DE L’UNIVERSITÉ DE LIÈGE Par le Professeur MORREN. I. — LE JARDIN BOTANIQUE. Compris entre les rues des Anges, Nysten, Courtois, Fusch et Louvrex, le jardin de l’Institut botanique occupe un espace de forme pentagonale, mesurant quatre hec¬ tares 73 ares de superficie. Deux portes principales y donnent accès et s’ouvrent , l’une sur la rue de Louvrex, en face de la rue du Jardin botanique, l’autre sur la rue des Anges. Des issues, plus petites, ont également été ménagées sur les autres rues adjacentes. — 263 -- Sur la partie la plus élevée du jardin, à huit mètres au dessus du niveau de l’entrée et, pour ainsi dire, adossés à la rue Fusch, s’étagent, l’un derrière l’autre, deux groupes de constructions séparés par une terrasse orne¬ mentale. Ces construction se composent en partie des serres, en partie des installations botaniques. A partir de l’emplacement ou s’élèvent les bâtiments, le sol descend insensiblement, en pente douce, jusqu’à l’angle des rues des Anges et Louvrex auprès duquel se trouve l’entrée principale. En arrivant par ce côté, on peut embrasser d’un coup d’œil le jardin et les construc¬ tions qui le dominent au Nord. De beaux et larges chemins, à tracé sinueux , sillon¬ nent le jardin, et permettent une circulation facile aux promeneurs et aux étudiants. Le plus important de ces chemins, large de six mètres, partage le jardin en une partie médiane et une partie périphérique. La première comprend les cryptogames, les monocotylées, la rocaille, l’étang, une vaste pelouse réservée à la floriculture et un bosquet ombreux entou¬ rant un rond point central et planté des arbres les plus élevés. La seconde est occupée par les gymnospermes et les dicotylées et par les écoles spéciales. Des chemins moins importants, c’est-à-dire de . deux ou trois mètres, séparent les groupes taxinomiques subordonnés, comme, par exemple, les monochlamidées, les poly pétales et les gamopétales. Le tracé du jardin est donc en corrélation avec la classification botanique. De nombreux sentiers ménagés dans les grands par¬ terres contournent chaque famille naturelle, parfois même chacune de leurs tribus. Ils ne sont accessibles qu'aux étudiants. Les plates-bandes, dans lesquelles on cultive les collections botaniques , sont , en général , découpées dans des pelouses ; elles ont toutes des contours sinueux et se présentent sous les formes les plus diverses : elles sont groupées et plus ou moins rapprochées suivant les affinités naturelles. Dans chaque parterre , les végétaux sont disposés d’une façon pittoresque, suivant autant que — 264 — possible leur place systématique , leur taille , leurs exi¬ gences physiologiques et leurs mérites esthétiques. Plu¬ sieurs sont entourés de petites rocailles : d’autres croissent dans de petits bassins en maçonnerie alimentés d’eau courante. L’ordre suivi dans la plantation de I’école de bota¬ nique est conforme à celui de la méthode naturelle dans ses rapports avec l’évolution morphologique. C’est d’une source jaillissant près de la base du massif central sur la face orientale de la rocaille, que semble se développer le règne végétal. Elle nourrit des Algues et sur ses rives on ménage la place aux Hépatiques et aux Mousses. Le ruisseau qui en provient passe près des Fougères , des Prèles et des Lycopodes et entretient la fraîcheur néces¬ saire pour les Sélaginelles , les Pilulaires et les Marsilea qui savent se développer en plein air. Tous ces crypto¬ games archégoniés sont cultivés à peu près au centre du jardin, près de l’angle occidental des serres basses. Un peu au Sud et encore dans le centre se trouvent les Monocotylées formant trois groupes principaux , savoir les inférieures telles que les Potamées, les Aracées et les Glumacées , puis les Périanthées hypogynes ou Liliflores et enfin les Epi gy nés comprenant les Amaryl- lidées, les Iridées, les Orchidées, etc. Les Gymnospermes ou plutôt les Conifères sont en grande partie rassemblés dans le coin Nord-Est du jardin formé par les rues Louvrex et Fusch. Ils couvrent de ce côté une pente abrupte dont le sommet est occupé par l’Institut botanique, tandis qu’au pied se trouve l’habitation du jardinier en chef. Quelques Conifères sont encore disséminés sur les grandes pelouses. Les Dicotylées occupent tout le périmètre du jardin le long des rues Courtois, Nysten , des Anges et Louvrex. Dans le fond, au sud-ouest et au sud, les Monochlamidées ligneuses forment un bosquet touffu auprès duquel crois¬ sent les Euphorbiacées , les Orties , les Polygonées , les Chénopodes, les Amarantes et même les Bégonias. Elles conduisent aux Polypétales, plantées à l’ouest et qui — 265 — sont divisées en Hypanthiflores et Thalamiflores. De l’autre côté, c’est-à-dire à l'est, viennent les Gamopétales en quatre groupes , les Isandres , les Anisandres , les Bicornes et enfin les Epigynes qui se terminent par les Composées. La grande école botanique est complétée par quelques collections spéciales. Une vaste rocaille est réservée aux plantes alpines ou plutôt aux plantes montagnardes : elle occupe la partie la plus élevée du jardin située près du centre. Sa forme est celle d’une demi lune. Elle est divisée en trois massifs consistant en rochers de grès, de calcaire et de tuf séparés par de profondes vallées et elle présente ainsi les orientations les plus variées : aux sommets sur de petits plateaux , on a ménagé la miniature d’un pâturage alpin et de tourbières. Sous un des massifs se trouve une grotte pour les Hyménophylles , et sous un autre une petite glacière. Des eaux vives, projetées en fine pous¬ sière, entretiennent jour et nuit la fraîcheur nécessaire. La flore aquatique se développe dans de petits bassins disséminés dans l’école de botanique et dans le grand étang situé près de rentrée principale : les eaux qui le fournissent s’aèrent en tombant d’une cascade rocheuse qui semble elle-même continuer la rocaille alpine. L’école de floriculture, comprenant les plantes que leurs qualités esthétiques recommandent particulièrement pour le charme et l’embellissement des jardins est répan¬ due sur toute l’étendue du Jardin botanique de manière à se trouver partout en corrélation avec l’école de bota¬ nique. En d’autres termes, les plantes ornementales ne peuvent être cultivées que dans le voisinage de leur famille naturelle. Ainsi, par exemple , près des Monoco- tyles inférieures , le jardinier peut cultiver et disposer le plus agréablement possible tout ce qu’il y a de mieux en Cyperus, Papyrus, en Maïs, en Gynérium, en Bambous, etc., etc., en Calla et même en Palmiers , etc. Dans un autre massif, près des Périanthées hypogynes , il peut embellir ses cultures par toutes sortes de plantes bul- — 266 — beuses, des Yucca, des Phormium, et ainsi de suite. C’est ainsi que la floriculture aide à la connaissance de la bota¬ nique et peut inspirer l’amour de la science. De plus , la grande pelouse centrale qui s’étend devant les cons¬ tructions est aussi réservée à la mosaïculture et à l’art des jardins. L’école d'arboriculture ornementale et forestière est comprise dans l'école de botanique générale , sauf toutefois quelques arbres qui prennent un développement considérable ou qui doivent croître isolément. Ceux-ci sont disséminés sur les pelouses, au bord de l’étang et surtout au centre du jardin, autour d’un rond-point très agréable par la fraîcheur qu’on y ressent à l’ombre de grands platanes et d’autres arbres de belle prestance. Grâce à cette disposition, le pourtour du jardin botanique de Liège est ouvert et les riverains au moins la plupart, peuvent jouir de la vue du jardin. Pour le même motif, le jardin, sans être étendu offre des points de vue variés, riants, ainsi que des promenades ombreuses. Une école de pharmacie , c’est-à-dire de plantes offi¬ cinales rustiques sous notre climat, est placée à l'angle sud-est du jardin : les végétaux y sont disposés dans l’ordre des propriétés thérapeutiques. Elle est complétée par une école technique , c’est-à- dire des plantes utiles à l’art, à l'industrie ou au com¬ merce en général. Auprès des serres basses, ou bien près de l’habitation du jardinier, on a installé les services nécessaires pour les semailles seminarium ), pour la pépinière, pour la sortie des plantes d’orangerie pendant la bonne saison ( estivarium ) . pour les expériences et les observations scientifiques et même une école déplantés usuelles mises a la disposition des étudiants pour les démonstrations. Un système de distribution des eaux est établi dans toute l’étendue du jardin pour les arrosements. L’étiquetage des plantes a été le sujet de longues pré¬ occupations ; après bien des essais et des expériences, on a adopté de grandes étiquettes en forte tôle de zinc . en forme de coin portant en creux le nom des plantes et les autres indications nécessaires ; les noms sont frappés au marteau à l’aide de caractères mobiles en acier trempé. Ces étiquettes sont inaltérables , d’une seule pièce , éco¬ nomiques et suffisamment apparentes. Leurs formes et leurs dimensions varient suivant la taille des plantes. Quelques arbres portent une étiquette en tôle de fer sur laquelle on a peint , outre les noms scientifique et vulgaire, une carte géographique faisant voir en couleur rouge l’aire de dispersion de l’espèce. Ces étiquettes sont très appréciées. 2. — LES SERRES. Les serres du jardin botanique sont toutes réunies sur un plateau qui domine le jardin au Nord-Nord-Ouest; elles sont séparées de l’institut de pharmacie par une cour de service, auprès de laquelle demeure le concierge. La façade principale des serres est tournée au midi ou plus exactement vers le Sud-Sud-Est , qui est l’orientation la plus favorable. Elles forment deux groupes, qu'on désigne usuellemen sous les noms de serres hautes et de serres basses et qui sont séparées par une vaste terrasse. Les serres hautes, exclusivement métalliques, sont en grande partie de construction relativement ancienne : on en compte six. savoir quatre serres centrales adossées et en arc de cercle et deux pavillons ou rotondes. Les serres centrales sont disposées de chaque côté d’un vestibule de cinq mètres de large, deux au rez-de-chaus¬ sée et les deux autres à l’étage , un peu en arrière ; elles mesurent chacune 15m70 de longueur sur 4m25 de large et 4m environ de hauteur. La Serre des Bromelia , à gauche du vestibule et au rez-de-chaussée, est particulièrement affectée aux grands Bromelia , Agallostachas , Karatas , Ananassa , Æchmea et autres Broméliées spinescentes. — 268 — La Serre des Cactées du même côté , à l’étage, ren¬ ferme des plantes grasses et des plantes aloïformes. La Serre du Cap et des plantes molles est à droite au premier étage. La Serre des Crinum et Amaryllidêes est au rez-de- chaussée du même côté, et actuellement occupée par des Billbergia, Portea, Chevalliera , Androlepis, Macro- chordion , Hohenbergia , etc. et autres grandes Bromé¬ liacées. Les deux rotondes sont de forme octogone, chaque côté large de 6m,40, le diamètre est de 15m,60 et leur hauteur de 16 mètres au centre : les pans postérieurs sont construits en briques et garnis à l'intérieur de tuf calcaire et spongieux. La Rotonde d’Orangerie est à droite. Elle renferme actuellement de gigantesques Livislonia sinensis , des Phœnix do,ctylifera, des Corgpha, des Chamœrops , des Bracœna , un Philodendron grandifolium , Schot, de très grandes dimensions et croissant librement sus¬ pendu dans l’air. La Rotonde chaude, à gauche, est pourvue d’un ther¬ mosiphon, capable de maintenir 30° G. de chaleur, même par une gelée de 20°. L’appareil a été parfaitement cons¬ truit et installé, d’après nos indications, par M. Ch. Lacroix, de Gand. Quelques tuyaux de cuivre, chauffés séparément, courent près de la toiture pour enlever la buée qui pourrait s’y former. La rotonde elle-même est construite sans colonnes, ni fermes, ni charpente d’au¬ cune sorte. Elle a été fabriquée par M. Ghilain, construc¬ teur à Liège. Elle est destinée aux plantes ligneuses, utiles ou officinales de la région équatoriale, aux Cyca- dées, aux épices, aux arbres fruitiers des Tropiques, aux Pandanées, aux Bananiers, etc. L’ensemble des serres hautes mesure 51 ID de dévelop¬ pement et comprend 696iU de surface vitrée. La terrasse qui les précède a 7 mètres de large : elle est soutenue par un mur monumental de deux mètres de haut, surmonté debalustres et de vases artistiques, garni — 269 — de Rosiers thés et de Clématites. Au centre , un double r escalier donne accès aux serres basses ou plutôt à la cour intérieure, qui des trois autres côtés est bordée de serres basses disposées en parallélogramme. L’ensemble des serres basses couvre un espace d’en¬ viron 800ln de surface vitrée en serre double, c'est-à- dire 0m004 d’épaisseur. Elles communiquent toutes ensemble et même, par deux tunnels ménagés sous la terrasse, avec les sous-sols des serres hautes et des laboratoires. Un chemin à claire voie court sur leur faitage. Elles comprennent deux pavillons d’angle, un aquarium, huit compartiments ou serres et deux rem- potoirs. Les huit serres basses proprement dites sont cons¬ truites en bois de sapin : elles sont à double versant , larges deè5 mètres et hautes de 2m70. Leur aménagement intérieur varie suivant leur destination, de même que le nombre des tuyaux de chauffage. On y cultive des plantes exotiques de petites dimensions destinées à l’enseigne¬ ment et aux études scientifiques; on y remarque beaucoup de plantes officinales ou utiles, des Orchidées et surtout des Broméliacées dont la collection est de beaucoup la plus considérable qui existe au monde. Ces huit serres ou compartiments ont chacune une population végétale particulière. A gauche sont les serres les plus chaudes. La serre n° 1 ou serre des Yriesea, maintenue entre 15 et 20° G. minimum, renferme des Caraguata , Lam- prococcus , Nidularium et autres plantes de familles différentes. La serre n° 2 ou serre de la Vanille est un peu plus chaude : on y cultive notamment des Tillandsia , Anoplo- phytum, Cryptanthus , etc. La serre n° 3 ou serre des Népenthes est la plus chaude et la plus humide 23 à 25° G.). Elle est affectée aux Népenthes , aux Orchidées , aux Aroïdées , aux Marantacées, etc. La serre n° 4 ou serre des Pitcairnia est un peu plus — 270 — fraîche (15 à 18° au minimum). Outre les Pitcairnia, on y a réuni nombre d’Orchidées du Guatémala. du Mexique et même de la Colombie et quelques autres végétaux des mêmes contrées. Les serres basses de l'aile droite sont fraîches et plus froides. Voici actuellement leur destination. La serre 8 ou serre du Cap est attribuée aux Pelay •- gonium , Erica et diverses plantes de l’hémisphère austral. La serre 7 ou serre Péruvienne renferme des Bégonia , des Gloxinia , des Achimenes et d’autres représentants de la flore des Andes. La serre 6 ou serre des Billbergia contient beaucoup de petites Broméliacées du Brésil associées à d’autres végétaux de même origine. Enfin la serre n° 5 ou serre des Puya abrite les Puya , les Dyckia et autres Broméliacées du Pérou méridional et du Chili. Les pavillons d’angle ont environ 6m de haut et 7“ de large. Ils sont construits en fer. Ils sont particulièrement réservés aux végétaux frutescents ou aux jeunes arbres exotiques. Le pavillon tropical , à l’angle gauche des serres basses, renferme parmi d'autres plantes officinales ou utiles : le Caféier, l’Ipecacuana , des Quinquinas , le Canellier, des Cotonniers, etc. On y maintient une tem¬ pérature de 22 à 25° C . Le pavillon tempéré, dont la température est main¬ tenue autant que possible en hiver entre 8 et 13° C., con¬ tient des arbustes de Californie, du Japon, de la Chine, etc. L’aquarium, également en fer, de structure élégante , en forme d’octogone très allongé, mesure environ 13m de long et 7™ de large. Le bassin central est en pierre taillée, à profondeur variable, soutenu par un puissant massif de maçonnerie. Le Victoria regia s’y développe parfaitement. Sur le pourtour de cette serre, de petits aquariums réservés pour des cultures spéciales peuvent — 271 être alimentés d’eau de mer, pour laquelle des citernes ont été aménagées dans les sous-sols. Actuellement on y élève le Salvinia natans, YAzolla carolinea , le Pilu- laria , divers Marsilea , le Limnocharis Humboldi , tandis que le grand bassin central est envahi par : Vic¬ toria regia, Euryale ferox, Nymphéa cœrulea, N. denticulata, N. Lotus, Eichornia azurea, Pontederia crassipes , Pistia stratiotes , Myriophyllum proserpi- naceum , la Canne à sucre, le Riz, le Papyrus anti¬ quorum ., des Cyperus , etc. C’est dans les sous-sols que sont installés les appareils de chauffage et leurs approvisionnements. Ils occupent les caves de chaque pavillon d’angle et ils fonctionnent parfaitement, bien qu’ils soient de systèmes différents ; ils ont été fabriqués l’un par MM. Thiriart et Cie, l’autre par M. Libert, tous deux industriels à Liège. Les che¬ minées des fourneaux traversent deux bâches qu’elles chauffent avant d'atteindre deux colonnes élevées dans la cour de chaque côté de l’aquarium. Au milieu de la cour sont deux petites serres cons¬ truites sur des données nouvelles et chauffées au gaz ou au pétrole : elles doivent être très fraîches et sont réser¬ vées, l’une aux Odontoglossum et à certaines plantes carnivores, l’autre aux Hyménophylles. Le reste de la cour est occupé par des bâches , des couches, des châssis et des parterres d’observation et d’expérimentation. Enfin . à l’extérieur de la cour, de chaque côté des serres basses près des rampes conduisant à la terrasse sont, à gauche Yesiivarium et, à droite, l’école des plantes cultivées pour les études. 3. — Batiments. Les bâtiments de l’Institut botanique sont disposés en deux groupes attachés à droite et à gauche des serres hautes. Cette séparation était en quelque sorte imposée 272 par les conditions topographiques et surtout par les cir¬ constances locales. Elle est, du reste, sans inconvénient pour le service, l’aile droite étant affectée à l’enseigne¬ ment quotidien, tandis que l’aile gauche est réservée aux collections et à certaines études spéciales. Ils sont peu élevés, construits en pierre et de style grec. Aile droite. Enseignement. L’aile droite comprend les installations nécessaires pour l’enseignement de la botanique. Un large vestibule sert de vestiaire et peut abriter les étudiants pendant les intempéries. L’Auditoire est une vaste salle en hémicycle, de neuf mètres de rayon et très élevée. Il compte 8 rangées de bancs concentriques, comprenant 220 places numérotées. La chaire, élevée sur une estrade de deux marches, occupe le centre de la parlie droite de la salle. Auprès d’elle se trouvent un tableau noir et mobile, des piédes¬ taux, des tables, des bijoutières pour les plantes et les objets de démonstration et enfin des chevalets fixés au mur sur lesquels on dispose des tableaux graphiques se rapportant au sujet des leçons. Le laboratoire de démonstration est attenant à l’audi¬ toire. On y expose pendant un certain temps, à la dispo¬ sition des élèves, Jes objets de démonstration qui ont servi aux leçons , on y fait les démonstrations et les exercices pratiques élémentaires; on y expose les tableaux et les cartes utiles à l’instruction. Ce laboratoire est éclairé par cinq grandes fenêtres exposées au nord et à l’Ouest et devant lesquelles sont de solides tables d’étude : contre les trumeaux sont des armoires vitrées renfer¬ mant les microscopes les plus usuels. Les murs de ce laboratoire et en général de toutes les salles sont garnis de dessins ou d’objets botaniques les plus propres à éveiller l’attention et k exciter l’intérêt. Le laboratoire de recherches est une vaste salle bien éclairée par 6 fenêtres, dont 3 au Nord et 3 au Sud. Devant chaque fenêtre se trouve une table, à laquelle deux travailleurs peuvent prendre place. La partie cen¬ trale est occupée par une longue table pour la lecture, le dessin, etc. De petites armoires vitrées sont attachées au mur entre les fenêtres et au niveau des tables : les étu¬ diants y rangent leurs instruments et leurs notes après chaque séance. Deux armoires plus grandes contiennent divers objets d’un usage journalier, ainsi qu’une bibliothèque classique comprenant un petit nombre d’ouvrages les plus utiles, tels que les meilleurs traités généraux, des manuels techniques, des flores et des ouvrages pour la détermi¬ nation des cryptogames. Cette bibliothèque est conti¬ nuellement à la portée des élèves qui travaillent dans ce laboratoire. Une collection de matériaux d’étude conservés à l’alcool occupe une autre armoire : 600 flacons et 2000 tubes de trois grandeurs trouvent place dans ce meuble, grâce à une disposition intérieure spéciale. Ce laboratoire est en communication directe avec les serres où se font certaines expériences et des cultures déterminées. Ainsi par exemple, on a installé dans une serre voisine une armoire vitrée pour la culture de divers cryptogames, surtout de mycètes ou champignons, et pour des expériences de physiologie La salle du materiel communique avec les laboratoire dont elle constitue une dépendance. On y a placé une cage à évaporation, un lavabo, des produits chimiques, de la verrerie et divers ustensiles. Elle sert aussi de remise aux collections classiques, c’est-à-dire à tout ce qui doit le plus spécialement servir chaque année à la démonstration de l’enseignement. Ces collections comprennent : 1° Un herbier de démonstration, composé d’un grand nombre de types bien choisis, tant au point de vue scien- titique pur qu’au point de vue des applications de la — 274 — Botanique. Les neuf classes du règne végétal sont repré¬ sentées dans cet herbier qui contient ainsi non-seulement des phanérogames et des criptogames supérieurs, mais encore les types les moins élevés en organisation, parmi les algues et les champignons. Ces derniers, naturelle¬ ment, sont montrés sous le microscope. Pour les rendre d’un maniement plus facile, les échan¬ tillons ont été collés sur des feuilles de carton mince. Celles-ci sont classées et conservées dans des boîtes en bois. 2° Une collection de préparations microscopiques rela¬ tives à l’anatomie et à la cryptogamie. Jusqu'ici cette collection était surtout composée de séries achetées à des préparateurs de profession, tels que MM. Amadio, Boeker, Bourgogne, Delogne, Duncker, Hopfe, Moller, Vize, Zimmermann, etc... Ce fond primitif est peu à peu renouvelé par des préparations plus fraîches et plus en rapport avec les besoins actuels de l’enseignement. Ces préparations nouvelles sont exécutées au laboratoire même par le personnel de l’institut. Les meilleurs élèves concourent aussi à enrichir journellement cette collection. 3° 400 tableaux de démonstration collés sur carton. Ces tableaux, dont le format moyen est de 0m90 de hau¬ teur sur 0,70 de largeur, comprennent les belles séries de planches murales publiées par MM. Ahles, Dodel-Port, Giwotowsky, Henslow, Kny, Lubarsch. Poulsen, Schniz- lein, et tant d’autres auteurs. D’autres tableaux ont été exécutés à l’institut botanique par le préparateur et par un artiste dessinateur attaché momentannément à l’établissement. Ils reproduisent, en les amplifiant beaucoup, les figures publiées par les meil¬ leurs auteurs sur la morphologie générale, l’anatomie, la cryptogamie, la physiologie, la géographie botanique, etc. Quelques uns, enfin ont été dessinés d’après des pré¬ parations originales faites au laboratoire. 4° Une collection de bois, fruits et graines. Cette col- — 275 lectioii n’est formée que des types vraiment classiques. Ceux-ci ont été choisis parmi les échantillons les plus grands et les plus démonstratifs qui composent la collec¬ tion générale. Les fruits typiques communs sont recueillis chaque année en abondance afin qu’ils puissent être dis¬ tribués aux élèves pendant les exercicices pratiques. 5° Des modèles en carton pierre de grandes dimensions représentant les divers états du développement des prin¬ cipales espèces de champignons polymorphes. 6° Des modèles en cire représentant des ovules, des graines, des embryons, l’organogénie de la fleur, etc. Le cabinet du directeur est au centre de toutes ces installations et a vue, par deux fenêtres, sur l'ensemble du Jardin botanique. Il renferme une bibliothèque choisie formée d’ouvrages utiles, souvent de grande valeur ; on y conserve aussi les microscopes et autres appareils les plus précieux. Il est orné de bustes et de tableaux se rap¬ portant principalement à l’histoire de la botanique à Liège. Les salles des herbiers sont situées au premier étage et comprennent un herbier général, un herbier belge et un herbier cryptogamique. Les deux premiers, fusionnés pour le moment, sont formés d'une soixantaine d’herbiers particuliers, dont la plupart ont été recueillis par des botanistes voyageurs dans les diverses régions du globe. (La liste de ces herbiers sera publiée). Les armoires d’un modèle nouveau, simples et commodes forment 400 casiers dans lesquels les fascicules sont déposés sans carton ni courroie. On peut ainsi parcourir l’herbier avec la plus grande facilité. La fermeture hermétique des armoires rend d’ailleurs inutiles les diverses système de boîtes, cartons etc... L’herbier cryptogamique, relativement considérable, a été formé de l’herbier de M. le professenr Morren auquel de nombreux exsiccata ont été fusionnés. Parmi ces derniers on peut citer les plantes de Bellynck, Delo- gne, Desmazières, Gravet, Husnot, Libert, Manoury, Mougeot, Nordtedt, Olivier, Oudemans, Piré, Rabenhorst — 276 — Roumeguère, Thiimen, Westendorp, Winter et Wit- trock. Dans les trois salles des herbiers de grandes tables sont disposées le long des fenêtres et mises à la disposi¬ tion des étudiants et d’autres personnes qui veulent étudier les plantes sèches. La préparation des herbiers se fait dans une salle des greniers. Ceux-ci servent aussi de magasin pour les cristaux, les papiers, les cartons, certains produits chi¬ miques ou autres. Les alcools, les acides et d’autres produits semblables sont conservés dans les caves avec lesquelles on com¬ munique aisément. Le calorifère de l’auditoire est aussi établi dans le sous-sol. Enfin l’eau, le gaz et les sonne¬ ries électriques sont installés partout. Dans l’auditoire et plusieurs autres salles des volets à fermeture hermé¬ tique permettent d’obtenir l’obscurité nécessaire soit pour certaines expériences, soit pour des projections à la lumière solaire ou artificielle. Il serait non moins aisé de pratiquer la photographie dans les laboratoires. 4. — Enseignement. I. Le cours de Botanique est annuel et comprend une centaine de leçons. Il est suivi les étudiants de la candi¬ dature en sciences naturelles (1) ainsi que par ceux de la candidature en pharmacie. Pendant les dernières années, leur nombre fut , en moyenne , de deux cent cinquante. Le cours est divisé en deux parties : 1° La Botanique générale qui se résume en l’étude (1) En Belgique , les élèves qiu se destinent à la médecine doivent d’abord suivre, pendant deux ans , les cours de la Faculté des Sciences et y prendre le diplôme de candidat en sciences naturelles. — 277 — morphologique et biologique de la cellule. Cette partie, à laquelle sont rattachées l’anatomie et la physiologie générale des plantes , est traitée en une trentaine de leçons. 2° La Botanique spéciale qui comprend les principes généraux de la Taxinomie, l’étude des caractères géné¬ raux des neufs classes et la description des principales familles du règne végétal. Pour chacune de ces familles, les principaux genres et les espèces les plus importantes sont cités à titre d’exemples. Ces types sont choisis tant au point de vue scientifique pur qu’à celui des applica¬ tions à la médecine, à l’industrie, aux arts, etc... Cette seconde partie est synthétisée par le Tableau du règne végétal disposé suivant l'ordre de l'évolution , par M. le professeur Ed. Morren. Un cours de géographie botanique est fait aux élèves du Doctorat en sciences naturelles et des leçons appro¬ fondies sont données à ceux d'entre eux qui spécialisent la Botanique. 2. Démonstrations hebdomadaires. Chaque semaine l’assistant fait aux étudiants une dé¬ monstration relative aux questions exposées au cours. Les collections du laboratoire servent à ces démonstra¬ tions. Les étudiants peuvent, pendant ces séances, con¬ sulter à leur aise les herbiers, les livres et atlas de la bibliothèque, revoir les planches murales , étudier des préparations mises à point sous des microscopes, demander des explications... en un mot répéter les leçons du pro¬ fesseur en ayant sous les yeux toutes les pièces à con¬ viction. 3. Des exercices pratiques élémentaires ont été institués en faveur des élèves de la candidature en sciences et de ceux de la candidature en pharmacie. Ces exercices sont facultatifs et comprennent de douze à quinze séances de travail chaque semestre. Ils ont été fréquentés, pendant l’année académique 1884-85, par une 19 — 278 — cinquantaine d’élèves, qui furent divisés en quatre séries. Chaque série a travaillé au laboratoire une fois par semaine pendant trois heures au moins. Le but des exercices pratiques élémentaires est de faciliter l’étude de la Botanique en développant chez les élèves l’esprit d’initiative et d’observation. Au début de chaque séance, l’assistant rappelle en quelques mots les enseignements théoriques relatifs aux exercices à faire ; il indique la manière d’opérer, les procédés à employer, les réactifs dont il faut faire usage, etc. . . . Les élèves se livrent ensuite un travail personnel : ils font eux-mêmes les préparations , les observent, prennent des notes et des croquis. Chaque élève dispose d’un microscope Vérick , moyen modèle, avec les objectifs N0s 0, 2, 6 ; d’une série de réactifs ordinaires ; d’une boîte contenant les instruments indispensables tels que scalpel , rasoir, aiguille , pince , lames, lamelles, etc . Voici maintenant le programme des exercices pratiques élémentaires : 1er trimestre : a) Maniement du microscope et confection des prépa¬ rations. » b) Etude générale de la cellule et des tissus. 2e semestre : a) Morphologie de quelques types de cryptogames cellulaires et vasculaires ; y b Etude spéciale des principales familles de plantes phanérogames (1). Pendant l’été les élèves étudient les familles naturelles, principalement les phanérogames en analysant les fleurs (1) On peut voir à l’Exposition d’Anvers une collection de 200 prépa¬ rations environ choisies parmi les meilleures de celles exécutées par les élèves qui ont pris part aux exercices pratiques élémentaires pendant l’année 1884-85. ' — 279 — mises a leur disposition. Plusieurs herborisations sont organisées sous la direction du professeur ou de l'assis¬ tant. 4. Travaux des élèves du Doctorat en sciences naturelles. Les élèves du Doctorat qui approfondissent la Bota¬ nique fréquentent journellement le laboratoire : Ils s'y livrent à des études de perfectionnement et à des re¬ cherches originales. Le programme de ces travaux ne peut-être , on le conçoit , uniforme et constant. Aile gauche. Collections. L'aile gauche, attachée à la rotonde du même côté, est exactement symétrique à l’aile droite, au moins du côté de la façade, tandis que par derrière les bâtiments de la botanique ont été de ce côté écourtés par ceux de la pharmacie. Cette aile gauche est actuellement réservée aux collections botaniques. Un corridor transversal, accessible du côté du jardin, conduit aux principales salles. Un laboratoire de physiologie est attenant à la rotonde tropicale : c'est une assez grande chambre rec¬ tangulaire éclairée par 6 fenêtres. On y a installé actuel¬ lement l'herbier des Broméliacées , renfermé dans de bonnes armoires en bois. Une bibliothèque occupe une chambre voisine , très profonde, et peu éclairée par deux fenêtres seulement. Elle peut servir de lieu de réunion. Le Musée de botanique termine les bâtimenls du côté gauche, comme l’auditoire les termine du côté droit. Il est haut de llm, large de 15 et a la forme d’un hémicycle éclairé par deux rangs de sept fenêtres. Une large galerie en fer, supportée par des colonnes ornées et accessible par deux escaliers tournants, court le long des parois semi-circuiaires. Les mycètes et les végétaux — 280 — cellulaires sont installés dans cette galerie, tandis que les produits des Gymnospermes et des Dicotylées occu¬ pent le rez-de-chaussée. Ces collections se composent de bois, de fibres, de fruits, de graines et des produits les plus divers du règne végétal. Ils sont classés dans de grandes armoires vitrées de la manière la plus pitto¬ resque et la plus instructive, tant pour les hommes de science que pour le public. Les spécimens les plus consi¬ dérables ou les plus précieux sont conservés dans cer¬ taines vitrines particulières et appropriées. Au centre du Musée on a installé une forte colonne portant 24 grands panneaux suspendus sur des gonds mobiles destinés à recevoir les principaux spécimens de la flore de Belgique et â servir ainsi d’herbier public. Eufin, contre le mur droit du fond de cette salle, on doit arranger une sorte de trophée de grandes tiges et de produits extraordi¬ naires. Des bustes et des tableanx doivent compléter l’ameublement de cette salle de collection. La salle des Monocotyléès, située en arrière, conti¬ nue et complète le musée principal. A l’étage quelques grandes salles et des greniers ser¬ vent de remise pour les produits végétaux qui attendent le classement. D’autres salles, accessibles par un escalier dérobé, ser¬ vent à la préparation et à la conservation des graines. Diverses caves s’étendent sous la grande partie des bâtiments : on y conserve les pots, les terres, les bois, les charbons et en général, une grande partie du matériel d’exploitation. La cour de derrière est indispensable pour la prépara- t iondes terreaux. Quelques petites chambres ménagées derrière les serres centrales servent de remise aux outils, de cantine pour les ouvriers, d’atelier et enfin le logement du con¬ cierge. Un joli cottage, bâti à l’angle nord-est du jardin, entre les rues Louvrex et Fuscb, sert d’habitation au jardinier s en chef et sa famille. On lui a réservé un petit jardin particulier. 5. — Le Personnel. Le personnel de l’Institut botanique de Liège est actuel¬ lement formé de la manière suivante : Le directeur de l’Institut, professeur à l’université. Un assistant du cours de botanique, M . Auguste Gra¬ vis, docteur en sciences naturelles, chargé des démons¬ trations et de la surveillance des travaux pratiques faits par les élèves. Un élève assistant, M. Emile Bernimolin, docteur en sciences naturelles, actuellement occupé à la détermina¬ tion des plantes cultivées, au classement des herbiers et à la mise en ordre du Musée botanique. Un conservateur des collections, M. Pierlot, a spécia¬ lement dans ses attributions la tenue des registres d’entrée et des inventaires, la correspondance et les écritures. Un concierge est chargé de service des locaux et un garçon de salle est en même temps commissionnaire. Un jardinier en chef, M. J. Maréchal, veille à tout ce qui concerne la culture, l’entretien du jardin, l’étiquetage des plantes, la récolte des graines, etc. et il a, à cette fin, sous ses ordres un personnel de 9 ou 10 jardiniers journaliers et de 4 apprentis, savoir : Un jardinier pour les plus grandes serres chaudes avec un apprenti. Un jardinier, avec un apprenti, pour les grandes serres tempérées, le service des étiquettes, les graines, etc. Deux jardiniers avec deux apprentis pour les serres basses, l’aquarium et les services de la cour. Un jardinier de plein air spécialement chargé de la conduite des arbres et des arbustes. Deux autres jardiniers pour la culture des écoles. Un jardinier pour l’entretien des pelouses et des eaux. Un journalier pour le service des fournaux et le gros œuvre. - 282 — Enfin un journalier pour les services techniques. Le service de la police est fait par un agent préposé de l'Administration communale » 6. — Budget général. Les frais de création et du premier établissement ont été supportés par le Gouvernement et par la ville de Liège conformément à la législation générale qui régit les universités de l'Etat. La ville de Liège a fourni les terrains et a payé les premières serres construites en 1841 ainsi que les clôtu¬ res et la maison du jardinier. Le Gouvernement a payé toutes les constructions nou¬ velles à l’aide d’un subside extraordinaire mis à sa dispo¬ sition pour les universités de l’Etat. La somme dépensée de ce chef est de fr. 415.313,72, ainsi répartie : Gros œuvres des bâtiments et de la nouvelle rotonde chaude, prix d’adjudication . fr. 174,867 » Suppléments . 7.337 82 Mur de la terrasse . 31,680 43 Constructions des serres basses . 76,428 47 Compléments des constructions, calo¬ rifères, distribution des eaux et du gaz mobilier . 125,000 » Ensemble . fr. 415,313 72 Quelque travaux complémentaire exécutés récemment portent la dépense très approximativement à 425,000 fr. sans compter les Irais de premier établissement supportés par la ville de Liège. Les dépenses annuelles pour l’usage et le développe¬ ment de l’Institut botanique incombent à l’Etat et sont prélevées sur le budget de l’Instruction publique. Elles concernent le personnel et le matériel. — 283 — Personnel. — La direction est gratuite, en ce sens qu’elle est inhérente à la qualité de professeur de bota¬ nique à l’Université de Liège dont le traitement est de 7000 francs. Le traitement de l'assistant est de 2,000 fr. Celui de l'élève-assistant est de 1000 fr. Le traitement de conservateur des collections est de 2350 francs. Celui du jardinier en chef est actuellement de 2,800 fr. (maximum). Il jouit, en outre, du logement avec chauf¬ fage et éclairage. Les ouvriers reçoivent un salaire journalier qui varie de 2 fr. 50 à 4 francs et les apprentis reçoivent de 30 à 50 francs par mois. Une somme de 12000 francs est affectée annuellement au service des ouvriers. Le concierge reçoit, outre le logement, une indemnité de 1100 francs. Le garçon du laboratoire est payé actuellement à raison de 900 fr. l’an. Le service de la police est à la charge de la ville. Matériel. — L’institut botanique n’a pas encore de budget régulier : actuellement il ne dispose encore que de 4 à 5000 fr. qui sont prélevés annuellement sur le crédit général pour le matériel de la faculté de sciences, crédit qui est d’une cinquantaine de mille francs. Mais cette somme de 4000 francs attribuée au Matériel du Jardin botanique est absolument hors de proportion avec les besoins de l’établissement. Pour le prouver, il suffit de constater que le jardin botanique de l’Etat à Bruxelles figure au budget de l’agriculture (Ghap III, paragr. 19 et 20) pour 31,200 francs au personnel et 55,200 francs pour le matériel et la culture. 4000 francs suffisaient à peine quand le jardin botanique était incomplet et ina¬ chevé et il est nécessaire de porter à 12,000 francs le crédit annuel pour le matériel de l’Institut botanique, savoir : 5000 francs pour la culture et 7000 francs pour le laboratoire et les collections. Il convient, en outre, que ce crédit soit assuré directement à l’établissement indé- 284 — pendamment des autres besoins qui peuvent se produire à la faculté des sciences. La houille nécessaire pour les fourneaux des serres et pour les calorifères est fournie directement par l’admi¬ nistration de l’université. 7. — Conclusions. Les installations de l’Institut botanique de Liège et son organisation ont été inspirées par la volonté de le faire servir tout entier à l’enseignement ; d’abord et avant tout à renseignement universitaire et aux progrès des hautes études, mais aussi à l’enseignement punlic en général, à toutes les écoles qui veulent le visiter et y trouver des objets d’observation , aux visiteurs qui viennent s’y promener et même s’y reposer. Tout ce qui le compose : jardin, serres, laboratoires, herbier, biblio¬ thèque et collections est accessible à tous. Il est l’expres¬ sion de l’union intime de la culture et du laboratoire qui, à Liège, s’entr’aident pour se fortifier mutuellement. L’Institut botanique de Liège est en relations scienti¬ fiques avec tous les jardins botaniques du globe, avec lesquels il échange des plantes et surtout des graines. Il publie chaque année le catalogue des graines récol¬ tées et il l’adresse à la plupart des établissements simi¬ laires du monde. Ces vastes relations ont donné lieu à la Correspon¬ dance botanique dont la publication est appréciée avec beaucoup de faveur. — 285 — FRAGMENTS BIOLOGIQUES Par le Pr A. GIARD. Sur l’EURYTOMA LONGIPENNIS Walk. L 'Eurytoma longipennis est très commun à Wimereux dans la dune qui avoisine le laboratoire où je l’observe depuis une dizaine d’années . Découvert d’abord en Angleterre parM. Walker (1), ce Chalcidien a été étudié depuis par M. Weyenbergh, Jr. auquel nous devons des renseignements fort intéres¬ sants sur cet hyménoptère. C’est à Zandvort près de Harlem que Weyenbergh retrouva en 1868 1 'Eurytoma\ plus tard, en 1870, M. Hugo de Vries l’a rencontré dans les dunes de la Hollande méridionale, près de Naaldwijk et de Voorne. La station de Wimereux est je crois la première signalée en France, mais il est très probable que Y Eurytoma sera observé dans bien d’autres points du littoral. Ce Chalcidien vit en effet en parasite dans les gales d’une graminée très commune sur les côtes de France, le Psamma arenaria de Linné (en picard oyat). Le fait est d’autant plus remarquable, que les Chalcidiens, et en particulier les espèces du genre Eurytoma vivent en parasites à l’intérieur d’autres insectes. Il faut toutefois faire exception pour Y Eurytoma flavipes. Forster qui occasionne des déformations aux épis de l’orge, de même que YE. longipennis à ceux du Psamma et a même de (1) Walker Ann. and Magaz of Nat. hist. 1845, t. XV, p. 496. (2) H. Weyenbergh. Sur la manière de vivre de V Eurytoma longi¬ pennis. Archives néerlandaises des sciences exactes et naturelles, t. V 1810, p. 420. — 286 — ce fait été signalé comme insecte nuisible aux environs de New- York. Nous résumons ci-dessous la description très exacte de Weyenbergh. A l’extrémité des tiges infestées de Psamma arenama existe une dilatation qui a l'aspect d’un bouton de fleur court et épais ; lorsqu’on ouvre une pareille galle en enle¬ vant les feuilles une à une, on trouve entre les feuilles centrales intimement soudées, dans une substance verte, d’apparence médullaire, une larve d’une couleur jaune clair. C'est cette larve qui agissant comme cause d’irrita¬ tion anormale, à la façon des larves de Cécidomyes, donne lieu au développement morbide du parenchyme végétal. Les premières phases de l’évolution n’ont pas été vues par Weyenbergh ; elles sont intéressantes comme représentant l’état condensé par rapport aux formes larvaires à embryogénie dilatée étudiées par Ganin chez Platygaster et Teleas. Nous publierons dans un mémoire spécial le résultat de nos observations. Les larves se développent lentement pendant l’hiver ; l’évolution s’achève rapidement au printenps ; vers le mi¬ lieu d’avril les larves se transforment en nymphes qui donnent l’insecte parfait à la fin de mai et en juin. Ce dernier a été très bien décrit et figuré par Weyen- begh, les sexes se distinguent non seulement par la forme plus ou moins aiguë des bouts de l'abdomen et par la présence ou l’absence de la tarière mais aussi par les antennes qui sont plus longues chez les mâles et par les ailes supérieures dont la pointe montre chez les femelles une petite nervure transversale. L 'Eurytoma a pour ennemis d’après Weyenbergh : 1° les Campagnols ; 2° un hyménoptère le Bracon cau- diger Nees ab. Es., qui éclot des galles infestées par sa larve à la fin de juillet, plusieurs mois par conséquent .avant la transformation de Y Eurytoma: 3° un coléoptère le Basytes nobilis , Illiger dont la larve vit également aux dépens de la larve Y Eurytoma. — 287 — Il est intéressant de remarquer que le Dasytes nobilis ( Dolichosoma nobile ) a été signalé par Gussac comme très rare à Calais. Il est donc fort probable que Y Eurytoma existe également dans les dunes de Calais oui ePsamma arenaria pousse en abondance. Sur la présence en France du SCHISTOCEPHALE. Le genre Schistocephalus a été créé par Creplin pour un Botriocephalide dont la tête est fendue de chaque côté et pourvue d’une ventouse. Le Schistocephalus solidus vit à l’état sexué dans le canal digestif des oiseaux aqua¬ tiques. Il parcourt une partie de son développement dans la cavité viscérale de l'Epinoche. Le Schistocéphale a été surtout rencontré dans le Nord de l’Europe et les zoologistes français ont pu jus¬ qu’à présent difficilement l’étudier. C’est grâce à l’obli¬ geance du professeur Küpfer que la Faculté des sciences de Lille a reçu, il y a quelques années, les exemplaires qui ont servi aux études de M. Moniez sur les Cestodes, et qui venaient des environs de Kœnisberg. Je crois donc intéresser les zoologistes Français, en leur signalant une localité où ce curieux Cestode existe en abondance. C’est aux environs de Laigle dans l’Orne en Nor¬ mandie que le Schistocéphale est particulièrement com¬ mun. Les épinoches infestées par ce parasite ne paraissent pas trop en souffrir et vivent très bien en captivité. Elles supportent même très facilement les déplacements. Les zoologistes qui désireraient étudier plus complètement révolution du Schistocéphale, peuvent s’adresser à M. A. Carlier, marchand de poissons, 3, boulevard du Palais, à Paris, qui leur procurera à très bon compte des épinoches infestées. — 288 — NÉCROLOGIE. Victor MEURE1N. La rédaction du Bulletin scientifique vient de perdre un de ses plus anciens et de ses plus dévoués collabora¬ teurs, M. Victor Meurein. Ouvrier de la première heure, M. Meurein n’a cessé que peu de temps avant sa mort de prêter à notre recueil le concours de sa collaboration. Météorologiste distingué , M. Meurein a poursuivi pendant plus de trente années, de longues et patientes recherches ; il a amassé pour la science qu’il cultivait avec passion , les documents les plus précieux. Le Bulletin scientifique a publié une importante partie de son œuvre. Membre d’un grand nombre de société savantes, pré¬ sident ou vice président de presque toutes les Commis¬ sions administratives des divers établissements scienti¬ fiques de notre ville, adjoint au maire de Lille, profes¬ seur de chimie à l’Institut industriel, M. Meurein montra partout une égale activité et une indiscutable compé¬ tence. C’est à lui que revient l’honneur d’avoir fondé, il y a quelques années, cette jeune et vaillante Société d’Horti- culture, qui est une des mieux organisées et des plus florissantes de la région. Il en dirigea les travaux jusqu’à sa mort. M. Meurein n’avait pas seulement les qualités de l’esprit, il avait encore les qualités du cœur. Sa science et sa modestie n’avaient d’égale que sa bonté. La ville de Lille lui a fait des funérailles en rapport avec son mérite, et la foule, qui les suivait, montrait en quelle estime était tenu cet homme de bien. G. Dutilledl. — 289 — Charles ROBIN. La Faculté de médecine et les sciences biologiques ont perdu l’un de leurs plus éminents représentants, Charles Robin, professeur d’histologie, membre de l’Académie de médecine et de l’Académie des sciences. Robin était né à Jasseron (Ain), le 4 juin 1821. Interne des hôpitaux en 1843, lauréat de l’Ecole pratique en 1844, docteur en 1847, docteur és-sciences naturelles et agrégé en 1847, Robin s’était voué à l’anatomie, à l’anatomie générale et à l’histologie. Sa ténacité, son âpreté au travail avaient surmonté tous les obstacles, et lui avaient ouvert par le concours une brillante carrière ; car Robin n’était pas doué des facultés natives qui aplanissent la voie du concours et du professorat. Il n'avait ni la mémoire, ni le don de la parole, ni la facilité de style. Mais il possé¬ dait à un très haut degré la faculté de l’observation du travail assidu et persévérant, l’esprit critique, le goût et l’ardeur des recherches scientifiques. De Blainville, dont il était l’élève, et Rayer, dont il était l’ami, avaient dirigé son esprit scientifique. Auguste Comte et Littré, son collaborateur, avaient inspiré ses idées philosophi¬ ques. Il s’était consacré totalement à l’histologie, dont il est un des fondateurs et des initiateurs, et il avait accu¬ mulé une quantité considérable de matériaux a l’origine de cette science, si bien que pendant quinze ans, de 1847 à 1862, il fut le seul à l’enseigner, dans des cours parti¬ culiers et dans un laboratoire qu’il avait installé dans l’ancienne mairie du XIe arrondissement. C’est pendant cette période qu'il a publié les mémoires originaux qui lui assuraient la première place en histologie : sa thèse d’agrégation sur les fermentations ; son mémoire sur V ovule mâle des animaux et des végétaux (Acad, des sciences, 1848 ; sur le développement des os ( Gazette médicale, 1849) ; son Traité du microscope et des injec¬ tions dans leur application à V anatomie et à la patho¬ logie, , suivi d’une classification des sciences fondamen- — 290 — taies, 1849, 2e édition, 1876; les Tableaux d'anatomie humaine et comparée , 1851 ; son Traité de chimie ana¬ tomique et physiologique normale et pathologique, en collaboration avec Yerdeil, 1853; son Histoire naturelle des végétaux parasites , 1853 ; son mémoire sur les modifications de la muqueuse utérine pendant et avant la grossesse (Ac. de méd., 1861). Il collaborait en même temps au journal de Brown-Séquard ; il fondait le Journal dœ l'anatomie , qu'il a dirigé jusqu’à sa mort; il rédigeait avec Littré le Dictionnaire de médecine , de chirurgie , etc., d’après les plans de Nysten. Tous les articles d'anatomie, de physiologie, d’histologie et des sciences naturelles ou chimiques et physiques, étaient rédigés par Robin. En 1862, il prenait possession de la chaire officielle d’histologie créée pour lui à la Faculté de médecine à la suite d’un décret impérial qui créait en même temps pour Rayer la chaire de médecine expérimentale et qui le plaçait au décanat. Grand fut alors l’émoi de la Faculté qui avait refusé la création de la chaire d’histologie, qui n’avait point demandé celle de médecine expérimentale et comparée et qui voyait s’imposer comme doyen le médecin et l’ami de Napoléon III. L’accueil que firent les étudiants aux deux nouveaux professeurs est resté légen¬ daire. Et cependant, ce décret examiné froidement, apprécié à la distance des évènements accomplis, nous semble l’une des plus larges et des plus légitimes mesures qui aient été prises en vue du progrès des études et des recherches dans notre science. Il plaçait à la chaire d'histologie le seul homme qui eût alors conquis un nom dans l’anatomie générale et qui la connût dans tout son ensemble. Peu de temps après, Robin voyait couronner sa carrière par son élection à l’Institut (15 janvier 1866). En dernier lieu, ses compatriotes du département de l’Ain l’avaient élu au Sénat janvier 1876) et lui avaient renouvelé son mandat en 1884. Il siégeait dans l'Union républicaine. Malgré son élévation successive aux postes les plus — 294 — honorables et les plus enviés, Robin n’avait cessé de travailler et de publier. Ses Leçons sur les substances amorphes et les bactéries (1866) ; sur la substance orga¬ nisée et ses altérations (1866) ; sur les humeurs nor¬ males et morbides de l'homme (1867) ; 2e édition, 1875; sur les vaisseaux capillaires et l-inflammation (1868) son Anatomie microscopique des tissus et des éléments anatomiques (1868) ; son Traité de microscope (1871); son Anatomie et physiologie cellulaires (1873) ; une foule de mémoires insérés dans le Journal de V Anatomie démontrent la puissance de ce labeur constant. Cette année même il se faisait à lui tout seul un nouveau dic¬ tionnaire de Nysten au courant des acquisitions nouvelles de la science. La mort l’a surpris brusquement sans qu’il a vît venir, en pleine santé, sans infirmités ni souffrances, comme on s’endort après une journée bien remplie. Quoi qu’il fut placé très haut dans l’estime publique et chargé d’honneurs, Robin, depuis quelques années, n’était pas, ce nous semble, parfaitement heureux ; il n’avait pas cette satisfaction intime de voir ses premiers travaux rester intacts et servir de base à eaux qui étaient publiés depuis ; il n’était plus le guide d’un grand nombre de jeunes savants. Des écoles nouvelles l’ignoraient. Au lieu d’accepter cette loi du progrès qui pousse chaque jour à des découvertes par des méthodes nouvelles, par l’ini¬ tiative générale des hommes de tous les pays, il se révol¬ tait contre toute donnée qui dérangeait ses connaissances antérieures ; son premier sentiment était alors la cri¬ tique, judicieuse parfois, souvent injuste. Injuste, car nous marchons vite en notre siècle, et par exemple sa thèse sur la fermentation, qui date de 1847, ne prévoyait pas la révolution qui a été accomplie par Pasteur dans cette question. Et il en fut ainsi d’une infinité de points d’histologie où il ne pouvait se décider à reconnaître la compétence de Ranvier ni d’aucun savant d’outre Rhin. Il lui manquait cette qualité, cette bonne grâce, d’accueillir et d’admettre les choses nouvelles, et d’en savoir gré à leurs auteurs. — 292 — Devons-nous faire un reproche au maître en histologie, au collègue que nous avons perdu, de ce travers qui est si naturel et si commun? Non, car il en ressentait tout le premier les inconvénients, et nous ne devons nous rappe¬ ler aujourd’hui que du savant dont la vie laborieuse a été toute entière consacrée à la biologie et dont la mort laisse un si grand vide au milieu de nous (1). V. Cornil. CHRONIQUE. FACULTÉ DE MÉDECINE DE LILLE. M. le Docteur Théodore Barrois, licencié ês sciences naturelles, vient d’être nommé Maître de Conférences à la Faculté de médecine, en remplacement du regretté Paul Duponchelle ; M. Th. Barrois a toutes les qualités nécessaires pour continuer avec succès l'œuvre si bien commencée par son devancier. La Faculté de Médecine ne pouvait faire meilleur choix et l’Institut zoologique de Lille est fier de constater que pour la troisième fois la Faculté de Médecine accueille dans ses rangs, un des naturalistes qu’il a formés. (1) Nous avons tenu à publier, sans y changer un mot, la notice consa¬ crée à M. Robin par le professeur Cornil. La compétence toute spéciale de l’auteur nous imposait cette obligation ; mais nous faisons toutes nos réserves sur les appréciations concernant le caractère de Cb. Robin , que nous avons toujours trouvé accueillant pour les jeunes gens et prêt à accepter les résultats nouveaux acquis à la science par les méthodes nouvelles. A. G. LILLB. — IMP. L. DANBL. 1884-1885. N° 9-10. SEPTEMBRE-OCTOBRE. SYNOPSIS DE LA FAUNE MARINE de la FRANCE SEPTENTRIONALE Par M. A. GIARD, Professeur à la Faculté des Sciences de Lille. Depuis longtemps les élèves de la Faculté des Sciences de Lille et les personnes qui fréquentent le laboratoire de zoologie maritime de Wimereux me demandent de publier dans le Bulletin scientifique clu Nord , une nouvelle édition complétée et mise au courant de la science des catalogues que Bouchard- Chantereaux a consacrés à la Faune marine du Boulonnais. Tout en reconnaissant Futilité d'un semblable travail, j’en ai pendant plusieurs années retardé l’exécution. J'avais, en effet, amassé les matériaux d’une œuvre beau¬ coup plus considérable s’étendant à toutes les cotes océaniques de la France. Mais une pareille publication présente des difficultés et réclame des lenteurs dont ne se doutent pas ceux qui planent tellement haut au dessus des recherches de spécification qu’ils en dédaignent l'importance. J ai donc pensé qu’il pourrait être profitable à la science et agréable aux débutants, d’établir provisoirement un modeste catalogue des richesses zoologiques de nos rivages du Nord. Dans les pages qui suivent je ne ferai que résumer les découvertes de ceux qui ont exploré le lit¬ toral de la Gaule-Belgique et les résultats des recherches que j'ai poursuivies depuis une douzaine d’années dans cette région. Les catalogues de Bouchard-Chantereaux sont devenus presque introuvables 1 : ils présentent d'ailleurs de (1) L Histoire de Boulogne duDr Bertrand, imprimée en 1829, renferme (t. II. pp. 484-495) le catalogue des Mammifères, oiseaux, reptiles et 20 — 294 — nombreuses omissions et pas mal d’erreurs qu’il importe de corriger. Nous aurons soin de reproduire les observations intéressantes qu’ils renferment. Nous ne manquerons pas de citer également les publications qui ont été faites depuis sur tel ou tel groupe d’animaux marins de la région que nous étudions. Tableau dichotomique des» genre»» de Mollusques marins (1). 1. Mollusques nus, sans coquille à l’état adulte. (2). Mollusques à coquille interne ou externe. (15). insectes du pays, par Demarle ; la liste des poissons et des invertébrés par Bouchard. Il a été fait, mais seulement pour les animaux sans ver¬ tèbres , une réimpression de ce catalogue en 7 pages in-8° à l’imprimerie de Birlé. Bouchard a publié depuis : 1° Catalogue des Crustacés observés jusqu'à ce jour à l’état vivant dans le Boulonnais (. Mémoires et notices de la Société d’ agriculture de Boulogne 1832, p. 115-136). Il existe de ce travail un tirage a part en 24 pages suivi des Observations sur le genre Ancyleen 8 pp. in-8°, Le Roy-Mabille 1833. 2° Catalogue des Mollusques marins observés jusqu’à ce jour à l’état vivant sur les côtes du Boulonnais ( Mémoires et notices de la Société d’ agriculture de Boulogne, 1834, pu. 99-168). Un tirage à part en 72 pp. in-8° a été fait de ce travail chez Le Roy- Mabille en 1835. (1) Les tableaux de ce genre n’ont d’autre but que de conduire à une détermination rapide par l’emploi de caractères très souvent artificiels et sans tenir compte des affinités réelles des êtres qu’ils séparent ou qu’ils rapprochent les uns des autres. Leur emploi ne dispense nullement les élèves de compléter les déterminations par la lecture dans les traités spéciaux des caractères naturels du groupe étudié. J’ai emprunté en partie les éléments de ce tableau à la clef dichotomique des mollusques de la Belgique par P. Pelseneer. Malgré les améliorations que j'ai pu y apporter, je ne me dissimule pas qu’il serait possible de faire mieux encore et je recevrai volontiers toutes les observations que les zoologistes voudront bien me faire à cet égard. — 295 — 2. Pas de branchies. Elysia. Branchies extérieures, parfois rétractiles et par suite momentanément invisibles. (3). 3. Branchies disposées en étoile à l’extrémité posté¬ rieure. (4). Branchies disposées en rangée des deux côtés du dos. (9). 4. Manteau large, recouvrant la tête et le pied. (5). Manteau étroit, ne recouvrant pas le pied. (6). 5. Tentacules rétractiles dans des cavités du man¬ teau. Doris. Tentacules rétractiles dans une gaine. . Thecacera. 6. Manteau libre sur les bords. (7). Manteau complètement adhérent, portant sur ses bords des filaments terminés en massue. Ancula. 7. Tentacules portant des filaments à leur base. Idalia. Tentacules simples. (8). 8. Manteau prolongé antérieurement en deux cornes. POLYCERA. Manteau ne couvrant pas la tête simple. Goniodoris. 9. Tentacules rétractiles dans des gaines. (10). Tentacules non rétractiles ou nuis. (12). 10. Voile recouvrant la tête, simple, tuberculeux ou frangé. (11). Voile pourvu d’appendices arborescents. Dendronotus. 11. Voile simple. . Doto. Voile tuberculeux ou frangé. Tritonia. 12. Animal dépourvu de tentacules céphaliques. Alderia. Animal pourvu de tentacules céphaliques. (13). 13. Tentacules céphaliques au nombre de quatre. Eoijs. Tentacules céphaliques au nombre de deux. (14). 14. Animal de petite taille , branchies dorsales peu nom¬ breuses. Embletonia. Animal de taille moyenne , branchies dorsales très nombreuses. Antiopa. — 296 — 15. 16. \1 . 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. Animaux a coquille interne , pourvus de bras cépha- liques. (16). Animaux à coquille externe ou à coquille interne sans bras céphaliques. (21). Huit bras céphaliques , quelques pièces cartilagi¬ neuses internes. (17). Dix bras; osselet interne allongé, d’une pièce. (18). Bras garnis de deux rangées de ventouses. Octopus. Bras portant une seule rangée de ventouses. Eledona. Osselet interne calcaire, assez épais. Sepia. Osselet corné , mince , transparent. (19). Animal assez grand , allongé , à nageoires triangu¬ laires. (20). Animal petit, court, à nageoires arrondies. Sepiola. Osselet lancéolé. Loligo. Osselet linéaire , terminé par un appendice conique. Ommastrephes. Coquille interne dans la chair du manteau, branchie en forme de plume sur le côté droit. Pleürobranchus. Coquille externe ou presque externe. (22). Coquille de huit pièces imbriquées , en série longi¬ tudinale. Chiton. Coquille d’une ou deux pièces, rarement plus. (23). Coquille d'une pièce. (24). Coquille de deux pièces presque symétriques. (59). Coquille régulièrement spirale. (31). Coquille conique ou tubuleuse. (25). Coquille tubuleuse. (26). Coquille conique. (27). Coquille petite , ouverte à une extrémité. Cœcum. Coquille de taille moyenne, ouverte aux deux bouts. Dentalium. Coquille entaillée ou trouée. (28). Coquille entière. (30). Coquille entaillée. .Emarginula. Coquille trouée. (29). - 297 - 29. Coquille trouée au sommet. Fissurella. Coquille trouée en avant du sommet. Cemoria. 30. Coquille assez épaisse, à côtes rayonnantes. Patella Coquille mince, lisse. Acmaea. 31. Coquille enroulée à spire très petite ou cachée. (32). Coquille à spire ordinaire. (35). 32. Coquille assez épaisse , striée transversalement , à ouverture linéaire. Cypræa. Coquille mince, à ouverture arrondie. (33). 33. Coquille ornée de stries en spirale. Scaphander. Coquille blanchâtre non striée. (34). 34. Coquille transparente, à ouverture très large. Philine. Coquille petite , à ouverture étroite. Utriculus. 35. Coquille à ouverture terminée en canal à la partie inférieure. (36). Coquille à ouverture entière, sans canal. (43). 36. Coquille à bord externe de l’ouverture étalé et divisé en quatre lobes. Chenopus. Bord externe de l’ouverture non étalé. (37). 37. Coquille à canal court , recourbé, non échancré. Cerithium. Coquille à canal véritable. (38). 38. Coquille à canal assez court. (39). Coquille à canal allongé. (41). 39. Spire courte; dernier tour plus grand que tous les autres ensemble. Purpura. Spire ordinaire. (40). 40. Coquille à surface treillisée, bord externe de l’ou¬ verture crénelé intérieurement. Nassa. Coquille grande , à ouverture large, ayant le bord externe lisse. Buccinum. 41 . Coquille à spire ordinaire , couverte de gibbosités et de varices. Murex. Coquille à spire allongée. (42). 42. Bord externe de l’ouverture portant une entaille près de la suture. Pleurotoma. Bord externe de l’ouverture sans échancrure. Fusus. — 298 — 43. Coquille à spire allongée. (44). Coquille à spire ordinaire. (46). 44. Coquille petite, à premier tour de spire senestre. Turbonilla. Coquille delà taille moyenne, entièrement dextre (45) 45. Coquille blanche , portant des côtes du sommet à la base. S cal aria. Coquille sans côtes. Turritella. 46. Coquille aux deux premiers tours de spire senestre. Odostomia. Coquille entièrement dextre. 47 . 47 . Plis sur le bord interne de l’ouverture , qui est allongée. (48). Ouverture arrondie, sans plis sur le bord interne. (49) 48. Coquille petite , mince , brune , pourvue de deux ou trois plis. Alexia. Coquille de taille moyenne , assez épaisse , pourvue d’un pli. Tornatella. 49. Spire petite , coquille turbinée. (50). Spire moyenne. 57,. 50. Coquille ombiliquée. (54).. Coquille non ombiliquée. (51). 51 . Coquille globuleuse , épaisse , à ouverture moyenne. Littorina. Coquille mince , à spire aplatie , à grande ouver¬ ture. (52). 52. Coquille pourvue d’un très petit ombilic caché. Velütina. Coquille dépourvue d’ombilic. (53) . Coquille transparente , h bord interne de l'ouverture oo retiré en arrière- Coquille petite, en forme d’oreille. 54. Coquille de hauteur moyenne. Coquille très déprimée. 55. Coquille à base aplatie. Coquille globuleuse , brillante. 56. Coquille discoïde, aplatie. Coquille profondément ombiliquée. Lamellaria. Otina. (55) . (56) , Trochus. I Natica Cyclostrema. Adeorbis. — 299 — 57. Coquille présentant une fente ombilicale. Lacuna. Coquille sans fente ombilicale. (58). 58. Coquille petite , lisse. Hydrobia. Coquille petite , blanchâtre , à côtes ou cancellée. Rissoa. 59. Coquille baillante , imparfaitement fermée. (60). Coquille fermée. (69). 60. Coquille pourvue d’une apophyse falciforme (coquille supplémentaire) à la charnière. (49). Coquille sans apophyse à la charnière. (50). 61. Coquille petite, globuleuse, xylophage. Teredo. Coquille allongée, à surface extérieure râpeuse. Pholas. 62. Coquille allongée, presque cylindrique, à bords parallèles. Solen. Coquille arrondie ou ovalaire. (63). 63. Coquille lithophage, à charnière linéaire. (64). Coquille ayant des dents à la charnière. (65). 64. Coquille mince , cunéiforme. Gastrochæna. Coquille rugueuse, subquadrangulaire. Saxicava. Coquille petite, mince. (67). 65. Coquille de taille moyenne ou grande. (66). 66. Coquille largement bâillante. (67). Coquille faiblement bâillante du côté postérieur, recouverte d’un épiderme qui se détache facile¬ ment. PSAMMOBIA. 67. Coquille très épaisse, cuilleron aplati à la valve gauche. Mya. Coquille assez épaisse une ou deux petites dents sur chaque valve. Lutraria. 68 . Coquille presque équilatérale ornée de stries rayon¬ nantes. Galeomma. Coquille très inéquilatérale , blanchâtre. Panopæa. 69. Coquille à une valve aplatie, l’autre bombée. (70). Coquille à deux valves bombées. (72). 70 . Mollusque non fixé ou fixé aux corps étrangers par un byssus filamenteux. Pecten. - 300 — Mollusque fixé aux corps étrangers par une valve ou par un byssus ossifié. (7 1). 71. Coquille épaisse, feuilletée, fixée par une valve. OSTREA. Coquille mince, translucide , fixée par un byssus ossifié. Anomia. 72. Coquille ornée de côtes véritables. (73). Coquille unie ou à peu près. (76). 73. Coquille à bords finement crénelés à l’intérieur. Venus. Coquille à bords lisses. (74). 74. Coquille à côtes rayonnantes. (75). Coquille à côtes concentriques. (62). 75. Coquille striée vers les extrémités seulement. Modiolaria. Coquille striée sur toute la surface. Cardium. 76. Coquille assez grande, épaisse Artémis. Coquille de taille moyenne, mince. Lucina. 77. Coquille à charnière sans dents. (78). Coquille pourvue d’une charnière à dents. (66; 78. Coquille dont le sommet est situé à la pointe. Mytilus. Coquille à sommet s’éloignant de l’extrémité anté¬ rieure. Modiola 79. Coquille à charnière formée d'une longue série de dents. . (80). Coquille ayant quelques dents à la charnière. (82). 80. Charnière droite, coquille subquadrangulaire. Arca. Charnière courbe ou angulaire. (81). 81. Charnière courbe, coquille orbicu lai re Pectunculus. Charnière angulaire, coquille subtrigone. Nucula. 82. Coquille mince, fragile. (83). Coquille assez épaisse. (92) 83. Coquille petite. (88). Coquille de taille moyenne. (84). 84. Coquille arrondie antérieurement et postérieure¬ ment. (85). Coquille arrondie antérieurement seulement. Tellina. V — 304 85. Coquille mince et lisse. (86). Coquille à fines stries concentriques et à côté pos¬ térieur le plus court. (87 j. 86. Coquille brillante, de taille moyenne. Syndosmya. Coquille orbiculaire à côté antérieur le plus court. Diplodonta 87 . Coquille ovale, subtriangulaire, presque équilatérale. S CROBICUL ARI A . Coquille orbiculaire, subquadrangulaire inéquilaté¬ rale. Lucinopsis. 88. Coquille oblongue. 91). Coquille suborbiculaire. ■ 89 . 89. Face postérieure déprimée et sillonnée. Axinus. Face postérieure sans sillons. 90 . 90. Coquille équilatérale. Kellia. Côté antérieur le plus court. Lasæa. 91. Coquille à côté antérieur le plus long. Montacuta. Coquille à côté antérieur le plus court. Turtonia. Coquille subquadrangulaire , finement réticulée. Tapes. 92. Coquille à stries concentriques ou réticulée. (93,. Coquille lisse ou simplement marquée de stries de croissance. (95). 93. Coquille arrondie non réticulée. (94;. 94. Coquille présentant de chaque côté deux dents à la charnière. Astarte. Coquille présentant trois dents à la charnière. Circe. 95. Brillante. 96). Mate, marquée des stries de croissance. Gastraxa. 96. Coquille subtrigone à bords dentelés. Donax. Coquille à bords lisses. 97 . 97. Coquille subtrigone, inéquivalve. Corbüla. Coquille équivalve. 98 . 98. Coquille subtrigone. Mactra. Coquille arrondie. 99 . 99. Coquille grande. 100 . Coquille petite, oblongue. Ervilia. — 302 — 100. Coquille orbiculaire. Coquille oblongue. Cyprin a. Cytherea. CEPHALOPODA OCTOPODA Fam. Octopidae (Octopodes de rivage). Gen. Octopus Lam. [Poulpe, Pieuvre ). Corps en forme de sac sans nageoires ; huit bras longs réunis à la base par une membrane ; squelette interne représenté par quelques pièces cartilagineuses. Couleur brunâtre, changeante avec adaptation au gré de l’animal ; bras très longs terminés tous en pointe. O. Vulgaris Lam. Peuple des pécheurs du Boulonnais;. O. Vulgaris. Habite sous les rochers où il est très commun depuis avril jusqu’en septembre. Tour de Croy. Pointe à Zoie, Audresselles. [Je ne connais pas l’accouplement des céphalopodes, mais pendant la belle saison de mai en août on trouve leurs œufs sur nos côtes, excepté cependant ceux du Poulpe qui sont contenus dans leur sac jusqu’à l'éclosion ; ces œufs sont globuleux de 10 à 15 mm. de diamètre, de couleur jaunâtre plus ou moins foncée et quelquefois veinés de brun ; ils sont réunis en une petite grappe de 8 à 20 qui est fixée par l’extrémité de sa tige à l’abdo¬ men de la mère. Nos pêcheurs emploient nos gros céphalopodes comme appât pour la pêche de lougre ; ils se les procurent de diverses manières ; les Seiches et les Calmars se pêchent au chalut, mais les Poulpes habitant les lieux couverts de rochers dont une partie ne se découvre que lors des basses marées des syzygies ne peuvent être pris au filet; aussi lorsque les rochers sont submergés, nos marins 303 — vont avec de petits bateaux tendre d’assez fortes lignes entre ces rochers ; ces lignes sont amorcées avec de forts morceaux de Chien de mer ( Squalus glaucus (1) dont la chair est très blanche ; le poulpe qui la voie arrive et se fixe sur cet appât ; alors le pêcheur qui a l’autre bout de la ligne en main sentant un léger mouvement la retire très lentement jusqu’à ce que le poulpe soit à bord; puis pour que celui-ci ne puisse s’évader il lui retourne le sac. Cette pêche n’est pas aussi productive que celle qui se fait lorsque la mer est retirée ; pour celle-ci il suffit de visiter la base des rochers qui sont à sec ; on reconnaît de suite qu'un Poulpe y a fixé sa demeure à la grande quantité de débris de crabes qui en entoure l’ou¬ verture ; alors avec un long crochet on cherche à l’en retirer. Pour cela il faut un peu d’habitude, car si du premier coup on ne peut l’obtenir on ne l’a après qu’en morceaux. B. -Ch. ] En Bretagne à St-Pol-de-Léon, les Poulpes se creusent une retraite dans le sable et leur présence n’est décelée que par les coquilles qui entourent ces espèces de ter¬ riers. Aussi les pêcheurs Bretons leur donnent-ils le nom de Minards. Le poulpe ne sert pas ordinairement à l'ali¬ mentation dans notre région on sait que les Marseillais n’hésitent pas à le mettre dans la bouille- abaisse . Cepen¬ dant les pêcheurs d’Audresselles savent aussi utiliser ces céphalopodes à ce qu’on assure ; les promeneurs disent même qu’ils les accommodent très bien (2). Divers voyageurs 0Dt raconté qu’il existe dans les eaux du Japon et de la Chine une sorte de poulpe capable de transformer en vinaigre l’alcool versé par petites quan¬ tités dans les baquets ou l’on place ces céphalopodes. Je ne sais trop quel degré de confiance on peut accorder à ces récits, mais j’ai observé bien souvent l'odeur acétique (1) Le Chien de mer ( Bleuet des Boulonnais) est le Milandre [Galeus vulgaris Cuv). Le S. glaucus est tiès rare dans nos parages. (2) Labille. Les bords de la Mer. Boulogne-sur-Mer et Paris, Chau- merat, 2, galerie d’Orléans, 1858, p. 142. — 304 — très prononcée du mélange d’alcool et d’eau dans lequel on conserve dans les musées les poulpes ou autres espèces de céphalopodes. Observation. — C’est évidemment par erreur que Van den Ende (1) et d’après luiColbeau (2) ont indiqué comme ayant été trouvé sur les côtes de Belgique YOctopus gra- nulatus Lam. (O. rugosus Blainville, O. Barkeri Ferus- sac et D’Orbigny). Cette espèce habite les mers du Séné¬ gal, de la Martinique, de la Guadeloupe, de l’île de France, etc., et n’a jamais été observée en Europe. Peut-être aussi ces auteurs ont-ils voulu désigner YOctopus tuberculatus Bl. cité également dans le cata¬ logue de Beltremieux (3) et qu’à l’exemple de cet auteur et de Fischer je considère comme une simple variété de YOctopus vulgaris. Gen. Eledona Leach. Caractères des Octopus , mais une seule rangée de ventouses sur chaque bras. E. Pennanti Forbes (E. Octopodia Gray, E. cirrhosa Lamarck). Cette espèce, très voisine de YE, Aldrovandi Verany de la Méditerranée a été trouvée dans les mers d’Angle¬ terre et dans la Manche à Roscoff où elle est fort rare et à Cherbourg (Fischer, fide de Hell) (4) ; à rechercher et (1) Va. n ükn Ende. — Lijst van Nederlandsche Dieren ( Natuurkundige Verhandelingen van de Ilollandsche Maatschappy der wetenschappen , 1828). (2) CûLBEAU (J.). — Liste générale des mollusques vivants de la Bel¬ gique [Annales de la Société Malacologique de Belgique , t. III. 1868 , p. 85). (3) E. Beltremieux. — Faune vivante de la Charente-Inférieure (deuxième édition), 1884, p. 81. (4) Fischer. — Essai sur la distribution géographique des Brachio- podes et des Mollusques du littoral océanique de France, 1818. p. 23. 30b — à comparer attentivement aux formes parallèles de la Méditerranée. Les Eledona répandent une forte odeur musquée. Cette odeur est surtout prononcée chez Y Eledona moschata. Les concrétions connues sous le nom d’ambre gris et provenant de l’intestin des cachalots ( Physeter rnacrocephalus) sont sans doute formées par les débris des Eledona auxquelles les cachalots font une chasse active. Decapoda. Fam. Myopsidœ (Décapodes de rivage). Gen. Loligo Lam [Calmar). Corps allongé , s’amincissant d’avant en arrière ; yeux à cornée entière ; nageoires terminales en forme de triangle fixé par un de ses côtés , dix bras dont huit courts terminés en pointe et deux de longueur moyenne terminés par un renflement ; osselet corné en forme de plume d’oie. Rosé , taché de brun , nageoires formant un losange allongé. L. Forbesi Steenstrup L. vulgaris Lam. ( Encornet des pêcheurs du Boulonnais). Steenstrup et Targioni-Tozzetti (1 ont démontré que sous le nom de L vulgaris, Lamarck, les malacologistes confondaient trois espèces distinctes. Le tableau dichoto¬ mique suivant permettra de les déterminer sans diffi¬ culté. Ventouses des bras tentaculifères disposées en , quatre séries, celles du milieu du bras allant graduel- f L. Forbesi lement en croissant, les externes et les extrêmes un i Steenstrup. peu plus petites, toutes sensiblement semblables ... ] (1) Targioni-Tozzetti. — Commentario sui Cefalopodi Mediteranei del R. Musée di Firenze ( Bullettino Malacologico Italiano, anno II, 1869). — 306 — / / Ventouses des bras tenta- culifères très petites à l’extré¬ mité et sur les bords externes; les huit ou dix internes du milieu devenant brusquement trois ou quatre fois plus grandes que leurs voisines. Ventouses conte¬ nant un anneau corné, denticulé sur une moi¬ tié et portant sur l’au¬ tre moitié un petit amas de dents plus petites opposées. Anneau corné des ventouses portant une seule dent. \ L. Mcditerranea Targioni-Tozzetti. L. vulgaris Lam. F. Forbesi. (L. Vulgaris, Forbes et Hanlev: L. Biscale Borlase. The nat hist. of Cornw. 1758, ex Steenstrup op. cit.). Voici l’excellente diagnose donnée par Targioni-Tozzetti : L corpore conico elongato , non subulato, ala rhom- boidalis ter , octavam partent corporis longitudinis brevior. Tentacula corpori subaequantia, prope apicem oblique compresso dilatata acetabulifera ; acetabulis 4 seriatis mediis gradation majoribus , externis extre- misque paulo diminutis , conformibus omnibus. D’après Steenstrup (1) , comparé au L. vulgaris , le L. Forbesi est plus grêle , ses yeux sont plus petits et plus écartés; les ventouses des bras tentaculaires sont moins grosses sur les rangées internes. Fischer fait observer que d’après une communication de Ferussac, Verany parle de ces différences sans les vérifier de nouveau : « Le vulgaris de la Méditerranée n’est pas identique avec celui de l’Océan ; car ce dernier est toujours d'un rouge brique ; sa massue est plus petite et la disproportion des cupules qu’elle porte est bien moindre. » Céphalopodes de la Méditerranée, p. 92). Loligo Forbesi n'a jamais été trouvé dans la Méditer¬ ranée, il a été pris sur les côtes d'Angleterre et de Scandinavie. 1) Steenstrup. — Kong. Danske videns kabern. Selsk Skrifter, 1856. — Voir aussi Forbes et Hanley, Brit. Mollusca , tab. LLL. — 307 — Loligo vulgaris paraît aussi exclusivement propre à l’Océan atlantique. Fischer le signale dans le golfe de Gascogne et sur les côtes de Bretagne. Il n’a pas été rencontré dans les mers d’Angleterre. Le Loligo vulgaris de Bouchard-Chantereaux , Pelse- neer, etc., est le Loligo Forbesi. L’espèce voisine de la Méditerranée est L. Medüerra- nea Targioni-Tozetti. Observation. — On rencontrera peut-être dans notre région Loligo subulata Lamarck qui est signalé dans l'Océan et sur les côtes d’Angleterre : j’ai observé fré¬ quemment des bandes de cette espèce poursuivant les petits crustacés sur la plage de St-Pol-St-Léon. Ijoligo Marmorae Verany est considéré par certains auteurs comme la femelle de cette espèce. Mais ces naturalistes n’ont-ils pas commis une erreur analogue à celle de Jeffrey s relativement à Sepiola atlantica et S. Rondeleti ? M. Ed. Van Beneden dit avoir rencontré dans ses draguages sur le littoral Belge, en 1882(1), A. Marmorae et L. media (an subulata Lam ?). Nous attendons l’étude que notre savant confrère ne manquera pas de faire de ces types intéressants. Les œufs de l’Encornet sont souvent rejetés sur nos plages , ils sont renfermés dans des massues cylindriques gélatineuses réunies par de courts pédoncules à une base commune de même substance , laquelle doit adhérer aux corps sous-marins. Ces pontes ont été observées sur les côtes de Belgique et de Hollande, par Bohadsh qui les a longuement décrites (2). Ces amas sont de grandeur variable ; on en trouve qui, étalés, n’ont pas plus de huit pouces de diamètre, d’autres (1) Rapport présenté à la classe des sciences de l’Académie de Belgique, novembre 1883. (2) Bohadsch. — De quibusdam animalibus marims. Dresdæ, 1761. pp. 155 et suiv., pl. XII. — 308 — ont un pied et même deux pieds et plus. Cela dépend de la longueur des massues qui les composent. L’un de ces amas examiné par Bohadsh renfermait 568 massues , la mojœnne des œufs renfermés dans une dizaine de massues était de 70 , ce qui donne pour toute la ponte un total de 39,760 embryons. Certaines pontes ne renferment que 300 massues, d’autres 250, 170, 80. La longueur minima des massues paraît être de trois à quatre pouces, la longueur maxima de six pouces à un pied. Il est singulier que Bouchard- Chantereaux n’ait pas connu la ponte de l’Encornet , lui , qui , comme il le dit lui-même, étudia de 1827 à 1834 les animaux marins, dans le but de faire un travail complet sur l’accouplement , le produit de cet acte et le développement du fœtus des mollusques de notre pays. Les Calmars vivent par troupes comme les Seiches ; les petites espèces s’approchent assez près du rivage comme les Sepiola. La morsure des Calmars , même de petite dimension [L. subulata, par exemple), est assez douloureuse et peut aller jusqu’au sang. Gen. S épia L . (Seiche). Corps déprimé ovalaire ; nageoires continues régnant tout autour du corps ; coquille interne assez épaisse, calcaire, de contexture lainelleuse ; deux bras longs, huit courts. Espèce automnale, osselet relativement étroit, non brusque¬ ment étranglé à l'ex¬ trémité . S. officinalis L. S. Fillouxi Lafont. Osselet ovale de couleur blanchâtre uniforme . Espèceprintannière, taille plus grande , osselet du mâle plus large. Osselet lancéolé , sans expansions latérales à la base, rouge en dessus . S. liupellaria d’Orb. 309 — S. offtciiialis. Habite toutes nos côtes, très com¬ mune. [Cette Seiche vient souvent déposer ses œufs et les fixer à la base des fucus au moyen d’une membrane de même nature que l’enveloppe extérieure de l’œuf, et qui entoure la base de ces fucus. Ces œufs sont noirs, ovales, terminés à leur extrémité antérieure, par un petit bouton et à l’extrémité postérieure par une membrane de 5 millimètres de largeur, et qui forme un anneau qui prend autant de développement que le nécessite le corps qu’il entoure. J’ai vu plusieurs fois ces œufs fixés aux perches qui servent aux pêcheurs de nos côtes, pour tendre leurs filets ; alors ces anneaux avaient jusqu’à 18 lignes de diamètre. Le plus ordinairement on trouve ces œufs réunis par leurs anneaux qui sont entrelacés et for¬ ment ainsi des grappes de 60 à 200 œufs, plus ou moins gros, mais dont la moyenne pourrait être 12 millimètres de diamètre. B. -Ch.]. Les œufs de la seiche constituent la production dési¬ gnée sous le nom de raisins de mer par les anciens naturalistes. Quand la jeune seiche sort de l’œuf, elle répand déjà autour d’elle, si on l’inquiète, la liqueur noire caractéristique dont nous parlerons dans un instant. L’os de seiche ou biscuit de mer est fréquemment rejeté sur les plages sablonneuses (Pointe-à-Zoie) parmi les laisses de mer. Ces corps singuliers étaient autrefois employés par la médecine polypharmaque, aujourd’hui; on les donne comme pierre-ponce aux oiseaux en cage, pour leur servir à ai¬ guiser leur bec et aussi pour leur fournir le calcaire dont ils ont besoin pour la coque de leurs œufs ; on en frotte le papier pour enlever les tâches graisseuses; on s’en sert pour polir les métaux, le cuivre, etc.; ils fournissent aussi pour nettoyer les dents une poudre supérieure dit on à celle de corail et aux cendres d’alcyon (1). L’os de seiche se vend à Paris, 10, 15, 20 centimes suivant sa grosseur. (1) Voy. Labille, l. c., p. 139. 21 — 310 — Outre son os et sa chair un peu coriace, mais d’un excellent goût, la seiche a encore son encre qui mérite une mention particulière. Gomme fait le calmar de la sienne, elle s’en sert pour aveugler sa proie ou pour trou¬ bler la transparence de l’eau à l’approche d’un ennemi. Elle se dérobe à la façon des dieux d’Homère au milieu d’un nuage, ce qui lui permet souvent d’échapper à la mort en se laissant tomber au fond de l’eau ou en gagnant quelque retraite sûre. L’encre de seiche est le sepia si utile aux géomètres, architectes, aux peintres d’aquarelles, etc., elle sert aux mêmes usages que celles des céphalopodes d’Orient, qui fournissent l’encre de Chine. On l’exprime de la poche qui la contient dans un état de bouillie peu épaisse. Reçue dans une vase, elle s’y dessèche en peu d’heures, ce qui permet de le mouler. Les Italiens excellent dans cet art. Pourquoi donc les Manchois ne tirent- ils parti ni de cette encre, ni des osselets, etc., etc., (1). S. Fillouxi Lafont. Grande et belle espèce de seiche dont l’animal et l’osselet se rapprochent de S. officinalis, l’osselet (sepion, sepiostège ou sepiostaire) s’en distingue par les caractères de sa face ventrale. Il est moins bombé et les stries transversales ondulées, concentriques à la pointe commencent en avant de la moitié de sa lon¬ gueur totale. D’après Ficher, elle arrive au printemps dans le bassin d’Arcachon, tandis que le véritable £. officinalis paraît en automne. Le S. Fülouoci a été signalé à Boulogne-sur-mer (Lafont) et dans le bassin d’Arcachon (Lafont). Fischer croit pouvoir rapporter à ce type la forme Méditerranéene décrite par Yerany. Mais d’après Targioni- Tozetti,la seiche de la Méditerranée constituerait plutôt une (1) Labille, l. c., p. 142-143. (2) Lafont. — Bulletin de l’Association scient, de France , n° 81, 1868, et Journal de Conchyliologie , t. XVII, p li, 1869. — 311 — espèce spéciale distincte à la foisdeS. Offidnalis de T At¬ lantique et de S. Fïllouxi. Lafont assure que placées dans un même aquarium S. offidnalis et £. Fïllouxi se témoignent réciproque¬ ment une vive inimitié* S. Rupellaria d’Orbigny. Fischer sans l'avoir obser¬ vée vivante croit que cette espèce est identique à S. bise- rialis Yerany 'Ceph. Méd. pl. 26 fig. f.-k) et peut être à S. elegans d’Orbigny non Yerany. Pelseneer a trouvé le premier trois osselets de cette espèce sur la côte Belge : un grand, long de 90 millimè¬ tres et deux petits longs de 75 millimètres entre Nieu- port et O.stende (1). Gen. Sepiola Rondelet. Animal de petite taille, au corps arrondi et court ; nageoirs dorsales circulaires, étroites à leur point d’at¬ tache ; osselet externe plus largepar devant que par der¬ rière ; huit bras, dont deux longs et six courts. Yentouses semblables à tous les bras. S. Rondeleti Leach. Yentouses terminales de la première paire de bras disposées sur plus de deux rangs. 5. Atlantica d’Orbigny. S. Atlantica d’Orbigny. Habite toutes nos plages sablonneuses, très commune pendant la belle saison, se prend fréquemment avec les crevettes (Crangons), les pécheurs de crevettes l’appellent Petit Peuple. Nous rapportons à cette espèce beaucoup plus commune que la suivante le Loligo sepiola de B. -Ch. [Ce mollusque fraye vers la fin de mai et le commence¬ ment de juin, son frai a la forme de petits massues de matière gélatineuse azurée, vers le centre desquelles sont rangés les œufs comme autour d’un axe. (1) Pelseneer. — Etudes sur la Faune littorale de la Belgique, 1882, p. 3. — 312 — Chaque massue contient de 40 à 130 œufs; cela dépend du développement de ces massues qui ont de 18 lignes de longueur jusqu’à 4 et 5 ponces, sur 4 à 5 lignes de diamètre à la partie la plus grosse qui est l'extrémité ; chaque femelle en produit de 15 à 36, qui toutes sont réunies à leur base par une masse informe gélatineuse de même nature que celle qui enveloppe les œufs et qui est fixée aux corps sous -marins ; 22 à 25 jours suffisent pour le développement et l’éclosion des fœtus qui ont au sortir de l'œuf 8 millimètres de longsur2 1\2 de large au centre du sac. B. -Ch.]. Bouchard-Chantereaux a peut-être confondu avec la ponte de cette espèce certaines pontes de calmar de petite dimension. Les pontes de Sepiola sont généralement beaucoup plus petites que celle de l’Encornet, les massues sont des ovoïdes courts et non des cylindres allongés, ces pontes se trouvent souvent fixées sur les rochers ou à la base des fucus aux laisses de basse mer, tandis que celles des Loligo , sont rejetées et ne se rencontrent que très exceptionnellement en place. S. Rondeleti Leach. — Se trouve avec le précédent, mais bien plus rarement. Jeffreys (1) avait considéré. S. Atlantica comme la femelle de /S. Rondeleti. Cela tient à ce que chez les Sepioles comme chez les Poulpes et les Calmars, le nombre des mâles est beaucoup infé¬ rieur à celui des femelles. Chez les Poulpes la proportion des mâles est de 25 %. chez les Calmars elle n’est que de 15 °/0 II en est de même d'après Pelseneer (2) chez *8. Atlantica. M. Ed. Yan Beneden a dragué, sur les côtes de Bel¬ gique, les œufs de cette espèce renfermant des embryons à tous les stades de développement. (1) Jeffreys. — British Conchology, t. V, p. 237, (2) Pelseneer. — Sur la distribution spécifique des S. Atlantica et Rondeleti Bulletin scientifique du Nord , 1884-85, p. 219). — 313 — Pelseneer a pu disséquer à Wimereux un grand nombre de Sepioles (S. Atlantica) et il a rencontré plusieurs specimens mâles facilement reconnaissables extérieure¬ ment par l’hectocotylisation de leur premier bras gauche et intérieurement par la forme des organes et des produits génitaux. Fam. Oigopsiclœ (Décapodes pélagiques). Gen. Ommastrephes d’Orb, Animal de grande taille au corps cylindrique, yeux à cornée largement ouverte et à cristallin baigné par l’eau; nageoires terminales triangulaires, formant un losange élargi ; osselet interne linéaire étroit, terminé postérieurement par un appendice conique creux; deux bras allongés, huit bras courts. 0. Sagütatus. Lam. O. Sagittatus Lam. — Jo n’ai jamais rencontré ce Mollusque qui est signalé par Bellynck et par Pelseneer (1) sur la côte de Belgique. Observation. — On trouvera peut-être également sur nos côtes 0. todarus Delle Chiaje qui paraît accidentelle¬ ment comme 0. sagittatus pendant l'hiver sur le littoral océanique de France (Fischer). Il est rare sur les côtes d'Angleterre et dans la Méditerranée. (Sera continue). SUR LE DEVELOPPEMENT DES NEMATODES Par M. P. HALLE Z, Professeur suppléant à la Faculté des Sciences. (2e note) (2) . Dans une Note insérée aux Comptes rendus (13 juillet 1885), j’ai fait connaître les phénomènes de la segmenta- (1) Pelseneer (P.). — Tableau dichotomique des Mollusques marins de la Belgique. Bruxelles, 1882, p. 15. (2) Voir Bulletin scientifique du Nord , 1884-85, N° 6 p. 205 et suiv. — 314 — tion chez Y Ascaris megalocephala. J’ai montré que, dès le stade 8, les trois feuillets se trouvent représentes par leurs cellules initiales. J’espère être bientôt en mesure de démontrer que ce fait est plus général qu’on ne le croit, et que, chez certaines espèces où le mésoderme est considéré comme se diflérenciant tardivement de l’entoderme, alors que la segmentation et l’invagination même sont déjà très avancées, les cellules initiales du mésoderme y paraissent en réalité très tôt. Chez l’ Ascaris megalocephala, j’ ai décrit la segmen¬ tation jusqu’au stade 24. Ce stade se compose d’une calotte formée par 16 cellules exodermiques disposées sur trois rangs : un rang médian dorsal de 4 cellules avec le globule polaire, et deux rangs latéraux de chacun 6 cellules dont 2 postérieures en saillie (les cellules caudales), et d’une face méso-entodermique ou ventrale formée de 4 cellules entodermiques sur une seule rangée médiane antéro-postérieure, et de deux rangées latérales, formées chacune de 2 cellules mésodermiques. Au début de ce stade, on a une blastosphère à peu près cylindrique et pourvue d’une petite cavité de segmenta¬ tion. Mais bientôt les deux cellules endodermiques cen¬ trales ne tardent pas à prendre des dimensions un peu plus grandes que les autres ; elles deviennent en même temps un peu plus opaques, et, glissant, contre leurs voisines, elles s’invaginent. Ces deux cellules invaginées donnent naissance à l'intestin moyen ; la cellule ento- dermique antérieure donnera naissance plus tard à l'in¬ testin antérieur, tandis que la cellule postérieure devien¬ dra le point de départ de l'intestin postérieur. Les cel¬ lules mésodermiques (lesquelles sont situées plus en ar¬ rière qu’en avant) sont entraînées par le mouvement de glissement, et forment à ce moment les parois posté¬ rieures de ce qu'on peut appeler Y ouverture prostomiale primitive. Dans les stades ultérieurs, qui seront décrits avec détails dans un travail actuellement sous presse, on voit que les cellules entodermiques antérieure et postérieure — 345 — se multiplient, en même temps que les cellules exoder- miques, mais moins rapidement que celles-ci. Cette proli¬ fération est d’abord surtout accusée à l’extrémité posté¬ rieure, qui devient plus large et se présente alors sous la forme d’une lame à deux feuillets, terminée par les deux cellules caudales, et à convexité dorsale. Les bords de cette lame se rejoignent sur la face ventrale, et l’on a alors un stade très général dans le groupe des Nématodes : c’est celui que je désigne sous le nom de stade sandale, à cause de sa forme et de sa large ouverture antérieure et ventrale [ouverture prostomiale secondaire). Cette ouverture se ferme d’arrière en avant, comme l’a très bien vu Goette chez Rhabditis nigrovenosa. Les deux cellules entodermiques centrales du stade 24 prolifèrent aussi, mais constituent plus longtemps que les cellules de de l’intestin antérieur et de l’intestin postérieur une masse pleine. Quant aux cellules mésodermiques, on voit que, pendant l’occlusion de l’ouverture prostomiale secon¬ daire, elles se Irouvent intercalées entre l’exoderme, d’une part, qui glisse au-dessus d’elles, et l’entoderme invaginé d’autre part ; on conçoit, en outre, qu’au mo¬ ment où la fente prostomiale commence à se fermer en arrière, ces initiales du mésoderme puissent être refoulées un instant au dehors, et donner les apparences que Goette a si bien représentées dans ses figures 16 et 17. L’espace me manque ici pour décrire le passage de la forme gastrula à l'embryon ; je renvoie au Mémoire qui paraîtra prochainement, et je me borne à résumer mes observa¬ tions relatives à l’éclosion. Dans un de ses travaux, le savant Dr Davaine tire, de ses expériences sur l’éclosion, les trois conclusions sui¬ vantes : 1° « L’embryon n’éclôt que lorsqu’il est rapporté dans l’intestin par les aliments ou par les boissons » ; 2° « deux conditions sont nécessaires à cette éclosion : le ramollissement de la coque par les sucs intestinaux et l’activité de l’embryon sous l’influence d’une chaleur de 40° G environ »; 3° « quel que soit l’animal qui fournit ces conditions, l’œuf éclôt s’il fait dans l’intestin un séjour — 316 — suffisamment prolongé ; toutefois l'embryon ne tarde pas a être expulsé et à périr, si l’animal n’est pas celui chez lequel le Ver peut acquérir son développement exté¬ rieur. » La troisième conclusion de Davaine n’est pas contes¬ table; mais on ne peut en dire autant de la première et de la seconde, ainsi que le démontrent les observations suivantes : 1° Le 18 juin de cette année, je répandis des œufs d'Asc. megalocephcila contenant des embryons complète¬ ment développés et bien vivants, à la surface de la terre depots à fleurs. Ces pots étaient exposés à l'air et au soleil, mais posés dans des assiettes contenant de l'eau, de manière à maintenir la terre dans un état d’humidité con¬ venable. Le 17 août, je constatai un certain nombre d'éclosions , beaucoup d’embryons étaient en partie seu¬ lement sortis de leur coque. Les jours suivants, les éclo¬ sions se multiplièrent, et un grand nombre d'Ascarides se mouvaient librement à la surface de la terre. N. B. — Des œufs semblables, qui étaient conservés à sec sur une lame de verre pendant tout le temps que dura l’expérience, ne purent éclore, bien que les embryons eussent conservé toute leur vitalité à l’intérieur de la coque. Il en fut de même pour des œufs conservés sous l’eau. 2° J’ai transporté de jeunes Ascaris nouvellement éclos sur des feuilles de salade mouillées, sur des tranches de poires, de prunes, etc., et j’ai constaté que, dans ces conditions, la vie de ces animaux pouvait se prolonger au delà de trois semaines. Sous l’eau, ils meurent beaucoup plus tôt. 3° Des Ascaris nouvellement éclos, abandonnés sur une lame de verre, se dessèchent et ne présentent pas le phé¬ nomène de la réviviscence quand on leur rend de l'hu¬ midité. Ces expériences , outre les applications qu’en peut faire l’hygiéniste, montrent que l'éclosion ne se produit — 317 pas toujours nécessairement dans l'intestin, et qu’il n’est indispensable que la coque soit ramollie par les sucs intestinaux. Je crois pouvoir conclure que l’éclosion ne se produit jamais sous l’eau, ni à sec, mais seulement dans des conditions convenables d’humidité et de chaleur. L'APPAREIL STERNAL D’IGUANODON Par PAUL PELSENEER Docteur ès- sciences naturelles. Parmi les os qui forment la ceinture scapulaire d 'Iguanodon, les omoplates et les coracoïdes sont con¬ nus depuis longtemps, et n’ont jamais donné lieu à dis¬ cussion. 11 n’en est pas de même pour d’autres os, située à la partie antérieure du thorax, et les paléontologistes ne sont pas d’accord sur cette question : Iguanodon a-t-il des clavicules ? A-t-il un sternum ossifié? On avait autrefois déterminé comme clavicules, des os que Huxley démontra ultérieurement être les ischions. Plus tard, M. W. Davies, nomma clavicule un os qui était attaché_par la gangue d, une omoplate à' Iguanodon con¬ servée au Rritish Muséum (1), et cette interprétation lut adoptée par MM. O. G. Marsh (2) et J. W. Hulke (3). En 1882, M. L. Dollo trouva, chez les Iguanodons de (1) J.-W. Hulke. — Note on the sternal apparatus in Iguanodon, Quarterly Journal of the Geological Society of Londou, 1885, p. 473, en note. (2) Jurassic birds and their allies. Amer. Journ. of science, vol. XXII, p. 340. (3) Address delivered al the anniversary meeting of the geological Society of London, 1883, p. 35 (du tiré à part). — 318 — Bernissart, deux pièces osseuses analogues à la « clavi¬ cule » des auteurs précités, et les décrivit comme plaques sternales paires (1). Ces différents naturalistes ayant conservé chacun leur opinion personnelle, l’accord ne s’est pas fait sur cette question. Tout récemment, M. Hulke est revenu défendre son interprétation (2), en s’appuyant sur une pièce apparte¬ nant à M. Beckles, et dans laquelle les deux os en litige sont réunis par une barre intermédiaire allongée, que ce paléontologiste appelle interclavicule. Caudalement à ce dernier élément, qui avait été nommé episternum par M. Dollo , se trouverait d’après M. Hulke un sternum cartilagineux auquel s'attacheraient les côtes. On doit remarquer que la pièce décrite par M. Hulke, ne fixe que la position des soi-disant clavicules l’une par rapport à l’autre, mais qu’elle n’établit nullement leurs relations avec les os qui les environnaient, car ces relations n'ont pas été relevées avant le dégagement. Et si Ton retourne la figure donnée par M. Hulke, de façon à ce que le haut soit en bas, ce spécimen montre Jes os disposés , comme M. Dollo avait placé ses « plaques sternales. » La pièce décrite par M. Hulke n'apporte donc aucune preuve en faveur d’une opinion, plutôt qu’en faveur de l’autre. Mais elle a donné lieu à la publication de deux autres nodces (3) qui ont paru presque simultanément et qui apportent un assez grand nombre de faits à l’appui de (1) Deuxième note sur les Dinosauriens de Bernissart , Bull, du Musée roy. d’Hist. nat. de Belgique, t. I, p. 205. (21 Noie on the sternal apparalus in Iguanodon. Quarterly Journal of the Geological Society of London, 1885. (3) G. B vui\. — Note on the sternal apparatus in Iguanodon. Zoolo- gischer Anzeiger, 5 octobre 1885. L. Dollo. — L’appareil sternal de V Iguanodon. Revue des Questions scientifiques, octobre 1885. - 319 — la seconde interprétation, d’après laquelle les os dont il s’agit formeraient le sternum. M. G. Baur repousse l'hypothèse deM. Hulke, qui con¬ sidère la pièce allongée, située entre les deux « clavi¬ cules », comme une interclavicule, parce qu’elle n’est pas isolée, alors qu'elle l’est toujours chez les Reptiles. Cet argument de M. Baur ne semble cependant pas très décisif, car chez les Oiseaux, avec lesquels les Dinosau- riens ont bien des affinités, l'interclavicule n’est pas séparée des clavicules. Mais ce qui a plus de valeur, c’est la remarque, que chez tous les Reptiles, l'interclavi- cule est un élément aussi bien ossifié que les clavicules, tandis que dans le spécimen décrit par M Hulke, 1’ « in¬ terclavicule » présente une forme irrégulière, une sur¬ face rugueuse, qui montrent bien qu'elle n'est que du car¬ tilage calcifié. En outre la « clavicule »ne pourrait s’ar¬ ticuler avec l'omoplate d 'Iguanodon qui ne présente, à l’endroit voulu, aucune trace d'une pareille connexion Tout au contraire l’omoplate d 'Iguanodon s'accorde entièrement avec celle des Crocodiliens, qui • ne possè¬ dent pas de clavicules. M. G. Baur conclut, qu'avec M Dollo, il faut considé¬ rer les pièces osseuses en discussion, comme des plaques sternales, et particulièrement comme homologues aux pleurosteons des Oiseaux et des Reptiles ; il est donc probable que la figure publiée par M. Hulke doit être retournée. Cette conclusion paraît très justifiée, puisque les Dinosauriens connus jusqu’ici, pas plus que les Cro¬ codiliens, ne possèdent de clavicule. Mais l’argument final de M. Baur, que lesRatites, si voisins des Dinosau- riens, ne présentent que des rudiments de clavicule ne paraît guère à sa place, car si les Ratites possèdent des rudiments de ces os, c’est qu'ils proviennent apparem¬ ment d’ancêtres claviculés, ce qui donne à penser que certains Dinosauriens, encore inconnus, étaient pourvus de clavicules bien développées. M. Dollo signale d'abord l’analogie de forme qui existe entre les os pairs (Y Iguanodon et les plaques sternales — 320 — de certains Oiseaux ( Phalacrocorax , Vanellus, Rhea) , il rappelle que si l’on n’y trouve pas d’indentation mar¬ quant remplacement des côtes, c’est que celles-ci s’atta¬ chaient à une portion cartilagineuse, dont l’ossification se fait, chez les Oiseaux, par un centre distinct des pla¬ ques sternales, centre qui n’aurait pas encore apparu chez Iguanodon ; que si les extrémités les moins larges (xiphisternums) sont divergente0, elles le sont moins que dans certains Oiseaux (Turnix rostratus) ; que si ces mêmes xiphisternums sont dilatés, ils le sont également chez des Oiseaux tels que Eudyptes chrysocome, et que s’ils sont épaissis, c’était à cause de l’épaisseur indiscu¬ table de la paroi abdominale, laquelle avait à supporter le poids considérable de vicères non soutenues par le bas¬ sin, puisque le thorax d 'Iguanodon est incliné. Un autre fait plaide encore contre l'interprétation clavicu¬ laire de ces os, c'est la surface rugueuse de l’extrémité des xiphisternums, ce qui indique un revêtement de cartilage analogue à celui qu’on observe chez certains Oiseaux (Ulula Aluco ), tandis qu’aucun Reptile ne paraît posséder de masse cartilagineuse à l’extrémité scapulaire de la clavicule. Les Iguanodons de Bernissart sont les seuls chez les¬ quels les os énigmatiques ont été trouvés assez exacte¬ ment in situ, relativement aux parties voisines du sque¬ lette. Or, dans tous les spécimens dégagés jusqu’ici, ces os sont toujours situés caudalement aux coracoïdes ; s’ils étaient des clavicules, ils devraient être placés cr.miale- ment à ces derniers. Les nombreux individus de Bernis¬ sart sont bien plus probants que le spécimen du British Muséum, ou l’os a été amené par hasard entre l'omo¬ plate, en même temps que les autres éléments du sque¬ lette étaient dispersés, tandis que chez tous les individus du Musée de Bruxelles les différentes pièces squelettiques ont été trouvées à peu près dans leurs connexions ana¬ tomiques. Si l’on compare cette partie de la ceinture scapulaire d 'Iguanodon, à celle des autres Reptiles, on remarque — 321 — que jusqu'ici on ne connaît pas de Dinosauriens à clavi¬ cules, tandis qu'il yen a qui possèdent des plaques ster¬ nales paires (Brontosaurus, Cetiosaurus) ; Hypsilopho- don , qui est pourvu d’un sternum impair, représenterait un état plus avancé du développement de l’appareil ster¬ nal. La barre médiane, ou épisternum , n'a nullement la forme d’une interclavicule; en effet, celle-ci est toujours en T ou en croix, lorsque les clavicules sont présentes, même chez les formes les plus spécialisées ; l’inlerclavi- cule n’a la forme d’une barre, que lorsque les clavicules manquent, comme chez les Crocodiliens et les Mosasau- riens. Si donc l’épisternum était une interclaviculo, il serait une preuve qu' Iguanodon n'a pas de clavicules. Mais il ne peut être considéré comme tel, à cause de sa nature différente de celle des os proprement dits, ainsi que l'a aussi fait remarquer M. Baur. Pour ce qui est de l’articulation hypothétique de la « clavicule » avec l’omoplate, M. Dollo se rencontre aussi avec M. Baur, et il donne à cette occasion des argu¬ ments bien plus frappants pour démontrer que la clavi¬ cule ne doit pas exister chez Iguanodon. L’apophyse située sur l’omoplate, et considérée par M. Marsh comme indiquant la présence d’une clavicule, en démontre au con¬ traire l'absence. Voici comment : cette apophyse est homologue de la spina scapulæ des Crocodiliens ; or, ceux- ci n’ont pas de clavicules, et le muscle deltoïde, qui prend généralement origine sur ce dernier os, naît, chez eux, de la spina scapulæ. Si donc, à l’interprétation qui refuse des clavicules à Iguanodon , on a fait autrefois l’objection que cet animal, dont les membres antérieurs sont capables de mouvements étendus, devait posséder des clavicules pour donner origine aux muscles deltoïdes, la comparaison des Crocodiliens avec Iguanodon , mon¬ tre que chez lui il existe une sp’na scapulæ qui jouait le même rôle que chez ceux là, et donnait origine au mus¬ cle en question ; dès lors cette épine prouve qu’une cla¬ vicule n’existait pas, et l’objection ci-dessus n’a plus sa raison d’être. 322 — LE SUINT DU MOUTON Par M. A. BUISINE , Préparateur à la Faculté des Sciences de Lille. Le suint qui recouvre la laine brute est le produit de deux sécrétions cutanées , la sécrétion sudorique et la sécrétion sébacée. Le liquide élaboré par les glandes sudoripares qui , par évaporation spontanée, s’est accumulé et épaissi dans la toison , ne renfermes que des principes solubles dans l’eau ; la sécrétion sébacée , très abondante chez le mouton , ne fournit au contraire qu’une matière grasse cireuse complètement insoluble , cette graisse du suint dont nous avons donné la composition. Un simple traite¬ ment à Teau opère donc la séparation des produits de ces deux sécrétions. Cette séparation se fait reste en grand dans le lavage industriel de la laine qui comprend deux opérations : d’abord un lavage à l’eau pure qui enlève tout le suint soluble et ensuite un lavage à l’eau savonneuse qui débarrasse la laine de la matière grasse. Les liquides , qui proviennent de ce premier lavage , désigné sous le nom de désuintage , renferment donc en solution tous les produits de la sécrétion sudorique. La nature des principes organiques contenus dans ces eaux était peu connue , on savait seulement que par concen¬ tration des liquides de désuintage , puis calcination du résidu on obtenait un salin très riche en carbonate de potasse , et c’est ainsi que l’on prépare au moyen de ces eaux la potasse du suint. A la suite de notre travail sur la graisse , et pour compléter l’étude du suint , il nous a paru intéressant à divers points de vue de rechercher quels étaient les principes existant dans l’eau de désuintage en combinai¬ son avec la potasse et que jusqu’à présent on détruisait par le feu pour obtenir la potasse. Nous avons donc entrepris l’analyse complète de ces liquides et nous donnons aujourd’hui la liste des principes — 323 — que nous avons pu en isoler jusqu'à présent. Nous y avons trouvé : De l’aeide carbonique libre en dissolution. Du carbonate d’ammoniaque (de la transformation de l’urée). Du carbonate de potasse. Des acides gras volatils , acide formique (?) , acide acétique, acide propionique , acide butyrique, acide valérianique , acide caproïque. Des acides gras plus élevés dans la série parmi lesquels nous avons nettement caractérisé l’acide œnanthylique et l’acide caprique. De la graisse du suint entraînée sous forme d’émulsion. De l’acide sarcolactique. De l’acide benzoïque (provenant du dédoublement de l’acide hippurique) . Des acides amidés , glycocolle , leucine , tyrosine. Certains de ces acides , l’acide acétique , l’acide pro¬ pionique , l’acide benzoïque y existent en assez grande quantité et le suint est une source de ces produits impor¬ tante et très facile à exploiter. Nous compléterons ces résultats dans une prochaine note et nous décrirons la méthode que nous avons suivie pour séparer ces divers principes. Sur un Rhizopode nouveau LARCYOTHRIX B AL B I A N 1 1 D’après M. Paul HALLEZ (1). Au cours de ses recherches sur l’embryologie des Nématodes , notre excellent maître , M. le Prof. Paul Hallez , vient de découvrir dans ses cultures d’œufs d 'Ascaris megalocephala un très curieux rhizopode auquel il donne le nom d ' Arcyothrix Baïbianii. (oipy.vç, rets , filet pour la chasse et OpiÇ, cheveu). (1) Mémoires de la Société des Sciences de Lille , 4e série, t. XIV. 1885. — 324 — Ce rhizopode mesure de 20 à 65 a suivant qu'il est plus on moins étendu. Son corps irrégulièrement globuleux présente une face inférieure aplatie en disque pédieux et la forme de l’animal en marche rappelle celle d’une casquette de jockey. Le protoplasme , dont est formé cet être , est transparent et renferme, outre des granulations et des vacuoles , une grosse vésicule contractile. M. LJallez a constaté une fois de plus la communication de cette vésicule avec l’extérieur. — On ne peut pour l'instant , se prononcer sur la question de savoir si Arcyoihrix a ou n*a pas de noyau , l’auteur n’ayant pu faire agir les colorants , qui auraient tué les œufs en observation. Le rhizopode qui nous occupe présente deux sortes d'appendices. Ce sont : l°un pseudopode digitiforme ARCYOTHRIX BALBIANli (îRallu] DP. cU/SauÆ p«-oU,avi^, 1?9. f.F. ■ tUlaAt- XaÂlAyA*. . et contractile présentant des mouvements lents d’oscilla¬ tion et de rotation. 2° Deux filaments très longs , très grêles , d’aspect variqueux , souvent bifides , qui servent à retenir ce qu'a saisi le pseudopode. Ils sont insérés sur des mamelons assez rapprochés l’un de l’autre , et peuvent en se — 325 — contractant former une spirale comparable à celle du pédoncule des Yorticelles (1). Ces appendices ne jouent aucun rôle dans la locomotion, laquelle est une simple reptation de la masse protoplasmi¬ que. Bien que l’auteur n’ait rencontré qu’une seule fois le protozoaire et qu’il n’ait pu , pour cette raison, en étudier l’évolution, la note qu'il vient de publier n’en présente pas moins une grande importance au point de vue comparatif. En effet, la présence simultanée du pseudopode des Amœbiens et des filaments des Hélio - zoaires permet de considérer Y Arcyothrix Balbianii comme' un type intermédiaire entre ces deux groupes . Georges Dutilleul. LE SYSTÈME NERVEUX D’APUS D’après M. PAUL PELSENEER (2) Par Eugène CANU, licencié ès-sciences naturelles. Les particularités si intéressantes observées par le Professeur E. Ray-Lankester dans le système nerveux d’Apus Cancriformis ont fourni au savant anglais la base de déductions morphologiques importantes (3). Cette question méritait une étude plus approfondie, et, durant l’hiver 1884-85, lorsque M. Pelseneer alla au laboratoire de zoologie d’ University College travailler sous la direc¬ tion de M Ray-Lankesler , l’anatomie histologique du système nerveux d’Apus fut l’un des sujets que lui pro¬ posa l’éminent professeur. (1) Podostome filigerum peut, d'après Claparede, rétracter de la même façon les filaments qu’il émet. (2) P. PELSENEER. — Observations of the Nervous System of Apus. — Quat. Journ. of Micr. sc. July 1884 (1 planche). (8) E. Ray-Lankester. — Observations and Reflections on theAppen- dages and on the Nervous system of Apus CANCRIFORMIS, Quaterly Journal of Micr. sc., 1881. — 326 - et, en effet, dans les formes supérieures de cette classe, on voit les nerfs antennaux prendre naissance dans le cerveau, en avant de la bouche. Pour MM. Ray- Lankester et Pelseneer , cette disposition n’est point typique, elle est le résultat de modifications spéciales qui ont produit la condensation des centres nerveux anté¬ rieurs. D’après ces deux zoologistes, on retrouve dans les types inférieurs des formes plus archaïques du système nerveux. Apüs est à ce point de vue le genre le plus primitif. M. Pelseneer considère comme le type du système nerveux chez les Crustacés la disposition suivante : Sur la face ventrale se trouveraient, symétriquement dis¬ posés, deux cordons nerveux longitudinaux plus ou moins rapprochés, qui, au niveau de chaque paire d’appendices, présenteraient une paire de ganglions. Ces cordons formant la chaîne abdominale, entoureraient à droite et à gauche le tube œsophagien et seraient réunis en avant de la bouche par une paire de ganglions cérébraux (Ganglions céphaliques primitifs). Dans la chaîne abdominale, les ganglions d’une même paire pourraient être réunis par des commissures transversales, et, sur les côtés, fourniraient des nerfs aux appendices qui leur correspondent. Un crustacé idéal possédant un système nerveux pri¬ mitif montrerait : 1° En avant de la bouche, les deux ganglions cérébraux accolés sur la ligne médiane , desquels partiraient les deux cordons latéraux de la chaîne abdominale ; 2° Sur ces derniers et postérieurement à l’œsophage, les deux ganglions de la première paire abdominale, réunis l’un à l’autre par une commissure (celle-ci com¬ plétant le collier périœsophagien), et fournissant des nerfs aux antennes de la première paire ; 3° Les deux ganglions de la deuxième paire abdominale donnant les nerfs de la seconde paire d’ Antennes ; 4° Les ganglions de la troisième paire abdominale innervant les Mandibules ; Dans les Crustacés, on admet généralement que les deux paires d’antennes sont des appendices prostomiaux; — 327 — 5° Les ganglions de la quatrième paire abdominale innervant les maxilles ; 6° Les ganglions de la cinquième paire abdominale innervant les maxillipèdes. Enfin, successivement, les autres ganglions abdominaux innervant les appendices correspondants. Chez Apus, les nerfs optiques seuls prennent nais¬ sance dans le cerveau : on les voit sortir du bord anté¬ rieur (1) de cet organe, qui émet à son bord postérieur les deux cordons latéraux de la chaîne abdominale. C’est sur le bord externe des cordons nerveux qui entourent l’œsophage, que sortent les deux paires de nerfs antennaux (2) . Au niveau des nerfs antennaux de la seconde paire et un peu en arrière de leurs points d’origine, on voit sur les cordons nerveux abdominaux une paire de « renfle¬ ments allongés ». Chaque renflement est presque totale¬ ment placé sur le bord interne du cordon nerveux qui le porte : sur sa face interne, il donne naissance à trois filets nerveux. Le nerf antérieur est le « nerf stomato- gastrique », les deux nerfs postérieurs sont des commis- (1) M. Pelseneer appelle u bord antérieur » du cerveau l’extrémité qui, dans une dissection, est postérieure : dans une étude morphologique, il a choisi avec raison les expressions du langage morphologique. Cette parti¬ cularité dans la disposition topographique du cerveau d’Apus se retrouve d’ailleurs chez d’autres Crustacés ; elle paraît due à un renversement du cerveau sur la face dorsale , de sorte que la face qui paraît « inférieure » dans une dissection est morphologiquement * supérieure, » et inversement : de même la situation topographique des bords antérieur et postérieur est inverse de leur disposition morphologique normale. (2) Le Prof. Clans (Traité de Zoologie) indique l’absence des antennes de la seconde paire comme l’un des caractères de la famille des Apusidès. Déjà le Prof. Ray-Lankester (loc. cit. , p. 346) a signalé la présence réelle de ces antennes. M. Pelseneer a mesuré les antennes d’un Apus de 3, 5 cent, de long : celles de la première paire avaient 2, 3 mm. de lon¬ gueur et celles de la seconde paire n’atteignaient que 0,9 mm. Les antennes de la seconde paire sont, d’après M. Pelseneer, insérées plus intérieurement que celles de la première paire. 328 — sures transversales qui réunissent l’un à l'autre les deux renflements allongés. Ces commissures sont les premières que l’on trouve sur la chaîne abdominale, elles complètent postérieurement le collier périœsophagien. La valeur morphologique exacte des renflements allongés a été déterminée par M. Pelseneer . En étudiant par transparence une préparation du système nerveux d’APDS colorée par l’hématoxyline, il a vu nettement dans chaque renflement allongé, deux groupes distincts de grandes cellules nerveuses pyriformes. L’un de ces groupes est placé sur le bord externe du cordon nerveux, les prolongements de ses cellules four¬ nissent les fibres du nerf autennal de la seconde paire . Ce groupe est le ganglion autennal de la seconde paire ; aucune commissure ne l’unit à son homologue. Le second groupe ganglionnaire de chaque renflement allongé est plus volumineux, il est placé sur le bord in¬ terne du renflement et un peu en arrière du premier groupe. Les cellules qui le constituent fournissent les fibres nerveuses du stomato-gastrique et des deux commis¬ sures transversales. C’est le ganglion du stomato-gas¬ trique qui, par suite du grand développement que pré¬ sente ce nerf dans le genre apus, est apparu là où le nerf rejoint la chaîne abdominale. De plus, imitant ainsi les paires ganglionnaires qui se rencontrent dans chaque segment, ces ganglions stomato-gastriques (qui appar¬ tiennent au système entérique et non au système stoma- tique) ont émis l’un vers l’autre deux commissures trans-versales . L’auteur cite encore d’autres Crustacés présentant des ganglions qu’il a reconnus comme homo¬ logues des ganglions stomatogastriques d’APüs (Limnetis, Décapodes...). Dans le cerveau d’APus étudié par transparence, on voit les cellules nerveuses localisées sur la face inférieure: En outre des petites cellules arrondies qui forment une seule couche superficielle, on trouve plusieurs groupes de grandes cellules nerveuses pyriformes Dans la région antérieure du cerveau, se trouvent — 329 — deux de ces groupes ganglionnaires qui sont tangents sur la ligne médiane et pourtant bien distincts sur le bord antérieur. Ces ganglions s’épaississent et donnent nais¬ sance aux différents nerfs optiques ; leur limite postérieure est un peu au-delà de la région médiane du cerveau. Ces deux ganglions sont les ganglions céphaliques primitifs, les véritables ganglions cérébraux : ils sont caractérisés comme tels par l’absence de commissure les unissant l’un à l’autre. Les pointes effilées des cellules ganglion¬ naires sont dirigées vers le centre de la masse cérébrale : il en part des fibres nerveuses qui se rendent dans les cordons latéraux de la chaîne abdominale. Dans la moitié postérieure, et sur les bords latéraux du cerveau se trouve, vers la base des cordons nerveux abdominaux, une paire de masses glanglionnaires symé¬ triques : des cellules nerveuses qui constituent chacun de ces glanglions, s’échappent des fibres nerveuses qui se rendent dans les cordons abdominaux et qui, restant toujours distincts des fibres nerveuses issues des gan glions cérébraux proprement dits, peuvent être suivies facilement sur tout leur parcours. Ces fibres sortent au niveau de l’oesophage dans un nerf qui se reconnaît par une dissection comme nerf des antennes de la première paire. De sorte que les ganglions postérieurs de la masse cérébrale sont ceux de la pre¬ mière paire d’antennes. Ces ganglions sont réunisl’un à l’autre pour des fibres nerveuses commissurales . Dans des coupes transversales. M. Felseneer a vu ces fibres traversant la masse cérébrale et il les a représentées dans la figure 7 de la planche qui accompagne son mémoire. Les antennes de la première paire ayant des nerfs qui sortent de la chaîne abdominale au niveau de l’œsophage (ce qui indique que les ganglions antennaux occupaient à l’origine cette position reculée) doivent être considé¬ rées comme des appendices métastomiaux , au même titre que celles de la seconde paire. 330 — 11 existe, en outre, sur le bord postérieur du cerveau d’APüs, un groupe de petites cellules nerveuses arrondies, semblables à celles qui forment une couche superficielle ; des amas cellulaires identiques se retrouvent aux bords antérieur et postérieur des masses ganglionnaires abdo¬ minales. L’auteur ne peut leur assigner une valeur morphologique bien définie. De l’étude minutieuse qu’il a faite du système nerveux d’APüs, M. Pelseneer déduit les conclusions suivantes : apus n'a point un système nerveux rigoureusement primitif (« Archicerebrum » de Ray-Lankester) , qui ne serait formé que des deux ganglions céphaliques primi¬ tifs : il s’est ajouté à ces deux facteurs nécessaires et suffisants pour constituer un archicerebrum, des facteurs additionnels qui donnent au cerveau d’APüs la valeur de « syncerebrum » ; mais ce syncerebrum est aussi simple que possible, puisqu’il ne comprend qu’une seule paire de ganglions additionnels, la première paire abdominale, . De plus, sur le même cordon latéral, chaque ganglion subit une sorte d’attraction vers le ganglion qui le pré¬ cède ou vers celui qui le suit. Les ganglions émigrés de la seconde paire d’antennes sont fort réduits; ils ont perdu toute trace de commis¬ sure transversale. Il en est de même des ganglions des maxillipèdes qui viennent, sur la chaîne abdominale, après ceux des antennes de la seconde paire. En comparant au système nerveux des autres Crus¬ tacés, M. Pelseneer remarque une concordance frap¬ pante avec ce qu’il décrit chez apus : de ce type, qui est évidemment le plus primitif, aux formes supérieures il trouve un certain nombre de transitions graduelles, spé¬ cialement dans les genres apus ; — branchipus ; — da- phnia ; — phronima; — astacus . . . La classification, donnée par Packard dans American Naturalist 1882 pour les cerveaux de Crustacés, doit être rejetée. » — C.aLL.if N A.ar. . NAA . - Ce